JA 2648 DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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CÔTE D’IVOIRE BÉDIÉ : « GBAGBO N’A QU’UNE ISSUE : LA CPI ! »

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2648 • du 9 au 15 octobre 2011

ÉTATS-UNIS ET SI LES NOIRS LÂCHAIENT OBAMA…

14 p pages g Spécial élections

REPORTAGE QUAND LES BERBÈRES FONT LEURS RÉVOLUTIONS

TUNISIE

jeuneafrique.com

JUSTICE HABRÉ : ALLER SIMPLE POUR KIGALI ?

Le saut dans l’inconnu

Neuf mois après la chute de Ben Ali, le pays s’apprête à vivre, le 23 octobre, son premier test démocratique dans la plus grande incertitude. Enjeux, forces en présence, perspectives… Enquête sur un tournant historique

Béji Caïd Essebsi : « Si le pays a encore besoin de moi… » Une interview exclusive du Premier ministre

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 8 OCTOBRE

Le monde d’aujourd’hui, l’Afrique de demain

L

A PLUPART DES AFRICAINS ne le sentent pas (encore) dans leur vie quotidienne, mais depuis dix ans, l’économie de leur continent a cessé de stagner. Avec le début du XXIe siècle, elle est entrée dans un cycle de croissance, de l’ordre de 5 % par an, qui se poursuit à ce jour, voire s’accélère. Les instituts économiques qui scrutent ses performances sont unanimes à l’affirmer, sans hésitation ni réserve. L’un des plus en vue, la Fondation Mo Ibrahim, fête son cinquième anniversaire ce 10 octobre à Londres et rend public son Index annuel de la gouvernance des pays africains. Amélioré pour mieux tenir compte de ce que nous ont appris cette année les révolutions tunisienne, égyptienne et libyenne, ce document se fonde sur des études qui toutes confirment que le continent est bien engagé dans ce long cycle de croissance économique décrit par tous les autres observateurs. ■

L’économie générale de l’Afrique avait stagné tout au long des deux dernières décennies du XXe siècle ; elle

s’est mise à bouger à la fin des années 1990. Depuis, sa croissance s’est affirmée d’année en année. Comme tout le monde peut l’observer, les tigres et dragons asiatiques sont toujours en pleine expansion, mais désormais, ils ne sont plus seuls. On a vu naître et grandir des lions économiques africains. Et l’on a cherché des réponses à cette double question : qu’est-ce qui a rendu possible et durable cette croissance de l’économie du continent? Quelles sont les perspectives, quelles opportunités s’ouvrent devant elle ? ■

En 2008, le PIB (produit intérieur brut) total de l’Afrique se situait aux alentours de 1 600 milliards de dollars, soit l’équivalent de celui du Brésil ou de la Russie ; on prévoit qu’il augmentera de 1 000 milliards d’ici à 2020. Entre 2000 et 2008, la croissance annuelle a été de 4,9 % et, phénomène entièrement nouveau, donc éminemment positif, cette croissance n’est pas seulement due à l’extraction et à l’exportation des produits du sous-sol : la banque, les télécoms, le commerce et les infrastructures

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Achetez de la terre, on n’en fabrique plus. Mark Twain Ð On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance. Napoléon Bonaparte Ð Une carrière est une chose merveilleuse, mais on ne peut pas se pelotonner contre elle, la nuit, quand on a froid l’hiver. Marilyn Monroe Ð La vie est pleine d’absurdités qui peuvent avoir l’effronterie de ne pas paraître vraisemblables. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ces absurdités sont vraies. Luigi Pirandello JEUNE AFRIQUE

Ð Quand on s’est connus, ma femme et moi, on était tellement timides tous les deux qu’on n’osait pas se regarder. Maintenant, on ne peut plus se voir ! Raymond Devos Ð On ne cherche pas à sauver la face quand la tête a déjà été coupée. Proverbe africain Ð Sais-tu qu’elle ressemble beaucoup à une excuse, cette liberté dont tu te dis esclave ? Jean-Paul Sartre Ð La prostitution est une des rares professions qui soient demeurées très artisanales en dépit du progrès technique. Philippe Bouvard

Ð En vérité, ma miséricorde précède ma colère. Pardonner par erreur me plaît davantage que punir à tort. Saladin Ð Le Premier ministre ne sert plus à rien, c’est une sorte de reine d’Angleterre française. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ð Qu’une chose soit difficile doit nous être une raison de plus pour l’entreprendre. Rainer Maria Rilke Ð Les grandes fortunes ne se font pas sur les chemins de la vertu. François Mitterrand Ð Après la mort, il n’y a rien, et la mort elle-même n’est rien. Sénèque N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


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Ce que je crois y ont eu leur part, pour la première fois. Quant à l’investissement étranger, il a afflué et y a contribué. Ce sont ces mêmes secteurs, ainsi que l’agriculture et les industries nouvelles, qui seront à l’origine des 1 000 milliards de dollars supplémentaires du PIB africain d’ici à 2020. ■

Dans ce numéro et les suivants, Jeune Afrique vous donnera le maximum d’informations sur l’index Ibrahim de la gouvernance africaine pour 2011 ; le classement des 53 pays africains sera analysé et commenté ; les progrès et les potentialités des économies africaines pour la décennie vous seront présentés. Mais, sans attendre, je ne résiste pas au plaisir de vous soumettre, adaptés par nos soins de l’anglais, quelques instantanés graphiques. Regardez-les avec attention : ils illustrent et complètent ce texte et vous indiquent ce

qu’est, sur le plan économique, l’Afrique d’aujourd’hui. Et ce que pourrait être celle de demain. ■

Les pays développés d’Europe et d’Amérique sont entrés, pour la plupart, dans un long cycle de croissance économique faible, voire nulle. En outre, leur population a cessé de croître, tandis que son âge moyen s’élève inexorablement ; à l’instar de celle du Japon, cas extrême, elle vieillit et parfois décline. L’Afrique, et plus généralement le monde en voie de développement, peuvent-ils continuer à croître alors que les pays industrialisés et développés ont cessé, eux, de progresser ? Certes oui, car ce « rattrapage » n’est que l’inversion du mouvement qui a propulsé, il y a deux siècles, les pays industrialisés vers les sommets, laissant les autres dans les marécages du sous-développement. ■

LES ÉCONOMIES AFRICAINES SE RÉPARTISSENT EN QUATRE GROUPES 1 10 000

1. Ont été exclus 22 pays contribuant pour 3 % au PIB de l'Afrique

Exportations par tête (2008, en $)

Guinée équatoriale

Libye Angola

Nigeria

Tchad

Sierra Leone

100

Égypte Côte d'Ivoire Soudan

RD Congo

Cameroun Mali

Tanzanie Madagascar

Économies en prétransition Éthiopie

0

Économies diversifiées

Botswana

Algérie

Congo-Brazza

1 000

Exportateurs de pétrole

Gabon

Ghana Mozambique

Tunisie Namibie Zambie Sénégal Kenya Ouganda

Économies en transition

Rwanda

Maroc

Maurice Afrique du Sud

PIB PAR TÊTE < 500 $ 500-1 000 $ 1 000-2 000 $ 2 000-5 000 $ > 5 000 $

Part des produits manufacturés et des services dans le PIB (2008, en %) 20

30

40

50

60

QUATRE SECTEURS POURRAIENT TOTALISER 2,6 TRILLIONS DE $ DE RECETTES EN 2020 Recettes annuelles estimées (2020, en milliards de $) Biens de consommation

Croissance Taux de croissance 2008-2020 annuel composé (en milliards de $) 2008-2020 (en %) 1 380

520

4%

110

2%

70

1200 1100 1000 900 800

Ressources naturelles

540

700 600

Agriculture

500

220

5%

80

90

100

EN 2040, L’AFRIQUE AURA LA POPULATION ACTIVE LA PLUS IMPORTANTE AU MONDE Population en âge de travailler (15-64 ans, en millions) Afrique Inde Chine Asie du Sud-Est Amérique latine Europe Amérique du Nord Japon

500 400

Infrastructures

130

200

9%

300 200

Total

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

2 620

980

4%

100 0 1950 55 60 65 70 75 80 85 90 95 2000 05 10 15 20 25 30 35 40 JEUNE AFRIQUE


Ce que je crois

L'AFRIQUE EST LA TROISIÈME RÉGION DU MONDE OÙ LA CROISSANCE EST LE PLUS RAPIDE

PARTENAIRES COMMERCIAUX DE L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Taux de croissance annuel composé 2000-2008 (en %, taux de change constant)

5,6

8,3

Asie

1 561

PIB annuel réel de l'Afrique (2008, en milliards de $)

90 1 483

Taux de croissance annuel composé (en %)

5,5 1 400

MoyenOrient

5,2

Afrique

4,9

5

Autres

5

6

45

16

Amérique du Nord

17

15

108

37

28

196

5

33

80 70 60

1 323

4,9

Europe de l'Est et Europe centrale

1 258 3,6

4,2 461

1,9

2,4

839

694

1 067

4,8

1 191

1970 1980 1990 2000 01

Monde

02

03

04

05

06

07 2008

Économies développées

50 Amérique latine

4

3

2

20

11

1

13

0

90

2 6

Moyen-Orient

2 3

30

1 144 1 108

Europe

51

40

Amérique latine

(2008, en milliards de $)

(1990-2008, en %) 100

96

98

11

81

28

198 Échanges Sud-Sud : 50 % du total

20

Asie

94

41

12

Intra-subsaharien

92

6

00

02

04

06

08

LA PART DE LA CHINE DANS LES EXPORTATIONS AFRICAINES DE PÉTROLE A RAPIDEMENT PROGRESSÉ Destination des exportations africaines de pétrole 1995-2008 (en milliers de b/j)

Chine

176

600

2 779

6,151

7,695

8,204

26

23

19

26

32

53

42

35

37

1

5

10

13

1995

2000

2005

2008

34

388

773

1 079

18 28

958

Autres

TOTAL

100 % = 5,425

1 045

États-Unis

Europe

Part de la Chine dans les exportations africaines de pétrole 1995-2008 (en milliers de b/j)

Autres États-Unis Europe Chine Exportations africaines de pétrole vers la Chine (en milliers de b/j)

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SOURCE : MCKINSEY GLOBAL INSTITUTE

Depuis le début de l’humanité et jusqu’à l’an 1700, la puissance économique d’un pays était proportionnelle à sa population : l’Inde, avec 165 millions d’habitants, et la Chine, avec 138 millions, étaient encore, en l’an 1700, les deux grands de l’économie mondiale : ils en représentèrent un bon 50 % tout au long du XVIIIe siècle, alors que la Grande-Bretagne, qui comptait moins de 10 millions d’habitants, n’en représentait que 3 %. En quelques années, la révolution industrielle a fait de cette dernière, puis des États-Unis et de l’Europe, les maîtres du monde. Cette ère a duré deux siècles. Mais tout indique qu’elle est en passe de s’achever : depuis le JEUNE AFRIQUE

début de ce siècle, nous revenons à l’avant 1700, où le poids démographique d’un pays, d’un continent – et sa jeunesse – redevient le facteur principal. ■

Si la population africaine doit passer d’ici à 2050 de 1 à 2 milliards d’habitants, soit de 12 % à 20 % de la population mondiale, si elle est la plus jeune de tous les continents, il est alors normal qu’en 2000 l’économie de l’Afrique se soit déjà mise à frémir… Mais, pour continuer à croître, elle a vraiment besoin, comme le soutient Mo Ibrahim, de bonne gouvernance ! ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Le monde de Jobs

L

A MORT PRÉCOCE fait beaucoup, souvent trop, pour la naissance d’un mythe. Combien de personnalités trop vite parties se sont vues parées de toutes les vertus sitôt leur glas sonné et leur destin brisé ? Combien d’hommages hypocrites et grandiloquents prononcés, de requiem surannés joués, d’épitaphes réductrices posées ? Les « stars », quel que soit leur art, deviennent de plus en plus facilement légendes. Qu’importe leur œuvre…

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NOBEL DE LA PAIX

CHAPEAU, LES FEMMES ! Un trio gagnant récompensé pour son combat en faveur de la paix et de l’égalité des sexes.

Steve Jobs, l’emblématique fondateur d’Apple, est mort le 5 octobre, à seulement 56 ans. La faute à un cancer rare contre lequel il luttait depuis 2004. Un décès qui a provoqué un véritable maelström de réactions parmi les grands de ce monde comme chez les anonymes, mais aussi de nombreuses scènes surréalistes quand les magasins de la marque à la pomme, ces fameux Apple Stores, se sont mués en chapelles ardentes dédiées à la disparition d’un véritable gourou, noyées sous les fleurs et les bougies. Sans parler d’internet, canal suprême d’expression d’une affliction sans borne de disciples qui ont perdu leur prophète. Les comparaisons les plus osées font florès : Moïse, Mandela (rassurez-vous, lui n’est pas mort !), John Lennon, Kennedy, Gutenberg, de Vinci ou Einstein…

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HABRÉ

ALLER SIMPLE POUR KIGALI ? Le Rwanda se dit prêt, si besoin est, à juger l’ex-dictateur tchadien. Une simple « hypothèse de travail », selon l’Union africaine.

PHOTOS DE COUVERTURES : NICOLAS FAUQUÉ / WWW.IMAGESD; VINCENT FOURNIER / J.A

Jobs était une icône déjà bien avant sa mort. Un businessman rare, pour ne pas dire unique. Pas un « simple » visionnaire ni même un fabuleux money maker, comme disent les Américains. Il ne créait pas seulement des objets technologiquement performants, il inventait des univers qu’il parvenait à imposer à tous, révolutionnait la vie quotidienne de millions de personnes, se débarrassait des dogmes, imaginait des produits qui engendraient eux-mêmes de nouveaux besoins (et donc de nouveaux produits…), a métamorphosé l’informatique mais aussi la communication, le transfert de données, la musique, le cinéma d’animation, le management, le marketing. Toujours avec plusieurs coups d’avance sur une concurrence éreintée par les courses poursuites qu’il lui a imposées. Mieux, ou pis selon les points de vue, il a toujours su conserver pour son empire l’image d’une entreprise jeune, moderne, ouverte, rebelle, alors qu’elle est rien de moins qu’une hydre ultracapitaliste à plusieurs têtes, hégémonique, opaque et verrouillée, transformant clients comme prestataires en captifs soumis d’un univers des plus clos. Chapeau l’artiste ! Steve Jobs était un véritable magicien des temps modernes. Un mythe, un vrai. ●

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HISSÈNE

03 08

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

10

L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

10 12 14 15 15 16 18 20 21

Nobel de la Paix Chapeau, les femmes ! Tour du monde Côte d’Ivoire Voyage au cœur de l’Ouest meurtri Sida Pilule amère Paris Fashion Week Le 18e au top Djibouti-Éthiopie Enfin branchés ! Gouvernance Les bonheurs de la vertu Afrique du Sud 80 ans et tout son mordant Mali Trouble député

22

G RA N D A N G L E

22

Tunisie Le saut dans l’inconnu

36

A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

36 38 39 40

Hissène Habré Aller simple pour Kigali ? Sénégal Dakar se rapproche de la Casamance RD Congo Continuer sans Bemba Bénin Nouveau mandat, nouveau style

JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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TÉLÉCOMS COUP D’ACCÉLÉRATEUR SUR LA 3G Trois pays s’apprêtent à passer à l’internet mobile à haut débit : l’Algérie, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Rattrapant ainsi le retard accusé par une partie du continent.

GRAND ANGLE

22

Tunisie

Le sautt dans l’inconnu Neuf mois après la chute de Ben Ali, le pays connaît son premier test démocratique. Enquête sur un tournant historique.

HENRI KONAN BÉDIÉ

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REPORTAGE

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« GBAGBO DEVRA RENDRE DES COMPTES AU PEUPLE IVOIRIEN » L’ancien chef de l’État n’a pas renoncé à peser dans le débat public. Interview.

AMAZIGHS DE TOUS LES PAYS… Portés par la révolution libyenne, les Berbères veulent désormais unir leurs voix et compter politiquement.

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MUSIQUE

LA RÉSURRECTION D’ABLAYE NDIAYE THIOSSANE Star incontournable des années 1960, le chanteur sénégalais sort un album lumineux.

42

Interview Henri Konan Bédié : « Gbagbo devra rendre des comptes au peuple ivoirien »

46

MAGHREB & MOYEN-ORIENT

46 49 50 52

Reportage Amazighs de tous les pays… Israël Une dame de fer et de cœur Maroc Karim Ghellab : « La Koutla n’est pas morte » Terrorisme Mort de « l’imam américain »

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

53 55 55 56 57 58 59

États-Unis Les Noirs, parents pauvres d’Obama Venezuela López contre Chávez Haïti Martelly en tenue de camouflage Chine Strapontin doré Thaïlande Au nom du frère Parcours Rama Sall, l’autre Rama Birmanie La junte entrouvre la porte

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ÉCONOMIE

87

VOUS & NOUS

60 64

Télécoms Coup d’accélérateur sur la 3G Ressources naturelles Après l’uranium, place au pétrole nigérien

87 89 90

Le courrier des lecteurs Polémique Robert Ménard répond à François Soudan Post-scriptum

JEUNE AFRIQUE

66 67 68 69 70 71 72 73 73

Privatisations L’Angola lorgne les fleurons portugais En kiosque Banques et assurances, le grand bilan Banques À l’assaut des plus hautes marches Côte d’Ivoire BHCI, le sursaut Interview Ismaïl Douiri, directeur général d’Attijariwafa Bank Finance Amadou Hott, argentier d’Aliko Dangote Maroc Promopharm passe sous pavillon jordanien Afrique du Sud Actis est de retour Baromètre

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CULTURE & MÉDIAS

74 76 77 78 80

Musique La résurrection d’Ablaye Ndiaye Thiossane Littérature Barbarie coloniale Portrait Tant de cordes à son oud La semaine culturelle de Jeune Afrique Musée Une anthropologue au Quai Branly

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HAMILTON/REA

PEDRO ARMESTRE/AFP

NIGER DES LIBYENS AUX ABOIS

JACQUES DUPUYDAUBY (à g.), patron de Progosa, a été condamné par contumace à dix ans de prison ferme par la justice togolaise après une double plainte du groupe de VINCENT BOLLORÉ.

Guerre des ports Quand les éléphants se battent…

L

A GUERRE DES PORTS AFRICAINS qui oppose depuis des années Vincent Bolloré à son ex-associé Jacques Dupuydauby, a connu, le 30 septembre, un nouveau rebondissement judiciaire au bénéfice du premier. Saisi d’une double plainte du groupe Bolloré, le tribunal de première instance de Lomé a en effet condamné par contumace le patron de Progosa… à dix ans de prison ferme et quatre de ses collaborateurs (dont son fils Vianney) à des peines allant de un an à dix ans. Motifs: destruction volontaire, abus de confiance, escroquerie, etc. Peines assorties de plusieurs amendes, totalisant près de 250 milliards de F CFA (381 millions d’euros). Si la justice togolaise a eu la main lourde, elle n’a pas non plus fait dans le détail. Embarqué dans cette galère, le Français Lionel Ganne, ancien conseiller à la sécurité du président centrafricain Patassé bien connu à Bangui et installé à Abidjan, se demande ainsi pourquoi il a été condamné à huit années ferme dans le cadre de cette affaire sans avoir été entendu, défendu par un avocat, sans même que lui ait été notifiée la tenue du procès. On lui reproche d’avoir « exfiltré » deux des cadres de Progosa vers le Bénin le 26 mai 2009, alors qu’il n’a fait, dit-il, que « rendre service à des clients » de sa société de sécurité de l’époque qui voulaient prendre l’avion à Cotonou. « J’ignorais tout de leurs démêlés avec les autorités et nous avons passé la frontière en toute légalité », proteste celui qui se présente comme une victime collatérale de cette guerre des éléphants. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

ÀNiamey,lesLibyensencavale craignent de plus en plus d’être extradés vers Tripoli. Saadi Kaddafi, l’un des fils du « Guide », veut se réfugier en Ouganda. Le général Rifi, chef d’état-major de l’armée de l’air, souhaite se rendre en Égypte, et le général Ali Kana, ex-patron de la sécurité à Sebha, au Maroc. Pour l’instant, le président Issoufou s’oppose à ces départs, tout comme les ambassades des États-Unis et de France. SAHEL TRAQUE DANS LE DÉSERT

Engagées dans une lutte contre la prolifération d’armes provenant du pillage des arsenaux libyens, les armées algérienne, malienne, mauritanienne et nigérienne, regroupées au sein du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc), basé à Tamanrasset (Algérie), ont enregistré leur premier succès: 26 trafiquants ont été identifiés et sont désormais sous le coup de mandats de recherche dans les quatre pays. Selon l’Unité de fusion et de liaison (UFL, cellule de coordination entre les quatre services de renseignements), ces hommes sont organisés en trois bandes distinctes ayant chacune son « portefeuille clients ». PALESTINE ABBAS À PARIS

Poursuivant son offensive diplomatique pour faire reconnaître l’État palestinien aux Nations unies, le président Mahmoud Abbas se rendra à Paris cette semaine pour s’entretenir avec Nicolas Sarkozy, vraisemblablement le 13 octobre. ESCLAVAGE UN MÉMORIAL À NANTES

Na n t e s i n a u g u re r a , l e 1 er décembre, son premier Mémorial à l’abolition de l’esclavage. Il sera érigé quai de la Fosse, d’où partaient les JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société nombreux navires négriers qui, au XVIIIe siècle, firent la fortune de la ville. Plus de 1 700 expéditions négrières ont été lancées au départ de Nantes, d’où 450 000 Noirs ont ainsi été déportés vers les colonies d’Amérique.

Tunisie Revoilà Jouini! MOHAMED NOURI JOUINI, ancien ministre de Ben Ali, a fait sa première apparition publique depuis la révolution lors de la visite à Washington du Premier ministre provisoire Béji Caïd Essebsi, qui a été reçu par Barack Obama le 7 octobre. L’ex-ministre du Développement économique et de la Coopération internationale était assis à la droite de Caïd Essebsi lors de la rencontre avec Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale. Sous la pression populaire, le technocrate, et néanmoins ardent supporteur de Ben Ali, avait démissionné en même temps que l’ex-Premier ministre Mohamed Ghannouchi, le 27 février. Caïd Essebsi l’a toutefois maintenu dans son cabinet pour assurer la continuité des dossiers. Formé aux États-Unis, parfait anglophone, Jouini, qui est apprécié de Washington pour sa souplesse, supervise la coopération avec la Banque mondiale et les États-Unis à travers son collègue Abdelhamid Triki, qui lui a succédé à la tête du ministère. ●

FRANCE-AFRIQUE DU SUD SARKOZY ÉCRIT À ZUMA

Pour se raccommoder avec lui, Nicolas Sarkozy – l’un des tombeurs de Kaddafi – a adressé courant septembre une lettre personnelle à Jacob Zuma, médiateur malheureux dans la crise libyenne. Teneur de la missive: « Nous pouvons avoir des désaccords, mais il faut que notre partenariat continue. » Paris attend la réponse de Pretoria.

Coursier, manutentionnaire, journaliste, agent de stars du ballon rond, président de l’Olympique de Marseille… Le parcoursduFranco-Sénégalais Pape Diouf ressemble à un conte de fées, même si rien n’a été simple pour cet enfant d’Abéché (Tchad), où il est né. L’unique président noir d’un club européen, qui se définit lui-même comme une « anomalie », est en train de rédiger son autobiographie. Parution courant 2012 aux éditions Grasset. CENTRAFRIQUE MINISTRE SANS VISA Neveu du président François Bozizé et personnalité incontournable à Bangui, le ministre d’État aux Finances et au Budget, Sylvain Ndoutingaï, ne décolère pas depuis que l’ambassade américaine à Paris lui a refusé, à la mi-septembre, le visa nécessaire pour représenter son pays aux assemblées annuelles JEUNE AFRIQUE

du FMI et de la Banque mondiale, à Washington. Derrière ce refus, Ndoutingaï soupçonne l’activisme du pétrolier américain Jack Grynberg, ancien détenteur d’un permis de recherche dans le nord-ouest de la Centrafrique résilié par Bozizé et qui est depuis en conflit ouvert avec l’État

centrafricain, qu’il est parvenu à faire condamner aux États-Unis. Fin septembre, Ndoutingaï a finalement reçu un visa sur instruction du département d’État. Trop tard pour les assemblées et pour le ministre, qui, « par principe », a décidé de ne pas l’utiliser.

La Fondation Abderrahim Bouabid (think-tank de gauche) a lancé, le 7 octobre, le site fabtv.ma, consacré au débat public, avec une première série d’interviews. Le programme « 12 Questions » invite des personnalités publiques et des intellectuels à répondre en moins de deux minutes à des problématiques politiques, économiques et sociétales. La prochaine phase de la FabTV, prévue pour 2012, devrait s’articuler autour de longues interviews avec de « grands témoins » marocains et étrangers. CÔTE D’IVOIRE CANAL+ TISSE SA TOILE

La future attribution de licences 3G (haut débit mobile) en Côte d’Ivoire aiguise les appétits. Ainsi, le groupe Canal+ envisage-t-il de se lancer sur le marché des fournisseurs d’accès internet, en association avec un opérateur détenteur du précieux sésame. Un nouveau pas dans le sens de la convergence des technologies pour multiplier les terminaux capables d’accéder aux contenus internet.

LA QUESTION DE SON MAINTIEN À LA PRIMATURE FAIT DÉBAT

Quel avenir pour Soro ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

ÉDITION PAPE DIOUF SE RACONTE

MAROC WEB TV POLITIQUE

À deux mois des législatives ivoiriennes du 11 décembre, la question du maintien de Guillaume Soro à la primature fait débat. Le président Alassane Ouattara envisagerait de prolonger son mandat après le scrutin pour une période de six mois, voire de un an, afin que le Premier ministre, également titulaire du portefeuille de la Défense, poursuive la refonte de l’armée et la sécurisation du territoire. Pour de nombreuses chancelleries, il est le plus apte à faire rentrer dans le rang les anciens militaires des Forces nouvelles (FN) qui sont en cours d’intégration dans la nouvelle armée. Mais l’ex-président Bédié, très attaché aux accords qu’il a passés avec le chef de l’État entre les deux tours de la présidentielle (lire interview p. 42), estime qu’il revient à sa formation, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de diriger le gouvernement. Plusieurs émissaires devraient aller à la rencontre du Sphinx de Daoukro pour lui demander, une nouvelle fois, de patienter. Quant à Guillaume Soro, il se dit prêt à servir son pays « là où l’on aura besoin de lui ». N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


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La semaine de Jeune Afrique

NOBEL DE LA PAIX

Chapeau,

les femmes femmes!! Le

ym ah

G

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Trio gagnant : la présidente du Liberia ; une militante pacifiste, elle aussi libérienne ; et une journaliste yéménite. Récompensées pour leur combat en faveur de l’égalité des sexes.

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CHRISTOPHE LE BEC

A

lorsquelaplupartdescommentateurs n’avaient d’yeux que pour les blogueurs des révolutions tunisienne et égyptienne, le prix Nobel de la paix 2011 a été attribué conjointement à Ellen Johnson-Sirleaf, la présidente du Liberia, à sa compatriote Leymah Gbowee, une militante pacifiste, et à Tawakkul Karman, une journaliste yéménite. Lors de son attribution, le 7 octobre, Thorbjorn Jagland, le président du comité Nobel, a expliqué que ce prix encourageait « la lutte pacifique des femmes pour la sauvegarde de leurs droits et leur participation à la résolution des conflits » – des combats dans lesquels les trois lauréates se sont engagées avec ardeur. Comme pour la remise du Nobel à Barack Obama en 2009 et au dissident chinois Liu Xiaobo en 2010, la décision des « sages d’Oslo » prend une dimension très politique. Le premier tour de la présidentielle libérienne, dans laquelle JohnsonSirleaf brigue un second mandat, a lieu le 11 octobre, soit quatre jours après l’attribution du Nobel. Au Yémen, la contestation monte depuis le retour au pays, le 23 septembre, du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis trente-trois ans, conspué par des milliers de manifestants sur la place du Changement, à Sanaa. Ellen Johnson-Sirleaf, 72 ans, première femme élue présidente sur le continent, est la plus connue des trois lauréates. Pour celle que ses partisans surnomment Old Ma, ce Nobel couronne un parcours national et international où elle fait preuve d’une grande pugnacité. Ministre des Finances de 1979 à 1980, elle est l’un des quatre membres du cabinet du président William Tolbert à avoir survécu au coup d’État de Samuel Doe en 1980. Issue de la bourgeoisie métisse de Monrovia, formée à l’université Harvard, elle a alterné postes au pays et périodes d’exil, où, en tant que haut fonctionnaire N 0 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Douze lauréates uréates

1905 905

Bertha von Suttner. Comtesse, fondatrice de la Société autrichienne des amis de la paix

1931

Jane Addams. Sociologue américaine, créatrice de l’Aide sociale publique aux États-Unis

1946

Emily Greene Balch. Pacifiste et féministe américaine, secrétaire de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté

international, elle s’estt tissé un solide réseau de soutiens. Élue en 2005, au sortir de la guerre civile, avec 59,4 % des voix, la présidente a fait preuve d’un sens politique certain pour gouverner un pays divisé, s’appuyant sur des collaboratrices de confiance, comme Christiana Tah, sa ministre de la Justice, ou Mary Brown, la maire de Monrovia. Aprèscinqansetdemiaupouvoir,Johnson-Sirleaf peut se prévaloir d’un bon bilan économique. Elle a su rééquilibrer les finances publiques, réhabiliter les infrastructures et faire affluer les investissements étrangers. Rigoureuse dans sa gestion des dossiers, la « dame de fer de l’Afrique de l’Ouest » est pourtant accessible. « Elle aime qu’on la sollicite et préfère qu’on lui dise franchement les choses », expliquait, en juin, Florence Chenoweth, sa ministre de l’Agriculture. MÉCONTENTS. Mais pour cicatriser les blessures

du passé, il reste au Liberia un long chemin à parcourir. Pour justifier sa seconde candidature, Johnson-Sirleaf confiait à J.A., au début de juin, qu’elle voulait « finir de remettre debout les institutions et l’économie jusqu’à ce que la reconstruction soit irréversible, et la paix durable ». Un argument qui a sans doute convaincu les membres du comité Nobel. Reste qu’à Monrovia, le choix de cette lauréate est décrié par certains. « L’opposition, mais aussi de nombreux électeurs, sont mécontents, JEUNE AFRIQUE


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L’événement

1976

Betty Williams et Mairead Corrigan. Fondatrices, l’une protestante, l’autre catholique, du Mouvement des femmes pour la paix en Irlande du Nord

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indiqueMohammed Kpoghommu, professeur à l’Université du Liberia, à Monrovia. Ils y voient une intervention étrangère trop proche du scrutin, et contestent le passé de Johnson-Sirleaf, qui a soutenu financièrement Charles Taylor au début du conflit. » Pour l’universitaire, en revanche, le choix de Leymah Gbowee fait l’unanimité : « Tous les Libériens, et en particulier les femmes, se reconnaissent dans

de paix. Ses moyens d’action d’ac ac préférés: des prières interreligieuinterreligi ligi chrétiens ses pour la paix mêlant chréti et musulmans, et même une « grève du sexe », les femmes se refusant à leur conjoint tant Aujourd’hui que les hostilités se poursuivaient. Aujourd dernières encore, ce mouvement reste actif. « Ces derniè semaines, raconte Kpoghommu, les adhérente adhérentes se réunissent tous les jours dans le quartier de Sink Sinkor, à Monrovia. Elles prient pour la paix pendant pendan la période de la présidentielle. » VOILE LÉGER. Tawakkul Karman, une Yéménite Yémén

de 32 ans, est d’une autre génération et d’une culture très différente, mais elle est aussi à la pointe du combat des femmes. Très médiatisée depuis qu’elle a pris la tête des manifestations de jeunes contre le président Saleh en janvier, cette militante des droits de l’homme se bat depuis longtemps. En 2005, elle fonde Femmes L’une gouverne un pays divisé, l’autre journalistes sans chaînes et lutte pour la mobilise contre la guerre, la troisième liberté d’expression. Depuis 2007, elle ne fait trembler le président Saleh. cesse d’appeler à des manifestations pour libérer les prisonniers politiques. Elle cette militante qui a joué un rôle majeur pour dénonce la présence d’Al-Qaïda dans son pays, la mettre fin à la guerre civile. » pauvreté, le chômage et les discriminations faites Surnommée la « guerrière de la paix », Leymah auxfemmes.Membredupartiislamisted’opposition Roberta Gbowee a la cinquantaine rayonnante. Al-Islah, elle n’en a pas moins abandonné le niqab pour un voile plus léger, compatible selon elle avec En 2002, alors que la guerre faisait rage, cette travailleuse sociale a été à l’origine du mouvement son engagement public. Cette mère de trois enfants des femmes du Liberia pour la paix, qui a réussi à a dédié son Nobel au Printemps arabe. « C’est un mobiliser massivement les Libériennes, poussant honneur pour tous les Arabes, les musulmans et Charles Taylor à les associer aux négociations les femmes », s’est-elle réjouie. ●

JEUNE AFRIQUE

Mère Teresa. Religieuse albanaise récompensée pour son action auprès des pauvres de Calcutta (Inde)

1982

Alva Myrdal. Ministre et diplomate suédoise, primée pour son action en faveur du désarmement

1991

Aung San Suu Kyi. Leader de l’opposition démocratique en Birmanie

1992

Rigoberta Menchú Tum. Porte-parole guatémaltèque des Indiens opprimés

1997

Jody Williams. Professeure américaine engagée contre les mines antipersonnel terrestres

2003

Shirin Ebadi. Avocate iranienne, militante des droits de l’homme

2004

Wangari Maathai. Écologiste kényane (décédée le 25 septembre) N 0 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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La semaine de J.A. Tour du monde FRANCE

Rama et Fadela dans l’embarras

MIKE SEGAR/REUTERS

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LES « INDIGNÉS » déguisés en « zombies de la finance », à Wall Street, le 3 octobre. ÉTATS-UNIS

Place Al-Tahrir, à New York

L

«

ES FINANCIERS RUINENT NOS VIES !  Les membres du mouvement Occupons Wall Street ont planté leurs tentes depuis le 17 septembre au cœur du quartier des affaires de New York. Mais s’ils se réfèrent au Printemps arabe, leur automne américain pourrait rester un doux rêve, car chacun – de l’extrême gauche au Tea Party – vient avec ses propres revendications. Ceux qui se surnomment « 99 % » s’estiment lésés par trois ans de crise. Ils en rejettent la faute sur les « 1 % » les plus riches, qui, eux, tirent leur épingle du jeu. Le 2 octobre, ils étaient environ 1 500 « indignés » à manifester. La veille, Michael Bloomberg, le maire de New York, avait envoyé les forces de l’ordre arrêter plus de 700 militants partis traverser le pont de Brooklyn. Depuis, le mouvement fait des émules : les quartiers d’affaires de cent grandes villes (Houston, Boston, San Francisco…) sont également occupés. Les manifestants ont trouvé un allié de taille : le milliardaire George Soros, qui dit éprouver de la « sympathie » pour eux. ● CORÉE DU NORD

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

LE MOT ROYAL

MARRE

SELON L’UN de ses conseillers, le roi Albert II « en a marre » de la crise politique qui paralyse la Belgique depuis près de cinq cents jours et empêche la formation d’un gouvernement. Mais si les bisbilles entre partis flamands et wallons l’agacent souverainement, il n’a pas pour autant l’intention d’abdiquer. HOMMAGE

Devinez qui je suis ALLURE COOL, cheveux blonds ébouriffés et brillant à l’oreille, il a 16 ans et, sur sa page Facebook, ce Coréen branché précise qu’il aime la photographie, le vin, les voyages et le film Love Actually. Vous ne devinez pas ? C’est en voulant lui faire visiter Disneyland Japon en 2001 que son papa, arrêté en possession d’un faux passeport portoricain, est tombé en

ELLES FURENT les deux grâces de la diversité version Sarkozy, elles sont aujourd’hui les deux orphelines de Jean-Louis Borloo. Quelques minutes avant qu’il n’annonce le contraire, le 2 octobre, Rama Yade croyait dur comme fer que Borloo – à qui elle s’était ralliée après sa démission de l’Unesco il y a quatre mois – serait candidat à la présidence : « Il le sera, il me l’a dit », répétait-elle. Déçue, Rama, qui souhaite se présenter aux législatives de 2012, pourra toujours se consoler avec l’éloge public (et préélectoral) qu’un Sarkozy peu rancunier a fait d’elle à l’occasion d’un discours à Alès, le 4 octobre. Autre victime de la pusillanimité de Borloo : Fadela Amara, aujourd’hui inspectrice générale des affaires sociales. Elle qui avait décidé de faire campagne pour lui n’a rien vu venir.

disgrâce. Cet ado comme les autres, c’est Kim Han-Sol, le fils aîné de Kim Jong-Nam, longtemps pressenti pour succéder à Kim Jong-Il à la tête de la Corée du Nord. L’an prochain, le jeune homme étudiera à l’United World College de Mostar, en Bosnie, avec, au programme, un cours à l’intitulé évocateur : « La reconstruction d’un pays après un conflit ».

Steve Jobs quitte la scène  LA MORT est probablement la meilleure invention de la vie », avait-il déclaré en 2005, un an après avoir annoncé qu’il était atteint d’un cancer. Steve Jobs, décédé le 5 octobre à l’âge de 56 ans, laisse le souvenir d’un patron aussi génial que tyrannique. Cofondateur de la société Apple, JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

GÖKSIN SIPAHIOGLU • Sipa

IL ÉTAIT UNE FOIS

L’Afrique vue par Göksin Sipahioglu Grand reporter et photographe audacieux, le Turc Göksin Sipahioglu avait le monde pour patrie. Un monde qu’il parcourait au gré de sa passion, l’actualité. En 1956, il est dans le Sinaï, en 1961 en Albanie, en 1962, en pleine crise des missiles, il se rend à Cuba à bord d’un cargo turc chargé de blé. À Paris, en 1973, il crée Sipa Press, qui deviendra l’une des trois plus grandes agences de photojournalisme et qu’il dirigera pendant trente ans. Göksin s’est éteint le 5 octobre, à l’âge de 84 ans. Sur ce document du 12 février 1971, on voit Georges Pompidou et Omar Bongo sur des tipoyes – chaises à porteurs en okoumé et rafia qui servaient autrefois à transporter les grands chefs de tribu.

l’homme au pull à col roulé noir, dont chaque apparition était un événement, est le père du Macintosh, du Macbook, de l’iPhone, de l’iPad… Autant d’inventions qui ont marqué la microinformatique et l’univers numérique. ROMS

Parias de l’Europe ILS EN ONT RASLEBOL des discriminations et des expulsions. Le 1er octobre, à l’occasion de la première Roma Pride, des centaines de Roms ont manifesté en musique à Paris et à Bucarest (Roumanie), ainsi que dans une quinzaine de villes européennes, demandant notamment le respect de la liberté de circulation. Au même moment, dans quatorze villes de Bulgarie, dont Sofia et Plovdiv, des milliers de nationalistes ont défilé contre « l’impunité » dont jouissent, selon eux, les Roms dans le pays. JEUNE AFRIQUE

MEXIQUE

Zedillo face au passé L’ANCIEN PRÉSIDENT mexicain Ernesto Zedillo (1994-2000), aujourd’hui professeur à l’université de Yale, est poursuivi devant la justice fédérale du Connecticut (États-Unis) pour crimes contre l’humanité. Les plaignants l’accusent d’avoir laissé des groupes paramilitaires massacrer quarante-cinq de leurs proches dans un village de l’État du Chiapas, en 1997, puis d’avoir étouffé l’affaire. Les victimes, désarmées, soutenaient les rebelles indiens zapatistes. AFGHANISTAN

Complot déjoué LES SERVICES de renseignements afghans ont confirmé, le 5 octobre, avoir arrêté six personnes qui projetaient de

tuer Hamid Karzaï. Les suspects (parmi lesquels un garde du corps du chef de l’État) auraient reçu un entraînement militaire au Pakistan, qui est régulièrement accusé par les Afghans de soutenir les talibans. Cette annonce a été faite alors que Karzaï était en visite en Inde, où il a conclu un accord de coopération stratégique. PÉROU

Coca fight LE PRÉSIDENT Ollanta Humala fait face à son premier conflit social. Alors que Ricardo Soberón, chef de la commission de lutte contre le narcotrafic, a présenté un plan destiné à réduire la production de coca, les cultivateurs haussent le ton. Le 1er octobre, ils étaient des centaines à bloquer un axe routier vital de la province d’Ucayali (Est) pour protester contre l’arrachage des plants. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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La semaine de J.A. Décryptage

XAVIER SCHWEBEL

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Côte d’Ivoire Voyage au cœur de l’Ouest meurtri Le président Ouattara est attendu prochainement au Moyen-Cavally et dans les Dix-Huit Montagnes, deux régions en proie aux traumatismes de la guerre.

E

ntre deux tentes blanches du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), une femme prépare le dîner au milieu d’enfants dépenaillés. Son visage grave en dit long sur l’épreuve qu’elle a subie ces derniers mois. « J’ai fui avec ma famille le 6 mars, lorsque des soldats ont attaqué et brûlé Toulépleu, explique Céline, réfugiée dans le camp de Nazareth, à Guiglo (ville de l’Ouest). Je ne veux pas y retourner tant qu’on ne nous garantira pas la sécurité. » Cinq mois après la fin des combats, les organisations humanitaires recensent encore quelque 221 000 déplacés en Côte d’Ivoire, dont 26 000 vivent dans des camps. Une bonne partie se trouve dans le Moyen-Cavally. Dans cette région frontalière avec le Liberia, les populations

retour des préfets, au redéploiement des policiers et des gendarmes. À terme, tous devront prendre le relais des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et des soldats onusiens. Dans les prochains mois, les autorités devront également s’attaquer aux problèmes de Ý RÉFUGIÉS fond, comme la récondans le village ciliation entre Guérés d’accueil et Yacoubas – les deux de Gbouagleu, ethnies majoritaires et près de la frontière rivales de la région –, libérienne. les expropriations de terre ou d’habitat, les conflits fonciers entre autochtones, allochtones et allogènes… Attendu prochainement dans les régions du Moyen-Cavally et des Dix-Huit Montagnes,leprésidentOuattaraaenvoyé de nombreuses missions ministérielles pour évaluer la situation et les besoins. La dernière, le 5 octobre, était menée par Daniel Kablan Duncan, le ministre des Affaires étrangères, et Ann Encontre, la représentante du HCR. Outre la sécurité, la population demande des vêtements, de la nourriture, des semences, ainsi que des bâches en attendant la reconstruction de leur habitat et la réhabilitation des infrastructures communautaires. Certains souhaitent également retrouver leurs papiers d’identité ou leur carte d’électeur, volés ou détruits. D’autres réclament le retour

ont subi de multiples traumatismes : accueil de 500 000 réfugiés libériens fuyant la guerre dans les années 1990, conflits fonciers, affrontements entre rebelles et miliciens progouvernementaux après le « Libérez Gbagbo ! Pas de 19 septembre 2002. Lors de la dernière crise postélectoréconciliation sans lui ! » scandent rale, les forces pro-Ouattara certains déplacés. ont pris le dessus sur les miliciens pro-Gbagbo. Tous sont accusés par la communauté interdans la région des cadres pro-Gbagbo nationale d’avoir commis de nombreux en exil ou emprisonnés. En visite dans crimes de guerre. le camp de la mission catholique de Duékoué, la délégation ministérielle a POLICIERS ET GENDARMES. Progresessuyé le mécontentement des déplacés sivement, toutefois, la sécurité revient qui scandaient : « Libérez Gbagbo ! Pas dans la région. Règlements de comptes de réconciliation sans lui ! » ● et racket sont en nette régression grâce au PASCAL AIRAULT, envoyé spécial

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

AKG

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OCTOBRE Inauguration du Mémorial Martin Luther King, sur le National Mall, à Washington. Barack Obama prononcera un discours. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

17

OCTOBRE Cinquantième anniversaire du défilé des Algériens de Paris. Cette marche pacifique en faveur de l’indépendance fut réprimée dans le sang.

20-23

OCTOBRE Foire internationale de l’art contemporain (Fiac), à Paris, au Grand Palais (2 863 artistes représentés et 168 exposants), ainsi qu’au jardin desTuileries et au Jardin des plantes. JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

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Sida Pilule amère La contraception hormonale, notamment par injection, accroît-elle le risque d’infection ?

MILLERAND

Paris Fashion Week Le 18e au top

JEUNE AFRIQUE

CE MANNEQUIN d’un jour prend des allures de top-modèle, dans le hall de la mairie du 18e arrondissement de Paris. Le 5 octobre, en pleine Fashion Week, dixsept stylistes de ChâteauRouge - G outte-d’Or, le quartier africain de la capitale, ont présenté leurs créations sur le thème de l’outre-mer. « Nous apportons une autre vision de l’élégance, celle des gens venus d’ailleurs », glisse le Congolais Jocelyn Armel, alias Le Bachelor, premier « sapeur » à avoir créé sa marque (à g. sur la photo). Les stylistes du quartierontfondéuneassociation, afin de créer un label pour « redorer l’image du 18e. » ● JUSTINE SPIEGEL

« Ce vote [au Conseil de sécurité] est

une ruse de ceux qui préfèrent vendre des armes au régime syrien plutôt que de soutenir son peuple. » SUSAN RICE Ambassadrice américaine à l’ONU (fustigeant le veto opposé par la Russie et la Chine au projet de résolution condamnant Damas)

« Borloo sera notre Delors. Par chance, il n’a pas de fille à nous refiler. » JEAN-CHRISTOPHE LAGARDE Président exécutif du Nouveau Centre (qui soutenait la candidature de l’ancien ministre d’État à la présidentielle française)

« Faites repentance, et dites aux

Ivoiriens ce que vous avez fait contre eux. Si c’était nous qui avions perdu, nos têtes auraient été brandies comme des trophées de guerre devant le palais. » GUILLAUME SORO Premier ministre ivoirien (aux partisans de Laurent Gbagbo)

« Les sociétés multiculturelles, multiethniques et multireligieuses ne sont pas seulement une bonne chose, elles sont inévitables. » ANTÓNIO GUTERRES Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés

« Ce qui se passe dans le monde arabe est gorgé de promesses, mais aussi de vents mauvais. À mon sens, le maître mot de l’heure devrait être “vigilance”. » KHALIDA TOUMI Ministre algérienne de la Culture N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

RICK BAJORNAS/ONU ; NEW PRESS

U

tilisée par de nombreuses femmes en Afrique subsaharienne, la contraception hormonale favoriseraitelle l’extension du VIH/sida ? C’est ce que semble confirmer une étude menée par des chercheurs de l’université de Washington (Seattle) dans sept pays africains : Afrique du Sud, Botswana, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie, Zambie. Destinée à évaluer l’impact de ce type de contraceptif sur le risque de propagation de la pandémie, l’étude a porté sur 3790 couples hétérosexuels, dont l’un des conjoints était déjà malade. Au bout de deux ans, les chercheurs ont conclu que les femmes qui utilisent ce procédé (et notamment sous forme d’injection hormonale) ont deux fois plus de risques de contracter le virus du sida et que leurs partenaires sont eux aussi davantage exposés. « Cela fait vingt ans que nous essayons de répondre à cette question, tempère le Dr Catherine Hankins, conseillère scientifique principale à l’Onusida. Certaines études établissent une corrélation entre le contraceptif incriminé et la contamination, d’autres pas. L’étude de l’université de Washington porte sur un nombre limité de femmes. En Afrique, hors contexte, ces conclusions peuvent être mal interprétées. » C’est pourquoi une conférence internationale aura lieu à Genève, en janvier 2012. Il s’agira, précise le Dr Hankins, « d’analyser toutes les données disponibles et de voir de quel côté pencher ». Selon l’Onusida, en 2009, le taux de prévalence du VIH en Afrique subsaharienne était de 13 femmes infectées pour 10 hommes. La moitié des personnes vivant avec le VIH/sida dans le monde sont des femmes, et 76 % des séropositives se trouvent en Afrique. ● TSHITENGE LUBABU M.K.


La semaine de J.A. Décryptage

VIDÉO

Mickaël Tavares, footballeur de l’équipe nationale du Sénégal : « On a redonné confiance au peuple sénégalais »

SONDAGE Côte d’Ivoire : l’ouverture d’une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) favoriset-elle la réconciliation ? À LIRE AUSSI Mali : voyage au cœur du Bamako wahhabite

Tunisie : la récession n’est pas inévitable Candidature de Wade : le Conseil constitutionnel sénégalais sous pression Cameroun : avec la présidentielle, le fossé se creuse entre les jeunes et les élites N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

ABOU

DR

JEUNEAFRIQUE.COM

BABA AHMED

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LE PRÉSIDENT DJIBOUTIEN ISMAÏL OMAR GUELLEH (à dr.) et le Premier ministre éthiopien Mélès Zenawi (à sa dr.), lors de l’inauguration de la ligne, le 5 octobre.

Djibouti-Éthiopie Enfin branchés! Après deux mois d’essais réussis, l’interconnexion électrique entre les deux pays est devenue effective. Objectif : améliorer l’accès au réseau et alléger la facture des consommateurs djiboutiens.

L

événement est d’importance. Aussi est-ce accompagné de dix-sept de ses ministres que Mélès Zenawi, le chef du gouvernement éthiopien, est arrivé à Djibouti, le 5 octobre, afin d’inaugurer avec Ismaïl Omar Guelleh, le président djiboutien, l’interconnexion électrique entre leurs deux pays. « Il s’agit d’atténuer de manière significative le coût de la facture énergétique qui pèse autant sur la compétitivité de nos économies que sur le niveau de vie de nos ménages », a déclaré Ismaïl Omar Guelleh lors de la cérémonie. Principal objectif: améliorer l’accès des populations à l’électricité à des coûts abordables, par le biais de la coopération régionale. Fondée sur l’énergie hydraulique, la ligne de transport de l’électricité a été mise en exploitation en mai, pour une période d’essai de deux mois. « C’est une réussite, puisqu’il n’y a eu aucun délestage, un problème pourtant récurrent pendant la période d’été et qui fait souffrir la population », assure un proche de Guelleh. Entre la mise en service et le 30 septembre, 85 millions de kWh ont été acheminés vers Djibouti, et 130 millions de kWh devraient l’être d’ici au 31 décembre.

« Sur l’année 2011, cela représente 33 % de notre consommation, se félicite Djama Ali, directeur de l’Électricité de Djibouti (EDD). En 2012, nous comptons recevoir 250 millions de kWh, voire 300 millions, ce qui couvrirait 75 % de nos besoins. » VASTE CHANTIER. Le projet, dans les

cartons depuis la première étude de faisabilité en 1989, a été relancé par le président Guelleh en 1999, lors de sa première élection. Les travaux ont débuté en 2006. La Banque africaine de développement (BAD) a financé en grande partie (entre 80 % et 90 %) les 65 millions de dollars (48,5 millions d’euros) qu’a coûté le vaste chantier. Cependant, les Djiboutiens ne verront pas leur facture baisser immédiatement. « L’allègement des charges interviendra par paliers dans les prochains mois », promet Djama Ali sans pour autant préciser le montant de la réduction, qui serait « en négociation ». Si, du côté éthiopien, sept autres interconnexions sont prévues avec les pays voisins, Djibouti compte à terme acquérir son indépendance énergétique en misant sur son potentiel géothermique et sur l’énergie solaire. ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Décryptage

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Gouvernance Les bonheurs de la vertu Le 10 octobre, à Londres, la Fondation Mo Ibrahim a rendu public son palmarès 2011 pour l’Afrique.

C

LE DESSIN DE LA SEMAINE

TOP 10 DE L’INDICE IBRAHIM DE LA GOUVERNANCE AFRICAINE… Rang Pays 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Score (sur une échelle de 100) Maurice 82 Cap-Vert 79 Botswana 76 Seychelles 73 Afrique du Sud 71 Namibie 70 Ghana 66 Lesotho 63 Tunisie 62 Égypte 61

… ET LES 10 DERNIERS DU CLASSEMENT 2011

(SOURCE : FONDATION MO IBRAHIM)

ity Hall de Londres, le 10 octobre, en fin de matinée. « And the winners are… » Maurice, suivi du Cap-Vert et du Botswana. Voici le podium 2011 de « l’indice Ibrahim », qui mesure la qualité de la gouvernance de cinquante-trois pays africains. C’est dans la capitale britannique que la Fondation Mo Ibrahim, dirigée par le célèbre milliardaire anglo-soudanais, a fêté ses cinq ans et rendu public son palmarès annuel, lors d’une cérémonie retransmise en direct à Johannesburg, Dakar et Nairobi. Par rapport à l’édition 2010, Maurice et le Botswana maintiennent leur position, tandis que le Cap-Vert gagne deux places, brûlant la politesse aux Seychelles. Parmi les dix premiers, le statu quo domine : l’Afrique du Sud, la Namibie et le Ghana restent à la même place (voir tableau). Mais si le classement n’a pas subi de changements majeurs, ce premier indice africain de la gouvernance, créé par la Fondation, n’a rien perdu de sa complexité. Il brasse 86 indicateurs et plus de 40 000 données recueillies auprès de vingt-trois institutions (Banque africaine de développement, Université américaine du Caire, Ghana Center for Democratic Development…) – données ensuite regroupées en quatre catégories : sécurité et État de droit ; participation et droits de l’homme ; développement durable ; développement humain. Seul bémol : les données les plus récentes datent de 2010. Ce qui a son importance, notamment pour les pays arabes. « Les forts déséquilibres entre le développement économique et humain

Rang 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53

Pays Score Guinée-Bissau 37 Guinée équatoriale 37 Côte d’Ivoire 36 Érythrée 35 Soudan 33 République centrafricaine 33 RD Congo 32 Zimbabwe 31 Tchad 31 Somalie 8

d’une part, et le respect des droits de l’homme d’autre part, ont été les détonateurs de l’instabilité », relèvent un peu tard les promoteurs de l’indice. La Tunisie, l’Égypte et la Libye capitaliseront les effets positifs de leur marche vers la démocratie dans l’indice 2012. « Nous avons vu cette année que, dans leur majorité, les jeunes du continent

n’acceptent plus qu’une élite accapare le pouvoir. Ils réclament une gouvernance qui profite à tous », se réjouit Mo Ibrahim. ALLURE. Le même effet de distorsion a

joué pour l’Afrique subsaharienne. Par rapport à 2010, le Tchad et la Somalie restent aux dernières places. En revanche, le Soudan, encore comptabilisé comme un seul pays, recule d’un cran, l’Érythrée grimpe de trois marches, la Côte d’Ivoire, qui a pourtant surmonté ses difficultés postélectoÝ L’INDICE MO IBRAHIM rales, rétrograde mesure la qualité de deux places, de la gouvernance et Madagascar dans quatre de cinq. « Mo grandes catégories Ibrahim comd’indicateurs : pare son indice à • sécurité et souveraineté un compteur de du droit vitesse qui indi• participation et que à quelle allure droits de l’homme évolue un pays, • développement mais sans expliéconomique durable quer pourquoi • développement ce pays accélère humain. ou ralentit, souligne l’un de ses collaborateurs. C’est aux médias et aux gouvernements de l’expliquer. » Autre temps fort de la cérémonie au City Hall, le prix Ibrahim. Censé récompenser un chef d’État africain qui a quitté le pouvoir de manière démocratique au cours des trois dernières années, il n’a pas eu de lauréat en 2009 et 2010. Le comité d’attribution s’est réuni le 9 octobre. À l’heure où nous mettions sous presse, huit anciens présidents étaient en lice, dont Pedro Pires (Cap-Vert), John Kufuor (Ghana), Salou Djibo (Niger), Fradique de Menezes (São Tomé e Príncipe), Ahmad Tejan Kabbah (Sierra Leone) et Sékouba Konaté (Guinée). ● JEAN-MICHEL MEYER Paresh • The Khaleej Times • Dubaï

* JE REPOSE EN PAIX

THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

*

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Les gens

20

Afrique du Sud 80 ans et tout son mordant

ALLISON JOYCE/REUTERS

Habitué des polémiques, Desmond Tutu accuse le régime de Jacob Zuma d’être « pire que l’apartheid ». Motif ? Pretoria n’a pas accordé de visa au dalaï-lama, invité à l’anniversaire de l’archevêque.

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LE PRIX NOBEL

« sera tiré en arrière et vers le avoixdeDesmondTutu DE LA PAIX avait bas par la corruption, qui est est«parfoisvéhémente, déjà attaqué le chef de l’État à souvent tendre, jamais plusieurs reprises. parfois flagrante », avait lancé peureuse et rarement l’archevêque anglican, après dénuéed’humour»,avaitditde avoirévoquélespoursuitesjudilui Nelson Mandela, l’autre icône de la lutte ciaires auxquelles Jacob Zuma – qu’il n’a contre le régime de l’apartheid. Lorsque, il jamais vraiment apprécié – avait échappé y a tout juste un an, l’archevêque émérite peu avant son élection. du Cap avait annoncé son retrait de la vie Ces piques étaient toutefois sages en publique, les Sud-Africains avaient craint comparaison de son coup de griffe du la disparition de cette parole. 4 octobre. Ce jour-là, il apprend que son C’était mal connaître cet éternel agiami le dalaï-lama, lauréat comme lui tateur. À 80 ans, ses déclarations n’ont du prix Nobel de la paix, ne pourra pas honorer l’invitation à son anniversaire, le rien perdu de leur tranchant. Au mois 7 octobre. Deux jours avant le voyage du d’août, il a ainsi choqué les nationalistes afrikaners en proposant la création d’une leader spirituel tibétain et plus d’un mois « taxe sur la richesse » des Blancs qui ont après le dépôt de sa demande de visa, son « tous bénéficié de l’apartheid ». En mars, passeport n’a toujours pas été tamponné. c’est le président sud-africain qui s’était Le dalaï-lama préfère donc jeter l’éponge, retrouvé dans son collimateur. Le pays se disant « convaincu » de la « gêne » de

Pretoria – référence pudique aux pressions exercéesàchacundesesdéplacementspar la Chine, premier partenaire commercial de l’Afrique du Sud. Desmond Tutu convoque la presse, et s’emporte : « Notre gouvernement est pire que celui de l’apartheid. Au moins, à l’époque, on pouvait s’attendre à ces comportements.[…]MonsieurZuma,vous et votre gouvernement ne me représentez pas. Et je vous préviens : un jour, nous allons commencer à prier pour la défaite de l’ANC [Congrès national africain, le parti au pouvoir depuis 1994]. » La critique est à l’évidence disproportionnée. Mais venant d’un héros de la lutte de libération des Noirs, dont le passeport avait été confisqué par le régime de l’apartheid, la charge est rude. PRÉMÉDITÉ ? Fort de la profonde affection que lui portent les Sud-Africains, avait-il prémédité ce coup d’éclat en envoyant son invitation à Dharamsala ? C’est possible. Contrairement à ceux des autres convives attendus, le nom du dalaï-lama n’avait pas été tenu secret. Or celui-ci s’était déjà vu refuser l’entrée en Afrique du Sud il y a deux ans (alors qu’il avait obtenu des visas sous Nelson Mandela puis Thabo Mbeki, les deux prédécesseurs de Zuma). Tutu « a dit toutes ces choses sous le coup de l’émotion et parce qu’il était en colère », a réagi le porte-parole de l’ANC, Jackson Mthembu. La tentative de minimiser la portée des déclarations de la « conscience morale » de la nation Arcen-Ciel est évidente. Mais il y a sans doute une part de vérité dans cette remarque. Lors de sa conférence de presse, Desmond Tutu s’est ainsi indigné: « J’ai écouté [Jacob Zuma] rendre hommage à toutes sortes de gens qui ont aidé à amener la démocratie dans ce pays. Ce président n’a mentionné aucun leader religieux. Il faut dire à l’ANC qu’ils ne peuvent pas nous balayer comme cela. » Même un Prix Nobel de la paix peut se sentir blessé dans son orgueil. ● PIERRE BOISSELET

NOMINATIONS

GARRY CONILLE HAÏTI Ce médecin de 45 ans, fonctionnaire des Nations unies, est le nouveau Premier ministre haïtien. Sa nomination a été ratifiée par le Sénat le 4 octobre.

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M US T A P H A S A H E L MAROC L’ambassadeur du Maroc à Paris et ancien ministre de l’Intérieur (2002-2004) a été nommé le 5 octobre conseiller du roi Mohammed VI.

JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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PIERRE DAMIEN HABUMUREMYI À 50 ans, il a été nommé, le 6 octobre, Premier ministre du Rwanda. Jusqu’alors titulaire du portefeuille de l’Éducation, il remplace Bernard Makuza, chef du gouvernement depuis plus de dix ans. HICHAM DAOUDI EMMANUEL DAOU BAKARY

Organisateur de la Foire d’art contemporain de Marrakech, dont la deuxième édition s’est achevée le 3 octobre, le président d’Art Holding Morocco est 36e dans le classement des 100 décideurs du monde de l’art du quotidien français Les Échos.

Mali Trouble député

TATA AVLESSI La Confédération africaine de football a enfin versé les 16000 euros d’indemnités qu’elle devait à l’ex-président de la fédération togolaise, désormais conseiller spécial au sein de l’Union des fédérations ouest-africaines de football.

E

n ce 3 octobre, jour d’ouverture solennelle de la session d’automne de l’Assemblée nationale malienne, l’absence du député de Tessalit, Deity Ag Sidimou, aurait pu passer inaperçue. La présence d’un hôte de marque, Hama Amadou, président de l’Assemblée nationale nigérienne, ou l’énoncé de l’agenda chargé de la session – sur lequel figurent, entre autres, la réforme de la loi électorale et le si controversé code des personnes et de la famille –, auraient pu faire diversion. Ce ne fut pas le cas. La faute à un juge algérien. L’Assemblée nationale étudie en effet la requête du magistrat instructeur du tribunal de Ouargla, qui demande la levée de l’immunité parlementaire d’Ag Sidimou, soupçonné de faire « partie d’un réseau de trafic de drogue impliqué dans l’acquisition et la vente de 500 kilogrammes de cannabis » entre l’Algérie, le Mali et le Niger. AVEUX CIRCONSTANCIÉS. Éluen2007surunelistedel’Union

EN BAISSE

MOEZ TRABELSI C’est la première arrestation à l’étranger d’un proche du clan Ben Ali depuis la fuite de ce dernier, le 14 janvier : le neveu de LeïlaTrabelsi, l’épouse de l’ex-dirigeant tunisien, a été appréhendé à Rome, le 6 octobre. RICARDO TEIXEIRA À la demande de la justice de Rio de Janeiro, une enquête va être ouverte sur le président de la Confédération brésilienne de football, 64 ans, soupçonné de transfert illégal de fonds et de blanchiment d’argent. PAULINE BIYONG Elle a été exclue du conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam) le 7 octobre pour un conflit d’intérêts. On soupçonne sa régie publicitaire d’avoir signé un contrat d’affichage pour la campagne du président sortant, Paul Biya. DR

pour la République et la démocratie (URD, la formation de Soumaïla Cissé), Deity Ag Sidimou, 43 ans, est passé en 2010 chez les rivaux du Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES). Mal lui en a pris. L’URD, seconde force du pays, aurait pu faire bloc derrière son élu. Ce ne sera pas le cas du PDES, empêtré dans une grave crise interne. Quoi qu’il en soit, Ag Sidimou semble être dans de beaux draps. Ses complices présumés, interpellés par la justice algérienne, auraient fait des aveux circonstanciés, donnant des détails sur l’implication du député de Tessalit, ville de l’extrême Nord malien, aux confins de l’Algérie. Circonstance aggravante, il avait déjà été cité dans de nombreuses affaires liées aux trafics de drogue et de cigarettes. En outre, ses relations avec les salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), avec lesquels il aurait négocié durant les différentes prises d’otages occidentaux, sont pour le moins ambiguës. Interpellé, il y a quelques semaines, en Algérie, Ag Sidimou n’avait dû son salut qu’à son statut de parlementaire étranger. Une immunité désormais menacée. ● CHERIF OUAZANI

DR

Proche d’Aqmi et recherché par l’Algérie, Deity Ag Sidimou pourrait être privé de son immunité.

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Grand angle

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

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l’inc « L

TUNISIE

Le saut dans Neuf mois après la chute de Ben Ali, le pays s’apprête à vivre, dans la plus grande incertitude, son premier test démocratique avec l’élection de l’Assemblée constituante du 23 octobre. Enjeux, forces en présence, perspectives, écueils… Enquête sur un tournant historique.

jeune afrique .com

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Suivez la campagne électorale et ses résultats sur jeuneafrique.com.

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MARWANE BEN YAHMED,

envoyé spécial à Tunis

orsqu’unjour,lepeupleaspire à vivre / Le destin se doit de répondre ! / Les ténèbres se dissiperont ! / Et les chaînes se briseront ! » Il est de savoureux clins d’œil de l’Histoire… Cet extrait du Humat Al-Hima, l’hymne national tunisien utilisé entre juillet 1957 et mars 1958 puis après le coup d’État de novembre 1987, est l’œuvre du poète Abou JEUNE AFRIQUE


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niveau de vie. Eux dont on disait qu’à force de courber l’échine ils ne pourraient jamais plus se relever. Eux qui, neuf mois plus tard, s’apprêtent à participer à l’élection la plus libre, la plus démocratique et la plus transparente du monde arabe. Que de chemin parcouru, contre vents et marées, sans boussole, presque seuls, sous l’œil certes agréablement surpris du monde entier, mais de plus en plus dubitatif sitôt l’euphorie de la « révolution » retombée ! Car la Tunisie a emprunté la route la plus longue en remettant tout à plat, en faisant le choix d’une Constituante plutôt que celui d’élections présidentielle et législatives immédiates. CATHARSIS. Faire tomber « Zaba », comme

onnu el-Kacem Chebbi, grand pourfendeur des « tyrans du monde », en plein protectorat français, dans les années 1930. C’est Zine el-Abidine Ben Ali qui décida de réhabiliter ce texte oublié. Pouvait-il imaginer que ces quelques lignes s’appliqueraient à lui-même bien des années plus tard ? Les Tunisiens ont donc brisé leurs chaînes le 14 janvier. Brutalement, sans que personne ait rien vu venir. Eux que leurs frères maghrébins et arabes raillaient souvent pour leur présumée docilité, leur capacité à accepter les pires avanies en contrepartie de leur tranquillité et d’un certain

JEUNE AFRIQUE

l’appellent les Tunisiens, a presque été une sinécure au regard des périls et des écueils rencontrés depuis que la révolution s’est muée en transition. Comment aurait-il pu d’ailleurs en être autrement, après vingt-trois ans d’un tel règne dont une dernière décennie qui aura vu le système Ben Ali se refermer comme une huître pour finir dans l’autisme, la paranoïa, le népotisme absolu et la corruption ? La Tunisie de 2011, comme la décrit Larbi Chouikha, membre de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), universitaire respecté et journaliste indépendant, est « un véritable laboratoire à ciel ouvert, au sein duquel tout le monde apprend à découvrir un rôle nouveau sans jamais y avoir été préparé ». D’où les tâtonnements des premiers gouvernements post-Ben Ali, d’erreurs de casting en mauvaises décisions, dans un contexte éminemment Ý PREMIER JOUR tendu et anxiogène, celui DE CAMPAGNE, d’un grand saut dans l’inà Djerba, le 1er octobre. connu effectué par toute une nation. Le tout mâtiné d’une profonde catharsis nationale, véritable boîte de Pandore, au cours de laquelle tous les sentiments enfouis des décennies durant s’expriment : besoin de parler ou d’écrire, de participer, de revendiquer, d’exiger, de manifester, de se venger, de dénoncer… Bref, d’exister, pour le meilleur comme pour le pire. Un entrelacs indescriptible de comportements inédits, parfois inquiétants, mais, au fond, tellement naturels et, jusqu’ici, cantonnés aux limites du raisonnable. Les ingrédients étaient pourtant réunis pour que la situation dérape. Il n’en a rien été. Il n’empêche, la confusion règne, savamment entretenue par les mille et une rumeurs qui fleurissent chaque jour, une communication mal maîtrisée par les acteurs de tous bords (autorités, partis politiques, syndicats, etc.) et des médias lancés dans une course effrénée à l’audience, mais aussi à l’influence. Neuf mois de gestation pour accoucher d’élections historiques. Neuf ● ● ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Une révolution en marche 14 janvier

Fuite de Zine el-Abidine Ben Ali après vingt-trois ans de pouvoir. L’État d’urgence est décrété. 15 janvier

Fouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, devient président par intérim. 7 et 9 février

Suspension des Chambres des députés et des conseillers (Sénat). 27 février

Le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, quitte ses fonctions. Béji Caïd Essebsi est désigné à la tête du troisième gouvernement provisoire. 7 mars

Dissolution de la sûreté de l’État et de la police politique. 9 mars

Dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ex-parti au pouvoir. 18 mars

Dissolution du Parlement. 11 avril

Promulgation du code électoral pour la Constituante. 7 mai

Mise en place de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). 20 juin

Premier procès de Ben Ali. Du 1er au 21 octobre

Campagne électorale. 23 octobre

Premières élections libres.


Grand angle

Tunisie

pour nombre d’entreprises qui travaillaient en Libye, etc. Aujourd’hui, cependant, le « boulet » libyen s’est transformé en véritable bouffée d’oxygène : Kaddafi parti et le Conseil national de transition – qui n’a pas oublié que les autorités tunisiennes furent parmi les premières à ses côtés – installé, les perspectives économiques, sans parler de la stabilité retrouvée, s’annoncent millions prometteuses. d’électeurs Les élections pour la Constituante du 23 octoinscrits bre représentent donc le dernier, et le plus (dont 300 000 important, test de la transition tunisienne. Un à l’étranger) examen de passage indispensable, véritable sur 7,5 millions étalon d’une démocratie naissante. L’occasion, d’électeurs également, de savoir enfin qui pèse quoi. Sans potentiels oublier l’essentiel, la composition de l’Assemblée qui élaborera, une année durant, le socle, l’identité et les contours de la Tunisie nouvelle. Mais pas un aboutissement. Si certains se sont rués sur cette opportunité pour se lancer en politique (plus de cent partis enregistrés aujourd’hui), nombre de perLes carcans ont cédé, mais sonnalités entendent se réserver pour la prochaine étape, les corps sont ankylosés plus alléchante : l’élection préet les esprits embrumés. OBJECTIF : PRÉSIDENTIELLE. La Tunisie a effecsidentielle et les législatives, tivement tenu le choc et assuré l’essentiel, dans qui auront lieu, au plus tôt, un contexte international marqué par une grave fin 2012. Le temps que les Tunisiens puissent crise économique et une guerre à ses frontières séparer le bon grain de l’ivraie, se familiariser qui a eu de lourdes conséquences : afflux massif avec leur nouvelle classe politique et s’adapter de réfugiés, hausse des prix des biens de première à un menu pour le moins copieux après plus de nécessité, activité économique réduite à néant cinquante années de disette. Le temps, aussi, de laisser passer l’orage. « Les attentes sont immenses, précise Hamadi LEÏLA BEN DEBBA, avocate et opposante Jebali, le secrétaire général du parti islamiste Ennahdha. On ressent beaucoup de frustrations et d’exigences. Le prochain gouvernement aura du pain sur la planche… » Même son de cloche chez Mohamed Jegham, leader du parti Al-Watan (destourien), un ancien de la maison RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, dissous) qui a pris ses distances avec Ben Ali en 2001, après avoir été ministre du Tourisme, de l’Intérieur puis de la Défense : « La seule chose à laquelle nous pouvons nous attendre sans nous tromper, c’est la déception. Il y a tant à faire… » Le véritable enjeu du 23 octobre concerne les partis politiques eux-mêmes, pas forcément les principaux leaders, qui lorgnent évidemment la présidentielle, même s’ils mettent en jeu leur crédibilité puisqu’ils sont plus connus des Tunisiens que leurs formations respectives. Au Elle a défendu les blogueurs avant le 14 janvier. centre de toutes les attentions et de toutes les Sa photo a fait la couverture de Paris Match. supputations, la mystérieuse Ennahdha, férocement combattue par le régime précédent, « Avec une Constitution qui consacre le pluralisme louée par les uns, accusée de tous les maux par et une société civile vigilante, la Tunisie s’en sortira mieux les autres. Les islamistes n’ont joué aucun rôle que les autres révolutions arabes. C’est maintenant dans la chute de Zaba, mais ils ont su occuper, que tout commence. » dès le 15 janvier, le devant de la scène politique.

mois de doutes, d’interrogations, de crise économique et d’impression diffuse, pour la grande majorité des Tunisiens, que beaucoup de choses leur échappent, qu’on ne leur dit pas tout. Les carcans ont cédé, mais les corps sont encore ankylosés et les esprits embrumés. Pas facile d’y voir clair dans ces conditions. « La situation est meilleure que ce que les gens pensent, nous explique pourtant Béji Caïd Essebsi, Premier ministre provisoire, rencontré à la fin de septembre dans son bureau de la casbah. Déjà, 50 000 emplois ont été créés, malgré un taux de croissance négatif. L’année scolaire et le baccalauréat ont été sauvés, la rentrée 2011 s’est déroulée normalement, comme le mois de ramadan d’ailleurs. La sécurité s’améliore chaque jour, les entreprises fonctionnent. L’arrière-saison touristique marque une nette amélioration de la fréquentation, ce qui signifie que la confiance en notre destination revient progressivement. Le prochain gouvernement trouvera une situation assainie. Mieux, s’il le souhaite, il pourra s’appuyer sur notre travail et le plan de développement élaboré pour 2012… » ●●●

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Le saut dans l’inconnu

FADHEL JAÏBI,

homme de théâtre

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« Ils sont plus organisés, plus opérationnels et plus travailleurs », pense Béji Caïd Essebsi. La plupart de leurs concurrents, enquêtes d’opinion plus ou moins fiables à l’appui, tablent sur un score compris entre 20 % et 35 % pour la formation de Rached Ghannouchi. Hamadi Jebali, lui, s’interroge, dans son bureau du dernier étage du QG de campagne ultramoderne situé à Montplaisir, quartier chic de la capitale. « Notre souci concerne le jour J, celui des élections. Ce test historique sera-t-il réussi ? Nous dérangeons les dirigeants actuels et nos concurrents. Je n’ai aucune preuve qui me permette d’affirmer que le scrutin sera truqué. Mais beaucoup d’interrogations. Pourquoi ceux qui ne veulent pas de notre victoire serinent-ils que nous ne pesons pas plus de 20 % des voix ? Est-ce une manière de préparer l’opinion à un résultat falsifié ? Quels ont été les critères retenus pour disqualifier certaines listes ? Quid de ce fameux logiciel destiné à comptabiliser les résultats ? Dans quelles conditions seront menés le dépouillement et la rédaction des procès-verbaux ? » Sans oublier de préciser qu’ils n’accepteront évidemment pas de se voir priver d’une victoire qui leur tend les bras…

L’auteur de la pièce Amnesia, jouée en 2010, avait disséqué de manière prémonitoire la chute d’un dictateur.

« Que tous ceux qui vont siéger à la Constituante se prononcent clairement sur le contenu de la prochaine Constitution : la nature du régime, la séparation des pouvoirs, les libertés, l’identité culturelle et l’orientation pour l’éducation. »

« MODERNITÉ ». Pour l’ensemble de la classe

politique et des observateurs, le trio gagnant est le suivant : Ennahdha, le Parti démocratique progressiste de Néjib Chebbi (PDP) et Ettakatol, de Ben Jaafar, les deux derniers cités étant au coude à coude, donc l’ordre d’arrivée incertain. Viennent ensuite le Pôle démocratique moderniste, dont la pierre angulaire est Ettajdid d’Ahmed Brahim, et la nébuleuse destourienne, composée d’une multitude de formations, dont une coalition regroupant quatre partis d’anciens plus ou moins hauts responsables du RCD parmi les moins exposés à la vindicte populaire : Kamel Morjane (ex-haut-commissaire pour les réfugiés puis ministre de la Défense et des Affaires étrangères), Mohamed Jegham, l’industriel Faouzi Elloumi et Mohamed Sahbi Basly (ancien gouverneur, puis ambassadeur en Inde, en Espagne et en Chine). « Les destouriens ne bénéficieront pas d’apports additionnels de voix. Ils ont leur clientèle, fidèle mais restreinte,

1428 listes de candidats, soit 10937 candidats

et seront en partie sanctionnés pour leur passé, quel qu’il soit », croit savoir Jebali. Ennahdha effraie ses adversaires politiques, mais aussi les chantres de la laïcité ou de la présumée « modernité » tunisienne, ceux qui craignent la remise en question des acquis, dont le code du statut personnel qui consacre entre autres les droits des femmes. Si les islamistes s’emploient à rassurer – en citant l’AKP du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan comme modèle ou en clamant haut et fort qu’ils ne souhaitent pas obtenir tous les ministères ni même les plus sensibles (Défense, Intérieur, Éducation, etc.), la réponse de leurs adversaires tient en deux mots : « double jeu ». Commentaires des intéressés : « Jugez-nous sur nos actes et notre programme, pas sur des présomptions. » Tout en reconnaissant, certes discrètement, que leur organisation est encore réticente, par exemple, à présenter des femmes têtes de ● ● ●

UNE DIASPORA PEU MOBILISÉE LEUR PREMIÈRE PARTICIPATION à un scrutin national – les 20, 21 et 22 octobre 2011 – ne semble pas susciter une réelle mobilisation chez lesTunisiens résidant à l’étranger. Sur 700000 votants potentiels, seuls 300000 ont fait les démarches pour s’inscrire et élire leurs dix-huit représentants à l’Assemblée constituante. L’enjeu est pourtant de taille. Exemple: avec dix sièges à la clé, le vote desTunisiens de France, première communauté de la diaspora dans le monde, pèsera autant que celui du JEUNE AFRIQUE

gouvernorat de Sousse. Pour Mohamed Fadhel Mahfoudh, responsable, auprès de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), de l’organisation de celles-ci dans les six circonscriptions situées hors de Tunisie, la difficulté majeure est le recrutement des agents pour les 470 bureaux de vote, soit près de 2000 personnes. Et ce sont, encore une fois, les réseaux sociaux qui sont mis à contribution pour rallier le maximum de votants. ● FRIDA DAHMANI N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Grand angle

Tunisie

ELYES GHARBI, journaliste

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

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Sa prise de parole, le 30 décembre 2010, pour commenter les événements en Tunisie, a été un tournant.

« Nous avons choisi une Constitution gastronomique plutôt que fast-food. Certes, la période est périlleuse, mais un peuple qui a réclamé la dignité et la liberté saura faire la différence entre les velléitaires en quête de privilèges et l’intérêt suprême du pays. » ● ● ● liste, qu’une partie de la base est bien plus radicale et que la direction n’est pas toujours sur la même longueur d’ondes et n’échappe pas aux querelles intestines. Exemple : les dissensions entre « historiques », ceux qui sont restés en Tunisie du temps de l’oppression et ont été jetés en prison, et les autres… Mais le gros avantage d’Ennahdha, c’est sa structure elle-même : une implantation territoriale globale, beaucoup de cadres et de militants, des moyens, là où la plupart des autres partis sont portés à bout de bras par leurs seuls dirigeants. Dernier point, et non des moindres dans un débat censé être démocratique : les détracteurs des islamistes, ces Tunisiens persuadés que le pays effectuerait un grand bond en arrière sous leur férule et dont certains prônent l’utilisation des grands moyens – y compris autoritaires – pour les empêcher d’accéder au pouvoir, oublient un peu vite que leurs électeurs sont des Tunisiens comme eux, qui ont trouvé – pour de bonnes ou de mauvaises raisons, peu importe – des réponses à leurs questions, une oreille attentive et un projet de société qui leur convient. Écarter Ennahdha, tant qu’elle joue le jeu de la démocratie, n’est donc pas une option. De nombreuses surprises ne sont cependant pas à exclure. D’abord, les scores réalisés par la pléthore de listes indépendantes. On y trouve

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de tout : des islamistes, dont l’un des cofondateurs d’Ennahdha, le charismatique Abdelfattah Mourou allié à Mustapha Filali et Slaheddine Jourchi, des sympathisants d’à peu près tous les partis qui n’ont pu être « casés » sur leurs listes tant les demandes affluaient, des notables ou des chefs de tribu issus de régions où ils sont censés se muer en aspirateurs à voix, des aventuriers de la politique, des personnalités qui ne supportent pas la discipline d’une formation, etc. Au total, en tout cas, les listes indépendantes ne manqueront pas de brouiller un peu plus les cartes. Enfin, dernier paramètre à prendre en compte : les indécis, estimés à plus de 30 % du corps électoral (près de 4 millions d’inscrits sur un potentiel estimé à 7,5 millions, mais tous les Tunisiens détenteurs d’une carte d’identité et affiliés à un bureau de vote pourront participer au scrutin). Ils n’ont pas encore fait leur choix ou n’ont pas vraiment compris ce qu’était et à quoi servait une Constituante. L’équation tunisienne recèle bien des inconnues… RASSEMBLER. À quoi ressemblera l’après-23 octo-

bre ? Outre la qualité et les résultats du scrutin, viendra inévitablement le temps de nouvelles questions, jusqu’ici à peine esquissées. Et celui du défi majeur, véritable gageure : passer d’un système (la dictature) à un autre (la démocratie) sans jeter le bébé avec l’eau du bain, sans manichéisme, sans renier non plus l’identité tunisienne, nourrie par la diversité de ses citoyens, son histoire, mais aussi par la perspective d’un avenir à façonner ensemble et non les uns contre les autres. Avant, on sacralisait « l’intérêt de la nation », celui Exclure Ennahdha, dicté par Ben Ali. Les autres tant qu’elle joue le jeu opinions étaient interdites et de la démocratie, réprimées. Aujourd’hui, c’est la révolution et ses nombreux avan’est pas une option. tars qui ne peuvent être soumis à la critique. Avant, dans l’imaginaire collectif, nombreux étaient les tortionnaires, les criminels « haut placés », les corrompus, les petites âmes damnées d’un régime prêtes à tout pour complaire à leur maître. Aujourd’hui, subitement, que des braves gens, intègres, héroïques, gardiens de la révolution. Janus est de retour… « La tolérance n’est pas notre fort, décrypte Olfa, journaliste indépendante. Nous sommes passés d’un dictateur unique, suprême, à une multitude de petits dictateurs qui s’ignorent et ne supportent pas que l’on ne partage pas leurs opinions… » Il faudra bien, pourtant, inventer un modèle rassemblant tout le monde : laïcité pour les uns, identité musulmane pour les autres (lire l’excellente tribune de Mohamed Talbi, p. 35), démocratie et modernité pour tous. Les ténèbres femmes dissipées et les chaînes brisées, reste le plus difficile : apprendre à vivre… ensemble. ● sont têtes de liste

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JEUNE AFRIQUE


Le saut dans l’inconnu

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Le nouveau visage de Tunis

MARCHE CITOYENNE, le 21 juillet.

L’EX-PLACE DU 7-NOVEMBRE (date de prise du pouvoir par Ben Ali, en 1987) rebaptisée.

LISTE DES MARTYRS DE LA RÉVOLUTION sur le bâtiment de l’Union générale des travailleurs tunisiens.

UN POLICIER TÉMOIGNANT CONTRE L’ANCIEN RÉGIME, au tribunal militaire de Tunis, le 29 septembre.

DESSIN DE WILLIS sur la résidence de Moncef Trabelsi, beau-frère de l’ancien président.

TUNISIEN

PREMIER MEETING DU PARTI OUVRIER COMMUNISTE (POCT), le 22 juillet.

Reportage photo : NICOLAS FAUQUÉ

Depuis le 14 janvier, la capitale offre des scènes inédites. Plus rien ne sera comme avant.


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Grand angle

Tunisie

Béji Caïd Essebsi « Si mon pays a besoin de moi, je suis toujours là… » Respecter la révolution sans tomber dans les règlements de comptes. Le Premier ministre est satisfait de son bilan. De quoi jouer les prolongations ?

Propos recueillis à Tunis par

ABDELAZIZ BARROUHI

JEUNE AFRIQUE : Après les élections du 23 octobre et huit mois aux affaires, vous laisserez la place à un nouveau gouvernement. Quel bilan tirez-vous de votre action ? BÉJI CAÏD ESSEBSI: Lorque j’ai accepté

cette mission, j’espérais que la Tunisie serait dans une meilleure situation à mon départ qu’à mon arrivée. Je l’ai dit. Ce pari est gagné. La stabilité et la pérennité de l’État sont assurées. La sécurité est revenue, même s’il y a encore quelques incidents. Nous avons mené à bien l’année scolaire 2011… Nous avons également été solidaires du peuple libyen, avons rétabli le prestige de la Tunisie et retrouvé la confiance de plusieurs pays, comme ceux du Golfe. Je me suis rendu en Algérie et au Maroc. Nous avons renoué des relations à haut niveau avec la France, notre premier partenaire européen. Nous avons en outre été invités, et c’est une première pour la Tunisie, à la réunion du G8 à Deauville, où nous ont été promis des financements importants. Le gouvernement a donc

fait l’essentiel, et l’armée, républicaine, a bien joué son rôle. On vous reproche néanmoins de ne pas avoir suffisamment favorisé la rupture avec le système Ben Ali. Des partis se demandent si Caïd Essebsi n’a pas contribué à la contre-révolution…

D’abord, la révolution s’est faite contre l’injustice, l’absence de libertés, la corruption, et certainement pas en faveur de tel ou tel parti. Si certains essaient de récupérer la révolution, ce sont eux qui créent la contre-révolution. En ce qui concerne le gouvernement, nous respectons la révolution et essayons de canaliser la jeunesse dans la voie vertueuse de la démocratie sans la pagaille. Mon avenir est derrière moi et ceux qui me connaissent savent que je suis un homme sérieux. Je ne veux pas flatter le peuple en le caressant dans le sens du poil. Nous avons rompu avec le passé sans remettreenquestionleséquilibresdupays, ni tomber dans les règlements de comptes. Pendant vingt-trois ans, rares sont ceux

PROPORTIONNELLE, MODE D’EMPLOI CONTRAIREMENT AU SCRUTIN MAJORITAIRE, qui attribue les sièges aux candidats ayant obtenu le plus de voix, l’élection à la proportionnelle les répartit selon le nombre de voix recueillies par toutes les listes recevant plus de 5 % des suffrages exprimés. C’est le « quotient électoral » – la division des suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir – qui permet d’effectuer cette opération. C’est plus juste, mais plus compliqué, et cela engendre souvent un éclatement des formations politiques. Cas de figure : la circonscriptionTunis 1 compte 192 081 électeurs inscrits pour 9 sièges, soit un quotient prévu de 21 342. Si une liste obtient trois fois ce quotient, soit 64 026 voix, trois sièges lui seront attribués. Et ainsi de suite pour toutes les listes rassemblant plus de 21 342 voix. Ce premier calcul effectué, vient ensuite l’attribution des sièges restants. En Tunisie, la technique du « plus fort reste » a été préférée à celle de la « plus forte moyenne ». La liste qui dispose du plus gros réservoir de voix après la première répartition récupère l’intégralité des sièges restants. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

qui n’ont pas coopéré avec le régime Ben Ali. Ce n’est pas au Premier ministre de poursuivre les gens sans preuve. Tous ceux qui ont géré le pays sous Ben Ali ont fait l’objet d’investigations menées par la Commission indépendante sur la corruption présidée par Abdelfattah Amor, qui a étudié 9 000 dossiers et déféré à la justice 3200 d’entre eux… Il y a actuellement une dizaine d’anciens ministres en prison, sans compter ceux qui sont poursuivis mais laissés en liberté… Pour satisfaire les impatients, on ne peut pas liquider toute la police et toute l’administration… Je ne veux pas me transformer en homme injuste et revanchard. Sauf que, pendant ce temps, certains membres du système Ben Ali sont restés en place, notamment dans la police, la justice et les médias…

Je ne le conteste pas. Mais les grandes réformes sont prévues après les élections, car on ne pouvait pas s’attaquer à certains dossiers comme un éléphant entrerait dans un magasin de porcelaine. Exemple avec la justice: nous avions demandé aux magistrats une liste [de ceux qui se sont écartés de leur devoir, NDLR] et je m’étais engagé à prendre les mesures appropriées contre les personnes incriminées tout en leur donnant l’occasion de se défendre. Jusque-là, nous n’avons pas reçu cette liste. Idem pour ceux qu’on appelle « les symboles de l’ancien régime »…

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circonscriptions électorales

27 217 199

en Tunisie ie et 6 à l’étranger

sièges à pourvoir (soit 1 représentant pour 60000 habitants) pour les listes en Tunisie et 18 pour celles de l’étranger JEUNE AFRIQUE


Le saut dans l’inconnu Ý Le 4 mars, AU PALAIS

PRÉSIDENTIEL DE CARTHAGE,

il prononce son premier discours.

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

suffisamment de maturité pour accepter ce verdict, sinon cela enlèverait tout crédit au processus démocratique. La Tunisie a une énorme responsabilité dans la réussite du Printemps arabe. Il y aura certes de mauvais coucheurs qui préparent déjà la contestation en semant le doute sur la volonté du gouvernement à respecter ses engagements. Mais ces combats d’arrièregarde ne menacent pas le processus électoral. Nous respecterons le résultat des élections, quel qu’il soit.

Le gouvernement aurait pu prendre les devants…

Ce n’était pas à moi de faire ce travail. Il y a des tonnes d’archives au siège du RCD [Rassemblementconstitutionneldémocratique, l’ancien parti au pouvoir dissous]… Qui plus est, je n’étais pas d’accord avec l’article 15 du projet de décret-loi relatif à l’élection de l’Assemblée constituante, car il préconise une sanction collective [l’inéligibilité des responsables du RCD], alors qu’une sanction est individuelle. Cela dit, je ne fais aucune objection à son application. Et les médias publics et privés dirigés par des piliers de la machine de propagande de Ben Ali, n’est-ce pas curieux ?

D’abord, les médias sont maintenant libres, parfois jusqu’à la licence. La télévision nationale est contre le gouvernement. Certains vont jusqu’à nous insulter moi et ma famille. Décidément, les lendemains de la révolution sont incertains et tumultueux…

Oui. Primo : il est beaucoup plus difficile de préserver la liberté pendant la transition que de l’arracher aux dictateurs. Secundo : il est beaucoup plus difficile de préserver la liberté contre les excès de ceux qui prétendent la défendre que contre ses adversaires. Tertio : pour passer d’un état de quasi-dictature à un état de liberté, il n’y a pas de baguette magique. Le chemin est long et semé d’embûches. JEUNE AFRIQUE

Quel est votre rôle dans ces élections?

Nous espérons d’abord qu’elles se dérouleront dans le calme, l’ordre et la discipline. Ce gouvernement ne les organise pas, il y a une instance indépendante qui s’en charge [Instance supérieure indépendante pour les élections, Isie]. Mais il fournira tous les moyens nécessaires pour que ces élections se déroulent dans les règles de l’art. L’UGTT [Union générale des travailleurs tunisiens] a pour sa part suspendu les grèves pendant toute la durée de la campagne électorale, c’est

Vous vous exprimez comme si vous alliez rester au pouvoir. Soyons clairs : quelles sont vos intentions après le 23 octobre ?

Je vais rendre mon tablier à l’Assemblée constituante. C’est elle qui sera souveraine et désignera l’exécutif. En ce qui me concerne, être au service de l’État et de la nation, c’est pour la vie. Donc, si mon pays a besoin de moi, je suis toujours là. Mais cela ne veut pas dire que je vais m’ac-

Je suis suffisamment conscient des turpitudes du pouvoir pour savoir partir avant que l’on me dise « dégage ! ». tout à son honneur. Le gouvernement n’a pas de parti, ne favorise aucun courant, et ses membres se sont astreints à ne pas être candidats. Comment jugerez-vous qu’elles sont réussies ?

Elles le seront si elles arrivent à dégager une majorité qui parvient à gouverner dans la cohésion, avec une Constituante qui peut élire un président et former un gouvernement rapidement. Ne craignez-vous pas une contestation du verdict des urnes ?

J’espère que les Tunisiens auront

crocher au pouvoir. Et lorsque le temps viendra de partir, je le ferai sans amertume, sans états d’âme, et avec la satisfaction du devoir accompli. Je suis aussi assez conscient des turpitudes du pouvoir pour reconnaître qu’il faut savoir partir avant que l’on me dise « dégage ! ». Et si la Constituante vous proposait une haute fonction ?

Je répondrais selon les circonstances et je me demanderais si je suis vraiment utile. Je n’aime pas les postes. Mais si je juge que je suis capable d’assumer des responsabilités, je le ferai en toute conscience. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Grand angle

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Tunisie

À l’assaut de la Constituante Les huit partis légaux sous Ben Ali, ceux qui étaient interdits, et une centaine de nouvelles formations… De cette profusion de postulants se dégagent six forces principales. ABDELAZIZ BARROUHI,

Ettakatol La constance

à Tunis

Ennahdha L’incontournable

SI UNE CHOSE paraît quasi certaine, c’est que le mouvement Ennahdha devrait arriver en tête, sans pour autant espérer remporter la majorité absolue. Ses atouts : sa notoriété, son apparente bonne organisation, son implantation, le souvenir de la terrible répression durant le règne de Ben Ali et la stratégie de son leader, Rached Ghannouchi. Ce dernier n’a cessé de définir son projet de société comme étant civil et républicain. Cela lui a permis de

s’intégrer dans le sérail politique, de dédiaboliser Ennahdha et de désarmer une grande partie de ses détracteurs laïques. Au sein de la Constituante, Ennahdha envisage des alliances, « sans exclusions ». Parmi les alliés possibles, on compte plusieurs partis dont, notamment, le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki, l’homme qui, depuis son exil, a été le premier à dire « dégage ! » à Ben Ali, il y a de cela plusieurs années. ●

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

ETTAKATOL,connujusque-làsouslenom de Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), fait également figure de favori. Son fondateur, Mustapha Ben Jaafar, maintient, depuis plus de quarante ans, un profil de social-démocrate intransigeant. Professeur de médecine, il ne fait pas de politique politicienne. Mais ses positions pondérées séduisent et rassurent une Tunisie désorientée. Sur la scène politique, Ettakatol a joué le consensus en entretenant, à un moment ou à un autre, des liens souvent étroits au sein du « Front du 23 octobre » avec le Parti démocratique progressiste (PDP), Ennahdha, le CPR, le Parti ouvrier communiste tunisien (POCT), Ettajdid… ●

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

PDP Quitte ou double

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

S’IL FAUT EN CROIRE les sondages sur les intentions de vote, le PDP est la deuxième force politique. Il a pour cela investi beaucoup d’argent durant la précampagne depuis juin dans l’affichage urbain et les spots télévisés. Le mouvement est personnifié par son fondateur, Néjib Chebbi, un animal politique reconnu. Ce qui peut être un point fort, mais aussi une faiblesse. Nationaliste, radical de gauche et farouche opposant à Ben Ali, il a tour à tour flirté avec Ennahdha, dialogué avec d’anciens responsables du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) et noué des relations avec certains décideurs des milieux économiques. C’est peut-être une bonne tactique électoraliste, mais cela déroute. Ses colères, notamment à la télévision après des questions gênantes, suscitent également la perplexité. Candidat à la Constituante, Chebbi n’exclut pas de se retirer s’il n’est pas élu. ● JEUNE AFRIQUE


Le saut dans l’inconnu

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

Les destouriens En embuscade

Pôle démocratique Erreur de casting? depuismarslapromotionmédiatiqued’Ettajdidetdesonpremiersecrétaire,Ahmed Brahim. Cela n’a apparemment pas suffi pourquelespronosticsdonnentaupôlede grandes chances au prochain scrutin. La focalisation de la campagne sur la menace islamiste–considéréeparbeaucoupd’électeurs comme le combat d’un autre âge – se révèle contre-productive. ●

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

ONS ABID POUR J.A.

ETTAJDID, ÉMANATION de l’ancien parti communiste,sefonddansunecoalitionqui s’appelle cette fois-ci Pôle démocratique moderniste et qui regroupe des formations sans poids réel et quatre associations liées au parti. Le coordinateur général de cette coalition est RiadBenFadhel(en photo), un communicant dont l’agence Kalima (filiale du groupe français Publicis) assure

Les indépendants Un patchwork PLUS DE 41 % DES LISTES se présentent sous l’étiquette « indépendant ». Un ensemble hétéroclite dans lequel on retrouve des notables locaux parfois issus de l’ex-parti au pouvoir, des plaisantins, mais aussi et surtout des électrons libres. Les listes les plus en vue sont les vingt-quatre de l’Alliance démocratique avec à leur tête le flamboyant avocat islamiste Abdelfattah Mourou. Cofondateur d’Ennahdha en 1981, il dit aujourd’hui avoir « divorcé » de ce mouvement tout en reconnaissant sa propre appartenance à « l’islamisme ». On y retrouve aussi des islamistes « bon chic bon genre » comme Radouan Masmoudi, fondateur aux États-Unis d’une association d’islamistes démocrates, et des intellectuels spécialistes de l’intégrisme comme l’écrivain Slaheddine Jourchi. Les supputations vont bon train : ce regroupement va-t-il pêcher des voix dans les milieux libéraux ou réduire le score d’Ennahdha ? ● JEUNE AFRIQUE

LES TUNISIENS NE RISQUENT pas de se réveiller au lendemain du 23 octobre avec une victoire des anciens collaborateurs de Ben Ali. Mais ces derniers, depuis la dissolution en mars du RCD, dont l’ancêtre est le Parti socialiste destourien (PSD), ont eu la liberté de constituer des dizaines de formations. Ils peuvent s’appuyer sur les réseaux dormants et les nostalgiques de l’ex-parti au pouvoir, mais aussi sur tous ceux qu’Ennahdha ou certains extrémistes inquiètent. De quoi peser au sein de l’Assemblée constituante. Les principaux ténors sont Kamel Morjane (El-Moubadara) et Mohamed Jegham (Al-Watan), deux anciens hauts responsables du RCD. Tous deux sont d’ex-ministres, originaires comme Ben Ali de Hammam-Sousse. Et sont pour l’heure inéligibles. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Grand angle

Tunisie

Le gardien des urnes

le doute général vis-à-vis des institutions de l’ère Ben Ali, nous avons créé l’Isie. » Pour rompre avec les vieilles méthodes, il a fallu trouver de nouveaux locaux, mettre en place un noyau administratif et des instances régionales, recruter 4 500 personnes, dont 4 000 diplôméschômeurs, et 50 000 observateurs pour couvrir les 8 000 bureaux de vote. En plus du budget de 30 millions de dinars (15 millions d’euros) alloué par l’État, des experts du Programme des Nations unies pour le développement, de l’Union européenne et même trois Palestiniens ont apporté leur aide.

Kamel Jendoubi, le « Monsieur Élections », relève un défi historique : organiser le premier scrutin démocratique. Modèle d’intégrité, l’ancien opposant a su gagner la confiance des Tunisiens.

INDÉPENDANCE. D’énormes difficultés

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

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DÈS LE 14 JANVIER, le militant a annoncé son retour d’exil. ABDELAZIZ BARROUHI,

à Tunis

L

es perles rares suffisamment indépendantes et honnêtes pour superviser l’organisation des premières élections démocratiques tunisiennes ne courent pas les rues. Kamel Jendoubi est l’une d’elles. Il a ainsi créé le consensus autour de

l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), qu’il préside depuis mai. Militant des droits de l’homme pendant ses études à Paris, il est rentré en Tunisie à la chute de Ben Ali après un exil forcé de dix-sept ans. « Il a fallu bâtir une administration électorale à partir de zéro, déclare-t-il. Nous n’avions pas de savoir-faire. Étant donné

ont été surmontées: faute de listes fiables, les électeurs ont dû se réinscrire. L’Isie a appliqué la loi sur l’inéligibilité à la Constituante des anciens collaborateurs de Ben Ali et des ex-responsables de son parti, le Rassemblement constitutionnel démocratique. Et ce sans l’aide des autorités gouvernementales. « Malgré tout, je suis raisonnablement satisfait, affirme le président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme. L’Isie a démontré son indépendance en tenant tête au gouvernement sur le calendrier électoral. Les Tunisiens ont repris confiance et s’approprient leur avenir. Désormais, les choses avancent. Nous entrons avec plus de garanties et de soutien dans la dernière ligne droite avant le scrutin. » ●

Argent: déficit de transparence misent sur plusieurs candidats. D’autres s’offrent leur propre parti. C’est le cas par exemple de Faouzi Elloumi, un député de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement l’argent coule à flots. Mais sa couleur est constitutionnel démocratique (RCD). opaque. En dehors d’Ennahdha, le seul D’autres encore expriment leur sympaparti de masse – qui peut donc justifier ses thie en faisant des apparitions dans les moyens par la générosité supposée de ses meetings de leurs « protégés ». Celui qui partisans –, les autres formations, celles défraie la chronique est le milliardaire Slim Riahi, qui a créé sa formation et mène depuis juin Les hommes d’affaires se sont une campagne dépensière découvert une fièvre partisane. avec l’aide de l’agence de communicationGreyGroup de création récente et les plus anciennes, (lire encadré p. 33). qui ne comptent que quelques centaines Le Parti démocratique progressiste d’adhérents, sont dans l’obligation d’im(PDP) de Néjib Chebbi dispose, lui, de proviser. Les hommes d’affaires se sont sa propre équipe de marketing politique. découvert une fièvre partisane. Certains De mai à août, ils ont été épaulés par

À défaut d’un financement prévu par la loi, certains candidats ont eu recours au « mécénat ». ABDELAZIZ BARROUHI,

E

à Tunis

n Tunisie, on est en train de découvrir que la démocratie a un coût. Et, en l’absence d’une législation – un projet de loi prévoyant le financement des partis par des personnes morales a été abandonné –, c’est la loi du silence et la suspicion qui règnent. Si la campagne officielle est subventionnée par l’État, pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel – les dépenses de communication, le choix des sièges de campagneluxueux,l’organisationdemeetings et la mobilisation des militants –, N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

JEUNE AFRIQUE


Le saut dans l’inconnu l’agence algérienne MMC DDB – affiliée au groupe mondial DDB. La filiale libanaise du groupe américain JWT a pris la relève en août. On peut aussi remarquer la présence discrète de nombreux hommes d’affaires connus, comme le richissime et généreux donateur Chafik Jarraya. Lors de la réception donnée par Chebbi, le 21 mai dans un grand hôtel de la capitale, le patron de la chaîne Magasin général, Tahar Bayahi, l’homme d’affaires Lotfi Hamrouni et l’ex-banquier Kamal Nejei figuraient parmi les convives de marque. En comparaison, la campagne d’Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar, qui a eu recours à l’agence Ogilvy, paraît modeste. Il est le seul parti à rendre publics ses revenus et ses dépenses. Celles-ci ont atteint 1 million de dinars (520000 euros) depuis début 2011. ●

L’ÉNIGMATIQUE SLIM RIAHI JAMBES ÉCARTÉES, mains dans les poches, ventre bedonnant contrastant avec un visage plus juvénile que ses 39 ans, Slim Riahi observe la foule du haut des gradins du Palais des sports d’El-Menzah, àTunis, le 30 septembre. Des dizaines de bus ont amené plus de 5 000 jeunes de toutes les régions du pays, tous frais payés, pour écouter leur « bienfaiteur » à l’occasion de l’ouverture de la campagne électorale de l’Union patriotique libre (UPL), le parti qu’il vient de créer. La mise en scène du show est assurée par l’agence de communication Grey Group, qui a à son actif les fastueuses et coûteuses festivités marquant le quarantième anniversaire de Mouammar Kaddafi au pouvoir, en 2009, àTripoli. Riahi y vivait depuis les années 1980. Formé en management à Londres, il s’est lancé dans les services aux compagnies pétrolières et affiche un chiffre d’affaires annuel de 2,7 milliards de dollars (2 milliards d’euros) pour 3 700 employés. Les Libyens qui le connaissaient àTripoli sont formels : il était soutenu par Mootassem Kaddafi, son compagnon de « sorties », qui lui a ouvert les portes. Allégation sur laquelle Riahi reste muet. ●

@

AZ.B.

AUDE OSNOWYCZ

LINA BEN MHENNI Universitaire

Avec 22 000 visiteurs réguliers sur son blog, « ATunisian Girl », cette professeure d’anglais de l’université de Tunis est une égérie de la révolution. Malgré une santé fragile, elle s’est attachée à couvrir les événements du 14 janvier. Déçue des suites de la révolution, elle s’implique maintenant dans la société civile et vient de publier, à 27 ans, son premier ouvrage : Tunisian Girl.

Blogueurs, que sont-ils devenus?

SLIM AMAMOU Cyberactiviste

Emprisonné pour cyberactivisme en décembre 2010, ce blogueur – informaticien de métier – en première ligne lors de la chute de Ben Ali avait fait, à 33 ans, une entrée remarquée au gouvernement de transition comme secrétaire d’État à la Jeunesse, avant une démission fracassante.Aujourd’hui, cofondateur du comité de soutien aux listes indépendantes Afkar Mostakella, il se soucie de la transparence des élections de la Constituante. JEUNE AFRIQUE

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

NICOLAS FAUQUÉ POUR J.A.

HAYTHEM EL-MEKKI Journaliste

Travailleur indépendant, Haythem el-Mekki se distinguait, avant le 14 janvier, par ses prises de position sur son blog et les réseaux sociaux sous le pseudonyme de ByLasKo. Depuis, l’activiste de 27 ans est un chroniqueur vedette du petit écran et l’animateur d’un magazine sur l’actualité du web. Sa priorité : la lutte contre l’abstention.

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Grand angle

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Tunisie

Sadok Belaïd « Un point de non-retour » Ancien doyen de la faculté de droit de Tunis, il milite pour un équilibre et une stricte séparation des pouvoirs. Propos recueillis à Tunis par

FRIDA DAHMANI

JEUNE AFRIQUE: Quel regard portez-vous sur la classe politique tunisienne ? SADOK BELAÏD: Elle ne se distingue ni

par sa clarté ni par une adéquation avec la situation du pays. L’ambition des partis est

de se positionner sur la scène politique; ils négligent la Constituante et ses enjeux. Par ailleurs, le manque de poigne du pouvoir ne facilite pas la tâche. Il n’empêche, le processus des élections est mis en place, cahin-caha nous arriverons à la terre promise de la Constituante. Nous aurons alors une assemblée légitime pour commencer à construire quelque chose de plus stable malgré la surenchère des partis politiques, qui seront de toute façon mis à l’épreuve durant les travaux de l’Assemblée. Comment percevez-vous l’éveil politique des Tunisiens ?

EMMANUEL DAOU BAKARY

C’est assez contradictoire. Nous avons affaire à une opinion publique étonnante, très éveillée, qui a pris au bond la balle de la révolution. Mais une autre partie de la population est attentiste, un peu utopiste et naïve. Elle croit que tout est dû et tout de suite. Sur ce plan, le gouvernement

n’a pas été très imaginatif pour recréer la confiance. La démocratisation d’un pays est un processus lent. Quels devraient être les piliers de la future Constitution ?

Malgré les polémiques, il existe un certain consensus autour de valeurs communément admises et il n’y a pas vraiment d’autre formule que celle de l’article premierpour définir la Tunisie [« La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république », NDLR]. Les droits de l’homme, les libertés et la dignité, la justice sociale, la notion de démocratie participative ont inspiré la révolution tunisienne. C’est un point de non-retour. Pour respecter ces principes, la nouvelle Constitution doit instaurer l’État de droit au sens strict du terme. Il faut aussi se prémunir contre toute forme d’abus politique et adopter un régime qui équilibre les pouvoirs sans bloquer le système. Ensuite, il convient d’envisager un nouveau découpage territorial pour assurer le développement des régions tout en leur donnant plus d’autonomie. Enfin, pour ne pas rater la révolution, il est essentiel que la Constitution soit ratifiée par un référendum populaire. ●

Et pendant ce temps… les Ben Ali Reclus en Arabie saoudite, le président déchu n’est pas près d’être extradé. ABDELAZIZ BARROUHI,

L

à Tunis

ex-président tunisien Zine elAbidine Ben Ali a un nouveau sujet à méditer. « Ces élections seront libres, transparentes et loyales, et l’administration sera neutre », répétait-il laveille de chacundes cinq scrutins organisés pendant ses vingt-trois ans de règne. Or les résultats étaient truqués. Au plus fort de la révolte populaire et pour la désamorcer, il avait annoncé un plan pour la tenue d’élections anticipées dans les six mois. C’était vingt-quatre heures avant son départ précipité vers l’Arabie saoudite, le 14 janvier. Et voilà que, lui parti, la Tunisie prépare pour le 23 octobre des élections démocratiques, les premières de son histoire. Pis – de son point de vue –, elles échappent au ministère de l’Intérieur, qui était sous ses ordres.Aulieudecela,ellessontsupervisées N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

par l’Instance supérieure indépendante pour les élections, conduite par l’un de ses opposants, Kamel Jendoubi, qu’il avait contraint à l’exil pendant dix-sept ans.

publiques, pas d’activités contre les nouveaux dirigeants en place en Tunisie, un usage discret du téléphone, et pas de visites. Un statut que le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud al-Fayçal, DURE EST LA CHUTE. Depuis sa « fuite » a confirmé lors de sa visite à Tunis, sans face à la révolte populaire, Ben Ali est toutefois aller plus loin à propos de la reclus en Arabie saoudite avec sa famille, demande d’extradition de la justice tunià Djeddah, dans un palais d’hôtes mis à sienne. « Les Saoudiens nous prennent leur disposition par la famille royale. Il y a un peu de haut sur le dossier Ben Ali », se là son épouse, Leïla Trabelsi, leurs enfants plaint un haut dirigeant tunisien. Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’ancien chef « Les Saoudiens nous prennent de l’État n’a pas divorcé de de haut sur le dossier Ben Ali. » Leïla et ne compte pas le UN HAUT DIRIGEANT TUNISIEN faire. « Elle est la mère de mes enfants », a-t-il dit à Mohamed et Halima. Sur la manière dont une autre de ses filles. Autre rumeur : en ils vivent, peu d’informations fiables ont février, on lisait dans les journaux avides filtré,pourlasimpleraisonquel’hospitalité de sensations qu’il avait eu un accident accordée par les Saoudiens est régie par cérébral ayant entraîné un coma, voire la des règles strictes : pas de déclarations mort. C’était faux. ● JEUNE AFRIQUE


Le saut dans l’inconnu

TRIBUNE

Éd MOHAMED TALBI Historien et penseur musulman

La première laïcité musulmane?

L

ESSENTIEL A ÉTÉ FAIT, et merci à l’équipage qui, contre vents et marées, a mené notre navire à bon port : le 23 octobre, pour la première fois dans notre histoire, nous choisirons, à travers des élections vraiment libres et démocratiques, notre destin. La première Constitution tunisienne date de 1860, c’est la première du monde arabo-musulman; la deuxième de 1958; la troisième sera celle de 2011. Ouvrirat-elle, à plus ou moins long terme, la voie au califat théocratique – la pire forme de tous les totalitarismes –, vœu secret de tous les salafistes quels que soient leurs déguisements démocratiques opportunistes ? Je souhaite que mon pays, qui a donné au monde arabe, pour la première fois dans son histoire, la démocratie, lui donne aussi la première laïcité musulmane. Je crois que c’est possible. Je propose donc comme premier article de la troisième Constitution tunisienne: « LaTunisie est une république libre, démocratique et laïque. La majorité de sa population est musulmane, de langue majoritairement arabe, langue officielle du pays. L’État laïc tunisien garantit pour tous les citoyens la liberté de conscience, de croyance et d’expression, et leur assure un ordre de paix et de coexistence pacifique dans le respect de la loi. » Pour nous, ce premier article trouve son fondement et sa justification à la fois, primo dans la Constitution de Médine, la première écrite au monde; secundo dans le Coran.

pourraient donc s’en passer de nouveau, et s’en porteraient d’autant mieux que sous les pesanteurs de l’Histoire, par le hukm al-ridda (la loi sur l’apostasie), inexistant dans le Coran, la charia a pris une forme terroriste incompatible avec la liberté et la démocratie. Sans charia tout le monde se porterait mieux. C’est dans ce sens que je travaille en tentant de rénover la pensée musulmane, condition sine qua non pour retrouver notre place dans l’Histoire, voire la redynamiser. Venons-en maintenant à la Constitution de Médine. Elle fut négociée par le Prophète en l’an 1 de l’hégire, entre toutes les composantes sociales de la cité-État, polythéistes, juifs et musulmans. Dans ses 47 articles, il n’est nulle part question d’une religion de l’État. Il s’agissait d’une Constitution laïque. Passons au Coran. Il n’est ni un code ni une Constitution. Il est le « Livre de l’Heure », un appel à tous les hommes, partout sur terre, où qu’ils soient, en Orient ou en Occident, pour que chacun d’entre eux cherche individuellement son salut,

Le Coran n’est ni un code, ni une Constitution. Il garantit à tous la liberté de conscience.

En effet, le seul obstacle à la laïcité vient exclusivement de la charia. Or celle-ci n’a aucun fondement coranique. De fabrication humaine et relativement tardive, elle n’oblige aucun musulman en conscience. Seul le Coran oblige. La question exige un long développement qui n’a pas sa place ici. Je me limite donc à un simple constat incontestable. La première somme consacrée à la charia est le Kitâb al-Umm, de Shâfi’î, mort en 804. Auparavant, c’est-à-dire près de deux siècles durant, les musulmans avaient vécu sans charia. Ils

indépendamment du régime sous lequel il vit. Il garantit à tous les hommes la liberté de conscience: « Pas de contrainte en matière de religion »; « Ô vous croyants! Occupez-vous de vos affaires. Ne vous porte aucun préjudice celui qui s’égare, si vous êtes sur la bonne voie »; « Si ton Seigneur l’avait voulu, Il aurait fait de tous les hommes une communauté unique. Or, ils ne cesseront jamais de vivre dans la diversité. » Appliquons ces principes, et nous fonderons une laïcité musulmane, respectueuse de toutes les libertés, des droits de l’homme, et de la démocratie, garantissant à tous les hommes une coexistence pacifique et fraternelle sur notre planète Terre, chacun vivant librement sa diversité singulière. ●

LE LEADER DE LA PRESSE PANAFRICAINE DÉSORMAIS SUR VOTRE MOBILE

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Afrique subsaharienne

HISSÈNE HABRÉ

Aller simple pour

Kigali?

Le Rwanda se dit prêt, si besoin est, à juger l’ex-dictateur tchadien. Une simple « hypothèse de travail », selon l’Union africaine. Un rebondissement de trop pour les victimes, qui préféreraient une extradition vers Bruxelles.

ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

D

ans son bureau de Dakar, El Hadji Diouf s’impatiente. Avocat, candidat à l’élection présidentielle de février 2012, il est très occupé et a sans doute mieux à faire, en ce début du mois d’octobre, que de se préoccuper d’un énième – et, selon lui, « farfelu » – rebondissement dans le dossier de son client, Hissène Habré. Savait-il que l’Union africaine (UA) réfléchissait à la possibilité de confier à Kigali le soin de juger l’ancien dictateur tchadien, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ? « Absolument pas. Je l’ai appris comme vous, dans les journaux, mais cela n’a aucun sens. Le Rwanda a déjà beaucoup à faire avec ses ex-génocidaires hutus. Qu’il s’occupe de ses oignons ! » La surprise qu’il manifeste ce jour-là est largement partagée. Au Sénégal, où Habré coule des jours tranquilles depuis 1990, Alioune Tine, le président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), se dit « scandalisé par l’absence de transparence et de concertation ». À N’Djamena, Jacqueline Moudeïna, avocate tchadienne des victimes de Hissène Habré, affirme avoir appris la nouvelle en écoutant la radio et s’inquiète de ce qu’elle perçoit comme « une nouvelle manœuvre pour retarder le procès ». Embarrassée, l’UA fait profil bas. Il n’y aura, sur cette affaire, aucune déclaration

officielle. Tout juste reconnaît-on, au siège de l’organisation, que « rien de tout cela n’aurait dû filtrer ». PLAN B. Petit retour en arrière. Le 30 juin, les chefs d’État africains réunis en sommet en Guinée équatoriale savent que le dossier Habré va une nouvelle fois leur être soumis. Le président sénégalais n’a pas encore menacé de mettre son hôte dans un avion pour N’Djamena (il le fera le 5 juillet, puis changera d’avis à la dernière minute), mais plus personne ne croit encore qu’il le fera juger « au nom de l’Afrique », ainsi qu’il s’y était engagé en juillet 2006. En février 2011, Abdoulaye Wade n’a-t-il pas dit qu’il se considérait comme dessaisi de l’affaire et qu’il remettait Habré à la disposition de l’UA ? Certes, il y a encore l’option belge. En septembre 2005, Bruxelles a demandé l’extradition de l’intéressé (des victimes tchadiennes vivant sur son territoire ont porté plainte quelques années plus tôt), mais la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar n’a toujours pas rendu sa décision. Onze ans après le tout premier dépôt de plainte, l’affaire traîne en longueur. La commission de l’UA cherche donc un plan B, « au cas où ». Elle n’a jamais caché qu’à tout prendre elle préférait que Habré soit jugé en Afrique plutôt qu’en Europe. À l’issue du sommet de Malabo, elle procède à un discret tour de table pour savoir si un autre de ses membres serait prêt à prendre le relais. Seul le Rwanda répond JACQUELINE MOUDEÏNA, avocate et présidente de Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme

« La justice traîne; pendant ce temps, les victimes meurent, les témoins disparaissent, et personne ne s’en soucie. » DR

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JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne notamment ceux qui sont réfugiés en Europe. C’est une question d’image ». En Afrique, où l’on goûte peu la perspective d’un procès hors du continent, l’idée séduit. Sauf qu’il ne s’agit pour l’instant que « d’une hypothèse de travail », insiste l’UA, qui dit toujours attendre que la justice sénégalaise statue sur la demande d’extradition belge. « Pour l’instant, confirme Martin Ngoga, nous sommes d’accord sur le principe, mais nous n’en sommes pas à discuter des modalités concrètes. Le Tchad et le Sénégal auront également leur mot à dire. Et si le procès n’est pas organisé chez nous, nous ne nous en formaliserons pas. » TROIS À CINQ ANS. Ce sont pourtant ces modali-

tés qui inquiètent les ONG. Le Rwanda voudra-t-il reprendre l’instruction depuis le début ? Exigerat-il un budget (les bailleurs de fonds avaient promis au Sénégal 8,6 millions d’euros) ? Quel serait le cadre légal de ce procès, puisque Habré ne réside pas à Kigali et qu’aucune des victimes n’est rwandaise ? Le Rwanda, parfois critique à l’égard du principe de compétence universelle, va-t-il cette fois s’en prévaloir ? « Le dossier est fin prêt pour la justice belge, insiste Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch.

HN/APANEWS

En juillet, N’Djamena s’était prononcé en faveur d’un procès rapide en Belgique.

positivement. Le 22 juillet, Ben Kioko, conseiller juridique de l’UA, adresse une demande formelle aux autorités judiciaires rwandaises. « Nous nous sommes décidés rapidement, explique Martin Ngoga, procureur général du Rwanda. Nous pensons que nous pouvons contribuer au maintien de la paix et de la justice sur le continent. » Une décision d’autant plus facile à prendre, commente un familier du dossier, que « Kigali cherche à crédibiliser sa justice. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda, à Arusha, va bientôt fermer ses portes, et le pays a tout intérêt à faire bonne impression s’il veut qu’on lui renvoie les suspects de génocide, JEUNE AFRIQUE

« MON CLIENT SAIT QUE CE N’EST PAS POSSIBLE ET QUE TOUT CELA N’EST QU’UN DÉLIRE DE PLUS », assure El Hadji Diouf, avocat de l’ancien président (ici en 2005).

C’est vers Bruxelles qu’il faut extrader Habré. Renvoyer l’affaire à Kigali prendrait trois à cinq années supplémentaires. Nous ne pouvons pas nous le permettre », souligne-t-il. « La justice traîne, conclut Jacqueline Moudeïna. Pendant ce temps, les victimes meurent, les témoins disparaissent et personne ne s’en soucie. » En juillet, après le retour avorté de Hissène Habré, le Tchad avait clairement dit que sa préférence allait désormais à un procès en Belgique. L’offre rwandaise a-t-elle changé la donne ? Pas sûr. Officiellement, le Tchad étudie la proposition, qui lui a été communiquée en août. « Mais ce que le président Idriss Déby Itno veut, c’est que Habré soit jugé rapidement, confie un proche du dossier à N’Djamena. Ici, personne ne veut froisser le Rwanda ni mettre en doute la transparence de sa justice. Mais la solution la plus rapide et la plus pratique, c’est sans doute un procès en Belgique. » Reste Hissène Habré. Ce nouveau développement l’inquiète-t-il ? Bien moins que « la tentative d’enlèvement et de liquidation du mois de juillet, rétorque son avocat. Mon client sait que ce n’est pas possible et que tout cela n’est qu’une hallucination, un délire de plus ». Le scandale, lui, continue. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

Ý Fin 2012, deux nouveaux navires devraient venir seconder LE FERRY ALINE SITOÉ DIATTA.

SÉNÉGAL

Dakar se rapproche de la Casamance À quelques mois de la présidentielle, le gouvernement multiplie les projets pour désenclaver la région. Avec des premiers pas concrets.

C

notamment « parce qu’elle ne vient pas seule ». Depuis quelques jours, Sénégal Airlines propose en effet neuf rotations par semaine entre Dakar et Ziguinchor, avec un avion de quarante-huit places. Auparavant, un transporteur assurait bien desvolsquotidiens,maislaplacemanquait danssoncoucoucapabled’embarquertout au plus une dizaine de passagers. Même Robert Sagna, l’ancien maire de Ziguinchor qui joue aujourd’hui un rôle central au sein de la coalition d’opposition, Benno Siggil Sénégal, applaudit : le désenclavement, rappelle-t-il, « c’est vital » pour la Casamance, sinistrée par trente ans de guerre larvée. Le taux de chômage y oscille entre 60 % et 80 % chez les jeunes, le tourisme est en état de mort clinique et l’agriculture a perdu son lustre d’antan. Or, sans développement économique, on ne viendra pas à bout de la rébellion, estime-t-on au gouvernement.

64,3 %

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SOURCE : COMMISSION ÉLECTORALE NATIONALE AUTONOME

est toujours la même chose 29 septembre, la Corée du Sud a annoncé à Ziguinchor. Deux fois par qu’elle allait financer la construction de semaine, le mercredi et le PROMESSES. Lors de l’inauguration de deux navires qui assureront la desserte à samedi, le brouhaha envala nouvelle ligne aérienne, en août, Karim partir de fin 2012. hit les berges habituellement calmes du « Un seul bateau ne suffit pas. Il ne Wade a d’ailleurs multiplié les promesses: fleuve Casamance. Et la ville, tout à coup, permet pas aux commerçants de venir constructiond’unaéroportinternationalet revit… L’Aline Sitoé Diatta, le seul ferry régulièrement à Dakar vendre leurs prod’une route digne de ce nom contournant la Gambie, réhabilitation du pont Émilequi la relie à Dakar, déverse son lot de duits », explique un conseiller de Karim commerçantes de retour de la capitale, de Wade, le ministre de la Coopération interBadiane, véritable cordon ombilical qui travailleurs ou d’étudiants venus rendre nationale, des Transports visite à la famille, ainsi que quelques touaériens, des Infrastructures Sénégal Airlines propose depuis ristes. Pour rien au monde Mamadou ne et de l’Énergie, qui a signé la peu neuf rotations par semaine manquerait le rendez-vous. « C’est le seul conventionaveclesCoréens. moment où je peux gagner des clients », L’accord d’un montant entre Ziguinchor et la capitale. dit-il devant les deux tables de son minusde 27 milliards de F CFA (41 millions d’euros) devrait également cule restaurant, à deux pas de l’entrée du relie Ziguinchor au nord de la Casamance, port. Les langoustes grillées qu’il propose permettre la construction, à Ziguinchor, si vétuste que les autorités ont dû imposer ne sont pas à la portée de toutes les bourd’un complexe frigorifique d’une capacité des restrictions à la circulation des poids ses. Et les touristes sont bien de 2 000 tonnes. lourds… Il a également rappelé que le trop rares. L’entrepreneur Pierreprojet de pont sur le fleuve Gambie restait Un espoir tout de même: MarieColyseditravi.«C’était « une priorité », même si ce vieux rêve est bientôt, Mamadou pourra une attente de la population entravé par les réticences de Banjul. peut-être se permettre depuis longtemps. Avec le Autant d’annonces qui tombent à point de ne pas être de chaque nommé à cinq mois de la présidentielle, ferry actuel, le fret est quasi arrivée. Si tout se passe ironisent des opposants. Ils rappellent que inexistant. Et puis, les prix bien, dans un peu plus de la Casamance est certes un bastion du sont inaccessibles. » Dans un an, l’Aline Sitoé Diatta Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Ables locaux vétustes de la – un ferry moderne pouChambre de commerce, doulaye Wade, mais un bastion menacé vant transporter cinq cents d’industrie et d’agriculture qui pourrait basculer dans les prochains passagers, qui a pris la sucde Ziguinchor, Jean-Pascal mois. « Ce régime nous a habitués à des promesses. Cela fait onze ans qu’on nous cession du Joola de sinistre Ehemba, son président, des électeurs de la mémoire – ne sera plus le parle du désenclavement de la Casamance est tout aussi enthousiaste. province ont voté seul lien maritime entre « C’est une excellente et qu’on ne voit rien. J’espère que ce ne pour Wade en 2007, le chef-lieu casamançais nouvelle pour l’économie sont pas des effets d’annonce », alerte contre 55,9 % au et le reste du Sénégal. Le de la Casamance », dit-il, Robert Sagna. ● RÉMI CARAYOL niveau national. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne RD CONGO

Continuer sans Bemba

Privé de son leader, le MLC ne présente pas de candidat à la présidentielle de novembre. Le parti mise tout sur les législatives, en attendant le verdict de la Cour pénale internationale.

I

L’ESPOIR D’UN RETOUR. « Cela nous donne raison. Si nous étions partis à la bataille avec Muamba, nous nous serions discrédités avec un score nettement inférieur à celui de Bemba, qui a obtenu 42 % au second tour en 2006 », estime Babala. Le MLC veut croire au retour du « patron ». Pour 2011, l’affaire est entendue. Mais en 2016 ? « S’il est finalement acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) à l’issue du procès, prévue en décembre, JEUNE AFRIQUE

ou Kamerhe est en discussion. Bemba fait monter les enchères. Étienne Tshisekedi, le candidat de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), lui a rendu visite, le 28 septembre. Rien n’a filtré de l’entretien, « mais nous demandons à Tshisekedi de s’excuser pour 2006, car il est resté en retrait alors que son soutien aurait conduit à la victoire », glisse-t-on dans l’entourage de Bemba. Le Sphinx de Limete n’étant pas un adepte de l’autocritique et de la contrition, l’affaire semble mal engagée. Les discussions sont « plus fluides » entre le prisonnier de La Haye et Vital Kamerhe, le champion de l’Union pour la nation congolaise (UNC). Le deuxième schéma tactique – beaucoup plus offensif – concerne les législatives, qui se dérouleront le même jour. Le MLC est, avec 67 députés, la deuxième force de l’Assemblée sortante, derrière le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) du président, Joseph Kabila. Avec 371 candidatures déclarées pour 500 sièges à pourvoir, pas question de laisser le champ libre. Objectifs : constituer un groupe parlementaire, être le pivot d’une majorité aux contours aujourd’hui incertains et, surtout, avoir un maximum d’élus pour éviter les risques de désertion… Tel un canard de basse-cour, le MLC est décapité, mais il court toujours. Lors de l’arrestation de son plus farouche opposant, en mai 2008, Kabila avait de quoi se réjouir. Les juges de la CPI décideront si les réjouissances doivent se poursuivre. ● PHILIPPE PERDRIX

GORAN TOMASEVIC/REUTERS

il reviendra et rebondira », assure Babala. l est toujours risqué de participer à une compétition de football si l’attaAvant d’admettre : « Si en revanche il est condamné, le MLC est mort. » Ne pas quantvedettedel’équipeestblessé,le insulter l’avenir, donc. capitaine emblématique, suspendu, et l’arrière central, en petite forme. En Pour la présidentielle, la stratégie – pluRD Congo, Jean-Pierre Bemba occupe tôt défensive – consiste à peser sur le jeu en laissant miroiter aux postulants de tous ces postes au sein du Mouvement l’opposition une consigne de vote. Un de libération du Congo (MLC). Son parti, « mot d’ordre » en faveur de Tshisekedi sa propriété, sa chose. Les consignes du Chairman depuis sa cellule de La Haye (Pays-Bas) – où il est poursuivi pour les LES PROVINCES QUI ONT VOTÉ exactions commises par ses hommes en JEAN-PIERRE BEMBA EN 2006 Centrafrique entre 2002 et 2003 – étaient donc fermes et claires : « Si je suis dans PROVINCE l’incapacité d’y aller, personne d’autre ORIENTALE n’ira » à l’élection présidentielle du 28 novembre prochain. À Kinshasa, son homme de confiance, NORDÉQUATEUR KIVU Fidèle Babala, a appliqué les instructions à la lettre. L’ex-numéro deux du BANDUNDU SUDKASAïKIVU ORIENTAL parti, François Muamba, l’a appris à KINSHASA MANIEMA ses dépens. Évincé pour félonie par les KASAïinstances suprêmes du MLC, en avril OCCIDENTAL BAS-CONGO dernier, il a tenté un putsch. « Il faut tourner la page Bemba », proclamait-il en mai pour rameuter les troupes. Échec Régions où KATANGA cuisant pour le natif du Kasaï. « Ne pas il a obtenu la majorité au second tour être de la province de l’Équateur, celle de de la présidentielle Bemba, est rédhibitoire au sein du MLC », analyse un observateur congolais, qui souligne également le parcours sinueux de Muamba et sa faible résonance politico-médiatique. Volant à présent de ses propres ailes, mais sans briguer la magistrature suprême, le président de l’Alliance pour le développement et la République (ADR) a déclaré, le 1er octobre, que son parti travaillerait avec le vainqueur sorti des urnes. « Quel qu’il soit. »

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UN PARTISAN DU CHAIRMAN, EN 2006. L’opposant avait alors recueilli 42 % des voix. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


jeune afrique .com

Afrique subsaharienne

Ý Retrouvez l’interview d’Albert Tévoédjrè,

médiateur de la République

BÉNIN

Nouveau mandat, nouveau style Le chef de l’État s’y est engagé : ce deuxième quinquennat sera son dernier. Et il sera celui des réformes… Un volontarisme qui contraste avec le ton parfois brouillon des premières années.

PHILIP SCOTT ANDREWS/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

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À BARACK OBAMA, LE 29 JUILLET, le président a promis de ne pas se représenter.

B

oni Yayi se compare désormais à un couturier. Début septembre, devant des notables de Parakou (Nord), il annonçait avec une pointe d’humour qu’il avait pris la mesure des défis à relever au Bénin. « Je vais donc, à la fin de ce second mandat, terminer la vestequej’aicommencédecoudreaupeuple béninois en 2006 », a-t-il déclaré. Pour la circonstance, le couturier a enfilé un nouveau costume: celui de refondateur. Les réformes annoncées lors de son investiture, en avril, et destinées à « engager la transformation politique, sociale et économique » du Bénin nécessitaient un climat apaisé. Début août, les syndicats et le Premier ministre, Pascal Koupaki, ont signé un accord. La trêve est conclue pour trois ans, avec un objectif: l’efficacité. « Le travail productif et l’assiduité […] sont des exigences majeures de la démocratie et du renouveau économique », explique Koupaki. La nomination à la primature du «super-ministre»dupremiermandatobéit à la volonté du chef de l’État de soigner sa gouvernance après cinq années parfois chaotiques. Le poste de Premier ministre, prévumaisnonimposéparlaConstitution, était vacant depuis… 1998. Sur le plan politique, Yayi s’est réconcilié avec la famille emblématique de N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

l’opposition béninoise, les Soglo. Leur parti, Renaissance du Bénin (RB), reste membre de l’Union fait la nation (Un, coalition de l’opposition), mais estime que « refuser la main tendue du président pourrait être interprété par les populations comme une opposition à l’amélioration de leurs conditions de vie et au développement du pays ». De fait, les réformes autour desquelles Boni Yayi a fait campagne suscitent un engouement populaire. En atteste sa victoire dès le premier tour avec 53 % des voix, contre 36 % pour son principal concurrent, Adrien Houngbédji. Le Parti du renouveau démocratique (PRD) de ce dernier est aujourd’hui divisé. D’importants cadres, dont l’ex-secrétaire général, Moukaram Badarou, ont rejoint Yayi.

Confiant, le couturier a accéléré la cadence de sa machine à réformes. En commençant par l’économie, avec le Programme de vérification des importations (PVI), qui doit optimiser le recouvrement des recettes douanières. Les bailleurs defondsexigentunemeilleuremaîtrisedes ressources de l’État, largement tributaires des recettes fiscales et douanières – qui représentent environ 55 % du budget. En luttant contre la corruption, ce plan devrait en outre faire oublier le scandale des 100 milliards de F CFA (152 millions d’euros) détournés par ICC Services, structure de « placement » qui a grugé des milliers d’épargnants. Mais le PVI – confié à un proche du chef de l’État, le tout-puissant Patrice Talon, patron de Bénin Control SA – ne fait pas que des heureux. Parmi les mécontents, les douaniers, qui, voyant la manne s’envoler, ont répondu par des grèves (lire encadré). VISION CLAIRE. Yayi tente aussi de

réduire le train de vie de son gouvernement, passé de trente membres lors du premier mandat à vingt-six. Il a lancé un audit de toutes les structures gérant des fonds publics, y compris la présidence. « Il a changé par son style et sa méthode. Hier, il semblait chercher ses marques. Aujourd’hui, c’est un homme ferme avec une vision claire », confie l’un de ses collaborateurs. « Boni Yayi travaille pour que les réformes puissent être rapidement mises en œuvre, n’étant plus intéressé par un marché électoral à conquérir à tout prix », souligne Albert Tévoédjrè, médiateur de la République et confident du chef de l’État.

BONI YAYI FÂCHÉ CONTRE LES DOUANIERS PROTESTANT CONTRE le Programme de vérification des importations (PVI), les douaniers grévistes ont au moins réussi à faire l’unanimité contre eux. Fin septembre, BoniYayi a menacé, à la télévision nationale, de les radier de la fonction publique. Les opérateurs économiques, de leur côté, ont rappelé que leur grève sans service minimum allait peser sur « le consommateur final, qui sera obligé d’acheter très cher son produit ». Ironie de l’histoire : on aurait pu s’attendre à un mouvement de grogne des importateurs, qui sont les plus touchés par le PVI. Mais la majorité d’entre eux l’encourage, avec quelques réserves toutefois. ● A.S.K. JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

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L’opposition – ou ce qu’il en reste – fulmine. « Au Parlement, dominé par les Forces cauris pour un Bénin émergent [mouvance présidentielle, NDLR], même les exposés de motifs nous sont cachés, dénonce Basile Léon Ahossi, député de l’Un. Il n’y a aucune refondation. » tre réformes ont été votées, dont une loi anticorruption et une loi référendaire. Cette dernière ouvre la voie à la principale révision voulue par le chef de l’État: celle de la Constitution. « Ce n’est ni la priorité ni la chose la plus indispensable pour ce pays, proteste Me Jacques Migan, gardien autoproclamé du temple constitutionnel. Lorsqu’on ouvrira la boîte de Pandore, personne ne sait ce qu’il nous en coûtera. » Pourtant, fin juillet à la Maison Blanche, devant Barack Obama, Yayi s’est engagé à ne pas toucher à l’article 42, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Et « en prêtant serment devant la Cour constitutionnelle,ilabienditqu’ils’agissait de son dernier mandat. J’étais présent. J’ai entendu », affirme Albert Tévoédjrè. Amos Elègbè, conseiller spécial du chef de l’État aux affaires politiques, assure que celui-ci « respectera sa parole. Tant pis pour ceux qui doutent encore de sa bonne foi ».

Nomination d’un Premier ministre, audit des services publics… Il soigne sa gouvernance. Cette réforme est inscrite depuis trois ans sur l’agenda de Yayi. Le président avait confié la rédaction du projet au constitutionnaliste Maurice Ahanhanzo Glèlè, qui bénéficie d’une réputation d’homme intègre. Il veut apporter cinq grands amendements:lacréationd’uneCourdescomptes; l’institutionnalisation de la Commission électorale nationale autonome et celle du médiateur de la République, pour rendre ces organes plus indépendants; la révision du mécanisme de saisine de la Haute Cour de justice, pour responsabiliser davantage ministres et députés; la constitutionnalisation du code électoral. Dans l’atelier de couture du palais présidentiel, pas moins de vingt autres réformes attendent, dont la refonte de l’appareil judiciaire et le nouveau découpage territorial. Reste à voir si les Béninois trouveront, finalement, le costume à leur goût. ● ANDRÉ SILVER KONAN JEUNE AFRIQUE

DR

SERMENT. En août et en septembre, qua-

PRIX UNESCO-OBIANG NGUEMA IL EST URGENT D’ATTENDRE Cette fois encore, l’Unesco a décidé… de ne pas décider. Réuni à Paris, le 4 octobre, le conseil exécutif de l’organisation se penchait sur le prix Unesco-Obiang Nguema, offert par le président équato-guinéen et dont plusieurs ONG demandent l’annulation. Les cinquante-huit pays membres ont choisi de repousser le verdict au mois d’avril. Un groupe de travail, composé de dix-huit personnes (trois par région géographique), doit dans l’intervalle proposer une solution qui s’imposera à tous. Il y a un an, Américains et Européens pensaient

INTERNET LA LRA TRAQUÉE Un site web pour mieux suivre les déplacements de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Conçu par les ONG américaines Invisible Children et Resolve, lracrisistracker.com répertorie les attaques perpétrées par les rebelles ougandais en RD Congo, en Centrafrique et au Soudan du Sud ; le site mentionne aussi les arrestations de membres de la LRA. Il s’appuie notamment sur un système de communication radio qui doit permettre aux villages les plus éloignés de se tenir

s’être débarrassés du problème en obtenant la suspension du prix jusqu’à l’obtention d’un « consensus ». Mais, cette année comme en 2010, les Africains ont soutenu l’initiative équato-guinéenne. Il leur faudra, pour l’emporter, rallier à leur cause les pays asiatiques et sud-américains, jusque-là en retrait. Début juillet, Malabo a fait voter à l’Union africaine une résolution réclamant que le prix, doté de 3 millions de dollars (2,25 millions d’euros), soit enfin remis. Ce serait une première depuis sa création, en 2008. ●

informés les uns les autres et de se défendre. CENTRAFRIQUE PALABRES Un comité de conciliation a été créé en Centrafrique pour stopper les violences qui ont éclaté dans la région de Bria (Centre-Est), en septembre. Il s’est réuni pour la première fois à Bangui, le 4 octobre. En un mois, les affrontements entre deux anciens mouvements rebelles, l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) et la Convention des patriotes pour

la justice et la paix (CPJP), ont fait une soixantaine de victimes. OTAGES D’AQMI NIAMEY RASSURÉ Ils sont en vie… De passage à Paris début octobre, le Premier ministre nigérien, Brigi Rafini, a dit disposer d’informations « rassurantes » sur l’état de santé des quatre Français enlevés à Arlit (Niger) par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), en septembre 2010. Il n’a pas souhaité en dire plus sur la nature des preuves qui lui ont été fournies. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


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Afrique subsaharienne Interview

Henri Konan Bédié

« Gbagbo devra rendre des comptes au peuple ivoirien » En retrait, mais attentif. Si l’ancien chef de l’État n’est plus candidat à rien, il n’a pas renoncé à peser dans le débat public. Son but : assurer, le 11 décembre, un maximum de sièges de députés au Parti démocratique de Côte d’Ivoire, qu’il dirige toujours.

du ressort d’une juridiction internationale. Il n’y a pas d’autre issue. Surtout pour que l’on ne puisse pas parler de justice des vainqueurs. Qui pourra bénéficier de la loi d’amnistie de 2003 concernant les infractions portant atteinte à la sûreté de l’État ?

Propos recueillis par

U

PASCAL AIRAULT

n an après sa défaite au premier tour de la présidentielle ivoirienne, Henri Konan Bédié, 77 ans, semble presque soulagé de n’être plus candidat à rien. Son rôle d’aîné, distillant les conseils et recevant les honneurs, lui convient à merveille. Placide, économe en paroles et en gestes, l’ancien chef de l’État, qui nous reçoit dans son appartement du 16e arrondissement de Paris, signifie pourtant clairement qu’il ne se laissera pas dicter le scénario de son retrait progressif de la vie publique. Rallié à Alassane Ouattara entre les deux tours de l’élection, installé comme lui au Golf Hôtel pendant la crise, le « Sphinx de Daoukro»,toujoursàlatêteduPartidémocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), se fait discret avant de s’investir dans la préparation du scrutin législatif du 11 décembre. Il travaillera ensuite à la mise sur orbite d’un grand parti regroupant les formations du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Une sorte de retour au PDCI originel qui pourrait lui permettre d’entrer dans l’Histoire comme le réunificateur de la nation après la longue guerre de succession qui l’a opposé aux autres héritiers du père de l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny. Henri Konan Bédié a aussi décidé de se confier à un biographe. Sortie de l’ouvrage prévue en 2014. Bédié soufflera alors ses quatre-vingts bougies et pourra faire valoir son droit à la retraite. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

JEUNE AFRIQUE: Où étiez-vous le 11 avril, jour de l’arrestation du président déchu, Laurent Gbagbo ? HENRI KONAN BÉDIÉ : J’étais au Golf

Hôtel. Son arrivée a déclenché une clameur.Onm’ainforméqu’ilavaitétécapturé et j’ai alors ressenti un profond sentiment de soulagement. J’ai ensuite appelé le Premier ministre, Guillaume Soro, pour le féliciter du « travail bien fait ».

Tous ceux qui ont commis des actes mineurs. Ce qui n’est pas le cas des assassinsdujournalisteGuy-AndréKiefferoude ceuxdesdirigeantsdeSifca[YvesLambelin et deux de ses collaborateurs, NDLR]. Les crimes de sang ne seront pas amnistiés. Les avocats de Gbagbo se plaignent de sa détention arbitraire et de ne pas le voir aussi souvent qu’ils le désirent…

C’est de la manipulation. Gbagbo a toujours eu accès à ses défenseurs, à condition que ceux-ci respectent la procédure.

Les crimes de sang, comme l’assassinat du journaliste Guy-André Kieffer ou des dirigeants de Sifca, ne seront pas amnistiés. L’entourage de Gbagbo est-il responsable de son entêtement durant la crise ?

Je ne crois pas à cette thèse. Laurent Gbagbo était en phase avec son entourage et il était le véritable donneur d’ordres. À ce titre, il devra rendre des comptes pour les milliers de morts et les atrocités commises pendant la crise postélectorale. Doit-il être jugé en Côte d’Ivoire ?

Il a été inculpé en Côte d’Ivoire pour des crimes économiques. La Cour pénale internationale est aussi en train d’enquêter sur les plaintes déposées par des victimes pour des actes très graves. Or les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les violations des droits de l’homme sont

Les Forces nouvelles (FN) sont accusées de crimes dans l’Ouest. Doivent-elles rendre des comptes à la justice ?

Ma position est claire: aucune impunité. Ni pour les Forces nouvelles, ni pour les forces anciennes [l’armée régulière]. Revenons à la présidentielle. Comment avez-vous accueilli votre échec ?

Avec indignation. Le Front populaire ivoirien [parti de Laurent Gbagbo] a organisé une fraude massive dans les régions qui m’étaient favorables. J’ai fait des réclamations, mais la Commission électorale indépendante ne m’a pas suivi. Alors j’ai fait en sorte qu’Alassane Ouattara soit soutenu par tous les partis du RHDP. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Ý DANS SON APPARTEMENT du 16e arrondissement de Paris, le 19 septembre. Avez-vous pris part à toutes les décisions stratégiques ?

Le président Ouattara m’a consulté à chaque fois que la situation l’exigeait. Nos appartements à l’hôtel étaient l’un en face de l’autre. La division des pays africains sur le cas ivoirien vous a-t-elle surpris ?

Il fallait s’y attendre. L’unité africaine est toujours difficile à obtenir. La page étant tournée, quelles sont vos ambitions pour les législatives ?

Avec le redécoupage électoral, l’Assemblée nationale va passer de 235 à 255 sièges. Nous nous organisons pour en obtenir le maximum.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Vous parlez d’aller aux élections en rangs dispersés mais pas opposés. Que voulezvous dire ?

N’avez-vous pas manqué de pugnacité dans vos requêtes ?

Il fallait tourner la page pour ne pas bloquer le processus électoral. Après avoir discuté avec Ouattara, nous nous sommes préparés pour la bataille finale. J’ai appelé à voter pour lui, me suis impliqué avec mes cadres dans la mobilisation des électeurs, etmesuismêmeprêtéauxcampagnesd’affichage, où l’on me voit accompagnant le président,enaîné.EnAfrique,lessymboles ont toute leur force de persuasion. Beaucoup doutaient de la solidité de cette alliance…

Gbagbo non plus n’y croyait pas. Mon mot d’ordre a été suivi à plus de 80 %. Pour

JEUNE AFRIQUE

les Ivoiriens, il s’agissait, ni plus ni moins, de sortir de la dictature. Avez-vous douté pendant cette crise ?

Défenseur d’une cause juste, je n’ai jamais connu le doute. Il y a eu des moments difficiles, notamment lorsque nos militants et les populations ont été pris pour cibles. J’ai exprimé ma solidarité au président Ouattara en restant à ses côtés au Golf Hôtel, sous la menace des bombes. Et, politiquement, j’ai tout fait pour l’aider ; j’ai notamment demandé à Gbagbo de faire preuve d’élégance en acceptant le verdict des urnes. Très vite, il s’est avéré que seul le recours à la force pourrait débloquer la situation.

Il y a des situations où le bon sens nous amène à présenter des candidatures uniques. Tous les partis de la coalition houphouétiste [PDCI, Rassemblement des républicains, Mouvement des forces d’avenir, Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire, Union pour la Côte d’Ivoire] ont chacun leur fief. Dans ce fief, lapolepositionrevientaucandidatduparti qui se présentera sous sa bannière. Mais le compromis et le consensus ne seront pas possibles partout. Il devrait donc y avoir aussi des duels, notamment dans les grandes villes. Si le PDCI arrive en tête, revendiquerezvous le perchoir ?

Nous en discuterons le moment venu avec le président Ouattara. Ce n’est pas forcément le parti arrivant en tête qui obtiendra la présidence de l’Assemblée. Nous pourrons nous mettre d’accord sur une personnalité. Ou laisser tout simplement les députés choisir leur président. Souhaitez-vous que le futur Premier ministre soit issu du PDCI ?

C’est ce qui est prévu dans nos accords. Le nom de Daniel Kablan Duncan, ministre des Affaires étrangères, est évoqué…

Il est trop tôt pour avancer un nom. Les compétences ne manquent pas au N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Afrique subsaharienne Interview PDCI. Dans la mesure où nous voulons rassembler, le futur gouvernement devra surtout tenir compte de l’équilibre régional. Il est évident que ce sera sur une base politique. Mais on pourra aussi ouvrir le gouvernement aux partis de l’opposition et à la société civile. Comment envisagez-vous l’arrivée des FN au sein du RHDP ?

libéral, social, empreint des valeurs de l’houphouétisme. Mais, en tout cas, pas socialiste. Avant l’unification, toutes les formations tiendront leur congrès afin de faire leur bilan et de préparer l’avenir. Avez-vous participé au choix de Charles Konan Banny pour présider la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation ?

Les FN ne sont pas encore un parti politique. Donc la question ne se pose pas.

Le président Ouattara m’a demandé mon avis. J’ai approuvé sa décision. Nous lui faisons entièrement confiance.

Guillaume Soro et plusieurs de ses proches devraient toutefois se présenter aux législatives.

Confier ce chantier à un homme politique ne compliquera-t-il pas la réconciliation ?

Il s’agit de candidatures individuelles.

Êtes-vous prêt à leur ouvrir un certain espace ?

Les FN sont, pour l’instant, des électeurs du RHDP.

Tous les membres de la commission doivent prendre de la hauteur et se comporter de façon neutre pour conduire la réconciliation. Le citoyen Konan Banny conserve tous ses droits. Mais je ne pense pas qu’il soit candidat à autre chose durant son mandat à la tête de la commission.

Soro doit-il lancer son propre parti ?

Cela n’est pas facile de créer un parti. Notre pays en compte plus de cent vingt. Combien d’entre eux ont une réelle assise nationale ? Il faut beaucoup de moyens pour lancer et entretenir une formation. Craignez-vous pour la transparence du scrutin ?

Un mandat de deux ans: n’est-ce pas trop court pour réconcilier les Ivoiriens ?

Cela prendra beaucoup plus de temps. Mais ces deux années doivent permettre d’avancer en jetant les bases d’une réconciliation durable.

Quelle période doit-on prendre en compte pour l’exercice de catharsis nationale ?

Il reste des poches d’insécurité, mais les choses rentrent progressivement dans l’ordre. On demandera à la police et à la gendarmerie de sécuriser le scrutin.

Tout dépendra des enquêtes préliminaires et du désir des victimes.

Que deviendra le RHDP après les élections législatives ?

Quelle sera votre réaction si on vous demande de participer, avec le président Ouattara, pour faire le bilan de la guerre des héritiers d’Houphouët-Boigny ?

L’objectif est de réaliser la fusion de tous les partis dans une grande formation. Pour le moment, les discussions sont en

C’est beaucoup plus de la guerre des assaillants qu’il convient de parler. Pour

Dans la mesure où nous voulons rassembler, le futur gouvernement devra surtout se soucier de l’équilibre régional. veilleuse car nous voulons d’abord passer le cap des élections législatives, municipales et régionales. Nous y repenserons à partir de l’an prochain.

ma part, j’ai déjà participé à un forum de réconciliation du temps de Robert Gueï. Hélas, on n’a pas tenu compte des recommandations faites à l’époque.

Quelle sera la ligne idéologique de ce grand parti ?

Quel regard portez-vous sur la relance économique ?

Ce sera un parti national, un rassemblement pour la paix, la reconstruction et le développement. Il devrait être démocrate,

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Le Fonds monétaire international [FMI] vientdereleverlesprévisionsdecroissance de la Côte d’Ivoire à 8,9 % pour l’année

2012. C’est très encourageant. Notre pays va sortir très rapidement de la crise. Y a-t-il un effet Ouattara ?

Incontestablement.Ilaimprimésonstyle de travail au gouvernement. On le verra davantage dans les prochains mois. Que pensez-vous du tandem qu’il forme avec Guillaume Soro ?

Ils se complètent bien. Soro étudie les dossiers et travaille énormément. Êtes-vous content des ministres PDCI ?

Ils sont parmi les plus sérieux et les plus appliqués. Le ministre des Infrastructures économiques, Patrick Achi, fait beaucoup pour relancer les grands chantiers. Les dernières attaques dans l’ouest du pays vous inquiètent-elles ?

Oui et non. Oui, car elles se sont soldées par des morts. Non, parce que le processus de sécurisation est bien engagé. Selon l’accord de Ouagadougou, les commandants de zone devaient être mis à la retraite. Ils sont maintenant intégrés dans les différentes chaînes de commandement. Qu’en pensez-vous ? JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Ý Au premier tour de la présidentielle, le candidat du PDCI (ici en meeting, le 27 octobre 2010) était arrivé TROISIÈME AVEC 25,24 % DES VOIX.

relation avec la France, qui est notre premier partenaire commercial. Beaucoup d’entreprises françaises se sont implantées dans notre pays. C’est un atout à préserver. Cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’un partenariat exclusif. Notre pays est ouvert aux opérateurs économiques d’autres États. Quel regard portez-vous sur les révélations de Robert Bourgi sur le financement de la droite française par les présidents africains ?

LUC GNAGO/REUTERS

Sa démarche médiatique me surprend. Je la désapprouve. J’attends de le voir pour qu’il m’explique ses raisons.

Historiquement, ils faisaient partie de l’armée nationale. Ils ont leur place et sont à leur place dans la nouvelle armée. L’intégration dans l’armée de 9000 soldats des FN, venant majoritairement du Nord, ne repose-t-elle pas le problème de la tribalisation de la Grande Muette ?

le système d’accaparement des richesses mis en place dans le nord du pays ?

Je ne crois pas. Tout change rapidement en Côte d’Ivoire. Si elles ne jouent pas le jeu, elles seront sanctionnées. Qu’attendez-vous du président burkinabè, Blaise Compaoré ?

La refonte de l’armée a fait l’objet d’accords et de règlements entre les responsables militaires de tous les camps. Il n’y a donc pas lieu d’avoir peur.

Son action touche à sa fin. Il a bien travaillé en tant que facilitateur.

Encouragez-vous les FRCI à rentrer dans les casernes ?

LaCôted’Ivoiredoitêtreunpaysdepaix, de développement et de prospérité. Elle doit être une locomotive pour l’Afrique de l’Ouest et une terre de fraternité.

Dans tous les pays du monde, la place des militaires est dans les casernes, pas dans les rues. N’avez-vous pas peur que les forces armées perpétuent, à l’échelle nationale,

De quelle Côte d’Ivoire rêvez-vous pour demain ?

Quel rôle la France doit-elle jouer dans ce processus de relance ?

Nous sommes très attachés à cette

N’est-ce pas un appel du pied à Nicolas Sarkozy, qui, semble-t-il, n’a plus recours à ses services ?

S’il s’agit de cela, cela ressemble à du chantage pour avoir le son.

Avez-vous eu vent de financements de politiques français par les dirigeants ivoiriens ?

Moi,j’aidesmallettesdepapiers[pleines de documents]. Les autres mallettes, je ne les connais pas. Quel est votre avenir politique ?

Je suis président du PDCI-RDA [Parti démocratiquedeCôted’Ivoire-Rassemblement démocratique africain] et à la tête du RHDP. Pour le reste, je ne cours plus après rien. Ni après l’argent, ni après le pouvoir, ni après un poste dans une organisation internationale. Je suis un citoyen libre et indépendant qui peut toujours donner des conseils… Est-ce l’heure d’écrire vos mémoires ?

Je vais me confier à Frédéric Grah Mel, biographe de Félix HouphouëtBoigny. Mais on va prendre le temps de bien faire les choses. Après tout, je suis encore jeune. ●

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Maghreb & Moyen-Orient

REPORTAGE

Amazighs

Portés par la révolution libyenne, les Berbères veulent désormais unir leurs voix et peser politiquement. Première tentative lors de leur sixième congrès mondial, du 30 septembre au 2 octobre, à Djerba. YOUSSEF AÏT AKDIM,

E

envoyé spécial à Djerba

n ce début d’automne, les établissements de l’île tunisienne ne font pas le plein de touristes. C’est donc avec bienveillance que les employés de l’hôtel Alkantara (« le pont », en arabe) accueillent les retrouvailles des militants amazighs. Bien qu’un peu intrigués au départ par cet arrivage bigarré, les locaux sont curieux de cette culture et de cette langue, qu’ils connaissent mal. « Ici, il y a bien quelques Berbères, mais ils restent très minoritaires », explique Salem, habitant de Djerba qui se dit « arabe et musulman comme tous les Tunisiens ». Or il y a bien des berbérophones à Djerba, notamment les Guellala, une population en grande partie arabisée. La généralisation de l’enseignement depuis Bourguiba a effacé progressivement les traces de la présence berbère. Un constat partagé par Khadija Ben Saïdane, présidente de l’Association tunisienne de la culture amazigh, qu’elle vient de créer. « Les Amazighs sont certes une minorité, mais ils méritent que leurs droits soient reconnus politiquement et culturellement. Sous le régime Ben Ali, nous avons fait épingler le gouvernement tunisien par l’ONU pour discrimination », se félicite cette jeune femme de 26 ans qui poursuit des travaux de recherche sur la culture amazigh. Élue vice-présidente de ce Congrès mondial amazigh (CMA), elle devra donner corps au mouvement berbère dans son pays. Aujourd’hui, la priorité est à la politique. Face à la défiance des partis et des élites de Tunis, Ben Saïdane dénonce un « négationnisme » et envisage de se porter candidate à l’Assemblée constituante pour défendre la reconnaissance de l’amazighité dans la future Loi fondamentale. Organisé à Djerba à la fois pour donner une impulsion au mouvement berbère tunisien naissant et saluer la montée en puissance réelle des « frères libyens », le CMA prend ses marques dans un hôtel discret, à l’écart de l’animation toute relative de la zone touristique. La grand-messe N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

La grand-messe a réuni des délégués venus des ÎLES CANARIES, DU MAROC, D’ALGÉRIE, DE LIBYE ET DE LA DIASPORA, surtout européenne.

brasse de plus en plus large, avec des congressistes venus des îles Canaries, du Maroc, d’Algérie, de Libye et de la diaspora, surtout européenne. La plupart ne se sont pas vus depuis le précédent congrès, à Meknès, en 2008. Rachid Belkhir est originaire de Aïn Touta, dans la wilaya de Batna (Est). Ce Chaoui, directeur d’une école d’infirmiers, assiste pour la première fois à un CMA. Il est venu par la route avec un ami, berbère comme lui. Chez lui, Belkhir est une mini-célébrité. En octobre 2000, il avait saisi la justice contre le refus de la mairie d’Aïn Touta d’inscrire ses jumeaux sur les registres de l’état civil. Pour les autorités locales, les prénoms de Gaïa et Macipsa « ne sont pas algériens ». Après trois ans de procédure, il obtient gain de cause. À Djerba, un militant JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

de tous les pays… froisse parfois les Chaouis et les Mzabis, deux autres composantes berbères du pays. Lors du congrès, des invités de ces deux régions ont contesté la répartition des délégués élus au Conseil fédéral du CMA. Les anciens statuts prévoient 10 sièges pour les Marocains, 10 pour les Algériens, 10 pour la diaspora, 3 pour les Canaries, 4 pour les Touaregs, 2 pour les Libyens. Approuvé lors de ce congrès, le nouveau dispositif ajoute 5 représentants pour la Tunisie et porte le nombre de délégués libyens à 5. Mais lors des conciliabules entre congressistes, le ton est monté entre Algériens. Les Kabyles, venus en force, proposent 2 places sur 10 aux Chaouis et Mzabis, qui en réclament 4. Niet. Les Chaouis et les Mzabis quittent le congrès, furieux. « C’est une hogra! Nous sommes autant amazighs que les Kabyles ! » s’indigne un Chaoui. En coulisses, les associations kabyles admettent qu’elles se méfient de certaines personnes, soupçonnées d’être à la solde du pouvoir algérien.

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

CONSENSUS. Le journaliste marocain Mounir Arjdal s’essaie à l’exégèse des statuts du CMA : « En théorie, seules les associations formées, actives depuis plus de deux ans et cooptées par des membres sont admises. En pratique, les invités du congrès ne doivent même pas se porter candidats. » Il en va ainsi entre Berbères : le consensus est systématiquement recherché, même quand le conflit paraît inévitable. Au fil du congrès, les jeunes militants présentent leurs candidatures aux responsabilités. Prudents, les sages se succèdent pour leur rappeler que « tout poste est une charge, pas une distinction ». La tradition des jamaa [assemblée tribale, NDLR] demeure, et le consensus est préservé. Juste après l’ouverture des travaux du congrès, le 1er octobre, toute la salle s’est levée pour l’hymne national libyen, en amazigh bien sûr. Debout, Fethi Benkhlifa (lire p. 48) savoure le moment. Quelques jours plus tôt, le 26 septembre, l’homme avait frappé un grand Vexés par les Kabyles, coup en organisant une conféles Chaouis et les Mzabis rence nationale amazigh à l’hôquittent la salle. tel Al-Mahary de Tripoli, où une assemblée de jeunes militants, d’étudiants, d’intellectuels et de notables était venue assister à la naissance d’un front (lobby ? futur parti ?) berbère. Impensable sous Kaddafi ! Pour marquer le coup, une foule de manifestants déploie le drapeau amazigh sur la place des Martyrs, où la sécurité est assurée par les rebelles du Djebel Nafoussa. Une véritable démonstration de force, à

de France lui suggère de créer une association consacrée à la question des prénoms. NOUVEAU DISPOSITIF. Ce genre de rencontres

est la raison d’être du CMA. Depuis sa création, en 1995, en France, le congrès garde des liens très forts avec l’Hexagone, où vit d’ailleurs une importante diaspora. Jusque-là, le français était la langue de communication principale du CMA, permettant de rallier les non-berbérophones sans utiliser l’arabe. Cette année, l’arrivée de non-francophones a posé quelques soucis de traduction, allongeant d’autant la durée des interventions. Car, en plus du protocole linguistique, il fallait aussi gérer les sensibilités régionales. En Algérie, les Kabyles mènent depuis l’indépendance le mouvement berbériste, ce qui JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient l’heure où les discussions sur la future Constitution divisent déjà Arabes et Amazighs. « La déclaration constitutionnelle d’août dernier nous a déçus. Nous, Amazighs, récusons le maintien de l’arabe comme seule langue officielle de la nouvelle Libye », tonne Fethi Benkhlifa. En coulisses, ce militant a bien préparé son élection à la tête du congrès. Le soutien du Marocain Khalid Zerrari – vice-président dans l’équipe précédente menée par le Kabyle Lounès Belkacem – est un atout supplémentaire. Jusqu’à la dernière minute, Zerrari laisse planer la possibilité d’une candidature, avant d’être reconduit à son poste, à 5 heures du matin. LOBBYING. Enfindecongrès,lesalliancessenouent

enfin. Le nom de Benkhlifa revenait déjà en force dans les milieux associatifs amazighs pour succéder à Belkacem. « C’est l’alliance de l’argent libyen, du capital militant kabyle et de la modération marocaine », se félicite, malicieux, le vieux briscard. Mais ces manœuvres dépassent un peu certains militants « de base » aux préoccupations plus terre à terre. Parmieux,SorayaSough,présidentede l’association

féministe Antinea, qui voudrait que le CMA se professionnalisedavantage.«Lesvéritablesenjeuxpour les Amazighs se jouent à un niveau international, danslescomitésonusienscontreladiscriminationet pour les droits des minorités », précise cette Kabyle basée à Barcelone. Dans un mouvement de défi, elle se porte même candidate à la présidence, avant de claquer la porte. À Tripoli, Arabes et Revenueàdemeilleurssentiments Berbères s’opposent sur le lendemain, elle continuera son lobbying pour faire du CMA une la future Constitution. ONG écoutée à l’international. Le congrès se termine par les échanges de cartes et les contacts pris pour l’avenir. En 2009, Jeune Afrique s’inquiétait des dérives possibles de l’amazighité: « Les menaces viennent du CMA, fondé en 1995. […] Objectif de cette ONG qui agit dans l’ombre de l’ONU: la renaissance d’une nation tamazgha qui englobe l’Afrique du Nord, le Sahel et les Canaries. » Aujourd’hui,aprèslaconstitutionnalisationdel’amazighité au Maroc, la poussée des Berbères libyens et la dédramatisation de la question en Tunisie, il est permis d’espérer une autre issue. ●

Fethi Benkhlifa ou la fierté retrouvée Élu à la tête du Congrès mondial amazigh, ce militant libyen de la première heure veut convertir le rôle des siens pendant la révolution en capital politique dans l’après-Kaddafi.

C

de la Justice et continue de voyager entre les Pays-Bas, la Libye et le Maroc. Son portable marocain « fonctionne partout ». Car s’il garde des attaches à Rabat, où sa femme et le puîné de ses enfants habitent toujours, il enchaîne les voyages depuis huit mois pour faire entendre la cause des Amazighs libyens. Le 26 septembre, il coordonne, à Tripoli, la Conférence nationale amazigh. Depuis, il continue de faire pression sur le Conseil national de transition pour obtenir l’officialisation de la culture amazigh dans la future Constitution.

néerlandais qui lui prépare de nouveaux est un homme pressé mais papiers,ilexpliquequelepatronymemême discret. À 46 ans, Fethi Benkhlifaadéjàuneviebien est cause de soucis sous Kaddafi. « Vous rempliederrièrelui.Homme êtes maintenant dans un pays libre, choiaux multiples casquettes, il a vécu en exil sissez le nom qui vous convient! » rétorque prèsdevingtans.Déjàenfant,ilprend conscience de son identité amazigh: « Je suis redevable à ma grand-mère de la moitié de ma culture populaire. Elle ne parlait pas d’autre langue que le tamazight. » Ingénieur en énerREDITE ? Pour ce militant laïc, le gie atomique, formé à Moscou, il danger n’est pas tant l’islamisme des retourne au pays mais ne trouve pas Frères musulmans que le consensus sa place dans le système Kaddafi. lâche autour de la charia : « En tant qu’Amazighs, nous sommes oppoMilitant amazigh depuis ses années d’étudiant,iltrouveunpointdechute sés à l’uniformité culturelle, qu’elle à Rabat, où il épouse la fille de l’actuel soit sous la bannière de l’arabe ou ministre des Affaires islamiques et de l’islam. » Tant que la libération « C’est L’ALLIANCE de l’argent libyen, du capital intellectuel amazigh Ahmed Toufiq. totale de la Libye n’est pas achevée, militant kabyle et de la modération marocaine », Cette parenté avec le Makhzen ne l’idée d’un parti politique berbère s’est-il félicité. n’est pas à l’ordre à jour. Mais après? le protège pas de la vengeance du « Tout est possible. » Visage média« Guide ». Sur pression de Kaddafi, le Batave. Résultat, Dr Benkhlifa devient tique de la fierté retrouvée des Berbères il est expulsé du Maroc en 2010, après seize ans de résidence, et doit abandonner Mr Nkhlifa, né à Zawara, Libye. Une revande Libye aujourd’hui, opposant amazigh affaires et famille. che symbolique mais attestée par la carte demain? Pour Benkhlifa, l’avenir pourrait de résident. Aujourd’hui, Benkhlifa est offiêtre une redite du passé. ● Apatride, privé de documents officiels, ciellementconseillerdunouveauministère Y.A.A. il émigre aux Pays-Bas. Au fonctionnaire NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

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JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient ISRAËL

Une dame de fer et de cœur

MOTI MILROD/HAARETZ

L’élection d’une authentique candidate sociale-démocrate à la tête du Parti travailliste pourrait rééquilibrer le paysage politique. Et préparer l’alternance.

U

ne femme au verbe haut, dotée les étudiants ont vite rallié Yacimovitch, d’un sens aigu de la vertu et tout comme la puissante Histadroute, la haïssant les riches. Telle est le principale centrale syndicale. profil de Shelly Yacimovitch, « Voilà une nouvelle opportunité pour nouvelle figure de proue de la gauche redresser notre parti », déclarait la nouisraélienne et synonyme d’espoir pour une velle chef de la gauche israélienne lors de son discours d’investiture, consciente large frange de l’opinion. Le 21 septembre, cette ancienne journaliste de 51 ans, mère qu’elle ne dispose que de peu de temps de deux enfants, remportait les primaires du Parti traElle avait appelé Benyamin vailliste. Au second tour du Netanyahou à reconnaître scrutin, elle a obtenu 54 % des suffrages, contre 46 % l’État palestinien à l’ONU. pour l’ancien ministre de pour convertir son capital de sympathie la Défense, Amir Peretz. Sa victoire est en réservoir électoral. Alors que les prod’abord celle de la jeune génération du chaines législatives sont annoncées pour parti, qui prône un retour aux « racines 2013, un récent sondage du quotidien sociales-démocrates ». Haaretz révèle que, sous l’impulsion de Yacimovitch, les travaillistes passeraient 2013 EN LIGNE DE MIRE. Dès l’entame de sa carrière de députée, en 2006, Shelly de huit à vingt-deux sièges à la Knesset. Yacimovitch fait de la lutte contre les Un résultat qui permettrait au parti de injustices sociales son unique leitmotiv. reconstituer une force d’opposition Ce thème a logiquement marqué sa camcrédible face au Likoud de Benyamin pagne, rencontrant un large écho chez Netanyahou. « Nous avons l’intention les « indignés », dont les revendications de présenter une véritable alternative à ont animé la vie politique du pays durant la droite, car il n’y en a aucune à l’heure tout l’été. En première ligne sur le terrain, actuelle », estime Yacimovitch. Pour

JEUNE AFRIQUE

Kadima, la menace est d’autant plus sérieuse que la formation centriste dirigée par Tzipi Livni a beaucoup déçu dans son rôle d’outsider, même en mettant un point d’honneur à ne pas siéger dans l’actuel gouvernement. LUCIDE. Première femme élue à la tête des travaillistes depuis Golda Meir en 1969, Yacimovitch assume volontiers l’héritage historique du mouvement. « Les socialistes ont bâti le pays, et il est grand temps de rebâtir l’État d’Israël », martèle-t-elle à chacune de ses interventions. Sauf que l’état d’émiettement du parti, miné par les divisions et les luttes d’ego, laisse nombre d’observateurs sceptiques sur sa capacité à ramener la gauche au pouvoir. Comme s’ils ne s’étaient toujours pas remis de l’assassinat d’Itzhak Rabin, les travaillistes peinent à retrouver un semblant d’équilibre. Après avoir vu se succéder à sa tête Ý SHELLY YACIMOVITCH, plus de sept leale 22 septembre, ders en dix ans, le lendemain mouvement a égade sa victoire, lement connu deux à l’institut schismes majeurs : universitaire Beit Berl, le premier en 2006, à Kfar Saba. lors de la création du parti Kadima par Ariel Sharon, conséquence du retrait israélien de Gaza ; le second en janvier dernier, à l’issue du départ précipité d’Ehoud Barak, décrié pour ses participations successives à des coalitions de droite et largement tenu pour responsable du déclin des travaillistes. Pour réunifier le parti, Shelly Yacimovitch devra user de sa réputation de « dame de fer ». Mais la route promet d’être longue et semée d’embûches. « Nous pouvons revenir au premier plan, mais pas tout de suite », prévient-elle, lucide. Il demeure un point essentiel sur lequel la nouvelle patronne de la gauche israélienne devra rapidement clarifier ses intentions : les Palestiniens. Après avoir tenu des propos ambigus sur la colonisation, Yacimovitch cherchera à ressusciter l’illustre camp de la paix que son parti avait incarné durant les accords d’Oslo. Hasard du calendrier, sa prise de fonctions avait coïncidé avec la demande d’adhésion de l’État palestinien à l’ONU. Elle avait appelé le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, à le reconnaître aux côtés d’Israël. ● MAXIME PEREZ, à Jérusalem N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient

Karim Ghellab « La Koutla n’est pas morte »

budget général d’investissement de l’État, ce qui est tout à fait soutenable.

Le ministre marocain des Transports, membre du comité exécutif de l’Istiqlal, évoque le TGV Tanger-Casablanca, mais aussi les élections législatives de novembre, les islamistes et le reste de l’échiquier politique.

Tous les grands programmes qui tirent le pays vers un avenir meilleur suscitent ce genre d’interrogations. C’était le cas des autoroutes, jugées trop en avance il y avingt-cinqansetplébiscitéesaujourd’hui, ouleportdeTanger-Med,ilyadixans.Mais nous avons le devoir de mieux expliquer.

K

arim Ghellab, 45 ans, occupe une place à part dans la classe politique marocaine. Ingénieur des Ponts, il a dirigé différents départements du ministère des Transports avant d’en prendre la tête en 2002. Désigné au titre de l’Istiqlal, avec lequel il entretenait des relations surtout familiales, il a éprouvé le besoin de régulariser sa situation en se donnant une légitimité démocratique. Et c’est dans une circonscription populaire de Casablanca qu’il a arraché de haute lutte un mandat local, puis national. Depuis, à l’Istiqlal, il est chez lui. Au dernier congrès, il a été élu au comité exécutif. À la quatrième position, loin devant des dinosaures. Aprèsl’adoptiondelaConstitution,le roi a fait observer que le pays entrait dans une nouvelle période et que chaque période avait ses propres hommes. Une manière élégante d’inviter certains personnages brejnéviens à « dégager ». Karim Ghellab, lui, appartient à la génération qui, après les élections de novembre, va s’affirmer sur le devant de la scène. À Jeune Afrique, il a parlé bien entendu du TGV, mais aussi des islamistes et des alliances qui se nouent ou s’effilochent.

dernières années, le budget de l’Éducation nationale a augmenté de 28 %, pour atteindre 50 milliards de dirhams par an (environ 4,5 milliards d’euros), et celui de la Santé, qui dépasse les 10 milliards de dirhams, a crû de 34 %. Les 3 milliards d’euros que vous avez cités après d’autres ne constituent pas le budget du TGV. Il s’agit des investissements ferroviaires sur cinq ans de l’Office national des chemins de fer [ONCF], et ils portent aussi sur d’autres opérations. Le TGV, c’est 1,8 milliard d’euros et, dans cette somme, les trois quarts sont des crédits exclusivement mobilisés pour ce projet. La part qui peut être utilisée pour d’autres priorités et qui relève du budget de l’État représente 500 millions d’euros. Une part est financée par le Fonds Hassan-II et le reste par l’État, soit 75 millions d’euros par an sur six ans. Cela correspond à 1,4 % du

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Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’appel d’offres ? La France était-elle le meilleur partenaire ?

Les Français ont apporté des conditions de financement exceptionnelles. Ils financent la moitié [dont un crédit de 350 millions d’euros avec un taux d’intérêt de 1,2 %, sur quarante ans]. Et puis la France est l’un des deux pays, avec le Japon, qui maîtrisent le mieux cette technologie. On a mis en place un transfert de technologie et on va créer un institut ferroviaire spécialisé de la grande vitesse. Le TGV ne sera-t-il pas réservé à une élite ?

Pas du tout, nous nous engageons à ce que les mêmes catégories socioprofessionnelles qui prennent le train aujourd’hui le prennent encore demain.

Leréseauautoroutierestpasséde450km en 2003 à 1416 km aujourd’hui. Toutes les villes de plus de 400000 habitants sont ou seront desservies d’ici à 2015 par une autoroute. Le Maroc est sur la carte mondiale des ports avec Tanger-Med. Nous sommes connectésaumondegrâceàl’OpenSkyavec un traficaérienqui est passé de 5 millionsà 15millionsdepassagers.Toutcelaaapporté des centaines de milliers d’emplois, en particulier dans le BTP. Désormais, plusieurs régions, comme l’Oriental ou le Sud,sontdésenclavéesetontunavenir prometteur. Ce sont des messages forts pour attirer des investisseurs là où ils n’allaient plus.

JEUNE AFRIQUE : Les travaux du TGV Tanger-Casablanca ont été lancés le 29 septembre. Est-ce que le Maroc a vraiment besoin d’un TGV ? N’y a-t-il pas d’autres priorités? Les 3 milliards d’euros ne pourraient-ils pas être mieux utilisés en ces temps de crise ? KARIM GHELLAB : Le TGV constitue

une priorité dans le cadre de la politique des grands chantiers. Le Maroc en a besoin pour promouvoir l’emploi et développer les régions. L’évolution des transports nécessite aujourd’hui le développement du train à longue distance, laquelle impose la technologie du TGV. Mais les priorités sociales ne sont pas négligées pour autant. Au cours des trois

Comprenez-vous que ce projet ait pu choquer ?

Pourriez-vous esquisser un bilan des grands travaux ?

La politique des grands travaux estelle appelée à se poursuivre ?

JOELLE VASSORT/MAXPPP

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Bien sûr, c’est une politique que Sa Majesté suit avec intérêt. Le programme TGV en est une étape majeure. Il reliera d’abord Tanger à Casablanca, puis à Marrakech et à JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Agadir, etc. Les tramways? Ceux de Rabat et Casa sont en cours, mais d’autres villes moyennes de plus de 500 000 habitants devraient en être dotées. Cette politique contient aussi de gros investissements dans l’énergie et dans les programmes de développement urbain comme les villes

jeunesse istiqlalienne en mettant à profit le réveil de la jeunesse arabe. Si l’Istiqlal arrivait à nouveau en tête, verrait-on des visages plus jeunes sur le devant de la scène ? Serait-il concevable qu’un homme, ou une femme, de

Le projet de société du PJD n’est pas compatible avec le nôtre. nouvelles.C’estparcequ’ilmaîtrisesadette que le Maroc peut se le permettre: son taux d’endettement est de 52 %, alors qu’en Europe presque aucun pays ne respecte le taux de 60 % édicté par Maastricht. Avec la nouvelle Constitution, les élections ont un enjeu majeur. Comment votre parti va-t-il assurer une meilleure participation qu’en 2007 ?

Cette question se pose à tout le monde. De notre côté, nous allons mobiliser les jeunes à travers notre organisation de la

40-50 ans accède au poste de chef de gouvernement ?

C’est tout à fait concevable. Même si la compétence compte plus que l’âge…

En cas de victoire du Parti de la justice et du développement (PJD), l’Istiqlal s’allierait-il avec lui ?

Les alliés naturels de l’Istiqlal, c’est la Koutla [Istiqlal, USFP, PPS]. Le projet de société du PJD n’est pas compatible avec le nôtre, ce n’est pas un bon message pour clarifier le champ politique. L’Istiqlal ne

Partager g le sourire e de millions de planteurs planteu urs En tant que leader international et Chef de file mondial dans la gestion de la « Supply Chain », Olam a engagé des partenariats avec les planteurs en Afrique et dans les pays émergents. Nous nous basons sur notre Charte de Développement Durable « Livehood Charter » pour créer un partenariat gagnant avec les planteurs, basé sur la transparence et la confiance. Nous

renforçons les capacités des planteurs en mettant à leur disposition du financement de campagne, en leur fournissant des formations d’outils et des techniques pour améliorer les rendements et la qualité des récoltes et en les mettant en relation avec les principaux marchés mondiaux. Au travers de ces démarches, Olam a contribué à l’amélioration des revenus de plus de 1,5 million d’agriculteurs en Afrique en apportant à nouveau le sourire sur le visage de ceux qui en ont le plus besoin.

Olam est présent en :

Afrique du Sud, Algérie, Angola, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Liberia, Mozambique, Nigeria, Soudan, Tanzanie, Togo, Uganda, Zambie, Zimbabwe. Olam International Limited

9, Temasek Boulevard #11-02, Suntec Tower 2, Singapore 038989 Tel: (65) 63394100 - Fax: (65) 63399755

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cherche pas à tout prix à être au gouvernement. Il n’y siégera que s’il peut mettre en œuvre son programme et son projet de société. La Koutla existe-t-elle encore ?

Parfaitement ! Elle a même pris une décision importante : quels que soient les résultats des élections, ses membres agiront de concert. Ou ils seront ensemble dans la majorité ou ensemble dans l’opposition. La Koutla marche d’un seul pas ! Le PJD frappe à la porte de la Koutla. Faut-il la lui ouvrir ou prendre le risque de l’ostraciser ?

Déjà, il frappe de façon assez timide. On a affaire à des déclarations éparses et non pas à une position officielle du parti dans son ensemble. Or il convient pour la bonne perception de l’offre politique, inséparable du fonctionnement d’une démocratie, de ne pas mélanger les positions des uns et des autres. ● Propos recueillis par HAMID BARRADA

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Maghreb Moyen-Orient

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TERRORISME

Mort de «l’imam américain» Le très charismatique prédicateur né au Nouveau-Mexique a été éliminé au Yémen par une attaque de drone de la CIA.

DR

Ý ANWAR AL-AWLAKI alimentait les sites djihadistes de « chroniques » antiaméricaines.

V

endre di 30 s eptembre, quelque part sur une piste désertique entre Marib et Al-Jawf, au Yémen. Même s’il était conscient d’être devenu une « cible prioritaire » pour la CIA depuis décembre 2009, Anwar al-Awlaki, 40 ans, n’avait jamais cessé de prononcer ses sermons du vendredi. Seule précaution, il changeait chaque semaine de mosquée. À 10 heures ce vendredi, un drone de la CIA pulvérise le véhicule dans lequel il se trouve avec quatre autres hommes.

Charismatique, l’imam américain (il est né au Nouveau-Mexique de parents yéménites exilés aux États-Unis) ne se contentait pas de ses prêches hebdomadaires; il alimentait les sites djihadistes de « chroniques » antiaméricaines. Ses écrits ont révélé chez certains une vocation djihadiste. Ainsi en est-il de Nidal Hassan, médecin psychiatre, commandant au sein de l’armée US. En octobre 2009, sous l’influence directe de Awlaki, le praticien abat de sang-froid treize militaires sur la base de Fort Hood, au Texas. Deux mois plus tard, un étudiant nigérian tente de

faire exploser l’avion d’une compagnie américaine reliant Amsterdam à Detroit. Arrêté, l’apprenti kamikaze révèle l’identité du commanditaire de l’opération : l’imam américain. MEURTRE « ILLÉGAL ». Washington se félicite de la mort d’Awlaki, présentée comme « un succès de nos services de renseignements », dixit le président Barack Obama, et un sérieux revers pour Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa). Si les rivaux républicains ont salué l’opération de Marib, les spécialistes américains de la nébuleuse djihadiste tempèrent l’enthousiasme général : Awlaki n’était pas le chef des opérations extérieures d’Aqpa, encore moins le successeur putatif d’Oussama Ben Laden, mais l’un des nombreux prédicateurs d’Al-Qaïda. Son rôle dans l’opérationnel était modeste. En outre, son statut de citoyen américain fait planer la menace d’une action en justice contre l’administration Obama. Depuis le début de la guerre globale contre le terrorisme, en novembre 2001, c’est la première fois qu’un drone de la CIA cible et tue un ressortissant américain. Selon l’avocate Pardiss Kebriaei, militante de l’ONG Center for Constitutional Rights, « il s’agit d’un meurtre illégal au regard de la Constitution américaine ». Selon le cinquième amendement, nul ne peut ordonner la mort d’un citoyen américain sans procédure judiciaire. ● CHERIF OUAZANI

Coulisses ISRAËL MÉMOIRE BIBLIQUE EN LIGNE Retrouvés entre 1947 et 1956 dans les grottes de Qumran, sur les rives de la mer Morte, les plus anciens textes bibliques connus ont commencé à être mis en ligne par le musée d’Israël, à Jérusalem, en partenariat avec le groupe internet Google. Lesdits manuscrits remontent au IIe siècle avant J.-C. pour les plus anciens et N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

à l’an 70 pour les plus récents. Coût du projet : 2,5 millions d’euros. IRAN IRRESPIRABLE Selon une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Ahwaz, dans l’ouest de l’Iran, est la ville la plus polluée du monde. Trois autres villes iraniennes figurent dans ce triste top 10 : Sanandaj (3e), Kermanshah (6e) et Yasouj (9e). En cause, l’usage intensif du fioul

pour se chauffer, combiné à une forte densité de population, et le grand nombre de véhicules diesels. ARABIE SAOUDITE HEURTS SANGLANTS Selon l’agence officielle saoudienne, 14 personnes, dont 11 membres de forces de l’ordre, auraient été blessées, dont certaines par balle, au cours d’une manifestation à

Awamiah, dans la province orientale d’Al-Qatif, le 3 octobre. Les manifestants demandaient la libération de deux sexagénaires arrêtés pour que leurs fils, recherchés par la police depuis leur participation aux manifestations de la mi-mars, se rendent. Les autorités ont accusé une « puissance étrangère » d’être à l’origine des troubles, allusion voilée à l’Iran. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

JASON REED / REUTERS

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ÉTATS-UNIS

MANIFESTATION DE DEMANDEURS D’EMPLOI devant le Capitole, à Washington, le 5 octobre.

Les Noirs,

parents pauvres d’Obama L’élection historique de 2008 semblait de bon augure pour les AfricainsAméricains. Or, non seulement leur sort ne s’est pas amélioré, mais ils sont les premières victimes de la crise.

JEUNE AFRIQUE

JEAN-ÉRIC BOULIN,

L

à New York

e triomphe, et puis… plus rien. S’il y a une communauté pour laquelle la « révolution Obama » a fait long feu, c’est bien celle des Africains-Américains. Depuis l’élection du premier président noir de l’histoire des États-Unis, rien n’a changé. Et les perdants sont toujours les mêmes. Pas une journée qui n’apporte son lot de mauvaises nouvellesoudefaitsnavrants,commecetteinitiativedes étudiants républicains de Berkeley qui ont vendu des N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


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Europe, Amériques, Asie

39%

La proportion des enfants noirs (4,3 millions) qui vivaient sous le seuil de pauvreté aux États-Unis en 2010, contre 12,4 % des enfants blancs et 35 % des Latinos

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muffins à des prix variant en fonction de l’apparteQu’en pense le principal intéressé ? Pas grandnance ethnique de l’acheteur. Là où un Blanc payait chose, à vrai dire. Soucieux d’apparaître comme 1,25 dollar, un Noir ne payait que 75 cents… le président de tous les Américains, échaudé par Taux de pauvreté de 27 %, en hausse de deux la polémique qui avait précédé son élection – son amitié avec Jeremiah Wright, un révérend noir aux points depuis 2009 (contre 10 % pour les Blancs), positions radicales –, Obama reste quasi muet sur taux de chômage de 16 %, en augmentation la question. Il ne s’est départi de cette neutralité constante (la moyenne nationale est de 9 %)… qu’une seule fois, lors de la polémique opposant Obama ou pas, les voyants socioéconomiques des Noirs sont dans le rouge. À New York, la situation Henry Louis Gates, un éminent professeur noir de est si préoccupante que Michael Bloomberg, son Harvard, à un policier blanc qui l’avait arrêté sur le seuil de sa propre maison, le prenant pour un richissime maire, a sorti 30 millions de dollars (22,3 millions d’euros) de sa poche pour financer cambrioleur… Le président avait alors souligné la persistante surreprésentation des Noirs dans les un programme d’urgence de retour à l’emploi, destiné aux jeunes Noirs et Latinos. arrestations (86 % des cas à New York), avant de À Washington, en revanche, ce n’est pas la priorité réunir les deux hommes à la Maison Blanche pour de l’administration Obama. L’heure de la politique clore l’incident autour d’une bière. d’AffirmativeActionsemblepassée.Désormaisjugée BONNE FILLE. Les rares fois où il s’est exprimé à ringarde, elle se heurte de surcroît aux réticences ce sujet, Obama a exhorté la communauté noire à de la Cour suprême. se prendre en charge. En juillet 2009, il incitait les Des faits divers récents ont également ramené parents « à ranger les consoles de jeu, à coucher les l’Amérique à des heures bien sombres. En juin, dans le Mississippi, un quadragénaire noir agressé enfants à une heure raisonnable et à prendre leur par une bande d’adolescents blancs aux cris de destin en main ». Même discours le 24 septembre « white power! » est mort écrasé par la voiture dernierdevantleBlackCaucus,l’associationdesélus de l’un d’eux. Le principal noirs au Congrès: « Ôtez vos suspect, 19 ans, encourt la pantoufles, s’est-il exclamé, « Ôtez vos pantoufles peine capitale. L’exécution mettez vos chaussures de et cessez de pleurer. » de Troy Davis, le 21 sepmarche. Secouez-vous. tembre (voir J.A. no 2646), Arrêtez de vous plaindre, LE PRÉSIDENT OBAMA, au Black Caucus a rappelé le racisme latent de ronchonner, de pleurer. du système judiciaire américain, quand il n’est pas Nous allons faire avancer les choses… » assumé, comme lors de cette condamnation à mort Jusque-làbonnefille,lacommunauténoiredonne d’un Noir au Texas, en 1997, où un psychologue de sérieux signes de lassitude : selon un sondage avait affirmé à la barre que « la race de l’accusé » ABC-Washington Post du 18 septembre, 58 % de était « un facteur de dangerosité ». ses membres disent avoir une opinion favorable du président, contre 83 % au mois d’avril dernier. MENTEUR. Dénonçant la proportion record des À Bedford-Stuyvesant, le quartier noir historique Noirs parmi les 2,3 millions de détenus, l’histode Brooklyn, les affiches de la campagne de 2008 rienne Michelle Alexander, dans un livre polémitrônent pourtant toujours dans les devantures que*, n’hésite pas à y voir le résultat « de nouvelles des barber shops et des supermarchés, au côté des portraits de Malcolm X et de Martin Luther lois Jim Crow » – du nom des lois ségrégationnistes en vigueur jusque dans les années 1960 – empêKing. Peu expriment ouvertement de la déception. chant toujours l’accès des Noirs à la citoyenneté. « Que pouvait faire Obama avec le fardeau dont il a Avec, à l’appui, ce constat qui fait froid dans le hérité ? Moi, je suis toujours fier qu’il y ait un Noir dos : il y a aujourd’hui davantage de Noirs sous à la Maison Blanche », explique un homme croisé dans une librairie communautaire. contrôle judiciaire – avec un statut de quasi-parias, puisqu’ils sont notamment privés du droit de Il n’empêche: des voix discordantes se font entenvote – qu’il n’y avait d’esclaves en 1850… dre. Comme celle de Cornel West, grande figure L’Amérique postraciale que promettait l’élection intellectuelle noire, qui dans un cinglant éditorial historique d’Obama apparaît comme un mirage. du New York Times écrit que Martin Luther King se Certes, cette fiction a permis son accession à la retournerait dans sa tombe s’il voyait l’Amérique Maison Blanche, mais aujourd’hui plus personne d’Obama. ne s’y trompe, la color line n’est pas près de s’effacer. Le président devrait lui répondre en personne le Pour beaucoup d’observateurs, elle expliquerait 16 octobre, en prenant la parole lors de l’inaugurala férocité de l’opposition au Congrès, nombre de tion du mémorial Martin Luther King à Washington. Et au-delà, en s’adressant à la communauté noire républicains nourrissant une animosité viscérale, mâtinéederacisme,àl’égardd’Obama.Leparlemenen particulier. L’occasion rêvée. ● taire qui, en 2009, l’a interrompu en plein discours en le traitant de menteur aurait-il agi de même avec * The New Jim Crow: Mass Incarceration in the Age of un président blanc? Probablement pas. Colorblindness, The New Press, 2010. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

CARLOS GARCIA RAWLINS/REUTERS

Ý LEOPOLDO LÓPEZ, à Caracas, le 20 septembre.

VENEZUELA

López contre Chávez

Cet opposant de 40 ans a été autorisé par la Cour interaméricaine des droits de l’homme à se présenter à la présidentielle de 2012. Ce qui n’est pas du goût du chef de l’État sortant…

L

opposition vénézuélienne compte une nouvelle figure dans ses rangs. Leopoldo López, 40 ans, a obtenu l’autorisation de briguer un mandat. Accusé de financement illégal de parti politique et de détournements de fonds, il en était interdit depuis trois ans. Mais si la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a rendu une telle décision, elle n’a pas pour autant levé les poursuites à son encontre.

Fort de deux mandats de maire dans la localité de Chacao, à Caracas, López est le chef du parti de centre droit Voluntad Popular. Déjà écarté de la course à la présidentielle pour les mêmes raisons en 2006, il n’a cessé de nier les faits qui lui sont reprochés et de dénoncer une machination politique. Cette fois, il a annoncé sans tarder sa candidature à la magistrature suprême. Le 12 février prochain, il devrait donc participer aux primaires de l’opposition,

dont le vainqueur affrontera Hugo Chávez le 7 octobre. Le président sortant vise un troisième mandat consécutif de six ans et tente de faire taire les rumeurs sur la dégradation de son état de santé, alors qu’il vient de rentrer d’une quatrième séance de chimiothérapie à La Havane. Son gouvernement n’a apparemment nulle intention de respecter la décision de la CIDH. « Ma coupe de cheveux a plus de valeur que cette Cour », a tempêté Chávez, qui, afin d’empêcher l’opposition de s’organiser, a choisi d’avancer la date du scrutin de deux mois. Son futur adversaire aura d’autant plus de peine à marquer des points que le président est omniprésent à la télévision. Surtout, la Cour suprême du Venezuela – dont l’opposition redoute le manque d’objectivité – doit rendre son propre verdict dans l’affaire López. Les démêlés de ce dernier avec la justice ne sont donc pas forcément terminés… En attendant, il reste le mieux placé face au président sortant, devançant dans les sondages Henrique Capriles Radonski, le gouverneur de l’État de Miranda, Antonio Ledezma, l’ex-maire social-démocrate de Caracas, Pablo Pérez, le gouverneur de l’État de Zulia, et María Corina Machado, une députée indépendante. ● MARIE VILLACÈQUE

HAÏTI

Martelly en tenue de camouflage

Le président veut redonner une armée au pays, en prévision du départ de la Minustah. Certains s’en inquiètent déjà.

C

e pourrait être la première mesure phare de sa présidence. À plusieurs reprises depuis son élection à la tête d’Haïti, en mars, Michel Martelly, qui vient tout juste de nommer un Premier ministre, le Dr Gary Conille, a déclaré son intention de recréer une armée. Selon un rapport confidentiel consacré à la « politique de défense et de sécurité nationale », révélé par la presse, cette future armée pourrait voir le jour dans les prochains mois. Elle disposerait d’une force initiale de 3500 hommes. D’après le JEUNE AFRIQUE

même document, il en coûterait au pays et aux bailleurs 95 millions de dollars (70,8 millions d’euros). Pour Martelly, il s’agit d’anticiper le départ de plus en plus probable des 12 000 hommes de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah). Empêtrés dans des affaires de viols, accusés d’être à l’origine de la propagation du choléra, qui a causé la mort de quelque 6000 personnes depuis un an, les Casques bleus n’ont pas la cote à Port-au-Prince. Martelly s’inquiète cependant de voir le pays

sombrer dans le chaos s’ils partent sans être remplacés. Mais pour nombre d’Haïtiens, c’est l’armée qui est synonyme de chaos. Répression, corruption, atteintes aux droits de l’homme… « Elle réveille de vieux souvenirs », confie un partisan de l’ancien président Jean-Bertrand Aristide. Ce dernier l’avait dissoute en 1995 car elle était alors un repaire de nostalgiques de la dictature des Duvalier père et fils. François Lucas Sainvil, président de la commission anticorruption du Sénat, s’alarme déjà de la présence d’« éléments à la moralité douteuse » dans cette future armée. Selon lui, d’anciens duvaliéristes – dont Martelly est proche – auraient déjà été sollicités. ● RÉMI CARAYOL N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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AFP

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LE PATRON DU GROUPE SANY, dont la fortune est estimée à 11 milliards de dollars.

CHINE

Strapontin doré Liang Wengen, l’homme le plus riche du pays, a été nommé le 29 septembre membre suppléant du Comité central du Parti communiste. Comme un symbole des temps nouveaux.

L

homme le plus riche de Chine entrant au Comité central du Parti communiste chinois (PCC)? Il n’y a pas si longtemps, la nouvelle aurait paru invraisemblable. Voire totalement absurde. Le 29 septembre, elle est pourtant devenue réalité : Liang Wengen (55 ans) a bel et bien été coopté comme membre suppléant de cette instance, véritable Saint des Saints de la politique chinoise. Une sorte de révolution à l’envers. Liang préside le groupe Sany, qui emploie 50 000 salariés et fabrique des machines-outils dans le Hunan. Sa

fortune est estimée à 11 milliards de dollars (8,2 milliards d’euros). Il incarne à merveille le grand écart permanent entre le dogme de la dictature du prolétariat et la toute-puissance de la nouvelle économie chinoise. Les quelque 200 membres permanents du Comité central se réunissent quatre fois l’an pour discuter et approuver les principales mesures législatives. Ils sont élus tous les cinq ans, avec leurs 150 suppléants, par les délégués du parti. C’est parmi eux que sera désignée, dans un an, la nouvelle direction du pays : les neuf membres permanents du Politburo.

600 MILLIARDAIRES ROUGES IL EST DIRIGEANT D’ENTREPRISE, privée bien sûr, ou promoteur immobilier, approche de la quarantaine et habite Pékin ou une grande ville de l’est de la Chine.Tel est le portrait-robot du « milliardaire rouge » dressé par le magazine Hurun, qui, à l’instar de Forbes, son confrère américain, établit chaque année le palmarès des hommes et des femmes les plus riches du pays. La République populaire compte pas moins de 960 000 millionnaires en dollars – soit 1 Chinois sur 1 400 ! Et 271 milliardaires. Au moins officiellement. Car Ruper Hoogewerf, l’éditeur de Hurun, estime que le nombre de ces derniers avoisine en réalité les 600. Preuve que, au pays de Mao Zedong, la fortune reste un sujet partiellement tabou. ● S.P. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

« Liang a déjà postulé à trois reprises, en vain, à un siège au Comité central, explique le journaliste Chang Wen, du China Herald. La dernière fois, il a très clairement été écarté parce que son groupe a été jugé trop puissant. Mais les choses changent. Le Politburo est résolu à faire davantage de place au secteur privé. » MAIN DANS LA MAIN. C’est l’ancien président Jiang Zemin qui, en 2001, avait donné le signal de l’ouverture en demandant que les entrepreneurs privés puissent adhérer au PCC. Liang a pour sa part pris sa carte en 2004. Mais sa cooptation, aussi importante soit-elle, reste une exception. « Il y a encore assez peu de membres du parti qui travaillent dans le secteur privé, note Tang Wenfang, auteur d’un ouvrage sur les changements politiques en Chine. Le besoin se fait sentir de corriger ce déséquilibre en recrutant dans le monde de l’entreprise. Les millionnaires chinois ont aujourd’hui un indéniable pouvoir économique. Ne pas les intégrer serait prendre le risque de les laisser en marge de la vie politique, voire de les inciter à adopter une ligne indépendante. » Mieux vaut donc leur offrir un strapontin. Pour Rupert Hoogewerf, éditeur du magazine Hurun, qui, depuis dix ans, recense et classe les grandes fortunes chinoises, l’arrivée de Liang est donc avant tout symbolique : « La Chine est le pays au monde qui compte le plus grand JEUNE AFRIQUE


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PATRIOTISME. Mais attention, il y a les

bons et les mauvais élèves. Seuls ceux qui, à l’instar de Liang, ont donné un demi-million de dollars aux victimes du tremblement de terre dans le Sichuan, en 2008, ou su faire vibrer le patriotisme chinois en proposant leur aide après le tsunami au Japon ont droit aux récompenses. « Sur bien des dossiers, les intérêts de Sany et du gouvernement sont intimement liés », confirme le journaliste Chang Wen. Les autres, en revanche, s’exposent à des sanctions exemplaires. On ne compte plus les riches entrepreneurs épinglés pour corruption ou fraude fiscale. Certains sont en prison et risquent la peine de mort. « Pour éviter que des lobbies trop puissants ne se forment à l’extérieur du PCC et ne s’opposent à la ligne officielle, la direction ouvre ses rangs à différentes factions, afin que les débats aient lieu à l’intérieur du Comité central, assure

Le prix à payer pour entrer au Palais du peuple : cesser d’exhiber hélicoptère et limousines. Tang Wenfang. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’arrivée de Liang. Cela permet d’améliorer la démocratie à l’intérieur du parti. » Ironie de ce capitalisme à la chinoise, le gouvernement a récemment interdit les publicités trop ostentatoires pour les produits de luxe. Liang Wengen, qui jusqu’ici exhibait sans complexe ses neuf limousines Maybach et son hélicoptère privé, va devoir apprendre à faire profil bas. C’est sans doute le prix à payer pour accéder au Palais du peuple. « Enrichissez-vous ! » avait lancé Deng Xiaoping à ses compatriotes, en 1977. Aujourd’hui, ses successeurs pourraient reprendre ce mot d’ordre, en l’infléchissant un peu : « Enrichissez-vous, mais ne le montrez pas trop et, surtout, faites-en profiter le parti. » ●

THAÏLANDE

Au nom du frère

La Première ministre ne ménage pas ses efforts pour obtenir le retour d’exil de Thaksin Shinawatra, l’ex-homme fort du pays.

«

E

llen’estmêmepasfichue Toujours est-il que Yingluck manœude protéger son compte vre habilement. Soignant ses rapports Twitter, comment pouravec l’armée, elle a promis de confirmer rait-elle protéger le à sa tête le général Prayut Chan-Ocha, pays ? » Les hackers qui ont piraté le son plus farouche détracteur. En renoncompte Twitter de Yingluck Shinawatra çant à nommer deux opposants à la rient à gorge déployée. « De toute façon, royauté, elle s’est acquis la reconnaisse rassure-t-on à Bangkok, c’est son frère sance du roi Bhumibol. Privilège auquel qui est aux commandes. » son frère n’a jamais eu droit, le Palais Trois mois après son élection, la diffuse maintenant des photos de sa Première ministre essuie ses premiers rencontre avec le souverain. revers dans l’opinion. De son côté, Thaksin, Yingluck-la-bonne-élève s’attire en exil depuis 2008, ne les faveurs du roi. Mais Yingluckfaitmêmeplussemblant d’être discret. Face aux l’intrigante n’est jamais très loin… critiques qui pleuvent sur la pitoyable gestion par sa sœur Bref, Yingluck-la-bonne-élève joue des récentes inondations, c’est par la carte de la réconciliation nationale. vidéoconférence sur Skype, depuis le Mais Yingluck-l’intrigante n’est jamais Cambodge, qu’il a transmis ses instrucloin. Elle a entrepris de peupler l’admitions aux membres du gouvernement, nistration de membres de son clan: dans le 21 septembre. Le bruit court qu’il la police, dont elle a remplacé le chef pourrait récupérer très vite son passepar le beau-frère de Thaksin, comme à port et rentrer en Thaïlande… la justice, qu’elle s’efforce de noyauter Ce retour, Yingluck le prépare avec avec des conseillers favorables à une l’aide de Chalerm Ubumrung, un fidèle amnistie de son frère. Pour lui, elle serait, de Thaksin qui lui sert de mentor. La dit-on, sur le point de remettre au roi presse ne manque d’ailleurs pas de un recours en grâce. « Attention! avertit le leader de son parti, tout ça va trop railler leurs continuels conciliabules vite. Un retour prématuré de Thaksin pendant les réunions. « Un problème d’audition, Chalerm a l’oreille dure ! » pourrait déboucher sur un nouveau coup d’État. » ● JULIETTE MORILLOT soutient, sans rire, le Bangkok Post. Æ THAKSIN SHINAWATRA va-t-il récupérer son passeport et rentrer d’exil ?

YURIKO NAKAO/REUTERS

nombre de millionnaires (voir encadré). Ils payent des impôts, créent des emplois et travaillent main dans la main avec les autorités. C’est une relation symbiotique. L’État et les millionnaires ont besoin l’un de l’autre. L’élection de Liang au Comité central est un signal positif adressé au secteur privé. »

STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin JEUNE AFRIQUE

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Rama Sall L’autre Rama Elle est française, mais elle a demandé la nationalité sénégalaise. Elle est au Parti socialiste, mais ne se prive pas d’avoir ses propres idées. À suivre…

«

N

E LUI DEMANDEZ PAS si elle représente la diversité au Mouvement des jeunes socialistes (MJS), vous allez l’énerver ! » Le conseil, qui émane de l’un des plus proches camarades de Rama Sall, se révèle utile. « Si un jour j’ai l’impression que je suis là pour ma couleur de peau, j’arrêterai tout de suite », répond-elle à l’imprudent qui ose lui demander son sentiment sur la question. À 25 ans, la jeune femme née en France de parents sénégalais devrait en toute logique devenir secrétaire générale (numéro deux) de l’organisation lors de son prochain congrès, au mois de novembre. Employée à temps plein au siège du Parti socialiste (PS), elle codirige la campagne de Martine Aubry pour la jeunesse en vue de l’élection présidentielle de 2012. Si Rama Sall est très fière de ses origines – elle a entamé des démarches pour obtenir la nationalité sénégalaise –, elle ne veut devoir sa réussite qu’à son seul travail. L’explication est sans doute à chercher du côté de parents dévoués au service de l’État.Tous deux enfants de petits fonctionnaires dakarois (l’un des grands-pères de Rama était éboueur, l’autre aide-soignant), ils ont quitté le Sénégal ensemble pour étudier la criminologie à la Sorbonne. Aujourd’hui, son père est responsable des questions de sécurité pour la ville du Havre (NordOuest), après être passé par quelquesunes des villes les plus dures de France. Quant à sa mère, elle travaille pour un groupement de mutuelles de santé du secteur public. C’est à Mantes-la-Jolie, une ville moyenne de la banlieue parisienne, qu’ils ont élu domicile. D’abord auVal-Fourré, cité à la réputation sulfureuse où la petite Rama a passé ses premières années. Puis, pour « préserver les enfants » (deux

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AMBITIEUSE, LA JEUNE FEMME vise le poste de numéro deux du Mouvement des jeunes socialistes, en novembre.

garçons et deux filles), ils ont emménagé dans le quartier plus calme de Gassicourt. C’est néanmoins dans un lycée de cette zone d’éducation prioritaire (ZEP, quartiers défavorisés) qu’elle va préparer son bac. Les difficultés de certains de ses camarades la touchent d’autant plus que les saillies médiatiques d’un Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur sont perçues comme des provocations. Mais l’établissement offre aussi de belles

opportunités, parmi lesquelles une filière qui facilite l’accès au prestigieux Institut d’études politiques (IEP) de Paris. « On m’avait proposé de déposer un dossier, explique-t-elle. J’ai refusé. » C’est que Rama Sall a déjà des idées bien arrêtées: cette méthode de sélection « hypocrite » n’est destinée qu’à faire émerger une « élite » de banlieue qui sert de « fairevaloir » au système. Voilà qui est dit. C’est donc à la faculté de Nanterre qu’elle entame des études de droit. En 2007, elle franchit le seuil de la politique et prend sa carte au Parti socialiste (PS). « Je voulais arrêter le mec qui humiliait JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Reste qu’elle ne renie pas ses convictions pour coller au discours du PS. L’intervention en Libye? « J’étais contre », affirme-t-elle, alors que plusieurs ténors du parti ont accordé leur soutien aux opérations militaires contre Mouammar Kaddafi. « Nous sommes censés être pour l’autodétermination des peuples. On ne peut pas rendre nos principes flexibles au gré du vent », dénonce-t-elle. L’homme politique qui l’inspire le plus? Hésitante, elle pense à Senghor et à l’admiration de son père, qui imposait à sa progéniture de longues heures de discours du poète-président. Mais le nom de François Mitterrand lui démange les lèvres. « Je ne peux pas le citer comme un modèle, tranche-t-elle. Il a trop merdé sur les relations avec l’Afrique. » Méfiante, elle « espère bien » que les socialistes français sont prêts à rompre avec les errements françafricains. Pour s’en assurer, elle est déterminée à se battre. De l’intérieur. ● PIERRE BOISSELET Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE

BIRMANIE

La junte entrouvre la porte Éloge de l’État de droit, main tendue aux minorités et à l’opposante Aung San Suu Kyi… Le régime amorcerait-il un virage ?

L

e président Thein Sein sera-t-il le d’Aung San – père de la Nobel de la paix Mikhaïl Gorbatchev birman ? À et héros de l’indépendance, assassiné en juger par les changements en en 1947 –, a été diffusée en boucle à la cours au Pays des mille pagodes télévision officielle. Objectif: signifier à la – et des cinq cent mille militaires –, on population que la réconciliation nationale serait tenté de le croire. Déboucherontest en marche. Aung San Suu Kyi, qui ils sur une perestroïka ? Le think-tank a passé l’essentiel des vingt dernières américain International Crisis Group en années derrière les barreaux, peut désorest convaincu et appelle les Occidentaux mais se déplacer librement à travers le pays et s’exprimer dans les médias sans à adapter leur politique à cette nouvelle être censurée. donne. Cette libéralisation de la vie politique Tout a commencé le 17 août par un est surtout un message à destination de discours du président Sein, un ancien l’Occident, qui la réclame depuis des général porté au pouvoir après les élections controversées de novembre 2010, qui ont Sans doute est-ce le prix à payer toutefois mis fin à un demipour que l’Occident lève enfin siècle de dictature militaire. Prenant la parole devant les sanctions économiques… des fonctionnaires et des années. Sans doute est-ce le prix à payer représentants de la société civile, Thein Sein surprend son auditoire en faisant pour voir enfin lever les sanctions écol’éloge de l’État de droit. Une révolution : nomiques qui pèsent lourdement sur jusque-là, le mot « démocratie » était le développement birman et, aussi, un moyen d’accéder en 2014 à la présidence honni par le régime. tournante de l’Association des nations de SYMBOLE. Depuis, le gouvernement l’Asie du Sud-Est (Asean). ● multiplie les signes d’ouverture : appel TIRTHANKAR CHANDA lancé aux exilés politiques pour qu’ils rentrent au pays, main tendue aux minorités ethniques rebelles du Nord et de l’Est, création d’une commission des droits de l’homme, libéralisation de l’accès à internet et aux sites des médias étrangers, notamment à ceux de la BBC et de Voice of America… La dernière mesure en date est la suspension de la construction du barrage controversé de Myistone, sur le fleuve Irrawaddy. Ce projet, financé par la Chine, menaçait de détruire des cultures et des habitations dans la région peuplée par la minorité karen, qui en avait fait un symbole de sa lutte contre l’État central. Mais c’est en recevant la chef de l’opposition que le président a franchi un pas décisif. L’image de Thein Sein posant au côté d’Aung San Suu Kyi, sous la photo Ð LE GÉNÉRAL THEIN SEIN reçoit Aung San Suu Kyi au palais présidentiel, à Naypyidaw, le 19 août.

REUTERS

en disant : “On va tout nettoyer au karcher.” » Comme elle, toute une génération de nouveaux militants obtient sa carte au tarif réduit de 20 euros pendant la campagne. Après la défaite, la plupart quittent le navire. Mais Rama Sall est têtue : elle reste et consacre de plus en plus de temps au parti à l’approche des municipales de 2008, sa première vraie campagne. « C’est à cette époque que j’ai commencé à suivre mes cours par intermittence, concède-t-elle. En prenant mon temps. » Elle réussit à se frayer un chemin jusqu’en deuxième année de master en sciences politiques, mais donne la priorité à la politique. Entrée au MJS, elle accède au bureau national au bout de quelques mois. « Quand on a des responsabilités à ce niveau, c’est qu’on est ambitieux », affirment plusieurs militants. « Au risque de paraître naïve, je ne pense vraiment pas à être élue ou à devenir une professionnelle de la politique », répond-elle. Si elle ne vise pas de circonscription, elle ne refuse en revanche pas la reconnaissance : elle s’est spontanément proposée à Jeune Afrique pour apparaître dans cette rubrique…

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N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


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Économie

Coup

RESSOURCES NATURELLES

Après l’uranium, place au pétrole nigérien

d’accéléra TÉLÉCOMS

Trois pays s’apprêtent à passer à l’internet mobile à haut débit : l’Algérie, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Ils rattrapent ainsi le retard accusé par une partie du continent en la matière. En cause : le manque d’engouement des opérateurs et des États.

JULIEN CLÉMENÇOT

L

e 26 septembre, Alger, au salon Med-It consacré aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Une fois n’est pas coutume, le discours du ministre des TIC, Moussa Benhamadi, fait l’événement. Tous les professionnels guettent ses interventions depuis l’annonce de l’attribution, avant la fin de 2011, de licences 3G permettant aux opérateurs de téléphonie mobile d’offrir l’internet haut débit. Après des années d’atermoiements, le pays vat-il enfin entrer dans l’ère du numérique ? Pas sûr… Nouveau rebondissement, le 5 octobre : le gouvernement décide de geler le processus d’attribution des licences. Si l’Algérie fait figure de dernier de la classe au Maghreb – le Maroc a adopté la 3G en 2007, et la Tunisie, en 2010 –, de nombreux pays subsahariens, principalement francophones, ont également traîné avant de monter dans le wagon. Mais le temps des palabres est révolu. Après le Niger et le Gabon cet été, le Congo dans quelques jours, la Côte d’Ivoire et le Cameroun se lancent à leur

La 3G c’est quoi ?

EXPLOSION. Pourquoi les États ont-ils attendu

C’est la troisième génération de technologie pour les téléphones mobiles, après Radiocom 2000 (1G) et le GSM (2G). Synonyme d’internet haut débit, elle est accessible en Europe depuis 2002

NAIROBI, PIONNIER DE LA 4G À PEINE PLUS DE UN AN APRÈS AVOIR ADOPTÉ LA 3G, le Kenya se lance dans l’attribution d’une licence 4G, prenant une longueur d’avance sur le continent, au même titre que l’Afrique du Sud et le Nigeria. La 4G offre un débit plus élevé que la technologie précédente et rend plus facile l’utilisation de la vidéo, des visioconférences, des jeux… L’innovation vient aussi du schéma retenu. Le réseau sera déployé et managé par un consortium regroupant le gouvernement, un équipementier et un opérateur dont au moins 20 % du capital sera détenu localement. Les autres opérateurs seront tenus de payer pour louer l’infrastructure. Objectif : rendre la technologie attrayante pour les acteurs des télécoms en mutualisant l’investissement. J.C. Le résultat de l’appel d’offres sera connu en décembre. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

tour, devançant sans doute de peu la RD Congo, le Bénin, le Tchad… « Nous avons deux ou trois ans de retard inexplicable, regrettable et dommageable », réagit Bruno Nabagné Koné, ministre ivoirien des TIC. Nommé en juin par Alassane Ouattara, cet expert en télécoms a fait du passage à la 3G une priorité : « J’espère que nous pourrons attribuer trois licences dès le mois de novembre. » Un précieux sésame dont le prix serait fixé à 14 millions d’euros. Montant encore raisonnable, si on le compare aux jolis pactoles évoqués par les observateurs au Cameroun – entre 20 millions et 60 millions d’euros par licence, en fonction de leur nombre – et en Algérie – plus de 200 millions d’euros par licence !

si longtemps avant de sauter le pas ? « Il fallait que le marché de la consommation de données informatiques soit mature », explique un membre de l’état-major de MTN. Un frein aujourd’hui levé. En Algérie, près de 20 % de la population surfe sur le web, selon Guillaume Touchard, du cabinet de conseil Sofrecom (filiale de France Télécom) ; au Nigeria cette proportion s’élève à 30 %. Le phénomène internet est en pleine explosion, stimulé par l’avènement des réseaux sociaux : à lui seul, Facebook réunit 45 % des internautes algériens. Surtout,lesétudesmettentenévidencel’importance du téléphone dans cette poussée. Selon le rapport « Mobile Africa 2011 », le nombre d’utilisateurs de l’internet mobile en Afrique devrait atteindre la barre des 100 millions en 2015. Autre raison avancée par les opérateurs pour expliquer la lente adoption de la 3G: le manque de connectivité internationale, c’est-à-dire de bande passante reliant les pays africains au réseau mondial. Une situation particulièrement sensible sur la côte ouest, où le câble sous-marin en fibre optique SAT-3 (France Télécom) jouit d’un quasi-monopole depuis son entrée en fonction à la fin des années 1990. Une page est néanmoins en train d’être tournée, avec l’arrivée en 2010 du câble nigérian Glo-1 (Globacom) et, dans les mois à venir, du projet Wacs (MTN). Ces concurrents ont poussé France Télécom à se lancer à son tour dans la construction d’un nouveau pont numérique (530 millions d’euros d’investissement), prévu pour entrer en fonction au troisième trimestre de 2012. JEUNE AFRIQUE


PRIVATISATIONS

L’Angola lorgne les fleurons portugais

ECOBANK

À l’assaut des plus hautes marches

DÉCIDEURS

Ismaïl Douiri

DG d’Attijariwafa Bank

MAROC

Promopharm sous pavillon jordanien

teur sur la 3G

au regard du potentiel d du marché. D’ailleurs, s’ils admettent aujourd’hui que repousser l’échéance Maroc n’aurait plus de sens, ils restent à la recherche économique qui leur permettra de du modèle économiq croissance du volume des donprofiter de la croissa Algérie Libye Égypte nées échangées. « Av Avec Facebook, YouTube et Google, les capacités capacité nécessaires doivent être multipliées, sans que qu nos revenus suivent », analysait il y a quelle même rythme Mauritanie Cap-Vert Soudan Mali ques mois Yves Gauthier, alors patron Niger Tchad Érythrée de l’opérateur Tunisiana. Sénégal Gambie Ralentir le déploieBurkina Djibouti GuinéeGuinée ment de la 3G a par Bénin Bissau conséquent longSoudan Nigeria Sierra Ghana Éthiopie Centrafrique du Sud temps constitué un Leone Liberia Cameroun réflexe naturel pour Togo Somalie Ouganda les multinationaCôte Guinée Kenya les. « La plupart des d'Ivoire équato. Gabon Rwanda Congo RD Congo opérateurs ont voulu Burundi amortirlesinvestisseSeychelles Tanzanie ments déjà faits sur Comores les infrastructures Des avancées inégales 2G avant de s’enMalawi Angola detter à nouveau », Zambie Mozambique confirme Anasser 3G adoptée Ag Rhissa, expert en Madagascar Zimbabwe Namibie 3G courant 2012 télécoms.LescompaMaurice Botswana gnies tirent toujours 2G 90 % de leurs revenus Swaziland des communications classiques et des SMS. Lesotho Afrique avec une rentabiLe tout t du Sud En quelques années, la capacité de la lité imb imbattable. En 2009, la marge bande passante aura ainsi été multipliée par Ebitda (indicateur proche de la marge 43 entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, pour brute d’exploitation) du sud-africain MTN atteindre 14,6 térabits par seconde. À raison, car la dans la zone Afrique de l’Ouest et Afrique centrale DE NOMBREUX croissance des échanges de données informatiques atteignait 53,5 %, et encore 55,5 % en 2010, quand PAYS SUBSAHARIENS, sur la zone Afrique et Moyen-Orient approchera un elle plafonne en France à 33 % pour France Télécom. principalement taux annuel de 130 % d’ici à 2015. Les efforts des «DansunpayscommeleCameroun,pourquoiMTN francophones, opérateurs portent aussi sur les réseaux terrestres: et Orange, qui se partagent le marché, auraient-ils ont traîné avant selon le cabinet Frost & Sullivan, les investisseintérêt à s’engager sur le chemin de la 3G? » s’interde monter dans le wagon ments au sud du Sahara étaient de 250 millions roge un responsable de la Banque mondiale. de l’internet Il a donc fallu attendre une véritable volonté d’euros en 2009 et pourraient atteindre 1,1 milliard mobile à haut politique pour faire évoluer la situation. L’inertie d’euros en 2015. débit. a été d’autant plus importante que les opérateurs privés figurent parmi les plus gros contributeurs RENTABILITÉ. Achat des licences, construction de liaisons sous-marines mais aussi de réseaux aux budgets des États et sont particulièrement bien terrestres… Les montants à mobiliser pour offrir introduits dans les cercles proches du pouvoir. la 3G aux populations africaines ont longtemps Ainsi, au Sénégal, Tierno Ousmane Sy, conseiller semblé trop importants aux yeux des opérateurs, spécial du président Wade pour les TIC, est ● ● ● SOURCES : TELEGEOGRAPHY, J.A.

Tunisie

JEUNE AFRIQUE

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61


Entreprises marchés 0

100

200

300

400

500

600

Algérie

700

Ý LE PRIX DES LICENCES 3G varie en fonction du potentiel du marché (population, niveau de vie, taux d’équipement…) et des structures concurrentielles.

8,12

Égypte

7,94

Tunisie

7,92

Ghana

2,27

Maroc

Reste que, désormais, plus personne ne remet en cause les avantages du haut débit mobile, dont la démocratisation profite de l’apparition des tablettes tactiles,desclés3Getdelachutedesprixdestéléphones, passés sous la barre des 75 euros. Une évolution dont tout le secteur bénéficiera. Selon une étude de l’autorité de régulation indienne des télécoms, quand le taux de pénétration de l’internet haut débit augmente de 10 % dans un pays en développement, le PIB par habitant progresse de 1,39 %.

COMBIEN COÛTE LE TICKET D'ENTRÉE

1,27

Prix de la licence (en million de dollars, échelle sup.) Coût par habitant (en dollars, échelle inf.)

0,98

Mali

0,83

Kenya

0,29 0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

● ● ● administrateur de Sonatel, filiale de France Télécom. De même, le président du conseil d’administration de MTN Cameroun, Colin Ebarko Mukete,est aussi membreducomitécentralduparti au pouvoir, le RDPC. En Côte d’Ivoire, le directeur général de MTN est un ancien conseiller de l’État en matière de télécoms, et le ministre des TIC est un ex-cadre dirigeant de France Télécom. Une proximité que l’on retrouve au Maroc et en Tunisie. Seule l’Algérie présente une situation différente,avecuneforteemprisedupouvoirpolitiquesur lesecteur.Maispourunmêmerésultat:àtropvouloir privilégier l’opérateur historique Algérie Télécom et sa solution ADSL (internet fixe), le gouvernement a finalement retardé l’adoption de la 3G.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Nigeria

SOURCE : SOFRECOM

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BRUNO NABAGNÉ KONÉ,

ministre ivoirien des TIC

RUPTURE. Pour Bruno Nabagné Koné, même si l’impact est difficile à quantifier, le gain de productivité est réel : « Cela revient à comparer le fonctionnement des entreprises avant et après l’informatisation.»Carcetterupturetechnologique l’informatisation.» est porteuse de nouveaux services. « En ouvrant la possibilité de passer des appels internationaux via internet à des prix compétitifs, la 3G représente un chiffre d’affaires additionnel d’environ 2 milliards à 3 milliards de F CFA [de 3 millions à 4,6 millions d’euros, NDLR] pour mon entreprise », estime Louis Diakité, patron de l’ivoirien Alink Télécom. Même enthousiasme à Alger. « Nous allons diversifier notre activité et probablement nous lancer dans la production de contenus internet », annonce Karim Abdelmoula, fondateur de la société de consulting OnMarket. Vidéo, publicité, cloud computing, services de santé… Le nombre de domaines concernés est encore difficile à déterminer. Tout juste peut-on regarder vers l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria pour anticiper l’avenir. Eux se préparent déjà au lancement de la 4G. ●

Les États veulent reprendre la main Rarement en position de force par rapport aux opérateurs, les autorités profitent de l’attribution des licences 3G pour inverser la tendance.

À

l’occasion de l’attribution du haut débit mobile, le Cameroun a décidé de briser le duopole Orange-MTN. Une ou deux licences devraient être vendues à de nouveaux entrants, avec une exclusivité de un à deux ans. « Une attitude déloyale », dénonce MTN. Sur les rangs: l’indien Bharti, l’émirati Moov, le vietnamien Viettel (déjà présent au Mozambique) et Monaco Télécom, associé au fournisseur d’accès à internet camerounaisRingo.Prévupouraboutiravant l’élection présidentielle d’octobre, le projet a été mené tambour battant N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

par le gouvernement, sans appel d’offres international. Abidjan, en revanche, préfère donner une prime aux acteurs dominants, avec l’idée de réduire le nombre d’opérateurs. Avec sept licences GSM, dont cinq actives,

Yaoundé a décidé de briser le duopole Orange-MTN. la Côte d’Ivoire compte parmi les marchés les plus encombrés d’Afrique. Trois licences seront d’abord attribuéesauplustardennovembre, puisunequatrièmesuivraunanplus tard. MTN, Orange et sans doute

Moov seront les premiers servis. ComiumetGreenNetwork,etpeutêtre Warid – dont on annonce le lancement –, se disputeront ensuite la dernière place. REPORT SURPRISE. En Algérie, la

stratégiedesautoritésestloind’avoir lamêmeclarté.Àlasurprisegénérale, le5octobre,leprocessusd’attribution de trois licences 3G a été reporté par leministredesTélécommunications. Selonplusieurssources,cedélaisupplémentaire permettrait à Djezzy de régler définitivement son différend avec l’État. L’opérateur serait alors remis en jeu dans la course à la 3G et pourrait postuler à l’attribution d’une licence, aux côtés d’Algérie Télécom, de sa filiale Mobilis et de Wataniya. ● J.C. JEUNE AFRIQUE


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Entreprises marchés

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RESSOURCES NATURELLES

Après l’uranium, place au pétrole nigérien Le 29 septembre, Niamey est entré dans le cercle restreint des producteurs d’or noir. Avec la mise en route de projets miniers, cela devrait assurer au pays l’une des plus fortes croissances d’Afrique en 2012.

Blocs explorés par CNPC Bloc exploité par CNPC

LIBYE ALGÉRIE

Bloc exploré par Sonatrach

Kafra

Blocs non attribués Pipeline existant Pipeline en projet

Bilma

SOURCES : MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE DU NIGER, J.A.

Raffinerie Agadez

Ténéré

MALI

Agadem

NIAMEY

Tahoua

Maradi

TCHAD

Diffa Zinder

BURKINA FASO BÉNIN

L

es bonnes nouvelles s’accumulent à Niamey. Elles sont économiques, après avoir été politiques. À l’élection présidentielle de mars, qualifiée d’exemplaire et qui a vu le sacre de Mahamadou Issoufou, ont succédé les bonnes perspectives du Fonds monétaire international (FMI). Le pays aux 15,5 millions d’habitants devrait connaître en 2012 la deuxième plus forte croissance africaine, avec 12,5 % (5,5 % en 2011), derrière la Sierra Leone (51,4 %) et devant l’Angola (10,8 %). « L’expansion en cours des secteurs du pétrole et des mines améliore les perspectives à moyen terme, estime le FMI. Les exportations pétrolières et minières devraient tripler entre 2011 et 2016. » En ce qui concerne l’uranium, première ressource du pays, le démarrage en 2013 de l’exploitation de la mine d’Imouraren par le N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

NIGERIA

français Areva fera passer Niamey de la sixième à la deuxième place mondiale : la production devrait atteindre 5 000 tonnes/an et aura nécessité 1,3 milliard d’euros d’investissements. Le minerai radioactif devrait rapporter au pays plus de 100 millions d’euros en 2012, soit 15 millions de plus que cette année. La production d’or doit aussi connaître un nouveau souffle (la Société des mines du Liptako, détenue à 80 % par le canadien Semafo et à 20 % par l’État, produit moins de 2 t/an), avec cinq permis attribués à des sociétés canadienne, australienne et ghanéenne. L’AUBAINE D’AGADEM. Surtout,

le pays est entré, depuis le 29 septembre, dans le cercle restreint des producteurs de pétrole. Si son sous-sol est exploré depuis plus de trente ans, il aura fallu attendre l’arrivéedeChinaNationalPetroleum

Vers Kribi (Cameroun) via le Tchad

Company (CNPC) pour mettre au jour des réserves exploitables. Entré dans le pays avec deux permis (Ténéré et Bilma) en 2003, c’est sur un troisième, Agadem, que CNPC a révélé un gisement de 350 millions de barils. Le contrat signé entre CNPC et l’État en juin 2008, pour 3,2 milliards d’euros, comprend l’exploration et le développement d’Agadem, la construction à Zinder d’une raffinerie de 20 000 barils/ jour (b/j), exploitée par la Société de raffinage de Zinder (Soraz, détenue à 40 % par l’État et à 60 % par CNPC), ainsi que la réalisation d’un pipeline pour relier les deux sites, distants de 350 km (voir carte). « L’entreprise a dépassé ses engagements en creusant une soixantaine de puits, contre une quinzaine prévus initialement », explique le ministre du Pétrole et de l’Énergie, Foumakoye Gado (lire encadré page suivante). De 12000 b/j aujourd’hui, CNPC entendmonterlaproductiond’Agadem à 20 000 b/j d’ici à quatre six mois et atteindre les 100 000 b/j en 2018. Après cette date, la production décroîtra jusqu’en 2030. Au-delà de 20 000 b/j, le pétrole sera exporté via un pipeline à construire qui rejoindra un oléoduc tchadien menant jusqu’au port de Kribi, au Cameroun. INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE.

Selon Foumakoye Gado, les hydrocarbures (production, raffinage, distribution), qui génèrent 26 millions d’euros de recettes par an, sont appelés à devenir le premier secteur économique du pays, avec des revenus annuels estimés à 115 millions d’euros (environ 2,7 % du PIB). À la clé: 350 emplois directs (sur la raffinerie) et 500 indirects (sur toute la filière). Et ce n’est pas fini : « Le démarrage d’Agadem va attirer les investisseurs », estime le ministre. Sipex, filiale de l’algérien Sonatrach, explore déjà dans le Nord, et d’autres opérateurs se sont dits intéressés par des permis. Des américains opérant au Nigeria auraient approché les autorités. Déjà, CNPC offre au Niger, enclavé et soumis aux fluctuations JEUNE AFRIQUE


des prix du pétrole, la perspective de l’indépendance énergétique. Environ un tiers des 20 000 b/j produits à Zinder alimenteront le pays à travers la Société nigérienne des produits pétroliers (Sonidep). Pour le reste, Foumakoye Gado assure être en discussion avec des clients au Nigeria. Subventionné, le litre d’essence à la pompe à Niamey coûte aujourd’hui environ 679 F CFA (1,04 euro). « En 2010, les subventions ont coûté quelque 30 milliards de F CFA à l’État, explique le ministre. Nous avons mis en place un programmeprogressifderéduction, sans quoi cela nous aurait coûté encore 40 milliards cette année. » Selon les premières projections, le litre d’essence raffiné à Zinder sera vendu, à partir du 29 novembre, aux alentours de 550 F CFA. Encore une bonne nouvelle. Pour les consommateurs, cette fois. ●

INOUMA/APANEWS

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FOUMAKOYE GADO AUX COMMANDES LE PORTEFEUILLE DES MINES ET DE L’ÉNERGIE a été scindé en deux : Pétrole et Énergie d’un côté, Mines et Développement industriel de l’autre. Nommé ministre du Pétrole le 16 septembre, Foumakoye Gado, 50 ans, finalise tout juste son équipe. Chimiste de formation, c’est à l’université de Liège (Belgique) qu’il a obtenu son doctorat en 1985, avant d’être enseignant-chercheur à l’université de Niamey. Il s’engage très tôt en politique, aux côtés de Mahamadou Issoufou, au sein du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS). Secrétaire général du PNDS jusqu’à aujourd’hui, il était aux premières loges lors du sacre de son ami « Zaki » (« le lion » en haoussa), le 12 mars. ● M.P.

MICHAEL PAURON

Quand le chinois CNPC enchaîne les couacs À N’Djamena, le groupe demande à l’État d’augmenter les tarifs à la pompe. À Niamey, il revient sur le deal passé en 2008. Lésé ou trop gourmand ?

U

ne stratégie bien rodée. En proposant au Tchad, en 2007, et au Niger, en 2008, un package comprenant la production de brut et la construction d’une raffinerie de petite taille (20 000 barils/jour) et d’un pipeline, China National Petroleum Company (CNPC) leur a fait miroiter la perspective de gagner leur indépendance énergétique. Mais si le projet est séduisant sur le papier, il l’est moins dans les faits. La tension est à son comble au Tchad. Au cœur du conflit : les prix des produits de la Société de raffinagedeN’Djamena(SRN),détenue à 60 % par CNPC et à 40 % par l’État. Alors que ce dernier a fixé le prix du litre d’essence à 330 F CFA (0,50 euro), les Chinois estiment que, avec un baril à 60 euros, le prix de revient du litre de carburant se situe à 470 F CFA. Conséquence ? JEUNE AFRIQUE

CNPC évalue la perte de la SRN, entre son démarrage, le 29 juin, et fin septembre, à plus de 65 millions d’euros. Dans un communiqué, le groupe chinois estime que cette situation « ne permet pas à la SRN de poursuivre son exploitation normale ni de rembourser son prêt », la raffinerie ayant coûté 450 millions d’euros. CNPC réclame l’application des prix du marché, tandis

Au Tchad, la tension est à son comble. Au cœur du conflit : le prix des carburants. que le Tchad reste sur sa position : N’Djamena a confirmé, le 3 octobre, les prix à la pompe. Cependant, l’État pourrait lâcher du lest pour ne pas compromettre un projet de cimenterie, dans l’ouest du pays, porté par une autre entreprise chinoise, CAMCE. FACTURE GONFLÉE. Frictions

identiques au Niger. La raffinerie de Zinder, qui produira son premier

litre d’essence le 28 novembre, est déjà contestée. D’un montant initial de 450 millions d’euros, la facture présentée par CNPC pour la construction de Zinder – dont l’État doit régler 40 % – a dérapé à 740 millions d’euros… Or une étude du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) doute sérieusement du bien-fondé d’une telle augmentation. Au moment du deal signé en 2008, aucune étude de faisabilité n’avait été faite – elle ne sera présentée que un an plus tard… Pour justifier le surcoût, CNPC invoque un chantier plus complexe que prévu (site « physiquement » difficile, beaucoup de terrassements, difficultés d’approvisionnement en eau…). L’étude du Pnud n’a pu chiffrer avec exactitude le coût de l’installation, mais elle recommande à Niamey de ne pas régler une facture dépassant le tarif initial de plus de 30 %. À vouloir aller trop vite, CNPC risque de se discréditer. ● STÉPHANE BALLONG et M.P. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


Entreprises marchés Ý Très rentable, TAP suscite l’intérêt de plusieurs candidats au rachat.

les entreprises angolaises commencent à investir au Portugal », a justifié le 16 septembre le ministre de l’Administration territoriale, Bornito de Sousa, dans une interview à Bloomberg Businessweek.

ÉTIENNE DE MALGLAIVE/REA

PÉTRODOLLARS. Porté par ses

PRIVATISATIONS

L’Angola lorgne les fleurons portugais Énergie, banques, distribution… L’ancienne colonie affiche un intérêt marqué pour les groupes mis en vente par Lisbonne pour réduire sa dette. Aux premières loges, la fille du président angolais…

L

e Portugal est à vendre. Ou du moins une grande partie de ses entreprises publiques et de ses banques, affaiblies par le poids de la dette. Étouffée, l’économie portugaise vire au rouge vif. Fin juin, le déficit budgétaire du pays s’élevait à 8,3 % du PIB, très loin des 5,9 % que s’était initialement fixés le gouvernement pour 2011 (9,8 % en 2010). Le pays est entré en récession (baisse du PIB de 2,2 % en 2011 et de 1,8 % en 2012), et c’est en 2013 que le gouvernement espère renouer avec la croissance. En contrepartie d’une aide financière de 78 milliards d’euros sur trois ans accordée en mai par l’Union européenne, le Portugal s’est engagé à appliquer un rigoureux plan d’austérité : hausse des impôts, réduction des dépenses… et privatisations. Sont concernés : EDP et Galp Energia (électricité, gaz et pétrole), l’opérateur de lignes électriques REN, la compagnie aérienne TAP, le gestionnaire N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

d’aéroports ANA, la poste, la compagnie de fret ferroviaire, la RTP (radio-télévision), des banques… Le processus doit être achevé à la fin de 2012 et rapporter au moins 7 milliards d’euros à l’État. Des investisseurs européens, chinois, brésiliens et de plusieurs pays arabes ont déjà fait part de leur intérêt. Pour développer leurs liaisons sur l’Afrique et l’Amérique latine, British Airways, Qatar Airways et Etihad (Abou Dhabi) seraient déjà à la bagarre pour reprendre TAP, qui a affiché un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros en 2010 (+ 14,6 % par rapport à 2009) et un profit net record de 62,3 millions d’euros (+ 8,7 %). Un engouement pour les fleurons de l’ancien colonisateur partagé par des groupes angolais. « Avec notre économie en très forte croissance [une hausse attendue du PIB de 10,8 % en 2012, selon le Fonds monétaire international, NDLR], il est tout à fait normal que

Croissance d’un côté… (évolution prévue du PIB en 2011)

+ 3,7 % ANGOLA

… récession de l’autre

PORTUGAL

– 2,2 %

SOURCE : FMI, ESTIMATIONS

66

pétrodollars, Sonangol a déjà acquis 15 % de Banco Comercial Português (BCP), la première banque privée du pays. Pari risqué ? BCP est l’un des seize établissements européens qui ont passé de justesse les tests de résistance mis en place à l’été par l’Union européenne, et qui doivent être recapitalisés d’urgence. Mais l’entreprise publique angolaise, qui a dégagé 2,5 milliards d’euros de profits l’an passé, négocie surtout une participation directe dans la société pétrolière Galp Energia (15 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 500 millions d’euros de résultat net), très implantée au Brésil. Pour l’instant, Sonangol ne détient indirectement que15%dugroupeportugais,grâce à une participation de 45 % dans Amorim Energia, de l’homme d’affaires portugais Américo Amorim, à travers Esperanza, une société offshore codétenue par Sonangol et… Isabel dos Santos. Très active au Portugal, la fille aînée (38 ans) du président angolais a acquis en 2009, pour 164 millions d’euros, 10 % du capital de ZON Multimedia, le premier câblo-opérateur du pays, ainsi que 9,9 % de Banco Português de Investimento. L’une de ses autres sociétés, Condis, cherche à s’associer avec la chaîne portugaise de supermarchés Sonae, qui veut s’implanter en Angola. Enfin, détenu à 32 % par Isabel dos Santos, l’angolais Banco BIC est en passe de reprendre, pour 180 millions d’euros, Banco Português de Negócios, un établissement public dont l’Union européenne a exigé la privatisation en contrepartie de son aide. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés EN KIOSQUE | Hors-série « spécial finance »

Banques et assurances, le grand bilan Ð Jeune Afrique publie la 13e édition de son hors-série annuel Ð Après une année 2009 délicate, 2010 a été marquée par une embellie

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UBLIÉE, 2009, marquée par la baisse des transferts d’argent de la diaspora, la réduction de la demande en matières premières, la chute des investissements et le trou d’air de la croissance. 2010 aura globalement été une bonne année pour les banques et les assurances du continent. Reprenant le chemin de la croissance, le total de bilan cumulé des 200 premières banques africaines, présentées en exclusivité dans le hors-série « spécial finance » de Jeune Afrique, a progressé de 14,7 % en 2010, pour s’établir à 1 375 milliards de dollars (1 037,5 milliards d’euros). Le produit net bancaire cumulé a également fini l’année dans le vert, avec une progression spectaculaire de 21 % (à plus de 50 milliards de dollars), contre une baisse de 12,9 % en 2009. Voici, en quelques mots, la principale conclusion de ce palmarès, dont la treizième édition, en kiosque à partir du 10 octobre, a encore une fois connu un vif succès, puisque 418 banques et 145 sociétés et groupes d’assurances ont répondu à nos questionnaires. Sans surprise, les établissements sud-africains restent dominants. Mais derrière, la poussée continue. Pétrole oblige, les banques angolaises montent année après année dans notre classement. Malgré l’absence de rente naturelle, les institutions financières marocaines maintiennent un rythme élevé de croissance, qui permet à trois d’entre elles de figurer parmi les quinze premiers groupes bancaires du continent. Les établissements nigérians, malgré le trou d’air connu depuis le début de l’année 2009, sont quant à eux à nouveau prêts à profiter de l’explosion de la classe moyenne dans leur pays. L’Afrique, en tout cas, est résolument au cœur des stratégies. À preuve, la décision de la première

JEUNE AFRIQUE

LE CLASSEMENT EXCLUSIF DES

200 PREMIÈRES BANQUES

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • HORS-SÉRIE

MAROC Othman Benjelloun « BMCE, l’Afrique et moi »

N° 28

CÔTE D’IVOIRE Recherche champion désespérément

SPÉCIAL

jeuneafrique.com

PORTRAIT La révolution de Donald Kaberuka

13e édition

FINANCE Banques • Capital-risque • Bourse • Fusions-acquisitions • Assurances Prise dans la tourmente du Printemps arabe et de la crise ivoirienne, la profession parviendra-t-elle à maintenir le cap de la croissance et des profits ? Notre bilan annuel.

ÉDITION INTERNATIONALE France 6€ • Algérie 360DA • Allemagne 8€ • Autriche 8€ • Belgique 7€ • Canada 9,90$CAN • Danemark 59DK • DOM 8 € • Espagne 8€ • États-Unis 11,90$ US • Éthiopie 95Birr • Finlande 8€ • Grèce 8€ • Italie 8€ • Maroc 45 DH • Mauritanie 1800MRO • Pays-Bas 8 € • Portugal 8 € • Royaume-Uni 6£ • Suisse 14FS • Tunisie 6,50DT • Zone CFA 3000 F CFA • ISSN 0021 6089

JEUNE AFRIQUE « SPÉCIAL ÉCI FINANCE », édition 2011, 124 pages, 6 euros (3 000 francs dans la zone CFA).

banque africaine, la sud-africaine Standard Bank, de se recentrer sur le continent, après avoir tenté quelques aventures sur les terres émergentes américaines et européennes. Le pari pour elle – tout comme pour Ecobank et tous les autres établissements panafricains – est de profiter à plein du boom annoncé du secteur bancaire dans ce que les AngloSaxons appellent le « Middle Africa »: entre le Sahara et l’Afrique du Sud.

Du côté des marchés financiers, le bilan 2010 – agrémenté pour cette partie aussi de nombreux classements exclusifs – est plus mitigé. Du côté des nouvelles favorables, la forte progression des opérations de fusion-acquisition traduit l’intérêt désormais considérable des investisseurs internationaux, notamment ceux des grands pays émergents, pour l’Afrique. Le total des 50 premières opérations de fusion-acquisition a ainsi atteint 37,4 milliards de dollars, un chiffre en hausse de 62 % par rapport à 2009. À l’inverse, plusieurs évolutions restent inquiétantes. Ainsi, sur les Bourses africaines, et malgré l’entrée de l’Afrique sur les radars mondiaux, le nombre d’introductions reste trop faible : 25 ont eu lieu en 2010. C’est cinq fois plus qu’en 2009, mais la plupart des opérations sont restées de taille très modeste. Surtout, Londres ou New York captent les principales opérations de levées de fonds d’entreprises africaines ou opérant principalement en Afrique. Le capital-investissement a encore plus souffert. À 1,4 milliard de dollars, le total des 50 premières opérations de capital-investissement a ainsi reculé de 30 % en 2010. ● FRÉDÉRIC MAURY

À LIRE DANS CETTE ÉDITION CLASSEMENTS Les 200 premières banques africaines, les 100 premières sociétés d’assurances, les 50 principales opérations boursières, de capital-investissement et de fusion-acquisition. INTERVIEW EXCLUSIVE Othman Benjelloun, PDG de BMCE Bank. PORTRAITS Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement, et Laurence do Rego, chargée des finances d’Ecobank. ENQUÊTES À Tunis et à Abidjan, des secteurs bancaires en crise. DEUX LEADERS À LA LOUPE Le capital-investisseur panafricain Helios et la banque d’affaires Attijari Finances Corp. RECRUTEMENT Comment décrocher un job dans les banques africaines. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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MARC DEVILLE POUR J.A.

Ý AU SÉNÉGAL, le groupe panafricain est en troisième position, derrière la CBAO (groupe Attijariwafa Bank) et la SGBS. BANQUES

À l’assaut des plus hautes marches

Avec deux nouvelles acquisitions, au Ghana et au Nigeria, Ecobank s’impose peu à peu sur ses principaux marchés ouest-africains. Objectif : figurer dans le trio de tête de chaque pays où il est présent.

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

LEADERSHIP. Outre le Ghana et le

propulse sa filiale locale dans les cinqpremièresbanquesdupays.Du quatorzième rang en termes d’actifs gérés,EcobankNigeria,avec2,3milliards d’euros de total de bilan en 2010, va désormais passer à la cinquième place, avec un total de bilan de près de 7,2 milliards d’euros. Par les dépôts, la nouvelle entité viendra en quatrième position ; par le nombre d’agences, estimé à plus de 600, au deuxième rang. C’est justement sur ce potentiel, couplé à une politique commerciale agressive, qu’Ecobank mise pour rejoindre rapidement le trio de tête.

Quinze filiales dans les top 3 nationaux

SOURCE : ECOBANK

D

abordTheTrustBank au Ghana, ensuite Oceanic Bank au Nigeria. En juillet, en l’espace de deux semaines, Ecobank a annoncé coup sur coup deux opérations majeures sur les deux principaux marchés de son réseau. Deux acquisitions, actuellement en cours de bouclage, qui doivent lui permettre de se hisser en tête de peloton dans chacun de ces pays et de franchir un nouveau cap dans sa stratégie: figurer parmi les trois premiers établissements dans chacun de ses trente pays d’implantation. « Nous avons aujourd’hui atteint cet objectif dans quinze pays », affirme Laurence do Rego, administratrice exécutive chargée de la finance, du risque et du contrôle interne. D’ici à 2012, c’est surtout au Nigeria que le groupe aura réalisé la plus grande avancée. Sur ce marché, le plus grand d’Afrique subsaharienne, où Ecobank réalise près de 25 % de ses revenus, le rachatd’Oceanic Bank(4,8milliards d’euros de total de bilan en 2010)

Côte d’Ivoire Bénin São Tomé e Príncipe

Burkina Centrafrique Togo Liberia Tchad Mali Guinée

AuGhana,oùlacroissanceduPIB devrait atteindre 13,5 % en 2011 et où Ecobank a réalisé environ 48 millions d’euros de bénéfice net en 2010, le groupe s’apprête également à voir ses parts de marché fortement augmenter.ÀAccra,ilestsurlepoint de prendre le contrôle de The Trust Bank (300 millions d’euros de total de bilan), qui devra fusionner avec Ecobank Ghana. La nouvelle entité passera ainsi de la quatrième à la deuxième position. Avec ces deux acquisitions, Ecobank devrait peser près de 15 milliards d’euros de total de bilan en 2012, contre 9,1 milliards actuellement. Ces opérations seront notamment financées par une émission d’actions, grâce à une autorisation obtenue auprès des actionnaires en 2008 pour lever près de 2,3 milliards d’euros. Plus de 375 millions ont depuis été mobilisés, reste une marge de 1,9 milliard. Il n’y aura donc pas de nouvelle levée de fonds, contrairement à ce qui a été indiqué dans la presse.

Sénégal Guinée-B. Rwanda Burundi Niger

Nigeria, le groupe parvient à gagner des parts sur d’autres marchés importants. En Côte d’Ivoire, il se classe deuxième, derrière la SGBCI et devant la BIAO Côte d’Ivoire. Au Sénégal,Ecobankestsurlatroisième marche, derrière la CBAO (groupe Attijariwafa Bank) et la SGBS. « Au cours de ces deux dernières années, labanque a réussià prendre le leadership dans des pays comme le Mali, le Tchad, la Centrafrique, le Burkina… », indique-t-on à la direction du groupe. Ecobank Burkina est ainsi devenu numéro un en 2010, après avoir racheté en 2008 la Banque nationale agricole et commerciale du Burkina (BACB), pour 13 millions d’euros. Mais si, globalement, Ecobank, qui a réalisé douze acquisitions au cours de ces quatre dernières années, semble plutôt bien s’en sortir en Afrique de l’Ouest, le groupe panafricain doit encore s’imposer au centre et dans l’est du continent. Notamment au Cameroun et au Kenya, où ses filiales sont respectivement classées sixième et dixseptième. ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


Coulisses

BHCI, le sursaut En cours de recapitalisation, la banque se recentre sur son cœur de métier : le financement de l’immobilier.

L

heure est à la reconquête. Donnée pour morte il y a quelques mois encore, la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) accélère son redressement. Sous-capitalisée à hauteur de 2,7 millions d’euros dès sa création en 1996, détenue par l’État à 55,9 %, elle n’a jamais pu se consacrer à son cœur de métier : le financement de l’immobilier social. Faute de ressources propres suffisantes, la BHCI a diversifié ses activités… sans réussite. Aujourd’hui, la banque est en cours de recapitalisation, à hauteur de 8,8 millions d’euros, avec l’objectif d’atteindre un capital de 18,3 millions en 2012. La BHCI est aussi sortie de la zone rouge. De 64,3 millions d’euros pour l’année 2009, le total de bilan est passé à 81,9 millions pour les seuls sept premiers mois de 2011. « L’établissement n’était plus fréquentable. Mais désormais, nous voulons faire partie des dix premières banques ivoiriennes », souligne Souleymane Dogoni, directeur général depuis 2009. DÉSENGAGEMENT. La BHCI s’est

recentrée sur le financement de l’immobilier – avec le lancement de projets comme les Hauts de la Djibi (Cocody) et la Baie des ambassadeurs (Yopougon). En outre, elle s’est désengagée de ses autres activités : elle a ainsi réduit ses encours au profit de Palmci (passés de 4,6 millions à 1,5 million d’euros) et du Port autonome d’Abidjan (de 7,6 millions à 1,5 million). Enfin, un plan triennal de création de quatre agences par an a été adopté. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE

marchés

CACAO UNE PRODUCTION IVOIRIENNE RECORD Le 3 octobre, lors du lancement de la campagne de cacao 2011-2012, Massandjé Touré-Litse, présidente du Comité de gestion de la filière café-cacao, a indiqué que la production nationale « a atteint un niveau record de plus de 1,48 million de tonnes au 25 septembre 2011, soit une hausse de plus de 25 % par rapport à son niveau de 2010 ». Cette récolte abondante s’explique par des conditions climatiques très favorables. En raison de la faible transformation sur place, 1,42 million de tonnes de fèves ont été exportées, contre 1,2 million pour la campagne précédente. Le ministre ivoirien de l’Industrie, Moussa Dosso, veut faire passer la transformation locale de moins de 1,5 % à 50 % en s’appuyant sur le secteur privé. ●

THIERRY GOUEGNON/REUTERS

CÔTE D’IVOIRE

Entreprises

• ASSURANCES La SFI envisage d’investir 95 M€ au capital de Saham

S

M

S

Finances, holding de CNIA Saada et Colina • FER L’australien Sundance Resources, présent au Cameroun et en RD Congo, a été racheté pour 912 M€ par le chinois Hanlong Resources • RAIL Le Gabon annonce un

investissement de 150 M€ dans la rénovation du Transgabonais • PÉTROLE (1) Mubadala Oils & Gas, fonds d’investissement d’Abou Dhabi, rachète 20 % d’un bloc en eau profonde en Tanzanie, pour 15 M€ • PÉTROLE (2) Le Soudan du Sud table sur des recettes pétrolières de 1,6 G€ entre juillet et octobre

TIC L’AFRIQUE PEUT MIEUX FAIRE Dans son rapport « Mesurer la société de l’information », l’Union internationale des télécoms a livré son classement des 152 pays en matière deTIC. Premier constat: le nombre d’internautes explose dans le monde, avec 30 % de la population mondiale qui a accès au web. Deuxième constat: l’Afrique reste dans la seconde moitié du tableau. Meilleurs élèves:Tunisie (84e), Maroc (90e), Égypte (91e), Afrique du Sud (97e), Algérie (103e). ● AÉRIEN TASSILI AIRLINES S’OUVRE AU GRAND PUBLIC La compagnie algérienne, filiale de Sonatrach spécialisée jusque-là dans le transport pour le groupe pétrolier, vient de recevoir l’autorisation d’opérer des vols grand public. Les premières liaisons de cette nouvelle activité

démarreront avant la fin de l’année et desserviront le nord du pays. Le transporteur s’est pour l’occasion fait livrer un quatrième Boeing 737-800, ce qui porte à 31 le nombre d’appareils de sa flotte. En 2010,Tassili Airlines a transporté 500000 passagers. Il table sur 689000 en 2011. ● ÉNERGIE DESERTEC LANCÉ AU MAROC Paul Van Son, directeur général du mégaprogramme Desertec, qui doit fournir 15 % de l’électricité européenne à l’horizon 2050, a annoncé le 5 octobre qu’il allait investir 600 millions d’euros dans une première usine pilote marocaine de 150 MW. Pour le royaume, cet investissement est le bienvenu, alors qu’il peinait à trouver des partenaires financiers pour financer son propre plan solaire, qui vise la production de 2 GW d’ici à 2020. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Décideurs INTERVIEW

Ismaïl Douiri

D IRECTEUR

GÉNÉRAL D ’A TTIJARIWAFA

B ANK

« Casablanca Finance City est stratégique pour Attijariwafa » grands de la finance mondiale et recruter des talents à l’international. CFC va offrir aux professionnels de la finance des avantages fiscaux comparables à ceux de Londres ou de Dubaï, mais aussi une qualité de vie bien meilleure. Bien sûr, ce changement d’échelle de recrutement se fera peu à peu et concernera surtout les métiers spécialisés dans la banque de marché et l’investissement.

Le groupe est partie prenante du projet qui vise à faire de la capitale économique marocaine un hub financier régional. Qu’en attend le patron du pôle finance, opérations et transformation? Réponses.

L

e 30 septembre, les décrets d’application du projet Casablanca Finance City (CFC) sont entrés en vigueur. Les sociétés financières travaillant à l’international profiteront d’exonérations fiscales sur leurs revenus dégagés à l’étranger et de facilités pour recruter des spécialistes expatriés. Pour mettre toutes les chances de son côté, CFC a signé le 23 mai un accord de coopérationavecSingapour.Côtémarocain, Attijariwafa Bank est l’une des principales parties prenantes, avec BMCE Bank et le groupe Banque populaire. JEUNE AFRIQUE : Qu’attend Attijariwafa de CFC ? ISMAÏL DOUIRI : Pour nous,

c’est stratégique ! Nous sommes une banque universelle avec une forte composante banque de détail, maisnousdévelopponsnosactivités destinées aux grands comptes, aux entreprises et aux particuliers. Pour ces clientèles, nous nous frottons à des concurrents internationaux de haut niveau, comme BNP Paribas ou JP Morgan. Il est donc de notre intérêt de disposer à Casablanca d’un environnement dévolu à la finance africaine et de profiter d’une certaine flexibilité et d’avantages

Qu’apporte le partenariat signé avec Singapour ?

ATTIJARIWAFA

70

fiscaux. Enfin, il y a une dimension citoyenne à notre participation au projet : nous voulons prendre part au développement du pays. Quels métiers manquent à Casablanca pour faire décoller le secteur financier ?

La plupart des métiers sont présents, mais chacun d’eux compte seulement une poignée de praticiens à l’activité peu internationalisée. Grâce aux mesures apportées par le projet, Attijariwafa va pouvoir concourir à armes égales avec les

« Nous allons pouvoir CONCOURIR À ARMES ÉGALES

avec les grands de la finance mondiale et RECRUTER DES TALENTS À

L’INTERNATIONAL. »

BMCE SE PRÉPARE AUSSI DEUXIÈME POIDS LOURD MAROCAIN DE LA FINANCE, BMCE Bank est aussi partie prenante de Casablanca Finance City. Et annonce l’installation dans la capitale économique d’Insurance of Africa et de BOA Capital. Ces deux nouvelles structures, dont la création a été actée récemment par le conseil d’administration, officieront respectivement dans le développement et la distribution de produits FRÉDÉRIC MAURY d’assurance et dans la banque d’affaires. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Beaucoup! Jadis port de pêche, la ville-État a réussi à devenir un hub financier de premier ordre. Les Singapouriens savent comment attirer les acteurs de la finance mondiale. Nous serons à l’écoute de leurs conseils méthodologiques. Cela dit, nous ne partons pas de zéro : les entreprises marocaines sont déjà très présentes en Afrique subsaharienne francophone et au Maghreb. Attijariwafa est même la plusgrandebanquedecettezone,et nos grands comptes africains seront les premiers bénéficiaires de CFC. Allez-vous, comme la Bourse, déménager dans l’ancien aéroport d’Anfa, future zone économique dévolue à la finance ?

Nousyréfléchissons.Entrelesiège et nos filiales, plus de 2 500 salariés d’Attijariwafa travaillent à Casablanca. Plusieurs scénarios sont envisagés, avec deux extrêmes: l’option maximale, avec un regroupement de toutes nos directions et filiales dans un nouveau siège, et l’optionminimale,avecundéménagement des seuls métiers financiers spécialisés.Nousn’avonspasencore arbitré, les enjeux opérationnels et financiers étant complexes, mais cela ne saurait tarder. ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


Décideurs

71

FINANCE

Amadou Hott, argentier d’Aliko Dangote Le Sénégalais assistera le multimilliardaire nigérian dans le placement d’une partie de sa fortune personnelle. Avec pour objectif d’investir dans des entreprises africaines et même mondiales.

D

personnes. Si son siège social sera situé dans un paradis fiscal, elle sera, dans la pratique, dirigée depuis Lagos, Lag où se trouve le cœur de l’empire Dangote, où Amadou et Dubaï, Dub Hott est installé depuis longues années. Déjà, de longu équipes s’affairent au les équipe Gabon et au Congo, où Gabo

Profil • 38 ans • Diplômé de la Sorbonne (Paris) et de l’Université de New York

DR

epuis son départ, il y a neuf mois, d’UBA Capital, la banque d’affaires du géant nigérian an United Bank for Africa, où il était ait resté de janvier 2009 à décembre re 2010, Amadou Hott n’était plus us sous le feu des projecteurs de laa scène financière africaine. Il fait ait aujourd’hui un retour fracassant nt avec sa nomination à la tête dee Dangote Capital, une structure de conseil et d’investissement créée et détenue majoritairement par le multimilliardaire Aliko Dangote. « Dangote Capital aura tout d’abord une activité de conseil, permettant notamment d’accompagner Aliko Dangote dans l’investissement de sa fortune personnelle, explique Amadou ou Hott. Puis, dans un second temps, ps, Dangote Capital jouera très cerrtainement lui-même le rôle le d’investisseur. » La mini-banque d’affairess débute ses opérations avec quatree

• A travaillé chez Société générale, BNP Paribas, ABN Amro, Millennium Finance Corporation et UBA Capital

deux opérations devraient être annoncées sous peu. « L’idée est de choisir des secteurs d’investissement complémentaires aux activités du groupe Dangote, explique-t-il. Cela peut être par exemple dans des mines de calcaire, ce matériau servant à la fabrication du ciment. » « FAMILY OFFICE ». En montant en

puissance, Dangote Capital pourrait peu à peu se transformer en un véritable véhicule d’investissement privé, puissamment doté. Via l’ensemble des filiales du groupe qu’il contrôle, Aliko Dangote perçoit en effet chaque année plusieurs centaines de millions d’euros de dividendes. Amadou Hott le conseillera dans le placement de ces fonds, en Afrique mais aussi à travers le monde, en se fixant comme premier objectif celui de la rentabilité. Une sorte de family office à l’africaine, mieux qualifiée et plus indépendante que les banques commerciales. Ce modèle de gestion de fortune, relativement courant chez les grands patrons occidentaux, est encore plutôt rare parmi les dirigeants africains. ● FRÉDÉRIC MAURY

ON EN PARLE

MICHELLE KATHRYN ESSOMÉ AVCA Elle vient d’être nommée DG d’African Venture Capital Association. Elle dispose d’une expérience de vingt ans dans la banque d’affaires auprès de Merrill Lynch, Goldman Sachs, JP Morgan, Lehman Brothers et Nomura.

DAVID CHEESEWRIGHT WALMART Il est chargé de superviser les équipes de ventes et de développement du numéro un mondial de la distribution au Canada, en Europe et en Afrique. Le groupe a réalisé ses premiers pas sur le continent en rachetant le sud-africain Massmart en 2011. DR

OMAR CHANNAWI PROCTER & GAMBLE Basé à Casablanca, cet ingénieur de formation assurera la direction générale du groupe, qu’il a intégré en 1993, pour le nord et l’ouest de l’Afrique. Le Maroc sert de hub régional pour la production de la multinationale (Ariel,Tide, Gillette…). JEUNE AFRIQUE

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


Marchés financiers

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MAROC

Promopharm passe sous pavillon jordanien

DANIEL LYNCH/FINANCIAL TIMES-REA

La société pharmaceutique cotée à Casablanca est tombée le 3 octobre dans l’escarcelle du groupe Hikma. Celui-ci signe ainsi sa troisième acquisition au Maghreb en dix-huit mois.

La nouvelle a pris tout le monde de court du fait de la suspension tardive de la cotation de Promopharm, qui n’a eu lieu qu’au lendemain de l’opération, le 4 octobre. « Entrer sur le marché marocain était devenu une priorité stratégique pour Hikma », a expliqué, le 3 octobre, le directeur général et fils du fondateur, Saïd Darwazah, au Financial Times. « Promopharm fabrique un certain nombre de nos produits. Grâce à cette opération, nous allons pouvoir augmenter notre présence au Maroc. » Avec un marché annuel de 1,3 milliard d’euros – il doit croître de 9 % par an entre 2010 et 2014 – et une législation favorisant le recours aux génériques, le Maroc offre de bonnes perspectives. Fondé en 1947, Promopharm a réalisé en 2010 un chiffre d’affaires de 34 millions d’euros (contre 31,3 millions en 2009). TÊTE DE PONT. Pour Hikma, le

« Entrer sur le marché marocain était devenu une priorité stratégique », explique SAÏD DARWAZAH, directeur général de Hikma Pharmaceuticals.

L

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

le prix proposé par Hikma dans les quinze jours. Si cet avis est positif, l’opération devrait être bouclée dans les deux mois. Le groupe jordanien signe là sa troisième acquisition dans la région en dix-huit mois. En mars 2010, il a pris le contrôle de la Société d’industries pharmaceutiques Ibn Al Baytar (Tunisie), en y portant sa participation à 66 %, pour 3,7 millions d’euros. En juin de la même année, il a acheté 50 % d’Al Dar Al Arabia (Algérie), pour 15,2 millions d’euros.

Top 5 de la pharmacie marocaine (Chiffre d’affaires 2010, en millions d’euros) SOURCE : JEUNE AFRIQUE

annonce a surpris tout le monde : « Nous l’avons appris par la presse », commenteWidadOuardi, analyste financier chez Integra Bourse, au lendemain de l’annonce du rachat de Promopharm par le jordanien Hikma Pharmaceuticals. La neuvième entreprise pharmaceutique du Maroc (3,5 % de part de marché), cotée à la Bourse de Casablanca depuis 2007 (avec une capitalisation de 85 millions d’euros), a cédé le 3 octobre 63,9 % de son capital, pour 83 millions d’euros – soit 20,5 fois les bénéfices 2011 ! Hikma, coté à Londres, New York et Dubaï, a dans la foulée lancé une offre publique sur les 36,1 % restants (22,1 % de flottant, 8 % détenus par le Régime collectif d’allocation de retraite, 6 % par l’assureur RMA Watanya). Le Conseil déontologique des valeurs mobilières doit rendre son avis sur

Cooper Pharma

181,3

Laprophan Sanofi Aventis Maroc Maphar Sothema

118,4 96,6 96 69,4

royaume sera en outre une tête de pont pour s’étendre en Europe et aux États-Unis (30 % de ses ventes actuelles). D’autant que les révolutions arabes, notamment en Libye – où Hikma réalisait plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel – et en Tunisie, ont presque divisé par deux les perspectives de croissance du groupe, de 13 % à 7 %. Son cours a chuté de 30 % depuis le début de l’année. Fondé en 1978 à Amman par Samih Darwazah – il sera plus tard ministre jordanien de l’Énergie –, Hikma vise 750 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011 (565 millions en 2010, dont 60 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient). Le groupe a été la première entreprise de Jordanie à exporter aux ÉtatsUnis, au début des années 1980. Spécialisé dans les génériques, il s’est illustré, en octobre 2010, par le rachat de la branche des produits injectables de l’américain Baxter Healthcare, pour 80 millions d’euros. Cette opération a fait de Hikma le deuxième fournisseur de ces produits aux États-Unis, avec 15 % de part de marché. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


Baromètre AFRIQUE DU SUD

Actis est de retour

À Lagos, la consommation sauve la mise VALEUR

Nestlé Nigeria

Le capital-investisseur anglais a repris la société de géolocalisation Tracker, pour 325 millions d’euros.

Nigerian Breweries Guinness Nigeria Stanbic IBTC Lafarge Wapco

C

Guaranty Trust Bank Zenith Bank Dangote Cement First Bank of Nigeria United Bank for Africa

est le retour des grandes opérations de capital-investissement. Après la reprise des activités aval en Afrique de Shell par le négociant Vitol et le capital-investisseur Helios Investment Partners, pour 735 millions d’euros, en février, c’est au tour d’Actis d’entrer en scène. L’investisseur basé à Londres reprend le sud-africain Tracker, pour 325 millions d’euros. Créée en 1996, cette société de géolocalisation de véhicules compte notamment parmi ses clients la police nationale sudafricaine, et distribue ses produits (des émetteurs disposés sur les voitures) dans une trentaine de pays. Dans le détail, Remgro, holding d’investissement de la famille Rupert, cède ses parts, tandis que les autres actionnaires, FirstRand et MineworkersInvestmentCompany, réinvestissent dans l’opération. BIENTÔT CARLYLE ? Actis est un habitué des opérations géantes. En 2007,ilavaitreprisAlexanderForbes pour plus de 800 millions d’euros, puis, en 2008, Alstom South Africa (aujourd’hui Actom) pour 500 millions. Mais la première économie africaine n’avait connu aucune opération de grande ampleur en 2009 et 2010. Avec l’acquisition de Tracker, la tendance semble à nouveau s’inverser. D’autant que d’autres investissements importants sont annoncés. L’américain Carlyle, nouveau venu au sud du Sahara, chercherait ainsi à acquérir, pour environ 375 millions d’euros, Savico, spécialistesud-africaindessystèmes électriques et hydrauliques. ●

Marchés financiers

SECTEUR

COURS au 5 octobre (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

ALIMENTAIRE

2,55

+ 33,4

BIÈRE

0,56 1,37 0,06 0,26

+ 13,6 + 12,8 + 12,4 – 1,7

0,08 0,08 0,64 0,06 0,03

–7 – 12,9 – 15,1 – 29 – 41,8

BIÈRE BANQUE CIMENT BANQUE BANQUE CIMENT BANQUE BANQUE

FRAPPÉE par un troisième trimestre 2011 ravageur, la Bourse du Nigeria a sombré dans le rouge, affichant une baisse de plus de 15 % depuis le début de l’année. Les valeurs bancaires ont particulièrement souffert devant l’incertitude quant aux possibilités de recapitalisation de certaines institutions. Mais leurs cours ont toutefois rebondi début octobre, et le secteur semble désormais mieux positionné pour

les mois à venir. D’autant que d’autres rapprochements, après ceux déjà annoncés (EcobankOceanic et Access-Intercontinental), pourraient avoir lieu. Le secteur des biens de consommation tire les performances vers le haut, servi par les perspectives favorables à moyen terme en matière de pouvoir d’achat. Les brasseurs, notamment, doivent profiter de l’augmentation de leurs capacités de production. ●

Valeur en vue UNILEVER NIGERIA Une valorisation peu attractive BOURSE Lagos • CA 2010 308,5 millions de dollars (+ 5,2 %)

COURS 27,26 nairas (5.10.2011) • OBJECTIF 23,61 nairas

NOUS DÉBUTONS la couverture d’Unilever Nigeria avec une recommandation de vente. La société est l’un des leaders de la distribution de biens de consommation au Nigeria, avec des activités couvrant l’alimentaire, les soins personnels et les produits ménagers. Les perspectives du secteur sont très prometteuses dans ce pays et nous pensons qu’il offre un bon potentiel de croissance. Néanmoins, selon nous, il devrait être difficile pour Unilever Nigeria de garder ses coûts sous contrôle, en raison notamBinta Cisse ment de la mauvaise qualité des infrastructures du Drave pays et des taxes douanières élevées appliquées sur Analyste chez Exotix les matières premières. De plus, le prix des matières premières devrait affecter les marges, tandis que le maintien de la visibilité de ses marques, dans un environnement de compétition avec Colgate-Palmolive et Nestlé Nigeria, implique des dépenses marketing importantes. Avec un ratio cours/bénéfices à 25,3, contre une moyenne de 18,3 pour le secteur, nous pensons que la valorisation actuelle d’Unilever Nigeria n’est pas attractive. » ●

FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Culture & médias

résur

La d’Ablaye Ndiaye Thi MUSIQUE

Star incontournable de la musique sénégalaise des années 1950 et 1960, le chanteur sort un album lumineux et se produit à nouveau en tournée. Le baobab de la rumba afro-cubaine est toujours vert !

PIERRE MORESTIN

«

T

ino Rossi, BB King, Chuck Berry, James Brown… » Quand on lui demande qui sont ses idoles, Ablaye Ndiaye Thiossane égrène des icônes d’autrefois et vous parle de Marinella comme s’il s’agissait du tube du moment. À 75 ans, avec sa barbe soignée, couleur de neige, le chanteur, qui sort son tout premier disque et part en tournée en France, n’est pas vraiment un débutant. Le vieil homme au français hésitant est originaire de Thiès, à 70 km de Dakar, dans la région du Cayor, qui s’illustra pour sa résistance farouche aux velléités colonisatrices de l’Hexagone. Né dans une famille de griots, il

Au firmament de sa carrière, il rencontre le grand Duke Ellington. se souvient d’une jeunesse bercée par les airs traditionnels que lui chantait sa mère, mais aussi par des musiques que lui faisait découvrir son père mélomane, entre standards américains (Harry Belafonte, Duke Ellington), chanson arabe (Farid El Atrache), orchestre cubain (le Septeto Habanero) ou rumba africaine (le Grand Kallé)… C’est en métissant ces influences qu’Ablaye modernise la musique traditionnelle sénégalaise. Il entame sa carrière en 1952, jouant au sein de nombreux groupes : la troupe théâtrale de l’Union artistique de Thiès, le Cayor Rythme et le Thiossane Club, dont il est le fondateur (thiossane signifiant « racines », allusion aux « roots » de la musique africaine). Il est l’un des premiers N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

FLORENT MAZZOLENI/ACCENT PRESSE

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MALGRÉ LA GLOIRE des années 1950 et 1960, le chanteur a connu une longue traversée du désert.

à donner de la place aux guitares électriques dans ses chansons, enregistrées directement à la radio, et qui deviennent souvent des succès populaires. Entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1960, l’artiste est indétrônable au Sénégal. À tel point qu’en 1966 l’un de ses titres, Talene Lampe Yi, est retenu comme hymne radiophonique du premier Festival mondial des arts nègres, organisé par Léopold Sédar Senghor, à Dakar. À cette occasion, Ablaye, au firmament de sa carrière, rencontre même le grand Duke Ellington, qui l’invite à donner de la voix dans son orchestre… Rendez-vous manqué : le chanteur doit se produire au même moment à l’autre bout de la ville. JEUNE AFRIQUE


rection

ossane

Culture médias L’histoire de ce retour tardif sur scène est donc celle d’un « repêchage ». Le célèbre producteur Ibrahima Sylla, qui a contribué à faire connaître Salif Keita, Ismaël Lo ou encore Alpha Blondy, le rencontre par hasard dans un hôtel de Dakar. « Je n’en revenais pas, raconte-t-il, pour moi, c’était une légende… et tout le milieu de la musique l’avait lâché, personne ne lui avait tendu la main. Pourquoi laisser une bibliothèque brûler ? Ablaye a dû créer plus d’un millier de titres, il fallait les faire redécouvrir. » LÉGENDE. Le chanteur se

MULTICARTE : Ces dernières années, le Sénégalais s’est fait connaître comme… artiste peintre !

Et puis ? Et puis plus rien. Ablaye disparaît subitement de la scène. Les raisons de cette éclipse sont obscures, mais certains évoquent une crise mystique. On le retrouve, quelques années plus tard, peintre-cartonnier à la manufacture de tapisserie de Thiès ! L’artiste multicarte, qui s’est fait la main en copiant des affiches de films, s’est inscrit entre-temps à l’École nationale des arts. Ses créations, étonnantes, sont à mi-chemin entre les toiles multicolores de Robert Delaunay et les tableaux mouvementés des futuristes italiens… à la différence près qu’il représente des Africains (à voir sur myspace.com/thiossaneablaye). C’est d’ailleurs plutôt comme plasticien qu’il est connu aujourd’hui dans sa région natale. JEUNE AFRIQUE

À ÉCOUTER : Thiossane, Syllart/ Discograph, sortie le 3 octobre. À VOIR : En tournée en France à partir d’octobre. Le 3 novembre au New Morning, à Paris.

laisse aisément convaincre, mais la production de l’album prend du temps, ne serait-ce que pour déterminer les chansons à enregistrer. « Lors de notre première séance de travail, se souvient Ibrahima Sylla, Ablaye est venu me voir avec quatre cassettes audio, soit quarantequatre chansons! Et dans le lot, beaucoup de tubes potentiels… On ne savait plus quoi sélectionner. » Seconde étape, réunir les musiciens autour du chanteur. Le choix a été plutôt serré : ont été retenues beaucoup d’anciennes gloires de la musique africaine. Entre autres grands noms : Papa Noël (guitariste et fondateur de l’orchestre Bamboula, à Kinshasa), Cheikhna Ndiaye (guitariste de l’orchestre national du Sénégal), Thierno Kouyaté (saxophoniste de l’orchestre Baobab), Khar Mbaye Madiaga (doyenne des cantatrices traditionnelles sénégalaises) et Doudou Seck (spécialiste des chansons de lutte aux arènes sénégalaises). Beaucoup de ces anciens, justement, suivent Ablaye dans sa tournée française. Ce grand come-back teinté de nostalgie en évoque immanquablement un autre qui a enchanté l’Occident, celui du Buena Vista Social Club. Et d’ailleurs, leur revival emprunte beaucoup aux rythmes latino-américains : sur les neuf pistes que comprend le CD, on compte six titres de rumba africaine. REDÉCOUVERTE. Dans l’industrie musicale,

l’heure est à la redécouverte, alors que le label londonien World Circuit Records entraîne à nouveau en studio l’orchestre Baobab, né dans les années 1970, et qu’Analog Africa, un autre label, basé à Francfort, sort des compilations de titres de soul et de funk africains datant également des seventies ! Mais, pour artificielle qu’elle paraisse, cette « fabrication » d’un groupe d’anciens délivre une musique d’une grande sincérité. Ablaye et son groupe se donnent avec générosité. Ibrahima Sylla souligne que, fait inhabituel, beaucoup de musiciens ayant participé à l’album ont renoncé à leur cachet, car ils se sentaient redevables vis-à-vis d’un artiste qui les a aidés à se construire. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Culture médias LITTÉRATURE

Barbarie coloniale Sans prendre de gants, l’écrivain Mathieu Belezi livre sa vision de la colonisation française en Algérie. Un roman sombre, glaçant et proche du réel.

I

l est obèse, centenaire, raciste, sexiste et antisémite. Il s’appelle Albert Vandel et il est le personnage central des Vieux Fous, le dernier roman de Mathieu Belezi. Dans un style lyrique et violent, Vandel, « premier et dernier colon d’Algérie », raconte cent ans de conquête coloniale. Le roman commence en 1962, alors que Vandel est acculé par « ces foutus ratons ». Mais il en est persuadé, « ils ne (l)’auront pas ». Car ce vieux fou, imprégné par un siècle d’idéologie coloniale raciste et arrogante, n’a plus une ombre de lucidité. Persuadé de sa toute-puissance, il croit en une « éternité algérienne », « où nous pourrions enfin vivre en paix, entre chrétiens de haute race ». Dans ce livre, il se souvient avec délectation de la pacification des territoires, des fêtes du centenaire de 1930, où les colons célébraient une Algérie française et triomphante. « Plus qu’un personnage, Vandel est une métaphore de l’occupation. Il aurait pu être ailleurs, au Maroc ou en Indochine. Il incarne toute la folie, la démesure et la violence qu’a engendrées l’aventure coloniale », explique Belezi. CRUDITÉ. Du début à la fin, le lecteur n’a

pas d’échappatoire. Le sang, le sperme, la sueur sont partout. Les humiliations, les viols, les meurtres d’enfants sont racontés avec une crudité parfois insoutenable. Des « colonnes infernales », mises en place par le général Bugeaud, à l’épidémie de choléra qui ravage Alger, en passant par l’arrestation arbitraire d’un médecin juif,

Vandel ne nous épargne rien. Et comme Ouhria, sa bonne et interlocutrice, on a envie de lui dire : « Foutez-moi la paix, monsieur Albert. » « Et pourtant, je n’en ai absolument pas rajouté. Tout ce que je raconte a existé, je n’ai rien inventé. On coupait des têtes pour impressionner les villageois, on enfumait des tribus dans les grottes, on vendait les femmes. La colonisation a été une effroyable tragédie », explique le romancier. Pour ce livre, il a relu les travaux de l’historienne Annie Rey Goldzeiguer, mais aussi des lettres d’officiers ers envoyés en Algérie et qui racontent à leur famille la sauvagerie de la conquête. « Mais ils ne voyaient pas le mal. Ils étaient chez les barbares. » Il a aussi relu les Cahiers du centenaire, les discours « effarants » prononcés en 1930, et s’est souvenu qu’au XIXe siècle, dans la Revue des deux mondes, on parlait purement et simplement d’« extermination ». Pour mettre en appétit, le livre s’ouvre d’ailleurs sur une citation du général Bugeaud : « J’ai soumis le fanatisme des Arabes, à tel point qu’ils sont aujourd’hui soumis comme des moutons. » SERENA ELLER VAINICHER/FLAMMARION SERE

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KAMEL DAOUD BIENTÔT PRIMÉ ? NÉ EN 1970 à Mostaganem (Algérie), Kamel Daoud est journaliste au Quotidien d’Oran où il tient la chronique « Raïna Raïkoum ». Il est aussi l’auteur d’un recueil de nouvelles, Le Minotaure 504, paru aux éditions Sabine Wespieser. Il fait partie des 12 lauréats du prix Wepler-Fondation La Poste qui sera remis le 14 novembre 2011. Dotée de 10 000 euros, cette récompense littéraire n’est pas tout à fait comparable aux autres : son jury est tournant, indépendant, composé de lecteurs et de professionnels. Elle privilégie la création qui « prend le risque d’une langue neuve – au prix parfois d’une certaine marginalisation ». ● NICOLAS MICHEL N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Les Vieux Fous Mat Mathieu Belezi, Flammarion, 432 pages, 22 euros

« Et dire que quand j’étais enfant on me décrivait Bugeaud comme un héros », se désole l’auteur. Quand on connaît l’état des relafranco-algériennes et la sensibilité tions fr extrême du sujet colonial en France, on peut penser que Mathieu Belezi a pris des risques en rouvrant le débat. « C’est une histoire si révoltante que plus personne ne veut en entendre parler », assène la dernière phrase du roman. Certains l’accuseront peut-être de vouloir de nouveau pousser les Français à la repentance, d’occulter les fameux « aspects positifs de la colonisation » pour en exacerber au contraire la barbarie. Mais Belezi ne cherche pas à choquer pour choquer. Désireux de rafraîchir la mémoire française, il veut sortir les cadavres des placards et mettre des mots sur une x de violence qui a duré un siècle, qui a réuni droite et gauche et qui s’appuyait avant tout sur l’idée d’une hiérarchie entre les races. « Je ne cherche pas à culpabiliser,maisj’enaimarredel’amnésie française. C’est peut-être pour ça que je JEUNE AFRIQUE


Culture médias PORTRAIT

Tant de cordes à son oud… Rencontre au Caire avec le jeune virtuose égyptien Mohamed Abozekry, âgé d’à peine 20 ans.

MICHAEL DE PLAEN

vis en Italie. Les Américains ont su, par exemple, filmer les horreurs du Vietnam. Moi j’aimerais qu’on fasse un film de ce livre. Finalement, la conquête de l’Algérie, c’est un peu notre western! » Insatisfait de ce qu’il entend dans les médias sur le sujet, il a été profondément choqué par l’accueil qu’a réservé le « lobby » pied-noir au dernier film de Rachid Bouchareb. Quant à ceuxquiluireprocherontden’avoiraucune légitimité, puisqu’il n’est jamais allé en Algérie et n’a pas connu la colonisation, il répond avec sérénité. « La littérature a tous les droits. Elle permet d’investir des lieux où l’on est jamais allé, de ressentir ce que ressent une femme même quand on est un homme. Et la littérature peut dire ce que les politiques et les historiens ne peuvent pas dire. » HORREUR. Les Vieux Fous sont avant

tout une œuvre littéraire, où le style l’emporte sur les idées, où le lyrisme défie les concepts. Belezi réussit à maîtriser un style baroque et poétique qui emprunte à la fois à Faulkner et au réalisme magique de la littérature sud-américaine. « Je n’aurais pas écrit ce livre si je n’avais pas trouvé un souffle, une musicalité. Il faut avoir un fort support stylistique pour décrire cette horreur, sinon c’est infernal. » Cela donne un roman à la croisée du chant épique et du délire, où le burlesque le dispute au tragique. « Finalement, peu d’écrivains ont dénoncé la conquête algérienne. Bien sûr, il y a eu Bourdieu, Tocqueville ou Fromentin », ajoute Belezi, qui, quitte

Désireux de rafraîchir la mémoire française, Belezi souhaite sortir les cadavres des placards. à être qualifié d’empêcheur de tourner en rond, se passionne pour cette période trouble. Après C’était notre terre qui racontait la vie d’une famille de colons dans un grand domaine algérien, Belezi voudrait à présent dire l’histoire d’une famille de colons très pauvres affrontant la maladie et la faim. « Bizarrement, la littérature a peu investi ces territoires. Parler de la guerre, c’est facile, chaque camp est clairement identifiable. Mais raconter le quotidien de la colonisation est beaucoup plus compliqué. Le colon, c’est n’importe qui, c’est vous, c’est moi. » ● LEÏLA SLIMANI JEUNE AFRIQUE

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À

LE PRODIGE a ouvert la saison de l’Institut du monde arabe.

tout juste 20 ans, Mohamed Abozekry a déjà une longue carrière derrière lui. Il a parcouru le Maghreb et le Moyen-Orient avec l’Orchestre d’Orient et l’Orchestre de la Maison du luth arabe, en compagnie de son professeur, l’Irakien Naseer Shamma. Il a donné ses premiers récitals en solo, il y a quelques années déjà… Il a aussi monté les marches du Festival de Cannes, cette année, pour le film 18 Jours, recueil de dix courts-métrages sur la révolution égyptienne qui reprend sa musique. En septembre, il présentait à l’Institut français du Caire ses compositions dans le cadre du festival Mesk El Lil, entouré de son groupe, HeeJaz, quartet aux influences jazz et arabo-andalouses. « J’ai été ébloui par son talent, note Rabah Mezouane, programmateur de l’Institut du monde arabe (IMA), son jeu très fluide, mélodique et cristallin. Ce n’était pas un choix fortuit en cette année de bouleversements que d’ouvrir la saison avec un jeune artiste égyptien. » Une consécration pour Abozekry, qui côtoie désormais dans le programme de l’IMA les incontournables Natacha Atlas et Nass El Ghiwane, ou encore les chanteuses tunisiennes Ghalia Benali et Emel Mathlouthi. En séjour dans sa ville natale du Caire, Mohamed Abozekry enchaîne les

rendez-vous: il est devenu la coqueluche des journaux et plateaux de télévision. Cela ne l’empêche pas de courir après une contrebasse, de s’énerver dans les embouteillages, de passer à la Maison du luth arabe, où il fut nommé professeur et soliste à l’âge de 14 ans, avant de se rendre chez Hazem Shaheen, autre joueur d’oud génial et fils d’un célèbre opposant au régime de Moubarak. Approché par le distributeur Music Melody, Abozekry évoque son premier album, prévu pour l’an prochain. « J’ai intégré à ma musique des éléments jazz, blues, voire un peu rock… Chacun de mes musiciens apporte une couleur. » Son groupe, il l’accueille chez lui, sous l’œil bienveillant de sa famille. CONTRASTE. Voici deux ans, Mohamed

Abozekry mettait le cap sur Lyon. À la clé, de nouveaux éléments à intégrer à sa musique : « J’avais fait le tour de l’enseignement classique et des musiques orientales, qui sont la base de ma musique.Monesthétiqueetmonapprochede l’instrument ont évolué. » Ce mois-ci, il présente un nouveau projet, en duo avec le beatboxer Ezra, autour du contraste entre un instrument millénaire et une discipline issue de la culture hip-hop. Nul doute qu’il continuera de parcourir le monde, son oud à la main. ● JEAN BERRY N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011


Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

MUSIQUE

Vue de l’esprit C’EST UNE BALADE en terres soufies que nous propose Nawal avec son troisième album, Caresse de l’âme (Embrace the Spirit). Accompagnée de son fameux gambousietd’autresinstrumentstraditionnels, la chanteuse comorienne nous accueille par un chaleureux « salam aleïkoum » avant de nous faire pénétrer dans ce qui pourrait être sa propre mosquée. Une femmeimam?! Ce n’est pas la première fois que Nawal casse les codes. Avec cet opus, elle s’amuse à faire siens des textes mystiques ou des prières, et franchit un cap dans sa quête d’essentiel. C’est apaisant, mais décevant pour ceux qui avaient été bluffés, dans ses deux premiers albums, par la rage qu’elle y exprimait. ● RÉMI CARAYOL Caresse de l’âme, Nawal, Jade Records

■■■

POLAR

En quête d’intrigue UN ADOLESCENT sans histoires qui disparaît mystérieusement, un couple qui cache de nombreux secrets, un policier patachon qui mène l’enquête… Tous les ingrédients d’un bon polar sont réunis. Sauf que Le Sourire macabre de Sophie Adonon fait grincer des dents : maladresses, lourdeurs de style et incohérences rendent l’intrigue imbuvable. Et coupent l’envie de lire Le plat qui se mange froid, du même auteur. Dommage pour Sophie Adonon, dont le seul mérite est, finalement, d’avoir planté le décor à Cotonou, au Bénin. ● MALIKA GROGA-BADA

Le Sourire macabre, Sophie Adonon, Éditions Amalthée, 125 pages, 13 euros ■■■ N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

E.ENTRESSANGLE/RECONSTITUTION ATLEIR DAYNES PARIS

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EXPOSITION-LIVRE

Visages du passé

La Française Élisabeth Daynès, paléo-artiste, présente ses reconstructions anatomiques jusqu’au 23 septembre 2012 au Musée départemental de préhistoire d’Île-de-France.

À

Nemours (Seine-et-Marne), humains. « Le crâne découvert récemau Musée départemental de ment en Ouganda est celui d’un grand préhistoire, impossible de singe, vieux de 20 millions d’années. Je trouver Lucy. Mais Lucien m’intéresse en priorité aux origines de (photo) est là pour représenter les austral’homme », précise-t-elle. Son rêve : reslopithèques (Australopithecus afarensis) susciter la petite Dikika, un bébé austrad’Éthiopie. Du haut de son mètre qualopithèque vieux de quelque 3 millions rante-cinq, Lucien vous fixe, le regard plein de « Il n’y a pas eu un développement bonté. À l’instar de Lucy, linéaire de l’espèce humaine. » Lucien a été découvert sur le site de Hadar, dans ÉLISABETH DAYNÈS, paléo-artiste la Corne de l’Afrique. En 1999, une étroite collaboration entre d’années dont le crâne « complet et magniÉlisabeth Daynès et l’éminent anatomiste fique » a été découvert en Éthiopie. Le plus YoelRakapermisderedonneruneidentité ancien qu’elle ait reconstitué demeure Toumaï (Sahelanthropus tchadensis), et une humanité au couple Lucy/Lucien. L’objectif de Daynès ? Rendre ses sculpnotre ancêtre tchadien âgé de 7 millions tures plus vraies que nature. Ainsi, pour d’années. Avec cette exposition, Élisabeth façonner les rides d’expression des austraDaynès invite le visiteur à s’interroger sur lopithèques, elle utilise l’empreinte d’une ses origines. Peu importe l’ordre chronologique : périodes et patte d’hippopotame espèces se côtoient « afin qu’un ami taxidermiste L’Identité retrouvée. que le public prenne lui a donnée. Celle qui Les reconstructions conscience qu’il n’y a se définit comme une anatomiques, d’Élisabeth Daynès, « boulimique de crânes » pas eu un développeMusée départemental se montre néanmoins ment linéaire de l’espèce de préhistoire d’Îlehumaine ». ● sélective. Elle choisit de-France, 160 pages, ALEXANDRA BOQUILLON des restes complets et… 30 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias GUIDE

SANS OUBLIER

La Mauritanie facile AVEC CETTE 4E ÉDITION du guide consacré à la Mauritanie, le touriste hésitant n’a plus d’excuse. Du bouclage de sa valise au choix du meilleur vol, tout est détaillé. Une fois sur place, il pourra consulter le guide de bonne conduite pour ne pas finir au poste, et le lexique pour briller en société. Il saura même reconnaître un mirage et

anticiper le comportement des troupeaux sur la route. Devenu un vrai Mauritanien, il aura peut-être envie de rester. Pas de panique! Toutes les bonnes adresses sont prévues. ●

Le Festival international de la caricature et du dessin de presse de Ouagadougou (Burkina) aura lieu du 10 au 21 octobre 2011, avec des invités de marque comme l’Algérien Dilem, le Français Glez ou l’Ivoirien Karlos.

JUSTINE SPIEGEL

Mauritanie, Petit Futé, 186 pages, 15,95 euros ■■■

ROMAN

Pétrole blues SOUVENEZ-VOUS de la série cinématographique des Mad Max, inspirée par la crise pétrolière des années 1970… L’écrivain français Dalibor Frioux, 41 ans, aborde la question sous un autre angle. Dans une langue riche et recherchée, il décrit la société norvégienne du XXIe siècle, alimentée par l’argent de son « fonds éthique » pétrolier et coupée du reste du monde, où tout se déglingue. Démocratie, richesse, bien-être, écologie : un pays parfait ? Pas tout à fait… ● NICOLAS MICHEL

Brut, Dalibor Frioux, Seuil, 506 pages, 21,50 euros

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HANS SILVESTER

À paraître en décembre 2011, le numéro 68 de la revue trimestrielle L’Atelier du roman (Flammarion, 200 pages, 15 euros) sera consacré aux rapports entre l’Afrique et la littérature. Son titre : « De l’Afrique au roman et vice-versa », avec des contributions de Boniface Mongo-Mboussa, Mahi Binebine, Théo Ananissoh…

BEAU LIVRE

Coups de bâton LE DONGA, c’est une forme de duel au bâton auquel se livrent les hommes suris, en Éthiopie – notamment dans l’idée de prouver leur virilité et conquérir les femmes. Au plus près des corps, de la sueur, du sang, de la terre, le photographe d’origine allemande Hans Silvester (73 ans) livre une série de clichés impeccables sur une Afrique qui n’existe plus vraiment… ailleurs que dans le regard occidental. ● NICOLAS MICHEL

Donga. Se battre pour séduire, de Hans Silvester, Éditions de La Martinière, 212 pages, 65 euros JEUNE AFRIQUE

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Dans le cadre de l’appel à films du Yallah Film Festival, une cinquantaine de courtsmétrages sur le Printemps arabe ont été réceptionnés. Vingt-sept d’entre eux ont été retenus en compétition officielle et peuvent être vus sur yallahfilmfestival .com. Sept prix différents seront décernés le 19 octobre prochain par un jury où siègent les réalisateurs Merzak Allouache, Hicham Ayouch ou encore l’actrice Lubna Azabal. N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Culture médias MUSÉE

Une anthropologue au Quai Branly Au terme d’une rigoureuse enquête, l’Américaine Sally Price publie un livre sur l’institution parisienne, qui vient de souffler ses cinq bougies… sans, pour l’heure, avoir réussi à s’imposer comme un modèle de musée postcolonial.

C

est un livre qui dérange, mais, contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre, ce n’est pas un pamphlet. Au musée des illusions, le rendezvous manqué du Quai Branly est une enquête remarquable et équilibrée, signée de l’anthropologue américaine Sally Price, à l’origine spécialiste des sociétés marronnes. Connue en France pour son livre Arts primitifs, regards civilisés (École nationale supérieure des beauxarts, 1995, rééd. 2006), elle s’intéresse aujourd’hui à la manière dont l’Occident considère – et expose – les arts non occidentaux. Rien de surprenant, donc, à ce qu’elle se soit penchée sur l’histoire du musée voulu par le président français Jacques Chirac et qui vient tout juste de fêter ses cinq années d’existence.

d’exposer leurs objets ? « Les négociations sont ouvertes avec des représentants de l’État et non avec des représentants de groupes culturels au sein d’un État. Elles se déroulent par la voie de la persuasion diplomatique au niveau des ambassades, jamais par la reconnaissance de visions culturelles particulières qui sacralisent la propriété de tel ou tel objet », écrit Price. Et si elle reconnaît que certaines expositions de qualité sont organisées par le Quai Branly, elle pointe du doigt des manques gênants au niveau du plateau des collections. « On a systématiquement effacé les conditions dans lesquelles ces objets sont venus en France, et ce, même à la fin du XXe siècle, par le biais de circuits pas toujours très nets », dit-elle, regrettant qu’il existe toujours, au sein du musée, un fossé entre « the West and the rest » – les objets européens, par exemple, ne « dialoguant » pas avec ceux des POLÉMIQUES. En 370 pages autres continents. Enfin, fouillées et argumentées, elle insiste sur le poids, COMMENT EXPOSER LES ARTS NON OCCIDENTAUX EN OCCIDENT ? s’interroge l’anthropologue. Sally Price raconte la généaau sein de l’institution, logie du projet, sa mise en des collectionneurs et des marchands, très écouplace, les conditions de sa visibilité qu’ils méritent… et j’ai tés alors qu’ils ont des naissance, remontant bien au-delà de intérêts financiers bien suivi de près toute l’histoire. » la mythique rencontre, à l’île Maurice, Le livre revient ainsi longueéloignés de toute consientre le sulfureux collectionneur Jacques Kerchache et le président de ment sur les difficultés et les polédération scientifique. Un Au musée des miques qui ont accompagné la constat que faisait déjà, la République française. « Alors que je illusions, le rendezvous manqué création du musée et la mort de en 2006, Anne-Christine travaillais en Californie sur la mise en du Quai Branly, ses deux « parents » agonisants, Taylor, l’actuelle direcplace d’une exposition portant sur les de Sally Price, le musée de l’Homme et le musée trice du département de arts des Noirs marrons, j’ai été frappée Denoël, 370 pages, par toutes les idées qui circulaient autour national des Arts d’Afrique et la recherche et de l’ensei24,50 euros de l’“art primitif” parmi les journalistes, gnement du musée. Cette d’Océanie. Mais il va bien aules commissaires d’expo, les enseignants, delà, en posant une question fondamendernière concluait en effet une conférence les designers, se souvient-elle. Je me suis tale : avec ce musée, la France a-t-elle à l’École normale supérieure en affirmant demandé: “Qu’est-ce qu’un ‘connaisseur’ réussi à se positionner par rapport à son que la présence des collectionneurs était dans ce domaine ?” J’étais à Paris quand histoire coloniale ? La réponse semble « encombrante, voire embarrassante j’ai entendu dire que Jacques Chirac voumalheureusement négative. Consultepour le musée, mais aussi profitable, lait donner aux arts non occidentaux la t-on les ethnies concernées quand il s’agit voire nécessaire ». ● NICOLAS MICHEL N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Guinée : la justice en otage deux ans déjà ! Pourtant, je me souviens de cette terrible tension au-dessus des quartiers de Conakry comme si c’était hier. J’y accompagnais des enquêteurs de Human Rights Watch venus faire la lumière sur le massacre de triste

CONAKRY, 2 OCTOBRE 2009, esplanade de la mosquée. Corps de victimes de la répression du 28 septembre.

des lieutenants-colonels Claude Pivi et Moussa Tiégboro Camara, nommés respectivement ministre de la Sécurité présidentielle et directeur de l’Agence nationale antidrogue. Ce 28 septembre constitue, on le sait bien, l’une des pièces les plus délicates du lourd contentieux dont les nouvelles autorités guinéennes ont hérité. On ne peut l’écarter d’un revers de main. D’autant que certains des actes commis dans ce stade pourraient relever de crimes contre l’humanité. Alors que nous célébrons le deuxième anniversaire d’un massacre dont l’horreur hantera à jamais les esprits, continuer à assurer l’impunité à ses présumés auteurs est une insulte aux victimes. ● ALOYS HABIMANA, directeur adjoint de la division Afrique à Human Rights Watch,

mémoire, perpétré le 28 septembre dans le stade du même nom. L’horreur qui nous était apparue au bout d’une dizaine de jours de travail n’a pas fini, aujourd’hui encore, de nous interpeller. Elle renforce encore plus notre conviction qu’on ne peut reconstruire la Guinée sans lever les zones d’ombre qui entourent cette tragédie, sans rendre justice aux victimes. Hélas, deux ans ont passé, et les nouvelles autorités tardent à s’en persuader, ce qui constitue une autre tragédie. Certes, au mois de juin dernier, grâce à un panel de trois juges, créé en 2010, deux personnes ont été mises en détention et une troisième inculpée pour leur rôle présumé dans ces violences. Mais, qu’aucun des responsables de la junte militaire soupçonnés d’être impliqués dans ces massacres et viols ne soit inquiété dépasse l’entendement. Pis, la nomination à des postes importants de l’administration de quelques-uns parmi eux ne présage rien de bon quant à la volonté de l’État de rendre justice aux victimes. C’est le cas notamment avec la promotion JEUNE AFRIQUE

Nairobi, Kenya

L’après-Kaddafi, selon Cameron et Sarkozy Pour leur intervention en Libye, la France et la Grande-Bretagne ont obtenu l’accord et la bénédiction de la Ligue arabe (Qatar). Une fois la guerre gagnée, le partenaire arabe n’a pas été convié au banquet…

D’ailleurs, Ali Sallibi, leader islamiste libyen et homme du Qatar, n’a-t-il pas violemment critiqué le Conseil national de transition (CNT), accusant son numéro deux de jeter les bases d’un État totalitaire ? De gros conflits idéologiques en perspective… ● FATHI TOUNAKTI, Hammam-lif, Tunisie

Côte d’Ivoire : aller à la paix Voilà six mois qu’Alassane Ouattara exerce pleinement le pouvoir en Côte d’Ivoire. L’homme essaie tant bien que mal de remettre le pays sur les rails. Il suffit d’observer ce qui s’y passe actuellement pour comprendre que le nouveau président veut faire de la Côte d’Ivoire une grande nation, réconciliée avec elle-même. Même ses détracteurs les plus farouches veulent bien admettre que le pays est au travail. Des difficultés affectent encore le volet sécuritaire du projet présidentiel, mais tout n’est qu’une question de temps. La paix, nous en avons besoin. Les hommes, les femmes et les enfants qui ont vécu cette terrible tragédie vous diront sans hésitation qu’ils donneraient cher pour ne plus revivre ces instants. Ceux qui parlent de coup d’État, de reprise des hostilités, doivent savoir qu’en cas de nouveau conflit le pays tout entier pourrait disparaître. Nul ne voudra se laisser faire et surtout pas les nouveaux hommes forts du régime. Les dirigeants intérimaires du Front populaire ivoirien (FPI) devraient ● ● ●

Cher Béchir Ben Yahmed EN RAPPROCHANT le contenu et le cheminement d’une brochette de près d’une vingtaine de vos éditos, on ne peut s’empêcher d’admirer votre courage, votre lucidité et votre humour. Des annéeslumière vous séparent de ce rustre bédouin mal dégrossi de Kaddafi, qui, devant l’adversité, a retrouvé son instinct grégaire pour se rapprocher des siens, s’est accroché à sa terre natale, et au salut de l’exil a préféré combattre pour des valeurs et des convictions d’un temps révolu. En d’autres temps et sous d’autres cieux, pour un lopin de terre perdu dans les montagnes de l’arrière-pays, d’autres personnes, d’évidence plus sages, plus fines et plus civilisées, avaient abandonné famille et patrie, préféré les rigueurs de l’exil à l’aventure d’une lutte aux conséquences imprévisibles, le gros du bétail. La vie n’est-elle pas, en fin de compte, une aventure personnelle et unique ? ● A BDALLAH L AABIDI , Tunis, Tunisie N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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Vous nous

● ● ● agir en hommes responsables et l’admettre : Laurent Gbagbo sera jugé par la Cour pénale internationale. Alassane Ouattara lui-même n’y peut rien, et l’ancien président en est conscient. Plutôt que de continuer à attiser la haine entre Ivoiriens, ses partisans feraient mieux d’exhorter ceux des leurs qui sont emprisonnés à accepter leur sort, car ils ont bien joué un rôle dans la mort de quelque 3 000 de leurs compatriotes ! Les Ivoiriens, dans leur grande majorité, aspirent désormais à la PAIX, à l’amour, au vivre ensemble et au développement. ● YANOURGA SANOGO,

Paris, France

Le Cameroun doit changer ! Depuis près d’un mois, votre hebdomadaire braque ses projecteurs sur le Cameroun. Un dossier de 32 pages il y a deux

2011 © O l i v ia A r t h u r / Ma g n u m P h o to s

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Yaoundé n’ont été jamais semaines, suivi d’un achevés, que les supplément sur les populations de Kribi opportunités d’investisattendent toujours leur sement au Cameroun et indemnisation du projet d’une épître de François du port en eau profonde, Soudan aux Camerounais, qu’entreprises et dans le numéro 2647. Un investisseurs ne s’installent article bien rédigé avec pas à la vitesse grand V… les mots justes et S’il veut entrer dans l’objectivité adéquate. J.A. N° 2647, l’Histoire, notre candidat L’article aborde de façon du 2 au devra choisir des hommes directe l’interrogation qui 8 octobre 2011 et des femmes qui auront hante au quotidien les esprits réellement à cœur de servir la des Camerounais. Qu’adviendra-t-il République et non de s’enrichir. de notre pays ? Il faut peut-être croire Il devra être plus rigoureux, plus que le énième mandat du président présent dans le suivi des dossiers Biya sera celui, effectif, de grandes et ne pas fonctionner en pilotage réalisations. Il faudra bien plus que automatique. Le Lion doit des discours pour convaincre une impérativement rugir ! jeunesse à bout de souffle. Nous voulons y croire mais, Au soir du 9 octobre, lorsque nous depuis plusieurs années, le doute lui aurons à nouveau donné nos voix, nous ronge, comme un cancer… ● je voudrais qu’il se souvienne que les HUGUES MBALA, Douala, Cameroun travaux autour du Palais des sports de

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Polémique

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Éd ROBERT MÉNARD Journaliste, chroniqueur radio-télévision, fondateur de Reporters sans frontières

Robert Ménard répond à François Soudan

J

E ME SUIS PINCÉ en lisant l’éditorial que François Soudan m’a consacré dans le numéro de Jeune Afrique du 2 au 8 octobre 2011. Ainsi, je ne serais plus fréquentable. Et pour justifier cette sentence, notre directeur de la rédaction se fend d’un réquisitoire qui enfile amalgames et contre-vérités. Je reprends donc les arguments de notre Fouquier-Tinville. Oui, c’est vrai, j’ai signé, avec Emmanuelle Duverger, un opuscule titré Vive Le Pen! Et alors? Ce pamphlet fait-il d’une manière ou d’une autre l’apologie du Front national? Est-ce un plaidoyer en faveur de Jean-Marie ou de Marine Le Pen ? Évidemment non. Il s’agit de défendre la liberté d’expression de tous, y compris de ceux dont on combat les opinions. À condition, bien sûr, et nous le disons dans ce livre, qu’ils n’appellent pas à la violence, au contraire de cette Radio des Mille Collines citée par François Soudan à l’appui erroné de sa démonstration. Deux solutions: ou il n’a pas lu notre livre et se contente de répéter ce qui a pu en être dit. Ou il l’a lu et il extrapole tendancieusement. Ni l’une ni l’autre n’est à son honneur… Deuxième argument: je fréquenterais « les thinktanks de l’extrême droite ». J’ai en effet accepté de participer à un colloque organisé par Polémia, club animé par Jean-Yves Le Gallou, un intellectuel d’extrême droite. Comme je le fais avec tous ceux qui m’invitent et me proposent d’aborder des thèmes sur lesquels ma contribution peut avoir un intérêt. Comme je le fais depuis vingt-cinq ans : rencontrer, discuter, débattre avec des personnes qui pensent à l’opposé de mes convictions. Où est le problème? J’ai lu des entretiens réalisés par François Soudan avec des potentats autrement plus dangereux que Le Pen « père et fille », que notre éditorialiste se flatte de n’avoir jamais interviewés. Je ne le lui ai jamais reproché. Il me semble même que c’est notre métier de journalistes, à lui comme à moi. Puis-je ajouter, puisqu’il ne me ménage pas, que, parfois, il m’a semblé que son impertinence ou son absence d’impertinence avait peut-être à voir avec les intérêts publicitaires de son journal… Non, je ne défends pas « Dieudonné à propos des Juifs », non plus que « Zemmour sur les immigrés délinquants » mais le droit de Dieudonné et de Zemmour de dire ce qu’ils pensent. Comme j’ai toujours défendu Jeune Afrique chaque fois que le journal était aux prises avec la censure. Encore une fois, je suis pour la liberté d’expression et pas

JEUNE AFRIQUE

seulement pour ceux qui partagent mes convictions. Et quand François Soudan poursuit en écrivant que je défends également « les théoriciens du complot » et « peut-être Gbagbo et pourquoi pas Kaddafi », il quitte le terrain de la polémique pour celui de la diffamation. N’étant pas procédurier, je le laisse s’expliquer avec sa conscience. Quant à sa saillie sur Pierre Péan, je laisse à mon ami Pierre le soin de lui répondre. Oui, François Soudan, j’ai bien dit mon ami Pierre Péan. Ce n’est pas moi qui me caricature, comme l’écrit François Soudan. Je reste simplement fidèle à quelques principes. Peut-être une pratique trop assidue des palais présidentiels africains a-t-elle fait perdre au directeur de la rédaction de Jeune Afrique tout sens de la rectitude… Dommage. Je ne lui demande pas de bien m’aimer, comme il le dit, mais de se contenter de me lire. En toute bonne foi. Simple b.a.-ba d’un métier qui s’appelle le journalisme. Pour le reste, je serai encore là quand Jeune Afrique aura – et malheureusement ce sera le cas – des problèmes avec tel ou tel autocrate. C’est un de mes principes, François Soudan. ●

Réponse: Robert Ménard se défend en lançant

une attaque de diversion, mais la ficelle est un peu voyante. Comparer le degré de présentabilité des personnes que nous avons interviewées n’aurait d’intérêt que si je prétendais vouloir interdire de parole les Le Pen, ce qui n’est évidemment pas le cas – chacun est libre de débattre ou non avec qui bon lui semble. Ce que je lui reproche, ce n’est donc pas d’avoir fait parler Marine Le Pen (et son père), mais d’être – je pèse mes mots – en empathie avec elle. Quand on dit (il suffit d’aller sur Dailymotion pour l’entendre) que Mme Le Pen « appelle un chat un chat » et « pose de vraies questions » auxquelles « elle apporte des réponses »; quand on ajoute, à propos des électeurs du Front national, « ce n’est pas que je les comprends, c’est que je les approuve », avant d’ajouter « j’approuve sur un certain nombre de points l’analyse de Marine Le Pen », il convient à la fois d’assumer ses propos et les réactions qu’ils ne manqueront pas de susciter. En d’autres termes, ce qui me sépare de Ménard s’appelle Le Pen, tout comme ce qui me sépare de Pierre Péan s’appelle Rwanda. Ce qui ne m’empêche pas de reconnaître à l’un comme à l’autre, et sur bien F.S. d’autres terrains, du courage et du talent. ● N o 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

L

ES GENS N’ÉCOUTAIENT PLUS LA RADIO que pour le bruit que ça faisait. » Ainsi parlait Sony Labou Tansi, qui dépeignait, dans l’un de ses romans, l’état d’esprit des habitants d’un pays dirigé par un guide providentiel. Aujourd’hui, il n’y a plus de guide providentiel. Mais les gens, toujours aussi désabusés, continuent à écouter la radio. Leurs motivations ? Écouter de la « bonne musique » ; suivre les avis et communiqués ou les prêches d’un vendeur de paradis ; d’autres, pour diverses raisons, tiennent encore à découvrir les dernières nouvelles du monde.

Un matin de septembre, mon poste récepteur est en marche. Sur la station que je capte, la présentatrice annonce une chronique intitulée « Pourquoi les Noirs n’aiment pas les Noirs ». Je dresse l’oreille, moi qui ai souvent entendu dire que « le Noir est l’ennemi du Noir ». Pour le chroniqueur – africain, je le souligne –, un Noir ne peut pas vouloir le bonheur d’un autre Noir. Sa seule préoccupation est d’écraser son semblable, le jalouser, le rendre malheureux. Toujours selon ce monsieur, pour toutes ces raisons, les Noirs ne peuvent pas s’entendre. Cela me rappelle ce que j’ai entendu en Guadeloupe, en 1998. Un habitant de Pointe-à-Pitre à qui je demandais pourquoi tous les commerces étaient détenus par des Libanais, sauf exception, me donna cette réponse renversante : « C’est parce que nous sommes incapables, nous, Guadeloupéens, de nous mettre d’accord pour monter une affaire ! » Un sociologue a osé écrire dans un ouvrage que « les Africains fraudent dans le métro » en France. Les Africains! Certains Africains sont convaincus que « les Africains parlent fort ». Le bruit et la fureur, n’est-ce pas ? Ou encore, comme ces deux Ouest-Africaines papotant dans un train de banlieue, que « les Africains sont bêtes » ! Bravo, messieurs ! Bravo, mesdames ! Vous êtes de fins observateurs. Ainsi donc, les Noirs – je me demande bien de qui il s’agit – seraient les champions du monde de la haine, de la convoitise, de la division, de la conflictualité, de la méchanceté, de l’ambition démesurée, de la bêtise. Les autres, seraient, eux, les orfèvres de l’altruisme, de l’amour infini du prochain, de la paix sociale, etc. Ce qui revient à dire que les Noirs ne sont pas comme les autres hommes. Doit-on, si l’on est noir, aimer ou haïr les autres Noirs même s’il n’y a aucune affinité, aucune animosité ? Doit-on, si l’on est noir, se laisser distancer par les autres Noirs au nom d’une fraternité de l’épiderme dans un monde où seule la compétition compte ? Les Noirs doivent-ils se jeter dans les bras les uns des autres en ne regardant que la couleur? Je me demande pourquoi quelques personnes veulent transformer leur propre frustration, leurs propres échecs, leur aliénation et leur ignorance en « vérité scientifique ». Les Noirs n’ont pas le monopole de la danse ni du chant qui vous arrache des larmes. Encore moins celui de la course à pied. Quelques Noirs ne signifient pas tous les Noirs. Sony Labou Tansi, si tu nous lis, là où tu es, nous ne sommes pas sortis de l’auberge de l’essentialisme. Il n’y a plus de guide providentiel, mais nous continuons à écouter la radio pour le bruit qui en sort. ● N 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011 o

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La mare aux poncifs

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Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année)

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AVIS D’APPEL D’OFFRES Date : 26 septembre 2011

AAO N°11-009/MA-OMVF 1. Le Ministre de l’Agriculture invite par le présent appel d’offres les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret N°08-485/P-RM du 11 août 2008, portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public à présenter leurs offres sous pli fermé pour les travaux de constructions diverses de l’Office pour la mise en valeur du système Faguibine (OMVF) à Goundam. Les travaux objet du présent avis d’appel d’offres sont regroupés en un (1) seul lot et comprennent : - la construction d’un (1) magasin de stockage de 250 m2 non compartimenté, - la construction d’un (1) magasin de stockage de 250 m2 à deux (2) compartiments, - la construction et l’équipement d’un atelier – garage de réparation et d’entretien équipé de 250m2. 2. Le Gouvernement de la République du Mali a obtenu en faveur de l’Office pour la Mise en Valeur du système Faguibine, un don du Gouvernement Norvégien pour financer le Projet d’Appui à la Restauration du système Faguibine (PARF) et se propose d’utiliser une partie de ces sommes pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution du marché de travaux de constructions diverses. 3. Les travaux prévus dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de 120 jours. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux de : a. l’Office pour la Mise en Valeur du système Faguibine (OMVF) à Goundam, BP : 17, tél. / fax : (+223) 21 93 20 51, E-mail : omvf.mali@gmail.com, Site web de l’OMVF : www.omvf.org ;

b. l’antenne de l’OMVF à Bamako, Hamdallaye ACI 2000, Rue 404, Porte 165, Cél : (+223) 75 20 31 79 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande écrite au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de cinquante mille francs (50 000) FCFA. 6. Les clauses des Instructions aux Soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres pour Passation des Marchés de Travaux, Août 2009 publié par la Direction Générale des Marchés Publics. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus (4.a.) au plus tard le vendredi 18 novembre 2011 à 10 heures précises et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à 2,5% du montant de l’offre, toutefois, les offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit de l’ouverture des plis. 8. Les offres demeureront valides pour une durée de 90 jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au vendredi 18 novembre 2011 à 10 heures précises. 9. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le vendredi 18 novembre 2011 à 10 heures précises, dans la salle de conférence de la Direction Générale de l’Office pour la Mise en Valeur du système Faguibine (OMVF) à Goundam. Bamako, le 26 septembre 2011 P/Le Ministre/PO Le secrétaire Général Moussa Leo SIDIBE Chevalier de l’Ordre National

AVIS D’APPEL D’OFFRES Appel d’offres

Date : 16 septembre 2011

AAO N°11-010/MA-OMVF

1. L’office pour la Mise en Valeur du système Faguibine (OMVF) invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de réglement des marchés publics et des délégations de service public à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture de matériels de Génie Civil composés d’une (01) chargeuse sur pneus, d’un (1) porte char de 40 T, d’un camion citerne à gasoil de 20 000 L. Les fournitures sont reparties en deux (02) lots : Lot n°1 : - une (01) chargeuse sur pneus ; Lot n°2 : - un (1) porte char de 40 Tonnes ; - un camion citerne à gasoil de 20 000 Litres. Un soumissionnaire peut présenter une offre pour un (01) ou les deux (02) lots et peut être attributaire d’un ou des deux lots. 2. L’OMVF, a obtenu du Gouvernement Norvégien le financement du Projet d’Appui à la Restauration du système Faguibine. Une partie de ces sommes accordées au titre de ce projet sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution du marché de l’achat de matériels de génie civil. 3. Les prestations prévues dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de six (06) mois. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres dans les bureaux de : a. L’Office pour la mise en valeur du système Faguibine (OMVF) à Goundam, BP : 17, tél. / fax : (+223) 21 93 20 51, E-mail : omvf.mali@gmail.com, Site web de l’OMVF : www.omvf.org ; b. L’antenne de l’OMVF à Bamako, Hamdallaye ACI 2000, rue 404, porte 165, N° 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Cél : (+223) 75 20 31 79. 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande aux adresses mentionnées ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de cinquante mille Francs (50 000) FCFA. 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres ; Passation des Marchés de Fournitures, Août 2009, publié par la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public et des Délégations de Service Public. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiqué ci-dessus au plus tard le mercredi 09 novembre 2011 à 10 heures précises et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à deux millions cinq cent mille francs (2 500 000) FCFA pour le lot n°1 et de trois millions de francs (3 000 000) FCFA pour le lot n°2. 8. Toutefois, les offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit d’ouverture des plis. 9. Les offres demeureront valides pour une durée de quatre vingt dix (90) jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au mercredi 09 novembre 2011 à 10 heures. 10. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le mercredi 09 novembre à 10 heures à l’adresse indiquée ci-dessus (4.b) Bamako, le 16 septembre 2011 P/Le Ministre/PO Le secrétaire Général Moussa Leo SIDIBE Chevalier de l’Ordre National JEUNE AFRIQUE


TRAVAUX D’EXTENSION DE L’AÉROGARE DE FRET DE L’AÉROPORT INTERNATIONAL FÉLIX HOUPHOUËT BOIGNY ARTICLE 1 : AUTORITÉ CONTRACTANTE Le présent appel d'offres est lancé par la Société d’Exploitation et de Développement Aéroportuaire, Aéronautique et Météo (SODEXAM). ARTICLE 2 : OBJET Le présent appel d’offres a pour objet les travaux d’extension de l’aérogare de fret de l’Aéroport lnternational Félix HOUPHOUËT BOIGNY. ARTICLE 3 : NATURE DES PRIX DU MARCHÉ ET ALLOTISSEMENT Les marchés sont passés sur prix unitaires. Les travaux, objet du présent appel d’offres sont constitués en deux (02) lots. ARTICLE 4 : FINANCEMENT Les marchés issus de cet appel d’offres seront financés par la Banque Islamique de Développement (BID). ARTICLE 5 : CAUTIONNEMENT PROVISOIRE Les soumissionnaires devront joindre à leur offre, un cautionnement pro- visoire établi par une banque, un établissement financier ou un tiers agréé par le Ministère de l’Economie et des Finances, d’un montant par lot fixé comme suit : Lot 1 : 260 000 000 FCFA ; Lot 2 : 60 000 000 FCFA ARTICLE 6 : CONDITIONS DE PARTICIPATION Peuvent participer à la concurrence, toutes personnes physiques ou morales établies ou non en Côte d’Ivoire pour autant qu’elles satisfassent aux conditions et réglementation ivoiriennes. ARTICLE 7 : RETRAIT DU DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le dossier d’appel d’offres peut être consulté ou retiré à l’adresse suivante : SODEXAM Direction Générale - Service Courrier - 15 B.P. 990 Abidjan 15 - Tél. : 21 27 87 36 / 21 58 20 01 - Fax. : 21 27 73 44 contre paiement en espèces d’une somme forfaitaire non remboursable de 300 000 FCFA.

ARTICLE 9 : OUVERTURE DES PLIS L’ouverture des plis sera effectuée par la Commission d’Ouverture des plis et de Jugement des Offres en séance publique le 22 novembre 2011 à 09 heures 30 minutes, Direction Générale de Ia SODEXAM sise à l’aéroport. ARTICLE 10 : PUBLICATION DES RÉSULTATS Les résultats du présent appel d’offres seront publiés dans le Bulletin Officiel des Marchés Publics de la République de Côte d’ivoire (Journal des Marchés Publics) et affichés à l’adresse indiquée à l’article 7. ARTICLE 11 : DURÉE DE VALIDITÉ DES OFFRES Les soumissionnaires restent tenus par leurs offres pendant un délai de 180 jours à partir de la date limite fixée pour la réception des offres. ARTICLE 12 : DROITS D’ENREGISTREMENT Les marchés issus du présent appel d’offres seront soumis aux formalités de timbres et d’enregistrement aux frais du titulaire. ARTICLE 13 : LÉGISLATION REGISSANT LE MARCHÉ Le présent appel d’offres est soumis aux lois et règlements en vigueur en Côte d’Ivoire, notamment au Décret N° 2009-259 du 06 août 2009, portant Code des Marchés Publics.

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AFRICAN UNION

UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA

48/BETS/11: EXPRESSION OF INTEREST FOR THE SUPPLY AND INSTALLATION OF COMPUTER AUTOMATED FACILITIES MANAGEMENT (CAFM) SYSTEM Closing on 16th October, 2011 at 14:30hours Local Time. http://www.au.int/en/bids. 50/PSD/2011 - SUPPLY AND DELIVERY OF RECOGNITION MEDALS FOR AFRICAN UNION Closing on 4th November, 2009 at 15:00hours Local Time. http://www.au.int/en/bids. 51/MED/11 - Supply, delivery and installation of minor theatre and Cardiology equipment Deadline 4th Nov 2011 http://www.au.int/en/bids. 54/CID/11: Services for Production of press kits on achievements of the African Union Commission Closing on 4th Nov 2011 http://www.au.int/en/bids. N° 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Appel d’offres - Manifestation d’intérêt

ARTICLE 8 : REMISE DES PLIS Les offres seront déposées au plus tard le 22 novembre 2011 à 09 heures, à l’adresse ci-dessus indiquée à l’article 7 ou portées directement à la séance d’ouverture. Elles seront présentées sous double enveloppe fermée et dans le strict respect des prescriptions du règlement particulier d’appel d’offres.


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO)

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

:AMI/295/SAPMP/BCECO/DG/DPM/HMS/2011/SC : Don IDA H500 – DRC : Projet de Marché d’Electricité en Afrique Australe (SAPMP) : Recrutement d’un Consultant chargé de l’Audit du Plan de Compensation et de Réinstallation (PCR) du projet SAPMP. Date de publication : 7 octobre 2011 Date de clôture : lundi, le 31 octobre 2011 Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu un financeobjectifs prévus. ment de l’Association internationale de développement (IDA) en vue de financer le Projet Un Consultant sera sélectionné suivant la méthode basée sur les qualifications des de Marché d’Electricité en Afrique Australe (Southern African Power Market Project – Consultants, en accord avec les procédures définies dans les Directives « Sélection et SAPMP), et a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effectuer les paieEmploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale » (Edition mai 2004, ments autorisés au titre d’un contrat relatif aux services du Consultant (cabinet) chargé révisée en octobre 2006 et mai 2010). de l’Audit du Plan de Compensation et de Réinstallation (PCR) du projet SAPMP. Les bureaux d’études intéressés peuvent consulter les Termes de Références et obteL’objectif principal de l’audit est de déterminer : (1) si les objectifs assignés dans le PCR nir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ont été respectés et réalisés selon les normes et les conditions requises ; (2) si les ci-dessous, de lundi à vendredi aux heures suivantes : de 9h00 à 16h00 (heure locale). démarches et procédures décrites dans le PCR ont été respectées et suivies ; (3) si les Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier arrangements institutionnels proposés dans le PCR ont été mis en place et utilisés effecou courriel, à l’adresse ci-dessous au plus tard le lundi 31octobre 2011 et porter tivement ; (4) si les populations et entités touchées ont été consultées et écoutées proclairement la mention « AMI/295/SAPMP/BCECO/DG/DPM/HMS/2011/SC – prement, et selon quel processus ; et (5) si les ressources budgétaires requises par le Recrutement d’un Consultant chargé de l’Audit du Plan de Compensation et de PCR ont été disponibles et utilisées adéquatement. Réinstallation (PCR) du projet SAPMP ». La durée de la mission est estimée à six semaines au maximum. Elle se déroulera à BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO) Kinshasa et dans la province du KATANGA, sur les lieux d’exécution du projet SAPMP. Pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) Le Consultant devra être un bureau d’études (Cabinet d’Audit ou un Bureau d’Etudes A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i. spécialisé en audit social et environnemental) disposant d’une expérience avérée dans Avenue Colonel Mondjiba, n°372 les prestations d’audit et d’études environnementales et sociales en général, et de suiviConcession UTEXAFRICA évaluation de la gestion environnementale et sociale des projets de développement, en KINSHASA / NGALIEMA particulier. Des expériences en Afrique ou en RDC seraient un avantage. RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Le candidat (bureau d’études) doit soumettre dans sa manifestation d’intérêt les inforTEL. (243) 81 513 6729 - (243) 81 9999 180 mations (références d’exécution des missions similaires, brochures décrivant l’organisaEmail : bceco@bceco.cd avec copie à dpm@bceco.cd ; tion du bureau d’études, personnel permanent etc.) attestant son aptitude à conduire bcecobceco@yahoo.fr ; dpmbceco@yahoo.fr la présente mission et aussi aune note technique qui doit contenir au maximum 6 MATONDO MBUNGU Directeur Général a.i. du BCECO pages et qui définit la façon dont il compte exécuter le mandat pour atteindre les

Divers - Manifestation d’intérêt

N° Avis Source de financement Nom du Projet Services de Consultants

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w w w. s a i 2 0 0 0 . o r g COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955

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N° 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

BE RESOURCED

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Séminaires Internationaux de CODEV Formation à Tunis - Hôtel 5* « Le Développement par le Renforcement des Capacités » Développement Afrique 2011

(Projets de développement, Collectivités locales, Administrations publiques, ONG,Entreprises…) E-mail : contact@codevformation.com codev@planet.tn / tocka@codevformation.com Tél.: +216 71 894 742 - Fax.: +216 71 894 685 www.codevformation.com Thème

Date

Durée de la formation

Gestion axée sur les résultats Du 10 au (2ème session) 21/10/2011

2 semaines

Le développement municipal : Du 31/10 au Finances locales et Gestion 11/11/2011 communale (2ème session)

2 semaines

Suivi & évaluation des projets Du 14 au de développement 25/11/2011 (4ème session)

2 semaines

Passation des marchés (2ème session) (Procédures BIRD, IDA, BAD, FIDA, BID…)

3 semaines

Du 05 au 23/12/2011

NB : PC portable avec supports de cours offert. L’hébergement est pris en charge en chambres individuelles équipées de toutes commodités.

Chef du Service de la recherche sur les politiques de développement (D-1)

Savez-vous créer et animer des équipes de travail et instaurer des conditions de travail favorables ? La Division de l’analyse des politiques de développement du Département des affaires économiques et sociales, qui a ses bureaux à New York, recherche un chef dynamique et expérimenté pour son Service de la recherche sur les politiques de développement. Le chef du Service de la recherche sur les politiques dirige la réalisation de l’étude intitulée « La situation économique et sociale dans le monde » et encadre des travaux de recherche sur des questions relatives au développement à long terme, en particulier les stratégies favorables à la croissance durable, au développement humain et à la réduction de la pauvreté, dans le cadre de la préservation de l’environnement et compte tenu de l’équité au sein d’une même génération et entre les générations. Formation : Titulaire d’un diplôme universitaire, de préférence du niveau du doctorat, spécialisé dans le domaine du développement ou de l’économie internationale, et auteur d’articles dans plusieurs publications internationales. Expérience professionnelle : Au moins 15 années d’expérience professionnelle, à des niveaux de responsabilité de plus en plus élevés, comprenant notamment : a) l’analyse de problèmes structurels concernant le développement économique et social durable; et b) des activités de recherche sur les politiques de développement et/ou l’élaboration de telles politiques. D’excellentes aptitudes à rédiger sont exigées. Les femmes sont fortement encouragées à se porter candidates. Pour tout complément d’information, veuillez consulter http://careers.un.org/postesapourvoir JEUNE AFRIQUE

N° 2648 • DU 9 AU 15 OCTOBRE 2011

Formation - Recrutement

carrières Nations Unies


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