JA 2655 DU 27 NOVEMBRE AU 3 DECEMBRE 2011

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URBANISME DES RACINES ET DES VILLES – Spécial 20 pages N° 2655 • du 27 novembre au 3 décembre 2011

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année

jeuneafrique.com

DJIBOUTI

« En 2016, je partirai. Cette fois, je peux vous le jurer. » Le président Guelleh parle de sa succession. Mais aussi de la Somalie, des révolutions arabes, de la mort de Kaddafi et de ses rapports avec la France. Interview exclusive

CÔTE D’IVOIRE

Je t’aime, moi aussi

Six mois de cohabitation harmonieuse entre Soro et Ouattara. Quels sont les secrets de ce mariage d’intérêt ?

LIBYE

Crimes et châtiments

L’arrestation de Seif el-Islam Kaddafi ouvre la voie au procès de 42 années de dictature.

ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285


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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 26 NOVEMBRE

De la révolution…

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N CETTE FIN DU MOIS DE NOVEMBRE 2011, nous avons un début de réponse à une question que nous nous sommes posée tout au long de l’année : le Printemps arabe a-t-il accouché de vraies révolutions ? Surgis sans se faire annoncer, les soulèvements populaires de Tunisie, d’Égypte et de Libye ont vite montré qu’ils n’étaient pas de simples poussées de fièvre : le mécontentement qui les a provoqués était profond ; l’aspiration au changement qui a conduit les jeunes à descendre dans la rue était forte. Et dans les trois pays, des dictatures installées de (trop) longue date ont été vaincues à l’issue d’une résistance plus ou moins longue selon le pays et le tempérament du dictateur. Vaincues et obligées de céder la place. ■

Mais les Tunisiens, les Égyptiens et les Libyens ont-ils pour autant, chacun dans son pays, accompli une vraie révolution ? C’est à cette question que les événements des derniers jours viennent d’apporter une réponse. Elle est positive: il s’agit bien d’authentiques révolutions. Mais qui sont à des stades d’accomplissement différents. Qu’est-ce qu’une révolution ? Les dictionnaires la décrivent ainsi : Ensemble des événements historiques qui ont lieu dans une communauté importante (nationale, en général) lorsqu’une partie du groupe en insurrection réussit à prendre le pouvoir et que des changements profonds (politiques, économiques et sociaux) se produisent dans la société. C’est le cas en Tunisie ; en Libye, c’est en cours, tandis qu’on se bat encore en Égypte pour que les fruits tiennent la promesse des fleurs. ■

En Tunisie, la révolution a triomphé, et l’on peut même en dire qu’elle vient de s’installer dans ses meubles : élue le 23 octobre, une Assemblée constituante s’est mise au travail le 22 novembre. Son président, celui de la République et son Premier ministre étaient parmi les principaux opposants de la dictature vaincue; les hommes et femmes de cette dictature sont, eux, en prison ou en exil – écartés du pouvoir et « des affaires » en tout cas. JEUNE AFRIQUE

La description de la révolution rappelée ci-dessus s’applique donc parfaitement au cas de la Tunisie. ■

Ce petit pays s’était donné une première Assemblée constituante de 98 membres dès le 25 mars 1956. Organisée cinq jours après la signature à Paris du protocole sur l’indépendance, le 20 mars 1956, l’élection de cette Assemblée fut régulière et transparente. Ce fut d’ailleurs la dernière consultation démocratique avant que le Néo-Destour ne s’érige en parti unique et hégémonique. Cette élection fut cependant un plébiscite : avec un taux de participation frôlant les 85 %, le Front national (Néo-Destour plus organisations satellites) rafla la totalité des quatre-vingt-dix-huit sièges mis en jeu et Habib Bourguiba fut élu à Monastir avec 100 % des voix. Élue au suffrage universel le 23 octobre 2011, soit plus de cinquante-cinq ans après la première, la deuxième Constituante compte 217 membres. Aucun parti n’y dispose de plus de 40 % des sièges. Elle est le symbole éclatant de l’entrée du pays dans l’ère démocratique, après plus d’un demi-siècle de pouvoir personnel et dictatorial. Sa mission : édifier la IIe République tunisienne, fondée sur les idéaux démocratiques universels. ■

Il est revenu à un vétéran tunisien de la lutte pour l’indépendance et pour la démocratie, Ahmed Mestiri, de donner à l’événement de ce 22 novembre toute sa signification. En 1956, il avait été le premier ministre de la Justice de la Tunisie indépendante ; à ce titre, il eut le privilège – et le mérite – d’élaborer, sous l’autorité et la direction du président Bourguiba, le Code du statut personnel du 13 août 1957 par lequel les Tunisiennes acquirent, avant bien d’autres femmes du monde développé lui-même, la quasi-égalité et parité avec les hommes. Ahmed Mestiri a déclaré, ce 23 novembre 2011: « Je suis très fier, pour la Tunisie et pour ma génération, d’avoir vécu cet événement. C’est une deuxième indépendance ; la première a été arrachée au colonialisme et la seconde à la dictature et au pouvoir arbitraire. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


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Ce que je crois C’est le symbole de la rupture avec l’ancien régime et l’installation d’un pouvoir légitime. » Ahmed Mestiri et moi appartenons à la génération de ceux qui eurent le privilège de participer à la lutte pour l’indépendance et à l’édification de la République tunisienne. Les membres de cette génération sont, désormais, octogénaires et, leur mission accomplie, devraient, de bonne grâce, se retirer de l’arène pour laisser aux nouvelles générations toute latitude pour, sans interférence et sur les fondations dont ils héritent, construire la Tunisie démocratique du XXIe siècle. Nous devons le savoir et en tenir compte : une nouvelle génération, c’est un autre peuple. ■

La Libye : État plus fragile et plus composite que la Tunisie, l’ex-Jamahiriya libyenne a eu beaucoup plus de mal à se libérer de Kaddafi et de son système ; elle n’a pu y parvenir qu’avec l’aide de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Qatar, appuyés par l’Otan. Mais, comme en Tunisie, les hommes et femmes de la dictature ont tous été éliminés, et le pouvoir est désormais entre les mains des insurgés. La révolution a donc gagné sur toute la ligne, comme en témoigne la composition du gouvernement mis en place ce 22 novembre et dont le chef, Abderrahim el-Kib, a pu dire, sans s’éloigner de la vérité, qu’il était représentatif des diverses composantes de la Libye post-Kaddafi. Il ne l’est pas suffisamment et devra sans doute être complété.

En Libye, tout est encore à reconstruire : l’État, l’économie, l’unité nationale. Il faudra beaucoup de temps à ce pays pour revenir à la normale. Mais, quoi qu’il arrive, ce sera mieux qu’avant la révolution de 2011 qui a mis fin à la spoliation du pays par un gang. ■

Et la révolution égyptienne ? Pour le moment, elle est… en devenir : les manifestations des derniers jours sur la place Al-Tahrir, marquées par quelques dizaines de morts (de plus), le montrent avec éloquence. Au pouvoir depuis 1952, l’armée égyptienne n’a consenti, jusqu’ici, qu’à sacrifier le général Hosni Moubarak, alors à la veille d’un sixième mandat de six ans pour se maintenir à la tête de l’État. Les Égyptiens ne le supportaient plus, et l’armée elle-même avait cessé de le soutenir depuis que sa femme et lui s’étaient mis en tête de transformer la République en monarchie héréditaire. Engluée au pouvoir depuis soixante ans, s’étant ramifiée dans l’économie dont elle possède et gère des pans entiers, dirigée – mais jusqu’à quand ? – par un Conseil suprême des forces armées (CSFA) et un « maréchal » de 77 ans qui fut, pendant vingt ans, l’immuable ministre de la Défense de Moubarak, cette même armée a le plus grand mal à comprendre qu’il lui faut, vite, s’adapter à des temps qui ont beaucoup changé. Je crains qu’elle n’y vienne, comme l’armée turque, que contrainte et forcée. Mais par qui ? Et dans combien d’années ? ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì La légèreté est nécessaire, sinon le tragique serait mortel. Yasmina Reza Ì Les gens de gauche inventent de nouvelles idées. Quand elles sont usées, les gens de droite les adoptent. Mark Twain Ì Les femmes sont beaucoup moins bien que les hommes. Mais quand elles sont mieux, elles sont beaucoup mieux qu’eux. François Mitterrand Ì Un mathématicien part d’un problème et crée une solution. Un consultant commence par offrir une « solution » et crée un problème. Nassim Nicholas Taleb N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Ì L’arbre de la tristesse, ne le plante pas dans ton cœur. Relis chaque matin le livre de la joie. Omar Khayyam

Ì L’appel du sang est assurément irrésistible, et on ne fait jamais d’une hyène un mouton. Ahmadou Kourouma

Ì On devrait avoir le droit de faire un procès à sa banque quand on a jamais de pognon sur son compte. Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ì Dieu parle à tout le monde, mais la plupart d’entre nous ne lui laissent pas placer un mot. André Frossard

Ì Les œuvres d’art sont d’une infinie solitude ; rien n’est pire que la critique pour les aborder. Seul l’amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. Rainer Maria Rilke Ì Le mariage est comme le melon, c’est une question de chance. Proverbe espagnol

Ì N’oubliez pas, on vit juste pour quelques rencontres. François Cheng Ì L’homme le plus simple qui a de la passion persuade mieux que le plus éloquent qui n’en a point. François de La Rochefoucauld Ì Vivre signifie : croire et espérer, mentir et se mentir. Cioran JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Le gâteau ivoirien

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Ils sont 943 candidats en lice (représentant 35 partis) – dont 440 indépendants –, pour 1 182 dossiers déposés. Au final, 255 députés, élus par un peuple exténué qui veut la paix, du travail, des logements, une école qui fonctionne, des hôpitaux qui soignent… « Nous, on s’en fout ! RDR, PDCI, FPI, Lider… Peu importe, nous explique Adama, petit entrepreneur dans le bâtiment. On veut des gars qui travaillent enfin pour nous. Une part du gâteau que nous n’ayons pas à mendier ! » Sentiment largement partagé, y compris par cet ancien ministre touché par la grâce et le remord : « Pendant cinquante ans, et plus particulièrement au cours des dix dernières années, nous, les politiques, on a volé ces gens, on s’est tous enrichis. Nous avons tout: belles voitures, villas cossues, vins grands crus, champagne, jolies filles, vacances de rêve… Beaucoup de nos compatriotes n’ont rien. Comment ne pas comprendre leur ras-le-bol ? » En Côte d’Ivoire, comme ailleurs en Afrique, la politique est toujours le chemin le plus court vers la fortune. Un chemin très fréquenté. Un exemple, qui résume à lui seul cette évidence et cette déviance : la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), déclarée apolitique lors de sa création, en 1990. Les neuf secrétaires généraux qui se sont succédé à sa tête ont tous embrassé une carrière politicienne. Le millier de candidats aux législatives ont-ils compris que les Ivoiriens comme Adama souhaitent voir émerger une nouvelle classe dirigeante en lieu et place de la « mafia » qu’ils dénoncent ? Rien n’est moins sûr. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

LA GRANDE INTERVIEW

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ISMAËL OMAR GUELLEH « EN 2016, JE M’EN IRAI. CETTE FOIS, JE PEUX VOUS LE JURER » Révolutions arabes, Somalie, Érythrée, piraterie… Le chef de l’État djiboutien livre ses vérités.

PHOTOS DE COUVERTURES : VINCENT FOURNIER/J.A. ; PATRICK ROBERT ; ISMAIL ZETOUNI/REUTERS ; AFP PHOTO/FETHI BELAID ; ISMAIL ZETOUNI/REUTERS

BIDJAN, FIN NOVEMBRE. Six mois après l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara et l’installation du gouvernement, la capitale économique revit. Si les stigmates de la guerre n’ont pas tous disparu, la ville n’en a pas moins retrouvé un peu du lustre qui, jadis, faisait sa fierté. Elle est plus propre, plus sûre et partiellement débarrassée des mille et un barrages des forces de sécurité qui empoisonnaient la vie des habitants, délestés à chaque passage de quelques milliers de francs CFA. Les travaux de voirie se multiplient, les taudis construits illégalement disparaissent progressivement – même si personne ne sait ce que deviennent ensuite leurs occupants ainsi « déguerpis » –, de nombreux bâtiments sont en cours de réhabilitation. Abidjan panse ses plaies, mais le traumatisme de la crise postélectorale est toujours vivace. La proximité des législatives du 11 décembre n’y est pas étrangère : la dernière fois qu’on a expliqué aux Ivoiriens qu’il fallait se rendre aux urnes pour tourner la page d’une décennie de conflit, ils se sont retrouvés avec une guerre ouverte sur les bras. Ce scrutin est le premier test majeur pour le pays. Plus que les résultats, qui ne font guère de doute – la seule inconnue étant le rapport des forces entre le RDR d’Alassane Ouattara et le PDCI d’Henri Konan Bédié –, c’est le déroulement de l’opération qui suscite l’inquiétude. Dix mille policiers, dix mille gendarmes et cinq mille militaires seront déployés pour veiller au grain. Les grands moyens.

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CÔTE D’IVOIRE PARTENAIRES PARTICULIERS Alassane Ouattara, le président, et son Premier ministre, Guillaume Soro, ont fini par s’habituer l’un à l‘autre. Enquête.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Tunisie Les triumvirs de Carthage Tour du monde Libye Les technos arrivent Gabon Les « révélations » de Mgr Jocktane Rwanda Tous comptes faits Transport aérien Sur des sièges éjectables Sénégal Wade obtient un blanc-seing Didier Ratsiraka Le retour de l’Amiral Nothando Dube Princesse déchue

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G RA N D A N G L E

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Djibouti Interview d’Ismaël Omar Guelleh

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Côte d’Ivoire Ouattara-Soro, partenaires particuliers Présidentielle au Sénégal Les meilleurs ennemis Grands Lacs À l’heure du choix Bénin Odon Vallet: « Le pape n’a pas fait de gaffes »

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

LE PLUS

de Jeune Afrique

URBANISME

Des racines et des villes

TUNISIE Révolution, acte II

• L’Histoire en marche, par Béchir Ben Yahmed • TRANSITION Trois hommes et la démocratie • CORRUPTION Tout sur le système Ben Ali

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p. 3 p. 10 p. 56

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Afrique de l’Est Avec Israël, main dans la main Bizutage Bons et loyaux sévices

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M AG HREB & MOY E N-O R IE NT

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Libye Crimes et châtiments Tribune L’audiovisuel marocain est un acteur résolu du changement Égypte Les Frères, les généraux et la rue Clan Ben Ali Vol en bande organisée Vahid Halilhodzic « Les Fennecs ne font plus partie des meilleurs »

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EU ROP E, AM ÉR IQ UE S, ASIE

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Espagne Raz-de-marée dans le brouillard Allemagne Le paradoxe Merkel Parcours Diébédo Francis Kéré, retour à la terre France Danielle Mitterrand, l’éternelle indignée Ultraviolence Latin killers Pakistan Il y a une vie après le cricket Chine Bombe (démographique) à retardement

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LE P L U S DE J E UNE AFR IQ UE

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Urbanisme Des racines et des villes

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URBANISME DES RACINES ET DES VILLES • Panorama Celles par qui la croissance arrive • Stratégie L’avenir en capitales • Habitat Dis-moi où tu vis… Spécial 20 pages

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LIBYE CRIMES ET CHÂTIMENTS L’arrestation de Seif el-Islam Kaddafi ouvre la voie au procès de quarantedeux années de dictature.

SÉNÉGAL LES MEILLEURS ENNEMIS Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse ne s’entendent pas. La coalition de l’opposition n’a toujours pas de candidat.

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ALBERT YUMA MULIMBI « LA RD CONGO EST LE PAYS D’AVENIR EN AFRIQUE » À l’aube de l’élection présidentelle, entretien avec le patron de la Fédération des entreprises du Congo

ÉC ONOMIE Interview Albert Yuma Mulimbi : « La RD Congo est le pays d’avenir en Afrique » Gabon L’effet CAN 2012 Électricité La Côte d’Ivoire monte en puissance Tourisme En Tunisie, Yadis nargue la crise Algérie Succession éclair à Sonatrach Mines Gabriel Kamga, la tête chercheuse de BHP Billiton Téléphonie Chahuté à domicile, Maroc Télécom brille à l’extérieur Kenya Safaricom à la peine C ULTURE & MÉDIAS Journalisme Le roman vrai de Kapuscinski Arts plastiques Vitrines marocaines La semaine culturelle de Jeune Afrique En kiosque La revue V OUS & N OUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

JEUNE AFRIQUE

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ABIDJAN QUI POUR GÉRER L’HÔTEL IVOIRE ?

ð ABDEL BASSET

EL-MEGRAHI

REUTERS

au cours d’une interverview avec Reuters TV, le 3 octobre à Tripoli.

Libye Le dossier de Megrahi classé…

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BDEL BASSET ELMEGRAHI ne sera pas entendu à nouveau par les justices écossaise et américaine, qui en ont pourtant fait la demande. Le Conseil national de transition (CNT) libyen l’a répété à la mi-novembre : le dossier de l’unique condamné dans l’affaire de l’attentat de Lockerbie, en 1988, est « classé » et ne saurait être rouvert. « J’ai tout dit au CNT, je n’ai plus rien à révéler, qu’on me laisse mourir en paix », plaide cet ancien agent des services secrets. Atteint d’un cancer de la prostate en phase terminale, Megrahi survit à Tripoli depuis sa libération, en 2009. À l’occasion, il sert de cobaye à un nouveau traitement hormono-thérapeutique censé retarder la mort des malades. Son domicile a été pillé par les rebelles lors de la chute de Tripoli. Il aurait reconnu que l’attentat de Lockerbie avait été commandité par Mouammar Kaddafi en personne, et mis au point par son bras droit, Abdallah Senoussi. ●

… celui de Moussa Koussa rouvert

A

NCIEN CHEF du « bureau d’exportation de la révolution » (et ancien ministre des Affaires étrangères de Kaddafi), Moussa Koussa, rallié à la rébellion deux mois après son déclenchement, pourrait, lui, être bientôt rattrapé par son passé. Installé au Qatar, où il réside dans une suite de l’hôtel Four Seasons de Doha, celui qui fut ambassadeur à Londres à la fin des années 1970 et s’illustra à l’époque dans la traque des opposants en exil fait en effet l’objet d’accusations précises de la part d’anciens détenus politiques libyens à Tripoli pour son rôle présumé dans le massacre de la prison d’Abou Salim – un millier d’islamistes exécutés le 29 juin 1996. « Moussa Koussa faisait partie de ceux qui nous ont interrogés. Il m’a personnellement torturé avec une matraque électrique », témoigne Muftah el-Thawadi, l’un des anciens dirigeants du Groupe islamique combattant libyen (GICL). ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Le célèbre Hôtel Ivoire a rouvert ses portes le 25 novembre. Seule la tour est opérationnelle, le bâtiment principal – un temps envisagé pour accueillir le siège provisoire de la BAD – étant toujours en travaux. À terme, la gestion de l’établissement devait être confiée à un grand groupe hôtelier. Deux candidats de poids étaient en lice : le français Accor (Sofitel) et le suisse Kempinski (détenu en partie par le roi de Thaïlande). C’est le premier qui a finalement été choisi. LE CHIFFRE QUE L’ON CACHE candidats issus du Front populaire ivoirien (FPI) brigueront en indépendants un siège de député lors des législatives du 11 décembre, malgré le boycott annoncé par le parti fondé par Laurent Gbagbo.

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TURQUIE AMBITIONS AFRICAINES

Lors du 2e sommet des leaders religieux musulmans africains organisé à Istanbul du 21 au 25 novembre par le département des affaires religieuses (une centaine de dignitaires venus de 46 pays y ont pris part), le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan s’est déclaré résolu à renforcer les positions de son pays en Afrique. Il existe aujourd’hui vingt-cinqambassadesturques sur le continent. Neuf autres devraient ouvrir avant la fin de 2013. Le volume des échanges commerciaux dépasse 20 milliards de dollars. ÉDITION LES ORPHELINS DE BOURGUIBA

Ancien collaborateur de Jeune Afrique, Samy Ghorbal publie JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société chez Cérès Éditions, à Tunis, Orphelins de Bourguiba et HéritiersduProphète,livredans lequelilanalyselaConstitution de 1959, la notion d’islamité de l’État, l’instrumentalisation des thèmes de l’identité et de la religion… Toutes questions qui seront au cœur des débats de l’Assemblée constituante élue le 23 octobre. En libraire à Tunis à partir du 15 décembre. TÉLÉCOMS ORANGE DANS LE VISEUR D’IHS

Bien implantée en Afrique de l’Ouest anglophone, la compagnie nigériane IHS, spécialisée dans la gestion des antennes-relais pour le compte d’opérateurs comme le sud-africain MTN, ne cache plussesambitionsdanslazone francophone. Après Londres, où il se trouvait la semaine dernière à la recherche de nouveaux investisseurs, Issam Darwish, son patron, s’est rendu à Paris pour faire les yeux doux à France TélécomOrange, présent notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Mali. SAHEL DU NOUVEAU POUR LES OTAGES FRANÇAIS Deux géologues français ont été enlevés par Aqmi le 24 novembre au Nord-Mali. La veille, un négociateur travaillant à la libération d’autres otages enlevés au Niger en 2010 a été blessé

Franc CFA La folle rumeur PARTIE DE CÔTE D’IVOIRE à la mi-novembre, la rumeur d’une dévaluation du franc CFA à la date du 1er janvier 2012 s’est répandue comme une traînée de poudre sur internet à travers toute l’Afrique francophone et en France même. « Absurde, il n’y a aucun groupe de travail spécifique sur le sujet. C’est une pure manipulation », explique-t-on au ministère français des Finances. « La dévaluation n’est pas d’actualité », confirme Lucas Abaga Nchama, le gouverneur de la Beac. Le buzz est né le 21 novembre d’un article du quotidien ivoirien Notre voie, proche de Gbagbo, se fondant sur « une source diplomatique européenne ». Il n’en a pas fallu davantage pour réveiller le spectre de la dévaluation de 1994. « Les indicateurs susceptibles de justifier une telle opération – un déficit public insoutenable associé à une faible croissance – ne sont pas réunis, alors qu’ils l’étaient il y a dix-sept ans », explique Hugues Olivier Bagneki, responsable commercial et marketing de la Coface en Afrique de l’Ouest. Autre rumeur infondée: l’Allemagne ferait pression sur la France, parce que le franc CFA coûterait trop cher à l’Europe. « Il n’en a jamais été question, affirme-t-on à Bercy, parce que la convertibilité n’est pas un engagement de l’Europe, mais de la France. Ni l’Allemagne ni la Banque centrale européenne ne sont concernées. » La prochaine réunion de la zone franc se tiendra en avril 2012, au Mali. ●

par balle. Il s’agirait de JeanMarc Gadoullet, un ancien colonel de l’armée française qui conseilla plusieurs présidents africains (dont Idriss Déby Itno). Reconverti dans la sécurité privée, il négocie depuis un an la libération des otages pour le groupe Vinci. En février, il avait obtenu de l’Algérien Abdelhamid Abou Zeid, après versement d’une rançon, la libération de trois d’entre eux. Lors de son dernier déplacement dans le Nord-Mali, le 23 novembre, il était accompagné du député touareg Ahmada Ag Bibi, une ancienne figure de la rébellion.

BURUNDI UN MÉDIATEUR À PARIS

Mohamed Rukara, le médiateur de la République burundaise,aétéreçule22novembre à Paris par Henri de Raincourt, le ministre de la Coopération. Il n’a pas été question de la dégradation dénoncée par les ONG de la situation des droits de l’homme dans ce pays. En revanche, Paris a remercié Bujumbura pour la libération provisoire de Patrick Faye, le 19 octobre. En juillet, ce Français installé depuis trente ans au Burundi avait été condamné à vingt-cinq ans d’emprisonnement pour viol. En attendant son procès en appel, il a été autorisé à rentrer enFrancepours’yfairesoigner.

CAMEROUN DÉTOURNEMENT OU PAS ?

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme vient de saisir le président camerounais Paul Biya du cas d’Urbain Olanguena Awono, un ancien ministre de la Santé (2001-2007) incarcéré depuis trois ans pour détournement de fonds versés par l’organisation. Celle-ci maintient la position exprimée par Michel Kazatchkine, son directeur exécutif de l’époque, dans une précédente lettre : elle n’a pas constaté d’« irrégularités significatives pouvant être qualifiées de détournement de deniers publics ».

UNION AFRICAINE

Zuma fait campagne

CHIP EAST/REUTERS

L’Afrique du Sud poursuit son offensive diplomatique pour la présidence de la Commission de l’Union africaine. Candidat à sa propre succession, Jean Ping sera, comme l’on sait, opposé à Nkosazana Dlamini-Zuma (photo), l’ex-épouse du chef de l’État sud-africain. Celle-ci n’entendant pas faire campagne en personne, plusieurs membres du gouvernement sont mis à contribution. Parmi eux, Lindiwe Sisulu, la ministre de la Défense. Le 24 novembre, celle-ci a rencontré son homologue namibien; le lendemain, elle était attendue à Kinshasa, puis le 27 à Brazzaville, avant de s’envoler pour la Tanzanie. C’est Siyabonga Cwele, le ministre de la Sécurité, qui est préposé au nord du Sahara. Début octobre, il s’est notamment rendu à Alger et à Tunis. Courtisé par Pretoria, Nouakchott a semble-t-il été tenté, avant de se raviser et d’apporter son soutien à Ping. JEUNE AFRIQUE

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La semaine de Jeune Afrique

TUNISIE

Les

Moncef Marzouki, le président pressenti, Hamadi Jabali, son futur Premier ministre, et Mustapha Ben Jaafar, qui vient d’être élu à la tête de l’Assemblée, ont déjà travaillé ensemble dans l’opposition. Comment vont-ils diriger le pays demain ?

trium

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

J

our mémorable que ce 22 novembre, séanceinauguraledel’Assembléenationale constituante (ANC), présentée par FouadMebazaa,leprésidentprovisoire sortant,commelapremièresessiondela IIe République.Vainqueursdesélections du 23 octobre, le parti islamiste Ennahdha et deux partis de gauche, le Congrès pour la République (CPR) et UN TRIO À Ì Ettakatol, ont formé une coaliLA TÊTE DU PAYS : de g. à dr., tionquileurassureuneconforMustapha Ben table majorité à l’ANC où sera Jaafar, Moncef élu, au début de décembre en Marzouki et principe, le nouveau président Hamadi Jebali, de la République, Moncef toujours flanqué de Rached Marzouki (CPR), 66 ans. Ce Ghannouchi, dernier désignera un gouverle chef nement dirigé par Hamadi d’Ennahdha, Jebali,l’actuelsecrétairegénéral àTunis, le d’Ennahdha, âgé de 62 ans. 21 novembre. La démission du gouvernement provisoire présentée par Béji Caïd Essebsi le 23 novembre a été aussitôt acceptée par Mebazaa. La veille, Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol), 71 ans, avait été élu président de l’ANC, où le vote à bulletin secret donne une idée du rapport des forces : 145 voix pour la coalition majoritaire, 68 voix pour la minorité hétérogène qui a voté en faveur de l’autre candidate, Maya Jribi, secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP). Geste inédit : sitôt prononcé son discours d’investiture, Ben Jaafar a invité Jribi à s’adresser aux parlementaires depuis la tribune. « Nous allons nous comporter en opposition agissante et constructive », a-t-elle promis. Autre symbole : la présence d’Ahmed Mestiri (86 ans), Ahmed Ben Salah (85 ans) et Mustapha Filali (90 ans), ministres de Habib Bourguiba au lendemain de l’indépendance et qui ont soutenu la révolution du 14 janvier. À leurs côtés, Yadh Ben Achour, le président de la (défunte) Haute Instance pour la N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

réalisation des objectifs de la révolution, et Kamel Jendoubi, le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), appelée à devenir permanente après l’organisation réussie du scrutin du 23 octobre.

Leur objectif commun : restaurer la confiance et relancer l’économie.

EXILÉS. Près du trio Marzouki-Jebali-Ben Jaafar, Rached Ghannouchi, qui ne brigue aucune fonction officielle,demeureomniprésentaucôtédusecrétaire général d’Ennahdha. Présent à l’ANC, le « Cheikh » rentrait d’une visite de trois jours à Alger, où il s’est entretenu pendant plus de quatre heures avec le président Bouteflika, assurant que son mouvement n’a pas l’intention d’exporter sa révolution. Si les coalisés n’ont pas le même background idéologique – conservateur pour Ennahdha, progressiste pour le CPR et Ettakatol –, ils ont appris à travailler ensemble à l’époque où ils étaient dans l’opposition. Marzouki et Ben Jaafar, tous deux professeurs de médecine, ont été parmi les rares JEUNE AFRIQUE


L’événement

virs de Carthage

Après la chute de Ben Ali, la proximité de vues entre Ennahdha, le CPR et Ettakatol se précise autour de la défense des objectifs des jeunes révolutionnaires, et leur alliance se profile avant le scrutin d’octobre. Alors que Marzouki et Ben Jaafar briguent la présidence de la République, Ennahdha fait pencher la balance en faveur du premier. Le chef d’Ettakatol se plaît finalement au perchoir, estimant que c’est là qu’il pourra le mieux exercer son entregent.

FETHI BELAID/AFP

CRAVATE. Avec Marzouki, l’ambiance va changer

JEUNE AFRIQUE

48 %

SOURCE : HTTP://GOINGNEXT.COM/OPENDATA

hommes de gauche à dénoncer la répression qui s’est abattue sur les islamistes dans les années 19911994, alors qu’ils étaient respectivement président et vice-président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH). À la veille de la présidentielle de 1994, où Ben Ali s’était attribué plus de 99 % des voix, le tandem, devenu gênant, est écarté de la direction de la Ligue. La même année, Ben Jaafar crée son parti, le Forum démocratiquepourletravailetleslibertés(Ettakatol), dont Marzouki devait être l’un des cofondateurs. Mais ce dernier s’exile pour fonder le CPR, à Paris, et multiplie les contacts avec Ghannouchi, alors à Londres. Pour permettre au mouvement islamiste de travailler avec l’opposition, Ettakatol, le CPR et le PDP engagent avec lui un débat au sein du Collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés (20052007), où ils s’accordent sur un certain nombre de principes, dont la sauvegarde du Code du statut personnel.

des membres de l’Assemblée constituante possèdent un profil Facebook, y compris son président, devancé en nombre de « fans » par Marzouki

au palais de Carthage. Le futur président, qui n’a jamais porté de cravate, promet de rester « un homme du peuple ». Réputé intransigeant, il sait toutefois reculer. Alors que le CPR revendique le ministère de l’Intérieur, Marzouki y renonce face au tollé que cette idée suscite dans les milieux de la police. De même, après s’être targué d’être celui qui nomme le Premier ministre, il s’est rendu à l’évidence: ce dernier est le secrétaire général de la première force politique du pays, qui penche pour un système parlementaire. « Le président ne doit pas être là que pour la forme, mais il ne faut pas non plus qu’il soit dominant, comme sous l’ancien régime », a-t-il concédé. La lutte commune contre Ben Ali et durant la période postrévolutionnaire a aidé les trois partis de la coalition à s’accorder sur les grandes lignes d’un programmedegouvernement:règlementdelasituation des familles des martyrs et des blessés, relance de l’économie, lutte contre le chômage des jeunes, réforme des ministères de l’Intérieur et de la Justice. D’après les informations qui filtrent, le ministère de la Défense devrait garder son titulaire, Abdelkarim Zbidi. Il en serait de même pour la Banque centrale, dirigée par Mustapha Kamel Nabli, ancien économiste en chef à la Banque mondiale. Les Affaires étrangères et la Justice reviendraient à Ennahdha. Ettakatol obtiendrait les Finances, le Tourisme, le Commerce, la Formation et l’Emploi, ainsi que le secrétariat d’État aux Affaires étrangères chargé de l’Europe. Le CPR devrait hériter des Transports, de l’Environnement, de la Fonction publique et des Sports. Des indépendants seront appelés à la tête des ministères de la Femme, de l’Éducation et de la Culture. Le ministère de l’Enseignement supérieur pourrait être attribué à un indépendant proche d’Ennahdha. Enfin, des technocrates pourraient diriger certains ministères, comme l’Industrie. Ces débuts placés sous le signe de la démocratie et de la concorde rassurent les Tunisiens, qui y voient le gage d’une stabilisation politique et d’une reprise de l’économie. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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La semaine de J.A. Tour du monde

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MALAISIE

Razak la joue cool

ð PREMIER MINISTRE YVES HERMAN/REUTERS

PRESSENTI,

ELIO DI RUPO a démissionné le 21 novembre : coup de bluff ou vraie lassitude ? BELGIQUE

Que veut Di Rupo?

A

LORS QUE LES NÉGOCIATIONS entre les représentants des six principaux partis belges – à l’exclusion des extrémistes flamands du N-VA –, avaient repris en septembre et laissaient augurer la formation prochained’ungouvernement,ElioDiRupo,lePremierministre (socialiste et francophone) pressenti, vient de jeter l’éponge. Pour une fois, la pierre d’achoppement n’est pas linguistique, mais budgétaire, socialistes et libéraux se montrant incapables de s’entendre sur la réduction du déficit en 2012 : augmentation des impôts ou coupes drastiques dans les dépenses ? Di Rupo a donc brusquement quitté le Parlement, le 21 novembre, pour se rendre au château de Ciergnon, résidence d’Albert II, afin de présenter sa démission. Vraie lassitude ou habile coup tactique ? Charles Michel, président du MR (libéral francophone), penche pour la seconde hypothèse et dénonce une « théâtralisation » de la crise. La Belgique n’a plus de vrai gouvernement depuis plus de cinq cents jours. Et les marchés paraissent à bout de patience. ● ROYAUME-UNI

L’acteur, l’ado et les paparazzis LA COMMISSION D’ENQUÊTE mise en place par le gouvernement après le déclenchement du scandale News of the World, le tabloïd du groupe Murdoch accusé d’avoir espionné les communications de plusieurs milliers de Britanniques, a procédé à ses premières audiences publiques. Les parents de Milly Dowler, une adolescente enlevée et assassinée N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

en 2002, ont raconté comment leur téléphone portable avait été piraté. Et l’acteur Hugh Grant (Quatre Mariages et un enterrement), devenu l’emblème de la lutte contre la presse de caniveau, a longuement évoqué l’incroyable harcèlement dont il a fait l’objet pendant plus de quinze ans : même la porte de son appartement fut un jour forcée par des paparazzis !

EN SEPTEMBRE, Néjib Razak, le Premier ministre de Malaisie, avait fait sensation en abrogeant la loi sur la sécurité intérieure, qui autorisait la mise en détention immédiate et sans jugement. Deux mois plus tard, il récidive en tenant sa promesse d’élargir les lois de liberté civile. La Peaceful Assembly Bill autorise désormais les Malaisiens à se réunir en groupes de plus de trois personnes sans autorisation préalable de la police. Razak coupe ainsi l’herbe sous le pied de l’opposition et se positionne en vue des élections, dont la date (2013) pourrait être avancée. LE CHIFFRE QUI FAIT HONTE

400000

MIGRANTS ONT ÉTÉ REFOULÉS aux portes de l’Union européenne en 2010, selon le dernier rapport du réseau Migreurop, qui dénonce le refus de la plupart des pays de laisser débarquer dans leurs ports les passagers embarqués clandestinement à bord de navires marchands, mettant ainsi leur vie en péril. CAMBODGE

Monstres à la barre APRÈS LES AUDIENCES préliminaires du mois de juin, le procès des anciens dirigeants khmers rouges a repris le 17 novembre à Phnom Penh. L’ancien président Khieu Samphan (80 ans), l’idéologue du régime, Nuon Chea (85 ans), alias « frère numéro deux », et Ieng Sary (87 ans), l’ancien ministre des Affaires étrangères, sont en effet jugés pour le génocide qui fit, entre 1975 et 1979, 1,7 million de morts. Mais Ieng Thirith (79 ans), l’arrogante et sanguinaire épouse de Ieng Sary, n’assistera pas au procès. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle a été déclarée inapte. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

MAHMUD HAMS • AFP/AMR DALSH • Reuters

ÉGYPTE

Ces guerriers venus d’ailleurs… NON, CE NE SONT PAS DES EXTRATERRESTRES. Juste des révolutionnaires égyptiens affrontant les forces de l’ordre dans le centre du Caire, près de la place Al-Tahrir. Comment se protéger des gaz lacrymogènes et incapacitants utilisés à profusion par les policiers ? Au fond de quelque grenier, ces manifestants ont déniché des masques datant… Datant de quand, au fait ? De la Première Guerre mondiale ? De la Seconde ? L’efficacité de cette quincaillerie est en tout cas loin d’être assurée, à en juger par le nombre considérable – et en constante augmentation – des morts et des blessés par asphyxie.

ESPAGNE

Du malheur d’avoir un gendre SCANDALE dans la famille royale espagnole. Le gendre de Juan Carlos, Iñaki Urdangarin (43 ans), est accusé de détournements de fonds publics. Marié à l’infante Cristina, avec laquelle il a eu quatre enfants, il aurait investi dans ses propres affaires une partie du budget (2,3 millions d’euros) de l’Institut Noos, qu’il présida en 2005-2006. BRÉSIL

Vive la transparence! DILMA ROUSSEFF poursuit sa guerre contre la corruption. L’adoption d’une loi régissant l’accès à l’information publique fait à toutes les administrations obligation de

JEUNE AFRIQUE

publier en ligne l’utilisation qu’elles font de leurs ressources et de rendre accessibles des documents jusqu’ici top secret. Par ailleurs, la sarabande des ministres corrompus continue. Mis en cause à son tour, Carlos Lupi, celui du Travail, refuse pour l’instant de démissionner. S’il finit par y être contraint, il sera le septième dans ce cas. VENEZUELA

Chávez à la CPI?

HUGO CHÁVEZ sera-t-il traduit devant la Cour pénale internationale ? C’est ce que souhaite l’opposant Diego Arria, candidat potentiel à l’élection présidentielle d’octobre 2012, qui a porté plainte, à La Haye, contre le président vénézuélien pour crimes contre l’humanité. Le dossier qu’il a constitué compte plus de 600 pages et de très

nombreux témoignages de violations des droits de l’homme : assassinats, tortures, déplacements forcés de populations, etc. RUSSIE

Poutine KO

MONTÉ SUR UN RING de boxe moscovite devant vingt mille personnes pour féliciter le vainqueur, Vladimir Poutine a été accueilli par un concert de sifflets. C’est la première fois de sa carrière qu’il subit pareil affront. La scène a été vue plus de quatre cent mille fois sur YouTube, avant que la chaîne de télévision Perviy Kanal ne la maquille comme au temps du stalinisme en recouvrant les huées par des applaudissements ! Face à une opposition falote et muselée, le Premier ministre est assuré de redevenir président en 2012. Mais, à l’évidence, sa popularité n’est plus ce qu’elle était. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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La semaine de J.A. Décryptage

MOHAMMED SALEM/REUTERS

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Libye Les technos arrivent Abderrahim el-Kib a formé son gouvernement. Sa mission : stabiliser le pays et préparer l’élection d’une Constituante.

T

rois mois après la chute de Tripoli, la Libye a enfin un gouvernement. Le Premier ministre, Abderrahimel-Kib,enaannoncé la composition le 22 novembre. Une présentation qui a déclenché l’enthousiasme des capitales occidentales, mais provoqué des réactions irritées dans certaines régions du pays. « Toute la Libye est représentée », a assuré Kib. Ce n’est pas l’avis du Congrès amazigh libyen (représentant les Berbères) ou des habitants d’Ajdabiya (Est), qui s’estiment marginalisés.

À Benghazi, plusieurs dizaines de jeunes ont manifesté leur colère : « Nous sommes sous-représentés au regard des sacrifices consentis », déplore Abdelmoula Sihli, un ancien instituteur ayant pris les armes. Pourtant, la ville hérite de la part du lion : six maroquins (dont celui des Investissements) sur vingt-quatre, et huit postes de secrétaires généraux de ministères, stratégiques dans cette étape d’édification institutionnelle. La région de Misrata n’est pas à plaindre non plus, avec cinq ministères, dont deux régaliens:

l’Intérieur, dévolu à Faouzi Abdelali, chef de la brigade révolutionnaire qui a accroché Kaddafi à son tableau de chasse, et la Justice, attribuée à Ali H’mida Achour, magistrat originaire de Khoms. La Défense échoit à Oussama Jouili. Le chef de la brigade de Zintan, geôlier de Seif el-Islam, est le second représentant de la rébellion armée au sein d’une équipe qui compte deux femmes et aucun islamiste. Comme il s’y était engagé, Kib s’est ð LE PREMIER MINISTRE (à dr.), entouré de techet Abdel Hafiz nocrates, à l’instar Ghoga, d’Abderrahmane Ben porte-parole du Yezza, un ancien du CNT, à Tripoli, le 22 novembre. groupe italien Eni, chargé du Pétrole et du Gaz. Cependant, la donne régionale a parfois pesé lourd. Le portefeuille des Affaires étrangères était ainsi promis à Ibrahim Dabbachi, jusqu’au moment où Kib s’est rendu compte que son gouvernement ne comptait aucun représentant de Derna (Est). Il a donc fait appel à Achour Ben Khayal, ancien ambassadeur en Corée du Sud. SÉCURITÉ. Chargé de préparer une élec-

tion constituante pour juin 2012 au plus tard, le nouveau gouvernement s’est fixé deux priorités : améliorer les conditions de vie de la population en relançant les services publics, l’administration et le système judiciaire, d’une part. Et, d’autre part, maîtriser les questions de sécurité, en menant à bien la reconstruction d’une armée nationale, et la refonte des services de police et de renseignements. ● CHERIF OUAZANI

RD Congo Nous n’irons pas à Kinshasa (suite) CE QU’IL FAUT BIEN APPELER le refus de visa opposé à Philippe Perdrix, notre envoyé spécial désigné pour couvrir les élections congolaises du 28 novembre – refus que nous avons dénoncé dans notre dernière livraison – gêne manifestement les autorités de Kinshasa. Qui y répondent de la plus mauvaise manière. Interrogé par l’AFP, le directeur de cabinet adjoint du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Pascal Amisi Kibangula, a en effet cru bon d’affirmer qu’aucune demande d’accréditation émanant de J.A. n’avait été reçue à son ministère. Cequiestévidemmentfaux,deuxcourrielsetunelettreofficielle ayant été expédiés les 12, 14 et 20 octobre aux adresses internet personnelles dudit DCA et de son patron, Dieumerci Mutombo. Sans compter les échanges téléphoniques qui ont suivi entre Philippe Perdrix et MM. Mutombo et Kibangula, ainsi qu’avec le ministre Lambert Mende Omalanga lui-même. Pour l’anecdote: après avoir prétendu, histoire sans doute de brouiller les pistes, N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

qu’il lui fallait « l’accord de la Primature » pour donner suite à sa demande, le ministre a fini par renvoyer notre collaborateur au… directeur de cabinet civil de la présidence. Mentir et démentir: ce refrain qui servait de ligne de conduite aux fonctionnaires de l’information sous Mobutu est apparemment toujours en vogue à Kinshasa. Leurs supérieurs se chargeant, avec zèle, de verser dans la diffamation. Après Mende lui-même, qui avait chiffré à plusieurs centaines de milliers de dollars le montant de ce que J.A. aurait perçu pour publier sa « Cover story » « Kabila : Mobutu light », c’est au tour de l’ex-ministre et toujours député Antoine Gondha de monter au créneau. Cette fois, c’est parce qu’on nous aurait refusé « un publireportage d’un demi-million de dollars » que nous aurions concocté cette fiction d’envoyé spécial privé de visa ! Une chose est sûre : avec de tels collaborateurs, le président Joseph Kabila n’a plus besoin d’ennemis… ● FRANÇOIS SOUDAN JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

Gabon Les « révélations » de Mgr Jocktane

VIDÉO

Tiken Jah Fakoly : « Alpha Blondy est le seul des proches de Gbagbo à avoir reconnu ses erreurs »

SONDAGE Syrie : les Occidentaux doivent-ils soutenir l’Armée syrienne libre et chasser Bachar al-Assad du pouvoir ? 1. Oui, l’exemple libyen prouve que c’est nécessaire 54,6 % 2. Non, les Occidentaux n’ont aucune légitimité à intervenir en Syrie 30,8 % 3. Non, la mise en garde d’Assad sur un risque d’embrasement de la région doit être prise au sérieux 7,4 % 4. Non, seule une minorité de Syriens souhaite le départ du président 7,2 % (756 votes) CETTE SEMAINE :

S’il est jugé en Libye, Seif el-Islam bénéficiera-t-il d’un procès juste et équitable ? À LIRE AUSSI Inde-Afrique : Bollywood, une passion sénégalaise N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Le fondateur de l’Église Christ révélé aux nations soutient qu’Omar Bongo Ondimba a financé la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

«

C

en septembre dernier un rôle central dans le financement occulte des partis politiques français, était un habitué du palais d’Omar Bongo Ondimba. Jocktane soutient le contraire : « Je l’ai rencontré deux fois », assure celui qui fut conseiller du chef de l’État gabonais de 2005 à 2009 puis directeur adjoint de son cabinet en janvier 2009. Depuis, Jocktane est sorti des cercles du pouvoir pour devenir numéro deux de la campagne préQuelques cours d’économie sidentielle d’André Mba à la fac, et le voilà qui plaque tout Obame. Il ne décolère pas pour aller prêcher la bonne parole. de la suspension de son salaire de fonctionnaire sitôt son ralliement à l’opposition rendu acquis. Enquête sur les milliards volés public et s’est coupé de Pascaline Bongo, de la Françafrique, de Xavier Harel et dont il était proche. Dans un commuThomas Hofnung, paru le 24 novembre niqué du 23 novembre, cette dernière (éd. La Découverte). Il y affirme que le « dément formellement les propos sans défunt président gabonais aurait contrifondement ni connexion avec la réalité » bué au financement de la campagne préde Jocktane selon lesquels son père sidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. aurait contribué au financement de la campagne de Sarkozy. ● FLORISSANTE. Né à Paris il y a trenteGEORGES DOUGUELI neuf ans, ce Myéné de Port-Gentil a grandi au Gabon avant de revenir dans les années 1990 à Melun, en banlieue parisienne, pour passer son baccalauréat. Quelques cours d’économie à l’université Paris-II, et le voilà qui plaque tout pour aller prêcher la bonne parole dans l’une de ces Églises évangéliques « réveillées », d’influence américaine, qui gagnent du terrain. Le Franco-Gabonais reprend des études de théologie en France puis aux États-Unis, à l’Institut biblique « Christ pour les nations », à Dallas (Texas), puis à l’université Oral Roberts (Oklahoma). Diplômé, il rentre au Gabon en 1996, où il fonde l’Église Christ révélé aux nations, devenue florissante, dont il est l’évêque et le « président directeur international ». « Jocktane ? Connais pas ! » a réagi Robert Bourgi dans un communiqué. Pourtant, l’avocat MIKE JOCKTANE, 39 ans, se dit « président directeur international » de son Église. franco-libanais, qui a revendiqué

e que j’ai dit dans ce livre, tout le monde le sait au Gabon, même si peu de personnes osent en parler ouvertement », se défend Mike Jocktane, joint au téléphone par J.A., une pointe d’hésitation dans la voix, comme dépassé par la tempête médiatique déclenchée par les propos qu’il a tenus dans Le Scandale des biens mal

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ILS ONT DIT

La semaine de J.A. Décryptage

« Je me

Rwanda Tous comptes faits A U P A R L E M E N T, l e 21 novembre. Jean-Baptiste Bacondo, le directeur des finances du ministère des Infrastructures, prend la parole. « Il n’y a eu que quatre erreurs d’affichage sur plus de 10000 transactions gérées par le ministère, […] cela n’a pas d’impact [sur les finances]. » « Je veux qu’il cesse de dire que ces erreurs n’ont pas de conséquences, le reprend, furieuse, la parlementaire Marie-Claire Ingabire. Nos conclusions peuvent être tout autres. » Ces échanges, rapportés par le quotidien gouvernemental The New Times, ont eu lieu lors de la première audition conduite par le Comité des comptes publics (PAC) du Parlement. Jusqu’au 5 décembre, près de deux cents hauts fonctionnaires doivent subir un interrogatoire similaire. Et il n’y a pas que des seconds couteaux :

des secrétaires généraux de ministères, des gouverneurs de provinceetdesdirecteursd’établissements publics devront répondre de manquements relevés par l’auditeur général des finances pour l’année fiscale 2009-2010. D’après son rapport, 9,7 milliards de francs rwandais (12 millions d’euros) ont été dépensés sans justificatifs au cours de cette période. Cette première série d’auditions du PAC, créé par le Parlement en avril dernier, illustre la volonté de Kigali de lutter contre la mauvaise gestion des derniers publics. D’après l’indice 2010 de la perception de la corruption établi par l’ONG Transparency International, le Rwanda est le 8e pays le moins corrompu du continent, ce qui le place au 66e rang mondial, en progression de vingt-trois places par rapport à 2009. ● PIERRE BOISSELET

Cameroun Homosexuels brimés

BALTEL/SIPA

souviens d’un repas très bourgeois où l’un des invités m’a demandé de lui passer le vinaigre puis s’est excusé parce que dans “vinaigre” il y a “nègre”. Il ne faut pas pousser, sinon on ne pourrait même plus dire baignoire ! » PASCAL LÉGITIMUS Comédien français

« Ça me démange parfois d’exécuter des fonctionnaires corrompus. » DMITRI MEDVEDEV Président de la Russie

« Ce n’est pas le pouvoir qui fait pression sur moi, c’est l’opposition. C’est l’opposition qui me rend malade. » DANIEL NGOY MULUNDA Président de la Commission électorale nationale indépendante congolaise (Ceni)

LE 23 NOVEMBRE,letribunald’Ekounou(Yaoundé)acondamné trois hommes à cinq ans de prison ferme ainsi qu’à une amende de 200 000 F CFA (300 euros) – la plus lourde jamais infligée – pour « tentative d’homosexualité ». Me Michel Togué, leur avocat, qui a fait appel, avoue ne pas comprendre cette décision motivée pour la première fois en ces termes. « Ils ont été arrêtés sur leur apparence – ils étaient maquillés et tressés alors qu’ils sortaient d’une soirée –, et non pour des pratiques homosexuelles, comme le prévoit le droit camerounais », affirme le styliste Parfait Behen, président de l’ONG Alternatives-Cameroun. L’article 347 bis du code pénal interdit les rapports sexuels consentis entre personnes du même sexe, et prévoit entre six mois et cinq ans de prison, et une amende de 20 000 à 200 000 F CFA (30 à 300 euros). En août 2010, Alternatives-Cameroun avait demandé la dépénalisation des pratiques homosexuelles, invoquant les recommandations du Comité des droits de l’homme des Nations unies. Non seulement sa demande n’a pas été écoutée, mais, selon Behen, « un projet de loi prévoit des amendes plus élevées ». Près de quarante pays africains – parmi lesquels le Sénégal, le Rwanda ou le Maroc – répriment les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Le seul État qui les protège est l’Afrique du Sud, où le mariage gay est autorisé depuis 2006. ● MARIE VILLACÈQUE

« La diversité, on la porte comme un stigmate. J’aimerais vraiment retrouver ma banalité de petite Française. » RAMA YADE Ex-secrétaire d’État

« Tout pays qui choisira

d’être un pion sur l’échiquier américain ne pourra bénéficier de l’économie chinoise. » WEN JIABAO Premier ministre chinois (mettant en garde ses voisins asiatiques contre toute « ingérence extérieure ») MF

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JEUNE AFRIQUE


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

« Faire de l’ambition de modernisation une réalité » LA VOLONTÉ PERMET DE GRIMPER LES CIMES Sommaire

CONGO

● Aéroports

● Télécom

L’ÉDITO

de Jean-Jacques BOUYA

● RN

1

● Municipalisation

Communiqué

Par l’ampleur des tâches qu’il accomplit, le président de la République nous donne à comprendre que la promesse d’un futur meilleur ne tombe jamais du ciel. Que celui qui ne construit pas l’avenir est condamné forcément à le subir. C’est comme la bataille pour la vie. En principe, avec un peu plus de

I

volonté, on devrait toujours la gagner. Même quand les sifflets fusent et qu’on se sent incompris. Car, aucun projet n’a jamais été réalisé sans la volonté. De tout ce qu’il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n’est rien qui puisse être tenu pour bon, si ce n’est la bonne volonté. La volonté permet de grimper les cimes. L’optimisme n’est donc pas seulement un état d’esprit, c’est avant tout une méthode. Une méthode de travail. Et qu’au-delà de cet optimisme, la foi dans l’entreprise engagée y est évidemment prépondérante. Quand l’histoire, dans

son objectivité, aura tranché. Ou quand auront été écartées toutes les caricatures qui encombrent généralement le regard porté sur toute œuvre humaine, les réalisations d’aujourd’hui resteront comme des repères. Il va falloir, un jour, en faire l’inventaire. L’on comprendra que pour vaincre le décalage, souvent insurmontable, entre la volonté d’inscrire l’action dans la durée et la pressante instantanéité du temps de la demande, les bonnes intentions ne suffisent pas. Le dévouement et la persévérance comptent plus que les analyses et les concepts. ■


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

AÉROPORTS De la précarité à la modernité

Premier module de l’aéroport Maya-Maya.

CONGO

C

onstruit depuis les années pré-indépendance, l’aéroport international Maya-Maya de Brazzaville n’était doté que d’une piste de 1 000 mètres de longueur et d’une vielle aérogare équipée pour les prestations douanières. De 1949 à 1961, la longueur de la piste est passée de 1000 à 3 300 m. Cette piste construite sur béton hydraulique, est restée statique depuis lors, malgré les sollicitations du trafic, graduellement densifié. La modernisation de l’aéroport international Maya-Maya, étape essentielle de création d’un Hub aéroportuaire, vise la construction d’une aérogare capable de traiter un flux d’environ deux millions de passagers par an. Son premier module en exploitation depuis avril 2011, sera couplé de la réhabilitation d’une aire de stationnement d’aéronefs dont la superficie passe de 100 972 à 191 653 m² ainsi que des installations terminales intégrant un pavillon présidentiel, un aéroclub, un hôtel de luxe. D’autres commodités sont aussi prévues. En 2006, l’étude de faisabilité menée par la société EGIS AVIA (ex SOFRAEAVIA) a abouti à deux propositions :

Communiqué

la réhabilitation de l’ancienne piste au coût estimatif de 70 milliards de F CFA avec fermeture du trafic pendant trois ans ; ● la construction d’une nouvelle piste parallèle à la première, calibrée à l’avion de référence Air-Bus A380 au coût estimatif de 57 milliards F CFA. L’étroitesse de l’emprise aéroportuaire a conduit les experts à séparer les deux pistes de 245 m d’axe en axe et de ne les exploiter simultanément qu’à vue. Elles peuvent par contre être utilisées aux instruments par intermittence, conformément à la recommandation 3.1.10 de l’annexe 14 à la Convention relative à l’aviation civile internationale ●

fixant le minima à 210 mètres. Plusieurs aéroports internationaux possèdent des pistes parallèles, interdépendantes et non décalées, d’une distance entre axes, comparable à la piste de MayaMaya, voire inférieure : Londres Gatwick (Grande Bretagne), Téhéran (Iran), Lyon Saint Exupery (France). Dans le cas des pistes aux instruments parallèles, notifiées dans les PANS-ATM (Doc 4444), il est souvent déconseillé de faire décoller deux avions simultanément. Construits par la société SGEC-C et contrôlés par EGIS International, les travaux de la deuxième piste de l’aéroport international Maya Maya sont en phase de finition. Les essais techniques effectués par l’ASECNA sont compatibles aux normes de l’OACI. En 2006, lors de l’inauguration de l’aéroport de Pointe-Noire, le Délégué général aux grands travaux, Jean-Jacques Bouya, annonçait déjà la construction d’un deuxième module pour l’arrimer aux normes internationales. Le trafic de l’aéroport de Pointe-Noire étant passé de 400 000 passagers en 2003 à 725 000 en 2010, il était indispensable de procéder à la construction du deuxième module de l’aérogare. ■

Les deux piste d’attérissage de l’aéroport Maya-Maya.

II


La LETTRE TÉLÉCOM Bientôt la fibre optique

INFO NEWS

RN1 Une route aux multiples aménités La RN1 totalement revêtue entre Pointe Noire et Dolisie, n’a pas attendu la fin des travaux pour produire les aménités. Depuis le début des travaux en 2007, cette route est restée ouverte à la circulation, tant les besoins de circulation étaient pressants. Avec l’achèvement des travaux, la circulation s’est réellement densifiée sur le tronçon et les effets dans les deux sens de la route sont perceptibles. Mais, pour mieux apprécier l’importance de cette route, il faut remonter l’histoire. Au pire moment de la colonisation, le Gouverneur Victor Augagneur avait été combattu à l’idée de la

Ces trois villes abritent, depuis quelques mois, les centraux téléphoniques de type New Generation Net Work (NGN), et leurs installations, formant ainsi des boucles métropolitaines, en attendant l’injection de la fibre optique dans le réseau, a fait savoir le Délégué général aux grands travaux. Si le central de Pointe-Noire couvrira la partie méridionale du Congo, celui de Brazzaville le centre, celui d’Oyo assurera la couverture de la partie septentrionale du pays. « Ces centraux sont configurés pour travailler en alternance, en cas de dysfonctionnement d’un des trois », a précisé le Coordonnateur du projet, M. AKOUALA. La localité de Matombi, à 20 km de Pointe-Noire, abrite le Beach Main Hole, point d’arrivée du câble sousmarin WACS (West Africa Cable System), connecté à près de 300 km au large de la côte congolaise

Centre de formation aux NTIC.

et le point de départ de la fibre optique, dont l’atterrage a été réalisé le 29 janvier 2011. Ce projet est financé par le gouvernement congolais avec l’appui de la Banque Mondiale. Le réseau sera synchronisé aux lignes Très Haute Tension entre Pointe-Noire et Owando. Il sera sous-terrain entre Owando et Ouesso. ■

construction d’un moyen de communication entre Brazzaville et PointeNoire.L’énigme d’alors était de trancher entre la route et le chemin de fer. L’option du rail l’emporta finalement sur le bitume en 1921. Depuis l’accession du Congo à l’indépendance, tous les chefs d’État l’ont inscrit, dans leurs Route Pointe -Noire - Brazzaville axe Dolisie. plans et stratégies de Brazzaville, est une prime pour développement. La l’économie nationale. Epine dorsale bravoure, l’ambition, la volonté de l’économie nationale, la route de vaincre mais surtout l’audace Pointe-Noire/Brazzaville est à la fois de réussir du président Denis un « trait d’union » et une solution SASSOU-N’GUESSO ont été hors de rechange entre les différents paire. Le lancement des travaux maillons de la chaîne de transports. par ce dernier en octobre 2007, Elle désengorge le Chemin de fer avait suscité moult interprétations. Congo Océan (CFCO) La route Pointe-Noire/Brazzaville et donnera une est en réalité, un vrai challenge de nouvelle moelle développement. Sa jonction avec énergétique la route nationale n°2, à hauteur au secteur portuaire du PK 45, son prolongement du Congo. ■ vers Maloukou, au Nord-Est de

III

CONGO

D

e l’Atlantique à l’équateur, le territoire de la République du Congo est de plus en plus maillé de pylônes et d’antennes paraboliques new generation. Le projet de couverture nationale en télécommunications, conduit par la Délégation générale des grands travaux, est en voie d’achèvement. 90%, de réalisation au 4e trimestre 2011. La 1e phase du Projet, consacrée à la connexion des villes de Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo, est presque terminée. Le projet, qui s’inscrit dans le partenariat stratégique CongoChine, est exécuté par les sociétés ALCATEL et HUAWEI. Lors de ses récentes visites de travail à Brazzaville, PointeNoire et Oyo, le Ministre délégué, Délégué général aux grands travaux, Jean-Jacques BOUYA, a apprécié l’état d’avancement des travaux sur le terrain.


La LETTRE

Délégation Générale des Grands Travaux

MUNICIPALISATION Le Pool, l’autre défi

CONGO

A

u sud-est du Congo, avec 33 955 km², environ 10% de l’espace national, et 236 595 habitants, se dresse le département du Pool. Ce département composé de treize districts, va abriter, en 2012, la fête tournante de l’accession du Congo à la souveraineté internationale. Plusieurs projets liés à la municipalisation accélérée et à la fête proprement dite ont été retenus, pour un investissement d’environ 500 milliards de F CFA, affectés par le président de la République. Seront construits dans ce département, les voiries urbaines, le boulevard sur lequel se déroulera le grand défilé militaire et civil, le palais présidentiel, l’extension du système d’adduction d’eau potable et le réseau de distribution de l’électricité, des infrastructures socio-sanitaires, sportives et éducatives. À Kinkala, la Délégation générale des grands travaux, maître d’ouvrage délégué de l’État congolais, pour la réalisation de certains travaux, a déjà pris toutes les dispositions pour le bon déroulement des travaux. Certains projets sont en étude,

LA

En

DGTT

BREF

Explications du coordonateur technique à Jean-Jacques BOUYA.

Collines de Kinkala.

d’autres en phase d’installation et d’autres encore, déjà cours d’exécution. La préfecture gardera son lieu initial, à la place Matsoua.

Cadre juridique Créée par le décret n° 2002 – 371 du 3 décembre 2002, réorganisée par le décret n° 2009-158 du 20 mai 2009, la Délégation Générale des Grands Travaux est un organe administratif et technique. Elle est chargée de la passation et de l’exécution des contrats de marchés publics, et des contrats de délégation de service public de l’État, des autres personnes morales de droit public ou de droit privé, dont la valeur est supérieure ou égale au seuil fixé par le décret n° 2009-162 du 20 mai 2009 fixant

Le Palais présidentiel, l’hôtel de ville et le boulevard sur lequel se déroulera le défilé militaire et civil se construisent dans le quartier de Madiba. L’ancien marché sera remplacé par un plus grand et moderne, à l’instar des marchés de Dolisie, d’Owando et d’Oyo, sur l’actuel site de l’école primaire Moundongo. Le siège du Conseil départemental sera bâti dans le quartier de Bandza-Kandzi, alors que l’héliport surplombera la colline de Makoumbou Mabombo, avec sa voie d’accès. ■

les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics. Mission Faire réaliser les études, lancer les appels à la concurrence, organiser le dépouillement des offres, rédiger, conclure et gérer les marchés, apprécier, techniquement et financièrement les devis descriptifs et estimatifs des contrats. Maître d’ouvrage délégué, elle suit et contrôle l’exécution des chantiers, organise la réception provisoire des ouvrages finis. ■

Délégation Générale des Grands Travaux Boulevard Denis Sassou Nguesso - BP 1127 Brazzaville, République du Congo Tél./Fax : (+242) 22 281 47 13 - E-mail : contact@grandstravaux.org www.grandstravaux.org

Communiqué

IV


La semaine de J.A. Décryptage

23

Transport aérien Sur des sièges éjectables L’Union européenne vient de réactualiser la liste des compagnies qu’elle bannit de son ciel. Beaucoup, en Afrique, dénoncent une politique du « deux poids, deux mesures ».

L

cette liste se cachent des considérations petits appareils, et la nécessité d’y alistenoiredescompe pagnies aériennes remédier, mais appelle l’UE à changer commerciales, renchérit le Libyen Ramah de méthode. « L’Union européenne Ettir, PDG d’Afriqiyah Airways. Comment mise à jour par n’a pas une approche transpal’Union européenne explique-t-on que des compagnies ne rente ! Trente-sept compagnies (UE) continue de perturber lee desservant pas l’Europe y apparaissent? » africaines sont ciel africain. L’Agence euroconformes aux péenne de la sécurité aérienne ts Avec trente-cinq transporteurs den acci normes Iosa de (EASA) s’est d’ailleurs arrandes iens et décrétés indésirables, la RD Congo aér l’Association gée pour qu’elle ait un retendevance l’Angola et le Bénin. internationale tissement maximum : elle l’a s t diffusée le 21 novembre, jour de du transport den u e acci aérien (Iata), certifiées par Pour Marlene Mendes Manave, patronne l’ouverturedel’assembléegénérale des ls ont li t n te un audit, mais certaines de l’Association des compagnies de la mozambicaine LAM, inscrite sur mor e contine sur l d’entre elles se retrouvent quand aériennes africaines (Afraa), qui la liste bien que certifiée conforme aux même sur la liste noire », s’indigne Elijah rassemblait à Marrakech les dirinormes Iosa, il n’y a pas égalité de traiChingosho, le secrétaire général de l’Afraa, geants du secteur. tement. « Du fait de l’importance de leur qui regrette que Philippe Gaillard, le reprétrafic, l’Angola et le Nigeria sont parvenus Comme en 2010, la liste égratigne le continent: les 277 compagnies interdites sentant de la Commission européenne, à assouplir la position de l’UE en menaen Europe sont originaires de 24 pays, venu en coup de vent à Marrakech, n’ait çant de prendre des mesures de rétorsion dont 17 africains. Kinshasa reste en pas pris le temps de dialoguer. contre les compagnies européennes », pa tête, avec 35 transporteurs aériens Pourlescompagniesafricaines, souligne-t-elle. indésirables, suivi par l’Angola, Car tous les transporteurs le sujet est crucial: si leurs liaisons qui en compte 13, et le Bénin, africains ne se montrent pas avecl’Europenereprésententque 8. Derniers en date : Equatorial 20 % de leurs revenus, une insaussi critiques, notamment CongoAirlines,baséeàBrazzaville, cription sur la liste, désastreuse les plus grands comme pour et Stellar Airways, en RD Congo. pour leur réputation, a un impact la Royal Air Maroc, Air seulement majeur : la faillite de Mauritania Seule consolation, l’extension de Algérie ou Egyptair, Airways, filiale de Tunisair, en est les mieux reliés au l’autorisation de vol de certains acci la preuve la plus récente. Vieux Continent. appareils de l’angolaise Taag, qui par m dent du trafic il devaient jusqu’à présent se can« Pour établir sa liste, l’UE se « Plutôt que de se départs,lion de mondial, contr e en 2010 tonner à Lisbonne, au Portugal. fonde notamment sur les inspecdéfausser sur l’UE, tions réalisées dans les aéroports il faut coopérer pour COUP DE VENT. La riposte des compaeuropéens. Or les transporteurs africains, progresser, affirme il y a c (la m inq ans gnies africaines ne s’est pas fait attendre, à notamment les plus petits, sont plus fréHussein Massoud, oyen ne mond l’unisson de celle de leurs gouvernements, quemment contrôlés que les compagnies président d’Egypi est d ale très remontés contre une liste « fondée sur internationales. Du coup, on détecte chez tair et du comité e 1) des critères restrictifs et discriminatoires », eux davantage d’anomalies que dans exécutif de l’Afraa. selon Gilbert Noël Ouédraogo, le ministre des compagnies d’Europe de l’Est, où L’an dernier, j’ai écrit à chaque burkinabè des Transports. il y en a autant mais qui, elles, sont peu patron des compagnies “blacklistées” Dans ses résolutions adoptées à inspectées », déplore Abderrahmane pour proposer notre assistance. Je n’ai Marrakech, l’Afraa admet des manqueBerthé, patron d’Air Mali et nouvellepas reçu de réponse. » ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial à Marrakech ments à la sécurité, notamment sur les ment élu président de l’Afraa. « Derrière

18 % 37 %

1,5

3%

SOUR

CES : IATA -A

FRAA

7

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

RUE DES ARCHIVES/SPPS

6

DÉCEMBRE 50e anniversaire du décès de Frantz Fanon. Grande figure de la lutte contre le colonialisme et membre du FLN, l’auteur de Peau noire, Masques blancs est inhumé en Algérie. JEUNE AFRIQUE

9-23

DÉCEMBRE Les Jeux panarabes réuniront à Doha (Qatar) 6 000 compétiteurs dans 36 disciplines. La Syrie, qui proteste contre sa suspension de la Ligue arabe, n’y participera pas.

11

DÉCEMBRE Législatives en Côte d’Ivoire, boycottées par le Front populaire ivoirien, dont des membres et sympathisants se présenteront comme candidats indépendants. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


24

La semaine de J.A. Décryptage

Sénégal Wade obtient un blanc-seing Une brochette de juristes français et américains ont participé à un séminaire à Dakar. Son thème : « Le président peut-il briguer un nouveau mandat en 2012 ? »

«

S

i des Blancs le disent, c’est que ça doit être vrai », ironise un juriste sénégalais qui n’a toujours pas digéré « le spectacle » proposé par la télévision nationale le 21 novembre, en direct du Méridien Président. Tour à tour, une vingtaine d’experts, dont une majorité étaient venus de France et des États-Unis spécialement pour l’occasion, se sont succédé dans la salle des séminaires du grand hôtel – et dans la petite lucarne des foyers sénégalais – pour affirmer que oui, Abdoulaye Wade peut se présenter à l’élection présidentielle de 2012. Cela faisait deux mois que les partisans du président planchaient sur cette rencontre « internationale ». « L’idée est née après le séminaire organisé par l’opposition », explique Amadou Sall, le porte-parole du candidat Wade. Au cours de cette conférence, une dizaine de juristes sénégalais avaient conclu à l’invalidité de sa candidature. Élu une première fois en 2000 (pour sept ans), Wade a été réélu en 2007 (pour cinq ans). Entre-temps, une réforme constitutionnelle adoptée en 2001 a limité à deux le

nombre de mandats présidentiels. Cette réforme est-elle rétroactive ? En d’autres termes : la nouvelle loi prend-elle en compte le premier mandat de Wade ? C’est tout l’enjeu du débat que devra trancher le Conseil constitutionnel à la fin de janvier. Pour prouver la validité de sa candidature, le camp du président n’a pas lésiné sur les moyens. Billets d’avion,

on trouve également des invités plus surprenants, comme Charles Zorgbibe, un historien spécialiste des relations internationales ; Christine Desouches, spécialiste des questions africaines, mais pas constitutionnelles ; ou des membres d’un cabinet américain, plus experts en matière de litiges commerciaux et de publicité mensongère que de loi fondamentale. « AUCUNE PRESSION ». « Des experts

étrangers viennent nous expliquer le français. Senghor doit se retourner dans sa tombe », s’est désolé El Hadji Diouf, candidat à la présidentielle. Didier Maus, un habitué de ce « On vient nous expliquer le genre d’opérations, qui a fait français ! Senghor doit se plusieurs missions en Afrique (notamment en Guinée-Bissau retourner dans sa tombe. » et en Afrique du Sud), assure EL HADJI DIOUF, candidat à la présidentielle que « tout a été bien organisé », qu’il a disposé du temps nécessaire chambres dans l’un des hôtels les plus pour formuler son analyse et n’a subi cotés de la capitale, per diem, et, pour « aucune pression » tendant à influencer ceux des participants qui le souhaitaient, ses conclusions. Quant à savoir comun peu de tourisme à l’issue des interbien cette manifestation a coûté et qui ventions. Dans le lot figurent des spéciaa payé, les responsables de la campagne listes français du droit constitutionnel : de Wade disent ne plus avoir tout cela Michel de Guillenchmidt, Didier Maus en tête. Pour eux, « ce n’est pas le plus ou encore Dominique Chagnollaud (pas important », ce qui compte, « c’est l’asGuy Carcassonne, le plus réputé d’entre pect scientifique de la chose ». ● tous, qui soutient la thèse de l’invaliRÉMI CARAYOL dité de la candidature de Wade). Mais

LE DESSIN DE LA SEMAINE

GLEZ AFRIQUE DU SUD 100 % ZOULOU

PRETORIA, la capitale sud-africaine, devrait être rebaptiséeTshwane d’ici à la fin de cette année. Déjà évoqué en 2005, ce projet avait été suspendu devant l’opposition farouche d’une partie des Blancs. Mais pour le président Jacob Zuma, fier de s’habiller en guerrier zoulou, il était sans doute temps d’en finir avec un nom qui rappelle celui du bourreau de son propre peuple, Andries Pretorius. Le changement de celui de la ville de Durban, qui accueille le sommet international sur le climat jusqu’au 9 décembre, n’est en revanche pas à l’ordre du jour. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Les gens

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! En 2003, il avait été condamné à DIX ANS DE TRAVAUX FORCÉS au terme d’un simulacre de procès.

des autorités “de fait” pour rentrer. Mais nous n’avons jamais reçu l’invitation. Nous avons donc pris nos responsabilités. » La Haute Autorité de la transition (HAT) assure de son côté qu’il aura droit à tous les honneurs dus à un ex-chef d’État. ALEXANDER JOE/AFP

TROP TARD ? Pas un mot, non plus, sur

Didier Ratsiraka Le retour de l’Amiral

Après neuf ans d’exil, l’ex-promoteur du « socialisme croyant » est rentré à Madagascar, où les autorités transitoires assurent qu’il aura droit à tous les honneurs dus à un ancien chef d’État.

C

est à bord d’un avion de la Corsair, une compagnie française, que Didier Ratsiraka, « marin de métier » – comme il se définissait il y a quelques années, ajoutant qu’il n’était qu’un « politicien de fortune » –, a regagné sa terre natale. Un peu plus de neuf ans après avoir fui Madagascar, en juillet 2002, celui qui ne veut plus être appelé l’Amiral rouge, vestige d’un temps où il se faisait le promoteur d’un socialisme à la sauce malgache, a retrouvé les siens le 24 novembre, en milieu de matinée. Accueilli par ses partisans à l’aéroport d’Ivato, il s’est ensuite dirigé vers l’hôtel, où il séjournera quelque temps avant de retrouver sa résidence, en cours de réfection. Ce retour, cela faisait plus d’un an que l’ex-président (de 1975 à 1993, puis de 1996 à 2002) l’annonçait. Confortablement installé dans un petit pavillon de Neuillysur-Seine, en banlieue parisienne, il n’avait

jamais caché son désir de revenir au pays. Condamné en 2003, un an après sa fuite, à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics au terme d’un simulacre de procès, il savait que Marc Ravalomanana, son tombeur, ne le lui permettrait pas. L’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina en mars 2009, à laquelle il a indirectement œuvré (c’est une de ses interventions télévisées qui a mis le feu aux poudres en décembre 2008), lui avait redonné espoir. Mais il lui fallait des assurances: ne pas être poursuivi par la justice; et être logé, sa demeure familiale ayant été détruite par un incendie l’année dernière. Ni lui ni ses proches qui l’ont accompagné dans son exil (son épouse, Céline, et ses deux filles, Annick et Sophie) n’ont souhaité s’étendre sur ce qui l’a poussé à se décider. « Tant qu’il est sur le sol français, il est soumis au devoir de réserve, expliquait l’une de ses filles à quelques heures du départ. Nous attendions l’assentiment

l’état d’esprit de son père. Vit-il ce retour comme une libération? Pas sûr. À 75 ans, Ratsiraka, qui apprécie la culture française, n’est plus cet étudiant indigné par la répression coloniale, ni même ce jeune capitaine de frégate qui, après un passage à l’ambassade de Madagascar à Paris, profita de sa nomination au ministère des Affaires étrangères, en 1972, au sein d’un cabinetmilitaire,pourprendresarevanche sur l’ancien colon et dénoncer les accords de coopération signés avec Paris en 1960. Aux yeux de la plupart des Malgaches, dont beaucoup sont nés il y a moins de vingt ans, il n’est même plus « l’artisan de la seconde indépendance », un titre qu’il a acquis après sa prise de pouvoir en 1975. Ratsiraka, c’est aujourd’hui le souvenir de la répression des années 1980 et de l’échec du « socialisme croyant », ou, pour les plus jeunes, celui d’un chef d’État vieillissant incapable de freiner l’ascension d’un jeune commerçant nommé Ravalomanana. Malgré tout, l’événement est considérable. Les mesures de sécurité prises par les autorités à l’annonce de son arrivée le prouvent. À plusieurs reprises, il a déclaré détenir « deux ou trois solutions » pour en finir avec la crise politique. « Longtemps, il a pensé que son retour débloquerait tout », dit un proche resté au pays. Mais n’arrive-t-il pas trop tard? Contrairement aux autres ex-présidents, Ratsiraka n’a pas signé la feuille de route de sortie de crise. Il ne compte aucun de ses hommes au sein du gouvernement d’union nationale mis en place le 21 novembre. ● RÉMI CARAYOL

NOMINATIONS

IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA UNION AFRICAINE L’ex-Premier ministre malien a été désigné chef de la mission d’observation de l’Union africaine (UA) pour les législatives gabonaises du 17 décembre.

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LEILA LOPES ONU La lauréate angolaise du titre de Miss Univers 2011 a été nommée ambassadrice des terres arides de la Convention de l’ONU sur la lutte contre la désertification.

JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

27

DJINN CARRÉNARD

Nothando Dube Princesse déchue

Autoproduit avec un budget de 150 euros, Donoma, premier long-métrage de ce jeune réalisateur haïtien, a rencontré un vif succès auprès de la critique, avant même sa sortie en salle le 23 novembre.

Renvoyée du palais, la douzième épouse du roi du Swaziland paie sans doute l’aventure extraconjugale qu’elle a eue avec le ministre de la Justice il y a un an.

GOSHI HOSONO Le ministre japonais de l’Environnement a décidé de renoncer à ses 15 000 euros mensuels après qu’un de ses employés a jeté sur un terrain vague un échantillon de terre contaminée envoyé pour test par un habitant de Fukushima. SALWA IDRISSI AKHANNOUCH

DR

Mis au point par la présidente du groupe Aksal, avec Nesk Investment, le Morocco Mall, plus grand centre commercial du continent (hors Afrique du Sud), ouvrira ses portes le 5 décembre à Casablanca. EN BAISSE

ARMANDO GUEBUZA Le président du Mozambique est à la tête du pays où « l’incidence de la corruption » est la plus élevée, selon une enquête menée parTransparency International dans six pays (Afrique du Sud, Malawi, RD Congo, Zambie, Zimbabwe). LILIANE BETTENCOURT L’héritière de L’Oréal s’est vu réclamer par le fisc français près de 108 millions d’euros d’impôts impayés après la découverte de comptes occultes à l’étranger et d’une île des Seychelles achetée clandestinement. FARIDA WAZIRI La directrice de la Commission [nigériane] de lutte contre les délits financiers et économiques, très critiquée pour l’inefficacité d’une institution soupçonnée de corruption, a été limogée par le président Goodluck Jonathan. DR

GALLO IMAGES

E

lle est l’avant-dernière épouse du roi du Swaziland, Mswati III, la douzième plus exactement, et pourrait ne plus jamais franchir les portes du palais. Nothando Dube, mère de trois enfants et connue sous le nom d’Inskhosikati LaDube, a été sommée, le 19 novembre, de « quitter immédiatement » la demeure royale après avoir aspergé de gaz poivre les yeux d’une sentinelle qui refusait de la laisser sortir pour conduire à l’hôpital son fils de 2 ans, gravement blessé. C’est vraisemblablement la reine mère, toute puissante quand le roi est absent, qui lui aurait ordonné de rassembler ses affaires et d’évacuer les lieux sur-le-champ. Peut-être n’était-ce qu’un bon prétexte pour bannir une épouse infidèle que le roi refuse de voir depuis qu’il a appris, il y a un an, que la princesse entretenait une relation extraconjugale avec le ministre de la Justice, Ndumiso Mamba, éjecté depuis. Des agents des services secrets avaient découvert qu’elle endossait un uniforme militaire pour retrouver régulièrement son amant dans un hôtel de luxe à une dizaine de kilomètres de Mbabane, la capitale de ce petit État enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique. Quand l’affaire a éclaté au grand jour, la princesse avait été menacée d’être assignée à résidence, tandis que le ministre devait être expulsé du pays. Selon Lucky Lukhele, ! Peu avant son mariage avec porte-parole d’une assoMswati III, en septembre 2004. ciation sud-africaine ELLE N’AVAIT ALORS QUE 16 ANS. de défense des droits de l’homme basée au Swaziland, Mswati III, en réclusion pendant deux mois pour participer à un rituel sacré, aurait dit à sa mère qu’il ne voulait plus voir la jeune femme après sa période d’isolement. Mais le Palais dément son éviction. Âgée de 23 ans, Nothando a convolé en justes noces avec le roi, de vingt ans son aîné, quand elle n’en avait que 16, après qu’il l’eut remarquée à un concours de beauté. Choisie par le souverain polygame – un « honneur » qu’aucune jeune fille ne peut refuser –, elle avait abandonné ses études afin de se consacrer à ses nouvelles fonctions et à son futur bébé, puisqu’elle est tombée enceinte avant son mariage, comme le veut la tradition. ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE

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CommuniquĂŠ



30

Grand angle

DJIBOUTI

Ismaël Omar Guelleh « En 2016, je m’en irai. Cette fois, je peux vous le jurer. »

Révolutions arabes, Somalie, Érythrée, piraterie, mais aussi la situation intérieure d’un pays qui « était né pour mourir »… Le chef de l’État, à l’orée de son ultime mandat, livre ses vérités.

Propos recueillis à Djibouti par

L

FRANÇOIS SOUDAN

e clip dure une vingtaine de secondes, mais il a plus fait pour la notoriété de ce micro-Étatquetouteslescampagnes de publicité. Un jeune Américain au look de rappeur du Bronx s’agite sous l’œil impassible d’un vétéran assis sur un rocking-chair. Entre deux gorgées de Coca-Cola, ce dernier lâche, d’une voix grave : « Do you know Djibouti? » Le gamin se fige, médusé. C’était en 2003, l’année où l’armée américaine prenait ses quartiers au camp Lemonier, non loin des installations militaires françaises. Huit ans plus tard, rien n’a changé ou presque : Djibouti est plus que jamais un havre pour les bases étrangères, et ce pays-comptoir de 900 000 habitants, dont l’économie pèse un peu moins de 1 milliard de dollars et qui se rêve en hub régional tant sa position géostratégique est imprenable, se bat encore pour se faire connaître. « Do you know Ismaël Omar Guelleh? » Bien rares hors Afrique sont ceux qui pourraient identifier le président djiboutien, 64 ans, au pouvoir depuis douze ans. L’homme est discret, modeste, peu N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

disert, sauf lorsqu’il s’agit d’évoquer des sujets aussi essentiels pour son peuple et son pays qu’hélas peu médiatiques: eau, électricité, géothermie, emploi des jeunes, investissements… Pour lui, si Djibouti veut se débarrasser de son étiquette d’État improbable sous perfusion, c’est sur ses propres forces qu’il doit compter avant tout. En faudrait-il une preuve supplémentaire que les résultats de son appel à l’aide lancé en juillet dernier pour combattre les effets d’une sécheresse dévastatrice sont là pour le démontrer: « Nous demandions 30 millions de dollars, dit-il. Quatre mois plus tard, seule la Chine a versé sa contribution, soit 6 millions; les Djiboutiens euxmêmessesontcotiséspour600000dollars. Le reste ? Des promesses pour l’instant sans lendemain. » Après trente-quatre années d’indépendance, la République de Djibouti est donc toujours une nation fragile. C’est de cela qu’IOG préfère parler plutôt que d’opposition et de démocratie, sujets sur lesquels il est l’objet de critiques de la part des organisations de défense des droits de l’homme. D’où l’intérêt particulier de cet entretien dont l’essentiel

est consacré à la politique intérieure et régionale, et où, pour la première fois, cet homme qui a « juré » de quitter le pouvoir en 2016 évoque le problème de sa succession. JEUNE AFRIQUE : Le grand vent du Printemps arabe a-t-il soufflé jusqu’à Djibouti ? ISMAËL OMAR GUELLEH: Le Saint Coran

parle des « voyages de l’été et de l’hiver ». La notion de printemps n’existe pas chez les Arabes. Parlons de révolution, si cela vous convient mieux. Vous avez connu, en février dernier, votre lot de manifestations, lesquelles demandaient votre JEUNE AFRIQUE


VINCENT FOURNIER/J.A.

31

À SON DOMICILE PRIVÉ, le 9 novembre, après l’interview. départ. Avez-vous senti passer le vent du boulet ?

Non. Il s’agissait de l’expression d’un malaise purement social, que certains ténors de l’opposition ont voulu transformer en révolution, sans y parvenir. Ils ont rassemblé cinq à six cents jeunes et, très vite, tout cela a dégénéré en pillage. Un policier a été tué, un autre grièvement blessé. Des camions éthiopiens chargés de céréales ont été incendiés, des vitrines brisées. C’était un peu, en beaucoup plus réduit, l’équivalent de ce qui s’est passé à Londres début août. À cette différence près que là-bas, si l’on en croit les médias, la police britannique n’aurait fait que rétablir l’ordre face aux émeutes urbaines, alors qu’ici nous JEUNE AFRIQUE

aurions réprimé sauvagement des manifestations pacifiques. C’est assez ridicule. Djibouti ne tolère pas le désordre, mais Djibouti est un pays ouvert au dialogue et à la palabre. Les partis d’opposition racontent et impriment ce qu’ils veulent, y compris les rumeurs les plus diffamatoires. Faites un tour place Ménélik et tendez l’oreille : chacun peut y dire tout et n’importe quoi. Pourtant, il n’y a chez vous ni télévision ni radio indépendantes, et la presse qui vous est hostile se résume à quelques feuillets agrafés…

Ce n’est pas un problème de censure mais un problème d’argent. Il n’y a à Djibouti ni investisseurs ni annonceurs

dans ce domaine, et le lectorat potentiel est très réduit. Ici, on préfère parler jusqu’à plus soif. Nous-mêmes avons déjà le plus grand mal à faire sortir notre journal, La Nation, de façon régulière. La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) a publié début novembre un long communiqué dénonçant la « répression tous azimuts » et l’existence de prisonniers politiques dans les geôles djiboutiennes. Votre réaction ?

Je suis scandalisé, mais je ne suis guère surpris. La FIDH se nourrit du suc d’une ONG locale [la Ligue djiboutienne des droits humains, de Jean-Paul Noël Abdi, NDLR] qui n’a à nos yeux aucune N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


32

Grand angle

Djibouti

crédibilité. D’où ce tissu d’âneries. Il n’y a pas deprisonnierspolitiquesàDjibouti,ou alorstouslesvoyouscondamnésàLondres après les émeutes étaient eux aussi des politiques ! Quant aux quatre individus arrêtés en mai alors qu’ils tentaient de se rendre clandestinement en Érythrée, pays avec lequel nous sommes en conflit, pour y quérir un soutien sur ordre de leur chef, Aden Robleh Awaleh, ce ne sont pas des détenus politiques. C’est une affaire qui concerne la sûreté de l’État. Et la soixantaine de personnes interpellées le 16 septembre à Ali Sabieh pour avoir crié « mort à la dictature » au passage de votre cortège ?

Mensonges ! Il ne s’est rien passé ce jour-là à Ali Sabieh. Ni manifestation, ni slogan, ni arrestations. Rien, c’est du n’importe quoi.

Des élections régionales auront lieu début 2012 et des législatives un an plus tard. L’opposition y participera-t-elle ?

Questionnaire intime Votre principal défaut ? J’accorde trop facilement ma confiance. Votre principale qualité ? La sincérité. Le pire défaut chez un homme (ou une femme) ? La trahison. Et la plus grande qualité ? Le respect de la parole donnée. Votre plus grand regret ? Ne pas être né plus tard.

Vous allez donc profiter de ce quinquennat pour préparer une succession.

Votre vie après le pouvoir ? Le repos.

Ismaël Guedi Ared fut votre collègue au sein du cabinet de votre prédécesseur, Hassan Gouled Aptidon…

Lui, c’est le plus raisonnable, le plus modéré d’entre eux. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Réélu pour cinq ans, donc jusqu’en 2016, pour un ultime mandat, avez-vous juré. Peut-on vous croire ?

Votre modèle ? Gandhi.

Pourquoi ?

Impossible de discuter avec celui-là! Il n’a que l’injure et la violence à la bouche. D’ailleurs, il ne s’entend avec personne.

Score politiquement incorrect, j’en conviens. Mais, hélas pour mes détracteurs, parfaitement conforme à la vérité des urnes.

Votre héros ? Le Prophète.

Votre plus grande réussite ? Avoir servi mon pays.

La plupart ont, à un moment ou à un autre, collaboré avec vous. Aden Robleh Awaleh fut ainsi votre conseiller et l’un de vos députés…

Vous avez été réélu en avril dernier avec un peu plus de 80 % des voix…

Absolument. Je ne changerai pas d’avis cette fois. Ce dernier mandat, je ne le voulais pas. C’est un mandat forcé, le peuple ayant estimé que la relève n’était pas prête.

Je l’espère. Je la convie à participer aux travaux de la commission électorale. Mais je suis sans grandes illusions.

Parce qu’à Djibouti la conception de la démocratie qu’ont ces messieurs est la suivante : soit on est chef, soit on cherche à renverser le chef. Ils n’ont ni la volonté ni la patience de s’occuper du reste, qui est pourtant l’essentiel : construire de vrais partis, convaincre l’opinion avec de vrais programmes, etc. En fait, j’ai presque envie de publier une annonce: recherche opposants responsables désespérément. S’ils existent – et je crois qu’ils existent –, je ne demande pas mieux que de les écouter. Les autres, ceux qui sabotent le jeu démocratique et qui boycottent par principe les élections, ce sont toujours les mêmes.

Ibn Khaldoun disait qu’il y a deux façons de gouverner les Arabes : par l’épée ou par le Prophète. Je ne suis ni prophète, ni dictateur, mais président élu. C’est une catégorie qui, manifestement, échappe encore à l’entendement de certains de mes compatriotes.

Quand vous vous présenterez devant lui, qu’aimeriez-vous que Dieu vous dise ? Tu m’as été fidèle. Tu as aidé tes semblables. Tu as été utile à l’islam. ● Propos recueillis par F.S.

Oui, je vais essayer, en toute discrétion, avec l’aide de personnalités choisies pour leur sagesse, leur patriotisme et leur désintéressement, d’identifier celui qui pourra le mieux remplir cette lourde tâche. Je crois avoir appris aux Djiboutiens comment vivre ensemble et comment défendre un pays qui était en quelque sorte né pour mourir. Il faudra continuer sur cette voie. Mais je serai prudent, car, dès qu’une personne sera perçue comme mon successeur, je sais qu’elle deviendra une cible. Avez-vous déjà une idée en tête ?

Abdourahmane Boreh a été votre consultant financier et vous l’avez placé à la tête du port de Djibouti…

Et je le regrette ! Son problème, c’est le business. Son opposition n’a rien de politique, elle est alimentaire. Je l’ai privé de sa vache à lait. Seul l’ancien journaliste Daher Ahmed Farah échappe à cette grille de lecture très personnelle.

Il est très actif. Mais il vit en Europe, et cela fait des années qu’il n’a pas remis les pieds à Djibouti. Cela se voit, et certains de ses amis de l’opposition ne se privent pas pour le lui dire. Car tout ce beau monde se tire dans les pattes, bien entendu. Pourquoi suscitez-vous de telles inimitiés ?

Oui, à peu près. Mais je ne vous la dirai évidemment pas. Le profil apparaîtra peu à peu. Sera-ce un membre de votre famille ?

En aucun cas. Je peux vous le jurer.

À ce propos, un grand quotidien régional français s’est fait l’écho, fin octobre, d’informations selon lesquelles votre épouse et vos enfants auraient quitté Djibouti pour trouver refuge en Arabie saoudite ou en Éthiopie. Qu’en est-il ?

Comment osez-vous me poser une telle question ? Mes enfants sont ici, et mon épouse, vous venez de la croiser. Je trouve pathétique, et pour ne pas dire raciste, la légèreté avec laquelle on s’autorise à imprimer n’importe quel ragot quand il s’agit de l’Afrique. JEUNE AFRIQUE


La grande interview d’Ismaël Omar Guelleh

VINCENT FOURNIER/J.A.

leur ai conseillé de limiter leur incursion à unezonetampondecentkilomètresetdene pas chercher à occuper le port de Kismayo. Le Kenya entraîne et équipe depuis plus de deux ans une force d’environ trois mille Somaliens censés former l’ossature sécuritaire de la nouvelle administration. C’est à cette force de pénétrer plus profondément en zone Shebab. Mes interlocuteurs en ont d’ailleursconvenu.Pourlereste,l’intégration du contingent kényan au sein de l’Amisom est une bonne perspective.

LE TERMINAL À CONTENEURS DU PORT DE DJIBOUTI, géré par Dubai Ports World. Après votre départ du pouvoir, ne risquez-vous pas de gêner votre successeur en intervenant dès qu’il prendra une décision que vous n’approuverez pas ?

C’est une tendance contre laquelle, heureusement, je suis vacciné. J’ai connu cela en effet avec mon prédécesseur, le président Gouled Aptidon. J’ai dû l’accompagner, sans le heurter, avec respect, afin qu’il comprenne que lui, c’était lui, et moi, c’était moi. Dès la passation des pouvoirs effectuée, je m’éloignerai, surtout les deux premières années.

ne surestime pas la capacité de nuisance des Shebab. Depuis leur fief de Baidoa jusqu’ici, il y a 2 000 km. Ils ont déjà frappé au Kenya.

C’est très différent. Il y a six cent mille Somaliens au Kenya, et les Shebab y sont très implantés. Ils contrôlent le secteur des transferts d’argent, ils ont leurs madrasas, leurs réseaux commerciaux, leurs fabriques de faux papiers, leurs médecins. Le Kenya, c’est leur base arrière. C’est pour cette raison que le gouvernement de Nairobi se devait de réagir.

Ce gouvernement de transition somalien que vous soutenez a la réputation d’être inefficace et corrompu. Cela ne vous gêne pas ?

Corrompu avec quoi ? Ils n’ont rien. Tenter d’établir son autorité sur un pays en guerre, sans revenus, être constamment sollicité, harcelé par une population qui souffre, ce n’est pas une sinécure. Vous devriez plutôt les plaindre… Djibouti est-il affecté par le phénomène de piraterie ?

Évidemment, même si les pirates n’ont pas encore frappé au large de nos côtes. Beaucoup de bateaux refusent de venir jusqu’ici et préfèrent décharger leurs cargaisons à Djeddah ou à Hodeïda. Les primes d’assurance ne cessent de grimper. Je le redis: la solution à ce problème n’est pas sur mer, elle est à terre. Il faut absolument aider les autorités du Somaliland et du Puntland à mettre en place des unités qui empêchent les pirates d’embarquer. Si

Resterez-vous un recours ?

Non. Surtout pas.

Un bataillon djiboutien s’apprête à rejoindre les forces de l’Union africaine en Somalie, l’Amisom. Pourquoi intervenez-vous chez votre voisin ?

Parce que le gouvernement fédéral de transition somalien nous le demande avec insistance. Et parce que je ne veux pas que l’on dise un jour que Djibouti est resté les bras croisés alors que des soldats ougandais, burundais, kényans ont sacrifié leur vie pour que la paix revienne chez nos frères somaliens.

Ne craignez-vous pas que les insurgés islamistes Shebab ripostent en exportant le terrorisme chez vous? Cinquante mille réfugiés somaliens vivent à Djibouti, et le Yémen est devenu une passoire…

C’est un risque que je n’exclus pas. Nous sommes très vigilants. D’un autre côté, je JEUNE AFRIQUE

Dès qu’une personne sera perçue comme mon successeur, elle deviendra une cible. Les autorités kényanes ont-elles informé les pays de la région du déclenchement de leur opération militaire dans le sud de la Somalie, il y a un mois et demi ?

Non.Maisellesontconsultélegouvernement fédéral de transition de Mogadiscio. Je répète que je les comprends: les Shebab multipliaient les incursions armées depuis plus de trois ans et ils évoluaient au Kenya comme des poissons dans l’eau. Cela ne pouvait plus durer. Cette intervention ne risque-t-elle pas de s’enliser ?

Il faut l’éviter. Lorsque j’ai reçu ici il y a quelques jours le chef de l’état-major et le ministredesAffairesétrangèreskényans,je

la communauté internationale ne le fait pas,pourquoivoudriez-vousquecetteactivité, qui a déjà généré plus de 100 millions de dollars [environ 74 millions d’euros] rien que pour les rançons, s’arrête ? Où en est votre conflit frontalier avec l’Érythrée ?

Au point mort. Le Qatar poursuit sa médiation, et la situation à Ras Doumeïra est gelée, nos troupes respectives étant séparées par une petite force tampon qatarie.Etpuis,ilyaleproblèmedesprisonniers de guerre. Nous avons accordé au Comité international de la Croix-Rouge l’autorisationdevisiterlessoldatsérythréensdétenus ici. Mais le gouvernement d’Asmara refuse N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Grand angle

Djibouti

de reconnaître les nôtres. Or nous savons qu’unevingtainedeDjiboutienssontenfermés, au secret, au nord d’Asmara, dans des conditions épouvantables. Pourquoi réclamez-vous un renforcement des sanctions internationales contre le régime érythréen?

Parce qu’avec un personnage comme Issayas Afewerki les sanctions purement diplomatiques n’ont aucun effet. Il faut le frapperauportefeuille.Cesgenstaxentleur diaspora à 2 % de ses revenus: il faut geler ces transferts. Ils disent avoir découvert d’importants gisements d’or chez eux : interdisons à tout investisseur étranger de venir les exploiter. Djibouti est une victime collatérale de la politique agressive que mène l’Érythrée contre l’Éthiopie, ce n’est pas tolérable.

Le Kenya accuse les autorités d’Asmara d’armer clandestinement les Shebab somaliens. C’est aussi votre avis?

Je le confirme. Nairobi m’a fait parvenir lespreuvesd’aumoinstroisvolstrèsrécents d’avions-cargos Antonov bourrés d’armes et de munitions sur l’aéroport de Baidoa.

Le président Afewerki vient de perdre un allié de poids en la personne de Mouammar Kaddafi…

Oui. Et ce n’est pas nous, à Djibouti, qui allons pleurer sur le sort de Kaddafi. Il a tout fait pour nous punir d’abriter des bases militaires occidentales sur notre sol. Cela dit, l’image de son cadavre supplicié m’a choqué. Je pensais qu’il allait mourir les armes à la main, comme il l’avait

VISITE AU CAMP ALI-OUNÉ DU BATAILLON DE L’ARMÉE ENVOYÉ EN SOMALIE dans le cadre de la mission de l’Union africaine (Amisom), le 10 novembre.

Yémen, tout ce que tu lis dans les journaux, prends-en 30 % ou 40 %. Le reste, c’est de la propagande. » Je lui ai répondu que 40 %, c’était déjà beaucoup. En fait, le problème yéménite est plus complexe que ce qu’en disent les médias, qui y voient une révolution arabe comme les autres. C’est fondamentalement une rivalité entre gens dumêmeclanavecenarrière-planleprojet contestéd’unesuccessiondynastiqueentre leprésidentetsonfils.Sivousajoutezàcela les tribus, Al-Qaïda et les tensions latentes

Ce n’est pas nous qui allons pleurer sur le sort de Kaddafi. Il a tout fait pour punir Djibouti. annoncé. Mais on l’a sorti d’un tunnel, et il s’est humilié en suppliant les rebelles misratis de l’épargner parce qu’il aurait pu être leur père. Il n’est pas mort en héros. Votre ami, le président yéménite Ali Abdallah Saleh, risque-t-il de connaître la même fin?*

J’ai eu le président Saleh au téléphone le 7 novembre, jour de l’Aïd. Il m’a dit : « Tout ce que tu vois à la télévision sur le

* Cet entretien a été réalisé quelques jours avant l’accord de transfert du pouvoir conclu le 23 novembre à Riyad. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

entre le Nord et le Sud, nous sommes loin de l’image réductrice d’un quelconque printemps démocratique. Voilà pourquoi cette situation a perduré et pourquoi le président Saleh a donné l’impression de faireunpasenavant,puisunpasenarrière. L’autre jour, il a dit à une délégation de l’opposition: « D’accord, je m’en vais. Mais sachezque,demain,leYémenvasecouper en deux. Alors, que proposez-vous? » Les opposants n’ont pas trouvé de réponse. Cela vous inquiète?

Biensûr.Nousavonsconnuunepremière vague de réfugiés yéménites en 1968, puis

une seconde en 1994. Ce sont des gens plutôt aisés qui ne demandent pas d’assistance. Le risque, ce sont les règlements de comptes, l’exportation de la violence. Maintenant que le Sud-Soudan a obtenu son indépendance, n’est-ce pas au tour de votre voisin le Somaliland?

Ce n’est pas tout à fait comparable. Le Sud-Soudan est parvenu à ce résultat après un long et difficile dialogue avec le Nord. Les Somalilandais ont procédé inversement, et je crains qu’ils n’aient mis la charrue avant les bœufs. Ils ont hissé leur drapeau, proclamé unilatéralement leur indépendance et fait savoir qu’ils ne discutaient plus. Je les respecte, j’accepte leurs passeports ainsi que leur représentation à Djibouti. Mais je ne peux aller plus loin. Ils ont été trop pressés. Je le leur ai dit. Parmi les invités à votre investiture, en mai dernier, figurait le président soudanais Omar el-Béchir. Il s’est rendu à Djibouti et vous ne l’avez évidemment pas arrêté, alors que votre qualité d’État signataire du statut de Rome, fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), vous en faisait obligation. Pourquoi cette contradiction?

Je l’ai reçu en mon âme et conscience car je considère qu’il ne mérite pas qu’on JEUNE AFRIQUE


La grande interview d’Ismaël Omar Guelleh voulons que Paris nous aide à renforcer les capacités de l’armée djiboutienne, l’objectif étant que nous soyons en mesure de nous défendre seuls. Lorsque l’Érythrée nous a agressés, la question de l’interprétation de nos accords de défense s’est posée, et je peux admettre que les soldats français ne souhaitent pas mourir pour Ras Doumeïra. La présence française ici doit être avant tout dissuasive. Pour le reste, tout va bien avec Paris ? Plus de dossiers judiciaires sous la table?

Non, rien. Tout va bien.

VINCENT FOURNIER/J.A.

La possibilité d’une élection de François Hollande en mai 2012 vous inquiètet-elle ?

le traîne devant la CPI. Je suis désolé, mais El-Béchir n’est pas ce qu’on en dit. Il est le seul dirigeant soudanais à avoir eu le courage de négocier avec le Sud, allant jusqu’à accepter l’amputation de son pays au nom de la paix. Souvenez-vous de la façon dont sesopposantsd’aujourd’hui,àcommencer par Sadek el-Mahdi, traitaient en esclaves les Sud-Soudanais ! Alors, bien sûr, on lui a lancé dans les pattes cette affaire du Darfour en inventant l’épouvantail d’un pseudogénocide, une fable concoctée par les lobbies évangélistes et pro-Israéliens. Oui, Djibouti est signataire des statuts de la CPI. Mais cela ne m’empêche pas de dire que la pratique de ce tribunal, qui ne s’intéresse qu’aux Africains, est politique et pour tout dire injuste.

C’est une affaire française.

Pourtant, vos sympathies ne vont pas particulièrement du côté des socialistes…

Mes sympathies supposées ne m’empêchent pas d’être pragmatique. Il vous reste quatre années et demie de mandat. Qu’aurez-vous réalisé en avril 2016 sur les plans économique et social ?

Djibouti aura atteint le seuil d’autosuffisance énergétique, avec la mise en service de quatre centrales géothermiques – dont le financement est bouclé – et l’achèvement d’un parc éolien. Djibouti aura presque résolu son problème d’approvisionnement en eau avec la construction de deux usines de dessalement,

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l’une par les Français sur financement Opep-fonds koweïtien, l’autre par les Chinois. Djibouti aura considérablement augmenté sa capacité portuaire, avec l’extension du terminal à conteneurs de la capitale, la construction de ceux de Doraleh et de Tadjourah. Djibouti sera plus que jamais le débouché d’une économie éthiopienne en pleine expansion, avec la modernisation du chemin de fer Addis-Djibouti et l’achèvement de la ligne Mekele-Tadjourah. Djibouti, enfin, sera l’un des bénéficiaires de la route en construction entre la frontière sud-soudanaise et le réseau éthiopien auquel nous sommes connectés, ce qui nous permettra de répondre à la demande d’import-export de ce nouveau pays qu’est le Soudan du Sud. Et l’emploi des jeunes ?

C’est l’autre chantier de mon dernier mandat. La fonction publique n’étant pas extensible, je veux au maximum favoriser un secteur privé dynamique. J’ai créé un ministère chargé des PME et PMI, un fonds de développement et de garantie ainsi que des lignes de crédit pour les investisseurs, j’ai passé des accords de formation avec des universités indiennes spécialisées dans les métiers de la mer. J’explique inlassablement aux jeunes diplômés qu’ils ne peuvent éternellement espérer devenir fonctionnaires. Et je leur dis que s’ils partagent mon rêve d’un Djibouti qui se tienne debout, sans aide ni béquilles, ils doivent m’aider à le réaliser. ●

Ü Lors de L’ENTRETIEN.

Français et Américains ont chacun une base à Djibouti et ils vous paient pour cela un loyer annuel; 30 millions d’euros pour les premiers, 30 millions de dollars pour les seconds. Est-ce suffisant ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

Au total, cela représente un peu moins de 12 % de nos recettes budgétaires. Mais je ne demande pas d’augmentation. Paris et Washington ont leurs problèmes financiers, nous sommes compréhensifs. Pourtant, vous êtes en pleine renégociation avec la France…

Exact. Mais plutôt que de l’argent, nous

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Afrique subsaharienne

CÔTE D’IVOIRE

Partenaires

L’un joue au mentor, l’autre à l’élève appliqué… Rien ne les prédestinait à s’entendre, mais Alassane Ouattara, le chef de l’État, et son Premier ministre, Guillaume Soro, ont fini par s’habituer l’un à l‘autre. Question d’intérêts bien compris. PASCAL AIRAULT, envoyé spécial, avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

A

lassane Ouattara et Guillaume Soro. En Côte d’Ivoire, le chef de l’État et le Premier ministre n’en finissent plus de se congratuler. Le 10 octobre, le second remerciait chaleureusement le premier pour « son précieux soutien » – c’était lors de l’ouverture d’un séminaire-bilan des cent premiers jours du gouvernement. Le lendemain, le président de la République félicitait son Premier ministre pour « la conduite rigoureuse des travaux ». Auparavant,ilavaitdéjàloué la loyauté et l’implication ALASSANE d’un Guillaume Soro qui, OUATTARA depuis sa nomination, joue les élèves modèles et dis• 69 ans ciplinés. En public, depuis • Musulman six mois qu'ils travaillent • Titulaire d’un officiellement ensemble, master en les deux hommes affichent économie une cohésion sans faille et (Université de tiennent le même langage : Pennsylvanie) travail, reconstruction, • Ex-directeur réconciliation. Afrique du FMI, Trop beau pour être ex-gouverneur vrai ? « Ce n’était pas gagné de la BCEAO d’avance, mais ils forment • Premier ministre un bon attelage, affirme un à 48 ans ministre qui souhaite garder l’anonymat. Soro apprend vite et il a parfaitement intégré la méthode Ouattara. Comme lui, il se montre disponible, très pragmatique, et va à l’essentiel. » Au quotidien, la répartition des tâches est bien établie. Le chef de l’État se consacre à l’économie et à la diplomatie, tandis que le chef du gouvernement planche sur les questions de défense et de sécurité. Chaque semaine, le rituel est immuable. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Le mercredi, c’est Guillaume Soro qui anime un Conseil de gouvernement. Le lendemain, Ouattara reprend la main et dirige le Conseil des ministres. Sur le terrain, les progrès sont visibles : l’activité économique a repris, l’administration s’est remise au travail, et la sécurité progresse, même si l’on déplore encore de nombreux débordements du côté des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

ISSOUF SANOGO/AFP

particuliers

Impatient d’imposer le retour de l’État de droit et la fin de l’économie parallèle dans le nord de la Côte d’Ivoire, le chef de l’État s’inquiète du comportement des anciens comzones, qui ont longtemps accompagné Guillaume Soro, et de l’affairisme de certains membres du gouvernement. En fin politique, le Premier ministre sait qu’il doit malgré tout ménager ses anciens compagnons qui répètent à l’envi que ce sont eux qui « ont porté Ouattara au pouvoir ». Il ne souhaite pas non plus que l’on empiète sur ses prérogatives et s’offusque des interférences des hommes de la présidence. Parmi eux, Philippe Serey-Eiffel, conseiller économique d’Alassane Ouattara, et Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence, qui se mêlent de toutes les questions liées à l’économie, aux infrastructures et au budget, jusqu’à donner directement des consignes aux ministres. Début août, Soro a vu rouge et sommé lesdits ministres de ne plus obéir au conseiller français. Depuis, les choses sont rentrées dans l’ordre : Serey-Eiffel, nommé en septembre coordinateur du corps de conseillers de la présidence, a été prié de se faire discret.

Des itinéraires divergents

Au départ, rien ne prédestinait les deux hommes à s’entendre. Une génération les sépare : Ouattara, • 39 ans 69 ans, pourrait être le père • Catholique de Soro, 39 ans. Le premier • Titulaire est malinké et musuld’une maîtrise man ; le second, sénoufo d’anglais et catholique. Leurs par(université cours divergent aussi : le d’Abidjan) chef de l’État est un bril• Ex-leader lant économiste, passé étudiant par la Banque centrale • Premier ministre des États de l’Afrique de à 35 ans l’Ouest (BCEAO), le Fonds monétaire international (FMI) et la primature ivoirienne. La communauté internationale voit en lui une sorte de « président idéal » et ferme les yeux sur la poursuite des exactions. Titulaire d’une maîtrise d’anglais, Soro est un ancien leader estudiantin arrivé au pouvoir par les armes. Excellent tribun, c’est un redoutable politicien dont les grandes puissances se méfient.

GUILLAUME SORO

Petites mises au point Officiellement, donc, pas un nuage dans la relation entre Ouattara et Soro. Mais cela n’exclut pas les affrontements à fleurets mouchetés, et les mises au point se font parfois par l’entremise des journaux acquis à la cause de l’un ou de l’autre (Le Patriote pour le président et Nord-Sud pour le Premier ministre). JEUNE AFRIQUE

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Afrique subsaharienne pouvant aller à l’Assemblée nationale. Finalement, Élevé à l’idéologie marxiste, il s’est converti au libéralisme, mais reste très souverainiste. Et quand face à un Gbagbo qui refuse la défaite, Soro est Ouattara, son « grand frère », n’ose pas trop dire reconduit pour mener la guerre. non à ses amis français, Soro, lui, n’a pas de problèmes de conscience – du moins pour le moment. L’ombre de Compaoré Entre les deux hommes, qui se tutoient, il y a donc un monde. Leur première rencontre date du Un autre homme a joué un rôle prépondérant milieu des années 1990. À l’époque, Soro dirigeait dans l’alliance scellée entre Soro et Ouattara : la Fédération estudiantine et scolaire de Côte le très secret Blaise Compaoré. Très proche des d’Ivoire (Fesci). « Au début, nous n’étions pas deux hommes, qu’il tutoie, le président burkinabè vraiment sur la même longueur d’onde, précise le connaît le premier depuis une décennie, le second Premier ministre. J’étais plutôt proche de Laurent depuis près de trente ans. Que cherche-t-il en Côte Gbagbo. » C’est lui d’ailleurs qui, involontairement, d’Ivoire ? Le positionnement de son « enfant », le Burkina. Depuis l’ère coloniale, ses concitoyens le jettera dans les bras de Ouattara en plaçant à la tête de la Fesci, fin 1998, un Bété, Charles Blé migrent nombreux vers le royaume du cacao – il y aurait près de 3 millions de Burkinabè en Côte Goudé, plutôt que Yayoro Karamoko, dont Soro était proche, et qui est aujourd’hui leader de la d’Ivoire (des paysans, pour la plupart, qui envoient jeunesse du Rassemblement régulièrement des fonds dans leur pays d’origine). des républicains (RDR). Pour Compaoré, Ouattara est l’homme qui peut À l’origine, c'est de Le jeune Soro s’éloigne de enclencher la même dynamique de développement Gbagbo, que Soro se sent son mentor, qu’il accuse de surqu’Houphouët-Boigny.«Ilabeaucoupd’admiration fer sur la vague de l’ivoirité. Il pour Ouattara, bien qu’il le trouve trop occidental proche. Pas de Ouattara. s’exile en Grande-Bretagne puis dans sa tête, explique un proche du chef de l’État en France, où il poursuit ses études d’anglais et burkinabè. Il a donc mis à son service son expertise de sciences politiques. Il se rapproche d’Alaspolitique et lui a donné un grand coup de pouce lors sane Ouattara, qu’il voit à son domicile paride la dernière crise postélectorale. » C’est lui aussi sien. Lors de la campagne pour les législatives qui fait entendre raison à Ouattara et arrondit les de décembre 2000, il s’engage même aux côtés angles lorsque le feu couve avec le Premier ministre. d’Henriette Diabaté, la numéro deux du RDR. Cefutlecasenfévrier2010,quandGbagbodécidade Prenant progressivement la tête politique de la dissoudre la Commission électorale indépendante rébellion des Forces nouvelles (FN) à partir de et le gouvernement – dissolution à laquelle Soro septembre 2002, il entretient une relation très ne s’opposa pas suffisamment fermement selon régulière avec l’opposant Ouattara. Ouattara. Et c’est encore Compaoré qui conseille Les choses se gâtent quand, en mars 2007, à Ouattara de cesser de menacer d’envoyer les Soro accepte de devenir le Premier ministre de comzones devant la Cour pénale internationale Gbagbo. Dans l’entourage de Ouattara, on accuse (CPI) afin de ne plus gêner les initiatives du chef du le nouveau chef du gouvernement de jouer pour gouvernement pour les faire rentrer dans le rang. Le président burkinabè a aussi aidé Soro à mûrir lui, voire même de trahir la grande « cause norpolitiquement et à tenir une place capitale dans le diste ». Et de fait, en février 2008, Soro ne répond pas à l’appel d’Alassane Ouattara, qui a ouvert les processus de sortie de crise. Il a mis à sa disposition portes du RDR aux cadres des FN. Pourtant, même ses meilleurs experts: Djibril Bassolé, son ministre s’il a acheté une résidence dans le quartier de la des Affaires étrangères, Mustapha Chafi, l’un de Riviera, à Abidjan, Soro habite toujours au Golf ses conseillers politiques, et Boureima Badini, Hôtel, à deux pas du domicile de Ouattara, qu’il continue à voir régulièrement. SUR LES TRACES D’HOUPHOUËT « Il s’est définitivement rapproché quand il a compris que Gbagbo ferait tout pour l’éliminer YAMOUSSOUKRO, début octobre. En tournée de réinstallation de après la présidentielle, explique un proche du chef l’armée, de la police et de la gendarmerie dans le Nord, du gouvernement. Pour lui, c’était une question de Guillaume Soro revient dormir tous les soirs dans la capitale. Le survie. Il a alors négocié son avenir, celui de ses Premier ministre a acquis une grande villa, non loin de l’Hôtel représentants politiques et de sa branche armée. Président, en centre-ville, où il reçoit ministres, responsables Ouattara s’est engagé dès la fin 2008 à intégrer les régionaux et journalistes. Opposant à Houphouët-Boigny du FN dans l’armée s’il était élu. » temps où il était un leader étudiant, il loue aujourd’hui la sagesse Entre les deux tours de la présidentielle, fin 2010, du « Vieux » et revendique son héritage politique. Il a demandé à les deux hommes se rencontrent discrètement et adhérer à la coalition houphouétiste et envoyé un de ses proches dessinent les scénarios de l’après-Gbagbo dans le à l’Institut national de l’audiovisuel, en France, pour récupérer cas d’une victoire finale de Ouattara. Ils ont soin toutes les images d’archives du père de l’indépendance. Il se d’associer Henri Konan Bédié, que Gbagbo tente lui rapproche aussi de sa famille, et notamment de son petit-neveu, aussi de courtiser. Ouattara va jusqu’à lui proposer AugustinThiam, gouverneur du district. Le destin de Soro passe, de choisir le nom du futur Premier ministre, Soro P.A. semble-t-il, par la terre du père fondateur. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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SIA KAMBOU/AFP

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son représentant en Côte d’Ivoire. Tous trois l’ont chaperonné à ses débuts et continuent aujourd’hui de le conseiller sur les dossiers sensibles. Soro voue une réelle affection à Compaoré, avec qui il échange quotidiennement, par téléphone ou par SMS. « Il m’a toujours soutenu en me conseillant et en m’encourageant, même aux heures les plus difficiles, mais sans jamais me dicter ma conduite », explique Soro. Aujourd’hui, Compaoré tient à ce que son « frère Alassane » travaille avec son « fils Guillaume », garant de ses propres intérêts.

Déjà un successeur ? Pour le chef de l’État burkinabè, Soro est un pari sur l’avenir. C’est la continuité, l’assurance qu’AbidjanetOuagadougouvontrenforcerleurpartenariat économique, politique et militaire. « Et on attend de Ouattara qu’il fasse la passe à Guillaume… », confie un proche du Premier ministre ivoirien. Pour l’instant, le président ivoirien se veut rassurant. Il promet à Soro la succession au terme d’un deuxième mandat qu’il souhaite bien accomplir. Il parle peu du chef du gouvernement en présence des ambitieux leaders du RDR que sont Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur, mais tient ses promesses. Il a accepté le principe du redécoupage électoral, voulu par Soro, et fait une place à ses compagnons qui se présentent aux législatives sous la bannière RDR, le 11 décembre. « Soro a tout intérêt à attendre JEUNE AFRIQUE

LE PREMIER MINISTRE SAIT BIEN QU’IL LUI FAUT MÉNAGER LES ANCIENS COMZONES,

qui l’ont aidé à porter Ouattara au pouvoir. De g. à dr. : Issiaka Ouattara, dit « Wattao », Zakaria Koné, Chérif Ousmane et Hervé Touré, dit « Vetcho » (ici le 21 juillet à Abidjan).

son heure en s’arrimant à la locomotive Ouattara, explique un diplomate occidental. Ce dernier, s’il réussit son pari, restera à la postérité comme celui qui a permis à la Côte d’Ivoire de devenir un pays émergent. Quant au Premier ministre, il est en train de se construire un bilan qui lui permettra de se positionner en légitime successeur. » Enattendant,Soroinstalleseshommesauxpostes clés de l’armée et de l’administration. En tout, plus de 2 000 fonctionnaires et près de 11 000 militaires en cours d’intégration. Politiquement, il a décidé de reporter le lancement de son parti. Mais le créera-t-il ? Candidat à la députation sous la bannière du RDR, il pourrait décider d’en briguer la direction ou de convoiter celle du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), si celui-ci devait un jour se structurer en parti. Tout est possible. Ouattara a promis de le reconduire à son poste pour une période de six mois à un an après les élections. Il semble avoir obtenu l’assentiment de son partenaire (Bédié) et des grandes puissances (France et États-Unis). Certains pensent même qu’il pourrait modifier la Constitution pour créer et lui confier un poste de vice-président. Une idée très en vogue en Afrique francophone (Sénégal, Gabon) et une fonction taillée sur mesure… Elle permettrait à Ouattara de respecter sa parole envers son allié Bédié en offrant au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) la primature, tout en gardant Soro à ses côtés. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


Afrique subsaharienne PRÉSIDENTIELLE AU SÉNÉGAL

Les meilleurs ennemis Parce que Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse ne s’entendent pas, la coalition de l’opposition n’a toujours pas de candidat.

JULES DOMINGO

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fficiellement, c’est l’entente cordiale. Lorsque l’un se rend chez l’autre pour tenter de trouver un accord, comme ce fut le cas le 15 novembre, ils se livrent à un échange feutré d’amabilités. Pas d’attaque personnelle. Aucun mot de travers. Des compliments, même – « C’est un grand responsable, qui mérite autant que moi d’être le candidat de l’opposition », dit l’un sur l’autre, et vice versa. Dans un pays habitué aux joutes verbales et aux divorces politiques fracassants, le match que se livrent Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse pour représenter la coalition de l’opposition Benno Siggil Senegal (BSS) à l’élection présidentielle défie toutes les lois du genre. Mais la réalité de leur relation est moins lisse qu’ils ne veulent le faire croire. Les deux hommes aux caractères si différents – Tanor est un technocrate froid qui s’est éveillé à la politique dans un parti devenu démocratique, Niasse est un animal politique qui a grandi avec le parti unique – se combattent depuis trop longtemps pour s’entendre. Depuis plusieurs semaines, le duel entre le secrétaire général du Parti socialiste sénégalais (PS) et le président-fondateur de l’Alliance des forces de progrès (AFP) traîne en longueur. La quarantaine de partis qui constituent le Benno s’était N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

donné jusqu’au 31 octobre pour choisir lequel des deux les représenterait devant les électeurs, le 26 février prochain. Mais aucun ne compte baisser les armes. Sous l’œil amusé des partisans du président, Abdoulaye Wade, la date butoir est sans cesse reportée et les médiations se multiplient. En vain. « On essaie toujours d’aboutir à un consensus, explique l’un des cinq médiateurs, qui n’en dira pas plus. C’est très délicat, je ne veux pas que mes propos soient mal interprétés. » Le processus élaboré en début d’année stipule que toutes les composantes du Benno ont leur mot à dire. Certains ont d’ores et déjà annoncé qu’ils feraient candidature à part – c’est notamment le cas de Macky Sall et de Cheikh Bamba Dièye. Les autres ont choisi leur camp. Selon plusieurs sources, Niasse serait arrivé en

tête, mais le PS, l’un des partis les mieux structurés du pays avec le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, ne l’entend pas de cette oreille. « Niasse a été malin, il s’est rapproché des petites entités du Benno, alors que le PS a compté sur sa seule force. Il a aussi joué sur son âge, comme une assurance qu’il ne se représenterait pas. Mais on ne peut pas s’arrêter sur ce seul argument », soutient un proche de Tanor. « Tout est bloqué. Aucun des deux n’est prêt à se ranger derrière l’autre », indique un ancien médiateur, proche du Benno. Il faut y voir des raisons objectives: « Niasse a 72 ans, c’est sa dernière chance d’être élu à la présidence, chose à laquelle il s’est toujours destiné. ð LE 21 MARS, Tanor, lui, est plus jeune À DAKAR. [64 ans, NDLR], mais il TANOR (à g.) a déjà perdu une fois en dirige le Parti 2007 et, dans son parti, socialiste, tandis que on n’acceptera pas NIASSE est une nouvelle défaite. à la tête Surtout qu’il y a derrière de l’Alliance des jeunes pleins d’amdes forces bition qui n’attendent de progrès. qu’une chose : prendre la relève. Pour Tanor aussi, c’est donc la dernière chance. » Mais, si les discussions n’aboutissent pas, c’est surtout parce que l’enjeu dépasse le cadre politique. « On est dans l’affectif », reconnaît un médiateur. Tanor et Niasse, c’est l’histoire d’une vieille rivalité mal digérée de part et d’autre. Des ennemis de trente ans, en somme. PROTÉGÉ DE SENGHOR. La première

fois que Niasse croise Tanor, au milieu des années 1970, il est déjà un cacique du PS. Il a derrière lui vingt ans de militantisme (« Je me suis engagé à l’âge de 17 ans, avant même l’indépendance », aime-t-il rappeler) et dirige depuis six ans le cabinet du chef de l’État, Léopold Sédar Senghor. Il est alors considéré comme le numéro trois du parti, juste derrière

UNE PRIMAIRE POUR LES DÉPARTAGER ? POUR SORTIR DE L’IMPASSE, des cadres socialistes proposent d’organiser une primaire au sein du Benno, afin de départager une bonne fois pour toutes OusmaneTanor Dieng et Moustapha Niasse. « C’est la meilleure solution, à défaut de trouver un consensus », explique Abdoulaye Vilane, membre du parti. Un scrutin au suffrage direct étant jugé « impraticable », il s’agirait de recueillir l’avis de « tous les élus locaux issus des listes du Benno », à l’exception de ceux qui soutiennent une candidature plurielle – soit moins de 7 000 électeurs. À quelque cent jours de l’élection, R.C. beaucoup estiment toutefois cette option irréaliste. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

Aucun n’ose dire du mal de l’autre… Mais aucun ne veut laisser passer sa chance en février 2012. Ce n’est qu’en 1981, à l’âge de 34 ans, que Tanor entre au PS. Un peu tardif, pense Niasse. Surtout au vu de son ascension fulgurante : en 1988, Tanor est nommé directeur de cabinet de Diouf. En 1996, à l’issue d’un congrès sans débat boudé par Niasse, il prend la direction du parti. Le début de la fin. Les historiques acceptent difficilement. Djibo Kâ est le premier à partir, en 1998. Niasse l’imite un an plus tard. Frustré et revanchard. « Il n’y a jamais eu de clash. Les rapports entre les deux hommes ont toujours été très feutrés. Mais dans l’esprit de Niasse, Tanor lui a volé son destin », explique leur ami commun. La suite est connue. En 2000, arrivé en troisième position de la présidentielle avec plus de 16 % des suffrages, Niasse donne ses voix à Wade au second tour et participe à la défaite des socialistes. « Wade a fait ce que Diouf a refusé de faire. Il s’est servi de lui », explique un socialiste. La preuve ? Il ne le gardera que onze mois à la primature, avant de pousser Niasse à rejoindre l’opposition. Mais si Tanor l’a accueilli sans rancune, la plupart des socialistes ne lui ont toujours pas pardonné. Tanor le sait : jamais les socialistes n’accepteront de marcher derrière Niasse. « Il leur a fait trop de mal », estime le juriste Babacar Gueye, proche du Benno. Au sein du parti, personne n’a oublié sa volte-face de l’an 2000. Et tout le monde garde en travers de la gorge son discours d’investiture à la primature quelques jours plus tard – « un véritable réquisitoire contre le PS », peste un cadre socialiste. Ils sont nombreux, aussi, à lui rappeler son piètre score de 2007. Niasse avait recueilli moins de 6 % des suffrages. Tanor, plus du double (13,5 %). ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE

BORIS HEGER/REPORT DIGITAL-REA

le protégé de Senghor, Abdou Diouf, et ambitionne, un jour, de prendre la relève. « Niasse s’est toujours rêvé en président », dit de lui un ami. Tanor,lui,n’estqu’untoutjeunediplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), option diplomatie, et vient d’intégrer le ministère des Affaires étrangères, auquel il a emprunté les codes – mesure et discrétion. Surtout, il n’est pas encore encarté.

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LE HAUT-COMMISSARIAT DE L’ONU veut régler la question des réfugiés de longue date. GRANDS LACS

À l’heure du choix Les 100 000 réfugiés rwandais qu’il reste dans le monde vont bientôt devoir dire s’ils veulent rentrer chez eux.

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ls sont encore près de 100 000 dans onusienne. Trois groupes de réfugiés le monde. La majorité d’entre eux sont concernés par cette démarche: des (environ 63 500) vit en République Rwandais, des Angolais et des Libériens. démocratique du Congo (RD En ce qui concerne les Rwandais, le Congo), selon les chiffres fournis par HCR estime que « les conditions qui Kinshasa au Haut-Commissariat des ont prévalu à l’époque, c’est-à-dire Nations unies pour les réfugiés (HCR). le génocide de 1994, n’existent plus. L’Ouganda en héberge plus de 12 500, Aujourd’hui, le Rwanda est capable le Congo-Brazzaville 7 800, la Zambie de protéger sa population », ajoute 5 700, le Malawi 2 200, le Kenya 1 600, la Fatoumata Lejeune-Kaba. La clause de France 2200, le Royaume-Uni 1300… Ils cessation du statut de réfugiés leur est ont jusqu’au 30 juin 2012 pour décider donc applicable. « Ceux qui demandent librement de leur sort dans le cadre de l’exemption ont le droit de voir leur la clause de cessation du statut de réfugié du Les Nations unies estiment HCR. Trois possibilités que les conditions d’un retour s’offrent à eux : le retour sont aujourd’hui réunies. volontaire au Rwanda, l’intégration dans le pays d’accueil par naturalisation ou dossier étudié de façon équitable, comme résident, ou bénéficier de sans limitation de date », poursuit la l’exemption de la clause de cessation porte-parole. du statut de réfugié. Cette dernière Le HCR estime par ailleurs que 3 mildisposition concerne essentiellement lions de Rwandais sont déjà rentrés les personnes ayant subi « des traumavolontairement dans leur pays. Ce tismes graves » et qui, bien qu’étant en chiffre comprend ceux qui ont fui le sécurité, peuvent se sentir menacées. Rwanda lors du génocide de 1994, et Depuis 2009, la division Afrique du ceux qui sont partis lors des violences HCR « s’est penchée sur la situation des de 1959 et 1972. Selon Fatoumata réfugiés de longue date et en fin de cycle Lejeune-Kaba, Kigali souhaite voir tous pour clore leur statut en fonction des les réfugiés revenir dans le cadre de la circonstances », explique Fatoumata réconciliation nationale. ● Lejeune-Kaba, porte-parole de l’agence TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


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ð À SON DOMICILE en 2009.

LYDIE/SIPA

PARISIEN,

Odon Vallet « Au Bénin, le pape n’a pas fait de gaffes » L’historien français des religions revient sur la visite de Benoît XVI à Cotonou, du 18 au 20 novembre. Un voyage au cours duquel le souverain pontife a dénoncé la corruption des États et l’injustice sociale. sur les musulmans, les Juifs ou encore le préservatif. Au Bénin, il s’est contenté de rappeler les positions traditionalistes de l’Église, mais en évitant les propos inutilement provocateurs. des catholiques lapremièrefoisqu’unpape Entre ses deux visites sur du monde s’exprimedemanièreaussi le continent, le discours vivent en Afrique directe. L’on retiendra sura évolué. On peut même tout le discours dénonçant considérer que le déplaJean-Paul II la corruption des États, la cement au Cameroun, en s’y était rendu violence et l’injustice sociale. mars 2009, était une sorte 40 fois de rodage. On sait aussi que BenoîtXVIaétabliundiagnostic sévère de la situation politique en Benoît XVI fait preuve d’une plus grande vigilance que son prédécesseur. Afrique, tout en indiquant que l’Église Jean-Paul II s’était quelquefois mondevait montrer l’exemple. Il faut se soutré laxiste en matière de respect de la venir qu’il n’avait pas hésité à demander la démission de quatre évêques centrafrimorale, notamment envers les prêtres cains et béninois particulièrement imporpédophiles… tants – dont Marcel Honorat Agboton, archevêque de Cotonou –, qui avaient été impliqués dans des affaires de mœurs et de corruption. Pour Benoît XVI, qui a suggéré l’idée d’un audit, il est temps d’y mettre bon ordre. Mais on ne saurait réduire la visite du pape au Bénin à l’énoncé de mesures Le pape aurait-il fait sa révolution ? Depuis son voyage en Grandecoercitives. Malgré la fatigue qui ne le Bretagne, en septembre 2010, sa comquitte pas, il a tenu à effectuer ce déplamunication a fait de gros progrès. Il cement pour témoigner de son intérêt évite désormais les gaffes comme celles pour un continent dans lequel l’Église commises avec ses prises de position catholique connaît une forte croissance. JEUNE AFRIQUE : Au Bénin, le pape a tenu des propos très fermes à l’égard de l’Église catholique et des classes dirigeantes. Il s’agit d’une remise au pas ? ODON VALLET: Oui, c’est

15 %

En se rendant au Bénin, le pape a voulu montrer qu’il était le meilleur représentant du christianisme, par opposition à certaines religions dont les pasteurs, parfois autoproclamés, ont un savoir limité. L’Église joue également un rôle économique important de par ses œuvres, ses écoles, ses hôpitaux, ses librairies. L’archevêque de Cotonou est représenté au conseil d’administration de la Bank of Africa, et l’Église catholique est l’un des premiers employeurs du pays, avec ce que cela suppose de responsabilités et de tentations. Il y a donc tout un chantier de réformes à ouvrir, au Bénin et partout en Afrique. On aura aussi relevé quelques omissions dérangeantes au cours de ce voyage…

Effectivement. On peut regretter qu’à Ouidah Benoît XVI ne se soit pas clairement exprimé sur l’esclavage devant la Porte du non-retour. Et autant on peut le féliciter d’avoir voulu remettre de l’ordre dans les diocèses, autant certains catholiques regretteront qu’il n’ait pas davantage salué le travail de quelques congrégations en matière d’éducation, de santé et de développement de l’agriculture. Benoît XVI est un intellectuel de haut niveau, peu habitué aux formules fortes de son prédécesseur qui emportaient l’adhésion des masses. Un nouveau temps politique s’ouvre donc ?

Dans les pays d’Afrique, on vit une révolution scolaire. On assiste au remplacement de l’Afrique des BEPC par une Afrique « masterisée ». On ne peut plus s’adresser aux Africains comme à de grands enfants. Ils ont des exigences. Leur confiance dans les prêtres n’est plus

L’Église ne peut plus s’adresser aux Africains comme elle le faisait auparavant.

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automatique. Benoît XVI milite pour une Église catholique plus offensive, qui entretient désormais une relation plus apaisée avec l’Afrique, où l’appel politique rejoint l’exhortation apostolique. ● Propos recueillis par CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne AFRIQUE DE L’EST

Avec Israël, main dans la main

AVI OHAYON/GPO VIA GETTY IMAGES

Après le Premier ministre kényan, c’est le président ougandais qui s’est rendu, mi-novembre, à Tel-Aviv. L’occasion, pour l’un comme pour l’autre, de parler de lutte contre le terrorisme.

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l fut un temps où les visites de chefs d’État africains en Israël se faisaient dans la discrétion. Celle de Raila Odinga, les 13 et 14 novembre, tend à prouver que cette époque est révolue. Accueilli en grande pompe à l’hôtel King David de Jérusalem, le Premier ministre kényan n’a pas dissimulé le motif de son voyage. À l’issue d’une rencontre avec le président israélien, Shimon Pérès, il déclarait : « Le Kenya a obtenu l’appui d’Israël pour l’aider à débarrasser son territoire des éléments fondamentalistes. » En ligne de mire : les Shebab somaliens, dont les incursions régulières et les enlèvements inquiètent au plus haut point à Nairobi. Ces dernières semaines, l’armée kényane a riposté, lançant à plusieurs reprises son aviation contre les

camps des insurgés islamistes (bien que ceux-ci nient être à l’origine des rapts). Raila Odinga, qui négocie actuellement l’intégration de ses troupes à la mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), exige toutefois plus de moyens militaires pour protéger sa frontière. D’après des sources officielles, Israël a accepté de lui fournir des drones, des vedettes rapides, des véhicules blindés, des munitions et du matériel de surveillance électronique. Le ministre kényan de la Sécurité intérieure négocierait, en outre, l’envoi d’instructeurs israéliens auprès de l’armée kényane. NÉBULEUSE. Depuis les attentats de

Mombasa en 2002, la coopération israélokényane en matière de lutte contre le terrorisme s’est intensifiée. En apportant

son assistance militaire à Nairobi, l’État hébreu espère réduire la capacité de nuisance de groupes islamistes affiliés à la nébuleuse Al-Qaïda, qui prospèrent dans la région. Il engage aussi une lutte d’influence contre l’Iran, dont la présence navale et les activités se sont renforcées dans la Corne de l’Afrique. La partie est du continent représente donc un intérêt stratégique pour Israël et lui offre un accès privilégié au golfe d’Aden et à l’océan Indien. Mais son Premier ministre, Benyamin Netanyahou, nourrit des ambitions bien plus vastes : « Nous allons aider à la formation d’une coalition contre le fondamentalisme en Afrique de l’Est, incluant le Kenya, l’Éthiopie, le Soudan du Sud et la Tanzanie », a-t-il ð LE CHEF DU lancé à Raila Odinga. GOUVERNEMENT Son objectif est de KÉNYAN, RAILA rassembler sous son ODINGA, et son homologue étendard plusieurs israélien, nations africaines Benyamin à forte population Netanyahou, chrétienne. le 14 novembre, Cet axe pourrait à Jérusalem. également inclure l’Ouganda. Le président Yoweri Museveni s’est rendu en Israël dans la foulée du Premier ministre kényan. Selon le quotidien Haaretz, sa visite aurait été organisée par l’ancien chef du Mossad Rafi Eitan, 85 ans, reconverti aujourd’hui dans les affaires en Afrique. Museveni s’est dit préoccupé par la montée de l’islam radical dans la région et a rencontré le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, ainsi que l’actuel chef des services secrets, Tamir Pardo. À noter qu’il s’est également entretenu avec les deux patrons de Mini Refineries Enterprise, compagnie qui cherche à se positionner dans l’exploitation pétrolière du lac Albert. Preuve, peut-être, qu’Israël s’apprête à signer son grand retour en Afrique de l’Est. ● MAXIME PEREZ, à Jérusalem

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Afrique subsaharienne BIZUTAGE

Bons et loyaux sévices

La mort de cinq élèves officiers au Mali, en octobre, a ravivé la polémique, mais la justice tarde à faire connaître ses premières conclusions. Enquête sur un tabou qui a la peau dure.

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évolté, le président sénégalais avait soigneusement choisi ses mots. Peu après l’annonce de son décès, Abdoulaye Wade avait fait de l’élève officier sénégalaise, Fatou Seck Gningue, 22 ans, « la première femme martyre de l’armée nationale ». Les semaines ont passé. En Afrique de l’Ouest, Fatou est devenue le symbole des dérives mortelles du bizutage, mais l’enquête, elle, ne progresse que lentement. Les premières conclusions de la justice malienne ne sont pas attendues avant le 15 décembre. Pour Fatou et quatre autres élèves officiers (maliens) de l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro, au Mali, la vie s’est arrêtée brutalement, le

3 octobre. À l’Emia, où sont formés des élèves officiers de plusieurs pays, le bizutage s’appelle « bahutage » et fait partie des « usages et traditions ». Ce jour-là, il est presque 2 heures du matin. Des élèves de troisième année surprennent des éléments de deuxième année et les obligent à se rendre, au pas de course, sous une pluie de coups de bottes et de matraques, à Tientienbougou, à une quinzaine de kilomètres de Koulikoro. Là, encadrés par des instructeurs de l’école, ils infligent de terribles sévices à leurs cadets – une heure au bout de laquelle le pire se produit. Natié Pléah, ministre malien de la Défense et des Anciens Combattants, commence par évoquer un « exercice

EMMANUEL DAOU BAKARY

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Juillet 2009. SORTIE DE PROMOTION DE L’ÉCOLE MILITAIRE INTERARMES DE KOULIKORO, dont le chef de l’État est lui-même issu.

militaire », avant de se raviser quand le président Amadou Toumani Touré, luimêmeanciendel’Emia,exigedeconnaître la vérité. Pour la première fois en Afrique de l’Ouest, un gouvernement prend des sanctions. Les colonels Ousmane Garango et Soungalo Coulibaly, à la tête de l’Emia et du centre d’instruction, sont relevés de leurs fonctions. Les instructeurs présents au moment des faits sont mis aux arrêts et vingt-quatre élèves sont radiés et mis à la disposition de la justice. MAUVIETTE. « Il est clair que ce bizutage

au Mali est la partie émergée de l’iceberg, regrette Aminatou Sar, directrice du projet EDH Afrique (Éducation aux droits humains en Afrique) d’Amnesty International. Les sorties de certains

La pratique est courante, et les drames sont souvent maquillés en suicide ou en accident. officiers supérieurs sénégalais, tendant à tolérer, voire à justifier le bizutage, montrent que la pratique est courante et que les drames qui surviennent sont souvent mis sur le compte du suicide ou de l’accident. » Une question demeure : pourquoi des bizuts supportent-ils ces sévices ? Un début de réponse se trouve au Prytanée militaire de Kati (près de Bamako), une école qui prépare des élèves de l’enseignement secondaire à une carrière militaire et par laquelle de nombreux pensionnaires JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

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de l’Emia sont passés. À Kati, le bizutage est réputé moins sévère qu’à Koulikoro. Mais la formule sacramentelle du bizut est à la limite de la dévotion : « Dieu, donnez-moi la souffrance ! Donnez-moi la force! Donnez-moi la gloire de recevoir tous les ordres venant de mes supérieurs pour le bien de tout le Mali ! » Pour les bizuts, « abdiquer est signe de déshonneur, de faiblesse et de manque de virilité », explique un avocat ivoirien qui avait suivi, en 2008, le dossier d’un élève policier gravement blessé après un bizutage qui avait mal tourné à l’École de gendarmerie de Toroguhé (centre ouest de la Côte d’Ivoire). « À la limite, la victime passe pour une mauviette et ses proches préfèrent se taire. » À Toroguhé, des instructeurs militaires avaient obligé des élèves policiers en formation à sauter du haut d’un arbre. Plusieurs éléments en sont sortis avec des membres fracturés, contraints du coup de renoncer à intégrer la police ivoirienne. La seule mesure prise par le gouvernement a été de ne plus confier à des militaires la formation d’élèves policiers. « La fréquence des cas de torture ou de traitements inhumains perpétrés par les militaires ou les forces de sécurité, y compris dans certains cas contre des civils non armés, conclut Aminatou Sar, résulte en grande partie de l’ignorance des principes de base des droits humains. » Ces deux dernières années, plusieurs incidents sur des campus universitaires ont été signalés en RD Congo, au Gabon et en Afrique du Sud. Preuve qu’en Afrique aussi le milieu militaire n’est pas le seul concerné par le bizutage. ● ANDRÉ SILVER KONAN JEUNE AFRIQUE

Voilà qui fait désordre. Les services sa création, il prétendait lutter contre secrets nigérians affirment que la secte la marginalisation dont sont victimes islamiste Boko Haram, responsable les habitants de la moitié nord du pays de nombreux attentats meurtriers – à large dominante musulmane. Mais, sur l’ensemble du territoire, serait le 4 novembre, c’est une nouvelle fois parrainée et en partie financée par des dans le nord du Nigeria que Boko hommes politiques de l’État de Borno, Haram a frappé. Bilan: 150 morts. ● dans le nord-est du pays. Le State Security Service (SSS) s’appuie sur les premiers résultats de l’interrogatoire du porte-parole du mouvement, Ali Sanda Umar Konduga, arrêté le 3 novembre. Il met notamment en cause un sénateur nigérian, Ali Ndume, luimême entendu depuis le 21 novembre. Membre du People’s Democratic Party (au pouvoir), celui-ci fait aussi partie de l’équipe chargée d’étudier la possibilité d’ouvrir des négociations avec Boko Haram. C’est dans l’État de Borno ALI SANDA UMAR KONDUGA, porte-parole qu’est né le mouvement, au de Boko Haram (à d.), affirme que le sénateur tout début des années 2000. À Ali Ndume (g.) est lié au mouvement.

AFRIQUE DU SUD LIBERTICIDE C’est un projet de loi très controversé sur la protection de l’information qui a été adopté, le 22 novembre, par l’Assemblée nationale. Le texte, qui doit encore être validé par le Conseil national des provinces, restreint la publication de documents secrets et prévoit de lourdes peines de prison pour ceux qui passeraient outre. Directement concernés : les journalistes et leurs sources, qui, s’ils révèlent des affaires, pourraient se retrouver devant les tribunaux.

CASAMANCE MACABRE DÉCOUVERTE Le 21 novembre, au moins dix coupeurs de bois ont été tués dans une forêt près de Diagnon, village situé à 30 km de Ziguinchor, dans le sud du Sénégal. Selon plusieurs sources, l’attaque aurait été menée par le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). La forêt de Diagnon se trouve dans une zone contrôlée par les hommes d’Ousmane Niantang Diatta, un groupe dissident de l’aile militaire du MFDC. En début d’année, un regain de violence a provoqué la

HENRY CHUKWUEDO/AFP

NIGERIA BOKO HARAM CONNECTION

mort d’une vingtaine de militaires. Plusieurs rebelles présumés auraient également été exécutés. BÉNIN CROIX DE BOIS, CROIX DE FER… Promis, juré,Yayi Boni quittera le pouvoir en 2016, au terme de son second mandat. Un engagement qu’il a pris devant le pape, en visite au Bénin du 18 au 20 novembre (lire aussi p. 42). Il s’y était déjà engagé pendant la campagne pour la présidentielle, en 2010, mais cela pourrait apaiser ses détracteurs, qui craignent qu’il ne cherche à modifier la Constitution.

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TOGO © Evan Schneider

MESSAGE

LE PRÉSIDENT TOGOLAIS FAURE GNASSINGBÉ À LA TRIBUNE DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES.

Un siège au Conseil de Sécurité Un grand rôle pour un petit pays L’ÉLECTION DU TOGO AU CONSEIL DE SÉCURITÉ EST UN GESTE DE RECONNAISSANCE DE LA PART DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE.

C’est le 21 octobre 2011 que le Togo a été choisi par l’Assemblée générale de l’ONU pour faire partie des pays membres non-permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies. Ces derniers, qui sont au nombre de dix, siègent aux côtés des cinq membres permanents, les « Grands » issus de la Seconde guerre mondiale, qui jouissent du droit de veto : les États-Unis, la GrandeBretagne, la France, la Russie et la Chine. Choisis par l’Assemblée générale parmi les quelque 200 pays qui la composent, les membres non-permanents sont renouvelés par moitié tous les deux ans. Les cinq élus en octobre 2011 pour la période 2012 – 2013, sont, outre le Togo, le Maroc, le Pakistan, le Guatemala et l’Azerbaïdjan.


RÉPUBLIQUE DU TOGO

Pour le Togo, à l’évidence, cette élection constitue une reconnaissance par la communauté internationale des efforts consentis depuis 2007 par le pays en vue de son redressement institutionnel, économique et moral, à l’issue d’une crise d’une quinzaine d’années. C’est la raison pour laquelle plus des deux tiers des suffrages de l’Assemblée générale, qui votait à bulletin secret, se sont portés sur le Togo. Quant aux soutiens à la candidature de Lomé, qui se sont manifestés, d’une façon ou d’une autre, avant le scrutin, ils ont été nombreux et puissants : l’Union africaine, les États-Unis, la France, parmi beaucoup d’autres, ont su sensibiliser les autres pays membres aux progrès que la politique de réformes du président Faure Gnassingbe a valus au Togo. Tous les diplomates savent par ailleurs qu’un petit pays peut jouer un grand rôle sur la scène mondiale, pour autant qu’il sache mettre en œuvre une politique étrangère claire, volontaire et nuancée, capable de convaincre et d’imposer ses vues. Ce qui fut d’ailleurs le cas du Togo lui-même, lorsqu’il occupa pour la première fois, en 1982-1983, un siège de membre nonpermanent du Conseil de Sécurité, et qu’il eut alors, à diverses reprises, l’occasion de faire entendre sa voix.

LE CHEF DE L’ÉTAT TOGOLAIS AVEC NICOLAS SARKOZY, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE…

Apporter aux débats une contribution africaine Les diplomates togolais en poste à l’ONU ont aujourd’hui du pain sur la planche, au même titre que leurs collègues permanents ou non-permanents, car les grandes questions qui se posent au monde, et sur lesquelles ils sont appelés à se pencher tous, ont rarement été aussi nombreuses et aussi inquiétantes : question palestinienne, bras-de-fer avec l’Iran, révolutions arabes, menaces terroristes dans le monde, dissémination nucléaire, trafic d’armes, menaces environnementales, famines, crises économiques et financières, etc.

ET AVEC AMADOU TOUMANI TOURÉ, PRÉSIDENT DU MALI.

L’UNION AFRICAINE, LES ÉTATS-UNIS, LA FRANCE, PARMI BEAUCOUP D’AUTRES, ONT SOUTENU LA CANDIDATURE DE LOMÉ. De tous les continents, l’Afrique est sans doute le plus troublé, d’où l’absolue nécessité pour lui d’être équitablement représenté dans toutes les instances internationales, ce qui est loin d’être le cas. La question de sa trop faible représentation, notamment à l’ONU, a été posée il y a déjà longtemps. Elle se pose encore et le Togo a soutenu la demande formulée par l’Union africaine de deux sièges supplémentaires de membres non-permanents qui seraient réservés au continent. Aujourd’hui, le continent africain attend beaucoup du Togo. Et notamment que ce petit pays, grâce à la position qu’il occupera au sein de la plus haute instance internationale, aide le grand ensemble qu’il est à définir des positions diplomatiques claires et précises sur toutes les questions qui le concernent directement mais qui, trop souvent, se traitent en-dehors de lui. Le cas de la résolution 1973, qui a autorisé, au printemps 2011, l’intervention en Libye, est un bon exemple des dérives que peut entraîner une approche trop légère des discussions et des textes : les trois pays africains membres non-permanents du conseil de sécurité ont voté la résolution en question, croyant qu’elle n’établissait au-dessus de la Libye qu’une zone d’exclusion aérienne. En découvrant, par la suite, qu’elle laissait ouverte, en réalité, l’option d’une intervention au sol, ils ont regretté de lui avoir apporté leur soutien. La vigilance des diplomates togolais ne sera donc jamais de trop.


TOGO

MESSAGE

LE PRÉSIDENT FAURE GNASSINGBÉ AU SIÈGE DE L’ONU À NEW YORK.

AUJOURD’HUI, PLUS DE 800 SOLDATS SONT ENGAGÉS SOUS LE CASQUE BLEU SUR DIFFÉRENTS THÉÂTRES EN AFRIQUE.

VERS UNE RÉFORME DU CONSEIL DE SÉCURITÉ © Basile Zoma

Même si les membres permanents du Conseil de Sécurité semblent vouloir faire, le plus longtemps possible, la sourde oreille, la grande majorité des pays membres de l’Assemblée générale souhaite une réforme du Conseil de Sécurité afin qu’il reflète plus fidèlement - et, surtout, plus justement - l’état du monde actuel. Nombre des pays qui composent aujourd’hui l’Assemblée générale n’existaient même pas en 1945, année de création de l’Organisation des Nations unies. Parmi ceux qui existaient déjà, beaucoup ont changé de dimension et pèsent plus fortement sur les affaires du monde. Aussi, des tentatives de réforme ont-elles été conçues, sans succès à ce jour tant les procédures sont compliquées et les grands États frileusement conservateurs. En 2004, un rapport commandé par le Secrétaire général Koffi Annan et baptisé « Rapport des Sages » a proposé un Conseil élargi à 24 membres. L’année suivante, le G4, composé de l’Inde, du Japon, du Brésil et de l’Allemagne, a fait, à son tour, une tentative en ce sens, sans plus de succès. Un autre groupe de pays, rassemblés derrière l’Italie, le Pakistan, l’Argentine et le Mexique sous le label « Unis pour le consensus », ont réclamé un élargissement du Conseil par la création de dix nouveaux sièges de membres non-permanents. Enfin, l’ensemble des pays africains a adopté le « consensus d’Ezulwini », aux termes duquel ils demandent pour l’Afrique deux sièges de membres permanents – avec droit de veto – ainsi que deux autres sièges de membres non-permanents s’ajoutant aux trois dont le continent dispose déjà. Peut-être la présidence du Conseil de sécurité, qui reviendra au Togo, pour une durée d’un mois, dès le 1er février 2012, permettra-t-elle de remettre cette question sur le tapis vert.


RÉPUBLIQUE DU TOGO

Servir la paix et promouvoir la stabilité Le Togo prend place, dès le 1er janvier 2012, au Conseil de sécurité avec une ferme résolution : celle de servir la cause de la paix et de promouvoir la stabilité, la solidarité, ainsi que les valeurs universelles qu’il a lui-même adoptées. Un rôle qui lui conviendra d’autant mieux qu’il est familier des opérations de maintien de la paix. Il a déjà participé à une dizaine d’entre elles et, aujourd’hui, plus de 800 de ses soldats sont engagés sous le casque bleu sur différents théâtres : en Côte d’Ivoire, au sein de l’ONDCI (Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire) ; en République démocratique du Congo, avec la MONUSCO (Mission des Nations unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo) ; au Libéria, dans le cadre de la MINUL (Mission des Nations unies au Liberia ; en Haïti, avec la MINUSTA (Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti) ; au Soudan, au sein de l’Opération Hybride Nations unies/Union africaine au Soudan. Les soldats des Forces Armées Togolaises (FAT) placés sous commandement international ont été appréciés sur tous les théâtres d’opération pour leur expérience, leur compétence, leur sérieux et leur discipline. Et là où les conditions d’intervention se sont révélées particulièrement délicates - comme au Darfour, en 2009 et 2010, où ils avaient pour mission la protection des populations déplacées - c’est en particulier à leur contingent qu’ont été adressées les félicitations du haut-commandement. À la fin octobre 2011, en visite aux États-Unis, le chef d’État-major des Forces Armées Togolaises (FAT) a reçu les mêmes félicitations de la part du Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la

paix dans le monde pour la bonne tenue de ses soldats portant le casque bleu, notamment ceux qui se trouvent engagés en Côte d’Ivoire.

En première ligne pour l’Afrique Mieux faire entendre à New-York, grâce au Togo, la voix de l’Afrique, s’avère d’autant plus nécessaire que le continent se trouve aujourd’hui confronté à toutes les formes contemporaines de délinquance et de déstabilisation, sans avoir les moyens de les combattre avec ses seules forces : activités terroristes dans le Sahel, trafic de drogue de grande ampleur, dissémination d’armes de petit calibre, mise sur le marché, à grande échelle, de faux médicaments, traite d’êtres humains, etc. À cette liste déjà longue est venue récemment s’ajouter l’émergence de la piraterie au large des côtes du Nigeria, du Bénin et du Togo. Pour la première fois de son histoire, le Conseil de Sécurité a donc eu à se pencher, le 19 octobre 2011, sur la menace émergente que représentent les pirates du Golfe de Guinée. Et le 31 octobre, vivement préoccupé par les menaces que fait planer la piraterie, non seulement sur le trafic maritime, mais aussi sur la sécurité et le développement économique des pays de la région, il a condamné cette forme de banditisme organisé et engagé les pays les plus concernés – le Nigeria, le Bénin et le Togo – à la combattre avec fermeté. Alors en visite au Pentagone et au Département d’État, le chef d’État-major des Forces Armées Togolaises (FAT) a pu étudier avec les autorités concernées les procédures à mettre en place pour obtenir une réelle concertation entre États concernés, ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour combattre efficacement, à moyen et long terme, ce nouveau fléau.

UN PETIT PAYS PEUT JOUER UN GRAND RÔLE SUR LA SCÈNE MONDIALE. AUJOURD’HUI, LE CONTINENT AFRICAIN ATTEND BEAUCOUP DU TOGO.

DIFCOM/DF - PHOTOS : LOUIS VINCENT SAUF MENTION

FAURE GNASSINGBÉ AVEC YOWERI K.MUSEVENI, PRÉSIDENT DE L’OUGANDA.


Maghreb & Moyen-Orient

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LIBYE

Crimes et châtim

L’arrestation de Seif el-Islam Kaddafi ouvre la voie au procès de quarante-deux ans de dictature. Une perspective qui n’est pas pour rassurer tous ceux – Occidentaux, Arabes et Africains – qui en ont été les complices et les bénéficiaires. YOUSSEF AÏT AKDIM

L

a capture de Seif el-Islam par les rebelles de Zintan et l’annonce – non confirmée pour l’heure – de l’arrestation d’Abdallah Senoussi mettent un point final au drame libyen, commencé en février. Premier bénéficiaire de ces événements: Oussama Jouili, commandant

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du conseil militaire de Zintan, nommé dans la foulée ministre de la Défense du nouveau gouvernement. Ses hommes détiennent Seif en attendant que les conditions d’un procès équitable soient réunies. Mais, si l’on voit le verre à moitié vide, le cas Senoussi dérange. Dans un premier temps, les autorités ont annoncé sa capture à Sebha, dans le Sud, avant de se rétracter. Depuis, aucune image de lui n’est disponible. Seuls les rebelles de Wadi Chati maintiennent leur version. Si l’on voit le verre à moitié plein, la neutralisation du dauphin lève l’hypothèque dynastique qui risquait de peser sur la fragile transition libyenne. Une chose paraît acquise : plus aucun des héritiers de Kaddafi n’est aujourd’hui en état de nuire. ● JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

Fin de partie pour « l’ingénieur »

Trahi par un Touareg qui devait le faire passer au Niger, le fils aîné du « Guide » a été cueilli à Sebha, dans la nuit du 18 au 19 novembre.

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JEUNE AFRIQUE

lendemain, sur la piste d’atterrissage ans la nuit du 22 au 23 août, de Zintan, il demande qu’on fasse place alors que Tripoli tombe, nette avant sa descente du vieil Antonov. quartier par quartier, entre La foule cogne aux hublots et le menace, les mains des rebelles, on mais Jouili veut montrer qu’il tient ses annonce la capture de Seif el-Islam hommes. Seif ne connaîtra pas le même Kaddafi. Voire sa mort. Mais voilà qu’il sort que son père. apparaît devant les correspondants de presse rassemblés à l’hôtel Rixos, dans RÉFORMATEUR. Aîné des fils de la banlieue de la capitale. Tee-shirt kaki, Mouammar et de sa deuxième épouse, barbe touffue, il pose devant les caméras. Safia Farkash, « le glaive de l’islam » est Large sourire aux lèvres, il fait le signe de né dans la clinique de Bab el-Aziziya la victoire : « Je suis là pour démentir les en 1972, trois ans après la révolution. mensonges. Kaddafi et toute la famille Rapidement, il s’impose comme le prosont à Tripoli. » Trois mois plus tard, tégé de Mouammar. Exit Mohamed, fils Kaddafi Jr ressurgit, drapé dans l’habit d’un premier mariage, Seif et sa sœur, flottant des Touaregs, un turban autour Aïcha, grandissent dans l’ombre du de la tête, mais le regard fixe derrière « Guide », qui les choie. De toute la frases fameuses lunettes sans cadre. Seif trie, il est le plus politisé. Sans fonction el-Islam, 39 ans, est prisonnier, mais gouvernementale officielle, l’aîné du il fait le fier à bord ð L’Antonov clan fait tout comme son père, adopdu vieil Antonov qui à bord duquel tant même son ton grandiloquent lors le conduit à Zintan, se trouve le le 19 novembre. La de la présentation de ses tableaux dans prisonnier a été littéraleles grandes capitales occidentales. Car nuit précédente, le ment ASSAILLI piège des combatil est aussi peintre. PAR LA FOULE à En 1997, il prend les rênes de la tants de cette ville du son arrivée à Djebel Nefoussa s’était Fondation Kaddafi pour le développeZintan, le refermé sur lui. C’est ment et la bienfaisance. Ce sera le cheval 19 novembre. son guide, un Touareg, de Troie de son ambition réformiste. qui l’aurait trahi, informant les rebelles Son credo : « Min Libya ath-Thawhra de la présence de « l’ingénieur » et de son Ila Libya ad-Dawla » (« la Libye, de la intention de fuir vers le Niger. Un guetrévolution à l’État »). Kaddafi père laisse apens lui est tendu à quelques dizaines de faire son chouchou, même quand il veut kilomètres à l’ouest d’Obari, une oasis à équidistance de « Nous sommes “les rats l’Algérie et du Niger, dans le de Zintan” et nous sommes Sud-Ouest libyen. Tirs de sommation, vaine tentative venus te chercher. » de fuite, la capture des occupants des deux 4x4 est presque un jeu parfois aller trop vite dans son projet de d’enfant. « Zayf el-Ahlam » (« l’illusion des modernisation à marche forcée – baptisé rêves »), le surnom que lui ont donné les Libya Al-Ghad (« la Libye de demain ») – révolutionnaires, tombe de haut. Cueilli d’un pays potentiellement riche mais après une course de quelques mètres, il archaïque. Un proche résume la division tente de ruser: « Je m’appelle Abdessalem, du travail entre père et fils : « L’État, c’est je garde des chameaux. » A-t-il peur? A-t-il Mouammar, la société civile, c’est Seif. » vu les images du lynchage de son père ? La nomination de Chokri Ghanem, qui En tout cas, il demande qu’on lui « colle fut son tuteur à Vienne, à la tête de la une balle dans la tête ». Les rebelles lui National Oil Company (NOC), c’est lui. refusent cette « faveur ». « Nous sommes Celle de Mahmoud Jibril au ministère les rats de Zintan, lui répondent-ils, et de la Planification, c’est encore lui. Au nous sommes venus te chercher. » Le départ, Libya Al-Ghad ne compte ● ● ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient EN VÉRITÉ

Opiiniions & éditoriau ux François Soudan

Quelle justice?

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ORIENTE-T-ON vers un procès de Seif el-Islam Kaddafi (et d’Abdallah Senoussi) en Libye, par la justice libyenne, avec l’assistance technique et la garantie de la Cour pénale internationale (CPI)? C’est une probabilité, et une probabilité souhaitable. Car un transfert à La Haye des deux témoins et acteurs les plus précieux du système Kaddafi, s’il serait dans la logique des obligations de la résolution 1970 du Conseil de sécurité de l’ONU, poserait un évident problème de pédagogie et d’exemplarité. La compétence de la CPI en ce qui concerne ces deux hommes est en effet limitée aux événements survenus depuis février 2011 : c’est pour leur rôle lors de la répression qu’elle les poursuit et qu’ils seront éventuellement condamnés. Or, bien sûr, les Libyens mais aussi l’opinion internationale ne souhaitent pas une telle restriction. Les premiers parce qu’ils veulent que l’un et l’autre, en particulier Senoussi, s’expliquent sur les quatre décennies de dictature, dont la révolte de février, puis la guerre de libération, n’ont été que l’épilogue. La seconde parce qu’elle attend des témoignages et des révélations sur les multiples complicités européennes, américaines, arabes et africaines dont le régime a bénéficié, qu’il a largement rémunérées et dont le fils et l’exécuteur des basses œuvres de Kaddafi ont eu connaissance – quand ils n’en ont pas été les agents. Il faut donc accorder au nouveau gouvernement libyen formé le 22 novembre le crédit de respecter désormais l’intégrité physique des détenus et de rompre avec la loi de Lynch. Et accepter la volonté populaire de voir les anciens maîtres jugés sur le lieu de leurs méfaits. La façon, conforme aux règles internationales, avec laquelle a jusqu’ici été traité Seif el-Islam est à cet égard un signe encourageant. ●

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pas beaucoup de soutiens parmi la clique qui entoure Kaddafi. Mais son influence s’étend, sous la tutelle d’un homme : Abdallah Senoussi.

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NÉGOCIATEUR. Depuis son rôle mys-

privilégié la manière forte: torture, assassinats, détentions arbitraires. Seif prend langue avec Ali Sallabi, un théologien influent, et obtient l’autocritique des islamistes les plus radicaux. Une renonciation publique à la violence qui aboutit, en 2009, à la libération des djihadistes, dont Abdelhakim Belhaj. Tirant parti de ses longs séjours en Europe, le fils du paria international fréquente la bonne société britannique. Sa maison de Hampstead Garden est très courue, et des amis prestigieux affluent : les politologues Benjamin Barber et Anthony Giddens travaillent

térieux dans la libération des otages de Jolo, en 2000, Seif intrigue. En réalité, c’est Rajab Azzarouk, ancien ambassadeur aux Philippines, qui a discrètement négocié avec les rebelles d’Abou Sayyaf. Ils recevront des millions de dollars de la Fondation Kaddafi. Seif jurepourtantqu’aucunerançonn’aété versée. Le monde découvre un jeune play-boy doué et souriant. Grande et belle gueule, il est le visage humain de Kaddafi et devient l’ambassadeur du retour de Tripoli sur la scène internationale, après des décennies de bannissement. Un rôle de négociateur dur en affaires, perfectionné au fil de ses études en Europe. À Vienne d’abord, il prépare un MBA dans une petite université privée. Il est amateur de félins, pas seulement les créatures de la nuit qu’il accroche à son tableau de chasse, à Vienne, à Londres ou à Saint-Tropez. Mais Paris refuse le visa d’entrée à ses deux tigres ; il n’ira pas à la Sorbonne comme sa sœur Aïcha. Partout, Seif a des amis, SEIF EL-ISLAM KADDAFI, habillé en Touareg, surtout depuis qu’il a intépeu après sa capture. gré la London School of Economics. Il y soutient une thèse de doctorat (sur le rôle de la pour lui. Seif a pour compagnons le société civile dans la démocratisation prince Andrew, Nathaniel de Rothschild, des institutions de la gouvernance Peter Mandelson, ministre de Tony Blair globale) et donnera même 1,5 milavec qui il met les dernières touches, lion de livres à la prestigieuse école en 2009, à l’accord de libération « pour londonienne. En 2007, Seif lance un raisons humanitaires » d’Abdelbasset appel pour une Constitution démoel-Megrahi – condamné à perpétuité en cratique. Rapidement, un comité de Écosse pour l’attentat contre un avion de juristes libyens et étrangers planche la Pan Am en 1988 à Lockerbie. Il est aussi sur un texte… qui ne verra jamais le à la manœuvre sur l’autre dossier qui jour. Libya Al-Ghad se décline aussi empoisonne les relations entre Tripoli dans les médias : deux journaux et et l’Occident : l’attentat contre un DC-10 une télévision locale deviennent le d’UTA en 1989. Le retour de Megrahi est lieu de ralliement des libéraux. Porteun triomphe. Sur la passerelle de l’avion parole officiel du régime, accrédité qui le rapatrie, Seif est tout sourire. Gilet par les services de renseignement de traditionnel blanc, bonnet de laine, il Senoussi, il négocie même avec les signe un coup de com’ au moment où islamistes. Confronté à eux depuis les ses détracteurs soulignent l’ascension années 1990, Tripoli avait jusque-là de son frère Moatassim, directeur de JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient la sécurité nationale, appuyé par les faucons du régime. FIDÉLITÉ. Son procès, que les Libyens

veulent organiser sur leur sol, ne sera pas une simple formalité. Seif devra s’expliquer sur son rôle dans la répression du soulèvement populaire de Benghazi. Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis des mandats d’arrêt contre Mouammar Kaddafi, son fils et Abdallah Senoussi, est convaincu que les trois hommes ont

Tirant parti de ses longs séjours en Europe, il fréquente la bonne société britannique. planifié l’étouffement de la contestation à Benghazi : « Seif el-Islam Kaddafi et Abdallah Senoussi ont supervisé personnellement le recrutement, le transport et la logistique des mercenaires. » Seif n’a donc pas basculé lors de cette fameuse allocution télévisée du 20 février, où il

promettait « des rivières de sang » et mettait en garde contre la division de la Libye. « Nous ne perdrons pas la Libye », tonne-t-il, l’index menaçant. Improvisant pendant une bonne partie des trente-huit minutes du discours, Seif montre un visage terrifiant. Celui, implacable, de son père. Encore aujourd’hui, de nombreux Libyens disent leur stupeur, quand ils entendent le réformateur promettre de « résister jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière balle ». Car ce que Seif dit, Seif le fait. ●

Senoussi, l’homme des basses œuvres

Attentats, assassinats, torture… Le nom de l’ex-numéro deux officieux libyen est synonyme de terreur.

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JEUNE AFRIQUE

gouvernements valsent, lui reste. Toujours plus proche de Kaddafi, il coiffe la Katiba, qui s’occupe de la sécurité personnelle de Mouammar. EXPORTATION. En 1996, les déte-

nus de la prison d’Abou Salim dénoncent leur sort : mauvais traitements, torture, détentions sans procès. Prétextant une mutinerie, Senoussi donne l’ordre de tirer : 1 200 prisonniers sont abattus. Toute la Libye est au courant, mais personne n’ose rien dire. Dix ans plus tard, quand les étudiants de Benghazi se soulèvent en mémoire des massacrés d’Abou Salim, il fait donner la poudre, faisant au moins treize morts parmi les manifestants. La terreur a un nom : Abdallah Senoussi. Même privé de sortie par la condamnation française, l’homme exporte son savoir-faire. En 2004, le New York Times révèle un complot visant le prince héritier saoudien, à l’époque Abdallah. Deux hommes sont arrêtés, l’un en Égypte, l’autre aux États-Unis. Ils accusent Senoussi. Dans une de ses dernières apparitions, à la télévision libyenne, en juillet, il se met en scène avec de prétendus terroristes islamistes. Par courtes phrases hachées, il se lance dans une hallucinante ouverture tactique. « Si l’Occident s’allie aux extrémistes d’AlQaïda, nous sommes plus proches encore de ceux-là. Al-Qaïda est présente en Algérie, dans le Sahel et aujourd’hui en Libye, grâce à l’Otan. On s’entendrait bien, on parle la même langue. » ● DARIO LOPEZ-MILLS/AP/SIPA

ans les télégrammes diplomatiques révélés par WikiLeaks, les Américains décrivent Abdallah Senoussi comme l’« homme à tout faire » de Kaddafi, vivant dans la terreur du « Guide », chargé des affaires courantes et même de ses rendez-vous médicaux. Marié à la belle-sœur de Mouammar, Senoussi, 62 ans, est doublement lié au régime. Par alliance et par le sang qu’il a fait couler depuis les années ABDALLAH SENOUSSI, ancien judiciaire rocambolesque. 1980. L’homme a connu une patron des Mais, en 1989, un an après ascension fulgurante après services de Lockerbie, un autre avion avoir été introduit dans le sécurité explose en plein vol. Le vol premier cercle du pouvoir par extérieure. UT 772 d’UTA se désintègre Abdessalem Jalloud. Membre du Conseil de commandement au-dessus du Niger. Reconnu de la révolution, ce dernier recrute des instigateur et cerveau de l’attentat, proches, prioritairement de sa tribu, les Senoussi est condamné, en 1999, à la Megraha. Parmi eux, Abdallah Senoussi, réclusion à perpétuité par la cour d’assises un lointain cousin. Né en 1949, le futur spéciale de Paris. À l’époque, les observachef des renseignements est formé à teurs, et même le juge Bruguière, notent l’Académie militaire du Caire. À la tête une défense erratique, comme si Senoussi des comités révolutionnaires, Jalloud acceptait par avance de payer l’addition. mène la chasse aux « chiens errants », Recherché par la justice française, le nom donné par le régime aux opposants numéro deux officieux du régime libyen en exil. C’est là que le lieutenant-colonel ne peut plus voyager en Occident. Il est Senoussi s’illustre. Brutal, n’hésitant pas définitivement lié à Kaddafi. C’est en à superviser directement les interrogaLibye qu’il continuera de sévir. On dit qu’il toires et séances de torture, il devient supervise la formation du jeune Seif, qui responsable des services de sécurité extépartage avec lui une partie des dossiers rieure et recrute à son tour un homme politiques. L’opposition de façade entre de sa tribu, Abdelbasset el-Megrahi, qui le bon héritier et le méchant apparatchik assumera presque seul la responsabilité ne tient pas la route. À chaque étape de l’attentat contre l’avion de la Pan Am de la carrière de Seif, Senoussi est aux à Lockerbie au terme d’un feuilleton manettes, l’orientant et le conseillant. Les

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Maghreb Moyen-Orient

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TRIBUNE

JOELLE VASSORT

Éd AHMED GHAZALI Président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca) marocaine

L’audiovisuel marocain est un acteur résolu du changement

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N ASSISTE AUJOURD’HUI, dans notre région, à une formidable accélération de l’Histoire générée par le Printemps arabe, fruit d’une impressionnante conjonction des aspirations d’une jeunesse frustrée en mal d’avenir, de l’impact de nouveaux médias désormais sans frontières et des atermoiements de régimes politiques incapables d’apporter aux questions du moment des réponses suffisantes, apaisantes et (re)structurantes. Des forteresses patiemment édifiées, des visions et des méthodes obsolètes, autoritaires et souvent rétrogrades se disloquent sous l’effet de cette déferlante politico-médiatique. Le Maroc serait-il épargné ? Ses acquis, ses anticipations, ses interactions opportunes avec cette revendication printanière, politique et sociale, seraient-ils en passe de l’aider à réussir sa pacifique mais très délicate mutation ? Ses médias contribuentils positivement à celle-ci ? Annoncée par la nouvelle Constitution de juillet dernier, par les toutes proches élections législatives anticipées, par le climat de liberté et le sens de la mesure qui prévalent, globalement, dans l’organisation, l’encadrement et le traitement médiatique des revendications, cette mutation semble sur la bonne voie.

C’est dans ce sens que, en matière de garantie du pluralisme dans les médias audiovisuels en période électorale, la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca) avait déjà édicté la décision no 14-07 à l’occasion des législatives de 2007. Ce dispositif introduisait de substantielles nouveautés qui continuent à être de mise, telles que le principe de l’équité/ régularité d’accès ou la notion de « précampagne » électorale. Selon un rapport de la Haca, désormais constitutionnellement chargée de garantir le pluralisme politique, linguistique et culturel, 21 % du temps de parole ont été occupés par la société civile, dont 11 % pour le mouvement contestataire du 20 Février, lors de la campagne référendaire de juin dernier sur la nouvelle Constitution.

Constitutionnellement, la Haca est désormais la garante du pluralisme politique, linguistique et culturel.

Sur le plan audiovisuel, la libéralisation entamée dans les faits durant les années 1980 se confirme en 2002 par la levée du monopole de l’État et la création d’une autorité indépendante de régulation. Elle tient de la volonté politique de changement que conduit le roi, depuis son intronisation en 1999, à travers les grands chantiers de réconciliation du Maroc avec lui-même, tant aux niveaux politique, judiciaire, socioterritorial, identitaire, qu’aux niveaux des droits de l’homme et des médias audiovisuels. Tout en faisant l’objet d’une véritable mutation, passant de la gestion autoritaire d’antan à l’apprentissage de la liberté dans la responsabilité et du pluralisme, ces médias sont perçus aussi comme acteurs de changement au service de ces différents chantiers de réforme. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Par le biais d’une nouvelle décision, la Haca peut aujourd’hui continuer à mettre un peu plus le citoyen au cœur de l’équation audiovisuelle, en modulant l’équité d’accès des partis par l’égalité de chances offertes aux programmes électoraux. La garantie de l’accès équitable de tous les partis politiques à six médias audiovisuels publics et à onze médias privés durant les quarante-trois jours de la campagne législative a permis à trente-cinq formations politiques, dont les trois boycottant les élections, de s’exprimer sur leurs positions et leurs programmes. Mais, au-delà de ces considérations pratiques, la Haca, édifiée par son vécu institutionnel d’acteur résolu de changement, s’est très tôt convaincue que le pluralisme politique dans les médias ne se décrète pas. Il se construit. Les chemins vers la démocratie, la modernité et la dignité ne sont pas rectilignes, pas plus qu’ils ne sont sécurisés ou prédéterminés. Ils sont tributaires de la mobilisation, de la maturité, de la patience et de la persévérance de toutes les parties en présence : autorités publiques, forces politiques, société civile, opérateurs économiques et bien évidemment les médias, tous les médias. ● JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient ÉGYPTE

Les Frères, les généraux et la rue

Pragmatique, voire cynique, la confrérie a choisi d’apporter son soutien aux militaires, confrontés à un puissant mouvement de contestation.

rendent compte que rien n’a changé. Les électeurs pourraient leur tenir rigueur de s’êtrerangésducôtéduConseil suprême », observe Hassan. PA S

DE

C O N S I G N E S.

Conscient du danger, le mouvement islamiste n’a pas totalement abandonné la place. Sa jeune garde est endant que là. « Nous sommes nombreux nous sommes place Al-Tahrir place Al-Tahrir, déclare Amr, pour défendre un jeune Frère du quartier de notre liberté, les Frères musulGuizeh. Nous n’avons pas reçu mans organisent des réunions de consignes. Un dirigeant de électorales et accusent les la confrérie m’a appelé et m’a manifestants d’être payés juste demandé de faire attention. » Une situation qui laisse pour retarder le scrutin du 28 novembre », déplore à penser que la confrérie joue Mustapha Fouad, cadre du sur les deux tableaux. D’autres Mouvement du 6 avril. La y voient des divisions internes, confrérie a en effet choisi de Mohamed al-Beltaguy, cadre du PLJ, ayant annoncé que les se ranger du côté du Conseil suprême des forces armées Frères rejoindraient les rangs (CSFA) au moment où le pays des dissidents. renoue avec l’effervescence Toujours est-il que le mourévolutionnaire. Le Parti de vement reste persuadé que les élections du 28 novembre la liberté et de la justice (PLJ), organe politique du mouvesont la seule issue à la crise. Malgré la position de leur direction, de jeunes militants ment islamiste, a ainsi refusé « Depuis février, nous disons du mouvement SE SONT RALLIÉS AUX MANIFESTANTS. Double jeu ? de se joindre aux manifestants que le Conseil suprême doit réclamant le départ des militaires qui partir. Mais qui peut le remplacer ? dressent contre les généraux, s’opposant par exemple, en juillet, à une proposition Personne ! Il faut que les élections aient dirigent la transition politique du pays. lieu pour qu’un Parlement élu prenne « La situation nécessite un retour au deloiquirisquaitdelimiterleurnombrede sièges au Parlement à l’issue des élections. la place de l’armée, qui ne s’occupera calme et l’ouverture d’un dialogue. Plus le nombre de manifestants est élevé, plus de politique », martèle Medhat « Ils jouent le jeu du Conseil suprême, plus il y aura des tensions », s’est jusal-Haddad, responsable de la confrérie car ils veulent lui prouver qu’il peut comptifié le secrétaire général du PLJ, Saad ter sur la confrérie », explique Ammar Ali à Alexandrie. al-Katatny, dont le parti a participé à la Hassan, écrivain et chercheur en sciences Mais le CSFA ne semble pas près de réunion de dialogue organisée par l’armée politiques et sociales. Les Frères entendent quitter la scène politique : jusqu’à la préle 22 novembre. ainsi conforter leur influence sur la vie sidentielle, à la mi-2012, il garde un droit Depuis la chute de Hosni Moubarak, le politique égyptienne et obtenir des postes de regard sur tout ce qui se décide. Dans 11 février, les Frères ont boycotté plusieurs importants au sein du prochain gouverle même temps, la contestation ne faiblit manifestations, traitant même leurs organement de transition. pas. Les Frères auraient-ils misé sur le nisateurs de « voyous ». C’est seulement Mais une telle stratégie pourrait les mauvais cheval ? ● lorsque leurs intérêts sont en jeu qu’ils se conduire à l’isolement. « Les gens se TONY GAMAL GABRIEL

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Maghreb Moyen-Orient

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CLAN BEN ALI

Vol en bande organisée

Rendu public le 11 novembre, le rapport de la commission d’enquête tunisienne sur la corruption dresse une longue liste d’affaires impliquant l’ex-pouvoir. Et tente de démonter les rouages d’un système d’enrichissement familial à grande échelle.

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démarré le 22 novembre, la nouvelle Constitution que celle-ci est chargée de rédiger devant marquer la vraie rupture avec l’ère Ben Ali. Pour mener à bien leur mission, les experts indépendants de la CNICM ont effectué des perquisitions dans les palais présidentiels, mettant la main sur une partie des documents et archives qui s’y trouvaient. Car si Ben Ali n’a pas eu le temps de faire disparaître les dossiers compromettants, ses collaEnnakl, concessionnaire de borateursontdisposédepluVolkswagen, était dans la sieurs jours pour « nettoyer » corbeille de mariage de Nesrine. leurs bureaux, y compris au palais de Carthage. Mais ce qu’ils ont laissé derrière eux constitue protégés. Les affaires les plus juteuses ont été réalisées lors de privatisations, ou de tout de même une mine d’informations. Ben Ali communiquait en effet avec ses l’attribution de concessions et de marchés conseillers par des mémos qu’il annotait publics, ou encore à travers des opérations lui-même pour dire oui ou non, modifier financières, bancaires et immobilières. des chiffres ou faire des commentaires. À la lumière des exemples de cas de corruption PRIVATISATIONS. Dans les privatisacités dans le rapport, il faut se rendre à tions, l’intérêt du Trésor public n’a que l’évidence: l’ex-raïs décidait de tout dans rarement été pris en compte. Les protous les dossiers. cédures étaient menées de manière à Certaines interventions du Palais permettre aux membres du clan et à paraissent cocasses pour un chef d’État : certains hommes d’affaires d’acquérir des réorientation d’un bachelier fils de entreprises à des prix dérisoires, quitte à faire pression sur certains concurrents pour qu’ils se retirent. ABDELFATTAH AMOR, MR. PROPRE Le clan avait par exemple fait main basse sur le secteur automobile. ILS SONT PLUS D’UNE DOUZAINE de spécialistes multidisciplinaires à avoir Belhassen Trabelsi s’était emparé de abandonné leurs activités pour enquêter pendant neuf mois sur la la concession Ford représentée par la corruption sous le règne de Ben Ali, avec pour mission d’identifier les société Autotractor, liquidée par Ben rouages d’un système de prédation bien rodé. À leur tête, Abdelfattah Amor, Ali, qui avait mis le fabricant américain 68 ans, professeur en droit public et ancien président devant le fait accompli. Ennakl, concesdu Comité des droits de l’homme de l’ONU. Lorsqu’il sionnaire de Volkswagen, était dans la a été désigné pour diriger la Commission nationale corbeille de mariage de Nesrine Ben d’investigation sur les affaires de corruption et de Ali, la fille de l’ex-président. Son époux, malversation (CNICM), certains lui ont reproché Sakhr el-Materi, a pu l’acquérir à l’issue d’avoir été décoré par Ben Ali pour son rôle au sein d’une parodie de privatisation pour un du système onusien, jusqu’au jour où ils l’ont vu prix fixé par l’acheteur à 22 millions de étaler devant les caméras de télévision le trésor de dinars (11 millions d’euros). Halima, l’ex-couple présidentiel dissimulé dans le palais privé la fille cadette de Ben Ali, a apporté la de Sidi Bou Saïd. La même équipe a pris ensuite société Stafim (Peugeot Tunisie) dans l’initiative d’aller exhumer la mine d’informations son panier de fiançailles avec Mehdi contenues dans les archives du palais de Carthage. Sans ces documents, on Belgaied, qui s’est retrouvé à la tête d’une n’aurait probablement jamais pu confondre – et traduire en justice – les AZ.B. entreprise dont les actionnaires publics membres du clan de Ben Ali. ●

n document historique, à un moment historique. Rendu public le 11 novembre, le rapport de la Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CNICM) n’a pas dévié, malgré quelques lacunes, de l’engagement pris par ses membres il y a neuf mois : « Chercher la vérité, sans vindicte ni complaisance. » « Il est avéré que l’ancien président de la République et ses proches ont accaparé les secteurs sensibles de l’économie, écrivent-ils. Pour cela, l’ancien chef de l’État a confisqué le pouvoir de décision qui revient aux ministres et aux divers responsables. Les responsabilités se situent à tous les niveaux, du haut de la pyramide du pouvoir jusqu’en bas. […] Et la corruption s’est répandue dans les divers domaines et à tous les niveaux [de l’État]. » Les rapporteurs ont ainsi déblayé le terrain, avant que la justice instruise les trois cents dossiers qui lui ont été remis, la moitié impliquant des membres de l’ex-clan présidentiel. Le diagnostic de la CNICM constitue aussi une importante contribution aux travaux de l’Assemblée constituante nouvellement élue qui ont

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ministre, autorisation d’exploitation d’une carrière, attribution d’une licence de vente de boissons alcoolisées. Mais, dans les deux derniers cas – le rapport ne le souligne pas –, l’enjeu est plus important. Les carrières, c’est parce que Belhassen Trabelsi, le frère de l’ex-première dame, Leïla, s’était lancé dans le ciment. L’alcool, c’était pour mieux contrôler un marché presque monopolisé par les membres des familles Ben Ali et Trabelsi, principaux intermédiaires sur tout le territoire. À lui seul, Imed Trabelsi, le neveu de Leïla, assurait au moins 20 % des ventes de bière dans le pays. Comme pour l’alcool, les dossiers de corruption les plus explosifs sont le plus souvent en relation avec les propres intérêts de Ben Ali, de sa famille élargie (plus d’une centaine d’adultes) et de ses alliés et

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JEUNE AFRIQUE


ONS ABID POUR J.A.

Maghreb Moyen-Orient

L’un des plus gros scandales : le chantier de LA CITÉ DE LA CULTURE, à Tunis, à ce jour inachevé.

ont été forcés de vendre leurs parts à un prix fixé d’avance et sur instruction expresse de la présidence. Materi a par ailleurs acquis les 17 % détenus par Tunisair et une banque italienne dans le capital de la Banque du Sud juste avant sa privatisation et son acquisition par le tandem Attijari-Santander. Il avait payé l’action 5,6 dinars avant de la céder à 9 dinars. Mohamed Ben Ali, dernier-né de Leïla âgé de 6 ans, et Belhassen Trabelsi ont acquis 11,6 % de l’Union internationale de banques (UIB) que Tunisair leur a cédés en 2009, sur ordre JEUNE AFRIQUE

de Ben Ali, à un cours inférieur à celui de la Bourse. Ces parts sont revendues moins d’un mois plus tard, permettant à la famille de dégager un bénéfice net de 6,7 millions de dinars, autant en moins pour le Trésor public. MARCHÉS PUBLICS ET CONCESSIONS.

Contrairement aux dispositions légales qui lui donnent un pouvoir de décision en dernier ressort, la Commission supérieure des marchés publics en était réduite à examiner les dossiers et à rédiger un procès-verbal, lequel était soumis à Ben

Ali, qui décidait, dans de nombreux cas, d’allouer le marché à qui il voulait. L’un des marchés les plus scandaleux est celui de la construction à Tunis de la Cité de la culture (49 000 m2 couverts), une opération de prestige ordonnée par l’ex-raïs. L’appel d’offres, lancé en 2005, est remporté par la compagnie chinoise Complant. Mais Ben Ali passe outre la décision de la Commission supérieure et octroie le marché à Geosan, une société tchèque, arrivée deuxième avec un coût de 70 millions de dinars. Les travaux, engagés en juin 2006, devaient s’achever en juillet 2008. Malgré trois avenants portant le coût à 74 millions de dinars et lui donnant des délais supplémentaires, le chantier est encore ouvert. La CNICM a saisi la justice. Une autre affaire de marché public impliquant le consortium PizzornoSovatram, et où apparaît le nom d’un ex-ministre français de la Défense désigné par les initiales F. L. [le seul ayant ces initiales est François Léotard, actionnaire de Pizzorno, NDLR], est citée par la CNICM. Pizzorno s’est vu octroyer en 2008 un contrat pour la gestion de la décharge de Jebel Chakir, au sud de Tunis, alors que son offre, 34 millions de dinars, arrivée troisième, était supérieure à l’offre adjudicataire (28 millions) présentée par un consortium tuniso-italien. Selon la CNICM, Pizzorno a décroché le contrat sur ordre de Ben Ali, qui considérait le consortium comme « un ami de la Tunisie ». « Il apparaît, écrit la CNICM, que F. L. a usé de sa notoriété et de ses relations avec les responsables tunisiens pour s’octroyer un avantage injustifié portant atteinte aux intérêts de l’État. » L’affaire de la décharge, dans laquelle le nom d’un ancien ministre de l’Environnement est également cité, est devant la justice depuis juin 2011. FINANCE ET BANQUES. « Les institutions financières et la Banque centrale de Tunisie (BCT) étaient mobilisées au service des intérêts économiques appartenant à des membres de la famille de Ben Ali et à ses proches », souligne le rapport de la CNICM. Deux grands thèmes sont évoqués. Le premier est le recours à une loi de 1995 pour obtenir des banques qu’elles rééchelonnent et/ou effacent les dettes des entreprises présumées en difficulté, ce qui a le plus souvent profité à des sociétés appartenant au clan Ben Ali. Les exemples cités par la CNICM évoquent notamment le fils d’un N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Maghreb Moyen-Orient ancien secrétaire-conseiller de l’ex-raïs, du groupe Inesfood, et la société Alpha International de Belhassen Trabelsi à propos d’impayés s’élevant à 130 millions de dinars. Le second thème est ce que la CNICM appelle la « mauvaise gestion » au sein de plusieurs banques de la place nommément citées qui accordaient aux membres du clan Ben Ali et à ses amis des crédits sans garanties suffisantes et au détriment de l’intérêt de leurs actionnaires. Le total des encours de la dette des membres du clan Ben Ali auprès de la seule Banque nationale agricole (BNA) avait atteint 323 millions de dinars. La CNICM, estimant sans doute que cela relevait d’autres organismes de l’État, a choisi de ne pas évoquer les transactions qui ont eu lieu ces dernières années sur les actions de l’Union internationale de banques (UIB) et la Banque de Tunisie, dont Belhassen Trabelsi avait pris le contrôle avec des complicités remontant jusqu’au palais de Carthage. Pour la même raison, la CNICM ne s’est pas non plus saisie du cas des introductions sur le premier marché de la Bourse des actions de Carthage Cement, de Belhassen Trabelsi, et d’Ennakl, de Sakhr el-Materi, réalisées en violation des règles élémentaires du marché financier. Ces introductions avaient été approuvées par le Conseil du marché financier (CMF), alors que, dans les salons de Tunis, on criait au « casse du siècle ». Les transactions sur les banques et les accommodements du marché financier sont-ils encore des sujets tabous sur lesquels l’opacité doit être maintenue, ou s’agit-il seulement de laisser les poursuites judiciaires suivre leur cours dans la discrétion ? IMMOBILIER. Les plus « grosses » affaires

citées par la CNICM sont celles réalisées par Ben Ali lui-même, qui a arnaqué pour ce faire l’armée tunisienne, ainsi que quelques-unes des opérations immobilières menées par Leïla et Sakhr el-Materi. Entre 1991 et 1993, Ben Ali a acquis en deux lots un domaine de l’État affecté au ministère de la Défense d’une superficie de 8 812 m2 et situé sur la colline de Sidi BouSaïdavecvuepanoramiquesurlegolfe de Tunis. Prix d’achat: 100000 dinars, soit un peu plus… de 11 dinars (5,50 euros) le mètre carré. Pis: Ben Ali a exigé de l’armée qu’elle prélève sur son budget 4 millions de dinars pour financer l’aménagement de la colline et y bâtir une clinique privée pour lui et sa famille. Il s’est ensuite fait N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

automobile, où Belhassen Trabelsi, Sakhr construire un palais, à cinq minutes en voiture du palais présidentiel de Carthage. el-Materi et Mehdi Belgaied tenaient le Après sa fuite, le ministère de la Défense haut du pavé. Ainsi des exportations de a porté plainte et demande réparations ciment (vers la Libye). Il y avait aussi le pour les dépenses engagées. Leïla, quant transport des hydrocarbures, devenu une à elle, s’est offert un palais à lamarinadeHammametsur Un domaine de l’État sur les un terrain de 3500 m2 acquis hauteurs de Sidi Bou Saïd acquis « presque gratuitement », et pour… 5,50 euros le mètre carré. a fait régler les factures du chantier par la présidence. Depuis 2006, Materi et son épouse rente parmi d’autres, ou les importations Nesrine ont acquis pas moins de neuf de produits asiatiques, chasse gardée du terrains totalisant une centaine d’hectares clan, avec comme ténor Moncef Trabelsi, à un prix moyen inférieur à 50 dinars le pour qui les ambassadeurs en poste dans mètre carré, un montant dérisoire comces pays se mettaient en quatre. paré à celui du marché pour de telles zones résidentielles. LE COÛT POUR L’ÉCONOMIE. Rongée par une telle gangrène, qui n’a pas non plus COPAINS ET COQUINS. Là où l’on avait épargné la justice, la fiscalité et les services institué des quotas d’importation ou des douanes, l’économie a énormément d’exportation – leur domaine de prédisouffert. Beaucoup d’argent sortait du lection –, c’est Ben Ali qui fixait la part de circuit économique, soit pour être placé chaquebénéficiaire.Ainsidel’importation à l’étranger, soit pour être thésaurisé en Tunisie. Les fuites de capitaux en devises sont estimées par des sources bancaires à 10 milliards d’euros. Quant à la thésauriPrivatisations téléphonées sation, l’exemple visible est le trésor saisi au palais de Sidi Bou Saïd : 42 millions de dinars en billets, une quantité énorme Entre autres entreprises dans de bijoux en or et des pièces précieuses le collimateur de la commission, d’une valeur inestimable. les opérateurs télécoms du pays Il y avait bien une fuite de capitaux auraient bénéficié de largesses organisée, notamment en direction des de la part de l’ex-raïs à la faveur pays du Golfe. L’argent était placé sous de la privatisation ou de couvert de fonds d’investissement et l’attribution des licences. Détail revenait parfois en Tunisie sous la forme des entourloupes présidentielles d’investissements directs étrangers (IDE) à Tunisie Télécom (TT) et à Orange. pour repartir avec des plus-values non taxées. Selon nos sources, Ben Ali avait Lors de la cession quatre ou cinq fonds d’investissement à de 35 % de l’étranger. La CNICM a pour sa part mis l’opérateur la main dans son bureau sur des relevés nationalTT via un d’un compte bancaire numéroté dans appel d’offres une banque du Moyen-Orient avec un remporté par l’émiratiTecom-Dig, dépôt de 27 millions de dollars. il est apparu que ce dernier n’avait Le coût d’une corruption d’une telle pas les qualifications pour être un ampleur est estimé par la Banque mon« partenaire stratégique » et que, diale à près de 2 % du PIB annuel, soit, lors des négociations finales, Ben pour la Tunisie, 1,2 milliard de dinars Ali avait écrit « Vu et à classer » par an, ce qui fait 24 milliards en vingt sur une lettre de FranceTélécom ans. Ajouté à ce qui est volé, qui est du contenant une meilleure offre. même ordre de grandeur, cela fait au total 48 milliards de dinars de manque à gagner Orange a remporté durant le règne de Ben Ali. En outre, un la licence 3G fixe point de croissance représentant 15 000 et mobile parce emplois par an, 600000 emplois ont ainsi que l’une des filles été perdus. Or il y a aujourd’hui en Tunisie de Ben Ali, Cyrine quelque 700 000 chômeurs… ● épouse Mabrouk, détenait 51 % d’OrangeTunisie.

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis JEUNE AFRIQUE


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Vahid Halilhodzic « Les Fennecs ne font plus partie des meilleurs » Marqué par la fin douloureuse de son aventure ivoirienne, le coach franco-bosnien a fini par accepter le poste de sélectionneur de l’équipe nationale algérienne de football. Avec une feuille de route claire.

CORINNE DUBREIOL/PRESSESPORTS

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ahid Halilhodzic, 59 ans, va passer son temps entre Lille, où il possède une maison, et Alger, où il va partager un logement avec Cyril Moine, le préparateur physique français des Fennecs. « Je n’ai encore pas vu grand-chose d’Alger, hormis le centre d’entraînement de Sidi Moussa [à une trentaine de kilomètres de la capitale, NDLR], les stades et l’hôtel. Mais je vais prendre mes marques, voyager dans le pays, pour assister à des matchs et voir qui pourrait renforcer la sélection. J’ai l’impression que l’Algérie est un pays en plein développement. On construit beaucoup, ici. » L’ancien buteur du Velez Mostar, de Nantes et du PSG, ancien international yougoslave né en Bosnie-Herzégovine, a entraîné plusieurs équipes françaises (Beauvais, Lille, Rennes, le PSG) avec un certain succès, mais aussi le Raja Casablanca, avec qui il a remporté la Ligue des champions de la CAF 1997 et deux titres de champion du Maroc (1997 et 1998). « En Algérie, les gens sont passionnés, fiers, parfois excessifs. Beaucoup ont des difficultés quotidiennes, et le foot prend beaucoup

« Ah, le débat sur les quotas en France ! Mais ce n’est pas une maladresse. C’est DU RACISME PUR ET DUR ! » JEUNE AFRIQUE : Après votre éviction de la sélection ivoirienne, en 2010, tout laissait supposer qu’on ne vous y reprendrait plus… VAHID HALILHODZIC : C’est vrai que

ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire m’a fait mal. J’en ai été malade pendant trois mois. On m’a viré par un simple fax, après une défaite [2-3] contre l’Algérie lors de la phase finale de la CAN 2010, en Angola. Mais cela ne venait pas de Jacques Anouma, alors président de la fédération ivoirienne. Cela venait d’en haut !

On m’a viré par un simple fax après une défaite à la CAN. Cela venait d’en haut! d’importance. La passion contribue à la motivation, cela ne me fait pas peur », assure le Franco-Bosnien. Marqué par la fin douloureuse de son histoire ivoirienne en février 2010, Vahid Halilhodzic semblait avoir définitivement tourné la page africaine. Mais le projet algérien et l’insistance de Mohamed Raouraoua, le président de la fédération, l’ont convaincu de replonger. JEUNE AFRIQUE

L’Afrique, c’était terminé pour vous ?

Je ne pensais plus entraîner un jour en Afrique. En septembre 2010, après la démission de Rabah Saadane, Mohamed Raouraoua m’avait fait une offre. Il paraît qu’Anouma lui avait dit du bien de moi. J’avais refusé, d’autant que j’étais sous contrat au Dinamo Zagreb [Croatie]. Mais on s’était dit qu’un jour on pourrait travailler ensemble. En juin 2011,

quand l’ancien sélectionneur [Abdelhak Benchikha] a démissionné après une défaite [0-4] au Maroc, il m’a recontacté. Je l’ai rencontré à Paris, on a discuté… Quels ont été les arguments de Mohamed Raouraoua ?

C’est un rassembleur et un réaliste. Il ne m’a pas demandé de qualifier l’équipe pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations [CAN] 2012, car la situation comptable était alors très compliquée. Il m’a parlé de la CAN 2013, du Mondial 2014. Trois ans, c’est une durée raisonnable pour travailler. Avant d’accepter, j’ai consulté des amis, regardé quelques matchs de l’Algérie en DVD. Le président Raouraoua est lucide, il sait comme moi qu’il y a une bonne dizaine d’équipes qui sont supérieures à l’Algérie en Afrique, et autant qui sont de son niveau. Il ne faut pas se mentir, l’Algérie ne fait plus partie des meilleures. Cette décision n’a pas été facile à prendre. Pourquoi l’avoir prise, alors que vous aviez d’autres propositions, notamment en France ?

En France, mais aussi en Afrique. Cela doit être mon destin d’entraîner souvent N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


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Maghreb Moyen-Orient des équipes qui doutent. Je dois avoir une étiquette. Croyez-moi, je préfère les situations plus tranquilles. Je ne suis pas maso. Mais le projet algérien est excitant. Difficile, mais excitant. Vous avez depuis une réputation d’entraîneur dur, exigeant…

[Il coupe.] Militaire aussi ! Et ça, je ne le supporte pas ! Je déteste qu’on me traite de militaire. Pourquoi ? Parce que je viens de l’est de l’Europe ? Mais c’est nul de penser cela. Je n’aime pas beaucoup tout ce qui est militaire. La

club. Je ne l’ai donc pas sélectionné en Tanzanie [1-1, le 3 septembre] et contre la Centrafrique. Quand j’entraînais la Côte d’Ivoire, un joueur avait prétexté une panne de réveil pour expliquer son absence. Eh bien, il a dormi six mois, la durée de la période où je ne l’ai pas appelé en sélection. Beaucoup de cadres de la sélection algérienne (Bougherra, Ziani, Belhadj, Yahia, Meghni) ont choisi de s’exiler au Qatar ou en Arabie saoudite, et il paraît que cela vous contrarie…

J’ai fait le ramadan avec mon adjoint. Par solidarité avec les joueurs qui le faisaient. guerre, je l’ai connue dans mon pays, en Bosnie-Herzégovine, et qu’on me traite de militaire, c’est… une provocation ! Seulement, en France, on préfère les entraîneurs dociles. Des moutons ! Mais vous aimez la discipline, non ? Ce n’est pas une tare…

Mais il en faut dans la vie d’un groupe. Pour la sélection algérienne, il y avait un règlement intérieur, mais il n’était pas appliqué. Moi, je veux qu’il le soit, rien de plus. Pour mon premier rassemblement à Marcoussis [France] avec l’Algérie, en août, Ryad Boudebouz [Sochaux] n’est pas venu faire constater sa blessure. Et trois jours plus tard, il jouait avec son

[Il soupire.] Il faut accepter ces choix. On leur propose deux ou trois fois le salaire qu’ils touchent en Europe. Tant qu’ils sont performants, cela ne me pose pas de problème. En Tanzanie, certains étaient cuits physiquement. Ce n’était pas seulement en raison du ramadan. Un joueur, c’est avec son club qu’il travaille physiquement. S’il arrive en sélection et qu’il n’est pas prêt, il ne joue pas. Avez-vous remarqué que l’Algérie marquait très peu de buts ?

Ah oui ! J’ai vu des DVD où l’équipe ne faisait pas plus de deux cents passes dans le match. Lorient, en France, c’est six cents. En Tanzanie, on en a fait quatre

cents. C’est mieux, mais on doit progresser. Je veux que mon équipe prenne des risques, qu’elle marque des buts. J’ai envie de révolutionner son jeu. L’Algérie a de bons joueurs. Pas de grandes stars, mais de bons joueurs. On peut faire du bon travail. J’ai assisté à plusieurs matchs du championnat. Et j’ai l’impression que beaucoup jouent contre nature, parce que les entraîneurs savent qu’ils peuvent être virés n’importe quand, et ils hésitent à faire prendre des risques à leur équipe. Vous comptez visiblement récupérer certains binationaux…

[Il s’emporte.] Ah, le débat sur les quotas en France! Mais ce n’est pas une maladresse, c’est du racisme pur et dur. La binationalité, aujourd’hui, c’est presque une règle de société. Alors oui, si je peux convaincre certains joueurs qui possèdent la double nationalité franco-algérienne de jouer pour les Fennecs, je ne vais pas me priver. J’ai une liste de trois ou quatre joueurs. [Halilhodzic penserait notamment à Yacine Brahimi, le milieu de terrain de Rennes.] Il paraît que vous avez fait le ramadan, alors que vous n’êtes pas pratiquant…

Oui, c’est exact, je l’ai fait avec mon adjoint [Cyril Moine], par solidarité avec les joueurs qui le faisaient. Je n’ai pas voulu en parler, parce que cela est une démarche personnelle. Je ne l’ai pas fait pour me faire bien voir. ● Propos recueillis à Lille par ALEXIS BILLEBAULT

Coulisses YÉMEN MIEUX VAUT TARD QUE JAMAIS Ali Abdallah Saleh a fini par signer, le 23 novembre, à Riyad, l’accord de transition proposé par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et déjà paraphé par l’opposition. Le texte prévoit le départ du président yéménite en échange de l’immunité pour lui-même et ses proches. Il sera remplacé par son vice-président, N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Abd Rabbo Mansour Hadi, pour un intérim de deux ans avant la tenue d’élections générales. ARABIE SAOUDITE QATIF LA REBELLE La dispersion par la police saoudienne d’un rassemblement dans la province orientale de Qatif a fait, le 21 novembre, un mort et plusieurs blessés par balles. Les manifestants protestaient contre la mort d’un jeune homme,

abattu la veille par les forces de l’ordre à un check-point. Majoritairement peuplée de chiites, qui se plaignent de discriminations, cette province pétrolière est la seule du royaume où le Printemps arabe a eu un écho durable. IRAN DISSUASION ÉCONOMIQUE Le 21 novembre, les États-Unis, le Canada et

le Royaume-Uni ont annoncé de nouvelles sanctions financières et commerciales contre l’Iran, après que le dernier rapport de l’AIEA a révélé la possible existence d’un programme militaire nucléaire clandestin. Le même jour, le président français, Nicolas Sarkozy, a appelé ses partenaires occidentaux à geler les avoirs de la banque centrale iranienne et à suspendre les achats de pétrole. JEUNE AFRIQUE


JUAN MEDINA/REUTERS

Europe, Amériques, Asie

MARIANO RAJOY ET SON ÉPOUSE (à sa dr.) après la proclamation des résultats, le 20 novembre.

ESPAGNE

Raz-de-marée dans le

brouillard

Lors des élections législatives du 20 novembre, le Parti populaire a remporté la majorité absolue des sièges aux Cortes. Une victoire sans bavure. Sera-t-elle sans lendemain ? ALAIN FAUJAS

L

e rejet du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de José Luis Zapatero et de sa politique d’austérité, qui n’a pu épargner aux Espagnols un taux de chômage de 21,5 %, a dépassé toutes les prévisions. La droite s’adjuge la majorité absolue des sièges au Parlement (186 sur 350), tandis que les socialistes plongent à des profondeurs jusqu’ici inexplorées : de 169 à 110 sièges. Comme l’a reconnu Alfredo Pérez Rubalcaba, leur chef de file depuis que Zapatero

JEUNE AFRIQUE

a décidé de se retirer, « nous avons clairement perdu ». C’est un euphémisme. En réalité, le PSOE vient d’encaisser une gifle retentissante. Depuis le dernier scrutin (en 2008), il a laissé s’envoler quelque 4,3 millions de voix. Le Parti populaire (PP) en a gagné 500 000, et le reste est allé à une kyrielle de petits partis : treize d’entre eux siègent désormais aux Cortes. D’emblée, les observateurs étrangers se sont déclarés plutôt satisfaits de cette majorité écrasante qui donne à Mariano Rajoy les coudées N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Europe, Amériques, Asie L’Espagne franches pour appliquer le programme de « chanrassurer les marchés. Eh bien, pas du tout : Rajoy aujourd’hui gement » annoncé pendant la campagne et s’est refusé à évoquer sa politique économique réclamé par les marchés. Au lendemain de sa avant son investiture. Tout juste a-t-il fait victoire, ce catholique taiseux, supporteur du savoir qu’il avait téléphoné à la chanReal Madrid, amateur de cigares et, selon cercelière allemande pour lui demander de la population que l’Europe aide les pays méritants tains, passablement indécis, n’a pas fait active est au à résister aux attaques de la spécudans le triomphalisme : « Il n’y aura pas chômage. Près de de miracle et la tâche ne va pas être lation. C’est maigre. la moitié des facile. » Devant la direction du PP, il Le flou est tel que les marchés chômeurs ont a estimé que « la première chose à financiers ne lui ont même pas moins de 25 ans dire aux Espagnols c’est la vérité. La accordé « la demi-heure » de répit qu’il vit sous le seuil société est suffisamment mûre pour réclamait afin de trouver le moyen d’écode pauvreté être informée absolument de tout ce nomiser les 30 milliards d’euros nécessaires qui se passe ». à la réduction du déficit, conformément aux promesses faites à Bruxelles et au FMI. Dès le UN MOIS D’ATTENTE. Le 22 novembre, lendemain de sa victoire, la Bourse de Madrid a on a appris que la mise en place des chuté, tandis que les taux des emprunts à dix ans L’inflation nouveaux députés et du nouveau s’envolaient à des niveaux jugés insoutenables. s’élève à gouvernement prendrait un mois en Le pays raison des délais constitutionnels à Rajoy demande aux marchés emprunte respecter. Il faudra donc attendre le sur dix ans à une demi-heure de répit. 13 décembre pour la session constitudes taux En pure perte. tive du Parlement et le 21 décembre pour d’intérêts l’investiture de Rajoy comme président du gouproches de 7 % vernement. Celui-ci ne se réunira donc pas Comme les anciens Premiers ministres grec (contre 1,8 % en avant le 23 décembre. Quant au budget destiné à et italien, Mariano Rajoy ne semble pas avoir Allemagne) pratiquer de nouvelles coupes dans les dépenses compris l’exigence de transparence et la peur publiques, il sera adopté « au cours du premier des investisseurs. Comme eux, il prétend imposemestre 2012 ». Paradoxe: ce sera donc Zapatero, ser un tempo politique, alors que les décisions le vaincu, qui représentera son pays au sommet financières se prennent à la nanoseconde. Si une européen du 8 décembre destiné − une fois de panique financière résultait de cette temporiplus ! − à sauver l’euro. sation, il serait dans l’impossibilité de relever On aurait pu penser que le vainqueur s’emles trois redoutables défis auxquels l’Espagne presserait de révéler les grandes lignes de son est confrontée. programme et de fournir quelques indications sur les personnalités appelées à entrer au gouAVEC QUEL ARGENT? Le nouveau gouvernement vernement. Histoire de montrer un cap et de devra d’abord remettre d’aplomb une économie mise à mal par la folle expansion de l’immobilier entre 1995 et 2005. Dans un premier temps, cette APPRÉCIATIONS MAGHRÉBINES CONTRASTÉES frénésie avait enrichi les Espagnols avant de les précipiter dans l’endettement et la misère : 20 % LE MAROC DOIT-IL CRAINDRE le retour aux affaires du Parti d’entre eux vivent aujourd’hui sous le seuil de populaire (PP) ? La droite espagnole s’est toujours montrée pauvreté. Redonner du pouvoir d’achat suppose plus ferme que la gauche sur les dossiers qui fâchent : statut du Sahara, Ceuta et Melilla… Mais, les sondages la donnant une reprise de la croissance après la récession. gagnante depuis près d’un an, le royaume s’est adapté. Comment ? Il sera ensuite indispensable d’achever l’assaiDès mars, Ahmed Ould Souilem, son ambassadeur à Madrid, nissement du système bancaire, sinistré par a rencontré Mariano Rajoy. En septembre, Nizar Baraka, le l’éclatement de la bulle immobilière et l’incapaministre délégué auprès du Premier ministre, a même assisté cité des ménages à rembourser leurs emprunts. à la convention du PP à Malaga. « L’Espagne connaît une crise Avec quel argent ? sans précédent. Le nouveau parti au pouvoir se doit de Enfin, Rajoy n’atteindra pas son objectif de maintenir une relation privilégiée avec un pays qui absorbe ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013 si 36 % des exportations et 75 % des investissements espagnols les collectivités locales continuent leurs dépenses en Afrique », commente l’universitaire Bernabé López García. excessives. De leur fait, le déficit budgétaire ne À Alger, José Luis Zapatero, jugé trop favorable au Maroc, sera pas cette année de 6 % comme prévu, mais laisse peu de regrets. On n’oublie pas que c’est sous José d’au moins 8 %. Qui leur fera entendre raison ? María Áznar que fut signé un accord d’amitié et de Si aucun discours mobilisateur n’accompagne coopération entre les deux pays et que fut lancé le projet le tour de vis qui s’annonce, « Los indignados » Medgaz, qui approvisionne l’Espagne en gaz. C’était en 2002, pourraient bientôt reprendre du service à la l’année où le Maroc et l’Espagne faillirent entrer en guerre Puerta del Sol, à Madrid… ● au sujet de l’îlot Leïla (Perejil en espagnol)… ● LEÏLA SLIMANI

21,5 %

1 Espagnol sur 5

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie 17 juillet 1954 Naissance à Hambourg, passe sa jeunesse en Allemagne de l’Est

ALLEMAGNE

Le paradoxe Merkel Très respectée sur la scène internationale, la chancelière l’est de moins en moins dans son pays : sa popularité est en berne, et sa politique suscite un flot de critiques.

1990 Entrée en politique 1991-1998 Plusieurs fois ministre 1998 Prend la tête de la CDU

P

VOLTE-FACE. Tout avait pourtant bien

commencé pour cette physicienne de formation, qui, à 51 ans, fut la plus jeune chancelière de l’histoire. Tout au long de son premier mandat, sa cote de popularité se maintint au zénith. À la tête d’une coalition droite-gauche, elle fit preuve d’un art consommé du compromis et profita des retombées des réformes engagées par Gerhard Schröder, son prédécesseur. Mais, depuis son alliance avec les libéraux du FDP, sa politique des petits pas et

Depuis 2005 Chancelière

FABRIZIO BENSCH/REUTERS

our le magazine américain Forbes, elle est « la femme la plus puissante du monde ». En juin dernier, Barack Obama lui a remis la Médaille présidentielle de la liberté, la plus haute distinction civile américaine. Tout récemment, la crise de l’euro lui a permis d’imposer ses vues à l’Europe entière. Bref, la chancelière Angela Merkel occupe le devant de la scène internationale. Sur le plan économique, son bilan est par ailleurs flatteur : bonne tenue des exportations, croissance proche de 3 %, chômage en baisse, gestion exemplaire des déficits… Paradoxe : elle n’en tire aucun profit sur le plan intérieur. Selon les derniers sondages, seuls 39 % des Allemands souhaitent qu’elle accomplisse un troisième mandat. Pis, 46 % d’entre eux tirent un bilan négatif de sa gestion de la crise. En août, ils étaient même une large majorité à douter de ses capacités à y faire face.

DEPUIS SON ALLIANCE AVEC LES LIBÉRAUX, seuls 39 % des Allemands souhaitent qu’elle accomplisse un troisième mandat. RIEN NE VA PLUS :

ses volte-face à répétition agacent. « Son double virage sur l’énergie [annonce d’une prolongation du nucléaire, puis, quelques moisplustard,desonarrêtdéfinitif,NDLR] restera comme le plus spectaculaire slalom de l’histoire politique allemande », critique l’hebdomadaire Focus. De même, pour ménager à la fois ses électeurs et ses amis du FDP opposés au sauvetage de la Grèce, elle a longtemps hésité à s’engager dans la crise de l’euro, avant de s’y résoudre par crainte d’un effondrement économique. Quelques mois plus tôt, son refus d’intervenir en Libye lui avait valu de nombreuses critiques. La vérité est que la chancelière est embarrassée par sa coalition avec le FDP, très eurosceptique et conservateur, mais

qu’elle n’a pas le choix: même si ce parti est aujourd’hui en pleine débandade, elle ne peut se passer des quelques pour cent qu’il recueille encore au niveau national. Elle est en outre confrontée à des dissensions au sein de son propre camp. Pour elle, l’année qui s’achève aura été électoralement désastreuse: lors de toute une série d’élections régionales et locales, la CDU, son parti, a perdu de nombreux sièges au Bundesrat (Conseil fédéral), qui doit être consulté pour toutes les décisions. Pourtenterderemonterlapente,Merkel tente d’engager une nouvelle politique sociale : construction de crèches, instauration d’un salaire minimum, etc. Son objectif est double: regagner les électeurs perdus et lancer un appel du pied en direction des sociaux-démocrates (SPD) et des Verts en vue d’une éventuelle future coalition. ● GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Diébédo Francis Kéré Retour à la terre Né en 1965 à Gando, ce Burkinabè est aujourd’hui installé à Berlin. Son objectif : poser les bases d’une nouvelle architecture utilisant les matériaux locaux.

I

L S’ÉTAIT POURTANT JURÉ de ne jamais chercher à obtenir de diplôme, de ne jamais diriger un cabinet et de ne jamais « faire dans le social ». Promesses d’un jeune homme qui posait un regard critique sur ses prédécesseurs et leurs méthodes trop académiques. Assis à la table de réunion de son cabinet d’architectes au cœur de la capitale allemande, entouré de ses maquettes, Diébédo Francis Kéré sourit. Au bout du compte, à 46 ans, architecte reconnu, enseignant à l’Université technique de Berlin, il a fini par avoir tout cela. Mais autrement, à sa manière. Sa différence, elle s’impose dès sa toute première réalisation, l’école de son village natal, Gando, au Burkina Faso. Il en a eu l’idée pendant ses études d’architecture. Premier membre de sa famille à étudier, il gardait le souvenir des classes surchargées deTenkodogo, de la chaleur, de l’air vicié… « Je voulais tout changer, faire mieux », dit celui pour qui la règle qui doit présider à la conception d’une école est celle de la ventilation naturelle. Son idée? Conserver les matériaux traditionnels comme l’argile ou la pierre en les modifiant et en utilisant de nouvelles techniques de compression pour aboutir à un édifice durable. « Pour cela, je devais adapter un système qui se fonde sur la haute technologie à ce qui est faisable en Afrique, parfois sans électricité et sans les savoir-faire nécessaires », détaille-t-il. Mais il faut aussi combattre les mauvaises habitudes. « Beaucoup pensent que, comme l’école vient du système français, il faut la construire en béton armé. Or non, l’Afrique ne doit pas copier l’Occident mais faire avec ce qu’elle possède : de la terre, des gens et de l’enthousiasme! » Un choix lumineux. Les murs de l’école, bâtis en briques de terre rouge, absorbent la chaleur et permettent de réguler la température intérieure, tandis que le

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LES CRÉATIONS DE CET ARCHITECTE véhiculent toutes une idée de lien à l’environnement et à la famille.

toit est posé sur une armature d’acier favorisant une bonne circulation de l’air. Une création originale qui a valu à Kéré de nombreux prix internationaux. « Ma véritable fierté reste cependant l’investissement des villageois. Ces récompenses n’ont vraiment de sens que si elles me permettent de faire davantage et de montrer le potentiel énorme du continent », tempère l’homme, très sollicité par les médias et plutôt rétif aux interviews. L’architecture est apparue très tôt dans la vie de Kéré, qui habite aujourd’hui à Berlin avec sa fille et son amie. « Quand j’habitais chez mon oncle àTenkodogo, pendant les vacances nous devions refaire les maisons qui s’étaient

écroulées durant l’hivernage. Pour un enfant, c’est un travail très éprouvant. C’est à ce moment que je me suis dit qu’un jour j’allais changer tout ça », confie-t-il d’une voix posée. Après l’école primaire, il passe un CAP de menuisier à Fada, « pour faire de meilleures charpentes ». Mais au Burkina Faso, pays sans bois, les débouchés manquent. C’est alors qu’il apprend que l’Allemagne délivre des bourses d’études destinées à favoriser les échanges avec les pays dits « en développement ». Nous sommes en 1985, il a 20 ans, et le voilà dans un pays inconnu, au milieu de jeunes qui, comme lui, viennent des quatre coins du monde.Tous n’ont qu’un but : retourner dans leur pays une fois leur diplôme en poche. Pas lui. Il apprend l’allemand, se bat pour repasser le bac en Allemagne – ce qui lui prend cinq années de cours du soir – puis entame JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie des études d’architecte. En parallèle, il travaille sur des chantiers de construction, dans des restaurants, distribue des journaux. La famille restée au pays attend beaucoup de lui, l’aîné « qui a fait l’Allemagne ».

GWÉNAËLLE DEBOUTTE Photo : MAURICE WEISS/OSTKREUZ pour J.A. JEUNE AFRIQUE

Danielle Mitterrand, l’éternelle indignée L’épouse de l’ancien chef de l’État est décédée le 22 novembre, à Paris. Elle avait 87 ans.

E

n 1941, dans la France de Vichy, la jeune Danielle Gouze, 17 ans, entre en résistance. Elle n’en sortira plus. Soixante-dix ans plus tard, le 22 novembre, la mort a mis fin à une vie tout entière vouée au combat. Épouse de François Mitterrand cinquante-deux ans durant, elle refusa de jouer les potiches après l’élection de ce dernier à la présidence de la République, en 1981. Elle détestait le titre de première dame dont on prétendait l’affubler. C’était d’abord une militante, une éternelle indignée. Elle était au côté du peuple tibétain opprimé par la Chine. Elle était la « mère des Kurdes », dont elle épousa la cause avec passion. Elle fut aussi l’une des premières à dénoncer le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. En 1987, à Dakar, elle coorganisa une rencontre entre les dirigeants de l’ANC et cinquante progressistes afrikaners, ce qui lui valut l’hommage de Nelson Mandela… « MORGANATIQUE ». En 1986, elle créa

la Fondation France Libertés. À gauche toute, elle abandonnait volontiers la realpolitik à son mari pour se consacrer, avec un idéalisme jamais pris en défaut, à la défense des droits de l’homme. « C’était une femme d’influence et son mari l’écoutait beaucoup, même si elle était souvent excessive et qu’elle l’a parfois mis en porte-à-faux avec sa fonction », raconte

l’ancien ministre Roland Dumas, qui fut très proche du couple. En prenant fait et cause pour le Polisario, elle s’attira la haine de Hassan II, qui, dans une émission sur TF1, la qualifia un jour, non sans mépris, d’épouse « morganatique ». En 1992, au côté de l’ancien ministre Bernard Kouchner, elle échappa même à un attentat lors d’un voyage au Kurdistan irakien. Mais, certes, il arrivait à la pasionaria des droits de l’homme de se tromper, comme en 1995, lorsqu’elle embrassa chaleureusement Fidel Castro, l’autocrate cubain, sur le perron de l’Élysée… Après la mort de François, elle s’engagea auprès des altermondialistes et fit de l’accès à l’eau son nouveau combat. Plus radicale que jamais, elle s’éloigna du PS, jugeant (en 2007) que ses dirigeants n’avaient pas « la fibre socialiste ». Ni potiche ni épouse bafouée, elle assuma avec élégance la révélation de la double vie de François Mitterrand, en 1994. Lors de l’enterrement de l’ancien président, elle suscita l’admiration en acceptant la présence à ses côtés de Mazarine et Anne Pingeot. Mère de deux garçons, Gilbert et Jean-Christophe, elle ne ménagea pas son soutien à ce dernier après sa condamnation dans le procès de l’Angolagate. Pour lui, elle ira jusqu’à hypothéquer le célèbre appartement de la rue de Bièvre… ● LEÏLA SLIMANI

ð DU TIBET KURDISTAN ET À L’AFRIQUE (ici, en avril 1988), la fondatrice de France Libertés n’avait qu’une obsession : la défense des droits de l’homme. AU

JACKY NAEGELEN/REUTERS

Jamais pourtant il n’abandonne son continent natal, où il se rend aujourd’hui deux à trois fois par mois. Grâce à son association Des briques pour l’école de Gando (Schulbausteine für Gando), fondée avec des amis à l’université, il finance des initiatives sociales qui vont au-delà de l’architecture. L’association suit les élèves durant toute leur scolarité – l’école compte sa première bachelière depuis quelques mois – et aide notamment au reboisement… Les projets privés de Diébédo Francis Kéré, qui emploie aujourd’hui neuf personnes, servent à la financer. Outre des écoles et des centres de formation, son cabinet – qui ne communique pas son chiffre d’affaires – s’investit ainsi partout en Afrique, pour des réalisations comme le village-opéra, au Burkina Faso, une salle de spectacle entourée de centres de formation dans les arts et l’artisanat, ou l’aménagement de bâtiments au sein du parc national du Mali. Au-delà, il participe aussi à la réhabilitation du grand port de Zhou Shan (Chine) en… jardin culturel. À Genève, en Suisse, il vient de remporter le concours pour la réalisation du musée de la Croix-Rouge internationale. Le jury a été séduit par l’idée de lien à la terre et à la famille que véhiculent toutes ses créations. À cheval entre deux mondes, luimême se voit comme un pont entre l’Occident (« le monde de la science ») et l’Afrique (« le monde de l’écoute et de la sagesse »). En recherche perpétuelle, Kéré s’inspire des savoirs anciens, des matériaux découverts au gré de ses expériences loin de l’Afrique subsaharienne, au Maghreb ou en Inde. « Nous parlons de globalisation. Mais global ne signifie pas forcément que c’est le plus fort qui diffuse son savoir. Il faut aussi apprendre des autres cultures, même des plus petites », conclut-il. Une leçon pour l’architecture occidentale. ●

FRANCE

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Europe, Amériques, Asie sont pas en guerre. « Chaque année, sur 526 000 personnes tuées de façon violente dans le monde, seules 55 000 le sont lors de conflits ou d’actes terroristes », note-t-il. Ainsi les pays à fortes disparités de revenus sont-ils quatre fois plus exposés, et ceux qui ont traversé des difficultés économiques ont connu un pic de meurtres durant la crise de 2008-2009.

Au Mexique, deux ministres de l’Intérieur ont perdu la vie dans de mystérieux accidents aériens…

Taux moyens annuels de morts violentes pour 100 000 habitants, 2004-2009 > 30 20-30 10-20

3-10 <3 Pas de données

SOURCE : BASE DE DONNÉES DU FARDEAU MONDIAL DE LA VIOLENCE ARMÉE 2011

ULTRAVIOLENCE

Latin killers

Crime organisé, trafic de drogue… L’Amérique centrale est de loin la région la plus dangereuse du monde.

I

ls sont six en Amérique centrale à figurer parmi les quatorze pays les plus violents de la planète. Le Salvador, le Honduras, la Colombie, le Venezuela, le Guatemala et le Belize caracolent en tête du macabre palmarès établi par le secrétariat de la Déclaration de Genève. Lancée en 2008, cette initiative diplomatique a pour vocation de soutenir les États qui se sont engagés à réduire la violence d’ici à 2015. Son deuxième rapport*, publié le 27 octobre, a le mérite de livrer pour la première fois des chiffres, datés de 2009. Avec un taux moyen régional de 29 morts violentes pour 100000 habitants, l’Amérique centrale devance l’Afrique australe (27,4) et les Caraïbes (22,4). Le Salvador, dont le taux annuel est de 60, est le pays le plus dangereux au monde, N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

devant l’Irak et la Jamaïque. En Colombie et au Venezuela, les hommes courent dix fois plus le risque d’être assassinés que les femmes. En revanche, au Guatemala, le « fémicide » est nettement plus élevé, le nombre de meurtres de femmes étant passé de 383 en 2003 à 720 en 2009. FAVELAS. Le Brésil et le Mexique – classés

respectivement 18e et 51e – sont aussi très affectés. Chez le second, le taux de morts violentes était de 18,4 pour 100000 habitants en 2009. Il atteint même 170,4 à Ciudad Juárez (ville du Nord, frontalière des États-Unis), soit vingt fois le taux mondial. Le pays détient également le record des assassinats de journalistes : 19 depuis le début de 2011. Le plus étonnant, souligne le rapport, c’est que les pays les plus touchés ne

Sans surprise, le crime organisé lié au trafic de drogue est la principale cause de l’augmentation des homicides en Amérique latine. Au Mexique, le président Felipe Calderón livre une guerre sans merci aux narcotrafiquants dont les violences ont fait 45 000 morts depuis 2006. Il a ainsi déployé 50 000 militaires sur le territoire. La disparition de Francisco Blake Mora, son ministre de l’Intérieur, dans un crash d’hélicoptère, le 11 novembre, a porté un coup sévère à cette action. L’omnipotence des cartels alimente les soupçons : il y a trois ans, Juan Camilo Mouriño, le prédécesseur de Mora, avait déjà trouvé la mort dans un mystérieux accident d’avion. Depuis le 17 novembre, c’est Alejandro Poiré, jusque-là directeur des services de renseignements, qui a repris cette fonction à haut risque. Au Brésil, les autorités ont marqué un point. Le 13 novembre, elles ont envoyé armée et tanks prendre le contrôle de la plus grande favela de Rio de Janeiro. Considéré comme le principal entrepôt de drogue de la ville, avec quelque deux cents trafiquants, Rocinha a été pacifié sans incident ni coup de feu. Après la réussite de cette opération, le gouvernement espère reprendre une vingtaine de favelas avant le Mondial de 2014. Le 10 novembre, les gouvernements d’Amérique centrale se sont accordés sur une stratégie régionale destinée notamment à la lutte contre le trafic de drogue, comprenant des actions de prévention, la professionnalisation des policiers locaux, l'amélioration des systèmes d’investigation criminelle et une surveillance frontalière accrue. ● MARIE VILLACÈQUE

* « Fardeau mondial de la violence armée », consultable sur genevadeclaration.org JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

MOHSIN RAZA/REUTERS

ð LE LEADER DU MOUVEMENT PAKISTANAIS POUR LA JUSTICE lors d’un meeting à Lahore, le 30 octobre.

dans les zones frontalières de l’Afghanistan, dans laquelle le gouvernement d’Islamabad se retrouve pieds et poings liés par les Américains. « Notre économie y a perdu 70 milliards de dollars, alors que l’aide atteint à peine 20 milliards, clame-t-il. Et plus de 35 000 personnes sont mortes, c’est une honte ! » « Humiliation », « néocolonialisme »… L’ancien étudiant d’Oxford, dont les deux fils vivent à Londres auprès de Jemima PAKISTAN Goldsmith, leur riche héritière de mère, n’a pas de mots assez durs pour fustiger l’asservissement de son pays aux intérêts Ex-play-boy et ex-gendre d’un magnat franco-britannique de la américains. Résultat : selon un sondage du Pew Research Center, il était, en juin, presse, Imran Khan est aujourd’hui l’homme politique le plus la personnalité politique préférée des populaire – et populiste – du pays. Feu de paille ou lame de fond ? Pakistanais. Oubliés son soutien au coup d’État de Musharraf en 1999 ainsi que son boycott de la présidentielle de 2008 qui ahore, 30 octobre. Préalablement dans la lutte contre cette maladie. « C’est galvanisées par un concert contribua à sa marginalisation. Oublié le seul hôpital du pays où les médecins de vedettes de la pop, plus de son prétendu « sionisme », étiquette ne savent pas lesquels de leurs patients que lui valut son mariage – aujourd’hui 100 000 personnes acclament paient leurs soins et lesquels sont soignés gratuitement », souligne-t-il. rompu – avec Jemima (protestante, elle leur champion. Des jeunes en majorité, s’était convertie à l’islam, mais son père, tantôt vêtus à l’occidentale, tantôt en habit traditionnel, pour qui « il » est le recours DOUTEUX NABABS. Rejeton d’une le milliardaire Jimmy Goldsmith, était contre un gouvernement corrompu et famille aisée, Khan joue désormais sur d’ascendance juive). la fibre populiste. Spéculant sur l’exasCertains lui reprochent pourtant son jugé inféodé aux Américains. Play-boy pération des Pakistanais, il renvoie dos absence de programme et d’équipe comultrabronzé de 59 ans, Imran Khan a des à dos le président Zardari et son principétente. D’autres dénoncent sa complaiallures de vieille star. Il n’a jusqu’ici jamais fait d’étincelles en politique. Le Pakistan sance envers les talibans – il préconise de les payer et de Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement pakis« Publiez le montant de vos négocier avec eux pour les tanais pour la justice), qu’il a créé en 1996, revenus, ou apprêtez-vous n’a jamais eu qu’un seul élu au Parlement détacher d’Al-Qaïda – ou à affronter la colère du peuple. » sa proximité avec l’armée – lui-même, en 2002 – et n’a jamais pesé dans le débat, même au temps où il s’oppopakistanaise, dont il ne cripal opposant, Nawaz Sharif, de la Ligue tique jamais l’omniprésence. Son succès sait avec virulence au très impopulaire est-il un feu de paille ou une véritable lame musulmane du Pakistan-Nawaz. « Publiez président Pervez Musharraf. le montant détaillé de vos revenus ou de fond ? En attendant les législatives de Mais l’heure a peut-être enfin sonné apprêtez-vous à affronter la colère du 2013, tout est possible, dans l’instable pour celui dont la carrière sportive et peuple ! » tonne-t-il à l’adresse de ces Pakistan. Après avoir assisté à son raout l’action caritative sont connues de tous douteux nababs. Un discours qui porte: le de Lahore, Jennifer Robinson, une avocate ses compatriotes. Ancienne gloire du cricket, le sport national, il mena l’équipe pays s’enfonce dans la crise, en proie à une britannique(quidéfendnotammentJulian du Pakistan à la victoire lors de la Coupe inflation galopante, et l’antiaméricanisme Assange, le cofondateur de WikiLeaks), du monde 1992. En mémoire de sa mère, y est de plus en plus virulent. Au risque a suavement tweeté : « Yes, he Khan. » emportée par un cancer, il a créé à Lahore d’être surnommé Taliban Khan, le tribun Décidément, Imran reste le chéri de ces un hôpital-centre de recherche spécialisé dénonce l’absurdité de la guerre menée dames… ● JOSÉPHINE DEDET

Il y a une vie après le cricket

L

1952 Naissance à Lahore (capitale du Pendjab) Années 1970 Études à l’Aitchison College (Lahore) et à Oxford (Royaume-Uni) JEUNE AFRIQUE

1992 Capitaine de l’équipe de cricket qui remporte la Coupe du monde

1995 Mariage avec Jemima Goldsmith, dont il divorce en 2004

1994 Inauguration de son hôpital, le Shaukat Khanum Memorial

1996 Crée le Mouvement pakistanais pour la justice

2002 Élu député 2007 Démissionne du Parlement pour protester contre la réélection programmée

du président Pervez Musharraf. Plusieurs fois arrêté 2008 Son parti boycotte la présidentielle

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Europe, Amériques, Asie ce sont les garçons qui s’occupent de leurs parents, les filles, elles, partant vivre dans leur belle-famille. Dans les campagnes, il devient de plus en plus difficile pour un homme de se marier, ce qui contribue, semble-t-il, au développement de la prostitution. Dans les provinces du sud du pays, les immigrées clandestines, vietnamiennes ou birmanes, sont ð SUR LA PLACE légion… TIANANMEN, « On voit bien À PÉKIN, que cette politique LE 1 OCTOBRE. Il naît en Chine est dangereuse, 119 garçons commente Peng pour 100 filles. Xizhe, vice-préL’obsession sident de l’Institut des autorités : la de recherche sur surpopulation. la population. Si nous ne faisons rien, nous allons droit dans le mur. » L’appel ne risque pas d’être entendu, le gouvernement étant manifestement résolu à maintenir le cap coûte que coûte afin d’éviter une explosion démographique.

CHINE

Bombe (démographique) à retardement En dépit du vieillissement inquiétant de la population, la politique de l’enfant unique va être poursuivie.

ER

BEAUX QUARTIERS. Le plus fâcheux est

que toutes les familles ne sont pas logées à la même enseigne. Dans les beaux quartiers de la capitale, on croise de plus en plus de familles « nombreuses » prêtes à payer une lourde amende en échange de papiers d’identité pour leurs enfants. Et à acquitter des frais de scolarité exorbitants – parfois 10 000 euros par an – dans un établissement privé. de nombreux experts, cette politique « C’est absolument scandaleux, est une bombe à retardement. En 2015, explique la mère de Wang. Quand vous êtes pauvres, vous devez vivre cachés. les plus de 60 ans seront 221 millions, Mais quand vous êtes riches, toutes les soit 16 % de la population. Chaque portes vous sont ouvertes. » Certaines année, près de 9 millions de personnes femmes vont jusqu’à accoucher à Hong rejoignent les rangs du troisième âge. Kong ou aux États-Unis pour que leur enfant puisse Fille cadette d’un couple de bénéficier d’un passeport commerçants, Wang a 16 ans. étranger et échapper ainsi Pour l’état civil, elle n’existe pas. au couperet. Il y a quand même des exceptions à la règle. Quelques minorités Pour eux, pas ou peu de retraite, un ethniques ne sont ainsi pas tenues d’apsystème de santé balbutiant et presque pliquer la politique de l’enfant unique. Et aucun centre d’hébergement. Pour surdans certaines provinces, deux enfants vivre, ils ne peuvent compter que sur la solidarité familiale. uniques ont le droit d’avoir un deuxième enfant à condition de respecter un délai de quatre ans entre les deux naissances. DÉSÉQUILIBRE. Autre conséquence de Mais les adversaires du sacro-saint plancette politique : le déséquilibre des sexes. ning familial ne doivent se faire aucune Il naît en Chine 119 garçons pour 100 illusion : il n’est pas question pour les filles. Les familles rurales, notamment, préfèrent un mâle capable de travailler la autorités de lâcher la bride. ● STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin terre, d’autant que, traditionnellement, JASON LEE/REUTERS

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ang a 16 ans, mais elle n’est jamais allée à l’école. Cette jeune fille timide passe le plus clair de son temps dans sa chambre, entre poupées et jeux vidéo. Elle est la fille cadette d’un couple de petits commerçants pékinois qui a préféré la cacher plutôt que de devoir verser une amende de 20 000 euros. Le prix d’un deuxième enfant. Une véritable fortune, ici. Trente-deux ans après son introduction, la Chine a décidé de poursuivre sa politique de l’enfant unique. Une mesure de planning familial qui a permis d’éviter près d’un demi-milliard de naissances et laissé en marge de la société, à l’instar de Wang, plusieurs dizaines de milliers d’enfants. « La surpopulation reste l’un des principaux obstacles au développement économique et social », a tranché la Commission d’État pour la population et le planning familial. Reste que, pour N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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LE PLUS

de Jeune Afrique

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PANORAMA Celles par qui la croissance arrive STRATÉGIE L’avenir en capitales HABITAT Dis-moi où tu vis… INTERVIEW Guillaume Koffi, architecte ivoirien

URBANISME

Des racines et des villes

Fascinantes ou inquiétantes, les métropoles du continent sont l’un de ses premiers moteurs de développement. Avec elles, c’est l’Afrique de demain qui se construit.

NABIL ZORKOT

ð ABIDJAN, vue sur le quartier du Plateau.

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Le Plus de Jeune Afrique

LE PLUS

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de Jeune Afrique

URBANISME

Prélude

Des racines et des villes

Pascal Airault

Homo urbanus africanus

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N 2050, PLUS D’UN MILLIARD d’Africains seront des citadins, contre 400 millions actuellement et 20 millions en 1950. Une évolution radicale due à l’expansion démographique (le nombre moyen d’enfants par femme sur le continent, bien qu’en régression, est encore de 4,38), aux migrations rurales, économiques et transfrontalières. Pour désigner le phénomène d’urbanisation accélérée, les sociologues ont inventé l’expression « Homo urbanus ». Et, après l’Europe, les Amériques et l’Asie, c’est à l’Afrique de mener sa révolution urbaine.

de loisirs, déjeunent au restaurant, se requinquent dans une salle de sport. Des plaisirs coûteux loin de la portée des plus démunis, qui s’autorisent un café en terrasse ou un thé au grin. La ville africaine, c’est aussi le lieu d’expression préféré d’une jeunesse (l’âge moyen des citadins africains est de 18 ans) particulièrement touchée par la précarité de l’emploi, la faillite du modèle éducatif et la fin de l’État providence. Si certains sont tentés par l’exode, d’autres explorent de nouvelles voies d’affirmation identitaire, de revendication populaire et de débrouille économique.

PANORAMA Celles par qui la croissance arrive

p. 72

STRATÉGIE L’avenir en capitales p. 76 HABITAT Dis-moi où tu vis…

p. 82

SERVICES Histoires d’eau au Gabon p. 86

Les régions les plus urbanisées du continent sont les zones littorales du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest, la vallée du Nil, l’Éthiopie, ainsi que, pour l’Afrique australe, la côte reliant Le Cap à Maputo. Quelque 40 % des citadins s’entassent dans les mégalopoles comme Le Caire, Lagos, Kinshasa, Abidjan, Johannesburg ou encore Casablanca, les 60 % restants étant concentrés dans des villes de moins de 500 000 habitants. Lieu de rencontre par excellence, la ville est le creuset du métissage et des échanges, culturels et économiques. C’est aussi un espace d’expression de l’individualisme. On y échappe plus facilement aux pressions sociales. L’infidélité y est plus aisée, le recours au divorce aussi. Les habitudes alimentaires y évoluent. À Dakar comme à Kinshasa, les repas se prennent de plus en plus sur le pouce, en dehors de la cellule familiale. À Rabat ou à Casablanca, les classes moyennes font leurs courses dans les grands centres commerciaux. Le week-end, les parents emmènent leurs enfants dans des centres JEUNE AFRIQUE

À Cotonou, beaucoup ont opté pour le métier de zémidjan (moto-taxi), d’autres se proclament guides touristiques ou rabatteurs. À Abidjan, ils exorcisent leurs maux dans la pratique du nouchi (argot ivoirien) et du zouglou (genre musical qui relate les réalités sociales). Le mal-être de la jeunesse se traduit aussi, malheureusement, par la recherche de la marginalité, de l’illégalité, dans la consommation de drogues et parfois par le vol et la violence. Un véritable défi pour les dirigeants africains. Plus que jamais, les politiques urbaines doivent définir des schémas directeurs d’aménagement et des plans de développement qui prennent en compte à la fois les besoins des citadins en matière de services essentiels (eau potable, assainissement, électricité, accès aux soins, à l’éducation, aux sports et loisirs) et leurs attentes en termes de développement économique et de création d’emploi. Cette année, la jeunesse a emporté les régimes tunisien, égyptien et libyen, et a commencé à souffler le chaud au sud du Sahara. L’Homo urbanus Africanus aime le changement. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

OLIVIER POUR J.A.

Espace d’expression, la ville est le creuset du métissage, des échanges culturels et économiques.

INTERVIEW Guillaume Koffi, président de l’ordre des architectes de Côte d’Ivoire

p. 89

FONCIER Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué p. 92 IMMOBILIER Akissi-Delta, cité de la joie

p. 94

PATRIMOINE Mémoire du continent p. 98


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Le Plus de Jeune Afrique

Celles par qui la PANORAMA

Face à leur expansion accélérée, les villes s’organisent. Logements, infrastructures de base, routes… Sur tout le continent, on investit dans des milliers de chantiers, qui créent des emplois et dopent l’économie.

CÉCILE MANCIAUX

E

n plein bouleversement démographique et spatial, les villes africaines sont souvent réduites à une concentration de malheurs quotidiens et de visions cauchemardesques : anarchie, insalubrité, insécurité, indigence des infrastructures de base, pauvreté, etc. A contrario, elles fascinent toujours autant par leur joie de vivre, leur diversité et leur inventivité. Auxquelles on peut ajouter, sans être taxé d’optimisme béat, leur potentiel. Car, et cela n’a échappé ni aux États, ni aux bailleurs de fonds, ni aux investisseurs, les villes africaines génèrent de plus en plus de revenus (80 % en moyenne du produit national brut des pays) et sont devenues l’un des premiers moteurs du développement humain et économique. PAUVRETÉ. L’Afrique est désormais le continent où

la croissance urbaine est la plus forte. Le nombre de ses citadins augmente de 5 % à 7 % par an (à un rythme deux fois plus rapide que sa population totale).Certainesmétropolesgrignotentduterritoire en plus chaque année, comme Kinshasa (8 km2). Une évolution urbaine qui ne peut être comparée à celle de l’Europe ou de l’Asie, tout d’abord parce que les villes africaines sont confrontées à un double phénomène de vitesse et de masse : 400 millions d’Africains vivent en milieu urbain (soit 40 % de la population, contre 3 % il y a cinquante ans), et ils seront 1,2 milliard en 2050 (soit 60 % de la population) selon l’ONU-Habitat. Par ailleurs, contrairement à ce qui s’est passé en Europe et en Asie, cette urbanisation se fait sans développement industriel. En tout cas dans un premier temps. Faute d’emplois, de ressources et d’anticipation de la part des pouvoirs publics en matière d’aménagement, les nouveaux arrivants sont contraints de vivre dans des taudis. C’est le cas de 60 % des citadins subsahariens – et même de N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

! LA NOUVELLE CITÉ ADMINISTRATIVE DE

BAMAKO, au Mali, d’inspiration soudanaise.

plus de 90 % des citadins soudanais, centrafricains ou tchadiens. Confronté au même processus, le Maghreb (par ailleurs la région la plus urbanisée du continent, avec 54 % d’urbains), qui bénéficie d’une tradition citadine ancienne, parvient mieux cependant à maîtriser l’habitat précaire. Lequel, à l’issue des programmes d’éradication et de relogement engagés ces dernières années en Tunisie, en Algérie et au Maroc (lire pp. 82-84), ne concerne plus « que » 14 % de la population urbaine d’Afrique du Nord. Plombant également tous les indicateurs de développement humain et économique, les besoins JEUNE AFRIQUE


Des racines et des villes

croissance arrive

et de l’ONU-Habitat) et les actions de coopération décentralisée. Définition d’orientations stratégiques claires de la part des États et des autorités locales, élaboration de politiques foncières, de normes et de règles de construction réalistes, mise en œuvre de plans directeurs… Les gouvernements (et les collectivités locales lorsqu’elles y sont associées) font de l’aménagement et du développement urbain une priorité. Loin de la « ville cruelle » décrite par le romancier camerounais Mongo Beti dans les années 1950 et au-delà de l’inévitable chaos urbain, c’est l’Afrique de demain qui se construit. À BONNE ÉCHELLE. Les investissements, publics

et privés, sont considérables, et les chantiers, qu’ils soient confiés à des opérateurs étrangers ou nationaux, créent des milliers d’emplois locaux : logements, infrastructures de base (pour l’approvisionnement en électricité et en eau, l’assainissement), équipements publics, routes, ponts,

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

La plupart des gouvernements ne se cantonnent plus à une politique de prestige.

essentiels insatisfaits en eau, en assainissement et en électricité de millions d’urbains: seuls 20 % sont approvisionnés en eau potable et moins de 10 % ont accès à un réseau d’assainissement. Si l’on peut regretter que les États et les collectivités n’aient pas anticipé les besoins et que les efforts restent encore très inégaux, force est de constater que, sur tout le continent, les politiques de la ville s’organisent et les plans d’aménagement et de développement urbain deviennent la règle. Largement encouragés par les programmes multilatéraux (notamment dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement JEUNE AFRIQUE

400

millions de citadins sur le continent Moyenne d’âge:

18

ans

immeubles d’affaires, programmes résidentiels pour la diaspora, le tourisme, etc. Si certains gouvernements se cantonnent à une politique de prestige, menée surtout dans les quartiers chics de la capitale ou sur « la route de l’aéroport », la plupart des stratégies urbaines s’attellent à répondre aux besoins actuels et futurs des citoyens et de l’économie. Autre satisfaction, ces politiques ne sont plus exclusivement centrées sur les capitales, mais élargies à leur agglomération et déclinées à l’échelle des villes plus petites. À l’instar du modèle sudafricain, l’idée de métropolisation fait en effet af son chemin (après le Grand Casa ou le Grand so Dakar s’ébauchent les plans du Grand Alger, du Da Grand Abidjan, du Grand Libreville…). Enfin, Gr longtemps oubliées dans les schémas globaux, lo les villes moyennes s’aménagent elles aussi, le s’équipent et se relient les unes aux autres. Une s’ tendance plutôt inspirée, sachant que la moitié te des citadins du continent vivent dans des villes de de moins de 200 000 habitants et que c’est au sein de ces dernières, selon les projections de se l’ONU-Habitat, qu’est attendue la majeure partie l’ de la croissance urbaine en Afrique dans les dix prochaines années. ● pr N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Le Plus de J.A. Urbanisme

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TRIBUNE

DR

Éd PIERRE-ANDRÉ PÉRISSOL Président de l’Agence française de développement et des Ateliers internationaux de l’urbanisme

Leviers ou freins pour le développement?

L

AFRIQUE EST ENTRÉE pleinement dans la révolution urbaine. Ce processus conduira la majorité des Africains à vivre dans un environnement urbain à l’horizon de 2020. L’histoire des villes nous enseigne que le même processus s’est répété sur tous les continents : lors des révolutions industrielles et des phases de décollage économique, les villes ont été les locomotives du développement territorial. Ce phénomène est d’autant plus important dans une économie mondialisée. Shanghai ou Séoul en sont de belles illustrations. Bien que récurrent, ce processus de corrélation entre croissances urbaine et économique n’a pourtant rien d’une mécanique nécessairement vertueuse: si le développement urbain est maîtrisé, il devient un levier qui sert et nourrit celui de l’économie ; mais s’il reste incontrôlé, il devient un frein à une croissance économique durable.

africaines et francophones et celle des ateliers de maîtrise d’œuvre urbaine, nous autorisent à rappeler ce que doivent être les grandes lignes et les leviers d’une action visant à opérer cette rencontre entre l’urbain et l’économie. D’abord, réguler et maîtriser la croissance urbaine à la source, celle de l’exode rural, par des politiques d’aménagement du territoire renforçant les villes moyennes, afin de répartir l’expansion urbaine en différents points et d’éviter les situations de macrocéphalie des capitales. Ensuite, poursuivre et amplifier l’équipement et la modernisation des infrastructures de communication et de transport, des réseaux de fourniture d’énergie, et continuer également à sécuriser le cadre d’action des opérateurs, qu’il s’agisse de l’accès au foncier constructible, de la réglementation administrative et fiscale ou de la justice.

DR

Pour le dire crûment, les grandes villes africaines sont encore loin d’être les moteurs qu’elles devraient devenir.

OMAR DERRAJI Président de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF)

Quid de l’Afrique ? Dans l’ensemble, sa croissance urbaine est décorrélée de son développement économique. Les deux dynamiques coexistent sans s’alimenter. Dans les grandes métropoles du littoral ouest-africain, comme Dakar, Abidjan ou Lagos, les capacités d’attraction et de rayonnement, héritées d’un positionnement géographique, géopolitique ou encore administratif particulièrement favorable, commencent à être sérieusement remises en question par l’accumulation des dysfonctionnements résultant d’un urbanisme désarticulé, d’un étalement non régulé et d’un retard en matière d’équipements urbains, en particulier dans les infrastructures de transport. Pour le dire crûment, les grandes villes africaines sont encore loin d’être les moteurs économiques qu’elles devraient devenir. Elles ne constituent pas les pôles d’attractivité, de production et de connaissance qu’elles pourraient être sur un continent en pleine révolution démographique et économique. Plus grave, le risque de les voir entrer dans des cercles non vertueux existe bien, ceux où la gestion des villes deviendrait un problème de plus à régler sur le long chemin du progrès et du développement du continent. Quelles perspectives? Nos expériences croisées d’opérateurs économiques historiques de l’Afrique, celle du réseau des chambres de commerce

N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Enfin, reconnaître l’enjeu du développement économique urbain comme prioritaire au sein des politiques nationales, mobiliser les grands bailleurs de fonds sur des programmes de développement intégrés, associer davantage les acteurs économiques et démultiplier à l’échelle de chacune des grandes villes les cadres de concertation entre les autorités publiques et le secteur privé existant au niveau national. L’enquête réalisée auprès des membres de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF) et restituée lors de leur assemblée générale annuelle, à Cotonou, du 2 au 4 novembre, démontre que la prise en compte des enjeux du développement économique urbain est directement indexée sur le niveau de développement du pays : reconnus dans les pays ayant bien amorcé leur décollage économique, notamment ceux du Maghreb ou ceux dotés d’une grande métropole urbaine, mais en revanche encore largement sous-estimés dans les autres. Le défi est donc double. Pour le premier groupe de pays, il s’agit de poursuivre la prise en charge des questions et problèmes posés. Pour le second groupe, d’anticiper et de ne pas attendre que la situation devienne problématique. ● JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Urbanisme STRATÉGIE

L’avenir en capitales Aménagement urbain, cohésion sociale, développement économique… Les métropoles planifient leur futur. Certaines sont bien plus avancées que d’autres. Question de moyens. Et de volonté.

S

i le processus d’urbanisation implique des problématiques et des enjeux communs en matière d’aménagement, de développement économique et humain, ainsi qu’en termes d’organisation (dans le partage des compétences, des ressources et des moyens), il doit aussi être

l’occasion de définir la stratégie la mieux adaptée aux particularités et aux futurs besoins de chaque ville. Le moment ou jamais pour les États et les collectivités locales, mais aussi pour les acteurs économiques et les citoyens, de construire leur modèle de « ville durable », qui intègre diversité sociale et culturelle,

soit économiquement productive et écologiquement saine. Certaines agglomérations ont déjà franchi le pas, d’autres y réfléchissent encore. De Rabat à Libreville, en passant par Ouagadougou et N’Djamena : quatre stratégies de planification urbaine sont passées au crible. ●

Maroc Rabat, le projet qui réconcilie la vallée devenue dortoir et rejoindre leur bureau à Rabat. Après cinq plans qui, en cinquante ans, se sont tous soldés par un échec, le projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg s’est engagé en 2006. Portant sur une superficie de 6 000 hectares et d’un coût de 6 milliards de dirhams (530 millions d’euros), il donne un nouveau souffle à l’agglomération du Grand Rabat (RabatSalé-Témara), qui compte désormais

Le plan d’aménagement porte sur une surface de 6 000 hectares.

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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LE TRAMWAY a été inauguré mi-2011.

L

e maréchal Lyautey en était amoureux. Du temps du protectorat, il y avait fait planter des pins majestueux et aimait à se promener sur ses avenues, où les immeubles Art déco éclairaient la ville de leur blancheur. Mais, pendant les années 1950, Rabat s’est endormi sur ses lauriers. La capitale administrative a pris des allures de ville de province. Raillée pour son calme, elle a peu évolué, sourde à l’explosion démographique et à la modernité. Il a fallu attendre l’arrivée N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

au pouvoir de Mohammed VI, en 1999, pour que s’engage une grande réflexion sur l’organisation de la ville aux cigognes. Premier constat: Rabat tournait désespérément le dos à son environnement. À la mer d’abord, et à sa voisine ensuite, la frondeuse Salé, dont elle est séparée par le fleuve Bouregreg. En dix ans, cette dernière a vu sa population passer de 630 000 à 825 000 habitants, la plupart d’entre eux se jetant chaque jour dans les embouteillages pour quitter leur banlieue

2 millions d’habitants. Objectifs : faire en sorte que la région de la capitale renoue avec son histoire, créer des emplois (déjà près de 100000 depuis 2005) et améliorer l’attractivité touristique d’une agglomération à laquelle les visiteurs préfèrent souvent la flamboyante Marrakech. CONTINUITÉ. Au cœur du projet, le

pont Moulay-el-Hassan, qui rétablit la continuité urbaine entre Rabat et Salé, et sur lequel court désormais le tramway, dont le chantier a été lancé en 2007 pour plus de 3 milliards de DH. Il a demandé de véritables prouesses techniques. « Pour établir certaines fondations, nous sommes descendus jusqu’à 36 mètres ! » explique Omar Benslimane, directeur de communication de l’Agence pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB), établissement public placé sous la tutelle de l’État et jouissant de l’autonomie financière. Inauguré mi-2011, le JEUNE AFRIQUE


Des racines et des villes tramway relie, sur une vingtaine de kilomètres, les quartiers périphériques de Rabat et de Salé aux ministères, universités et hôpitaux. Ses rames et stations ont été dessinées par le designer Hicham Lahlou. Aujourd’hui, les changements opérés dans l’agglomération se lisent dans le regard fier des Rbatis, pourtant peu démonstratifs : devant le tunnel des Oudayas, la marina ou encore le luxueux quartier de Bab al-Bahr… La capitale administrative s’est également dotée d’un dynamique quartier d’affaires à Hay Riad, et ses tours de l’avenue Annakhil n’ont rien à envier aux plus grands buildings casablancais. Après sa Bibliothèque nationale à l’architecture époustouflante, ouverte en 2008, elle acquiert de nouveaux équipements culturels, dont un parc zoologique (l’un des plus modernes du continent) et un musée d’art contemporain qui devrait ouvrir ses portes en 2013. ● LEÏLA SLIMANI, envoyée spéciale

Burkina Faso Place au Grand Ouaga!

O

uagadougounecessedes’étendre. les autorités burkinabè souhaitent faire Et tout à l’horizontal. Elle couvre une référence sur le continent. plus de 300 km2, quand Lyon, qui Parmi les orientations du Sdago 2025 compte également 1,5 million d’habien ligne avec le Cadre stratégique de tants, n’en occupe que 50. L’agglomération lutte contre la pauvreté, les Objectifs du est gérée par un maire métropolitain et millénaire pour le développement et les comprend 5 districts, eux-mêmes divisés politiques sociales de l’État, on note : en 30 secteurs et 17 communes rurales. améliorer l’accès aux services sociaux Un modèle très efficace pour bâtir et mener une stratégie de À l’horizon 2025, la communauté développement,enparticulier urbaine concentrera 4,7 millions dans les zones périurbaines. d’habitants sur 3 300 km2. Il va désormais s’appliquer au « Grand Ouaga », qui couvre 3 300 km2, dont la province du Kadiogo et à un logement décent, développer les infrastructures, mieux répartir les activités et la commune rurale de Loumbila. À l’horizon 2025, le Grand Ouaga comptera de production ou préserver les ressources 4,7 millions d’âmes, dont plus de 88 % naturelles. Autre nouveauté, l’implicad’urbains. Ouagadougou couvrira 80 % tion des collectivités locales aux côtés du de son territoire. ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme Pour organiser celui-ci, la ville s’est (MHU) dans l’élaboration du document. dotée d’un outil spécifique, le Schéma À l’étude, un conseil du Grand Ouaga et une direction régionale de son urbanisme directeur d’aménagement du Grand au sein du MHU. ● MURIEL DEVEY Ouaga (Sdago). Un projet urbain dont

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Le Plus de J.A. Urbanisme

Gabon Les métamorphoses de Libreville

I

l n’y a pas un chat au ministère de l’Habitat. Fait inédit dans l’histoire gabonaise, depuis le 1er juin, du chef de bureau au directeur, tous les responsables de ce département ont été congédiés par décret présidentiel. Cinq mois après ce limogeage collectif, le personnel n’a toujours pas été remplacé. Au bout d’un dédale de couloirs sombres, un signe de vie : c’est le cabinet du ministre, Blaise Louembé, lequel a échappé au couperet présidentiel et expédie les affaires courantes. Il a pu conserver son directeur de cabinet et une demi-douzaine de collaborateurs, « qui, soupire-t-il, [lui] donnent un coup de main ». Rien à voir avec l’effervescence d’antan, où régnait la mafia du titre foncier trafiqué, des régies parallèles… Les baronnies ont fait fortune en tirant profit de l’extrême complexité de la procédure d’obtention du titre foncier (nécessitant plus de cent signatures !). « Des terrains, vierges sur le papier, sont aujourd’hui occupés sur la base de titres provisoires signés par des cadres corrompus », relate le ministre. Bref, le décret présidentiel a tranché dans le vif et les enquêtes se poursuivent. La solution est radicale. Tout urgente fût-elle, la situation nécessitait-elle d’aller aussi loin ? « On N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

veut repenser les choses, simplifier les procédures », explique Blaise Louembé. Dans cette logique, l’administration va se doter d’un outil informatique destiné à rationaliser la gestion du patrimoine foncier. Les gens disposeront d’un délai de deux ans pour la mise en valeur des terrains attribués. Reste à mettre en place des mécanismes efficaces d’accès à la propriété, notamment sur la question du financement, un logement social coûtant en moyenne à l’achat quelque 30 millions de F CFA (environ 45 700 euros).

200 000 logements de plus sont nécessaires, dont 160 000 dans la capitale. BULLDOZERS. L’urgence est là. Le Gabon

a besoin de 200 000 logements, dont 160 000 rien que pour Libreville, qui accueille plus de 600 000 Gabonais, soit 40 % de la population du pays. Et comme 85 % de celle-ci vit en milieu urbain, la mise en œuvre d’une politique de la ville adaptée est indispensable. « Nous nous inscrivons dans une nouvelle optique d’urbanisme, qui rompt avec les installations désordonnées pour laisser la place à des espaces planifiés, aménagés, organisés et valorisés », explique le président

gabonais, Ali Bongo Ondimba. Premier défi : parvenir à faire sortir de terre 5 000 habitations par an. Pour atteindre cet objectif, jamais le ministère fantôme n’aura été aussi présent sur le terrain. Plusieurs programmes de logements sont menés dans la capitale, notamment la construction de 150 maisons sur 150 ha à la Mondah. Les bulldozers sont également passés à l’action ces derniers jours dans les quartiers Mveng Ayong, Glass, Lalala, Nomba… Les îlots construits en dehors du cadre prévu par le plan d’aménagement urbain sont purement et simplement rasés. « C’est pour cette raison que des zones de relogement sont préparées sur les sites d’Angondjé et d’Avorbam, au nord de la capitale, et de Bikélé, à 15 km à l’est. Il faut décongestionner Libreville, encourager les gens à s’installer dans la périphérie et réorganiser la ville intra-muros », indique le ministre de l’Habitat. Suivant les grandes lignes du plan directeur, le gouvernement prévoit le développement de la capitale en direction de Ntoum, à 40 km à l’est. Élaboré conformément aux conclusions d’une étude réalisée par le cabinet américain Bechtel, le projet de villes nouvelles est en pleine réalisation. JEUNE AFRIQUE


Des racines et des villes

dr

p Projet d’aménagement d’Angondjé, en périphérie de la capitale gabonaise.

Ses concepteurs l’ont imaginé comme un contre-exemple des cités-dortoirs construites dans les années 1970 dans la zone des Charbonnages, de la Cité Mébiame et de Nzeng-Ayong, et à l’inverse aussi des « PK », ces quartiers spontanés de l’Est librevillois qui se sont développés dans les années 1980 en accueillant les populations venues de la campagne. La ville gabonaise du futur ne sera pas verticale et faite de tours mais donnera la priorité à un espace urbain étendu,

fluide et aménagé selon les habitudes de ses usagers. Il prendra en compte les notions de loisir, de confort, de plaisir et de mixité sociale. « La femme de ménage devrait habiter dans le même quartier que son employeur », pense-t-on. AUTONOMIE. Mixité fonctionnelle aussi,

puisque Angondjé comme Bikélé devront être des cités autonomes, dotées de services publics (hôpitaux, écoles, police, poste…) et d’équipements structurants

(stations d’épuration, stades, etc.). Il est même prévu un système de collecte des eaux usées qui permettra de diriger les effluents vers les stations de traitement par « effet de succion ». Objectif : faire en sorte que les habitants aient accès à tout ce dont ils ont besoin à proximité, sans avoir à se rendre dans le centre. L’entreprise chinoise qui a remporté le marché de la construction de Bikélé envisage même d’y aménager un parc animalier. l GEOrGEs DOUGUElI

Tchad N’Djamena, le schéma manquant

F

ondé par un officier français en mai 1900 sur la rive droite du Chari, N’Djamena – l’ancien FortLamy, qui réunissait alors tout juste trois cases – comptait 11 000 habitants en 1911, 80 000 en 1960 et plus de 993 500 lors du dernier recensement général, en 2009. Le premier schéma directeur de la capitale tchadienne remonte à 1945 et a été révisé en 1962, avant d’être remplacé, en 1996, par le Plan urbain de référence (PUR). Un plan tout théorique.

HOrIzON 2020. En novembre 2008, le ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme et de l’Habitat a élaboré un « document de cadrage du jeune afrique

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développement urbain de N’Djamena à l’horizon 2020 ». Pas encore un schéma directeur. Donc, la ville continue de s’étendre sans plan d’urbanisation. « Le grand problème, c’est d’abord l’élaboration de ce plan, indique N’Diekhor Yemadji, urbaniste à N’Djamena. Et si

Le document de cadrage indique que la ville s’est « principalement développée vers l’est, de façon anarchique, sur des terrains souvent inondables ». Et si, ces trois dernières années, grâce aux revenus du pétrole, le visage de N’Djamena a tout de même changé, les défis restent nombreux : l’enclavement, un contexte physique difla ville continue de s’étendre ficile, un environnement sans plan, sur des menacé, une occupation spatiale anarchique, la faiterrains souvent inondables. blesse des infrastructures celui-ci voit le jour, la question de sa (voirie, ouvrages de franchissement, réalisation restera posée. Or, en dehors réseaux de drainage, d’alimentation de ce cadre, rien ne peut être fait de en eau)… Les chantiers à réaliser sont manière rationnelle, même si des progrès multiples. l ont été accomplis ces dernières années. » TsHITENGE lUbAbU M.K. n o 2655 • du 27 novembre au 3 décembre 2011


Le désert n’a jamais été un obstacle...

L e s

P r o v i n c e s

POTENTIEL

Capacités logistiques multimodales

5 Ports

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S u d

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5 Aéroports

R o y a u m e 9500 km de Routes

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M a r o c

Télécommunications


il a toujours été un trait d’union.

L e M a r o c s a h a r i e n , p l a t e f o r m e d ’ é c h a n g e s a v e c l ’ A f r i q u e.

Laâyoune

Guelmim

Es-Semara

Dakhla


Le Plus de J.A. Urbanisme

LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES

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HABITAT

Dis-moi où tu vis…

LE QUARTIER D’ALI MENDJELI, à 20 km de Constantine (Algérie), comptera 300 000 âmes dans quelques années.

Préoccupation numéro un de la population et des élus: le logement. Au Maroc et en Algérie, on construit à tour de bras.

L

a lutte contre l’habitat précaire est un combat de longue haleine. Au Maroc comme en Algérie, les autorités se sont lancées ces dix dernières années dans une véritable croisade pour le supprimer. Hauts lieux de contestation concentrant criminalité, chômage et mal-être, les « bidonvilles » sont en effet devenus un problème politique de premier ordre. Dans les deux pays, ils ont explosé dans les années 1970, à la faveur de l’exode rural massif et d’une urbanisation anarchique. En Algérie, les villageois ont aussi quitté leurs terres durant les années noires pour fuir l’insécurité. Le terme lui-même est né au Maroc, où il a été utilisé à la fin des années 1930 pour désigner les quartiers périphériques de Casablanca, dont les logements étaient édifiés à partir de bidons découpés et de matériaux de récupération. Au Maroc, les autorités ont lancé en 2004 le programme « Villes sans bidonvilles », avec pour objectif l’éradication de l’habitat insalubre à l’horizon 2012. Il concerne 83 villes et 294000 ménages N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

banlieue de Casablanca, où deux villes nouvelles, Lakhyayta et Zenata, sont en cours de construction. Pour l’architecte Taoufik el-Oufir, ces cités sont une solution, à condition de ne pas aligner des résidantdansprèsde1000bidonvilles.Sept barres d’immeubles sans charme. « Le ans après, 42 agglomérations seulement beau est un droit pour tous. Ce n’est pas sont déclarées débarrassées de ce fléau. parce qu’on fait du logement social qu’il Cependant, en 2010, le programme ONUdoit être moche. » Habitat plaçait le Maroc à la deuxième En Algérie, Noureddine Moussa, ministre de l’Habi« Ce n’est pas parce qu’on fait tat et de l’Urbanisme, est l’un du social que ce doit être moche. » des principaux acteurs de la TAOUFIK EL-OUFIR, architecte marocain lutte contre les logements précaires. Depuis 2005, son objectif est de réaliser en moyenne place mondiale pour la résorption de ces 70 000 nouveaux logements chaque derniers sur la période 2000-2010, durant laquelle leur population a baissé de 45,8 %. année. Plus de 553 000 familles vivent actuellement dans des conditions difficiles, dont 50 000 foyers dans des abris RARE ET CHER. C’est l’organisme public Al de fortune autour d’Alger. Omrane qui est chargé de mener de front la réhabilitation, l’assainissement, la mise à disposition de terrains et la construction ENVELOPPE. Le plan quinquennal d’habitations. Et sa principale difficulté est algérien (2010-2014) prévoit une envede trouver du foncier, qui, « à proximité loppe d’environ 204 milliards d’euros des grandes villes, est soit trop cher soit pour financer la construction de 2,5 milcarrément inexistant », explique Lamia ellions de nouveaux logements, dont 15 % Kadiri, directrice générale déléguée de la seront concentrés dans les quatre villes société Al Omrane-Tamesna. Le problème principales que sont Alger, Annaba, du foncier se pose en particulier dans la Oran et Constantine. Depuis fin ● ● ● JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Urbanisme ● ● ● 2010, 190 000 logements ont été livrés, 510 000 autres sont en cours de construction, et 400000 nouveaux projets sont à l’étude. Hafida Brakni, architecte à Mostaganem, rappelle que « l’habitat précaire représentait au début de la décennie près de 10 % du parc national de logements. La construction de plus

de 2 millions d’habitations, couplée à la destruction de 150 000 logis dans les bidonvilles, a ramené ce taux à 5 %. C’est une performance considérable, mais trop peu visible! » Considérable, puisque l’État, qui a réalisé 350000 logements entre 1980 et 1989, en a créé 820 000 entre 2000 et 2009. Mais trop peu visible, parce

que l’offre reste en deçà de la demande, par manque de foncier notamment. Le contexte reste donc très tendu socialement, et toute distribution de logements sociaux donne lieu à des confrontations, parfois extrêmement violentes. La bataille du logement est loin d’être terminée. ● LEÏLA SLIMANI

Logement social cherche locataire aisé Au sud du Sahara, les prix sont souvent rédhibitoires.

D

ans les cités africaines, se loger est souvent un vrai casse-tête. Les loyers sont de plus en plus élevés, même loin du centre. À Brazzaville, un deux-pièces sans toilettes dans un quartier populaire se loue 35 000 F CFA (53 euros) par mois, quand le salaire mensuel moyen est de 75 000 F CFA environ. Pas facile non plus d’acheter une parcelle : les prix flambent à cause de la spéculation foncière, qui rejette les pauvres en périphérie. Pour résoudre ces problèmes, les pouvoirs publics proposent des lotissements, avec l’octroi de parcelles à bâtir, ou le développement des parcs de logements sociaux (qui avait été gelé ces dernières années à cause de la crise économique des années 1990 et de l’endettement des États). Ainsi, les programmes de logements dits économiques fleurissent un peu partout depuis 2000: projet des « 10000 logements sociaux » au Burkina, chantiers de l’État équato-guinéen à Malabo et à Bata… Les institutions changent aussi, avec des ministères couplant habitat et urbanisme, et des politiques adaptées. En outre, on note l’intervention de bailleurs de fonds internationaux, l’essor des banques de l’habitat et, à côté de l’État promoteur, l’apparition de compagnies privées – notamment chinoises – dans le capital des entreprises immobilières publiques. Néanmoins, la plupart des projets réalisés au cours des dix dernières années

VINCENT FOURNIER/J.A.

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À MALABO, des lotissements ont été construits pour les familles les plus modestes.

n’innovent guère. Le modèle reste la maison, et non l’appartement, lui-même construit en duplex dans des immeubles de deux ou trois étages maximum. Ce qui favorise l’extension horizontale au lieu de densifier l’espace bâti. « Pour beaucoup d’Africains, même en ville, la concession – terrain et maison – doit ressembler au village », précise un urbaniste congolais. Alors la ville s’étend plus vite que les équipements et les aménagements. PROPRIÉTAIRE. Autre caractéristique observée concernant les logements sociaux, l’engouement pour la propriété, par la vente directe ou la location-vente, ne se dément pas au sud

du Sahara. Le statut de locataire est en effet dévalorisant. Mais pour accéder à la propriété, les bénéficiaires de ces logements dits sociaux doivent être solvables. Ils sont donc souvent issus des classes moyennes aisées, notamment de la fonction publique. C’est le cas des habitants de Buena Esperanza, à Malabo, en Guinée équatoriale. La raison ? Le prix des villas. Très dissuasif, même pour les classes moyennes. Au Congo, un logement de la Soprogi coûte entre 10 millions et 16 millions de F CFA (de 15 200 à 24 400 euros). « Trop cher pour nos bourses », déclare Marie, une couturière. Même les prêts des banques de l’habitat s’adressent aux salariés du secteur privé formel et aux fonctionnaires. Au final, les plus pauvres demeurent perdants. ● MURIEL DEVEY

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Histoires d’eau au Gabon Une société privée gère l’eau et l’électricité du pays. Avec des résultats médiocres. Mais l’État reprend la main.

L

e 10 novembre, le Gabon inaugurait le stade de l’Amitié d’Angondjé, près de Libreville, par un match de football (opposant la sélection nationale au Brésil) qui a bien failli ne pas avoir lieu. Faute d’éclairage. Encore un mauvais tour dû aux fréquentes coupures d’électricité. Aussi récurrentes que les interruptions de distribution d’eau courante. Les critiques visent un seul coupable : la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), filiale à 51 % du français Veolia. En 1997, l’État gabonais a confié la gestion de la SEEG au groupe français. Mais le contrat de concession est devenu depuis deux ans le symbole d’un partenariat public-privé raté. « Dans le cahier des charges, nous avons négligé de préciser le sens des investissements que la SEEG devait effectuer », reconnaît Régis Immongault, ministre de l’Énergie.

DÉBORDÉ. Aux yeux des Gabonais, l’opérateur ne se montre pas assez offensif – comprenez « n’investit pas suffisamment » –, surtout dans l’hydraulique. La SEEG Ì La Seteg concentre l’essentiel doit réaliser de ses efforts sur la UN RÉSEAU DE gestion et la mainteCANALISATIONS nance des centrales DE 40 KM entre thermiques existantes Ntoum et ou, au mieux, l’augLibreville. mentation de leurs capacités. Ainsi, celle de Lambaréné (Moyen-Ogooué) a bénéficié de l’installation de groupes diesels neufs de 1 600 kW en 2010, et celle d’Owendo, près de Libreville, voit réhabiliter ses turbines à gaz. Chez Veolia, on se défend de ne pas avoir respecté le contrat : « À l’origine, il était prévu que la demande en eau et en électricité augmente de 2,5 % à 3 %, explique un responsable de la filiale. La réalité est tout autre : on est davantage proche de 6 % à 8 %. Et les budgets N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.

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disponibles ne sont plus du tout adaptés. » L’entreprise s’efforce néanmoins de remplacer les moteurs qui fonctionnent au fioul par des turbines à gaz. Ce dernier sera bientôt acheminé, depuis PortGentil, par Perenco. Ce qui permettra à la SEEG de baisser de 3,5 % ses coûts de production et, dans le même temps,

de dégager des moyens supplémentaires pour investir davantage. RÉACTUALISATION. Critiqué lui aussi

sur ce dossier sensible, le gouvernement avait décidé, en décembre 2009, de réviser ce contrat, qui lie l’État gabonais à la SEEG jusqu’en 2017. En avril 2010, le JEUNE AFRIQUE


Des racines et des villes

RECADRAGE. Les dettes de l’État envers la Seteg – 11,5 milliards de F CFA (17,5 millions d’euros) – ont été apurées et, pour améliorer plus rapidement l’offre en eau potable, une enveloppe de 94 mil-

Pour améliorer l’offre, une enveloppe de 94 milliards de F CFA a été débloquée. liards de F CFA vient d’être débloquée. Au programme, notamment, la réalisation d’un réseau de canalisations de 40 km entre Ntoum et Libreville (par la Seteg) et d’une septième station de pompage à Ntoum (par la SEEG) pour 60 milliards de F CFA ; la pose d’une autre conduite entre le camp De-Gaulle (Libreville) et Angondjé, où va être construit un nouveau château d’eau (par la Sogea, filiale du français Vinci), pour 12 milliards de F CFA ; et des travaux effectués par la Seteg pour renforcer les capacités de production et de distribution d’eau dans certaines localités de l’intérieur (12 milliards de F CFA). Une étude sur le réseau de distribution d’électricité du Grand Libreville est également prévue. La reprise en main va même plus loin, avec la création d’une agence de régulation des secteurs de l’eau et de l’électricité, véritable signal d’un renforcement de l’autorité administrative et d’une plus grande ouverture à la concurrence. Un fonds de financement des infrastructures a également été créé, de même qu’une société de patrimoine. Cette dernière aura pour objet la gestion, pour le compte de l’État, des biens et droits affectés au service public de l’eau potable et de l’électricité. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE

QUESTIONS À | Brahim Ramdane

Directeur général de la Camerounaise des eaux

CDE

cabinet Deloitte au Gabon a été chargé de mener un audit dont les résultats, remis en février 2011, n’ont pas entraîné la rupture dudit contrat, mais des promesses de réactualisation. Au bout du compte, l’audit semble avoir motivé le retour en première ligne de l’État dans la fourniture des services de base. Ce dernier entend exercer plus de contrôle sur le concessionnaire, et l’annonce de son entrée, en tant qu’actionnaire majoritaire, dans le capital de la Société d’électricité, de téléphone et d’eau du Gabon (Seteg) va dans le même sens.

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Un partenariat jugé crédible par les bailleurs de fonds

L

A CAMEROUNAISE DES EAUX (CDE) est une coentreprise entre les marocains Onep, Delta Holding et la Caisse de dépôt et de gestion. Retour sur ses trois ans de collaboration avec la compagnie nationale camerounaise, la Camwater. JEUNE AFRIQUE : Le Cameroun est à la traîne en matière d’accès à l’eau potable… BRAHIM RAMDANE : C’est en effet un motif de préoccupation pour les populations,Yaoundé en particulier subissant une forte pénurie. Pour y remédier, le gouvernement a entrepris de renforcer la desserte dans une centaine de centres d’affermage à travers le pays, dont la mise en service, engagée depuis 2009, doit se poursuivre jusqu’en 2015. L’objectif est de porter le taux d’accès à l’eau potable en milieu urbain de 35 % à 60 %.

ont déjà permis de porter la production journalière à 180 000 m 3 par jour. Comment s’articule le partenariat avec l’État ? L’Onep [Office national de l’eau potable marocain] intervient dans le cadre d’un contrat d’affermage, sa filiale, la CDE, étant désignée comme société d’exploitation, aux côtés des principaux acteurs nationaux que sont le ministère de l’Énergie et de l’Eau et la Cameroon Water Utilities Corporation [Camwater]. La CDE apporte son expertise technique pour la gestion de l’eau potable, le renouvellement de l’outil industriel et le développement du secteur. La Camwater s’occupe, elle, du volet investissement. Ce schéma de partenariat présente l’avantage d’être jugé crédible par les bailleurs de fonds.Trois ans après l’arrivée de l’Onep, sur un programme d’investissement de plus de 300 milliards de F CFA, la Camwater en a déjà mobilisé les deux tiers.

La qualité est meilleure, les délais d’attente sont réduits. Plusieurs projets, d’un montant total estimé entre 300 milliards et 400 milliards de F CFA [entre 457 millions et 610 millions d’euros, NDLR], sont en cours, dont un programme d’adduction d’eau àYaoundé et dans trois villes secondaires. La construction d’une usine d’eau potable sur la Mefou, d’un coût évalué à 72,2 milliards de F CFA, doit notamment permettre d’augmenter de 50 % la production d’eau à Yaoundé, pour passer de 100 000 à 150 000 m3 par jour. À Douala, la réhabilitation des infrastructures et la création de nouveaux équipements de production

Quelles sont les répercussions pour les populations ? Notre partenariat a permis au pays d’améliorer son offre. La qualité de l’eau est meilleure, les délais d’attente pour les branchements ont été réduits de plusieurs mois à deux ou trois semaines. La densification du réseau aidant, le nombre de clients a nettement augmenté. L’activité d’assainissement de base reste en revanche embryonnaire, mais des projets sont à l’étude, et la CDE pourrait être sollicitée. ● Propos recueillis par CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


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Des racines et des villes

Guillaume Koffi « Une ville bien pensée permet de mieux vivre ensemble » l’évolutiondémographique,ilfautdensifier et créer des îlots plus compacts. Il faut aussi mieux gérer les réseaux, le voisinage et mutualiser les équipements. Ce partage des ressources et de l’espace passe, encore une fois, par l’innovation.

En Côte d’Ivoire, l’aménagement urbain est un chantier prioritaire. Entretien avec le président du Conseil national de l’ordre des architectes.

OLIVIER POUR J.A.

Comment faire cohabiter le fonctionnel et l’esthétique ?

À SON CABINET, dans la commune de Cocody (Abidjan). JEUNE AFRIQUE : Le gouvernement a l’intention d’engager la réhabilitation de cinquante villes dès l’an prochain. Les architectes ivoiriens sont-ils consultés? GUILLAUME KOFFI : Pas encore. Mais

c’est un souhait. Il est évident que la concertation doit associer ministères techniques, collectivités locales, urbanistes et architectes, pour doter le pays de vrais schémas directeurs. Élaboration de plans d’urbanisme et de restructuration, aménagement des espaces publics et communautaires… La planification est indispensable à une urbanisation maîtrisée et, en donnant leur approche globale de la cité et de l’habitat, les architectes ont un rôle central à jouer. Nous devons réfléchir et proposer, en partenariat avec l’ensemble des autres acteurs, des solutions créatives, innovantes, qui intègrent les quatre piliers d’un urbanisme durable : le culturel, le social, l’environnemental et l’économique. Pouvez-vous contribuer à la réconciliation, au « mieux vivre ensemble » ?

Il est évident qu’une ville bien pensée permet de mieux vivre ensemble. Il faut

JEUNE AFRIQUE

réintroduire de la mixité sociale dans nos quartiers, ainsi que de la mixité fonctionnelle, c’est-à-dire l’ensemble des services et commodités auxquels les citoyens ont droit : eau, assainissement, électricité, chaussées et cheminements, équipements

Ils ne sont pas incompatibles, pas plus que le logement de qualité et l’habitat de masse. Aux architectes de proposer une offre diversifiée permettant un parcours urbain harmonieux. Nous devons aussi encourager la qualité et la durabilité des logements, et participer à l’effort en faveur des exclus en mettant notre savoir-faire et notre réflexion à la disposition des acteurs sociaux. Enfin, il faut sensibiliser les Ivoiriens, dès le plus jeune âge, aux enjeux de l’urbanisme et de l’architecture. Quels modèles urbains faut-il promouvoir?

Il n’y a pas de recette universelle en matièred’urbanisme.Lesréponsesdoivent être locales et adaptées au contexte. Notre priorité est de privilégier un projet urbain global. Ce principe doit être consacré par l’État et inscrit dans le marbre, avec notamment la rédaction d’une charte de l’environnement. Le rôle de l’architecte est d’accompagner les autorités, au niveau national et

Toutes nos stratégies doivent intégrer le concept de développement durable. publics, transports… Chacune de nos villes doit offrir à ses citoyens la possibilité d’un habitat adapté à leurs besoins et à leurs ressources. Pour cela, il faut une volonté politique et un choix affirmé en matière d’urbanisme. Y a-t-il une réflexion sur l’environnement urbain africain ?

L’État est responsable de la planification. Son désengagement, depuis plus d’une décennie, est l’une des causes du développement sauvage de nos villes. Il faut revenir à plus de cohérence, de maîtrise de l’expansion urbaine et de la consommation d’espace. Pour répondre à

local, pour les aider à définir leur politique de la ville et les différents projets d’aménagement. Le plan d’urbanisme d’Abidjan date des années 1970. Sur quelles bases le revoir?

La ville a été pensée à l’époque coloniale autour de grands pôles de développement : un quartier d’affaires (Le Plateau), deux quartiers indigènes (Treichville et Adjamé), une zone commerciale et industrielle (la Zone 4) et une d’habitat moderne (Marcory). Dans les années 1970, l’État a construit les premiers grands ensembles immobiliers et sociaux, à PortBouët, aux « 220 Logements » ou dans N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Le Plus de J.A. Urbanisme le grand quartier-dortoir de Yopougon, la commune de Cocody restant la zone résidentielle. Ces quartiers, qui ont une quarantaine d’années, ont besoin d’une restructuration, sur la base de documents d’urbanisme qui prendront en compte les nouveaux enjeux économiques, sociaux et culturels. Le gouvernement a l’ambition de construire 50000 logements sociaux par an. Est-ce réaliste, et est-ce suffisant ?

Historiquement, les autorités ont créé des sociétés publiques, la Sogefiha et la Sicogi [lire p. 94, NDLR], afin de construire plus de 90 000 logements à Abidjan et à l’intérieur du pays. La mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel a mis fin à cette politique dans les années 1980. Aujourd’hui, l’engagement du nouveau gouvernement de construire 50 000 logementssociauxparanestunpariambitieux qui, avec une moyenne de 10 personnes par famille, devrait permettre de loger ou reloger quelque 500 000 habitants. Dans la situation actuelle, les groupes immobiliers ivoiriens ne sont pas en

mesure de réaliser, à eux seuls, ce programme. Il faut donc penser à un autre type de production, en ayant notamment recours aux logements préfabriqués. Il faut également envisager des formes innovantes de promotion immobilière, comme le partenariat public-privé. Cela nécessite une forte implication de l’État dans la maîtrise des questions foncières [lire p. 92], la sélection des intervenants compétents, la réalisation d’une planification urbaine pertinente et adaptée, la conception des projets innovants, la recherche des ressources financières, l’élaboration d’un accompagnement fiscal adapté, la mise en place de banques de matériaux bon marché, etc.

Comment transformer Yamoussoukro pour qu’elle joue réellement son rôle de capitale politique ?

Abidjan est une ville lagunaire. Est-ce un atout ou un inconvénient ?

Toutes nos stratégies doivent intégrer le concept de développement durable. C’est un impératif, au XXIe siècle. Pour répondre aux enjeux de développement du territoire, il faut faire des choix structurants, fixer un cap clair et partagé, sur la base d’états des lieux réalisés par les experts. Développement durable et architecture responsable doivent guider nos pas. ●

Site unique au monde, la « perle des lagunes » est devenue un espace de construction anarchique et insalubre. Le réseau maritime fait figure de dépotoir… Faisons un état des lieux et mobilisons les compétences d’urbanistes, de paysagistes, d’architectes, pour faire d’Abidjan une ville durable.

L’État doit mener, avec les professionnels, une réflexion globale sur la capitale et son devenir, en prenant en compte son évolution démographique, économique, culturelle, sociale et environnementale. En plus des édifices abritant les institutions, il faudra privilégier la création de quartiers intégrant les différentes fonctions nécessaires : travail, logement, services, loisirs, etc., tout en évitant l’étalement urbain et le mitage. Yamoussoukro, ville-jardin et ville durable… C’est une idée à creuser. Comment le pays peut-il s’inscrire dans la dynamique d’urbanisme durable ?

Propos recueillis par PASCAL AIRAULT

En finir avec les champignons… L’État souhaite lutter efficacement contre la construction sauvage. Et en profite pour cadrer le secteur.

H

uit cents hectares (8 km2) de zones précaires vont disparaître à Abidjan. « On ne veut plus de villes et de quartiers qui poussent comme de petits champignons », a expliqué, en septembre, Mamadou Sanogo, le ministre de la Construction, de l’Assainissement et de l’Urbanisme en annonçant cette décision. Dans toutes les grandes villes du pays, les pouvoirs publics ont commencé à raser les habitations ne respectant pas les normes de construction. Sans oublier les installations informelles de commerçants. À la manœuvre, le ministre Sanogo et son homologue chargée de la Salubrité urbaine, Anne Désirée Ouloto, surnommée « Maman Bulldozer » pour ses actions spectaculaires de « déguerpissement », notamment celui des

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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DANS LE QUARTIER D’ATTÉCOUBÉ, à Abidjan.

commerces, restaurants et night-clubs de la rue Princesse, à Abidjan. Objectif : faire respecter les normes en matière d’urbanisme et d’aménagement, un secteur à même de favoriser la création de 100000 emplois, selon Mamadou Sanogo. Le gouvernement prévoit aussi d’ouvrir des guichets uniques dans les

grandes villes du pays et de mettre en place un site internet afin que les sociétés immobilières et d’aménagement suivent en direct les étapes d’avancement de leur dossier. Pour obtenir leurs agréments, elles devront dorénavant employer un géomètre, un urbaniste et un ingénieur en assainissement. ● P.A. JEUNE AFRIQUE


SCI promoteur constructeur Créée en 1995, la Société de Construction Immobilière (SCI les Rosiers), a pour objet principal, la promotion immobilière et la construction. À ce titre, la SCI Les Rosiers a réalisé et livré plusieurs programmes immobiliers à Abidjan (environ 5 000 logements). Élue meilleur promoteur immobilier en 1999, la SCI Les Rosiers, se démarque par l’audace de son architecture ; la qualité de ses services et matériaux ; le dynamisme et l’expertise de son personnel. Elle apporte un véritable renouveau dans le paysage de la promotion immobilière en Côte d’Ivoire. La SCI Les Rosiers construit : des logements économiques et évolutifs, ● des villas de moyen et grand standing, ● des résidences entièrement clôturées et équipées de postes de gardes aux différentes entrées, d’espaces verts, d’écoles primaires, de commerces de proximité, de terrains de sports et de parkings. ●

La SCI les Rosiers réalise un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de F CFA (soit environ 5333000 euros). Elle emploie une cinquantaine de personnes à temps complet et fait appel à un nombre important d’artisans qualifiés du bâtiment dans le cadre de ses différents projets.

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NABIL ZORKOT

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PROPRIÉTÉ

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué Le système foncier ivoirien et ses procédures sont d’une rare complexité. Décryptage.

A

u cœur du conflit militaropolitique qui perturbe l’ouest de laCôte d’Ivoire: laquestion foncière. Depuis près de vingt ans, les autorités tentent d’adapter les dispositions juridiques organisant le statut des terres aux réalités socioéconomiques. « La loi sur le foncier, votée en 1998, est l’une des rares en Côte d’Ivoire qui fasse l’unanimité au niveau des partis, indique Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre de l’Agriculture. Elle part du principe que les droits coutumiers doivent être transformés en droit moderne. » Selon le régime en vigueur, la propriété d’une terre est établie à partir de son immatriculation au registre foncier et

aprèsacquisitiond’untitrefoncier.Celui-ci est inattaquable – c’est l’une des particularités du système ivoirien. En clair, la justice n’accepte aucune action tendant à remettre en cause le droit de propriété par la revendication d’un droit non révélé au cours de la procédure d’immatriculation. « GHETTOÏSATION ». Autre particularité:

l’Agence de gestion foncière (Agef), dont la mission principale est d’acquérir des terrains urbains jusqu’ici soumis au droit coutumier, afin de remplacer celui-ci par des titres de propriété en bonne et due forme. L’Agef doit ensuite viabiliser les parcelles et les mettre à la disposition des opérateurs économiques.

Accélérateur de développement Recapitalisée, la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire se recentre sur sa mission principale : faciliter l’accès au logement.

Q

uinze ans après sa création, la Banquedel’habitatdeCôted’Ivoire (BHCI)serecentreenfinsursamission originelle: le financement de l’habitat social et des BTP. Pour l’occasion, la banque a été recapitalisée. Son capital est passé de 2,8 à 5,7 milliards de F CFA (de 4,3 à 8,8 millions d’euros), son directeur général, Souleymane Dogoni, espérant le voir atteindre 12 milliards de F CFA en 2012. L’objectif principal est de mobiliser des ressources durables pour financer l’accession au logement dans un pays où le salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) est de 36607 F CFA. « L’État est entré au conseil d’administration et est

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devenu majoritaire, explique Souleymane Dogoni. Désormais, la BHCI devient un instrument stratégique important dans le financement de la politique du logement en Côte d’Ivoire. »

Objectif : soutenir financièrement promoteurs et particuliers. La BHCI adapte sa stratégie de financement à deux niveaux. En amont, elle finance les promoteurs pour la production de logements sociaux; en aval, elle accorde des financements aux particuliers pour

En pratique, dans les grands centres urbains comme Abidjan, l’État autorise les propriétairesterriensàprocéderàdeslotissements qui n’entrent pas toujours dans le plangénérald’urbanisation.Conséquence: les quartiers dits précaires poussent comme ð LOTISSEMENT des champignons. Et la EN CONSTRUCTION entre Abidjan stratégiegouvernemenet Bingerville. tale qui tendait, jusqu’à présent, à les repousser vers la périphérie des villes « n’est pas la solution car elle est source de marginalisation et de “ghettoïsation” d’une partie de la population », indique l’architecte Robert Daoud, directeur général d’Archibo Design. Il préconise leur « intégration dans le paysage urbain par des prouesses architecturales, sans altérer l’harmonie et la beauté des villes ». Pour réussir ces « prouesses », les autorités – même si elles estiment, à l’instar de Mamadou Sangafowa Coulibaly, que la loi sur le foncier « règle 90 % des problèmes » – doivent alléger les procédures d’immatriculation des terrains. Selon Bernard N’Guessan, membre de l’ordre des géomètres-experts de Côte d’Ivoire, « le particulier ne s’y retrouve pas dans la grande diversité des documents et les lourdeurs administratives qui retardent d’abord la création des titres fonciers, ensuite la délivrance des permis de construire exigés pour la mise en valeur des lots ». Alors, un guichet unique du foncier, pourquoi pas ? ● ANDRÉ SILVER KONAN, à Abidjan

l’acquisition desdits logements. À Abidjan, la banque négocie avec des propriétaires terriens pour constituer une réserve foncière. Au moins cinq projets pilotes de logements sociaux sont en cours, dont un de 134 logements dans la commune populaire d’Abobo. Des programmes de logements de haut standing, tels les Hauts delaDjibi,danslequartierchicdeCocody, seront aussi bientôt lancés. La banque est également active à l’intérieur du pays. Elle a par exemple acquis un terrain de 30 ha à Korhogo, dans le Nord, sur lequel elle compte financer un programme mixte, alliant immobilier économique et de standing. Reste à espérer que ces activités pourront, à terme, influencer le prix de cession des terrains en ville, qui est extrêmement élevé – jusqu’à 25000 F CFA le mètre carré à Abidjan. ● A.S.K. JEUNE AFRIQUE


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Le Plus de J.A. Urbanisme

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ð LES CINQUANTE PREMIÈRES MAISONS seront livrées au plus tard en mars 2012.

appartements de même superficie pour 35 à 40 millions de F CFA – des prix relativement élevés qui ne découragent guère les candidats à la course au logement dans la capitale économique.

NABIL ZORKOT POUR J.A.

COURT TERME. De fait, en Côte d’Ivoire

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Akissi-Delta, cité de la joie À une trentaine de kilomètres d’Abidjan, un nouveau lotissement voit le jour sur un ancien champ de cocotiers.

À

une dizaine de kilomètres de Grand Bassam et plus d’une trentaine d’Abidjan, la Cité Akissi-Delta – du nom de la célèbre actrice et productrice ivoirienne de séries télévisées – prend corps. Il y a quatre ans, les 5 hectares de terrain sur lesquels sont désormais bâties ses maisons étaient encore un vaste champ de cocotiers. En2008,ProximFinancesConstruction, une entreprise de promotion immobilière, a acheté l’espace, et la cité a commencé à sortir de terre. Coût de l’opération : 1,3 milliard de F CFA (2 millions d’euros). « Le programme est divisé en deux tranches, explique Benson Yed, directeur général de Proxim Finances Construction. La première, de cinquante logements, est achevée à 80 % et sera livrée au plus tard en mars. La deuxième tranche, de cinquante autres logements, commencera aussitôt et sera livrée au premier trimestre 2013. » PRIVILÉGIÉS. Petite particularité :

« L’alimentation en eau sera assurée par une station de traitement pour l’eau potable, et par une station d’épuration pour celle destinée aux travaux ménagers », indique Benson Yed. Les acquéreurs des cent maisons de 400 m2 de la N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Cité Akissi-Delta – dont le promoteur estime qu’elles sont « modestes » – seront donc privilégiés par rapport aux habitants d’Abidjan, victimes des délestages réguliers opérés par la Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire (Sodeci, qui a le monopole de la distribution d’eau courante dans la métropole). Ce privilège a un prix. Les acheteurs devront en effet débourser entre 15 millions de F CFA, pour un trois-pièces, et 22 millions, pour un cinq-pièces. Logements « modestes »? Assurément, puisque dans le quartier chic des Deux-Plateaux (à Abidjan), Proxim Finances Construction vend des

comme dans beaucoup d’autres pays, la demande de logements est plus forte que l’offre. « D’après nos estimations, les besoins se sont accumulés dans le temps pour atteindre environ 400 000 logements, révèle Nialé Kaba, ministre de la Promotion du logement. Ces besoins augmentent à un rythme de 40000 logements par an, qui se répartissent à parts égales entre Abidjan et l’intérieur du pays. » Les promoteurs immobiliers n’ont donc pas besoin de nombreux agents commerciaux pour vendre des maisons payées, pour certaines, avant même d’avoir été bâties. À Abidjan, les opérateurs optent presque tous pour la même stratégie : leurs clients ouvrent un compte dans une banque partenaire, souscrivent à l’opération immobilière, s’acquittent du quart du prix de vente et contractent un prêt auprès de leur établissement financier, qui verse directement la somme due au promoteur selon un échéancier arrêté d’un commun accord. Tant et si bien que, généralement, la fin du paiement et celle des travaux interviennent en même temps. Un système bien huilé et un gage à court terme, qui empêchent malheureusement les nombreuses personnes aux revenus modestes d’avoir accès à des logements dignes de ce nom. ● ANDRÉ SILVER KONAN

LA SICOGI EN PROGRAMMES ILY A LONGTEMPS que la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi) a appris à se passer du financement de l’État. Grâce à un prêt de 27 milliards de F CFA (41 millions d’euros) de China Exim Bank, elle pourra livrer, fin 2011, la première tranche de logements sociaux du programme Concorde (au nord d’Abidjan), soit 400 maisons (sur 2 690), vendues entre 10 et 22 millions de F CFA l’unité. D’autres fonds récoltés auprès de banques privées ivoiriennes et africaines lui ont permis de relancer le programme Jules-Ferry, à San Pedro (Sud-Ouest), dont 380 logements sociaux doivent être livrés d’ici à 2013. Enfin, du côté de l’immobilier de standing, la Sicogi boucle la première tranche du programme Espérance, sur la route de Bingerville, à l’est d’Abidjan, financé par la Banque Atlantique Côte d’Ivoire : 50 maisons (sur 150), dont les prix varient de 50 à 100 millions de F CFA, seront livrées au MALIKA GROGA-BADA premier semestre 2012. ● JEUNE AFRIQUE



96

Le Plus de J.A. Urbanisme TRANSPORTS EN COMMUN

Ça roule à San Pedro

La capitale du Bas-Sassandra est la deuxième ville ivoirienne à se doter d’un réseau de bus. Une initiative privée qui change le quotidien des Pétrussiens.

J

usqu’en août dernier, seuls les poids lourds se démarquaient sur les routes défoncées de San Pedro (deuxième poumon économique de Côte d’Ivoire, à 350 km au sud-ouest d’Abidjan), acheminant fèves de cacao, latex ou huile de palme depuis les plantations de l’Ouest jusqu’au port autonome de la ville. Mais depuis cet été, on y croise aussi les bus de la Société de transport urbain de San Pedro (Sotus), qui changent le quotidien des 500 000 habitants. Habitués à s’entasser à cinq ou six dans les taxis, jusqu’alors seul mode de transport en commun, les Pétrussiens préfèrent désormais patienter aux abribus qui jalonnent les six itinéraires déjà en service. Quant aux autorités locales, elles se réjouissent de ce changement. « Maintenant, on peut dire que San Pedro est une grande ville. Comme Abidjan », s’enthousiasme le préfet de région, Jacques Obouo N’guessan. Depuis l’échec de la Société de transport urbain de Bouaké (Centre), San Pedro est la seule ville du pays à disposer d’une compagnie de transport urbain, avec Abidjan. À une différence près : contrairement à la Société des

Objectif de la société

3 millions de F CFA de recette quotidienne

novembre, nous sommes passés à plus de 1500 passagers quotidiens. Avec la rentrée scolaire et la traite cacaoyère, ce chiffre va encore augmenter. » Il a donc décidé de mettre en circulation les vingt-quatre bus de la compagnie avant la fin de l’année. « Si tout se déroule selon nos prévisions, explique-t-il, nous devrions atteindre très vite nos objectifs, qui sont de 3 millions de F CFA de recette quotidienne. » MOINS CHER. Blaise Gouanou, directeur

technique adjoint de la mairie, reconnaît que les bus ont transformé la vie des transports abidjanais (Sotra), entreprise habitants : « Pour aller du quartier Dasci publique, la Sotus est une société privée. au port, il fallait emprunter trois taxis et Son directeur général, Vassiafa dépenser 600 F CFA, soit 1200 F CFA avec leretour.Enbus,lemêmetrajetaller-retour Diomandé, reste discret sur les investisne coûte que 400 F CFA. Conséquence : sements en cours, mais un rapide calcul donne une idée de leur importance. La puisqu’ils savent que c’est moins cher et Sotus dispose déjà de douze bus d’occaqu’en outre c’est confortable, les gens se sion, acquis pour 300 millions de F CFA déplacent plus ! » Vassiafa Diomandé ne s’arrêtera pas là. « Les autorités et Confort, fréquence des trajets… les usagers nous ont réservé En quelques mois, la Sotus a un si bon accueil que nous transformé la vie des habitants. réfléchissons déjà aux autres villes où développer le même service. » À Sassandra et Soubré, dans la (457000 euros) l’unité, et douze autres sont en chemin. Elle emploie cent quinze salamême région, puis peut-être à Korhogo riés : chauffeurs, receveurs, contrôleurs, (Nord). « Le transport est un facteur de mécaniciens, et même agents de voirie développement. Et si les autorités sont en mesure de faire des efforts pour entretenir qui mènent, aux côtés de la mairie, les travaux de réfection des routes. les routes, nous, les entrepreneurs privés, À titre expérimental, cinq bus ont roulé ferons en sorte d’aider les populations à durant trois mois. « Les premiers jours, se déplacer. » Seuls mécontents pour le nous n’avons transporté qu’une dizaine moment : les chauffeurs de taxi. ● de personnes, explique le directeur. Début MALIKA GROGA-BADA

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Le Plus de J.A. Urbanisme

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HÉRITAGE

Mémoire du continent De la Casbah d’Alger à la vieille ville de pierre de Zanzibar, vingt-deux ensembles urbains africains figurent sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.

«

L

quelques beaux exemples de la diversité a ville offre à l’homme patrimoniale des villes africaines. l’image de la civilisation Des richesses, hélas, souvent menacées. qui l’a édifiée », écrivait le Le manque d’entretien, la spéculation sociologue camerounais foncière, la pression démographique et Jean-Marc Ela, en 1983. Et, à l’heure où les conflits font disparaître chaque année l’urbanisation accélère la croissance des dizaines de monuments historiques des métropoles et où les solidarités s’efsur le continent. En février 2010, au Maroc, facent, la protection et la mise en valeur le minaret d’une vénérable mosquée de du patrimoine architectural deviennent pour certaines villes un outil privilégié.Ellespeuventainsi La valorisation des sites améliorer le cadre de vie de classés attire financements leurs habitants, renforcer la cohésion sociale et recréer le internationaux et touristes. lien entre les quartiers, entre héritage culturel et ambitions de dévelopMeknès s’est effondré sur la foule. Le mois pement. L’attention portée au patrimoine suivant, en Ouganda, les tombes des rois est en outre un moyen de promouvoir la Kabakas de Kampala partaient en fumée. richesse des cultures locales. Ainsi que En juin dernier, l’antique cité berbère de d’attirer les financements et les touristes. Ghadamès était pilonnée par les troupes Les médinas du Maghreb, les palais de Kaddafi. Trois sites classés par l’Unesco. royaux d’Abomey et les maisons « des En première ligne pour défendre le Brésiliens » au Bénin, les forts portugais patrimoine, la société civile essuie soud’Accra, au Ghana, la ville sainte des vent des défaites contre les intérêts finanmusulmans d’Éthiopie, Harar, ou encore ciers et les pouvoirs publics : en juillet, la la cité de Djenné et les mosquées en pisé mobilisation des riverains et de l’assode Tombouctou, au Mali, constituent ciation Casamémoire n’a pas protégé N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

l’immeuble Piot-Templier, emblématique du Casablanca Art déco, rasé alors que son classement était à l’étude. Mais elle remporte aussi des victoires symboliques: à la fin des années 1980, la mobilisation de l’opinion publique avait sauvé le théâtre municipal de Tunis de la démolition. En janvier-février dernier, ses marches ont été un haut lieu de la révolution. Dans la même ville, des architectes ont créé l’association Patrimoine 19/20, fin septembre, pour protéger et promouvoir le patrimoine contemporain. Les bénéfices sociaux ð LE FORT et, bien sûr, touristiques PORTUGAIS que génère la restauD’ELMINA, ration du patrimoine construit en urbain n’échappent 1482, domine plus aux municipaAccra. lités. La médina de Casablanca est l’objet d’un vaste plan de réhabilitation. À Rabat, candidat à l’inscription au patrimoine mondial, l’agence urbaine valorise le centre historique en s’inspirant de la résurrection de la ville basque de Bilbao autour du musée Guggenheim. Les projets d’aménagement sont conçus en continuité avec le bâti existant. Le nouveau tramway fluidifie les échanges entre le centre-ville et l’agglomération. L’architecture des nouveaux quartiers intègre motifs et matériaux traditionnels aux volumes contemporains, et les autorités y développent la mixité sociale qui caractérise les médinas. GÉNÉRATIONS FUTURES. Car c’est aux

populations locales que doivent, avant tout, s’adresser les plans de valorisation du patrimoine. Elles sont l’âme et la mémoire des villes, qu’elles entretiennent et transmettent aux générations futures. « C’est au bout de la corde tressée par le père que le fils tisse la nouvelle corde », dit le proverbe béninois. Alors que les problématiques de l’urbanisation sont désormais indissociables de celles du développement durable, les activités rurales inscrites dans l’espace urbain, au-delà de leur intérêt vivrier, constituent également un atout en termes de paysage et de qualité de vie. C’est le cas dans certains quartiers de Kinshasa, de Bamako, ou encore à Antananarivo, une ville construite au milieu des rizières, où l’agriculture intra-urbaine fait l’objet d’une promotion. Des espaces précieux que les élus locaux seraient bien avisés de tenir hors de portée des promoteurs. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE


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Économie

GABON

L’effet CAN 2012

ALBERT YUMA MULIMBI

« La RD Congo est le pays Kinshasa a vu les indicateurs s’améliorer en 2010. Mais le retard accumulé est énorme et l’approche de l’élection présidentielle ravive les tensions politiques. Le point de vue du patron des patrons sur l’état de l’économie et celui de la Gécamines, l’entreprise qu’il préside.

Propos recueillis par

U

JEAN-MICHEL MEYER

n géant économique en éternel devenir. C’est la réputation qui colle à ce pays au potentiel difficile à dompter. Car si les indicateurs économiques s’améliorent, les tensions politiques qui agitent à nouveau le pays à l’occasion de la présidentielle du 28 novembre auraient, si elles s’amplifiaient, un impact négatif sur l’activité. « Les résultats macroéconomiques ont été solides en 2010. Le taux de croissance du PIB réel a dépassé 7 %, l’inflation est descendue en dessous de 10 % pour la première fois depuis plusieurs années et la situation extérieure s’est améliorée. Une politique budgétaire et monétaire prudente a contribué à ce bon comportement »: c’est le bilan positif tiré au printemps par le Fonds monétaire international (FMI). Malgré la présidentielle et la hausse des cours mondiaux des matières premières, qui risque de peser sur les finances publiques et de relancer l’inflation, l’institution prévoit une croissance de 6,5 % en 2011 et de 6 % en 2012. Insuffisant: « Il faut une croissance à deux chiffres pour que la population commence vraiment à bénéficier de changements durables et qualitatifs », explique Albert Yuma Mulimbi, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). « Au-delà des mines, tous les autres secteurs, de l’agriculture aux services en passant par l’industrie, sont capables de générer de quatre à cinq points de croissance supplémentaires par an », assure pourtant Jean-Paul Mvogo, auteur d’une récente Encyclopédie de l’industrie et du commerce de la RDC. Le frein majeur: la rudesse des affaires. Malgré des avancées, comme l’adhésion (qui reste N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

VINCENT FOURNIER/J.A.

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! LE PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES

CONGO a lancé la rédaction d’un livre blanc qui sera prêt en décembre. Il doit être remis au gouvernement. DU

à ratifier) au traité de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) ou la transformation des entreprises publiques en sociétés de droit privé, le pays recule de deux places (178e sur 183) dans le classement « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale. « La situation s’est beaucoup améliorée, mais il reste du chemin », concède Albert Yuma Mulimbi. Cet homme d’affaires incontournable analyse les perspectives de l’économie de son pays. JEUNE AFRIQUE: À l’approche de la présidentielle, craignez-vous que de nouvelles tensions affectent le développement économique du pays ? ALBERT YUMA MULIMBI : Je suis serein, et je ne

suis pas le seul. Il y aura peut-être, ici ou là, quelques contestations locales, mais je ne crois pas à des

JEUNE AFRIQUE


ÉLECTRICITÉ

TOURISME

La Côte d’Ivoire En Tunisie, Yadis monte en puissance nargue la crise

PORTRAIT

TÉLÉPHONIE

Abdelhamid Zerguine Chahuté à domicile, Maroc PDG de Sonatrach Télécom brille à l’extérieur

d’avenir en Afrique » Profil • 55 ans • Président du conseil d’administration de la Gécamines • Président du conseil d’administration de Texico • Directeur général Congo de Texaf • Président de la Fédération des entreprises du Congo • Président du comité d’audit de la Banque centrale du Congo • Président de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones tensions postélectorales. Début novembre, lors du dernier conseil d’administration de la FEC, j’ai demandé aux chefs d’entreprise de ne pas réduire leur activité, ce qui aurait été un mauvais signal donné à la population. Cette demande est bien observée. Sincèrement, je ne crois pas à une crise postélectorale. La FEC a-t-elle profité de cette période électorale pour faire passer des messages sur ses priorités économiques ?

La FEC est une organisation apolitique, et nos messages sont connus et répétés chaque jour. J’ai par ailleurs été réélu pour un troisième mandat en mai dernier et j’ai demandé à toutes les commissions nationales de la FEC d’établir chacune un programme sectoriel d’actions sur trois ans. JEUNE AFRIQUE

Nous les rassemblerons dans un document de référence qui sera remis au gouvernement. Il sera prêt en décembre. En suivant ce livre blanc de la FEC, nous arriverons à un véritable développement du pays. Dans le secteur agricole, par exemple, nous attendons depuis des années la promulgation du nouveau code que nous avons corédigé. Qu’on ne se focalise pas sur les mines: le Congo est d’abord un pays d’agriculture. C’est ce secteur qui amènera le plusviteledéveloppementauplusgrandnombre.Et il ne faut pas oublier l’agro-industrie, qui demande des investissements lourds et spécifiques et qui nécessite une fiscalité particulière et incitative. On dit qu’une agriculture congolaise intensive pourrait nourrir 1 milliard d’êtres humains…

C’esttoutàfaitvrai.Aprèsl’Argentine,laRDCongo a le plus important potentiel de terres agricoles au monde. C’est pour cela que je m’oppose formellement à la vente de terres agricoles à des investisseurs étrangers. Nous avons d’ailleurs posé ce principe comme préalable dans le code agricole. Exsangue, l’industrie congolaise peut-elle retrouver sa vitalité passée ?

L’industrie congolaise est principalement fragilisée par le problème des infrastructures d’énergie et de transport, indépendamment des freins liés à la fiscalité ou à l’insécurité juridique et judiciaire. Autre problème, le financement des investissements. La plupart des industries qui résistent sont des filiales d’entreprises étrangères qui bénéficient de financements intra-groupes. On peut relancer l’activité, car nous disposons de la plupart des matières premières sur place. Sauf qu’aujourd’hui il est plus compétitif d’importer les intrants que de les produire localement ! Mais la RD Congo est aussi le principal marché d’Afrique centrale ou australe, celui que tout le monde vise. Sur la base des propositions de la FEC, elle sera bel et bien, avec la population dont elle dispose et la stabilité politique qui commence à être là, le pays d’avenir en Afrique. Pour le moment, deux éléments clés du développement font défaut: l’énergie et les financements.

Pour l’énergie, tout le monde – bailleurs de fonds et gouvernement – est enfin d’accord pour réaliser les grands projets Inga II et III. Les sources de N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Entreprises marchés partenariat avec le gouvernement, et les points de vue de la FEC sont audibles. Grâce à notre action, le Congo a adhéré au traité de l’Ohada. Il reste à déposer les instruments de ratification. La situation s’est beaucoup améliorée, mais il y a encore du chemin.

financement se mettent en place, à la faveur aussi du projet d’un opérateur privé qui veut faire une usined’aluminiumdansleBas-Congo[BHPBilliton, pour près de 4,5 milliards d’euros, NDLR] et qui aura besoin à lui seul de la moitié de la capacité de production actuelle d’Inga. La Banque mondiale, qui avait traîné des pieds, accompagne maintenant le projet. Mais il ne faut pas tout concentrer sur Inga. Il faut installer ou moderniser des centrales hydroélectriques dans presque toutes les provinces. C’est en train d’être fait.

Reste ce classement…

Il faut savoir que de nombreux critères de « Doing Business » ne sont pas directement opérationnels pour le secteur privé dans le pays, ou qu’ils n’ont pas réellement d’impact chez nous. Ce qui nous préoccupe – je l’ai dit aux équipes de « Doing Business » –, c’est la sécurité juridique et

Et les banques ? Comment faire pour qu’elles financent enfin l’économie ?

C’est vrai, le secteur bancaire ne joue pas son rôle, mais ce qui est étonnant c’est qu’il grandit à une vitesse extraordinaire. De sept à huit banques il y a quelques années, on est passé à près de vingt, dont, effectivement, les fonds propres et les capacités de financement restent très faibles. Mais toutes ces banques viennent parce qu’elles sont convaincues que c’est au Congo qu’il y aura un boom économique en Afrique. Nous allons voir revenir très rapidement des banques françaises, commeBNPParibas,ouanglaises,commeBarclays.

Notre plan: refaire de la Gécamines un opérateur minier indépendant.

Encore faut-il convaincre les Congolais.

La stabilité monétaire les a rassurés. Désormais, les usagers peuvent garder leur argent indistinctement en francs congolais ou en dollars. Et il est strictement interdit de saisir un compte, y compris en monnaie étrangère. Ce qui a fait passer le nombre de comptes de 30000 à près de 1 million. Les dépôts augmentent, donc les moyens des banques aussi. Pourtant, le pays recule encore de deux places dans le classement « Doing Business » 2012. Ne présentez-vous pas une vision trop optimiste du climat des affaires ?

Cela fait six ans que je suis président de la FEC. À mon arrivée, le climat et l’environnement des affaires étaient exécrables. Nous avons créé un

UN VIRAGE INTERNATIONAL À PARTIR DU 1ER JANVIER 2012, AlbertYuma Mulimbi sera le nouveau président de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF). Il succède au Marocain Omar Derraji, ancien président de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Rabat-Salé. La CPCCAF, qui a vu le jour en 1973 à l’initiative de Léopold Sédar Senghor, Félix Houphouët-Boigny et Georges Pompidou, regroupe aujourd’hui 560 organisations consulaires de 27 pays: 24 États africains, ainsi que la France, la Belgique et le Québec. « C’est un réseau d’hommes d’affaires qui partagent la même langue et s’appuient sur les chambres consulaires. C’est un moyen d’être plus compétitif dans un monde très concurrentiel », assure le futur président. L’Union européenne en sera bientôt partenaire. Des cadres bénéficieront de formations et pourront, par exemple, monter pour le compte des entreprises des dossiers éligibles à des financements européens. ● J.-M.M. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

judiciaire, les infrastructures, une administration et des entreprises publiques faibles, et une fiscalité qui reste encore trop lourde. Et quand je dis qu’il y a une amélioration du climat des affaires, c’est par rapport aux critères de la FEC et à ceux qui importent aux opérateurs économiques dans leur activité de tous les jours. Ce qui est certain, c’est que le jour où on déposera les éléments de ratification du traité de l’Ohada, la RD Congo gagnera vingt places dans le classement. Autre défi majeur: la Générale des carrières et des mines (Gécamines). En décembre, vous terminerez votre première année en tant que président du conseil d’administration. Quel bilan en tirez-vous?

La Gécamines est dans une situation dramatique. J’ai pratiquement consacré les premiers mois à faire un état des lieux sur lequel on a bâti un business plan à cinq ans. Ce plan devrait permettre de passer d’une production de plus ou moins 18 000 tonnes de cuivre par an à plus de 100000 t dans cinq ans. Nous voulons aussi mettre fin aux résultats déficitaires chroniques depuis une quinzaine d’années pour afficher des bénéfices conséquents à partir de 2015. Pouvez-vous détailler ce plan à cinq ans ?

La stratégie est de refaire de la Gécamines un opérateur minier indépendant. Il est hors de question d’accepter le plan – qui n’était pas local, d’ailleurs – qui consistait à en faire un holding gérant des participations minoritaires dans des joint-ventures et n’ayant plus d’activités minières en propre. Nous allons relancer la prospection et les recherches afin de certifier des réserves minières permettant plus de dix ans d’activité. Allez-vous exploiter de nouveaux gisements ?

Exactement. Nous ne toucherons pas à la trentaine de joint-ventures conclus depuis 2000. Nous JEUNE AFRIQUE


GWENN DUBOURTHOUMIEU

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allons toutefois réaliser des audits financiers limités pour voir si ce qui a été signé a bien été mis en place. Comment financer cette stratégie ? On dit que vous devez trouver 962 millions de dollars (soit plus de 716 millions d’euros) ?

Oui, et il y a trois sources de financement. Tout d’abord, celle qui fait le plus parler d’elle: la cession de participations non stratégiques. Nous avons déjà cédé notre participation de 20 % dans le jointventure Mumi [Mutanda ya Mukonkota Mining]. Nousenavonsretiré137millionsdedollars,réservés aux premiers investissements de modernisation et à la reprise de la prospection. Deuxième source, qui pourrait totaliser 200 millions de dollars : le système bancaire non traditionnel, comme les banques de coopération internationales. Troisième source, utilisée par tous les miniers : la mise en gage des titres miniers sur la base de la certification des gisements. Nous espérons certifier plus de 4 millions de tonnes de cuivre dans les trois ans. Au prix actuel du cuivre, c’est un potentiel de plusieurs milliards de dollars. Et en termes de chiffre d’affaires ?

En 2011, nous espérons un chiffre d’affaires, non lié à des partenariats ou opérations spéciales comme des cessions, de 260 millions de dollars. Et nous espérons atteindre plus de 1 milliard de dollars en 2016. Nous avons une projection très prudente, avec une tonne de cuivre à 6500 dollars, contre 8500 aujourd’hui. Nous pensons revenir à des résultats bénéficiaires dès 2015, avec 99 millions de dollars, puis passer à 145 millions en 2016. JEUNE AFRIQUE

Le plan à cinq ans élaboré pour LA GÉNÉRALE DES CARRIÈRES ET DES MINES prévoit de porter la production annuelle de cuivre de 18 000 t à 100 000 t d’ici à 2016.

Et comment comptez-vous gérer le passif colossal de 1,6 milliard de dollars ?

C’est le passif à fin 2010. Dans le cadre du plan de transformation des entreprises publiques en sociétés de droit commercial [opération réalisée fin 2010], le passif non assurable, autour de 800 millions de dollars, devrait être pris en charge par l’État. Nous négocions par ailleurs un allègement significatif (environ 70 %) des dettes financières. Notre passif devrait se situer entre 300 et 400 millions de dollars à fin 2012. Ce qui est tout à fait viable pour une entreprise minière comme la Gécamines. Vous êtes patron d’une entreprise privée avec l’État comme seul actionnaire. Est-ce vivable ?

Cela ne me pose pas de problèmes. Le processus de transformation des entreprises publiques en sociétés commerciales précise bien qu’il n’y a plus de tutelle administrative et financière du gouvernement. Aujourd’hui, la Gécamines est gérée par son conseil d’administration et une direction générale; le contrôle de l’État se fait via l’assemblée générale des actionnaires, que je préside. Nous allons publier tout ce que nous faisons dans un souci de transparence totale. De plus, cette phase est transitoire. Le but est de redresser l’entreprise pour pouvoir, à l’initiative de l’État actionnaire, ouvrir son capital à des partenaires privés minoritaires. Vous y réfléchissez déjà ? À quelle échéance ?

Absolument. Si dans cinq ans nous atteignons les objectifs du business plan, nous serons en position favorable pour cela. La Gécamines est appelée à redevenir une grande entreprise minière. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011


Entreprises marchés

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JOAN BARDELETTI

ð LE STADE DE L’AMITIÉ-SINOGABONAISE doit être livré début décembre. La compétition commence le 21 janvier.

GABON

L’effet CAN 2012

À moins de deux mois du coup d’envoi, les chantiers touchent à leur fin. Libreville y a consacré quelque 370 millions d’euros, qui ont profité aux entreprises locales comme étrangères.

D

es dameuses vont et viennent pour aplanir le sol des futurs parkings. Des camions-citernes se faufilent au milieu des machines pour ravitailler le chantier en eau et en carburant. Aux alentours du stade de l’Amitié-sino-gabonaise où se jouera, le 12 février, la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012 de football – coorganisée avec la Guinée équatoriale –, les ouvriers s’activent. Ils sont environ 200 (150 Chinois et 50 Gabonais) à se relayer, jour et nuit, pour finir la construction. L’infrastructure doit être livrée au plus tard début décembre. Au plus fort de ce chantier de vingt-deux mois, ils étaient

environ un millier, dont près de 750 Chinois et 250 Gabonais. « Les gros ouvrages sont achevés, il ne reste plus que les parkings, les cabines médias, le système électronique de la billetterie et l’aménagement paysager à finir », assure Thierry Roussillon, le directeur des projets de la CAN 2012. Autrement dit, malgré le retard, tout sera prêt pour le début de la compétition. Construit par Shanghai Construction Group, ce stade – qui a accueilli le 10 novembre son premier match, une rencontre amicale entre le Gabon et le Brésil, perdue 0-2 par les Panthères – a davantage fait appel à des ouvriers gabonais qu’aux PME et PMI locales.

HÔTELS, HÔPITAUX… Ces inves-

Les sites de la Coupe d’Afrique des nations LIBREVILLE

FRANCEVILLE

40 000 places

22 000 places

Stade de l’Amitiésino-gabonaise

Matchs du groupe C et finale

Stade de Franceville

Matchs du groupe D

N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Ce joyau architectural de 40 000 places est « un cadeau du gouvernement chinois au Gabon au nom de l’amitié qui lie les deux pays », affirme Henri Ohayon, le directeur général de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT). Un cadeau qui aura tout de même coûté, d’ici à la fin de la compétition, près de 37 millions d’euros à Libreville. Ce montant, financé par l’ANGT, sera essentiellement consacré aux travaux de finition. L’éclairage a ainsi été changé pour répondre aux normes de la Fédération internationale de football association (Fifa), et la pelouse va être entièrement refaite. Libreville a fait appel à la société sud-africaine Everdream, qui a déjà travaillé sur les stades de la Coupe du monde 2010. Créée en février 2010 en partenariatavecl’américainBechtel,l’ANGT estchargéedeveilleraubonavancement des projets d’infrastructures. Au total, le Gabon, qui surfe sur la bonne tenue des cours du pétrole, aura investi, par l’intermédiaire de l’agence, 370 millions d’euros dans les équipements destinés à la CAN. « Globalement, le budget initialement arrêté a été respecté. Les dépassements observés sur certains projets ont été amortis par les économies réalisées sur d’autres », explique Henri Ohayon. Parmi les chantiers dont le budget a été dépassé, la réfection de l’hôtel LeconiPalace,àFranceville:évaluée à 10,7 millions d’euros, elle en aura coûté environ 2,3 millions de plus.

BATA

MALABO

35 000 places

15 200 places

Stade Enkoantoma

Match d’ouverture et matchs du groupe A

Stade de Malabo

Matchs du groupe B

tissements massifs ont stimulé la croissance. De – 1,4 % en 2009, elle est passée à 5,5 % l’an dernier et devrait atteindre 4,2 % cette année et 4,9 % en 2012, selon la Banque africaine de développement. Ils ont profité aux entreprises gabonaises comme aux étrangères. Socoba, l’une des principales sociétés de BTP du pays, a ainsi remporté, aux côtés de groupes étrangers comme JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés Colas et Ramez, la construction des routes d’accès au stade de l’Amitié-sino-gabonaise, ainsi que d’hôtels et d’hôpitaux à proximité. En fait, c’est tout le quartier d’Angondjé (nord de Libreville), où se situe le stade, qui est en chantier. Ce réaménagement entre dans le cadredesprojetsdedéveloppement d’infrastructures prévus pour les cinq prochaines années et pour lesquels le gouvernement entend investir 8,7 milliards d’euros. C’est aussi Socoba, créée et dirigée par un Gabonais d’origine française, Jean-Claude Baloche, qui a eu en charge le gros œuvre de l’autre stade qui accueillera la compétition, celui de Franceville (province du Haut-Ogooué, dans le Sud-Est). Reconstruit à plus de 80 % – un investissement de 76,2 millions d’euros –, il a une capacité de 22000 places, contre 8000 auparavant. Couvert à 65 %, il a été conçu par le cabinet 2G, une société de

droit gabonais créée en 2003 et dirigée par un Serbe, Goran Gogov. Bien plus avancés qu’à Libreville, les travaux, qui ont duré deux ans, sont presque terminés. Sur ce chantier, Socoba a travaillé aux côtés de la filiale locale du français ETDE, qui s’est occupée de l’électricité et du courant faible, et de la société serbe Amiga, qui a été chargée de l’installation de la charpente métallique. Autre entreprise gabonaise ayant tiré son épingle du jeu : le groupe Kabi, qui a décroché la construction d’un hôtel de 100 lits et de plusieurs

Omar-Bongo de Mvengué, à 25 km de Franceville, est en pleine réhabilitation avec la construction d’un pavillon présidentiel, l’extension et la modernisation de l’aérogare et de la piste d’atterrissage. Le tout, cofinancé par le Gabon et la Banque islamique de développement (BID), représente un montant de près de 15 millions d’euros. ET APRÈS? Si tout semble bien parti

« Globalement, le budget arrêté a été respecté. » HENRI OHAYON, Agence nationale des grands travaux

résidences de 50 chambres destinées à accueillir les équipes. Des chantiers de rénovation et de modernisation ont aussi été lancés. L’aéroport international

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= 39 € t n e m e 1 abonn ts = 69 € n e m e n 2 abon ts = 99 € n e m e n 3 abon Pour décoder ce flashcode, téléchargez gratuitement l’application mobiletag sur m.mobiletag.com ou sur le store de votre mobile.

pour la compétition, reste la question de l’utilisation qui sera faite de ces infrastructures par la suite. Selon Henri Ohayon, des contrats sont en cours de finalisation avec des sociétés internationales pour les administrer et les rentabiliser. Il affirme qu’une partie du stade de l’Amitié qui devait accueillir des bureaux a été transformée en hôtel trois étoiles et devrait être concédée à un spécialiste. ● STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial à Libreville

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Entreprises marchés ð L’INSTALLATION ACTUELLE, mise en service en 1999, utilise deux turbines à gaz.

CEDRIC FAVERO

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ÉLECTRICITÉ

La Côte d’Ivoire monte en puissance La capacité de la centrale thermique d’Azito sera portée à 450 MW d’ici à 2013. De quoi assurer l’indépendance énergétique du pays et lui permettre d’exporter vers les États voisins.

L

a Côte d’Ivoire vivait dans la hantise des délestages électriques. D’ici à la fin 2013, avec le troisième groupe de la centrale thermique d’Azito (commune de Yopougon, à Abidjan), le pays devrait disposer de ressources énergétiques suffisantes pour faire face à une demande sans cesse croissante. Azito III va fournir 150 MW supplémentaires ; avec l’énergie produite par les deux premières turbines à

gaz, la capacité totale de la centrale thermique (entrée en service en 1999) atteindra 450 MW. Les travaux d’extension, dont le lancement a été annoncé en octobre par le président Alassane Ouattara, vont débuter en décembre et durer deux ans. Le coût de l’extension est estimé à 208 milliards de F CFA (317 millions d’euros). Le financement est assuré par la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), et par les partenaires financiers d’Azito Énergie, l’entreprise qui opère la centrale. Les principales sources énergétiques (centrales hydroélectriques et thermiques) ivoiriennes ont une capacité de production totale de 1 390 MW. Cependant, du fait de l’interconnexion et des pertes d’énergie dues à la fraude, la puissance disponible aux heures de pointe (entre 19 heures et 22 heures) est de 856 MWh, alors que la demande nationale sur cette plage horaire culmine à 876 MWh. Le déficit s’élève donc à 20 MWh. Il sera largement comblé par Azito III. BOURSE RÉGIONALE. Mieux : à en

croire Alassane Ouattara, le projet va permettre « non seulement de fournir de l’électricité à moindre coût pour soutenir la relance économique, mais également de faire face [aux] engagements envers les pays voisins [Mali et Burkina Faso, notamment, NDLR] avec lesquels [la Côte d’Ivoire a] signé des accords pour leur fournir de

L’AFRIQUE DE L’OUEST SURVOLTÉE LE TROISIÈME GROUPE de la centrale d’Azito n’est pas le seul chantier programmé en Côte d’Ivoire. La construction d’un barrage hydroélectrique à Soubré, d’une capacité de 275 MW, fait partie des projets du gouvernement ; l’investissement est évalué à 300 millions d’euros. Mais c’est dans toute l’Afrique de l’Ouest que d’importantes installations ont vu ou verront le jour pour contrer les délestages. Après des travaux de réhabilitation, la centrale thermique d’Egbin, dans la N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

banlieue de Lagos, devrait atteindre en décembre une capacité de 1 200 MW. Au Nigeria toujours, à Obité, une centrale de 430 MW alimentée en gaz naturel fournira ses premiers kilowattheures d’ici deux à trois ans. Au Ghana, la centrale d’Aboadze, d’une capacité de 400 MW et qui utilisera, comme Azito III, la technique du cycle combiné, ne sera mise en service qu’en 2014. Et au Togo, la centrale thermique de Lomé, exploitée par l’américain ContourGlobal depuis 2010, doit atteindre à terme une capacité maximale de 100 MW. ● A.S.K. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés l’électricité ». L’ambition d’Abidjan est de créer, d’ici à cinq ans, une Bourse régionale de l’électricité pour favoriser l’interconnexion entre les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le plan d’extension avait pris un nouvel élan il y a quelques mois. Globeleq – le producteur britannique d’électricité spécialisé dans les pays émergents

dans le capital d’Azito Énergie (32,85 % du capital chacun) pour en devenir l’actionnaire majoritaire. Selon Mikael Karlsson, directeur général de la société Globeleq, après la réalisation de la phase 3, la centrale thermique de Yopougon sera la plus moderne et la plus puissante d’Afrique de l’Ouest. Azito III va en effet utiliser une technique de cycle combiné : une turbine à vapeur est ajoutée aux turLes travaux d’extension bines à gaz afin de doivent durer deux ans. Coût réutiliser les gaz de estimé : 317 millions d’euros. combustion pour produire de l’énergie. « Cela permettra de produire plus (gérant une capacité de 4 000 MW dans plus de 20 États) et qui d’électricité sans augmenter la compte dans son capital CDC consommation de gaz », explique Group, la banque de dévelopPascal Drouhaud, directeur adjoint chargé de l’Afrique subsapement du Commonwealth – a harienne du groupe Alstom, parrepris fin mars la participatenaire financier d’Azito Énergie tion d’EDF, puis en juin celle et fournisseur de la technologie. de l’équipementier suisse ABB

Partager g le sourire e de millions de planteurs planteu urs En tant que leader international et Chef de file mondial dans la gestion de la « Supply Chain », Olam a engagé des partenariats avec les planteurs en Afrique et dans les pays émergents. Nous nous basons sur notre Charte de Développement Durable « Livehood Charter » pour créer un partenariat gagnant avec les planteurs, basé sur la transparence et la confiance. Nous

renforçons les capacités des planteurs en mettant à leur disposition du financement de campagne, en leur fournissant des formations d’outils et des techniques pour améliorer les rendements et la qualité des récoltes et en les mettant en relation avec les principaux marchés mondiaux. Au travers de ces démarches, Olam a contribué à l’amélioration des revenus de plus de 1,5 million d’agriculteurs en Afrique en apportant à nouveau le sourire sur le visage de ceux qui en ont le plus besoin.

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LE MOT QUI CONSOMME MOINS

CYCLE COMBINÉ

Technologie de centrale thermique qui utilise la chaleur résiduelle des gaz de combustion pour produire plus d’électricité

Grâce à cette technique, le pays devrait « réaliser une économie sur la consommation de gaz de l’ordre de 20 milliards de F CFA par an », selon Adama Toungara, ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Afin de profiter pleinement du surcroît de puissance apporté par Azito III, la Côte d’Ivoire doit cependant résoudre les difficultés liées au transport de l’électricité avant la mise en service des nouvelles turbines. Les lignes de grand transit n’ont qu’une capacité limitée, et de nombreuses lignes 90 kV à Abidjan sont en surcharge. C’est aussi le cas de plusieurs transformateurs de puissance, dans la capitale économique comme à l’intérieur du pays. « Le gouvernement y travaille », répond-on au ministère des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. ● ANDRÉ SILVER KONAN, à Abidjan

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Entreprises marchés TOURISME

En Tunisie, Yadis nargue la crise Alors que l’activité est en chute libre depuis la révolution, le groupe s’apprête à inaugurer deux nouveaux hôtels. Un pari qui porte sa capacité à 3 600 lits.

A

vec l’annonce de l’ouverture de deux hôtels en Tunisie au mois de mars prochain, le groupe Yadis aura surpris plus d’un observateur, jouant avec brio du contre-pied dans un secteur touristique en plein doute. Sur les dix premiersmoisdel’année,lenombre devisiteursaeneffetchutéde33,3% (à4millions)etlesrecettesde36,2% (1,9 milliard de dinars, soit 966 millions d’euros) par rapport à 2010. Faisant fi du marasme ambiant, « nous n’avons ni gelé, ni reporté ces projets », se réjouit Jalel Bouricha, PDG de Yadis. À Djerba, l’entreprise familiale inaugurera un établissement cinq étoiles, acheté il y a deux ans et refait à neuf. « Avec près de 500 chambres, il sera parmi les plus grands de cette zone », explique Karim Kamoun, responsable du développement de Yadis en Europe. L’autre ouverture concernera un quatre-étoiles situé dans l’oasis de Tozeur (SudOuest). Son acquisition en 2006, comme celles, la même année,

DAVID LEFRANC

108

! La société gère également UN CAMPEMENT DE LUXE À KSAR GHILANE.

du trois-étoiles de Tabarka (NordOuest) et du quatre-étoiles de Kébili (à l’est de Tozeur), avait concrétisé les ambitions nationales de Jalel Bouricha, faisant de son groupe le quatrième acteur tunisien du secteur. Outre sept hôtels, Yadis Holding contrôle un campement de luxe à Ksar Ghilane, dans le Sud, un restaurant à Tataouine et une maison traditionnelle à Djerba. « En tout, nous avons une capacité de 3600 lits », précise Karim Kamoun. OFFRE VARIÉE. Pour bâtir son

empire, Jalel Bouricha n’a pas lésiné sur les investissements :

UN SECTEUR EN PLEIN MARASME

De janvier à octobre, la fréquentation du pays a baissé de

33,3 %

et les recettes de

36,2 % par rapport à 2010

« 45 millions d’euros entre 2006 et 2012 », précise-t-il. Un montant financé sur fonds propres à hauteur de 40 %. Grâce à cet effort, il espère à terme générer environ 30 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un bénéfice de 3 % à 5 %. Le pari n’est pas encore gagné. Compte tenu du contexte, Yadis devrait voir cette année ses revenus fondre de moitié, passant de 20 à 10 millions d’euros. Le groupe présente néanmoins l’avantage de proposer un catalogue diversifié. Il a notamment misé sur la thalassothérapie en équipant ses hôtels de Kébili, Djerba et Tozeur de spas.Unprojet géréeninternegrâce


au recrutement, l’an dernier, d’une manageuse spécialisée et au centre de formation du groupe, installé à Djerba. Le tourisme d’affaires, les excursions culturelles et les séjours destinés aux golfeurs sont aussi au programme. Autant de produits à valeur ajoutée qui permettront de limiter l’importance des touropérateurs comme Thomas Cook, Marmara, TUI ou Jahn Reisen. « Aujourd’hui, ils apportent 75 % de notre clientèle. Mais parce qu’ils garantissent de gros volumes, les négociations tarifaires sont très dures », reconnaît Karim Kamoun. LOBBYING. « Changer le modèle de l’industrie touristique passe inévitablement par l’ouverture du ciel tunisien », plaide Jalel Bouricha, également vice-président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie. Pour lui, multiplier les dessertes aériennes permettrait par exemple de développer les courts séjours, comme a su le faire le rival turc, et de profiter davantage de la proximité

Les établissements ouvriront en mars, à Djerba et dans l’oasis de Tozeur. avec l’Europe. Mais la signature de l’accord de libéralisation Open Sky a été repoussée (lire J.A. n° 2654). Faut-il encore ménager Tunisair au détriment d’un secteur tout entier? semble s’interroger le PDG. Autre combat du patron de Yadis: obtenir de l’État la possibilité de régionaliser les campagnes de promotion du pays à l’étranger, pour mieux vendre les spécificités locales. « La Tunisie a plus de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco que l’Égypte! Qui le sait? » surenchérit Karim Kamoun. En cas de succès, le lobbying de Jalel Bouricha ouvrirait, il en est sûr, de belles perspectives au tourisme tunisien. Optimiste, il a en tout cas déjà en tête la prochaine étape de développementdesongroupe.D’ici à deux ans, il a prévu de l’introduire à la Bourse de Tunis. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

ANDRE HUBER/MAXPPP

Coulisses

BANQUE UNICREDIT INTÉRESSE TOUJOURS LA LIBYE Alors que l’heure est à l’inventaire des avoirs libyens à l’étranger, les nouvelles autorités du pays ont manifesté leur intérêt pour la prochaine augmentation de capital d’UniCredit, une opération de 7,5 milliards d’euros. C’est ce qu’a

S

M

S

Entreprises

marchés

annoncé Dieter Rampl, le président de la première banque italienne, dont les pertes ont atteint 10,6 milliards d’euros au troisième trimestre 2011. Rampl a indiqué que des mesures sont en train d’être prises pour permettre à Tripoli de participer à cette opération prévue pour début 2012. Comptant déjà parmi les principaux actionnaires d’UniCredit – avec près de 4,6 % du capital détenus par sa banque centrale et 2,6 % par la Libyan Investment Authority (LIA) –, la Libye entend ainsi maintenir son influence dans la gestion de la banque. En 2010, sa montée en puissance dans le capital avait provoqué de vives inquiétudes des autres actionnaires. ●

• MAROC Le groupe d’ameublement Kitea ouvrira trois magasins, à Rabat, Fès et Tanger, au premier trimestre • ASSURANCE Le marocain Saham, qui a vu la SFI (Banque mondiale) entrer dans son capital, envisage d’acquérir un groupe angolais • CÔTE D’IVOIRE La filiale de la Société générale annonce 6 M€ de

bénéfice au premier semestre (– 53,4 %) • JUSTICE La filiale suisse d’Alstom a été condamnée à payer 31,5 M€ pour corruption, notamment en Tunisie

AÉRIEN BRUSSELS AIRLINES MISE SUR L’AFRIQUE La compagnie belge, qui devrait annoncer une perte de 80 millions d’euros pour 2011, a présenté un plan de restructuration visant à économiser entre 40 et 60 millions d’euros dans les dix-huit mois à venir. Ce plan prévoit un renforcement de l’offre africaine, priorité du transporteur. ● CÔTE D’IVOIRE L’OFFENSIVE DE SAMSUNG Même s’il a implanté son bureau régional à Accra, le sud-coréen Samsung Electronics veut faire d’Abidjan son hub commercial pour l’Afrique de l’Ouest. En mars prochain, il y ouvrira un show-room d’une superficie de 540 m2. Coût de l’investissement : environ 1,3 million d’euros.Treize autres show-rooms seront construits dans le pays avant

la fin janvier 2012 pour près de 2 millions d’euros. Kyung-heon Kim, vice-président du groupe, s’est rendu en Côte d’Ivoire mi-novembre pour annoncer l’implantation prochaine d’une usine de montage de téléviseurs et de climatiseurs. ● ALGÉRIE CAP SUR LE RENOUVELABLE « Nous encourageons les opérateurs nationaux à investir dans les énergies renouvelables, l’État les accompagnera dans l’aide à l’investissement, a déclaré le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, YoucefYousfi, lors de l’assemblée exécutive du Conseil mondial de l’énergie, à Oran. Nous les aiderons à écouler l’électricité dans le réseau national. » Le pays prévoit de se doter d’une puissance de 22 000 MW d’origine renouvelable entre 2011 et 2030, dont 10 000 MW pour l’export. ● N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Décideurs ALGÉRIE

Succession éclair à Sonatrach

Nommé PDG le 17 novembre, Abdelhamid Zerguine a pris ses fonctions le jour même. Il remplace Noureddine Cherouati, dont le limogeage inattendu pose question.

I

ntègre, rigoureux et professionnel. Depuis son installation à la tête de Sonatrach, les cadres de la compagnie ne tarissent pas d’éloges à l’adresse de leur nouveau PDG. Certains voient même en lui le « sauveur » du groupe pétrolier. À 61 ans, Abdelhamid Zerguine accède donc au sommet de la plus importante entreprise d’Algérie (près de 44,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010). Celle qui assure le développement de tout un pays. Originaire de Guelma, petite ville de l’Est, il suit des études d’ingénieur à l’Institut algérien du pétrole (IAP) de Boumerdès. Il débute sa carrière au terminal pétrolier de Skikda, puis intègre l’Entreprise nationale de génie civil et bâtiment (ENGCB), une des filiales de Sonatrach. En quelques années, l’ingénieur gravit tous les échelons pour devenir directeur

gazoducs Galsi (Algérie-SardaigneItalie) et Nigal (Nigeria-AlgérieEurope). Mais la gestion imposée par Chakib Khelil, omnipotent ministre de l’Énergie et des Mines, ne convient pas à Zerguine. Khelil met fin à ses fonctions de vice-président et le Le nouveau dirigeant devra nomme simple conseilrassurer ses partenaires ler auprès du PDG de et relancer les activités de Sonatrach. Une traverrecherche et de production. sée du désert qui prendra fin en mai 2010, général de l’ENGCB en 1990. Sa avec l’arrivée de Noureddine prise de fonctions coïncide avec Cherouati à la tête de la compale lancement d’un dispositif légal gnie nationale. Direction Lugano et réglementaire visant à encou(Suisse), où Zerguine dirige Samco, rager l’intervention des compaune société spécialisée dans le gnies étrangères dans le secteur commerce de gaz naturel, détenue pétrolier. Abdelhamid Zerguine conjointement par Sonatrach et en profite et fait de l’ENGCB un l’italien Eni. partenaire incontournable dans plusieurs projets réalisés avec des RUMEURS. Et le jeudi 17 novembre, groupes étrangers. Abdelhamid Zerguine prend offiDes résultats qui lui permetciellement ses fonctions de PDG tront d’entrer, en 2001, dans l’étatde Sonatrach. Il a été nommé major de Sonatrach en qualité de le jour même par décret présivice-président chargé de l’activité dentiel. Une décision qui, avant de transport par canalisation. Sa d’être officielle, avait été relayée mission : suivre la réalisation du par plusieurs médias. Le départ gazoduc Medgaz (qui relie l’Algéde Noureddine Cherouati, son prérie à l’Espagne) et des projets de décesseur, n’était un secret pour N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

DR

110

Un géant pétrolier

44,4

milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010 Près de

48salariés 000 re 1 compagnie

du continent

e 12 au niveau mondial

personne, sauf… pour Cherouati lui-même. La veille de son départ, en marge du Congrès du syndicat d’entreprise, il a organisé une conférence de presse pour dénoncer « les rumeurs » persistantes sur son limogeage. « Ces rumeurs ne sont pas innocentes. Cela signifie que quelque chose se passe. Nous dérangeons certaines habitudes, certaines pratiques, à travers ! À 61 ANS, l’application d’un l’ingénieur était plan de redresseadministrament et de mise teur-gérant en ordre. Il ne de Samco, peut pas y avoir filiale de autre chose. Je Sonatrach et d’ENI. dois déranger des personnes et des intérêts », a-t-il dénoncé. « Cherouati a été nommé pour une période déterminée. Il devait assurer une forme d’intérim après le limogeage de l’équipe imposée par Chakib Khelil, explique le responsable d’une unité de production au sud du pays. Pour éviter les risques de corruption, il a imposé des mécanismes de décision centralisés. Mais ce système de gestion a montré ses limites. Il a bloqué de nombreux projets, notamment ceux en partenariat avec des compagnies étrangères, et a créé un climat de suspicion parmi les cadres de Sonatrach. Les plaintes ont fini par aboutir en haut lieu, et le gouvernement a décidé de mettre un terme au mandat de Cherouati. » Abdelhamid Zerguine est parfaitement conscient de la mission qui l’attend. Il devra rassurer ses partenaires, instaurer un climat de confiance au sein du groupe et relancer les activités de recherche et de production. Mission quasiment impossible s’il n’a pas les coudées franches et s’il n’obtient pas le soutien du pouvoir politique. ● AHMED BEY, à Alger JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.

! LE GÉOLOGUE CAMEROUNAIS sillonne l’Afrique depuis plus de seize ans à la recherche de minerais.

MINES

Gabriel Kamga, la tête chercheuse de BHP Billiton Le directeur général de la filiale gabonaise a joué un rôle central dans l’exploration d’un vaste gisement de manganèse, qui entrera en production en 2012. Il devrait prendre des responsabilités à l’international.

C

estgrâceàluiqueBHP Billiton prend réellement pied au Gabon, avec le démarrage, courant 2012, de la production de millions de tonnes manganèse. Récompense ou coïnCe sont cidence, Gabriel Kamga, directeur les réserves général de la filiale gabonaise du de manganèse groupe, devrait prendre de nou- découvertes près velles responsabilités. En plus de de Franceville ses fonctions au Gabon, il devrait s’occuper du développement stratégique du groupe australien à l’international.

60

Ce Camerounais de 49 ans a conduit pour BHP Billiton, à partir de 2006, les activités d’exploration ayant abouti à l’annonce, l’année dernière, de la découverte d’un gisement de 60 millions de tonnes de manganèse dans la région de Franceville. L’entrée en exploitation prochaine de cette mine et d’un autre site à Ndjolé (concédé au chinois CICM Huazhou Gabon) devraitpermettreaupays,deuxième producteur mondial de manganèse avec environ 3,2 millions de tonnes

par an, d’avoisiner les 5 millions de tonnes en 2012. Très mesuré dans ses propos et s’interdisant « de tomber dans la spéculation », Gabriel Kamga refuse pour l’heure de dater le démarrage de la production, ou de chiffrer le montant qui sera investi à cet effet. Il confirme toutefois que la phase d’exploration a coûté environ 32 millions de dollars (près de 24 millions d’euros) et que le site emploie aujourd’hui quelque 200 personnes. AGUERRI. Le géologue, diplômé de

l’université de Besançon (France), est un vieux routier du secteur qui sillonne l’Afrique depuis plus de seize ans. Reconnu comme un bon négociateur, il a obtenu des permis d’exploration et développé des projets dans plusieurs pays, dont le Burundi, la Centrafrique, le Congo et le Cameroun… Avant de rejoindre BHP Billiton, il a notamment travaillé entre 1996 et 2005 pour le numéro un mondial du secteur, De Beers. Au sein de ce groupe, il a occupé divers postes de responsabilité, dont le dernier était la direction des explorations sur le continent. Au Gabon, où ses équipes d’exploration restent actives, Gabriel Kamga entend étendre son portefeuille à d’autres minerais. ● STÉPHANE BALLONG

ABDERRAHMANE BERTHÉ AFRAA À 49 ans, le directeur général d’Air Mali est élu président de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa). Cet ingénieur en aéronautique succède à Driss Benhima, le PDG de Royal Air Maroc. JEUNE AFRIQUE

DRISS CHATER UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS L’ancien bâtonnier de Fès a été élu président de l’Union internationale des avocats lors du congrès annuel qui s’est tenu à Miami (États-Unis). Il est le premier Marocain élu à ce poste.

YOUNES ZRIKEM ASMEX Le président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex) a présenté sa démission pour « raisons personnelles ». Mohamed Tazi, président-fondateur de l’Asmex, assurera l’intérim. N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

VINCENT FOURNIER/J.A. ; HARVEY BILT ; DR

ON EN PARLE


Marchés financiers ð SI L’OPÉRATEUR RESTE LEADER DANS SON PAYS, avec 46,9 % de parts de marché, ses revenus y baissent.

D’après Fayçal Allouch, analyste chez CFG, « la pression sur les tarifs devrait rester forte au cours des prochains mois du fait de leur niveau actuel, encore supérieur à ceux pratiqués en Égypte (0,16 dirham par minute) et en Algérie (0,25 dirham) ». CÉCILE TRÉAL POUR J.A.

112

TÉLÉPHONIE

Chahuté à domicile, Maroc Télécom brille à l’extérieur Le groupe devrait voir son chiffre d’affaires diminuer en 2011. En repli dans le royaume, il réalise en revanche de belles performances au Mali et au Burkina Faso.

M

aroc Télécom vat-il enregistrer cette année le premier recul de son chiffre d’affaires (CA) depuis l’entrée de Vivendi dans son capital en 2001 ? Probable, si l’on en croit les analystes de la banque d’affaires CFG Group, qui prévoient pour 2011 un revenu consolidé de 30919 millions de dirhams (2728 millions d’euros) contre 31 655 millions de dirhams l’an dernier. Dans le royaume, la baisse est déjà de 3,4 % sur les neuf premiers mois de 2011 par rapport à la même période en 2010. La contre-performance demeure cependant relative. D’ailleurs, si le cours de l’action Maroc Télécom accuse un repli de 7 % depuis le début de l’année, il ne s’effondre pas. À raison: l’opérateur conserve une excellente profitabilité. Même si elle va baisser, sa marge Ebitda – indicateur proche de la marge brute d’exploitation – tournera autour de 55 % fin décembre, ce qui classelasociétéparmilesmeilleures d’Afrique dans son secteur. Reste que Maroc Télécom évolue sur un N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

marché national de plus en plus mature, où le taux de pénétration du téléphone mobile atteint 112 %. À preuve, si l’opérateur, leader dans le royaume (46,9 % du marché), voit le nombre d’abonnés à ses offresmobileprogresserlégèrement sur douze mois (+ 1,4 %) et presque atteindre17millions,sesrevenusne suivent pas. Pis, ils baissent de 6,2 % au troisième trimestre. Un recul qui s’explique par la fin des exonérations partielles pour la contribution au service universel, la hausse des tarifs d’interconnexion ou la fin des promotions limitées aux appels passés sur son propre réseau. Mais aussi par la baisse importante du prix moyen par minute (– 25 % sur les neuf premiers mois de 2011 par rapport à la même période l’an passé) décidée pour résister à ses concurrents Inwi et Méditel. Malgré cet effort – en partie (ré)compensé par une hausse de 24 % des minutes consommées –, Maroc Télécom conserve un prix bien supérieur à ses challengeurs (0,97 dirham par minute contre 0,76 en moyenne).

Cours à la Bourse de Casa

31 déc. 2010 150 dirhams

–7% 22 nov. 2011 139,5 dirhams

SOTELMA EN VEDETTE. Pour

Maroc Télécom, les bonnes nouvelles viennent plutôt de ses filiales sur le continent (20 % des revenus consolidés du groupe de janvier à septembre 2011, contre 17 % sur la même période en 2010). Vue de Bamako, la réussite est même impressionnante. Sur un an, à fin septembre, le nombre d’abonnés de la Sotelma a bondi de 87 % pour la téléphonie mobile, 21 % pour le fixe et 99 % pour les offres internet. Résultat : le CA du troisième trimestre a grimpé de 31,5 % pour atteindre 555 millions de dirhams. Les observateurs jugent les résultats de la filiale malienne si convaincants qu’ils lui prédisent à moyen terme une rentabilité similaire à celle de sa maison mère. En comparaison, le Burkina Faso affiche des performances moins étourdissantes. Mais si le CA d’Onatel ne progresse que de 4 % au troisième trimestre 2011 (442 millions de dirhams) par rapport à 2010, sa rentabilité s’améliore en dépit de la concurrence agressive de Bharti. En revanche, les opérations en Mauritanie (Mauritel) et au Gabon (GabonTélécom)sontdécevanteset voient leur profitabilité s’effondrer. Selon les analystes, l’avenir du groupe se joue pourtant toujours au sud du Sahara. Compte tenu de son faible niveau d’endettement, ils appellent même de leurs vœux une acquisition en 2012. Mais, pour l’heure, selon Fayçal Allouch, l’opérateur doit avant tout puiser dans ses ressources pour poursuivre ses campagnes de promotion et ainsi protéger ses parts de marché, au Maroc comme à l’étranger. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Safaricom à la peine En difficulté, le numéro un du marché voit le bout du tunnel.

L

a clientèle du leader kényan des télécoms a progressé de 8 % entre septembre 2010 et septembre 2011, atteignant 18,1 millions d’abonnés. Mais son chiffre d’affaires sur le semestre clos au 30 septembre n’augmente que de 5,3 % entre 2010 et 2011, à 49,63 milliards de shillings (près de 362 millions d’euros). Détenu à 40 % par l’anglais Vodafone, le groupe a même vu ses revenus en provenancedesappelstraditionnels chuter de 5,5 %. Pour expliquer cette contre-performance, les analystes mettent notamment en avant la baisse des tarifs de communication sous la pression de la concurrence. La dépréciation du shilling, la hausse du coût de l’énergie, des interconnexions, des taux d’intérêt et des taxes sur les licences explique aussi la dégradation de la marge brute d’exploitation (Ebitda), passée en douze mois de 40 % à 29,7 %. Un niveau de rentabilité inférieur de 15 % aux prévisions, pourtant déjà négatives, de Renaissance Capital. Preuve de l’inquiétude des investisseurs : le cours en Bourse de l’opérateur s’est effondré de plus de 30 % sur les douze derniers mois. Un tableau sombre qui recèle cependant quelques bonnes surprises. Ainsi les revenus tirés des services à valeur ajoutée (échanges de données, SMS, services financiers M-Pesa) progressent. Ils représentent 31,7 % du chiffre d’affaires, contre 25,2 % un an auparavant. Par ailleurs, l’externalisation de certaines opérations techniques et la hausse récente des tarifs de Safaricom devraient lui permettre de maîtriser ses coûts opérationnels et d’améliorer sa rentabilité dans les prochains mois. ● J.C. JEUNE AFRIQUE

Top 10 subsaharien : prime à la bière VALEUR

SECTEUR

COURS au 23 novembre (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

Nigerian Breweries

BIÈRE

0,59

+ 19,3

Nestlé Nigeria Guaranty Trust Bank Guinness Nigeria Mauritius Com. Bank Dangote Cement East Af. Breweries

AGROALIM .

2,58 0,09 1,29 6 0,64 1,91

+ 9,9 + 7,4 +6 + 4,2 – 14,8 – 15,4

0,08 266,38 0,06

– 15,9 – 17,8 – 30,1

Zenith Bank Sonatel First Bank of Nigeria

BANQUES BANQUES BANQUES CIMENT BIÈRE BANQUES TÉLÉCOMS BANQUES

CRUELLE DÉSILLUSION: les blue chips d’Afrique subsaharienne (dix premières capitalisations hors Afrique du Sud) n’ont pas joué leur rôle d’amortisseurs. La plus grande capitalisation de la zone, Dangote Cement, abandonne 14,8 % depuis le début 2011. Du côté des déceptions aussi, la Sonatel, qui n’a pas profité du retour des investisseurs étrangers sur la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM). La société pâtit

du durcissement de l’environnement concurrentiel au Sénégal, où le nouveau venu (Expresso) tire les revenus unitaires à la baisse, et au Mali, où Orange a vu sa part de marché passer de 81 % à 63 %. Seules bonnes nouvelles: la santé de GuarantyTrust Bank, une des rares banques nigérianes à échapper à la déprime boursière locale, et des brasseurs nigérians, qui ont vu leurs cours s’envoler ces derniers mois. ●

Valeur en vue NIGERIAN BREWERIES Une domination renforcée BOURSE Lagos • CA 2010 914,6 millions d’euros (+ 13 %) COURS 92 nairas (23.11.2011) • OBJECTIF 101 nairas

Depuis notre dernière étude sur l’industrie de la bière au Nigeria, en juillet 2010, les deux principaux brasseurs que nous couvrons – Nigerian Breweries (NB) et Guinness Nigeria (GN) – ont vu leurs cours progresser fortement, atteignant leur plus-haut historique. Le marché étant toujours en situation de duopole, nous n’anticipons aucune menace réelle sur le court ou moyen terme. Les craintes d’une compétition plus franche, consécutive à l’arrivée de SABMiller (2009), ne se matérialiseront que si celui-ci investit Andy Gboka massivement en capacité de production. Bien posiAnalyste chez Exotix tionnés pour profiter de la croissance potentielle du marché, NB et GN ont renforcé leurs capacités, accentuant leur domination. Notre préférence va aujourd’hui à NB, le leader en parts de marché. Notre objectif de cours passe de 82 à 101 nairas. La société devrait afficher des bénéfices en hausse (22 % de croissance moyenne du bénéfice par action entre 2011 et 2016), grâce à l’effet volume qui devrait lui permettre d’améliorer ses marges, mais aussi aux retombées positives de l’acquisition récente de Sona Systems et Life Breweries. » ●

FAMILY ARCHIVES

KENYA

Marchés financiers

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Culture & médias

JOURNALISME

Le roman vrai de Kapuscinski Cinq ans après la mort du fameux reporter polonais, une dense biographie revient sur le mythe. Précédée d’une rumeur de scandale, elle n’est finalement guère iconoclaste.

ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

C

estl’Afriquequil’afaitconnaître, mais c’est en Inde qu’il a commencé. Nous sommes en 1956. Ryszard Kapuscinski a 24 ans et une petite expérience de journaliste militant. Pour le Sztandar Mlodych, le journal des jeunes communistes polonais qui l’emploie, il décrit avec talent la vie des ouvriers, suit les réunions du parti et couvre d’obscurs festivals à Prague ou Berlin. À Varsovie, où il s’est installé, « Rysiek » trépigne. Il demande à partir pour la Chine. Est expédié en Inde. C’est la panique. Il ne connaît rien de ce pays et ne parle pas anglais. Au bout d’une journée à New Delhi, « il n’a plus qu’une envie, c’est de repartir. Il est très éprouvé par la chaleur et l’humidité tropicales, la solitude lui pèse, il est choqué par le spectacle massif de ces foules misérables ». La scène, c’est un autre journaliste polonais, Artur Domoslawski, qui la raconte dans Kapuscinski, le vrai et le plus que vrai, biographie parue aux éditions Les Arènes. Les premières observations du petit reporter de province né à Pinsk (cité polonaise aujourd’hui biélorusse) sont d’une naïveté désarmante. Kapuscinski n’est pas encore le grand « Kapu » dont les journaux du monde entier salueront plus tard le talent, mais il apprend vite. Surtout, il se sait le témoin privilégié d’une histoire en marche – celle du « tiers-monde ». Les mois passent. Kapuscinski rejoint la rédaction de Polityka, l’hebdomadaire du parti communiste, et s’envole pour le Ghana, qui vient de proclamer son indépendance. Témoin des débuts de Kwame Nkrumah, Kapuscinski se prend de passion pour l’Afrique. En 1962, l’Agence de presse polonaise (PAP) lui propose d’ouvrir son premier bureau sur le continent, à Dar es-Salaam, au Tanganyika N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

Kapuscinski, le vrai et le plus que vrai, d’Artur Domoslawski, Les Arènes, 541 pages, 27 euros

(Tanzanie). Il accepte. Une vocation est née – un style aussi : celui du journalisme littéraire. Car « Kapu » a beau être agencier, la dépêche qu’il lui faut écrire, sèche, plate et concise, lui convient peu. En mission, il emporte toujours deux carnets : sur le premier, il couche ses observations factuelles. Sur le second, ses commentaires et notes plus personnelles qui serviront à la fabrication de ses livres. ROCAMBOLESQUE. Six cents pages durant, Domoslawski colle aux basques de son personnage. Ilremontesonparcours,personneletprofessionnel, et raconte avec lui pays et continents. Journaliste sans le sou, Kapuscinski fréquente les hôtels de troisième catégorie, voyage en taxi-brousse et grignote le maigre salaire de son épouse, infirmière en Pologne. Il apprend le swahili, contracte la malaria, néglige sa fille restée à Varsovie et séduit les femmes à grands coups de récits rocambolesques. « Chers amis, écrit-il en 1961 à ses collègues de Polityka. Je vous écris en vitesse, juste avant de quitter Khartoum. Dans la nuit de demain (27 janvier), je franchirai la frontière du Congo. De la frontière jusqu’à Stanleyville, la route traverse les jungles les plus épaisses d’Afrique. […] Allez savoir ce qui va arriver. Pour l’instant, je n’ai pas peur. La peur peut venir plus tard, je pense. » Il est Indiana Jones, il est James Bond. Toujours, le danger le guette ; toujours, il en réchappe. Mais écrire sur Kapu, fouiller dans les recoins de sa vie, c’est aussi « essayer de percer ses petits secrets, ses petites ruses et ses petits trucages », prévient le préfacier de l’ouvrage, Jan Krauze. Kapuscinski a commencé par réinventer son père, enseignant à Pinsk dont il laisse entendre qu’il fut arrêté par les Soviétiques et n’échappa que de justesse au massacre de Katyn, en 1940 – une version démentie par la propre sœur du journaliste. Aux femmes qu’il veut séduire, il raconte l’enfance difficile qu’il n’a pas eue, là-bas, dans les grands froids de Polésie. Plus tard, sous sa plume, une route large et lisse en Angola devient un dangereux sentier plein d’ornières et de nids-de-poule. Kapu se laisse emporter par son imagination. Ainsi cette scène glaçante sise dans l’Ouganda JEUNE AFRIQUE


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CRÉDIT ARCHIVES FAMILY PHOTO

D’une guerre l’ D’ l’autre, Angola, 1975, Flammarion, réédité en septembre 2011, 17 euros

LE JOURNALISTE GLOBE-TROTTEUR a fait ses débuts en Inde avant d’être happé par l’Afrique.

d’Idi Amin Dada et racontée dans Ébène : « Une bande de gosses a déboulé d’une rue venant du lac en criant : “Samaki ! Samaki !” (en swahili : “Du poisson !”). Aussitôt les gens se sont rassemblés, fous de joie d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Les pêcheurs ont jeté leur proie sur une table et lorsque les gens l’ont vue, ils se sont tus et se sont figés. Le poisson était énorme et gras. Le lac n’avait jamais hébergé d’espèces aussi gigantesques. Or tout le monde savait que les sbires d’Amin jetaient dans les eaux du lac les corps de leurs victimes et que les crocodiles et les poissons carnivores s’en nourrissaient. Autour de la table régnait un silence de mort. » Mais ce que Kapuscinski n’ignorait pas, c’est que dans les années 1950 les colons britanniques avaient introduit la perche du Nil dans le lac Victoria – un prédateur qui prit des dimensions extraordinaires et extermina les espèces plus petites. A R R A N G E M E N T S. Après avoir autorisé

Domoslawski à consulter ses archives, la veuve du journaliste mort en 2007 tenta vainement de s’opposer à la publication de sa biographie. Elle ne voulait pas de ce texte qui évoquait les petits arrangements de Kapuscinski avec la vérité et JEUNE AFRIQUE

ses liens (réels mais finalement limités) avec les services de renseignements de la Pologne communiste. Contacté, un premier éditeur déclina, tant il lui parut risqué de s’en prendre au « monument Kapuscinski ». Lors de la sortie de l’ouvrage en Pologne, en 2010, Domoslawski tenta de se justifier danslescolonnesduMonde:«Ilnefautpasl’accuser de mensonges ou de distorsions. Il s’agit de textes dont la matière est réunie de façon journalistique, car Kapuscinski était fantastiquement informé, mais dont la fabrication repose plus sur un souci d’expérimentation que de précision factuelle. » La vérité s’en trouva-t-elle déformée ? Certainement. Sa crédibilité en souffrit-elle ? Probablement pas. « Les récits de Kapuscinski (ou plutôt ses réactions), s’enthousiasmeSalmanRushdiedansTheGuardian, accomplissent ce que seul l’art peut accomplir : donner des ailes à notre imagination. Kapuscinski vaut à lui seul un millier de gribouilleurs geignards en peine d’imagination. » Après l’Afrique, il y aura encore l’Amérique du Sud,l’Asieet leMoyen-Orient.Deretour en Pologne, il dira avoir été témoin de vingt-sept révolutions et coups d’État, été emprisonné quarante fois et avoir survécu à quatre condamnations à mort. C’est sans doute vrai… et plus que vrai. ●

Le Négus, Flammarion, réédité en 2010, 17 euros

Le Shah, Flammarion, réédité en 2010, 17 euros

Ébène, aventures Ébè africaines, Pocket, réédité en 2002, 6 euros

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Culture médias ARTS PLASTIQUES

Vitrines marocaines

Avec un marché en plein essor, les galeries du royaume cherchent à promouvoir leurs artistes à l’international. Un pari rendu difficile par l’absence de structures et de mesures adaptées.

G

y présente des artistes déjà confirmés sur la scène internationale, mais n’exclut pas de soutenir des talents en devenir. Car au Maroc, le rôle des galeries reste fondamental pour aider les artistes à trouver leur place sur un marché de l’art en pleine explosion, estimé entre 50 millions et 60 millions d’euros par an. Depuis le début des années 2000, les toiles marocaines les plus prisées ont vu leur cote multipliée par neuf selon le baromètre d’Artprice, la banque de données sur la cotation et les indices de l’art. Le peintre

Bellamine ou encore Chourouk Hriech, connue pour son graphisme pointu aux lignes fluides et à la perspective troublante. « C’est nous qui allons chercher les artistes, explique Aïcha Amor, codirectrice. Ils Pour que les œuvres puissent sont exclusivement marorayonner hors du pays, une baisse cains, la plupart établis à des taxes serait nécessaire. l’étranger. Ils apportent un regard neuf et une acuité de création. Le marché marocain n’est pas et romancier Mahi Binebine a battu tous encore mûr pour accueillir des artistes les records en vendant une toile pour étrangers. » 1,8 million de dirhams (160 214 euros). Sur ce marché émergent, les galeries EXPLOSION. La Galerie 127 et l’Atepeuvent offrir aux artistes une vérilier 21 ne sont que deux exemples table reconnaissance… à condition de parmi d’autres. Ces dernières années, défendre leur vision de l’art. « Les galeries le royaume a vu fleurir les galeries – elles d’art contemporain doivent combattre un sont une soixantaine aujourd’hui – ainsi goût artistique dominé par notre tradition que cinq maisons de ventes aux enchères. architecturale, constate ainsi Hicham Parmi celles-ci, la Compagnie maroDaoudi. La nouvelle scène artistique est caine des œuvres et objets d’art (Cmooa), écrasée par le poids de ce patrimoine. » fondée par Hicham Daoudi à Rabat en avril 2002 et aujourd’hui installée à SÉDUIRE. En 2010, le fondateur de la Casablanca, a ouvert deux ans plus tard Cmooa, infatigable entrepreneur, a créé un espace consacré à des expositions. Elle un événement de référence, la Marrakech Art Fair, devenue une véritable vitrine pour les artistes nationaux encore peu QUI SONT LES COLLECTIONNEURS reconnus à l’étranger. Du 30 septembre D’ART CONTEMPORAIN ? au 3 octobre dernier, Nathalie Locatelli y a participé pour la seconde fois, afin de LE PRINCE DU QATAR – qui renouer avec une clientèle clairsemée. a raflé la quasi-moitié « Pendant les six mois qui ont suivi l’attendes œuvres exposées tat de Marrakech, je n’ai vu quasiment à la Marrakech Art Fair l’an personne dans mes locaux, raconte-t-elle. passé – et le roi Mohammed VI ont été ces derniers mois les Ce n’est pas tant d’être galeriste qui est plus importants acheteurs d’art compliqué, c’est la situation géopolitique qui est difficile. Ces dernières années, l’art au Maroc. Et dans leur sillage, on constate un engouement était une valeur refuge au Maroc, mais aujourd’hui ce n’est plus tellement le cas. grandissant de la jet-set du pays pour les œuvres Avec le Printemps arabe et la crise, on contemporaines. Entrepreneurs est dans une situation de souffrance. » Bien que cette année 60 % des achats à la quadragénaires issus d’une bourgeoisie férue d’art, Marrakech Art Fair aient été consacrés à la photographie, Nathalie Locatelli affirme ou grands collectionneurs plus âgés et plus installés, sillonnent devoir séduire un public encore peu enclin à acheter ce type d’œuvres d’art. ainsi tous les événements La Galerie 127 se targue tout de même en vogue, des vernissages de conserver une fidèle clientèle depuis de galeries aux foires ses débuts. « La moitié de mes acheen passant par les ventes Œuvres du Français JEAN-FRANÇOIS M.V. teurs sont marocains », souligne Nathalie aux enchères. ● FOURTOU à la Marrakech Art Fair 2011.

alerie 127,sur l’avenue Mohammed-V, à Marrakech. Ce lieu ouvert en 2006 par Nathalie Locatelli est la première galerie maghrébine spécialisée en photographie contemporaine. Y sont présentées des images d’artistes venus de tous horizons, jeunes ou confirmés : l’Espagnol Toni Catany, les Français Sarah Moon et Denis Dailleux, la Marocaine Deborah Benzaquen… « Beaucoup d’artistes viennent prendre des photos au Maroc puis rentrent chez eux, explique Nathalie Locatelli. Mon but est de faire revenir ces images et de les faire entrer dans le patrimoine privé et institutionnel du pays. » Autre ville, autre numéro : bienvenue à l’Atelier 21, rue Abou-MahassineArrouyani, à Casablanca. Fondée en 2008, cette galerie a choisi une ligne moderne et contemporaine. Elle expose les artistes les plus en vogue, comme Mohamed El Baz, héritier de Warhol et de Dalí, le peintre Mahi Binebine, célèbre pour ses toiles aux silhouettes anonymes, Fouad

MARRAKECH ART FAIR

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JEUNE AFRIQUE


Culture médias

HASSAN HAJJAJ

Les restrictions fiscales Locatelli. Pour acquérir l’une ne constituent pas la seule des photographies qu’elle difficulté rencontrée par les expose, les visiteurs peuvent galeries marocaines. Elles laisser jusqu’à 80 000 ou regrettent aussi l’absence 90 000 dirhams, les prix des de structures et du soutien, œuvres les moins chères privé ou public, qui pourdémarrant à 1 600 dirhams. raient donner une visibilité Carolle Benitah, une internationale aux artistes. Marocaine vivant à Marseille Faute d’en avoir sur le teret dont les photographies en ritoire national, elles sont noir et blanc constellées de contraintes de faire office tâches rouges sont exposées de musées. Ainsi, la ville de à la Galerie 127, commente : Rabat attend toujours son « J’ai affaire à des collectionmusée d’art contemporain. neurs qui ont un vrai pouDepuis que les travaux ont voir d’achat, ils dépensent débuté, en 2006, le projet facilement car ils savent ce demeure en suspens. qu’ils veulent. Mais c’est vrai que mon travail est un M É C È N E S. Ailleurs au peu “violent”, il faut vouloir l’accrocher dans son salon ! » Maghreb, même son de Les tarifs de la Matisse cloche.«Ilfautêtreconvaincu de ce qu’on fait quand on est Art Gallery, à Marrakech galeriste. Il n’y a ni argent ni également, oscillent structures », déplore Lilia Ben quant à eux entre 12 000 et 500000 dirhams. On y trouve Salah, de la Galerie El Marsa, les clichés du Marocain à Tunis. Hicham Daoudi confirme: « Les politiques ne Hassan Hajjaj, connu pour photographier avec humour considèrent pas les musées WINK, œuvre du photographe marocain Hassan Hajjaj, représenté par la Matisse Art Gallery. des femmes en niqab. comme quelque chose L’Atelier 21, à Casablanca, d’utile. » Le directeur de la compte pour sa part de nombreux acheMarrakech Art Fair s’est d’ailleurs engagé un certain nombre d’obstacles restent teurs prêts à débourser entre 19 000 et à donner, via des mécènes locaux et grâce à abattre. Une baisse des taxes sur les 240 000 dirhams, le galeriste s’octroyant au bénéfice de ses activités, 450000 euros ventes à l’étranger serait ainsi plus que 50 % du fruit de la vente. « Les acheteurs sur trois ans au Centre Pompidou (Paris) nécessaire, la TVA culturelle s’élevant sont majoritairement des Marocains. Ils pour l’acquisition d’œuvres d’artistes actuellement à 23,5 %. « Les autorités ont l’œil et ne se trompent pas », relève maghrébins. pensent que les tableaux sont des pro« Avec le Printemps arabe, les regards Aïcha Amor. duits de luxe, donc elles les taxent forse tournent plus vers nous, mais est-ce tement, se lamente Mahi Binebine. Il y que les choses vont changer ? Je l’espère. OBSTACLES. Des artistes marocains de a une certaine peur que le patrimoine plus en plus reconnus, des acheteurs de Les artistes réagissent et produisent, national quitte le pays. Mais prenons plus en plus intéressés… Mais pour que souligne Lilia Ben Salah. Mais le plus Picasso, par exemple, c’est une très bonne les arts plastiques du pays puissent mainchose qu’il ne soit pas exposé qu’en important reste à venir. » ● tenant rayonner en dehors du royaume, Espagne ! » MARIE VILLACÈQUE, envoyée spéciale

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Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

MUSIQUE

Déjà grande rande LONGTEMPS, AVEC SA GUITARE, elle a chanté dans les bars de São Paulo, sa ville natale. Une tournée avec l’immense Caetano Veloso l’ayant consacrée comme une « nouvelle grande » de la musique populaire brésilienne, Maria Gadú livre aujourd’hui, à 25 ans, son premier album. Un très bel opus tout en douceur et rythmes lents que sa voix chaude et dense parfume de nostalgie. Comme dans « Shimbalayé » (c’est déjà un succès en Italie), ou sur « Ne me quitte pas », qu’elle a su revisiter sans trahir le grand Jacques. ●

FONDATION JEAN ROUCH

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VINCENT FOURNIER

Maria Gadú, Som Livre/Sony Music ■■■

DICTIONNAIRE

En français dans le texte AU SORTIR DE RÊVER LE FRANÇAIS, une trilogie réalisée pour TV5 Monde, le journaliste Jean-Michel Djian semblait frustré de n’avoir pas pu y loger toutes les richesses de la langue française. Le Dictionnaire de citations francophones est une manière d’y remédier. Djian a butiné dans les œuvres d’auteurs des 63 pays francophones et sélectionné 500 citations qui plaident pour la survie du français. Comme celle de Bernard Pivot : « C’est magnifique de défendre des causes perdues, surtout quand elles ne le sont pas… Il est vrai que le français baisse dans certaines parties du monde, mais il se porte mieux dans d’autres. » ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Dictionnaire de citations francophones, de Jean-Michel Djian, éditions JC Lattès, 210 pages, 17 euros ■■■ N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

ETHNOLOGIE

Si loin si proches

Filmer le monde, une compilation de 25 documentaires primés au Festival Jean Rouch, offre un regard unique sur la diversité humaine.

L

à travers l’humanité nous conduit es amateurs du film ethnode la France au Kenya, de la Russie graphique connaissent bien à l’Éthiopie, du Japon au Venezuela. Jean Rouch (1917-2004), cet Il offre des images saisissantes sur la ingénieur des travaux publics français qui, au contact de l’Afrique, finit variété des activités humaines. On par devenir ethnologue et réalisateur. découvrira ainsi l’art de la boucane Caméra au poing, il a parcouru le Niger en France, qui consiste en la fabrication et le Mali pour y saisir des moments de de harengs fumés, mais aussi l’état des la vie des peuples. Il a également été à musiques urbaines en Afghanistan l’origine de nombreuses et la manière dont on vocations d’acteur et élève les chèvres chez les de réalisateur. En 1982, Hamers d’Éthiopie – qui il a créé, au musée de pratiquent la divination et le sacrifice. l’Homme (Paris), le Bilan En re ga rd a nt c e s du film ethnographique, devenu, quatre ans après scènes de la vie ordinaire sa mort, le Festival interfilmées chez ceux qui nous semblent lointains, national Jean Rouch. Pour célébrer les 30 ans nous sentons à quel point du festival, le Comité du ils nous sont, en réalité, film ethnographique très proches. En bonus : Filmer le monde, les prix du publie un coffret de un film inédit de Jean Festival Jean 10 DVD intitulé Filmer Rouch, tourné en 1953, Rouch, éditions le monde et contenant qui raconte son voyage Montparnasse, 25 films primés depuis dans la boucle du Niger. ● Paris 1982. Cet agréable voyage TSHITENGE LUBABU M.K. ■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias

Et il est comment le dernier…

… EL ASWANY

CINÉMA

Militantisme esthétique

L Territoire perdu, de Pierre-Yves Vandeweerd (sortie à Paris le 30 novembre) ■ ■ ■

du combat indépendantiste du Polisario. Avec les mêmes qualités « plastiques », les précédents films du réalisateur belge évitaient cet écueil du non-dit, transformant de facto l’œuvre en démonstration militante. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

CHRISTOPHE HENRY/MAHA PRODUCTIONS

CURIEUX CHOIX que celui de privilégier l’esthétique pour aborder un sujet politique controversé.Enrésulteunbeau film tourné par un amoureux de l’Afrique du Nord doublé d’un humaniste ému par le sort tragique des Sahraouis réfugiés dans les camps de la frontière algérienne. Mais Pierre-Yves Vandeweerd est incapable de faire comprendre au spectateur les tenants et les aboutissants du conflit qui touche le Sahara occidental, ce « territoire perdu » par les réfugiés après le départ du colonisateur, son annexion par le Maroc et l’enlisement

TÉLÉVISION

Thriller françafricain DIFFICILE DE NE PAS SALUER L’INTUITION des scénaristes de ce téléfilm. Une bonne partie de ce qu’ils avaient imaginé s’est plus ou moins réalisée depuis avec, notamment, un coup d’État et une prise d’otages européens au Niger, dans la région où opère la principale entreprise française du nucléaire. Mais sans doute ne faut-il pas se focaliser sur le réalisme de ce thriller politique bien mené, parfois caricatural, qui implique les gouvernements français et nigérien, le lobby du nucléaire, une ONG écologiste, des Chinois à la recherche de matières premières et des rebelles touaregs. Ce qui en ressort, c’est surtout une image accablante de ce qu’il reste de la Françafrique et des manœuvres prétendument apolitiques des très pragmatiques Chinois. ● R.R.

Qui sème le vent…, de Fred Garson (téléfilm diffusé sur Arte le 2 décembre à 20 h 40) JEUNE AFRIQUE

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e Printemps arabe est à la mode, et Actes Sud compte bien en profiter en publiant la traduction de cinquante chroniques d’Alaa El Aswany, célèbre écrivain égyptien, auteur de L’Immeuble Yacoubian et de J’aurais voulu être égyptien. À la lecture de l’introduction, on s’attend à arpenter la place Al-Tahrir avec les révolutionnaires fin janvier 2011. À vivre, au rythme de l’auteur, le soulèvement d’une population, à ressentir ses peurs, ses joies, et à célébrer avec lui sa victoire. Mais le cœur du livre n’est pas là… Parues pour l’essentiel dans les quotidiens Al-Shorouk et Al-Masri Al-Youm au cours des trois dernières années, ses Chroniques de la révolution égyptienne racontent en fait une révolution en gestation, une colère sourde qui monte. Les analyses sont pointues, documentées, souvent drôles et merveilleusement écrites par un auteur qui sait manier la fable aussi bien que le pamphlet. Il y a du La Fontaine et du La Bruyère chez El Aswany ! À ceux qui veulent comprendre comment on en est arrivé là, l’auteur fournit des réponses précieuses. On découvre ainsi une Égypte ubuesque, gouvernée par des vieillards et des arrivistes, où la lâcheté des courtisans le dispute à la vénalité de la jeune élite. Une Égypte misérable aussi, où 40 millions d’Égyptiens vivent avec moins de 2 dollars par jour. Le lecteur découvre, derrière le romancier célèbre, un journaliste plein

de courage, un humaniste qui n’hésita jamais, malgré les pressions, à publier des textes sans concession. Déterminé, intransigeant, il dénonce, moque et prêche dans le désert son intime et ultime conviction : « La démocratie est la solution ! » Cette phrase, qui conclut chaque chronique, est le battement de cœur du livre, qui va s’accélérant, jusqu’à l’emballement du soulèvement, enfin abordé dans la dernière partie. El Aswany a vécu dix-huit jours dans la rue, aux côtés de la foule. Lucide, il prévient contre les éventuelles dérives

Chroniques de la révolution égyptienne, Actes Sud, 368 pages, 23 euros ■■■

de cette révolution qui, loin d’être finie, doit être protégée. À distance des gros titres de la presse occidentale, qui parle d’islamisme et de démocratie comme de concepts simples, El Aswany nous invite à penser, à juger à l’aune de l’Histoire, pour ne pas dire que nous ne savions pas… ● LEÏLA SLIMANI

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Culture médias EN KIOSQUE | La revue

Faut-il avoir peur des islamistes? Ì Le numéro 18 du mensuel est en vente depuis le 24 novembre

A

près le « printemps arabe », l’« automne islamiste ». Expression facile, mais qui a le mérite d’indiquer une évidence. De la Tunisie à la Libye en passant par l’Égypte, le vide créé par la chute des dictatures ouvre un boulevard à l’islam politique, seule force organisée dans des pays où toute forme d’opposition était tuée dans l’œuf. En attendant que la déferlante islamiste franchisse la mer Rouge, un premier constat s’impose : les islamistes de 2011 ne sont pas ceux des années 1970-1980. C’est dans les urnes et non par la violence qu’ils espèrent rallier la population à leur cause. Mais peut-on les croire sur parole quand ils promettent de respecter les règles de la démocratie ? Pour répondre à cette question, le dossier que publie La revue offre un certain nombre de clés essentielles.Tout d’abord, qu’est donc cette charia, dont le seul énoncé donne des sueurs froides à beaucoup de monde ? Étymologiquement, elle désigne le sentier qui conduit les animaux à l’abreuvoir. Appliquée à la religion, c’est la voie fixée par Dieu à l’homme pour qu’il organise sa vie et celle de la société. Autrement dit, la charia n’est pas un code juridique mais un ensemble de valeurs soumises à l’interprétation des docteurs de la loi. La quasi-totalité des pays musulmans, au demeurant, font référence à la charia, et la plupart en font une source de loi, y compris la Libye, où Kaddafi a réintroduit la législation islamique pour les affaires familiales en 1993. Les islamistes auraient-ils en tête le rétablissement du califat ? Si le retour à un État musulman unique et universel n’est ouvertement prôné que par les salafistes, il reste un horizon à atteindre pour la plupart d’entre eux – les plus raisonnables, à l’instar du leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, ayant conscience que

N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

NU

NO 18 – DÉCEMBRE 2011-JANVIER 2012 – 4,90 €

Premier MENSUEL généraliste de langue française

larevue.info

120

DO

UBL

E

ÉCONOMIES SCIENCES

CULTURES

PALUDISME

BIENTÔT UN VACCIN ! PORTRAIT

PIERRE PÉAN, OU TINTIN CHEZ LES GAULOIS DOCUMENT

ACADÉMIE FRANÇAISE

Quelle histoire ! NOUVEA

RO

POLITIQUES

U

SCIENCES

LA GUERRE DES DRONES

Tunisie, Égypte, Libye…

LES ISLAMISTES À L’ÉPREUVE DU POUVOIR ✓ L’islam politique

en 2012

✓ Charia :

fantasmes et réalités

ISRAËL

INDIGNÉS À TEL-AVIV ART DE VIVRE

SPÉCIAL LUXE

✓ Le vrai visage des

Frères musulmans (DOSSIER DE 26 PAGES)

Algérie 500 DA • Allemagne 5,50 € • Belgique 5,50 € • Canada 7,95 $ CAN • DOM 5 € • États-Unis 7,95 $ US • Espagne 5,50 € • Finlande 5,50 € • Italie 5,50 € • Maroc 40 DH • Portugal 5,50 € • Royaume-Uni 5 £ • Suisse 7,50 FS • Tunisie 9 DT • Zone CFA 3 000 F CFA

M 09597 - 18 - F: 4,90 E - RD

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LA REVUE N° 18, décembre 2011-janvier 2012, 196 pages, 4,90 euros (3 000 F CFA dans la zone franc).

les circonstances actuelles ne s’y prêtent pas. Autre éclairage sur l’islam politique dans le « printemps arabe », les alliances que les États-Unis ont secrètement nouées avec les Frères musulmans depuis le début des années 1950, dans le contexte de la lutte contre le communisme d’abord, dans le cadre de la guerre antiterroriste dans un second temps. Avec ce constat édifiant : chaque fois que les Américains ont cherché à utiliser les Frères pour servir leurs intérêts, ces derniers ont tiré profit de la manœuvre.

Dans ce numéro double particulièrement riche – pas moins de 196 pages! –, La revue innove en ouvrant une section consacrée aux sujets scientifiques. Ce mois-ci, il y est question, entre autres, des drones, ces engins téléguidés de plus en plus présents sur les champs de bataille, et de la zone tampon entre les deux Corées, qui, classée réserve de biosphère mondiale par l’Unesco, deviendra l’un des plus riches sanctuaires écologiques d’Asie. Une autre nouvelle, cette fois sur le front de la santé, intéresse tout particulièrement le continent africain. La lutte contre le paludisme a fait un grand pas. Destiné à entraîner l’organisme à lutter efficacement contre Plasmodium falciparum, le vaccin RTS,S est testé actuellement à une vaste échelle: plus de 15500 enfants âgés entre 6 semaines et 17 mois sont suivis dans sept pays africains. Les résultats sont si encourageants que l’OMS pourrait recommander le RTS,S dès 2015. On ne saurait oublier de mentionner les deux figures exceptionnelles que La revue a longuement interviewées dans ce numéro de fin d’année: l’ancien Premier ministre malaisien Mahathir Bin Mohamad et l’écrivaine sud-africaine Nadine Gordimer, qui, il y a vingt ans exactement, a été la première Africaine à recevoir le prix Nobel de littérature. Elle demeure la seule à ce jour. ● DOMINIQUE MATAILLET

À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO : AFRIQUE DU SUD : LE GRAND ÉCHEC DE LA RÉFORME AGRAIRE Vingt ans après la fin de l’apartheid, 77 % des terres sont encore la propriété des Blancs PALUDISME : BIENTÔT UN VACCIN Après quatre décennies de recherche, le but devrait être atteint dans moins de quatre ans ACADÉMIE FRANÇAISE : QUELLE HISTOIRE ! Heurs et malheurs, grandeurs et petitesses d’une institution bientôt quadricentenaire JEUNE AFRIQUE


ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

RÉPUBLIQUE TOGOLAISE

MINISTÈRE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

Travail-Liberté-Patrie

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS DU TOGO (TOGO TELECOM)

AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT POUR LA FOURNITURE DE MATÉRIEL RÉSEAU ET OUTILLAGE FINANCEMENT : FONDS PROPRES AOI n°002/2011/TGT/DG/PRMP/DML Date de lancement de l’avis : 15 novembre 2011

La Société des Télécommunications du Togo (TOGO TELECOM) se propose d’utiliser ses fonds propres pour financer le coût du projet d’acquisition de Matériel Réseau et Outillage. Il est prévu qu’une partie de ces fonds alloués au titre d’investissement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché de fourniture de Matériel Réseau et Outillage pour lequel le présent Appel d’Offres International est lancé. 1. L’appel d’offres est ouvert à toutes les entreprises ou sociétés remplissant les conditions requises. 2. La société TOGO TELECOM, représentée par son Directeur Général, invite, par le présent avis d’appel d’offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous plis fermé, pour la fourniture de Matériel Réseau et Outillage. L’appel d’offres concerne la fourniture de Matériel Réseau et Outillage. L’ensemble des fournitures est reparti en deux (02) lots. Le dossier d’Appel d’Offres pourra être retiré à la Direction Générale de TOGO TELECOM au secrétariat du Département Moyens et Logistique, Porte 006 au rez-de-chaussée, moyennant paiement en espèce, à la caisse de régie d’avance de TOGO TELECOM, d’une somme non remboursable de Cent Mille (100 000) F CFA à l’adresse suivante : Direction Générale de TOGO TELECOM Place de la Réconciliation ; quartier Atchanté - BP : 333 Lomé – Togo Tél : (228) 22 21 44 01 / 22 53 44 01 - Télex : 5245 TG - Fax : (228) 22 21 03 73 - E-mail : spdgtgt@togotel.net.tg 3. Les offres rédigées en langue française, doivent être accompagnées d’une garantie de soumission pour chaque lot : Lot 1 : Quarante Six Millions Six Cent Dix Mille (46 610 000) FCFA Lot 2 : Cinq Millions Soixante Quinze Mille (5 075 000) FCFA. Toutefois, les spécifications techniques peuvent être rédigées en français ou en anglais.

5. Le délai de livraison des fournitures est de trois (03) mois maximum à compter de la notification du marché. 6. Les clauses des instructions aux soumissionnaires et celles du cahier des clauses administratives générales sont les clauses du Dossier type d’Appel d’Offres. Toutes les offres des soumissionnaires seront déposées à la Direction Générale de TOGO TELECOM au Secrétariat Administratif (Direction des Ressources Humaines), Porte N° 12, au rez-de-chaussée, au plus tard le 30 décembre 2011 à 09h 00mn. Les offres remises hors délai ne sont pas acceptées. 7. Les soumissionnaires doivent satisfaire aux critères de qualification suivants : a) Etre une entreprise régulièrement inscrite au registre du commerce et du crédit mobilier ; b) Expérience minimale de trois (03) ans dans la fourniture du matériel similaire demandé ; c) être en règle avec les administrations fiscale et sociale (pour les nationaux) ; d) Avoir des liquidités ou des facilités de crédit pour l’ensemble du matériel soumissionné. 8. Les plis seront ouverts en présence des soumissionnaires ou de leurs représentants qui souhaitent assister à cette ouverture, le 30 décembre 2011 à 9h 30mn dans la salle de réunion de la Direction Générale de TOGO TELECOM du rez-de-chaussée. 9. Les soumissionnaires restent engagés par leur offre pour une durée de quatre vingt dix (90) jours calendaires à compter de la date limite de remise des offres. La garantie de soumission reste valable vingt huit (28) jours après l’expiration de la garantie de l’offre. Les pièces à fournir et les critères de qualification ci-dessus mentionnés sont plus détaillés dans le dossier d’appel d’offres relatif au présent avis. Pour tous renseignements complémentaires, consulter le site Internet de TOGO TELECOM : www.togotelecom.tg ou s’adresser au Département Moyens et Logistiques, Direction Générale, sis à la Place de la Réconciliation quartier Atchanté, Tél.: 23 38 55 92 /22 53 40 05. LA DIRECTION GÉNÉRALE DE TOGO TELECOM JEUNE AFRIQUE

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Appel d’offres

4. Chaque candidat peut soumissionner pour un ou pour les deux lots. Un soumissionnaire peut être attributaire des deux (02) lots.


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Annonces classées AVIS DE CONSULTATION

Passation des marchés - Avis de consultation

N° 61/PLAN BEN/CO/UCFM/PO 4172/NOV/FY12 POUR LA SÉLECTION D’UN CONSULTANT INTERNATIONAL CHARGÉ DE RÉALISER L'ANALYSE DE LA SITUATION DES MSM (HSH) ET DES IDU (CDI) EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA AU BÉNIN Plan est une organisation humanitaire internationale de développement communautaire centré sur l’enfant sans affiliation confessionnelle, politique ou gouvernementale. La mission de Plan est d’apporter des améliorations durables dans la qualité de vie des enfants défavorisés des pays en développement, à travers un processus qui unit les personnes de cultures différentes et donne un sens et une valeur à leur vie. Plan Bénin a obtenu la subvention du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour le compte du 9ème tour afin de mettre en œuvre le projet dénommé : « Accélération de l’accès aux services de prévention de l’infection par le VIH, de soins et traitement et de soutien à base communautaire ». La présente consultation vise la sélection d’un consultant international pour la réalisation de l'analyse de la situation des MSM (HSH) et des IDU (CDI) en matière de lutte contre le VIH/SIDA au Bénin. La mission du consultant international consistera à mettre à la disposition de Plan Bénin un rapport d’étude comportant les réponses aux éléments énumérés dans le TDR. La consultation est ouverte à égalité de conditions aux consultants internationaux disposant d’une expérience pertinente pour la conduite professionnelle de la prestation dans le respect des spécifications techniques exigées dans la Demande de Propositions. Les personnes intéressées par le présent avis peuvent retirer la Demande de Propositions contre paiement d’une somme non remboursable de trente mille (30.000) FCFA, ou obtenir de plus amples informations à partir du mardi 29 novembre 2011 à 9h00, (heure locale, GMT+1) à l’adresse suivante : Plan Bénin - Bureau National 08 BP 699 Cotonou Tél. : 21303951/21305442 - Fax : 21305442 Courriel : Benin.AppeldOffres@plan-international.org

Plan Bénin enverra la version électronique de la Demande de Propositions aux personnes intéressées, résidant hors du Bénin, après confirmation du virement de la somme de trente mille (30.000) FCFA au crédit du compte bancaire suivant : Intitulé du Compte : PLAN BENIN FONDS MONDIAL FCFA CODE SWIFT : ECOCBJBJ Identité BANcaire : B00620100114110085540349 Adresse : 08 BP 0699 COTONOU BENIN Aucune soumission ne doit porter l’identification du soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Demande de Propositions. Seule la mention « Proposition pour la réalisation de l'analyse de la situation des MSM (HSH) et des IDU (CDI) en matière de lutte contre le VIH/SIDA au Bénin/CONSULTANT INTERNATIONAL » doit figurer sur le pli. Toutes les offres doivent parvenir sous plis fermés au Bureau National de Plan Bénin à l'adresse indiquée ci-dessus, au plus tard le mercredi 28 décembre 2011 à 17h30. L'ouverture des offres aura lieu le jeudi 29 décembre à 10h00, heure locale, dans la salle de réunion du Bureau National de Plan Bénin sis à Cadjèhoun derrière la station Sonacop, à côté du Restaurant CASANOVA. Les soumissionnaires qui le souhaitent peuvent assister ou se faire représenter à la séance d'ouverture des offres. Les offres seront valables pendant une période de quatre vingt dix (90) jours à compter de la date d’ouverture des plis. Pour tout renseignement complémentaire, se rapprocher de la réception du Bureau National de Plan Bénin. Plan Bénin se réserve le droit de ne pas donner de suite à cette consultation. Bell’Aube HOUINATO, Représentant Résident

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES,TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION

Cellule Infrastructures - Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires, (PRO-ROUTES)

AVIS GÉNÉRAL DE PASSATION DES MARCHÉS Date de l’Avis : 14 Novembre 2011

Cet avis général de passation des marchés constitue une mise à jour de l’avis général de passation des marchés du projet indiqué ci-dessus publié dans le DGMarket, paru le 12 février 2008 et le 21 mai 2009. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement (IDA) et un don de DFID qui totalisent 123 millions US$ et a également sollicité un don additionnel de 125,2 millions US$ auprès des mêmes bailleurs pour financer le Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires (PROROUTES). Il se propose d’utiliser les fonds sus mentionnés pour régler des fournitures, des travaux et des services devant être acquis dans le cadre de ce projet, qui comprend les quatre composantes ci-après, qui : a. réouverture et entretien des routes ; b. renforcement institutionnel et formation ; c. mesures sociales et environnementales ; d. suivi et évaluation. Les marchés de services, de fournitures et de travaux, à lancer prochainement, sont résumés ci-après : A. Services de Consultants * Marchés prévus pour être lancés dans le cadre du financement en cours : 1. Recrutement d'une firme pour le Contrôle et le Suivi des Travaux de Gestion d’Entretien par Niveau de service sur le tronçon Kasomeno – Kambu dans la province du Katanga ; * Marchés prévus pour être lancés dans le cadre du financement additionnel : 2. Recrutement d’une firme pour le Contrôle et le suivi des travaux d’aménagement et d’entretien de la route AKULA-GEMENA-ZONGO (376 km) 3. Recrutement d’une firme pour Contrôle et la surveillance des travaux de mise en état et d’entretien de la route KISANGANI-BENI (741 km) 4. Recrutement d’une firme pour Contrôle et le suivi des travaux de remplacement de 11 ponts sur l'axe Kisangani-BENI 5. Recrutement d’un Cabinet Auditeur Financier Externe B. Marchés de Travaux * Marchés prévus pour être lancés dans le cadre du financement en cours :

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6. Travaux de réhabilitation et entretien GENIS sur le tronçon de route Kasomeno – Kambu (630 km) : * Marchés prévus pour être lancés dans le cadre du financement additionnel : 7. Travaux de réhabilitation et entretien de route axe Akula-Gemena-Libenge-Zongo (376 km) 8. Travaux de remise à niveau et entretien GENIS de l'axe KISANGANI-BENI (741 km) 9. Travaux remplacement de 11 ponts le long de l'axe KISANGANI-BENI Les marchés des travaux et fournitures susmentionnés seront passés conformément aux procédures spécifiées dans les Directives de la Banque mondiale pour la « Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA, édition de Mai 2004 et révisée en Octobre 2006 et Mai 2010 » et à l’annexe 2 des accords de don du Projet, et ouverts à tous les candidats qui remplissent les conditions stipulées dans les directives. Les consultants seront choisis conformément aux Directives « Sélection et emploi de consultants par les emprunteurs de la Banque mondiale, édition Mai 2004, révisées en Octobre 2006 et Mai 2010 » et à l’annexe 2 des accords de don du Projet. Les avis relatifs aux différents marchés qui doivent être passés conformément aux procédures d'appel à la concurrence internationale de la Banque mondiale seront publiés dès leur communication, dans Development Business (UNDB), dans dgMarket, dans les journaux locaux et dans d’autres publications internationales et diffusés auprès des représentations diplomatiques accréditées auprès de la République Démocratique du Congo. Les soumissionnaires potentiels, satisfaisant aux critères de provenance intéressés ou ayant besoin de renseignements complémentaires, devront s'adresser à : Cellule Infrastructures Ministère des Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction 70A, Avenue Roi Baudouin, Commune de la Gombe / Ville de Kinshasa République Démocratique du Congo. Tél : (+ 243) 81 03 764 94 - E-mail : celluleinfra@vodanet.cd Web site: www.celluleinfra.org Fait à Kinshasa, le 10 novembre 2011 Pour le Coordonnateur en Congé, Billy TSHIBAMBE Chef de Section Routes

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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Managers Senior : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali et Maroc

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES TechnoServe, Inc. (www.technoserve.org) est une organisation internationale à but non lucratif créée en 1968 et dédiée au développement économique. Elle a pour mission d’encourager les entrepreneurs hommes et femmes vivant dans les zones rurales pauvres des pays en développement à créer des entreprises. II. DESCRIPTION DES POSTES TechnoServe recherche des cadres de gestion chevronnés de premier plan pour démarrer, gérer et étendre des programmes au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali et au Maroc. Les postes proposés sont ceux de Directeurs Pays, Directeurs Pays adjoints et Chefs de programmes. Les Directeurs Pays et leurs adjoints guideront la stratégie pays de TechnoServe. Ils superviseront en outre l’exécution des programmes et le suivi/évaluation. Ils gèreront le personnel, développeront les relations avec les bailleurs de fonds et les partenaires et dirigeront les activités locales de levée de fonds. Les Chefs de programmes prépareront, exécuteront et superviseront les programmes particuliers visant à promouvoir des entreprises dans les pays ciblés. III. QUALIFICATIONS ET PROFIL Directeur pays • Maîtrise en administration des affaires ou diplôme équivalent. • Dix années au minimum d’expérience en tant que cadre supérieur dans le secteur privé (de préférence dans l’agroalimentaire ou comme consultant en gestion). • Succès reconnu dans la levée de fonds et aptitude avérée à développer et motiver une équipe. Directeur pays adjoint • Maîtrise en administration des affaires ou en gestion exigée. • Cinq années au minimum d'expérience dans la gestion (et/ou la gestion de programme) au sein d'une entreprise à but lucratif. • Forte orientation commerciale et bonnes capacités rédactionnelles (propositions, plans d'affaires). • Leadership, aptitudes à la direction d’équipes et à la formation. Chef de programme • Maîtrise en administration des affaires ou gestion exigée. • Cinq années au minimum d’expérience en gestion de programmes : organisation du travail, capacités d’analyse et de synthèse, animation des équipes. • Minimum de deux ans d’expérience dans le développement économique, la comptabilité et la levée de fonds. En outre, les qualifications suivantes sont indispensables : • Bonne connaissance du développement agricole ou de l’entrepreneuriat dans le contexte africain. • Excellentes compétences en communication (orale et écrite) et en relations interpersonnelles. • Parfaite maîtrise du français exigée ; très bon niveau en anglais écrit et oral. • Connaissances en informatique indispensables (MS Office/Windows). Les candidats intéressés sont invités à envoyer un CV, une lettre de motivation et trois références à RecrutementAfrique@tns.org avant le 18 Décembre, 2011.

We are looking forward to your application (resume and cover letter stating desired salary and earliest starting date). JEUNE AFRIQUE

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Recrutement

CEIBA Intercontinental, a state airline owned by the Government of Equatorial Guinea, operates ATR aircraft in domestic and international flights to surrounding countries. We are planning to expand our present network and the first long-range Boeing 777 has already been ordered. We are looking for candidates for the following full-time positions at the earliest possible starting date based at our Malabo, Equatorial Guinea headquarters: Director Commercial (Chief Commercial Officer) The Director Commercial leads the Sales, Marketing, Pricing & Revenue Management, Network Planning & Scheduling teams, the Director Commercial will be responsible for the commercial success of the airline. Head of Global Sales The Head of Global Sales is responsible for the development and implementation of the commercial strategy, of the sales and distribution strategy, as well as of the airline’s sales and revenue budget Head of Marketing and Product Management The Head of Marketing is responsible for the marketing & communication plan as well as the product & brand strategy. Head of Network Management The Head of Network Management is responsible for the pricing and revenue management strategy and the airline’s network strategy as well as the corresponding network planning and scheduling processes. Director Flight Operations The Director Flight Operations is responsible for the development and companywide implementation of Flight Operations standards according to industry best practice especially EASA standards. Ground Operations Officer The Ground Operations Officer establishes and updates the Ground Handling Manuals on a regular basis to ensure full compliance with internal and external requirements. Maintenance Engineer The Maintenance Engineer is responsible for the development of a CEIBA Joint Agreement with Third Parties performing maintenance services and the preparation of the Maintenance Department in its functions as B777 Maintenance Holder. All positions mentioned above require an adequate university degree as well as in-depth knowledge of their area of expertise with at least 5 years industry experience. All candidates have to be business fluent in English and in Spanish or French. For further information about each of the positions please contact: Maria Estrella Ayecaba, Human Resources CEIBA (estrella.ayecaba@fly-ceiba.com) +240 333 040 923 (9 am – 4 pm West Africa Time)


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Annonces classées Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo

Banque Africaine de Développement (BAD)

Unité de Gestion du Programme

AVIS POUR LE RECRUTEMENT DES CONSULTANTS La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies pour financer le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) et entend utiliser une partie des sommes dudit Don pour effectuer les paiements autorisés au titre des contrats à conclure dans le cadre des consultations suivantes : I - Consultant chargé de l’élaboration de la stratégie régionale de la recherche forestière ; Profil du consultant Le consultant en charge de la mission doit répondre aux exigences suivantes : • Chercheur ou enseignant-chercheur en Sciences Forestières ou une autre matière relevant, titulaire d’un Doctorat ou d’un PhD ; • Justifier d’une expérience d’au moins 10 ans dans le domaine des recherches forestières ; • Avoir une connaissance de la sous-région d’Afrique centrale. Durée de la consultation : La consultation s’étendra sur une période de trois (03) mois. II - Consultant chargé du Renforcement des capacités en communication ; Profil du consultant Le consultant en charge de la mission doit répondre aux exigences suivantes : • Diplôme Bac+4 au moins en Communication, Marketing et gestion, ou tout autre domaine reconnu équivalent ; • Justifier d’une expérience d’aux moins cinq (05) ans dans l’élaboration des stratégies de communication institutionnelle et de masse ; • Justifier d’une expérience avérée dans le domaine de la gestion de l’environnement et du développement durable ; • Justifier d’une expérience avérée dans la connaissance des médias sous-régionaux et internationaux pour établir un meilleur média planning ; • Avoir une connaissance des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Durée de la consultation : La consultation s’étendra sur une période de trois (3) mois. III - Consultant chargé du renforcement des capacités en législation. Profil du consultant a) Internationalisation des directives de la COMIFAC. Le consultant en charge de la mission doit répondre aux exigences suivantes :

• Diplôme Bac+5 au moins en droit, ou tout autre domaine reconnu équivalent ; • Justifier d’une expérience d’aux moins cinq (05) ans dans la sous région sur les négociations internationales ; b) Production d’un projet de directive COMIFAC sur les études d’impacts environnementaux. • Diplôme Bac+5 au moins en droit, ou tout autre domaine reconnu équivalent ; • Justifier d’une expérience d’aux moins cinq (05) ans en formation et activités sur les études d’impact ; • Justifier d’une expérience avérée dans le domaine de la gestion de l’environnement ; c) Formation sur le protocole de NAGOYA et aspects connexes : Bio-prospection et droit de propriétés intellectuelles. • Diplôme Bac+5 au moins en droit, ou tout autre domaine reconnu équivalent ; • Justifier d’une expérience avérée sur les droits de propriété intellectuelle ; Durée de la consultation : Les consultations s’étendront sur une période globale de quinze (15) jours maximum. La date limite de soumission des CV détaillés pour les trois (3) consultations est fixée au 20 décembre 2011 à 15 heures à l’adresse ci-dessous. NB : Les consultants intéressés peuvent consulter en ligne les termes de référence (objectifs généraux, objectifs spécifiques et les résultats attendus) sur les sites suivants : info@pacebco-ceeac.org ; comifac2005@yahoo.fr ; comifac@comifac.org ; secretariat@ceeac-eccas.org ; Contact : Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivants : de 08 heures à 17 heures, heures locales. A l’attention de : Monsieur le Secrétaire Général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale, Représentée par l’Unité de Gestion du Programme PACEBCo. B.P. 35 133 Bastos, Yaoundé - Cameroun Tél : (+237) 22 20 48 01/22 20 48 02 - Fax : (+237) 22 20 48 03. Courriel : Site Internet : www..info@pacebco-ceeac.org Yaoundé le 14 novembre 2011 POUR LE SECRETAIRE GÉNÉRAL DE LA CEEAC BIHINI WON wa MUSITI, Coordonnateur Régional du PACEBCo.

Recrutement

GROUPE JEUNE AFRIQUE

www.groupeja.com

PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL

Groupe international de presse et d’édition (30 millions € C.A. – 120 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :

Journalistes (H/F) spécialisés sur l’Afrique subsaharienne et/ou le Maghreb MISSIONS : Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du continent (Afrique subsaharienne et/ou Maghreb), de sérieuses capacités d’enquêteur et de contacts sur la zone, vous viendrez enrichir notre équipe de journalistes, composée d’une quarantaine de personnes, avec comme missions premières : • Le suivi de l’actualité des pays dont vous aurez la responsabilité; • La proposition d’enquêtes et de reportages; • La rédaction d’articles pour nos différentes publications (papier et web). Une réelle maîtrise des enjeux et de l’actualité d’un ou plusieurs pays du continent est indispensable.

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Avis de vacance de poste Spécialiste de programme développement du secteur privé / programme specialist private sector development Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) recrute un(e) Spécialiste du développement du secteur privé pour le projet régional de ‘African Facility for Inclusive Markets’ (AFIM) (l’Initiative africaine pour les marchés inclusifs). Le / La Spécialiste couvrira la Région de l’Afrique occidentale et centrale et sera basé au Centre Régional de PNUD en Dakar, Sénégal. L’AFIM a été créé en novembre 2010 a pour objectif de développer les marchés inclusifs pour la réduction de la pauvreté et les OMD en Afrique. Le candidat idéal, parfaitement bilingue (français/anglais), disposera d’une maîtrise en développement international ou dans une autre discipline ; et justifiera d’un minimum de sept ans d'expérience dans le développement ou l’engagement du secteur privé, ainsi que d’une expérience dans le domaine des affaires dans la région. Pour de plus amples informations, les termes de références détaillées et le processus d’application sont disponibles sur le site du PNUD http://jobs.undp.org sous la section de ‘Poverty Reduction’. Le dernier délai de dépôt de candidature est fixé au 5 Décembre 2011.

ORGANISME INTERGOUVERNEMENTAL

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INSTITUT DE FORMATION ET DE RECHERCHE DÉMOGRAPHIQUES LAURÉAT DU PRIX DES NATIONS UNIES POUR LA POPULATION 2011 L’IFORD est une institution intergouvernementale africaine de formation, de recherche et d’appui au développement en matière de sciences de la population. Sans préjudice de son caractère international, il est rattaché sur le plan académique à l’Université de Yaoundé II. L’Institut qui jouit d’une entière autonomie administrative et financière dessert prioritairement ses 23 pays membres : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, Congo (R.D.), Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Guinée Equatoriale, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo, Union des Comores. L’IFORD, conformément à ses statuts et règlement intérieur, est le seul employeur de toute personne recrutée sur la base de la présente vacance de poste.

AVIS DE VACANCE DE POSTE N° Référence : IFORD/DE/11/P01 P01-CEC Désignation du poste : Directeur Exécutif Grade : Cadre de haut niveau ou Enseignant-chercheur de rang magistral Durée de l’engagement : Quatre (4) ans renouvelable une fois Lieu de travail : IFORD (Yaoundé, Cameroun) Date d’entrée en fonction : 1er avril 2012 Date limite de dépôt de candidature : 15 Janvier 2012 Eligibilité : Etre ressortissant de l’un des 23 pays d’Afrique d’expression française, membres de l’IFORD. Les attributions, la formation et l’expérience requises pour ce poste sont disponibles sur le site Web de l’IFORD / www.iford-cm.org CONNAISSANCES LINGUISTIQUES Très bonne connaissance du français exigée. Connaissance de l’anglais hautement souhaitable et constitue un atout. RÉMUNÉRATION L’IFORD, en tant qu’institution intergouvernementale africaine, offre une rémunération et des JEUNE AFRIQUE

avantages similaires aux autres Institutions africaines de même nature. COMPOSITION DU DOSSIER - un formulaire de candidature dûment rempli (fourni directement par l’IFORD ou à télécharger sur son site web : www.iford-cm.org) ; - un curriculum vitae ; - une copie d’acte de naissance ; - un certificat de nationalité ; - copies de diplômes ou attestations ; - copies des nominations au grade académique ou de recherche Prière d’envoyer toutes les candidatures par courrier postal et électronique à l’adresse ci-après en rappelant le numéro de référence de cette vacance de poste : Monsieur le Directeur Exécutif IFORD B. P. 1556 Yaoundé, Cameroun. E-mail : iford@iford-cm.org N° 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs

Les Congolais vous savent gré pour la qualité de votre accompagnement dans la marche de la RD Congo vers son destin inévitablement meilleur. ●

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

MANKENDA VOKA, éditeur de L’Observateur, Kinshasa, RD Congo

Monsieur François Soudan COMMENT UNE PLUME de référence comme vous peut écrire un papier (« Nous n’irons pas à Kinshasa », J.A. no 2654, du 20 au 26 novembre) dans lequel suinte, sans la moindre dissimulation, une susceptibilité qu’on ne vous connaissait pas ? Vous êtes un habitué des incompréhensions et autres malentendus qui ponctuent, de manière toujours accidentelle, les rapports, généralement excellents par ailleurs, que Kinshasa entretient avec Jeune Afrique. Comment pouvez-vous ne pas savoir que dans cette affaire, qui n’en est pas une, Kinshasa ne cherche pas à faire marcher J.A. ? Il n’est pas dans l’intérêt de la RD Congo, qui souhaite mieux vendre son image, de se brouiller intentionnellement avec J.A. La RDC sait ce qu’elle doit à votre groupe, qui ne l’a jamais abandonnée, même

dans les pires moments de Éditorial son histoire. Nous n’irons pas Qu’il y ait ici à Kinshasa et là quelques incidents, comme il s’en produit dans toutes les campagnes électorales du monde, ne signifie nullement ! J.A. N 2654 du 20 au que l’élection 26 novembre du 28 novembre est de tous les dangers, comme vous l’écrivez. Enfin, vous exagérez en faisant cette malheureuse comparaison, aux allures de mauvaise prophétie, avec Kaddafi, qui avait interdit, pour son malheur, à vos journalistes l’entrée sur son territoire. 6

François Soudan

P

OLITICIENS ET JOURNALISTES: les deux espèces n’ont jamais fait bon ménage. Surtout quand les premiers ont de la liberté de la presse une conception tout droit surgie du temps des machettes. Qui n’est pas avec nous est contre nous. Soit on lèche, soit on lynche. Parce qu’il refuse de se plier à ce chantage, parce qu’il n’est pas domptable, Jeune Afrique vient donc de se voir signifier par les autorités de la République démocratique (?) du Congo l’interdiction de fait de venir couvrir sur place les élections générales du 28 novembre. L’histoire, subtile, est la suivante. Début octobre, J.A. désigne un envoyé spécial, en l’occurrence Philippe Perdrix, qui connaît la RD Congo, où il s’est déjà rendu à plusieurs reprises, pour rendre compte de la campagne électorale jusqu’au jour J inclus. Il lui faut pour cela un visa, lequel est conditionné à une lettre, mi-invitation, mi-accréditation, délivrée par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, lettre elle-même soumise à une requête écrite de notre part. La procédure n’est pas spécialement agréable, mais c’est la règle,etnosconfrèresquis’ysontpliésontobtenuleursésamesans encombre. Pas nous. Les deux e-mails que nous avons adressés en ce sens au directeur de cabinet du ministre puis le courrier officiel adressé à Lambert Mende lui-même le 20 octobre sont à ce jour restés sans réponse. Ce n’est pas faute d’avoir relancé, ni même, histoire d’en avoir le cœur net, frappé à la porte du cabinet présidentiel. Jamais, bien sûr, on ne nous a notifié une interdiction formelle – les censeurs ne sont plus si primaires –, mais des « c’est à l’étude », des « c’est sur le bureau du ministre », lequel « est en déplacement », et même un « c’est en bonne voie » totalement fictif. Suivrelevoleurjusquedanslachambre…L’adage estéprouvé à for d’insister onnions a fini

O

Réponse : CE QUI EST POUR VOUS, cher confrère, un « malentendu », relève à nos yeux d’une forme de censure, et ce ne serait pas rendre service à « la marche de la RDC vers un destin meilleur » que de la passer par pertes et profits. Je veux bien croire qu’il s’agisse là de l’excès de zèle d’un ministre, mais alors pourquoi ce responsable est-il autorisé à persister en se réfugiant dans le déni (lire p. 14) ? Quant à la comparaison avec la Libye de Kaddafi, elle ne concerne que la chronologie – ce régime ayant été le dernier à refuser le visa d’entrée à nos journalistes – et ne signifie rien au-delà. ● F.S. Kabila a montré ses limites DANS VOTRE ÉDITION du 13 au 19 novembre (J.A.no 2653), j’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre analyse

PLAIDOYER POUR UNE CANDIDATURE DE NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA À L’UA

YINGQYAN ZHAO/CHINE NOUVELLE/SIPA

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! Seizième session ordinaire du Parlement de l’Union africaine, À ADDIS-ABEBA (Éthiopie), LE 30 JANVIER 2011.

DE LA CRISE IVOIRIENNE à la tragédie libyenne, l’Union africaine s’est distinguée par des prises de position chaotiques, marquées par des clivages. Sur les dossiers ivoirien et libyen, son point de vue a été arrogamment ignoré. Et, comme à l’accoutumée, elle s’est résignée, s’est faite toute petite et a assisté, N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

impuissante, au déploiement de forces occidentales venues « régler » un problème africain. Reste à savoir si ces interventions, qui remettent en cause sa raison d’être, ont offert à l’UA l’occasion d’une introspection. L’a-t-elle saisie pour réfléchir plus sereinement à sa mission, aux moyens dont elle devrait se doter pour arrêter sa marche vers l’extrême ridicule ? Comment, alors, donner plus de souffle à cette organisation dont on n’est finalement pas prêts à se passer ? La candidature de Nkosazana Dlamini-Zuma à la présidence de la Commission de l’UA peut être l’une des solutions. Ceux qui la connaissent voient déjà en elle une bouée de sauvetage pour une organisation qui a toujours souffert d’un manque de personnalités fortes. La Sud-Africaine permettrait à l’UA de combler cette lacune et de parer au plus pressé pour se sauver. Après avoir fait ses preuves dans l’ANC, aux ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur, elle est prête à mettre son expérience et son efficacité au service du continent. Si l’Union africaine se montre assez lucide pour saisir cette chance, elle aura tout à y gagner ; le continent aussi. ● ALOIS RWIYEGURA, Johannesburg, Afrique du Sud JEUNE AFRIQUE


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SOS pour le Burundi ÉTUDIANT AU BURUNDI, j’admire votre professionnalisme et j’apprécie votre hebdomadaire. Toutefois, je suis frustré – et je ne suis pas le seul – de constater que les drames (assassinats ciblés, disparitions de militants de l’opposition…) qui se jouent quotidiennement chez nous sont passés sous silence par les médias étrangers. Le Burundi n’est pas le Sénégal, le Mali ou la RD Congo. C’est un petit pays qui a connu seize années de guerre civile et qui a vécu le génocide au Rwanda voisin. Nous n’aimerions pas que cela recommence. Aidez le peuple burundais à faire face à la dictature qui s’installe petit à petit. Vous intéresser davantage à ce pays peut être utile. ●

demain », m’interpelle. On ne peut condamner Jean Ping pour sa gestion des différentes crises ! J.A. N 2648 du 9 au 15 octobre (ivoirienne et libyenne) qui ont secoué le continent récemment. En effet, avec la disparition de la Russie soviétique et l’effondrement du camp socialiste, les puissances occidentales victorieuses s’évertuent à vider l’Organisation des Nations unies de sa substance. Créée notamment pour maintenir la paix et la sécurité internationales, elle est devenue un tribunal appelé à légitimer les agressions des plus puissants et à condamner, via sa Cour pénale internationale, les dirigeants et peuples des pays qui refusent de se soumettre. ●

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L’ONU vidée JE SUIS FIER DE J.A., en particulier pour sa longévité. Mais dans votre édition du 9 au 15 octobre (J.A. no 2648), l’article de Béchir Ben Yahmed, « Le monde d’aujourd’hui, l’Afrique de

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Vous nous

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éclairée de la situation politique en RD Congo. Bien que le peuple aspire au changement, je reste persuadé que le sort de mon pays est scellé par les gouvernements occidentaux. Ainsi, en dépit de la situation désastreuse que connaît ce pays, les États-Unis persistent malheureusement à soutenir Kabila. Je suis également désolé de voir que les médias occidentaux critiquent si peu son bilan politique et économique exécrable. En dix ans, Joseph Kabila a montré ses limites. Le peuple congolais ne peut pas se permettre de le réélire – si ce n’est par la fraude. ● WILLY P. KABULA, Amsterdam, Pays-Bas

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Entraide

RÉDACTION

N

OUS SOMMES EN 1973, AU XXE SIÈCLE. À cause du sempiternel conflit israélo-arabe, le monde est frappé de plein fouet par une crise consécutive au renchérissement des prix du pétrole. C’est le sauve-qui-peut ! Mais, même dans les moments de désespoir collectif, il y a toujours une âme noble, charitable, altruiste, désintéressée. Cet oiseau rare s’appelle Idi Amin Dada, maréchal, président à vie de l’Ouganda (il ne régnera que huit ans), roi d’Écosse, conquérant de l’Empire britannique. Il apprend que le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté regarde du côté du Fonds monétaire international (FMI) pour s’en sortir. Shocking !

Idi Amin Dada réagit. Il organise une collecte nationale qui rapporte 100 000 shillings ougandais. L’équivalent de… 3 livres sterling ! Vous riez ? Vous avez tort : crise ou pas, seul l’acte de donner compte. Le maréchal, président à vie, conquérant de l’empire britannique, roi d’Écosse, annonce la bonne nouvelle au Premier ministre Edward Heath en décembre 1973. Évidemment, Heath ne bronche pas. En janvier 1974, Idi Amin, toujours aussi déterminé à aider Londres, revient à la charge. Cette fois, il a un camion plein de légumes et de farine. Il demande aux Britanniques de venir le chercher. Londres s’étrangle de rage. Et Idi Amin Dada reçoit, en récompense, les injures classiques en pleine figure : fou, bouffon, tyran sanguinaire, dictateur, assassin… Il rit jusqu’aux larmes. Nous sommes le 16 novembre 2011, au XXIe siècle. Pedro Passos Coelho, Premier ministre du Portugal depuis juin, débarque à Luanda. Le camarade José Eduardo dos Santos, maître de l’Angola depuis 1979 – Pedro Passos Coelho avait alors 15 ans –, l’accueille à bras ouverts. Le chef du gouvernement lusitanien a vécu et étudié en Angola entre 5 ans et 10 ans. Il est rentré au Portugal en 1974, après la chute de la dictature d’António de Oliveira Salazar. Cette fois, il est allé à Luanda solliciter l’aide de l’ancienne colonie pour son pays économiquement malade. Le 17 novembre, dos Santos lui dit : « L’Angola est ouvert et disponible pour aider le Portugal à faire face à cette crise, au bénéfice et à l’avantage des deux pays. » Vous avez bien lu : « aider ». Et c’est le président d’une ancienne colonie qui parle au Premier ministre de l’ex-métropole. Face à Luanda, Lisbonne est un poids plume. L’Angola va donc investir au Portugal pour l’aider à rester en vie. Qui l’eût cru ? Qui a osé dire que l’histoire des peuples était définitivement écrite ? Certainement pas ma grand-mère luba, qui me disait : « Kusekiseki mwineba, kumanyimanyi tshiyiya. » Traduction : « Ne te moque pas de ton prochain car tu ne connais pas l’avenir. » D’autant qu’en politique les dirigeants africains pourraient aussi jouer un rôle dans les affaires métropolitaines. Voilà plus de cinq cents jours que le petit royaume de Belgique n’a pas de gouvernement. Pourquoi Joseph Kabila ne s’est-il pas rendu à Bruxelles pour intimer l’ordre aux deux tribus belges, qui se détestent cordialement, de s’entendre une bonne fois pour toutes ? Les Belges ne sont-ils pas nos tontons, comme disait Mobutu ? ●

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N o 2655 • DU 27 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE 2011

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