CENTRAFRIQUE FRANÇOIS BOZIZÉ S’EXPLIQUE
HEBDOMADAIRE HEBDOM OMAD OM ADAI AD AIRE AI RE IINTERNATIONAL NTER NT ERNA ER NATI NA TIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2664 • du 29 janvier au 4 février 2012 TI
GABON ALI, ACTE II Spécial 24 pages
ALGÉRIE-MAROC
jeuneafrique.com
CAMEROUN FOTSO CONTRE FOTSO FRANCE POURQUOI SARKOZY A (PRESQUE) PERDU Par BÉCHIR BEN YAHMED
ET S’ILS S’ENTENDAIENT ? Après la visite-surprise du chef de la diplomatie marocaine à Alger, la désunion entre les deux voisins du Maghreb apparaît plus que jamais comme une absurdité économique, politique et humaine. Enquête sur une discorde fratricide.
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 28 JANVIER
Alternance à la française
O
n a beaucoup glosé en France, au début de la semaine, sur les confidences faites par Nicolas Sarkozy aux journalistes qui l’accompagnaient lors de sa visite en Guyane le week-end du 21-22 janvier. À l’un d’eux qui a osé lui demander s’il quitterait la scène politique au cas où il serait battu à l’élection présidentielle (dont les deux tours sont fixés aux 22 avril et 6 mai prochains), il a répondu : « Oui, c’est une certitude. J’ai 56 ans, je fais de la politique depuis trente-cinq ans et j’aurai été président. J’ai un métier. Si je suis battu, je changerai de vie complètement et vous n’entendrez plus parler de moi. » ■
Cette repartie, qui est du Sarkozy pur sucre, a fait l’effet d’un pavé dans la mare électorale française. Jusque-là, bien qu’annoncée depuis des semaines, voire des mois, par tous les sondages et considérée, par conséquent, comme possible ou même probable, la défaite de la droite demeurait une manière de tabou.
On la savait inscrite dans les chiffres, mais, étrangement, on n’en parlait guère. Seul Sarkozy, encore lui, a prévenu les dirigeants de son parti, dès la fin de l’année dernière, que s’il était battu, ils seraient tous, ou presque tous, emportés par une vraie bourrasque. Cela dit, il est important de souligner que, même s’il se comporte depuis des semaines comme le candidat de la droite (et du centre droit), Nicolas Sarkozy n’a pas encore franchi le pas de la candidature annoncée. On ne peut donc exclure totalement qu’il renonce à briguer un second mandat ; pour tout le monde, y compris pour ses plus proches collaborateurs, ce serait alors « la surprise du siècle ». ■
Nicolas Sarkozy a tout à fait raison de prendre en considérationl’hypothèsedesadéfaite.Enarrivera-t-il,parréalisme ou lucidité, à aller plus loin et à estimer qu’un autre aurait plus de chances que lui? Il n’a plus que quelques jours, une quinzaine tout au plus, pour parvenir à la bonne décision.
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Expérience : nom dont les hommes baptisent leurs erreurs. Oscar Wilde Ì Passer sa vie dans l’opposition est pour un homme politique ce que serait pour un poète se condamner à lire et à juger les vers des autres. Georges Pompidou Ì Ce qui nous rend fragiles est que les institutions ne peuvent pas avoir les mêmes vertus que les individus : honneur, franchise, courage, loyauté, ténacité… Nassim Nicholas Taleb Ì Le jeu, c’est tout ce qu’on fait sans y être obligé. Mark Twain JEUNE AFRIQUE
Ì Pourquoi contredire une femme ? Il est tellement plus simple d’attendre qu’elle change d’avis ! Jean Anouilh
Ì Certains ne sont pas plus portés à la grande mystique que les hyènes ne le sont à la grande ablution. Ahmadou Kourouma
Ì Le meilleur des princes est celui qui fréquente le savant ; le pire des savants est celui qui fréquente les princes. Sagesse persane
Ì C’est dans le ventre de la mère qu’on apprend à glander devant la télé… Brèves de comptoir
Ì Une seule chose délivre des obsessions de la maladie ou de l’humiliation – dans mon cas, des servitudes de l’âge. C’est la discipline acharnée dans le travail, l’insistance à la maintenir, le soin à la perfectionner… Jean Daniel
Ì L’instant qui vient peut être celui de votre mort, vous le savez et vous pouvez sourire: n’est-ce pas admirable ? Dans la plus insignifiante de vos actions, il y a une immensité d’héroïsme. Jean-Paul Sartre Ì La télévision, reflet du monde, est à la fois source et miroir des informations. Joël de Rosnay N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Ce que je crois Quoi qu’il en soit, et à moins de trois mois du premier tour de scrutin, l’observateur attentif ne peut que constater ceci : 1) La décision de Dominique de Villepin de se présenter à l’élection rend pratiquement impossible une victoire de Nicolas Sarkozy et même très difficile sa présence au second tour. C’est, sans doute, le dessein de son auteur. N’ayant pu empêcher Sarkozy de se présenter et d’être élu en 2007, Villepin et derrière lui Chirac s’emploient à contrecarrer sa réélection en 2012. Héritier de Chirac, dont il a été le dernier Premier ministre, Villepin met à exécution la vengeance quasi posthume de son mentor. En 2012, il jouera publiquement vis-à-vis de Sarkozy le rôle de « traître » qu’avait incarné secrètement Chirac à l’égard de Giscard en 1981. Si la gauche française arrive à reconquérir l’Élysée en 2012, elle le devra donc, comme en 1981, aux divisions de la droite (qui est toujours majoritaire dans le pays) et à la « trahison » de l’un de ses dirigeants.
Mais le plus étonnant, qui m’a paru le plus édifiant – passé jusqu’ici inaperçu –, on le trouve dans la prise de distance de Barack Obama. Il faut lire l’interview qu’il vient de donner au magazine Time ; à la question « Avec quels dirigeants étrangers avezvous établi des relations d’amitié et de confiance? » Barack Obama répond textuellement : « L’amitié et la confiance que j’ai pu nouer avec un bon nombre de leaders étrangers compte beaucoup pour moi, car elles m’ont permis de mener à bien nos entreprises diplomatiques. Demandez à Angela Merkel, au Premier ministre Singh, au président Lee, au Premier ministre Erdogan ou à David Cameron. Ils vous diront sans aucun doute : “Nous avons grande confiance dans le président Obama. Nous croyons ce qu’il nous dit et qu’il tiendra les engagements qu’il prend vis-à-vis de nous.” » Vous avez bien lu: le président français ne fait pas partie de la liste. C’est comme s’il n’était déjà plus là…
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2) Cela se traduit très clairement dans le « report des voix » entre les deux tours. Lisez ce qu’en dit Gaël Sliman, directeur de BVA Opinion : « Dans tous les sondages, le total des intentions de vote pour la droite – en incluant Marine Le Pen – dépasse les 50 %. Or au second tour cela se transforme en quasiment 60/40 ou 57/43 en faveur… du candidat de gauche. Des électeurs qui se sentent et se revendiquent de droite ne se retrouvent pas en Sarkozy. Toute la difficulté pour lui, s’il est au second tour, consistera à récupérer beaucoup d’électeurs du Front national (Marine Le Pen) et du centre (François Bayrou) qui, aujourd’hui, ont l’intention de se reporter sur Hollande. Or c’est un objectif contradictoire, puisque les électorats FN et centriste sont en désaccord sur tous les sujets ou presque : immigration, sécurité, lutte contre l’assistanat… »
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4) On le sait, Nicolas Sarkozy porte une extrême attention à l’état de l’opinion française et aux sondages qui en sont la traduction. Celui qui montre avec la plus grande évidence qu’il n’a plus guère de chances d’être réélu a été réalisé par BVA pour Le Parisien. Qui l’a publié le 24 janvier. Lisez ci-dessous. Je pense que vous en conclurez avec moi que la France est en marche pour une nouvelle alternance. La crise économique et les menaces qu’elle fait planer sur les Français jouent contre le président en place, même si, d’une certaine manière, il rassure. ● PARMI LES CANDIDATS SUIVANTS, LEQUEL JUGEZ-VOUS LE PLUS CRÉDIBLE SUR CES SUJETS : François HOLLANDE
François BAYROU
Nicolas SARKOZY
Marine LE PEN
La pauvreté et la précarité
53 %
19 %
9%
10 %
Le pouvoir d’achat
40 %
21 %
19 %
9%
Le chômage
42 %
17 %
19 %
12 %
L’école et l’éducation La croissance économique
40 %
28 %
15 %
8%
33 %
22 %
26 %
6%
L’insécurité
26 %
9%
23 %
31 %
Les impôts et les taxes La dette publique
40 %
22 %
19 %
8%
31 %
28 %
23 %
8%
L’immigration
32 %
9%
13 %
37 %
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3) Les homologues étrangers de Nicolas Sarkozy ont déjà commencé à le lâcher, ostensiblement. Le Premier ministre britannique, David Cameron : complice de Nicolas Sarkozy dans l’aventure libyenne, qui s’est terminée en octobre dernier par la chute et la mort de Kaddafi, a rompu tout lien avec l’hôte actuel de l’Élysée et a même cessé de dialoguer avec lui. Mario Monti : successeur à Rome de Silvio Berlusconi, il ne cache pas qu’il attend plus d’Angela Merkel que de Nicolas Sarkozy. On le voit plus souvent à Berlin qu’à Paris et c’est avec Merkel qu’il échange le plus d’appels téléphoniques. Quant à la chancelière allemande, elle a déjà entrepris de remplacer le trop célèbre axe franco-allemand par un cénacle de cinq ou six chefs d’État européens qui l’acceptent comme leur suzeraine. ■ N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Réalisé sur internet les 18 et 19 janvier 2012 auprès d’un échantillon de 974 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus JEUNE AFRIQUE
SOURCE : LE PARISIEN
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Éditorial
Marwane Ben Yahmed
Sarkozy aussi a un problème de mémoire
Q
Au-delà de ces joutes verbales indécentes et sans intérêt « historique », pourquoi Sarkozy, dont la mémoire semble bien sélective, se permet-il de faire la leçon aux Turcs ? « La Turquie […] s’honorerait à revisiter son histoire comme d’autres grands pays dans le monde l’ont fait […], a-t-il expliqué. On est toujours plus fort quand on regarde son histoire, et le négationnisme n’est pas acceptable. » Il doit le faire exprès… Et le passé colonial de la France ? De la conquête aux indépendances, l’histoire française est jalonnée d’atrocités commises en Afrique comme en Asie (Indochine). De massacres perpétrés à l’encontre de combattants de la liberté, mais aussi de civils, femmes et enfants compris. La guerre du Rif (Maroc), Sétif (Algérie), la « pacification » malgache, le massacre du camp de Thiaroye (Sénégal), la fusillade de Séguéla (Côte d’Ivoire), la répression au Cameroun entre 1955 et 1962, pour ne citer que les plus récents et les plus meurtriers. N’est-ce pas plutôt la France qui, au lieu de vanter les « aspects positifs de la colonisation », s’honorerait de revisiter son histoire, monsieur Sarkozy ? ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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FRANCE-CÔTE D’IVOIRE QUE SE SONT-ILS DIT ? Pour sa première visite officielle, le président Ouattara a été chaleureusement accueilli par son ami Sarkozy.
PHOTOS DE COUVERTURES : VINCENT FOURNIER POUR J.A ; PIERRE PAYAN/JERRYCOM, PIERRE PAYAN/JERRYCOM, LUDOVIC/REA ; FOTOLIA
UAND LES POLITIQUES, pardon, les politiciens – la nuance est de taille –, se hasardent à s’emparer de l’Histoire, c’est la foire aux billevesées assurée. Quand, en outre, ils décident de légiférer sur ces questions, alors là… Le Sénat français a ainsi définitivement adopté, le 23 janvier, une loi votée le 22 décembre par l’Assemblée nationale. Désormais, toutepersonnequiauraniéou«minimisédemanièreoutrancière» un génocide « reconnu par la loi » sera passible de 45 000 euros d’amende et de un an de prison. Celui des Arméniens (1915-1916), en l’occurrence, contesté par la Turquie (qui reconnaît cependant des « massacres »), et celui des Juifs, bien entendu (loi Gayssot de 1990, article 9). Pourquoi les Arméniens et pas les Rwandais, par exemple ? Pourquoi maintenant ? Réponse, dit-on : mesure électoraliste de Sarkozy, qui n’a pas l’air de porter la Turquie dans son cœur et encore moins son Premier ministre, Erdogan (lire p. 55). Les 500 000 membres de la communauté arménienne de France sauveront-ils le capitaine « Sarko » du naufrage annoncé pour avril ? L’affaire, si elle se résumait véritablement à cela, ne brille ni par sa moralité ni par son intérêt. On se demande d’ailleurs à quoi servira une telle loi, qui ne doit concerner, chez le pékin français moyen, qu’une infime minorité de hères avinés attablés au zinc d’un troquet à qui il viendrait l’idée de se pencher sur la question un soir de déprime. Quant à hérisser des Turcs pour le moins sourcilleux dès lors que l’on égratigne leur patrie, ce n’est guère plus malin. Réponse du berger à la bergère, au grand dam d’Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères bien seul dans sa lucidité sur ce coup-là, lui qui s’est permis de critiquer cette loi « inopportune » : menace de rupture diplomatique brandie par Ankara, mesures de rétorsions promises à la France et, last but not least, accusation de « génocide » en Algérie lancée par Erdogan. Quand on vous dit que les politiques ne devraient pas se sentir une âme d’historien…
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MALI MENACE SUR LES ÉLECTIONS Trois mois avant la présidentielle, la résurgence de la rébellion touarègue bouleverse la précampagne. Jusqu’à remettre en question l’organisation du scrutin…
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE
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France-Côte d’Ivoire Que se sont-ils dit ? Valérie Trierweiler Future première dame de France ? Léon Mugesera Un lourd passé rwandais Youssef Amrani : « Le Maroc reviendra un jour dans l’Union africaine » RD Congo Majorité émiettée États-Unis Obama, Rambo et les républicains Kenya En route vers un procès Liberté de la presse Cinq mention bien Business Éclaircie dans l’Ouest africain Forum économique mondial Présents et pimpants Tour du monde
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GRAND ANGLE
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Algérie-Maroc Et s’ils s’entendaient ?
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
32 34
Mali Menace sur les élections Sénégal Le complexe casamançais JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
ALGÉRIEMAROC Et s’ils s’entendaient? Les deux pays devraient faire le compte de ce que leur ont coûté cinquante années de discorde.
GRAND ANGLE
38 FRANÇOIS BOZIZÉ « IL SUFFIRAIT D’UN RIEN POUR QUE LA CENTRAFRIQUE RENAISSE » Grande interview du chef de l’État centrafricain. 35 36 38
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CAMEROUN L’EMPIRE FOTSO SE DÉCHIRE Entre le patriarche Victor Fotso et son héritier présumé, Yves-Michel, le torchon brûle. Enquête.
Madagascar Indésirable Ravalomanana Cameroun En prison pour rien… La grande interview François Bozizé : « Il suffirait d’un rien pour que la Centrafrique renaisse »
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Syrie Pourquoi Assad résiste encore Tunisie Trois femmes d’influence Pétrole Mauvais calcul saoudien Opinion Les fleurs du Printemps arabe se sont-elles déjà fanées ? Libye « Abdeljalil, dégage ! » Égypte La révolution en héritage
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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE
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France Qui a peur de François Bayrou? États-Unis Jeu de massacre Turquie-France Court-circuit Parcours Saïd Mahrane : la lettre au père Chine Ordos, capitale fantôme Corée du Nord Un Kim peut en cacher un autre
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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
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Gabon Faut-il croire à l’émergence ?
JEUNE AFRIQUE
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LE PLUS
de Jeune Afrique
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GABON FAUT-IL CROIRE À L’ÉMERGENCE? Plus de deux ans après l’investiture d’Ali Bongo Ondimba, les premiers effets de sa stratégie se font sentir. Reste à savoir si les résultats seront au rendez-vous. Spécial 24 pages
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CINÉMA INTERVIEW DE LEÏLA KILANI Après deux documentaires remarqués, la réalisatrice marocaine se lance dans la fiction. Sur la planche explore la part d’ombre de Tanger.
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ÉCONOMIE
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Cameroun L’empire Fotso se déchire Assurances Allianz Africa, un centenaire très actif Tourisme Marrakech fait le gros dos Interview Hien Sié, directeur général du Port autonome d’Abidjan Banque Daouda Coulibaly, un Ivoirien à la SIB Télécoms Robert Aouad assure sur toute la ligne au Bénin Tunisie La Star retrouve la lumière
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LE DOSSIER Mines L’africanisation est en marche CULTURE & MÉDIAS Cinéma Interview de la réalisatrice marocaine Leïla Kilani Adieu Etta James, la vie comme une chanson La semaine culturelle de Jeune Afrique En kiosque La revue VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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PARAMANGA ERNEST YONLI : un fidèle parmi les fidèles de Blaise Compaoré.
JACK GUEZ/AFP
FESTIVAL LE SOCIAL EN MUSIQUE
Burkina Qui pour succéder à Kaboré?
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LUS DE 3 500 MILITANTS sont attendus du 2 au 4 mars aux cinquièmes assises du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti du président Compaoré, au terme duquel le bureau politique devrait être largement renouvelé. Ainsi, Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel président du parti (et de l’Assemblée nationale), ne se représentera pas. Trois favoris pour lui succéder : l’ancien Premier ministre Paramanga Ernest Yonli, Salif Diallo, un ex-ministre de l’Agriculture qui connaît un retour en grâce après avoir été suspendu des instances dirigeantes en 2009, et Arsène Bonyessan Yé, le ministre chargé des Réformes politiques. Le premier paraît tenir la corde en raison de son indéfectible loyauté envers Compaoré. Le futur patron du parti pourrait ne plus avoir le titre de président, mais celui de secrétaire général – ou exécutif. Une preuve supplémentaire de la volonté du chef de l’État de reprendre en main une formation confrontée à de vives dissensions internes à dix mois des élections législatives et municipales. ● FORUM DE DAVOS BENKIRANE ET LA TENTATION
Invité aux côtés de Hamadi Jebali, son homologue tunisien,às’exprimerlorsdurécent Forum économique mondial de Davos (Suisse), Abdelilah Benkirane, le nouveau chef du gouvernement marocain, N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
s’est montré fidèle à sa réputation de tribun. À la journaliste libano-américaine Raghida Dergham, qui s’inquiétait du flou entretenu par les islamistes sur la laïcité et la question féminine, il a répondu, le 26 janvier : « On exagère les craintes, et nous devons constamment nous justifier.
Les extrémistes sont partout, nous l’étions dans notre jeunesse, mais aujourd’hui nous sommes modérés. Quand je reçoisunresponsableétranger, je suis toujours prêt à résoudre les problèmes. Je demande seulement qu’on ne mette pas d’alcool à ma table. Est-ce de l’extrémisme ? »
Magic System (Côte d’Ivoire), Angélique Kidjo (Bénin), Lokua Kanza, Werrason (RD Congo), Coumba Gawlo (Sénégal), Sexion d’assaut (France) et bien d’autres artistes devraient participer à la cinquième édition du Festival des musiques u r b a i n e s d ’A n o u m a b o (Femua), du 6 au 9 avril à Anoumabo (Marcor y, Abidjan). Festival culturel, le Femua se caractérise aussi par sa dimension sociale. Au programme cette année : la réhabilitation de la pouponnière de Bouaké. LE CHIFFRE QUI INQUIÈTE
420000
C’est le nombre total des travailleurs originaires du Sahel rapatriés de Libye depuis 2011, selon un rapport de l’ONU du 18 janvier. Les plus nombreux sont les Nigériens (200 000), suivis des Tchadiens (150 000), des Mauritaniens (40 000) et des Maliens (30 000). INVESTISSEMENTS AFRICA IS BEAUTIFUL
Selon une étude de l’Economist Intelligence Unit réalisée àlademandedufondsd’investissement Abu Dhabi Asset Management, plus de la moitié des banques privées et des fonds d’investissement dans le monde jugent l’Afrique attractive pour les investissements au cours des dix prochaines années. Un tiers des 158 établissements financiers interrogés envisagent d’y placer au moins 5 % de leurs portefeuilles d’ici à 2016. Les pays où les perspectives de rendement sont les plus élevées ? Dans l’ordre, le Nigeria, le Kenya, le Zimbabwe, l’Égypte et le Ghana. JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société MAURITANIE AFFAIRE CHAFI (SUITE)
Union africaine Cen-Sad : Approches marocaines • LE MAROC HÉBERGERA-T-IL la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad)? Il l’a en tout cas proposé – et a reçu un écho très favorable – lors d’une rencontre organisée le 25 janvier à Addis-Abeba en marge du 18e sommet de l’Union africaine. Le royaume chérifien, qui, comme l’on sait, n’est pas membre de l’organisation continentale, cherche ainsi le moyen de reprendre pied sur la scène africaine. Et la Cen-Sad, plutôt mal en point depuis la chute de Mouammar Kaddafi, pourrait y trouver un second souffle.
En toute discrétion • LORS DU SOMMET proprement dit, les 29 et 30 janvier, l’UA a pris possession de ses locaux flambant neufs, intégralement financés par la Chine à hauteur de 200 millions de dollars. À quelques dizaines de mètres, un hôtel Sheraton est en construction. Il abritera plusieurs suites présidentielles qu’un tunnel devrait relier au siège de l’UA, permettant ainsi aux chefs d’État et de gouvernement de circuler en toute discrétion. ●
LIBYE PATRONS FRANÇAIS EN FORCE
TUNISIE ENNAHDHA ET LE FOU DE DIEU Majoritaire au sein de l’Assemblée nationale constituante@, le parti islamiste Ennahdha n’en finit plus d’inquiéter. Alors que, durant toute la campagne électorale, elle s’était évertuée à rassurer les Tunisiens – et les investisseurs –, la formation de Rached Ghannouchi et de Hamadi
Une délégation du Medef est attendue en Libye (Tripoli, Benghazi et Misrata) les 13 et 14 février. Une bonne centaine de chefs d’entreprise français souhaitant participer au voyage, l’organisation patronale a préféré affréter un avion que de recourir aux lignes régulières, solution qui aurait offert moins de souplesse pour relier les trois villes. Le « marché » – autour de 90 000 euros – a été remporté par un courtier, qui a loué à Air France un appareil et son équipage. DÉVELOPPEMENT VIARD BAT EN RETRAITE
JEUNE AFRIQUE
MÉDIAS TV5 AIME LA TUNISIE
À en croire le baromètre annuel Maghreboscope (TNS Sofres), TV5 Monde est désormais la chaîne francophone la plus regardée en Tunisie, avec une audience en hausse de 10,8 points. Avec un record auprès des « CSP+ » (catégories socioprofessionnelles supérieures) : 47,5 % d’audience hebdomadaire, le double de l’an dernier.
IL A ÉTÉ OPÉRÉ DE POLYPES À L’INTESTIN
Erdogan gravement malade ?
UMIT BEKTAS/REUTERS
En désaccord avec sa direction, Étienne Viard (61 ans), directeur général de Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD) chargée de l’investissement dans le secteur privé, s’est résolu à mettre un terme à vingt-quatre ans de carrière à l’AFD en rachetant deux années de retraite. Il avait intégré le groupe en 1988, avant de rejoindre Proparco en 1999 et d’en prendre la direction fin 2010.
Jebali multiplie désormais les dérapages. Dernier en date : les folles déclarations de l’un de ses élus, Sadok Chourou, qui dirigea sa branche armée à la fin des années 1980. En plein débat à l’Assemblée, le 24 janvier, sur la situation socioéconomique préoccupante que connaît le pays, Chourou a estimé que les grévistes et les manifestants étaient des « apostats » passibles de la charia – une première dans l’hémicycle. Il propose donc « de les écarteler, de les crucifier ou de les exécuter ». Pour un parti prétendument modéré…
Accusé par la justice mauritanienne de soutenir le terrorisme, Mustapha Chafi, le conseiller de Blaise Compaoré, a confié à Me Brahim Ebety, avocat à la cour de Nouakchott, le soin de le défendre. Ce dernier préside un collectif d’une dizaine d’avocats africains et européens qui tentent d’obtenir communication du dossier d’accusation. Chafi a également reçu le soutien de Mohamed El Moctar, le président de l’association des maires du nord du pays, et celui de nombreux élus. Quant à Mariem Aziza Taleb, qui coordonne le mouvement Nous sommes tous Mustapha Chafi, elle organise des sit-in dans les grandes villes du pays. Tous dénoncent l’instrumentalisation de la justice par le président Aziz.
Et si les rumeurs sur l’état de santé de Recep Tayyip Erdogan (57 ans) étaient fondées ? Le Premier ministre turc a subi le 26 novembre une opération de l’intestin. Selon des sources médicales, les polypes prélevés, qui ont été transmis pour examen à l’hôpital de l’université de Hacettepe, à Ankara, seraient de nature cancéreuse. Des métastases aux poumons ayant apparemment été décelées, les médecins n’accorderaient plus au chef du gouvernement que deux ans à vivre. Le 19 janvier, ce dernier a démenti souffrir d’un cancer. Mais la thèse contraire est renforcée par la récente prolongation de deux ans du mandat du président Abdullah Gül, alors qu’Erdogan souhaitait jusqu’à tout récemment lui succéder dès cette année. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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La semaine de Jeune Afrique
OUATTARA-SARKOZY
Que se sont-ils
dit?
Pour sa première visite d’État, le président ivoirien a été chaleureusement accueilli par son ami français. Ce qui ne les a pas empêchés d’aborder les questions délicates de la réconciliation et de la dette ivoiriennes. CHRISTOPHE BOISBOUVIER
Q
ue se sont-ils dit en tête à tête ? Oh, l’aparté n’a duré que cinq minutes, le 26 janvier au premier étage de l’Élysée, juste après l’entretien officiel entre les deux délégations. À cet instant, tout le monde était redescendu au rez-de-chaussée pour préparer le point de presse. Nicolas Sarkozy et Alassane Ouattara, eux, sont restés seuls au premier étage avant de rejoindre les journalistes. Cinq minutes, c’est rien. Mais, entre ces deux compères, c’est beaucoup… Pendant les cinquante minutes de l’entretien élargi, « l’ambiance a été extrêmement chaleureuse et amicale », raconte l’un des témoins français. « Tu te rappelles quand j’étais venu te voir à Paris et que tu m’avais dit… ? » « Oui, oui, et tu m’avais répondu… » « Le climat était bon enfant, mais les questions sérieuses ont été abordées, ajoute un témoin ivoirien. On a trouvé la bonne articulation entre les deux. » Côté français, Nicolas Sarkozy était flanqué de Gérard Longuet (Défense), François Baroin (Économie et Finances) et Henri de Raincourt (Coopération). Côté ivoirien, Alassane Ouattara était accompagné par Hamed Bakayoko (Intérieur), DanielKablanDuncan(Affairesétrangères),Charles Diby Koffi (Économie et Finances) et Adama Toungara (Mines et Énergie). Deux piliers de la maison Ouattara étaient là aussi : Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la présidence, et Marcel Amon Tanoh, directeur de cabinet. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Avant cet entretien, chacun avait une priorité. Les Français voulaient aborder « le thème délicat » de la réconciliation ivoirienne et s’assurer que la justice passerait pour tout le monde, y compris pour les ex-combattants pro-Ouattara. Les Ivoiriens souhaitaient que la France fasse pression pour que le Fonds monétaire international (FMI) facilite l’obtention du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) : à la clé, une annulation de la dette extérieure d’environ 6 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros). Le cabinet de Ouattara avait soigneusement préparé l’argumentaire. Et pour mettre les Français dans les meilleures dispositions possible, les autorités ivoiriennes avaient annoncé deux jours plus tôt le retour en prison du policier Théodore Dago Séri, le meurtrier du journaliste de RFI Jean Hélène, qui s’était fait la belle l’an dernier à la faveur de la bataille d’Abidjan.
SANG SUR LES MAINS. Sur la réconciliation, Alassane Ouattara a pris habilement les devants. « Je suis déterminé à combattre l’impunité et à soutenir une justice impartiale », a-t-il dit. Des noms de comzones (ex-chefs de guerre pro-Ouattara) qui ont du sang sur les mains ont-ils été évoqués ? « Non, aucun, répondent nos deux témoins français et ivoirien. Il n’y a pas eu d’injonction de Nicolas Sarkozy sur quoi que ce soit. » En fait, ce que les Français n’ont pas dit à leurs amis ivoiriens, c’est qu’ils vont mettre les comzones en quarantaine. Aux termes du nouvel accord de défense signé à l’Élysée ce 26 janvier, 250 à 300 soldats français vont rester à Abidjan pour former les cadres de la future armée ivoirienne. « Pas question de travailler avec des gens soupçonnés de crimes de guerre, souligne un haut fonctionnaire français. Nous serons très attentifs à cela. » Toujours au chapitre de la réconciliation, le président français a interrogé son interlocuteur sur son dialogue difficile avec les dirigeants du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo. Alassane Ouattara: « J’ai fait le maximum
DÎNER D’ÉTAT À le 26 janvier, en présence des deux premières dames, Carla Bruni-Sarkozy (à g.) et Dominique Ouattara. L’ÉLYSÉE,
« Tu as raison, il faut continuer de tendre la main aux partisans de Gbagbo. » SARKOZY À OUATTARA JEUNE AFRIQUE
GUIBBAUD-MOUSSE/POOL/REA
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son vieil ami: « Tu penses que tu peux gagner? » On pour qu’ils participent aux législatives [de décembre dernier]. Certains étaient prêts à y aller, mais ils ont devine moins la réponse… Évidemment, Alassane eu peur. » Nicolas Sarkozy : « Oui, tu as tout à fait Ouattara sait que, le 6 mai prochain, tout peut changer à Paris. Mais ce 26 janvier, il n’a pas voulu raison. Il faut continuer à leur tendre la main. Il ne faut pas désespérer. Avec le temps, ça viendra. » anticiper et n’a fait aucune démarche pour renSur la dette, les Ivoiriens ont eu aussi en face contrer François Hollande ou François Bayrou. d’eux un Sarkozy très coopératif Chaque chose en son temps. Cette visite d’État, Ouattara voulait la (lire p. 12). « On voulait une plus Bertrand Delanoë faire avant tout pour remercier forte implication de la France a transmis un pour que nous puissions atteindre Sarkozy : « Sans l’intervention message de le point d’achèvement PPTE le française d’avril 2011 sous mandat plus rapidement possible, confie des Nations unies, il y aurait eu, François Hollande. un membre de la délégation en Côte d’Ivoire, un génocide pire Ouattara. Sarkozy nous a promis qu’il demanqu’au Rwanda. Abidjan, c’est 6 millions d’habitants. derait au FMI d’accélérer les choses. » Du coup, Tel que c’était parti, on aurait pu avoir 1 million Ouattara n’a pas voulu gâcher l’ambiance en évode personnes assassinées » (Le Monde, 26 janquant la question des visas que la France accorde vier 2012). Et Ouattara de saluer le « courage » du au compte-gouttes. « Nous avions préparé un président français. dossier sur les visas, mais Ouattara ne nous en a pas parlé », lâche un diplomate français. À L’AISE. De son côté, François Hollande a-t-il Alors, que se sont dit Ouattara et Sarkozy en tête à cherché à rencontrer le président ivoirien ? « Non, tête? Peut-être ont-ils parlé du cas Abdoulaye Wade, répond l’un des conseillers du candidat socialiste. le grand ami sénégalais du président ivoirien… Sûr Il n’y a aucun problème entre les deux hommes. qu’ils ont évoqué la présidentielle française d’avrilAu contraire, Hollande est très à l’aise sur le dossier mai prochains. On imagine bien Ouattara disant à ivoirien. Dès 2004, il a jugé Gbagbo infréquentable. JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. L’événement ÌALASSANE Après le coup de force électoral de OUATTARA et 2010, il a même demandé l’excluNicolas sion du FPI de l’Internationale Sarkozy, à socialiste. Simplement, Hollande l’Élysée, le refuse de courir après l’Élysée et 26 janvier. de caler son agenda sur celui de Sarkozy. Lors du G20 de Cannes, on n’a pas fait un contre-G20. Lors du Forum sur l’eau [en mars prochain], on ne fera pas un contre-forum*. » En coulisses, le contact Ouattara-Hollande est bien établi. L’intermédiaire s’appelle Laurent Fabius. L’ancien Premier ministre français est un vieil ami du chef de l’État ivoirien. Il est aussi l’un des principaux conseillers du candidat français. Ouattara et Fabius n’ont pas oublié de s’appeler pour les vœux du nouvel an. Pas question d’insulter l’avenir. Mieux, le 27 janvier, lors de sa visite à l’Hôtel de Ville de Paris, Alassane Ouattara a reçu des mains de Bertrand Delanoë, le maire socialiste de Paris, un message personnel de François Hollande. « Un message très cordial », confie le président ivoirien. Au moment où Alassane Ouattara arrive enfin au pouvoir,NicolasSarkozyévoquesonpossibledépart. La politique est cruelle… ● * Interrogé par Jeune Afrique en août 2011 (J.A. no 2639), François Hollande avait déclaré : « Je n’ai aucune affinité politique avec Alassane Ouattara, mais si je deviens président, j’aurai à travailler avec lui comme avec d’autres. »
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Les ombres au tableau
Comzones
Certains d’entre eux sont soupçonnés d’enrichissement illicite ou de crimes de guerre. Dans le cadre de leur coopération militaire, les Français refusent de traiter avec ces derniers.
Agenda parisien Dîner d’État à l’Élysée, rencontre avec le patronat français… Le programme du président ivoirien était chargé. Il s’est soldé par la signature d’un accord de défense et par une promesse de remise de dette.
L
a première visite officielle en France (25-28 janvier) d’Alassane Ouattara s’est déroulée dans une ambiance particulièrement chaleureuse. Accompagné de son épouse, Dominique, de plusieurs membres de son gouvernement et présidents d’institutions ivoiriennes, le chef de l’État a été accueilli à son arrivée à l’aéroport d’Orly par Claude Guéant, le ministre français de l’Intérieur. Trois hélicoptères Super Puma de l’armée française l’ont ensuite transporté, avec sa suite, jusqu’aux Invalides. Puis direction l’hôtel Meurice, rue de Rivoli, sa résidence officielle durant ce séjour. Le lendemain, 26 janvier, le président ivoirien a assisté à une cérémonie à l’Arc-de-Triomphe sur une avenue des Champs-Élysées pavoisée aux couleurs N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
françaises et ivoiriennes : salut au drapeau, hymnes nationaux et hommage au soldat inconnu, en présence de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture. Son audience à l’Élysée a été suivie d’un dîner d’État réunissant, outre les personnalités officielles et les diplomates (comme Georges Serre, le futur ambassadeur de France en Côte d’Ivoire), des hommes d’affaires (Olivier Bouygues, Vincent Bolloré, Pierre Castel…) et des people (Basile Boli, Meiway, Magic System…). FLAMME. Le 27 janvier, Alassane Ouattara
a rencontré les patrons français au siège du Medef, et a déjeuné à Matignon avec François Fillon, le Premier ministre. On a également aperçu des hommes d’affaires à l’hôtel Meurice, introduits par Jean-Marc Simon,l’ancienambassadeurdeFranceen
Visas
Les Ivoiriens jugent que Paris les accordent avec trop de parcimonie.
Côte d’Ivoire, parmi lesquels des responsables de Total Exploration. « La France est notre alliée traditionnelle. Le président est venu rallumer la flamme entre nos pays, après tant d’années de doutes et de balbutiements. Ce qui nous lie est plus fort que ce qui nous divise », confiait un proche du chef de l’État, qui se félicitait que ce séjour se soit déroulé sans couac, malgré la manifestation de protestation des Patriotes ivoiriens, proches de l’ancien président Laurent Gbagbo, aujourd’hui détenu à La Haye, aux Pays-Bas. Surtout, la Côte d’Ivoire a signé un nouvel accord de défense et a bénéficié d’une nouvelle promesse de remise de sa dette à l’égard de la France de 1 milliard d’euros. Au total, Paris pourrait annuler 3 milliards d’euros de dette, une fois qu’Abidjan aura obtenu l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Sarkozy s’est engagé à soutenir le dossier ivoirien dans le cadre de cette initiative auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, et a promis de continuer à appuyer les efforts de reconstruction du pays. ● BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Les gens
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JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FEDEPHOTO POUR LE MONDE
ð Aux côtés de FRANÇOIS HOLLANDE, le 7 janvier, à Tulle.
Valérie Trierweiler Future première dame de France?
Compagne discrète du candidat socialiste à la présidentielle française, l’ex-journaliste politique a choisi de faire sa sortie médiatique. Une stratégie bien calculée.
L
ors de son meeting du Bourget, François Hollande, candidat socialiste à l’élection présidentielle française, a signé, le 22 janvier, le lancement de sa campagne avec la présentation de son programme. Ce premier grand rendez-vous a aussi été pour lui l’occasion de lancer sa compagne, Valérie Trierweiler, 46 ans, dans le grand bain médiatique. Le baiser échangé devant les caméras à l’issue de son discours-programme n’est pas passé inaperçu. Il a marqué le début d’une offensive de charme auprès des médias de la part de celle qui avait jusqu’à présent choisi de rester dans l’ombre. La journaliste, dont la carrière a commencé en 1988 au sein de la rédaction de Profession politique, puis de Paris Match, s’était en effet attachée à faire le moins de vagues possible et à éviter que les projecteurs se braquent sur elle. Responsable de l’émission politique 2012 Portraits de campagne sur la chaîne Direct 8, elle a décidé de
l’abandonner le 1er octobre 2011, après le succès de François Hollande à la primaire socialiste, pour ne pas déclencher de polémique. EN PREMIÈRE LIGNE. Toujours à proxi-
mité de son compagnon, elle a cependant pris soin de cultiver une certaine discrétion au cours des derniers mois. Mais en ce début d’année 2012, elle semble avoir changé d’avis. Sa présence, cette fois remarquée, au premier rang du meeting du Bourget illustre son changement d’attitude, qui s’est accompagné d’une véritable opération séduction en direction des médias. En quarante-huit heures, Valérie Trierweiler a abandonné sa position en retrait pour monter en première ligne. Officiellement, il s’agissait pour elle de présenter sa nouvelle émission, Itinéraires, dans laquelle elle s’entretient avec des personnalités issues du monde culturel. Mais de toute évidence, elle en a profité pour imposer son
image auprès de l’opinion publique en multipliant les interviews dans la presse écrite et les apparitions sur les plateaux de télévision. Après tout, si l’on en croit les sondages, elle pourrait bien devenir la première dame de France. Elle doit donc peaufiner sa présentation, même si, dit-elle, « [sa] nature profonde n’est pas l’exhibition ». Elle ajoute cependant qu’elle a « envie de vivre la campagne présidentielle », à tel point qu’elle dispose d’un bureau rue de Ségur, dans le 7e arrondissement de Paris, au QG de campagne de François Hollande. Sa présence de plus en plus visible risque d’en agacer plus d’un dans l’entourage du candidat socialiste. « J’ai besoin d’être dans une ambiance collective, les autres me sont nécessaires pour travailler. Évidemment, des gens passent et me demandent parfois un avis, mais de façon totalement informelle. Ma contribution s’arrête là », confiait-elle dans un entretien accordé au Nouvel Observateur pour justifier l’attribution de ce bureau. Se contentera-t-elle de répondre au courrier qu’on lui adresse, comme elle l’affirmait sur le plateau du Grand Journal de Canal+ ? Rien n’est moins sûr depuis qu’elle cherche un peu plus à apparaître dans la lumière. La bataille pour la présidentielle se joue également sur le terrain du people, et Valérie Trierweiler sait qu’il faut savoir occuper ce terrain et l’entretenir. Il était donc important pour elle de faire sa sortie médiatique avant que Nicolas Sarkozy annonce qu’il est candidat à sa réélection. Car à ce moment-là, les regards et les caméras se tourneront immanquablement vers une certaine Carla Bruni, plus expérimentée en la matière et bien mieux connue du grand public. En ces temps où une élection se gagne ou se perd aussi au niveau de la communication, Valérie Trierweiler a bien compris l’importance de jouer avec l’ombre et la lumière. ● CLAUDE LEBLANC
NOMINATIONS
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ALPHONSE NTUMBA LUABA LUMU GRANDS LACS Ce professeur congolais est le nouveau secrétaire exécutif de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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GABRIEL JARAMILLO LUTTE CONTRE LE SIDA Le banquier brésilien a été désigné directeur général du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme après à la démission de Michel Kazatchkine. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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ZAHIA DEHAR
Léon Mugesera Un lourd passé DR
IMANY
« DISCOURS INCENDIAIRE ». Le 22 novembre 1992, il pro-
JEUNE AFRIQUE
Alors que son album The Shape of a Broken Heart est disque de platine et sera réédité en février, la chanteuse française d’origine comorienne a été nommée aux Victoires de la musique dans la catégorie « Révélation scène ». EN BAISSE
AFP
THÉODORE DAGO SÉRI Condamné à dix-sept ans de réclusion pour le meurtre du journaliste français Jean Hélène en 2003, le policier ivoirien a été arrêté et reconduit à la prison d’Abidjan, d’où il s’était évadé durant la crise postélectorale. HAFIZ RINGIM
DR
AFP
nonce un discours devant environ un millier de personnes à Kabaya, non loin de Gisenyi. Il s’en prend à ceux « qui ont envoyé leurs enfants pour prêter main-forte aux Inkotanyi [le Front populaire rwandais, NDLR] » et se demande pourquoi on ne les extermine pas. Et préconise le retour des Tutsis dans leur « pays », « l’Éthiopie ». Le 25 novembre, le ministre de la Justice demande au procureur de la République d’arrêter Mugesera pour « avoir tenu un À son arrivée à KIGALI, dans la nuit du 24 au 25 janvier. discours incendiaire susceptible de dresser les citoyens les uns contre les autres et même de causer des troubles sur le territoire de la République ». Le 26 novembre, le procureur émet un mandat d’amener pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Le 6 décembre, un télégramme de recherche pour « incitation à la haine et au génocide » est diffusé par le procureur. Entre-temps, Mugesera, qui a trouvé refuge dans un camp militaire, réussit à quitter le Rwanda avec sa famille. Après un bref séjour en Espagne, il gagne le Canada. Mais en 1995, son discours de Kabaya se met à circuler. Ottawa entame alors la procédure qui va conduire à son expulsion. D’autant que, le 13 janvier 1995, un procureur rwandais lance un mandat d’arrêt contre lui pour « planification du génocide ». ● TSHITENGE LUBABU M.K.
À l’approche du cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, les caricaturistes français et algérien ont échangé leurs places, Plantu a croqué pour le quotidien Liberté du 21 au 26 janvier et Dilem pour Le Monde du 21 au 28 janvier.
LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES
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est menottes aux poignets et encadré par deux policiers que Léon Mugesera, 60 ans, est apparu sur le tarmac de l’aéroport de Kigali, dans la nuit du 24 au 25 janvier. Extradé par le Canada un jour plus tôt au terme d’un long feuilleton judiciaire, cet ancien professeur à l’université Laval, au Québec, est entré, à sa manière, dans l’histoire du Rwanda, en 1992. À cette époque, le pays des Mille Collines est en pleine guerre civile. Les parties belligérantes, sous les auspices de la communauté internationale, mènent des pourparlers de paix à Arusha, en Tanzanie. En attendant, un gouvernement de transition a été mis en place. Mugesera, qui enseigne à l’université nationale, à Butare, est vice-président du Mouvement républicain national pour la démocratie et le progrès (MRND) au niveau de la préfecture de Gisenyi (Nord-Ouest). Il est, dit-on, de ceux qui prônent le Hutu Power, bien qu’il y ait des Tutsis dans sa propre famille.
ALI DILEM-PLANTU
DR
Au terme d’une longue bataille judiciaire, l’un des planificateurs présumés du génocide rwandais a été extradé par le Canada vers Kigali.
Parrainée par le styliste Karl Lagerfeld, l’ex-escort girl d’origine algérienne a lancé avec succès sa marque de lingerie de luxe le 25 janvier au Palais de Chaillot, à Paris.
Le chef de la police nigériane et ses six adjoints ont été limogés le 25 janvier par le président Goodluck Jonathan après une série d’attaques revendiquées par la secte islamiste Boko Haram, qui ont fait 185 morts à Kano (Nord).
DR
MOURAD BOUDJELLAL Le président du RCToulon a écopé d’une suspension de cent trente jours pour « atteinte à l’image du rugby, à l’éthique et à la déontologie sportives ». Il avait déclaré le 8 janvier, après une défaite, qu’il avait « vécu une sodomie arbitrale ». N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
La semaine de J.A. Décryptage
Youssef Amrani « Le Maroc reviendra un jour dans l’Union africaine »
À
l’occasion du Forum de Rabat (25 janvier), consacré à l’intensification des relations entre le Maroc et l’Afrique, Youssef Amrani, ancien secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UPM) et tout nouveau ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, explique la stratégie du Maroc à l’égard du continent. JEUNE AFRIQUE: Quel bilan tirez-vous de la politique africaine du Maroc ? YOUSSEF AMRANI : Notre principale
réussite, c’est d’avoir acquis une connaissance très approfondie des marchés africains et des modes opératoires pour s’implanter sur le continent. Grâce à nos entreprises, qui sont très réactives, nous sommes parvenus à développer sur place des partenariats efficaces et nous avons pu procéder à des échanges d’expertise. La principale entrave qui demeure
concerne les instruments financiers. Il faut aujourd’hui trouver des solutions pour mieux garantir le risque et faciliter l’accès des entreprises aux sources de financement. Un retour du Maroc dans l’Union africaine (UA) est-il envisageable ?
Le Maroc est et restera africain. Nous reviendrons un jour dans l’UA, quand les circonstances qui ont présidé à notre départ auront été revues. Pour autant, notre absence de cette institution n’entrave pas notre politique africaine. Nous appartenons à d’autres groupes régionaux, comme l’Union du Maghreb arabe [UMA, NDLR], et nous sommes observateurs à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao]. Nous sommes conscients aujourd’hui que notre priorité, c’est l’Afrique. C’est d’ailleurs grâce au vote des Africains que nous avons été élu au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2012-2013.
RD Congo Majorité émiettée La configuration de la nouvelle Assemblée nationale s’est précisée après la publication, le 26 janvier, de plus de 400 noms des députés élus lors du scrutin du 28 novembre dernier.
D
e report en report (voir p. 37), la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a pris tout le monde de court en publiant, dans la nuit du 26 au 27 janvier, la liste des élus aux législatives du 28 novembre 2011. Ces résultats concernent 432 députés sur les 500 que comptera la future Assemblée nationale. Il manque encore ceux de neuf circonscriptions (trois à Kinshasa et six en province). Les tendances rendues publiques montrent un net recul des principaux partis par rapport aux législatives de 2006. Ainsi, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) passe de 111 élus dans l’Assemblée sortante à 58 dans la prochaine, dont Janet Kabila
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Kyungu et Zoé Kabila, sœur et frère de Joseph Kabila, au Katanga. Remarquable aussi la descente aux enfers de son principal allié au gouvernement, le Parti lumumbiste unifié (Palu), qui compte pour le moment 15 députés, contre 34 auparavant. Dans ces conditions, Adolphe Muzito, qui est issu de ses rangs, pourra-t-il conserver la primature? « Tout dépendra du chef de l’État. Vu l’éclatement de la majorité en plusieurs petits groupes, la partie sera très serrée », répond un nouvel élu du Palu. BOYCOTT. Du côté de l’opposition, la situationn’estguèrebrillante.LeMouvementde libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, première force de l’opposition jusque-là, n’a obtenu que 20 sièges, contre
ABDELHAK SENNA/AFP
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LE MINISTRE DÉLÉGUÉ aux Affaires étrangères. Le Maroc est une terre d’immigration pour les Subsahariens. Comment gérezvous ce phénomène ?
Nous refusons de nous en tenir à une approche sécuritaire et au contrôle des frontières. Nous devons lancer des programmes de développement fondés sur la solidarité avec nos amis africains. L’important, c’est de créer suffisamment d’emplois pour nos jeunes, ici comme chez nos voisins. Cette question ne sera pas résolue du jour au lendemain, mais nous y travaillons. ● Propos recueillis par LEÏLA SLIMANI
64 en 2006. Sanction des électeurs ou conséquence des déchirements que ce parti a connus quelques semaines avant les élections du 28 novembre ? Les deux sans doute. La grande nouveauté vient de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Ayant appelé au boycott il y a cinq ans, la formation d’Étienne Tshisekedi devient le premier parti de l’opposition grâce à ses 34 députés. Mais, pour l’UDPS, il est hors de question de reconnaître ces résultats. Jacquemin Shabani, son secrétaire général, explique: « Ce que la Ceni a proclamé ne correspond pas au vote des Congolais. Il s’agit plutôt de nominations concoctées dansquelques officines où l’on vend ou achète des sièges. Nous n’irons pas à cette Assemblée-là. » La question des irrégularités qui ont jeté le discrédit sur les législatives (et la présidentielle) est telle que la Ceni a demandé à la Cour suprême d’annuler les résultats dans sept circonscriptions et d’entamer des poursuites judiciaires contre certains candidats. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Décryptage JEUNEAFRIQUE.COM
LARRY DOWNING/REUTERS
VINCENT BOISOT/RIVA PRESS
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VIDÉO
Mabri Toikeusse, ministre ivoirien du Plan et du Développement : « La Côte d’Ivoire est de retour sur la scène internationale »
SONDAGE Tunisie : le gouvernement doit-il autoriser le port du niqab à l’université ? À LIRE AUSSI Zyed Krichen, journaliste tunisien : « Les salafistes ont établi une liste de “mécréants” où figure mon nom » Sénégal : Quand le pays se met à l’heure de la téléréalité
CAN 2012 : Les Camerounais boudent la compétition N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
C’EST L’HEURE DE LA CAMPAGNE pour Barack Obama, arrivant au Congrès pour prononcer son discours sur l’état de l’Union, à Washington, le 24 janvier.
États-Unis Obama, Rambo et les républicains En vantant les valeurs des unités d’élite de l’armée, le président fait un clin d’œil en direction de l’électorat conservateur.
L
a spectaculaire attaque commando américaine en Somalie, dans la nuit du 24 au 25 janvier, a permis de libérer une Américaine et un Danois enlevés en octobre dernier dans la ville de Galkayo, à plus de 500 km de la capitale, Mogadiscio. Une vingtaine de Navy Seals – ceux-là mêmes qui avaient abattu Ben Laden en mai 2011 – ont tué les neuf preneurs d’otages. L’assaut a été monté depuis le camp Lemonnier, à Djibouti. En visite sur place le mois dernier, le secrétaire à la Défense, Leon Panetta, avait placé cette base (3 500 hommes) au centre du nouveau dispositif de lutte contre le terrorisme. Il prévoit des interventions plus courtes et plus réactives et rompt avec la doctrineselonlaquellel’arméeaméricaine doit pouvoir se déployer sur deux terrains à la fois. L’administration Obama espère ainsi économiser 487 milliards de dollars (371 milliards d’euros) en dix ans. Mais en cette année électorale, le président n’en a pas moins courtisé les militaires lors de son discours sur l’état de l’Union, le 24 janvier, devant le Congrès. Rendant un hommage appuyé aux troupes de retour d’Irak – l’occasion de souligner qu’il a tenu sa promesse de retrait –, Obama a cité en exemple les valeurs militaires (« courage, générosité
et esprit d’équipe »). Et, rassembleur, il a évoqué, en fin de discours, le fanion que lui ont remis les Navy Seals en souvenir de l’opération Ben Laden : « Dessus, il y a le nom de chacun. Les uns sont démocrates. Les autres, républicains. Mais ça ne compte pas. Tout comme ce jour dans la Situation Room. J’étais assis aux côtés de Bob Gates [alors le secrétaire à la Défense d’Obama, après avoir été celui de George W. Bush, NDLR] et de Hillary Clinton. » DÉGRADÉ. Signe peut-être de la sacra-
lité de l’armée aux États-Unis, la justice militaire a rendu un verdict plus que clément dans le procès du massacre de Haditha, le 24 janvier. En 2005, après un attentat qui avait coûté la vie à un GI dans cette ville du centre de l’Irak, le sergentchef Frank Wuterich avait ordonné à ses hommes de « tirer d’abord et poser des questions ensuite ». Les soldats avaient tué 24 civils, mais toutes les charges contre les membres de l’unité ont été abandonnées. Seul le chef d’accusation de « manquement au devoir » a été retenu contre Wuterich. Au terme d’une transaction, il a été condamné à une peine de trois mois de prison avec sursis, dégradé au rang de simple soldat, avec réduction de salaire. Pas cher payé. ● YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Décryptage
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Kenya En route vers un procès La Cour pénale internationale a confirmé les charges qui pèsent contre quatre personnalités impliquées dans les violences postélectorales de 2007.
ð WILLIAM RUTO (assis, à g.) et Joshua arap Sang (assis, bras croisés) apprennent la décision de la CPI, le 23 janvier.
SAYYID AZIM/AP/SIPA
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ar deux fois, le Parlement kényan a refusé de mettre en place un tribunal spécial chargé de juger les principaux responsables des violences qui avaient fait quelque 1 300 morts et 300 000 déplacés après l’élection présidentielle contestée de décembre 2007. C’est donc la Cour pénale internationale (CPI) qui s’est finalement saisie du dossier de six La décision de la CPI n’a pas proKényans soupçonnés de crimes contre voqué la flambée de violence que l’on l’humanité. redoutait. « Il n’y a eu aucun trouble au Le 23 janvier, elle a confirmé les Kenya, et même les accusés, qui clament charges pesant contre quatre d’entre toujours leur innocence, continueront eux : Uhuru Kenyatta, vice-Premier de coopérer avec la Cour. Cela mérite ministre et ministre des Finances ; William Ruto, Kenyatta et Ruto, accusés mais ancien ministre de l’Enseiaussi candidats à la présidentielle, gnement supérieur; Joshua ont lancé des appels au calme. arap Sang, journaliste à la radio Kass FM ; et Francis Muthaura, responsable de la fonction d’être souligné », s’est réjoui le procureur, publique et bras droit du président Luis Moreno-Ocampo. « Je rappelle aux Kibaki. Faute de preuves suffisantes, Kényans que le processus de La Haye les magistrats de La Haye ont pour ne nous a pas été imposé », a pour sa l’heure renoncé à juger Henry Kosgey, part affirmé Gitobu Imanyara, député l’ancien ministre de l’Industrialisation, d’Imenti Centre et militant des droits et Mohamed Hussein Ali, qui était le de l’homme. « Il a été suggéré par le chef de la police au moment des faits. juge Waki, et nous l’avons fait nôtre en
adoptant le rapport Waki à l’unanimité au Parlement. » Le 22 janvier, la veille de la décision de la Cour, Ruto avait déclaré: « Nous nous sommes engagésànejamaisprendreles armes contre un autre Kényan, etc’estunepromessequenous tiendrons, quelle que soit la décision de la CPI. » Kenyatta a luiaussi appeléaucalme:«Les Kényans, a-t-il dit, ne doivent pas écouter ceux qui essaient de les diviser en fonction de considérations tribales. » Candidats à l’élection qui doit se tenir d’ici à mars 2013, les deux hommes cherchent sans doute à préserver autant que possible leur stature de présidentiable. Toutenenvisageantl’ensembledesrecours possibles sur le plan légal. RICHISSIME. Il n’empêche: la possibilité
que leurs procès respectifs s’ouvrent dans les dix-huit mois qui viennent risque de perturber le processus électoral, voire de déboucher sur la mise en accusation d’un président élu. Si Raila Odinga, l’actuel Premier ministre, part largement favori dans la course à la succession de Mwai Kibaki, William Ruto comme Uhuru Kenyatta sont des concurrents sérieux. Richissime héritier de Jomo Kenyatta, le père de l’indépendance, ce dernier a démissionné le 26 janvier de ses fonctions de ministre des Finances… mais conserve celles de vice-Premier ministre. ● NICOLAS MICHEL
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
SUZANNE PLUNKETT/REUTERS
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FÉVRIER Jubilé de diamant de la reine Elizabeth, marquant le 60e anniversaire de son accession au trône. Les membres de sa famille iront dans tous les pays du Commonwealth en 2012. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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FÉVRIER Premier anniversaire de la chute de Hosni Moubarak. L’ancien président égyptien est jugé depuis août dernier. Le 5 janvier, le parquet a requis la peine de mort contre lui.
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FÉVRIER À l’Hôtel de Ville de Paris, 18e édition du Maghreb des livres, qui aura pour thème les lettres marocaines. Près de 150 auteurs sont attendus. JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
« C’est enfin, après des
Liberté de la presse Cinq mention bien
(C (Classement RSF)
1 - Cap Vert 2 - Namibie 3 - Mali 4 - Niger 5 - Ghana
JUSTINE SPIEGEL
Business Éclaircie dans l’Ouest africain MARTIN, jeune entrepreneur burkinabè, a décidé de créer son entreprise de textile à Ouagadougou. Il ne lui a fallu que treize jours pour accomplir toutes les formalités. » Extraite du premier rapport « Doing business » dans les États membres de l’Ohada 2012, publié le 25 janvier, cette saynète est censée démontrer que l’environnement des affaires s’améliore dans les seize États membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada), qui rassemble les pays de la zone franc et la Guinée-Conakry. Un travail qui a réuni des équipes de la Banque mondiale et de l’organisation panafricaine. Création d’entreprise, obtention d’un permis de construire ou d’un prêt, transfert de propriété, exécution des contrats… Les dix critères du « Doing Business » ont été passés au crible pour juger de l’évolution de l’environnement des affaires des pays ouest-africains. « Au cours des quinze dernières années, ces pays ont fait des progrès phénoménaux », assure Dorothé Cossi Sossa, le secrétaire permanent de l’Ohada. Mais s’il est possible de créer une entreprise en cinq jours au Sénégal (comme au Canada), d’obtenir un permis de construire en 98 jours au Burkina (contre 207 jours en 2005), ou si le délai pour résoudre un litige commercial a été réduit de 90 jours au Mali, les pays de l’Ohada se trouvent en moyenne à la 166e place sur les 183 économies étudiées. Il ne faut pas moins de 49 paiements et de 400 heures par an en moyenne aux entreprises de ces 16 États pour s’acquitter des taxes et impôts. Peut mieux faire ! ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
FELLAG Humoriste algérien (à propos du couscous, plat préféré des Français selon certains sondages)
« Je me demande si, dans son exil saoudien, l’ancien président de la République tunisienne continue de se teindre les cheveux. » PATRICK BESSON Écrivain français
« En Afrique, nous ne raisonnons pas en termes d’âge. Il y a des chefs de village qui ont 100 ans. Je serai le dernier barracuda parmi les petits poissons. » ABDOULAYE WADE Président du Sénégal (qui brigue un nouveau mandat)
« Vous savez quel est le féminin de député, à l’UMP ? Suppléante ! » BRIGITTE KUSTER Maire UMP du 17e arrondissement de Paris
«
Ne pas avoir la nationalité française, c’est peut-être un garde-fou, une protection contre l’enflure de la vanité. » DANIEL COHNBENDIT Eurodéputé, coprésident du groupe des Verts au Parlement européen
JS EVRARD/SIPA
LES AFRICAINS LES MIEUX CLASSÉS
monde les plus respectueux de la liberté de la presse. L’ONG loue un « modèle de bonne gouvernance » et des journalistes « pleinement libres ». La Namibie (20 e) distance le Royaume-Uni (28e) et la France (38e). Le Mali (25e) et le Ghana (41e), « traditionnels moteurs du continent en matière de respect des journalistes », ne sont pas en reste. Enfin, mention spéciale pour le Niger (29e) qui, avec un bond de soixante-quinze places en un an, réalise la plus forte progression mondiale. La presse y est « libre et bénéficie d’une législation favorable », note RSF. Autant d’exemples à suivre pour l’Espagne (39e), le Brésil (99e) ou la Corée du Nord (178e). ●
dizaines d’années de relation névrotique, une preuve d’amour des Français à l’égard des Maghrébins. Le couscous, c’est le cheval de Troie de notre sensualité. Ou plutôt notre âne de Troie ! »
BENAROCH/NIKO/SIPA
LES PAYS AFRICAINS sont de plus en plus nombreux sur le banc des bons élèves de la liberté de la presse. Selon le classementmondial2011-2012 (179 pays)publié parReporters sans frontières le 25 janvier, ils ont progressé à la fois dans le top50(9États,contre7en2010) etdansletop100(27,contre24). En tête, le Cap-Vert (9e), qui compte parmi les dix pays au
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La semaine de J.A. Décryptage
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ð RAILA ODINGA, Ngozi Okonjo-Iweala, Jakaya Kikwete, Mélès Zenawi, Jacob Zuma, Alpha Condé et Gordon Brown (de g. à dr.), à Davos, le 26 janvier.
(Ngozi Okonjo-Iweala, Lamido Sanusi) et les Sud-africains ont eux aussi été très dynamiques», racontentlesorganisateurs.
YOURI LENQUETTE
REBOND. La conjoncture mondialeplaide,
Forum économique mondial Présents et pimpants Les Africains sont venus en nombre à Davos. Face à des économies occidentales en berne, ils affichent sans complexe leurs ambitions.
T
rois chefs d’État: le Sud-Africain Jacob Zuma, le Guinéen Alpha Condé et le Tanzanien Jakaya Kikwete. À leurs côtés, quatre Premiers ministres, dont le Kényan Raila Odinga, l’Éthiopien Mélès Zenawi, le Marocain Abdelilah Benkirane et le Tunisien Hamadi Jebali. Au 42e Forum économique mondial, qui s’est tenu du 25 au 29 janvier à Davos, en Suisse, cette belle brochette de dirigeants africains était accompagnée de bataillons de ministres, de gouverneurs de banques centrales et d’hommes d’affaires. LE DESSIN DE LA SEMAINE
Dans la petite commune de l’Est helvétique, qui est aussi une station de ski réputée, les représentants du continent ont été particulièrement actifs. Leur objectif était d’expliquer aux 1 600 décideurs économiques venus du monde entier que l’Afrique est aujourd’hui la meilleure destination pour leurs investissements. « Un nouveau pôle de croissance », estime Mélès Zenawi, qui a multiplié les entretiens avec les grands patrons, comme Tidjane Thiam, directeur général de Prudential, et Paul Walsh, le PDG de Diageo. « Il n’a pas été le seul: les Nigérians
il est vrai, en faveur de ces VRP africains. Alors que les économies occidentales, handicapées par des dettes souveraines colossales, sont au bord de la récession, les économies africaines devraient connaître un taux de croissance moyen supérieur à 5 % au cours de la prochaine décennie (5,5 % en 2012, selon le Fonds monétaire international). Une performance qu’elles ont déjà réalisée au cours des dix dernières années. « Le continent a su rebondir vigoureusement après la crise financière mondiale de 2008-2009, et de nombreux pays ont engagé des réformes salutaires », a indiqué Gordon Brown, l’ancien Premier ministre britannique, animateur d’une session sur l’Afrique lors du Forum. Mais à Davos, l’Afrique n’avait pas que ses atouts à mettre en avant. Elle est aussi allée chercher des solutions à ses problèmes récurrents : ses carences technologiques, son manque d’infrastructures et une insuffisante industrialisation de ses économies. Avec 15 % de la population mondiale, elle ne représente que 1 % de la production manufacturière mondiale et n’attire qu’à peine 1 % des investissements directs étrangers. ● STÉPHANE BALLONG
Danziger • New York Times • États-Unis AU PAYS DES TALIBANS L’HABIT NE FAIT PAS L’AMI
THE NEW YORK TIMES SYNDICATION
LE 29 DÉCEMBRE, un homme en uniforme afghan tue deux légionnaires français. Le 8 janvier, un soldat de l’armée afghane tire sur des militaires américains : un mort. Le 20 janvier, un autre abat quatre militaires français. Inquiétante série noire… Entre les forces afghanes et leurs alliés de l’Otan « la haine croît à vue d’œil », a déclaré un colonel afghan, qui dénonce à la fois l’incompétence de ses hommes et l’arrogance des alliés. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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La semaine de J.A. Tour du monde
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MALAISIE
JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FEDEPHOTO
Fausse clémence
RAMA YADE, EN 2009, dans son bureau du secrétariat d’État aux Sports. FRANCE
Mauvaise passe
E
LLE A ÉTÉ AVEC RACHIDA DATI et, dans une moindre mesure, Fadela Amara l’une des starlettes du début de quinquennat de Nicolas Sarkozy. Issue, comme elles, de la « diversité », Rama Yade a-t-elle eu tendance à se laisser griser? En tout cas, elle a multiplié les foucades sans mesurer la fragilité de sa position: la faveur du prince est si inconstante… En 2009, son refus de prendre la tête de la liste UMP pour les élections européennes a provoqué sa disgrâce. Depuis, tout tourne de travers. Exclue du gouvernement en novembre 2010, elle a rejoint le Parti radical de Jean-Louis Borloo. Las, celui-ci a renoncé à briguer la présidence. Nommée ambassadrice à l’Unesco, elle a démissionné six mois plus tard. Publie-t-elle un livre? Elle est convaincue de plagiat. Briguet-elle un siège de député des Hauts-de-Seine? Elle est radiée par décision de justice des listes électorales pour cause de domiciliation incertaine. Très énervée, Rama dénonce désormais la « voyoucratie » à l’œuvre dans les Hauts-de-Seine – le fief du président. Aux dernières nouvelles, elle menace de rallier le centriste François Bayrou. Quelle vitalité! ● ÉTATS-UNIS
Sainte Kateri ELLE N’ÉTAIT JUSQU’ICI que bienheureuse, mais le Vatican a donné son feu vert à sa canonisation, après certification tardive – et sans doute pas dénuée d’arrière-pensées politiques – d’un miracle dont elle serait indirectement responsable. Née en 1656, au début de la colonisation N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
européenne, dans l’actuel État de New York, Kateri Tekakwitha va donc devenir la première sainte amérindienne. Membre de la tribu Mohawk, de la grande famille des Iroquois, elle avait été baptisée (de force, selon certains) à l’âge de 20 ans et serait morte quatre ans plus tard, au terme d’une vie ascétique.
L’ACQUITTEMENT, le 9 janvier, d’Anwar Ibrahim, le chef de l’opposition malaisienne, absous du crime de sodomie, avait surpris. Les observateurs avaient interprété le verdict comme un changement de tactique de Najib Razak, le Premier ministre, qu’on croyait soucieux de soigner sa popularité en vue des élections de 2013. Or, le 20 janvier, les procureurs ont fait appel de l’acquittement. La procédure pourrait durer plusieurs années et empêcher l’opposant, qui venait de se déclarer candidat aux législatives, de se consacrer à la politique. LE MOT QUI FAIT TACHE
Shakespeare LORS DE SON MEETING du Bourget, le 22 janvier, François Hollande a cité Shakespeare: « Ils ont échoué parce qu’ils n’ont pas commencé par le rêve… » Les journalistes britanniques présents ont tiqué: quel rapport avec l’auteur de Hamlet? Vérification faite, le Shakespeare en question ne se prénomme pas William, mais Nicholas. Il n’est nullement un génial dramaturge du XVIe siècle, mais un (très) modeste auteur d’aujourd’hui. Pas de chance. PAPOUASIE-NOUVELLE-GUINÉE
Le putsch qui fait flop PREMIER MINISTRE à trois reprises depuis 1975, Michael Somare avait été démis de ses fonctions et remplacé par Peter O’Neill il y a six mois. Le 26 janvier, à Port Moresby, la capitale, un quarteron de militaires conduits par le colonel (à la retraite) Yaura Sasa a tenté un coup d’État pour le restaurer et mis aux arrêts le chef de l’armée. Échec sur toute la ligne: quinze officiers félons ont été promptement arrêtés. O’Neill envisage de tenir des élections anticipées dès le mois prochain. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Lukas Coch • AFP
AUSTRALIE
À Canberra, la fête tourne mal LE 26 JANVIER, Julia Gillard, la Première ministre, participe à une cérémonie à l’occasion de la fête nationale en compagnie de Tony Abbott, le chef de l’opposition. Deux cents militants aborigènes font irruption. Bousculade, insultes… Tout le monde se réfugie dans un restaurant voisin. Au bout de vingt minutes, blottie contre son garde du corps, Gillard finit par regagner sa voiture sous une pluie de projectiles…
ESPAGNE
Chasse au Garzón
DÉJÀ ACCUSÉ D’ÉCOUTES illégales et de favoritisme au profit d’un établissement bancaire (Banco Santander), le juge Baltasar Garzón, cette grande voix de la justice internationale, n’en a pas fini avec les ennuis judiciaires. Poursuivi par deux groupes d’extrême droite qui l’accusent d’avoir violé la loi d’amnistie de 1977 en enquêtant sur les crimes du franquisme (144000 disparus entre 1936 et 1951), il a comparu le 24 janvier devant le Tribunal suprême, à Madrid. Le parquet a requis l’annulation des poursuites. ASIE DU SUD-EST
Querelles insulaires LA DÉCISION UNILATÉRALE du Japon de donner un nom à 39 rochers et îlots situés entre Taiwan et Okinawa, à proximité des îles Diaoyu JEUNE AFRIQUE
(revendiquées par le Japon, Taiwan et la Chine), risque d’envenimer ses relations avec Taipei. Au-delà de l’enjeu officiel (l’exploitation des richesses maritimes et gazières), le conflit est le symptôme de tensions grandissantes dans une Asie inquiète des ambitions maritimes de la Chine. Face à un Japon résolument nationaliste, Taiwan apparaît de plus en plus proche de Pékin. ÉTATS-UNIS
L’idiot d’Atlanta PATRON DE L’HEBDOMADAIRE The Atlanta Jewish Times, un certain Andrew Adler a, le 20 janvier, suggéré à Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, de faire assassiner Barack Obama par le Mossad. Motif: il espère que son successeur (le vice-président Joe Biden) se montrerait plus empressé à soutenir les projets belliqueux d’Israël contre l’Iran. L’indignation a été telle jusque
dans la communauté juive américaine qu’Adler, tout penaud, a été contraint de présenter des excuses publiques. RUSSIE
Poutine choisit ses adversaires PRÉSIDENT DU PARTI IABLOKO (libéral) et rival de Vladimir Poutine, Grigori Iavlinski a été écarté de la course à la présidentielle du 4 mars par la commission électorale. Officiellement, il n’a pas recueilli les deux millions de signatures requises, 24 % de celles qu’il a présentées à la commission ayant été invalidées. La candidature du milliardaire Mikhaïl Prokhorov, derrière laquelle certains croient discerner la main du Kremlin, devrait en revanche être entérinée. Mais l’intéressé n’en juge pas moins « malhonnête » et « humiliante » la procédure visant Iavlinski. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Grand angle
ALGÉRIE-MAROC
Et s’ils s’enten Après la visite-surprise à Alger du chef de la diplomatie marocaine, la discorde entre les deux voisins du Maghreb apparaît plus que jamais comme une aberration politique, économique et humaine. Enquête sur un incroyable gâchis.
FRANÇOIS SOUDAN
«
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ous allez me vendre vos jeans et vos tomates, je vais vous apporter mes pétrodollars : croyezvous que l’échange sera égal ? » Cette petite phrase-choc, prononcée il y a près de douze ans par Abdelaziz Bouteflika devant deux émissaires marocains, Saadeddine El Othmani ne l’a certes pas entendue de la bouche du président algérien lors de l’audience de trois heures que ce dernier lui a accordée dans la résidence Djenane el-Mufti le 24 janvier. Pourtant, reçu en frère maghrébin avec tous les égards, le nouveau ministre marocain des Affaires étrangères a eu droit à de longs rappels historiques, mais pas au geste qu’il espérait sans doute. La réouverture de la frontière commune, obstinément fermée depuis 1994, n’est toujours pas à l’ordre du jour tant persiste chez les dirigeants algériens, à commencer par le premier d’entre eux, la conviction selon laquelle il s’agirait là d’un cadeau fait au Maroc sans contreparties valables : des tomates contre des devises… En réalité, si cette visite, la première d’un chef de la diplomatie marocaine en Algérie depuis neuf ans, a été tant suivie et commentée, c’est d’abord parce qu’elle est la traduction concrète du rapport inédit qui s’est établi à Rabat entre le gouvernement et le Palais royal. Chose impensable il y a peu, les affaires étrangères ayant toujours été le domaine réservé du souverain, il s’agit là en effet d’une initiative du nouveau Premier ministre islamiste, Abdelilah Benkirane. Certes ce déplacement n’a pu se faire qu’après concertation avec le Palais et avec l’accord du roi Mohammed VI, qui a remis à El Othmani un message pour le président algérien, mais il est évident que, en choisissant une destination aussi sensible pour
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JEUNE AFRIQUE
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daient?
le premier voyage à l’étranger de son ministre, le chef du Parti de la justice et du développement (PJD) a voulu marquer les esprits et se démarquer de ses prédécesseurs. Le PJD n’est pas l’Istiqlal, considéré à Alger comme l’archétype d’un certain chauvinisme marocain, et Saadeddine El Othmani n’est pas Taïeb Fassi Fihri, dont la pugnacité a plus d’une fois irrité l’hôte du palais d’El-Mouradia. Aucune critique « négative » n’a d’ailleurs été relevée dans les médias algériens à propos de cette visite, et les éditoriaux qui lui ont été consacrés n’ont pas donné lieu aux habituelles poussées de fièvre nationalistes. REPENTANCE. Réitéré à de multiples reprises à Rabat et par le roi lui-même lors de son dernier discours du Trône, le souhait marocain de voir la frontière officiellement rouverte ne pouvait donc être porté sous de meilleurs auspices. Las, de ce côté-là et en dépit de rumeurs aussi récurrentes qu’unilatérales (elles proviennent surtout du Maroc), rien ne semble bouger à l’horizon, tout au moins pour l’instant. Les raisons de ce qui apparaît comme une réticence inexpliquée d’Alger sont de deux ordres. Symbolique tout d’abord. En exigeant que soit au préalable abordé le dossier de l’indemnisation de leurs ressortissants expulsés du Maroc à la suite de l’attentat contre l’hôtel Atlas
Contrairement au Maroc, l’Algérie n’a pas d’intérêt particulier et urgent à la réouverture des frontières. Asni de Marrakech, en août 1994, les dirigeants algériens veulent obliger le Maroc à reconnaître de facto qu’il s’est fourvoyé en attribuant cet acte terroriste aux services spéciaux algériens. C’est à la suite de ces accusations formulées à l’époque par le tout-puissant ministre de l’Intérieur Driss Basri – lesquelles n’ont jamais été prouvées, au point d’apparaître rapidement comme infondées – et des expulsions qui ont suivi qu’Alger prit la décision de fermer la frontière. Une telle reconnaissance – certains diront repentance – est-elle envisageable vue de Rabat ? Ce n’est pas exclu. Mohammed VI n’est pas Hassan II, et, en ce domaine comme en tant d’autres, il n’est pas lié par la part sombre, « basrienne », de son héritage. Mais, cet obstacle symbolique à peine franchi (à condition qu’il le soit), voici qu’un autre, encore plus indicible celui-là, se profile: l’Algérie n’a aucun intérêt particulier et urgent à la réouverture de la frontière commune. Il ne s’agit pas là d’une revendication populaire pressante, aucune puissance étrangère ne l’y pousse – et d’ailleurs, aucune puissance étrangère n’a réellement d’influence sur l’Algérie – et les dividendes économiques qu’elle pourrait en tirer sont infiniment moindres que ceux que le Maroc peut en attendre. Une JEUNE AFRIQUE
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Grand angle
Algérie-Maroc
économie diversifiée et libéralisée comme au Maroc aurait en effet tout à gagner à l’ouverture d’un marché algérien hyperdépendant des importations, sans compter que le flux de visiteurs est-ouest (estimé à près de 2 millions de personnes par an) serait une aubaine pour l’industrie touristique du royaume. Cela, les autorités algériennes le savent, tout comme elles n’ignorent pas que la comparaison entre les deux économies en termes d’attractivité pour les investisseurs a depuis longtemps tourné à l’avantage du Maroc. « L’Algérie, dont les réserves en devises sont considérables, ne veut pas que l’instauration d’un Maghreb sans frontières la réduise au rôle de banquier-bailleur de ses voisins marocain et tunisien. Bref, elle n’est pas encore prête », résume un diplomate européen.
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
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PETITS PAS. Ce type de raisonnement purement comptable vaut d’ailleurs également pour le dossier du Sahara occidental, dont on ne répétera jamais assez qu’il est la conséquence et non la cause de la mésentente entre les deux voisins. Le Maroc, auquel la mobilisation de toute une armée le long du mur de défense coûte cher, a tout intérêt à ce qu’une solution à ce conflit s’impose enfin, alors que l’Algérie, qui a fait prendre en charge par des réseaux d’organisations caritatives européennes l’essentiel de l’entretien des camps du Polisario, n’en a pratiquement aucun. Si l’on ajoute à cet état des lieux l’absence quasi totale de tout contact direct, téléphonique et a fortiori physique, entre les deux chefs d’État, et faute d’un hypothétique esprit unitaire maghrébin qui n’existe guère que dans les discours, ce qui milite pour un rapprochement spectaculaire est
Aucune information n’a filtré à l’issue de l’entretien du 24 janvier entre le président algérien, ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, et le ministre marocain des Affaires étrangères, SAADEDDINE EL OTHMANI.
faible. En revanche, les deux parties ayant décidé de laisser de côté ce qui fâche, une place existe pour l’accélération d’une politique des petits pas faite d’accords bilatéraux, dans les domaines agricole et gazier notamment. Des échanges a minima existent également sur le plan sécuritaire, même si le Maroc apprécie peu d’être exclu des diverses concertations antiterroristes saharosahéliennes parrainées par l’Algérie. À défaut de rétablir ce qui manque le plus, à savoir la confiance réciproque au sein d’un couple qui n’a jamais connu que le divorce et la cohabitation conflictuelle, le séjour de Saadeddine El Othmani aura donc permis aux deux voisins d’accomplir un pas de plus vers l’autre. Combien en faut-il pour arriver à mi-chemin des 959 kilomètres qui séparent Alger de Rabat ? ● Avec TAREK HAFID, à Alger
Une histoire tumultueuse ●8
octobre 1963 Début de la guerre des Sables
●5
novembre 1963 Fin de la guerre des Sables après la signature d’une trêve à Bamako (Mali) le 30 octobre
● 15
janvier 1969 Signature du traité d’Ifrane, dit « d’amitié et de bon voisinage »
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● 15
juin 1972 Le tracé de la frontière est défini novembre 1975 Hassan II organise la Marche verte
sahraouie démocratique (RASD)
●6
●7
● 27-29
● 26
janvier 1976 Nouvelle guerre des Sables
● 27
février 1976 Proclamation de l’indépendance de la République arabe
mars 1976 Rupture des relations diplomatiques et fermeture de la frontière février 1983 Rencontre entre le roi Hassan II et le président Chadli Bendjedid près du village algérien d’Akid Lotfi
● 10
septembre 1984 Rabat supprime le visa
pour les ressortissants algériens ●4
mai 1987 Nouvelle rencontre entre le souverain marocain et le président algérien, au poste-frontière d’Akid Lotfi, près d’Oujda
● 16
mai 1988 Rétablissement des relations diplomatiques
●5
juin 1988 Réouverture JEUNE AFRIQUE
Et s’ils s’entendaient ?
La preuve par l’absurde
Les raisons en sont simples. Avec un marché élargi à 67 millions de consommateurs, avec des règles communes et claires, Les chiffres parlent d’eux-mêmes, l’absence d’échanges les entreprises bénéficieraient d’éconocommerciaux pénalise les deux économies. Une réelle intégration mies d’échelle et créeraient davantage d’emplois. La concurrence les pousserait permettrait de récupérer plus de 2 milliards de dollars par an. à investir plus dans la recherche et à améliorer l’efficacité de leurs produits. Autre LEÏLA SLIMANI effet de levier: l’investissement étranger. À preuve, le Maghreb ne capte que 3 % des est un obstacle à la libre circulation des investissements européens alors que le ous n’avons pas d’alMexique capte, à lui seul, 18 % des inveshommes, des produits et des capitaux. liés éternels et nous n’avons pas d’ennemis tissements nord-américains. « Dans notre Le commerce intrarégional maghrébin éternels. Nos intérêts région, plusieurs entreprises étrangères ne représente qu’entre 2 % et 4 % des sont éternels et perpétuels, et ce sont échanges de ces pays. Un chiffre bien loin attendent avec impatience l’ouverture de la frontière pour investir, par exemple des 21 % de l’Asean, des 19 % du Mercosur ces intérêts qu’il est de notre devoir de et même des 10,7 % de la Communauté dans le tourisme », confie Driss Moulay défendre. » D’un côté de la frontière Rchid, directeur du Centre maroco-algérienne comme de l’autre, régional d’investissement on serait bien inspiré de méditer cette L’Algérie, la Tunisie et le Maroc phrase de lord Palmerston, ministre bride l’Oriental. Pour Hasni pourraient gagner deux points de tannique du milieu du XIXe siècle. Car, Abidi, directeur du Centre croissance en travaillant ensemble. d’études et de recherche aujourd’hui plus que jamais, tout plaide en faveur d’une meilleure intégration sur le monde arabe et économique entre les deux voisins. Les méditerranéen, « un Maghreb désuni économique des États de l’Afrique de révolutions arabes, d’abord, ont prouvé encourt le risque d’une marginalisation l’Ouest (Cedeao). La direction des études aux dirigeants à quel point le coût social politique et économique dans la monet des prévisions financières de l’Union du chômage, d’une croissance ralendialisation, de disparaître des radars des du Maghreb arabe (UMA) a chiffré le tie et d’une faible productivité pouvait investisseurs à cause de marchés trop manque à gagner à 2,1 milliards de dolêtre élevé. La crise financière mondiale fragmentés et trop peu rentables ». lars par an (980 millions hors hydrocara quant à elle démontré que l’Union bures). Il n’est plus tabou aujourd’hui européenne, premier partenaire comCOMPLÉMENTARITÉ. Partageant la de dire que cette situation détruit de la mercial des deux pays, ne pourrait pas même langue, la même religion et les richesse. Les pays du Maghreb gagneêtre éternellement la locomotive de leurs mêmes habitudes culturelles, Maroc raient 2 points de croissance par an si économies. et Algérie ont en plus l’avantage d’être leurs économies étaient mieux intégrées. En revanche, du Sud-Est asiatique complémentaires sur le plan éconoSelon une étude de la Banque mondiale, à l’Amérique du Sud, en passant bien mique. Dans le domaine de l’énergie, le s’ils parvenaient à former un vrai bloc entendu par l’exemple européen, l’intéMaroc pourrait bénéficier des ressources commercial, à réaliser une libéralisation gration économique a prouvé qu’elle était algériennes en gaz et en pétrole, alors complète des services et à mettre en place un support puissant au développement qu’aujourd’hui le royaume se contente un climat d’investissement conforme aux et à la création de richesse. À cet égard, de percevoir des droits de passage sur meilleures pratiques internationales, le le Maghreb semble aller à rebours du le pipeline qui traverse son territoire en PIB réel par habitant pourrait augmenter, sens de l’Histoire. Fermée depuis 1994, direction de l’Europe. Mais, surtout, un entre 2005 et 2015, de 57 % en Algérie et la frontière entre le Maroc et l’Algérie partenariat entre l’Office chérifien ● ● ● de 38 % au Maroc.
«
N
de la frontière ●7
juin 1988 Visite de Hassan II à Alger à l’occasion du sommet de la Ligue arabe
● 6-8
février 1989 Visite officielle du président Chadli Bendjedid à Ifrane (Maroc)
● 17
février 1989 Création de l’Union du Maghreb arabe (UMA)
JEUNE AFRIQUE
● 27-29
mai 1991 Hassan II se rend à Oran et rencontre le président Chadli Bendjedid
● 27
août 1994 L’Algérie ferme ses frontières avec le Maroc à la suite de l'attentat de Marrakech, de l’expulsion de ses ressortissants et de l’instauration d’un visa pour les Algériens au Maroc
● 25
juillet 1999 Le président Abdelaziz Bouteflika assiste aux obsèques de Hassan II, à Rabat
● 30
juillet 2004 Le Maroc supprime le visa d’entrée pour les Algériens
● 24
mars 2005 Rencontre entre Mohammed VI et le président Abdelaziz Bouteflika après le sommet de la Ligue arabe, à Alger
●2
avril 2005 L’Algérie supprime les visas pour les Marocains
● 16
novembre 2011 Visite à Rabat du ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci
● 23-24
janvier 2012 Visite à Alger du ministre marocain des Affaires étrangères, Saadeddine El Othmani N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Algérie-Maroc LES DIVIDENDES DE L’INTÉGRATION
Population (en millions d’habitants)
Croissance du PIB (en %) 8
34,9
32
Maroc Algérie
6
Composition du PIB par secteur (en % ) 8,3
Algérie
0
Algérie Maroc
51,4
61,6
2
2006 07 08 09 10 11
Agriculture
20
17
30,1
4
Balance commerciale (en milliards de dollars, 2010)
31,6
0 –10
Maroc Industrie
19,7
10
Services
Algérie
– 15,1 Maroc
–20
SOURCES : FMI, THE WORLD FACTBOOCK
Les deux économies offrent des caractéristiques différentes…
… mais une mise en synergie permettrait d’améliorer la compétitivité Forte progression du produit intérieur brut (PIB) par habitant 4 500
(en dollars)
Augmentation sensible des investissements directs étrangers 120
4 000
Algérie Maroc
3 500
(en milliards de dollars) Algérie Maroc
80
3 000
Hausse importante des exportations (hors hydrocarbures) 16 14 12 10
(en milliards de dollars) Algérie Maroc
SOURCE : BANQUE MONDIALE
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des phosphates, premier groupe d’extraction de phosphates au monde, et l’algérien Sonatrach recèle d’énormes potentialités. « À eux deux, les voisins pourraient construire une industrie pétrochimique de grande envergure et devenir un leader mondial dans le domaine de la production des engrais phosphatés », explique Francis Ghilès, chercheur au Centre d’études et de documentation internationales de Barcelone et expert des questions énergétiques. Quand on connaît les besoins de l’Inde, du Brésil ou encore de la Chine pour leur agriculture, les débouchés sont énormes. Cela dynamiserait par ailleurs de nombreuses entreprises de sous-traitance, des investisseurs, et cela créerait de nombreux emplois. Dans l’agroalimentaire aussi les complémentarités sont évidentes. L’Algérie est le premier importateur de produits agroalimentaires de la rive sud de la Méditerranée. Elle se fournit principalement en Europe, alors même que son voisin marocain produit des agrumes, de l’huile d’olive ou des céréales… « Sur les marchés algériens, la tomate marocaine, importée par la contrebande, coûte presque 30 dinars [0,30 euro, NDLR] ●●●
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moins cher que la tomate en provenance d’Italie ! » explique l’économiste Camille Sari. Autre paradoxe qui confine à l’absurde : les Renault Logan vendues en Algérie proviennent de Roumanie, alors même que la firme automobile a une usine d’assemblage à Tanger. ENTREPRENEURS PÉNALISÉS. Car dans le domaine industriel aussi, la fermeture de la frontière conduit à de véritables aberrations. Si elle profite largement au commerce informel, dont le chiffre d’affaires annuel est estimé à 600 millions de dollars (457 millions d’euros), elle pénalise les entrepreneurs. Slim Othmani, patron du groupe algérien NCA Rouiba, rappelle par exemple que certaines entreprises sont obligées de faire des transbordements via l’Europe pour s’approvisionner entre elles. Conséquence, un allongement des délais de livraison et le renchérissement des coûts de transport. À ceux qui rétorquent que le marché algérien n’est pas prêt à affronter la concurrence marocaine, Othmani répond fermement: « L’économie algérienne ne se réduit pas à une économie de rente. Elle pourrait être compétitive si elle n’évoluait pas dans un système qui bride ses capacités.
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Une meilleure intégration permettrait de revitaliser le tissu des PME. » Il propose de s’inspirer de l’exemple du « corridor économique » entre la Chine et Hong Kong, basé sur le principe du « laisser-faire ». Car si les blocages politiques perdurent, les entrepreneurs marocains et algériens font, eux, preuve de réalisme et même d’inventivité pour contourner les obstacles. Le 17 février 2007, les patrons des patrons du Maghreb ont créé l’Union maghrébine des employeurs. En janvier 2008 a été lancée l’Union maghrébine des foires, qui permet aux opérateurs économiques de se rencontrer régulièrement. « Il y a plusieurs structures qui fonctionnent bien, mais, sur le terrain, les entraves réglementaires, les systèmes bancaires peu concurrentiels sont autant d’obstacles qui freinent les projets », explique Camille Sari. Pour l’économiste, auteur d’un livre sur la convergence des économies marocaine et algérienne, l’intégration est plus que jamais une urgence. Car face à une Union européenne en crise et dont la politique méditerranéenne n’est plus une priorité, les pays du Maghreb auraient tout intérêt à négocier comme un seul bloc plutôt qu’à continuer de faire cavaliers seuls. ● JEUNE AFRIQUE
Et s’ils s’entendaient ?
Benjamin Stora « La liberté de circulation doit s’appliquer aux pays du Maghreb » ð « Avec le Printemps arabe, l’union est devenue l’une des nouvelles exigences des peuples », estime BENJAMIN STORA.
Pour l’historien français spécialiste de la région, il faudrait mettre entre parenthèses le conflit du Sahara pour avancer sur les autres différends. Propos recueillis par
YOUSSEF AÏT AKDIM
ces deux pays semble en effet jalonnée de rendez-vous manqués, c’est parce que l’aspiration à une union des peuples est un idéal politique. On peut dater l’acte fondateur en 1958, la conférence de Tanger, qui a réuni les trois grands partis nationalistes [l’Istiqlal marocain, le FLN algérien et le Néo-Destour tunisien, NDLR] pour jeter les bases d’une unité maghrébine. Dans la pratique, le projet a avorté plusieurs fois depuis l’indépendance. La guerre des Sables, en 1963, marque le premier coup d’arrêt. En revanche, l’idée n’a cessé d’être reprise à chaque visite de chef d’État, même sous
VINCENT FOURNIER/J.A.
JEUNE AFRIQUE : Comment se fait-il qu’il y ait tant d’occasions ratées dans les relations maroco-algériennes depuis cinquante ans ? BENJAMIN STORA : Si l’histoire entre
la guerre civile algérienne et la fermeture des frontières entre les deux pays en 1994. Même l’ouverture attendue au début du règne de Mohammed VI a fait long feu…
L’intronisation du souverain marocain, en 1999, a suscité de l’espoir. Tout le monde attendait la réouverture des
Pour Rabat, la priorité c’est la réouverture de la frontière. Pour Alger, c’est le Sahara. Sortons de cette impasse. Boumédiène. Le deuxième frein est bien sûr la crise du Sahara, dès 1976-1977. Depuis, l’Union du Maghreb arabe a été lancée, en 1989, mais reste une coquille vide…
Justement à cause des relations conflictuelles entre le Maroc et l’Algérie. Cette tentative d’union économique et politique a buté principalement sur JEUNE AFRIQUE
frontières. On soulignait alors les liens personnels d’Abdelaziz Bouteflika avec le Maroc. Le président algérien est né à Oujda. Au Maroc, l’arrivée de Mohammed VI a permis d’ouvrir la scène intérieure, une sorte de « printemps marocain ». Mais les différends de fond n’ont pas été réglés. À qui la faute ?
Il est très difficile d’imputer la situation actuelle à une seule partie. Au cœur du malaise maroco-algérien, il y a le conflit au Sahara, l’un des plus vieux au monde. Le statu quo renforce certains intérêts économiques et militaires. Parallèlement, chaque capitale pose ses préalables à une normalisation des relations. Pour Rabat, la priorité est la réouverture des frontières. Pour Alger, cette question est liée au règlement global du conflit au Sahara. Pour sortir de cette impasse, il est urgent de séparer ces deux dossiers et de traiter spécifiquement la question de la frontière. Pensez-vous que le Printemps arabe peut précipiter cette normalisation ?
Les sociétés et, surtout, les jeunesses sont impatientes. Conscientes d’appartenir à la même aire, elles ont le sentiment de partager un destin, en plus d’une civilisation et d’une langue communes. L’union est l’une des nouvelles exigences des peuples. Les dirigeants l’ont compris et doivent donc anticiper cette revendication. Le Printemps arabe a porté une demande de liberté et d’égalité. Concrètement, entre le Maroc et l’Algérie, cela comprend évidemment la liberté de circulation. Exigée vis-à-vis de l’Europe, elle va devoir s’appliquer au Sud. Pour des raisons économiques, le Maroc semble aujourd’hui plus demandeur que l’Algérie, qui, elle, profite d’une rente pétrolière…
On peut le voir ainsi, mais en fait les deux économies ont besoin de cette ouverture. Le volume des échanges est extrêmement faible. Prenez l’agriculture : l’Algérie, qui importe une grande partie de sa consommation en produits alimentaires, pourrait être le débouché naturel pour la production marocaine. Mais pour avancer sur ces questions économiques, il faut les sortir des négociations politiques et les traiter à part. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne
MALI
Menace
sur les élections Trois mois avant la présidentielle, la résurgence de la rébellion touarègue bouleverse la précampagne. Jusqu’à remettre en cause la tenue du scrutin ?
Mais peut-être devrions-nous aussi nous demander pourquoi des Maliens sont partis combattre dans l’armée libyenne », commente Soumana Sako, le candidat de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas). « Depuis vingt ans, on MALIKA GROGA-BADA, connaît les problèmes des Touaregs, mais rien n’est avec ADAM THIAM, à Bamako fait », déclare pour sa part Oumar Mariko, champion du parti Solidarité africaine pour la démocratie et près tous les efforts l’indépendance (Sadi). « Comme ailleurs au Mali, consentis pour priviléils manquent de tout. Mais d’Alpha Oumar Konaré gier le dialogue, le pré[président de 1992 à 2002, NDLR] à ATT, on a fait sident ne méritait pas de la gestion au jour le jour, en montant les tribus ça », peste un familier les unes contre les autres ou en distribuant des du palais de Koulouba, billets de banque. Le résultat n’est pas très beau à avant de louer l’ouverture d’esprit et le calme avec voir ! » accuse-t-il. lesquels Amadou Toumani Touré (ATT) gère la « Au Tchad et au Niger, les autorités ont fait une nouvelle sédition touarègue dans le nord du Mali. estimation du nombre de personnes rentrées de Le chef suprême des armées a déployé les grands Libye avant et après la chute de Kaddafi, puis ont moyens depuis la première attaque, à Ménaka, le demandé l’aide de la communauté internationale 17 janvier, par le Mouvement national de libération pour y faire face. Au Mali, aucune estimation, aucun de l’Azawad (MNLA), une rébellion née en juilrecensement d’ex-militaires… », s’inquiète pour sa part le candidat Tiébilé Dramé. En décembre, sa let 2011 dans le but d’obtenir l’autodétermination de cette région. formation politique, le Parti pour la renaissance nationale « Cette fois, personne ne Les théoriciens du (Parena), a organisé à Bamako pourra l’accuser de laxisme », complot accusent glisseunconseiller.Hélicoptères une concertation sur les crises ATT d’être l’instigateur au Sahel. Face aux narcotradecombat,avionsdereconnaissance et renforts de soldats… fricants, aux bandes armées des troubles… et aux terroristes d’Al-Qaïda La situation sécuritaire semble au Maghreb islamique (Aqmi), il estime que non être prise très au sérieux. Le chef d’état-major, le seulement le gouvernement n’a pas été à la hauteur, général Gabriel Poudiougou, a pris ses quartiers à mais qu’il n’a rien fait pour dissiper les amalgames Gao. Soutenue par des milices arabe et touarègue, dangereux de quelques extrémistes : « Tous les l’armée tente de contenir les attaques des rebelles, Touaregs ne sont pas des rebelles, et, au sein de dont les coups de boutoir se font plus pressants. la rébellion, on retrouve des personnes d’autres ethnies. » AU CŒUR DES DÉBATS. À trois mois de l’élection présidentielle du 29 avril, la résurgence d’une rébelQuoi qu’il en soit, aujourd’hui, à Bamako, on lion dans le Nord est venue muscler une précams’interroge sur le maintien de la date des élections. pagne jusque-là timide et plutôt consensuelle. Si la classepolitiquedanssonensemblecondamneénerRevendications d’autodétermination giquement cette énième poussée d’irrédentisme, Rébellion de l’Azawad c’est la gestion du retour au pays des combattants touarègue touaregs de Libye – et, plus largement, la situation et socioéconomique catastrophique de l’Azawad (la 1960 moitié nord) – qui est au cœur des débats. vie politique « Cette rébellion est inadmissible et leurs auteurs Indépendance malienne devraient être condamnés pour haute trahison. du Mali
«
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A
JEUNE AFRIQUE
VERONIQUE DE VIGUERIE/REPORTAGE BY GETTY IMAGES
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Alors que des adeptes de la théorie du complot accusent le président d’être l’instigateur des troubles dans le but de prolonger son mandat, son entourage affirme que « ce que veut ATT avant tout, c’est finir son mandat et passer à autre chose ». En attendant, le chef de l’État dispose de peu d’options. AUCUNE VISIBILITÉ. La manière forte ? Cela permettrait de neutraliser, voire d’éliminer – si l’armée en est capable – cette source d’instabilité. La négociation ? Ce ne serait pas la première fois que Bamako viendrait à bout d’une rébellion touarègue après des mois de palabres. En 2009, les dernières discussions avaient abouti, grâce à une médiation d’Alger, à des accords de paix et à un ambitieux plan de développement pour le Nord. Et aujourd’hui, la menace Aqmi pourrait pousser les partenaires traditionnels du Mali à s’impliquer davantage, surtout financièrement. Quelle que soit la solution retenue, les Maliens espèrent qu’elle interviendra vite. « Nous n’avons aucune visibilité, nos plans de campagne sont
bouleversés », confie-t-on dans l’état-major du candidat de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), Dioncounda Traoré. En effet, difficile de sillonner le Nord dans la confusion actuelle, encore plus d’y organiser des rencontres avec les électeurs. Difficile, aussi, de sécuriser le scrutin. « Il est trop tôt pour dire l’avenir, mais je ne pense pas que ce qui se passe dans le Nord soit de nature à compromettre les élections », rassure Tiébilé Dramé. Selon certains experts électoraux, il serait toujourspossibled’organiserdesvotes de rattrapage dans les zones les moins sécurisées. Pour Bamako, cependant, le Nord est bien loin. Beaucoup restent persuadés que cette rébellion n’est qu’un coup de semonce destiné au successeur d’ATT. Et dénoncent surtout les retards pris dans l’organisation du scrutin, indépendamment de la crise touarègue. La fiabilité de la liste électorale est contestée par l’opposition, le matériel de vote n’est pas encore acquis. Et ni la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), ni le ministère des Collectivités locales n’ont encore fait le point sur l’avancée des préparatifs. ●
Signature d’un premier accord de paix entre le gouvernement et la rébellion
1970
1980
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Coup d’État contre Moussa Traoré JEUNE AFRIQUE
Signature du Pacte national entre le gouvernement et la rébellion
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LE MOUVEMENT NATIONAL DE LIBÉRATION DE L’AZAWAD
(MNLA) compte environ un millier de combattants.
Nouvelle rébellion armée 06 07
Présidentielle (Alpha Oumar Présidentielle Konaré élu) (Amadou Toumani Touré élu)
17 janvier : Nouvelles attaques rebelles
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Présidentielle (prévue le 29 avril)
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DAWDA BAY/AFP
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SÉNÉGAL
Le complexe casamançais
La rébellion qu’il n’a pas su mater reste le point noir du « règne » d’Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, pour lui comme pour tous les candidats à la présidentielle, la solution passe par la Gambie.
L
e5janvier,AbdoulayeWadealancé un pavé dans la mare: « Salif Sadio était financé et armé par Laurent Gbagbo. Il a séjourné deux ou trois fois en Côte d’Ivoire. » De bonne source, le président sénégalais s’est fondé sur un rapport de ses services qui indiquent que le rebelle le plus actif du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) a été vu à plusieurs reprises à l’hôtel Président, à Yamoussoukro. Est-ce suffisant pour parler d’une filière ivoirienne? Objectivement, quand Laurent Gbagbo était aux affaires, la Côte d’Ivoire et le MFDC avaient un adversaire commun : Abdoulaye Wade. Dès 2002, Gbagbo a reproché vivement à Wade d’avoir accordé un passeport diplomatique au chef rebelle ivoirien Guillaume Soro. En 2004, un rebelle MFDC avait confié à un témoin français : « La Côte d’Ivoire est notre allié objectif. » Mais au-delà de ces faits, rien ne prouve, pour l’instant, que le régime de Laurent Gbagbo ait versé de l’argent ou envoyé des armes aux rebelles casamançais. Et l’opposant sénégalais Ousmane Tanor Dieng de remarquer : « Abdoulaye Wade aurait été plus crédible s’il avait accusé Laurent Gbagbo à l’époque où celui-ci était au pouvoir. Aujourd’hui, Gbagbo ne peut plus se défendre. » N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Pour l’heure, le seul pays pro-MFDC pris la main dans le sac est l’Iran. En octobre 2010, un bateau iranien bourré de lance-roquettes a été intercepté par les douaniers nigérians dans le port de Lagos. Destination officielle des treize conteneurs saisis: « Estate House, Kanilai, Gambia. » Kanilai, c’est le village natal de Yahya Jammeh, le président gambien. Aussitôt, Abdoulaye Wade a rappelé son ambassadeur à Téhéran. VIGUEUR RETROUVÉE. Car si la Côte d’Ivoire et l’Iran ont été des amis occasionnels du MFDC, les vrais pourvoyeurs de la rébellion casamançaise sont les pays voisins. « Avec la Guinée-Bissau, nous avons mis en place des patrouilles mixtes et nous sécurisons la frontière à 80 %, confie un haut responsable sénégalais. En revanche, il n’y a pas de patrouilles communes avec l’armée gambienne. Cela a été signé, mais ça n’a pas commencé. Nous savons bien que la plupart des filières d’armes passent par le territoire gambien. » À l’appui de cette thèse, un fait indéniable : depuis plus de un an, le MFDC multiplie les attaques de postes militaires sénégalais dans le département de Bignona, près de la frontière gambienne. « Le MFDC a retrouvé sa vigueur
Le 19 janvier, à Banjul, le chef de l’État assistait à l’investiture de son homologue gambien, YAHYA JAMMEH.
opérationnelle, et sa puissance de feu augmente », souligne le politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye. En décembre 2011, à Diégoune, la rébellion a pulvérisé un véhicule militaire au lance-roquettes. « Le chef présumé de ces attaques, Salif Sadio, aurait ses entrées en Gambie, où il se ravitaillerait », explique Jean-Claude Marut, chercheur français et auteur d’un livre sur le sujet (Le Conflit de Casamance. Ce que disent les armes, Karthala, 2010). « D’après certaines sources, Sadio serait même installé à demeure à Kanilai, à côté de la résidence de Yahya Jammeh », ajoute-t-il. Depuis août dernier, Abdoulaye Wade s’est rendu deux fois à Banjul pour tenter de renouer avec son homologue gambien. Comme le chef de l’État sortant, tous les candidats à la présidentielle sénégalaise affirment que la solution au conflit casamançais passe par la Gambie. Chacun promet, s’il est élu, d’aller très vite à Banjul pour créer un climat de confiance entre les deux pays. Pas simple. Yahya Jammeh est un partenaire imprévisible. « À l’approche de la présidentielle de novembre dernier en Gambie, les opérations du groupe de Sadio en Casamance ont été mises en veilleuse, comme si Jammeh voulait s’assurer une réélection paisible, sans risque d’être déstabilisé par Wade, estime Jean-Claude Marut. En revanche, depuis sa réélection, les attaques des rebelles sont reparties de plus belle… » ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne MADAGASCAR
Il voulait rentrer de son exil sud-africain, mais son avion n’a pas pu atterrir sur la Grande Île. Pourquoi le président Rajoelina craint-il tant le retour de son rival ?
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est pas Didier Ratsiraka qui veut. Le 24 novembre, « l’Amiral rouge », 75 ans, avait simulé une série de pompes sur le tarmac de l’aéroport d’Ivato pour fêter son retour au pays après plus de neuf ans d’exil. Le 21 janvier, Marc Ravalomanana n’a pas pu poser ne seraitce qu’un orteil sur le sol malgache. Parti de Johannesburg, son avion a atterri à… Johannesburg (lire encadré). Entre-temps, les autorités malgaches avaient ordonné la fermeture de la plupart des aéroports du pays. Selon la Haute Autorité de la transition (HAT), il a été proposé à la compagnie Air Link de poser son avion à Morondava, sur la côte ouest de la Grande Île. Là, Ravalomanana aurait pu être arrêté en toute discrétion, loin de la foule de ses partisans venue l’accueillir à Ivato. SENTIMENT DE REVANCHE. « Pourquoi
une telle différence de traitement? » s’insurge-t-on dans le camp du président déchu. « Pourquoi Ratsiraka a-t-il pu rentrer et pas Ravalomanana, alors que la
RIJASOLO/RIVA PRESS
Indésirable Ravalomanana
Le 21 janvier, ENVIRON 15 000 PARTISANS de l’ancien chef de l’État se sont rassemblés à l’aéroport d’Ivato pour l’accueillir. En vain.
feuille de route le prévoit? » Réponse d’un proche d’Andry Rajoelina, le président de la transition : « Parce que Ravalomanana est ingérable. On ne sait pas ce qu’il veut. » À un visiteur, Rajoelina avait glissé, deux jours avant le coup de poker de Ravalomanana : « Il est dominé par le sentiment de revanche. » Si, ce jour-là, le président ne s’opposait pas à un retour de son rival, il assurait qu’il serait immédiatement interpellé, en vertu du mandat d’arrêt émis à son encontre depuis qu’il a été condamné par la justice malgache, pour la mort, en février 2009, d’une trentaine de manifestants abattus par sa garde devant le palais présidentiel. Il faut dire que Marc Ravalomanana, contrairement à Ratsiraka, ne fait rien dans les règles. La feuille de route de sortie de crise adoptée en septembre dernier prévoit bien le retour « sans conditions »
« NOUS DEVONS FAIRE DEMI-TOUR » SAMEDI 21 JANVIER, aéroport de Johannesburg : Marc Ravalomanana, accompagné de sa femme, de conseillers et de journalistes, embarque dans l’avion de la compagnie Air Link. Quelques heures plus tard, un membre de l’équipage informe les passagers : « Nous devons faire demi-tour, ils ont fermé l’aéroport. » Ravalomanana est furieux. Puis le président déchu entraperçoit le gain d’une telle opération. « Pour nous, c’est presque une victoire, car cela va montrer que Madagascar est dirigée par un homme qui n’en fait qu’à sa tête », explique un de ses conseillers. Erreur : trois jours plus tard, le vice-ministre sud-africain des Relations internationales chargé de la médiation malgache, Marius Fransman, renvoie les deux hommes dos à dos. « L’annonce de ce retour était malheureuse et irresponsable », et c’était tout aussi irresponsable, de la part de Rajoelina, « de parler d’arrestation [de son rival, NDLR] alors qu’on travaille sur un processus d’amnistie », a-t-il estimé. La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a organisé une « réunion R.C. d’urgence » en ce sens, le 25 janvier, à Pretoria. ● JEUNE AFRIQUE
des exilés politiques, mais elle ne les exonère pas de poursuites judiciaires. Or, si Ratsiraka a négocié son retour – et son immunité – avec la HAT, Ravalomanana, lui, s’y refuse. Selon une source diplomatique, il n’a même pas pris le soin de consulter les autorités sud-africaines, qui l’ont accueilli après sa fuite et qui dirigent la médiation, de sa volonté de rentrer au pays. Un camouflet que Pretoria a très mal pris. POUVOIR DE NUISANCE. « L’autre pro-
blème que pose Marc Ravalomanana, ce sont ses intentions, indique un conseiller de Rajoelina. Pourquoi rentre-t-il, si ce n’est pour reprendre le pouvoir ? » Les proches de Rajoelina l’assurent : le président est disposé à suspendre les poursuites contre son prédécesseur, mais il a besoindecontreparties–notammentpour convaincre l’armée, farouchement opposée au retour de Ravalomanana –, parmi lesquelles l’assurance qu’il n’appellera pas ses partisans à renverser le régime transitoire. Sa tentative avortée de retour a en effet rappelé qu’il dispose encore d’un fort pouvoir de nuisance. Le 21 janvier, plusieurs milliers de ses partisans – autour de 15 000, selon des observateurs indépendants – l’attendaient à Ivato. « Ces chiffres n’ont rien à voir avec les centaines de milliers de Malgaches venus accueillir Ratsiraka à son retour en 1996 [contre seulement quelques milliers en novembre dernier, NDLR], note le journaliste et historien Denis Alexandre Lahiniriko, mais ils sont comparables à la mobilisation qui a porté Rajoelina au pouvoir en 2009. » ● RÉMI CARAYOL N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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1955 Naissance à Polo (Centre)
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1982 Diplômé de l’École nationale d’administration et de magistrature deYaoundé 1990-1992 Secrétaire d’État chargé des réformes et de la stabilisation économique 1996-2001 Secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances 2001-2007 Ministre de la Santé publique
MABOUP
2008 Arrestation et mise en détention préventive Celui que Paul Biya appelait « FISTON » pense payer pour sa proximité avec le chef de l’État. CAMEROUN
En prison pour rien…
En 2008, l’ancien ministre de la Santé Urbain Olanguena Awono était arrêté pour détournement de fonds. Depuis, les accusations ont fondu comme neige au soleil. Mais il demeure derrière les barreaux.
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rbainOlanguenaAwonosortirat-il un jour de l’imbroglio judiciaire dans lequel il est plongé? En détention préventive à la prison centrale de Kondengui (Yaoundé) depuis bientôt quatre ans, l’ex-ministre de la Santé est poursuivi, avec plusieurs de ses collaborateurs, pour détournement de fonds alloués à des programmes de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Sauf qu’au fil des audiences leschefsd’accusations’effritent,lemontant des sommes en cause fond comme neige au soleil, et les témoins à charge, ainsi que le collège d’experts judiciaires, le mettent hors de cause. Sans conséquence sur sa condition carcérale pour l’instant. De fait, la justice reste sourde et ne fait rien pour accélérer le dénouement de l’affaire.Aucontraire.Ainsi,leparquetacité vingt-quatre témoins mais n’en a entendu que quatre en un an… Pour les proches d’Olanguena, l’indépendance du système judiciaire est ici en cause: c’est le chef de l’État, Paul Biya, qui, en 2008, sur proposition de Laurent Esso, alors secrétaire général de la présidence, a donné l’ordre de procéder à son interpellation. Limogé du gouvernement un an plus tôt, celui que Paul Biya appelait jadis « fiston » est arrêté le 31 mars à son domicile et conduit dans les locaux de la police judiciaire, menotté, assis à l’arrière d’un véhicule utilitaire, sous les huées de la foule. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Il est alors accusé, avec treize de ses collaborateurs – dont les secrétaires permanents des trois programmes, Maurice Fezeu (sida), Raphaël Okala (paludisme) et Hubert Wang (tuberculose) –, d’avoir détourné 14,8 milliards de F CFA (22,6 millions d’euros). En tant que président du Comité national de lutte contre le sida, il en aurait à lui seul soustrait 8,5 milliards, les inspecteurs du Contrôle supérieur de l’État pointant des prestations fictives. Au total, onze chefs d’inculpation sont retenus à l’ouverture de l’information judiciaire. Mais, au terme de l’instruction, ils ne sont plus que quatre et sont même requalifiés. Il n’est plus question de détournement
de fonds, mais de violation des règles de passation des marchés publics, sur un montant de 414 millions de F CFA. SOUTIEN DU FONDS MONDIAL. Pour
Urbain Olanguena Awono, cette accusation ne tient pas pour la simple et bonne raison que, selon la loi camerounaise, les ONG et les associations ne peuvent en aucun cas soumissionner à des marchés publics. Leur mode de financement reste donc la subvention, que l’ex-ministre a accordée à différentes structures, dont l’Association camerounaise de marketing social (260 millions de F CFA). En outre, les organisations bénéficiaires des financements du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont apporté la preuve qu’elles avaient effectivement perçu les sommes incriminées. Urbain Olanguena Awono a reçu le soutien de Michel Kazatchkine, directeur exécutif du Fonds mondial (démissionnaire depuis le 24 janvier). Selon lui, « l’enquête des autorités camerounaises
LES TRAVERS DE L’OPÉRATION ÉPERVIER DE NOMBREUSES VOIX s’élèvent pour suggérer, si ce n’est l’arrêt de l’opération Épervier de lutte contre la corruption, du moins une nouvelle façon de l’aborder. Parmi elles, celle de ShandaTonmé, président de la Commission indépendante contre la corruption et la discrimination, qui dénonce les arrestations sélectives, la lenteur de la justice et l’enlisement des procédures. Victimes emblématiques,Titus Edzoa, ex-secrétaire général de la présidence, et son bras droit Michel-Thierry Atangana, incarcérés depuis 1997 pour une première affaire, comparaissent à nouveau pour tentative de détournement de fonds. L’avocat d’Atangana, Me Rémi Barousse, espérait que la réélection du président Biya s’accompagnerait de mesures de clémence. On en est loin. À ce jour, une trentaine de personnes – six sont mortes en prison – sont détenues dans le cadre de l’opération Épervier. Parmi elles, on recense Polycarpe Abah Abah, ex-ministre des Finances, Jean-Marie Atangana Mebara, ex-secrétaire général de la présidence, ou C.J.-Y. encore l’homme d’affairesYves-Michel Fotso (lire aussi pp. 96-98). ● JEUNE AFRIQUE
Coulisses portant sur l’utilisation de l’argent du Fonds mondial ne se justifie pas. Le budget, les programmes et les rapports sur les subventions indiquent que l’argent a été géré de manière appropriée, et, à ce jour, le Fonds mondial n’a vu aucune preuve suggérant que ses fonds ont été mal utilisés.»Danslespaysoùilintervient,leFonds mondial ordonne des missions d’audit tous les trois mois… Michel Kazatchkine a écrit trois fois au président Paul Biya pour avoir accès au dossier d’Olanguena, sans obtenir la moindre réponse. UN ACCUSÉ EN FUITE. Les accusations
Afrique subsaharienne
TCHAD DES MAIRES ET DES VOIX Le 22 janvier, le Tchad a enfin tenu ses toutes premières élections municipales. Prévues par l’accord politique de 2007, elles avaient été reportées cinq fois. Pourtant, la population s’est peu mobilisée pour élire ses maires. Sans doute considère-t-elle que les jeux sont faits d’avance depuis la réélection du président Idriss Déby Itno, en avril 2011. Sur 1 million d’électeurs inscrits, seuls 20 % ont retiré leur
nouvelle carte afin de participer au scrutin. L’opposition, qui a longtemps offert un spectacle de désunion, est cette fois partie en rangs serrés. Pour avoir présenté des listes uniques dans 32 des 42 communes concernées par ces élections, elle a de grandes chances de l’emporter. Un rêve pour la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC), qui avait vu 113 des 188 sièges à l’Assemblée nationale lui échapper lors des législatives de février 2001, qu’elle avait contestées. ●
perdent de leur substance chaque jour un peu plus. Après l’arrêt rendu le 13 octobre 2011, les soupçons de détournement de deniers publics ont été ramenés à seulement 91 millions de F CFA. L’accusé a obtenu du parquet l’annulation des poursuites sur deux des quatre nouvelles charges. Il reste à présent deux accusations : celle de détournement de 11,2 millions de F CFA lié au financement du livre Le Sida en terre d’Afrique, écrit par l’ex-ministre et dont il avait reversé la totalité des droits d’auteur au Comité
Au fil des audiences, les témoins à charge ainsi que le collège d’experts le mettent hors de cause. national de lutte contre le sida; et celle de détournement de 80,9 millions de F CFA relatif à la fourniture de moustiquaires imprégnées. Attribué à la société Vision SARL, ce marché, non exécuté, avait été payé à son adjudicataire au ministère de la Santé, Yves Soue Mbella. Interpellé et placé en détention avant même le début de l’affaire Olanguena, il avait reconnu avoir usé de faux pour percevoir le montant total de la commande auprès du ministère des Finances. Incarcéré à la prison centrale de Yaoundé, il s’est opportunément évadé alors que s’ouvrait l’instruction. De sa prison où on le dit déterminé à prouver son innocence, l’ancien ministre affirmepayerpoursaproximitéaveclechef de l’État et son épouse. Certains, jaloux, auraient pu en prendre ombrage. Or, selon lui, la seule façon d’obtenir de Paul Biya la mise à l’écart d’un collaborateur, c’est de lui prêter des ambitions politiques… avant de l’accuser de détournement d’argent. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE
LE PARLEMENT FRANÇAIS a adopté le 23 janvier une loi pénalisant la négation du génocide arménien. Deux poids, deux mesures ? (lire aussi p. 55)
TOGO HAUT PLACÉ Membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU pour deux ans à compter du 1er janvier, leTogo se réjouit de présider l’instance pendant le mois de février. Le chef de l’État, Faure Gnassingbé, souhaite profiter de cette tribune pour mettre à l’ordre du jour la lutte contre « les réseaux de trafic et de criminalité en Afrique de l’Ouest et au Sahel ».Tout comme ses voisins de la sous-région, leTogo est préoccupé par la dispersion des arsenaux libyens
et par l’activité des groupes terroristes Aqmi et Boko Haram. RD CONGO SINE DIE Prévue le 26 janvier, la proclamation des résultats des législatives du 28 novembre 2011 a été reportée sine die par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Officiellement, ce report est dû aux recours introduits par des candidats non élus de la majorité et de l’opposition, qui dénoncent des irrégularités. Si les résultats –provisoires– de l’arrière-pays
ont déjà été rendus publics, ceux de Kinshasa ne sont toujours pas connus. SOUDAN HÉRITIER Khalil Ibrahim, leader du groupe rebelle le mieux armé au Darfour, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), a été tué en décembre. Le 25 janvier, son frère Gibril a été élu à la tête du parti pour le remplacer. Professeur d’économie, celui qui gérait depuis Londres les relations extérieures du JEM hérite d’un mouvement affaibli par les divisions. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne La grande interview
François Bozizé « Il suffirait d’un rien pour que la Centrafrique renaisse » À la tête d’un pays pauvre et fragile auquel les bailleurs de fonds ont coupé le robinet de l’aide depuis un an, le chef de l’État veut avant tout compter sur ses propres forces. Sa solution : « le travail, rien que le travail ». Encore faut-il que ses compatriotes, épuisés par deux décennies de sacrifices, le suivent…
Propos recueillis à Bangui par
D
FRANÇOIS SOUDAN
ans l’hélicoptère présidentiel – un Dauphin blanc acheté d’occasion en Italie – qui vole vers Bossangoa, à 500 km au nord de Bangui, François Bozizé pique un petit somme, ses dossiers sur les genoux. L’harmattan souffle en rafales, faisant tanguer l’appareil, et la savane défile, uniforme, grise et vide. Deux heures plus tard, totalement requinqué, le même nous entraîne sous un soleil de plomb dans une visite au pas de course de ce gros bourg poussiéreux, mal remis encore des pillages de 2003, et qui fut la ville de sa jeunesse. L’école primaire où il apprit à lire, le bar dancing Metroboss où il esquissa ses premiers pas de rumba, les champs de coton de Bo où des paysannes gbayas l’accueillent au cri d’« intanti! » – que l’on pourrait traduire par « celui qui gagne du premier coup » –, l’usine d’égrenage et le déjeuner sur le pouce préparé par l’épouse du préfet. De retour à Bangui au crépuscule, le voici qui nous convoque chez son ami Ianarelli, un Corse sec comme un légionnaire – qu’il fut, dans une autre vie, avant d’aller barouder au Biafra et en Angola – propriétaire d’une salle de sport où le chef a ses habitudes. Vélo, step, stretching et musculation : Bozizé en jogging Nike ne se ménage pas. Il est 20 heures quand son convoi, étroitement protégé par les bodyguards de la garde républicaine et les éléments tchadiens de sécurité prêtés par Idriss Déby Itno, prend la direction de la présidence. Des audiences l’attendent jusqu’à minuit. Le message, aisément décryptable, de cette journée de janvier est clair : à 65 ans, le chef veille, le chef travaille et le chef est en forme, contrairement aux N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
méchantes rumeurs qui le disent quasi grabataire. Mise au point utile, tant la Centrafrique, cette cendrillon de l’Afrique centrale, demeure fragile et volatile. Il y a l’opposition, regroupée autour de leaders pugnaces comme Martin Ziguélé et Nicolas Tiangaye, dont l’intitulé de la plateforme commune, Front pour l’annulation et la reprise des élections (celles de janvier 2011, remportées par Bozizé avec 64,3 % des voix), signifie sans ambiguïté qu’elle ne reconnaît pas la légitimité du pouvoir en place. Il y a la situation sécuritaire, toujours instable. À peine la « guerre
main-d’œuvre chinoise, manageur belge. Ouverturedansunmois.Les166chambres sont prêtes à accueillir les investisseurs. Viendront-ils ? Bangui en rêve. JEUNE AFRIQUE:Vous venez, début janvier, de dissoudre les conseils d’administration de toutes les sociétés d’État, offices, agences et fonds publics du pays au profit d’un conseil spécial de surveillance et de redressement que vous présidez en personne. Pourquoi un tel coup de balai? FRANÇOIS BOZIZÉ : C’était indispen-
sable. La plupart des sociétés d’État sont en ruine depuis des décennies, malgré toutes les mesures prises pour les réhabiliter. J’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes comme je l’ai fait avec le comité de trésorerie, que je préside également, et dont la bonne gestion nous permet depuis près de cinq ans de payer les salaires des fonctionnaires. Détournements, absentéisme du personnel, laisser-aller généralisé : le mal dans ces sociétés et offices d’État est profond. Il faut le dia-
Détournements, absentéisme, incivisme, laisser-aller: la récréation est terminée! du diamant », qui a opposé en octobre dernier à Bria deux mouvements d’exrebelles – en fait deux ethnies –, s’est-elle éteinte que l’incendie couve dans le SudOuest, où opèrent les tueurs de Joseph Kony, et dans le Nord-Ouest, terrain de chasse du dissident tchadien Baba Laddé. Les éléphants se battent, l’herbe souffre : le peuple est exsangue et l’attitude des bailleurs de fonds, qui ont coupé le robinet de l’aide pendant toute l’année 2011 pour des raisons qui tiennent au non-respect littéral des règles de labonne gouvernance, a, vue d’ici, quelque chose d’inhumain. Pourtant, le général François Bozizé veut croire qu’il suffirait d’un rien pour que la Centrafrique rompe son mauvais sort. Pas peu fier, il vante les mérites de l’unique bâtiment d’envergure construit dans sa capitale depuis une décennie : un hôtel cinq étoiles, financement libyen,
gnostiquer et y remédier. Certes, il s’agit là d’une mesure exceptionnelle, mais elle demeurera en vigueur le temps nécessaire à chacune de ces entités publiques pour qu’elles redémarrent sur des bases saines. Vous avez eu des phrases très dures contre les corrompus et les corrupteurs lors d’un discours devant l’Assemblée nationale fin 2011 et juré de les « mettre hors d’état de nuire ». Là aussi, il était temps…
La Centrafrique a beaucoup d’atouts pour réussir, mais le manque d’honnêteté et de civisme d’un grand nombre de ses cadres pose un vrai problème. En d’autres termes : la récréation est terminée. Les limogeages et arrestations de directeurs généraux ainsique les poursuitesengagées contre certains membres du gouvernement entrent dans ce cadre. À la justice ● ● ● JEUNE AFRIQUE
BANGUI, lors de l’entretien avec Jeune Afrique, le 18 janvier. JEUNE AFRIQUE
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VINCENT FOURNIER/J.A.
AU PALAIS
PRÉSIDENTIEL, À
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Afrique subsaharienne La grande interview de faire son travail. Personnellement, je n’interférerai pas, quel que soit le degré de proximité avec moi de telle ou telle personnalité mise en cause. ●●●
Autant de résolutions qui vont dans le sens de ce que souhaite le Fonds monétaire international (FMI), dont le conseil d’administration doit débattre du cas centrafricain le 31 janvier à Washington. Êtes-vous optimiste ?
Oui. Le FMI nous a reproché de ne pas avoir été suffisamment rigoureux pendant la période électorale et pas assez attentifs au suivi du programme. Il n’avait pas tout à fait tort, mais, depuis, les mesures ont été prises par le ministre d’État aux Finances, et le Premier ministre est allé lui-même en rendre compte à Washington. En toute logique, le conseil d’administration devrait donc déboucher sur une reprise du programme et la mise au point d’une lettre de confort. Cette dernière permettra à la Banque mondiale, à l’Union européenne et à la Banque africaine de développement de se réengager à leur tour. Puisque, apparemment, elles se cachent derrière les décisions du FMI… Pas seulement. L’Union européenne, qui a produit un rapport très critique sur la présidentielle de janvier 2011, semble mettre en avant des conditionnalités d’ordre politique.
Nous avons répondu à ces remarques lors de la table ronde de Bruxelles en juillet dernier, et Catherine Ashton [la chef de la diplomatie européenne] n’y a rien trouvé à redire. Le rapport dont vous parlez était subjectif, incomplet et inutile: il a été rédigé à partir de Bangui, sans enquête de terrain hors de la capitale et sans autre source que les communiqués de l’opposition. Comment se déroule le dialogue social avec des syndicats que l’on sait pugnaces et parfois politisés ?
Plutôt bien. Le cadre de concertation dirigé par le Premier ministre fonctionne et les syndicats sont des interlocuteurs beaucoup plus responsables que les leaders de l’opposition. Le groupe français Areva a annoncé en novembre qu’il repoussait de deux ans l’exploitation de la mine d’uranium de Bakouma, sur laquelle vous comptiez énormément pour renflouer les caisses de l’État. Un coup dur ? N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
SORTANT DE SON HÉLICOPTÈRE À BOSSANGOA, dans la préfecture de l’Ouham, le 17 janvier.
Incontestablement. D’autant que cette exploitation aurait dû, aux termes de notre accord, démarrer depuis janvier 2010. Areva nous dit d’attendre, six mois, un an, deux ans… alors nous attendons. Pensez-vous contester le contrat qui vous lie à Areva et chercher d’autres partenaires, chinois par exemple ?
Non. Areva a entamé des travaux à Bakouma et nous lui faisons confiance. Pour l’instant. Mais j’ai tenu à dire à Sébastien de Montessus, le directeur des mines d’Areva, qui est venu me voir à Bangui, que je comprenais mal les raisons de leur décision : la catastrophe de Fukushima, qui sert d’explication à ce nouveau report, est en effet survenue plus d’un an après la date prévue du début de l’exploitation. Il n’a pas su me répondre sur ce point. Il m’a simplement demandé de patienter jusqu’à l’achèvement de toutes les enquêtes de sécurité post-Fukushima.
est quasiment réglé, quand pourra-t-on enfin entreprendre l’exploration des gisements pétroliers du Nord-Ouest ?
LesChinoisontentamél’explorationdes zones qui se situent à côté de la concession Grynberg, de loin la plus prometteuse. Dès que nous aurons repris possession de cette dernière, nous verrons quels partenaires pourront nous accompagner. C’est un sujet complexe et sensible sur lequel je ne veux pas en dire trop. Sur quoi comptez-vous pour améliorer votre trésorerie ? Le bois ?
Le bois subit depuis deux ou trois ans le contrecoupdelacrisefinancièremondiale. Les commandes sont faibles et les recettes presque nulles. L’or ?
L’or existe partout en Centrafrique, mais son exploitation n’a pas encore dépassé le stade artisanal. Le diamant ?
Maintenant que votre contentieux avec la société américaine Grynberg
Dans une certaine mesure. Des sociétés comme Sodiam ou Badica fonctionnent. JEUNE AFRIQUE
François Bozizé C’est un héritage dont nous ne sommes pas responsables et que nous essayons de résoudre au mieux, en souhaitant que la communauté internationale nous aide davantage. Il y a eu à cet égard plus de promesses que d’engagements concrets. Notre armée et notre administration s’efforcent d’être partout, de Birao à Obo, de Bria à Kaga-Bandoro. Ce n’est donc pas par manque de volonté de la part de l’État si notre contrôle est imparfait, c’est par manque de moyens.
VINCENT FOURNIER/J.A.
L’opposant franco-centrafricain JeanJacques Demafouth, ancien ministre de la Défense, ex-candidat à la présidence et chef d’un mouvement politico-militaire, a été arrêté le 6 janvier à Bangui. Que lui reproche-t-on ?
Restelacontrebande,quenousnesommes pas encore parvenus à réduire. Le coton ?
C’est l’exemple de ce que les Centrafricains peuvent faire seuls, sans aucune aide extérieure. Depuis quatre ou cinq ans, nos cadres de la cellule coton se battent corps et âme pour réhabiliter cette culture vitale pour le pays. Les paysans cotonculteurs sont désormais payés régulièrement, ce qui n’était pas le cas sous l’ancien régime. Les usines ont été rafistolées et la production a triplé : 25 000 tonnes prévues en 2012, 100 000 espérées pour 2015, un record historique pour nous. L’État a injecté 10 milliards de F CFA [15,2 millions d’euros] dans ce secteur, sur ses propres recettes.
Ce n’est pas moi qui suis allé interpeller M. Demafouth, c’est la justice. D’après ce qu’on m’en a dit, il cherchait à déstabiliser le régime. Si c’est exact, c’est inadmissible de la part d’une personnalité qui a signé les accords de paix de Libreville en 2008 et qui depuis exerce la fonction de viceprésident du comité de désarmement et de démobilisation. Après tous les efforts consentispoursortirlepaysdumarasme,je n’accepterai jamais un tel retour en arrière.
part de l’ONU. Il s’est alors mis à racketter les éleveurs peuls pour se procurer des armes et des véhicules. Depuis, il joue au seigneur de la guerre. Pour l’instant, nous voulons encore croire à une solution négociée sous les auspices de deux médiateurs, tchadien et centrafricain, qui l’ont rencontré. Mais s’il nous force à agir autrement, nous le ferons*. Si l’on en croit ses dires, il fait régner l’ordre dans la région qu’il contrôle en luttant notamment contre les coupeurs de route…
Mais qui l’a autorisé à agir de la sorte ? Qui le lui a demandé ? Personne.
L’Armée de résistance du Seigneur (LRA), de l’Ougandais Joseph Kony, sévit depuis près de six ans dans l’est de votre pays. L’aide américaine promise pour vous aider à lutter contre ce fléau est-elle effective ?
Un contingent des forces spéciales américaines est présent depuis peu à Obo, dans le Haut-Mbomou. Il est en phase d’installation. Et je suis heureux d’apprendre que l’ONU semble enfin se saisir de ce problème.
Lui nie toute participation à des réunions suspectes…
Les Français ont une base et deux cents hommes à Bangui. Participent-ils aux opérations contre la LRA ?
Autre problème: celui posé par le « général » autoproclamé Baba Laddé, un ancien officier de l’armée tchadienne à la tête de quelques centaines de rebelles qui
Pourquoi votre armée n’est-elle toujours pas opérationnelle ?
Évidemment. C’est un avocat et il sait y faire. L’enquête en cours tranchera. Si elle ne donne rien, M. Demafouth sera libéré.
Non. Il y a un an et demi, le président Nicolas Sarkozy m’avait pourtant écrit, promettant une aide matérielle aux forces armées centrafricaines. Pour un résultat concret bien maigre.
Le président Sarkozy m’avait promis une aide pour notre armée. Le résultat est bien maigre.
Il y a un mois, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est dit « inquiet du manque d’autorité de l’État, qui a laissé s’installer un grave vide sécuritaire » en Centrafrique. Comment réagissez-vous à ce diagnostic pour le moins sévère ? JEUNE AFRIQUE
a fait du nord-ouest de la Centrafrique sa base arrière pour, dit-il, renverser le président Idriss Déby Itno. Que comptez-vous faire ?
Baba Laddé est un opposant tchadien qui, après avoir fui au Cameroun, est entré en Centrafrique et s’est installé avec ses hommes armés dans la région de Kaga-Bandoro. Nous avons discuté avec lui à Bangui et obtenu son accord pour qu’il regagne N’Djamena. Puis il a brusquement changé d’avis après avoir exigé, sans l’obtenir, une protection de la
Les Faca [Forces armées centrafricaines] ont des cadres et des hommes de valeur. Ce n’est pas la motivation qui manque, mais l’équipement et la mobilité. Nous faisons de notre mieux pour y remédier, mais cela coûte cher et nous sommes un pays pauvre. ● ● ● * Cet entretien a été réalisé quelques jours avant le déclenchement d’une offensive militaire conjointe centrafricano-tchadienne contre les rebelles de Baba Laddé. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Afrique subsaharienne La grande interview ● ● ● L’opposition centrafricaine est quasiment absente des institutions de la République, en particulier du Parlement. Déplorez-vous cette situation?
Cette remarque m’a déjà été faite, particulièrement à Bruxelles, au siège de l’Union européenne. Qu’y puis-je ? Les élections ont été libres et démocratiques, et
Vos détracteurs vous reprochent d’avoir tout fait pour que votre prédécesseur, Ange-Félix Patassé, décédé le 5 avril dernier à Douala, ne puisse pas aller se faire soigner à temps à l’étranger. Ce n’est qu’in extremis que vous l’auriez autorisé à quitter le pays. Qu’avez-vous à répondre ?
C’est l’opposition qui a en quelque sorte tué Patassé, en l’usant jusqu’à la mort. ellesontdonnélesrésultatsquevoussavez. Aurais-je dû les fausser? Notre opposition est composée de gens qui ont déjà exercé le pouvoir et mis ce pays à genoux. Vousmême êtes allé à Bossangoa, vous avez vu comment les Banyamulenge de JeanPierre Bemba ont mis cette ville à sac, vous avez entendu les cotonculteurs vous dire que, sous Patassé, ils n’ont pas été payés pendant des années. Pensez-vous que ces gens avaient envie de voter pour les responsables de leurs malheurs passés ? C’est cela le problème. Cela n’a rien à voir avec un Bozizé qui aurait verrouillé je ne sais quoi. L’opposition a échoué. Qu’elle le reconnaisse et redéfinisse sa stratégie plutôt que d’accuser le pouvoir matin, midi et soir.
C’est un mensonge. Ce sont ses alliés de l’opposition qui l’ont en quelque sorte tué, en l’usant jusqu’à la mort. Patassé était leur seule planche de salut, et ils ont tenu nuit et jour des réunions autour de lui alors que son état de santé ne le permettait pas. Cela s’estpassédanssaconcession.Queceuxqui étaient là disent la vérité! Ils l’ont épuisé et la corde s’est cassée. Lorsque j’ai été saisi par la famille, j’ai personnellement écrit à l’ambassade de France pour que Patassé obtienne le visa et les autorisations nécessaires pour aller se faire soigner à Paris. La réponse de l’ambassade a été négative : Ü À BO, NON LOIN DE BOSSANGOA, les paysans tassent le coton destiné à l’usine d’égrenage.
je l’ai ici. Décision a été finalement prise de le transférer en Guinée équatoriale. À l’escale de Douala, son état a brusquement empiré et il est décédé. Cela ne sert à rien dedéformerlavérité.Qu’ilsassumentleurs responsabilités! Il y a quelques mois, des rumeurs alarmistes sur votre état de santé ont circulé à Bangui. Une personnalité de l’opposition, Joseph Bendounga, a même déposé une requête devant la Cour constitutionnelle au motif que vous seriez inapte à gouverner…
Ridicule. C’est cette personne qui est inapte, c’est elle qui est dérangée. Comment vous portez-vous ?
Bien. Vous en êtes témoin. Vous m’avez vu sur le terrain, dans les champs de coton de l’Ouham. Je reviens d’une tournée en Ouganda, au Nigeria, en Guinée équatoriale et au Tchad. Hier soir, je fréquentais une salle de sport à Bangui. Tout va bien. Si vous en doutez, dites à un médecin de venir m’ausculter et publiez les résultats ! Quel est l’état de votre relation avec la France ?
Elle est ce qu’elle est. Les Français sont nos cousins. Nous cohabitons.
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JEUNE AFRIQUE
François Bozizé voudriez-vous que je change une équipe qui est en train de gagner ? Trente-quatre ministres, ça n’est pas trop pour un pays pauvre de 4,5 millions d’habitants ?
C’est possible. Mais c’est la rançon de l’ouverture. Tout le monde veut être ministre, en Centrafrique !
Comment avez-vous réagi à la mort de Kaddafi ?
Ce fut un événement cruel et amer. Mais les hommes passent et les pays demeurent. Et à l’arrestation de Laurent Gbagbo ?
L à au ssi , j ’a i v u d e s i mag e s insupportables. Approuvez-vous son transfèrement à la Cour pénale internationale ?
Cela a déjà eu lieu. Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Quand le chef d’État africain que vous êtes voit ce genre de scène, que penset-il ? Que ce sont les risques du métier ?
VINCENT FOURNIER/J.A.
Sans doute. Pourvu que cela se fasse dans la dignité, il faut l’accepter. Aurait-on agi de la sorte s’il s’agissait de dirigeants américains ou français ? C’est la question que je me pose…
SÉANCE DE REMISE EN FORME CHEZ BANGUI SPORTS : « Dites à un médecin de m’ausculter et publiez les résultats ! » Il n’est un secret pour personne que Paris, mais aussi Bruxelles et Washington ont formulé des réserves à l’égard de votre ministre d’État aux Finances, Sylvain Ndoutingaï. Sa gouvernance et son nationalisme jugé excessif sont mis en cause. Lui maintenez-vous votre confiance ?
Sylvain Ndoutingaï est un jeune ministre qui selon moi fait bien son travail. L’opinion apprécie les réformes courageuses qu’il a entreprises dans les secteurs des mines, de l’énergie et des finances. Il n’a pas sur moi l’influence qu’on lui prête et il fait ce que je lui demande de faire. Si on lui reproche quelque chose, qu’on le prouve et je prendrai les sanctions qui JEUNE AFRIQUE
conviennent. Dans le cas contraire, qu’on le laisse tranquille. Jusqu’ici, on ne m’a rien présenté. Même chose pour votre Premier ministre Faustin-Archange Touadéra. Si vous l’avez reconduit, c’est que vous en êtes satisfait…
La continuité, dans ce type d’emploi, vaut mieux que le changement pour le changement. Lui aussi travaille bien et respecte les consignes que je lui donne. Le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés [PPTE] est le fruit d’un effort collectif dans lequel il a eu sa part. Pourquoi
Quel message voudriez-vous adresser à la communauté internationale ?
Celui-ci, et il est très simple. Depuis le changement du 15 mars 2003, nos partenaires et nous avons ensemble hissé la Centrafrique à un niveau acceptable. Il n’est pas question de revenir en arrière. Or, en 2011, nous n’avons plus rien reçu de la part de cette communauté, pas un centime d’aide budgétaire, rien pour le désarmement et la réinsertion. Pourquoi s’arrêter au milieu du gué ? Il suffirait pourtant d’un coup de pouce pour que ce pays démarre. Et à vos compatriotes centrafricains ?
Un message d’espoir et d’effort. Salaires, routes, énergie, habitat : les résultats sont là. Nous y sommes parvenus en nous serrant la ceinture, mais il n’y a pas d’autre solution que de continuer le travail. Le travail, rien que le travail. N’écoutons pas les ennemis du progrès et maintenons le cap. Construire un pays n’est pas une tâche facile. La récompense est au bout de l’effort. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Maghreb & Moyen-Orient
SYRIE
Pourquoi Malgré l’intensification de l’insurrection armée et des pressions internationales, le président syrien plie, mais ne rompt pas. Son recours habile à plusieurs atouts maîtres n’y est pas étranger.
Assad
PATRICK SEALE
D
ans l’immédiat, le président Bachar al-Assad ne semble pas près d’être renversé ou de s’effondrer. Il continue de résister au soulèvement populaire et aux pressions internationales. Dans son discours du 10 janvier, il a qualifié la crise de « bataille sans précédent dans l’histoire de la Syrie moderne ». De nombreuses sources autorisées s’accordent à dire qu’il pourrait se maintenir encore plusieurs mois. Mais son avenir à long terme reste incertain. En habile tacticien, il a autorisé la venue d’observateurs de la Ligue arabe, ce qui lui a permis de gagner un mois, voire deux. Avec les manifestants, il a usé de la carotte et du bâton : amnistie des prisonniers politiques, offre de dialogue immédiat avec l’opposition, promesse renouvelée d’une Constitution révisée et soumise rapidement à référendum, élections pluralistes au début de l’été. Il y a quelques jours, deux nouveaux partis ont obtenu leur agrément. Selon certaines sources, la survie d’Assad à long terme dépendra de la capacité de l’Iran à préserver sa stabilité. Affaibli par les sanctions occidentales, cible d’opérations visant à enrayer son programme d’enrichissement d’uranium, l’Iran semble aussi être la cible d’une tentative de changement de régime. Les États-Unis et Israël – soutenus par certains pays européens et arabes aux motivations commerciales, religieuses ou stratégiques – ont lancé une grande offensive contre l’alliance tripartite Téhéran-Damas-Hezbollah, dont le crime est d’avoir osé contester l’hégémonie militaire des États-Unis dans le Golfe et celle d’Israël dans le Levant. Les trois alliés le savent : ils tiendront ensemble ou tomberont ensemble. L’Iran est visé par une campagne méthodique de sabotage de ses installations nucléaires par des cyberattaques et les assassinats ciblés de ses chercheurs. En outre, son économie est sapée par le boycott de ses exportations de pétrole et N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
AY-COLLECTION/SIPA
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BACHAR AL-ASSAD saluant ses partisans lors d’un gigantesque rassemblement prorégime, le 11 janvier, à Damas.
de sa Banque centrale. Comme ils avaient poussé Washington à envahir et à détruire l’Irak, Israël et ses amis américains ne ménagent aucun effort pour déclencher une attaque des États-Unis contre l’Iran. Si la République islamique se fissure, le régime de Damas pourrait tomber. Privé de ses parrains étrangers, le Hezbollah risquerait pour sa part de subir une nouvelle tentative israélienne de destruction, comme en 2006. FAILLE. Assad est essentiellement préoccupé
par le danger que fait peser cette « conspiration étrangère » sur la Syrie. Comme il l’a expliqué dans son discours, il s’agit du dernier complot en date d’une longue série : quand l’Irak a été envahi en 2003, « la Syrie était menacée de bombardement et d’invasion » ; ces mêmes ennemis ont ensuite exploité l’assassinat de Rafic Hariri, en 2005, pour expulser les forces syriennes du Liban et tenter de faire tomber le régime de Damas ; Israël a envahi le Liban en 2006, puis a bombardé une supposée JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
résiste encore
Français après l’Occupation, quand résistants et collaborateurs ont dû s’atteler à la reconstruction de leur société déchirée.
installation nucléaire syrienne en 2007, avant d’attaquer Gaza en 2008, menaçant à chaque fois la Syrie. Assad considère ses opposants intérieurs comme les alliés de ses ennemis extérieurs. Il ne les voit pas comme des manifestants légitimes contre la corruption, la brutalité policière, le chômage aggravé des jeunes et l’absence des libertés fondamentales. Le fait que certains d’entre eux aient pris les armes, tué des soldats et des policiers et détruit des biens publics l’a servi. Il est déterminé à « frapper durement ces terroristes ». Telle est sa perception des événements, et c’est ainsi qu’il justifie la répression sanglante de ces dix derniers mois – les meurtres à grande échelle, les arrestations massives, les brutalités et la torture. Ces méthodes ont ouvert une faille profonde au sein de la société syrienne, attisé les tensions communautaires et terni l’image du pays. Comment les Syriens vont-ils réapprendre à vivre ensemble? Une source locale a comparé cette situation à celle des JEUNE AFRIQUE
LE SPECTRE DE HAMA. La loyauté persistante de l’armée et des services de sécurité reste l’atout maître du régime. Les défections ont été peu nombreuses. Tant qu’il en sera ainsi, l’opposition ne sera pas en mesure de renverser Assad. Et elle ne peut compter sur une initiative militaire étrangère, aucune nation arabe ou occidentale n’étant disposée à recourir à la force. La Turquie pourrait envisager d’intervenir sisespropresintérêtsvitauxétaient Pékin et Moscou mettent menacés, dans le cas où Damas soutiendraitactivementlePartides leur veto à toute travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a pris les armes contre l’État intervention étrangère. turc. La Russie et la Chine continueront à protéger la Syrie au Conseil de sécurité en mettant leur veto à toute résolution permettant l’usage de la force. Assad peut aussi compter sur l’Irak, l’Algérie et le Soudan pour empêcher une internationalisation de la crise. Le déclin américain – retrait d’Irak, échec en Afghanistan, coupes dans le budget de la défense – profite également à la Syrie. Autres atouts d’Assad, l’incapacité de l’opposition à s’unir derrière un leader ou un projet politique commun et le fait qu’une bonne partie de la population continue de soutenir le régime. Bilan du Les minorités telles que les Alaouites, les chrétiens soulèvement et les Druzes, mais aussi les agents de l’État, les au 19 janvier fonctionnaires, les grands commerçants de Damas et d’Alep ainsi que la nouvelle bourgeoisie née du modèle économique néolibéral adopté la décennie précédente se méfient tous d’un changement de régime. Et ne se sentent représentés ni par les manifestants ni par l’opposition en exil. Les Syriens ont vu les destructions terribles causées par les guerres civiles chez leurs voisins d’Irak et du Liban. La hantise d’un conflit communautaire est dans tous les esprits. Les Frères musulmans syriens attendent de toute évidence l’occasion de se venger de l’anéantissement de leur insurrection à Hama, en 1982. À la fin des années 1970, ils s’étaient lancés dans une campagne termorts depuis le 15 mars 2011, roriste contre le régime de Hafez al-Assad, tuant dont 484 enfants et, lors de l’une de leurs opérations, en 1979 à Alep, selon Damas, 83 cadets alaouites. Lorsqu’ils ont pris Hama, ils y 1 200 soldats ont massacré les membres du Baas et les fonctionet policiers naires. Le gouvernement a envoyé l’armée pour reprendre la ville, faisant plus de 10 000 morts. Le chiffre exact est toujours discuté, mais, en ce moment, le spectre de Hama plane sur le pays et SOURCE : CENTRE DE DOCUMENTATION SUR LES CAS enflamme de chaque côté les passions. ● DE VIOLATION EN SYRIE
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Maghreb Moyen-Orient
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chargée des Technologies de l’information et de la communication (TIC). « Au sein de l’Assemblée, le réseau de femmes est un réel vecteur de communication qui permet de prendre des initiatives de manière concertée afin d’infléchir des tendances », souligne celle qui est entrée en politique par patriotisme. Dynamique et rayonnante, Lobna Jeribi est à l’écoute de toutes les opinions, tout en défendant bec et ongles l’adoption par la Constituante du principe d’Open Governance : « La transparence et la démocratie participative sont essentielles pour la Constitution. Les données et le contenu des débats doivent être accessibles à tous. Il est primordial de permettre aux citoyens d’accéder aux informations qui les concernent. N’oublions pas combien le peuple a souffert de l’omerta en vigueur sous l’ancien régime. » En synergie avec des associations de la société civile, Lobna Jeribi a rallié à cette cause des membres de partis de tous bords. « Chaque formation a un noyau dur, mais les jeunes compétences apportent un nouveau souffle et constituent une classe politique naissante, animée par la volonté sincère d’asseoir le pays sur des bases solides. Ettakatol, critiqué pour avoir accepté de faire partie de la
TUNISIE
Trois femmes d’influence
La première est vice-présidente de la Constituante, la deuxième députée de la majorité et la troisième membre de l’opposition parlementaire. Leur mot d’ordre commun : le respect de l’autre.
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que de participer à la rédaction de la Constitution. » Elle encourage vivement les Tunisiennes non seulement à entrer en politique, mais à élargir leur participation à la vie publique : « L’action ne s’exerce pas uniquement au niveau du gouvernement. Les femmes doivent s’engager aussi bien au sein des partis que dans les régions. » Avec une fermeté sereine, elle tempère des débats parfois houleux, car « il faut respecter tous les points de vue sans que l’émotion ne prenne le pas sur le dialogue. Notre mission est de répondre aussi aux attentes très fortes du peuple ». Optimiste, Meherzia Labidi a fait sien le dicton « Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin ». TRANSPARENCE. Agir ensemble est éga-
lement un impératif pour Lobna Jeribi, l’une des députées d’Ettakatol, qui avait été pressentie pour être secrétaire d’État
MEHERZIA LABIDI 49 ans • Franco-tunisienne • Mastère en traduction économique et DEA en littérature anglaise • Ex-professeure de traduction à l’Institut européen des sciences humaines (SaintDenis) • Membre d’Ennahdha N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
ONS ABID
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ors de certaines séances de la Constituante, une voix chantante, teintée d’un accent indéfinissable se fait entendre du haut du perchoir. Il s’agit de Meherzia Labidi, première vice-présidente de l’Assemblée, qui remplace au pied levé le président, Mustapha Ben Jaafar. Inconnue jusqu’aux élections du 23 octobre dernier, cette binationale, tête de liste d’Ennahdha dans la circonscription France 1, a des allures attendrissantes de mère poule, mais n’en mène pas moins les débats avec autorité. On est loin du cliché qui voudrait que les élues du parti islamiste soient des figures effacées, propulsées à l’Assemblée pour cause de parité obligatoire. Meherzia Labidi, qui se déclare « Tunisienne d’ici et maintenant », est déterminée à agir pour le bien du pays : « Même si les avis divergent, la Tunisie nous unit ; c’est une tâche suprême
LOBNA JERIBI
MAYA JRIBI
39 ans • Docteur en systèmes d’information • Fondatrice d’IC Informatique • Membre d’Ettakatol • A été pressentie pour être secrétaire d’État chargée des Technologies de l’information et de la communication
52 ans • Biologiste • Secrétaire générale et cofondatrice du Parti démocrate progressiste (PDP) • Ancienne militante de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) • Première femme à diriger un parti politique tunisien JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient troïka [avec le Congrès pour la République et Ennahdha, NDLR], a une approche pertinente qui permet de dialoguer de l’intérieur, d’impulser des orientations et de veiller à la sauvegarde des valeurs démocratiques. La vigilance est l’affaire de tous, et la liberté d’expression ne sera plus jamais confisquée. » CONTRE-POUVOIR. Face à ces représentantes de la majorité, Maya Jribi s’est imposée comme chef de l’opposition parlementaire. Son éloquence et sa grande maîtrise du discours politique font de chacune de ses prises de parole un temps fort des débats. Candidate à la présidence de l’Assemblée, la secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP) a vu sa popularité grimper en flèche après avoir analysé publiquement l’échec de sa formation aux élections et soutenu les manifestants du Bardo venus récla-
L’éloquence de Maya Jribi fait de chacune de ses interventions un temps fort des débats. mer un meilleur équilibre des pouvoirs. Militante dans l’âme, elle est convaincue que pour remettre le processus démocratique en marche il est indispensable de travailler avec la société civile. Elle est l’une des rares personnalités politiques à avoir pointé du doigt la question de la répartition des pouvoirs et à dénoncer les similitudes entre le discours d’Ennahdha et celui de l’ancien parti au pouvoir. « L’opposition joue le rôle de contrepouvoir ; le temps de l’opinion unique est révolu », martèle-t-elle. De même s’inquiète-t-elle de la durée indéterminée de la phase de transition. Sans jamais se départir d’une grande dignité, elle aborde ouvertement les sujets qui fâchent, comme les intrusions des salafistes sur la scène sociale, et rappelle que « l’islam est censé être modéré et tolérant » et que « l’on est censés vivre tous ensemble en dépit de nos différences ». Meherzia, Lobna et Maya, figures phares de la Constituante, combattent sur de multiples fronts, parfois différents, et peuvent même s’opposer, mais toutes les trois sont unies par la défense de la démocratie et la sauvegarde des acquis sociétaux. Puissent leurs pairs masculins en prendre de la graine. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE
PÉTROLE
Mauvais calcul saoudien Pour continuer à acheter la paix sociale, Riyad a choisi de faire monter les cours de l’or noir. Un choix qui n’est viable ni politiquement ni économiquement.
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eul pays à pouvoir prétendre chaque nouvel épisode de troubles. contrôler le prix mondial du Alors qu’une part toujours croissante pétrole, l’Arabie saoudite a des revenus d’exportation est engloutie par la consommation, la perspecpeut-être visé trop haut en tive de voir l’État rentier construire se fixant pour objectif de le porter une économie productive s’éloigne de 75 à 100 dollars le baril. Certes, le contexte international actuel renforce de plus en plus. En outre, Riyad ne son emprise sur le marché à court devrait pas considérer comme acquise sa capacité à faire monter les cours. terme. Mais, au niveau intérieur et Les difficultés d’approvisionnement extérieur, la stratégie saoudienne en pétrole libyen et iranien lui persème les graines de sa propre ruine. mettent de le faire sans avoir à limiter Grâce à ses énormes réserves et à sa production dans une proportion des coûts d’extraction relativement bas, Riyad a le doigt posé sur la jauge qui pèserait trop sur les bénéfices. Mais cette situation ne durera pas du brut mondial. Mais sa main obéit à des contraintes politiques internes. éternellement, et le maintien du Le Printemps arabe a placé le régime cours du pétrole à un niveau élevé wahhabite sous une pression réforva inciter les importateurs à limiter miste sans précédent. Celui-ci a leur consommation. réagi en abreuvant la population d’avantages matériels substantiels, IMPRUDENCE. En 2011, le cours puisant l’an dernier 129 milliards de moyen du brent a dépassé pour la predollars (96 milliards d’euros) dans mière fois la barre des 100 dollars. Ce ses économies. Mais ces largesses qui pourrait devenir une norme douanesthésiantes ne sont viables ni poliloureuse, les revirements saoudiens tiquement ni économiquement. Les empêchant une baisse des prix au sein Saoudiens, mécontents, ne se laisde l’Organisation des pays exportaseront probablement pas acheter : au-delà La perspective de voir l’État des revendications rentier construire une économie matér ielles, leurs doléances ciblent productive s’éloigne. le conservatisme étouffant et l’inertie politique du teurs de pétrole (Opep). L’économie mondiale va d’abord en souffrir, mais royaume. Noyer le problème sous elle finira par s’ajuster avec le temps. un flot d’argent pourrait même, à Le marché s’adapte : les pays consomterme, renforcer les exigences de mateurs réagiront en économisant changement politique. et en investissant dans des sources DÉSÉQUILIBRE. Si, dans l’immédiat, d’énergie et des technologies plus ces dépenses calment la contestaperformantes. Les préoccupations en tion, elles risquent de peser lourd à matière de sécurité énergétique ou de long terme. Selon les estimations du changement climatique pourraient Fonds monétaire international (FMI), accentuer ce processus. La tactique les finances publiques saoudiennes de Riyad consistant à « s’acheter un ne peuvent désormais trouver leur délai » n’est pas prudente et pourrait équilibre qu’avec un baril à 80 dollars, au bout du compte générer davantage contre 20-25 dollars il y a une décende problèmes, à l’intérieur comme à nie. Et ce seuil pourrait encore s’élever l’international. ● si le royaume continue de recourir à © Financial Times et Jeune Afrique 2012. d’irréversibles dépenses pour régler Tous droits réservés. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Maghreb Moyen-Orient
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OPINION
Opinion ns & éditoriau ux
Les fleurs du Printemps arabe se sont-elles déjà fanées?
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F NESRINE BRIKI Écrivaine et journaliste algérienne
OULE EN COLÈRE, foule en délire, comme étonnée par l’incroyable pouvoir qu’elle se découvre. Si l’inconscient collectif devait résumer l’actualité de 2011, une image s’imposerait d’elle-même : celle d’individus insatisfaits de leur condition et qu’une impulsion commune réunit afin de rompre avec ce qui est. Mais, à l’exemple d’un nombre important de citoyens algériens de plus de 30 ans, j’ai eu la désagréable sensation que ces révolutions, aussi spontanées que soudaines, avaient un goût d’octobre 1988. Le 5 octobre 1988, la jeunesse algérienne s’était soulevée pour manifester son désir de changement. Une contestation inattendue, chaotique et dépourvue de revendications claires, laquelle fut sévèrement réprimée par l’armée au prix de 500 morts. Récupéré par ce qui deviendra plus tard les partis islamistes, ce mouvement entraînera dans un enchaînement de causes et d’effets l’arrêt du processus électoral en 1992, la démission du président Chadli Bendjedid et l’avènement d’une ère sanglante que les historiens consignent sous le nom de décennie noire. J’ignore si c’est le fruit d’un conditionnement voulu par ceux d’en haut, comme se plaisent à le dire les pourfendeurs de la théorie du choc, l’œuvre d’un processus mental réducteur ou simple ignorance de ma part, mais je suis incapable de dissocier les images de soulèvements populaires de l’apocalyptique décennie noire algérienne.
Hussein et autres « dictateurs » ont pu arriver au pouvoir et s’y maintenir demeurent, au premier rang desquelles une certaine forme d’absence de vie politique qu’ils ont su exploiter. Comme dans les années 1990 en Algérie, on assiste aujourd’hui dans les pays « néolibres » à un étonnant « bourgeonnement démocratique » ; les formations politiques de tous bords se créent dans l’urgence dans un contexte marqué par l’organisation d’élections et la vacuité du pouvoir. Là encore, le caractère inédit de la situation fait que le gagnant sera celui qui exploitera au mieux les problèmes immédiats ou qui aura la meilleure tribune… Il n’est finalement pas si surprenant que les partis dits islamistes soient avantagés. D’abord parce que certaines mosquées peuvent se transformer sous certaines conditions en tri-
Les causes de ces révolutions n’ont pas disparu. C’est juste le début d’un nouveau cycle qui finira par revenir à son point de départ.
Le mot « révolution » vient du latin revolutio, de revolvere, qui signifie « ramener en arrière ». En astronomie, une révolution est le retour d’un astre, après un cycle de mouvement, à son point initial. À la lumière de ces définitions, une révolution consiste à partir d’un point schématique précis pour évoluer, le dépasser et fatalement y revenir. Parallèlement, le sens moderne qu’a pris le mot révolution est bien celui d’une rupture brutale et irrémédiable de l’ordre établi. Ce qui est incontestable pour les pays du Printemps arabe, puisque ce qui était a cessé d’être et que les figures représentatives du pouvoir absolu ont été définitivement écartées. Mais les raisons pour lesquelles Ben Ali, Kaddafi, Moubarak, Saddam N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
bunes politiques bénéficiant d’une visibilité maximale. Ensuite parce que, face aux souffrances endurées, les gens ont fini par se méfier inconsciemment de l’idée même d’action politique. Quelle meilleure source de légitimité dans ces conditions que celle de l’autorité divine ? J’induis de tout cela que les causes ou les germes de ces révolutions n’ont pas disparu. C’est juste le début d’un nouveau cycle, le commencement d’une révolution qui, comme pour les astres, finira fatalement par revenir à son point de départ. Je n’ai pas la prétention d’apporter une réponse définitive à l’interrogation contenue dans le titre de cet article. En revanche, un penseur des XIXe et XXe siècles, Gustave Le Bon, m’a fait beaucoup méditer sur cette question. Je vous livre ici un passage intéressant de Psychologie des foules : « Les véritables bouleversements historiques ne sont pas ceux qui nous étonnent par leur violence. Les seuls changements importants, ceux d’où le renouvellement des civilisations découle, s’opèrent dans les idées, les conceptions et les croyances. Les événements mémorables de l’Histoire sont les effets visibles des invisibles changements de la pensée des hommes. Si ces grands événements se manifestent si rarement, c’est qu’il n’est rien d’aussi stable dans une race que le fond héréditaire de sa pensée. » ● JEUNE AFRIQUE
ESAM AL-FETORI/REUTERS
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LIBYE
« Abdeljalil, dégage! »
Trois mois après la mort de Kaddafi, le Conseil national de transition (CNT) ne fait plus l’unanimité. Comme l’a appris à ses dépens son président, figure jusque-là consensuelle de la révolution.
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amedi 21 janvier, à Benghazi. La scène se passe de commentaires. Appelant les manifestants au calme depuis la fenêtre du siège du Conseil national de transition (CNT), le président Mustapha Abdeljalil est accueilli par des jets de bouteilles et un message : « Dégage ! » Dans la confusion, des grenades artisanales auraient même été lancées sur la façade. Que veulent les nouveaux « indignés » de Benghazi ? Depuis la mi-janvier, ils squattent la place de l’Arbre, dans le centre-ville, pour que le CNT « corrige la trajectoire » du CNT. Deux revendications sont martelées : plus de transparence dans l’action du pouvoir transitoire et l’exclusion des excollaborateurs du régime Kaddafi. Ceux qui manifestent devant le siège du CNT s’expriment, eux, au nom des blessés de guerre et des laissés-pour-compte, abandonnés depuis la fin des combats. En début de soirée, à l’intérieur du modeste bâtiment situé dans un quartier résidentiel de Benghazi, l’ancien ministre de la Justice de Kaddafi, devenu le symbole consensuel de la révolution, JEUNE AFRIQUE
Mustapha Abdeljalil PRIS À PARTIE par des manifestants, le 21 janvier, au siège du CNT, à Benghazi.
moment politique que nous traversons peut entraîner le pays dans un gouffre sans fond », met en garde le président transitoire libyen. Il dément la démission de Ghoga, mais ce dernier la confirmera quelques heures plus tard, en direct sur Al-Jazira, au nom de l’« intérêt de la nation ». Quelques jours plus tôt, le même Ghoga avait déjà tâté du mécontentement des étudiants de l’université de Gar Younès. Invité à rendre hommage aux « combattants de la liberté », il est pris à partie par un groupe de jeunes qui le bousculent et le traitent d’« opportu-
accorde une audience à une délégation de manifestants venus exposer leurs griefs. La patience du « cheikh », comme l’appelaient affectueusement les jeunes, ne suffit pas à éteindre la colère des protestataires, parmi lesquels de nombreux miliciens. Le ton monte, le dialogue est impossible. Abdeljalil quitte la salle du Conseil, rapidement exfiltré par ses gardes du corps. C’est le signal de l’assaut pour Traité d’« opportuniste », le les manifestants, massés à numéro deux du gouvernement l’extérieur depuis le début jette l’éponge. de l’après-midi. Le Toyota Land Cruiser du président niste », de « suppôt de Kaddafi ». Affront du CNT est méthodiquement caillassé, suprême pour Ghoga, qui fut l’un des les bureaux sont pillés, avant que le premiers à rallier et à structurer le souservice d’ordre ne tente de protéger les archives, notamment celles de l’état civil. lèvement contre le dictateur, depuis cette Les membres du CNT se seraient envolés même ville de Benghazi, en février 2011. dans la soirée pour Tripoli : on annonce Le communiqué émis par le CNT après la démission du numéro deux et portel’incident jette de l’huile sur le feu, parole du conseil, Abdel Hafiz Ghoga. son auteur qualifiant les agresseurs de « racailles ». Une partie d’entre eux rejoin« RACAILLE ». Le lendemain, c’est dans dra le sit-in devant le siège du Conseil un hôtel de Benghazi que Mustapha deux jours plus tard. Avec l’issue que Abdeljalil convoque la presse. « Le l’on connaît… ● YOUSSEF AÏT AKDIM N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Maghreb Moyen-Orient ð ALAA ABDEL FATTAH embrassant son bébé que lui tend sa sœur MONA, à sa sortie de prison, le 25 décembre.
que l’armée avait recours à ces jugements expéditifs depuis le 28 janvier 2011. » MANIPULATIONS. L’engagement d’Alaa
AMR HAFEZ/AP/SIPA
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ÉGYPTE
La révolution en héritage Chez les Seif, l’engagement politique est une affaire de famille. À l’image de leurs parents, militants dans l’âme, Alaa et Mona se sont jetés à corps perdu dans le combat pour la liberté.
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ui s’appelle Alaa Abdel Fattah ; elle, Mona Seif. Entre le grand bonhomme de 30 ans à la barbe mal rasée et à l’air jovial, et la jeune fille brune de 25 ans, toujours souriante, qui ne lâche jamais son portable, il n’y a pas vraiment d’air de famille. Pourtant, comme leurs noms ne l’indiquent pas, ils sont frère et sœur. En janvier 2011, quand éclate la révolution, Mona est au premier rang de la contestation. Alaa, lui, quitte l’Afrique du Sud, où il était installé depuis trois ans, pour rentrer en Égypte. Il arrive place Al-Tahrir le 2 février, alors que les partisans de Moubarak, montés sur des chevaux et des chameaux, chargent les manifestants. Tous deux sont des célébrités parmi les jeunes activistes égyptiens. Alaa, développeur logiciel, a lancé le concept de « Tweet Nadwa », une conférence durant laquelle chacun des interlocuteurs s’exprime à tour de rôle pendant cent quarante secondes, tandis que le public réagit en instantané sur Twitter. Il est également à l’origine de l’initiative Notre Constitution, destinée à fixer les principes que les citoyens souhaitent N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
voir inscrits dans leur loi fondamentale. Quant à Mona, elle a cofondé l’organisation Non au jugement des civils par les tribunaux militaires après avoir assisté à l’arrestation d’Amr el-Beheiri, un manifestant accusé d’être un casseur. « Il a été battu, arrêté, jugé en vitesse et condamné à cinq ans de prison, explique la chercheuse en cancérologie à l’université du Caire. Nous pensions que c’était un cas isolé, mais nous avons découvert
remonte à décembre 2004, quand il rejoint le mouvement de contestation Kefaya (« Ça suffit »). En 2006, il est arrêté lors d’une manifestation avant d’être relâché au bout de quarante-cinq jours sous la pression d’une campagne médiatique orchestrée par sa sœur et sa femme, Manal. S’ils s’expriment souvent dans les médias pour défendre la cause révolutionnaire, Mona et Alaa étaient jusque-là inconnus du grand public. Mais les choses ont changé. Car Alaa est accusé, avec vingt-sept autres manifestants, d’avoir fait dégénérer en affrontements sanglants la marche de protestation copte du 9 octobre dernier. Des témoins affirment l’avoir vu attaquer des soldats pour leur voler leurs armes en compagnie d’un autre révolutionnaire, Wael Abbas. Or ce dernier se trouvait à ce moment-là dans un vol pour Tunis afin d’assister à la 3e édition du Forum des blogueurs arabes. Pour beaucoup, c’est le récit des heures passées à l’hôpital copte dans la soirée du 9 octobre qui vaut à Alaa d’être poursuivi. Dans son article, publié dans un grand quotidien, il accuse les militaires d’être responsables des 28 morts et des centaines de blessés. Le jeune homme est placé en garde à vue du 30 octobre au 25 décembre pour avoir refusé de répondre aux questions du procureur militaire. « Revivre après la révolution la
JUSTICE EXPÉDITIVE DEPUIS L’ARRIVÉE AU POUVOIR, en février 2011, du Conseil suprême des forces armées (CSFA), près de 12 000 civils ont été jugés par des tribunaux militaires. La procédure, expéditive, permet de juger l’accusé dans un laps de temps très court et de prononcer des sentences bien plus sévères qu’en cas de procès civil. Les jeunes de la place Al-Tahrir ont fait de l’interruption de ce type de jugements l’une de leurs priorités. En octobre dernier, le maréchal HusseinTantaoui avait promis d’y mettre fin, promesse réitérée lors de son discours du 22 novembre. Mais les révolutionnaires exigent aussi que les jugements soient annulés et que les prévenus soient traduits devant la justice civile. Le 22 janvier, 1 959 détenus jugés par les militaires ont été relâchés. Parmi eux, le célèbre blogueur Maikel Nabil, qui avait entamé une grève de la faim en août. Il avait été condamné en avril à trois ans de prison pour avoir « insulté » les militaires dans un article intitulé « L’armée et le peuple T.G.G. n’ont jamais été main dans la main ». ● JEUNE AFRIQUE
même expérience que sous Moubarak, dans la même prison, avec les mêmes accusations douteuses, c’est sûr, c’est frustrant, déplore Alaa. Mais il fallait le faire pour ternir le prestige de la justice militaire. Et je savais que l’attention dont j’allais bénéficier allait me protéger. » L’engagement politique du jeune homme et de sa sœur est une affaire de famille. « Je suis né dans une maison où le téléphone était surveillé en permanence », explique Alaa dans un documentaire d’Olfa Gamal el-Din réalisé en 2007. Leur père, Ahmed Seif elIslam Hammad, 60 ans, est en effet un
Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient
PALESTINE LE HAMAS SE DÉCHIRE, MECHAAL SE RETIRE
Ismaïl Haniyeh. Auparavant réputé pour son intransigeance, Mechaal a considérablement assoupli ses positions sous l’influence du Printemps arabe et de la situation en Syrie. Prise de distance avec le régime d’Assad et l’Iran, réconciliation entamée avec le Fatah au printemps dernier, hypothèse d’un renoncement à la lutte armée et ouvertures en direction d’Israël. Ces initiatives ont vivement contrarié les dirigeants de Gaza, qui, de leur côté, se sont rapprochés des radicaux du Djihad islamique. ●
Chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal a confirmé, le 21 janvier, qu’il renonçait à se présenter aux élections internes du parti, prévues avant l’été. Basé à Damas, Mechaal a succédé en 1996 à Cheikh Yassine à la tête du mouvement islamiste palestinien. Sa décision serait due à des dissensions croissantes entre la branche damascène du Hamas et sa branche gazaouie, dirigée par
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célèbre avocat défenseur des droits de l’homme, arrêté, torturé et emprisonné par les services de renseignements pour son rôle au sein du mouvement socialiste. Leur mère, Leila Soueif, professeure de mathématiques à l’université du Caire, est une des figures du Mouvement du 9 mars, qui se bat pour l’indépendance des universités. « Mes parents n’ont jamais fait pression pour que nous suivions leur voie. Durant mon adolescence, je ne m’intéressais pas du tout à la politique, c’était ma manière de me rebeller contre l’autorité parentale, s’amuse Mona. Mais c’est notre destin, et je crois que nos parents sont fiers de nous. » Après environ un an de transition politique, Alaa et Mona restent optimistes. « La seule chose qui pourrait me rendre pessimiste, déclare Mona, c’est de voir les gens recommencer à subir des atteintes à leurs droits sans rien dire. » « Le Conseil suprême des forces armées n’est plus aussi populaire, assène Alaa. Ceux qui continuent à le soutenir le font parce qu’ils se disent que l’on ne pourra pas se débarrasser de son emprise sur la vie politique. » Chez les Seif, l’histoire se répète. Mona est née alors que son père était en prison. Le 6 décembre dernier, lorsque le premier fils d’Alaa a vu le jour, l’activiste était derrière les barreaux. Un seul prénom s’imposait : Khaled, en hommage à Khaled Saïd, un jeune blogueur d’Alexandrie torturé à mort en 2010 par la police. ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE
ASMAA WAGUIH/REUTERS
Ils sont nés « dans une maison où le téléphone était surveillé en permanence ».
IMMOLATION UN MORT À RABAT
islamiste interdite Al Adl wal Ihsane.
Abdelwahab Zaydoun, 27 ans, est décédé des suites de ses brûlures le 24 janvier. Une semaine plus tôt, ce diplômé chômeur s’était immolé devant un bâtiment du ministère de l’Éducation nationale, dont ses camarades font le siège depuis le 5 janvier. Les circonstances du drame font débat, mais la victime a déjà acquis le statut de martyr. Son enterrement à Salé a été l’occasion d’une démonstration de force de l’association
MAURITANIE MOTION DE SOUTIEN Quarante-neuf députés de l’opposition et du parti au pouvoir ont voté, le 21 janvier, une motion de soutien à Mohamed Lemine Ould Dadde, ex-commissaire aux droits de l’homme emprisonné depuis plus d’un an sans jamais avoir été jugé. Ils demandent la tenue d’un « procès équitable dans les meilleurs délais ou, à défaut, sa libération immédiate »,
reconnaissant qu’il est détenu « sans mandat judiciaire ». YÉMEN EXIT SALEH Le 22 janvier, le président Ali Abdallah Saleh a quitté le Yémen pour Oman, d’où il s’est envolé, le 25, pour les États-Unis afin d’y recevoir des soins médicaux. Avant de partir, il a demandé pardon auxYéménites pour les erreurs qu’il a commises au cours de ses trente-trois années de pouvoir. Il a toutefois annoncé qu’il reviendrait pour assurer la direction de son parti. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Europe, Amériques, Asie
MIGUEL MEDINA/AFP
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FRANCE
Qui a peur
de François Bayrou? Depuis deux mois, le candidat centriste fait une percée dans les sondages. Avec 14 % d’intentions de vote, il commence à inquiéter le PS et l’UMP. En dépit de sa nouvelle popularité, il lui reste à convaincre les électeurs que le costume de président n’est pas trop grand pour lui. HENRI MARQUE
«
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rôle de campagne ! » lâche Pierre Moscovici, bienplacépourenjuger puisqu’il dirige celle de François Hollande. Son dernier épisode, la subite remontée de François Bayrou, n’est pas drôle pour la gauche, et moins encore pour la droite.
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Il risque d’offrir en fin de course une alternative jusqu’alors inimaginable à tous ceux qui persistent à rejeter Nicolas Sarkozy, comme aux indécis, encore nombreux parmi les sympathisants socialistes – les uns et les autres se rejoignant dans un même désir de punition, mais ayant appris en 2002 l’inutilité des votes extrêmes. Quand bien même serait-elle quelque peu surexposée par les scénaristes du feuilleton présidentiel, l’apparition-surprise d’une dynamique Bayrou fait l’unanimité des sondeurs. Avec un Dominique de Villepin entre 1 % et 2 % d’intentions de vote et un HervéMorincruellementbaptisé«candidatyaourt» parce qu’il est toujours à 0 %, le Béarnais est le mieux placé des centristes, mais pas seulement. De tous les prétendants, il est celui qui a le plus progressé depuis le début de décembre. En un mois et demi, il a doublé (à 14 %) son capital de premier JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie tour. Après avoir gagné 20 points de popularité en cinq mois, il à Ronchamp, est devenu le dirigeant préféré dans l’est des Français : privilège d’autant de la France, plusvalorisantquel’image,selon au début de janvier. toutes les études de sondages, détermine de plus en plus les votes ; à plus forte raison dans le désarroi actuel d’une opinion qui juge à 72 % que la campagne reste éloignée de ses préoccupations comme de ses attentes. Lui-même s’estime en meilleure posture qu’il y a cinq ans, où il n’était « peut-être pas tout à fait prêt… et les Français non plus », commente ce social-démocratechrétien,avecunriend’angélisme. Cette fois, il est parti « au bon moment », propulsé comme « une fusée » par l’humiliante dégradation de la France par une agence de notation qui donne enfin raison à ses constants avertissements. ð LE CANDIDAT,
EN CAMPAGNE
SARCASMES. Dès sa candidature de 2002, il dénonçait les dangers de l’endettement et proposait la règle d’or budgétaire, sous les sarcasmes d’une droite qui dépensait et défiscalisait sans prudence et d’une gauche qui réclamait toujours plus, au Parlement comme dans la rue. Pour obtenir l’équilibre en 2015, il propose un programme de 100 milliards d’économies et de recettes au rythme de 30 milliards par an, plus 15 milliards pour la demi-année 2012. Il reconnaît qu’il faudra des réformes de structure, sans trop se hasarder sur ce terrain périlleux, alors que la seule reprise du projet de TVA sociale a fait perdre deux points de confiance à Nicolas Sarkozy après avoir coûté à sa majorité une cinquantaine de sièges aux législatives de 2007. Taxé de « populisme » par Marine Le Pen, « une experte en la matière », il s’indigne que ce mot soit devenu l’insulte la plus fréquente du langage politique. Oui, il est « populo », et alors ? Il raconte qu’il a grandi dans un tout petit village où on s’adressait à son père « comme à un bouseux », termine en retournant contre Sarko sa « rupture » dévoyée de 2007. À gauche comme à droite, on s’interroge avec un début d’inquiétude. Bayrou reste certes le solitaire qu’il a toujours été, candidat hors système et sans parti. Avec quelle majorité gouvernerait-il s’il était élu, comme il l’annonce avec sans doute plus d’aplomb que de conviction ? Ses incantations à l’union nationale ne suffiront pas à combler les vides d’un centrisme divisé – y compris contre lui-même. Voilà qui est vrai. Mais les électeurs « sont tellement perdus et déboussolés, remarque l’invité d’un débat médiatique, que tout est possible ». L’UMP Hervé Novelli admet qu’« il y a une chance, ou un risque, que Bayrou se qualifie au second tour, car il peut incarner une alternative au chef de l’État (le risque ?) comme au candidat de la gauche (la chance ?) ». JEUNE AFRIQUE
2007
Surprise du 1er tour de la présidentielle avec 18 % des voix. Il crée ensuite le Mouvement démocrate (MoDem)
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Une ancienne ministre socialiste renchérit : « Bayrou prend chez nous et à droite. » Les enquêtes des instituts confirment et complètent: il mord sur la gauche de la droite et sur la droite de la gauche. Il n’est pas jusqu’à Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, qui ne juge utile de mettre en garde contre une victoire de ce « prince de l’équivoque », qui signifierait le retour à la IVe République. Encore la gauche a-t-elle l’avantage de tenir avec François Hollande le plus « central » de ses candidats ; avec Martine Aubry ou Arnaud Montebourg en face de lui, le prédateur Bayrou serait autrement plus à craindre. L’Élysée affecte de nier le danger. Le Béarnais a certes doublé son score, mais il avait démarré très bas. Au mieux, il approchera ses 18,5 % de suffrages de 2007. Ses propres sympathisants du Modem ne croient d’ailleurs pas plus qu’hier en ses chances: 11 % seulement le voient au second tour, 82 % non. Alors que Le Monde voit déjà la peur de l’échec s’installer à l’UMP comme au palais présidentiel, certains stratèges du chef de l’État commencent à regretter d’avoir poussé le radical Jean-Louis Borloo à l’abandon alors qu’il aurait été plus efficace comme candidat pour contrer Bayrou au sein de son propre électorat, avec l’assurance en plus qu’il ferait voter au second tour pour le pré-
Sa cote de popularité depuis 2006 (en % des satisfaits)
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SOURCE : TNS SOFRES
2010
Avec qui gouvernerait ce solitaire s’il venait à être élu ? Mystère.
sident sortant. On rattrapera cette erreur tactique en lui demandant de s’engager Le MoDem est au plus à fond dans la campagne bas et enregistre de afin de maintenir Bayrou mauvais résultats aux à sa quatrième place et élections régionales. Les critiques fusent l’empêcher d’accéder à la contre Bayrou position redoutée de « troisième homme » de recours. L’emploi du masculin est à revoir puisque la place est solidement tenue par Marine Le Pen, dont la menace, à deux points seulement de Sarkozy dans les intentions de vote (21-23), apparaît à de nombreux experts beaucoup plus crédible que celle d’un surgissement décisif de Bayrou. Encore faudrait-il que la baisse persistante du président ne tourne pas à l’effondrement irréparable. Oui vraiment, drôle de campagne… ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
BRIAN SNYDER/REUTERS
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ÉTATS-UNIS
Jeu de massacre Trois primaires, et déjà trois vainqueurs. Les électeurs républicains ne sont pas pressés de désigner leur champion pour affronter Obama en novembre.
M
«
itt Romney n’a rien compris. » C’est en ces termes que Chris Matthews, présentateur vedette de l’émission politique Hardball, sur la chaîne MSNBC, a commenté les premières réactions du candidat à l’investiture républicaine après sa défaite en Caroline du Sud face à Newt Gingrich. Mais était-il en mesure de vraiment saisir le message brouillé des électeurs républicains, qui, en trois scrutins, ont donné la victoire à trois candidats différents ? Rick Santorum s’est imposé dans l’Iowa le 3 janvier, Mitt Romney dans le New Hampshire une semaine plus tard, tandis que Newt Gingrich a laissé son principal adversaire à plus de douze points lors de la primaire du 21 janvier en Caroline du Sud. Les républicains ne semblent donc pas pressésdechoisirceluiquilesreprésentera à la présidentielle du 6 novembre, comme s’ils voulaient tester les capacités d’adaptation de chacun d’entre eux. Romney en N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
NEWT GINGRICH (À G.) ET MITT ROMNEY lors d’un débat en Floride, le 23 janvier.
a fait les frais, et son crédit commence à s’éroder auprès d’un électorat qui souhaite voir émerger un candidat plus charismatique, défendant des positions plus tranchées. De ce point de vue, Gingrich paraît mieux armé. Son style tonitruant et ses formules à l’emporte-pièce font mouche auprès de tous ceux qui se sont sentis proches du mouvement Tea Party, tandis que son rival a montré ses limites au cours des débats qui les ont opposés. On comprend mieux pourquoi les commentateurs critiquent le manque de réalisme de Romney, qui paraissait pourtant le mieux préparé pour ce marathon électoral. Depuis sa défaite en Caroline du Sud, ce dernier multiplie les attaques ad hominem contre Gingrich, avec la volonté manifeste de déstabiliser l’ancien président de la Chambre des représentants, qui en a vu
d’autres et ne se laisse pas impressionner. « Je ne pense pas que nous puissions reprendrelaMaisonBlanchesilapersonne qui mène notre parti est la même qui travaillait pour le lobbyiste en chef de Freddie Mac », le géant du financement immobilier en partie à l’origine de la crise des subprimes en 2007-2008, a-t-il déclaré dans l’espoir de raviver des souvenirs douloureux. « Je ne vais pas passer ma soirée à essayer de rejeter les fausses accusations du gouverneur Romney. Les Américains méritent un débat sur la manière de battre BarackObama»,luiasimplementrétorqué l’intéressé, dont la stratégie consiste à se poser en candidat antisystème. Pour une bonne partie des électeurs républicains, il apparaît comme la meilleure alternative face au président, même s’il ne dispose ni des moyens financiers de
QUATRE DATES CLÉS DÉBUTÉE LE 3 JANVIER DANS L’IOWA, la course à l’investiture républicaine s’achèvera le 26 juin dans l’Utah. Sur leurs agendas respectifs, les candidats ont naturellement coché quelques dates clés: la primaire de Floride, le 31 janvier; le « super mardi » du 6 mars dans une dizaine d’États; les primaires du 24 avril dans cinq États, dont NewYork et la Pennsylvanie; et celles du 5 juin dans cinq autres, dont la Californie. Le candidat appelé à affronter Barack Obama en novembre sera officiellement désigné lors de la Convention nationale, du 27 au 29 août àTampa Bay, en Floride. ● C.L. JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
FEUILLES D’IMPÔT. En quête d’un leader,
la frange la plus radicale du Parti républicain a donc trouvé en Gingrich un homme providentiel. « Ma victoire est celle des Américains qui pensent que les élites de Washington et de New York ne se préoccupent pas d’eux et, en fin de compte, ne les représentent pas du tout », a-t-il lancé après son succès en Caroline du Sud.
Vieux routier de la politique, Gingrich se présente comme le candidat antisystème. Romney se retrouve sur la défensive et en difficulté. Sa fortune, sur laquelle il peut s’appuyer pour mener sa campagne, est devenuebienembarrassantedepuisqu’ila rendu publiques ses feuilles d’imposition. Ce ne sont pas ses quelque 42 millions de dollars de revenus en 2010 et 2011 qui posent problème, mais le faible taux d’imposition dont il bénéficie. Ses revenus sont essentiellement fondés sur le capital, moins imposé que le travail, ce qui apporte de l’eau au moulin de Gingrich. Reste à savoir si ce dernier sera en mesure de rassembler les électeurs sur le long terme. Il a beau avoir obtenu le soutien de Chuck Norris, l’ancien karatéka et vedette de la série Walker, Texas Ranger, cela ne suffira sans doute pas pour obtenir à la fois l’investiture et la victoire face à Obama. Celui-ci se frotte les mains, car les électeurs républicains, en assurant le succès de Gingrich en Caroline du Sud, sont parvenus à décontenancer son adversaire le plus redoutable. Le capital confiance du candidat Romney est entamé, alors que ces primaires s’annonçaient comme une simple promenade de santé pour l’ancien gouverneur du Massachusetts. Il a donc tout intérêt à tirer les leçons de ses premiers revers, faute de quoi les prochains rendez-vous pourraient confirmer qu’il n’a vraiment rien compris. ● CLAUDE LEBLANC JEUNE AFRIQUE
TURQUIE-FRANCE
Court-circuit
Entre Erdogan et Sarkozy, le courant n’est jamais passé. L’adoption par le Parlement français d’une loi sanctionnant la négation du génocide arménien n’arrange pas les choses.
E
ntre eux, c’est un éternel malentendu. Avant même son élection, en 2007, Nicolas Sarkozy s’était attiré la suspicion de Recep Tayyip Erdogan en déclarant qu’il s’opposerait à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne (UE). Près de cinq ans plus tard, le président français bloque toujours l’ouverture de tous les chapitres de négociation pouvant mener Ankara à une pleine adhésion et évite le Premier ministre turc, dont l’ego est mis à rude épreuve. Une situation étonnante alors que tous deux sont adeptes de relations très personnelles entre hommes d’État. En 2008, Erdogan était venu à Paris à reculons pour le lancement de l’Union pour la Méditerranée, soupçonnant une manœuvre de la France pour troquer la candidature de son pays à l’UE contre un partenariat régional. « Sarkozy dit parfois des choses que la raison ne saurait accepter », avait-il lâché en janvier 2010. Ajoutant en privé: « Avant qu’il n’arrive au pouvoir, j’avais d’excellentes relations avec Jacques Chirac. » Étranges regrets quand on se souvient qu’il avait honni ledit Chirac après sa volte-face sur la candidature d’Ankara à l’UE.
L’adoption par l’Assemblée nationale (22 décembre 2011) et par le Sénat français (23 janvier) d’une loi sanctionnant toute personne qui nierait l’existence du génocide des Arméniens (500000 à 1,5 million de morts en 19151916), dont l’État turc conteste la qualification et l’ampleur, n’arrange pas les choses. « Loi raciste », « retour au fascisme »… Erdogan ne lésine pas sur les mots. Et replace la querelle sur un plan personnel. Accusant Sarkozy de chercher les suffrages des 500000 Arméniens de France en vue de la présidentielle d’avril-mai, il rappelle que le grand-père maternel du président français était un Juif de Salonique dont la famille, fuyant l’Inquisition, avait trouvé refuge dans l’Empire ottoman en 1492. Entendez : Sarkozy, l’ingrat, n’éprouve aucune reconnaissance envers la Turquie. Enfin, Erdogan confie qu’il ne mettra plus les pieds en France tant que Sarkozy sera président. Réponse dans trois mois. ● JOSÉPHINE DEDET
« RACISTE ». La seule
« vraie » visite d’Erdogan en France, en avril 2010, n’a pas brisé la glace. « Angela Merkel est déjà venue deux fois chez nous, s’était-il plaint. Sarkozy toujours pas. » La fameuse visite a eu lieu en février 2011. Mais Sarkozy l’a faite en sa seule qualité de président du G20. Sans Carla Bruni. Et il n’est resté que six heures à Ankara. « Pas à la hauteur de l’amitié franco-turque », a tempêté Erdogan.
UMIT BEKTAS/REUTERS
Romney ni du soutien de l’establishment républicain. C’est justement son rejet du mode de fonctionnement classique et ses attaques contre les médias, qu’il accuse d’être à la solde de l’hôte de la Maison Blanche, qui lui ont permis d’engranger de précieux points chez les conservateurs et, surtout, de fragiliser la position dominante d’un Romney finalement jugé trop mou.
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NICOLAS SARKOZY ET RECEP TAYYIP ERDOGAN, à Ankara, le 25 février 2011. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Saïd Mahrane La lettre au père Journaliste politique spécialiste de la droite française, cet enfant d’immigrés algériens a enquêté sur ses racines « pour mieux tenir debout ».
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L Y A UN PIÈGE SAÏD MAHRANE. Souriant, affable, bel homme, le journaliste de l’hebdomadaire français Le Point pourrait passer pour un homme lisse, prévisible, gâté par la vie. Habillé d’un jean et d’une élégante chemise à carreaux, le teint hâlé malgré la grisaille, il a tout du bobo parisien. Il a réussi mais ne s’en vante pas ; il aime son métier mais consacre du temps à ses loisirs et à sa compagne. « Je n’ai jamais eu de fascination pour les journalistes. Je voulais d’abord aider ma mère », explique-t-il. À 33 ans, Saïd Mahrane n’est pas un rebelle, mais un bon fils dont la mère découpe encore chaque article paru avec émotion. Pour déjouer le piège, sans doute faut-il se plonger dans son dernier livre, C’était en 58 ou en 59…, paru chez Calmann-Lévy. Non, il ne s’agit pas d’un énième livre sur Sarkozy, Carla ou la dérive de la droite. Ce spécialiste de l’Élysée, de l’UMP et du Front national, qui côtoie les grands de ce monde et recueille leurs confidences, s’est penché sur le destin d’un illustre inconnu : son père. Arrivé d’Algérie dans les années 1950, Mohamed Mahrane s’installe à Paris, dans le 3e arrondissement, où il travaille dans un restaurant. Comme beaucoup d’immigrés de cette génération, c’est un homme taiseux, discret, qui n’exprime guère ses sentiments. Ses quatre fils ne savent rien de sa jeunesse et, en particulier, de son rôle pendant la guerre d’Algérie. « Je reste très frappé par le sort de cette génération de migrants, qui a souvent rasé les murs et qui, du coup, n’a pas toujours su faire œuvre de transmission à l’égard de ses enfants », explique Saïd. À 13 ans, le jeune Saïd bouscule son père. Après une altercation avec un camarade de classe d’origine marocaine qui l’a traité de « fils de harki », il lui
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« Je me demandais si j’étais le descendant
demande de raconter son histoire. Saïd achète un beau cahier rouge et note avec avidité le récit auquel son père consent finalement. Mais à peine entamée, l’histoire prend fin. Le père meurt un dimanche de 1991 et laisse Saïd face à une page blanche. Dans cette famille où la pudeur semble couler dans les veines, on ne parle pas de cette disparition. « Pendant dix ans, je n’ai jamais évoqué sa mort. Avec mes frères, nous lui rendions des hommages discrets, silencieux », raconte-t-il. Mais l’adolescence arrive, et avec elle son lot de questions existentielles. L’Algérie, qui n’était jusque-là qu’un lieu de vacances ensoleillées, devient subitement un objet de curiosité. Ni tout à fait algérien ni tout à fait français, Saïd Mahrane connaît ce conflit classique chez tous les fils d’immigrés: « En gros, je me demandais si j’étais le descendant d’Abdelkader ou de Vercingétorix. »
D’ABDELKADER OU DE VERCINGÉTORIX.
»
Devenu journaliste, rodé au travail d’enquête, il décide de reprendre son cahier et de partir sur les traces de son père. « J’ai cherché à me greffer des racines pour mieux tenir debout », explique-t-il. Une démarche qui, croit-il, serait salutaire pour tout enfant d’immigré désireux de comprendre son histoire et de s’intégrer. « Faire ce travail m’a permis d’aborder l’histoire complexe de l’Algérie, de me rendre compte qu’il n’y avait pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre. » Mais Mahrane ne se prétend le porte-voix de personne. S’il est persuadé que la transmission est nécessaire, il ne cherche pas à donner des leçons. D’ailleurs, il s’est toujours tenu à distance des clubs et autres réseaux de « beurgeois », qui l’ont pourtant approché, lui, enfant d’un milieu populaire devenu journaliste respecté. « C’est vrai, mon parcours est exemplaire, et je me pince tous les matins pour y croire. Qu’un JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Ce n’est ni dans son livre ni dans ses articles : c’est dans ce qu’il ne dit pas que se trouve tout le mystère de Saïd Mahrane. Le livre l’évoque à peine, comme une ombre silencieuse, et pourtant sa mère est sans aucun doute sa plus grande héroïne. Pudeur oblige, il n’a pas écrit la suite de l’histoire, où la jeune veuve prend en charge ses quatre fils dans un modeste studio du Marais. Lorsqu’il l’évoque, le journaliste a du mal à dissimuler ses émotions. Cette femme, longtemps sans papiers, a travaillé au noir, alternant ménages et gardes. « Elle vivait cloîtrée, avec la peur au ventre. Je me souviens de la pression de sa main quand on croisait un facteur. À l’époque, ils avaient des képis. » Lui s’est toujours senti dans l’obligation d’avoir de bonnes notes et de ne pas faire une bêtise qui risquerait de créer des problèmes à sa mère. Après le lycée et la fac de lettres de Jussieu, il a travaillé un an comme vendeur de chaussures pour économiser les 5 000 euros nécessaires à son inscription dans une école de journalisme. Il a dû abandonner au bout de un an, faute de moyens. Il n’empêche : d’abord pigiste au Figaro, il est entré au service politique du Point en 2005. « Lorsque j’ai été engagé, j’ai demandé en riant à FranzOlivier Giesbert s’il voulait prendre un vrai risque ou seulement remplir son quota d’immigrés. Il l’a mal pris. C’est quelqu’un qui croit dans la valeur mérite. » À ceux qui lui prédisent un bel avenir, il répond par un sourire entendu. « Je suis très content. Mais si cela devait s’arrêter, je m’en remettrais. » La peur, sans doute, de s’accrocher à quelque chose qui peut brusquement cesser, comme s’est arrêtée la voix du père, brutalement, un dimanche matin. ●
CHINE
Ordos, capitale fantôme
Au cœur de la Mongolie-Intérieure, une ville nouvelle est sortie de terre en quelques années. Elle est fastueuse. Et déserte.
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Dans ces steppes qui virent naître Gengis ous sommes à 600 km de Pékin, au milieu de nulle part. Khan, certains ont gagné des milliards Le quartier de Kangbashi, à de yuans dans l’extraction du charbon Ordos,lanouvellecapitalepro(le désert avoisinant recèle un sixième vinciale de Mongolie-Intérieure, possède des réserves du pays). Encouragés par le un opéra flambant neuf, un stade, une gouvernement local, ces nouveaux riches bibliothèque futuriste et de larges aveont choisi d’investir dans la pierre… Mais l’affaire est en train de tourner au vinaigre. nues taillées au cordeau. Mais ni voiture ni passant. Pas âme qui vive. Un décor de Depuis peu, les prix ont chuté de 40 % et les milliardaires du coin ont voulu reprendre cinéma sorti du désert de Gobi en moins leurs billes. Trop tard, la plupart des prode trois ans. Coût de l’opération: plus de moteurs avaient déjà filé à l’étranger. 2 milliards d’euros! « Je suis arrivé ici en 2010, nous explique SURCHAUFFE. Des petits Ordos, il y en un épicier, mais je n’ai aucun client. Je suis pourtantleseulcommerçantàdesdizaines a un peu partout dans le pays. Depuis le de kilomètres à la ronde. » De fait, moins démarrage du plan de relance de l’économie, en 2008, plus de 400 milliards d’euros de 20000 personnes ont emménagé dans cettevillenouvelleconçuepourenaccueilont été jetés sur les marchés avec un seul lir 1 million. Imposante avec ses lions objectif: construire. Résultat, un véritable de pierre sculptée, la mairie est déserte. boom immobilier. Le gouvernement cenTout juste si la réceptionniste consent à tral a bien tenté de resserrer les cordons lever le nez de sa console vidéo pour nous du crédit pour éviter la surchauffe, mais expliquer que les responsables ne sont sans grand succès. Il faut dire que « 58 % des revenus des promoteurs sont prélepas là. Mais le plus étonnant, ce sont les cent chevaux de bronze grandeur nature vés par les gouvernements locaux sous qui paraissent caracoler sur une immense forme de taxes », explique une enquête place pavée, vide elle aussi, menant à une officielle. L’État a donc tout intérêt à faire rivière artificielle… travailler les bulldozers pour remplir ses caisses. Plus de la moitié des sommes La route qui conduit à Kangbashi est investies à Ordos ont ainsi atterri dans les bordée d’une forêt de terrils et de pylônes électriques. Les centrales poches de fonctionnaires thermiques sortent de pas toujours vertueux. ● Ü LE MUSÉE FLAMBANT NEUF DANS LE QUARTIER terreaurythmefoudeune STÉPHANE PAMBRUN, DE KANGBASHI, À ORDOS : toutes les deux semaines. à Ordos et Pékin quelqu’un a vu un visiteur ?
LOU LINWEI/SINOPIX-REA
garçon qui a grandi comme moi côtoie aujourd’hui le président, les ministres et des énarques qui ont bac +30, c’est étonnant! » s’amuse-t-il. D’ailleurs, il reconnaît n’avoir pas toujours maîtrisé les codes de ce monde-là et avoir souffert, comme le disait Philippe Séguin – pupille de la nation devenu président de la Cour des comptes –, du « complexe du petit chose ».
LEÏLA SLIMANI Photo : JEAN-MARC GOURDON JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie CORÉE DU NORD
Un Kim peut en cacher un autre En exil exi à Macao, Jong-nam, le demi-frère de Jong-un, le nouveau dirigeant, critique vertement le régime. S’y risquerait-il sans le soutien de la Chine ?
«
M
on petit frère est inexpérimenté. Je me demande comment quelqu’un qui n’a eu que deux ans pour se préparer prépa à son rôle pourra gouverner. » L’homme L’homm qui parle ainsi de Kim Jong-un, le nouveau leader de la Corée du Nord, n’est autre que son demi-frère, Kim Jong-nam (40 ans), issu de l’union l’ longtemps tenue secrète entre Kim Jong-il, Jong leur défunt père, et Song Hyerim, une actrice de cinéma divorcée d’un écrivain écriva sud-coréen. « Kim Jong-un n’est qu’un symbole brandi par les élites, et j’ai de gros doutes bran quant à sa capacité à réformer. Sans qu réformes, l’économie s’effondrera. Mais réfo les réformes et l’ouverture représentent aussi un danger pour le régime. » Le au jugement est sans appel. Il est rapporté ju par un journaliste japonais dans un pa livre, publié le 20 janvier, basé sur la li correspondanceélectroniqueéchangée co entre les deux hommes depuis 2004. en
SHIN IN-SEOP/AP/SIPA
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TENTATIVES D’ASSASSINAT. Une telle liberté de ton surprend. L’insolent rejeton aurait d’ailleurs échappé par deux fois, en 2004 et en 2009, à des tentatives d’assassinat déjouées de justesse par la sécurité chinoise. Pour critiquer son demi-frère avec un tel sentiment d’impunité, Kim Jong-nam doit se sentir bien sûr de ses appuis à Pékin – pour lequel il pourrait représenter un intéressant joker –, mais aussi à Pyongyang, où, en dépit de son pseudo-exil, il se serait rendu à plusieurs reprises, reprenant même des fonctions au sein du Parti des travailleurs. Il se targue d’ailleurs d’y avoir conservé de sérieux soutiens parmi les élites, et avant tout auprès de sa tante Kim Kyong-hui et de son mari, Chang Song-taek, les désormais puissants « régents ». Très proches de leur neveu pendant son enfance, ces derniers avaient
FA FAUX DILETTANTE. Pressenti pour succé succéder à son père dès la fin des années 1990, Ki Kim Jong-nam aurait été préparé aux plus hautes hau fonctions avant que son ascension ne soit brisée br au lendemain de son arrestation au Japon, Japon en 2001, alors qu’il était en possession de faux papiers. pa Une version que l’intéressé réfute en expliquant que son éloignement serait ser dû à un désaccord avec La succession dynastique ? son père quant à la nécessité d’ouvrir « Une farce, accuse-t-il. Même le pays au marché et d’entreprendre des réformes réfor économiques. Devenu Mao Zedong ne l’a pas fait. » indésirable, l’ex-futur héritier trop indésira progressiste aurait alors fait profil bas en s’insprogress été placés en résidence surveillée après que tallant à Macao, où il aurait mené une vie Washington et Séoul eurent pressenti Chang aisée, « loi loin de toute considération politique ». comme un éventuel leader d’ouverture. Leur On peut pe toutefois s’interroger sur l’étrange retour en grâce ne leur a été proposé par Kim trajectoire de cet homme brillant et polyglotte, trajectoir Jong-il qu’à la condition expresse qu’ils oublient éduqué de longues années durant à Genève Jong-nam, leur favori d’hier, et apportent un et qui, en dépit de ses allures de dilettante soutien inconditionnel à Jong-un. sympathi sympathique, occupa autrefois des postes Il reste cependant difficile aujourd’hui importants au sein de l’appareil d’État. En 2005, importan d’interpréter la soudaine exposition médiales États-Unis avaient d’ailleurs gelé 25 millions Étatstique de Kim Jong-nam. Dépit ? Bluff ? Appel de dollars dollar d’avoirs nord-coréens au Credit of du pied aux élites de Pyongyang ? Les mois qui viennent diront si celui que Kim Jong-il considérait affectueusement comme son « petit ð KIM JONG-NAM, EN JUIN 2010, À MACAO. capitaliste » n’était qu’un simple trublion… ● Son père l’appelait affectueusement « mon petit capitaliste ».
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Asia, une banque de Macao soupçonnée de blanchiment d’argent, provoquant le départ précipité de la communauté nord-coréenne. À l’exception de Kim Jong-nam, demeuré sur l’île avec ses deux fils et sa seconde compagne. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’aîné des Kim exprime publiquement son désaccord avec le régime nord-coréen. En 2011, il s’était déjà dit sceptique à l’idée d’une éventuelle succession dynastique: « Même Mao Zedongnel’apasfait»,observait-il.Aujourd’hui, il la voit carrément comme « une farce ».
JULIETTE MORILLOT JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
POLITIQUE Une nouvelle bataille, celle de l’opinion TRIBUNE Pahé, caricaturiste et bédéiste GOUVERNANCE Présidence et dépendances, qui fait quoi? TOURISME Étoiles, fourchettes et Coupe d’Afrique
GABON
Plus de deux ans après l’investiture d’Ali Bongo Ondimba, les premiers effets de sa stratégie se font sentir, les chantiers d’aménagement sont engagés, les réformes aussi. Reste à savoir si les résultats seront au rendez-vous. JEUNE AFRIQUE
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PATRICK ROBERT
Faut-il croire à l’émergence?
Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
Les chefs et les « makayas »
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L EST LOIN LE TEMPS où l’on surnomSon pire ennemi, ex-proche parmi les mait Ali Bongo Ondimba « Baby Zeus »… proches, André Mba Obame, a quasiment Plus de deux ans après son investiture, disparu des écrans radar. L’ancien ministre le troisième président du pays (Rose de l’Intérieur d’Omar s’est sabordé le jour où il s’est proclamé président de la République Francine Rogombé a été chef de l’État par intérim de juin à octobre 2009) a pris ses à retardement, se réfugiant dans la foumarques, installé ses hommes, mis de côté lée dans les locaux du Pnud, en espérant progressivement ceux qu’il estimait inutiles, peut-être que le pouvoir de Libreville incompétents, indélicats ou dépassés, et commette l’erreur de le transformer en assis son pouvoir. Désormais, c’est Zeus, martyr politique. « Un opposant comme tout court. Héritier naturel d’un système celui-là, on le garde ! » nous expliquera usé jusqu’à la corde et rejeté, malgré une même un jour le chef de l’État… Depuis, inclination certaine au « paternalisme », l’opposition n’est plus la même. L’Union par la population, élu au terme d’un scrutin nationale, club très sélect de dissidents contesté en août 2009 et promis aux griffes du PDG, créatures du père qui n’ont guère goûté l’avènement au forceps du fils, disd’une opposition subitement dopée par soute, et Pierre Mamboundou, opposant l’apport d’anciens caciques de Bongo père, « Ali », comme l’appellent ses compatriotes, le plus constant et le moins sensible aux était pourtant, à l’orée de son mandat, face à un mur dont Seule reste pour faire contrepoids beaucoup pensaient qu’il une société civile très politisée. serait infranchissable. Sa légitimité ? À acquérir. Le socle de son pouvoir ? Fragile (ses deux ors et aux prébendes de la République, principaux opposants en 2009 avaient décédé, seule reste pour faire contrepoids recueilli plus de la moitié des voix). Sa misune société civile très politisée. sion? Incarner le changement, alors que lui comme ses principaux soutiens étaient issus Une aubaine pour ABO et le PDG, un de l’ancien système. Et remettre en marche problème pour le Gabon. De Tchibanga à un pays frappé de léthargie aiguë depuis Oyem, en passant par Libreville, Port-Gentil de longues années, changer les mentalités, ou Franceville, les joutes politiciennes des moderniser l’État, moraliser des mœurs « grands quelqu’un » n’intéressent plus, politiques et financières déviantes mais depuis longtemps, les makayas (hommes de érigées en mode de gouvernance, préparer la rue). Pis, la politique, la vraie, non plus. l’avenir tout en affrontant l’urgence, une Absence de débats de fond, manque de économieencrise,desressourcespétrolières passerelles entre les partis, l’opinion, la en baisse et une diversification qui n’avait société civile, les autorités morales et la jamais dépassé le stade du vœu pieux… Bref, diaspora : tout s’analyse à l’aune de l’apparpas de quoi pavoiser lors de son investiture tenance à un camp – politique comme en octobre 2009. ethnique – ou à un autre, tout se discute à fronts renversés, avec pour seul objecMaislatourmentepromisen’apaseulieu tif l’obtention de la plus grosse part du et la situation se révèle finalement inverse. « gâteau » que représentent les richesses Ali Bongo Ondimba (ABO) évolue sur une du pays. Neutralité comme recherche de voie royale. Ses troupes, les « soldats » du l’intérêt général ont disparu du lexique Parti démocratique gabonais (PDG), ont fait usuel. Et l’arbre à palabres, celui sous lequel main basse sur le Parlement, alors qu’on s’élabore l’avenir du grand village gabonais, lui promettait une houleuse cohabitation à a été déraciné. Ne serait-il pas temps de le l’issue des législatives de décembre dernier. replanter ? ●
JEUNE AFRIQUE
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ALI BO ALI BONG BONGO NGO O ON ONDI ONDIMBA DIMB MBA A Sa nouvelle bataille, celle de l’opinion p. 62 TRIBUNE Pahé, caricaturiste
p. 65
GOUVERNANCE Présidence et dépendances
p. 68
INTERVIEW Paul Biyoghé Mba, Premier ministre
p. 72
ÉCONOMIE Le blues des PME
p. 76
DÉCRYPTAGE Gabriel Zomo Yebe, économiste
p. 78
BOIS Les forestiers planchent sur la transformation p. 83 MINES Fin de monopole
p. 84
AMBIANCE Ronde de nuit au quartier Louis
p. 90
TOURISME Étoiles, fourchettes et Coupe d’Afrique
p. 92
MUSIQUE Les bons mots de Movaizhaleine
p. 94
Le Plus de Jeune Afrique
VOISHMEL/AFP PHOTO
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ALI BONGO ONDIMBA
Sa nouvelle bataille,
celle de l’opinion Les législatives de décembre ont donné la majorité absolue au chef de l’État. Deux ans après son investiture, ABO a toutes les cartes en main pour atteindre ses objectifs. Sauf, peut-être, l’adhésion de la société civile.
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GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial
C
roissance, développement, émergence… Dès son investiture, le 16 octobre 2009, Ali Bongo Ondimba (ABO) a choisi dans le lexique de l’économie les mots clés de son leadership. Comme pour prendre ses distances avec le régime de Bongo Ondimba père, qui consacrait beaucoup plus de temps aux manœuvres politiques… Le signe aussi JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ? ont aussi poussé le pouvoir gabonais à regarder vers de nouveaux horizons. Et pour ABO, il est clair que le XXIe siècle sera asiatique. Décidé à poursuivre la diversification de l’économie, très dépendante des cours du brut, du dollar et de l’euro, il ouvre grand la porte à de nouveaux partenaires étrangers. Le singapourien Olam, maître d’ouvrage d’une zone économique spéciale (ZES) à Nkok, à 27 km au nord de Libreville, est le symbole de ce tropisme oriental. La ZES est une coentreprise entre le groupe asiatique (60 % des parts), qui a réalisé 4 milliards de dollars de chiffre OPPOSITION APHONE. Dans le même temps, d’affaires en Afrique en 2010, et l’État gabonais le président n’a pas oublié que, sans marge de (40 %). Son objectif est de créer à terme plus de manœuvre politique, gouverner serait un vain 7 000 emplois et d’attirer en moyenne 1 milliard mot. Qu’il lui serait difficile d’appliquer son programme s’il devait se battre de dollars d’investissements avec un Parlement hostile. directs étrangers par an. Le pouvoir a le regard L’obstacle qui menaçait Il est également grand tourné vers de nouveaux d’entraver son mandat est temps de juguler la faiblesse horizons. Pour lui, le du secteur secondaire, qui tombé puisque, à l’issue des élections législatives XXIe siècle sera asiatique. pèse à peine plus de 8 % du PIB, en améliorant notamdu 17 décembre dernier, le Parti démocratique gabonais (PDG) s’est octroyé ment la compétitivité des PME-PMI (lire pp. 76-77). la majorité absolue à l’Assemblée nationale, avec « Le secteur privé est le principal créateur de 114 députés sur 120. Il faut dire que l’opposition richesses pour un pays. Nous nous félicitons de est moins offensive et relativement aphone depuis la cohérence dont fait montre le gouvernement en se préoccupant du développement des PMEle décès, en octobre, de Pierre Mamboundou, PMI », plaide Jean-Baptiste Bikalou, président de la leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), et Chambre de commerce, d’agriculture, d’industrie l’exil prolongé d’André Mba Obame (en Afrique et des mines du Gabon. du Sud puis en France), qui s’était autoproclamé président de la République en janvier 2011. Seule Enfin, l’agriculture, qui cristallise les espoirs de l’après-pétrole, se positionne aussi comme la société civile joue encore les contre-pouvoirs. l’une des bonnes pistes vers la diversification. Le moment est donc venu de mettre en œuvre En 2011, le gouvernement a lancé un Programme les réformes nécessaires à l’accélération de la croissance, dont le taux s’est établi à 5,6 % en 2011. agricole de sécurité alimentaire de croissance Il est temps de s’attaquer notamment à la corrup(Pasac). Celui-ci prévoit un appui aux agriculteurs tion, qui mine l’efficacité de la fonction publique par la facilitation de l’accès au crédit, la mise à et a considérablement retardé les programmes disposition des intrants (semences et engrais), de construction de logements sociaux de l’État, la promotion de pôles de production intensive, ce qui a conduit au limogeage, en juin dernier, le soutien à l’organisation de la collecte et de la d’une partie des effectifs du ministère de l’Habitat. commercialisation des produits, etc. C’est aussi le moment de poursuivre la stratégie de prise de participation dans le capital des DÉSINTÉRÊT OU BOYCOTT? Encore faut-il qu’une entreprises étrangères exploitant les ressources majorité de Gabonais partage cette vision. Car, en minières ou forestières du pays. Bon point : le dépit des succès électoraux ainsi que de l’apparente 29 décembre, la Caisse des dépôts et consignaatonie des opposants, le PDG n’a paradoxalement pas gagné la bataille de l’opinion. Si elle peine tions du Gabon a acquis 35 % de Rougier Afrique à exister dans l’espace public en tant que telle, International (lire p. 83), détenteur de plus de 2 millions d’hectares de concessions forestières au l’opposition demeure soutenue par une partie Gabon, au Cameroun et au Congo. Une opération non négligeable de la population. Ralliés aux du même genre avait déjà eu lieu en octobre 2010 méthodes de la société civile, les opposants traentre le français Eramet et l’État, pour une prise vaillent en coulisses à discréditer le pouvoir sur de participation évolutive de Libreville (jusqu’à la scène internationale. Ils se félicitent ainsi de 10 % du capital, en plus des 25 % déjà détenus, la faible participation aux dernières législatives, entre 2010 et 2015) dans la Compagnie minière de qu’ils évaluent à 10 %, alors que le gouvernement l’Ogooué (Comilog), filiale gabonaise d’Eramet, l’a donnée à 34,28 %. spécialisée dans l’extraction de minerais et la « Nous avons appelé à boycotter ce scrutin pour production d’aggloméré de manganèse. montrer le vrai visage d’un pouvoir qui privilégie La volonté de rompre avec le passé et la les passages en force en lieu et place du dialogue », confie Georges Mpaga, de la coalition Ça suffit recherche de nouveaux leviers de croissance d’une rupture avec l’ancienne Afrique, dont les jeunes ne veulent plus : cette société inégalitaire, où corruption, achat des allégeances et partage des prébendes avaient été érigés en mode de redistribution des richesses nationales. La priorité donnée à l’économie est aussi une manière de montrer que le nouveau pouvoir n’est pas sourd aux impatiences des Gabonais, modestes habitants d’un « émirat pétrolier » qui se soigne de quarante années de magouilles politiciennes.
À Malabo (Guinée équatoriale), le 29 octobre 2011, lors du tirage au sort de la COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS 2012, que le Gabon coorganise.
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Le Plus de J.A. Gabon comme ça. « Nous assistons à la transformation du corps social: les Gabonais ont décidé de refuser de vendre leur vote contre des cuisses de dindon et des billets de 5 000 F CFA. Désormais conscients de leurs droits politiques, ils sont en train de devenir de vrais citoyens », se félicite l’avocate Paulette Oyane Ondo, présidente du Centre pour la promotion de la démocratie et la défense des droits de l’homme en Afrique centrale (Ceprodhac). Après cet essai, qu’elles tiennent pour une réussite, opposition et société civile ont décidé de boycotter toutes les consultations jusqu’à l’instauration de la transparence électorale. PAS DE MAIN TENDUE. Au
DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
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sein du parti présidentiel, on dénie toute popularité à l’opposition, au risque de se couper d’une partie de la population. Pour le pouvoir, le taux d’abstention élevé s’explique par un désintérêt des électeurs à l’égard de la politique en général. Avec assurance, et en dépit de cette victoire sans combat, le parti au pouvoir continue sur sa lancée, comme si de rien n’était. « Ce sont les prémices de la mise en place d’un système qui mélange capitalisme et État fort, prévient un politologue. Il ne faut pas s’attendre à voir le Palais tendre la
ASSEMBLÉE NATIONALE. Seuls 34 % des inscrits se sont mobilisés lors des législatives du 17 décembre 2011.
main. Il ne concédera rien, car il tient la négociation et le partage pour des signes de faiblesse. » Dans ce nouveau rapport des forces, le danger qui guette ABO se trouve désormais à l’intérieur de son propre camp. Il a le visage de cette élite urbaine qui n’est « PDGiste » que pour conserver son niveau de vie d’antan. Celle-ci vise-t-elle vraiment l’émergence ? La question devra bien être abordée un jour. Et sans hypocrisie ! ●
L’État met le holà à Belinga Le gouvernement vient de suspendre le permis d’exploitation accordé aux Chinois sur le plus gros projet minier du pays. Et rouvre la compétition.
L
a décision n’a pas fait les gros titres des journaux. Pourtant, avec l’arrêté signé conjointement le 1er décembre 2011 par le ministre de l’Économie, Magloire Ngambia, et son homologue des Mines, Alexandre Barro Chambrier, le gouvernement a suspendu la convention minière liant l’État à la Compagnie minière de Belinga (Comibel)… officialisant ainsi l’arrêt du plus gros projet minier du pays, au point mort depuis quatre ans. « Il a été constaté que, depuis le 12 décembre 2007, date d’attribution du titre minier d’exploitation, jusqu’à ce jour, Comibel n’a fourni aucun rapport
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d’activité, preuve de l’absence d’activité sur le terrain », relève l’arrêté. Avant de conclure : « Comibel n’ayant pas respecté ses engagements, il est décidé de suspendre les termes de la convention annexée au décret portant attribution d’une concession minière valable pour le fer à Comibel, en attendant l’abrogation dudit décret. » VALE À L’AFFÛT. Bref, les Gabonais ont
été forcés de constater la défaillance de Comibel, filiale à 75 % de China Machinery Engineering Corporation (CMEC), le groupe chinois sélectionné en tant que partenaire technique du projet
le plus prometteur de l’après-pétrole gabonais – le « projet du siècle », comme l’avait surnommé Omar Bongo Ondimba. Tout est donc à refaire pour espérer aboutir à l’exploitation du gisement de fer de Belinga (province de l’OgoouéIvindo). Les Chinois n’ont rien fait de ce qu’ils avaient promis, à savoir apporter 1 600 milliards de F CFA (près de 2,5 milliards d’euros) d’investissements nécessaires à la construction de 560 km de chemin de fer entre Boué et le gisement de Belinga et d’un port en eau profonde destiné à l’évacuation du minerai au cap Santa-Clara. Les compteurs sont remis à zéro, ce qui ramène dans la course le géant brésilien Vale, leader mondial du secteur, qui ne désespère pas de récupérer ce gisement d’un minerai à haute teneur en fer (64 %) et dont les réserves sont estimées à 1 milliard de tonnes (lire aussi pp. 84-85). ● G.D. JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ?
TRIBUNE
Opinio ons & éditoriaaux
Comment j’ai obtenu d’Ali qu’il préface mon album
ÉDITIONS PAQUET
L PAHÉ Caricaturiste, bédéiste
Laissez-nous avancer !, de Pahé, janvier 2012. La suite d’Ali’9 est disponible à la Maison de la presse, à Libreville
JEUNE AFRIQUE
E PROJET EST NÉ pendant la campagne présidentielle de 2009 au Gabon. Sur mon blog, le Blog de Pahé. Chaque jour, je postais un dessin relatif à l’élection et, cette dernière terminée, je me suis dit: « Pourquoi ne pas faire un album ?… » Ali’9, roi de la République gabonaise était né. Avant d’aller en impression, je voulais que les différents acteurs de la classe politique gabonaise donnent leur avis sur le livre en y apposant leur préface. Une copie du bouquin a été envoyée via mes contacts à Zacharie Myboto et Mba Obame, de l’Union nationale, ainsi qu’à Ali Bongo Ondimba. Personne n’a répondu. J’ai donc contacté Plantu [dessinateur du quotidien français Le Monde, NDLR], qui a accepté de faire la première préface. Mais fin 2010, alors que j’étais chez mon éditeur à Genève, où le livre était imprimé, des amis m’ont informé de l’arrivée d’Ali dans ma province natale.
chaînes publiques gabonaises alors qu’il passe dans les pays voisins. La première dame a promis de trouver une solution. Depuis, j’attends encore. Pendant l’entretien, Ali a vu que le bouquin était préfacé par Plantu. Je lui ai expliqué que je lui avais fait parvenir un exemplaire, en vain. Il a donc juré sur la tête de toutes ses copines de me préfacer le prochain Ali’9. Deux semaines plus tard, un appel de la présidence : ma préface était prête, signée par le président himself. Merci prési! Sachant
Avec 114 députés sur 120 pour le Parti démocratique Hop! J’ai pris le premier gabonais (PDG), GUY NZOUBA-NDAMA, président de l’Assemblée avion avec tous mes bounationale et vice-président du parti, est content. quins, direction le Gabon. À Oyem, j’ai commencé à en vendre non loin du palais. Un exemplaire est que les 300 exemplaires d’Ali’9 ont été vendus en arrivé je ne sais comment entre les mains d’Ali… vingt-quatre heures, sûr qu’avec le nouveau tirage et ses conseillers m’ont appelé pour me dire que de 1000 exemplaires et la préface du président, le président de la République voulait me l’histoire va se répéter… rencontrer. En arrivant presque en courant au palais, une La suite, Laissez-nous avancer!, je l’ai dédiée à image m’a plu: le mec était avec la première dame, feu Pierre Mamboundou. C’est l’histoire de l’arrivée Sylvia, et le Premier ministre, Paul Biyoghe Mba, de l’« Émergence » au Gabon. C’est plus dur qu’Ali’9, en train de se marrer sur un dessin de Pierre je me suis lâché. La plupart des dessins ont d’ailMamboundou [leader de l’Union du peuple gaboleurs été refusés par certaines rédactions. nais, décédé depuis, NDLR]. Bingo ! J’étais aux Enfin, j’ai terminé la nouvelle maquette de anges. Ali a été surpris de découvrir que c’était Gabonaises… Gabonais…, mon premier recueil moi l’auteur. Et moi qui pensais que j’étais fiché! de caricatures, qui expliquait la politique d’Omar Il a dit qu’il connaissait mon boulot mais me trouvait Bongo Ondimba. Publiée en 2006, cette BD est souvent assez dur. introuvable aujourd’hui, je vais donc la rééditer et Pour mettre un peu la pagaille, j’ai parlé de l’adapfaire un buzz pour le prochain anniversaire de la tation de ma BD La Vie de Pahé en dessin animé, disparition d’Omar Bongo, en juin 2012… À sa Le Monde de Pahé, 75 épisodes de sept minutes, première parution, j’avais entendu des rumeurs diffusé sur la RTBF et France 3, et qui, deux ans disant que papa Bongo l’avait lue. Son verdict? Il après sa sortie, n’est toujours pas visible sur les me trouvait fou! ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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L’avenir c’est la croissance. L’avenir vous appartient. Nous sommes BHP Billiton, la plus importante société de ressources naturelles diversifiées au monde. La durabilité, première valeur inscrite dans Notre Charte, oriente la façon dont nous travaillons en tant que société. Pour nous, la durabilité consiste à mettre la santé et la sécurité au premier rang de nos priorités, à prendre au sérieux nos responsabilités vis-à-vis de l’environnement et des communautés et, dans chacun de ces domaines, à opérer selon les meilleures pratiques de notre industrie.
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Quel que soit l’endroit où nous opérons dans le monde, nous travaillons avec intégrité et sommes conscients de notre responsabilité pour le développement durable des ressources naturelles; et particulièrement au Gabon. BHP Billiton considère le Gabon comme une destination attrayante pour les investissements et développe actuellement une mine de manganèse de classe mondiale dans la province du Haut-Ogooué au Gabon. Des programmes de gestion environnementale et la consultation des communautés sous-tendent ce projet,
car agir de façon durable et responsable est primordial pour nous et pour les gouvernements et communautés hôtes. BHP Billiton soutient les efforts du Gabon pour diversifier et développer son économie émergente et préserver son environnement naturel unique. Nous sommes fiers de travailler en partenariat avec le gouvernement et les communautés du Gabon pour bâtir une croissance durable, aujourd’hui et pour les générations futures.
Le Plus de J.A. Gabon
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GOUVERNANCE
compétence présumée, son influence ou sa proximité avec le président déterminent la nature de ses relations avec Le chef de l’État ne décide pas de tout, tout seul. Autour de lui, les ministres de son « portefeuille ». Conseiller spécial chargé du déparconseillers officiels ou officieux « couvrent » des domaines tement des Affaires juridiques et admihabituellement dévolus aux ministères. nistratives, de la Justice et des Relations avec le Parlement et les institutions e Gabon n’a pas d’hyperpréses conseillers, en titre ou non. Pour constitutionnelles, Guy Rossatangasident. Et Ali Bongo Ondimba optimiser son fonctionnement, la présiRignault (lire p. 70) « gère » ainsi trois dence s’est dotée de départements techministères (Justice, Intérieur, Relations (ABO) n’est pas un dirigeant hyperactif, intervenant sur tous niques, chacun « couvrant », selon ses avec le Parlement). Cet universitaire mal attributions, un ou plusieurs ministères les dossiers ou omniprésent dans les à l’aise avec la politique assure surtout médias, comme a pu l’être, par exemple, une veille juridique. « C’est son homologue français Nicolas Sarkozy un peu la voiture-balai, « Il ne s’agit pas d’assurer au début de son mandat. Toutefois, dans métaphorise un familier la tutelle de tel ou tel ministre, la réforme de son organisation, la préde la présidence. C’est lui encore moins de le coacher. » sidence gabonaise s’est largement insqui dit : “Attention, ici nous pirée de l’Élysée. Et plus encore qu’au violons la loi et nous risUN CONSEILLER SPÉCIAL Château, rien n’échappe au Palais du quons un procès”… » et étant dirigé par un conseiller spécial. bord de mer, qui centralise l’essentiel « Il ne s’agit pas d’assurer la tutelle de du pouvoir. CHAPERONS ? Un autre conseiller spétel ou tel ministre, encore moins de le Au Gabon comme en France, le chef cial au profil très « techno », Jean-Yves de l’État ne décide pas de tout, seul, dans coacher », relativise l’un d’entre eux. Il Teale, chef du département diplomatie, le secret de son cabinet. Il concentre et est vrai que, dans cette organisation du couvre le ministère des Affaires étrandistille le pouvoir au sein du cercle de travail, la personnalité du conseiller, sa gères… dont le ministre d’État à forte
Présidence et dépendances
L
BAUDOUIN MOUANDA
Ü LE PALAIS DU BORD DE MER, à Libreville, centralise l’essentiel du pouvoir.
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JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ?
Des agents très spéciaux
personnalité, Paul Toungui, pourrait difficilement s’accommoder d’un chaperon. Le biologiste Lee White, patron de l’Agence nationale des parcs nationaux, est, avec Étienne Massard (lire ci-contre), l’une des éminences grises d’ABO en matière d’environnement. Dans ce domaine, tout est conçu à la présidence, les ministres chargés de tout ce qui porte sur le développement durable, le réchauffement climatique ou encore l’écotourisme se bornant à appliquer les orientations revêtues de l’imprimatur présidentiel. Quant aux dossiers concernant la santé publique, ils atterrissent sur le bureau de Radwan Charafeddine, dans l’une des ailes de la présidence. Leur profil n’a rien à voir avec celui des conseillers politiques du président : Michel Essonghe, Jean-Pierre Lemboumba Lepandou et Emmanuel Ondo Methogo. Déjà influents sous Omar Bongo Ondimba, ils murmurent eux aussi à l’oreille de son fils et successeur, mais sont devenus beaucoup plus discrets.
Directeur général de l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiales (Ageos)
JEUNE AFRIQUE
DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
ANCIEN DIRECTEUR de l’environnement, président du comité de gestion de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) et conseiller spécial du chef de l’État pour les questions environnementales, ce chercheur en biologie s’est « naturellement » vu confier le pilotage de l’Ageos, créée en février 2010 avec la collaboration de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) français et de l’Institut national de recherche spatiale brésilien (INPE). Sa mission ? La surveillance environnementale assistée par satellite. Première station de traitement d’images satellites d’Afrique subsaharienne francophone, l’Ageos est chargée de couvrir un rayon de 2 800 km, soit une vingtaine de pays du continent, avec un intérêt particulier pour la forêt du bassin du Congo mais aussi les cours d’eau de tout le golfe de Guinée, pour surveiller l’érosion côtière. ●
Henri Ohayon
Directeur général de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT)
CET INGÉNIEUR de 66 ans totalise trente-trois années d’expérience en gestion de projets chez Bechtel, géant américain du BTP recruté en septembre 2010 par le gouvernement gabonais dans le cadre d’un contrat d’assistance et qui, depuis, assure le contrôle et la bonne exécution des projets de travaux publics. Désormais patron de l’ANGT, créée en février 2010,
Henri Ohayon est chargé de piloter le plan directeur national d’infrastructures, qui regroupe 21 grands projets pour un investissement total de 6 225 milliards de F CFA (9,5 milliards d’euros) sur six ans. ●
Jean-François Thardin
Directeur général de l’Agence nationale des bourses du Gabon (ANBG)
L’ENSEIGNANT en immunopathologie, 48 ans, diplômé de l’université Paul-Sabatier de Toulouse (France), a été conseiller technique d’Ali Bongo Ondimba au ministère de la Défense de 2007 à 2009. Nommé depuis directeur général des Bourses et Stages, il a pris les rênes de l’ANBG dès sa création, en avril 2011. Sa priorité : « Améliorer le niveau de vie des boursiers par l’augmentation du montant de la bourse et la prise en charge intégrale des frais de scolarité. » Dotée d’un budget de 48 milliards de F CFA en 2012 (73,2 millions d’euros), l’ANBG a déjà accordé 12 810 bourses en 2010-2011 (dont près de 8 500 au Gabon et plus de 2 200 en France) et plus de 9 400 (dont 6 780 au Gabon et 1 575 en France) pour l’année académique en cours. ● G.D. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
Étienne Massard
TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.
Pour superviser la gestion environnementale, les grands travaux ou les bourses étudiantes, le pouvoir a fait appel à des experts.
PAROLE ET IMAGE. L’autre pôle de
concentration du pouvoir se trouve au secrétariat général de la présidence, où Laure Olga Gondjout, femme de réseaux – dans le monde politique bien sûr, mais aussi dans les médias –, en impose. Elle a quitté le ministère de la Communication, mais, depuis la présidence, garde la haute main sur la communication gouvernementale. « À la suite de votre demande d’entretien avec le ministre, nous avons adressé une demande de conduite à tenir au secrétariat général de la présidence »… répondent invariablement les cabinets ministériels aux journalistes. Et gare aux ministres qui parlent trop, trop vite ou à tort et à travers. Courroie de transmission entre le politique et l’administratif dans la structure fonctionnelle de la présidence, la secrétaire générale, qui a rang de ministre d’État, assure à la fois le rôle de conseillère du président et de coordonnatrice des politiques définies par ABO. Le secrétariat général s’affirme également en publiant une newsletter sur l’actualité présidentielle, manière de ne pas laisser l’image et la communication aux seules mains des « technos », les conseillers Igor Nyambie Simard et Mactar Silla. Ce dernier, ex-directeur général de la Radio Télévision sénégalaise (RTS) puis du groupe camerounais Spectrum Télévision (STV), qu’il a ● ● ●
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Le Plus de J.A. Gabon
À lire La démocratie selon Guy Rossatanga-Rignault
● ● ● quitté pour soutenir la campagne d’ABO en 2009, s’est lancé dans une aventure éditoriale en lançant le mensuel Le Quorum. Enfin, le personnage le plus puissant de l’état-major du cabinet présidentiel est sans conteste le directeur de cabinet d’ABO, Maixent Accrombessi, secondé notamment par l’avocat Serge Abessolo, nommé premier directeur de cabinet adjoint il y a un an (à ne pas confondre avec Serge Constant Abessolo, directeur des cérémonies), et Liban Soleman, chef de cabinet. Le rôle de Maixent Accrombessi est modelé sur le style du président. Il est à la fois le filtre auquel ABO fait totalement confiance, agissant en son nom et régulant le flux de visiteurs qui entrent au bureau présidentiel, mais aussi le bouclier qui prend les coups visant le chef de l’État.
Mode de scrutin, transmission héréditaire du pouvoir… Dans un essai paru en novembre 2011, le juriste – par ailleurs conseiller spécial du chef de l’État – aborde les questions qui fâchent. ð PROFESSEUR DE DROIT, il enseigne à l’université Omar-Bongo de Libreville.
l’espace autant qu’il change au gré de ceux qui l’utilisent », poursuit l’essayiste, qui accompagne sa démonstration de plusieurs acceptions de la notion de légitimité, allant de saint Thomas d’Aquin à Max Weber, pour conclure que, « à l’évidence, il est difficile de trouver aujourd’hui un pouvoir qui corresponde exactement à l’une ou l’autre de ces déclinaisons ».
DOMAINES RÉSERVÉS. Depuis son
investiture, en 2009, ABO a créé des agences exerçant des activités naguère dévolues aux ministères (lire aussi p. 69). À l’Agence de promotion de l’investissement privé (Apip), fondée en 2000, il a ajouté l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), l’Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (Aninf), l’Agence gabonaise
Son directeur de cabinet est à la fois le filtre et le bouclier du président. d’études et d’observation spatiales (Ageos), l’Agence nationale des bourses du Gabon (ANBG)… Elles ne s’intègrent pas dans l’organigramme administratif et ont le statut d’établissements publics autonomes, rattachés cependant à la présidence pour des raisons « politiques » liées à l’intérêt que porte le chef de l’État à ces questions. « Selon les textes en vigueur, il s’agit d’un rattachement, pas d’une tutelle », insiste un conseiller. A priori, ces agences ne travaillent sous la coordination de personne, tout au moins sur le plan administratif, mais gravitent autour du président soit par affinités, soit pour des raisons techniques. Ainsi, si l’une d’elles rencontre des problèmes en matière de droit, le dossier est confié au département des Affaires juridiques… de la présidence. ● GEORGES DOUGUELI N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
VINCENT FOURNIER/J.A.
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D’UN TABOU À L’AUTRE. La plume alerteetleverbesarcastique,Rossatanga passe d’un tabou à l’autre. Il faut lui reconnaître le courage de provoquer la dispute intellectuelle sur les sujets qui divisent les Africains. Quitte à lui faire le reproche de les évoquer bien à propos pour mieux justifier des choix ui t’a fait roi?deGuyRossatangapolitiques contestés : « Le vrai-faux Rignault, a de quoi faire sursaudébat africain sur le bon mode de scruter. Quoi! Un professeur de droit tin : un ou deux tours ? » En guise de qui se pique d’instruire le procès de réponse: « Peut-on, a priori, s’offusquer la sacro-sainte démocratie électorale ! de ce qu’un État (au demeurant sousCirconstance aggravante, l’auteur de cet développé) dépense moins d’argent opuscule blasphématoire travaille, à ses pour organiser des élections ? » heures gagnées, comme conseiller spéDans la même veine, s’agissant de cial du président Ali Bongo Ondimba. la dévolution du pouvoir : « Il est donc Deux casquettes qui sont loin de le important de noter que monarchie n’est protéger du soupçon, bien au contraire: pas forcément synonyme à quel moment l’intellecd’hérédité alors qu’élection tuel s’efface-t-il devant le peut rimer avec hérédité. conseiller du prince ? […] C’est le lieu de rapAu bout du compte et peler que les dynasties au regard des questions politiques ne sont ni un que le livre soulève, l’enphénomène nouveau, ni gagement partisan de son une spécificité africaine. » auteur devient d’un intérêt Abondamment puisés dans mineur. Première pierre les vieilles démocraties dans le jardin des tenants occidentales, des exemples du respect dogmatique des et contre-exemples étayent principes de la démocratie habilement ses thèses, dont universelle : « Il n’y a pas Qui t’a fait roi ? Légitimité, élections le fond de sauce pourrait de légitimité que démoet démocratie en se résumer ainsi : nous cratique, prétend le juriste. Afrique, de Guy n’avons pas de leçons de Le contenu de la notion Rossatanga-Rignault, démocratie à recevoir, laisde légitimité est en soi éd. Sépia, 176 pages, sez-nous avancer avec nos un problème du seul fait novembre 2011, 14 euros spécificités. ● G.D. qu’il varie dans le temps et
Q
JEUNE AFRIQUE
✔
Définition et conduite de la politique monétaire
✔
Émission de la monnaie
✔
Conduite de la politique de change
✔
Promotion de la stabilité financière
✔
Gestion des réserves officielles de change
✔
Promotion des systèmes de paiement et de règlement
La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) est la Banque Centrale de la CEMAC, pilier de la coopération monétaire, fleuron et socle de l’intégration dans la CEMAC.
Communiqué
La BEAC est la Banque centrale commune des six États qui constituent la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad.
semble des pays de l’UMAC et en garantit la stabilité. Sans préjudice de cet objectif, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Chargée à ce titre de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de Les 22 et 23 novembre 1972, furent signés à Brazzaville au change, de gérer les réserves officielles de change des ÉtatsCongo les accords de coopération monétaire, qui portèrent membres, de veiller au bon fonctionnement des systèmes la BEAC sur les fonds baptismaux. de paiement et de promouvoir la stabilité Précieux héritage de leurs liens 1972-2012 : Quarante ans au financière, la BEAC est un organe essenhistoriques et privilégiés noués tiel de l’intégration économique en Afrique service de l’Afrique Centrale Centrale. avant les indépendances, la BEAC témoigne de la ferme volonté des États membres de poursuivre une coopération monétaire Grâce, d’une part, à l’esprit de solidarité et de discipline mutuellement bénéfique, pilier de l’intégration dans la de ses États membres et, d’autre part, à la capacité d’adapsous-région de l’Afrique Centrale. Ce, au service de leurs tation à son environnement en perpétuel mouvement, la Peuples respectifs. BEAC continue de donner satisfaction à tous les acteurs du développement économique et social des États de la La BEAC est un établissement public international afri- CEMAC. Son efficacité, son indépendance et son autorité cain régi par ses statuts, la Convention instituant l’Union sont le gage de la confiance des populations et des entreMonétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) ainsi que la prises, africaines ou internationales, en la monnaie émise Convention de coopération monétaire passée entre la par la BEAC. En effet, le franc de la Coopération FinanFrance et les États membres de l’UMAC. cière en Afrique Centrale (franc CFA) est l’une des monnaies africaines les plus stables depuis les indépendances, La BEAC émet la monnaie unique, le franc CFA, ayant du fait, en particulier, d’une politique monétaire rigoureuse cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’en- et clairvoyante. BEAC, Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917, Yaoundé, Cameroun - Tél. : (+237) 22 23 40 30, Fax : (+237) 22 23 34 68 - www.beac.int
MABOUP
Banque des États de l’Afrique Centrale
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Le Plus de J.A. Gabon
Paul Biyoghé Mba « Mon objectif: une croissance à deux chiffres en 2016 » Dans le cadre de la « politique de l’émergence », le Premier ministre suit de près les dossiers économiques. Finances publiques, investissements, emploi, projets phares pour 2012… Le point sur ce qui attend le pays.
N
ommé Premier ministre en 2009, Paul Biyoghé Mba a su trouver ses marques dans le duo qu’il constitue avec Ali Bongo Ondimba à la tête de l’exécutif. En dépit de fausses notes dues aux lenteurs administratives et à la corruption persistant dans la fonction publique, son gouvernement a fait avancer les dossiers dans un contexte budgétaire difficile. Fort de la bonne tenue de ses troupes, cet économiste de 58 ans, diplômé de l’université de Rennes (France), a consolidé sa place de chef d’orchestre de la politique définie par le président. Contrôleur général des finances, puis tour à tour ministre du Commerce, du Contrôle d’État, des PME et de l’Agriculture, le chef du gouvernement est un VRP crédible de l’économie gabonaise. JEUNE AFRIQUE : Quelles sont les perspectives de croissance au Gabon ? PAUL BIYOGHÉ MBA: L’économie gabo-
naise a enregistré de bons résultats en 2011, avec un taux de croissance de plus de 5,6 %. Elle a bénéficié de la hausse du prix des matières premières sur les marchés internationaux et d’une importante demande publique en matière d’infrastructures et d’équipements susceptibles de soutenir le développement économique. En 2012, nous prévoyons que la croissance se poursuivra à un rythme soutenu, de l’ordre de 5 % à 6 %, selon les projections actuelles. Atteindre 6 % m’intéresse plus, et c’est réalisable. J’ai toujours comme objectif un taux de croissance à deux chiffres à l’horizon 2016. Sur quels secteurs comptez-vous le plus pour gagner des points de croissance ?
Tous les secteurs d’activité sont concernés par cette vitalité de l’économie gabonaise. Le secteur primaire,
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hors pétrole, connaîtra une croissance appréciable, en raison des bonnes perspectives de la production minière, qui doit croître de 12,5 %, et de la reprise de l’exploitation forestière, qui fera un bond de 15 %. L’agriculture, domaine prioritaire, ne sera nullement en reste, quoi qu’il y ait beaucoup à faire. Pour le secteur secondaire, une croissance de 5,5 % est prévue. Elle résultera notamment de la relance des travaux de construction des infrastructures de base (routes, logements, barrages hydrauliques…) et de la finalisation des chantiers relatifs à la CAN 2012 [Coupe d’Afrique des nations 2012, du 21 janvier au 12 février, NDLR]. Une accélération est également attendue dans les industries
particulier l’industrialisation de la filière bois, dont la restructuration a été rendue nécessaire par l’interdiction d’exporter des grumes, afin de garantir une gestion pérenne de la ressource. L’implantation dans ces ZES de plusieurs entreprises va permettre d’accroître en particulier le capital étranger. Comment comptez-vous financer la hausse du budget d’investissement prévue en 2012 ?
Le budget d’investissement 2012 se chiffre à 699,4 milliards de F CFA [plus de 1 milliard d’euros], dont 100 milliards au titre du financement extérieur. La différence se fait sur fonds propres. Ce montant, qui reste soutenu par rapport à 2011, traduit la volonté de l’État de se doter de moyens suffisants pour le développement. Le financement de cet effort se fera par une augmentation significative des recettes hors pétrole. Quelles sont les perspectives sur le marché de l’emploi ?
Elles sont très favorables, au regard des programmes d’investissement qui se poursuivent et qui vont s’accélérer, avec la mise en œuvre du plan Gabon émergent dans tous les secteurs, notamment la construction des infrastructures
La diversification porte sur les partenaires, les marchés, les produits et les financements. du bois, avec une progression de 16,5 % du volume de l’activité dans ce secteur. L’électricité devrait quant à elle progresser de 12 % et les autres industries de 4 %. Enfin, le secteur tertiaire connaîtra une hausse de 6,3 %. Qu’attendez-vous des zones économiques spéciales (ZES) telles que celle de Nkok ?
À l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays, la création des ZES au Gabon vise à mettre à la disposition des entreprises des sites propices à l’investissement. La ZES de Nkok constitue un enjeu particulier dans la mise en œuvre du volet économique du plan stratégique Gabon émergent, dont le principal objectif est l’industrialisation des ressources naturelles locales, notamment forestières. La ZES de Nkok devra favoriser en
de base : routes, logements, hôpitaux, universités, barrages hydroélectriques… Par ailleurs, depuis deux ans, de nombreuses réformes institutionnelles ont vu le jour, dans la perspective d’une meilleure adéquation formationemploi en vue d’améliorer l’insertion professionnelle. Quels sont les projets phares de 2012 sur le plan économique ?
Conformément aux orientations du chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, l’année 2012 doit consacrer la réalisation de nombreux projets de développement. S’agissant de l’agriculture et de la pêche, il est prévu le développement des palmeraies, la construction et l’extension des centres de pêche. En matière d’industrialisation de la filière bois, il est envisagé l’implantation de nouvelles usines de transformation. JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ? ð CET ÉCONOMISTE DE 58 ANS a été nommé chef du gouvernement en juillet 2009 après avoir géré plusieurs portefeuilles, dont celui du Commerce.
situation devrait encore nettement s’améliorer en 2012 du fait de la baisse prévue du niveau d’investissement de 9 %. Toutefois, des efforts s’avèrent encore nécessaires pour parvenir à une plus grande maîtrise des dépenses de fonctionnement, notamment en ce qui concerne les salaires et les transferts. Les charges exceptionnelles relevant de la préparation de la CAN 2012 ontelles pesé sur vos comptes ?
Les dépenses liées à la CAN 2012 ont été programmées depuis plusieurs années. Cela a été plus facile depuis la décision de porter à 40 % le budget d’investissement.
Avez-vous fait une estimation des éventuels bénéfices de la CAN 2012 sur l’économie gabonaise ?
Ce rendez-vous sportif sera une occasion de mieux faire connaître le Gabon au monde. Nous attendons des milliers de visiteurs. Il est évident que cet événement aura un impact sur l’activité économique nationale en général. Les bénéfices attendus de la CAN s’apprécieront à moyen et long termes.
DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
Où en est la politique de diversification de l’économie ?
Pour ce qui est des mines et du pétrole, deux compagnies nationales ont été créées, la Compagnie équatoriale des mines et Gabon Oil Company. Enfin, dans le secteur des infrastructures : la construction et l’extension de ports ; l’accélération des travaux de l’île Mandji ; la mise en œuvre du Plan directeur national d’infrastructures, qui concerne les secteurs des transports, de l’énergie, de l’habitat et de la communication ; le nouvel aéroport JEUNE AFRIQUE
d’Andem, près de Libreville ; le port franc de Ndendé ; et la poursuite des barrages de l’Impératrice, sur la Ngounié, et de FE II, sur l’Okano. L’année 2011 a-t-elle été bonne pour les finances publiques ?
Dans l’ensemble, elle a été excellente, avec plus de 11 % de hausse des recettes propres par rapport à 2010 et un endettement maîtrisé en dépit de l’accroissement de l’investissement public. Cette
Le développement des secteurs non pétroliers reste l’un des principaux objectifs de la « politique de l’émergence ». Il s’agit de sortir de la dépendance vis-à-vis du secteur pétrolier et de valoriser davantage les matières premières par leur transformation effective sur le territoire national. Pour illustrer cette dynamique de diversification, on peut rappeler l’implantation de plusieurs usines de transformation de bois, ainsi que le traitement d’une partie de la production de manganèse dans des entreprises comme Eramet. Cette diversification porte sur les trois piliers du programme du chef de l’État – l’industrie, l’environnement et les services – et est liée à la fois aux partenaires, aux marchés, aux produits transformés et aux techniques de financement. ● Propos recueillis par GEORGES DOUGUELI N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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BanqueGabonaisedeDéveloppement
Du développement à l’émergence
Communiqué
La Banque gabonaise de développement (BGD) est l’un des bras armés de la stratégie nationale du Gabon émergent. Étendant ses actions de la lutte contre la pauvreté au financement de l’économie, elle accentue sa présence auprès des entreprises et des particuliers.
Depuis sa création en 1960, la Banque gabonaise de développement (BGD) n’a jamais failli à ses missions de financement du développement économique et de lutte contre la pauvreté. Depuis 2011, cette stratégie s’inscrit pleinement dans la politique du « Gabon émergent », lancée par le président Ali Bongo Ondimba. La BGD accroît ses interventions dans différents secteurs de l’économie par des prêts ciblés aux particuliers et aux entreprises, avec une place de plus en plus significative aux PME. Ses encours de crédits se sont accrus de plus de 50 % en 2011.
Une banque unique en son genre Publique, la BGD n’en est pas moins une banque au sens strict et moderne du terme. Comme ses homologues dans le pays, sa gestion et ses procédures observent la règlementation internationale, appliquée au plan régional par la Cobac (Commission bancaire d’Afrique centrale). Elle affiche une bonne santé financière et elle est raisonnablement endettée, comme en témoignent les notations AB+ pour le long terme et AB pour le court terme que lui a attribué l’organisme
Le réseau couvre l’ensemble du pays Ci-contre, le siège social de la BGD, à Libreville. De haut en bas, les agences de Franceville, Lambaréné et Mouila.
Présente sur l’ensemble du territoire La BGD peut également s’appuyer sur sa présence effective sur le territoire gabonais grâce à un réseau de bureaux et d’agences qui couvre les neuf provinces du pays. Ce maillage fait de la BGD l’interlocuteur des entreprises et des collectivités locales dans l’ensemble du pays. Il garantit aussi l’accès à des services bancaires modernes pour l’ensemble de la population, conformément aux missions fondamentales de la Banque. Ouverte à tous les particuliers, avec des produits adaptés, la Banque gabonaise de développement joue à plein ses missions en faveur de la lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion. Présente à chaque étape de la vie personnelle et professionnelle, elle est l’un des partenaires les plus actifs de l’État dans sa politique d’accès au logement pour tous les Gabonais. Plus que jamais, la Banque gabonaise de développement contribue à l’avenir et au développement du Gabon.
Banque Gabonaise de Développement BP 5 – rue Alfred Marche, Libreville, Gabon Tél. : (241) 76 24 29 - Fax : (241) 74 26 99 www.bgd-gabon.com
Trois questions à Roger Owono Mba Administrateur Directeur Général Quels sont les points forts de la BGD ? Roger Owono Mba : J’en vois trois: notre présence sur l’ensemble du territoire, y compris dans deux des neuf provinces du pays où aucune autre banque n’est représentée, une structure financière solide qui s’est renforcée au fil des 50 années d’existence et qui lui permettent de faire à d’éventuels soubresauts et le professionnalisme de nos équipes. Elles disposent d’un réel savoir-faire dans l’élaboration de dossiers de financement au service de nos clients, particulièrement des PME et des collectivités locales, qu’elles savent conseiller et accompagner. Est-ce important pour votre stratégie ? Roger Owono Mba : C’est fondamental. En sa qualité de banque de développement, la BGD veut jouer à plein son rôle de bras armé du développement du pays. Nous tenons à être l’un des soutiens opérationnels les plus actifs du Gabon émergent, en finançant les grands projets et, surtout, en participant à l’essor du tissu industriel et économique, par notre travail auprès des PME comme auprès des particuliers. Nous ambitionnons d’être une référence technique en matière de financement des PME ainsi qu’une force de propositions et d’actions pour les pouvoirs publics en matière de financement du développement. Comment financez-vous ces missions de service public ? Roger Owono Mba : Nous assurons des missions de services publics, mais nous sommes une banque comme n’importe quelle autre. Nous sommes soumis aux mêmes règles bancaires, notamment la solidité financière. C’est une originalité et c’est aussi une grande force. Elle nous assure le soutien de l’État, qui détient 69 % du capital, et celui de nos actionnaires, parmi lesquels la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), l’Agence française de développement (AFD) et son homologue allemande (DEG).
Au cœur du développement...
DIFCOM/Creapub - © : DR
international Fitch Rating. Cette solidité financière constitue le premier atout de la BGD pour la mise en place et la réussite de sa stratégie.
TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.
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ÉCONOMIE
Le blues des petites entreprises Pas facile d’être une PME ! La faute, d’une part, à des procédures complexes d’attribution des marchés. Et, d’autre part, à la lenteur de l’État à honorer ses factures.
À
la suite du décès de son père, en septembre 2011, Kassanault Bussamb a hérité d’Afric Construction (Afco), une PME spécialisée dans le BTP. Mais il envisage de se désengager du secteur : « C’est trop difficile. Généralement, dans le BTP, les marchés se passent par affinités, et moi, je n’ai pas le carnet d’adresses de mon père. » Et force est de constater que, quand il y a un appel d’offres, son
Le goût du monde
Ce sont surtout les grosses sociétés qui ont profité des travaux de la CAN 2012 (ici, la Socoba, à Bongoville).
d’alléger les procédures d’attribution des entreprise de 20 salariés ne fait pas le poids face aux groupes étrangers. Avant marchés pour nous permettre de sursa disparition, Dieudonné Bussamb avait vivre », indique Pierre Obiang, patron remporté le marché de construction d’un de l’Office gabonais de bâtiment et de construction (Ogabac), dont le chiffre bâtiment pour la police nationale. Mais d’affaires annuel est de 500 millions de depuis le rejet de sa demande de financement par les banques, son jeune F CFA (760 000 euros). repreneur de fils frise la déprime Actuellement, s’il veut et envisage de se lancer dans répondre à un appel d’offres pour un marché d’un monla restauration rapide. des nouvelles sociétés tant de 200 millions de F CFA, Dépôts de bilan, changedisparaissent au cours ments de statut… Les PME un entrepreneur doit dépode leur première ont du mal à trouver leur ser une caution de garantie année d’activité place dans un environnement s’élevant à 2 % du montant du difficile. L’État a pourtant tenté de marché, soit 4 millions de F CFA. favoriser l’expansion des entreprises En cas de succès de son offre, il doit encore s’acquitter, en tant qu’adjudicanationales en leur réservant 20 % des martaire, d’une autre provision de 5 % (soit chés publics, mais les conditions fixées par la loi sont encore trop complexes. « Pour 10 millions de F CFA supplémentaires) 2012, nous demandons au gouvernement afin de garantir l’exécution du marché,
60 à 70 %
Le goût du monde pour Servair Gabon, c’est d’être respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration aérienne et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes des passagers de l’aéroport international de Libreville: restauration pour les entreprises et les collectivités, traiteur, sallons VIP d’aéroport.
Faut-il croire à l’émergence ? avant d’espérer bénéficier de l’avance de démarrage payée par l’État. Or la plupart des jeunes entrepreneurs n’ont pas de fonds propres suffisants pour autofinancer leurs projets. Ce qui les conduit à solliciter le concours des banques, pour la plupart frileuses. Quant aux établissements spécialisés, comme les guichets du Fonds d’expansion et de développement des PME (Fodex) ou la Banque gabonaise de développement (BGD), ils exigent un dossier comprenant une étude de marché, trois bilans
UNE BONNE MOYENNE CAMEROUN
100 km GUINÉE ÉQUATORIALE Océan Atlantique
Oyem
Libreville
Port-Gentil
5,6 5,7
15
Franceville 10
14,5 2,3
5
certifiés, des prévisions d’exploitation sur trois à cinq ans… Parfois, une étude de la rentabilité de l’investissement projeté est également demandée. Vient ensuite l’examen des garanties. Ces dernières tiennent autant à des flux de trésorerie générés par le projet lui-même en remboursement des échéances de crédit qu’à des biens réels : immeubles bâtis ou non, machines, loyers existants, nantissements des comptes de dépôt à terme, assurance vie, etc. PARCOURS DU COMBATTANT. Après
l’exécution du projet, le parcours du combattant se poursuit. Et Dieu sait que le recouvrement des créances n’est pas aisé aux guichets du Trésor public… « Je traîne encore une facture de décembre 2010, qui demeure impayée à ce jour », se plaint Pierre Obiang. Quand l’équilibre des comptes publics le permet, le gouvernement paie une partie de la dette intérieure, parfois avec l’appui des banques locales. Une bouffée d’oxygène pour les PME, qui peuvent alors relancer leurs activités. Si un petit nombre d’entre elles ont bénéficié des travaux préparatifs de la Coupe d’Afrique des nations 2012 (coorganisée par la Guinée équatoriale et le Gabon du 21 janvier au 12 février), la plupart comptent accroître leur volume d’activités grâce au vaste programme engagé par le gouvernement l’an dernier pour doter le pays d’infrastructures et de logements sociaux. Là encore, les PME du BTP devront se frotter aux plus importantes entreprises du secteur, à l’instar de la Socoba, de Jean-Claude Baloche, ou de la Socofi, de la famille Hejeij. ● GEORGES DOUGUELI
0
3,3
4 3 2 0
* Prévisions
2009
INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS
5
1
2010
2011* 2012*
POPULATION 1,52 million d’habitants
SUPERFICIE 267 670 km2
17
16,7
-1,4 2008
6
13,1
10,9
CONGO
La plupart des banques, très sollicitées pour des prêts, restent frileuses.
(variation du PIB, en %, en prix constants, éch. de droite)
20
GABON
Lambaréné
Croissance
PIB (en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche)
-1 -2
INFLATION 2,3 %
PIB PAR SECTEUR
$ +--1 209 millions de dollars $ +--/ 33 millions de dollars $ +-,- 170 millions de dollars
$ #!B=>B!" 54,7 % $ D";%<9>B!" 8,3 % $ C"!CB>B!" 37 %
EXPORTATIONS DE BIENS (2010)
IMPORTATIONS DE BIENS (2010)
8,4 milliards de dollars, soit 64,1 % du PIB
2,5 milliards de dollars, soit 19,1 % du PIB
4?0A.@ 0. :(*@6@ +-,,
Ressources : 4,6 milliards de dollars &3 521 )8 Dépenses de fonctionnement : 1,86 milliard de dollars &3 1 )8 Dépenses d’investissement : 1,34 milliard de dollars &' ++27 )82 dont : équipements et infrastructures 299,6 millions, énergie 124,5 millions, santé et affaires sociales 70 millions, logement et habitat 56,4 millions, agriculture 48,6 millions Quelle place au sein de la Cemac ? Développement humain
Investissements (en % du PIB)
(rang sur 187 pays classés)
Gabon
Guinée équato.
106
e
Guinée équato.
136e
Tchad
Congo
137e
Gabon
Cameroun
183e 50
100
150
200
PIB par habitant
(en dollars, en 2011)
Guinée équato.
14 374
Gabon Congo
10 982 3 792
Cameroun
920
Centrafrique
483 0
3000
18,1 13,6 0
5
10 15 20 25 30 35 40
Climat des affaires
(rang sur 183 pays classés)
Guinée équato.
155e
Gabon Cameroun
156e 161e
Congo
1 234
Tchad
23,5
Cameroun Centrafrique
179e 0
26,1
Congo
150e
Centrafrique Tchad
35,4 28,9
6000
9000 12000 15000
181e
Centrafrique
182e
Tchad
183e 0
50
100
150
200
SOURCES : MINEFI ; FMI, SEPT. 2011 ; BANQUE MONDIALE, OCT. 2011 ; PNUD, NOV. 2011 ; CNUCED, JUILL. 2011 JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. Gabon
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TRIBUNE
Opiniions & éditoriaux
Illusion pétrolière
DR
A GABRIEL ZOMO YEBE Agrégé de sciences économiques, doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de l’université Omar-Bongo de Libreville (UOB)
PRÈS UN RALENTISSEMENT provoqué par la crise financière et celle du bois, la reprise semble désormais engagée au Gabon, comme dans tous les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Si la croissance a retrouvé son niveau de 2007, elle est cependant de faible qualité, parce qu’elle dépend en grande partie d’un seul produit, le pétrole, et ne se répercute pas sur le niveau de vie et le pouvoir d’achat des Gabonais. Au contraire, l’accroissement des prix internationaux des denrées alimentaires risque d’aggraver une situation sociale déjà tendue. L’équation gabonaise reste la même que dans les années 1980: comment passer d’une économie de rente à une économie diversifiée, attirer les investisseurs étrangers et répartir les ressources de manière optimale sans hypothéquer l’avenir des générations futures ? La principale force du pays réside dans le retour de la croissance. Le taux de croissance du PIB réel est passé de – 1,4 % en 2009 à 5,6 % en 2011. Une remarquable remontée, étant donné que, entre 2004 et 2009, les performances du Gabon étaient restées en deçà de celles des autres pays africains producteurs de pétrole. Cet accroissement du PIB peut être considéré comme un facteur d’attractivité, d’autant qu’il s’est accompagné d’une faible inflation (en deçà, depuis trois ans, du critère de convergence de la Cemac, qui est de 3 %) et d’une amélioration de la solvabilité du pays. Autre facteur d’attractivité : l’annonce d’une stratégie de développement qui, dans un environnement mondialisé et concurrentiel, constitue un signal fort des orientations que compte prendre l’État. Conscient des limites à long terme d’une croissance basée sur le pétrole, le gouvernement a engagé des réformes structurelles pour diversifier l’économie en se basant sur le projet de société du chef de l’État, lequel s’articule autour du triptyque « Gabon vert, Gabon des services, Gabon industriel ». Par ailleurs, le pays s’est doté de l’un des codes des marchés publics les plus libéraux de la sous-région, ainsi que de toute une réglementation en matière de concurrence et de promotion de l’investissement. Enfin, son appartenance à
la Cemac est le meilleur moyen de contourner l’étroitesse du marché gabonais et de bénéficier de la stabilité monétaire. Cette stratégie peut être discutable à plus d’un titre, mais c’est surtout la faible qualité de la croissance – d’aucuns diraient sa mauvaise qualité – qui constitue le principal handicap au développement du pays : elle reste dépendante du pétrole et s’accompagne d’un taux de chômage élevé, ainsi que d’une détérioration du niveau de vie de nombreux Gabonais. En 2010, le secteur pétrolier a fourni 51,69 % du PIB marchand en volume et 53,86 % des recettes budgétaires… La même proportion que dans les années 1980. L’optimisation des recettes hors pétrole par l’extension de la base taxable (lutte contre la fraude fiscale, suppression des régimes spéciaux et des exonérations, etc.) n’a pas eu non plus les effets escomptés. La faible qualité de la croissance résulte aussi du manque de diversification et de choix contestables. Ainsi, alors que l’agriculture et la pêche restent des secteurs à fort potentiel (un marché entier à prendre, de plus de 200 milliards de F CFA, soit plus de 300 millions d’euros), la création de palmeraies dans l’une
Hélas, la croissance ne se répercute pas sur le niveau de vie des Gabonais.
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des rares régions agricoles du pays risque de se faire au détriment des paysans et de tuer le peu d’agriculture vivrière existante. Enfin, l’emploi a régressé de 10 % dans le secteur privé, passant d’un peu moins de 50 900 postes en 2007 à 45 850 en 2010. L’État a pallié ce déclin en augmentant le nombre de fonctionnaires de 21 % en trois ans (de 51 500 à 62 600). Malgré ces efforts, le taux de chômage reste élevé (27,5 %) et devient le principal problème à résoudre. Tel est le paradoxe gabonais. Tant que la croissance et la restauration des grands équilibres reposeront principalement sur les recettes pétrolières, qui ne font que créer une illusion de richesse, l’impact sur le bien-être des populations sera toujours moindre. Plus que jamais, l’heure n’est plus à la politique politicienne, mais à la politique au sens noble du terme. La politique de l’aprèspétrole ne peut plus être une clause de style, elle est une impérieuse nécessité. ● JEUNE AFRIQUE
CAN 2012, C’EST PARTI ! UNIO N TRAVAIL
ICE ST JU
Le Gabon accueille la fête du football africain Le Gabon accueille depuis le 21 janvier la 28e Coupe d’Afrique des Nations, conjointement avec la Guinée équatoriale. Une compétition qu’il s’est soigneusement préparé à recevoir depuis quatre ans à travers les sept commissions qui q composent posent son comité d d’organisation. organisation.
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
CAN 2012, c’est parti ! C’est parti pour la 28e Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de l’histoire ! Organisée depuis le 21 janvier dernier au Gabon et en Guinée équatoriale, jusqu’au12 février, c’est la première fois depuis 1972 que la compétition revient en Afrique centrale. Sa réalisation était donc un défi que le Comité d’organisation gabonais (COCAN Gabon) s’est attelé à relever depuis 2008. Après quatre années de travail, sous la responsabilité directe de la présidence de la République, le défi d’accueillir les amoureux du ballon rond sur son sol a été relevé. Après le Ghana et le Nigeria, en 2000, c’est la deuxième fois qu’une phase finale de la CAN est organisée par deux pays. Le Gabon et la Guinée Équatoriale ont pour l’occasion instauré un visa commun afin de faciliter le déplacement des participants. Les matchs se déroulent dans quatre villes : Libreville et Franceville, au Gabon, Bata et Malabo, en Guinée équatoriale. Sept commissions se sont partagé le travail au Gabon : Accueil et protocole, Hébergement et restauration, Communication et marketing, Santé, Sécurité, Transport et logistique et Compétition. Les Comités d’organisation des deux pays se sont réunis deux fois par mois, ainsi qu’au siège de la Confédération africaine de football (CAF), au Caire, pour mener leur mission à bien.
SUR LE PLAN SPORTIF, SIX STADES D’ENTRAÎNEMENTS ET SURTOUT DEUX STADES DE COMPÉTITION ONT ÉTÉ CONSTRUITS OU RÉHABILITÉS.
Résidence hôtelière de Nzeng-Ayong.
Des infrastructures d’accueil rénovées Pour accueillir l’Afrique du football avec des infrastructures rénovées, le COCAN a travaillé main dans la main avec l’Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT). L’organisme, créé en 2010, a pour mission d’assister l’État gabonais dans la programmation des grands travaux et d’assurer leur contrôle technique et financier. À Libreville, les trois échangeurs visant à fluidifier la circulation ont ainsi été livrés juste avant la CAN, tout comme le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Libreville. Côté accueil, trois hôtels de standing à Libreville et cinq autres autour de Franceville, entre Moanda, Bongoville et Ngouoni, ont été construits ou rénovés pour les délégations officielles. C’est le cas du Leconi Palace Intercontinental, joyau du Haut-Ogooué, complètement rénové. Un village olympique a aussi été établi à Bongoville pour les sélections nationales. En comptant les chambres d’hôtes mises à leur disposition par les Gabonais, ce sont près de 6 500 chambres (4 500 dans la région de Libreville et 2 000 dans le Haut-Ogooué), qui ont été répertoriées par le COCAN Gabon.
Les volontaires
« chevilles ouvrières de l’événement »
Ils sont un millier, 600 à Libreville et 400 à Franceville, à se mettre en quatre pour assurer la bonne arrivée des délégations officielles et des spectateurs de la CAN. Les uns dans les gares et à l’aéroport, les autres dans les hôtels et autour des stades (les places sont numérotées pour la première fois au Gabon), les « volontaires » aident les spectateurs à s’orienter et assistent les commissions (media, transport, hébergement…) dans leurs fonctions. Ils sont « les chevilles ouvrières de la CAN », assure Emmelyne Ravier, consultante sur le programme chargé de leur recrutement. Au total, près de 3000 candidatures de Gabonais souhaitant devenir « volontaires » ont été reçues à partir du mois de juin 2011. Sur le millier retenu, les trois quarts sont des étudiants. « Ils ont reçu une formation dont ils pourront se prévaloir à l’avenir, » explique Emmelyne Ravier. Ils seront défrayés en plus de leur joie d’avoir pris part à la plus grande compétition sportive africaine
Gauthier Letoundji, 26 ans, fonctionnaire et volontaire « J’ai été volontaire recruteur et je suis chef d’équipe superviseur durant la compétition. Ce qui m’a le plus motivé pour devenir volontaire était de participer à la CAN de l’intérieur. Il faut se souvenir qu’il y a encore quelques mois, beaucoup de personnes étaient pessimistes quant à sa bonne organisation, alors j’ai voulu contribuer à sa réussite. Je suis fier de cela. Je suis aussi heureux de m’être fait de nombreux amis. Je n’imaginais pas à quel point l’expérience que j’allais acquérir allait être si importante. »
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
Stade Omar Bongo Ondimba Il accueille le Groupe C de la CAN : Gabon - Niger – Maroc - Tunisie
Quatorze bus sont affectés aux équipes qualifiées et aux médias
Des stades flambant neufs
Transport : toutes les voies mènent à la CAN
Le stade de l’amitié sino-gabonaise de Libreville
Il accueille le Groupe C de la CAN : Gabon - Niger – Maroc - Tunisie
C’est dans ce stade, construit dans le quartier d’Angondjé, à Libreville, que le Gabon a remporté dans une ambiance de fête son premier match de la CAN 2012, face au Niger, le 23 janvier. C’est aussi lui qui accueillera la finale de la compétition le12 février. Il sera dans la foulée le théâtre de la cérémonie de clôture mise en œuvre par la Commission accueil et protocole du COCAN. Avec ses 40 000 places, il a été édifié en 22 mois dans le cadre de la coopération sino-gabonaise. Son immense structure métallique, qui symbolise le pont d’amitié entre le Gabon et la République populaire de Chine, est la plus grande d’Afrique avec 320 mètres de longueur. Le stade a accueilli sa première rencontre le 10 novembre 2011, un match de prestige entre le Gabon et le Brésil (0-2), avant d’être inauguré officiellement deux semaines plus tard par le président Ali Bongo Ondimba. La cérémonie d’inauguration a été suivie d’un match opposant les sélections de moins de 20 ans du Gabon et de la Chine (2-2).
Pour assurer le transport des officiels et des spectateurs entre les différents sites gabonais, mais aussi équato-guinéen, les voies terrestres, aériennes et ferroviaires sont mises à contribution. Quarante bus sont affectés aux équipes qualifiées et aux médias durant la compétition. La Commission transport et logistique prévoit par ailleurs le déploiement de 300 autocars d’une capacité de trente places chacun, à Libreville et Franceville, pour assurer le transport des volontaires et des supporters depuis les parkings relais vers les stades de compétition. Un Falcon 900 et trois Boeing 737 assurent le transport aérien des personnes accréditées (sélections, officiels, médias), alors que des vols charters commerciaux sont mis à la disposition du public, au départ de Libreville, vers Franceville, Malabo et Bata. Enfin, des rotations additionnelles dénommées CAN 2012 sont disponibles entre Libreville et Franceville par voie ferrée. C’est aussi la Commission transport et logistique qui s’est chargée des voies informatiques. Elle a réalisé l’extension du réseau de couverture de la radiotélévision nationale et des réseaux Internet aux abords des lieux de compétition.
Le stade de la Rénovation de Franceville
Il accueille le Groupe D de la CAN : Ghana – Botswana – Mali - Guinée
Le stade de la Rénovation a été réhabilité pour passer de 10 000 à 20 000 places. De quoi faire de Franceville, chef-lieu de la province du Haut-Ogooué, dans le sud-est du Gabon, le deuxième site gabonais de la CAN 2012. Les travaux ont été confiés à la première entreprise gabonaise de BTP, SOCOBA EDTPL, alors qu’une société serbe spécialisée dans les constructions métalliques a été chargée de réaliser la couverture. Le stade dispose de six loges de haut de gamme contre 21 au stade de l’Amitié de Libreville.
Stade d’entrainement de Nzeng Ayong.
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
Santé et lutte contre le dopage Pour gérer la couverture sanitaire des acteurs officiels, 495 secouristes ont été formés, quarante médecins ont reçu des spécialisations à la médecine d’urgence et 45 autres à la médecine du sport, dont le contrôle anti-dopage, indique le Professeur Romain Tchoua, président de la Commission Santé. À signaler qu’un hôpital médico-chirurgical mobile est installé à Franceville. À Libreville, le nouveau CHU, construit dans le quartier d’Angondje, près du stade de l’Amitié, fait partie du dispositif de sécurité de la capitale. Les soignants disposent pour remplir leur mission de quatorze ambulances et, nouveauté gabonaise, de deux hélicoptères médicalisés. « C’est une première dans l’histoire de la CAN, s’était réjoui en mai dernier le chef d’une délégation de la CAF, Kabelé Camara, lors de la présentation des appareils. Cela deviendra certainement une exigence dans les années à venir, car j’entends le proposer au président [Issa Hayatou] ».
Joël Lehman Sandoungout
« La capacité du Gabon à se mobiliser a été exceptionnelle » Monsieur Joël Lehman Sandoungout est le coordinateur général adjoint du COCAN Gabon. Encore ému de la victoire de son pays 2-0 face au Niger, lors de son entrée en lice, le 23 janvier, il explique comment se déroulent pour lui les premiers jours de la compétition. Comment les premiers jours de compétition et d’accueil des spectateurs se sont-ils déroulés pour le COCAN ? Ils se sont plutôt bien déroulés, nous n’avons pas eu de mauvais retours. Il faut dire que nous avons amélioré notre gestion des flux de personnes, qui avait été notre point faible lors du match amical entre le Gabon et le Brésil, organisé à Libreville le 10 novembre dernier. Nous avons corrigé cela et le flux est désormais bien régulé entre les points de collecte et le stade d’Angondje. C’était le cas pour le premier match du Gabon, alors que l’enceinte était pleine. À titre d’exemple, nous avons mis moins de dix minutes pour faire venir la délégation du Président de la CAF, arrivée à16h15 à l’aéroport, jusqu’au stade, pour un match à17h00. Le COCAN Gabon a innové en dédiant pour la première fois deux hélicoptères médicalisés à la CAN. De quels aspects du travail des quatre dernières années êtes-vous particulièrement fier ? Je suis fier de ce que nous avons réalisé ces douze derniers mois, avec le retard infrastructurel qui existait alors. Et je dois préciser qu’il n’y a pas de tabou sur cette question. Nous y croyions et cela prouve simplement que lorsque
l’on est déterminé, on peut réaliser de grandes choses. La capacité du peuple à se mobiliser pour accueillir la CAN a été exceptionnelle. Le Président de la République a de son côté créé le mouvement et impulsé la collaboration entre les secteurs public et privé, notamment dans la mise en place du haut commissariat à l’organisation de la CAN 2012, et ça a marché. Le COCAN est, en réalité, porteur de la détermination du Chef de l’État. Celle-ci se traduit par sa ferme volonté d’organiser une compétition aux normes internationales. En douze mois, nous avons rendu possible ce que tout le monde croyait impossible. Le rôle de l’Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT), chargée des infrastructures, a de ce point de vue été fondamental. Nous sommes par ailleurs satisfaits d’avoir mené à bien la création d’un visa circulaire commun au Gabon et à la Guinée équatoriale, afin de faciliter la circulation des visiteurs. Cela n’avait pas été possible, entre le Nigeria et le Ghana, lorsqu’ils ont conjointement organisé la CAN en 2000. Comment le Gabon va-t-il exploiter ses nouvelles infrastructures sportives et hôtelières après la compétition ? Il est vrai que la CAN a été un accélérateur d’investissement et de développement en termes
d’infrastructures et d’aménagement du territoire. Nous voulons d’abord montrer au monde la capacité de notre pays à se mobiliser et à organiser de grands événements sportifs. En ce qui concerne l’usage précis qui sera fait des stades et des structures d’entraînement construits ou rénovés, nous aurons tout le loisir d’en parler après la compétition. Quant aux structures hôtelières et au tourisme, vous savez quelle importance le président de la République accorde aux questions environnementales, à travers le projet « Gabon Vert », l’un des trois piliers de la stratégie « Gabon émergent » avec le « Gabon des services » et le « Gabon industriel ». Le tourisme est l’un des moyens d’y parvenir. Nous avons dans cette optique, conclut un partenariat avec le groupe ACCOR, pour la formation et la gestion de certaines structures hôtelières durant la compétition. Lors des jours de non-match, des propositions de circuits seront faites aux officiels et aux journalistes qui souhaitent découvrir la richesse de notre pays. Des brochures et autres incitations au voyage seront aussi disponibles dans les hôtels.
COMMUNIQUÉ - DIFCOM/FC - PHOTOS : DR
Faut-il croire à l’émergence ? amorcée et les premiers résultats de la stratégie gouvernementale devraient se faire sentir cette année, la filière devant contribuer à hauteur de plus de 0,4 point au taux de croissance en 2012. Le nombre d’unités de transformation a déjà augmenté de plus de 10 % en 2010, portant de 82 à 93 les usines dans le pays, et de nombreux projets ont été lancés en 2011. À commencer par celui de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), autrefois spécialisée dans la commercialisation des grumes, qui achève la construction d’un complexe industriel de 12 ha, en partenariat avec l’italien Angelo Cremona, dans la zone portuaire d’Owendo, près de Libreville. Ses trois usines, spécialisées dans le tranchage, le sciage et le déroulage, devraient entrer en production prochainement.
BOIS
Les forestiers planchent sur la transformation Depuis l’interdiction d’exporter le bois en grumes, en janvier 2010, la filière s’industrialise et de nouvelles usines voient le jour. Après deux années difficiles, la reprise est amorcée.
APPUI TECHNIQUE. Autre opérateur de
WITT/SIPA
poids, Rougier Gabon a accéléré l’évolution de son outil industriel. Doté d’une usine de contreplaqué à Owendo et de deux scieries à Mbouma-Oyali (Sud-Est) et à Mévang (Centre-Ouest), dont il a doublé la capacité grâce à une deuxième ligne de production pour les bois divers (hors okoumé), le groupe a ouvert une Unité de contreplaqué du groupe ROUGIER, à Owendo (près de Libreville). nouvelle scierie à Ivindo (Centre-Est). La restructuration de Leroy Gabon et de Pogab (filiales de Plysorol), repris l’an industrialisation de la filière bois revenu (pendant dix ans), la liberté des dernier par John Bitar & Company (basé gabonaise est enfin en marche. transferts financiers et d’emploi de perau Ghana), devrait quant à elle se concréDernier acte de la stratégie sonnel étranger, ou encore la réduction tiser cette année avec la transformation de engagée par le gouvernement de 50 % du coût de l’électricité. Pogab en une unité de contreplaqué en depuis deux ans en la matière, la prise de okoumé, activité jusqu’alors participation de la Caisse des dépôts et EMPLOIS. « L’impact réel de basée en France. Un invesconsignations du Gabon, fin décembre, toutes ces mesures ne s’obOKOUMÉ tissement de 16 milliards de à hauteur de 35 %, dans le capital de ng servera qu’à moyen et long F CF CFA (24 millions euros), qui Rougier Afrique International, filiale du istermes à travers une croisdevrait générer la création de français Rougier, pour un montant de sance inclusive, elle-même d’environ 700 emplois. d’ 24 millions d’euros. En droite ligne avec due à la création d’emplois Enfin, l’État gabonais l’objectif visé par l’interdiction, depuis et à la redistribution début 2010, d’exporter le bois en grumes, des richesses créées », et l’Agence française de cet apport va permettre d’accélérer les explique Moulay Lahcen développement (AFD) Ennahli, représentant de ont signé en juillet 2011 programmes d’industrialisation et de un accord de financement la Banque africaine de certification menés par le groupe. Pour soutenir la transformation locale, de 1,5 million d’euros pour la développement (BAD) au une zone économique spéciale de plus t, création du Bureau industrie cré Gabon. Car, jusqu’à présent, de 1 000 ha, dévolue à 40 % au bois, a été nt bois bo (BIB). Ce dernier aura la filière bois, bien qu’étant C’est l’essence pour mission d’accompagner inaugurée à Nkok, à 27 km de Libreville, le premier employeur privé la plus exploitée en septembre. Une quarantaine d’entreles opérateurs forestiers en du pays, ne participait que au Gabon, avec prises ont déjà manifesté leur volonté de faiblement au développement leur apportant un appui techs’y implanter, assure-t-on à la direction économique. Sa contribu- un tiers du volume nique dans l’optimisation des total. Son bois est d’Olam Gabon, principal financier de ce tion à la croissance du PIB performances industrielles et particulièrement projet d’environ 150 millions d’euros. Ces est même passée de 1 point en contribuant à la formation. apprécié pour investisseurs bénéficieront de nombreux de pourcentage en 2009 à 0,3 Un pas de plus dans le redéla fabrication avantages: une exonération de TVA (penen 2010. Mais, selon la BAD, ploiement de la filière. ● de contreplaqué dant vingt-cinq ans) et d’impôts sur le la relance des activités est STÉPHANE BALLONG
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Le Plus de J.A. Gabon MINES
Fin de monopole pour la Comilog Nouveau code minier, nouveaux gisements, nouveaux partenaires… Le pays s’organise pour exploiter son sous-sol avec pragmatisme. Sous l’œil vigilant de la société civile. ANTONIN BORGEAUD/INTERLINKS IMAGE/ERAMET
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e Gabon abrite le quart des réserves mondiales de manganèse. Un gâteau sur lequel la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du français Eramet, a longtemps régné sans partage. Présente depuis 1962 dans la région de Moanda (Sud-Est), elle réalisait à elle seule, jusque il y a peu, la quasi-totalité de l’extraction et des exportations minières du pays, avec un record de production de 3,4 millions Site de la FILIALE D’ERAMET à Owendo. de tonnes de manganèse en 2011. Seule autre entreprise active dans l’extraction, l’exploitation des gisements rapidement, le gabonais Sised International exploitait mais pas n’importe comment. Par son un site d’orpaillage à Minkébé (Nord-Est), nouveau code minier, le pays veut lever mais son permis a été annulé l’an dernier. les pesanteurs administratives tout en Aussi, avec une contribution au PIB de s’assurant du respect de l’environnement seulement 6,5 % en 2011 (contre 3 % en et d’une prise de participation importante 2010), le secteur minier fait encore pâle au capital des sociétés. » figure face au pétrole (41,8 % du PIB). Mais les choses changent. D’ici à la fin INNOVATION. Par ailleurs, alors que de 2013, deux importants gisements de les cours du manganèse ont baissé de manganèse devraient entrer en produc25 % en 2011 et que le pays dispose aussi tion. L’un près de Franceville, exploité par d’importants gisements de fer, de diamant l’australo-britannique BHP Billiton et dont et d’or, l’État souhaite voir se développer les réserves sont estimées à 60 millions d’autres filières. Le gouvernement a ainsi de tonnes (lire interview p. 85) ; et l’autre annoncé, le 13 janvier, la conclusion à Mbembélé (Centre), opéré par CICM d’un partenariat public-privé (PPP) avec Huangzhou Gabon, filiale de Eramet pour le développeChina International Trust and ment et l’exploitation d’un MANGANÈSE important gisement polyméInvestment Corporation, qui en renferme 30 millions. tallique à Mabounié, via la « Désormais, au ministère société Maboumine (filiale de des Mines, il y a de véritables Comilog à 60 %), dirigée par négociateurs qui savent ce Arthur Nganie. Situé à 50 km qu’ils veulent », reconnaît un de Lambaréné (Centre-Ouest), cadre du secteur, selon lequel le site renferme des métaux la situation s’est nettement classés d’intérêt hautement Les réserves du améliorée en deux ans. Une stratégique – niobium, terres évolution également consta- Gabon, deuxième rares, tantale, uranium… – tée par Thierry Lauriol, avo- producteur mon- ainsi que des phosphates. cat spécialisé sur les questions dial après la Chine, De par la composition et le sont estimées à minières au sein du cabinet volume de ses réserves en 200 millions de français Jeantet : « Les autominerais, ce sera l’un des prerités font preuve de pragma- tonnes. La Comilog miers du genre à être exploitisme et de professionnalisme. tés (quelques-uns existent en en a produit Pour elles, il s’agit de démarrer 3,4 millions en 2011. Amérique latine). N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
« Le gisement est très important mais compliqué. La valorisation de ces minerais demande un procédé totalement innovant, qui n’existe pas et que nous sommes en train de mettre au point, […] une méthode produisant un résidu qui doit être stable et géré minutieusement », a indiqué Philippe Vecten, directeur général délégué d’Eramet, branche manganèse. Le groupe développe en effet un procédé hydrométallurgique consistant à mettre en solution tous les métaux, avant de les séparer un à un. Une usine pilote sera construite sur le site en 2014. Cette unité de transformation implique l’emploi de quelque 150 personnes très qualifiées au plan local, qui seront notamment formées au sein de la future École des mines de Moanda, fruit d’un autre PPP engagé en septembre 2011 entre Eramet et le gouvernement. Les deux partenaires vont par ailleurs développer les réseaux hydraulique et ferroviaire, nécessaires à l’approvisionnement du site et au transport des minerais. À LA LOUPE. Les premières études d’im-
pact environnemental de Mabounié, dont un inventaire de la faune et de la flore, mais aussi des analyses pointues sur l’hydrologie et sur les conséquences pour la population (en termes de santé comme d’emploi) ont commencé le 21 janvier. L’exploitation devrait quant à elle intervenir en 2015 ou 2016. JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ? Les actions de l’État et de ses partenaires sont scrutées à la loupe par une société civile extrêmement vigilante sur les questions sociales et environnementales. L’association Brainforest dénonce notamment les dommages causés autour de sa mine de Moanda par la Comilog, contre laquelle une action en justice a été lancée en juin 2011 par un collectif d’habitants et de quatre ONG. Ces dernières critiquent aussi la convention signée avec China Machinery
Engineering Corporation (CMEC) et sa filiale, la Compagnie minière de Belinga (Comibel), pour l’exploitation de la mine de fer de Belinga (Nord-Est), en plein cœur de la forêt équatoriale. Alors que le projet est au point mort depuis 2008, le gouvernement a finalement suspendu la convention de la Comibel en décembre (lire p. 64). Ce gisement, dont les réserves sont estimées à quelque 1 milliard de tonnes, serait le troisième plus gros du continent.
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Sur ce dossier, l’État et la société civile, un temps opposés, semblent désormais s’accorder: le gouvernement a notamment redimensionné le projet (la surface exploitable a été réduite de 7 000 à 700 km2) et a fait réaliser un travail technique de recadrage. La convention avec CMEC dénoncée, reste à trouver un nouveau partenaireexpérimentédanslefer,comme Vale (le groupe brésilien avait déjà déposé un dossier en 2006) ou BHP Billiton. ● CHRISTOPHE LE BEC
Jean-Jacques Jung « Le site de Franceville est un choix stratégique »
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ouveau président de la filiale gabonaise de BHP Billiton, Jean-Jacques Jung n’est pas un néophyte. Avant de rejoindre le géant australo-britannique, en septembre 2011, il supervisait l’extraction de cobalt pour le canadien Sherritt International à Madagascar. Il connaît bien l’Afrique pour avoir été directeur général de Total en Côte d’Ivoire (19941997), d’Addax en Tanzanie (2001-2002) et de Galana à Madagascar (2002-2007). Arrivé à Libreville en octobre 2011, il étudie les possibilités d’exploitation du sous-sol et mène les négociations avec les autorités. Pour BHP Billiton, leader mondial du manganèse, troisième dans le fer mais aussi présent dans le pétrole, le Gabon, riche de ces trois ressources naturelles, devient stratégique. JEUNE AFRIQUE : La production de manganèse dans la région de Franceville pourra-t-elle commencer cette année, comme annoncé initialement ? JEAN-JACQUES JUNG: Nous sommes en
discussion avec le gouvernement gabonais pour finaliser la convention minière. Nous sommes d’accord sur la montée de l’État dans notre capital, à 20 %, avec une option d’achat complémentaire. Reste à fixer quelques points juridiques sur la manière dont Libreville peut exercer ses droits. Nous avons pris un peu de retard, car le pays a été mobilisé par les législatives puis par la Coupe d’Afrique des nations. JEUNE AFRIQUE
Mais je suis optimiste : nous devrions aboutir dans le courant du premier trimestre. Unefoislaconventionsignée, la construction des installations prendra dix-huit mois. Par conséquent, BHP Billiton commercialisera du manganèse gabonais au quatrième Passé par les groupes pétroliers TOTAL, ADDAX ET trimestre 2013, avec une pro- GALANA, il a pris ses fonctions à Libreville en octobre. duction annuelle d’environ 300 000 tonnes. Et d’ici à 2015, nous pasl’exploitation du gisement de Belinga, serons à 1,8 million de tonnes par an. jusqu’alors attribué au chinois CMEC ? En entrant au Gabon, BHP Billiton Le cours du manganèse a perdu 25 % n’avait pas l’intention de limiter ses en 2011. Cela remet-il en question votre ambitions au manganèse. Bien sûr, nous mine gabonaise ? regardons les possibilités dans le fer, mais Ce ne sont pas les cours actuels, très aussi dans le pétrole, où nous sommes volatils, qui déterminent notre implicatrès actifs. Nous avons informé les autotion dans un projet de long terme. Nous rités de notre intérêt pour ces matières sommes déterminés à rester leader dans premières, mais pour le moment il n’y a le manganèse, un minerai que nous tirons aucune discussion à propos de Belinga actuellement de deux mines en Afrique ou de tout autre gisement au Gabon. Il du Sud et en Australie. Or les capacités de est prématuré d’en parler. nos installations sud-africaines sont trop faibles; il nous fallait un site complémenSeriez-vous prêt à exploiter un gisement taire. Le Gabon, qui détient les troisièmes de fer avec un partenaire chinois au plus importantes réserves de manganèse Gabon, comme Rio Tinto en Guinée ? au monde, fait sens pour compléter notre Rien ne nous empêche de travailler avec dispositif. La mine de Franceville est un des Chinois, ce sont nos premiers clients choix stratégique mûrement réfléchi. en minerais! Nous comptons d’ailleurs de Nous n’allons pas reporter son démarrage! nombreux sous-traitants venus de Pékin. Pour le moment, nous n’exploitons pas de BHP Billiton est l’un des trois plus grands mine avec un groupe chinois, mais nous producteurs de fer, avec Vale et Rio ne nous interdisons rien. ● Tinto. Vous êtes-vous porté candidat à
Propos recueillis par C.L.B. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
BHP BILLITON
Leader mondial du manganèse, BHP Billiton souhaite doper sa production en s’implantant au Gabon. Le président de la filiale locale se dit aussi intéressé par le fer et le pétrole.
GABON NUMÉRIQUE L’ANINF connecte les Gabonais entre eux et au reste du monde
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MESSAGE
Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF) a été créée en janvier 2011 pour bâtir le « Gabon des services », l’un des trois piliers du plan d’action du président Ali Bongo Ondimba, le « Gabon émergent », avec le « Gabon industriel » et le « Gabon vert ». Elle doit permettre de faire du pays un acteur économique et social incontournable dans le secteur africain des TIC. L’agence fusionne dans cette tâche deux entités créées en 2010 : l’Agence Nationale de l’Informatique (ANI) et l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC). Placée sous la tutelle technique du ministre chargé de l’Économie numérique, elle est dirigée par M. Alex Bernard Bongo Ondimba.
TOUTE L’ÉQUIPE DE L’ANINF.
Coordonner l’effort national Les missions colossales de l’ANINF concernent aussi bien les télécommunications que l’audiovisuel et l’informatique. Son rôle principal : créer et gérer les infrastructures et les ressources nationales de transport et de connectivité communes à ces trois secteurs. Pour garantir la cohérence du système national, c’est elle qui valide tous les projets de l’économie numérique. L’agence établit un lien entre l’administration et les citoyens en rendant disponible les services administratifs en ligne (e-learning, télémédecine, e-governement…). Dans le secteur des télécommunications, elle élabore le plan national des fréquences radioélectriques, une tâche anciennement dévolue à l’Agence de régulation des télécommunications (ARTEL).
« Le Gabon numérique » Les missions de l’ANINF sont notifiées dans le détail à travers un plan opérationnel sectoriel 2011-2016 conçu autour de six axes stratégiques : AXE 1 : mise en place d’un cadre institutionnel AXE 2 : création d’un cadre juridique de la société de l’information AXE 3 : construction et opération de l’infrastructure numérique AXE 4 : normalisation et informatisation des grands registres unifiés de l’Etat
et des secteurs sociaux dans la société de l’information, du savoir et de la connaissance
La mise en application de ces axes se fait à travers 19 programmes, eux-mêmes décomposés en quarante projets.
MISE EN PLACE DES NOC/NDC.
Le « backbone » gabonais, colonne vertébrale numérique C’est la priorité de l’ANINF. Dans le cadre de la construction et de la gestion de l’infrastructure numérique, il s’agit de réaliser la colonne vertébrale terrestre du réseau de fibre optique national. Ce maillage de l’ensemble du pays, qui s’étendra sur près de 2555 Km, avec 2013 Km de câble enterré et 542 Km de câble sous-marin, permettra à toutes les localités du Gabon d’être desservies par le réseau haut débit. Une fois achevée, l’infrastructure fera du pays un point nodal des TIC dans la sous-région. De quoi lui garantir une place de leader dans ce secteur, en Afrique, ainsi que dans ses applications socio-économiques. Il est déjà classé huitième sur le continent et premier au sein de la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale ), sur l’indice de développement des TIC publié en 2010 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’agence des Nations unies pour les TIC.
ZOOM sur… Tous les projets menés ou coordonnés par l’ANINF ne sont pas au même stade d’avancement. Tour d’horizon de ceux qui sont aujourd’hui les plus avancés.
LE DATACENTER L’ANINF gère directement le projet Datacenter (centres de traitement de données). Ces plateformes de gestion permettent pour des administrations ou des grandes entreprises, sous stricte surveillance, de stocker, sauvegarder, traiter et transmettre rapidement de vastes quantités de données informatiques. Il permettra par exemple de recevoir les données du projet Plan National Géomatique, que l’ANINF a récupéré en décembre dernier des mains du directeur général du Budget, ainsi que l’ensemble des applications à caractère transversal de l’administration gabonaise.
LE PROJET WIMAX Le projet WiMax vise à doter l’administration gabonaise d’un réseau d’accès sans fil haut débit qui interconnecte l’ensemble des sites de l’administration, mais aussi qui permette la mise en place d’un réseau de téléphonie interne dans lequel tous les agents de l’Etat pourront
ANTENNE WIMAX.
communiquer gratuitement entre eux. Le WiMax sera disponible dès le début de l’année à Libreville et Franceville, les deux villes qui accueillent les rencontres de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 (CAN), et dans le reste du pays après la compétition.
« GABON ON LINE » Le projet Gabon On Line (GOL) vise à offrir une vitrine internet à l’ensemble des ministères du Gabon et à créer un portail gouvernemental. Des services en ligne seront proposés à la population, aux entreprises et aux personnels de l’Etat. Il s’agit en un mot de créer un lien direct entre l’Etat et ses administrés. Le projet est structuré autour de trois composantes : un portail de la République gabonaise, un intranet administratif et une plateforme de vidéoconférence et de présentation interactive.
GEDU@LIGNE : L’E-EDUCATION GABONAISE L’ANINF mène également des projets en partenariat avec différents ministères. « Gedu@ligne » (Gabon éducation en ligne) est l’un d’eux. Il offre au système éducatif gabonais d’intégrer des technologies de l’information et de la communication. Il a été adopté en novembre dernier dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’ Éducation et les responsables éducation de Microsoft Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest. Il proposera notamment la publication des données administratives, des absences, des notes, des emplois du temps, des annuaires ou encore un espace de messagerie et de travail collaboratif grâce à la solution Live@Edu.
A GENCE N ATIONALE DES I NFRASTRUCTURES N UMÉRIQUES ET DES F RÉQUENCES
Cours Pasteur (Immeuble de la Solde) • B.P. 798 • Libreville, Gabon Tél.: + 241 79 52 77 • www.aninf.ga
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
AXE 5 : mise en place de l’e-gouvernement AXE 6 : accompagnement du secteur productif
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HYDROCARBURES
Retard au démarrage pour Gabon Oil Company Promesse électorale de 2009, la société nationale pétrolière n’est pas encore opérationnelle. Mais GOC devrait entrer en activité cette année.
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ne société nationale chargée de contrôler la participation de l’État dans l’industrie pétrolière mais aussi de gérer l’exploration, l’exploitation et la distribution des hydrocarbures. L’annonce de la création de Gabon Oil Company (GOC), faite en mars 2010, a été l’une
des décisions phares du début de mandat d’Ali Bongo Ondimba. Mais près de deux ans plus tard, « on ne voit rien de concret venir », indique un ancien cadre de Shell basé à Libreville : « La compagnie n’est pas encore visible sur le terrain et n’a apparemment pas encore de bureaux. »
UN PATRON VENU DE CHEVRON C’EST EN AUSTRALIE que Libreville est allé chercher, en juin 2011, le PDG de Gabon Oil Company (GOC). Serge BriceToulekima était depuis deux ans cadre chez l’américain Chevron. Ingénieur diplômé des universités américaines West Virginia etTexas A&M, il a derrière lui dix-sept années d’expérience dans l’industrie pétrolière. Avant Chevron, de décembre 2006 à janvier 2009, il était ingénieur spécialiste des réserves pour la major australienne Santos. Mais c’est au Gabon qu’il a passé le plus gros de sa carrière, soit près de douze ans au sein de la filiale locale de l’anglonéerlandais Shell. En tant que patron de GOC, il est assisté par Milko Binza Moussirou, vice-président chargé de l’amont : celui-ci travaillait auparavant pour Caesar Systems, un fournisseur de logiciels d’exploration et d’exploitation pétrolières. Les deux hommes se connaissaient déjà S.B. pour avoir travaillé ensemble à Shell Gabon entre 1995 et 1997. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Sur son site internet, GOC n’apporte guère plus d’informations. « Gabon Oil Company va avoir ses premiers bureaux à Libreville. Ces bureaux temporaires vont recevoir les premiers employés de la société dans les semaines à venir. À noter que Gabon Oil Company comptera une douzaine d’employés au premier trimestre 2012 et une quarantaine de personnes fin 2012 », indique, sans d’autres précisions, un bref communiqué datant du 12 décembre 2011. En somme, la société devrait réellement démarrer ses activités cette année. PRENDRE SES MARQUES. Mais déjà
les autorités du Gabon s’efforcent de la mettre en avant. Ainsi lors de l’officialisation, à la mi-décembre, de deux contrats d’exploration et de partage des revenus sur des zones offshore au large d’Omboué (Ouest) entre Libreville et le franco-britannique Perenco. D’après le communiqué publié à cette occasion, l’État gabonais est propriétaire, à travers GOC, de 20 % de chaque permis concerné, avec la possibilité d’obtenir 15 % supplémentaires aux conditions du marché. Une trentaine de millions d’euros d’investissement en moyenne sont prévus pour chaque champ. Reste qu’« il apparaît clairement que la nouvelle société a du mal à prendre ses marques », poursuit l’ancien cadre JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ? ð Sur la plateforme pétrolière TORPILLE, au large de Port-Gentil.
de Shell. De fait, il s’est déjà écoulé un an entre l’annonce de la création de GOC et sa naissance effective. Celle-ci est intervenue le 30 mars 2011 lors d’un Conseil des ministres tenu à Port-Gentil, qui a décidé de la création de la Société nationale des hydrocarbures du Gabon sous le nom commercial de Gabon Oil Company. Parmi les obstacles au démarrage effectif des activités de GOC, la question des ressources humaines revient souvent. « Si l’idée de la création d’une compagnie nationale pour prendre une part plus active dans l’industrie pétrolière est une bonne chose [le Gabon était jusqu’alors le seul pays producteur d’Afrique subsaharienne n’en possédant pas, NDLR], reste à trouver les hommes capables de mener à bien ce projet », indique un Gabonais qui travaille pour la filiale locale d’un groupe pétrolier étranger. Un autre ingénieur de la direction des
hydrocarbures, qui a demandé l’anonymat, confirme: « La plupart des Gabonais qualifiés dans le domaine sont à l’étranger. Le défi consiste à les convaincre de revenir travailler au pays. » RÉTICENCES. Mais il n’y a pas que l’aspect
Par ailleurs, pour permettre à la jeune compagnie de démarrer sereinement ses activités, les autorités du pays devraient déminer le terrain des sociétés de trading, qui perdront une partie de leurs recettes avec l’arrivée de GOC. Jusque-là, ce sont ces sociétés – et notamment Petrolin Group, dirigé par Samuel Dossou-Aworet, ancien conseiller d’Omar Bongo Ondimba – qui assuraient la commercialisation des parts de la production pétrolière revenant au Gabon,
ressources humaines. Telle qu’elle est présentée, la compagnie a vocation à reprendre les prérogatives de la direction générale des hydrocarbures, ce qui peut susciter des inquiétudes, voire des réticences, au sein de cette dernière institution Parmi les obstacles au lancement qui dépend du ministère effectif de la compagnie, des Mines, du Pétrole et des le manque de personnel qualifié. Hydrocarbures. « On peut transférer à GOC l’équipe de en contrepartie d’une commission. Les la direction des hydrocarbures. Ainsi, le ministère jouera le rôle de régulateur du montants en jeu sont énormes. En 2011, secteur », propose Charles Tchen, du cabipar exemple, le secteur pétrolier gabonais net Independent Petroleum Consultants a généré des recettes d’exportation de (IPC). Autre approche possible : définir quelque 8,8 milliards de dollars (6,8 milclairement les champs d’action de chaliards d’euros). Autant dire que la tâche cune de ces structures, pour éviter des est loin d’être aisée. ● rivalités entre elles. STÉPHANE BALLONG
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éritable hymne au bien-être, l’alliance du rafQnement et de la convivialité par excellence.
Situé à Libreville, face à l’Océan Atlantique dans le Golfe de Guinée, elle se pose avec grâce dans le quartier résidentiel de la Sablière à cinq minutes de l’aéroport.
Cadre charmant à la décoration et aux couleurs chaleureuses, la Résidence MAÏSHA compte 21 suites et chambres aux noms évocateurs de Peuves et afPuents du Gabon ou de régions exotiques du monde (Vénitienne, Chinoise, Fontainebleau,Versailles,…)
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AMBIANCE
Ronde de nuit au quartier Louis Le soir venu, ce paisible arrondissement de Libreville s’anime. C’est le point de rencontre des fêtards de la capitale. De l’apéro à l’after, du restau au night-club, petite virée à la lumière des néons.
À
«Elbèv»(diminutifde«LBV», pour « Libreville »), les rois de la nuit ont rendez-vous dans l’ancien domaine du roi Louis, un quartier-discothèque en forme de triangle des Bermudes où l’on accourt pour se perdre avec joie dans la moiteur des nuits tropicales. Si, à Abidjan, la rue Princesse est morte sous les mâchoires des tractopelles, à Libreville, le quartier Louis est ressuscité, après les chasses aux mineurs et aux « tuées-tuées » (prostituées) organisées depuis la fin de 2009 par la brigade des mœurs et qui ont, un temps, cassé l’ambiance de ses nuits folles. Le jour, Louis est calme. Un arrondissement paisible, semé de maisons blanches accrochées à la colline, caressé par la brise marine. Quelques rares voitures sillonnent les rues. Sous un soleil de plomb, des ménagères reviennent du marché, chargées de sacs de riz et de bâtons de manioc. On croirait Louis à des années-lumière des grands boulevards et des bétons du centre-ville… qui n’est pourtant qu’à quelques coups de volant. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Mais quand vient le soir, la métamorphose s’opère. Par un jeu de vases communicants, le quartier des affaires se vide… et Louis se remplit. ON SE SAPE. Pas question de s’y rendre en tenue de maquisard. Pour s’y montrer, on se soigne, on se sape, on enfile ses plus belles marques (il faut dire que pour elles – et pour Louis –, on a pris un crédit à la BGFI). Élégants et légionnaires, étudiants et hommes d’affaires, belles griffées et tuées-tuées griffues transforment le quartier-village en une grouillante fourmilière: les 4x4 de luxe encombrent les trottoirs, alors qu’une foule désordonnée marche au milieu de la chaussée. Sous les néons, la nuit à Louis est un jour rouge et vert et vibre du beat qui s’échappe des bars et des boîtes. De l’apéro à l’after, les établissements offrent toutes les ambiances, toutes les solutions, pour toutes les populations. Black ou white, à Louis, tous les chats sont gris ! En début de soirée, la tournée à l’Absolute – la boîte fashion sise
Les voitures de luxe encombrent les trottoirs, les NOCTAMBULES investissent les rues…
à Port-Môle – sera pariée sur une table de billard au Pakito, du rock live dans les tympans. Puis direction le Wapiti ou le Butterfly pour un apéro ambiancé, avant d’aller faire le plein de calories en prévision de la nuit sportive qui s’annonce. Ragoût de porc-épic à l’odika ou pâtes à la truffe ? Il y en a pour tous les palais, pour tous les prix. Mais côté gastronomie branchée, c’est la mode italienne qui est à la carte, et le Roma, cher et chic, fait le plein tous les soirs. Pour les adeptes du gaboma way of life, l’institution reste l’Odika, avec son crabe farci et son ragoût de viande de brousse arrosé d’une bonne Regab, la bière nationale. Plus tard, le karaoké du Cotton Club reste un incontournable… surtout pour les militaires et les businessmen blancs. Histoire de se chauffer un peu la voix avant d’aller hurler des mots doux dans les 180 décibels du Balajo ou du No Stress (lire p. 93). Un dernier rhum-gingembre, le soleil se lève. Dans le jour naissant, les rues sont vides. Quelques rares taxis brinquebalants klaxonnent un dernier fêtard qui titube… pendant qu’une ménagère, chargée de sacs de riz et de bâtons de manioc, remonte paisiblement la colline. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
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DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
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L’État vient de racheter L’OKOUMÉ PALACE (Libreville) au libyen Laico. TOURISME
Étoiles, fourchettes et Coupe d’Afrique Organisation de la CAN 2012 oblige, le parc hôtelier a été remis à niveau dans l’urgence. Il en avait bien besoin ! Les autorités distribuent désormais les bons points aux structures d’hébergement et aux restaurants.
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rganiserla28e Couped’Afrique des nations (CAN) de football a suscité bien des inquiétudes. L’événement, qui se tient depuis le 21 janvier et jusqu’au 12 février 2012 au Gabon et en Guinée équatoriale, a révélé la très faible capacité d’accueil du pays. Avec un parc hôtelier vieillissant et plusieurs chantiers inachevés, dont ceux des hôtels Dialogue et Rapontchombo, à Libreville, il devenait urgent d’accélérer. D’autant qu’à un an de l’échéance, un inventaire commandité par le ministère du Tourisme constatait un cruel déficit de près de 2 000 chambres. De gros efforts ont donc été déployés pour combler cette carence. Au bout du compte, huit hôtels, dont trois à Libreville, ont été construits pour les besoins de la compétition. Ils accueillent actuellement les délégations officielles, la presse internationale et les visiteurs de la CAN 2012. Les invités partis, ces établissements vont devoir trouver une place dans un paysage hôtelier devenu plus concurrentiel. Mieux N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
non plus été reconstruit par le groupe libyen, qui avait pourtant promis de bâtir un complexe hôtelier sur le beau site du front de mer. Les rêves d’expansion de Laico s’étant évanouis avec la disparition de Kaddafi, les Libyens ont quitté le pays. Mais d’autres investisseurs sont prêts à parier sur le tourisme gabonais. Ainsi, après plus d’un an de négociations, le singapourien Amanresorts et les autorités gabonaises ont conclu le 11 janvier un protocole d’accord pour la construction de six hôtels et lodges haut de gamme, à Libreville et dans cinq parcs nationaux. De même, l’américain Marriott envisagerait de construire un hôtel de luxe à Libreville, faisant ainsi du Gabon le point de départ de son implantation en Afrique centrale. Le groupe y trouvera des concurrents àl’expérience africaine éprouvée, à l’instar du français Accor : « Nous sommes complets du 3 au 13 février », se félicitePascalFouquet,patronduMéridien Re-Ndama de Libreville. Pour réserver le meilleur accueil aux participants et visiteurs de la CAN 2012, l’enseigne étoilée a « rafraîchi » ses chambres, renouvelé ses équipements et fait venir de Bruxelles des formateurs de la chaîne pour améliorer la qualité du service. LA CLASSE! Ce type d’efforts sera désormaisrécompenséparlaDirectiongénérale de l’hôtellerie et du contrôle des hôtels (DGHCH), qui, le 28 novembre, a lancé une opération d’évaluation de tous les établissements d’hôtellerie et de restauration du pays afin de se conformer aux desiderata de la Confédération africaine de football, qui exige que les délégations officielles bénéficient d’un hébergement de trois étoiles au moins.
vaut tard que jamais, étant donné que le Gabon souhaite se positionner comme pays hôte d’événements internationaux. L’organisation du tournoi a également rebattu les cartes dans l’hôtellerie de tourisme. L’Okoumé Palace de Libreville, l’un des principaux établissements existants, a changé de propriétaire. Contre un chèque de 12 milHuit hôtels, dont trois à Libreville, liards de F CFA (18,3 millions ont été construits pour d’euros), l’État l’a racheté en les besoins de la compétition. décembre à la Libyan African InvestmentCompany(Laico), soit pour 2 milliards de plus que le prix LaDGHCHattribuedoncdésormaisdes auquel l’hôtel avait été cédé, en 2007, au fourchettes aux restaurants et des étoiles groupe d’investissement libyen. La déciaux hôtels, en fonction de critères tels que la surface du hall d’accueil, des chambres sion de ramener cet établissement dans et des salles de bains, la disponibilité de le portefeuille des entreprises à capitaux l’eau chaude, la climatisation, la présence publics relève d’un constat d’échec. En effet, lors de la signature de la convention, d’au moins un ascenseur selon l’architecle repreneur libyen s’était engagé à investir ture du bâtiment ou encore le nombre de dans la réhabilitation de l’immeuble. En langues étrangères parlées par le persondépit des mises en demeure des autorinel. De quoi aligner les prestations sur les tés, les travaux n’ont jamais été effectués. standards internationaux. ● Détruit en 2008, l’hôtel Dialogue n’a pas GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Faut-il croire à l’émergence ?
Bar lounge en première partie de soirée, discothèque plus tard dans la nuit, c’est the place to be pour les Librevillois branchés comme pour les visiteurs de passage.
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est le bar lounge où le Libreville branchéseretrouveenpremière partie de soirée. Signe extérieur d’une clientèle aisée : dès la tombée de la nuit, deux rangées de gros 4x4 obstruent les trottoirs de la Montée-Louis, sur le front de mer. Tous s’y précipitent après le dîner: trentenaires et quadra amateurs de soul et de hip-hop, cadres cosmopolites et hédonistes, hommes d’affaires de passage appréciant l’ambiance afro et les saveurs caribéennes… Le décor intime et chaleureux du No Stress y est certainement
TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A.
Rendez-vous au No Stress
ð DÉCOR intime, AMBIANCE afro et SAVEURS caribéennes.
pour quelque chose. La pénombre de ses salons, d’où l’on peut voir sans être vu, ajoute au charme discret des lieux. Et puis, il y a la musique. Ella Fitzgerald, Billie Holiday, George Duke, Minnie Riperton, Franco, Papa Wemba, mais aussi Lauryn Hill, David Vendetta… La programmation musicale constitue l’élément clé du concept. D’autant qu’après minuit « le bar lounge passe en rythme club », explique Éric Aimo, le patron, un Corse de 35 ans, toujours aux commandes après une fermeture de trois ans.
L’établissement, créé en 2002, a rouvert en août dernier à quelques centaines de mètres de son ancien emplacement : fini le décor de cabane africaine, place à une nouvelle ambiance d’entrepôt newyorkais. Pied-à-terre gabonais des artistes Joey Starr et Sean Paul, le bâtiment blanc sent encore la peinture. Le succès du No Stress a fait des émules au-delà même des frontières gabonaises. Séduits par le concept, des projets similaires ont adopté la même enseigne à Douala et à Brazzaville. ● G.D.
Investir en Afrique En tant que leader international et Chef de file mondial dans les commodités agricoles, Olam investit industriellement en apportant les dernières technologies dans le secteur de la transformation de manière à satisfaire aussi bien les besoins locaux que ceux liés à l’exportation des produits finis. Avec 45 projets en cours de réalisation y compris celui de 1,2 milliard d‘USD lié à l’usine de production d’urée au Gabon, Olam a pris part au développement des économies et a établi un partenariat avec de nombreux pays d’Afrique. Ces développements permettent de consolider les bases industrielles, créer de nombreux emplois et valoriser au mieux les ressources naturelles du continent Africain.
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MUSIQUE
Les bons mots de Movaizhaleine
Maniant les symboles de l’identité africaine et peu avare de critiques à l’égard des puissants, le duo rappe depuis vingt ans. Probablement le meilleur groupe de hip-hop gabonais. ð LORD ÉKOMY NDONG (à g.) et MAÂT SEIGNEUR LION.
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Engongole, enregistrée en 2009 : l’hyperbole (« Du bois sur des centaines de milliers de kilomètres / Mais incapable de produire même une tige d’allumette »), la métonymie (« La politique cache dans ses poches toutes les banques »), l’anaphore (« Pitié, on a privatisé la terre de nos pères / Pitié, on a ignoré la langue de nos mères / Pitié, on a renié la culture de nos aïeux »), l’antithèse (« Pays béni des dieux / Y a tout, mais tout manque »)…
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était un jour comme les autres de 1992, mais celui-ci allait marquer l’histoire du hip-hop made in Gabon. Dans la salle de permanence du lycée national Léon-Mba de Libreville, une bande de cinq collégiens décidait de créer, sous le nom de Bad Breath, ce qui deviendrait le meilleur groupe de rap gabonais. Finalement rebaptisé Movaizhaleine, il sera réduit à un duo à la fin de l’année scolaire suivante. Vingt ans plus tard, les gamins sont devenus adultes: ils ont fondé leur propre label indépendant (Zorbam Produxions); ils collaborent avec les grands noms du hip-hop et du R’nB mondial (dont l’Américain R. Kelly) ; ils ont signé en 2011 un contrat avec un label de Sony Music Africa (Rockstar 4000) ; ils font des tournées africaines et se produisent dans des salles parisiennes. Pour le reste, rien n’a changé pour Ékomy Ndong Mba Meyong, alias Lord Ékomy Ndong, et Yvon Martial Moussodou-Mam, dit Maât Seigneur Lion. S’éloignant des stéréotypes collant au gangsta rap, ils se veulent les hérauts du « rap conscient » à l’africaine. Et le duo n’a pas peur ne manipuler les symboles. Selon l’habituelle mise en scène, bien orchestrée, Movaizhaleine ouvre N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
INFLUENCE. Il faut voir – et entendre – les centaines de jeunes reprendre en chœur leur flow jalonné de critiques acides et acérées contre le pouvoir gabonais pour mesurer l’influence acquise par Movaizhaleine au fil des années. chacun de ses concerts au son du mvett, la « Trente ans que le pétrole génère des harpe sacrée, que le père de Lord Ékomy milliards de francs / Et le pays est dans Ndong, l’écrivain et chercheur gaboce même état de sous-développement / nais Philippe Tsira Ndong Ndoutoume L’amour que je porte à cette (décédé en 2005), a contripatrie qui est la mienne / Me bué à faire connaître dans Six albums une trilogie culte, Le Mvett. incontournables pousse à verbaliser en live des cités mapanéennes / Symbole de l’oralité, Depuis toujours les cet instrument accommêmes vols, les mêmes pagne les récits guergestes / Les mêmes faux riers de l’épopée des opposants qui retournent Fangs, qui a conduit leur veste / Les mêmes ce peuple du Haut-Nil têtes, en accord avec ces (Égypte) jusqu’en Afrique 2007 gens de l’Ouest / Qui centrale. Autre symbole : On détient Maât Seigneur Lion a choisi financent les guerres avec la harpe sacrée, son pseudonyme dans la le peu d’argent qui reste. » tome II mythologie égyptienne, Maât La libre expression de 2005 étant la déesse de la vérité Movaizhaleine n’est pas touOn détient et, par extension, du combat jours agréable aux oreilles des la harpe sacrée, contre l’injustice. puissants. Lesquels, jusqu’à tome I Côté forme, Movaizhaleine présent, ont pourtant subi les 2001 est un formidable créateur de chargessansjamaisbroncher. langage. Les textes sont riches Lord et Maât ont même été Mission akomplie en néologismes, les bidoninvités à participer au dernier 1999 villes y sont tantôt des « matiFestival Gabao, du 30 juin au Mission à Mbeng tis », tantôt des « mapanes », 3 juillet2011. Et, c’est désorles copains des « combis »… mais une tradition, ils ont 1997 Dans leur logorrhée révoltée, donné leur grand concert Nyabinghi les deux compères usent et annuel, le Show du pays, en 1994 abusent des figures de style, septembre, à Libreville. ● La Loi du talion comme dans la chanson GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
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Économie CAMEROUN
ASSURANCES
Allianz Africa, un centenaire très actif
TOURISME
Marrakech fait le gros dos
L’empire Fotso
Entre le patriarche Victor Fotso et son héritier présumé, Yves-Michel, incarcéré depuis plus d’un an, le torchon brûle. Des tensions qui minent le conglomérat familial, déjà durement touché par la concurrence asiatique. Les solutions pour relancer l’activité sont rares.
GEORGES DOUGUELI
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ntreVictorFotsoetYves-MichelFotso, c’est la rupture. Le premier, 86 ans, est le président fondateur d’un empire familial présent dans l’industrie, l’agroalimentaire, la banque et les services. Et le deuxième, 51 ans, est l’héritier déchu, qui trônait, jusqu’en décembre dernier, au poste de vice-président exécutif d’un groupe emblématique du Cameroun, avec un chiffre d’affaires évalué à 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros) – un montant invérifiable vu l’opacité du groupe. Aucune conciliation ne semble plus en mesure de rapprocher l’ex-golden boy embastillé à la prison centrale de Yaoundé depuis décembre 2010 et qui était devenu en 1999 le patron exécutif du conglomérat familial, et son père. Le conflit s’aggrave et menace Joseph Fotso, qui l’existence même du groupe, qui n’appartient pas au clan, a employé jusqu’à 5000 salariés. sera-t-il le nouvel Le 22 décembre a été publié le procès-verbal de l’assemblée homme fort du groupe ? générale mixte du 27 mai. Il prenaitactedemanièrelaconiquedelasortiedugroupe de deux sociétés : SFA Cameroun (spécialisé dans le montage et la recherche de financements ainsi que dans le rachat de créances publiques) et CFH Cameroun (filiale de Capital Financial Holdings, qui coiffe les activités de Commercial Bank). Une décision excluant de facto de l’exécutif du groupe Yves-MichelFotso, fondateuret président du conseil d’administration des deux sociétés. Le même jour, Joseph Fotso avait été coopté au conseil d’administration. S’il n’appartient pas à la famille,cedernierofficiedansleconglomératdepuis plusieurs années : il a été le patron de SFA Gabon avant d’intégrer le groupe Commercial Bank pour en gérer l’informatique et la monétique. Joseph Fotso est-il le futur homme fort du groupe ? « Pour l’instant, nous n’en savons rien », déplore un chef N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
d’entreprise membre du Groupement interpatronal du Cameroun. Il n’est pas sûr que l’orage qui a tiré Victor Fotso d’une paisible retraite à Bandjoun (ouest du pays) soit terminé. Fin de partie pour Yves-Michel Fotso? Son ascension fulgurante a en tout cas été brisée par l’éclatement de l’affaire Albatros, née de soupçons de détournement de fonds publics destinés à l’achat (avorté) d’un Boeing présidentiel. L’infortune de l’héritier, choisi par Victor Fotso au sein d’une fratrie comptant une bonne centaine d’enfants, enhardit certains de ses frères et sœurs, qui mettent tout en œuvre pour le déstabiliser. Pris en étau entre les vieilles rancunes familiales et les rivalités professionnelles exacerbées, Yves-Michel Fotso est poussé vers la sortie et officiellement « mis en réserve » de l’entreprise. Il est vrai que son indisponibilité JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
PORTRAIT
du Port autonome d’Abidjan
général de la Société ivoirienne de banque
Hien Sié Directeur général
Daouda Coulibaly Futur directeur
TUNISIE
La Star retrouve la lumière
se déchire
Cameroun pour la fabrication de piles électriques, en récompense de services rendus au pays; il avait notamment offert 600 bouteilles de champagne Laurent-Perrier Grand Siècle pour le bal du dixième anniversaire des indépendances, en janvier 1970… CONTREBANDE. S’il prenait les rênes du groupe,
MABOUP
Joseph Fotso n’aurait, lui, nul motif de sabler le champagne. Son premier défi : juguler la baisse d’activité qui menace de ruiner les entreprises du pôle industriel. La contrefaçon et l’invasion du marché par les produits asiatiques ont fragilisé les fleurons comme Pilcam. Cette unité de production de piles électriques, basée à Douala, employait 800 personnes et réalisait 13 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2007 (son dernier résultat connu). Un chiffre en baisse de 2,4 milliards de F CFA par rapport à 2006. Importations massives et contrebande sont à l’origine de la cession, en juillet 2010, de la fabrique d’allumettes Unalor, au Cameroun. L’activité de Safca, leader de la fabrication des cahiers dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), a fondu de moitié, à 2 milliards de F CFA. La société s’est diversifiée dans l’imprimerie et a absorbé Sopicam (insecticides) et Fabasem (emballages), deux entités du groupe. Hors de ses frontières, le conglomérat a dû fermer ses usines d’allumettes et de piles au Mali, au Sénégal, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Liberia, au Ghana et en Angola. Pour contrer ces difficultés, Yves-Michel Fotso avait tenté de jouer la carte asiatique. En janvier 2007, il était devenu résident de Singapour, autant pour échapper aux premiers soupçons Selon ses proches, LE FILS N’A PAS SUPPORTÉ distillés contre lui dans son pays que pour trouver, LE SILENCE DU PÈRE dans la région, des investisseurs pour son groupe. Il depuis le début de souhaitait aussi négocier la formation de coentreses ennuis judiciaires. prises avec des industriels chinois afin d’importer des produits (allumettes, piles électriques…) sur le continent. Une stratégie qu’il n’a pu faire aboutir, rattrapé par une machine judiciaire aussi sélective qu’impitoyable. Et pourtant, les déboires du Depuis la fin de 2009, pôle industriel sont presque SFA et Commercial Bank anodins par rapport au catasont sous l’autorité d’un clysme qui a dévasté les activités financières et bancaires, fierté de administrateur judiciaire. l’ex-patron incarcéré. Alors qu’ils se montaient à 18 millions d’euros en mai 2008, les fonds propres du fleuron Commercial BankCameroun (CBC) se sont révélés quasi inexistants
commençaitàenentraverlabonnemarche.D’autant que le verdict ne semble pas près de tomber dans son affaire, dont l’instruction pourrait encore durer. Loindeselimiteraumondedesaffaires,larupture entre les deux hommes est passionnelle. Selon ses proches, le fils n’a pas supporté le silence du père depuis le déclenchement de ses ennuis judiciaires. VictorFotso est pourtant réputé proche du président de la République, Paul Biya, qui suit de près l’affaire Albatros. Le patriarche n’a pas assisté au mariage de son fils, célébré à la prison de Yaoundé en mai dernier. Il ne l’a revu que le 9 juin, dans une pièce du pénitencier, lors d’une conciliation. Peine perdue. Victor Fotso n’est pas sorti de sa réserve. Il sait ce qu’il doit aux régimes d’Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya, qui ont favorisé son ascension. Cet autodidacte a par exemple obtenu l’unique agrément délivré au JEUNE AFRIQUE
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Entreprises marchés en 2009, si l’on en croit tout au moins les termes d’un audit de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Conséquence: en novembre 2009, l’instance de régulation plaçait l’établissement, ainsi que ses filiales au Tchad, en République centrafricaine et à São Tomé e Príncipe, sous administration provisoire. En même temps, la Cobac retirait son agrément à SFA Cameroun. Au 31 décembre 2009, les pertes cumulées étaient évaluées à 8,6 millions d’euros, selon le même audit. ÉVAPORATION. Pourtant, au temps de sa splendeur,
en 2007, quand la Société financière internationale (SFI, du groupe Banque mondiale) et la Banque européenne d’investissement (BEI) frappaient à la porte pour entrer au capital, le groupe Commercial Bank affichait un total de bilan de plus de 260 milliards de F CFA et employait 600 salariés. Pour expliquer l’évaporation des fonds propres de la banque, la Cobac a conclu que des crédits « ont été octroyés essentiellement à des entités qui font partie du groupe Fotso, principal actionnaire, ou à des bénéficiaires considérés comme sensibles ou douteux ». De plus, le groupe a perdu 20 milliards de F CFA, investis pour s’implanter en Guinée équatoriale (un siège avait été construit), après la décision par les autorités de Malabo de l’empêcher d’y exercer toute activité bancaire, en 2002. Depuis la fin de 2009, SFA et Commercial Bank sont placés sous l’autorité d’un administrateur judiciaire,MartinLutherNjangaNjoh.Finnovembre dernier, il a lancé un appel pour ouvrir le capital de CBC à d’éventuels investisseurs. Le versement de 42 milliards de F CFA de dommages et intérêts par l’État équato-guinéen à la suite d’une décision de novembre 2011 de la cour d’arbitrage de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) pourrait apporter une belle bouffée d’oxygène au groupe.
LES ENFANTS DU FONDATEUR RESTENT À LA TÊTE DES FLEURONS DU GROUPE
Pôle industriel Pilcam (piles électriques) DG1 : Franck Fotso CA2 : 20 millions d’euros en 2009 Safca (papeterie, imprimerie, emballage et chimie, possède aussi une imprimerie au Tchad) DG : Barthélémy Fotso CA : non communiqué Proleg SA (production et conditionnement de haricots verts) DG : Martial Fotso CA : 36,6 millions d’euros en 2010
EN PRISON, LES AFFAIRES CONTINUENT… « LE CONTENEUR ARRIVE LUNDI, Cécile te verra »: ce SMS intercepté le 18 juin 2011 à 20 heures par la police camerounaise et abondamment diffusé dans la presse a-t-il été envoyé parYvesMichel Fotso (YMF) à un douanier du port de Douala? L’intéressé ne l’a pas démenti. Cécile Fotso, 37 ans, que le détenu du quartier spécial 13 bis de la prison centrale deYaoundé a épousée en mai dernier, est, il est vrai, son principal relais vers l’extérieur, même si d’autres collaborateurs – « Étienne », « Hilaire »… – lui permettent de gérer ses activités.YMF a conservé son comptable André Wémo, parle beaucoup à Georges Djadjo, directeur général de Capital Financial Holdings (CFH). Mais ses ennuis ont éclairci les rangs de ses amis. Il s’est brouillé avec son lieutenant ClaudeTchuindjang, qui a quitté le pays. Nombre de cadres ont pris leurs distances, voire quitté le groupe, comme l’ex-patron de la communication, Alex Mimbang. Parti aussi, Jean-Pierre Nzuetom, ex-directeur administratif et financier de CFH. L’hyperactivité d’YMF a suscité la méfiance de l’administration pénitentiaire: il doit désormais rejoindre sa cellule G.D. dès 19 heures, contre 22 heures pour les autres détenus. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Pôle services Compagnie internationale de services (location d’immeubles en France) DG : Lucie Fotso CA : 1,1 million d’euros en 2010 SCI Lydie (créé en 2009, gère des immeubles au Cameroun) DG : Yves-Michel Fotso CA : non communiqué Groupe Commercial Bank Sous administration judiciaire depuis 2009, à la recherche d’investisseurs depuis novembre dernier 1. Directeur général, 2. Chiffre d’affaires
Pour l’instant, les détracteurs d’Yves-Michel lui reprochent d’avoir « bluffé » son père en propulsant dans l’univers de la finance, mêlant jeux financiers et innovations comptables complexes, un groupe familial spécialisé à l’origine dans le négoce, la manufacture et la chimie. Yves-Michel Fotso a-t-il manqué de rigueur dans la gestion ? Lui se dit victime d’un complot. En décembre 2010, il écrivait à Amadou Ali, ministre de la Justice du Cameroun : « Alors que j’ai obtenu la confiance de deux groupes bancaires de renom, Qatar Islamic Bank et le groupe NSIA de Côte d’Ivoire, le mandataire de la Cobac, constatant des avancées substantielles dans les négociations engagées, n’a rien trouvé de mieux que d’entrer en contact avec les investisseurs potentiels pour distiller des allégations incroyablement alarmistes sur la situation de la banque et celle de son promoteur Yves-Michel Fotso. » Difficile de voir aujourd’hui comment le groupe pourra rebondir et panser ses plaies. La société de transport privé Air Leasing, créée par YvesMichel Fotso en 2004, a cessé de voler le 26 juin dernier. Ses trois appareils sont cloués au sol et l’homme d’affaires s’est brouillé avec ses actionnaires, compromettant la reprise de l’exploitation. Aujourd’hui, l’empire Fotso n’a plus que quelques planches de salut. Outre l’immobilier (Compagnie internationale de services), il peut s’appuyer sur la bonne tenue de sa branche agroalimentaire : l’activité de Proleg, fournisseur en haricots verts du français Bonduelle, avec un chiffre d’affaires estimé à 24 milliards de F CFA, reste bien orientée. Tout comme l’activité bancaire au Tchad, où le conglomérat conserve 17 % de Commercial Bank of Tchad. Un bilan bien maigre pour un groupe dont l’image risque d’être durablement entachée par des « affaires » douteuses selon les uns, par un acharnement judiciaire infondé si l’on en croit le détenu de Kondengui. ● JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés ASSURANCES
Allianz Africa, un centenaire très actif
Présent sur le continent depuis 1912 à travers AGF, racheté en 2007, le groupe allemand ouvre une agence au Congo. Désormais, il vise l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est.
le Cameroun (27 % du chiffre d’affaires) et le Sénégal (17 %). Au plus fort de la crise postélectorale, Allianz a dû fermer sa filiale d’Abidjan durant quatre semaines: « Nous n’avons subi aucun vandalisme, et aucun de nos 80 collaborateurs n’a été affecté. Mais l’activité repart plus lentement que nous ne l’avions anticipé, compte tenu notamment des problèmes d’insécurité qui persistent dans certaines zones. »
H
RÉSERVOIR. Néanmoins, avec une
A. RAMASORE/GALBE.COM
abitué aux immeubles classés, comme à Dakar ou à Antananarivo, l’assureur a eu du mal à trouver son bonheur à PointeNoire. Face à un marché de l’immobilier tendu, Allianz Africa, filiale de l’allemand Allianz (106,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010), a finalement jeté son dévolu sur le rez-de-chaussée d’un immeuble neuf, avenue Linguissi-Pembellot. Officiellement ouverte le 19 janvier, cette quinzième agence du groupe en Afrique inaugure son onzième pays d’implantation sur le continent. « Nous nous installerons prochainement à Brazzaville aussi », explique Frédéric Baccelli, directeur général d’Allianz Africa. Le groupe allemand intensifie sa présence en s’appuyant sur une équipe parisienne d’une quinzaine de personnes, héritée – avec son réseau africain – de l’absorption en 2007dufrançaisAGF.Defait,Allianz Africa fête cette année ses 100 ans: la première agence a été ouverte en 1912 en Algérie, pays duquel l’assureur est aujourd’hui absent, tout comme du reste du Maghreb. Mais un éventuel retour dans la zonen’estpasexclu.«Nouspensons d’abord au Maroc, compte tenu de l’importancedecemarché»,précise Frédéric Baccelli.
LA CÔTE D’IVOIRE représente 31 % du chiffre d’affaires de la filiale africaine.
L’Afrique de l’Est – Kenya, Ouganda et Rwanda notamment – attire aussi. « Le Ghana était en réparties 2009 notre première implantation dans… dans un pays anglophone. Et nous sommes en mesure aujourd’hui de calquer cette expérience ailleurs », affirme le directeur général. En Afrique de l’Ouest, le Nigeria, marchéde160millionsd’habitants,pourraitvoirlacréation … d’une coentreprise avec un Afrique du Sud, Bénin, acteur local. Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, La Côte d’Ivoire reste la Ghana, Madagascar, locomotive du groupe (31 % Mali, Sénégal, de son chiffre d’affaires et Togo 40 % de ses résultats), devant
15 agences
11 pays
QUI EST LE NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL ? DIPLÔMÉ DE L’ÉCOLE NATIONALE des ponts et chaussées et de Sciences-Po Paris, Frédéric Baccelli a commencé sa carrière au sein d’AGF en 1997, en qualité de responsable des risques techniques à la direction international. De 1999 à 2001, il a été correspondant du groupe aux États-Unis, au sein d’Allianz Insurance Company. Il a pris en charge de 2001 à 2009 la direction générale déléguée de Protexia France, filiale d’Allianz France. Il a rejoint Allianz Africa en janvier 2010, avant de succéder, le 1er janvier dernier, à Daniel Fortuit. ● M.P. JEUNE AFRIQUE
croissance moyenne de son chiffre d’affaires de 10,1 % depuis 2006 (pour atteindre 116 millions d’euros en 2010), Allianz Africa profite pleinement du dynamisme économique du continent. « En 2011, noustablonssuruneprogressionau moins identique », assure Frédéric Baccelli. Et avec 5,3 % de hausse du PIB subsaharien prévue en 2012, l’assureur peut voir l’avenir avec optimisme. Son nouveau cheval de bataille? Atteindre une population non bancarisée. « Dans la plupart des pays, pas plus de 5 % des habitants disposent d’un compte en banque, si bien que l’essentiel de notre activité passe par les entreprises et leurs salariés », relève Frédéric Baccelli. Afin de toucher ce réservoir de clients invisibles, Allianz compte répliquer en Afrique son expérience indienne de la microassurance. Et pour faciliter la pénétration dans les zones reculées, il propose depuis décembre à Madagascar ses offres via le téléphone mobile: le client peut souscrire et régler une couverture décès (de 1 à 2 euros par an) par SMS. « Il doit juste se faire connaître au préalableauprèsd’unkiosquerelais de notre partenaire Orange », précise Patrick Mommeja, responsable microassurance.Lesespoirsnesont pas maigres : « De par le monde, le groupe Allianz a déjà 5 millions de clients en microassurance », assure Frédéric Baccelli. ● MICHAEL PAURON N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Entreprises marchés TOURISME
Marrakech fait le gros dos
Capacité d’accueil en hausse, nombre de visiteurs en baisse… Depuis l’attentat du 28 avril 2011, les hôtels haut de gamme sont à la peine. Solutions : diversifier la clientèle et offrir de nouvelles prestations.
P
remière destination du Maroc, avec 50 % de la capacitétouristiquenationale, Marrakech appréhende une saison 2012 difficile. L’an passé, les professionnels ont dû faire face au Printemps arabe puis à l’attentat du 28 avril, qui a fait 17 morts sur la place Jemaa el-Fna, centre névralgique et symbole de la cité. Et la crise économique en Europe, dont sont originaires 67 % des visiteurs, n’est pas pour rassurer. Le Centre régional du tourisme (CRT) de Marrakech annonce un nombredenuitéesenbaissede7,8% en 2010 et 2011. Les hôteliers ont réagienréduisantleursprix,endépit de l’ajout d’une capacité de 5630 lits supplémentaires ayant nécessité 314 millions d’euros d’investissement en 2011. « Avec 1,59 million de touristes en 2011, nous sommes à 75 % de notre objectif. On a perdu quasiment trois mois d’activité, et le taux d’occupation moyen des hôtels a baissé de 5 % », indique Abdellatif Abouricha, responsable de la communication du CRT de Marrakech. PROJETS REPORTÉS. Le moral
n’est pas au beau fixe dans l’hôtellerie de luxe, même si les quatre et cinq-étoiles (54 % des chambres de Marrakech) ont moins souffert que les autres (– 2 % de fréquentation
pourlescinq-étoilesàfinseptembre, – 16 % pour les deux-étoiles). Les grands investisseurs, du Golfe ou occidentaux, n’ont annulé aucun grand projet. Mais les ouvertures des luxueux Palais Namaskar, Taj Marrakech et Selman, initialement prévues en 2011, ont été reportées à 2012. Et chez ceux qui ont ouvert l’an passé, tels l’hôtel du Golfe, le Pullman ou le Four Seasons, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. Ainsi, pour ses 260 chambres, le Four Seasons annonce un taux d’occupation de 40 %. C’est peu par rapport aux 70 % attendus quand l’hôtel aura atteint
« L’an dernier, nous avons perdu 25 % de notre chiffre d’affaires. » MOHAMED ZIZI, directeur général de Golden Tulip
sonrythmedecroisière.Lesaoudien Kingdom Holding Company, qui y a investi près de 140 millions d’euros, peut être déçu. Alors que la haute saison a commencé le 15 janvier, la fréquentation n’est pas non plus celle des grands joursàLaMamounia,palacedétenu à 60 % par l’Office national des chemins de fer (ONCF). Le mythique cinq-étoiles, ouvert dans les années 1920 et complètement rénové entre 2006 et 2009, affiche un taux
PAS ASSEZ DE VOLS DIRECTS « POUR UN SÉJOUR MOYEN de trois à quatre jours, le client n’est pas prêt à prendre une correspondance, estime Didier Picquot, de La Mamounia. Nous bénéficions de nouvelles lignes depuis Oslo, Stockholm et Londres, mais Easyjet et Royal Air Maroc ont abandonné la liaison avec Madrid; ne subsiste que Ryanair. » Conséquence: à fin septembre, la clientèle espagnole a diminué de 26 % en 2011. « On attend avec impatience le retour d’Air France, prévu en mars, même si c’est depuisToulouse et Marseille », indique NickYarnell, du Four Seasons. Pour venir de Paris à Marrakech, il faut décoller de l’aéroport d’Orly, ce qui complique le voyage des touristes américains ou asiatiques, contraints d’effectuer une correspondance entre Roissy et Orly. L’aéroport de Marrakech Ménara doit ouvrir un nouveau terminal fin 2012. De quoi convaincre les compagnies? ● C.L.B. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
d’occupation de 43 % en 2011, pour un objectif de 49 %. En semaine, à l’heure du déjeuner – la restauration assure 40 % de ses revenus –, seule une poignée de convives goûte aux plats des deux chefs doublement étoilés par le Guide Michelin. « Nous étionsoptimistespour2011,avecun très bon démarrage en janvier, se souvientDidierPicquot,directeurde La Mamounia. Mais fin mai, c’était terrible : le téléphone ne sonnait même plus pour les réservations. Et aujourd’hui, alors que le souvenir de l’attentat s’est estompé, la crise économique européenne arrive… » Même son de cloche au Golden Tulip, un quatre-étoiles. « En 2011, nous avons perdu 25 % de notre chiffre d’affaires. La baisse est similaire dans les autres grands établissements, mais plus élevée chez les indépendants », indique Mohamed Zizi, directeur général de la marque. « PRIVATISATION ». Pour résister, deshôtelshautdegammeproposent depuis la mi-2011 des prestations complémentaires. « Désormais, le transfert entre l’aéroport et l’hôtel est gratuit, ainsi que certains soins au spa. Nous faisons aussi des efforts sur la restauration », détaille Mohamed Zizi. Du coup, avec les baisses de prix et ces offres, le nombre de nuitées passées par la clientèlenationaleadoublé(116187 entre janvier et septembre 2011). Les richissimes étrangers se voient quant à eux proposer la location complète de palaces, une solution plus rentable en cas de faible affluence : « Au début de l’été, saison basse à Marrakech, un grand entrepreneur norvégien a célébré son mariage à l’hôtel, sans autre présence que celle de ses invités », explique Didier Picquot, pour qui cette « privatisation » de La Mamounia est exceptionnelle. Les établissements qui ont une composante résidentielle haut de gamme sont toutefois sereins sur leur équilibre financier. « Au Four Seasons, nos 23 villas de charme, comportant chacunetrois ou quatre chambres et 1000 m2 de terrain, se sont vendues en une journée entre 1 million et 1,5 million d’euros. Les JEUNE AFRIQUE
LA MAMOUNIA
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BRÉSIL, RUSSIE… Une nouvelle source d’inquiétude, toutefois : onze hôtels quatre et cinq-étoiles doivent ouvrir en 2012. « Le nombre de chambres a augmenté de 26 % en 2011 sur le haut de gamme et devrait croître encore de 47 % d’ici à 2013. Cela fait beaucoup dans une conjoncture morose! » juge Didier Picquot. Il espère toutefois que ces ouvertures « s’accompagneront
SOURCE : CRT DE MARRAKECH
2
La baisse de la fréquentation…
d’unefortepromotioncommerciale deladestination,dontlesretombées profiteraient à tout le monde ». Côté marketing justement, les grands hôtels cherchent à se diversifier. Car les Français, premiers visiteurs de la ville (36,6 % en 2011), hésitent, avec la crise, à réserver des nuits dans des palaces. Les hôteliers se tournent donc vers les pays émergents et nordiques. « Les Brésiliens font partie de nos cibles prioritaires, indique Didier Picquot. En 2011, ils représentaient déjà 4 % de la clientèle de La Mamounia, et on espère faire mieux cette année. » Au Four Seasons, on table sur la clientèle brésilienne, américaine et scandinave, qui vient en famille et connaît bien la marque. Les établissements
80 000
En millions de touristes
… ne freine pas le développement de l’offre… 80 000 Nombre de lits
1,6
1,5
2009
JEUNE AFRIQUE
2010
2011
50 000 40 000
1 200
1 000
61 000 60 000
de prestige à l’atmosphère plus intimiste,commeleRoyalMansour,qui loue ses 53 riads de 150 m2 avec un personnel de dix employés chacun, ciblent quant à eux une clientèle huppée russe et moyen-orientale. Reste que, malgré les difficultés rencontrées, les professionnels continuent de croire en Marrakech. «Ladestinationreste incomparable, s’enthousiasme Nick Yarnell. La ville estauxportesdudésertetdelamontagne, l’hiver est beau et sec, il y a une multitude d’activités culturelles et sportives… Et, surtout, une vie nocturne inégalée dans la région. Même si en ce moment il faut faire le gros dos, je n’ai pas de crainte pour l’avenir. » ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial
70 000
1,8
1,6
En 2011, le taux d’occupation du célèbre palace de LA MAMOUNIA n’a été que de 43 %.
… particulièrement dans le haut de gamme 1 154
Estimation du nombre de chambres
55 000
SOURCE : LA MAMOUNIA
redevances payées par les propriétaires – entre 1000 et 2000 euros par mois – et les frais de gestion assurent un revenu minimal », explique Nick Yarnell, directeur de l’hôtel, qui estime que son point d’équilibre est par conséquent à 35 % de taux d’occupation.
830
50 000
800
659 2010
2011
2012*
2015*
600
2010
2011
2012* * Prévisions
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Entreprises marchés INTERVIEW
Hien Sié
D IRECTEUR
GÉNÉRAL DU
P ORT
AUTONOME D ’A BIDJAN
« Entre Tanger et Durban, il y a une place pour un hub, nous voulons la prendre » L’activité a repris, mais les défis restent nombreux pour le patron du port d’Abidjan. Pour relancer le poumon économique du pays, il devra mener à bien sa restructuration et définir un vaste plan d’investissements.
JEUNE AFRIQUE : Près de dix mois après la fin du conflit, où en est l’activité du Port autonome d’Abidjan (PAA) ? HIEN SIÉ: En avril, le port a repris
ses activités après un temps d’arrêt complet. Nous avons commencé laborieusement, avec 1 navire par jour en avril-mai 2011. Depuis, nous avons retrouvé un rythme normal de 8 navires par jour. L’activité a repris grâce au redémarrage économique et à la volonté des opérateurs de l’hinterland de revenir à Abidjan. Nous pensons avoir achevé l’année 2011 avec un recul de 15 % à 20 % de l’activité par rapport à 2010. Et le chiffre d’affaires devrait se situer à 42 milliards de F CFA [64 millions d’euros, NDLR], contre 47 milliards en 2010. Tous les acteurs du port, y compris privés, ont-ils retrouvé leur activité ?
De bonnes perspectives pour 2012 Tonnage traité
(en millions de tonnes)
22
17,5
2010
25
2011
2012*
Chiffre d’affaires (en milliards de F CFA)
47
42
2010
2011 * Prévisions
SOURCE: PORT AUTONOME D’ABIDJAN
Grosso modo, chacun a repris sa place, avec des fortunes diverses. Le conteneur est un segment du marché qui a bien repris.
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Pouvez-vous déjà la détailler ?
Elle s’articule autour de la réhabilitation des infrastructures existantes, très dégradées. Il s’agit de les moderniser et de les renforcer par la réalisation d’infrastructures permettant l’accueil de navires plus grands, notamment l’élargissement et l’approfondissement du canal de Vridi.
T
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/ J.
A.
Avant 2004, le Burkina Faso, le Mali et le Niger faisaient passer environ 70 % de leur trafic par la Côte d’Ivoire. Au mois d’août dernier, ce chiffre était tombé à 30 %. Ces pays ont dû trouver de nouvelles voies. Ils sont passés par d’autres ports de la sous-région. Mais ils n’attendent que l’occasion de revenir à Abidjan. Nous sommes allés voir les opérateurs pour les rassurer. En matière de sécurité et de fluidité des corridors, une commission mise en place par l’État doit démanteler les barrages routiers.
Le PAA est longtemps apparu comme un leader naturel sur la côte ouest-africaine, mais dix ans de gestion difficile et d’absence d’investissements ont grignoté notre avantage concurrentiel. Nos faiblesses sont d’abord structurelles : le canal de Vridi ne peut accueillir des navires de plus de 260 m, le tirant d’eau ne peut dépasser 11,5 m dans le port, et les coûts de passage sont élevés. La performance de la plateforme portuaire est aussi liée à celle du réseau ferroviaire et à l’état des routes. À partir de ce constat, nous allons établir une stratégie de relance.
EN
L’année s’annonce bien. Les conditions de sécurité s’améliorent, le climat est apaisé, la croissance économique du pays est attendue entre 5 % et 8 %. Dans ce contexte, le PAA espère augmenter ses parts de trafic. En termes de tonnage, nous avons réalisé 22 millions de tonnes en 2010, 17 à 18 millions en 2011, et nous espérons
Ì LE NOUVEAU DIRIGEANT, 48 ANS, a pris ses fonctions en avril dernier.
Avez-vous mesuré le manque à gagner causé par la crise ?
Mais tout n’est pas encore rentré dans l’ordre. Quels problèmes demeurent ?
NC
Quelles sont vos perspectives pour 2012 ?
raisonnablement atteindre 24 à 25 millions de tonnes en 2012, sinon plus, aidés en cela par l’essor des échanges avec l’hinterland.
Sur le corridor de transit Nord, on encomptesixofficiels.Lesfraisd’escorte sont passés de 100 000 F CFA à 25 000, puis à 20 000.
VI
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JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Au sortir de la crise, le PAA s’est engagé dans une restructuration globale de sa gestion. Ainsi, au niveau des ressources humaines, nous avons constaté que les effectifs étaient pléthoriques, ce qui a conduit à un émiettement des tâches ; la masse salariale représente 38 % du chiffre d’affaires. Des réformes sont en cours pour réduire ce ratio à 25 % à l’horizon 2013. Cela passe par des mesures telles que l’authentification des diplômes, la détermination des effectifs optimaux par activité et l’incitation au départ volontaire. Le projet de deuxième terminal à conteneurs sur l’île Boulay est-il encore d’actualité ?
Le besoin d’un second terminal à conteneurs est réel. Quand on voit que certains ports de la sous-région ont adapté leurs infrastructures aux grands navires à fort tirant d’eau, il faut aller vite. Si nous avions les moyens de nous installer rapidement sur l’île Boulay, nous disposerions d’un espace de 600 ha pour implanter des industries. Mais les coûts sont très importants. C’est pourquoi nous explorons la voie d’unréaménagementdesstructures existantes, car le port actuel dispose de 6 km de quai dont une partie est sous-occupée. Le problème que nous avons concerne le tirant d’eau. Avec un investissement approprié, on peut créer, sur les installations existantes, des infrastructures permettant de résoudre ce problème. Il n’en demeure pas moins qu’il nous faut disposer dans les trois ou quatre ans à venir d’un second terminal à conteneurs opérationnel sur le port d’Abidjan. Abidjan est-il toujours dans la course pour être un hub régional?
Entre Tanger et Durban, il y a une place pour un hub, nous voulons la prendre. Les investissements stratégiques que nous comptons réaliser nous conforteront dans cette position. ● Propos recueillis par PASCAL AIRAULT et JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
marchés
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PÉTROLE DJOUBA REGARDE VERS LE SUD Le Soudan du Sud a annoncé, le 26 janvier, avoir suspendu l’exploitation de 329 puits de pétrole, pour la plupart situés près de la frontière avec le Soudan. Djouba, qui exporte son brut via les infrastructures de Khartoum, est las de voir une partie de sa production ponctionnée par les autorités du Nord, faute d’accord sur le montant des taxes à payer pour le transit. Conséquence : la production du pays est tombée de 275 000 barils/jour à 135 000 b/j. Une chute qui, d’après les analystes, pourrait faire grimper les cours du pétrole sur les marchés internationaux (111,5 dollars, soit 85,7 euros au 26 janvier). En attendant que la situation se débloque avec son voisin du Nord, Djouba a aussi annoncé la signature
S
M
S
STR/EPA/MAXPPP
On parle d’une restructuration du PAA, avec des suppressions d’emplois. Qu’en est-il ?
Entreprises
avec le Kenya (son voisin du Sud) d’un accord portant sur la construction d’un oléoduc. D’après un communiqué conjoint, qui ne donne pas plus de détails, le pipeline, qui traversera le territoire kényan, sera construit et géré par le Soudan du Sud. ●
• TÉLÉCOMS D’un coût de 165 M$, le satellite Amos 5 consacré à l’Afrique a débuté ses opérations le 25 janvier • BOIS La BDEAC a accordé un prêt de 12,2 M€ à la Société nationale des bois du Gabon pour bâtir un complexe industriel • AÉRIEN Etihad Airways va acquérir 40 % d’Air Seychelles
pour 20 M$ et lui prêter 25 M$ • MINES Beny Steinmetz veut lever 500 M€ à la Bourse de Hong Kong pour son site diamantifère de Koidu (Sierra Leone)
TÉLÉCOMS LES MAROCAINS CONSOMMENT PLUS Dans les télécoms, l’année 2011 aura été marquée, selon le régulateur marocain, par une baisse sensible (– 34 %) du prix des communications mobiles. La consommation a, en parallèle, crû de 39 %. Et c’est Wana qui a le mieux tiré parti de ces évolutions en passant, sur douze mois, de 13,4 % à 20,23 % de part de marché. Le grand perdant est MarocTélécom, dont la part de marché accuse un recul de 6 points, à 46,8 %. ● MINES LE MALI REVOIT SA POLITIQUE Alors que la production malienne d’or est en baisse (43,5 t en 2011, contre 46 t en 2010), le gouvernement entend changer la loi minière. Pour optimiser ses revenus, il compte augmenter la
part de l’État dans les concessions (de 20 % à 25 %), en baissant les taxes sur les revenus miniers (de 35 % à 25 %). Objectif: pousser les opérateurs à investir, à l’instar de Randgold Resources, dont le complexe de Loulo est en forte progression après le démarrage de la mine de Gounkoto. ● FINANCE LA BADEA ACCORDE QUATRE PRÊTS La Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) a annoncé le 18 janvier la signature de prêts concessionnels d’un montant total de 26,1 millions de dollars (20 millions d’euros). Le Bénin, leTchad, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se sont respectivement vu octroyer 10,4 millions, 8,2 millions, 6 millions et 1,5 million de dollars pour des projets liés aux transports, aux villages et à la jeunesse. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Décideurs BANQUE
Daouda Coulibaly, un Ivoirien à la SIB
d’administration, un vaste chantier s’ouvre pour Daouda Coulibaly. Sa feuille de route est déjà tracée. À moyen terme, il s’agira pour lui de poursuivre la politique agressive de développement de la SIB, en multipliant les ouvertures d’agences de proximité. La filiale d’Attijariwafa Bank en compte déjà 36 et n’entend pas s’arrêter là. À long terme, elle envisage de se positionner parmi les trois premières banques ivoiriennes. Mais dans un premier temps, elle poursuit déjà l’objectif de se maintenir au rang de numéro deux – après la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) – en termes de crédits accordés aux particuliers.
Désigné pour diriger la Société ivoirienne de banque, il sera le premier Subsaharien à la tête d’une filiale du marocain Attijariwafa. Sa nomination doit encore être confirmée en conseil d’administration.
D
ans le cadre d’un vaste projet de réformes, les dirigeants du marocain Attijariwafa Bank avaient promis de faire monter les manageurs locaux dans la hiérarchie des filiales situées au sud du Sahara. C’est chose faite depuis la mi-janvier. Avec la promotion récente de Mounir Oudghiri, anciennement directeur général de la Société ivoirienne de banque (SIB) à Abidjan, au poste de responsable Afrique à Casablanca, son adjoint Daouda Coulibaly a été coopté par la direction du groupe pour lui succéder. Cette nomination, qui apparaît déjà sur le nouvel organigramme de la banque – uniquement présenté en interne pour le moment –, devra toutefois être confirmée par les actionnaires (l’État ivoirien détient 49 % de la SIB, et Attijariwafa Bank 51 %) au cours d’un conseil d’administration programmé dans les prochains jours. POSTES STRATÉGIQUES. Avant
d’atteindre ce stade dans la hiérarchie de l’établissement, ce diplômé de HEC Paris (École des hautes études commerciales), né en 1971, a démarré sa carrière comme auditeur au cabinet PricewaterhouseCoopers, où il était chargé des dossiers bancaires et des projets de développement financés par la Banque mondiale. Cinq ans plus tard, en 2001, il rejoint la SIB, à l’époque filiale du français Crédit agricole, en tant que directeur financier adjoint. Daouda Coulibaly gravira N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
MAINTENIR LE RYTHME. De nom-
DR
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DIPLÔMÉ DE HEC (Paris), il a commencé sa carrière comme auditeur chez PricewaterhouseCoopers, avant de rejoindre l’établissement abidjanais en 2001.
les échelons au sein de la banque et occupera plusieurs fonctions stratégiques. En 2009, après la cession des parts de Crédit agricole à Attijariwafa Bank, il est promu directeur général adjoint. Une fonction que Daouda Coulibaly occupera pendant trois ans. Fin connaisseur des arcanes de la SIB, il a participé à toutes les étapes de développement de l’institution, au niveau local comme sur le plan africain. « C’est un vrai professionnel et un connaisseur des rouages de la banque. Nous croyons qu’il apportera beaucoup d’innovations, notamment avec le changement du système d’information, déjà peaufiné et qui s’achèvera d’ici à la fin de l’année », confie une source interne. En attendant la validation de sa promotion par le conseil
breux défis attendent le nouveau directeur général pour conforter la croissance de la banque. De 2009 à 2010, la SIB a connu une nette progression. L’épargne collectée, qui était de 160,1 milliards de F CFA (244 millions d’euros), a atteint 205 milliards de F CFA, soit une croissance de 28 %. Quant au total de bilan, il s’établissait à 275 milliards de F CFA en 2010, contre 235 milliards l’année précédente (+ 17 %). Enfin, le produit net bancaire s’élevait à 24,2 milliards de F CFA fin décembre 2010, contre 20,2 milliards de F CFA en 2009 (+ 20 %). Malgré la grave crise électorale qui a secoué le pays, la banque devrait enregistrer une nouvelle
Fin connaisseur des arcanes de l’institution, il a participé à toutes les étapes de son développement. progression de son produit net bancaire en 2011, annonce-t-on en interne. À Daouda Coulibaly de maintenir ce rythme de développement au cours des prochaines années. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
Décideurs auparavant exercé ses talents dans de nombreux domaines, du textile à la restauration, en passant par l’industrie cinématographique au sein de Carolco Pictures Inc., la société qui a produit, entre autres, Basic Instinct. Mais au sein d’Isocel, Robert Aouad, 46 ans, joue sans conteste son meilleur rôle.
TÉLÉCOMS
Robert Aouad assure sur toute la ligne au Bénin Un réseau couvrant la moitié du territoire, une interconnexion avec l’Europe et le premier data center du pays… Le patron d’Isocel multiplie les projets pour devenir incontournable.
J
VALEUR AJOUTÉE. Conscient
VINCENT FOURNIER/J.A.
«
usqu’au milieu des années 2000, il était très difficile de trouver des financements pour créer un fournisseur d’accès à internet [FAI, NDLR]. Personne ne croyait que cela deviendrait incontournable en Afrique », se souvient Robert Aouad, directeur général d’Isocel Telecom, un des principaux FAI du Bénin. Une époque révolue. En 2011, les revenus de sa compagnie ont augmenté de 100 % pour atteindre 3 millions d’euros. Un chiffre d’affaires qui sera encore largement dépassé cette année. D’ici à quelques mois, Isocel couvrira 50 % du pays, contre environ 10 % auparavant. Une extension financée en partie via un prêt de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) attribué par la Banque
105
À 46 ANS, l’homme d’affaires libanais a déjà opéré dans de nombreux domaines, dont le cinéma.
ouest-africaine de développement (BOAD). À la clé, la compagnie peut espérer voir son nombre de clients exploser pour passer de 5 000 (soit environ 10 % du marché actuel) à plus de 40 000 abonnés. Pas mal pour un autodidacte en matière de télécoms qui n’en connaissait pas long sur le sujet il y a encore une dizaine d’années. C’est en distribuant des cartes de téléphone et des terminaux qu’il a fait ses premiers pas dans le secteur. Touche-à-tout, il avait
de l’importance des services aux entreprises, l’homme d’affaires libanais a interconnecté il y a quelques mois son réseau avec Amsterdam. « Ainsi, j’offre une réelle valeur ajoutée pour les compagnies européennes qui possèdent une filiale en Afrique. D’ailleurs, un certain nombre de grands opérateurs font appel à moi pour le compte de leurs clients », explique-t-il. Autre projet prometteur pour ses affaires : l’installation fin 2012 du premier data center du Bénin. « Une infrastructure qui sera capable de stocker des données pour le compte du gouvernement, des banques, de fournisseurs de contenus locaux ou internationaux. Son impact sera régional », s’enthousiasme Robert Aouad. Avec cet investissement – dont le coût approche 1,5 million d’euros –, Isocel entend devenir un acteur central de l’internet dans la sous-région. De là à susciter la convoitise de certains gros concurrents, il n’y a qu’un pas. ● JULIEN CLÉMENÇOT
ON EN PARLE
YVAN DITTRICH VODACOM Ancien collaborateur de Deloitte en Afrique du Sud et actuel directeur financier de Datatec, Ivan Dittrich rejoindra début juillet le groupe Vodacom, pour en devenir le directeur financier et directeur exécutif.
MOHAMED LAÏD MAHLOUL ALGÉRIE POSTE Sept mois après sa nomination, le directeur général d’Algérie Poste a été démis de ses fonctions le 25 janvier. Il lui serait reproché sa mauvaise gestion de l’entreprise publique, dénoncée par des cadres. DR
GRANT DALY SAFMARINE À partir du 1er février, ce Sud-Africain sera le nouveau PDG de la société belge de transport maritime, installée en Afrique du Sud. Il a intégré la filiale de Maersk il y a dix-sept ans, après ses études d’économie. JEUNE AFRIQUE
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Marchés financiers BenHamadou,analystechezTunisie Valeurs, tandis que celles pour les couverturesincendieetrisquestechniques chutaient de 35,6 %. Au moins la Star aura-t-elle échappé à l’avalanche de sinistres liés aux destructions de magasins, d’usines et de matériels commis après la fuite de Ben Ali. La compagnie a estimé à 5 millions de dinars le montant total des primes qu’elle a versées à ce titre. Une fois la part des réassureurs déduite, sa quote-part se limite même à 400 000 dinars. Rien d’inquiétant. D’ailleurs, depuis un semestre, l’action de l’entreprise remonte progressivement en dépit de la quasi-stagnation attendue de son chiffre d’affaires en 2011 (203,7 millions de dinars, selon les dernières prévisions).
TUNISIE
La Star retrouve la lumière
Après une année difficile, l’assureur a regagné la confiance des marchés. Parmi ses atouts, la présence au sein de son capital de Groupama et sa solidité financière.
U
TRI PAYANT. Si les investisseurs
NICOLAS FAUQUÉ
n an après la révolution, la Société tunisienne d’assurances et de réassurances (Star), leader national avec 20 % de part de marché, monopolise à nouveau l’attention à la Bourse de Tunis. Les analystes apprécient ses bons fondamentaux et estiment que son action est largement sous-évaluée. Selon Tunisie Valeurs, son niveau théorique devrait se situer au moins 25 % au-dessus de son cours actuel et se rapprocher du prix qui était le sien à la fin de 2010, avant sa dégringolade. En un an (15 janvier 2011-15 janvier 2012), son titre a en effet perdu plus de 16,2 %, quand les entreprises cotées du secteur ont reculé en moyenne de 10,3 %. Un trou d’air d’abord lié à la publication, en janvier 2011, d’une marge nette décevante (10 %). Cette annonce avait mis fin à une ascension fulgurante du cours de l’action, entamée après la recapitalisation de la Star à hauteur de 132 millions de dinars (plus de 70 millions d’euros) en 2008 avec l’entrée de Groupama
L’entreprise adopte progressivement UNE POLITIQUE COMMERCIALE PLUS AGRESSIVE.
dans son capital (le groupe avait pris une participation de 35 %). Et même si la performance devrait être sensiblement identique en 2011, la perspective de hausse de la marge nette en 2012 rassure le marché. Le contexte socioéconomique a lui aussi pesé sur la performance de l’entreprise. Le ralentissement de l’activité consécutif aux grèves et sit-in a fait baisser les volumes de marchandises échangées. Résultat: l’assureur a enregistré sur 2011 une baisse de ses primes de 31,4 % pour les transports, selon Rym Gargouri
s’intéressent de nouveau à la Star, c’est d’abord le fruit d’un travail de restructuration de son portefeuille de contrats, débuté en 2005 et poursuivi depuis 2008 sous l’impulsion de Groupama, nouvel actionnaire de référence. À la quantité, les dirigeants de l’entreprise préfèrent la qualité. En 2011, un certain nombre de contrats dans le secteur aérien n’ont, par exemple, pas été jugés assezrentablespourêtrereconduits. Un tri payant car, selon Tunisie Valeurs, la Star est aujourd’hui la compagnie qui reverse le moins de primesauxréassureurs:14%,contre 16%pourComaret25%pourAstrée (deux de ses concurrentes). Néanmoins, d’importants efforts restent à accomplir pour abaisser son taux de sinistres (77 %) au même niveau que ses concurrentes (62 %). Ce décalage s’explique par la surreprésentation dans le portefeuille de la Star des assurances auto et des mutuelles de santé, qui
122 dinars
le 9 août 2011
198,14 dinars le 5 janvier 2011
Cours de l’action à la Bourse de Tunis
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JEUNE AFRIQUE
Baromètre
JULIEN CLÉMENÇOT
160 dinars le 25 janvier 2012
JEUNE AFRIQUE
SOCIÉTÉ
Managem
SECTEUR
COURS au 25 janvier (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de 2012 (en %)
M INES
204,06
+ 12,7
163,84 42,45 8,44 113,76 16,21 119,27 23,06 24,51 169,11
+ 6,6 + 3,4 +3 + 2,1 + 1,9 + 1,6 –1 – 2,1 –7
Centrale laitière A GROBUSINESS Attijariwafa Bank B ANQUES Douja Prom. Addoha I MMOBILIER Ciments du Maroc C IMENT Maroc Télécom T ÉLÉCOMS CGI I MMOBILIER Banque centrale pop. B ANQUES BMCE Bank B ANQUES Lafarge Ciments C IMENT APRÈS UNE ANNÉE 2011 marquée par un net recul, au cours de laquelle l’indice Masi a perdu 12,9 %, le marché boursier marocain commence 2012 sur une note positive, avec une progression du même indice de 1,3 % au 25 janvier. La minière Managem, qui avait déjà affiché la meilleure performance de l’année écoulée (+ 130,8 %), poursuit sa hausse en 2012 et réalise la plus belle progression des dix premières
SOURCES : JEUNE AFRIQUE, BMCE CAPITAL
Début d’année haussier à Casablanca
capitalisations du marché. Parmi les plus petites valeurs, trois alertes sur les résultats ont été lancées depuis le début de l’année, dont deux concernant des valeurs technologiques (HPS et Disway). À l’inverse, la société informatique Involys a annoncé avoir signé un contrat de 5,4 millions d’euros avec l’État gabonais qui lui permettra de doubler son chiffre d’affaires en 2012. ●
Valeur en vue DISWAY Une volonté de développement BOURSE Casablanca • CA 2011 (EST.) 121,5 millions d’euros (– 20 %)
• COURS 300 dirhams (25.1.2012) • OBJECTIF 365 dirhams
EN 2011, L’ACTIVITÉ de Disway a été affectée par le ralentissement général de la demande de PC, portables et imprimantes, la baisse notable de l’activité à l’export, la non-reconduction des grands projets dans l’éducation et l’accentuation de la concurrence du marché informel et des nouveaux entrants. La société table sur un repli de 20 % de son chiffre d’affaires consolidé 2011, à 1,355 milliard de dirhams (121,5 millions d’euros). La tension sur les prix et les marges devrait avoir un impact négatif sur le résultat net part du groupe, qui pâtit égaleIsmail ment de la contribution négative de la filiale MatelTunisie. El Kadiri Face à cette situation, Disway ambitionne de renforcer Analyste chez son développement, profitant de son important réseau BMCE Capital de distribution (près de 2 000 revendeurs nationaux), de l’élargissement escompté de son portefeuille de cartes et de produits distribués et de l’amélioration de la compétitivité en termes de prix et de délais de paiement. Matel Tunisie se positionnerait par ailleurs en tant que hub de développement à l’export, notamment vers la Libye. » ●
DR
comptent respectivement pour 50 % et 23 % de son chiffre d’affaires. Les analystes font preuve malgré tout d’une certaine mansuétude à l’égard de l’entreprise. D’abord parce qu’elle va évoluer en 2012 dans un contexte économique plus favorable, avec le retour de la croissance (environ 2,5 %, selon la Banque mondiale). Ensuite parce que la compagnie devrait enfin adopter une politique commerciale plus agressive, rompant avec ses habitudes d’ancien opérateur 100 % public – un comportement attentiste qui explique en grande partie la quasi-stagnation de son chiffre d’affaires entre 2005 et 2010 (+ 1 %). Premier signe de ce changement: le lancement, en mai 2011, d’une assurance auto incluant la mise à la disposition des clients d’un véhicule de remplacement en cas de sinistre, le temps d’effectuer les réparations. L’initiative dénote une implication grandissante de Groupama dans la gestion de la compagnie, qui devrait aboutir en 2013 à une nouvelle prise de participation d’environ 15 %. L’autre motif de satisfaction des analystes concerne la gestion des actifs financiers de l’assureur. La Star possède une trésorerie très confortable de 566 millions de dinars, placée pour l’essentiel dans des bons du Trésor, des obligations à revenu fixe et des participations dans des entreprises cotées. Elle bénéficie ainsi, malgré la légère baisse de ce portefeuille en 2011, d’un revenu annuel garanti d’environ 30 millions de dinars. Une belle marge de manœuvre pour faire face à d’éventuels imprévus. ●
Marchés financiers
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Dossier
Mines
ENCADREMENT
L’africanisation Si les groupes anglo-saxons restent dominants, de plus en plus d’entrepreneurs du continent investissent le secteur. À défaut de lancer leurs propres sociétés, ils accèdent à des postes stratégiques au sein des majors.
est en marche
CHRISTOPHE LE BEC
«
D
sud-africaine du Black Economic Empowerment visant à renforcer le poids des Noirs dans les entreprises. « Je vois de plus en plus d’Africains qui participent et gèrent de grands projets. Il y a une montée en puissance de décideurs locaux, c’est indéniable », observe l’avocat Thierry Lauriol, responsable des questions minières au sein du cabinet Jeantet (lire pp. 113-114). FORMATIONS « MAISON ». «Quandj’aicommencé
à travailler dans le secteur, chez le sud-africain Randgold Resources, j’ai été l’un des premiers ans le secteur minier, originaires du continent à être directeur pays, au nous sommes encore Mali. Aujourd’hui, tous les titulaires des postes de trop peu d’entreprece niveau sont africains », observe le Sénégalais Aziz neurs originaires du continent à avoir lancé Sy, vice-président de la junior canadienne Oromin nos propres compaExplorations pour les opérations au Sénégal (lire gnies », regrette le Congolais Kalaa Mpinga, prép. 117). « C’est dans l’intérêt des majors de faire sident de Mwana Africa. « Alors que dans certains émerger des cadres africains : ils connaissent le pays les ressources minières sont les principales milieu et les rouages de l’administration… et puis richesses [évaluées en RD Congo à 24 000 milils coûtent moins cher! » ajoute ce géologue formé liards de dollars, soit environ 18 500 milliards à l’Institut des sciences de la terre de Dakar. d’euros, NDLR], on ne compte Pour Igor Rochette, responpratiquement pas de sociétés sable en recrutement chez « J’ai eu envie de créer Michael Page pour le secteur minières privées africaines en ma compagnie. dehors des marocaines ou des minier, « certaines majors du sud-africaines », déplore le secteur [comme Vale, BHP Mais il me manquait patron, dont l’entreprise, fondes compétences pour Billiton ou Rio Tinto] préfèrent dée en 2003, réalise 31 millions souvent un cadre africain, lever des fonds. » d’euros de chiffre d’affaires quitte à être moins exigeantes dans l’or et le nickel en Afrique AZIZ SY, vice-président d’Oromin sur certaines compétences, et australe et en RD Congo. misent ensuite sur des formaSi les pays anglophones de tradition minière tions “maison”. Elles favorisent aussi leur mobilité, les envoyant dans leurs différentes filiales pour les comptent quelques grands entrepreneurs (lire faire monter en compétence », indique-t-il. « Chez p. 110) tels le Ghanéen Sam Jonah, patron chaVale, en 2009, il n’y avait que six responsables rismatique d’Ashanti Goldfields (fusionné avec africains au sein de la direction Afrique australe et AngloGold en 2004), ou le Sud-Africain Patrice pas un seul directeur général. Aujourd’hui, nous Motsepe, président d’African Rainbow Minerals, ailleurs, ils se font rares. Mais les choses pourraient sommes deux directeurs généraux et treize reschanger, avec l’africanisation des cadres du secteur, ponsables de secteur mozambicains », se félicite un mouvement lancé dans le sillage de la politique Amado Mabasso, directeur général en charge des
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JEUNE AFRIQUE
ISSOUF SANOGO/AFP
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activités support pour le groupe brésilien à Maputo, qui doit être prochainement envoyé en formation au Massachusetts Institute of Technology. Reste que, entre cette africanisation de l’encadrement des groupes internationaux et l’émergence de sociétés locales, il y a un grand pas. « La prépondérance des sociétés étrangères dans le secteur minier perdure, car elles ont les financements et la technologie. Les intérêts africains se manifestent dans la prise de permis, mais ils recherchent ensuite très vite des partenaires. Il faudra du temps pour voir émerger des champions continentaux », estime Me Lauriol. GISEMENTS GELÉS. « Malheureusement, les entre-
preneurs miniers africains s’aventurent bien souvent sans connaître les bases du métier. Certains détenteurs de permis, inconscients de la valeur de leurs titres, se font rouler par des juniors venues de l’étranger, leur revendant leurs titres à des prix très bas au lieu de prendre le temps d’en évaluer la valeur », regrette Boubacar Bocoum, responsable de l’appui au secteur minier à la Banque mondiale. « Pis, certains gisements, pourtant prometteurs, restent gelés car leur détenteur n’a pas le réseau nécessaire ou la crédibilité dans le milieu », ajoute ce Malien, pour qui il est urgent d’améliorer les filières minières en Afrique francophone. « À l’instar de ce qu’ont fait les universités sud-africaines, mais aussi ghanéennes, dont les formations se sont JEUNE AFRIQUE
étoffées, il faut des écoles reconnues à l’échelle internationale, moins nombreuses mais d’un meilleur niveau. » Pas seulement en géologie ou en ingénierie, mais aussi et surtout en matière financière. « Avec mon expérience chez Randgold Resources, Lonmin puis Oromin Explorations, où j’ai exercé des responsabilités opérationnelles, j’ai eu envie, moi aussi, de créer ma propre compagnie, indique Aziz Sy. Au Sénégal, il est relativement facile pour un ressortissant d’obtenir un permis. Mais pour réussir, il me manque des compétences ou un associé pour lever des fonds sur les marchés. Dans la filière aurifère, il faut des dizaines de millions de dollars pour lancer un projet… » Pour réussir, il manque en effet souvent aux Africains une capacité à se mettre en réseau avec les décideurs mondiaux, qui investissent à Toronto, Londres, Sydney… et, plus rarement, Johannesburg (lire p. 122). « Si je n’avais pas gravi les échelons en Afrique du Sud, au sein d’Anglo American, dont je suis devenu, à 36 ans, le plus jeune administrateur et dont j’ai repris des gisements non stratégiques, je n’aurais jamais sauté le pas, explique Kalaa Mpinga, formé à l’université McGill de Montréal. Quand j’ai lancé Mwana Africa, j’ai pu lever 5 millions de dollars auprès de six grands investisseurs angolais, zimbabwéens et zambiens, avant d’aller à la Bourse de Londres. Jamais je n’aurais été suivi sans mes références, notamment en matière financière. » ●●●
L’INDUSTRIE RECRUTE DEPUIS LONGTEMPS SA
MAIN-D’ŒUVRE
(ici à Essakane, au Burkina Faso). Mais l’apparition de décideurs locaux au plus haut niveau date des années 1990. SUR PLACE
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MIKE HUTCHINGS/REUTERS
JÉRÔME CHATIN/EXPANSION-REA
JOHN ROBINSON/SOUTH-REA
Dossierr M Mines ines es
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LES FIGURES DE PROUE KALAA MPINGA PRÉSIDENT EXÉCUTIF DE MWANA AFRICA
SAM JONAH EX-PRÉSIDENT NON EXÉCUTIF D’ANGLOGOLD ASHANTI
PATRICE MOTSEPE PRÉSIDENT EXÉCUTIF D’AFRICAN RAINBOW MINERALS
51 ans, congolais (RD Congo)
61 ans, ghanéen
49 ans, sud-africain
Originaire du Kasaï-Oriental et formé au Canada, il s’installe en 1997 à Johannesburg, où il rejoint la branche construction d’Anglo American. En 2003, il crée Mwana Africa, cotée à Londres. Présente dans l’or et le nickel en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Botswana et en RD Congo, la compagnie a une capitalisation boursière de plus de 40 millions d’euros.
Entré chez Ashanti Goldfields comme ingénieur en 1979, ce géologue en est devenu le président en 1986. Il a été l’architecte de sa relance (portant la production de 240 000 onces d’or à 1,6 million d’onces par an) et a conduit la fusion avec AngloGold, donnant naissance en 2004 au premier groupe aurifère du continent, dont il est alors nommé président non exécutif. Il a démissionné en septembre dernier.
Né à Soweto, ce self-made-man est à la tête d’une société dont le chiffre d’affaires atteignait 1,07 milliard d’euros en 2011. Critiqué pour ses liens avec le pouvoir, qui lui ont facilité l’obtention de permis, il est néanmoins respecté pour son sens des affaires et sa compréhension du secteur. Présent dans le platine, le fer et le charbon, il veut se développer à l’étranger.
●●● Le développement du patronat africain serait-il une tendance émergente ? « Avec la peur du risque, la majorité des cadres préfère faire carrière dans les grands groupes, mais il y a quelques pionniers subsahariens francophones qui connaissent bien le secteur et vont au-delà de l’achat et de la revente de permis », estime Boubacar Bocoum. Pour lui, « ce sont des personnalités comme Kalaa Mpinga ou le Congolais Richard Ondoko qui font, avec leurs projets miniers, évoluer les mentalités. »À cette liste, on pourrait ajouter le Mauritanien Ahmed Baba Ould Azizi, le Sénégalais Ousmane Ndiaye ou l’ex-Premier ministre guinéen Kabiné Komara. Pour le responsable de la Banque mondiale, l’africanisation du patronat va nécessairement suivre celle des cadres du secteur, même si cela prendra du temps.
Seule solution pour accélérer ce processus : un appui politique fort des États du continent à leurs entrepreneurs. « Je ne connais aucune banque basée en Afrique qui accepte de financer des projets miniers. Les financements viendront toujours de l’extérieur, affirme Kalaa Mpinga. Mais pour limiter ce contrôle, les gouvernements ne doivent pas craindre de s’appuyer sur les actifs miniers pour imposer une part locale dans les capitaux des sociétés, et même d’en faciliter la prise de contrôle par des privés africains. » Un appel que le Sénégal, la Guinée ou la RD Congo, qui ont récemment modifié leur code minier en intégrant de telles mesures, ont entendu. Sur place, reste aux cadres africains du secteur, mieux formés et favorisés par les législations, à saisir les opportunités. ●
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Dossier INTERVIEW
Thierry Lauriol
A SSOCIÉ
AU SEIN DU CABINET
J EANTET A SSOCIÉS
« Les États veulent de plus en plus avoir accès à la ressource » L’avocat spécialiste des industries extractives analyse les grandes évolutions de la législation du secteur. Malgré les tensions, autorités et concessionnaires peuvent, selon lui, trouver des intérêts communs.
JEUNE AFRIQUE: Quel est le climat dans le secteur minier ? THIERRY LAURIOL : Si ces der-
nières années les financiers couraient après les projets, la tendance actuelle est à un rééquilibrage. La crise mondiale est passée par là. Est-il plus difficile de travailler en Afrique qu’ailleurs ?
Les codes miniers sont révisés beaucoup plus régulièrement sur le continent qu’ailleurs dans le monde. Si les conditions dans lesquelles un contrat a été signé survivent généralement aux changements législatifs et réglementaires, on note une volonté récurrente des États de renégocier les conditions contractuelles en fonction de l’évolution de la fortune des miniers qui se trouvent sur leur territoire. JEUNE AFRIQUE
Quel est le rapport des forces ?
Nous avons constaté, un temps, desvelléitésdenationalisation,mais souvent l’exploitation ne survivait pas au départ de la société étrangère, faute de ressources financières et parfois technologiques. Aujourd’hui, l’ambition est d’augmenter la participation de l’État et des intérêts locaux. Nous avons l’exempleducodeminiersénégalais [lire p. 117] – nous avons d’ailleurs participé à sa rédaction –, qui comporte une disposition permettant à l’État de négocier pour lui et le secteur privé national une participation au capital de la société d’exploitation, en sus des 10 % d’actions gratuites dont il dispose. Autre tendance: les États veulent avoir accès à la ressource brute extraite et, de plus en plus, à la ressource transformée pour devenir des acteurs du marché mondial. Les sociétés minières ne profitentelles pas de l’incertitude juridique pour obtenir des passe-droits ?
Il faut savoir que bien souvent les règles régionales prévalent sur les règles nationales; c’est le cas dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA, NDLR], qui s’est dotée d’un code minier à valeur supranationale. Par ailleurs, aufuretàmesurequel’Étatacquiert de l’expérience, les textes s’améliorent, se développent et se complètent. Plus le secteur minier prend de l’importance dans un pays, plus cederniervacontraindrel’exploitant et mieux il va encadrer ses contrats.
VINCENT FOURNIER/J.A.
B
asé à Paris et Casablanca, l e c a b i n e t Je a n t e t Associés possède un département énergie, mines, infrastructure comprenant une dizaine d’avocats ; 20 % de ses activités concernent des dossiers d’arbitrage (essentiellement en Afrique, et au Proche et MoyenOrient), 5 % à 10 % la rédaction de réglementations relatives aux secteurs des mines et de l’énergie (les opérations transactionnelles occupent le reste). Responsable du département, Thierry Lauriol, spécialiste du pétrole et des mines, est entré au cabinet Jeantet Associés en 1993.
Ce docteur d’État en droit est PRÉSIDENT DE
L’ASSOCIATION
AFRIQUE
DU BARREAU DE
PARIS.
Les exploitants sont accusés de piller les ressources, avec trop peu de contreparties…
Les sociétés minières participent pourtant à l’amélioration des codes, à l’encadrement des contrats; elles proposent des projets de développement local auxquels les États n’auraient pas forcément pensé. Citons Madagascar, avec le projet de pôle intégré de croissance dans la région de Fort Dauphin [plus de 925 millions d’euros d’investissements]: l’État et le minier ont trouvé des intérêts convergents. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Dossier Mines L’alternance politique n’est-elle pas, bien souvent, synonyme d’annulations de permis ?
Les conventions et les permis miniers ne sont pas systématiquement remis en question lorsqu’il y a une alternance. Qu’est-ce qu’un bon accord ?
Un bon accord anticipe les évolutions. Les juristes doivent proposer un outil flexible, qui s’adapte sur les vingt à trente années à venir. Quant à la répartition des bénéfices, rappelons que les exploitants investissent souvent en pure perte. Il ne faut donc pas seulement regarder les mines qui génèrent des profits. Tout le monde doit s’y retrouver. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) ou les ONG n’ont-elles pas
immédiatement nos interventions. La jurisprudence internationale sanctionne fermement de telles pratiques. On peut citer une sentence rendue sous l’égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investisse-
obligé les sociétés à devenir plus responsables ?
La pression est plus forte aujourd’hui qu’avant. Le développement des normes internationales s’impose aux miniers. Globalement, l’approche locale des projets est
Un bon accord doit pouvoir anticiper les évolutions sur les vingt à trente années à venir. meilleure que par le passé. Ceux-ci se fondent plus facilement et de façon plus pérenne dans la zone d’exploitation.
ments (Cirdi) – nous défendions les intérêts de l’État du Burkina Faso – condamnant des comportements douteux au moment de la signature d’une convention. Je veux cependant souligner que la corruption n’est pas toujours initiée par la partie étatique et n’est pas l’apanage de l’Afrique. ●
D’aucuns estiment que la corruption dans le secteur est une fatalité en Afrique. Qu’en pensez-vous ?
À deux reprises, nous avons été sollicités et avons décidé d’arrêter
Propos recueillis par MICHAEL PAURON
MINERAI DE FER
Bilan mitigé pour Vale Le brésilien, qui enregistre des succès au Mozambique, prévoit d’importants investissements sur le continent. Pourtant, en Guinée, l’heure est à l’attentisme.
D
es visages qui s’illuminent à la seule mention de Vale, des habitants de la vallée du Zambèze, au Mozambique, énumérant tous les avantages que le groupe a apportés à la communauté… La diffusion de cette vidéo promotionnelle lors d’une présentation aux investisseurs, en décembre dernier à Londres, illustre à quel point l’Afrique est importante pour la firme brésilienne. L’an dernier, Roger Agnelli, alors PDG, avait
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GIANLUIGI GUERCIA
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annoncé son intention d’y investir 15 à 20 milliards de dollars (11,5 à 15,4 milliards d’euros) d’ici à 2015. Malgré les restrictions budgétaires imposées par son successeur, MuriloFerreira,leminiernecompte pas renoncer à sa promesse. Même
Un salarié du groupe présente la concession sur LE GISEMENT
si le succès de Vale au Mozambique fait un peu figure d’exception dans un continent où le groupe est confronté non seulement à d’énormes problèmes d’infrastructures, mais aussi à des troubles politiques et à une intense concurrence des entreprises chinoises. La compagnie possède ainsi une moitié de la mine de fer de Simandou, en Guinée. Mais l’exploration de ce gisement de classe mondiale a progressé beaucoup plus lentement que prévu. Vale y a freiné ses investissements le temps d’évaluer l’impact du nouveau code minier mis en place par le président Alpha Condé. Dans son budget 2012, la compagnie n’a affecté que 380 millions de dollars à des investissements sur une partie de sa concession, alors que Rio Tinto, minieraustralienégalementprésent sur le gisement, prévoit d’y investir 1,3 milliard de dollars. « La plupart des compagnies minières présentes enGuinéesonttrèspréoccupéespar la nouvelle loi. Nous avons besoin de plus de précisions », explique Murilo Ferreira. ● SAMANTHA PEARSON, à Rio de Janeiro,
DE CHARBON
et WILLIAM MACNAMARA, à Londres
DE
© Financial Times et Jeune Afrique 2012.
MOATIZE.
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An Affiliate of Freeport-McMoRan Copper & Gold
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SÉNÉGAL
Le nouvel eldorado
F
lambée du cours de l’or oblige (1 664 dollars l’once au 25 janvier, soit 1 279 euros), les représentants de sociétés minières du monde entier se bousculent au ministère des Mines et de l’Industrie pour obtenir des permis. À Kédougou, dans le sud-est du pays, deux compagnies sont actuellement à l’œuvre. La coentreprise canadienne Oromin Joint Venture Group est en phase d’exploration. Quant à Sabodala Gold Operations (SGO), une société de droit sénégalais détenue à 90 % par le canadien Teranga Gold Corporation, elle a déjà lancé l’exploitation. Le sud-africain Randgold Resources, l’australien Bassari Resources Ltd et le canadien Axmin disposent également de permis de recherche dans cette région aurifère. Très proches l’un de l’autre, les sites miniers d’Oromin et de SGO sont situés respectivement à Golouma et à Sabodala, à quatre heures de piste de Kédougou, la principale ville du Sénégal oriental. Près du village de Sabodala, de gigantesques camions effectuent des allers-retours incessants entre les différents cratères creusés dans le sol. SGO dispose également d’un poste de recherche près de Diabougou, à quelques kilomètres de la frontière malienne, là où se trouve le plus gros village d’orpailleurs au Sénégal. De son côté, à Golouma, Oromin a découvert un gisement de 120 tonnes d’or, dont 45 t sont JEUNE AFRIQUE
ADOUCOUR/APANEWS
La zone aurifère de Kédougou, dans le sud-est du pays, attire des opérateurs du monde entier. Ses atouts : des gisements prometteurs, mais aussi un code minier très avantageux. exploitables. « Nous avons dépensé 140 millions de dollars dans les activités de prospection et de développement. Nous évaluons à 300 millions de dollars l’investissement supplémentaire à réaliser avant de pouvoir sortir le premier lingot d’or », souligne Aziz Sy, vice-président de l’entreprise pour les opérations au Sénégal. EXONÉRATIONS. « Presque tous les permis de recherche – une trentaine – ont été octroyés. C’est : premier venu, premier servi », précise Ousmane Cissé, directeur des mines au ministère des Mines et de l’Industrie. Le cadre législatif attrayant explique largement cette ruée vers l’or : jusqu’à sept ans d’exonération fiscale pour les permis d’exploitation et des conditions avantageuses en matière d’impôt sur les sociétés. Autre mesure alléchante pour les opérateurs : la possibilité de rétention de titres miniers. « Quand les sociétés découvrent de l’or et que les conditions économiques et techniques du moment ne permettent pas l’exploitation du gisement, la loi permet une période de rétention de deux ans. » Grâce à la loi de 2003 qui encourage l’investissement privé national dans le secteur des mines, cinq compagnies sénégalaises sont actuellement présentes sur le terrain de l’exploration : Rokamco, Watic, Nafpec, Sen Gold et Sored Mines. Elles opèrent dans le cadre de coentreprises formées avec
L’USINE DU SITE DE SABODALA le 3 juin 2009, jour de son inauguration.
5
tonnes d’or
ont été extraites en 2010 dans le pays, ce qui le place au 13e rang en Afrique
des compagnies étrangères. Une option « facilitée par le fait qu’il n’y a pas de discrimination vis-à-vis de la nationalité de l’entreprise dans l’accès aux titres ; en outre, en phase d’exploitation, la société privée nationale peut négocier jusqu’à 25 % des parts de la société étrangère au prix du marché », explique le directeur des mines. L’État, qui détient une participation gratuite de 10 % dans le capital de chaque société minière, est rémunéré dès l’entrée en production via une redevance fixée à 3 % de la valeur marchande du produit. Les entreprises doivent s’acquitter d’un droit d’entrée de 750000 F CFA (1140 euros) pour un permis de recherche et de 7,5 millions de F CFA pour exploiter le sous-sol. « Le système d’exonération nous permet de récupérer notre investissement. Le régime fiscal est très attrayant, comparé aux autres codes miniers de la sous-région », note Aziz Sy. Le sous-sol sénégalais attire tellement que les autorités ont décidé de revoir leur cahier des charges. « Nous souhaitons qu’il y ait un partage de production [à hauteur de 10 % de la production] sur tous les contrats négociés, afin que nous puissions gagner de l’argent, que les sociétés minières fassent du profit ou pas, explique Ousmane Cissé. De plus, nous nous dirigeons vers moins d’exonérations fiscales, car il faut que l’exploitation rapporte au peuple. » ● AURÉLIE FONTAINE, à Dakar N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Dossier Mines GUINÉE
Des gisements en sommeil Le pays recèle d’importantes réserves de bauxite, de fer et d’or. Pourtant, il attire peu. En cause, les réformes inachevées, des licences gelées et un code peu adapté… Alpha Condé a fort à faire pour y remédier.
A
prèsl’investitureduprésident Alpha Condé, le 21décembre2010,mettant fin à trois années d’instabilité politique en Guinée, la plupart des groupes miniers se sont penchéssurlespotentialitésdupays, longtempsnégligées.En2011,ilsont affiché leur intérêt pour la bauxite (les deux tiers des réserves mondiales sont guinéennes), le fer et l’or du pays. Signe de cet engouement d’alors, le nouveau ministre des Mines, Mohamed Lamine Fofana, était l’une des personnalités les plus courtisées de la conférence Mining Indaba au Cap, en février 2011, le rassemblement annuel des miniers du continent. Un an plus tard, l’enthousiasme pour la Guinée s’est nettement émoussé. « Après les discours volontaristes des nouvelles autorités, on est toujours dans l’attente d’orientations claires pour le secteur minier, notamment en matière d’infrastructures. On espère aussi des procédures d’attribution des permistransparentesetéquitables», indique Boubacar Bocoum, responsable du secteur minier à la Banque mondiale, qui a effectué denombreusesmissionsàConakry. «Alorsquel’urgenceestdedémarrer l’exploitation de gisements exceptionnels,commeceuxduSimandou [le gisement de fer le plus important d’Afrique, NDLR], qui attendent depuis cinquante ans, on s’est lancé dans des réformes tous azimuts et non abouties, sans autre résultat que d’effrayer les investisseurs. Du coup, les miniers présents dans le pays sont dans une position d’attentisme, et les autres se détournent de la Guinée », s’insurge MamadyYoula,directeurgénéraldu N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
projet de raffinage Guinea Alumina Corporation (GAC), issu du consortium de Global Alumina, BHP Billiton et Dubai Aluminium. BLOQUÉ. Pour le directeur général de GAC, le fait qu’il y ait, du côté de l’État, deux interlocuteurs différents nuit à la bonne marche du secteur: « D’un côté, il y a le ministre des Mines, Lamine Fofana, qui doit faire appliquer la réglementation déjà existante. De l’autre, il y a Ahmed Kanté, le conseiller du président chargé des questions minières, qui prépare les réformes. Mais, dans la réalité, le ministre est pratiquement absent, car il attend des décisions de la présidence. Aucune compagnie n’obtient de réponse à ses questions et les attributions de nouvelles licences sont gelées. Tout est bloqué! » s’insurge le directeur général de Guinea Alumina, qui regrette que les décideurs publics
GEORGES GOBET/AFP
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À KAMSAR, AU NORD DE
CONAKRY, l’usine de la Compagnie des bauxites de Guinée.
Deux interlocuteurs différents du côté de l’État, cela nuit à la bonne marche du secteur. n’aient guère changé ces dernières années. Ahmed Kanté était ministre de 2007 à 2008, sous Lansana Conté, période où il s’est fortement heurté aux professionnels du secteur, en particulier lors des grèves de 2007. Lamine Fofana, ancien responsable des questions minières à la primature, est resté très proche de son prédécesseur, Mahmoud Thiam (ministre de 2007 à 2011). Quant à l’ancien Premier ministre Kabiné Komara (sous Dadis Camara), il a lancé sa propre compagnie minière. Le nouveau code minier guinéen, voté le 9 septembre 2011 par le
Conseil national de transition (CNT, qui fait office de Parlement), était censé simplifier les règles et renforcerlerôledel’État(avecuneprisede participation gratuite de 15 %). Mais à peine voté, il a suscité une levée de boucliers: « Le texte comprend des passages en contradiction avec la loi guinéenne,c’estuncauchemarpour les juristes! » affirme maître Thierry Lauriol, avocat au sein du cabinet Jeantet. « Le code a été élaboré trop rapidement par Ahmed Kanté, appuyé par quelques experts [dont ceux du Revenue Watch Institute, financé par George Soros], mais sans consultation des dirigeants et professionnels du secteur », regrette desoncôtéMamadyYoula,pourtant vice-président de la chambre des mines et pour qui la version précédente (datant de 1995) n’était pas si mauvaise et permettait de prendre son temps. Le président Alpha Condé, conscient de la nécessité de redresser la barre, a annoncé fin décembre son intention de s’impliquer davantage dans ces dossiers en 2012, notamment pour accélérer la révision des grands contrats et faire œuvre de transparence. Il est attendu de pied ferme par les miniers. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
Dossier EXPLOITATION AURIFÈRE
Semafo plie mais ne rompt pas Ébranlée par des émeutes sur son site guinéen, la junior canadienne a néanmoins rempli ses objectifs en 2011.
L
a minière québécoise présente au Burkina Faso, au Niger et en Guinée peut se frotter les mains: le volume de sa production d’or a augmenté de 175 % ces cinq dernières années, et ses bénéfices ont connu une forte croissance en raison de la flambée du prix du métal jaune (+ 26 % en 2011). Semafo a annoncé le 11 janvier avoir atteint ses objectifs en 2011 avec une production de 250 100 onces. « Les ventes ont totalisé 249 600 onces, permettant à la société d’afficher sa meilleure performance à ce jour en termes de revenus annuels, à 396 millions de dollars [US, soit près de 306 millions
d’euros] », précise Benoît La Salle, président et chef de la direction. VIOLENCE. Après le record de 261100 onces établi en 2010, le léger ralentissement de la production en 2011 s’explique par des incidents survenus sur le site guinéen de Kiniero en septembre 2011. Une manifestation de villageois a évolué en une émeute durant laquelle ils ont saccagé les locaux des soustraitants de Semafo et pris d’assaut les résidences de ses employés expatriés. À l’origine de cette flambée de violence: le sentiment des habitants d’être les laissés-pour-compte du
4 millions de dollars C’est le budget
du programme de forage lancé à Kiniero. L’exploration a repris fin octobre 2011
recrutement, mais surtout la dissolution,parleministèredel’Administration du territoire, du Comité local de médiation et de suivi, qui gérait le fonds de développement local alloué par Semafo (estimé à 0,4 % de son chiffre d’affaires). Résultat : « Le site est toujours fermé, dans l’attente de négociations », explique Fofana Haphy, chargé des relations extérieures de la compagnie. « Il est impossible de déterminer une échéance concernant la reprise des activités de production, celle-ci étant suspendue à la mise en place d’un environnement sécuritaire permettantunretourauxopérations normales », indique Jean-Paul Blais, vice-président chargé des affaires institutionnelles. En revanche, l’exploration a repris fin octobre. ● FANNY REY
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Dossier Mines BOURSE
Toronto plutôt que Jo’burg Pour lever des fonds, les sociétés du continent préfèrent les grandes places internationales aux marchés financiers locaux. Explications.
L
«
a Bourse de Toronto est populaire parmi les compagnies minières juniors, car c’est un marché liquide, avec de la profondeur et dont les investisseurs sont familiers des risques associés à l’activité d’exploration. » Adrian Macartney, directeur chez Ernst & Young à Johannesburget consultant pour le secteur des mines, le reconnaît: si la multitude de sociétés opérant en Afrique lève des fonds à longueurd’annéeàLondres,Sydney ou Toronto (lire encadré), c’est parce que celles-ci y trouvent de quoi assurer le financement de leurs activités d’exploration mais aussi une communauté d’affaires – des grandes banques aux meilleurs avocats – rompue aux opérations boursières. Les exemples abondent, parmi lesquels First Quantum et IamGold, qui levaient en 2009 à Toronto 345 millions de dollars canadiens chacun (208 millions d’euros à l’époque), le premier pour financer ses activités situées entre la RD Congo et la Zambie ainsi qu’en Mauritanie; l’autre, ses recherches au Burkina. L’année suivante, la principale entrée en Bourse d’une société minière africaine se déroulait à la City londonienne, avec
NADINE HUTTON/BLOOMBERG GETTY IMAGES
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Seuls 59 miniers étaient cotés au JOHANNESBURG STOCK EXCHANGE fin 2010.
l’introduction d’African Barrick Gold, qui opère plusieurs mines en Tanzanie, pour près de 900 millionsdedollars(660millionsd’euros d’alors). ALTERNATIVE. Pendant ce temps,
les places financières africaines restaient largement boudées et inactives. « Malheureusement, le succès de ces marchés internationaux s’est fréquemment fait au détriment de la Bourse de Johannesburg », pointe Adrian Macartney. Sur le papier, en termes de liquidité et de profondeur demarché,laPlacesud-africaineest la seule du continent à pouvoir réellement espérer offrir aux sociétés minières une alternative locale aux grandes Bourses internationales,
36%
des fonds levés entre 2000 et 2010 par des sociétés du secteur l’ont été à Toronto
qui, de leur côté, mettent toute leur énergie à attirer les explorateurs africains.Elleadesurcroîtl’avantage d’être le lieu de cotation historique de plusieurs poids lourds miniers nés dans le pays, d’AngloGold Ashanti à Kumba Iron Ore. Mais elle souffre – comme l’ensemble du continent – d’une activité trop faible : à peine une quinzaine d’introductions par an depuis deux ans, quand une Place comme Toronto attire au minimum 150 à 200 nouvelles entreprises. Résultat: Johannesburg s’est fait doubler et comptait59sociétésminièrescotées fin 2010, contre 180 à Toronto… En Afrique de l’Ouest, l’autre grand pôle minier du continent, la situation est plus critique encore.
MATCH AU SOMMET EN RAISON DE SES IMMENSES BESOINS DE FINANCEMENT, le secteur est l’un des plus représentés en Bourse et, surtout, l’un des plus actifs. En 2010, 330 entreprises minières ont fait leur entrée sur l’un des six grands marchés internationaux actifs dans ce domaine et plus de 22 milliards d’euros ont été levés à travers le monde par des sociétés du secteur. Si NewYork reste la première Bourse minière en termes de capitalisation, notamment parce que les grandes multinationales, de Rio N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Tinto à AngloGold Ashanti, y sont cotées,Toronto devient incontournable. La Place canadienne, qui inclut en réalité deux Bourses (Toronto Stock Exchange etTSX Venture Exchange), est désormais la première au monde par le nombre de miniers cotés (1531, fin 2010). Surtout, elle est loin devant ses concurrentes en termes d’activité: entre 2000 et 2010, 36 % des fonds levés à travers le monde par des sociétés du secteur l’ont été dans cette F.M. ville canadienne. ● JEUNE AFRIQUE
Dossier
Illustration : H5 –
Malgré l’émergence de plusieurs groupes sur la scène régionale, dont Randgold Resources (coté à Londres), aucun minier n’est inscrit à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, basée à Abidjan). « C’est un investissement de spécialistes, particulièrement risqué, souligne Kadi FadikaCoulibaly, directrice générale du courtier ivoirien Hudson & Cie. Car, avantquelacompagnienedécouvre un gisement, sa valorisation est négative, et elle augmente de façon exponentielle à la minute où une découverte est réalisée. Il faudrait un compartiment spécialisé pour les industries de ce type, permettant aux investisseurs sophistiqués d’y investir. » COTATION MULTIPLE. La déci-
sion de la Namibie d’ouvrir un marché « secondaire », baptisé Development Capital Board, pour les jeunes sociétés ayant peu ou pas de revenus a par exemple permis d’attirer près d’une dizaine de sociétés minières déjà cotées sur des places internationales mais opérant dans le pays. À l'instar de ces compagnies, les entreprises en développement du secteur apprécient de plus en plus la cotation multiple, car elles y trouvent une chance de lever plus
En 2010, la principale introduction d’une compagnie africaine du secteur s’est déroulée à Londres. facilement des fonds. S’introduire sur une place africaine permet aussi de s’ancrer davantage dans le paysageéconomiquelocal.C’estnotamment pour cette raison qu’African Barrick Gold a fait ses premiers pas sur la place boursière tanzanienne en décembre dernier. « Nous pensons que les cotations croisées donnent une opportunité unique d’améliorer la connaissance locale de notre société, de ses opérations et de ses projets, tout en agissant pour développer la liquidité et la propriété de ses titres en Tanzanie », expliquait alors le groupe minier. Le début d’une nouvelle tendance ? ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
NOTRE ACTIVITÉ MINIÈRE EST UN DÉFI TECHNOLOGIQUE ET INDUSTRIEL. MAIS AUSSI SOCIAL, SOCIÉTAL ET ENVIRONNEMENTAL. Chez AREVA, nous avons toujours fait de la sûreté et de la sécurité nos priorités absolues, et du progrès continu le cœur de notre projet d'entreprise. Numéro un mondial du nucléaire et acteur engagé dans les énergies renouvelables, nous faisons partie des principaux producteurs d'uranium dans le monde. Et cette position nous oblige à respecter les territoires, leurs populations et leurs ressources, que ce soit avant, pendant, ou après la phase de production au sein des mines.
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L’énergie est notre avenir, économisons-la !
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NICOLAS FAUQUE
ð Conséquence des grèves et sit-in, LES BÉNÉFICES DE LA CPG ONT ÉTÉ DIVISÉS PAR QUATRE EN 2011.
TUNISIE
Gafsa, éternelle poudrière
Un an après la révolution, le bassin minier reste une région déshéritée. Les mouvements sociaux, qui ont fait chuter la production de phosphate, n’ont pas apporté de réelles améliorations, et la situation est tendue.
Q
uand le bassin minier de Gafsa, au sud du pays, s’insurge, c’est toute la Tunisie qui vacille. Les politologues Vincent Geisser et Larbi Chouikha ont ainsi considéré que le soulèvement de la région en 2008 était un « mouvement social emblématique de la crise du “système Ben Ali” ». Mais depuis, les espoirs d’embauche et de développement, qui avaient flambé comme le cours mondial du phosphate, se sont évanouis. Et la révolution ne les a pas davantage concrétisés. La région, avec 40 % de chômeurs, reste l’une des plus sinistrées du pays. En novembre dernier, la proclamation des résultats opaques du concours de recrutement à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) est venue aggraver les tensions sociales jusqu’à paralyser le bassin minier. Cette situation chaotique, émaillée de grèves, sit-in et débrayages ayant entraîné l’arrêt de la production, a fait chuter l’an dernier les bénéfices de la CPG à environ 100 millions d’euros, contre 427 millions en 2010. Les stocks ont permis de faire face à certaines commandes, mais les donneurs d’ordre se sont ensuite tournés vers le Maroc. « En 2011, la compagnie aurait pu dépasser les 500 millions d’euros », affirme Kaïs Daly, son PDG. N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Ruée vers l’emploi Pour
3 800
postes proposés par la Compagnie des phosphates de Gafsa et ses filiales,
17 000
candidats se sont présentés. L’annonce des résultats, en novembre, a déclenché des soulèvements
M’dhilla, le groupe est géré depuis Tunis. En outre, pour répondre à la demande pressante d’emplois, la CPG a créé des sociétés chargées du transport et du nettoyage, dont la masse salariale mensuelle dépasse 250 000 euros mais dont l’action n’est guère visible. Autre point noir: l’exploitation du phosphate consomme beaucoup d’eau. Pour produire 8 millions de tonnes, 10 millions de m3 doivent être pompés dans des nappes fossiles – et n’approvisionnent donc pas les nappes phréatiques, indispensablesauxcultivateurs.Enoutre, les eaux de lavage, déversées dans le milieu naturel, engendrent une pollution par le fluor. Des pratiques quiprovoquentlacolèredesagriculteurs et inquiètent les écologistes. « Les problèmes récurrents paralysant l’activité de la CPG et du GCT s’expliquent par l’abandon par l’État de ses prérogatives et attributs dans le bassin minier », affirme
Depuis 1896, la CPG exploite le phosphate, principale ressource minière du pays (cinquième producteur mondial, avec 8 millions de tonnes en 2009). Installé à l’entrée de Gafsa, son siège domine la ville, comme le symbole de son hégémonie. Mère nourricière de toute la région, la CPG a longtemps été un État dans l’État. Elle gérait les lignes de che« Il faut que les populations min de fer, assurait la aient le sentiment que leurs distribution de l’eau, du problèmes sont enfin pris en gaz et de l’électricité, premain par Tunis. » nait en charge les soins, l’éducation des enfants, KHALIL ZOUIA, ministre des Affaires sociales et organisait même les Abderrazak Lejri, chef d’entreprise loisirs. Avec l’effondrement des natif de la région. Il suggère que la cours dans les années 1990 et sa « CPG se recentre sur son métier fusion avec le Groupe chimique de base et son activité principale, tunisien (GCT, qui valorise le phostout en maintenant son apport phate qu’elle extrait), l’entreprise logistique et financier aux projets a dû réduire la voilure et passer de développement ». En visite sur en quelques années de 15 000 à place début janvier, le ministre tuni5000 emplois. « Depuis cent quinze sien des Affaires sociales, Khalil ans, la compagnie est comme une Zouia, s’est prononcé en faveur vache à lait qui laisse sa bouse à d’une « task force » regroupant des Gafsa et dont le lait va ailleurs, laisreprésentants des ministères de sant ses veaux affamés », résume le l’Emploi, des Affaires sociales, de journaliste Lakhdar Souid. la Santé, de l’Environnement ainsi que du Développement régional. POLLUTION. Les crises successives « Il faut que les populations des dévoilent les dysfonctionnements gouvernorats de Gafsa, Sidi Bouzid du GCT et, surtout, de la CPG. Côté et Kasserine aient le sentiment que management, alors que le mineleurs problèmes sont enfin pris en rai provient des sites de Metlaoui, main par Tunis », a insisté Zouia. ● Redeyef et Oum el-Arayes et que FRIDA DAHMANI, à Tunis l’engrais est produit à l’usine de JEUNE AFRIQUE
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Le Groupe
Dossier Mines de tep en 2030. Selon le groupe pétrolier BP, « la plus grande part de la croissance de la production d’énergie nucléaire viendra de la région Asie-Pacifique ».
URANIUM
Pékin, chevalier blanc du minerai jaune
Avec un programme de 27 réacteurs nucléaires, la Chine permet au secteur de ne pas déprimer. Si bien que, malgré la catastrophe de Fukushima, les experts prévoient une hausse de la demande.
JACQUES TORREGANO
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O
ù va la filière uranium ? Certes, l’accident de Fukushima, en mars 2011, au Japon, et la fin programmée du nucléaire en Allemagne – notamment – ont fait chuter les prix du minerai de 70 dollars la livre avant la catastrophe à 50 dollars en fin d’année. Certes, le français Areva, empêtré dans le scandale du rachat d’Uramin (lire encadré), a décidé de suspendre ses projets en Namibie et en Centrafrique pour au moins deux ans. Certes, sa mine d’Imouraren, au Niger, l’une des plus importantes du monde, pourrait par ailleurs ne pas démarrer avant 2016… PÉNURIE. Mais, à y regarder de plus
près, il y a des signes encourageants. Et l’un des plus significatifs vient de Chine. Le géant asiatique prévoit la construction de 27 réacteurs nucléaires, et d’aucuns prédisent N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Usine du français AREVA, à Arlit (Niger). Le groupe a décidé de suspendre ses projets en Namibie et en Centrafrique.
même une pénurie de combustible à moyen terme. Pour Steve Kidd, directeur général adjoint de l’Association mondiale du nucléaire, « l’impact sur l’approvisionnement se fera sentir dans cinq ans ». La production d’énergie nucléaire devrait ainsi atteindre 777,8 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2020 et plus de 1 milliard
PATIENCE. Avec le plus grand programme nucléaire mondial, la Chine cherche à sécuriser ses approvisionnements. Chargée de ce plan, la firme publique China Guangdong Nuclear Power Corporation (CGNPC) a ainsi finalisé en décembre, après presque un an de tractations, le rachat de Kalahari Minerals (basé et coté à Londres), pour 989 millions de dollars (près de 750 millions d’euros). La patience du groupe chinois a payé : avant Fukushima, CGNPC avait fait une proposition de 1,23 milliard de dollars… Surtout, Pékin s’offre, à travers cette acquisition, 42,5 % d’Extract Resources, une société australienne qui développe la mine d’uranium namibienne de Husab et dont l’autre actionnaire principal n’est autre que Rio Tinto, avec 14 %. Faute d’expérience dans les mines (il est davantage un producteur d’énergie), il est fort probable que CGNPC désigne Rio Tinto comme opérateur. Extract Resources a peut-être eu de la chance en voyant arriver les Chinois. Ces derniers pourraient bien être, en cette période d’incertitude, les seuls à vouloir encore investir sur le long terme. Jonathan Leslie, patron de la société australienne, ne cachait d’ailleurs pas son pessimisme au lendemain de la catastrophe japonaise : « Les nouveaux projets auront du mal à trouver des financements », disaitil. C’était compter sans l’empire du Milieu. ● MICHAEL PAURON
AREVA EMPÊTRÉ AVEC URAMIN LE SECTEUR A EU SON DRAME AVEC FUKUSHIMA, et son scandale avec Areva : en rachetant en 2007, pour 1,8 milliard d’euros, la société canadienne Uramin, propriétaire de trois sites en Afrique du Sud, en Centrafrique et en Namibie, le groupe français a fait la plus mauvaise affaire de son histoire. Surévaluées, les mines se révèlent décevantes et chères à développer. Un rapport de 2010 établissait déjà clairement qu’il s’agissait d’une « opération douteuse » et « potentiellement frauduleuse ». L’ancienne patronne, la charismatique Anne Lauvergeon, est-elle coupable ? Une nouvelle enquête devrait déterminer la chaîne des responsabilités. ● M.P. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Mines EN BREF MADAGASCAR
Production de nickel en vue
MABOUP
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LE SITE DE MBALAM recèle la première réserve du pays. Plus pour longtemps ? CAMEROUN
Afferro Mining passe à la vitesse supérieure Le groupe britannique déplace son siège africain pour se rapprocher de son gisement de Nkout. Toujours en phase d’exploration, il y a déjà détecté 2 milliards de tonnes de minerai de fer.
S
pécialisé dans le minerai de fer, Afferro Mining transfère sa base africaine du Liberia au Cameroun pour se rapprocher de sa concession de Nkout (Sud). Coté aux Bourses de Toronto et de Londres (AIM), le groupe anglais opérait jusqu’à présent dans le pays par le biais de sa filiale Cameroon Mineral Exploration (Caminex), une société de droit local créée en 2006. À l’origine de sa décision : la mise en évidence des réserves de 2 milliards de tonnes de fer à Nkout, d’autant que ce chiffre pourrait être porté à 4 milliards au terme de l’exploration. De quoi devancer la réserve de Mbalam, qui, avec son potentiel de 3 milliards de tonnes, occupait jusqu’ici le premier rang national.
Selon Peter Taylor, directeur des opérations, 300 emplois directs ont déjà été créés. En phase d’exploitation – prévue d’ici à sept ans –, le nombre de postes devrait décupler. Cette deuxième étape des opérations requiert d’autres investissements, au premier rang desquels la construction d’une ligne de chemin de fer entre Kribi et Mbalam, d’un terminal consacré au fer sur le site du futur port en eau profonde de Kribi et du barrage de Memve’ele pour assurer l’alimentation électrique. Selon les responsables de la compagnie minière, le gisement sera exploité pendant soixante-dix ans avant son épuisement. Pour l’instant, après seize mois d’exploration, l’investissement d’Afferro Mining s’élève à 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros). ● FANNY REY
DANS LE DISTRICT de Moramanga, à l’est de l’île, l’exploitation du projet Ambatovy devrait être lancée d’ici à la fin du premier trimestre de cette année. Un tournant pour Madagascar, qui intégrera alors le cercle des pays producteurs de nickel et de cobalt. En 2013-2014, lorsque la production atteindra son rythme de croisière (60000 tonnes de nickel raffiné, 5600 t de cobalt raffiné et 210000 t d’engrais, sous forme de sulfate d’ammonium, par an), le nickel deviendra l’un de ses produits d’exportation phares. Fruit d’un partenariat entre les canadiens Sherritt International Corporation et SNC-Lavalin, le japonais Sumitomo Corporation et le coréen Korea Resources Corporation, ce projet a mobilisé 5,5 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros), le plus important investissement étranger jamais réalisé à Madagascar – et l’un des plus grands en Afrique subsaharienne. ●
RD CONGO
Statu quo fiscal pour le secteur LA MISE EN ŒUVRE, le 1er janvier dernier, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA, qui remplace l’impôt sur le chiffre d’affaires) ne remet pas en question le régime fiscal applicable dans le secteur minier tel que fixé par le code de 2002. C’est ce qu’ont indiqué Carol Lutaladio Mbuta et Vincent Kabwa Kanyampa, directeurs généraux adjoints respectivement de la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et de la Direction générale des impôts (DGI), au cours d’une mission de clarification au Katanga, du 12 au 14 janvier. ●
La date très attendue
2014
LE DÉBUT DE LA PRODUCTION D’OR À KIAKA
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AU BURKINA FASO, VOLTA RESOURCES POURSUIT L’EXPLORATION sur le site aurifère. En deux ans, 22,9 millions d’euros ont été injectés, et une réserve estimée à 125 tonnes décelée. Le chef géologue du site de Kiaka, Didier Kaboré, compte faire la demande d’exploitation début 2013, pour une mise en production prévue en 2014. ● JEUNE AFRIQUE
Culture & médias
Leïla Kilani
« Mes héroïnes sont magnétiques, incandescentes, contestataires, intelligentes » Après deux documentaires remarqués, la réalisatrice marocaine se lance dans la fiction. Film coup-de-poing, Sur la planche explore la part d’ombre de Tanger et raconte le difficile combat pour survivre d’un quatuor de jeunes filles.
Propos recueillis par
«
RENAUD DE ROCHEBRUNE
J
e ne vole pas, je me rembourse ; je ne me prostitue pas, je m’invite ; je ne mens pas, je suis juste en avance sur la vérité : la mienne. » Dès le début de Sur la planche, avec cette déclaration de Badia, la meneuse d’un quatuor d’ouvrières qui, la nuit, versent dans la délinquance, le spectateur sait qu’il ne va pas voir un film romantique, mais une œuvre dérangeante. L’action se déroule autour du port de Tanger, où survivent, dans un état de tension permanente, des postadolescentes employées dans un atelier de décorticage des crevettes ou, pour les mieux loties, dans une usine de confection. Badia, qui fait partie des premières, est en permanence à fleur de peau. Subversive, excessive, elle monte coup tordu sur coup tordu pour ne pas renoncer à vivre ses rêves sans entraves. Et tant pis pour les bien-pensants ! Première fiction de Leïla Kilani, ce film coupde-poing ne nous invite pas à visiter le Tanger des touristes… Sensation de la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, il confirme que son auteure est l’un des grands espoirs du cinéma marocain. Ce dont on se doutait N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
depuis Tanger, le rêve des brûleurs (2003) et Nos lieux interdits (2008), deux documentaires incisifs. À 40 ans, Leïla Kilani est une femme décidée et presque aussi « speedée » que ses personnages. Passionnée par les images, mais détestant les clichés, elle fait entendre une voix singulière dans l’univers du septième art. Certains, non sans raison, comparent déjà Sur la planche aux longs-métrages des frères Dardenne. On attend avec impatience ses prochains films pour vérifier que le compliment, comme on le pense, n’est pas usurpé. JEUNE AFRIQUE : Comment a été reçu Sur la planche, notamment au Maroc ? LEÏLA KILANI: Les réactions sont épidermiques,
passionnelles. Qu’ils soient pour ou contre, les spectateurs se sentent engagés après avoir vu le film, plus encore que ce ne fut le cas pour mes documentaires. L’identification, l’adhésion, l’envie de défendre ou de rejeter sont incroyablement fortes.
VÉRONIQUE BESNARD POUR J.A.
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REMARQUÉE AU FESTIVAL DE CANNES, la réalisatrice revendique le droit d’interpeller le spectateur.
L’adhésion ou le rejet concernent-ils les personnages ou la situation décrite ?
Ce qui crée le clivage, c’est le personnage de Badia. Qu’on l’accepte ou qu’on la rejette, qu’on l’aime ou qu’on la déteste, c’est toujours sans nuance, et cela rejaillit sur la façon dont on reçoit le film. C’est très éprouvant, mais aussi très troublant et même émouvant pour moi de voir que ce film provoque des réactions aussi radicales. Comme s’il devenait un objet autonome. Quand on rejette Badia, c’est avant tout pour son amoralisme ?
L’expression qui revient le plus, c’est : « Je ne la supporte pas. » Et si on donne une explication, ce
AURORA FILMS & SOCCO CHICO FILMS PRÉSENTENT
Festival de San Sebastian Sélection Officielle
Festival International de Rotterdam Festival Paris Cinéma Mention Spéciale du Jury
« Un uppercut par phrase » LIBÉRATION « Radical, décomplexé et d’une rare intensité politique » CAHIERS DU CINÉMA
SUR LA PLANCHE UN FILM DE LEÏLA KILANI
SOUFIA ISSAMI MOUNA BAHMAD NOUZHA AKEL SARA BETIOUI AURORA FILMS, SOCCO CHICO FILMS, DKB PRODUCTIONS, L’INA, VANDERTASTIC PRÉSENTENT SUR LA PLANCHE UN FILM DE LEÏLA KILANI AVEC SOUFIA ISSAMI, MOUNA BAHMAD, NOUZHA AKEL, SARA BETIOUI - SCÉNARIO LEILA KILANI & ABD-EL HAFED BENOTMAN - IMAGE ERIC DEVIN SON PHILIPPE LECOEUR & LAURENT MALAN - COSTUMES AYDA DIOURI - DÉCORS YANN DURY - MONTAGE TINA BAZ - DIRECTION DE PRODUCTION PIERRICK LE POCHAT - DIRECTION DE POST PRODUCTION MYLENE GUICHOUX - MONTAGE SON ET MIXAGE MYRIAM RENE & LAURENT THOMAS - MUSIQUE ORIGINALE WILFRIED BLANCHARD PRODUCTRICES CHARLOTTE VINCENT & LEÏLA KILANI - AVEC LE SOUTIEN DU CENTRE CINÉMATOGRAPHIQUE MAROCAIN - FONDS SUD CINÉMA - FONDS FRANCOPHONE DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE DU SUD - CINÉMA EN MOUVEMENT 6 - FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE SAN SEBASTIAN - SANAD ABU DHABI WORLD CINEMA FUND - RÉGION ILE-DE-FRANCE - HUBERT BALS FUND - FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE ROTTERDAM - RÉGION BASSE-NORMANDIE - CENTRE IMAGES - RÉGION CENTRE - CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE - THE GLOBAL FILM INITIATIVE - FESTIVAL D’AMIENS - CINEMART & BERLINALE - VENTES INTERNATIONALES FORTISSIMO FILMS - UNE DISTRIBUTION EPICENTRE FILMS
CAHIERS CINEMA DU
Sur la planche, de Leïla Kilani (sortie à Paris le 1er février) JEUNE AFRIQUE
Culture médias
sera : je la trouve « pas morale », « hargneuse », « pas gentille ». C’est vrai que Sur la planche n’est pas un film gentil. Moi, je trouve que Badia est un personnage humain qui a sa morale, une morale bricolée, comme on le voit quand elle refuse certaines propositions. Intuitivement, elle s’interroge sur ce que c’est qu’un individu. Ce qui la conduit à une révolte d’une violence sans nom, difficile à accepter. Après une avant-première, j’ai entendu dire : « Je n’aimais ni le film ni le personnage, mais l’odeur des crevettes me collait à la peau et je n’ai pas pu partir. » Ce n’est que dans un second temps qu’on m’adresse des critiques moins superficielles. Notamment que le personnage pourrait être moins ambigu, plus positif. Mais moi, je défends mes partis pris. Je voulais que l’on se sente interpellé. Vous dites ne tourner que dans l’urgence. Quelle urgence y avait-il à faire ce film ?
C’est une interrogation sur les transformations de ma ville, Tanger. Je voulais raconter ce port-là, ces filles-là. Je souhaitais évoquer, sans orientalisme ni esthétisme, l’injonction de la normalité sociale vis-à-vis de la femme arabe – et comment on peut la refuser. C’est un film sur la rage de vivre. JEUNE AFRIQUE
La Fureur de vivre sans James Dean et à la mode marocaine ?
Pourquoi pas ! J’aime dans le cinéma que nous proposent les États-Unis son rapport au temps contemporain, sa volonté de le traiter par les images et de créer ainsi une mise en scène politique de l’univers américain. Créer ses propres images pour rendre compte de sa civilisation
Je voulais évoquer l’injonction de la normalité sociale vis-à-vis de la femme arabe – et comment on peut la refuser. dans le monde actuel, voilà qui définit ce que je veux faire. C’est la première fois que vous passez du documentaire à la fiction. C’est une rupture ou une continuité ?
Une continuité, même s’il y a une ligne de partage. La différence essentielle concerne la direction des acteurs, l’écriture du scénario, le travail sur les décors. Le documentaire, c’est la N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Culture médias recherche d’un état de grâce avec des individus qui ont conclu un contrat avec vous pour incarner leur personnage, ce qui est radicalement différent de ce qui se passe avec un acteur rémunéré pour une fiction. Dans un documentaire, on entre dans un cadre prédéfini, on ne crée pas le cadre. Vous décrivez cependant dans Sur la planche l’univers bien particulier des ouvrières de la zone franche de Tanger.
Je n’ai pas voulu faire un film sur les ouvrières. Il s’agissait d’aller ailleurs. De raconter des trajectoires. Je me suis inspirée d’une dépêche, lue dans un journal marocain, sur l’arrestation d’un gang de filles, à moitié ouvrières, à moitié prostituées. Je me suis documentée, même si je ne cherchais pas à faire un film particulièrement réaliste.
DR
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NOUZHA AKEL joue le rôle de Nawal dans Sur la planche.
Si Sur la planche n’est pas un film sur les ouvrières, c’est tout de même un film politique et social ?
Ce n’est pas un film sur le travail tel qu’on l’envisage depuis le XIXe siècle et la révolution industrielle, c’est un film sur les changements dans le monde contemporain et sur ce que signifie le terme « village global ». J’ai été fascinée par ces crevettes pêchées en mer du Nord, décortiquées à Tanger et vendues partout dans le monde. Cette mutation qui touche tous les pays de la planète est pour moi éminemment politique. Tout comme l’évolution de la cellule familiale – et cette libération ambiguë des femmes par un travail qualifié d’émancipateur.
Un film prémonitoire ?
Je n’ai pas réalisé un film prémonitoire. Je ne savais pas, bien sûr, ce qui se passerait ensuite. Mais décrire nos sociétés au sein desquelles les problèmes politiques ne sont pris en charge par personne, c’est laisser entendre que cela ne peut qu’exploser. Il n’y a pas besoin de lire dans le marc de café pour repérer cette colère. Une colère qui ne débouche pas sur grand-chose, ou bien sur une victoire électorale des islamistes qui ne plairait guère aux héroïnes de votre film…
La révolte des ouvrières du film est plutôt identitaire, subjective, individualiste…
Ces révoltes peuvent s’agglomérer ! Dans le film, tourné avant le Printemps arabe, on assiste à un suicide social des personnages. Elles disent : ici et maintenant, il n’est pas possible de me réaliser. Ce qui peut paraître annonciateur de ce qui s’est produit dans le monde arabe. Je pense
Nos lieux interdits, documentaire sur l’Instance Équité et Réconciliation, au Maroc (2008).
D’AMBITIEUX PROJETS LEÏLA KILANI travaille sur deux projets de film. Le premier est une fiction, en cours d’écriture, qui se passe dans la bourgeoisie de Rabat pendant un mariage et porte comme titre provisoire Hayriad, du nom d’un quartier communément appelé « la petite Suisse marocaine ». Le second, plus complexe, est né à l’heure du Printemps arabe : il s’agira d’une sorte d’Orestie arabe. Comment le dramaturge grec Eschyle, s’il vivait aujourd’hui, traiterait-il le sujet de la rupture dans le monde arabe ? Arab Orestia devrait être une sorte de documentaire empruntant à plusieurs genres et interrogeant le passage d’une situation pseudo-archaïque à ce que l’on appelle la modernité, tout comme L’Orestie traitait du passage de la barbarie à l’invention de la cité. Sur le plan formel, il s’agit ni plus ni moins pour Kilani d’inventer un nouveau type de film, « transmédias », adapté aussi bien aux RENAUD DE ROCHEBRUNE salles qu’à internet. ● N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
notamment aux immolations. Les jeunes disent que dans l’espace politique actuel ils ne peuvent que brûler leur identité. Cette fureur, celle qu’on voit dans le film, est politique.
On ne peut pas dire que cela ne débouche pas sur grand-chose. Les révoltes démontrent qu’il faut redéfinir le contrat collectif. Mais il ne faut pas verser dans l’angélisme et croire que les changements vont se produire d’un coup. Quant aux islamistes, ce sont des gens qui ont occupé le terrain, alors que les autres partis le désertaient. Leur victoire était attendue et annoncée depuis longtemps au Maroc. Cela va contraindre tout le monde à redéfinir sa position et les mettre, eux, à l’épreuve.
Vos héroïnes sont manifestement pessimistes. Partagez-vous ce pessimisme ?
Leur pessimisme ? Je ne trouve pas qu’elles sont pessimistes. Ce sont des punkettes adolescentes, mais pas du genre no future. Elles veulent vivre ! Elles sont magnétiques, incandescentes, réactives, contestataires, éveillées, intelligentes. Elles viennent d’un univers noir, mais leur vision du monde ne l’est pas. Elles sont enfermées dans une ville et dans un corps où elles sont à l’étroit. Elles essaient de s’échapper, de muer. Pour le reste, je n’ai jamais eu à connaître les situations critiques qu’elles connaissent. J’aime mes personnages, mais il n’y a pas d’identification. À aucun point de vue. ● JEUNE AFRIQUE
Culture médias ADIEU | Etta James
La vie comme une chanson Chanteuse de légende dont le titre At Last avait été repris par Beyoncé lors de l’investiture de Barack Obama en 2009, Etta James s’est tue le 20 janvier.
«
L
Née en 1938 à LosAngeles, Jamesetta Hawkins ne vient pas au monde dans un foyer heureux. Sa mère n’a alors que 14 ans, et elle sera élevée par une ribambelle d’inconnus, des voisins et quelques parents éloignés. Elle ne connaîtra jamais avec certitude l’identité de son père, même si elle était persuadée qu’il s’agissait de Minnesota Fats, un célèbre champion de billard. À l’âge de 5 ans, elle exerce sa voix dans un chœur de gospel au sein de l’église baptiste Saint-Paul. À l’adolescence, elle se tourne vers la musique profane. Découverte à l’âge de 15 ans par l’impresario Johnny Otis – qui est
CHRISTIAN ROSE/FASTIMAGE
IFE IS LIKE A SONG », chantait Etta James. Et comme toutes les chansons, même les plus belles, la vie d’Etta James a pris fin le 20 janvier à Los Angeles. Atteinte d’une leucémie et de la maladie d’Alzheimer, la grande dame du rhythm and blues a connu un destin digne d’un film hollywoodien, où le glamour, les addictions et les histoires d’amour malheureuses ont eu la part belle.
EN CONCERT AU PALACE, à Paris, en juillet 1978.
chaude et grave et son souffle puissant en ont fait une interprète multiforme. Considérée comme une chanteuse de rhythm and blues dans les années 1950, c’est en interprétant des standards pop qu’elle est devenue célèbre, notam-
Elle a influencé Janis Joplin, Tina Turner, mais aussi Amy Winehouse. lui-même décédé le 17 janvier dernier –, elle enregistre le tube TheWall Flower, dont les paroles suggestives font aussitôt scandale. Le titre se hisse aux sommets des charts en 1954. Et comme c’était souvent le cas à l’époque avec les chanteurs noirs, une version plus soft est enregistrée par un chanteur blanc et séduit un très large public. En 1960, Etta James signe un contrat avec Chess Records et enregistre ses premiers grands succès comme All I Could Do Is Cry, Trust in Me, The Fool That I Am et, surtout, l’album Tell Mama (1968). Sur le plan musical, Etta James ne correspond à une aucune case. Sa voix JEUNE AFRIQUE
ment grâce au morceau At Last, enregistré en 1961. Mais elle se vit aussi décerner un Grammy Award dans la catégorie jazz pour un album de reprises de chansons de Billie Holiday en 1995. Malgré un talent reconnu, Etta James n’a jamais véritablement occupé le devant de la scène. Pour Michael Cole, chercheur spécialiste du jazz, « elle a toujours été à un pas du succès populaire. Sans Aretha Franklin, sa principale concurrente, elle aurait été la reine de la soul ». À partir des années 1970, aux prises avec l’héroïne et l’alcool, Etta James multiplie les cures de désintoxication
et connaît une longue traversée du désert. On la retrouve parfois sur scène, notamment en première partie des Rolling Stones, en 1978, mais il faut attendre 1988 pour la voir reprendre le chemin des studios. En 2003, elle enregistre Let’s Roll, qui reçoit le Grammy Award du meilleur album de blues contemporain. Elle s’était attelée, ces derniers mois, à la confection d’un ultime album, The Dreamer, qui sortira en France début février. Devenue une chanteuse classique, invitée dans les festivals les plus prestigieux, elle a influencé Janis Joplin, TinaTurner mais aussi des artistes plus récentes comme Amy Winehouse ou Beyoncé. Cette dernière avait d’ailleurs incarné Etta James, en 2008, dans le film Cadillac Records et avait interprété le titre At Last le jour de l’investiture de Barack Obama. Il en fallait plus pour émouvoir la vieille légende du blues : « Je ne peux pas supporter Beyoncé, je vais lui botter les fesses », avait-elle lancé, avant de se moquer du président « aux grandes oreilles ». ● LEÏLA SLIMANI N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
MUSIQUE
Rappeur enragé YAOBOBBY n’est pas un inconnu dans le microcosme du rap ouest-africain, mais c’est la première fois que le rappeur togolais sort un album en solo: Histoires d’un continent, qui appelle à l’éveil des consciences et pleure le sort d e l ’A f r i q u e . Cependant, rien d’ennuyeux sur cet album de douze titres. Les expérimentations de l’artiste se révèlent réussies : kora, sitar et saxophone accompagnent des textes en éwé, bambara, français et anglais. Variété des rythmes, qualité des arrangements, voix posées avec justesse… De quoi séduire les plus exigeants. ● MALIKA GROGA-BADA Histoires d’un continent, Talent Édition RFI
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ROMAN
Amers souvenirs
HOSPITALISÉE À PARIS, Fatima s’est murée dans le silence, envahie par les souvenirs de son enfance en Algérie. Son fils Saïd vient lui rendre visite, déprimé par la perte récente de son travail, ses amours contrariées et l’état de sa mère. Tour à tour narrateurs, tous deux se confient et racontent leur passé. Fatima ne cesse de revoir l’image d’une petite fille en robe jaune et dévoile peu à peu une histoire douloureuse laissée derrière elle à Alger et dont Saïd ignore complètement l’existence. Les deux personnages semblent ne s’être jamais compris ni dit combien ils s’aimaient. Et la fin du récit reste, elle aussi, teintée de désespoir. Dommage. ● MARIE VILLACÈQUE
La Meilleure Façon de s’aimer, AkliTadjer, éditions JC Lattès, 284 pages, 18 euros ■■■ N 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012 o
PASCAL MEUNIER/COSMOS
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ESSAI
Marrakech-sur-Seine La ville marocaine symbolise-t-elle les relations complexes entre la France et le royaume ? Deux journalistes tentent de répondre.
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ausse enquête sur Marrakech, mœurs des VIP : hommes et femmes ce livre invite à une plongée politiques, capitaines d’industrie, stars dans les détours des relations des médias. Le malaise que suscite la franco-marocaines, auxquelles victoire des islamistes lors des élections renvoie d’ailleurs le triptyque du souslégislatives de novembre 2011 dans le « 21e arrondissement de Paris » colore titre : Luxe, pouvoir et réseaux. Lieu de le chapitre de conclusion (« Les bartous les excès (hôtels de luxe, golfs et bus à Marrakech ? ») avec un portrait riads des Mille et Une Nuits) la Ville à charge des dirigeants du Parti de la ocre devient, sous la plume des journalistes Ali Amar et Jean-Pierre Tuquoi, justice et du développement (PJD). On lit avec délices les éclairages sur respectivement ancien directeur de la les évadés fiscaux, nouvelle catégorie rédaction du Journal hebdomadaire et de résidents marrakchis, mais avec ancien journaliste au Monde spéciacirconspection le chapitre consacré liste du Maghreb, une métonymie de la « relation spéciale » entre le Maroc et aux « amis du royaume » : lobbyistes, la France. La description insiste, à desconseillers et hauts commis injustement sein, sur la déconnexion vitriolés. C’est là que le entre le pays d’en bas et livre pèche par excès de zèle. Tout à sa volonté ce monde cosmopolite et chic placé sous le signe de de démonter les collula volupté. Un contraste sions entre puissants, il souligné d’ailleurs place bascule, sans frein, dans Jemaa el-Fna, en plein un ton acerbe. Plaisant cœur du Marrakech par le côté synthétique, touristique (lire aussi le brûlot n’apporte pas pp. 100-101), par l’attentat toujours un argumentaire à la bombe qui fit dix-sept convaincant sur les « relamorts dont huit Français tions extravagantes et le 28 avril 2011. Même incestueuses qui unissent Paris Marrakech, si l’un des chapitres a la France et le Maroc » Ali Amar et Jean-Pierre pour titre « La nouvelle annoncées en quatrième Tuquoi, CalmannSodome », le lecteur n’en de couverture. ● Lévy, 216 pages, saura pas plus sur les YOUSSEF AÏT AKDIM 16 euros
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JEUNE AFRIQUE
Culture médias LITTÉRATURE
Romans sans frontières IL NE S’AGIT PAS d’un numéro consacré au roman africain. Un tel roman n’existe pas. » Ainsi se présente le numéro 68 de la revue L’Atelier du roman, qui a réussi à attirer des signatures remarquables pour évoquer des auteurs classiques comme Ahmadou Kourouma, Cheikh Hamidou Kane, Chinua Achebe, Wole Soyinka, Mongo Beti… Un beau casting autour de questions littéraires plus que jamais d’actualité. ● NICOLAS MICHEL « De l’Afrique au roman et vice versa », L’Atelier du roman no 68, Flammarion, 226 pages, 15 euros ■■■ PHOTOGRAPHIE
Nostalgie glamour LA MAISON EUROPÉENNE de la photographie (Paris) présente la première rétrospective consacrée au travail du plasticien égyptien Youssef Nabil. Immédiatement reconnaissable, son travail rappelle l’atmosphère des films classiques égyptiens, puisqu’il colorise à la main ses tirages en noir et blanc. Célèbres ou anonymes, ses modèles sont mis en scène dans des poses cinématographiques. À voir. ● NICOLAS MICHEL
Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais
GÉNÉRATION POTO-POTO
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I POTO-POTO est un des quargénérale, Franceschini est brusquetiers populaires de Brazzaville, ment interrompu pendant son cours, c’est d’abord et avant tout une puis escorté par deux gendarmes. manière d’être, une ambiance, un Qui était-il réellement? Franceschini était-il son vrai nom ? Kimia va croisement de cultures que l’on s’appliquer à rassembler retrouvera dans ce huiles pans de la vie de ce tième roman d’Henri Lopes, grande figure de la « Blanc » dont le nom réel, littérature francophone à consonance plutôt afridont les œuvres sont inscaine et hérité de sa crites dans les probranche maternelle, grammes scolaires de la montre qu’il est lui aussi « un enfant de Poto-Poto », plupart des pays africains malgré sa peau claire. comme dans les départeL’intrigue amoureuse ments d’études francoUne enfant devient alors un facephones du monde entier. de Poto-Poto, Dans son nouveau livre, à-face d’identités qui met d’Henri Lopes, Une enfant de Poto-Poto, en exergue l’un des Gallimard, Lopes donne la parole à thèmes de prédilection du 272 pages, une narratrice âgée de romancier congolais : le 17,50 euros 18 ans au moment de l’inmétissage. dépendance du Congo. Les souvenirs de Kimia portent le récit, mettant en Une enfant de Poto-Poto, éloge relief des personnages hauts en de la rumba congolaise, de la danse, couleur, dont l’amie Pélagie renconde l’habillement « chic tout chic », trée au lycée Savorgnan, à une est une confession émouvante, époque où les indigènes étaient joyeuse et badine, avec, en toile de admis « au comptegouttes » dans cet univers de Blancs et de garçons. Pélagie, un peu plus âgée, cultivée et « émancipée », avait de quoi susciter l’adfond, la photographie en noir et blanc miration de Kimia: elle était donc à d’une jeunesse africaine en quête la fois amie et rivale. de repères dans un monde ébloui par les « soleils des indépendances ». L’arrivée de M. Franceschini, un Et ce chant traverse les frontières: professeur très charismatique aux l’Europe, l’Amérique, où se retrouvent méthodes d’enseignement iconocertains des protagonistes. clastes, va bouleverser l’existence des deux filles. Sa connaissance de Franceschini est comme le lamantin la littérature, et notamment des qui retourne toujours boire à la grands auteurs tels Aimé Césaire, source d’origine quelles que soient Léopold Sédar Senghor, Bernard ses errances. Il voudrait être enterré Dadié, Langston Hugues ou des à Poto-Poto, lui le moins noir de tous, classiques occidentaux, fait de lui lui le « quarteron ». Kimia, elle, n’aura la vedette du lycée. Puis vient ce pas forcément ce « courage ». Parce jour de malheur où, à la stupéfaction qu’elle est habitée par le doute. ●
YOUSSEF NABIL
L’intrigue amoureuse devient alors un face-à-face d’identités.
Youssef Nabil est exposé à la Maison européenne de la photographie (Paris) jusqu’au 25 mars ■■■ JEUNE AFRIQUE
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Culture médias EN KIOSQUE | La revue
Marine Le Pen, les Arabes et les Juifs Ì Le numéro 19 du mensuel est en vente depuis le 26 janvier
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eut-on offrir une tribune à Marine Le Pen lorsqu’on estime ses idées insupportables? François Soudan ne le ferait pas pour Jeune Afrique. Mais lorsqu’il lui a été proposé de rencontrer la présidente du Front national pour La revue, le directeur de la rédaction de J.A. a accepté de se prêter à cet exercice périlleux. Le mensuel n’a ni les mêmes interdits ni le même lectorat. Béchir BenYahmed considère qu’écouter n’est pas faire preuve de complaisance et qu’il n’est point de contrainte en journalisme à condition que l’analyse et la critique soient libres. Le résultat : une série de prises de position inédites de la part de la patronne du FN, notamment sur les révolutions arabes, la Syrie, l’Iran, Israël, la Françafrique, la présidentielle française d’avril-mai prochains. Et, à chaque fois, un commentaire de François Soudan qui aide le lecteur à décrypter un discours belliqueux quand il faut convaincre les militants, mais lisse et consensuel lorsqu’il s’agit de séduire le grand public. On attendait la fille de Jean-Marie Le Pen, l’homme du « détail », sur la question de l’antisémitisme. Si elle n’a jamais condamné publiquement les dérapages de son paternel, elle essaie de s’en démarquer – elle a noué des liens avec l’ultradroite sioniste (en particulier la Ligue de défense juive). Quand on la soupçonne de chercher à séduire l’électorat juif, elle affirme « qu’il n’y a pas de vote juif parce qu’il n’y a pas de communauté juive, seulement des Français juifs qui votent comme les autres ». Relève générationnelle également en Corée du Nord. Juliette Morillot répond aux questions qui se posent après l’accession de Kim Jong-un à la tête du pays. Un rééquilibrage du pouvoir en faveur du Parti des travailleurs semble probable, mais il n’y aura pas de rupture entre le père et le fils, la priorité étant de préserver la stabilité
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NO 19 – FÉVRIER 2012 – 4,90 €
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larevue.info
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Entretien exclusif avec MARINE LE PEN
Les juifs, les Arabes, Sarkozy, la France et moi
Ce qu’elle n’a jamais dit SPÉCIAL 14 PAGES CORÉE DU NORD
Boisbouvier voit deux éléments d’explication. La pression internationale, d’abord: fini les coups d’État qui laissent le monde sans réaction. Mais le plus intéressant est ailleurs, dans la tête des putschistes eux-mêmes. Et l’auteur de décortiquer les exemples de la Mauritanie et du Niger où, en passant le flambeau aux civils en 2007 et en 2011, Ely Ould MohamedVall puis Salou Djibo ont agi par conviction démocratique.
APRÈS KIM JONG-IL AFRIQUE
PUTSCHISTES MAIS DÉMOCRATES PORTFOLIO
LA MOSAÏQUE BERBÈRE
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0&.,*5"+$)4-(42&#'!1!/!3!'% LA REVUE NO 19, février 2012, 164 pages, 4,90 euros (3 000 F CFA dans la zone franc).
du régime. De même, la politique d’ouverture économique amorcée par Kim Jong-il devrait être poursuivie. Une réunification à court terme des deux Corées est-elle envisageable ? Non, explique Juliette Morillot, car ni les États-Unis, ni la Chine, ni le Japon, ni d’ailleurs les Coréens eux-mêmes ne la souhaitent vraiment. C’est (presque) devenu la règle en Afrique subsaharienne : un militaire renverse un dictateur avant de restituer le pouvoir aux civils. Pourquoi renoncer à un fauteuil pour lequel on a risqué sa peau? Dans son article sur les « putschs d é m o c r a t i q u e s », C h r i s t o p h e
Le champ éditorial de La revue ne se limite pas à la politique. Dans le domaine économique, Alain Faujas fait le point sur l’aide au développement. Malgré leurs déclarations de bonnes intentions, les pays riches ont de plus en plus de mal à maintenir le niveau de leurs engagements. Mais de nouveaux donateurs ont fait leur apparition. Les pays émergents, bien sûr, mais aussi les fonds privés. La Fondation Bill et Melinda Gates dépense ainsi pour la santé l’équivalent de la moitié des prêts et dons de l’Agence française de développement, soit quelque 4 milliards de dollars. La revue accorde désormais une place importante à la science. Dans ce numéro, on trouvera un dossier fouillé sur le « corps réinventé ». Jambe et bras artificiels, microprocesseur cérébral, poumon de synthèse… Le remplacement des membres et organes défaillants de l’être humain par des modules high-tech ne relève plus du fantasme mais est en passe de devenir réalité. ● DOMINIQUE MATAILLET
À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO : AFRIQUE DU SUD : LES CERVEAUX SONT DE RETOUR Les cadres qui avaient quitté le pays après la chute de l’apartheid sont de plus en plus nombreux à revenir. FRANCOPHONIE : UNE INTERVIEW DE CLÉMENT DUHAIME Pour l’administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie, la défense de la langue française et l’aide au développement sont intimement liées. PORTFOLIO : LA MOSAÏQUE BERBÈRE Le photographe Olivier Martel brosse le portrait composite d’un peuple aux cent visages. JEUNE AFRIQUE
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
Mazars est une organisation internationale, intégrée et indépendante, spécialisée dans l’audit, le conseil et les services comptables, fiscaux et juridiques. Directement présent dans plus de 67 pays, Mazars fédère les compétences de 13 000 professionnels. En Afrique de l’Ouest et Centrale (région AOC), Mazars est un acteur majeur avec environ 300 professionnels au Benin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Ghana, Nigeria et au Sénégal. Un bureau au Gabon est en cours d’ouverture. Dans le cadre d’une expansion dans la région AOC, nous recrutons actuellement pour les postes suivants : ! Un Directeur de Bureau basé à Libreville ! Un Secrétaire Général Région AOC basé à Abidjan ! Deux Senior Managers Audit basés à Abidjan et Libreville ! Deux Senior Managers Financial Advisory Services (FAS) basés à Abidjan et Douala ! Deux Senior Managers Audit/Conseil IT basés à Abidjan et Douala ! Un Manager Tax and Law basé à Abidjan Nous recherchons des professionnels avec 10 à 15 ans (8 ans pour le Manager Tax & Law) d’expérience dans un grand cabinet international. Diplômé(e) d’une grande école de commerce ou d’ingénieurs, ou encore d’un 3e cycle universitaire, le candidat aura une personnalité entrepreneuriale. Grâce à ses compétences managériales reconnues, son excellent niveau technique, il/elle sera l’interlocuteur de confiance de nos clients. La maîtrise de l’Anglais est indispensable. Merci de trouver le détail de chacune deces cesrecrutements recrutementsetetde depostuler postulerdirectement directement e de sur notre site www.mazars.fr.
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Conseiller technique principal (m/f) : appui à la mise en place de l’Université Panafricaine (UPA) - Éthiopie, Addis Abeba
Tâches / En tant que responsable de la contribution allemande, vous apporterez vos conseils à la CUA pour la mise en place de l’UPA. Vous conseillerez l’équipe qui, au sein de la CUA, est compétente en matière d’UPA. Vos conseils porteront sur l’élaboration des organes, structures et processus de l’UPA, l’établissement de normes pour l’enseignement supérieur et la garantie de leur qualité, l’élaboration de procédures d’admission et d’octroi de bourses, ainsi que sur des questions liées à la coopération entre institutions de l’enseignement supérieur. Le développement organisationnel, la conception des processus et la gestion des connaissances seront des composantes importantes de l’assistance-conseil que vous fournirez. En votre qualité de conseiller ou conseillère responsable, votre expérience et vos compétences seront mises à profit dans le processus de conception de l’UPA et vous rechercherez en étroite concertation avec l’équipe de la CUA et les établissements de l’enseignement supérieur concernés des concepts innovants pour une mise en place réussie de l’UPA. Qualifications requises / Vous êtes diplômé(e) de l’enseignement supérieur, si possible titulaire d’un doctorat ou agrégé(e), et vous apportez au moins cinq années d’expérience dans la direction ou le travail au sein d’organes institutionnels chargés de la création de filières d’études innovantes ou de nouveaux types d’université. Vous bénéficiez d’une expérience dans le domaine de l’établissement et du maintien de normes de qualité dans les domaines de la recherche et de l’enseignement. Dans l’idéal, vous pouvez faire la preuve d’une expérience dans l’administration au niveau de l’enseignement supérieur et dans l’organisation de réseaux. Vous justifiez aussi d’une expérience dans les domaines de la mobilisation de ressources et du développement organisationnel de centres d’excellence. Autres informations sous www.giz.de. Rémunération / Notre mission est internationale, notre ambiance de travail, multiculturelle et les échanges interdisciplinaires sont l’une des clefs de notre succès. Votre évolution personnelle et professionnelle nous tient à cœur. Qu’il s’agisse des multiples défis à relever au quotidien dans l’un de nos pays partenaires ou de la liberté d’action considérable dont vous bénéficiez dans votre travail, les raisons ne manquent pas de vouloir renforcer notre équipe hautement motivée. Autres informations sous www.giz.de. Candidature / Merci de nous soumettre votre candidature uniquement par l’intermédiaire de la bourse d’emplois de notre site Internet accessible avec le lien suivant: www.giz.de, „Jobs und Karriere“, „Stellenmarkt GIZ“, entre Job-ID 8916. Délai de soumission des candidatures: 29/02/2012. Période d’intervention: Dès maintenant jusqu’en juin 2014.
www.giz.de
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N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Recrutement
Domaine d’intervention / L’Union Africaine s’est donné pour objectif de mettre à disposition de scientifiques et étudiants africains – hommes et femmes – à haut potentiel intellectuel des institutions d’élite africaines afin de développer de manière conséquente l’expertise africaine dans les domaines de la recherche et de l’innovation de manière à ce que celle-ci puisse être mise à profit sur le continent africain. Afin de développer l’expertise africaine dans des domaines clés comme l’énergie renouvelable, l’eau, le climat, etc. la Commission de l’Union Africaine (CUA) a proposé en 2008 la création d’une Université Panafricaine (UPA) mettant en réseau cinq centres d’excellence régionaux. Pour assumer cette tâche considérable, la CUA a besoin de ressources additionnelles afin d’élaborer pour l’UPA une stratégie concertée avec l’ensemble des parties prenantes et de la mettre en œuvre conjointement avec des partenaires universitaires appropriés. Autres informations sous www.giz.de.
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training for young graduates in the mineral resources field eni east africa - Mozambique branch, Operator of the Oil and Gas Exploration Concession in offshore Area 4 of the Rovuma basin, together with the Government of Mozambique, will select and train 200 professionals in the areas of mechanical engineering, chemical engineering, petroleum engineering, mine engineering, environmental engineering, geology, chemistry, physics and mathematics. In partnership with Eduardo Mondlane University (UEM), the training programmes will be run in Maputo and in Italy, and will last from 12 to 24 months. Applicants must: • Hold a degree and/or be a student about to complete studies in one of the areas mentioned above; • Be no older than 32 years old; • Be Mozambican. Documentation necessary for the application: • Form found on the eni.com website, in the “Jobs & Careers” section, duly completed with “eni Moz” in the reference field; • Curriculum Vitae; • One passport-style photo (3x4); • ID card/passport.
The registrations and candidate selection interviews shall take place from 6-11 February 2012 from 8:00 am to 9:00 pm, in the Eduardo Mondlane University (UEM) Pedagogical Complex (Complexo Pedagógico) located on the main university campus on Avenida Julius Nyerere. Interested applicants should go to the UEM Pedagogical Complex with the documentation mentioned above in accordance with the following calendar: • Monday, 6 February 2012: mechanical engineers; • Wednesday, 8 February 2012: chemical and petroleum engineers; • Friday, 11 February 2012: mine engineers, environmental engineers, geologists, chemists, physicists and mathematicians. The screening process will continue on the following day in the event that not everyone can be interviewed on the day scheduled.
Recrutement - Formation
eni.com
AVIS DE VACANCE DE POSTE Le Fonds de Solidarité Africain (FSA), est une Institution Financière Multilatérale qui a pour mission de participer au développement économique de ses Etats Membres, en facilitant le financement des projets d’investissement tant dans le secteur public que privé. Ses principaux mécanismes d’intervention sont la Garantie Financière, la Bonification de taux d’intérêt et l’Allongement de durée de prêts. Il offre également à ses partenaires, la Gestion de fonds pour compte de tiers. Le FSA compte actuellement treize (13) Etats Membres que sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Gabon, l’Ile Maurice, le Mali, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Son siège est basé à Niamey au Niger. Dans le cadre de ses nouvelles orientations et afin d’améliorer son efficacité organisationnelle, le Fonds procède au recrutement d’un Auditeur interne. I) RESPONSABILITÉS ET TÂCHES Rattaché à la Direction Générale, l’Auditeur interne sera chargé de veiller au respect strict des procédures internes sur le plan opérationnel, administratif, financier et comptable ainsi qu’à l’efficacité des processus de gestion des risques et du système de contrôle interne. A cet effet, il assumera les principales responsabilités et tâches ci-après : - S’assurer de la conformité de toutes les procédures opérationnelles, administratives, financières, et comptables avec les meilleures pratiques et veiller à l’efficacité leur application ; - Veiller à l’efficacité du système de contrôle interne ; - Analyser l’organisation et le fonctionnement des différentes structures internes, identifier les faiblesses dans les méthodes de travail et faire des propositions d’amélioration pour plus d’efficacité ; - Identifier et évaluer les risques auxquels s’expose le Fonds à divers niveaux dans le cadre de ses activités notamment sur le plan financier et comptable et proposer les mesures appropriées contre ces risques ; - Planifier et effectuer des contrôles périodiques et inopinés à tous les niveaux de la gestion du Fonds, formuler des recommandations et veiller à leur mise en œuvre ; - Veiller au respect des normes prudentielles internes et règlementaires en matière de gestion des risques ; - Assurer l’audit du système d’exploitation et veiller à sa fiabilité ; N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
- Faire un bilan périodique des procédures de l’Institution et de leur application et proposer périodiquement des mesures d’ajustement le cas échéant ; - Elaborer, à l’attention de la Direction Générale et des différents Organes de décision et de tutelle, les rapports d’audit assortis de recommandations circonstanciées ; - Planifier et coordonner les audits externes du FSA ; - Conseiller le Directeur Général en matière d’audit interne et externe ; - Gérer toutes autres activités en rapport avec l’audit interne du Fonds ; II) PROFIL - être ressortissant(e) d’un des pays membres du Fonds ; - être titulaire d’un diplôme d’études supérieures (minimum BAC+ 5), en contrôle de gestion, audit, comptabilité, finances, gestion des entreprises ou tout autre diplôme équivalent ; - justifier d’un minimum de cinq (05) ans d’expérience professionnelle dans le domaine de l’audit ou du contrôle interne, au sein d’une banque, d’un Fonds de garantie international ou d’un cabinet d’expertise comptable ; - avoir une parfaite maîtrise de l’outil informatique (traitements de textes et tableurs) et de l’usage d’internet ; - avoir des bonnes dispositions de communication et un sens aigu d’organisation ; - être capable de travailler sous pression et en équipe ; - être bilingue (Français / Anglais) ; III) COMPOSITION ET LIEU DE DÉPÔT DES DOSSIERS Les dossiers de candidature doivent comprendre : - une lettre de motivation adressée au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain et mentionnant les prétentions salariales ; - un curriculum vitae détaillé ; - une (01) photo d’identité récente. Ils doivent être adressés soit par courrier express au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain (FSA), 617 Avenue du Président Karl Carstens, BP : 382 Niamey, République du Niger, soit par courrier électronique à l’adresse suivante : fsa@fonds-solaf.org ou fsa@intnet.ne NB : Date limite d’envoi des dossiers : le 28 février 2012 JEUNE AFRIQUE
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SEMINAIRES TOP MANAGEMENT SÉMINAIRES INTERNATIONAUX DE FORMATION Thème 1 : Le pilotage de la performance et tableau de bord de la Direction Générale. Public cible : Présidents Directeurs Généraux, Directeurs Généraux, Directeurs Administratifs et Financiers, Contrôleurs de gestion, Directeurs d’audit interne. Date : 11-17 Juillet 2012 Lieu : MONTRÉAL (CANADA) Coût par participant : 1 300 000 FCFA (2765,96 dollar Canadien)/participant Thème 1 : Organisation et fonctionnement d’un Conseil d’Administration dans le cadre de l’OHADA et lecture des états financiers. Après le succès des sessions de 2009 à Rabat au Maroc, de 2010 à OUAGA une troisième session est organisée à PARIS. Public cible : PCA, DG, Directeurs, auditeurs internes, secrétaires généraux, Juristes d’entreprise, assistants d’administrateurs Date : 08-16 Août 2012 Lieu : PARIS Coût par participant : 1 300 000 FCFA (1981,84 Euros)/participant Animateur principal : Dr Gilbert BOSSA, Professeur au CESAG de DAKAR
Renseignement et inscription : Cabinet GLOBAL CHALLENGE CORPORATION – CI (GCC) Tél : +225 22 49 48 98/ 02 33 98 40/ Fax +225 22 49 18 76 Emails: gcc-ci@globalchallenge-ci.com / globalchallenge.ci@gmail.com Site web: www.globalchallenge-ci.com
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT « Recrutement d’un cabinet chargé de l’étude de faisabilité sur l’opérationnalisation et la mise en œuvre du Programme National d’Afforestation et de Reboisement (ProNAR) en République du Congo » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PPF P124085) du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un cabinet chargé de l’étude de faisabilité sur l’opérationnalisation et la mise en œuvre du Programme National d’Afforestation et de Reboisement (ProNAR) en République du Congo. 2. L’objectif principal de l’étude de faisabilité du ProNAR sera d’aider le Gouvernement de la République du Congo à définir un programme d’intervention réaliste conforme à ses ambitions définies dans la note de projet et adapté aux conditions socio-économiques et écologiques du Congo et aux capacités des différents acteurs. La durée de la mission est de trois (3) mois. D’une manière spécifique, la présente étude devra atteindre les objectifs suivants par étude thématique : Pour l’étude sur l’amélioration de l’environnement habilitant pour les plantations forestières : - analyser les potentialités et les contraintes des différents intervenants ; et - définir les conditions organisationnelles, réglementaires, techniques et économiques pour lever les principales contraintes et favoriser l’investissement privé dans les plantations forestières. Pour l’étude sur les principaux marchés potentiels pour les produits de plantations : - identifier et évaluer les potentialités de développement et la rentabilité économique des marchés liés aux principales filières existant actuellement en République du Congo ou dont le développement est déjà envisagé pour le court et moyen terme (bois énergie, bois d’œuvre - marché local et urbain, bois de trituration, produits forestiers non-ligneux (PFNL), filières industrielles de production des copeaux, panneaux de moyenne densité, etc.) : Pour la formulation du ProNAR et d’un projet d’appui à son démarrage : - soumettre à la validation de l’ensemble des acteurs et partenaires techniques et financiers de la République du Congo, une proposition détaillée du ProNAR et d’un projet d’appui à son démarrage en se basant sur les diagnostics et propositions des quatre (4) études thématiques. 3. Pour une meilleure préparation du PFDE, le Projet de Renforcement des Capacités de
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Transparence et de Gouvernance (PRCTG) a été chargé par le MDDEFE de gérer les fonds d’avance alloués par l’IDA et de conduire les activités de passation des marchés et de gestion financière. 4. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). 5. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 6. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 7. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le Mardi 14 Février 2012 à : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central Tel : (242) 635 53 22 ; Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 26 Janvier 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA
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Formation - Manifestation d’intérêt
MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PPF n° P124085- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 635 53 22, E-mail : prctg@yahoo.fr
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Annonces classées PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN AVIS À MANIFESTATIONS D'INTÉRÊT
RECRUTEMENT D’UN EXPERT AUDITEUR INTERNE Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de la Banque Mondiale en diverses monnaies pour financer le Projet d’Alimentation en Eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées pour financer les services d’un Expert Auditeur Interne au sein de la Cellule d’Exécution des Projets (CEP) de la Régie de Distribution d’Eau (REGIDESO).
Manifestation d’intérêt
1. Les services comprennent l’exécution des tâches définies dans les Termes de Référence. Sous l’autorité directe du Coordonnateur de la Cellule d’Exécution des Projets, l’Expert Auditeur Interne aura à réaliser l’audit conformément aux normes internationales d’audit (ISA) telles qu’édictées par l’IFAC et lequel audit donnera lieu à toutes les vérifications et contrôles internes que l’auditeur pourra juger nécessaires en la circonstance. 2. Qualifications professionnelles et académiques du candidat : a. Le consultant devra avoir le profil d’un auditeur/reviseur, d’Expert Comptable ou de conseil en gestion ayant une expérience prouvée et effective dans les missions d’audit financier, comptable, de gestion, technique ou opérationnel ; b. Le consultant devra être titulaire d’un diplôme d’un ordre professionnel comptable reconnu sur le plan international (IFAC, FIDEF…) et/ou titulaire d’un diplôme d’enseignement supérieur (Licence, Master ou BAC + 5) du type DESS Audit, MSTCF, DECF/DCG, DESCF/DSCG, Ecole de Commerce ou équivalent ; une affiliation à un Institut d'audit interne reconnue internationalement serait un plan (IIA..) ; c. Le consultant devra posséder une expérience minimum de dix (10) ans dans la pratique de l’audit externe financier et comptable, audit de gestion ou audit opérationnel en cabinet d’audit reconnu par l’ordre professionnel du pays d’origine, et/ou de l’audit interne en entreprise ou dans les projets de développement ; d. Il devra par ailleurs avoir occupé pendant au moins trois (3) ans, un poste d’Auditeur (Directeur/Manager dans un cabinet d’audit reconnu par l’ordre professionnel du pays d’origine, ou des postes à responsabilités (Directeur/Manager/Chef/ Responsable...) en tant qu’auditeur interne en entreprises ou dans une organisation internationale de développement de réputation ; e. Une expérience d’au moins cinq (5) ans en qualité d’auditeur interne dans les projets financés par la Banque mondiale, BAD, FIDA, Union Européenne ou dans une entreprise privée ou entreprise d’Etat sera un avantage considérable ; f. Des expériences d’audit de la passation de marchés ou des connaissances en passation de marchés (directives Banque mondiale ou le code de marché de la RDC) ainsi que des directives de la gestion financière de la Banque mondiale seraient un atout considérable ; g. Une bonne connaissance des logiciels et outils informatiques de base (MS Excel, Word, PowerPoint,..) et avoir déjà utilisé au moins un logiciel comptable et/ou de passation de marchés ; h. Expériences prouvées dans l'encadrement d'une équipe et de renforcement de capacités et transfert de compétences dans le cadre de missions d'Assistance Technique. 3. Durée de la mission : La mission de l’Expert Auditeur interne s'étendra sur une durée de 24 mois. 4. La CEP invite les Consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les prestations décrites ci-dessus. Les candidats éligibles intéressés doivent produire les informations sur leurs capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, etc.). 5. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : de 9 heures à 15 heures, heures locales. 6. Les manifestations d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 février 2012 à 11 heures (heure locale) et porter expressément la mention « Expert Auditeur Interne au sein de la Cellule d’Exécution des Projets (CEP) de la Régie de Distribution d’Eau (REGIDESO). » : Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, C/°Centre de Formation de la REGIDESO, 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone Kinshasa / Ngaliema B.P. 12599 Kinshasa I République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 504 76 91, (+243) 9999 20 948 E-mail : cepo@regidesordc.com 7. Un consultant individuel sera recruté conformément aux dispositions des Directives de la Banque Mondiale sur la sélection et l’emploi des Consultants de mai 2004, révisées en octobre 2006, et mai 2010. BONGUNGU LOEND’a NAMBA JELO Coordonnateur National N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
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PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) AVIS À MANIFESTATIONS D'INTÉRÊT
RECRUTEMENT D’UN EXPERT EN GESTION ADMINISTRATIVE, FINANCIÈRE ET COMPTABLE 1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de la Banque Mondiale en diverses monnaies pour financer le Projet d’Alimentation en Eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées pour financer les services d’un Expert en Gestion Administrative, Financière et Comptable au sein de la Cellule d’Exécution des Projets (CEP) de la Régie de Distribution d’Eau (REGIDESO). 2. Les services comprennent l’exécution des tâches définies dans les Termes de Référence. Sous l’autorité directe du Coordonnateur de la Cellule d’Exécution des Projets, l’Expert en gestion administrative, financière et comptable aura à assurer, conformément au manuel de procédures de la CEP-O/REGIDESO, le bon déroulement de toutes les activités confiées à la Cellule d’Exécution des Projets en matière de gestion administrative, financière et comptable.
4. Durée de la mission : 24 mois La mission de l’Expert en Gestion Administrative et Financière s'étendra sur 24 mois 5. La CEP invite les Consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les prestations décrites ci-dessus. Les candidats éligibles intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, etc). 6. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : de 9 heures à 15 heures, heures locales. 7. Les manifestations d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 28 février 2012 à 11 heures (heure locale) et porter expressément la mention « Expert en Gestion Administrative, Financière et Comptable au sein de la Cellule d’Exécution des Projets (CEP) de la Régie de Distribution d’Eau (REGIDESO) » : Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, C/°Centre de Formation de la REGIDESO, 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone Kinshasa / Ngaliema B.P. 12599 Kinshasa I République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 504 76 91, (+243) 9999 20 948 E-mail : cepo@regidesordc.com 8. Un consultant individuel sera recruté conformément aux dispositions des Directives de la Banque Mondiale sur la sélection et l’emploi des Consultants de mai 2004, révisées en octobre 2006, et mai 2010. BONGUNGU LOEND’a NAMBA JELO Coordonnateur National JEUNE AFRIQUE
N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Manifestation d’intérêt
3. Qualifications et expériences professionnelles du candidat : - être titulaire d’un diplôme universitaire supérieur (BAC + 5) en gestion financière, en comptabilité ou en contrôle de gestion ou équivalent (diplôme école de commerce de réputation par exemple). Un diplôme professionnel supérieur en comptabilité du type Expert Comptable (CPA, DEC, ACCA, ACA…) reconnu par un ordre professionnel comptable international de même qu’un diplôme en gestion de projet de développement seraient un plus ; - avoir une expérience professionnelle globale d’au moins dix ans (10 ans) en cabinet d'audit et expertise comptable, en entreprises, dans les projets de développement ou institutions de développement ; dont au moins deux (2) ans à des postes de Direction dans les domaines de la gestion financière et comptable et au moins cinq (5) ans à un poste d’Assistant Technique / Conseiller Financier / Chef de mission dans les domaines de la gestion financière et comptable de programmes d’envergure ou de grands projets de développement financés par les institutions financières internationales notamment la Banque Mondiale, l’UE, L’IFAD, la BAD etc. ; - avoir une maîtrise complète des outils de gestion financière et de systèmes comptables ; - être de bonne moralité et avoir la capacité de travailler en équipe et dans un milieu multiculturel et présenter des qualités de manager ; - avoir une bonne connaissance des logiciels informatiques standards (World, Excel) et de l’utilisation de l’Internet. La connaissance et l’utilisation du logiciel comptable des projets de développement seront un atout ; - une expérience réussie en renforcement de capacité d’unité de gestion de projet serait un plus ; - une expérience professionnelle en Afrique subsaharienne serait un atout ; - parler et écrire parfaitement le français ; de bonnes connaissances (écrites et parlées) de l’anglais serait un plus.
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Annonces classées RÉPUBLIQUE GABONAISE AGENCE NATIONALE DES INFRASTRUCTURES NUMÉRIQUES ET DES FRÉQUENCES (ANINF) COMMISSION NATIONALE DES TIPPEE SECRÉTARIAT PERMANENT
AVIS DE MANIFESTATION D'INTÉRÊT N° AMI/002-2012/CNT MISSION D’ÉTUDE DU PARCOURS DE LA FIBRE OPTIQUE POUR LE PROJET DE DORSALE NATIONALE GABONAIS
Manifestation d’intérêt
(CENTRAL AFRICAN BACKBONE – RÉPUBLIQUE GABONAISE)
Le Gouvernement Gabonais a reçu un Fonds de Préparation de Projet (PPA) de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) en vue de financer le coût de participation au Consortium ACE et pour financer des études préalables nécessaires. Il a l'intention d'utiliser une partie de ce prêt pour effectuer des paiements autorisés au titre des marchés relatifs à des services de conseils. Le projet CAB Gabon fait partie du programme régional CAB (dorsale fibre optique en Afrique Centrale), qui vise à contribuer à augmenter l'extension géographique des réseaux large bande et à réduire des coûts de services de communications en Afrique Centrale. Le Gabon a des coûts de connectivité internationale élevés. Ce contexte couplé à un manque d'infrastructure nationale en matière de fibre optique a créé un environnement difficile pour la disponibilité et l’extension de services d'Internet et d’autres applications de télécommunications sur l’ensemble du territoire. Ces facteurs limitent le potentiel du Gabon à créer des emplois supplémentaires, à augmenter la production de biens et services divers, et à développer un système de commerce compétitif avec le reste du monde. La Phase 1 du Backbone National qui fait l’objet du présent avis envisage de déployer la fibre optique sur deux types de parcours. L’un emprunterait la voie ferroviaire du Transgabonais, de Libreville à Franceville et l’autre, les tronçons routiers Lekoni / Koula-Moutou en passant par Franceville, Moanda et Lastourville, et Franceville / Lekoko en direction de la frontière pour rejoindre le projet de fibre optique du Congo qui aboutit à la ville de Mayoko. L’objectif de ce mandat est de permettre au Gouvernement du Gabon de réaliser une Etude du Parcours de la Fibre Optique pour le projet de Dorsale Nationale Gabonais qui détaillera le parcours en y incluant la spécification des tronçons entre les différents sites et des points de sortie. Le présent avis a ainsi pour objectif de s’assurer de la réalité des conditions de travail et de recueillir les informations suffisantes et pertinentes à inclure dans l’Appel d’Offre. Les services de Cabinet de Conseil vont couvrir : a) La reconnaissance et le marquage du tracé/alignement du câble selon l’alternative approuvée ; b) Le piquetage et relevé topographique du tracé du câble chaque 50 mètres ainsi qu’en certains points particuliers ; c) L’identification et la localisation des chambres de tirage, des passages et des traversées ; d) La reconnaissance des points géotechniques du tracé (points sensibles, rapport géotechnique, etc.) ; e) La production du profil longitudinal et des profils transversaux des différentes conditions ; f) La conception des différents types d’ouvrages et l’adaptation aux conditions existantes ; g) La localisation des stations de distribution ; h) Les plans architecturaux des stations de distribution ; i) Les dessins détaillés concernant les types de traversée (pont, tunnel, bâtiment, aérien) ; j) Les dessins détaillés concernant les différents types de passages (route, chemin de fer, rivière, aérien et autre) k) Les spécifications techniques et clauses techniques particulières selon les normes en vigueur (ciment, sable, MG, tuyaux PEHD, tuyaux PVC, acier, autre) en fonction de la nature des sols et de l’habitat le long du tracé, leur vérification et les procédures à respecter ; l) Le calcul des distances entre tous les points ; m) La prise de photos le long du chemin de fibre ; N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
n) Le Détail Quantitatif Estimatif (DQE) avec une granularité suffisante pour pouvoir notamment différencier les coûts de génie civil en fonction de la nature du terrain ; o) La collecte des données permettant de réaliser une analyse d’impact environnemental et social de la fibre, et en particulier (la liste n'est pas exhaustive): - forêts, parcs et autres aires protégées et habitats fauniques traversés (superficie à déboiser ou nombre d'arbres à abattre) ; - cours d'eau, lacs et autres zones humides traversés ; - nombre d'habitations traversées et autres terrains privés traversés ; - nombre d'infrastructures socioéconomiques dans l'emprise (écoles, centres de santé, puits, maisons communautaires, etc.) traversées ; - nombre de champs agricoles traversés et types de cultures ; - lieux de cultes et autres sites sacrés traversés ; - zones spécifiques aux peuples autochtones traversées ; Les Cabinets de Conseil (Bureaux d’études, Cabinets d’Ingénierie, …) internationaux et nationaux intéressés et éligibles, sont invités à manifester leur intérêt, en faisant acte de candidature et en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services décrits ci-dessus (brochures, références en contrats analogues, expérience dans les conditions semblables, disponibilité des qualifications requises, etc.). Ces informations doivent être fournies au moyen du dossier suivant : - Lettre de candidature ; - Fiche de présentation du Cabinet de conseil (domaine d’expertise et ressource du Consultant, brochure, plaquette, site web, …) ; - Expérience générale du candidat durant les cinq (5) dernières années ; - Références récentes (trois dernières années) et pertinence en missions similaires, équivalentes ou de même complexité technique avec mention obligatoire des données suivantes : libellé des missions, pays, période d’exécution, état des réalisations) ; - Etat des personnels clés et appui disponibles (qualifications nécessaires à la réalisation de la mission) ; - Curriculum vitae du personnel clé proposé. A l’issue de la manifestation d’intérêt, il sera établi une liste restreinte de six (06) bureaux qui seront consultés, en vue de la sélection définitive du prestataire sur la base de l’appréciation de la Qualification de Consultant (QC) et ce, conformément aux procédures définies dans les Directives ‘’ Sélection & Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale – Mai 2004 – Version Révisée Octobre 2006 ’’. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires sur demande écrite à l’adresse ci-après : Commission Nationale des TIPPEE B.P. 22 Libreville – Gabon ou par téléphone au n° (241) 76.58.30, GSM (241) 05.19.04.10 ou par Fax au n° (241) 76.58.31 aux heures suivantes : de 8h00 à 15h00 (heure locale GMT+1) ou par courrier électronique à : tippeegabon@cntippee.org. Les plis porteront la mention suivante « Manifestation d’intérêt pour la réalisation de l’Etude du Parcours de la Fibre Optique pour le projet de Dorsale Nationale Gabonais dans le cadre du projet Central African Backbone (CAB) ». Les dossiers de manifestations d’intérêt seront présentés en français et en trois (03) exemplaires (un original et deux copies) et doivent parvenir par voie postale (normale, recommandée, ou rapide) ou par dépôt direct à l’adresse suivante, au plus tard le 28 février 2012 à 12 h 00 (heure locale GMT + 1), à l’adresse suivante : Commission Nationale des TIPPEE, Quartier Glass Immeuble Volvo (2ème étage) B.P. : 22 Libreville – Gabon.
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie
APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT CAS SANS PRÉ QUALIFICATION LANCÉ POUR LES TRAVAUX DE MODERNISATION DE LA VILLE DE TIVAOUANE N° D / 759 / A3
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République du Sénégal Un Peuple – Un But – Une Foi
1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal Sud Quotidien en date du 29 Janvier 2010. 2. L’Etat du Sénégal dans le cadre du Budget Consolidé d’Investissement a décidé de financer le programme de modernisation de la ville de Tivaouane et a l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du marché pour des travaux de réhabilitation, d’élargissement, de construction de routes, d’assainissement des eaux pluviales, de déplacements de réseaux divers dans le cadre dudit programme. 3. L’AGEROUTE SÉNÉGAL (Agence des Travaux et de Gestion des Routes), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens, des Infrastructures et de l’Energie, sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour effectuer lesdits travaux. Le délai prévisionnel de réalisation de ces travaux est de soixante (60) mois. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres ouvert à tous les candidats éligibles selon les règles de procédure du décret n° 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant code des marchés publics du Sénégal. Les entreprises non communautaires sont admises à soumissionner mais doivent être en groupements conjoints avec des entreprises communautaires ou entreprises issues d’Etats membres appliquant le principe de réciprocité.
6. Les exigences en matière de qualifications sont : 6.1. Conditions techniques a) Avoir une expérience générale des marchés, en tant qu’entrepreneur au cours des dix (10) dernières années. b) Avoir réalisé au cours des dix (10) dernières années : • un (1) projet d’un montant d’au moins 32,5 milliards comportant des travaux de routes, d’assainissement des eaux pluviales en milieu urbain suivant une approche « programme » sur au moins trois (3) ans. • et un (1) projet routier d’un montant d’au moins 7 milliards de F CFA. Les Candidats devront fournir les attestations de travaux. Les prestations qui ne sont pas accompagnées d’une attestation ne seront pas comptabilisées. De plus, ne seront pris en compte que les travaux réalisés à hauteur de 80 % au minimum. c) Disposer du matériel minimum défini dans les critères de qualification figurant dans les DPAO, en parfait état de marche. d) Disposer du personnel clé défini dans les critères de qualification figurant dans les DPAO. 6.2. Conditions financières a) a-1) Le soumissionnaire doit avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel moyen concernant l’exécution de travaux de construction pour les trois dernières années précédentes (2008, 2009 et 2010) supérieur ou égal à : Vingt Trois milliards de francs (23 00 000 000 FCFA). a-2) En cas de groupement, les chiffres d’affaires annuels moyens concernant l’exécution de marchés de travaux de construction pour les trois années précédentes (2008, 2009 et 2010) de chacun des membres du groupement, joint-venture/consortium autres que le chef de file doivent être supérieurs à : Six Milliards Neuf Cent Millions de francs (6 900 000 000 FCFA). JEUNE AFRIQUE
N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Appel d’offres
5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’AGEROUTE SÉNÉGAL – Direction Générale – auprès de Mr Ndiaye Diouf NDIAYE (courriel : ndndiaye@ageroute.sn) ou Bocar Malick MBOW (courriel : bmmbow@ageroute.sn) et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’AGEROUTE SÉNÉGAL sise à la Rue David Diop x Rue F Fann Résidence Dakar à compter du 30 Janvier 2012 pendant les heures d’ouverture 8 heures à 13 heures 30 minutes et 14 heures 30 minutes à 17 heures (heures locales).
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Annonces classées Ageroute (suite)
a-3) Le mandataire du groupement (chef de file) devra quant à lui, réaliser un chiffre d’affaire annuel moyen de: Treize Milliards Huit Cent Millions de francs (13 800 000 000 FCFA) pour les trois années précédentes (2008, 2009 et 2010). b) Le soumissionnaire doit pouvoir justifier de liquidités et/ou de facilités de crédits d’un minimum de Quatre milliards Cinq Cent millions de francs (4 500 000 000 FCFA), auprès d’un établissement financier. Voir le Document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse de l’AGEROUTE SÉNÉGAL mentionnée ci-dessus contre paiement d’un montant non remboursable de Deux cent mille (200 000) F CFA par chèque certifié et barré émis au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL ou par versement au compte n° 022007105706.54 ouvert au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL auprès de la banque SGBS sise à l’Avenue du Président Léopold Sédar SENGHOR à Dakar. 8. Les offres devront être soumises à l’AGEROUTE SÉNÉGAL sise à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 20 Mars 2012 à 10 heures 30 minutes précises (heures locales). Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. 9. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’AGEROUTE SÉNÉGAL à l’adresse cidessus le 20 Mars 2012 à 10 heures 30 minutes précises (heures locales).
Appel à propositions - Appel d’offres
10. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant d’Un Milliard (1.000.000.000) F CFA et rester valides pour une durée de cent vingt (120) jours à compter de la date limite de leur remise. Le Directeur Général Ibrahima NDIAYE
RÉPUBLIQUE TOGOLAISE - MINISTÈRE DE LA SANTÉ
Conseil Ouest et Centre
West and Central African Council
SÉLECTION D’UN CABINET POUR L’AUDIT FINANCIER EXTERNE DES COMPTES CLOS AU 31 DÉCEMBRE 2012 ET AU 31 JUILLET 2013 DU BÉNÉFICIAIRE PRINCIPAL ET DES AUTRES BÉNÉFICIAIRES
Africain pour la Recherche et
for Agricultural Research and
le Développement Agricoles
Development
AVIS D'APPEL À PROPOSITIONS INTERNATIONAL N° DP O16/2012/Rd9/UGP MS-FMSTP
1. L’Unité de Gestion de Projets du Fonds Mondial de Lutte contre Le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (UGP MS-FMSTP) du Ministère de la Santé du Togo voudrait procéder à la sélection d’un cabinet pour l’audit financier externe des comptes clos au 31 décembre 2012 et au 31 juillet 2013 du bénéficiaire principal et des autres bénéficiaires dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 1 du projet paludisme Round 9. 2. L’Auditeur technique sera un cabinet d’audit comprenant le personnel clé suivant : - Un (1) expert comptable diplomé (associé responsable) disposant d’au moins dix (10) ans d’années d’expérience dont cinq (5) ans en audit des projets/programmes financés par des partenaires au développement ; - Un (1) Directeur de mission titulaire d’un BAC + 5 minimum en audit, finance, gestion, économie, comptabilité ou contrôle de gestion et d’au moins sept (7) ans d’expérience dont cinq (5) ans en audit des projets/programmes financés par des partenaires au développement ; - Deux (2) Auditeurs séniors titulaires d’un BAC + 4 minimum en audit, finance, gestion, économie, comptabilité ou contrôle de gestion et d’au moins cinq (5) années d’expérience en cabinet d’audit dont trois (3) ans le domaine d’audit des projets financés par des partenaires au développement. 3. Les potentiels soumissionnaires peuvent obtenir des informations complémentaires et la Demande de Propositions à l’adresse suivante, les jours ouvrables de 09 heures à 12 heures et de 15 heures à 17 heures : Secrétariat de l’UGP MS-FMSTP sis dans l’ancien immeuble de la Direction des Affaires Juridiques et Opérateurs de TOGO TELECOM — 1, Avenue Nicolas Grunitzky - Nyekonakpoé - Lomé ; 01 BP : 1023 Lomé, Tél. : (228) 22 20 38 14, e-mail : secretariat.ugpms@ugpms.tg 4. Toutes les offres doivent être déposées au Secrétariat de l’UGP MS-FMSTP au plus tard le mercredi 07 mars 2012 à 15 heures précises, Temps Universel (TU). L’ouverture des plis se fera le même jour à 15 heures 45 minutes TU dans la salle de réunion du Ministère de la Santé en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents. 5. Le présent avis et la Demande de Propositions peuvent être consultés dans leur intégralité sur le site dgMarket. Lomé, le 26 janvier 2012, La Coordonnatrice, Dr Antoinette AWAGA N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL FOURNITURE DE VÉHICULES PICK UP DOUBLE CABINE Le Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF/WECARD) a obtenu une subvention du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO/AUS AID), pour financer les coûts du Projet African Food Security Initiative. Il se propose d’utiliser une partie du montant de cette subvention pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché de fourniture de Dix Neuf (19) Véhicules PICK UP DOUBLE CABINE (AOI/01F/CW/AUSAID/12). Le Directeur Exécutif invite, par le présent avis l, les candidats remplissant les conditions requises à présenter leurs offres sous pli cacheté pour la fourniture de Dix Neuf (19) Véhicules PICK UP DOUBLE CABINE : Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA, de mai 2004 ; tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du Secrétariat Exécutif du CORAF/WECARD sis au 7, Avenue Bourguiba B.P. : 48 Dakar - RP - Tel : 33 869 96 18 - Fax : 33 869 96 31 Email : secoraf@coraf.org - bousso.diop@coraf.org - Web : www.coraf.org Les candidats intéressés peuvent acheter le dossier d’appel d’offres, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-dessus, moyennant paiement d’un montant non remboursable de Soixante Quinze Mille Francs (75 000) francs CFA ou l’équivalent en monnaie librement convertible. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-dessus, au plus tard le 20 février 2012 à 10 heures précises. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de 8 500 000 FCFA ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Le Directeur Exécutif
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N° 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Renaissance touarègue LES TOUAREGS maliens sont de retour. Ils sont revenus très nombreux cette fois, brandissant des armes sophistiquées, livrées au Conseil national de transition libyen par les Français et la prétendue coalition internationale. La France est seule responsable de cette réapparition. Elle a indirectement armé ces bandits d’Aqmi, mettant en danger les otages français, qui pourraient servir comme boucliers humains. En tout cas, le largage d’armes dans le ciel libyen était risqué. Mais Nicolas Sarkozy, déterminé à se débarrasser de l’encombrant Kaddafi avant l’élection
présidentielle, a fait fi de toutes les mises en garde. Heureusement, le Mali est « un et indivisible ». Notre gouvernement s’emploie à ramener la paix ! Que nos frères égarés le sachent : la seule issue envisageable, c’est le Mali uni. ● MANSOUR COULIBALY, Bamako, Mali
Al-Qaïda, la nébuleuse africaine LA MORT d’Oussama Ben Laden aura poussé quelques éditorialistes prétentieux à parier sur la fin d’Al-Qaïda et, par ricochet, sur l’agonie des mouvements islamistes dans le monde. La rébellion en Libye, les attaques de la secte Boko Haram
LAURENT GBAGBO, PREMIER CHEF D’ÉTAT DEVANT LA CPI
DR
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DANS UN ARTICLE consacré à l’incarcération de l’exprésident Laurent Gbagbo dans une prison de la Cour pénale internationale (« Gbagbo à l’heure des comptes », J.A. n° 2659-2660, du 25 décembre 2011 au 7 janvier 2012), vous écrivez : « Pour la première fois, un ex-chef d’État est poursuivi par la Cour pénale internationale. » LAURENT GBAGBO À LA CPI, Or, dans une autre de vos en décembre 2011. précédentes éditions dont je n’ai malheureusement pas retrouvé les références, vous faites figurer CharlesTaylor, ancien président libérien, parmi les « détenus africains » incarcérés à la CPI. Cela fait donc de Laurent Gbagbo le deuxième chef d’État poursuivi par cette cour, et non le premier. ● TOUNGARA BALLA, Abidjan, Côte d’Ivoire
Réponse
Si l’ancien président libérien CharlesTaylor est détenu dans la prison de la CPI, près de La Haye (Pays-Bas), il a été jugé par leTribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), une juridiction ad hoc créée spécialement pour juger les crimes commis dans ce pays. Le procès s’est terminé en mars 2011. Le verdict est en attente. En revanche, si les charges sont retenues contre lui, Laurent Gbagbo sera jugé par la Cour pénale internationale (CPI), une juridiction permanente à la compétence universelle. ● LA RÉDACTION N o 2664 • DU 29 JANVIER AU 4 FÉVRIER 2012
au Nigeria et les cellules végétatives d’Aqmi entre le Mali, l’Algérie et le Niger ont vite fait de transformer ces prédictions en facéties. Le mal est rampant et les derniers événements dans ces pays n’invitent pas à la sérénité. La coopération entre les services de sécurité devrait s’intensifier pour éviter de voir des régions entières plonger dans l’extrémisme et les affrontements interreligieux. Les islamistes recrutant majoritairement parmi les populations pauvres, il faut s’attendre à un accroissement des effectifs. Pour certains spécialistes, la solution réside aussi dans une lutte active contre la pauvreté. Ce combat-là n’est pas des plus aisés. En attendant, faut-il faire usage de la force ? Les dirigeants des pays concernés vont devoir s’exercer au maniement du bâton et de la carotte… ● HUGUES MBALA, Douala, Cameroun
Côte d’Ivoire : le prix de la paix L’EXPRÉSIDENT IVOIRIEN feu Félix Houphouët-Boigny affirmait que, à choisir entre l’injustice et le désordre, il préférait l’injustice, corrigible avec le temps, tandis que le désordre, nul ne sait jusqu’où il peut aller lorsqu’il commence… Selon l’un de mes amis, c’est plutôt l’injustice qui engendre le désordre… À présent que « justice » a été rendue, les communautés les plus importantes du pays, dont celle du président Alassane Dramane Ouattara, ont à leur tour accès aux « privilèges ». Comme, en leur temps, les communautés réputées proches des présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Et tant que ces derniers en resteront des acteurs de premier rang, la Côte d’Ivoire aura du mal à s’acheminer vers une paix durable. À moins que le peuple, dans un futur proche, confie sa destinée à une personnalité moins marquée et plus consensuelle. L’expérience aidant, nous ferions ainsi l’économie d’une nouvelle crise de leadership, du genre « pro-Soro » contre « pro-Blé Goudé ». ● SERGE ÉRIC TOURÉ, Abidjan, Côte d’Ivoire JEUNE AFRIQUE
Vous nous
Le Sénégal mérite mieux LE SÉNÉGAL a droit à un sort plus enviable que celui d’otage de dirigeants sans repères. Des hommes ont mis leur énergie et leur imagination à construire cet État qu’Abdoulaye Wade et ses compagnons ont entrepris de démolir. Le Sénégal existe depuis des siècles et doit continuer d’exister. Nous voulons encore croire en l’avenir, raison pour laquelle nous invitons le Conseil constitutionnel à jouer son rôle en invalidant la candidature du président sortant. Il y va de sa crédibilité. ● EL HADJI ANSOUMANA KANDE, Ziguinchor, Sénégal
La RD Congo malade de ses politiques APRÈS LES IRRÉGULARITÉS enregistrées lors des élections présidentielle et législatives de
novembre dernier en RD Congo, l’Église a exhorté, le 12 janvier, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à « corriger ses graves erreurs » ou à démissionner. Les manquements de la Commission prouvent bien que la RD Congo est malade de sa classe politique et que des changements sont attendus. La population rêve d’une éviction pure et simple de ses responsables en raison de leur incapacité à diriger le pays. Immense, il doit avoir à sa tête une personnalité d’envergure, justifiant d’une solide expérience politique. Pour l’heure, l’opposition congolaise – la vraie –, désarmée, doit affronter un pouvoir coupable d’intimidations. L’Église catholique – et plus généralement toute la population –, dont l’influence dans la société est réelle, devrait la soutenir et l’aider à faire face au pouvoir.
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Et cela se fera forcément au prix de gros sacrifices. ● DJEFF MUNGONDJI, Gbadolite, RD Congo
Téléphonie : quand les pauvres paient pour les riches LES OPÉRATEURS de téléphonie – dont celui qui « casse les prix » [Free, NDLR] – incluent dans leurs moindres forfaits les appels en direction des pays riches, comme les États-Unis, le Canada, l’Europe entière, Israël… Pour appeler sa « maman » au pays, le balayeur malien des rues de Paris doit payer le prix fort, quelle que soit la formule choisie. Il paie ainsi pour les bavardages anodins de riches Occidentaux d’un continent à l’autre. Et vous, mes frères bien-aimés des pays riches, vous ne dites jamais rien de ce traitement réservé aux Nègres immigrés ! ● PAP SARR, Paris, France
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Post-scriptum Faouzia Zouari
Le cru 2011 des fatwas
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T SI ON OUBLIAIT la liste des catastrophes naturelles, des révoltes arabes et des crises financières pour ne retenir que les meilleures fatwas de l’année écoulée? Car il y a bien longtemps que je ne vous ai pas briefés sur ces lois prétendument inspirées de l’islam que des cheikhs tirent de leur turban comme les prestidigitateurs sortent des lapins de leur chapeau. En voici quelques-unes, dont vous ferez ce que vous voudrez: appliquez-les à la lettre ou indignez-vous de leur teneur ; servez-vous-en comme motif à pleurer ou prétexte pour rire.
Politique • Selon Cheikh Amrou Stouhi, de l’université Al-Azhar du Caire, aucun bon Égyptien ne doit autoriser sa fille à épouser un homme du parti de l’ex-président Hosni Moubarak, sous peine de déplaire à Allah. • Pour feu Cheikh Imad Iffat Amin, spécialiste émérite de fatwas en tous genres, voter pour les sympathisants de l’ex-parti au pouvoir est prohibé par la charia. • Mohamed Abdel Hedi, du parti salafiste Al-Nour, a affirmé sans rire que la victoire de son parti aux dernières élections en Égypte est citée dans le Coran. Économie • Le journaliste égyptien Majdi Hussein a décrété que la Bourse est une hérésie, semblable aux jeux de hasard prohibés par le Livre saint. Cuisine • Selon un cheikh anonyme, il faut interdire aux femmes les bananes, les concombres et tout fruit ou légume ayant la forme d’un sexe masculin. L’époux doit, en toute circonstance, couper ces derniers en rondelles, en lamelles, en cubes, l’essentiel étant de ne pas donner de mauvaises idées à ces dames. • Le prédicateur Mohamed al-Zoghbi (Égypte) a autorisé la consommation de la viande des êtres de l’au-delà, plus connus sous le vocable de djinns, qui, généralement, se transforment en chameaux ou en moutons. Couple et sexe • Selon le théologien marocain Abdelbari Zemzami, l’homme et la femme peuvent faire l’amour dans toutes les postures, « y compris par la bouche ». Le mâle peut également recourir aux poupées gonflables et la femelle aux vibromasseurs s’il leur est impossible d’avoir sous la main un conjoint légal. En outre, l’homme peut coucher avec le cadavre de sa femme dans les heures qui suivent sa mort. • D’après Cheikh Abou Ishaq al-Huwaini (Égypte), le visage de la femme est l’exacte réplique de son sexe, c’est pour cette raison qu’il faut le couvrir. • La fameuse Salwa al-Mutairi (Koweït), qui avait autorisé les hommes à batifoler avec des esclaves, vient, dans toute sa bonté, de trouver la solution au célibat féminin : les jeunes filles célibataires et les divorcées peuvent s’acheter des esclaves masculins pour consommer en toute légalité. Vous voilà partis du bon pied pour l’année 2012 ! ●
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