RWANDA KAGAMÉ, L’HOMME DE FER Interview exclusive du chef de l’État
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2677 • du 29 avril au 5 mai 2012
jeuneafrique.com
FRANCE LE PREMIER TOUR VU D’AFRIQUE MALI CE MYSTÉRIEUX CAPITAINE SANOGO ALGÉRIE SOS FLN
CÔTE D’IVOIRE
Les orphelins de
Gbagbo
Moïse Lida Kouassi, Marcel Gossio, Charles Blé Goudé, Bertin Kadet… Les proches de l’ex-chef de l’État ont choisi l’exil à la chute de leur mentor. Comment vivent-ils ? Que préparent-ils ? Enquête ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE DE L’OUEST France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 28 AVRIL
Hors normes…
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ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE française est à quelques jours de son épilogue. Son résultat sera connu dimanche 6 mai au soir; il est attendu avec intérêt, tout particulièrement en Europe. En Afrique, les chefs d’État, leurs entourages et leurs ministres le guettent. Mais l’Africain de la rue ou des campagnes, même lorsqu’il se tient informé de ce qui se passe à Paris, a décroché : constatant que les Français et leurs dirigeants ont cessé de porter à l’Afrique une attention un tant soit peu sérieuse et suivie, il a fait comme eux. Il s’est éloigné peu à peu de l’orbite française. La question se pose de savoir, pour cet Africain-là, si le 6 mai 2012 sera l’occasion de dresser l’oreille et de se demander si la France qui sortira des urnes est susceptible d’adopter à l’égard de son continent une attitude nouvelle. ■
Le duel entre le champion de la droite française, Nicolas Sarkozy, et le candidat de la gauche, François Hollande, est, en tout cas, à la veille de se conclure. Le premier se bat pour obtenir un second mandat ; le second ambitionne de donner à la France, après celle personnifiée par François Mitterrand en 1981, une nouvelle alternance politique. Il était temps, car, revenue au pouvoir en 1995, la droite française l’a exercé depuis lors sans autre relâche que les années de cohabitation (1997-2002). Elle avait commencé à
dériver et à donner de nombreux signes de grande fatigue. La grande majorité des augures pronostique la victoire de François Hollande, et, pour ma part, j’ai écrit il y a plusieurs semaines qu’elle me paraissait très probable. Annoncé, l’événement est aujourd’hui à quelques jours de son échéance. On peut donc se hasarder à le commenter, en assumant le risque faible qu’il ne se réalise pas. J’en dirai ceci : 1) Depuis qu’a débuté, en 2008, cette crise économique et financière qui frappe durement l’ensemble des pays développés, la quasi-totalité des gouvernements de cette partie du monde, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont été battus lorsqu’ils se sont présentés devant les électeurs. Et chassés du pouvoir (voir tableau). ■
2) S’il n’est pas réélu le 6 mai, Nicolas Sarkozy pourra donc dire et penser qu’il est victime de la crise. Ce sera vrai… mais incomplet. En France, on a observé qu’à l’inverse de tous ses prédécesseurs de la Ve République il a été presque constamment impopulaire, tandis que son Premier ministre, François Fillon, lui, a gardé sa popularité jusqu’à ce jour. L’explication de ce phénomène unique est que « Sarko », comme on l’appelle communément, a cru possible (et bon pour lui) de s’occuper de tout et de n’importe quoi, de prendre et d’assumer presque toutes les décisions à la place de son Premier ministre, qu’il a réduit au rôle limité… d’un vice-président américain.
LA CHUTE DES POUVOIRS DANS LES GRANDES DÉMOCRATIES DEPUIS 2008 Pays Grande-Bretagne Irlande Portugal Espagne Grèce Grèce Italie Italie USA
Président ou Premier ministre en place Gordon Brown (Parti travailliste) Brian Cowen (Fianna Fáil) José Sócrates (socialiste) José Luis Zapatero (socialiste) Kostas Karamanlís (droite) Georges Papandréou (socialiste) Romano Prodi (Parti démocrate) Silvio Berlusconi (droite) George W. Bush* (républicain)
Pays-Bas
Jan Peter Balkenende (droite)
Canada
Stephen Harper (conservateur)
Date des élections 6.5.10 25.2.11 5.6.11 20.11.11 4.10.09 11.11.11 13-14.04.08 16.11.11 4.11.08
Type d’élection Nom du vainqueur Législatives Législatives Législatives Législatives Législatives démission Législatives démission Présidentielle
David Cameron (Parti conservateur) Enda Kenny (Fine Gael) Pedro Passos Coelho (PSD) Mariano Rajoy (droite) George Papandréou (socialiste) Lucas Papademos (socialiste-droite) Silvio Berlusconi (droite) Mario Monti Barack Obama (démocrate)
9.6.10
Législatives
14.10.08
Législatives
Mark Rutte (droite), démissionnaire depuis le 23.4.12 Stephen Harper (conservateur)
EXCEPTIONS
* NON RÉÉLIGIBLE, MAIS SON PARTI A PERDU JEUNE AFRIQUE
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Ce que je crois Consciemment ou pas, Nicolas Sarkozy s’est ainsi vengé de n’avoir pas été nommé Premier ministre par son prédécesseur, Jacques Chirac: tout s’est passé comme s’il s’était fait élire à l’Élysée pour accéder à Matignon et cumuler les deux fonctions de président et de Premier ministre. ■
3) Contresens constitutionnel qu’il a aggravé en estimant possible d’adapter la fonction de président à son tempérament, de lui imposer ses qualités et ses défauts, au lieu de s’y mouler, comme l’ont fait ses prédécesseurs, à l’exception notable de Giscard d’Estaing (qui, lui non plus et pour la même raison, n’a pas été réélu). Aux yeux des Français, leur président est une espèce de monarque majestueux et distant. C’est un rassembleur dont la parole doit être rare et solennelle ; de lui émanent lumière et autorité, à l’image de Charles de Gaulle ou de François Mitterrand. Au lieu de cela, ils ont vu leur nouveau président, dès la première semaine de sa prise de fonctions, revenir de son jogging une fois par jour à l’Élysée en short et chaussures de sport, ruisselant de sueur. Abasourdis, ils ont ensuite appris que sa femme le quittait et demandait le divorce ; ils l’ont vu se remarier deux mois plus tard et l’ont entendu parler à satiété de ses heurs et malheurs. Pendant les trois premières années de son mandat, il s’est mêlé de tout, a donné son opinion sur le moindre sujet. Il s’est mis à tutoyer tout le monde et à se faire tutoyer de tous. S’exprimant publiquement plusieurs fois par jour, il en est venu à se contredire, à maltraiter la langue… ■
Tout en lui trouvant des excuses, l’un de ses prédécesseurs, Valéry Giscard d’Estaing, cité plus haut, le dit sans ambages : « Il a improvisé la fonction. Il y a eu des
critiques que j’ai parfois partagées. Mais il a cherché à en tirer les leçons. » Il lui rappelle, mais trop tard, que : « Le président tient ses pouvoirs de la Constitution, qui le charge des grandes orientations gouvernementales. » Les autres chefs d’État ou de gouvernement, et plus généralement tous ceux qui ont besoin de ne pas perdre la confiance de leurs électeurs, devraient méditer le rejet que subit Nicolas Sarkozy: il a mis trop de temps à comprendre • qu’un peuple ne conserve sa faveur qu’à ceux de ses élus qui méritent en permanence son respect, son admiration ou son affection • qu’un métier a ses règles : un bon professionnel doit avoir à cœur de les respecter ; une fonction a des normes que nul ne peut bousculer impunément. ■
L’ennui pour Nicolas Sarkozy, c’est que la France est sur le point de lui refuser un second mandat alors qu’il a compris qu’il avait fait fausse route et, selon l’expression de Giscard, « cherché à en tirer la leçon ». C’est sans doute au cours de l’année 2010 – trois ans après le début de son mandat – que Nicolas Sarkozy s’est enfin résolu à endosser l’habit de président. Il a commencé alors, mais trop tard, à prendre de la hauteur, à s’interdire un certain nombre de facilités. On peut en déduire que, réélu le 6 mai, il aurait été un bien meilleur président au cours de son second (et dernier) mandat, tandis que François Hollande mettra, lui, des mois à entrer dans la fonction et à l’apprendre. Cette curieuse situation est-elle l’apanage de la République française? Pas du tout, car on l’a déjà observé: Les démocraties élisent leurs dirigeants et les installent au pouvoir avant qu’ils ne soient prêts ; elles les renvoient lorsqu’ils ont appris… ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Plus le sage donne aux autres, plus il possède. Lao Tseu Ì Ce que l’enfant obtient physiquement, il le doit à son père ; à sa mère, il doit ce qu’il acquiert moralement. Ahmadou Kourouma Ì Pourquoi a-t-on tant lutté pour la liberté ? Parce qu’elle est comme le pain, existentielle. François Mitterrand Ì Quand j’ai tort, j’ai mes raisons, que je ne donne pas. Ce serait reconnaître mes torts ! Raymond Devos N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Ì Un amour, une carrière, une révolution : autant d’entreprises que l’on commence en ignorant leur issue. Jean-Paul Sartre
Ì Certains ont l’air honnête, mais quand ils te serrent la main, tu as intérêt à recompter tes doigts. Coluche
Ì Laisser conduire à Paris sa voiture à sa femme, c’est vouloir soit une autre voiture, soit une autre femme. Paul Guth
Ì Le hasard vaut mieux que mille rendez-vous. Proverbe berbère
Ì Il n’y a que le travail pour y arriver, c’est pour ça qu’on n’y arrive pas. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Tous les hommes naissent comédiens, sauf quelques acteurs. Sacha Guitry
Ì Aimer. Voilà bien le seul verbe qui, en tout lieu, en tout temps, du plus mauvais sujet fasse un bon complément. Hervé Bazin Ì Le mot infarctus est le seul mot irrégulier de la langue française. On dit : « Un infarctus, des obsèques. » Francis Blanche JEUNE AFRIQUE
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Éditorial
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Marwane Ben Yahmed
ENQUÊTE NOUVELLES RÉVÉLATIONS SUR L’AFFAIRE NTSIMI Le président de la Commission de la Cemac dénonce une conjuration contre sa personne. Hélas pour lui, de nombreux éléments ne plaident pas en sa faveur.
Le glaive et la balance
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Un sentiment de malaise exacerbé par les images de ces (ex-) personnalités africaines conduites menottes aux poignets par des gardiens en majorité blancs devant une juridiction dont le siège est en Europe et où ils sont interrogés par des juges dont la plupart sont, eux aussi, blancs. Dix ans après sa mise en place, le recours à la CPI fait donc toujours débat. Elle n’est encore qu’une institution balbutiante, qui ne peut intervenir qu’à la demande d’un État ou, à défaut, du Conseil de sécurité des Nations unies. Ses procédures sont lentes, et donc coûteuses. Plusieurs États importants – États-Unis, Chine, Russie et Israël en tête – refusent en outre de s’y associer. Ce n’est que lorsque ces pays « intouchables » y seront contraints, sous la pression, pourquoi pas, de leurs opinions publiques, qu’il sera possible de parler de justice universelle. Dans le cas contraire, un voile de suspicion continuera de nimber chacune de ses décisions. La CPI a été créée, et c’est une véritable révolution, pour mettre fin à l’impunité de dirigeants qui pensaient jusqu’ici pouvoir tout se permettre. Le vieux mantra « des solutions africaines aux problèmes africains » ne produisant pas toujours les effets escomptés – n’est-ce pas, Hissène Habré et Mengistu Hailé Mariam ? –, elle demeure indispensable, car il est dans notre intérêt à tous de voir nos tyrans, actuels ou futurs, tenus en respect par la peur d’une justice indépendante. Celle-ci a certes beaucoup de lacunes. Mais, à ce jour, les hommes n’ont pas encore trouvé mieux… ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
28 PHOTOS DE COUVERTURES : ANTOINE ANTONIOL/BLOOMBERG/GETTY IMAGES, VINCENT FOURNIER/J.A. ; AFP PHOTO/ISSOUF SANOGO/GEORGES GOBET, AFP PHOTO/FAYEZ NURELDINE
ANCIEN PRÉSIDENT LIBÉRIEN Charles Taylor est devenu, ce 26 avril, le premier (ancien) chef d’État condamné par la justice internationale. Compte tenu de son curriculum vitæ, ce verdict était attendu : personne ne songe à plaindre le satrape sanguinaire de Monrovia. Mais déjà, les accusations d’une justice à deux vitesses, à la solde des Blancs, font florès en Afrique. Les principes de base, notamment l’égalité de tous les justiciables, seraient bafoués ; les cibles de la justice internationale sont quasi exclusivement africaines ; les accusés déférés devant ses tribunaux seraient condamnés d’avance… Le premier détenu et le premier condamné par la Cour pénale internationale (CPI) ? Le chef de milice congolais Thomas Lubanga. Le premier « gros poisson » ? Encore un Congolais, l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba. Les autres chefs d’État dans le collimateur ? Le Soudanais Omar el-Béchir et l’Ivoirien Laurent Gbagbo. Sans parler de l’Ougandais Joseph Kony, des Congolais (décidément) Bosco Ntaganda, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, du Rwandais Callixte Mbarushimana, du vice-Premier ministre kényan Uhuru Kenyatta… Hors d’Afrique, seuls les criminels de guerre (ou contre l’humanité) ex-yougoslaves ont eu à subir les foudres de la justice mondiale. Comme si la Palestine, l’Irak, l’Afghanistan, la Tchétchénie, la Colombie ou la Birmanie, entre autres, n’avaient jamais été les théâtres de crimes imprescriptibles. Et comme si leurs auteurs supposés, n’étant pas Africains, n’avaient aucuns comptes à rendre.
AVEC LES PRO-GBAGBO EXILÉS AU GHANA LA REVANCHE DANS LA PEAU
Rares sont ceux qui osent l’avouer, mais tous rêvent de rentrer en Côte d’Ivoire. Reportage.
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE
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Cemac Nouvelles révélations sur l’affaire Ntsimi Salva Kiir Stratège sur le fil du rasoir Adel Imam Victime de l’Inquisition Guinée équatoriale-France Le fond de l’air est frais Maroc Surchauffe cathodique Cyclisme Suspense, sprint et sponsors Palmarès Beyoncé reine de beauté Égypte-Israël Alerte au gaz Tour du monde
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GRAND ANGLE
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Rwanda Paul Kagamé, Iron Man
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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Pro-Gbagbo en exil La revanche dans la peau Mali Président un jour, président toujours ? Tribune Ensemble, abolissons la peine de mort en Afrique JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
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PAUL KAGAMÉ « On ne bâtit pas une démocratie sur du sable »
Spécial 12 pages
Grande interview du chef de l’État rwandais.
GRAND ANGLE
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ALGÉRIE LE FLN EST-IL FINI ? À la veille d’élections législatives capitales, le parti de l’indépendance est traversé par une dissidence d’une ampleur sans précédent. Cela fait désordre.
FRANCE HOLLANDE-SARKOZY, LE DUEL • L’Europe, l’invité surprise • Vu d’Afrique : cœur à gauche, portefeuille à droite • Portrait : Najat la conquérante • Chronique : Loft Story
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Taïwan-Afrique À fond la forme Angola Au nom du Cabinda Procès Taylor Coupable !
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MAGHREB & MOY EN-ORIENT
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Algérie Le FLN est-il fini ? Témoignage Ma rencontre avec Ben Bella Iran-Israël Tel-Aviv trébuche sur l’Europe Syrie Une bombe à fragmentation Égypte Le bal des prétendants Enquête Les démons du stade
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EUROPE, AMÉR I Q U E S, A SIE
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Présidentielle française Hollande-Sarkozy, le duel Chine La scandaleuse de Chongqing Parcours Laetitia Masson, le rouge et le blanc Football Combines à l’italienne
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ÉCON OMIE
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Télécoms La fin de l’âge d’or Maritime Regain d’ambition pour Djibouti Nouvelles technologies Assurance antifraude Tunisie La Steg en phase de transition
JEUNE AFRIQUE
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BÂTIMENT ET TRAVAUX PUBLICS DES MARCHÉS ALLÉCHANTS
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MÉDIAS LE QATAR DÉCROCHE LA UNE La pétromonarchie investit de plus en plus dans la presse et l’audiovisuel français. Elle détient désormais près de 13 % du capital du puissant groupe Lagardère.
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Banque Standard Bank se replie… pour mieux se déployer Automobile Interview d’Adel Ben Khaled, DG de Leoni Maroc Sanofi William Kouadio-Tiacoh prend soin du continent Bourse de Casablanca Des promoteurs bien logés Baromètre
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L E D O SSIER
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BTP & infrastructures
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C U LT U RE & M ÉD IA S
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Médias Le Qatar décroche la une Livres Regards sur la guerre d’Algérie La semaine culturelle de Jeune Afrique Témoignage Un homme, deux chevaux En kiosque La revue
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VOUS & NOUS Courrier des lecteurs Post-scriptum
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Procès Taylor Le Sénégalais par qui le scandale arrive
UNION AFRICAINE L’AFRIQUE DU SUD PIAFFE
MONNAIE FRANCS CFA ÉCHANGEABLES ?
Ouvertes en novembre 2011, les discussions sur l’interchangeabilité des francs CFA de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale ont repris en marge des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale (Washington, 16-22 avril). Tiémoko Meyliet Kone et Lucas Abaga Nchama, N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
les gouverneurs de la BCEAO et de la Beac, y travaillent avec leurs équipes respectives. Si elle était adoptée, la mesure permettrait de favoriser les opérations financières et de doper les échanges commerciaux entre ces deux zones économiquement très complémentaires. Le projet ne remet pas en question l’éventuelle création d’une monnaie
PETER DEJONG/AP/SIPA
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U GRABUGE À LA HAYE, aux Pa y s- B a s . L e 26 avril, à 13h15, le président du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) achève la lecture du jugement qui condamne Charles Taylor, l’ancien président libérien. « Je voudrais dire quelque chose », annonce alors le quatrième juge, le Sénégalais El Hadj Malick Sow. Mais officiellement,l’audience est terminée. Les micros ! L’ANCIEN DICTATEUR LIBÉRIEN À LA LECTURE DU VERDICT, le 26 avril, à La Haye (Pays-Bas). sont coupés et un rideau recouvre la grande baie vitrée qui sépare le public de la salle d’audience. Le juge récalcitrant poursuit tout de même sa déclaration. À huis clos. « La culpabilité de Charles Taylor n’a pas été prouvée par l’accusation au-delà de tout doute raisonnable, estimet-il. L’ensemble de notre système risque de perdre toute crédibilité et de courir à l’échec. » Problème, ce juge n’est que suppléant. Il a certes assisté aux trois années d’audiences du TSSL, mais, le jour du verdict, les trois titulaires – un Samoan, une Ougandaise et une Britannique (d’Irlande du Nord) – sont présents. Il n’a donc pas été autorisé à prendre part au vote, et Taylor a été condamné à l’unanimité. Si l’un des trois juges titulaires était tombé malade, le délibéré aurait été plus compliqué. Et si Taylor fait appel… ●
unique dans les pays de la Cedeao. Mais celle-ci devrait prendre davantage de temps, lespaysanglophonesetleCapVert étant censés créer, d’ici à 2015, une Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Zmao), sorte de pendant de l’UEMOA pour les pays francophones. UEMOA et Zmao tenteront ensuite de mettre en place une monnaie unique en 2020.
À la mi-avril, Nkosazana Dlamini-Zuma, la ministre sud-africaine de l’Intérieur, a de nouveau fait acte de candidature à la présidence de la Commission de l’UA, avant que le comité de huit chefs d’État mis en place pour revoir les règles du vote et décider si elle et le Gabonais Jean Ping ont le droit de se représenter ait pu rendre ses conclusions. Le 17 mars à Cotonou, lesdits chefs d’État avaient échoué à trouver un compromis. La rencontre avait même failli tourner au pugilat ! L’élection doit avoir lieu à la mi-juillet, lors du sommet de Lilongwe.
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LE CHIFFRE
MILLIONS
DE DOLLARS C’est le prix que devrait toucher l’entrepreneur ivoirien Eugène Diomandé pour la revente des actions de l’opérateur de téléphonie Comium qu’il détenait. Soit 13,5 % du capital avant l’augmentation – qu’il dénonce – décidée par l’actionnaire majoritaire, l’homme d’affaires libanais Nizar Dalloul. GAMBIE-CÔTE D’IVOIRE PAIX DES BRAVES
Le président gambien Yahya Jammeh, qui n’a jamais caché son soutien à Laurent Gbagbo, s’est, à la surprise générale, rendu, le 26 avril, à Abidjan, où Alassane Ouattara, président enexercicedelaCedeao,l’avait convié à participer au sommet sur le Mali et la Guinée-Bissau. Drapé dans un grand boubou blanc, arborant un long chapelet et un exemplaire du Coran, il a fait une entrée fracassante au moment où Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine, prononçait son discours. Plutôt JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société
Français de l’étranger Marine Le Pen en tête à… Djouba MÊME SI LE VOTE D’EXTRÊME DROITE est très minoritaire chez les Français d’Afrique (qui, dans leur ensemble, ont placé François Hollande devant Nicolas Sarkozy lors du premier tour de la présidentielle du 22 avril), il n’en demeure pas moins intéressant à observer, ne serait-ce que pour l’incompatibilité apparente qu’il manifeste entre expatriation et xénophobie. C’est en Afrique centrale que Marine Le Pen a réussi ses meilleurs scores, et au Maghreb ses plus mauvais. La candidate du Front national arrive ainsi en troisième position – comme en France – chez les Français du Gabon, du Congo-Brazzaville, de la RD Congo, duTchad, de Djibouti, duTogo et de la GuinéeBissau. Incongruité : Le Pen l’emporte au Sud-Soudan, le dernier né des États africains. Il est vrai qu’au bureau de vote de l’ambassade, à Djouba, le nombre des inscrits ne dépassait pas vingt-trois. Il n’y a eu que quatorze suffrages exprimés et la candidate en a récolté quatre. (Voir la carte complète des résultats sur jeuneafrique.com). ●
FRANCE-RWANDA LES MÉSAVENTURES DU PR HALBWACHS Professeur de géopolitique à l’université de Savoie et fondateur de la société Data Environnement, spécialisée dans l’extraction du méthane, le Français Michel Halbwachs a, le 25 avril, refusé la Légion d’honneur qui lui a été attribuée fin 2011 sur proposition d’Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères. Motif: sa société, qui opère sur la rive rwandaise du lac Kivu depuis 2002, n’a reçu aucune aide de la France (notamment de Proparco, le bras financier de l’Agence française de développement) et est désormais en redressement judiciaire. Or le lac Kivu a un potentiel éruptif mille fois plus dévastateur que celui du lac Nyos, au Cameroun (1 746 morts en 1986). En extraire le méthane est donc à la fois une nécessité vitale et une JEUNE AFRIQUE
opération rentable, soutient Halbwachs, puisque sa récupération permettrait au Rwanda d’être autosuffisant en électricité pendant un siècle et demi. Plusieurs sociétés américaines et britanniques se sont d’ailleurs déjà positionnées pour remplacer Data Environnement. Cette décoration n’est que « le masque de l’indifférence et de l’inefficacité », explique Halbwachs.
SOUDANS CONDAMNÉS À S’ENTENDRE ?
Tout en regrettant la réponse disproportionnée de l’armée du Soudan, Michael Battle, l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union africaine, déplore l’erreur stratégique commise par le jeune État du Soudan du Sud, qui a pris le contrôle de la petite ville pétrolière de Heiglig avant d’être contraint de s’en retirer sous les bombardements de son voisin. « Sans force aérienne, son armée ne pouvait tenir ses positions »,
CAMEROUN EN ATTENDANT LE CARDIOPAD
Actuellement en cours de fabrication en Chine, les cinquante premiers Cardiopad, tablettes numériques permettant de traiter à distance les maladies cardiovasculaires, seront assemblés à Yaoundé au cours des prochaines semaines, puis distribués, fin mai, dans les différents centres de cardiologie du pays. Le Cardiopad a été développé par Arthur Zang, un jeune ingénieur informaticien camerounais de 24 ans. Ces cinquante premiers exemplaires ont été financés par un don de l’État camerounais. L’Afrique du Sud et le Burkina ont déjà manifesté leur intérêt pour cette invention 100 % africaine.
FRANCE
Pléthore de candidats pour la « Coopé » Avant même le second tour de la présidentielle, la bataille pour le poste de ministre délégué à la Coopération (quel que soit son futur intitulé) a commencé chez les socialistes. Proche de François Hollande et animateur du pôle coopération dans son équipe de campagne, le député européen Kader Arif est sur les rangs, mais il n’est pas le seul. On parle du sénateur Robert Hue (photo ci-contre), l’ancien secrétaire général du Parti communiste aujourd’hui rallié à Hollande, qui, ces dernières années, a beaucoup critiqué le manque de transparence de l’aide au développement. Mais aussi de la députée Christiane Taubira, qui, par des notes, a régulièrement alimenté la réflexion du candidat sur l’Afrique (notamment la région des Grands Lacs), et du discret Jean-Michel Severino, ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD). Dans l’équipe de campagne, ce dernier est chargé du pôle puissances émergentes, mais il rédige aussi des notes de politique africaine.
BALTEL/SIPA
que de gagner directement sa place, il a commencé par serrer la main de Ouattara et de quelques autres. Plus tard, il confiera même au président ivoirien: « Grand frère, palabre est finie. » Un geste apprécié à sa juste valeur par l’intéressé.
dit-il. L’ONU et l’Union africaine, avec l’appui des ÉtatsUnis et de la Chine, tentent d’obtenir la fin des hostilités et la reprise des négociations. Mélès Zenawi, le Premier ministre éthiopien, l’un des rares à avoir de l’influence sur les deux parties, est chargé de jouer les intermédiaires.
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La semaine de Jeune Afrique
CEMAC
Nouvelles révélations sur l’affaire
Ntsimi
Mis en cause pour sa gestion de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, le président de la Commission dénonce une conjuration contre sa personne. Hélas pour lui, de nombreux éléments ne plaident pas en sa faveur.
FRANÇOIS SOUDAN
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ntoine Ntsimi Menye n’a jamais été particulièrement réputé pour sa modestie. Aussi bien le site que son étrange « comité de soutien » vient de créer pour riposter à la « médiocre tentative de déstabilisation » dont il se dit victime (en réalité, l’enquête publiée début avril par J.A. sur sa gestion) et pour soutenir sa candidature à sa propre succession à la tête de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), s’intitule en toute humilité lhommeindispensable.com. On peut ainsi lire sur ce portail, le troisième du genre entièrement consacré à louer les vertus hors normes du patron de la Cemac (avec antoinentsimi.com et cemac2012.com), qu’« un certain nombre d’ennemis intérieurs au Cameroun, mais aussi de détracteurs historiques centrafricains et plus largement d’ennemis de la Cemac » tenteraient « un coup de force » pour le bouter hors d’une institution qu’il préside avec une rigueur exemplaire. Ce « groupement odieux » (sic) aurait donc fait publier des « pièces comptables imaginaires » dans « un petit journal » – évidemment rémunéré pour la tâche – dans le but d’intoxiquer l’opinion. Mais que l’on se rassure: face aux « gazouillis d’une certaine presse partisane », l’homme indispensable « affiche le plus simple mépris » et plus que jamais « concentre toute son énergie à son travail ». AFFOLEMENT. Serein, Antoine Ntsimi ? Rien n’est
moins sûr. Outre que la théorie du complot exposée ci-dessus dénote une évidente fébrilité, pour N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
ne pas dire un certain affolement, le président de la Commission et ex-ministre camerounais des Finances, karatéka émérite, semble surtout soucieux de multiplier les contre-feux. Aux chefs d’État des pays membres de la Cemac, il explique ainsi que tout le mal vient de l’un d’entre eux, le Centrafricain François Bozizé, à qui, en gestionnaire sourcilleux des deniers communautaires, il aurait refusé un important prêt et qui, depuis, aurait juré sa perte, au point de le faire refouler de Bangui le 21 mars dernier. Avec les journalistes camerounais, tout au moins ceux d’entre eux qui se montrent sensibles à sa bienveillance1, il Cascade de prélèvements joue de la corde nationaliste : en espèces, Conseil pays leader de la zone Cemac, des ministres fictif… le Cameroun ne saurait céder le fauteuil de président de la Commission qu’il détient sans discontinuer depuis quarante-sept ans et surtout pas au profit d’un ressortissant du pays le plus pauvre de la région. Quant à Jeune Afrique, enfin, ce « petit journal » qui semble lui causer tout de même beaucoup de soucis et lui prendre beaucoup de son temps, Antoine Ntsimi parle de « financements obscurs » versés pour le dénigrer. L’objectif de cette ligne de défense hasardeuse est assez élémentaire : 1. A contrario, on relèvera le travail professionnel du journaliste Beaugas-Orain Djoyum, du quotidien Le Jour, qui a enquêté auprès de la Beac pour vérifier – avant de valider – l’authenticité des documents comptables publiés par J.A. JEUNE AFRIQUE
LUDOVIC/REA
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le débat doit porter sur tout sauf sur l’essentiel, à savoir la gestion de cette institution communautaire, laquelle n’a encore jamais été auditée. Des multiples dysfonctionnements révélés par J.A. (cascade de prélèvements en espèces, location d’avions à des tarifs exorbitants, « caisses d’avances » non justifiées, acte additionnel faisant référence à un Conseil des ministres qui ne s’est jamais tenu, etc.), aucun n’est démenti, pas même commenté – et pour cause : tout est hélas exact. Seule une facture de l’hôtel Méridien Étoile de Paris concernant une réception à laquelle aurait participé, le 14 février 2012, le directeur général de l’Agence française de développement, Dov Zerah, fait l’objet d’une mise au point. On le comprend : non seulement Dov Zerah a démenti sa présence à cette réception, mais il a décidé de porter plainte et a commis pour cela l’un des ténors du barreau parisien, Pierre Haïk. Sur le site Cemac 2012, on peut donc lire depuis une dizaine de jours qu’Antoine Ntsimi « dément catégoriquement l’authenticité » de cette facture, dont ni lui ni ses services « n’ont eu connaissance ». Antoine Ntsimi, il faut le reconnaître, a raison sur un point : il s’agit là vraisemblablement d’une fausse facture. Reste à savoir qui l’a établie et surtout pourquoi Roger Faustin Ndzana, homme de confiance et bras droit de Ntsimi depuis l’époque où ce dernier était ministre des Finances (et actuel représentant adjoint de la Cemac à Yaoundé), l’a fait régulariser avec l’aval explicite du président de la Commission. J.A. s’est en effet procuré la fiche de dépenses engagées, le mandat de paiement et l’avis de crédit correspondant au centime près à cette JEUNE AFRIQUE
! PARIS, OCTOBRE 2010 : Antoine Ntsimi (à g.), avec Christine Lagarde, alors ministre française de l’Économie, et Dov Zerah, directeur général de l’AFD. Aujourd’hui, ce dernier porte plainte…
fameuse facture du Méridien (13 079 783 F CFA, soit 19 940 euros), lesquels ont été visés le même jour, 29 février 2012, par le contrôleur financier de la Cemac, l’Équato-Guinéen Pablo Alogo, autre proche du président de la Commission.
VERTIGE. Si l’on en croit ces trois documents, la facture en question est intervenue comme justificatif dans le cadre de la régularisation partielle d’une caisse d’avance retirée (en liquide comme toujours) par M. Ndzana le 9 février. Le motif figure en toutes lettres : « réception ». Est-il besoin de commenter ? Significative, l’affaire du Méridien n’en est pas moins anecdotique au regard de ce qui apparaît comme un marécage d’opacité inexplorée. J.A. a ainsi en main une décision remontant à mars 2011, visée et tamponnée par le même Pablo Alogo, contrôleur financier de la Cemac, aux termes de laquelle Antoine Ntsimi s’accorde à lui-même une « avance de solde au titre du régime indemnitaire de cessation d’activité » – en d’autres termes, un parachute doré – d’un montant de 400 100 000 F CFA (610 687 euros). Somme déductible du milliard de F CFA de La fausse facture de son solde de tout compte, détaillé dans un acte additionnel en date l’hôtel Méridien ? Une du 25 février 2011. Rien d’anorgoutte d’eau dans un mal à cela, même si les chiffres marécage d’opacité. donnent un peu le vertige, si ce n’est que chercher à percevoir ses indemnités de départ tout en s’employant à rester en poste pose un évident problème de cohérence juridique et morale. C’est ce qui s’appelle N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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La semaine de J.A. L’enquête vouloir le beurre et l’argent du beurre2…Antoine Ntsimi a-t-il encaissé cet argent ? À tout le moins, la question devrait lui être posée, tout comme il serait intéressant de connaître les détails des marchés qu’il a conclus au nom de la Cemac, de gré à gré, avec diverses sociétés privées. Le groupe camerounais Ketch, par exemple : 530 millions de F CFA pour de menus travaux d’urgence au siège de la Cemac avant le sommet de Bangui en janvier 2010, ou encore le cabinet sénégalais Performances Management Consulting, pour un montant beaucoup plus important, dans le cadre de diverses consultations sur les réformes de la communauté et le recrutement de personnels par internet – la plupart des recrutés ayant été in fine refoulés de la Cemac à leur arrivée à Bangui, pour procédures non conformes. BILLETTERIE. Autre étrangeté, le protocole d’accord
conclu début 2008 entre Antoine Ntsimi lui-même et une agence de Douala, Camship Voyages, dont le responsable n’est autre que le maire de Douala 1er, Jean-Jacques Lengue Malapa. Depuis, cette agence dont le compte à la Citibank de Douala Ntsimi a-t-il touché ses est le même que celui de la Camship Investment indemnités de départ? Corporation, société de Si oui, comment peut-il financement du groupe prétendre rester? mixte Camship que dirige l’homme d’affaires René Mbayen, bénéficie d’une quasi-exclusivité asi-exclusivité sur les voyages du staff de la Cemac, à commencer par ceux du président de la Commission lui-même. Etcelarapporte:58millions de F CFA en billetterie, rien que pour les cinq premières semaines de 2012, si l’on en croit les factures que s’est prorocurées J.A., dont 50 millions ons concernent les voyages du seul AntoineNtsimietdesonépouse. use. Il faudrait éplucher cinq inq années de comptabilité,, de 2. Signalons à titre de repère qu’Antoine Ntsimi, dès son arrivée à la tête de la Cemac, en 2007, a exigé et obtenu que son salaire soit multiplié par deux et aligné sur celui du gouverneur de la Beac. Ses émoluments nets, indemnités comprises, sont aujourd’hui de 21,7 millions de F CFA (33 000 euros) par mois, auxquels il convient d’ajouter le logement de fonction, les véhicules, personnels, agents de sécurité, frais divers, etc., intégralement pris en charge par la Cemac. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Le mandat de paiement, ordonné par Antoine Ntsimi et visé par le contrôleur financier de la Cemac en date du 29 février 2012, dont le montant correspond au franc près à la « facture » de l’hôtel Méridien. Comme on le voit, cette pseudofacture en euros a été convertie par le même contrôleur, dont le paraphe apparaît. Elle a manifestement servi de pièce justificative dans le cadre de la régularisation d’une caisse d’avance retirée en liquide par Roger Faustin Ndzana, bras droit d’Antoine Ntsimi (J.A. dispose également de la fiche de dépenses engagées et de l’avis de crédit concernant la même opération).
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re retraits multiples en espèces et de « système Ntsimi », mais qui le fera? « Au siège, à Bangui, tout Nt le monde a peur de lui, et ses affidés verrouillent la machine », confie un cadre de la Commission. Ordonnateur suprême des crédits de la Cemac, Or Ntsimi a placé un proche, le Camerounais Léopold Nt Woguia, au poste de directeur administratif et Wo financier. Sa belle-sœur, Jeanne Eda Boula, dirige le fi service des achats, et sa nièce, Malaika Ndoumbe se Ngollo, ainsi que le fidèle Ndzana veillent sur le Ng bu bureau de la Cemac à Yaoundé, véritable plaque tournantedesmultiplesremboursementsetavances to dont bénéficie la présidence de la Commission. do GARDES DU CORPS. Il existe certes en théorie GAR
FOTOLIA
Le projet de décision par laquelle Antoine Ntsimi s’attribue à lui-même lui-mê même une avance sur indemnités de départ d de la présidence pr de la Commission de la Cemac d’un montant mont ntant de plus de 400 0 millions de F CFA. CF A-t-il perçu cet ar argent – et même bien en au-delà? Il devrait devr vrait être facile aux x chefs d’État de le vérifier. Et si oui, il dev devrait evrait être bien difficile diffic icile à l’intéressé d’expliquer d’ex expliquer comment il peu peut eut prétendre rempiler remp mpiler à son poste… post ste…
de des organes de contrôle de la Cemac (cour des comptes, cour de justice, Parlement), ainsi qu’un co comité inter-États de douze membres – nomco m més pour trois ans, mais dont la plupart siègent depuis plus de dix ans – chargé de l’examen des dossiers soumis aux chefs d’État. Mais l’influence, voire le contrôle qu’exerce Antoine Ntsimi sur l’ensemble de cet appareil est efficace. Sur les nombreux cadres de la Cemac rencontrés au cours de notre enquête, aucun n’a ainsi accepté d’être nommément cité. Mercredi 25 avril, Antoine Ntsimi est finalement revenu à Bangui, un mois après en avoir été éconduit. Entouré, comme d’habitude, de ses gardes du corps – d’anciens gendarmes camerounais recrutés comme « experts chargés de la sécurité » –, le président de la Commission s’est fait plutôt discret. « Il a même serré les mains de ses employés, ce qui ne lui arrivait plus depuis longtemps », murmure un témoin. Le président Bozizé, qui ne souhaitait plus le revoir chez lui, s’est finalement laissé convaincre par ses pairs – en particulier le président en exercice de la Cemac, Denis Sassou Nguesso. Il faut bien en effet qu’AnIl faudrait éplucher cinq toine Ntsimi regagne le siège de la Commission si années de comptabilité, l’on veut que le prochain mais qui le fera ? sommet des chefs d’État, prévu pour dans une poignée de semaines à Brazzaville, puisse être préparé. À titre additionnel, les six patrons de la région ont fait savoir à Antoine Ntsimi qu’il allait être entendu en sur son propre bilan à la tête de l’institution tu – sans que l’on sache encore très bien s’il aura au ou non valeur de testament. Quoi qu’il en soit, so ce bilan n’aura guère d’intérêt et assez peu de valeur s’il n’est pas vérifié et complété par un audit indépendant, c’est-à-dire non régional, sur au la gestion de toutes les instances de la Cemac. Ce qui a été fait pour la Banque des États de l’Af l’Afrique centrale (Beac) se doit de l’être pour la Cemac. Nul ne doit plus pouvoir s’affranchir des Ce règles de la bonne gouvernance, fût-il un homme règl « indispensable in ». ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
La semaine de J.A. Les gens
Salva Kiir Stratège sur le fil du rasoir En visite en Chine, le président du Soudan du Sud a rappelé à Pékin combien l’entente entre Khartoum et Djouba était nécessaire à la République populaire. Mais celle-ci est-elle réellement prête à s’investir ?
Q
uel président oserait quitter son pays alors que les Antonov d’un Étatvoisinbombardentsonterritoire? Salva Kiir Mayardit l’a fait, le 23 avril, pour une visite en Chine censée durer cinq jours. Folie ? Inconscience ? Certainement pas. Âgé de 60 ans, vétéran de la première guerre civile du Soudan, stratège militaire réputé pour son honnêteté et sa droiture, ancien chef d’état-major de l’Armée de libération des peuples du Soudan (SPLA), le président du plus jeune État africain a beau avoir été catapulté à ce poste un peu malgré lui à la suite de l’accident qui coûta la vie à John Garang en 2005,ilsaitcequ’ilfait.AlorsqueKhartoum demeure diplomatiquement très isolé sur la scène internationale – le président Omar el-Béchir est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide au Darfour –, la République populaire de Chine reste son principalalliéetpartenairecommercial.En rencontrant le président Hu Jintao, Salva
la rhétorique guerrière est toujours à l’ordre du jour. Si un diplomate en poste à Djouba voit en Salva Kiir « un véritable démocrate », il n’a échappé à personne que le discours de cet homme habituellement taiseux s’était considérablement durci, ces dernières semaines, alors que les deux Soudans s’affrontaient de part et d’autre de ! Le discours de L’ANCIEN CHEF D’ÉTAT-MAJOR la frontière. Sous l’inamoDU SPLA s’est considérablement durci. vible chapeau de feutre et le costume civil, Kiir reste un militaire, quoique poli par des années la diplomatie chinoise, Liu Weimin, a de pratique diplomatique et rompu aux pour sa part soutenu que « le pétrole négociations. À Hu Jintao, qui le recevait, est sur le plan économique la bouée de il a déclaré que sa visite intervenait « à sauvetage commune du Soudan et du un moment critique pour la République Soudan du Sud ». du Soudan du Sud parce que [son] voiÉQUILIBRISTE. Ardentdéfenseurdel’indésin de Khartoum a déclaré la guerre ». Une réponse à l’intention affichée par pendance de son pays, sans doute l’élégant Omar el-Béchir « d’écraser Salva Kiir espérait-il un engagement plus les insectes » au pouvoir de ferme sur la construction d’un pipeline Bien qu’arrivé à ce poste un peu l’autre côté de la frontière. entre Djouba et Lamu (Kenya), qui perAlors que Khartoum et mettrait au jeune État de s’affranchir des malgré lui, le dirigeant du plus Djouba fournissent à Pékin taxes exorbitantes exigées par Khartoum jeune État africain sait ce qu’il fait. environ 5 % de ses imporpour transporter le pétrole sud-soudanais tations de pétrole, la Chine jusqu’à la mer Rouge. Il a dû se contenter Kiir a rappelé de façon fort opportune que a tout intérêt à voir les deux ennemis del’annonced’unetournéede«promotion si les infrastructures pétrolières financées s’entendre. Salva Kiir ne l’ignore pas et, sur des pourparlers de paix » du représentant par la Chine se trouvent principalement place, il a obtenu plusieurs déclarations spécial pour les affaires africaines, Zhong au Soudan, le brut, lui, provient à 75 % du en faveur d’une solution négociée. « Le Jianhua, dans les deux nations. Rentré sous-sol sud-soudanais. plus urgent est de prendre part activement au pays plus tôt que prévu alors que les Traditionnellement rétive à toute ingéaux efforts de médiation de la commutensions restent vives le long de la fronrence en matière de politique étrangère, nauté internationale pour que cesse le tière, Salva Kiir va devoir poursuivre son la République populaire se retrouve ainsi conflit armé dans les zones frontalières », numéro d’équilibriste pour préserver une forcée de jouer les arbitres. Bien entendu, a affirmé Hu Jintao. Le porte-parole de paix bien fragile. ● NICOLAS MICHEL NOMINATIONS
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DIÈNE FARBA SARR SÉNÉGAL Ce proche du président Macky Sall a été nommé directeur général de l’Agence nationale chargée de la promotion des investissements et des grands travaux (Apix).
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FRANÇOIS LONSÉNY FALL DIPLOMATIE Le secrétaire général de la présidence a été nommé représentant d’Alpha Condé dans la gestion de la crise bissau-guinéenne. JEUNE AFRIQUE
KAZUHIRO IBUKI/AP/SIPA
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EN HAUSSE
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SADIO LAMINE SOW
Adel Imam Victime de l’Inquisition
Le conseiller spécial du président burkinabè Blaise Compaoré et ex-collaborateur de Jeune Afrique (1981-1983) a été nommé ministre d’État chargé des Affaires étrangères au sein du nouveau gouvernement malien.
L’acteur égyptien a été condamné à trois mois de prison. Sa faute ? Il aurait ridiculisé l’islam dans des films tournés… dans les années 1990.
BALLA GAYE 2
U
Le lutteur sénégalais, surnommé le Lion de Guédiawaye, est le nouveau roi des arènes. Le 22 avril, à Dakar, le fils de Double Less a battuYakhya Diop Yékini, jusqu’alors invaincu, en seulement deux minutes et dix secondes.
n sourire à la Henri Salvador, des mimiques dignes de Louis de Funès, le tragicomique d’un Charlot. Adel Imam est l’étoile incontestée de la comédie arabe. En cent films et dix pièces de théâtre, l’Égyptien a fait rire à gorge déployée bien au-delà de son pays. Il a singé le dictateur et le migrant, moqué les fonctionnaires corrompus et les maris cocus. Certains cornards ont ri jaune, des autocrates ont ri de bon cœur, et inversement. Les rigoristes religieux, eux, n’ont pas ri du tout. À la suite d’une plainte déposée par Arsan Mansour, avocat lié aux islamistes, pour outrage à l’islam, Adel Imam a été condamné le 2 février à trois mois de prison par un tribunal du Caire, peine confirmée le 24 avril. Le pieux juriste l’accusait notamment d’avoir ridiculisé la barbe et le jilbab, longue robe qui descend jusqu’aux pieds. En liberté sous caution, l’acteur a annoncé qu’il ferait appel. « La loi n’autorise en aucune manière de traîner en justice un individu parce qu’il a dit des choses dans le contexte fictif d’un film », a déclaré son avocat au quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm.
MERZAK ALLOUACHE
DR
Le réalisateur algérien représentera son pays à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes (16-27 mai) avec son film ElTaaib (« Le Repenti »), le seul film africain en compétition dans cette section parallèle. EN BAISSE
LE RIRE EST EN BERNE. Pour les tartuffes, le blasphème doit
être imprescriptible : les films les plus dénoncés, Terrorisme et Kebab, Le Terroriste et Les Oiseaux de l’ombre, remontent à 1992, 1994 et 1995. Ils avaient à l’époque passé la censure vigilante du régime Moubarak, mais la révolution de 2011 a donné la liberté aux opprimés d’hier d’ériger leurs propres barrières. Le rire, qui a aidé les manifestants arabes à triompher de la peur et de la dictature, est en berne. En Tunisie, Nabil Karoui, le patron de Nessma TV, est poursuivi depuis octobre parce qu’une scène de Persepolis, film d’animation qu’il a diffusé, fait apparaître une représentation de Dieu. Au Maroc, pour avoir professé leur athéisme, les rappeurs Jabeur Mejri et Ghazi Béji ont été condamnés à sept ans de prison le 5 avril. Les révolutions arabes tourneraient-elles à l’iranienne ? ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
MOURAD TRABELSI Le frère de l’ex-première dame Leïla Ben Ali a été condamné le 23 avril à dix ans de prison ferme par la chambre criminelle de la cour d’appel deTunis, dans une vaste affaire d’escroquerie visant un grand vendeur de poissons. CHEIKH BETHIO THIOUNE
! Dans L’IMMEUBLE YACOUBIAN, en 2006.
NANA PRODUCTIONS/SIPA
MAHAMAT SALEH ANNADIF
JEUNE AFRIQUE
Le secrétaire général de la présidence duTchad a été inculpé pour « complicité de détournement de fonds publics » de la Direction générale des grands travaux présidentiels. Assurant être innocent, il dénonce une cabale. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
DESIREY MINKOH/FETHI BELAID/AFP ; DR
L’influent chef mouride sénégalais a été inculpé le 26 avril pour complicité de meurtre et emprisonné à la maison d’arrêt deThiès, après la découverte de deux cadavres inhumés dans son jardin.
La semaine de J.A. Décryptage
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Guinée équatoriale-France Le fond de l’air est frais Malabo ne digère pas l’affaire des « biens mal acquis ». Et menace Paris de représailles diplomatiques et commerciales.
se rendre devant l’ambassade de France pour demander des explications. En réalité, Obiang Nguema ne veut nullementhypothéquercequ’ilapatiemment construit. Cet admirateur de François Mitterrand au pouvoir depuis 1979 a sorti son pays – le seul État hispanophone d’Afrique – de l’isolement. En 1983, il l’a fait adhérer à l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale (Udeac, ancêtredelaCommunautééconomiqueet monétaire de l’Afrique centrale, la Cemac) et, en 1998, a fait du français la deuxième langue officielle.
AFP
GRANDS GROUPES. Les entreprises hexa-
! FRANÇOIS BARATEAU, l’ambassadeur de France, lors d’une manifestation organisée le 30 mars à Malabo pour demander l’arrêt des poursuites contre Teodorín Nguema Obiang Mangue.
T
eodoro Obiang Nguema auraitil plusieurs visages ? Au moins trois dans l’affaire des « biens mal acquis », qui a vu le parquet de Paris autoriser l’émission, le 4 avril, d’un mandat d’arrêt à l’encontre de son fils, Teodorín. Il y a d’abord celui qu’il montre à Mongomo, son village natal. Le présidentyaexprimésacolère,enlanguefang, contre une « décision injuste », motivée par « la jalousie ». Comme il l’a expliqué sur France 24, son fils travaille et possède plusieurssociétésd’oùiltireraitsesrevenus. Il y a ensuite le visage qu’il présente à la France, à qui il a demandé de ralentir le travail de la justice, avant de publier des communiqués évoquant une possible rupture des relations diplomatiques
et des représailles contre les entreprises françaises. Le 19 avril, dans un discours fleuve prononcé en ouverture du congrès du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), à Bata, le chef de l’État est allé jusqu’à accuser l’Europe de vouloir recoloniser l’Afrique. Enfin, il y a le discours rassurant qu’il tient à ses partenaireséconomiques.«Vousêtesensécurité », répète-t-il aux patrons français. El Presidente a fait passer des consignes pour que ses compatriotes ne s’en prennent ni aux ressortissants de l’Hexagone ni à leurs sociétés. Il arrive que quelques fonctionnaires zélés compliquent leurs démarches administratives, mais rien de vraiment alarmant. Une seule manifestation, très encadrée, a vu 2000 personnes
gonales se sont installées dans le pays dès lemilieudesannées1990.Unevingtainede filialesdegrandsgroupesysontaujourd’hui présentes.Danslaconstruction,Bouygues, Sogea-Satom et Razel se partagent des contrats annuels d’environ 500 millions d’euros. « Nos contrats ne sont pas touchés, affirme l’un de leurs responsables. Au contraire, le chef de l’État nous redonne parfois les travaux des sociétés chinoises quand l’exécution ne lui convient pas. » De nombreux sous-traitants, comme Egis International, un bureau d’études chargé du plan d’urbanisation de la nouvelle ville d’Oyala, surfent sur la vague des grandschantiers.AirFrancedesserttousles jours la Guinée équatoriale, où vivent 700 Français. Accor a construit deux Sofitel et deuxIbis.OnytrouveaussilegroupeCastel (vins, liqueurs et bières), des loueurs de véhicules (CFAO et Europcar) ou l’entreprise de service pétrolier Schlumberger. Dansladistributiond’hydrocarbures,Total est le numéro un. Et la SGBGE, filiale de la Société générale, est la deuxième banque du pays. Malabo a exporté pour 600 millions de dollars vers la France en 2011, essentiellement des produits pétroliers, et importé pour 270 millions de dollars. « Le climat actuel est peu propice à la signature de grands contrats », confie toutefois un diplomate. ● PASCAL AIRAULT
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
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MAI Dixième anniversaire de l’attentat de Karachi, lié semble-t-il à une affaire de rétrocommissions qui éclabousse l’ancien Premier ministre Édouard Balladur et son entourage. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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MAI Au menu du World Economic Forum on Africa, qui se tiendra à Addis-Abeba: le renforcement du leadership en Afrique et l’intégration régionale.
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MAI-10 JUIN Dixième édition de Dak’Art. Quarante-deux artistes de vingt et un pays africains et de la Réunion ont été sélectionnés pour l’exposition internationale de cette
biennale de l’art africain contemporain. JEUNE AFRIQUE
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ABDELJALIL BOUNHAR/AP/SIPA
DR
JEUNEAFRIQUE.COM
! LA FEUILLE DE ROUTE gouvernementale prévoit, entre autres, que la prière du vendredi sera retransmise en direct sur toutes les chaînes.
Maroc Surchauffe cathodique
SONDAGE
La réforme de l’audiovisuel décidée par le gouvernement à majorité islamiste suscite la controverse. Y compris dans ses propres rangs.
L
a deuxième chaîne de télévision marocaine, 2M, se fait rappeler à l’ordre. La feuille de route, dirigée par le ministre (PJD) de la Communication, Mustapha El Khalfi, et dévoilée le 31 mars, devait entrer en application le 1er mai. Approuvé par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), ce document suscite une vive polémique. Et pour cause, il prévoit de nouvelles obligations, dont la diffusion de l’appel aux cinq prières quotidiennes, la retransmission en direct de la prière du vendredi et la réduction des émissions en langues étrangères – dont le français – à 25 % du temps d’antenne. La nouvelle « grille de référence » des programmes contraint la chaîne à décaler le journal télévisé francophone de 20 h 45, créneau désormais réservé au JT arabophone. De plus, l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard la prive d’importants revenus. FOUDRES. Non seulement le jeune
ministre de la Communication (39 ans) s’est attiré les foudres des dirigeants de 2M, mais sa réforme a provoqué une levée de boucliers jusqu’au sein du gouvernement de coalition. « El Khalfi est ministre de la Communication, et non un mufti ou JEUNE AFRIQUE
VIDÉO
Voir l’interview de Mona Khazindar, directrice générale de l’Institut du monde arabe : « L’IMA doit jouer un rôle auprès des jeunes issus de l’immigration. »
un fqih [théologien, NDLR] qui interdit et autorise », s’est insurgé Mohamed Ouzzine, ministre des Sports et, à ce titre, président du conseil d’administration de la Marocaine des jeux.
Le Front populaire ivoirien doit-il être plus impliqué dans le dialogue avec le gouvernement ? PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE
« DIRIGISME ». Côté gouvernement,
on nie toute arabisation et l’on justifie la nécessité d’un « réajustement » par la concurrence des chaînes satellitaires, comme Al-Jazira. Cela n’a pas convaincu les responsables du pôle public et de 2M. Ils accusent El Khalfi d’avoir imposé un cahier des charges « dirigiste, sans consulter les professionnels », selon les termes de Salim Cheikh, le directeur de la chaîne. Un conseil d’administration de 2M s’est tenu le 24 avril. L’État, qui en est l’actionnaire majoritaire(72%),adécidéderecapitaliser la chaîne, et le holding royal SNI (20 %) envisage également de mettre la main à la poche. Le week-end précédent, le roi Mohammed VI avait réuni Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement, Abdellah Baha, son numéro deux, et El Khalfi pour circonscrire la crise. Depuis, Benkirane a laissé entendre que le nouveau cahier des charges pourrait être revu, confiant que cette feuille de route n’était pas « le Coran révélé ». ● JUSTINE SPIEGEL
EN TÊTE AU PREMIER TOUR : ■ François Hollande ■ Nicolas Sarkozy ■ Marine Le Pen ■ N.C.
En Afrique aussi, les Français ont placé Hollande en tête. Les résultats des principaux candidats du premier tour pays par pays.
À LIRE AUSSI Liberia : Charles Taylor, itinéraire d’un tueur. Ziad Takieddine : « Le système Sarkozy est en train de tomber. » N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
La semaine de J.A. Décryptage
Cyclisme Suspense, sprint et sponsors La Tropicale Amissa Bongo s’impose comme la course la mieux cotée et dotée du continent. Si l’épreuve a un coût pour le Gabon, le pays en retire un beau bénéfice en termes d’image.
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nhélicoptèresurvomanne sont les plus conforlant le peloton, des tables hôtels de Libreville, transferts en avion Franceville et Lambaréné pour traverser le (les trois villes étapes de cette année, en attendant peut-être pays en quelques heures, un pôle d’experts et de techniPort-Gentil en 2013), qui peinaient à faire le plein depuis la ciens français ayant l’expérience du Tour de France… Coupe d’Afrique des nations Lors de sa 7e édition, du de janvier et février : la cara24 au 29 avril, la Tropicale vane du tour leur a amené, Amissa Bongo a confirmé sur un plateau, ses cinq cents son statut de course cycliste invités. la mieux dotée du contiLes coureurs sont eux aussi nent. Au point de séduire choyés par l’organisation : les Thomas Voeckler, célèbre prix, offerts par la Fondation dans l’Hexagone pour avoir Albertine Amissa Bongo porté le maillot jaune de leaOndimba, représentent un ! L’ÉRYTHRÉEN MERON RUSSOM, maillot jaune à l’issue de la der à dix reprises lors de la total de 87 millions de F CFA, deuxième étape, Lambaréné-Ndjolé, le 25 avril. dernière Grande Boucle. Pour dont 14 millions réservés aux la seconde fois (il avait déjà sportifs africains. Autres bénéparticipé en 2010), le coureur français cette année. Quelque 400 millions de ficiaires, les diffuseurs (Canal+ et TV5 Monde), à qui les images sont gracieuseest venu avaler le bitume gabonais avec F CFA sont apportés par les sponsors – ment mises à disposition: l’organisation a son équipe, Europcar, l’une des cinq des sociétés parapubliques en majorité. formations professionnelles au départ « Les recettes de marketing ont atteint un fait le choix de ne pas réclamer de droits de l’épreuve africaine la mieux cotée par montant record cette année », se félicite de télévision pour maximiser la notoriété l’Union cycliste internationale. toutefois Benjamin Burlot, coordinateur de l’événement. Car c’est dans ce domaine Unetelledébauchedemoyens,évidemgénéral de l’épreuve. que Libreville, soucieux de promouvoir ment, a un coût sur lequel aucun autre l’écotourisme, tente de rentrer dans ses pays du continent ne s’aligne : près de CHOYÉS. En l’absence de Gabon Airlines, frais. L’image, dans les médias français, 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). transporteur officiel de la compétition d’un Thomas Voeckler serpentant sous la L’essentiel de ce budget provient des jusqu’à sa faillite l’année dernière, les canopée gabonaise vaut son pesant d’or. ● PIERRE BOISSELET, envoyé spécial caisses de l’État : 500 millions de F CFA principaux bénéficiaires locaux de cette PATRICK FORT/AFP
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LE DESSIN DE LA SEMAINE
GLEZ AFRIQUE DU SUD VOLER ET CONVOLER
VOUS ÊTES UNE QUATRIÈME ÉPOUSE ? Vous voyagez en famille ? Le trajet est gratuit ! Kulula Air, la compagnie sud-africaine low cost dont l’humour est la stratégie marketing, n’allait pas rater une occasion de taquiner le président Jacob Zuma, qui vient de porter le nombre de ses épouses à quatre. En 2010, lors du Mondial de football, Kulula avait offert une place à tous les homonymes de Sepp Blatter (le président de la Fifa) et, en 2011, proposé de payer le lobola – la dot traditionnelle – de Kate Middleton, à l’époque fiancée au prince William. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
ON IGNORE TOUT DES MEMBRES du jury et de leurs critères de sélection, mais qu’importe: chaque année, le classement des plus belles femmes du monde établi par le magazine américain People crée le buzz. Pour cette édition 2012, il a désigné le 25 avril Beyoncé Knowles, la star américaine du R’nB. Chanteuse, actrice et femme d’affaires prospère, Beyoncé s’est dite à la fois « submergée par l’émotion » et « très embarrassée ». « Je ne me suis jamais sentie plus belle que depuis que j’ai donné la vie », a-t-elle confié à la presse qui l’interrogeait sur ses secrets de beauté. La jeune mère de 30 ans – sa petite Blue Ivy est née en janvier – affiche ses courbes irréprochables à la une du numéro spécial consacré aux 179 « lauréates ». L’actrice sudafricaine Charlize Theron, Michelle Obama et Kate Middleton, l’épouse du prince William d’Angleterre, figurent dans le palmarès. Créé il y a vingt-deux ans, le classement consacre pour la deuxième fois une femme noire. En 2003, l’actrice américaine Halle Berry avait eu cet honneur. Jennifer Lopez, femme la plus belle du monde en 2011, a été la première latino-américaine. « People choisira-t-il une Asiatique en 2013 ? » s’interrogent, ironiques, des éditorialistes américains. ● MALIKA GROGA-BADA
Égypte-Israël Alerte au gaz L’ÉGYPTE A FINI par passer aux actes. Le 22 avril, invoquant des défauts de paiement à répétition, Mohamed Chouaïb, le président du holding gouvernemental Egas, a annoncé l’annulation du contrat de 2,5 milliards de dollars portant sur la vente annuelle, pendant quinze ans, de 1,7 milliard de mètrescubes de gaz naturel à la Compagnie électrique israélienne (CEI). East Mediterranean Gaz (EMG), le consortium qui assure les exportations vers l’État hébreu, rétorque que ce sont les Égyptiens qui n’ont pas assuré les livraisons prévues. Il est vrai que, depuis la chute de Hosni Moubarak, le pipeline qui alimente Israël à partir de la péninsule du Sinaï a été la cible de quatorze attaques à l’explosif, dont la dernière remonte au 9 avril. JEUNE AFRIQUE
Conséquence, les volumes de gaz exportés auraient chuté de 70 % en 2011. En Égypte, cet accord gazier a toujours été dénoncé avec vigueur par les Frères musulmans, opposés à toute normalisation avec l’État hébreu et qui accusaient l’ancien régime de « brader » les ressources nationales. Néanmoins, à TelAviv comme au Caire, on tente de minimiser l’affaire. « C’est un différend commercial, et non une décision politique », a préciséBenyaminNetanyahou, le Premier ministre israélien, rappelant au passage que son pays a les moyens de subvenir à ses besoins énergétiques. De son côté, le ministère égyptien de la Coopération internationale s’est dit prêt à renégocier avec Israël un contrat gazier à un meilleur prix. ● MAXIME PEREZ, à Jérusalem
«
Je suis arabophone, mais je ne suis pas arabe. Des millions de personnes ont acquis la langue arabe sans être arabes pour autant. Ce n’est pas parce qu’un Australien ou un Canadien parlent anglais qu’ils sont anglais. » IDIR Chanteur kabyle algérien
« Je rêve de toucher du doigt le talent de Chaplin ou de Louis de Funès. D’arriver, comme eux, à parler de la misère sociale de la façon la plus drôle qui soit. » JAMEL DEBBOUZE Humoriste et comédien franco-marocain
« Certaines personnes ont l’air plus de gauche que d’autres, ce sont elles que j’ai choisies. J’ai choisi de tirer sur des marxistes, mais j’ai épargné un jeune homme qui m’avait paru de droite. » ANDERS BEHRING BREIVIK Auteur de l’attentat d’Oslo et des tueries de l’île d’Utoeya (77 morts), lors de son procès en Norvège
« D’une manière ou d’une autre tu partiras. Mais mieux vaut pour toi et ta famille de partir vivants. » MONCEF MARZOUKI Président de la Tunisie (à Bachar al-Assad, son homologue syrien)
« Sa petite manie? Ne jamais fermer les portes des placards ou des pièces. Mais finalement, j’ai compris qu’il s’agissait d’un trait de caractère: il ne ferme jamais la porte à qui que ce soit et n’a rien à cacher. » VALÉRIE TRIERWEILER Compagne de François Hollande, candidat à la présidentielle française N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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KRISTA KENNELL/SIPA PRESS
Palmarès Beyoncé reine de beauté
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La semaine de J.A. Tour du monde
MEXIQUE
Bye-bye USA
PETER DEJONG/AP/SIPA
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! G.WILDERS, M. VERHAGEN ET M. RUTTE (de g. à dr.), les chefs de l’ex-coalition au pouvoir. CRISE DE LA DETTE
Les Pays-Bas aussi
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ARK RUTTE, le Premier ministre néerlandais, a été contraint de présenter le 23 avril la démission du gouvernement de coalition qu’il dirigeait depuis octobre 2010. Les négociations en cours entre ses amis libéraux, les chrétiens-démocrates et les extrémistes de droite du Parti de la liberté (PVV) ont en effet échoué en raison de l’intransigeance de ces derniers, conduits par le très blond, très eurosceptique et très islamophobe Geert Wilders. Afin de ramener le déficit public de 4,6 % à 3 % du PIB conformément au pacte de stabilité de l’Union européenne, Rutte souhaitait réaliser entre 14 milliards et 16 milliards d’économies budgétaires (hausse des impôts, gel des salaires des fonctionnaires, etc.). Mais, d’un bout à l’autre du Vieux Continent, l’austérité passe de plus en plus mal. Les démagogues font feu de tout bois, les gouvernements, de droite comme de gauche, tombent comme des quilles, et les marchés s’affolent. Et dire que les Pays-Bas sont l’un des pays financièrement les plus solides de la zone euro ! ● ROYAUME-UNI
Les lords font de la résistance BON, C’EST VRAI, la Chambre des lords est une survivance moyenâgeuse: elle fut créée au XIe siècle. C’est vrai aussi, son fonctionnement pourrait être plus démocratique: ses quelque huit cents membres ne sont pas élus, mais nommés à vie par la reine – quand leur charge n’est pas héréditaire. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Alors, périodiquement, il est question de la réformer. Tony Blair s’y était essayé. Avec un succès mitigé. David Cameron s’y risque à son tour, suscitant une virile levée de boucliers. Une commission a été chargée de faire des propositions, ce qui n’est pas le plus mauvais moyen d’enterrer le problème.
À EN CROIRE un rapport du Pew Hispanic Center, les Mexicains émigrent de moins en moins aux États-Unis: ils étaient 6,1 millions à y vivre illégalement en 2011, contre près de 7 millions en 2007. Ils seraient même désormais plus nombreux à les quitter qu’à s’y installer. À cause de la baisse du nombre des emplois, du renforcement des contrôles et de la fréquence accrue des expulsions. D’autant que franchir clandestinement la frontière est devenu très dangereux et que le taux de natalité a chuté au Mexique. LE CHIFFRE QUI VA LOIN
5 000 km
C’EST LA PORTÉE du missile Agni-V testé avec succès par l’Inde, le 19 avril. Cet engin de 50 tonnes et de 17 m de haut est donc capable de frapper les grandes villes chinoises. Pas de réaction officielle à Pékin, mais le quotidien gouvernemental Global Times a aussitôt estimé que l’Inde serait bien inspirée de « ne pas surestimer sa force ». PÉROU
Sacrés Mochicas
IL Y A QUELQUE mille six cents ans, lors du solstice d’été, les Mochicas, peuple précolombien établi dans le nord de l’actuel Pérou, s’adonnaient à un bien curieux rituel. Au sommet d’une petite montagne (1 000 m d’altitude), ils décapitaient des victimes avant de jeter leurs corps dans le vide. Des archéologues péruviens ont annoncé le 24 avril avoir découvert l’autel où se pratiquaient ces sacrifices – qui étaient peut-être de sanglantes offrandes au dieu de la montagne. Il s’agit d’une structure en pierre polie de 1,5 m de hauteur, pourvue de trois marches, orientée vers le levant et surplombant un précipice. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Mal Langson • Reuters
FRANCE
L’appel des profondeurs LE TYPE QUI, LE 24 AVRIL, A TENTÉ DE PÉNÉTRER AVEC SON VÉHICULE dans la station de métro Chaussée d’Antin-La Fayette, sur les Grands Boulevards, à Paris, n’est ni fou ni dépressif. Selon les tests pratiqués par la police, il n’avait pas consommé abusivement une quelconque substance illicite. Non, il a tout bonnement confondu la bouche de métro avec l’entrée d’un parking souterrain. Simple distraction, en somme.
BIRMANIE
Querelle sémantique
APRÈS LEUR TRIOMPHE lors des législatives partielles, Aung San Suu Kyi, la chef de file de l’opposition birmane, et la LND, son parti, ont boycotté la première session du Parlement, le 23 avril. La Prix Nobel de la paix avait en effet refusé de prêter serment en promettant de « sauvegarder » la Constitution de 2008. De son côté, le président Thein Sein avait exclu de changer le verbe incriminé en « respecter ». ÉTATS-UNIS
En roue libre
APRÈS RICK SANTORUM, Newt Gingrich abandonne à son tour la course à l’investiture républicaine pour la présidentielle, laissant le champ libre à Mitt Romney, victorieux JEUNE AFRIQUE
sans coup férir des cinq primaires organisées le 24 avril. Désormais assuré d’obtenir les 1 144 délégués requis lors de la convention nationale de Tampa (Floride), à la fin du mois d’août, il multiplie les attaques contre Barack Obama. Celui-ci entrera officiellement en campagne début mai. TURQUIE
Ne tirez pas sur le pianiste! TROP, C’EST TROP. Pianiste et compositeur de renommée mondiale, Fazil Say s’est résolu à quitter son pays natal pour s’exiler au Japon. Le 23 avril, la justice turque a ouvert une enquête contre lui pour « insulte aux valeurs religieuses » après qu’il eut revendiqué son athéisme sur Twitter. Il risque de trois mois à un an de prison. Depuis des années, l’artiste, qui
entretient des relations tendues avec le gouvernement islamo-conservateur de l’AKP, voit ses œuvres censurées et reçoit lettres d’injures et menaces de mort. CORÉE DU NORD
« À mort le fils de rat! » LE 21 AVRIL, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Pyongyang. Aux cris de « mort au traître fils de rat », ils ont brandi une caricature géante du président sud-coréen Lee Myung-bak la gorge tranchée. Deux jours plus tard, les programmes de la télévision ont été interrompus par un communiqué annonçant une prochaine attaque censée réduire la Corée du Sud en trois ou quatre minutes, par des moyens « encore inconnus du monde extérieur ». N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Grand angle
Paul Kagamé « On ne bâtit pas une dé
RWANDA
Sous l’apparence de la quiétude et la chape d’une sécurité à la fois omniprésente, invisible et millimétrée, le souvenir du génocide est là, partout, tout le temps. Souvent, le visiteur de passage se sent écrasé sous le poids des morts et des non-dits. Les visages sont graves et les éclats de rire rares. Transformer au forceps, avec une dureté qui ne tient compte ni des opinions divergentes des opposants ni des états d’âme des ONG, les démons du passé en énergie créatrice et productive, tel est le pari de Paul Kagamé. À en juger par les résultats socioéconomiques, assez épatants, affichés par un pays qui fait désormais figure de modèle en ce domaine, il est en passe de réussir. La démocratie à l’occidentale, elle, attendra…
À la tête d’un petit pays pauvre dont les progrès économiques et sociaux sont incontestables, le chef de l’État développe sa conception de la bonne gouvernance. Et dévoile son visage à la fois démocrate et autoritaire.
Propos recueillis à Kigali par
L
FRANÇOIS SOUDAN
epouvoirn’apasfaitgrossirPaulKagamé, au sens propre comme au sens figuré. Ce matin-là, dans la province de l’Est, à une centaine de kilomètres de Kigali, devant 50000 personnes descendues de toutes les collines environnantes pour assister à son meeting, le président en jean noir et chemise bleue écoute humblement la voix du peuple. Derrière un micro, toute une litanie de Rwandaisordinaires défile et l’interpelle: problèmes de vaches, de terres, d’indemnités, petits conflits avec l’administration, poèmes lyriques scandés en kinyarwanda, plaies mal refermées du génocide… Kagamé répond, quand il ne convoque pas le maire, le député, madame la gouverneure ou le ministre concerné à s’exprimer à sa place. Ces derniers n’en mènent d’ailleurs pas large, le boss exigeant de leur part d’être concis, précis et convaincants. À 54 ans, cet homme que le magazine Time classe parmi les cent personnalités les plus influentes au monde et que se disputent les universités américaines pour leurs conférences inaugurales, dont le fils aîné étudie à l’Académie militaire de West Point et qui ne s’accorde d’autre distraction que le tennis ou la lecture d’ouvrages sur l’économie du développement continue douze ans après son accession à la présidence à diriger l’entreprise Rwanda comme un mwalimu – un « maître d’école », en swahili – dirigerait une classe où chaque élève disposerait de son ordinateur. Ici, tout est calme, ordre, vigilance. Point de musiques s’échappant des ngandas comme en RD Congo voisine, point de clameurs alcoolisées à la bière ou au vin de banane, on est chez soi, entre soi, sur son quant-à-soi, discret et travailleur au-delà du raisonnable. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
! MEETING POPULAIRE « PARTICIPATIF » dans la province de l’Est, le 20 avril.
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mocratie sur du sable » JEUNE AFRIQUE : Le 1er juillet prochain, le Rwanda indépendant aura 50 ans. Y voyez-vous matière à célébration ? PAUL KAGAMÉ: Cela dépend de ce que
vous entendez par là. C’est notre histoire, et nous devons l’assumer, avec ses parts de lumière et de tragédies. Ce sera donc une journée de réflexion, pas une occasion de festivités ou de dépenses publiques incontrôlées. Je sais qu’ailleurs sur le continent les cinquantenaires ont souvent été célébrés avec faste et réjouissances, mais nous ne nous sentons pas obligés de faire de même. En règle générale et pour des raisons évidentes d’économies, cette date est d’ailleurs fusionnée avec une autre, très rapprochée, qui
marque chaque 4 juillet l’anniversaire de la libération du Rwanda des forces génocidaires. Cette année, les deux événements seront commémorés le 1er juillet, avec sobriété. D’autant que le 1er juillet 1962 ne fut pas un jour de joie pour tous les Rwandais…
Effectivement. Il faudra donc, sans aucun esprit de revanche, replacer ce jour-là dans son moment historique.
Ce sera aussi l’occasion de réfléchir sur ce qu’est la démocratie dans le contexte rwandais. Pour vous, manifestement, la construction d’un État fort à même de dépasser les
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conflits communautaires passe avant le modèle démocratique occidental. Ai-je tort ?
Oui et non. Avant d’être un concept applicable partout, la démocratie doit d’abord être une réalité. Elle doit partir du peuple, le concerner dans son quotidien, dans la manière dont il gère et dirige sa vie. La démocratie n’est pas une théorie abstraite, elle est le produit d’un contexte. Regardez autour de vous : il n’y a pas de forme unique de démocratie mais des systèmes démocratiques différents, qui vont de la monarchie constitutionnelle à la représentation populaire directe. La démocratie doit être conforme aux aspirations, à l’histoire et à la culture du peuple au sein duquel elle prétend s’enraciner, sous peine de courir à l’échec. C’est ce que nous essayons de faire au Rwanda. Le Rwanda n’est ni la France, ni la Grande-Bretagne, ni la Belgique. En Afrique, la démocratie ne se décrète pas, elle se construit, elle se prépare…
Disons qu’il existe un modèle universel de démocratie, appelons-le le modèle occidental, si cela vous arrange. Après tout, les aspirations des Rwandais ne sont pas, en termes de libertés, de représentativité et de prospérité, différentes de celles des autres peuples. Mais un modèle n’est pas un prêt-à-porter. Il faut l’adapter à celui qui le porte. Encore une fois, nous avons notre propre histoire, nos propres traditions et une organisation sociale particulière que les tragédies du siècle dernier, notamment le génocide, ont très durement traumatisées et malmenées. Toutes ces spécificités induisent un rythme de construction et une architecture démocratiques qui nous sont propres. On décrit parfois la sociétérwandaisecommeunesociétémoutonnière, aveugle, conduite à la baguette par un pouvoir tout droit sorti du 1984 de George Orwell. C’est stupide. Je ne suis pas un médecin qui délivre au peuple des ordonnances obligatoires sur ce qu’il doit faire ou ne pas faire en le prenant à la gorge. Ceux qui, à l’extérieur, nous dépeignent comme une sorte de fourmilière décervelée ne nous respectent pas et ne méritent pas notre respect. Nous sommes ouverts à tous les conseils en matière d’évolution démocratique, à condition qu’ils soient de bonne foi,maisnousn’aimonspaslesprescriptions,encore moins les ordres. Le Rwanda est souvent critiqué pour la façon avec laquelle le pouvoir conçoit le rôle des médias. À vos yeux, les médias doivent se faire l’écho des réalisations collectives et mobiliser l’opinion en faveur de l’État, plutôt que d’apprendre à la population à penser de manière critique et indépendante. La liberté de la presse vous faitelle peur ?
Absolument pas. Il vous suffit de lire certains journaux rwandais en kinyarwanda pour vous rendre compte combien l’image d’un pouvoir
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! VENDEURS DE JOURNAUX devant l’Hôtel des mille collines, à Kigali.
muselant la presse est fausse. La critique y est fréquente, l’outrance, voire l’insulte, y sont récurrentes. Je vous ai dit que nous n’aimions pas les prescriptions : il n’y en a aucune ici en dehors des limites fixées par la loi commune à toutes les démocraties et qui sanctionnent la diffamation ou l’apologie du génocide. Pour le reste, mon opinion sur ce sujet diffère de celle que vous me prêtez. Je suis convaincu que les médias sont une institution clé pour le développement, en ce sens qu’ils aident à dépasser les dogmes par le débat et la critique. Chacun, rwandais ou étranger, est d’ailleurs libre de créer ici un journal, une radio ou une télévision, les seules contraintes étant celles du marché. Cela étant dit, je ne suis pas naïf. Autant je suis hostile à la police de la pensée et à la censure éditoriale – vous trouverez ainsi dans les librairies de Kigali des ouvrages quasi négationnistes sur le génocide
On décrit la société rwandaise comme moutonnière, dirigée à la baguette par un chef. C’est stupide. en vente libre –, autant je suis contre cette tendance qu’ont beaucoup de professionnels des médias à définir selon leurs propres critères ce qu’il faut ou ne faut pas faire. Encore une fois, nous n’aimons pas les prescriptions d’où qu’elles viennent. Ce n’est pas aux médias, a fortiori étrangers, dont l’indépendance est d’ailleurs toute relative, de nous dicter la voie à suivre. Votre pays est régulièrement loué pour son JEUNE AFRIQUE
Paul Kagamé
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choisissent la fuite en avant plutôt que de faire face à leurs responsabilités. La nature humaine est ainsi faite… Inutile de revenir sur le dossier pénal de ces gens : il est de notoriété publique. On est surpris par la violence des arguments employés à votre encontre. Vous seriez une sorte de Machiavel monstrueux, coupable non seulement d’avoir commandité l’assassinat de deux présidents – Habyarimana et Kabila – mais aussi l’extermination des Tutsis du Rwanda pour parvenir au pouvoir. Pourquoi suscitez-vous tant de haine ?
J’accorde ma confiance, je délègue, mais je contrôle, je vérifie et je sanctionne les manquements.
respect des critères de la bonne gouvernance. Or trois généraux et un colonel font en ce moment l’objet d’une enquête judiciaire pour leur implication présumée dans un trafic de minerais en provenance de la RD Congo. Cela ne donne-t-il pas raison aux ONG qui vous accusent de participer au pillage des richesses de votre voisin ?
Tout d’abord, je n’ai pas à me justifier, encore moins à répondre à des ONG qui feraient mieux de faire leur propre examen de conscience quant à leur rôle pendant et après le génocide. Ensuite, cette affaire démontre le contraire de ce que vous suggérez. C’est justement parce que nous avons, en termes de lutte contre la corruption, une tolérance zéro et parce que les forces de défense rwandaises obéissent à des standards moraux et professionnels parmi les plus rigoureux au monde que cette enquête a été ouverte. Enfin, n’attendez pas de moi que je commente dans le détail une procédure qui relève de la justice et d’elle seule. Plusieurs dirigeants de l’opposition rwandaise en exil, dont votre ancien directeur de cabinet Théogène Rudasingwa, mais aussi d’anciens hauts responsables de l’armée réfugiés en Afrique du Sud, étaient des dirigeants très proches de vous. Comment expliquez-vous qu’ils vous aient en quelque sorte trahi ?
Ils ne m’ont pas trahi, ils se sont trahis euxmêmes et ils ont trahi le peuple rwandais. Pour le reste, si certains de mes collaborateurs ne se montrent pas à la hauteur de la mission qui leur a été confiée, qu’on ne vienne pas m’en faire le reproche. J’accorde ma confiance, je délègue, mais je contrôle, je vérifie et je sanctionne les manquements. Certains ne le supportent pas et JEUNE AFRIQUE
Je crois que seule la psychiatrie pourrait nous être d’une quelconque utilité pour répondre à votre question. Nous ne sommes plus ici dans le domaine du rationnel. Ce n’est pas de ma compétence et je n’ai ni le temps ni le désir de me plonger dans le subconscient de cerveaux malades. Un attentat à la grenade a encore eu lieu à Kigali en janvier. Qui est responsable ?
L’enquête avance. Elle mène, comme pour les précédents actes de terrorisme de ce type, à la même matrice: une connexion entre d’ex-généraux en fuite en Afrique du sud et les génocidaires des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda, NDLR] basés dans l’est de la RD Congo.
Cette conjonction entre opposants tutsis et hutus, illustrée par le récent rapprochement à Bruxelles entre le Rwandese National Congress et les Forces démocratiques unies de Victoire Ingabire – toujours détenue au Rwanda – vous inquiète-t-elle ?
Non. Elle est dans la nature des choses entre gens qui n’ont d’autres repères que la volonté de revanche. Mais elle n’a ici strictement aucun impact, ni aucune influence.
Le chef de milice tutsi Bosco Ntaganda, qui opère dans le Nord-Kivu avec le grade de général de l’armée congolaise, est poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) depuis plus de cinq ans. Êtes-vous favorable à son arrestation ?
C’est une affaire qui concerne le Congo et non le Rwanda. Deux choses, cependant : il est capital de tenir compte du contexte toujours très volatil de cette région et de connaître l’impact éventuel d’un tel événement sur l’équilibre sécuritaire. Il peut être positif, mais il peut tout aussi bien être très négatif, encore faut-il l’évaluer, ce qui n’a pas été fait. Deuxième observation: mes réserves quant N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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au fonctionnement de la CPI et à son impartialité, que j’ai déjà maintes fois formulées, demeurent intactes. Quelles sont vos relations avec le président Joseph Kabila ?
Bonnes. Fluides.
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Pourquoi avez-vous refusé d’accorder votre agrément au nouvel ambassadeur de France proposé par Paris?
Ne personnalisez pas votre question. C’est une décision qui relève du gouvernement, même si bien évidemment je l’assume. À l’examen, il est apparu que certains éléments, certains détails dans le curriculum vitæ de la personne proposée ne convenaient pas. Nous avons donc souhaité qu’un autre nom nous soit soumis. C’est une procédure normale, banale, je dirais routinière. On a l’impression que quel qu’ait été le candidat proposé par Alain Juppé, votre réponse aurait été négative…
À tort. Nous savons faire le distinguo entre la France et son ministre des Affaires étrangères. Notre volonté d’avoir des relations de coopération actives et apaisées avec Paris est toujours la même.
Il n’empêche : faute d’ambassadeur, rien ne bouge. Pensez-vous que si François Hollande est élu le 6 mai la France et le Rwanda prendront enfin un nouveau départ ?
Je ne connais pas François Hollande, mais je suis ouvert, sans a priori, à poursuivre le dialogue avec le chef de l’État qu’auront élu les Français. Quel qu’il soit. Vous avez été le seul Africain à vous prononcer ouvertement en faveur de l’élection de l’Américain Jim Yong Kim à la tête de la Banque mondiale. La candidate nigériane Ngozi Okonjo-Iweala ne vous convenait pas ?
Soyons précis. J’ai accueilli favorablement la nomination comme candidat de Jim Yong Kim par le président Obama, puis je l’ai félicité pour son élection. Il se trouve que je connais bien Jim et qu’il a effectué un travail remarquable au Rwanda dans le secteur de la santé : je n’allais pas cacher cela, ni l’estime que je lui porte. Mais cela ne signifie pas que je n’apprécie pas Okonjo-Iweala, que je connais également et qui a beaucoup de qualités.
Trouvez-vous normal que la Banque mondiale soit réservée à un Américain, le FMI à un Européen, et que l’Afrique demeure éternellement en marge de toutes les grandes instances internationales ?
Non. Mais je sais aussi que nous vivons dans le monde réel, pas dans le monde de nos rêves. Le constat que vous faites n’est que l’expression d’un rapport de force que l’Afrique parviendra à équilibrer à une condition : qu’elle se montre unie. Or nous ne parvenons même pas à nous entendre sur le poste de président de la Commission de l’Union africaine. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
! LORS DE
L’ENTRETIEN
URUGWIRO VILLAGE, siège de la présidence, à Kigali, le 22 avril. À
Entre Jean Ping et Nkosazana Dlamini-Zuma, quel est votre choix ?
Je choisirai le candidat que l’Afrique choisira.
Un coup d’État comme celui qui s’est produit au Mali est-il possible au Rwanda ?
Des mutins sortant de leur caserne pour marcher sur la présidence ? C’est un mauvais film, impossible à tourner ici faute d’acteurs, de réalisateur et de public. Mais ce qui s’est passé à Bamako est un peu la démonstration de ce que je vous ai dit à propos de la démocratie. Le Mali était un pays réputé démocratique et même encensé comme tel par les médias et les ONG. Or pas plus qu’on ne bâtit une maison en oubliant les fondations on ne construit une démocratie sur du sable.
À votre égard, vos compatriotes sont partagés entre l’admiration et la peur. Souvent, les deux cohabitent. La peur est-elle nécessaire à l’exercice du pouvoir ?
La peur certainement pas. Le respect, oui, absolument. Mais je doute fort que vous ayez fait un sondage
Le coup d’État de Bamako? Un mauvais film, impossible à tourner ici, faute d’acteurs et de réalisateur. scientifique pour affirmer cela. Faites-le et vous verrez que le positif l’emporte largement, dans le jugement des Rwandais, sur ce que vous croyez être de la peur. Je ne vais pas vous reposer la question sur ce que vous comptez faire en 2017, terme de votre dernier mandat…
Effectivement. J’y ai déjà répondu cent fois. Donc, si vous ne me croyez pas, just wait and see.
Un scénario à la Poutine-Medvedev, dans lequel votre successeur jouerait le rôle de Medvedev et vous celui de Poutine, relève-t-il de la science-fiction ?
Le fait que cela se soit déjà produit en Russie démontre que ce n’est pas de la science-fiction. Mais en ce qui concerne le Rwanda, c’est de la fiction, tout simplement. ● JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne
AVEC LES PRO-GBAGBO EXILÉS AU GHANA
La revan
Ils se savent surveillés et font profil bas. Un an après la chute de l’ancien président ivoirien, qu’ils ont côtoyé et soutenu, ils sont des dizaines à s’être installés à Accra ou dans les environs. Rares sont ceux qui osent vraiment l’espérer, mais tous rêvent de rentrer. Reportage.
ANDRÉ SILVER KONAN,
L
envoyé spécial
eurs blagues sont parfois d’un goût douteux. Attablés autour d’une bouteille de vin, dans un maquis de la plage Labadi, à Accra, des hommes plaisantent et moquent les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), cette « armée d’analphabètes » qui a précipité leur fuite. Tous sont ivoiriens : partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo, ils ont été contraints à l’exil à la chute de leur mentor, le 11 avril 2011. La revanche, ils y pensent tous les jours, en parlent entre eux, mais refusent d’être cités. Aucun n’a digéré l’arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir, mais ils savent qu’ils n’ont rien à gagner à attirer l’attention des autorités ghanéennes. Autour de la table, les plans s’échafaudent. On se prend à espérer qu’une éventuelle défaite de Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle française sonnerait la fin du soutien international à Ouattara, et l’on commente les dernières rumeurs de coup de force. L’argent ? Ce n’est pas un problème, assure l’un des convives. « Nos avoirs gelés au pays, c’est de l’argent au frais, une épargne en attendant que l’on rentre. »
ATTIÉKÉ. Le restaurant tout neuf dans lequel ils aiment se retrouver a été sobrement baptisé « Côte d’Ivoire Ghana » et appartient à Benoît Kamena Brown, président de l’Association des réfugiés ivoiriens de la diaspora (Arid). Autrefois homme d’affaires prospère (il gérait la célèbre « baie des milliardaires » de l’île Boulay, à Abidjan) et ami personnel de Gbagbo, Brown a lui aussi posé ses valises à Accra, où il vit avec femme et enfants. Ce jour-là, Watchard Kédjébo, ancien directeur de campagne de Gbagbo à Bouaké, ne s’est pas joint à eux. Il a préféré aller manger un attiéké (mets importé de Côte d’Ivoire) dans un restaurant de Tesano, un quartier populaire de la capitale. En N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Côte d’Ivoire, Kédjébo s’était fait remarquer en créant le Comité national de libération de Bouaké (CNLB), après la rébellion de 2002. Après un an d’exil à Accra, il dit avoir abandonné la voie des armes, mais pas le combat pour faire libérer son ancien président, détenu dans une cellule de la Cour pénale internationale, dans la banlieue de La Haye – un combat qu’il mène aux côtés de Damana Adia Pickass, qui dirige, lui, la Coordination des patriotes ivoiriens en exil (Copie). Pickass n’est pas non plus un inconnu : en novembre 2010, il est le représentant du Front populaire ivoirien (FPI, ancien parti au pouvoir) au sein de la Commission électorale indépendante (CEI). Le 30, c’est lui qui, d’un geste rageur, devant les caméras de télévision, arrache les résultats de l’élection présidentielle qui donnent la victoire à Alassane Ouattara. À Accra, Pickass s’est imposé comme le leader des patriotes ivoiriens, tandis que Charles Blé Goudé préfère se faire discret depuis que la justice ivoirienne a émis un mandat d’arrêt contre lui. Ancien ministre de la Jeunesse dans le dernier gouvernement de Gbagbo et chef ● ● ● JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne ● ● ● emblématique des Jeunes patriotes, Blé Goudé a fui Abidjan par la lagune, quelques jours seulement avant que le bunker où s’était retranché le couple présidentiel ne soit bombardé – une défection qui lui vaut, aujourd’hui encore, des rancœurs dans son propre camp.
Yamoussoukro
Sakré
TOUS LES CHEMINS MÈNENT À L’EXIL ACCRA N’EST PAS L’UNIQUE DESTINATION choisie par les ex-partisans de Laurent Gbagbo. Autrefois ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi se rend régulièrement au Ghana, mais s’est établi à Lomé, auTogo. Marcel Gossio, ancien directeur général du Port autonome d’Abidjan, et Amos Béonaho, ex-président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), qui, en pleine crise postélectorale, avait été nommé au Conseil national de la presse (CNP), ont transité par Accra, mais ont fini par s’installer au Maroc. Kassoum Fadika, ex-DG de Petroci, serait quant à lui aux États-Unis. L’acteur Sijiri Bakaba, qui dirigeait le Palais de la culture d’Abidjan et qui avait été blessé dans le bombardement du bunker de Gbagbo, est à Paris. Enfin, Paul-Antoine Bohoun Bouabré, ex-argentier de Gbagbo, avait résidé à Cotonou, au Bénin, avant de décéder en Israël, le 11 janvier. ● A.S.K. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Touré Moussa Zéguen
le milieu des pro-Gbagbo en exil, on juge la politique de Ouattara autoritaire et on ne croit pas à sa « main tendue ». « C’est une main invisible, ironise Touré Moussa Zéguen, autrefois à la tête de la principale milice favorable à Gbagbo, le Groupement des patriotes pour la paix (GPP). Beaucoup ont essayé de rentrer, comme Rodrigue Dadjé, l’avocat de Simone Gbagbo. Mais, une fois à Abidjan, ils ont été arrêtés. » Avec ses cheveux non peignés et la barbe touffue qui lui mange le visage, Zéguen est presque méconnaissable. Lui non plus ne reconnaît pas nourrir des idées de vengeance. « J’exclus tout recours à une opération militaire », martèle-t-il. Et d’ajouter : si l’exil devait durer, « certains jeunes ne nous écouter[aient] plus et pourraient s’engager plus loin que nous le souhaitons. La lutte pourrait être beaucoup plus radicale ». La menace est à peine voilée. Ambassadeur de Côte d’Ivoire au Ghana, Bernard Ehui Koutouan veut pourtant convaincre de la bonne volonté des autorités ivoiriennes. « L’ambassade facilite le retour des exilés, assuret-il. C’est C’es ainsi que l’ancien maire de Yopougon, Gbamna Gbamnan Djidan, et que d’autres personnalités
AMITIÉ. Désormais, il vit retranché dans sa rési-
dence de Tema, dans la banlieue d’Accra, et se garde bien de se mêler ouvertement de politique. L’homme se méfie. Il envoie, de temps à autre, des émissaires plaider sa cause et celle de Gbagbo en Côte d’Ivoire, en France, en Gambie ou en Guinée équatoriale. Ses proches, d’ailleurs, assurent qu’il peut encore compter sur le soutien des présidents Yahya Jammeh, à Banjul, et Teodoro Obiang Nguema, à Malabo. À Accra, Blé Goudé se montre peu et exclut, dans l’immédiat, un retour au pays. Il est pourtant resté en contact avec le commandant Ouattara Issiaka, dit Wattao, un proche du président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Wattao, Blé Goudé avait été amené à le côtoyer en 2007, après la signature des accords de paix de Ouagadougou. Ensemble, ils avaient organisé des « caravanes de la paix », dans tout le pays, et ils ont gardé l’un pour l’autre ce qui ressemble fort à des liens d’amitié. Watchard Kédjébo, en revanche, ne se cache pas. Il a conservé son embonpoint et conduit un véhicule immatriculé au Ghana, preuve selon lui que les exilés ivoiriens ne « crèvent pas de faim », contrairement à ce qu’affirment les journaux proOuattara. Contrairement aussi à ce que redoutait au début Benoît Kamena Brown. « Si nous ne faisons rien, nos compatriotes vont mourir de faim et de maladie », avait-il prévenu lorsque nous l’avions rencontré, en juillet 2011. Neuf mois plus tard, ses craintes ont été déjouées, mais l’exil s’annonce long. Bien peu se disent prêts à rentrer en Côte d’Ivoire. « Chez nous, explique Watchard Kédjébo, quand on recherche quelqu’un, si on veut qu’il se montre, on loue ses qualités. On ne le menace pas. » Dans
ð Lire aussi l’interview de
Abidjan
C’est exactement ce que redoutaient les autorités ivoiriennes... Dans la nuit du 24 au 25 avril, des miliciens venus du Liberia et favorables à Laurent Gbagbo ont attaqué le village de Sakré, faisant au moins huit morts.
ont pu rrentrer. En revanche, ceux qui ont trempé des crimes devront d’abord répondre de dans de leurs ac actes, avant d’être amnistiés s’il le faut. Nous so sommes un État de droit. » Preuve de cette « bonne volonté », le retour à Abidjan, le 24 avril, des anci anciens ministres Henriette Lagou, Théodore Mel Eg et Appiah Kabran, après plusieurs mois passés entre Paris et Accra. Bernard Ehui Koutouan aimerait associer à ses activités la coordination du FPI en exil. Dirigée par Assoa Adou, ancien ministre des Eaux et Forêts de Gbagbo, la coordination fait profil bas. Pas question de se faire remarquer. Car si, contrairement à son homologue béninois, le président John Atta Mills n’a pas encore décidé d’exécuter les mandats d’arrêt émis par la justice ivoirienne contre certains des anciens caciques du FPI (notamment contre Ahoua Don Mello et Philippe Attey, respectivement porte-parole et ministre de l’Industrie du dernier gouvernement de Gbagbo), il a prévenu Adou qu’il ne tolérerait aucune action de déstabilisation à partir de son territoire. Pour être sûr que le message a été bien compris, les services secrets ont détenu pendant quelques jours, mi-avril, trois responsables du FPI (dont Michel Guédé Zadi, ancien maire de JEUNE AFRIQUE
VINCENT BOISOT
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Ouragahio, dans la région d’origine de Gbagbo). Officiellement, c’est parce qu’ils n’avaient pas prévenu la police à temps pour l’organisation d’une manifestation en souvenir du 11 avril. Un signal ferme que les pro-Gbagbo ont parfaitement décrypté. Ils savent qu’Atta Mills a à cœur de rassurer son voisin, qui, souvent, s’inquiète de l’activisme de certains pro-Gbagbo. PRÉFÉRÉ. Au Ghana, il y a aussi – et surtout – plu-
sieurs membres de la famille Gbagbo. Stéphane Kipré, le gendre de l’ancien président, vit à Kumasi, dans le centre du pays, et dément avoir tenté de négocier son retour en Côte d’Ivoire. La mère de Gbagbo, Marguerite Gado, âgée et malade (elle souffre d’arthrose), s’est installée à Accra dans la résidence de Jeannette Koudou, sœur cadette de l’ancien chef de l’État. « Maman Gbagbo », racontent ses proches, pleure chaque jour son fils préféré et avait chargé Jeannette de remettre une lettre à son frère, à La Haye. Celle-ci espérait bien pouvoir s’y rendre à Pâques, mais le visa lui a été refusé. Quant à Nady Bamba, la seconde épouse de Gbagbo, elle gère, depuis sa résidence de Tema, son entreprise Cyclone (qui édite le journal Le Temps). Dans le fond, ceux qui inquiètent vraiment, à Abidjan, ce sont les anciens militaires. Les exministres de la Défense que sont Bertin Kadet Gahié ou Moïse Lida Kouassi sont les principaux soutiens de ceux que les autorités ivoiriennes qualifient de « conspirateurs ». Il y a là aussi le commandant de la marine, Kacou Brou, alias Maréchal KB, qui fait peu de mystère de ses envies de revanche. Avec plusieurs déserteurs de l’armée, cet ancien pilier de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) s’est établi à Takoradi, une localité proche de la frontière ivoirienne. D’autres combattants se sont installés à la périphérie d’Accra. Pour les rencontrer, il faut se rendre au camp de réfugiés libériens de Buduburam, JEUNE AFRIQUE
Le 30 novembre 2010, à Abidjan, DAMANA ADIA PICKASS s’empare des résultats de la présidentielle qui donnent la victoire à Ouattara. Depuis, il s’est installé au Ghana.
Dans le fond, ceux qui inquiètent vraiment, en Côte d’Ivoire, ce sont les anciens militaires.
à une quarantaine de kilomètres de la capitale. L’endroit accueille des centaines d’ex-miliciens et de soldats ivoiriens et doit être déguerpi avant le 30 juin. Mais les mercenaires libériens qui défendaient le bunker de Gbagbo et qui n’ont fui qu’au dernier moment, en s’échappant par la lagune, continuent de lui vouer une admiration sans limites. Dans un français presque sans accent, l’un d’eux, un Kranh (ethnie cousine des Guérés de Côte d’Ivoire) martèle qu’il est prêt à se battre de nouveau « jusqu’à la mort pour Papa Gbagbo », parce qu’il est « un vrai Africain ». Dans ce camp, où circulent drogue et armes, les anciens combattants ont fait allégeance à Jean-Noël Abéhi, autrefois à la tête de l’escadron blindé de la gendarmerie. Celui-ci avait trompé la vigilance de ses geôliers au camp d’Agban (Abidjan), début juillet, et s’est retrouvé à Accra, où il est soupçonné de comploter contre Ouattara. VERROUS. Dans la capitale ghanéenne, on peut
aussi croiser le capitaine Clément Zadi, un officier bété (ethnie de Gbagbo) qui avait été chargé du blocus du Golf Hôtel, où étaient confinés Réfugiée à Accra, Ouattara et son gouvernement pendant « Maman Gbagbo » la crise. La justice militaire ivoirienne ne s’y est pas trompée et a émis des mandats pleure chaque jour d’arrêt contre Zadi et Abéhi. D’autres sont son fils emprisonné déjà sous les verrous. C’est le cas du comà La Haye. mandant Anselme Séka Yapo, ancien aide de camp de Simone Gbagbo : d’abord en fuite à Accra, ce pilier du clan Gbagbo a été arrêté, en octobre 2011, à l’aéroport d’Abidjan. Même chose pour le lieutenant-colonel Paulin Gnatoa Katé, interpellé – également à Abidjan – début mars, alors qu’il avait lui aussi passé du temps au Ghana. Les autorités ivoiriennes l’accusent de s’être rendu à Abidjan avec un commando de sept déserteurs en vue de préparer une opération militaire. Il aurait été trahi par un coup de fil venu d’Accra… ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Afrique subsaharienne demandé. Quand débute la mutinerie du 21 mars, que le ministre de la Défense et le chef d’état-major général des armées doivent fuir et que sont tirés les premiers coups de feu, il préfère rentrer chez lui, comme plusieurs autres officiers. Il n’est pas de ceux qui, immédiatement, mettent Rien ne le prédestinait à prendre la tête des putschistes le 21 mars, le cap sur Bamako. mais le capitaine Sanogo a pris goût au pouvoir. Malgré le retour C’est lorsque les mutins comprennent que le pouvoir est à portée de main qu’ils à l’ordre constitutionnel. se rendent compte qu’ils ont besoin d’un chef. Il leur faut un « gradé » pour donmbiance particulière ce ner du crédit à leurs revendications. Un s’éterniser à son poste, mais il ne veut 24 avril au poste de compas passer pour un faible auprès de ses général ? Hors de question ! Le putsch mandement de la III e est aussi dirigé contre la hiérarchie hommes en cédant trop vite. » région militaire de Kati, où Peut-être bien. Mais le durcissement militaire, qui, ils en sont convaincus, les putschistes ont établi leur quartier s’est enrichie au détriment des troupes. de la junte, courant avril, a fait craindre L’un des putschistes mentionne alors le général. Ce matin-là, le capitaine Amadou le pire. Entre le 16 et le 19, vingt-deux nom de Sanogo. Il a été son instructeur Haya Sanogo, président du Comité natiohommes politiques et militaires ont été à l’École militaire interarmes nal pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), a À 39 ans, le chef de la junte est (Emia) de Koulikoro. Sa petite taille est largement compensée une annonce à faire. Visage grave dans passé de l’ombre à la lumière par son charisme. Fort en gueule, sa tenue d’apparat kaki, bâton de comen moins de temps qu’il n’en il est capable de tenir tête à tout le mandement en main, il veut rassurer la cinquantaine d’officiers, sous-officiers faut pour lacer ses brodequins. monde, y compris à la hiérarchie, et hommes de troupe qui ont pris une qui, agacée, a profité de la mort part active au renversement du président tragique de cinq élèves sous-officiers au arrêtés et détenus au camp de Kati sur Amadou Toumani Touré (ATT) le 21 mars. cours d’un bizutage qui a mal tourné pour ordre direct du capitaine. Sanogo a eu Dans la cour de la caserne, il leur probeau proclamer le retour à l’ordre constile mettre sur la touche, en 2011. met de faire en sorte que leurs salaires et tutionnel dès le 1er avril, des militaires ont, leurs primes de risque soient revus à la à plusieurs reprises, empêché des élus SOIRÉE TRANQUILLE. Cerise sur le hausse, d’obtenir de meilleures conditions de pénétrer à l’intérieur du Parlement. gâteau, Sanogo a fait de multiples séjours de logement pour les soldats et d’acquérir aux États-Unis: une première fois en 1998 « Il ne rend compte qu’à ses hommes, du matériel militaire en quantité pour à l’école d’infanterie de Fort Benning, et ceux-ci ne lui laissent pas toujours venir à bout de la rébellion armée et des le dernier mot, explique un familier du en Géorgie ; en 2003, chez les marines, groupes salafistes qui occupent le nord camp de Kati. Et dans la mesure où il à Quantico, en Virginie ; en 2005 au sein du pays – la grande préoccupation du leur doit tout… » de l’Air Force (l’aviation américaine) à moment. « Je ferai tout pour vous mettre Car, à 39 ans, Amadou Haya Sanogo, San Antonio, au Texas, où il a obtenu dans de bonnes conditions, déclare-t-il. simple capitaine d’infanterie originaire de son diplôme d’instructeur interprète, En échange, je vous demande de vous Ségou, est passé de l’ombre à la lumière puis à nouveau à Fort Benning en 2010. tenir prêts pour aller au front. » Pour en moins de temps qu’il n’en faut pour Il sort cette fois major de sa promotion. Et c’est ainsi que le professeur d’anglais un soldat présent, « on aurait dit un au lacer ses brodequins. Professeur d’anglais revoir. En plus, c’était la première fois au prytanée militaire de Kati depuis la qui espérait passer une soirée tranquille qu’il rentrait chez lui en pleine journée fin 2011, Sanogo n’avait pourtant rien chez lui s’est retrouvé à proclamer la depuis le 21 mars ». MALI
Président un jour, président toujours?
A
TESTAMENT. Malgré ce court discours aux
allures de testament, le capitaine Sanogo ne semble pas décidé à quitter le devant de la scène. Ne devait-il pas déjà rendre le pouvoir aux civils le 6 avril dernier, alors que la junte, la classe politique malienne et les médiateurs régionaux annonçaient la signature d’un accord qui devait tracer les contours de la transition ? Certains, à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), lui trouvent des excuses. « C’est un homme intelligent, insiste un diplomate ouest-africain en poste à Bamako. Il sait qu’il ne peut pas N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
ILS FONT LEUR ENTRÉE AU GOUVERNEMENT LES MILITAIRES ONT OBTENU trois portefeuilles dans le gouvernement dont la composition a été annoncée le 25 avril. Proche du capitaine Sanogo, le colonel saint-cyrien Moussa Sinko Coulibaly a été nommé à l’Administration territoriale. Directeur de cabinet du chef de la junte, il était, avant le coup d’État, directeur de l’École de maintien de la paix Alioune Blondin Beye de Bamako. Le colonel majorYamoussa Camara arrive à la Défense et aux Anciens Combattants. Ex-chef d’état-major de la Garde nationale, il avait été nommé secrétaire général du ministère de la Défense au lendemain du putsch. Au ministère de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, le généralTiéfing Konaté, ex-directeur de la gendarmerie. « Ce sont des hommes compétents et qui connaissent les dossiers », fait-on valoir à Kati. Les Maliens, eux, préfèrent juger sur pièce. Leur priorité absolue, c’est la gestion de la crise du Nord. ● M.G.B. JEUNE AFRIQUE
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APA NEWS
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! LE 12 AVRIL À BAMAKO, à l’investiture du président par intérim, Dioncounda Traoré. Consulté, Sanogo a obtenu que trois de ses proches soient nommés ministres, le 25 avril.
dissolution des institutions le 22 mars salon encombré de meubles et… d’autres membres du CNRDRE. Il ne tient pas en au matin. place, rechigne à rester assis et consulte Cinq semaines après cette prise de sans cesse sa montre et son téléphone pouvoir rocambolesque, Amadou Haya portable. À chacun de ses visiteurs, il Sanogo n’est plus le même. Son treillis a répète les motifs du putsch et évoque retrouvé du panache. Il a troqué sa mobylette contre un 4x4 flambant neuf « Quand on a été chef d’État, et se fait appeler « président ». Il a pris ses quartiers à Kati, dans un on ne peut plus accepter bâtiment d’un étage qui aurait d’ordre de n’importe qui. » besoin d’un sérieux coup de AMADOU HAYA SANOGO peinture. Et ni l’investiture du présidentintérimaireDioncounda Traoré, le 12 avril, ni la nomination de aussi bien la guerre dans le Nord que la Cheikh Modibo Diarra à la primature, cinq nécessité de lutter contre la corruption jours plus tard, n’ont suffi à rendre la réaou la vie chère. lité du pouvoir aux civils. L’effervescence des premiers jours est retombée, mais ÉLECTRON LIBRE. Le capitaine n’oublie c’est encore à Kati qu’hommes d’affaires, jamais de mentionner « ses gars », la politiciens, syndicalistes, membres d’assonébuleuse de militaires gradés ou non ciations ou courtisans viennent soumettre qui l’entourent et « l’aident à assurer [sa] leurs doléances… ou faire leurs dons. « On mission ». « Je peux comprendre que devrait y transférer la capitale, ironise un ses hommes lui trouvent quelque chose, homme politique malien. C’est là-bas que commente un homme politique malien. tout continue à se décider ! » Il parle avec conviction, en vous regarAffable, la poignée de main ferme, dant droit dans les yeux. » Il se sent aussi Sanogo reçoit ses visiteurs dans un petit investi d’une mission – faire en sorte que JEUNE AFRIQUE
la démocratie au Mali ne soit pas « une coquille vide » –, et c’est peut-être pour cela qu’il tarde à s’effacer. Car le CNRDRE ne s’est pas dissous à la désignationd’unprésidentetd’unPremier ministre. La Cedeao va-t-elle accepter encore longtemps que les militaires ne rentrent pas dans les casernes? Pas sûr. Elle aimerait oublier au plus vite le putsch, qui a accéléré la partition du pays. Quant au gouvernement, Sanogo l’électron libre ne s’y voyait pas. Consulté, il a laissé entendre qu’il n’était pas intéressé et a préféré mettre en avant ses compagnons, dont le colonel Moussa Sinko Coulibaly, son bras droit et directeur de cabinet, nommé au ministère de l’Administration territoriale le 25 avril. « Ce qu’il aurait voulu, c’est être nommé général et pourquoi pas chef d’état-major, mais c’est hors de question pour les chefs d’État de la sous-région », confie un diplomate ouest-africain. Mais peut-il retourner à la vie de garnison ? « Impossible, a-t-il confié à l’un de ses proches. Quand on a été chef d’État, on ne peut plus accepter d’ordre de n’importe qui. » ● MALIKA GROGA-BADA N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Ensemble, abolissons la peine de mort en Afrique
À
VINCENT FOURNIER/J.A.
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SOUHAYR BELHASSEN Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)
DAKAR, ON RIT ET ON CHANTE avec soulagement une démocratie un temps menacée. À Bamako, on se réjouit du retour à l’ordre constitutionnel, mais l’on s’inquiète des violences commises dans le nord du pays. C’est dans ce contexte régional particulier que s’est ouverte, le 18 avril, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), à Banjul, en Gambie, et qu’a été présenté le rapport de son groupe de travail sur la peine de mort en Afrique. Ce texte, d’une importance considérable pour l’affirmation et la pérennisation de l’État de droit, recommande l’abolition définitive de la peine de mort sur le continent en promouvant l’adoption par les États membres de l’Union africaine d’un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme.
Nombreux sont les intellectuels et les personnalités qui ont déjà pris parti contre cette aberration juridique. « Un État qui représente la société tout entière et qui a la responsabilité de sa protection peut-il assumer cette responsabilité en se rabaissant au niveau d’un meurtrier ? » s’interrogeait ainsi le Ghanéen Kofi Annan alors même qu’il occupait le poste de secrétaire général des Nations unies. L’abolition, une utopie sur le continent ? Si l’on prend le cas du Zimbabwe, qui, en 2010, a refusé de signer le moratoire des Nations unies sur les exécutions et qui fait partie des États les plus réfractaires dans ce domaine, la question se pose en effet. Mais il ne s’agit là que d’une position devenue désormais minoritaire sur le continent : l’abolition est un combat universel dans lequel s’est déjà engagée avec détermination une grande majorité d’États dans le monde (141 pays sont abolitionnistes, dont 97 pour tous les crimes). Les pays africains ont, depuis longtemps, pris une place non négligeable dans ce mouvement. Seize d’entre eux ont déjà été au bout de la démarche en abolissant définitivement la peine de mort dans leur législation nationale, et, malgré les difficultés juridiques et politiques, ces cinq dernières années ont vu le Rwanda, le Gabon et le Burundi s’engager dans ce cercle vertueux. En outre, 18 autres États, s’ils n’ont pas encore
supprimé la peine capitale de leur code pénal, n’en sont pas moins abolitionnistes de fait, aucune exécution n’ayant été constatée ces dix dernières années. Le 14 janvier dernier, le président tunisien, Moncef Marzouki, a annoncé un moratoire sur toutes les exécutions et commué toutes les peines capitales en peines de prison à perpétuité. La CADHP a élaboré ce rapport pour encourager les États du continent à franchir cette étape nécessaire et pérenniser ainsi cette abolition. L’objectif, à travers l’adoption de ce nouveau protocole, est bien entendu de renforcer encore le système africain de protection des droits de l’homme. Il s’agit aussi et surtout d’inviter la vingtaine d’États qui pratiquent encore cette peine inhumaine à engager un débat national sur cette question. Renoncer à la peine capitale est bien souvent une décision courageuse qui honore les autorités qui la prennent, particulièrement dans les pays où l’on assiste à une montée du religieux et là où subsistent les stigmates de longs conflits. Si elle se cristallise dans les Parlements, l’abolition peut aussi commencer dans les prétoires. Dans certains pays non abolitionnistes, comme en Ouganda ou au Malawi, des décisions de
Terrorisme ou trafic de drogue… La peine capitale n’a jamais rien réglé. Elle suit trop souvent la logique de la vindicte populaire.
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justice ont récemment permis de développer une jurisprudence en faveur du respect du droit à la vie, prémices judiciaires à une prise de position politique en faveur de l’abolition. L’inverse est malheureusement également exact, et des décisions sont encore prises qui vont à rebours de ce mouvement de fond. Elles suivent encore la logique détestable de la vindicte populaire et n’ont jamais réglé en quoi que ce soit les questions de fond (criminalité, terrorisme, trafic de drogue, etc.). Pis, dans les pays où l’indépendance de la justice n’est pas ou peu garantie, elles ont souvent été prises au risque de condamner à mort des innocents. Car tous les abolitionnistes le rappellent, la vie n’est jamais à l’abri d’une erreur judiciaire. ● JEUNE AFRIQUE
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AHMED OUOBA/AFP
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DIPLOMATIE
À fond la forme
! LE LEADER TAÏWANAIS MA YING-JEOU, en visite au Centre de formation professionnelle de référence de Ziniaré, au Burkina, le 9 avril.
En tournée sur le continent mi-avril, le président taïwanais a fait du foot, des pompes, de la cuisine… Le tout pour ménager ses derniers soutiens face à Pékin.
M
anuelPintodaCostaétait-il en trop petite forme pour oser affronter Ma Yingjeou ? En déplacement à Cuba, le président de São Tomé e Príncipe est le seul des quatre derniers alliés diplomatiques de Taipei en Afrique à n’avoir pas pu apprécier la forme olympique du dirigeant de Taïwan lors de sa tournée sur le continent, du 7 au 18 avril. Il faut dire que pour sa visite au Burkina, en Gambie et au Swaziland (l’étape santoméenne ayant donc été annulée) Ma Ying-jeou, 61 ans et physique de jeune premier, avait choisi la méthode douce, histoire de ne pas heurter son voisin chinois, désormais deuxième puissance mondiale. Au menu de ce périple haut en couleur : activités sportives à des fins de communication et traditionnelles visites de projets financés par son pays. En Gambie, dans un lycée financé par Taïwan, il s’est gracieusement prêté à une partie de football avec séance de tirs au but contre le président Yahya Jammeh JEUNE AFRIQUE
– partie qu’il a fort opportunément remportée. Car Yahya Jammeh, présenté comme un autocrate ubuesque par ses détracteurs, sait recevoir. En particulier lorsque 3 millions de dollars environ lui sont versés pour l’aider à faire face à la crise alimentaire qui ravage son pays. D’ailleurs, le président gambien a aussi connu son quart d’heure de gloire sportive en faisant jeu égal dans le duel de pompes qui l’a opposé à son homologue. ÉTALON. Au Swaziland, dernière
monarchie absolue d’Afrique et ultime étape de la tournée de Ma Ying-jeou, les pompes étaient aussi de rigueur. Mswati III et son invité – par ailleurs joggeur invétéré – en ont accompli une vingtaine chacun. Au Burkina, enfin, le président taïwanais, dont le nom Ma signifie « étalon », s’est vu offrir de nombreux cadeaux, dont un cheval blanc. Pour des raisons pratiques, il a laissé le cheval sur place, mais a promis de s’enquérir régulièrement de son état de santé.
Aux railleries de l’opposition taïwanaise, qui fustige une « diplomatie de l’aérobic » emmenée par un président aux allures de « chef d’une troupe de cirque », Ma Ying-jeou oppose « l’élargissement de l’espace international de l’île et la qualité des relations entretenues avec ces États ». Tout en réfutant les accusations selon lesquelles Pékin continue d’étouffer Taïwan sur la scène internationale, il rappelle que c’est sous son prédécesseur (membre de l’opposition) que le Niger, le Tchad ou le Sénégal se sont détournés de Taïwan. Pour Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et responsable du département des études internationales et des sciences sociales à la Hong Kong Baptist University, Taipei fait avec les moyens du bord pour exister en tant qu’État. Depuis 2008, une trêve diplomatique entre les deux Chine l’empêche d’en faire plus. Cette visite ne modifiera donc pas la donne stratégique en Afrique. Au demeurant, l’essentiel pour Taïwan aujourd’hui, ce sont ses relations non officielles avec Pékin, Washington et ses principaux partenaires asiatiques. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Luanda refuse de voir en Tati autre chose qu’un chef de faction et ne lui reconnaît aucune légitimité.
BRUNO FONSECA
NUISANCE. L’Angola va-t-il donner une
ANGOLA
Au nom du Cabinda
Les rebelles ont proposé une trêve et l’ouverture de pourparlers de paix, début avril, mais n’ont reçu aucune réponse.
L
a lettre est datée du 5 avril. Khendhrah Silverbridge y propose, au nom de Nzita Tiago, le chef historique des séparatistes du Front de libération de l’enclave de Cabinda (Flec), qui en a fait son ambassadrice, l’ouverture de pourparlers de paix. Mais pour l’instant, rien n’est fait. Le 26 avril, le général Manuel Hélder Vieira Dias, dit Kopelipa, tout-puissant chef du bureau militaire du président angolais et destinataire du courrier, n’avait toujours pas répondu. À Paris, où il s’est installé, Nzita Tiago, 84 ans, affirme pourtant attendre beaucoup de cette offre de négociations. Qu’elle soit formulée en son nom – et non en celui d’une des factions du Flec, aujourd’hui très divisé – devrait
attirer l’attention de Luanda. Nzita Tiago conserve un réel poids politique auprès de la diaspora cabindaise. « Son nom, explique un connaisseur du dossier, est très respecté, et c’est le seul interlocuteur avec lequel l’Angola peut accepter de dialoguer. » Sur le terrain, pourtant, Tiago a perdu en influence depuis qu’Alexandre Tati Builo a fait sécession pour fonder, en 2010, le Flec-Fac (Forces armées cabindaises), entraînant derrière lui une grande majorité de combattants. « L’offre de Tiago est intéressante, analyse notre expert, mais elle a été faite depuis Paris. Elle risque de n’avoir que peu de conséquences au Cabinda. Tiago n’a pas les moyens de décréter un cessez-le-feu. Les armes, c’est Alexandre Tati Builo qui les a. » Sauf que
FRANCOPHONIE
Y aller ou pas…
Le prochain président français pourrait être réticent à assister au sommet prévu en RD Congo.
S
i François Hollande et Nicolas Sarkozy s’opposent sur à peu près tout avant le second tour de la présidentielle française, ils sont d’accord sur un point: ni l’un ni l’autre n’estpartantpourallerau14e Sommetdela francophonie, prévu du 12 au 14 octobre à Kinshasa.Depuislesélectionscalamiteuses du 28 novembre en RD Congo, les photos de la visite officielle de Sarkozy à Kinshasa,
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en mars 2009, ont subitement disparu du site officiel de l’Élysée (voir J.A. no 2672). Si le président sortant est réélu le 6 mai, « il ne garantit pas d’aller à Kinshasa, confie l’un de ses conseillers. Cela dépendra des avancées en matière de démocratie et de droits de l’homme de la part du président Kabila ». Si Hollande gagne, la menace est encore plus sérieuse, vu les prises de position du candidat socialiste sur la
suite favorable à la proposition du Flec ? Pas sûr que cela soit dans son intérêt. Certes, il y a eu le coup d’éclat de janvier 2010 – l’attenð LE PRÉSIDENT tat meurtrier contre DOS SANTOS l’équipe togolaise de espère être football, en pleine reconduit après les législatives. Coupe d’Afrique des nations. Mais, après plus de trois décennies de guérilla, les querelles qui divisent les rebelles ont diminué leur pouvoir de nuisance. Ceux-ci inquiètent les investisseurs, pas le régime angolais. « Nous sommes pourtant réalistes, s’énerve Khendhrah Silverbridge. Nous ne demandons plus l’indépendance, ni même l’autonomie. Ce que nous voulons, c’est la paix pour les Cabindais. Nous voulons qu’ils puissent rentrer sur leur terre. Nous ne revendiquons pas l’argent du pétrole, juste des infrastructures. Est-ce vraimenttropdemander?Commentpeuton ne pas nous répondre ? » Ces dernières semaines, l’Angola a renforcé sa présence militaire au Cabinda – petit territoire enclavé entre les deux Congos dont il tire plus de la moitié de ses revenus pétroliers et qui fait de lui le second producteur de brut au sud du Sahara. La proximité des élections législatives, prévues en septembre et qui devraient permettre au président dos Santos d’être reconduit à la tête de l’État, n’y est sans doute pas pour rien. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
démocratie en Afrique. Bref, à ce sommet, la France pourrait n’être représentée que par un second couteau. Si Sarkozy ou Hollande boycotte Kinshasa, le Premier ministre canadien, Stephen Harper, risque également de bouder le sommet. L’histoire va-t-elle se répéter ? En novembre 1991, à la suite d’un massacre d’étudiants commis par le régime Mobutu, François Mitterrand avait fait déplacer le 4e Sommet de la francophonie de Kinshasa au Palais de Chaillot, à Paris. À l’époque, le message de Mitterrand à Mobutu avait été transmis… par le président sénégalais Abdou Diouf, l’actuel secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE
Coulisses
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Coupable!
L’ex-président libérien est le premier chef d’État jamais condamné par la justice internationale.
D
ebout devant la cour, Charles Taylor, 64 ans, n’a pas cillé à l’énoncé du verdict. À dire vrai, l’ancien président libérien s’y attendait. Durant son procès, qui a duré cinq ans, les juges du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) ont entendu 94 victimes d’atrocités commises par le Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh et mis un peu plus d’un an pour s’entendre sur un verdict. Le 26 avril, ils ont donc reconnu Taylor (au pouvoir entre 1997 et 2003) « pénalement responsable » de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il a été déclaré « coupable d’avoir aidé et encouragé » une rébellion qui a commis meurtres, viols, enrôlé des enfants et mutilé des milliers de personnes. DIAMANTS. Une condamnation iné-
dite. D’abord parce que c’est la première fois depuis Nuremberg qu’un chef d’État est condamné par la justice internationale. Inédite aussi en raison de la complexité de l’affaire. Le procureur devait démontrer que le soutien de l’accusé avait été déterminant pour les rebelles du RUF durant la guerre civile en Sierra Leone (1991-2001). À l’époque, depuis Monrovia, Taylor fournissait conseils, armes, moyens de communication et soutien logistique aux rebelles sierra-léonais en échange de diamants. À Freetown, capitale de la Sierra Leone, où des écrans géants avaient été installés pour retransmettre l’événement en direct, le verdict a été accueilli par des cris et larmes de joie. Pas au Liberia, où certains font valoir que Taylor n’aura jamais à répondre pour les crimes qu’il est soupçonné d’avoir commis dans son propre pays, en tant que chef de guerre, puis en tant que président. Taylor a deux semaines pour faire appel, sans quoi la peine sera prononcée le 30 mai. ● MALIKA GROGA-BADA
Mswati III a de la suite dans les idées. En 2002, le roi du Swaziland avait une première fois tenté d’acheter un jet Bombardier Global Express de 19 places et payé une caution de 2,7 millions d’euros avant que les partis d’opposition, le Parlement et la société civile ne l’empêchent de satisfaire son royal caprice. Heureusement, le souverain a de la ressource (en plus d’être à la tête d’une fortune personnelle estimée à 100 millions de dollars par le magazine Forbes). Pour son quarante-quatrième anniversaire, qu’il a fêté en grande pompe le 19 avril, le dernier monarque absolu d’Afrique s’est fait offrir un jet biréacteur McDonnell Douglas DC-9, qui lui servira à lui et à ses 13 femmes. Les généreux
JON HRUSA
SWAZILAND UN AVION SINON RIEN
PROCÈS TAYLOR
JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
donateurs ont préféré conserver l’anonymat, et l’opposition swazie se dit convaincue que des fonds publics ont financé l’appareil.
AFRIQUE DU SUD THE END
KENYA CIAO L’ARTISTE
ÉRYTHRÉE POKER MENTEUR
Cette fois, c’est pour de bon. Après plusieurs mois de procédures, de sanctions, de recours et de déclarations enflammées, Julius Malema a été définitivement exclu du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) le 24 avril. Très controversé, Malema est accusé d’avoir nui à l’image du parti, dont il dirigeait la Ligue de la jeunesse. Il gênait surtout Jacob Zuma, qu’il voulait empêcher d’être réélu en 2014.
Il avait souvent raillé la manière dont conduisent les Kényans… Frank Odoi, l’un des plus célèbres caricaturistes africains, a été tué, le 21 avril, dans un accident de la route à l’âge de 64 ans. Le matatu (minibus) dans lequel il avait pris place s’est retourné. Originaire du Ghana, il s’était installé au Kenya dans les années 1970 et s’était fait remarquer par ses dessins réguliers dans le quotidien Daily Nation.
Mais où est passé Issayas Afewerki ? Le très autoritaire président érythréen n’a pas fait d’apparition publique depuis la fin du mois de mars et les rumeurs sur son état de santé vont bon train. Après plusieurs jours de flottement, le gouvernement a – chose rare – publié un communiqué, le 23 avril, assurant que le chef de l’État allait bien.Tout le reste « n’est qu’un conte de fées [inventé] par la CIA ». N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Maghreb & Moyen-Orient
ALGÉRIE
FLN
Le est-il fini?
Parti de l’indépendance, la première force politique du pays est traversée par une dissidence d’une ampleur sans précédent. À la veille d’élections législatives capitales, cela fait désordre.
CHERIF OUAZANI
«
E
n près de soixante ans d’existence, jamais mon par ti n’avait connu pareille crise : l’écrasante majorité du comité central a retiré sa confiance au secrétaire général à la veille de législatives capitales », s’inquiète ce vieux militant du Front de libération nationale (FLN, première force politique algérienne). Le propos semble exagéré tant l’histoire de l’ancien parti unique est truffée de « coups d’État scientifiques » conclus par le limogeage de la « direction ». Au cours des deux dernières décennies, les trois prédécesseurs d’Abdelaziz Belkhadem ont été débarqués à la suite d’une fronde au sein des instances du parti: Abdelhamid Mehri en 1996, Boualem Benhamouda en 2001 et Ali Benflis en 2004. Tous les trois ont subi les foudres de la base ou de l’appareil pour avoir pris leurs distances avec le pouvoir et revendiqué une autonomie du parti à l’égard du système. En revanche, l’actuelle « opération de redressement », selon le jargon du FLN, se distingue des précédentes par son timing et son ampleur. Un membre du bureau politique du parti en témoigne. « Lorsqu’en 1996 le comité central avait entamé le vote de défiance à l’égard du secrétaire général, lors d’un scrutin ouvert, Abdelhamid Mehri avait annoncé son retrait au bout de la soixante-dixième voix hostile. Aujourd’hui, Abdelaziz Belkhadem réunit contre lui plus de 200 membres sur 351. S’il occupe encore son fauteuil de secrétaire général, il ne le doit qu’au calendrier électoral. » Le psychodrame qui agite le FLN en ce mois d’avril pluvieux a éclaté après l’annonce de la composition des N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
La valse des secrétaires généraux
Abdelhamid Mehri Il est débarqué pour avoir signé en 1995, avec les islamistes, le plan de paix de Sant’Egidio.
Boualem Benhamouda Contraint à la démission pour avoir mollement soutenu la candidature de Bouteflika à la présidentielle de 1999.
Ali Benflis Ose briguer la présidence de la République face à Bouteflika. Remplacé par Abdelaziz Belkhadem.
SIDALI DJAGHBOUB/NEW PRESS/SIPA
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listes électorales du parti en vue des législatives du 10 mai, présentées par le président Abdelaziz Bouteflika comme un rendez-vous clé pour l’avenir du pays, celui d’un changement pacifique en vue de préserver l’Algérie des effets pervers du Printemps arabe. Aux yeux de ses détracteurs, Belkhadem a commis une erreur irréparable, comparable à celle d’un général qui, à la veille d’une bataille cruciale – consistant à résister à la dynamique électorale des islamistes –, décide de se passer de ses meilleurs lieutenants. VAUDEVILLE. Que ce soit au niveau national
ou local, figurer en bonne place sur une liste FLN garantit le succès. Celles concoctées par Abdelaziz Belkhadem pour les législatives du JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
! ABDELAZIZ BELKHADEM
réunit contre lui 10 mai ont provoqué un véritable séisme à Hydra, plus de 200 membres sur les hauteurs d’Alger, où se trouve le siège du du comité central FLN, et au-delà, dans les mouhafadate et kasma sur 351. (structures régionales et cellules de base) du parti. Selon Badis Boulouadnine, coordinateur du Mouvement des jeunes du FLN, « le secrétaire général a bafoué « Certaines têtes de les statuts internes du parti, liste parachutées n’ont qui stipulent qu’un postulant à jamais milité. » l’investiture du FLN doit avoir au minimum une ancienneté BADIS BOULOUADNINE, de sept ans. Or certaines têtes de coordinateur du Mouvement des jeunes du parti liste, parachutées sur décision de Belkhadem, n’avaient jamais milité auparavant ». En outre, les changements de têtes de liste se sont faits aux dépens de membres du comité JEUNE AFRIQUE
central, du bureau politique et même de ministres FLN de l’actuel gouvernement. Abdelhamid Si Affif, président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée populaire nationale (APN, Chambre basse du Parlement) et membre du bureau politique du FLN, confirme « la trahison » de Belkhadem. « Le secrétaire général m’a assuré que, sur instruction du président d’honneur du FLN, Abdelaziz Bouteflika, les membres de l’exécutif et du bureau politique ne devaient pas être investis. Or cette assertion s’est révélée fausse. Aucune instruction n’a été donnée en ce sens par la présidence de la République. Pour preuve : trois ministres sont têtes de liste. Ce trio [Rachid Haraoubia, Enseignement supérieur, Tayeb Louh, Travail et Affaires sociales, et Amar Tou, ● ● ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Maghreb Moyen-Orient
OMAR SEFOUANE
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Transports, NDLR] est l’unique responsable de la crise actuelle », affirme-t-il. Si la dissidence rassemble d’éminentes personnalités du parti, elle est aussi composée d’un véritable cocktail de sensibilités politiques. Anciens et actuels ministres, partisans de Benflis et « redresseurs » qui ont eu la tête de l’ancien Premier ministre, tous se retrouvent alliés objectifs pour une cause commune : « virer » Abdelaziz Belkhadem. Pourtant, malgré l’ampleur de la fronde, la démarche est suspecte aux yeux des militants de base et, plus généralement, de l’opinion. Ce conglomérat hétéroclite, composé d’exclus de la rente de la députation ou de l’immunité qu’elle ●●●
! MANIFESTATION ANTI-BELKHADEM devant le siège du FLN, le 9 avril, à Alger.
LA TENTATION ISLAMISTE COMMETOUT FRONT, le FLN est composé de nombreux courants ayant des valeurs et des objectifs communs. Son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, n’a jamais fait mystère de sa proximité avec les islamistes. Il incarne d’ailleurs ceux que la rue a affublés du sobriquet « barbéfélènes ». Ses détracteurs lui reprochent d’avoir privilégié, pour l’élaboration des listes électorales du parti, des personnalités islamo-compatibles. La présence, en deuxième position (éligible à coup sûr) sur la liste présentée à Alger, d’Asma Benkada, en est l’illustration. Elle n’est autre que l’ex-épouse deYoussef al-Qaradawi, gourou cathodique des Frères musulmans et accessoirement conseiller de l’émir du Qatar. Un choix fortement controversé, Benkada n’ayant jamais milité au sein du FLN. Pour les frondeurs, c’est bien la preuve que le secrétaire général sert davantage ses ambitions présidentielles CH.O. que les intérêts du parti. ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
confère, ne convainc personne et donne à la crise du FLN des allures de vaudeville. Lequel alimente la chronique d’une élection dont on attend, comme le proclame le discours officiel, un changement pacifique, autrement dit une alternance par les urnes et, par voie de conséquence, un bouleversement politique qui devrait hâter la chute du FLN. Ancienne éminence grise du parti sous Ali Benflis, l’universitaire Abdelaziz Djerrad en est conscient. « La probable gamelle électorale qui nous est promise ne doit pas faire perdre de vue que l’existence du FLN n’est pas menacée. Le parti survivra à son secrétaire général comme il a survécu à ses prédécesseurs. Notre drame ne tient pas à la diversité de la composante de la dissidence mais plutôt à l’absence d’une stratégie d’ensemble », rappelle-t-il. Le FLN n’est donc pas fini ? « On ne peut envisager un tel scénario, rétorque Farida Illimi, députée sortante. Le FLN est la colonne vertébrale de l’État et un garant de la stabilité de ce pays. C’est pourquoi nous nous refusons à faire barrage aux listes controversées. La seule consigne de vote que nous préconisons est la participation au scrutin, mais nous laissons toute latitude à la base pour choisir la liste qui est la plus proche de nos valeurs. » Le Rassemblement national démocratique (RND, du Premier ministre, Ahmed Ouyahia), frère jumeau du FLN, peut-il constituer un vote refuge pour l’électorat de l’ex-parti unique? Kamel Rezgui, autre député sortant, l’affirme sans détour. « Exceptionnellement, dans les régions où nos listes JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient manquent de crédibilité, nous ferons campagne pour les autres courants nationalistes. » L’éventail est large, puisque, sur la quarantaine de formations en lice, une bonne moitié se réclame de la déclaration du 1er novembre 1954, acte fondateur du FLN historique. L’idée est de faire barrage aux islamistes, véritable menace du scrutin. D’autant que parmi les nombreux griefs retenus à l’encontre de la gestion d’Abdelaziz Belkhadem figure la tentation islamiste (lire encadré) pour nourrir son ambition personnelle : succéder à Abdelaziz Bouteflika en 2014. LE SILENCE DU PRÉSIDENT. Le secrétaire général
du FLN bénéficie-t-il de la bénédiction du président de la République ? Belkhadem ne cesse de l’assurer, mais les faits sont têtus. Les activités de la dissidence sont régulièrement couvertes par les médias lourds (radios et télévisions publiques,
ainsi que l’agence de presse officielle APS). « Si, réellement, Abdelaziz Belkhadem était protégé, nous n’aurions pas pu bénéficier de la couverture médiatique des organes gouvernementaux », poursuit Kamel Rezgui. Le silence de Bouteflika reste tout de même énigmatique. « Sa position est inconfortable, admet un membre du bureau politique ayant refusé de se joindre au mouvement de contestation. Sa qualité de chef de l’État le place au-dessus de la mêlée, ce qui le confine au silence en période préélectorale. En revanche, il me semble que, quel que soit le résultat des élections, le sort de Belkhadem est scellé. » Dès lors que l’avenir du secrétaire général du FLN est évoqué, les couloirs de l’hémicycle, où l’actuelle législature achève sa dernière session, bruissent d’un nouveau concept : PPP, pour « passera pas le printemps ». En Algérie, on a le printemps qu’on peut. ●
TÉMOIGNAGE
Opinions & éditoriaux
MOHAMED HABIB LADJIMI Journaliste et avocat tunisien
Ma rencontre avec Ben Bella
E
NCORE QUATREANS et demi de « résistance » et Ahmed Ben Bella aurait été centenaire, à l’instar de son vieux rival et voisin Habib Bourguiba. Décédé le 11 avril 2012 à l’âge de 95 ans, le premier président de la République algérienne a rejoint son épouse et repose désormais dans le carré des Martyrs d’Alger, aux côtés de son tombeur et geôlier, Houari Boumédiène, qui l’a renversé en juin 1965 pour « dérives et gestion chaotique ». Le héros emblématique de l’indépendance était d’origine marocaine, ce qui ne l’a pas empêché de soutenir la guerre deTindouf contre le royaume chérifien. Ben Bella n’était pas à une contradiction près : du « gauchisme universel », façon Che Guevara, il est passé au nationalisme arabe, style Nasser, avant de succomber aux charmes de l’islamisme. Retour en 1980. Jeune Afrique était interdit de vente en Algérie depuis quatre ans à cause de l’affaire saharienne. Ses journalistes ne pouvaient pas s’y rendre. Notre directeur des ventes fut même expulsé dès son arrivée à Alger. Pour me permettre de rencontrer Ahmed Ben Bella – fraîchement libéré par le président Chadli Bendjedid et placé en résidence surveillée –, Béchir BenYahmed eut l’idée de me faire transiter par Madrid ; un « Madrilène » était moins suspect qu’un « Parisien » à Alger. J’eus ainsi l’occasion de rencontrer en Espagne le célèbre militant et biologiste tunisien Hafedh Ibrahim, ami commun de BBY et de Ben Bella, qui finança quelques
JEUNE AFRIQUE
achats d’armes pour le FLN et organisa le premier sommet entre Hassan II et le président algérien. Arrivé sans encombre à l’aéroport HouariBoumédiène, je descendis à l’hôtel Albert 1er. De Paris, BBY avait téléphoné à Saad Dahleb, ancien ministre algérien des Affaires étrangères, pour qu’il me facilite la tâche. Homme affable, Saad Dahleb, entre deux thés à la menthe, en informa la femme de Ben Bella. Une voiture du corps diplomatique tunisien me conduisit devant la belle demeure de l’ex-président dans le quartier Bologhine (ex-Saint-Eugène), sur les hauteurs d’Alger. Ben Bella me demanda des nouvelles de Jeune Afrique, fustigeant au passage notre ami Hamid Barrada, qui s’était rallié à Hassan II dans l’affaire du Polisario. Le teint pâle, il parla calmement de la guerre, de ses amis et du football. Après m’avoir souhaité la bienvenue, Zohra, sa femme, s’éclipsa avec ses enfants. L’homme me parut fasciné par la révolution iranienne, un « laboratoire », me dit-il. Déçu par le panarabisme depuis le décès de Nasser, il ne prenait pas Kaddafi au sérieux et détestait Bourguiba (peut-être même lesTunisiens en général). Les succès de la Tunisie le dérangeaient. À commencer par l’évacuation de la base militaire de Bizerte, à laquelle il assista, un peu malgré lui, à l’invitation de Bourguiba et sur l’insistance de Nasser. Ben Bella était musulman pratiquant et adepte d’une révolution aux contours brumeux, tant les idées les plus contradictoires se télescopaient dans sa tête. ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Maghreb Moyen-Orient IRAN-ISRAËL
Tel-Aviv trébuche sur l’Europe La représentante de l’Union européenne pour la politique extérieure et de sécurité juge « constructives et utiles » les négociations engagées avec Téhéran sur le nucléaire. Au grand dam de l’État hébreu.
M
ême s’il est trop tôt pour le dire avec certitude, la politique iranienne d’Israël semble s’être retournée contre son auteur et pourrait aboutir à un résultat très différent de celui qu’a longtemps recherché le Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Le calcul de l’État hébreu ces trois dernières années était que les sanctions, la cyberguerre et les assassinats ciblés de scientifiques finiraient par forcer une République islamique éreintée à accepter le « zéro enrichissement » d’uranium, c’est-àdire à démanteler tout son programme nucléaire. Ce qui, espérait-on, ouvrirait la voie à un « changement de régime » à Téhéran. La stratégie des Israéliens a été de maximiser les pressions sur l’Iran en brandissant la menace d’une attaque, tout en pensant – à juste titre – que les États-Unis et leurs alliés n’oseraient pas les mettre au défi de joindre l’acte à la parole. Pour écarter la perspective d’une guerre aux conséquences imprévisibles et potentiellement catastrophiques, les Occidentaux se sont donc employés à mettre à genoux l’économie iranienne. Cette stratégie portait ses fruits. Tout semblait aller dans le sens israélien. Les sanctions commençaient à produire leurs effets. Impatients de voir le régime iranien tomber, les propagandistes pro-Israéliens à Washington ont commencé à plaider
pour des opérations secrètes de soutien à l’opposition iranienne. Mais Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour la politique extérieure et de sécurité, est entrée dans la partie. Au grand dam des faucons, elle a proposé à l’Iran de reprendre les négociations. Son ton conciliant a détonné avec les intimidations proférées à Washington, Paris et Londres, et a totalement contredit les postures guerrières d’Israël. Téhéran a répondu favorablement à l’invitation. La première réunion avec le P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) a eu lieu à Istanbul le 14 avril. Aux dires de tous, elle a rencontré un étonnant succès. Saïd Jalili, le négociateur iranien en chef – qui avait retrouvé Catherine Ashton pour un dîner informel la veille, au consulat d’Iran –, a parlé d’« approche positive ». En retour, Ashton a qualifié les débats de « constructifs et utiles ». Les principes
Entre 75 et 150 ogives ogiv og iv
C’est la force de frappe C’est nucléaire nucl ucléai éai dont dispose l’État hébreu, selon la plupart des experts
TSAHAL TACLE NETANYAHOU « Si le Guide suprême Ali Khamenei le souhaite, il sera en mesure d’acquérir l’arme nucléaire. Mais encore faut-il que la décision soit prise. Je ne pense pas qu’il cherchera à franchir le Rubicon. » C’est en ces termes que Benny Gantz, chef d’état-major des forces armées israéliennes, a pris le contre-pied du Premier ministre, Benyamin Netanyahou, exprimant ainsi une certaine modération vis-à-vis deTéhéran. Dans l’entretien qu’il a accordé au quotidien Haaretz, il estime que l’Iran ne fabriquera pas de bombe atomique même s’il « se met dans les conditions d’y parvenir ». Mais les dirigeants iraniens sont « raisonnables ». Ils savent après tout que « l’État d’Israël est le plus puissant de la région et qu’il le restera ». ● CLAUDE LEBLANC
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! CATHERINE ASHTON ET SAÏD JALILI, négociateur iranien en chef, le 14 avril, à Istanbul.
directeurs qu’elle a fixés pour guider les négociations ont dû rassurer les Iraniens et faire grincer les dents des faucons israéliens. Le Traité de non-prolifération (TNP), a-t-elle déclaré, doit être un « principe clé » des négociations. Or celui-ci autorise ses signataires à enrichir de l’uranium jusqu’à 3,5 % sur leur propre territoire pour la production d’électricité et autres objectifs pacifiques. Ashton semblait ainsi indiquer qu’un tel droit serait reconnu à l’Iran. Tout s’est passé comme si le P5+1 avait oublié le « zéro enrichissement » exigé par Israël. L’objectif désormais serait d’amener l’Iran à cesser d’enrichir son uranium à 20 % une fois les besoins du réacteur de recherche de Téhéran assurés (la production d’isotopes pour traiter les patients atteints de cancer nécessite ce niveau d’enrichissement). Le président Ahmadinejad a toujours répété que l’Iran cesserait de produire de l’uranium à 20 % si un approvisionnement extérieur lui était garanti : l’espoir d’un arrangement a commencé à poindre. RÉCIPROCITÉ. Catherine Ashton a ajouté
que les négociateurs seraient « guidés par les principes d’approche graduelle et de réciprocité ». Elle a ainsi laissé penser que les sanctions seraient progressivement levées si l’État iranien fournissait la preuve probante qu’il ne recherchait pas l’arme nucléaire et qu’il acceptait les inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ashton a manifestement décidé d’accorder un certain crédit à la fatwa émise en 2005 par le Guide suprême iranien, l’ayatollah JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
ADANALI/A.A./SIPA
des fins de propagande, pour pouvoir dénoncer un plan iranien visant à « rayer Israël de la carte ». C’est au contraire l’Iran qui risquerait d’être vitrifié s’il s’aventurait à attaquer l’État hébreu. En plus d’un vaste arsenal nucléaire et de vecteurs sophistiqués, la capacité militaire conventionnelle d’Israël est bien supérieure à celle de l’Iran, et largement garantie par les États-Unis, qui se sont engagés à assurer la supériorité militaire d’Israël sur tous les États de la région, son prétendu « avantage militaire qualitatif ». Un engagement gravé dans le marbre d’une loi. Comment expliquer alors l’anxiété israélienne ? La réponse est simple. Si l’Iran fabriquait une arme nucléaire, ou en obtenait simplement la capacité, Israël verrait sa liberté d’action restreinte. Il ne pourrait plus frapper ses voisins sans derrière le meurtre de cinq chercheurs risquer des représailles en retour. La vérité iraniens ces deux dernières années et est qu’Israël nie à ses voisins leur droit à se qu’il a infecté les réseaux informatiques défendre. Personne ne doit être autorisé iraniens avec le virus Stuxnet. Des actes à acquérir des moyens de dissuasion. clairement terroristes. La plupart des experts évaluent l’arseIsraël déteste le Hezbollah libanais et le Hamas de Gaza parce que ces mouvements de résisTout s’est passé comme si le tance – que Tel-Aviv qualifie « zéro enrichissement » exigé par de « terroristes » armés par Netanyahou avait été oublié. l’Iran – disposent de certains moyens de riposte. nal nucléaire israélien entre 75 et 150 Netanyahou s’est longtemps opposé têtes. Tel-Aviv dispose d’une sorte de aux négociations entre l’Iran et la comcapacité de « seconde frappe » avec ses munauté internationale, et sans doute sous-marins de construction allemande prie-t-il pour leur échec. Aux États-Unis, équipés d’ogives. Netanyahou a clamé le lobby pro-Israéliens va probablement que la République islamique représense mobiliser pour cette cause. Mais si tait une « menace existentielle » pour Catherine Ashton parvient à ses fins, si Israël. Mais il n’y a pas l’ombre d’une les négociations avec l’Iran aboutissent preuve pour étayer cette affirmation. Le et que le spectre de la guerre est écarté, président iranien a affirmé qu’un jour Israël devra peut-être vivre avec ce petit Israël « disparaîtra des pages du temps » accroc à sa suprématie régionale. ● – phrase que Tel-Aviv a mal traduite à PATRICK SEALE
Ali Khamenei, prohibant la production, le stockage et l’utilisation d’armes nucléaires. Au terme de dix heures de discussions, l’Iran et le P5+1 se sont donné rendez-vous le 23 mai, à Bagdad, ce qui présage une longue série de négociations. La réaction de Netanyahou ne s’est pas fait attendre. Furieux, il a déclaré qu’on avait « donné carte blanche à l’Iran pour continuer à enrichir son uranium sans limitation ni inhibition. […] L’Iran devrait en finir immédiatement avec toutes ses activités d’enrichissement, mettre hors d’usage toutes ses capacités d’enrichissement et démanteler le complexe nucléaire de Qom. [Il] estime que le plus grand terroriste du monde ne doit pas avoir la possibilité de développer des bombes atomiques ». C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité. Outre l’oppression et la spoliation continuelle des Palestiniens, l’État hébreu a une longue tradition d’assassinat d’opposants. Il est largement admis qu’il est
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Maghreb Moyen-Orient Damas. Et les connivences entre sunnites, chiites, druzes et chrétiens ignorent les postes de contrôle. Les États voisins de la Syrie tentent en vain de contrôler leurs frontières. Parallèlement, l’aggravation de Avec la militarisation de l’affrontement entre le pouvoir et la rébellion, la situation ranime les solidarités transnala crise déborde dangereusement les frontières du pays et fait tionales, aggrave les tensions préexistantes planer le spectre d’une guerre confessionnelle à l’échelle régionale. et suscite même d’inquiétants prolongements sur les scènes politiques locales. ccepté par le régime comme mesure, l’Irak – observent avec inquiétude Majoritaires dans la région, nombre par l’opposition, le plan les développements du cataclysme. Pour de sunnites considèrent que la répresAnnan était, pour l’InternaKarim Bitar, spécialiste du Moyen-Orient sion dirigée par Assad l’Alaouite vise leur tional Crisis Group (ICG), « le et directeur de recherche à l’Institut des communauté et crient vengeance. Le relations internationales et stratégiques meilleur espoir » de trouver une issue au 11 février, le numéro un d’Al-Qaïda, Ayman conflit syrien. Mais le cessez-le-feu du (Iris), « la Syrie, qui maintenait sa stabilité al-Zawahiri, appelait les musulmans de la interne en entretenant l’instabilité autour région à soutenir la rébellion. Depuis, les 12 avril n’a pas tenu vingt-quatre heures. Un an et cinq semaines après les premières d’elle, exporte maintenant involontaireattentats se multiplient à Alep et à Damas, et les djihadistes affluent de l’étranger. manifestations pacifiques, le fossé ne cesse ment sa propre instabilité ». de se creuser entre le pouvoir et les contesLe 20 avril, le très recherché terroriste Arbitrairement délimitées par les tataires, un fossé où s’amoncellent plus de puissances coloniales après la Première libanais Abdel Ghani Jawhar est mort à Al-Qusayr dans l’explosion de la bombe 9 000 cadavres. Avec la militarisation du Guerre mondiale, les frontières des États qu’il était en train de poser. À Bagdad, la conflit, la menace d’une guerre confesdu Proche-Orient n’ont pas rompu la symbiose qui unit ses peuples. Les routes teinte confessionnelle prise par la révolte sionnelle s’accentue, et la crise déborde commerciales de Syrie sont vitales pour les syrienne trouve un écho dans la crise les frontières du pays. L’onde de choc a atteint les voisins. Les marchés périphériques. Les liens tribaux au sommet de l’État qui fait rage depuis plus vulnérables – le Liban et la Jordanie rendent les populations de l’Ouest et du fin 2011 entre les sunnites, détenteurs – tremblent sur leurs bases. Les plus forts – Sud syriens plus solidaires de leurs cousins du pouvoir sous Saddam Hussein, et les Israël, la Turquie et, dans une moindre d’Irak et de Jordanie que des citadins de chiites, qui contrôlent désormais le pays. À Tripoli, dans le nord du Liban, où vit une importante minorité alaouite, des L’onde de choc TURQUIE affrontements à répétition entre milices 124 600 réfugiés. Trafic d’armes. pro- et anti-Bachar ont fait plusieurs morts Réactivation par Damas de son 100 km et des dizaines de blessés. De son côté, soutien aux indépendantistes du PKK. TURQUIE le Hezbollah, allié de Bachar, accuse ses adversaires sunnites d’armer les insurgés syriens, tandis que, depuis son fief du Chouf, le leader druze Kamel Joumblatt Alep appelle ses coreligionnaires de l’armée LIBAN syrienneàlamutinerie.Le4avril,unesalve 20 000 réfugiés. de tirs visait Samir Geagea, le chef chréTrafic d’armes. Hama tien hostile à Assad. Le Premier ministre, Tensions Homs Najib Mikati, est parvenu jusque-là à jouer communautaires les équilibristes, mais pour combien de LIBAN (affrontements SYRIE temps? Le politologue libanais entre pro- et anti- Beyrouth Joseph Bahout est pessimiste: Bachar à Tripoli IRAK Damas « On s’approche de l’affronteen février 2012). 2 240 réfugiés. Trafic ment au Liban. Si la crise dure, IRAK d’armes. Aggravation Deraa elle va s’internationaliser et de la crise au sommet trouver ici un second terrain. » de l’État entre Tel-Aviv Au sud, la Jordanie voit Amman sunnites et chiites. avec appréhension affluer des ISRAËL dizainesdemilliersderéfugiés. Jérusalem Attentisme et Mer Morte À la fin de février, le ministre ARABIE ISRAËL inquiétude face de l’Information annonçait SAOUDITE à la possible arridéjà qu’ils étaient 73000 à être JORDANIE vée au pouvoir entrés légalement sur le terrides islamistes à toire, auxquels s’ajouteraient Damas. JORDANIE 10 000 clandestins, dont de Plus de nombreux déserteurs. Selon 80 000 réfugiés. le Haut-Commissariat aux Pression des SYRIE
Une bombe à fragmentation
A
SOURCES : HCR ; GOUVERNEMENT JORDANIEN
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fondamentalistes.
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient réfugiés (HCR), ils seraient plus de 20000 au Liban et près de 25 000 en Turquie. Entre 2003 et 2008, l’arrivée de 1,5 million de réfugiés irakiens avait dangereusement déstabilisé le royaume hachémite. « La Jordanie ne veut pas d’un nouveau scénario à l’irakienne. Elle craint aussi par-dessus tout que l’alternative au régime Assad ne soit une prise du pouvoir par les fondamentalistes », explique Oraib al-Rantawi, directeur du centre Al Quds d’Amman. Conjugué à la montée en puissance des partis religieux dans les pays du Printemps arabe, l’engagement révolutionnaire des sunnites de Syrie donne des ailes aux islamistes jordaniens. Puissance montante au Proche-Orient, la Turquie a pris la mesure des risques croissants que la crise syrienne faisait peser sur la région et sur sa propre stabilité. Le 10 avril, des tirs syriens ont atteint un camp de réfugiés de l’autre côté de la frontière. Contre Ankara, qui appuie le Conseil national syrien (CNS) et héberge l’étatmajor de l’Armée syrienne libre, Damas a réactivé son soutien aux indépendantistes
kurdesduPKK,quimultiplientlesattaques meurtrières contre l’armée turque. La marge de manœuvre du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, s’est amenuisée. « La Turquie est en recul sur la position agressive adoptée il y a quelques mois. Elle a pris note de la résilience du régime de Bachar al-Assad et évoque beaucoup
rejetée par le Premier ministre, Benyamin Netanyahou: une telle déclaration conforterait le discours du régime syrien selon lequel la contestation résulterait d’un complot sioniste. Bien que préoccupantes, les conséquences périphériques de la crise syrienne pourraient rester limitées si ne se dessinait en filigrane un affrontement Les sunnites de la région estiment à bien plus grande échelle. Celui d’un axe sunnite que la répression vise leur mené par l’Arabie saoudite communauté et crient vengeance. et soutenu par l’Occident contre un axe chiite dirigé plus timidement l’idée d’intervenir milipar l’Iran. En janvier 2012, un rapport du Centre français de recherche sur le tairement en territoire syrien », explique Karim Bitar. renseignement (CF2R) s’inquiétait d’une En Israël, autre acteur clé de la région, « libanisation fabriquée » en Syrie. Le pays la classe politique est longtemps resdu Cèdre en guerre civile était en effet tée neutre et attentiste, tout en laissant devenu le champ de bataille indirect des entendre qu’elle préférait en Syrie « un puissances régionales et internationales. diable familier à des démons inconnus ». La pérennisation du conflit syrien pourrait Mais, en février, le ministre des Affaires bien, à terme, aboutir à une « libanisation » étrangères,AvigdorLieberman,ademandé de toute la région, devenue plus instable qu’Israël condamne la répression et a que jamais. ● appelé au départ d’Assad. Proposition LAURENT DE SAINT PÉRIER
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AMR NABIL/AP/SIPA
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! Ancien Frère musulman, le très modéré ABDEL MONEIM ABOUL FOUTOUH (à g.) jouit d’une grande popularité auprès des classes moyennes et des révolutionnaires. Il pourrait bénéficier des voix salafistes. AMR MOUSSA, lui, a les faveurs du courant libéral. ÉGYPTE
Le bal des prétendants Sur les treize candidats autorisés par la Haute Commission électorale à se présenter à la présidentielle des 23 et 24 mai, quatre se détachent.
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observateurs estiment que sa candidature a été déposée pour permettre son élimination avec les islamistes, dont les militaires ne voulaient pas. « A-t-on fait entrer en lice le général Souleimane pour l’éjecter quelques jours plus tard avec deux des plus importants candidats islamistes ? A-t-on gracié et induit en erreur Ayman Nour pour le disqualifier et donner l’impression à l’opinion publique que tout le monde est logé à la même enseigne ? » demande Rawi Camel-Toueg, secrétaire général du Parti des Égyptiens libres.
SOURCE : AL-MASRY AL-YOUM
L
es partisans de Hazem Abou Ismaïl sont de retour sur la place Al-Tahrir. Ils y ont organisé un sit-in après le rejet, le 17 avril, par la Haute Commission électorale de la candidature du prédicateur salafiste à l’élection présidentielle, dont le premier tour aura lieu les 23 et 24 mai, au motif que sa défunte mère avait la nationalité américaine. Sur les vingt-trois candidats, dix ont été mis hors jeu. Parmi eux figurent trois prétendants d’envergure : Khairat al-Chater, numéro deux des Frères musulmans, qui n’aurait pas été réhabilité d’une condamnation en 2007 ; Ayman Nour, gracié par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) pour une condamnation datant de 2005, mais qui n’a pas obtenu de réhabilitation judiciaire ; et Omar Souleimane, ancien chef des renseignements, à qui il manquait 31 signatures sur les 30 000 requises pour valider sa candidature. « Souleimane était le candidat de l’armée et de l’appareil de sécurité, explique Ashraf al-Cherif, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. Vu son ancien poste, ce n’est pas quelqu’un qui agit sans prendre en compte ces institutions. » De nombreux
15 %
des intentions de vote pour Abdel Moneim Aboul Foutouh (islamiste modéré), devant Amr Moussa, crédité de 12 %
Ces questions en soulèvent une autre : la Haute Commission est-elle réellement indépendante du CSFA ? « Difficile de ne pas donner à ces décisions un caractère politique. La Haute Commission n’a aucune crédibilité auprès de l’opinion publique », confie le juriste Salah Sadek, lequel rappelle que son président, Farouk Sultan, « est un militaire nommé par Moubarak à la présidence de la Cour suprême constitutionnelle et qu’il a toujours supervisé la falsification des élections au sein du syndicat des avocats ». Le rôle de l’armée est très ambigu. Au Caire, le sentiment général est que les militaires ne vont pas lâcher prise facilement. « Ils voudront d’abord s’assurer que la nouvelle Constitution ne les menace pas. Ils attendent un article qui protège l’institution militaire et ne soumet pas son budget à un contrôle extérieur », explique Rawi Camel-Toueg, qui estime cependant que le Parlement n’est pas disposé à se laisser faire. Sur les treize candidats toujours en course, quatre se détachent : Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, qui a les faveurs du courant libéral et dont la réticence à critiquer le CSFA laisse à penser qu’il serait disposé à composer avec les militaires; Mohamed Morsi, président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ) et candidat des Frères musulmans; Abdel Moneim Aboul Foutouh, ancien Frère musulman, connu pour ses prises de position modérées ; et Ahmed Shafiq, dernier Premier ministre de Moubarak et candidat de l’armée. JEUNE AFRIQUE
TONY GAMAL GABRIEL, au Caire JEUNE AFRIQUE
Maghreb & Moyen-Orient
SYRIE EMBARGO CINQ ÉTOILES
en diamants de bijoutiers parisiens, lampes Armani commandées à Londres, derniers modèles du chausseur Louboutin, alors qu’étaient livrés à la torture, ou à la mort, des centaines de leurs opposants. Le ministre britannique des Affaires étrangères l’a concédé: « Presque toutes les mesures possibles de sanctions ont déjà été prises. » Que lesAssad se rassurent, le caviar d’Iran et les cristaux de Russie restent en libre-service, comme les grandes marques européennes, qui ont toutes pignon sur rue à Beyrouth, à deux heures du palais… ●
Si l’achat compulsif d’articles coûteux était le remède du couple Assad pour évacuer le stress face à la situation « compliquée » que connaît leur pays, l’Union européenne (UE) a décidé de verrouiller la « pharmacie ». Le 23 avril, le quatorzième train de sanctions de l’UE contre le régime de Damas a interdit l’exportation de produits de luxe vers la Syrie. Les courriels piratés du couple révélés par le Guardian ne doivent pas y être étrangers: colliers LIBYE LAÏCITÉ EN TROMPE-L’ŒIL ?
ARABIE SAOUDITE PARRICIDE À 4 ANS
Le 24 avril, le Conseil national de transition (CNT) libyen a adopté une loi interdisant la création de partis fondés sur des considérations religieuses, tribales et régionales, et bannissant les financements étrangers. L’influent mouvement des Frères musulmans, qui a déclaré ne pas vouloir s’impliquer politiquement, a pourtant vu un de ses membres, Mohamed Sawan, être élu à la tête du Parti de la justice et de la construction au début de mars…
Un petit Saoudien de 4 ans et demi a abattu son père à bout portant d’une balle sous l’arcade sourcilière. Fâché de voir rentrer son géniteur sans la console PlayStation qu’il lui avait demandée, le marmot a attendu qu’il se déshabille et pose son pistolet pour s’en saisir et faire feu. Le père négligent est mort sur le coup. LIBAN PROHIBITION À COUPS DE TNT Le Nocean, restaurant deTyr réputé pour ses
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soirées dansantes, a été détruit par une bombe dans la nuit du 22 avril. Sept personnes ont été blessées. Cet attentat est le dernier d’une longue série d’attaques visant des restaurants et des débits d’alcool dans la même ville depuis l’automne. Ville touristique du Sud-Liban,Tyr est aussi un lieu de mixité confessionnelle dans une région dominée par le Hezbollah. Lors du dernier plasticage, le ministre de l’Intérieur avait attribué ces actes à des individus isolés plutôt qu’à un groupe.
! LE RESTAURANT NOCEAN, à Tyr, cible d’un attentat à la bombe, le 22 avril.
MAHMOUD ZAYYAT/AFP
XINHUA/ZUMA/REA
Pour le moment, il est difficile de désigner un favori. Un sondage réalisé en mars par le centre de recherche Al-Ahram créditait Amr Moussa de 30,7 % des intentions de vote. Un autre sondage conduit en avril par le quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm en accordait 15 % à Abdel Moneim Aboul Foutouh, devant Amr Moussa, tombé à 12 %. « Aboul Foutouh est populaire dans les classes moyennes et chez les révolutionnaires, et les salafistes pourraient voter pour lui maintenant qu’Abou Ismaïl est hors jeu », estime Ashraf al-Cherif. Mais il faudra aussi compter avec les Frères musulmans, qui ont finalement décidé de présenter un candidat – Mohamed Morsi –, après avoir répété qu’ils n’en feraient rien. « Si les Frères se présentent, aucun autre candidat n’a de chances de gagner, nous confiait, au début d’avril, Raafat Fouda, professeur de droit constitutionnel à l’université du Caire. Ils savent mobiliser leurs électeurs et leurs sympathisants. » Pourtant, le capital de sympathie de la confrérie a été sérieusement entamé. Elle n’est plus aussi populaire. « Mohamed Morsi est le candidat le plus fragile, explique Ashraf al-Cherif. La confrérie n’a pas réussi à prendre la tête du courant islamiste. Elle est en position de faiblesse pour négocier avec le Conseil suprême. » Sur la place Al-Tahrir, où l’on continue de parler politique lors de rassemblements spontanés, une expression revient comme un leitmotiv: « Que Dieu désigne le plus compétent. » ●
Coulisses
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Maghreb Moyen-Orient Moyen-Orien
ENQUÊTE
Les démons du stade
De Casablanca à Port-Saïd, en passant par Alger et Tunis, le déchaînement de violence dans les tribunes durant les matchs de football va crescendo. Un phénomène que les autorités comme les forces de l’ordre peinent à endiguer. CHERIF OUAZANI
L
es pays du Maghreb central et l’Égypte, dont les clubs dominent les compétitions africaines de football, sont atteints par le virus du hooliganisme. Le 30 mars, le derby algérois opposant le Mouloudia d’Alger (MCA) et l’Union sportive de la médina d’Alger (USMA) au stade du 5-Juillet, plus grand complexe sportif de la capitale, a tourné au pugilat. La retransmission télévisée de ce quart de finale de la Coupe d’Algérie a été brutalement interrompue. Le réalisateur a-t-il voulu épargner aux téléspectateurs le déchaînement de violence? Pas du tout. Des chanoua (Chinois), nom que se donnent les fans du Mouloudia pour signifier qu’ils sont les plus nombreux, ont jeté, depuis les tribunes supérieures de l’enceinte (80000 places assises), deux caméras de la télévision algérienne. Ce jour-là, il n’y a pas eu de mort, mais une centaine de blessés, des dégâts considérables et des dizaines d’interpellations, suivies de condamnations à des peines de prison ferme. Deux semaines plus tard, à 2 000 km à l’ouest, la rencontre entre le Wydad de Casablanca (WAC) et les Forces armées royales (FAR) au stade Mohammed-V, à Casablanca, a été émaillée d’incidents comparables à ceux de PortSaïd, en Égypte (lire encadré p. 50), et qui se sont soldés par la mort d’un jeune supporteur. Vécu par la population en temps réel, le drame N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
a provoqué un traumatisme national. La désolation en direct. Fait rarissime, les dirigeants de l’équipe locale ont officiellement saisi la Fédération royale marocaine de football (FRMF) pour qu’elle fasse disputer ses prochaines rencontres à domicile à huis clos. Comment un club professionnel, dont le budget dépend, en partie, de ses recettes
Des supporteurs armés de couteaux pourchassant les joueurs de l’équipe adverse. de guichet, en est-il arrivé à demander de s’en passer? « C’est un appel au secours, déclare un cadre du club casablancais sous le sceau de l’anonymat, pour dire que nous ne maîtrisons plus notre public et que le problème du hooliganisme dépasse les compétences du staff et nécessite une solution en amont. » VANDALISME. Retour en Algérie, à
Saïda (à 350 km à l’ouest d’Alger), le 14 avril. Le Mouloudia local reçoit l’USMA. Une décision arbitrale met le feu aux poudres. Des supporteurs locaux envahissent le terrain et prennent en chasse les joueurs adverses, dont sept seront blessés à coups de couteau. Ancienne gloire du football et figure de la ville, comme Cheb Mami, Saïd Amara est atterré. « C’est la première fois que je vois les enfants de Saïda sombrer dans un tel
218932 dinars
(109500 euros) C’est le montant des dégâts enregistrés en 2010 dans les deux grands stades de la capitale tunisienne (Radès et El-Menzah)
SOURCE : MINISTÈRE TUNISIEN DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
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déchaînement de violence. Nous sommes si accueillants d’habitude », déclare-t-il. Par crainte du vandalisme, la population et les commerçants de proximité appréhendent les jours de match. Traumatisés, les chauffeurs de taxi ou de bus n’osent plus desservir les quartiers abritant des stades de foot. Et si, contrairement à l’Algérie et au Maroc, la Tunisie n’a pas vécu de drame similaire ces dernières semaines, ce n’est pas un effet du Printemps arabe ; toutes les compétitions de sports collectifs de la saison 2011-2012 se déroulent à huis clos pour éviter les JEUNE AFRIQUE
AMP PRESSE
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échauffourées qui avaient émaillé toutes les rencontres durant l’an I de la révolution. Est-ce un effet indirect de la disparition de la peur du hakem (« autorité ») consécutive à la chute de la dictature ? « Pas du tout, affirme Tarak Dhiab, ministre tunisien de la Jeunesse et des Sports et ancienne star du ballon rond, la montée de la violence date de l’ancien régime, qui a contribué à pourrir le milieu du football en le confiant à des personnes qui n’étaient là que pour défendre leurs intérêts. » Son collègue de l’Intérieur, Ali Laarayedh, est plus tranchant : « Je JEUNE AFRIQUE
crains que ce phénomène n’ancre haine et rancœur chez les nouvelles générations. » « CHAMPIONNITE ». Dans les
trois pays du Maghreb central, les autorités sportives et politiques multiplient les initiatives pour endiguer la violence, qui dépasse désormais le cadre sportif pour devenir un problème de société. En Algérie et au Maroc, une commission spéciale chargée du suivi a été mise en place par les fédérations. Séminaires et colloques réunissant universitaires, policiers, dirigeants et comités de supporteurs sont
! Les incidents du 14 avril à Casa se sont soldés par LA MORT D’UN JEUNE HOMME.
régulièrement organisés à l’échelle locale, nationale ou régionale. Malheureusement, leurs conclusions et recommandations ne sont pas vraiment suivies d’effet. Mais que fait la police? Pour Réda Allali, éditorialiste marocain, « les services de sécurité ne font pas, ou si peu, d’évaluation des risques que provoquent les antagonismes et les rivalités entre clubs de l’élite ». Quant à Noureddine Belmihoub, directeur général de l’Office du complexe olympique (OCO, qui abrite le stade du 5-Juillet, à Alger), il s’en prend aux dirigeants de la ligue de football professionnel. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Maghreb Moyen-Orient Enquête
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Fédération algérienne de football (FAF), « nos clubs, du quartier à l’élite, ont développé le syndrome de la “championnite”, autrement dit, nous ne saurions être que leaders, nous n’existonsqu’en étant les meilleurs, et cette nouvelle mentalité est le résultat d’un long travail de sape de pseudo-dirigeants visant la rente du foot ». EXUTOIRE. En Algérie, où l’on a « décrété le professionnalisme comme les politiques ont instauré la démocratie », selon la formule du journaliste Madjid Khelassi, le football est grassement rétribué par l’argent public. On achète la paix sociale comme on peut. « Détournées, ces faramineuses subventions ne servent pas le sport mais achètent de gros bras, financent des matchs truqués », ajoute le journaliste. Autre problème maghrébin : le manque d’infrastructures.
« L’écrasante majorité des stades des clubs de l’élite, témoigne Kader Berdja, ne répondent pas aux normes internationales de sécurité: aucun emplacement réservé aux supporteurs visiteurs, ni plan d’évacuation d’urgence. Le stade n’est
Profil type du hooligan : un mineur de 12-17 ans sous l’emprise de psychotropes.
! Port-Saïd, théâtre, le 1er février, de LA PLUS GRANDE CATASTROPHE
du continent avec 74 morts. SPORTIVE
AP/SIPA
« Ceux qui sont en charge du volet de la programmation sont censés travailler en étroite concertation avec les services de sécurité, déplore-t-il, car, pour les quarts de finale de la Coupe, par exemple, les quatre matchs se sont déroulés dans des stades de la capitale. Cela n’est pas pour faciliter la tâche du service d’ordre. » En Algérie, au Maroc et en Tunisie, les fauteurs de troubles se ressemblent. « Ce ne sont pas des hooligans, dans le sens britannique ou néerlandais du terme, analyse Réda Allali, car il n’y a pas de revendications politiques [extrême droite, NDLR], ni d’organisations structurées. Des noyaux d’ultras sans aucune existence légale développent des slogans haineux et nourrissent la violence et la volonté d’en finir avec le rival, devenu ennemi à abattre. » Pour Kader Berdja, ancien commentateur sportif et ex-cadre de la
ÉGYPTE : QUAND LA POLITIQUE S’EN MÊLE LES SCÈNES DE VIOLENCE NE SONT PAS RARES dans les stades égyptiens, mais, en ce 1er février 2012, à Port-Saïd, l’horreur a atteint des sommets : 74 morts au cours du match entre Al-Ahly, un club du Caire, et les locaux d’Al-Masri. Plus grande catastrophe sportive à l’échelle continentale – et deuxième au niveau mondial après les événements de Hillsborough, au Royaume-Uni, en 1989, et leurs 96 morts –, les affrontements de Port-Saïd diffèrent sensiblement de ceux qui caractérisent les rencontres de football au Maghreb. Ici, ni rivalité entre clubs ni nationalisme de quartier, encore moins d’antagonisme tribal, mais des considérations politiques. Les ultras d’Al-Ahly ont tout simplement payé leur activisme anti-Moubarak dans une ville qui n’était manifestement pas hostile au raïs déchu. ● CH.O. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
plus un espace festif mais un exutoire où s’évacuent les frustrations et les envies d’ailleurs. » Au Maghreb, le foot n’est plus l’opium du peuple mais le crack du peuple. Selon Réda Allali, le profil type du hooligan marocain ressemble à celui d’un mineur (12-17 ans) bourré de qarqoubi, psychotrope dont se gavent les pseudo-supporteurs avant de se rendre au stade. En Algérie, le terme utilisé est qafla (« bouton » en français). M’qarqab au Maroc, M’qafel en Égypte, le résultat est le même. Sous l’effet de ces médicaments destinés aux thérapies psychiatriques, le mineur ne craint ni Dieu ni maître, encore moins la police et la justice. Pour faire face à ce phénomène, les trois Parlements du Maghreb ont tenté d’adapter leur législation, mais la loi interdisant aux mineurs non accompagnés l’accès aux stades est restée lettre morte. « Comment voulez-vous gérer une foule de mineurs refoulés du stade ? demande un officier de police d’El-Harrach, l’un des quartiers d’Alger les plus touchés parlephénomèneduhooliganisme. Qu’ils restent dans les rues alors que nos services sont mobilisés à l’intérieur de l’enceinte ? Nous sommes amenés à fouler au pied la loi, on ferme les yeux, on les laisse entrer, on tente de les canaliser et on prie pour qu’il n’y ait pas de malheurs. » Clips vidéo, campagnes de presse et à l’école, sensibilisation des parents et enseignants, tous les efforts déployés par les pays du Maghreb pour endiguer le phénomène sont restés sans effet. À croire qu’il ne reste plus qu’à prier avant les matchs à risque, comme le font les policiers. ● JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
YAGHOBZADEH RAFAEL/SIPA
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! AVANT LE SECOND TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE, bataille d’affiches dans une rue de Paris.
FRANCE
L’Europe,
l’invité surprise Jamais elle n’avait été aussi présente dans une campagne électorale. La volonté de François Hollande d’ajouter au pacte de stabilité de l’UE une clause destinée à favoriser la croissance et l’emploi n’y est pas pour rien.
JEUNE AFRIQUE
HENRI MARQUE
L
e temps paraît aujourd’hui bien loin où Simone Weil, invitée de l’une des émissions les plus écoutées du week-end, s’entendait conseiller par le présentateur : « Ne parlez pas trop de l’Europe, cela embête tout le monde ! » Alors que, dans toutes les grandes démocraties, les élections nationales se jouent sur la politique intérieure, jamais en France la politique européenne n’aura été aussi présente dans une campagne présidentielle. On le ● ● ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Europe, Amériques, Asie
Ce que propose Hollande aux dirigeants européens
1. Création d’eurobonds pour financer des projets d’infrastructures 2. Libération des possibilités de financement de la Banque européenne d’investissement 3. Création d’une taxe sur les transactions financières avec les États qui le souhaitent 4. Mobilisation de tous les reliquats des fonds structurels européens
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à un Allemand qu’on doit l’argument le plus saisissant : économiste en chef à la Cnuced, Heiner Flassbeck reproche à Merkel de commettre la même erreur que les vainqueurs de la Première Guerre mondiale lorsqu’ils exigèrent de l’Allemagne des réparations insupportables. S’il est élu, Hollande ne manquera donc pas d’approbations parmi les plus compétentes à glisser dans les dossiers de sa visite à Berlin. Merkel, qui, à en croire Der Spiegel, suit la campagne présidentielle française « comme un supplice », n’acceptera pas la renégociation du pacte de stabilité. Elle s’est empressée d’accepter en revanche la solution providentielle venue à la surprise générale de l’inflexible Banque centrale européenne. Récemment encore, cette dernière envoyait à peine poliment promener tous ces conseilleurs qui n’étaient pas des payeurs, alors qu’elle avait consenti quelque 1 000 milliards d’euros de prêts en trois ans aux banques européennes. Son président, Mario Draghi, reconnaît maintenant qu’il faut « revenir en arrière » et renforcer l’efficacité du pacte de sécurité en le doublant d’un pacte RISQUE D’IMPLOSION. Délibérément iconoclaste, de croissance soumis lui aussi au Parlement de la proposition est vite devenue le nouvel enjeu l’Union. Mais il en précise aussitôt les conditions. de la bataille présidentielle. Il ne s’agit pas de creuser un Nicolas Sarkozy a d’abord peu plus les déficits mais Et si le véritable choix fustigé l’irresponsabilité de libérer les énergies par n’était pas entre d’un prétendant au pouvoir des réformes de structure, qui n’aurait rien de plus croissance et austérité ? même si « elles font mal pressé, s’il l’emportait, que et heurtent de vastes intéd’aller protester à Berlin la parole de la France et rêts ». Hollande ne s’y est pas trompé, qui se garde d’obliger à se déjuger à leur tour les vingt-cinq pays de pavoiser trop vite et annonce un mémorandum de l’Union – sur vingt-sept – qui ont approuvé le à tous les chefs d’État et de gouvernement europacte. Un de ses stratèges lui a-t-il soufflé que le péens sur sa propre exigence de renégociation. plaidoyer socialiste pour la croissance s’accordait mieux que de tels anathèmes à ses propres évocaCHAMAILLERIES. Préparée sinon résignée à la défaite de son allié Sarkozy, Merkel veut croire tions des souffrances populaires ? Il l’a donc peu à peu repris à son compte en s’efforçant seulement cependant qu’après une période de « chamaillede le rendre moins comminatoire pour l’allié et ries » elle trouvera avec Hollande ce « bon compromodèle d’outre-Rhin. mis » devenu la vertu cardinale du pragmatisme D’autant que l’initiative de Hollande, flatteuseallemand. Hollande lui-même n’est pas moins ment soutenue par Gerhard Schröder, l’homme confiant dans la solidité du couple. Pourquoi ne du nouveau miracle allemand, a déclenché une s’entendrait-il pas avec Merkel, comme Mitterrand véritable campagne de pressions internatioavec Kohl ou Chirac avec Schröder ? nales. Ce sont maintenant les économistes des La négociation d’un compromis pourrait y aider plus influentes institutions qui multiplient les si elle faisait découvrir qu’après tout on s’est peutappels aux gouvernements pour encourager la être trompé de dilemme. Et que le vrai choix serait croissance et adoucir des plans de rigueur jugés moins entre la croissance et l’austérité qu’entre socialement dangereux et financièrement inapla bonne et la mauvaise austérité. C’était déjà la plicables. Du FMI à l’Organisation de coopération suggestion de l’agence Standard & Poor’s lors de et de développement économiques (OCDE), en la dégradation de la note de la France en raison passant par la Conférence des Nations unies pour de son laxisme budgétaire. Elle conseillait de le commerce et le développement (Cnuced), distinguer à l’avenir les dépenses productives des les critiques aboutissent à la même conclusion gaspillages d’argent public, allant jusqu’à mettre en catastrophiste : il existe un risque d’implosion garde les gouvernements contre des excès d’écode l’Europe et de l’euro, que l’Espagne et l’Italie nomies mal conçues. Certains prêteurs auraient ont déjà anticipé en refusant de respecter les été horrifiés d’apprendre que, pour obtenir une échéances de désendettement fixées par les nouvelle rallonge, les Grecs commençaient à ministres des Finances de l’Union. Mais c’est tailler dans les dépenses d’éducation… ● doit principalement à François Hollande, qui réclame depuis deux ans, sans réussir à se faire entendre, la renégociation du pacte de stabilité pour lui ajouter une clause imposant des objectifs de croissance et d’emploi. Rigueur ou développement ? Le dilemme n’est pas nouveau. Il est né avec la crise de la Grèce, toujours menacée de faillite malgré l’accumulation des aides de Bruxelles et des banques. Il consiste à déterminer la juste mesure d’assainissement nécessaire pour rétablir la santé et avec elle les chances de relance des pays malades de leur dette, sans que le patient succombe en cours de traitement à un excès de saignées budgétaires. De la Grèce, le problème s’est rapidement déplacé vers l’Espagne, puis l’Italie. Il a trouvé un relais efficace en France avec l’engagement de François Hollande, s’il l’emporte le 6 mai, de se rendre aussitôt à Berlin pour tenter de rallier Angela Merkel à son programme de soutien aux économies défaillantes. Faute de quoi la France refusera de ratifier le pacte.
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Vu d’Afrique Cœur à gauche, portefeuille à droite? Une victoire du candidat socialiste, le 6 mai, ne plongerait pas dans le désespoir nombre de chefs d’État du continent. Même s’ils en redoutent parfois les conséquences économiques.
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n ancien ministre burkinabè par-ci, un ex-ambassadeur du Tchad par-là… Depuis quelques jours, de discrets émissaires sont à Paris pour approcher le premier cercle de François Hollande, le vainqueur du premier tour de la présidentielle française. Bien sûr, les contacts ne datent pas d’aujourd’hui. Laurent Fabius – futur ministre des Affaires étrangères ? – a fait le voyage de Lomé, Cotonou et Libreville. Mais, depuis le 22 avril, les rendez-vous se multiplient et quelques « Bourgi de gauche » – francsmaçons pour la plupart – commencent à se manifester dans les palais africains sur le thème : « Monsieur le président, je connais bien François Hollande. Si vous le souhaitez, je peux faire passer un message… » Il faut dire que, pour nombre de chefs d’État africains, le candidat socialiste est un mystère. Parfois, une source d’inquiétude. « Hollande, ça ne rassure pas ceux qui se souviennent que Lionel Jospin n’a rien fait pour sauver Henri Konan Bédié lors du coup d’État de 1999 », confie le conseiller de l’un d’eux. En clair, si l’exbras droit de Jospin l’emporte le 6 mai, plusieurs présidents africains redoutent JEUNE AFRIQUE
! PREMIÈRE SECRÉTAIRE DU PS, Martine Aubry est reçue par Mohammed VI, le 11 mars, à Rabat.
avec la démocratie et l’alternance savent qu’ils n’ont rien à attendre d’un Hollande qui clame haut et fort son intention de « défendre l’idée que la démocratie vaut partout dans le monde, et notamment en Afrique»(J.A.n°2639du7août2011),etqui compte parmi ses conseillers l’opposant togolais Kofi Yamgnane. Naturellement, beaucoup espèrent qu’une fois arrivés au pouvoir les socialistes mettront de l’eau dans leur vin, comme Mitterrand en son temps. Mais rien n’est moins sûr. « Certains dirigeants ont essayé de faire passer des mallettes, mais le staff de Hollande les a refusées. Cela ne rassure pas », confie un ex-ministre d’Afrique centrale. Du coup, beaucoup croisent les doigts en espérant que l’ami Sarkozy rebondira avant le 6 mai et gagnera au finish. Danslespaysoùl’alternancefonctionne, comme au Sénégal, l’éventuelle défaite
que la France ne réponde plus présent en cas de tentative de putsch contre leur personne. L’aéroportdeN’Djamenasera-t-ilencore sécurisé, comme il le fut en février 2008, lors de la bataille entre Idriss Déby Itno et les rebelles venus de la frontière soudanaise ? La base française de Libreville servira-t-elle encore de plateforme à des opérations de maintien de l’ordre, comme au temps d’Omar Bongo Ondimba ? « Si Hollande passe, on espère que les Français ne bougeront plus de leur base », lâche a contrario un opposant gabonais. Autre souci : en cas de victoire socialiste, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Gabonais Ali Bongo Ondimba et l’ÉquatoDepuis le 22 avril, des « Bourgi Guinéen Teodoro Obiang de gauche » font leur apparition Nguema se doutent que dans les palais présidentiels. l’Élysée ne fera rien pour freiner l’ardeur des juges français qui enquêtent sur les biens mal de Sarkozy ne pose pas le même proacquis. L’un des conseillers Afrique de blème. Le 18 avril, quatre jours avant le Hollande n’est autre que Me William premier tour, Macky Sall a certes déjeuné Bourdon, le fondateur de Sherpa, l’ONG à l’Élysée avec le président sortant, mais, qui est à l’origine des poursuites… en conférence de presse, il a pris soin de garder ses distances avec son hôte. Quand celui-ci l’a tutoyé, il lui a répondu en le DE L’EAU DANS LE VIN. Plus généralement, les chefs d’État en délicatesse vouvoyant. La veille, depuis Dakar, ● ● ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Europe, Amériques, Asie il s’était entretenu au téléphone avec Hollande, lui confiant sur un ton amical : « Je ne voulais pas venir à Paris sans avoir un contact avec vous… » Comme Macky Sall, le Guinéen Alpha CondéetleNigérienMahamadouIssoufou s’accommoderaient aisément de l’arrivée de Hollande à l’Élysée. Militants socialistes de toujours, ils « votent » même a priori pour lui – le second l’a même rencontré le 15 mars, à Paris. Mais Alpha Condé a offert la concession du port de Conakry à Bolloré, un proche de Sarkozy.EtIssoufouconfieàvoixbasseque la gauche française, alliée aux écologistes, risque de lui acheter moins d’uranium que la droite. Bref, chez plusieurs leaders ouest-africains, le cœur vote Hollande, mais le portefeuille, Sarkozy. ●●●
La campagne côté cour et côté J.A. Loft Story
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EST L’HEURE DU DÉBAT. Le moment fatidique où les finalistes du premier tour s’affrontent devant des millions de Français. En 1974, il y eut le choc Giscard-Mitterrand : le premier l’emporta en lançant à son rival son célèbre « vous n’avez pas le monopole du cœur ». Il y eut le contre-choc de 1981, quand Mitterrand, traité par Giscard d’homme du passé, lui rétorqua qu’il était, lui, l’homme du passif. Puis le duel glacial de 1988, tout au long duquel le président Joséphine Mitterrand, du haut de son Olympe, affecta d’appeler Dedet Chirac « monsieur le Premier ministre ». Passons sur celui de 2002, puisqu’il n’eut pas lieu, Chirac refusant de débattre avec Jean-Marie Le Pen, ou sur celui de 2007, où l’indignation de Ségolène Royal (« non, je ne me calmerai pas ») ne sonna pas assez juste pour déstabiliser un Sarkozy qui jouait la force tranquille. Pourtant aseptisé et filmé dans un décor sans âme, ce débat fait partie des rituels de la République. Est-il toujours aussi décisif? « Je n’en suis pas sûr, confie le réalisateur Serge Moati. Quand il n’y avait que trois chaînes, c’était le grand, l’unique rendez-vous démocratique. Aujourd’hui, avec la multiplication des chaînes et des émissions politiques durant la campagne, il s’est banalisé. N’empêche qu’il ne faut pas le perdre! » Et pour remporter la mise, tous les coups sont permis. Les écuries rivales se livrent à un concours de chicanes, réclament que le siège de leur poulain soit rehaussé d’un centimètre ou que les caméras flattent son charmant minois… En 1981 et 1988, Moati a pratiqué ces tours de malice au nom du candidat Mitterrand, multipliant les exigences en apparence techniques, mais avant tout destinées à exaspérer son concurrent. Toujours fidèle à la gauche, ce grand professionnel* n’en jauge pas moins avec objectivité les atouts des protagonistes du duel télévisé du 2 mai. « Étant le favori, Hollande ne doit pas s’éloigner de sa trajectoire, qui a été cohérente pendant toute sa campagne. Je pense que Sarkozy ne sera pas là où on l’attend, c’est-à-dire excité. Ce n’est pas son intérêt. » Le défi qu’il a lancé à Hollande (débattons trois fois, si tu n’es pas qu’un “capitaine de pédalo” – comme dirait Jean-Luc Mélenchon) et que le « candidat du changement » a repoussé en invoquant « la tradition » est-il dans l’intérêt de la démocratie ? « Il y a déjà trop de débats, on frise la saturation. Pourquoi, tant qu’on y est, ne pas organiser à leur intention une sorte de Loft Story? On les verrait cuisiner, repasser, manger, et les téléspectateurs taperaient sur un bouton pour dire qui ils préfèrent: 1 pour Sarkozy, 2 pour Hollande », ironise Moati. « Je leur conseille plutôt de se détendre le jour J, de parler et de rire avec des amis. Un débat, c’est un moment de plaisir. » Il aurait pu leur conseiller de prendre exemple sur Mitterrand, qui, en 1981, avant d’entrer sur le plateau, avait évoqué devant lui non pas les courbes du chômage, mais celles, plus voluptueuses, de Brigitte Bardot. Qui a dit que le pouvoir est un aphrodisiaque? ● * Son film Élysée 2012, la vraie campagne sera diffusé sur France 3 le 7 mai, à 20h50.
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BRUNO LEVY
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Ouattara « vote » Sarkozy sans hésiter. Mais, prudent, il est aussi en contact avec Hollande. POLITIQUE ET SENTIMENTS. Deux cas
particuliers : l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. Depuis la chute de Kaddafi, en août 2011, Jacob Zuma et le Congrès national africain (ANC) rangent Sarkozy dans le camp des néocolonialistes. De leur point de vue, Hollande ne peut pas être pire. À l’inverse, Alassane Ouattara « vote » Sarkozy sans hésiter. Dans la relation entre les deux hommes, la politique et les sentiments sont intimement liés. Mais comme il ne faut pas insulter l’avenir, le président ivoirien est aussi en contact avec Hollande, via Laurent Fabius et Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Le 10 avril, il a reçu à Abidjan un autre socialiste, JeanLouis Bianco. Et les Maghrébins? Au FLN, on apprécie le tropisme algérien de Hollande, qui, en 1978, effectua un stage de huit mois à Alger dans le cadre de ses études à l’ENA. Il y a un mois, l’ambassadeur d’Algérie à Paris a discrètement rencontré Kader Arif, le conseiller du candidat socialiste pour la coopération, lui-même natif d’Algérie. Quelques joursauparavant, l’ambassadeur du Maroc s’était entretenu avec Pierre Moscovici, le directeur de campagne de Hollande, afin de préparer une visite à Rabat de Martine Aubry. « Sur le Sahara, nous soutenons le plan d’autonomie du Maroc », a déclaré la première secrétaire du PS. Du coup, elle a été reçue au palais royal. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE
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! NAJAT VALLAUD-BELKACEM, secrétaire nationale du PS. © Patrick Lazic/OIF
Portrait Najat la conquérante
De passage à Jeune Afrique, la porte-parole du candidat socialiste nous l’a confié : elle refuse le rôle d’icône de la diversité.
FILLE D’OUVRIER. Née dans le Rif marocain, Najat est arri-
vée en France à l’âge de 4 ans. Son père était ouvrier dans la Somme. Deuxième d’une fratrie de sept, elle est une enfant rêveuse et férue de lecture. Son roman préféré ? Belle du Seigneur, d’Albert Cohen. À la maison, on ne parle pas de politique, ses parents n’ayant pas le droit de vote. Sa sœur aînée, aujourd’hui avocate, sera la première à connaître les bienfaits de « l’école républicaine ». Élève brillante, Najat intègre Sciences-Po Paris après trois années de droit. Elle y rencontre son futur mari – le couple a des jumeaux de 3 ans – et Caroline Collomb, l’épouse du maire socialiste de Lyon. En 2003, elle devient chargée de mission auprès de ce dernier. Un an auparavant, après la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle, elle avait pris sa carte du PS. Elle est aujourd’hui candidate aux législatives dans la 4e circonscription du Rhône, adjointe au maire de Lyon et conseillère générale. Quand on lui parle d’un éventuel ministère, elle s’empresse de botter en touche et assure se concentrer « uniquement sur les législatives ». Bref, cette conquérante est tout sauf une nouvelle icône de la diversité. Elle n’hésite d’ailleurs pas à railler les « stars déchues de la droite » dépourvues de « la légitimité que l’on acquiert quand on se construit soi-même ». ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE
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Volontariat international de la Francophonie (VIF) Lancement de l’appel à candidature Mise en ligne des postes à partir du 23 avril 2012
Mis en œuvre par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), basé sur les valeurs de solidarité, de partage et d’engagement, le VIF est destiné à offrir aux jeunes francophones, âgés entre 21 et 34 ans, la possibilité de s’engager durant 12 mois à mettre leur savoir, savoir-faire et savoir être à disposition d’un projet de développement et de vivre une expérience de mobilité internationale au sein de l’espace francophone qui s’intègrera à leur parcours professionnel. Une cinquantaine de VIF sont sélectionnés chaque année sur la période 2010-2013. Si vous souhaitez poser votre candidature au VIF, rendez-vous sur les sites :
www.jeunesse.francophonie.org et www.francophonie.org Organisé par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en partenariat avec l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) avec le soutien de l’Association internationale des maires francophone (AIMF) et de TV5 Monde
© Patrick Lazic/OIF
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orte-parole de François Hollande, la FrancoMarocaine Najat Vallaud-Belkacem (34 ans) avait déjà été celle de Ségolène Royal en 2007. « Ce sont politiquement des moments très différents, explique la secrétaire nationale du Parti socialiste chargée des questions de société. Nous ne sommes plus dans une demande de rupture, mais de changement. » Bien qu’elle le côtoie depuis longtemps, elle ne connaissait pas intimement le candidat socialiste – « un bon orateur et un homme plein d’humour », juge-t-elle. Mais quand celuici lui a demandé d’intégrer son équipe de campagne, elle a accepté « avec plaisir ». Fière de sa double nationalité, elle ne veut pas être perçue comme celle qui permet à Hollande de s’adresser aux Français issus de l’immigration. S’il est entendu, c’est, dit-elle, grâce à son discours valorisant la diversité du pays. Un pays qui, depuis quelques années, a sans doute un peu trop tendance à se replier sur lui-même…
Europe, Amériques, Asie CHINE
La scandaleuse de Chongqing Certains la comparaient à Jackie Kennedy. Accusée d’avoir assassiné un associé britannique, Gu Kailai risque la prison à vie. Elle est l’épouse de l’ex-étoile montante du Parti communiste.
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haque jour apporte son lot de révélations dans l’affaire Bo Xilai. Ou plutôt dans l’affaire Gu Kailai, du nom de l’épouse de l’ancien patron de la mégapole de Chongqing (34 millions d’habitants), aujourd’hui emprisonnée et accusée du meurtre d’un ressortissant britannique. Fille d’un héros de la révolution, cette avocate de 53 ans risque de finir ses jours en prison. Et d’entraîner dans sa chute son mari, longtemps symbole de la nouvelle gauche et aspirant aux plus hautes fonctions de l’État. Tout a commencé par la mort mystérieuse de Neil Heywood, dont le corps sans vie a été retrouvé dans une chambre d’hôtel, en novembre 2011. Or le Britannique était sur le point de révéler une affaire de corruption d’une ampleur sans précédent. Gu Kailai aurait en effet créé, parfois avec l’aide de Heywood lui-même, de nombreuses entreprises à l’étranger, notamment au Royaume-Uni et dans divers paradis fiscaux, servant à blanchir l’argent frauduleusement acquis par le couple. Les entreprises désireuses de travailler à Chongqing étaient en effet contraintes de verser des dessous-detable. Chaque contrat devait en outre
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! AVEC BO XILAI, SON MARI, et Bo Guagua, son fils, étudiant aux États-Unis. Ce dernier est aujourd’hui placé sous la protection de la police américaine.
de la police américaine ; à son frère, dont les revenus en tant que président d’une grande banque chinoise avoisinaient 1,5 million d’euros par an ; en passant par ses cinq belles-sœurs, à la tête de huit entreprises de Hong Kong « pesant » au total 100 millions d’euros. « Elle s’occupait de l’argent, lui du pouvoir », résume un ancien proche du clan aujourd’hui exilé au Canada. UN VRAI POLAR. Étrange personnage
que ce Neil Heywood. Car il ne se contentait pas de jouer auprès du couple Bo un rôle de majordome doublé d’un partenaire en affaires. Selon la presse londonienne, il « Elle s’occupait de l’argent et lui travaillait aussi en sousdu pouvoir », résume un ancien main pour l’agence Hakluyt, membre du clan exilé au Canada. un cabinet spécialisé dans l’intelligence économique être validé par le cabinet d’avocats dirigé que dirige un ancien du MI6, les serpar Gu Kailai, qui touchait au passage vices britanniques de renseignements de confortables commissions. Mouillé extérieurs. Un vrai polar ! jusqu’au cou, Heywood avait-il menacé Tout cela perturbe singulièrement de révéler le pot aux roses ? A-t-il été le processus de transition politique empoisonné pour cette raison ? en cours. En novembre, le congrès du Dans la famille Bo, tout le monde appaParti communiste chinois (PCC) désiremment profitait du système : du fils de gnera en effet un nouveau secrétaire général et renouvellera largement les l’ancien dirigeant, étudiant à Oxford et à Harvard, aujourd’hui sous la protection instances dirigeantes. Bo Xilai comptait N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
bien intégrer le comité central du bureau permanent, ce cénacle de neuf membres qui dirige collégialement la Chine. Il n’en est évidemment plus question. Ironie de l’histoire, le dirigeant failli – que certains avaient bien imprudemment surnommé « l’incorruptible » – avait bâti toute sa carrière sur la lutte contre les triades, ces redoutables mafias chinoises… Certains observateurs ne s’en montrent pas surpris. « En Chine, explique l’un d’eux, on appelle “guanxi” les réseaux d’obligés que les hommes politiques parviennent à tisser au cours de leur carrière. Or chacun sait bien que guanxi et corruption vont de pair. Les responsables profitent de leur pouvoir pour gagner de l’argent. Comment pourraient-ils autrement acheter autant d’appartements et de voitures de luxe ? Comment pourraient-ils envoyer leurs enfants étudier à l’étranger avec leur seul salaire de fonctionnaire ? » Pour l’heure, le gouvernement s’efforce d’étouffer le scandale. À l’en croire, il ne s’agit que d’un cas isolé. Mais nombre de Chinois sont d’un avis diamétralement opposé. Pour eux, c’est bel et bien la classe politique dans son ensemble qui se trouve aujourd’hui discréditée. ● SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin JEUNE AFRIQUE
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Laetitia Masson Le rouge et le blanc En 2003, cette FrancoCamerounaise rachète 12 ha de vignes. Elle envisage aujourd’hui d’exporter son vin en Chine.
L
E MONDE DE Laetitia Masson se décline en trois teintes: blanc, rouge, rosé. « J’aime beaucoup les blancs de Bourgogne », confie cette jeune viticultrice installée près de Montpellier, à Argelliers, dans le sud de la France. À partir des 12 ha de vignes achetés en 2003 avec son mari, Romain Trémoulet, elle produit aujourd’hui entre 10 000 et 15 000 bouteilles de vin. Son premier rouge s’appelait Premier Rendez-Vous, les deux cuvées suivantes portent les prénoms de ses enfants. « Jules est un vin généreux, avec beaucoup de matière, tandis qu’Élise est un vin de garde plus souple, qui a plus de rondeur », dit-elle. Jules a obtenu deux étoiles au guide Hachette, une référence dans la profession.
A priori, rien ne distingue le Prieuré deValcrose des milliers d’exploitations viticoles dont regorge la France, des bords de Loire aux rives du Rhône, en passant par le Bordelais et la Bourgogne. Sauf que, comme le précise Laetitia Masson, « je suis la seule femme métisse sur les salons ». Née à Bouaké (Côte d’Ivoire) d’un père français et d’une mère camerounaise, elle a longtemps vécu sur le continent, au gré des affectations de son père, coopérant dans l’enseignement. République centrafricaine, Gabon, Djibouti, Cameroun… À 15 ans, il lui a fallu choisir entre le Gabon, où son père était proviseur, à Moanda, et la France, où elle passait ses vacances. Parce que les bâtiments lui plaisent, elle choisit le lycée agricole de Toulouse, sans avoir la moindre idée de l’avenir vers lequel cela peut la conduire. « Au Gabon, il y avait un clivage assez difficile à vivre : il fallait faire un choix, être soit noir, soit blanc. J’ai retrouvé la même chose en France », se souvient-elle. Pourtant, rien de douloureux. « Rentre dans ton pays, j’y ai eu droit quand même. Mais N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
! « EN AFRIQUE, J’AI TOUJOURS ÉTÉ UNE BLANCHE, on m’appelait “l’albinos”. Et ici, on m’appelle la jeune fille noire. »
la direction du lycée agricole faisait très attention à mon intégration. En Afrique, j’ai toujours été une Blanche, on m’appelait “l’albinos”. Et ici, on m’appelle la jeune fille noire. Ça ne me perturbe pas, ça me va bien. » En 2000, Laetitia Masson obtient un BTS technico-commercial dans les vins et spiritueux, qu’elle complète par un BTS en viticulture et œnologie, puis commence à travailler en cave coopérative, à Paulhan, dans l’Hérault. En 2003, l’appel de la terre se fait entendre. À 23 ans, avec son compagnon rencontré au lycée, elle rachète un terrain planté de vignes, en contrebas
d’Argelliers. Avec l’aide de la Région, de l’État, et les cautions parentales, le couple parvient à réunir les 95000 euros nécessaires. Cette année-là, la sécheresse est particulièrement violente et toute la production part en cave coopérative. L’année suivante, le Prieuré de Valcrose produit 4 000 bouteilles, et en 20 06 un nouveau crédit de 120 000 euros permet de bâtir cave et logement de fonction tandis que la production passe à 8 000 bouteilles. Dans l’exploitation, monsieur s’occupe de la taille et des labours, tandis que madame prend en charge la vinification, l’administration et la commercialisation – tout en travaillant pour la société d’embouteillage 3S, à Villeveyrac, afin de compléter les revenus du foyer et de rester en contact avec le milieu. JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Mais, de salon en salon, Laetitia Masson trace son sillon. « J’ai les diplômes, j’ai les compétences… et un physique ! On se souvient plus facilement de moi que de mon mari, qui est plus commun. » Arpentant d’un bon pas ses terres rocailleuses plantées de syrah, de grenache et de cinsault, elle parle avec entrain des évolutions et des défis du métier. « On s’est lancés dans le bio surtout pour nous, parce que ça ne nous paraissait pas sain de travailler avec des insecticides. Mais il ne faut pas se leurrer, la réglementation ne concerne que la vigne. Une fois dans la cave, les gens mettent ce qu’ils veulent, par exemple de trop grosses quantités d’anhydride sulfureux, qui donne des maux de tête. » Après neuf années de tâtonnements, la jeune Franco-Camerounaise espère aujourd’hui passer à 40 000 bouteilles par an et se faire connaître à l’international. « Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est l’export, et je vais me lancer sur le marché chinois, affirme-t-elle. En Afrique, ce sont essentiellement des vins de négoce qui sont vendus, et il est très difficile de proposer des prix attrayants pour le marché. En outre, le continent est d’une manière générale très compliqué au niveau des douanes. » Pour autant, Laetitia Masson n’a pas renoncé à cette partie d’elle-même. « Cela fait cinq ans que je n’y suis pas retournée. Voyager n’était pas une priorité… Mais j’aimerais y amener mes enfants… » C’est limpide: elle parle du petit garçon et de la petite fille, pas des cuvées Jules et Élise. ● NICOLAS MICHEL Photo : GEORGES BARTOLI/FEDEPHOTO pour JEUNE AFRIQUE JEUNE AFRIQUE
FOOTBALL
Combines à l’italienne Trois affaires de matchs truqués en trente-deux ans, ça commence à faire beaucoup !
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Italie est une grande puissance du footbal l eu ro p é e n. Hélas, elle est aussi la championne toutes catégories des affaires de paris truqués. En 1980, il y eut le scandale du Totonero. Puis, en 2006, celui du Calciopoli. Un nouveauséismes’estdéclenché l’an dernier. Au fil des mois, il prend une ampleur que personne n’aurait osé imaginer. Son épicentre se trouve à Crémone, en Lombardie, où, le 1er juin 2011, le parquet a fait procéder aux premières interpellations. Six mois plus tôt, l’avocat du club local (qui joue en Série C, l’équivalent de la troisième division) avait ! ANTONIO CONTE, l’entraîneur de la Juventus de déposé une plainte après que Turin, mis en cause à son tour le 20 avril. cinq joueurs eurent été droguésauxanxiolytiquesavantun match de championnat face à Paganese. c’est l’un des principaux protagonistes L’enquête révélera que l’auteur de ce forfait du scandale. À en croire ce dernier, les était… le propre gardien de Crémone. Au joueurs corrompus – une trentaine au total, dix-huit matchs pourraient avoir été total – pariaient via des bookmakers arrangés.Seizepersonnesimpliquéesdans installés en Asie. Les aveux des repentis ce réseau de paris truqués se trouvent (notamment Doni) ont permis à la justice actuellement en détention. Parmi elles, italienne de pénaliser l’Atalanta Bergame Giuseppe Signori, un ancien international de six points en championnat. Et, surtout, réputé pour son amour du jeu, et Cristiano d’allonger la liste des interpellations. Le Doni, le capitaine de l’Atalanta Bergame, 2 avril, Andrea Masiello, un défenseur qui jouait à l’époque en Série B. de Bari, a avoué après son arrestation avoir touché 50 000 euros pour favoriser L’OMBRE DE LA CAMORRA. Le 6 juin, le la défaite de son équipe face à Lecce, en parquet de Naples a lui aussi ouvert une mai 2011. Il ne serait pas le seul joueur enquête sur des présomptions de blande son équipe à être mouillé… chiment d’argent opéré par la Camorra, la Quant à Antonio Conte, l’entraîneur de mafia locale, via les paris sportifs. Il a été la Juventus de Turin (Série A), il a été mis imité, le 1er décembre, par celui de Bari, en cause, ce 20 avril, par Filippo Carobbio, dans les Pouilles, où quatre matchs du club un de ses anciens joueurs à Sienne. Selon local, relégué depuis en Série B, pourraient ce dernier, Conte était informé que la renavoir été truqués. Plusieurs joueurs sont contre Novare-Sienne du 1er mai 2011 (2-2) soupçonnés d’avoir été approchés par des avait été arrangée. Déjà assurée d’accéder membres du crime organisé… à la Série A, Sienne avait été rejointe en Les interrogatoires ont permis de fin de saison par Novare… mettre en évidence le rôle du Macédonien D’autres révélations sont attendues. ● Hristian Ilievski, aujourd’hui en fuite : ALEXIS BILLEBAULT N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
MASSIMO PINCA/AP/SIPA
Bien entendu, tout n’est pas rose dans le monde de la viticulture, où les exploitants plongent souvent dans l’univers du vin dès le premier biberon. « On a perdu du temps à trouver les bons filons. On a cru en beaucoup de choses, confie la jeune femme. Douze hectares, c’est tout petit, et puis nous sommes installés hors du cadre familial… » Et si l’accueil des viticulteurs voisins a été sympathique, personne n’est venu leur signaler les erreurs manifestes qu’ils commettaient parfois…
59
Économie
MARITIME
Regain d’ambition pour Djibouti
TUNISIE
La Steg en phase de transition
TÉLÉCOMS
La fin de
l’âge d’or
Sous le triple effet d’une concurrence accrue, de la baisse des prix et d’un ralentissement de la hausse du nombre d’abonnés, les opérateurs africains voient leur rentabilité s’effriter. Pour beaucoup d’observateurs, le secteur a mangé son pain blanc.
« La situation s’est surtout dégradée depuis un an », confirme François-Xavier Roger, directeur financier du groupe Millicom (marque Tigo). Une rupture précipitée par l’arrivée en Afrique d’Airtel en 2010. Partisan d’une stratégie low cost, le groupe indien, présent dans 17 pays, a sans états d’âme mis àmallesententestacitesinstauréesjusqu’alors.Sous son impulsion, les prix au Kenya se sont effondrés de 50 % presque du jour au lendemain. « Une guerre qui a détruit beaucoup de valeur », constate Serge Thiemele, du cabinet d’audit Ernst & Young.
JULIEN CLÉMENÇOT
D
epuis plus d’une décennie, l’industrie des télécoms connaît en Afrique une croissance qu’aucun consultant, aucun opérateur, aucun gouvernement n’avait prévue. Fin 2011, 650 millions de puces téléphoniques étaient actives sur le continent et 12 des 20 marchés les plus dynamiques au monde étaient africains. Une poule aux œufs d’or de 60 milliards de dollars (45 milliards d’euros) que se partagent équipementiers, sociétés d’ingénierie, opérateurs et États. Alors quand, lors d’une conférence à Paris en février, Marc Rennard, patron d’Orange pour la zone, a expliqué qu’il ne savait pas si son groupe pourrait encore financer un projet à 36 millions d’euros comme le câble sous-marin Lion2 reliant Madagascar au Kenya, une partie des observateurs se sont pincés pour y croire. Pourtant, les spécialistes du secteur sont formels, les opérateurs regardent avec inquiétude leurs marges fondre à mesure que la concurrence s’intensifie. En Afrique, « le nombre moyen d’opérateurs par pays est passé de 2,5 en 2005 à 3,8 en 2011. La Tanzanie en comptait 6 à la fin de 2011, la Côte d’Ivoire et le Ghana 5 chacun, et le Rwanda, marché de taille bien plus réduite, pas moins de 3 », note Guy Zibi, directeur du consulting au sein du cabinet Pyramid Research. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Nombre d’opérateurs par pays
2005
2,5
2011
3,8
SOURCE : PYRAMID RESEARCH
60
AUCUN PAYS N’EST ÉPARGNÉ. Ailleurs, la chute est moins spectaculaire, mais aucun pays n’est épargné. Au Maroc, les tarifs à la minute ont baissé de 40 % entre 2009 et 2011, selon le régulateur. Début 2012, un rapport de la banque d’affaires Renaissance Capital faisait état d’un recul des prix à la minute sur un an de 25 % au Nigeria (où 9 opérateurs cohabitent) et de 8 % en Afrique du Sud. Faute d’élasticité de la demande, « la baisse des tarifs n’est pas compensée par la croissance de la consommation », admet André Apété, directeur de cabinet du ministre ivoirien des Télécoms. Conséquence? C’est la fin de l’opulence, y compris pour les principaux groupes comme Maroc Télécom, jusque-là vache à lait de son actionnaire Vivendi. Pour la première fois depuis sa privatisation en 2001, l’opérateur marocain a vu son chiffre d’affaires diminuer (– 2,5 %) en 2011. Quant au sud du Sahara, s’il y reste beaucoup de clients à conquérir, ceux-ci résident souvent loin des grandes villes et ne roulent pas sur l’or. De plus, leur fournir le téléphone coûte cher: faute de raccordement au réseau électrique, les antennes relais doivent être alimentées par des blocs électrogènes… Un tableau sombre, bien loin du discours serein livréauxinvestisseurssurlesplacesdeJohannesburg JEUNE AFRIQUE
BANQUE
DÉCIDEURS
Adel Ben Khaled
DG de Leoni Maroc
BOURSE DE CASA
Des promoteurs bien logés
61
TONY KARUMBA/AFP
Standard Bank se replie… pour mieux se déployer
ou de Paris. « La marge Ebitda [proche de la marge brute d’exploitation, NDLR] utilisée par les groupes dans leur communication financière ne rend que partiellement compte de la réalité, insiste Serge Thiemele. Entre 2009 et 2011, leurs marges nettes ont été divisées par deux. » Inquiétant. D’autant que, dans le même temps, de gros efforts financiers doivent être consentis pour adapter les réseaux à l’arrivée de la 3G (haut débit mobile). « La rentabilité va baisser pour quelques années, car, après avoir été largement réduits pendant trois ou quatre ans, les investissements repartent à la hausse », estime Laurent Viviez, spécialiste des télécoms au sein du cabinet AT Kearney. Fini le temps où la possession de plusieurs licences télécoms était un gage de prospérité. Envolées, les success-stories du Rwandais Miko Rwayitare(fondateurdeTélécel,venduàOrascom), de l’Anglo-Soudanais Mo Ibrahim (fondateur de Celtel, cédé à Zain) ou du Sénégalais Yérim Sow (un JEUNE AFRIQUE
! Avec l’arrivée de l’indien AIRTEL au Kenya, les tarifs se sont effondrés de 50 % en 2010.
temps propriétaire de la licence désormais exploitée par MTN Côte d’Ivoire). Plusieurs « petits » acteurs (Comium, Warid Telecom, Bintel…) cherchent sans succès un repreneur ou un partenaire financier. SUR LA CORDE RAIDE. « Faute de part de marché
Pour la première fois depuis dix ans, Maroc Télécom a vu son chiffre d’affaires diminuer.
conséquente, ces opérateurs n’intéressent pas les géants du secteur », explique Yves Bardèche, associé au sein de la banque d’affaires Linkstone Capital. Sans moyens suffisants, ces groupes, plus nombreux qu’on ne le pense, sont en permanence sur la corde raide. Impossible pour eux d’innover ; leur seule stratégie est d’enchaîner les promotions pour tenter de garder leur clientèle. Résultat : des marges sous pression et une situation comptable dégradée. « Plus d’un tiers des opérateurs présents en Afrique ne gagnent pas d’argent », estime un responsable commercial en poste en Côte d’Ivoire. C’est le cas de compagnies publiques comme Bénin Télécoms ou Camtel ● ● ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Entreprises marchés
19,08
Revenu mensuel par utilisateur (en dollars) 15,51
7,63
14,00
13,00
11,94
11,92
4,52
4,00
-60% Soudan
- 55%
- 45%
10,35
8,67
7,77
7,00
2007 2011
- 69%
- 27%
Ghana Cameroun Cam Rwanda Algérie Rwa
- 62%
4,00
- 61%
9,07 5,45
- 40%
Égypte Oug Ouganda Kenya
(Cameroun), dont les difficultés alimentent la chronique. Beaucoup d’États regrettent sans doute la disparition du colonel Kaddafi, qui, via la Libyan Investment Authority, était venu au secours d’opérateurs historiques au Niger, au Tchad ou au Rwanda. Même constat d’échec au Nigeria, où la compagnie publique Nitel, à l’agonie depuis des années, va être liquidée. Faute d’avoir pris à temps le virage du mobile, elle a accumulé une dette de 1,9 milliard de dollars. Face à ce ralentissement du marché, les pouvoirs publics font évoluer leur politique de régulation. Craignant une baisse de ses recettes fiscales, la RD Congo a imposé des prix planchers aux opérateurs. Conscients qu’ils auraient aussi tout à perdre en jouant la surenchère lors des appels d’offres pour les licences 3G, des gouvernements africains modèrent leurs exigences. La Côte d’Ivoire ●●●
Craignant une baisse de ses recettes fiscales, la RD Congo a imposé des prix planchers.
SOURCE : WIRELESS INTELLIGENCE
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vient d’octroyer le précieux sésame à Moov, MTN et Orange contre trois chèques de 6 milliards de F CFA (9,15 millions d’euros). Une politique plus raisonnable déjà adoptée par le Kenya, le Rwanda et l’Afrique du Sud. Dernier signe de changement de position des États sur le sujet : l’apparition de licences universelles (permettant d’exploiter indifféremment des réseaux 2G, 3G ou 4G) marque la fin de la vente de licences à l’apparition de chaque nouvelle technologie. Après Tunis et Cotonou, Abidjan devrait adopter ce modèle en 2016. NOUVELLES RESSOURCES. Mais si les contraintes
sont réelles, il serait prématuré de s’apitoyer sur le sort du secteur. « Les principaux opérateurs, en dominant les grands marchés, conservent la clientèle la plus rentable et limitent la baisse de leurs marges », souligne Sami Matri, consultant chez Sofrecom, filiale de France Télécom. En outre, il convient de ne pas écarter trop vite la montée en puissance de nouvelles sources de revenus. « Le mobile banking représente déjà 7 % de notre chiffre d’affaires », relève François-Xavier Roger, de Millicom, persuadé qu’à terme cette activité trouvera sa rentabilité. Sans oublier, enfin, l’essor du web et de services comme la télévision par internet ou le cloud computing. La demande va exploser, estime Serge Thiemele. Reste que, sur ce terrain, les opérateurs devront cette fois défendre leur part du gâteau face aux géants des nouvelles technologies que sont Google, Facebook, Microsoft ou IBM. ●
Quand la promo impose ses coûts
Les dépenses de marketing et de distribution sont appelées à augmenter. Pour les opérateurs, il s’agit de fidéliser les abonnés et de les convertir aux nouveaux services liés à internet.
J
usqu’à présent, les opérateurs implantés en Afrique ont limité leurs dépenses liées au marketing et à la distribution. Mais, compétition oblige, ces frais (environ 20 % des dépenses opérationnelles), stables depuis 2009, sont appelés à augmenter, explique Sami Matri, consultant chez Sofrecom. Parmi les explications de cette nouvelle tendance: la nécessité d’accompagner une partie de la clientèle dans son adoption de nouveaux services liés à internet. Pour cela, beaucoup d’opérateurs devraient renforcer leur politique de subvention de smartphones et développer leur réseau commercial pour en contrôler la distribution. Des partenariats N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
pour la fourniture de téléphones premier prix, comme celui liant Millicom au chinois ZTE, devraient permettre de limiter la casse. L’autre cause de la hausse des coûts de marketing tient à l’accumulation de promotions consenties par les opérateurs pour consolider leurs parts de marché. Cette stratégie a un double inconvé-
Au Togo, Moov propose des tarifs à partir de 7 F CFA la minute. nient : elle conduit à une hausse du coût de rétention des abonnés et, par endroits, à une saturation du réseau. Pour contenir ces problèmes, des groupes comme Airtel
ou Atlantique Télécom (marque Moov) ont multiplié ces derniers mois les offres tarifaires en fonction des zones et des heures d’appel. MARQUES LOW COST ? Au Togo,
Moov propose ainsi, dans certaines régions nouvellement couvertes, des tarifs descendant jusqu’à 7 F CFA la minute (0,01 euro) en heures creuses. La formule comporte un bémol : une partie des clients ayant opté pour ces offres bon marché sera difficile à faire migrer vers des formules plus rentables. Pour ces populations à très faible revenu, les opérateurs panafricains pourraient d’ailleurs décider de lancer des marques low cost, estime Sami Matri. ● J.C. JEUNE AFRIQUE
Montant de l’opération 60 Milliards de FCFA
*Pour les résidents en Côte d’Ivoire
Reconstruire ensemble une économie stable et forte, c’est possible. C’est pourquoi le Trésor Public de Côte d’Ivoire lance un emprunt obligataire par appel public à l’épargne dénommé TPCI 6,00 % 2012-2015.
D’un montant de 60 milliards, cet emprunt TPCI est rémunéré à 6 % sur 3 ans. Souscrivez à une épargne sûre et rentable dès maintenant et engagez-vous pour le futur. Opération valable du 23 avril au 22 mai 2012
Avenue Terrasson de Fougères • BP V 98 Abidjan • Tél. : (225) 20 25 38 00 • Fax : (225) 20 21 35 87 • www.tresor.gouv.ci
Cette opération a été identifiée par le Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers (CREPMF) sous le N°EE/12-01
Entreprises marchés MARITIME
Regain d’ambition pour Djibouti
«
C
’est confirmé », affirme Aboubaker Omar Hadi. Le président de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti peut être satisfait : le gouvernement vient de lancer officiellement le projet de constructionduterminalminéralier de Tadjourah, situé de l’autre côté ! ABOUBAKER OMAR HADI, président de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti. du golfe du même nom, en face de la capitale. L’autorité portuaire doit désigner l’entreprise maître d’œuvre unedeuxièmephaseestdéjàprévue 700000 à 15 millions de tonnes les avant la fin du mois, le premier coup pourexporterledoubletroisansplus exportations des ports djiboutiens de pioche étant attendu début juin. tard », confie le président des ports. en cinq ans. Dans le même temps, DANS Avec ce projet estimé à plus de Égalementprévuspourdémarrer Djibouti compte renforcer ses posiL’OMBRE DES CHAMPIONS 53 millions d’euros et financé par le avant l’été, les travaux du port du tions dans les activités de transborAFRICAINS Fonds saoudien de développement Goubet doivent arriver à terme fin dement de conteneurs, dont il est (Trafic de etleFondsarabepourledéveloppe2013, pour permettre l’exportation déjà un champion africain depuis conteneurs, ment économique et social, le prinde 4,5 millions de tonnes par an de l’ouverture de Doraleh en 2009. Près en millions cipal port de la Corne de l’Afrique sel extraites du lac Assal. Direction des deux tiers des 703617 équivad’équivalents reprendsamarcheenavant,démarla Chine et le Japon, dont les imporlents vingt pieds (EVP, environ vingt pieds, rée en 2005. Après la création d’un tateurs prendront en 38,5 m3) manutentionnés en 2011 en 2010) nouveau terminal pétrolier, d’une charge les 42 milsur ce terminal en eau profonde zonefrancheportuaireetduterminal n’ont fait qu’y transiter avant d’être lions d’euros nécesMAROC à conteneurs de Doraleh, Djibouti Tanger : 2,058 saires à sa réalisation. redistribués vers les ports de la mer a rongé son frein entre 2008 et 2009 Toujours pour le marRouge ou de l’océan Indien, jusqu’à pour cause de crise économique ché chinois, le terminal Durban (Afrique du Sud). ÉGYPTE mondiale,avantdepouvoirressortir gazier de Koubado doit être livré Sous la baguette de l’émirati Port-Saïd : 3,475 des cartons ses multiples projets. dansmoinsdetroisans,pourprèsde DP World, l’activité du terminal est Damiette : 1,096 « Ce sont les clients qui viennent 2milliardsd’euros,gazoducetusine en hausse constante et devrait pernousdémarcher»,insisteAboubaker de liquéfaction compris. Il devrait mettreàDjiboutidefairecetteannée DJIBOUTI 0,704 Omar Hadi, comme pour justifier exporter10millionsdemètrescubes sonentréedansleclubtrèsfermédes (2011) les 3,4 milliards d’euros d’investisde gaz éthiopien par an. ports africains dépassant le million sements prévus dans les cinq ans. Le projet du quai de Damerjog, de boîtes par an (voir infographie). du côté du golfe d’Aden, prévu pour « Nous n’avons qu’à nous féliciter de ACTIVITÉS NOUVELLES. Cinq nouexporterchaqueannéeplusde5mill’arrivée de DP World. Un tel opéraveaux terminaux doivent voir le jour lions de têtes de bétail d’Éthiopie et teur donne confiance au marché », d’icià2017,tousliésàl’arrivéed’actide Somalie vers les pays du Golfe assure Aboubaker Omar Hadi. Avec vités nouvelles. Celui de Tadjourah, et du Maghreb, est bien avancé. l’extension déjà programmée de équipé d’un linéaire de 500 m de Tandis que celui du terminal pétroDoraleh (pour porter sa capacité à long avec deux postes à quai, doit lier destiné à recevoir la production 3 millions d’EVP par an), Djibouti, être réceptionné en 2014. Il expordu Soudan du Sud doit compter dont l’activité portuaire pèse déjà tera près de 4 millions de tonnes aveclaconcurrencedePort-Soudan 65 % du PIB, a toutes les chances AFRIQUE par an de potasse en provenance (Soudan) et de Mombasa (Kenya). de devenir le « hub incontournable DU SUD L’arrivée, plus ou moins acquise, entre l’Europe et l’Asie » dont rêve le de l’Afar éthiopien. « Les compaDurban : 2,529 gnies minières sont en action, et decesinstallationsvafairebondirde patron des ports. ● OLIVIER CASLIN N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
VINCENT FOURNIER/J.A.
Avec cinq nouveaux terminaux dédiés au pétrole, au gaz, au sel, au bétail et à la potasse, le port prendra une nouvelle dimension d’ici à 2017.
SOURCE : AAPA
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Entreprises marchés NOUVELLES TECHNOLOGIES
Assurance antifraude Le français Prooftag réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires en Afrique, grâce à une innovation qui garantit l’authenticité des documents.
Q
uel lien existe-t-il entre les procès-verbaux établis par chaque bureau de vote lors de l’élection présidentielle en Guinée fin 2010, les diplômes remis en Côte d’Ivoire, les documents fiscaux utilisés par les douanes burkinabè et les titres de propriété délivrés par les municipalités de Cotonou, Porto-Novo et Adjara(Bénin)?Réponse:lesystème antifalsificationélaboréparProoftag, une jeune PME française.
Cette technologie, destinée à déjouer la contrefaçon et baptisée Code à bulles, se compose d’une bande de film plastique dans laquelle sont emprisonnées de manière aléatoire de minuscules bulles d’air. Découpé et déposé comme un scellé sur le document, le film en assure l’authenticité. Les documents (ou les références de produits de consommation : vin, joaillerie, cosmétiques…) sont numérisés puis stockés dans des bases de données avec le numéro d’identification de chaque scellé, unique et impossible à reproduire. Le coût? De un à quelques dizaines de centimes d’euro par document. T O U R N A N T. Né en 2004 à Montauban (sud-ouest de la France),Prooftagemploie35salariés
Partager g le sourire e de millions de planteurs planteu urs En tant que leader international et Chef de file mondial dans la gestion de la « Supply Chain », Olam a engagé des partenariats avec les planteurs en Afrique et dans les pays émergents. Nous nous basons sur notre Charte de Développement Durable « Livehood Charter » pour créer un partenariat gagnant avec les planteurs, basé sur la transparence et la confiance. Nous
renforçons les capacités des planteurs en mettant à leur disposition du financement de campagne, en leur fournissant des formations d’outils et des techniques pour améliorer les rendements et la qualité des récoltes et en les mettant en relation avec les principaux marchés mondiaux. Au travers de ces démarches, Olam a contribué à l’amélioration des revenus de plus de 1,5 million d’agriculteurs en Afrique en apportant à nouveau le sourire sur le visage de ceux qui en ont le plus besoin.
Olam est présent en :
Afrique du Sud, Algérie, Angola, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Liberia, Mozambique, Nigeria, Soudan, Tanzanie, Togo, Uganda, Zambie, Zimbabwe. Olam International Limited
9, Temasek Boulevard #11-02, Suntec Tower 2, Singapore 038989 Tel: (65) 63394100 - Fax: (65) 63399755
www.olamonline.com
! LE CODE un scellé dont l’unicité est garantie par la répartition aléatoire des bulles qu’il renferme. À BULLES,
etréaliselamoitiédesonchiffred’affaires (plus de 1,2 million d’euros) sur le continent. Sa maison mère, Novatec (20 % du capital), a levé 8 millions d’eurosen2011pour lui permettre de se déployer à l’international. « L’Afrique est à un tournant. Pour assurer son développement économique, elle a besoin de se sécuriser soit en créant des administrations pléthoriques, soit en adoptant de nouvelles technologies », assure FrancisBourrières,PDGdeProoftag. C’est avec l’appui de JacquesPhilippeGouthon,unexpert-comptable qui a fondé l’Office béninois d’authentification et anticontrefaçon (Obac), que la PME française s’est développée au Bénin, où près de 100 documents administratifs sont certifiés chaque jour. Et ce n’est qu’un début. ● JEAN-MICHEL MEYER
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Entreprises marchés la distribution. Nos agents ont été agressés par des manifestants, des protestataires, des citoyens en colère. Si ce genre d’incidents a baissé, il y en a toujours, plus d’un an après la révolution. »
TUNISIE
La Steg en phase de transition Alors qu’elle fête ses 50 ans, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz doit s’adapter à la nouvelle donne postrévolutionnaire. Le groupe public, qui n’a pas failli pendant le Printemps arabe, fait aujourd’hui face à la grogne des usagers et à une concurrence plus ouverte.
ONS ABID POUR J.A.
SOUBRESAUTS. Malgré ces condi-
S
i les festivités liées au cinquantenaire de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg, créée le 3 avril 1962), commémoré tout au long de l’année, se font dans la discrétion, le lyrisme révolutionnaire reste de mise. « À aucun moment notre révolution n’a été privée de lumière. Aucune rupture de courant n’a eu lieu. Ni le couvre-feu ni les snipers n’ont empêché nos agents d’intervenir pour assurer la continuité du service public », assure Sassi Bedhiaf, secrétaire général de la Fédération générale de l’électricité et du gaz. Un résultat rendu possible grâce à la mobilisation de l’ensemble du personnel. « La Steg s’est mise d’emblée au service de la révolution », confirme Mohamed Néjib Hellal, directeur de la production et du transport d’électricité. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Comme cela a été le cas dans d’autres services publics – l’eau ou le téléphone –, le principal opérateur tunisien dans l’énergie est resté opérationnel pendant la révolution, malgré l’instabilité sociopolitique et une hostilité à l’égard de ses équipes. « Nous étions perçus comme une émanation de l’État, un État qu’incarnait le régime précédent, témoigne Mohamed Ammar, directeur de
! UN CHEF DE QUART
devant la centrale de La Goulette (à l’est de Tunis).
DERRIÈRE SON GRAND FRÈRE MAROCAIN Steg
tions difficiles, la Steg a poursuivi son plan de développement. La puissance installée est ainsi passée de 3 010 à 3 526 mégawatts entre 2010 et 2011, grâce à 24 sites de production alimentés à 82 % par du gaz naturel (l’État subventionne l’achat du combustible, soit 560 millions d’euros en 2011). Au cours de la même période, le nombre de clients a augmenté de 3,1 millions à 3,3 millions de foyers, soit la plus forte variation au cours des cinq dernières années, et le réseau de gaz naturel a connu lui aussi une extension, avec 600 000 clients raccordés en 2011, contre 537 000 en 2010. Toutefois, la transition démocratique du pays ne s’est pas faite sans soubresauts. Depuis 2002, le groupe était dirigé par Othman Ben Arfa, dans la maison depuis quarante-deux ans. Pour certains, il a façonné la Steg, formé ses ressources humaines, diversifié les technologies de production (turbines à gaz, cycle combiné, solaire, éolien…). Mais après la chute du régime, une partie du personnel a repris le slogan alors à la mode : « Dégage ! » Limogé le 21 février 2011, il a été remplacé le 8 mars suivant par Mohamed Ridha Ben Mosbah (lire interview p. 67). Un passage de témoin qui s’est déroulé « dans une ambiance délétère », se souvient Sassi Bedhiaf. COLLECTEUR D’IMPÔTS. La dis-
ONE
3 526
Puissance installée (mégawatts)
6 343
11 902
Production d’électricité (gigawattheures)
22 851
3,3 millions
Nombre d’abonnés (électricité)
4,3 millions
1,2 milliard
Chiffre d’affaires 2011 (euros)
2 milliards
SOURCES : STEG, ONE
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ponibilité de la Steg pendant la crise est-elle récompensée ? « Ni par l’État, notre propriétaire, ni par les citoyens, nos clients », déplore le syndicaliste. Car le groupe public, collecteur d’impôts pour le compte de l’État (redevance radio-télévision et taxe municipale sont intégrées dans la facture de la Steg, soit un total de 190 millions d’euros en 2011), n’est pas toujours bien perçu par la population. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
INTERVIEW
que rencontrent les opérateurs économiques et de la dégradation du pouvoir d’achat des citoyens, reconnaît Mohamed Néjib Hellal. C’est pourquoi nous avons conclu des accords avec nos clients pour établir des échéanciers et rendre plus supportables ces créances. » SUR LA TOUCHE ? Autre source
d’inquiétude, la privatisation possible du projet Gaz du Sud, un site d’exploitation d’une partie du gisement algérien d’El-Borma, impliquant plusieurs partenaires, dont l’algérien Sonatrach, pour 400 millions d’euros d’investissements.
CHIFFRE D’AFFAIRES EN HAUSSE (en milliards d’euros) 1,04
1,19
1,23
STEG 0,96
2008 09 10
11
SOURCE : STEG
Direction et syndicat demandent au gouvernement de supprimer cette mission, qui complique les rapports de l’entreprise avec les usagers, furieux de payer si cher l’électricité. Refus obstiné du gouvernement de Hamadi Jebali, qui invoque d’autres priorités. Ce qui n’arrange rien à la multiplication des actes d’incivilité: vols de câbles neutralisant le réseau de distribution, dégradation d’équipements par des manifestants, blocage des accès aux sites de production, refus de procéder au règlement de la facture… « Nous sommes conscients des difficultés
Selon les syndicats, le coût élevé du projet aurait incité le gouvernement à trouver un partenaire étranger aux reins plus solides que la Steg. Par ailleurs, il révise le Plan solaire tunisien, qui doit doter le pays de 1 000 mégawatts supplémentaires d’ici à 2016. Jusque-là chef de file dans le solaire et l’éolien tunisiens, la filiale du groupe dans les énergies renouvelables, Steg-ER, pourrait là aussi être amenée à laisser davantage d’espace à des investisseurs espagnols, allemands ou américains (Gamesa, General Electric…). ● CHERIF OUAZANI, envoyé spécial à Tunis
Mohamed Ridha Ben Mosbah
PDG
DE LA
S TEG
« Nous sommes mobilisés en permanence » Souplesse dans le recouvrement des impayés, lancement de nouveaux sites de production… Le patron de l’entreprise souligne les efforts du groupe pour mieux satisfaire la population.
A
ONS ABID POUR J.A.
ncien ministre du Commerce et exPDG de deux fleurons de l’industrie tunisienne, le Groupe chimique tunisien et la Compagnie des phosphates de Gafsa, Mohamed Ridha Ben Mosbah, 58 ans, a été nommé à la tête de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) le 8 mars 2011.
excédé cinq jours. Nous faisons preuve de plus de souplesse pour les impayés et sommes conscients de la délicatesse de la conjoncture économique. Nos clients ayant des difficultés financières, entreprises ou particuliers, bénéficient ainsi d’un échéancier pour le règlement de leur facture.
Quel a été l’impact de la révoJEUNE AFRIQUE : Votre nomilution sur la Steg ? nation est intervenue dans un Nos sites de production et de ! Ex-PDG du GROUPE CHIMIQUE TUNISIEN et de la COMPAGNIE climat révolutionnaire. Dans transport d’électricité n’ont pas DES PHOSPHATES DE GAFSA, il a été nommé le 8 mars 2011. quel état avez-vous trouvé beaucoupsouffert.Enrevanche, la Steg ? le montant des impayés est MOHAMED RIDHA BEN MOSBAH: Dans On nous a collé toutes les vicissitudes passé de 150 millions de dinars [74 mil-
une situation de traumatisme née des circonstancesdramatiquesdudépartdemon prédécesseur, Othman Ben Arfa, difficile à remplacer après quarante-deux années de présence dans le groupe. Ma première urgence fut d’opérer une « réconciliation psychologique ». L’accent a été mis sur la communication interne. Mon staff et moi avons sillonné toutes les régions du pays, visité toutes nos installations et sites. La thérapie a été efficace. Comment expliquez-vous votre mauvaise image auprès de l’opinion ? JEUNE AFRIQUE
de l’ancien régime car une disposition nous contraint de prélever une partie de la fiscalité, la taxe municipale et la redevanceradio-télévision,àtraverslesfactures d’électricité. Celles-ci s’en trouvent alourdies pour les foyers. C’est fâcheux pour notre image. Nous essayons de rebondir en montrant à nos usagers notre mobilisation permanente à leur service. Un exemple ? Au cours de la vague de froid qui a frappé le nord-ouest du pays, en mars, seuls 7000 abonnés ont été touchés par une rupture de la distribution et, pour les cas les plus difficiles, la panne n’a pas
lions d’euros] en 2010 à 385 millions en 2011. Cela représente plus de 15 % de notre chiffre d’affaires. Toutefois, cette situation ne menace pas l’équilibre financier du groupe et n’obère nullement notre plan de développement. Au cours de l’an un de la révolution, non seulement nous avons assuré la distribution de nos produits dans des conditions optimales, mais nous avons procédé au démarrage d’une nouvelle centrale de 400 mégawatts à Ghannouche et inauguré plusieurs sites de production d’énergie éolienne. ● Propos recueillis par CH.O. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Entreprises marchés ! L’établissement est présent dans 17 PAYS AFRICAINS (ici au Cap, en Afrique du Sud).
FRANÇOIS REGLAIN/ASK IMAGES
BANQUE
Standard Bank se replie… pour mieux se déployer Fini les aventures en Argentine et en Russie. Le groupe sud-africain se recentre sur l’Afrique. Et pour donner un coup de fouet à son développement, il va recruter entre 3 000 et 4 000 employés en deux ans.
L
e sud-africain Standard Bank est en pleine campagne de recrutement. Après des tentatives infructueuses d’implantation en Russie et en Argentine, le premier groupe bancaire africain (157 milliards d’euros de total de bilan en 2011, près de 51000 salariés) recentre ses opérations de développement sur le continent, où il s’est fixé l’objectif ambitieux d’embaucher de 3 000 à 4 000 nouveaux salariés dans les deux ans à venir. Déjà présent dans 17 pays (principalementanglophones),Standard Bank a ouvert à Ajao Estate(Nigeria) sa 500e agence sur le continent (hors Afrique du Sud). Et sa filiale Stanbic Bank Uganda vient de faire signer le 2500000e client du groupe. En 2011, le nombre des clients a augmenté de 10 % dans ses filiales subsahariennes, contre une progression de 5 % sur son marché domestique. Dans le même temps, le produit net bancaire de ces filiales a grimpé de 17 % (près de 500 millions d’euros), contre 7 % en Afrique du Sud. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
580 millions d’euros qui sera largement consacré à accroître ses activités africaines. Les capitaux russes ont déjà été rapatriés en Afrique du Sud, tandis que les derniers obstacles pour relocaliser ceux de la cession argentine seront levés d’ici à la fin avril. Par ailleurs, le 10 avril, le groupe a annoncé avoir réduit sa participation de 65 % à 25 % dans sa filiale turque Standard Unlu, mais sans dévoiler le montant de la transaction. Cette manne a permis au groupe d’investir 85 millions d’euros dans ses filiales subsahariennes en 2011, alors que, jusque-là, son développement hors de ses bases reposait avant tout sur une croissance organique (ce qui ne l’empêchait pas de regarder toutes les opportunités d’acquisition de groupes de dimension panafricaine). « L’an dernier, nous avons augmenté le capital de nos filiales au Mozambique, en Zambie et au Ghana. Cette année, nous allons le faire au Kenya, en Tanzanie,àMaurice,enAngolaetde nouveau en Zambie et au Ghana », rappelle Ben Kruger, l’un des deux directeurs généraux de la banque.
« Pour tous ceux qui comptent sérieusement profiter des opportunités de croissance en Afrique, il n’y a pas d’autre voie que de se positionner sur les marchés clés, justifie Jacko Maree, le PDG. Nous CONCURRENCE ACHARNÉE. Et avons investi régulièrement depuis l’Afrique francophone ? « Nous vingt ans en Afrique, cette expéaimerions bien nous y déveloprience nous aide beaucoup pour per », explique-t-il. Las, seul vérinous y déployer de la meilleure table fait d’armes pour Standard Bank l’an passé dans cette zone : des manières. » Mais c’est aussi sous l’impulsion de son principal avoir conseillé le gouvernement actionnaire, le chinois Industrial sénégalais dans l’émission d’un and Commercial Bank of China emprunt obligataire de près de (20,1 % du capital), et grâce à un important Meilleur à l’extérieur qu’à domicile « trésor de guerre » que le groupe ban(Évolution entre 2010 et 2011) caire peut dynamiser aujourd’hui sa stratéAfrique du Sud gie de développement Reste de l’Afrique sur le continent. En 2011, Standard Bank a ainsi cédé ses participations dans Standard Bank Argentina et Troika D i a l o g ( Ru s s i e ) , Produit net bancaire Total des prêts Total des dépôts pour un montant de
+50%
+7%
+17%
+8%
+38 %
+11%
SOURCE : STANDARD BANK
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JEUNE AFRIQUE
Coulisses
L’institution vient de réduire de 65 % à 25 % sa participation dans sa filiale turque. rant une économie de 50 millions d’euros pour ses clients, Standard Bank a alimenté une rumeur dans le milieu bancaire sud-africain qui lui attribuait la volonté de lancer une guerre des prix dans le pays. L’autorité de régulation du marché s’est saisie du sujet. Ce sont les bons résultats enregistrés par les banques en 2011 qui ont permis cette offensive commerciale de réduction des coûts. Selon une étude du cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC), le revenu cumulé des quatre premières banques du pays (Standard Bank, FirstRand, Absa et Nedbank) a progressé de 3 milliards d’euros au second semestre 2011 (+ 8,4 %) par rapport à la même période en 2010. « C’est sous la pression politique que les établissements sont poussés à offrir des coûts bancaires plus abordables », explique Tom Winterboer, consultant chez PwC Afrique du Sud. « Ce n’est pas une guerre des prix, explique Ben Kruger. Nous avons un modèle de développement durable qui couvre nos coûts de structures et qui bénéficie à nos clients. Cela répond à la demande des consommateurs et augmentera notre compétitivité sur notre marché domestique. » Reste à voir si Standard Bank exportera aussi ce modèle dans le reste de l’Afrique. ● GEMMA WARE, envoyée spéciale à Johannesburg JEUNE AFRIQUE
marchés
! Base de stockage de DEMIMPEX, à Anvers (Belgique).
DEMIMPEX
400 millions d’euros. C’est tout… pour le moment. Car les concurrents sud-africains accélèrent aussi leur stratégie panafricaine. First National Bank vient ainsi d’annoncer son intention d’investir 190 millions d’euros dans des opérations en Afrique dans les douze prochains mois. Les banques sud-africaines vontelles déplacer leur concurrence acharnée hors des frontières nationales ? En annonçant l’an passé sa décision de réduire de 50 % ses frais sur les opérations bancaires, géné-
Entreprises
AUTOMOBILE OPTORG ET SDA JOIGNENT LEURS FORCES Annoncé en janvier 2011, le rapprochement des filiales de distribution automobile du marocain Optorg (Tractafric, Africauto…) et du belge SDA (Demimpex, ATC, AMC…) a abouti mi-avril. L’alliance entre les numéros deux et trois du secteur en
S
M
S
Afrique francophone a donné naissance à Tractafric Motors Corporation. En 2012, le nouvel ensemble espère écouler 16 500 voitures neuves, pour 570 millions d’euros de chiffre d’affaires. Un volume d’activité qui reste bien au-dessous de celui du leader CFAO, lequel vend trois fois plus de véhicules au Maghreb et en Afrique subsaharienne francophone. C’est justement un ancien du groupe français, Serge Gurvil, qui pilote depuis Bruxelles la nouvelle entité, filiale à 60 % d’Optorg et à 40 % de SDA. Elle bénéficiera notamment de plateformes logistiques performantes à Anvers et Dubaï. ●
• EMPRUNT L’État ivoirien a lancé jusqu’au 22 mai un emprunt obligataire de 90 M€ (6 % par an sur 3 ans) pour financer des infrastructures • LUXE L’italien Zegna (1,13 G$ de CA) a programmé l’ouverture de ses 1ers magasins africains au Maroc et au Nigeria • BANQUE La Société tunisienne de banque annonce
un doublement de son capital, à 124 M€ • MINES Le sud-africain Alufer investit 450 M$ dans l’exploitation du gisement de fer de Bel Air (Guinée) qui débutera en 2014 • MINES (2) Rio Tinto et Chinalco ont finalisé le 25 avril la création d’une coentreprise pour exploiter le gisement de fer guinéen du Simandou
TUNISIE PERTES POUR TUNISAIR Tunisair vient seulement de publier ses résultats du premier semestre 2011. La compagnie affiche un déficit net de 57,5 millions d’euros. Le premier trimestre 2012 présente un meilleur profil, avec une reprise du trafic passagers (+ 10,7 % sur un an). Mais, à la veille de la reprise des négociations avec l’Union européenne sur l’ouverture à la concurrence du ciel tunisien et l’arrivée àTunis deTransavia, la filiale low cost d’Air France, l’avenir de l’entreprise reste incertain. ● ZIMBABWE OLAM MISE SUR LE COTON Le singapourien Olam négocie l’acquisition de 49 % de la plus grande société de coton du Zimbabwe, Aico Africa, pour un coût estimé à 38 millions d’euros. Coté au Zimbabwe
Stock Exchange, Aico détient 100 % de Cottco (neuf usines d’égrenage d’une capacité totale de 265000 tonnes de coton-graine par an), 75 % de la filature Scottco (7,5 t de fil à tricoter par jour) et 51,21 % de Seed Co, qui produit et commercialise du maïs hybride, du soja, du blé, du coton, etc. ● TOGO NOUVELLE CIMENTERIE L’allemand HeidelbergCement vient de démarrer la construction d’une cimenterie, ScanTogo-Mines, à 90 km de Lomé: un investissement de 200 millions d’euros. Le gisement de calcaire de la région est évalué à 175 millions de tonnes. Chaque jour, 5000 t de clinker sortiront de cette usine qui sera achevée dans vingt-sept mois. À la clé, la création d’un millier d’emplois et l’apport de 30,5 millions d’euros de recette annuelle pour le budget togolais. ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Décideurs
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AUTOMOBILE
Adel Ben Khaled
D IRECTEUR
GÉNÉRAL DE
L EONI M AROC
« Les constructeurs allemands s’intéressent de plus en plus au Maroc » marché d’abord en raison de notre expérience positive de fournisseur pour la Logan, tant à Casablanca qu’en Roumanie. Renault avait confiance dans notre capacité à respecter nos engagements. Les économies d’échelle nous ont permis d’être compétitifs sur le plan des coûts. C’est notre usine d’Aïn Sebaa qui est chargée de cette production.
Spécialiste des câbles électriques, le groupe de Nuremberg vient d’inaugurer sa huitième usine dans le royaume. Située à Berrechid, elle emploiera 2 500 salariés d’ici à 2014.
LEONI
L’année 2011 a été mouvementée en Afrique du Nord… Comment l’avez-vous vécu ?
L
’
équipementier allemand Leoni continue son expansion en Afrique du Nord, où il compte 25 000 salariés (60 750 dans le monde). Implanté dès 1977 en Tunisie, le fabricant de câbles électriques, leader en Europe et quatrième dans le monde, mise aussi sur le Maroc, où il vient d’inaugurer sa huitième usine, pour fournir les usines automobiles de l’Europe du Sud-Ouest. Aujourd’hui, il profite du démarrage de Renault Tanger Med. Aux manettes depuis 2009, Adel Ben Khaled, ingénieur de 47 ans né à Zaghouan (Tunisie) et formé à Karlsruhe (Allemagne), veut faire progresser de 15 % les ventes de la filiale cette année. JEUNE AFRIQUE : Quel est l’objectif de votre nouvelle usine de Berrechid, inaugurée le 19 avril ? ADEL BEN KHALED: Cetteimplan-
tation est entièrement destinée aux équipementiers, qui s’installent en nombre au Maroc et ont besoin de N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
nos produits. Nous l’avons conçue comme un regroupement de miniusines, chacune étant dévolue à un client spécifique : Siemens, Valeo, Faurecia, Plastic Omnium… D’ici à 2014, Berrechid devrait compter 2 500 salariés travaillant pour une dizaine d’équipementiers. En Allemagne, comment sont perçues ces implantations à l’étranger ?
Il n’y a pas de polémique sur ce sujet: nos salariés allemands comprennent la nécessité d’une combinaison entre un service commercial et d’ingénierie en Allemagne et des centres de production compétitifs.
Leoni fournit le câblage du monospace Lodgy, le premier véhicule fabriqué par Renault Tanger Med. La compétition a-t-elle été rude ?
Nous sommes fiers d’avoir été sélectionnés, alors que le Maroc compte de grands concurrents comme Sumitomo, Yazaki ou Fujikura. Nous avons gagné ce
Leoni Maroc en chiffres IMPLANTATION
8
usines EFFECTIF
9 000 salariés CA 2011
250
millions d’euros
En Tunisie et en Égypte, où Leoni compte respectivement 13 000 et 4 000 employés, le groupe n’a pas réduit la voilure, contrairement à certains concurrents. Malgré la crise, nous avons prouvé à nos clients européens que nous étions capables de livrer dans les temps, quitte à vendre parfois à perte pour garder leur confiance. Aujourd’hui, nous espérons que ces pays sortiront vite de ces situations politiques transitoires. Le Maroc en a-t-il profité pour prendre des parts de marché à la Tunisie dans le secteur automobile ?
Même au sein de Leoni, les entités d’Afrique du Nord sont en concurrence. Mais à cause de l’approvisionnement en « juste à temps », la proximité géographique est essentielle. Pour cette raison, le Maroc fournit surtout l’Espagne, le Portugal et la France, tandis que la Tunisie vise davantage l’Allemagne et l’Europe orientale. Néanmoins, ces derniers mois, il y a un regain d’intérêt des constructeurs et équipementiers allemands pour le Maroc, notamment à cause du facteur politique. Certains d’entre eux songent à s’y installer. ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
Décideurs Commelademandeestdifférente,il est impossible de fournir le marché uniquement avec les produits classiques de Sanofi (antipaludiques, antiparasitaires, antibiotiques, antiinflammatoires…), qui est aussi l’un des principaux fabricants mondiaux de vaccins (vingt maladies infectieuses traitées). Il développe donc depuis janvier un portefeuille de génériques à prix différenciés. Outre les maladies infectieuses (paludisme, sida, tuberculose), ce projet, qui s’étend jusqu’en 2015, cible les maladies non transmissibles telles que l’hypertension et le diabète, devenus des fléaux sur le continent.
INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
William Kouadio-Tiacoh prend soin du continent Directeur général de la zone Afrique centrale chez Sanofi, le pharmacien franco-ivoirien décline la stratégie du géant français dans douze pays.
É
CARRIÈRE. Pharmacien de for-
SANOFI
radiquer la maladie du sommeil d’ici à 2020. L’objectif réunit le groupe pharmaceutique Sanofi et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et doit déboucher sur l’élaboration d’un vaccin. L’une des premières phases s’est déroulée au Tchad en avril, via une mission de dépistage de porteurs du parasite. Patron depuis 2010 de la zone Afrique centrale de Sanofi (Cameroun, Congo, Gabon, RD Congo, Madagascar, Tchad, Djibouti, Burundi, Rwanda, Centrafrique, Comores et Guinée équatoriale), William KouadioTiacohestconcernéaupremierchef par ce combat : la maladie frappe – outre le Tchad – le Cameroun, le GabonetlaRDCongo.Lafilialequ’il préside réalise un chiffre d’affaires de 37 millions d’euros, dont 29 millions dans le secteur privé.
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À 42 ANS, il a fait toute sa carrière au sein du groupe.
Installé à Douala, ce FrancoIvoirien de 42 ans met aussi en place, avec son équipe d’une centaine de personnes, la nouvelle stratégie du groupe sur le continent, lancée en 2011 pour cinq ans. Elle consiste, en menant des études cliniques avec l’appui de chercheurs locaux, à améliorer l’accès aux médicaments et à adapter l’offre.
mation, William Kouadio-Tiacoh a rejoint Sanofi en 1997, après des études de commerce à Nantes. Entré en tant que stagiaire, il a fait toute sa carrière au sein du groupe entre la France et le continent. En 2007, il prend en Afrique du Sud la tête de la direction marketing et business support pour la zone « Central East Africa », qui regroupait alors l’Afrique centrale et les pays anglophones hors Afrique du Sud. Lorsque cette division éclate, en 2010, il hérite de la partie francophone, qu’il dirige toujours. « À la fin des années 1990, la plupart des laboratoires s’étaient désinvestis de l’Afrique, à l’inverse de Sanofi et d’Aventis », explique-t-il. Bon diagnostic. ● JUSTINE SPIEGEL
GÉRALD COLLANGE AFD Le directeur adjoint de la division Afrique de l’Agence française de développement depuis quatre ans a été nommé directeur de l’agence d’Abidjan. Âgé de 57 ans, il prendra officiellement ses fonctions le 24 avril. JEUNE AFRIQUE
CHARLES KADER GOORÉ OCIPED Président de CKG Holding, l’Ivoirien a été nommé par le sultanat d’Oman représentant du Centre omanais pour la promotion des investissements et le développement des exportations en Afrique de l’Ouest.
SAÏD MOUDAFI BIMO C’est le nouveau PDG de la Biscuiterie industrielle du Moghreb, leader du secteur au Maroc et filiale à 51 % de l’américain Kraft Foods. Il dirigeait jusque-là la Fromagerie des Doukkala, au sein du groupe Centrale laitière. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
AFD ; V. FOURNIER/J.A. ; DR
ON EN PARLE
Marchés financiers BOURSE DE CASABLANCA
Des promoteurs bien logés
’
N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
! LES HABITATIONS DE MOYEN STANDING (ici à Rabat) ont représenté 58 % du chiffre d’affaires du secteur en 2011.
Prévisions de CFG Group
,7 %
Cours (au 25 avril) et évolution potentielle en 2012
+ 104
Le numéro trois du marché, encore absent de ce créneau en 2010, devra livrer ses premiers appartements sociaux cette année. Son patron, Mohamed Ali Ghannam, compte même tirer environ 33 % de son chiffre d’affaires de cette activité. Au total, le groupe prévoit pour les dix prochaines années la construction de 100 000 logements sociaux, une offensive qui devrait lui permettre d’accroître sa rentabilité économique. De 5,2 % en 2011, celle-ci est nettement loin derrière celles d’Addoha et d’Alliances, dont les retours sur investissement étaient respectivement de 11,2 % et 11,4 %. « L’important retard dans la réalisation et la livraison de plusieurs projets a pénalisé le groupe », explique Fayçal Allouch, analyste chez CFG Group, dans une étude récente. De fait, la baisse de 44 % du cours de la valeur en 2011 devrait se poursuivre cette année, mais dans une moindre mesure. Toutefois, CFG Group et d’autres intermédiaires boursiers comme BMCE Capital Bourse recommandent de
Addoha 63,50 dirhams
%
CGI, « À CONSERVER »
+ 8,2
il est un secteur qui ne connaît pas la crise à la Bourse de Casablanca, c’est bien celui de l’immobilier. Après un excellent exercice 2011, une autre bonne année se profile pour les principaux promoteurs marocains. Addoha, le leader, devrait ainsi enregistrer, selon les prévisions de CFG Group, une hausse de son chiffre d’affaires de 18,6 % sur un an, à environ 11 milliards de dirhams (980 millions d’euros), tandis que ses concurrents Alliances et Compagnie générale immobilière (CGI) verront les leurs progresser respectivement de 16 % (5 milliards de dirhams) et de 49 % (près de 4 milliards). Pour l’ensemble de ces trois entreprises cotées sur le marché principal de la Place de Casablanca, cela correspond à un chiffre d’affaires global de quelque 20 milliards de dirhams, contre un peu plus de 16 milliards il y a un an. Certes, les livraisons dans le résidentiel de haut standing devraient maintenir un bon rythme, mais c’est surtout le logement social et intermédiaire, dont la demande est sans cesse croissante, qui dopera les bonnes performances du secteur cette année. En 2011 déjà, ce créneau a contribué pour environ 58 % aux revenus du secteur (50 % en 2010). Cette tendance devrait se poursuivre cette année, avec l’accélération de nombreux projets.
Alliances
719 dirhams
CGI
720 dirhams
%
S
THOMAS KOEHLER/PHOTOTHEK.NET
L’année 2011 a été difficile sur la Place marocaine, mais les valeurs immobilières ont affiché de belles performances commerciales. En 2012, elles devraient tirer profit du créneau du logement social et intermédiaire.
– 14,3
72
« conserver le titre ». Pour accélérer son rythme de production et rattraper son retard sur ses concurrents, le groupe prévoit en effet de mobiliser dès cette année un budget d’investissement de 5 milliards de dirhams. ADDOHA, AU TOP DE LA CONFIANCE
Addoha reste la valeur la plus rentable du secteur. Le groupe, qui a livré 28 162 logements sociaux en 2011, tire pleinement profit de la bonne santé de ce segment sur lequel il s’est stratégiquement positionné (lire aussi p. 91). « Nous restons confiants quant au potentiel de croissance des revenus et des marges du groupe, écrit l’analyste de CFG Group. Sa grande capacité de production de logements sociaux et intermédiaires et l’accélération de ses livraisons dans le haut standing devraient soutenir sa croissance. Le groupe semble d’ailleurs avoir déjà sécurisé des revenus pour les trois à quatre prochaines années. » Fin 2011, les préventes du groupe atteignaient 18,4 milliards de dirhams. JEUNE AFRIQUE
Baromètre Avec un chiffre d’affaires de 9,3 milliards de dirhams pour un bénéfice net de 1,8 milliard, Addoha a été le plus gros contributeur du secteur. De plus, les fondamentaux du groupe, qui prépare son expansion en Afrique subsaharienne – notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire –, sont plutôt solides. Il a réduit son niveau d’endettement (84 % du chiffre d’affaires en 2011, contre 100 %
Les livraisons dans le résidentiel haut de gamme devraient également maintenir un bon rythme. pour le secteur) grâce à l’augmentation réussie de son capital, de 3 milliards de dirhams, réalisée en 2010. Conséquence: les prévisions tablent sur un doublement de la valeur de son cours. OPINION POSITIVE SUR ALLIANCES
Le numéro deux du marché est aussi une valeur immobilière qui progressera en 2012. Les analystes prévoient une augmentation de son cours d’environ 8 % sur un an. « Même si ce potentiel de croissance est inférieur à celui d’Addoha, nous maintenons notre opinion positive sur ce groupe qui a réussi sa diversification », indique CFG Group. Autrefois spécialisé dans les produits « golfiques » (résidences de luxe et parcours de golf ), dont la demande est en baisse, Alliances a choisi en 2010 de promouvoir l’habitat social et intermédiaire. Résultat, ce segment, qui a contribué à hauteur de 65 % aux revenus consolidés du groupe en 2011, devrait continuer à soutenir sa croissance entre 2012 et 2013. Par ailleurs, le pôle golfique, qui génère d’importantes marges, devrait pouvoir livrer quelques biens dans les trois prochaines années. Parmi ceux-ci, des projets résidentiels de Casablanca (Allées marines, Espace des arts et Villas des prés) et de Rabat (Clos des pins). ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE
Marchés financiers
Ciment : perspectives en béton VALEUR
BOURSE
COURS au 25 avril (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)
Alexandria Portland Cement
LE CAIRE
2,57
+ 25,8
Bamburi Cement Dangote Cement Ciments du Maroc Carthage Cement Lafarge Cement Zambia Holcim Suez Cement Company Lafarge Ciments Lafarge Wapco
NAIROBI
1,77 0,78 114,95 2,67 1,44 226,12 3,46 177,02 0,26
+ 20 + 10,2 + 2,5 +1 0,0 – 2,2 – 3,2 – 3,2 – 5,4
LAGOS CASABLANCA TUNIS LUSAKA CASABLANCA LE CAIRE CASABLANCA LAGOS
APRÈS LA DÉGRINGOLADE l’année dernière, les cimentiers égyptiens remontent la pente. Au Maroc, 2011 a été meilleure que prévue, tandis que 2012 se révèle pour l’instant un cru très positif, avec une nette hausse des ventes sur les deux premiers mois de l’année. Néanmoins, les valeurs cotées n’ont pas encore réellement profité en Bourse de ces perspectives positives. Au Nigeria, la fin des importations, alors que le pays devient autosuffisant, ainsi
que le boom de la demande sont tout aussi favorables au secteur. Dangote Cement en profite et revient quasiment au niveau de son cours d’introduction, en octobre 2010, tandis que Lafarge Wapco recule fortement. Enfin, Carthage Cement continue son étonnant parcours boursier et est reparti en très forte hausse au mois d’avril, avec à sa tête un nouveau dirigeant dont la mission principale sera de mener à terme la construction de l’usine. ●
Valeur en vue DANGOTE CEMENT Leader incontesté du marché BOURSE Lagos • CA 2011 1,48 milliard de dollars (+ 16 %)
COURS 122,02 nairas (25.4.2012) • OBJECTIF 148,30 nairas
DEPUIS 2009, DANGOTE CEMENT est le leader incontesté du ciment au Nigeria. En 2012, il représentera environ 70 % de la capacité de production nationale et 66 % de part de marché domestique. Le groupe devrait donc être le grand bénéficiaire de la dynamique locale, principal moteur de la croissance de son chiffre d’affaires (24 % par an) et de son Ebitda (27 %) dans le pays au cours des cinq prochaines années. Néanmoins, nous pensons que la valeur boursière du groupe ne peut être appréhendée Andy Gboka sans un examen détaillé de son expansion panafricaine Analyste chez Exotix dans treize pays, d’un coût de 2,5 milliards de dollars [1,9 milliard d’euros, NDLR]. En 2016, d’après nos calculs, le ciment vendu dans ces nouveaux marchés représentera 39 % des volumes (14,7 millions de tonnes sur 38,1 millions), 40 % du chiffre d’affaires total (2,2 milliards de dollars sur 5,5 milliards) et 32 % de l’Ebitda total.Toutefois, le manque d’indications détaillées sur ses opérations en dehors du Nigeria nous conduit à être prudents quant à l’impact de cette expansion sur le potentiel de hausse du cours. » ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Dossier BTP & infrastructures MARCHÉS PUBLICS
Le leadership chinois du doigt
pointé
Barrages, routes, chemins de fer… Depuis dix ans, Pékin multiplie les contrats en Afrique, sur le modèle controversé « matières premières contre infrastructures ». Mais d’autres puissances émergentes préparent leur offensive.
STÉPHANE BALLONG
L
ancée depuis près d’une décennie, l’offensive chinoise dans le BTP africain ne faiblit pas. Que ce soit dans la construction d’infrastructures énergétiques (gazoducs, raffineries, barrages) ou de transport (routes, chemins de fer, ports et aéroports), les entreprises de l’empire du Milieu sont devenues incontournables. Selon la Banque mondiale, elles détenaient près de 40 % de part de marché d’un secteur estimé à près de 20 milliards d’euros en 2009 (dernier chiffre disponible). Au total, Pékin fait état de près de 500 projets sur lesquels se positionnent les groupes chinois en Afrique. Sinohydro Corporation (14,5 milliards d’euros d’actifs), de loin le plus dynamique, est en pole position pour les chantiers hydrauliques. Au Cameroun, où il est déjà maître d’ouvrage du barrage de Lom Pangar, le groupe vient de se voir
Sinohydro et CRCC sont en pole position, l’un dans les chantiers hydrauliques, l’autre dans les transports.
attribuer la construction de celui de Memve’ele, qui devrait représenter un investissement de 556 millions d’euros. Ailleurs sur le continent figurent notamment à son actif le barrage de Grand Poubara (Gabon, 300 millions d’euros), en cours de construction, et celui de Félou, près de Kayes (Mali, 183 millions d’euros). Dans le domaine des transports et des bâtiments publics, le leadership revient à China Railway Construction Corporation (CRCC), qui a conclu, en début d’année, deux mégacontrats d’un montant total de plus de 1 milliard d’euros. Le premier concerne la construction d’une voie ferrée de 14,8 km à Lagos, pour près de 700 millions d’euros. Le second, la ligne de chemin de fer entre Djibouti et la frontière éthiopienne, devrait coûter près de 400 millions d’euros. Avant ces deux projets, CRCC a construit une ligne ferroviaire de 1 344 km de long au Tchad, pour 5 milliards d’euros. BRAS FINANCIER. La force de ces groupes, qui ont relégué au second plan les opérateurs traditionnels que sont notamment les français Bouygues et Vinci (lire encadré), « vient de leur savoir-faire avéré dans les grands travaux et de leur forte capacité d’intervention », explique le patron d’un cabinet d’ingénierie à Malabo. Mais surtout, ces entreprises bénéficient de l’appui de la China Exim Bank, le bras financier de la politique internationale de Pékin. Avec une enveloppe de
LES FRANÇAIS EN PERTE DE VITESSE FACE À LA DÉFERLANTE CHINOISE, les groupes français, dont Sogea-Satom (Vinci), Fougerolle (Eiffage), Colas (Bouygues) et Razel (Fayat), tentent de maintenir le cap. « Nous parvenons à gagner plus aisément les marchés dans les pays qui dépendent davantage des bailleurs de fonds traditionnels comme le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne », explique le directeur général de la filiale équato-guinéenne d’une entreprise hexagonale. D’après celui-ci, pour conserver leurs parts de marché, N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
de plus en plus de groupes occidentaux choisissent de se positionner sur des créneaux nécessitant des technologies de pointe en misant sur la qualité des ouvrages. En Guinée équatoriale, par exemple, le consortium Vinci-Bouygues a décroché la réalisation de l’autoroute Bata-Ayak Ntang, pour un montant de 260 millions d’euros. De son côté, Bolloré Logistics Africa vient d’attribuer la construction du troisième quai du Port autonome de Lomé à Sogea-Satom, pour 42 millions d’euros. ● S.B. JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Ralph Olayé, chargé de
l’intégration régionale à la BAD
STRATÉGIE
Dans l’œil des tigres d’Anatolie
GUINÉE ÉQUATORIALE
Oyala, la folie des grandeurs
PORTRAITS
Âmes de bâtisseurs
des projets d’infrastructures qui seront réalisés par les groupes chinois. S’il a été mis en œuvre pour la première fois en Angola, c’est surtout en RD Congo que ce type de contrat a fait parler de lui. Signé initialement en 2008, l’accord prévoyait un investissement global de plus de 4 milliards d’euros pour le développement des infrastructures. Puis, sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, il a été finalement révisé, en 2009, et le montant total ramené à 2,1 milliards d’euros. UNE RECETTE DÉCRIÉE. Au
PAOLO WOODS
Ghana, au Nigeria, au Soudan ou encore au Gabon, cette recette, souvent décriée, a fait ses preuves. À tel point qu’elle inspire les autres puissances émergentes. À commencer par le Brésil, qui prépare lui aussi son offensive. La Banque africaine de développement (BAD) devrait ainsi présenter aux groupes nationaux, courant mai, à la demande de Brasília, le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (Pida), adopté en janvier par les chefs d’État de l’Union africaine (lire pp. 77-78). Vale, l’un des plus grands groupes miniers du pays, est d’ailleurs déjà présent au Liberia, où, en échange de l’exploitation des gisements de fer, il s’est engagé à construire une centrale hydroélectrique de 1 000 mégawatts. Autre concurrent montant de la Chine en Afrique : la Turquie, qui est sur le point de devenir actionnaire de la BAD. « Les entreprises turques ont un savoir-faire reconnu dans le domaine du BTP et pratiquent elles aussi des tarifs très concurrentiels », explique-t-on au sein de l’institution. Jusqu’ici bien implantés en Afrique du Nord, les groupes turcs nourrissent désormais de grandes ambitions au sud du Sahara (lire pp. 80-81). Enfin, l’empire du Milieu devra aussi compter avec la Corée du Sud, dont les entreprises se positionnent dans le développement des technologies de l’information et de la communication, et avec l’Australie, qui renforce sa présence dans le secteur minier africain. Autrement dit, la bataille s’annonce rude. ●
plus de 9,5 milliards d’euros déjà débloquée en faveur des projets d’infrastructures en Afrique, cet établissement public est devenu un véritable concurrent de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en Afrique. Reste que ses prêts sont nettement plus chers que ceux accordés par les bailleurs de fonds traditionnels. Alors qu’un crédit à l’exportation est considéré comme concessionnel (à un taux inférieur à celui du marché) lorsque la part du don représente au moins 35 % du crédit, cette proportion tombe à 18 % en moyenne pour les prêts chinois. En fait, explique un spécialiste du secteur, « les Chinois proposent des tarifs de 30 % à 40 % inférieurs à ceux de la concurrence pour remporter les appels d’offres, puis, une fois qu’ils entrent sur un marché, ils négocient d’autres contrats de gré à gré qui, eux, sont nettement plus chers ». Dans les pays riches en ressources naturelles, l’approche chinoise prend généralement la forme de ce qui est désormais appelé la « modalité angolaise » et qui consiste, en échange d’une garantie d’accès aux matières premières, à financer JEUNE AFRIQUE
Un technicien de CHINA STATE CONSTRUCTION ENGINEERING CORPORATION sur un chantier immobilier dans la banlieue d’Alger.
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Dossier INTERVIEW
Ralph Olayé
R ESPONSABLE
DE L ’ INTÉGRATION RÉGIONALE À LA
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BAD
« Des projets qui ont vocation à transformer le continent » En adoptant un Programme pour le développement des infrastructures en Afrique, les États de l’Union africaine se sont engagés à mettre en œuvre 51 chantiers essentiels.
JEUNE AFRIQUE : Il y a dix ans, les résultats du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) ont été plus que décevants. Pourquoi le Pida ferait-il mieux ? RALPH OLAYÉ: La mise en œuvre
du plan d’action du Nepad a été moins bonne que prévue, parce qu’il comprenait un nombre important de projets très onéreux. Avec le Pida, nous avons ciblé 51 projets dans les domaines des transports, de l’énergie, de l’eau et JEUNE AFRIQUE
HEIFEL BEN YOUSSEF POUR J.A.
A
dopté en janvier par les chefs d’État de l’Union africaine, le Programme de développement des infrastructures en Afrique (Pida) rassemble 51 projets visant à doter le continent d’infrastructures indispensables à son émergenceéconomiqueàl’horizon 2040. À travers la construction de corridors routiers, de plateformes portuaires et aéroportuaires, de grands barrages hydroélectriques, etc., il ambitionne d’accélérer la croissance économique en Afrique et de doubler le taux des échanges intra-africains, en le portant à 24 %. Ralph Olayé, chargé de l’intégration régionale à la Banque africaine de développement (BAD), en détaille les principaux enjeux.
des technologies de l’information et de la communication, qui représentent la priorité des priorités en Afrique et qui doivent être réalisés dans les huit prochaines années. Ce programme est certes ambitieux, mais il est à notre portée : 68 milliards de dollars [52 milliards d’euros, NDLR], c’est 0,2 % des PIB africains, 1 % des budgets nationaux et environ 5 % des budgets d’investissement. Qui financera ce programme ?
Au moins la moitié du financement de ces infrastructures vien-
Diplômé de HEC et de CENTRALE PARIS, Ralph Olayé travaille à la Banque africaine de développement depuis 2005.
ne jouera plus qu’un rôle de facilitation : les fonds apportés par les bailleurs traditionnels serviront notamment à amener certains projets à maturité, pour ensuite attirer des investisseurs privés locaux. Des sanctions sont-elles prévues à l’encontre des mauvais élèves ?
Un rapport semestriel permettra d’identifier les États qui avancent bien et ceux dont ce n’est pas le cas. Mais il n’y aura pas de sanctions en tant que telles. En fait, la sanction viendra du déficit en croissance que les pays qui ne joueront pas le
Au moins la moitié du financement viendra de ressources domestiques publiques ou privées. dra de ressources domestiques publiques ou privées : les chefs d’État s’y sont engagés. D’ici à 2040, cette contribution sera portée à près de 75 %. L’aide au développement
jeu connaîtront. Du point de vue méthodologique,noussommespartis d’une hypothèse de croissance de 6,2 % en moyenne sur les trente prochaines années. Mais ce taux ne N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Dossier BTP & infrastructures pourra être atteint que si les projets d’infrastructures sont réalisés. Comment comptez-vous aider les États ayant une faible capacité de mobilisation de ressources financières ?
En plus du soutien aux niveaux national et régional pour le renforcement des capacités de planification, d’appropriation budgétaire et de coordination régionale, nous interviendrons à travers des mécanismes de garanties permettant aux pays de mobiliser des investissements étrangers en monnaie locale. Le Pida prévoit que de 5 % à 7 % des montants que l’on vise en investissements soient consacrés à la préparation de ces projets. Que coûte le déficit en infrastructures à l’Afrique ?
Lemanqueàgagnern’estpasvraimentchiffré.Maisonsaitqueledéficit en infrastructures énergétiques représente des pertes annuelles de 2 à 4 points de croissance pour le continent. Et selon notre étude, les gains d’efficacitédansles transports, à la fin de la réalisation du Pida en 2020, équivaudront à 172 milliards de dollars.
Quels sont les projets phare de ce programme ?
51
projets
dont 24 pour le transport
52
milliards d’euros dont
30 milliards pour l’énergie
Les 51 projets sont importants, mais il y a en a qui sont plus mûrs que d’autres. Nous les avons classés en quatre catégories : du stade 1, qui regroupe les projets en phase d’étude de faisabilité, au stade 4, qui signifie que la concrétisation du projet est imminente. À lui seul, le secteur des transports comprend 24 projets. Mais, en termes de financement, c’est l’énergie qui se taille la part du lion, avec 40 milliards de dollars d’investissements. Reste qu’il ne faut pas se référer aux chiffres pour décréter que tel type d’infrastructure est plus important que d’autres. Tout va ensemble.
en Afrique du Nord, tous les autres comptent parmi les priorités du Pida, mais nous aurions souhaité que les membres du G20 soutiennent le programme dans son ensemble plutôt que d’en isoler quelquesprojets.Celadit,ceuxretenus par le G20 – le barrage d’Inga [en RD Congo], par exemple – sont difficiles et leur financement très compliqué à obtenir.
Nous aurions aimé que le G20 soutienne l’ensemble du programme.
À Cannes, en novembre, 11 projets considérés comme prioritaires ont reçu le soutien du G20. Quelle est la position de la BAD par rapport à ces choix ?
Les projets proposés par le panel de haut niveau du G20 ont vocation à transformer le continent. En dehors du projet d’énergie solaire
SOKONI.COM, LE CYBERMARCHÉ DES PROJETS
Le partenariat public-privé est souvent préconisé dans le développement des infrastructures. Où en est ce type de partenariat en Afrique ?
Les partenariats public-privé commencent à devenir une réalité. La centrale hydroélectrique de Ruzizi III sur le lac Kivu, d’un coût de 450 millions de dollars et financé à plus de 50 % par des investisseurs privés, en est un exemple. L’un des principaux obstacles à l’essor de ce type de partenariat est la mauvaise perception des risques en Afrique. Notre credo est d’expliquer que le risque perçu n’est pas le risque réel lorsqu’il s’agit des infrastructures. Dans quelle catégorie de partenariat classeriez-vous les investissements chinois dans les infrastructures en Afrique ?
CETTE FUTURE PLATEFORME électronique portée par la Banque africaine de développement (BAD) offrira un espace d’échanges entre les porteurs de projets d’infrastructures en Afrique et les investisseurs (fonds d’investissement, fonds souverains, etc.). Le principe sera à peu près le même que celui des sites de rencontre où des personnes discutent, échangent et vont plus loin si affinités. Conçu par Zanbato Group, une société d’ingénierie informatique basée dans la Silicon Valley, aux États-Unis, Sokoni sera disponible dans quelques mois et représentera un investissement de 10 millions de dollars (7,6 millions d’euros) pour ses trois premières années de fonctionnement. ● S.B. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Le modèle « ressources naturelles contre infrastructures » est une forme de partenariat publicprivé. Les acteurs chinois ont très clairement un rôle à jouer dans le développement des infrastructures en Afrique. Notre souhait est qu’il y ait un peu plus d’inclusion des autres partenaires au développement et un peu plus de transparence dans les contrats. On parle souvent de la Chine, mais d’autres puissances comme le Brésil, la Turquie, l’Inde, l’Australie ou encore la Corée du Sud sont aussi très actives en Afrique. ● Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE
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STRATÉGIE
Dans l’œil des tigres d’Anatolie Après l’Afrique du Nord et particulièrement la Libye, les géants turcs s’attaquent au sud du Sahara, où ils dament de plus en plus le pion aux Chinois.
M
oins de un siècle après la disparition de l’Empire ottoman, la Turquie fait ces dernières années un retour remarqué dans ses anciennes sphères d’influence. Seule la truelle a remplacé le sabre courbé, puisqu’en tête de colonne ne marchent plus les janissaires d’hier mais les géants du BTP, fleurons
très contemporains d’une économie turque en forte croissance (+ 6,6 % en 2011) sur laquelle le pays peut s’appuyer pour afficher ses ambitions internationales. Depuis le rejet européen de 1997, l’expansion économique du pays est devenue une priorité, et l’Afrique une cible privilégiée (lire encadré). Et le secteur turc de la construction n’a pas tardé à
UNE DÉCENNIE DÉCISIVE ALLÉCHÉE par les perspectives d’un marché estimé à plus de 1,8 milliard de consommateurs en 2050, laTurquie figure dans le peloton de tête des pays commerçant avec l’Afrique. En dix ans, elle a vu ses échanges exploser, pour dépasser 15 milliards d’euros en 2011. Les volumes expédiés vers le continent représentent 10 % de ses exportations annuelles, contre moins de un centième dix ans plus tôt. Selon le ministère du Commerce extérieur, plus de 500 entreprises turques travaillent en Afrique, dans le BTP, l’agroalimentaire, le textile, les produits pharmaceutiques et les biens de consommation. Ce renouveau économique accompagne un activisme diplomatique constaté depuis 1998. Le volet de l’aide au développement est également très actif, et laTika (Agence turque de coopération et de coordination) a dépensé une trentaine de millions d’euros dans treize pays l’an dernier. Symbole de ce renforcement entre laTurquie et l’Afrique :Turkish Airlines dessert aujourd’hui 17 villes africaines, soit deux fois plus qu’en 2005. ● O.C. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
prendre pied sur le continent. Pour des raisons de proximité géographique et culturelle, l’Afrique du Nord concentre 90 % des contrats signés sur le continent, à commencer par la Libye, tête de pont historique où les entrepreneurs turcs ont été impliqués dans plus de 500 projets, pour un montant global supérieur à 10 milliards d’euros, jusqu’à la révolution de l’an dernier. C’est encore dans cette région qu’ils signent leurs plus beaux contrats, à l’image de Demtas Group, qui s’est vu attribuer début mars la réalisation du futur « port financier » de Tunis, estimé à près de 4 milliards d’euros. DÉVALUATION. Ces dernières
années, la pénétration turque dépasse largement la région. « La dévaluation de 2001 a renforcé la compétitivité de la lire turque et donc des principaux groupes de BTP, notamment dans les pays où la devise est liée à l’euro [comme le franc CFA, NDLR] », souligne Franck Debié, directeur du Centre de géostratégie de l’École normale supérieure (ENS, Paris), qui insiste sur ce versant monétaire pour expliquer la percée des entrepreneurs turcs au sud du Sahara. Peu connus en Europe, Sembol, Enka, Makyol, Renaissance Construction et d’autres ont multiplié les contrats : barrages en Angola, ponts au Soudan, JEUNE AFRIQUE
Dossier
complexes immobiliers en Guinée équatoriale ou hôteliers en Afrique du Sud, routes et autoroutes au Nigeria… En attendant la confirmation de projets au Kenya ou au Rwanda, ardemment courtisés par des entrepreneurs qui, selon les services du ministère turc du Commerce extérieur, ont déjà engrangé pour plus de 35 milliards d’euros de commandes sur un marché africain où seule la Chine fait davantage… mais en moins bien. « En s’appuyant sur leur technicité, les entreprises turques apparaissent comme des fournisseurs de services bien supérieurs aux Chinois, le tout pour un très bon rapport qualité-prix », estime un ingénieur des travaux publics
CENTRALE NSEKE EN RDC
marocain. « Le secteur dispose de formidables atouts à faire valoir auprès des économies africaines qui veulent des réalisations aux standards occidentaux pour des coûts bien plus compétitifs que ceux proposés par la concurrence européenne », confirme Franck Debié, pour qui l’absence de contentieux colonial avec Ankara renforce en outre la position de ses compagnies.
depuis 2005 au sein de Tuskon, la Confédération des hommes d’affaires et des industriels de Turquie, les « tigres » leur ont abandonné les marchés des pays développés pour partir à la conquête de nouveaux territoires en Asie centrale, puis en Afrique.
Les groupes Sembol, Enka et Makyol multiplient les contrats de l’Afrique du Sud au Nigeria.
ELDORADO. L’offensive turque en
Afrique est également encouragée par l’arrivée, durant la dernière décennie, d’une nouvelle génération d’entrepreneurs dans le BTP et le textile, les « tigres anatoliens ». Cette bourgeoisie pieuse et provinciale, très proche du Parti de la justice et du développement (AKP, au pouvoir), a dû trouver de nouveaux marchés pour exister face aux capitaines d’industrie de la vieille élite kémaliste. Regroupés
AUTOROUTE EST-OUEST EN ALGÉRIE
CIMA International inc. est la filiale chargée des opérations à l’international de CIMA+, société canadienne d’ingénierie, une firme multidisciplinaire œuvrant dans le domaine du génie-conseil. La dynamique créée par cette structure et la mise en commun de la compétence et de l’expérience de ses ressources humaines génèrent une force distinctive qui permet à la firme de se démarquer tant au plan local qu’au niveau international. À la direction, on retrouve le docteur polytechnicien et MBA-HEC, M. Hamidou Mamadou Abdou, ingénieur civil avec plus de vingt ans d’expérience dans la planification et l’exécution de projets d’infrastructures et d’appui institutionnel dans les firmes canadiennes. Vice-président responsable de CIMA International inc., il a su bâtir une réputation d’excellence pour la firme auprès de plusieurs gouvernements et de partenaires comme la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement. CIMA International inc. c’est plus de 2 000 experts
« L’arrivée de la crise économique en Europe n’a fait que confirmer la tendance depuis 2008 », note Attila Firat Killi. Le porte-parole de Tuskon affirme recevoir chaque jour des dizaines de demandes d’information et de conseil sur le continent africain, désormais perçu comme un véritable eldorado par les entrepreneurs turcs. ● OLIVIER CASLIN
UNIVERSITÉ DE DOUALA AU CAMEROUN
DR HAMIDOU MAMADOU ABOU, DIRECTEUR PRINCIPAL DE CIMA INTERNATIONAL INC.
CHÂTEAU D’EAU AU NIGER
répartis un peu partout sur le globe dans les domaines de l’énergie/électricité, travaux publics/transport, services urbains/eau, assainissement, planification urbaine, industrie minière, bâtiments complexes, nouvelles technologies, gestion de projets/gérance de construction, environnement, développement rural, formation, etc. CIMA International inc. œuvre sur le continent africain depuis plus d’une décennie avec à son actif plus d’une centaine de projets réalisés dans 27 pays. La firme est reconnue pour son approche partenariale avec ses clients, la création de retombées économiques dans les pays et pour les efforts qu’elle consacre au développement de ses ressources humaines. La firme assure la proximité à ses clients de travailler de concert avec ses experts afin de mener à bon port les projets. Elle possède des bureaux régionaux et recrute également du personnel sur place qui est formé aux normes d’excellence de la maison mère.
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DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
ð DEMTAS GROUP s’est vu attribuer la réalisation du futur « port financier » de Tunis (au centre, le Premier ministre tunisien, Hamadi Jebali, le 7 mars).
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Dossier Xxxxxxxx ð Parmi les projets en cours : le développement du quartier du STADE DE L’AMITIÉ SINO-GABONAISE.
déchets, l’énergie, les télécoms, la santé et l’éducation », indique-t-on chez Bechtel.
BECHTEL
287 CONTRATS EN 2011. S’il est
GABON
Ali double la mise
Le président Bongo Ondimba souhaite investir 18 milliards d’euros en cinq ans via l’Agence nationale des grands travaux. C’est deux fois plus que ce qu’il avait annoncé en octobre.
E
n octobre, Ali Bongo Ondimba(ABO)annonçait son intention d’injecter près de 9 milliards d’euros en cinq ans dans le développement d’infrastructuresroutièreseténergétiques et la construction de près de 5000logementssociaux.Le6février, le président gabonais a revu cette ambition à la hausse : il souhaite investirledouble.Unedécisionprise à l’issue du conseil d’orientation de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), dont la direction a étéconfiéeàl’américainBechtel,l’un des leaders mondiaux en matière d’ingénierie, de construction et de gestion de projets (lire encadré). « Il faut désormais accélérer la cadence dans des domaines et secteurs clés où les attentes des
citoyens sont multiples », a ajouté le président gabonais. Cette annonce correspond à l’officialisation d’un plan directeur pour les nouvelles infrastructures au Gabon, qui identifie 21 projets prioritaires d’ici à 2016. « Ce programme concerne les routes, les ports, les aéroports, le chemin de fer, le traitement des
encore difficile de détailler les travaux à venir, les montants d’investissement varieront d’une année sur l’autre. « Pour 2012, on parle de plus de 500 milliards de F CFA [plus de 762 millions d’euros, NDLR] », indique Henri Ohayon, directeur général de l’ANGT. Parmi les projets déjà en cours: le développement de quartiers d’habitations mixtes et de celui du stade de l’Amitié sino-gabonaise, l’extension des systèmes de traitement des eaux, l’amélioration du transport à Libreville, la rénovation d’universités, la construction de routes… ABO a indiqué que 287 contrats ont été conclus en 2011 pour un montant de 560 millions d’euros, dont 350 millions imputables directement à la Coupe d’Afriquedesnations.Lepayssaurat-il faire mieux en 2012 ? ● FANNY REY
BECHTEL VISE LA TUNISIE APRÈS LE GABON, l’Afrique du Sud, l’Angola, la Guinée équatoriale et l’Algérie, le numéro un américain du BTP ambitionne de se positionner enTunisie. Le 6 mars, cette perspective a été au cœur de l’entretien àTunis entre Hédi Ben Abbès, secrétaire d’État chargé des Affaires américaines et asiatiques, et David Welch, président de Bechtel pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Le premier, qui a souligné l’intérêt du pays pour les investissements extérieurs, compte présenter prochainement des projets de développement parmi lesquels le secteur des infrastructures figurerait en bonne position. ● F.R.
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L’expertise d’un groupe français au service de L’afrique Sefi-Intrafor, filiale du groupe Fayat au sein du Pôle Fondations, est un des spécialistes des fondations spéciales en France. En proposant non seulement son expertise sur son cœur de métier, les fondations, mais aussi sur des activités porteuses en Afrique comme l’hydraulique villageoise, la construction de lignes ou les travaux miniers, Sefi-Intrafor et les autres filiales du Pôle Fondations (notamment Franki Fondation pour les pieux) confirment peu à peu leur place sur le territoire africain.
Une expertise reconnue : l’hydraulique villageoise Depuis 30 ans, Sefi-Intrafor collabore à des programmes Des solutions novatrices : d’hydraulique villageoise, dans différents pays d’Afrique la création de lignes électriques subsaharienne (Niger, Burkina Faso, Mali, Ghana, Togo, Avec une activité sur les « lignes électriques » très Guinée, Côte d’Ivoire…). Apportant ses compétences active en France, Sefi-Intrafor peut aujourd’hui proposer spécifiques et son matériel adapté, le spécialiste en à ses clients africains son expertise sur ce type de projets. fondations spéciales réalise ainsi des forages qui améliorent Nous savons autant construire des l’approvisionnement en eau pour les « Tout ce qui concerne «lignes neuves que réhabiliter des lignes populations rurales. « Ce sont plus de le secteur de l’énergie existantes », explique Claude Grau, 6500 forages qui ont été réalisés par SefiIntrafor (dont 4800 positifs) en Afrique est porteur pour l’avenir » Directeur du département Lignes chez Sefi-Intrafor. de l’Ouest depuis le début de son activité sur place. Plus de deux millions d’Africains ont ainsi De la réalisation des études à la bénéficié de ces nouvelles ressources en eau », fabrication des pylônes, Seficommente Jean-Jacques Richard, Directeur Export Intrafor propose des solutions du Pôle Fondations. innovantes, gère les chantiers, effectue les travaux de fondations Des activités porteuses : spéciales, monte les pylônes et les sondages géologiques et miniers déroule les câbles. « Nous avons Sefi-Intrafor renforce actuellement ses au sein du groupe Fayat la maîtrise moyens pour proposer ses services en de tous les métiers des travaux sondages géologiques et miniers publics, nous pouvons donc en Afrique, afin de répondre à une répondre à des appels d’offre demande de plus en plus forte. clés en main. Nous sommes dès En effet, fort d’une expérience indiscutable et d’une à présent en mesure de mettre présence importante en hydraulique villageoise nos compétences à disposition en Afrique, Sefi-Intrafor est non seulement doté de nos clients africains », d’une capacité d’intervention adéquate mais aussi conclut Claude Grau. d’un savoir-faire reconnu en sondage et en forage.
notre priorité : apporter notre expertise et notre savoir-faire dans Le respect des norMes de sécurité, de quaLité et d’environneMent ! sefi-intrafor est iso 9001 et iso 14001. Communiqué
Dossier BTP & infrastructures TUNISIE
Des pétrodollars pour le logement social
La Fondation Khalifa Ibn Zayed Al Nahyan et le Croissant rouge émirati participeront quant à eux au tour de table pour la réalisation de structures sanitaires à l’intérieur du pays,dontunhôpitaldecancérologie à Sfax. Enfin, l’investisseur saoudien Cheikh Salah Kamel, dont la société Al Baraka Immobilière a été le promoteur du quartier des Berges du Lac, à Tunis, a été sollicité pour la réalisationde700logementssociaux et des équipements collectifs dans la cité Omar-el-Mokhtar à Sejoumi, dans la banlieue de Tunis, d’un coût global de 25 millions d’euros.
Après le tourisme et la finance, les grands argentiers du Golfe se concentrent sur l’immobilier. En trois ans, 150 000 habitations doivent être construites.
L
es abondantes chutes de neige et les inondations de cet hiver sont venues le rappeler : les conditions d’habitation dans les campagnes et les banlieues des villes tunisiennes sont précaires, notamment pour les 24 % de pauvres que compte le pays. Aux abords des villes, sous la pression de l’exode rural, l’habitat insalubre est souvent la règle. Et face aux besoins de la population, le parc de 2,8 millions de logements sociaux se révèle encore insuffisant. Un constat qui pousse l’État à consacrer cette année 20 millions d’euros à la requalification urbaine des quartiers défavorisés et 30 millions d’euros à la construction de logements sociaux. Quelque 150 000 habitations destinées aux foyers les plus démunis seront réalisées en trois ans, dont 30 000 en 2012, via des promoteurs immobiliers publics et privés. Côté financement, la Tunisie s’est tournée vers des bailleurs de fonds amis. Le Fonds d’Abou Dhabi pour le développementéconomique(Fadd), qui a participé, depuis 1974, au
« ZAKAT ». Pour compléter l’in-
ONS ABID
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financement de onze projets pour un montant total de 100 millions d’euros,soutiendraleprogrammeen appliquant des taux d’intérêt préférentiels. Sans pour autant que cette intervention annule la dette de la Tunisie auprès du Fadd, a indiqué SeifAlSuwaidi,sondirecteurgénéral.
! LE PARC ACTUEL, de 2,8 millions de logements sociaux, se révèle encore insuffisant.
vestissement, Mohamed Salmane, ministre tunisien de l’Équipement, propose d’avoir recours à la finance islamique en créant un fonds commun participatif alimenté par des dons et la collecte de la zakat – l’aumôneobligatoire,troisièmepilierde l’islam. Chahida Ben Fraj Bouraoui, secrétaire d’État chargée de l’Habitat, suggère également « de faire appel à des petites entreprises de bâtiment et à l’initiative des propriétaires ». Hélas, selon Moncef Kooli, président de la Chambre syndicale des promoteurs immobiliers, « il est presque impossible, aujourd’hui, avec la hausse du coût des matériaux et des terrains, de construire des habitations selon les critères du logement social pour les vendre entre 15 000 et 25 000 euros ». ● FRIDA DAHMANI, à Tunis
INTRODUCTION...
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Dossier BTP & infrastructures
D.R.
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PATRICK FORT/AFP
ð De la forêt équatoriale s’apprête à surgir, d’ici à cinq ans, UNE CITÉ HYPERMODERNE.
GUINÉE ÉQUATORIALE
Oyala, la folie des grandeurs Située dans la partie continentale du pays, la future ville aura une triple vocation : universitaire, touristique et industrielle.
S
ur l’immense chantier du futur Brasília équatoguinéen, des dizaines de kilomètres carrés de forêt ont été abattus, et une bonne douzaine d’entreprises de BTP sont à pied d’œuvre. Situé en pleine forêt équatoriale, l’ex-petit village formé de cahutes en bois est en passe de devenir l’une des rares cités africaines dont la conception aura été confiée à des ingénieurs, des urbanistes, des architectes et même des paysagistes. La réalisation du plan général de la ville et du schéma directeur d’aménagement, depuis la localisation des voiries et des réseaux jusqu’au raccordement des parcelles en passant par les conceptions architecturales, a été confiée à la société française Egis Route. « SIPOPO BIS ». Le projet est tita-
nesque. Prévu pour abriter environ 65 000 habitants et censé canaliser l’exode rural vers Bata et Malabo, Oyala, dont l’essentiel du bâti sera formé de petits immeubles et de villas – à l’exception des bâtiments structurants –, s’étalera sur 32000 ha et s’étagera, de part et d’autre du fleuve Wele, sur les collines environnantes. Les quartiers situés au nord abriteront les administrations et autres édifices publics, les N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
logements des fonctionnaires et le campus universitaire, qui sera doté de quatorze facultés et accueillera 10000 étudiants. La partie sud hébergera les zones d’habitat, un parc technologique et une zone industrielle, ainsi que le complexe international, sorte de Sipopo bis – ce quartier dévolu au tourisme d’affaires, de congrès et de loisirs construit sur l’île de Bioko, au sud de Malabo. Sur le terrain, voilà deux ans que les travaux vont bon train. La future ville nouvelle est déjà reliée à Bata par une autoroute à quatre voies, via Niefang, Nkue et Anisok. « Il reste 15 km de piste à bitumer avant d’arriver à Oyala. Cela devrait être prêt en septembre », confie un chef de chantier. Les avenuesdeLaJusticiaetdeLaPaz,deux artères structurantes réalisées par la société française Sogea Satom, qui traversentlavilled’estenouestetdu nord au sud, sont achevées. Deux des sept ponts à haubans prévus ont été livrés en décembre par le français Bouygues, et le belge Besix est sur le point d’en achever deux autres. En revanche, le chantier du cinquième pont est à l’abandon du fait de la situation critique de General Work, la société équatoguinéenne qui en avait la charge;
Un projet titanesque
32 000 ha
65 000
habitants prévus
10 000
étudiants
52
villas présidentielles
les autorités du pays recherchent une autre entreprise pour achever letravail.Quantaupériphériquequi ceinturera Oyala, il sera réalisé par ARG,unesociétééquato-guinéenne à capitaux brésiliens. L’INITIATIVE DIVISE. Côté bâti-
ment, les choses évoluent aussi à un rythme soutenu. Confiée à l’italien Piccini, qui a également remporté le marché de construction de logements de moyen standing, la réalisation du complexe international, situé dans l’une des boucles du fleuve, au sud-est de la future cité, est en cours. Le gros œuvre du Palais des congrès et des 52 villas présidentielles est terminé, et plus d’une douzaine de villas ont déjà été livrées. Les travaux de génie civil de l’hôtel cinq étoiles sont réalisés à 80 %. Même évolution encourageante du côté du campus universitaire, un marché remporté par l’espagnol Unicon. LeschantiersduParlementrégional et du palais présidentiel, attribués respectivement au turc Summa et au libanais Seguibat, vont démarrer prochainement. Gagededéveloppementouprojet mégalomane, l’initiative divise. Si les autorités n’ont jamais communiqué sur son coût pour le moment, le pays ne devrait pas manquer de ressources pour la financer, manne pétrolière et gazière oblige. Il faudra encore attendre une vingtaine d’années avant qu’Oyala ne soit complètement achevé, mais « un grand coup de collier sera donné d’ici à 2020 et la ville sera habitable dans un délai de cinq ans », précise un cadre d’Egis Route. ● MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE
La LETTRE
Délégation Générale des Grands Travaux
N°3
« Faire de l’ambition de modernisation une réalité »
QUELQUES GRANDS REPÈRES POUR 2012 Sommaire ●
CONGO
●
Brazzaville le chantier
EXTRAIT
du discours de Jean-Jacques BOUYA lors du message de vœux aux personnels de la DGGT à Imboulou, le 28 janvier 2012.
Le 2e village agricole est fonctionnel
● La DGGT et la gestion
de la catastrophe du 4 mars
« Pour 2012, année du 10e anniversaire de la DGGT, année de l’électricité et de la santé, les grands repères pour notre structure sont les suivants : Poursuite de la construction des lignes de transport d’énergie vers des agglomérations non encore desservies ; › Amélioration des réseaux de distribution d’énergie des grands centres urbains tels que Brazzaville et Pointe Noire ; › Réhabilitation du barrage ›
● Vers la construction
d’une corniche de rêve à Brazzaville
I Communiqué
hydroélectrique du Djoué et construction de celui de Liouesso ; › Réhabilitation du CHU de Brazzaville, des hôpitaux Adolphe Cissé de Pointe Noire et 31 juillet d’Owando et construction des hôpitaux de référence dans les chefs lieux de département qui n’en possèdent pas et construction d’un deuxième CHU à Brazzaville ; › Municipalisation accélérée du département du Pool ; › Poursuite des travaux des municipalisations antérieures ; › Poursuite des travaux de la RN1 entre Dolisie et Brazzaville, de la RN2 entre Brazzaville et Ollombo, des routes Sibiti-Mapati-Ibé, Okoyo-Lékéti frontière du Gabon ; › Inauguration du tronçon Owando-Makoua-Mambili et lancement des travaux des
tronçons Mambili-Ouesso et Ouesso-Ketta-Djoum; › Poursuite de la construction des Amphithéâtres de l’Université Marien Ngouabi et mise en service de la bibliothèque universitaire ; › Finalisation des études et démarrage des travaux de l’université Denis Sassou N’Guesso de Kintélé ; › Mise en service des premiers trains modernes du Congo ; › Déploiement et allumage de la fibre optique sur le corridor central du pays ; › Mise en synergie des résultats de la gestion parcellaire moderne ; › Démarrage des travaux d’infrastructures liées aux 11e jeux africains de 2015. Rien, mais vraiment rien, ne doit être entrepris qui puisse nous désorienter de ces instructions du président de la République. » ■
La LETTRE N°3
Délégation Générale des Grands Travaux
BRAZZAVILLE le chantier
Deuxième module de l’aérogare de Maya-Maya.
CONGO
P
our peu que l’on séjourne à Brazzaville ou que l’on y passe un moment, on s’apercevra que la ville est devenue un vaste chantier. On dirait que les bulldozers et autres engins n’en finissent pas d’aller et revenir, moellon et sable en benne. La Délégation générale des grands travaux (DGGT) y exécute, sur impulsion du président de la République, depuis quelques années, des travaux d’embellissement et de mutation de la ville en une cité coquette et moderne. Plusieurs chaussées estimées à 125,56km ont été achevées : avenue de l’OUA (5 400m), avenue du Port (4 800m), avenue des trois martyrs (1 116m), route NkomboMoukondo (7 900m), voie d’accès à l’aéroport (3 890m), avenue de la Tsiemé (1 500m), avenue
Ministère de la Justice et des Droits humains à Brazzaville.
Bouéta Mbongo, avenue de la paix. D’autres artères telles que les avenues Jacques Opangault (1 400m), Auberge Gascogne (2 830m), de l’OMS (1 807m), avenue de Gambio (2 968m), etc. ont été réhabilitées. Dans le cadre des travaux d’urgence liés à la célébration de la fête de l’indépendance à Brazzaville, 16 bretelles ont été construites ou réhabilitées (12,597km, 44m de chaussées neuves). Désormais le voyageur atterrira sur une piste neuve appareillée aux normes de l’OACI et calibrée à l’AirBus A-380. Il sera acheminé par une passerelle télescopique vers une aérogare de qualité intraitable, extrant de la coopération sino congolaise. Sous les arcades de la ville, le touriste peut admirer l’architecture
de joyaux comme le ministère des affaires étrangères et de la coopération, la préfecture de Brazzaville qui dominent le boulevard Alfred Raoul, le tout nouveau ministère de la Justice, le mythique Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, la bibliothèque universitaire, la très célèbre tour SNPC, la tutoyante tour Nabemba ainsi que les logements modernes qui poussent, de part et d’autre de la ville. Preuve que le pays se dote de nouveaux édifices modernes dont la monumentalité renseigne sur l’ambition futuriste du président Denis Sassou N’Guesso. Un matin, si vous vous engouffrez dans les embouteillages de la ville au détour de ces mille et une rues, la devinette est déjà trouvée : Brazza est en chantier, au même titre que le pays entier. ■
LE 2e VILLAGE AGRICOLE est fonctionnel
L
es activités agropastorales font partie des priorités du gouvernement congolais. En témoigne, la mise en exploitation le 5 février 2012, à Imvouba (125km au nord de Brazzaville) du village agricole. Deuxième de la série après celui de Nkouo (80km de Brazzaville), consacré à la production des
Communiqué
œufs de table, le village agricole d’Imvouba est spécialisé dans la production des poulets de chair. Il est peuplé de 45 familles de fermiers et de 5 personnels d’appui. Le village agropastoral est érigé sur un espace de 150 hectares par la société congolaise de modernisation (SOCOMOD), filiale de la société
II
israélienne LR Group. Il produira 400 000 poulets de chair par an. Chaque famille de fermiers a reçu un poulailler de 1500 poulets de chair et deux hectares de terre cultivable. Le Délégué général aux grands travaux, Jean Jacques Bouya, a fait savoir que le projet des « Nouveaux villages agricoles »
La LETTRE
2e village agricole à Imvouba.
est un concept dont l’objectif est la lutte contre la pauvreté et le phénomène d’exode rural. «Rapprochant davantage l’agriculture des autres activités génératrices de revenus, l’expérience des nouveaux villages atténue, progressivement
Batterie d’élevage de poulets du 2e village agricole d’Imvouba.
l’errance de jeunes ruraux, dans les centres urbains, où les invitait la recherche instinctive du mieuxêtre, et où gagnés par l’anxiété, ils espéraient enrayer l’incertitude du lendemain », a-t-il dit. Le 1er village constituant la première
expérience des villages agricoles a été inauguré le 8 octobre 2010 à Nkouo, par le chef de l’État congolais Denis Sassou N’Guesso. En 2011, le village a produit 8 millions d’œufs de table et 6 millions de tubercules de manioc. ■
Jean-Jacques Bouya en visite des logements de KINTELE en compagnie de Mme Lemboumba et de M. le Ministre Okiemy.
CEG Pierre NTSIETE réhabilité.
Au lendemain des explosions du 4 mars, le gouvernement de la République a mis en place une commission d’évaluation du désastre pour remédier aux conséquences de la crise. Le délégué général aux grands travaux Jean-Jacques BOUYA fait partie des membres de cette commission en sa qualité de maître d’ouvrage délégué.
rois axes déterminent la responsabilité de la DGGT, à s a v o i r, l ’ a m é n a g e m e n t des sites, l’implantation des tentes familiales et la constructionreconstruction d’édifices.
les familles : celui de la cité des 17 (40 000m²) au Nord-Ouest et celui du Chacona (19 000m²) au Nord-Est de Brazzaville. Les travaux sont exécutés respectivement par les sociétés SGE-C et SOCOFRAN. Sur ces deux sites, des aménagements divers intégrant les terrassements et l’érection de murs de clôture en matériaux semidurables y sont prévus. Démarrés mi-mars, les travaux s’achèveront par l’implantation des tentes familiales acquises par la DGGT (500), ainsi que des dons du Rotary club (100), de la société ENI Congo (100) et de la société Total (800).
Aménagement Deux sites accueilleront bientôt
Construction-reconstruction Plusieurs ouvrages sont en chantier.
T
III
En plus du projet de construction des 1 000 logements de Kintélé dans le cadre du concept « Nouveaux quartiers », l’étude pour l’érection des 5 000 autres logements destinés à reloger les sinistrés est en cours. Si la reconstruction de l’hôpital de base de Talangaï s’enclenche après l’étude de faisabilité destinée à son redimensionnement, celle de certaines écoles est en achèvement. Près d’une cinquantaine de bâtiments abritant des salles de classe et blocs administratifs sont en construction dans les sites des écoles Fleuve Congo, Pierre Ntsiété, Trois Martyrs et les collèges Lheyet Gaboka et Agostinho Néto. Les travaux sont exécutés conjointement par des entreprises locales et expatriées. ■
CONGO
LA DGGT et la gestion de la catastrophe du 4 mars
La LETTRE N°3
Délégation Générale des Grands Travaux
Maquette du viaduc de la corniche de Brazzaville.
VERS LA CONSTRUCTION d’une corniche de rêve à Brazzaville
CONGO
S
ituée au bord du fleuve Congo, l’avenue de la corniche fera l’objet d’un aménagement et d’un prolongement depuis le beach de Brazzaville jusqu’au pont du Djoué. Les études de faisabilité du projet scindé en deux volets sont réalisées par le cabinet conseil français Egis international. Il est prévu, dans le premier volet, la construction d’une route à double sens, l’aménagement d’un belvédère panoramique à proximité de la Case De Gaulle, d’une promenade paysagère le long de la voie et l’assainissement urbain des quartiers de Makélékélé et Bacongo (1 er et 2e arrondissement). S’étendant de la Case De Gaulle au pont du Djoué (5,2km), le premier module est financé à hauteur de 26 360 000 000 francs CFA par la
LA
En
DGGT
BREF
France, à travers l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre du contrat de désendettement et de développement (C2D). Selon le directeur de l’AFD-Congo, Patrick Dal Bello, le projet vise le désenclavement des quartiers sud de Brazzaville. Il contribuera surtout à fluidifier le trafic routier et à participer à la lutte contre la pauvreté. Le second segment compris entre le beach de Brazzaville et la Case De Gaulle est financé par le gouvernement congolais. Le projet consacre la construction d’un viaduc de 508m parallèle au fleuve Congo, avec deux trottoirs et deux chaussées de 2x7m de voie, séparées par un terre-plein. Une marina sera aménagée à hauteur du ravin du Tchad, un échangeur sur le boulevard Denis Sassou N’Guesso au rond-
Cadre juridique Créée par le décret n° 2002 – 371 du 3 décembre 2002, réorganisée par le décret n° 2009-158 du 20 mai 2009, la Délégation Générale des Grands Travaux est un organe administratif et technique. Elle est chargée de la passation et de l’exécution des contrats de marchés publics, et des contrats de délégation de service public de l’État, des autres personnes morales de droit public ou de droit privé, dont la valeur est supérieure ou égale au seuil fixé par le décret n° 2009-162 du 20 mai 2009 fixant
point du Mausolée Marien Ngouabi, ainsi qu’un tunnel de dégagement des flux. Le délégué général aux grands travaux, Jean-Jacques Bouya, a déclaré, lors de la présentation de ce projet, qu’il était « historique et emblématique ». Et d’ajouter que ce projet tenait à cœur aux plus hautes autorités congolaises et françaises. Il a demandé aux techniciens d’Egis International de mettre les bouchées doubles afin que la période de juin à août 2012 soit consacrée à la phase du développement des ouvrages. Le projet de la route de la corniche est le reflet de l’excellence des relations de coopération entre la France et le Congo. Il participera à l’embellissement et au décongestionnement du trafic urbain à Brazzaville. ■
les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics. Mission Faire réaliser les études, lancer les appels à la concurrence, organiser le dépouillement des offres, rédiger, conclure et gérer les marchés, apprécier, techniquement et financièrement les devis descriptifs et estimatifs des contrats. Maître d’ouvrage délégué, elle suit et contrôle l’exécution des chantiers, organise la réception provisoire des ouvrages finis. ■
Délégation Générale des Grands Travaux Boulevard Denis Sassou Nguesso - BP 1127 Brazzaville, République du Congo Tél./Fax : (+242) 22 281 47 13 - E-mail : contact@grandstravaux.org www.grandstravaux.org
Communiqué
IV
Dossier PORTRAITS
Âmes de bâtisseurs De Rabat à Libreville, en passant par Alger et Dakar, gros plan sur quatre entrepreneurs qui ont su faire de leur groupe une référence dans un secteur très disputé.
Anas Sefrioui
PEUTON FAIRE DU SOCIAL et devenir milliardaire? Anas Sefrioui a prouvé que oui. Chaque année, le patron du groupe Addoha permet à des milliers de familles marocainesdedevenirpropriétaires d’un logement. Son secret : acquérir au meilleur prix de grandes superficies de terrain dans la périphérie des villes pour bâtir ses complexes immobiliers. Avec une fortune estimée à 1,5 milliard d’euros, il est aujourd’hui l’homme le plus riche du royaume après le roi. Né en 1957 dans une famille bourgeoise de Fès, Anas Sefrioui a quitté le collège pour gérer la mine de ghassoul (argile utilisée en cosmétique) de son père. Entre business et études, son choix est vite fait. Durant les années 1970, il se lance dans l’industrie du papier et de l’emballage, puis se spécialise dans le sac de ciment, avant de s’engager dans l’immobilier en
acquérant en 1987 son premier lot de terrains, qu’il revend en empochant une belle plus-value. Mais Anas Sefrioui sait qu’il peut mieux faire. L’occasion qu’il attendait se présente enfin : un programme de réalisation de 200 000 logements sociaux décidé par le roi Hassan II. Il saisit l’opportunité et décroche un contrat pour la construction de 2 371 habitations. La machine est lancée. Le groupe, fort d’un effectif de plus de 20 000 employés et coté en Bourse – une première pour un promoteur immobilier au Maroc –, est actuellement engagé dans un mégaprogramme de 120 000 logements à l’horizon 2016. Entre-temps, Anas Sefrioui a ajouté d’autres acquisitions à son empire. En 2007, il a racheté la moitié du capital de la filiale marocaine de l’espagnol Fadesa Maroc, chargée de l’aménagement de la station
ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.
Pari gagné pour le PDG d’Addoha : son groupe est devenu le numéro un de l’habitat social au Maroc.
balnéaire de Saïdia. Puis il s’est offert deux cimenteries, à Settat et Béni Mellal, afin d’avoir la main sur un produit hautement stratégique pour l’ensemble de ses activités. Désormais, l’avenir d’Addoha devrait être africain : deux autres cimenteries sont actuellement en phase de lancement en Côte d’Ivoire et en Guinée. ● TAREK HAFID
Jean-Claude Baloche S ON STAT U T, Jean-Claude Baloche se l’est forgé en l’espace de quelques années. Ingénieur de formation, il pose ses valises à Libreville en 1980 après avoir dirigé des chantiers au Sénégal et en Algérie. Un an plus tard, il est nommé PDG de Socoba-EDTPL à la suite de son rachat par l’entreprise Jean Lefebvre. Jean-Claude Baloche décroche de nombreux projets publics : routes, hôpitaux, édifices administratifs, hôtels… Son carnet de commandes a vraiment fait le plein grâce à la Coupe d’Afrique des Nations 2012, organisée conjointement par le Gabon et JEUNE AFRIQUE
SOCOBA
Le patron de Socoba-EDTPL fait partie des Français incontournables du Gabon.
la Guinée équatoriale. La Socoba a profité d’une partie du budget (370 millions d’euros) consacré à cet événement en réalisant un
stade de 20 000 places et une série d’échangeurs autoroutiers. Mais l’homme ne se contente pas d’être un simple constructeur. En se rapprochant de la famille Bongo, le Français est devenu l’un des principaux acteurs de la scène politico-économique du Gabon. En 1996, il est désigné membre du Conseil économique et social et se fait élire à la présidence de la Confédération patronale gabonaise (CPG). Un poste qu’il a occupé dix ans durant, avant d’être nommé premier vice-président de la CPG chargé des relations internationales. ● T.H. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Dossier BTP & infrastructures
Ali Haddad
Le PDG d’ETRHB Haddad a transformé l’entreprise familiale fondée en 1988 en premier groupe privé du BTP algérien.
ANCIENNE BASE MILITAIRE ROMAINE située en contrebas des monts de Kabylie, Azzefoun est la contrée des artistes et des écrivains. C’est aussi la ville où a été fondé ETRHB Haddad, devenu en vingt anslepremiergroupedeBTPd’Algérie. Une success-story à mettre sur le compte d’Ali Haddad, benjamin d’une fratrie de six garçons. Pour ce diplômé en génie civil, tout a commencéparl’ouvertured’unmodeste hôtel situé en bord de mer. Le tournant arrive en 1988, lorsqu’il crée sa société de travaux publics, au capital de 1 million de dinars (10 200 euros aujourd’hui). Après plusieurs années de patience, il finit par décrocher son premier grand contrat : la réalisation d’une route dans la wilaya de Tizi-Ouzou, un projet de près de 1 million d’euros qu’Ali Haddad, kidnappé par un groupe terroriste, a failli ne jamais voir se concrétiser. Cet épisode ne fera que renforcer sa détermination… et le développement de son groupe. L e c o u p d ’a c c é l é r a t e u r s e ra d o n n é au d ébu t d e s
ANIS/NEWPRESS
« Il faut arrêter de croire que seuls les corrompus réussissent en Algérie. » années 2000 avec le lancement de grandes infrastructures publiques. Routes, voies ferrées, barrages, tramway, complexes sportifs… ETRHB décroche de nombreux contrats et s’impose comme un acteur incontournable, comptant désormais 6 000 collaborateurs.
Une réussite qui a souvent suscité des interrogations. « Ni Bouteflika ni personne ne nous a jamais versé quoi que ce soit. Il faut arrêter de croire que seuls les corrompus réussissent en Algérie », tenait à préciser Ali Haddad dans nos colonnes il y a quelques années. Pour assurer son développement, ETRHB a lancé en 2010 un emprunt obligataire de 70 millions d’euros auprès d’investisseurs institutionnels – soit approximativement le chiffre d’affaires réalisé la même année. Son avenir repose désormais sur une politique de diversification. Dans les médias d’abord, avec les quotidiens Wakt el-Djazaïr et Le Temps d’Algérie et une chaîne de télévision. Dans le sport ensuite, à travers la reprise de l’Union sportive de la Médina d’Alger, célèbre club de football qu’Ali Haddad préside depuis août 2010. Dans le tourisme enfin, avec le lancement d’importants projets sur la côte méditerranéenne. L’un d’eux sera d’ailleurs installé à Azzefoun. ● T.H.
Aliou Sadio Sow
En quarante ans, le patron de la CSE a donné de l’ampleur à l’entreprise sénégalaise en diversifiant ses activités. DISCRÉTION ET EFFICACITÉ.Tels sont les maîtres mots de l’homme d’affaires Aliou Sadio Sow. Ancien cadre du groupe pétrolier Shell, il participe en 1970 à la création de la Compagnie sénégalaise d’entreprises (CSE). Sow en prend le contrôle dès 1976, en modifie la dénomination – elle devient la Compagnie sahélienne d’entreprises – et en fait le principal opérateur dans le secteur des travaux publics au Sénégal. Sous sa direction, la CSE a notamment construit, à Dakar, les sièges du ministère de la Santé et de la Fondation islamique, l’hôtel Radisson Blu… Mais son succès, Aliou Sadio Sow le doit aussi à son engagement à l’international, qui lui permet N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
d’asseoir sa zone d’influence sur une grande partie du continent : Mali, Cameroun, Guinée, Sierra Leone et Niger. Durant les années 1980, il décide de diversifier ses activités, se lance dans la finance et devient actionnaire majoritaire (66 % du capital) de la Banque sénégalo-tunisienne. En 2006, il revend sa part au marocain Attijariwafa Bank et effectue au passage une belle plus-value. Pragmatique, le businessman a toujours su travailler avec les gouvernements qui se sont succédé au Sénégal. Âgé aujourd’hui de 78 ans, Aliou Sadio Sow suit de très près ses affaires, tout en gardant un œil sur celles de ses enfants, Oumar et Yérim. Le premier devrait selon
DR
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toute vraisemblance hériter de la présidencedelaCSE.QuantàYérim Sow, patron du groupe Teylium, il se classe déjà parmi les hommes d’affaires les plus en vue du Sénégal. ● T.H. JEUNE AFRIQUE
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Le Groupe
Dossier BTP & infrastructures
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FORMATION
Au Maroc, des filières solides
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
Le royaume abrite deux établissements très prisés par les meilleurs étudiants : l’École Hassania des travaux publics, à Casablanca, et l’École Mohammadia d’ingénieurs, à Rabat.
H
abitat, autoroutes, chemin de fer, stations balnéaires, hôtels… Le Maroc est un vaste chantier qui a besoin de bras, mais également de têtes. Des cadres que le royaume recrute via la filière du génie civil, qui exerce un fort pouvoir d’attraction sur ses meilleurs étudiants, comme en attestent les derniers résultats du concours national commun d’admission aux grandes écoles d’ingénieurs (CNC), auquel postulent les élèves des classes préparatoires. Sur les 100 premiers classés de l’édition 2011-2012, 87 ont choisi le même établissement : l’École Hassania des travaux publics (EHTP), à Casablanca. Un plébiscite dû à sa réputation. LOCOMOTIVE. Selon une enquête
interne, 41 % des recrues de la dernière rentrée ont choisi l’EHTP pour la qualité de sa formation. « C’est une école taillée pour le secteur », résume Mostafa Meftah, président de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP). Depuis sa création en 1971, l’EHTP, sous la tutelle du N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
ministère de l’Équipement, s’est diversifiée en mettant en place les filières « génie hydraulique » et « météorologie ». Mais c’est bien le génie civil qui, avec plus de la moitié desdiplômesdélivréschaqueannée – un peu moins de 300 au total –, fait office de locomotive. Moins courue par les lauréats du CNC mais plus polyvalente, l’École Mohammadia d’ingénieurs (EMI), à Rabat, est un autre établissement de référence. « L’EMI dispose d’un centre d’études doctorales au sein duquel œuvrent près de 400 doctorants dans les différentes spécialités de l’ingénierie, dont le génie civil », détaille le professeur Driss Bouami, directeur de l’école. Selon ce dernier, l’EMI forme chaque année une
! L’EHTP délivre chaque année environ 150 diplômes en génie civil.
soixantaine d’ingénieurs en génie civil, également recrutés parmi les mieux classés du CNC. Ces deux établissements forment un vivier dans lequel puisent les entreprises du secteur. À ce titre, la FNBTP, qui siège au conseil d’administration de l’EHTP, prend soin d’entretenir des liens forts avec les futurs ingénieurs : plusieurs chefs d’entreprise mettent ainsi un point d’honneur à accueillir les étudiants lors de chaque rentrée. De même, la fédération participe au forum annuel de l’EMI, manifestation visant à faire se rencontrer étudiants et employeurs potentiels. Ces formations seraient totalement en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi. « Toutes filières confondues, le taux d’insertion est de 100 % trois mois après l’obtention du diplôme », se félicite Azeddine Ismaïl, directeur des études de l’EHTP. ENCHÈRES. Les PME et les grandes entreprises marocaines constituent un débouché naturel, mais « les administrations, les banques, les bureaux d’études, à la recherche de personnel capable d’assurer le management de projets, sont également demandeurs », indique Mostafa Meftah. Et de mentionner au passage l’intérêt des entreprises de BTP étrangères, qui « ne se gênent pas pour débaucher des ingénieurs marocains, du fait, notamment, de la crise en Europe et de l’ouverture du marché local ». Une concurrence très forte qui fait monter les enchères. Un ingénieur expérimenté peut ainsi être recruté à un salaire mensuel pouvant atteindre 80 000 dirhams (environ 7 000 euros). De quoi susciter des vocations. ● IDIR ZEBBOUDJ
PARTENARIATS INTERNATIONAUX L’ÉCOLE HASSANIA des travaux publics (EHTP) et l’École Mohammadia d’ingénieurs (EMI) ont établi des relations de coopération permettant à leurs meilleurs élèves de partir à l’étranger, dans le cadre de projets de fin d’études – en troisième année – ou pour l’acquisition d’un double diplôme. L’EHTP a ainsi pour partenaires français l’École nationale des ponts et chaussées et l’École des ingénieurs de la ville de Paris. L’EMI entretient quant à elle des relations avec le réseau ParisTech et celui des Instituts nationaux des sciences appliquées (Insa) en France, l’École polytechnique de Montréal au Canada, ou encore l’Université libre de Bruxelles en Belgique. ● I.Z. JEUNE AFRIQUE
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EN BREF LIBYE
La France en opération séduction APRÈS DES MOIS de troubles, le secteur du BTP figure parmi les priorités de Tripoli. Les besoins en infrastructures de base étant estimés à 150 milliards d’euros sur dix ans, la France espère profiter de son rôle moteur dans la coalition internationale anti-Kaddafi pour bien se placer sur un marché riche en opportunités et établir des relations commerciales fortes avec la Libye. Afin de sceller de futurs partenariats, un voyage a été organisé du 11 au 15 février par le Medef et la Chambre de commerce franco-libyenne : 110 représentants d’entreprises françaises se sont rendus à Tripoli, Misrata et Benghazi. L’occasion de rencontrer des membres du Libyan Business Council. « Aucun contrat n’a été signé, mais les choses évolueront probablement après l’élection d’une Assemblée constituante, en juin », indique-t-on au Medef. Une autre délégation de même ampleur devrait se rendre en Libye en fin d’année. ● MADAGASCAR
Entreprises en crise LE CHIFFRE D’AFFAIRES des entreprises de BTP de la Grande Île a chuté de plus de 70 % depuis le début de la crise politique, en décembre 2008. Il s’est élevé à 68 millions d’euros en 2011, contre 261 millions d’euros trois ans plus tôt. Dans le même temps, 7 000 emplois ont été perdus, selon le Syndicat des entrepreneurs du BTP. En cause : l’abandon des bailleurs de fonds et la suspension des financements internationaux en faveur de Madagascar, à la suite du brusque changement de pouvoir dans le pays. ●
AFRIQUE DU SUD
Un programme ambitieux FIN FÉVRIER, le ministre sud-africain des Finances, Pravin Gordhan, a dévoilé un programme d’investissements de près de 315 milliards d’euros pour un total de 43 projets – dont un quart sont déjà en cours d’exécution. Il s’agit d’améliorer l’ensemble des infrastructures et de stimuler la croissance et l’emploi, alors que le taux de chômage avoisine les 25 %. Ces fonds seront destinés à l’énergie, l’eau, le logement, l’éducation et les transports. Pravin Gordhan, qui a qualifié ce programme d’« ambitieux mais pas ingérable », a précisé qu’il sera cofinancé par des institutions publiques de développement et par le secteur privé. Le groupe public Transnet, spécialisé dans la logistique, a déjà annoncé un investissement de 30 milliards d’euros sur sept ans. ●
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Culture & médias
MÉDIAS
Le Qatar décro Rien ne semble arrêter la richissime pétromonarchie, qui investit de plus en plus dans la presse et l’audiovisuel français. Elle détient désormais près de 13 % du capital du puissant groupe Lagardère. Et affiche des ambitions aux motivations ambiguës.
LAURENT DE SAINT PÉRIER
L c’est notamment :
agardère pourrait-il devenir le bastion privé des intérêts du Qatar en France, le poste de commandement de ses nouvelles ambitions médiatiques dans l’Hexagone ? Entré en 2006 au capital de ce géant de l’édition, de la presse, de l’audiovisuel et de l’entertainment, la lilliputienne mais richissime pétromonarchie s’est mise depuis quatre mois à en croquer des parts substantielles. En décembre 2011, sa participation au capital du groupe est passée de 7,6 % à 10,07 %, et l’émirat en est devenu le premier actionnaire devant l’héritier Arnaud Lagardère. Fin mars, l’Autorité des marchés financiers annonçait qu’il en possédait désormais 12,83 %. Une pause ? Sans doute pas : Qatar Holding, filiale du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA), a précisé qu’il pourrait monter une nouvelle fois au capital et demande un siège au conseil de surveillance. Inhabituel, In pour un investisseur qui s’octroie s’ très rarement plus de 10 % d’un d’ grand groupe étranger et évite de se mêler de sa gestion.
FRINGALE. «L’intrigantemontéeduQatar FRI au capital de Lagardère », titraient le quotidien français Les Échos du 20 mars. En effet : les motifs de cette subite fringale n’ont pas été officiellement dévoilés. L’émirat mise autant sur la publicité qu’il prise l’opacité. Côté Lagardère, la direction est silencieuse. Les observateurs n’ont pu qu’émettre deshypothèses.Lesliensd’amitiéentrefeuJean-Luc Lagardère et l’émir Hamad ont pu amener le Qatar à secourir le fils Arnaud, qui s’était lourdement endetté pour l’entreprise. Les premières actions ayant été achetées à un prix trois fois plus élevé qu’aujourd’hui, la QIA pourrait aussi chercher à en diluer le coût par de nouvelles acquisitions, misant sur un rebond du cours. Cette montée en puissance serait pour d’autres le moyen de mettre N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
un pied au sein d’EADS, dont Qatar Airways est le premier client, et que Lagardère contrôle à 7,5 %. Mais, pour certains, les ambitions médiatiques et sportives de l’émirat, symbolisées par sa très entreprenante chaîne Al-Jazira et par l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, l’auraient motivé à s’ancrer dans un groupe expert dans ces domaines. L’investissement dans Lagardère, premier éditeur de presse magazine en France, participerait-il de la même stratégie d’implantation directe qui a amené le Qatar à racheter le club de foot du Paris-Saint-Germain en mai 2011 avant de s’offrir une partie des droits de la Ligue 1, au grand dam de Canal+, son diffuseur traditionnel ? Lagardère possède 20 % de Canal+ France, et l’on apprenait fortuitement le 21 mars que la QIA avait JEUNE AFRIQUE
Culture médias
HAMILTON/REA
che la une
porté de 1,55 % à 2 % sa participation au capital de Vivendi, autre grand des médias, qui détient 80 % de la chaîne cryptée. LIBERTÉ DE LA PRESSE. Le 27 mars, sur Europe 1
– un des fleurons de Lagardère –, le journaliste Jean-Marc Morandini s’interrogeait : « Le Qatar est-il en train de racheter le sport et les médias français ? » La formule fait écho aux discours anxiogènes qui se multiplient sur les agissements de l’émirat, soupçonné de vouloir s’emparer de la France à coups de chéquier. On peut néanmoins s’interroger sur l’influence que voudrait avoir le Qatar sur les rédactions des médias de Lagardère, parmi lesquels Paris Match, Le Journal du dimanche (JDD), Elle et Europe 1. JEUNE AFRIQUE
! ARNAUD LAGARDÈRE. Son père était un proche de l’émir Hamad Al Thani.
Car cet État du Golfe n’est pas un apôtre de la liberté de la presse. Arme de communication massive qatarie, Al-Jazira s’est révélée, avec les révolutions arabes, beaucoup moins indépendante de l’agenda politique de l’émirat qu’elle ne prétendait l’être, n’hésitant pas à orienter l’information dans le sens du Palais. En Espagne, à l’automne dernier, des militants de gauche s’alarmaient des propos bellicistes du quotidien Público, qui, après s’être opposé à l’invasion de l’Irak en 2003, s’est mis à plaider pour des interventions en Libye et en Syrie. Entre-temps, le groupe Mediapro, propriétaire du journal, avait noué une solide alliance avec l’émirat et Al-Jazira, expliquent certains d’entre eux. Pour l’instant, dans les rédactions françaises, on reste serein. « Le sujet n’est pas abordé au sein de l’hebdo, et l’importance croissante du Qatar dans Lagardère n’a aucun impact sur notre ligne éditoriale », affirme Cyril Petit, rédacteur en chef au JDD. « Ni entrave, ni autocensure, ni complaisance », insiste un journaliste de la même rédaction. Pour une employée de Lagardère Entertainment, « le coup du Qatar a généré L’émirat est soupçonné quelques blagues, mais ni débats ni tabous ». de vouloir Même son de cloche s’emparer du côté d’Europe 1, où l’on assure que la de la France montée en puissance à coups de l’émirat n’est pas du de chéquier. tout perçue comme une menace à l’indépendance des médias du groupe. Et pour cause : toute tentative contraire transparaîtrait rapidement et écornerait une image que l’émirat prend un soin maniaque à vernir. Alors que sa surexposition finit par attirer critiques et soupçons, le Qatar n’a pas intérêt à passer pour un manipulateur de la presse française. « S’ACHETER DES LECTEURS ». Cependant, comme le remarque Dominique Pradalié, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes, « l’appétit d’acheter des rédactions n’est certainement pas celui de faire triompher la liberté d’expression, mais plutôt celui de s’acheter des lecteurs et d’acquérir une influence sur les rédactions, que l’on soit une puissance pétrolière ou un marchand d’armes français ». Pour la syndicaliste, le vrai problème posé par l’alliance entre le Qatar et Lagardère est celui de sa réelle participation. D’après un haut responsable de Canal+, par des canaux parallèles, l’émirat pourrait contrôler plus de 20 % du capital de Lagardère, limite légale des investissements extra-européens dans un groupe de presse français. Lagardère, nouvelle place forte des intérêts qataris en France ? ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Culture médias LIVRES
Regards sur la guerre d’Algérie À l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance du pays, de nombreuses publications reviennent sur le conflit armé qui l’opposa à la France. Décryptage.
F
in 2011, on annonçait qu’entre 100 et 150 ouvrages consacrés de près ou de loin à la guerre d’Algérie devaient paraître en France avant la célébration du 50e anniversaire de l’indépendance début juillet. Arrivé à la mi-temps de cette période, la promesse paraît en voie d’être tenue, voire dépassée. Une bonne moitié des ouvrages publiés évoquent l’exode et, plus généralement, le sort des pieds-noirs à la fin de la guerre, comme Ni valise ni cercueil, de Pierre Daum, qui rappelle utilement qu’un petit quart des « Européens » (environ 200000) ont fait le pari de l’Algérie algérienne à l’été 1962, ou Oran, 5 juillet 1962, de Guillaume Zeller, et Un silence d’État, de Jean-Jacques Jordi, qui se penche sur les victimes civiles européennes d’attentats ou de tueries à la mi-1962. Les autres se répartissent entre essais et documents moins « ciblés » – inédits ou réédités, avec notamment les livres des Éditions de Minuit interdits pendant la guerre – dont les auteurs sont plus souvent des journalistes ou des témoins de cette guerre que des historiens. On attendait surtout avec curiosité le livre de mémoires de Bertrand Le Gendre, Confessions du no 2 de l’OAS, entretiens avec Jean-Jacques Susini. Ce jusqu’au-boutiste de l’Algérie française fut la tête pensante de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Sans véritables révélations fracassantes ou obligeant à relire différemment l’histoire de la fin de la guerre d’indépendance, ce récit saisissant décrit de l’intérieur la genèse, la création, l’organisation et la « vie quotidienne » de l’OAS. Il confirme surtout, au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer, l’aspect fanatique, coupé de toute réalité, des activités de ses dirigeants, civils ou ex-militaires. S’agissant, d’abord, de la préparation du putsch militaire de 1961 qui entendait refuser le choix de leur destin par l’autodétermination aux Algériens, on apprendra à quel point ceux de ses promoteurs qui étaient,commeSusini,réfugiésenEspagne ont reçu l’appui des plus extrémistes parmi les Franquistes. On pourra être surpris ensuiteparl’amateurismeincroyabledeces N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
généraux et de leur entourage qui ont cru pouvoir défier le pouvoir à Alger comme à Parissansmêmes’assurerlesoutieneffectif de l’armée française, qui, dans sa grande majorité – le principal régiment étranger de parachutistes mis à part –, refusera de suivre les auteurs du pronunciamiento et restera fidèle à de Gaulle. INÉDITS. Susini, qui ne manifeste jamais
ne serait-ce qu’une esquisse de remords pour les victimes, paraît avoir joué un rôle « modérateur » dans la politique de « terre brûlée » menée par l’OAS entre mars et juin 1962. À la veille de l’indépendance, voyant que le combat était définitivement perdu, il proposa au Front de libération nationale (FLN) de passer un accord de cessez-le-feu en échange d’une sorte de reconnaissance de l’OAS, d’une amnistie pour ses troupes et de garanties nouvelles pour la communauté « européenne » qui resterait sur place après l’indépendance. Mais, contrairement à ce qu’il dit ou sous-entend dans ses « confessions », il n’obtint rien de plus que ce qui avait été prévu à Évian, comme le prouvera si nécessaire sa rapide fuite en bateau vers l’Italie à la mi-juillet, grimé et sous une fausse identité. Sur ces prétendus accords, on en apprendra beaucoup plus avec la biographie de Jacques Chevallier, l’ex-maire « libéral » d’Alger qui servit à cette occasion d’intermédiaire de bonne
Bibliographie sélective
volonté pour sauver des vies entre Susini et le docteur Chawki Mostefa, le représentant du FLN dans l’« exécutif provisoire » mis en place en vertu des accords d’Évian. En métropole, les affrontements ne furentsouventpasmoinsviolentsqu’outreMéditerranée,commelemontreLaGuerre de l’ombre. Cet ouvrage raconte, à partir d’archivesinéditesduministèrefrançaisde l’Intérieur, la lutte menée par les policiers contre la Fédération de France du FLN sur tout le territoire au fur et à mesure de son implantation. Mais il dévoile aussi les notes des Renseignements généraux qui rendaient compte aux autorités à Paris des résultats de cette lutte, des affrontements entre le FLN et ses rivaux nationalistes du
Culture médias ! ALGÉRIENS ARRÊTÉS APRÈS L’EXPLOSION D’UNE BOMBE, dans une rue de Constantine, le 24 août 1955.
AFP
qui, contrairement à ce qu’on dit le plus souvent, ont été pour l’essentiel appliqués, même si la politique de la terre brûlée de l’OAS et le départ inattendu de la grande majorité des Européens dès la mi-1962 les ont vidés en grande partie de leur contenu – bien avant que les dirigeants algériens ne les remettent petit à petit en question.
Mouvement national algérien (MNA) de Messali Hadj, ainsi que des tentatives du pouvoir gaulliste pour affaiblir ou diviser les indépendantistes. Ainsi apparaît-il à quel point les services de police et ceux qu’elle inondait de « synthèses » et autres « rapports » disposaient d’énormément d’informations et se trompaient régulièrement dans leurs analyses, souvent pour le plus grand profit du FLN. Ils surestimaient notamment l’influence et la capacité d’action de Messali Hadj, que les autorités françaises espéraient voir jouer le rôle de « troisième force » lors d’une éventuelle négociation. Les Renseignements généraux étaient obsédés par une supposée allégeance du FLN
Oran, 5 juillet 1962, de Guillaume Zeller, Tallandier, 272 pages, 16,90 euros Un silence d’État. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, de Jean-Jacques Jordi, Éditions Soteca, 200 pages, 25,40 euros Confessions du no 2 de l’OAS, entretiens de Bertrand Le Gendre avec JeanJEUNE AFRIQUE
Jacques Susini, Les Arènes, 192 pages, 17,50 euros La Guerre de l’ombre, de Laurent Chabrun, Éditions Jacob-Duvernet, 208 pages, 19,90 euros L’Arme secrète du FLN. Comment de Gaulle a perdu la guerre d’Algérie, de Matthew Connelly, Payot, 512 pages, 30 euros
envers le bloc communiste et supposaient que les attentats spectaculaires du FLN contre des objectifs militaires et économiques en août 1958 préparaient une offensive généralisée qui bien sûr n’eut jamais lieu… Mais c’est loin d’Alger et de Paris, à Washington et à l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York, en particulier, que le FLN a surtout remporté sa victoire, avant tout politique et diplomatique, explique avec force détails l’historien américain Matthew Connelly dans L’Arme secrète du FLN et dans une contributionàunhors-sérieduMondeparu à l’occasion de l’anniversaire des accords d’Évian du 18 mars 1962. Des accords
Algérie: des « événements » à la guerre, de Sylvie Thénault, Le Cavalier bleu, 208 pages, 18 euros Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale, de Sylvie Thénault, Odile Jacob, 384 pages, 26,30 euros Ni valise ni cercueil, de Pierre Daum, Actes Sud, 432 pages, 24 euros
Jacques Chevallier, l’homme qui voulait empêcher la guerre d’Algérie, de JoséAlain Fralon, Fayard, 312 pages, 20 euros, à paraître le 9 mai Guerre d’Algérie : mémoires parallèles, Le Monde horssérie, 100 pages, 7,50 euros Harkis, 1962-2012, Les Temps modernes n° 666, 318 pages, 19,50 euros
IDÉES REÇUES. Cette supposée nonapplication des accords d’Évian est l’une des nombreuses idées reçues sur la guerre que remet en question l’historienne Sylvie Thénault (Algérie : des « événements » à la guerre). Elle relève les erreurs ou les approximations les plus courantes. Parmi celles-ci, notamment, les idées répandues selon lesquelles « l’Algérie coûtait plus cher à la France qu’elle ne lui rapportait », « tous les Algériens ne souhaitaient pas l’indépendance », « la violence est une permanence de l’histoire de l’Algérie », ou encore « la torture était nécessaire » pour sauver des vies humaines. Thénault propose d’ailleurs une autre réfutation sans appel de ces idées toutes faites dans un ouvrage plus savant, Violence ordinaire dans l’Algérie coloniale. Signalons enfin le remarquable numéro des Temps modernes consacré aux harkis et qui entend faire une distinction entre « les mythes et les faits » au sujet de leur sort en Algérie comme en France. Pour ramener à un niveau vraisemblable – 25 000 morts ? – le bilan des massacres en 1962 des supplétifs de l’armée française que, culpabilité aidant, on a trop souvent tendance à surestimer de nos jours en France (jusqu’à 150 000 morts !). Mais surtout pour aider, au-delà des visions manichéennes, à comprendre les motivations complexes de l’engagement auprès des Français de ces si nombreux parias de la guerre (probablement de 300 000 à 500 000 hommes au total pour des rôles et des durées très divers pendant tout le conflit, avec un maximum de 60 000 à un moment donné). Des parias qui n’étaient certainement pas tous simplement des traîtres et qui le plus souvent ne méritent pas, comme le montre bien la contribution de l’historien Mohammed Harbi, d’être comparés aux « collabos » français de la Seconde Guerre mondiale. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
ROMAN POLICIER
La Guadeloupe en noir et couleurs À POINTEÀPITRE, Albert Gouti, prof de sciences physiques le jour, coureur de jupons la nuit, se voit accusé d’un triple meurtre sur les personnes de son ex, de son garagiste et d’une beauté conquise sur internet. Au fil de sa cavale, il croise toutes les composantes du creuset guadeloupéen: « négropolitains » de passage, immigrés haïtiens, propriétaires békés… Avec L’Homme pas Dieu, le journaliste et écrivain Frankito s’inscrit dans la tradition du polar social, décrivant une île bigarrée qui hésite entre le vivre ensemble et le chacun chez soi. Ou quand le roman noir s’enrichit – au prix de digressions qui prennent parfois le pas sur l’intrigue – de toutes les couleurs des Antilles. ● FABIEN MOLLON
L’Homme pas Dieu, de Frankito, éd. Écriture, 240 pages, 18,50 euros
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RÉCIT
Tragédie cambodgienne QUE DIRE D’UN PAYS qui devient, en soi, un gigantesque camp de travail ? Comment qualifier ces 1,7 million de morts en quatre ans et sans moyen d’extermination de masse ? Ces questions ne cessent de hanter le cinéaste cambodgien Rithy Panh. Il avait 13 ans quand les Khmers rouges se sont emparés de Phnom Penh, le même âge lorsqu’il a vu mourir toute sa famille. Avec dignité et justesse, il raconte les longues marches, le travail dans les rizières, la famine et les effroyables tortures. Pour tenter de comprendre, il se confronte aussi à Duch, le directeur du centre S-21. De cette plongée dans le mal, on ne ressort pas tout à fait indemne. Un récit bouleversant. ● JUSTINE SPIEGEL
L’Élimination, de Rithy Panh avec Christophe Bataille, Grasset, 330 pages, 19 euros ■■■ N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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ESSAI
Pas si virtuel que ça Le directeur marketing de Google Moyen-Orient, Wael Ghonim, explique comment internet a permis de mobiliser les révolutionnaires égyptiens.
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et qui a valu à son fondateur d’être ’il vous plaît, ne faites kidnappé le 28 janvier 2011 par la pas de moi un héros, je police. Interrogatoires, humiliations ne suis pas un héros. » et brimades, le jeune activiste nous Wael Ghonim, 31 ans, est modeste. Dans son autobiographie, livre le récit de ces douze jours pasqui vient d’être traduite en français, le sés derrière les barreaux, alors que la directeur marketing de Google Moyenplace Al-Tahrir était l’épicentre de la Orient revient sur son engagement contestation qui a mené à la chute du politique, qui coïncide avec le retour président Hosni Moubarak. en Égypte de Mohamed el-Baradei, Au fil des pages, le lecteur est plongé l’ancien directeur de l’Agence interdans les coulisses de cette révolunationale de l’énergie atomique, et la tion 2.0 et revit les moments forts des mort de Khaled Saïd, blogueur alexandix-huit jours de janvier 2011 : Wael drin torturé par la police Ghonim en larmes qui en 2010, devenu icône de quitte le plateau d’un la révolution égyptienne. célèbre talk-show, susMêlant « statuts citant l’émotion chez Facebook » et récit à d e n o m b re u x t é l é la première personne, spectateurs ; où encore Ghonim raconte avec les « désillusions poliprécision son expérience tiques » de l’activiste, qui en tant qu’administraaprès sa libération tente teur de la page Kullena de négocier la démission Révolution 2.0 : Khaled Saïd (« Nous du raïs avec les hauts resle pouvoir des sommes tous Khaled ponsables de l’État et du gens plus fort Saïd »). Une page au parti de Moubarak. Avant que les gens cœur de l’activisme de réaliser que les maniau pouvoir, de Wael Ghonim, éd. politique en ligne, qui festations sont la seule Steinkis, 384 pages, compte aujourd’hui plus solution. ● 20 euros ■■■ de 2 millions d’abonnés, TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE
Culture médias
Et il est comment le dernier…
CINÉMA
Cascades tous azimuts
Russell Banks
FRANÇAIS NÉ DE PARENTS TUNISIENS, Mabrouk El Mechri est déjà devenu à son troisième long-métrage une valeur sûre aux États-Unis. Avec Roschdy Zem mais surtout Bruce Willis et Sigourney Weaver, Sans issue est un film d’action hollywoodien. Cette histoire de kidnapping en Espagne de la famille d’un Américain qui apprend que son père est un agent de la CIA qui vient de gruger une mystérieuse organisation criminelle ou terroriste a surtout pour objet de nous convier à quantité de poursuites automobiles et de bagarres entre bons et méchants. Le scénario est aussi mince que peu crédible mais les amateurs de cascades s’en offusqueront-ils ? ●
R
ussell Banks est un écrivain de gauche. Il ne s’en cache pas et quand bien même voudrait-il le faire que son empathie pour les sans-grades et les laissés-pour-compte trahirait ses préférences. Issu d’un milieu extrêmement modeste, celui qui commença sa vie active comme plombier sait de quoi il parle et il sait aussi comment en parler.
RENAUD DE ROCHEBRUNE
Sans issue, de Mabrouk El Mechri (sortie le 2 mai)
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POLAR
Black micmac Chez Aurélien Molas, les nuits sont moites, les paysans crèvent de faim et les champs de manioc sont pollués par le pétrole. Bienvenue au Nigeria, dans la région du Delta du Niger. C’est ici que le jeune romancier français installe son intrigue, à mi-chemin entre le thriller et le roman d’aventures, traçant page après page le portrait d’une Afrique pleine de violence. On y croise des humanitaires, des guérilleros, des militaires et des multinationales bien décidées à conserver le contrôle du sous-sol… Globalement efficace. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
Les Fantômes du Delta, d’Aurélien Molas, Albin Michel, 528 pages, 22 euros ■■■ MUSIQUE
INCLASSABLE ! Mina Agossi aime se jouer des codes et dépoussiérer le jazz. Elle le bouscule, le taquine, l’enrobe de s u b t i l e s re n c o nt re s musicales, le réchauffe de sa voix sensuelle et de son souffle mystique, laissant exploser un cocktail d’émotions. Pour son second album chez Naïve, la Franco-Béninoise s’est aventurée du côté du rock et du blues en réinterprétant à sa manière… Jimi Hendrix. Et s’offre la compagnie, excusez du peu, du légendaire Archie Shepp. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX Red Eyes, de Mina Agossi (Naïve) JEUNE AFRIQUE
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THIBAULT STIPAL/NAÏVE
Un bon coup de plumeau
Ce n’est pas évident : quand on est un auteur de 72 ans sanctifié par la critique, il n’est pas forcément simple de se glisser dans la peau d’un jeune délinquant sexuel affublé d’un bracelet électronique et vivant dans un abri de fortune sous un viaduc de Calusa… Que peut-il savoir, lui dont les romans sont régulièrement adaptés au cinéma (De beaux lendemains, American Darling…) et qui vit la moitié de l’année sous le soleil de Floride, du quotidien d’un pauvre type abreuvé de pornographie ? Sans doute guère plus que ce que lui permet son imagination – mais dans son cas, c’est énorme. Lointain souvenir de la peau, son dernier roman, n’est ni un livre facile à lire ni un pensum bien pensant. C’est une plongée politiquement incorrecte dans l’univers sordide d’un gosse qui, à l’adolescence, s’abandonna à l’ivresse du sexe virtuel tandis que, dans la pièce attenante, sa mère célibataire consommait bruyamment homme après homme…
Dérive fatale qui entraîna le jeune paumé à revendre des cassettes de sa star du X préférée au sein de l’armée, puis à prendre rendez-vous par chat avec une mineure… Rendezvous fatal, bien entendu, qui condamne un obsédé virtuel – il est vierge – à vivre, selon la loi américaine, à 800 mètres de tout bâtiment susceptible d’accueillir des enfants. Sans s’embourber dans le misérabilisme, Russell Banks dessine là le visage
Loi Lointain in souvenir ir de la peau, de Russell Banks, traduit de l’américain par Pierre Furlan, Actes Sud, 450 pages, 23,80 euros ■■■
grimaçant d’une société schizophrène, saturée d’images sexuelles et incapable de réagir autrement que par l’exclusion face aux troubles qu’elle provoque. Sans doute Russell Banks n’atteint-il pas avec ce roman la puissance narrative d’American Darling, mais peu importe : avec humanisme et respect, il donne la parole à un marginal qui, sans lui, n’aurait qu’un droit, celui de disparaître. ● NICOLAS MICHEL N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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! SUR LA PLACE ROUGE, À MOSCOU, en juillet 1990.
DR
Le Pérégrin émerveillé, de Jean-Louis Gouraud, Actes Sud, 520 pages, 32 euros TÉMOIGNAGE
Un homme, deux chevaux
Vingt-deux ans après son Paris-Moscou équestre, l’ancien directeur de la rédaction de J.A. livre le récit de ses aventures.
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e nombreux lecteurs de J.A. connaissent Jean-Louis Gouraud, qui fut, dans les années 1970, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire. Un homme qui, à l’instar de Joséphine Baker, a deux amours: l’Afrique et la Russie. Et la chance de n’avoir, dit-il, « qu’un seul problème dans la vie »: sa passion pour les chevaux – passion qui a fait de lui une célébrité dans le monde équin et lui a inspiré romans et anthologies. Mais Gouraud n’est pas de ces austères spécialistes confinés dans leur bureau. Cet original est entré dans la légende, lorsque, un jour de 1990, il a conçu cette idée saugrenue: aller de Paris à Moscou à cheval. Autrement dit, parcourir 3333 km en réitérant – à rebours – l’aventure du cornette Asseev. En 1889, ce sous-lieutenant de l’armée russe avait quitté la bourgade ukrainienne de Lubny pour atteindre la capitale française en utilisant une technique de monte « à la turkmène » (elle consiste à monter deux chevaux en alternance : tandis que l’un porte le cavalier, l’autre, débarrassé de toute charge, marche à ses côtés et récupère de sa fatigue). Inspiré par cette aventure, l’intrépide Gouraud se démène pour trouver des sponsors (la Fédération soviétique des sports équestres et une maison d’édition, N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
badine avec le lecteur, intarissable sur l’Afrique, la culture russe, la littérature, l’hippologie ou les contingences immédiates (où trouver un gîte et un couvert, comments’orienterdansdespayscommunistes où les cartes d’état-major relèvent du secret-défense). De digression en digression, il ne dévie jamais de l’essentiel, suivant son parcours initiatique à travers des États qu’il parcourra à nouveau dix ans plus tard, reprenant le même itinéraire (en automobile cette fois) pour mesurer l’étendue des dégâts et des progrès réalisés dans l’Allemagne réunifiée, la Pologne libérée et la Russie en plein accès de fièvre ultralibérale. Péripéties des relais d’étape, promenade intimiste en des lieux inconnus des hordes de touristes, rencontres avec Boris Eltsine (futur président), Raïssa Gorbatchev (encore Première dame) et
émanation directe du Comité central du Parti communiste d’Union soviétique), obtient l’aval de Mikhaïl Gorbatchev, choisit deux montures, le fantasque Robin et le courageux Prince-de-la-Meuse, et part, le 1er mai 1990, non pas de Paris mais de sa fermette du Loiret, direction Moscou, dans lequel il fera une entrée triomphale le 14 juillet. Vingt-deux ans plus tard, Gouraud publie le récit* de cette odyssée qui lui fit franchir le Rideau de fer à une époque où l’on ne plaisantait pas (déjà!) avec laissez-passer officiels, certificats vétérinaires et sécurité nationale. Cette Europe coupée en Gouraud badine avec le lecteur, deux que Gouraud traverse intarissable sur l’Afrique, dans la touffeur de l’été vit pourtant ses derniers mois. la culture russe, la littérature… Alors que l’URSS n’est plus que l’ombre d’elle-même et que le bloc d’illustres inconnus que Gouraud loue communiste s’effrite, notre pérégrin « se ou égratigne avec une égale verve… Ce balade benoîtement à cheval, sur la crête récit, qui mêle éclats de rire et relents de de cette haute montagne en formation nostalgie à la manière d’un cocktail russe, qui va bientôt marquer la césure entre enchantera les lecteurs épris d’aventures deux périodes de l’histoire du monde ». singulières. ● Insouciance? Inconscience? Rien de tout JOSÉPHINE DEDET cela, mais plutôt une démarche poétique dans un univers que la mondialisation ne * À noter que figurent en annexe de son ouvrage va hélas pas tarder à aseptiser. un texte inédit de Raspoutine et une interview Loin de mener son récit au triple galop, parue en 1995 dans J.A., « La Russie, c’est Gouraud prend des chemins de traverse, l’Afrique ». JEUNE AFRIQUE
Culture médias EN KIOSQUE | La revue
Tunisie: et pourtant elle tourne! Ì Le numéro 22 du mensuel est en vente depuis le 26 avril
Enfin, après la prolifération de partis au lendemain de la chute du régime Ben Ali se dessine une recomposition du paysage politique, avec, d’un côté, un bloc conservateur qui se forme autour d’Ennahdha et, de l’autre, un pôle laïque regroupant les formations attachées aux acquis du bourguibisme. Le clivage entre islamistes et modernistes se transforme peu à peu en banal rapport gauchedroite tel qu’on le connaît dans les démocraties européennes. Comme le souligne Marwane Ben Yahmed dans ce dossier exceptionnel de 24 pages, « laTunisie de 2012 n’a plus rien à voir avec le pays sclérosé, et en apparence résigné, de la fin de l’ère Ben Ali : elle réfléchit, propose, explore, invente. Elle trace sa voie, trébuche, mais, jusqu’à présent, se relève toujours ». À la veille du second tour de la présidentielle française, La revue se JEUNE AFRIQUE
TERRORISME LES RÉVÉLATIONS D’UN SUPERFLIC
Larevue
larevue.info
À
PREMIÈRE VUE, laTunisie est plongée dans la confusion. Les manifestations succèdent aux manifestations, les sit-in aux sit-in, les grèves aux grèves, le gouvernement peine à mener les réformes qui s’imposent tandis que les salafistes tiennent ici et là le haut du pavé. Pour beaucoup, le pays de Bourguiba est comme un bateau qui aurait perdu le cap. Le dossier que publie La revue tente de montrer que la situation est beaucoup moins inquiétante qu’il n’y paraît. Non seulement le pays n’a pas sombré dans la guerre civile, mais la refondation de l’État se passe beaucoup mieux que prévu. L’université résiste aux fanatiques, la société civile se mobilise, la presse joue son rôle d’aiguillon. Du côté de l’économie, le secteur industriel a surmonté le choc de la révolution, et l’on peut tabler sur une croissance du PIB de 3,5 % en 2012.
POLITIQUES & ÉCONOMIES
SCIENCES & TECHNOLOGIES
NOUVELL FORMULEE
mensuel no 22
MAI 2012
4,90 €
CULTURES & IDÉES
LAKHDAR BRAHIMI
Le diplomate de la paix MARIO MONTI
Peut-il sauver l’Italie? SAHARA
La longue marche des Touaregs
Où va la Tunisie? NOTRE DOSSIER DE 24 PAGES
MAI 2012
MERKEL, POUTINE, OBAMA, BOUTEFLIKA, MOHAMMED VI…
LEUR PRÉSIDENT POUR LA FRANCE GLN(2MO !,, CG+GLLOK9N6O !A!, - + EOLNM3.O !A!, - + D969P9 QA!, / DG& + C$' ! - + B149N6O !A!, - + :0901R<6M1 QA!, / <S + @M6L96PO !A!, + >09LMO !A!, - + ).HOK85.2N !A*, - + '9257 #, C? + "520.N9L !A!, - + U5F9.KOR<6M ! I + S.M11O TA!, @S + =.6M1MO J C= + ;56O D@G % ,,, @ D@G
M 09597 - 22 - F: 4,90 E
1'/-+5",$*4.)43'#(!2!0!%!(& LA REVUE NO 22, mai 2012, 164 pages, 4,90 euros (9 DT, 3 000 F CFA dans la zone CFA).
propose de répondre à la question : entre Hollande et Sarkozy, pour lequel penchent les dirigeants étrangers ? De l’enquête de Christophe Boisbouvier il ressort que les grands de ce monde sont plutôt favorables au président sortant. C’est évident pour Angela Merkel. Ça l’est moins pour Vladimir Poutine et Hu Jintao. Pourtant, un temps décontenancés par l’activisme débridé de « Sarko », les leaders russe et chinois se sont habitués à lui.
En Afrique subsaharienne, on « vote » également majoritairement pour le candidat de la droite. Mais, excepté Alassane Ouattara, dont on connaît les liens d’amitié avec Nicolas Sarkozy, la plupart des autres chefs d’État africains font ce choix plus par intérêt que par affinité personnelle ou idéologique. Les lecteurs familiers de La revue auront une surprise. La maquette a été rénovée de fond en comble. L’objectif étant non pas de changer pour changer, mais, comme l’indique la rédaction du mensuel, de donner plus de confort et de plaisir de lecture. Le contenu, lui, reste largement orienté vers les questions internationales. Pour preuve, dans ce numéro, l’article sur la révolution des mentalités que le président du Conseil, Mario Monti, entend imposer aux Italiens, ceux sur la « tiède » démocratisation de la Birmanie et sur l’échec de l’intervention occidentale en Afghanistan, ou encore l’interview de Lakhdar Brahimi. Spécialiste de la résolution des conflits, l’ancien ministre algérien commente l’actualité du Moyen-Orient. Avec la sagacité de l’expert et la passion de l’homme de conviction. ● HABIB SAYAH
À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO LA LONGUE MARCHE DES TOUAREGS L’image de fiers nomades enturbannés sur fond de mer de sable a longtemps fait rêver. La réalité de ce peuple est aujourd’hui plus prosaïque. FRANCE : UN SUPERFLIC SE LIVRE Ancien directeur des RG, ex-patron de la préfecture de police de Paris, Philippe Massoni dévoile les coulisses du théâtre sécuritaire. MA RENCONTRE AVEC SENGHOR En 1966, un jeune intellectuel tunisien fait la connaissance du « poèteprésident ». Leur amitié ne se démentira jamais. N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
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Formation
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
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Formation - Recrutement
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BUREAU RÉGIONALE DE L’
Afrique
APPEL À CANDIDATURE DE CONSULTANTS EN LANGUES POUR LA BASE DE DONNÉES DU BUREAU RÉGIONAL DE L’OMS POUR L’AFRIQUE : ÉDITEURS/RÉVISEURS, INTERPRÈTES, TRADUCTEURS Le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique recherche des professionnels en langue pour l’édition, la révision, la traduction et l’interprétation. Les profils recherchés sont les suivants : Langue anglaise : - éditeurs/réviseurs - interprètes pouvant interpréter à partir du français et du portugais - traducteurs pouvant traduire du français et/ou du portugais Langue française : - éditeurs/réviseurs - interprètes pouvant interpréter à partir de l’anglais et du portugais - traducteurs pouvant traduire de l’anglais et/ou du portugais Langue portugaise : - interprètes pouvant interpréter à partir de l’anglais et du français - traducteurs pouvant traduire de l’anglais et/ou du français
Concours - Recrutement
Qualifications requises Formation : Diplôme d’interprétation ou de traduction pour les interprètes et les traducteurs, et diplôme universitaire de langue pour les éditeurs, en anglais, français et portugais. L’appartenance à l’Association internationale des interprètes de Conférence est un atout. Expérience : Sept ans d’expérience progressive dans le domaine de l’interprétation, de la traduction et/ou de l’édition/la révision au niveau international, de préférence aux niveaux international/régional ou d’une institution du système des Nations Unies. Comment postuler : Les personnes intéressées sont priées d’envoyer leur candidature par le biais du système de recrutement en ligne de l’OMS au lien suivant : http://www.who.int/employment/fr/ au plus tard le 30 juin 2012.
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Avis d’appel d’offres international ouvert No05/BEAC/SG-DS/AOIO/FOU/2012 du 20 avril 2012
Pour la fourniture des équipements de sécurité électronique à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (Services Centraux et Centres à façade maritime ou fluviale) ainsi qu’à l’immeuble siège de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale à Libreville. La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), envisage de renouveler, sur fonds propres, son dispositif sécuritaire ainsi que celui de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). A cette fin, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international ouvert, les entreprises remplissant les conditions requises, à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture des équipements de sécurité électronique à la BEAC (Services Centraux et Centres à façade maritime ou fluviale) et à la COBAC (immeuble du Siège à Libreville). Le processus de sélection se déroulera conformément à la procédure d’appel d’offres international ouvert appliquée par la BEAC. Les candidats intéressés, satisfaisant aux critères d’éligibilité rappelés dans le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) et remplissant les conditions requises, peuvent consulter, acheter et retirer le DAO, rédigé en français, aux adresses indiquées en annexe du Règlement Particulier, entre 9 heures et 12 heures les jours ouvrés, moyennant le paiement d’un montant non remboursable de cinq cent mille (500 000) francs CFA. Celui-ci devra être effectué, soit par virement bancaire, conformément aux dispositions du Règlement Particulier (Ch. III, alinéa 3.2), soit en espèces contre remise d’un reçu.
BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Tél : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 Fax : (237) 22 23 33 29 E-mail : cgam.scx@beac.int site web : www.beac.int Les offres devront obligatoirement être accompagnées d’une garantie de soumission conforme au modèle joint à l’annexe 2 du DAO et équivalant à cinq (5) % du montant proposé de la soumission. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en séance plénière et en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister, le même jour à 13 heures 00, heure de Yaoundé, dans les locaux des Services Centraux de la BEAC dont l’adresse est ci-dessus mentionnée. Le Président de la Commission ad hoc du Marché, Thomas BANDIA
MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PA n° Q800-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 003/PRCTG II/12
« Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en développement Web avec JAVA/JEE » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PA n° Q800-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance II (PRCTG II), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en développement Web avec JAVA/JEE. 2. La formation vise de manière générale à automatiser les activités de production des actes administratifs afin de rentabiliser l’utilisation de l’outil informatique au sein des ministères concernés. Les objectifs spécifiques sont (i) former les agents en développement WEB avec JAVA/JEE ; (ii) rendre apte et compétitif le personnel informaticien. La durée du contrat est de dix neuf (19) jours. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies certifiées conformes des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ; JEUNE AFRIQUE
• l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - Etre titulaire d’un diplôme BAC+5 ou plus en informatique ; - Disposer d’une expérience d’au moins cinq (5) ans en développement WEB avec JAVA/JEE ; - L’expérience dans la formation des adultes serait un atout. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mercredi 16 mai 2012 à 16 heures précises : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 24 avril 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA N° 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Appel d’offres - Manifestation d’intérêt
Les soumissions devront être déposées ou adressées uniquement à l’adresse ci-dessous indiquée, en version papier exclusivement, au
plus tard le 22 mai 2012 à 12 heures 30, heure de Yaoundé.
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Annonces classées MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PA n° Q800-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 004/PRCTG II/12 « Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en administration système, base de données et sécurité (MYSQLet ORACLE 10g) »
Manifestation d’intérêt
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PA n° Q800-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance II (PRCTG II), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en administration système, base de données et sécurité (MYSQLet ORACLE 10g). 2. La formation vise de manière générale à accroître les compétences des agents du MFPRE en administration système, base de données et sécurité (MySQL et ORACLE 10g) pour permettre une production des actes administratifs. Les objectifs spécifiques sont (i) former les agents en administration système, base de données et sécurité (MySQL et ORACLE 10g) et (ii) rendre apte et compétitif le personnel informaticien. La durée du contrat est de vingt six (26) jours. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies certifiées conformes des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ;
• l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - Etre titulaire d’un diplôme BAC+5 ou plus en informatique ; - Disposer d’une expérience d’au moins cinq (5) ans dans les domaines de l’analyse UML et des bases de données Mysql et Oracle ; - L’expérience dans la formation des adultes serait un atout. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mercredi 16 mai 2012 à 16 heures précises : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 24 avril 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA
MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PA n° Q800-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 005/PRCTG II/12 « Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en développement Web et en PHP/FRAMEWORK SYMFONY »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PA n° Q800-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance II (PRCTG II), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation du personnel du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat en développement Web et en PHP/FRAMEWORK SYMFONY. 2. La formation vise de manière générale à automatiser les activités de production des actes administratifs afin de rentabiliser l’utilisation de l’outil informatique au sein des Ministères concernés. Les objectifs spécifiques sont (i) former les agents en développement WEB, en langage PHP et en framework symfony et (ii) rendre apte et compétitif le personnel informaticien. La durée du contrat est de quatorze (14) jours. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies certifiées conformes des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ; N° 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
• l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - Etre titulaire d’un diplôme BAC+5 ou plus en informatique ; - Disposer d’une expérience d’au moins cinq (5) ans dans les domaines du développement WEB, du langage PHP et du framework symfony ; - L’expérience dans la formation des adultes serait un atout. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mercredi 16 mai 2012 à 16 heures précises : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 24 avril 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA JEUNE AFRIQUE
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GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
PROJET D'HÔPITAL DE RÉFÉRENCE EN PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ
APPEL À MANIFESTATION D'INTÉRÊT Le Gouvernement de la République du Bénin a entrepris des réformes au niveau du secteur de la santé en vue d'améliorer la qualité des services offerts. Dans ce cadre, le Gouvernement a initié un projet dʼhôpital, situé dans les environs de Cotonou, qui pourrait être mis en oeuvre sous la forme dʼun Partenariat Public-Privé et dont lʼobjectif serait de fournir des services de santé de qualité à la population béninoise et de la sous-région. A cet égard, le Gouvernement envisage de signer le contrat avec le(s) adjudicataire(s) sélectionné(s) d'ici la fin de lʼannée 2012 et de commencer la construction de l'hôpital en 2013.
Les parties intéressées sont invitées à soumettre un dossier, ne dépassant pas 10 pages, exprimant leur intérêt pour le projet. Le dossier de manifestation dʼintérêt devra inclure notamment : • une brève description des activités de lʼorganisation ; • une brève description de son expérience en matière de santé et • une description de ses compétences spécifiques et expertise en matière de santé. Sous réserve des conclusions des études en cours, le Gouvernement envisage de lancer un appel d'offres afin de sélectionner le partenaire privé. La réponse au présent appel à manifestation d'intérêt ne constituera pas un pré-requis pour participer à l'appel d'offres. Néanmoins, les personnes ayant soumis une manifestation d'intérêt complète seront informées de l'avis de pré-qualification dans le cadre de l'appel d'offres, le jour de sa publication. Les manifestations d'intérêt, rédigées en français, et portant la mention « MANIFESTATION D'INTÉRÊT PPP HOSPITALIER AU BÉNIN » devront être adressées par courrier électronique avant le 30 mai 2012, 17 heures, heure de Cotonou, aux personnes suivantes : M. Martin N. Gbedey Président de la Commission Technique de Dénationalisation Cabinet du Premier Ministre, République du Bénin Email : gbedeynm@gmail.com M. Stefan Rajaonarivo Conseil en Transactions PPP, IFC Email : srajaonarivo@ifc.org Mme Catherine O'Farrell Conseil en Transactions PPP, IFC Email : cofarrell@ifc.org JEUNE AFRIQUE
N° 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Manifestation d’intérêt
La Société Financière Internationale (IFC) a été sélectionnée par le Gouvernement en tant que Conseil pour la structuration et la mise en oeuvre du projet. A ce titre, le Gouvernement et IFC appellent par la présente les opérateurs et investisseurs privés nationaux et internationaux, notamment ceux pouvant faire preuve dʼune expérience significative en matière de fourniture de services hospitaliers et de soins de santé, de construction dʼétablissements hospitaliers et dʼinvestissement dans des projets de santé, à manifester leur intérêt pour le projet. Ce processus visant à obtenir une meilleure vision des personnes intéressées par un projet de ce type, ne fait pas partie de l'appel d'offres qui pourra, le cas échéant, être organisé pour le projet, et ne crée en conséquence aucune obligation de la part du Gouvernement ou de IFC à l'égard de quiconque choisirait de répondre.
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Annonces classées MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 07/2012/D.G.TRSM.I RELATIF À L’ACQUISITION DE TROIS SYSTÈMES DE SURVEILLANCE PAR CAMÉRA La Division Générale des Transmissions et de l’Informatique lance un appel d’Offres International pour l’acquisition de trois systèmes de surveillance par caméra. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier de l’Appel d’Offres à l’adresse suivante : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE BASE MILITAIRE BAB SAADOUN – 1005 TUNIS Contre paiement de la somme vingt cinq (25) Dinars libellé au nom de Monsieur le Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale, par chèque ou par mandat (CCP 17001000000006168224).
Appel d’offres
Les offres doivent parvenir sous plis fermés par la poste recommandé ou par rapide poste ou déposées directement au bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique portant la mention à « Ne pas ouvrir Appel d’Offres International n° 07/2012 acquisition de trois systèmes de surveillance par caméra » comportant la caution de soumission, les pièces administratives, l’offre technique et l’offre financière et ce au plus tard le 8 Juin 2012, (Le cachet du bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique faisant foi).
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 11/2012/D.G.M.R.E. Le Ministère de la Défense Nationale se propose de lancer le présent Appel d’Offres pour l’acquisition, l’installation et mise en service d’une chaine de contrôle technique de véhicules légers dans ses installations sises à la base militaire de Bab Saadoun. Les fournisseurs intéressés par cet Appel d’Offres peuvent retirer le dossier y afférent auprès de LA DIRECTION GÉNÉRALE DES MATÉRIELS ROULANTS ET DES ESSENCES – RN 1 – KM 30 – FONDOUK DJEDID – 8012 NABEUL contre le versement de vingt cinq dinars par mandat postal au nom du Régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP n° 616-82 et ce tous les jours ouvrables comme suit : Du Lundi au Jeudi de 08h00 à 12H00 et de 13H00 à 16H00. Vendredi et Samedi de 08H00 à 13H00. Les offres doivent être adressées au plus tard le 08 Juin 2012 (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi). Les candidats doivent présenter leurs offres comme suit : L’offre technique, les documents à caractère administratifs et l’offre financière doivent être placés dans deux enveloppes séparées fermées et scellées. Ces deux enveloppes seront placées dans une troisième enveloppe fermée et scellée et portant la mention « A NE PAS OUVRIR APPEL D’OFFRES N° 11/2012/DGMRE relatif à l’acquisition, l’installation et mise en service d’une chaine de contrôle technique » sera envoyée par la poste et recommandée ou par courrier rapide ou sera déposée directement au bureau d’ordre central de l’administration à l’adresse sus indiquée (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi). N° 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
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MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 06/DAT/2012 La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer se propose de lancer un appel d’Offres International pour l’acquisition de zinc pour la protection cathodique des coques des unités navales en acier. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer les dossiers de l’Appel d’Offres pendant les jours ouvrables (horaires administratifs) à l’adresse suivante : Division Achat et Transit de l’Armée de Mer Base Navale de La Goulette – 2060 LA GOULETTE Le coût du dossier est fixé à la somme de 25,000 Dinars payable par mandat postal adressé au nom du Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP n° 616-82. Les offres doivent être adressées à l’adresse ci-dessus indiquée dans une enveloppe cachetée, recommandée ou remis directement au bureau d’ordre de la DAT et portant lisiblement en haut et à gauche « Ne pas ouvrir Appel d’Offres n° 06/DAT/2012 pour l’acquisition de zinc » au plus tard le 8 Juin 2012, le cachet du bureau d’ordre de la DAT faisant foi.
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N° 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Divers
toutes
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Franc-maçonnerie et démocratie À la lecture de l’interview du Camerounais Hervé-Emmanuel Nkom dans votre dernier numéro double (no 2674-2675) – en particulier le passage sur les deux élections présidentielles de 2000 et de 2012 dans mon pays –, le Sénégalais que je suis ne sait s’il doit rire ou pleurer ! Prétendre que les francs-maçons ont contribué au bon déroulement des élections est une insulte à l’intelligence, à l’abnégation et au courage SOS MALI Spécial 10 pages du peuple sénégalais dans son ensemble. C’est aussi une attaque contre Le vrai sa jeunesse, pouvoir des FRANCS-MAÇONS qui s’est battue pour consolider la démocratie ! J.A. No 2674-2675, – et parfaire du 8 au 21 avril. l’alternance –, arrachée par nos ancêtres au prix de leur sang ! La théorie d’HervéEmmanuel Nkom prouve qu’il est dans le déni total, déconnecté des réalités culturelles et historiques sénégalaises, passées et présentes ! Un conseil : qu’il s’abonne à J.A. ; ça l’aidera à mieux connaître notre continent. Au demeurant, pourquoi la franc-maçonnerie, qu’HervéEmmanuel Nkom pare de mille vertus, n’impose-t-elle pas la démocratie, EN
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012
ENQUÊTE LES 50 QUI FONT LA NOUVELLE TUNISIE
MAROC M6-BENKIRANE : 100 JOURS APRÈS
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Dossier de 22 pages
PALMARÈS QUI SONT LES SPORTIFS AFRICAINS LES MIEUX PAYÉS ?
Les frères ont infiltré les palais présidentiels africains, mais aussi les partis d’opposition, et exercent une influence certaine sur les dirigeants. Entre fantasmes et réalité, enquête sur un phénomène irrésistible.
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la liberté de la presse et plus largement l’alternance politique dans son pays, le Cameroun ? ● MBODJI ABDOULAYE SARR, Yverdon-les-Bains, Suisse
Kabila : mal élu ou mal aimé ? Je ne suis pas un Congolais, encore moins un admirateur du président Joseph Kabila. Pourtant, je souscris au reproche qui vous est parfois fait de vous acharner contre lui. À preuve, le traitement que vous lui avez réservé avant, pendant et après l’élection présidentielle de novembre 2011, qu’il a officiellement remportée. En réutilisant (J.A. no 26742675 du 8 au 21 avril) l’expression « mal élu », vous validez cette théorie. En quoi Kabila serait-il moins légitime que le Togolais Faure Gnassingbé ou le Gabonais Ali Bongo, que vous présentez comme des « modèles pour les nouvelles générations » ? Pourquoi des lauriers pour les uns et le pilori pour l’autre ? À quelques exceptions près, l’étiquette de « mal élu » pourrait être accolée à tous les présidents africains. Et si Joseph Kabila était tout simplement « mal aimé » de… J.A. ? ● ORPHE BOUTET, Rouen, France
Une couverture a minima J’ai été déçu par votre édition no 2671, du 18 au 24 mars. Alors qu’en couverture vous annonciez un
À PROPOS DES LÉGISLATIVES FRANÇAISES VOTRE DERNIER NUMÉRO double du 8 au 21 avril consacre un dossier aux enjeux des prochaines législatives en France (les 10 et 17 juin) et à l’élection de onze députés chargés de défendre les intérêts des Français de l’étranger. Malheureusement, l’article résume le combat électoral dans la 10e circonscription (Afrique [hors Afrique du Nord], Moyen-Orient [hormis Israël], ainsi que Madagascar et l’île Maurice, soit 49 pays) à un duel UMP/PS. Je tiens à préciser que d’autres candidats, dont je suis, ont des chances de figurer au second tour. ● PATRICIA ELIAS-SMIDA, avocate résidant au Gabon, candidate indépendante dans la 10 e circonscription des Français de l’étranger N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
« Spécial 50 ans Algérie-France », à peine huit pages étaient consacrées au cinquantenaire de l’indépendance ! Par ailleurs, sur le dessin illustrant le dossier, le drapeau bleu blanc rouge n’est pas celui de la France, mais celui des Pays-Bas. De même – mais c’est moins grave –, le ALGÉRIE-FRANCE MÉMOIRES VIVES drapeau algérien est transposé dans le sens ! J.A. No 2671, de la largeur ! du 18 au 24 mars. Qui aime bien, châtie bien : Jeune Afrique reste, pour moi, un hebdomadaire de grande qualité. ● CÔTE D’IVOIRE LE FABULEUX DESTIN DE GUILLAUME SORO jeuneafrique.com
LE PLUS
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2671 • du 18 au 24 mars 2012
DÉBAT FAUT-IL INTERVENIR EN SYRIE ?
REPORTAGE MALI : LA POUDRIÈRE TOUARÈGUE
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Spéc Sp Spécial écia éc iall 22 pages ia
Spécial
• Rédha Malek: « Notre révolution est inachevée », une interview exclusive de l’ancien Premier ministre, témoin clé des accords d’Évian • Pourquoi le passé ne passe toujours pas • Le jour où l’Algérie française est morte, par Benjamin Stora et Renaud de Rochebrune ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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ABED-REZAK REHALI, Paris, France
Réponse Il va de soi que nous consacrerons également de nombreuses pages au 50e anniversaire de l’indépendance algérienne début juillet, le 5 juillet 1962 étant la date de sa proclamation officielle. Quant à votre précision géométrique, nous vous conseillons de regarder les cartes verticalement. ● LA RÉDACTION
Pas de fédéralisme au Mali Dans son « Ce que je crois » du 8 au 21 avril 2012 (J.A. no 2674-2675), Béchir Ben Yahmed préconise le fédéralisme comme solution à la crise dans le Nord-Mali. C’est là une grave erreur de jugement : une telle formule n’est pas envisageable dans ce pays, dont la devise est : « Un peuple, un but, une foi. » Ceux qui prônent la partition du Mali, par l’indépendance de la partie nord ou par le fédéralisme, restent ultraminoritaires dans leur propre communauté, a fortiori dans les trois régions du Nord, peuplées en majorité de Songhaïs, de Peuls, d’Arabes, de Bamanans, de Bellas… qui font intimement corps avec le reste du pays. Le Mali est une terre millénaire de civilisations, où le brassage entre différentes communautés est tel que nous sommes un et indivisible. JEUNE AFRIQUE
COLLECTION DUPONDT/AKG-IMAGES
Vous nous
Plaidoyer pour Tombouctou TOMBOUCTOU EST RETOURNÉE dans le XVIe siècle. Des forces rebelles du mouvement Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghali se la disputent avec celles du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), sans parler de dirigeants d’Aqmi, qu’on y signale. Avec cette ville, capitale culturelle de l’Afrique au sud du Sahara, est également tombée Gao, d’égale renommée. Ainsi c’est le centre pulsatif de l’intelligence africaine la plus profonde qui est menacé, ces deux villes n’ayant pas seulement produit des lettrés de renom tel Al Hadj Mahmoud Kati, mais aussi des centaines de milliers de documents de mathématiques, d’astronomie et d’autres sciences qui ont défini de manière inébranlable le savoir africain, et produit des textes influents, dont ses Chroniques de Tombouctou, écrites entre 1493 et 1599. Mais ce qui s’est effondré ici aussi, c’est une expérience démocratique de vingt ans, née avec les années 1990 et arrachée aux mains des soldats de Moussa Traoré. Depuis, le Mali doute et a besoin de se sentir soutenu et aidé. Nous ne pouvons rester indifférents. Comme Tombouctou aura été l’une des capitales africaines de la culture, Bamako aura été l’une de celles de la démocratie en Afrique d’expression française. Comme la culture, la démocratie est vulnérable. Comme la culture, la démocratie se défend. Le respect des textes se défend. Il y va autant des manuscrits centenaires de la Cité des sables que des textes qui légifèrent la République. Il y va autant des universités de l’intelligence africaine que des institutions du droit qui régissent la vie aujourd’hui au Mali. Paris aura été épargné par les nazis, tout comme Heidelberg par les forces alliées lors de la Seconde Guerre mondiale, à cause du capital autant symbolique qu’intellectuel que représentaient ces villes. De même, Tombouctou est aujourd’hui la ville symbole de la dignité africaine, comme Bamako est celle de notre expérience démocratique. Sauvons Tombouctou, aidons le Mali. ● PATRICE NGANANG, écrivain, New York, États-Unis
La guerre, qu’on nous impose aujourd’hui, sera gagnée à brève échéance par le Mali. Ceux qui y sont favorables veulent simplement contrôler une portion du territoire national pour assouvir leur soif de trafics en tous genres. Le Mali vivra ! Le Mali vaincra ! ● M E IBRAHIM BERTHE, ancien député, Bamako, Mali
Le palmarès qui interpelle Je reste assez dubitatif face à votre classement des cinquante sportifs africains les mieux payés (J.A. no 2674-2675). D’abord, les Marseillais JEUNE AFRIQUE
Réponse Basé sur la liste annuelle publiée par le média américain ESPN, le classement ne prend en compte que les sportifs les mieux payés de leur pays. À ce titre, Didier Drogba, avec 7,5 millions d’euros de salaire annuel à Chelsea (hors primes et contrats publicitaires), reste loin derrière son compatriote Yaya Touré et ses 14 millions d’euros perçus à Manchester. Le Sénégal figure bien dans notre classement, le basketteur DeSagana Diop (Charlotte Bobcats, États-Unis) pointant à la sixième place avec un salaire annuel de 5,3 millions d’euros. ● LA RÉDACTION
Le Nigeria en péril Alors que JEUNE AFRIQUE m’accompagne au quotidien depuis déjà un certain temps, c’est la première fois que j’interviens dans ses colonnes, révolté par les attentats à répétition au Nigeria. Il est inadmissible, inconcevable, que des individus suppriment ainsi des vies humaines au nom de la religion. Le Nigeria est un pays peuplé de musulmans (majoritairement dans le Nord) et de chrétiens (essentiellement dans le Sud), condamnés à vivre ensemble. Il faut à tout prix que cela s’arrête, et maintenant, si nous voulons transmettre aux générations futures les valeurs morales que prônent nos religions. ● ERICK DJÉRAREOU, Sarh, Tchad
OUSMANE DJOMBERA,
François, prénom béni ! En France, cinq des six présidents de la Ve République étaient de droite. À gauche, seuls des candidats prénommés François sont parvenus jusqu’ici à s’imposer lors d’un scrutin présidentiel. Le premier, François Mitterrand, en effectuant deux septennats, entre 1981 et 1995. Le second, François Hollande, en arrivant en tête au premier tour de l’élection de 2012. Un prénom béni pour les socialistes, « François » ? Peut-être. D’autant qu’en 2002 et 2007 les socialistes Lionel Jospin et Ségolène Royal avaient échoué alors que la victoire leur tendait les bras. ●
Pointe-Noire, Congo-Brazzaville
ALI HAMADI SAANDI, Ntsoudjini, Comores
Stéphane Mbia et Souleymane Diawara (OM) sont mieux payés que leur coéquipier Charles Kaboré. Ensuite, vous ne mentionnez ni Mohamed Sissoko (PSG, France), ni Benoît Assou-Ekotto (Tottenham, Angleterre), encore moins Mamadou Niang (Al-Sadd SC, Qatar). D’ailleurs, les footballeurs sénégalais non plus n’y figurent pas. Or, à l’instar de Papiss Demba Cissé (Newcastle United FC), ils sont nombreux à afficher de confortables revenus. Et l’Ivoirien Didier Drogba (Chelsea), serait-il si mal payé? ●
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
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Post-scriptum Fawzia Zouari
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed
L’objet votant
RÉDACTION
C
ERTAINS FEIGNENT de s’étonner du score réalisé par le Front national au premier tour de l’élection présidentielle française, le 22 avril. Pourtant, il n’a échappé à personne que la campagne a amplement pioché dans l’islam et l’immigration. Insécurité, laïcité et intégration ont été généreusement resservies par les politiques de droite comme de gauche, certes à des degrés différents. Mais la démagogie a atteint des sommets quand on nous a fait croire que la viande halal, le rituel d’abattage ou la burqa étaient consubstantiels à l’économie ou à l’identité françaises. L’affaire Merah a failli tourner au 11 Septembre local, et Marine Le Pen s’est fendue de son désormais célèbre « Combien de Merah arrivent sur les bateaux! », lequel a éclipsé sous les clochers de France le fameux « Je vous ai compris! » de De Gaulle. Toutefois, de nombreux Français ont essayé de protester, arguant que ces thèmes ne constituaient pas de vraies priorités. Mais le décor planté par l’Union pour un mouvement populaire (UMP) ouvrait la voie à un « immigricide annoncé », que les deux principaux partis, en duo, s’apprêtent à mettre en musique: fini le halal, les prières dans la rue, le voile, le Conseil français du culte musulman (CFCM), les prédicateurs du Bourget. Place à l’immigration zéro. Enfin, le vrai visage de la France!
Mais, alors, si par hasard et malgré tout Hollande remportait la mise, aurait-on droit au scénario contraire: moins de contrôles aux frontières, régularisations de sans-papiers, vote des étrangers, niqab et halal estampillés « faux débats », banlieues purgées de la ségrégation, ascenseur social à plein régime? Vous y croyez, vous? Quant à moi, j’essaie d’analyser, bien que la France ne me demande pas mon avis. Car, vous l’aurez remarqué, là aussi, si les programmes tournent autour des immigrés, rares sont les partis qui veulent bien les écouter. Et alors que la question récurrente consiste à se demander si l’islam est une chance ou une calamité pour la France, on ne sollicite que rarement la réponse des musulmans. D’ailleurs, combien d’Arabes et d’Africains en bonne place auprès des candidats? Combien de pressentis à des postes ministériels sont issus de la diversité? Et regardez donc la télévision! Le petit écran – qui ne cesse de se nourrir de faits divers glanés dans « les banlieues sensibles » et de booster son audimat grâce à un islam subtilement assimilé à de l’islamisme – oublie de faire parler la majorité des « mahométans » de souche que nous sommes. Des spécialistes y étudient nos intentions de vote, sans nous approcher. Ils se réservent les débats sur le paysage politique national et nous réservent le dossier des révoltes arabes, du terrorisme ou du voile. Parmi la douzaine de spécialistes qui décortiquent la campagne présidentielle depuis des semaines, j’ai rarement identifié un Arabe ou un Subsaharien! Des journalistes allemands, hollandais ou américains sont interviewés à longueur d’antenne. Pensez-vous que l’on tendrait un micro au correspondant d’une chaîne du Maghreb ou du continent pour connaître le point de vue du Sud sur les élections françaises? Alors, je le dis, moi: il est normal que certains d’entre nous suivent le spectacle de leur balcon. Ou prennent le chemin des urnes sans conviction. La pièce les concerne, mais se joue sans eux. Nul ne les convaincra qu’ils sont devenus des sujets en votant. Ni qu’ils ne déchanteront pas, quel que soit le prochain président. ● N o 2677 • DU 29 AVRIL AU 5 MAI 2012
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année)
JEUNE AFRIQUE
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