CEDEAO LE CASSE-TÊTE MALIEN jeuneafrique.com
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de Je E PL U une Afriq S ue
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • No 2678 • du 6 au 12 mai 2012
AFRIQUE LE NOUVEAU VISAGE DE L’ARMÉE FRANÇAISE
TUNISIE REPORTAGE ET SI ON UNE AUTRE S’OCCUPAIT ALGÉRIE DES VRAIS PROBLÈMES…
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Spécial Spéc Sp écia éc iall 28 pages ia
JUSTICE INTERNATIONALE
À QUI
le tour? Bosco Ntaganda, Charles Blé Goudé, Chérif Ousmane, Moussa Dadis Camara, Joseph Kony, Seif el-Islam Kaddafi, Félicien Kabuga… Après le verdict du procès Charles Taylor, ils sont nombreux à s’inquiéter. Enquête
ÉDITION INTERNATIONALE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Éditorial François Soudan
Exceptionnellement, vous ne trouverez pas Ce que je crois de Béchir Ben Yahmed dans ce numéro.
Le lièvre et la tortue
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Ce qui intéresse ici et que le 6 mai aura confirmé, c’est que, pour la première fois depuis 1958, les Français auront élu un homme qui leur ressemble. Un homme ambitieux, certes, que nul n’a vu venir, à commencer par son adversaire et ses propres camarades, mais que nulle ivresse de lui-même ne possède et que la paranoïa du pouvoir ne semble pas devoir atteindre. Un fantassin devenu maréchal, un notable de province qui a annoncé que son salaire de président et celui de ses ministres seraient abaissés de 30 % dès son accession à l’Élysée, alors que son prédécesseur avait augmenté le sien de 170 %. Un chef de l’État Leclerc ou Ikea, donc, pour qui la fonction requiert de la dignité plutôt que de la majesté, ni souverain ni sauveur suprême, ni homme providentiel ni séducteur excentrique, résolument normal, avec un ego certes développé, mais dénué de tout égotisme. Lorsque Nicolas Sarkozy avait reçu J.A. quelques mois avant son élection de 2007, il surjouait déjà la fonction dans son vaste bureau de la place Beauvau, cabotin, capricieux, impulsif, pensant son entourage tétanisé. À la fin de l’entretien, posant sa main sur l’épaule de ses interlocuteurs, il avait eu cette phrase: « Je vous lis, vous faites du bon travail, continuez. » Lorsque François Hollande s’est livré au même exercice il y a huit mois, il était seul dans son réduit de l’Assemblée nationale, servant lui-même le café. « Souhaitez-moi bonne chance », avait-il simplement conclu. L’un et l’autre étaient en route pour le sommet de l’État, mais les voies empruntées par le lièvre narcissique et la tortue obstinée n’ont jamais, il est vrai, été les mêmes. Reste l’exercice du pouvoir et cette fatalité de l’Élysée qui veut que le costume de président, taillé aux mesures de ce géant que fut Charles de Gaulle, transforme ipso facto celui qui le porte en monarque. François Hollande y échappera-t-il ? Sur ce point, à Brazzaville, on est dubitatif. ● JEUNE AFRIQUE
DAVID MUIR ; SIDALI DJEDI ; AUDE OSNOWYCZ ; ANTONIN BORGEAUD
PHOTOS DE COUVERTURES : VERNIER/JBV NEWS ; AFP PHOTO/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK ; VINCENT FOURNIER/J.A.
AUF SURPRISE MAJEURE, aussi peu probable vu de Brazzaville où ces lignes sont écrites (à quarante-huit heures du verdict) qu’un arc-en-ciel en pleine saison sèche, François Hollande aura donc été élu septième président de la Ve République française lorsque vous aurez en main ce numéro de J.A. Sur les rives du fleuve Congo comme partout ailleurs en Afrique francophone, le débat télévisé du 2 mai a été suivi par l’élite politique et intellectuelle avec la même passion qu’un Clásico entre le Barça et le Real. Ce n’est certes pas le fond, encore moins les programmes ébauchés par les deux protagonistes qui ont ce soir-là retenu l’attention : en dehors de divergences somme toute minimes sur l’âge de la retraite et le droit de vote des étrangers aux élections municipales, chacun sait que le choc de la crise uniformise les politiques intérieures des grandes démocraties occidentales et qu’en matière d’affaires étrangères la perception des problèmes et des solutions à y apporter est presque toujours identique que l’on s’appelle Hollande ou Sarkozy, Obama ou Romney, Cameron ou Miliband.
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Confidentiel
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LA S EM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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Mali Un coup d’attente Béchir Salah L’étau se resserre Mory Kanté L’ode aux femmes Libye Chokri Ghanem, mort en eaux troubles Forum Les patrons africains prennent la parole Rémunération Très chers Marocains Football Mais combien gagne-t-il ? Tour du monde
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G RA N D A N G L E
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L’autre Algérie
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Justice internationale À qui le tour ? Tribune P*** de famine ! Armée française Partir… pour mieux rester Gabon Bongo forever
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M AG H REB & M OYEN - O RIEN T
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Tunisie Et si on s’occupait des vrais problèmes… Libye Quand les Toubous se réveillent Maroc Interview de Salaheddine Mezouar
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EU RO PE, A M ÉRIQ U ES, ASIE
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États-Unis Trou d’air pour Obama Course aux armements La poudrière asiatique Parcours Hédi et Ali Thabet : Ensemble, c’est tout Terrorisme Ben Laden refait surface Belgique Les mouchards de la Toile N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
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POINTE-NOIRE IDENTITÉS PLURIELLES À l’occasion de ses 90 ans, voyage au cœur de la capitale économique du Congo. Spécial 28 pages
JUSTICE
À QUI LE TOUR ?
Depuis la condamnation de Charles Taylor, ils sont nombreux sur le continent à se dire qu’ils pourraient bien un jour, comme l’ancien président libérien, être envoyés à La Haye. Ont-ils des raisons de s’inquiéter ?
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LITTÉRATURE « LA RÉPONSE LA PLUS SUBVERSIVE À LA DICTATURE : ÊTRE HEUREUX ! » Une interview de Dany Laferrière.
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TUNISIE ET SI ON S’OCCUPAIT DES VRAIS PROBLÈMES… Préoccupante, la situation socioéconomique n’en est pas pour autant désespérée. À condition n que tout le monde se remette au travail.
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L’indus tr touristi ie qu prépare e les pro cha vacanc ines e s.
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AGROBUSINESS Un potentiel à transformer. Dossier de 14 pages
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LE PLUS DE JE U N E A FR I Q U E
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Pointe-Noire Identités plurielles
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ÉCON OMIE Tourisme La Tunisie prépare les prochaines vacances Afrique centrale La Beac entre convalescence et redressement Maritime Tanger Med repart à l’abordage Aérien Amadou Ousmane Guitteye, gardien du ciel africain Télécoms Azouaou Mehmel, du fil à détordre Banque Les annonces d’UBA manquent de crédit Baromètre
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L E D O SSIER Agrobusiness Un potentiel à transformer C U LT U RE & M ÉD IA S Littérature Interview de Dany Laferrière Télévision Plongée en eaux troubles Langues Chinois, parlez-vous swahili ? La semaine culturelle de Jeune Afrique Lu et approuvé Apocalypse now VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum JEUNE AFRIQUE
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Bénin Le Talon d’Achille de Boni Yayi
BURKINA BONGNESSAN YÉ CONFIANT
Le projet de révision constitutionnelle piloté par Arsène Bongnessan Yé, le ministre des Réformes politiques, est sur le point d’aboutir. Les 28 et 29 mai, il sera examiné en première lecture par les députés, qui se prononceront notamment sur l’augmentation du nombre des sièges à l’Assemblée (on parle de 130, contre 111 actuellement, avec au moins deux sièges par province), la création d’un Sénat, le renforcement des pouvoirs du Premier ministre et de ceux du Parlement. Pour être adopté, le texte doit recueillir les quatre cinquièmes des suffrages. Bongnessan Yé se déclare « confiant ».
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LE CHIFFRE
CHARLES PLACIDE
A DÉCRISPATION PROMISE par Boni Yayi après sa réélection en mars 2011 à la présidence béninoise a fait long feu. Les poursuites judiciaires engagées contre l’homme d’affaires Patrice Talon en raison de malversations supposées dans l’importation d’intrants sont en train de « fissurer les relations entre le gouvernement et le président », assure un ministre influent. Car ce dossier en cache un autre, encore plus explosif : celui du Programme de vérification des importations (PVI), dont la mise en œuvre a été confiée à Talon juste avant le scrutin présidentiel. Le contrat comporte « des dispositions très favorables qui lui ont permis de mettre la main sur une bonne partie des recettes douanières », explique un habitué du Palais. Qui a négocié ce contrat que le chef de l’État souhaite aujourd’hui L’HOMME D’AFFAIRES PATRICE TALON : ses ennuis judiciaires dénoncer ? « En vont-ils déboucher sur une crise politique ? pleine campagne électorale, Boni Yayi a laissé faire », assure-t-on dans l’entourage du président, où l’on évoque notamment le nom de Pascal Koupaki, l’actuel Premier ministre, dont les jours semblent comptés. Certains estiment que Talon, qui a financé la campagne du candidat Yayi en 2006 et, moins généreusement, en 2011, se serait rapproché de Koupaki, le champion de certains Sudistes en vue de la présidentielle de 2016. Est-ce à dire que le Nordiste Yayi n’a pas abandonné l’idée de rempiler, bien que la Constitution ne l’y autorise pas ? « Le pays est sur une mauvaise pente régionaliste », estime un proche collaborateur de Koupaki. ●
80 %
Le pourcentage des décès provoqués dans les pays en développement par les maladies non transmissibles: cancers, diabète, maladies respiratoires ou cardiovasculaires essentiellement. En Afrique, ces mêmes maladies deviendront la principale cause de mortalité d’ici à 2030, supplantant les maladies transmissibles, celles liées à la mauvaise nutrition ou les décès consécutifs à un accouchement.
GUINÉE-BISSAU ANGOLAIS SUR LES NERFS
Les quelque six cents soldats angolais présents depuis plus de un an sur le territoire bissau-guinéen dans le cadre de la Mission militaire technique angolaise pour l’assistance et la réforme du secteur de la défense et de la sécurité (Missang) n’attendent qu’une chose pour quitter le JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société pays: l’arrivée des troupes de la Cedeao, censées prendre leur relève. La méfiance est telle entre l’état-major de l’armée bissau-guinéenne, qui a mené le coup d’État du 12 avril, et les autorités de Luanda, accusées par les putschistes de soutenir l’ancien Premier ministre Carlos Gomes Junior, que les Angolais craignent que leur retrait donne lieu à des représailles. « Ils comptent se retirer sous notre protection, et pas avant », souffle un général ouest-africain. La force de la Cedeao devrait compter six cents hommes : soldats togolais, nigérians et sénégalais, plus un contingent de gendarmes burkinabè.
Libye Retour de Sonatrach TUMULTUEUSES DEPUIS le déclenchement de l’insurrection anti-Kaddafi, en février 2011, les relations entre l’Algérie et la Libye sont en voie d’apaisement. Lors de sa récente visite à Alger, Mustapha Abdeljalil, le président du Conseil national de transition (CNT), avait demandé à Abdelaziz Bouteflika d’accélérer le retour dans son pays du groupe pétrolier Sonatrach. Son interlocuteur lui avait expliqué que rien n’était possible sans l’accord des services de sécurité. Ces derniers venant de donner leur feu vert, Sonatrach devrait reprendre dès le 15 mai la prospection du bassin sédimentaire qui s’étend de Ghadamès à El-Ghat. ●
postélectorales en Côte d’Ivoire. De son côté, Me Emmanuel Altit, l’avocat de l’ancien président, continue de préparer avec son client l’audience de confirmation des charges, prévue le 18 juin. Des axes de contre-attaque sont envisagés, en particulier le dépôt d’une plainte contre l’Onuci en raison de l’implication de ses troupes aux côtés des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (pro-Ouattara) dans les combats qui les ont opposées aux forces fidèles à Gbagbo.
AIR MAURITIUS RESTRUCTURATION EN COURS
Quatrième compagnie aérienne africaine (436 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011), Air Mauritius a, à la mi-avril, chargé un cost killer, Derek Shanks, de restructurer ses activités. D’ici à 2014, plusieurs lignes internationales (Durban, Francfort, Munich, Milan, Melbourne et Sydney) seront ainsi abandonnées. La compagnie a choisi de se recentrer sur les vols de courtesetmoyennesdistances, dans l’océan Indien, et espère renouer avec les profits dès 2013 (ou 2014). Depuis un an, l’action Air Mauritius a perdu 35,91 % de sa valeur. C’est la plus mauvaise performance au Semdex, la Bourse de Maurice, après celle de Gamma Civic, le numéro un local du BTP.
JEUNE AFRIQUE
Il s’y voyait déjà, Amadou Haya Sanogo. Lors des discussions qui ont précédé la formation dugouvernementdetransition malien, le président du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) avait exigé d’être nommé ministre de la Défense. Très vite, les Américains s’y sont opposés. Pas question pour eux, comme d’ailleurs pour la plupart des voisins du Mali, que ce militaire « raté » (selon les termes d’un ambassadeur), risée des états-majors ouest-africains
MAURITANIE KINROSS SNOBE NOUAKCHOTT
Kinross,legroupeminiercanadien, n’est plus en odeur de sainteté en Mauritanie, où il exploite la mine d’or de Tasiast. Plutôt que d’installer ses expatriés à Nouakchott, il a en effet préféré prendre ses quartiers à Las Palmas, aux Canaries, où la vie est selon lui plus agréable. « Pour rejoindre le gisement [à 180 km de Nouadhibou, NDLR], ses salariés étrangers utilisent les services d’une compagnie d’aviation privée, confie un avocat. Quand ils ont besoin de discuter avec des Mauritaniens de la capitale, ils viennent les chercher et tiennent la réunion aux Canaries. » Une attitude qui a fini par irriter les autorités.
AFFAIRE NTSIMI SUITE
La crise continue
LUDOVIC/REA
JUSTICE MORENO-OCAMPO VERSUS GBAGBO Luis Moreno-Ocampo, le procureur général de la Cour pénale internationale, devrait, le 16 mai, communiquer à la défense les charges retenues contre Laurent Gbagbo dans le dossier des violences
MALI SANOGO PROMU GÉNÉRAL ?
depuis qu’il se promène avec son bâton d’officier, obtienne ce poste clé. Qu’à cela ne tienne, le putschiste en chef s’est fixé un autre objectif : obtenir le grade de général de division. Ce serait une belle promotion – et une formidable revanche – pour ce capitaine qui fut renvoyé du prytanée militaire de Kadiogo, au Burkina, puis de l’école militaire de Koulikoro, au Mali.
De retour à Bangui depuis le 25 avril, Antoine Ntsimi (ci-contre), le président de la Commission de la Cemac, n’en a pas fini avec la crise qui secoue cette institution. À peine arrivé, il a fait mettre à la retraite d’office plusieurs cadres et en a déplacé d’autres entre les différents services. Motif officieux : tous sont soupçonnés d’avoir alimenté des fuites dans Jeune Afrique révélant la mal-gouvernance de la Commission. Autre problème : les relations entre l’ancien ministre camerounais des Finances et les autorités centrafricaines sont toujours aussi tendues. Dès son arrivée à Bangui, Ntsimi a présenté au président François Bozizé une demande d’audience qui est restée lettre morte. Quelques jours plus tard, lors du défilé du 1er Mai, il a tenté de s’installer dans la tribune officielle mais en a été expulsé par la garde présidentielle. Le chef de l’État ne souhaitait pas sa présence à ses côtés. Quant à la date du prochain sommet de la Cemac, que Ntsimi est censé préparer, elle n’est toujours pas fixée. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
La semaine de Jeune Afrique
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MALI
Un coup
d’attente Réunie à Dakar le 3 mai, la Cedeao a fait profil bas. Si elle se dit toujours favorable à l’envoi d’une force d’intervention, elle a précisé que l’opération ne se ferait pas sans le consentement des autorités maliennes de transition. À moins que…
SEYLLOU/AFP
et
MALIKA GROGA-BADA RÉMI CARAYOL, à Ouagadougou
«
U
n pasen avant, deux pas en arrière. » Comme beaucoup à Bamako, le cadre de l’administration malienne qui nous confie sa déception ce matin-là attendait avec impatience les conclusions des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réunis le 3 mai. « Mais une fois de plus, on vient de conforter les putschistes dans leur position, regrette-t-il. Ils
L’événement sont incontournables. » Exagération ? Pas sûr. À Dakar, où ils se sont retrouvés pour un sommet extraordinaire, les présidents de la sous-région sont revenus sur les décisions qu’ils avaient annoncées le 26 avril. Le déploiement de la Force d’attente de la Cedeao (FAC), ont-ils finalement décidé, ne se fera qu’à la demande expresse des autorités de transition. Une reculade ? « Non, soutient un diplomate ouest-africain. Un réajustement, plutôt. Il n’a jamais été question d’imposer aux Maliens des décisions de la Cedeao. » En attendant, au camp militaire Soundiata Keïta de Kati, le QG des putschistes, situé à une quinzaine de kilomètres de la capitale, on se frotte les mains. On y voit même une petite victoire pour le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), qui a renversé Amadou Toumani Touré (ATT) le 21 mars. En particulier pour son chef, le capitaine Amadou Haya Sanogo : le 26 avril au soir, il avait rejeté en bloc les premières décisions de la Cedeao, et répété que non seulement le président par intérim, Dioncounda Traoré, ne resterait pas en poste durant les douze mois de la transition (durée fixée par l’organisation sous-régionale), mais que de surcroît aucune force étrangère ne
Les forces en présence
12 150
hommes dans l’armée malienne
6 000
hommes environ pour la rébellion (MNLA) et les djihadistes (Ansar Eddine + Aqmi + Mujao) dans le Nord, selon les estimations des experts en sécurité de la Cedeao. Ils étaient 1 500 au début du conflit, en janvier.
ð PHOTO DE FAMILLE prise lors du sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, à Dakar, le 3 mai.
foulerait le sol malien sans l’accord du gouvernement de transition, dans lequel l’armée tient notamment les ministères de la Défense et de la Sécurité intérieure. Autant dire que le climat était tendu à Bamako. Surtout après le déclenchement, le 30 avril, de ce que la presse locale a appelé la « guerre des bérets ». Ce jour-là, des commandos parachutistes – les bérets rouges – ont pris d’assaut le siège de la télévision, l’aéroport international BamakoSénou et le QG du CNRDRE à Kati. À leur tête, le lieutenant-colonel Abidine Guindo, commandant du 33e régiment parachutiste de Djicoroni et fidèle du président ATT dont il a organisé l’exfiltration du palais de Koulouba le jour du coup d’État. Entre bérets rouges et bérets verts (l’armée de terre) les combats ont duré deux jours et fait 27 morts selon les chiffres officiels, 70 selon des sources militaires. Quelques bérets rouges faits prisonniers et exhibés à la télévision ont été présentés comme étant originaires du Burkina et de Côte d’Ivoire. Et à Kati, on a vite fait d’imputer le « contre-coup d’État » aux présidents Blaise Compaoré et Alassane Ouattara. Des accusations jugées fantaisistes dans ces deux pays. « La junte a tellement peur d’être écartée qu’elle voit des complots partout, raille-t-on à Abidjan. Quitte à dépenser de l’énergie, autant se concentrer sur la résolution des problèmes du Nord ! » CRIMES DE GUERRE. Dans cette partie du pays, les populations sont prises en otage par les groupes armés qui contrôlent, depuis la toute fin du mois de mars, les villes de Gao, Kidal et Tombouctou. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), la rébellion touarègue qui a unilatéralement proclamé l’indépendance du Nord, a perdu du terrain dans les trois régions administratives qu’elle espérait conquérir et, selon un rapport de Human Rights Watch publié le 30 avril, s’est rendue coupable de crimes de guerre. L’ONG évoque notamment des viols, des enrôlements d’enfants-soldats et des pillages. Quant aux alliés islamistes du MNLA, ce sont eux qui occupent aujourd’hui le devant de la scène… et le théâtre des opérations. Le groupe Ansar Eddine, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao, une dissidence d’Aqmi) ont pris l’ascendant sur la rébellion touarègue et sont parvenus à rassembler de nombreux jeunes désœuvrés. Ils seraient aujourd’hui plus de 6 000, lourdement armés, contre 1 500 hommes au début de la guerre, en janvier. « On savait déjà qu’ils avaient profité de la guerre en Libye pour faire leur marché, explique une source sécuritaire ouest-africaine. Mais, maintenant, ils ont en plus réquisitionné le matériel que l’armée a abandonné dans les camps ». À Gao, ce sont des moudjahidine aguerris qui patrouillent dans des BTR (blindés N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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La semaine de J.A. de transport de troupes) équipés d’« orgues de Staline »… Dans son communiqué final, le 3 mai, la Cedeao annonce des négociations avec les rebelles. Tente-t-elle de jouer la carte du MNLA contre les islamistes? « Ce serait trop risqué, explique un connaisseur de la sous-région. Mieux vaut se concentrer sur la mise sur pied d’une force d’intervention. » Celle-ci compterait 5000 hommes, et non plus 2000 commeinitialementannoncé.Mais de nombreuses questions sont encore à régler. De quels moyens financiers serait-elle dotée? Quelle serait sa feuille de route : sécuriser les institutions à Bamako ? Ouvrir un couloir humanitaire dans le Nord ? Restaurer l’intégrité territoriale et bouter les islamistes, trafiquants et bandes armées hors du pays? Le chantier est vaste… Le Burkina et la Côte d’Ivoire ont déjà promis de participer, à hauteur respectivement de 500 et 1000 hommes. Mais se passerait-on de la contribution du Niger, du Sénégal ou du géant nigérian? Première puissance militaire de l’Afrique de l’Ouest, Abuja pourrait assurer le commandement de cette force; toutefois, sa connaissance du terrain sahélien est mince, pour ne pas dire inexistante. Pas sûr aussi que la Cedeao puisse se passer de l’expertise de Niamey: moins bien équipée que ses voisins, l’armée nigérienne n’en est pas moins l’une des mieux organisées et des plus dynamiques, et elle a fait montre, à plusieurs reprises, de son efficacité dans la traque de groupes armés. Et puis, comment envisageruneopérationmilitairesanslaMauritanie, le Tchad et l’Algérie? L’ennui, c’est qu’Alger rechigne àintervenirhorsdesesfrontières,inquietdesconséquences qu’une telle opération pourrait avoir sur sa propre communauté touarègue – peu enclin aussi à aller combattre des groupes armés dont il a mis
AP/SIPA
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COMBATTANTS DU
du temps à se débarrasser. Enfin, les compétences des Tchadiens seraient les bienvenues. Mais le président Déby Itno a été clair le 10 avril. Dans une conférence de presse, il a affirmé que la question d’une intervention de son pays « [n’était] pas à l’ordre du jour » et que la Cedeao, dont N’Djamena ne fait pas partie, avait « tous les moyens humains pour mettre en œuvre sa décision ». Il faudra aussi parvenir à mobiliser les ressources nécessaires. Une source sécuritaire estime qu’une force de la Cedeao coûterait environ 500 millions de dollars (environ 380 millions d’euros) par an. L’organisation sous-régionale compte sur ses partenaires traditionnels : la France, l’Union européenne et les États-Unis, qui ont toutefois préQuelle serait la priorité ? Sécuriser venu qu’ils n’enverraient aucune les institutions à Bamako, ou troupe au sol chasser les islamistes du pays ? (« cela doit rester une affaire africaine », insiste la Cedeao). Un conseiller américain viendrait renforcer l’état-major opérationnel ; Paris et Bruxelles apporteront un appui logistique et financier, à condition qu’il y ait une « feuille de route claire et cohérente pour TRIO DE TRANSITION le Mali », insiste une source française ENTHÉORIE, LE PRÉSIDENT PAR INTÉRIM, DioncoundaTraoré, bien informée. « Ce sera la première vraie et le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, ont les pleins pouvoirs. mission militaire de la Cedeao », dit un En théorie seulement. « Ils consultent la junte, explique un habitué du général ouest-africain, qui s’attend « à camp de Kati. Ils n’y sont pas obligés, mais c’est vivement conseillé. » une guerre difficile ». « Mais c’est une Modibo Diarra entretient des relations cordiales avec le chef de la junte. guerre vitale pour nous tous. » Tous deux sont originaires de Ségou et ont vécu aux États-Unis. Reste à convaincre les autorités de Le capitaine Sanogo laisse les coudées franches à ce « grand frère » transition maliennes de l’opportunité de qu’il dit admirer. AvecTraoré, les relations sont plus tendues : Sanogo faire appel à la FAC. Rien n’est joué. Pour le soupçonne d’avoir manœuvré pour écarter les militaires. Lorsque, l’heure, la Cedeao prétend ne pas s’en le 26 avril, les chefs d’État de la sous-région ont décidé de maintenirTraoré inquiéter. « On est dans le formalisme à la tête de la transition pendant douze mois, Sanogo a eu du mal à cacher pour ne brusquer personne, confiait un sa colère : « Il restera quarante jours, pas un de plus ! » Réponse deTraoré, ministre de la Cedeao à l’issue du somle 1er mai, via un message à la nation : « Si tel est le souhait partagé, je ne met. Mais si le danger se précise, rien ne dit que nous n’allons pas nous passer resterai pas une seconde de plus que les jours de l’intérim. » Message que les médias d’État n’ont pas diffusé. Sur ordre de Kati ? ● M.G.-B. d’autorisation. » À bon entendeur… ●
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MOUVEMENT ISLAMISTE
Ansar Eddine, à Tombouctou, le 24 avril.
JEUNE AFRIQUE
Les investissements réalisés aujourd’hui déterminent l’avenir énergétique du monde. La demande d’énergie en Afrique devrait être de 115 pour cent plus élevée en 2040 qu’en 2010. C’est pourquoi il est essentiel que nous continuions à investir dans le développement de nouvelles ressources énergétiques qui peuvent aider à répondre à la demande en Afrique et ailleurs dans le monde. En Afrique, nous avons investi près de 25 milliards d’USD au cours des cinq dernières années pour explorer et développer de nouveaux projets énergétiques. Ces investissements créent des emplois et stimulent la croissance économique. Nous formons également les travailleurs locaux et contribuons à construire des écoles et hôpitaux. Qu’il s’agisse de prospection ou de production de nouvelles sources d’énergie, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous contribuons au développement futur de l’Afrique. En savoir plus sur notre travail sur exxonmobil.com
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La semaine de J.A. Les gens
Béchir Salah L’étau se resserre Traqué par Interpol, poursuivi par le Conseil national de transition libyen, cité dans la polémique sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy, l’ancien directeur de cabinet de Kaddafi est cerné de toutes parts.
B
échir Salah Béchir fait deux fois scandale. Il réside en France alors qu’il est visé par une notice d’Interpol. Il est aussi le destinataire supposé d’un ordre écrit selon lequel Kaddafi aurait offert, fin 2006, 50 millions d’euros au candidat Sarkozy – un document publié le 28 avril par le site d’information Mediapart. Par l’intermédiaire de son avocat, l’ex-dignitaire libyen affirme ne jamais avoir reçu une telle note et « émet les plus expresses réserves sur son authenticité ». Quant à Nicolas Sarkozy, il parle d’« infamie » et porte plainte contre Mediapart. Sous Kaddafi, Béchir Salah était le trésorier du régime. Issu d’une tribu arabe de la région de Sebha, il avait été parrainé par le commandant Jalloud. Préfet de Mourzouk puis chef du protocole du « Guide », il était devenu son directeur de cabinet et le patron du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), le fonds souverain libyen spécialisé sur l’Afrique au capital de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros). « C’était une
libyen. Sans doute aussi parce qu’il a pu payer des protections. » SCANDALE. Fort de son trésor de guerre
et de son carnet d’adresses long comme le bras – tous les chefs d’État africains, l’émir du Qatar, le ministre français de l’Intérieur Claude Guéant, etc. –, Béchir Salah s’est alors fait oublier. Pendant tout l’hiver 2011-2012, il a pu flâner sur les Champs-Élysées – où il a été aperçu plusieurs fois – ou rendre visite à sa famille à Bourg-en-Bresse, dans l’est de la France. Pour voyager plus facilement, le Libyen a même obtenu du Niger un passeport ð CAPTURE diplomatique. Les Nigériens ont-ils été D’ÉCRAN sollicités par les Français? Certainement. du site Leproblème,c’estquelapresse,dontJeune d’Interpol Afrique, en a parlé. Face au scandale, le (le 29 avril 2012). Libyen a dû renoncer à son précieux titre de voyage. sorte d’intendant général. Si Kaddafi Aujourd’hui, Béchir Salah, 65 ans, disait “il faut donner 2 millions à Untel”, se terre dans sa campagne française, à c’est lui qui s’en occupait », a confié un deux pas de la frontière suisse. Les soucis s’accumulent. Sa femme, Kafa Kachour, diplomate au Canard enchaîné. Bref, vient d’être condamnée par la justice c’était l’un des hommes les plus riches française à deux ans de prison avec sursis de Libye. et à 70 000 euros d’amende pour avoir Il y a également une énigme Béchir Salah. À la différence de Moussa Koussa, il réduit en esclavage ses quatre employés de maison tanzaniens. Luimême est visé depuis mars par Fort d’un carnet d’adresses long une notice rouge d’Interpol. comme le bras, il était parvenu Cette notice n’a pas valeur de mandat d’arrêt et n’oblige pas à se faire oublier. la France à l’interpeller. Mais n’a pas fait défection dès mars-avril 2011. le 2 mai, à Tripoli, le président du CNT Pourtant, lors de la chute de Tripoli, fin a annoncé que la Libye demandait à la août dernier, il a eu droit à un traitement France l’extradition de Béchir Salah pour de faveur de la part du Conseil national « fraudes financières et actes criminels ». de transition (CNT). Arrêté dans l’une de Quand le Libyen s’était installé en France, ses résidences de Tripoli par une brigade « c’était avec le plein accord du président de Misrata, il a très vite été relâché, puis Abdeljalil », assure Nicolas Sarkozy. « Je escorté jusqu’à la frontière tunisienne par n’ai joué aucun rôle dans la fuite de Béchir des combattants de Zintan. Pourquoi tant Salah », réplique pour sa part ce dernier. d’égards? « Sans doute parce qu’il menait Le mystère persiste. (Lire aussi p. 14 notre double jeu entre le “Guide” et le CNT, article sur Chokri Ghanem.) ● explique un ancien haut fonctionnaire CHRISTOPHE BOISBOUVIER
NOMINATIONS
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JEAN-MARIE EHOUZOU UNION AFRICAINE L’ancien ministre béninois des Affaires étrangères a été nommé représentant permanent de l’Union africaine auprès de l’Office des Nations unies à Genève. Il devait prendre ses fonctions début mai. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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KHALED BEN MBAREK TUNISIE Nommé premier conseiller et envoyé spécial pour les Affaires étrangères du président de la République deTunisie, Moncef Marzouki, il a pris ses fonctions le 1er mai. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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MERIEM BENSALAH CHAQROUN
ÉRIC DESSONS/JDD/SIPA
La directrice générale des Eaux minérales d’Oulmès est la favorite pour prendre la tête de la Confédération générale des entreprises du Maroc le 16 mai, les deux autres candidats s’étant retirés de la course en sa faveur. FAHIM MOHAMMAD Ce jeune Bangladais de 11 ans, sans papiers ni domicile fixe depuis son arrivée à Paris en 2008, a été sacré champion de France d’échecs dans la catégorie des moins de 12 ans, le 21 avril.
À 62 ANS, il renoue avec la forme du grand orchestre.
Mory Kanté L’ode aux femmes Après huit années de silence, le « griot électrique » revient avec un nouvel album, La Guinéenne, dédié à toutes les femmes.
ESKINDER NEGA Le journaliste éthiopien, en prison depuis huit mois, a reçu le prix pour la liberté d’écrire du centre Pen America. Sous le coup d’une loi antiterroriste pour avoir encouragé des actions contre le gouvernement, il risque la peine de mort.
S
a kora lui a été offerte par un vieil homme en 1974. Il lui avait confié qu’elle le nourrirait, lui et sa famille. Cette anecdote aux allures de prophétie, Mory Kanté aime toujours autant la raconter. Après huit années d’absence, l’artiste guinéen, 62 ans, signe son grand retour avec un nouvel album, La Guinéenne, sorti le 30 avril. Dans cet opus de onze titres enregistré dans la banlieue de Conakry, le « griot électrique » revient au grand orchestre et aux instruments traditionnels, tels que la flûte fulani, le balafon mandingue et, bien sûr, sa vieille kora. Une ode aux femmes d’Afrique et d’ailleurs, encore trop négligées selon lui malgré leur dévouement pour la société. À l’amour, à la famille et à la jeunesse aussi, ses thèmes favoris. Sans oublier les Maliens, à qui il exprime toute sa gratitude dans « Malibala ».
ENFANCE MALIENNE. Il faut dire que Mory Kanté doit beaucoup à Bamako. Né près de Kissidougou (sud de la Guinée) dans une célèbre famille de griots, il est envoyé dès 7 ans chez sa tante au Mali afin d’être initié aux rituels traditionnels, au chant et au balafon. À 15 ans, il se fait connaître en jouant dans le groupe local The Apollos, quelques années avant d’intégrer le fameux Super Rail Band de Bamako en tant qu’instrumentiste puis chanteur, après le départ de Salif Keïta en 1973. Rencontrant un vif succès sur le continent, il entreprend de moderniser les airs traditionnels en y insufflant des rythmes occidentaux et, malgré la désapprobation des anciens, il électrifie sa kora. Dès 1987, il fait danser le monde entier avec son « Yéké Yéké », issu de son cinquième album, Akwaba Beach. Premier Africain à avoir vendu 1 million de singles, récompensé par une Victoire de la musique en 1988, il ne cessera de tourner à travers le monde. Installé à Conakry, il est aujourd’hui un mécène pour de jeunes artistes – il possède une salle de spectacle et deux studios d’enregistrement – et prépare une série de concerts. Tout en espérant qu’un futur « Yéké Yéké » se révèle parmi les titres de La Guinéenne. ●
MABOUP ; MICHEL TEULER ; DR
Le 3 mai, l’ex-secrétaire général de la présidence camerounaise, écroué depuis 2008, a été acquitté de trois chefs d’accusation sur cinq dans le scandale de l’achat-location de l’avion présidentiel Albatros. EN BAISSE
THIERRY GAUBERT Reconnu coupable d’abus de confiance et d’abus de biens sociaux, cet ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy – lequel n’est pas impliqué dans cette affaire de détournement de fonds – a été condamné le 3 mai à dix mois de prison avec sursis. CLAUDY SIAR Propriétaire deTropiques FM, le délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer a été condamné par les prud’hommes pour avoir, en 2011, fait travailler sans la payer l’animatrice Katia Barillot. DR
JUSTINE SPIEGEL
JEAN-MARIE ATANGANA MEBARA
JEUNE AFRIQUE
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
La semaine de J.A. Décryptage
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Libye Mort en eaux troubles Accident, suicide, exécution ? Le décès « par noyade » de Chokri Ghanem, cacique du régime Kaddafi qui avait retourné sa veste, soulève de nombreuses interrogations.
des milliards de dollars et les colossales ressources pétrolières de Libye convoitées par les majors d’Occident et d’Orient. Le 2 mai dernier, le procureur général de Tripoli a révélé qu’il faisait l’objet d’une enquête pour corruption. Directeur des recherches de 1993 à 2001, puis représentant de la Libye à l’Opep jusqu’en 2011, Ghanem était un familier de la capitale autrichienne, où se trouve le siège de l’institution. C’est là qu’il s’était lié d’amitié avec Seif el-Islam Kaddafi – à l’époque étudiant –, héritier putatif du colonel, aujourd’hui incarcéré en Libye. Et c’est à Vienne qu’après avoir déserté les rangs des fidèles de Kaddafi il avait trouvé asile auprès de l’une de ses filles, titulaire de la nationalité autrichienne.
FETHI BELAID/AFP
AUTOPSIE. Devant l’intérêt international
L
es eaux sombres du Danube ont emporté le dernier souffle et les ultimes secrets de l’exmaître libyen de l’or noir. Le corps de Chokri Ghanem, 69 ans, influente figure de la Jamahiriya de Kaddafi, a été retrouvé le 29 avril flottant non loin de la plage de Copa Cagrana, haut lieu des nuits viennoises. Accident ? Suicide ? Exécution ? Selon les premiers éléments de l’autopsie, rien ne permet de conclure à une mort violente. Mais le défunt avait de nombreux ennemis, et la position éminente qu’il
occupait au sein du régime déchu faisait de lui le gardien de dossiers ultrasensibles. AMI DE SEIF. Alors qu’en France sourd
le scandale d’un possible financement par la Libye de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007, cette mort en eaux troubles suscite bien des interrogations. Chef du gouvernement libyen de 2003 à 2006 avant d’être nommé ministre du Pétrole et président de la National Oil Corporation (NOC) jusqu’à sa défection en mai 2011, Ghanem contrôlait
que suscite cette fin dramatique, la justice autrichienne a décidé de ne pas écarter la piste criminelle et vient d’ouvrir une enquête dans ce sens, alors même que les résultats des analyses toxicologiques ne sont pas encore connus. Dans la presse ð CHOKRI GHANEM, locale, les hypodont le cadavre a thèses se mulété retrouvé dans t i p l i e nt. O n a le Danube le d’abord affirmé 29 avril à Vienne q u e l ’a n c i e n (Autriche). ministre ne savait pas nager, accréditant la thèse de l’accident. Puis suggéré qu’un malaise pouvait être à l’origine de sa noyade, cet homme à la santé fragile ayant déclaré ne pas se sentir bien quelques heures auparavant. Enfin, le journal Die Presse n’a pas manqué de rappeler les liens étroits qu’entretenaient depuis les années 1970 le clan Kaddafi et le Parti autrichien de la liberté (FPÖ), un parti ultranationaliste auquel le « Guide » aurait fait verser plusieurs dizaines de millions d’euros… ● LAURENT DE SAINT PÉRIER, avec GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
15-16
MAI Troisième sommet Amérique du Sud-Afrique (ASA), à Malabo, sous l’égide de l’UA. Au menu, les perspectives de coopération et la mise en œuvre du plan 2010-2015. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
16-27
MAI 65e édition du Festival de Cannes. À suivre, dans la sélection officielle, les films de l’ÉgyptienYousry Nasrallah, du Marocain Nabil Ayouch et du Sénégalais MoussaTouré.
18-19
MAI Sommet du G8 à Camp David (États-Unis). À l’ordre du jour : la crise en Syrie, le dossier du nucléaire iranien et la situation dans la péninsule de Corée. JEUNE AFRIQUE
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Forum Les patrons africains prennent (enfin) la parole Le Groupe Jeune Afrique et la BAD organisent la première rencontre internationale des dirigeants de grandes entreprises du continent. Rendez-vous à Genève les 20 et 21 novembre prochain.
«
I
l faut libérer le potentiel économique de l’Afrique », insiste Donald Kaberuka. Le président de la Banque africaine de développement (BAD) est convaincu que le moment est venu. Et de fait, depuis 2001, le continent affiche une croissance de 4,9 % par an en moyenne. L’objectif est bien sûr que cette progression se maintienne au-delà de 2012 et 2013, où l’on prévoit une hausse annuelle du PIB de 6 % et 8 % en Afrique subsaharienne – soit autant que la Chine ou l’Inde, dont les économies ralentissent. Tirant parti de cette dynamique, les plus grands groupes du continent ont multiplié leur chiffre d’affaires par trois en quinze ans (lire notre hors-série annuel « Les 500 premières entreprises africaines »). De nombreux champions nationaux, voire régionaux, se battent pour conquérir des marchés et créer des emplois. Tous brûlent de passer à la vitesse supérieure. Reste à savoir comment. Car les embûches restent nombreuses. Coût des transports ou de l’énergie, lenteurs administratives,
CARNET DE CAMPAGNE
et 50 % de ses ressources à résoudre des problèmes de tous ordres avant de parvenir au même niveau de productivité qu’une entreprise chinoise ! EMBLÉMATIQUE. Organisé par le
Groupe Jeune Afrique en collaboration avec la société suisse Rainbow Unlimited et le soutien de la BAD, le « Africa CEO Forum »* proposera pour la première fois aux PDG venus de tout le continent de débattre de ces questions. Il se tiendra les 20 et 21 novembre prochain à Genève (Suisse) et accueillera près de trois cents chefs d’entreprise, une centaine de banquiers et de financiers ainsi que des responsables politiques de premier plan. Conçu en concertation avec de nombreux dirigeants d’entreprise, le programme se fixe pour objectif d’examiner les enjeux et les difficultés auxquels sont confrontées les entreprises africaines afin d’élaborer des solutions en liaison avec les pouvoirs publics. Le Forum s’est d’ores et déjà assuré la participation de dirigeants de grandes entreprises : Aliko Dangote, PDG du premier conglomérat industriel du Nigeria ; JeanLouis Billon, président de Sifca, Parmi les participants : premier employeur privé en Aliko Dangote, Tidjane Thiam, Côte d’Ivoire ; Issad Rebrab, Mostafa Terrab, Issad Rebrab… PDG de Cevital, premier groupe privé d’Algérie ; Mostafa Terrab, détournements, corruption, marchés PDG du groupe OCP (Maroc), premier morcelés, barrières douanières… exportateur mondial de phosphate, L’Afrique est le plus mauvais élève au ou Mark Cutifani, qui dirige le groupe monde en termes d’environnement des minier sud-africain AngloGold Ashanti. affaires : seuls huit pays du continent Des dirigeants de groupes internatiofigurent dans les cent premiers du clasnaux emblématiques seront également sement « Doing Business » de la Banque présents, comme Tidjane Thiam, PDG mondiale, et quinze autres se classent du groupe d’assurances britannique dans les vingt derniers, sur un total de Prudential, et Sunny Verghese, PDG 183 États. En outre, les différents espaces d’Olam, multinationale de l’agroalirégionaux tardent à prendre leur essor. mentaire basée à Singapour. ● Conséquence : à taille comparable, une FRÉDÉRIC BEX entreprise africaine consacre entre 20 % * www.theafricaceoforum.com JEUNE AFRIQUE
JEUNEAFRIQUE.COM
Suivez les législatives algériennes au jour le jour, avec notre envoyé spécial.
SONDAGE France : la justice doit-elle ouvrir une enquête sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 ? FOCUS Course aux armes
Voir nos cartes interactives sur les budgets consacrés à l’armement en Afrique.
À LIRE AUSSI : Mali : Abidine Guindo, dernier baroud d’un fidèle d’AmadouToumaniTouré. Côte d’Ivoire : au FPI, l’après-Gbagbo a commencé. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
ILS ONT DIT
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Rémunération Très chers Marocains
« L’Afrique, c’est le terreau de ma religion, la santeria, ce culte des esprits hérité des esclaves noirs, qui m’a été transmis par ma grand-mère. Les rites yorubas sont indissociables de ma musique. » ROBERTO FONSECA Pianiste cubain de jazz
« Nous n’en pouvons plus de ces promesses de soutien qui n’arrivent pas. C’est dangereux, car certains vont finir par faire appel aux djihadistes étrangers. » COLONEL MAHER AL-NAOUMI Un porte-parole de l’Armée syrienne libre (ASL)
« Les transformations économiques
de ces dix dernières années ont davantage modifié le mode de vie des Turcs que ne l’a fait l’islam. » ORHAN PAMUK Écrivain turc, Prix Nobel de littérature
« Il y a très, très longtemps, je voulais être astronaute. Richard Branson peut m’offrir la dernière chance de réaliser mon rêve! » HILLARY CLINTON Secrétaire d’État américaine (recevant le milliardaire britannique, qui a inauguré le premier aéroport spatial de l’Histoire)
THIBAULT CAMUS/AP/SIPA ; MICHEL VIALA
« Bien sûr, j’aurais bien aimé avoir l’intelligence d’Einstein, la beauté de Claudia Schiffer et le talent de mon père! » ANNIE CHAPLIN Comédienne suisse, fille de Charlot N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
BESOIN D’UNE FORTE augmentation de salaire ? Faites la révolution ! C’est le conseil que pourraient donner les cadres égyptiens à leurs frères d’Afrique du Nord. Selon la dernière enquête du cabinet Mercer, spécialiste des études derémunération,leursrevenus ontcrûdeprèsde11%en2011, loindevantceuxdesMarocains (environ + 6 %). Rester sage et discipliné n’a visiblement pas que des avantages au moment des négociations. Mais que les sujets de sa Majesté se rassurent, ils restent néanmoins, et c’est l’essentiel, les mieux payés de la région. Dans le royaume, un dirigeant d’entreprise perçoit entre 75 000 et 180 000 euros par an, alors qu’à niveau de responsabilité égale, la rémunération démarre à 60 000 euros en Égypte et plafonne à 120 000 euros en Tunisie et en Algérie.
Si les patrons marocains et égyptiens tirent aussi bien leur épingle du jeu, c’est avant tout parce que leurs pays servent de base régionale à de nombreuses multinationales, qui, misant sur la qualité de leurs recrues, n’hésitent pas à les rémunérer en conséquence, à des niveaux proches de ceux pratiqués en Europe de l’Est. Pour les fonctions de manageur, l’ordre du classement est inchangé : les Marocains (34000 euros annuels) devancentlesÉgyptiens(26000euros) et les Tunisiens (21200 euros). Bons derniers, les Algériens (16600 euros) sont victimes du manquededynamismedeleur économie.Cessalairesincluent, outre le traitement de base, des avantages en nature (de 5 % à 15 % du total), des bonus (de 6 % à 25 %) et des indemnités, particulièrementappréciéesau Maroc (jusqu’à 20 %). ● JULIEN CLÉMENÇOT
Nos excuses à la famille Bourgi LA PLUME DES JOURNALISTES cède parfois à la facilité et provoque, même involontairement, des raccourcis blessants. Dans notre numéro précédent (J.A. no 2677, daté du 29 avril), nous avons écrit, dans un article consacré à la présidentielle française intitulé « Vu d’Afrique : cœur à gauche, portefeuille à droite », la phrase suivante : « Mais, depuis le 22 avril, les rendez-vous se multiplient et quelques “Bourgi de gauche” commencent à se manifester dans les palais africains sur le thème : “Monsieur le président, je connais bien François Hollande. Si vous le souhaitez, je peux faire passer un message…” » Nous voulions dire des « Robert Bourgi de gauche », du nom de l’avocat qui remplissait ce rôle auprès de Nicolas Sarkozy depuis plusieurs années. Faute de cette précision, nous avons transformé un patronyme respecté sur le continent en nom commun, et ainsi créé un amalgame qui n’a pu que blesser les autres membres de la famille Bourgi. Nous leur présentons nos excuses les plus sincères pour cette impardonnable faute. Et si, depuis quelques semaines, des émissaires proches du Parti socialiste – ou se revendiquant comme tels – circulent entre Paris et plusieurs capitales africaines pour tenter de vendre leurs services, il va de soi que la famille Bourgi n’a rien à voir, ni de près ni de loin, avec ces remugles de la Françafrique… ● MARWANE BEN YAHMED JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Décryptage
Football Mais combien gagne-t-il? Depuis qu’il a été nommé sélectionneur du Maroc, en juillet 2010, Eric Gerets est périodiquement attaqué sur son salaire. Et ça recommence !
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est devenu un gimmick auquel on ne prêterait (presque) plus guère attention. Une sorte de fièvre récurrente s’empare de ceux qui cherchent à tout prix à connaître le salaire mensuel d’Eric Gerets. Le Lion de Rekem (57 ans), qui reste bien évidemment d’une discrétion de violette, a toujours nié en bloc percevoirlessommesfastueusesévoquées dans la presse ou les conversations des supporteurs. Nommé à la tête de la sélection marocaine en juillet 2010, Gerets n’a dirigé son premier match qu’au mois de novembre suivant, face à l’Irlande du Nord (il devait attendre la fin de la Ligue des champions d’Asie, qu’il disputait avec le club saoudien d’Al-Hilal Riyad). Mais dès son arrivée dans le royaume chérifien, l’ancien entraîneur de Marseille a éveillé la curiosité. Pourquoi avait-il quitté l’Arabie saoudite, où il percevait, selon certaines sources, 250000 euros par mois? En réalité, Gerets s’était exilé à Riyad essentiellement pour des raisons pécuniaires, le temps de la saison2009-2010.L’ex-défenseurduStandard
je ne serais pas au Maroc. Je serais là où j’aurais pu gagner le double de ce que je gagne au Maroc », a-t-il déclaré en février à la presse locale. Ce même mois, les interrogations autour de ses émoluments s’étaient raréfiées après la qualification des Lions de l’Atlas pour la Coupe d’Afrique des nations 2012. Mais l’élimination prématurée du Maroc au premier tour de la compétition continentale a remis la question au cœur du débat. Un extrait du compte ban LE COACH BELGE en séance d’entraînement à Libreville, caire de Gerets, produit le 30 janvier. par des hackers, a même circulé sur certains sites, faisant apparaître un virement mensuel de Liège et du PSV Eindhoven, qui avait de la Fédération royale marocaine de perdu beaucoup d’argent lors de la crise football de 2,76 millions de dirhams économique mondiale de 2008, avait besoin de se refaire une santé financière. (247000 euros) à l’intention du technicien belge. Un document dont l’authenticité HACKERS. Au Maroc, il toucherait, selon n’a jamais été prouvée. En revanche, le une partie de la presse, entre 247 000 et site belge 7sur7.be, qui assure que Gerets toucherait 3 millions d’euros par an, a 380 000 euros mensuels, et la question a mêmeenflammélestravéesdu Parlement. révélé que le fisc du royaume de Belgique Interrogé sur le sujet, l’entraîneur répond enquêtait afin de savoir s’il s’acquittait invariablement que son salaire « ne bien de toutes ses obligations fiscales regarde personne ». « Je peux seulement dans son pays. ● dire que si c’était seulement pour l’argent, ALEXIS BILLEBAULT FRANÇOIS MORI/AP/SIPA
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LE DESSIN DE LA SEMAINE
GLEZ MEXIQUE NONUPLÉS ÉVAPORÉS
IL S’AGISSAIT D’UNE INVENTION de toutes pièces, de la date de l’accouchement (20 mai) jusqu’aux neuf bébés à naître. Karla Vanessa Pérez, une Mexicaine de 32 ans au chômage, avait annoncé qu’elle attendait des nonuplés et lancé un appel aux dons afin de pouvoir couvrir les frais médicaux. La nouvelle a ému le pays et fait la une de la presse internationale. Mais elle s’est révélée être un énorme canular! Il semblerait que la fausse future maman voulait bénéficier d’une aide sociale… N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Tour du monde
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ROUMANIE
JORDAN POUILLE/AFP
Cap à gauche
CHEN GUANGCHENG à l’hôpital Chaoyang, à Pékin, le 2 mai.
AU POUVOIR depuis deux mois, Mihai Razvan Ungureanu, le Premier ministre roumain de centre droit, a perdu le 27 avril sa majorité au Parlement à la suite d’une motion de censure déposée par l’opposition. Son successeur, le social-démocrate Victor Ponta, a formé dans la foulée un gouvernement de transition jusqu’aux législatives de novembre. La chute d’Ungureanu survient en pleine mission d’évaluation de la politique d’austérité décidée conjointement, en 2011, avec le FMI et l’Union européenne.
CHINE
La prison ou l’exil?
C
HEN GUANGCHENG, le militant chinois des droits civiques qui, le 2 mai, avait quitté l’ambassade des États-Unis à Pékin où il s’était réfugié après son évasion (il était en résidence surveillée), a déclaré se sentir « en grand danger ». Craignant pour sa sécurité et celle des siens, il a expliqué qu’il n’avait renoncé à la protection américaine que sous la menace des autorités chinoises de « battre sa femme à mort ». Profitant de la venue à Pékin de Hillary Clinton, Chen a demandé aux États-Unis de l’aider à quitter le pays – pourquoi pas dans l’avion de la secrétaire d’État. Ridiculisé par le tapage médiatique international provoqué par son évasion (Chen est aveugle), Pékin a exigé de Washington des excuses officielles pour son « ingérence dans les affaires intérieures chinoises ». Le 4 mai, le ministère des Affaires étrangères aurait finalement accordé au dissident l’autorisation d’étudier à l’étranger. À condition qu’il suive, « comme tout citoyen chinois », les « procédures habituelles de dépôt de demande ». ● ARGENTINE
Trafic d’influence au sommet ACCUSÉ DE TRAFIC d’influence et de blanchiment d’argent à l’époque où il était ministre de l’Économie, Amado Boudou, le vice-président argentin, avait choisi pour conseiller… l’un des juges chargés de l’enquête, un certain Daniel Rafecas. Ce dernier a par la suite adopté une N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
position moins équivoque en faisant saisir une propriété de Boudou, mais il a quand même été écarté de l’enquête. Depuis, il a réussi à se faire confier un autre dossier impliquant le vice-président, qui aurait utilisé un hélicoptère de la gendarmerie pour sa campagne électorale.
LE CHIFFRE QUI FAIT CRIER
119,9
millions de dollars C’EST LE PRIX RECORD ATTEINT, le 2 mai, lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s, à New York, par Le Cri, un tableau du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944). Le précédent record appartenait à un tableau de Pablo Picasso. ÉTATS-UNIS
Pasteur récidiviste EN DÉPIT des objurgations du Pentagone, Terry Jones, le très fanatique pasteur américain, a de nouveau, le 29 avril, brûlé des exemplaires du Coran, ainsi qu’une représentation du prophète Mohammed. Il entendait protester contre la détention du pasteur Youcef Nadarkhani, condamné à mort en Iran pour s’être converti au christianisme. Une vidéo de l’autodafé a ensuite été mise en ligne sur YouTube. Elle a déclenché l’ire de la République islamique, qui dénonce un acte « ridicule, insultant et provocant ». JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
China Daily • Reuters
CHINE
Quatre chercheurs et un panda CONTRE TOUTE APPARENCE, CES QUATRE PERSONNAGES ne sont pas des clowns, mais des scientifiques au-dessus de tout soupçon. Le 3 mai, dans la réserve naturelle de Wolong, dans le Sichuan, ils ont revêtu des peaux de grand panda – fausses, on l’imagine, puisque cette espèce menacée est très strictement protégée – pour transporter dans une cage en bambou le nommé Tao Tao jusqu’à un lieu propice, paraît-il, à sa reproduction. Le panda va-t-il vraiment se laisser prendre à ce grossier subterfuge ? À sa place, on éclaterait de rire.
CORÉE DU SUD
Vague xénophobe DIFFICILE d’assumer ses origines étrangères dans un pays comme la Corée du Sud, qui considéra longtemps l’homogénéité de son peuple comme une valeur sacrée. Pour la Philippine Jasmine Lee, l’euphorie de son élection à l’Assemblée nationale, le 11 avril, aura été de courte durée. Car elle est depuis la victime d’une violente campagne xénophobe. « Fille de pute », « femme par correspondance »… Les internautes, notamment, s’en donnent à cœur joie. UKRAINE
Menaces sur l’Euro INQUIETS DU SORT de l’ancienne Première ministre Ioulia Timochenko, incarcérée depuis août 2011 pour abus de pouvoir, JEUNE AFRIQUE
plusieurs dirigeants européens envisagent de boycotter l’Euro 2012 de football, organisé en juin par l’Ukraine et la Pologne. L’Allemagne menace quant à elle de bloquer la ratification de l’accord UE-Ukraine. Timochenko, qui souffre d’une hernie discale, est en grève de la faim depuis le 20 avril pour protester contre des violences qu’elle affirme avoir subies en prison. BOLIVIE
Nouvelle nationalisation APRÈS L’ARGENTINE, qui, le 16 avril, a exproprié une filiale du groupe pétrolier Repsol, la Bolivie nationalise à son tour une société espagnole. Le 1er mai, le président Evo Morales a annoncé que Transport d’électricité, filiale du Réseau électrique d’Espagne, à qui il reproche le montant
insuffisant de ses investissements (5 millions de dollars par an depuis 1997), allait passer sous le contrôle de l’État. Une vingtaine d’entreprises ont déjà été nationalisées depuis 2006. ESPAGNE
De mal en pis EN DÉPIT DES COUPES budgétaires imposées par le gouvernement de Mariano Rajoy, l’Espagne vient d’enregistrer un deuxième trimestre consécutif de croissance négative (– 0,3 %). Elle est donc de nouveau officiellement en récession. Par ailleurs, l’agence de notation Standard & Poor’s a, pour la troisième fois en six mois, dégradé la note du pays : de A à BBB+, avec perspective négative. Quant au taux de chômage, il culmine à 24,44 %. Pendant ce temps-là, à travers tout le pays, les manifestations se succèdent… N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Grand angle
L’autre Algérie
Ignoré et méconnu, presque oublié, le sud du pays recèle pourtant d’énormes richesses en hydrocarbures, en minerais, et même en eau… Face au Nord surpeuplé, cette région, qui cultive les paradoxes et nourrit les inquiétudes des autorités, s’apprête à voter sans enthousiasme lors des élections législatives du 10 mai.
REPORTAGE PHOTO : SIDALI DJENIDI POUR J.A. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
L’autre Algérie
! LOIN DU REGARD DES TOURISTES, Bounoura, l’une des sept anciennes cités-forteresses de la vallée, surplombe l’oued Mzab, à Ghardaïa.
" SUR LA ROUTE, entre Ouargla et Hassi Ben Abdellah. CHERIF OUAZANI, envoyé spécial
L
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Algérieauraittoutintérêtàsetourner vers son Sud. Des Hauts Plateaux à l’immensité désertique du Sahara, cette région est de loin la plus vaste du pays (96 % du territoire), mais elle est également la moins peuplée (35 % de la population). La rudesse du climat, la frontière géographique constituée par les plaateaux, la pénurie d’infrastructures, les différences es communautaires entre un Sud touareg, berbère et noir et un Nord arabe et kabyle, l’attrait de l’Algégérie côtière… ont profondément marqué l’histoire ire nationale. Mais ce Grand Sud est également le coffre-fort algérien, essentiellement grâce aux gisements d’hydrocarbures, dont l’exploitation apporte 69,4 % des recettes de l’État et 98,6 % des rentrées en devises, selon le Fonds monétaire ire international (chiffres 2011). Cette performance déjà significative pourrait être tre encore plus élevée, car les potentialités minières ères de la région sont sous-exploitées : or et diamants JEUNE AFRIQUE
Une Algérie du Sud immense mais faiblement habitée POPULATION TOTALE
36,3 millions d’habitants en 2011 SUPERFICIE TOTALE 2,4 millions de km2
HAUTS PLATEAUX
26,5 %
de la population
13,5 % du territoire SAHARA
8,5 %
de la population
82,5 % du territoire
SOURCES : AUTORITÉS ALGÉRIENNES, OFFICE NATIONAL DES STATISTIQUES
dans le Hoggar, immense gisement de fer de Gara Djebilet dans la wilaya de Tindouf… Mais surtout, de formidables ressources hydriques (près de 60000 milliards de mètres cubes d’eau) se cachent dans la nappe albienne, à près de 3000 m de profondeur. Là encore, les réserves sont à peine touchées. Jusqu’en 2010, la nappe n’était sollicitée que pour l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz. Mais depuis près d’une année, l’un des « chantiers du siècle » a été achevé: le transfert d’eau d’In Salah àTamanrasset,surunedistancede700km.Coûtdes travaux, réalisés par un consortium sino-algérien: 3 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros). L’intérêt de ce projet ne tient pas qu’au fait d’approvisionner en eau potable les 72700 habitants de Tamanrasset – que le pouvoir algérien ambitionne d’élever au rang de plus grand centre urbain de la bande sahélo-saharienne –, mais aussi à la création de pôles de vie entre les deux villes. L’enjeu : fixer les populations, assurer les conditions nécessaires popu pour en attirer de nouvelles afin de désengorger un Nord « saturé ». L’ L’importance géostratégique du Grand Sud ne repo repose pas uniquement sur les richesses de son sous sous-sol. Aux yeux de l’écrasante majorité des Alg Algériens, il en va également de la souveraineté na nationale et de l’intégrité territoriale, après que l’ancienne puissance coloniale a voulu soustraire cette région des négociations avec les indépendantistes du Front de libération nationale (FLN) avant la signature, en mars 1962, des na accordsd’Évian.«Nousavonsfaitpreuvedefermeté, acco témoigne Rédha Malek, ancien négociateur ● ● ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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pour le FLN, en refusant une indépendance au rabais avec une Algérie amputée de ses régions méridionales. » Cet épisode a conduit le pouvoir d’Alger à une approche jacobine de l’État, avec une attention particulière portée au Sahara algérien, frontalier de six pays (Maroc, Mauritanie, Mali, Niger, Libye, Tunisie). ●●●
COHABITATION CONFLICTUELLE. Si cette vaste
étendue ne compte que neuf wilayas (préfectures) sur quarante-huit, son organisation militaire, elle, est bien plus importante. Sur les six régions militaires (RM) que couvre l’armée algérienne, trois sont basées dans le Grand Sud : Tindouf pour la IIIe RM, Ouargla et ses gisements pétroliers pour la IVe RM et Tamanrasset pour la VIe RM. Cet important déploiement était censé maintenir la cohésion socioethnique entre les communautés, tribus et groupes religieux qui se partagent l’immense territoire. La cohabitation entre sunnites et ibadites, Arabes et Berbères, ou encore entre Touaregs et Noirs, est le plus souvent conflictuelle. À ce problème se sont greffées de nouvelles menaces avec les retombées de la crise libyenne, en 2011, et les risques de déflagration induits par les velléités irrédentistes touarègues chez le voisin malien. Si les gouvernements successifs ont surveillé le Sud avec attention, les régions méridionales n’ont pas pour autant bénéficié d’investissements colossaux au lendemain de l’indépendance. Selon le chercheur algérien Nasreddine Hammouda, du Centre de recherche en économie appliquée pour N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
! À GHARDAÏA, près du centre-ville, des femmes portent le voile traditionnel du Sud (devant un local de campagne).
le développement (Cread), « le système statistique algérien ne produit pas de comptes régionaux ». Résultat : les disparités entre régions sont très peu visibles dans les chiffres officiels. Mais nul besoin d’être grand clerc pour constater les différences en matière de développement. Il a fallu attendre les années fastes, pour l’État, de la flambée des hydrocarbures – à partir de 2000 –, ainsi qu’une réelle volonté politique pour voir Alger se lancer à l’assaut du Sud avec de véritables programmes d’infrastructures. Si la carte sanitaire reste largement insuffisante, on constate tout de même une nette amélioration des conditions de vie. Ces progrès sociaux vont-ils avoir des répercussions sur les élections législatives du 10 mai ? Sans doute. Réputés frondeurs à l’égard du pouvoir central, considéré comme lointain et arrogant, les électeurs du Sud votent finalement comme ceux du Nord, c’est-à-dire en faveur des partis se réclamant du programme d’Abdelaziz Bouteflika, les nationalistes du FLN et ceux du Rassemblement national démocratique (RND), ainsi que les islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, Frères musulmans). Ils votent également, mais dans une moindre mesure, pour les partis de l’opposition tels que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïque) ou le Front national algérien (FNA, ultranationaliste). Particularité politique du Grand Sud : c’est la seule région du pays à envoyer des représentants écologistes à l’Assemblée. Friande de paradoxe, l’Algérie tient ses Verts. Ils viennent du désert. ● JEUNE AFRIQUE
L’autre Algérie
! CANDIDAT DU FLN, Mohamed Kissari le reconnaît volontiers : « C’est à Alger que les choses se décident. »
En attendant le printemps? Durant la campagne électorale, les habitants du Sud ont surtout exprimé leurs frustrations vis-à-vis du pouvoir central. Un mal de vivre indolent, presque discret, mais ce calme est trompeur.
YOUSSEF AÏT AKDIM, envoyé spécial
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es affiches officielles mettent en scène un arbre en fleur sortant d’une urne transparente. Le slogan sonne comme une mise en garde: « Notre printemps, c’est l’Algérie. » Pas de doute, les révolutions en Tunisie, en Libye, et l’alternance politique au Maroc, se sont invitées aux élections législatives algériennes du 10 mai. Mais si ce scrutin constitue un test pour le pouvoir, le renouvellement de l’Assemblée populaire nationale (Chambre basse du Parlement) se prépare dans l’indifférence générale. Dans les colonnes d’El Watan ou de Liberté, les éditorialistes pestent contre JEUNE AFRIQUE
cette campagne atone, et les badauds rechignent devant l’échéance comme face à un pensum, un mauvais moment à passer. De fait, de meetings lassants en discoursassommants,laréclamepolitique relayée par la télé nationale ENTV, qu’on appelle ici « l’orpheline », paraît tout aussi réjouissante qu’une visite à un parent malade. Nécessaire mais terriblement ennuyeuse. Mais il faut dépasser le Tell (« montagne », en arabe), cette bande qui court le long du littoral méditerranéen, pour prendre la pleine mesure du « malvivre » algérien. Bien avant d’atteindre les lointains Tindouf, Tamanrasset ou Illizi, le Sud algérien est un autre pays, avec un rythme propre et des attentes immenses.
Moufdi-Zakaria permet au visiteur de s’accoutumer doucement au climat continental qui prévaut. Baptisé du nom du poète nationaliste, auteur de l’hymne national algérien Qassaman et enfant du coin, l’aérodrome charrie les habitués du vol Alger-Ghardaïa : quelques employés de Naftal, la compagnie publique de distribution de carburant, une majorité de nationaux venus pour affaires ou pour rendre visite à la famille. ●●●
Un Grand Sud sous-représenté à l’Assemblée populaire nationale (APN)
NOSTALGIE. Direction Ghardaïa. À
600 km d’Alger, la ville bâtie sur les rives de l’oued Mzab est une invitation à découvrir le pays profond. Avec ses sept villages, la cité est le premier des grands carrefours commerçants du Sahara algérien. À la fois chef-lieu de wilaya, destination touristique et ville-carrefour, elle offre un observatoire privilégié de l’autre Algérie. L’atterrissage nocturne à l’aéroport
46(dontDÉPUTÉS 1 femme) SUR 389
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Grand angle
! « IL N’Y A PAS D’AVENIR ICI, MON RÊVE EST D’ÉMIGRER. » Ahmed, originaire de Tiaret, a monté une poissonnerie avec un habitant de Ghardaïa. Mais la petite échoppe parvient difficilement à faire vivre les deux associés.
L’unique touriste étrangère est une Suissesse. En connaisseuse, elle discute avec son voisin algérois des atouts de la région. Ghardaïa ne manque pas de charme. « Du temps béni des colonies », elle était une étape incontournable des circuits vantés par la Compagnie générale transatlantique et la Société nationale des chemins de fer algériens. Mais le tourisme local s’est asséché à l’image de l’oued Mzab, dompté provisoirement après la grande crue de 2008. L’hôtel Rostémides, longtemps joyau de la ville, est toujours fermé pour rénovation. L’autre établissement public, l’hôtel El-Djanoub, paraît bien plus que ses 20 ans. Il accueille ces jours-ci un séminaire de juges chargés de superviser les élections législatives. Parés de l’honneur de leur fonction, ils refusent de parler politique.
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MOZABITES. Très soucieux de leur iden-
tité, les autochtones cultivent une forme d’exception culturelle. Adeptes d’une secte minoritaire de l’islam, l’ibadisme, les habitants de Beni Isguen offrent un condensé de la culture du Mzab. Derrière N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
! LES FEMMES SONT TRÈS PEU REPRÉSENTÉES parmi les candidats.
sa muraille médiévale, la cité a préservé des constructions anciennes, un mode de vie ancestral. À la porte, un guide monte la garde et aborde systématiquement l’étranger. Le visiteur est accueilli par une série d’instructions : tenue correcte exigée, photos interdites, mixité prohibée. « Toi qui entres ici, abandonne toute
nonchalance touristique » pourrait être la devise du lieu. Or ces prévenances, loin de décourager la curiosité, la suscitent et l’entretiennent. Jusque dans le centreville, plus ouvert au commerce, le mode de vie mozabite est de rigueur. Calotte sur la tête et pantalon bouffant, Lamine dirige la campagne d’un petit JEUNE AFRIQUE
! SOUVENT SANS EMPLOI, les jeunes se passionnent pour la téléphonie et internet. Leur seule ouverture sur le monde.
parti. Son candidat est un jeune théologien au CV bourré de diplômes en études islamiques. Pourtant, à en croire Lamine, il ne s’agit pas d’un parti salafiste : « Nous sommes attachés à la religion, mais nous ne nous reconnaissons pas dans les distinctions simplistes. Vous savez, je ne sais pas encore pour qui je vais voter. Il y a trop de candidats. » Un certain conservatisme se fait jour, marqué par la frugalité et la discrétion, deux qualités réputées chez ces Berbères du Sud. Juché sur son mulet, ce vieux refuse de se faire tirer le portrait. Sans se fâcher, il s’excuse : « Ma monture n’apprécierait pas ! » avant de reprendre son chemin, sourire en coin. Les listes de candidats aux législatives, pour la plupart exclusivement masculines, témoignent de cet esprit. VOTER. Devant la permanence du Front
des forces socialistes (FFS), quelques militants s’activent. Outre les onze hommes à calotte, le tract que nous tend Hamou Mesbah, patron des fédérations du Sud, compte une candidate supplémentaire. Surprise, la photographie de JEUNE AFRIQUE
la candidate, une sage-femme, a été se suivent et se ressemblent. Vient un remplacée par une silhouette voilée. braillard, qui réclame des comptes et des procès exemplaires. « Je voterai pour « Nous sommes opposés à la présence lui, au moins il n’a pas sa langue dans la obligatoire de femmes sur les listes. poche », sourit notre serveur, avant de Ce sera notre première proposition vaquer à sa tâche, oubliant de loi si nous sommes déjà le nom du candidat et élus », explique Hamou Un certain celui de son parti. Mesbah. En août 2010, conservatisme Ahmed, 29 ans et poisle FFS avait défrayé la règne, marqué sonnier de son état, ne chronique à Ghardaïa par la frugalité se préoccupe guère des lorsqu’une poignée de élections. « La politique, ce militants du parti avait et la discrétion n’est pas pour nous. Ici, on attaqué la grande mosdes Berbères survit. Il n’y a pas d’avenir. quée de la ville, provodu Sud. Mon rêve, c’est d’émigrer quant des affrontements violents. Depuis, la section et de me marier avec une locale s’est renouvelée et, au niveau gaouria [une Européenne, NDLR]. » national, le parti a décidé de participer Originaire de Tiaret (à 400 km au nord aux élections. « Nous voulons surtout de Ghardaïa), il s’est associé à un habitant réhabiliter la politique et rejetons le du coin pour louer une petite échoppe discours du pouvoir qui joue de la répresdans le marché et partager le capital sion et de la menace du chaos », ajoute nécessaire au lancement d’un commerce le responsable local du parti. de poissons. Sans façon, il nous invite à Dans un restaurant populaire, un partager son déjeuner. Autour de sarjeune serveur kabyle s’en prend aux dines frites et d’une salade de crudités, il candidats qui défilent sur le petit téléraconte son quotidien terne à Ghardaïa. viseur. Ton monocorde, voix hésitante À Laghouat, à près de 200 km au nord de et langue de bois, les prises de parole Ghardaïa,quatrejeunes tuentletemps ● ● ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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! LE QUARTIER TRADITIONNEL DE LA VIEILLE CITÉ MÉDIÉVALE de Beni Isguen, au cœur du pays mozabite, a été préservé.
! DANS CETTE MÊME LOCALITÉ se déroule tous les soirs un petit marché guère achalandé. ● ● ● au café. Il est 10 heures du matin et la journée paraîtdéjàlongue.Lemoins vieux, la vingtaine tout juste, lorgne le local du Front de libération nationale (FLN), situé en face du café. Il vient de décrocher une formation de conducteur d’engin, mais à part un stage, il n’a toujours pas trouvé de travail. Son voisin de gauche le presse de déposer sa candidature en face: « C’est le moment ou jamais, le travail ne viendra pas si tu ne postules pas. Sois un homme, vas-y au bagout. Tu peux promettre de voter pour le candidat, toi, ta famille, et ton quartier pendant que tu y es! Ne reste pas comme ça les bras croisés. » Rien à
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faire, le jeune homme ne traversera pas la rue aujourd’hui. En face, le siège du parti historiquerésonned’unesonotonitruante. La programmation est basique : hymne national et chants patriotiques. À l’intérieur, le plus jeune candidat de la liste FLN coordonne le travail des colleurs d’affiches. Il faut repasser derrière les concurrents et coller toujours plus, toujours plus vite, toujours plus haut. DEUX ALGÉRIE ? Mohamed Kissari a
l’assurance du jeune loup. Fils de notable, diplômé de sciences politiques dans une fac privée des États-Unis, il dirige
une entreprise de transport. Sa tenue, ses gestes, la cour de jeunes « hittistes » (jeunes chômeurs, selon une expression algérienne) qui le suit, indiquent l’homme habitué à commander. Mohamed a choisi le FLN par pragmatisme (« c’est le parti le plus puissant »), pour se rapprocher du pouvoir (« c’est à Alger que les choses se décident »). Pour cet ambitieux, il faut changer de méthode. Il se targue d’ailleurs d’appliquer celle des Anglo-Saxons, avec des campagnes sur le terrain et via les réseaux sociaux. Vérification faite, la page Facebook « FLN Laghouat » ne comptait pourtant que dix membres, dont le plus actif est un mystérieux « Tout va bien ». Le rendez-vous des élections ne serait-il qu’une mascarade? Beaucoup le pensent et jurent qu’ils ne se feront pas prendre : « Wallah manvoti » (« Pas question pour moi d’aller voter »), répond calmement un Algérois croisé rue Mourad-Didouche, le cœur battant de la capitale, en écho aux déclarations de ses concitoyens du Sud. L’abstention sera vraisemblablement élevée dans une Algérie encore marquée par l’interruption du processus électoral en 1991 et la « décennie noire » qui s’est ensuivie. La violence des groupes armés a été moins meurtrière que dans le Nord, elle a néanmoins forcé des familles entières à l’exode intérieur. JEUNE AFRIQUE
! SUR LA PLACE CENTRALE DE GHARDAÏA, les principaux partis ont installé leurs sièges de campagne, mais ont bien du mal à mobiliser les électeurs.
Le chauffeur de taxi qui nous mène de Ghardaïa à Laghouat se souvient : « Les nouvelles des massacres se faisaient de plus en plus inquiétantes. Mon père nous a rassemblés mes frères et moi un soir, après le dîner : “Ils viendront prendre vos maisons, vos femmes. Si vous ne pouvez pas vous battre, allez vers le sud.” Nous n’avions pas d’armes… » C’est comme ça que ce routier s’est reconverti en taxi à Ghardaïa, après avoir travaillé dans l’agriculture. Pressé de donner ses préférences politiques, il se ferme : « Mon vote, je le garderai pour moi. » DALLAS-SUR-SAHARA. À 200 km à
l’est de Ghardaïa, la ville de Ouargla est entourée d’une myriade de palmeraies : 35 °C à l’ombre, vent sec et soleil déjà très fort pour un mois d’avril. Comme à Ghardaïa, la station de taxis porte les traces des déplacements des populations sahéliennes. Une femme accompagnée de deux enfants défend son abri de carton. « C’est une Nigérienne qui a fui la Libye, croit savoir l’épicier voisin. La nuit JEUNE AFRIQUE
De l’autre côté de la ville, il faut quitter la dernière, des voyous sont venus lui chercher noise, elle préfère dormir à côté de la nationale pour rejoindre le village de Hassi gare par précaution. » Sous la torpeur, la Ben Abdellah. Encore désertique dans les wilaya de Ouargla cache de lourdes tenannées 1960, le coin est devenu un des greniers de la région. Assis sur sa natte, sions sociales. Ici, les jeunes tournent leurs espoirs vers Hassi Messaoud, où l’emploi Cheikh Ali accueille le visiteur et évoque dans le secteur pétrolier fait miroiter un son arrivée en 1969, sur une terre hostile Dallas-sur-Sahara. Régulièrement, des sans eau ni semences. Avec un petit pécule diplômés de l’université délivré par l’État, il s’est locale manifestent contre lancé dans l’agriculture. Sous la torpeur, le chômage. Cet aprèsAujourd’hui, il contemple la wilaya de midi, ils ont choisi de sa ferme, où travaillent bloquer la nationale en ses fils. L’État aide-t-il les Ouargla cache direction de Ghardaïa. petits paysans ? Cheikh de lourdes Les policiers préviennent Ali agite la main comme tensions sociales. l’automobiliste : « La pour conjurer un mauroute est fermée, on ne vais sort ou chasser une sait pas pour combien mouche : « L’État, il faut avoirlesépaulespourluiparler.»«Avoirles de temps, il y a une piste. » Ce qui a le épaules », une expression algérienne pour don d’irriter Smaïn, le passager assis à l’avant. Ce père de famille est un adepte dire que le piston, le relationnel, compte de la manière de forte. « Donnez-moi une autantquelestalentspropres.Maisaufinal, escouade de gendarmes et vous verrez ! » les efforts et la patience du petit paysan ont Apparemment, les autorités ont choisi de payé:«Laviefinittoujourspasvousdonner temporiser à l’approche du scrutin, une quelque chose, mais il faut faire le premier aubaine pour les manifestants. pas.»Cepourraitêtreun slogan électoral. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Afrique subsaharienne
MOUSSA DADIS CAM
ARA
JOS JO SEP SE EPH H KONY OMAR EL-B BÉC ÉCH HIR
JUSTICE
À qui le tour?
Le 26 avril, ils étaient nombreux, sur le continent, à suivre le verdict du procès de Charles Taylor. Et à se dire qu’ils pourraient bien un jour, comme l’ancien président libérien, être envoyés à La Haye. Ont-ils des raisons de s’inquiéter ? Enquête.
P
rocès historique, jugement historique. Il y avait bien eu Karl Dönitz en 1946. Éphémère président du Reich après le suicide d’Adolf Hitler, il avait dirigé, vingt jours durant, l’Allemagne nazie avant d’être reconnu coupable de crimes de guerre à l’issue du procès de Nuremberg. Depuis, plus rien. Aucun chef d’État n’avait plus été condamné par la justice internationale. La reconnaissance de la culpabilité de Charles Taylor, prononcée le 26 avril dernier par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), revêt donc une importance toute particulière. L’ex-président libérien est en plus le premier chef d’État africain jamais condamné par la justice internationale – un précédent qui pourrait faire trembler sur le continent. Car l’Union africaine (UA) a beau dire clairement son opposition à ce que beaucoup appellent « une justice de Blancs » (« Nous sommes pour la lutte contre l’impunité, a déclaré Jean Ping, le président de la Commission de l’UA, en juin 2011. Mais pourquoi [le procureur de la Cour pénale internationale] ne juge-t-il que les Africains ? Est-ce que cela veut dire qu’il ne se passe rien ailleurs ? »), l’étau se resserre. Le Congolais Thomas Lubanga a été reconnu coupable, l’Ivoirien Laurent Gbagbo attend l’ouverture de son procès… Qui sera le prochain ? Jeune Afrique a mené l’enquête. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Dossier réalisé par PASCAL AIRAULT, YOUSSEF AÏT AKDIM, PIERRE BOISSELET, MALIKA GROGABADA, CLARISSE JUOMPAN-YAKAM, ANNE KAPPÈSGRANGÉ et PHILIPPE PERDRIX
OMAR EL-BÉCHIR Accusé de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide au Darfour, le président soudanais est visé par deux mandats d’arrêt internationaux, émis en mars 2009 et en juillet 2010. Et sauf très grosse surprise, il pourrait ne jamais comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI). Réélu en 2010, il bénéficie en effet du soutien de nombre de ses pairs de l’Union africaine et de la Ligue arabe, chez qui il se déplace sans crainte, qu’ils soient ou non signataires du traité de Rome, fondateur de la CPI. Chaque fois, l’accueil qui lui est fait est plus celui que l’on réserve à un invité de marque qu’à un criminel en fuite. Des mandats d’arrêt ont également été délivrés contre au moins deux anciens chefs de milice Djandjawid, et eux aussi pourraient ne jamais JEUNE AFRIQUE
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SENO USSI
avoir à rendre de comptes. Mais au fond, pour les dignitaires du régime, la principale menace reste celle d’un coup d’État, alors que le pays connaît une grave crise économique depuis la perte des ressources du Sud. « Même dans ce cas, El-Béchir pourrait se réfugier chez un de ses alliés, comme l’Arabie saoudite ou la Chine », assure Roland Marchal, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales.
HISSÈNE HABRÉ L’affaire Habré, c’est un long feuilleton politico-judiciaire dont les victimes du régime de l’ancien dictateur tchadien désespèrent de voir un jour la fin. Au pouvoir de 1982 à 1990, Habré a plongé le Tchad dans un cauchemar de répression et de suspicion généralisée. Bilan : des milliers de morts… En exil à Dakar depuis 1990, Habré a été JEUNE AFRIQUE
M OUS ÉRIF
HIS ISSÈNE
BOSCO NTAGANDA
HABRÉ
VAHID SALEMI/AP/SIPA ; YOURI LENQUETTE ; STR/AP/SIPA, GUILLAUME BINET/MYOP ; BINTOU POUR J.A. ; HN/APANEWS ; AMMAR EL-DARWISH/AP/SIPA ; DARIO LOPEZ-MILLS/AP/SIPA ; ALAIN WANDIMOYI/AP/SIPA ; BAS CZERWINSKI/AP/SIPA
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UHURU KENYATTA
inculpé en 2000 par un juge sénégalais et accusé de crimes contre l’humanité et de torture, mais il est jusqu’à présent parvenu à échapper à un procès. Le Sénégal d’Abdoulaye Wade s’étant dérobé pendant de longues années à son obligation de le juger (Habré a su s’y assurer de nombreux soutiens), c’est la Belgique qui a demandé son extradition, en septembre 2005. Depuis, la procédure traîne en longueur : en 2006, le Sénégal a accepté de juger Habré au nom de l’UA, et en 2010 les donateurs sont parvenus à réunir 8,6 millions d’euros pour organiser le procès – mais depuis, il ne s’est rien passé. Du coup, en mars dernier, c’est devant la Cour internationale de justice (CIJ) que l’affaire a été portée. Habré finira-t-il par être jugé ? L’entourage du nouveau président sénégalais, Macky Sall, a laissé entendre qu’il souhaitait relancer la procédure dans son propre pays. « Cela prendrait trop de temps de tout recommencer à zéro, fait valoir un N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Afrique subsaharienne défenseur des droits de l’homme. Pendant ce temps, les victimes continuent à mourir. La seule solution rapide, c’est la Belgique. »
CHARLESBLÉGOUDÉ Pas de poursuites officielles de la CPI, mais l’ancien chef des Jeunes patriotes ivoiriens sait que son tour pourrait venir vite – et il s’y prépare, puisqu’il a demandé à Nick Kaufman, l’avocat de la famille Kaddafi, de défendre ses intérêts. Celui-ci a écrit le 23 avril au procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, pour connaître les intentions de la justice vis-à-vis de son client et s’assurer qu’aucun mandat d’arrêt n’avait été émis contre lui. « Je n’ai aucune réponse pour l’instant », dit-il. Aujourd’hui exilé au Ghana, Blé Goudé occupait le poste de ministre de la Jeunesse dans le dernier gouvernement de Laurent Gbagbo. L’ONU et des ONG lui reprochent d’avoir prononcé un discours, le 25 février 2011, appelant ses partisans à ériger des barrages à Abidjan et à dénoncer les étrangers, ce qui aurait déclenché des crimes perpétrés sur une base partisane et ethnique. En 2006, l’ONU lui avait déjà interdit de voyager et avait gelé ses avoirs à cause de « déclarations publiques répétées préconisant la violence » contre les Nations unies et les étrangers. « Mon client est prêt à se défendre devant toute juridiction internationale, explique Me Kaufman. Mais pas en Côte d’Ivoire, où la justice est partiale. »
CHÉRIF OUSMANE Pas de poursuites non plus contre Chérif Ousmane, ex-chef deguerreetprochedeGuillaume Soro, qui préside désormais l’Assemblée nationale en Côte d’Ivoire. Chérif Ousmane est le symbole de cette génération d’officiers qui se sont sentis marginalisés et qui ont tenté de prendre le pouvoir en 2002, avant de se replier sur le nord du pays. Devenu l’un des comzones de Bouaké, il a participé à l’assaut final sur Abidjan et ses hommes auraient conquis le quartier de Yopougon, fief des partisans de Gbagbo, au prix d’exécutions sommaires. Selon Human Rights Watch, il aurait ordonné l’exécution de 29 prisonniers en mai 2011. Par ailleurs, un rapport de l’agence de presse des Nations unies, l’Irin,publiéen2004,lesoupçonned’avoirsupervisé des forces impliquées dans l’assassinat de mercenaires libériens et sierra-léonais. Les ONG aimeraient donc les voir, lui et les autres anciens chefs rebelles que sont Ousmane Coulibaly (dit Ben Laden) et Losseni Fofana, devant la justice. Mais Chérif Ousmane est aujourd’hui le numéro deux du Groupe de sécurité de la N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
VAHID SALEMI/AP/SIPA
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présidence de la République (GSPR), et le président Ouattara, qui dit maintenant souhaiter que justice soit rendue en Côte d’Ivoire, ne semble pas décider à le transférer devant la CPI.
MOUSSA DADIS CAMARA Le 28 septembre 2009, des milliers de Guinéens se réuniss ent au stade du 28-Septembre de Conakry pour dire non à la candidature du chef de la junte, Moussa Dadis Camara, à la présidentielle. Pour disperser les manifestants, l’armée tire à balles réelles. Bilan : 157 morts, 1 200 blessés et 109 cas de viol répertoriés. Pour les enquêteurs onusiens, Dadis a une « responsabilité pénale individuelle » dans les massacres. Tout comme son aide de camp, Aboubacar « Toumba » Diakité, et Moussa Tiégboro Camara, à l’époque ministre chargé de la Lutte contre la drogue et le grand banditisme. En visite en Guinée le 5 avril, Fatou Bensouda, prochaine procureure de la CPI, a prévenu: « Si les hauts responsables ne sont pas poursuivis par les autorités guinéennes, alors la CPI le fera. » Sans doute pour donner un coup d’accélérateur à la procédure, qui n’a plus bougé depuis l’inculpation par la justice guinéenne, début février, de Moussa Tiégboro Camara. Exilé au Burkina depuis janvier 2010, Dadis, qui avait échappé à une tentative d’assassinat en décembre 2009 (perpétrée justement par JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne président Kabila semble vouloir donner des gages à la communauté internationale afin de tourner la page de la présidentielle de novembre 2011. Est-il toutefois prêt à le remettre à la CPI? Pour l’instant, non. « Nous pouvons l’arrêter nous-mêmes […] et le juger ici », a-t-il déclaré le 11 avril.
FÉLICIEN KABUGA
! Freetown, le 26 avril. RETRANSMISSION TÉLÉVISÉE DU VERDICT
dans le procès de Charles Taylor. Le 3 mai, l’accusation a requis 80 ans de prison contre lui.
« Toumba », en cavale depuis), continue de nier toute implication dans les massacres. Il compte encore chez lui de nombreux partisans – ce qui, momentanément du moins, lui assure une certaine tranquillité. À ce jour, aucune poursuite judiciaire n’est engagée contre lui, ni en Guinée ni à la CPI.
BOSCO NTAGANDA En août 2006, la CPI a émis un mandat d’arrêt contre Bosco Ntaganda, accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants entre 2002 et 2003, en Ituri (nord-est de la RD Congo). À l’époque, Ntaganda était membre de l’Union des patriotes congolais (UPC), aux côtés de Thomas Lubanga (reconnu coupable de crimes de guerre par la CPI en mars dernier) puis du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Le général « Bosco » a intégré l’armée congolaise en janvier 2009 après l’accord de paix passé entre le CNDP et Kinshasa, mais aujourd’hui les choses se compliquent. La protection dont il bénéficiait n’est plus de mise depuis que de violents combats dans le Nord-Kivu opposent l’armée à des mutins qui lui sont fidèles. « Bosco » se serait retranché dans son fief, dans les montagnes du Masisi. Pourquoi ce revirement? « Malgré le modus vivendi négocié avec Kinshasa, la chaîne de commandement parallèle qu’il avait mise en place dans les deux Kivus commençait à agacer l’état-major », explique un spécialiste des questions militaires. Par ailleurs, le JEUNE AFRIQUE
Il est accusé de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, selon le mandat d’arrêt du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) émis le 8 novembre 2001. Dix-huit ans après les faits, le génocidaire rwandais présumé le plus recherché de la planète est toujours en cavale. Ce richissime homme d’affaires est accusé d’être le grand argentier du génocide et l’un des principaux planificateurs des massacres. Lié à la famille de l’ancien président Habyarimana, il était le plus important actionnaire de la radio des Mille Collines et aurait financé l’achat de milliers de machettes. Son dernier pays de résidence avéré, le Kenya, assure qu’il a quitté son territoire – sans toutefois en donner la preuve ni dévoiler sa destination. Kabuga, dont la fortune est estimée à 20 millions de dollars, conserve, semble-t-il, des arguments pour s’assurer de la loyauté de ses mystérieux protecteurs. À compter du 1er juillet, le TPIR perdra la faculté de rechercher les fugitifs (prélude à la fermeture définitive du tribunal fin 2014), fonction qui sera ensuite assumée par un « mécanisme résiduel », mis en place par l’ONU pour éviter qu’ils échappent à la justice. Le temps presse : Kabuga a 77 ans.
JOSEPH KONY Meurtres, esclavage sexuel, pillages, viols, enrôlement d’enfants… La liste des charges qui pèsent contre le chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) est longue. Pas moins de 33 chefs d’accusation relevant du crime de guerre et du crime contre l’humanité. Ex-enfant de chœur, semi-analphabète, Joseph Kony est le fondateur présumé de la LRA, en 1987. Depuis, il a semé la terreur dans son pays, mais aussi au Soudan, en RD Congo et en Centrafrique. En 2005, la CPI a émis un mandat d’arrêt contre lui et quatre autres chefs de la LRA. Sept ans après, Kony est toujours introuvable, mais la traque a été relancée, en partie grâce à l’ONG américaine Invisible Children et à sa vidéo virale Kony 2012, mise en ligne en février. En avril, l’UA, appuyée par les États-Unis, a annoncé la mise en place d’une force militaire de 5 000 hommes pour traquer et capturer Kony. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Afrique subsaharienne
UHURU KENYATTA Les violences qui ont suivi la réélection contestée de Mwai Kibaki, en décembre 2007, ont fait plus de 1 100 morts. Pour la CPI, ces crimes ont été « préparés » et « planifiés » dans les deux camps par des personnalités de premier plan. D’un côté, Uhuru Kenyatta, proche de Kibaki et richissime héritier de Jomo Kenyatta, le père de l’indépendance. Vice-Premier ministre et probable candidat à la prochaine présidentielle, il est accusé de crimes contre l’humanité. Mais des proches de Raila Odinga, challengeur de Kibaki, sont également sur la sellette. C’est le cas de William Ruto, ex-ministre de l’Enseignement supérieur, autre probable candidat à la présidentielle. Comme Henry Kosgey (ex-ministre de l’Industrialisation) et comme le journaliste Joshua arap Sang, Ruto est soupçonné d’avoir « organisé le stockage et la distribution des armes, coordonné le transport des agresseurs, promis des récompenses pour la participation aux attaques ». La CPI a décidé d’ouvrir une enquête après l’échec du gouvernement kényan à mettre sur pied un tribunal spécial chargé de poursuivre les auteurs des violences. Le 23 janvier, elle a confirmé les charges retenues contre les accusés, qui comparaissaient libres à La Haye, mais le Kenya laisse désormais entendre qu’un procès pourrait être organisé sur son sol (sans préciser toutefois si les accusés de la CPI seront concernés). Or la CPI ne peut conduire des procès que si les États n’ont pas la capacité ou la volonté de le faire. Une subtilité qui n’aura pas échappé à Nairobi…
SEIF EL-ISLAM KADDAFI
Malgré les pressions extérieures, le fils du « Guide » libyen pourrait bien être jugé dans son propre pays.
AMÉRICAINS, ISRAÉLIENS… LA CPI POURRAIT AUSSI S’INTÉRESSER À EUX LA JUSTICE INTERNATIONALE est-elle vraiment… juste ? Selon Human Rights Watch (HRW), des crimes de guerre ont été commis par l’armée israélienne pendant l’opération Plomb durci (27 décembre 2008-18 janvier 2009) dans la bande de Gaza. Si une enquête sérieuse était menée par la CPI, des responsabilités individuelles seraient enfin déterminées, et le ministre de la Défense, Ehoud Barak, pourrait se retrouver sur le banc des accusés. Aucune enquête ne vise non plus l’ex-secrétaire d’État américain à la Défense Donald Rumsfeld, qui, toujours selon HRW, est l’architecte d’une politique de mauvais traitements aux prisonniers, en particulier à Abou Ghraib. Idem pour George W. Bush, qui, durant le conflit irakien (2003-2011), a autorisé la torture et les prisons secrètes. Enfin, si des poursuites étaient lancées pour les crimes commis enTchétchénie, le président pro-Russes Kadyrov serait le principal accusé. Mais, comme le Soudan, ni Israël, ni les États-Unis, ni la Russie n’ont ratifié le traité de Rome portant création de la CPI. ● JUSTINE SPIEGEL N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Après des mois de bataille par communiqués interposés, le g o u v e r n e m e n t l i by e n a officiellement contesté, le 1er mai, la compétence de la CPI pour juger Seif el-Islam Kaddafi, ouvrant la voie à l’abandon de la procédure à La Haye. Détenu à Zintan (Libye) depuis son arrestation, le 19 novembre dernier, Seif faisait figure d’héritier de Mouammar Kaddafi. Il est accusé par la CPI d’avoir participé à la répression en Libye, dès le 15 février 2011 à Benghazi, et de s’être rendu coupable de crimes contre l’humanité. L’actuel procureur de la Cour, Luis Moreno-Ocampo, affirme disposer d’un dossier accablant avec les minutes des réunions, le calendrier des opérations de répression à partir de février 2011 et même des preuves que Seif aurait commandité le recrutement de mercenaires tchadiens. Mais lors d’une récente visite à Tripoli, Ocampo a concédé que le procureur général libyen tenait aussi « un dossier solide ». « Il a 30 témoins de plus, des documents et des retranscriptions. Il semble qu’il ait beaucoup de preuves », avait alors déclaré Ocampo. Le fils Kaddafi étant détenu en Libye et pouvant être jugé sur place, la CPI devrait vraisemblablement arrêter la procédure en cours.
ABDALLAH SENOUSSI L’ancien chef des services secrets libyens est lui aussi accusé de crimes contre l’humanité et recherché par la justice internationale. Arrêté à Nouakchott (Mauritanie) le 16 mars dernier, Abdallah Senoussi est depuis très demandé : la Libye, la France et la CPI veulent son extradition. C’est évidemment Tripoli qui a le plus de questions à poser à l’exhomme fort du régime Kaddafi, accusé d’avoir supervisé, avec Seif el-Islam, la répression en Libye entre février et août 2011, avec notamment des cas documentés de torture et d’exécutions sommaires. Mais les Libyens ont beaucoup d’autres griefs contre Senoussi : c’est lui que les familles des victimes de la prison d’Abou Salim accusent du massacre de 1 270 prisonniers en juin 1996. Le gouvernement libyen dispose de témoignages attestant de son implication personnelle dans ce massacre. Mais le 15 avril à Nouakchott, le président Ould Abdelaziz a démenti avoir passé un accord pour l’extrader en Libye. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il est prêt à le garder sur son territoire. La CPI a donc encore toutes ses chances ● JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
P*** de famine!
SADAKA EDMOND/SIPA
D TIKEN JAH FAKOLY
CORDOBA/ALF/TARGET PRESS/SIPA
Artiste ivoirien
VINCENT CASSEL Acteur français
ES IMAGES QUE L’ON PENSAIT appartenir à un autre temps ont envahi nos écrans de télévision il y a quelques mois : des enfants rachitiques, aux joues creusées et au ventre gonflé, mourant dans les bras de leur mère dans le camp de réfugiés de Dadaab, au Kenya. Ces mêmes images insoutenables risquent de refaire très bientôt l’actualité, avec une nouvelle famine menaçant cette fois la région du Sahel. Si le public se détourne désormais de ces reportages, las, désabusé, la faim continue pourtant de constituer le quotidien de centaines de millions de personnes. Et au-delà de la faim, la malnutrition continue de faire des ravages. Faute d’une alimentation suffisante ou de qualité, 178 millions d’enfants en bas âge vont devenir rachitiques en cette seule année 2012. Et ce retard de croissance irréversible affectera durablement leur avenir, leur capacité à aller à l’école, à s’instruire et à bâtir une vie meilleure. La Banque mondiale estime même que la sous-alimentation peut faire chuter le produit intérieur brut d’un pays de 2 % à 3 %.
L’organisation non gouvernementale ONE a identifié 30 pays à faibles revenus ayant mis en place des plans d’investissement dans l’agriculture approuvés à l’échelon international. Ensemble, ces pays représentent un quart du total de 1,4 mil-
En Afrique, rien qu’en 2012, 178 millions d’enfants vont devenir rachitiques.
Trente ans après la terrible famine qui a ravagé l’Éthiopie et secoué la communauté internationale, on sait aujourd’hui ce qu’il faut faire pour briser ce cycle de l’extrême pauvreté à l’origine de la faim et de la malnutrition. On sait ce qu’il faut faire pour augmenter la production alimentaire et nourrir les 9 milliards d’habitants que notre planète comptera en 2050 : investir dans l’agriculture. Dans de nombreuses régions du monde, d’immenses progrès ont déjà été réalisés. La révolution verte de la seconde partie du siècle dernier s’est accompagnée d’une augmentation considérable des rendements agricoles, soutenues par des investissements publics massifs. Mais, si de nombreux pays d’Asie et d’Amérique latine ont prospéré, l’agriculture en Afrique n’a pas bénéficié d’autant d’efforts et d’investissements. L’aide internationale consacrée aux investissements agricoles au sud du Sahara a chuté de 72 % entre 1988 et 2003. Les gouvernements africains ont, eux aussi, trop peu investi dans le secteur agricole et le soutien aux petits agriculteurs. Le montant total des dépenses nationales dans le secteur agricole en Afrique est resté stable – à 3 milliards d’euros en 1980 comme en 1990 –, alors qu’en Asie ces JEUNE AFRIQUE
dépenses, qui dépassaient déjà les 52 milliards d’euros en 1980, ont atteint 75 milliards d’euros en 1990. Les choses commencent heureusement à changer. Depuis 2003, l’aide dévolue au secteur agricole en Afrique est en augmentation. On reconnaît aujourd’hui de plus en plus la nécessité de relever les niveaux de l’aide et de mettre en place un soutien public suffisant pour générer des innovations et des expériences-pilotes, à l’échelon local et régional, pour identifier les solutions les mieux adaptées aux différentes régions du continent.
liard de personnes vivant dans une pauvreté extrême et 90 % des habitants les plus pauvres d’Afrique subsaharienne. Dix-sept de ces 30 pays ont également rejoint le mouvement SUN (Scaling Up Nutrition, « Améliorer la nutrition »), qui vise à soutenir les programmes nationaux de lutte contre la sous-alimentation. Ce mouvement rassemble un large éventail d’acteurs – gouvernements, société civile, secteur privé, instituts de recherche et Nations unies – pour s’assurer de la disponibilité des ressources financières et techniques nécessaires. Si ces plans peuvent être mis en œuvre d’ici à 2015, 50 millions de personnes sortiront de l’extrême pauvreté et 15 millions d’enfants ne souffriront plus de malnutrition. Mais il manque 20 milliards d’euros d’ici à 2015 pour y parvenir. Changer les choses dans ces 30 pays exigera des investissements soutenus et une réelle volonté politique. Les dirigeants du monde entier doivent adopter un nouveau pacte pour la sécurité alimentaire et la nutrition en 2012. L’adoption d’un tel pacte et son rapide déploiement contribueront à mettre fin au cercle de la pauvreté et de la faim. ● Vincent Cassel etTiken Jah Fakoly ont participé à la campagne de ONE pour dénoncer la famine dans la Corne de l’Afrique et au clip P*** de famine : l’obscénité n’est pas là où on le croit. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Afrique subsaharienne ARMÉE FRANÇAISE
Partir… pour mieux rester Le 18 avril, Paris a finalisé la remise à plat des accords militaires passés avec ses anciennes colonies. Au final, des bases moins nombreuses et des effectifs réduits. L’essentiel, c’est de se faire discret.
L
a boucle est bouclée. En signant avec le Sénégal un nouvel accord de défense, le 18 avril, la France a parachevé la remise à plat des pactes militaires qu’elle avait conclus au lendemain des indépendances avec huit de ses ex-colonies. La renégociation de ces textes controversés, considérés comme un des principaux leviers de la « Françafrique », avait été inaugurée par le Cameroun et le Togo en 2009, imités les moissuivantsparleGabon,laCentrafrique, les Comores, Djibouti et, plus récemment, la Côte d’Ivoire. Alors que les précédents accords contenaient des clauses secrètes permettant à l’armée française d’intervenir en cas de troubles intérieurs, les nouveaux l’en empêchent de manière explicite. Une preuve, prétend Paris, que les temps ont changé et que l’époque des interventions tous azimuts (près de 50 opérations depuis trente ans) est révolue. Mais en Afrique, bien des observateurs font part de leurs doutes. « Arrêtons les fantasmes ! Tout se fait dans la transparence », a expliqué le Quai d’Orsay en réponse aux interrogations de la presse sénégalaise quant à d’éventuelles clauses secrètes. Et de rappeler que cette nouvelle donne juridique s’inscrit dans un projet plus vaste de réorganisation du dispositifmilitairefrançaissurlecontinent. DéfinieparleLivreblancsurlasécuritéetla défense publié en juin 2008, elle est dictée autant par des considérations budgétaires – la présence française en Afrique pesait 800 millions d’euros par an en 2008 – que par des visées géostratégiques.
aujourd’hui, ils sont à peine plus de 5000. Rien qu’en 2011, près de 2500 soldats ont quitté Dakar, Djibouti et Abidjan, où la force Licorne est passée de 1700 hommes au plus fort de la crise postélectorale à 450 aujourd’hui. Au ministère français de la Défense, on rappelle que cette force provisoire mobilisée en 2002 « a vocation à disparaître ». Il en va de même du dispositif Épervier (un millier d’hommes déployés au Tchad depuis 1986), que la France
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
TCHAD Opération Épervier déployés depuis 1986 dépl
SÉNÉGAL Pôle de coopération régionale 450 militaires Unité de commandement et de coopération opérationnelle (U2CO)
BURKINA Effectifs inconnus éléments du COS, le Commandement des opérations spéciales, déployés depuis 2010
CÔTE D’IVOIRE Opération Licorne 450 militaires déployés depuis 2002
TRAFICS. « La menace a changé de visage,
explique un officier français. Notre préoccupationn’estplusdesoutenirdesrégimes. Notre préoccupation aujourd’hui, ce sont les trafics internationaux et les groupes terroristes. Or, pour cela, nous n’avons plus besoin de troupes nombreuses. Les moyens aériens de projection permettent de se passer des bases. » La cure d’amaigrissement est drastique: en 1960, l’armée française comptait 30000 hommes en Afrique ; en 1980, 15 000 ;
envisage de transformer en pôle opérationnel de coopération et qui pourrait regrouper 300 hommes. Pour Paris, il s’agit de concentrer les moyens afin de s’adapter aux nouveaux enjeux. Un repli tactique, en quelque sorte. Certes, aucune zone d’influence du continent n’échappe à la surveillance française. Mais la bande sahélienne, qui, selon le Livre blanc, « appelle une vigilance et un investissement spécifique », fait l’objetd’uneattentionparticulière…etplus
Une présence remodelée
SOURCE : MINISTÈRE FRANÇAIS DE LA DÉFENSE
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GABON Base opérationnelle 950 militaires 6e bataillon d’infanterie de marine (Bima)
GOLFE DE GUINÉE Opération Corymbe 150 militaires déployés depuis 1990
Bases permanentes Opérations en cours Forces positionnées sur le territoire français et qui complètent le dispositif JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne discrète que par le passé. Fini les hommes en treillis qui paradent dans les rues des capitalesetinondentlesbarslesamedisoir. Désormais, la France envoie sur le terrain des instructeurs moins visibles et moins bruyants, dont certains stationnent plus volontiersdansleshôtelsquatreétoilesque dans les camps militaires. « La priorité est donnée à la coopération avec les forces de sécurité africaines, afin qu’elles assurent elles-mêmes leur défense », indique un officier. En 2011, la France a ainsi formé près de 15000 militaires issus de 31 pays d’Afrique subsaharienne. Ce soutien va de pair avec le développement du renseignement. « Face au terrorisme, c’est la meilleure arme », glisse l’attaché militaire d’une ambassade située dans un pays de l’Afrique de l’Ouest. ● RÉMI CARAYOL
DJIBOUTI Base opérationnelle 2 000 militaires 5e régiment interarmes d’outre-mer (Riaom)
Au Burkina, ni vu ni connu Personne ne tient vraiment à parler d’eux, mais cela fait bientôt deux ans que les hommes du Commandement des opérations spéciales ont posé leurs valises à Ouaga.
À
Ouagadougou, ils n’existent pas. « On ne voit que leurs hélicoptères qui survolent la ville quand ils s’entraînent, note un journaliste. Ils ne sortent jamais en treillis. » Pour la plupart des Burkinabè, ce sont de simples étrangers – des touristes, pensent-ils, auxquels ils essaient de vendre des bijoux. Qui pourrait se douter que ces hommes en short et en tongs sont la fine fleur de l’armée française ? Combien sont-ils, ces éléments d’élite qui stationnent au Burkina depuis bientôt deux ans ? Où dorment-ils (certains sont dans des hôtels, d’autres dans des camps) ? Où s’entraînent-ils ? Impossible de le savoir. À Paris comme à Ouaga, c’est silence radio. Côté français, on nie sans grande conviction, puis on botte en touche quand le sujet est mis sur la table. À Kosyam, le palais présidentiel, on explique, un peu gêné : « Ils sont bien là, mais ils veulent être discrets. Et ils ont raison. » INSTRUCTEURS. C’est
GOLFE D’ADEN Opération Atalante 220 militaires déployés depuis 2008
CENTRAFRIQUE Opération Boali 240 militaires déployés depuis 2008
MAYOTTE/RÉUNION 1 900 militaires engagés dans des actions de coopération militaire avec des pays de la côte sud-est de l’Afrique JEUNE AFRIQUE
d’intervention des Français n’est pas passée inaperçue. Il se dit que même les Américains ont été impressionnés… « Ce sont de valeureux combattants, note un officier burkinabè, impressionné par leur sérieux. Ils transmettent leur savoir-faire à nos soldats. » Tous ont passé des tests pour intégrer le Commandement des opérations spéciales (COS), une structure hors norme qui rassemble l’ensemble des forces spéciales des différentes armées. Un vivier de plus de 3 000 hommes issus des régiments les plus réputés. OPACITÉ. En vingt ans, les hommes du COS ont eu le temps de visiter l’Afrique. Ils ont vu les Comores, d’où ils ont chassé Bob Denard, la Somalie, Bangui, Abidjan… Récemment, ils ont « fait » la Libye. Aujourd’hui, ils sont en Afghanistan et au Burkina, dans le cadre de la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), mais dans la plus totale opacité. Leur arrivée
En vingt ans, de Bangui à
à voir… Ici comme ailAbidjan, des Comores à la Libye, leurs, l’opacité est mère les soldats d’élite du COS ont de toutes les spéculaeu le temps de visiter l’Afrique. tions. « Si le régime était menacé, comme il l’a été l’année dernière, ces troupes ont-elles à Ouaga remonte à l’automne 2010, pour mandat de lui venir en aide ? » quand la menace islamiste s’est prés’interroge un opposant. Officiellement, cisée… et quand le nouvel ambasla France ne compte que quelques sadeur français, Emmanuel Beth, militaires en détachement provisoire est arrivé. Est-ce une coïncidence ? au Burkina, dans le cadre du soutien Ce général expérimenté récemment que Paris apporte à l’armée burkinabè converti à la diplomatie n’est autre depuis l’indépendance. En fait, ils sont que le frère de Frédéric Beth, lui aussi beaucoup plus nombreux. Il y a là des un général, qui a commandé le COS instructeurs, des pilotes, des mécanijusqu’en août 2011 avant de rejoindre ciens et des soldats d’élite, prêts à tout la Direction générale de la sécurité moment à aller au feu. Ce sont eux extérieure (DGSE). En attendant, à qui, le 8 janvier 2011, avaient tenté de Ouaga, peu d’indices permettent de libérer deux Français enlevés à Niamey. deviner ce que font ces hommes qui, Appelés en urgence, ils avaient sauté au milieu d’un déjeuner un beau jour dans trois hélicoptères et avaient interde mai dans un hôtel du centre-ville, cepté le convoi des preneurs d’otages s’arrêtent soudainement de parler pour à la frontière entre le Niger et le Mali. écouter la télé quand il est question du L’opération fut un échec (les otages Mali. Un possible champ d’action ? ● avaient été tués), mais la capacité R.C., envoyé spécial N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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WILS YANICK MANIENGUI/AFP
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! DEVANT LES DÉPUTÉS, le 1er juillet 2010, à Libreville.
GABON
Bongo forever Président de l’Assemblée depuis 1997, Guy Nzouba Ndama est un pilier du système Bongo. Après avoir servi le père, il a soutenu le fils. Rencontre avec un homme qui a fait de la fidélité une tactique de survie en politique.
I
l a les yeux qui brillent quand il parle de son récent voyage à Dakar, où il a assisté à la prestation de serment de son « ami » Macky Sall à la présidence, le 2 avril dernier. L’homme est volontiers badin, mais chacun de ses mots est pesé au trébuchet. Rien, dans le propos de l’impénétrable Guy Nzouba Ndama, 65 ans, ne trahit ce qu’il a apprécié dans la transition sénégalaise. L’opiniâtreté de Macky Sall, qu’il dit bien connaître et tutoyer ? Le regroupement de l’opposition entre les deux tours ? L’élégance du sortant, Abdoulaye Wade, qui a reconnu sa défaite ? La bonne organisation du scrutin ? Mystère. Habilement, il évite d’en faire un éloge tropappuyé,quipourraitrésonnercomme une critique en creux de ce qui s’est passé au Gabon en 2009. Le processus avait
alors dérapé, la contestation des résultats ayant entraîné des émeutes tragiques à Port-Gentil. Quand on dirige, comme lui, l’Assemblée nationale gabonaise depuis 1997, que l’on a été réélu en 2002 et en 2007, et que l’on est, à ce titre, l’un des acteurs de l’après-Omar Bongo Ondimba, on sait éviter les pièges de débutant. Dans son vaste bureau du cinquième étage du palais Léon Mba de Libreville, où siège la chambre basse du Parlement, une vingtaine de photos ont été accrochées au mur pour illustrer la stature internationale de ce Nzébi, député de la Lolo-Bouenguidi, dans la province de l’Ogooué-Lolo (Centre). On l’y voit au côté d’un ancien Premier ministre camerounais ou posant avec Blaise Compaoré, le président burkinabè… Mais l’image dont il se dit le plus fier le montre en grande
conversation avec Zacharie Myboto, exbaron du parti au pouvoir qui a fondé l’Union nationale (UN, aujourd’hui dissoute), et Pierre Mamboundou, ancien président de l’Union du peuple gabonais (UPG), décédé en octobre 2011. « C’est bien la preuve que, dans notre pays, nous dialoguons avec l’opposition », se félicitet-il. Nzouba s’agace pourtant lorsque l’on mentionne le boycott des législatives du 17 décembre dernier par l’opposition. Il aurait préféré qu’elle prenne part au vote, mais affirme que l’image d’une chambre monolithique (114 députés pour le parti aupouvoir,lePartidémocratiquegabonais [PDG], sur les 120 que compte la chambre) « ne [le] gêne pas ». LE VIEUX. À l’instar de nombreux barons
du PDG, son destin aurait pu basculer, en 2009, après l’annonce du décès d’Omar Bongo Ondimba. Le natif de Koulamoutou, troisième personnalité de l’État et vice-président du parti au pouvoir, aurait pu lui aussi prétendre à la succession du « Vieux ». L’élection présidentielle est fixée au 30 août. Le
Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique TOP
BANKS Better, not bigger
ZIMBABWE Tsvangirai: “Change ” without bloodshed
UK-AFRICA David Cameron’s cut-price diplomacy
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SOUTH AFRICA
Justice is no laughing matter
OIL & GAS The scramble for East Africa
C H 2 0 12 N° 38 • MAR
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THE AFRICA
THE AFRICA REPORT
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SOUTH AFRICA Zuma’s headaches
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WHO
GHANA and oil Soldiers, politicians Akufo-Addo: the AU” for influence companies jostle“Reform
W W W.T H E A F
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COUNTRY 54 PROFILE S
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THE CRASH How Africa will deal with the downturn
HOW TO FIX SOUTH AFRICA
2011 - JANUARY 2
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2011
N°38 • MARCH
- SEPTEMBER
shaping Africa: setters + The 50 women and trend money makers AFRIQUE GROUPE JEUNE MONTHLY •
N°33 • AUGUST
and Johnson Sirleaf Okonjo-Iweala change are spearheading boundary pushers,
R I C A R E P O R T.C
N° 36 • DEC EMBER
WHO OWNS LIBYA’S REVOLUTION?
MONTHLY • N°35 • NOVEMBER
MONTHLY •
IRON LADIES
2012 W W W.T H E A F
THE AFRICA
Back at the
NGOZI NIGERIA’S A OKONJO-IWEAL
4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia 600 naira Denmark 60 4.90 € • Nigeria 6.95 CAN$ • 50 DH • Netherlands • Tanzania 6,500 shillings 4.90 € • Canada EDITION 4.90 € • Belgium $LD 300 • Morocco € • Switzerland 9.90 FS INTERNATIONAL 4.90 Kwanza • Austria Kenya 350 shillings • Liberia F CFA • Angola 600 (tax incl.) • Spain €• Countries 3,500 Algeria 550 DA Africa 39.95 rand GH¢ • Italy 4.90 US$ 4 • CFA € • Ghana 5 • Zimbabwe LE 6,000 • South Germany 4.90 States US$ 6.95 € • Sierra Leone • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT
ACY S | DIPLOM
36-page supplement
“We are taking nothing for granted”
M
NIGERIA
POLITIC
NIGERIA
RAILA ODINGA
2 0 11 N° 35 • NOVEMBER
O R T.C O W W W.T H E A F R I C A R E P
REPORT
W W W.T H E A F
KENYA Fears of a property bubble
THE AFRICA REPORT
U S T- S E P N° 33 • AUG M A R E P O R T.C O
GHANA Oil cash sparks race for votes
THE AFRICA
200
Mamphela Ramphele, Fields chair of Gold 4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia 600 naira Denmark 60 4.90 € • Nigeria 6.95 CAN$ • 50 DH • Netherlands • Tanzania 6,500 shillings 4.90 € • Canada EDITION 4.90 € • Belgium $LD 300 • Morocco € • Switzerland 9.90 FS INTERNATIONAL 4.90 Kwanza • Austria shillings • Liberia F CFA • Angola 600 (tax incl.) • Spain € • Kenya 350 Countries 3,500 Algeria 550 DA Africa 29.95 rand GH¢ • Italy 4.90 US$ 4 • CFA € • Ghana 5 • Zimbabwe LE 9,000 • South Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT
AFRIQUE GROUPE JEUNE
Double issue
! Publié par le Groupe Jeune Afrique depuis 2005, The Africa Report s’est imposé comme le magazine anglophone de référence dédié au continent. ! C’est aujourd’hui l’outil essentiel pour anticiper les évolutions politiques et économiques des marchés africains.
GROUPE JEUNE AFRIQUE
! Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.
Coulisses
TENTATION. Non seulement cet ensei-
gnant en philosophie, formé à l’université Paul-Valéry de Montpellier, en France, n’a pas cédé à la tentation du palais du Bord de mer, mais c’est lui qui obtient, après avoir bataillé, que le PDG soutienne Ali Bongo Ondimba dans la course à la présidence. L’ambitieux membre de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Feanf), hostile à Omar Bongo
Une longévité pas toujours appréciée dans l’entourage du chef de l’État comme dans l’opposition. au début des années 1970, avant d’en devenir le ministre en 1983 (il obtiendra successivement les portefeuilles du Commerce et de l’Industrie, de l’Habitat et de l’Éducation nationale, avant d’être – brièvement – nommé conseiller politique de Bongo), est devenu un faiseur de rois. Élu, le nouveau chef de l’État lui en saura gré. Nzouba a résisté au vent du changement qui a emporté des dizaines de personnalités qui avaient gouverné avec Bongo père – une longévité que certains, dans le nouvel entourage du chef de l’État, n’apprécient pas plus que l’opposition. Pourtant, même l’ancien Premier ministre Biyoghé Mba, que certains voyaient briguer le perchoir à l’issue des législatives de décembre 2011 (il a quitté la primature en février dernier), ne représente plus un danger. Entre le « président Guy » et le chef de l’État, les liens sont plus étroits que jamais. Nzouba n’est-il pas un des proches du nouveau Premier ministre Raymond Ndong Sima ? On le verra encore monter en première ligne pour faire passer les projets de loi contestés, comme il l’a fait en 2003 en faisant voter une révision constitutionnelle qui instaurait le scrutin à un tour pour toutes les élections. Le même texte autorisait aussi le chef de l’État à briguer plus de deux mandats. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
le robinet pétrolier, fin janvier, les tensions n’ont cessé de monter entre les deux pays, débouchant début avril sur des affrontements armés qui ont vu le Sud occuper, avant d’en être chassé, la zone contestée de Heglig. Les deux pays doivent retirer leurs armées de part et d’autre de la frontière et cesser de financer des groupes rebelles. Plus délicat, ils doivent, dans les trois mois, s’entendre sur les principaux conflits qui les opposent. À savoir le montant des taxes exigées par le SOUDAN SAVOIR RAISON GARDER Nord pour transporter le pétrole du Sud Le 2 mai, le Conseil de sécurité des jusqu’à la mer Rouge, le statut des Nations unies a adopté à l’unanimité ressortissants de chaque pays vivant une résolution exigeant du Soudan chez le voisin et le tracé de la frontière. et du Soudan du Sud qu’ils cessent Pas sûr que la menace de sanctions les hostilités et reprennent les négo- économiques et diplomatiques suffise ciations. Depuis que Djouba a fermé à leur faire entendre raison ! ● MOHAMMED BABIKER/XINHUA/SIPA
Premier ministre Jean Eyéghé Ndong, Casimir Oyé Mba ou André Mba Obame (tous deux membres du gouvernement) sont déjà dans la course. Lui ne bouge pas. À ses proches, qui le pressent de faire acte de candidature, il répond invariablement qu’il n’en est pas question. « J’avais déjà choisi de soutenir un candidat », se justifie-t-il après coup.
Afrique subsaharienne
ÉRYTHRÉE À SA SANTÉ Il ne s’était pas montré pendant un mois, alimentant toutes les rumeurs sur son état de santé… Issayas Afewerki, le très autoritaire président de l’Érythrée, est finalement apparu à la télévision le 28 avril, justifiant son absence des médias, qui relaient habituellement tous ses faits et gestes, par des voyages à l’intérieur du pays et à l’étranger. « Je jouis d’une santé robuste », a-t-il affirmé. Voilà qui devrait rassurer ses concitoyens… ou pas.
GHANA C’EST PAS MOI, C’EST LES AUTRES! Le chômage des diplômés, c’est la faute… aux universités privées ! Pressé de s’expliquer sur la politique du gouvernement, le ministre ghanéen de l’Emploi, Moses Asaga, a rejeté la faute sur ces établissements qui, selon lui, acceptent des étudiants qui ne sont pas au niveau. Ce sont eux, a-t-il ajouté, qui saturent le marché de l’emploi avec des « élèves médiocres », incapables de trouver du travail.
SÉNÉGAL À L’EAU Le Sénégal a annoncé le 30 avril l’annulation des autorisations de pêche qui avaient été accordées à une trentaine de chalutiers étrangers. Le précédent gouvernement avait conclu, ces deux dernières années, des accords permettant à des navires européens de pêcher dans les eaux sénégalaises, moyennant 15 dollars la tonne de poisson. Les pêcheurs sénégalais s’étaient opposés à cette mesure qui menaçait leur activité et les ressources halieutiques. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Maghreb & Moyen-Orient
TUNISIE
Et si on s’occupait des
vrais problèmes… à tout le moins dans son principe, la transition démocratique inaugurée par l’élection libre d’une Assemblée nationale constituante (ANC) en octobre 2011 et l’entrée en fonction, au début de 2012, du gouvernement de coalition issu des urnes. Sans doute se féliciterait-il aussi de voir ses concitoyens, qu’ils soient favorables ou non au gouvernement, ou encore apolitiques, user sans limites d’une liberté chèrement acquise pour exprimer leurs opinions et revendications. Mais il ne pourrait que constater que, Grèves et sit-in, sauvages au lieu de sortir de la crise économique et sociale, le pays s’y est ou non, sont devenus au contraire gravement enfoncé. un sport national. C’est peu dire, en effet, plus de un an après la révolution, que la vie quotidienne des citoyens tunisiens s’est singulièrement compliquée. Le laisser-faire est devenu roi. En l’absence des contrôleurs municipaux, qui étaient la bête noire de Bouazizi,
Vie chère, chômage, désordre, insécurité… Très préoccupante, la situation socioéconomique du pays n’en est pas pour autant désespérée. À condition que tout le monde se remette sérieusement et rapidement au travail.
ABDELAZIZ BARROUHI,
M
à Tunis
ohamed Bouazizi, le marchand ambulant de légumes dont le suicide, le 17 décembre 2010 dans la ville de Sidi Bouzid, avait déclenché l’insurrection populaire qui a balayé le régime de Zine el-Abidine Ben Ali, se reconnaîtrait-il dans la Tunisie de mai 2012 ? Celui qui a été promu à titre posthume symboledelarévolutionendosseraitprobablement, N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient ð BLOCAGE de la route de Gafsa par des demandeurs d’emploi, le 27 mars.
Évolution du PIB (en %)
+ 3,5
+ 3,5
n.c. – 0,8 – 2,2 Estimations INS/BCT Estimations/ projections FMI
Inflation
(en %, estimations et projections du FMI)
les trottoirs ont été « colonisés » par les commerçants, qui en ont fait des sortes d’annexes à leurs boutiques, tandis que d’autres y ont bâti carrément des baraques en dur, au grand dam des piétons, forcés de partager la chaussée avec les automobilistes. Les constructions anarchiques pullulent, parfois sur le domaine public. SPÉCULATION. Un affairisme sauvage s’est instauré
dans le pays, faisant flamber le coût de la vie. Les prix au détail des produits alimentaires – comme la viande, le poulet, les œufs, les tomates, les pommes de terre, les petits pois et le poivron – ont quasi doublé. Même la chakchouka, ratatouille locale et plat du pauvre par excellence, est devenue coûteuse. « J’ai oublié le goût de la viande, dont le prix est inabordable depuis des mois, se plaint Mabrouka, une mère de cinq enfants croisée au marché municipal de l’Ariana, dans la proche banlieue de Tunis. Regardez mon panier, il n’y JEUNE AFRIQUE
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4 3,5
2011
2012
2013
SOURCES : INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE ; BANQUE CENTRALE ; FMI
NACER TALEL/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
+ 2,2
a que quelques légumes. » Une autre ménagère glisse 1 dinar (0,50 euro) au boucher, qui lui tend un sachet où il a placé des déchets de viande sans les peser. « Juste pour le goût », me chuchote-t-elle discrètement à l’oreille. La mafia des Trabelsi-Ben Ali et de ses soustraitants est peut-être partie, d’autres sont restés ou ont pris sa place. Partout dans le pays, on signale des groupes organisés disposant de gros moyens financiers et agissant ouvertement pour spéculer impunément. « Yahya Ben Ali ! » (« Vive Ben Ali ! ») ont lancé par défi certains d’entre eux lorsque le président Moncef Marzouki s’est rendu au marché de gros de Bir el-Kassaa, dans la capitale, pour se présenter devant les caméras de télévision comme le défenseur du panier de la ménagère. Comme au temps où les familles du clan Trabelsi-Ben Ali régissaient les circuits de distribution, les étals regorgent, malgré une interdiction formelle du gouvernement, de pommes importées par bateaux entiers, de bananes d’Amérique latine et d’oranges en provenance d’Espagne. SABOTAGES. La grogne s’est généralisée à l’ensemble du pays. Les grèves et les sit-in – sauvages ou non – sont devenus un sport national. « On en a recensé 60 000 en 2011. Le chiffre est retombé à 15 000 depuis janvier », souligne Khelil Ezzaouia, le ministre des Affaires sociales. Des chômeurs organisent des sit-in à l’entrée des entreprises pour les forcer à les recruter, empêchant physiquement les employés d’aller travailler. D’autres les imitent parce qu’ils n’ont pas réussi un concours de recrutement, comme cet étudiant en droit qui veut coûte que coûte devenir conducteur d’engin. Certains, enfin, en font un prétexte pour racketter ou saboter une activité dans le cadre d’une surenchère politique. Des manifestations massives sont organisées devant les tribunaux pour faire pression sur les juges à propos de telle ou telle affaire. Des postes de police et de la garde nationale sont attaqués et incendiés. Ici, les amandiers d’une exploitation agricole sont brûlés pour obliger l’exploitant à partir, au prétexte qu’il n’est pas originaire de la région. Là, des routes, voies de chemin de fer et artères d’accès aux ports commerciaux (comme celui de Tunis-Radès) sont coupées, ce qui isole des régions entières et bloque des activités essentielles pour les citoyens et l’économie. En avril, de tels sit-in et sabotages étaient encore enregistrés dans des secteurs stratégiques. Avec une production annuelle moyenne de 8 millions de tonnes, dont 80 % sont valorisés sur place, la Tunisie est l’un des cinq grands opérateurs mondiaux de phosphates. Ses entreprises, la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) et le Groupe chimique tunisien (GCT), qui ont fusionné en 1994, se chargent de l’extraction et produisent de l’acide phosphorique et des engrais minéraux. Le chiffre d’affaires avoisinait, bon an mal an, 1 milliard de N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Maghreb Moyen-Orient
NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
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Halle aux fruits et légumes DU MARCHÉ DE GROS DE TUNIS.
dinars (près de 500 millions d’euros). Or, avec la multiplication des mouvements sociaux depuis janvier 2011, ce chiffre est tombé à 200 millions de dinars pour 2011, alors que les cours mondiaux des phosphates sont à la hausse. Durant le premier trimestre de 2012, la production a repris, mais elle est demeurée très au-dessous de son niveau de 2010 (– 62 % pour la CPG et – 42 % pour le GCT). Comme si cela ne suffisait pas, les sit-in ont repris en avril, interrompant de nouveau les livraisons.
L’UGTT CALME LE JEU AU LENDEMAIN DE LA RÉVOLUTION, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) était l’ennemi à abattre aux yeux des partisans de Ben Ali, qui reprochaient à la base de la centrale syndicale d’avoir joué un rôle décisif dans les manifestations populaires qui ont contribué à le chasser du pouvoir. Peine perdue ; l’UGTT a tenu le choc et s’est entre-temps dotée d’une nouvelle direction, avec à sa tête Hassine Abassi, un homme pondéré et à l’écoute. Dans un premier temps, la centrale a fait cause commune avec l’opposition, avant de corriger le tir pour revenir à sa constante historique : placer l’intérêt du pays au-dessus de tout. Elle s’est ainsi résolue à traiter directement avec le patronat au lieu de passer par le gouvernement en place, comme c’était le cas sous Bourguiba et Ben Ali, et à nouer des relations de confiance avec les leaders de la troïka au pouvoir, au point que l’on évoque désormais la conclusion d’un pacte social, condition sine qua non du redressement économique. ● AZ.B. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Il n’est pas étonnant qu’avec de telles perturbations l’année 2011 ait été marquée par une récession, avec quatre trimestres consécutifs de décroissance (– 2,2 % de PIB). Durant le premier trimestre de 2012, le tourisme a rebondi (voir pp. 106-109). « Compte tenu du retour de la confiance dans la destination Tunisie, nous nous attendons à des performances proches de celles d’une année normale, nous a déclaré Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme. Ce ne serait que 15 % de moins qu’en 2010. » Les investissements privés, notamment étrangers, ont progressé de 30 %, après avoir chuté de 25 % en 2011. Les importations de biens d’équipement ont repris. La croissance du PIB est estimée, pour ce premier trimestre, à 2 %, ce qui augure une sortie de la récession. EMPRUNTS. Mais l’hirondelle ne fait pas le prin-
temps. Le déficit commercial s’est creusé en raison de la crise économique qui sévit dans les pays de l’Union européenne (UE), avec lesquels la Tunisie effectue 80 % de ses échanges. Conséquence directe : la balance des paiements courants s’est dégradée, ce qui a fait chuter les réserves en devises à un niveau équivalent à quatre-vingt-dix-huit jours d’importation. On s’est ainsi dangereusement rapproché du seuil de quatre-vingt-dix jours, en deçà duquel la situation JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient devient préoccupante. De l’avis des experts, c’est là le talon d’Achille de l’économie tunisienne. Les chefs d’État du G8 avaient promis aux pays du Printemps arabe pas moins de 40 milliards de dollars (près de 30 millions d’euros) pour les aider à réussir leurs transitions démocratiques. Mais cette promesse n’a, à ce jour, pas été honorée. De tous les partenaires du pays, seuls les États-Unis ont fait un réel effort en s’engageant à soutenir une sortie de la Tunisie sur le marché des capitaux américain. L’État a néanmoins réussi à conclure avec le Qatar un emprunt obligataire de 500 millions de dollars qui a été finalisé en avril à un taux d’intérêt de 2,5 % par an, remboursable d’ici à 2017. « Cet emprunt arrive à temps pour permettre de payer en avril 650 millions de dollars de service de la dette », note Moez Labidi, un universitaire membre du conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Dans un contexte où les sources de financement autres que celle du marché paraissent asséchées, la marge de manœuvre du gouvernement Jebali paraît limitée. Dans son programme, présenté le 26 avril avec la loi de finances complémentaire pour 2012, 6,2 milliards de dinars – sur un budget de l’État totalisant 25,4 milliards de dinars – sont
consacrés au développement, notamment celui des régions défavorisées, à travers une soixantaine de grands projets d’investissements dans les infrastructures routières et les équipements collectifs. Le gouvernement prévoit également la création de 25 000 emplois dans le secteur public et mise sur une croissance de 3,5 % pour en créer davantage. Mais les économistes estiment à au moins 7 % le taux de croissance annuel requis pour s’attaquer efficacement au problèmeduchômage,quitouche Un quart 700 000 personnes. BESOIN DE SÉRÉNITÉ. Si la situa-
du budget de l’État a été affecté au développement.
tion est difficile, elle n’est pas encore désespérée. À condition que le pays se remette sérieusement au travail, que les incitations à la désobéissance civile cessent et qu’un frein soit mis aux mouvements sociaux – quelle que soit l’obédience politique de leurs inspirateurs –, afin que les forces de l’ordre puissent se consacrer aux problèmes réels de sécurité et que le gouvernement et la Constituante soient en mesure de préparer plus sereinement la nouvelle Loi fondamentale et les textes nécessaires pour la tenue des élections générales de la mi-2013. ●
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Maghreb Moyen-Orient LIBYE
Quand les Toubous se réveillent Marginalisée sous Kaddafi, cette population noire a pris une part active dans la révolution. Elle caresse le rêve de s’affranchir de sa condition misérable. Mais les tensions avec les Arabes ont ressurgi…
L
Kaddafi. À la différence des Touaregs, es Toubous… Dans l’imaginaire sont tenues par des Toubous, rappelle les Toubous n’occupaient aucun poste de beaucoup, c’était une affaire Ahmat Saleh Bodoumi. La tribu arabe tchadienne. La création du Front important dans l’administration et l’ardes Zwaï ne contrôle plus que le camp de libération nationale du Tchad mée libyennes. Ils étaient encore plus militaire, avec ses blindés et son dépôt (Frolinat) en 1966, l’enlèvement de maltraités que les Berbères. » Le 19 août, d’armes. » « Pendant des décennies, Françoise Claustre en 1974, la prise un groupe armé anti-Kaddafi s’empare Kaddafi avait mis en avant l’arabité des de N’Djamena par Goukouni Weddeye de Mourzouk. À sa tête, un ex-rebelle populations. Il avait exclu les Toubous en 1979… C’est surtout au Tchad que toubou du Niger, Barka Wardougou. du bénéfice de la rente pétrolière et ces nomades noirs du Sahara faisaient Libye, Niger, Tchad… Pour ce nomade, ne leur avait laissé qu’une partie du les frontières comptent peu. commerce transsaharien », explique parler d’eux. Pourtant, avec la chute de le géographe français Olivier Pliez. En Kaddafi, l’an dernier, le monde s’est COCKTAIL EXPLOSIF. Premiers à se août 2011, tout bascule. « Pour la presouvenu de l’existence des dizaines de révolter, premiers servis. À la chute milliers de Toubous installés dans les mière fois, les Toubous échappent à leur de Kaddafi, les Toubous se retrouvent oasis du Sud libyen. Il en a surtout pris condition d’ouvriers agricoles ou de conscience lors des viodomestiques des Zwaï, raconte Ahmat lents affrontements qui ont Saleh Bodoumi. Ils se mettent à convoiL’un de leurs chefs parle de éclaté, cette année, avec la ter des terres. Et ils espèrent sortir des “nettoyage ethnique” et en communauté arabe. Plus misérables paillotes où ils s’entassent, à de 250 morts. Du jamais vu appelle aux Nations unies. la périphérie de Koufra, dans les quardans les paisibles palmetiers de Garatoubou et Goudourohoi. aux postes clés des grandes oasis du raies du Sahara libyen. Aujourd’hui, le Ils rêvent de bâtir de vraies maisons, Sud. Au Conseil national de transition chef toubou Issa Abdelmajid Mansour comme les Zwaï. » À Koufra cohabitent (CNT), les représentants de Sebha et parle de « nettoyage ethnique » et en quelque 40 000 personnes, dont une appelle à l’Organisation des Nations de Koufra sont alors toubous. « À partir petite moitié de Toubous. Très vite, le unies (ONU). Il menace même de d’août, à la sortie de Koufra, les barrières cocktail devient explosif. réclamer l’indépendance de la Libye du Sud, comme celle du Soudan du Trois figures du peuple toubou Sud. Après quarante-deux années de dictature Kaddafi, les Toubous de Libye ➜ ISSA ABDELMAJID MANSOUR se réveillent. Le vieux Goukouni en C’est le principal leader politique des Toubous de Libye. Longtemps exilé à Oslo, tête, leurs frères du Tchad et du Niger en Norvège, il a créé en 2007 le Front toubou pour le salut de la Libye (FTSL), se mobilisent. Les Toubous, un peuple qui a pris une part active aux premières manifestations anti-Kaddafi de Koufra, en novembre 2008. À la mi-2011, il est rentré à Koufra, via l’Égypte. Après la ancestral, une question brûlante. chute du colonel Kaddafi, il a dissous le FTSL. Mais aujourd’hui, il annonce la Tout commence en juin 2011. Les réactivation de son parti en disant : « Le CNT et le régime de Kaddafi ne sont Français parachutent des armes dans pas différents. » ● le Djebel Nefoussa, dans le nord-ouest de la Libye. C’est à ce moment-là que ➜ BARKA WARDOUGOU les Toubous de la province du Fezzan C’est une vieille connaissance des Nigériens. Chef des rebelles toubous de (Sebha, Oubari, Mourzouk, Qatroun) l’est du Niger dans les années 1990, il a signé l’accord d’Alger de 1997 au entrent en contact avec les milices bernom des Forces armées révolutionnaires du Sahara (Fars), puis, en 2008, s’est bères de Zintan, au cœur de ce djerapproché des rebelles touaregs du Mouvement nigérien pour la justice (MNJ). bel. Depuis plus de quarante ans, les Le 19 août 2011, il chasse les forces pro-Kaddafi de l’oasis de Mourzouk. Depuis Toubous sont marginalisés par le régime ce fait d’armes, il est l’un des hommes forts du sud-ouest de la Libye. ● Kaddafi. « Beaucoup n’avaient pas le droit de scolariser leurs enfants sous ➜ GOUKOUNI WEDDEYE prétexte qu’ils ne possédaient pas de Fils du derdeï (chef) des Toubous du nord du Tchad, il a pris la tête de la papiers d’identité », rappelle le cherrébellion du Tibesti dans les années 1970. Enlèvement de Françoise Claustre, cheur tchadien Ahmat Saleh Bodoumi. exécution du commandant Galopin, bataille de N’Djamena… En 1979, le chef « Il est vrai que, sous le Guide, ils ont du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat) devient président du Tchad. toujours été méprisés et qu’il existe une Chassé du pouvoir en 1982, il reprend le combat dans le nord du Tchad avec le bonne dose de racisme, lâche un ancien soutien de Kaddafi. En vain. Aujourd’hui, il vit paisiblement à N’Djamena, mais haut fonctionnaire arabe du régime se mobilise pour ses frères toubous de Libye. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient Tripoli MILLE ANS D’HISTOIRE
Benghazi
Anciennes routes caravanières
LIBYE
Fiefs toubous 400 km
Sebha Ghat
Djanet ALGÉRIE
Toummo
NIGER Agades
ÉGYPTE
Première étincelle en novembre 2011. Plusieurs Toubous sont tués à une barrière, à l’entrée de Koufra. Seconde étincelle le 10 février. Sur la chaîne Al-Arabiya, l’un des fils du « Guide », Saadi, affirme, depuis son lieu d’exil à Niamey, qu’il prépare une reconquête de la Libye avec des partisans infiltrés dans le pays. À Koufra court une rumeur selon laquelle « les Toubous mènent un double jeu ». Les blindés sortent du camp militaire et se mettent à pilonner les quartiers toubous. La nuit, des combattants toubous contre-attaquent par petits groupes mobiles. Plus de cent morts. Les Zwaï tiennent les châteaux d’eau et coupent l’alimentation des quartiers assiégés. Les Toubous n’ont plus à boire que l’eau salée des puits. Au bout de cinq jours, les combats cessent. Par épuisement.
Mer Méditerranée
Dirkou Bilma
Mourzouk Qatroun Koufra Aozou Bardai Zouar
Gouro
Tibesti
Faya
Ounianga Kebir
BATAILLE DE L’EAU. Un mois et demi plus tard, c’est à Sebha que la bataille reprend. TCHAD Là, le rapport des Abéché Nguigmi forces est différent. Lac Niamey Zinder Dans cette ville de Diffa Tchad quelque 150 000 habiEl-Fasher N'Djamena tants, les Toubous ne représentent que 10 % à 15 % SOUDAN de la population. Le 26 mars, un Toubou se fait voler son véhicule. NIGERIA Plainte. Réunion des chefs de milice dans l’ancien Palais du peuple. Le ton monte entre Toubous et Arabes de la tribu des CAMEROUN RÉP. CENTRAFRICAINE Ouled Souleimane. Un homme sort son arme. Trois morts chez les Toubous, dont le chef Ahmat Ely Galmai. La cité s’embrase. Les Toubous se replient à plusieurs kilomètres au sud de Sebha. Mais au bout sérieux. « Aujourd’hui, la Libye, c’est un Libye et ses voisins du Sud a rapporté de trois jours, ils lancent une contrepays où règne le désordre à 100 % », lâche 28 millions de dollars », confie un proche attaque en pleine nuit. Panique dans la un commerçant toubou francophone du CNT. D’où les violents accrochages ville. Là aussi, la bataille de l’eau fait rage. qui circule entre Sebha et Mourzouk. pour contrôler les barrières à la sortie Les Toubous accusent leurs adversaires Surtout, le CNT ne prend aucune initiades oasis. « La force des Toubous, c’est d’avoir détruit la centrale électrique tive pour rapprocher Arabes et Toubous. leur maîtrise du terrain, explique l’exdiplomate français Patrick Haimzadeh. de Sebha, qui alimente en eau Mourzouk et Qatroun. Aux confins de la Libye et du Tchad, Les autorités libyennes n’ont pris Après six jours de combats, les camionneurs toubous sont les aucune mesure pour rapprocher c’est la trêve. Le bilan est seuls à connaître les zones minées. » lourd : 147 morts. les deux communautés. Entre 1968 et 1972, trente-neuf solAujourd’hui, à Koufra dats français sont morts au combat face comme à Sebha, la situation reste extrêPis. Par son ministère de la Justice, il aux rebelles du Tibesti. Au Sahara, les mement tendue. La preuve, les nouvient d’annoncer qu’il lançait un mandat Toubous ne sont pas nombreux – entre veaux affrontements du 20 avril à Koufra. d’arrêt contre Issa Abdelmajid Mansour. 100 000 et 200 000 –, mais ce sont de Douze morts. Le CNT de Tripoli tente de La solution ? Un partage de la rente redoutables guerriers. Ils ont survécu calmer le jeu, mais ne fait pas le poids. À du Sud. Depuis qu’il n’y a plus d’État à mille ans d’Histoire. Comme le dit libyen, donc plus de frontière, le comGoukouni, « ils ne vont pas baisser les Sebha, il a envoyé une unité d’ex-rebelles bras aujourd’hui ». ● merce prospère au Sahara. « Depuis un de Benghazi qui tiennent un check-point an, le trafic de véhicules volés entre la CHRISTOPHE BOISBOUVIER entre l’aéroport et le centre-ville. Rien de JEUNE AFRIQUE
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Maghreb Moyen-Orient MAROC
Salaheddine Mezouar « Les islamistes font du sensationnel, pas de vraies réformes » Désormais dans l’opposition, le président du Rassemblement national des indépendants est résolu à faire de son parti la première force politique du royaume.
D
eux fois ministre après une carrièredansleprivé,Salaheddine Mezouar a été réélu à une très large majorité président du Rassemblement national des indépendants (RNI), le 29 avril. Les traits tirés mais le regard confiant, il concède que le cinquième congrès de son parti, qui vient de se tenir à Rabat, a été un marathon. Enjeu: adapter sa formation centriste de technocrates et de notables, désormais première force de l’opposition, aux aspirations du Maroc. Partie gagnée, confie cet ancien capitaine de l’équipe nationale de basket-ball à Jeune Afrique. JEUNE AFRIQUE : Cette réélection estelle pour vous une consécration ou un nouveau défi? SALAHEDDINE MEZOUAR : Après les
législatives de novembre 2011, remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), le RNI est passé à l’opposition. Il s’agit incontestablement pour moi d’un défi renouvelé. Notre pays vit en ce moment une dynamique passionnante où le débat d’idées est au cœur de la vie politique et sociale. Présider la principale force de l’opposition alors que
Ì Réélu à une très large majorité à la tête du RNI, IL VEUT RASSEMBLER tous ceux « qui croient aux idées démocratiques et modernistes ».
comme la place des jeunes et des femmes dans la vie politique. La démocratisation du fonctionnement du parti est une autre priorité pour laquelle je me bats depuis deux ans et que le congrès a consacrée.
Nous entendons lutter contre les forces réactionnaires qui tendent à nous isoler du monde. se confirme l’évolution du pays vers la normalité démocratique est une mission des plus stimulantes. Une démocratisation qui s’impose également au niveau du fonctionnement de votre parti…
La société marocaine évolue profondément. Elle est interpellée par le Printemps arabeetparlacriseéconomiquemondiale. Le RNI est à son image. Nos débats ont tourné autour de questions essentielles, N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
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L’identité idéologique du RNI, parti socialdémocrate, a été réaffirmée, et notre projet moderniste adapté à l’air du temps. Nous militons pour un Maroc ouvert, tolérant, caractérisé par un islam modéré, et nous entendons lutter contre les forces réactionnaires qui tendent à isoler notre société du monde et de ses évolutions. L’opposition va-t-elle former une alliance?
Aujourd’hui, l’opposition se concerte sur les questions sensibles, et nous
voulons passer au stade de la coordination en rassemblant autour d’un projet commun les partis qui croient aux idées démocratiques et modernistes. Cette question sera posée dans une prochaine étape et fera l’objet de nouveaux débats, car il faut que l’ensemble des militants se l’approprient. Gardez-vous l’objectif affiché lors de votre élection à la tête du RNI il y a deux ans de devenir Premier ministre?
L’ambition de tout parti est d’être leader et de pouvoir appliquer sa politique : cet objectif est bien sûr maintenu. Le RNI a connu lors des dernières élections parlementaires une progression significative, passant de 39 à 52 députés [sur 395, NDLR]. Si nous n’avons pas atteint le but qui était le nôtre, ce n’est que partie remise. Aujourd’hui, nous devons renforcer l’organisationdupartipourenfaireunevéritable force de frappe, ce qui était l’objectif de JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient
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ce congrès. Nous allons aussi développer nos réseaux pour être au plus proche des préoccupations populaires, et pour que le RNI devienne véritablement la première force politique du pays.
Premier constat, le PJD n’a pas de réponse aux problèmes économiques qui se posent. Second constat, il reste campé sur des questions purement idéologiques et religieuses pour masquer son incapacité à donner des signaux rassurants sur les attentes de la société actuelle en matière d’emploi, de santé, d’éducation et de lutte contre les inégalités régionales. Les islamistes font du sensationnel sur des sujets qui, certes, font débat, mais ils restent dans la déclaration et dans la diversion plutôt que dans la vraie réforme.
Que pensez-vous de la nouvelle loi de finances?
Le projet que nous avions préparé a été repris par le gouvernement actuel, mais avec beaucoup moins d’ambition, ce qui n’est pas de nature à rassurer les acteurs économiques. Une crise ne se subit pas, elle se combat. Je suis pour l’action. Dans le gouvernement précédent, nous avons été offensifs et avons travaillé main dans la main avec le secteur privé. C’est ce qui a permis au Maroc de résister depuis 2008. J’ail’impressionaujourd’huid’unretouren arrière dicté par une prudence excessive. Le gouvernement voulait la diffusion sur la chaîne nationale des cinq appels à la prière, la réduction des émissions en français…
Nous avons été parmi les premiers à dénoncer une ingérence pernicieuse pour encore une fois imposer la pensée unique en enfermant l’espace audiovisuel dans une idéologie qui n’est pas celle de la tolérance et de l’ouverture. Je me félicite que ce cahier des charges n’ait pas été appliqué et qu’on puisse avoir un véritable débat sur ce genre de questions. C’est une grande victoire pour l’opposition et pour la société marocaine, qui a pris conscience des risques liés à des démarches aussi néfastes que celle-là. Craignez-vous des tentatives similaires dans d’autres domaines?
Il y en aura, et c’est notre rôle d’être vigilants face à ce genre de dérives. ● Propos recueillis par LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
DR
Quel jugement portez-vous sur le gouvernement Benkirane?
BIRAM OULD ABEID, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA).
MAURITANIE COUP DE FOLIE Biram Ould Abeid, président du mouvement antiesclavagiste IRA Mauritanie, et dix de ses militants ont été inculpés le 3 mai pour « violation des valeurs islamiques ». Le 27 avril, ils avaient incinéré à Nouakchott des ouvrages fondateurs du rite malékite (dont ceux d’Ibn Achir, Al-Akhdari et Khalil), qu’ils accusent de valider l’esclavage. « Il s’agit d’un coup de folie résultant d’une mauvaise interprétation de textes sacrés », affirme
LIBAN-SYRIE SAISIE D’ARMES Fusils d’assaut, mitrailleuses lourdes, mortiers, lanceroquettes: trois conteneurs d’armes vraisemblablement destinées aux insurgés de l’Armée syrienne libre ont été saisis le 27 avril par l’armée libanaise au large de Tripoli, ville sunnite proche de la frontière. Battant pavillon sierra-léonais, le Loutfallah 2 aurait fait escale en Libye, en Égypte et enTurquie avant d’être arraisonné. Il appartiendrait à un homme d’affaires
Mohamed Fall Ould Oumère, rédacteur en chef de La Tribune. Les religieux et la classe politique se sont vivement indignés. Même l’opposition, un des soutiens de l’IRA, a condamné cet « acte incompréhensible ». « Pour certains érudits, ces livres n’ont rien de sacré, plaide Balla Touré, chargé des relations extérieures de l’IRA, qui dénonce par ailleurs l’arrestation musclée d’Ould Abeid. Cet acte non concerté est une erreur de communication et nous le regrettons. » ●
syrien proche de l’ex-vice-président entré en dissidence Abdel Halim Khaddam. ISRAËL LIVNI DÉCLARE FORFAIT Vaincue par Shaul Mofaz à la primaire du parti centriste Kadima, l’ex-ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni a démissionné le 1er mai de son poste de député à la Knesset. Fustigeant la politique étrangère suicidaire du gouvernement Netanyahou, elle s’est cependant défendue de vouloir quitter la vie publique.
ÉGYPTE VIOLENCE SANS FIN À trois semaines du premier tour de la présidentielle égyptienne, de violents affrontements entre des manifestants hostiles à l’armée et des assaillants non identifiés (des hommes de main?) ont fait 20 morts place Abbassiya, au Caire, à l’aube du 2 mai. Les forces de sécurité ne se sont interposées qu’à la mi-journée. L’armée a annoncé qu’elle pourrait quitter le pouvoir le 24 mai si un candidat à la présidence était élu au premier tour. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Europe, Amériques, Asie
ÉTATS-UNIS
Trou d’air pour
Obama
À six mois de la présidentielle, Mitt Romney, son adversaire républicain, désormais assuré de son investiture, le talonne dans les sondages et apparaît à une majorité d’électeurs comme le mieux placé pour redresser l’économie.
contexte international difficile. Les Américains en sont conscients, comme le montre un sondage réalisé le 18 avril par le New York Times et CBS News. Au coude à coude avec chacun 46 % des intentions de vote, Obama et Romney, son plus que probable rival républicain, se différencient sur un point important aux yeux des sondés : leur capacité à améliorer l’économie. Or les personnes interrogées accordent sur ce point plus de crédit au républicain qu’au président démocrate.
CLAUDE LEBLANC
Ê
«
tes-vous en meilleure situation qu’il y a quatre ans ? » Cette question, le candidat Ronald Reagan l’avait posée aux Américains lors de la campagne pour la présidentielle de 1980. Elle l’opposait au démocrate Jimmy Carter, alors président des États-Unis. Incapable d’offrir une réponse satisfaisante aux électeurs malgré une relative popularité, ce dernier avait finalement dû céder sa place à l’ancien acteur, dont le cheval de bataille fut l’économie. Barack Obama se trouve dans une position semblable à six mois d’un scrutin qui pourrait être plus compliqué que prévu, tant il peine à rassurer les Américains sur leur avenir. « Vous pourriez bien être le président d’un seul mandat », lui aurait même confié Steve Jobs lors d’un dîner, quelques semaines avant son décès. L’ancien patron d’Apple, première capitalisation boursière aux États-Unis, reprochait au président de ne pas expliquer suffisamment les raisons pour lesquelles il n’était pas en mesure de tenir les promesses faites en 2008. Ni de susciter le même enthousiasme. Apparemment, nombre d’observateurs commencent à partager ce point de vue. Dans son talkshow sur MSNBC, le 29 avril, Melissa Harris-Perry a repris à son compte l’interrogation de Reagan et souligné les difficultés auxquelles le président sortant est confronté. C’était d’autant plus intéressant que ses invités étaient plutôt proches d’Obama. Et que tous ont reconnu sa faiblesse sur le plan économique, notamment dans le domaine de l’emploi. Au premier trimestre de l’année en cours, la croissance de l’économie (+ 2,2 %) a nettement ralenti par rapport au dernier trimestre de 2011 (+ 3 %), laissant entrevoir des perspectives guère enthousiasmantes pour les mois à venir, dans un N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
SWING STATES. Ce dernier, qui entre officiellement en campagne ces jours-ci, se trouve donc dans une position peu enviable. À la différence de 2008, c’est exclusivement sur la situation économique intérieure que se jouera la victoire. L’attention se porte aujourd’hui sur les swing states, ces États où aucun des deux partis ne domine les débats et qui sont en mesure de faire ou de défaire un président. Au nombre de quatorze, parmi lesquels la Virginie et le Wisconsin, ils sont
! BARACK OBAMA ET, CI-DESSOUS, MITT ROMNEY. Un récent sondage les place à égalité parfaite avec 46 % des intentions de vote.
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JEUNE AFRIQUE
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moins bien lotis que le reste du pays en matière de créations d’emplois. Au mois de mars dernier, 6 500 postes y ont été créés, contre 100 600 le mois précédent, ce qui est de nature à faire basculer les suffrages en faveur du candidat républicain. « Nous avons besoin d’un président qui ait un profil d’homme d’affaires, et celui de Romney est impressionnant. Il dispose d’un projet qui redonnera au pays sa puissance économique », expliquait un électeur indépendant du Minnesota, l’un des swing states, dans les colonnes du New York Times, le 18 avril. LE CHARME EST ROMPU. Obama doit aussi
séduire les jeunes électeurs, qui avaient joué un rôle important lors de son élection en 2008. Avec 50 % des moins de 30 ans au chômage ou occupant un emploi sous-qualifié, le charme aura peut-être plus de mal à opérer. Une récente étude réalisée par l’Institute of Politics de l’université Harvard montre que seuls 20 % des jeunes âgés de 18 à 30 ans estiment que « le pays va dans la bonne direction ». L’enthousiasme de 2008 est retombé. Soixante-six pour cent des jeunes avaient voté pour Obama il y a quatre ans. Ils ne sont plus que 43 % à souhaiter sa réélection. Il n’est donc pas étonnant que le sortant multiplie JEUNE AFRIQUE
les gestes en leur faveur. Fin avril, il s’est engagé à faire pression sur le Congrès, dominé par ses adversaires républicains, pour que les taux des prêts étudiants subventionnés ne doublent pas en juillet. Il a fait cette annonce dans le célèbre show Late Night with Jimmy Fallon à l’occasion d’un bœuf jazzy en duo avec l’animateur de l’émission. Ce côté cool du président est évidemment de nature à séduire les jeunes. Mais il peut aussi se retourner contre lui. « Il y a quatre ans, accuse Romney, les Américains ont élu la plus importante personnalité mondiale ; et ils ont hérité d’un présidentcool.Mais,aprèsquatreannéesdeprésidence cool, votre vie s’est-elle vraiment améliorée ? » Tel est le message délivré dans un clip vidéo dénonçant le penchant d’Obama à fréquenter les stars, comme l’a encore prouvé le dîner de l’Association des correspondants à la Maison Blanche, le 28 avril. Voilà une autre question à laquelle va devoir répondre Barack Obama d’ici au 6 novembre, faute de quoi il risque de devoir céder sa place. Mais n’exagérons rien. « Sa position reste favorable, estime le politologue Peter Brown, de l’université Quinnipiac (Connecticut). Il est toujours en tête des intentions de vote, y compris dans les swing states. » Avant d’ajouter, prudemment : « Mais il reste six mois avant l’échéance. » ●
Mauvais augure : la croissance de l’économie a nettement ralenti au premier trimestre.
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Europe, Amériques, Asie COURSE AUX ARMEMENTS
La poudrière asiatique De l’Inde à la péninsule coréenne, tous les pays, ou presque, redoutent la montée en puissance militaire de la Chine. Du coup, ils accroissent fébrilement leurs arsenaux. Et comptent sur le soutien des États-Unis.
«
A
siaisgettinghot»,aestimé Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, le 13 avril en marge du G8 des ministres des Affaires étrangères, à Washington. Une semaine plus tard, le 19 avril, comme pour illustrer la réalité de la course effrénée aux armements à laquelle se livrent les principaux pays de cette région du monde, l’Inde a annoncé le lancement de son premier missile à longue portée, l’Agni-V, capable d’atteindre des cibles distantes de 5 500 km – ce qui met l’ensemble du territoire chinois à portée de frappe nucléaire. Une avancée majeure pour la troisième puissance économique asiatique, qui fait ainsi son entrée dans le club très fermé des pays détenteurs de missiles balistiques à longue portée aux côtés de la Chine, de la Russie, de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni et d’Israël. Le 25 avril, le Pakistan a procédé à son tour au lancement d’un missile balistique de moyenne portée, le Shaheen-1A, capable de frapper, comme d’ailleurs le reste de l’arsenal pakistanais, les grandes villes indiennes. Ce test réussi a été pris comme un avertissement par New Delhi, qui, en dépit des récentes tentatives de rapprochement économique, entretient des rapports tendus avec Islamabad (trois guerres ont opposé les deux pays depuis 1947). Côté indien, si les premiers missiles Agni visaient le Pakistan, le surnom des dernières séries IV et V, China Killers, ne laisse aucun doute sur leur objectif. L’Inde en effet n’a pas l’intention de se laisser dépasser par la Chine, dont la puissance militaire et économique inquiète plus que jamais toute la zone Asie-Pacifique. LaRépubliquepopulaireaffirmerégulièrement la nature strictement « pacifique » de sa montée en puissance militaire et soutient que la modernisation de son armée n’est destinée qu’à « défendre » le pays. Il n’empêche: l’augmentation de ses capacités de frappe et la modernisation de son appareil militaire (missiles
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DF-21D terre-mer anti-porte-avions guidés par satellite, porte-avions, avions furtifs J-20) font trembler les états-majors asiatiques. Tandis que les États-Unis et les puissances européennes désarment depuis des années, le budget chinois de la défense augmente depuis deux décennies au rythme de plus de 10 % par an. Il devrait même doubler d’ici à trois ans. En 2011, la Chine a dépensé 143 milliards de dollars* (108milliardsd’euros)poursadéfense,soit 100 milliards de plus que son rival indien. ARTÈRE VITALE. Parallèlement, un bras
stratégie, semble avoir pris conscience, après dix années d’errements en Irak et en Afghanistan, de l’importance cruciale de la région Asie-Pacifique pour la paix et la sécurité. D’où l’urgence d’y accroître la présencemilitaireaméricaineafindelutter contre la prolifération nucléaire (notamment en Corée du Nord) et de garantir la « libre circulation sur les voies de navigation et de commerce ». Et ce par trois moyens principaux: le renforcement de l’armement, le redéploiement des troupes et la multiplication des exercices militaires conjoints avec des pays comme les Philippines, la Corée du Sud ou l’Australie. Les manœuvres américano-philippines du mois dernier en mer de Chine témoignent de cette nouvelle stratégie. Elles ont eu lieu au lendemain d’un incident naval entre navires philippins et chinois au large du banc de Scarborough, zone maritime que se disputent les deux pays. Ce n’est certes pas le premier incident de ce type – beaucoup d’autres ont eu lieu au large des Philippines, mais aussi du Vietnam et de Taiwan –, mais, en raison de sa durée (plus de trois semaines au moment où ces lignes sont écrites), il prend valeur de test. Les autres nations d’Asie du Sud-Est observent avec attention la capacité des Philippines, seules ou avec l’aide des États-Unis, à tenir tête à Pékin. Si une guerre venait à éclater, les Philippines ne pourraient en effet opposer aux forces navales chinoises qu’une bien maigre flotte: un ancien vaisseau de
de fer militaire plus conventionnel se joue en mer de Chine, où Pékin revendique un grand nombre d’archipels et d’îlots que convoitent également huit pays riverains: Taiwan,lesPhilippines,laMalaisie,Brunei, l’Indonésie,laThaïlande,leCambodgeetle Vietnam.Cettezonesituéeentrel’extrémité de la péninsule malaise et le détroit de Taiwan constitue une artère vitale pour le commerce international et l’approvisionnement en pétrole entre l’Asie orientale, le Moyen-Orient et l’Europe. Traversée annuellement par Les navires philippins peuvent-ils plus de 50 000 navires, soit tenir tête à l’armada chinoise ? le triple du trafic du canal L’Asie retient son souffle. de Panamá et le double de celui du canal de Suez, elle recèle en outre d’abondantes richesses guerre américain datant de la guerre du offshore – halieutiques, métallurgiques, Vietnam, quelques patrouilleurs achetés mais surtout gazières et pétrolières – que la au Royaume-Uni et à la Corée du Sud, une Chine considère comme sa chasse gardée. dizaine de navires rescapés de la Seconde En 2009, cette dernière avait déjà réussi Guerre mondiale… C’est bien peu. à dissuader la filiale anglaise de BP de s’installer au Vietnam. Aujourd’hui, elle ET LES SOUS-MARINS? Mêmechosedans juge « illégale » la signature, le 5 mars, d’un les airs. Dépourvue d’avions modernes contrat entre le géant russe Gazprom et la capables de rivaliser avec les appareils compagnie d’État PetroVietnam en vue de chinois basés sur l’île de Hainan, la Navy l’exploitationdesréservesd’hydrocarbures Air Force philippine cherche à se doter de offshore du bassin de Nam Con Son. nouveaux trainer jets sud-coréens. Mais La mer de Chine devient donc une vérice qui fait le plus cruellement défaut aux table poudrière que certains spécialistes Philippins, ce sont des sous-marins. Car n’hésitent pas à comparer aux Balkans depuis 2005 la Chine s’est dotée de subavant le déclenchement de la Première mersibles diesels électriques ultraperfecGuerremondiale.LePentagonelui-même, tionnés. Et particulièrement silencieux. qui a dévoilé au mois de janvier sa nouvelle Même basiques, les sous-marins JEUNE AFRIQUE
Le grand jeu sino-américain
51
2,2 millions CHINE
Sasebo
Yokosuka Atsugi
VIIe flotte (océan Pacifique Ouest)
TAIWAN THAÏLANDE
MARIANNES DU NORD
PHILIPPINES
15
Guam (USA)
2 982
122
35 598
Okinawa
3 233 1,3 million 784
JAPON
Chinhae
62
66
Misawa
CORÉE DU SUD
1 669
7 400 INDE
25 374
SINGAPOUR
Ve flotte (océan Indien)
PALAU
ÎLES MARSHALL
MICRONÉSIE
Darwin Archipel des Cocos (projet)
Pays alliés Bases militaires américaines
AUSTRALIE
Nombre de militaires américains par pays
SOURCE : IISS 2011
Chasseursbombardiers
Perth
Chars Lanceurs de missiles intercontinentaux Sous-marins
demeurent en effet difficiles à détecter et à détruire. En 2010, les submersibles nord-coréens avaient démontré leur capacité de nuisance en coulant la corvette sud-coréenne Cheonan (46 victimes). Tous les pays asiatiques ont compris la nécessité d’en acquérir. D’ici à 2015, le Vietnam va acheter quatre submersibles russes ; la Malaisie, deux Scorpène français ; et Singapour, deux Archer et quatre Challenger de la marine suédoise. La Thaïlande négocierait pour sa part avec l’Allemagne l’acquisition d’au moins deux sous-marins. Et l’Indonésie vient de recevoir le premier des quatre qu’elle a commandés à la Corée du Sud. Enfin, devenue le pivot du redéploiement stratégique américain, notamment JEUNE AFRIQUE
Brisbane
parce que son éloignement géographique constitue un avantage face aux missiles chinois, l’Australie a resserré ses liens avec les États-Unis. Elle a notamment accepté l’installation sur son territoire de 2 500 marines qui prendront prochainement leurs quartiers à Darwin, dans le nord du pays. À Brisbane, plus au sud, une nouvelle base accueillera navires de guerre et sous-marins de l’US Navy. Quant à la base navale HMAS Stirling, à Perth, dans l’Ouest, qui accueille déjà les six sous-marins Collins australiens, elle sera mise à disposition de la marine et de l’aviation américaines. Enfin, l’archipel des Cocos (ex-îles Keeling), à près de 3 000 km de Perth et 800 km de l’île indonésienne de Java, devrait accueillir
prochainement une base aérienne pour les avions de surveillance américains P-8 et les drones Global Hawk. Face à ce réarmement général, les avertissements de Hillary Clinton apparaissent donc plus que fondés. Oui, la zone AsiePacifique sera « l’enjeu majeur des soixante prochaines années ». Mais pour les ÉtatsUnis, le défi est double. Il leur faut faire preuve de fermeté sur le plan militaire, tout en veillant à ménager les sensibilités. Car la présence de leurs troupes n’est en effet pas toujours vue d’un très bon œil par les Asiatiques… ● JULIETTE MORILLOT
* Stockholm International Peace Research Institute (Sipri). N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
« ON VIENT À TUNIS TOUS LES ANS. On parle arabe. Et on a toujours été considérés comme des fils du pays. »
Hédi et Ali Thabet Ensemble, c’est tout Complémentaires et indissociables, les deux frères d’origine tunisienne dansent leur vie sur scène. Avec brio.
H
ÉDI EST GRAND, BRUN. Ali est petit, les tempes grisonnantes. Regard de velours couleur bronze pour le premier, œil vif et pétillant bleu acier pour le second. Les frèresThabet ne se ressemblent pas, mais se confondent. Dans leur création Rayahzone, leurs corps se rencontrent, s’entremêlent et ne font plus qu’un. Sur scène, les pas de l’un poursuivent le mouvement initié par l’autre. À la ville, le scénario est identique. Les phrases commencées d’un côté se finissent de l’autre. À tel point que l’on a du mal à les imaginer séparément. Et pourtant, il aura fallu plus de dix ans pour que les deux frangins, nés en Belgique d’un père tunisien et d’une mère du pays, montent ensemble sur scène. Il faut dire que la vie leur a joué un sacré tour. À l’âge où les adolescents passent leur permis de conduire et s’amusent sur les pistes de danse, Hédi
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doit se battre. L’apprenti jongleur formé par le maître russe Arkadii Poupone voit ses rêves se briser. Un cancer des os le mine et il perd sa jambe gauche. Mais comme, chez les deux frères, l’un finit toujours ce que l’autre a commencé, Ali passe le concours du Centre national des arts du cirque de Châlons-enChampagne (France), avant de devenir quelques années plus tard interprète, notamment pour le chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui. Tandis que l’aîné parcourt les scènes du monde entier, le cadet apprend à se reconstruire. Il lui faudra dix ans avant d’oser remonter sur scène, encouragé par son frère. En 2009, on le découvre, sublime, dans un duo intitulé… Ali, qu’il compose avec un autre artiste venu du cirque, Mathurin Bolze. De quoi redonner confiance à Hédi et l’aider à renouer avec ses anciens rêves.
Depuis des années, il a en tête une pièce. Il est temps de lui donner corps. Un producteur japonais, Hisashi Itoh, rencontré en Tunisie, aidera les Thabet à concrétiser ce projet. Hédi (35 ans) signe la dramaturgie, construite autour de trois personnages. Il attribue celui de la Folie à son frère pour son côté « dingo ». « Quand il est éclaté, c’est là qu’il est le plus juste dans ce qu’il propose », justifie-t-il pudiquement. Ali confirme: « J’ai toujours voulu feinter le tragique et je n’ai jamais voulu me prendre au sérieux, même quand je tournais avec Sidi Larbi Cherkaoui. » Hédi s’est gardé la Mort. Une Mort bien vivante qu’il incarne avec un crâne de dromadaire sur la tête. Une manière de prendre sa revanche ? Pas tout à fait. « La mort a fait partie de moi, de mon quotidien, pendant des années », soufflet-il. « Hédi est sombre, concède Ali. Mais attention, il n’est pas déprimé, et encore moins déprimant! » Curieusement, les Thabet ont eu besoin d’un trait d’union, la Raison (interprétée par un troisième complice, Lionel About). « Elle est ce qui JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Deux fils qui ont vu se dégrader la situation au fil des ans. « La médiocrité était partout, commentent-ils. Les gens ne vivaient pas. Ils avaient peur de parler. En quelques jours, tout a basculé. On avait prévu d’aller àTunis mi-janvier 2011 pour travailler sur Rayahzone. On est arrivés peu de jours après la chute de Ben Ali. C’était incroyable. Les Tunisiens avaient recouvré la parole. » Inquiets de la recrudescence du conservatisme religieux ? « Non, pas vraiment. Les Tunisiens sont des gens croyants, mais pas religieux. L’émancipation est pour tous, même pour les salafistes. Ils ont été réprimés comme les autres, c’est normal qu’on les entende davantage aujourd’hui », commentent-ils, confiants. Actuellement en tournée en Europe, les Thabet espèrent pouvoir se produire bientôt à Tunis où ils avaient présenté le work in progress de Rayahzone. LesTunisois ne s’y étaient pas trompés et avaient réservé un accueil chaleureux à leurs compatriotes venus du Nord. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX Photo : VINCENT FOURNIER/J.A. JEUNE AFRIQUE
TERRORISME
Ben Laden refait surface Aux États-Unis, les révélations sur la mort du chef d’Al-Qaïda se multiplient. Bon argument électoral pour le président sortant.
SPENCER PLATT/AFP
nous unit, ce que nous avons de commun », avoue Hédi. Ali (37 ans) a construit une mise en scène qui mêle figures acrobatiques et portés au souffle soufi. Et qui parvient, dans un subtil jeu d’équilibre, à faire oublier les béquilles qui portent son frère. Leur métal froid s’anime grâce à la magie de la chorégraphie et prolonge les mouvements de Hédi. La musique soufie, qui fait partie intégrante du spectacle, est interprétée sur scène par quatre chanteurs réunis autour de Sofyann Ben Youssef. « Nous ne sommes pas croyants, expliquent les deux frères, mais nous voulions rendre hommage à cette musique qui a été réprimée et contrôlée par Bourguiba et Ben Ali. On a voulu la dépoussiérer et proposer ce qu’elle a de plus pur, d’intemporel et d’universel. » Une manière pour eux de cultiver leurs racines tunisiennes: « Nous sommes métis, préciseAli. Nous avons toujours vécu avec nos deux cultures, la belge et la tunisienne. On vient àTunis tous les ans. Hédi y a vécu quelque temps. On parle arabe. Et on a toujours été considérés comme des fils du pays. »
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LE NOUVEAU WORLD TRADE CENTER en construction, à New York.
nanaprèslamortdeBenLaden, l’académiemilitaireaméricaine de West Point a commencé de publier sur son site des documents saisis lors du raid contre la villa d’Abbottabad (Pakistan) qui servait de repaire au chef d’Al-Qaïda. En avant-première, John Brennan, un conseiller du président Obama, avait décrit un Ben Laden « inquiet » de voir son organisation subir « catastrophe sur catastrophe ». Constatant quelesbombardementsdesdronesaméricains dans les zones tribales pakistanaises le privaient de ses combattants les plus expérimentés, le Saoudien aurait exhorté ces derniers à fuir. Son moral était si bas qu’il songeait à… débaptiser Al-Qaïda! D’autres révélations devraient suivre avec la publication d’un volumineux rapport (5000 pages) de la commission sénatoriale du renseignement, qui a elle-même compulsé 6 millions de pages d’archives de la CIA. Deux des sénateurs associés à ce travail ont promis « des informations détaillées » sur les techniques d’interrogatoire utilisées pour débusquer Ben Laden, et démenti le recours aux méthodes musclées de l’ère Bush, comme la simulation de noyade. De l’avis des spécialistes, la mort de Ben Laden a porté un coup terrible à Al-Qaïda, dont les filiales, du Yémen au Sahel, en
passant par la Somalie, connaissent depuis des fortunes diverses. Ayman al-Zawahiri étant loin d’avoir le charisme de son prédécesseur, la crainte grandit de voir surgir des « loups solitaires » qui, à l’instar d’un Mohamed Merah en France, se radicalisent dans leur coin et agissent en toute autonomie. ERREMENTS. Al-Qaïda affaiblie et son
chef éliminé n’en restent pas moins un superbe argument électoral. « Non seulement nous sommes parvenus à expulser Al-Qaïda d’Afghanistan mais nous sommes parvenus à décimer ses rangs et à traduire Ben Laden en justice [sic] », a ainsi déclaré Obama lors de son déplacement à Kaboul, qui a éclipsé la visite que Mitt Romney, son adversaire républicain, projetait dans une caserne de pompiers new-yorkaise, en première ligne lors des attentats du 11 Septembre. Face à un président qui se prévaut d’avoir mis fin à une guerre impopulaire, Romney peine à faire oublier ses errements. En 2007, il avait estimé « que cela ne valait pas la peine de remuer ciel et terre et des millions de dollars pour attraper une seule personne »… avant de féliciter Obama pour le succès du raid d’Abbottabad. ● JOSÉPHINE DEDET N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
NICOLAS MAETERLINCK/AFP
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ð FILIP DEWINTER, leader de la formation d’extrême droite, lors d’une manifestation à Gand, le 30 mars. BELGIQUE
Les mouchards de la Toile Les nationalistes flamands du Vlaams Belang ont lancé un site permettant de dénoncer les étrangers en situation irrégulière. Un nouveau coup médiatique pour le parti, en perte de vitesse.
«
M
eld illegaliteit nu! » (« Signalez l’illégalité maintenant ! ») Ce message en caractères noirs, qui se détache à côté de l’ombre rouge et menaçante d’un avion au décollage (rempli d’immigrés ?), trouverait parfaitement sa place sur le blog d’un groupuscule néonazi, mais il est le fait d’un parti représenté au Parlement belge, le Vlaams Belang (« Intérêt flamand »), qui milite notamment pour l’éclatement du pays. Avec meldpuntillegaliteit.be (« point de signalement de l’illégalité »), site internet lancé le 10 avril, l’objectif affiché par la formation nationaliste flamande est d’inciter les Belges néerlandophones à dénoncer les immigrés en situation irrégulière, qui seraient responsables du « travail au noir, de la criminalité et des marchands de sommeil ». Au cours de sa première semaine d’existence, le site s’est souvent retrouvé hors service faute de pouvoir gérer l’afflux massif de messages dont l’ont bombardé ses adversaires, mobilisés par un appel lancé sur Facebook. Mais cela n’a pas empêché Filip Dewinter, leader du parti, de poursuivre sa campagne. « Les illégaux doivent être recherchés activement et ensuite renvoyés dans leur pays d’origine », a-t-il N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
récoltées de cette façon, il y a alors atteinte à la législation sur la protection de la vie privée », a estimé la Commission de la protection de la vie privée. « Les organisations de défense des droits de l’homme vont se réunir dès que possible pour voir quelles actions mener devant la justice », affirme pour sa part Paul Nsapu, secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).
déclaré, annonçant que les témoignages recueillis seraient transmis à la police. Pour trouver l’inspiration, le Vlaams Belang n’a pas eu à chercher très loin. DÉRIVES XÉNOPHOBES. Quoi qu’il Le 8 février, son homologue néerlandais, en soit, le Vlaams Belang, en perte le Parti pour la liberté (PVV, troisième de vitesse, a réussi un nouveau coup formation des Pays-Bas et membre de la médiatique à quelques mois des élecmajorité parlementaire), a lancé un site tions communales, qui se tiendront en similaire pour dénoncer les immigrés octobre. Le parti, qui compte désormais 16 parlementaires (sur un total de 221), venus d’Europe de l’Est ou d’Europe centrale. « Avez-vous perdu votre emploi a perdu plus du tiers de ses électeurs à cause d’un Polonais, d’un Bulgare, d’un lors des législatives de 2010. Selon une Roumain ou autre ? Racontez-le-nous ! » étude de l’université KUL de Louvain y écrivaient les partisans de Geert Wilders. L’Union Bombardé de messages européenne avait alors vu par ses adversaires, le portail rouge. « Les citoyens des vingt-sept États membres est souvent hors service. doivent se sentir chez eux, peu importe où ils décident de se rendre », publiée le 5 avril dernier, l’immense avait réagi la commissaire chargée de la majorité d’entre eux se sont reportés Justice, des Droits fondamentaux et de la sur la Nouvelle Alliance flamande (N-VA), Citoyenneté, Viviane Reding. L’initiative parti à vocation gouvernementale qui du Vlaams Belang ne ciblant les ressorrevendique l’indépendance de la Flandre tissants d’aucun pays en particulier, la mais rejette les dérives xénophobes de Commission s’est contentée cette fois l’extrême droite. « On peut donc être du strict minimum, estimant que « ces certain que le Vlaams Belang va aller sites ne correspondent pas aux valeurs encore plus loin sur le chemin de l’anti[qu’elle] défend ». immigration et de l’anti-islam, car c’est la Néanmoins, le portail a toutes les seule chose qu’il peut faire pour se distinchances d’être déclaré hors la loi. « Si guer », estime un des auteurs de l’étude. ● des données à caractère judiciaire sont PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
de Jeune Afrique
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FLASH-BACK Alain Mabanckou, un enfant de la Côte Sauvage ÉCONOMIE Port, pétrole, green business… Atouts et faiblesses PORTRAITS De la politique à la culture, les Ponténégrins en action
POINTE-NOIRE Identités plurielles Le 11 mai, la capitale économique du Congo aura 90 ans. Du village de pêcheurs sur l’Atlantique à la cité portuaire de 1 million d’habitants, histoire, rêves et déboires d’une métropole au caractère bien trempé.
JEUNE AFRIQUE
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
LE PLUS
VISITE GUIDÉE Un grand tour de Lumumba
Le Plus de Jeune Afrique
LE PLUS
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de Jeune Afrique
POINTE-NOIRE
Identités plurielles
Prélude
Tshitenge Lubabu M.K.
Ponton, la belle d’antan
L
ES VILLES CÔTIÈRES ont ceci de singulier qu’elles exercent une attirance quasi magnétique. De partout, comme envoûtés par un sortilège de sirène, les hommes y accourent, s’installent, s’enracinent. Pointe-Noire, 90 ans, n’a pas échappé à la règle. Avec son million d’âmes, la capitale économique du Congo est une mosaïque de peuples et de cultures. « C’est par la mer que les civilisations arrivent », m’a dit l’une de ses habitantes, reflétant ce sentiment bien ancré dans l’esprit des Ponténégrins d’être différents des autres Congolais. « À Brazzaville, les gens consacrent l’essentiel de leur temps aux intrigues politiques ; ici, c’est l’économie qui nous intéresse. »
sont pas versés directement. Ils prennent d’abord le chemin de Brazzaville, avant d’être redistribués par l’État à l’ensemble des régions et communes du pays en fonction de leurs besoins. Pourtant, ceux de Pointe-Noire sont énormes. Parce qu’elle compte un grand nombre d’habitants (c’est la deuxième ville du Congo par sa population) et parce que, depuis des années, les infrastructures n’ont pas été remises à niveau ni étendues : voiries pour la plupart en mauvais état, caniveaux inexistants ou bouchés depuis des lustres, quartiers périphériques non viabilisés… Même constat du côté des services : pas de transports collectifs dignes de ce nom ni de société de collecte et traitement des déchets.
Qui dit Pointe-Noire pense à son port, au Que faire pour que la métropole soit, enfin, digne de sa réputation de capitale pétrole et à une multitude d’industries. La économique du Congo ? Il faudra, sans cité se rêve en eldorado. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. D’abord, la doute, que les pouvoirs publics lui donnent, métropole a gardé sa configuration héritée de l’époque La cité se rêve en eldorado. coloniale. D’un côté, le Mais il y a encore loin cœur de la ville, réservé aux de la coupe aux lèvres. Européens, aux affaires et aux activités. Jadis, pour y accéder, les Congolais devaient prouver ainsi qu’aux autres grandes villes, beaucoup qu’ils allaient travailler. De l’autre, la cité plus de moyens, afin qu’elle se développe indigène, sans infrastructures. dans le cadre d’une gestion autonome. La Cinquante ans après l’indépendance, décentralisation administrative, c’est bien. se rendre au centre-ville n’est plus un Si elle s’accompagne d’une décentralisation problème. Mais la cité reste réservée aux des moyens, c’est mieux. « damnés de la terre ». Ce capharnaüm La ville doit aussi valoriser ses atouts. où l’eau potable et l’électricité sont un Aujourd’hui comme hier, elle est le berceau luxe s’est étendu dans tous les sens et, de femmes et d’hommes de qualité, qui avec lui, les problèmes d’insalubrité et ont brillé et brillent dans divers domaines. de transports. Ici, on parle d’urbanisation Pour remodeler son visage et bien grandir, subie, du manque de plan directeur, des Pointe-Noire doit s’intéresser davantage dégâts consécutifs à une loi foncière qui à sa jeunesse, en mettant l’accent sur une favorise l’anarchie, autorisant chacun à formation de qualité basée sur la spévendre ou acheter des terrains n’importe cialisation dans les différents secteurs où et à construire n’importe comment. d’activité. Elle doit revaloriser la culture, soutenir ses artistes et créateurs, offrir Pour beaucoup, la ville est pauvre. des espaces appropriés à une jeunesse Malgré ses intenses activités pétrolières et souvent désœuvrée. C’est à ce prix seul portuaires, la fille du bord de mer ne profite qu’elle pourra de nouveau mériter son pas assez des revenus du pétrole, qui ne lui doux surnom de Ponton-la-Belle. ● JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Une petite jeune de 90 ans p. 58 INTERVIEW Roland Bouiti-Viaudo, député-maire de Pointe-Noire p. 63 ITINÉRAIRE URBAIN Un grand tour de Lumumba p. 66 Le flash-back d’Alain Mabanckou p. 72 PORTRAITS Des femmes et des hommes d’action
p. 75
ENJEUX MARITIMES Le port a le vent en poupe p. 78 TRANSPORTS En première ligne
p. 80
HYDROCARBURES Pétrole blues
p. 82
CONFIDENCES DE Sylvestre Didier Mavouenzela, président de la chambre consulaire p. 87 CULTURE ET MÉDIAS Diosso, un patrimoine en sursis p. 100 Sur les ondes de DVS+ p. 101
Le Plus de Jeune Afrique
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
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POINTE-NOIRE
Une petite jeune
Elle a bien grandi depuis sa naissance, le 11 mai 1922. Dopée par ses activités pétrolières et réputée pour sa douceur océane, la capitale économique du Congo a vu sa population décupler depuis les années 1960. Malgré sa bonne fortune, elle peine aujourd’hui à être une cité où il fait bon vivre pour tout le monde.
Ce lieu cosmopolite où la mer rugit sans cesse, c’est Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. Une cité vivante, riche de la diversité, du dynamisme et de la propension à rêver de ceux qu’attire l’océan… ou l’odeur du pétrole. Pourtant, l’or noir puisé dans les entrailles de l’Atlantique est loin, très loin d’avoir transformé la ville-département en petit émirat. N’empêche, le secteur pétrolier constitue le premier employeur de la cité et le premier contributeur au PIB du pays (lire pp. 82-83).
TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial
TERMINUS ATLANTIQUE. Ici, la première richesse
D
ans quelle métropole africaine peut-on trouver des restaurants éthiopiens, français, chinois, libanais, italiens ? Où croise-t-on des Chinois raffolant de feuilles de manioc, de Ngok’ (la bière locale) et trinquant sans chichi avec les mindele (Blancs) et les autochtones ? Une ville sans monument ni musée ? Dont l’artère principale porte le nom d’un président français (Généralde-Gaulle) et une place celui d’un commerçant grec (Kastanis-Kassaï) ? N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
est la mer, depuis toujours ; depuis Ndji-Ndji, le village de pêcheurs autour duquel, au début du siècle dernier, la ville a été bâtie. Principale porte du pays et du bassin du Congo sur le golfe de Guinée, son port (lire p. 78-79) joue un rôle essentiel pour le transit maritime en Afrique centrale. Pointe-Noire, c’est aussi le Congo-Océan, la célèbre ligne de chemin de fer dont la construction, de 1921 à 1934, a coûté la vie à quelque 20 000 travailleurs. Malgré ses difficultés actuelles, le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) continue de relier la capitale économique du pays, son terminus sur l’Atlantique, à la capitale administrative, JEUNE AFRIQUE
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200 km
CENTRAFRIQUE
CAMEROUN
GUINÉE ÉQ.
CONGO GABON
Pointe-Noire
Brazzaville
RD CONGO
CABINDA (Angola)
Pointe-Noire en bref Superficie 1 200 km2 Population ð Ses habitants vantent une métropole « OUVERTE, HOSPITALIÈRE ET PROPICE AUX AFFAIRES
de
90 ans
Brazzaville, sur le fleuve Congo. Dans moins de deux ans, lorsque seront achevés les 500 km de la RN1 (lire p. 80), il ne sera enfin plus la seule liaison terrestre entre les deux premières villes du pays. En attendant, les plus aisés prennent l’avion – ceux qui viennent de l’étranger atterrissent directement à Pointe-Noire –, les autres prennent leur temps avec le train. Lorsqu’on demande aux étrangers établis à Pointe-Noire de longue date ce qu’ils en pensent, ils ne tarissent pas d’éloges, à l’instar de l’homme d’affaires d’origine libanaise Elie Chelala. Il parle d’une ville « ouverte, hospitalière, sécurisée et propice aux affaires, foisonnant de micro-industries, où de plus en plus de commerçants viennent s’installer », souligne le niveau de consommation élevé, insiste sur le cadre de vie « exquis, marqué par la présence de la mer et du soleil toute l’année ». Victime de sa réputation de pays de cocagne, Pointe-Noire a vu affluer des vagues de nouveaux arrivants, attirés « par mirage ou par nécessité », selon l’expression d’un fonctionnaire municipal. À la faveur de la découverte des gisements pétroliers et miniers (de potasse) dans les années 1970, puis de la relative quiétude de la cité lors des crises qui JEUNE AFRIQUE
».
ont secoué le pays dans les années 1990, la ville est passée en quarante ans de 200 000 habitants à plus de 1 million. Elle est sortie de ses limites.
ERRATIQUE. Un casse-tête pour une municipalité
qui, faute de moyens pour financer les infrastructures, assiste quasi impuissante à une urbanisation erratique accentuée par les dérapages sur la question foncière (la conférence nationale a accordé tous les droits aux propriétaires coutumiers, qui en usent et en abusent). Des quartiers précaires sans services de base ont poussé à la périphérie du centre-ville, surtout à l’est. Partout, la voirie et le système d’écoulement des eaux laissent à désirer, à tel point qu’en cas de pluie les rues se transforment en rivières. Les autorités locales sont tout de même parvenues à engager les travaux les plus urgents, dont les chantiers sont en cours : réaménagement des artères principales, assainissement, création de caniveaux, de trottoirs… Un programme de construction de logements est prévu dans le quartier de Mpita (au sud du centre-ville), avec le concours de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi qu’un programme d’assainissement ● ● ●
Avec 1 million d’habitants, c’est la 2e ville du Congo après Brazzaville (1,4 million) • 50 % ont moins de 20 ans • 80 % sont congolais Statut Ville-département depuis la loi de décentralisation (2002), elle compte 6 arrondissements (voir plan p. 66) Surnoms Ponton ou Ndji-Ndji (en langue vilie), en référence au village de pêcheurs autour duquel le port a été bâti Économie La ville génère 80 % des recettes du pays, surtout grâce à ses activités pétrolières, portuaires et forestières
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Le Plus de J.A. Pointe-Noire encore, Pointe-Noire compte de bons établissements scolaires jusqu’au secondaire mais, au-delà, ne dispose que de la seule École supérieure de technologie du littoral, fondée par des particuliers. Pas d’université ni de centre spécialisé où former la jeunesse, principal atout de la ville, à des métiers en rapport avec les activités locales. Malgré la manne pétrolière, Pointe-Noire donne l’impression d’être démunie. Son développement économique et social serait sans aucun doute décuplé si les pouvoirs publics, dans le cadre de la redistribution des ressources, lui donnaient ne serait-ce qu’un tout petit peu plus de moyens. ●
● ● ● des quartiers précaires, mené avec le soutien de l’ONU-Habitat. La valorisation du bord de mer est également prévue. Et l’interdiction de la commercialisation et de l’utilisation des sacs en plastique, entrée en vigueur fin janvier, devrait contribuer à l’amélioration de la propreté.
DÉMUNIE. En matière économique, si les entreprises sont nombreuses, le poids de l’informel reste important. Le secteur touristique est loin d’être organisé, alors que la cité balnéaire et ses environs disposent de nombreux atouts – hôtels, restaurants, sites naturels (lire p. 98). Plus étonnant
Il était une fois Ndji-Ndji
Un vaste plan d’eau, une baie profonde, une saillie rocheuse pour y accrocher une digue… C’est ce qui a décidé les Français à créer la commune.
juillet 1914 la construction de la voie du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) et de deux ports : Brazzaville, sur le fleuve Congo, et, sur l’Atlantique, Pointe-Noire, qui fut préféré à Libreville et Loango pour son vaste plan d’eau, la profondeur et la configuration de sa baie (permettant d’y bâtir une digue). Les chantiers furent lancés en 1921, supervisés par le gouverneur général Victor Augagneur puis par son successeur, Raphaël Antonetti. INDÉPENDANCE. Le 11 mai 1922 est
OLIVIER POUR J.A.
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C
Le village de pêcheurs EN 1924.
’
est en 1484 qu’apparaît pour la première fois le nom de Punta Negra, sur une carte établie par des navigateurs portugais. Ils marquaient ainsi un point saillant constitué de blocs de pierre noire qu’ils avaient aperçu sur l’actuelle Côte Sauvage, aux abords du village de pêcheurs de Ndji-Ndji. Les siècles passèrent, durant lesquels, à une vingtaine de kilomètres au nord de Punta Negra, dans la baie voisine, le royaume vili de Loango prospérait grâce à son port négrier (lire p. 100). À la fin du XIXe siècle, en 1880, l’explorateur français Pierre Savorgnan de Brazza atteignit, depuis le Gabon, N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
publié le décret portant création de la commune de Pointe-Noire. Son premier plan directeur est élaboré en 1924, sur une base de 5 000 habitants. L’inauguration du chemin de fer, en 1934, et celle du port, en 1939, accélèrent son essor. Pointe-Noire devient la capitale du Moyen-Congo (Brazzaville étant celle de l’AEF), puis de la République autonome du Congo jusqu’en 1959, date à laquelle Brazzaville lui succède. À l’indépendance, Pointe-Noire, qui gardera sa position de capitale économique, comptait déjà plus de 70 000 habitants. La ville connut une nouvelle phase de croissance économique et démographique pendant les années 1970 et 1980, liée à la découverte et au début de l’exploitation de
l’intérieur des terres de ce qui ne s’appelait pas encore le Congo et, arrivé à Mbé (100 km au nord de Brazzaville), signa avec le Makoko, le roi des Tékés, un traité faisant de ce royaume un protectorat de la France. En mars 1883, l’un de ses émisL’inauguration du chemin de fer, saires dépêché sur la côte en 1934, et celle du port, en 1939, atlantique, le lieutenant de vaisseau Cordier, fit subir accélèrent son essor. le même sort au royaume vili de Loango, qui n’était déjà plus que gisements de pétrole et de potasse. l’ombre de lui-même. Intégré à l’AfriqueLes crises qui ont secoué le pays de 1992 à 1999 ont quant à elles provoqué Équatoriale française (AEF), le Congo français devint le Moyen-Congo en 1903. une nouvelle migration vers la ville Pour évacuer les matières premières, océane, épargnée par les turbulences. ● les autorités coloniales autorisèrent en CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE
Maisons Sans Frontières Congo
MSF Congo
La société « MAISONS SANS FRONTIERES CONGO » (MSF Congo) en apportant une solution aux problèmes majeurs d’infrastructure et d’assainissement en plein centreville de Pointe-Noire, au travers des grands travaux réalisés dans le bassin de TCHIKOBO conformément au Plan Directeur d’Urbanisme (PUD), ambitionne de donner à la capitale économique un ensemble immobilier de grande envergure avec l’opération d’aménagement et de construction d’immeubles dans le lotissement ROC de TCHIKOBO. Cet ensemble cohérent regroupe une zone d’activités tertiaires et une zone résidentielle de 300 villas de haut standing en harmonie avec son environnement. L’activité de promotion immobilière que développe MSF Congo, créatrice d’emplois et génératrice de ressources, exige des compétences, des techniques et un savoir faire à la hauteur des exigences des partenaires économiques et des acquéreurs. L’engagement de la construction du lotissement ROC de TCHIKOBO répond pleinement aux objectifs du développement économique durable du Congo.
Projets en cours de réalisation : Axe Central du Lotissement ROC de TCHIKOBO. Il prévoit la construction de 16 immeubles qui abriteront des banques, des administrations, des commerces, des hôtels, des cliniques le long d’un boulevard principal « Axe Central » en zone tertiaire.
Maquette de l’Axe central du lotissement de Tchikobo.
MSF Congo Bureau de Pointe-Noire.
Lotissement ROC de TCHIKOBO – 300 villas de haut standing au centre ville de Pointe-Noire. Le projet d’aménagement de la lagune de TCHIKOBO a eu pour objectif de réunir à un moment précis une conjoncture d’opportunités exceptionnelles à l’occasion d’importants travaux de dragage du port autonome de Pointe-Noire, qui ont été effectués au début de l’année 2000. Cette opération favorise l’équilibre du plan général d’urbanisme en créant une liaison socio-économique entre la ville et le port, tout en supprimant une lagune insalubre qui demeurait avant ces travaux un problème majeur d’urbanisme et d’environnement.
La nouvelle ville « KOUNDA » Les résidences « CARAIBES » MSF Congo vous propose 3 000 maisons de divers standing avec une vue imprenable sur le bord de mer, dans un domaine de 600 hectares, face au Port. Situées dans l’extension urbaine du centre-ville de Pointe-Noire, les résidences « CARAIBES » vous proposent une meilleure qualité de vie, avec une énergie propre et renouvelable (solaire) et une alimentation en eau à partir d’une nappe phréatique d’une grande pureté.
Maquette de la nouvelle ville Kounda et la résidence Caraïbe.
Commercialisation des villas dans la nouvelle ville « KOUNDA » à partir de mai 2011
MSF Congo S.A.R.L
Lotissement ROC de Tchikobo à Pointe-Noire.
Siège social : BP. 13 934, Brazzaville - Succursale : BP. 1 320, Pointe-Noire Informations TCHIKOBO : +242 22 94 17 60 - Email : tchikobo@msfcongo.com Informations KOUNDA : +242 05 709 30 08, +242 06 671 06 20
Site Web: www.msfcongo.com
Identités plurielles DÉVELOPPEMENT URBAIN
Roland Bouiti-Viaudo « La ville fait preuve d’une réelle vitalité » Réélu pour un second mandat en 2008, le député-maire de Pointe-Noire revient sur l’évolution, les projets de la commune et les enjeux auxquels elle est confrontée.
min a été parcouru, je pense. La population est passée de quelques centaines de milliers à environ 1 million d’habitants. La ville s’est étendue de façon spectaculaire. L’activité économique y est forte. C’est la preuve d’une réelle vitalité. Mais la commune, comme le département de
ménagères et industrielles ; viennent ensuite la poursuite de l’assainissement de la ville et la prise en charge des services de base. Nous voulons avoir, demain, une ville très active dans les domaines de la santé, de la formation, de la culture et du tourisme. Enfin, depuis que l’État s’est retiré du secteur, nous n’avons plus de transports en commun adéquats. Les transporteurs privés ne sont pas bien organisés, et les services compétents en matière de
L’objectif est de mobiliser plus de ressources pour équiper les quartiers non viabilisés. Pointe-Noire, a des limites, définies par la loi. La pression foncière est très forte et, si elle persiste, le gouvernement devra créer de nouvelles villes dans le département voisinduKouilou.Uneétudeestencours pour voir comment en construire une à partir de la Louaya, en bord de mer, jusqu’au pont sur la Loemé. Comment expliquer la coexistence entre un centre-ville propre et équipé et des quartiers insalubres ?
Cette situation date de sa création, avec un centre-ville européen jusqu’au rond-point Lumumba et, au-delà, la cité africaine. Des efforts sont réalisés, tout particulièrement cette année, en matière d’assainissement. L’objectif est que la commune mobilise plus de ressources pour désenclaver et équiper les quartiers non viabilisés. Vous pouvez constater que la plupart des travaux en cours sont menés dans les quartiers périphériques. Quels sont les principaux projets ?
Par ordre prioritaire, nous étudions la création d’une société, mixte ou privée, de gestion et de traitement des ordures JEUNE AFRIQUE
contrôle n’ont pas pleinement pris en charge le secteur. Nous espérons mettre rapidement en place une plateforme avec toutes les parties concernées pour harmoniser les points de vue, qu’il s’agisse des tarifs ou de la fiabilité des véhicules. Selon vos détracteurs, la ville souffre d’un déficit de démocratie participative. Que leur répondez-vous ?
Pointe-Noire est gérée par un conseil départemental et municipal dont les 75 membres, élus par la population, élisent à leur tour le bureau. Tout est donc parfaitementdémocratique.Aprèsmonélection, j’ai organisé une conférence des chefs de quartier, qui, pendant trois jours, ont exposé leurs problèmes. Nous en avons dressé l’inventaire, puis nous en avons fait une synthèse, par quartier et par arrondissement, et le conseil municipal a adopté unprogrammed’actiontriennal,surlequel nous nous fondons depuis pour définir le plan d’investissement annuel. Après chaque session – il y en a trois par an) –, nous allons voir les habitants des quartiers pour faire le point et recueillir leur avis. Ce qui est tout à fait démocratique et participatif. Qu’apporte la coopération décentralisée ?
Auparavant, elle se manifestait simplement à travers les jumelages. Aujourd’hui, nous avons des échanges gagnant-gagnant avec nos jumelles portuaires. Pointe-Noire a développé des partenariats très actifs avec Le Havre, en France, et Ravenne, en Italie. Au Maroc, nous travaillons avec Laayoune sur la formation de nos agents municipaux. Enfin, nous attendons des entreprises de travaux publics de la ville chinoise de Dalian, qui vont examiner la faisabilité d’un projet de logements sociaux. ●
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
JEUNE AFRIQUE: Quel regard portez-vous sur votre ville, quatre-vingt-dix ans après sa création? Son extension ne pose-t-elle pas des problèmes ? ROLAND BOUITI-VIAUDO: Un long che-
Propos recueillis à Pointe-Noire par TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Total E&P Congo affirme avec le projet Moho Nord sa démarche volontaire et ambitieuse de « Contenu local »
P
remier investisseur et employeur privé du Congo, Total E&P Congo souhaite augmenter la part des entreprises locales dans son activité industrielle. En octobre 2010, l’entreprise a initié une démarche volontaire dite de « Contenu Local » visant à valoriser et augmenter la participation des entreprises locales dans ses opérations, dans le respect de ses règles inspirées du Groupe et des normes industrielles de la profession.
PUBLI-INFORMATIONS
La démarche de Contenu Local de Total E&P Congo consiste à informer et à sensibiliser les entreprises locales sur ces procédures et notamment les normes QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement), pour leur permettre d’être qualifiées et retenues dans les appels d’offres. Total E&P Congo identifie les difficultés et les attentes des sociétés, et les accompagne dans la définition de plans d’actions pour atteindre les niveaux requis, en les informant sur les structures d’appui à l’entreprenariat, les centres de formation et l’assistance technique, la recherche de partenaires au Congo ou à l’étranger etc. Total E&P Congo a également renforcé son engagement et son soutien auprès de l’Association Pointe-Noire Industrielle (APNI), une plateforme de développement des PME et PMI au Congo. Amorcée avec le développement de Libondo, dernier né des champs off-shore opéré par Total E&P Congo et entré en production en mars 2011, la mise en œuvre de Contenu local, en confiant la construction du jacket de la plateforme à une entreprise congolaise, a permis la réouverture d’un chantier de construction de Pointe Noire générant pour la main d’œuvre congolaise1,6 million d’heures de travail.
Pour accompagner le développement économique local, la démarche volontaire et ambitieuse de Total E&P Congo s’affirme davantage avec le projet Moho Nord puisque les objectifs sont d’aider les entreprises à participer à la mise en œuvre du projet à court et moyen terme et, à plus long terme, de répondre aux besoins de Total E&P Congo en matière de biens et de services pendant la phase d’exploitation, une période qui s‘étendra sur plusieurs dizaines d’années.
« Le projet Moho-Nord, une passerelle pour le développement local » sujet développé lors de la 15ème conférence internationale « Oilgasmine » La 15ème conférence internationale et exposition sur le négoce et le financement du pétrole, du gaz et des mines en Afrique (Oilgasmine), organisée par le gouvernement congolais et la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) s’est tenue du 4 au 6 avril 2012, au Palais des congrès, à Brazzaville. Cet événement a connu la participation de plus de 600 experts réunis autour du ministre d’État Pierre Moussa, ministre de l’économie, du plan, de l’aménagement du territoire et de l’intégration, coordonnateur du pôle économique, représentant le président de la République, du ministre des hydrocarbures André Raphaël Loemba, du ministre des mines et de la géologie Pierre Oba. La participation
Le stand de Total E&P Congo, sponsor de la conférence Oilgasmine.
Catherine Sanchez et Dieudonné Pandi présentant la démarche de contenu local pour le projet Moho Nord à la conférence Oilgasmine.
Le « Développement du contenu local : le cas du projet Moho Nord » a été présenté par les responsables en
Au 1er plan : l’équipe du projet Moho Nord, D. Pandi, Y. Duteil, C. Sanchez avec D. Ganga, DO et JP. Clémençon, DBD. Au 2nd plan : Alexis Thélémaque, Directeur général Total Congo SA, Louis-Roger Tchinianga, Chef de la Division Responsabilité Sociétale et Communication.
charge de cette action au sein de Total, Catherine Sanchez et Dieudonné Pandi, tous deux membres du Groupe Projet Moho Nord. « C’est un projet majeur de développement pétrolier au Congo. Ce projet est le plus grand qu’ait connu la République du Congo à ce jour. Il prévoit la maximisation de la participation des entreprises et des travailleurs congolais. Actuellement, nous réfléchissons conjointement avec les autorités congolaises sur la meilleure manière de générer un maximum de développement, pour les entreprises locales et d’emplois pour la population congolaise. Tout ceci dans l’optique d’orienter l’économie nationale congolaise vers une diversification. » a précisé Catherine Sanchez. Yves Duteil, Directeur du Projet a pour sa part expliqué que « Moho Nord est un projet passionnant et extraordinaire. Encore en phase d’études actuellement, il permettra à terme de produire près de 100 000 barils par jour, en utilisant des technologies innovantes. Il n’y aura pas de torchage. Ces installations seront placées à 80 km au large de Pointe-Noire, à une profondeur d’eau de1000 m. La phase de la finalisation de l’étude de ce projet va bientôt prendre fin et le projet sera lancé en début d’année prochaine. » A travers ce projet, Total E&P Congo fixe donc des objectifs ambitieux : création d’emplois ; dynamisation du tissu économique local ; développement des capacités humaines et entrepreneuriales par la formation et l’amélioration des infrastructures. Le financement de Moho Nord est assuré par trois partenaires que sont l’État congolais à travers la Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC –15 %), Chevron Overseas Congo (31,5 %) et Total E&P Congo (53,5 %).
Pour répondre à ses besoins en Ressources humaines, Total E&P Congo mène une politique dynamique de recrutement qui se traduit depuis plus de 4 ans par l’emploi d’une soixantaine de nouveaux collaborateurs congolais chaque année. Une politique qui va se poursuivre encore quelques années. Aujourd’hui l’entreprise compte 1 147 collaborateurs dont 770 congolais, 206 expatriés résidents et rotationnels, 157 contractés et 14 volontaires internationaux en entreprise.
DIFCOM - F.C. PHOTOS : DR
active de Total E&P Congo, sponsor de l’évènement, s’est notamment traduite par la présentation du programme de « contenu local » que l’entreprise souhaite déployer avec le projet Moho Nord. Jacques Azibert, directeur général de Total E&P Congo, a ainsi expliqué les raisons de la présence de Total E&P Congo à ce salon et l’intérêt du projet pour le développement économique local « Pour nous, en tant que premier opérateur du pays dans le secteur pétrolier, avec plus de 60 % de la production nationale, il était primordial que nous soyons aux côtés du Ministère des hydrocarbures. Une autre raison, est le thème principal de la conférence, qui était lié à la création de valeur et à sa rétention au sein de l’économie locale. C’est un thème qui est en train de se développer, notamment avec le projet Moho Nord. Nous essayons d’être performants pour trouver des idées qui font qu’on arrive à mettre au point un modèle, pour qu’au Congo, on puisse rapidement générer de l’entreprenariat mais aussi des activités nouvelles et pérennes. Il n’est pas question que ces actions ne soient que des feux de paille car les activités du projet ne s’arrêteront pas au bout de six mois ou un an. Il est important d’agir sur le moyen et le long terme. C’est la raison pour laquelle nous avons axé notre présentation sur notre approche du contenu local, dans laquelle nous avons proposé un modèle que l’on souhaite adopter et dont les grands principes ont fait leurs preuves ailleurs, comme en Afrique du Sud. Ainsi, en coopération avec le Ministère des hydrocarbures, nous avons adapté ce modèle innovant au contexte pétrolier du Congo pour en maximiser les retombées économiques durables. »
Jacques Azibert, directeur général de Total E&P Congo lors d’une interview à la conférence Oilgasmine qui s’est tenue à Brazzaville.
PHOTOS : ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
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LE BUSTE DE RAPHAËL ANTONETTI, sur le boulevard du Général-de-Gaulle, et LA GARE, conçue par l’architecte de celle de Deauville. ITINÉRAIRE URBAIN
Un grand tour de Lumumba
Au cœur de la ville, avec vue imprenable sur l’océan, c’est dans le 1er arrondissement que se concentre l’essentiel des adresses et sites à ne pas manquer. Visite guidée.
politique, Brazzaville (lire p. 80 et voir J.A. no 2617). Il faut sans doute commencer par là. Œuvre de l’architecte français Jean Philippot, la gare de Pointe-Noire a été construite en 1932. Peinte en marron et en beige, elle arbore un style normand qui lui donne un air de famille avec la gare de Océan Atlantique Port
Gare maritime
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1 000 m
Lumumba
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Rond-point Lumumba
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Aéroport Ngoyo
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Baie de Pointe-Noire
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port, une fois revenu vers la gare, prenez à droite. Direction la Côte Sauvage, avec ses hôtels et restaurants de bord de mer. Le paysage est magnifique, et l’envie de venir y casser la croûte irrésistible: le Twiga, La Pyramide, le Sea Club, L’Abri côtier, le Club pétrolier (qui appartient à ENI-Congo) vous tendent les bras, menus variés et vue panoramique sur la plage assurés. Prenez votre temps, et, si vous êtes tenté
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LES SIX ARRONDISSEMENTS RN 5
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CÔTE SAUVAGE. Après cette balade au
Cô te Mo nd ain e
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out nouveau venu à Ponton-laBelle – comme l’appellent ses habitants – s’interroge évidemment sur ce qu’il y a à voir dans la ville portuaire. Question à laquelle on peut être tenté de répondre par une pirouette facile : « La mer, la mer encore, la mer toujours. » D’autant que, dans le paysage actuel, rien n’a été spécialement aménagé pour attirer les regards ailleurs que sur l’océan. En dehors de quelques rondspoints et, sur le boulevard du Généralde-Gaulle, du buste de Raphaël Antonetti (gouverneur général de l’Afrique-Équatoriale française de 1924 à 1934), pas de monuments ni de statues consacrés aux grands noms ou événements de l’Histoire. Pointe-Noire intra-muros offre tout de même de quoi occuper les visiteurs qui, après avoir attrapé « une occasion » (un taxi) ou gagné « leur moyen » (de transport), découvrent le 1er arrondissement, Lumumba. C’est là que se concentrent la plupart des lieux à ne pas manquer, le long et autour du boulevard du Généralde-Gaulle, véritable colonne vertébrale de la ville, qui conduit à la gare et au port. Pointe-Noire, c’est la mer, c’est vrai – et c’est déjà beaucoup –, mais c’est aussi le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), qui relie la capitale économique à la capitale
Deauville. Inauguré quant à lui en 1939, le port, immense, n’est pas loin, au bout de la rue : pourquoi ne pas aller voir comment il poursuit sa mutation (lire pp. 78-79) ?
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Cô te Sa uv a
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PHOTOS : PATRICK ROBERT
PARMI LES ATOUTS DE LA CÔTE SAUVAGE, sa plage et ses restaurants de bord de mer (à dr., celui de l’hôtel Twiga).
CAFÉ-CROISSANTS. À quelques minutes,
sur le boulevard du Général-de-Gaulle, survivent quelques maisons de l’époque coloniale, dont, au n° 3, le siège de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers, de pur style Art déco. Toujours en bas de l’avenue, si vous voulez prendre votre petit-déjeuner, le thé de 17 heures, ou que vous avez simplement envie de faire comme tous les Ponténégrins, allez à La Citronnelle, le salon de thé-pâtisserie le plus fréquenté de la ville. Tout Pointe-Noire y vient, des nantis aux démunis, pour dévorer, seul ou en famille, gâteaux et viennoiseries à n’importe quelle heure, avec une grande prédilection pour les croissants – ils sont plus gros que la normale. Si vous êtes amateur de café, de vrai café, rendez-vous à quelques centaines de mètres de là, en face de la mairie, au Grand Café. Ouvert il y a deux ans par un Congolo-Éthiopien – le café est originaire du pays de Ménélik, n’est-ce pas ? –, il vaut aussi le détour pour ses spécialités, dont l’une fait cohabiter, entre autres, le thé, l’orange et le gingembre. Dans les parages, les bons restaurants ne manquent pas : L’Arbalète (très apprécié, cuisine française de haut niveau), L’Aquarelle (à l’hôtel Victory Palace), Chez Denise (où l’on mange en écoutant les musiciens : piano, saxo…), Le Pacha (le top des spécialités libanaises) ou Le Kactus (cuisine JEUNE AFRIQUE
éclectique)… Autant d’établissements de styles différents où, ville côtière oblige, poissons et fruits de mer font la loi sur les cartes et menus. La lecture aussi a pignon sur le boulevard du Général-de-Gaulle, avec l’incontournable Librairie Paillet, une affaire familiale fondée il y a cinquante-huit ans par un Français. On y trouve toute la presse nationale et internationale (avec une particularité: d’anciens, voire de très anciens numéros de journaux y sont toujours en vente), ainsi que des livres, bien entendu, dont beaucoup écrits par des Congolais et sur le Congo. Sur l’avenue Fayette-Tchitembo, parallèle au boulevard du Général-de-Gaulle, une extension du marché du Plateau permet aux artisansde vendre leurproduction et quelques « souvenirs ».
CÔTE MONDAINE. Une perpendiculaire vous mènera sur la Côte Mondaine, dans le domaine portuaire, avec son Village des artisans et artistes, parmi lesquels quelques plasticiens de renom (lire pp. 102-103), qui exposent et vendent leurs œuvres avec la peur au ventre d’être « déguerpis » un jour ou l’autre. À côté, le Village des voiliers, le Club nautique et – encore! – un restaurant valant le détour, le Derrick (qui, comme son nom le laisse subodorer, appartient à Total). Enfin, impossible de ne pas s’enivrer dans la foule du Grand Marché, juste en sortant du centre-ville, après le rond-point Lumumba (rebaptisé l’an dernier place de la République). Ce rond-point marque le passage de la « ville européenne » à la « cité africaine » – à Pointe-Noire, « on va en ville » et « on rentre à la cité ». ● ● ●
Ü Rencontre avec les créateurs locaux au VILLAGE DES ARTISANS ET ARTISTES.
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
de rejoindre les surfeurs qui slaloment au loin, au milieu des vagues, le propriétaire de La Pyramide a un club, qui compte une soixantaine d’adeptes (dont quinze Congolais). Il peut vous initier.
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Le Plus de J.A. Pointe-Noire Comme tous ceux du continent, le Grand Marché de Pointe-Noire est plein d’animation. Au gré de ses étals qui, parfois, montent jusqu’au ciel, on trouve de tout, du plus authentique à la contrefaçon – comme ces portables dont la garantie dure… sept jours –, et autant de commerçants payant des taxes à la municipalité que de vendeurs passés maîtres en pratiques informelles. On y marchande, on se hèle, on rit aux éclats, on se dispute violemment pour un oui ou pour un non, sans jamais en venir aux mains. ●●●
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
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BONNES NUITS. Quand, avec le soir puis
la nuit, vient l’envie de musique et de danse, pas de problème. Bars, clubs et discothèques pullulent sur le boulevard du Général-de-Gaulle et dans les rues avoisinantes du centre-ville. Les boîtes les plus courues ont pour doux noms le Bling Bling – dont la clientèle est généralement tirée à quatre épingles –, le Blue Night, le Master, le MB ou encore le Vénus. Côté pianos-bars, La Sanza tient actuellement
Le soir, cap sur les nombreux PIANOS-BARS, CLUBS ET DISCOTHÈQUES.
le haut du pavé, avec un orchestre jouant en live tous les soirs (sauf le dimanche) et dont la chanteuse vedette n’est autre que la maîtresse des lieux, Elsa Fila. Ouvert en décembre 2011, non loin de l’« école française » (le lycée français Charlemagne),
un autre piano-bar, l’Iguane Café, accueille aussi des orchestres, dont Le 360°, formé par des employés de Total. De quoi passer, sinon de bonnes nuits, en tout cas de bien douces soirées. ● TSHITENGE LUBABU M.K.
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Identités plurielles
LE 178 DE LA RUE MOE-MAKOSSO EST RÉPUTÉ. On y sert quelque 500 plats chaque jour, sur place ou à emporter. SPÉCIALITÉS LOCALES
Marie vous attend chez Gaspard Ce temple de la cuisine congolaise en général et ponténégrine en particulier est l’un des restaurants les plus appréciés de la cité. Un succès qui doit beaucoup à son énergique patronne.
S
i vous demandez à un Ponténégrin de vous indiquer le 178, rue Moe-Makosso, la réponse ne sera pas immédiate. Si vous précisez que c’est l’adresse de Chez Gaspard, elle fusera. Non loin du marché, au cœur du quartier populaire de la « cité africaine », dans le 1er arrondissement de Pointe-Noire, la rue MoeMakosso est une artère vivante, bruyante et commerçante, dont le restaurant est l’un des poumons. Chez Gaspard, c’est d’abord un visage, celui de sa patronne, Marie Moussounda, pleine d’énergie, qui fête ses 65 printemps en ce mois de mai. Le nom du restaurant est un hommage à son père, originaire du Dahomey (l’actuel Bénin), qui épousa une jeune Congolaise, sa mère. Gaspard était commerçant et tenait boutique à l’endroit même où sa fille a ouvert l’établissement. Dans les années 1970, Mar ie Moussounda était caissière et cuisinière JEUNE AFRIQUE
La restauratrice apprend à améliorer la qualité des plats, à les varier. Le succès ne tarde pas à venir. Et depuis plus de trente ans, il ne faiblit pas. Le secret de Marie Moussounda ? « Je cuisine bien. L’accueil est chaleureux et convivial. Les plats ne sont pas chers par rapport à la concurrence », répond-elle. Grillades de bœuf, brochettes de poisson, carpes, épinards, caviar de concombres, bananes frites… Des poissons aux légumes, les produits frais sont achetés chaque jour et ne sont pas congelés – l’une des raisons pour lesquelles le restaurant est devenu un incontournable de la cuisine congolaise. D’autant que les portions servies sont gargantuesques, pour des prix à la portée de toutes les bourses : 3 000 à 6 000 F CFA. PETITS PLATS. En accord avec les auto-
rités municipales, Marie Moussounda a aménagé le trottoir qu’elle occupe. Dans la journée, le restaurant, qui comprend aussi deux salles climatisées, ouvre de 9 h 30 à 15 h 30. Le soir venu, de 19 h 30 à 23h 30, des dizaines de clients, Congolais comme étrangers, s’installent, les uns en terrasse, les autres à l’intérieur, pour faire honneur à ses petits plats. « Les Blancs et les Chinois adorent particulièrement le saka saka [feuilles de manioc, NDLR] », confie Marie avec un sourire. Elle emploie aujourd’hui 42 personnes qui travaillent en rotation. Entre la consommation sur place et les ventes à emporter, l’établissement sert quotidiennement quelque 500 plats. Sans compter les commandes pour des cérémonies officielles ou privées. Chez Gaspard, c’est aussi un bar tenu par Gaspard Mboungou, le grand frère de Marie Moussounda. Ancien agent du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), il a négocié son départ de la compagnie
dans un hôtel de la place. Puis, un jour, c’est la faillite. La jeune femme reçoit une somme d’argent assez conséquente pour solde de tout compte. Lors d’un voyage au Zaïre (l’actuelle RD Congo), elle est frappée par le dynamisme de Kinoises qui tiennent des nganda où l’on peut manger à sa faim. De retour à PointeNoire, elle décide de suivre leur exemple et, en 1978, elle Les portions servies sont se lance dans la restauration. gargantuesques, et les prix à la Au départ, c’est juste un petit emplacement sur le trottoir, portée de toutes les bourses. où elle pose un barbecue et fait des grillades à 300 F CFA (0,45 euro) ferroviaire après le décès de leur père pièce. Très vite, Marie Moussounda afin de s’occuper des affaires familiales. trouve sa clientèle. Grâce à sa nouvelle Par ailleurs fermier, Gaspard Mboungou activité et à ses économies, qu’elle a fait approvisionne sa sœur en produits divers fructifier notamment en vendant des et variés, notamment en carpes de son pagnes et en participant à une tontine, élevage. Son bar, temple de la danse, elle achète une parcelle juste à côté de est plein tous les jours, et, le week-end, la maison familiale pour avoir un « vrai sa fréquentation atteint des sommets. ● établissement ». TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Congo Terminal confirme l’achèvement des travaux de sa première phase d’investissements trois ans seulement après le démarrage de sa concession. En 2008, la République du Congo adjugeait la concession du terminal à conteneurs de Pointe-Noire au consortium emmené par le groupe Bolloré. Dès le démarrage de la concession, le 1er juillet 2009, Congo Terminal lançait la première phase de son plan de modernisation du terminal à conteneurs comprenant la construction d’un nouveau quai de 270 m, profond de 15 mètres, susceptible d’accueillir des navires de 7 000 conteneurs.
UN NOUVEAU QUAI DE 270 M EN EAU PROFONDE À POINTE-NOIRE ENJUILLET 2012
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PUBLI-INFORMATION
n trois ans, Congo Terminal a porté ses effectifs de 200 à plus de 600 travailleurs congolais. Les collaborateurs de Congo Terminal ont été formés aux exigences de qualité de service et de la manutention moderne. En outre, dès le démarrage de la concession, un parc d’équipements de manutention modernes comprenant notamment trois grues mobiles de 100 tonnes fut acquis simultanément à la mise en service d’un système informatique assurant le suivi en temps réel de la position des conteneurs. Congo Terminal a ainsi très rapidement amélioré les performances et la qualité de service rendu aux armateurs. Résultat immédiat : le nombre de conteneurs transitant par Pointe-Noire a doublé, passant de 250 000 EVP (conteneurs équivalent vingt pieds) à 450 000 aujourd’hui.
Congo Terminal est ainsi devenu une plateforme multimodale moderne intégrant un parc à conteneurs étendu à 30 hectares, une base logistique connectée au réseau ferroviaire, un atelier dans lequel est assuré l’entretien permanent des équipements de manutention, un parc pour les conteneurs frigorifiques, sans oublier le système de sécurité et de contrôle d’accès compatibles avec les toutes dernières exigences en matière de sécurité portuaire. Enfin, deux portiques de quai alimentés en électricité par une centrale électrique construite par le terminal et quatre portiques de parc (RTG) seront opérationnels en fin d’année et compléteront cette première phase faisant de Pointe-Noire le port le mieux équipé d’Afrique Centrale.
Le montant du plan d’investissements et de modernisation du port est supérieur à
450 milliards de F CFA
Dès 2013, le quai en eau profonde sera prolongé de 270 à 800 mètres et le terre-plein gagné sur la mer portera la surface du terminal à 38 hectares. Pour faire face à la forte croissance attendue de son activité, Congo Terminal renforcera progressivement son parc d’équipements jusqu’à 8 portiques de quai et 20 portiques de parc. La modernisation de Congo Terminal, un investissement structurant de près de 400 milliards de F CFA, a en effet pour objectif de faire de Pointe-Noire la principale porte d’entrée pour le bassin du fleuve Congo, une région de près de 100 millions d’habitants. Congo Terminal deviendra rapidement la plateforme portuaire privilégiée pour les navires de forte capacité en provenance directe d’Asie et d’Europe et transportant des conteneurs en transbordement pour Matadi en RDC, Luanda en Angola, ou en transit
vers les grandes villes de RDC, de Kinshasa jusqu’à Kisangani. Ainsi, le développement de Congo Terminal ne crée pas seulement un millier d’emplois directs et plusieurs dizaines de milliers d’emplois indirects à l’horizon 2018, il contribue aussi à la relance en cours du corridor terrestre et ferroviaire Pointe-Noire – Brazzaville. Celui-ci est un atout majeur pour le développement de la République du Congo et une excellente opportunité pour diversifier son économie.
CONGO TERMINAL Terminal à conteneurs (enceinte portuaire) B.P. 855 Pointe-Noire
Tél. : +242 05 775 00 00 E-mail : contactct@congo-terminal.com www.congo-terminal.net
DR
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LE PETIT ALAIN (à dr.) en 1976 au Studio photo Vicky, qui appartenait à l’un de ses oncles. FLASH-BACK
Ballade d’un enfant de la Côte Sauvage Dans Demain j’aurai vingt ans, Alain Mabanckou racontait une jeunesse ponténégrine. La sienne. Pour les quatre-vingt-dix ans de la cité océane, l’écrivain franco-congolais nous livre un petit supplément de souvenirs et son point de vue sur Ponton-la-Belle version 2012.
L
a ville de Pointe-Noire, capitale économique du Congo, jouit d’une réputation qu’on pourrait mesurer par les appellations que les Ponténégrins eux-mêmes lui donnent : « Ponton-la-Belle », « Pontonsur-Mer ». Sa beauté se mesurait par sa verdure, son centre-ville à l’architecture mêlant la modernité à la tradition avec, notamment, la célèbre gare du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO). Mais il y avait surtout son calme et sa tranquillité N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
– la ville a en effet toujours échappé aux différentes guerres civiles du pays. L’océan Atlantique lui assure une place de choix en Afrique centrale : « villemonde », Pointe-Noire, avec l’un des ports maritimes les plus importants du continent, est un axe de communication profitant à plusieurs pays voisins n’ayant pas accès à la mer… J’ai grandi dans le quartier Tié-Tié, où l’un de mes oncles, tonton Vicky, possédait le fameux bar Joli Soir, situé
non loin de l’avenue de l’Indépendance. Si, chaque soir, ce lieu d’ambiance était plein à craquer, il y avait autant de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur. Mon oncle avait installé des lampadaires et des baffles dehors, de sorte qu’il n’était pas surprenant de voir des couples danser devant l’établissement ou des passants s’arrêter un moment, se joindre à la liesse générale avant de poursuivre leur chemin. La musique de Franco Luambo Makiadi, de Youlou Mabiala, JEUNE AFRIQUE
Identités plurielles Tchinouka. Nous étions qu’à Brazzaville, c’est le fleuve convaincus que le monde Congo qui dictait sa loi, avec s’arrêtait à l’horizon et que le commerce au Beach. Les notre ville en était la plus Ponténégrins, eux, étaient importante. Et nous marau carrefour du monde. Ils chions, nous marchions voyaient arriver les navires encore jusqu’à atteindre les provenant des contrées loinrives de ce cours d’eau. taines. Ils attendaient au port maritime les pêcheurs béniCe sont tous ces souvenirs nois qui bravaient les vagues qui ont été à l’origine de mon pour ramener des poissons roman Demain j’aurai vingt que se disputaient par la ans, dans lequel mon alter Demain j’aurai vingt ans, suite les petits commerçants, ego, Michel, un garçon d’une d’Alain Mabanckou, parfois en s’échangeant des dizaine d’années, conte à Gallimard (août 2010), noms d’oiseaux. sa manière son quotidien 384 pages, 21 euros, Enfants, nous voyions les dans cette capitale éconoou coll. « Folio » (mars adultes se lever de bonne mique. Si le regard que je 2012), 416 pages, 6,95 euros portais sur Pointe-Noire heure, s’orienter vers ce port était rivé sur une certaine afin de proposer leurs serphotographie, marquée par le sceau vices. Le travail était donné à ceux qui de la nostalgie – je n’avais plus mis les se levaient le plus tôt. Pointe-Noire était alors l’une des agglomépieds dans cette cité depuis plus de deux rations symbolisant l’éveil décennies –, la réalité de ces dernières Nous parlions principalement d’une Afrique qui espérait années montre désormais une ville qui en le munukutuba. Les Brazzavillois, retrouver son autonomie appelle à la conscience de ses habitants, eux, s’exprimaient en lingala. en embrassant l’idéologie de ses visiteurs et, surtout, à l’action de communiste. la municipalité. laire kaki, à la mode soviétique, avec La ville était toutefois encore divisée une écharpe rouge vif. Je réentends la en deux parties, entre les quartiers popuFAVELAS. L’urbanisation sauvage et clameur des rues, le bruit des tuyaux laires (Tié-Tié, Fouks, Rex, Roy, Quartier l’occupation de l’espace à l’horizontale d’échappement des autobus épuisés par Trois-Cents, Voungou, Matende, etc.) et la défigurent progressivement au point des trajets sinueux d’un bout à l’autre de le centre-ville, lieu de l’activité éconoque, dans beaucoup de nouveaux quarla ville. Je n’oublie pas les petits comtiers, les habitations ressemblent à des mique, habité principalement par les merçants des rues principales ou des favelas. Certaines artères goudronnées Européens et les Ponténégrins les plus marchés à la sauvette, et surtout pas nantis. Quand on était à « la cité », pour se de l’époque sont dans un état tel que les les Africains de l’Ouest qui tenaient le rendre au centre-ville – nous disions : « je automobilistes doivent davantage se précommerce dans les quartiers populaires. vais en ville » –, on devait bien s’habiller. occuper des trous que de la sécurité des On empruntait un bus « fula-fula » dans piétons. À cela s’ajoutent l’éternelle épine AU CARREFOUR DU MONDE. Au fond, un quartier populaire, puis on longeait de l’évacuation des eaux de pluie, les je suis demeuré un enfant de Pointel’avenue de l’Indépendance qui coupait rivières sur lesquelles flottent les ordures Noire, un enfant de la Côte Sauvage. Des la ville en deux. On ne pouvait rater cette ménagères, les rejets causés par l’activité appellations qui étaient notre manière foule le long de l’avenue. Ici, une femme des compagnies pétrolières et qui, à la d’afficher notre appartenance à une portait un sac de riz sur la tête avec son longue, encrassent le sable de la Côte certaine culture, celle qui se distinguait bébé dans le dos pour gagner le Grand Sauvage, dénaturent le visage de cette nettement des mœurs de Brazzaville, la Marché. Là, un chauffeur était aidé par cité, au point que certains s’amusent à capitale politique. des gamins pour pousser son véhicule la qualifier de « Ponton-la-Poubelle ». Nous parlions principalement le munuqui venait de tomber en panne en plein Mais je sais que Pointe-Noire est une kutuba, alors que les Brazzavillois s’excarrefour. Un peu plus loin, une bagarre ville qui a toujours cultivé l’enthousiasme primaient en lingala. Par ailleurs, dans attirait une foule en délire… et, de ce fait, Ponton-la-Belle méritera notre ville, la vie était « orientée » par les Je me revois à cette époque où, les plus que jamais ce surnom… ● humeurs de l’océan Atlantique, tandis pieds nus, nous allions vers la rivière ALAIN MABANCKOU des Bantous de la Capitale ou de Pamelo Mounk’a résonnait toute la nuit, et les « ambianceurs » ne quittaient les lieux qu’avec les premières lueurs de l’aube. Je les voyais se soulager contre les façades alentour et tenir à peine debout sous l’effet de l’alcool. Tonton Vicky était également le propriétaire du Studio photo Vicky, qui donnait sur l’avenue de l’Indépendance. Je voyais arriver les adultes, tirés à quatre épingles, avec des pantalons à pattes d’éléphant, des chemises aux couleurs vives. Ils prenaient des poses ridicules devant des décors qui auraient pu être ceux de Jean Depara, le célèbre photographe de la République démocratique du Congo. Ces images en noir et blanc sont celles de mon enfance, celles des années 1970 et 1980. Je revois encore la tenue sco-
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Identités plurielles FIGURES PONTÉNÉGRINES
Rien ne les arrête!
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
Engagés en politique ou dans la vie associative, tous passionnés par l’humain, ils ont fait et font encore bouger leur ville, et le Congo. Portraits de femmes et d’hommes d’action aussi résolus que dévoués à leurs causes.
Micheline Potignon Ngondo Députée des petits
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ère de quatre enfants et diplô400 élèves, dont des enfants malentenmée en hôtellerie, Micheline dants ou handicapés moteurs). En 2002, Potignon Ngondo jonglait cet engagement la pousse à se présenter en tant que candidate indépendante aux encore entre la gestion de deux hôtels législatives. Contre toute attente, elle est à Pointe-Noire (trois désormais) et une vie associative très active il y a dix ans. Elle a porté un projet de loi sur Engagée aux côtés des la protection de l’enfant au enfants déshérités, elle est Congo, qui a été adopté en 2010. cofondatrice de l’association Espace enfants (orphelins ou marginalisés), et elle préside élue avec plus de 60 % des suffrages. Elle l’Association Ngondo pour la lutte contre est réélue haut la main en 2007. la pauvreté (ANLCP) et L’Arche de Noé Unique femme députée du départe(centre préscolaire accueillant près de ment de Pointe-Noire, elle a travaillé JEUNE AFRIQUE
d’arrache-pied, dès son premier mandat, pour déposer un projet de loi sur la protection de l’enfant. La loi Potignon a été adoptée en 2010. Loin de s’arrêter là, Micheline Potignon Ngondo, 67 ans, se prépare à déposer un nouveau projet sur le bureau de l’Assemblée nationale, relatif à la protection et au droit des veuves (notamment en matière d’héritage), au cœur de nombreux drames dans les familles congolaises. Encore faut-il qu’elle soit élue pour un troisième mandat lors des législatives prévues cette année. ● TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Le Plus de J.A. Pointe-Noire
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François Tchichellé Tchivéla L’âme vilie de la ville
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ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
édecin militaire à la retraite avec le grade de colonel, écrivain, auteur-compositeur et mécène, Tchichellé Tchivéla est l’une des figures les plus emblématiques de Pointe-Noire. Son père, Stéphane Tchichellé, agent au Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), a participé à la construction de la voie ferrée avant de s’engager en politique. Il sera le premier maire élu de Pointe-Noire, en 1956, avant d’être nommé ministre dans les tout premiers gouvernements du pays. Avec une telle ascendance, Tchichellé Tchivéla aurait pu entreprendre une carrière politique. Il a préféré la médecine. Après ses études secondaires au lycée Victor-Augagneur de Pointe-Noire, il a été formé à la faculté de Bordeaux, où il s’est spécialisé en pédiatrie. Toutefois, il a été ministre du Tourisme et de l’Environnement (1992-1995) sous Pascal Lissouba. Préfet du Kouilou pendant la guerre civile qui éclata en 1997, Tchichellé Tchivéla fera en sorte que le conflit ne touche pas la ville océane. Homme cultivé et doté d’une grande curiosité intellectuelle, Tchichellé Tchivéla est très attaché à l’héritage culturel vili, qu’il essaie par tous les moyens de perpétuer. C’est aussi un passionné de littérature et de musique. Écrivain, il a publié Longue est la nuit (nouvelles, Hatier, 1986), L’Exil ou la Tombe (nouvelles, Présence africaine, 1986) et Les Fleurs des Lantanas (roman, Présence africaine, 1997). Côté musique, il écrit des textes, compose et, en infatigable mécène, aide les chanteurs et musiciens ponténégrins à exister, au quotidien et sur scène. ● T.L.M.K.
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
Célestine Bagniakana Une dame de cœur
A
près des études de secrétariat à Neuilly, en France, Célestine Bagniakana est recrutée en tant que secrétaire de direction chez DelmasVieljeux, qui deviendra plus tard le groupe Bolloré, dans le 8e arrondissement de Paris. À son retour au Congo, elle en N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
devient l’assistante de direction générale à Pointe-Noire. En 1994, parallèlement à son activité professionnelle, elle crée Halte Sida, une association de prévention et de lutte contre le sida. Soutenue par certaines des plus importantes entreprises de Pointe-Noire et par
des particuliers (congolais et expatriés), Célestine Bagniakana centre son action sur les orphelins qui, après avoir perdu leurs parents à cause de cette maladie, sont recueillis par des membres de leur famille démunis et incapables d’assurer leur avenir. Dans sa démarche, elle met surtout l’accent sur la formation de ces jeunes, dont certains sont pris en charge par des parrains se trouvant à l’étranger, notamment en France. Aujourd’hui, Célestine Bagniakana continue d’accompagner un millier d’enfants et se montre fière de la réussite de « ses » orphelins. Beaucoup de bacheliers, une juriste, un gendarme… et bien d’autres qui, après l’apprentissage d’un métier, ont trouvé un emploi. Pour compléter son action, elle a entrepris la construction, à Pointe-Noire, d’un orphelinat baptisé Cœur céleste. Mais cette quinquagénaire dynamique a une autre passion : la musique, plus particulièrement le gospel. Elle a ainsi monté un groupe composé de neuf filles, Les Célestes Gospel, qui enchante les Ponténégrins. ● T.L.M.K. JEUNE AFRIQUE
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Paul Tchignoumba Ex-international du PCT
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
T.L.M.K.
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
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édansle2e arrondissementdePointeNoire, Mvou-Mvou (qui porte le nom de son clan), Paul Tchignoumba a achevé ses études secondaires au lycée d’État de Brazzaville avant d’obtenir, en 1982, un diplôme de troisième cycle du Centre d’études du commerce extérieur-Centre supérieur des transports internationaux (CECE-CSTI) de Marseille (France). Contrôleur de gestion de la Congolaise de raffinage (Coraf) à Pointe-Noire de 1998 à 2002 et conseiller à la présidence de la République (aux affaires internationales), Paul Tchignoumba a été l’unique élu du Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) dans sa ville natale lors des législatives de 2002. Il est par ailleurs le neveu de feu Jean-Pierre Thystère-Tchicaya, qui fut maire de PointeNoire de 1994 à 1997 et président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007. Responsable de la section internationale du PCT de 1998 à 2005, Paul Tchignoumba a aussi été viceprésident d’Agir pour le Congo, association politique soutenant Denis Sassou Nguesso, qui a fini par rejoindre le PCT l’an dernier. À 57 ans, élu conseiller municipal et départemental de Pointe-Noire en 2008 sous l’étiquette de la majorité présidentielle et désormais membre du comité central du PCT, l’ancien député préside aux destinées de l’association Léo Lagrange Congo, proche du Parti socialiste français. Paul Tchignoumba est aussi connu des Ponténégrins en tant que président de l’ensemble Lelu Lelu, spécialisé dans la musique traditionnelle de l’ancien royaume de Loango, et, depuis l’an dernier, du club de football de l’AS Cheminot, l’un des fleurons sportifs de la cité océane. ●
Mambou Aimée Gnali Mémoire vive
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ans son pays, elle a la réputation d’être une « grande gueule ». En tout cas, elle n’a pas sa langue dans sa poche. « Cela fait partie de mon éducation. Mon père me disait toujours de ne jamais me taire quand je ne suis pas d’accord. » Quelque soixante-dix ans plus tard, Mambou Aimée Gnali garde « le courage de toujours dire la vérité » et une vivacité extraordinaire. Extraordinaire, son parcours l’est également. Née à Brazzaville, elle se retrouve à l’âge de 3 ans à Nkayi (dans le département de la Bouenza), où son père a été muté, et commence les classes primaires à Pointe-Noire. Elle a 12 ans lorsque son père l’envoie poursuivre ses études en France, d’où elle rentre en 1952 après le décès de sa sœur. Élève au lycée Savorgnan-de-Brazza de Brazzaville, elle sera la première bachelière de l’Afrique-Équatoriale française. De quoi obtenir une bourse d’études qui lui permet de s’inscrire à la Sorbonne, à Paris, où elle décroche une licence de lettres modernes et milite à la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (Feanf ).
De retour au Congo en 1963, Mambou Aimée Gnali enseigne le français au lycée Victor-Augagneur de Pointe-Noire, puis à l’École normale supérieure d’Afrique centrale, à Brazzaville, avant de s’envoler parfaire sa formation aux États-Unis. Devenue directrice générale de l’enseignement, la jeune femme quitte à nouveau le Congo en 1971 pour une carrière internationale à l’Unesco, dont sept ans à Paris et treize à Dakar. Au début des années 1990, elle prend une retraite anticipée et participe à la Conférence nationale. En 1992, elle est élue conseillère municipale à Pointe-Noire sur la liste de JeanPierre Thystère-Tchicaya, dont elle devient la première adjointe en 1995. Nommée ministre de la Culture et des Artsen1997,elledémissionneen2002. Aujourd’hui, elle enseigne la communication à l’École supérieure de technologie du littoral, à Pointe-Noire. Secrétaire générale et porte-parole du Parti pour l’alternance démocratique (PAD, opposition), Mambou Aimée Gnali a écrit Beto na beto : le poids de la tribu, récit autobiographique paru chez Gallimard en 2001. ● T.L.M.K. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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ENJEUX MARITIMES
Le vent en poupe
VINCENT FOURNIER/J.A.
Principale porte d’entrée du bassin du Congo, le Port autonome de Pointe-Noire renforce ses positions. Premiers résultats du plan de modernisation, le trafic augmente, les cadences aussi.
A
près deux décennies moroses, le Port autonome de Pointe-Noire (PAPN) recouvre la santé à la faveur d’une cure de modernisation. Tout a changé depuis que ses dirigeants ont décidé de lui conférer une véritable autonomie (l’État congolais n’ayant désormais qu’une représentation limitée au conseil d’administration du port, deuxième entreprise du pays) en s’appuyant sur une redynamisation du partenariat entre le secteur public et les entrepreneurs privés. Une stratégie qui a redonné confiance aux bailleurs et permis de réaliser certains investissements majeurs que l’État n’avait pas les moyens d’assurer. PROFOND. C’est en décembre 2008
que cette renaissance a commencé, lorsque le PAPN a concédé son terminal à conteneurs – baptisé depuis Congo Terminal – à un consortium composé de Bolloré Africa Logistics (BAL), Socotrans, Samariti et Translo. Le contrat implique des investissements à hauteur de 374 milliards de F CFA (environ 570 millions d’euros) d’ici à 2036 de la part de BAL et de ses partenaires N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Les travaux se poursuivent cette année, avec pour priorité la livraison du quai G. Lorsqu’ils seront achevés, Congo Terminal disposera de 38 ha de terre-pleins (contre 17 ha auparavant) et de 1 500 m de quai, dont 800 m qui lui permettront d’accueillir les navires à très fort tirant d’eau (15 m, contre 13,2 m actuellement), qui ne peuvent accoster dans les ports de Douala (Cameroun), Luanda (Angola) et Matadi (RD Congo), concurrents régionaux de Pointe-Noire. D’ores et déjà, les aménagements ont permis de porter le trafic de conteneurs à 460 000 unités EVP en 2011, contre 50 000 en 2000. Dès 2015, le PAPN pourra traiter près de 650 000 conteneurs par an et, à terme, plus de 1 million. De l’avis général, depuis que le PAPN s’est engagé sur la voie de la modernisation, les choses se sont beaucoup améð Après liorées pour les entreles travaux, des navires prises opérant dans de 15 m de la zone portuaire. tirant d’eau Y travaillant depuis pourront vingt ans, Alphonse accoster, Obambi-Itoua, le CONTRE 13,2 M AUJOURD’HUI. directeur général de Translo (une branche du groupe Sapro spécialisée dans le transport, le transit, la logistique et la location) et président de la Fédération transport et transit de l’Union patronale et interprofessionnelle du Congo (Unicongo), constate que « ce n’est plus le même port. Il y a de nouveaux quais, de nouveaux magasins, de nouvelles voies d’accès ». Grâce aux améliorations en matière de logistique, le PAPN est aussi bien plus compétitif en matière de traçabilité des conteneurs et de rapidité dans la manu-
privés. Ces sommes s’intègrent dans un Programme d’investissements prioritaires (PIP), dont les 80 milliards de F CFA restants sont pris en charge par le PAPN, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, l’Agence française de développement et la Banque européenne d’investissement. L’objectif est de renforcer la position de Pointe-Noire en tant que principale porte d’entrée du bassin du Congo et première plateforme du trafic de transbordement vers les pays d’Afrique centrale. Alors qu’il est déjà le port le plus profond de Beaucoup reste à faire, notamment la région, le PAPN pourra, harmoniser les rapports entre grâce aux travaux, accueillir les navires de nouvelle opérateurs, douanes et autorités. génération, capables de transporter plus de 7 000 conteneurs tention. « Nous avons été mandatés pour équivalent vingt pieds (EVP, unité repréconcevoir une zone appelée gare de sentant environ 38,5 m 3). Il s’attelle fret, qui a démarré ses activités en janparallèlement à développer les activités vier 2011, explique Obambi-Itoua. Elle de feedering, c’est-à-dire de transborpermet de dépoter et d’entreposer les dement des marchandises entre les conteneurs dans un même espace, afin grands navires de ligne et des bateaux d’éviter l’éparpillement. Nous gérons de plus petite taille, puis d’acheminecette activité avec Congo Terminal. » ment vers des ports moins profonds et Un seul manutentionnaire portuaire, moins bien équipés, que les armateurs un seul interlocuteur, dans un espace ne desservent pas en ligne directe. unique : cette organisation a permis JEUNE AFRIQUE
Identités plurielles d’améliorer les cadences de chargefrictions, mais les rapports entre l’admiexiste sur le papier, mais, dans la prament, de déchargement et de livrainistration du port et les opérateurs sont tique, chacun travaille dans son coin son. Dans la nouvelle configuration, les au beau fixe et nous sommes engagés sans toujours se coordonner avec les dans un processus irréversible dont la cadences de manutention atteignent autres ». Une critique que Jean-Jacques finalité est la facilitation du travail de 25 à 27 conteneurs par heure, contre Mombo, directeur divisionnaire chargé des études des travaux du PAPN, tient tout le monde. » 7 à 8 en 2009, grâce à l’acquisition de à relativiser : « Il peut y avoir quelques Dans le cadre du programme de grues Gottwald. modernisation, le chantier du Monopole de fait ? « Non, Trafic annuel de conteneurs nouveau siège du port a comrétorque Alphonse ObambiEn unités équivalent vingt pieds (EVP, soit environ 38,5 m3) Itoua. C’est tout simplement une mencé fin décembre. Il permetrépartition du travail en termes tra de réunir dans un même 50 000 2000 immeuble tous les services de spécialisation. Ce sont des portuaires. Constitué d’une expériences tentées ailleurs et tour de 65 m de haut (compqui ont fait leurs preuves. » 460 000 2011 tant 16 niveaux) et d’une aile de plain-pied dotée d’une salle COORDINATION. Malgré les de conférences de 1 000 places, progrès considérables réalisés 500 000 2012* le bâtiment à l’architecture en trois ans et demi, le port est loin d’avoir achevé sa mutation. futuriste évoque un voilier de Notamment en ce qui concerne verre. Financé par l’État pour un 647 000 2015* l’harmonisation des rapports coût de plus de 17 milliards de F CFA, le chantier a été confié entre les différents acteurs : à la China Geo-Engineering les douanes, la marine mar1 000 000 2036* chande, l’autorité portuaire. Corporation. L’ouvrage doit être Selon Alphonse Obambi-Itoua, livré en décembre 2013. ● * Prévisions SOURCE : PAPN TSHITENGE LUBABU M.K. « la communauté portuaire
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TRANSPORTS
LA GARE DU CFCO, seule voie terrestre reliant les capitales politique et économique.
En première ligne
La ville a été créée pour être le point de départ et d’arrivée, sur le golfe de Guinée, du réseau de communication du pays et de ses voisins enclavés. Qu’en est-il aujourd’hui ?
P
ointe-Noire redeviendra-t-elle le pôle d’intégration régionale qu’elle fut par le passé en matière de transport ? Les divers projets engagés dans la ville et dans le reste du pays le laissent penser, à commencer par la réhabilitation et l’extension du parc à conteneurs du port en eau profonde (lire pp. 78-79), dont les travaux sont en cours. Toute la chaîne des transports est à remettre en état et à renforcer pour faciliter les échanges non seulement avec l’hinterland (notamment Brazzaville), mais aussi avec les pays voisins. NATIONALE 1. Dans le domaine routier,
le désenclavement de Pointe-Noire se dessine depuis l’ouverture à la circulation en décembre dernier du premier tronçon de la RN1 jusqu’à Dolisie (190 km), réalisé par China National Machinery and Equipment Import and Export Corporation (CMEC). Il sera total en 2013, lorsque le tronçon Dolisie-Brazzaville (300 km), dont les travaux sont engagés depuis fin 2011, sera achevé. Les autres chantiers routiers en cours dans le pays vont aussi contribuer à fluidifier et accroître le trafic entre N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Pointe-Noire et le reste du Congo. Le plan national des transports, dont l’architecture devrait être en place d’ici à 2015, prévoit en effet de « relier le sud et le nord du pays par deux grands axes, l’un situé dans l’Est et l’autre dans l’Ouest. De part et d’autre, des transversales feront la jonction avec les pays voisins, en particulier le Gabon et le Cameroun », explique Michel Niama, conseiller du ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire. CONGO-OCÉAN. La réhabilitation
des 510 km de rail du Chemin de fer
Congo-Océan (CFCO), seule voie terrestre reliant Pointe-Noire à Brazzaville pour le moment, donnera un nouveau souffle à la capitale économique. Le chantier avance à petits pas, certes, mais il est en cours. Depuis 2007, l’État a investi 40 milliards de F CFA (61 millions d’euros) pour la réhabilitation et la modernisation des infrastructures et des équipements du CFCO, lequel prévoit d’assurer cette année le transport de plus de 1,6 million de tonnes de marchandises et de 1,3 million de voyageurs.
La construction du pont route-rail entre Brazzaville et Kinshasa élargira l’hinterland du Congo. Autre bonne nouvelle pour PointeNoire, la connexion du Congo avec la RD Congo voisine est en passe de se concrétiser. Elle passera par la construction d’un pont sur le fleuve Congo, en aval des deux capitales, Brazzaville et Kinshasa, à environ 30 km au sud de l’île du Diable. Assuré par la Banque africaine de développement (BAD), le financement de l’ouvrage est bouclé. Côté brazzavillois, le pont sera relié à la RN1. Un port sec de 1 000 à 2 000 ha sera en outre construit à l’intersection de la RN1 et du CFCO afin de stocker les marchandises. Une fois mis en place, ce réseau intermodal devrait rendre à Pointe-Noire son statut de plaque tournante régionale et au pays sa vocation de transit. Avec une nouveauté de taille, le pont entre Brazzaville et Kinshasa, qui élargit l’hinterland du Congo tout en le déplaçant vers le sud. Une première. ● MURIEL DEVEY
NOUVEAU TERMINAL POUR L’AÉROPORT AVEC UNTRAFIC passé de 400 000 passagers en 2003 à 800 000 en 2011, le terminal de l’aéroport international António-Agostinho-Neto de Pointe-Noire, géré par Aerco, est devenu trop petit. D’où la décision de construire un deuxième module pour faire face à l’augmentation du trafic. Placée côté ville, cette seconde aérogare consacrée aux vols internationaux sera constituée d’un bâtiment de trois niveaux et disposera notamment de deux passerelles télescopiques. Le projet, piloté par la Délégation générale des grands travaux (DGGT), inclut également la construction d’une centrale électrique, d’un abri à matériels de piste et d’une base « eau », avec une salle de pompe. Confiés à la société China Jiangsu International Group et financés par l’État congolais, les travaux, dont le coût s’élève à environ 35 milliards de F CFA (plus de 53 millions d’euros), vont durer deux ans. ● M.D. JEUNE AFRIQUE
BGFIBank,
leader sur le marché congolais BGFIBank compte bien conserver sa place par l’amélioration permanente de la qualité de son service. Un centre d’affaires dédié aux Grandes Entreprises va ainsi ouvrir ses portes à Pointe-Noire tandis que le réseau d’agences à destination des particuliers et des PME continue de s’étoffer.
C
réée en 1971 au Gabon, s’est installée le 3 Avril 2000 à Brazzaville, en République du Congo, sous la forme d’une succursale qui deviendra quatre ans plus tard une filiale à part entière. C’est le 18 janvier 2001 qu’une agence bancaire sera ouverte à Pointe-Noire, capitale économique du pays. Première filiale inter nationale du Groupe, BGFIBank Congo s’appuie aujourd’hui sur un réseau de trois agences bancaires et de huit bureaux « Western Union ».
COMMUNIQUÉ / DIFCOM - F.C. PHOTOS : DR
Sa crédibilité auprès de ses principaux partenaires lui a permis de se positionner comme le premier établissement de crédit de la place du Congo avec des parts de marché de 30 % en crédits et de 50 % en dépôts, position qu’elle entend, malgré la très vive concurrence, bien conserver.
UNE QUALITÉ CERTIFIÉE Plaçant la satisfaction du client au cœur de son action, BGFIBank Congo s’est depuis 2009, engagée dans une d é m a rc h e Q u a l i t é m a t é r i a l i s é e p a r l’obtention en 2010 de la certification ISO 9001 version 2008 pour la quasi-totalité de ses activités. BGFIBank Congo est ainsi devenue la première banque du pays à recevoir ce label qui définit des exigences en termes de gestion de la qualité Le Groupe BGFIBank jouit sur le marché congolais d’une image positive et une grande notoriété.
UN CENTRE D’AFFAIRES DÉDIÉ AUX GRANDES ENTREPRISES La segmentation de sa clientèle et l’aménagement d’espaces dédiés, à l’instar du Centre d’Affaires Entreprises qui devrait ouvrir prochainement à PointeNoire,traduisent la volonté de la banque d’offrir le meilleur à ses clients. Les clients « grands comptes » trouveront ainsi dans ce point de vente une structure d’accueil sur mesure et une offre de produits et services adaptés. Une structure de même type devrait, dans les toutes prochaines années, voir également le jour à Brazzaville, capitale politique et administrative du pays. DÉVELOPPER LE RÉSEAU Les PME-PMI et les particuliers ne sont pas en reste, puisque BGFIBank Congo poursuit sa stratégie de développement de son réseau avec pour objectif l’amélioration de l’offre en direction de ces catégories de clients. Deux nouvelles agences devraient cette année aussi être mises en service à Brazzaville et à Pointe-Noire.
BGFIGroup : N°1 de la zone CEMAC Créé en 1971, BGFIGroup est le premier groupe financier de la zone CEMAC (Commission de la communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), avec un total bilan de 2300 milliards FCFA au 31 décembre 2011. Il compte plus de 1 360 collaborateurs déployés dans dix pays. Groupe multi-métiers 100 % privé, il rassemble onze marques spécialisées dans les métiers de la banque commerciale – BGFIBank (Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Madagascar, Bénin, RDC, Cameroun, Côte d’Ivoire, SaoTome-et-Principe) et BGFI International (France) - des services financiers spécialisés - BGFICapital (gestion de portefeuille), BGFIBourse (ingéniérie, conseil et intermédiation en bourse), LOXIA Emf (microfinance et transfert d’argent) ou encore Hedenia (gestion et promotion immobilière) – et de l’assurance, avec Assinco.
www.bgfi.com
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HYDROCARBURES
Le secteur emploie directement PLUS DE 3 000 PERSONNES.
Pétrole blues
Depuis quarante ans, son nom rime avec or noir. Partout, l’intense activité des majors européennes et américaines est visible. Pourtant, la ville est loin de respirer l’opulence.
D
epuis que l’exploitation a commencé au large de ses côtes, dans les années 1970, le nom de Pointe-Noire est associé au pétrole. Son décor, aussi. Dans la baie, les silhouettes des plateformes découpent l’horizon tandis que, sur le littoral, le gigantesque terminal pétrolier de Djeno et la raffinerie de la Congolaise de raffinage (Coraf) donnent le ton. Ces activités d’exploration et de production ont aussi forgé le caractère cosmopolite de la ville. Total Exploration & Production en République du Congo (français, près de 60 % de la production totale du pays), Eni-Congo (italien, 30 % de la production), Maurel & Prom (français), Perenco (franco-britannique), Esso Exploration & Production Congo (britannique), Chevron Overseas Congo (américain), Murphy West Africa (américain) et N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
d’approvisionnement en eau et en électricité, ou encore son taux de chômage avoisinant les 30 %, force est de constater que la métropole ne respire pas l’opulence.
Société nationale des pétroles du Congo REDISTRIBUTION. Le secteur des hydro(SNPC, étatique, première entreprise carbures emploie pourtant directement du pays)… Tous ces opérateurs basés plus de 3000 personnes, dont 30 % d’expaà Pointe-Noire ont produit un total de triés et 70 % de Congolais (la plupart 311760 barils/jour en 2011, générant plus étant en contrat à durée déterminée et de 2 000 milliards de F CFA (3 milliards recrutés par des sous-traitants ou des d’euros) de revenus pour le Trésor agences d’intérim) et les activités congolais – sachant que, aux parapétrolières génèrent à leur termes des contrats de partage tour un bon millier d’emplois, qui le lient aux entreprises de la à l’instar de celles des services. filière, l’État perçoit entre 20 % Quant à la redistribution de des recettes et 25 % de la production brute l’argent du pétrole, au nom du de l’État de pétrole. Le secteur, qui repréprincipe d’unicité de la caisse, sente plus de 70 % des recettes de c’est l’État congolais qui perçoit l’inl’État, près de 90 % des exportations de tégralité des revenus pétroliers, avant de marchandises et 66 % du PIB du pays, reste reverser sa part à Pointe-Noire, comme il le donc le pilier de l’économie congolaise. fait pour les autres collectivités locales du Pointe-Noire profite-t-elle pour pays. La plupart des Ponténégrins interroautant de cette manne ? À considérer gés sur la question estiment que leur ville est « lésée » et ne devrait pas être traitée ses rues en mauvais état, son insalubrité, ses bidonvilles, ses problèmes comme celles « qui n’apportent quasiment
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Identités plurielles rien au budget de l’État ». Selon qu’ils sont très bien payés, donnent CARENCES. L’impactréeldelarentepétrol’impression de ne pas regarder eux, les compagnies pétrolières lière sur la ville et ses habitants aurait dû devraient payer directement à être ressenti au niveau des infrastructures à la dépense, en fait, ils éconoPrès de la cité ce qu’elles lui doivent. et des services de base. Sur ce plan, beaumisent beaucoup. » Résultat, Ce que modère un cadre de la coup reste à faire. Il faut toutefois souligner « le niveau de dépenses des municipalité : « Pointe-Noire l’engagement croissant des entreprises pétroliers à Pointe-Noire des exportations de marchandises tire plus profit de l’industrie du secteur des hydrocarbures dans la reste plus que modeste: 4 %… pétrolière que les autres localiL’objectif est de le porter à 10 % recherche de solutions aux problèmes qui tés du pays, même si, en termes de la valeur ajoutée », souligne compliquent l’existence des Ponténégrins. derépartitionbrute,onaimeraitque l’homme d’affaires. Ainsi, la Centrale électrique du Congo (lire lapartquinousestréservéesoitplus p. 84), créée par l’État et Eni-Congo, va Comme partout, quelques bientôt permettre de résoudre l’épineux conséquente », estime-t-il, avant signes extérieurs de richesse ou d’ajouter : « Tout compte fait, le problème de l’alimentation de la ville en de réussite sociale s’affichent du PIB pétrole, même s’il vient de notre dans la ville. Les plus visibles électricité de bonne qualité. Total est dans ville, n’est pas sa propriété. Les sont les véhicules tout-terrain, la même logique. revenus qu’il génère sont des revenus Mais les pétroliers, tout en s’engageant dont le nombre est tout de même de solidarité avec l’ensemble du pays. » assez élevé. Les entrepreneurs congolais dans des actions sociales et culturelles, étant presque absents du secteur pétrodevraient-ils suppléer sans cesse les lier – on y trouve néanmoins quelques carences de l’État? À Pointe-Noire, nomEXPATRIÉS ÉCONOMES. Grâce aux activités pétrolières, et à cause d’elles, cadres nationaux –, leurs propriétaires breux sont ceux qui se posent la question. la deuxième ville du Congo connaît un ont plus vraisemblablement réussi dans Quand ils relèvent la tête, ils voient le niveau de consommation très imporles filières parapétrolières, l’hôtellerie, nouveau tronçon de la RN1 reliant leur tant. Mais, alors que la majorité de ses l’immobilier ou d’autres activités plus ville à Dolisie (lire p. 80), en attendant la habitants a des revenus très faibles, la ou moins formelles. Seuls ces quelques jonction avec Brazzaville, prévue dans vie y est très chère. De plus en plus chère. Congolais fringants et certains hommes moins de deux ans… De quoi leur faire Les prix de l’immobilier s’envolent (lire d’affaires étrangers dépensent sans compdire: « Notre pétrole a quand même servi p. 97) et, si Ponton peut s’enorgueillir de ter, comme s’ils avaient trouvé le filon… à quelque chose ! » ● posséder un parc hôtelier d’un standing TSHITENGE LUBABU M.K. supérieur à celui de beaucoup d’autres villes congolaises, il faut reconnaître qu’en LES CHINOIS ENTRENT DANS LA DANSE dehors des pétroliers et de businessmen étrangers, rares sont ceux qui peuvent en DANS LE CADRE DE LA CRÉATION des zones économiques spéciales, profiter. C’est le cas, aussi, des nombreux l’État congolais a signé fin mars deux protocoles d’accord avec le groupe restaurants, principalement installés en chinois Shandong Landbridge pour la construction d’un port pétrolier centre-ville. et d’une raffinerie. L’État s’engage à fournir des terrains dans la zone À la question de savoir qui dépense le économique spéciale de Pointe-Noire. Le groupe chinois assurera quant plus, un entrepreneur congolais répond: à lui « les investissements nécessaires » – dont il n’a pas révélé « En réalité, Pointe-Noire bouge lorsque les le montant – pour la modernisation de la Congolaise de raffinage (Coraf), fonctionnaires sont payés, étant entendu la construction de la nouvelle raffinerie et celle du nouveau port pétrolier. qu’ils sont plus nombreux que les autres. Parallèlement à la modernisation du Port autonome de Pointe-Noire Mais leur capacité financière est faible (PAPN), ces chantiers ont pour but de renforcer la position de hub du pays et ils ne peuvent pas concurrencer les et l’intégration régionale grâce à la fourniture de produits pétroliers pétroliers tant les disparités salariales sont aux autres États de la sous-région. ● CÉCILE MANCIAUX grandes: de un à dix. Si les expatriés, parce
90 % 66 %
Acteur incontournable du paysage industriel congolais, les Brasseries du Congo (BRASCO) brasse, embouteille et distribue localement 14 marques différentes de boissons. L’activité de l’entreprise crée de l’emploi direct et indirect de manière significative et contribue ainsi au développement économique du pays. Plus de 1000 personnes se répartissent sur les 2 sites, entre les brasseries de Brazzaville et Pointe-Noire.
MULTI-VITAMINES ENRICHIES
Son actionnariat international, 50 % CFAO et 50 % Heineken, illustre la modernité d’une entreprise du 21e siècle : une société fortement ancrée au Congo et qui respecte les standards locaux et internationaux en matière de management de la Qualité.
À chacun sa préférence JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. Pointe-Noire ÉNERGIE
Que la lumière soit… ou presque actuelle, priorité est donnée au centreville, qui est le cœur de la consommation, ainsi qu’aux zones industrielles et résidentielles de Pointe-Noire. D’ici à 2013, nous espérons satisfaire pleinement les autres usagers, qui déplorent des délestages et des baisses de tension régulières, et nous sommes déterminés à tout faire pour y parvenir. Mais la fabrication de nouveaux transformateurs prend du temps », explique Émile Tchakala Kissengou, chargé de la direction commerciale et des approvisionnements à la CEC.
La Centrale électrique du Congo, au sud de la capitale économique, est opérationnelle depuis quelques mois. Pourtant, les délestages continuent. À qui la faute ?
BRANCHEMENTS SAUVAGES. Le pro-
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LES TRAVAUX CIBLENT EN PRIORITÉ le centre-ville, les zones industrielles et résidentielles.
L
e 23 décembre dernier, le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, présidait à la mise en service officielle de la centrale thermoélectrique à gaz de Côte-Matève, dans le 3e arrondissement de Pointe-Noire (15 km au sud du centre-ville). Doté de deux turbines d’une puissance de 150 MW chacune, l’ouvrage, dont la puissance peut être poussée jusqu’à 400 MW en cas de besoin, utilise le gaz auparavant brûlé en torchère. Il a été réalisé par la Centrale électrique du Congo (CEC), une société créée en novembre 2008, dont le capital est détenu à 80 % par l’État congolais et à 20 % par Eni-Congo, la filiale de la major pétrolière italienne Eni. Pour les Ponténégrins, le lancement solennel de la centrale équivalait à la fin d’un cauchemar. Pourtant, quelques mois plus tard, pratiquement rien n’a changé. Les délestages restent d’actualité. « Quand ils ont lâché l’électricité sur la ville, tout a pété parce qu’ils n’avaient pas rénové les installations », maugrée un chauffeur quinquagénaire. Une affirmation qui fait rire aux éclats Max Balenda, directeur N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
blème de la qualité de la distribution d’électricité à Pointe-Noire est complexe. Célestin Koumba, directeur départemental au ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, le résume en une phrase sibylline : « Ici, comme ailleurs sur le continent, l’offre précède la demande. » On comprend mieux l’ampleur du chantier lorsqu’il évoque les branchements sauvages dans les quartiers non viabilisés et l’utilisation de matériels non conformes depuis que la Société nationale d’électricité (SNE) ne fournit plus d’équipements aux normes – « certains utilisent même des câbles téléphoniques pour se brancher ! » s’exclame Koumba. Au final, c’est un bazar indescriptible. L’amélioration du service passera donc aussi par un changement du comportement des consommateurs. Effectivement, compte tenu de l’extrême vétusté de l’ancien réseau, ainsi que
technique de la CEC sur le site de CôteMatève : « Rien de tel ne s’est produit, parce que c’est impossible. Le problème se situe au niveau des réseaux de transport et de distribution, qui sont très vétustes, précise-t-il. Les travaux de rénovation et le renforcement de ces réseaux sont toujours en cours et, en attendant qu’ils soient terminés, les délestages continuent. La question ne se pose pas du tout en termes de « Le problème se situe au niveau production. Celle-ci est des réseaux de transport et de plus que suffisante, car les distribution, qui sont vétustes. » besoins de Pointe-Noire ne dépassent pas les 80 MW », MAX BALENDA, directeur technique du site conclut l’ingénieur. Il est même probable que, grâce à ce nouveau des surcharges supportées par les câbles site, la CEC fournisse quelque 100 MW à et les transformateurs, toute l’énergie proKinshasa, très demandeur, le complexe duite pour la ville ne peut être distribuée. hydroélectrique d’Inga ne parvenant Sur les 57 postes à mettre en service, seuls pas à fournir la capitale de la RD Congo. six sont opérationnels et ne connaissent Produire de l’électricité n’est donc pas un « aucun problème de qualité », indique problème. C’est la capacité de distribution Célestin Koumba, avant de préciser que, locale qui ne suit pas… un problème qui à terme, « l’ambition du ministère est d’en n’a pas été anticipé. construire 300 de plus ». De quoi, enfin, Pour le moment, la priorité de la CEC prendre les devants. ● n’est pas le grand public. « Dans la phase TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
Modernisation en cours du siège régional de Pointe-Noire.
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110 525 2011
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TOTAL BILAN
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PNB
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Christel DIATHA Secrétaire Général
2010
2011
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2009
2010
2011
DIFCOM/DF - PHOTO : DR
LCB n’a cesse d’étoffer son offre de produits Monétiques, Crédits, Assurances, etc. Plusieurs produits monétiques ont été lancés au cours de ces dernières années notamment la carte Facility qui est une carte adossée au compte épargne et la carte avance sur salaire en trois variantes (Gold, Privilège et Oxygène) qui est une carte adossée au
2009
6 056
UNE OFFRE PRODUIT EN ADÉQUATION AVEC LES BESOINS DE SA CLIENTÈLE
Halim BENABDENNBI Directeur Général Adjoint
2011
CRÉDITS
TOP MANAGEMENT Younes EL MASLOUMI Administrateur Directeur Général
2010
5 011
Sur la base des statistiques de la BEAC au 31 décembre 2011, malgré la présence de neuf banques sur le marché bancaire congolais, La Congolaise de Banque se maintient parmi les leaders en matière de distribution de crédits avec une part de marché avoisinant les 25 %. Cette performance est le fruit d’une politique commerciale redynamisée entre autre par la mise en place de nouveaux process qui ont permis de financer les particuliers, PME et PMI, surtout les Entreprises Corporate faisant partie des groupes internationaux.
2009
12 220
LEADER DANS LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE NATIONALE
La Congolaise de Banque s’est dotée d’une fondation, qui a vocation à œuvrer dans le domaine de l’éducation en République du Congo, compte tenu de nombreux défis à relever en ce domaine, afin d’apporter sa contribution à l’atteinte des objectifs du millénaires pour le développement (OMD). Dans le cadre de sa fondation, LCB nourrit l’ambition, courant 2012, de financer la réalisation d’infrastructures scolaires de base en République du Congo : salles de classe, bibliothèque ou autres ouvrages nécessaires pour l’amélioration des conditions d’accueil et d’apprentissage des élèves. En fonction de ses propres performances commerciales, LCB entend pérenniser des actions de ce genre chaque année.Acteur majeur de l’économie congolaise, La Congolaise de Banque se veut aussi un partenaire efficace du développement humain et social.
3 175
Avec près d’une vingtaine d’agences d’ici à fin 2012, LCB sera le premier réseau bancaire au Congo grâce à une politique de densification entreprise depuis trois (3) ans avec une moyenne d’ouverture de deux agences par année, pour être plus proche de la clientèle dans le souci constant de l’amélioration de la qualité de service. Cette densification répond à un souci majeur et constant de proximité, de créativité et de réactivité vis-à-vis de la clientèle pour soutenir les orientations stratégiques de la banque. LCB est basée à Brazzaville et Pointe-Noire, les deux villes principales, mais aussi à Dolisie, Nkayi, Ouesso, Ngombé et bientôt à Oyo.
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UNE BANQUE CITOYENNE
DÉPÔTS
161 762
PREMIER RÉSEAU BANCAIRE DU CONGO
Quelques indicateurs clés (en millions de FCFA)
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compte épargne et la carte avance sur salaire en trois variantes (Gold, Privilège et Oxygène) qui est une carte adossée au compte chèque et permet au titulaire (salariés et fonctionnaires) de retirer leur salaire augmenté d’une avance de 50 %. De même, les cartes VISA seront disponibles d’ici à fin 2012.
179 252
Filiale du groupe BMCE Bank, LCB est une banque congolaise créée en 2004, au capital de 10 milliards de FCFA dont le siège est situé à Brazzaville, avenue Amilcar CABRAL au centre-ville.
Le Plus de J.A. Pointe-Noire CONFIDENCES DE | Sylvestre Didier Mavouenzela
« On ne peut pas rater le train de l’économie verte » Président de la chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Pointe-Noire depuis 2009 La chambre consulaire organise son troisième Forum international green business, du 8 au 10 mai.
L
e président de la chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM) de Pointe-Noire est un fervent promoteur des opportunités du green business. PDG de Nord-Sud Expertise & Réalisation (BTP et génie civil), il vient de créer, à 51 ans, une société dans le secteur de l’eau potable avec des partenaires congolais.
JEUNE AFRIQUE: Pourquoi vous lancez-vous dans le développement du green business? SYLVESTREDIDIERMAVOUENZELA: En observant le boom mondial de l’économie verte, nous nous sommes rappelé celui des technologies de l’information et de la communication. L’Afrique a loupé ce train parce que, à l’époque, les gens ne se sont pas assez mobilisés pour favoriser l’économie numérique. Si nous ne nous investissons pas, nous risquons de connaître la même mésaventure; ce serait impardonnable, dans la mesure où les forêts du bassin du Congo constituent le deuxième poumon écologique de la planète. Nous devons faire de l’économie verte l’un des moteurs du développement en Afrique centrale, un facteur de croissance et un moyen de lutte contre la pauvreté. Comment comptez-vous relever ce défi? Le secteur privé s’engage, une volonté politique se manifeste… Les conditions sont réunies. Nous avons fédéré un certain nombre d’acteurs, comme la Communauté économique des États de l’Afrique centrale [Ceeac, NDLR], qui a mis au point un Programme N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
87
d’appui au développement de l’économie verte dans la sous-région. Il y a une vraie mobilisation, et nous avons aujourd’hui planté les quatre piliers qui vont contribuer à ce développement. Il y a tout d’abord le forum, qui, depuis 2010, réunit chaque année les différents acteurs [entreprises, bailleurs de fonds, gouvernements, ONG]. Nous avons par ailleurs mis en place un réseau des entreprises engagées dans l’économie verte enAfrique centrale, qui regroupe déjà une centaine de sociétés.Vient ensuite le Programme d’appui au développement durable, qui doit être adopté à l’issue du forum par les ministres de la Ceeac chargés de l’Environnement. Ces derniers devront aussi adopter mi-mai, à Brazzaville, les statuts d’un fonds vert qui va être créé au sein de la Communauté.
Y a-t-il un lien entre ce forum et le sommet Rio+20, en juin? Le forum de PointeNoire est pratiquement le seul rassemblement d’affaires en Afrique à se pencher sur l’économie verte, qui est l’un des thèmes de Rio. Il servira de lieu de structuration du point de vue du secteur privé d’Afrique centrale – pour ne pas dire africain –, et nos conclusions seront portées à Rio.
Pouvez-vous nous donner des exemples de ces projets verts? Nous allons prochainement faire venir une chef d’entreprise ouestafricaine du secteur cosmétique. Autour de produits comme le karité, elle a mobilisé 2000 femmes dans sa sous-région ; nous voulons aussi créer un réseau féminin pour la production et la transformation d’huile de palme. Les populations vont devenir les acteurs et les utilisateurs de cette économie verte. Il y a des projets dans des secteurs très divers, de l’agriculture à l’écotou-
Les forêts du bassin du Congo sont le deuxième poumon écologique de la planète. risme en passant par le solaire, l’écoconstruction ou le traitement des déchets – par exemple la fabrication de papier à partir de sacs en plastique… Le forum va s’atteler à sensibiliser tout le monde. ● Propos recueillis à Pointe-Noire par TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
Le Plus de J.A. Pointe-Noire
PHOTOS MURIEL DEVEY
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Ancien cadre du secteur pétrolier, PHILIPPE BOUNZÉKI a fondé sa PME en 2005. AGROALIMENTAIRE
Le panier de la ménagère à portée de main BPH Agricole produit légumes frais, maïs et poisson pour le marché local. Et va bientôt exporter de l’huile essentielle d’eucalyptus. Le tout en respectant l’environnement.
L
’
important déficit agricole, qui contraint le Congo à importer pour près de 100 milliards de F CFA (152,5 millions d’euros) de produits alimentaires chaque année, et la présence du grand pôle de consommation qu’est Pointe-Noire ont convaincu Philippe Bounzéki, un ancien cadre du secteur pétrolier, de se reconvertir dans l’agriculture et la pisciculture en 2005. C’est à une trentaine de kilomètres de la ville portuaire, dans la sous-préfecture de Hinda, que le quinquagénaire a installé sa PME, BPH Agricole Congo. Sur les 150 hectares que compte le domaine, 20 sont consacrés aux activités maraîchères, qui produisent chaque mois quelque 4 tonnes de légumes frais (tomates, concombres, piments, aubergines…) vendus à des grossistes et, surtout, à des commerçants du Grand Marché de Pointe-Noire. L’autre filière agricole, lancée en 2008 sur 20 ha, est la production de maïs en grains, avec un rendement de 6 t/ha. « Il est principalement destiné à l’alimentation du bétail, explique Philippe Bounzéki. La demande est très forte, car le petit élevage s’est beaucoup développé autour de Pointe-Noire. » Activité phare de BPH Agricole, la pisciculture occupe quant à elle 2,5 ha sous eau, avec un rendement annuel d’environ N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
15 t de poissons d’eau douce (des tilapias, sortes de carpes, et des clarias, poissonschats). Pas de difficulté pour écouler la production auprès des poissonneries de Pointe-Noire et des commerçants du Grand Marché : la demande monte en flèche. D’ici à 2015, le gentleman-farmer entend d’ailleurs aménager de nouveaux étangs pour atteindre une production de 100 à 200 t par an. Le projet prévoit l’implantation d’une écloserie d’une capacité de 2 millions d’alevins de clarias, une espèce qui se reproduit difficilement.
du pays, l’entreprise a obtenu des plants et la mise à disposition de techniciens du Service national de reboisement. Reste à investir dans une machine d’extraction d’huile et un petit château d’eau ainsi que dans des bâtiments. BOUE. En six ans, plus de 200 millions de
F CFA ont déjà été investis, dont 100 millions pour démarrer l’exploitation. Des sommes provenant de fonds propres, car « les problèmes de financement sont un vrai casse-tête et il n’y a aucune subvention pour l’agriculture », soupire Bounzéki. Avec une trentaine d’employés (dont cinq permanents, les autres étant pour la plupart des saisonniers) et un chiffre d’affaires notable – celui du seul volet piscicole se monte à quelque 45 millions de Avec une trentaine d’employés, F CFA –, BPH Agricole l’exploitation est l’une des s’affirme comme l’une des grandes unités de la région. grandes unités agricoles de la région. S’il a dû abandonner non sans regret Si l’exploitation n’a pas encore la cerla culture du palmier à huile qu’il avait tification « agriculture biologique », sa lancée en 2008, en raison des dégâts pratique n’en est pas moins 100 % natuoccasionnés par un petit rongeur qui relle. Ainsi, les fonds boueux des étangs sévit dans la région, Philippe Bounzéki sont utilisés comme engrais biologique. s’est en revanche sérieusement plongé Les autres ambitions de BPH vont dans le dans celle de l’eucalyptus citronné afin même sens. Bounzéki compte notamment de produire de l’huile essentielle brute se lancer dans l’agrotourisme. « Je vais faire construire des cases et développer pour l’exportation, un marché porteur et rémunérateur. La surface plantée sera des activités touristiques autour de la de 20 ha. La phase de plantation est quasi découverte de l’agriculture et de la pêche terminée. Pour ce projet, qui fera de BPH sportive. » Un projet qui pourrait démarrer le premier producteur d’huile essentielle d’ici à 2015. ● MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE
La LETTRE N°4
Délégation Générale des Grands Travaux
« Faire de l’ambition de modernisation une réalité »
CONTINUER À FAIRE PREUVE DE RIGUEUR EXTRAIT
CONGO
du message de vœux de nouvel an à la Nation, le 31 décembre 2011, de Denis SASSOU N’GUESSO, Président de la République du Congo. « Dans un environnement mondial marqué par le ralentissement de l’activité économique et secoué par trois crises majeures (crise financière, crise économique et crise de l’endettement) qui ont réussi à faire vaciller les grandes puissances du monde, nous devons nous garder de toute euphorie. En 2012, comme en 2011, nous devons continuer à faire preuve de rigueur et à affûter notre sens de responsabilité dans toutes nos entreprises collectives. Tout comportement, toute attitude différente, tout
I Communiqué
laxisme compromettrait, à coup sûr, l’élan, le bon élan pris par notre pays, et dont nous sommes à la fois des témoins privilégiés et des acteurs déterminés. Sur cet élan, le gouvernement entend réaliser les grands objectifs qu’il s’est fixé pour l’année qui commence demain (1er janvier 2012: ndlr). Au nombre des défis à relever, il y a notamment : > L’amélioration substantielle de l’offre de santé et d’électricité ; > L’assainissement de nos principales agglomérations urbaines ;
> L’industrialisation du pays avec l’éclosion de diverses PME et PMI ; > La poursuite de grands travaux d’infrastructures de base notamment dans le domaine de la navigation fluviale ; > Le renforcement de la politique d’appui à l’activité agro-pastorale. Une fois de plus, j’en appelle au sursaut patriotique de chacun, au dévouement et à la disponibilité de tous, afin que s’ouvre et s’élargisse davantage à notre pays, le champ de nouvelles raisons d’espérer. » ■
La LETTRE N°4
Délégation Générale des Grands Travaux
Gravats issus des explosions du 4 mars 2012.
Tentes de relogement provisoire des sinistrés du 4 mars.
Trois questions à Jean-Jacques Bou
Quel est le niveau d’exécution des
CONGO
chantiers de relogement des sinistrés ? Jean-Jacques Bouya : Après la catastrophe du 4 mars, les sinistrés ont été accueillis dans les sites et dans des familles. Il fallait trouver une solution intermédiaire. D’où l’installation des tentes familiales. De même, le relogement Jean-Jacques Bouya, Ministre Délégué, Délégué Général aux Grands Travaux
dépend de la construction de 5 000 logements et de l’accélération des projets en cours pour augmenter l’offre de logement. Deux sites majeurs sont choisis, Chacona et la cité des 17. D’autres sites seront répertoriés en fonction de la proximité des uns et des autres. Des tentes ont été acquises : 500 par la Délégation générale des grands travaux, 100 par ENI-Congo, 100 par le Rotary Club, 800 par Total.
Communiqué
II
La LETTRE
Une salle de classe.
Les logements de Kintélé en chantier.
Quand débuteront les travaux de
Où en êtes-vous avec le programme de
réhabilitation et de reconstruction ?
5 000 logements ?
Jean-Jacques Bouya : Le travail est
Jean-Jacques Bouya : C’est un
laborieux. Nous ne pouvons pas vous dire
vaste programme. Il commence par
à l’instant que nous commençons demain
l’aménagement de la zone choisie par la
pour terminer après-demain. Ce serait de la
commission qui a confié les études à une
démagogie. La commission technique que
société. Celle-ci a déjà produit les plans,
préside le ministre d’État, Pierre Moussa
la redistribution et les typologies. Suivront
a réalisé l’évaluation du sinistre. Nous
rapidement, les appels d’offres pour trouver
en publierons les résultats, pour justifier
des groupements d’entreprises. Il faudrait en
le choix de telle ou telle entreprise. Nous
mettre plusieurs sur le terrain pour permettre
détenons, à travers le Projet cadastre, la
aux populations d’accéder progressivement
reconstitution parcellaire de toute la ville de
à ces logements.
Brazzaville. Nous avons envoyé sur le terrain
En attendant l’achèvement des
plusieurs entreprises qui seront évaluées
5 000 logements, à la fin de cette année,
sur leurs fiabilité, célérité et technicité.
nous aurons près de 350 maisons
La réhabilitation des maisons détruites
disponibles, dans le cadre du premier projet
partiellement débutera lorsque nous aurons
de 1000 logements de Kintélé. ■
toutes les évaluations.
III
CONGO
uya
La LETTRE N°4
Délégation Générale des Grands Travaux
CFCO La montée en puissance
CONGO
Le CFCO a acquis, fin 2011, deux nouvelles rames de voitures à voyageurs modernes et nanties de toutes les commodités.
Les conditions de voyage par train, entre Brazzaville et Pointe Noire se sont nettement améliorées. Sur impulsion du Délégué général aux grands travaux, Jean Jacques Bouya, le projet de réhabilitation et équipement du Chemin de fer Congo océan (CFCO), vient d’atteindre la vitesse de croisière notamment avec l’élargissement du parc à engins et l’amélioration du réseau ferré.
L
es investissements consentis par l’État dans le cadre de la réhabilitation du CFCO, depuis 2007, se chiffrent à près de 60 milliards de F CFA. Les opérations ont principalement concerné la réhabilitation de la voie et l’acquisition du matériel roulant. Le programme a permis, entre autres, la réparation de la voie par suppression des points singuliers entre les gares de Loutété et de Kibouendé, la réparation de sinistres dus aux éboulements
Communiqué
ayant entrainé des suspensions du trafic, le contournement sur deux kilomètres de la zone des inondations de la rivière Djoué entre les PK 492 et 494, ainsi que la réhabilitation du tunnel long dans le Mayombe. L’outillage moteur et manuel pour l’entretien de la voie a été ainsi fortifié. Douze locomotives de ligne et de manœuvre en fin de potentiel ont été révisées tout comme huit autres locomotives de réemploi. Deux locomotives neuves sur les quatre commandées ont été livrées. Deux autres en fin de montage seront réceptionnées courant 2012. Le CFCO a acquis, fin 2011, deux nouvelles rames de voitures à voyageurs modernes et nanties de toutes les commodités. Au total, dix-neuf locomotives de ligne ont été acquises en 2011, contre dix en 2008. Neuf locomotives de manœuvre ont été achetées en 2011, contre quatre en 2008.
IV
Le nombre de wagons en circulation notamment ceux de 21 mètres qui faisaient cruellement défaut pour le transport des conteneurs a été augmenté. Toutes ces actions dispendieuses auxquelles s’ajoutent d’autres à coût intermédiaire comme l’amélioration des télécommunications, l’électrification des gares et l’informatisation ont permis de moderniser le secteur et dynamiser le rail congolais. Ces efforts visibles ont occasionné une baisse sensible des déraillements, notamment de Loutété à Kibouendé (20 en 2007 ; cinq en 2010 et trois en 2011). Ces améliorations apportées sur la voie et le matériel roulant ont permis la montée en puissance du Chemin de fer. L’accroissement de la rotation des trains a entraîné une meilleure fluidité du trafic, notamment celui des marchandises destinées à la consommation et aux grands chantiers (70 000 tonnes/mois de marchandises transportées en 2010 contre 45 000 tonnes /mois en 2008 et 2009). L’accord scellé en mars 2012, entre le CFCO et la Ferroviero delo state italiane sous la conduite du Délégué général aux grands travaux, permettra d’améliorer sensiblement et durablement, d’ici à 2014, la capacité de transport dans ce secteur. Les commandes en cours, à savoir dix nouvelles locomotives de ligne et des fournitures pour le renouvellement de la voie (rails, traverses-bois, boulons, crapauds...) participent à cette dynamique. ■
La LETTRE
Route Dolisie-Brazzaville, construction d’un dallot.
A
près le lancement le 22 décembre 2011 par le Chef de l’État, Denis Sassou-N’Guesso, les travaux du tronçon Dolisie-Brazzaville (385 km) ont atteint une vitesse de croisière. À l’instar du premier module Pointe-Noire/Dolisie (160km), le deuxième est construit par la société China state construction engineering corporation LTD (CSCEC). D’une durée de
48 mois, les travaux de cette route dite lourde sont évalués à plus de 765 milliards de F CFA. Sur les cinq sections du chantier, l’entreprise China state construction engeneering corporation LTD (CSCEC), adjudicataire du marché et Egis International qui en assure le contrôle, affirment que les délais seront tenus, en dépit de quelques difficultés de parcours.
Tronçon de la route Dolisie-Brazzaville.
V
Des ouvrages d’art, des postes de péage/pesage, des écoles et des centres de santé intégrés seront érigés sur le tracé qui débouchera sur la route nationale n°2, au village Yié. Au deuxième trimestre 2012, les travaux ont atteint des dimensions encourageantes: 106km de terrassement sur 385 ; 27 km de fondation ; 147 dalots sur 528 ; 7 ponts sur 25 ; 34 km d’assainissement. Le tronçon est conçu pour une classe de trafic de 3 000 véhicules poids lourds par jour avec une charge à l’essieu de 13 tonnes, une vitesse de référence de 80 km/h en rase campagne, 60 km/h en zones urbaines. La chaussée possède en section courante 4 voies de 3,5 m chacune séparées par une bande centrale de 0,30 m et deux accotements revêtus de 1,25 cm. Chaque jour qui passe, permet à l’entreprise de se rapprocher de Brazzaville. Les travaux avancent sur les cinq bretelles du chantier : Dolisie - Nkayi : (78 km) ; Nkayi - Loutété : (76 km) ; Loutété - Mindouli : (54 km) Mindouli - Miénanzambi : (76 km) ; Miénanzambi - Yié, (75 km) Kintélé-Brazzaville (20 km). Selon les estimations de l’entreprise CSCEC, la prochaine saison sèche (juillet-septembre) donnera l’occasion de répandre les enrobés sur la bretelle Dolisie - Nkayi.
CONGO
RN1 Le tronçon Dolisie-Brazzaville avance normalement
La LETTRE N°4
Délégation Générale des Grands Travaux
PAPN, un siège au diapason des ambitions du Port
Le Port de Pointe-Noire.
CONGO
U
n des principaux points de chute du trafic maritime sur la côte Ouest Africaine, le Port autonome de PointeNoire (PAPN) dispose d’un programme d’investissements prioritaires préconisant, outre la modernisation des installations et l’extension du terminal à conteneurs, l’édification d’un nouveau siège (R+15) en dehors de la concession portuaire. D’un coût de 17 milliards 177 millions 565 000 F CFA, le chantier a été confié à la société China geo engineering corporation international LTD, par appel d’offres passé par la Délégation générale des grands travaux. Le coup d’envoi des travaux a été donné, le 23 décembre 2011 par le chef de l’État, Denis Sassou N’Guesso. L’édifice en forme ellipsoïdale comportera des bureaux, une salle de conférence de
Communiqué
1 000 places, des restaurants, un système de contrôle biométrique, quatre ascenseurs et plusieurs autres commodités. Il dominera la côte mondaine sur 64,7 m de hauteur et possédera une ossature habillée par des murs-rideaux de verre en vitrage isolant et pare-soleil. La construction de cet immeuble s’inscrit dans le cadre du programme de modernisation des infrastructures portuaires. L’objectif est de renforcer les capacités et la compétitivité du port, afin de lui permettre de jouer aisément le rôle de plateforme de transbordement et de hub dans la sous-région. Ce siège qui se construit au bord de l’océan atlantique, devrait faciliter l’accès des usagers à l’administration portuaire, améliorer la physionomie de la zone et refléter la place de la mer dans l’économie congolaise. L’un des ports les plus
VI
importants en eau profonde dans le Golfe de Guinée, le Port de Pointe-Noire est également l’un des maillons essentiels de la chaîne nationale des transports. Il constitue le point de chute des autres modes de transport à savoir la route, le chemin de fer et l’avion. Près de 80% des recettes douanières nationales sont recueillies au niveau de cette plateforme portuaire, représentant une sorte de porte d’entrée et de sortie de l’Afrique centrale. Présentant la fiche technique de l’ouvrage, le Délégué général aux grands travaux, Jean Jacques Bouya, a indiqué que la construction du nouveau siège du Port de Pointe-Noire illustre l’importance accordée par le chef de l’État congolais au secteur des transports, en général, et au port de PointeNoire en particulier. « S’il est vrai que Pointe-Noire se reconnaît, généralement, à sa gare normande, il est tout aussi vrai que la ville, à cause de l’immensité de l’activité portuaire et de son impact sur le rayonnement de cette cité, doit s’identifier et se personnifier à son port. Le Port de Pointe-Noire, grâce aux efforts incessants consentis par le président de la République, connaît une croissance régulière, marquée par un important flux de conteneurs. C’est pourquoi, afin de satisfaire la demande de plus en plus croissante des
La LETTRE
Délégué général aux grands travaux, Jean-Jacques Bouya. Le chantier est financé sur fonds propres du gouvernement congolais Il est question de tirer profit de la fluidité du trafic
au port de Pointe-Noire en facilitant l’acheminement des marchandises vers l’hinterland et vice versa, au bénéfice des opérateurs locaux, régionaux et internationaux.
BIENTÔT UN 2e MODULE de l’aérogare de Pointe-Noire Le président de la République du Congo, Denis Sassou N’Guesso a procédé le 2 4 d é c e m b r e 2 0 11 , a u lancement des travaux du deuxième module de l’aérogare de Pointe Noire.
D
’un coût global de 35 milliards 152 millions 332 000 936 F CFA, le deuxième terminal aéroportuaire de Pointe-Noire sera construit à droite du premier. C’est un
bâtiment de forme asymétrique, développé sur une longueur de 135 m et d’une largeur de 69 m qui nécessitera 24 mois de travaux. Une touche particulière sera mise sur sa toiture, qui tente de restituer les ondulations simultanées des vagues de l’océan, lesquelles se brisent sur la côte historique de la ville portuaire. Avec une superficie de 8 000 m2, le rez-de-chaussée renferme :
VII
les halls d’entrée et d’arrivée où seront implantés les guichets des compagnies aériennes et des services à la clientèle ; les services de douanes et de police ; la zone de récupération, de tri de bagages et son carrousel de distribution ; des salons VIP ; des locaux techniques ; un auvent ondulé sur la longueur de la façade principale côté-ville. Au premier étage, le bâtiment s’étale également sur 8 000 m2 et comprend : les halls de
CONGO
Maquette du siège du PAPN (façade côté mer).
usagers, outre d’importants travaux de dragage effectués pour l’entretenir et enrayer son ensablement, le Port Autonome de Pointe-Noire sera doté d’un nouveau siège », a précisé le
N°4
Délégation Générale des Grands Travaux
CONGO
Maquette du nouvel aérogare Pointe-Noire.
départ, avec des banques d’enregistrement et des carrousels à bagages ; la zone d’attente pré-embarquement ; des salons d’attente VIP ; des salons d’attente privés ; les services de douanes et de police ; les commerces Duty free ; les salles de contrôle technique; une cafétéria. Le deuxième étage, quant à lui, donne sur une mezzanine de 1 800 m 2 et comprend : les locaux de contrôle technique, la télésurveillance, la vigie incendie, la régulation des éclairages de la climatisation et des moyens de
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transition comme les ascenseurs et les escaliers mécaniques ; des bureaux pour l’administration de l’aérogare ; trois salles de conférence ; une salle de crise ; un restaurant et des cuisines. Le terminal sera bâti sur une ossature stable qui offre des certitudes de fiabilité, avec les éléments constructifs tels que les fondations sur pieux coulés en béton armé ; la structure de poteaux poutres en béton armé ; la charpente métallique de longue portée, etc. Particularité de la façade principale, le mur-rideau possède Cadre juridique Créée par le décret n° 2002 – 371 du 3 décembre 2002, réorganisée par le décret n° 2009-158 du 20 mai 2009, la Délégation Générale des Grands Travaux est un organe administratif et technique. Elle est chargée de la passation et de l’exécution des contrats de marchés publics et des contrats de délégation de service public de l’État, des autres personnes morales de droit public ou de droit privé, dont la valeur est supérieure ou égale au seuil fixé par le décret n° 2009-162 du 20 mai 2009 fixant
une inclination négative pour éviter les rayonnements directs. La protection incendie est assurée par: un réseau pompier intérieur et extérieur ; un réseau sprinkler dans les zones publiques ; un système de détection de fumée automatique appareillé aux alarmes ; des châssis de désenfumage à ouverture automatique ; un château d’eau de deux cuves de 100 m3. Le deuxième module de l’aérogare sera consacré aux vols internationaux et communiquera avec le premier qui, lui, sera affecté aux vols domestiques. Pour synchroniser le standing et les technologies, puis créer une harmonie entre les deux bâtiments, l’ancien module de l’aérogare fera l’objet d’un réaménagement et d’un habillage. Afin de mieux accueillir les flux générés par la croissance du trafic, qui est passé de 400 000 passagers en 2003, à 800 000, en 2011, le parking autos sera rallongé et couvrira l’emprise de l’aérogare. les seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics. Mission Faire réaliser les études, lancer les appels à la concurrence, organiser le dépouillement des offres, rédiger, conclure et gérer les marchés, apprécier, techniquement et financièrement, les devis descriptifs et estimatifs des contrats. Maître d’ouvrage délégué, elle suit et contrôle l’exécution des chantiers, organise la réception provisoire des ouvrages finis. ■
Délégation Générale des Grands Travaux Boulevard Denis Sassou Nguesso - BP 1127 Brazzaville, République du Congo Tél./Fax : (+242) 22 281 47 13 - E-mail : contact@grandstravaux.org www.grandstravaux.org
Communiqué
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Réalisation DIFCOM Paris 16 - Photos DGGT
La LETTRE
Identités plurielles
Recherche logement abordable désespérément Malgré un marché de la construction en plein essor, l’offre immobilière est cruellement déficitaire. Les prix s’envolent et deviennent prohibitifs.
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Le gros des entreprises est néanmoins constitué de petites sociétés, plus ou moins formelles. BOUCHE-À-OREILLE. Pas de difficulté pour l’approvisionnement en ciment qui, à de rares exceptions près, est fourni par les fabriques du pays. Le développement de la construction est toutefois limité par le coût élevé des matériaux – dont ledit ciment –, et du financement, assuré par la Banque de l’habitat, du moins pour les ménages solvables qui présentent des garanties. Les autres, soit la majorité des Ponténégrins, ont recours à l’autofinancement et, quand les moyens ne suivent pas, les travaux sont stoppés en attendant de nouvelles rentrées financières. Enfin, bien que la pratique du boucheà-oreille domine dans la recherche d’un terrain à bâtir ou d’un logement, le marché de l’immobilier de standing se structure peu à peu avec l’essor de sociétés spécialiséesdanslalocationoulaventedeterrains, de logements et de bureaux, mais aussi dans la construction, comme Maisons sans frontières Congo, Bactim ou NBY Immobilier. Certaines d’entre elles ont mis en place des programmes immobiliers, le plus souvent préfinancés par les acquéreurs, qui peuvent être des privés (cadres et employés) ou des entreprises. Enfin, les sociétés de syndics, comme Le Clos de Songolo, se développent ; timidement toutefois, la copropriété entrant difficilement dans les pratiques. ●
opé par le développement fonctionnaires et d’hommes d’affaires des activités économiques, brazzavillois cherchent à acquérir une l’implantation d’entreprises résidencedanslacitéocéane.Lesménages privées et l’engouement des à plus faibles revenus se montrent égaleCongolais pour l’accession à la propriété, menttrèsprésents.Unetendancefavorisée le marché de l’immobilier ponténégrin par la loi foncière de 2006, qui encourage connaît depuis quelques années un boom l’investissement dans l’immobilier. Par sans précédent. Dans la foulée, les prix des ailleurs,silesappartementscommencentà terrains et des loyers ont flambé d’autant intéresser, la norme à Pointe-Noire reste la que l’offre a bien du mal à répondre à la demande. La norme reste la maison En matière d’habitat, c’est de plain-pied et, pour les plus dans la catégorie des logeaisés, la villa. ments de standing que les prixatteignentdesrecords,en particulier dans les quartiers résidentiels maisondeplain-piedet,pourlesCongolais anciens. « En centre-ville, pour un F4, soit aisés et les expatriés, la villa. trois chambres et un salon, le montant des L’offre, pour sa part, est assurée par des loyers grimpe jusqu’à 3 millions de F CFA sociétés de construction privées, en par[4600euros,NDLR]parmois»,constateun ticulier les entreprises chinoises de BTP, responsable de l’agence NBY Immobilier de plus en plus présentes sur ce segment, de Pointe-Noire. Le prix d’un terrain est ainsi que par des Congolais qui misent tout aussi prohibitif. Dans le centre, il sur les investissements immobiliers, un faut compter au minimum 70 millions de secteur porteur où les taux de rentabiF CFA pour acheter une parcelle de 500 m2. lité sont parmi les plus élevés (30 %). Dans les quartiers éloignés, les prix tombent autour de 500000 à 700000 F CFA pour la même superficie. Les zones résidentielles traditionnelles (centre-ville, quartier du wharf, alentours de l’aéroport) étant saturées, c’est dans la périphérie de Pointe-Noire que se développent les nouveaux quartiers d’habitation, en particulieràMongo-Kamba, Songolo et Ngoyo. Lademande,quis’accompagne d’une exigence de qualité de plus en plus pointue, émane des particuliers, mais aussi des entreprises qui doivent loger leur personnel, en particulier expatrié. Outre les Ponténégrins, Les sociétés de syndic se développent timidement, comme au CLOS DE SONGOLO. de plus en plus de hauts JEUNE AFRIQUE
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HABITAT
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TOURISME
Attractions littorales… et économiques
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Carrefour d’affaires, lieu de villégiature des familles d’expatriés ou havre balnéaire pour Brazzavillois en vacances, la cité portuaire ne manque pas de visiteurs. On y a construit plus d’hôtels ces dix dernières années qu’en cinquante ans.
L’ATLANTIC PALACE, l’un des établissements de grand standing de la ville.
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epuis le début des années occasionnent également la venue de 2000, les établissements hôtenouveaux opérateurs. liers ont poussé comme des Pour répondre à la demande en hausse, champignons à Pointe-Noire. des acteurs privés ont investi dans la Selon Bernard Kokolo Mouandza, le construction et la gestion d’hôtels. Un directeur départemental de l’industrie secteur très rentable, qui se porte bien, touristique du Kouilou, Pointe-Noire avec un chiffre d’affaires frôlant 1,5 mildispose actuellement d’une capacité liard de F CFA (2,3 millions d’euros) en de quelque 2 000 chambres, réparties 2011. Parmi les investisseurs figurent entre des établissements de gammes de nombreux Congolais, dont l’avocat variées, du grand standing – dont l’Atet homme d’affaires Vincent Gomes, lantic Palace, le Victory Palace, l’Azur propriétaire du Victory Palace et du comInternational, la Villa Madiba, le plexe touristique avec golf situé en Lys, l’Elaïs (ex-Novotel) ou le périphérie de la ville. péri Palm Beach –, à l’auberge, Pour le moment, quelle que Les hommes plus modeste. soit la catégorie, la capacité d’affaires représentent Un boom à mettre sur hôtelière est suffisante et le le compte du dynamisme taux de remplissage pluéconomique de la ville tôt bon. En revanche, la (exploitation pétrolière, situation est un peu tendue des clients lo lorsque la ville accueille des mise en valeur de nouveaux permis d’exploration minière re ma manifestations. Néanmoins, dans la région, émergence de petites aucun grand projet hôtelier n’est industries, de sociétés de services…), qui à signaler pour le moment, sinon l’extenattire une clientèle d’affaires toujours sion ou la réhabilitation d’établissements plus nombreuse. Les grands chantiers existant déjà. engagés, tels que l’élargissement du Bien évidemment, c’est le tourisme parc à conteneurs du port autonome d’affaires qui prévaut dans la capitale (lire pp. 78-79), l’extension de l’aérogare économique congolaise, les businessmen (lire p. 80) ou le projet de port pétrolier, représentant 70 % des clients. Le tourisme
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de congrès s’y développe aussi, même si Brazzaville reste la principale ville du pays dans ce domaine. Pour preuve, après avoir abrité la quatrième édition du Race Wood (foire rassemblant les professionnels de l’industrie du bois du bassin du Congo et les consommateurs européens) en septembre 2011, PointeNoire accueille, du 8 au 10 mai, le troisième Forum international green business (lire p. 87), organisé par la chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers (CCIAM). C’est d’ailleurs « une volonté des autorités de la ville de développer plus amplement ce créneau », précise Évelyne Tchichellé, la secrétaire générale de la chambre consulaire. L’une des limites à l’essor de ce type de tourisme tient au manque de salles de réunions et de conférences. Certes, les grands hôtels en comptent tous au moins une, mais la ville ne dispose d’aucun palais des congrès. La réalisation d’un grand amphithéâtre dans le futur immeuble du Port autonome de Pointe-Noire (PAPN), en cours de construction, pourrait pallier ce manque. PETITES MERVEILLES. Le tourisme de loisirs, pour sa part, peut compter sur la présence d’hôtels en bord de mer et sur les atouts de la région. Cette clientèle (20 % du total) se compose principalement d’expatriés, ainsi que de Ponténégrins et de Brazzavillois aisés, les touristes étrangers – hors amis et familles d’expatriés – étant plus rares. « L’essor de ce créneau dépend de l’aménagement des sites autour de Pointe-Noire et donc des moyens qui y seront consacrés », assure Évelyne Tchichellé. En dépit de ces limites, et compte tenu de ses nombreuses infrastructures de transport, du dynamisme économique et du cosmopolitisme de ses acteurs, de son littoral et de ses plages, sans oublier les petites merveilles alentour (Pointe-Indienne, Diosso, Parc national de Conkouati-Douli…), Pointe-Noire a tout pour devenir une station balnéaire de plus en plus prisée. ● MURIEL DEVEY JEUNE AFRIQUE
Le Congo bientôt leader mondial dans le secteur des mines Le projet de développement de la mine de fer de Zanaga dans le département de la Lékoumou détient le potentiel de transformer l’économie congolaise et de générer une prospérité et des infrastructures nouvelles à Pointe-Noire et dans les quatre autres départements qu’il touche. Dans le cadre de ce projet, des milliards de dollars vont être investis pour construire une des plus grandes mines de fer au monde, une usine de transformation moderne pour rehausser la teneur en fer du produit final, et des infrastructures d’énergie et de transport afin d’exporter tous les ans 30 millions de tonnes de produits de haute qualité pendant plus de 30 ans.
Les réalisations à ce jour. Le projet s’inscrit, pour la République du Congo, dans la perspective d’optimisation de la valeur de ses ressources et dans le démarrage de la diversification économique à grande échelle. En février 2011, Xstrata a augmenté de manière significative ses investissements dans le projet Zanaga après avoir obtenu des résultats positifs via les premières études d’ingénierie notamment sur la taille et la valeur du gisement.
Quels avantages pour la République du Congo? Des retombées économiques chiffrées à plusieurs milliards. Le pays va tirer de nombreux avantages de ce projet car nous allons créer des emplois directs et indirects, construire de nouvelles infrastructures et effectuer des paiements directs à l’Etat et aux communautés en termes d’impôts et de redevances. Des milliers d’emplois créés. Actuellement, MPD Congo emploie plus de 700 personnes sur le site du projet, aux environs de Pointe-Noire et ailleurs dans le pays. Pendant les phases de construction et d’exploitation, le projet créera des milliers d’emplois et soutiendra indirectement des milliers d’autres personnes, recrutées en appui à notre projet et à nos employés. De nouvelles installations portuaires. MPD envisage de construire, à 10 kilomètres au nord de Pointe-Noire, un nouveau port en eau profonde pour le minerai de fer, capable de recevoir des navires de 250 000 tonnes. Ce port pourrait également servir à
d’autres producteurs de fer. Un autre port, destiné à l’importation des biens qui seront utilisés pour les phases de construction et de production, devra être construit près du port minéralier. Il pourrait également être utilisé par d’autres utilisateurs, afin, éventuellement, de créer une nouvelle zone industrielle. Des routes et un réseau électrique améliorés. Le projet nécessitera la construction de nouvelles routes et de nouveaux raccordements électriques dans certaines des régions les moins développées du pays ainsi que la modernisation de certaines infrastructures de base dans la région de Pointe-Noire. Une meilleure réputation pour les affaires et l’environnement. MPD Congo est géré par Xstrata plc et son partenaire Zanaga Iron Ore Company (ZIOC). Xstrata fait partie des plus grands groupes miniers diversifiés mondiaux et a été classé au premier rang des entreprises du secteur minier de l’Indice Dow Jones pour le Développement Durable au cours des quatre dernières années.
Ces premières études, et d’autres menées ultérieurement, ont révélé que le gisement de Zanaga s’étend sur 47 kilomètres et contient plus de 4 milliards de tonnes de minerai de fer d’une teneur moyenne d’environ 34% Fe. Elles démontrent également que Zanaga dispose du potentiel nécessaire pour se transformer en un producteur mondial hautement compétitif. Les partenaires du projet ont déjà investi plus de 200 millions de dollars afin de mieux cerner les ressources minérales et d’envisager les moyens pour les exploiter de manière à assurer sa rentabilité commerciale avec les meilleures normes environnementales et sociales. Les prochaines étapes consistent à consolider ces acquis grâce à une étude de faisabilité, à conclure des accords détaillés avec le gouvernement, à obtenir l’accès aux terres et à réaliser un plan de financement. Selon nos prévisions, toutes ces étapes devraient être bouclées d’ici à 2014 et, une fois prise la décision d’investissement, nous prévoyons une période de construction de trois à quatre ans. Zanaga est un grand projet qui revêt pour notre entreprise ainsi que pour la République du Congo une importance capitale. L’équipe de MPD est engagée à 100% pour sa réussite.
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CULTURE
Diosso, un patrimoine en sursis
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À 25 km de Pointe-Noire, l’ancienne capitale du royaume de Loango abrite l’unique musée du Congo. Un lieu hautement symbolique et menacé, faute de moyens. royaume, deux vestes en mauvais état, un béret, des lunettes, un pagne en raphia tressé… et la photocopie du passeport français qui lui fut délivré en 1954 où, à la rubrique « Profession », est écrite cette mention : « Roi ». Le musée expose aussi des produits européens découverts à Diosso, dont la plupart remontent au XVIIIe siècle. On y observe également l’essentiel de ce qui caractérise les différents peuples du Congo : sculptures, ustensiles, anciennes monnaies locales, instruments de musique, poteries datant du XIXe siècle, etc. Le musée Mâ Loango intéresse surtout les étran LE BÂTIMENT A ÉTÉ CONSTRUIT EN 1952 pour Moe Poaty III, souverain de 1931 à 1975. gers et les élèves des écoles. Il accueille 400 visiteurs la bâtisse, on aperçoit trois annexes à par mois en moyenne, avec une pointe e petit dépliant polycopié du l’abandon où vivaient les épouses du d’affluence en mai, juin et juillet. « Vu nos musée Mâ Loango de Diosso souverain. conditions de travail, c’est beaucoup », donne le ton : « Horaires d’ouconstate Joseph Kimfoko-Madoungou. verture : samedi, dimanche de ESCLAVES. Le musée a été inauguré en Selon lui, la pérennité du musée est mena10 heures à 17 heures. Du lundi au vendredi, consultez le conservateur. » Suivent avril 1982. « Il a fallu un grand travail de cée. D’abord, le bâtiment nécessite des tratrois numéros de téléphone. Ce samedi collecte d’objets à travers tout le pays », vaux de rénovation. Ensuite, en l’absence matin, un bouchon et un péage plus tard, explique Joseph Kimfoko-Madoungou. de transports en commun, sa localisation Joseph Kimfoko-Madoungou, le conserDans les six salles d’exposition, le visiteur réduit son accessibilité, pour les visiteurs vateur en chef, a trouvé « une occasion », découvre la longue histoire du royaume ponténégrinscommepourleconservateur c’est-à-dire un moyen de transport qui de Loango, qui devint un protectorat franet ses deux collaborateurs. le conduit directement à son bureau. çais en 1883, et les conséquences de ce Arrivé à Diosso, le véhicule s’engage changement. Le musée est aussi une mine TERMITES. Mais le problème le plus sur une piste envahie d’herbe, un peu à d’informations et de témoignages sur le alarmant reste celui de la conservation. l’écart de la petite localité. Au bout, une commerce triangulaire, dont Loango fut « Nous avons bien du mal à protéger cour, des palmiers, des manguiers, de l’un des lieux les plus actifs, du XVIe au les objets organiques, qui sont attaqués la brousse aussi et, au milieu du décor, XIXe siècle. Verroterie, pots en grès ou par les termites, explique Kimfokoune modeste bâtisse de plain-pied, fatien faïence, tissus, fusils… On peut voir Madoungou. Pour y remédier, nous guée. Les murs blancs sont défraîchis, utilisons les moyens du bord, tels que ce qui était échangé contre les millions le balcon et les fenêtres en bois peints d’esclaves venus des zones qui constituent le xylophène à pulvériser. » Il faudrait en vert. La maison a été construite en que le musée soit au moins équipé de aujourd’hui le Tchad, l’Angola, le sud du dur en 1952 pour Moe Poaty III, roi de Gabon, la RD Congo et le Congo. Certains quelques vitrines pour préserver les Loango (Mâ Loango) de 1931 à 1975. Son accords commerciaux se traitaient sur objets les plus fragiles. Un minimum architecture rappelle celle d’un entrepôt le port de Loango, d’autres chez le Mâ qu’il ne peut, avec un budget mensuel de Loango où, du temps de l’esclavage, les Loango, à Diosso. de 100 000 F CFA (152 euros), malheucaptifs étaient entassés avant d’être venQuelques effets personnels de Moe reusement pas s’offrir. ● dus aux marchands européens. Derrière Poaty III sont exposés : le drapeau du TSHITENGE LUBABU M.K.
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Identités plurielles
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
ð Le 23 avril, sur LE PLATEAU DU JOURNAL.
à cause de malversations. Les arriérés de salaires s’étant accumulés, le personnel décide de faire grève. C’est la panique. « Je considère cet épisode comme le plus grand échec de ma vie », avoue Martin Diafouka, qui depuis a repris les choses en main et « emploie soixante personnes, dont une vingtaine de journalistes permanents ». « SANS PARTI PRIS ». De l’avis de
beaucoup d’habitants de Pointe-Noire, DVS+ est une chaîne qui correspond à leurs attentes. « Il y a eu une fois un poisson d’avril annonçant la fermeture de la chaîne. Cela a provoqué un mouvement de solidarité de la part du MÉDIAS public », raconte le superviseur général des antennes. D’après lui, « DVS+ se distingue des autres par le professionnalisme de son personnel, le respect de la déontologie, un traitement réaliste de l’information, sans aucun parti pris ». Des Depuis 2006, le groupe de radio et télévision de Martin qualités qui font du journal télévisé de Diafouka tente de tirer son épingle du jeu dans un contexte local la chaîne « le premier de Pointe-Noire », selon ce salarié. très concurrentiel. Émettant dans un rayon de 50 km autour de la ville, la chaîne de télévie n’avais jamais envisagé de Au début des années 2000, il est sollision, généraliste, essaie de satisfaire ses créer une télévision ou une cité par deux professionnels des médias, téléspectateurs en dépit de moyens de radio à Pointe-Noire. Mon Chastel Tsinga et Joseph Diellé, pour production limités. Ses émissions sont objectif était Brazzaville, où monter une station de radio diffusées vingt-quatre j’avais déjà fait construire un bâtiment et une chaîne de télévision. heures sur vingt-quatre. La proposition l’intéresse, Elles pourraient cepenpour cela. J’ai acheté du matériel audiod’autant que son entreTÉLÉS LOCALES dant bientôt s’arrêter visuel en Afrique du Sud, en France, en Italie et en Espagne. Mais, au lieu d’être prise vient de construire vers 23 h 30, pour lais• Télé Pointe-Noire acheminé à Brazzaville, il a été débarqué un pont et a encaissé un ser la place à un relais (publique) gros chèque. Des locaux de TV5, et ne reprendre à Pointe-Noire. Ce qui a changé tous mes • Digital Radio Télévision plans ! » C’est ainsi que Martin Diafouka, sont trouvés à Loandjili, que le lendemain à 5h30. (DRTV) 64 ans, raconte la naissance non proun arrondissement du DVS+ n’a que cinq pro• Télé pour tous (TPT) grammée de DVS+ dans la métropole nord de Pointe-Noire. La grammes « maison ». • DVS+ maritime. télévision et la radio comPour aller plus loin, il lui Avant de fonder le groupe dont il est le mencent à émettre le 1er mai faudrait beaucoup plus PDG, ce natif de Dolisie (à 180 km à l’est 2006. Plus tard, Diafouka de moyens financiers. de Pointe-Noire) a eu un parcours atyachètera un terrain au Or la publicité, principique. Enseignant, puis directeur d’école, quartier Lumumba pour y RADIOS LOCALES pale source de revenus, il décide un jour de suivre l’exemple de construire le siège de DVS+, ne rapporte pas grand• Radio Pointe-Noire chose : entre 25 000 et l’un de ses amis et de se lancer dans les qui, selon lui, a représenté (publique) affaires. En 1969, il s’installe à Pointeun investissement global 30 000 F CFA (entre 38 • Radio Océan et 46 euros) la minute… Noire et crée une entreprise de bâtiment, de 600 millions de F CFA • DVS+ travaux et services (BTS), qui compte (915 000 euros). Ce qui n’empêche pas • Ponton FM parmi ses clients Elf Congo, de 1972 à Dès le début, il confie Martin Diafouka de conti• Radio Sango Malamu 1973. Parallèlement, dans les années 1980, la gestion de l’entreprise nuer à caresser son vieux • Radio Maria (catholique) Martin Diafouka fait ses premiers pas dans à deux de ses enfants. rêve, celui d’ouvrir une • Radio Louzolo la musique ; il récolte un certain succès Quelques années plus tard, antenne à Brazzaville. ● (chrétienne) avec le Grand Orchestre (GO) Momekano. DVS+ est au bord du gouffre TSHITENGE LUBABU M.K. • Radio orthodoxe
Ponton sur les ondes de DVS+
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ARTISTES
Des hommes et des œuvres Ponténégrins d’adoption, pinceau à la main ou caméra au poing, ils puisent dans la cité océane l’inspiration du grand large et la quiétude propice à la création.
Eliezer Dinga La peinture dans le sang
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ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
ous les jours, Eliezer Dinga, 49 ans, se rend au Village des artisans et artistes, sur la Côte Mondaine de PointeNoire, où il expose et vend ses œuvres. Dans un pays où les amateurs d’art ne sont pourtant pas légion, il affirme que son travail le « nourrit totalement, même s’il y a des hauts et des bas ». Tel père, tel fils : il a choisi le même métier que son père, le peintre Hilarion Dinga. Né en 1963 à Lomé (Togo), d’une mère togolaise et d’un père congolais, Eliezer a grandi à Brazzaville avant de s’établir à Pointe-Noire, en 1997. C’est dans un cadre dominé par les toiles, les pots de peinture et les pinceaux qu’il a grandi. En 1981, après son bac, il s’inscrit à l’École des beaux-arts de Bacongo, à Brazzaville, puis passe le fleuve pour entrer à l’Académie des beaux-arts de Kinshasa afin d’étudier la sculpture, de 1986 à 1989. Très tôt, Eliezer rompt avec la peinture classique sur toile. Pour avoir du volume, il s’intéresse à des matériaux comme le jute, la corde, le papier kraft, le papier mâché… Il part de symboles afin d’aboutir à des formes épurées. « Le tableau me renvoie des idées que j’exploite, explique Dinga. Je laisse la matière s’exprimer. Je préfère la technique du frottis et travaille beaucoup avec les mains afin de faire ressortir les brillances que le pinceau ne peut donner. » S’inspirant de « toutes les scènes de la vie », il crée un univers poétique où alternent paysages et personnages abstraits, et tire parti de l’émotion qui s’en dégage. Passionné de jazz, il joue aussi de la guitare, avec un indéniable talent. ● TSHITENGE LUBABU M.K.
Eddy Mikolo Réalisateur malgré tout
N BAUDOIN MOUANDA POUR J.A.
éàNkayi(dansledépartement de la Bouenza, à 70 km de Dolisie), Eddy Mikolo a passé son bac au lycée Victor-Augagneur de Pointe-Noire en 1998. Deux ans plus tard, il est recruté par une chaîne de télévision locale, Canal Océan. C’est là qu’on l’initie au maniement de la caméra et au montage. Pour répondre au manque de programmes « maison », il réalise des documentaires (Les Coulisses du Fespam [Festival panafricain de musique, NDLR] et Sur la route de Yaya) et
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Identités plurielles
Dora, d’Eddy Mikolo, a été projeté à Pointe-Noire sur les écrans géants de la CAN 2012.
Michel Hengo Grand maître de l’école congolaise
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e l’abstrait au symbolisme, du cubisme au figuratif, il s’est beaucoup inspiré – au cours de sa longue carrière – des scènes du quotidien congolais, accordant une place particulière à la femme. Adepte de la peinture à l’huile, il a vendu et exposé des toiles un peu partout dans le monde : États-Unis, France, Brésil, Cuba, Algérie, Sénégal, Côte d’Ivoire, Chine, pays scandinaves… Il a aussi réalisé des fresques en céramique et décoré le palais des congrès de Brazzaville. Mais, en 2000, c’est à Pointe-Noire que Michel Hengo, qui a 70 ans cette année, s’est installé et a ouvert un atelier. En 1961, à l’âge de 19 ans, le jeune Hengo quitte son village natal de Mongo (département de la Cuvette) pour Brazzaville. Il y fréquente quelques peintres confirmés, à l’instar de Michel Gando, mais apprend surtout seul. Il se fait remarquer, illustre quelques livres en lingala et kikongo. De quoi se rassurer : le dessin sera son gagne-pain. De 1968 à 1970, Michel Hengo suit une formation de base à la célèbre école de peinture de Poto-Poto. Associé à l’avantgarde de la peinture congolaise, il ne passe plus inaperçu. Il est notamment sollicité pour la conception du drapeau de la République populaire du Congo marxiste-léniniste et de l’emblème du Parti congolais du travail (PCT), ou
encore pour décorer la salle de conférences de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à Addis-Abeba. Hengo accède au statut de peintre officiel, rattaché au ministère de la Culture. Il réalise les illustrations des timbres-poste du
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des courts-métrages inspirés de la vie courante qu’il tourne, en 2003, avec ses amis Claude Massala et Brice Bayinguidi. Cela donne une série en sept épisodes, Rien que l’amour. La même année, les trois compères lancent une petite structure destinée à la production cinématographique, mais les moyens manquent… Employé par la chaîne DVS+ (lire p. 101) depuis 2006, il soumet un projet de tournage à ses supérieurs, qui acceptent de l’aider en mettant à sa disposition une caméra et un banc de montage. En 2011, il peut ainsi tourner son premier film, Dora, avec des moyens très limités (une caméra, une perche, un micro) et des acteurs bénévoles, dont des collègues. Le film a été présenté en avant-première à Pointe-Noire les 30 janvier et 12 février, sur les écrans géants mis en place pour la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012. Eddy Mikolo espère bénéficier d’une résidence d’artiste ou d’une bourse d’études pour parfaire sa formation. D’autre part, pour se faire connaître, il compte sur la diffusion de son film sur TV5 et sur une participation au prochain Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco). ● T.L.M.K.
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Congo, participe au Festival des arts et de la culture négro-africains de Lagos en 1977. « C’est pendant ce festival que j’ai réellement découvert le monde culturel et la valeur de mon œuvre », se souvient l’artiste. ● T.L.M.K.
MESSAGE
C’
est à la fin du 19e siècle que la France, puissance colonisatrice, qui administrait les territoires de l’ex-Afrique Equatoriale Française (AEF), scindés aujourd’hui en quatre Républiques (Congo, Gabon, Centrafrique, Tchad), avait conçu la nécessité de disposer d’une liaison, en rive droite du fleuve Congo, entre la mer et le bassin navigable de ce fleuve, concurrente du chemin de fer Léopoldville-Matadi. Le 2 juillet 1921, cinq mois après le lancement des travaux de construction du chemin de fer Congo océan, le Gouverneur Victor Augagneur choisit PointeNoire comme site du prochain port à bâtir, après de nombreuses études controversées : baies de PointeNoire et de Loango, embouchure du Kouilou, rade de Conkouati. Le 11 juillet 1934, au lendemain de l’inauguration officielle du chemin de fer, le Gouverneur Général Antonetti posa la première pierre du Port. Le nom de Pointe-Noire vient du mot portugais « Punta Negra ». C’est ainsi que les Portugais baptisèrent au XVe siècle l’éperon rocheux qui prédomine au large des côtes. Situé sur la côte occidentale d’Afrique, à la croisée des grands axes maritimes d’Europe, Asie et Amérique par 4°47’ de latitude Sud et 11°50’ de longitude Est, à 150 km au Nord de l’embouchure du Fleuve Congo, le Port Autonome de PointeNoire est un port en eau profonde, accessible de jour comme de nuit. Afin d’accroître ses performances et répondre à la demande croissante des armateurs, le PAPN a lancé depuis décembre 2010, la phase principale de mise en œuvre de son programme d’investissements prioritaires. Ce programme qui concerne la réhabilitation, l’extension et la modernisation des infrastructures lourdes comprend : la réhabilitation et l’extension des quais, l’allongement de la digue extérieure, le dragage d’approfondissement des accès nautiques et l’aménagement d’un terminal à conteneurs moderne, la réhabilitation et l’extension du réseau d’eau ; la réhabilitation et l’extension du réseau électrique ; la réhabilitation du terre-plein bord à quai D, etc.
PORT AUTONOME DE POINTE-NOIRE
Priorité à la mo Reconstruction et extension des quais G du terminal à conteneurs Ces travaux consistent à construire un quai en rideau mixte (pieux/palplanches) de 800 m de long et de 15 m de profondeur. Afin de tenir compte de la nécessité de ne pas interrompre l’exploitation du terminal à conteneurs pendant les travaux, il a été retenu de construire ce quai en trois phases distinctes : phase 1 : construction du quai G4 long de 270 m ; phase 2 : construction du quai G1 long de 250 m et phase 3 : construction du quai G2G3 long de 280 m. La construction du quai nécessitera la mise en œuvre de 9 300 tonnes de structures métalliques et de 12 700 tonnes de béton. Les travaux sont exécutés par le Groupement SAIPEM/SOCOFRAN pour une durée de 34 mois. Le premier quai (le quai G4) sera livré en avril 2012.
Allongement de la digue extérieure et construction d’un cavalier de protection Ces travaux consistent à allonger la digue au large de 300 ml sur des profondeurs atteignant 12 à 13 mètres. Cette digue sera construite en enrochements pour le noyau et avec des blocs en béton (X-blocs) pour la carapace. Il sera mis en œuvre au total 240 000 tonnes d’enrochements et 9 000 m3
de blocs en béton. Parallèlement à ces travaux, sera reconstruit un cavalier anti franchissement en enrochements, sur les derniers 300 mètres de la digue existante. Ces travaux qui sont réalisés par l’entreprise BOSKALIS International prendront fin en mai 2012. Leur réalisation effective permettra de protéger le Port et le terminal à conteneurs de fortes houles en cas de tempête et de recréer le piège à sable afin d’allonger la période entre les campagnes de dragage d’entretien.
Aménagement et extension du terre-plein du terminal à conteneurs Ces travaux permettront d’aménager un terre-plein de 32 ha, dont 6,5 ha gagnés sur la mer grâce à un remblai de sable issu du dragage dont le volume est estimé à 285 000 m3. Ils comprennent : la réalisation de deux digues (cavaliers) de protection et de retenue de 300 ml avec 190 000 tonnes d’enrochements au Nord et à l’Est du terminal à conteneurs ; la démolition du revêtement existant ; la mise en œuvre de 10 km de longrines de portiques de parc ; la construction de 1 900 ml de caniveaux pour l’assainissement et de 3 bassins anti-pollution et la mise en place des réseaux d’eau et d’électricité, etc. Le terminal sera équipé de 8 portiques de quai pour le chargement et déchargement des conteneurs et de
Port. Ils comprennent la mise en œuvre de : - 5 500 ml de câbles enterrés de section 4 x 10/10 mm2 ; - 4 nouveaux postes de transformation, dont 1 poste de 12 MW ; - 71 poteaux d’éclairage ; - 81 projecteurs ; - 8 groupes électrogènes de 400 KVA. La durée de réalisation est de 12 mois.
Réhabilitation du terre-plein bord à quai D
32 portiques de parc de type RTG pour les opérations de manutention. Les travaux sont réalisés par les entreprises SOCOFRAN, BOSKALIS et SOCOTRANS sur une durée 42 mois. La première tranche de terre-plein sera livrée en juin 2012, parallèlement avec le quai G4.
Aménagement de la zone logistique et construction de la voie dédiée Ces travaux consistent à aménager un terre-plein de 4,5 ha à l’extérieur des emprises du terminal à conteneurs qui sera relié par ce dernier par une route dédiée de 1 km. Ils comprennent également la construction d’un atelier pour la réparation des engins opérant sur le terminal. La durée de réalisation globale de réalisation de cette opération est de 42 mois. La première tranche de ces travaux, qui concernait l’aménagement de 2,5 ha de terre-plein, a déjà été effectivement réalisée par la société SOCOFRAN.
Dragage d’approfondissement des accès portuaires Ces travaux consistent à draguer le chenal d’accès et le cercle d’évitage à une profondeur de 16 mètres pour leur permettre d’être en adéquation avec le quai G4 et d’accueillir des navires de type AFRAMAX pouvant transporter jusqu’à
7 000 conteneurs. Le démarrage des travaux est prévu pour janvier - février 2012, pour une durée de 4 mois environ.
Réhabilitation et extension du réseau de distribution d’eau Ces travaux qui permettront d’améliorer la qualité d’avitaillement en eau potable des navires et la sécurité contre l’incendie sont réalisés par l’entreprise China Geo Engineering Corporation. Ils comprennent la pose de : - 5,4 km de conduites de diamètre 15 cm ; - 4 km de conduites de diamètre 20 cm ; - 1,5 km de conduites de diamètre 25 cm ; - 20 poteaux d’incendie de diamètre 80 cm ; - 41 bouches d’incendie de diamètre 80 cm ; - 32 regards. Parallèlement à ces travaux sera construit un château d’eau de capacité 1 000 m3 et de 50 m de hauteur qui, couplé à un réservoir enterré de capacité de 1 300 m3, permettra d’assurer un débit de 1 050 m3 par jour et de garantir une pression d’eau de 3 bars minimum sur les sites du Port, les plus éloignés. La durée de réalisation est estimée à 21 mois.
Réhabilitation et extension du réseau d’électricité Ces travaux sont réalisés par l’entreprise ETDE Congo et permettront d’améliorer la qualité de fourniture de l’électricité dans le
PORT AUTONOME DE POINTE-NOIRE Avenue de Bordeaux - B.P. 711 Pointe-Noire, RÉPUBLIQUE DU CONGO Tél. : +242 22 294 00 52 Fax : +242 22 294 20 42 E-mail : info@papn-cg.com www.congoport.com
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
dernité
Ces travaux qui couvrent une superficie de 21 950 m2 ont déjà été réalisés à plus de 90 % par la société SOCOTRANS. La fin des travaux est prévue pour décembre 2011. Le coût global de l’ensemble de ce programme, y compris l’acquisition des équipements et matériels portuaires s’élève à plus de 450 milliards de FCFA, dont 370 milliards de FCFA à la charge de Congo Terminal, société concessionnaire et le reste sur fonds propres du PAPN et sur financement des Bailleurs de fonds (Agence Française de Développement, Banque Européenne d’Investissement et Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale). Il convient enfin de relever l’excellente qualité d’organisation et de planification des travaux qui permet au PAPN de poursuivre les activités normales d’exploitation portuaire, en particulier celles liées au traitement du trafic des navires et des marchandises, en même temps qu’il se transforme en un vaste chantier où l’on rencontre les engins et matériels les plus modernes de travaux maritimes et de génie civil. La réalisation effective de ce programme d’investissements du PAPN, couplée à la mise en service prochaine de la route PointeNoire_Brazzaville, à la réhabilitation et au renforcement des capacités de transport sur le chemin de fer Congo Océan, ainsi qu’à l’amélioration de l’offre de transport sur le réseau fluvial navigable, permettra au Port de Pointe-Noire de conforter son rôle de principal port de transit et de transbordement de la sous-région.
106
Économie
AFRIQUE CENTRALE
La Beac entre convalescence et redressement
TOURISME
La Tunisie prépare Les bouleversements politiques dans le pays et la situation économique difficile en Europe ont mis à nu les faiblesses du secteur. Les opérateurs peinent à définir une nouvelle stratégie, hésitant entre l’offre de masse et le très haut de gamme. FRIDA DAHMANI, à Tunis
S
ans surprise, la révolution et la crise dans la zone euro ont lourdement affectéle tourisme tunisien,dont les revenus ont chuté de 30 % en 2011. Malgré les difficultés conjoncturellesetlesdéfaillancesstructurelles (vieillissement des infrastructures, endettement des hôteliers), le secteur, qui a engrangé 1,3 milliard d’euros de recettes en 2011 et emploie 400000 personnes, demeure un pilier de l’économie du pays, contribuant à hauteur de 7 % au PIB tunisien. D’où l’importance de relancer une machine susceptible de tirer l’économie nationale. Mais cela impose au préalable de repenser la stratégie du secteur. Quel modèle pour l’industrie touristique ? La question fait débat. « Sortir le tourisme tunisien de son positionnement moyen de gamme pour développer la destination et dégager une plus-value est une priorité pour les dix prochaines années », affirme Habib Ammar, directeur général de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT). À l’opposé, Imed Ragzani, chargé du tourisme au sein du parti islamiste Ennahdha, se veut plus radical. Pour en finir avec la politique de bas prix, il veut cibler sans transition le tourisme très haut de gamme et la clientèle des pays du Golfe, à travers un marketing intensif ainsi qu’un projet de label tunisien à définir. Pour satisfaire en partie cette demande, le qatari Diar a acheté 40 ha de terres à Tozeur, le 2 mai, pour bâtir un complexe touristique de luxe. Sur le terrain, les professionnels courbent l’échine. Car même les 2 millions de touristes algériens qui avaient sauvé la saison en 2010 ne seront probablement pas au rendez-vous cet été: N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
AFRIQUE DU NORD : PLUS DE 25 MILLIONS DE VISITEURS EN 2011 Pays
Maroc Tunisiee Tu Algériee Égypte pte
Nombre de touristes (en millions) 2010
2011
Croissance annuelle 1995/2010
9,28 6,9 2 14
9,34 4,78 2,39 9,46
8,9 % 3,5 % 9,6 % 11,2 %
Recettes 2011 Par Par Total habitant (en milliards touriste d’euros) (en euros) (en euros) 5,2 1,3 NC 6,25
560 270 80 660
162 122 5 79 JEUNE AFRIQUE
MARITIME
Tanger Med repart à l’abordage
DÉCIDEURS
Amadou Ousmane Guitteye Directeur général de l’Asecna
BANQUE
Les annonces d’UBA manquent de crédit
107
les prochaines vacances 50 % à 60 % en basse saison, le taux de remplissage est attendu à 95 % au plus fort de l’été. De son côté, le groupe Seabel Hotels a mis à profit la pause forcée en 2011 pour remettre à neuf le Seabel Rym Beach de Djerba, investissant 3 millions d’euros dans sa rénovation pour passer de trois à quatre étoiles. Quant au groupe Yadis, il a conjuré la crise avec deux ouvertures et autant de réouvertures. Il a ainsi investi 35 millions d’euros dans la construction du Yadis Imperial Beach & Spa Resort, à Djerba, un cinq-étoiles de 500 chambres avec un centre de thalassothérapie de 4 000 m2 ; 5 millions d’euros dans la rénovation du Yadis Oasis (quatre étoiles), à Tozeur ; et 3,3 millions d’euros dans le lifting du Yadis Morjane (trois étoiles), à Tabarka. Par ailleurs, le groupe mise sur l’essor du tourisme responsable en étant la première chaîne hôtelière du pays à s’être engagée à respecter les dix principes universels du Pacte mondial des Nations unies (droits de l’homme, normes de travail, environnement, lutte contre la corruption…). L’objectif est d’attirer une clientèle essentiellement britannique, allemande et scandinave, aux moyens financiers supérieurs à la moyenne des touristes regroupés dans les hôtels de bord de mer.
ONS ABID
MISE À NIVEAU. Cette évolution vers une offre
cette année, le ramadan se tient de la mi-juillet à la mi-août. Alors le secteur s’adapte. « Les établissements hôteliers réputés ont résisté. Nous avons ciblé une clientèle de niche et créé de l’événementiel », affirme Mehdi Allani, vice-président de l’hôtel Le Sultan, à Hammamet. En dehors des périodes de vacances, ce quatre-étoiles a fait le plein toutes les fins de semaine grâce à des actions promotionnelles auprès d’une clientèle locale en quête de nouveautés: gratuité pour les femmes le 8 mars à l’occasion de la Journée de la femme, création d’événements équestres, thème de la gastronomie… Résultat: de JEUNE AFRIQUE
SCÈNE ORDINAIRE À SIDI BOU SAÏD. En 2011, les revenus du tourisme ont chuté de 30 %.
de meilleure qualité, plus diversifiée et respectant des règles de gouvernance reconnues est l’objectif de la plupart des établissements tunisiens. Sur les 560 hôtels classés du pays, 177 ont été éligibles, au vu de leur bonne santé financière, au programme national de mise à niveau et profiteront de soutiens en matière de formation, de marketing, de promotion… Mais tous les établissements tunisiens ne bénéficieront pas de ce coup de pouce. La crise a fait des victimes. Confrontés à de graves difficultés financières aggravées par la chute du tourisme en 2011, 25 hôtels du Nord-Ouest et du Sud ont fermé après la révolution. Certains établissements de Hammamet-Sud qui ne sont pas situés sur le front de mer croulent encore sous les dettes avec des intérêts bancaires parfois plus élevés que le capital. Il y a donc urgence à agir. « Mais, pour créer de la valeur dans le secteur du tourisme en Tunisie, il faudra quatre ans de travail, estime Olivier deNicola, président des voyages Fram. Nous sommes passés de 90 000 à environ 35 000 clients sur la Tunisie N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
entre 2010 et 2011. Si nous ne travaillons que la valeur, les opérateurs touristiques vont mourir dans l’intervalle. Nous avons donc intérêt à faire du volume et à travailler dans la durée pour créer de la valeur. Le meilleur ambassadeur de la Tunisie, c’est le client qui rentre chez lui. Mieux vaut avoir 10 000 clients qui rentrent satisfaits que 500 qui auraient payé très cher leur séjour. » Une phase de transition qui doit s’accompagner d’une plus grande cohérence marketing et commerciale. « Nous n’avons pas suffisamment tiré profit de la réserve de touristes européens, il nous faudrait assurer un meilleur ciblage géographique pour les attirer », explique par exemple Mohamed Belajouza, promoteur hôtelier et président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie. Autre piste: une mise en avant des spécificités locales dans les campagnes de promotion du pays à l’étranger. La Tunisie a plus de sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco que l’Égypte, et qui le sait ? Quoi qu’il en soit, les professionnels tunisiens du tourismedevrontrapidementarrêterleurstratégiede développement s’ils veulent capitaliser sur le regain d’affluence attendu pour la haute saison à venir. Six millions de touristes pourraient séjourner dans le
FRILET/SIPA
Entreprises marchés
Selon une professionnelle du secteur, « LES RÉSERVATIONS POUR JUIN ET JUILLET ONT BIEN DÉMARRÉ, SURTOUT À
DJERBA ».
pays en 2012, soit entre 15 % et 18 % de plus qu’en 2011, grâce à la reprise notable du marché français et à l’arrivée d’une clientèle russe – les autorités parlent de 200000 visiteurs en 2012 – démarchée par des voyagistes turcs. Depuis l’arrivée au pouvoir desislamistes,lesrencontresd’affairessemultiplient avec la Turquie. Dans ce cadre, l’ONTT, pour qui le secteur touristique turc est un modèle, favorise les contacts entre les agences de voyages turques et les tour-opérateurs tunisiens. « Les réservations pour juin et juillet ont bien démarré, surtout à Djerba, mais sans retrouver les niveaux de 2010 », constate Rachel Picard, directrice générale de Thomas Cook France. Selon les
Des fleurons du tourisme tunisien GROUPE GOLDEN YASMIN ET TUNISIE VOYAGES
YADIS HOLDING
DR
DR
GROUPE MEUBLATEXEL MOURADI
ONS ABID ONS ABID
TUNISIAN TRAVEL SERVICE
HICHEM
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Dirigeant : Aziz Miled
Dirigeant : Néji Mhiri
Dirigeant : Adel Boussarsar
Dirigeant : Jalel Bouricha
Au départ, TTS est une agence de voyages qui commercialise 40 000 lits (20 % du marché). Depuis, le groupe s’est étoffé : transport de touristes (80 bus), création de la première compagnie charter privée du pays (Nouvelair), six hôtels (de trois à cinq étoiles). Il est le numéro un du secteur.
En quarante ans, Meublatex est devenu une référence du secteur en Tunisie. C’est en s’inspirant des mêmes modes de gestion ultrastandardisés que son fondateur, Néji Mhiri, a fait d’El Mouradi la première chaîne hôtelière du pays avec 17 hôtels (de trois à cinq étoiles) et une agence de voyages (VTL).
Sur les créneaux du moyen et du haut de gamme (dix hôtels de luxe), le groupe propose tout un panel de séjours (tourisme balnéaire et d’affaires, randonnées dans le désert, séjours pour amateurs de golf, thalasso). Son agence de voyages Tunisie Voyages représente l’allemand TUI en Tunisie.
La société possède huit hôtels ainsi que des agences de voyages opérant sous le label Traveltodo. Travaillant avec des centrales de réservation, Yadis est aussi le premier groupe tunisien à miser sur une clientèle haut de gamme adepte du tourisme responsable.
CA 2010 : 23,3 M€
CA 2010 : 22,2 M€
CA 2010 : 20,7 M€
CA 2010 : 10,4 M€
Création : 1968
Création : 1972
Création : 1997
Création : 1981
Effectif : 1 200 salariés
Effectif : 4 000 salariés
Effectif : 970 salariés
Effectif : 1 100 salariés
Hébergement : 4 000 lits
Hébergement : 16 000 lits
Hébergement : 2 368 lits
Hébergement : 3 600 lits
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés professionnels, le secteur pourrait retrouver sa vitesse de croisière en 2013. Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme, se veut rassurant : « Il n’y aura pas de virage concernant le tourisme tunisien. Il n’est pas question de revenir sur la typologie habituelle de nos touristes, ni sur leur façon de concevoir leurs vacances. » Cependant, tous les opérateurs sont conscients que le moindre incident entre des religieux et des touristes étrangers pourrait réduire à néant tous les efforts consentis par la profession. OUVERTURE DU CIEL. Pour débloquer la situation,
une décision des autorités pourrait créer un énorme appel d’air : l’ouverture du ciel et de la signature d’un accord Open Sky avec l’Union européenne. Pour l’instant, les discussions sont au point mort. En très mauvaise santé financière, Tunisair souhaite en effet conserver son monopole de compagnie nationale et fait pression pour retarder la libéralisation du transport aérien. Celle-ci permettrait pourtant d’attirer de nouvelles compagnies vers le pays, de multiplier les dessertes aériennes pour développer les courts séjours – comme a su le faire la Turquie – et de profiter davantage de la proximité avec l’Europe. Au Maroc, la signature d’un accord Open Sky en 2004 a permis de faire
109
passer le nombre de touristes de 5,2 millions en 2003 à 9,3 millions en 2011. Entre-temps, la part de marché de Royal Air Maroc a dévissé de 62 % à 47 %. « Il faudra bien trancher un jour : protéger coûte que coûte les 3 000 salariés de Tunisair ou sauver les 400000 personnes qui vivent du tourisme dans le pays », conclut un patron de groupe hôtelier. ●
L’EXCEPTION DE L’HÔTELLERIE D’AFFAIRES LES ÉTABLISSEMENTS MULTIÉTOILÉS en bord de mer, autour deTunis, sont d’abord des hôtels d’affaires qui ont développé pour certains, commeThe Residence ou Karthago Le Palace, des prestations complémentaires telles que la thalassothérapie ou le golf. Depuis la révolution, ils font le plein, tout comme les hôtels de ville. La révolution a drainé aussi bien les hommes d’affaires que les sommets internationaux (Union africaine, Banque africaine de développement…) et les personnalités politiques. Pendant la préparation de la campagne électorale de l’automne dernier, les observateurs de l’ONU ont par exemple rempli le Sheraton. « Le tourisme d’affaires va bien, et c’est un bon indicateur quant aux perspectives de l’économie du pays », estime Nabil Sinaoui, directeur de l’hôtel Regency. Deux nouvelles unités, Novotel et Ibis, sont venues enrichir les propositions d’hébergement de la capitale. ● F.D.
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Entreprises marchés AFRIQUE CENTRALE
La Beac entre convalescence et redressement Rigueur budgétaire, contrôle, transparence, prudence… Depuis le scandale qui l’a ébranlée en 2009, la Banque des États de l’Afrique centrale a revu son code de conduite. Cela n'empêche pas la sous-région de connaître une nouvelle affaire de mauvaise gouvernance.
P
rès de trois ans après le scandale (voir J.A. n o 2540) qui a ébranlé la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), voilà la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) empêtrée à son tour dans une affaire de mauvaise gouvernance, également révélée par Jeune Afrique (nos 2673 et 2677). Fausses factures, prélèvements d’espèces non justifiés, attributions douteuses de marchés… Les montants en jeu se chiffrent à plusieurs millions d’euros. Ce nouveau scandale, qui éclabousse en premier lieu le Camerounais Antoine Ntsimi, président de cette Commission depuis 2007, n’en est vraisemblablement qu’à son début, puisqu’il figurera au centre des discussions du prochain sommet des chefs d’État de la zone, annoncé pour les semaines à venir, à Brazzaville.
Aujourd’hui, « l’incendie a été éteint, nous sommes en train de nous redresser pour nous conformer aux standards internationaux », affirme l’ÉquatoGuinéen Lucas Abaga Nchama, nommé gouverneur de la Beac en janvier 2010. D’après un autre haut cadre de l’institution, « de
« INCENDIE ». Vue du siège de
la Beac, à Yaoundé, cette affaire vient rappeler les douloureuses révélations, en 2009, sur le détournement d’environ 31 millions d’euros depuis le bureau extérieur de l’institution à Paris (lire encadré p. 111). Des malversations ayant porté un sérieux coup à l’image de la banque et entraîné une réorganisation profonde de sa gouvernance. L’affaire Ntsimi vient surtout interpeller les nouveaux dirigeants de la Beac sur l’intérêt qu’ils ont à maintenir le cap des réformes engagées sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) pour restaurer la crédibilité de l’institution émettrice. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
nombreuses mesures ont été mises en œuvre pour prévenir les comportements non orthodoxes. Le gouverneur ne dicte plus rien, son propre travail et ses décisions sont soumis à un comité d’audit indépendant. De plus, des partenaires étrangers viennent vérifier la bonne évolution des réformes en cours ». Faisant allusion à la Commission de la Cemac qui n’a pas été auditée pendant plusieurs années, cette même source préconise : « Le contrôle doit être renforcé dans toutes les institutions de la sousrégion, aucune d’entre elles ne doit y échapper. » MAÎTRES MOTS. Rigueur bud-
gétaire, contrôle, transparence, prudence… Tels sont aujourd’hui les maîtres mots dans la gestion de la Beac. Parmi les améliorations apportées, l’adoption d’un code des marchés. « Il n’y en avait pas. Désormais, aucun marché ne peut être attribué sans appel d’offres », se félicite Lucas Abaga Nchama. À titre d’exemple, le programmeimmobilier prévoyant la construction d’un centre de la Banque centrale à Abéché, au Tchad, dont l’attribution se fait par appel d’offres, devrait finalement coûter moins cher que la dizaine de millions d’euros annoncés initialement. De même, de nombreux contrats d’assurances qui avaient été attribués sans faire jouer la concurrence ont été renégociés. Résultat : les économies réalisées ont permis d’améliorer les finances de la Beac, qui sont passées d’un déficit de 45 millions d’euros en 2009 à un bénéfice de 35 millions d'euros l’année dernière. « Aujourd’hui, nous pouvons DIEGO RAVIER POUR J.A.
110
! LE SIÈGE DE L’INSTITUTION, À YAOUNDÉ, est désormais contrôlé trois à quatre fois par an par un département d’audit interne.
JEUNE AFRIQUE
distribuer des dividendes aux États membres », indique Lucas Abaga Nchama. Les dirigeants de la sous-région ont plutôt opté pour le renforcement des fonds propres de la banque, pour lui permettre de résister à d’éventuels chocs exogènes mais aussi de jouer pleinement son rôle dans le financement
Deux experts résidents du FMI ont été mobilisés au Cameroun. des économies de la sous-région. De fait, la Beac a porté de 6 % à 30 % sa participation au capital de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC). VAGUE DE RENVOIS. Le recrute-
ment d’une soixantaine de cadres pour renforcer les équipes et remplacer ceux emportés par la vague de licenciements qui a suivi le scandale du bureau de Paris a été confié au cabinet camerounais ADRH-Apave. « Nous lancerons prochainement un autre concours de recrutement d’auditeurs pour renforcer les équipes de la commission bancaire de la sous-région et lui permettre de multiplier son contrôle du système bancaire », indique Lucas Abaga Nchama. Car, à l’image de la Beac pendant de longues années, de nombreux établissements de la zone ont
aussi bafoué des règles de gestion. Au total, 56 directeurs généraux se sont vu retirer leur agrément depuis début 2010, et au moins une banque a été placée sous redressement judiciaire. Peut-on pour autant affirmer que la Beac a surmonté la crise ? Une seule certitude, elle va mieux. Et les partenaires, notamment le FMI, qui avait suspendu son aide à certains pays de la zone et fait adopter un plan de redressement draconien, veillent au grain quotidiennement. Deux experts résidents du FMI ont été mobilisés au siège de la banque et un troisième devra venir prochainement en renfort. C’est d’ailleurs avec l’appui de l’institution de Bretton Woods que les nouveaux dirigeants de la Beac ont élaboré leur plan de modernisation, dénommé BeacHorizon 2013. Déjà en cours de mise en œuvre, ce programme vise notamment à renforcer les systèmes d’information comptable, de gestion budgétaire, et à mettre en place un véritable audit interne. Un pouvoir accru au sein du conseil d’administration est ainsi accordé au comité d’audit créé. Aucune information, aussi confidentielle soit-elle, ne peut lui être dissimulée. Deux nouveaux départements de contrôle ont été créés : l’un est spécialement destiné au siège de la Beac, qu’il contrôle trois à quatre fois par an, et l’autre aura en charge les différents centres (directions nationales, représentations…) de
! L’ÉquatoGuinéen LUCAS ABAGA NCHAMA est aux manettes de la banque depuis 2010.
MAIS OÙ EN SONT LES « PARISIENS » ? LE GABONAIS ARMAND BRICE NDZAMBA (ancien comptable du bureau extérieur), le Centrafricain Gaston Sembo-Backonly (ex-adjoint au délégué du gouverneur à Paris), le Gabonais Maurice Moutsinga (alors directeur du contrôle au siège)… Les procédures judiciaires engagées contre les protagonistes de l’affaire du bureau extérieur de Paris peinent à aboutir. Ceux qui ont été incarcérés ont même été libérés après quelques mois et placés sous contrôle judiciaire. « Nous avons contesté ces décisions par le biais de notre avocat. Mais nous laissons la justice faire son travail », assure Lucas Abaga Nchama, gouverneur de la Beac, qui refuse d’admettre un quelconque laxisme des chefs d’État dans cette affaire et estime que le licenciement immédiat de tous les cadres incriminés a été un acte de fermeté. Les suites de l’enquête ont conduit au renvoi de six nouveaux cadres depuis l’arrivée de Nchama, et d’autres seraient sur la sellette. Par ailleurs, le budget du bureau de Paris a été réduit de moitié, à environ 1 million d’euros. ● S.B. JEUNE AFRIQUE
111
JACQUES TORREGANO POUR J.A.
Entreprises marchés
la banque. Par ailleurs, le contrôle se fait désormais en deux temps : a priori, c’est-à-dire qu’au moment d’engager les dépenses, ce département doit vérifier que les textes sont respectés à tous les niveaux ; puis a posteriori, sur ce qui s’est réellement passé. DETTE. Outre le contrôle, la pru-
dence dans la gestion des réserves est aussi de rigueur. Si la Beac a négocié et obtenu de la banque française Société générale le remboursement de 15 millions d’euros sur les 23 millions qu’elle avait perdus dans des opérations spéculatives, elle maintient la suspension de sa salle des marchés. « Nous attendons d’avoir, avec l’appui de la Banque mondiale, une expertise beaucoup plus affirmée dans ce domaine », explique Lucas Abaga Nchama. Qui ajoute : « Même si, pour l’heure, 10 % de nos investissements sont constitués par des emprunts obligataires émis par deux pays européens en grande difficulté, l’Espagne et le Portugal, nous mettons l’accent sur les placements moins risqués. » ● STÉPHANE BALLONG N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Entreprises marchés MARITIME
Tanger Med repart à l’abordage
Après les grèves, seule la compagnie sud-africaine Safmarine n’est pasrevenueàTanger.Heureusement pour les Marocains, les géants maritimes comme le français CMA CGM ou le danois Maersk ont renouvelé leur confiance, notamment du fait des liens capitalistiques qu’ils entretiennent respectivement avec Eurogate et avec APM, qui leur garantissent des tarifs avantageux.
Après une année 2011 difficile, le port marocain montre de nouveau les dents. Il entend rivaliser avec Algésiras, de l’autre côté du détroit de Gibraltar, pour devenir un haut lieu du transbordement en Méditerranée.
FRÈRE JUMEAU. Mais les pilotes de
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
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C
haque année, quelque 100 000 navires – soit 20 % du trafic mondial – transitent par le détroit de Gibraltar. Sur la rive sud, le port de Tanger Med, qui fêtera ses 5 ans cet été, continue sa montée en puissance. Objectif : devenir l’un des hauts lieux de transbordement de la zone Europe-Méditerranée. Le port marocain, piloté par l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA), est encore loin de sa cible de 8 millions de conteneurs par an, qu’il prévoit d’atteindre en 2016. Le trafic a progressé de 1,7 % en 2011, pouratteindre2,1millionsdeconteneurs manipulés, pour une capacité actuelle de 3 millions. Cette légère hausse est en deçà des attentes de TMSA.Sansunefind’annéesocialement tumultueuse, le trafic annuel aurait pu être 15 % plus élevé. Les deux terminaux gérés par APM et le consortium Eurogate Tanger ont subi une baisse d’activité de 70 % pendant les grèves d’octobre et novembre 2011. Alors qu’un navire hongkongais de 200 mètres – le San Francisco – appareille sous ses yeux, Marco Mignogna, président du directoire N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
d’Eurogate Tanger, évoque une période difficile pendant laquelle son entreprise perdait 200000 euros par jour: « Nos principaux clients ont compris ces tensions sociales comme un problème de jeunesse, et ils nous sont restés fidèles. Mais maintenant,onn’aplusledroitàl’erreur », explique l’Italien, qui affirme que le syndicat majoritaire, l’Union marocaine du travail, est désormais sur la même longueur d’onde que la direction. « Nous avons trouvé une solutionavecdeshaussesdesalaires et des primes », indique ce manageur issu de Contship Italia, l’un des principaux actionnaires d’Eurogate Tanger. Le salaire moyen tourne désormais autour de 4700 dirhams (420 euros) pour les dockers des deux terminaux, après des hausses de plus de 30 % en 2011.
Avantage Espagne (Conteneurs manipulés en 2011)
TANGER MED
2,1 millions
ALGÉSIRAS
3,6 millions
Tanger Med n’ont pas oublié l’alerte. Ils savent que des solutions de repli existent à proximité. « Une part du trafic des ports de ð LES transbordement DOCKERS ont méditerranéens obtenu des est volatile. hausses Comme les comde salaire de pagnies de taille plus de 30 % en 2011. moyenne ne sont pas actionnaires des terminaux, elles se montrent sensibles à tout risque ou variation de la compétitivité », explique un banquier spécialiste du secteur. «Nosopérationsdetransbordement peuvent être très facilement transférées d’une rive à l’autre du détroit. C’est presque indolore en termes de coûts », confirme le directeur commercial d’une compagnie maritime installée au Maroc et en Espagne. Face à Tanger Med, les ports de Malte, de Valence, de Málaga, mais aussi et surtout d’Algésiras, affûtent leurs armes. En 2011, l’autorité portuaire de la ville andalouse – située à seulement 18 km de Tanger – annonçait un trafic de 3,6 millions de conteneurs. Soit une progression de 27 % qui n’est pas sans lien avec les déboires defind’annéedesonrivalmarocain.
UN PORT PEUT EN CACHER UN AUTRE QUELQUE 2 200 OUVRIERS s’activent sur le chantier deTanger Med 2. Un consortium mené par le français Bouygues Construction y réalise une gigantesque digue de 4,8 km de long en déposant 95 caissons de 24 m de hauteur au fond de l’eau. Celle-ci abritera un bassin de 160 ha et le nouveau terminal de Marsa Maroc, qui doit démarrer en 2014. Sa construction est assurée par le groupement Besix-Somagec. D’ici à 2016,Tanger Med 2 ajoutera une capacité de 5,2 millions de conteneurs aux 3 millions deTanger Med 1. ● C.L.B. JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Après les grèves, les géants CMA CGM et Maersk ont renouvelé leur confiance. Sur les quais marocains, l’heure est à la mobilisation. « Quand nous avons démarré l’exploitation du terminal d’Eurogate Tanger, en 2009, la référence de nos travailleurs, c’était Casablanca : un port dévolu au marché intérieur et qui n’a pas grand-chose à voir avec le transbordement de conteneurs. Nous avons formé des équipes et réduit à dix jours le délai de transfert de marchandises d’un bateau à l’autre. C’est un point très sensible pour les armateurs, pour qui cela signifie des frais moins élevés, détaille l’Italien. Aujourd’hui, nous figurons désormais parmi les ports les mieux classés par CMA CGM. » Commercialement, les opérateurs de Tanger Med se veulent offensifs : « Nous sommes à la croisée de toutes les grandes routes maritimes, affirme Marco Mignogna. Nous voulons devenir incontournables pour le transbordement des marchandises venues d’Amérique latine et d’ExtrêmeOrient à destination de Dakar, de Nouadhibou, d’Abidjan mais aussi du Cap. À terme, nous souhaitons que les armateurs qui transportent des marchandises du Brésil ou d’Argentine vers l’Europe du Sud-Ouest et l’Afrique de l’Ouest viennent chez nous plutôt qu’à Rotterdam. » ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
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IDE L’INTÉRÊT DES INVESTISSEURS NE FAIBLIT PAS Le cabinet d’audit et de conseil Ernst &Young vient de publier son deuxième rapport annuel sur l’Afrique. Consacré à l’attractivité du continent à travers les investissements directs étrangers (IDE), il repose aussi sur une étude sur la perception de l’Afrique par 505 dirigeants d’entreprise. ! LE CABINET D’AUDIT ET DE CONSEIL vient de publier L’intérêt des investisseurs sa deuxième étude annuelle sur l’Afrique. pour le continent n’est plus un mythe: entre 2003 et 2011, le nombre d’IDE a plus que doublé, d’euros en 2015, notamment grâce à passant de 339 à 857. Soit une hausse l’essor massif des investissements des de 153 %. L’Afrique du Sud (16 %), pays émergents (Afrique du Sud, Inde, l’Égypte (10,9 %), le Maroc (10,4 %), Arabie saoudite, Corée du Sud…). l’Algérie (6,3 %) et laTunisie (6,1 %) sont Toutefois, deux obstacles majeurs les pays qui ont le plus profité de cette freinent l’arrivée de nouveaux manne. Et ce n’est pas fini. Les IDE investisseurs: l’instabilité politique et la pourraient atteindre 110 milliards faiblesse des infrastructures. ●
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M
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JAMES LEYNSE/REA
Le tout nouveau terminal multimodal TTI Algeciras, géré par le coréen Hanjin et lancé en mai 2010, est un véritable frère jumeau de Tanger Med. Comme lui, il peut accueillir conteneurs, camions, vrac et produits pétroliers. Au niveau des coûts, les deux ports sont au coude à coude. « Bien sûr, notre main-d’œuvre est moins chère, explique Marco Mignogna. Mais, comme Tanger Med est un nouveau port, les frais de concession payés à l’État sont élevés. Ce n’est pas le cas à Algésiras, qui est soutenu par des subventions importantes de Madrid. »
Entreprises & marchés
• CIMENT Carthage Cement vient de décrocher un prêt de 30 M€ auprès de 12 banques tunisiennes • FER Le japonais Mitsui & Co souhaite investir 17 G$ dans des sociétés minières en Afrique et en Russie • FINANCE Un fonds d’investissement maroco-omanais de 250 M$ est en gestation, il sera abondé par les 2 pays à parité • AÉRIEN À partir du 8 mai, Tunisair desservira Tripoli et Benghazi • MINES Le français Eramet a annoncé
pour le 1er trimestre 2012 un CA de 877 M€, en recul de près de 10 %
CÔTE D’IVOIRE MOBILISATION POUR LES ENTREPRISES Sébastien Kadio-Morokro (Petro Ivoire), Meïssa Ngom (Chaka), Stéphane Eholié (Simat) et le banquier Samuel Maréchal ont créé début mai à Abidjan le Cercle des entrepreneurs africains. Objectif: réunir une centaine d’adhérents d’ici à deux ans pour créer un réseau d’entrepreneurs et susciter l’esprit d’entreprise (formation, aide à la création, etc.). De leur côté, les grandes entreprises ivoiriennes de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) ont mis en place un fonds de garantie de 7,6 millions d’euros pour les PME-PMI. ● NIGER SONITEL NATIONALISÉ Le Parlement nigérien a voté le 2 mai la nationalisation de l’opérateur historique Sonitel. Ce revirement sanctionne
le non-respect des engagements en matière d’investissement de LAP Green Network, branche télécoms du fonds souverain libyen jusque-là propriétaire de la compagnie. Une situation due, selon les autorités libyennes, aux sanctions imposées par les Nations unies au gouvernement de Mouammar Kaddafi. ● LIBYE SONATRACH DE RETOUR Un peu plus de un an après son départ, la société d’hydrocarbures algérienne vient d’annoncer qu’elle reprenait ses opérations en Libye. Cette décision fait suite à une réunion avec les autorités libyennes, qui lui auraient garanti la sécurité de ses activités sur place. Bien qu’elle n’y produise ni pétrole ni gaz, Sonatrach possède des permis d’exploration à l’ouest du pays, dans le bassin de Ghadamès, non loin de la frontière algérienne. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Décideurs Politicien, sans doute pas. Mais homme de pouvoir, oui. Après avoir gravi tous les échelons au sein de l’Asecna, Guitteye l’a quittée en 2005 pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (Oaci). La retraite, pas vraiment son truc. En 2010, il fait campagne dans les 18 pays de l’Asecna, sur ses fonds propres, pour en prendre la tête. Le soutien du Mali – c’est-à-dire celui de l’ex-président Amadou Toumani Touré –, il ne l’obtient qu’après s’être lancé dans la bataille avec un programme ambitieux orienté vers l’amélioration de la sécurité de la navigation aérienne et, surtout, celle de la gouvernance et de l’efficacité économique de l’agence. Avec 6 170 agents et un budget de 450 millions d’euros, l’Asecna est en effet une grosse machine qui suscite parfois interrogations et convoitises.
AÉRIEN
Amadou Ousmane Guitteye, gardien du ciel africain Passionné d’aviation civile depuis toujours, le Malien est en passe de faire entrer un 19e État (le Soudan du Sud) dans l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, qu’il dirige depuis 2011.
«
M
on père ne voulait pas que ses enfants aillent à l’école, mais on n’a pas réussi à me cacher ! » Et comme si le souvenir datait d’hier, Amadou Ousmane Guitteye éclate de rire. Pourtant, ses débuts d’écolier remontent au milieu des années 1950, à Mopti (Mali). Mais le directeur général de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) se trouve là assez bien résumé. Sexagénaire débonnaire et incorrigible bavard, il a une mémoire d’éléphant et rit volontiers de ses propres histoires. Au gré de la discussion, on relève une incorporation de force dans l’armée après une révolte étudiante, un premier vol au manche d’un Piper PA-28 à la fin des années 1970, la direction de l’aéroport de Bamako pendant douze ans, des conseils prodigués à trois ministres des Transports, un accident d’avion (en tant que passager) à Douala… FIL ROUGE. Depuis son enfance,
Amadou Ousmane Guitteye n’a suivi qu’un fil rouge, sa passion pour l’aviation civile. Illettré, son père, surnommé l’aviateur, l’emmenait voir décoller les DC3 et DC4. Aujourd’hui, c’est lui qui se réjouit de voir sa propre fille – il a six enfants – préparer son brevet de pilote à Montréal. Mais N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
DÉGRAISSAGE. « L’Agence n’était
ASECNA
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contrairement à tant d’autres, Guitteye n’a jamais placé le pilotage au firmament de son ambition. Même pas pilote de chasse ? « J’étais contre l’arrivée des militaires, je l’ai fait savoir, et j’ai depuis gardé cette aversion permanente », dit-il. Ce qu’il voulait, depuis ses dix ans, c’était être ingénieur de l’aviation civile. Excellent élève admis à l’École nationale de l’aviation civile de Toulouse (France) en 1976, il fit, pendant les vacances scolaires, tous les exercices de mathématiques de la sixième à la quatrième, parce qu’il s’ennuyait… Il serait aussi possible de s’attarder sur ses démêlés avec les ministres en poste à Bamako quand il dirigeait l’aviation civile du Mali. « J’ai une grande gueule. Je ne sais pas mentir, je ne pourrai jamais être un politicien », dit-il.
LE DIRECTEUR
DE L’ASECNA,
61 ANS, vient de solliciter les bailleurs de fonds à hauteur de 26,7 millions d’euros.
pas concentrée sur sa mission première, qui est de fournir des services de navigation aérienne, explique Guitteye. Les ressources n’étaient pas bien utilisées et nous avions une image de richesse qui a pu attirer. » À peine arrivé, Guitteye met en place une nouvelle organisation, fondée sur le « dégraissage de l’appareil de commandement » et la « responsabilisation de chaque centre régional ». Le recentrage paie : l’Asecna a signé le 11 avril un accord de partenariat avec le Soudan du Sud, pays qui pourrait bientôt devenir le 19e membre. Et son directeur vient de solliciter les bailleurs de fonds à hauteur de 26,7 millions d’euros pour « maintenir l’agence à la pointede latechnologie en ladotant d’équipements de dernière généra-
Incorporé de force dans l’armée, directeur de l’aéroport de Bamako, survivant d’un crash… tion ». Guitteye, en poste jusqu’en 2015, conclut dans un éclat de rire: « Je veux seulement rendre ce que j’ai accumulé d’expérience afin de sauvegarder cette maison… pour les cinquante années à venir. » ● NICOLAS MICHEL, envoyé spécial à Djouba JEUNE AFRIQUE
Décideurs
DR
ð Il dirigeait jusque-là MOBILIS, filiale mobile de l’opérateur.
TÉLÉCOMS
Azouaou Mehmel, du fil à détordre
Le nouveau patron d’Algérie Télécom veut changer les mentalités au sein du groupe public. Comme les sept PDG qui l’ont précédé en deux ans ?
A
lgérie Télécom est dans « une situation des plus précaires », répète le nouveau PDG de l’opérateurhistorique,AzouaouMehmel, 47 ans, nommé le 31 mars. Au-delà de l’« obsolescence » des infrastructures, c’est sur les causes humaines qu’il insiste, critiquant une entreprise qui fonctionne comme une administration, avec toutes les lourdeurs que cela implique. Tous les Algériens peuvent témoigner de la difficulté de se faire installer une connexion internet, après des mois voire des années d’attente, ou de
la corvée que représente le règlement de leurs factures en agence. Des situations « intolérables », juge le patron, qui souhaite former ses agents afin qu’ils améliorent le contact avec les clients et redorent l’image et l’efficacité de l’entreprise. El Hachemi Belhamdi, son prédécesseur, avait pointé les mêmes tares avec le même franc-parler. Mais il a été victime de la fonction « siège éjectable » inhérente au poste de PDG d’Algérie Télécom – sept patrons en deux ans. Azouaou Mehmel, lui, pourra s’appuyer sur son expérience en tant que patron
de Mobilis, filiale mobile de l’opérateurhistorique,qu’ildirigeaitdepuis décembre2009–presqueunrecord. « Il y a modernisé l’activité et fait triompher la vision marketing de la nouvelle génération des cadres destélécomsfaceàcelledesanciens fonctionnairesduministèredesPTT, estime Farid Farah, universitaire spécialiste des TIC. Pour réformer, il s’est appuyé sur la menace que faisaient peser sur Mobilis les deux opérateurs mobiles étrangers présentsenAlgérie,DjezzyetNedjma.» SOUTIEN EN HAUT LIEU. De la même façon, Azouaou Mehmel a déjà prévenu que la situation de quasi-monopole d’Algérie Télécom ne serait pas éternelle. Et que « l’avènement annoncé du haut débit mobile pourrait sonner le glas » de l’entreprise. Ingénieur diplômé de Télécom Bretagne (ex-ENST Bretagne, France), il pourra sans doute compter sur le soutien de Moussa Benhamadi, ancien PDG d’Algérie Télécom et ministre des TIC, qui l’a nommé. Ce dernier avait déjà soutenu Mehmel lorsqu’il avait mis sa démission sur la table, en 2010,faceàdespressionspolitiques. Une telle entente entre les deux hommes pourrait être utile si Alger concrétisait sa prise de participation dans Djezzy aux côtés du russe Vimpelcom. ● SAÏD AÏT-HATRIT
JEAN KACOU DIAGOU CGECI Le président du groupe d’assurances NSIA a été maintenu pour encore un an à la tête de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, le patronat ivoirien, à la suite d’un vote par acclamation le 2 mai. JEUNE AFRIQUE
PHILIP LINDOP ABSA CAPITAL La banque sud-africaine Absa vient de recruter cet ancien de Goldman Sachs comme directeur d’Absa Capital, sa division spécialisée dans la banque d’investissement.
MPA PRESSE
ABSA
VINCENT FOURNIER/J.A.
ON EN PARLE
RACHIDA BENABDALLAH RMA WATANYA Nommée DG de RMA Watanya, cette polytechnicienne était jusque-là DG du Centre monétique interbancaire marocain. Elle sera aussi membre du directoire de la compagnie d’assurances, filiale de FinanceCom. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Marchés financiers BANQUE
Les annonces d’UBA manquent de crédit
Après deux années désastreuses, le nigérian United Bank for Africa déclare des profits vertigineux sur les trois premiers mois de 2012. Un résultat à ne pas forcément prendre au pied de la lettre.
KUNLE AJAYI/AMO/SIPA
P
romesse tenue. Le 18 avril, United Bank for Africa (UBA) a annoncé pour le premiertrimestre2012des profits mirobolants. À 76 millions d’euros, le résultat net avant impôt du groupe nigérian s’est envolé de 233 % par rapport au premier trimestre 2011, confirmant les prévisions données quelques semaines plus tôt par la direction d’UBA. Depuis, les investisseurs à la Bourse de Lagos ont salué l’événement à sa juste valeur: le titre a progressé en neuf séances de 46,7 %! Après deux années désastreuses, UBA sortirait-il enfin la tête de l’eau? « Les résultats financiers de la banque au cours du premier trimestre témoignent de la résistance du groupe et du redressement de la performance de l’entreprise après que nous enavons nettoyéle bilan», explique Phillips Oduoza, directeur général. Débutée en 2010, la purges’esteneffetpoursuivietoutau long de 2011. Au cours de ce laps de temps, le groupe s’est séparé d’environ610millionsd’eurosdeprêtsnon
recouvrables. Au cours du seul dernier trimestre 2011, les 470 millions d’euros dont UBA s’est délesté ont d’ailleurs provoqué l’effondrement de ses performances financières. Unmalpourunbien…Legroupe, quiprésentedésormaisunniveaude prêts non performants en dessous des 5 % imposés par la Banque centrale, serait mieux positionné pour l’avenir. À son actif également, une «aventureafricaine»quicommence à porter ses fruits. Douze de ses dixhuit filiales sur le continent (hors Nigeria) sont désormais rentables, contrequatreàlafindel’année2010. Désormais, 19 % de ses revenus sont générésendehorsduNigeria(contre 10%deuxansplustôt),enligneavec le poids des opérations africaines
Rodéo nigérian
En deux ans, le groupe s’est séparé de 610 MILLIONS D’EUROS de prêts non recouvrables.
dans le total de bilan du groupe. Du coup, le management prévoit une poursuite de la croissance bénéficiaire, avec pour le second trimestre un résultat net aussi élevé que celui du premier trimestre. PRUDENCE. Tout cela est-il cré-
Les filiales les plus rentables
Résultat net avant impôt, en millions d’euros
153,3
Résultat net avant impôt en 2011
Ñ Ghana
5,69 millions d’euros
30,4
Burkina Faso
15,8
2,31 millions d’euros
Û Cameroun
960 000 euros
– 134,1 2009
2010
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
2011
T Sénégal 1er sem. 2012 (prévision de UBA )
930 000 euros
SOURCE : UBA
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dible?Àceniveaudeprofits,larentabilitédescapitauxpropresdugroupe atteint 28,5 %, un niveau tout à fait exceptionnel au Nigeria… et peu probable même pour une banque comme UBA, jadis très rentable. « Nous aimons cette performance, expliqueAbiolaRasaq,analystechez Vetiva Research. Néanmoins, nous restonsprudents,avecuneprévision derentabilitéà13%pourl’ensemble de l’année 2012. » L’important provisionnement décidé par le management fin 2011, alors que les trimestres précédents semblaient encourageants, incite à la prudence. « Étant donné que les chiffres [du premier trimestre 2012, NDLR] ne sont pas audités, nous ne sommes pas certains qu’ils donnent une vision fidèle de la performance 2012, soulignait dès le mois de février Muyiwa Oni, analyste chez Stanbic IBTC. Depuis l’audit mené par la Banque centrale en 2009, nous observons que les éléments prévisionnels donnés par JEUNE AFRIQUE
Baromètre
Son « aventure africaine » commence à porter ses fruits. de laquelle les analystes restent sceptiques. Cette réorganisation, imposée par la Banque centrale, passerait par la sortie des activités non bancaires (assurances notamment) du périmètre d’UBA. Les qualités du groupe sont connues : un vaste réseau de plus de 600 agences à travers le pays, un grand nombre de clients, une base de financement peu coûteuse ainsi que de belles perspectives africaines. Mais ses défauts le sont tout autant: un ratio coût/revenu élevé, un réseau pas toujours très efficient, une sous-performance régulière en matière de bénéfices depuis quelques années… En 2008, rappelaient récemment les analystes de Renaissance Capital, le ratio officiel de prêts non performants d’UBA était de 3,6 %. En 2009, à la suite de l’audit de la Banque centrale, il était réévalué à 7,9 %. Puis à 12,3 % dans les premiers mois de 2011. Preuve que, chez UBA, tout ne peut être pris au pied de la lettre. Et que l’avenir, malgré les bonnes nouvelles de ces derniers jours, n’a rien de garanti… ●
VALEUR
Diac Salaf Delattre Levivier Fertima Aluminium du Maroc Involys Balima Timar Lesieur Cristal Sothema Agma Lahlou-Tazi
SECTEUR
COURS au 2 mai (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)
FINANCE
7,50
+ 88,2
MÉTALLURGIE
68,09 23,28 194,03 22,14 21,43 5,34 12,86 148,79 337,94
+ 64,5 + 22,2 + 20 + 17,7 + 14,5 + 11,2 +8 + 7,1 + 7,1
AGROBUSINESS MÉTALLURGIE INFORMATIQUE IMMOBILIER TRANSPORT AGROBUSINESS PHARMACIE CONSEIL
COUP DUR pour les grandes capitalisations marocaines : dans un marché globalement en baisse depuis le début de l’année (– 7,07 %), elles affichent dans l’ensemble des performances boursières dans le rouge. MarocTélécom et Attijariwafa Bank ne s’en sortent pas trop mal, avec des reculs respectifs de 5,7 % et 4,9 %. CGI, en revanche, s’effondre de 26,1 %, tandis qu’Addoha tombe de 9,9 % et
SOURCE : BMCE CAPITAL
Maroc : les petites valeurs brillent
BMCE de 7,8 %. Le groupe minier Managem est la seule exception, avec une progression de près de 5 % depuis le 1er janvier. Sur la Place marocaine, les dix principales progressions sont le fait de valeurs globalement assez marginales, à l’exception du laboratoire pharmaceutique Sothema et de l’huilier Lesieur Cristal, deux capitalisations moyennes qui affichent de belles performances. ●
Valeur en vue CENTRALE LAITIÈRE Une stratégie de conquête BOURSE Casablanca • CA 2011 595,7 millions d’euros (+ 7 %)
COURS 1 300 dirhams (2.5.2012) • OBJECTIF 1 182 dirhams
EN 2011, LA HAUSSE de la consommation de produits laitiers au Maroc, de 2 %, a été en dessous des seuils observés sur les six dernières années. Ce ralentissement a eu lieu malgré la décision des différents intervenants du secteur de stabiliser les prix aux consommateurs, dans un environnement marqué par la forte inflation des prix des matières premières (poudre de lait, carton, plastique). Le consommateur a selon nous opéré un arbitrage entre produits alimentaires de première nécessité et produits laitiers au détriment de ces Maha derniers. Dans ce contexte, la part de marché de Karrakchou Centrale laitière a grimpé de quatre points, à 63 %. Analyste chez CFG Group Mais pour les raisons citées précédemment, les marges du groupe se sont effritées en 2011. La marge Ebitda (16,9 %) a baissé de 2,4 points par rapport à 2010. Le résultat net part du groupe (41 millions d’euros) a chuté de 21,6 %, soit une marge nette de 6,9 %, inférieure au niveau constaté l’année précédente (9,5 %). » ●
DR
le management ont souvent été différents de la performance réelle. Par conséquent, nous avons besoin de temps avant de pouvoir être davantage confiants dans les indications du management », ajoutait-il. D’autres défis attendent le groupe. Parmi eux, la montée en puissance d’Ecobank et d’Access Bank, qui ont fait leur entrée dans le top5local.Historiquement,UBAest l’une des banques les plus importantes de la place. Mais si cette nouvelle pression concurrentielle setraduitparuneaugmentationdes crédits accordés, le risque peut être grand. « Au Nigeria, je ne miserai pas sur une banque qui prête de manière agressive », prévient un gérant panafricain. Ce qui n’a pas été le cas d’UBA jusqu’à présent. Autre incertitude, la mise en place d’une nouvelle structure, au sujet
Marchés financiers
FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Dossier
Agrobusiness
ALIMENTAIRE
Un potentiel à L’agro-industrie, futur terreau de la prospérité africaine ? de production, d’infrastructures et d’énergie. Mais déjà,
MICHAEL PAURON
OLIVIER POUR J.A.
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MICHAEL PAURON
A
«
vant, nous donnions de l’argent ou de la nourriture pour lutter contre la faim. Maintenant, nous transférons nos connaissances », expliquait il y a un an Kerr Dow, vice-président de l’américain Cargill. Une partie de l’industrie agroalimentaire mondiale, dont General Mills, Cargill et DSM, lançait alors une organisation à but non lucratif baptisée Partners in Food Solutions. Objectif : travailler avec une quinzaine d’acteurs africains au Kenya, en Zambie, en Tanzanie et au Malawi, et aider par ricochet 60 000 agriculteurs. Dans les cinq ans, l’organisation ambitionne d’appuyer 200 entreprises et 1 million d’agriculteurs dans quatorze pays du continent. Ce mouvement est parti d’un constat sur lequel s’accordent la plupart des industriels de l’agroalimentaire, selon les 121 cadres supérieurs du secteur N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
interrogésparlecabinetd’auditNortonRose.«Notre étude met en exergue le gigantesque potentiel de l’Afrique en tant que source de produits alimentaires et agricoles à long terme », analysait Glenn Hall, associé, lors de la publication de l’enquête le 20 mars. D’après Martin McCann, responsable des activités infrastructures, mines et matières premières au sein du même cabinet, « l’Afrique va devenirunacteuraussi incontournableetimportant que le Brésil au cours des dix prochaines années ». Dans son rapport « L’agrobusiness au secours de la prospérité de l’Afrique », l’Organisation des Nations unies pour le déveEn détrônant le cube Maggi, loppement industriel (Onudi) explique : « L’environnement le sénégalais Patisen mondial actuel offre la posa prouvé qu’aucune major sibilité aux pays africains de diversifier leurs économies. n’était imbattable. Dans ce contexte, l’agrobusiness représente un vecteur important de développement économique durable. Les expériences du Brésil, de la Malaisie et de la Thaïlande illustrent JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
MÉCANISATION
Sanusi Lamido Sanusi
Gouverneur de la Banque centrale du Nigeria
Yaoundé enclenche la première
TUNISIE
Sfax, l’épicerie du Maghreb
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transformer
OLIVIER POUR J.A.
PATRICK ROBERT/CORBIS
C’est possible, à condition que le continent lève les derniers obstacles en termes les investissements affluent et les usines se multiplient.
De g. à dr. : les étapes de
combien les choix politiques sont essentiels pour renforcer la prospérité économique à travers le développement de l’agro-industrie. Les pays africains sont bien positionnés pour tirer profit de ces enseignements. » Selon Victor Famuyibo, directeur des ressources humaines pour Heineken au Nigeria, « l’avenir est ici ». « Je ne dis pas cela parce que je suis Africain, mais parce qu’il me semble que l’Afrique est prête à prendre le relais de l’Asie en termes de croissance », ajoute-t-il. L’EXEMPLE CHINOIS. Tout le monde est donc
d’accord. D’autant que le secteur contribue déjà largement, mais de manière disparate et désorganisée, à l’économie du continent. Toujours selon l’Onudi, « les activités liées aux ressources, en amont, et les activités de transformation, en aval, ainsi que la distribution et la commercialisation représentent près d’un cinquième du PIB de l’Afrique subsaharienne et pratiquement la moitié de la valeur ajoutée de l’activité manufacturière et des services de la région ». JEUNE AFRIQUE
TRANSFORMATION
(ici l’ivoirien Palmci), de CONDITIONNEMENT (Brasco, au Congo) et de DISTRIBUTION (un supermarché ivoirien) sont autant de relais de croissance pour l’Afrique.
Le continent – et l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) en particulier – n’a pourtant pas encore levé tous les obstacles à l’industrialisation de son agriculture, notamment en termes d’infrastructures, d’énergie et d’environnement des affaires. En comparaison, la Chine a beaucoup d’avance : elle a investi dans la mise au point et l’adoption à grande échelle de variétés de semences ayant fait leurs preuves, libéralisé le marché des engrais, réformé les politiques tarifaires… « Tout cela a permis de doper la productivité agricole et a servi de tremplin à la croissance du secteur ainsi qu’à ceux de la transformation et des services », rappelle encore l’Onudi. L’Afrique peut donc mieux faire. Du côté des entreprises privées, le mouvement semble déjà bel et bien amorcé. Ainsi, les multinationales n’hésitent plus à déverser des sommes considérables dans le but de tirer profit du milliard de consommateurs africains. Entre 2010 et 2012, le suisse Nestlé aura investi près de 850 millions d’euros pour ouvrir ou agrandir de nouvelles N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Dossier Agrobusiness usines et des centres de distribution (Algérie, Angola, Égypte, Mozambique, Nigeria, Afrique du Sud…). Le singapourien Olam a lui aussi multiplié les ouvertures de sites de transformation, conformément à sa nouvelle stratégie visant à être présent de la plantation à l’assiette. Très impliqué en Côte d’Ivoire (il est actionnaire de l’huilier Sifca), où il prévoit d’investir 150 millions d’euros dans l’agroindustrie, le groupe a inauguré fin février à Bouaké, pour 26 millions d’euros d’investissement, la première de trois unités de transformation de noix de cajou ainsi qu’une usine de lait en poudre et de lait
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AGROALIMENTAIRES AFRICAINES > 13 entreprises 10-12 entreprises 7-9 entreprises 4-6 entreprises 1-3 entreprises Aucune entreprise Aucune donnée Note : les chiffres incluent le siège et les marchés ciblés. SOURCE : CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L’OCDE, BASÉ SUR LES « 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES » (JEUNE AFRIQUE, 2007) ET LES RAPPORTS ANNUELS DES SOCIÉTÉS, 2008
DES BESOINS FARAMINEUX RIEN QU’AU SUD DU SAHARA, le montant des investissements agricoles nécessaires devrait s’élever à 700 milliards d’euros d’ici à 2050, selon la FAO. Face à l’augmentation rapide de la population subsaharienne – qui devrait atteindre 1,5 milliard à 2 milliards d’habitants dans les trente ans –, « les États doivent faire plus d’efforts concertés pour améliorer la productivité et la compétitivité de leurs systèmes agroalimentaires en assurant, dans le même temps, des moyens de subsistance viables qui génèrent assez de nourriture, de revenus et d’emplois pour les petits producteurs », a déclaré fin avril Helena Semedo, la responsable régionale de la FAO. ● FANNY REY N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
condensé sucré à Abidjan. Au Ghana voisin, Olam prévoit d’investir 340 millions d’euros dans le secteur agroalimentaire. Fin février, il inaugurait déjà une minoterie de 40 millions d’euros. Mais celui qui pourrait accélérer le changement en Afrique est peut-être en train d’arriver à pas feutrés. Lors du World Economic Forum on Africa 2011, Liu Guijin, du ministère chinois des Affaires étrangères, prévenait: « Nous allons investir dans des zones industrielles et contribuer au développement de l’industrie manufacturière. » Les faits ont-ils suivi l’annonce ? Timidement. Pour l’instant, le sucre concentre les efforts (lire p. 136). Après la sucrerie sino-malienne de Markala (société Sukala), qui démarrera en avril et produira 100 000 tonnes par an, le groupe Sinolight a annoncé la construction d’une sucrerie au Niger d’une capacité équivalente. Les bonnes nouvelles sont parfois aussi africaines. Le sénégalais Patisen a ainsi prouvé qu’aucune multinationale n’était imbattable, quand bien même elle entretenait un quasi-monopole depuis un siècle. En détrônant dans la sous-région le cube Maggi, du géant Nestlé, avec ses produits Mami, la société dirigée par Youssef Omaïs a écrit la première page d’une success-story made in Dakar. Aujourd’hui présent dans toute l’Afrique de l’Ouest avec ses pâtes à tartiner chocolatées et ses bouillons en cube, Patisen va prendre une nouvelle dimension avec l’agrandissement de ses chaînes de production, grâce, notamment, au financement de 11 millions d’euros apporté en novembre par la Société financière internationale (SFI, Banque mondiale). Chiffre d’affaires annoncé pour 2012 : 150 millions d’euros. PATIENCE ET DIPLOMATIE. L’environnement n’en
demeure pas moins ardu pour se développer, comme le souligne Nick Goble, directeur Afrique chez le sudafricain Pannar Seeds, présent dans une vingtaine de pays du continent : « Il faut du temps pour bâtir une entreprise en Afrique. Il y aura toujours des problèmes à résoudre, et vous devrez vous armer de patience, de diplomatie, de ressources et d’une stratégie à long terme. Si vous avez tout cela, l’Afrique peut être enrichissante. » Selon un autre acteur du secteur, la transformation permet de dégager de 10 % à 15 % de marge, bien plus que les 1 % à 2 % espérés sur les activités de négoce. De quoi aiguiser les appétits. Alors que tous les regards se tournent vers une nouvelle crise alimentaire au Sahel, l’industrie peut-elle jouer un rôle pour accroître la production agricole et combler le déficit annuel de 400 millions de tonnes ? Réponse de l’Onudi : « Du point de vue de la transformation économique, l’agriculture et l’agro-industrie sont indissociables et ne peuvent être analysées séparément. » Pour Moussa Seck, agronome et président du Consortium panafricain de l’agrobusiness et de l’agro-industrie, il faut augmenter la productivité « à chaque étape des différentes chaînes de valeur agricoles tout en améliorant la coordination entre ces étapes ». Il ne reste plus qu’à s’accorder. ● JEUNE AFRIQUE
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Dossier Agrobusiness INTERVIEW
Sanusi Lamido Sanusi
G OUVERNEUR
DE LA
B ANQUE
CENTRALE DU
N IGERIA
« Il faut permettre aux cultivateurs d’accéder au crédit » Afin de promouvoir une croissance rapide et durable reposant sur les petits exploitants, la Banque centrale du Nigeria a mis en place un système incitatif d’aide aux prêts agricoles.
M
algré son potentiel pour devenir un acteur majeur du marché alimentaire mondial, le Nigeria affiche des résultats agricoles décevants. Faute, entre autres, d’accès au financement. Pour inverser la tendance, une approche innovante a été mise en place via un programme d’assistance technique et de partage des risques pour les prêts agricoles, baptisé Nirsal (Nigerian Incentive-based Risk Sharing System for Agricultural Lending), doté de 500 millions de dollars (près de 380 millions d’euros) et dont le coup d’envoi a été donné en novembre dernier. Sanusi Lamido Sanusi, gouverneur de la Banque centrale – et élu personnalité africaine de 2011 par le magazine Forbes pour son travail d’assainissement de la finance nigériane –, en détaille les rouages.
JEUNE AFRIQUE : Pourquoi le soutien financier à l’agriculture est-il l’une des priorités de la Banque centrale du Nigeria ? SANUSI LAMIDO SANUSI: Alors que l’agriculture
représente 42 % du PIB nigérian, seul 1,4 % des crédits bancaires est attribué à ce secteur. Notre PIB croît d’environ 7 % chaque année depuis dix ans. Dans le domaine agricole, cette progression n’est due qu’à l’extension des surfaces cultivées et du nombre d’agriculteurs. La productivité, elle, n’a pas augmenté. Nous pourrions atteindre une croissance à deux chiffres en améliorant nos techniques agricoles, en mettant à disposition des semences et des engrais performants, en rendant les marchés plus accessibles… Et, surtout, en permettant aux cultivateurs d’accéder à des prêts. Il y a là un levier de croissance exceptionnel pour le pays. À quels obstacles se heurtent les entreprises agricoles ?
Les banques ne veulent pas prêter aux agriculteurs par peur du risque et par méconnaissance du secteur. C’est pourquoi nous avons mis en place un N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
système incitatif d’aide aux prêts agricoles, baptisé Nirsal ; les prêts sont garantis par des subventions de la Banque centrale et appuyés par des experts. Si on regarde le travail des gouvernements qui ont un bon bilan en Afrique, comme au Ghana ou en Tanzanie, l’agriculture a toujours été au centre de leurs préoccupations. Il était logique que le Nigeria fasse de même. Il est essentiel pour le développement et pour la stabilité du système financier de prêter à l’économie réelle. Cette réforme comprend-elle une assistance technique ?
L’agriculture nigériane en chiffres Le secteur représente
42 % du PIB…
… et plus de
60 %
des emplois
46 %
des terres arables sont cultivées
Sans assistance technique, prêter de l’argent pour la culture des tomates ne sera jamais viable sur le plan commercial. Si l’on prête de l’argent à un cultivateur de tomates à Kano, il est fort probable que près de la moitié de sa récolte sera perdue faute de chaudron, de local de stockage, de transport réfrigéré et d’usine de traitement à proximité. L’assistance technique peut porter sur l’engrais, mais aussi sur le rendement élevé des semences, les pratiques agricoles ou le type d’irrigation, par exemple. Sur quelles chaînes de valeur agricoles vous êtes-vous focalisés ?
Nous nous sommes concentrés sur la culture des tomates, du coton, du maïs, des germes de soja, du riz et du manioc. Prenons l’exemple de la culture des tomates. À Kaduna, la production a chuté en deux ans de 600 000 à 300 000 tonnes. Cette zone peut facilement produire de 3 millions à 4 millions de tonnes par an, mais il faut pour cela disposer des bonnes semences et des bons engrais, réparer le barrage, s’assurer que la production s’étale sur toute l’année. Nous avons adressé au gouvernement des propositions indiquant que nous pouvions transformer cette zone en grenier à tomates, mais que cela impliquait diverses réformes réglementaires ainsi que des ajustements techniques. Comment avez-vous procédé pour convaincre les autorités concernées ?
Nous avons demandé au ministre de l’Agriculture et à celui des Finances de réfléchir à la façon dont cela pouvait être obtenu. Nous avons proposé aux banques un système de partage JEUNE AFRIQUE
Dossier du programme Nirsal, elles n’auront à assumer que 20 % des pertes. Cela revient pour elles à un taux de créances douteuses de 3 %, ce qui est nettement plus intéressant que leur portefeuille actuel de prêts à risque. Et pour les autres types d’exploitations ?
Si elles prêtent aux moyennes et grandes exploitations, nous partageons le risque. Si elles prêtent aux transformateurs et aux négociants, elles prennent 70 % du risque. Qu’en est-il de l’assurance ?
Il faudra aussi que le ministre des Finances modifie la loi pour permettre aux compagnies d’assurances de couvrir le secteur de l’agriculture. Au final, Nirsal repose sur plusieurs piliers que sont l’assistance technique – avec des conseillers sur le terrain –, la formation des banquiers aux prêts agricoles, l’assurance, un mécanisme d’incitation et de récompense des banques et un classement des établissements reposant sur divers paramètres permettant de déterminer lesquels ont le plus soutenu l’agriculture. Une fois le système de classement en place, nous pourrons instaurer un mécanisme d’incitation permettant aux banques qui se sont engagées dans le prêt agricole d’en retirer un bénéfice financier. VINCENT FOURNIER/J.A.
Où en sont les négociations ?
des risques pour les encourager à prêter aux cultivateurs des chaînes de valeur concernées. Il a été décidé que, si les banques prêtent à un petit cultivateur, la Banque centrale partagera le risque à hauteur de 80 % des premières pertes, jusqu’à 12,5 % de leur portefeuille. Les banques savent donc que, pour tous les prêts accordés aux petits cultivateurs de tomates dans le cadre
Il a été élu PERSONNALITÉ
2011 par le magazine Forbes pour son travail d’assainissement de la finance nigériane. AFRICAINE DE
Le président Goodluck Jonathan a accepté la création d’une commission agricole qui regroupe le ministre de l’Agriculture, le ministre des Finances ainsi que le gouverneur de la Banque centrale. Tout ce qui concerne le financement des entrepôts, l’assurance agricole, le contrôle, les agréments, la réglementation en matière de semences à haut rendement et les investissements dans la recherche est du ressort du gouvernement. En tant que régulateur, je suis convaincu que le gouvernement a fait ce qu’il fallait pour ouvrir le secteur et pour le rendre viable sur le plan commercial. ● Propos recueillis à Abuja par NICHOLAS NORBROOK
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Dossier Agrobusiness
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ENGRAIS
Après les mots, les actes?
ANDREAS MÖLTGEN/FOTOGLORIA-REA
Le continent est loin d’avoir entamé sa « révolution verte ». Réunis fin avril à Agadir, au Maroc, les industriels du secteur des fertilisants l’ont bien compris. Reste à démocratiser l’accès à leurs produits.
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algrélesengagements pris ces dix dernières années, les membres de l’Union africaine ne consacrent guère plus de 5 % de leur budget à l’agriculture, et les cultivateurs n’utilisent qu’une dizaine de kilos d’engrais par hectare et par an – dix fois moins que la moyenne mondiale. Face à ce constat, l’Office chérifien des phosphates (OCP), l’un des plus importants producteurs mondiaux de phosphates, multiplie les initiatives en direction du continent : projet de carte de fertilité des sols au Mali et bientôt dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, engrais innovants mieux adaptés à l’acidité des sols africains, etc. Lors d’une conférence organisée en partenariat avec le Fertilizer Market Bulletin à Agadir (Maroc) du 18 au 20 avril, le groupe a fait le point sur sa stratégie africaine, annoncée lors de la première édition de cet événement, en 2010. Une « partie significative » de sa production, qui devraitbondirde3millionsà10millions de tonnes d’ici à 2015, sera N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
consacrée à l’Afrique. Confrontés à un tassement de la demande sur leurs marchés traditionnels, notamment en Europe, d’autres producteurs, comme l’allemand K+S Kali et lenorvégienYara,étaientégalement bien représentés à Agadir. MARCHÉ SCLÉROSÉ. La question
des effets pervers des différents systèmes de subvention mis en place un peu partout en Afrique était par ailleurs au centre des débats. D’après une étude réalisée par le nigérian Notore Chemical Industries, ces systèmes sont
USINE D’ENGRAIS à Ayn Sukhna (Égypte).
contre-productifs car ils ont pour principaleffetd’entretenirunréseau d’intermédiaires et d’instaurer une concurrence déloyale vis-à-vis du secteur privé. Le mauvais état des infrastructures, les contrôles routiers et les tracasseries administratives achèvent de scléroser le marché. Dans une étude menée en Afrique de l’Ouest en 2009, l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) a calculé que le coût de 1 tonne d’engrais était multiplié par quatre entre son déchargement au port et le moment où elle arrivait à destination. Autre problème : l’usage des engrais est d’abord concentré sur les cultures d’exportation comme la canne à sucre, le thé ou le café. Les agriculteurs vivriers ne sont pas encore prêts à investir dans les engrais pour des cultures non commerciales qui ne leur rapportent rien. Or, sans garantie à proposer, ils ont un accès limité au crédit. Comme l’explique Martin Drevon, chef de projet au Centre international de développement des engrais (IFDC), « beaucoup de producteurs voient leurs surplus se perdre faute de stockage adapté et à cause d’un marché quasi inexistant ». Si l’équation verte est loin d’être résolue, Stephen Schonberger, économiste au Fonds international de développement agricole (Ifad), se félicite qu’à Agadir, « pour la première fois », les représentants des petits exploitants,desgouvernements,des grandes institutions et des entreprises privées semblaient « parler le même langage ». Espérons que les actes suivront. ● NICOLAS TEISSERENC, envoyé spécial à Agadir
LES NÉGOCIANTS SE POSITIONNENT EUX AUSSI SEMBLENT S’INTÉRESSER de près aux engrais. Pour les négociants en matières premières, il ne s’agit manifestement plus seulement de jouer le rôle d’intermédiaires, mais d’être présents à la fois en amont et en aval de leur activité traditionnelle. Représenté à Agadir par une délégation très active, Louis Dreyfus Commodities semble ainsi accorder une importance particulière au continent. L’an dernier, le groupe français est parvenu à décrocher la privatisation de SCPA Sivex International, l’un des leaders dans l’importation et la distribution d’engrais en Afrique. Comme l’explique un observateur indépendant, la stratégie des négociants reposerait sur une forme de troc fondé sur la complémentarité de leurs activités : approvisionnement en engrais de leurs propres participations agricoles contre remboursement « en nature » au moment de la récolte. ● N.T. JEUNE AFRIQUE
Dossier
TRIBUNE
Opinions & éditoriiaux
Pour un marché des engrais stable et soutenu
DR
E MHAMED IBNABDELJALIL Directeur exécutif du pôle commercial du groupe OCP
N TANT QUE LEADER MONDIAL du marché des phosphates et engrais dérivés, le groupe OCP [Office chérifien des phosphates, NDLR] s’est résolument engagé à contribuer au développement soutenable de l’agriculture en Afrique. Soucieux de privilégier la coopération SudSud, il s’est fixé pour objectif de fournir le continent en engrais phosphatés, en contribuant à créer un marché des engrais stable et soutenu et en favorisant une approche de partenariats public-privé. Sa démarche s’articule autour de trois axes: apprendre, engager et innover.
APPRENDRE II est primordial d’augmenter la productivité et la production agricoles en Afrique, ainsi que de ralentir la dégradation des sols. Pour répondre à ce défi majeur et comprendre les besoins spécifiques des sols, le groupe OCP a lancé un projet de carte de fertilité en Afrique, en vue de disposer d’un système d’aide à la décision pour la fertilisation, de mettre au point des produits innovants sur mesure pour les différents contextes sols/ cultures sur le continent, de planifier un usage raisonné des engrais et fertilisants. Actuellement expérimentée au Maroc et au Mali (dans les régions de Koutiala, Dioïla et Ségou), cette carte sera étendue aux principales régions agricoles d’Afrique.
L’engagement du groupe OCP en Afrique se traduit également par la participation à des forums et par le parrainage de conférences internationales d’envergure en lien étroit avec les problématiques africaines. Enfin, un fonds d’innovation pour le développement agricole africain, en cours de structuration, vise à mettre en place un système d’incubation et de financement pour soutenir le développement d’entreprises africaines innovantes. INNOVER Face à l’épuisement en nutriments qui caractérise le sol africain, le groupe OCP a développé de nouveaux produits adaptés aux problématiques locales. Constitué de roche réactive phosphatée marocaine,Teractiv permet un apport de phosphate libéré progressivement dans le temps et contribue à
Face à l’épuisement en nutriments qui caractérise le sol africain, nous avons développé de nouveaux produits adaptés.
ENGAGER Pour sécuriser durablement l’approvisionnement du continent et favoriser l’accès des agriculteurs aux produits fertilisants, le groupe OCP a décidé de consacrer des volumes de production à l’Afrique quelle que soit la demande internationale. La sécurisation de ces volumes s’est matérialisée par un investissement d’environ 600 millions de dollars [450 millions d’euros] pour la construction d’une unité spécifique à Jorf Lasfar [Maroc]. Ainsi, les volumes d’engrais distribués par le groupe OCP en Afrique ont été multipliés par sept en cinq ans, passant de 60000 tonnes en 2007 à près de 400 000 en 2012. JEUNE AFRIQUE
la réhabilitation des sols. Déclinée en formules spécifiques, cette solution fertilisante répond aux besoins des cultures du cacao, du coton et du maïs. En parallèle, le groupe développe une nouvelle gamme de produits enrichis en soufre pour pallier des carences identifiées dans certains sols africains. Par ailleurs, le groupe OCP élabore des engrais adaptés à la micro-irrigation, pour répondre à la problématique du stress hydrique. Afin de sécuriser l’approvisionnement, de soutenir les petits agriculteurs et d’ouvrir le marché de la distribution, le groupe OCP a mis en place au début de l’année un schéma commercial innovant expérimenté au Maroc et destiné à être généralisé en Afrique, qui consiste à vendre aux distributeurs nationaux agréés les engrais aux prix du marché international. À travers un « contrat package », ces distributeurs s’engagent à réaliser des actions concrètes de développement agricole, moyennant une allocation financière versée par la Fondation OCP. L’objectif ultime est de mettre en place les fondements d’une agriculture raisonnée et durable au Maroc et en Afrique. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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GROUPE
ADVENS Le groupe Advens est l’un des leaders du secteur de l’agroalimentaire en Afrique. Le groupe met à disposition son expertise multimétiers avec une approche filière intégrée, depuis la production jusqu’à la commercialisation en passant par l’ingénierie, l’agronomie, la
■ ■ ■ ■ ■ UN GROUPE, QUATRE MÉTIERS • Coton. Advens à travers sa filiale Geocoton est le partenaire commercial et industriel des plus grandes sociétés cotonnières. Il offre à l’ensemble de la filière un savoir-faire unique et historiquement maîtrisé. • Arachide. Suneor, autre filiale d’Advens, est le premier exploitant d’arachide au Sénégal et le leader mondial d’exportation d’huile brute et de tourteaux d’arachide.
le contrôle qualité et le transport.
• Transport. Les deux filiales logistiques du groupe, Sosea (maritime et aérien) et Transrail (ligne ferroviaire reliant Dakar à Bamako) sont au coeur du dispositif stratégique du Groupe et constituent une autre illustration de son approche filière intégrée.
Actif dans une quinzaine de pays
• Négoce. Avec deux sociétés spécialisées, Copaco et Advens, le groupe est spécialisé, entre l’Afrique et le reste du monde, dans le trading de coton, de matières premières et agro-alimentaires.
formation, l’expertise industrielle,
dans le monde avec une forte présence en Afrique de l’Ouest et Centrale, Advens propose des solutions chaque fois adaptées mais toujours basées sur des partenariats gagnant-gagnant. COMMUNIQUÉ
PRÉSERVER LA NATURE EN L’EXPLOITANT AU MIEUX Dans une optique de développement durable, l’objectif d’Advens est de valoriser tout ce qui peut l’être. Elle fait en sorte de minimiser les rejets dans tous ses procédés industriels. Les coques d’arachide, par exemple, ainsi que les tiges de coton, sont utilisées comme biomasse pour produire de l’électricité.
Récolte manuelle du coton
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Salle HVI
UNE EXPERTISE À PARTAGER, UN BUREAU D’ÉTUDE DÉDIÉ
Advens, à travers sa filiale Geocoton, propose aux sociétés cotonnières et huilières de les accompagner dans leur croissance en leur apportant son expertise, en les aidant à étudier et concevoir des projets industriels, agricoles, de développement rural - et ce, sous tous les aspects, qu’ils soient techniques, agronomiques, sociaux, économiques, financiers. Les spécialistes métiers du Groupe ont accompagné la construction de plus de120 usines à travers le monde et peuvent ainsi offrir leurs compétences en matière de construction de nouvelles unités industrielles, ou lors de la rénovation d’infrastructures existantes, ou encore dans l’exploitation technique de ces dernières. Le groupe, dans le cadre d’un programme de diversification mis en route depuis près de 10 ans, investit également dans le développement des technologies innovantes. Une centrale d’approvisionnement performante et un contrôle qualité spécialisé : En complément de son Bureau d’études, la société Sosea , filiale de Geocoton, agit comme une véritable centrale d’achats, doublée d’une base logistique - et ce, aussi bien pour les usines du groupe que pour d’autres opérateurs. C’est ainsi que, depuis 1949, Geocoton a accompagné de très nombreuses sociétés cotonnières dans leurs choix d’équipements, de production et de diversification.
Port maritime
Conditionnement huiles végétales
M. Yannick Morillon
directeur général d’Advens
« Partager l’expérience » du groupe Quels sont les principales forces du groupe Advens ? Rigueur, équité, savoir-faire: c’est sur ces trois piliers que le Groupe Advens fonde son développement durable et celui de ses partenaires. Le groupe opère avec une approche en filière intégrée. Nous œuvrons toujours dans le cadre d’un échange équitable pour un partenariat durable. Quelles sont les réalisations majeures du groupe en Afrique ? Geocoton, filiale d’Advens a construit 120 usines d’égrenage et de production d’huile dans le secteur du coton, pour son compte, mais aussi pour compte de sociétés publiques ou privées. Le Groupe est essentiellement présent en Afrique Subsaharienne. Dans le domaine de l’arachide, Suneor est, au Sénégal, le premier exportateur mondial d’huile brute et de tourteaux. Advens est par ailleurs concessionnaire du réseau ferré Dakar Bamako via sa filiale Transrail. Fort de son expérience, Advens développe aussi des activités de conseil ! Nous avons acquis une grande expérience et accumulé beaucoup de savoir-faire et d’informations utiles pour nos clients actuels et potentiels. Nous avons, également, les ressources nécessaires pour définir, concevoir, construire et maintenir des sites de production. Dans cet esprit, Advens propose des services d’accompagnement et d’assistance technique dans la définition de schémas directeurs et de relance agricole. Ce sont des services particulièrement appréciés par les pays qui veulent réactiver des filières en déshérence ou qui cherchent à les optimiser.
Groupe Advens 36 Avenue Hoche, 75008 Paris Tel : 01 45 02 03 03 Fax : 01 42 99 54 54 Email : advens@advens-france.com www.advens-france.com Difcom - F.C. Photos : DR
Dossier Agrobusiness MÉCANISATION
Yaoundé enclenche la première
Avec l’aide de l’Inde, une usine de tracteurs et de moissonneusesbatteuses a été livrée à Ebolowa, dans le sud du pays. De quoi révolutionner l’agriculture camerounaise ?
C
omme l’avait rappelé Paul Biya lors d’un comice agricole en janvier 2011, « la mécanisation du secteur est une priorité pour [le] pays ». Le chef de l’État camerounais peut donc se féliciter de la réouverture en mars d’une chaîne de montage de matériels agricoles dans la ville d’Ebolowa (région du Sud), à 150 km de Kribi. Cette usine fait partie de l’accord signé en 2009 entre l’Exim Bank of India et le gouvernement camerounais, pour un montant de 29 millions d’euros. Démarrée début 2011, sa constructionavaitétésuspendueen août, officiellement faute d’argent, avant que l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, révoltée par l’enlisement du projet, ne convoque la presse à la fin de l’année, obligeant les politiques à intervenir pour éteindre le scandale naissant. Dépêché en urgence par la présidence, Emmanuel Nganou Djoumessi, le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, s’est rendu à Ebolowa début janvier pour
MABOUP
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Le président PAUL BIYA lors du comice agricole d’Ebolowa, en janvier 2011.
confirmer « la reprise des travaux » et assurer que la livraison de l’usine serait terminée « dans les tout prochains mois ». ÉGRENEUSES. Actuellement
dévoré par les mauvaises herbes, le site industriel s’étend sur une dizaine d’hectares en dehors de la ville. Il dispose d’une capacité de montage quotidienne de huit à douze engins agricoles de marque Sonalika et d’une unité de fabrication de petits matériels (motopompes, égreneuses, semoirs). À terme, plus de 1 000 tracteurs devraient sortir chaque année de ses chaînes de montage ainsi qu’une vingtaine de
moissonneuses-batteuses, le tout destiné aux marchés domestique, dans un premier temps, « puis sousrégional », a insisté lors de sa visite Emmanuel Nganou Djoumessi, conscient de l’importance d’un projet « susceptible de révolutionner l’agriculture camerounaise ».
L’État espère tripler le nombre d’engins dans le pays d’ici à 2015. La réalisation de cette chaîne de montage fait suite au don par le gouvernement indien, en 2006, de 60 tracteurs Sonalika pour tester leur capacité d’adaptation aux conditions agricoles du Cameroun.
Dossier Avec une réussite certaine pour les agriculteurs, comme le montre Rebecca Kamgue, présidente de la Coopérative agropastorale des femmes rurales du Littoral, Ouest et Sud-Ouest. « Grâce à cet engin, nous sommes passés de moins de 2 ha exploités en 2006 à plus de 50 ha l’année dernière », souligne-t-elle. Décidé à étendre les surfaces de production agricole de 20 % pour 2015, le gouvernement espère tripler d’ici là le nombre de tracteurs dans le pays, soit 450 machines supplémentaires chaque année. « La mécanisation permet une augmentation des surfaces cultivées, donc des récoltes. La demande nationale pourra ainsi être satisfaite et, dans le même temps, les exportations vers les pays voisins
la superficie, inférieure à 2 ha en moyenne, est actuellement insuffisante pour autoriser une utilisation optimale des machines. ●
soutenues », explique un expert de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). À condition de réorganiser les exploitations agricoles, dont
OLIVIER CASLIN, envoyé spécial
UN PROGRAMME POUR DOPER LA COMPÉTITIVITÉ DEPUIS BIENTÔT DEUX ANS qu’il se déploie à travers le pays, le Projet d’amélioration de la compétitivité agricole au Cameroun (Paca) commence à porter ses fruits. « Nous sommes très satisfaits des avancées techniques constatées sur le terrain », se félicite AlbertToussi, le coordonnateur national de ce projet, lancé par la Banque mondiale, qui vise à réhabiliter les infrastructures, renforcer les capacités et promouvoir les partenariats économiques et l’appui institutionnel. D’une durée de cinq ans et pourvu d’un budget global de 62 millions d’euros, il ambitionne « de rendre les filières plus compétitives, d’améliorer la qualité de la production ainsi que l’impact du secteur agricole sur l’économie et l’emploi ». Six filières jugées stratégiques ont été identifiées dès 2008: le riz, la banane plantain, le maïs, le palmier à huile ainsi que les élevages de porcs et de volailles. À terme, il s’agira d’augmenter de 20 % la commercialisation de ces produits. ● O.C.
compétitivité, notamment à travers les infrastructures et les conditions de travail des producteurs.
CONCURRENCE
Apibana ou l’art du lobbying
N O U V E AU X M A R C H É S. La
L
es producteurs africains de bananes sont inquiets. En septembre, la Commission européenne pourrait valider une nouvelle réduction des droits de douane pour les exportateurs d’Amérique centrale (Équateur, Colombie, Costa Rica…). La taxe, déjà passée de 176 à 145 euros la tonne en 2010, tomberait à 75 euros. Selon les projections de l’African Pineapples and Bananas Association (Apibana), créée le 26 janvier pour contrecarrer cette décision, les exportations africaines vers l’Europe pourraient chuter de 15 %, quand les exportations américaines augmenteraient de 17 %. Avec 550 000 tonnes de bananes exportées en 2010 (Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana), l’Afrique JEUNE AFRIQUE
STR/AP/SIPA
L’African Pineapples and Bananas Association fait front contre le tarif de douane préférentiel que l’Europe pourrait accorder à l’Amérique centrale.
L’Afrique exporte environ 550 000 TONNES DE BANANES
(ici en Côte d’Ivoire), contre 2,4 millions de tonnes pour l’Amérique. PAR AN
représente à peine plus de 10 % des quantités vendues en Europe. De son côté, la production américaine, de 2,4 millions de tonnes, bénéficie déjà d’économies d’échelle qui lui permettent d’afficher des prix plus attractifs. « Nous devons réagir, investir et améliorer notre production », explique Hervé Mbarga, délégué pour l’Europe de l’Apibana. L’organisme, dont le siège social est situé à Accra, au Ghana, a déjà obtenu de l’Union européenne (UE) un plan d’accompagnement de 190 millions d’euros sur trois ans pour améliorer la
production bananière africaine concerne pas moins de 50 000 emplois et représente un chiffre d’affaires annuel moyen d’environ 230 millions d’euros. La filière bénéficie d’un accord de partenariat économique (APE) qui l’exempte de droits de douane et qui arrive à échéance en 2014. « L’UE doit à tout prix signer de nouveau cet accord pour permettre au secteur de garder ses relations privilégiées avec son principal débouché », relève Hervé Mbarga. Il reconnaît néanmoins que la filière doit aussi se tourner vers d’autres marchés, notamment la péninsule Arabique. Si les investissements dans le domaine sont déjà de 3 millions d’euros par an, de nombreux projets de développement sont par ailleurs en cours. Au Mozambique et en Angola, le leader mondial américain Chiquita a signé des partenariats pour y augmenter la production (45 millions d’euros investis) et profiter ainsi des tarifs préférentiels européens. ● MICHAEL PAURON N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Dossier Agrobusiness
ONS ABID POUR J.A.
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CHEZ MASMOUDI, 140 saisonniers ont été titularisés en une journée. TUNISIE
Sfax, l’épicerie du Maghreb
Née sous le signe de l’abondance, la deuxième ville du pays n’a pas souffert du Printemps arabe. Mieux, elle a profité indirectement de la guerre en Libye.
S
on halva est réputé jusqu’en Russie, les Japonais se gavent de ses fruits de mer et son huile d’olive est appréciée de la Chine au Canada. Si l’économie de la ville est aujourd’hui très diversifiée – elle a inauguré un parc technologique en 2008 et va créer trois zones industrielles –, Sfax a tiré sa prospérité des produits de sa campagne et de son littoral. À ses pieds, la mer féconde a fait de ses huit ports de pêche le deuxième centre halieutique de Méditerranée. Dans l’arrièrepays, ses oliveraies produisent 40 % de l’huile d’olive de Tunisie, troisième exportateur mondial. Et les Sfaxiens ont le sens du business: la chambre de commerce et d’industrie de la ville a ouvert en 1895, onze ans avant celle d’Alexandrie. En mars, d’importantes enseignes de l’agro-industrie locale étaient bien placées au Franchise Expo Paris comme au Foodex de Tokyo. Mais l’an dernier, les chefs d’entreprise ont frémi : le Printemps arabe a été défavorable à l’économie, dont la croissance a été de N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
– 1,8 %. Situé dans la région qui fut l’incubateur de la révolution, Sfax aurait dû voir son industrie agroalimentaire gravement touchée par la crise sociale. Mais le dialogue y a été possible grâce à l’éthique des dirigeants et au sens des responsabilités des employés. Fin 2011, l’usine de production de halvas de Triki menaçait de fermer après une grève très dure. « Mais nous nous sommes engagés à augmenter les salaires, à améliorer les conditions de travail et à geler les licenciements : la situation a pu être vite réglée », rappelle Nabil Triki, président du groupe. Chez Masmoudi, spécialiste de la pâtisserie fine, les tensions ont été apaisées en une journée par la titularisation de 140 saisonniers. CONSOMMATION DOPÉE. Les
ventes, qui s’étaient effondrées début 2011, ont redémarré au cours de l’année, et certains groupes ont même enregistré de fortes croissances. « Nos difficultés sociales ont été compensées par de bonnes ventes et nous avons connu une progression de 20 % »,
témoigne Hatem Chaabouni, gérant du volailler Chahïa. « La croissance du secteur halieutique a été de 14 % », indique Abdelwaheb Ben Romdhane, patron de la société de pêche Calembo. « Nous avons commencé l’année à – 16 % et l’avons terminée à + 30 %. Les Libyens ont beaucoup acheté », déclare Ahmed Masmoudi, gérant de la société du même nom, dévoilant l’une des raisons des bonnes performances de l’agroalimentaire sfaxien en 2011. La guerre a en effet amené la Libye à s’approvisionner chez le voisin tunisien et nombre de Libyens s’y sont réfugiés, dopant la consommation. Enfin, les bonnes conditions pluviométriques ont fait croître de moitié la production céréalière l’an dernier, et les exportations agroalimentaires ont augmenté de 37,9 % par rapport à 2010. Aujourd’hui, à Sfax, les patrons sont optimistes : l’emprise d’un État centralisateur et corrompu a cessé. Les quotas du secteur avicole ont été supprimés, l’Office national des huiles ne jouera plus les intermédiaires spéculatifs et
L’industrie agroalimentaire a su éviter la crise sociale grâce au dialogue. des projets d’infrastructures, telle la construction d’un terminal à conteneurs, sont relancés. Et le 31 mars, la naissance de la compagnie aérienne Syphax Airlines a permis aux hommes d’affaires sfaxiens de s’envoler à la conquête de nouveaux marchés. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER, envoyé spécial
LE CAS TRIKI L’HISTOIRE DU CONFISEURTRIKI illustre bien le légendaire esprit d’entreprise sfaxien : en 1948, une cargaison de sucre mouillé et invendable accoste au port. AhmedTriki la rachète à vil prix, s’équipe de machines et transforme le stock en bonbons. Un demi-siècle plus tard, Triki est l’un des plus grands groupes agroalimentaires du pays. ● L.S.P. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Agrobusiness
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
JEAN-LUC FRANÇOIS Responsable de la division développement agricole et rural de l’Agence française de développement
Les deux piliers de la sécurité alimentaire
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N AFRIQUE SUBSAHARIENNE, la sécurité alimentaire passe presque autant par la modernisation des PME des filières agroalimentaires que par celle des exploitations agricoles familiales. Un tiers des 940 milliards de dollars [environ 700 milliards d’euros, NDLR] qu’il faudrait y investir d’ici à 2050 devrait l’être au niveau de la transformation, du stockage et de la chaîne du froid. Historiquement, dans cette région, les agroindustries d’exportation ont eu un effet d’entraînement et de structuration des filières coton, caoutchouc et huile. Portées par les marchés domestiques urbains, les PME de l’agroalimentaire peuvent avoir le même rôle moteur sur l’agriculture africaine. Mais ces milliers d’entreprises qui connectent les cultivateurs aux consommateurs urbains ne font pas l’objet d’une attention suffisante.
La demande alimentaire des villes africaines atteindra 150 milliards de dollars en 2030 : trois fois ce qu’elle est aujourd’hui. La part des produits transformés – moins de 15 % actuellement – ira croissant, et il serait très regrettable que ces aspirations soient satisfaites par des produits transformés importés. Cela représenterait des millions d’emplois perdus et une aggravation des déséquilibres des balances commerciales agricoles et alimentaires. Alors oui, il faut agir au niveau des producteurs pour réduire les déficits en produits de base (riz, oléagineux, protéines animales) et améliorer les revenus des ruraux. Mais simultanément, il faut soutenir les PME de transformation des produits agricoles locaux. Les stratégies de sécurité alimentaire doivent reposer sur ces deux piliers.
d’investissement, de marketing comme de gestion. 2) Il faut améliorer les capacités des systèmes financiers locaux à comprendre et répondre aux besoins d’investissement et de trésorerie de PME confrontées à une forte saisonnalité de leur activité et à de grandes variations de prix. 3) Il faut faciliter l’établissement de relations contractuelles de confiance et durables entre les agriculteurs et les PME pour garantir leur approvisionnement en volume et en qualité. 4) Enfin, il faut que les pouvoirs publics soient en mesure de soutenir la création et le développement des PME tout en faisant respecter des normes sanitaires garantissant la sécurité des consommateurs. Concrètement, le développement des PME de l’agroalimentaire nécessite des partenariats entre les associations professionnelles, les institutions financières et les pouvoirs publics. Deux types de ressources peuvent alors être mobilisés par les institutions financières internationales et les États : des aides, éventuel-
Les milliers de PME qui connectent les cultivateurs aux consommateurs ne font pas l’objet d’une attention suffisante.
Le développement et la « mise à niveau » des PME agroalimentaires nécessitent de considérer quatre types d’interventions. 1) Il faut renforcer leurs compétences techniques pour la transformation des produits fragiles comme le lait, les légumes, les fruits et les tubercules, mais aussi managériales, dans un continuum allant de la formation au coaching des entrepreneurs dans leurs choix N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
lement remboursables, pour les besoins de facilitation, d’expertise et d’assistance technique, mais aussi des financements à destination des entreprises et des banques (lignes de crédit, fonds d’investissement, garanties). Cela fait aujourd’hui l’objet d’initiatives internationales prenant en compte le développement des PME à l’échelle sous-régionale. Les complémentarités entre bassins de production et zones de consommation sont connues en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, notamment pour les céréales, les légumes, les bananes et la viande. La facilitation des échanges de produits agricoles au sein de ces espaces, facteur clé de leur sécurité alimentaire, repose aussi sur des réseaux régionaux de PME et sur l’existence de PME d’envergure régionale. ● JEUNE AFRIQUE
Dossier Agrobusiness PORTRAITS
L’avenir est dans la minoterie
Pourquoi importer de la farine au prix fort quand on peut la produire sur place ? Gros plan sur trois entrepreneurs qui se sont lancés dans l’aventure en Mauritanie, au Mali et au Sénégal.
Éric-Bastien Ballouhey Le Français dirige les Grands Moulins de Mauritanie, le premier moulin industriel du pays, qu’il a créé en 2001.
I
l a délaissé le métier de trader céréalier qui l’avait conduit à Nouakchott pour une carrière entrepreneuriale. Arrivé en Mauritanie en 1998, ce polytechnicien a décidé de se positionner sur le secteur de la minoterie pour faire œuvre utile : permettre à un pays en développement de réaliser de substantielles économies en transformant le blé sur place plutôt qu’en important de la farine. En partenariat avec des actionnaires mauritaniens qui détiennent 40 % de l’entreprise – les 60 % restants lui revenant –, il a donc investi dans une usine comprenant un silo d’une capacité de stockage de 25 000 tonnes, deux unités produisant respectivement 220 tonnes de farine de boulangerie et 60 tonnes d’aliments pour bétail par jour. L’homme d’affaires, âgé de 40 ans, qui revendique aujourd’hui 50 % de parts
LEE GOTEMI POUR J.A.
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de marché, a appris à jongler avec les aléas de l’entrepreneuriat en Afrique : deux groupes électrogènes de secours prennent le relais lors des nombreuses coupures de courant, préjudiciables à cette entreprise qui tourne en continu. Si le problème le plus crucial pour lui reste le manque de personnel qualifié, il en faudrait davantage pour décourager
Houd Baby Convaincu que la transformation des céréales a un réel impact sur l’économie du Mali et de la sous-région, le PDG des Moulins du Sahel a fait de la modernisation de l’agriculture son combat.
L
ancés en septembre 2011 à Bamako, les Moulins du Sahel restent à ce jour l’une des rares minoteries à disposer d’une unité industrielle de transformation de céréales locales (riz, mil, maïs, sorgho…) produisant chaque jour 120 tonnes de farines, qui s’ajoutent aux 140 tonnes de farine de blé. L’entreprise affiche pour 2011 un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de F CFA (11,4 millions d’euros) et vise 11,5 milliards de F CFA en 2012. À sa tête, l’homme d’affaires Houd Baby, président du groupe Houd Investissement, actionnaire à 30 % de ce projet qui a nécessité quelque 5,5 milliards de F CFA. Détenteur N 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012 o
d’actions dans des entreprises du gaz, de l’immobilier et de l’hôtellerie, Houd Baby a décidé de se désengager de leur gestion et d’opérer un repli stratégique sur le secteur de la transformation des céréales, qu’il considère comme « un marché porteur, pratiquement vierge, capable de contribuer
DR
Éric-Bastien Ballouhey, fasciné par une activité aux facettes multiples. « C’est, dit-il, un métier complet, extrêmement local – 80 % de la production est distribuée dans le pays –, mais aussi mondial car tributaire, par exemple, des aléas de la météo dans les pays d’où sont importées les matières premières. » ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
au renforcement de la sécurité alimentaire dans cette zone ». Fort de ses trente années d’expérience comme investisseur, le quinquagénaire a su intéresser trois banques – dont la Banque d’investissement et de développement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) –, qui ont financé l’opération à 70 %. Des projets de développement de sa gamme de produits finis et de modernisation de l’industrie agroalimentaire plein les cartons, Houd Baby tente à présent de s’attirer les faveurs d’autres institutions financières, à l’instar de Cauris Management, Proparco (filiale de l’Agence française de développement, AFD) ou encore de la Société financière internationale (SFI). ● C.J.-Y. JEUNE AFRIQUE
ANTOINE TEMPÉ POUR J.A.
Dossier
Ameth Amar Au Sénégal, le directeur général de la Nouvelle Minoterie africaine (NMA) est à la tête d’une entreprise de 350 salariés.
S
elf-made-man. L’appellation convient bien au milliardaire sénégalais Ameth Amar, qui se vante d’avoir débuté dans les affaires grâce à la vente de sa vieille voiture après s’être
heurté à la frilosité des banques. À la tête d’une entreprise qui emploie 350 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 36 milliards de F CFA (près de 55 millions d’euros), ce comptable de formation se
félicite d’être le premier Africain de la sous-région à avoir osé prendre d’assaut le secteur de la minoterie, en 1999. Située dans la banlieue dakaroise, son entreprise produit chaque jour 250 tonnes de farine de blé, 400 tonnes d’aliments pour animaux et 50 tonnes de pâtes alimentaires, distribuées à 80 % sur le marché local, le reste étant destiné aux pays limitrophes (Gambie, Mali et Guinée). Pour se développer, le mastodonte sénégalais – aux normes européennes – veut conquérir les marchés de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) dans les cinq prochaines années. Un pari à la portée de ce chef d’entreprise socialement responsable, la route Dakar-Bamako – entre autres – étant entièrement praticable. Afin d’accroître sa compétitivité face à des concurrents bien implantés, Ameth Amar mise sur la fidélisation de ses employés. « Plusieurs cadres meuniers et vétérinaires sont en formation chez nos partenaires européens et un plan de construction d’une cité ouvrière est également à l’étude », précise-t-il. ● C.J.-Y.
Investir en Afrique En tant que leader international et Chef de file mondial dans les commodités agricoles, Olam investit industriellement en apportant les dernières technologies dans le secteur de la transformation de manière à satisfaire aussi bien les besoins locaux que ceux liés à l’exportation des produits finis. Avec 45 projets en cours de réalisation y compris celui de 1,2 milliard d‘USD lié à l’usine de production d’urée au Gabon, Olam a pris part au développement des économies et a établi un partenariat avec de nombreux pays d’Afrique. Ces développements permettent de consolider les bases industrielles, créer de nombreux emplois et valoriser au mieux les ressources naturelles du continent Africain.
Olam est présent en :
Afrique du Sud, Algérie, Angola, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Liberia, Mozambique, Nigeria, Soudan, Tanzanie, Togo, Uganda, Zambie, Zimbabwe.
Olam International Limited
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Dossier Agrobusiness Top 5 des producteurs subsahariens (en millions de tonnes par an) • Tongaat Hulett (Afr. du Sud) : 1,990 • Illovo Sugar (Afr. du Sud) : 1,935 • Dangote Sugar (Nigeria) : 1,440 • TSB Sugar (Afr. du Sud) : 1,090 • BUA Sugar (Nigeria) : 0,720
SUCRE
Un déficit à combler
L’Afrique subsaharienne voit l’écart se creuser entre sa demande et sa production. Une opportunité pour les compagnies sucrières, qui commencent à se redéployer, notamment au Nigeria.
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lusde2,5milliards d’euros d’investissements d’ici à 2015 pour combler un déficit annuel estimé à 1,4 million de tonnes et répondre à une demande croissante: le secteur sucrier en Afrique subsaharienne est en pleine mutation, alors que les prix moyens, malgré une certaine volatilité, ne cessent globalement de progresser – le prix de la livre de sucre a été multiplié par 2,5 en cinq ans. Ce contexte tendu de l’offre et de la demande a été au cœur des débats de l’Africa Sugar Outlook 2012, qui s’est tenu à Nairobi du 14 au 16 mars, de même que les opportunités d’investissement. Car elles sont nombreuses. BIOCARBURANTS. Dominéeparles
sud-africainsIllovoSugaretTongaat Hulett avec 3,9 millions de tonnes raffinées dans sept pays, la production subsaharienne a atteint, pour la saison 2010-2011, 7,4 millions de tonnes, alors que la consommation s’élève à 8,8 millions de tonnes. Cette dernière est tirée par divers facteurs.Ilyabiensûrl’urbanisation N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
etlacroissancedémographique,qui s’accompagnent d’un usage plus important du sucre dans l’alimentation, mais également, comme en témoignent les nombreux projets d’usines d’éthanol sur le continent, l’utilisationcroissantedesbiocarburants en Afrique et dans le monde. En octobre 2011, une étude du groupe Ecobank a révélé qu’à lui seul le Nigeria est à l’origine des deux tiers du déficit subsaharien. Malgré une production annuelle de 2,2 millions de tonnes, les producteurs Dangote Sugar et BUA Sugarneparviennentpasàsatisfaire la demande locale. Tous deux ont par conséquent lancé de nouveaux projets au Nigeria.
Le groupe du richissime homme d’affaires Aliko Dangote a décidé d’investir dans l’extension de sa filiale Savannah Sugar Company, afin de porter sa capacité annuelle de 50 000 à 1 million de tonnes en 2015 pour la production d’éthanol à destination du marché domestique. Dangote Sugar a en outre un plan d’investissement de 750 millions d’euros au Sénégal, dont une partie est consacrée à la culture de la canne à sucre et à la construction d’une raffinerie d’une capacité annuelle comprise entre 100000 et 200000 t. De son côté, BUA Sugar a prévu d’inaugurer cette année une usine de 720000 t/an qui comprend par ailleurs une centrale électrique de 20 mégawatts. Coût de l’investissement : 190 millions d’euros. CAP SUR L’EXPORT. Au total, en Afrique, l’ensemble des projets devraient permettre d’accroître la production annuelle régionale de 6,6 millions de tonnes d’ici à 2015, alors que la consommation devrait, elle, augmenter de 4 millions de tonnes d’ici à 2020. Le surplus (1,2 million de tonnes) sera donc exporté, notamment en Asie. La part de la consommation mondiale dans le sous-continent indien et en Extrême-Orient est en effet passée de 25 % en 1984 à 40 % en 2010, et devrait atteindre 47 % en 2020. ● MICHAEL PAURON
DANGOTE SUGAR : IL FAUT ACHETER ! LE GROUPE NIGÉRIAN vit une situation paradoxale : alors que la demande de sucre augmente et qu’il projette d’investir massivement dans la culture et le raffinage (Dangote Sugar raffine pour l’instant du sucre importé du Brésil), son cours à la Bourse de Lagos a dégringolé de 72 % sur un an (3,51 nairas le 30 avril 2012) ! Selon le cabinet nigérian FSDH Securities, cette action vaudrait presque le double (6,94 nairas). Un constat de bon augure pour les investisseurs : FSDH Securities recommande d’acheter, prévoyant un bénéfice de 75 millions d’euros en 2015, contre 37,5 millions en 2011. ● M.P. JEUNE AFRIQUE
AFREXIMBANK:
La Passerelle Sûre Vers Le Commerce Africain
Afreximbank a été créé pour faciliter les échanges intra-et extraafricains. Dans la mise en œuvre de cet objectif, la Banque accorde des crédits, des facilités de gestion des risques et des informations sur le commerce / services consultatifs à sa clientèle variée. Ces services ont ouvert des voix pour renforcer le commerce Africain dont la valeur a augmenté d’USD 250 milliards de dollars en 1994 quand la banque a commencé ses operations, à environ USD1.0 trillions de dollars en 2011.
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BANQUE AFRICAINE D’IMPORT-EXPORT
The Trade F inance Bank for Africa
AGENCE D’ABUJA No. 2 Gnassingbe Eyadema Street Asokoro Garki, Abuja Nigeria Tel: +234-94620606
AGENCE D’HARARE Eastgate Building 3rd Floor Gold Bridge (North Wing) Gold Bridge 2nd Street Harare-Zimbabwe Tel: +263-4-700904
www.afreximbank.com
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Culture & médias
LITTÉRATURE
Dany Laferrière « La réponse la plus subversive à la dictature: être heureux! »
Véritable pendant à L’Énigme du retour, qui lui valut le prix Médicis en 2009, Chronique de la dérive douce retrace la première année d’exil de l’écrivain haïtien. L’occasion de narrer avec poésie et raffinement l’ambivalence du déracinement et sa conquête de la liberté.
Propos recueillis à Québec par
CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
E
n 1976, Dany Laferrière fuyait sa patrie, où sa vie était en danger. Dans Chronique de la dérive douce, mélange de vers libres et de prose tout en fragments, l’écrivain, qui avoue n’écrire que sur lui-même, dresse un portrait de sa première année au Québec. Véritable pendant à L’Énigme du retour, ce roman, dont la première version est parue à Montréal en 1994, perpétue le dialogue entre l’enfant du Sud et sa terre d’adoption. Mais le vrai sujet du livre reste l’ambivalence du déracinement. Malgré la douleur de perdre son pays, la misère et les petits métiers avilissants de ses débuts, son départ d’Haïti a été une chance de se réinventer. Un vade-mecum pour tous les exilés… JEUNE AFRIQUE : Vous publiez dans une version enrichie un roman écrit pour la première fois en 1994. Dix-huit ans plus tard, la question de l’exil paraît toujours autant d’actualité… DANY LAFERRIÈRE : Oui, car des avions N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
continuent de débarquer des jeunes gens dans toutes les capitales d’Occident, souvent en provenance de pays pauvres, ignorant s’ils y seront acceptés. À l’aube de mes 60 ans, j’ai voulu ressortir ce livre pour me rappeler le jeune homme que j’étais. À dix-huit ans d’intervalle, les choses n’ont pas changé, mais ma façon de les appréhender a évolué. Cette nouvelle version est enrichie de faits que j’avais initialement perçus sous une tout autre perspective. Chronique de la dérive douce reste encore le livre de mes débuts, des premiers pas d’un exilé dans sa nouvelle vie. Je l’ai écrit pour aider les gens à comprendre cette expérience à la fois excitante et traumatisante de l’exil. Ceux qui n’ont jamais quitté leur pays ignorent combien il est difficile de vivre en dehors de ses racines, de s’en défaire. L’Énigme du retour participait aussi de ce désir ?
Dans L’Énigme du retour, il est question de longues et bouleversantes retrouvailles avec les miens, mais aussi avec un pays que je peine à reconnaître après trente-trois ans d’absence. Le temps qui passe et le poids de l’expérience établissent une relation singulière entre les deux ouvrages. Un peu comme si on présentait un jeune homme, puis l’homme d’expérience qu’il est devenu. Il s’agit bien d’une seule et même personne. Placé à l’autre extrémité de la vie du narrateur par rapport à L’Énigme du retour, Chronique de la dérive douce donne à mesurer le chemin parcouru. Et l’exil reste douloureux. Véritable vade-mecum pour l’exilé, votre livre campe un personnage qui ne se laisse pas impressionner.
Je dédie ce livre à tous ceux qui arrivent dans une nouvelle ville, sans exclusive. Quelle que soit la position qu’ils y occupent, la pire des choses, c’est de s’appesantir sur soi, de se plaindre. L’exilé
« ON A FINI PAR COMPRENDRE QUE JE NE ME CONTENTAIS PAS
D’ALIGNER LES LIVRES LES UNS APRÈS LES AUTRES, MAIS QU’IL Y AVAIT,
DERRIÈRE, UN PROJET
», explique le romancier, installé aujourd’hui au Québec.
JEUNE AFRIQUE
PATRICK GAILLARDIN/PICTURETANK
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n’est pas un touriste. Il n’est pas venu voir comment vivent les autres, mais pour participer à leur aventure, que cela lui plaise ou non. L’énergie qu’on possède en arrivant, il ne faut pas la gaspiller en larmes. Mon souhait est que ce livre soit lu par de jeunes Africains avant même leur éventuel départ. Cela les aidera à comprendre qu’ils ne sont pas obligés d’entrer dans les rangs. Au Canada notamment, de nombreuses structures sont prévues JEUNE AFRIQUE
pour les primoarrivants. On prépare les lieux où ils sont censés vivre, ce qu’ils sont supposés penser ou manger. L’exilé doit oser l’aventure, s’affranchir des barrières psychologiques. Mais il ne doit pas juger un pays ou un peuple avant de l’avoir effectivement rencontré. Il doit foncer, aller là où on ne l’attend pas, faire semblant de ne pas comprendre quand on insinue qu’il n’est pas à sa place. N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Culture médias Mais la forme littéraire choisie, faite de prose et de vers libres, pourrait rebuter.
Si on se contente de feuilleter l’ouvrage, peutêtre. À la lecture, c’est un style assez simple. Et ce mélange de prose et de rimes est aussi une métaphore de la vie : on a souvent besoin de marquer une pause ; on oscille perpétuellement entre accents lyriques et ton plus prosaïque. Ces textes poétiques en prose sont pour moi les plus simples à manipuler. Ils sont débarrassés de tout corset. Dans mon livre, quelque 450 paragraphes racontent des dizaines de petites histoires. Toute la difficulté consiste à procurer de l’émotion au lecteur et à donner du rythme à chaque petite phrase. On voit les choses surgir ; il n’y a pas de distance entre l’écrit et l’action. C’est une écriture délestée de toute fioriture qui cependant n’empêche pas le raffinement. Il y a aussi dans cet ouvrage une certaine exaltation de l’insouciance.
Le jeune homme qui fuit une dictature n’a pas besoin de se plaindre en permanence. Il peut s’octroyer une année de vacances consacrée à lire, boire, rencontrer des filles… En exaltant cette insouciance, j’ai aussi voulu souligner qu’elle faisait vraiment défaut dans les pays fortement politisés, comme Haïti dans les années 1970.
Mon souhait est que ce livre soit lu par de jeunes Africains avant même leur éventuel départ pour l’étranger. Cette insouciance transparaît dans chacun de mes ouvrages. À la parution de mes premiers livres, critiques et journalistes se demandaient si je devais être classé parmi les « écrivains légers ». Ils ont fini par me donner du « grand auteur ». J’ai placé les briques les unes après les autres, sans jamais donner l’impression que je voulais ériger une œuvre. On a fini par comprendre que je ne me contentais pas d’aligner les livres les uns après les autres, mais qu’il y avait, derrière, un projet. Par petites touches, je passe d’un sujet à l’autre, change d’angle de vue, à une vitesse folle. Et cette manière de procéder donne l’impression d’un sautillement, qui au final aboutit à un scintillement. C’est en quelque sorte la métaphore de la jeunesse. Le jeune homme est confronté à un vaste champ d’opportunités, lui qui vient d’un pays en autarcie. On le voit, excité, explorer ces possibilités. Chronique de la dérive douce, de Dany Laferrière, Grasset, 224 pages, 16 euros N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Avec une pointe de cynisme parfois…
En réalité, il est simple, direct et vrai. C’est touchant. Par exemple, il ne prend pas de précautions oratoires pour déclarer, parlant de ses conquêtes :
« Julie, c’est pour l’amour, Nathalie, pour le sexe, et il me faut vite quelqu’un pour l’argent. » Ça peut paraître cynique, mais le narrateur est sauvé par sa juvénilité. Il joue tellement franc jeu que c’en est désarmant. C’est un prisonnier en cavale qui ne veut être possédé par aucune femme. Il ne laisse aucun sujet s’emparer de son être, pas plus l’amour que le travail. Avez-vous consciemment fait de cette première année une période initiatique ?
À mon arrivée à Montréal, la dictature et la colonisation faisaient déjà partie de moi, mais ne m’empêchaient ni de vivre, ni de traverser le monde, ni de regarder les autres. Je ne regarderai jamais un Blanc uniquement comme un colon. C’est réducteur, à la fois pour lui et pour moi. Outre les choses anodines comme la différence de température, j’ai appris la liberté, la solitude, mais aussi l’intimité. Pouvoir m’asseoir à la terrasse d’un café et commander, geste d’une extrême banalité pour n’importe quel Montréalais, correspondait pour moi à la traversée d’un siècle, à une longue conquête. Cela dérangeait à la fois le dictateur et l’opposant, parce qu’ils avaient tous les deux pour moi un projet. Le premier voulait m’assujettir, le second, que je me révolte. Quant à moi, je n’aspire qu’à m’enfoncer dans le quotidien. La chose en apparence la plus frivole est au contraire la plus puissante. La réponse la plus subversive à la dictature, c’est d’être heureux. Quel est votre rapport à Haïti aujourd’hui ?
La dictature fut éphémère, Haïti est éternelle. Je n’ai jamais eu de rapport crispant à mon île. Je me suis astreint à démontrer que l’exil pouvait devenir un acte libérateur. La pire des choses qu’on puisse faire aux dictateurs, c’est s’accomplir, transformer la punition en récréation. Aujourd’hui, trente-six ans après, je m’emploie toujours à retisser le lien. L’exilé que vous restez a-t-il gardé cette audace des premières heures ?
L’ensemble de mon œuvre semble le dire. Je n’hésite pas à traverser l’Amérique pour donner mon opinion, non pas uniquement sur le débat racial ou encore les rapports contrastants entre riches et pauvres, mais aussi sur la littérature, sur Spike Lee comme sur Woody Allen. Il faut éliminer les frontières, en particulier celles qui nous emprisonnent. Les barrières sociales, raciales ou de classe constituent déjà de véritables carcans. Inutile d’en rajouter en nous imposant une ligne d’horizon au-delà de laquelle notre regard n’a plus le droit de se porter. Tous mes livres disent la même chose : il nous appartient de nous organiser dans l’espace, entité qui, par définition, n’appartient à personne. En revanche, cet espace revient à celui qui s’en empare, non pas pour en faire sa propriété mais pour pouvoir circuler, observer, vivre. ● JEUNE AFRIQUE
Culture médias LANGUES
Chinois, parlez-vous swahili? KERRY BROWN/BBC
Étudiant, Shen Yuning compile le premier dictionnaire swahilichinois depuis le Kenya.
! DE PÈRE SIERRA-LÉONAIS ET DE MÈRE GHANÉENNE, l’acteur s’est fait connaître grâce à la série The Wire. TÉLÉVISION
Plongée en eaux troubles Idris Elba interprète Luther, le héros éponyme de la nouvelle série diffusée sur Canal+. Un flic borderline entouré de psychopathes.
L
père sierra-léonais et d’une mère ghaes yeux cernés, les mains flannéenne, il s’est d’abord lancé dans la quées au fond des poches, le musique, sous le nom de DJ Big Driis capitaine John Luther traîne the Londoner. Dans les années 1990, sa carcasse fatiguée dans les rues pluvieuses de Londres. Impulsif et il s’inscrit au théâtre et débute dans violent, il est l’archétype de l’antihéros, de nombreuses séries britanniques aussi génial que rongé par les doutes. (Absolutely Fabulous, Ultraviolet) Rien de très original a priori, sauf que, avant d’apparaître sur grand écran, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, en Grande-Bretagne (28 Semaines plus le très charismatique acteur britantard, RockNRolla) et aux États-Unis nique Idris Elba, 39 ans, donne toute (Obsessed, American Gangster). Depuis, sa force à ce flic borderline. Véritable il a ses entrées à Hollywood. Après succès outre-Manche sur la BBC, la avoir tourné dans deux blockbusters série Luther, diffusée pour la première fois Après Thor et Ghost Rider 2, Idris en France sur Canal+*, Elba incarnera Mandela dans commence par une nouvelleenquêtedeson le biopic Long Walk to Freedom. héros, qui reprend du service après avoir plongé un pédophile américains, Thor et Ghost Rider 2, il sera dans le coma. Alors qu’il se retrouve bientôt à l’affiche de Prometheus, de harcelé par une perverse narcissique Ridley Scott. Il interprétera également qu’il soupçonne de parricide (Ruth Nelson Mandela, dans le biopic Long Wilson), sa femme le quitte pour un Walk to Freedom, qui sera tourné en autre homme… Afrique du Sud. Après avoir décroché un Golden Globe pour Luther, ce nouGOLDEN GLOBE. Idris Elba a remisé veau rôle très convoité pourrait bien lui avec brio les fines lunettes de Russel valoir une nomination aux Oscars… ● « Stringer » Bell, le gangster intello de JUSTINE SPIEGEL la série The Wire, un rôle complexe lui aussi, qui l’a révélé au grand public. *Tous les lundis à 20 h 50 sur Canal+, 2 épiNé dans la banlieue de Londres d’un sodes par soirée. JEUNE AFRIQUE
T
out est né d’une passion, celle que Shen Yuning voue à l’Afrique. Le jeune homme de 26 ans, originaire de Nankin, s’est fixé pour objectif de compiler le premier dictionnaire swahili-chinois d’ici au mois d’août, date à laquelle il devra quitter le Kenya pour retourner à ses chères études. Ce n’est pas vraiment le tout premier thésaurus bilingue, puisqu’un universitaire chinois en avait rédigé un dans les années 1970. « Il n’a de dictionnaire que le nom », confie Shen Yuning. « Il n’est plus du tout adapté à notre époque. Le vocabulaire évolue avec le temps. De nombreux mots ont vu leur sens se transformer, et la situation en Afrique et en Chine a radicalement changé au cours des trois dernières décennies », ajoute-t-il. DÉFI. Le changement le plus évident pour
lui est la présence renforcée des Chinois sur le continent et leur grande difficulté à communiquer avec les populations locales. Parlé essentiellement dans l’est de l’Afrique par quelque 80 millions de personnes et dans des régions (Tanzanie, Kenya ou encore Ouganda) où les entreprises chinoises sont bien implantées, avec environ 600 000 travailleurs, le swahili est une langue que ses compatriotes ne devraient pas ignorer, estime Shen Yuning. En leur proposant un dictionnaire dont le vocabulaire est ancré dans le monde d’aujourd’hui, il espère faire œuvre utile dans le rapprochement entre deux mondes que tout sépare. Il travaille d’arrache-pied avec des étudiants de l’université Kenyatta, à Nairobi, qui l’aident à rassembler les mots et lui en expliquent le sens. Grâce à leur coopération, Shen Yuning devrait avoir réuni 25 000 termes. Il lui restera alors à vaincre un nouveau défi, trouver un éditeur en Chine. Mais pour ce passionné d’Afrique, ce n’est pas un tatizo – wenti (« problème »). ● CLAUDE LEBLANC N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Culture médias En vue
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CINÉMA
En passant par la Lorraine C’EST L’HISTOIRE de sa famille que revisite le réalisateur en même temps qu’il promène le spectateur dans les paysages sidérurgiques sinistrés de Lorraine où il a vécu enfant et adolescent. Mais aussi l’histoire de l’immigration algérienne en France grâce au recueil de témoignages des « anciens » venus d’outre-mer dans les années 1950 et 1960, et restés sur place malgré la disparition de l’activité économique d’autrefois. Un documentaire nostalgique mais sans pathos, qui peine toutefois à prendre son envol. Malgré la superbe musique d’Archie Shepp. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE
Le Chemin noir, d’Abdallah Badis (sortie le 9 mai) ■■■ MÉMOIRES
Leçons humanistes « Je suis une calebasse au fil de l’eau », « un diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l’ombre des baobabs », « un autodidacte de la langue française, et un autodidacte de la brousse malienne »… Amadou Hampâté Bâ maniait la poésie des griots et la sagesse des poètes. Il avait gardé son âme d’enfant et s’émerveillait aussi bien des richesses de la tradition peule que de celles que l’autre pouvait apporter. Alors que le Mali connaît des heures difficiles et vit sous la menace islamiste, les enseignements humanistes de ses Mémoires (« Amkoullel l’enfant peul » et « Oui mon commandant! ») n’en sont que plus précieux. Actes Sud les réunit pour la première fois en un seul tome et rassemble des témoignages et photographies (parfois inédits) de celui qui fut l’élève de Tierno Bokar. ● S.K.-G.
Mémoires, d’Amadou Hampâté Bâ, Actes Sud, 862 pages, 28 euros ■ ■ ■ N 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012 o
ANTOINE TEMPÉ
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PHOTOGRAPHIE
Résistances sénégalaises Une exposition et un livre reviennent sur les mouvements de révolte qui ont marqué la campagne présidentielle.
D
« printemps sénégalais » et fait 6 vices barricades et une jeunesse déterminée, des scènes de times. « Comme on a pu le voir pendant guérilla urbaine, la mort les différents mouvements de révolte qui rôde… Les clichés pris socialequ’ontvécuslespaysdu Maghreb au Sénégal par vingt photographes de et du Proche-Orient tout au long de presse (pour l’essentiel sénégalais) entre l’année 2011, explique Koyo Kouoh, les le 23 juin 2011 – date de la modification réseaux sociaux, la photographie et la vidéo ont massivement contribué à la de la Constitution du pays permettant au démocratisation et à la dissémination président Wade de briguer un troisième mandat – et la proclamation des résultats de l’information. » de l’élection présidentielle le 30 mars Le catalogue de l’exposition qui se 2012rappellentlecouragedesopposants poursuivra durant la biennale Dak’Art du 11 mai au 9 juin à la Biscuiterie de à « Gorgui », l’engagement de la société Médina regroupe des textes écrits par civile et la violence des affrontements des philosophes, des universitaires, des entre manifestants et forces armées. écrivains et des journalistes qui tirent les Plus de 200 photographies retracent ces longs mois qui ont agité le Sénégal. enseignements de cette période trouble. Elles montrent les figures « La maturité démocratique charismatiques de la et la passion pour la policontestation (Y’en a marre, tique des Sénégalais, liées Youssou Ndour…), la camà une culture de paix propagne des différents candifondément ancrée dans la dats, et rendent hommage mentalité du pays, nous ont à ces milliers d’anonymes permis l’heureuse issue descendus dans la rue d’une alternance réuspour défendre la démosie malgré les multiples cratie. Regroupés au sein embûches et obstacles qui d’une exposition organiont parsemé son chemin », Chronique sée dans un premier temps analyse Koyo Kouoh. On ne d’une révolte. Photographies au centre culturel dakarois peut que s’en réjouir. ● d’une saison de Raw Material Company, SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX protestation, dirigé par la Camerounaise catalogue de Koyo Kouoh, ces travaux « Photographies d’une saison l’exposition édité offrent aux Sénégalais la de protestation », du 11 mai par Raw Material Company, Dakar, possibilité d’une catharsis au 9 juin à la Biscuiterie de 422 pages, Médina, 179, bd du Présidentet l’occasion d’exorciser la 10 000 F CFA, violence qui a défiguré le Habib-Bourguiba, Dakar. 25 euros
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JEUNE AFRIQUE
Culture médias ROMAN
Contre-exemple APRÈS FUCK YOU NEW YORK, chronique d’une véritable descente aux enfers vécue par un jeune étudiant maghrébin qui débarque dans les États-Unis post11 Septembre, le deuxième roman du Franco-Tunisien de iè Kamel Hajaji, 34 ans, s’attaque à une trajectoire inverse : le parcours vertueux semé d’embûches de Mohamed, jeune gamin d’un quartier pauvre de Tunis. L’histoire d’une « immigration réussie » en France, celle du père de l’auteur. Un conte initiatique à rebours des clichés véhiculés, en pleine campagne présidentielle, sur ces immigrés parasites, éternels assistés, et boucs émissaires bien pratiques pour une certaine droite… Kamel Hajaji prépare le dernier volet de son triptyque : un jeune Français d’origine tunisienne part en quête de ses racines. Des sujets maintes fois abordés, mais ici quelque peu renouvelés, dans un style alerte et moderne. ● MARWANE BEN YAHMED
Paris inch’Allah !, de Kamel Hajaji, éditions Sarbacane, 248 pages, 15,50 euros ■■■ PRIX AHMADOU-KOUROUMA
À la source du génocide Dans le fin fond des montagnes rwandaises, un lycée forme « l’avantgarde de la promotion féminine ». Dans ce huis clos juvénile et tragique où se côtoient va-t-en-guerre, boucs émissaires et « justes », Scholastique Mukasonga décrit l’humiliation croissante de la minorité tutsie, alimentée d’une part par le sentiment revanchard du pouvoir hutu, et d’autre part par les fantasmes des Occidentaux, qui fourniront malgré eux un argument racial au génocide de 1994. Un récit subtil et intense récompensé fin avril par le prix Ahmadou-Kourouma. ● FABIEN MOLLON
Notre-Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga, Gallimard, 240 pages, 17,90 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE
Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais
APOCALYPSE NOW
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TÉPHANIE HOCHET, une des plumes singulières de la nouvelle génération de la littérature française, nous revient avec un huitième roman, Les Éphémérides, publié dans la collection de fiction que lancent les éditions Rivages. Comme à son accoutumée – je pense notamment à La Distribution des lumières, où elle abordait la question de l’adolescence à la dérive dans une banlieue en perte de repères –, Hochet embrasse un sujet « dérangeant » avec une maîtrise de la narration et une puissance dans l’incarnation des personnages qui font de ses fictions des moments de lecture inoubliables.
race parfaite. Parallèlement, lorsque tombe la nuit, en livrant ses charmes dans un club du coin,Tara en profite pour soutirer des informations précieuses auprès de sa clientèle. La vie de ces deux femmes semble donc bien réglée mais la réapparition d’Alice, Française ex de Tara, perturbe le cours des choses. Et puis, à Londres, il y a ce Simon Black, un peintre qu’on aurait dit sorti tout droit de La Carte et le Territoire, de Michel Houellebecq. L’artiste apprend qu’il souffre d’un
Une maîtrise de la narration, un moment de lecture inoubliable.
cancer et que ses jours sont compOn pourrait reconnaître indéniatés. Qu’aura-t-il désormais à perdre, blement à cette romancière son lui le condamné ? Il ne sera plus le souci de s’éloigner d’une littérature même, et ses agissements deviennombriliste au profit d’un univers dront de plus en plus surprenants. éclaté aussi bien dans le destin des En cette période précédant l’apoprotagonistes que dans les lieux calypse qui oserait parler de « noroù se passent les récits. De ce fait, malité » dans les comportements Les Éphémérides ne s’écartent pas des individus ? de cette vision. On peut lire ce Enfin, il y a Sophie et Bernard, roman comme la chronique d’une un couple vivant à Paris avec sa apocalypse annoncée fille Ludivine. Sophie dont la date fatidique envoie celle-ci vivre en prévue par le gouverÉcosse chez sa sœur nement anglais est le Alice. Un enchevêtre21 mars, jour du prinment de personnages temps. Dans ce climat qui, on le sent, pousse d’avant la fin du monde, peu à peu au confinenous rencontrons plument et à l’explosion au sieurs personnages. fur et mesure que s’apTara et sa compagne proche la date butoir du Patty vivent en Écosse. 21 mars. Un roman oriElles dressent des ginal qui montre que la Les Éphémérides, « Dogs », ces chiens très vraie apocalypse est de Stéphanie dangereux, et peut-être celle de la Hochet, éditions recherchent, par le croidétérioration des rapRivages, 210 pages, 18,50 euros sement des espèces, la ports entre les êtres. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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Recrutement
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
N° 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
JEUNE AFRIQUE
Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo
Banque Africaine de Développement (BAD)
Unité de Gestion du Programme (UGP)
JEUNE AFRIQUE
• Avoir l’aptitude du travail en équipe et à travailler dans un environnement multiculturel ; • Etre apte à travailler efficacement sous haute pression ; • Avoir une bonne maîtrise du français. La connaissance des autres langues de l’espace CEEAC serait un atout. 3°) FICHE DE POSTE : SOCIO ECOMNOMISTE, SPECIALISTE EN GENRE AU PACEBCo/COMIFAC Sous la supervision du Secrétaire Exécutif de la COMIFAC, l’expert socio-économiste spécialiste en genre est responsable du suivi des initiatives de développement socio-économique des populations et du suivi des initiatives en genre concourant à la mise en œuvre du Plan de convergence. Il apporte l’appui-conseil au Secrétariat Exécutif de la COMIFAC et à l’UGP/PACEBCo en ce qui concerne la prise en compte et la promotion du genre dans les activités de conservation et de gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale. A cet effet, l’intéressé(e) doit : • Veiller à l’intégration adéquate du genre dans les politiques régionales de gestion durable des écosystèmes et dans les programmes d’appui à la mise en œuvre du Plan de Convergence de la COMIFAC ; • Veiller à la prise en compte du genre dans l’opérationnalisation des politiques, directives et stratégies sous-régionales déjà validées par le Conseil des Ministres ; • Assurer le suivi de la prise en compte du genre dans le plan de convergence ; • Contribuer à l’élaboration des directives spécifiques ou d’une stratégie sous-régionale sur la prise en compte du genre dans les projets et programmes relatifs au Plan de Convergence ; • Donner des appuis conseils à la COMIFAC, aux organisations partenaires et aux réseaux de la CEFDHAC dans la prise en compte de l’égalité entre les sexes ; • Accompagner le REFADD et les autres réseaux de la CEFDHAC impliqués dans les questions du genre pour porter les questions de genre aux niveaux stratégiques et opérationnels ; • Veiller à la prise en compte du genre dans le plan de travail annuel de la COMIFAC et en faire le suivi de la mise en œuvre ; • Intégrer les aspects genre dans la formulation d’une stratégie régionale de développement des activités génératrices de revenus pour les populations locales en général et celles des paysages concernés par le PACEBCo en particulier ; • Suivre les initiatives et projets relatifs au développement socio-économique ; • Appuyer les populations dans l’intégration de l’approche genre dans la conception et la mise en œuvre des Plans de développement local au niveau des paysages cibles du PACEBCo ; • Développer les activités du PACEBCo sur l’approche participative, l’analyse du milieu, la promotion des femmes et la prise en compte des groupes les plus vulnérables ; Les candidats devront justifiés des qualifications suivantes : • Etre titulaire au moins d’un diplôme de maitrise (Bac+4) dans le domaine des sciences sociales ou dans une autre discipline pertinente. Une spécialisation en matière d’égalité entre les sexes serait un atout ; • Avoir au moins 10 ans d’expériences professionnelles générales dans le domaine du développement rural ; • Avoir au moins 5 ans d’expériences professionnelles sur les problématiques de genre ; • Avoir une connaissance technique de la problématique du genre au niveau international et sousrégional ; • Avoir une connaissance de la gestion axée sur les résultats, intégrant le genre dans les cadres logiques et les indicateurs ; • Avoir l’aptitude du travail en équipe et à travailler dans un environnement multiculturel ; • Etre apte à travailler efficacement sous haute pression ; • Avoir une bonne maîtrise du français. La connaissance des autres langues de l’espace CEEAC serait un atout. Comment poser votre candidature : Pour tous les postes, vous envoyer votre dossier de candidature aux adresses suivantes : info@pacebco-ceeac.org ; bihini.won.musiti@pacebco-ceeac.org ; tabunahonore@yahoo.fr ; comifac2005@yahoo.fr et dawile_fr@yahoo.fr Le dossier de candidature doit comprendre les pièces suivantes : • Un CV détaillé signé ; • Une lettre de motivation signée adressée à Monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC ; • Une copie certifiée conforme des diplômes ; • Un certificat médical datant de moins de trois mois ; • Un casier judiciaire datant de moins de trois mois ; Date limite de dépôt pour l’ensemble des postes ouverts : 04 juin 2012 Les candidats postulants devront se rendre disponibles pour un éventuel entretien à Yaoundé au Cameroun. Pour le Secrétaire Général de la CEEAC Le Coordonateur Régional du PACEBCo Rihini Won Wa MUSITIU N° 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Recrutement
1°) FICHE DE POSTE : ASSISTANT AU PROGRAMME UGP/PACEBCo Pour les besoins de mise en œuvre d’un Programme régional de conservation des écosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), la CEEAC recrute un(e) Assistant(e) au Programme, basé à Yaoundé à la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC). Placé sous la responsabilité du Coordonnateur Régional du PACEBCo, l’Assistant(e) au programme contribue à la mise en œuvre des tâches et responsabilités ci-dessous : Les principales tâches et responsabilités : • Apporter un appui au développement des tâches de coordination régionale des activités du programme notamment le suivi de la mise en œuvre des conventions signées avec les institutions partenaires du PACEBCo ; • Appuyer la collecte des données, la compilation, l’élaboration et la synthèse des rapports y compris le respect de leurs qualités et des dates de leurs soumissions aux partenaires ; • Apporter un appui à la capitalisation des leçons des activités de terrain du programme ; • Tenir une base des données permettant de suivre la mise en place et l’évolution des autres initiatives en faveur de la gestion durable des écosystèmes dans et autour des paysages concernés par le PACEBCo ; • Assister techniquement la coordination du programme dans le suivi de la procédure d’approbation des requêtes, de manière à éviter des retards ; • Travailler en étroite collaboration avec le secrétariat pour la prise des notes et la distribution des rapports des réunions ; • Accomplir toutes autres tâches à la demande de la hiérarchie. Qualifications et expérience • un diplôme universitaire supérieur (minimum Bac +5) en science politique ou Ingénieur Forestier, expert en gestion intégrée et aménagement participatif des ressources naturelles des terroirs villageois équivalent ; • Expérience requise en formulation et gestion des projets ; • une expérience professionnelle d’au moins 08 ans dans le domaine de la gestion durable des ressources naturelles ; • une bonne connaissance des institutions liées au secteur forêt / environnement en Afrique centrale ; • une parfaite capacité à travailler et rédiger en français ; • Une excellente maîtrise du français et de l’anglais, et de l’outil informatique et des logiciels courants (Word ; Excel ; Power point ; Access ; Internet ; et autres outils de communication) ; • une aptitude à organiser son travail et à travailler en équipe ; • Avoir une bonne maîtrise du français. La connaissance des autres langues de l’espace CEEAC serait un atout. 2°) FICHE DE POSTE : JURISTE PACEBCo/COMIFAC Sous la supervision du Secrétaire Exécutif de la COMIFAC, l’expert juriste apporte un appui-conseil au Secrétariat Exécutif de la COMIFAC et à l’UGP/PACEBCo sur toutes les questions légales ou juridiques et autres aspects liés au droit international de l’environnement. A cet effet, l’intéressé(e) doit : • Initier les procédures de contentieux opposant la COMIFAC ou le PACEBCo à des tiers et saisir un conseil habileté pour la couverture des contentieux ; • Suivre tous les contentieux et les prestations juridiques concernant les activités et les missions de l’institution ; • Rédiger et/ou discuter des contrats et conventions de collaboration entre la COMIFAC et autres partenaires ; • Représenter la COMIFAC ou l’assister dans les transactions ou arbitrages ; • Contribuer à l’élaboration des instruments juridico-normatifs sous-régionaux (directives, accords, référentiels, etc.) nécessaires pour l’harmonisation des politiques forestières et environnementales en Afrique Centrale ; • Veiller à l’intégration des dispositions des conventions internationales et des directives sous-régionales dans les lois et réglementations nationales ; • Analyser les conventions internationales en matière d'environnement et déterminer leurs implications sur les directives sous-régionales et les législations nationales dans l’espace COMIFAC, afin de faciliter leur mise en cohérence ; • Suivre la mise en œuvre des conventions internationales environnementales et autres Accords internationaux majeurs dans les pays membres de la COMIFAC ; • Conseiller le Secrétariat Exécutif de la COMIFAC sur toutes les questions juridiques liées aux décisions des instances délibérantes de la COMIFAC. Les candidats à ce poste devront justifiés des qualifications suivantes : • Etre titulaire au moins d’un diplôme supérieur en Droits de niveau BAC+5 ou tous autres diplômes équivalents ; • Avoir une formation en droit international de l’environnement ; • Avoir au moins 5 ans d’expériences professionnelles comme juriste dans une organisation ou un projet de développement financé par un bailleur ;
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BUREAU RÉGIONAL DE L’
Afrique
APPEL À CANDIDATURE DE CONSULTANTS EN LANGUES POUR LA BASE DE DONNÉES DU BUREAU RÉGIONAL DE L’OMS POUR L’AFRIQUE : ÉDITEURS/RÉVISEURS, INTERPRÈTES, TRADUCTEURS
Formation - Recrutement
Le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique recherche des professionnels en langue pour l’édition, la révision, la traduction et l’interprétation. Les profils recherchés sont les suivants : Langue anglaise : - éditeurs/réviseurs - interprètes pouvant interpréter à partir du français et du portugais - traducteurs pouvant traduire du français et/ou du portugais Langue française : - éditeurs/réviseurs - interprètes pouvant interpréter à partir de l’anglais et du portugais - traducteurs pouvant traduire de l’anglais et/ou du portugais Langue portugaise : - interprètes pouvant interpréter à partir de l’anglais et du français - traducteurs pouvant traduire de l’anglais et/ou du français Qualifications requises Formation : Diplôme d’interprétation ou de traduction pour les interprètes et les traducteurs, et diplôme universitaire de langue pour les éditeurs, en anglais, français et portugais. L’appartenance à l’Association internationale des interprètes de Conférence est un atout. Expérience : Sept ans d’expérience progressive dans le domaine de l’interprétation, de la traduction et/ou de l’édition/la révision au niveau international, de préférence aux niveaux international/régional ou d’une institution du système des Nations Unies. Comment postuler : Les personnes intéressées sont priées d’envoyer leur candidature par le biais du système de recrutement en ligne de l’OMS au lien suivant : http://www.who.int/employment/fr/ au plus tard le 30 juin 2012.
www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION, CELLULE INFRASTRUCTURES
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DU TOURISME
Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires « PRO-ROUTES »
SOCIÉTÉ DU GOLF DE CARTHAGE
Fonds Fiduciaire BM-DFID(P101745)
Avis d’Appel d’Offres International (AAOI) N° 002/MITPR/CI/PRO-ROUTES/2012 « FOURNITURE DE CARBURANT ET DES LUBRIFIANTS POUR LA BRIGADE DE L’OFFICE DES ROUTES DE KALEMIE, PROVINCE DU KATANGA ».
JEUNE AFRIQUE
Avis d’appel d’offres international n°1/2012 Prolongation des délais de remise des offres Location du fond de commerce "golf Carthage
La Société du Golf de Carthage a décidé de procéder à la prolongation des délais pour le lundi 28/05/2012 à 17h pour la remise des offres relatives à l’appel d’offres international n°1/2012 pour la location du fond de commerce "golf Carthage" constitué d’un parcours de golf avec toutes ses composantes, situé à Chotrana II Soukra Ariana- Tunis, à titre de gérance libre conformément aux dispositions du cahier des charges. Ceux qui désirent participer peuvent retirer le cahier des charges, contre le paiement d'un montant de 50 dinars en espèce, à l'adresse suivante : 10 rue pierre de Coubertin 1001 Tunis (quatrième étage) du lundi au vendredi. La date d’ouverture des plis est fixée pour le jeudi 31/05/2012 à 15h au siège de la société. Les soumissionnaires peuvent y assister. Les représentants des soumissionnaires doivent être munis de procurations dûment signées.
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com
N° 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Appel d’offres
1. Cet Avis d’Appel d’Offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés publié le 12 Février 2008, le 21 mai 2009 et le 17 novembre 2011. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a sollicité et obtenu des dons d’un Fonds Fiduciaire (DFID) et de l’Association Internationale pour le Développement qui totalisent environ 123 millions de dollars des Etats-Unis pour financer « le Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires, PROROUTES », et a l’intention d’utiliser une partie de ces dons pour effectuer des paiements au titre des marchés de fourniture de Carburant et des Lubrifiants figurant au point 3 ci-après. La Passation des Marchés sera conforme aux règles et procédures d’éligibilité de la Banque mondiale et aux dispositions spécifiques des Accords de financement du projet PRO-ROUTES. 3. La Cellule Infrastructures sollicite des Offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir des articles suivants, repartis en lots indivisibles, chaque lot constituant un marché : Pour la Brigade de l’Office des Routes de Kalemie avec livraison à Kalemie : - Lot 1 : 600 m³ de Gasoil - Lot 2 : 35.100 litres des Lubrifiants et 3.600 kg de Graisse 4. La Passation de Marchés sera conduite par Appel d’Offres Ouvert International tel que défini dans les « Directives : Passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA », édition Mai 2004 et révisée en Octobre 2006 et Mai 2010, ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule Infrastructures ; sise avenue Roi Baudouin, n°70A, à Kinshasa/Gombe (RDC), Tél. +243.993.152.226, E-mail : celluleinfra@vodanet.cd et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessous de 9h00’ à 16h00’. 6. Les exigences en matière de qualification sont : la conformité aux spécifications, le délai de livraison et le montant de l’Offre (priorité au moins disant). Une marge de préférence « ne sera pas » octroyée aux soumissionnaires nationaux éligibles. Voir le document d’Appel d’Offres pour les informations détaillées. 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’Offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 100 $ US (Cent Dollars Américains). Ce montant peut être réglé en espèces à la caisse contre un reçu, par chèque certifié et/ou par virement direct sur le compte ci-après de la Cellule Infrastructures dans les livres RAWBANK en précisant le numéro du DAO pour lequel le versement est effectué (NUMERO DU COMPTE : 0501-0100132602-20 EURO, SWIFT: RAWBCDKIXXX, IBAN : FR76 0510005101010013260220). Le Dossier d’Appel d’Offres acquis sera expédié par voie électronique ou retrait à la Cellule Infrastructures. Sur demande du soumissionnaire et moyennant un paiement complémentaire forfaitaire de 150 USD (Cent cinquante Dollars Américains), la Cellule Infrastructures peut se charger d’expédier ledit dossier par courrier rapide. Elle ne sera en aucun cas tenue responsable des retards ou pertes subis durant cet acheminement. Il est à noter que l’Offre de tout soumissionnaire qui n’aura pas fourni la preuve d’achat du Dossier d’Appel d’Offres (DAO) en bonne et due forme sera rejetée. 8. Les Offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous au plus tard le 22 juin 2012 à 14h00’. La soumission des Offres par voie électronique « n’est pas » autorisée. Les Offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les Offres seront ouvertes au jour ci-dessus en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne, à l’adresse mentionnée ci-dessous à 14h00’ (heure locale). Les Offres doivent comprendre « une Garantie d’Offre », pour le montant fixé dans le Dossier d’Appel d’Offres et par lot comme suit : - Lot 1 : 18.000 USD - Lot 2 : 4.000 USD 9. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est la suivante : Cellule Infrastructures - 70A, Avenue Roi Baudouin Kinshasa/Gombe - République Démocratique du Congo Téléphone : +243.993.152.226 E-mail : celluleinfra@vodanet.cd - Site web : www.celluleinfra.org Kinshasa, le 04 mai 2012. Pour le Coordonnateur en congé, Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur Adjoint
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Annonces classées Banque des États de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc des marchés Avis d’appel d’offres international ouvert no 06/BEAC/SG-DS/AOIO/Bien/2012 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale envisage de renouveler sur fonds propres, les tenues des Agents de sécurité. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international ouvert, les entreprises remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour l’acquisition des tenues de travail des agents de sécurité de la Banque. Le processus de sélection se déroulera conformément à la procédure d’appel d’offres international ouvert appliquée par la BEAC. Les entreprises intéressées, satisfaisant aux critères d’éligibilité de la BEAC et remplissant les conditions requises, peuvent consulter le dossier d’appel d’offres rédigé en français à l’adresse indiquée ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures les jours ouvrés. Le dossier d’appel d’offres peut être obtenu à l’adresse ci-dessous, moyennant le paiement d’un montant non remboursable de XAF deux cent cinquante mille (250 000) ou l’équivalent en EURO. Le paiement devra être effectué par virement bancaire ou en espèces aux guichets de la BEAC. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général DOAAR-CGAM 14ème étage, porte 14.02
736 Avenue Monseigneur Vogt Tél. : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 ; Email : cgam.scx@beac.int - site web : www.beac.int Les soumissions devront être déposées à l’adresse indiquée ciaprès, en version papier exclusivement au plus tard le jeudi 31 mai 2012 à 12 heures, heure locale. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Elles devront obligatoirement être accompagnées d’une garantie de soumission conforme au modèle indiqué et équivalente à cinq (5) % du montant de l’offre. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le jeudi 31 mai à 13 heures 00, heure locale, aux Services Centraux de la BEAC. Yaoundé, vendredi 20 avril 2012 Le Président de la Commission ad hoc des marchés, M. René Mathurin BEMBA
AVIS D’APPEL D’OFFRES Nº: AAO-I/BFA/PRG.22/FY12/0020
Appel d’offres
Construction de margelles, Fourniture et installation de 138 pompes à main Cofinancement : Union Européenne et Plan Burkina Faso I. CONTEXTE DE L’APPEL D’OFFRES Dans le cadre de la mise en œuvre de son programme « Droit à un Meilleur Cadre de Vie avec plus de Sécurité Economique pour les Ménages » et pour contribuer à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement, Plan Burkina Faso a bénéficié d’une subvention au titre du 10e FED ACP-CE (Référence : EuropeAid/129509/C/ACT/Multi), pour mettre en œuvre le Projet d’Amélioration de l’accès des enfants et des femmes aux Services d’Eau potable et d’Assainissement (PASEPA) dans les provinces du Noumbiel et du Poni dans la région du Sud-Ouest du Burkina Faso et le Projet de Renforcement de l’accès aux Services d’Eau Potable et d’Assainissement (PRESEA) dans la province du Namentenga dans la région du centre Nord du Burkina Faso. Une partie des fonds de cette subvention sera utilisée pour financer la fourniture et à l’installation de pompes manuelles. Au titre de cette subvention, Plan Burkina Faso lance un appel d’offres international pour la fourniture et l’installation de 138 pompes manuelles. II. OBJET ET ALLOTISSEMENT DE L’APPEL D’OFFRES. Les travaux objet du présent appel d’offres se résument en la fourniture et à l’installation de 138 pompes manuelles dans les provinces du Noumbiel, du Poni et du Namentenga repartis en deux (2) lots distincts dont la consistance est la suivante : Lot 1 : Fourniture et installation de 66 pompes à mains auto-amorçantes dans le Poni et le Noumbiel ; Lot 2 : Fourniture et installation de 72 pompes à mains auto-amorçantes dans le Namentenga ; III. DÉLAI Le délai d’exécution des travaux de fourniture et d’installation des pompes ne devrait pas excéder quatre mois et demi (4,5) mois par lot. Les soumissionnaires ont la possibilité de soumissionner pour un ou l’ensemble des deux lots. IV. PARTICIPATION À L’APPEL D’OFFRES La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales pour autant qu’elles ne soient pas sous le coup d’interdiction ou de suspension et, être en règle visà-vis de leur pays d’établissement. Les soumissionnaires éligibles et intéressés par le présent appel d’offres international peuvent obtenir des informations supplémentaires et consulter gratuitement le dossier d’appel d’offres auprès de : secrétariat de Plan Burkina Faso Faso BP 1184 OUAGADOUGOU 01; Téléphone (226) 50 37 87 33/35/37; FAX (226) 50 37 87 39, sis à la Zone d’Activités Diverses (ZAD), site web www.plan-burkina.org,
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V. CONSULTATION ET ACQUISITION DU DOSSIER Tout soumissionnaire éligible et intéressé doit retirer un dossier d’appel d’offres à la représentation de Plan Burkina Faso B.P. 1184 OUAGADOUGOU 01; Téléphone (226) 50 37 87 33 ; Fax 50 37 87 39, sise à la Zone d’Activités Diverses (ZAD) moyennant le paiement d’une somme non remboursable de cent Mille (100 000) francs CFA. Il peut être consulté sur le site Web de Plan Burkina Faso (www.plan-burkina.org). VI. PIÈCES À FOURNIR les soumissionnaires nationaux devront produire les documents datés de moins de trois (03) mois attestant qu’ils sont en règle vis-à-vis de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), de la Direction chargée des Lois Sociales, de l’administration fiscale et de l’Agence Judiciaire du Trésor (AJT) ex DACR ; quant aux soummissionnaires étrangères, elles devront fournir une copie de leur Registre du Commerce certifiée par un notaire et une attestation de non faillite délivrée par l’organisme compétent de leur siège social. VII. DÉPÔT DES OFFRES Les offres présentées en un original et deux (2) copies conformément aux instructions des soumissionnaires et accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de Un million cinq cent mille (1 500 000) Franc CFA pour le lot 1 et deux millions (2 000 000) Franc CFA pour le lot 2 devront parvenir ou être remises au secrétariat de Plan Burkina Faso B.P. 1184 OUAGADOUGOU 01; Téléphone (226) 50 37 87 33 ; Fax 50 37 87 39, sise à la Zone d’Activités Diverses (ZAD) au plus tard le 29 juin 2012 à 9 heures 00 GMT. L’ouverture des plis sera faite immédiatement en présence des soumissionnaires qui souhaitent y assister. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. En cas d’envoi par la poste ou autre mode de courrier Plan Burkina Faso ne peut être responsable de la non réception de l’offre transmise par le soumissionnaire. VIII. DÉLAI D’ENGAGEMENT Les soumissionnaires restent engagés par leurs offres pendant un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la date de remise des offres. IX. RÉSERVE Plan Burkina Faso se réserve le droit de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent appel d’offres. Ouagadougou le 03 Mai 2012 La Direction de Plan Burkina Faso
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GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN
PROJET D'HÔPITAL DE RÉFÉRENCE EN PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ
APPEL À MANIFESTATION D'INTÉRÊT Le Gouvernement de la République du Bénin a entrepris des réformes au niveau du secteur de la santé en vue d'améliorer la qualité des services offerts. Dans ce cadre, le Gouvernement a initié un projet dʼhôpital, situé dans les environs de Cotonou, qui pourrait être mis en oeuvre sous la forme dʼun Partenariat Public-Privé et dont lʼobjectif serait de fournir des services de santé de qualité à la population béninoise et de la sous-région. A cet égard, le Gouvernement envisage de signer le contrat avec le(s) adjudicataire(s) sélectionné(s) d'ici la fin de lʼannée 2012 et de commencer la construction de l'hôpital en 2013.
Les parties intéressées sont invitées à soumettre un dossier, ne dépassant pas 10 pages, exprimant leur intérêt pour le projet. Le dossier de manifestation dʼintérêt devra inclure notamment : • une brève description des activités de lʼorganisation ; • une brève description de son expérience en matière de santé et • une description de ses compétences spécifiques et expertise en matière de santé. Sous réserve des conclusions des études en cours, le Gouvernement envisage de lancer un appel d'offres afin de sélectionner le partenaire privé. La réponse au présent appel à manifestation d'intérêt ne constituera pas un pré-requis pour participer à l'appel d'offres. Néanmoins, les personnes ayant soumis une manifestation d'intérêt complète seront informées de l'avis de pré-qualification dans le cadre de l'appel d'offres, le jour de sa publication. Les manifestations d'intérêt, rédigées en français, et portant la mention « MANIFESTATION D'INTÉRÊT PPP HOSPITALIER AU BÉNIN » devront être adressées par courrier électronique avant le 30 mai 2012, 17 heures, heure de Cotonou, aux personnes suivantes : M. Martin N. Gbedey Président de la Commission Technique de Dénationalisation Cabinet du Premier Ministre, République du Bénin Email : gbedeynm@gmail.com M. Stefan Rajaonarivo Conseil en Transactions PPP, IFC Email : srajaonarivo@ifc.org Mme Catherine O'Farrell Conseil en Transactions PPP, IFC Email : cofarrell@ifc.org JEUNE AFRIQUE
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Manifestation d’intérêt
La Société Financière Internationale (IFC) a été sélectionnée par le Gouvernement en tant que Conseil pour la structuration et la mise en oeuvre du projet. A ce titre, le Gouvernement et IFC appellent par la présente les opérateurs et investisseurs privés nationaux et internationaux, notamment ceux pouvant faire preuve dʼune expérience significative en matière de fourniture de services hospitaliers et de soins de santé, de construction dʼétablissements hospitaliers et dʼinvestissement dans des projets de santé, à manifester leur intérêt pour le projet. Ce processus visant à obtenir une meilleure vision des personnes intéressées par un projet de ce type, ne fait pas partie de l'appel d'offres qui pourra, le cas échéant, être organisé pour le projet, et ne crée en conséquence aucune obligation de la part du Gouvernement ou de IFC à l'égard de quiconque choisirait de répondre.
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION
Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement Prioritaires « PRO-ROUTES »
SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT Service de Consultant : AUDIT DES COMPTES DU PROJET PRO ROUTES POUR LES EXERCICES 2012 à 2014 N°Avis : AMI N° 003/CI/PRO-ROUTES/2012
Manifestation d’intérêt
Date de l’Avis : le 04/05/2012
1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu des dons initiaux de l’Association Internationale de Développement et de DFID de 123 millions de USD qui viennent d’être augmentés par une enveloppe supplémentaire des deux bailleurs équivalent à 125.2 millions USD pour financer le Projet Pro-Routes, dont l’objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté grâce au rétablissement et à la préservation durable des infrastructures routières permettant l’accès des populations aux marchés et aux services sociaux et administratifs nécessaires à la relance socio-économique et à la réintégration du pays. Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ces dons pour effectuer les paiements au titre du contrat de services d’un Cabinet d’Audit de renommée internationale, pour l’Audit comptable, financier et opérationnel des comptes du Projet Pro Routes, pour les exercices 2012, 2013, et 2014. 2. Pour répondre aux critères de sélection : a. Le Consultant doit être soit un Cabinet d’Audit et d’Expertise Comptable de réputation internationale, faisant profession habituelle de réviser les comptes, régulièrement inscrit au Tableau d’un Ordre des Experts-comptables reconnu au plan international par l’IFAC ou la FIDEF, ou un cabinet d’audit et d’expertise comptables agréés IRC ou CEMAC et ayant une expérience confirmée en audit financier des comptes des projets de développement, notamment les projets financés par la Banque Mondiale, la BAD, et Union Européenne…, et jugé acceptable par l’IDA ; b. Il doit avoir effectué pendant les 5 dernières années au moins 2 missions similaires avec un ou plusieurs parmi les bailleurs ci-dessus ; c. Une expérience prouvée du cabinet en audit des projets de développement serait un plus. 3. Calendrier et durée de la mission Le démarrage de la mission est prévu : - Pour le mois d’avril 2013, en ce qui concerne la première mission qui portera sur les comptes clos au 31 décembre 2012 - Pour le mois d’avril 2014, ne ce qui concerne des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2013 et, - Pour le mois d’avril 2015, en ce qui concerne les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2014. 4. Lieu de la mission La mission est prévue à la Cellule Infrastructures à Kinshasa et dans les unités définies de l’Office des Routes et du BEGES, à Kinshasa et en provinces (Kisangani, Kalemie, Uvira, Gemena, Beni…), suivant le calendrier de mise en œuvre des activités. 5. La Cellule Infrastructures invite les candidats admissibles, Cabinet ou groupement de Cabinets à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel permanent ou ponctuel, une lettre de motivation (2 pages maximum) expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les qualifications et expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des expressions d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). Ils doivent fournir les éléments de justification des expériences spécifiques exigées aux points 2.b et 2 c ci-dessus. 6. Un Consultant sera sélectionné, en accord avec les procédures définies dans les Directives: « Sélection et Emploi des Consultants par les emprunteurs de la Banque mondiale », édition Mai 2004, révisée en Octobre 2006 et Mai 2010. 7. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à la Cellule Infrastructures, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables de lundi à vendredi de 9 h 00 à 16 h 00, heures locales. Les termes de référence complets sont disponibles sur le site de la Cellule Infrastructures « www.celluleinfra.org ». 8. Les Manifestations d’Intérêts, rédigées en langue française, doivent parvenir par courrier ou par e-mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le 23 mai 2012 à 15 heures locales et porter clairement la mention : AMI N° 003/CI/PRO-ROUTES/2012 – RECRUTEMENT DU CABINET D’AUDIT EXTERNE CHARGE DE L’AUDIT DES COMPTES DU PROJET PRO ROUTES, POUR LES EXERCICES 2012 à 2014. Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction - Cellule Infrastructures 70A, Avenue Roi Baudouin, Kinshasa/Gombe - République Démocratique du Congo Téléphone : +243.993.152.226 - E-mail : info@celluleinfra.org - Site web : www.celluleinfra.org Pour le Coordonnateur en congé, Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur Adjoint N° 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DU PLAN UNITÉ DE COORDINATION DES PROJETS (UCoP) PROJET DE DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES URBAINS.
AVIS DE SOLLICITATION DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N°002/UCOP-PDIU POUR LE RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT EN VUE DE LA RÉALISATION DES AUDITS URBAIN, FINANCIER ET ORGANISATIONNEL DES SIX VILLES DE LA RDC RETENUES POUR LE PROJET URBAIN.
JEUNE AFRIQUE
services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l'exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel, etc.). Les Consultants peuvent s'associer pour renforcer leurs compétences respectives. Le consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives " Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, mai 2004 (mise à jour octobre 2006, mai 2010) ". 4. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence en contactant l‘UCOP par e-mail ucop.rdc@gmail.com ou par téléphone (+243 998223039 ou +243 991209928.) du lundi au vendredi de 10h00 à 16h00. 5. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous plis fermés ou par courrier électronique avec la mention " Manifestation d’intérêt/Services de Consultants relative à " Réalisation des Audits Urbain, Financier et Organisationnel des Six Villes du Projet Urbain de la République Démocratique du Congo " à l’adresse ci-dessous au plus tard le 16 mai 2012. Unité de Coordination des Projets 32, avenue de la Gombe/ Commune de la Gombe Ville de Kinshasa République Démocratique du Congo Ucop.rdc@gmail.com CHALONDAWA TOBIE KALESHI Coordonnateur
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Manifestation d’intérêt - Propositions commerciales
1. La République démocratique du Congo a sollicité une Avance de Préparation de Projet de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour contribuer au financement du coût de préparation du Projet de Développement des Infrastructures Urbaines (PDIU) et a l’intention d’utiliser une partie du montant de cette Avance de Préparation de Projet pour effectuer les paiements au titre du contrat suivant : " Réalisation des Audits Urbain, Financier et Organisationnel des six Villes de la RDC choisies dans le cadre du projet PDIU ". Les villes retenues dans le cadre de ce projet sont : Bukavu, Kalemie, Kikwit, Kindu, Matadi et Mbandaka. 2. L'objectif global de la présente consultation est de procéder à un certain nombre d'études diagnostiques sur l'urbain, le financier et l'organisationnel devant aboutir au choix judicieux des investissements à y réaliser afin d'améliorer le cadre de vie des populations, conformément à l'Accord de convention de préparation du Projet entre l'IDA et le Gouvernement de la RDC. Le diagnostic urbain a pour but de permettre l'établissement d'une liste de sous-projets susceptibles d’atténuer les insuffisances en infrastructures et équipements constatées et de répondre aux besoins exprimés par les autorités et confortés par les populations. Le diagnostic financier a pour but de permettre l'établissement d'une liste de sous-projets susceptibles d’atténuer les insuffisances en mobilisation et gestion de ressources financières constatées et de répondre aux besoins exprimés par les autorités. Le diagnostic organisationnel a pour but de permettre l'établissement d'une liste de sous-projets susceptibles d’atténuer les insuffisances dans le fonctionnement des Services communaux constatées et de répondre aux besoins exprimés par les autorités. 3. L’UCoP invite les Consultants à manifester leur intérêt en vue de fournir les
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Mali : l’absence des grands Nous vous sommes reconnaissants pour cet espace, où nous pouvons exprimer nos points de vue. Face à la situation qui prévaut dans leur pays, les Maliens se sont massivement pressés au stade Modibo-Keita, le 31 mars, à l’appel des responsables religieux, toutes confessions confondues. Je m’en félicite : nous avons donné au monde entier la preuve de la laïcité du Mali, ce qui constitue un défi aux salafistes extrémistes, persuadés de détenir la
vérité. Combattus en Afghanistan, en France (Toulouse) ou en Irak, ils sont totalement ignorés par la communauté internationale lorsqu’ils poussent des milliers de personnes à l’exode ou assassinent froidement des prisonniers de guerre. Nous attendons des grandes puissances mondiales qu’elles empêchent Al-Qaïda de s’installer durablement dans le Nord-Mali, région d’une extrême pauvreté qui ne doit aucunement être abandonnée ou laissée à la seule charge de la
CHINAFRIQUE : UN AUTRE REGARD L’ÉMERGENCE DE PÉKIN sur la scène africaine a suscité l’attention des médias du monde entier. Les raisons ? L’arrivée massive d’investissements chinois en Afrique et la nature de ces investissements, lesquels défient tous les principes traditionnels en la matière. Certains médias qualifient ce géant asiatique de « nouveau pouvoir impérialiste » pratiquant un « colonialisme virtuel ». La légitimité de la Chine en tant que partenaire fiable est également remise en question : certains soutiennent qu’elle abandonnera l’Afrique dès que ses attentes en matières premières seront satisfaites ; que l’aide accordée en retour est insuffisante pour répondre aux besoins de développement du continent et qu’elle s’adresse essentiellement aux pays dotés de ressources naturelles, le seul but des Chinois en Afrique étant de servir leurs propres intérêts. En fait, Pékin n’a jamais ZINDER (NIGER), 28 NOVEMBRE 2011. Inauguration de la Soraz, construite revendiqué le statut de par la Chine. philanthrope, mais, en accordant des prêts sans conditions à taux préférentiels et en annulant la dette des États africains, elle offre au continent l’opportunité d’accéder aux revenus nécessaires pour planifier et exécuter ses programmes de développement selon ses propres termes, sans avoir à répondre à certaines conditions imposées par le FMI et la Banque mondiale. De plus, contrairement à ce qui est véhiculé par certains médias, la Chine est à l’écoute de ses partenaires africains. Elle a par exemple imposé des restrictions volontaires sur l’exportation de textile chinois sur le marché sud-africain et n’a pas hésité à critiquer ouvertement l’attitude des entrepreneurs chinois qui ne respectaient pas le droit du travail en Zambie. L’ironie du sort, c’est que la communauté internationale, en fustigeant la stratégie chinoise en Afrique, oblige Pékin à prêter sous certaines conditions. Or il est évident aujourd’hui que l’Afrique ne peut se développer sous de telles restrictions. ●
TAGAZA DJIBO
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BABETTE ZOUMARA, Pékin, Chine N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
Cedeao. Où sont passés les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne, chantres de la lutte contre le terrorisme et pour la démocratie ? Leur réaction frileuse serait-elle liée à l’absence de pétrole ou au peu d’intérêt géostratégique que présente le Mali ? ● MANSOUR COULIBALY, Casablanca, Maroc
Question de chiffres Dans le « Plus » de J.A. consacré au Niger (no 2674-2675), les chiffres du benchmark des huit pays de l’UEMOA comportent des erreurs. Ainsi, en 2010, les PIB de la Côte d’Ivoire et du Sénégal étaient respectivement de 22,82 milliards et 12,88 milliards de dollars, et non de 1 049 et 1 096 dollars comme indiqué. ● ABOU BACRY LY, Paris, France
Réponse Merci de votre vigilance. La légende de notre infographie est effectivement fausse. Il s’agit du produit intérieur brut (PIB) par habitant en 2011 (en dollars). Pour information, les PIB 2011 de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Niger s’élèvent respectivement à 23,8 milliards de dollars, 14,7 milliards de dollars et 6,4 milliards de dollars. ● LA RÉDACTION
Senoussi, la clé du mystère Kaddafi-Sarkozy ? Dans J.A. no , du 26 novembre au 3 décembre 2011, dans la rubrique « Ce que je crois », vous souhaitiez la survie de Seif el-Islam Kaddafi et d’Abdallah Senoussi, afin, affirmiez-vous, que les complicités ayant permis de perpétuer le régime de l’ex-leader libyen soient mises à nu. Vos vœux ont été exaucés. Et une brèche s’est ouverte avec les récentes révélations (dont la véracité reste à établir) du site d’information en ligne Mediapart sur un probable financement de la campagne de Sarkozy par Mouammar Kaddafi, en 2007. Une belle opportunité s’offre, notamment avec la saisine précipitée JEUNE AFRIQUE
Vous nous
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Afrique subsaharienne
Afrique subsaharienne
de la justice par Nicolas Sarkozy. Vivement que ces rescapés du précédent régime libyen la saisissent et permettent, enfin, de résoudre le mystère Kaddafi-Sarkozy. ● ADAMA TRAORÉ, Ouagadougou, Burkina Faso
et transfère l’intégralité de ses pouvoirs à un directoire militaire. Ce dernier confie à son tour le pouvoir à Andry Rajoelina, l’actuelchefdelatransition. Maisceschangements ont effectivement été considérés à l’époque par l’ensemble de la communauté internationale comme un putsch. ● LA RÉDACTION
Quid des putschs malgaches ? Dans votre édition no , vous énumérez les coups d’État depuis 2000. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi Madagascar ne figure pas dans la liste? ● TIANA RAZAFINTSALAMA, île de la Réunion
Réponse Il s’agit là en effet d’un oubli, qui s’explique en partie par le déroulement des événements eux-mêmes. En mars 2009, le chef de l’État Marc Ravalomanana, confrontéàunevéritableinsurrectiond’une partie de la population, démissionne de son poste de président de la République
Grandeur et décadence Au Cameroun, pour les barons déchus, le réveil à la prison centrale de Kondengui est une épreuve difficile. Tous, évidemment, clament leur innocence; et le peuple, pour les « juger », n’a que des indicateurs sociaux. Les salaires et autres avantages perçus tout au long de leur carrière ne sont guère des mystères. Or, sans aucune gêne, ils ont, au nez et à la barbe de tous les Camerounais, bâti de somptueuses résidences dans les villes et dans les campagnes, se sont adjugé de nombreuses terres,
la chute
Plus dure est la CAMEROUN
L’un avait été secrétaire général de la présidence, l’autre Premier ministre. Tous deux se savaient menacés mais espéraient encore que le président Biya se souviendrait qu’ils avaient été de proches conseillers. Accusés de détournement de fonds, Marafa Hamidou Yaya et Ephraïm Inoni ont été arrêtés le 16 avril. Leurs noms sont venus s’ajouter à la longue liste des « victimes » de l’opération Épervier.
GEORGES DOUGUELI
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discontinuer, n’est plus qu’un numéro que le juge convoquera à sa convenance pour instruire un procès en « détournement de deniers publics en coaction et complicité ». Marafa vient à son tour de tomber à cause de l’achat avorté d’un Boeing destiné aux voyages du chef de l’État, soit l’affaire dite de l’Albatros.
rison centrale de Kondengui, à Yaoundé. Quartier 13, cellule 10. Ce 16 avril à midi, dans la chaleur poisseuse de la saison des pluies, Marafa Hamidou Yaya, 59 ans, est conduit à sa nouvelle adresse. À tout BARON. Funestejournéepourceluiquiétaitencore, seigneur, tout honneur : le régisseur de la prison, jusqu’au 9 décembre dernier, l’incontournable Daniel Njeng, s’est lui-même chargé des formalités ministre d’État chargé de l’Administration terexigées par l’administration pénitentiaire. Avant ritoriale et de la Décentralisation. Il se savait en Marafa, autrefois tout-puissant secrétaire général sursis depuis son départ du gouvernement (voir de la présidence, d’autres célébrités tombées dans J.A. no 2670), mais gardait l’espoir, à l’instar de les filets de l’opération Épervier avaient apprécié quatre autres secrétaires généraux de la présidence ce geste de courtoisie. emprisonnés avant lui, que Biya ne le lâcherait pas. Pour autant, cela suffira-t-il à atténuer l’humiliaEspoir entretenu par le chef de l’État, qui a, comme si de rien n’était, continué d’associer ce baron du tion d’une arrestation en plein palais de justice? La meurtrissure d’être houspillé par des gendarmes bureau politique du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) à la vie excités et peu amènes ? La gêne apparue lors du du parti. Comment Marafa pouvait-il se considétrajet, parcouru sirènes hurlantes, entre le trirer en disgrâce quand Paul bunal et la prison ? Cela peut-il faire oublier la mine Biya l’avait invité à la très LES AUTRES GROSSES PRISES D’ÉPERVIER sélective cérémonie des gourmande et le regard vœux du président de la goguenard de ceux qui détestent les puissants, République,enjanvierderTTitus it Edzoa d ex-secrétaire général heureux d’assister à la nier? « Bonneannée, monde la présidence chute de celui qui, longsieur le ministre d’État », Incarcéré le 3 juillet 1997 temps, fut perçu comme lui avait-il souhaité entre un possible candidat à la petits fours et champagne. Alphonse Siyam Siwé succession de Paul Biya? À cette date pourtant, ex-secrétaire général adjoint Probablement pas. selon un des proches du de la présidence Au Cameroun, où les président, Paul Biya avait Incarcéré le 24 février 2006
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Fotso, incarcéré depuis décembre 2010, d’avoir agi de concert dans le détournement de 27 millions de dollars (20,5 millions d’euros). Premier ministre de 2004 à 2009, Ephraïm Inoni, 66 ans, est l’autre grosse prise de ce 16 avril. Arrivé à Kondengui deux heures après Marafa, il a été installé dans une cellule individuelle du quartier 14, récemment construit pour accueillir les célébrités. Poursuivi dans un autre volet de la même affaire, cet anglophone, ancien inspecteur des régies financières formé à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) et qui officia pendant une décennie comme secrétaire général adjoint de la présidence, fut lui aussi un proche collaborateur de Paul Biya. « Je vous décharge de vos fonctions de Premier ministre, mais je souhaite que notre parti profite de votre disponibilité », lui avait dit le président avant le remaniement du 30 juin 2009. Habituellement avare de marques d’affection, le président s’était montré bienveillant à l’égard de « Chief » Inoni à de multiples reprises. Selon un câble de l’ambassade américaine révélé par le site WikiLeaks, Paul Biya avait même justifié le fait que la justice camerounaise s’était peu intéressée à lui. « Les charges contre Inoni étaient minces, et, surtout, il n’avait pas beaucoup volé », avait écrit l’ambassadrice Janet Garvey après s’être entretenue avec le chef de l’État, le 4 février 2010. SOUPÇON. Que reproche-t-on
aujourd’hui à Inoni ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à la société britannique Aircraft PortfolioManagement (APM). En 2003, elle a été mandatée pourauditerlescomptesdela Camair, dont l’un des avions vient d’être saisi à Paris. Ce faisant, APM s’est retrouvée à conseiller le gouvernement, notamment pour l’achat du fameux appareil présidentiel. C’est ainsi que quelques années plus tard, quand éclate le scandale Albatros, APM est à son tour mise en
J.A. NO 2676 du 22 au 28 avril 2012
des parcs automobiles rutilants, ont envoyé leur progéniture dans les meilleures universités occidentales… Avec quelles ressources? À la justice de faire son travail… ● HUGUES MBALA, Douala, Cameroun
Rectificatif : Contrairement à ce que nous avions indiqué, l’auteur de l’article « Tunisie : et pourtant elle tourne ! » publié dans J.A. no 2677 est Dominique Mataillet, et non Habib Sayah. Toutes nos excuses pour cette erreur. ● LA RÉDACTION
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La leçon de Riace
RÉDACTION
C
ONNAISSEZVOUS RIACE ? Mieux vaut tard que jamais. C’est un tout petit village (16,05 km2) de la province Reggio di Calabria, en Calabre, dans l’extrême sud-est de l’Italie, à 514 km de Rome. Au dernier recensement (2010), Riace comptait 1 977 habitants. Ce petit bout de terre, que baigne la mer Ionienne, n’est pas un paradis, loin s’en faut. À la fin du XXe siècle, il n’était plus que l’ombre de lui-même. Les jeunes, rongés par le chômage et le spleen, avaient décidé d’aller chercher le mieux-être ailleurs, dans le nord de la péninsule, plus prospère, ou à l’étranger. Il ne restait plus que les vieillards, sans espoir, et les retraités qui voyaient, chaque jour, Riace mourir à petit feu. Les énormes maisons, abandonnées par leurs propriétaires, tombaient en ruine. L’école du village, faute d’enfants, avait fermé ses portes (en 2000).
Le réveil de Riace a commencé en 1998. Cette année-là, une embarcation transportant des réfugiés kurdes échoue au village. Pour les responsables de la commune, c’est une chance inouïe. Plutôt que de les rejeter à la mer, ils accueillent les Kurdes à bras ouverts. Non pas, comme on peut le croire, pour leurs beaux yeux. Mais tout simplement parce qu’ils ont compris que ces gens venus d’ailleurs vont contribuer à la renaissance de la commune. Qu’ils représentent une bouée de sauvetage, un moyen de revaloriser les ressources locales. Hospitalité contre travail, voilà le deal. Quatorze ans plus tard, le pari est gagné. Éthiopiens, Érythréens, Afghans, Kurdes et d’autres étrangers vivent à Riace. Ils ont restauré les vieilles maisons, fait revivre les savoir-faire traditionnels qui disparaissaient. Ils ont relancé l’artisanat et la production agricole, au point de devenir un centre du commerce équitable. L’école a rouvert ses portes. Des autochtones sans travail ont retrouvé un emploi. Les prix des loyers ont grimpé à tel point que des Italiens fortunés viennent du Nord pour se reposer à Riace, prenant souvent des locations à l’année. Grâce à l’immigration, le village s’est donné un surnom : Città Futura, Ville du futur. Je tire plusieurs leçons de cette expérience. Un : quand Riace était sur le point de rendre l’âme, ce n’était pas la faute des étrangers venus manger le pain des Italiens. Deux : c’est grâce aux étrangers que la commune a trouvé les bras qui lui manquaient pour repartir. Trois: il n’y a rien pour rien, que l’on soit de Riace ou d’ailleurs. Cela me ramène à la campagne électorale française durant laquelle, sans vergogne, une partie de la classe politique a distillé un discours de haine visant les étrangers, source de tous les malheurs. Le pouvoir est-il, en fin de compte, un nectar qu’il faut boire à n’importe quel prix, dont celui du mensonge? Mes convictions sont simples: chaque homme a un pays, une nation, une culture, des racines, des valeurs. Personne n’est le maître de la terre, notre bien commun. Il n’y a pas de pays sans étrangers. Quant aux frontières, elles n’existent que dans la tête de petits esprits. Qui oublient qu’en hiver les oiseaux du Nord, pour ne pas mourir de froid, émigrent dans le Sud. Le maire centre gauche de Riace, Domeunico Lucano, qui a vu débarquer chez lui des hommes en détresse, a compris la vie : « Nous avons découvert un monde fait d’injustices, de guerres, de violences, de drames », a-t-il déclaré. C’est ainsi depuis la nuit des temps. ● N o 2678 • DU 6 AU 12 MAI 2012
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