TUNISIE LE CANCER SALAFISTE
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2683 • du 10 au 16 juin 2012
CAMEROUN RENÉ SADI : S’IL N’EN RESTAIT QU’UN
CÔTE D’IVOIRE GBAGBOBENSOUDA, LES DESSOUS D’UN DUEL
RD CONGORWANDA TROUBLE JEU AU NORD-KIVU
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MALI DEMAIN LA GUERRE?
La perspective d’une reconquête du Nord semble imminente. Reste à savoir comment et avec qui…
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 9 JUIN
Attention au « retour de bâton »
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L EST TEMPS, me semble-t-il, de sonner l’alarme. Le désormais fameux Printemps arabe a permis aux islamistes d’accéder au pouvoir en Tunisie, en Égypte, en Libye et même, par ricochet, au Maroc. S’ils ne l’ont pas déclenché, ils se sont engouffrés dans la brèche qu’il a ouverte et ont pris le pouvoir comme par héritage. Ils l’exercent dans ces quatre pays depuis plusieurs mois, plus ou moins complètement, avec des fortunes diverses et en tenant des discours sensiblement différents. ■
Les actes qu’ils posent et les décisions qu’ils prennent ne permettent pas encore à l’observateur le mieux disposé à leur endroit de déceler dans leurs pensées, leurs arrière-pensées ou leur démarche une cohérence stratégique. Que veulent-ils au juste et que se proposent-ils de faire du pouvoir désormais entre leurs mains ? Se sontils ralliés sincèrement et sans possibilité de retour à la démocratie, à ses règles et contraintes ? Ou bien les utilisent-ils pour occuper le pouvoir et s’y maintenir ? Ont-ils une politique économique ? Et si oui, laquelle ? Ils ne savent visiblement pas gérer les économies des pays dont ils ont hérité, mais sont-ils capables d’apprendre assez vite pour que ces pays, aujourd’hui en stagnation, voire en recul, renouent avec la croissance ? Autant de questions qui sont pour le moment sans réponse… ■
Au fait, y a-t-il un ou plusieurs islamismes ? Un examen attentif de la situation actuelle du monde arabo-musulman révèle que, sous une forme ou une autre, l’islamisme est au pouvoir dans un nombre de pays qui va grandissant. Il l’est dans les quatre pays cités ci-dessus, Tunisie, Égypte, Libye, Maroc, où il vient de le conquérir et s’emploie à s’y installer. Mais il était déjà au pouvoir dans une dizaine d’autres, dont la Turquie, l’Iran, la Malaisie, Gaza, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Yémen, le Soudan. Et il est en lutte active pour le conquérir, avec des chances sérieuses d’y parvenir, en Afghanistan, en JEUNE AFRIQUE
Syrie, dans les émirats arabes satellites de l’Arabie saoudite et du Qatar. Où classer la République islamique de Mauritanie et le tout aussi islamique Pakistan ? Que dire de la Somalie et du tout récent Azawad, au Nord-Mali, entré en sécession ? Comment évoluera l’Algérie ? Vers quel type de régime penchera l’Irak ? Le Kurdistan resterat-il irakien ? Quel est l’avenir de la Jordanie ? C’est là une nouvelle série de questions elles aussi sans réponses. Elles couvrent cependant deux réalités qui me paraissent méconnues. ■
1) L’islamisme est en train de se répandre et de gagner une place de choix au sein du monde arabomusulman : il accède au pouvoir dans des pays où il était persécuté et parfois banni ; il n’est pas loin de ce résultat dans beaucoup d’autres. La vague islamiste succède ainsi au nassérisme et au baasisme, dont il convient de rappeler qu’ils ont connu quelques décennies de règne. Avant de refluer et de disparaître. Est-ce le destin qui attend l’islamisme ? 2) En vérité, il y a autant d’islamismes que de pays où il se manifeste. Et, plus important encore, ils sont à des stades d’évolution différents, comme le montre l’histoire récente des islamistes tunisiens et égyptiens. Les uns et les autres se faisaient, il y a quelques années encore, les apôtres de la violence et du terrorisme. Mais, constatant que cette stratégie n’était pas payante, la majorité d’entre eux a fini peu à peu par y renoncer. Les uns et les autres, en Tunisie comme en Égypte, ont été plus intégristes qu’ils ne le sont aujourd’hui ou ne paraissent l’être. L’islamisme turc a suivi le même itinéraire, a franchi les mêmes étapes. Il a connu l’expérience ratée et même erratique de Necmettin Erbakan avant que l’AKP ne se transforme, au début de ce siècle, en parti de gouvernement pour conduire la Turquie à plus de démocratie et à la magnifique renaissance politique et économique qu’elle connaît en ce moment. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Ce que je crois Les islamistes tunisiens et égyptiens avaient-ils atteint, en 2010 et 2011, le degré d’évolution auquel était parvenu le Parti de la justice et du développement (l’AKP) turc de Recep Tayyip Erdogan et d’Abdullah Gül au début de ce siècle, lorsqu’il a accédé au pouvoir ? Ils l’ont clamé urbi et orbi au moment où ils sont arrivés aux affaires et avaient besoin de rassurer. Aujourd’hui encore, ils se réclament de cet AKP qui est, disent-ils, leur modèle. Et par les visites d’Erdogan en Égypte, en Tunisie et en Libye, celui-ci a semblé leur donner sa caution. Les islamistes tunisiens, égyptiens, marocains et même libyens de 2012 ne sont certes pas ceux d’il y a dix ou quinze ans. Mais les progrès qu’ils ont accomplis se révèlent à l’expérience dramatiquement insuffisants. Dans les quatre pays d’Afrique du Nord où ils viennent de conquérir le pouvoir, leurs performances sont si médiocres que ceux-là mêmes qui ont voté pour eux et accueilli avec espoir leur arrivée aux affaires commencent à déchanter. Le capital de confiance qu’ils avaient mis des années à accumuler s’est amenuisé en quelques mois ; il tend même à disparaître. ■
Toutes classes confondues, on est mécontent dans les quatre pays de la manière dont on est gouverné et l’on constate que « ça va mal », qu’il n’y a guère d’espoir que la situation s’améliore à court ou moyen
terme… Certains se prennent même à regretter, sans le dire ou en le murmurant, l’ère de la dictature. C’est dire si le désenchantement est immense… Comment expliquer autrement le résultat étonnant du premier tour de l’élection présidentielle égyptienne ? Le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, celuilà même qui a réprimé, y recueille presque autant de voix que le candidat islamiste, et, à la veille du second tour, un nombre impressionnant de partisans de la révolution veulent le mettre au pouvoir pour « ramener la loi et l’ordre ». Comment les Tunisiens pourraient-ils accepter plus longtemps que – ménagés par le pouvoir islamiste – des salafistes venus d’on ne sait où occupent le terrain par milliers, empêchant le pays de se remettre au travail, donnant de lui une image dans laquelle il ne se reconnaît pas ? (Lire pp. 38-40.) ■
Les quatre pays où l’islamisme a pris le pouvoir grâce au Printemps arabe sont à cinq semaines du mois de ramadan, pendant lequel l’action gouvernementale est à son étiage, et à la veille d’affronter la torpeur des longs mois d’été. Ce n’est donc qu’à partir de septembre ou d’octobre prochains que la vie politique reprendra ses droits. Il faut craindre pour leurs gouvernants islamistes qu’ils ne sentent alors qu’ils ont épuisé le crédit qu’on leur a fait et que « l’état de grâce » est derrière eux. ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì S’instruire, c’est jeter de l’argent et le récupérer plus tard. Massa Makan Diabaté Ì Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère. Winston Churchill Ì Avoir assez d’empire sur soi-même pour juger des autres par comparaison avec nous, et agir envers eux comme nous voudrions que l’on agît envers nous-mêmes, c’est ce qu’on peut appeler la doctrine de l’humanité : il n’y a rien au-delà. Confucius N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Ì Si Dieu descendait sur la Terre, tous les peuples se mettraient à genoux, excepté les Français, qui diraient : « Ah ! Vous êtes là ! C’est pas trop tôt ! On va pouvoir discuter un peu ! » Lord Balfour Ì Je fais confiance à tout le monde, sauf à ceux qui me disent qu’on peut leur faire confiance. Nassim Nicholas Taleb Ì Pose une couronne sur la tête de l’âne, il n’en deviendra pas sage pour autant. Proverbe africain Ì L’amitié est un sentiment aussi mystérieux que l’amour. Jean Dutourd
Ì La destinée de la femme et sa seule gloire sont de faire battre le cœur des hommes. Honoré de Balzac Ì Je vous résume le freudisme : Pourquoi ? Parce queue… Louis Pauwels Ì Sur la Lune, les appartements les plus chers, ça sera ceux où on voit la Terre. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì La dernière chose au monde que je souhaite est de me mettre en avant ; mais je n’ai rien contre le fait d’être remarqué. Mark Twain JEUNE AFRIQUE
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Éditorial
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RD CONGO-RWANDA TROUBLE JEU DANS LE NORD-KIVU Kigali est accusé d’aider en sous-main les rébellions de l’est de la RD Congo. Une thèse que les Rwandais réfutent…
Marwane Ben Yahmed
J.A., les Fangs et les autres
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LUSIEURSSEMAINESAPRÈSSAPUBLICATION,notre enquête consacrée à la communauté fang en Afrique centrale (voir J.A. no 2680) n’en finit plus de provoquer des remous, de susciter commentaires et réactions, parfois très virulents, surtout au Gabon. Jeune Afrique en prend pour son grade dans la presse locale. Tout y passe : volonté d’attiser les tensions, ou de régler des comptes (lesquels ? Mystère…), soutien masqué à André Mba Obame, l’ex-« frère » du chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, devenu son pire ennemi, quête bassement mercantile de sensationnalisme…
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Plumitifs aux ordres de certains collaborateurs zélés du président qui ont cru bon de prouver ainsi leur « utilité » au patron (pourtant l’un des rares à avoir gardé son calme au Palais du bord de mer), ou, au contraire, gratte-papiers pyromanes d’une certaine opposition qui a sauté sur l’occasion pour récupérer politiquement le sujet développé dans nos colonnes et attaquer le gouvernement, tous s’en sont donné à cœur joie. Des réactions tous azimuts, souvent irrationnelles – quelques-uns sont allés jusqu’à comparer J.A. à la tristement célèbre Radio Mille Collines… –, qui en disent long, n’en déplaise à certains, sur le caractère hélas toujours épidermique du sujet au Gabon et sur le manque de maturité d’une partie de sa classe politique, qui s’est réfugiée dans le déni ou, pis, l’invective. Reprocherait-on, par exemple, à un journal français de publier une enquête sur les Corses ou sur les Basques ?
Que les choses soient claires. Nous n’avions d’autre objectif que journalistique : informer, susciter le débat, interpeller. Comme nous l’avions déjà fait en nous intéressant à d’autres communautés – ce qui ne dénote en rien une volonté d’exacerber les communautarismes ! –, à l’instar des Berbères en Afrique du Nord, des Bamilékés et des anglophones au Cameroun, ou des Katangais en République démocratique du Congo. Et comme nous continuerons de le faire pour contribuer à l’évolution des mentalités. Plus d’un demi-siècle après les indépendances, le chemin vers une véritable conscience nationale est encore long… ● N 0 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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PHOTOS DE COUVERTURES : MABOUP, E. DAOU BAKARY, AUDE OSNOWYCZ/SIPA
Certains lecteurs ont exprimé auprès de nous, disons de manière plus pondérée et sans nous prêter de quelconques arrière-pensées, leurs interrogations sur l’utilité de ce type d’enquêtes, diffusées dans des pays « pas toujours prêts » pour ce genre de sujets et où « certains politiques de tout bord prennent un malin plaisir à envenimer des situations déjà passablement tendues ». Argument objectif que nous ne pouvons balayer d’un revers de main: nous sommes conscients de la responsabilité qui est la nôtre. D’autres, peu nombreux, soyons honnête, nous ont, au contraire, remerciés : « Crever l’abcès est souvent source de douleurs immédiates intenses, mais favorise, à terme, la guérison. »
CAMEROUN S’IL N’EN RESTAIT QU’UN… Évincé de la direction du parti au pouvoir, mais maintenu au gouvernement, René Sadi cultive la discrétion. Portrait d’un homme qui encaisse les coups, mais refuse de livrer bataille. Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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RD Congo-Rwanda Trouble jeu dans le Nord-Kivu Ahmed Chafiq Un cacique en embuscade Joyce Banda La femme qui détone Esclavagisme moderne Patrons voyous États-Unis Condi la Camerounaise Sahel Après les armes, les criquets… Sénégal Poursuites au ralenti Finance Mariage maroco-ivoirien Piraterie Les îles contre-attaquent Tour du monde
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G RA N D A N G L E
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Qui peut sauver le Mali ?
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Cameroun S’il n’en restait qu’un… Union africaine Maite Nkoana-Mashabane : « Chacun son tour ! » Côte d’Ivoire Tous les coups seront permis
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JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle pa part rt ailleurs
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GRAND ANGLE
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Qui peut sauver le Mali?
ÉTATS-UNISAFRIQUE GOOD MORNING AFRICA! • La nouvelle frontière africaine • Washington peut mieux faire • Les grands programmes économiques
Plus le temps passe, plus la situation dans le nord du pays devient intolérable. Le recours à la force semble inévitable.
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ROYAUME-UNI ÉLISABETH JUBILE Depuis son accession au trône, en 1952, elle a connu douze Premiers ministres. De Winston Churchill à David Cameron…
Spécial 16 pages
TUNISIE CES TRÈS INQUIÉTANTS FOUS DE DIEU Face aux débordements des salafistes, le gouvernement tergiverse et la population est à cran.
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DOSSIER TÉLÉCOMS SUR LA VOIE DE LA NET-ÉCONOMIE Efficacement reliés au réseau mondial via les câbles sous-marins, les pays côtiers francophones misent de plus en plus sur les technologies de l’information pour doper leur croissance.
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Sénégal Habré a du souci à se faire Centrafrique En chute libre
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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
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Tunisie Ces très inquiétants fous de Dieu Tribune L’exception tunisienne… malgré tout Maroc Le cas Christopher Ross Conseil de coopération du Golfe Enfin l’union politique ? Syrie L’autre opposition
Logistique L’Afrique comble son retard Algérie Interview d’Abderrahmane Benhamadi, PDG du groupe Benhamadi Antar Trade Développement La BAD se projette dans le long terme Finance Enchères au Caire Aérien Abdoulaye Coulibaly paré au décollage Aéronautique Retour aux sources pour Souad Elmallem Tunisie Carthage Cement voit le bout du tunnel Baromètre
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D O SSIER
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EUROPE, AMÉR I Q U E S, A SIE
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Tendance Sur la voie de la Net-économie
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Royaume-Uni Élisabeth jubile Chine Les arroseurs… arrosés à Singapour Parcours Pacôme Yawovi Adjourouvi, en terrain conquis Afghanistan Panier de crabes Inde Le Congrès à bout de souffle
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LE PLUS DE J E U N E A FR I Q U E
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États-Unis -Afrique Good morning Africa !
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ÉCON OMIE
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Madagascar Crise à tous les étages
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C U LT U RE & M ÉD IA S Musique Par la grâce de Jupiter France-Rwanda Écrivain sans papiers Essai La ville qui ne dort jamais La semaine culturelle de Jeune Afrique Danse Nadia Beugré, une femme libre VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
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CHRIS HELGREN/REUTERS
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! UN STUDIO DE LA CHAÎNE d’information qatarie, à Doha.
Médias Al-Jazira en français ou en espagnol?
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INTENTION D’ALJAZIRA de lancer une chaîne d’information francophone dont le siège serait à Dakar a été annoncée par le quotidien français Le Figaro. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça. Si Hamad Ibn Khalifa Al Thani, l’émir du Qatar, y songe en effet sérieusement, le projet est en concurrence avec un autre, jugé plus stratégique par une partie de son entourage : celui d’une chaîne info en espagnol. Al-Jazira couvre déjà une grande partie du continent grâce à ses programmes en anglais et en arabe. Mais, si l’Afrique francophone, hors Maghreb, est jugée importante pour le Qatar, le monde hispanophone (dont une partie des États-Unis) l’est tout autant, sinon davantage. L’émir s’est fixé une date butoir pour prendre sa décision : novembre prochain. ● RD CONGO GUERRE DES CHEFS DANS L’OPPOSITION
Qui de Vital Kamerhe, le leader de l’Union pour la nation congolaise arrivé troisième à la présidentielle de novembre 2011, ou de Samy Badibanga, proche conseiller d’Étienne Tshisekedi, le vieux chef de l’Union pour la démocratie et le progrès social, sera élu ce mois-ci porte-parole de l’opposition (poste prévu par la Constitution de la RD Congo) ? Le premier mise sur N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
son passé de président de l’Assemblée nationale, puisque ce sont les députés et les sénateurs qui votent. Le calcul du second est arithmétique : avec une bonne cinquantaine de sièges à l’Assemblée, son parti dispose du plus important groupe parlementaire de l’opposition. Autre atout pour Badibanga : depuis sa cellule de la Cour pénale internationale, à La Haye, Jean-Pierre Bemba, l’autre « boss » de l’opposition, fait campagne contre
Kamerhe, dont il redoute la concurrence lors de la présidentielle de 2016. TOURISME LE RÊVE ALGÉRIEN À PARIS
DepassageàParispourparticiper à un colloque d’Ubifrance consacré à l’Algérie, les 6 et 7 juin, Laid Benamor, PDG du groupe du même nom, en a profité pour tenter de convaincre des investisseurs français de participer à Dream Land, un projet de complexe
touristiquede120haprèsd’Annaba qui nécessite 400 millions d’euros d’investissement. DreamLandcomprendradeux hôtels 5 et 4 étoiles (mille lits au total) pourvus d’installations de thalassothérapie, une résidence d’une centaine de villas, un aquaparc, un mall, un golf 18 trous et une marina. Le projet, qui a obtenu le feu vert des autorités, devrait voir le jour en 2018. À ceux qui s’étonnent de l’irruption sur ce créneau d’un groupe agroalimentaire (200 millions d’euros de chiffre d’affaires) dont l’activité première est quand même le concentré de tomates, Laid Benamor répond qu’il s’efforce de « se positionner sur des secteurs à fort potentiel ». LE CHIFFRE QUI FAIT CAUSER
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MILLIONS
Le nombre de smartphones vendus en Afrique au cours du premier trimestre de cette année, selon un rapport qu’Ericsson, le géant suédois des télécoms, a consacré à l’internet mobile à haut débit.
ALGÉRIE TOUT RESTE À FAIRE POUR RENAULT
La direction de Renault et Mohamed Benmeradi, le ministre algérien de l’Industrie, des PME et de la Promotion de l’investissement, ont certes conclu, le 25 mai, un préaccord en vue de la construction d’une usine en Algérie, mais rien de concret n’a encore été décidé: ni sur le modèle qui sera assemblé, ni sur la localisation du futur site. Le constructeur français plaide avec insistance pour Alger, les autorités algériennes préfèrent la zone portuaire de Jijel, 300 km plus à l’est, comme l’a confirmé Abdelkrim JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société
Côte d’Ivoire Où est passé le dossier Kieffer? L’AVOCAT FRANÇAIS JEAN PANNIER SÉJOURNE actuellement en Côte d’Ivoire pour tenter de faire lever les charges retenues contre deux de ses compatriotes, Jean-Yves Garnault, un ex-conseiller de Laurent Gbagbo, et l’homme d’affaires Jean-Michel Aron Brunetière, l’un et l’autre inculpés dans le cadre de l’affaire Guy-André Kieffer (le journaliste franco-canadien disparu à Abidjan en avril 2004). Selon Me Pannier, l’inculpation des deux hommes repose sur un faux procès-verbal d’audition d’Atta Kieffer, la dernière compagne, ghanéenne, de Kieffer, qu’aurait fait rédiger Raymond Tchimou, l’ancien procureur de la République, pour contrecarrer l’enquête du juge parisien Patrick Ramaël, qui s’intéressait d’un peu trop près aux proches de Simone Gbagbo, l’épouse du président. Problème : le dossier Kieffer semble avoir disparu des archives du parquet d’Abidjan pendant la crise postélectorale. ●
Mansouri, directeur général de l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi), lors d’un récent passage à Paris. Les discussions devraient durer encore plusieurs mois.
NORD-MALI ALGER S’ACTIVE Après plusieurs semaines d’expectative, les Algériens commencent à bouger dans la crise malienne. Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), que dirige le général Mohamed Mediène, alias Toufik, envisage d’offrir un appui logistique (renseignement, transport, ravitaillement) à la future force africaine d’intervention dans le nord du pays (lire pp. 2829). Le 28 février, lors de la bataille de Tessalit, un avion C130 algérien basé à Tamanrasset avait
OUGANDA MUSEVENI PRÊT À ACCUEILLIR GBAGBO
LaurentGbagbopourraitintroduire auprès de la Cour pénale internationale une demande de remise en liberté provisoire si les charges retenues contre lui sont confirmées (lire pp. 34-35). Dans cette hypothèse, Yoweri Museveni lui aurait donné l’assurance de l’accueillir en Ouganda. Lors de la présidentielle ivoirienne de novembre 2010, il avait jugé simpliste la reconnaissance par les Nations unies de la victoire d’Alassane Ouattara et souhaité qu’une enquête internationale indépendante soit diligentée.
JEUNE AFRIQUE
TOGO FAURE GNASSINGBÉ INFLEXIBLE
Jusqu’au dernier moment, Me Joseph Koffigoh, l’avocat de Moïse Lida Kouassi, l’ancien ministre de la Défense de Laurent Gbagbo, a tenté d’empêcher l’extradition de son client, arrêté le 6 juin
LITTÉRATURE UN GUINÉEN DANS LES VOSGES
L’écrivain guinéen Tierno Monénembo (Prix Renaudot 2008 pour Le Roi de Kahel) publiera le 23 août aux éditions du Seuil son onzième roman, Le Terroriste noir, dans lequel il rend hommage aux tirailleurs sénégalais à travers la figure d’un jeune Guinéen engagé dans la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale. L’occasion d’évoquer la vie quotidienne dans un village des Vosges comme s’il s’agissait… d’un village africain.
RWANDABELGIQUE
Pourquoi le prince n’ira pas à Kigali
MARK RENDERS/AFP
GUINÉE ALPHA CONDÉ BIENTÔT À PARIS
Le président guinéen Alpha Condé, qui fut l’un des premiers chefs d’État africains à féliciter François Hollande, son camarade de l’Internationale socialiste, pour son élection, prend son temps avant de venir lui rendre visite à l’Élysée. Ce n’est que fin juin, vraisemblablement le 29, sur le chemin du retour du sommet de Rio sur l’environnement, qu’il compte le faire.
déjà largué vivres et médicaments au-dessus du camp de l’armée malienne encerclé par les rebelles. L’Algérie serait cette fois prête à organiser un pont aérien à partir des aéroports de Tamanrasset et de Reggane.
à Lomé par la gendarmerie togolaise. Il s’est même rendu à l’aéroport, où se trouvait le président Faure Gnassingbé, pour tenter de le convaincre de surseoir à la décision. En vain. Dans la soirée, Lida Kouassi a bel et bien été extradé vers Abidjan, où il a été inculpé de plusieurs crimes commis pendant la crise postélectorale. Koffigoh, qui dénonce une violation des règles d’extradition et du droit des réfugiés politiques, envisage de déposer un recours devant la Cour de justice de la Cedeao.
Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, Paul Magnette, celui de la Coopération, le prince héritier Philippe (ci-contre) et son épouse… La composition de la délégation belge qui se rendra au Burundi le 2 juillet à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance (1er juillet 1962) a été révélée le 5 juin par Joseph Smertz, l’ambassadeur à Bujumbura. Aucune délégation ne se rendra en revanche à Kigali, le jour précédent : les autorités belges n’ont pas été invitées à célébrer l’indépendance du Rwanda. La cérémonie sera certes sans faste particulier, mais tous les chefs d’État d’Afrique de l’Est y ont quand même été conviés. Au ministère belge des Affaires étrangères, on affecte de ne point s’en formaliser : « C’est leur choix et nous le respectons. » La vérité est que, pour les autorités rwandaises, la date du 1er juillet 1962 n’est pas vraiment celle de l’indépendance. Plutôt celle du passage de la tyrannie coloniale belge à un régime ethnocentriste, qui, trente-deux ans plus tard, débouchera sur le génocide. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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La semaine de Jeune Afrique
RD CONGO-RWANDA
Trouble jeu
dans le Nord-Kivu Une fois de plus, Kigali est accusé d’aider en sous-main les rébellions de l’est de la RD Congo. Une thèse que les Rwandais réfutent et qui, à y regarder de plus près, n’est pas si évidente.
FRANÇOIS SOUDAN
Que se passe-t-il dans le Nord-Kivu? Depuis la fin mars 2012, le général tutsi congolais Bosco Ntaganda, considéré comme un criminel de guerre par la Cour pénale internationale (CPI), ancien bras droit du « faucon noir » Laurent Nkunda (en résidence surveillée à Kigali) et mécontent de la marginalisation de ses troupes au sein de l’armée
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régulière, a repris le maquis à la tête de quelques centaines d’hommes. Un mois plus tard, le 3 mai, le colonel Sultani Makenga, un autre officier supérieur de l’armée congolaise, tutsi lui aussi, a également fait défection pour les mêmes raisons et lancé sa propre mutinerie: le M23. De notoriété publique, Ntaganda et Makenga ne s’entendentpas,maisilsrecrutentauseindelamême communautéetcoordonnentleursmouvementsface aux troupes loyalistes de Kinshasa, les FARDC, qui JEUNE AFRIQUE
L’événement ont lancé contre eux une offensive lourde. Pendant que cette guerre des collines fait rage, le contingent des Casques bleus de l’ONU (la Monusco) présent sur place reste l’arme au pied, et les ex-génocidaires rwandaisdesFDLRenprofitentpourréoccuperleurs précédentes positions, multipliant les exactions.
Le Rwanda alimente-t-il cette rébellion?
l’ONU à Goma: « Pendant tout l’entretien, elle n’a cessé de dauber sur le Rwanda. »
Les réfugiés congolais au Rwanda constituent-ils une menace?
Unemenaceimmédiate,non,unebombeàretardement,certainement.C’estunefacetteméconnuede lacrise:65000réfugiéstutsiscongolaiscampentnon C’est ce qu’affirment deux rapports, l’un interne loindelafrontière,pourlesquatrecinquièmesd’entre à l’ONU, l’autre émanant de l’ONG Human Rights eux depuis plus de trois ans. Si l’accord KinshasaKigali de mars 2009 a prévu leur rapatriement, rien Watch(HRW),renduspublicsfinmaietdébutjuin.Le plusaccusateur,celuideHRW(laMonuscos’estparne semble avoir été fait, côté congolais et Monusco, tiellement rétractée quelques jours plus tard) parle pour le mettre en œuvre. de plusieurs centaines d’hommes, de conseillers et Fin avril 2012, le gouverneur du Nord-Kivu s’est rendu dans les camps pour inciter les personnes même d’armement antiaérien fournis par l’armée déplacées à rentrer chez elles, mais il a dû faire face rwandaise. S’il est évident qu’il existe à Kigali un à un feu roulant de questions, auxquelles il n’a pas profond courant d’empathie avec le sort des Tutsis pu répondre: « Où allez-vous nous réinstaller? », congolais,aupointqueleHautÉtat-Majordel’armée rwandaise considère volontiers les chefs de la « Qui nous protégera des milices FDLR? », « Nous rébellion comme des frères d’armes, aucun considérez-vouscommeaussicongolaisque des témoignages présentés par ces deux vous?»D’autresréfugiéssontvenusgrossir rapports n’atteste cependant de façon les rangs depuis fin mars, une partie irréfutable de la réalité de cette aide. d’entreeux–environ15000–s’installant D’abord, parce qu’il est très difficile un peu plus au nord, à l’intérieur du C’est le nombre de de savoir qui est qui dans une région territoire ougandais. Tous ou presque réfugiés congolais où les rwandophones sont nombreux, sympathisent avec la rébellion du M23, au Rwanda où l’on naît d’un côté de la frontière pour et l’on reconnaît de bonne source à Kigali vivre de l’autre. qu’il est « très difficile d’empêcher tous ceux Ensuite, parce que certaines précisions appaquilesouhaitentd’allerrejoindreleursfrèresetleurs raissent peu crédibles: ainsi, pour qui connaît les cousins qui se battent au Kivu ». Si des passages en méthodesdetravaildesservicesdesécuritérwandais, groupe de la frontière rwando-congolaise ont pu imaginer Bosco Ntaganda, recherché par la CPI effectivementêtrerepérés,ils’agiraitdoncnonpasde depuis six ans, siroter sa bière dans un bar de Kinigi soldats rwandais, mais de Tutsis congolais désireux auvuetausudespassantsencompagnied’unofficier d’allerprêtermain-forteàlarébellion.Mêmes’iln’est des RDF (forces de défense rwandaises), ainsi que pas exclu que quelques agents de renseignement l’affirme HRW, est pour le moins sidérant – sauf à des RDF se soient mêlés à leurs rangs. croirequelesautoritésdeKigalitenaientàfairesavoir au monde entier qu’elles protégeaient un criminel Est-ce la fin de la de guerre… tout en le démentant farouchement. Enfin, il est probable que le gouvernement de Paul cohabitation entre la Kagamé fasse, par cette mauvaise publicité qui lui RD Congo et le Rwanda? est donnée, les frais des relations tendues que les ONG et la Monusco ont toujours entretenues avec « Il n’y a pas de solution militaire au problème du Nord-Kivu », répète-t-on à Kigali. À Kinshasa, lui. Plus HRW radicalise ses critiques sur le thème des droits de l’homme, et plus Kigali l’accuse d’avoir où l’opposition a toujours fait de la « rwandophilie » sur le Rwanda et son régime un regard partial, ethsupposée du président Kabila un cheval de bataille, nocentré et obsédé par l’exportation du « modèle » journaux et sites d’information n’hésitent pas à démocratique américain. verser dans la xénophobie en tirant à boulets rouges QuantàlaMonusco,dontlesautoritésrwandaises sur « l’envahisseur » rwandais et en critiquant la répètentàl’enviqueses20000hommesetsonmilliard Monusco,accuséedenepasaiderl’arméecongolaise. de dollars de budget annuel ne servent à rien – en Le gouvernement congolais, bien que soumis à de tout cas pas à traquer les FDLR, ni à protéger les fortespressionsbellicistes,ajusqu’icisufairepreuve Tutsis congolais –, ses cadres se montrent volontiers de retenue. « Le fil n’est pas rompu », insiste de son acerbes à l’encontre du pays des Mille Collines. Un côtéLouiseMushikiwabo,laministrerwandaisedes diplomate occidental qui l’a récemment rencontrée Affairesétrangères,quis’entretientquotidiennement se disait ainsi surpris du langage tenu par Hirote au téléphone avec Raymond Tshibanda, son homoSélassié, la responsable éthiopienne du bureau de logue congolais. Jusqu’à quand? ●
JUNIOR D.KANNAH/AFP
65 000
! SOLDATS DE L’ARMÉE RÉGULIÈRE CONGOLAISE
à Kibumba, près de la frontière rwandaise.
Bosco Ntaganda sirotant sa bière à Kinigi au su et au vu de tous ? Impensable ! JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Les gens
Ahmed Chafiq Un cacique en embuscade Ancien homme lige de Hosni Moubarak, il affrontera l’islamiste Mohamed Morsi au second tour de la présidentielle égyptienne, les 16 et 17 juin.
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vec 23,66 % des voix au premier tour – contre 24,78 % à Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans –, Ahmed Chafiq, 71 ans, est le deuxième homme de la présidentielle. Une élection que l’ex-commandant en chef de l’armée de l’air est déterminé à remporter : en annonçant sa candidature, en décembre, il arapidementtroquésespullsdécontractés contre des costumes aux couleurs sobres. Et après le décès de son épouse, en avril, il n’a suspendu sa campagne que trois petits jours. Considéré par les révolutionnaires comme un cacique de l’ancien régime, Chafiq n’a jamais caché l’admiration qu’il voue au président déchu. Diplômé de l’Académie militaire de Belbeis (au nord du Caire), il a fait la majeure partie de sa carrière dans l’armée de l’air, sous le commandementdeHosniMoubarak,qu’il a très vite érigé en modèle. Le poste de ministre de l’Aviation civile, que cet ancien pilote d’élite a été le premier à occuper, en 2002, aurait été créé spécialement pour lui sur ordre du raïs. Il paraît d’ailleurs avoir hérité de quelques mauvaises habitudes du dictateur : début mai, il a expliqué qu’en cas de victoire il n’hésiterait pas à demander à l’armée de réprimer toute manifestation hostile. Ses détracteurs lui reconnaissent cependant le mérite d’avoir réussi la rénovation de l’aéroport du Caire et d’avoir fait d’Egypt Air l’une des principales compagnies du continent. Mais plusieurs accusations de corruption viennent entacher son parcours. Début mai, un député a porté
MOHAMMED ABED/AFP IMAGEFORUM
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! L’EX-COMMANDANT EN CHEF de l’armée de l’air, lors d’une conférence de presse au Caire, le 3 juin.
plainte contre lui, l’accusant d’avoir vendu aux deux fils Moubarak des terrains appartenant à l’État, à un prix dérisoire. Chafiq n’en reste pas moins un rival sérieux pour Mohamed Morsi. Une partie de l’électorat libéral de Hamdine Sabahi, l’ex-candidat nassériste, pourrait voter pour lui par crainte de la puissante confrérie. Le vétéran de guerre (il combattit contre Israël en 1967 et en 1973) peut aussi compter sur les partisans d’Amr Moussa, l’ancien secrétaire général de la Ligue arabe. Outre le chaos qui règne dans le pays depuis la révolution et auquel il entend mettre fin, Chafiq a fait de la lutte anti-islamiste l’un de ses thèmes de campagne favoris. Il multiplie les mises en garde contre l’arrivée au pouvoir des Frères, qui, selon lui, menacent les droits des femmes et des Coptes, et risquent de ramener l’Égypte à « l’âge des ténèbres ». Le 3 juin, lors d’une conférence de presse organisée dans un luxueux hôtel cairote, celui qui fut le dernier Premier ministre de
Moubarak est allé plus loin, en accusant la confrérie de collusion avec l’ancien régime et en rappelant que la percée des Frères aux législatives de 2005 était le fruit d’un pacte passé avec les autorités. COURSE. Sa candidature pourrait toutefois être menacée. Le 14 juin, soit deux jours avant le second tour, la Haute Cour constitutionnelle doit statuer sur la validité d’une loi privant de leurs droits politiques les personnes ayant exercé de hautes responsabilités sous Moubarak. Si cette loi était jugée constitutionnelle, Chafiq pourrait être déclaré hors jeu, et de nouvelles élections devraient alors être organisées. Cela étant, une commission consultative a déjà formulé un avis défavorable au maintien de ladite loi, en raison de son caractère rétroactif et discriminatoire. Pour Raafat Fouda, professeur de droit constitutionnel à l’Université du Caire, la Haute Cour devrait adopter la même position. « La loi est anticonstitutionnelle. Tout le monde sait qu’elle ne passera jamais et que Chafiq restera dans la course », explique le juriste, désabusé. ● TONY GAMAL GABRIEL
NOMINATIONS
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ALLY COULIBALY CÔTE D’IVOIRE Jusque-là ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, il a été nommé le 4 juin ministre de l’Intégration africaine en remplacement d’Adama Bictogo. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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TOM THABANE LESOTHO À 72 ans, ce leader d’un parti d’opposition et ancien ministre des Affaires étrangères du Lesotho a été nommé Premier ministre le 7 juin. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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BERTRAND PICCARD
Joyce Banda La femme qui détone
Après un voyage de près de dix-neuf heures à bord d’un avion solaire non polluant qu’il avait contribué à concevoir, le pilote suisse a atterri le 5 juin au Maroc, à l’aéroport de Rabat-Salé. Il avait décollé la veille de Madrid.
La présidente du Malawi change tout dans son pays et sème le trouble à l’Union africaine.
JOHN EHRET
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HENRI LOPES Le 6 juin, l’écrivain congolais (Brazza), 74 ans, a reçu le prix de la Porte Dorée pour Un enfant de Poto-Poto. Décerné par la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (Paris), celui-ci récompense une fiction en français traitant de l’exil.
FRANZ DEJON ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; DR
À 40 ans, ce fils d’un soldat africain-américain est devenu le premier maire noir d’Allemagne après avoir été élu le 1er juin, dans la commune de Mauer – 4 000 habitants –, situé près de Heidelberg.
est à bord d’un avion de ligne de British Airways que Joyce Banda est venue à Londres, le 5 juin, assister au jubilé d’Élisabeth II. Et pour cause : la nouvelle dirigeante du Malawi venait d’annoncer la vente imminente du jet présidentiel ainsi que de soixante limousines appartenant au gouvernement. « J’ai l’habitude de faire du stop ! » a-t-elle plaisanté. Cette annonce est encore un exemple de sa rupture avec les pratiques de Bingu wa Mutharika – son prédécesseur, décédé le 6 avril – destinée à donner des gages aux bailleurs de fonds. Alors qu’elle devait être l’hôte du prochain sommet de l’Union africaine, prévu à Lilongwe du 9 au 16 juillet, Joyce Banda, 62 ans, a également fait savoir que son homologue soudanais, Omar el-Béchir, poursuivi par la Cour pénale internationale, serait arrêté s’il se présentait au Malawi. Campant sur sa position face à ses pairs, elle a même préféré renoncer à accueillir la grand-messe panafricaine. EN BAISSE
NÉCESSITÉ. Depuis son arrivée au pouvoir, l’ancienne vice-
présidente a décidé de réhabiliter l’ancien drapeau national, frappé d’un soleil levant – Mutharika avait jugé le pays suffisamment développé pour mériter un soleil au zénith. Elle a aussi annoncé la légalisation de l’homosexualité et a accepté de dévaluer le kwacha malawite. Ses décisions sont guidées par la nécessité de renouer avec les bailleurs de fonds, qui fournissaient plus de 40 % des recettes de l’État il y a peu. Mutharika avait rompu sans ménagement avec eux. Mais la dégradation de l’économie faisait craindre un effondrement à la zimbabwéenne. Un risque qui s’est éloigné avec Joyce Banda: la Grande-Bretagne a promis une aide de 40 millions d’euros, et le Fonds monétaire international un prêt de 125 millions d’euros sur trois ans. ● PIERRE BOISSELET
MOÏSE LIDA KOUASSI L’ex-ministre de la Défense de Laurent Gbagbo, visé par un mandat d’arrêt international, a été appréhendé le 6 juin à Lomé, auTogo. Il aurait cherché à « déstabiliser » Abidjan par ses « activités subversives », selon la police togolaise. ABOU ZEID OMAR DORDA L’ancien chef du renseignement extérieur libyen a comparu le 5 juin devant un tribunal de Tripoli. Premier haut responsable du régime Kaddafi à être traduit en justice, il est accusé d’avoir ordonné le meurtre de manifestants durant la crise.
! JET PRÉSIDENTIEL, LIMOUSINES… Elle vend tout.
JEUNE AFRIQUE
L’ex-PDG deTunisair a été arrêté le 6 juin avec deux autres anciens dirigeants de la compagnie,Tahar Hadj Ali et Rafaa Dkhil. Ils sont accusés d’avoir créé des emplois fictifs pour des proches du président déchu Ben Ali. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
HICHEM ; ISSOUF SANOGO/AFP ; DR
THOKO CHIKONDI/AP/SIPA
NABIL CHETTAOUI
La semaine de J.A. Décryptage À la fin avril, le tribunal de Bourg-enBresse (Ain) avait condamné l’épouse franco-libanaise de Béchir Salah – ancien chef de cabinet de Mouammar Kaddafi et actuellement en fuite – à deux ans de prison avec ð UNE JEUNE sursis et 70 000 euros VICTIME d’amende pour des MALIENNE, au faits d’esclavagisme tribunal domestique sur quatre correctionnel Tanzaniens employés de Bobigny, en région à son domicile de parisienne. Prévessin-Moëns. Mme Salah faisait travailler ces quatre personnes, recrutées en Libye, jusqu’à dix-huit heures par jour, sans les nourrir correctement et en ne les payant presque jamais. L’une des victimes a même perdu près de vingt kilos au cours des quatre années passées à son service.
SIPA
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Esclavagisme moderne Patrons voyous
Le 4 juin, une employée de maison a déposé plainte pour agression sexuelle contre l’ambassadeur de Bahreïn en France. Une affaire qui rappelle de fâcheux précédents.
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epuis quelques jours, Naser al-Balooshi, l’ambassadeur de Bahreïn en France, a disparu des écrans radars. Il ne s’est pas rendu à son bureau depuis le 6 juin, a confié un employé de la représentation diplomatique au quotidien bahreïni Gulf Daily News. La veille, on apprenait de « source judiciaire » l’ouverture d’une enquête préliminaire après qu’une ancienne employée de maison eut déposé une plainte pour agression sexuelle, le 4 juin. Cette femme de 44 ans a d’abord accusé l’ambassadeur de viols, puis expliqué avoir repoussé ses assauts. Elle maintient avoir été victime d’attouchements de
juillet 2010 à octobre 2011 au domicile de son ex-employeur, à Neuilly-sur-Seine (banlieue chic de Paris), avant d’être licenciée fin 2011 avec son compagnon. L’ouverture par le parquet de Nanterre d’une enquête préliminaire permettra de vérifier ces accusations, avant la désignation éventuelle d’un juge d’instruction. L’ambassadeur et son épouse jouissent de l’immunité diplomatique, ce qui n’est pas le cas de leur fils, que la plaignante accuse de l’avoir menacée à l’arme blanche. En fonction de l’évolution de l’enquête, la justice pourrait demander au Quai d’Orsay de solliciter auprès de Bahreïn la levée de l’immunité de Naser al-Balooshi.
CORVÉABLES À MERCI. Toujours en avril, cette fois en Belgique, huit princesses émiraties ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de Bruxelles pour des faits relevant de la « traite d’êtres humains » et de « traitements inhumains et dégradants ». La famille princière occupait une suite à l’année à l’hôtel Conrad, avec à son service vingt-trois femmes, corvéables à merci. Les victimes ont été libérées, mais les accusées ont pu quitter le territoire et font traîner l’instruction depuis 2008. Selon le Comité contre l’esclavage moderne, pareils faits ne sont pas l’apanage des milieux aisés. « L’expression “esclavage domestique” fait souvent penser aux diplomates et aux nababs. C’est largement inexact », estime l’association, qui précise que, « si 20 % des victimes sont employées dans le monde diplomatique ou les beaux quartiers », les autres sont asservies dans « les pavillons de banlieue ou dans les grands ensembles des quartiers défavorisés ». ● YOUSSEF AÏT AKDIM
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
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JUIN Festival Gnaoua-Musiques du monde à Essaouira (Maroc), où se côtoieront une pléiade d’artistes marocains et étrangers (Oumou Sangaré, Carlou D., Gonzalo Rubalcaba…).
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JUIN L’Unesco examine la demande d’inscription sur sa liste du patrimoine mondial de 36 nouveaux sites, dont Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) et les lacs d’Ounianga (Tchad).
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JUIN Sommet mondial Rio + 20 sur l’environnement, organisé par l’ONU, destiné à fixer de nouveaux objectifs en matière de sécurité alimentaire, d’énergie et d’eau. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Décryptage
États-Unis Condi la Camerounaise
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endant de longues années, elle a cru descendre des Ashantis du Ghana. Il n’en est rien. À 57 ans, Condoleezza Rice vient d’apprendre que ses lointaines origines africaines remontent à la plaine Tikar, au centre du Cameroun. À l’instar de milliers d’Africains-Américains, celle qui fut l’austère secrétaire d’État de George W. Bush de 2005 à 2009 – la deuxième femme et la première Noire à accéder à ce poste – et qui, aujourd’hui, enseigne à l’université de Stanford (Californie) et soutient le républicain Mitt Romney dans la course à la présidentielle a cédé elle aussi à la curiosité de remonter son arbre généalogique. Native de Birmingham, dans l’Alabama, Condi n’est pas la première des AfricainsAméricains célèbres dont les ancêtres sont originaires du Cameroun, à en croire le verdict de l’un de ces laboratoires qui se sont spécialisés dans la lucrative recherche des origines. Le musicien et producteur Quincy Jones a découvert, lui aussi, qu’il était issu de la même ethnie des Tikars. Et la liste des « Camerounais » LE DESSIN DE LA SEMAINE
s’allonge d’année en année : le réalisateur Spike Lee (Malcolm X, Do the Right Thing), les acteurs Forest Whitaker (Le Dernier Roi d’Écosse) et Chris Tucker (Rush Hour)… Mise au point en 2003 par le biologiste africain-américain Rick Kittles, la méthode est simple et rapide : un prélèvement buccal analysé en laboratoire permet d’établir la carte d’identité génétique du demandeur. Celle-ci est ensuite
SOMODEVILLA/AFP
Après Quincy Jones ou Spike Lee, l’ex-secrétaire d’État de George W. Bush a passé des tests ADN pour déterminer l’origine de ses ancêtres. Un phénomène de mode chez les Africains-Américains.
! CONDOLEEZZA RICE croyait jusque-là descendre des Ashantis du Ghana.
arrivés en Amérique il y a plusieurs siècles au fond des cales des négriers retrouvent ainsi le berceau de leurs ancêtres. Certains entreprennent des voyages de découverte – une nouvelle forme de tourisme qui fait le bonheur des tour-opérateurs et du secteur hôtelier. Ainsi, à la fin Un prélèvement buccal, de décembre, un groupe de et on obtient sa carte d’identité 87 Américains a parcouru génétique. Simple et rapide ! le Cameroun du nord au sud. Avec, au programme, comparée à une banque de données une halte devant les lieux de mémoire et constituée grâce aux ossements d’un une immersion dans la culture africaine. demi-millier d’esclaves africains morts Organisé par l’association ARK Jammers, aux États-Unis et issus de différentes cet Ancestry Reconnection Program les ethnies du continent. Des correspona notamment conduits à l’ancien port dances sont ensuite recherchées, avec négrier de Bimbia (Sud-Ouest). Selon des une marge d’erreur. Coût : entre 200 et historiens, entre 46000 et 68000 hommes 1 000 euros. et femmes d’origine camerounaise ont Grâce aux progrès scientifiques, ces quitté leur terre natale pour le continent hommes et femmes dont les aïeux sont américain. ● GEORGES DOUGUELI Clement • National Post • Canada ROYAUME-UNI LA FLOTTILLE S’AMUSE
THE NEW YORK TIMES SYNDICATION
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KAYAKS, péniches, gondoles… Le 3 juin, à Londres, un millier d’embarcations hétéroclites ont paradé aux côtés de la barge royale pour célébrer les 60 ans de règne d’Élisabeth II. Un jubilé de diamant dont le faste n’a pas fait oublier au prince Charles l’étendue des « privations et difficultés » auxquelles sont confrontés les Britanniques en ces temps d’austérité, a-t-il affirmé le lendemain. De là à comparer la Tamise au fleuve grecThiamis… JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
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Sahel Après les armes, les criquets… ENCORE UNE conséquence directe de la chute de Kaddafi: après la dissémination des armes, une épidémie de criquets pèlerins s’abat sur le Sahel. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentationetl’agriculture(FAO)s’en alarme dans un communiqué publié le 5 juin, indiquant que les récoltes du Mali et du Niger sont menacées. Lespremiersessaimsavaient été signalés en janvier près de Ghat, dans le sud-ouest libyen, et dans le sud-est de l’Algérie. Depuis la mi-mai, la menace se précisant, Tripoli et Alger travaillent avec acharnement pour traiter les zones infestées, qui couvrent respectivement 40 000 et 21 000 ha. « Mais, déplore la FAO, ces efforts sont entravés par l’insécurité des deux côtés de la frontière algéro-libyenne. Le conflit au Mali pourrait également compromettre les opérations de suivi et de lutte. » D’après le journal Le Monde, du matériel
de lutte contre les acridiens a disparu de Kidal et de Gao, deux villes maliennes contrôlées par la rébellion touarègue. Sous Kaddafi, la Libye s’était dotée d’un programme d’éradication très efficace. Aujourd’hui, si les structures administratives subsistent, les véhicules, pulvérisateurs et autres équipements ne sont plus disponibles, conséquence de la crise qu’a traversée le pays en 2011. « Avant la révolution, la Libye aurait envoyé d’importantsconvoispourévaluer la situation en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, explique au Financial Times Keith Cressman, chargé de l’information sur les acridiens à la FAO. Mais aujourd’hui, ce sont les Libyens qui ont besoin d’aide. » La dernière invasion de criquets, dans les années 20032005, avait causé près de 398 millions d’euros de dommages, dans une vingtaine de pays. ● TONY GAMAL GABRIEL
«
Avant le Printemps arabe, on l’a un peu oublié, il y eut le “printemps d’Afrique noire”, lorsque les partis uniques se sont effondrés au profit du multipartisme. » EMMANUEL DONGALA Écrivain congolais
« La négritude n’était qu’un grand beau rêve. La couleur ne signifie rien. » MARYSE CONDÉ Écrivaine française
«
Dans la nomination de son nouveau cabinet, les racines soviétiques de Poutine transparaissent de manière évidente. Comme au temps de Leonid Brejnev, les bureaucrates incompétents passent d’un poste à un autre. » NINA KHROUCHTCHEVA Politologue russe et petite-fille de l’ancien dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev
AU SEIN MÊME du Parti démocratique sénégalais (PDS), les tensions sont palpables. Il ne se passe pas une semaine à Dakar sans qu’une nouvelle affaire ne mette en cause la gestion de l’ancien parti au pouvoir. Mais les Sénégalais désireux que justice soit rendue devront s’armer de patience. Pour l’heure, la gendarmerie et la Direction des investigations criminelles auditionnent d’anciens ministres et hauts fonctionnaires soupçonnés d’enrichissement illicite, sur la base d’une liste établie par les autorités. Néanmoins, pour tout délit commis pendant son mandat, un ex-ministre ne pourra pas être inquiété par la Cour de répression des crimes économiques et financiers. La Constitution prévoit en effet un traitement spécial via la Haute Cour de justice, qui doit être saisie d’un acte d’accusation voté par le Parlement. Problème : jusqu’aux législatives, repoussées au 1er juillet, et un éventuel changement de majorité, ce dernier reste aux mains du PDS, qui n’interviendra pas contre ses anciens dirigeants. Seule marge de manœuvre pour l’heure : retenir le plus possible au pays les personnalités soupçonnées et remplir les dossiers. Pour cela, la justice peut compter sur le soutien de la Banque mondiale et des États-Unis, qui ont nommé un procureur spécial chargé d’enquêter sur d’éventuels biens mal acquis. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
ULF ANDERSEN/GAMMA – SIPA
Sénégal Poursuites au ralenti
« Les Congolais me
considèrent comme un des leurs, peut-être plus que les Français. Je représente la France, bien sûr, mais aussi le Congo. » JO-WILFRIED TSONGA Champion franco-congolais de tennis
« Il y a une épidémie de gens trop
gros dans ce pays. Nous devons faire quelque chose. » MICHAEL BLOOMBERG Maire de New York
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La semaine de J.A. Décryptage
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JEUNEAFRIQUE.COM
DIAPORAMA
Finance Mariage maroco-ivoirien En quête d’un repreneur depuis plusieurs années, le groupe ouestafricain Banque Atlantique s’allie avec Banque centrale populaire.
E À l’occasion du lancement de l’opération Cartooning for Peace, découvrez les caricatures des dessinateurs africains qui ont marqué l’édition 2012.
FOCUS
Défense Traité sur le commerce des armes : sommes-nous à l’aube d’une ère nouvelle ?
LE TWEET @odinga_raila « Les idées sont sans âge, Platon et Aristote dureront plus longtemps que Messi, Pelé ou tout autre dirigeant contemporain. »
DANIEL DEME/WENN
Raila Odinga, Premier ministre kényan.
À LIRE AUSSI Mali : Crise politique et sécheresse, 300000 personnes menacées dans la région de Kayes. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
n visite à Casablanca en mars, Bernard Koné Dossongui, le patron de l’ivoirien Atlantic Financial Group (AFG, groupe Banque Atlantique), assurait à Jeune Afrique qu’il comptait boucler avant la fin du premier semestre la cession d’une partie de son groupe bancaire. Nous citions alors Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE) et Banque centrale populaire (BCP) parmi les candidats les plus sérieux. Le choix de l’homme d’affaires ivoirien s’est finalement porté sur BCP, deuxième acteur marocain par le total de bilan, derrière Attijariwafa Bank et devant BMCE. « Le schéma de financement et le projet de développement proposés par BCP correspondent mieux à nos attentes », explique SouleymaneDiarrassouba,directeurgénéral d’AFG, qui affirme que six à sept autres groupes ont successivement été en lice. Ce 7 juin, à Abidjan, les deux parties ont officialisé un accord créant un holding appelé Atlantic Bank International (ABI), qu’ils détiennent à parts égales. Le groupe ivoirien apporte à cette nouvelle entité ses
participations dans ses sept filiales ouestafricaines (Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, Togo, Burkina Faso, Mali, Niger) ainsi que dans Atlantique Finance (banque d’affaires) et Atlantique Technologies (société d’ingénierie informatique). BOL D’AIR. De son côté, BCP – jusqu’ici présent en Guinée et en Centrafrique et qui accélère ainsi son expansion en Afrique subsaharienne – assurera la gestion stratégique, opérationnelle et financière d’ABI et y injectera de l’argent frais. Le montant exact de l’opération n’a pas encore été dévoilé, mais côté marocain on parle d’environ 1 milliard d’euros d’investissements pour relancer l’ivoirien. Ces fonds donneront un bol d’air à Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci), la filiale la plus importante d’AFG, qui a souffert des années de crise que le pays a traversées. Lancée en tout début d’année et menée dans la plus grande discrétion, cette opération devrait être définitivement bouclée dans les semaines à venir, après la validation des régulateurs marocain et ouest-africain. ● STÉPHANE BALLONG
Piraterie Les îles contre-attaquent LONGTEMPS CANTONNÉES au rôle de spectatrices dans la lutte contre la piraterie en provenance des côtes somaliennes, les îles de l’océan Indien ont décidé de prendre les choses en main. Et pour cause : alors que les pirates descendent de plus en plus vers le sud, leurs attaques font peser une menace grave sur le développement économique des pays de la zone, et notamment sur le tourisme. Début juin, la Commission de l’océan Indien (COI), qui regroupe les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et la France (via la Réunion), a inauguré une cellule antipiraterie aux Seychelles, financée par l’Union européenne. Un choix géographique logique : depuis quelques années, Port-Victoria est le centre névralgique de la lutte contre les pirates. En vingt-huit années d’existence, la COI n’avait jamais monté un projet d’une telle envergure. Plus au sud, à Maurice, Navin Ramgoolam, le Premier ministre, a annoncé le 29 mai qu’il envisageait d’utiliser des drones pour protéger ses eaux territoriales. Des engins de ce type volent déjà dans le ciel des Seychelles. Port-Louis vient par ailleurs de signer un accord avec Londres permettant le transfert sur son sol des suspects arrêtés par la marine britannique. Bien qu’empêtrée dans une crise politique, Madagascar aussi s’inquiète des conséquences de la piraterie. Début juin, un exercice interarmées de coopération franco-malgache – le premier depuis quatre ans – s’est déroulé au nord de la Grande Île. Près de 200 militaires français ont entraîné des fusiliers marins malgaches à appréhender des pirates. ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Tour du monde
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CHINE-JAPON
FRÉDÉRIC REGLAIN/FEDEPHOTO
Exit le dollar!
! POURIA AMIRSHAHI, bien placé pour l’emporter dans la 9e circonscription (Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest).
DEPUIS LE 1ER JUIN, c’est pour la première fois en yuans et en yens – et non plus en dollars – que s’effectuent les transactions entre la Chine et le Japon. La première a pour ambition d’internationaliser progressivement le yuan. Le second espère profiter de la faible valeur de sa monnaie pour doper ses exportations. Mais l’une et l’autre souhaitent avant tout s’affranchir de leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et réduire l’influence de ces derniers dans la région. POUTINE VA CASSER SA TIRELIRE !
FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER
Poussée à gauche
L
ES FRANÇAIS DE L’ÉTRANGER, qui élisent pour la première fois leurs députés dans onze circonscriptions de superficies très inégales, ont voté une semaine plus tôt que leurs compatriotes en raison des délais d’acheminement du courrier. Les résultats du premier tour ont donc été annoncés dès le 4 juin. Deux enseignements essentiels du scrutin: 1) le taux vertigineux de l’abstention, d’environ 80 % ; 2) le net fléchissement de la droite, alors que Nicolas Sarkozy avait recueilli 53,05 % des voix au second tour de la présidentielle. Cette fois, la gauche arrive en tête dans sept circonscriptions sur onze, et notamment dans la 9e (Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest), où le socialiste Pouria Amirshahi (47,23 %) manque de peu d’être élu dès le premier tour. Dans la 10e (reste de l’Afrique et Moyen-Orient), en revanche, l’ancien juge antiterroriste Alain Marsaud (UMP) recueille 32,13 % et paraît en mesure de l’emporter en raison du score (10,70 %) obtenu par une dissidente de son parti. Second tour le 17 juin. ● ÉTATS-UNIS
Cap sur le Pacifique
CONFORMÉMENT à la nouvelle priorité asiatique du Pentagone, les États-Unis repositionneront d’ici à 2020 la plus grande partie de leurs forces navales dans le Pacifique, a fait savoir Leon Panetta, le secrétaire américain à la Défense, le 2 juin. La multiplication des partenariats militaires avec les N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
pays de la région est également au programme. Réaction courroucée de Pékin, qui estime que « la menace chinoise est surestimée ». La mer de Chine du Sud étant notamment le théâtre de divers conflits territoriaux, « ce n’est pas le moment d’y faire des vagues », estiment les Chinois.
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milliards de dollars C’est le coût estimé des prochains Jeux olympiques d’hiver, en février 2014. Soit autant que pour ceux de Nagano, Salt Lake City, Turin et Vancouver réunis ! La ville russe de Sotchi, qui les accueillera, étant située sur… les rives de la mer Noire, loin des pentes enneigées du Caucase (50 km) et très loin de Moscou (1 900 km), de pharaoniques travaux routiers et ferroviaires doivent en effet être entrepris. NUCLÉAIRE
Double jeu allemand
L’HEBDOMADAIRE DER SPIEGEL révèle dans son édition du 4 juin que le gouvernement d’Angela Merkel a, en 2005, vendu à Israël six sous-marins de type Dolphin, dont trois ont déjà été livrés, sachant fort bien que ces submersibles peuvent être aisément équipés de missiles de croisière porteurs de têtes nucléaires. Or notre confrère rappelle que l’Allemagne est membre du groupe 5+1 (avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité), qui s’efforce d’obtenir de l’Iran l’arrêt de son programme nucléaire. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Franck Fife • AFP
FOOTBALL
Franckie dans le chaudron magique ON GARDAIT EN TÊTE UNE INÉNARRABLE CONFÉRENCE DE PRESSE DE FRANCK RIBÉRY, en short et tongs, tentant de justifier l’injustifiable comportement des Bleus lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud. L’Euro 2012 (8 juin-1er juillet) se présente sous d’autres auspices. Qui l’eût cru? Les Français recommencent à flamber sur les terrains. Et Ribéry, sans doute conseillé par quelque druide, prend sa préparation très au sérieux. Quand il sortira de ce chaudron-là, Grands-Bretons, Vikings et autres Cosaques auront, par Toutatis, du souci à se faire.
BRÉSIL
Rio sans sa décharge
NOUS METTONS FIN à un crime environnemental », a commenté Eduardo Paes, le maire de Rio de Janeiro. À quelques jours du sommet de l’ONU sur le développement durable (50 000 participants attendus, dont une centaine de chefs d’État), les autorités brésiliennes se sont enfin décidées à fermer l’immense décharge à ciel ouvert de Gramacho, qui existe depuis 1980. Soixante mètres de haut, 130 ha de superficie : c’était la plus grande d’Amérique latine. MALAISIE
Anwar Ibrahim harcelé ACQUITTÉ AU MOIS de janvier du crime de sodomie, passible de vingt ans de réclusion en Malaisie, l’opposant Anwar Ibrahim a de nouveau maille
JEUNE AFRIQUE
à partir avec la justice. Cette fois, il est accusé d’avoir participé le 28 avril à une manifestation – interdite – réclamant la mise en œuvre de réformes électorales. Des législatives auront lieu dans quelques mois. S’il est reconnu coupable le 1er juillet, Anwar pourrait être empêché d’y participer. Il dénonce « une manœuvre d’intimidation politique ». ÉTATS-UNIS
Syndicats en échec dans le Wisconsin
FURIEUX DE LA REMISE en question systématique de leurs avantages à laquelle se livre le gouverneur (républicain) Scott Walker depuis son élection en 2010, les fonctionnaires de l’État du Wisconsin (région des Grands Lacs) avaient engagé contre lui une procédure dite de rappel visant à le destituer à l’issue d’un nouveau vote. C’est un échec. Le 5 juin, Walker a
nettement devancé (55 % contre 44 %) le démocrate Tom Barrett. Mais il n’est pas certain que ce résultat ait valeur de test national à cinq mois de la présidentielle. BIRMANIE
Émeutes antimusulmanes
LE 3 JUIN, DANS LE RAKHINE, un État à majorité bouddhiste situé dans le sud-ouest de la Birmanie, la rumeur du viol et du meurtre d’une femme par trois musulmans appartenant à la minorité rohingya a aussitôt mis le feu aux poudres. En représailles, la foule a attaqué un bus de pèlerins musulmans et lynché à mort dix de ses occupants, déclenchant une nouvelle vague de rumeurs et de manifestations jusqu’à Rangoon, l’ancienne capitale, où, le 5 juin, des dizaines de musulmans ont protesté contre leur statut d’« étrangers ». N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Grand angle
Qui peut sau Plus le temps passe, plus la situation dans le nord du pays devient intolérable. Le recours à la force semble désormais inévitable. Armée malienne, opération africaine, appuis occidentaux… Jeune Afrique présente les différents scénarios militaires.
FRANÇOIS SOUDAN
C
en’estplusunehypothèse,c’estune certitude : plus les jours passent, plus s’accentue la décomposition de cet État désormais éclaté, et plus le cauchemar stratégique, humanitaire et politique d’une somalisation du Mali hante l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb et bientôt l’Europe. Même ceux qui, il y a deux mois, accordaient à la sécession du Nord quelques circonstances atténuantes par sympathie pour les revendications socioéconomiques trop longtemps négligées des Touaregs sont effarés par la mainmise brutale des groupes islamistes les plus intransigeants sur ce qui reste des populations de l’Azawad. Comment accepter que le terrorisme et les trafics en tous genres trouvent un sanctuaire en plein cœur du Sahel, sous le couvert de la charia et la bannière d’un djihadisme dévoyé? Reconquérir le Nord, par la négociation et la persuasion, mais N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
aussi, ne nous leurrons pas, par la force, est donc un impératif. Reste à savoir comment. Jusqu’ici, toute éventualité d’intervention militaire au Mali était soumise à un double préalable : elle devait se faire dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et avoir pour objectif immédiat le rétablissement de l’ordre constitutionnel à Bamako. Or cette double condition, régionale et institutionnelle, estdésormaisjugéeinopérantepourtroisraisons.Le capitaine putschiste Sanogo s’est officielLa solution militaire lement retiré du pouvoir, laissant la place à une transition certes fragile, bancale, n’aura de sens contestée et privée de son président en que si elle convalescence à Paris, mais reconnue s’accompagne d’une par la communauté internationale. Les chefs d’État africains, à commencer solution politique. par le président en exercice de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, jugeant le cadre de la Cedeao trop restrictif et exclusif, ont décidé de porter la crise malienne devant le Conseil de JEUNE AFRIQUE
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EMMANUEL DAOU BAKARY
ver le Mali?
sécurité de l’ONU, afin d’obtenir de sa part un feu vert pour une intervention plus large dans le cadre du chapitre 7 de la charte – objectif auquel on voit mal l’un des cinq « grands » mettre son veto. Enfin, les éléments qui au sein d’une armée malienne humiliée demeurent opérationnels – en particulier, selon un spécialiste militaire français de la région, les unités formées par les marines américains ainsi que les milices arabes alliées – ne cachent pas leur volonté de revanche sous les ordres de quelques officiers de valeur prêts à en découdre. Dès lors, les contours d’une opération de reconquête du Nord susceptible d’être déclenchée à brève échéance ressembleraient à ceci: une double offensive au sol de l’armée malienne, à partir de Bamako en direction de Tombouctou et à partir de la frontière nigérienne (où sont stationnés les 600 hommes du colonel loyaliste Alhaji Ag Gamou) en direction de Gao. Quatre pays voisins pourraient s’y adjoindre sous mandat onusien : le Niger, la Mauritanie, le Nigeria – via son aviation de JEUNE AFRIQUE
! ÉTAT-MAJOR MALIEN RÉUNI AU GRAND
COMPLET,
à l’aéroport de Bamako, le 13 février 2012, lors de la venue du prince Albert de Monaco. Dans le Nord, les rebelles touaregs poursuivaient leur offensive.
transport militaire – et… l’Algérie. Ce dernier pays, le seul à pouvoir offrir l’appui aérien indispensable pour traquer les katibas rebelles en dehors des villes, serait prêt à s’engager à deux conditions, selon un proche conseiller du président nigérien Issoufou: « Pas de troupes au sol et pas d’intervention occidentale, en particulier française. » Dans cette hypothèse, l’aide de Paris et de Washington serait donc cantonnée à trois secteurs clés, mais en back office : le renseignement, la logistique de « l’arrière » et le financement, direct ou indirect, de l’effort de guerre malien. Reste que rien de pérenne ne sera possible si, parallèlement au rétablissement de l’autorité de l’État sur le territoire, un remède n’est pas trouvé pour traiter à la racine le mal malien. Dans le Nord: négocier avec la branche « laïque », majoritaire, du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) une forme de fédération. Dans le Sud : mettre en place un pouvoir démocratique légitime en mesure de retrouver la confiance du peuple. ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Grand angle CONTRE-OFFENSIVE
Opération remobilisation… Au cours des dernières semaines, l’armée a fait davantage parler d’elle pour son implication dans le coup d’État du 21 mars que pour sa capacité à reprendre le Nord. Peut-elle aujourd’hui se ressaisir ? CHERIF OUAZANI,
A
envoyé spécial
fini de semer le désordre. La « guerre des bérets », le 30 avril, entre les commandosparachutistes dirigés par le lieutenantcolonel Abidine Guindo, resté fidèle à ATT, et les éléments de l’armée de terre régnant en maître au camp de Kati a de ce point de vue révélé au grand jour ce profond malaise.
prèsavoirrenversé,le21mars, un président démocratiquement élu quelques jours avant la fin de son deuxième et ultime mandat, l’armée malienne n’en finit pas de se singulariser. Mise en déroute DÉROUTE. Mais pour le colonel Séga dans l’immensité saharienne, elle semble Sissoko, directeur général du musée pour l’instant incapable de reprendre l’ofdes Armées et historien de l’institution fensive pour restaurer l’intégrité et l’unité militaire, le mal est plus ancien. « Cette territoriale. De janvier à mars, les Touaregs du Mouvement national pour la libération déroute est le résultat d’un long processus de l’Azawad (MNLA), composé alors de de délitement entamé lors de la révolution 600 hommes, ont dans un premier temps démocratique de mars 1991. Soulevant la avancé sans entraves. Et aujourd’hui, les méfiance du nouveau pouvoir politique, « assaillants » – composés également du l’armée a été progressivement dévitamouvement islamiste Ansar Eddine et lisée. Le népotisme et la corruption, d’Al-QaïdaauMaghrebislamique(Aqmi)– jadis phénomènes proscrits dans les casernes et mess d’officiers, ont atteint contrôlent les trois grandes régions du le commandement », énumère le coloNord: Tombouctou, Kidal et Gao. Grâce nel. Avant d’ajouter : « Le coup de grâce au pillage des arsenaux libyens et à une meilleureconnaissanceduterrain,rebelles a été donné avec le pacte de paix avec la et djihadistes disposent à présent d’une rébellion touarègue, en avril 1992. » L’une puissance de feu supérieure à celle des des dispositions de l’accord prévoyait loyalistes, empêtrés dans l’imbroglio polil’intégration des combattants rebelles tico-tragique de Bamako. dans l’armée, le plus souvent comme La chute de Kaddafi, ce déséquilibre officiers. « L’ennemi d’hier est devenu sur le terrain et la chronique bamakoise n’expliquent pas Rebelles et djihadistes disposent à eux seuls cette « défaite d’une puissance de feu supérieure éclair ». Comment une insà celle des loyalistes. titution considérée au début des années 1990 comme l’une des plus puissantes en Afrique frère d’armes sans que la confiance soit subsaharienne a-t-elle pu subir une telle totalement restaurée », estime notre débâcle? Pour les uns, il n’y a pas de doute. militaire. « Cette situation a fortement Enrompantbrutalementlachaînedecomdégradé l’image de la hiérarchie aux yeux mandement, les officiers subalternes du de la troupe », conclut-il. 21 mars, dirigés par le capitaine Amadou D’autres estiment que l’armée souffre Haya Sanogo, sont les premiers responaussi des purges, entamées sous le règne sables de cette « humiliation suprême ». du général Moussa Traoré (1968-1991), En s’en prenant au chef des armées, le préayant emporté par vagues successives sident Amadou Toumani Touré, les putsdes officiers de renom : le colonel Sékou chistes seraient les fossoyeurs de la Grande Traoré, chef d’état-major dans les années Muette. En exacerbant les fractures entre 1960, le capitaine Diby Sylla Diarra, qui un état-major déconnecté des casernes et avait défait la rébellion touarègue de 1963, ou encore le lieutenant-colonel Kissima accusé de corruption et la troupe envoyée au casse-pipe face aux rebelles, ils auraient Doukara, ministre de la Défense de 1970 N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
à 1978. « Ce fut le Houari Boumédiène malien », selon Séga Sissoko, pour avoir été l’artisan de la modernisation de l’armée malienne, avant de tomber en disgrâce, d’être relégué dans le Nord et de mourir en détention dans d’atroces conditions. « Un brillant officier soulève toujours la méfiance,relèveunex-commandantd’une unité opérationnelle à Kidal. On tente alors de le casser, de le neutraliser en l’éloignant de ses hommes. C’est ainsi que l’armée a été amputée de ses meilleurs éléments et que son commandement a peu à peu échu à de médiocres éléments sans envergure ni vision stratégique. » AFFAIRISME. Le colonel Séga Sissoko relèveunautrephénomènequiacontribué à la déliquescence de l’armée malienne : sa paupérisation. « Il est faux de croire que la cinquantaine de généraux baigne dans l’opulence. Ils ne sont pas tous tombés dans l’affairisme. Après trente années de carrière, un sous-officier touche un peu plus de 50 000 F CFA [76 euros, NDLR] et un général de brigade touche à peine sept fois plus, 350000 F CFA », explique-t-il. Ces revenus modestes ont été accompagnés par d’anémiques budgets. « Lors de la deuxième guerre Mali-Burkina Faso, ● ● ● JEUNE AFRIQUE
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! SOLDATS AU CAMP DE KATI, le QG des putschistes.
Garde rapprochée LIEUTENANT-COLONEL SIDI ALASSANE TOURÉ
CAPITAINE AMADOU HAYA SANOGO
COLONEL MOUSSA SINKO COULIBALY
« Le renseignement ? C’est ma vie », reconnaît ce natif de Niafunké, issu d’une famille originaire de Tombouctou. Directeur général de la sécurité d’État (DGSE) depuis avril, Sidi Alassane Touré, 42 ans, est également un enfant du prytanée de Kati qu’il a intégré en 1983. Avant le putsch, il dirigeait la sécurité militaire et avait tenté, en vain, d’attirer l’attention du pouvoir sur l’éventualité d’un « coup d’État spontané ». Celui qui fut patron atron de la cellule antiterrorisme dispose ose d’un excellent réseau international nal et jouit d’une bonne réputation auprès de ses homologues africains ins et occidentaux. Il a été formé à l’école américaine du renseignement. ent. Sa mission aujourd’hui : « Anticiper, prévenir, suggérer, mais ne jamais décider. » Son chef : « le président de la République, la DGSE étant sous la tutelle de Koulouba ».
Les mutins du 21 mars sont venus le chercher chez lui pour qu’il prenne la tête de la junte. Pourquoi lui? « Parce qu’il a toujours défendu les sans-grades, et ce jour-là ce sont des sans-grades qui ont marché sur le Palais », explique un adjudant-chef. Ce « syndicalisme forcené » lui avait valu du retard dans l’avancement. Il surfe désormais sur sa popularité dans les casernes pour garder un peu de pouvoir.
Ce Bamakois pur jus habite toujours dans son quartier de Sogoniko. Issu de la même promotion que Sanogo (1984), il a 18 ans quand il est admis aux classes préparatoires de l’école militaire de La Flèche, en France, l’incontournable étape avant Saint-Cyr, qu’il quitte en 1995. Une année plus tard, il revient en France pour une spécialisation dans le génie militaire avant d’enchaîner des missions onusiennes et différents postes de commandement. Émin Éminence grise de l’armée, il est nommé nommé, en août 2010, directeur d’instru d’instruction de l’École de maintien de la paix de Bamako. Le 21 mars, il se met au service de son camarade d’enfance, le capitaine Sanog Sanogo, qui en fait son directeur de cabinet. Il est ensuite nommé ministre de l’A l’Administration territ territoriale. Sa missio mission : organiser les procha prochaines élections.
JEUNE AFRIQUE
La tête brûlée
L’éminence grise
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EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.
L’agent
Grand angle il a suffi à Moussa Traoré d’envoyer deux Mig-21 au-dessus de Ouagadougou pour que la capitaine Thomas Sankara comprenne qu’il n’avait aucun intérêt à une quelconque offensive, se souvient un ancien pilote de chasse reconverti dans le privé. Tout cela a bien changé. Depuis les années 1990, les budgets ont été revus à la baisse.Fautedecarburant,lesvolsd’entraînement ou de reconnaissance ont été progressivement supprimés. Les appareils laissés sur le tarmac se sont détériorés, et les aptitudes de nos pilotes ont été gravement entamées. » Membre de l’état-major de l’armée de terre sous Moussa Traoré, cet ancien colonel des blindés déplore la négligence qui a touché de plein fouet les capacités opérationnelles. « Depuis plus de quinze ans, pas une seule pièce de rechange pour les chars d’assaut T-55 et T-34 [de fabrication russe, NDLR] n’a été achetée. Nos magasins de maintenance se sont vidés. En 2010, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, nos blindés inutilisables ont défilé sur des porte-chars ! » rumine-t-il. Les ressources humaines laissent également à désirer. Depuis qu’il a été renversé, le général Moussa Traoré répète à ses visiteurs du soir qu’en mars 1991 il y avait un millier d’officiers et de sous-officiers en formation à l’étranger. « À leur retour, ils ont été totalement ignorés par le système Adema [du nom du parti politique] », dénonce un opposant de toujours. Dysfonctionnements,indiscipline,combativitésujetteàcaution,sous-équipement chronique… Le colonel Idrissa Traoré, directeur de l’information et des relations publiques de l’armée (Dirpa), ne dément pas ces lacunes. Mais il est persuadé que cette armée peut « retrouver sa cohésion et gagner la guerre de la réunification du pays ». Comment? « Qu’on leur donne les moyens et les équipements adéquats, et vous verrez que la combativité et le patriotisme de nos soldats vous surprendront », assurait dans Jeune Afrique le capitaine Sanogo (no 2682). ●●●
RECONQUÊTE. Depuis le camp de Kati,
cette stratégie de reconquête repose sur trois officiers de valeur : les colonels Alhaji Ag Gamou, Didier Dakouo et Ould Meïdou. Un Touareg, un Kounta (Arabe malien) et un Sudiste, une diversité ethnique de l’armée incarnée par ce trio de choc. Sous le règne d’ATT, ces hommes dirigeaient les trois fronts face à la rébellion touarègue. À Kidal pour ● ● ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Général Lamine Cissé
« Il ne faut pas tarder » L’ex-chef d’état-major du Sénégal et ancien représentant spécial des Nations unies en Afrique de l’Ouest insiste sur la qualité des renseignements nécessaires avant l’envoi de troupes. Initialement, la Cedeao envisageait d’envoyer 5 000 militaires au Mali. Est-ce que cela suffit ?
En matière de combat, ce ne sont pas uniquement les effectifs qui comptent. Le rapport des forces dépend également des capacités et de l’équipement de l’ennemi. De ce point de vue, l’évaluation précise de la situation sur place est indispensable avant d’envoyer des troupes. D’autant que sur ce théâtre d’opérations il y a les rebelles du MNLA [Mouvement national pour la libération de l’Azawad, NDLR], qui revendiquent un territoire, et les djihadistes, qui ont un tout autre agenda. Cela complique la situation. Il faut également couper ces groupes armés des populations en favorisant le développement économique de la zone et en satisfaisant les besoins essentiels des habitants. On peut ainsi éviter qu’ils fraternisent avec l’ennemi, qui lui au contraire va chercher des appuis locaux. Ne serait-ce que pour se dissimuler. Avec un risque de guérilla urbaine…
C’est à envisager. Pour éviter cela, le renseignement est capital. Les services spéciaux doivent obtenir un maximum d’informations : effectifs, nature de l’armement, nombre de véhicules, caches d’armes, relations avec les populations… Il faut savoir ce qu’il y a de l’autre côté. Un appui aérien est-il nécessaire ?
Cela fait partie de l’arsenal, mais il faut savoir précisément sur qui on tire pour éviter les dégâts collatéraux. L’armée malienne peut-elle intervenir seule ?
J’en doute. Elle avait déjà auparavant du mal à venir à bout d’Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique]. Une force africaine dispose de
DESIREY MINKOH/AFP IMAGEFORUM
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moyens supérieurs, et avec un soutien logistique occidental, cela peut inverser le rapport des forces. L’habitude de ce genre de terrain est-elle nécessaire ? En clair, faut-il envoyer des soldats sahéliens ?
Non, pas forcément. Les militaires savents’adapter,ilss’entraînentpourcela.
Qui doit assurer le commandement de l’opération, et quel doit être le niveau de coopération avec Bamako?
Cette question est du ressort des dirigeants politiques. Les états-majors définiront ensuite les contours du commandement pour constituer une force homogène et efficace. Ils prendront également les dispositions nécessaires pour travailler avec Bamako. Mais n’en doutons pas, des plans sont déjà établis et les liaisons sont permanentes. Quel doit être l’objectif d’une telle opération : sécuriser la région ou neutraliser l’ennemi ?
Cela dépend de la vision des Maliens et de la communauté régionale. C’est une décision politique, et les militaires s’adapteront ensuite avec un scénario adéquat. Mais, j’insiste, il ne faut pas tarder. Plus vous attendez, plus l’ennemi se renforce. Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX
Qui peut sauver le Mali ?
LES FORCES EN PRÉSENCE L’ARMÉE MALIENNE
EFFECTIFS
LES GROUPES ARMÉS DANS LE NORD
7 350 soldats (dont 1 millier de femmes) et 4 800 paramilitaires (1 800 gendarmes, 2 000 gardes républicains et 1 000 policiers)
Plusieurs milliers d’hommes. Ce chiffre comprend les rebelles du MNLA – qui revendique pour sa part 10 000 recrues – et les djihadistes : EFFECTIFS 500 hommes pour Ansar Eddine et 300 pour le Mujao. Selon les milieux du renseignement, Aqmi disposerait de 500 à 1 000 combattants
4 bataillons d’infanterie, 2 bataillons de blindés, 2 compagnies d’artillerie et 1 régiment de 600 commandos
de parachutistes dissous par les ORGANISATION putschistes
ÉQUIPEMENT Kalachnikovs, lance-roquettes RPG, semi-blindés et blindés équipés pour certains d’orgues de Staline… Une bonne partie de cet arsenal provient de Libye, le reste a été abandonné par l’armée malienne. Selon toute vraisemblance, Aqmi dispose de missiles sol-air Sam 7
ÉQUIPEMENT
33 chars d’assaut (12 T-55 et BLINDÉS
21 T-34 de fabrication russe). Une bonne moitié a été détruite lors de l’offensive rebelle ; le reste est en Maroc panne, donc inopérant
2 BM-21 (orgue de Staline sur camion), 8 canons D-30 et une ARTILLERIE
dizaine d’obusiers de différents calibres
4 avions de combat (Mig-21), 10 avions de transport, 4 hélicoptères d’interception et 2 de transport (état-major et AVIATION
troupe)
• UNE LENTE AGONIE
Sénégal
En 1960, l’armée malienne comptait 1 600 hommes. Tous étaient d’anciens tirailleurs rapatriés d’Algérie sur ordre du président Modibo Keita. Ils disposaient de 1 500 armes de poing (dont 400 prêtées), de 140 véhicules et de moins de 30 m3 en réserves de carburant ! En 1991, avant la chute de Moussa Traoré, l’armée malienne était très bien dotée, avec notamment ses 38 avions de chasse (Mig-17 et Mig-21). L’arsenal au sol était également beaucoup plus fourni qu’aujourd’hui : 49 chars (T-34, T-55, T-72), 94 véhicules pour le transport des troupes, une centaine de pièces d’artillerie, 10 orgues de Staline, 4 Shilka (engin blindé surmonté de 4 canons antiaériens guidés par radar) et 10 lancemissiles sol-air. CH.O. JEUNE AFRIQUE
Kayes
Guinée
300 km
• COMPOSITION Le MNLA, dont le chef d’état-major
est Mohamed Ag Najim, et Ansar Eddine, dirigé par Iyad Ag Ghali, sont essentiellement composés de Touaregs. Viennent ensuite des Arabes, des Peuls et des Songhaïs. Le Mujao, dirigé Taoudenni par Ahmada Ould Mohamed Algérie Kheirou, alias Abou Ghoum-Ghoum, comprend essentiellement des Camp d’entrainement Tessalit d’Ansar Eddine Arabes et des Songhaïs. Kidal Les principaux émirs d’Aqmi au Mali sont Tombouctou Abou Zeid, Mokhtar QG du MNLA Belmokhtar et Yahya Mauritanie Abou Hamam, tous trois Gao algériens, et Abdelkarim Mopti al-Targui, d’origine Niger malienne. Ce groupe terroriste Ségou Bandiagara est très hétéroclite (Algériens, Djenné Koulikoro Burkina Mauritaniens, Marocains, Libyens, Nigériens…). Faso Depuis quelque temps, la présence de Nigérians de la Bamako secte islamiste Boko Haram est avérée, celle d’instructeurs pakistanais en provenance de Somalie est évoquée par Sikasso certaines sources. Côte d’Ivoire
• STRATÉGIE Tous ces groupes armés ont des centres de
formation: le désert immense pour Aqmi, Gao pour le MNLA où, selon un chef du mouvement rebelle, « 600 jeunes suivent une instruction », et Tombouctou pour Ansar Eddine. Si les contacts entre ces groupes armés sont réguliers, ne serait-ce que pour le contrôle des routes empruntées pour les trafics et les ravitaillements en nourriture et en carburant, il n’y a pas de stratégie conjointe clairement définie en cas d’attaque. Mais il n’est pas exclu que « nous combattions ensemble », explique Bilal Ag Acharif, le secrétaire général du mouvement touareg. « Et si Ansar Eddine fait de son côté appel à Aqmi, ce ne sera pas notre problème », conclut-il. BABA AHMED, à Gao N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Grand angle le premier, à Gao pour le deuxième et à Tombouctou pour le troisième. Par un hasard du calendrier, le colonel Ould Meïdou (50 ans) était à Kati lors de la mutinerie qui s’est transformée en coup d’État, en mars dernier. Une opération qu’il n’a ni dénoncée ni soutenue. Après la chute de Tombouctou, il s’est réfugié à Nema, en Mauritanie, pour reconstituer son bataillon. S’il n’a jamais fait allégeance au capitaine Sanogo, il a juré fidélité à la République, reste en contact permanent avec le chef d’état-major, et se dit capable de rassembler 1 000 hommes. Le colonel Didier Dakouo (45 ans) n’a jamais quitté le front. Basé à Gao, il a opéré un repli tactique sur la base opérationnelle de Sévaré. À la tête de 2000 hommes dotés d’une dizaine de blindés, il se prépare pour le grand jour. Le moral de la troupe ? « Excellent, répond l’officier, qui ne doute de rien. Nous n’avons pas besoin des troupes de la Cedeao pour libérer nos territoires. Un soutien aérien serait le bienvenu, mais nous pouvons nous en passer. Mes hommes trépignent d’impatience et attendent les ordres de Bamako. » Quant à Alhaji Ag Gamou (52 ans), il s’est replié en territoire nigérien avec l’ensemble de son bataillon. Encerclé à Kidal au début de l’offensive rebelle, il s’est servi de son origine touarègue pour ruser en annonçant une fausse reddition. ●●●
« Quand il a déclaré son ralliement au MNLA, les chefs rebelles lui ont demandé de nous livrer, témoigne l’un de ces soldats aujourd’hui à Bamako. Il a refusé, prétendant que nous étions “ses” prisonniers de guerre. Arrivés au Niger, nous avons été démobilisés, mais il nous a demandé de le rejoindre au premier signal pour reprendre la lutte. Depuis, nous attendons cet appel pour repartir au front. » Bien qu’en exil, Alhaji Ag Gamou est en contact permanent avec le commandement, resté à Bamako. Il affirme pouvoir mobiliser au sein de sa seule communauté, les Imghad, jusqu’à 1 000 hommes « prêts à mourir pour le Mali ». L’espoir de reconquête repose en partie sur ces 4 000 hommes. Leur détermination et leur combativité nourrissent les certitudes du capitaine Sanogo, qui peut également compter sur différentes milices d’autodéfense. Il s’agit notamment du Ganda Iso (« Les enfants de la terre »), héritière du Ganda Koye (« Les propriétaires de la terre ») qui avait combattu les rebelles touaregs dans les années 1990. « Cette contre-offensive se fera en coordination avec la Cedeao et avec un appui logistique international.Maisàunecondition,assène l’homme fort de Kati, que les opérations se fassent sous commandement malien. » Toute la question est de savoir qui assure ce commandement malien. ●
Mission « Objectif Nord »
EMMANUEL DAOU BAKARY
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DIDIER DAKOUO
Le mousquetaire Le colonel Didier Dakouo (à droite sur la photo) se trouve à Sévaré, dans la région de Mopti, avec 2 000 hommes. Les deux autres mousquetaires : Alhaji Ag Gamou est de l’autre côté de la frontière nigérienne et Ould Meïdou se trouve à Nema, en Mauritanie. Ils disposent chacun de 1 000 soldats. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
DIPLOMATIE
Alger se fait attendre Pour les capitales ouestafricaines et occidentales, l’Algérie doit s’impliquer plus encore dans la crise malienne. CHERIF OUAZANI, envoyé spécial et PHILIPPE PERDRIX
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Algérie semble bien discrète. À Bamako, cette réserve est considérée comme une forme de complicité avec les rebelles et les djihadistes du Nord, ou tout du moins comme le signe d’un désintérêt pour cette crise qui menace de déstabiliser toute la région par une propagation de l’islamisme radical. Une impression partagée dans bon nombre de capitales ouest-africaines. « Nos frères algériens ont commis quelques erreurs. […] Ils doivent se ressaisir », a déclaré le 4 juin à nos confrères de RFI Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères. Sa principale critique porte sur le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc), basé à Tamanrasset, censé lutter contre le terrorisme et l’insécurité dans la région mais qui, selon le chef de la diplomatie nigérienne, « a été mis en hibernation ». « Il est incontestable que, jusqu’à présent, l’attitude de l’Algérie face à la menace représentée par Aqmi sur son flanc sud a été ambiguë et a pu confiner au double, voire au triple langage », peut-on lire dans un rapport JEUNE AFRIQUE
POOL NEW/REUTERS
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d’information parlementaire français, rédigé par le député socialiste François Loncle, un proche du président burkinabè, Blaise Compaoré. L’argument juridique renvoyant à la Constitution algérienne, qui interdit toute intervention militaire hors du territoire « n’est pas parfaitement convaincant, dans la mesure où personne n’en a proposé l’amendement », explique le parlementaire.
! LORS DU SOMMET DU G8, AUX ÉTATS-UNIS, LE 19 MAI, en présence du président en exercice de l’UA, Boni Yayi (ici entre François Hollande, à sa droite, et Barack Obama). Les autres officiels africains à la table : Donald Kaberuka, président de la BAD (extrême gauche) ; Jean Ping, président de la Commission de l’UA (deuxième rang) ; Atta Mills, président du Ghana (extrême droite).
forces armées américaines pour l’Afrique (Africom), s’est même rendu dans la capitale algérienne pour y rencontrer le président Abdelaziz Bouteflika et dessiner les contours d’une réplique à la création d’un Tora Bora (le sanctuaire afghan de Ben Laden) au Sahel. AGACEMENT. À Alger, ces critiques ont le Au sein des instances de l’Union afridon d’agacer. De fait, la diplomatie algécaine (UA), l’Algérien Ramtane Lamamra, qui dirige la commission Paix et Sécurité, rienne fut la première à condamner le est en contact quasi permanent avec les coup d’État militaire qui a renversé, le 21 mars, le président Amadou Toumani services du Béninois Boni Yayi, président Touré. Grand connaisseur de l’irrédenen exercice de l’UA. Ce dernier a d’ailleurs tisme touareg pour avoir été le parrain dépêché à Alger, le 5 juin, un de ses missi du pacte de paix signé, à Tamanrasset, dominici, le ministre des Sports Didier en 1992, entre les indépendantistes et le Aplogan. Et c’est un autre Algérien, Saïd gouvernementmalien,lePremierministre, Djinnit, représentant de l’ONU en Afrique Ahmed Ouyahia, n’a cessé de le répéter: del’Ouest,quigèreledossiermalienpourle « L’Algérie n’acceptera jamais une remise comptedusecrétairegénéralBanKi-moon. en question de l’intégrité territoriale du Dans les couloirs du ministère flambant neuf des Affaires étrangères, aux Annassers, sur les Les arguments constitutionnels hauteurs d’Alger, on préfère interdisant une intervention ironiser sur les accusations militaire n’ont pas convaincu Paris. d’« attentisme », alors que sept ressortissants–desdiplomates Mali » a-t-il affirmé, le 5 avril, au quotidien enlevés à Gao – sont retenus en otage français Le Monde. dans le nord du Mali. « Que ceux qui nous Depuis la chute de l’axe Tombouctouaccusent de ne rien faire fassent le dixième Kidal-Gao dans l’escarcelle des indépende ce que nous réalisons quotidiennement dantistes du Mouvement national pour pour les populations du Nord-Mali », lance la libération de l’Azawad (MNLA) alliés un ancien ambassadeur au Mali. Par le aux salafistes d’Ansar Eddine et de leurs biais du Croissant-Rouge, l’Algérie abrite, partenaires d’Aqmi, Alger échange en pernourrit et soigne près de 15000 réfugiés manence des informations avec l’armée civils, « toutes ethnies confondues », prémalienne et les services américains. Le cise notre interlocuteur. Et ce depuis plus général Carter Ham, commandant des de deux mois et sans aucune assistance JEUNE AFRIQUE
étrangère. Sur instructions de Bouteflika, un pont aérien a été organisé pour acheminer plus de 25000 tonnes de vivres et de médicaments dans les camps de réfugiés maliens en Mauritanie et au Niger. ENGAGEMENT. Quant à l’armée algé-
rienne, elle a fait pression sur le MNLA pour obtenir la libération d’une centaine de soldats maliens détenus « dans des conditions inhumaines », selon l’envoyée spécialeduquotidienfrancophonealgérois El Watan, Salima Tlemçani. Et malgré la règle prévue de boycotter tout régime issu d’un putsch, l’armée algérienne n’a pas souhaité exclure du Cemoc les représentants de l’armée malienne. Mieux: en sa qualité de patron du renseignement malien, le lieutenant-colonel Sidi Alassane Touré assure la présidence tournante de la structure réunissant les services similaires des quatre pays du Cemoc (Algérie, Mali, Mauritanie, Niger) mais aussi du Nigeria, du Burkina Faso et du Tchad. « Tout cela est vrai, mais nous jugerons l’engagement de l’Algérie sur son attitude lors de la saisie du Conseil de sécurité de l’ONU par l’Union africaine et au cours des discussions à New York », analyse un haut diplomate ouest-africian. Ce processus doit commencer dans les tout prochains jours, conformément à l’initiative de Boni Yayi et à la décision du sommet de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), le 6 juin, à Lomé. Notre interlocuteur promet « des discussions houleuses à Addis-Abeba ». ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Afrique subsaharienne
CAMEROUN
S’il n’en restait
qu’un…
À Yaoundé, beaucoup le voient déjà succéder à Paul Biya, dans un pays où il ne fait pas bon afficher ses ambitions. Évincé de la direction du parti au pouvoir, mais maintenu au gouvernement, René Sadi cultive la discrétion. Portrait d’un homme qui encaisse les coups, mais refuse de livrer bataille.
GEORGES DOUGUELI
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plus qu’avec une escorte et affichant la satisfaction de celui qui sait qu’il a réussi. Mais c’était avant qu’il ne prenne la mesure des risques encourus. Il n’aura pas, comme Marafa, l’imprudence de briguer ouvertement le palais d’Etoudi. Il n’oubliera pas non plus que, à quelques minutes seulement de son ministère, Titus Edzoa, ancien très proche du chef de l’État, croupit dans un cachot du secrétariat d’État à la Défense (SED). Cet homme de l’ombre n’a aucune intention de devenir une cible. À Yaoundé, le président exige, sans obtenir de résultats probants, que ses proches se consacrent à la réalisation des grands chantiers du septennat, mais eux ne pensent qu’à la succession du chef, 79 ans. Intrigues et coups bas occupent depuis longtemps l’agenda réel des ministres et assimilés, et, dans la tempête qui gronde, Sadi s’est replié sur lui-même, protégé par une garde rapprochée chargée d’éconduire courtisans et journalistes. Il sait combien le chef exècre ceux qui parlent d’eux plutôt que de lui.
il devait n’en rester qu’un, ce pourrait être lui : René Emmanuel Sadi, 63 ans. Un à un, les prétendants (réels ou supposés) à la succession du président Biya ont été écartés, mais lui est resté. Certains ont échoué en prison, pris dans les filets de l’opération anticorruption Épervier, d’autres sont tombés en disgrâce, pas lui. Son secret ? La discrétion. Toujours. En toutes circonstances. Pas question d’afficher ses ambitions, encore moins depuis que Marafa TERRAIN MINÉ. Licencié en droit de l’université Hamidou Yaya (un autre successeur potentiel) a de Yaoundé, diplômé de l’Institut des relations été arrêté et qu’il se répand dans la presse contre internationales du Cameroun (Iric), le jeune son ancien mentor. diplomate est d’abord envoyé à l’ambassade du Mais quand Marafa, ce « fils Cameroun en Égypte avant de spirituel » naguère si proche Sa longévité, il la doit s’essayer à la politique. Revenu du soleil, refuse de mourir au pays, il devient conseiller aussi à l’influent sans combattre, René Sadi, (technique puis diplomatique) sultan des Bamouns, le fidèle lieutenant, choisit du président Ahmadou Ahidjo. qu’il a connu au Caire. Quand celui-ci démissionne, en de ne pas livrer bataille. Les deux hommes ont occupé les 1982, Sadi parvient à sauver sa mêmes fonctions (en décembre 2011, Sadi a été tête, jusqu’à la tentative de coup d’État – attribuée fait ministre de l’Administration territoriale et de à des partisans d’Ahidjo – du 6 avril 1984. Il est la Décentralisation en remplacement de Marafa), alors écarté de la présidence, reversé au minismais ils ne se ressemblent pas. Sadi n’est pas tère des Affaires étrangères, avant de revenir à homme à partir à l’assaut d’un système auquel il Etoudi comme conseiller de Paul Biya. « Il n’aurait appartient, et c’est à son corps défendant qu’il a peut-être pas eu cette carrière s’il n’avait pas été parfois été présenté comme un dauphin possible soutenu par Ibrahim Mbombo Njoya », analyse de Paul Biya. un connaisseur de la politique camerounaise. Sadi et l’influent sultan des Bamouns se sont Au départ, c’est vrai, il a semblé se prendre au jeu, goûtant honneurs et privilèges, ne se déplaçant connus au Caire, où Njoya servait comme ● ● ●
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! EN JANVIER 2011. À l’époque, il était encore le patron du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). JEUNE AFRIQUE
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NICOLAS EYIDI
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Depuis sa toute première affectation, au Caire, en 1975, René Sadi a passé
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dans les arcanes du pouvoir. Le temps de développer un sens aigu de la stratégie en politique
● ● ● ambassadeur en Égypte, et voici Sadi installé Les ennemis se font aussi plus nombreux. Son pour longtemps. ascension agace. Il ne s’entend plus avec Martin Tour à tour directeur adjoint du cabinet civil et Belinga Eboutou, le directeur du cabinet civil et secrétaire général adjoint de la présidence, Sadi proche conseiller du président, qui ne manque sait que pour survivre sur ce terrain miné il faut jamais une occasion de l’égratigner. Rien ne va plus avec Grégoire Owona, son adjoint au secrétariat calquer ses pas sur ceux du chef de l’État, qu’il accompagne dans presque tous les voyages offigénéral du parti, qui le rend responsable des ratés ciels. Dans la frivolité du microcosme camerounais, du congrès du RDPC de septembre 2010. Cela ne les casaniers sont une espèce rare… va pas mieux avec Laurent Esso, qui prend de haut Pas plus que celui de Biya son visage ne trahit celui qui fut, jusqu’en juin 2009, son adjoint au d’émotions. La politique, il en est convaincu, ne secrétariat général de la présidence. À l’époque laisse pas de place aux sentiments. Longtemps, déjà, l’entente n’était pas franchement cordiale. Dans la presse et pendant les meetings du parti, les les Camerounais ont ignoré presque tout de cet deux hommes se taclent. Jusqu’à ce jour d’avril 2010 homme dont on dit qu’il est la plume du président. où Esso lui donne du « monsieur le président ». Dans l’ombre, il cultive l’image du commis honnête et désintéressé. L’un de ses Un faux lapsus vachard dont tout le monde sait, à Yaoundé, proches en veut pour preuve le Son visage, comme fait qu’il « vient de finir de payer celui du chef de l’État, ce qu’il pourrait coûter à son les dernières traites de sa maidestinataire tant il ne fait pas son mentor, ne trahit son, dans le quartier de Biyem bon avoir des ambitions. Assi, à Yaoundé ». On pourrait le Finalement, en décembre aucune émotion. croire mondain, avec sa diction dernier, Sadi est débarqué du et sa courtoisie un peu désuètes. Il n’en est rien. On RDPC et nommé au poste de Marafa, sans même aperçoit parfois sa silhouette enrobée au Café de se voir accorder le rang de ministre d’État. A-t-il Yaoundé, où il aime retrouver ses rares amis, mais été lâché par son patron ou celui-ci a-t-il tenté de il s’en retourne toujours à ses dossiers. Fils d’un le mettre à l’abri en lui confiant un poste moins infirmier, il a gravi une à une les marches de l’État exposé ? Difficile à dire… Toujours est-il qu’il avec un sens tactique que lui envierait son frère aîné, trébuche d’entrée. Soucieux d’apparaître proche Jean-Pierre,quifutplusieursfoisentraîneurdesLions de ses administrateurs, il choisit d’aller installer indomptables, la sélection nationale de football. dans ses fonctions chacun des gouverneurs de région, plutôt que de venir défendre à l’AssemMACHINE À GAGNER. Le chef l’apprécie, et ça se blée nationale le tout premier code électoral du voit. On le soupçonne vite de préparer Sadi aux Cameroun. plus hautes fonctions. Le 4 avril 2007, il le propulse Le 3 avril, alors que Sadi est encore à Bertoua au poste de secrétaire général du comité central (Est), c’est Jules Doret Ndongo, son ministre délédu Rassemblement démocratique du peuple gué, qui s’y colle, et cela se passe mal. Sadi rentre camerounais (RDPC, au pouvoir). Lui qui n’était précipitamment, retire le projet de loi au mépris même pas membre du bureau politique se retrouve de la procédure, s’attire les foudres des députés, patron « opérationnel » de la machine à gagner. Il qui n’aiment pas être ainsi malmenés… Et quand se murmure que le chef vieillissant pourrait même le ministre revient finalement devant les députés, lui en confier les rênes, ce qui, en cas de vacance c’est la bronca. Sur les bancs du gouvernement, du pouvoir, ferait de Sadi son candidat « naturel » Jean Nkuété, nouveau patron du RDPC, ne bouge à la présidentielle. À Yaoundé, beaucoup pensent pas. Sadi est seul. Pendu au téléphone, Jacques la succession en voie d’être réglée, et, autour du Fame Ndongo, pilier du système Biya, informe en dauphin presque désigné, de nouveaux amis temps réel un mystérieux interlocuteur. Amendé, le affluent. Les anciens reviennent aussi, à l’instar texte finira par être adopté, mais le dauphin a pris de la communicante française Patricia Balme, un sérieux coup de trique. À Yaoundé, beaucoup qui soigne ses liens avec lui. veulent y voir un avertissement. ●
NI DU NORD NI DU SUD, RENÉ SADI RASSURE MÊME S’IL EST NÉ À MAROUA, dans l’Extrême-Nord, René Sadi est issu de la minorité vutée, originaire du centre du Cameroun. Du coup, dans un pays mosaïque où les équilibres ethniques et régionaux sont complexes, il rassure à la fois le Grand Nord et le Sud, dont est originaire Biya et qui demeure hanté par le fantôme d’Ahmadou Ahidjo. La dispute Biya-Ahidjo a dégénéré en une sanglante tentative de coup d’État en avril 1984, et le fait que les restes du premier président du pays, un N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
musulman du Nord, soient toujours à Dakar montre que la question est sensible. Au Cameroun, beaucoup pensent désormais que choisir le futur président au sein d’une minorité permettrait d’éviter que les Nordistes ne cherchent à se venger de la répression qui a suivi le putsch manqué. Reste que le candidat retenu devra, quoi qu’il arrive, séduire aussi les grands groupes ethnolinguistiques (Bamilékés et anglophones notamment), qui ne veulent plus être tenus à l’écart. ● G.D. JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne ð FÉVRIER 2012. LA CHEF DE LA DIPLOMATIE (à dr.) mène campagne pour Nkosazana Dlamini-Zuma (à g.).
RODGER BOSCH/AFP
plus la fonction n’est allée à l’Afrique australe – ni à l’Afrique du Nord, mais elle n’a pas présenté de candidat. Le principe de rotation régionale n’est remis en question par personne, mais il doit maintenant être appliqué.
UNION AFRICAINE
Maite Nkoana-Mashabane « Chacun son tour! » Pour la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, il serait juste que la candidate de l’Afrique australe succède à Jean Ping à la tête de la Commission de l’organisation panafricaine, en juillet.
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retoria et Libreville campent sur leurs positions. Fin janvier, ni la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma ni le Gabonais Jean Ping n’est parvenu à se faire élire à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA). Les rencontres plus au moins formelles organisées en mars puis en mai à Cotonou (le Bénin dirige l’UA) n’y ont rien fait. En juillet pourtant, les États membres devront à nouveau voter. De passage à Paris, Maite Nkoana-Mashabane, la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, se dit convaincue qu’une solution sera trouvée au sommet de Lilongwe (Malawi). JEUNE AFRIQUE : L’Afrique du Sud maintiendra-t-elle jusqu’au bout sa candidature à la présidence de la Commission de l’Union africaine ? MAITE NKOANA-MASHABANE : Il faut
biencomprendrequeNkosazanaDlaminiZuma [la ministre sud-africaine de l’Intérieur, NDLR] n’est pas la candidate d’un pays, mais de toute une sous-région. En août 2011, les chefs d’État de la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe] lui ont apporté leur soutien à l’unanimité. Aucun autre nom n’avait été évoqué à l’époque, aucun autre nom n’a été proposé depuis. JEUNE AFRIQUE
À Addis-Abeba, l’UA a échoué à départager Jean Ping et Nkosazana Dlamini-Zuma. Ne risque-t-on pas de se retrouver dans la même situation de blocage en juillet?
Ne parlons pas d’échec. Toutes les règles ontétérespectées,àl’exceptiond’uneseule d’ailleurs, puisque Jean Ping a été main-
C’est effectivement une règle tacite. Une autre règle tacite veut qu’aucun grand pays ne préside la Commission de l’UA…
Je fais une différence claire entre les principes établis et les rumeurs que les gens se racontent en dehors des réunions. J’ai lu à plusieurs reprises les statuts de l’UA et je peux vous dire que je n’ai jamais rien lu concernant ces « grands pays » dont vous parlez. Mais cela pourrait être une tradition ?
Nous sommes une organisation régie par des règles, pas par des traditions. Et si vousallezparlà,souvenez-vousquequand l’UA était encore l’OUA [Organisation de l’unité africaine], un de ses secrétaires généraux avait été un Nigérian. Le Nigeria n’est-il pas un « grand pays » ? Quant au principe de rotation régionale, ce n’est pas une tradition, j’insiste sur ce point. La preuve, c’est qu’à plusieurs reprises on nous a demandé à nous, l’Afrique australe, de présenter un candidat.
Il n’y a pas eu de blocage à Addis-Abeba. Seulement de la démocratie. tenu dans ses fonctions pour quelques mois supplémentaires. En temps normal, n’ayant pas réussi à remporter la majorité des deux tiers à l’issue du quatrième tour du vote, il aurait dû laisser la place à son vice-président, qui aurait assuré l’intérim jusqu’au prochain sommet. Les chefs d’État, dans leur grande sagesse, en ont décidé autrement. Mais le fait est que l’on s’est retrouvé dans une impasse !
Pourquoi parler d’impasse ou de crise alors que, si cela s’était passé en Europe ou ailleurs, on aurait parlé de démocratie? C’est exactement ce que nous avons eu à Addis-Abeba: de la démocratie. Personne ne peut le regretter. En outre, jamais une femme n’a occupé ce poste. Jamais non
Ne faudrait-il pas au moins changer les règles du vote et instituer une majorité simple, au quatrième tour par exemple, pour éviter un nouveau blocage ?
Les règles sont là, et nous devons les respecter.
L’UA aurait besoin d’être forte et unie pour faire face aux crises majeures que connaît le continent, au Mali par exemple…
Elle n’est pas affaiblie. Je ne laisserai personne dire que cette démocratie pour laquelle nos pères fondateurs se sont battusetpourlaquelleilssontmortspeutnous affaiblir. En 2013, l’UA aura 50 ans. Ce qui devrait nous préoccuper aujourd’hui, ce n’est pas cette élection, mais le renforcement de nos capacités. ● Propos recueillis par ANNE KAPPÈS-GRANGÉ N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Tous les coups seront permis La procureure de la Cour pénale internationale et Laurent Gbagbo vont s’affronter dans le prétoire. Fatou Bensouda est décidée à montrer qu’elle a assez de preuves contre l’ancien président.
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ous sommes prêts », assure un proche de la procureure. Depuis le mois d’octobre 2011, une vingtaine de magistrats, juristes et enquêteurs préparent dans le plus grand secret l’audience de confirmation des charges retenues contre Laurent Gbagbo, prévue pour le 18 juin. Les enquêteurs de la Cour pénale internationale (CPI) ont effectué de très nombreuses missions en Côte d’Ivoire pour recueillir des preuves contre l’ancien chef d’État : des témoignages écrits de victimes et de prisonniers ont été versés au dossier ; des rapports
ISSOUF SANOGO/AFP
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! NOMMÉE EN DÉCEMBRE DERNIER, Fatou Bensouda succède à Luis Moreno-Ocampo. Ce dossier est sa première grosse affaire (ici, le 28 juin 2011, à Abidjan).
cette base que Fatou Bensouda, la toute nouvelle procureure de la CPI, demandera l’ouverture d’un procès auquel Gbagbo aimerait bien se soustraire. Arrivé très affaibli à la prison de la CPI en novembre, le président déchu a vite repris du poil de la bête et se consacre activement à sa défense, sous la houlette de son avocat prinEn prison, Gbagbo a pu préparer cipal, Me Emmanuel Altit sa défense. Et se réjouir de la (qui a demandé, le 7 juin, défaite électorale de Sarkozy. un report de l’audience). Ce pénaliste français, spéet des vidéos (plus de 400) ont donné cialiste du droit international, a plusieurs lieu à la rédaction d’un document de succès à son actif : c’est lui qui a négocié notification des charges, qui a été remis la libération des infirmières bulgares pour aux juges et à la défense. À cela s’ajoutent l’État français auprès de Mouammar 9 060 pages d’annexes depuis le début de Kaddafi et qui a obtenu l’acquittement du la procédure, classées, pour certaines, père Hormisdas Nsengimana, accusé de « confidentielles ». génocide devant le Tribunal pénal interRésultat ? Selon ce document, préparé national pour le Rwanda (TPIR). Conseil avec la collaboration des autorités ivoide la Bosnie en 2003, Altit a participé à riennes, Laurent Gbagbo est accusé d’être la rédaction des statuts de la CPI et en le coauteur de crimes contre l’humaconnaît les moindres rouages. Ces dernité, commis pour des motifs d’ordre niers mois, il a constitué un pool d’avocats politique, ethnique et religieux, en tant internationaux et ivoiriens et obtenu que président et que chef des armées. Il l’aide juridictionnelle de la CPI. Il a aussi est soupçonné d’être responsable de la déposé de très nombreuses requêtes pour mort de 1 089 victimes, du viol de plus contrecarrer les plans de l’accusation. Il de 35 personnes, et d’une multitude conteste notamment la compétence de la d’arrestations arbitraires et de mauvais CPI, affirme que les règles de procédure traitements entre novembre 2010 et le de la Cour n’ont pas été respectées lors 11 avril 2011 – jour de son arrestation. du transfert de son client à La Haye et « Gbagbo a conçu cette politique et plaévoque le non-respect du droit ivoirien nifié, ordonné, encouragé, autorisé sa lorsque Gbagbo était encore assigné à mise en œuvre », peut-on lire. C’est sur résidence en Côte d’Ivoire. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Ces derniers mois, Altit a longuement rencontré Laurent Gbagbo pour préparer sa défense et lui a fait « répéter » ce qu’il devra dire à l’audience. Elle pourrait durer de cinq à dix jours, et il s’agit d’éviter tout faux pas. Gbagbo devra séduire un auditoire qui ne lui est pas acquis, apprendre à ne pas se contredire, éviter de heurter les juges… « Il a retrouvé toute sa pugnacité, confie l’un de ses amis. Il attend l’échéance sereinement. Pour lui, ce sera l’occasion de donner sa version des faits. » BOURREAU. En prison, il reçoit la visite
de ses proches et téléphone très régulièrement à sa seconde épouse, Nady Bamba, en exil au Ghana. Il côtoie aussi ses codétenus (le Congolais Jean-Pierre Bemba et le Libérien Charles Taylor) et s’accorde quelques loisirs. Il a regardé la finale de la Champions League entre Chelsea et le Bayern Munich. Avant cela, il avait suivi avec intérêt la campagne pour la présidentielle en France et s’était réjoui de la défaite de Nicolas Sarkozy, son « bourreau ». Grand lecteur, il vient d’achever un ouvrage sur la famille Borgia et s’est plongé dans Abobo la guerre, de la journaliste Leslie Varenne, et dans On a gagné les élections mais on a perdu la guerre, de Gregory Protche. Outre ses avocats, Gbagbo consulte très régulièrement sa conseillère juridique, Géraldine Odehouri, installée dorénavant à La Haye, son ami le socialiste français JEUNE AFRIQUE
PETER DEJONG/AP/SIPA
Afrique subsaharienne
! 25 décembre 2011, à La Haye. AFFAIBLI LORS DE SON ARRIVÉE AUX PAYS-BAS, LE PRÉSIDENT DÉCHU a maintenant retrouvé toute sa combativité, assurent ses proches.
Guy Labertit et son porte-parole pour l’Europe, Bernard Houdin. Ces fidèles sont chargés de missions discrètes. Fin politique, Gbagbo continue d’encourager les intellectuels africains – de Calixthe
Beyala à Gaston Kelman – à le soutenir et a récemment cherché à tâter le terrain auprès du nouveau pouvoir français. Si François Hollande est loin de lui être favorable, Gbagbo possède toutefois des
relais auprès de personnalités socialistes comme Kofi Yamgnane et Henri Emmanuelli. Ses partisans devraient être nombreux à La Haye. Ils ont prévu de monter un « village de la liberté » dans le centre de la ville. Amis et anciens conseillers seront aussi là pour répondre aux médias. Le bureau de la procureure et les autorités ivoiriennes le savent donc déjà: la bataille ira bien au-delà des questions juridiques. Les avocats de l’État ivoirien, Jean-Paul Benoit et Jean-Pierre Mignard, seront du voyage pour apporter la contradiction. Les deux confrères français, très proches de François Hollande, sont à l’origine d’un mémorandum remis en mars 2011 à la CPI et dénonçant les crimes du camp Gbagbo durant la crise postélectorale. Ils conseillent toujours l’État ivoirien dans ses démarches auprès de la Cour. Le camp Ouattara a par ailleurs prévu de mobiliser ses militants en Europe qui iront réclamer, à La Haye, le droit à la justice pour les victimes… La police néerlandaise est sur le qui-vive. Elle ne tient pas à ce que le conflit ivoirien trouve un nouveau champ de bataille aux Pays-Bas. ● PASCAL AIRAULT
SÉNÉGAL
Habré a du souci à se faire Le gouvernement a créé un groupe de travail pour étudier les modalités d’un procès de l’ex-dictateur tchadien.
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issène Habré est-il encore à l’abri? Pas sûr. Réfugié à Dakar depuis 1990, l’ex-dictateur tchadien savait qu’il n’avait pas grand-chose à craindre du régime d’Abdoulaye Wade. L’ancien président sénégalais avait, au fil des années, manifesté trop de réticences à le juger (ou à le laisser juger par un pays tiers) pour qu’il ait de vraies raisons de s’inquiéter. Mais le vent paraît avoir tourné. Le 1er juin, le gouvernement a en effet annoncé la mise sur pied d’un groupe de travail chargé d’étudier les modalités d’un procès – lequel s’est réuni dans la foulée, sous la direction du directeur de cabinet de la ministre de la Justice, Amadou Bâle, un magistrat réputé sérieux, voire rétif aux consignes venues d’en haut. JEUNE AFRIQUE
A priori, cela ressemble plutôt à une classique. À l’époque, les bailleurs de fonds bonne nouvelle. Sauf que les défenseurs internationaux étaient parvenus à réudes victimes du régime de Habré sont nir la somme nécessaire (plus de 8 milconvaincus qu’un procès en Belgique lions d’euros), mais c’était il y a deux ans. « Aujourd’hui, si le Sénégal devait juger demeure la seule solution pour que justice soit rendue rapidement. « Un groupe Habré, il devrait encore se conformer à la de travail, c’est bien, concède l’avocate décision de la Cedeao et créer ce fameux tchadienne Jacqueline Moudeïna. Mais tribunal ad hoc, explique un connaisseur nous ne savons pas quelle est sa feuille de du dossier. Il faudrait reconvoquer les route, et nous n’avons pas été associés à sa bailleurs, reprendre l’enquête du début, création. » Jacqueline Moudeïna dit aussi et tout cela prendrait forcément plusieurs craindre que cela n’équivaille à un rejet années. » « Ce sont des années que nous de la quatrième demande d’extradition n’avonspas,insisteMoudeïna.Lesvictimes, belge, à laquelle le Sénégal n’a toujours pas répondu. Le président Wade n’avait jamais COÛTEUX. Surtout, rap-
paru pressé de faire juger son ancien homologue.
pellent les partisans d’un procès en Belgique, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’était prononcée en 2010 en faveur de la création d’un tribunal ad hoc à caractère international – une structure forcément plus coûteuse qu’une juridiction nationale
elles, continuent de mourir. » Beaucoup voienttoutefoisdansladécisionduSénégal un signe encourageant. D’autant que les membres du groupe de travail devraient rencontrer les donateurs dans le courant de ce mois de juin. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Afrique subsaharienne
En chute libre
Le colonel Ndoutingaï, de facto numéro deux du régime depuis neuf ans, a été écarté. À Bangui, la rumeur évoque un complot. Lui clame son innocence.
Q
u’est-il arrivé à Sylvain Ndoutingaï ? Depuis le 1er juin, ce colonel de 40 ans, considéré comme le numéro deux du régime du président Bozizé, mais aussi comme l’homme à abattre par la communauté des bailleurs de fonds de la Centrafrique, a été démis de ses fonctions de ministre d’État, ministre des Finances et du Budget, sans aucune explication officielle, et placé en résidence étroitement surveillée à son domicile de Bangui. Pour les Centrafricains, auprès de qui Ndoutingaï jouissait de la réputation à la fois omniprésente et redoutée d’un deus ex machina, ce fut un coup de tonnerre. Pour l’intéressé, qui s’y attendait depuis plusieurs semaines, cette disgrâce n’est qu’un début s’il se confirme qu’il a réellement ourdi un complot pour s’emparer du pouvoir – ce qu’il nie farouchement, mais qu’on ne cesse de murmurer depuis plusieurs semaines à Bangui. Pour le chef de l’État, enfin, qui aura jusqu’au bout défendu ce neveu qu’il considérait comme son fils et pour qui il éprouvait une réelle admiration avant de le lâcher N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
progressivement, le préjudice affectif de cette décision est atténué par son évidente popularité, tant auprès de l’opinion que des partenaires étrangers de la Centrafrique. ANIMOSITÉ. Natif de Bossangoa, dans l’Ouham, comme François Bozizé, Sylvain Ndoutingaï a été creuseur de diamant avant d’aller suivre des études de gestion à Abidjan, puis de fréquenter les écoles militaires de Thiès, au Sénégal, et de Koulikoro, au Mali. Fin 2001, il rejoint la rébellion que mène son oncle contre
le régime Patassé et entre à ses côtés à Bangui en « libérateur », le 15 mars 2003. Son ascension commence alors ; elle ne s’arrêtera plus. Nommé ministre des Mines, Ndoutingaï, qui bénéficie de la confiance totale de son mentor, s’impose très vite comme l’interlocuteur obligé des sociétés étrangères opérant dans les secteurs du diamant, de l’uranium (UraMin, puis Areva) et du pétrole. Son activisme et son discours patriotique, populiste et parfois antioccidental, lui valent un soutien réel auprès d’une frange de la jeunesse, mais aussi, très vite, l’animosité des bailleurs de fonds. Dès 2005, la France, suivie par les institutions de Bretton Woods puis par les États-Unis, réclame son départ. On lui reproche à la fois sa gestion opaque des contrats miniers et son intransigeance nationaliste dont le pétrolier américain Grynberg, exproprié de son permis du Nord-Ouest, a fait les frais. Le président, lui, est séduit par le volontarisme parfois débridé de son jeune ministre. S’il consent finalement à ! LE MINISTRE lui retirer les Mines, en DES FINANCES avril 2011, c’est pour lui avait confier les Finances, au l’oreille de grand dam du Fonds son oncle, monétaire international le chef de l’État. (FMI) et des Américains, qui ne lui accordent de visas qu’à des conditions restrictives telles que Ndoutingaï doit renoncer à se rendre à Washington pour les assemblées annuelles des institutions de Bretton Woods. À Bangui, sa position d’homme de confiance incontournable et désormais fortuné, à qui, dit-on, le chef de l’État ne refuse rien et qui a sur ce dernier une influence que la rumeur exagère, vaut à Sylvain Ndoutingaï l’image d’un dauphin ambitieux. S’est-il pris au jeu ? C’est possible. Elle lui vaut, surtout, des inimitiés de plus en plus déclarées. Plusieurs
« C’est un jeune ministre qui fait bien son travail. Il n’a pas sur moi l’influence qu’on u’on lui prête et il fait ce que je lui demande. e. Si on lui reproche quelque chose, qu’on le prouve et je prendrai les sanctions qui conviennent. Jusqu’ici, i, on ne m’a rien présenté. » FRANÇOIS BOZIZÉ, janvier 2012
VINCENT FOURNIER/J.A.
CENTRAFRIQUE
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Coulisses
Afrique subsaharienne
ministres de poids, tels Parfait Mbaye, Karim Meckassoua, Fidèle Ngouandjika et surtout Francis Bozizé, fils du président et responsable de la Défense, mettent en garde l’hôte du Palais de la renaissance : selon eux, Ndoutingaï aurait infiltré la garde présidentielle et contrôlerait le gouvernement par l’intermédiaire d’un réseau de directeurs de cabinet à sa solde. Interrogé sur ce point par J.A. fin janvier, Bozizé ne s’y résout pas encore : « Si on lui reproche quelque chose, qu’on le prouve. » PERQUISITION. Qui a amené à François Bozizé ces « preuves » qui ont fait basculer son jugement ? Le président tchadien ? Tel ou tel ministre de retour de mission ? Toujours est-il que c’est à l’occasion d’une visite d’Idriss Déby Itno à Bangui, le 5 mai, que le contingent tchadien de la garde présidentielle perquisitionne la villa de Ndoutingaï et confisque les armes qui s’y trouvent. Curieusement, le ministre des Finances conservera son poste pendant trois semaines, alors même qu’il est
Alerté par son entourage, le président Bozizé a préféré déminer le terrain avant de le limoger. interdit de quitter le territoire. C’est que François Bozizé préfère déminer le terrain avant de passer à la phase limogeage. Tout en évitant ostensiblement de croiser son neveu lors des cérémonies officielles, il écarte ainsi discrètement de sa propre sécurité rapprochée les commandants Roger Godongaï et Martin Ouanti, réputés très proches de Ndoutingaï. Le 1er juin, le couperet tombe. Albert Besse, prédécesseur de Sylvain Ndoutingaï, retrouve son portefeuille. Pour les bailleurs de fonds et les nombreux ennemis de l’ex-« demi-dieu » du régime, le signal est positif. Tout à leur joie de la victoire inespérée, le lendemain, du onze national sur l’équipe du Botswana, les Banguissois ont vite tourné la page, laissant le fils prodigue ronger son frein en espérant un retour en grâce jamais totalement exclu, lui que tant de liens et de secrets partagés unissent à celui qu’il appelle son père. Quant au président Bozizé, plus imperméable que jamais, il était le lendemain l’hôte d’honneur de la fête des Mères. On l’a vu esquisser quelques pas de danse… ● FRANÇOIS SOUDAN JEUNE AFRIQUE
SOUDAN REMBOURSEZ ! En mars 2011, à seulement quelques mois de la partition, une société pétrolière chinoise opérant au Soudan estimait que la corruption des autorités du Sud lui coûtait près de 10 millions de dollars (8 millions d’euros) par an. Depuis, cela ne s’est pas arrangé. Le président sud-soudanais affirme même que 4 milliards de dollars ont disparu des caisses de l’État. Dans un courrier daté du 4 mai, et rendu public le 4 juin, Salva Kiir invite tous les
RD CONGO À VOTRE BON CŒUR… Le cadrage est approximatif, le montage aussi, mais c’est bien Étienne Tshisekedi que l’on voit sur une vidéo publiée le 31 mai sur internet. D’une voix parfois mal assurée, le candidat malheureux à la dernière présidentielle en RD Congo y lance un appel aux dons – non sans oublier de préciser les coordonnées de la personne à laquelle le virement Western Union peut être adressé. Les temps sont durs !
ministres (encore en poste ou non) et hauts responsables à rembourser les sommes détournées. Il a même fait ouvrir un compte au Kenya à cet effet. L’argent qui a disparu provenait pour l’essentiel de l’aide publique au développement, arrivée en masse depuis les accords de paix de 2005. Le Sud en a d’autant plus besoin que la suspension des exportations de brut, décidée à la suite d’un grave contentieux avec le Nord, le prive de 98 % de ses revenus. ●
SOMALIE WANTED
BISSAU SUR LE DÉPART
Il faut ce qu’il faut. Décidés à en finir avec les dirigeants des milices islamistes en Somalie, les ÉtatsUnis ont annoncé, le 7 juin, qu’ils payeraient cher toute information qui permettrait leur capture. La tête du fondateur et actuel chef des Shebab, Ahmed Abdi awMohamud Godane, a ainsi été mise à prix 7 millions de dollars (5,6 millions d’euros). Sur le terrain, ses hommes ont connu de sérieux revers.
Quinze mois de présence et un putsch plus tard, les soldats angolais (déployés dans le pays dans le cadre d’une mission technique) ont commencé à se retirer de Bissau. Un premier cargo a quitté la ville, le 6 juin, avec à son bord des chars et des armes lourdes. L’Angola, qui avait beaucoup investi dans la réhabilitation des infrastructures militaires et dans la formation d’officiers, a annoncé qu’il mettait fin à sa coopération militaire. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Maghreb & Moyen-Orient
BORNI HICHEM/SIPA
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JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
TUNISIE
Ces très inquiétants
fous de Dieu Face aux spectaculaires et violents débordements des extrémistes religieux, le gouvernement tergiverse, tandis que la population, déjà éprouvée par les difficultés économiques, est à cran.
FRIDA DAHMANI, à Tunis
«
! LEUR
OBJECTIF :
instaurer la charia et éradiquer les mécréants. Ici avenue HabibBourguiba, à Tunis, le 14 janvier 2012. JEUNE AFRIQUE
L
’été sera chaud. À quelques semaines du ramadan et du pic de la saison touristique, les barbus nourrissent les tensions. On peut dire que salafou mal », ironise Néjib, restaurateur à Tabarka (Nord), qui craint d’être dans la ligne de mire des extrémistes religieux. Si les Tunisiens n’ont rien perdu de leur humour, ils n’en sont pas moins inquiets face à la multiplication des opérations coups de poing des salafistes les plus radicaux, totalement absents du paysage il y a encore un an. Après les théâtrales prières du vendredi sur l’avenue Bourguiba, à Tunis, les intégristes ont haussé le ton avec un art consommé de la surenchère : agressions d’artistes, saccage du cinéma Afric’Art, attaque contre Nessma TV, blocage de la faculté de la Manouba, violences à Sejnane, destruction de bars, de dépôts d’alcool, de maisons closes mais aussi de symboles de l’État tels que des commissariats de police ou des écoles. Derniers faits d’armes en date, la terreur et les déprédations qu’ont subies, dans le Nord-Ouest, Jendouba, Le Kef, Ghardimaou et Dahmani les 26 et 27 mai. Une semaine auparavant, le même groupuscule, Ansar al-Charia, avait investi la place de la Grande Mosquée de Kairouan pour une mise en scène émaillée de discours haineux et d’appels au combat pour instaurer la charia et éradiquer tous les mécréants. Ces salafistes qui se donnent en spectacle et s’affichent dans les médias ne sont qu’une branche d’un mouvement fondamentaliste composite évoluant autour de quatre tendances: la Salafiya djihadiya, qui juge légitime l’usage de la violence pour imposer l’islam; la Salafiya ilmiya, qui veut assainir
l’idéologie islamique; la Daawa wat Tabligh, groupe dédié au prêche ; et le Takfir wal Hijra, en rupture totale avec une société jugée impie. Longue chemise afghane, calot sur la tête, barbe imposante,basketsNikeauxpieds,regardhargneux: les salafistes, s’ils offrent une image caricaturale, n’en sont pas moins une réalité. D’une moyenne d’âge de 27 ans, ils seraient environ 93 000 à faire partie du paysage de la Tunisie postrévolutionnaire. Ils s’entraînent dans des salles de sport, contrôlent plus de 400 des 2 000 mosquées du pays et emploient la force pour investir aussi bien les lieux de culte que les symboles de l’État civil, comme les universités. « Il n’en faut pas beaucoup pour faire un salafiste ; prenez un jeune chômeur d’une région déshéritée, entouré de vide culturel, déçu par les promesses non tenues, privé de vie personnelle et sans horizon. C’est le profil de l’apprenti salafiste, qui trouve un exutoire à sa colère dans l’embrigadement. Ce n’est pas par hasard que leurs rangs grossissent à vue d’œil; ils recrutent dans les régions les plus pauvres », explique le politologue Slaheddine Jourchi. « LES AUTRES ». Surpris et souvent dépassés, les Tunisiens tentent de réagir, s’organisent pour défendre aussi bien les mosquées de la mainmise extrémiste que les femmes non voilées. Modérée par nature, la population s’indigne surtout de la passivité du gouvernement, qui semble ainsi approuverlesdébordementsdesradicaux.Pourtant, l’État lui-même a été la cible des salafistes lors des accrochages de Rouhia, en mai 2011, et de Bir Ali Ben Khlifa, en février 2012. « Depuis la révolution libyenne, beaucoup d’intégristes sont armés; mais leur rêve d’un retour à l’islam des origines ne doit pas devenir le cauchemar du peuple. Il ne faut pas leur céder l’espace public et se cloîtrer », assène Sonia, militante du mouvement Kafa, qui s’oppose à l’escalade de la violence de ces extrémistes surnommés « les autres ». Ces « autres » ne sont pourtant pas des étrangers; certains, comme Saber Ragoubi, Imed Ben ● ● ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Maghreb Moyen-Orient nahy alal monkar (« Ordonner le bien et interdire le mal »), dirigée par Adel Elmi, un ancien marchand de légumes, qui, à partir des notions de halal et de haram (« licite » et « illicite »), s’érige en arbitre du vice et de la vertu. Cette milice qui ne dit pas son nom assure vouloir seulement convaincre les brebis galeuses de revenir dans le droit chemin, mais c’est aux cris d’« Allah Akbar » et en usant de menaces qu’Adel Elmi a obtenu la démission d’Iqbal Gharbi, administratrice, désignée par l’État, de la radio islamique Zitouna FM. Sa faute : être une femme. FETHI BELAID/AFP
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! SEIF ALLAH BEN HASSINE, ALIAS ABOU IYADH (à dr.), l’un des deux chefs du mouvement salafiste, le 20 mai, à Kairouan. ● ● ● Ameur ou Mohamed Bakhti, condamnés pour terrorisme dans l’affaire de Soliman, en 2006, ont bénéficié de l’amnistie des prisonniers politiques, en février 2011. D’autres sont revenus d’Europe ou du Moyen-Orient, parfois après avoir reçu un entraînement en Afghanistan ou en Libye. Deux hommes sont à la tête du mouvement. Le premier, un chef spirituel aveugle, le cheikh Khatib el-Idrissi, affirme que « si les salafistes voulaient intégrer la politique, ils gouverneraient déjà » et prédit, depuis le bourg de Sidi Ali Bou Aoun, la chute de l’Occident, ainsi que l’avènement d’un califat avec la renaissance de la nation musulmane, la Oumma. Le second, Seif Allah Ben Hassine, alias Abou Iyadh, est un stratège du djihad fiché pour sa proximité avec Al-Qaïda et mis en isolement sous Ben Ali. Tous deux veulent que « cette société soit conforme à la volonté de Dieu ». Alors que l’attention est focalisée sur les raids des plus radicaux, la mouvance salafiste est entrée en politique avec la création du parti Jabhat al-Islah (le « Front de la réforme »). Son président, Mohamed Khouja,soutientquedémocratie,pluralismeetislam sont compatibles. « Nous refusons la démocratie quand elle permet au peuple de faire des choix contraires à la religion. Pour nous, la démocratie existe tant qu’elle est limitée par la charia. » Plus inquiétante, l’association Al-Amr bil maarouf, wan
Quatre grands courants La Salafiya djihadiya juge légitime l’usage de la violence La Salafiya ilmiya souhaite purifier l’idéologie islamiste La Daawa wat Tabligh se consacre au prêche Le Takfir wal Hijra est en rupture totale avec une société jugée impie
NOUVEL ORDRE MORAL. Le projet des extrémistes
pour la Tunisie est succinct: bannir l’alcool, réduire le rôle des femmes, empêcher la création artistique et lutter contre l’Occident. Ils veulent instaurer un nouvel ordre moral pour nourrir deux mythes fondateurs: renouer avec le paradis perdu des débuts de la civilisation musulmane et déjouer le complot de l’Occident contre l’islam. Ce même Occident qui fut pourtant une de leurs terres d’asile quand ils fuyaient la répression de Ben Ali. Ce sont en outre des sympathisants résidant en Europe qui les financent en partie. Des liens solides ont également été tissés avec les pétromonarchies arabes, dont l’Arabie saoudite. « L’objectif de Riyad n’est pas tant de ralentir le processus de démocratisation que de disposer de relais pro-saoudiens en Tunisie pour défendre ses intérêts stratégiques dans la région », souligneSamirAmghar,spécialistedesmouvements islamistes. On retrouve aussi trace de salafistes tunisiens au cœur de la révolution syrienne, ainsi que dans des documents récemment découverts par les services de renseignements irakiens. Il y est question d’une restructuration d’Al-Qaïda à partir de la Tunisie, afin d’unifier ses positions dans le monde arabe et dans toute la région. Même si on imagine mal la Tunisie en fief djihadiste, il est certain que les salafistes « sont susceptibles de menacer le modèle de société tunisien. La violence de ce qu’ils prônent est en elle-même une souillure pour l’islam », déplore un imam. D’autres ont une tout autre lecture du phénomène: l’émergencedusalafismeseraitpresqueunelégende urbaine; sous couvert d’activisme religieux, de nouvelles mafias se seraient installées pour contrôler, entre autres, les réseaux clandestins… de vente d’alcool, si celui-ci venait à être interdit. ●
À QUOI JOUE ENNAHDHA ? ALORS QU’ALI LARAYEDH, ministre de l’Intérieur, déclare que « la sécurité desTunisiens n’est pas négociable », les excès salafistes gênent et divisent le gouvernement dirigé par Ennahdha. « Ce sont nos enfants », minimise Rached Ghannouchi, chef spirituel du parti, qui renchérit par un tonitruant « nous sommes tous salafistes » et fustige « les minorités qui cherchent à perturber le processus de la révolution », sans jamais désigner explicitement les salafistes. Noureddine Khadmi, ministre des Affaires N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
religieuses, propose la concertation: « Dieu a débattu avec Satan, pourquoi ne pourrions-nous pas dialoguer avec les salafistes? » Pour Chérif Ferjani, professeur de sciences politiques, « Ennahdha cherche à diviser les salafistes pour intégrer les plus modérés ». Lotfi Zitoun, ministre des Affaires politiques, confirme ce diagnostic: « Ils sont 93000. Si on les pourchasse, ils deviendront 100000 en un rien de temps. Il vaut mieux les orienter vers des partis. Il ne resterait que les plus extrémistes à contrôler. » ● F.D. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
L’exception tunisienne… malgré tout
DR
D WILLIAM LAWRENCE Directeur du projet Afrique du Nord pour l’International Crisis Group (ICG)
ANS UN CONTEXTE ARABE marqué par des transitions bâclées ou sanglantes, la Tunisie fait encore figure d’exception. En janvier 2011, dans le cadre d’un consensus assez large et dans un calme relatif, le peuple tunisien a renversé le régime corrompu et répressif de Zine el-Abidine Ben Ali. Les signes de progrès sont réels. Des élections pour une Assemblée nationale constituante – le premier scrutin véritablement démocratique depuis l’indépendance du pays, en 1956 – se sont tenues en octobre 2011, et une société civile indépendante est en germe. Médias, mouvements associatifs et syndicaux, organisations politiques : tous participent au processus démocratique. Si les élections ont débouché sur des symboles forts – le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a été prisonnier politique pendant quinze ans, et le président de la République, Moncef Marzouki, a vécu de longues années en exil –, des indices inquiétants demeurent. L’élection de la Constituante ne s’est pour le moment pas accompagnée d’une stabilité permettant un retour à la vie normale. La sécurité reste fragile et des efforts sur le long terme seront nécessaires pour se défaire du passé.
Les différents gouvernements transitoires, y compris celui de l’actuel Premier ministre, ont prôné une approche modérée vis-à-vis des membres de l’ancien régime. Si des procès contre certains d’entre eux se sont tenus et si des commissions indépendantes ont conduit des enquêtes sur la corruption et les exactions du passé, la chasse aux sorcières a été évitée. Mais la lenteur du processus est un handicap. Depuis le soulèvement, la demande de justice et de lutte contre l’impunité est devenue une revendication de première importance. Les familles des victimes exigent des compensations morales et financières. Elles craignent que l’impunité, sous couvert d’une improbable réconciliation nationale, ne soit désormais de mise. Aujourd’hui en Tunisie, la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit surtout être perçue comme telle. Or le système judiciaire peine à se réformer et demeure incapable de satisfaire les demandes grandissantes des victimes du passé. La magistrature manque de moyens, techniques et financiers, pour faire face aux défis du présent. Le système semble désorganisé et manque de cohésion. Une vision commune et unifiée d’une justice JEUNE AFRIQUE
transitionnelle apte à satisfaire les droits des victimes et, en même temps, à dépasser les rancœurs du passé fait cruellement défaut. L’insatisfaction des victimes de la répression, combinée à la situation économique dégradée des régions d’où ces dernières sont souvent issues, pourrait renforcer leur sentiment de marginalisation. Les rancœurs envers l’État central risquent d’entraver le retour à la stabilité et à la sécurité, lesquelles sont essentielles pour que s ’enracinent les nouveaux acquis démocratiques. La sécurité reste précaire dans les régions centrales et du Sud-Ouest, berceau de l’insurrection, où les forces de l’ordre sont en grande partie absentes. Une absence qui accroît l’insécurité et les rancœurs contre la police, laquelle se trouve ainsi confortée dans sa décision de rester en retrait. Dans d’autres cas, les forces de sécurité, déconnectées du public et sous le feu des critiques, aggravent le climat, déjà tendu, avec des dérapages violents. Des troubles réguliers, dont les origines peuvent être à la fois sociales, claniques, mafieuses ou liées à de nouvelles formes d’extrémisme religieux, viennent ternir l’image d’une transition plutôt pacifique. Le retour de la sécurité exige que les forces de police bénéficient d’une certaine confiance de la part de la population et, pour cela, que le ministère de l’Intérieur opère sa réforme interne. Les soupçons quant à la loyauté d’une partie des forces armées, l’héritage des années noires de dictature et de répression et la méfiance vis-à-vis des forces de police restent pour l’instant de mise. À mesure que l’état de grâce s’achève, le consensus qui a permis la transition pourrait s’estomper. Les divisions – entre régions périphériques et centre, entre les Tunisiens d’affiliation islamiste et les proches du courant laïc, entre forces de l’ordre et société civile, entre héritiers de l’ancien régime et défenseurs du nouvel ordre – restent prégnantes. Cependant, contrairement à ce que vivent d’autres pays arabes, la Tunisie a pu établir certaines règles démocratiques. La tâche délicate du gouvernement sera néanmoins de concilier par la voie du dialogue et du compromis ce qui semble pour l’instant irréconciliable. La communauté internationale pourrait jouer un rôle salutaire en soutenant les efforts de lutte contre la corruption et l’impunité au cours de cette transition. ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Maghreb Moyen-Orient MAROC
Le cas Christopher Ross
Jugeant sa méthode « déséquilibrée et partiale », le royaume retire sa confiance à l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental.
C
hristopher Ross ne retournera pas au Sahara occidental. Ni à Tindouf. Trois ans après sa nomination comme envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, le diplomate américain ne remettra pas le pied dans le territoire vaste de quelque 260 000 km2 que se disputent le Maroc et le Front Polisario depuis 1976. Ross a même perdu tout espoir de se rendre sur le terrain avant la fin de sa mission depuis que celle-ci a été écourtée par le coup d’éclat de Rabat. Le 17 mai, un communiqué du ministère des Affaires étrangères a annoncé que le Maroc retirait sa confiance à l’émissaire onusien, pointant, de sa part, une « méthode déséquilibrée et partiale ». Sans détailler les raisons de ce désaveu, le communiqué de la diplomatie marocaine mettait en avant « les comportements contrastés de M. Ross [qui] s’écartent des grandes lignes tracées par les négociations au Conseil de sécurité ». COUP DE SANG. Dès cette annonce,
La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton l’aurait apparemment fait comprendre à son homologue Saadeddine El Othmani, en marge de la réunion du groupe des « Amis de la Syrie », le 6 juin, à Istanbul. Surtout que cette décision est intervenue moins d’un mois après la résolution prolongeant d’une année le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Première conséquence du retrait de confiance, un porte-parole onusien a indiqué, le 18 mai, que Ross « ne prévoyait pas de voyage [dans la région du Sahara] ». Un revirement par rapport au dernier rapport du secrétaire général sur la situation au Sahara occidental, daté du 5 avril, mais publié dans sa troisième (et dernière) version le 17 du même mois, qui évoquait une visite au Sahara de l’émissaire onusien « en mai ». DROITS DE L’HOMME. Ce rapport onu-
sien soulignait les difficultés auxquelles s’est heurté son personnel pour rencontrer des Sahraouis. Un vieux sujet de contentieux entre le Maroc et la Minurso, cette dernière restant habituellement discrète sur le sujet. En fait, la pression montait depuis la précédente résolu-
les communiqués des partis politiques et d’autres associations ont commencé à pleuvoir sur le fil de dépêches de la MAP, l’agence de presse officielle, pour dénoncer la partialité de l’envoyé spécial de Ban Ki-moon et exiger son remplacement. Loin Rabat ne veut pas d’une « solution de cette fièvre patriotique, imposée aux parties », comme à New York, siège de l’inson le lui avait proposé en 2003. titution, le porte-parole de l’ONU, Martin Nesirky, indique que le secrétaire général maintion (no 1979) de l’ONU. En avril 2011, le tient « toute sa confiance à Christopher Conseil de sécurité avait alors demandé Ross ». Mais le blocage est réel, alors que Ban Ki-moon le tienne informé des que dans les pays réunis au sein du obstacles rencontrés, quelques mois groupe des « Amis du Sahara occidental » après les affrontements meurtriers de (États-Unis, France, Espagne, Russie et Gdim Izik, en novembre 2010. À cette Royaume-Uni) on s’interroge sur les occasion, des membres du Conseil raisons de ce coup de sang de Rabat. En (Afrique du Sud, mais aussi Royaumeretirant sa « confiance » à l’envoyé spécial Uni) avaient même fait pression pour que du secrétaire général, le Maroc a pris le le mandat de la Minurso soit étendu à la risque de se mettre à dos l’administration surveillance des droits de l’homme, une de l’ONU et de susciter l’incompréhendemande récurrente du Polisario. La vive sion des États-Unis, un allié précieux. opposition de la diplomatie française N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
avait finalement convaincu le secrétaire général de renoncer à cette extension de mandat. Dans le cadre du présent rapport, Hany Abdelaziz, représentant spécial du secrétaire général et chef de la mission onusienne à Laayoune, a décrit les conditions de travail de la Minurso en pointant les blocages, notamment les positions irréconciliables des deux parties. La première version du rapport, qui a circulé début avril dans les couloirs du bâtiment des Nations unies à New York, semblait globalement sévère à l’égard du Maroc. Y étaient évoqués la « surveillance policière » et le « contrôle minutieux des mouvements » des personnels de la Minurso. Des reproches directs adressés aux autorités marocaines, s’ajoutant au projet de Christopher Ross de créer deux groupes de contact : le premier constitué de Sahraouis, le second comprenant des « sages » maghrébins. Ces deux idées, présentées comme des solutions, n’ont jamais convaincu la partie marocaine. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
AFP
! CHRISTOPHER ROSS arrivant à Tindouf entouré de membres du Polisario, le 22 février 2009.
Si le contenu du rapport était connu des Marocains bien avant son adoption, l’attention a été tournée entièrement vers la résolution du Conseil de sécurité adoptée le 24 avril. Décision routinière, elle reste formellement contraignante, et Rabat est sensible à toute surprise, notamment sur la question des droits de l’homme. Le Maroc ne veut pas d’une « solution imposée aux parties », comme l’avait proposé James Baker, l’un des prédécesseurs de Christopher Ross, en 2003. La diplomatie marocaine a peutêtre sous-estimé la tonalité négative du rapport du secrétaire général. En tout cas, elle a reporté sa réaction. C’est ce qui explique la surprise de tous les autres intervenants : Ban Ki-moon, les diplomaties américaine et française. ET MAINTENANT? Le « désaveu » marocain du 17 mai n’en a paru que plus surprenant.EnretirantsaconfianceàChristopher Ross, Rabat s’est donné le temps de l’action. En off, une source gouvernementale JEUNE AFRIQUE
explique que le Maroc a agi à dessein juste après la prolongation du mandat pour un an: « Nous aurons ainsi le temps de rebâtir une nouvelle approche avec le prochain envoyé spécial et de mettre à plat tous les différends. » Reste à savoir si les Marocains ont bluffé pendant de longs mois. Peu probable. Les relations étaient encore
au beau fixe en mars lors de la neuvième rencontre informelle, sous la supervision de Ross, et leur « attitude constructive » avait été soulignée. Les hésitations de la diplomatie marocaine sont en revanche avérées par divers échanges. Alors que Ross préparait sa visite sur le terrain, au début du printemps, Rabat continuait d’avoir des contacts avec ce dernier, lequel a même reçu des assurances de la part du nouveau ministre, Saadeddine El Othmani, quant à sa liberté totale de rencontrer qui il souhaitait, y compris des indépendantistes. Au même moment, un haut cadre du ministère tenait un langage différent à une chancellerie amie. Bref, les intervenants dans ce dossier n’avaient pas tous les mêmes informations. Pour le journaliste Ali Anouzla, directeurdelapublication du sited’information lakome.cometbonconnaisseurdudossier du Sahara, « il semblerait que le Maroc ait été un peu vite en besogne en retirant sa confiance à Ross, l’accusant de partialité, sans en apporter la preuve irréfutable ». Selon lui, la volonté d’élargir le mandat de la Minurso aux droits de l’homme ne constitue pas en soi une pièce à charge suffisante contre Ross: « Le refus du Maroc laisse croire qu’il a quelque chose à cacher sur les droits de l’homme, alors que tout le discours officiel de Rabat et sa réputation internationale sont construits sur cette question », rappelle-t-il. Côté marocain, la position est claire : pas de surveillance des droits de l’homme à Laayoune sans un mécanisme similaire à Tindouf. ● YOUSSEF AÏT AKDIM
TERRORISME : LIAISONS DANGEREUSES POLISARIO-AQMI ? LA DIPLOMATIE MAROCAINE estime que ses inquiétudes ne sont pas suffisamment relayées par la Minurso. Le 23 octobre 2011, l’enlèvement de trois humanitaires (deux Espagnols et une Italienne) travaillant dans les camps de réfugiés sahraouis du sud de l’Algérie, à Rabouni, ont ravivé les craintes de Rabat. Le gouvernement marocain met en garde depuis des années contre le risque islamiste, pointant des complicités entre le Polisario et des groupes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dans le cadre de la contrebande d’armes, de drogue et de cigarettes. Des accusations sans cesse relayées par la presse marocaine, sans grand retentissement à l’international. Avec l’instabilité grandissante au nord de la Mauritanie et – surtout – au Mali, les diplomates marocains espèrent trouver une oreille plus attentive tant auprès des membres du Conseil de sécurité de l’ONU que parmi les pays de la région, Algérie en tête. ● Y.A.A. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Maghreb Moyen-Orient CONSEIL DE COOPÉRATION DU GOLFE
Enfin l’union politique? Les six États membres du CCG pourraient se regrouper dans une confédération pour faire face plus efficacement aux dangers qui les menacent et préparer l’avenir.
S
ous l’impulsion du monarque saoudien, le roi Abdallah Ibn Abdelaziz, les six États membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) envisagent de resserrer leurs liens. Un des projets à l’ordre du jour est de transformer l’ensemble régional qu’est le CCG depuis sa création, en mai 1981, en une forme de confédération ou d’union politique. Ce sujet complexe et hautement controversé doit être débattu au plus haut niveau à l’occasion de la réunion du conseil suprême du CCG en décembre prochain, à Riyad. Entre-temps, les six gouvernements accorderont une attention toute particulière à un rapport sur la question préparé par un comité d’experts. Restequelesobjectionsàuneunionsont aisément compréhensibles. Chaque État est clairement soucieux de conserver le contrôle de ses finances, ainsi que celui de sa politique extérieure et intérieure, et n’est guère prêt à céder une partie de sa souveraineté. Les projets antérieurs de création d’une monnaie unique et d’une union douanière n’ont jamais vu le jour. Ils ont été mis entre parenthèses, sans être totalement abandonnés. De toute évidence, on a estimé que le temps n’était pas encore venu. Mais aujourd’hui, l’intégration politique revient sur le devant de la scène. L’ambitieux projet de confédération devait être débattu le 14 mai, lors de la dernière réunion du CCG à Riyad. Mais si l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Qatar et le Koweït étaient représentés chacun par son chef d’État, Oman et les Émirats arabes unis ont choisi d’envoyer des délégués, respectivement le vice-Premier ministre et le vice-président (et Premier ministre). À tort ou à raison, des observateurs ont cru voir dans ce choix la volonté des deux pays de différer les discussions sur le projet d’union, voire de les supprimer de l’ordre du jour. GRANDE INCERTITUDE. Quelles sont les
raisons qui poussent le CCG à envisager l’union ? Quelle est la motivation qui se cache derrière ce projet ? À l’évidence, la conscience que la région est entrée dans N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
une période de grande incertitude et potentiellement dangereuse. Aux yeux des partisans de l’intégration politique – le roi saoudien au premier chef –, l’union donnerait aux pays du Golfe plus de poids sur la scène internationale, ce qui renforcerait leur capacité à se défendre et à préserver leurs intérêts dans un monde hostile. Le danger le plus immédiat pour les riches États du Golfe pourrait bien se trouver à
substantielle de la population lutte pour survivre avec moins de 2 dollars par jour. Par contraste, le revenu moyen par tête des pays du CCG était de 23 317 dollars en 2010, soit près de 64 dollars par jour, pour un PIB cumulé de plus de 1 000 milliards de dollars. LASSITUDE AMÉRICAINE. Cette énorme
disparité entre riches et pauvres dans le monde arabe est potentiellement la source d’un grand danger. Si une bonne partie de la région sombre dans un chaos postrévolutionnaire et dans la violence, le Golfe n’échappera pas aux contrecoups. Ses États membres aident déjà individuellement leurs voisins arabes plus modestes avec des programmes bilatéraux. Mais il est peut-être temps pour le CCG dans son ensemble de mettre en place une banque arabe pour la reconstruction et le développement consacrée au sauvetage des économies les plus fragiles, sur le modèle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), qui aida à réanimer l’Europe de l’Est et même la Russie après la chute du communisme et la dissolution de l’empire soviétique. L’autre danger potentiel pour les pays du Golfe réside dans l’évolution de la politique amé! Arrivée à Riyad de la délégation émiratie ricaine. Les États-Unis donnent conduite par CHEIKH MOHAMED IBN RACHID des signes de lassitude face aux AL MAKTOUM (en bas à dr.), le 14 mai. conflits qui agitent le Moyenl’intérieur même du monde arabe. Les Orient, ce qui explique qu’ils rechignent soulèvements de l’année passée ont causé à intervenir militairement en Syrie. Ils se de sérieux dommages à plusieurs écotournent de plus en plus vers l’Asie et le nomies de la région, notamment celles Pacifique afin de contenir les ambitions de de l’Égypte et du Yémen. La Tunisie a vu la Chine. En conséquence, il serait peutses revenus issus du tourisme s’effondrer. être mal avisé pour les pays du Golfe de La Syrie est en proie à une guerre civile continuer à s’en remettre outre mesure dévastatrice. La Jordanie n’a pas connu au bouclier américain. de soulèvement, mais elle a un besoin La priorité de Washington pour l’heure impérieux d’aide. La pauvreté et la surpoest de protéger Israël, pas les Arabes. La pulation sont les principaux problèmes raison en est simple ; alors qu’Israël et de la plupart de ces pays, où une part ses amis américains pèsent grandement HASSAN AMMAR/AP/SIPA
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JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient UNE PUISSANCE EN DEVENIR Koweït
109,4
Arabie saoudite
Golfe Persique
2,7
434,67
Bahreïn
20,6 1,2
Qatar
98,31 1,7
Émirats arabes unis
297,6
Oman
46,8
Mer Rouge
27,4 7,5
2,7 Mer d'Oman
PIB total : 1 007,31 Population totale : 43,2 PIB par habitant : 23 317 $
PIB en milliards de dollars
Population en millions
SOURCE : BANQUE MONDIALE (2010)
sur les choix de la Maison Blanche, l’influence arabe, elle, décline à mesure que les États-Unis deviennent de moins en moins dépendants des hydrocarbures de la région. La production croissante de pétrole au Brésil, au Canada et à l’intérieur même des États-Unis a modifié la perception qu’ont les Américains de leurs intérêts. Les Arabes ne doivent pas être surpris si, dans les années à venir, les États-Unis réduisent leur présence militaire dans le Golfe. Même aujourd’hui, si quelque chose de tel que la crise du Koweït dans les années 1990
se produisait, les États-Unis seraientils prêts à déployer 500 000 hommes ? Après les guerres coûteuses en Irak et en Afghanistan – et dans le difficile climat financier actuel –, les alliés européens n’auront ni la volonté ni les moyens d’intervenir pour protéger un État du Golfe en péril comme ils l’ont fait en 1991. INSTABILITÉ RÉGIONALE. Aussi long-
temps que la question palestinienne ne sera pas résolue, Israël restera une menace majeure pour tous les États arabes, y compris ceux du Golfe. La
politique actuelle de l’État hébreu consiste à coloniser la Cisjordanie et à refuser aux Palestiniens l’indépendance, tout en conservant et en renforçant sa domination militaire sur toute la région. En vue d’atteindre ce dernier objectif, Israël et ses amis américains néoconservateurs ont poussé les ÉtatsUnis à envahir et à détruire l’Irak, un pays que Tel-Aviv considérait comme un danger en puissance. Israël pousse aujourd’hui l’Amérique à affaiblir et à détruire l’Iran, ainsi que son programme nucléaire, qu’il voit comme une menace potentielle contre son monopole régional des armes atomiques. Or toute attaque militaire d’Israël ou des États-Unis contre l’Iran pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le Golfe, car il se retrouverait dans la ligne de tir. Plutôt que de le redouter, les Arabes devraient se réjouir d’un éventuel accord entre Washington et Téhéran sur le nucléaire, puisqu’il ferait disparaître la menace d’une attaque israélienne. Ce sont là seulement quelques-uns des dangers auxquels les pays du Golfe doivent faire face. La guerre civile de plus en plus destructrice en Syrie, l’aggravation des tensions entre sunnites et chiites, la montée en puissance des Frères musulmans dans la région sont autant de sources d’instabilité qui pourraient affecter la sécurité des États du Golfe. Face à ces formidables défis, le roi Abdallah Ibn Abdelaziz est certainement fondé à penser que les membres du CCG doivent renforcer leurs liens, mettre en commun leurs ressources, coordonner leurs stratégies, rationaliser leur aide en faveur des pays arabes en faillite et améliorer l’efficacité conjointe de leurs forces armées pour présenter au monde un visage fort et uni. ● PATRICK SEALE
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KHALED DESOUKI/AFP
! HAYTHAM MANNA (au centre), président du CNCCD à l’étranger, le 9 novembre 2011 au Caire.
SYRIE
L’autre opposition Concurrent du Conseil national syrien, le Comité national de coordination pour le changement démocratique refuse la lutte armée, toute intervention extérieure et la communautarisation. Mais il n’est guère entendu par la communauté internationale.
A
u-delà de sa supériorité militaire, la force du régime syrien tient dans sa assabiya, cette solidarité à toute épreuve qui soude toutes ses composantes en vue de sa survie.FaceàlacohésiondusystèmeAssad, c’est la fitna qui règne dans l’opposition, une mésentente qui mine son action et fait écho aux dissensions internationales sur la question syrienne. Pendant les premiers mois de la contestation,lesobservateursontdésespérément scrutélascènerévolutionnairepourytrouver une formation d’opposition représentative, comparable au Conseil national de transition libyen (CNT). Durant le printemps et l’été 2011, les rassemblements d’opposants se sont multipliés. En vain, jusqu’au2octobre2011,quandaétéofficiellement lancé à Istanbul le Conseil national syrien (CNS), dirigé par Burhan Ghalioun, un sociologue exilé en France. « Le CNS est le cadre qui réunit les forces de l’opposition et de la révolution pacifique. Il est le représentant de la révolution syrienne à l’intérieuretàl’extérieur»,déclarait-ilalors. Mais quatre jours plus tard, un autre groupe d’opposants, créé beaucoup plus
discrètement le 25 juin 2011 à Damas, annonçait la formation de son bureau exécutif : le Comité national de coordination pour le changement démocratique (CNCCD, 16 partis). « L’opposition nationale syrienne est constituée de deux parties, la plus importante se trouvant en Syrie [le CNCCD, NDLR], l’autre étant localisée à l’extérieur », déclarait un de ses membres,Abdelazizal-Kheir.Unequerelle de légitimité entre opposition en exil et opposition intérieure a ainsi vu le jour. Elle se doublait du reproche fait au CNS d’être sous l’influence des Frères musulmans, tandis que le CNCCD se voyait accusé de vouloir transiger avec le régime. LAÏQUE. Mais sur la scène internationale,
c’est le CNS qui a triomphé. Favorisée par la puissante Turquie, parrainée par le richissime Qatar et inlassablement présentée comme le seul interlocuteur légitime par Al-Jazira, la formation en exil est parvenue à occuper tout l’espace médiatique consacré à l’opposition. Le 1er avril, les « Amis de la Syrie » – et du CNS – reconnaissaient celui-ci comme « représentant légitime » des Syriens.
Pourtant, le 24 mai, Burhan Ghalioun a présenté sa démission de la présidence du CNS, trahissant la fragilité de la coalition et son impuissance à rassembler. « L’initiative des “Amis de la Syrie” n’a rien donné. Sur ces 72 pays, plus de 50 nous contactent maintenant parce qu’ils ne croientplusauCNS»,constateleprésident du CNCCD à l’étranger, Haytham Manna, navré que les Occidentaux aient demandé au CNCCD de se rallier au CNS plutôt que de s’unir en un congrès équitable. Des tentatives de rapprochement ont bien eu lieu. La plus prometteuse a abouti aux accords du Caire du 30 décembre 2011. Signés par Ghalioun et Manna, ils établissaient les principes consensuels de leur combat politique. Mais, quelques jours plus tard, plusieurs membres du CNS ont désapprouvé le document, marquant une nouvelle rupture. Face à l’aggravation de la situation en Syrie, les deux groupes en sont venus à s’opposer radicalement sur des points cruciaux. Quand le CNCCD est resté fermement attaché à sa devise des « trois non » – non aux armes, non à la communautarisation, non à l’intervention extérieure –, le CNS a apporté son soutien aux insurgés de l’Armée syrienne libre (ASL) et appelé à une action militaire étrangère. Et quand le CNS exige le départ immédiat d’Assad, le CNCCD refuse d’en faire un préalable incontournable aux négociations avec le régime. Laïque, le CNCCD soupçonne les Frères musulmansquidominentleCNSd’œuvrer pour un État islamique. « La révolution syrienne de 1925 avait postulé “la religion estàDieuetlanationestpourtous”,rappelle Manna. Sur la base de ce principe, notre groupe ne peut pas faire de concessions à des partis qui, bien qu’opposés au régime, veulent ostraciser par leur discours et leur programmeunebonnepartiedelapopulation, dont 30 % n’est pas sunnite. » Les plus radicauxduCNSreprochentauCNCCDde faire le jeu d’Assad. Manna accuse pour sa
Chronologie 15 mars 2011 Début de la contestation
6 octobre 2011 Formation du bureau exécutif du CNCCD
2 octobre 2011 Lancement du CNS à Istanbul
30 décembre 2011 Accords du Caire entre CNS et CNCCD. Avortés
N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
1er avril 2012 Les « Amis de la Syrie » reconnaissent le CNS comme « représentant légitime » des Syriens
12 avril 2012 Entrée en vigueur du cessez-le-feu dans le cadre du plan Annan
24 mai 2012 Démission de Burhan Ghalioun de la présidence du CNS
17 mai 2012 Échec du rassemblement de l’opposition au Caire
JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Le CNCCD reproche au CNS de recourir, comme le régime, à la désinformation. Enfin, pour le CNCCD, les doutes maintes fois exprimés par le CNS sur le plan de sortie de crise de Kofi Annan trahissent sa volonté de faire capoter cette initiative de la dernière chance. Fervent partisan de la solution politique, Manna appelle Annan « à convoquer une conférence internationale sur la Syrie, avec tous les États qui soutiennent et qui combattent Assad, toutes les factions syriennes, et à leur dire: “J’ai proposé un plan, et le faire échouer signifie que vous voulez autre chose: alors que voulez-vous?” » Et quand le CNCCD dit espérer des autorités russes qu’elles fassent pression sur le régime, le CNS l’accuse d’être inféodé à Moscou… Seul bénéficiaire de cette défiance, le pouvoir d’Assad. Pour le professeur Abou Diab, politologue et professeur à l’université Paris-Sud, « si le CNS et le CNCCD persistent dans leurs disputes, les insurgés de l’ASLvontprendreledestindelarévolution en main. Mais s’ils parviennent à s’unir, les manifestants leur redonneront confiance et ils deviendront une vraie force d’opposition efficace ». Le 17 mai, l’ensemble de l’opposition devait se retrouver au Caire. La tentative a une nouvelle fois avorté. CNS et CNCCD s’en sont à nouveau rejeté mutuellement la responsabilité. ●
! Théoricien du djihadisme, ABOU YAHYA AL-LIBI était le numéro deux d’Al-Qaïda.
AP/SIPA
part le CNS de se comporter dans l’opposition de la même manière que le régime. « Le despotisme est apparu au sein de l’opposition avec un CNS qui se veut seul représentant du peuple, et la corruption y entre avec l’argent du Golfe », assure-t-il. Autre blâme adressé par le CNCCD à certains membres du CNS, celui de recourir, comme le régime, à la désinformation. « Pour certains populistes, la guerre est une tricherie et il faut tricher pour gagner. Ils pensent qu’il est permis de manipuler, de faire de la propagande et d’utiliser les mêmes armes que le pouvoir pour le défaire », ajoute-t-il. Et de citer le cas du double attentat du 10 mai à Damas, instantanément attribué au régime par le CNS, et celui du massacre de Houla, le 25 mai, où le CNS s’est bien gardé de signaler que l’exécution de plusieurs habitants prorégime par des insurgés avait motivé les représailles de l’armée.
Maghreb & Moyen-Orient
TERRORISME LIBI REJOINT BEN LADEN AbouYahya al-Libi, de son vrai nom Mohamed Hassan Qaïd, 49 ans, a été tué, le 4 juin, par un drone américain, à Hesokhel, dans le Nord-Waziristan, région pakistanaise frontalière avec l’Afghanistan. Selon le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, « le coup est rude pourAl-Qaïda [dont Libi était le numéro deux, NDLR], car il sera dur à remplacer ». Diplômé en chimie, spécialiste des nouvelles technologies de l’information et, à ce titre,
ISRAËL SÉCURITÉ INTRUSIVE Selon trois citoyens américains qui se sont vu refuser l’entrée sur le territoire israélien, les services de sécurité de l’aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv réclament désormais des passagers portant un nom arabe, et ce quelle que soit leur nationalité,
patron de la propagande d’AlQaïda sur laToile, AbouYahya était considéré comme un théoricien du djihadisme. Il s’était illustré en juillet 2005 en s’évadant du bagne de Bagram, où il était en détention depuis l’invasion de l’Afghanistan par les alliés, en 2001. Sa tête avait été mise à prix pour 1 million de dollars. Un an après l’exécution d’Oussama Ben Laden, le président Obama continue de peaufiner ses arguments électoraux. ●
de leur donner accès à leurs comptes de courriels privés pour vérification. AL-MAYADEEN TOP DÉPART Une nouvelle chaîne d’information s’invite dans le paysage audiovisuel arabe. Basée à Beyrouth, Al-Mayadeen (« les places ») a pour slogan « la réalité comme elle est » et veut se faire une
place entre la saoudienne AlArabiya et la qatarie Al-Jazira. Ex-chef du bureau de cette dernière à Beyrouth, leTunisien Ghassan Ben Jeddo dirigera la chaîne. Il promet de ne recevoir aucun financement étatique, mais la rumeur prête à Al-Mayadeen des actionnaires de tout bord : Syrie, Qatar, Hezbollah, hommes d’affaires du Golfe.
Erratum Une erreur s’est glissée dans la légende de la photo montrant une manifestation conjointe du PJD marocain et de l’association Al Adl Wal Ihsane dans J.A. no 2682, page 46. Ledit rassemblement – où l’on aperçoit NadiaYassine – n’a pas eu lieu en 2000 mais le 3 juin 2010, devant l’aéroport de Casablanca, pour accueillir des militants pro-Palestiniens marocains qui se trouvaient à bord de la flottille attaquée par Israël le 31 mai.
LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Europe, Amériques, Asie
ROYAUME-UNI
Élisabeth
jubile Depuis son accession au trône, en 1952, elle a connu pas moins de douze Premiers ministres, de Winston Churchill à David Cameron. Portrait d’une légende vivante.
JOSÉPHINE DEDET
S
oixante ans qu’on ne voit qu’elle depuis la retransmission mondiale à la télévision de son sacre, hiératique jeune femme de 27 ans portant une couronne trop lourde pour son cou et ses épaules frêles. Soixante ans qu’on scrute, un brin moqueur, ses chapeaux extravagants et qu’on se demande ce qu’elle peut bien fourrer dans son éternel sac à main. Soixante ans qu’on la voit sillonner le monde, inaugurer des institutions, recevoir des chefs d’État, décorer des personnalités – 404 500 au total, car, dit-elle, « tout le monde aime être encouragé par une tape dans le dos ». Appliquée à la tâche, stoïque en toutes circonstances, qu’il fasse plus de 40° à l’ombre (elle ne transpire jamais) ou qu’un fou, déjouant les mesures de sécurité, se fraie un chemin jusque dans sa chambre à coucher, Sa Gracieuse Majesté, 86 ans, n’en finit pas de nous intriguer. Avant d’être cette digne vieille dame à jupes plissées, elle fut la petite Lilibet. La « plus grande fierté » de George VI, son père. Lorsque cet homme timide et bégayant est appelé à régner « par accident » après qu’Édouard VIII, son frère, a renoncé au trône pour épouser une roturière américaine deux fois divorcée, on commence à regarder la fillette de 10 ans d’un autre œil. « Il émane d’elle un air d’autorité et de sérieux étonnant chez un enfant de 2 ans », s’étonnait déjà Winston Churchill, pourtant peu enclin à s’extasier devant des chérubins. Une vingtaine d’années plus tard, devenu son Premier ministre, il se dira de nouveau frappé par l’attention que cette jeune femme porte aux affaires de l’État et par sa compétence. « De tous mes Premiers N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
EN 60 ANS DE RÈGNE
0
interview accordée à la presse
100
millions de téléspectateurs lors de la cérémonie de son couronnement, le 2 juin 1953
12
Premiers ministres, de Winston Churchill à David Cameron
261
visites officielles à l’étranger, dans 116 pays
54
pays du Commonwealth placés sous son autorité (symbolique), soit 2 milliards d’habitants
387
millions d’euros de fortune JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
AFP IMAGEFORUM
ministres, Winston fut le plus drôle », confiera de son côté la reine, qui partageait avec lui la passion des courses de chevaux et ordonna des funérailles nationales pour honorer la mémoire du héros de la Seconde Guerre mondiale.
JEUNE AFRIQUE
PREMIERS PAS DE PRINCESSE. Années 19391945. L’adolescente grandit dans les châteaux de Windsor, dans le Berkshire, et de Balmoral, dans la campagne écossaise, entre gouvernantes, poneys et chiens corgis, dont elle raffole, pendant que ses parents restés à Londres essuient courageusement les bombardements allemands. Élisabeth apprend le métier:coursdefrançais(qu’elleparlecouramment), de mathématiques (où elle ne brille guère), de droit constitutionnel (où elle excelle) et de mécanique (elle apprend à réparer des véhicules militaires). Elle fait ses premiers pas de princesse en présentant ses condoléances aux familles des grenadiers tués au combat. À 13 ans, elle s’éprend de Philip Mountbatten, son lointain cousin de cinq ans son aîné. Lorsqu’en 1946 il la demande en mariage, elle accepte sans consulter ses parents. C’est sa première décision d’importance. Elle a 20 ans. Quatreenfants(Charles,Anne,AndrewetEdward), dont les frasques feront par la suite les joies de la presse people, naissent de ! LORS DE SON cette union apparemment COURONNEMENT sans nuages. Encore que… À L’ABBAYE Interrogé en 1992 sur ce qu’il DE WESTMINSTER, pensait de sa vie, le prince le 2 juin 1953. Philip répondit tout à trac : Elle était reine depuis déjà « J’aurais bien mieux fait de un an. rester dans la Navy. » Mais faut-il accorder de l’importance aux saillies du duc d’Édimbourg, éminent spécialiste des blagues douteuses à l’adresse des Africains, Papouasiens, Jamaïcains, Chinois et autres Écossais ? Le quotidien The Independent en a d’ailleurs établi la malicieuse recension à l’occasion du jubilé de son épouse. Février 1947. Le premier voyage de la princesse Élisabeth la mène en Rhodésie et en Afrique du Sud, sur fond de fortes tensions politiques. George VI apporte un discret soutien au Premier ministre Jan Smuts, un Afrikaner éduqué au Royaume-Uni qui s’efforce d’améliorer les conditions de vie de la majorité noire. Ce dernier perd bientôt les élections face aux partisans de la ségrégation raciale. Élisabeth ne reviendra en Afrique du Sud qu’en 1995, alors que Nelson Mandela en est devenu le président. Une longue abstention qui marque son désaveu – implicite mais clair – de ce que fut l’apartheid. Février 1952. L’Afrique, encore. C’est au Kenya, où cette passionnée de vidéo filme des éléphants, qu’elle apprend le décès de son père. « Pâle et inquiète », comme l’écrit Sally Bedell Smith, l’une de ses biographes*, elle regagne Londres. « Son couronnement contribuera peut-être à mettre fin aux injustices dont sont victimes les femmes qui N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Europe, Amériques, Asie aspirent aux plus hautes fonctions », écrit Margaret Thatcher, qui n’est alors qu’une jeune pousse du Parti conservateur. S’ensuivra pour Élisabeth toute une vie consacrée à la fonction royale. La très croyante souveraine, qui prie à genoux tous les soirs devant son lit, considère sa mission comme un sacerdoce, excluant d’abdiquer un jour au profit de son fils Charles (63 ans aujourd’hui). Reine elle est, reine elle mourra, dût-elle atteindre pour cela, comme feu sa mère, l’âge de 101 ans. SAUVER LE COMMONWEALTH. Tous les jours, elle
épluche sa correspondance, prend connaissance des dépêches diplomatiques et des projets de loi. Une fois par semaine, elle reçoit le Premier ministre pour s’entretenir des affaires du moment. Elle en a connupasmoinsdedouze,conservateurs(Churchill, Thatcher, Major) ou travaillistes (Wilson, Blair). Tous ont apparemment apprécié leurs entretiens avec cette femme qui maîtrise à la perfection les arcanes du pouvoir sans jamais se départir de son calme ni sortir de son rôle constitutionnel. La reine n’approuve ni ne désapprouve aucune mesure gouvernementale.Toutauplusdevine-t-onqu’ellejugea peu judicieuse l’intervention franco-britannique à Suez (1956). Elle apporta en revanche un soutien appuyé à la guerre des Malouines contre l’Argentine (1982) en envoyant son fils Andrew au combat. L’importance qu’elle attache au Commonwealth est, elle, pleinement assumée. Très soucieuse de maintenir sa cohésion, elle réussit à nouer au fil des années d’étroites relations avec les chefs d’État des pays membres, notamment africains. À l’occasion, elle contribua à apaiser les tensions suscitées par ses Premiers ministres, comme à l’époque où Edward Heath et Margaret Thatcher s’obstinaient, l’un à vendre des armes, l’autre à ne pas imposer de sanctions à l’Afrique du Sud ségrégationniste, au risque de voir certains pays africains claquer la porte de l’organisation. « Sans le leadership de la reine et son exemple, beaucoup d’entre nous seraient partis », confirme Kenneth Kaunda, le premier président de la Zambie indépendante, qui, avec Nelson Mandela, est le seul dirigeant au monde à l’appeler par son prénom. Cettemèreabsenteetlointaine(à encroiresonfils Charles, qui s’en plaignit amèrement), cette femme qui ne montre jamais ses émotions en public et manifeste en toutes circonstances une prudence de Sioux n’hésite pas à jouer de sa féminité à des fins diplomatiques. En 1961, persuadée qu’il ne faut pas laisserlechamplibreàl’UnionsoviétiqueenAfrique (on est alors en pleine guerre froide), elle passe outre à l’avis de ses conseillers et se rend au Ghana pour dissuader le président Kwame Nkrumah de s’allier avec Moscou et de sortir du Commonwealth. Elle le charme en valsant avec lui lors d’un bal. On la verra se trémousser sur une piste de danse, de manière plus enthousiaste, en 1996, lors de la visite de Mandela au Royaume-Uni. « Elle est devenue la N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
HERITAGE IMAGES/LEEMAGE
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! AVEC LE PRÉSIDENT GHANÉEN
KWAME NKRUMAH, lors d‘un grand bal à Accra, en 1961.
psychothérapeute du Commonwealth », plaisante le prince Philip. Fine mouche, la reine ? Yes, indeed ! « Lors de notre premier entretien hebdomadaire, elle m’a posé une question sur la balance des paiements. Incapable de lui répondre de manière précise, je me suis senti comme un écolier qui n’a pas appris sa leçon », raconta un jour Harold Wilson. « Dans une autre vie, elle aurait pu être une femme politique ou une diplomate de premier plan. Elle est devenue les deux », confirme Bill Clinton. « Elle aurait été un exceptionnel entraîneur de yearling », renchérit un spécialiste du monde hippique. « On met longtemps à la connaître vraiment », résume l’un de ses proches. COMME UN YACK. En privé, Sa Majesté est plutôt
* Elizabeth the Queen. The Life of a Modern Monarch, de Sally Bedell Smith, éd. Random House, 2012, 688 pages, 21,50 euros
unefemmepratique,plusterriennequ’intellectuelle (elle lit assez peu, surtout des romans historiques). Mais elle pratique ce délicieux humour qui a fait la réputation de l’Angleterre et parle comme une Italienne, en bougeant les mains. Intrépide, elle monte encore à cheval, sans bombe sur la tête, et n’attache jamais sa ceinture de sécurité quand elle conduit, trop vite, dans sa propriété de Balmoral. Malgré quelques controverses touchant à la vie privée de ses enfants et au train de vie de sa famille, elle n’a jamais cessé d’être populaire. « Elle a deux atouts majeurs, confie l’un de ses proches. Un, elle dort très bien ; deux, elle a de très bonnes jambes et peut rester debout longtemps : elle est costaude comme un yack. » Surtout, Élisabeth a su tenir les médias à distance, entretenant avec métier un mystère peut-être un brin factice mais qui forge une légende. ● JEUNE AFRIQUE
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Les arroseurs… Deux faits divers mettant en cause l’un un Britannique, l’autre un Russe provoquent une déferlante de xénophobie.
L
iste de tous les étrangers en main, l’officier de police frappe de porte en porte. Trois mois durant, il va devoir contrôler un à un tous les résidents du quartier dont il a la charge. Numéros de passeport, validité du visa et du contrat de travail… Tout est passé au peigne fin. Et tant pis pour les contrevenants : ils auront une semaine pour faire leurs bagages. Bien sûr, certains tentent d’échapper aux investigations policières, mais un standard téléphonique a été mis en place par la mairie de Pékin. Il
Objectif de la campagne des cent jours ? Expulser tous les étrangers en situation irrégulière. permet de dénoncer toute personne en situation irrégulière. Cette « campagne des cent jours » n’a rien de fortuit. Elle est l’illustration de ce qu’il faut bien appeler une flambée de xénophobie. « VIREZ CES ORDURES ! » Il y a d’abord eu l’expulsion, début mai, de l’Américaine Melissa Chan, la correspondante d’AlJazira à Pékin, dont le visa a été annulé. C’est la première journaliste étrangère expulsée depuis quatorze ans. Une semaine plus tard, deux vidéos postées sur les réseaux inter! DANS UNE RUE net ont provoqué un DE PÉKIN, déferlement de haine en février : raciste. La première des visages montre un jeune venus Britannique passabled’ailleurs… ment éméché en train de violer une jeune femme en pleine rue, avant d’être tabassé par des passants et laissé pour mort. La seconde, un violoniste russe insultant grossièrement une vieille dame dans un train. Le malotru a été licencié par son employeur, l’orchestre symphonique de Pékin, et prié de quitter le pays au plus vite. Jusque-là, rien de vraiment scandaleux. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
ED JONES/AFP
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JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie Ce qui l’est davantage, c’est le ton des commentaires suscités sur internet par ces incidents. Célèbre présentateur de la chaîne publique CCTV, Yang Rui dérape, par exemple, sur son microblog : « Le ministère de la Sécurité publique, écrit-il, doit virer ces ordures d’étrangers », qu’il accuse de s’adonner à des activités aussi répréhensibles que « la traite des êtres humains » ou « l’espionnage ». Évoquant le cas de Melissa Chan, il s’enflamme : « Nous avons expulsé cette pute et fermé le bureau d’Al-Jazira. Faisons taire tous les dénigreurs de la Chine, et virons-les! » Yang Rui sera ultérieurement prié de présenter des excuses. Ce dont il s’acquittera sans beaucoup de conviction. Cette campagne contre les sanspapiers ne vise-t-elle pas aussi à faire oublier les divers scandales de corruption dont la Chine est actuellement le théâtre ? Mieux vaut sans doute parler de Melissa Chan que de Bo Xilai, l’ancien chef du Parti communiste de Chongqing accusé de détournement de fonds, et de son épouse, soupçonnée du meurtre d’un ressortissant britannique. Pour sauver la face, rien de tel que de faire vibrer la fibre nationaliste. Ce n’est certes pas la première fois que les autorités auraient
recours à ce stratagème. Sans remonter jusqu’à la révolte des Boxers (1900) ou à la Révolution culturelle (1966-1976), on se souvient qu’en 2008 le passage mouvementé de la flamme olympique à Paris fut suivi, en Chine, par de virulentes manifestations anti-Français… GUERRES DE L’OPIUM. « C’est un pays
qui peut très vite devenir xénophobe, explique James McGregor, consultant en communication et ancien président de la Chambre de commerce sino-américaine. Les guerres de l’opium, par exemple, sont très largement abordées dans les
%
Un banal accident de la circulation dans le centre de la capitale révèle la profondeur du ressentiment anti-Chinois.
JEUNE AFRIQUE
120 000
C’est la proportion des étrangers rapportée à l'ensemble de la population (11 % en France)
… arrosés
S
SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin
L'immigration sur le territoire de la Chine populaire
SINGAPOUR
ingapour, le 12 mai. Au volant de sa Ferrari, un jeune Chinois percute à plus de 200 km/h un taxi en plein centre-ville. Bilan : trois morts. Très vite, la vidéo de l’accident déchaîne les passions anti-Chinois. Et la publication d’un éloge funèbre du chauffard dans le Straits Times, le quotidien d’État aussitôt rebaptisé par certains « Prostitute Times », n’arrange évidemment pas les choses. Une demipage pour ce fu er dai (« enfant gâté de la seconde génération ») – il était le fils d’un riche investisseur chinois – et pas un mot pour ses victimes… Trop c’est trop. Les cinq millions de Singapouriens manifestent bruyamment l’exaspération que leur inspire le favoritisme du gouvernement à l’égard des expatriés chinois.
programmes scolaires, ce qui contribue à donner une image négative des étrangers. » Un récent sondage sur internet montre d’ailleurs une large adhésion de la population : 94,3 % des personnes interrogées se déclarent favorables au renforcement des contrôles visant ceux que l’on appelle ici les san fei – littéralement, les « trois illégalités » : revenu, résidence et visa. Du coup, le comportement des expatriés est devenu l’un des sujets les plus débattus sur le Net. Loin devant l’affaire Bo Xilai. ●
Très vite, les internautes hongkongais, en lutte eux aussi contre l’« invasion des criquets », autrement dit, les Chinois du continent, leur apportent leur soutien. Eux-mêmes sont excédés par l’engorgement des maternités, où accouchent chaque année des milliers de Chinoises contournant la loi de l’enfant unique, par la hausse des prix de l’immobilier et par la grossièreté des continentaux, aux antipodes des valeurs culturelles de l’ex-enclave britannique. FAVORITISME. Mais, à Singapour, le res-
sentiment est encore bien plus profond, car c’est toute la politique d’immigration du gouvernement visant à attirer capitaux et talents étrangers qui est remise en question. Sur cette île de 640 km2
C’est le nombre des étrangers à Pékin (sur 18 millions d’habitants)
20 000
C’est celui des immigrés en situation irrégulière, en 2011, dans l’ensemble du pays
qui est le troisième pays le plus riche du monde, les travailleurs étrangers représentent 25 % de la population. Beaucoup trop, selon les insulaires, qui dénoncent l’injustice du système des bourses d’études, systématiquement attribuées aux étrangers (Chinois et Indiens en tête), l’exemption du service militaire dont ces derniers bénéficient et la préférence que leur manifestent les employeurs.
Attirer talents et capitaux étrangers à coups de passe-droits ? L’opération n’est pas sans risque. P o u r d é s a m o rc e r l a g ro g n e, Kasiviswanathan Shanmugam, le ministre des Affaires étrangères, a finalement assisté aux funérailles du chauffeur de taxi et promis de pourvoir à l’éducation de sa fille. Trop tard. Lors de l’élection partielle de Hougang, le 25 mai, le candidat du pouvoir a été battu. ● JULIETTE MORILLOT N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Pacôme Yawovi Adjourouvi En terrain conquis Cet avocat pénaliste est le premier adjoint au maire d’Évry, au sud-est de Paris. Une étape qui fera peut-être de lui, un jour, le premier magistrat de cette ville.
I
L A LA COTE, Pacôme Yawovi Adjourouvi. Lorsque Francis Chouat, nouveau maire d’Évry, a annoncé ce dimanche 3 juin qu’il devenait son premier adjoint, l’applaudimètre s’est emballé, couvrant en partie l’exposé des raisons de ce choix. « Il est important de montrer par des actes, tentait alors d’expliquer l’édile, que la République sait reconnaître le mérite et promouvoir la diversité. Pacôme incarne la promesse républicaine suivant laquelle le rêve français n’est pas une chimère. » Ce sont peu ou prou les propos que tenait l’intéressé, deux jours plus tôt, dans le hall d’un hôtel où il nous recevait, l’œil rivé sur un portable qui ne cessait de vibrer. Issu de la diversité, donc, avec un parcours personnel de docteur en droit et d’avocat installé à Évry. Mais ce
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natif de Noépé (à 20 km de Lomé) arrivé en France à l’âge de 18 ans pense aussi devoir sa promotion à l’amitié qui le lie à « Manuel » (l’ancien maire Manuel Valls, désormais ministre de l’Intérieur). Carrure de joueur de rugby, voix de baryton, triomphe modeste, Pacôme Adjourouvi se dit conscient de l’immense défi qui l’attend. Jusqu’ici conseiller municipal (chargé de la citoyenneté, de la laïcité et de la démocratie participative), secrétaire de la section PS d’Évry (300 membres) et président du groupe des élus socialistes au conseil municipal, il pense avoir l’étoffe nécessaire pour coordonner la gestion administrative de la ville et la délégation des élus, et remplacer le maire au pied levé. Ce père de trois garçons se pose en artisan du « vivre ensemble » et revendique sa part dans
! À LA MAIRIE D’ÉVRY (au centre), le 3 juin.
le bilan du maire démissionnaire, réélu depuis 2001 avec plus de 60 % des voix (70,28 % en 2008). ManuelValls lui rend d’ailleurs hommage pour la désormais traditionnelle cérémonie d’accueil des Français nouvellement naturalisés, qu’il a instaurée. Lucide, Adjourouvi avoue qu’il lui sera difficile de concilier rôle politique et activité d’avocat. Un paradoxe pour ce passionné de natation – il s’échappe toujours entre deux audiences pour piquer une tête – qui se rêvait enseignant et avait reçu pour seule recommandation parentale de se tenir éloigné de la politique. Pour cet amoureux des plaines de Kwépa et des failles d’Alédjo (nord duTogo), qui l’apaisent, la fibre politique se manifeste en 1986, en réaction aux propos virulents de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, contre les immigrés. Les humiliantes reconduites de clandestins à la frontière sont en totale contradiction avec l’idée qu’il se faisait de la patrie des droits de l’homme. L’étudiant en JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Sa rencontre avec Manuel Valls est déterminante. S’il reconnaît avoir adhéré au PS sur les conseils de l’exsecrétaire d’État socialiste Kofi Yamgnane, c’est l’actuel ministre de l’Intérieur qui l’a encouragé à se lancer dans l’action de terrain. Proche de Jean-Pierre Chevènement, il se retrouve en position éligible sur les listes des municipales dès 2001, à la faveur d’un accord entre membres de la gauche plurielle. Adjourouvi se rappelle avoir fait signer un document à Valls, « au cas où l’on oublierait ce que l’on s’est dit ». À ceux qui lui reprochent d’avoir choisi la facilité, ce benjamin d’une fratrie de quatre oppose sa stratégie, qui consiste à accompagner politiquement le continent, même de loin. Il n’est pas peu fier d’être régulièrement reçu par le président Faure Gnassingbé, un ami d’enfance. Aux Togolais qui le soupçonnent de vouloir se servir de son poste comme d’un tremplin pour une carrière dans son pays d’origine, il rétorque que c’est un calcul qu’il s’interdit. « Même s’il ne faut jamais dire : “Fontaine je ne boirai pas de ton eau.” » Dans la communauté togolaise, où il est estampillé timoré, on veille au grain. Une de ses amies d’enfance espère ainsi qu’il se montrera plus prompt à établir des certificats d’hébergement. Lui pense à répondre aux attentes de tous les Évryens. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM Photo : BRUNO LEVY pour J.A.
AFGHANISTAN
Panier de crabes
À l’approche du retrait américain (en 2014), le clan Karzaï panique et se déchire : qui va faire main basse sur le magot ?
L
e clan Karzaï est rongé par une sourde angoisse. Que va-t-il advenir de lui après le retrait d’Afghanistan des forces de la coalition, en 2014? Pour la présidencede laRépublique, Qayum annonce qu’il entend succéder à Hamid, son frère, mais cette prétention fait sourire tant le rejet de la famille, corrompue au-delà de toute raison, est unanime chez les Afghans. La vraie question est autre: qui va mettre la main sur l’immense fortune peu légalement amassée par le clan depuis dix ans ? Jusqu’en juillet 2011 et le mystérieux assassinat d’Ahmed Wali Karzaï, qui fut garçon de café à Chicago avant de devenir dans l’ombre de son frère le véritable homme fort du pays (il était le chef de la tribu des Popalzai et présidait le conseil provincial de Kandahar), tout semblait en ordre. Depuis, les cartes ont été rebattues et la confusion s’installe. ÂPRE AU GAIN. Hamid a cru habile de
nommer un autre de ses frères, le pâle Shah Wali, à la tête de sa tribu. Or, à l’usage, celui-ci ne s’est pas montré moins âpre au gainquelesautres.Nimoinsdénuédescrupules.Ils’estd’abordfaitnommerdirecteur du projet Aino Mena, un programme de construction de près de 15000 logements
sur des terrains appartenant à l’armée, non loin de Kandahar. Le promoteur de l’opération est la société Afco, que possède, avec quatre associés, un certain Mahmoud Karzaï. On n’en sort pas! Peu désireux de jouer longtemps les seconds couteaux, Shah Wali s’est alors empressé de créer sa propre société, d’ouvrir des comptes bancaires à son nom et d’y transférer 55 millions de dollars appartenant à Aino Mena. Fou de rage, Mahmoud réclame leur restitution. Shah Wali ne conteste pas l’agile soustraction, mais jure qu’il ne s’y est résolu que pour le bien des habitants de Kandahar, puisque son horrible frère aurait pu provoquer la faillite de la société en transférant frauduleusement l’argent à Dubaï, comme il le fit en 2010 avec les avoirs de la défunte Kabul Bank. Shah Wali s’intéresse aussi à un certain Zamarai, un ex-conseiller d’Ahmed Wali qui se hâta de gagner Dubaï après l’assassinat de son patron. Or c’est dans l’émirat que ce dernier aurait mis à l’abri une partie de sa fortune. Le train de vie fastueux de Zamarai ayant éveillé les suspicions, il a été, lors d’un récent séjour à Kandahar, arrêté par les hommes de Shah Wali et incarcéré dans une prison de haute sécurité… ● JEAN-MICHEL AUBRIET
! LE CLAN KARZAÏ au complet, il y a une vingtaine d’années. En haut : Shah Wali, Ahmed Wali, l’actuel président afghan Hamid, Abdul Wali ; en bas : Abdul Ahmad, Qayum, Abdul Ahad (le patriarche) et Mahmoud.
RUTH FREMSON/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
droit à l’université de Créteil milite alors en compagnie d’un certain Fodé Sylla, futur président de SOS Racisme. Et croise la route d’Harlem Désir. En résidence universitaire, il refait le continent jusqu’au bout de la nuit, le débarrasse de ses dictateurs corrompus et – déjà – de la Françafrique, poursuit ses discussions au sein d’associations comme le Club Diallo Telli, créé par l’avocat gabonais Serge Abessolo, adjoint au directeur de cabinet du président Ali Bongo. Les turbulences politiques l’empêchent d’envisager son retour. Il décide que l’action, c’est ici et maintenant. Lui qui flirte depuis belle lurette avec le PS épouse la France en se naturalisant parce qu’il compte s’impliquer dans sa vie politique et sociale.
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Europe, Amériques, Asie il a dirigé le pays pendant presque un demi-siècle, avec, de temps à autre, de brefs passages dans l’opposition. Revenu au pouvoir en 2004 à la tête d’une coalition de centre-gauche, il l’a de nouveau emporté en 2009. Mais son action est aujourd’hui paralysée par une série d’affaires. En 2011, l’organisation des Jeux du Commonwealth fut par exemple un fiasco retentissant. Corruption et incompétence des organisateurs : pas de quoi pavoiser. La même année, l’attribution de licences de téléphonie mobile déboucha elle aussi sur un scandale. Du coup, au mois de mars dernier, le Congrès a subi un cinglant échec lors des élections régionales dans l’État de l’Uttar Pradesh, le plus peuplé du pays. En dépit de l’implication active dans la campagne de Rahul Gandhi, fils de la présidente du parti et héritier de la dynastie GandhiNehru, il n’a remporté que 28 sièges sur 403. Ce résultat catastrophique augure bien mal de son score lors des élections générales de 2014.
INDE
Le Congrès à bout de souffle Ralentissement de l’économie, scandales divers, crise de leadership… À deux ans des élections générales, le parti au pouvoir paraît bien mal embarqué.
SABLES MOUVANTS. Il révèle surtout un manque de leadership que confirme l’impuissance du gouvernement, depuis trois ans, à faire adopter par le Parlement la moindre réforme économique d’envergure. Celle du système fiscal, dont l’opacité est pourtant dénoncée par tous les investisseurs étrangers, a été abandonnée. De même, le projet d’ouvrir le secteur de la distribution aux opé! USINE doute au ralentisserateurs étrangers s’est enlisé dans les DE COTON PRÈS ment de l’économie. sables mouvants. En 2004, l’arrivée à la D’AHMEDABAD : la fin du Fondé en 1885, il a primature de Manmohan Singh, dont miracle connu son heure de le nom est associé à la libéralisation économique gloire au temps du de l’économie indienne, avait pourtant indien ? Mahatma Gandhi suscité de grands espoirs dans les milieux d’affaires. Depuis, ils déchantent. et de son mouvement de résistance populaire et non violent qui mit fin au Ce n’est un secret pour personne que pouvoir colonial. Lors de l’indépenSingh, qui est octogénaire et souffre de problèmes cardiaques, souhaite se retirer dance, en 1947, la direction du pays lui de la vie politique active. Sonia Gandhi, la présidente du parti, Héritier de la dynastie Gandhin’est guère plus vaillante : elle Nehru, Rahul ne soulève pas a subi l’an dernier une lourde l’enthousiasme des électeurs. opération chirurgicale. En toute logique dynastique – celle qui a toujours prévalu à la tête du Congrès –, échut tout naturellement. À l’initiative de Nehru, son chef, il mit en place un le flambeau devrait être repris à brève cadre démocratique et laïque qui perdure échéance par Rahul Gandhi, lui-même aujourd’hui encore. Le rôle éminent joué fils, petit-fils et arrière-petit-fils de par le Congrès dans l’émergence de l’Inde Premier ministre. Problème : à en juger en tant que puissance mondiale n’est par les résultats dans l’Uttar Pradesh, la perspective ne semble pas enthousiasmer contesté par personne, pas même par ses ennemis les plus acharnés. Au total, les électeurs ! ● TIRTHANKAR CHANDA AMIT DAVE/REUTERS
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L
e miracle économique indien fera-t-il long feu ? Prenant acte de la dégringolade de la roupie, de la persistance de l’inflation (sans doute 8,6 % en 2012), de la diminution des investissements étrangers et du ralentissement de la croissance (5,3 % au premier trimestre de cette année, après avoir frôlé les 9 % pendant des années), certains spécialistes commencent à se poser la question. Les milieux d’affaires constatent que leur pays perd du terrain face à ses concurrents directs. Et s’il advenait un jour qu’au sein du quintette des pays émergents, les fameux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le « i » ne désigne plus l’Inde, mais Israël ou l’Indonésie ? C’est dans ce contexte morose que le Parti du Congrès a discrètement fêté au mois de mai le huitième anniversaire de son retour aux affaires. Le Grand Old Party indien traverse une inquiétante crise de confiance qui contribue sans N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
AMBITIONS La nouvelle frontière africaine
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DIPLOMATIE Washington peut vraiment mieux faire COOPÉRATION ÉCONOMIQUE Les grands programmes INTERVIEW Charles B. Rangel, parlementaire new-yorkais
États-Unis-Afrique
Good morning Africa!
© PETE SOUZA/WHITE HOUSE
Face à la concurrence chinoise et devant la croissance prometteuse du continent, Washington semble enfin prêt à s’y investir.
JEUNE AFRIQUE
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Prélude Claude Leblanc
Le temps de l’assistanat est révolu
E
l’esprit d’entreprise africains. Derrière ce N JUILLET 2009, au terme du compliment s’exprimait sans doute le deuxième et dernier voyage en désir du président américain de voir les Afrique de Barack Obama en tant que président des États-Unis, les sociétés de son pays s’engager davantage médias africains se montraient plutôt sur le continent, car le temps de l’assistasceptiques sur sa réelle volonté de boulenat était à ses yeux une période révolue. verser les rapports existant entre les deux Il semble avoir été entendu puisque les rives de l’océan Atlantique. Il faut dire que investissements directs américains en les vingt-deux heures qu’il a passées au Afrique ont augmenté de 40 % entre 2008 Ghana n’étaient pas de nature à les raset 2010. Fini l’attentisme. Les grands surer. L’hôte de la Maison Blanche avait groupes et les fonds d’investissement fait le voyage pour délivrer un discours passent à l’offensive, refusant de ramasser critiquant la corruption et la répression, les miettes. Pour la Maison Blanche, il deux thématiques déjà abordées par est indispensable de renforcer encore ses prédécesseurs et qui n’annonçaient l’implication du secteur privé, y compris aucune rupture. Un sentiment de décepdans le domaine de l’aide publique. À tion a dominé les esprits sur le continent, d’autant Les investissements directs que les attentes vis-à-vis américains en Afrique ont augmenté du premier chef d’État noir-américain étaient de 40 % entre 2008 et 2010. grandes. L’absence d’ambition de Washington a laissé la voie la veille du 38e sommet du G8, qui s’est largement ouverte à d’autres pays, comme tenu du 18 au 19 mai dernier à Camp la Chine. Non seulement cette dernière David, Barack Obama a relancé l’idée s’est imposée en tant que principal parted’une nouvelle phase du plan d’aide naire commercial de l’Afrique, mais elle alimentaire en Afrique avec le soutien a aussi accru son influence politique sur de quelque 45 grandes entreprises. « En le continent. Déjà au coude-à-coude avec tant que pays le plus riche de la planète, Pékin en Asie, les Américains ne sont pas les États-Unis ont, je crois, une obligarassurés par la montée en puissance des tion morale de mener la lutte contre la Chinois en Afrique, d’autant que cette parmalnutrition », a-t-il déclaré, notant au tie du monde, avec ses richesses encore passage les 3 milliards de dollars (2,4 millargement sous-exploitées, dispose d’un liards d’euros) apportés par des sociétés potentiel que les sociétés d’outre-Atlantelles que Cargill, qui prévoit d’investir tique ne peuvent négliger. dans deux gros projets au Mozambique. À quelques mois de l’élection prési« Des entrepreneurs en téléphonie dentielle à l’issue de laquelle il devrait mobile aux modestes agriculteurs, les conserver son fauteuil, Barack Obama Africains ont démontré une capacité répond ainsi à tous ceux qui pouvaient et un engagement à créer leurs propres douter de son intérêt pour l’Afrique. S’il opportunités. » Cette phrase prononcée est réélu, il aura probablement intérêt à par Barack Obama lors de son passage à passer plus de vingt-deux heures sur le Accra est passée plus inaperçue que les continent pour que ses interlocuteurs autres, mais elle impliquait une reconpuissent lui dire : « Good morning, naissance implicite de la créativité et de Mr. President. » ● JEUNE AFRIQUE
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AMBITIONS La nouvelle frontière DIPLOMATIE Washington peut vraiment mieux faire
COOPÉRATION La force des grands programmes
INTERVIEW Charles B. Rangel, parlementaire new-yorkais
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PORTRAITS Personnes d’influence p. 68 TRIBUNE Stephen Hayes, président du Corporate Council on Africa STRATÉGIES Les Américains passent à l’attaque RÉSEAUX Les campus à l’heure du Cap
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Le Plus de Jeune Afrique
AMBITIONS
La nouvelle frontière africaine De grands espoirs en petits progrès, la politique américaine sur le continent n’a guère évolué sous le premier mandat de Barack Obama. Mais les changements intervenus après les révolutions arabes et les perspectives de croissance dans la plupart des pays incitent Washington à réviser ses objectifs. PASCAL AIRAULT
L
es Africains espéraient chez lui un tropisme naturel, il a assuré le service minimum.Entroisansetdemideprésidence, Barack Obama, fils d’un Kényan et d’une Américaine, ne s’est rendu que deux fois sur le continent : au Caire en juin 2009 pour une ode au monde arabe ; et à Accra, un mois plus tard, pour vanter démocratie et bonne gouvernance. Et puis plus rien, hormis la réception ponctuelle de quelques chefs d’État en quête de photos-souvenir à la Maison Blanche et de leaders de la société civile pour les 50 ans des indépendances africaines. Les États-Unis se désintéresseraient-ils de l’Afrique ? Non, bien sûr. Le continent n’est certes pas au cœur des priorités de leur politique étrangère, mais il constitue une zone d’intérêt croissant où Hillary Clinton, la secrétaire d’État, a effectué plusieurs tournées. À Washington, les dossiers africains sont suivis par le département d’État (à savoir Johnnie Carson, secrétaire d’État adjoint du bureau des Affaires africaines, Jeffrey Feltman, son homologue pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, et Susan Rice, l’ambassadrice à l’ONU), le Conseil national de sécurité, le Pentagone et la CIA. Surprise par le Printemps arabe, la Maison Blanche a fini par épouser sa cause en favorisant les changements de régime en Égypte et en Libye. Elle a investi 500 millions de dollars (386 millions d’euros) N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
pour appuyer les transitions en 2011. Depuis longtemps, contrairement aux Français, les Américains discutent avec les partis islamistes. Washington s’inquiète toutefois de la prolifération des armes dans la région sahélo-saharienne depuis la chute de Kaddafi. Comme son prédécesseur George W. Bush, Obama cherche à réduire l’influence des djihadistes. Si la lutte contre les Shebab enregistre des progrès en Somalie, le Sahel est un nouveau sanctuaire pour les terroristes. La recrudescence des attaques de la secte Boko Haram au Nigeria est une autre inquiétude. Le géant ouest-africain assure 8 à 9 % des besoins pétroliers américains, soit l’équivalent des importations provenant d’Arabie saoudite. Washington redoute la constitution d’un arc de cercle terroriste allant de l’Atlantique au Pacifique. CONSTRUCTION. Alors que les troupes américaines
ne sont pas les bienvenues, la Maison Blanche assure une contribution multiforme (assistance en matériel, formation des troupes, renseignement, actions ciblées contre des islamistes) pour aider les gouvernements et les organisations régionales. Ce soutien s’articule autour du Partenariat transsaharien contre le terrorisme et sa version militaire, l’opération Liberté durable dans le Trans-Sahara menée par le Commandement américain pour l’Afrique (Africom), basé à Stuttgart.
!GAGE DE SON SOUTIEN
AUX BONS ÉLÈVES, LE CHEF
D’ÉTAT AMÉRICAIN
(de g. à dr.) Mahamadou Issoufou, Boni Yayi, Alpha Condé et Alassane Dramane Ouattara le 29 juillet 2011. A REÇU
Les programmes qui renforcent la démocratie et la bonne gouvernance restent des priorités. JEUNE AFRIQUE
PHILIP SCOTT ANDREWS/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
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Presque 20 % des approvisionnements pétroliers américains proviennent d’Afrique, où les majors texanes sont très implantées (Algérie, Libye, Nigeria, Angola, Guinée équatoriale…). Une part qui n’a cessé de progresser depuis dix ans et qui a dopé les importations des États-Unis, pour atteindre 74,2 milliards de dollars en 2011. Les exportations vers le continent, quant à elles, sont passées de 7 milliards de dollars en 2001 à 21 milliards de dollars en 2011. « L’Afrique est un marché en pleine expansion », rappelle Johnnie Carson, qui a emmené en février 2012 les grands groupes (Anadarko Petroleum Corporation, Chevron, General Electric, Caterpillar…) en prospection dans quatre pays (Mozambique, Nigeria, Tanzanie, Ghana). « Dans les dix à quinze prochaines années, le continent va connaître un essor de la construction d’infrastructures – énergie, routes, ports, chemins de fer. C’est important pour nos entreprises d’y participer », précise Nils Tcheyan, directeur Afrique de General Electric. Pourlereste,ladoctrineaméricainen’apasévolué depuis Bill Clinton. « Nous prévoyons de continuer JEUNE AFRIQUE
2012 JUIN
14-15
Washington Forum Agoa (African Growth and Opportunity Act)
21-22
Cincinnati, Ohio Conférences d’affaires États-Unis/ Afrique – Centre sur le commerce, les infrastructures et l’énergie
à privilégier le financement des programmes qui renforcent la démocratie, la bonne gouvernance et la primauté du droit, et de promouvoir la participation des femmes et de la société civile », a expliqué Johnnie Carson devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, le 18 avril dernier. Régulièrement, Washington adresse bons et mauvais points. Le président américain a reçu le 29 juillet 2011 ses homologues Boni Yayi (Bénin), Mahamadou Issoufou (Niger), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Alpha Condé (Guinée). « Tous ces dirigeants ont été élus lors d’élections libres et justes », a-t-il justifié. Cette année, l’administration américaine a appelé le président Wade à respecter les institutions et le verdict des urnes. Carson a déploré que la présidentielle camerounaise ait été entachée d’irrégularités. Une façon de justifier l’aide américaine à l’émergence de sociétés civiles dynamiques, seuls véritables contre-pouvoirs de régimes jugés autocratiques. Onze présidents règnent en Afrique depuis plus de quinze ans. C’est visiblement trop pour Washington, qui préconise la limitation de la durée des mandats. ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Le Plus de J.A. États-Unis -Afrique
JASON REED/REUTERS
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! HILLARY CLINTON ET MONCEF MARZOUKI, le 25 février à Carthage. DIPLOMATIE
Washington peut vraiment mieux faire Malgré ses racines, l’hôte de la Maison Blanche n’a pas privilégié les chefs d’État du continent dans ses rencontres.
«
Q
uand il nous a reçus, le président Obama nous a dit qu’il voulait bâtir les relations des États-Unis avec l’Afrique sur une base transparente à travers les agences et institutions américaines, plutôt que de faire jouer les réseaux personnels », se souvient Gondeu Ladiba. Cet universitaire de 33 ans a fait partie des « cent jeunes leaders africains » invités à la Maison Blanche en août 2010. Ils n’étaient pas là pour leur connaissance des ÉtatsUnis, mais pour leur engagement local. Une rencontre voulue par Barack Obama pour marquer le renouvellement des liens entre la première puissance mondiale et
l’Afrique subsaharienne. De fait, Barack Obama n’a guère fait jouer son propre réseau, privilégiant l’action des ambassades. En cinq ans de mandat, il ne s’y est rendu officiellement qu’à deux reprises. Au sud du Sahara, John Atta Mills est le seul chef d’État africain à avoir reçu chez lui, au Ghana, le président américain, en raison de sa bonne gouvernance. Peu de leaders africains ont eu le privilège d’une réception officielle. Symboles pour Obama d’une alternance démocratique salutaire, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Guinéen Alpha Condé et le Béninois Boni Yayi ont été reçus à la Maison Blanche
en juillet 2011. Toutefois, le président américain n’avait pas négligé les intérêts économiques de son pays en accueillant auparavant,enjuin,deuxdirigeantsd’États pétroliers, le Gabonais Ali Bongo Ondimba et le Nigérian Goodluck Jonathan. Quant à la favorite de l’administration américaine, la présidente libérienne Ellen JohnsonSirleaf, elle avait été reçue en mai 2010. La dame de fer africaine, diplômée de Harvard et Prix Nobel de la paix, est aussi la seule à avoir eu l’honneur de recevoir à deux reprises la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, à Monrovia, en août 2009 et en janvier 2012, juste après sa réélection. OBSERVATION. Au Maghreb, depuis
les soulèvements du printemps 2011, les Américains doivent composer avec de nouvelles équipes. Certes, Barack Obama a rencontré Béji Caïd Essebsi en octobre 2011, alors que ce dernier était Premier ministre de transition en Tunisie. Mais il n’a encore vu aucun des nouveaux dirigeants pour l’instant. Sa secrétaire d’État a toutefois effectué cinq voyages en Afrique du Nord, dont deux dans la Tunisie postrévolutionnaire. En février dernier, Hillary Clinton a pu s’entreteniravec les nouveaux leaders tunisiens, dont le président, Moncef Marzouki, ainsi qu’avec les représentants de la jeunesse et des associations féminines. Elle est ensuite passée brièvement à Alger, pour échanger avec le président, Abdelaziz Bouteflika, mais aussi avec des membres de la société civile, marquant ainsi sa volonté de varier les interlocuteurs. Enfin, au Maroc, où elle a inauguré la nouvelle ambassade américaine de Rabat, elle a été reçue par l’ancien ministre des Affaires étrangères Taïeb Fassi Fihri, vieil habitué de Washington. Mohammed VI, attentif aux relations avec l’Amérique, était alors justement en visite privée aux États-Unis. ● CHRISTOPHE LE BEC et NICOLAS TEISSERENC
DE SI COÛTEUSES RELATIONS BARACK OBAMA AVAITTENTÉ de limiter leur influence en arrivant à la Maison Blanche. En vain. Les lobbyistes restent omniprésents. Ils étaient 12 600 en 2011, selon le Center for Responsive Politics. Informelle en Afrique, c’est au contraire une activité légale aux États-Unis. Le premier amendement à la Constitution reconnaît à chacun le droit de représenter ses intérêts en adressant des pétitions au gouvernement. Pour plus de transparence, les lobbyistes doivent depuis 2006 fournir le détail de leurs activités au Congrès, qui les publie sur internet. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Les dépenses américaines en la matière ont augmenté de plus de 1 milliard de dollars (804 millions d’euros) entre 2001 et 2011 pour s’établir à 3,32 milliards de dollars. Les pays africains, quant à eux, ont investi 150 millions de dollars environ sur la même période, révèle le cabinet GwethMarshall Consulting. Les États pétroliers comme le Nigeria, l’Angola ou le Gabon sont les plus prompts à investir. Du côté des francophones, le Sénégal, le Cameroun et le Burkina Faso arrivent en tête. ● AZIZA ALBOU TRAORÉ JEUNE AFRIQUE
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COOPÉRATION ÉCONOMIQUE
La force des grands programmes Grâce à des mesures de soutien très ciblées, l’Agoa et le Millennium Challenge Corporation doivent servir les échanges entre les États-Unis et le continent. La nécessité étant de renforcer le fragile secteur productif africain.
E
n Afrique, l’aide américaine au développement a considérablement augmenté. Entre 2006 et 2009, elle est passée de 2,1 milliards à 8,2 milliards de dollars (de 1,6 milliard à 5,7 milliards d’euros). Toutefois, crise financière mondialeoblige, elle a enregistré un tassement en 2010, à 8,1 milliards de dollars, et une nette baisse en 2011, à 6,9 milliards de dollars. Cette situation complique la réalisation des grands objectifs américains sur le continent, à savoir la lutte contre les épidémies (paludisme et virus du sida), qui représente environ 50 % de l’aide globale américaine, le combat contre le changement climatique et les efforts pour la sécurité alimentaire liés à la nouvelle initiative de l’administration Obama, Feed the Future. Un domaine stratégique a néanmoins été épargné par les coupes budgétaires, celui de la coopération économique et de l’aide au développement du secteur privé africain. Découlant du principe « le commerce plutôt que l’aide », cette politique N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
a connu une évolution remarquable ces dix dernières années. Premier pas, le lancement en 2000 de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa, loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique). Pierre angulaire des relations économiques entre les États-Unis et le continent, il supprime les droits de douane sur plus de 6400 produits en provenance de pays africains éligibles, c’est-à-dire adhérant aux règles de bonne gouvernance.
! LES ASIATIQUES AURAIENT 35 % de leurs commandes aux fabricants africains. DÉJÀ FAIT PERDRE
27 milliards de dollars en 2001 à 95 milliards en 2011 (91 milliards pour les pays de l’Agoa). Reste que les produits pétroliers représentaient en 2011 plus de 90 % des 74,2 milliards de dollars d’importations africaines aux États-Unis, proportion à peu près constante sur la décennie. Quant aux 21 milliards de dollars d’exportations américaines vers l’Afrique (machinesoutils, véhicules…), ils se concentrent sur quatre marchés : l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Ghana et l’Angola. De fait, l’Agoa n’a pas freiné l’essor de la Chine, qui est devenue, en 2008, le premier partenaire commercial de l’Afrique. BISBILLES. De l’avis de tous les acteurs
concernés, l’urgence aujourd’hui est de renforcer le secteur productif africain, afin de diversifier les exportations du continent aux États-Unis. Ce sera notamment l’objet du 11e forum Agoa, Le MCC, qui existe depuis 2004, qui se tient les 14 et 15 juin à est doté d’un budget annuel Washington. Avec un dossier urgent en suspens : la disposide 1 milliard de dollars. tion sur l’ouverture du marché Quarante pays subsahariens en bénéfiaméricain aux fabricants de vêtements cient aujourd’hui, l’administration Obama africains utilisant des matières premières ayant rétabli le Niger, la Guinée et la Côte en provenance d’autres pays. Expirant le d’Ivoire en octobre 2011. L’Agoa est un 30 septembre 2012, la prorogation par succès relatif. Point positif, le volume le Congrès de cette disposition est loin d’être acquise, en raison de bisbilles entre global des échanges entre les États-Unis et l’Afrique subsaharienne est passé de républicains et démocrates. JEUNE AFRIQUE
Good morning Africa !
Efficacité. Autre particularité, les États
doivent présenter leurs propres projets d’investissement, rigoureusement évalués par le MCC. Aujourd’hui, onze nations subsahariennes bénéficient de ces programmes (dits compacts) qui servent en général au renforcement de leurs infrastructures (aéroport de Bamako, port de Cotonou…). À titre d’exemple, le Ghana reçoit 547 millions de dollars sur cinq ans, dont une partie servira à la rénovation de son réseau autoroutier. Selon Todd Moss, du Center for Global Development, think-tank basé à Washington, la création du MCC a « profondémentrénovélesdébatssurl’efficacité de l’aide au développement. C’est devenu un modèle ». Mais « on ne coopère qu’avec les pays qui ont les meilleurs indicateurs », ajoute-t-il. S’appuyant sur l’approche du MCC – sélectivité, transparence, appropriation nationale –, l’administration Obama a récemment lancé le Partnership for Growth, une initiativequiaccroîtlacoopérationéconomique avec quatre pays, dont deux africains: les habituels bons élèves que sont le Ghana et la Tanzanie. l JEan-éric BouLin, à New York jeune afrique
Mieux vaut tard que jamais La première puissance mondiale commence enfin à s’intéresser au potentiel économique local. Des fonds d’investissement sont lancés, mais la Chine a déjà une bonne longueur d’avance.
L
esinvestisseursinternationauxont les yeux braqués sur le continent. Et pour cause, neuf des quinze pays ayant enregistré le plus fort taux de croissancecescinqdernièresannéessont africains. Le total des investissements directs étrangers en Afrique est passé de 11 milliards de dollars (8,8 milliards d’euros) en 2000 à 55 milliards de dollars en 2010, et serait en léger recul à 54,4 milliards de dollars en 2011. Les investissements américains occupent la première place avec près de 20 milliards de dollars en 2008. Dans ce contexte, les fonds d’investissement américains s’intéressent de plus en plus au continent. Le géant américain du capital-investissement Carlyle a ainsi annoncé en 2011 la levée d’un premierfondsconsacréàl’Afrique,d’une valeur d’environ 500 millions de dollars. D’autres acteurs majeurs, comme les groupes Blackstone et Warburg Pincus, sont aussi présents à travers des sociétés
d’extraction de pétrole offshore, comme au Cameroun (via la Kosmos Energy). Mais face à la Chine, les États-Unis reculent. Ils seraient passés du premier au troisième rang des investisseurs en Afrique du Sud, s’alarme Stephen Hayes, du Corporate Council on Africa, qui œuvreaurenforcementdesrelationséconomiques entre la première puissance mondiale et le continent. Un coup de pouce a été donné, en 2007, avec le lancement de fonds spécialisés sur l’Afrique gérés par l’Overseas Private Investment Corporation (Opic), l’agence américaine de promotion des investissements, qui vise à garantir ceux-ci tout en renforçant les marchés financiers en Afrique. Selon Richard A. Akwei, qui dirige l’un d’entre eux, l’Africa Catalyst Fund, « les Américains prennent conscience seulement maintenant des possibilités d’investissement en Afrique ». l J.-E.B.
21,2 2011
88,8 2008
Des échanges qui s’intensifient
17,9 2002
TROIS PREMIERS POSTES D’EXPORTATIONS AMÉRICAINES VERS L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE
6 2002
ÉVOL UTIO DES N ÉCH ANG ES ENT R ÉTAT E LES S-U NIS ET L E CON TINE NT (en m
de d illiards ollars ) Impo r amé ts ric Expo ains amé rts ricain s
IMPORTATIONS AMÉRICAINES VENUES D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE
(en milliards de dollars)
(en milliards de dollars)
2,5 4,1 8,4
20 11
2,7 8,1 72,1
1,9 2,5 5,3
20 10
1,7 5,7 51,2
1,8 2,1 4,9
20 09
1,5 3,8 37,6
1,7 2,9 6,7
20 08
2 7,2 71,7
Équipements de transport Produits agricoles Machines
Produits liés à l’énergie Minerais et métaux Équipements de transport n o 2683 • du 10 au 16 juin 2012
source: Ministère du coMMerce
Selon les estimations, 300 000 emplois seraient menacés en Afrique. D’après l’African Coalition for Trade, qui représente les exportateurs de neuf pays Agoa, les fabricants de textile africains auraient déjà perdu 35 % de leurs commandes au profit de concurrents asiatiques. Mais une autre menace plane, celle de l’extension du principe de l’Agoa – qui expire en 2015 – à l’ensemble des pays les moins développés, y compris asiatiques, très compétitifs sur le marché du textile. Également essentiel dans la politique de coopération économique entre les États-Unis et l’Afrique, le Millennium Challenge Corporation (MCC) existe depuis 2004. Cette agence est dotée d’un budget annuel de près de 1 milliard de dollars. Elle a pour mission de réduire la pauvreté dans le monde par la promotion de la croissance économique. À cette fin, le MCC met des sommes importantes à la disposition de pays triés sur le volet, pour unepériodedecinqannées,enfonctionde dix-sept indicateurs qui vont du niveau de liberté à la bonne gouvernance politique et économique, en passant par l’ampleur de la corruption. Le MCC a récemment suspendu ses opérations avec le Mali et le Malawi.
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Le Plus de J.A. États-Unis -Afrique POLITIQUE
Charles B. Rangel « Le développement du continent est l’une des priorités de Barack Obama » C’est un succès et un modèle de coopération économique. Grâce à l’Agoa, les entreprises africaines ont amélioré leur compétitivité en proposant des produits à plus haute valeur ajoutée. Les gouvernements et le secteur privé africains ont aussi accru leur coopération pour renforcer les infrastructures et éliminer la paperasserie. Le Congrès doit maintenant pérenniser l’Agoa en prorogeant certaines dispositions clés, comme celle sur les tissus en provenance de pays tiers (lire pp. 64-65).
S’il se félicite des résultats de l’Agoa, le parlementaire newyorkais, particulièrement engagé dans le renforcement des liens avec l’Afrique, s’inquiète de l’offensive du concurrent chinois…
Êtes-vous optimiste à ce sujet ?
! ÂGÉ DE 82 ANS, le démocrate siège à la Chambre des représentants depuis 1970.
P
ersonnage incontournable de la vie politique américaine, Charles B. Rangel, 82 ans, représente depuis 1970 les quartiers du nord de Manhattan, dont Harlem, à la Chambre des représentants. Controversé, le démocrate a failli être déchu de son mandat en 2010 pour manquements à l’éthique. Il est par ailleurs l’un des parlementaires les plus engagés dans le renforcement des liens avec l’Afrique. JEUNE AFRIQUE: L’administration Obama s’intéresse-t-elle suffisamment au développement de l’Afrique ? CHARLES B. RANGEL : C’est l’une des
priorités de sa politique étrangère. La visite de Barack Obama au Ghana en 2009 en atteste, tout comme ses engagements en faveur du Pepfar [programme de lutte contre le sida lancé par George W. Bush, NDLR] et, depuis mai dernier, de la Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition du G8. Le président devrait désormais consacrer plus de ressourcesaurenforcementdenotreprésence commerciale en Afrique, notamment face N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
à la politique d’investissement sans foi ni loi de la Chine sur le continent. La Chine est-elle une menace pour les intérêts américains ?
Les investissements chinois en Afrique sont extrêmement préoccupants. Les entreprises d’État chinoises ne respectent aucune norme environnementale ou sociale. Leurs activités d’extraction de matières premières contribuent à la destruction des écosystèmes. Leurs inves-
MARIO TAMA/GETTY IMAGES/AFP
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Cela va faire un an que mon collègue Jim McDermott et moi-même avons soumis à la Chambre des représentants un projet de loi qui va dans ce sens. Nous proposons aussi d’inclure le Soudan du Sud dans les pays bénéficiaires de l’Agoa. Le Congrès ne l’a pas encore adopté et c’est vraiment dommage. Il ne lui reste plus que quelques semaines pour agir. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour convaincre mes collègues d’avancer sur ce dossier. Les projets de loi visant à étendre les bénéfices de l’Agoa à des pays asiatiques très compétitifs comme le Bangladesh ou les Philippines vous préoccupent-ils?
Les croissances économiques de l’Afrique et des pays asiatiques les plus pauvres ne s’excluent pas. Néanmoins, ces projets doivent faire l’objet d’une évaluation rigoureuse afin de réduire
Les entreprises africaines ont amélioré leur compétitivité en proposant des produits à plus haute valeur ajoutée. tissements sans conditions sapent aussi les efforts de transparence, de bonne gouvernance et de gestion saine des ressources naturelles en Afrique. Quel bilan tirez-vous de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) ?
les risques de détournement de commerce au détriment de l’Afrique. Ce serait regrettable, à un moment où les échanges économiques entre nos deux régions, notamment dans le secteur du textile, ne font que se renforcer. ● Propos recueillis par JEAN-ÉRIC BOULIN JEUNE AFRIQUE
Brésil
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L’ÉLECTRICITÉ EN PUISSANCE Complexe Hydraulique dans Comple Com plexe ple xe Hyd Hydrau rauliq rau lique liq ue dan s l’ét ll’état ’état ’ét at de Goi Goias. as.
Espagne
C ONTOUR G LOBAL dont le siège est à New York, s’est donnée pour mission de constituer une production électrique indépendante dans les marchés à forte croissance et/ou souffrant de pénurie classique, en priorité en Afrique. En coopération étroite avec les autorités locales, la société développe des solutions sur mesure, de long terme, et en assure le financement avec des institutions américaines, européennes et africaines de premier rang. C ONTOUR G LOBAL exploite les centrales qu’elle construit, assurant des performances d’efficacité et de disponibilité au meilleur niveau mondial pour leur durée de vie.
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Le Plus de J.A. États-Unis -Afrique
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PORTRAITS
Personnes d’influence Qu’ils se mobilisent au nom de la Maison Blanche ou de leurs propres convictions, depuis longtemps ou récemment, ces Américains jouent un rôle déterminant dans la vie du continent.
Michael A. Battle La voix de l’Amérique à Addis-Abeba
NOOR KHAMIS/REUTERS
Johnnie Carson « Monsieur Afrique »
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Jeffrey Feltman Celui qui comprenait l’Orient
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ESAM AL-FETORI/REUTERS
est le « Monsieur Afrique » de l’administration Obama. Johnnie Carson, 69 ans, secrétaire d’État adjoint chargé des Affaires africaines, a passé la majeure partie de ses trente-sept années de carrière de diplomate sur le continent. La première affectation de ce natif d’un quartier noir pauvre de Chicago a été le Nigeria, où il a débarqué en 1969, en pleine guerre du Biafra. Il a ensuite occupé des postes au Mozambique, au Botswana et en Ouganda, avant d’être nommé ambassadeur au Zimbabwe de 1995 à 1997, puis au Kenya de 1999 à 2003. Il n’a jamais été en poste dans un pays africain francophone. Lorsqu’il eut le choix entre le Sénégal et le Mozambique, il préféra ce dernier, en 1975 – année de l’indépendance –, pour assister, dit-il, à l’Histoire en train de se faire. Celui qui est aujourd’hui chargé de mettre en œuvre la politique africaine du président Obama explique ainsi son goût précoce pour l’Afrique : « J’ai choisi la région du monde où j’avais le sentiment d’être le plus utile. » ● JEAN-ÉRIC BOULIN
rabophone et diplomate de carrière, Jeffrey Feltman a été nommé en 2009 au poste stratégique de sous-secrétaire d’État américain chargé des affaires du Proche-Orient, qui inclut l’Afrique du Nord. Ce familier du monde arabe et de ses soubresauts était consul à Jérusalem pendant la seconde Intifada en 2002, représentant américain au Kurdistan irakien en 2004 et ambassadeur au Liban en 2005 lorsque les troupes syriennes, sous la pression de la rue, des États-Unis et de la France, ont dû évacuer le pays. Les révolutions de 2011 ont éprouvé son sens politique, et Washington a su soutenir les mouvements démocratiques plus promptement et plus clairement que Paris. « Ces changements ont redéfini notre approche de la région, et il n’y aura pas de retour en arrière », a-t-il déclaré le 10 mai dernier. Il devrait être prochainement nommé à un poste éminent au sein de l’Organisation des Nations unies. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
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ien ne le destinait à épouser une carrière diplomatique. Jusqu’en septembre 2009, Michael A. Battle assurait la présidence du Centre interconfessionnel de théologie à Atlanta, en Géorgie, après avoir occupé différents postes à responsabilités dans les universités américaines. Mais Barack Obama a voulu faire de ce proche, fin pédagogue et bon connaisseur de l’Afrique, son ambassadeur auprès de l’Union africaine. Il doit expliquer la politique américaine et renforcer la coopération entre son pays et l’organisation panafricaine. Son engagement sur les questions africaines remonte au début des années 1990. Entre 1994 et 1998, il a notamment servi comme vice-président du Comité américain sur l’Afrique. En 1994, il a aussi participé en tant qu’observateur à la première élection libre en Afrique du Sud. On doit à cet ancien aumônier militaire de réserve de nombreux ouvrages, notamment sur les AfroAméricains, l’Église noire et Martin Luther King. ● PASCAL AIRAULT
Good morning Africa !
Bill et Melinda Gates De bons samaritains?
PETER MACDIARMID/AFP
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epuis qu’ils ont créé leur fondation, en 2000, Bill et Melinda Gates sillonnent l’Afrique. Au cours des derniers mois, le couple de Seattle, qui compte mettre 90 % de sa fortune (estimée en 2012 à 61 milliards de dollars, soit près de 49 milliards d’euros) à disposition de ses œuvres caritatives, s’est rendu au Ghana, en Éthiopie, en Tanzanie, au Kenya et en Afrique du Sud. Sur les quelque 3 milliards de dollars distribués chaque année par leur structure, près de la moitié bénéficie au continent. Parmi ses projets emblématiques,lesoutienàl’Alliancepour une révolution verte en Afrique ou la mise au point d’un vaccin contre la malaria. Chacun des deux époux affiche ses priorités. Bill s’implique dans les questions de santéetd’agriculture,qu’iljugeprioritaires. Le fondateur de Microsoft, qui a quitté la présidence du groupe voici quatre ans, met en avant une logique de résultat. Pour tout « investissement » dans un projet, il veut pouvoir mesurer le nombre de vies
sauvées, le pouvoir d’achat généré ou les emplois créés. Melinda, originaire du Texas, se concentre sur les projets destinés aux femmes, notamment ceux en faveur de la contraception. C’est en RD Congo qu’elle s’est rendu compte de leur nécessité, après avoir constaté de nombreuses inégalités entre les deux sexes. Moins scientifique que son mari, elle aime discuter sur le terrain avec les bénéficiaires de la fondation pour vérifier que ses actions répondent réellement aux besoins. Reste que les époux sont parfois critiqués. Le fonds dépositaire de leur fortune, d’oùproviennentlesfinancementsdeleurs projets humanitaires, détient des parts dans des multinationales dont les actions sur le continent sont dénoncées par des ONG, comme la compagnie pétrolière Shell (pour sa pollution du delta du Niger) ou le géant agronomique Monsanto (pour son utilisation d’OGM). ● CHRISTOPHE LE BEC
CÔTE D’IVOIRE : LE GRAND RETOUR
CÔTE D’IVOIRE: THE TIME IS NOW! WASHINGTON D.C. : Ambassade de Côte d’Ivoire aux USA Tél.: (202) 797 0300 ABIDJAN : APEX-CI Tél.: (011) 225 20 30 25 30 E-mail : info@apex-ci.org www.apex-ci.org
Sous le leadership de Son Excellence Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire, et Président en exercice de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement des États membres de la CEDEAO, la Côte d’Ivoire est de retour et renforce sa position de partenaire privilégié. Lors du Forum annuel AGOA de Coopération Économique et Commerciale entre les USA et l’Afrique, prévu du 14 au 20 juin 2012, Son Excellence Monsieur Jeannot Kouadio Ahoussou, Premier Ministre de la République de Côte d’Ivoire dirigera une forte délégation composée de Son Excellence Monsieur Moussa Dosso, Ministre d’État, Ministre de l’Industrie, de Son Excellence Monsieur Dagobert Banzio, Ministre du Commerce, de représentants du secteur public et du secteur privé pour consacrer le retour de la Côte d’Ivoire dans l’environnement institutionnel de l’AGOA. Cette occasion sera une opportunité unique pour promouvoir les projets d’infrastructures (routes, voies ferrées, mines, pétrole et énergie, hydrauliques, construction et transport). Deux événements majeurs : u Lundi 18 juin 2012 : ‘’Doing Business in Côte d’Ivoire’’, avec un panel gouvernemental, thème « C’est le moment d’investir dans les projets d’infrastructures en Côte d’Ivoire », puis un panel d’experts qui interviendront sur les projets d’infrastructure spécifiques, lors des sessions secteur privé du Forum AGOA en partenariat avec le Corporate Council on Africa. u Mardi 19 juin 2012 : ‘’Côte d’Ivoire Global Networking Event’’, dans les locaux de l’Ambassade de la Côte d’Ivoire aux Washington D.C., un événementiel incluant à la fois les contacts d’affaires, l’aspect culturel et artistique, le culinaire et la mode.
DIFCOM/DF - PHOTO : NABIL ZORKOT/LES ÉDITIONS DU JAGUAR.
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Rosa Whitaker Afro-optimiste convaincue
M STR NEW/REUTERS
ieux que quiconque à Washington, Rosa Whitaker a conscience du potentiel de l’Afrique, dont elle est depuis plus de dix ans une infatigable promotrice. Première personne à occuper le poste de représentant adjoint au commerce extérieur chargé de l’Afrique subsaharienne, sous Bill Clinton, elle a été l’artisan de la loi sur la croissance et les opportunités économiques en Afrique (Agoa). Laquelle favorise depuis 2000 les exportations et les investissements américains destinés au continent. En 2003, elle a quitté l’administration pour fonder le Whitaker Group, société de conseil spécialisée dans le commerce et l’investissement en Afrique dont les services ont déjà permis d’y drainer plus de 2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros). Son action positive n’a pas échappé au magazine Foreign Policy. En 2010, la prestigieuse revue américaine l’a classée parmi « les cent meilleurs penseurs globaux » pour avoir contribué au développement des échanges économiques avec le continent. ●
Carter F. Ham Général quatre étoiles
À
60 ans, le général Carter F. Ham est une star de l’armée américaine. Ce natif de Cleveland a en effet gravi tous les échelons, devenant général quatre étoiles trente-huit ans après y être entré comme simple parachutiste. Bien noté par ses supérieurs, il a occupé plusieurs postes, dont celui de conseiller auprès de la garde nationale d’Arabie saoudite. Avant de prendre la tête d’Africom, le Commandement militaire américain pour l’Afrique, basé à Stuttgart, en Allemagne, il dirigeait les forces alliées en Europe. Fait remarquable pour un haut gradé militaire, Ham n’est pas un taiseux. En 2004, de retour d’une mission meurtrière en Irak, il avait confié avoir consulté un psychiatre. Alors même que l’armée américaine cherche à minimiser les cas de stress post-traumatique parmi les soldats revenant d’Irak et d’Afghanistan. Ham a également joué un rôle de premier plan en 2011 dans l’abrogation de la pratique « don’t ask, don’t tell », qui interdisait l’enrôlement d’homosexuels dans l’armée américaine. ● JEAN-ÉRIC BOULIN
LAURENT DE
Jeffrey Wright Loin des projecteurs
SAINT PÉRIER
L
acteur noir américain Jeffrey Wright, lauréat d’un Golden Globe et d’un Emmy Award, s’est intéressé à la Sierra Leone en 2001. La guerre fratricide, qui y a fait entre 100000 et 200000 victimes, touchait alors à sa fin. « Lors d’un tournage au Mozambique, j’ai rencontré un Sierra-Léonais qui m’a invité à venir. À l’époque, on n’associait pas la souffrance des enfants sierra-léonais impliqués dans la lutte pour le contrôle des diamants à la forte demande pour ces mêmes pierres précieuses aux États-Unis, dans le milieu du hip-hop notamment. Ce lien m’a frappé et j’ai eu envie de m’impliquer », expliquait-il en 2011. Tombé amoureux du pays lors de ce voyage, l’interprète de la série Angels in America, qui s’est aussi fait un nom dans les deux derniers James Bond et dans les films Syriana et Basquiat, s’est mobilisé. En 2003, il a fondé avec le général Larry Gilespie, retraité de l’armée américaine, la petite compagnie minière Taia, qui entend exploiter les gisements d’or sierra-léonais de manière socialement responsable. Proche du président Ernest Bai Koroma, il intervient régulièrement dans les médias américains pour promouvoir l’image de la Sierra Leone. ● CHRISTOPHE LE BEC N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. États-Unis -Afrique
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ERIC MILLER/WORLD ECONOMIC FORUM 2008
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
À la conquête des territoires francophones
Q STEPHEN HAYES Président du Corporate Council on Africa
UAND JE SUIS ARRIVÉ au Corporate Council on Africa en tant que numéro deux, des responsables d’entreprises américaines m’avaient laissé entendre que ce serait une perte de temps que de vouloir faire des affaires avec l’Afrique francophone. « Les Français font tout pour mettre les sociétés américaines à distance », me disait-on. Les plaintes étaient nombreuses. Elles portaient sur la corruption, le contrôle exercé par les Français sur des ministres importants et, bien entendu, sur la barrière linguistique. « Je ne parle pas français », ajoutait-on. Dans le même temps, le président Chirac considérait les Américains comme des « pleurnichards » ou, du moins, c’est ce que nous pensions. Comme il l’avait dit en français, nous n’en étions pas vraiment sûrs. Il y avait probablement un fond de vérité dans ce que rapportaient les entreprises. Dès qu’il s’agissait d’un pays francophone, nous trouvions tout un tas de raisons pour ne pas nous lancer. La présence des Français était synonyme de corruption. L’Afrique était déjà un défi conséquent sans compter les Français. Néanmoins, quelques Américains ont réussi dans les affaires en Afrique francophone. Nous ne les avons jamais pris en exemple, mais plutôt considérés comme des exceptions, voire comme des corrompus. Et puis, il y avait toujours cette satanée langue française à apprendre.
le devant de la scène, les seigneurs du pétrole ont débarqué.Tout à coup, il a semblé possible de parler affaires avec l’Afrique francophone. Dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, Oracle se fait une place. Une fois que l’Amérique découvre un marché, la barrière linguistique n’est plus tout à fait un obstacle. Mais la langue a encore un impact sur les affaires, aussi cherchons-nous des locuteurs francophones pour nous représenter. Des Américains apprennent même le français. Autres défis : comprendre les systèmes juridiques locaux, les différentes cultures… et bâtir des relations avant de conclure un marché. Les temps changent. Les pionniers américains en Afrique francophone ont travaillé dur pour y parvenir. Un peu lents à la détente pour comprendre l’Afrique francophone, ils commencent à y entrer de la bonne manière. Tardivement, c’est vrai. Néanmoins, le marché se développe à mesure que les infrastructures
Avec nos craintes, notre arrogance et notre méconnaissance, nous avons nous-mêmes créé des obstacles.
Alors nous avons laissé cette partie du continent aux Français. Du moins, c’est ce que nous avons cru.Très vite, il est arrivé des choses étranges. L’Afrique francophone a vu apparaître des acteurs non français. Chinois, arabes, indiens, israéliens et de bien d’autres nationalités encore… Je me suis dit alors que le président Chirac en savait plus sur nous que nous ne le pensions : nous étions bien des pleurnichards quand il s’agissait de commercer avec l’Afrique francophone. La question de l’or noir a alors fait son apparition. Et avec elle les compagnies pétrolières américaines. Lorsque l’Afrique de l’Ouest, en grande partie francophone, s’est retrouvée sur N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
s’améliorent. Nous devrions être reconnaissants vis-à-vis des Chinois et des autres acteurs qui les ont construites. Toutefois, il reste du pain sur la planche. Pour que les grandes entreprises américaines, en dehors du secteur pétrolier, s’engagent davantage, il est indispensable de mettre en œuvre une régionalisation et une harmonisation des systèmes. Une fois cela fait, l’Afrique de l’Ouest sera un marché bien plus intéressant. L’Afrique a encore beaucoup à faire, mais nous commençons à comprendre que nous avons nousmêmes créé des obstacles, dont certains sont directement liés à nos craintes, notre méconnaissance et notre arrogance. Une fois que nous aurons vraiment surmonté nos peurs, nous serons en mesure de nous imposer. Nous avons beaucoup à entreprendre dans notre propre pays si nous voulons vraiment nous investir sur le continent. Mais je suis sûr que les Américains seront là plus vite qu’on ne le pense. ● JEUNE AFRIQUE
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« Au carrefour de l’Afrique et de l’Amérique, des affaires et de la politique, du privé et du public »
INTERNATIONAL
En 1996, les Ambassadeurs Andrew Young (compagnon de lutte du Dr. Martin Luther King Junior) et Carlton Masters ont créé GoodWorks International LLC., pour offrir aux entreprises américaines cherchant à entrer sur les marchés émergents d’Afrique, des services spécialisés en conseil et des alliances commerciales stratégiques. GoodWorks assiste aussi les Gouvernements africains dans l’harmonisation de leurs politiques nationales pour améliorer leurs relations avec les État-Unis, accéder au marché américain et attirer les investisseurs privés américains.
Grâce à son expérience et sa connaissance de l’Afrique, GoodWorks a assisté avec succès de grandes multinationales telles que Chevron, Delta Airlines, General Electric, Barrick Gold, Motorola, Monsanto, Sumitomo, Verizon et autres sur plusieurs projets en Afrique. Grâce à un accès sans précédent auprès de l’adminstration américaine, GoodWorks a également collaboré avec les gouvernements du Nigeria, du Rwanda, du Bénin, du Cameroun, de la Sierra Leone, de la Tanzanie, de l’Angola et autres sur une variété de questions stratégiques, commerciales, d’investissements et de relations publiques. Les bureaux, de Washington DC, Atlanta, Luanda, Lagos, Dar-es-Salam, et ceux associés au Kenya, au Ghana, en Côte d’Ivoire, et en Afrique du Sud permettent d’offrir nos services des États-Unis vers l’Afrique et réciproquement.
www.goodworksintl.com premier plan au cours des négociations entre les multinationales fortunes 500 et les pays africains et caribéens. L’Ambassadeur Masters a connu une brillante carrière à la Banque de Montréal, dans les centres financiers d’Amérique du Nord, d’Europe et des Caraïbes et a été nommé agent général et ministre adjoint du commerce aux
États-Unis du gouvernement de la province canadienne de l’Ontario. Il est membre du Council on Foreign Relations et membre des conseils d’administration de AfricaAmerica Institute, Corporate Council on Africa et Southern Africa Enterprise Development Fund. Il est aussi le Président d’Honneur du Leon H. Sullivan Summit.
Directeur Principal de GoodWorks, M. Arouna joue un rôle de premier plan dans le conseil des clients publics et privés, sur la politique, la structuration des transactions commerciales et financières et l’identification de nouvelles opportunités sur les marchés africains avec un accent particulier sur l’infrastructure, la technologie, l’énergie, la finance et l’intégration au marché. Ses expériences antérieures incluent : président fondateur M. Omar Arouna Senior Managing d’un cabinet conseil TIC aux États-Unis, direcDirector teur de réseau pour Africare la plus grande ONG américaine opérant exclusivement en Afrique et spécialiste des technologies d’information au siège de la Banque Mondiale à Washington. Américain d’origine béninoise, il parle couramment le français.
En tant que Conseiller Principal pour le développement Africain, Ed Barber est responsable de l’élaboration des politiques de développement, de l’analyse économique, la représentation du client et des finances. Il sert de point de liaison entre les organismes, agences officielles, américaines et les clients de GoodWorks. M. Barber a 43 années de carrière au sein du Département d’État et M. Ed Barber du Département du Trésor des États-Unis Senior Advisor dont 13 ans en tant que Directeur du Bureau Afrique, façonnant la politique des États-Unis sur les questions d’allègement de la dette, de commerce, d’investissement, d’assistance technique, des programmes du FMI, de la Banque Mondiale et des questions macro-économiques au plus haut niveau du gouvernement.
Email : oarouna@goodworksintl.com
Email : ebarber@goodworksintl.com
GoodWorks International LLC. 1700 K Street NW suite 430 Washington DC 20006 - Tél :+ 1 202 736 2211
Communiqué
M. l’Ambassadeur Carlton Masters Chairman & CEO
Co-fondateur, et Président Directeur Général de GoodWorks, l’Ambassadeur Masters est responsable de la planification de la stratégie à long terme de l’entreprise. Il négocie et coordonne l’engagement des clients et offre des conseils stratégiques à plusieurs gouvernements d’Afrique et des Caraïbes. Il joue également un rôle de
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LOUIS VINCENT
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! L’USINE DE CONTOURGLOBAL à Lomé, au Togo. STRATÉGIES
Les Américains passent à l’attaque Pétrole, télécoms, énergie, infrastructures… Les entreprises d’outre-Atlantique, jusque-là assez timides, font désormais preuve de pragmatisme et sont présentes sur tous les fronts.
D
u 6 au 17 février, une petite dizaine d’entreprises américaines ont sillonné le continent africain dans le cadre d’une mission commerciale lancée conjointement par le département d’État et le Corporate Council on Africa (CCA), une organisation privée qui regroupe plus de 160 sociétés et dont l’objectif est de développer les relations entre les investisseurs américains et les secteurs publics et privés du continent. Avec une réussite certaine, puisque, à l’issue de cette visite organisée autour des besoins énergétiques du Mozambique, de la Tanzanie, du Nigeria et du Ghana, Symbion Power est devenu partenaire de l’un des plus importants fournisseurs nigérians d’électricité et que General Electric en a profité pour signer, avec les autorités du même pays, un contrat de 10 milliards de dollars (8 milliards d’euros) pour la construction d’ici à 2020 d’une centrale de 10 000 MW. « Nous
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sommes fiers de contribuer à apporter la lumière à l’Afrique », s’est enthousiasmé depuis Lagos Paul Hinks, le patron de Symbion, devant les responsables américains de la mission, aux anges. « Les entreprises américaines doivent prendre conscience des opportunités
qui existent aujourd’hui en Afrique », résume Jim Wilson, présent sur place en tant que responsable des échanges commerciaux au Bureau des affaires africaines du département d’État. « Avant qu’il ne soit trop tard », ajoute Robert Perry, vice-président du CCA. Titillés par
HOUSTON ATTITUDE QUATRIÈME VILLE des États-Unis par sa taille, Houston est le plus important partenaire commercial américain de l’Afrique. Selon le Greater Houston Partnership Research Department, les échanges ont augmenté de plus de 12 % en onze ans, et s’élèvent à 28,2 milliards de dollars (21,7 milliards d’euros). Ils représentent 22,4 % de l’ensemble du commerce entre le pays et le continent. Le secteur énergétique est le plus important (22 milliards de dollars), suivi par le secteur agricole (1,8 milliard de dollars). Grâce à son pétrole, le Nigeria est le premier partenaire de Houston, avec 13 milliards de dollars d’échanges en 2011 (45,7 % des échanges entre la ville et l’Afrique). Suivent l’Algérie, l’Angola, l’Égypte, l’Afrique du Sud, la Guinée équatoriale, le Congo-Brazzaville, le Maroc, le Ghana et la Libye. Symbolisant l’importance du continent à Houston, un sommetTexas-Afrique bisannuel y a été créé en 2010. Il rassemble près d’un millier de participants. AZIZA ALBOU TRAORÉ Prochain rendez-vous les 27 et 28 septembre 2012. ● JEUNE AFRIQUE
Good morning Africa !
Électricité De l’énergie à revendre
l’expansion commerciale de la Chine, au moment même où le continent présente des perspectives de croissance économique à faire pâlir le monde développé, les États-Unis semblent redécouvrir l’Afrique. Pascal Agboyibor, avocat pour le cabinet Orrick, qui accompagne de nombreuses sociétés américaines sur le continent, date ce regain d’intérêt au sommet du G20 de Gleneagles en 2005, « lorsqu’a été prise la décision de débloquer des moyens massifs pour équiper l’Afrique en projets de développement ambitieux. Tout le monde a alors compris qu’il fallait en être ».
Du Cameroun à la Côte d’Ivoire, les projets de centrales ne manquent pas. Ce qui témoigne de la vitalité du secteur.
«
CLIMAT FAVORABLE. Selon un prag-
matisme très anglo-saxon, les échanges commerciaux avec l’Afrique ont progressé de 35 % depuis 2006, pendant que doublait la part des investissements directs étrangers (IDE) provenant des États-Unis sur le continent. En dehors des hydrocarbures, les capitaux américains se répartissent essentiellement dans quatre autres filières : l’agriculture, les infrastructures, la production d’électricité et les télécoms. Autant de secteurs où « les besoins sont énormes
Aujourd’hui, plusieurs pays francophones éveillent l’intérêt des investisseurs.
OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE
! AU BORD DU LAC KIVU, au Rwanda, s’élèvera une usine d’extraction de méthane.
ANTONIN BORGEAUD
et sur lesquels les compagnies américaines se doivent d’être présentes », a insisté Johnnie Carson, le secrétaire d’État adjoint chargé des Affaires africaines au département d’État, en rentrant de mission. Et si possible dans un maximum de pays de la zone. Si l’Afrique anglophone, à commencer par l’Afrique du Sud ou le Nigeria, et les producteurs de pétrole, Angola en tête, constituent toujours le cœur de cible, plusieurs pays francophones, comme le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, sont aujourd’hui dans le radar des compagnies américaines. À condition de mettre en place un climat favorable aux affaires. « Le cadre réglementaire est crucial pour les Américains », confirme Pascal Agboyibor. Comme le rappelle un membre du CCA, « nos compagnies vont en Afrique pour avoir un retour sur leurs investissements, pas pour faire de l’aide au développement ». ●
A
toujours au Cameroun. Créé en 2005, ES go home ! » Débarquée au Cameroun en 2001 pour ContourGlobal a fait de l’Afrique sa reprendre la Société natio« zone de développement privilégiée » nale d’électricité (Sonel), tout juste dès l’origine, selon Daniel Miossec, privatisée, la compagnie énergétique directeur de projets, à commencer par américaine était encore loin de faire celui de la centrale de 100 MW mise en l’unanimité un an plus tard, comme le service en 2010 au Togo. montrait cette inscription lue à l’époque sur les murs de Douala. TROPISME. Depuis, le développeur Aujourd’hui, le contexte semble et exploitant américain a confirmé son « tropisme africain » en signant s’être assagi. Oubliés les débuts difficiles marqués par des délestages récurrents et Le continent ne représente que des augmentations du 3 % des capacités gérées par AES, prix du kilowattheure, mais il devrait vite progresser. AES Corporation a su inverser la tendance en l’an passé avec le Rwanda le projet lançant les investissements nécessaires pour réhabiliter des installations exisKivuWatt. Récompensé en février dertantes (qui en avaient bien besoin) et nier par le prix de l’accord énergétique s’installer durablement dans le paysage de l’année 2011 en Afrique (décerné par énergétique camerounais en répondant Euromoney), il porte sur la réalisation au mieux à la demande du marché. Au d’une usine d’extraction et de producpoint de faire du Cameroun la vitrine de tion de gaz méthane et d’une centrale son savoir-faire en Afrique, pour partir électrique de 25 MW attendue pour à la conquête de nouveaux marchés sur début 2013 et dont la capacité devrait l’ensemble du continent. Celui-ci ne ensuite quadrupler. ContourGlobal représente encore que 3 % des capacités est également présent au Nigeria et gérées dans le monde par la compasouhaite continuer à diversifier son gnie installée en Virginie, mais sa part portefeuille sur le continent. La compadevrait vite progresser, dans la foulée gnie serait notamment en pole position de la future centrale thermique de pour la construction d’une centrale de 216 MW qui doit démarrer cette année, 330 MW en Côte d’Ivoire. ● O.C.
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Infrastructures En mode action Pour les sociétés de BTP, l’attentisme n’est plus de mise. Elles n’hésitent plus à démarcher les gouvernements locaux et s’impliquent en amont.
L
ongtemps cantonnées à la réalisation d’équipements liés aux grands projets d’hydrocarbures ou miniers à travers le continent, les entreprises américaines de BTP cherchent ces dernières années à varier les plaisirs. C’est le cas de la première d’entre elles, Bechtel, présente sur le continent depuis 1958. Le géant californien construit toujours des pipelines en Algérie ou des usines de liquéfaction de gaz en Angola et en Guinée équatoriale, mais, depuis 2010, il aide également le Gabon dans la définition et la mise en place du plan directeur pour les nouvelles infrastructures voulu par le président, Ali Bongo Ondimba. Bechtel a même pris la direction de l’Agence nationale
des grands travaux (ANGT), chargée de coordonner les nombreux projets (routes, ports, aéroports, logements) censés voir le jour d’ici à 2016 pour 18 milliards d’euros. Cinquième compagnie américaine par son chiffre d’affaires en 2011 selon Forbes,
politiques et leur signifier la volonté de l’entreprise de se positionner sur le marché tunisien des infrastructures. D’autres sociétés américaines s’intéressent de très près au secteur. General Electric a signé début 2012 un contrat pour la construction d’une usine de montage de locomoAu Gabon, le californien Bechtel tives destinée à la Nigerian a pris la direction de l’Agence Railway Corporation (NRC), nationale des grands travaux. pendant qu’Acrow Bridges, qui multipliait depuis 2009 elle ne compte pas en rester là et vise de les contrats en Angola, lance le chantier nouveaux marchés en Afrique. Son préd’un pont métallique en Afrique du Sud. sident Europe, Afrique et Moyen-Orient, Comme un symbole de la consolidation David Welch, s’est rendu en Tunisie début des relations entre partenaires africains mars pour rencontrer ses responsables et américains. ● O.C.
Informatique Silicon Valley bis
promesses pour ces champions de l’informatique. Dans leur viseur : multinationales, groupes régionaux, administrations et particuliers en quête de solutions technologiques. Depuis 2006, IBM a ainsi investi plus de 300 millions de dollars (242 millions d’euros) pour renforcer sa présence sur le continent.
Face à l’appétit des Subsahariens pour les nouvelles technologies, les IBM et autres Google s’implantent durablement dans le paysage.
OFFENSIVE. Autre illustration de l’inté-
AHOUNOU/APANEWS
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O
racle, Hewlett-Packard (HP), IBM, Microsoft, sans oublier Google. En quelques années, le continent est devenu un nouvel eldorado pour les grandes entreprises californiennes de l’informatique. Lorsque Larry Ellison, patron de l’éditeur de logiciels N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
et fabricant de serveurs Oracle, déclare la guerre à IBM et consorts depuis son bureau de Redwood, même l’Afrique se transforme en champ de bataille. Bien qu’ils ne comptent que pour moins de 5 % de leur chiffre d’affaires mondial, les pays subsahariens affichent de vraies
rêt des géants de la Silicon Valley pour l’Afrique, la succession des annonces d’ouvertures de bureaux de représentation : au Kenya en 2009 pour Oracle, au Nigeria en 2010 pour Microsoft, au Sénégal et en Tanzanie en 2011 pour IBM et dans dix pays entre septembre et décembre derniers pour HP. Arrivé en 2007 au Kenya et désormais présent dans six États, Google, leader mondial de la Net-économie, tient une place à part dans cette offensive ! À DAKAR, américaine en jouant AU SÉNÉGAL, à fond la carte de la Google a choisi pédagogie auprès de miser sur la formation. des développeurs informatiques, des communautés étudiantes, des start-up et des gouvernements. L’objectif est de favoriser l’usage de la Toile avec un raisonnement simple : plus l’utilisation du réseau mondial sera répandue, plus sa part du gâteau sera grande. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
La Banque Mondiale
Œuvrer pour un monde sans pauvreté L’Association internationale de développement (IDA) est le Fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres du monde. Depuis sa création, l’IDA a appuyé des programmes et des projets dans 108 pays. Le montant annuel de ses engagements a atteint 15 milliards de dollars en moyenne au cours des trois dernières années, dont 50 % sont destinés à l’Afrique. Chaque État bénéficiaire fixe ses propres priorités. Au cours des dix dernières années, les financements de l’IDA ont contribué à sauver au moins 13 millions de vies ; à vacciner 310 millions d’enfants ; à donner accès à l’eau et à l’assainissement à 177 millions d’usagers ; à fournir des services de santé à 47 millions de personnes ; à fournir des compléments alimentaires à 98 millions d’enfants et à dispenser une meilleure éducation à plus de 100 millions d’élèves chaque année.
Parmi nos engagements en Afrique : n 300 000 personnes ont bénéficié du projet de développement communautaire depuis 2008. n Financement de plus de 88 écoles (271 classes), 32 points d’eau et latrines, 10 centres de santé et 19 routes rurales. n Financement de 233 activités génératrices de revenus — pêche, jardinage, fermes d’élevage, fromageries — au bénéfice de plus de 5 000 personnes. n Plus de 6 millions de repas à quelque 30 000 élèves du primaire depuis l’année scolaire 2008/2009.
République Démocratique du Congo, 2008-2012 n 15 millions de personnes ont accès aux services de santé de base. n Lutte contre le paludisme grâce à la distribution de masse des moustiquaires à plus d’un million de ménages. n Relance de la dynamique communautaire avec la réalisation de 354 écoles, 73 dispensaires, 43 marchés et 70 projets d’approvisionnement en eau.
www.banquemondiale.org/ida
n Démobilisation de plus de 107 000 adultes et 34 000 enfants-soldats et réintégration économique de 89 000 ex-combattants.
Sénégal 2008-2012 n Le taux brut de scolarisation primaire est passé de 81 % en 2005 à 92 % en 2009. n 24 % des enfants de moins de cinq ans ont bénéficié d’un ensemble d’activités nutritionnelles organisées localement.
Bénin, depuis 2007 n 230 000 résidents ont vu leur accès aux infrastructures et aux services de base s’améliorer au cours des cinq dernières années. n Depuis mars 2007,2 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide à effet durable ont été distribuées à des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans. n Construction et rénovation de 1 629 salles de classe, 84 centres de santé et 37 systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement.
DIFCOM/DF - PHOTO : AFRICA FOTOLIA
Togo, depuis 2008
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DR
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! TRENTE GROUPES ÉLECTROGÈNES POWER GENERATION destinés à un projet minier, à Madagascar. PROFIL
Cummins met le turbo Le fabricant de moteurs diesels installé à Johannesburg depuis 1946 entend se diversifier dans les secteurs agricole et maritime, mais surtout dans ceux du pétrole et du gaz.
P
de rechange aux véhicules indiens et chinois en tout genre qui sillonnent le continent. Passée à l’offensive, la compagnie entend diversifier ses activités dans les secteurs agricole et maritime, ainsi que dans le pétrole, et, surtout, le gaz, « de plus en plus utilisé comme source d’énergie sur le continent », témoigne la direction depuis Johannesburg. Prête à investir 15 millions de dollars par an dans
remier fabricant et fournisseur du chiffre d’affaires réalisé en 2011 dans au monde de moteurs diesels les 190 pays où Cummins est présent, pour engins industriels et de « mais avec l’un des taux de groupes électrogènes, Cummins croissance les plus rapides « La filiale africaine a l’un porte ces dernières années une attenenregistrés aujourd’hui par des taux de croissance les plus tion très soutenue au marché africain. [ses] différentes filiales à rapides au niveau mondial. » Lassée de voir la concurrence chinoise travers le monde », constate TOM LINEBARGER, président de la compagnie monopoliser les contrats, la compagnie Tom Linebarger. Établi basée dans l’Indiana entend saisir les sur le continent depuis le opportunités qui ne manquent pas de se début des années 1940, Cummins est de nouvelles implantations, elle compte présenter sur le continent, dans la foulée aujourd’hui directement implanté au également étendre rapidement son réseau des nombreux projets miniers et Maroc, au Ghana, au Zimbabwe, en Afrique de l’Ouest, notamment en des chantiers d’infrastructures en Zambie, au Botswana et en direction du Sénégal ou du Cameroun, en cours ou à venir. « Nous Afrique du Sud, où se trouve et vient d’inaugurer son bureau régiovoulons atteindre 1 mille siège africain de la société nal à Casablanca, pour chapeauter millions liard de dollars [804 mildepuis 1946. Il dispose égal’ensemble d’un marché nord-africain de dollars C’est le chiffre lions d’euros, NDLR] de lement de joint-ventures qualifié de « très prometteur » par ses d’affaires réalisé chiffre d’affaires par an avec des partenaires locaux responsables. Comme un retour aux sur le continent en 2011 d’ici à 2017 », a dernièrement au Nigeria et en Angola, ainsi sources pour la société, débarquée sur déclaré à la presse américaine que d’un réseau de distribuqu le continent dans les bagages du général Tom Linebarger, le président de teurs dans plusieurs autres Patton, alors chef des troupes améril’entreprise. L’Afrique ne pèse pour l’inspays, qui lui permettent notamment caines stationnées en Afrique du Nord. ● tant que 2,5 % des 18 milliards de dollars de fournir des moteurs et des pièces OLIVIER CASLIN
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JEUNE AFRIQUE
JAMES LEYNSE/REA
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! L’AFRICAN BUSINESS CLUB de la Columbia Business School compte déjà 80 membres. RÉSEAUX
Les campus à l’heure du Cap
L
es universités américaines multiplient les rencontres ponctuelles avec des entrepreneurs africains, l’événement clé restant la conférence annuelle. La plus importante est sans aucun doute celle de la Harvard Business School, qui, lancée il y a quatorze ans, réunit près de un millier de participants. Les thèmes, souvent similaires – « L’Afrique rugissante »; « De la crise aux opportunités » ou encore « Un continent inexploité » –, rappellent que l’Afrique est toujours présentée comme un acteur économique émergent avec ses successstories peu connues ou pas reconnues et ses opportunités d’investissements. Preuve de cet intérêt croissant, ces associations, bien loin d’être des regroupements communautaires, ne réunissent pas seulement des étudiants africains, mais attirent aussi tous ceux qui expriment un intérêt professionnel pour le continent. Le club de la Columbia Business School compte 80 membres, dont une vingtaine seulement sont d’origine africaine. À la Harvard Business School, le club fondé en 1997 rassemble entre100 et 150 étudiants chaque année, et moins de la moitié d’entre eux viennent d’un pays africain. Sur le plan financier, ces associations bénéficient la plupart N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
du temps d’un soutien de l’université, d’entreprises et de donations d’anciens élèves. RECONNAISSANCE. Promouvoir leur
école – dont tous les élèves sortent avec de prestigieux diplômes – auprès de nouveaux étudiants africains est une autre des missions prioritaires de ces clubs. L’African Business Club de la Columbia Business School, à New York, a organisé pour la première fois cette année deux rendez-vous au Cap pour des étudiants
sud-africains potentiels. Newsletters qui circulent entre membres, bourse à l’emploi… ces associations bâtissent un solide réseau de connaissances et d’accès à différents postes. Les anciens – mentors, sponsors ou nouveaux employeurs – y jouent un rôle essentiel. Lors des conférences, ils viennent souvent faire part de leur expérience professionnelle en tant qu’invités d’honneur. Diplômé de Harvard, l’Ivoirien Thierry Tanoh, ancien vice-président Afrique de la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, devenu le président d’Ecobank, a reçu une distinction lors de la conférence 2011 de la Harvard Business School. La reconnaissance d’une carrière déjà prestigieuse. ● AZIZA ALBOU TRAORÉ
ANNÉE SCOLAIRE 2010-2011 Étudiants étrangers aux États-unis
723 277 Étudiants africains aux États-unis
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dont, notamment : Nigérians Kényans Ghanéens Égyptiens Camerounais
7 148 4 666 2 900 2 181 1 659
JEUNE AFRIQUE
SOURCE : INSTITUTE OF INTERNATIONAL EDUCATION.
Dans les universités les plus prestigieuses, les clubs d’étudiants tournés vers le continent se multiplient. Preuve que les mentalités évoluent.
Toute l’économie africaine est sur jeuneafrique.com Ì
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En direct, toute l’actualité économique et financière du continent La vie des entreprises zone par zone et secteur par secteur Les décideurs qui comptent... et ceux qui montent L’essentiel des opérations financières, de la vie boursière et des banques en Afrique Les grands dossiers de référence (l’eau, le transport aérien, le BTP...) Les classements exclusifs de Jeune Afrique*
* Les classements des 500 premières entreprises africaines et celui des 200 premières banques en Afrique.
jeuneafrique.com est édité par le jeun
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Économie
LOGISTIQUE
L’Afrique comble son retard
INTERVIEW
Abderrahmane Benhamadi PDG de Benhamadi AntarTrade
MADAGASCAR
Crise à tous les étages
Le potentiel minier, touristique et agricole de la Grande Île n’est plus à démontrer. Mais en l’absence d’un calendrier électoral qui rassurerait les investisseurs, la reprise de l’économie peine à se concrétiser.
CHRISTOPHE LE BEC,
D
envoyé spécial
epuis la chute du président-entrepreneur Marc Ravalomanana en mars 2009 et l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina, président de la Haute Autorité de la transition, Madagascar navigue à vue. Le calendrier électoral, qui doit permettre la sortie de crise avec l’avènement d’un Parlement et d’un président élus au suffrage universel, n’a toujours pas été annoncé, tandis que le pays a connu cinq Premiers ministres en trois ans. Sur le plan économique,cettetransitionàduréeindéterminéeaeudes conséquences dramatiques. En 2009, le PIB a chuté de 4,1 %. Puis la Grande Île a connu deux années de croissance à 0,5 %. Insuffisant quand la croissance démographique est de 3 % par an. Évoquant la mauvaise gouvernance du pays et le retrait de près de 800 millions d’euros des bailleurs de fonds internationaux, le magazine américain Forbes a qualifié Madagascar de « pire économie du monde » en 2011. Et même si la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) amorcent un timide retour, la situation sociale reste tendue. « Entre 2009 et 2011, la proportion de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 68,5 % à 76,5 %. Près de 336 000 emplois ont été détruits depuis 2009, annonce Fatma Samoura, coordinatrice du Pnud dans le pays. Avec l’exclusion de Madagascar de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), qui N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
accordait des facilités douanières aux produits malgaches sur le marché américain, le textile a perdu à lui seul 126000 emplois. » Or le secteur représentait 70 % des exportations jusqu’en 2008. Aujourd’hui encore, les entreprises tournées vers le marché intérieur souffrent de la baisse du pouvoir d’achat : « Le taux de pénétration du téléphone mobile n’est que de 30 % », regrette Patrick PisalHamida, directeur général de l’opérateur mobile Telma (100 millions d’euros de chiffre d’affaires). Même morosité pour Jean-Claude Ratsimivony, PDG du laboratoire Homéopharma, dont le chiffre d’affaires local a baissé de 10 % depuis 2009 sur ses produits cosmétiques et thérapeutiques. La dégradation des infrastructures inquiète aussi. « Si les grands axes ont été préservés, comme la RN2 qui relie Antananarivo au port de Toamasina [Est, NDLR], ailleurs, l’état des routes freine le développement. Dans la région de Mananara [Nord-Est], productrice de vanille et de clous de girofle, il faut toutacheminerparpirogue»,seplaintuncadred’une société agricole. L’approvisionnement énergétique aussi est critiqué par les entreprises. « Les variations accidentelles de tension et les coupures se sont multipliéescesderniersmois»,indiquePatrickPisalHamida. L’explication? « Avec un budget de l’État de 50 % inférieur à celui de 2007, les programmes d’investissementetdemaintenanceontétésacrifiés», déplorel’économisteAiméHerinjatovoRamiarison. REBOND. Le tableau de l’économie malgache n’est pas totalement sombre. En ce début de juin 2012, les rues embouteillées d’Antananarivo fourmillent d’activité. De nombreux provinciaux, profitant de la récolte du riz, sont venus faire leurs achats et font tourner les boutiques de Tana. Crise politique ou pas, les hommes d’affaires se pressent dans la capitale. Du 31 mai au 3 juin, la Foire internationale de Madagascar, dévolue à la promotion du secteur privé, a attiré 50000 visiteurs. Au même moment se déroulait le Salon international du tourisme, secteur crucial qui représente 13 % du PIB.
Le tableau n’est pas totalement sombre. Mieux : les dernières prévisions du FMI sont même encourageantes.
JEUNE AFRIQUE
DÉVELOPPEMENT
DÉCIDEURS
Abdoulaye Coulibaly PCA d’Air Côte d’Ivoire
MARCHÉS FINANCIERS
Carthage Cement voit le bout du tunnel
83
ANDREEA CAMPEANU
La BAD se projette dans le long terme
Les Malgaches, mais aussi certains investisseurs étrangers – notamment asiatiques, mauriciens et français –, veulent croire à un rebond de l’économie. « Ces derniers mois, nous avons assisté à l’arrivée de deux nouveaux acteurs bancaires, le gabonais BGFI et le mauricien Bank One, signe que les investisseurs financiers croient malgré tout au potentiel de Madagascar»,remarqueMaminiainaRavatomanga, patron du groupe Sodiat, très présent dans l’importexport avec plus de 2500 salariés. Les dernières prévisions du Fonds monétaire international(FMI)laissententrevoirunecroissance de 2,9 % en 2012 et de 5,1 % en 2013. Encourageant, même si avant la crise politique l’économie progressaitde7%paran.«Ilnefautpassefierauclassement de Forbes: à en croire les Américains, Madagascar ressemblerait à l’Afghanistan. La réalité est tout autre!»affirmeAugustinAndriamananoro,conseiller spécial d’Andry Rajoelina et président de la Société nationaledeparticipationsdeMadagascar(Sonapar), présente dans 70 entreprises. « L’ariary [la monnaie JEUNE AFRIQUE
malgache], qui a connu une forte dépréciation sous les régimes précédents, reste stable, se félicite-t-il. Et l’inflation, jadis explosive, a été contenue. » De 18,5 % en 2005, elle se maintient autour de 9 % depuis 2008. « L’État a su gérer les déficits et n’a pas fait fonctionner la planche à billets », admet Fatma Samoura, du Pnud.
! FER, ILMÉNITE… Le secteur minier est l’objet de projets prometteurs (ici une mine de saphirs à Ilakaka, dans le sud du pays).
RODAGE. Dans cet environnement, les entreprises
tournées vers l’international se portent mieux. Le tourisme a repris. « Entre 2008 et 2009, le taux de remplissage des hôtels d’Antananarivo est passé de 80 % à 46 %… Mais au second semestre 2011, les tour-opérateursannoncentunehaussede25%à30% de leurs activités », se réjouit Éric Koller, président de l’Office national du tourisme de Madagascar. Une tendance qui, au regard de la crise en Europe, reste à confirmer. L’externalisation informatique et des centres d’appels se développe aussi, grâce aux infrastructures de communication déployées depuis 2000. « Nous ● ● ●
N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
7,1
Entreprises marchés sommes passés de 50 à 250 salariés en cinq ans, se félicite Rindra Rakotomalala, directeur des opérations d’Extedim (saisies comptables, facturations pour le compte de sociétés françaises). Ici, nous bénéficions d’une connectivité optimale avec une main-d’œuvre moins coûteuse qu’à l’île Maurice. » Quant au secteur minier, il est l’objet de projets prometteurs. L’extraction d’ilménite sur le gisement de Fort-Dauphin (près de Tolagnaro, Sud), propriété à 80 % de l’australien Rio Tinto et à 20 % de l’État, est pour le moment le seul grand projet en cours d’exploitation. Il a nécessité près de 900 millions d’euros d’investissement. La mine et l’usine d’Ambatovy (près de Toamasina), propriété à 40 % du canadien Sherritt, sont quant à elles en phase de rodage. Ces installations d’une valeur de 4,4 milliards d’euros doivent démarrer d’ici à la fin de cette année, avec un recrutement en cours de 7 000 personnes. ●●●
Timide retour de la croissance
5,1*
(évolution du PIB en %)
2013
2,9* 2012
0,5
2009
OPACITÉ. Toutefois, dans l’attente de la vérification
des modalités d’obtention, les contrats signés après 2009 – ceux du chinois Wisco dans le fer à Soalala (Nord-Ouest),desoncompatrioteMainlandMining à Anjahambe (Est) et de l’australien Madagascar Resources à Toliara (Sud-Ouest), tous deux dans l’ilménite – ont été suspendus par le ministère
0,5
des Mines le 1er jui juin. « Dans ces condition conditions opaques,lesgrandsdusecteur opaques,lesgrandsdusecteu minier ne se réintéresseront pas à Madagasca Madagascar avantlafindelatransition»,analyseAlainD’Hoore, avantlafindelatransition»,analyseAlainD’Hoor économistedelaBanquemondialechargédupays. Enfin, il demeure un secteur où tout reste à faire: celui de l’agriculture, dans un pays où 80 % de la population est rurale. « C’est vrai, la révolution verte que nous voulons lancer n’a pas encore démarré, en dépit du potentiel agricole incroyablement varié du pays », admet le conseiller spécial du président, Augustin Andriamananoro. « Avec sa main-d’œuvre et ses richesses agricoles, minières et touristiques, Madagascar dispose d’un potentiel de redémarrage exceptionnel. Mais pour que la croissance puisse être libérée et profitable au plus grand nombre, tout reste lié à la question politique, prévient Alain D’Hoore. Sans élection, il n’y aura pas de croissance suffisante ni d’amélioration du pouvoir d’achat. » ● 2010
– 4,1
* prévisions
SOURCE : FMI, MAI 2012
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2008
2011
La fin de l’empire Ravalomanana Avec la saisie du patrimoine des laiteries Tiko par la justice le 24 mai, le démantèlement du groupe de l’ex-président est pratiquement achevé.
L
e nom de Tiko hante encore ceux qui ont évincé du pouvoir l’ancien président Marc Ravalomanana. « Jusqu’en 2009, les consommateurs malgaches étaient entre les mains de ce groupe agroalimentaire. Beurre, lait, huile, sucre, vous n’aviez pas le choix, pour vous approvisionner, il fallait passer par ce quasimonopole », dénonce Augustin Andriamananoro, conseiller spécial du président de la Haute Autorité de la transition, Andry Rajoelina. Une version que conteste Me Hanitra Razafimanantsoa, qui défend les intérêts du président déchu : « Le groupe Tiko, au sens où on l’entend, n’existait pas : il n’y avait pas de holding regroupant l’ensemble des entreprises du président Ravalomanana avec une stratégie de domination, mais N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
un ensemble de sociétés n’ayant pas de liens capitalistiques entre elles », affirme-t-elle. La galaxie économique de Ravalomanana se composait avant 2009 de sept grandes sociétés : les laiteries Tiko, les supermarchés Magro, les produits laitiers Ti, les huiles alimentaires Top, la minoterie Mana, la société de bitumage Alma et la société rizicole Fanampy Rice Mill. « L’ensemble comptait entre 2 500 et 3 000 salariés, et générait entre 30 000 et 40 000 emplois indirects », estime Me Razafimanantsoa, qui précise que l’ex-président avait abandonné toute fonction managériale après son élection, le 6 mai 2002. ATTAQUES. Après la chute de
« Ravalo » en 2009, le patrimoine de ses différentes sociétés a été la cible de toutes les attaques :
« Tous les supermarchés Magro ont brûlé en 2009, et les entrepôts de Mana ont été pillés », regrette l’avocate, qui a dû faire face à de multiples procédures fiscales. « Il ne nous restait plus rien, mais les autorités se sont mises à nous réclamer les impôts au titre de l’année précédente », dénonce-
Beurre, huile, lait, sucre… Sa galaxie se composait de neuf grandes sociétés. t-elle, déplorant une justice aux ordres. Avec la confirmation par la cour d’appel, le 24 mai, de la saisie du patrimoine des laiteries Tiko au profit de la Direction générale des impôts, on pourrait assister à la dissolution définitive de l’empire de Marc Ravalomanana, même si ses partisans n’ont pas abandonné les recours en justice. « C’étaient les dernières installations de valeur du groupe Tiko », affirme Me Razafimanantsoa. ● C.L.B. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
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LOGISTIQUE
L’Afrique comble son retard
Rail, route, transport aérien et maritime… Selon un classement de la Banque mondiale, l’Afrique du Sud, la Tunisie et le Maroc affichent les infrastructures commerciales les plus compétitives du continent.
JEUNE AFRIQUE
SALAKO/APANEWS
ð La réorganisation du PORT DE COTONOU a permis au Bénin de gagner deux places.
TOP 10 AFRICAIN Rang 2012, sur 155 Afrique du Sud 23e Tunisie 41e Maroc 50e Égypte 57e Bénin 67e Botswana 68e Maurice 72e SOURCE : BANQUE MONDIALE
L
’
Afrique a sensiblement amélioré ses performances logistiques ces dernières années. Selon la dernière étude sur le secteur, intitulée « Connecting to Compete » et que vient de publier la Banque mondiale, le continent commence à combler son « fossé logistique » avec le reste de la planète. Réalisé pour la troisième fois (après 2007 et 2010), le document mesure l’efficacité logistique de 155 pays à travers lemondeaprèsuneenquêtemenée directement auprès des professionnels concernés (rail, route, aérien, maritime). Cette année, la Banque mondiale note une très nette progression dans certains pays d’Afrique, à commencer par le Maroc, passé en deux ans de la 113e à la 50e place du classement. « Seuls les pays qui ont poursuivi des réformes résolues ont continué d’améliorer leurs performances », constatent les rédacteurs, qui attribuent justement les bons résultats marocains à « la stratégie globale mise en œuvre pour améliorer la connectivité du pays et tirer avantage de sa proximité avec l’Europe ». Le royaume rejoint ainsi l’Afrique du Sud (23e) et la Tunisie (41e) dans le top 50 des pays les plus performants. Il compte aller plus loin en mettant en place une Agence marocaine de développement de la logistique, dont l’objectif sera de renforcer l’efficacité d’un secteur aux missions beaucoup plus complexes depuis l’inauguration, début 2012, de l’usine Renault à Tanger (400 000 véhicules prévus par an et destinés à l’export). Par ailleurs, quelque 2 200 ouvriers s’activent actuellement sur le chantier du port de Tanger Med 2. Celui-ci comprendra une digue de 4,8 km de long qui abritera un bassin de 160 ha et un nouveau terminal. D’ici à 2016, Tanger Med 2 ajoutera
Malawi 73e Côte d’Ivoire 83e Madagascar 84e
ainsi une capacité de 5,2 millions de conteneurs aux 3 millions de Tanger Med 1. Autre atout: le projet du TGV Tanger-Rabat-Casablanca, programmé vers 2015. GUICHET UNIQUE. La Banque mondiale cite d’autres exemples d’initiatives prises ces dernières années au Bénin et au Cameroun. La réorganisation des terminaux du port de Cotonou et la mise en place en octobre 2011 d’un guichet unique, permettant de simplifier les procédures d’entrée et de sortie des marchandises et donc d’améliorer la productivité des terminaux, ont fait gagner deux places au Bénin (du 69e au 67e rang). Quant au Cameroun, s’il perd une place (du 105e au 106e rang), l’enquête revient sur les effets positifs de la réforme des services douaniers lancée en 2007. L’introduction d’un système de contrôle des performances des agents a permis au pays de « faciliter les échanges commerciaux et de collecter davantage de recettes, tout en luttant efficacement contre la corruption », insiste l’étude.
Mais tous les pays africains n’ont pas connu une telle évolution, puisque huit d’entre eux occupent les dix dernières places d’un classement dominé par les économiesàhautsrevenusquesont Singapour (1er), Hong Kong (2e) ou encore l’Allemagne (4e). Le degré de développement seul ne suffit pourtant pas à expliquer les performances logistiques d’un pays. « Les États insulaires, enclavés ou sortant d’un conflit sont le plus souvent les moins efficaces », remarque la Banquemondiale.Sereconnaîtront, à des degrés divers : les Comores (146e), l’Érythrée (147e), le Soudan (148e), la Sierra Leone (150e), le Tchad (152e) et le Burundi (155e). Dans un contexte marqué par « le ralentissement économique mondial observé ces deux dernières années », la Banque mondiale insiste sur l’importance de la logistique, « véritable colonne vertébrale des échanges commerciaux et donc de la croissance ». L’institution rappelle au passage que 10 % de ses projets de financement sont liés à ce secteur. ● OLIVIER CASLIN N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Entreprises marchés ALGÉRIE
Abderrahmane Benhamadi PDG
DU GROUPE
B ENHAMADI A NTAR T RADE
« Nous n’avons rien à envier aux usines chinoises ou sud-coréennes » Le patron du groupe familial a su imposer la marque Condor dans l’électroménager et l’électronique grand public en Algérie. Il compte désormais se diversifier dans la fabrication d’automobiles, entre autres.
L
es Algériens considèrent la ville de Bordj Bou Arreridj, sur les Hauts Plateaux, comme la « capitale de l’électronique ». Le groupe Benhamadi, créé dans les années 1950, a été l’un des premiers à s’y développer. D’abord spécialisée dans l’alimentaire et le transport, l’entreprise familiale a bifurqué à partir de 1997 dans l’importation puis la fabrication d’électroménager et d’électronique grand public. Depuis, le groupe a créé et imposé sa marque Condor. Son chiffre d’affaires a atteint 21 milliards de dinars en 2011 (213 millions d’euros, + 25 % par rapport à 2010), et les bénéfices
800 millions de dinars. Il revendique 30 % de part de marché dans le gros électroménager (réfrigérateurs, lave-linge, cuisinières, climatiseurs…), avec 1,3 million d’appareils vendus l’an passé. Il est par ailleurs le premier fabricant algérien de téléviseurs et produit des écrans LCD, des lecteurs DVD, des ordinateurs… Dans un pays où l’importation est reine, la réussite de Benhamadi est aussi industrielle. Les ingénieurs « maison », formés en Chine ou en Corée du Sud, conçoivent les produits fabriqués par près de 3000 salariés (600 recrutements annoncés en 2012). Ce sont ces mêmes ingénieurs qui ont développé la carte mère utilisée sur les ordinateurs Condor. Pourquoi s’arrêter là ? Le groupe annonce la production de ses premières tablettes tactiles, sa diversification dans les énergies renouvelables et l’automobile. Une introduction en Bourse est envisagée pour financer les futurs développements. La marque s’apprête en outre à s’attaquer à l’Afrique subsaharienne. JEAN-MICHEL MEYER
partenaire. Nous voulons travailler avec un professionnel qui puisse nous accompagner. Nous sommes des fabricants, la seule distribution ne nous intéresse pas. Nous voulons un transfert de technologie avec au minimum une ligne de montage, avant de fabriquer les pièces qui peuvent l’être en Algérie.
JEUNE AFRIQUE : Pourquoi passer d’une activité d’importation à un statut d’industriel ? ABDERRAHMANE BENHAMADI : Au départ,
produire en Algérie répondait à un souci économique. Là où nous pouvions réduire le prix de revient en fabricant localement, nous l’avons fait. Puis nous nous sommes aperçus que la fiabilité des cartes mères importées d’Asie pour nos PC n’était pas assurée, nous avons donc décidé de les faire nous-mêmes. Plus généralement, la loi CKD [Completely Knocked-Down, qui favorise depuis 2006 l’assemblage sur place avec des pièces importées, NDLR] a fait chuter de 30 % à 5 % les droits de douane sur les pièces importées et assemblées ici. Cette loi a dopé l’industrie de l’électronique et de l’électroménager. Les importateurs qui ne s’étaient pas préparés à produire localement et donc à respecter la loi ont disparu. Vous avez créé la surprise en annonçant en février votre intention de vous lancer dans l’automobile…
Oui, il s’agit d’un projet de véhicule électrique qui s’inscrit presque dans notre cœur de métier, l’électronique. Il entre dans notre volonté de diversification. Nous sommes en contact avec une entreprise américaine qui produit des véhicules électriques en Chine, mais les négociations piétinent. Nous pourrons toujours changer de N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
N’est-ce pas une fausse bonne idée, dans un pays où le prix du carburant est bas ?
La montée en puissance des entreprises africaines est l’un des thèmes majeurs du AFRICA CEO FORUM GENÈVE, 19-21 NOVEMBRE
theafricaceoforum.com
Pas du tout. La voiture électrique n’est pas encore populaire en Algérie, mais un marché de niche existe. Des avantages économiques peuvent être tirés des véhicules électriques au sein des grands complexes industriels, des aéroports, des administrations, voire auprès des jeunes qui se déplacent peu, pour aller à l’université par exemple. Réussir dans l’automobile s’inscrit-il dans la lignée des défis techniques que vous avez relevés en produisant vous-mêmes vos cartes mères depuis 2011 ?
Cela entre dans la même optique. Nous sommes les seuls avec Alfatron, une société publique située à Oran, à avoir créé un PC de marque algérienne. C’est un apprentissage pour nos ingénieurs. Cela nous permet aussi de pouvoir effectuer les réparations en cas de panne. Nous avons un très bon JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés [télévision numérique terrestre] en Algérie. Nous sommes les premiers à l’introduire dans nos produits commercialisés en 2012, car l’État envisage de la généraliser d’ici à 2015. Nous travaillons aussi à créer nos tablettes tactiles avec un fabricant chinois, et pas à 800 euros comme on peut en trouver ! Quels sont vos autres projets d’investissements?
Nous lançons cette année un projet de fabrication de charpentes métalliques. Nous voulons aussi nous développer dans le solaire. Il faut savoir que nos investissements visent aussi à accroître l’intégration dans nos chaînes de production. Les climatiseurs, les réfrigérateurs puis les lave-linge offrent déjà des taux d’intégration qui varient de 50 % à 80 %. Notre but est aussi d’augmenter nos gammes sur chaque produit.
SIDALI DJENIDI POUR J.A.
Avez-vous réussi, comme vous l’annonciez en 2007, à exporter 40 % de votre production ?
Nous avons beaucoup de demandes en provenance de Tanzanie, du Gabon, du Sénégal… rapport qualité-prix, et les gens nous font de plus en plus confiance. Quel rôle joue votre bureau de recherche et développement installé en Chine ?
Nos cadres lui expliquent les besoins de notre marché, et il fait en sorte qu’ils soient satisfaits de la manière la plus économique. Par exemple, il y a un an ou deux, personne ne parlait de la TNT
Non. Nous sommes en quelque sorte victimes de notre succès, avec une demande pour nos produits qui croît de 25 % à 30 % par an en Algérie. Néanmoins, l’exportation reste un axe stratégique. Nous avons arrêté en Libye et nous allons reprendre en Tunisie. Nous travaillons aussi avec la Jordanie. Et nous étudions les marchés marocain et subsahariens. Nous avons beaucoup de demandes de Tanzanie, du Gabon, du Sénégal… Cela doit se faire par étapes, car l’exportation est un métier. Dans notre activité, nous sommes en avance, et de loin, sur nos voisins tunisiens, libyens, marocains ou égyptiens. Nous avons beaucoup investi pour créer des usines ultramodernes qui n’ont rien à envier aux sud-coréennes ou aux chinoises. Nous avons l’avantage d’avoir un grand marché avec un pouvoir d’achat très important qui nous encourage à continuer d’investir. Pour vous financer, êtes-vous tenté par la proposition du gouvernement qui encourage les grandes entreprises privées à s’introduire en Bourse ?
Nous faisons évoluer la forme de nos sociétés pour passer en société par actions et constituer un groupe avec des filiales indépendantes. Le dossier est prêt. À partir de là, nous pourrons envisager l’appel à l’épargne publique, probablement par l’émission d’obligations. Pour l’instant, nous arrivons à nous autofinancer avec l’aide de nos partenaires bancaires. ● Propos recueillis par SAÏD AÏD-HATRIT, à Alger
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BAD
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! L’assemblée annuelle s’est tenue À ARUSHA, LE 31 MAI ET LE 1ER JUIN.
DÉVELOPPEMENT
La BAD se projette dans le long terme
De consultations en rencontres, l’institution panafricaine affine sa stratégie pour les dix ans à venir. L’occasion pour les États bénéficiaires de critiquer son action.
N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
C’est d’ailleurs la principale requête qui ressort des consultations menées par l’institution depuis le début de cette année, dans le cadre de l’élaboration de cette stratégie 2013-2022. Ces discussions sont aussi l’occasion de contester, d’infléchir ou de remettre en cause les priorités de la BAD. Ainsi, consultées en mars dernier,lesautoritéssud-africainesestimentqu’elle«épousetroplemodèle de Bretton Woods ». D’après elles, la Banque doit davantage promouvoir, à l’avenir, les investissements
Infrastructures 1,9 milliard d’euros
INNOVATION. Alors que le montant
184 OPÉRATIONS APPROUVÉES EN 2011 pour un montant total de
6,8 milliards d’euros (+39,5 %) dont :
Secteur financier 950 millions d’euros Social 535 millions d’euros Industries et mines 348,3 millions d’euros Agriculture et développement rural 172,7 millions d’euros Environnement 11,4 millions d’euros
SOURCE : BAD
À
Arusha (Tanzanie), où s’est tenue le 31 mai et le 1er juin l’assemblée annuelle du groupe de la Banque africaine de développement (BAD), l’élaboration de la nouvelle stratégie à long terme (2013-2022) de l’institution panafricaine a été l’un des sujets phares desdébatsdesonconseilconsultatif des gouverneurs. Les résultats de ces travaux serviront à finaliser le texte qui régira les activités de la Banque au cours de la prochaine décennie et devra être adopté avant la fin de l’année. D’oresetdéjà,CeciliaAkintomide, sa secrétaire générale et vice-présidente, assure que « l’aide aux agriculteurs pour leur permettre de transformer leurs produits restera une priorité ». De son côté, Mthuli Ncube, l’économiste en chef de la BAD, également vice-président, explique : « Nous voulons que les ressources supplémentaires générées par la croissance enregistrée en Afrique soient utilisées pour créer des emplois. » En résumé, la BAD renforcera au cours des prochaines années son soutienauxéconomiesducontinent afin que la création de richesses s’accompagne notamment d’une réduction de la pauvreté et d’une baisse du nombre de chômeurs.
à haute intensité de main-d’œuvre, agir pour les jeunes et combattre les inégalités entre les hommes et les femmes. Car selon le dernier rapport«Perspectiveséconomiques en Afrique », publié le 28 mai, le nombre de personnes sans emploi ne cesse d’augmenter, alors que le continent affiche depuis plus d’une décennie une croissance robuste. Et les 15-24 ans représentent 60 % des chômeurs du continent, soit 40 millions de personnes. La principale piste citée pour faire face à ce problème reste le développement du secteur privé. Ce point était déjà une priorité dans le précédent plan d’action de la Banque (2008-2012) mais il devrait l’être encore plus dans le futur programme, selon le vœu d’une majorité de pays. Côté sudafricain par exemple, on estime que la BAD se focalise encore trop sur « des projets importants et de grandes entreprises », au détriment des petits acteurs. Même son de cloche chez les partenaires non africains qui se sont réunis à Bruxelles, en avril: « La stratégie à long terme doit regarderlatransitiondu secteur informel vers le secteur formel. » des prêts et dons approuvés par la Banque a augmenté en 2011 de 39,5 %, à 8,78 milliards de dollars (près de 6,8 milliards d’euros), les États d’Afrique centrale, sollicités dans le cadre d’une consultation régionale, estiment de leur côté qu’au-delà de l’appui financier, « à l’avenir, le savoir, l’innovation et les conseils seront au moins aussi importants pour l’accès au stade de pays émergent ». Lors de la cérémonie d’ouverture de ces assemblées annuelles, Donald Kaberuka, le président de la BAD, a volontiers concédé « qu’il existe encore plusieurs domaines où beaucoup reste à faire ». Et à la direction de l’institution panafricaine, on promet d’« étudier des façons plus innovantes d’intervenir tout en s’assurant de la disponibilité des ressources pour financer les programmes ». ● STEPHANE BALLONG, envoyé spécial à Arusha JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Entreprises
FINANCE
Le qatari QInvest et l’égyptien Planet IB se disputent le contrôle de la banque EFG Hermes.
E
lleaaffichéuntotaldebilan de 5,4 milliards d’euros en 2011, et gère 2,6 milliards d’euros d’actifs au MoyenOrient, en Afrique et en Asie du Sud. La première banque d’investissementdumondearabe,EFGHermes, basée au Caire, est par conséquent très convoitée. Son mariage avec le fonds QInvest, filiale de Qatar Islamic Bank, était présenté en mars comme la plus importante opération financière depuis la révolution égyptienne. Mais aujourd’hui, les noces virent à l’épreuve de force. MAINMISE. Le 1
juin, Planet Investment Banking (Planet IB), une société pilotée par les Égyptiens Naguib Sawiris, Ahmed El Houssieny et Mahmoud Abdel Latif, a en effet exprimé son désir de racheter 100 % du capital d’EFG Hermes pour 880 millions d’euros. Une offre sans commune mesure avec les 200 millions d’euros de QInvest, le fonds dirigé par le fils du Premier ministre qatari, qui propose d’acquérir 60 % du capital de la banque. Le périmètre de l’opération couvre les activités de courtage, de gestion d’actifs et de banque d’investissement, à l’exclusion du capital-investissement et de la filiale Crédit libanais. Planet IB a le soutien d’investisseurs saoudiens, d’Abou Dhabi et du Bahreïn qui ne veulent pas de la mainmiseduQatarsurcettebanque stratégique. La direction d’EFG Hermes a néanmoins repoussé son offre, tandis que le 2 juin, les actionnaires de la banque ont approuvé la prise de participation de QInvest. Malgré tout, Planet IB ne se résigne pas et entend encore les faire changer d’avis. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
er
DR
Enchères au Caire
LOGISTIQUE BOLLORÉ TOUJOURS AUSSI AFRICAIN « L’Afrique se développe et Bolloré veut se développer avec [elle]. » C’est par ces mots que Vincent Bolloré a clos l’assemblée générale du groupe organisée au siège de Puteaux, près de Paris, le 6 juin et qui a avalisé les
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M
S
marchés
résultats de l’année 2011. Sur les 8,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 21 %) réalisés l’an passé par le groupe, 23 % l’ont été en Afrique, soit près de 2 milliards d’euros (+ 6,7 %). L’ensemble de ces résultats a été tiré par la filière transports et logistique, avec Bolloré Africa Logistics (BAL). Cette activité a pesé pour 57 % du chiffre d’affaires global : 4,9 milliards d’euros (+ 5 %), dont 39 % enregistrés dans les 45 pays africains où le groupe est présent. Les terminaux dont Bolloré a remporté les concessions en 2011, à Conakry (Guinée), Freetown (Sierra Leone) et Moroni (Comores), « ont contribué significativement à la progression du secteur », selon le rapport annuel. ●
• FINANCE La SFI et Bicici (filiale ivoirienne de BNP Paribas) mettent en place un financement de 30,5 M€ pour les PME • FINANCE 2 Ecobank fusionne ses activités de banque d’investissement et corporate pour créer Ecobank CIB
• AIDE L’agence japonaise Jica versera 1 G$ à la BAD pour renforcer le secteur privé • GAZ DE SCHISTE L’algérien Sonatrach a réalisé un premier forage ; le potentiel récupérable dépasserait 2 000 milliards de m • MINES Le site 3
aurifère de Sadiola (Mali) voit son exploitation prolongée jusqu’en 2025
TÉLÉCOMS OPÉRATEUR VIRTUEL Les groupes Virgin (actionnaire majoritaire de Virgin Mobile, présent en Afrique du Sud) et Friendi (opérateur moyen-oriental) se rapprochent pour créer le premier opérateur mobile virtuel (qui ne possède pas de réseau mais achète des minutes de communications aux autres acteurs) panafricain. Ils viennent de signer un accord de partenariat afin de lancer une nouvelle entité, baptisée Virgin Mobile Middle East & Africa (VMMEA). L’objectif des deux opérateurs, qui totalisent plus de 1 million de clients: dépasser les 5 millions à l’horizon 2015. ●
CAPITAL-INVESTISSEMENT DÉBUT DE K&A PRIVATE EQUITY Ephra Kazadi, un Congolais de 33 ans qui a commencé dans le commerce de diamants, a créé son fonds d’investissement. Basé à NewYork, K&A Private Equity souhaite lever, à terme, 600 millions de dollars (480 millions d’euros) pour investir sur le continent dans l’agroalimentaire, la construction et les mines. Un fonds souverain d’Afrique centrale a déjà placé 20 millions de dollars et des discussions sont en cours avec Barclays Private Equity pour 10 millions supplémentaires. Le premier closing, en février 2013, doit fournir 100 millions de dollars. ●
Rectificatif Contrairement à ce que nous écrivions dans l’article « La manne du lac » (J.A. n° 2682), la société Catering International & Services (CIS) n’a pu être attributaire du marché de restauration du consortium œuvrant sur le lac Albert, en Ouganda, « pour la seule raison qu’à ce jour, CIS n’est pas consulté », explique Julien Salas, directeur général adjoint. Il précise par ailleurs que la filiale algérienne emploie 3 500 collaborateurs. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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SIA KAMBOU/AFP
! CE GÉNÉRAL À LA RETRAITE, AUJOURD’HUI ÂGÉ DE 69 ANS, a notamment dirigé la défunte Air Ivoire de 1979 à 1994.
AÉRIEN
Abdoulaye Coulibaly paré au décollage
Air Côte d’Ivoire devrait lancer ses activités en juillet. Aux manettes de la compagnie, l’ancien pilote personnel d’Houphouët-Boigny se dit optimiste.
«
A
ir Côte d’Ivoire aura un destin d i f f é re nt d e s autres compagnies africaines qui sont mortes en cours de décollage. Elle sera pérenne. » Abdoulaye Coulibaly, président du conseil d’administration du nouveau transporteur ivoirien créé mi-mai, est optimiste. Un optimisme nourri par l’expérience de ce général de l’armée de l’air à la retraite, âgé de 69 ans. Avant d’occuper le poste de ministre d’État chargé des Infrastructures et des Transports (en 2000), il a notamment été le pilote personnel de Félix Houphouët-Boigny de 1972 au décès de ce dernier en 1993. D’ailleurs, son fauteuil de bureau, dans son imposante résidence abidjanaise – qui abrite aussi une collection d’avions miniatures –, n’est autre que celui où aimait s’asseoir le « Vieux » dans l’un des premiers avions présidentiels ivoiriens. Pour qu’Air Côte d’Ivoire ne connaisse pas le sort de la défunte Air Ivoire (dont il fut le directeur général de 1979 à 1994), Coulibaly mise sur le partenariat conclu avec Air France et le Réseau Aga Khan de développement. Tous deux sont N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
actionnaires de la compagnie, à hauteur de 20 % pour Air France Finance et 15 % pour Aérienne de participation-Côte d’Ivoire, une société de droit ivoirien créée par le Fonds Aga Khan pour le développement économique et pilotée par Férid Nandjee. L’État ivoirien détient quant à lui 65 % du capital – qui se monte à 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros) et doit être porté à court terme à 25 milliards de F CFA – et prévoit d’en céder 14 % à des investisseurs privés ivoiriens. Le Réseau Aga Khan détient des participations majoritaires dans Air Burkina et Air Mali. Les trois compagnies opéreront donc des vols en commun, explique Coulibaly, qui souligne que cette coopération permettra des économies d’échelle. L’agence d’Air Côte d’Ivoire à Ouagadougou s’installera par exemple dans les locaux d’Air Burkina – et inversement pour cette dernière à Abidjan. Avec Air France, l’Ivoirien souhaite adopter « la stratégie des petits pas ». Autrement dit, d’abord faire bénéficier son personnel navigant et technique de l’expertise
300 000
rs par an passage jectif l’ C’est ob elle v de la nou pour nie compag ons ses liais s régionale
de la compagnie française pour conquérir le marché africain avant de viser l’Europe, une destination, à l’en croire, « prévue par l’accordcadre de partenariat signé par les trois principaux investisseurs le 15 mai dernier ». VOLS DIRECTS. Le premier avion
d’Air Côte d’Ivoire, promet-il, va pointer son nez dans le ciel abidjanais au plus tard fin juillet. Deux Airbus A319, loués 212000 dollars (170 000 euros) chacun par mois, desserviront plusieurs destinations en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale(Bamako,Conakry,Douala, Libreville, etc.) par des vols directs. Untroisièmeappareil,actuellement en révision, complétera la flotted’ici à la fin de l’année, avec une option d’achat.Deuxavionsàturbopropulseurs de 50 places sont réservés au réseau domestique. Premier Ivoirien à avoir intégré l’Écoledel’airdeSalon-de-Provence (France), d’où il est sorti avec un diplôme d’ingénieur, Coulibaly préside aussi le conseil d’administration d’Aeria, société gestionnaire de l’aéroport d’Abidjan. Et ambitionne de faire de celui-ci une plateforme sous-régionale: « Sa position géographiquement stratégique le porte naturellement à être ce hub », croit fermement ce père de six enfants, très proche du président Ouattara. Pour 2012, il prévoit un triplement du nombre de passagers de l’aéroport ; ils étaient 600 000 en 2011. Air Côte d’Ivoire vise pour sa part 300000 passagers sur ses vols régionaux et autant pour les vols domestiques. Un objectif réaliste, selon le général : « Nous offrirons les meilleurs services de la sous-région, et, surtout, la ponctualité sera notre credo. » Le premier bilan d’Air Côte d’Ivoire sera rendu public en mars 2013. On saura alors si l’optimisme d’Abdoulaye Coulibaly était justifié. ● ANDRÉ SILVER KONAN, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
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AÉRONAUTIQUE
Retour aux sources pour Souad Elmallem
Responsable Afrique du Nord de Bombardier, cette Marocaine installée au Canada prépare son implantation dans le royaume chérifien. Ouverture du site : début 2013. plusieurs séjours dans les prisons du royaume avant d’être acquitté au terme d’un procès historique. L’État marocain reconnaîtra finalement son rôle et le décorera quelques années avant sa disparition. STABILITÉ. Mère de trois filles
– une adolescente de 15 ans et des jumelles de 7 ans –, Souad Elmallem commence à s’intéresser au Maroc pour Bombardier en 2008. Le pays n’apparaît pas alors dans les plans stratégiques du groupe, qui regarde plutôt du côté de Tunis ou d’Istanbul. Finalement, après deux ans de lobbying et une visite de la direction canadienne au pôle aéronautique de Casablanca en 2009, le niveau général d’éducation des Marocains, la stabilité politique du pays et sa relative proximité avec l’usine irlandaise du constructeur finissent par convaincre celui-ci. Un accord est signé en 2011. La région qui accueillera l’usine n’est pas encore déterminée, mais la
Profil • Née en 1968 à Oran (Algérie) • Titulaire d’un double diplôme de HEC Montréal, en gestion des opérations et de la production et en systèmes d’information • Chef de pays Afrique du Nord de Bombardier, où elle est entrée en 2001
DR
S
i l’un des leaders mondiaux de l’aéronautique s’implanteaujourd’huiau Maroc, c’est notamment grâce à elle. Chef de la zone Afrique du Nord du canadien Bombardier, Souad Elmallem ratisse la région depuis 2005 pour préparer son arrivée sur le continent. Installée à Montréal depuis une vingtaine d’années – elle y a obtenu en 1998 son diplôme de l’École des hautes études commerciales (HEC) –, la Marocaine « passe aujourd’hui la moitié de [son] temps en Afrique du Nord»,notammentdansleroyaume chérifien. Bénéficiant également de la nationalité canadienne, cette « citoyenne du monde », jointe justement entre deux avions, est une habituée des voyages. Née en 1968 à Oran, en Algérie, elle grandit entre ce pays et la France, dans les pas de son père, exilé. Elmallem Doukkali, acteur majeur de l’indépendance marocaine devenu encombrant sous le régime de Hassan II, fera
filiale marocaine doit démarrer ses activités au premier trimestre 2013 et emploiera 850 personnes dans les huit ans, après un investissement estimé à 200 millions de dollars (160 millions d’euros). « C’est une belle opportunité pour le Maroc », estime Souad Elmallem. « Ces dix dernières années, le pays change, c’est rafraîchissant, remarque-t-elle. Je ne sais pas si c’est assez rapide, ou pas, mais le vent du changement est bien là. » Mais elle voit déjà plus loin. Dans son viseur, elle observe toute l’Afrique qui sera le nouveau relais de croissance de Bombardier, avec le Maroc comme porte d’entrée. ● MICHAEL PAURON
ON EN PARLE
CHARLES KIÉ GROUPE ECOBANK L’Ivoirien devient directeur du pôle Corporate Banking d’Ecobank Transnational Incorporated. Il dirigeait jusqu’ici Ecobank Capital, à Londres. Annoncé sur le départ vers la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, il reste donc au sein du groupe panafricain.
JOËL AFFOYON SAP Il a été nommé, le 1er mai, directeur commercial pour l’Afrique francophone. Cette création de poste concrétise le renforcement de la présence du groupe allemand dans cette zone. Objectif : 5 millions d’euros de licences vendues d’ici à la fin novembre 2012. DR
ROMAIN DE VILLENEUVE IHS Cet ancien de FranceTélécomOrange est nommé directeur du développement de la société nigériane, qui gère un parc de 4 000 tours de télécommunications (antennes-relais) au Nigeria, au Ghana, au Soudan et au Soudan du Sud. JEUNE AFRIQUE
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Marchés financiers
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l’affaire avait tout pour dégénérer. Il y avait, pour commencer, la présence parmi les actionnaires de Belhassen Trabelsi, en fuite depuis le 14 janvier 2011, ainsi que d’une mystérieuse société, Gulf Investment Overseas, lui Pris dans la tourmente de l’après-révolution, le projet de cimenterie appartenant vraisemblablement aussi. En outre, la société avait été a frôlé la faillite. L’augmentation de capital qui doit être votée en assemblée générale le 21 juin pourra-t-elle faire passer les voyants au vert ? admise au marché alternatif de la Bourse de Tunis alors même que la cimenterie n’existait pas. ndetté, à court de trésoreAjoutez à cela le Printemps pourront visiter la cimenterie rie, Carthage Cement va arabe et une gestion hasardeuse : en cours de construction sur le jouer une partie de son les retards s’accumulent après la site de Djebel Ressas, à environ avenir lors de son assemrévolution (blocage du port de 20 km au sud-est de Tunis. Dans Radès, d’où venaient les matéblée générale extraordinaire, le la foulée, grâce à un prêt de 20 milriaux de construction, nonlions d’euros obtenu auprès d’un 21 juin. Si tout se passe comme paiement du constructeur prévu, son directeur général, Riadh pool bancaire tunisien, Riadh Ben Khalifa, retrouvera un peu de Ben Khalifa a prévu de régler turc…) ; la direction d’alors C’est l’évolution sérénité quand les actionnaires les impayés – environ 7 millions (et notamment Lazhar Sta, de l’action auront approuvé l’augmentation d’euros – encore dus au turc Ekon, actionnaire de la société) perd depuis la chute de Ben Ali, de capital de 40 millions d’euros chargé du chantier. la confiance des banques ; le le 14 janvier 2011. (80 millions de dinars). L’État dinar se déprécie par rapport à Carthage Cement (40 % du capital) devrait partiMIRACLE. « On a frôlé la catasl’euro, provoquant une perte de a été trophe », admet un proche du ciper à cette injection de fonds change de 30 millions d’euros sur le titre le plus dossier. Compte tenu de la capipropres pour garder le contrôle certains contrats ; la production échangé en 2011 à la Bourse de de la société en convertissant talisation (environ 300 millions de béton prêt à l’emploi prend du Tunis le compte courant associé qu’il d’euros) et du montant des dettes retard, engendrant un manque à détient depuis la confiscation des (environ 220 millions d’euros), c’est gagner de 7,4 millions d’euros… La parts de Belhassen Trabelsi, beautout le secteur financier tunisien, survie de Carthage Cement, dont frère de l’ex-président Ben Ali. des intermédiaires en Bourse aux le manque de financement peut banques, qui aurait bu la tasse Pour préparer au mieux cette être estimé à 67 millions d’euros, en cas de faillite… et qui pousse échéance, la direction de l’entretient du miracle. prise a enfin décidé de sortir de aujourd’hui un ouf de soulageComment expliquer, alors, que ment. Investisseurs et révolution sa réserve. D’ici à quelques jours, le titre le plus échangé à Tunis en faisant rarement bon ménage, journalistes et investisseurs 2011 ait pu garder la confiance du marché ? D’abord par l’habileté de la société d’intermédiation MAC SA, qui a soutenu l’action dans le cadre d’un contrat de liquidité, appuyée en cela par Fathi Naifer et Slim Riahi, détenteurs respectivement de plus de 7 % et 5 % du capital et eux-mêmes clients de MAC SA. Mais rien n’aurait été possible sans l’aide des autres intermédiaires, dont beaucoup de clients ont eux-mêmes des actions de Carthage Cement. C’est donc toute une partie de la place financière, consciente des conséquences d’une faillite pour la Bourse de Tunis, qui s’est serré les coudes. Reste qu’à court terme « le retard pris par le projet, avec une entrée en production prévue au premier trimestre 2013 au lieu du premier La marge Ebitda des CIMENTERIES TUNISIENNES (ici à Menzel Bourguiba, près de Bizerte) ne dépasse pas 30 %. Carthage Cement, lui, vise 53 %. Trop ambitieux ? semestre 2012, va décaler d’un TUNISIE
Carthage Cement voit le bout du tunnel
NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
E
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+ 37,8 %
JEUNE AFRIQUE
Baromètre
CADEAU. Selon Salma Zammit,
analyste au sein de MAC SA, il ne faut pas sous-estimer le potentiel industriel du projet. La cimenterie utilisera en effet une technologie très innovante, économe en énergie, capable de fonctionner à la fois au gaz, au petcoke et à
« On a frôlé la catastrophe », admet un proche du dossier. partir de déchets. Carthage Cement possède par ailleurs sa propre carrière lui permettant, grâce à la qualité des matières premières extraites, de fabriquer un très bon ciment à moindre coût. Surtout, pour rassurer les investisseurs, les promoteurs du projet mettent en avant le contrat d’exploitation signé pour cinq ans avec une filiale du concepteur de la cimenterie, le danois FLSmidth. Enfin, pour augmenter les économies d’échelle, la capacité de production de l’usine – 2,5 millions de tonnes par an – pourra être doublée, d’après une source interne à la société, pour un investissement « raisonnable » de 25 millions d’euros. Subsiste une inconnue. Quel sera l’impact du refus de l’État de réhabiliter les 15 km de l’ancienne voie ferrée qui relie le site au réseau desservant les ports de Radès et de Sousse ? C’était un cadeau promis à Belhassen Trabelsi. Riadh Ben Khalifa, lui, devra négocier. ●
Télécoms : rien ne va plus VALEUR
BOURSE
COURS au 6 juin (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)
Mobinil
LE CAIRE
22,65
+ 74,3
Orascom Telecom Holding Safaricom Vodacom Sonatel Telecom Egypt MTN Onatel Maroc Télécom Telkom
LE CAIRE
0,49 0,04 1 169,96 221,08 2,04 1 615,14 77,57 12,60 244,74
+ 69,9 + 13,6 + 10,1 – 5,0 – 5,5 – 5,9 – 9,1 – 18,1 – 29,4
NAIROBI JOHANNESBURG ABIDJAN LE CAIRE JOHANNESBURG ABIDJAN CASABLANCA JOHANNESBURG
À LA HAUSSE comme à la baisse, le secteur des télécoms en Afrique est dans tous ses états. Si Mobinil a largement profité de l’offre publique d’achat, maintenant terminée, de France Télécom-Orange, à l’opposé, Telkom ou Maroc Télécom dégringolent. Le premier souffre notamment du rejet par le gouvernement sud-africain de l’offre de Korea Telecom, qui souhaitait acquérir 20 % de Telkom et l’aider
à dynamiser ses activités. Maroc Télécom, quant à lui, n’est ni aidé par la crise au Mali, où il compte sa principale filiale hors Maroc, ni par les rumeurs de démantèlement de Vivendi, sa maison mère. Tandis que Sonatel poursuit sa lente tendance baissière, MTN est désormais sous le coup d’une enquête de la police sud-africaine au sujet de l’attribution d’une licence téléphonique en Iran. ●
Valeur en vue SAFARICOM Au-delà de toute attente BOURSE Nairobi • CA 2011-2012 983,3 millions d’euros (+ 13 %)
COURS 3,35 shillings kényans (6.6.2012) • OBJECTIF 4,48 shillings
APRÈS LA PUBLICATION récente des résultats de Safaricom pour l’année fiscale 2012, nous réitérons notre recommandation à l’achat. La croissance des revenus en glissement annuel s’est révélée au-dessus de nos attentes. L’opérateur télécoms a bénéficié: 1) d’une augmentation élevée du nombre d’abonnés (pour atteindre 19,1 millions de souscripteurs, contre une prévision de 18,6 millions) ; 2) d’une performance fantastique sur le segment voix; 3) d’une amélioration de la dépense par utilisateur ; 4) d’une forte croissance du segment non-voix. Selon nous, si Binta Drave la performance du segment voix ne se répétera pas, Analyste chez Exotix le service de paiement mobile M-Pesa et les revenus data vont désormais stimuler la croissance du chiffre d’affaires : le segment non-voix devrait ainsi croître de 22,1 % par an en moyenne au cours des cinq prochaines années. En outre, les concurrents – qui perdent de l’argent – ont moins d’appétence pour poursuivre la guerre des tarifs débutée en août 2010. Nous n’anticipons pas de nouvelles baisses de prix au Kenya. » ●
DR
an le versement de dividendes », estime Kais Kriaa, de la société d’analyse AlphaMena, pour qui le cours de l’action est très largement surévalué (3,90 dinars le 6 juin). Il émet en outre des doutes quant à la capacité de l’entreprise à atteindre à plus long terme un taux de marge Ebitda (proche de la marge brute d’exploitation) de 53 %, quand les autres cimenteries tunisiennes ne dépassent pas 30 %. Il faut dire qu’obligation lui est faite de servir en priorité le marché national, dont les prix sont 30 % inférieurs à ceux des exportations.
Marchés financiers
JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Dossier
Télécoms
INTERVIEW
Marc Rennard
Directeur Afrique d’Orange
TENDANCE
Sur la voie de la Net-économie Désormais efficacement reliés au réseau mondial via les câbles sous-marins, les pays côtiers francophones misent de plus en plus sur les nouvelles technologies pour doper leur croissance. Le but : suivre l’exemple sud-africain. JULIEN CLÉMENÇOT
F
acebook, Twitter ? Non, Mxit ! Sur le continent, le réseau social le plus populaire est sud-africain. Créé en 2005 par Herman Heunis, acheté pour 50 millions d’euros en septembre par le fonds d’investissement World of Avatar, il totalise plus de 50 millions de membres, a réalisé environ 10 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011 et compte tripler ses revenus cette année. C’est l’une des plus éclatantes réussites de la Net-économie africaine. Plus qu’ailleurs sur le continent, la démocratisation de l’accès au haut débit et la multiplication des appareils reliés au web créent en Afrique du Sud des opportunités pour une nouvelle génération de produits et de services. Pour la première fois, une étude, intitulée « Internet Matters : The Silent Engine of the South African Economy » (« Le poids d’internet: le moteur silencieux de l’économie sud-africaine »), commandée par Google et publiée fin mai par le cabinet de conseil World Wide Worx, met en évidence l’apport du réseau mondial dans l’économie sudafricaine. Selon ses auteurs, l’an dernier, la Toile N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
contribuait déjà à hauteur de 2 % au PIB du pays, soit 5,6 milliards d’euros, et pourrait atteindre 2,5 % du PIB avant 2016. Les opérateurs télécoms sont les premiers bénéficiaires de l’explosion des échanges de données, avec un revenu global de 2,3 milliards d’euros, tandis que les fournisseurs d’accès à internet empochent 400 millions d’euros. Autre enseignement de ce rapport, la montée en puissance du e-commerce. En 2011, la vente de billets d’avion en ligne a représenté 850 millions d’euros, et les autres achats 250 millions. Mieux, être présent sur la Toile fait également toute la différence pour les petites et moyennes entreprises sud-africaines : « Une PME sur cinq estime qu’elle ne pourrait pas exister sans site internet », affirme Arthur Goldstuck, directeur général de World Wide Worx.
TOP 10 DU DÉVELOPPEMENT NUMÉRIQUE EN AFRIQUE FRANCOPHONE Édité par le Forum économique mondial en partenariat avec l’Institut européen d’administration des affaires (Insead), le Networked Readiness Index (septembre 2011) évalue le développement numérique de 142 pays dans le monde à travers 53 indicateurs quantitatifs et qualitatifs (environnement, infrastructures, taux d’utilisation, impact économique…).
Tunisie Rwanda Maroc Sénégal Bénin Algérie Côte d’Ivoire Cameroun Mali Madagascar
Classement mondial
Classement Afrique
50e 82e 91e 100e 117e 118e 122e 125e 126e 134e
1er 6e 8e 11e 18e 19e 21e 24e 25e 28e JEUNE AFRIQUE
algérie
portraits
Ces experts venus d’ailleurs
zimbabwe
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Econet, leader sur la sellette ?
philip hayson/bsip
Djezzy à l’orée d’une nationalisation
Comme l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Nigeria, de plus en plus de pays africains francophones espèrent à leur tour faire des nouvelles technologies l’un des moteurs de leur croissance. Du Sénégal au Congo, en passant par le Gabon, le Bénin ou la Côte d’Ivoire, tous ambitionnent de devenir des plateformes numériques et, au-delà des infrastructures, de concentrer tout l’écosystème – société de services en ingénierie informatique (SSII), écoles d’ingénieurs… – nécessaire à l’émergence de la Net-économie. Mais en ont-ils les moyens ? Inenvisageable il y a encore trois ans, cette idée prend corps à mesure que les côtes africaines sont reliées au réseau mondial grâce aux câbles sous-marins de fibre optique. S’appuyant sur le voisinage de six câbles internationaux, Djibouti a entrepris de valoriser sa position auprès des opérateurs d’infrastructures internationaux. D’ores et déjà, la fourniture de la bande passante au voisin éthiopien, multipliée par huit en quelques années, a permis au secteur des télécoms de devenir le deuxième contributeur au budget de l’État, derrière l’activité portuaire. corriDors. Avec un temps de retard, l’Afrique
de l’Ouest entre à son tour dans la danse grâce à des investissements colossaux. Plus de 1,5 milliard d’euros ont été débloqués ces cinq dernières années pour la construction de câbles sous-marins, entre autres par les opérateurs sudafricains Vodacom et MTN, le nigérian Globacom, France Télécom et la Banque mondiale. Des pays jeune afrique
p La généralisation de la fibre optique permet l’émergence d’une nouvelle génération de produits et services.
En 2011, internet a contribué à hauteur de 2 % au PiB de l’Afrique du sud.
comme le Cameroun, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire espèrent devenir des corridors vers les pays de l’hinterland. « Pour développer l’économie numérique de ces États, il faut aussi prévoir des liaisons de secours si le câble venait à rompre », rappelle cependant Claude de Jacquelot, expert en télécoms auprès de la Banque africaine de développement (BAD). Au-delà de la connectivité du continent, la gestion de l’accès aux câbles fait encore débat. Au Cameroun, au Bénin, au Congo, tenants du monopole d’État et partisans de la libéralisation s’affrontent. En jeu pour les pouvoirs publics, la mainmise sur une source de revenus conséquente, quitte à limiter la baisse du prix de la bande passante. C’est par exemple le cas au Bénin, où les tarifs sont quatre fois plus élevés qu’au Nigeria. Avec l’arrivée du câble Wacs au Congo et l l l au Bénin, opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à internet militent pour la création d’une structure réunissant pouvoirs publics et acteurs privés afin de commercialiser la bande passante en toute transparence. « Pour développer les nouvelles technologies, les gouvernements doivent davantage s’appuyer sur le secteur privé afin de bâtir les infrastructures mais aussi de former les ressources humaines appropriées », note Badii Kechiche, consultant au sein du cabinet Pyramid Research et coauteur d’un récent rapport sur cette question. Autre frein persistant à l’émergence d’une économie numérique, la faiblesse des réseaux filaires pour relier les territoires enclavés n o 2683 • du 10 au 16 juin 2012
Dossier Télécoms comme le Burkina Faso ou le Niger. Là encore, les monopoles conservés par certains opérateurs historiques limitent l’apport du secteur privé en empêchant par exemple, au Cameroun, la compagnie d’électricité AES-Sonel, qui dispose pour la gestion de son activité de 700 km de fibre, de vendre une partie de sa bande passante. Malgré tout, la situation des nouvelles technologies s’améliore nettement en Afrique de l’Ouest. À preuve, la multiplication des points d’échange entre les réseaux des opérateurs au Cameroun ou au Bénin et, bien sûr, l’attribution ces derniers mois de licences 3G (haut débit mobile) en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Congo, ce qui devrait doper la démocratisation d’internet (moins de 7 % de la population y avait accès fin 2011) en le rendant plus abordable à mesure que le prix des smartphones chute. E-GOUVERNEMENT. En Côte d’Ivoire, l’adoption
d’un nouveau code des télécommunications, début 2012, marque également un changement positif en consacrant la notion de licence universelle (donnant le droit d’utiliser toutes les technologies) et en facilitant la mise en place de partenariats public-privé. En parallèle, l’État ivoirien joue aussi la carte des nouvelles technologies, avec un vaste programme de e-gouvernement (administration), e-santé (télémédecine) et e-agriculture (Bourse d’échange des matières premières agricoles). S’il se réjouit des mesures prises par les pouvoirs publics, Patrick Mbengue, président du
Ces derniers mois, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Congo ont délivré des licences 3G.
Groupement des opérateurs du secteur des technologies de l’information et de la communication de Côte d’Ivoire (Gotic-CI), espère aussi que ces projets profiteront aux PME locales. « Il faut prendre des dispositions pour qu’elles ne soient pas exclues des appels d’offres publics, ce qui arrive souvent car elles n’ont pas de garanties financières suffisantes. Il n’y aura pas de Netéconomie en Côte d’Ivoire sans une industrie locale forte », prévient-il. Quelque 2 000 km plus au sud, le Congolais Vérone Mankou (Brazzaville), inventeur de la tablette tactile Way-C, plaide aussi pour un soutien accru de l’État. « Le système est complètement inadapté aux start-up. On nous demande de payer des taxes alors que nous ne gagnons pas encore d’argent. En plus, les banques ne veulent pas nous accorder de crédits alors que c’est nous, les jeunes, qui créons les entreprises de demain », confie-t-il. Au Sénégal, une politique d’accompagnement fiscal a fait ses preuves. Outre les centres d’appels, qui, en une décennie, ont attiré plus de 30 millions d’euros d’investissements, « c’est tout un écosystème qui s’est constitué », note Omar Cissé, directeur général du CTIC, un incubateur de startup cofinancé par des partenaires publics et privés. Avec des sociétés comme Sonatel (télécoms), People Input (services internet et mobile), 2SI (éditeur de logiciels) ou Neurotech (intégrateur de solutions Cisco), Dakar a montré la voie à suivre aux pays francophones. ●
Start-up cherchent technopôle Créés avec succès en Égypte et au Maroc, les parcs dévolus à l’économie numérique peinent à s’imposer au sud du Sahara.
L
’
Égypte figure parmi les nations africaines les plus avancées en matière d’implication du secteur privé dans le développement des nouvelles technologies. Situé à une trentaine de kilomètres du Caire, le Smart Village est le moteur de l’économie numérique égyptienne et ! LE SMART VILLAGE, près du Caire, réunit sans doute l’un des princi160 sociétés employant 40 000 personnes. paux facteurs de sa réussite. Créé en 2001 dans le cadre d’un partenariat public-privé, ce techsous-traitantes, des institutions finannopôle réunit 160 sociétés employant cières, des centres de recherche et de 40000 personnes. À côté des sièges d’édiformation… teurs internationaux de logiciels (Oracle, Si le modèle a été adapté avec succès au Microsoft…) et des centres d’appels géants Maroc avec l’ouverture de Casanearshore cohabitent quantité d’entreprises locales en 2007 (plus de 26 000 emplois créés), N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
KHALED DESOUKI/AFP IMAGEFORUM
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la réalisation de technopôles reste en revanche le maillon faible des stratégies des pays subsahariens. Au Sénégal, les professionnels du secteur semblent avoir abandonné tout espoir de voir émerger un parc spécialisé et reportent leurs attentes sur la zone franche de Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar. Mais le projet n’est pas encore véritablement lancé, et seule une première tranche de 50 ha (sur 718) pourrait être aménagée dans un premier temps. Juste de quoi accueillir une trentaine d’entreprises. ZONE FRANCHE. Même incertitude en Côte d’Ivoire, où la zone franche de GrandBassam est bloquée au premier stade de son développement. Sur les 680 ha prévus, seuls 30 ont été exploités pour héberger une petite vingtaine d’entreprises. Mais l’arrivée prochaine sur le site d’une partie du groupe Orange et surtout la prise de fonctions au 1er juillet d’un nouveau directeur général devraient permettre au projet de redémarrer. Les start-up ivoiriennes aimeraient y croire. ● J.C. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Télécoms INTERVIEW
Marc Rennard
D IRECTEUR
EXÉCUTIF DE
POUR L ’A FRIQUE , LE
F RANCE T ÉLÉCOM -O RANGE M OYEN -O RIENT ET L ’A SIE
« Le potentiel de la téléphonie mobile reste inégalable » Présent dans dix-huit pays africains, Orange a fait du continent l’un de ses principaux relais de croissance. Après un exercice perturbé par les crises politiques, le patron de l’opérateur français en Afrique détaille sa stratégie.
D
étendumaistoujoursincisif,n’éludantaucun sujet, Marc Rennard, 55 ans, a reçu Jeune Afrique mi-mai pour un long entretien au quartier général de France Télécom-Orange, dans le 15e arrondissement de Paris. Patron des activités internationales depuis 2006, nommé au comité exécutif du groupe en 2010, il dresse un bilan d’étape du plan Conquêtes 2015, dont l’objectif est notamment de doubler les revenus d’Orange sur les marchés émergents, pour atteindre 7 milliards d’euros. JEUNE AFRIQUE : À presque mi-parcours du plan Conquêtes 2015, quel est votre bilan en Afrique? MARC RENNARD: Nous respectons la feuille de route
donnée il y a deux ans par le PDG, Stéphane Richard, et pensons toujours atteindre 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’horizon 2015 sur la zone Afrique, Moyen-Orient et Asie [le chiffre d’affaires était de 3,7 mil-
Quelles sont vos prochaines cibles pour étoffer votre portefeuille d’opérations?
Stéphane Richard l’a dit: il n’y aura pas d’acquisition majeure dans les prochains mois. Mais nous restons bien sûr attentifs aux opportunités. Y a-t-il encore de bonnes affaires à saisir?
Oui, regardez notre dernière acquisition en RD Congo à l’automne 2011. Congo Chine Télécom n’avait pas la réputation d’être un modèle de bonne gestion…
La société était dans une situation compliquée, et nous avons pris du retard en raison de la crise politique qu’a connue le pays. Mais notre analyse de ce marché de plus de 65 millions d’habitants reste la même. Nous avons une licence globale, donc nous allons lancer la 3G [haut débit mobile] et étendre la couverture du réseau. Aujourd’hui, l’entreprise propose des services basiques, mais nous espérons avoir introduit d’ici à un an ce que nous faisons ailleurs: le BlackBerry en prépayé, la Flybox [internet fixe via le haut débit mobile], le roaming [connexion à un réseau étranger], etc. Vous avez dix-huit filiales en Afrique. Orange aurait-il réussi un tel développement s’il n’avait pas été au départ un opérateur important?
Non,mêmesiMTN,partiderien en Afrique du Sud, est un contreexemple. Ce pour au moins trois raisons. La première, c’est que la capacitéfinancièredugroupenous a permis de devenir leader dans les infrastructures de transmission comme les câbles sous-marins. La deuxième, c’est que nous avons bénéficié en termes d’image d’unemarqueinternationale.Etlatroisième:nousavons largement profité de la capacité d’innovation du groupe.
Il y a encore de bonnes affaires à saisir. Congo Chine Télécom, racheté en 2011, en était une. liards en 2011, NDLR]. Essentiellement par croissance interne, mais aussi via l’intégration de filiales que l’on ne consolide pas, comme celles du Maroc ou de la Tunisie, et au travers de nouvelles acquisitions, comme nous l’avons fait l’an dernier en RD Congo. L’exercice 2011 a pourtant été perturbé par de nombreuses crises sur le continent.
Notre exercice a beau avoir été perturbé par le Printemps arabe ou la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, cela ne sera pas significatif à l’échelle du plan. L’objectifdecroissancedugroupeestd’atteindre300millions de clients dans le monde, et, sur les seuls marchés africains,nousencomptonsdéjà74millions.L’andernier, notre croissance en nombre d’abonnés était de 26 %, et celle de notre chiffre d’affaires de 6,8 %, hors Égypte et Côte d’Ivoire. Une tendance qui se confirme sur les premiers mois de 2012. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Dans un groupe comme Orange, toutes les filiales n’ont pas la même rentabilité. Lesquelles sont vos locomotives?
La rentabilité est largement liée à l’histoire. Il n’y a pas de filiales anciennes qui ne soient pas très profitables. Je pense entre autres au Mali, au Sénégal, au Cameroun, à Maurice. Toutes les opérations datant d’avant 2003 ont atteint des niveaux de performance supérieurs à la moyenne. Avec plus de 30 millions d’abonnés en Égypte, Mobinil ne figure pas dans le peloton de tête? JEUNE AFRIQUE
VINCENT FOURNIER/J.A.
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En Égypte, les opérateurs ont un niveau de rentabilité un peu inférieur, parce qu’il y a un taux de déperdition de la clientèle plus important et que les prix sont bas. Par ailleurs, en 2011, deux crises nous ont pénalisés. D’abord la révolution, puis la polémique autour du tweet publié par notre coactionnaire Naguib Sawiris [représentant Mickey en « barbu » et Minnie en burqa]. Quelle a été votre stratégie de reconquête?
Nous avons beaucoup communiqué, et aussi travaillé surlesoffrescommerciales.Etpuisnousavonsfortement redynamisé le circuit de distribution, ce qui nous a permis de réduire les coûts… Après une année 2011 agitée, 2012 s’annonce prometteuse pour Orange en Afrique.
Notamment au Sénégal, où le nouveau président a décidé de supprimer la taxe sur les appels internationaux entrants, contre laquelle vous vous étiez fortement mobilisé…
C’étaitunvéritablecancerpourl’industriedestélécoms et l’économie des pays. J’observe avec satisfaction que les deux plus gros pays d’Afrique de l’Ouest, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, ont à quelques mois de distance abouti, après des études réglementaires, fiscales et économiques, à cette même conclusion.
La nomination au poste de Premier ministre d’Abdoul Mbaye, frère du directeur général de votre filiale Sonatel, va-t-elle faciliter vos relations avec les pouvoirs publics sénégalais?
Je ne le pense pas. Depuis que je dirige les opérations d’Orange en Afrique, nos relations avec les pouvoirs publics se sont toujours limitées aux ministères des TélécomsetdesFinancesetaurégulateur.Etpuisl’éthique du directeur général de Sonatel et du Premier ministre nous préserve de ce genre de dérive. Ça n’a en tout cas JEUNE AFRIQUE
! Marc Rennard, 55 ANS, siège depuis 2010 au comité exécutif du groupe.
pas joué concernant la taxe sur les appels entrants, dont l’abandon figurait déjà dans le programme du candidat Macky Sall. Vous avez déclaré que l’ambition d’Orange était d’être numéro un ou deux sur chacun de ses marchés africains. Quid du Kenya, où vous êtes troisième avec 10 % du marché?
Au Kenya, nous avons repris une participation majoritaire dans l’opérateur historique Telkom Kenya. Ce marché a été mis à mal par un environnement réglementaire non maîtrisé et deux opérateurs indiens qui ont détruit le marché par des politiques de prix parfois inférieurs aux coûts de revient. Sans oublier l’impact de la crise économique. Cela étant, Telkom Kenya s’est restructuréenpassantde8000à2000salariésencinqans et a très fortement investi dans ses réseaux, notamment dans la 3G. Mais cette situation reste sous surveillance. Nous sommes d’ailleurs en discussion permanente avec les pouvoirs publics pour redévelopper ce marché de manière plus sereine. En instaurant un prix plancher pour les communications?
C’est l’une des voies pour éviter les abus. Certains pays, comme la RD Congo, l’ont retenue, mais il y a d’autresfaçonsdefaire,entravaillantsurlestarifsd’interconnexion, les obligations de qualité de service et de couverture, le nombre des licences. Le régulateur peut agir sans pour autant être dirigiste concernant le prix de vente aux consommateurs. Deux ans après son lancement, Orange Tunisie semble en retard sur ses objectifs…
Ce n’est pas mon sentiment. Orange s’est imposé comme la référence du segment des clés 3G et a ● ● ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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Dossier Télécoms ● ● ● permis le décollage de l’internet mobile en Tunisie, 25 boutiques Orange ont été ouvertes et nous avons 1,7 million d’abonnés. Pour nous, compte tenu de la révolution, c’est un lancement réussi.
le lancement de la 3G en équipant plus de 200 sites. L’autre raison de notre redressement, c’est le retour de la croissance dans un contexte d’environnement des affaires plus favorable qu’avant.
La révolution a-t-elle compliqué le financement de la société?
Malgré sa réussite africaine, les observateurs du secteur reprochent à Orange une gestion très centralisée de ses opérations.
Lebusiness planprévoyaitl’injectiondefondspropres, mais nous n’avons pas pu le faire, faute de savoir si notre partenaire Investec, présidé par Marouane Mabrouk [gendre de l’ex-président Ben Ali dont les parts, après investigation, n’ont pas été confisquées], serait aussi en mesure de le faire. Le problème est en voie de résolution.
Au contraire, le management de nos opérations en Afrique a été extrêmement autonome. Avec beaucoup d’avantages, notamment en termes d’implication des équipes et de réactivité en cas de crise. Ce n’est que depuis peu que nous allons vers un plus grand partage d’infrastructures et de plateformes, parce que les revenus et les marges diminuent.
En Côte d’Ivoire, les difficultés nées de la crise postélectorale sont-elles oubliées?
C’est la satisfaction du moment. Le chiffre d’affaires à fin avril a progressé de 34 % en un an. Pendant la crise, la moitié de notre réseau a été saboté, notre centre de transitinternational,110véhiculesetplusieursboutiques ont été détruits, occasionnant 75 millions d’euros de dégâts. Le groupe Orange a donné les moyens à cette filiale de se redéployer, et l’entreprise elle-même a mobilisé une énergie colossale pour refaire son réseau en six mois. Et, dans le même temps, les équipes ont anticipé
Alors pourquoi vous associe-t-on à une certaine arrogance française?
C’est peut-être le fait d’avoir une marque, parfois perçue comme élitiste, déployée sur un grand nombre de pays avec une forte visibilité. Mais Orange est complètement intégré au tissu local, avec dans nos filiales un effectif à 99 % africain. Sans compter notre politique de responsabilité sociale et notre volonté de jouer la carte du rural en connectant les villages au réseau mobile et à internet.
DES ACTIVITÉS DANS 18 PAYS Téléphonie mobile
MAROC Méditel
Internet
TUNISIE OrangeTunisie
NIGER Orange Niger
Votre centre d’innovation technologique basé en Côte d’Ivoire a-t-il déjà fait ses preuves?
Téléphonie fixe
Oui, et ce qui est très important c’est la proximité de cet « Orange Labs » avec le marché: basé à Abidjan, dirigé par un Sénégalais, avec des collaborateurs qui viennent de plusieurs pays africains… Ce qui compte, ce n’est pas tant le fait qu’on puisse y inventer quelque chose de complètement nouveau que celui de disposer de services correspondant mieux aux attentes de nos clients africains [par exemple, un projet d’annuaire mobile accessible depuis un téléphone basique].
CENTRAFRIQUE Orange Centrafrique
SÉNÉGAL Orange Sénégal ÉGYPTE Mobinil
Sonatel
OUGANDA Orange Ouganda
Le souci d’économie est de plus en plus fort chez les opérateurs. L’âge d’or des télécoms est-il fini?
KENYA Orange Kenya
GUINÉE-BISSAU Orange Bissau
Telkom Kenya GUINÉE Orange Guinée MAURICE Orange Maurice
Sonatel
MauritiusTelecom
CÔTE D’IVOIRE Orange Côte d’Ivoire
Je pense qu’aucun secteur d’activité ne conserve un tel potentiel de croissance sur le continent. Pour plusieurs raisons : la moitié de la population a moins de 15 ans et elle va doubler d’ici à 2050, et les terminaux sont de moins en moins chers. Un opérateur qui investit dans les télécoms aujourd’hui n’a aucun risque de se tromper.
Néanmoins, partager des infrastructures devient incontournable…
Côte d’IvoireTélécom
MALI Orange Mali
GUINÉE ÉQUATORIALE Orange Equatorial Guinea CAMEROUN Orange Cameroun
SOURCE : ORANGE N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Getesa
RD CONGO CCT
MADAGASCAR Orange Madagascar
BOTSWANA Orange Botswana
Dans une industrie où la profitabilité baisse, il faut réduire ses charges. Mutualiser les infrastructures entre opérateurs est très pertinent. Outre les économies en matière d’investissement, cela permet de partager les coûts liés à la fourniture d’énergie. L’adoption de cette pratique a vocation à s’accélérer. Nous avons des projets en cours dans dix pays et nous venons de créer une équipe spécifique pour les piloter. ●●● JEUNE AFRIQUE
Dossier Aujourd’hui, vous recevez vos e-mails dans les mêmes conditions en arrivant à Bamako ou à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle [Paris]. Il y a 54 pays en Afrique, et les situations sont très différentes. Je ne ferais pas de distinction entre l’Est et l’Ouest, mais plutôt entre les pays qui ont une gouvernance développée dans ce domaine et ceux qui sont plus en retard. Compte tenu de l’évolution technologique, les retards qui existent sont encore facilement rattrapables.
ORANGE CÔTÉ SOCIAL EN AFRIQUE, Orange met un point d’honneur à « amener le téléphone et internet jusque dans les villages les plus éloignés des métropoles », souligne Marc Rennard. Un gage, selon lui, de réussite sur le long terme. Cet engagement va de pair avec un autre grand projet: la mobilisation, grâce à la Fondation Orange, des moyens financiers et des partenariats « pour que dans moins de dix ans chaque village de plus de 2000 habitants dispose d’un point d’eau, d’un dispensaire et d’une école ». ● J.C.
Vous avez pris la direction de la zone Afrique en 2006. Quels sont les changements qui vous ont le plus frappé depuis cette date ?
Dans ce contexte plus tendu, les pouvoirs publics remplissent-ils leur rôle ?
UNE CROISSANCE TIRÉE PAR L’AFRIQUE ET LE MOYEN-ORIENT
Il faut aussi que les opérateurs acceptent d’avoir une rentabilité moindre, comparable à d’autres secteurs…
Progression de la base clients en 2011 +41 % +31 % +27 %
Oui, mais il ne faut pas oublier que le secteur des télécoms est une industrie à forte intensité capitalistique, qui ne peut pas survivre avec une marge Ebitda [un indicateur de rentabilité proche de la marge brute d’exploitation] de 5 %.
M
Progression du chiffre +41 % d’affaires +17 % +3,5 %
ga
nd a Ni te ger d’ Iv oi r Ég e yp te
+29 %
Ou
C’est plus compliqué qu’avant. Orange travaille sur plusieurs axes pour y arriver. Premièrement, l’amélioration de nos achats. C’est la logique de Buyin, la coentreprise créée avec Deutsche Telekom, qui nous permet d’être plus puissant lors des négociations [objectif : 900 millions d’euros d’économie par an à terme à l’échelle du groupe]. Deuxièmement, le partage des infrastructures. Et enfin, la mise au point de solutions d’ingénierie low cost, car notre futur est dans le rural, et il y aura une prime au premier arrivé.
On est passé de la préhistoire à une ère moderne. Ce qui m’a marqué, c’est l’appétence pour la technologie, des services bancaires mobiles aux recharges de crédits électroniques, sans oublier internet et les réseaux sociaux; c’est aussi la capacité de pays réputés suiveurs à devenir innovants. Et au-delà des télécoms ?
Je fais partie des gens qui ne sont ni béats ni pessimistes. Ce qui me frappe, c’est le dynamisme des économies et l’évolution de l’environnement des affaires. Je ne suis pas le jury d’un concours de bonne gouvernance, mais les choses progressent. Là où il y a une bonne gouvernance, il y a de la croissance et le pouvoir d’achat des populations s’améliore.
Ca
Éprouvent-ils des difficultés à financer les infrastructures rendues indispensables par internet ?
Ni
al i ge r m Cô ero te u d’ n Iv oi re
+9 %
Cô
Le secteur a longtemps été perçu comme une vache à lait. Les choses changent doucement, les autorités ont une meilleure compréhension des enjeux du secteur. Après, il y a un principe de réalité qui fait que quand il y a une crise alimentaire et qu’un État peut taxer les SMS pendant six mois il le fait.
SOURCE : ORANGE
En matière de télécoms, l’Afrique de l’Est vous semblet-elle en avance sur l’Afrique de l’Ouest ?
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Est-ce que la perception de l’Afrique évolue chez les décideurs que vous côtoyez ?
Oui, mais il demeure une méconnaissance du potentiel des pays et encore un peu de condescendance de la part de beaucoup d’Occidentaux, ce qui est complètement décalé par rapport à la réalité. Dans les réunions de patronat, les clubs de réflexion, les colloques, il y a souvent une grande surprise lorsqu’on montre des entreprises modernes, avec du personnel éduqué. Il faut réinventer des partenariats avec des acteurs africains. Faute de quoi, dans quelques années, nous passerons à côté d’opportunités que le progrès et la démographie vont offrir sur le continent. ● Propos recueillis par JULIEN CLÉMENÇOT
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Dossier Télécoms ALGÉRIE
Djezzy à l’orée d’une nationalisation La prise de 51 % du capital de l’opérateur par l’État est prévue pour les prochains mois. Alger se retrouvera alors à la tête de deux acteurs de la téléphonie mobile.
C
’
estl’épilogued’unprocessus entamé début 2010, lorsqu’Alger a décidé de racheter l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy (alors filiale à 96,8 % de l’égyptien Orascom Telecom Holding, OTH) en faisant valoir son droit de préemption dans le cadre de la règle des 51/49. Karim Djoudi, le ministre des Finances, a confirmé en mars la poursuite des négociations avec VimpelCom, le groupe russe repreneur de Djezzy enoctobre2010(ildétient51,7%des parts d’OTH). Il s’agit de « parvenir à un accord sur la valeur de la transaction »: le chiffre de 6,5 milliards de dollars (5,2 milliards d’euros) a été évoqué – et aussitôt démenti par Karim Djoudi. Mais le bras de fer continue : OTH a présenté un avis officiel d’arbitrage contre Alger concernant d’anciennes mesures prises contre Djezzy. Au-delàdesconsidérationsfinancières,quelseral’avenirdeDjezzyau lendemain de cette nationalisation partielle? « L’opérateur, qui a réalisé de belles performances ces derniers mois,resteleaderavec17millionsde clients.Eninjectantdel’argent,l’État permettraàl’entreprisededoperson développement », estime Younès
LOUIZA AMMI
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LA TRANSACTION avec le russe VimpelCom pourrait s’élever à plus de 5 milliards d’euros.
LA RÈGLE DES
51/49 Depuis 2009, tout investisseur étranger doit s’associer à un partenaire algérien majoritaire
Grar, consultant en télécoms. Le rachat de Djezzy permettra aussi le règlement définitif de sa dette fiscale et la reprise de son programme d’investissements, revu à la baisse après la mesure d’« interdiction d’opérations extérieures » (transfert de devises bloqué) imposée par la Banque centrale en 2010 pour cause de fraude fiscale. Reste à savoir qui héritera du management de la nouvelle entité. « Le volet management sera défini dans le cadre du pacte d’actionnariat. Si la gestion est confiée aux Algériens, il y a un risque d’assister à un transfert de mauvaises pratiques vers Djezzy. Car, si l’Algérie avait des gestionnaires compétents, Algérie Télécom et Mobilis ne seraient pas en crise », souligne Younès Grar. Minés par leur mauvaise gestion,
EN ATTENDANT LA 3G LE LANCEMENT DE LA 3G (haut débit mobile) n’a toujours pas abouti. Les trois opérateurs ont pourtant déposé des offres en octobre 2011, onformément au processus mis en œuvre par le ministère de la Poste et desTIC. La 3G était censée être opérationnelle le 5 juillet. Mais en décembre, Moussa Benhamadi, alors ministre desTIC, annonçait le gel du processus d’octroi de la licence « jusqu’au règlement de l’affaire Djezzy ». Depuis, plus rien. En fait, il semblerait que l’option 3G n’ait pas été retenue définitivement par les pouvoirs publics et que le passage direct à la 4G soit actuellement à l’étude. ● T.H. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
l’opérateur public et sa filiale de téléphonie mobile se trouvent aujourd’hui dans une situation précaire (obsolescence des infrastructures, lourdeurs administratives…). « Algérie Télécom n’a pas encore réussi son passage du statut d’opérateurderéseaurégiadministrativement à celui d’opérateur de services centré sur le client et à l’écoute de ce dernier », a concédé Azouaou Mehmel, le nouveau patron d’Algérie Télécom, dans une longue lettre adressée à ses employés. GRAND PERDANT. Une fois l’opéra-
tion de nationalisation effective, le secteur de la téléphonie mobile se retrouvera dans une situation singulière, avec une large domination de l’État à travers Djezzy et Mobilis. L’opérateur privé Nedjma, propriété duqatariQtel,seraenpositionminoritaire, mais c’est bien Mobilis qui pourrait être le grand perdant. Les pouvoirs publics devront très vite parvenir à un retour sur investissement, ce qui se fera nécessairement au détriment du soutien financier à lafilialed’AlgérieTélécom.Ledossier nécessite la mise en œuvre d’une stratégiebaséesurdescritèresfinanciers et commerciaux. La gestion politique a fait son temps. ● TAREK HAFID, à Alger JEUNE AFRIQUE
L’utilisation de sources d’énergies renouvelables associée à des applications spécialisées est une perspective commerciale durable pour les opérateurs, qui soutient l’amélioration de la qualité de vie des individus. Ericsson s’engage pour répondre à cette exigence.
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Explorer le présent. Façonner l’avenir.
Changer l’Afrique par les idées et la technologie uniquement de faire communiquer les gens. Une étude commandée à Arthur D. Little par Ericsson a conclu que pour chaque dizaine de points de progression de l’implantation des communications haut débit dans un pays, son PIB augmente d’1%. De plus, pour chaque millier de nouveaux utilisateurs du haut débit, environ 80 nouveaux emplois sont créés. Voici l’impact de l’innovation et de la technologie.
Solutions innovantes
Lars Lindén - Vice Président en charge de l’Afrique subsaharienne
Ericsson est un leader dans le domaine des idées tout comme dans le domaine technologique. Des solutions comme la tarification dynamique (réductions) et la convergence permettent aux opérateurs de proposer une gamme de produits plus étendue. Notre expérience dans le développement de tarifs et d’offres diversifiées se révélera de plus en plus utile à mesure que la téléphonie haut débit deviendra indispensable, et ce aussi bien pour les individus que pour les gouvernements ou les entreprises. Ericsson s’est également établi comme pionnier du commerce mobile dans d’autres régions d’Afrique, avec notamment la création de partenariats avec Western Union pour le transfert d’argent sur mobile ou MTN pour le M-Wallet, et il ne s’agit là que de deux exemples parmi d’autres... Les opérations financières sur mobile sont essentielles pour la région et les possibilités pour les opérateurs sont infinies.
Les avancées technologiques majeures ont donné à l’Afrique de l’Ouest l’opportunité d’accomplir un bond en termes de générations de technologies de télécommunications. Le fantasme passé du haut débit et de l’accès Internet depuis les appareils mobiles est aujourd’hui une réalité. Cette place de leader associée à ses innovations technologiques vient soutenir la vision d’Ericsson d’une Société en Réseau dans laquelle 50 milliards d’appareils relieront individus, lieux et équipements d’ici 2020. Ericsson est une entreprise globale disposant de locaux dans plus de cent pays et opérant en Afrique depuis 1894. Ericsson exerce actuellement ses activités dans 41 pays d’Afrique sub-saharienne où ont été implantées des technologies d’information et de communication avancées dont notamment les derniers réseaux mobiles 3G et 4G LTE. L’Afrique est un continent au potentiel énorme. Ericsson estime que d’ici 2015, les abonnements de téléphonie mobile en Afrique subsaharienne augmenteront de 50% pour un total de 638 millions. Les abonnements aux services de transfert de données seront eux multipliés par 10 sur la même période pour un total de 235 millions. Les idées et l’imagination sont aussi importantes que la technologie elle-même pour les opérateurs de télécommunications car ce sont elles qui emmènent progressivement les abonnés vers un avenir où la téléphonie mobile haut débit sera utilisée par tous. L’approche d’Ericsson a donc changé: elle est passée de la simple vente de matériel à la vente d’idées et de solutions.
Comprendre les réalités commerciales Nous appréhendons les différences entre les industries des télécommunications de chacun des pays francophones d’Afrique et nous comprenons que les exigences du marché et les besoins technologiques futurs leurs sont spécifiques. Nous avons les offres commerciales et les solutions technologiques correspondant à chacun des marchés de notre région. La croissance des réseaux haut débit exige des opérateurs qu’ils changent de modèle commercial pour développer et proposer un contenu attrayant et en adéquation avec la demande pour une tarification adaptée. Ericsson est un partenaire de choix pour développer des stratégies commerciales visant à agrandir le réseau et générer de la demande. Il ne s’agit pas PUBLI-INFORMATION
Adam Hashem - Directeur Commercial et Responsable de la Filiale Ericsson Gabon
Portée globale, expérience locale Aujourd’hui, plus de 40% du trafic mondial de téléphonie mobile passe par les réseaux Ericsson et l’entreprise soutient les réseaux de sa clientèle pour un total de 2 milliards d’abonnés. Cela permet à l’opérateur de se concentrer sur le marketing, de développer des programmes de fidélité et de réduire la migration des utilisateurs. Ericsson s’occupe de l’aspect technique tout en soutenant l’opérateur via des plans commerciaux et des réseaux évolutifs. Ericsson a l’expérience et la portée globale nécessaires pour comprendre les besoins des opérateurs mais aussi la technologie essentielle pour concrétiser leurs idées. Nous reconnaissons le grand besoin de flexibilité et faisons au mieux pour permettre à nos clients de réaliser leurs idées.
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Dossier Télécoms STRATÉGIE
Afrique Telecom, une longueur d’onde d’avance La PME française veut connecter l’Afrique à l’internet haut débit via le satellite. Pour cela, elle a lancé une offre low cost dévolue au continent. Les opérateurs traditionnels se laisseront-ils distancer?
Seulement voilà: à en croire Sami Matri, consultant chez la société de conseil Sofrecom, les fournisseurs de services par satellite bénéficient d’une fenêtre de tir de trois à quatre ans, le temps que les acteurs dominants déploient leurs réseaux 3G ou WiMax jusque dans le cœur des pays. Si l’on ajoute à cela que les barrières à l’entrée sur le marché de l’internet par satellite sont assez faibles, il n’y a pas de raison que les opérateurs traditionnels se laissent distancer. S’ils décidaient de se lancer, leur connaissance des réseaux de distribution et leur présence panafricaine leur assureraient un avantage certain.
D
epuis son lancement, en 2005, Afrique Telecom fait le pari du satellite pourconnecterl’Afrique à internet, avec la volonté d’en « démocratiser l’accès », selon Philippe Tintignac, fondateur et PDG de cette PME basée à Auxerre (France). Cette ambition se heurte toutefois au prix de la bande passante fournie par les opérateurs de satellites comme Eutelsat ou SES World Skies, et au prix du matériel vendu au client : une parabole, un modem et 30 m de câble reviennent à environ 7 500 euros. Afrique Telecom est néanmoins parvenu à vendre 700 stations dans 22 pays d’Afrique, principalement à des administrations (notamment la présidence du Niger), des institutions et des grandes entreprises (Total, BHP Billiton…) en zone reculée ou souhaitant s’assurer une connexion fiable. Fort d’un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros en 2010, il montrait cependant des signes d’essoufflement fin 2011, avec des revenus de 2,2 millions d’euros. CARTE PRÉPAYÉE. Pour gagner
du terrain, l’entreprise a lancé en janvier une nouvelle offre low cost, baptisée « SpaceDSL », dont elle compte écouler entre 2 000 et
3000 unités d’ici à la fin de l’année. Vendue 750 euros, l’offre, destinée à des PME et à de riches expatriés, est couplée à une carte prépayée dont le prix varie entre 25 et 120 euros par mois selon le débit (jusqu’à 2 mégabits) et le volume de données choisi (jusqu’à 4 gigaoctets). De quoi concurrencer les fournisseurs d’accès à internet jusque dans les grandes villes? C’est en tout cas le souhait de Philippe Tintignac, sur fond de diminution continue du coût de la bande passante grâce à l’intensification de la couverture satellitaire au-dessus du continent. Cette nouvelle offre pourrait représenter la moitié de son chiffre d’affaires dans les deux ans à venir.
! La société de PHILIPPE TINTIGNAC propose une alternative à la fibre optique.
COTATION. Qu’importe. L’heure est au développement chez Afrique Telecom. La PME vient d’accueillir Arkeon Gestion à son tour de table. Cette société de gestion de portefeuilles a injecté 1 million d’euros fin 2011, et Philippe Tintignac envisage désormais une cotation sur le marché libre NYSE Euronext à l’été 2012, « plus pour faire connaître Afrique Telecom que pour lever des fonds ». S’il peut désormais toucher de riches particuliers, ses principaux clients resteront sans doute implantés dans des zones où il est difficile de déployer la fibre. En Afrique, cela lui laisse une grande marge de manœuvre. ● NICOLAS TEISSERENC
Créée en 1998 au Burkina Faso pour la réalisation et l’intégration des systèmes de télécommunications en Afrique en générale, ZIL TELECOM INTERNATIONAL S.A joue un rôle essentiel dans un secteur en plein essor. L’entreprise compte aujourd’hui deux cent vingt six agents (Techniciens et Ingénieurs) spécialisés dans le domaine des télécommunications.
La capacité technique et l’expérience de notre personnel nous permettent de réaliser des projets clés en main de grandes envergures. Notre domaine d’intervention est constitué essentiellement des travaux de Survey, d’ingénierie, fournitures, installation, mise en service, maintenance, assistance et contrôle en : • Transmission Faisceaux Hertziens (microwave)
• Shelters et Atelier d’énergies
• Téléphonie, commutation et MUX
• Expertise, supervision et contrôle des travaux
• GSM (Sites clés en Main) de Téléphonique Mobile
• Élaboration de cahiers de charges
• Pylônes (haubanés et autostables) Triangulaire et quadrangulaire
• Génie – Civil des travaux de télécommunications
• Énergie (solaire, batterie, GE)
• Broadcast (TV et FM)
• GSM • Téléphonie Fixe • Réseau optique ou Filaire
• L’acquisition des sites (Recherche et Négociation) • Réalisation des surveys et études APS/APD • Stations de Montée par Satellite • Audit et Remise en état de pylône et de sites Telecom • Gestion complète de Projet
SIÈGE SOCIAL 01 BP 2051 OUAGADOUGOU 01, Rue GANGA Porte 794 - Secteur 13 - Zogona, BURKINA FASO Tél. : +226 50 36 14 00 / 50 36 28 24 - Fax : +226 50 36 14 08 / 50 36 93 72 E-mail : zti@fasonet.bf - info@zil-telecom.net - www.zil-telecom.net ZIL TELECOM NIGER Tél. : +227 20 38 27 19 E-mail : zil.niger@zil-telecom.net
1/ Équipe de Montage de pylônes 2/ Installation et mise en service de groupes électrogènes 3/ Site GSM 4/ Pylône equipé d’antennes GSM et FH
COMMUNIQUÉ
ZIL TELECOM MALI Tél. : +223 20 24 76 90 E-mail : zil.mali@zil-telecom.net ZIL TELECOM SÉNÉGAL Tél. : +221 33 820 08 31 E-mail : zil.senegal@zil-telecom.net ZIL TELECOM TCHAD Tél. : +235 66 24 49 79 E-mail : zil.tchad@zil-telecom.net
ZIL TELECOM TOGO Tél. : +228 ) 92 53 05 27 E-mail : zil.togo@zil-telecom.net ZIL TELECOM SIERRA-LEONE Tél. : +232 78 66 94 15 E-mail : info@zil-telecom.net ZIL TELECOM BÉNIN E-mail : zil.benin@zil-telecom.net
Difcom - F.C. Photos : DR
Dossier Télécoms
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PORTRAITS
Ces experts venus d’ailleurs Originaires d’Inde, du Liban ou de France, ils sont chargés de faire de leurs entreprises respectives des acteurs de poids sur le continent.
NOOR KHAMIS
de 53 ans il est PDG à l’international ainsi que codirecteur général de l’opérateur indien Bharti Airtel.
Manoj Kohli Le stratège d’Airtel
Le manager indien compte appliquer en Afrique les recettes éprouvées avec succès dans son pays d’origine.
C
’
est un manager né. En trentetrois années de carrière – et après avoir multiplié les diplômes à l’Université de New Delhi –, il a collectionné les fonctions clés et les intitulés à rallonge dans toutes les entreprises
où il est passé, d’abord dans le secteur agroalimentaire, puis dans les télécoms dès 1997. Nommé en 2009 « personnalité de l’année dans les télécoms », Manoj Kohli continue de cumuler les postes à très hautes responsabilités, puisqu’à l’âge
AMBITION ASSUMÉE. Débauché à prix d’or en 2002 par le numéro cinq mondial des fournisseurs de téléphonie mobile, c’est lui qui, depuis Nairobi, est chargé des 17 filiales africaines que le groupe a rachetées au koweïtien Zain en 2010 pour 8,5 milliards d’euros. Avec l’ambition avouée et assumée de faire de l’entreprise fondée en 1995 par Sunil Mittal le leader du secteur sur le continent à l’horizon 2015. « Nous voulons montrer que l’ADN de l’entreprise est compatible avec celui de l’Afrique », résume le décideur indien aux costumes toujours impeccablement coupés. Fidèle aux méthodes managériales et commerciales apprises et appliquées pour le compte d’autres marques sous d’autres cieux, Manoj Kohli souhaite « proposer une gamme de services à des coûts abordables pour le plus grand nombre » et propulser Airtel au sommet en dépassant à terme la barre des 100 millions d’abonnés à travers le continent, soit le double d’aujourd’hui. ● OLIVIER CASLIN
Ahmad Farroukh Argentier de MTN À la tête des principales filiales du groupe sud-africain, cet expert-comptable libanais doit optimiser leur rentabilité opérationnelle.
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DR
epuis avril 2012, Ahmad Farroukh vit dans un avion. Promu au poste de directeur exécutif des opérations pour l’ensemble du groupe sud-africain MTN, il passe son temps entre ses bureaux installés à Dubaï et Johannesburg et les 19 filiales disséminées en Afrique et au Moyen-Orient dont il est chargé. « Mon rôle est de veiller à ce que la stratégie et les valeurs chères à la compagnie soient bien comprises,dansl’intérêttant de ses usagers que de ses actionnaires », explique ce N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Libanais de 51 ans, féru de bilans chiffrés depuis qu’il a passé son diplôme d’expertcomptable à l’Université de New York. VIRAGE. C’est en 1995 qu’il découvre
l’Afrique et le monde des télécoms. VenuauGhanapourvérifierlacomptabilité d’Investcom, alors maison mère de l’opérateur Scancom – racheté en 2006 par MTN –, il en profite pour
prendre un nouveau virage professionnel ens’intéressantdetrèsprèsàunsecteurdes télécoms alors « en plein développement avec l’arrivée des nouvelles technologies ». Il n’a depuis jamais regretté son choix de carrière, alors qu’il occupe aujourd’hui l’un des postes les plus en vue au sein de l’opérateur leader en Afrique, avec « plus de 120 millions d’abonnés ». Il juge même le potentiel africain « énorme », au vu des importants investissements en infrastructures actuellement en cours de réalisation et qui, en connectant l’Afrique au reste du monde,«vontconsidérablementaméliorer la vie des gens sur le continent ». ● O.C. JEUNE AFRIQUE
Dossier
Frédéric Debord Un pionnier chez Inwi
En jouant la carte de l’innovation, ce Français passé chez Orange a su démarquer le groupe marocain de la concurrence.
À
21,5 % de part de marché dans le mobile, tout en étant leader dans le fixe.
PETER ALLAN
force de passer son temps au téléphone, Frédéric Debord a « l’oreille qui chauffe », confiet-il. Depuis sa prise de fonctions en 2009, le directeur général d’Inwi ne ménage pas sa peine pour faire passer les bons messages en direction de ses équipes comme des consommateurs. Au point de faire de « l’opérateur alternatif », entré sur le marché en 2007, un acteur incontournable du secteur marocain des télécoms. Arrivé au moment où la licence GSM venait d’être acquise, Frédéric Debord a complété l’offre proposée par la compagnie « en jouant la carte de l’innovation utile au plus grand nombre ». Premier opérateur à lancer le service BlackBerry en prépayé, à intégrer Windows Live Messenger sur carte SIM ou à appliquer la facturation à la seconde, Inwi a séduit 8 millions d’usagers et pèse aujourd’hui
CHEF D’ORCHESTRE. Avant le Maroc, Frédéric Debord a pu découvrir, sous les couleurs d’Orange, la Slovaquie puis la République dominicaine. Il avoue d’ailleurs s’être inspiré des « bonnes pratiques » observées ailleurs pour répondre aux attentes de consommation constatées dans le royaume. À 48 ans, le patron d’Inwi veut maintenant capitaliser sur les succès passés pour relever les défis à venir. Celui qui se définit comme « un chef d’orchestre bien entouré » entend donner un nouveau tempo à ses troupes, en renforçant notamment les positions d’Inwi dans le segment des services aux entreprises, où l’opérateur veut se montrer « plus agressif » dès 2012. ● O.C.
LANCEMENT RÉUSSI DU SATELLITE AMOS-5 Brillamment lancé à la position orbitale 17°E, le satellite AMOS-5 fournit une large gamme de services de télécommunication par satellite grâce à des faisceaux panafricains en bande C et bande Ku ultra puissants. Associé aux satellites AMOS-2 et AMOS-3 qui desservent l’Europe et le Moyen-Orient, et aux satellites AMOS-4 et AMOS-6 qui devraient être lancés respectivement en 2013 et 2014, Amos-5 vient compléter la couverture satellite de la société Spacecom qui met désormais sa vaste expérience au service des opérateurs de radiodiffusion directe, des télédiffuseurs, des fournisseurs d’accès à Internet, des fournisseurs de bande passante VSAT et des compagnies téléphoniques sur l’ensemble du continent africain. Des capacités de premier choix sont désormais disponibles sur le continent africain. Contactez-nous pour en savoir plus.
E-mail: amos-info@amos-spacecom.com • Site Web: www.amos-spacecom.com
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TSVANGIRAYI MUKWAZHI/AP
! ECOCASH, un service de transfert d’argent, a séduit 1 million de nouveaux abonnés en six mois.
ZIMBABWE
Econet, leader sur la sellette? Le premier opérateur mobile du pays cumule les bonnes performances. Mais les investissements massifs de ses concurrents NetOne et Telecel, à la suite de la dollarisation de l’économie, menacent sa position.
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N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
utilisateur, cet indicateur est en hausse chez Econet : de 9,78 dollars (7,86 euros) en février 2011, il est passé à 10,33 dollars un an plus tard. Mais à en croire Kalyan Medapati, analyste senior chez Informa Telecoms & Media, la position dominante d’Econet serait menacée. « NetOne comme Telecel ont investi de façon agressive dans leur réseau : Telecel a provisionné 70 millions de dollars et NetOne s’est assuré 45 millions de dollars de la China Exim Bank l’an dernier, une somme qu’il envisage de doubler cette année », affirme-t-il. Dans un environnement économique tendu, Econet a conclu des accords pour un total de 307 millions de Douglas Mboweni
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i la dollarisation de l’économie en 2009 a entraîné une situation complexe où diverses devises – le dollar américain, le rand sud-africain et le pula botswanais – ont cours légal, la relance économique qui en a découlé a profité aux opérateurs de téléphonie mobile. Le taux de pénétration des portables, qui était de 11 % en 2008, atteint désormais 74 %, et les nouveaux services mobiles se multiplient depuis trois ans. Le succès fulgurant d’EcoCash est un exemple emblématique: ce service de transfert d’argent par téléphone portable proposé par l’opérateur Econet a séduit plus de 1 million de nouveaux abonnés dans les six mois qui ont suivi son lancement, en septembre. Le patron d’Econet, Douglas Mboweni, vise la généralisation de son utilisation dans les deux ans. Avec 6,2 millions d’abonnés en mars (contre 1,85 million pour NetOne, public, et 2,2 millions pour Telecel Zimbabwe, géré par l’égyptien Orascom), le leader zimbabwéen cumule les bons indicateurs. Alors qu’à travers le continent les opérateurs se désolent du déclin du revenu mensuel moyen par
Directeur général d’Econet Zimbabwe
dollars avec des financeurs chinois, européens et africains. Des fonds qui seront notamment investis dans les infrastructures de réseau et l’amélioration de l’accès à des services abordables pour les communes rurales mal desservies. INDIGÉNISATION. La grande
inconnue pour le marché zimbabwéen, c’est l’avenir de NetOne, que Harare envisage de privatiser, comme d’autres sociétés parapubliques criblées de dettes. Malgré l’intérêt que cette initiative a soulevé en 2011, aucun opérateur basé à l’étranger ne s’est porté acquéreur, probablement parce qu’une loi d’indigénisation dispose que le contrôle devra revenir aux actionnaires zimbabwéens. « Seule une participation majoritaire serait intéressante pour MTN ou Bharti Airtel, mais cela ne devrait pas être du goût du gouvernement », souligne Kalyan Medapati. Le marché zimbabwéen des télécoms s’avère toujours plus compétitif, douze fournisseurs d’accès à internet commençant à développer leurs offres pour les particuliers. L’un d’eux, Africom, propose des appels illimités pour 10 dollars. Un autre, Broadcom, pour 15 dollars. Le marché est peutêtre même mûr pour un opérateur de réseau mobile virtuel (achetant un forfait d’utilisation à un opérateur possédant un réseau pour le revendre sous sa propre marque). À suivre… ● GEMMA WARE, envoyée spéciale
« Nos profits ont augmenté de 18 % l’an dernier »
Nous récoltons les fruits de tout ce que nous avons investi dans notre réseau depuis la dollarisation de l’économie en 2009, soit environ 614 millions de dollars [494 millions d’euros, NDLR]. Nous en sommes au stade du perfectionnement, mais les infrastructures essentielles sont achevées. Les services vocaux sont encore significatifs, mais nous constatons que les transferts de données occupent une place croissante dans nos recettes (13 % en 2011). On a longtemps pensé que les abonnés “bas de gamme” n’étaient pas rentables… Mais les gens vivant en zone rurale ont des proches vivant à Johannesburg qui passent un coup de fil à une connaissance au village, ce qui nous rapporte aussi de l’argent. Propos recueillis par G.M. JEUNE AFRIQUE
GABON NUMÉRIQUE L’ANINF connecte les Gabonais entre eux et au reste du monde
L’
MESSAGE
Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF) a été créée en janvier 2011 pour bâtir le « Gabon des services », l’un des trois piliers du plan d’action du président Ali Bongo Ondimba, le « Gabon émergent », avec le « Gabon industriel » et le « Gabon vert ». Elle doit permettre de faire du pays un acteur économique et social incontournable dans le secteur africain des TIC. L’agence fusionne dans cette tâche deux entités créées en 2010 : l’Agence Nationale de l’Informatique (ANI) et l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC). Placée sous la tutelle technique du ministre chargé de l’Économie numérique, elle est dirigée par M. Alex Bernard Bongo Ondimba.
TOUTE L’ÉQUIPE DE L’ANINF.
Coordonner l’effort national Les missions colossales de l’ANINF concernent aussi bien les télécommunications que l’audiovisuel et l’informatique. Son rôle principal : créer et gérer les infrastructures et les ressources nationales de transport et de connectivité communes à ces trois secteurs. Pour garantir la cohérence du système national, c’est elle qui valide tous les projets de l’économie numérique. L’agence établit un lien entre l’administration et les citoyens en rendant disponible les services administratifs en ligne (e-learning, télémédecine, e-governement…). Dans le secteur des télécommunications, elle élabore le plan national des fréquences radioélectriques, une tâche anciennement dévolue à l’Agence de régulation des télécommunications (ARTEL).
« Le Gabon numérique » Les missions de l’ANINF sont notifiées dans le détail à travers un plan opérationnel sectoriel 2011-2016 conçu autour de six axes stratégiques : AXE 1 : mise en place d’un cadre institutionnel AXE 2 : création d’un cadre juridique de la société de l’information AXE 3 : construction et opération de l’infrastructure numérique AXE 4 : normalisation et informatisation des grands registres unifiés de l’Etat
et des secteurs sociaux dans la société de l’information, du savoir et de la connaissance
La mise en application de ces axes se fait à travers 19 programmes, eux-mêmes décomposés en quarante projets.
MISE EN PLACE DES NOC/NDC.
Le « backbone » gabonais, colonne vertébrale numérique C’est la priorité de l’ANINF. Dans le cadre de la construction et de la gestion de l’infrastructure numérique, il s’agit de réaliser la colonne vertébrale terrestre du réseau de fibre optique national. Ce maillage de l’ensemble du pays, qui s’étendra sur près de 2555 Km, avec 2013 Km de câble enterré et 542 Km de câble sous-marin, permettra à toutes les localités du Gabon d’être desservies par le réseau haut débit. Une fois achevée, l’infrastructure fera du pays un point nodal des TIC dans la sous-région. De quoi lui garantir une place de leader dans ce secteur, en Afrique, ainsi que dans ses applications socio-économiques. Il est déjà classé huitième sur le continent et premier au sein de la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale ), sur l’indice de développement des TIC publié en 2010 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’agence des Nations unies pour les TIC.
ZOOM sur… Tous les projets menés ou coordonnés par l’ANINF ne sont pas au même stade d’avancement. Tour d’horizon de ceux qui sont aujourd’hui les plus avancés.
LE DATACENTER L’ANINF gère directement le projet Datacenter (centres de traitement de données). Ces plateformes de gestion permettent pour des administrations ou des grandes entreprises, sous stricte surveillance, de stocker, sauvegarder, traiter et transmettre rapidement de vastes quantités de données informatiques. Il permettra par exemple de recevoir les données du projet Plan National Géomatique, que l’ANINF a récupéré en décembre dernier des mains du directeur général du Budget, ainsi que l’ensemble des applications à caractère transversal de l’administration gabonaise.
LE PROJET WIMAX Le projet WiMax vise à doter l’administration gabonaise d’un réseau d’accès sans fil haut débit qui interconnecte l’ensemble des sites de l’administration, mais aussi qui permette la mise en place d’un réseau de téléphonie interne dans lequel tous les agents de l’Etat pourront
ANTENNE WIMAX.
communiquer gratuitement entre eux. Le WiMax sera disponible dès le début de l’année à Libreville et Franceville, les deux villes qui accueillent les rencontres de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 (CAN), et dans le reste du pays après la compétition.
« GABON ON LINE » Le projet Gabon On Line (GOL) vise à offrir une vitrine internet à l’ensemble des ministères du Gabon et à créer un portail gouvernemental. Des services en ligne seront proposés à la population, aux entreprises et aux personnels de l’Etat. Il s’agit en un mot de créer un lien direct entre l’Etat et ses administrés. Le projet est structuré autour de trois composantes : un portail de la République gabonaise, un intranet administratif et une plateforme de vidéoconférence et de présentation interactive.
GEDU@LIGNE : L’E-EDUCATION GABONAISE L’ANINF mène également des projets en partenariat avec différents ministères. « Gedu@ligne » (Gabon éducation en ligne) est l’un d’eux. Il offre au système éducatif gabonais d’intégrer des technologies de l’information et de la communication. Il a été adopté en novembre dernier dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’ Éducation et les responsables éducation de Microsoft Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest. Il proposera notamment la publication des données administratives, des absences, des notes, des emplois du temps, des annuaires ou encore un espace de messagerie et de travail collaboratif grâce à la solution Live@Edu.
A GENCE N ATIONALE DES I NFRASTRUCTURES N UMÉRIQUES ET DES F RÉQUENCES
Cours Pasteur (Immeuble de la Solde) • B.P. 798 • Libreville, Gabon Tél.: + 241 79 52 77 • www.aninf.ga
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
AXE 5 : mise en place de l’e-gouvernement AXE 6 : accompagnement du secteur productif
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Dossier Télécoms CONSO
Sans fil et sans complexe
Ces trois derniers mois ont vu le lancement par Nokia, Samsung et HTC de smartphones qui ambitionnent de concurrencer l’iPhone 4S. Gros plan sur les vedettes haut de gamme du moment.
Samsung Galaxy S III La bête de course
LE DERNIERNÉ de la marque sudcoréenne bénéficie de deux avancées majeures par rapport au S II : d’une part, son processeur à 1,4 GHz lui assure la puissance nécessaire pour gérer un fonctionnement multitâche fluide; d’autre part, le confort de lecture est assuré par un écran de 4,8 pouces qui, doté de la technologie Super Amoled HD, affiche une résolution de 1 280 x 720 pixels. Côté prise de vue, de même que le Note et le S II, ce smartphone Android est équipé d’un capteur de 8 mégapixels. À noter: un mode rafale performant ainsi que la fonctionnalité Best Photo, qui indique la meilleure de la série. Avec son design tout en courbes, le Galaxy S III fait partie des smartphones les plus fins et les plus légers (8,6 mm pour 133 g). Autre bon point, son autonomie: en appel, il dépasse les 13 heures et permet 6h30 de navigation web et 9 h 30 de lecture vidéo. À partir de 599 euros. ●
CONCURRENT SÉRIEUX du Samsung Galaxy S III et du futur iPhone 5 d’Apple, le Lumia 900 devrait faire parler de lui pour ses capacités techniques. Prévu pour le deuxième trimestre 2012, le nouveau Windows Phone du constructeur finlandais reprend la majorité des caractéristiques techniques du Lumia 800 (même processeur à 1,4 GHz, même technologie d’écran Amoled, même objectif avec capteur de 8 mégapixels…), associées à un design moderne aux couleurs flashy et à un plus grand écran (4,3 pouces, contre 3,7 pour le Lumia 800). Les autres améliorations apportées sont une radio FM et une caméra frontale de 1,3 mégapixel. Un bémol : l’absence de HD. À partir de 525 euros. ●
Nokia Lumia 900 Version améliorée
HTC One X Fleuron taïwanais
CE SMARTPHONE ANDROID allie une excellente interface et un design épuré. Cadencé à 1,5 GHz par un processeur quatre cœurs, le nouveau fleuron de la marque taïwanaise garantit une grande fluidité, même en utilisation intensive. Si son autonomie améliorée est de 6 heures en surf web 3G – dans la moyenne basse des smartphones modernes –, en communication vocale elle atteint 13 heures, un excellent résultat. Le HTC One X se démarque aussi par sa légèreté : 130 g pour seulement 8,9 mm d’épaisseur. Côté multimédia, il lit tous les formats de fichiers audio et vidéo, sauf le DivX 3. Côté photo, il est équipé d’un capteur très performant, et son écran LCD affiche une définition très élevée (1 280 x 720 pixels) avec une importante luminosité. À noter: une tendance à surchauffer. Prix public conseillé : 549 euros. ● FANNY REY
ET LA 3D ? L’AVENIR DES SMARTPHONES passera-t-il par la technologie 3D ? Apparu l’an dernier, l’affichage en relief stéréoscopique – qui permet de percevoir l’effet du relief sans avoir recours à des lunettes spéciales – est encore assez marginal dans cet univers où le LG Optimus 3D, le HTC Evo 3D et le Sharp Aquos Phone figurent parmi les pionniers. Selon LG et Samsung, la 3D devrait N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
se développer et s’imposer dans les années à venir grâce à l’amélioration constante des performances des smartphones. Il sera alors possible de prendre des photos enrichies et d’opter pour un affichage 3D permettant une meilleure immersion au sein des jeux ou des applications. Apple travaillerait également sur cette technologie. ●
F.R.
Dossier PANORAMA
Le meilleur des applis africaines Musique, santé, géolocalisation… Voici une sélection de services pratiques et gratuits, pour lesquels les anglophones se démarquent.
TruSpot! Ça va bouger-bouger
iSenegal Annuaire à la carte
FINI LES RECHERCHES INTERMINABLES d’un supermarché ouvert dans les environs ! Dans cet annuaire professionnel complet tenant dans votre téléphone, les entreprises et services sont classés par catégories, des banques aux restaurants en passant par les pharmacies et les stations d’essence. Outre les informations essentielles – numéro de téléphone, e-mail, description –, l’application, disponible gratuitement sur iOS et Android, permet de localiser les commerces sur une carte et de repérer ceux à proximité. Dommage qu’elle ne concerne que le Sénégal.
Olalashe Du SMS au SOS
VOICI UNE APPLICATION KÉNYANE toute simple dont on aimerait ne jamais avoir à se servir, mais qui peut se révéler fort utile. Olalashe (« frère », en masaï) permet en cas d’urgence d’envoyer un message préenregistré et votre localisation exacte à un ou plusieurs contacts. Pour accéder facilement à ce SOS mobile, un bouton s’affiche sur l’écran d’accueil du téléphone. Disponible gratuitement sur la plateforme Android.
mPedigree Bon pour la santé
CETTE APPLICATION mise en place au Ghana par l’ONG éponyme vise à éradiquer la contrefaçon de médicaments, qui tue chaque année plus de 100 000 personnes en Afrique. mPedigree permet de vérifier l’authenticité des médicaments en envoyant par SMS un code présent sur chaque boîte. Cette application, gratuite et pour l’instant limitée au Ghana et au Kenya, a été primée en 2011 à l’occasion du quatrième forum Netexplorateur, organisé sous l’égide de l’Unesco. ● SÉBASTIEN DUMOULIN JEUNE AFRIQUE
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FANS DE MUSIQUE AFRICAINE, ce jukebox est pour vous. Son créateur, un adolescent nigérian frustré de ne pouvoir écouter ses morceaux préférés en ligne à l’étranger, le décrit comme « le Spotify africain ». Entièrement gratuit, ce service permet aujourd’hui d’écouter plus de 20 000 titres de tous les styles, et le catalogue ne cesse de s’étoffer. Il est également possible de visionner des clips, de se tenir au courant de l’actualité de ses artistes préférés ou encore d’entrer en contact avec les utilisateurs ayant les mêmes goûts. Seul bémol: l’application n’est pour l’instant disponible que sur BlackBerry.
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Dossier Télécoms
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TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
L’internet mobile, nouvel horizon des opérateurs
DR
L GUY ZIBI Directeur du consulting chez Pyramid Research
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ESSOR REMARQUABLE de la téléphonie mobile en Afrique tient en quelques chiffres. Le continent pouvait se targuer, à la fin de 2011, de compter près de 650 millions d’utilisateurs, confirmant ainsi qu’il était le marché connaissant la plus forte progression au monde. Rien qu’au Nigeria, on recense plus de 100 millions d’abonnés. À l’instar de l’Afrique du Sud, un petit nombre de pays annoncent déjà un taux de pénétration supérieur à 100 %. Et la perspective que de nouveaux marchés franchissent ce seuil n’est plus considérée comme surprenante.
De tels taux de croissance sont le résultat d’un subtil mélange de compétition et de régulation, d’une forte dose d’avancées technologiques et d’un sens aigu du marketing. Après avoir été longtemps dominés par des compagnies publiques détentrices de monopoles, les marchés des télécommunications en Afrique sont devenus parmi les plus compétitifs au monde, avec l’attribution d’un nombre croissant de licences par les autorités de régulation. Le nombre moyen d’opérateurs par pays est passé de 2,5 en 2005 à 3,8 en 2011. LaTanzanie en comptait 6 à la fin de 2011, la Côte d’Ivoire et le Ghana 5 chacun, et le Rwanda, marché de taille nettement plus réduite, pas moins de 3.
Moyen-Orient, comme Bharti Airtel ou Warid. Pour les investisseurs qui ont misé sur l’Afrique, celle-ci doit maintenant prouver qu’elle est bien l’eldorado qu’elle prétend être. Car malgré toutes ses promesses, le marché africain du mobile a déjà perdu un petit peu de son attractivité. Les compagnies cherchent aujourd’hui à poursuivre avec internet le chemin commencé avec la téléphonie. Mais les obstacles sont nombreux : les infrastructures restent limitées au niveau du réseau, la bande passante est insuffisante, les coûts des équipements sont élevés, les niveaux d’instruction restent faibles et le marché est peu développé. Bref, ce secteur en devenir mêle un potentiel hautement pro-
Les réseaux africains de téléphonie vont donner naissance aux futures autoroutes de l’information.
À mesure que le nombre de clients a augmenté, les revenus générés par le marché de la téléphonie mobile en Afrique se sont envolés, pour atteindre environ 60 milliards de dollars (46 milliards d’euros) en 2011. Et bien que leur taux de croissance se soit un peu tassé, il reste malgré tout assez dynamique – entre 5 % et 10 % par an. Aujourd’hui, ce secteur est à la fois robuste et prometteur, malgré certaines incertitudes. Du Kenya à la RD Congo, l’intensité de la compétition menace la santé financière de certains opérateurs. Nombre d’entre eux connaissent un changement fondamental de leurs méthodes, en partie imposé par les stratégies agressives mises en œuvre par des groupes concurrents venus d’Inde ou du N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
metteur et des perspectives de retour sur investissement incertaines. Tel est le cadre dans lequel se produira la prochaine expansion du marché du mobile sur le continent. Néanmoins, des sigles aussi nébuleux que HSPA (High Speed Packet Access, ou 3G+) et LTE (Long Term Evolution) entrent peu à peu dans le lexique africain, comme GSM et CDMA l’ont fait autrefois. Smartphones et tablettes gagnent en popularité. Moins de 20 % des Africains qui possèdent un mobile s’en servent pour accéder à internet, mais leur nombre augmente rapidement. Dans certains pays, comme le Kenya et l’Ouganda, plus de la moitié des utilisateurs de mobile accéderont au web à partir de leur téléphone dans les cinq prochaines années. Pour les opérateurs africains, l’important est moins de rechercher un profit à court terme que de saisir une opportunité historique de construire et de dominer la société de l’information sur le continent. Si les tendances se confirment, les réseaux africains de téléphonie vont donner naissance aux futures autoroutes de l’information et engendreront, à terme, les versions africaines de Facebook et d’eBay. ● JEUNE AFRIQUE
EN BREF BURKINA FASO
Tablette africaine, acte III
AVEC
Engagé
Libre
Couverture partielle
Couverture totale
DR
SANS
TOGO
Cap sur les zones rurales DÉBUT MAI, Togo Télécom, Togocel, Moov Togo et la ministre des Télécommunications ont signé une convention sur l’extension des réseaux dans les zones rurales pour offrir des services à moindres frais. L’opération se traduira courant 2012 par l’installation d’une cinquantaine de sites relais pour la couverture de près de 200 localités enclavées. Elle coûtera chaque année 6 milliards de F CFA, soit 9,15 millions d’euros (6,1 millions pour Togo Télécom, 1,7 million pour Togocel et 1,35 million pour Moov). ●
TCHAD
Fibre optique régionale UN ACCORD DE FINANCEMENT du Programme régional de réseau de télécommunication haut débit en Afrique centrale a été signé mi-avril par le représentant de la Banque mondiale au Tchad et le ministre tchadien de l’Économie. D’un coût global de 23 millions d’euros (15 milliards de F CFA), cet accord porte sur la construction d’un réseau de plus de 1 500 km de fibre optique entre le Tchad, le Soudan et la Centrafrique. ● JEUNE AFRIQUE
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* voir carte de couverture sur www.spacedsl.com
! PHILIP
COUBOURA, DANS LE SILLAGE du Way-C concepteur ( C o n g o ) e t d u C a rd i o p a d du Genesis. (Cameroun), le Burkina Faso est à l’origine du Genesis, commercialisé depuis mai sur www.genesistablet.com au prix de 195 000 F CFA (300 euros), accessoires compris. Cette tablette tactile adaptée au marché africain, notamment grâce à l’utilisation d’une technologie à économie d’énergie, a été conçue par l’ingénieur burkinabè Philip Couboura. Construit autour du système d’exploitation Android 4.0, le Genesis est entièrement compatible avec les standards internationaux. ●
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Culture & médias
MUSIQUE
Par la grâce de
Jupiter
Créateur de l’afrobeat congolais, le bofenia rock, un mélange de rythmes traditionnels et de groove urbain, l’artiste kinois débute une tournée internationale avant la sortie de son nouvel album. MURIEL DEVEY,
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envoyée spéciale à Kinshasa
l a bien mérité son surnom. C’est avec les rythmes tirés des profondeurs de la vaste République démocratique du Congo (RDC) que ce démiurge fait vibrer le ciel et la terre. Pas de hasard d’ailleurs si son album, qui sortira au second semestre, s’appelle Hôtel Univers. Un clin d’œil, bien sûr, à cet établissement – dont les murs couleur brique égayent la rue Kilombo, à Lemba, une commune de Kinshasa –, qui abritait jadis les répétitions de son groupe Okwess International. Mais surtout l’occasion pour Jean-Pierre Bokondji, alias Jupiter, de rendre hommage à « la diversité du répertoire musical du Congo, où toutes les musiques du monde ont pris leur source ». Une diversité que reflète bien cet album « 100 % électrique ». De l’afrobeat façon congolaise, que Jupiter qualifie, pour sa part, de bofenia rock, un mélange de rythmes traditionnels et de groove urbain. Le tout remue. Swingue. Et dérange. Pas de langue de bois, en effet, dans ses treize titres décapants. « Tokolela Congo, tokolela Congo » (« pleurons le Congo »), chante Jupiter dans un morceau dédié à son pays. « À l’époque coloniale, on fouettait nos parents trois fois par jour, mais on leur donnait de la nourriture trois fois par jour. Cinquante ans après l’indépendance, les Congolais ne font qu’un repas par jour, et seulement à 22 heures. Est-ce la faute des Occidentaux ou de nos parents? Est-on indépendant ou dépendant ? L’Histoire nous jugera… » avertit-il, tout en en appelant à Tshanga Tshungu, le dieu des guérisseurs zebolas, pour rétablir l’harmonie. Même l’amour, chanté dans « Margarita », a des accents rebelles. « Même si tu n’es pas là, je m’en fous… » lance Jupiter à l’indifférente. N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Il aura fallu près de vingt ans à ce musicien talentueux pour imposer son bofenia rock sur la scène musicale congolaise, dominée par le très populaire ndombolo. Sur ce chemin plein d’embûches, Jupiter partait toutefois avec deux atouts. D’abord celui d’être le petit-fils d’une guérisseuse célèbre, issue de l’ethnie ekonga, du groupe mongo, dans la province de l’Équateur. Elle l’a initié très jeune aux fameux rythmes zebolas, conçus pour soigner les malades. Autre atout : être né à Lemba, qu’il n’a plus quitté depuis 1983, année de son retour au pays, après une décennie passée à Berlin-Est, où son père était attaché de l’ambassade de l’ex-Zaïre. « C’est le Quartier latin de Kinshasa, la scène révolutionnaire de la musique congolaise. Tout comme Ngaba, Lemba est une commune de recherche musicale. Tous les musiciens qui ont joué autre chose que de la rumba ou du ndombolo, comme Ray Lema ou Lokua Kanza, en sont issus », insiste cet artiste à l’interminable silhouette et aux doigts effilés, qui soufflera ses 49 bougies cette année. CHIQUENAUDE. C’est dans les matanga (veillées
mortuaires) et autres cérémonies sociales qu’il anime dans les années 1980 que Jupiter découvre les multiples sonorités congolaises. Car si Kinshasa a donné naissance à la rumba, cette ville meltingpot concentre aussi une bonne part du patrimoine musical traditionnel national, rapporté des terroirs par ses habitants. Au fil des ans, Jupiter parcourt le pays, se documente sur ses ethnies et leurs rythmes musicaux, très nombreux, mu par une seule idée : « Faire renaître les sons oubliés, à la manière de Franco. Les faire découvrir et, à travers eux, faire connaître le Congo. »
Principaux concerts JUIN 29 : Nuit africaine – Louvainla-Neuve (Belgique) 30 : Estival jazz – Lugano (Suisse) JUILLET 5 : Sommarscen – Malmö (Suède) 6 : Roskilde Festival – Roskilde (Danemark) 7 : AfrikaFestival – Hertme (Pays-Bas) 19: Les Nuits du Sud – Vence (France) 26 : La Mar de Músicas – Carthagène (Espagne) 28 : Festival Músicas do Mundo – Sines (Portugal) 29 : Womad – Malmesbury (Royaume-Uni) AOÛT 2 : Tempo rives – Angers (France) 3 : Festival du bout du monde – Crozon (France) JEUNE AFRIQUE
RENAUD BARRET
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! AU BAR DE L’HÔTEL UNIVERS, dans la commune de Lemba, à Kinshasa.
Ce sera chose faite en 1999, quand Okwess (la « nourriture » en kimbunda, une langue de la province du Bandundu), l’orchestre qu’il a créé cinq ans plus tôt, est sélectionné pour représenter la RD Congo au Marché des arts et du spectacle africain (Abidjan). Mais le pays sombre dans la guerre, et des musiciens d’Okwess partent s’établir en Europe. Pas question toutefois pour Jupiter de les suivre. En 2004, après une mise en sommeil, Okwess renaît sous l’appellation Okwess International. Au fil des jours, son style s’affine et s’affirme. Et son message se précise, tandis que Il aura fallu près de vingt ans des Kinois s’enthouà ce musicien talentueux pour siasment enfin pour s’imposer face au ndombolo. le bofenia rock. À Lemba, où les habitants écoutent toutes sortes de musiques, plus d’un jeune souhaite que « le général rebelle », son surnom local – une chiquenaude donnée aux rois du ndombolo –, soit le nouvel ambassadeur de la musique congolaise. En 2005, La Belle Kinoise Production, qui lancera Staff Benda Bilili, dont certains musiciens sont handicapés, le repère. De cette rencontre sort, en 2007, La Danse de Jupiter, un documentaire qui donne de la visibilité à l’artiste. L’orchestre JEUNE AFRIQUE
devient alors la coqueluche des espaces branchés, comme Sixième Sens, et des centres culturels étrangers de la capitale congolaise, voire des pays voisins, tandis que diplomates et particuliers se l’arrachent pour animer leurs soirées. En 2012, c’est la cerise sur le gâteau avec une tournée de deux mois en Europe qui démarre fin juin et la sortie d’Hôtel Univers, coproduit par All Other Music, le producteur des Maliens Amadou et Mariam, et La Belle Kinoise Production. À l’image de ses sonorités multiples, Okwess International regroupe une dizaine de musiciens aux origines diverses, dont la majorité réside à Lemba. Tous connaissent les innombrables galères (manque de boulot, de logement, de moyens de transport, d’eau, d’électricité, etc.) auxquelles sont confrontés les Kinois. Il y a Yende Bongongo, grand percussionniste et voix d’or du groupe, Éric, un des guitaristes, toujours prêt à rire, Shoule Bilomba, Alberto, Richard, Nelly, Da Costa, Zing et les autres… En attendant le grand départ pour l’Europe, ils répètent chez Jupiter, rue Miao, à Lemba Terminus. Une concession facile à trouver. Un long mur gris, un portail bleu sur lequel est peint le portrait de l’artiste, légendé « L’Univers de Jupiter », et une inscription : « Belle Kinoise, Lemba na biso, Okwess International ». On ne peut pas la rater. ● N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Culture médias FRANCE-RWANDA
Écrivain sans papiers La France a rejeté la demande de naturalisation du romancier Gilbert Gatore, menacé depuis d’expulsion. Une situation qu’ont connue d’autres artistes.
C
ette France qui accueillit Modigliani, Apollinaire, Picasso, Beckett ou Foujita serait-elle en train de disparaître ? Tout se passe comme si elle avait décidé de se passer de personnalités de culture dont le talent, l’énergie et parfois l’engagement contribuent à son rayonnement. Elle vient ainsi de rejeter la demande de naturalisation de l’écrivain rwandais Gilbert Gatore, 31 ans, dont quinze passés en France. Si elle maintient sa décision, l’auteur du Passé devant soi n’aura plus le statut de réfugié et pourrait un jour être expulsé. Contacté par Jeune Afrique, il n’a pas souhaité s’exprimer pour ne pas compromettre ses chances de débloquer la situation. Gatore n’est pas un cas isolé. Au début des années 1990, le musicien camerounais Richard Bona, installé en France pour y suivre des études de musique, se produit régulièrement aux côtés de Jacques Higelin, Didier Lockwood, Manu Dibango, Salif Keita ou encore Francis Lassus. En 1995, il est contraint de rentrer
FRED TANNEAU/AFP
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! L’AUTEUR du Passé devant soi a fui son pays en 1994.
au Cameroun : faute de revenus stables, il s’est vu refuser la prolongation de son titre de séjour. Mais Harry Belafonte, qu’il a rencontré à Paris, s’en émeut et va le chercher pour le faire jouer dans son orchestre aux États-Unis. On connaît la suite de l’histoire… En 2005, l’acteur ivoirien Adama Doumbia campait Papi, le principal rôle masculin de La Blessure, film de Nicolas
LITTÉRATURE
Heureux destin Alors que rien ne le prédestinait à la littérature, le Guinéen Libar Fofana a reçu le prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs le 26 mai.
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es voies de l’écriture sont insondables. Celles empruntées par Libar Fofana encore plus, tant son parcours ressemble à un coup du destin. Jamais le Guinéen, qui a reçu le 26 mai le prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs, d’un montant de 10000 euros, pour son dernier roman, L’Étrange Rêve d’une femme inachevée (Gallimard), ne se serait imaginé écrivain avant une tragique soirée de 1993. Alors qu’il assiste, à Marseille, à un concert du groupe irlandais U2, la puissance des haut-parleurs est telle N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
que ses oreilles en prennent un coup : il est frappé de surdité aggravée. Conduit aux urgences, il passe quinze jours sous perfusion. De sa chambre, Fofana voit le ressac incessant de la mer. Et des couchers de soleil toujours renouvelés. De cette observation quasi forcée naît sa vocation d’écrivain. Il a alors 34 ans. Libar Fofana est né à Conakry en 1959. À 17 ans, fuyant la tyrannie du régime de Sékou Touré, il s’exile. Après le Mali, la Côte d’Ivoire, la Suisse, il pose ses valises en France en 1984. Installé dans le sud
Klotz sur les clandestins. Contrôlé gare du Nord, à Paris, Adama Doumbia est condamné en première instance à deux mois de prison avec sursis et trois ans d’interdiction du territoire français, pour non-présentation d’un récépissé l’autorisant à y séjourner en tant que demandeur d’asile. Autre artiste un temps menacé d’expulsion, la poète slameuse russe Katia Boutchou, qui a vu sa demande de changement de statut rejetée. Elle ne doit son autorisation de travail qu’à la forte mobilisation qui s’est faite autour d’elle. Le chanteur béninois de R’nB et de hiphop Giovanni Houessou, 25 ans, lui, n’a pas eu cette chance. Son expulsion s’est faite sans bruit un matin d’avril 2011. Il n’avait pas eu l’autorisation de rester en France pour avoir changé d’orientation scolaire. Mais il y a motif plus inattendu. Celui opposé au chanteur marocain Adil Smaali, qui s’était vu refuser un titre de séjour car « être intermittent du spectacle n’est pas un vrai métier ». Pour le Comité inter-mouvements auprès des évacués (la Cimade), seuls ces cas sont les plus médiatisés car ils concernent des artistes plus ou moins illustres. Des dizaines de cas similaires sont enregistrés chaque semaine, comme si la France ne voulait plus ni de poètes, ni de musiciens, ni même d’écrivains. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
de l’Hexagone, il décroche un diplôme d’informaticien. Jusqu’à l’accident de 1993, Fofana est loin des préoccupations littéraires. Une fois convaincu de la nécessité d’écrire, il comprend qu’à travers le livre il peut non seulement recréer le monde, mais surtout amener les hommes de partout à comprendre l’autre. C’est un engagement à laver l’humanité de ses laideurs, une volonté de témoigner et d’entretenir la flamme de l’optimisme, auquel nous devons nous accrocher pour ne pas sombrer. Son premier roman, Le Fils de l’arbre, paraît en 2004 chez Gallimard. Celui qui vient d’être primé est le cinquième. Il évoque l’histoire de deux sœurs siamoises dont l’une est d’une beauté éblouissante et l’autre d’une intelligence prodigieuse. La question qu’il pose consiste à savoir ce qui fait l’homme entre la plastique et l’esprit. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
CORENTIN FOHLEN/FEDEPHOTO
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ESSAI
! LE RÉCIT À LA PREMIÈRE PERSONNE donne au lecteur la sensation de vivre la révolution.
La ville qui ne dort jamais
Avec Le courageux mourra dans la bataille, le journaliste-écrivain Tristan Jordis entraîne son lecteur dans Le Caire de l’aprèsrévolution égyptienne.
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émarcheintéressante:agacépar ma place. » Les personnages, affublés d’un le manque d’intérêt des médias surnom concocté par l’auteur, sont réels pourlePrintempsarabe,Tristan et pleins de vie. Il y a Ahmed Polo Rose, Jordis s’est rendu en Égypte Mohamed Félin, mais aussi Mohamed pour en savoir plus. « Je ne connaissais Roommate, étudiant en urbanisme, Aliya, pas vraiment le pays, ça rendait les choses ex-responsable de la Banque centrale plus faciles en quelque sorte. Ça permet d’Égypte, devenue activiste politique, ou une liberté d’exploration », explique l’auencore Adel, employé dans un atelier de teur, déjà remarqué avec Crack (2008), fabrication de cuisine. À travers leurs difféqui dévoilait les dessous du milieu de la rents parcours, l’auteur dresse un tableau drogue à Paris. fidèle de la société égyptienne. Des milieux Cette fois-ci, l’écrivain s’est immergé, artistiques et intellectuels de gauche à à partir de mai 2011, dans la tourbil« la majorité silencieuse », incarnée par lonnante ville du Caire. Il en la bande d’amis du quartier émerge aujourd’hui avec un populaire d’Al-Malek al-Saleh, second livre, Le courageux qui vivent déconnectés des mourra dans la bataille. Le soubresauts politiques de la récit, écrit à la première perplace Al-Tahrir. sonne, donne au lecteur la sensation de vivre les événements INEXPÉRIENCE. Ces soubreau fur et à mesure qu’ils ont sauts sont néanmoins évolieu. « J’ai découvert avec le qués par Aliya, qui revient documentaire une méthode avec précision sur le soulèd’écriture qui permet aux gens vement de janvier 2011 et de voir et de sentir les choses, Le courageux les aspirations des jeunes dit-il. Je voulais partager mon mourra dans la manifestants. « C’est un milieu bataille, de Tristan expérience,faireensortequele Jordis, éd. du Seuil, beaucoup plus hétéroclite lecteur ait l’impression d’être à 384 pages, 21 euros qu’on ne pourrait le croire. JEUNE AFRIQUE
Ce n’est pas juste la bourgeoisie, c’est aussi beaucoup de gens des quartiers populaires », indique Tristan Jordis. Le journaliste-écrivain a également rencontré des responsables des Frères musulmans, première force islamiste du pays. « C’est un parti politique. On ne peut pas dire que ce soit l’abnégation qui les anime. Ils n’ont aucune expérience politique, mais ils se rattrapent sur le plan cultureletmoral»,juge-t-il.Avantd’ajouter: « Ils vont se planter, et leur inexpérience politique va être la clé du changement. » Mais au fond, Le courageux mourra dans la bataille est surtout une ode à la ville du Caire. Une capitale que l’on découvre au gré des pérégrinations de l’auteur, passionné d’urbanisme et d’architecture. Descriptions et impressions personnelles permettent au lecteur de s’imaginer les ruellestortueusesd’Al-Malekal-Salehetles avenues du centre-ville haussmannien à l’architecture surannée. « Cette ville est une invitation… Ce mélange des époques, cette hospitalité… L’aqueduc qui était là, et juste derrière le cimetière copte, les minarets, les charrettes à ânes qui passaient… », se souvient Tristan Jordis avec émotion. Le style et l’écriture de l’écrivain traduisent également la frénésie d’une métropole qui ne dort jamais. « On voit des parties de football entre des gamins de 8 ans à 4 heures du matin, c’est hallucinant. New York n’est rien à côté du Caire. » ● TONY GAMAL GABRIEL N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Culture médias En vue BANDE DESSINÉE
Miracles et stigmates VOUS AIMEZ LES MIRACLES ? Les larmes de sang coulant des yeux d’une vierge de marbre ? Les complots aux plus hauts sommets hiérarchiques du Vatican ? Alors vous aimerez Dogma, bande dessinée ésotérique qui commence au Rwanda, en 1995, à Kibeho, où une enfant est retrouvée parmi des monceaux de cadavres entassés dans une église… Le dessin d’Elia Bonetti est efficace, mais le scénario de Stéphane Betbeder n’évite pas forcément les poncifs du genre. Au bout du compte, on aime si on adhère. Sinon… ● NICOLAS MICHEL
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Remarquable
MÉDIAS
Comme si vous y étiez Omar Pène, Angélique Kidjo, Toumani Diabaté… La chaîne franco-allemande Arte propose de regarder sur son site internet des concerts de musique africaine.
Dogma. Les Signes du temps, de Stéphane Betbeder et Elia Bonetti, Soleil, 60 pages, 14,30 euros ■■■
ROMAN
Femme fatale AMATEURS DE SUSPENSE, précipitezvous. Voici un roman écrit comme un thriller, qui vous harponne dès la première page. Amours tumultueuses, accidents déguisés en meurtres, lourds secrets de famille, haines recuites, folie… Rien ne manque à ce tableau vénéneux qui a pour décor la Malaisie du temps de la colonisation britannique et pour intrigue l’affaire Proudlock, un fait divers qui fit la une de la presse internationale dans les années 1910 : une jeune Britannique accusée du meurtre de son amant est condamnée à la peine de mort puis graciée par le sultan du Selangor. L’Asie – où l’auteure, Juliette Morillot, par ailleurs collaboratrice de Jeune Afrique et de La revue, a vécu de longues années – est évoquée avec une grande justesse de ton. ● CATHERINE XATARD
Les Sacrifiés, de Juliette Morillot, Belfond, 298 pages, 21 euros ■■■ N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
DR
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Makeba ; Omar Pène, l’une des réféepuis vingt-quatre ans, la rences du mbalax sénégalais ; ainsi ville de Wurtzbourg, en Allemagne, accueille le plus que le combo AfroCubism, du Malien important festival consacré Toumani Diabaté et du Cubain Eliades à la culture africaine. La musique est Ochoa, ancien membre du Buena Vista bien sûr l’art le plus présent ; ce qui Social Club. n’empêche pas d’autres disciplines d’y Arte Live Web propose de regarder figurer, comme la littérature, le cinéma gratuitement et en haute définition et la gastronomie. À chacune de ses l’intégralité des concerts de l’édition éditions, l’Africa Festival attire quelque 2012, pendant une durée variant de 120 000 visiteurs. trois mois à plus de deux ans. Ce site Cette année, les programmateurs internet permet de voir des concerts ont articulé leurs soirées autour de en direct sur son ordinateur et de les quatre thèmes : le visionner ultérieureSénégal et le Cap-Vert, ment à volonté, pour les chanteuses, la kora une période limitée. et les relations musiDans la partie blog du cales entre l’Afrique site, on trouve aussi des de l’Ouest, Cuba et le articles en relation avec reggae. Entre le 25 et les concerts proposés. le 28 mai 2012, les fesÀ lire en ce moment : tivaliers ont ainsi pu un billet sur le kuduro voir se produire sur angolais et un autre sur scène, notamment : l’afrobeat,tousdeuxfort bien documentés. ● Angélique Kidjo pour http://liveweb.arte.tv un hommage à Miriam JÉRÔME BESNAULT ■■■ JEUNE AFRIQUE
Culture médias
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PHILOSOPHIE
QUEL POINT commun entre la fin de la pratique du duel en Grande-Bretagne, l’abandon du bandage des pieds des femmes chinoises et l’abolition de la traite transatlantique ? L’honneur, avance le philosophe d’origine ghanéenne Kwame Anthony Appiah. Dans son dernier ouvrage, l’enseignant de Princeton se penche sur les grandes révolutions morales, celles qui modifient en profondeur les us et coutumes. Et explique qu’elles adviennent lorsque certaines habitudes ne fournissent plus à ceux qui les pratiquaient le sentiment d’être dignes d’honneur, et donc de respect. Une thèse qu’il étaie de nombreux exemples historiques et qu’il confronte habilement à la réalité, notamment à travers la question des crimes d’honneur commis dans les pays arabo-musulmans. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
Le Code d’honneur. Comment adviennent les révolutions morales, de Kwame Anthony Appiah, Gallimard, 288 pages, 25 euros ■■■
SAMUEL ARANDA/WORLD PRESS PHOTO
Affaire d’honneur
sont mises en images par le Russe Youri Kozyrev (Noor Images pour Time), en Libye, ou l’Italien Alex Majoli (Magnum pour Newsweek), sur la place Al-Tahrir, au Caire, tandis que le Japonais Yasuyoshi Chiba (AFP) montre les conséquences du tsunami de mars 2011 près de Fukushima. Un tour d’horizon éloquent de l’année écoulée. ●
EXPOSITION
2011 en images CETTE PHOTOGRAPHIE a fait le tour du monde. La « pietà » yéménite de l’Espagnol Samuel Aranda, lauréat du World Press Photo 2012, est aujourd’hui exposée à Paris avec les autres sujets qui ont reçu le prestigieux prix de photojournalisme. Les révolutions arabes
MARIE VILLACÈQUE
« World Press Photo », jusqu’au 21 juin à la galerie Azzedine-Alaïa, 18, rue de la Verrerie, Paris 4e, entrée libre
MUSIQUE
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BANDE DESSINÉE
De bruit et de fureur
UN CINQUIÈME OPUS réussi pour celle qui a vendu près de 40 millions d’albums à travers le monde depuis le succès de Come Away with Me, il y a dix ans. Avec Little Broken Hearts, Norah Jones a la pop élégante et la soul soyeuse, dans la lignée de The Fall. La collaboration avec Danger Mouse est toutefois moins ambitieuse que pour le bluffant Rome, hommage original aux compositions d’Ennio Morricone. ●
LE TRAIT EST VIF, dynamique, moderne. Les couleurs, plutôt sombres, dominées par le marron, le rouge et le noir. Le thème : les croisades opposant chrétiens et musulmans. Avec Furioso, le dessinateur et scénariste italien Lorenzo Chiavini réussit le tour de force d’évoquer un épisode historique tout en multipliant les références à l’époque contemporaine. Mais, sur fond d’extrémisme religieux et de manipulations politiques, où culte du chef et messianisme font bon ménage, Furioso est aussi une tragédie humaine dont les ressorts sont la haine et la passion. ● N.M.
BLUE NOTE/EMI
Norah Jones, toujours aussi élégante
S.K.-G.
Little Broken Hearts, de Norah Jones (Blue Note/EMI) JEUNE AFRIQUE
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Furioso, de Lorenzo Chiavini, Futuropolis, 140 pages, 20 euros ■■■ N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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DANSE
Nadia Beugré, une femme libre
DR
Pugnace et déterminée, l’artiste ivoirienne a su imposer aux siens le choix de son métier et encourage les Africaines à s’émanciper. Un combat qui inspire son travail.
! ARTISTE ENGAGÉE, elle interroge les espaces interdits aux femmes dans son spectacle solo Quartiers libres.
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e longues chaussettes rouges, un bermuda et une chemise sable qui rappellent la tenue des écoliers ivoiriens : Nadia Beugré se dépense sans compter dans la dernière création d’Alain Buffard. Proposant une version déjantée de L’Opéra de quat’sous de Kurt Weill et Bertolt Brecht, pimentée de l’esprit vaudou de Baron Samedi, le chorégraphe français a demandé à ses danseurs d’y mettre du leur. La Sud-Africaine Hlengiwe Lushaba convoque ses ancêtres zoulous, Dorothée Munyaneza évoque ue le génocide rwandais, l’Ivoirienne Nadia ia Beugré retrace les liens inextricables es entre son pays et l’ancienne métropole, le, mais, surtout, grâce à son travail avecc Alain Buffard, elle est parvenue, dit-elle, à transformer la douleur qui l’habite. « J’ai ’ai toujours dansé ma vie, avec ses hauts et ses bas, précise celle qui a grandi dans lee quartier populaire d’Abobo, à Abidjan. Mais Alain nous a tellement demandé de mettre de nous-mêmes dans cette création que j’ai découvert qu’il n’y a pas que de la tristesse en moi. » Tout en énergie sur scène, la danseuse et chorégraphe bétée est un N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
En 1997, Nadia Beugré crée avec Béatrice Kombé la compagnie Tché Tché, qui remporte le deuxième prix des Rencontres chorégraphiques de l’Afrique et de l’océan Indien, à Madagascar, en 1999. Une récompense qui permet à la compagnie de se faire remarquer et de se produire à l’étranger. À la mort de Béatrice Kombé, en 2007, Nadia Beugré, pourtant combative, n’a pas la force de poursuivre seule le travail entrepris. Elle ressent alors le besoin de se perfectionner afin d’assurer la relève et poursuit sa formation, d’abord auprès de la papesse de la danse africaine contemporaine, Germaine Acogny, puis auprès de la chorégraphe française Mathilde Monnier, qui a développé le festival Montpellier Danse, l’un des plus importants d’Europe. Nadia Beugré s’installe alors dans le sud de la France grâce à un visa pour la création de Culturesfrance.
PROMETTEUR. Féministe engagée, la fort tempérament, de ceux qui vous permettent de soulever des montagnes. Son jeune artiste interroge les « espaces père, un homme converti à l’islam et peu tabous » inaccessibles aux femmes dans accommodant, a vite compris qu’il était son spectacle solo Quartiers libres. Une préférable de respecter les humeurs de sa fille, même Tout en énergie sur scène, si elles devaient la conduire la danseuse et chorégraphe bétée à courir derrière un ballon est un fort tempérament. de foot aux côtés des garçons de son âge. Difficile de lui interdire de faire de la danse son quête de liberté qu’elle rêverait de prémétier alors que lui-même dirigeait un senter en Côte d’Ivoire. « Bien souvent, groupe traditionnel. constate-t-elle, les femmes se retrouvent marginalisées parce qu’elles se sont ellesmêmes laissé exclure de la vie sociale. Elles doivent apprendre à ne pas se laisser piétiner et à être libres de leurs mouvements et de leur propre corps. Le Baron pire a été atteint pendant la guerre. On a Samedi, d’Alain Buffard, humilié, violé, tué des femmes en toute les 12 et 13 juin impunité. » Mais, regrette-t-elle, « il n’y a à l’Opéra de pas d’espace pour les danseurs en Côte Lil Lille, et d’Ivoire ». Une situation que dénonçait Qua Quartiers déjà en 2009 son compatriote installé libres libres, de Nadia Beu Beugré, le 15 juin à Paris Georges Momboye et qui prive à la M Maison Folie ce pays en pleine reconstruction de Waze Wazemmes, à Lille, l’un de ses talents les plus prometteurs. dans lle cadre Dommage ! ● du fes festival Latitudes contem contemporaines.
SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX JEUNE AFRIQUE
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
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Annonces classées
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE LA POPULATION CONTRAT DE DÉSENDETTEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT (C2D) Financement : Agence Française de Développement (Don AFD CCG 1091 01C)
AVIS DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° SC02/12/DON AFD CCG 1091 01C
Manifestation d’intérêt
RECRUTEMENT D’UNE EXPERTISE POUR LA RÉALISATION DE L’AUDIT DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES, COMPTABLES ET FINANCIÈRES ET LA RECONSTITUTION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DU CHU-B SUR LA PERIODE 2008–2010 Contexte Dans le cadre du Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) signé entre le Congo et la France le 29 septembre 2010, il a été convenu d’un appui de 4 M€ en faveur du Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville (CHU-B) dans le domaine de la gestion et l’organisation du CHU-B. Une mission de l’Agence Française de Développement (AFD) s’est déroulée du 7 au 11 février 2011 à Brazzaville avec pour but de réaliser une première analyse du CHU-B et de pré-identifier les axes possibles d’intervention. Une importante étude menée à la demande des autorités congolaises par le Cabinet IMEDA a permis de dégager des axes de travail pour le développement du CHU-B et une amélioration de son fonctionnement. Ce travail a permis de définir un projet d’établissement dont un projet architectural et l’ébauche d’un projet de gestion. Il ressort de cette mission un manque de visibilité de la situation financière du CHU-B empêchant une analyse plus approfondie. Pourtant, ces éléments et cette analyse doivent aider la direction du CHU-B et ses tutelles dans la définition du projet de gestion de l’établissement et sa mise en œuvre qui pourraient être financées par le C2D. Objectif de l’étude L’objectif de cette étude est de réaliser un audit des procédures administrative, comptable et financière utilisées actuellement par le CHU-B et de reconstituer la situation financière de l’établissement sur la période 2008-2010. Qualifications de l’expertise Les experts auront fait preuve d’une expérience éprouvée d’au moins 7 années dans les activités proposées et, notamment, dans l’analyse administrative, comptable et financière d’établissements publics de taille importante comme le CHU-B. Une équipe d’au moins deux experts est requise pour ce travail dont un spécialiste de la gestion des finances publiques et un spécialiste en audit comptable et financier. Les experts présenteront une méthodologie dans laquelle une large place devra être faite à la consultation des différents chefs de services cliniques ou administratifs et financiers et des documents administratifs et financiers que le CHU-B et le Ministère de la Santé et de la Population (MSP) (tutelle du CHU-B) mettront à leur disposition. Manifestation d’intérêt Le Ministère de la Santé et de la Population (MSP) invite par conséquent, les candidats intéressés à manifester leur intérêt à réaliser la mission décrite ci-dessus. Ceux-ci doivent fournir les informations indiquant les capacités techniques à exécuter les prestations sollicitées notamment brochures et références concernant l’exécution de contrats analogues, expériences antérieures pertinentes dans les conditions semblables, disponibilité du personnel clé, etc. Sur cette base, une liste restreinte de consultants ayant les qualifications requises sera établie. L’expertise sera sélectionnée par la méthode de Sélection Fondée sur la Qualité et Coût (SFQC). Informations supplémentaires Les consultants intéressés peuvent obtenir les informations supplémentaires et les termes de références complètes à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables de 08 heures à 16 heures. Dépôt de dossier de candidature Les dossiers de candidature doivent être adressés, au plus tard le 11 juillet 2012, à 12 heures, sous plis fermé, à l’adresse suivante, avec mention « AVIS DE MANIFESTATION D’INTERET N°SC02/12/ DON AFD CCG – 1091 01 C Recrutement d’une expertise pour la réalisation de l’audit des procédures administratives, comptables et financières et la reconstitution de la situation financière du CHU-B sur la période 2008-2010 ». Ministère de la Santé et de la Population Cabinet Cellule de Gestion des Marchés Publics Située : derrière la Direction des Etudes et de la Planification (à côté de l’OMS de Brazzaville – dans l’enceinte du Laboratoire National de Santé Publique - Bâtiment abritant jadis la Direction Générale de la Population) – Tél 05 571 85 62 /06 667 22 29/05 562 44 27 Email : minsante.pdss@yahoo.fr - Brazzaville – République du Congo Le Ministre de la Santé et de la Population Professeur Georges MOYEN
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JEUNE AFRIQUE
Annonces classées RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
REPUBLIC OF CAMEROON
MINISTÈRE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS
MINISTRY OF POSTS AND TELECOMMUNICATIONS
Paix – Travail - Patrie
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Peace – Work – Fatherland
AVIS INTERNATIONAL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N°00000034/AIMI/MPT DU 28 Mai 2012 POUR L’ÉTABLISSEMENT ET L’EXPLOTATION D’UN RÉSEAU DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES MOBILE COUPLÉ AVEC LES RESSOURCES FRÉQUENTIELLES 3G À COUVERTURE NATIONALE OUVERT AU PUBLIC, À L’EXCLUSION DES RÉSEAUX DE TRANSPORT
JEUNE AFRIQUE
- Référence du candidat dans l’établissement et l’exploitation des réseaux de communications électroniques mobile ; - Accord de groupement le cas échéant ; - Partenaires techniques. d) capacité financière - Fonds propres ; - Partenaires financières ; - Nom de la Banque de référence ; - Principaux éléments financiers (bilan et compte de résultats) pour les trois derniers exercices ; - Noms, positions et adresses des personnes physiques pouvant légalement engager la société ; - Noms, positions et adresses des personnes physiques susceptibles de fournir toutes informations complémentaires. e) les rapports d’activités des trois dernières années ; f) la brochure descriptive. 6. Dépôt du dossier Les lettres de manifestation d’intérêt rédigées en vingt (20) exemplaires, dont dix (10) en français et dix (10) en anglais, et accompagnées des dossiers de candidature, doivent être déposées au plus tard le 13 juillet 2012 à l’adresse suivante : Ministère des Postes et Télécommunications, Yaoundé – Cameroun A l’attention de Monsieur BIYITI bi ESSAM Jean-Pierre Ministre des Postes et Télécommunications, Président du Comité de Pilotage du projet d’ouverture du segment de marché de la téléphonie mobile et de diversification de l’accès aux câbles sous-marins à fibre optique. Tél : + 237 22 23 06 15 / 22 23 20 55 Fax : + 237 22 23 31 59 Email : minpostel@minpostel.gov.cm Chaque offre constituée en une enveloppe unique portera la mention : AVIS INTERNATIONAL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 00000034/AIMI/MPT DU 28 Mai 2012 POUR L’ÉTABLISSEMENT ET L’EXPLOTATION D’UN RÉSEAU DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES MOBILE COUPLÉ AVEC LES RESSOURCES FRÉQUENTIELLES 3G À COUVERTURE NATIONALE OUVERT AU PUBLIC, À L’EXCLUSION DES RÉSEAUX DE TRANSPORT « à n’ouvrir qu’en séance de dépouillement » L’ouverture des offres aura lieu le 20 juillet 2012 dans la salle des conférences du Ministère des Postes et Télécommunications, en présence des soumissionnaires ou de leur représentant dûment mandaté. 7. Renseignements complémentaires Les candidats intéressés peuvent obtenir des renseignements complémentaires auprès du Ministre des Postes et Télécommunications, Président du Comité ad hoc interministériel de Pilotage du projet d’ouverture du marché de la téléphonie mobile. BIYITI bi ESSAM Jean-Pierre Ministre des Postes et Télécommunications
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Manifestation d’intérêt
1. Contexte Général En fin 2010, un nouveau cadre légal matérialisé par la loi n° 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, a été mis en place au Cameroun. Ce nouveau cadre libéralise totalement le segment de marché des services et ouvre la voie à la conclusion des partenariats public-privé pour le développement des infrastructures lourdes des télécommunications. Fort de cette évolution, le Gouvernement de la République du Cameroun envisage d’octroyer au cours de l’année 2012, une concession en vue d’établir et d’exploiter un réseau de communications électroniques mobile (2G), couplé avec les ressources fréquentielles 3G, à couverture nationale ouvert au public, à l’exclusion des réseaux de transport. La concession sera octroyée à un nouvel entrant de réputation internationale dans les communications électroniques mobiles. Dans cette perspective, le Ministère des Postes et Télécommunications lance le présent Avis pour la présélection des candidats dans le processus d’attribution de cette concession. 2. Objet de l’avis d’appel à manifestation d’intérêt Le présent avis international à manifestation d’intérêt a pour objet d’établir une « short-list » d’investisseurs potentiels intéressés par cette offre du Gouvernement camerounais. 3. Conditions générales de participation La phase de pré-qualification s’adresse aux investisseurs potentiels souhaitant établir et exploiter un réseau de communications électroniques mobile au Cameroun. 4. Critères sélection Les potentiels investisseurs devront remplir les critères suivants : - être un opérateur de télécommunications exploitant un réseau de télécommunications et appartenir à un groupe de renommée internationale dans le domaine et n’opérant pas au Cameroun ; - justifier d’un montant de fonds propres minimal de USD 200 millions (deux cent millions de dollars américains) au 31 décembre 2011. L’investisseur potentiel fournira les preuves qu’il ne fait pas l'objet d'une condamnation pénale ou être débiteur de dettes fiscales ou sociales envers l'Etat camerounais ou envers les Etats dans lesquels il opère. 5. Dossier de candidature Chaque dossier de candidature devra impérativement contenir les pièces suivantes : a) une lettre de manifestation d’intérêt ; b) la présentation de la structure du candidat - dénomination, siège social, immatriculation et registre de commerce ou l’équivalent, composition de l’actionnariat, statuts, accord de partenariat ; - domaine ou secteur d’activités ; - nombre d’années d’expérience dans le secteur des communications électroniques mobile ; c) expérience de la structure dans l’établissement et l’exploitation des réseaux de communications électroniques mobile - Technologies proposées ; - Informations justifiant les capacités techniques du candidat à déployer et à exploiter un réseau de communications électroniques mobile ;
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AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT
Pré-qualification des candidats pour la création d’une filiale commune dans le cadre du désengagement du Centre Hospitalier N° Avis Pays Date de Publication Date de clôture
: : : :
AMI n°01/BCC/Gouv/GRD/2012 République Démocratique du Congo 11 juin 2012 10 juillet 2012
Manifestation d’intérêt
l. Contexte et objet ; ll. Conditions de participation et documents d’éligibilité ; lll. Critères de sélection ; IV. Dépôt des dossiers et renseignements ; V. Disposition finale. I. CONTEXTE ET OBJET l.l. La Banque Centrale du Congo, en sigle BCC, est une Institution de Droit public régie par la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 relative à sa constitution, son organisation et son fonctionnement. La BCC a son siège social à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Elle est chargée de définir et de mettre en oeuvre la politique monétaire dont l’objectif principal est d’assurer la stabilité du niveau général des prix. Elle a la capacité de contracter, de transiger, de compromettre, d’ester en justice, d’acquérir des biens et d’en disposer. 1.2. Afin de se recentrer sur ses missions statutaires, la BCC a mis en place un programme de restructuration dont l’un des volets est son désengagement de la gestion directe des soins de santé en faveur de son personnel et des membres de leurs familles ayants droit, exercée dans le cadre d’une structure interne dite Centre Hospitalier. l.3. Pour ce faire, elle a retenu comme formule de désengagement la constitution d’une filiale commune avec des tiers (joint-venture), suivant la législation congolaise. Le capital de cette filiale sera constitué du patrimoine affecté à cette branche d’activités en ce qui concerne la BCC et d’apports sous forme de capitaux frais et d’équipements en ce qui concerne les partenaires recherchés. 1.4. Par le present Avis, la BCC appelle les entreprises ou groupes d'entreprises intéressés, quelle que soit leur nationalité, à manifester leur intérét pour ce projet. II. CONDITIONS DE PARTICIPATION ET DOCUMENTS D’ÉLIGIBILITÉ 1.5. La participation au présent Avis à manifestation d’intérêt est ouverte à égalité de conditions aux entreprises ou groupes d’entreprises nationales et internationales. 1.6. Les entreprises ou groupes d’entreprises intéressés par le présent Avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier en français comprenant : (i) une déclaration de manifestation d’intérêt signée par une personne à ce régulièrement habilitée, faisant apparaitre son nom, sa qualité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que l’entreprise ou groupe d’entreprises à l’intention de soumissionner ultérieurement à l’Appel d’offres en cas de présélection ; (ii) une présentation générale de l’entreprise (dénomination sociale, capital social, structure de l’actionnariat, forme juridique, organisation, secteurs couverts, ...) ; (iii) une copie légalisée des statuts de la société ; (iv) les états financiers certifiés des trois derniers exercices ; (v) une présentation des principaux indicateurs et ratios de gestion des trois derniers exercices, à savoir : Chiffre d’affaires ; Résultat net d’exploitation ; Fond de roulement ; Rentabilité économique (ROA) ; Rentabilité financière (ROE) ; Ratio d’endettement ; (vi) un descriptif des technologies developpées ou des procédures de gestion utilisées et des équipements ;
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(vii) un exposé sommaire de la motivation de la participation au présent Avis à manifestation d’intérêt ; (viii) une description de leur compétence specifique et expertise dans leurs domaines d’activité ; (ix) une déclaration sur honneur attestant que le candidat n’est pas en situation de faillite, de liquidation judiciaire ou de réglement judiciaire. III. CRITÈRES DE SÉLECTION 1.7. Les candidats seront evalués suivant les critères de sélection ci-après : - transmission dans les délais du dossier complet conformément au point (1.6) ci-dessus ; - justification d’une experience avérée dans le domaine médical comme gestionnaire des hôpitaux, gestionnaire de laboratoire ou équipementier médical ; - preuve de garanties financières solides ; - démonstration d’une réputation avérée. IV. DÉPOT DES DOSSIERS ET RENSEIGNEMENTS 1.8. Les manifestations d’intérêt, portant la mention “ Manifestation d’intérét au projet de désengagement du Centre Hospitalier “ peuvent être déposées, par porteur, contre récépissé, chaque jour ouvrable, du lundi au vendredi, de 09 heures 00’ a 16 heures 00’ (heure de Kinshasa) et, au plus tard le 10 juillet 2012, à l’adresse suivante : Banque Centrale du Congo Secrétariat de la Direction du Changement (3ème niveau) Boulevard Colonel Tshatshi, n° 563 Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo 1.9. Elles peuvent également étre adressées par courrier électronique jusqu’au 10 juillet 2012, à 16 heures au plus tard (heure de Kinshasa), à l’adresse suivante grd@bcc.cd 1.10. Des informations complémentaires sur le désengagement de la BCC de son centre Hospitalier peuvent être obtenues sur le site www.bcc.cd 1.11. Des informations sur le contexte socioéconomique de la République Démocratique du Congo peuvent être obtenues auprès des missions diplomatiques ou consulaires de la République Démocratique du Congo ou sur demande, aux adresses reprises ci-dessus. V. DISPOSITION FINALE 1.12. Pour rappel, le présent Avis à manifestation d‘intérêt vise a permettre aux entreprises ou groupes d’entreprises interessés d’avoir une meilleure vision de ce projet. Il ne fait pas partie de l’Appel d’offres qui sera organisé ultérieurement et ne crée par conséquent aucun droit de participation automatique à celui-ci dans le chef des candidats. Fait à Kinshasa, le 04 juin 2012 J-C. MASANGU MULONGO Gouverneur
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO BANQUE CENTRALE DU CONGO 563, Boulevard Colonel Tshatshi KINSHASA-GOMBE
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT
Pré-qualification des candidats pour la création d’une filiale commune dans le cadre du désengagement de l’Hôtel des Monnaies N° Avis Pays Date de Publication Date de clôture
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AMI n°02/BCC/Gouv/GRD/2012 République Démocratique du Congo 11 juin 2012 10 juillet 2012
l. Contexte et objet ; ll. Conditions de participation et documents d’éligibilité ; lll. Critères de sélection ; IV. Dépôt des dossiers et renseignements ; V. Disposition finale.
JEUNE AFRIQUE
à manifestation d’intérêt ; (viii) une description de leur compétence specifique et expertise dans leurs domaines d’activité ; (ix) une déclaration sur honneur attestant que le candidat n’est pas en situation de faillite, de liquidation judiciaire ou de réglement judiciaire. III. CRITÈRES DE SÉLECTION 1.7. Les candidats seront evalués suivant les critères de sélection ci-apres : - transmission dans les délais du dossier complet conformément au point (1.6) ci- dessus ; - justification d’une experience avérée dans au moins un des domaines d’impression de sécurité, notamment : • l’impression des billets de banque et des documents de sécurité ; • la fabrication d‘encres de sécurité, de papiers fiduciaires ou de sécurité ; • la fourniture d’équipements de billets de banque ou de documents de sécurité ; - démonstration d’une réputation averée ; - preuve des garanties financières solides. IV. DÉPOT DES DOSSIERS ET RENSEIGNEMENTS 1.8. Les manifestations d’intérêt, portant la mention “ Manifestation d’intérét au projet de désengagement de l’Hôtel des Monnaies “ peuvent être déposées, par porteur, contre récépissé, chaque jour ouvrable, du lundi au vendredi, de 09 heures 00’ a 16 heures 00’ (heure de Kinshasa) et, au plus tard le 10 juillet 2012, à l’adresse suivante : Banque Centrale du Congo Secrétariat de la Direction du Changement (3ème niveau) Boulevard Colonel Tshatshi, n° 563 Kinshasa / Gombe République Démocratique du Congo 1.9. Elles peuvent également étre adressées par courrier électronique jusqu’au 10 juillet 2012, à 16 heures au plus tard (heure de Kinshasa), à l’adresse suivante : grd@bcc.cd 1.10. Des informations complémentaires sur le désengagement de la Banque Centrale de son Hôtel des Monnaies peuvent être obtenues sur le site www.bcc.cd 1.11. Des informations sur le contexte socioéconomique de la République Démocratique du Congo peuvent être obtenues auprès des missions diplomatiques ou consulaires de la République Démocratique du Congo ou sur demande, aux adresses reprises ci-dessus. V. DISPOSITION FINALE 1.12. Pour rappel, le présent Avis à manifestation d‘intérêt vise à permettre aux entreprises ou groupes d’entreprises interessés d’avoir une meilleure vision de ce projet. Il ne fait pas partie de l’Appel d’offres qui sera organisé ultérieurement et ne crée par conséquent aucun droit de participation automatique à celui-ci dans le chef des candidats. Fait à Kinshasa, le 04 juin 2012 J-C. MASANGU MULONGO Gouverneur
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Manifestation d’intérêt
I. CONTEXTE ET OBJET l.l. La Banque Centrale du Congo, en sigle BCC, est une Institution de Droit public régie par la loi n° 005/2002 du 07 mai 2002 relative à sa constitution, son organisation et son fonctionnement. La BCC a son siège social à Kinshasa, en République Démocratique du Congo. Elle est chargée de définir et de mettre en oeuvre la politique monétaire dont l’objectif principal est d’assurer la stabilité du niveau général des prix. Elle a la capacité de contracter, de transiger, de compromettre, d’ester en justice, d’acquérir des biens et d’en disposer. 1.2. Afin de se recentrer sur ses missions statutaires, la BCC a mis en place un programme de restructuration dont l’un des volets est son désengagement de la production des billets de banque et des documents de sécurité, exercée dans le cadre d’une structtuse interne dite Hôtel des Monnaies. l.3. Pour ce faire, elle a retenu comme formule de désengagement la constitution d’une filiale commune avec des tiers (joint-venture), suivant la législation congolaise. Le capital de cette filiale sera constitué du patrimoine affecté à cette branche d’activités en ce qui concerne la BCC et d’apports sous forme de capitaux frais et d’équipements en ce qui concerne les partenaires recherchés. 1.4. Par le présent Avis, la BCC appelle les entreprises ou groupes d'entreprises intéressés, quelle que soit leur nationalité, à manifester leur intérét pour ce projet. II. CONDITIONS DE PARTICIPATION ET DOCUMENTS D’ÉLIGIBILITÉ 1.5. La participation au présent Avis à manifestation d’intérêt est ouverte à égalité de conditions aux entreprises ou groupes d’entreprises. quelle que soit leur nationalité. 1.6. Les entreprises ou groupes d’entreprises interessés par le présent Avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier en français comprenant : (i) une déclaration de manifestation d’intérêt signée par une personne à ce régulièrement habilitée, faisant apparaître son nom, sa qualité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que l’entreprise ou groupe d’entreprises à l’intention de soumissionner ultérieurement à l’Appel d’offres en cas de présélection ; (ii) une présentation générale de l’entreprise (dénomination sociale, capital social, structure de l’actionnariat, forme juridique, organisation, secteurs couverts, ...) ; (iii) une copie légalisée des statuts de la société ; (iv) les états financiers certifiés des trois derniers exercices ; (v) une présentation des principaux indicateurs et ratios de gestion des trois derniers exercices, a savoir : Chiffre d’affaires ; Résultat net d’exploitation ; Fond de roulement ; Rentabilité économique (ROA) ; Rentabilité financière (ROE) ; Ratio d’endettement ; (vi) un descriptif des technologies developpées ou des procédures de gestion utilisées et des équipements ; (vii) un exposé sommaire de la motivation de la participation au present Avis
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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - AUTORITÉ DE RÉGULATION DES MARCHÉS PUBLICS (ARMP)
PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DES FONCTIONS DE BASE DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE - PRG GAP
AVIS À MANIFESTATIONS D'INTÉRÊT Source de financement : CREDIT IDA H721-ZR - N° d'Avis à Manifestations d'Intérêt : AMI N°01/ARMP/2012 Date de publication : 31/05/2012 - Date limite : 02/07/2012
Appel d’offres - Manifestation d’intérêt
RECRUTEMENT D’UN CABINET POUR L’AUDIT ANNUEL DES MARCHÉS PUBLICS DE LA RDC 2011 I. CONTEXTE Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, conscient du volume important que le budget national réserve à la commande publique, du flot considérable des transactions qu’elle génère et désireux de promouvoir la transparence, l’efficacité et l’économie qui caractérisent un bon système de passation des marchés publics, a procédé à la réforme de son système des marchés publics. La matérialisation de cette réforme s’est traduite par la promulgation de la loi n°10/010 du 27 Avril 2010, relative aux marchés publics et de ses mesures d’application. Ladite loi est entrée en vigueur le 28 octobre 2010. Elle prévoit un audit annuel de tous les marchés passés sous son empire. Dans le cadre du CREDIT H721-ZR de l’IDA relatif au Projet PRC GAP, l’ARMP envisage d’utiliser une partie des fonds de ce crédit pour financer les prestations d’un cabinet spécialisé pour ledit audit. II. OBJECTIFS DE LA MISSION La mission d’audit aura comme objectif principal de vérifier la régularité des processus de passation et d’exécution des marchés conclus entre le 28 octobre 2010 et le 31 décembre 2011, afin de mesurer le degré de respect, par les autorités contractantes, les autorités approbatrices et les organes de contrôle des marchés publics, des dispositions et procédures édictées par la loi relative aux marchés publics et ses textes d’application. III. CRITÈRES DE QUALIFICATION La mission sera accomplie par un cabinet, seul ou en groupement solidaire comprenant trois membres au plus, ayant dans l’ensemble, au moins les qualifications suivantes : Pour le cabinet : • Etre constitué juridiquement conformément à la législation du pays de constitution ; • Disposer d’une expérience générale minimum de 15 années (30 points) dont 10 en matières d’audit des marchés publics (40 points) ; • Avoir une expérience prouvée dans l’encadrement d’une équipe et le renforcement des capacités ainsi que le transfert des connaissances dans le cadre des missions similaires (10 points) ; • Disposer du personnel clé (20 points) minimum suivant : - Un chef de mission, spécialiste en passation des marchés publics, ayant conduit au moins dix (10) missions similaires dont au moins cinq (5) en Afrique sub-saharienne, au cours de 10 dernières années ;
- Trois experts séniors en passation des marchés, spécialistes en passation des marchés publics, ayant participés au moins à 5 missions d’audit des marchés publics en Afrique sub-saharienne, au cours de 10 dernières années ; - Un expert en audit d’exécution des marchés, spécialiste en surveillance d’exécution des marchés publics, ayant participé au moins à 5 missions d’audit d’exécution des marchés publics en Afrique sub-saharienne, au cours de 10 dernières années. Les candidats seront présélectionnés conformément aux procédures définies dans les Directives Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’IDA (Edition janvier 2011). Les candidats retenus sur la liste restreinte recevront une demande des propositions par le biais d’une lettre d’invitation à soumissionner. Les candidats à retenir sur la liste restreinte sont ceux qui auront obtenu au moins 70 % de moyenne aux critères de qualification. IV. CONTACTS Les candidats intéressés peuvent retirer les Termes de référence et obtenir toute information au Bureau de l’ARMP situé à l'adresse indiquée ci-dessous. Les manifestations d'intérêts seront rédigées en langue française et comprendront au moins : la lettre d’intention, les références des activités similaires déjà réalisées et les copie des documents attestant de l’expérience mentionnée, et doivent parvenir, à l’adresse ci-dessous au plus tard le 02/07/2012 à 15 heures 30’ heure locale (TU + 1) et porter clairement la mention « AMI N°001/ARMP/2012 - recrutement d’un Cabinet d’audit annuel des marchés publics de la RDC 2011 ». L’ouverture de manifestations d’intérêt aura lieu le 02/07/2012 à 16 heures précises. A la Direction Générale de l’ARMP Sise au 4e niveau, Immeuble CROWN TOWER Croisement de l’avenue Batetela et du Boulevard du 30 juin - Kinshasa/Gombe Tél : + 243 81 247 41 86 ; + 243 81 912 76 29 ; Email : bsang50@yahoo.fr ; guykab@yahoo.fr Stanys BUJAKERA SANGANO Directeur Général
A V I S D ’ A P P E L D ’ O F F R E S I N T E R N A T I O N A L O U V E R T N° 001-06-12/UGFM-SEIB.sa Pour la sélection d’un fournisseur dans le cadre de l’acquisition de distributeurs de préservatifs « non payant » sur financement du 9e Tour de la subvention du Fonds Mondial et mis en œuvre par l’UGFM-SEIB.sa
La Société d’Electricité Industrielle et de Bâtiment (SEIB.sa) est l’un des trois (03) principaux récipiendaires qui intervient au titre du secteur privé, sur le round 9 de la subvention du Fonds Mondial au Bénin. Elle a signé son accord avec le Fonds mondial le 09 Novembre 2010. La date du 1er octobre 2010 a été considérée comme date de démarrage effective du projet et la subvention approuvée concerne la première phase qui durera 2 ans et 3 mois (du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2012). A ce titre, ses interventions concernent et prennent en compte les entreprises et cliniques privées sur toute l’étendue du territoire du Bénin. Le partenariat entre la SEIB.sa et la CEBAC-STP d’une part et entre la SEIB-sa et l’Association des Cliniques Privées du Bénin (ACPB) et tous les contacts formels et informels avec tous les autres partenaires du secteur privé, public et autres, a permis de créer des conditions propices à la mise en oeuvre correcte de toutes les interventions de la subvention. Dans le budget validé de la SEIB.sa, il est prévu l’acquisition de distributeurs de préservatifs en vue de l’exécution de la ligne : « Mettre en place dans chacune des entreprises ciblées des distributeurs de préservatifs ». 1. Pour exécuter cet approvisionnement, l’Unité de Gestion du Fonds Mondial de la SEIB (UGFM-SEIB.sa) lance un Appel d’Offres International Ouvert pour l’acquisition de distributeurs de préservatifs « non payant » dont les indications sont données au point 4. 2. L’UGFM-SEIB.sa invite par le présent Avis d’Appel d’Offres International Ouvert, tous les soumissionnaires susceptibles de fournir les distributeurs de préservatifs « non payant » demandés dans le présent dossier et capables d’assurer le service après vente desdits équipements. 3. La livraison de ces distributeurs de préservatifs « non payant » est souhaitée au plus tôt au Siège de l’UGFMSEIB.sa à Cotonou. 4. Les biens à acquérir se présentent comme suit dans le tableau ci-après : Allotissement Lot 1
Lot 2
Désignation desbiens Distributeursautomatiques modernes modernesdespréservatifs spréservatifs masculins"non payant"
Distributeurs Distributeursordinairesdes sdes préservatifsmasculins "non payant"
N° 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Description sommaire
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La description sommaire dans le tableau ci-dessus tient lieu de spécifications techniques. Le client ne dispose plus d’autres informations. Cet appel d’offres est ouvert à égalité de conditions aux firmes qualifiées dans le domaine de la construction et la distribution des équipements sollicités et qui disposent de l’expérience d’au moins deux (02) ans pour une conduite professionnelle de la prestation dans le respect des spécifications techniques exigées dans le Dossier d’Appel d’Offres. Les soumissionnaires peuvent retirer le dossier complet d’Appel d’Offres contre paiement d’une somme non remboursable de cent mille (100.000) FCFA (soit 153 €) , ou obtenir de plus amples informations à partir du lundi 11 juin 2012 à 9 heures, (heure locale, GMT+1) à : « Unité de Gestion du Fonds Mondial SEIB.sa Cotonou 01 BP 472 ; Tél. +229 21 15 95 87 / 21 31 33 04 ; Fax : +229 21 31 23 95 ; courriel : seibsaugfm@gmail.com » ou au siège de l’UGFM-SEIB.sa (au 3ème étage immeuble BADIROU, à l’angle de rue amenant à l’Eglise catholique Sainte Thérèse de PK6. Cet immeuble est situé à quelques mètres de l’agence MTN abattoir) à Akpakpa Cotonou. Aucune soumission ne doit porter l’identification du soumissionnaire, conformément aux dispositions de l’appel d’offres. Seule la mention «APPEL D’OFFRE INTERNATIONAL N° DAOI 001-05-2012/UGFM-SEIB.sa RELATIF A : ACQUISITION DE DISTRIBUTEURS NON-PAYANT DE PRESERVATIFS MASCULINS AU PROFIT DES ENTREPRISES PRIVEES DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LES IST/VIH/SIDA EN MILIEU DE TRAVAIL : A N’OUVRIR QU’EN SEANCE. » doit figurer sur le pli. Toutes les offres doivent parvenir sous plis fermés au Bureau de l’UGFM-SEIB.sa sis à Cotonou à l'adresse indiquée ci-dessus, au plus tard le mercredi 25 juillet 2012 à 09 heures 30minutes (heure locale, GMT +1). NB : Les offres doivent être accompagnées d’une garantie de soumission dont le montant sera compris entre 1 et 3% du montant de l’offre. L'ouverture des offres aura lieu en séance publique le même jour à partir de 10 heures (heure locale, GMT +1) à la salle de réunion de l’UGFM-SEIB.sa (au 3ème étage immeuble BADIROU) à Akpakpa Cotonou. Les soumissionnaires qui le souhaitent peuvent assister ou se faire représenter à la séance d'ouverture des offres. Les offres seront valables pendant une période de quatre vingt dix (90) jours à compter de la date d’ouverture des plis.
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Tous renseignements complémentaires peuvent être obtenus au courriel à seibsaugfm@gmail.com. l’UGFM-SEIB.sa se réserve le droit de ne pas donner de suite à cette consultation.
Cotonou, le 07 juin 2012 Le Coordonnateur de l’Unité, pi Bertin S. AFFEDJOU
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Avis à manifestation d’intérêt pour la réalisation de l’audit institutionnel et organisationnel du secteur hospitalier au Bénin
1. L’avis complet de cette publication peut être téléchargé dans la rubrique Appel d’offres sur l’adresse web suivante : http://ctb-benin.org/joomla/index. 2. La date limite de dépôt des manifestations d’intérêt est fixée au : 20 Juillet 2012 à 10 heures. 3. Les Bureaux d’études intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires les jours et heures ouvrables auprès de la Direction des Etablissements Hospitaliers et de Soins à l’adresse ci-après : aims@ctb-benin.org
A multilateral international financial institution, (Islamic Development Bank, AAA rated), headquarters in Jeddah and (4) Regional Offices (Rabat, Dakar, Almaty and Kuala Lumpur) have the following openings in its Infrastructure Department / Operations Complex to look after its operations and projects for the development of (56) members countries :
Senior Transport Specialist Transport Specialist
• Candidate must have excellent academic track record in relevant discipline, • Good exposure and experience of national and international organizations or MDBs in the field of infrastructure and transport sector including projects/studies, preparation, processing, implementation etc. • Competent, self motivated, result oriented, team leader and self-driven, • Capable of demonstrating excellent communication and presentation skills • Excellent IT background. The Bank offers a competitive compensation and benefit package which includes (i) Attractive Salary, (ii) Transportation Allowance, (iii) Housing Allowance, (iv) Dependents Allowance, (v) Education Allowance, (vi) Medical Coverage, and (vii) Group Life Insurance For more information and to apply online for IsDB vacancies and to learn more about the Bank, please visit our website : http://www.isdb.org, http://www.isdbcareers.com JEUNE AFRIQUE
N° 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Manifestation d’intérêt - Recrutement
Vacancies ISLAMIC DEVELOPMENT BANK Infrastructure Department/Operations Complex
Recrutement
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VACANCY
Job Title: Reporting to: Location: Level: No of positions: Contract:
Legal Counsel, Cluster 2 (Cameroon, Gabon, EG, Congo, Chad, RCA) Head of Legal, West African Markets Cameroon 10 01 Permanent
QUALIFICATION REQUIRED Candidates must have at least 2 years’ experience in Laws or any related field. KEY ACCOUNTABILITIES - Ensure that the legal requirements of various projects and initiatives are understood and met within Cluster - Communicate effectively cross-functional and within the Legal function to keep all stakeholders informed, address and seek solutions for legal related problems of mutual interest and continuous improvement with Cluster - Continually seek ways to optimize and improve systems and work process to drive efficiency and reduce costs in Cluster - Design and deploy stakeholder map for WAM Legal stakeholders to support business objectives and engagement in Cluster - Implement defence strategy for non-strategic litigations in Cluster - Manage Cluster litigations matters and ensure cost effective management of external legal counsels - Implement WAM defined AIT and Security strategies in Cluster - Proactively advise the business and drive the changes or proposed N° 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
changes in the corporate structures of any operations Cluster - Ensure proper and timeous compliance of Cluster 2 marketing activities as laid out in statutes and regulations in addition to those required under any Trade Blocks as relevant. - Ensure provision of robust legal services to Cluster TO ACHIEVE IN THIS ROLE, YOU WILL NEED TO: • Have a very good understanding of FMCG business • Have a predominant background on Intellectual Property laws • Have good interpersonal skills • Be details focused • Be very dynamic and excellent self-manager • Exhibit good managerial and communications skills; • Have excellent written and verbal communication skills; • Have excellent level in French language; Good level of English language will be appreciated APLICATION Email your CV and covering letter to: www.batwaacareers.com CLOSING DATE: 24nd June 2012
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Formation
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N° 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
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PUBLICATION JUDICIAIRE Extrait du jugement du 4 janvier 2012 du Tribunal de commerce de Versailles (Yvelines)
SA CONNECT DATA Contre SARL CB NETWORKS […] LES FAITS
Publication judiciaire
Les Sociétés CONNECT DATA et CB NETWORKS sont spécialisées dans la distribution de composants électriques et électroniques pour des applications de télécommunication. CB NETWORKS dont le Holding "GROUPE C" détient 60% du capital est plus récente et plus petite que CONNECT DATA. […] Fin janvier 2010, M.[…] a démissionné de la Société CONNECT DATA pour rejoindre, avec un statut d'autoentrepreneur, la Société GROUPE C où il avait le titre de Directeur commercial. Ultérieurement, trois autres responsables techniques ou commerciaux de la société CONNECT DATA ont rejoint la Société GROUPE C. La Société CONNECT DATA soutient qu'il s'agit d'actes de débauchage, et que la Société GROUPE C et la Société CB NETWORKS ont utilisé de façon déloyale les informations apportées par ses anciens collaborateurs. […] SUR LE PRINCIPE DE LA CONCURRENCE DELOYALE […] Attendu que le tribunal retiendra que les conditions de départ des quatre salariés de la société CONNECT DATA (MM […]) sont constitutives de concurrence déloyale ; […] Attendu que s’agissant d’autres informations utilisées par les salariés débauchés, la Société CB NETWORKS soutient qu’ils avaient le droit de mettre en oeuvre leurs connaissances ; que cependant, dès lors qu'ils ont été débauchés de façon déloyale, l'utilisation par eux des informations qu'ils avaient acquises chez la Société CONNECT DATA (notamment mailing lists et fichiers clients) est déloyale ; Attendu que l'utilisation de ces contacts et informations a permis à la Société CB NETWORKS d'obtenir les contrats de distribution des sociétés ALVARION, RUCKUS et UCOPIA ; que ces contacts et informations ont été obtenues par des manœuvres déloyales de la Société CB NETWORKS ; que leur utilisation est constitutive de concurrence déloyale ; Conclusion sur le principe de la concurrence déloyale Attendu que le Tribunal dira que la Société CB NETWORKS seule, et les Sociétés CB NETWORKS et GROUPE C ensemble ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la Société CONNECT DATA ; […] PAR CES MOTIFS Le Tribunal : Dit que les Sociétés CB NETWORKS et GROUPE C ont commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la Société CONNECT DATA ; Condamne les Sociétés CB NETWORKS et GROUPE C in solidum à payer à la Société CONNECT DATA la somme de trois cent cinq mille Euros (305.000 €) à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; Autorise la publication de tout ou partie du présent jugement dans deux journaux ou revues au choix de la Société CONNECT DATA, et aux frais de la Société CB NETWORKS et de la Société GROUPE C tenues in solidum dans la limite de quatre mille euros (4.000 € HT) par insertion ; […]
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N° 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Divers
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Haro sur les chefs ! Je trouve scandaleux le titre de la une de votre édition no 2682, datée du 3 au 9 juin (« Combien gagnent vos chefs »). La EXCLUSIF chefferie est COMBIEN révolue, les GAGNENT VOS présidents comme les ministres ne sont nullement ! J.A. N 2682, des chefs et du 3 au 9 juin 2012. les Africains n’en veulent plus. Ils souhaiteraient en revanche que leurs élus se comportent en serviteurs de la République. Je trouve d’ailleurs qu’il y a un aspect condescendant à utiliser une telle expression. Et pourquoi pas « nos chefs », puisque vous prétendez parler au nom des Africains ? ●
appelle aussi Fangs ou bien s’ils y sont connus sous d’autres noms. ● DANIEL NFAGUE, Libreville, Gabon
MALI SANOGO : « TRAORÉ, LA CEDEAO, LE NORD ET MOI »
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2682 • du 3 au 9 juin 2012
jeuneafrique.com
MAROC BENKIRANE-CHEIKH YASSINE : LES FRÈRES ENNEMIS TUNISIE PEUR SUR LES MINORITÉS ÉCONOMIE ENFIN L’HEURE DU MADE IN AFRICA ?
CHEFS Entre fantasmes et réalité, enquête sur les salaires et les avantages des ministres… et de quelques présidents.
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CHEIKH TIDIANE NDIAYE, Dakar, Sénégal
Réponse De « petit chef » à chef d’État, le terme de chef est un raccourci, parfois familier, couramment usité dans le monde francophone sans aucune connotation passéiste ou paternaliste. N’y voyez donc aucune condescendance. LA RÉDACTION
Défaut de précision Votre article intitulé « Bienvenue chez les Fangs » (J.A. no 2680, du 20 au 26 mai) appelle quelques remarques, notamment la page sur les Fangs célèbres. Pierre-François Aubameyang n’est pas originaire de Bitam, dans le département du Ntem, comme vous l’avez indiqué, mais de Minvoul, dans le Haut-Ntem. De plus, vous signalez quelques milliers de Fangs au CongoBrazzaville, en Centrafrique et à São Tomé ; il aurait été intéressant de situer les régions où on les rencontre dans ces trois pays. Et de nous dire si on les N o 2683 • DU 10 AU 16 JUIN 2012
Réponse Dans cette brève présentation, il est écrit que Pierre-François Aubameyang est « natif de Bitam », ce qui n’a rien à voir avec le département d’origine de sa famille. S’agissant de la localisation des Fangs du Congo, ils vivent dans le nord-ouest du pays, même s’ils ne sont pas suffisamment nombreux pour figurer dans la carte publiée en page 28 du numéro 2680.
Us et coutumes fangs Ayant particulièrement apprécié votre dossier sur les Bamilékés du Cameroun, j’ai lu avec beaucoup d’attention celui que vous avez consacré aux Fangs et que vous auriez dû intituler « Les hommes fangs et la politique ». J’aurais préféré vous lire sur leurs us et coutumes. Étant moi-même un Fang du Gabon, j’aurais aimé en apprendre davantage sur ceux du Cameroun et de la Guinée équatoriale. Par ailleurs, en réponse à l’un de vos lecteurs résidant aux États-Unis (J.A. no 2681, du 27 mai au 2 juin), j’aimerais préciser que les Fangs ne sont pas les seuls à affubler les autres ethnies de noms visant à les discriminer. Les Myènè, par exemple, utilisent le terme anongoma. ●
LA RÉDACTION
MICHEL EYEGHE, Port-Gentil, Gabon
Pépé Ndombé Opetun tire sa révérence IL S’EST DÉMENÉ POUR SORTIR SON DERNIER OPUS, intitulé Tendresse, en collaboration avec son fils, Baby Ndombé, ex-sociétaire de Wenge Musica. Mais Pépé Ndombé Opetun s’en est allé le 24 mai 2012, terrassé par une crise cardiaque. Je l’ai d’abord connu de loin, à ses ! L’AUTEUR-COMPOSITEUR ET INTERPRÈTE débuts, en 1968, dans l’African Fiesta Pépé Ndombé Opetun, dans les rues de Tabu Ley. Nos routes se sont croide Kinshasa, en RD Congo. sées en 1971, peu avant la création de son orchestre Afrizam. Et nous avons développé des relations plus fortes en 1976, lui l’auteur-compositeur et interprète de talent, moi, le journaliste débutant. Pépé Ndombé Opetun démarre sa carrière à l’âge de 19 ans. Devenu membre du groupe de Tabu Ley Rochereau en 1968, il signera son premier titre, « Hortense », après une tournée à Brazzaville. En 1973, il fonde, avec le guitariste Athel Mbumba et le saxophoniste Empompo Deyes, Afrizam, qui deviendra plus tard Makina Loka. Ils sont bientôt rejoints par les chanteurs Sam Mangwana et Espérant Kisangani (décédé en 1995). Pépé Ndombé Opetun innove en intégrant dans la rumba les folklores zebolas et bayanzis. La célébrité vient en 1974, lorsqu’il rejoint le TP OK Jazz de Franco, avec qui il réalise de nombreux titres, tels que « Ngai », « Mawe », etc. À la mort de ce dernier, en 1989, il poursuit l’aventure du TP OK Jazz avec Simaro Lutumba et Josky Kiambukuta jusqu’en 1994, date de la création, par les trois compagnons, de Bana OK. Pépé Ndombé Opetun quitte la scène, mais ses œuvres lui survivront longtemps. ● JEAN-PIERRE EALÉ IKABÉ, Kinshasa, RD Congo JEUNE AFRIQUE
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Vous nous
Chère ONU Comment se fait-il que vous vous montriez si indécise sur la Syrie? La Chine et la Russie n’ont pas hésité à s’opposer à toute intervention dans ce pays désormais livré à des personnes soucieuses de leurs seuls intérêts. Vous vous révélez aujourd’hui incapable de décréter un quelconque embargo. Résultat : Bachar al-Assad continue d’exporter le pétrole syrien pour se procurer des armes. Lesquelles lui servent à réprimer dans le sang la contestation depuis mars 2011. Vos règles, qui, prétendez-vous, relèvent de l’ordre politique et juridique, me semblent injustes. Elles devraient plutôt viser à réguler la coexistence des individus et avoir pour finalité le bien des communautés. ● AMANI TINNI YACOUBOU, Niamey, Niger
Israël et ses Noirs J’ai lu votre article intitulé « La chasse aux Noirs est ouverte » (J.A. no 2682, du 3 au 9 juin). Je me suis senti mal en tant qu’Africain et être humain. Comment les Israéliens pourraient-ils être racistes ? Eux, qui ont subi l’antisémitisme, agressent les Noirs, autorisent l’existence d’une équipe de football interdite aux Arabes. Heureusement, tous les Juifs ne sont pas racistes. ● HABIB ORPHÉE-OKABANDE, Paris, France
RD Congo : rapport accablant Selon un rapport de l’ONG britannique Free Fair sur l’exploitation des minerais en RD Congo, publié le 28 mai 2012, une cinquantaine de compagnies se livreraient frauduleusement à cette activité, avec la complicité de hauts responsables congolais. Pendant ce temps, dans l’ex-Kivu, règnent toujours désolation, viols, vols… La guerre aussi a repris, sans que les dirigeants du pays tentent d’en venir à bout. À quand la paix politique, sociale et économique, qui permettrait de construire un Congo véritablement démocratique ? Le peuple congolais souffre par la seule volonté de la classe politique dirigeante. ● NDJEFF MUNGONDJI, Gbadolite, RD Congo
Société en commandite par actions au capital de 15 000 000 € Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS R.C.S. Paris B 784 683 484
Avis de convocation Les actionnaires de la société susvisée sont informés qu’ils sont convoqués au siège social, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, Le mardi 26 juin 2012 à 9 heures 30 en Assemblée Générale Mixte à l’effet de délibérer sur l’ordre du jour suivant: De la compétence de l’Assemblée Générale Ordinaire: • Lecture du rapport de gestion de la Gérance. • Lecture du rapport du Conseil de surveillance. • Lecture du rapport du Commissaire aux comptes sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2011. • Lecture du rapport spécial du Commissaire aux comptes sur les conventions visées à l’article L. 226-10 du Code de commerce. • Approbation desdites conventions ainsi que des comptes et opérations de l’exercice. • Quitus au Gérant, aux membres du Conseil de surveillance et au Commissaire aux comptes. • Affectation du résultat de l’exercice. • Renouvellement du mandat des membres du Conseil de surveillance. • Autorisation d’achat d’actions de la société en vue de l’attribution d’actions gratuites aux membres du personnel et aux mandataires sociaux. De la compétence de l’Assemblée Générale Extraordinaire • Autorisation à donner à la Gérance à l’effet de procéder à l’attribution gratuite d’actions existantes au profit des salariés et des mandataires sociaux. • Augmentation de capital réservée aux salariés. • Pouvoirs pour l’accomplissement des formalités. Tout actionnaire a le droit d’assister à l’Assemblée et de prendre part aux délibérations avec autant de voix qu’il possède ou représente d’actions, sans limitation. Au cas où un actionnaire ne pourrait assister personnellement à cette Assemblée, il peut s’y faire représenter par un autre actionnaire ou par un conjoint, en lui remettant un pouvoir. S’il désire voter par correspondance, il peut se procurer le formulaire de vote et ses annexes au siège social. La demande doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et parvenir à la société six jours au moins avant la date prévue de cette Assemblée. Les votes par correspondance ne seront pris en compte que si les formulaires dûment remplis parviennent à la société trois jours au moins avant la réunion de l’Assemblée. LA GÉRANCE
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Post-scriptum Fawzia Zouari
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION
La vérité si je mens
I
l paraît que Leïla Trabelsi, l’épouse de l’ex-président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, s’apprête à sortir un livre, sous le titre Ma vérité. Le fameux « du séchoir au pouvoir » risque de se transformer en « du délit à l’écrit ». Encore faut-il que l’expremière dame de Tunisie sache tenir une plume, mais cela n’est pas un problème, il suffit d’un nègre, et le tour est joué. L’important est plutôt de savoir si les propos de Leïla sont vrais ou faux, s’il s’agit d’un hold-up de plus ou d’un sursaut de conscience, d’une provocation supplémentaire ou d’un mea culpa. De toute façon, quelles que soient la teneur de ces pages et la bonne ou mauvaise foi qui les anime, la tentation qu’on prête aux autorités actuelles de vouloir confisquer le livre paraît aberrante. Non seulement cela rappellerait le réflexe répressif et liberticide de l’ancien régime, mais cette censure laisserait entendre que les Tunisiens ne sont pas mûrs pour s’informer sur leur pays, qu’ils n’ont droit qu’aux rumeurs de Facebook ou aux aveux tronqués.
Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Nicolas Michel, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Fanny Rey, Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION
Que risquent donc les autorités locales en permettant une telle publication ? Un retour sur le règne de Ben Ali ? Et alors ? Qui se sent morveux n’a qu’à se moucher ! Des révélations sur le 14 janvier 2011 ? À la bonne heure ! Nul n’a encore daigné dire aux Tunisiens dans quelles circonstances précises leur destin a changé. Ce serait pourtant la moindre des choses ! Craint-on que Leïla balance quelques caciques de l’ancien régime ? L’actuel devrait en être ravi. Qu’elle s’en prenne aux successeurs de son époux ? Ce serait de bonne guerre. Qu’elle accuse les nouveaux maîtres du pays de délits dont seul Ben Ali détient le secret ? Ils n’auraient qu’à prouver le contraire. Qu’elle mente sans vergogne ? Ce serait l’occasion de rétablir les faits et de livrer l’autre « part de vérité », justement. Qu’elle ait réussi à écrire tout un livre alors que la Constituante peine encore à élaborer ses premiers articles ? C’est la blague qui fait déjà rire toute la Tunisie.
Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret
Le contenu de Ma vérité ne risquant pas de provoquer une deuxième révolution, c’est lui faire de la publicité que de l’interdire. Voilà ce que je pense personnellement. Mais je vous livre aussi la réaction d’un copain porté sur l’ironie : « Je ferais partie de l’équipe au pouvoir que je me servirais du bouquin pour détourner l’attention et faire cesser la grogne, au moins pour quelque temps. Il n’y a pas mieux que les petites histoires pour torpiller la grande. Tout le monde s’occuperait à le lire, du gamin au chibani, jusque dans les hameaux reculés. Le bouquin distrairait les soirées de ramadan – qui risquent cet été d’être bien “chaudes” –, quand il ne ferait pas oublier la faim au jeûneur si, par bonheur, il réussit cette année à se payer sa brik à l’œuf. Les scoops de Leïla rempliraient les colonnes des journaux, qui se départiraient pour une fois de la mauvaise manie qu’ils ont de lister tout ce qui ne va pas : chômage, insécurité, violences salafistes et je ne sais quoi encore, comme si le métier de journaliste se résumait à cela ! Bref, le livre agirait comme un sortilège sur toute l’étendue du territoire. Ce serait la seule fois où Leïla Ben Ali pourrait faire du bien à son pays et occuper les Tunisiens sans intention de les gouverner. » ●
Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf
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JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Benjamin Roger et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chefs de produit : Dhouha Boistuaud, Nawal Laadad ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue ÉdouardHerriot, 92350 Le Plessis-Robinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●
COMMUNICATION ET PUBLICITÉ AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION
S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com
RÉGIES : Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Myriam Bouchet (chef de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES : Direction : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad LARBI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT
S.C.A. au capital de 15 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25
Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon; contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: À PARUTION. ISSN 1950-1285.
Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.
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