JA 2690 DU 29 JUILLET AU 4 AOUT 2012

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CEMAC COMMENT NTSIMI A ÉTÉ DÉBARQUÉ

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • No 2690 • du 29 juillet au 4 août 2012

TUNISIE BEN ALI : OÙ EST PASSÉ LE MAGOT ?

REPORTAGE GAO, KO DEBOUT

jeuneafrique.com

CÔTE D’IVOIRE HOLLANDEOUATTARA : CE QU’ILS SE SONT DIT

Enquête sur une psychose Ç Fantasmes, vérités et perversions Ç Sahel: menaces sur l’« islam noir » Ç Maghreb: le slogan de tous les dangers ÉDITION GÉNÉRALE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 28 JUILLET

Quelques bonnes nouvelles

J

E PENSE, CHERS LECTEURS, que vous vous sentez, vous aussi, submergés par le torrent de mauvaises nouvelles déversées sur nous jour après jour par les médias et assaillis par les menaces qui fusent de toutes parts. Il y a des moments où il en est ainsi et où l’on en arrive à appréhender les lendemains, à s’attendre au pire. Je crois, pour ma part, que le monde ne va pas si mal qu’on nous le serine et vous demande de me laisser vous présenter les quelques bonnes nouvelles qui pointent à l’horizon. ■

1) La Syrie et le pauvre type qui lui sert de président depuis douze ans, installé à cette place par son père qui a postulé à tort qu’il n’y avait pas mieux. Nous sommes au paroxysme de l’horreur, mais proches du dénouement ; Bachar al-Assad, hélas pour lui et les siens, connaîtra le même destin que les autres dictateurs : ou il s’enfuira ou il ne survivra pas. Le pays et la région seront secoués par la fin de son régime, peineront et mettront du temps à constituer un nouvel équilibre. Mais cette « dictature à tête de bœuf », comme celle de Saddam Hussein en Irak et celle de Mouammar Kaddafi en Libye, doit être éliminée quels qu’en soient le prix et les conséquences. Elle ne va plus tarder à l’être et l’air sera plus respirable. ■

2) L’arme du pétrole : elle a été déjà utilisée deux fois au XXe siècle par les pays producteurs et exportateurs. Chaque fois et par un simple tour de vis, son utilisation avait multiplié les prix par trois ou quatre, instauré la pénurie, obligé les consommateurs de cette précieuse denrée à se rationner et à faire la queue. Du fait de cette utilisation, le monde a vacillé et les économies des pays développés sont entrées en crise. Vous ne vous en êtes pas aperçus, mais cette arme redoutable et délicate à manier a été de nouveau sortie de son fourreau, mais cette fois par les grands pays consommateurs d’Amérique et d’Europe. Ils l’utilisent depuis le début de cette année contre l’Iran et, le 1er juillet, ils ont encore serré la vis : sans le crier sur les toits, ils ont, de concert, pour tenter de lui faire mettre un genou à terre, cessé totalement d’acheter l’or noir de ce JEUNE AFRIQUE

pays et fait pression sur les Asiatiques pour qu’ils en fassent autant. Ils n’ont exercé ce boycott total qu’avec la complicité avouée de l’Arabie saoudite, plus gros exportateur mondial de pétrole. Elle leur a dit : « Nous compenserons ! Quelles que soient les quantités que vous achetiez à l’Iran, quelles que soient l’ampleur du boycott et sa durée, nous ferons le nécessaire pour vous approvisionner et contenir la montée des prix. » Chacun jugera. Mais l’Arabie saoudite ayant tenu ses engagements, le prix du baril ne s’est pas envolé. ■

Maniée avec dextérité, l’arme du pétrole a ainsi montré une fois de plus qu’elle pouvait se révéler d’une redoutable efficacité. Il faut et il suffit que le camp qui l’utilise préserve son unité tout en semant la zizanie dans le camp d’en face… On pourra se passer, en 2012 et 2013, du pétrole iranien, comme on s’était passé, en 1990 et 1991, de l’or noir irakien, et, sauf imprévu, les consommateurs n’auront ni à faire la queue ni à payer l’essence ou le gaz plus cher. À cela s’ajoute un immense avantage complémentaire et qui, lui, englobe l’Iran ! À supposer même qu’il en ait la capacité, ce qui n’est nullement établi, Israël ne bombardera pas, d’ici à l’élection présidentielle américaine de novembre prochain, le pays de Khamenei et d’Ahmadinejad pour détruire ses installations nucléaires. Il ne fera pas ce cadeau au régime iranien au moment où ce dernier doit faire accepter par son peuple les inconvénients et les sacrifices du boycott pétrolier : cela lui donnerait la bouffée d’air dont il a besoin… ■

3) L’euro : depuis plusieurs mois ne nous parviennent, concernant cette monnaie internationale et la zone qu’elle couvre, sous la signature des médias les plus prestigieux, que les nouvelles les plus alarmistes. À croire que l’une et l’autre sont menacées d’implosion, qu’elles ne passeront pas le mois ou, en tout cas, l’année sans essuyer les plus graves avanies. Je continue de penser contre vents et marées que ceux qui les disent menacées dans leur existence même N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


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Ce que je crois sous-estiment leur solidité, la qualité et la résolution de ceux qui ont la charge de les préserver. À mes yeux, mais fort heureusement je ne suis pas le seul à le penser, l’euro et sa zone sont en train d’être sauvés par une cuirasse qu’ils ont tardé à endosser : c’est le cours de l’euro par rapport aux autres monnaies. Une bonne partie des problèmes des dix-sept pays de la zone euro et de ceux des quinze de la zone CFA (dont le franc est lié à l’euro par une parité fixe) vient du fait que l’euro a été surévalué par rapport au dollar, au yen, au renminbi, tout au long des dernières années. ■

Depuis près de un an, très lentement, il a commencé à baisser, « gagnant » plus de 15 % par rapport au dollar (il est passé de 1,45 à 1,22 dollar pour 1 euro). Mais il est encore à un cours plus élevé que celui de son lancement en janvier 1999 (1 euro : 1,17 dollar), plus élevé que la parité avec le dollar et beaucoup plus élevé que son cours le plus bas, de 0,83 centime pour 1 dollar. La marge de « gain » est donc énorme, et il suffit à la monnaie européenne d’en « gagner » une moitié pour que les exportations de la zone euro et celles de la zone CFA soient dopées, avec des résultats positifs spectaculaires. Il est déjà arrivé à l’euro, au début de son existence, de décliner de 30 % en un an par rapport au dollar, et les pays de sa zone en ont alors largement profité. On s’attend qu’il renouvelle cette « descente », aidé en cela par la Banque centrale européenne (BCE), avec l’accord tacite de la Federal Reserve des États-Unis.

Cela équivaudrait à une grande dévaluation, condition nécessaire et suffisante pour que l’Europe retrouve les couleurs qu’elle a perdues (et avec elle l’Afrique du franc CFA). ■

Analysant cette hypothèse, le professeur Martin Feldstein, ancien patron économique de la Maison Blanche, écrit : « L’euro doit baisser, sinon sa zone se désintégrera. Un euro plus bas favorisera les exportations européennes et renchérira ses importations, diminuera les déficits des comptes courants, facilitera les décisions politiques de consolidation fiscale et créera une véritable croissance économique. Il donnera à la monnaie européenne et à sa zone un nouveau départ. Cela en vaut la peine, car c’est dans l’intérêt des ÉtatsUnis et du reste du monde. » De toutes les bonnes nouvelles, cette dernière est de loin la plus importante. Surveillez désormais le cours de l’euro. ● Comme il est de tradition à cette période de l’année, j’interromps cette chronique hebdomadaire pour quelques semaines de repos. Je la reprendrai à la mi-septembre, si Dieu m’a prêté la force et la vie. À ceux de mes lecteurs et lectrices qui en prennent, je souhaite de bonnes vacances.

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Si on comprenait, on ne pourrait plus juger. André Malraux

Ì La langue la plus dure à apprendre, c’est se taire. Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ì À côté de vrais grands hommes existent ceux qui croient l’être, innombrables, perchés à chaque étage de l’échelle des grandeurs. François Mitterrand

Ì On est toujours plus sincère quand on prend à témoin plusieurs au lieu d’un seul Dieu. Ahmadou Kourouma

Ì Il y a trois choses qu’une femme est capable de réaliser avec rien : un chapeau, une salade et une scène de ménage. Mark Twain Ì La modernité : nous avons créé la jeunesse sans héroïsme, la vieillesse sans sagesse, et la vie sans grandeur. Nassim Nicholas Taleb N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Ì Pour critiquer les gens, il faut les connaître, et pour les connaître, il faut les aimer. Coluche Ì Les sots parlent beaucoup du passé, les sages du présent et les fous de l’avenir. Marquise du Deffand Ì Braise de nuit devient cendre du matin. Proverbe arabe

Ì Démocratie est le nom que nous donnons au peuple chaque fois que nous avons besoin de lui. Robert de Flers Ì Savez-vous ce que j’ai vu sur un écriteau accroché dans une perception ? Défense de cracher. Faudrait tout de même s’entendre ! Robert Rocca Ì Les Italiens sont une race alors que les Français sont un état d’esprit, chose plus difficile à préserver mais aussi plus complexe à détruire. Patrick Besson Ì La beauté se raconte encore moins que le bonheur. Simone de Beauvoir JEUNE AFRIQUE



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Éditorial François Soudan

J.A. m’a tué

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E SOMMET DES CHEFS D’ÉTAT de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) tout juste achevé et le président de la Commission, Antoine Ntsimi, remercié après un ultime baroud que l’on peine à qualifier d’honneur (lire pp. 32-34) et voici que ressurgissent les mêmes récriminations contre J.A., accusé d’avoir « mené campagne » contre une personnalité africaine et, en définitive, « obtenu sa tête », afin d’enrichir on ne sait quel tableau de chasse. Ce n’est pas nouveau : chaque fois que nos enquêtes et révélations ont joué un rôle dans le limogeage, la démission ou le départ forcé de tel ou tel responsable, c’est le même mauvais procès qui nous est fait.

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CFAO LE JAPON S’OFFRE LE DERNIER JOYAU DE LA FRANÇAFRIQUE Le premier distributeur automobile et pharmaceutique d’Afrique francophone est racheté par une filiale du groupe nippon Toyota.

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Il faut dire qu’en un demi-siècle de journalisme indépendant la liste de ceux qui doivent à J.A. leur disgrâce ou leur fin de carrière est plutôt longue. De Nzo Ekangaki, éphémère secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) dans les années 1970, pris la main dans le sac d’un contrat qu’il n’aurait jamais dû signer, aux dirigeants compromis dans le scandale de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) en 2009, en passant par les Ivoiriens Emmanuel Dioulo et Mohamed Diawara, qui défrayèrent la chronique financière au milieu des années 1980, tous ceux que J.A. a empêchés de continuer à mal gouverner en rond rejoignent dans le chœur des procureurs tous ceux qui s’estiment injustement critiqués dans nos colonnes – Jean Ping et Cheick Modibo Diarra, derniers exemples en date. Pour qui vous prenez-vous, à J.A. ? Qui vous paie ? Quels intérêts servez-vous ? Pourquoi vous en prendre à un tel et pas à un tel ? Vous ternissez l’image de l’Afrique aux yeux du monde ! Voire, comme nous l’écrit un lecteur malien, « vous insultez le peuple tout entier »…

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

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CFAO Le Japon s’offre le dernier joyau de la Françafrique Bandar Ibn Sultan Prince des espions Patience Jonathan Parce qu’elle le vaut bien ? Côte d’Ivoire-France Quand ADO rencontre Mosco Madagascar Un tête-à-tête au paradis Santé Bande de paresseux ! Justice Ça se gâte pour Habré JO de Londres Stress et paillettes Éthiopie Sawa, c’est le pied ! Maroc « Botox party » chez Mickey Tour du monde

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GRAND ANGLE

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Charia Enquête sur une psychose

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Cemac Comment Ntsimi a été débarqué

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PHOTO DE COUVERTURE : LEVINE/SIPA

Même si ces griefs émanent en général de puissants qui redoutent d’être les prochains à figurer au palmarès, beaucoup plus que des citoyens, qui eux se frottent les mains sous cape, redisons ce qui suit. Un : le responsable d’un scandale ou d’une affaire n’est pas celui qui les révèle, mais celui qui en est l’auteur et le coupable. On sait depuis l’Antiquité que tuer le messager d’une mauvaise nouvelle ne sert à rien : elle sera, tôt ou tard, connue. Deux : nous ne tirons, à J.A., aucune gloire ni aucune jouissance de ce type d’exercice. Nous faisons notre travail, qui n’est pas de présenter une Afrique de conte de fées sur papier glacé, dans lequel les happy few aiment se mirer, mais l’Afrique telle qu’elle est, avec ses réussites et ses échecs, ses héros et ses salauds. Trois : qu’Antoine Ntsimi, Jean Ping et les autres se rassurent : nous serons tout aussi vigilants – et au besoin sévères – envers les performances de leurs successeurs que nous l’avons été avec eux. ●

CEMAC COMMENT NTSIMI A ÉTÉ DÉBARQUÉ Dénouement sans surprise pour le sommet des chefs d’État de l’Afrique centrale. Retour sur un camouflet.

JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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GRAND ANGLE

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RADIO SAINT MADIBA Pendant une semaine, Fabrice d’Almeida revient sur l’icône de la lutte contre l’apartheid. Son parcours exceptionnel, mais aussi ses erreurs et ses faiblesses.

Enquête sur une psychose La loi islamique est devenue un slogan pour les uns, une crainte pour les autres.

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TUNISIE OÙ EST PASSÉ LE MAGOT DE BEN ALI ? Les autorités estiment n’avoir récupéré qu’une infime partie des avoirs illicites du clan de l’ex-raïs.

INTERVIEW TIÉMOKO MEYLIET KONÉ Un an après sa nomination, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest dresse un premier bilan.

ITALIE OH NON, PAS LUI ! Il a mené son pays au bord du gouffre. Pourtant, Silvio Berlusconi conduira sans doute la liste de son parti lors des législatives de l’an prochain…

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Ghana Atta Mills en indivision Océan Indien Si tu veux la paix, prépare la guerre… Zimbabwe La carotte plutôt que le bâton Mali Gao, KO debout

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Tunisie Où est passé le magot de Ben Ali ? Égypte Mohamed Morsi, retard à l’allumage Syrie Réduit alaouite : la stratégie du bunker ? Palestine Match serré

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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Italie Oh non, pas lui! Espagne L’enfer, c’est maintenant États-Unis Qui a peur de la National Rifle Association? Musique Bambi chez les loups Corée du Sud Sejong, capitale fantôme Parcours Dominique Saatenang, Afro Shaolin Chine Atout cœur à Taïwan

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ÉCONOMIE

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Interview Tiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la BCEAO

JEUNE AFRIQUE

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Côte d’Ivoire Utexi, le phénix du textile Télécoms Les opérateurs virtuels parient sur la France Sécurité numérique Gemalto, tête de liste Tunisie Conect, le courant alternatif Maroc Nadia Bouhriz avance sur de bons rails Alimentation Marie Diongoye Konaté, l’opiniâtre Bourse agricole Addis-Abeba trace son sillon Baromètre

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CULTURE & MÉDIAS

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Radio Saint Madiba Morceaux choisis « Infidèles », d’Abdellah Taïa Médias Les artistes tissent leur toile À l’œuvre « Les Poupées Pascale », de Pascale Marthine Tayou La semaine culturelle de Jeune Afrique

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VOUS & NOUS

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Le courrier des lecteurs Post-scriptum

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! Les présidents français et ivoirien sur le perron de l’Élysée le 26 juillet : « Je crois que nous allons devenir amis. »

Ouattara-Hollande Ce qu’ils se sont dit

J

«

oseph Kabila, il ne faut pas le laisser seul », a lancé Alassane Ouattara à François Hollande, lors de leur première rencontre, le 26 juillet, à Paris. « Le président congolais a perdu son éminence grise [Augustin Katumba Mwanke, NDLR] dans un accident d’avion. Je crois qu’il faut le soutenir dans sa politique de réformes, et c’est pourquoi j’irai à Kinshasa pour la Francophonie, en octobre. » Réponse prudente de Hollande : « Nous allons regarder cela. » Avant cet entretien d’une heure et quart, les deux hommes ne s’étaient jamais vus. Mais tout de suite le courant est passé et l’échange a été direct. Sur le Mali, l’accord a été total. Sur le redressement de la Côte d’Ivoire, Hollande a profité de sa position de donateur (3,76 milliards d’euros de dette effacés par la France) pour demander à son homologue de faire le ménage sur le port d’Abidjan. « Il connaît bien nos dossiers, confie, un peu bluffé, un participant ivoirien. Il nous a même parlé des problèmes de la Compagnie fruitière, du Français Robert Fabre, pour faire enlever ses bananes ! » Sur les droits de l’homme, Hollande a trouvé un biais astucieux. Sans nommer le Franco-Ivoirien Michel Gbagbo ni le syndicaliste Basile Mahan Gahé, il s’est appuyé sur les comités de soutien existant en France pour évoquer le cas des dizaines de partisans de l’ancien président emprisonnés sans jugement. Ouattara a promis un retour rapide à l’État de droit. « Nous sommes compatibles et je crois qu’on deviendra amis », a-t-il confié à la sortie. Le chef de l’État français est invité à Abidjan. Aucune date n’est fixée pour l’instant. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

VINCENT FOURNIER/J.A.

MALI RENCONTRE SECRÈTE À TOMBOUCTOU

Rencontre dans le plus grand secret, le 21 juillet, à Niafunké, près de Tombouctou, entre le député Oumar Mariko, à la tête d’une délégation de la Coordination des associations patriotiques du Mali (Copam), et des représentants du mouvement islamiste radical Ansar Eddine. Difficile d’imaginer que Mariko, réputé proche des putschistes du 21 mars et de leur chef, Amadou Haya Sanogo, ait pu y participer sans leur aval. Il est d’ailleurs soupçonné par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) de gêner la transition – ce qui pourrait lui valoir des sanctions. FACTURE SALÉE POUR DIONCOUNDA TRAORÉ

Arrivé à Paris le 23 mai, deux jours après son agression au palais présidentiel, Dioncounda Traoré est rentré au Mali le 27 juillet. Mais combien a coûté son séjour parisien ? L’entourage du président intérimaire se montre fort discret tant sur le coût des soins qu’il a reçus à l’hôpital militaire du Valde-Grâce que sur celui de son hébergement à l’hôtel Pullman Montparnasse, un quatre-étoiles. Ce qui est sûr, c’est que, deux mois durant, lui et ses proches (son épouse, deux de ses filles, son garde du corps et son directeur du protocole) ont occupé une suite et trois chambres. Soit une facture minimale d’environ 75 000 euros, mais en réalité beaucoup plus importante compte tenu des frais annexes (repas, blanchisserie, chauffeur, visiteurs, etc.), réglée par l’État du Mali. « Il n’y a pas à dire, Dioncounda Traoré est un homme de valeur », ironise un responsable malien. JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société BOURSE D’ABIDJAN 1 MILLIARD DE F CFA DANS LA NATURE

Directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, depuis douze ans, le Français Jean-Paul Gillet a été limogé le 23 juillet dans la soirée. Il lui est reproché de ne pas avoir décelé de graves erreurs de gestion et, peut-être, le détournement de 1 milliard de F CFA (environ 1,5 million d’euros). Au moins six agents seraient impliqués dans cette affaire, dont deux comptables soupçonnés d’avoir procédé à des retraits et d’avoir signé des chèques, notamment pendant la crise postélectorale ivoirienne. Accusés d’avoir servi le régime de Laurent Gbagbo malgré le blocage du système bancaire, tous ont déjà été démis de leurs fonctions. Les sommes manquantes proviennent de commissions perçues par la BRVM lors de diverses opérations et déposées sur un « compte d’attente » géré par Ecobank Côte d’Ivoire. Une plainte contre X a été déposée par la BRVM afin d’établir l’identité des

LE CHIFFRE

10 kg

d’héroïne dissimulés dans trente exemplaires du Coran : c’est le dernier subterfuge des narcotrafiquants de la ville de Nador, dans le Rif marocain, pour tenter de tromper la vigilance des douaniers. En vain.

bénéficiaires de ces sommes d’argent, celle des complices du détournement, ainsi que l’éventuelle responsabilité pénale de Gillet – qui tente actuellement d’obtenir des indemnités de licenciement. C’est le secrétaire général, le Sénégalais Abdelkader N’Diaye, qui assure l’intérim à la tête de l’institution. ALGÉRIE LES FRÈRES EN VOIE D’IMPLOSION Depuis sa cinglante défaite aux législatives du 10 mai, le Mouvement de la

société pour la paix (MSP), branche algérienne des Frères musulmans, poursuit sa descente aux enfers. Le choix de Bouguerra Soltani, son président, de se retirer du gouvernement provoque de gros remous dans ses rangs. Le 26 juillet, à la veille de la réunion du conseil consultatif, Amar Ghoul, ancien ministre des Travaux publics et star incontestée de la confrérie, a annoncé sa démission. D’autres devraient suivre, ce qui place Soltani dans une position délicate. Son départ de la présidence semble inéluctable.

GRANDS LACS LE RWANDA ATTAQUÉ AU PORTEFEUILLE

Accusé, à tort selon lui, de soutenir les rebelles congolais du M23, le Rwanda survivra aisément au gel de l’aide militaire américaine : 200 000 dollars, soit 160 000 euros. Mais la situation pourrait devenir délicate si de nombreux pays suivaient l’exemple des

États-Unis : 46 % du budget présenté en juin provient en effet de donneurs étrangers. Or, le 26 juillet, les Pays-Bas ont annoncé la suspension de leur aide budgétaire. « Cela ne concerne que la première tranche trimestrielle de 5 millions d’euros, et ils ont de toute façon jusqu’au mois de septembre pour la verser », minimise-t-on au ministère des Finances, à Kigali. Problème : le même jour, le Royaume-Uni, premier contributeur bilatéral, a annoncé une décision similaire. Il devait verser 18 millions de livres (23 millions d’euros) avant le mois de septembre – sur un total de 36 millions. Quant à la Banque africaine de développement (BAD), elle a reporté au mois de septembre, sous la pression de l’Inde et des pays scandinaves qui siègent à son conseil d’administration, la décision qui aurait dû être prise à la mi-juillet de verser 38,9 millions de dollars. Autant de « décisions hâtives fondées sur des preuves hasardeuses », selon la ministre r wandaise des Affaires étrangères.

Médias Un pétrolier à la tête de « Forbes Afrique » CHRISTINE OCKRENT en maîtresse de cérémonie, quatre chefs d’État (Sassou Nguesso, Bongo Ondimba, Obiang Nguema, Bozizé) et trois anciens Premiers ministres européens (Villepin, Raffarin, Verhofstadt) en guest stars : le trader pétrolier congolais (RDC) Lucien Ebata, patron d’Orion Group (qui donne aussi dans la location d’avions et de véhicules VIP, ainsi que dans les maisons préfabriquées et le trading de carbone), n’a pas lésiné sur les moyens pour le lancement, le 24 juillet à Brazzaville, de Forbes Afrique, la franchise afrofrancophone du magazine américain Forbes. Ebata, qui a JEUNE AFRIQUE

recruté pour cette cérémonie les agences Euro RSCG et Voodoo, et reçu l’appui matériel s, des autorités congolaises, est le second détenteur sur le continent de la licence Forbes. Depuis un an, il existe en effet un Forbes Africa destiné au marché anglophone. Il est la propriété d’un autre homme d’affaires, le Pakistanais Zafar Siddiqi. Première bénéficiaire de ces deals : la famille Forbes, dont le groupe a connu en 2011 de sérieuses difficultés financières. Bimestriel à partir du 1er août, Forbes Afrique se consacrera,

comme son modèle américain, aux grandes fortunes et aux réussites économiques individuelles. Il sera imprimé en France et confectionné par un réseau de pigistes coordonné à partir de Douala et de Ne NewYork. Le directeur de la ré rédaction, l’Américain PaulTrustfull, est un spécialiste des publireportages « africains » chez Forbes Custom, la branche promotion du groupe, et l’éditeur d’un périodique saisonnier, Global Vision. Il est assisté de Michel Lobé Ewané, ancien directeur du quotidien camerounais Mutations. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


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La semaine de Jeune Afrique

CFAO

Le Japon s’offre

le dernier joyau

de la Françafrique Le premier distributeur automobile et pharmaceutique d’Afrique francophone est racheté par une filiale du groupe nippon Toyota. La marque française, connue depuis des générations, ne devrait pas pour autant disparaître.

MICHAEL PAURON, avec JULIEN CLÉMENÇOT, FANNY REY et NICOLAS TEISSERENC

C

CFAO

est implanté dans

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pays d’Afrique et y emploie

5600

personnes

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est une vieille marque de la Françafrique qui passe sous pavillon japonais. CFAO, le fleuron tricolore de la distribution sur le continent, détenu par le groupe de luxe français PPR, tombe dans l’escarcelle de Toyota Tsusho Corporation (TTC), une filiale diversifiée du groupe Toyota. La firme nippone va acquérir 29,8 % du numéro un de la distribution automobile et pharmaceutique en Afrique francophone, également présent dans l’industrie et les nouvelles technologies. La vente devrait être effective en août. Aujourd’hui présent dans plusieurs activités en Afrique, dont la distribution automobile (environ 20000 véhicules par an), le japonais oriente désormais son offre vers le multimarque. Car si CFAO est le distributeur distr exclusif de Toyota dans plusieurs pays de d la zone francophone, il commercialise aussi les modèles mo de Mitsubishi, Kia, Suzuki et Peugeot. CFAO offre aussi à TTC l’occasion de compléter sa couverturegéographique.Dèsle15septembre, co TTC entend racheter la totalité de l’entreprise TT française, pour un montant de 2,3 milliards fr d’euros, d’eu auprès des autres actionnaires afin de clore définitivement l’opération à la fin de 2012. Ce sera ser l’une des plus importantes opérations de fusion fusion-acquisition liées à l’Afrique cette année. Si PPR envisageait de se séparer de CFAO depuis 2009 (an (année de son entrée à la Bourse de Paris) pour seconcentrersurleluxe(Gucci,YvesSaintLaurent…) seconce

et le sport (Puma, Volcom), les investisseurs n’ont pas été très réactifs. Même si le distributeur se dit satisfait, il espérait une offre française, voire européenne. L’offensive internationale des conglomérats japonais aura eu le dernier mot (lire encadré). COMPTOIR. C’est donc un tournant historique dans le secteur de la distribution sur le continent. La Compagnie française de l’Afrique occidentale, apparue sous ce nom en 1887 après s’être d’abord appelée Établissements Verminck (créés à Marseille en 1845), s’est d’abord lancée dans le commerce de produits alimentaires et de grande consommation et a ouvert son premier comptoir à Dakar l’année de sa création. Dès 1913, le groupe vend des automobiles. Vingt-cinq ans plus tard, il est implanté dans 19 pays et possède 360 points de vente, devenant l’une des clés de voûte du commerce colonial entre le continent et l’Hexagone. Ses enseignes sont aujourd’hui présentes dans 32 pays africains. Depuis les indépendances, il n’a cessé de gommer son image, effaçant son nom trop connoté au profit de l’acronyme CFAO. Véritable machine à cash, son cours de Bourse a crû de 50 % depuis décembre 2011 et ses résultats au premier semestre 2012 ont progressé de 14,5 % (pour atteindre 1,7 milliard d’euros). Sur le fond, les 10 100 employés du distributeur français, dont 5600 en Afrique, n’ont pas grand-chose à craindre de ce rachat. TTC vendait principalement Toyota en Afrique australe et souhaitait depuis longtemps JEUNE AFRIQUE


SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

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développer d’autres marques, ce qu’il fera grâce à CFAO, dont le profil correspond de surcroît à ses ambitions de diversification. La firme nippone pourrait ainsi développer certaines activités, comme les biens de consommation et la pharmacie via Eurapharma, une filiale de CFAO. La marque française, connue depuis plusieurs générations, ne devrait pas disparaître. INTERFACE. Les 3 000 officines d’Afrique francophone, par exemple, continueront d’être approvisionnées par Laborex, l’enseigne d’Eurapharma, présente dans 20 pays avec 40 % de parts de marché. Drainant le quart du chiffre d’affaires de CFAO avec ses 20 000 produits référencés, Eurapharma joue le rôle d’interface entre les pharmacies et ses 450 laboratoires partenaires. Également présent en Afrique anglophone (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Ghana) et en Angola, il lorgne le Nigeria et le Mozambique, tout en comptant sur la montée en puissance d’Eurapharma Healthcare Services, créé fin 2011, afin d’approvisionner hôpitaux, ONG, cliniques et ministères. Reste le cas de CFAO Technologies. Créée en 2002 après l’obtention d’un contrat de distribution avec IBM, la filiale a rapidement conclu de nouveaux partenariats avec de grands groupes informatiques comme Motorola ou Cisco. Naturellement, l’entreprise est devenue un acteur de référence dans le secteur de l’informatique. Dotée de sept filiales (Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, JEUNE AFRIQUE

Gabon, Mali, Sénégal), elle opère dans une vingtaine de pays. En 2009, l’activité représentait 4 % du chiffre d’affaires du groupe. « Encore aujourd’hui, CFAO Technologies est le seul à pouvoir gérer les plus gros projets », reconnaît un concurrent au Cameroun. Reste que certains partenaires comme IBM, auparavant liés par des accords exclusifs, nouent en parallèle d’autres alliances pour profiter de la croissance du marché africain. Bousculée par l’apparition de nouveaux concurrents, l’activité semble marquer le pas. Dans un groupe centré sur des activités logistiques, l’intégration informatique apparaît comme une entité à part qu’il faudra renforcer à court terme. Également présent dans ce secteur, TTC pourrait choisir de conserver cette branche, mais une cession n’est pas exclue. Affaire à suivre. ●

! DEVANT UN

CFAO, à Dakar, le 27 juillet. CONCESSIONNAIRE

SHOPPING NIPPON PORTÉES PAR UNYEN HISTORIQUEMENT FORT et pourvues d’importantes réserves de cash, les entreprises japonaises vont chercher à l’étranger, notamment dans les pays émergents, la croissance que leur marché intérieur ne peut plus leur offrir. En 2011, elles ont ainsi dépensé 65,5 milliards d’euros pour acquérir 620 sociétés étrangères. Cette tendance ne semble pas s’essouffler: au premier semestre 2012, elles ont déboursé 36,6 milliards d’euros pour conclure 262 acquisitions. TTC fait partie de ces entreprises en quête de relais de croissance à l’étranger. En mars, elle a annoncé un investissement de N.T. 493,3 millions d’euros dans la société canadienne Encana. ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


La semaine de J.A. Les gens

Bandar Ibn Sultan Prince des espions L’ancien ambassadeur, réputé proche des Américains, prend la tête des services de renseignements saoudiens. Un poste stratégique.

C

portée contre son épouse Haïfa de parest peu dire que la nomiticipation au financement des attentats nation du prince Bandar du 11 Septembre par des dons versés à Ibn Sultan comme nouune pseudo-organisation caritative. Un veau patron des services de renseignements saoudiens a pris tout faux pas rapidement oublié : en contact le monde de court. Enfin presque. Fils quasi quotidien avec le président Bush du prince héritier Sultan Ibn Abdelaziz après l’attentat, il a su désamorcer une – ancien ministre de la Défense décédé en brouille sérieuse entre les deux États 2011 –, Bandar est l’un des petits-fils du roi (quinze des dix-neuf terroristes étaient Abdelaziz, fondateur de la dynastie. Alors saoudiens). Bref, Bandar est réputé proche que les provinces de l’est du royaume sont des Américains et sa nomination ne fait que confirmer le partenariat stratégique agitées par une contestation chiite, que la région est tétanisée par la nucléarisaentre Washington et Riyad. tion de l’Iran et que la situation ne cesse FAUCON. Bandar aurait appuyé l’envoi de se dégrader en Syrie, sa nomination rassure les États-Unis, qui se débattent de troupes pour « pacifier » le Bahreïn, dans la gestion des derniers spasmes du mais milite pour soutenir matériellement Printemps arabe. les rebelles syriens – une approche qui Le nouveau chef des espions saoudiens reflète l’ambiguïté de l’Arabie saoudite est une figure connue à Washington, où face au Printemps arabe. Sur le dosil a été ambassadeur durant vingt-trois sier iranien, il a la position du faucon : ans, jusqu’à ce qu’il prenne en 2005 la comme le roi Abdallah, il veut accentuer tête du Conseil de sécurité nationale la pression militaire sur Téhéran, quand saoudien. On le dit proche de la famille Bush : du père, Paradoxalement, ses relations George H. W., qu’il a connu avec le roi Abdallah sont au début des années 1980, notoirement difficiles. quand ce dernier n’était que le vice-président de Ronald Reagan. Et surtout du fils, George W., un les États-Unis, eux, cherchent à soumettre ami. Au final, Bandar aura connu quatre la République chiite par des sanctions locataires de la Maison Blanche: Reagan, économiques. Bush père, Clinton, puis Bush fils. Paradoxalement, les relations entre Sous la présidence de ce dernier, les Bandar et Abdallah sont notoirement visites du Saoudien au ranch familial de difficiles, alors que le prince Muqrin, Crawford étaient courantes, et Bandar qu’il remplace à la tête des services de jouissait d’un accès direct aux plus hauts renseignements, était très proche du souresponsables: Dick Cheney, Colin Powell, verain. Sa nomination peut s’interpréter Condoleezza Rice, George Tenet. Son de deux manières. Abdallah, de santé séjour à Washington lui a permis de forger déclinante et fragilisé par les difficultés des liens avec les républicains comme de la succession, est inquiet et rappelle avec les démocrates. Seul accroc au parun diplomate chevronné, qui saura parler cours américain de Bandar, l’accusation à la Maison Blanche. Mais il se peut aussi

HASSAN AMMAR/AP/SIPA

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! SA MÈRE ÉTANT UNE CONCUBINE, il ne peut prétendre au trône.

que le puissant clan rival des Soudayri – lignée issue de l’épouse favorite d’Ibn Saoud, le fondateur du royaume – soit à la manœuvre. En dépit de son parcours et de sa puissance, Bandar est exclu de la succession : Khizaran, sa mère, était une concubine « à la peau noire », de celles qui étaient esclaves il y a quelques décennies. Un métissage qui a donné à l’Arabie saoudite l’un des plus brillants politiques de sa génération. Jeune premier de 63 ans dans la gérontocratie saoudienne, il souffre d’une mauvaise santé et de problèmes de dos, séquelles d’un accident d’avion. Dépressif selon son biographe, amateur de cigares et de boissons fortes, il serait passé par un centre de désintoxication après 2005. Immensément riche, il possédait pendant sa période américaine un Airbus A340, une luxueuse résidence sur le Potomac et un manoir à Aspen. Bref, un prince saoudien, ami de Washington, devenu responsable de l’un des postes sécuritaires les plus stratégiques du royaume wahhabite. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

NOMINATIONS

RIDHA CHEIKHROUHOU TUNISAIR L’ancien directeur général adjoint deTunisair est le nouveau directeur général de Tunisair Handling, filiale de la compagnie aérienne tunisienne. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

GÉNÉRAL BABACAR GAYE SYRIE L’ex-commandant des missions de l’ONU en RD Congo a été nommé chef intérimaire de la Mission de supervision des Nations unies en Syrie. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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OUSMANE SOW

Patience Jonathan Parce qu’elle le vaut bien?

Le ministère français des Affaires étrangères a validé le 18 juillet l’élection du sculpteur sénégalais à l’Académie des beaux-arts, à Paris, dans la section des membres associés étrangers. Sow succède au peintre américain Andrew Wyeth.

La nomination de la première dame du Nigeria à un poste de haut fonctionnaire suscite le débat.

IDRIS ELBA L’acteur britannique d’origines sierra-léonaise et ghanéenne est en lice pour les Emmy Awards américains, décernés le 23 septembre, dans la catégorie « acteur principal d’une minisérie ou d’un film », pour son rôle-titre dans la série Luther.

R

ien n’est trop beau pour Patience Jonathan. La première dame du Nigeria est, depuis le 12 juillet, secrétaire permanente de l’administration de l’État de Bayelsa, à quelque 700 km d’Abuja. Ce poste équivaut à celui de secrétaire général au niveau fédéral. Promotion méritée ou cadeau d’anniversaire à cette mère de deux enfants qui fêtait en juillet ses 55 ans ? La nomination fait débat. Responsable d’une coalition de partis d’opposition, Sunday Frank-Oputu crie au népotisme et au favoritisme, pointant un renvoi d’ascenseur. En effet, Patience a été nommée par le gouverneur, Seriake Dickson, qui avait été fermement soutenu par le président Goodluck Jonathan lors des dernières élections. L’opinion publique, elle, doute de sa capacité à exercer cette fonction et à la concilier avec ses obligations de première dame.

L’ex-secrétaire d’État de George W. Bush pourrait être la colistière de Mitt Romney, le candidat républicain à la présidence. Bien que la rumeur n’ait pas été confirmée, la presse américaine l’annonce déjà comme le joker-surprise.

GRAMMAIRE. À ces critiques, Dickson oppose un implacable

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

! LA NOUVELLE SECRÉTAIRE PERMANENTE de l’administration de l’État de Bayelsa (sud du pays).

EN BAISSE

RENAUD MUSELIER À la tête de l’Institut du monde arabe depuis septembre 2011, le conseiller municipal (UMP) de Marseille, ancien ministre de Jacques Chirac, a été limogé par Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères. Il quittera ses fonctions en novembre. VOULA PAPACHRISTOU La championne grecque du triple saut, 23 ans, a été interdite de Jeux olympiques pour avoir twitté : « Avec tant d’immigrés africains en Grèce… les moustiques du Nil occidental [à Athènes cet été, NDLR] mangent de la nourriture locale ! » LAHCEN DAOUDI En annonçant la fin du « toutgratuit » à l’université pour la rentrée 2013, le ministre marocain de l’Enseignement supérieur a provoqué une levée de boucliers des étudiants et des parents le contraignant à nuancer ses propos. DR

ROB GRIFFITH/AFP

« parce qu’elle le vaut bien » et jure ne rien faire d’illégal. Le parcours de sa collaboratrice plaide en sa faveur, dit-il, puisque cette ancienne enseignante, qui a aussi travaillé dans le secteur bancaire, a été pendant plusieurs années fonctionnaire dans l’État de Bayelsa. Nommée pour ses mérites ? Les Nigérians en doutent. Oratrice enthousiaste mais bien piètre, Patience Jonathan multiplie les fautes de grammaire qui font les délices des humoristes. Plus grave, son nom a été associé à des scandales financiers. En août 2006, la Commission de lutte contre les crimes économiques et financiers avait ainsi obtenu du tribunal le gel de 104 millions de nairas (614000 euros) des comptes d’une femme d’affaires proche de Patience Jonathan, suspectant un blanchiment de deniers publics détournés. Lors de sa prestation de serment, Patience Jonathan a réaffirmé qu’elle prenait ses nouvelles fonctions très au sérieux et leur consacrerait tout le temps nécessaire. D’aucuns la croient : le poste pourrait être pour cette femme indépendante le moyen d’assurer ses arrières. Un tremplin pour entrer en politique lorsqu’elle aura quitté les ors du palais présidentiel. ●

DR ; V. FOURNIER/J.A.

CONDOLEEZZA RICE

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La semaine de J.A. Décryptage

Côte d’Ivoire-France Quand ADO rencontre Mosco Lors de sa visite à Paris, Alassane Ouattara a notamment rencontré le ministre français de l’Économie et des Finances. Et obtenu l’annulation de la quasi-totalité de la dette ivoirienne.

encore due par Abidjan, ce qui porte au total l’annulation de la dette à 99,5 %. En contrepartie, 75 % de ce montant sera consacré, sur vingt ans, au financement de projets permettant de réduire la pauvreté. Dès septembre, une délégation française devrait se rendre à Abidjan pour établir la liste des chantiers à financer dans les domaines de l’agriculture, de la santé, de l’éducation et des infrastructures. « Des annonces devraient intervenir avant la fin de l’année », précise un conseiller de Charles Koffi Diby. Organisé dans un salon privé, l’entretien « ADO-Mosco », qui devait durer une vingtaine de minutes, s’est prolongé pendant plus de trois quarts d’heure. « Le continent est un vrai sujet d’intérêt pour Pierre Moscovici. Début juillet, il a rencontré Alpha Condé à Conakry, puis dîné à Dakar avec Macky Sall », confie l’un de ses collaborateurs. ZONE CFA. « Après les courtoisies d’usage,

VINCENT FOURNIER/J.A.

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M

! LE PRÉSIDENT

Ouattara a présenté la situation de son pays, raconte un témoin. Il a insisté sur le poids régional de l’économie ivoirienne. De son côté, Moscovici a fait part de son attachement aux relations bilatérales [plus de 700 entreprises françaises sont implantées en Côte d’Ivoire, NDLR] et rappelé l’importance du continent pour la croissance française. Aux questions du président sur l’avenir de la zone euro ont fait écho celles du ministre sur la zone CFA et sur la situation sécuritaire au Sahel. » Une discussion que les deux hommes pourront poursuivre prochainement. ADO devrait assister, le 5 octobre, au quarantième anniversaire des accords de coopération monétaire entre la France

ardi 24 juillet, IVOIRIEN et Pierre des relations internationales hôtel Meurice, Moscovici à l’hôtel au Parti socialiste, Moscovici Meurice, à Paris, à Paris. C’est le 24 juillet. avait pris ses distances avec sur un terrain Laurent Gbagbo. Sans parler neutre, mais dans un cadre des liens qui unissent Charles non dépourvu de standing, qu’Alassane Koffi Diby et Rémy Rioux, le directeur de Dramane Ouattara (ADO) a rencontré cabinet du ministre français et ancien pour la première fois Pierre Moscovici sous-directeur des affaires financières internationales (alias Mosco), le ministre français de Le chef de l’État ivoirien est venu à la direction générale du l’Économie et des Finances. Confirmée prendre ses marques avec Trésor. Au début de 2011, au dernier moment, sa présence au côté le nouveau pouvoir socialiste. les deux hommes avaient de Charles Koffi Diby, son ministre de mis au point la stratégie l’Économie et des Finances, atteste de et ses partenaires de l’Union monétaire d’asphyxie de l’économie ivoirienne l’importance que le président ivoirien accorde au rapprochement entre les deux ouest-africaine organisé à Bercy, tandis durant la crise postélectorale. Avec un États. Ce rendez-vous précédait toute queMoscoviciestattendu,sansdouteavec certain succès. une série d’entretiens avec les ministres Nicole Bricq, la ministre du Commerce du gouvernement Ayrault, de Laurent extérieur, sur les bords de la lagune Ébrié. SOUS CONDITIONS. Sujet central de cet À l’issue de la rencontre, Charles Koffi Fabius (Affaires étrangères) à Jean-Yves entretien, l’annulation, sous conditions, Le Drian (Défense), avant le rendez-vous Dibyasignéofficiellementavecsonhomode la dette ivoirienne. Un accord bilaà l’Élysée, le 26 juillet. Intime de Nicolas logue l’accord d’annulation de la dette lors téral inscrit dans la continuité du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des d’une brève conférence de presse. Avant Sarkozy, ADO doit désormais prendre pays pauvres très endettés (PPTE) et de la de s’effacer pour laisser Pierre Moscovici ses marques avec le nouveau pouvoir réunion du Club de Paris. Au terme des offrir une franche poignée de main au socialiste. négociations, la France s’est engagée à président Ouattara. À l’évidence, le couUn premier pas d’autant plus facile à franchir que, à l’époque où il était chargé effacer l’ardoise de 3,76 milliards d’euros rant est passé. ● JULIEN CLÉMENÇOT N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE


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Madagascar Un tête-à-tête au paradis

quasi inaccessible : l’île Desroches, un paradis caché de 3 km2, à 230 km de l’île de Mahé, où se trouve Victoria, la capitale. « Tout était sous contrôle, raconte un proche de Rajoelina. Pas de journalistes, à la crise? Les médiateurs parlent d’« une avancée significative ». Il y a quelques très peu de conseillers. Même les portables mois encore, un tête-à-tête Rajoelinane fonctionnaient pas. » Ravalomanana était impensable. Sous Si la SADC a exigé un silence total, c’est la houlette de James Michel, le président parce qu’elle estime que la solution passe seychellois,etdeJacobZuma,sonpairsudpar un accord entre les deux hommes. La partie est loin d’être gagnée, Rajoelina ayant indiqué qu’il Un huis clos sur l’île Desroches, s’opposerait à toute velléité de aux Seychelles, à mille lieues Ravalomanana de se présenter des sommets médiatisés. à la présidentielle. Mais il est des signes qui ne trompent pas: africain, ils se sont parlé pour la première à la veille de son départ, le président de la transition a dû faire face à une noufois depuis plus de trois ans. velle mutinerie au sein de l’armée. En Et puis la SADC a revu sa méthode. Exit d’autres temps, son entourage aurait crié Ratsiraka et Zafy, les ex-chefs d’État que les médiateurs de l’Union africaine et de au complot. Cette fois, il s’est tu. « L’heure l’ONU avaient sortis de leur retraite en n’est plus à la démonstration de force. Il 2009. Fini les sommets foires d’empoigne. est temps de faire preuve de sagesse », a Cette fois, la rencontre a eu lieu sur un site résumé Rajoelina. ● RÉMI CARAYOL

Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana se sont parlé pour la première fois depuis le début de la crise, il y a trois ans et demi.

R

ien n’a filtré. Même les diplomates les mieux introduits de la région n’ont pas divulgué ce qu’Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana se sont dit dans leur huis clos seychellois, les 24 et 25 juillet. Tout juste sait-on que les deux hommes, malgré un face-à-face de deux heures et des pourparlers nocturnes, n’ont pas trouvé d’accord et sont convenus de se revoir pour approfondir les discussions. L’idée, c’est d’obtenir un accord avant le sommet de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), le 17 août. Il reste donc peu de temps pour s’entendre sur un retour de Ravalomanana (en exil en Afrique du Sud) dans son pays et sur la candidature de l’un et l’autre à la prochaine présidentielle. Une nouvelle rencontre suffira-t-elle à mettre un terme

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La semaine de J.A. Décryptage

Santé Bande de paresseux! Maltais, Saoudiens et Swazis, ressaisissez-vous ! Selon la revue The Lancet, vous êtes les plus mollassons au monde. Or, pour être en pleine forme, il faut bouger, marcher et faire du sport.

L

es Jeux olympiques battent leur plein, et pourtant, diront les mauvaises langues, les Maltais préfèrent goûter aux joies du sport devant la télévision plutôt que de se risquer à faire quelques foulées. À en croire une étude publiée le 21 juillet dans la revue médicale britannique The Lancet, ils seraient les plus fainéants au monde, puisque 71,9 % d’entre eux bouderaient l’exercice physique ! Afin d’établir son palmarès des 122 pays les plus paresseux, le Dr Pedro C. Hallal (université de Pelotas, Brésil) a retenu deux critères : pratiquer la marche rapide cinq fois par semaine pendant au moins trente minutes ou se lancer dans des exercices plus poussés durant vingt minutes, trois jours par semaine. De manière générale, l’inactivité serait plus marquée chez les femmes que chez les hommes (34 %, contre 28 %) et dans les pays à hauts revenus. Sur le podium des pays où l’on est le plus mollasson, le Swaziland arrive N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

deuxième (69 % d’inactifs), talonné par l’Arabie saoudite (68,8 %). Sans doute auraient-ils quelques leçons à recevoir du Bangladesh, qui, avec seulement 4,7 % de non-sportifs, décroche la médaille d’or du classement, suivi par le Mozambique (7,1 %) et la Mongolie (9,4 %). BASKETS. Parmi les 32 pays africains sur

très mauvais pour la santé. Entre 6 % et 10 % des quatre grandes maladies non transmissibles – maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer du côlon et du sein – seraient liés au fait de pratiquer moins des cent cinquante minutes d’activité modérée par semaine recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’inactivité physique serait en cause dans un décès sur dix dans le monde, soit 5,3 millions des 57 millions des décès recensés en 2008. Un taux quasi équivalent à celui de la mortalité liée au tabac et à l’obésité. « Les conséquences négatives de cette inactivité sur

lesquels se sont concentrés les chercheurs, après le Les plus dynamiques d’Afrique ? dynamique Mozambique, Mozambicains, Comoriens, c’est aux Comores (8,3 %), au Bénin (9,1 %), au Malawi Béninois, Malawites et Guinéens. (10,2 %) et en Guinée (12,1 %) que l’on rechigne le moins à la santé continuent d’être sous-évaluées chausser ses baskets. Outre le Swaziland, alors que des preuves solides l’attestent depuis plus de soixante ans, déplore bon dernier du continent, les plus réfractaires à l’effort se trouvent en Namibie Harold W. Kohl (Université du Texas) (58,5 %), en Afrique du Sud (52,4 %), dans The Lancet. Beaucoup reste à faire au Congo-Brazzaville (48,6 %) et en RD pour que ce phénomène soit considéré Congo (45,2 %). comme un véritable problème de santé Or, comme le montre une autre série publique. » Fainéants de tous les pays, d’études publiées le 18 juillet par The à vos poids et haltères ! ● Lancet, faire une croix sur le sport est JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Décryptage

Justice Ça se gâte pour Habré

JEUNEAFRIQUE.COM

SPÉCIAL

L’ancien président tchadien pourrait être jugé au Sénégal par un tribunal spécial composé de magistrats africains. Sous réserve d’ultimes ajustements.

RÉSULTATS Suivez en direct toutes les performances africaines

SONDAGE Pensez-vous que le continent africain est en mesure d’accueillir les JO en 2024 ?

RÉTROSPECTIVE

KEYSTONE-FRANCE/GAMMA

M

ieux vaut tard que jamais. Si les derniers « réglages » se révèlent concluants, comme l’espère Aminata Touré, la ministre sénégalaise de la Justice, Hissène Habré, 70 ans, sera bien jugé au Sénégal, par un tribunal africain, pour des crimes commis dans son pays. Une perspective qui mettrait fin à l’interminable feuilleton d’un procès cent fois entravé. Accusé de milliers d’assassinats politiques et d’usage systématique de la torture lorsqu’il dirigeait le Tchad entre 1982 et 1990, Hissène Habré n’a toujours pas été déféré devant la justice. Le 20 juillet, après que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné au Sénégal de le poursuivre « sans aucun autre délai » s’il ne l’extradait pas, Dakar s’est finalement rallié au projet de l’Union africaine (UA) : traduire l’ancien président devant un tribunal spécial, au sein du système judiciaire sénégalais. Premier réglage à apporter, cependant: faire adopter, par la nouvelle Assemblée nationale (elle sera installée début août) et l’UA, les statuts de ce tribunal où des juges sénégalais siégeront aux côtés de pairs africains. Pour la ministre de la Justice, la tenue du procès a été jusqu’ici

bien davantage empêchée par l’absence de volonté politique que par des questions de procédure. À en croire Macky Sall, le chef de l’État sénégalais, qui parie sur un tribunal opérationnel avant la fin de l’année, cette volonté politique est désormais manifeste. MAIN À LA POCHE. Autre difficulté à

aplanir, le problème du financement. Mais là aussi, le Sénégal, qui a entrepris de remobiliser les éventuels contributeurs, se montre assez optimiste. L’UA, le Tchad et des bailleurs de fonds occidentaux (Union européenne, ainsi que les Pays-Bas, la France, la Suède ou la Belgique) s’étaient engagés en 2010 à hauteur de 8 millions d’euros. Les responsables sénégalais, qui estiment que les lois internationales n’ont de sens que dans le cadre d’une solidarité internationale, espèrent voir ces engagements renouvelés et les ÉtatsUnis mettre eux aussi la main à la poche. Le troisième ajustement concerne l’instruction. Une commission devra déterminer si le procès se fonde sur l’instruction diligentée en Belgique, ou si l’on reprend tout de zéro, ce que redoutent les familles de victimes. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Ü HISSÈNE HABRÉ (ici en 2005, sortant d’un tribunal, à Dakar) : maintes fois entravé, son procès va enfin avoir lieu, assurent les autorités sénégalaises.

Retrouvez les grands moments de l’Afrique dans l’histoire olympique Premier épisode : la victoire d’Abebe Bikila au marathon en 1960, à Rome

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SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA

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ERIC GAY/AP/SIPA

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JO de Londres Stress et paillettes Sportifs ou équipementiers africains, tous rêvent de l’or olympique. Certains ont vu leurs espoirs s’éloigner, d’autres touchent au but…

A

vec 133 sportifs – dont Caster Semenya et Oscar Pistorius, deux stars controversées de l’athlétisme –, les SudAfricains présentent aux Jeux olympiques de Londres la sélection la plus nombreuse du continent. Rien à voir avec la modestie de la délégation palestinienne. Elle ne compte que cinq athlètes, mais peut s’enorgueillir d’avoir pour la première fois dans ses rangs un sportif qui est parvenu à réaliser les minima olympiques. Le judoka Maher Abou Rmeileh, 28 ans, commerçant dans la vieille ville de Jérusalem, a ainsi gagné

D’autres Africains ont vu s’envoler toute chance de médaille pour cause de dopage. Comme Mohamed Diaby, le boxeur malien, disqualifié quelques jours avant son départ pour Londres. Un véritable coup du sort, expliquent ses instances nationales. Bloqué à Bamako lors du coup d’État ð « LA MAISON du 22 mars, le chamDES DRAPEAUX », pion aurait contracté sur Parliament la grippe et, soigné Square, le 26 juillet. par un médecin « qui n’était pas un spécialiste du sport de haut niveau », aurait ingéré un produit considéré comme dopant depuis 2011. Contrôlée positive à Paris le 6 juillet, la Marocaine Mariem Alaoui Selsouli, vice-championne en salle du 1 500 mètres, est elle aussi privée de Jeux. Déjà suspendue en 2009 et 2011, elle risque de ne plus jamais pouvoir participer à une compétition internationale. EXPLOIT. Ces absences ne devraient

pas affecter les florissantes affaires de JSports. L’équipementier sénégalais a d’ores et déjà accompli « son » exploit olympique en fournissant survêtements, sacs et chaussures à treize sélections africaines. Soit près de 400 ambassadeurs officiels de la marque, qui tenteront de briller jusqu’à la cérémonie de clôture, le 12 août. Mais, ce jour-là, la compétition sera rude : Naomi Campbell doit en effet défiler en compagnie de sa compatriote Kate Moss, toutes deux habillées

le droit de porter les couleurs d’un État qui n’a pas encore d’existence officielle. Le marathonien Guor Marial foulera, lui, les rues de la capitale britannique en apatride. Né sur le territoire de l’actuel Soudan du Sud, Clou de la cérémonie de clôture, il a refusé de courir pour un un défilé de mode british, avec autre pays, que ce soit les Kate Moss et Naomi Campbell. États-Unis, où il réside, ou le Soudan. Or Djouba n’a pas encore de comité national olympique et par les couturiers britanniques Stella ne peut donc pas présenter de délégaMcCartney, Sarah Burton et Vivienne tion à Londres. S’il devait monter sur le Westwood. La concurrence sera alors podium, l’athlète serait salué par l’hymne quelque peu… déloyale ! ● des jeux en tant que citoyen du monde. MATHIEU OLIVIER

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

CARL JUSTE/AP/SIPA

5 AOÛT

Mary Robinson, ex-haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, s’exprimera au Cap, à la 10e conférence Nelson Mandela, qui coïncide avec le 50e anniversaire de l’arrestation de Madiba. JEUNE AFRIQUE

6-7 AOÛT

Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, à Kampala, qui doit préciser les modalités de déploiement d’une force chargée de neutraliser les rebelles dans l’est de la RD Congo.

8 AOÛT

À Miami (Floride), comparution de George Zimmerman, accusé du meurtre de Trayvon Martin, un adolescent noir désarmé, abattu le 26 février. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


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ILS ONT DIT

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Éthiopie Sawa, c’est le pied! Sélassié, fuyant un environnement peu propice aux affaires. Économie la plus dynamique de la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie s’impose progressivement comme un haut lieu de l’industrie de la chaussure. Les investisseurs affluent, attirés par une main-d’œuvre bon marché (le salaire mensuel moyen est de 65 euros, contre plus de 365 euros en Chine) et l’abondance de la principale matière première, le cuir. Avant Sawa, le chinois Huajian, l’un des principaux fabricantsdechaussuresdeson pays, s’était installé à Dukem, à 30 km au sud d’Addis-Abeba, dans une zone industrielle en plein développement. Le chinois, qui compte investir à terme 2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros) en Éthiopie,yfabriqueluiaussides souliers destinés aux marchés européen et nord-américain. ●

AZIZ BOUDERBALA Ancien footballeur marocain

« Dans ces pays-là, quand on vous invite, ce n’est jamais à vos frais ! » JEAN-MARIE LE PEN Président d’honneur du Front national (à propos de ses vacances en Tunisie, prises en charge par un ancien proche de Kaddafi)

«

Normalement, aucun athlète n’est censé porter de symbole politique ou religieux, or c’est ce qu’est le voile. Le Comité olympique s’en sort en disant qu’il est un symbole plus culturel que religieux, mais c’est un mensonge. » MARYAM NAMAZIE Militante féministe iranienne

STÉPHANE BALLONG

ANNONCÉE COMME la « première du genre en Afrique », la « Botox party » qui s’est tenue à Marrakech le 2 juin dernier suscite encore une telle polémique qu’elle risque bien d’être la dernière à être organisée au Maroc. Le principe est à la fois simple et scandaleux: lors d’une soirée entre amis, un chirurgien esthétique injecte de faibles doses de toxine botulique aux participant(e)s pour atténuer leurs rides. La version des organisateurs est plus fleurie : « Une ambiance décontractée et festive, un cadre chaleureux et privatif, quelques fines bulles accompagnées de petites douceurs. » Le 2 juin, donc, près de 400 personnes se sont retrouvées dans un resort prisé de la jet-set marrakchie. À l’initiative de ce raout : Mickey, de son vrai nom Michaël Bizet, un expatrié français. Alertés par la large publicité donnée à l’événement, des chirurgiens esthétiques ont saisi le Conseil national des médecins et le ministère de la Santé pour « exercice illégal de la médecine ». À leur tour, des responsables auraient mis en garde l’organisateur, qui explique aujourd’hui au site yabiladi.com qu’« il n’y a pas eu d’injections lors de cette soirée, suite à l’interdiction intervenue 24 heures avant ». Or cette version contredit une autre interview sur le web, retirée depuis, dans laquelle Mickey expliquait que la soirée s’était « très bien passée ». Le jeune entrepreneur envisage une « Botox party 2 » en septembre, et même une « soirée Bagheera – une “cougar party”–, sans dépasser les limites évidemment ». Ça promet. ● YOUSSEF AÏT AKDIM

« Nous n’avons pas fourni une seule balle. Si nous l’avions fait, d’ailleurs, je le reconnaîtrais, car nous aurions agi pour une bonne raison. » PAUL KAGAMÉ Président rwandais (à propos du rapport de l’ONU l’accusant d’armer les rebelles congolais du M23)

«

Bob Marley était un bon parolier, un bon chanteur… anteur… et aussi un bon amant ! »

RITA A MARLEY Chanteuse nteuse jamaïcaine, aïcaine, veuve ve de la star du reggae

DOMENECH CASTELLÓ/EFE/MAXPPP

Maroc « Botox party » chez Mickey

JEUNE AFRIQUE

Le voile m’attire plus que les décolletés plongeants. »

FAROUK BATICHE/AFP

SAWA : retenez bien ce nom ! C’est celui des baskets que portera Oxmo Puccino, le rappeur malien installé en France, à l’occasion de la sortie, en septembre, de son album Roi sans carrosse. Particularité de cette marque de chaussures commercialisée en Europe et aux États-Unis ? Elle est 100 % made in Africa. Son nom est celui de l’une des principales ethnies de Douala, au Cameroun. Son cuir, son coton et son caoutchouc viennent des quatre coins du continent: Niger, Égypte, Tunisie… Et le produit fini sort des chaînes de montage d’une usine implantée à Addis-Abeba, en Éthiopie. Après deux ans au Cameroun, les fondateurs de la jeune marque panafricaine (trois hommes d’affaires, dont le Franco-Algérien Mehdi Slimani) ont décidé, en mai 2011, de délocaliser la production au pays de Haïlé

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La semaine de J.A. Tour du monde CUBA

Mort d’un dissident

DANIEL ROLAND/AFP

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! BROKERS À LA BOURSE DE FRANCFORT, le 12 juillet : perspective négative ? CRISE FINANCIÈRE

L’Allemagne et les Grâces

L

A SITUATION DE L’EUROPE n’a certes rien de réjouissant, mais le système de notation archibyzantin mis en place par Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s, ces trois Grâces de la finance internationale, prête quand même à sourire. Prenez le cas de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Luxembourg, dont Moody’s a choisi, le 23 juillet, d’assombrir l’éclatant triple A par une « perspective négative » du plus mauvais effet. Cela signifie-t-il que ces locomotives européennes s’essoufflent ? Pas du tout. L’agence suggère que les marchés pourraient éventuellement s’inquiéter, mais pas trop, de la capacité de ces pays à supporter le coût des crises grecque, espagnole et italienne. Eût-elle évoqué une « surveillance négative » que l’affaire eût été plus sérieuse ! Les jugements des trois Grâces influencent-ils au moins les taux d’intérêt imposés aux pays emprunteurs ? Ça dépend. Ceux appliqués à l’Espagne, dont la note s’approche de l’abîme, sont certes prohibitifs. Mais ceux appliqués aux États-Unis, qui ont perdu en août 2011 le triple A que leur attribuait Standard & Poor’s, n’ont jamais été aussi bas. Comprenne qui pourra. ● ÉTATS-UNIS

Moins cinq CONDAMNÉ À MORT en 1991 pour le meurtre d’un codétenu (il a aussi trucidé une ex-petite amie), l’Africain-Américain Warren Hill (52 ans) a passé vingt et un ans dans le couloir de la mort. Le 23 juillet, il devait être exécuté par injection de pentobarbital. Deux heures avant la N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

fatale échéance, la Cour suprême de Géorgie s’est résolue à tout arrêter, non parce que le condamné est un attardé mental notoire – ce qui aurait pu constituer une raison suffisante –, mais en raison de polémiques oiseuses sur la procédure de l’exécution. Hill est donc encore loin d’être tiré d’affaire.

GRANDE FIGURE de l’opposition à Fidel Castro, Oswaldo Payá, 60 ans, a trouvé la mort le 22 juillet dans un accident de la route dans l’est de Cuba. Comme il avait dans le passé reçu de nombreuses menaces de mort, ses proches ont demandé l’ouverture d’une enquête. Fervent catholique, Payá fut en 2002 à l’origine d’une pétition appelant à la tenue d’un référendum pour exiger davantage de libertés et garantir les droits civils. Il avait obtenu la même année le prix Sakharov de la liberté de l’esprit. LE CHIFFRE QUI RÉCHAUFFE

97 %

DE LA CALOTTE GLACIAIRE recouvrant le Groenland avait fondu à la date du 12 juillet, contre 50 % habituellement à pareille époque. L’hiver, 80 % de l’île est recouverte de glace. Celle-ci atteint en certains endroits une épaisseur de 3 km. Question: que va devenir l’énorme quantité d’eau ainsi libérée? ASIE DU SUD-EST

Pékin pousse ses pions POUR LA PREMIÈRE FOIS, l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) n’a pas réussi à publier un communiqué commun à l’issue de sa conférence, le 13 juillet. Impossible en effet de trouver un consensus sur les problèmes de souveraineté territoriale en mer de Chine méridionale, où les tensions entre pays riverains s’aggravent. Sautant sur l’occasion, la Chine a créé une nouvelle préfecture couvrant administrativement la zone des Paracel, contestée notamment par le Vietnam. Dans la foulée, elle a annoncé l’installation d’une garnison militaire… JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

AP/Sipa

CORÉE DU NORD

Carla Bruni? Non, Ri Sol-ju C’EST OFFICIEL, LA CORÉE DU NORD a désormais pour première dame une talentueuse chanteuse populaire nommée Ri Sol-ju. Kim Jong-un a en effet épousé la semaine dernière celle qu’il aimait depuis plus de dix ans, malgré la désapprobation de Kim Jong-il, son père. Fait exceptionnel dans ce pays si secret, la chaîne d’État a diffusé des images de la première sortie des jeunes mariés dans un parc d’attractions de Pyongyang.

ESPAGNE

Juan Carlos déchu

JUAN CARLOS IER a, de sa propre initiative, réduit son salaire de 7,1 %, mais certains n’en ont cure et continuent de lui reprocher son escapade cynégétique au Botswana, en avril – il s’était d’ailleurs brisé la hanche au cours de ce fâcheux safari. Le 21 juillet, les membres de la branche espagnole du WWF, l’ONG spécialisée dans la protection de la nature, l’ont à la quasi-unanimité déchu de son titre de président d’honneur. WIKILEAKS

Garzón en renfort

BALTASAR GARZÓN est ce magistrat espagnol qui, en 1998, fit arrêter l’ancien dictateur chilien Pinochet et qui, en février dernier, fut frappé d’une interdiction d’exercer son métier JEUNE AFRIQUE

pour avoir procédé à des écoutes téléphoniques illégales dans une affaire de corruption. Julian Assange est ce cyberactiviste australien qui publia sur son site WikiLeaks 250 000 câbles diplomatiques (américains notamment), et qui, depuis, croule sous les ennuis judiciaires. Il fallait bien que ces réfractaires se rencontrent un jour. C’est fait, Garzón a accepté d’assurer la défense d’Assange. JAPON

Mensonge radioactif

LE QUOTIDIEN ASAHI SHINBUN a révélé la semaine dernière qu’au lendemain de la catastrophe nucléaire de Fukushima, il y a seize mois, une société sous-traitante travaillant dans la centrale accidentée aurait tenté de contraindre ses ouvriers à sous-évaluer le niveau de radiations auquel ils étaient soumis. Apparemment dans le

but de ne pas perdre un contrat juteux. Lesdits ouvriers auraient refusé de se plier aux ordres et d’utiliser des boîtiers en plomb falsifiant la mesure de la radioactivité. Ils auraient depuis quitté la société. RUSSIE

Punkettes maudites

LES PUSSY RIOT, trois punkettes arrêtées en avril pour « hooliganisme », resteront en prison jusqu’au 12 janvier 2013. Ainsi en a décidé un tribunal de Moscou, le 20 juillet. Leur crime ? Elles avaient organisé – avec cagoules, guitares et sono tonitruante – une prière dans la cathédrale du Christ-Sauveur pour dénoncer la collusion entre l’Église et l’État. Maigre consolation, leur procès se déroulera en public et sera retransmis en direct. Elles risquent sept ans de prison. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Grand angle

Enquête sur une psychose Arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie, au Maroc et en Égypte; présence djihadiste dans le nord du Mali; la secte Boko Haram au Nigeria… La loi islamique est devenue un slogan pour les uns, une crainte pour les autres. YOUSSEF AÏT AKDIM

U

«

ne Constitution ? Pour quoi faire? » se demandait en 1966 le roi Fayçal d’Arabie saoudite. Pour le souverain saoudien, « le Coran est la Constitution la plus vieille et la plus efficace du monde ». Un demi-siècle a passé depuis cette assertion. Et aujourd’hui, en bouleversant l’ordre établi, les révolutions arabesontrouvertlabrèchedelacontroverse théologico-politique. L’arrivée d’islamistes au pouvoir en Tunisie et en Égypte, l’inquiétude sur l’avenir de la Libye, le chaos sécuritaire dans le Nord-Mali, la résurgence du débat identitaireenEurope,notammentenFrance, l’activisme saoudien et qatari en Syrie et ailleurs, tous ces événements épars, complexes et anxiogènes nourrissent une peur qui, semble-t-il, s’est trouvé un

épouvantail:lacharia.Dansl’imaginaire occidental, ce terme est synonyme de mains coupées, de lapidation et des sinistres talibans afghans, geôliers de femmes et profanateurs de bouddhas géants. L’« hiver islamiste » sonnerait donc le glas des espoirs soulevés par le Printemps arabe. Pour ne rien arranger, la charia est un concept aux contours parfois flottants. L’étymologie indique plutôt qu’elle est la voie tracée par Dieu. Dans la pratique, elle regroupe des actes obligatoires (wâjib), recommandés (mandûb), permis (mubâh), blâmables (makrûh)etinterdits(harâm). Contrairement à une idée reçue, elle n’est pas un corps de règle relativement manichéen. On aurait tort, en tout cas, de la définir


Grand angle comme étant la loi coranique. Si le Coran a la réputation d’être un texte contraignant, c’est bien plus un effet d’optique. Première source de la charia, le Coran est paradoxalement le moins disert sur le sujet. Le terme même n’y apparaît que deux fois. Pourtant, la doctrine permet d’établir que, parmi ses quelque 6 300 versets, le livre sacré en comprend au plus 500 normatifs d’après Mohammedal-Ghazali,penseurmusulman perse (XIe-XIIe siècle), seulement 200 selon d’autres sources, une dizaine tout au plus pour d’autres. Pourtant, l’idée que la charia doit régir tous les aspects de la vie n’est pas contestée.

! MANIFESTATION devant l’ambassade de France à Tunis, le 20 janvier.

SALAFISTE

AUDE OSNOWYCZ/SIPA

COMMANDEMENT. Si le Coran n’est pas un vade-mecum de la loi islamique, il revient aux jurisconsultes, les fuqahâ’, de l’interpréter. Exemple avec le verset 3 de la sourate V: « Aujourd’hui j’ai parachevé pour vous votre religion. » Dans le Dictionnaire du Coran (sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi, Robert Laffont, 2008), le chercheur Éric Chaumont explique que chaque acte humain peut être qualifié par la charia. Et quand le commandement n’est pas explicite, il appartient au légiste par un effort (ijtihâd) d’interpréter la question en se référant au texte révélé, mais pas seulement. Le savoir juridique ● ● ●

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Grand angle (fiqh) se développe donc au bénéfice du silence ou de l’obscurité du texte. C’est dans cet exercice qu’il faut rechercher l’émergence d’une magistrature des légistes, dont la forme la plus aboutie est la « Velayet e-faqih », en vigueur dans l’Iran chiite depuis la révolution de 1979. Au deuxième rang des sources de compréhension de la charia, on trouve la Sunna du prophète Mohammed: à la fois ses dires (al-aqwâl), ses actes (al-af‘âl), ses approbations (al-iqrâr), recueillis par des compilateurs. L’exemple du Prophète est source du fiqh, en référence à un verset: « Qui obéit au Prophète obéit certainement à Dieu » (IV, 80). Parmi les recueils de hadîth, deux ont acquis dans l’islam sunnite une valeur canonique, ceux des imams Boukhâri et Muslim. Un grand nombre

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d’entre eux sont à la fois reconnus comme étant authentiques et servant de base à ce que l’imam Shâfi‘i définit comme la science des fondements de la compréhension de la charia, ‘ilm usûl al-fiqh. RAISONNEMENT. Enfin, la charia se comprend

et s’enrichit des deux autres sources du fiqh que sont al-ijmâ‘, l’unanimité de la communauté, en réalité celle des légistes, et al-qiyâs, c’est-à-dire le raisonnement par analogie. Toutes ces sources du droit musulman marquent la prééminence des légistes-interprètes, seuls autorisés, en vertu d’un savoir élitiste, à pratiquer l’ijtihâd. Le profil du mujtahid repose sur la maîtrise de la langue arabe, l’apprentissage du Coran et des recueils de hadîth et l’usage du raisonnement juridique.

TUNISIE

Le culte du sacré Après avoir renoncé à imposer la loi islamique, le parti Ennahdha envisage de « criminaliser » les atteintes à la religion.

M

algré la pression des islamistes radicaux, la question de la charia semble être résolue. Rached Ghannouchi, président du parti Ennahdha, a tranché en mars dernier : « La charia n’est finalement qu’une émanation de l’islam. L’essentiel est que l’islam soit cité dans le texte de la Constitution comme étant la religion de l’État tunisien. » Ainsi, la loi islamique n’est pas retenue par l’Assemblée constituante comme unique source législative. Elle ne figurera pas au préambule de la prochaine Constitution, et c’est l’article 1 de l’ancien texte qui est reconduit : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république. » Pragmatique, le leader d’Ennahdha semble privilégier un État civil à une idéologie. Cependant, il suggère d’ajouter à la Constitution un article interdisant les lois qui contreviendraient à l’islam. La proposition est suffisamment floue pour ne pas provoquer de débat, mais l’une des motions les plus remarquées parmi celles qui ont été adoptées lors du N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

AUDE OSNOWYCZ/SIPA

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! RASSEMBLEMENT ISLAMISTE devant le Parlement, à Tunis, le 16 mars.

9e congrès du parti islamiste, du 12 au 16 juillet, entend criminaliser les atteintes au sacré. MORALE. Pour les laïques, cette mesure

« liberticide » consisterait à imposer par la menace une conception rétrograde de la religion. « Ils veulent édicter un code de bonne conduite », commente un activiste de la société civile. Le débat autour du sacré a été particulièrement aigu en juin dernier lors des attaques salafistes sur l’exposition « Le Printemps des arts » à La Marsa, près de Tunis. Une exposition jugée « offensante ». Dans la foulée, le ministre de la Culture, Mehdi Mabrouk, avait prévenu qu’il interdirait à l’avenir tout spectacle « libidineux » et annoncé son intention d’engager des

poursuites contre les organisateurs de la manifestation à La Marsa pour « atteinte aux valeurs du sacré ». Quelques jours plus tard, la cour d’appel de Monastir confirmait le jugement de première instance contre deux jeunes blogueurs, Jabeur Mejri et Ghazi Béji, condamnés à sept ans de prison pour « atteinte à la morale, diffamation et trouble à l’ordre public ». Leur crime : avoir publié sur Facebook des caricatures du Prophète. « La charia n’est pas entrée par la grande porte dans la Constitution, mais elle revient par la fenêtre », résume notre activiste, persuadé que le débat entre juristes, constitutionnalistes et religieux n’est que l’écume de la vague. La lame de fond travaille la société de l’intérieur. ● FRIDA DAHMANI JEUNE AFRIQUE


Enquête sur une psychose Dès les premiers siècles de l’islam, il s’agit donc d’un savoir spécialisé, inaccessible à la majorité des croyants, qui sont d’ailleurs souvent ballottés par des interprétations contradictoires. La pluralité des sources et des solutions élaborées par les juristes a conduit à la formation d’écoles juridiques (madhâhib), dont quatre ont subsisté dans l’islam sunnite. Selon la chronologie de l’imam qui leur a donné leur nom, ce sont le hanafisme (Turquie, Asie centrale, Pakistan, Inde), le malékisme (Afrique du Nord et Afrique de l’Ouest), le shafiisme (Égypte, Golfe, Asie du Sud-Est, océan Indien) et le hanbalisme (Arabie saoudite, Qatar). C’est donc toute cette tradition à la fois innovante et relativement préservée que l’on réduit

Pour les réformateurs, il faut renouer avec l’ijtihâd. Pour les rigoristes, il faut retrouver la pureté des origines.

par l’appellation « charia ». Jusqu’au XIXe siècle, c’est-à-dire avant le choc impérial personnifié notamment par l’expédition de Bonaparte en Égypte, le droit musulman vivait en vase clos. Or la confrontation avec la modernité occidentale a fait naître deux réflexes contradictoires. Pour les réformateurs de la Nahda – comme Jamal al-Din al-Afghani, Muhammad Abduh et Abd al-Rahman al-Kawakibi –, il fallait renouer avec l’effort d’interprétation, l’ijtihâd. Pour les rigoristes au contraire, au rang desquels les adeptes de Mohammed Ibn Abdelwahhab, le père de la doctrine wahhabite, il fallait retrouver la pureté des origines, celle de la génération des compagnons du Prophète, et réintroduire par exemple des châtiments extrêmes qui ne figurent nulle part ● ● ●

ÉGYPTE

La loi des Frères

L

article 2 de l’ancienne Constitution égyptienne indiquait : « L’islam est la religion de l’État. La langue arabe constitue sa langue officielle et les principes de la charia islamique représentent la source principale de la législation. » Cet article devrait être maintenu, mais quelques précisions vont y être apportées. Il pourrait ainsi y être stipulé qu’« Al-Azhar [l’université du Caire, la plus grande institution de l’islam sunnite, NDLR] est la principale référence en ce qui concerne l’interprétation des principes de la charia » et qu’« il convient aux non-musulmans adeptes des religions monothéistes [le christianisme et le judaïsme] de revenir à leurs propres textes en ce qui concerne leur code de statut personnel, leurs affaires religieuses et le choix de leur direction spirituelle ». Mais sur la scène politique, le débat est vif. « Les Frères musulmans sont pour une reprise de l’article 2 pour rassurer certains groupes sociaux », affirme Alaa Ayad, l’un des dirigeants de la puissante confrérie. De leur côté, les libéraux semblent s’être résignés à accepter cette formulation,

JEUNE AFRIQUE

ASMAA WAGUIH/AFP

La prochaine Constitution est en cours d’élaboration. Le président Mohamed Morsi et ses alliés entendent peser dans les débats.

! DÉPUTÉS DU PARTI SALAFISTE AL-NOUR lors de la première session de l’Assemblée, le 23 janvier.

après avoir essayé de faire de la charia une source parmi d’autres et non la source principale. Les salafistes veulent imposer les prescriptions de la charia, pour donner une force coercitive au texte, et exigent que la loi islamique soit la seule source du droit. « Certains frères demandent également que l’article 3, qui stipule que la souveraineté revient au peuple, soit modifié pour que la souveraineté revienne à Dieu, qui domine et contrôle tout », ajoute Adel Afify, leader du parti Al-Fadila. CONTROVERSE. L’interprétation de la

charia alimente aussi la controverse. « Le cheikh actuel d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, est un opposant des Frères musulmans. Son interprétation de l’islam rassure les libéraux, mais il est un peu isolé au sein de

son institution, qui compte beaucoup de conservateurs », avance Nathan J. Brown, professeur américain de sciences politiques spécialiste de l’Égypte. De son côté, la Haute Cour constitutionnelle estime que l’interprétation de la charia incombe principalement au Parlement, qui légifère, et au gouvernement, qui adopte les décrets. Les Frères musulmans, première force du paysage politique égyptien, ont donc leur mot à dire. Et Brown de conclure : « La confrérie veut une société fondée sur la charia, mais son discours concernant son application est vague. Si elle appelle à un changement graduel et venant du bas, il ne fait pas de doute cependant qu’elle a un point de vue relativement conservateur concernant la loi islamique. » ● TONY GAMAL GABRIEL N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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AUDE OSNOWYCZ/SIPA

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dans le Coran (lapidation, amputation, etc.). Ce débat n’est pas définitivement clos, même si la réalité historique a donné une inclination décisive en faveur de la première option. L’expérience coloniale a permis, dans la majorité des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient, de jeter les bases d’un droit positif, d’un ordre juridique hiérarchisé, de lois écrites, bref d’une souveraineté étatique. Bien sûr, les droits positifs de chaque pays se sont inspirés de la tradition et de la norme culturelle. Aujourd’hui, toutes les Constitutions des pays d’Afrique du Nord font de l’islam la religion de l’État, de la Mauritanie à l’Égypte en passant par la Tunisie postbourguibiste. L’enjeu pour les oppositions islamistes a longtemps été d’ériger la charia en source unique de la législation. Dans ●●●

! SÉANCE INAUGURALE DE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE TUNISIENNE,

le 22 novembre 2011.

Ce que disent les Constitutions

Art. 5. L’islam est la religion du peuple et de l’État.

Algérie (2008) Art. 2. L’islam est la religion de l’État.

Libye (2011, déclaration constitutionnelle) Art. 1. L’islam est la religion, la charia islamique est la source principale de la législation.

Tunisie (2002) Art. 1. La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain ; sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république.

Maroc (2011) Art. 3. L’islam est la religion de l’État, qui garantit à tous le libre exercice des cultes. Art. 41. Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’islam.

Ce que dit le Coran

« À chacun d’entre vous, nous avons assigné une chir’a [législation] et un minhâj [programme/ projet] » (V, 48).

Mauritanie (2006) Art. 1. La Mauritanie est une république islamique, indivisible, démocratique et sociale.

« Nous t’avons mis sur une charia de commandement, suis-la et ne suis pas les passions de ceux qui ne savent pas » (XLV, 18).

Art. 36. La liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables. Égypte (2011, déclaration constitutionnelle) Art. 2. L’islam est la religion de l’État. La langue arabe constitue sa langue officielle et les principes de la charia islamique représentent la source principale de la législation. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

certains de ces pays, les islamistes sont à présent au pouvoir. Que veulent-ils faire ? En Tunisie, après de longs débats, le parti Ennahdha, au pouvoir, a renoncé à faire de la charia une source du droit. Un accord politique a été trouvé avec les alliés de la troïka. Chez le voisin libyen, le président du Conseil national de transition, Mustapha Abdeljalil, a provoqué une indignation, assez hypocrite, en annonçant, au lendemain de la mort de Kaddafi, la volonté du nouveau pouvoir de faire de la charia la source principale de la législation. En réalité, il avait déjà fait pareille déclaration auparavant, et le texte de la déclaration constitutionnelle d’août 2011 était sans appel: « La charia islamique est la source principale de la législation. » Même les acteurs politiques les plus libéraux acceptent cette référence dans l’idée dedésamorcerlepotentieldecontestationislamiste, voire salafiste, autour de la charia. C’est d’ailleurs l’une des clés du succès électoral de la coalition menée par Mahmoud Jibril lors des législatives du 7 juillet. L’ancien Premier ministre de transition avait ainsi déclaré : « La charia est une référence pour notre Constitution et pour notre vivre-ensemble. » AMENDEMENT. En Égypte, où la situation est ren-

due complexe par le poids considérable du Conseil suprême des forces armées, le président, Mohamed Morsi, issu de la confrérie des Frères musulmans, doit aussi faire face à la surenchère salafiste. Le Parlement, où ces derniers ont réalisé une impressionnante percée, étant suspendu, il est de plus en plus probable que la rédaction antérieure, déjà très avancée, soit reconduite. Pour rappel, depuis un amendement datant de 1980, la Constitution fait « des principes de la charia islamique la source principale de la législation ». En réalité, la réelle crainte que suscitent les Frères musulmans repose sur leur projet maintes fois affiché de réislamiser l’ensemble des normes juridiques. Au Maroc, où le JEUNE AFRIQUE


Enquête sur une psychose

ARRANGEMENTS. En attendant, de l’autre

côté de la Manche, un débat juridique et philosophique agite le Royaume-Uni. En 2008, le révérend Rowan Williams, archevêque de Canterbury, a expliqué dans une interview que des « arrangements constructifs » avec la loi islamique pouvaient être trouvés sur des sujets tels que le divorce ou des différends financiers. Pour le chef des anglicans, la Grande-Bretagne « devrait accepter le fait que certains citoyens ne se sentent pas concernés par le droit britannique ». Cette déclaration a provoqué un tonnerre de protestations, mais a été défendue par le chef de la magistrature d’Angleterre et du pays de Galles. Lord Nicholas Addison Phillips of Worth Matravers a admis que la charia pouvait jouer un rôle au sein du système judiciaire britannique : « Il n’y a pas de raisons pour lesquelles les principes de la charia, ou de tout autre code religieux, ne pourraient pas être le fondement d’une médiation ou d’autres formes alternatives de résolution des conflits. » Lord Phillips a tenu à préciser qu’il n’était « pas question » de châtiments corporels. Une proposition qui mérite une centaine de coups de fouet ? ● JEUNE AFRIQUE

Mohammed Mouaqit « La charia est une source, non une norme » HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

roi « veille au respect de l’islam », l’institution du Commandeurdescroyantsagitparadoxalement comme un inhibiteur d’une éventuelle pression culturelle et idéologique conservatrice. Dans la pratique, à part dans le domaine du statut personnel, où le Commandeur des croyants a lui-même endossé les habits du mujtahid, la référence à la charia dans le droit est très marginale. Plus encore que les mensonges sur la fertilité supposée galopante des immigrés et sur leurs mosquées souterraines, c’est pourtant bien la « loi coranique » qui personnifie, aux yeux des pyromanes, la future guerre de civilisation. L’essayisteaméricainChristopherCaldwelldécrit dans Une révolution sous nos yeux (Éditions du Toucan, 2011) « comment l’islam va changer la Franceetl’Europe».Pamphletpercutant,lelivre alimente les sites web identitaires qui voient en cediplômédeHarvardunsecoursinespérédans leur dénonciation d’une islamisation galopante de la France. Nourrie de l’ignorance, la référence à la charia permet d’accréditer l’obsession de l’extrême droite d’une prétendue invasion culturelle, prémices d’une nouvelle guerre des religions.Orcetteapplicationfantasméedudroit musulmanneconcernequ’unepoignéedepays –l’Arabiesaouditeetl’Iran–,quinereprésentent pas les plus grands bassins d’émigration vers la France. Mais les précédentes affaires du voile à l’école, des signes ostensibles de religiosité, de la burqa et de la viande halal renforcent ces lectures simplistes.

Pour ce professeur marocain de sciences politiques, il n’y a pas de contradiction insoluble entre une supposée loi religieuse et la recherche d’une modernité islamo-compatible. Y a-t-il un retour en force de la charia dans le droit ?

Mis à part de rares pays appliquant ledroitislamiquedemanièreextensive (Arabie saoudite, Iran), son domaine d’applicationestdeplusenplusétriqué et se réduit au statut personnel. Les sociétésontsuffisammentchangépour qu’il n’y ait pas de réversibilité complète de la législation. L’islamisme est obligé de résoudre le dilemme entre l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité en faveur de cette dernière. Sur la question de l’alcool, les islamistes marocains du PJD [Parti de la justice et du développement, qui dirige le gouvernement actuel, NDLR] ont renoncé à son interdiction. Il est vraiquelalégislationexistanteinterdit déjàformellementlaventeauxmusulmans. Le problème est de la rendre effective. Cela risque de se faire aux dépens de la manne fiscale générée par la vente de l’alcool. Dans La Charia aujourd’hui*, vous expliquez que la charia est d’abord une norme culturelle…

Dans les esprits et les mentalités, la charia continue de peser lourdement. Depuis la Nahda [mouvement réformiste musulman du XIXe siècle], l’obsession est de rouvrir les portes de l’ijtihâd [« effort »]. L’audace des juristes consiste alors à faire correspondre les valeurs de progrès avec l’esprit de la charia, et vice versa. Certains, peu nombreux pour l’instant, tentent de reconnaître, à partir de la norme islamique, l’égalité hommes-femmes en matière d’héritage. D’une manière générale, la référence à la charia n’est plus

l’apanage des oulémas au sens strict et traditionnel. Elle est médiatisée par des producteurs de sens religieux très divers. À défaut d’exclure toute référence au droit islamique dans la législation, est-il possible de le codifier ?

La codification de la charia a été en partie réalisée en ce qui concerne le statut personnel. Pour le reste, notamment le droit civil et commercial, la charia importe peu. On est désormais dans un cadre juridique positiviste. Mais le pouvoir d’interprétation du juge reste important, et celui-ci peut considérer que la charia est la norme fondamentale. N’y a-t-il pas alors une instrumentalisation de la charia par le droit moderne, et vice versa ?

Absolument. Symboliquement, la charia coexiste toujours avec un droit positif, introduit à l’époque de la colonisation.Toutelaquestionestdesavoir comment les acteurs – et notamment les juges – vont résoudre l’équation. Ilyadesvariantes,maisgénéralement le cadre de référence ultime d’un État, c’est la Constitution, la loi fondamentale. En Égypte, par exemple, la loi islamique est la source principale de la législation depuis 1980, mais la Haute Cour constitutionnelle n’a pas pour autant interprété ce principedemanièreàfaire de la charia la norme prév a l e n t e d e l ’o r d r e juridique. ● Propos recueillis par YOUSSEF AÏT AKDIM

* La Charia aujourd’hui, sous la direction de Baudouin Dupret, La Découverte, 22 pages, 26 euros. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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ISSOUF SANOGO/AFP

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SAHEL

La tentation du califat

Plusieurs groupes armés réclament l’instauration d’une république islamique. Cela va à rebours de la pratique religieuse en Afrique subsaharienne.

L

es images des moines-soldats d’Ansar Eddine troquant leur kalachnikov contre des massues et autres arrache-clous pour détruire les mausolées des saints patrons de Tombouctou ne sont pas sans rappeler cellesquiavaientému,unedécennieauparavant, l’opinion internationale quand les talibans afghans, autres moines-soldats, avaient dynamité les statues de Bouddha dans la vallée de Bamiyan, en mars 2001. Cette fureur destructrice qui s’est emparée de la ville des 333 saints et de la Cité des murmures est menée au nom d’une lecture, étroite et doctrinale, du Coran inspiré du wahhabisme.

conflits armés en Afrique subsaharienne, « les peines de lapidation pour adultère sont restées rarissimes, et aucune n’a été appliquée car les sentences ont été cassées par les cours fédérales, celles-ci s’inspirant du droit commun légué par le colonisateur ». Mais la pression s’est progressivement renforcée avec la revendication d’une république islamique, l’avènement des salafistes et de leur avatar, la secte Boko Haram, qui revendique attentats,

Ce courant de pensée salafiste est complètement étranger à l’école malékite, qui caractérise l’islam en Afrique subsaharienne. Hormis le cas du Soudan, la revendication de la primauté « Nous appliquerons les du droit divin n’est apparue qu’à châtiments corporels quand la fin du siècle dernier, quand la société sera prête. » quatreÉtats(onenestaujourd’hui à douze) du Nord-Nigeria ont OMAR OULD HAMAHA, chef militaire d’Ansar Eddine élargi le domaine d’application du droit coranique – jusque-là réduit incendies d’églises et d’écoles, pogroms aux seules affaires civiles – aux affaires antichrétiens… pénales. Toutefois, la charia ne constitue Au Mali, la récente apparition de alors qu’une source parmi d’autres outils groupes armés revendiquant pêle-mêle juridiques. Selon Marc-Antoine Pérouse l’application de la charia, l’instauration de Montclos, spécialiste du Nigeria et des d’une république islamique et, à terme, l’installation d’un califat régnant sur la Oumma (communauté islamique) s’insSOUDAN « 100 % ISLAMIQUE » crit dans une évolution entamée il y a POUR CALMER LE MÉCONTENTEMENT DES SOUDANAIS, une dizaine d’années, sur fond de trafics qui manifestent régulièrement depuis le mois dernier, le président dans cette bande sahélienne difficilement Omar el-Béchir a trouvé la solution. « Nous voulons avoir une Constitution contrôlable et de fragilités du pouvoir qui devienne une référence pour [les pays] qui nous entourent. central de Bamako. Et nous voulons une Constitution 100 % islamique sans communisme, La défaite militaire des islamistes en Algérie, couplée au lancement de la guerre laïcisme ou influences occidentales », a-t-il déclaré le 7 juillet à Khartoum lors d’un discours devant les chefs de plusieurs confréries soufies. contre le terrorisme lancée par George Bush après les attentats du 11 Septembre, Sans fixer de calendrier précis, le président, au pouvoir depuis plus de a été l’un des déclencheurs de cette desvingt-trois ans, a assuré qu’un comité constitutionnel devrait être formé, cente du djihadisme vers le sud. Cette et qu’il serait constitué de représentants de tous les partis politiques stratégie a été esquissée par Oussama Ben et de toutes les confessions du pays. La charia est en vigueur au Soudan T.G.G. Laden, alors traqué entre l’Afghanistan et depuis 1983. ●

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PIUS UTOMI EKPEI/AFP

! AU MALI, les djihadistes contrôlent le nord du pays (à gauche, combattants du Mujao à Gao, le 16 juillet). AU NIGERIA, la secte Boko Haram brûle notamment les églises et les écoles (ci-contre, à Maiduguri, en mai dernier).

le Pakistan. Le Sahel, avec ses caractéristiques géographiques, la fragilité de ses populations, sa proximité avec l’Europe impie à châtier, pouvait être un nouveau Tora Bora et une nouvelle pépinière du terrorisme. L’opération est entamée dès 2002 par une « colonisation » des espaces du Nord-Mali par les salafistes algériens. Ils se mêlent à la population et font du prosélytisme sans heurter les pratiques religieuses locales. En septembre 2006, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) de l’émir Abdelmalek Droukdel fait allégeance à Ben Laden. Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est née. À présent, ce sont plusieurs groupes armés qui ont introduit la « charia-spectacle » : flagellation d’un jeune couple coupable d’avoir conçu un enfant hors mariage, bastonnades contre les vendeurs et les consommateurs d’alcool, interdiction de fumer (même si ces milices prospèrent grâce au trafic de cigarettes et de drogue) ou de jouer au football… Si Ansar Eddine exclut jusqu’à présent les lapidations pour adultère ou l’amputation des mains pour les voleurs, cela n’est pas le fait d’une quelconque mansuétude touarègue ou kounta. « Nous n’avons pas encore recours à de telles sentences car la société n’y est pas prête », explique Omar Ould Hamaha, le chef militaire du mouvement à Gao. Quand le serat-elle? « Le jour où nous dominerons le Mali pour en faire un califat. » ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE

SÉNÉGAL

« Ils sont à nos portes » Si l’islam des confréries cultive la tolérance, il n’est pas pour autant prémuni contre une avancée de l’extrémisme.

N

et l’islam tel qu’il est enseigné et pratiqué ici favorise le dialogue. » Lamine Gaye, le président de l’Association des élèves et étudiantsmusulmansduSénégal(AEEMS), partagel’avisdel’imam,maisappellenéanmoins à la vigilance. « Historiquement, aucune des confréries sénégalaises n’a prôné la violence comme moyen de propagande. Le terrain n’est donc pas favorable », rappelle-t-il. Pour autant, « nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers et nous devons être les garants d’un islam tolérant, l’État en premier lieu », prévient-il, regardant évidemment vers le Nord-Mali. Pour toutes les capitales de la sous-région, le risque de contagion est réel. Sur le plan sécuritaire, les autorités de Dakar sont en alerte. La presse locale avait fait état de l’arrestation début juillet à Dagana, dans le nord du Sénégal, d’une dizaine d’activistes, dont trois Sénégalais proches d’Aqmi. Et il est à présent avéré que des ressortissants sénégalais font partie du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), notamment. Face à cette menace, le chef d’état-major des armées, le général Abdoulaye Fall, indique que « toute stratégie doit miser sur des moyens militaires coercitifs associés à un système international de partage de renseignements sur ces mouvements terroristes ». Le Sénégal compte plus de 95 % de musulmans, et son islam s’est développé autour des confréries Mouride, Tidiane, Layène, considérées à juste titre comme des régulateurs sociaux. Problème: « Elles

dèye Khady Thiam, 20 ans, le foulard bien noué autour de la tête, arpente les escaliers de la faculté de droit de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Cette étudiante en première année est voilée depuis bientôtdeuxans.«Jen’appartiensàaucune confrérie et personne ne m’a obligée à me couvrir. Je l’ai décidé toute seule en tant que musulmane », assure-t-elle. Ce phénomène prend de l’ampleur au Sénégal. Dans les rues de la capitale sénégalaise, on rencontre La pauvreté, les défaillances de de plus en plus de jeunes l’État et la déperdition scolaire filles voilées ou d’hommes sont des leviers de recrutement. barbus. Et, contrairement à Ndèye Khady, la majorité des ne répondent pas aux préoccupations des femmes qui mettent le voile appartient personnes qui ne sont pas des fidèles. C’est à des groupes religieux. De quoi susciter donc une erreur de penser que le Sénégal des interrogations quant à une éventuelle est à l’abri de toute influence extrémiste, percée du fondamentalisme dans un pays d’autant que les djihadistes sont à nos connu jusqu’alors pour sa modération et portes », explique l’historien sénégalais sa cohabitation pacifique entre chrétiens Abderrahmane Ngaïdé. Pour lui, « la pauet musulmans. L’imam Mbaye Niang se veut rassurant: vreté, les défaillances de l’État et une forte « L’islamisme radical ne peut émerger déperdition scolaire » sont de puissants chez nous, le Sénégal récuse la violence, leviers de recrutement. ● NICOLAS LY, à Dakar N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


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Afrique subsaharienne

CEMAC

Comment

Ntsimi

centrafricain, François Bozizé, scrute le plafond de l’amphithéâtre, peu désireux de croiser le regard de celui dont il cherche, depuis plusieurs mois, à obtenir la tête. Antoine Ntsimi joue son va-tout, mais il sait que les conclusions du comité ministériel qui s’est tenu trois jours plus tôt et qui est censé préparer les dossiers à soumettre aux chefs d’État ne lui sont pas favorables. Aucun autre pays que le sien n’a voulu entendre parler de la reconduction des personnalités qui, comme lui, ont achevé leur mandat à la tête d’une institution communautaire. Ntsimi sait que c’en est fini de lui et de ses 25 millions de F CFA (38112 euros) mensuels si les présidents décident de valider les propositions de leurs ministres. Il touchera le reliquat de son indemnité de départ, Pour le reste, on a équivalente à cinquante mois de ressorti les éternels salaire – soit plus de 1 milliard de dossiers à tiroirs. Sans F CFA –, mais il tente un dernier vraiment rien décider. coup de poker: ajoutée au stylo à la dernière minute dans le texte de son discours, une phrase insiste sur sa « disponibilité à suivre les hautes orientations [des chefs d’État, NDLR] dans cette exaltante entreprise ». En vain. Il devra céder sa place. Voilà enfin ouvert le sommet maintes fois repoussé de cette organisation sous-régionale

Dénouement sans surprise, le 25 juillet, pour le sommet des chefs d’État d’Afrique centrale : le président de la commission de l’organisation sous-régionale n’a pas été reconduit dans ses fonctions. Retour sur un camouflet.

GEORGES DOUGUELI,

Q

envoyé spécial

uand vient son tour de prendre la parole, Antoine Ntsimi se dirige d’un pas mal assuré vers le pupitre. Face à lui, ce 25 juillet à Brazzaville, six chefs d’État. Le très controversé président de la Commission de la Communautééconomiqueetmonétairedel’Afrique centrale (Cemac) a perdu de son légendaire aplomb. Dans le Palais des congrès (de construction chinoise et déjà fortement climatisé) qui accueille le sommet régional, la température a encore chuté de quelques degrés. Autant que l’applaudimètre… La main de celui que l’on surnommait « Chicago Boy » tremble autant que sa voix. Les membres de la délégation camerounaise, qui ont pourtant tenté d’obtenir sa reconduction, regardent leurs chaussures. Le président N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

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! De g. à dr. : le Gabonais Ali Bongo Ondimba, le Tchadien Idriss Déby Itno, l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Camerounais Paul Biya et le Centrafricain François Bozizé, À BRAZZAVILLE, LE 25 JUILLET.

a été débarqué

Il était à la tête de la Commission depuis 2007. Contesté pour sa gestion financière, il était, à 55 ans, candidat à un nouveau mandat. Les chefs d’État de la sous-région ont préféré ne pas lui renouveler leur confiance. JEUNE AFRIQUE

DR

Antoine Ntsimi

au fonctionnement singulier. Les nombreuses questions de fond, dont certaines sont en suspens depuis dix ans, ont paru reléguées au second plan, loin derrière la guerre des postes, les questions d’ego et les égoïsmes nationaux. Pas de doute, la Cemac s’est assoupie à Brazzaville, comme pour conforter les stéréotypes qui collent à cette partie du continent. Les discussions à huis clos ont duré huit longues heures, et les chefs d’État en sont sortis visiblement épuisés (le Gabonais Ali Bongo Ondimba et le Tchadien Idriss Déby Itno ont même écourté et repris l’avion deux heures plus tôt). Au bout du compte, il n’y aura eu aucune impulsion décisive sur les dossiers importants. NE PAS FAIRE DE VAGUES. En revanche, les chefs

d’État ont fait preuve d’une étonnante mansuétude, malgré une petite phrase de leur communiqué final par laquelle ils font part de leur « préoccupation » quant à « la persévérance des problèmes associés à la gouvernance des institutions communautaires » (là, c’est notamment le président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale, le GabonaisMichaëlAdandé,quiestvisé).Lamaigreur des bilans n’a fait sourciller personne, et pas un seul responsable n’a été sanctionné. « Il faut dire qu’à ce jeu-là aucun pays n’en serait sorti indemne, analyse

un diplomate. Du coup, mieux valait décider de ne pas faire de vagues et passer l’éponge. » Àl’heuredescomptes,leCamerounreparttoutde même de Brazzaville affaibli. Il a perdu la présidence de la Commission et a, dans le même temps, appris qu’aucun Camerounais ne sera jamais gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), la plus prestigieuse des institutions communautaires. En effet, en plus de la décision d’appliquer strictement le principe de rotation, il a été convenu qu’un État ne devrait en aucun cas présider une institution dont le siège se trouve sur son territoire. Voilà pour les annonces attendues. Pour le reste, on a ressorti les éternels dossiers à tiroirs. Ainsi de la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace Cemac, que les chefs d’État auraient décidé de rendre effective, selon le communiqué final, lequel reste néanmoins vague sur la question. Un ressortissant centrafricain peut-il pour autant se rendre à Libreville ou à Malabo sans visa ? Non. Cela n’a pas empêché le président de la Commission de se féliciter de l’entrée en vigueur des passeports biométriques Cemac, dont la vraie valeur ajoutée n’est pas avérée par rapport aux passeports usuels : les ressortissants des pays de la zone n’ont déjà plus besoin de visa, sauf pour se rendre au Gabon ou en Guinée équatoriale. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Afrique subsaharienne mais il aura bientôt un premier salarié de poids : le sommet a accordé à la Centrafrique le poste de directeur général, même si Bangui, qui n’a jamais possédé de compagnie aérienne, a peu de chances de disposer de cadres expérimentés dans ce domaine.

Ainsi également du Programme économique régional (PER), dont Antoine Ntsimi était si fier : un catalogue de projets (routes, ponts, etc.), dont personne ne croit qu’ils seront réalisés dans les délais prévus. La première phase du PER, consacrée à l’érection des « fondements institutionnels de l’émergence », était censée commencer en 2011, même si deux pays n’ont pas encore créé les cellules nationales qui piloteront le programme.

PSYCHODRAME. Les questions de fond ont été

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

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Le communiqué final a pris comme un air de déjà entendu lorsque le dossier de la compagnie aérienne communautaire Air Cemac a été abordé. Après douze années d’atermoiements, les dirigeants de la sous-région rendent public ce que l’on savait déjà, à savoir l’attribution des droits de trafic, la constitution de la société et l’établissement du siège à Brazzaville. Au départ, les chefs d’État avaient écarté l’idée d’associer Air France comme partenaire technique. Ils craignaient que le géant français ne fasse qu’une bouchée d’Air Cemac et souhaitaient privilégier une solution africaine. Le partenariat avec South African Airways ayant avorté, ils encouragent désormais la conclusion d’un accord avec Air France. Air Cemac n’existe que sur le papier,

! C’EST LE CONGOLAIS PIERRE MOUSSA (au centre), un proche du président Sassou Nguesso, qui va prendre la tête de la Commission de la Cemac.

éludées? On se console avec le spectacle. Comment qualifier autrement le psychodrame qui sous-tend la bataille des postes ? Mal connus avant que les scandales financiers poussent la presse à publier les revenus de leurs dirigeants, les sièges à pourvoir aiguisent tous les appétits. Le Congo n’était pas sûr de conserver la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf), présidée par Alexandre Gandou. Plusieurs candidats congolais lorgnaient pourtant le fauteuil, tandis que les Gabonais faisaient un lobbying intense, curriculum vitæ en main. Sauf que le communiqué final n’a nommé personne. Les chefs d’État se sont contentés de se partager les postes, se réservant le privilège de désigner leurs titulaires plus tard, même si le nom du successeur d’Antoine Ntsimi est d’ores et déjà connu : il s’agit de Pierre Moussa, 70 ans, ministre congolais du Plan et de l’Aménagement du territoire, l’un des hommes clés des régimes Sassou I et II. Au bout du compte, la Guinée équatoriale se sera taillé la part du lion. Elle récupère le gouvernorat de la Beac, la vice-présidence de la Commission de la Cemac, la présidence de la Cosumaf, la direction générale de l’Institut sous-régional multisectoriel de technologie appliquée, de planification et d’évaluation des projets (Ista) et celle de l’Institut de l’économie et des finances (IEF). Par ailleurs, l’application de la rotation ne manquera pas de créer les situations embarrassantes que l’on a tenté d’éviter. Ainsi, à l’horizon 2015, au hasard du terme des mandats en cours et de l’ordre alphabétique, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) se retrouvera avec deux ressortissants d’un même pays (le Cameroun) aux commandes, comme secrétaire général et secrétaire général adjoint. Le bateau Cemac n’est pas encalminé, mais il bouge si lentement qu’on le croirait à l’arrêt. ●

LE RAPPROCHEMENT BOURSIER, C’EST PAS POUR TOUT DE SUITE LE RAPPROCHEMENT ENTRE LA BOURSE des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC) et le Douala Stock Exchange (DSX) a été renvoyé à une négociation bilatérale entre le président Camerounais, Paul Biya, et son homologue gabonais, Ali Bongo Ondimba. Il faut dire que la question est délicate pour le Gabon : la BVMAC est basée à Libreville, et N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

son directeur général, Pascal Houangni Ambouroué, est gabonais, tout comme le président de son conseil d’administration, HenriClaude Oyima. Depuis début 2012, le Gabon a injecté 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros) lors de la dernière augmentation de capital sans demander la moindre contrepartie. Côté camerounais,

on pointe une « nationalisation » de la Bourse régionale par le Gabon dans la logique du « qui paie commande ». Peut-être se dirige-t-on vers la solution préconisée par la Banque africaine de développement (BAD), à savoir un compartiment d’actions à Douala et un compartiment obligataire G.D. à la BVMAC. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne ! SURNOMMÉ « LE PROF », JOHN EVANS ATTA MILLS s’est éteint à 68 ans, à cinq mois de la fin de son mandat à la tête de l’État.

GHANA

Atta Mills en indivision

analyse une source proche du NDC. Mais c’est une situation très compliquée parce que tous les courants doivent être consultés. Il ne faut rien décider qui compromette notre victoire politique. » Pour le NDC, le risque est grand de voir cette affaire raviver les divisions qui le minent depuis un an. À la mort d’Atta Mills, les partisans de Nana Konadu Agyeman-Rawlings ont immédiatement émis l’idée que, puisqu’elle a été la seule à se présenter contre lui, l’investiture lui revenait de droit. RestelecasdeJerryRawlings lui-même, dont l’influence au sein du NDC, comme dans le pays, reste forte. Certains membres du parti s’inquiètent qu’il puisse se ranger derrière sa femme et refuser de soutenir Dramani Mahama. « Je ne sais pas s’il CHRISTIAN THOMPSON/AP/SIPA

Le décès du chef de l’État, le 24 juillet, est venu compliquer la donne politique avant la présidentielle de décembre.

É

lu fin 2008, John Evans Atta Mills, dit « le Prof », est décédé le 24 juillet à l’âge de 68 ans. Six heures plus tard, et alors que les hommages venus du monde entier affluaient encore, son vice-président, John Dramani Mahama, 53 ans, lui succédait à la tête de l’État conformément à l’article 60 de la Constitution. L’événement aurait déstabilisé plus d’un pays, mais pas le Ghana. Ses dirigeants sont parfaitement conscients que le respect des institutions est, depuis la fin des années 1990, l’une des clés de son développement. Le calendrier électoral ne devrait pas être modifié, et la présidentielle aura lieu en décembre. Malgré cette transition « normale » au sommet de l’État, la mort d’Atta Mills perturbe l’agenda du parti au pouvoir et redistribue les cartes du paysage politique ghanéen alors que la campagne électorale venait à peine de débuter. Face au leader de l’opposition, Nana Akufo-Addo (68 ans), un avocat et homme politique

expérimenté du Nouveau Parti patriotique (NPP), le Congrès national démocratique (NDC) avait reconduit Atta Mills comme candidat en juillet 2011. Ces primaires particulièrement tendues avaient vu Nana KonaduAgyeman-Rawlings, la femme de l’ancien chef Pas sûr que le parti au pouvoir, de l’État Jerry Rawlings, se le NDC, fasse du président par présenter sans succès contre Atta Mills (elle avait obtenu intérim son candidat. moins de 5 % des suffrages). est capable de diriger le pays, mais je Dans le cas présent, les textes du parti font de John Dramani Mahama son noul’espère », a-t-il déjà dit du président ghaveau chef, mais pas automatiquement néen par intérim. son candidat, même si certains au sein Dans le flou qui entoure la succesdu NDC ont rapidement fait le raccourci. sion du président Atta Mills, les cadres savent qu’ils doivent prendre une décision FLOU. Pour devenir officiellement candiqui préservera l’unité de la formation. dat, Dramani Mahama devra être élu par Tergiverser reviendrait à laisser le champ l’ensemble des délégués du parti lors d’un libre au NPP. En 2009, Akufo-Addo n’avait nouveau congrès qui se tiendra le 1er sepété battu que de 40 000 voix, et des sontembre. Il sera le grand favori, mais pas le dages effectués peu avant la mort d’Atta seul à se présenter. « Le sentiment général Mills le donnaient légèrement en tête. ● est que cela sera une simple formalité, VINCENT DUHEM

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Afrique subsaharienne OCÉAN INDIEN

Si tu veux la paix, prépare la guerre… Stratégique, idéalement située et très convoitée… La région est devenue en quelques années un paradis pour les états-majors, les vendeurs d’armes et les agences de sécurité privées.

A

u Yémen et en Somalie, on connaît bien la signification du mot reaper (« faucheuse »). Aux Seychelles, un peu moins. Voilà trois ans pourtant que ce paradis à touristes est régulièrement survolé par des drones ainsi baptisés appartenant à l’armée des États-Unis. Trois de ces engins, qui ne nécessitent pas de pilote et qui sont devenus l’arme privilégiée de Washington sur les théâtres de sa guerre contre le djihadisme, stationnent en permanence sur l’aéroport de Victoria. Le gouvernement seychellois envisage de s’en procurer. Le gouvernement mauricien aussi. Un paradis, l’océan Indien ? Oui, pour les vendeurs d’armes, les états-majors et lesagencesdesécuritéprivées.Onytrouve des drones, mais aussi des avions de surveillance et des bombardiers, des patrouilleurs en mer, des navires de commerce surarmés, des sous-marins nucléaires et des bases de première importance géostratégique. Il est loin le temps où les dirigeants des États de l’océan Indien rêvaient à un monde démilitarisé. C’était dans les années 1970. Avancé par le Sri Lanka, le projet d’un océan sans armes avait fait son chemin jusqu’à New York. En 1971, l’ONU adoptait la résolution 2832, qui faisait de l’océan Indien « une zone de paix ». En pleine guerre froide, le texte demandait aux grandes puissances « d’arrêter le processus d’escalade et d’expansion de leur présence militaire », « d’éliminer » de cette mer hautement stratégique « toutes les bases militaires » et de mettre fin à « la mise en place d’armes nucléaires ». Les guerres d’Irak et d’Afghanistan, ainsi que les menaces iranienne et

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de coordination du renseignement antiislamiste, ont ramené les pacifistes à la piraterie. C’est du port de Victoria qu’emraison : l’océan Indien est trop stratébarquent les agents de sécurité privés gique pour que les grandes puissances espagnols et les soldats français sur les s’en passent. La résurgence de la pirathoniers européens. C’est dans ce même terie dans le golfe d’Aden, un carrefour port, très sécurisé, que font escale les essentiel pour le commerce mondial, patrouilleurs des grandes puissances. a achevé de convaincre les petits États C’est de l’aéroport international que insulaires que, pour assurer la défense de leurs intérêts, ils avaient besoin d’être décollent les drones américains et les bien protégés. avions européens de patrouille maritime. Depuis quatre ans, les Seychelles Depuis trois ans, trois flottes multinationales croisent dans la région : l’opéraont conclu des Sofa (Status of Forces tion Atalanta (menée par l’Union européenne), la Des drones, des sous-marins, des Combined Task Force (à bateaux de pêche surarmés… Il est dominante américaine) et loin le rêve d’un océan démilitarisé. l’Ocean Shield (sous l’égide de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’Otan). Chacune de Agreement, des accords bilatéraux qui ces forces déploie en continu entre cinq permettent le stationnement de militaires et dix bâtiments de guerre, qui côtoient sur un territoire étranger) avec la France, des patrouilleurs indiens, russes, japonais, le Royaume-Uni, l’Union européenne coréens, chinois, et des navires commer(UE) et les États-Unis. Victoria a égaleciaux à bord desquels des militaires ou ment signé des accords similaires avec des agents de sécurité privés tiennent l’Inde et la Chine, coopère dans un cadre la garde. moins établi avec la Russie et négocie Ces flottes multinationales disposent actuellement avec l’Otan. de deux ports principaux : Djibouti, où Si des navires et des avions européens se concentrent des bases permanentes stationnent régulièrement aux Seychelles, française, américaine et japonaise, et les leur implantation n’est pas permanente. Seychelles, qui abritent le Centre régional « Ils ne sont là que de septembre à avril. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

! SOLDATS DÉPLOYÉS SOUS LA BANNIÈRE DE LA MISSION EUROPÉENNE

ATALANTA pour lutter contre la piraterie.

Pendant la mousson, les pirates n’attaquent plus. On a donc moins besoin d’eux », précise un diplomate seychellois. Seuls les États-Unis disposent de soldats positionnés en permanence sur l’archipel – ils seraient une centaine. CHASSÉS. Les Seychelles appartiennent ainsi à la constellation de bases aériennes plus ou moins secrètes que les États-Unis ont implantées en Afrique ces dernières années. Depuis octobre 2009, trois drones MQ-9 Reaper qui peuvent servir à la surveillance aussi bien qu’au combat, ainsi que trois avions de patrouille, sont basés à Victoria. Ils sillonnent régulièrement le ciel de l’océan Indien, de la Somalie et du Yémen. Plus au sud, Maurice n’a pas signé de Sofa avec Washington, mais il s’en est fallu de peu – et ce n’est peut-être que partie remise. Les États-Unis ont bien tenté de s’y implanter, et le Premier ministre, Navin Ramgoolam, y était favorable. Mais il s’est heurté au veto de plusieurs hauts fonctionnaires mauriciens – un refus qui s’explique en partie par la discorde au sujet de l’archipel des Chagos. Au moment de l’indépendance de Maurice, ces îles situées au centre de l’océan Indien ont fait l’objet d’un deal JEUNE AFRIQUE

entre les dirigeants mauriciens et britanniques de l’époque. Elles sont restées sous administration britannique et leurs habitants en ont été chassés. Aujourd’hui, Maurice revendique sa souveraineté sur ce territoire, mais l’enjeu est trop important pour que Londres consente à s’en séparer : depuis 1966, la principale île de l’archipel, Diego Garcia, que les Anglais louent aux Américains, est une base militaire de première importance. Le bail expire en 2016, mais selon toute vraisemblance il devrait être renouvelé. « On voit mal les Américains en partir, estime André Oraison, professeur des universités, enseignant à la Réunion de 1967 à 2008. Ils sont aujourd’hui près

de 15 000 militaires à y travailler. Ils ont dépensé des millions de dollars pour l’aménager. » Diego Garcia a en effet joué un rôle majeur dans les guerres américaines de ces vingt dernières années, en Irak et en Afghanistan. Les États-Unis, qui disposent de plusieurs autres installations dans le Golfe (Bahreïn, Qatar, Émirats arabes unis), ne sont pas les seuls à stationner dans la zone. En 2011, le Japon a à son tour ouvert une base à Djibouti. Deux ans plus tôt, Paris inaugurait une nouvelle base à Abou Dhabi. La France dispose en outre de deux bases permanentes (secondaires) à la Réunion et à Mayotte. L’une des raisons qui ont poussé la France à disloquer l’archipel des Comores, en 1975, et à rester à Mayotte se trouve d’ailleurs dans l’intérêt stratégique que représente l’île, située sur la route des pétroliers. Les Forces armées en zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) réparties sur les deux îles, fortes de 1 900 hommes et d’un arsenal complet (des frégates, des patrouilleurs, des avions de transport et des hélicoptères), ont pour mission de protéger le territoire national, mais elles peuvent aussi intervenir en cas de crise dans la région, et mènent des actions de coopération avec les pays de la côte sud-est de l’Afrique. Ce fut le cas récemment à Madagascar. Début juin, 300 hommes de l’armée française ont formé des militaires malgaches à combattre la piraterie. L’exercice se déroulait à Diégo-Suarez, une ville du nord du pays qui fut jusqu’en 1974 le fleuron de la présence militaire française dans la région, et que la France aurait bien conservé comme base navale si Didier Ratsiraka n’en avait décidé autrement. Au XVII e siècle, c’était un repaire de pirates… ● RÉMI CARAYOL

PERMIS DE TUER ? À EN CROIRE LES CÂBLES DIPLOMATIQUES AMÉRICAINS rendus publics par WikiLeaks, le fait que les drones stationnés aux Seychelles ne servent pas seulement à surveiller les pirates mais qu’ils puissent être également employés à tuer des combattants islamistes n’émeut pas les autorités locales. En septembre 2009, Jean-Paul Adam, qui était à l’époque le chef de cabinet du président James Michel, aurait affirmé que « le président n’est pas philosophiquement opposé à un tel emploi », mais que cela nécessiterait « la plus grande discrétion possible ». Aujourd’hui, il confirme: « Nous privilégions la surveillance. Si les Américains nous demandaient la permission d’armer les drones, notre réponse dépendrait de la nature de la R.C. mission. » Pour l’heure, poursuit-il, « ça n’est jamais arrivé ». ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Afrique subsaharienne

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ZIMBABWE

TSVANGIRAYI MUKWAZHI/AP/SIPA

La carotte plutôt que le bâton L’Union européenne s’est prononcée en faveur de la levée de la plupart des sanctions imposées à Harare depuis 2002. LE PRÉSIDENT ROBERT MUGABE, 88 ANS, n’a pas renoncé à se faire réélire en 2013.

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uelquesONGontbiendemandé unmaintiendessanctionseuropéennes contre le Zimbabwe, dénonçant la poursuite des violences des militants de la Zanu-PF, le parti du président Robert Mugabe, contre leurs rivaux du Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Mais cela n’a pas empêché l’Union européenne de se prononcer, le 23 juillet, pour la levée des sanctions adoptées en 2002, ainsi que le réclamait Morgan Tsvangirai, le chef du MDC et Premier ministre depuis l’accord de partage du pouvoir signé en 2009. Sous l’impulsion de la Grande-Bretagne, dont le gouvernement conservateur se veut plus pragmatique dans les relations avec Harare, Bruxelles a donc reconnu les « progrès » d’un État jusque-là traité en paria, et infléchit sa position.

Son aide budgétaire directe, de 100 millions d’euros par an, doit être rétablie, et les mesures individuelles (gel des avoirs et interdiction d’entrée sur son territoire) contre 112 personnalités (à l’exception de Robert Mugabe et de ses plus proches collaborateurs) seront supprimées après le référendum sur la nouvelle Constitution, si celui-ci se déroule de manière pacifique. Sa formulation provisoire, dévoilée quelques jours plus tôt, consacre une augmentation des pouvoirs du Parlement zimbabwéen et un relatif affaiblissement du président, qui ne pourra pas effectuer plus de deux mandats. Cette clause ne devrait pas poser de problèmes à Robert Mugabe (qui conserve la possibilité de l’amender) : aucune limite d’âge n’ayant été retenue, le dernier combat de cet homme de 88 ans – être reconduit lors

des élections de 2013 – reste jouable. La reprise de l’aide est une bonne nouvelle pour un pays qui connaît un net ralentissement économique (ses prévisions de croissance pour 2012 viennent d’être révisées de 9,4 % à 5,6 %), ce qui a conduit le ministre des Finances, Tendai Biti (membre du MDC), à couper de 15 % dans les dépenses de l’État. D’après lui, les principales causes du déséquilibre budgétaire sont la quasi-absence de rentrées fiscales espérées après la reprise des exportations de diamants (une activité largement contrôlée par la Zanu-PF) et l’embauche de près de 5 000 militaires par le ministère de la Défense, contrôlé par un proche de Mugabe. Le président zimbabwéen semble décidé à conserver quelques atouts dans sa manche. ● PIERRE BOISSELET

Coulisses ð DOMINIQUE OUATTARA (à g.) et HILLARY CLINTON.

fin juillet, Dominique Ouattara a fait escale à Washington. Le 23 juillet, elle y a rencontré Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, ainsi que son adjoint aux Affaires africaines, Johnnie Carson. CÔTE D’IVOIRE ESCALE AMÉRICAINE

L’ONU et l’Union africaine ont donné jusqu’au 2 août

TRAQUE DE KONY FAUCHÉS C’est en mars que devait être opérationnelle la force régionale chargée de traquer Joseph Kony, le chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Près de 5 000 hommes auraient dû être déployés, mais le 25 juillet l’Union africaine a annoncé que les promesses financières ne s’étaient pas concrétisées et qu’elle n’en avait donc pas les moyens.

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Avant de rejoindre son époux, le chef de l’État ivoirien, en visite à Paris

SOUDAN DU SUD ET ON N’EN PARLE PLUS

aux deux Soudans pour régler leurs différends. Le 23 juillet, Djouba a donc proposé à Khartoum 3,2 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros) en contrepartie du manque à gagner généré par la sécession, le Sud ayant hérité de l’essentiel des ressources pétrolières. Djouba a aussi proposé d’oublier les 4,9 milliards de dollars que lui devrait le Nord. Khartoum conteste le chiffre et s’est montré assez peu… réceptif.

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JEUNE AFRIQUE


ISSOUF SANOGO/AFP IMAGEFORUM

MALI

G

ao n’est plus très loin. Le drapeau noir des salafistes flotte sur le barrage dressé au bord de la route. Le jeune qui nous arrête, mon chauffeur et moi, n’a pas plus de 14 ans. Il s’énerve en entendant la musique que crachote le vieil autoradio de notre véhicule. « C’est quoi, ça ? hurle-t-il en arabe. – Bob Marley. – Nous sommes en terre d’Islam et vous écoutez Bob Marley?! Nous sommes des djihadistes, nous ! Descendezdelavoiture,nousallons régler ça avec la charia. » Un chapelet dans une main, un kalachnikov dans l’autre, il me rappelle ces enfants-soldats croisés vingt ans plus tôt en Sierra Leone… Les enfants sont souvent plus féroces que les adultes. Nous nous empressons de l’assurer de

JEUNE AFRIQUE

Gao,

KO debout

En mars, les Touaregs s’installaient dans la ville d’en être chassés, trois mois plus tard, par les islamistes. Depuis, rares sont les journalistes qui ont pu s’y rendre. Reportage dans une cité à moitié vidée de ses habitants, où les « barbus » font régner la loi. SERGE DANIEL, envoyé spécial

! PATROUILLE DE LA POLICE dans les rues de Gao, le 16 juillet.

ISLAMIQUE

notre fidélité à l’islam, avant d’être autorisés à reprendre la route. NOUVELLES RECRUES. Quelques kilomètres plus loin, à l’entrée de la ville, se dresse un nouveau barrage, tenu cette fois par un Algérien au teint clair – si clair que je le prends d’abord pour un Français. Il s’amuse de ma méprise. C’est une nouvelle recrue. Venus d’Algérie ou d’ailleurs, tous se retrouvent au commissariat de police, rebaptisé siège de la « police islamique » : Abdou est ivoirien ; Amadou, nigérien ; Abdoul, somalien ; El Hadj, sénégalais ; Omer, béninois ; Aly, guinéen; Babo, gambien… Il y a là toute l’internationale djihadiste! Lunettes noires sur le nez, le bas du visage mangé par une barbe abondante, un Nigérian explique qu’il est un membre de la secte islamiste Boko Haram, responsable de nombreux N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Afrique subsaharienne Mali attentats dans le nord de son pays. Il parle du Mali comme de la « terre promise », fustige l’Occident et les « mécréants », et jure qu’il est « prêt à mourir, si c’est la volonté de Dieu ». Tous se pressent devant un homme de haute taille, Alioune. Originaire de Gao, c’est lui qui dirige la police islamique. Je n’ose pas lui rappeler que nous nous étions rencontrés il y a une dizaine d’années, quand il était encore un simple commerçant. Un talkie-walkie à la main, il pose devant un véhicule qui appartenait autrefois à la police malienne et qu’il a récupéré quand la ville est tombée entre les mains des islamistes, à la fin du mois de mars. Alioune m’assure que l’on est les bienvenus « chez les musulmans » et explique qu’il tient à ce que la sécurité règne dans sa ville. OUSSAMA. Lestracesdeladernière

bataille qui a opposé, fin juin, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et les djihadistes sont encore visibles. Les combats ont eu lieu près d’un bras du fleuve Niger, non loin du quartier général des rebelles touaregs. Les bâtiments qu’ils occupaient ont été criblés de balles. On m’explique que c’est Mokhtar Belmokhtar, l’un des principaux émirs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui a dirigé l’assaut contre les Touaregs. Depuis plusieurs semaines, il a pris ses quartiers dans la cité des Askia. Il s’y est installé avec son fils, prénommé Oussama, en hommage au défunt leader d’Al-Qaïda.

La rue qui jouxte le commissariat accueille un marché bien achalandé : on y trouve, à des prix raisonnables, des turbans, des chaussures, des tapis, des légumes, des œufs… À quelques mètres de là stationne un gros camion, immatriculé en Algérie et duquel sont déchargés (et vendus sur place) des épices, des fruits et divers produits alimentaires tout droit venus d’Algérie. En revanche, il n’y a plus de banque. Celles qui existaient avant la guerre ont été dévalisées, et l’argent devient de plus en plus rare. Pour les gens restés ici, pas d’autre moyen que de se faire envoyer des espèces par des parents installés dans le sud du Mali. Le procédé est souvent artisanal: on peut déposer à Bamako, au siège d’une compagnie de transport qui fait la liaison avec le Nord, une somme d’argent en espèces qui sera reversée, moyennant une commission, à son destinataire. Dans la ville, difficile d’étancher masoifavecautrechosequedel’eau minérale. Tous les bars et les hôtels ont fermé. Même les Ghanéens, qui, au quartier 4, faisaient un tordboyaux connu sous le nom de « toukoutou » ont décampé. Finalement, moyennant2500FCFA(3,80euros), je parviens à mettre la main sur une canette de bière, importée clandestinement du Niger. Le soir, une relative fraîcheur enveloppe Gao. Avant la guerre, 70 000 personnes vivaient ici. Depuis, près de la moitié des habitants ont fui. Personne pourtant ne

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! AU VOLANT

DU VÉHICULE,

ALIOUNE, un ancien commerçant devenu le chef de la police islamique à Gao.

regrette vraiment les combattants du MNLA, si souvent accusés de vols et de viols. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, d’autres mouvements armés se sont rendus coupables des mêmes crimes, mais ce sont les Touaregs qui ont laissé les plus mauvais souvenirs. VOILÉE. Même l’entrée de l’hôpital

est gardée par des hommes armés. Devant moi, ils en interdisent l’entrée à une femme qui se présente non voilée et l’obligent à se couvrir la tête de son pagne. Ce matin-là, c’est l’heure de la pesée au service de pédiatrie. Le personnel soignant resté dans l’établissement est, pour l’essentiel, originaire de la région. Les enfants malnutris sont nombreux – 73 cas recensés en quelques

Aux armes les citoyens!

Des centaines de jeunes, Songhaïs pour la plupart, ont rejoint des milices qui veulent reconquérir le Nord.

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ous le soleil brûlant du mois de ramadan, ils piaffent et s’impatientent.Ilssontdescentainesà avoir rejoint les milices d’autodéfense qui disent vouloir partir à la reconquête du nord du pays. Songhaïs pour la plupart, ils sont pour beaucoup originaires des villes qui, en début N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

d’année, sont passées sous le contrôle des rebelles touaregs duMouvementnationalpourla libérationdel’Azawad(MNLA), avant de tomber sous le joug du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’Ansar Eddine. Dans le Nord, expliquent-ils, ils n’étaient plus chez eux, et

c’est parce qu’ils se sont sentis marginalisés, qu’ils ont parfois été chassés de leurs terres et qu’ils n’en peuvent plus de voir leurs proches « asservis » qu’ils ont rallié des unités militaires improvisées. Le chef des putschistes du 21 mars, Amadou Haya Sanogo,amisàleurdisposition

des camps d’entraînement et des instructeurs. Les tout nouveaux combattants s’exercent au maniement des armes sur la ligne de front, près de Mopti. Ils sont près de 1 500 à avoir rejoint le camp de Ganda-Izo (« les enfants du pays » en songhaï), qui s’est créé fin mars près de Sévaré, une localité JEUNE AFRIQUE


Gao, KO debout du Mujao. Ils font, expliquent-ils, des allers-retours entre Gao et les camps du Polisario, et ce sont des Sahraouis qui composent le noyau dur du Mujao. Abdoul Hakim et Walid Abu Sahraoui ont tous deux une trentaine d’années et ne ressemblent pas à des « fous de Dieu ». Ce dernier, pourtant, affirme être lié à l’enlèvement des Occidentaux, en octobre, et dit avoir fait partie de la délégation à laquelle une rançon de 15 millions d’euros aurait été versée en échange des otages. « En plus, ajoute-t-il fièrement, nous avons obtenu la libération d’un combattant du Mujao emprisonné en Mauritanie. » heures grâce notamment au personnel local de l’ONG Action contre la faim (ACF) demeuré sur place. Ce 17 juillet, tout Gao commente l’annonce de la libération de trois Occidentaux(deuxEspagnolsetune Italienne) enlevés il y a neuf mois dans un camp du Front Polisario à Rabouni, en territoire algérien. Le rapt avait été revendiqué par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une branche dissidente d’Aqmi. Deux de ses chefs sont désormais installés dans la ville : Abdoul Hakim et Walid Abu Sahraoui. Le premier, le visage à moitié dissimulé par une barbe noire, est l’émir de Gao. Il circule dans le véhicule du consul d’Algérie, enlevé avec plusieurs de ses collaborateurs en avril. Le second est le porte-parole

située non loin de Mopti. Début avril, un autre camp, celui de Ganda-Koy, s’est établi quelques kilomètres plus au sud. En mai, 600 autres miliciens ont rejoint les Forces de libération des régions Nord du Mali (FLN), pour lesquelles ils s’entraînent dans un ancien bâtiment administratif de Sévaré. Bamako n’est pas en reste, puisque 800 jeunes y sont formés, depuis juin, dans le cadre de l’opération BBH (Boun Ba Hawi, « la mort JEUNE AFRIQUE

POREUX. En théorie, le Mujao contrôle Gao, Aqmi règne sur Tombouctou et Kidal est entre les mains d’Ansar Eddine. Mais, sur le terrain, les groupes islamistes sont très poreux et les combattants circulent facilement de l’un à l’autre. Un notable de la ville raconte qu’il a assisté à une réunion à laquelle participaient des représentants de

Ici, personne ne regrette les rebelles du MNLA, si souvent accusés de vols et de viols. groupes armés et un Belmokhtar « calme et modeste ». « Il a bien dit qu’il n’était pas là pour nous imposer quoi que ce soit, mais pour composer. » À Gao, les écoles sont fermées. Il n’y a plus de représentants de

vaux mieux que la honte » en songhaï). CONTRE NATURE. Le 21 juillet, tous ces mouvements se sont regroupés au sein de la Coordinationdesforcespatriotiques de résistance. Partagentils vraiment le même objectif? Ce n’est pas certain. Plusieurs miliciens ne font pas mystère de leur sympathie pour les islamistes, qui, dès le départ, ont dit ne pas vouloir toucher à l’intégrité territoriale

l’administration officielle et c’est la police islamique qui délivre les laissez-passer (rédigés en arabe) nécessaires pour circuler dans la région. La charia, en revanche, n’est pas appliquée de manière aussi stricte qu’à Tombouctou. « Les islamistes savent qu’il ne faut pas nous pousser à bout, commente Douglas, un jeune du quartier 3. Ils en tiennent compte. » Comme beaucoup, il dit admirer ces hommes qui se sont pour l’instant montrés respectueux de la ville et de ses habitants. N’ontils pas, argumente mon interlocuteur, financé le nettoyage des caniveaux de la ville, alors que cela n’avait pas été fait depuis quinze ans ? Ici, chaque quartier attend son tour pour être alimenté en eau et en électricité, et, encore une fois, ce sont les islamistes qui fournissent le gazole qui fait tourner les groupes électrogènes, tout comme ce sont eux qui assurent la sécurité des transports au départ et à destination de Gao. Une seule station d’essence est encore ouverte, et, après quelques hésitations, le pompiste avoue que le carburant vient d’Algérie. Plus loin, sur un terrain de foot improvisé,desgaminscourentaprès un ballon. Les joueurs de la première équipe se sont surnommés « les envahisseurs ». Les seconds se font appeler « les défenseurs de la République ». Deux buts à zéro en faveur des « envahisseurs »… Le match est terminé. ●

du Mali. Ibrahim Dicko, le chef de la milice Ganda-Izo, explique ainsi que ce qu’il « ne pouvai[t] plus supporter, c’est l’occupation [des] villes ». « Notre problème, ajoute-til, c’était le MNLA qui voulait créer un État dans lequel on ne se reconnaissait pas. Les islamistes, en revanche, ce sont des musulmans, comme nous. » Des musulmans qui, pour ne rien gâcher, leur ont promis des armes. Ibrahim Dicko n’a pas oublié non plus

que son prédécesseur à la tête de la milice, Amadou Diallo, a été tué fin mars à Ansongo dans des affrontements avec les Touaregs. Chez les Songhaïs, on préfèreminimiserl’importancede ces « alliances contre nature ». Mais, depuis le 13 juillet, ce sont bien des éléments de Ganda-Izo qui ont pris, avec l’aide des islamistes, le contrôle de la ville de Douentza, à 170 km au nord-est de Mopti. ● BABA AHMED, à Bamako N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Maghreb & Moyen-Orient

Où est passé

TUNISIE

le magot

La restitution des avoirs illicites du clan de l’ex-raïs, notamment à l’étranger, continue de se heurter à des problèmes d’identification, de localisation et de procédure judiciaire. À ce jour, les autorités estiment n’en avoir récupéré qu’une infime partie. ABDELAZIZ BARROUHI,

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à Tunis

eux avions – un Falcon 900 et un Challenger appartenant respectivement à Sakhr el-Materi et à Marouane Mabrouk, deux gendres de l’ex-raïs – d’une valeur estimée à 30 millions de dollars (environ 25 millions d’euros) et une résidence au Canada, propriété de Materi. C’est tout ce que la Tunisie a pour l’instant récupéré des biens illicites de l’exprésident Zine el-Abidine Ben Ali et des familles qui lui sont proches. D’autres avoirs devraient bientôt être recouvrés, notamment les 60 millions de francs suisses (50 millions d’euros) placés par l’entourageduchefdel’Étatdéchudansdesbanques helvétiques et gelés depuis janvier 2011. Sur ces 60 millions, 11 millions se trouvent sur un compte bancaire genevois ouvert par Belhassen Trabelsi, frère de l’ex-première dame, et près de 30 millions au nom de deux sociétés offshore associées liées à Ben Ali, à son épouse Leïla et au frère de celle-ci : ZenadeFinanceLimited(ZFL)etZenadeRessources Limited (ZRL). On a également retrouvé 28 millions de dollars sur un compte ouvert par Leïla Trabelsi dans une banque libanaise et un yacht au nom d’une société de Belhassen Trabelsi en Espagne. Au total, cela fait un peu plus d’une centaine de millions de dollars, soit des broutilles quand on sait que les richesses frauduleuses accumulées par Ben Ali et son premier cercle pendant une vingtaine d’années se chiffrent à plusieurs milliards de dollars. Le classement Forbes 2008 des plus grandes fortunes mondiales estimait celle de Ben Ali à 5 milliards de dollars. Des experts financiers vont jusqu’à parler de 10 milliards de dollars au total. Depuis 2011, plus de soixante commissions rogatoires internationales (principales ou complémentaires) ont été adressées à des pays européens, arabes, subsahariens (Congo et Ghana) et du N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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L’essentiel du pactole serait placé dans les pays du Golfe.

continent américain. Ces commissions rogatoires demandentl’établissementd’uneentraidejudiciaire pour l’identification, la saisie et la restitution des avoirs illicites tunisiens sur leur sol. Sans grand résultat pour le moment. « Tous les pays nous ont fait de belles promesses, déclare le juge Mohamed Laskri,membredelaCommissionnationalechargée de la récupération des avoirs, mais dans la pratique ils traînent des pieds… » Paradoxalement, c’est la Suisse, longtemps dénoncée pour sa protection du secret bancaire propice au blanchiment d’argent, qui s’est montrée la plus réactive en gelant, dès le 19 janvier 2011, tous les avoirs identifiés des proches de Ben Ali et en nouant une coopération judiciaire étroite avec la Tunisie. Pour Micheline Calmy-Rey, alors présidente de la confédération et chef du département des Affaires étrangères, « la magistrature tunisienne dispose d’un excellent savoir-faire et d’un professionnalisme reconnu que les années difficiles de la dictature n’ont pas réussi à détruire ». Berne a ainsi mis à la disposition de la Tunisie un expert en matière d’enquête judiciaire pénale. ZÈLE SUISSE. De leur côté, les juges tunisiens ont

communiqué à leurs homologues suisses une centaine de numéros de comptes suspects, notamment ceux de sociétés liées à l’entourage de Ben Ali. ● ● ●

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

CLÉMENT SABOURIN/AFP

de Ben Ali?

! La villa de SAKHR EL-MATERI et de son épouse, NESRINE BEN ALI, fille de l’ex-couple présidentiel, au Canada.

ABACAPRESS.COM

! ZINE EL-ABIDINE BEN ALI ET SON ÉPOUSE, LEÏLA TRABELSI, en Arabie saoudite, où ils sont réfugiés depuis leur fuite le 14 janvier 2011.

"! Le 19 février 2011, lors d’une perquisition dans le palais présidentiel de Sidi Dhrif, à Sidi Bou Saïd, dans la banlieue nord de Tunis, les enquêteurs ont découvert DES LIASSES DE BILLETS totalisant plus de 41 millions de dinars (près de 21 millions d’euros) et DES OBJETS DE TRÈS GRANDE VALEUR. JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient

FETHI BELAID/AFP

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Cela a contribué à accélérer la procédure. Les échanges de visites se sont multipliés au cours de ces derniers mois, comme le 7 juillet, lorsqu’une équipe de la police fédérale suisse s’est rendue à Tunis pour compléter sur place son enquête sur plusieurs proches de Ben Ali. La Tunisie, qui s’est portée partie civile devant la justice helvétique, devrait tirer profit d’une jurisprudence suisse récente qui permet, à certaines conditions précises, de « renverser le fardeau de la preuve » en ce qui concerne l’origine illicite des biens. C’est toutefois dans les pays du Golfe – Qatar, Émirats arabes unis et Arabie saoudite – que se trouve, selon les experts financiers tunisiens, le plus gros des avoirs du premier cercle de Ben Ali, placés dans les banques et dans l’immobilier. Belhassen Trabelsi, Leïla et Materi ont leurs entrées dans les établissements bancaires de ces trois pays. Belhassen dispose dans la région de fonds souverains, des sociétés financières écrans de premier ordre. Ce qui explique que les trois pays se comportent comme des paradis fiscaux pour l’entourage de Ben Ali, en fuite avec sa famille en Arabie saoudite. Jusqu’ici, ils ont ignoré les commissions rogatoires parvenues de Tunis. Avec le Liban, à qui la Tunisie a fourni le numéro de compte de Leïla dans une banque de Beyrouth, la procédure a été au départ assez rapide. Le 4 avril 2012, le gouverneur de la Banque centrale tunisienne d’alors, Mustapha Kamel Nabli, annonçait devant l’Assemblée nationale constituante (ANC) que le montant trouvé (28 millions de dollars) allait être restitué « cette semaine ». Il n’en fut rien, les Libanais ayant argué à la dernière minute d’un problème de procédure qui a ramené l’affaire devant la justice. Au Canada, la procédure pour l’extradition de Belhassen Trabelsi, en fuite et qui bénéficie d’un droit de résidence antérieur à la révolution, traîne en longueur. Il a cependant été possible pour la Tunisie de récupérer une villa appartenant à Sakhr el-Materi et à son épouse, Nesrine.

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N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

! L’ex-présidente de la Confédération suisse MICHELINE CALMY-REY, le 28 septembre 2011, à Tunis.

Avec la France, il n’y a eu que « très peu de coopération » sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dit-on à Tunis. Dans la semaine ayant suivi la fuite de l’ex-raïs, ce sont des ONG basées en France, l’association Sherpa, Transparence International France et la Commission arabe des droits humains qui ont porté l’affaire des avoirs tunisiens devant la justice. Un seul juge a été affecté au dossier des clans Ben Ali-Trabelsi et il ne dispose que d’un seul enquêteur, alors que les proches de l’ex-président ont de nombreuses ramifications en France. L’élection de François Hollande a-t-elle changé la donne? « Être à vos côtés, c’est aussi lutter contre la corruption, permettre aux Tunisiens de retrouver l’argent qui leur a été volé », a-t-il dit à Moncef Marzouki, qu’il a reçu à l’Élysée le 17 juillet. Cela, Sarkozy l’avait dit. Hollande, lui, a ajouté que Ben Ali « n’a pas mis ses économies dans les banques françaises avec son nom et sur un dépôt rémunéré », et les avoirs de son entourage ne représenteraient que « quelques millions d’euros ». Il a toutefois promis de mettre « toutes les compétences […] pour que [la France puisse] aider la Tunisie à retrouver ce dont elle a été privée ». C’était en réponse à Marzouki, qui soutenait devant lui : « Pour retrouver la trace de ces milliards de dollars, nous avons besoin de technicité, de banquiers, […] de détectives financiers, et cela, il n’y a que des pays développés comme la France qui sont capables de nous les donner. » TRAÇABILITÉ. La récupération des avoirs se heurte

Avoirs récupérés Deux jets privés : un Falcon et un Challenger

Une villa au Canada

Somme bientôt recouvrée 60 millions de francs suisses (50 millions d’euros)

en effet à des problèmes d’identification, de localisation, puis de procédure judiciaire. Juste après la révolution, les proches de Ben Ali ont eu tout le loisir, avec leurs hommes de main et leurs prête-noms qui les ont rejoints à l’étranger, d’effacer le maximum de traces, rendant plus difficile la reconstitution des filières. « Les pots-de-vin, les biens publics détournés et d’autres produits du crime sont dissimulés derrière des structures juridiques – sociétés écrans, fondations, trusts et autres », estime un rapport de l’initiative Stolen Asset Recovery (Star) de la Banque mondiale et de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). C’est pourquoi la Tunisie a adhéré, ce mois de juillet, à la convention OCDE portant sur la coopération administrative fiscale favorisant l’échange de renseignements. Elle peut ainsi disposer de preuves permettant de tracer dans les pays membres les biens volés par Ben Ali et les siens. L’autreobstacledetailleestlavolontédelaplupart des pays sollicités de traiter les requêtes selon leur droit interne malgré l’existence d’une convention internationaledeluttecontrelacorruptionentréeen vigueur en 2005 et réputée plus flexible en matière de recouvrement des avoirs illicites. Heureux d’être applaudis par le monde entier pour avoir déclenché le Printemps arabe, les Tunisiens souhaiteraient aussi que ces pays, surtout les plus démocratiques, leur facilitent la tâche pour récupérer l’argent volé. ● JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient de nouvelles politiques et de nouvelles équipes au pouvoir pour les appliquer. Or ce sont les mêmes personnes qui sont à la tête des institutions de l’État. Elles vont continuer d’œuvrer comme sous Hosni Moubarak, déplore Ashraf el-Chérif. Les Frères musulmans ne sont pas capables, ou n’ont pas envie, d’entrer dans une confrontation avec l’ancien régime. »

ÉGYPTE

Mohamed Morsi, retard à l’allumage Un mois après avoir prêté serment, le président élu n’a toujours pas de gouvernement et donne l’impression de faire du surplace.

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DROITS DE L’HOMME. Selon Heba

Morayef, de Human Rights Watch, le travail à accomplir en matière de droits de l’homme reste colossal. « Il faut protéger les droits des minorités religieuses et ceux des femmes. Nous avons des inquiétudes au sujet de la liberté d’expression. La torture se pratique toujours », martèle la jeune chercheuse, qui reconnaît au président deux accomplissements majeurs : la mise en place de deux commissions, l’une chargée d’étudier les cas de violences contre les manifestants, l’autre les dossiers des civils emprisonnés par Coptes, ouvriers, handicapés… Tous la justice militaire. Ainsi, font le siège du palais présidentiel 572 prisonniers politiques pour exprimer leurs doléances. devraient être libérés prochainement. Certains reprochent à Morsi ses au nouveau Premier ministre, Hicham voyages à l’étranger. Le chef de l’État Qandil, nommé le 24 juillet, il est inconnu du grand public. « C’est un choix qui a en effet déjà effectué une visite offipermet d’éviter la confrontation avec les cielle en Arabie saoudite. « Le président militaires et les autres forces politiques », doit être capable de gérer des dossiers estime Ashraf el-Chérif, professeur de nationaux et internationaux. Mais il n’est sciences politiques à l’Université amépas injustifié de remettre en question ricaine du Caire. D’après lui, Morsi ne l’utilité de ces déplacements quand rien pourra amorcer de réels changements n’est fait sur le plan interne », affirme tant que l’appareil étatique et sécuriMichael Hanna, expert du think-tank taire n’aura pas été réformé. « Il faut américain The Century Foundation. Mais pour le chercheur, la participation de Morsi au dernier sommet de l’Union africaine (UA) est une initiative louable : « La politique africaine de l’Égypte est une honte depuis les années 1990, alors que des affaires sensibles sont en jeu, comme le Soudan ou le partage des eaux du Nil. » Lorsque Mohamed Morsi a fait son entrée à l’ouverture du sommet des chefs d’État, toutes les caméras se sont braquées sur lui. Et pour cause : depuis la tentative d’assassinat à laquelle il avait échappé en 1995, à Addis-Abeba, son prédécesseur, Hosni Moubarak, ne s’était plus jamais rendu à aucun sommet africain. ● TONY GAMAL GABRIEL l’environnement et l’énergie. Il est par exemple prévu d’ouvrir de nouveaux commissariats et de distribuer des primes aux éboueurs méritants. Le programme accorde un rôle important aux ONG et met l’accent sur la sensibilisation des citoyens à travers des campagnes médiatiques ou le prêche du vendredi. En attendant, il manque l’essentiel au chef de l’État pour la mise en œuvre de ses ambitions : un gouvernement. Et les Égyptiens s’impatientent. Quant

EGYPTIAN PRESIDENCY/AFP

espromesses,MohamedMorsi en a fait 64 au total durant la campagne électorale, assurant qu’il pourrait les concrétiser en cent jours. Mais, un mois après sa prestation de serment, cela n’en prend guère le chemin. Sur morsimeter.com, un site internet qui surveille l’état d’avancement des objectifs que s’est fixés le président, les compteurs sont à zéro. « Nous avons rencontré un responsable de la présidence. Ils travaillent sur plusieurs dossiers. Les premières actions devraient être entreprises dans les prochains jours, explique Amr Sobhy, un des créateurs du site. Mais tant qu’il n’y aura pas de changements tangibles, les gens ressentiront de la frustration et de l’exaspération. » Une frustration qui se retrouve jusque dans le quartier huppé d’Héliopolis, au Caire, où se trouvent les bureaux du chef de l’État. Autrefois inaccessibles, les alentours du palais présidentiel sont régulièrement envahis par les manifestants. Coptes, ouvriers, handicapés, tous se pressent sous les fenêtres de Morsi pour exprimer leurs doléances. Les priorités du président sont la sécurité, le trafic routier, le pain subventionné,

JEUNE AFRIQUE

ð Avec le nouveau Premier ministre, HICHAM QANDIL (à g.), le 25 juillet, au Caire. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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PABLO MARTÍN ASUERO

! SITUÉ PRÈS DE LATTAQUIÉ, Qardaha est le village natal de la famille dirigeante syrienne.

SYRIE

Réduit alaouite: la stratégie du bunker?

L’éventualité d’un repli d’Assad et de ses partisans dans leur berceau relance l’hypothèse d’une reconstitution de l’entité créée par la France mandataire. Mais nombre d’observateurs sont sceptiques.

M

uraille érigée le long de la côte syrienne, les tables rocheuses du djebel Ansariyeh courent des monts du Liban à la frontière turque. Un massif parsemé d’antiques fortifications, qui tint lieu de refuge aux persécutés pendant des millénaires : la montagne des Alaouites (communauté dont sont issus la famille Assad et 10 % des Syriens). Sur ses contreforts ouest, le bourg de Qardaha, berceau des Assad, peut-il devenir le centre névralgique des débris de leur État ? L’hypothèse a pris corps dès juillet 2011, quand Fabrice Balanche, géographe et directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le MoyenOrient, est revenu dans les colonnes du quotidien français Libération sur l’éphémère État des Alaouites créé par la France mandataire entre 1920 et 1936. « Il pourrait être reconstitué dans un futur proche si le régime de Bachar al-Assad finissait par tomber après une sanglante guerre civile », écrivait-il. L’exemple du « Guide » libyen retranché dans sa Syrte natale d’août à octobre 2011 a renforcé l’idée que son homologue syrien pourrait adopter la même tactique de repli. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Enoctobre2011,BecharaRaï,patriarche des maronites (Église catholique d’Orient), a d’ailleurs soutenu que « l’État des Alaouites est prêt à être proclamé et [que] l’Occident le reconnaîtra sûrement ». Depuis, la rumeur n’a cessé d’enfler. On a évoqué des transferts massifs d’armes vers la zone, des faits de nettoyage confessionnel ont été rapportés, et on a affirmé que les alliés russes d’Assad, établis dans la basenavaledeTartous,àquelquesdizaines de kilomètres de Qardaha, seraient prêts à défendre l’ultime bastion. CLAN. Le 18 juillet, un attentat fauche

quatre des principaux responsables de la répression, dont Assef Chawkat, vice-ministre de la Défense et beau-frère d’Assad. Pour la première fois, les combats entre armée régulière et insurgés de l’Armée syrienne libre (ASL) atteignent le cœur de Damas. Dans la confusion qui suit, l’opposition annonce – à tort – que le président Assad a fui vers Lattaquié, ville côtière au pied des montagnes alaouites. Farfelue pour certains, envisageable pour d’autres, l’hypothèse d’un État alaouite fortifié autour du clan Assad est confortée par certains aspects du conflit syrien et repose sur des réalités

historiques, dont la mainmise de cette minorité sur l’État et l’économie. « Les chrétiens à Beyrouth, les Alaouites dans la tombe », scandait-on dans certains cortèges dès le début de la contestation. Pourtant, la plupart des spécialistes rappellent avec insistance que la révolution syrienne n’est pas une guerre confessionnelle. Fin février, l’opposition du Conseil nationalsyrien(CNS)déclaraitqu’ilvoulait « tendre la main [aux Alaouites, NDLR] pour construire un État de droit et de citoyenneté »: « Le régime ne réussira pas à nous pousser à nous entretuer. » Mais celui-ci a très vite cherché à donner une couleur confessionnelle à la crise, se présentant comme le rempart des minorités contre le fanatisme sunnite. Lequel, à la faveurduchaosentretenuparlarépression brutale, a fini par gangrener la lutte contre Assad. En février, depuis son exil saoudien, le religieux Adnan Arour a lancé à propos des Alaouites : « Nous les passerons au hachoir et donnerons leur chair à manger aux chiens. » Des propos qui rappellent ceux de l’une des sources d’inspiration du salafisme, Ibn Taymiyya, théologien sunniteduXIVe siècle.Cedernierdéclarait: « Les Alaouites sont les pires ennemis des musulmans et le djihad contre eux est un grand acte de piété. »

Zones de peuplement alaouite Majoritaire Non majoritaire Village d’origine de la famille Assad État alaouite sous le mandat français

TURQUIE Mer Méditerranée

Alep

Antakya Idlib

SYRIE Lattaquié QARDAHA Hama Tartous Homs Tripoli LIBAN

30 km JEUNE AFRIQUE


Secte dissidente du chiisme, l’alaouitisme est tenu pour une grande hérésie. Né d’un syncrétisme entre spiritualités préislamiques et principes musulmans, il a pour dogme la réincarnation et attache peu d’importance aux piliers de l’islam. Persécutés par les pouvoirs sunnites, ses adeptes ont trouvé refuge dans les montagnes du Nord-Ouest syrien. Après la Première Guerre mondiale, le projet français de partager la région en États confessionnelsaéchoué,saufauLiban.Par la suite, les Alaouites ont été recrutés dans

Un tel État ne sera jamais reconnu et ne peut être viable, estime l’expert américain Joshua Landis.

Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

DIPLOMATIE KHALED MECHAAL SUPERSTAR

au Maroc, où il a reçu un accueil de rock star, le 14 juillet, avant de s’entretenir avec des leaders de tout le spectre politique (Istiqlal, PPS, PAM, RNI). Mechaal s’est ensuite envolé le 17 pour Le Caire, où le président Mohamed Morsi lui a accordé un entretien de deux heures le 19, contre une heure pour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, la veille. Le 24 au soir, Mechaal était à la table d’iftâr (rupture du jeûne) du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. ●

On le disait sur le départ, Khaled Mechaal est encore à l’affiche. Le chef du bureau politique du Hamas a mené une tournée diplomatique inédite dans la région. Entretien avec le roi Abdallah II de Jordanie, fin juin. Invité vedette, coup sur coup, des congrès des deux principaux partis islamistes maghrébins, celui d’Ennahdha àTunis (11-12 juillet), puis celui du Parti de la justice et du développement (PJD)

CURÉE. Laïque, il a obtenu de Khomeiny qu’il confirme l’appartenance de la communauté au chiisme. Pour s’assurer la loyauté des sunnites, il a confié des fonctions stratégiques à certains d’entre eux, tout en réservant les postes clés de l’État à des Alaouites. Une géopolitique interne fragile, comme l’a montré la récente défection du général sunnite Manaf Tlass, ami d’enfance de Bachar. Pour Joshua Landis, spécialiste américain du Moyen-Orient, la dispersion de la communauté sur le territoire et son intégration à la société sont les premiers éléments qui rendent impossible la constitution d’un État alaouite. Il considère aussi qu’un tel État ne sera jamais reconnu et ne peut être viable. Ce que confirme le diplomate français arabisant Yves Aubin de La Messuzière, pour qui l’hypothèse d’un tel État « relève de fantasmes anciens ressuscités par les médias et les analystes occidentaux ». À l’heure où les insurgés syriens concentrent leur offensive sur Damas et Alep, l’hypothèse d’un « Alaouiteland » reste pure conjecture. Les rumeurs répétées de la fuite d’Assad dans son fief servent une opposition pressée de sonner la curée. « La nation trouve sa force dans sa diversité ethnique, religieuse et culturelle. Sa scission serait inacceptable », assurait Assad aux médias turcs début juillet. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE

NICOLAS FAUQUÉ/ABACAPRESS.COM

l’administration et dans les forces armées, où ils ont gagné en puissance jusqu’à la prise du pouvoir par le plus éminent d’entre eux, Hafez al-Assad, en 1970.

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! LE CHEF DU BUREAU POLITIQUE DU HAMAS lors de l’ouverture du 9e congrès du parti Ennahdha, le 12 juillet, à Tunis.

ÉGYPTE VRAIS-FAUX ÉQUIPEMENTS C’est une nageuse de natation synchronisée de la délégation égyptienne qui a donné l’alerte: les équipements des athlètes qui défendront les couleurs du pays aux JO de Londres sont des contrefaçons. À titre d’exemple, les sacs portent un logo Nike, mais les fermetures éclair sont de la marque Adidas. Une information confirmée par le président du Comité olympique égyptien, Mahmoud Ahmed Ali,

qui a expliqué qu’« on ne pouvait jamais faire la différence entre l’original et la copie ». TUNISIE CUVÉE DE RAMADAN La Société de fabrication de boissons deTunisie (SFBT), qui a vu ses ventes de bière bondir de 20 % depuis la révolution et ses stocks s’épuiser, va pour la première fois de son existence continuer de produire de la bière pendant le ramadan. « Nous ne sommes plus capables de satisfaire la demande enTunisie », a reconnu Hamadi

Bousbii, le PDG de la société. IRAN POULET FROID Pour protester contre la flambée du prix des volailles, lequel a plus que doublé en deux mois, des centaines d’Iraniens sont descendus manifester dans les rues de Nishapur (Nord-Est) le 23 juillet. Soucieuses d’éviter que la situation ne dégénère et que ce mini« mouvement social » ne se propage au reste du pays, les autorités ont décidé de subventionner les poulets surgelés. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Maghreb Moyen-Orient

PALESTINE

serré

Professionnalisation du championnat, multiplication des rencontres internationales… Malgré les restrictions drastiques imposées par Israël et le manque d’infrastructures, le football poursuit tant bien que mal sa progression en Cisjordanie. ALEXIS BILLEBAULT,

envoyé spécial en Palestine

S

amir al-Abid a refait ses comptes. Comme tous les mois ou presque, le président d’Al-Bireh Institute, un club situé dans la périphérie de Ramallah, devra pousser les portes de sa banque pour emprunter de quoi payer intégralement les salaires de ses joueurs – dont certains ont un emploi pour améliorer le quotidien –, qui vont de 500 à 2 500 dollars (environ 400 à 2 000 euros) mensuels. « Je me porte caution personnellement. En d’autres termes, je m’endette », sourit le dirigeant. Mais, avec le temps, Abid s’est habitué à ce type de situation en se disant que ce n’était pas forcément de l’argent dilapidé. En Cisjordanie, le football est professionnel depuis 2010, et cette quasi-révolution mérite bien à ses yeux quelques sacrifices : « Nous savons très bien que cela va prendre du temps, que c’est compliqué, mais, au moins, on se dit que c’est profitable pour notre sport favori ; qu’il avance. » La Palestine a pris son destin en main il y a un peu plus de deux ans, alors que son football, faute de moyens, vivotait dans un vague semi-professionnalisme. « Quand je suis arrivé à la Fifa [Fédération N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

internationale de football, NDLR], en 1998, je suis allé en Palestine, qui venait d’être affiliée à la Fédération, explique le Français Jérôme Champagne, conseiller auprès de l’Autorité palestinienne pour le développement du sport depuis 2010. Pendant près de dix ans, la Fifa, sous l’impulsion de Sepp Blatter [son inamovible président], qui a toujours soutenu le principe qu’on peut jouer au football partout dans le monde, a contribué à une modernisation des statuts de

! JIBRIL RAJOUB (à dr.), le « Monsieur Football » palestinien, avec SEPP BLATTER, patron de la Fifa.

la Fédération palestinienne, les projets Goal ont permis d’améliorer les structures administratives, et des stades avec des pelouses synthétiques ont été bâtis, parfois avec l’aide de la communauté internationale. Tout cela malgré l’Intifada et les restrictions imposées par Israël. »

BERNAT ARMANGUE/AP/SIPA

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TRIO GAGNANT. La Fifa, avec le tandem Blatter-Champagne, a trouvé en Jibril Rajoub, 59 ans, le relais indispensable à la mutation en profondeur du football palestinien. Membre historique du Fatah, habituédesprisonsdel’Étathébreu, qu’il a fréquentées pendant dix-huit ans, cet ancien chef de la sécurité de Yasser Arafat est l’un des hommes les plus influents de Cisjordanie. Devenu président de la Fédération palestinienne en 2008, Rajoub promènesonautoriténaturelleavec aisance. Champagne le dépeint comme celui « sans qui rien n’aurait JEUNE AFRIQUE


LEVINE/SIPA

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été possible ». L’intéressé, avec sa voix traînante et éraillée, toujours pressé à cause d’un agenda surchargé, juge plutôt positives les premières années de son mandat: « On progresse d’année en année. Cela étant, dans leurs mentalités, les joueurs et les entraîneurs doivent apprendre à être encore plus pros, admet celui qui est également président du Comité olympique palestinien. Il faut aussi que la culture de l’investissement financier se

développe, ce qui passe par une amélioration du marketing et de la communication. » Dans son programme à court terme, Rajoub a également fait de la formation des jeunes joueurs et des entraîneurs « une priorité », et, chaque jour qui passe, la perspective de construire de nouveaux stades se fait un peu plus concrète. Avec sa West Bank Premier League à dix équipes en 20112012 – appelée à en compter deux

! STADE D’AL-RAM, près de Ramallah, avant un PalestineAfghanistan comptant pour les qualifications au Mondial 2014, le 3 juillet 2011.

de plus la saison prochaine –, ses compétitions qui vont jusqu’à leur terme, le million de dollars versé annuellement par l’opérateur téléphonique Jawwal et des clubs aux moyens inégaux, la Palestine donnerait presque l’impression d’avoir réglé ses pas sur ceux de la normalité. Le football subit pourtant les conséquences de l’occupation israélienne, plus ou moins étouffante. « L’économie ● ● ●

GAZA HORS JEU LA CISJORDANIE a depuis deux ans son championnat professionnel. À Gaza, cette bande de terre de 41 km² soumise à l’impitoyable blocus israélien et à la dictature du Hamas, le football n’est plus vraiment une priorité. « Il n’y a pas de JEUNE AFRIQUE

championnat structuré, en ce sens qu’il n’est pas professionnel, les joueurs ont un travail ou sont étudiants », résume Ismail Matar, membre de la Fédération palestinienne résidant à Gaza City. Les budgets des clubs sont dérisoires, et le Hamas, qui

voit d’un très mauvais œil toute forme de distraction, n’encourage pas franchement la pratique du football. « Pour les joueurs gazaouis convoqués en sélection, se rendre en Cisjordanie est trop compliqué. Les Israéliens n’accordent que très

rarement l’autorisation de passer, reprend Matar. Les entraîneurs de Gaza ne peuvent pas suivre des formations dispensées par la Fédération ou la Confédération asiatique. » Résultat, depuis 2000, aucune équipe gazaouie ne A.B. s’est déplacée. ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Maghreb Moyen-Orient à la suite des accords d’Oslo est utilisé, explique le Français. Seuls les matchs de la sélection nationale sont diffusés, et les gens ne voient que quelques images des matchs de championnat. Une chaîne sportive permettrait de retransmettre plus Une politique de communication de matchs, et une poliet de marketing efficace favoriserait tique de communication l’arrivée de nouveaux sponsors. et de marketing efficace favoriserait l’arrivée de deux ans sont réels. Il ne faut pas nouveaux sponsors. » Et, donc, oublier que nous avons basculé de de nouvelles ressources. l’amateurisme au professionnalisme il y a seulement deux saisons. « JOUER POUR GAGNER ». Un Évidemment, il reste du chemin à peu partout en Cisjordanie, tout le monde insiste sur l’engagement parcourir… Notre championnat de Jibril Rajoub. Mais le puissant manque encore de visibilité. » patron du football palestinien Un dossier dont Jibril Rajoub ! LA SÉLECTION ne peut pas tout, et surtout pas s’est emparé, sur les conseils de NATIONALE FÉMININE (ici en contrôler le travail effectué dans Jérôme Champagne. « La création rouge, face à les clubs professionnels. « Il n’est d’une chaîne sportive est à l’étude. la Jordanie en À ce jour, un seul des cinq canaux généralement pas suffisant, regrette 2009) n’est Jamal Mahmoud, le sélectionneur hertziens accordés à la Palestine pas en reste. jordano-palestinien de l’équipe nationale. Il faut que les joueurs travaillent plus tactiquement et physiquement dans leurs clubs. » Son adjoint, le Tunisien Makram Dabboub, pousse un peu plus loin l’analyse, sans réellement forcer le trait : « En théorie, les clubs devraient préparer les joueurs pour la sélection. En fait, c’est souvent le contraire. » Mais pour Jérôme Champagne, l’explication tient plus d’un problème structurel que d’une éventuelle mauvaise volonté. « Vu le petit nombre de stades, les clubs doivent se partager les terrains. Il n’est pas rare, d’ailleurs, que deux équipes s’entraînent en même temps. Les conséquences sont nombreuses : physiquement, les joueurs n’ont pas FOOTBALLEUSES DE CHOC quatre-vingt-dix minutes dans les JIBRIL RAJOUB, le président de la Fédération palestinienne, n’a pas limité son jambes, ils ne tirent pas de loin et projet de développement du football à la seule gent masculine. « Dans notre il y a des carences tactiques. D’où société, ce n’est pas évident de faire admettre que des filles puissent jouer au la nécessité de construire de noufootball. Il y a peu de bases, mais les progrès sont là », explique Hani veaux stades. » Almajdoubah, le sélectionneur de l’équipe nationale féminine. Six équipes En réponse à ce quotidien parparticipent à un championnat, qui n’est pas professionnel, et onze autres à un fois tourmenté, le football palestinien parvient à exister sur la scène championnat de futsal (football en salle). « Ce n’est pas simple de trouver des joueuses, car beaucoup de filles doivent faire face au refus des familles, qui internationale. Le Markaz Shabab Al-Amari, champion en 2011 (Hilal préfèrent qu’elles se consacrent à leurs études. » La sélection nationale, qui a Al-Qods vient de remporter le titre disputé les qualifications pour la Coupe du monde 2011 et les Jeux olympiques 2012), s’est qualifié pour le tour de 2012, affronte régulièrement des équipes arabes en matchs amicaux ou lors final de la President Cup, une comde compétitions régionales. Le Qatar et le Koweït, battus respectivement 18-0 et A.B. pétition organisée pour les clubs 17-0 en 2010, en gardent un souvenir cuisant… ●

palestinienne, qui souffre aussi de la crise mondiale, est dépendante d’Israël, explique Mouawiah Qawasmi, le président du Shabab Al-Khaleel (Hébron), l’un des clubs les plus aisés du pays. Je table sur un budget annuel de 500 000 dollars : 100 000 proviennent de la Fédération, 100 000 des sponsors, 40 000 de la billetterie, et le reste d’abonnements, de dons ou de la location de bâtiments appartenant au club. Le problème, c’est que l’argent ne rentre pas toujours régulièrement, à cause surtout des lenteurs administratives. J’arrive huit fois sur dix à payer les salaires des joueurs [rémunérés entre 500 et 6 000 dollars par mois] dans les temps. » Qawasmi ne sous-estime par les difficultés économiques et les conséquences de l’occupation de la Cisjordanie sur les déplacements des joueurs et des supporteurs, régulièrement bloqués ou ●●●

retardés à des check-points, où l’attente peut se révéler interminable. Il tient cependant à souligner que l’évolution est plus rapide que prévu: « Les mentalités ont changé, et les progrès accomplis depuis

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ABBAS MOMANI/AFP

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des pays émergents du continent asiatique. La sélection nationale, inévitable vitrine du sport le plus populaire du pays, a tourné le dos aux défaites récurrentes qui jalonnaient sa ligne statistique il y a encore quelques années. « Avant, l’essentiel était de participer. Aujourd’hui, on veut gagner », lance Fahed Attal, l’attaquant des Chevaliers et du Shabab Al-Khaleel. « Désormais, nous pouvons jouer nos matchs à domicile, “chez nous” [en qualificationspourlaCoupedumonde2014, la Palestine a reçu la Thaïlande puis l’Afghanistan dans son stade d’AlRam, inauguré en 2008] ; avant, on devait recevoir sur terrain neutre, au Qatar ou en Jordanie. » En mai, la Palestine a même organisé – et remporté – le tournoi international Al-Nakba, un rendez-vous que Jibril Rajoub souhaite pérenniser. L’équipe de Palestine, qui, depuis 2000, participe régulièrement aux qualifications pour la Coupe du monde ou la Coupe d’Asie, tente de multiplier les contacts avec l’étranger, malgré les restrictions imposées par les Israéliens. « On doit jouer le plus de matchs possible, mais, quand on est sélectionneur d’une équipe comme celle de la Palestine, rien n’est simple. Je sais en effet que certains joueurs n’auront pas l’autorisation de sortir du territoire », JEUNE AFRIQUE

! Le 9 mars 2011, les Chevaliers disputent leur

argumente Jamal Mahmoud, qui ne voit guère les choses s’améliorer, malgré les demandes conjointes de la Fifa et du Comité international olympique (CIO) auprès du gouvernement israélien pour faciliter les déplacements des athlètes palestiniens. D’autres, comme le Gazaoui Mohamed Shbair, l’un des gardiens des Chevaliers, ont dû patienter plusieurssemainesavantdepouvoir rentrer en Palestine. « Trois mois ! J’ai passé trois mois dans un hôtel en Jordanie au retour d’un match au

car je sais que certains ne pourront pas quitter le pays. En gros, je ne sais qu’au dernier moment avec qui PREMIER MATCH je vais pouvoir travailler. C’est aussi OFFICIEL SUR LE SOL NATIONAL, pour cela que je cherche à l’étranger face à la des joueurs qui ont des origines Thaïlande. palestiniennes et qui pourraient évoluer pour la sélection. Au moins, quand nous jouons à l’étranger, ils peuvent nous rejoindre sans avoir de problèmes à la frontière. » Un exercice imposé qui a permis à des joueurs comme Kettlun ou Bishara, nés au Chili, où réside une importante diaspora (l’un des principaux clubs Malgré les demandes conjointes de la chiliens, le Palestino, a Fifa et du CIO, Israël refuse de faciliter été fondé en 1920 par des la circulation des athlètes palestiniens. immigrés palestiniens), ou comme Jarun (Arka Soudan, en juin 2010, parce que je Gdynia, Pologne), né au Koweït, de suis né à Gaza et que les Israéliens jouer pour le pays de leurs ancêtres. avaient décidé de me bloquer. Cela Si la majorité des internationaux fait quatre ans que je n’ai pas revu évolue sur le territoire national, certains se sont expatriés dans des pays ma famille, qui vit toujours là-bas. de la région, tels Saleh ou Samara À chaque fois que j’effectue une (Égypte), Zatara (Iran), Badahri demande, elle est rejetée. » (Arabie saoudite). « J’encourage les joueurs à s’expatrier, intervient INCERTITUDE. Jamal Mahmoud, comme tous ceux qui l’ont précédé Fahed Attal, qui a joué plusieurs à ce poste, lequel suppose un quoannées en Jordanie avant de revenir tidien bien différent de celui de tout en Palestine. Ce sera profitable à la sélection. Car notre objectif c’est autre sélectionneur d’équipe nationale, s’est rapidement familiarisé de participer un jour à la Coupe avec les usages imposés par la situad’Asie des nations. » Et la Coupe tion. « Quand je dresse une liste de du monde ? Il est peut-être un peu joueurs, je couche quarante noms, trop tôt… ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Europe, Amériques, Asie

ITALIE

Oh non, pas lui!

Il a mené son pays au bord du gouffre. Pourtant, Silvio Berlusconi conduira sans doute la liste de son parti lors des législatives de l’an prochain. Pour sauver son empire audiovisuel et éviter une condamnation pénale.

impunité pénale. Les innombrables procès engagés contre lui depuis vingt ans pour des motifs variés (corruption, fraude fiscale, abus de confiance, hassé par la porte il y a huit mois, abus de biens sociaux, faux en bilan, financement Silvio Berlusconi va-t-il tenter de illicite de parti politique, etc.) ont tous abouti à un revenir par la fenêtre au palazzo Chigi, siège de la présidence du non-lieu pour insuffisance de preuves, à une relaxe en appel ou à une prescription du délit. Quand Conseil ? Tout indique qu’il s’y les magistrats lui adressaient une convocation, il prépare. Éternel histrion de la politique italienne, champion incontesté des gaffes refusait d’y déférer, arguant d’un « empêchement diplomatiques, des blagues ineptes et des amours légitime ». Et quand la loi en vigueur ne lui assurait pas d’échapper à une condamnation, il demandait ancillaires, Sua Emittenza – jeu de mot intraduisible forgé à partir de Sua Eminenza (« Son Éminence ») à ses ministres de la changer. Simple, non ? Son éloignement du palais Chigi pourrait donc et de emettere (« émettre ») – a porté la confusion lui jouer un sale tour dans la délientre son business audiovisuel et les affaires de l’État à un niveau jamais vu cate affaire Karima el-Mahroug, alias Depuis en aucun temps ni aucun lieu. Et c’est, « Ruby », cette jeune Sicilienne origile 1er janvier, selon toute apparence, la principale naire du Maroc qu’il est accusé d’avoir l’action raison qui l’incite aujourd’hui, après incitée à la prostitution à l’époque pas avoir juré plusieurs fois le contraire, si lointaine où elle était mineure. Il lui Mediaset auraitenoutrepermisd’échapperaux à envisager un hypothétique ritorno a perdu 45 % investigations de la police après un lors des législatives d’avril 2013 – il de sa valeur menu larcin en la présentant comme aura 76 ans en septembre prochain. Depuis son infamante éviction sous boursière. « la nièce de Moubarak » – oui, oui, la pression conjointe de l’Union eurol’ancien président égyptien –, ce qui péenne et des marchés financiers, exaspérés par constituerait un abus de pouvoir caractérisé. son incapacité à faire face à la crise de la dette souveraine italienne (2 000 milliards d’euros) et SPECTACLES « COMIQUES ». Berlusconi nie à engager une quelconque réforme, ses propres effrontément. Les soirées « bunga bunga » qu’il est affaires périclitent. Mediaset, le groupe télévisuel soupçonné d’avoir organisées dans sa propriété contrôlé par Fininvest, le holding familial, voit ses d’Arcore, près de Milan ? Il ne conteste pas la préannonceurs publicitaires, qu’aucune crainte de sence en ces lieux de jeunes femmes peu vêtues, représailles des pouvoirs publics ne retient plus, certaines déguisées en infirmières, d’autres en prendre un à un la tangente. Du coup, le cours de accortes footballeuses (elles ne portaient sur elles l’action Mediaset à la Bourse de Milan a perdu 45 % qu’un masque de Ronaldinho, l’ex-star du Milan de sa valeur depuis le 1er janvier. AC, le club berlusconien). Mais il soutient avec Par ailleurs, sa présence à la tête du gouverneaplomb qu’elles s’exerçaient en vue de « specment a toujours assuré à Berlusconi une inoxydable tacles comiques », dans une ambiance « sereine, JEAN-MICHEL AUBRIET

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FILIPPO MONTEFORTE/AFP

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie sympathique et entraînante ». Tout cela pourrait très mal finir. D’autant que Sua Emittenza n’ignore rien des derniers sondages. Il sait que si, en avril 2013, la liste du Peuple de la liberté (PDL), la formation qu’il a crééeenmars2009,estconduiteparAngelinoAlfano (41 ans), son nouveau chef (et ancien ministre de la Justice), le flop est assuré: autour de 12 % des voix. Et que la seule façon de limiter la casse (28 %) est que lui-même en prenne la tête. Alors, il se prépare à son ultime (?) combat, trottine sur les pentes du mont Janicule, à Rome (il aurait déjà perdu 4 kg), participe à un forum économique à Milan, renonce à ses traditionnelles vacances dans la somptueuse villa sarde où il a coutume de recevoir Vladimir Poutine, Tony Blair et des cohortes de peu farouches naïades, et s’enferme à Arcore avec son staff pour peaufiner sa stratégie. « Tout ce que je peux dire, confie-t-il à Bild, le quotidien allemand à grand tirage, c’est que je n’abandonnerai pas mon parti. » Celui-ci pourrait ainsi changer d’équipe dirigeante, de logo et même de nom. DÉMAGOGUES. Mais il ne suffira certes pas à

Berlusconi de participer au scrutin pour être assuré de l’emporter. Depuis son départ, Mario Monti (69 ans), son successeur désigné par le président Giorgio Napolitano, est parvenu, à la tête d’une équipe de technocrates, à restaurer, au moins en partie, la crédibilité internationale de l’Italie. Ancien commissaire européen et conseiller chez Goldman Sachs, Monti rassure et séduit Bruxelles et les marchés. Mais la politique de rigueur qu’il est contraint de mettre Berlusconi a déjà en œuvre suscite des résisoccupé à trois tances dans l’opinion et des reprises dissensions dans la majorité la présidence du Conseil : parlementaire qui le soutient. 1. De mai 1994 Elle fait aussi le lit des démaà janvier 1995 gogues, fussent-ils sympa2. De juin 2001 thiques. Cinque Stelle (« Cinq à mai 2006 Étoiles »), le parti lancé par 3. De mai 2008 l’humoriste Beppe Grillo, le à novembre 2011 « Coluche italien », s’est ainsi Soit, au total, neuf taillé un succès aussi spectalongues, très culaire qu’inattendu lors des longues années. élections locales du mois de mai. Berlusconi parviendrat-il à mordre dans cet électorat par nature volatile? Ce sera sans doute l’une des clés de la consultation. Monti a quant à lui fait savoir qu’il ne serait pas candidat à sa succession. On lui prête l’intention de briguer la présidence de la République, à laquelle Napolitano renoncera l’an prochain. Qu’un parti réussisse à s’imposer comme son héritier et le sort de Berlusconi serait sans doute scellé. Dans le cas contraire, tout deviendrait possible. Même le pire. ●

Jamais trois sans quatre ?

! AU COURS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE à Rome, le 25 mai, Il Cavaliere plaide pour une présidentialisation des institutions. JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie souscrits par l’État espagnol : 7,6 % le 25 juillet, ce n’était pas très loin des 8 % fatidiques qui contraignirent la Grèce, l’Irlande et le Portugal à demander un sauvetage en bonne et due forme à la « troïka » (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Ce taux a toutefois repassé la barre des 7 % le 26 juillet. Avec de tels taux d’intérêt, l’Espagne va devoir rembourser 9 milliards d’euros supplémentaires en 2013, et, pour cela, faire de nouvelles économies qui étrangleront un peu plus la consommation et l’emploi ; donc les rentrées d’impôts ; donc la capacité de Madrid à rembourser ses dettes. Un véritable cercle vicieux.

ESPAGNE

L’enfer, c’est maintenant

Coupes claires dans les dépenses publiques, hausse vertigineuse du chômage, récession… Le gouvernement Rajoy n’a guère de prise sur les événements. Et l’Europe s’interroge : que faire ?

E

t si l’Espagne suivait le même chemin de croix que la Grèce ? Chaque jour, des dizainesdemilliers de manifestants déferlent dans les grandes villes pour dénoncer les tours de vis budgétaires qui vont encore faire enfler le taux de chômage : 24,6 % actuellement – un record. « Rajoy démission », scandent les contestataires à l’adresse du président du gouvernement. Et à celle des autres salariés: « Aujourd’hui, c’est nous ; demain, ce sera toi. » Rien ne semble pouvoir arrêter la dégringolade provoquée par les orgies immobilières du passé. Au début de l’année, le gouvernement Rajoy avait déjà réduit les dépenses publiques de 27,3 milliards d’euros. Le 19 juillet, il a fait voter par le Parlement une nouvelle ponction de 65 milliards. Les fonctionnaires perdent l’équivalent de leur treizième mois, les indemnités de chômage seront réduites de 10 % supplémentaires au bout de six mois et le taux de la TVA passe de 18 % à 21 %. « Il n’y a plus un sou dans les

caisses », se défend Cristóbal Montoro, le ministre des Finances. Les mauvaises nouvelles s’accumulent. À en croire la Banque centrale, l’économie espagnole devrait reculer de 1,6 % cette année et de 0,5 % en 2013. Les régions de Valence et de Murcie ont lancé un appel à l’aide : elles ne sont plus en mesure de financer leurs services publics. Cinq autres pourraient les imiter. Face à cette crise gravissime, les marchés oublient les réformes de la zone euro annoncées le 29 juin, de même que les

1 000 MILLIARDS D’EUROS. Pas ques-

« Il n’y a plus un sou dans les caisses », plaide Cristóbal Montoro, le ministre des Finances. 100 milliards d’euros promis la semaine dernière par l’Europe afin de redresser les banques espagnoles en difficulté. Ils imposent désormais des taux d’intérêt exorbitants aux emprunts à dix ans

ANDRES KUDACKI/AP/SIPA

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tion pour autant de demander une mise sous tutelle, clame Mariano Rajoy. « Les taux d’emprunt imposés actuellement à l’Espagne ne reflètent ni les fondamentaux de son économie, ni son potentiel de croissance, ni sa capacité à rembourser ses dettes publiques », ont certifié ensemble, le 25 juillet, Wolfgang Schäuble et Luis de Guindos, les ministres allemand et espagnol des Finances. La seule mesure susceptible d’apaiser les investisseurs inquiets du montant vertigineux de la dette extérieure espagnole (près de 1 000 milliards d’euros, soit beaucoup plus que les réserves européennes de secours : 250 milliards) serait le rachat de la dette publique de ce pays, à des taux raisonnables, par la Banque centrale européenne (BCE). Mais Mario Draghi, son président, ne veut pas en entendre parler. Selon lui, « la BCE n’a pas vocation à résoudre les difficultés financières des États ». Face au vent de panique qui balaie périodiquement les marchés et à la situation « intenable » du gouvernement Rajoy, les dirigeants européens n’ont donc plus l’embarras du choix. Soit ils convainquent la BCE d’utiliser son « bazooka », comme le lui suggère José Ángel Gurría, le secrétaire général de l’OCDE, afin de faire baisser les taux imposés à Madrid. Soit ils mettent au point un plan de sauvetage dont certains médias évaluent le montant à 300 milliards d’euros ! La survie de la zone euro est à ce prix. ● ALAIN FAUJAS

ð DÉSHÉRITÉ DANS UNE RUE DE MADRID : « Aujourd’hui, c’est nous, demain ce sera toi. » JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie ! DANS UN STAND DE TIR, à Aurora, deux jours après la tragédie. « Bonne journée les tireurs ! »

ÉTATS-UNIS

Qui a peur de la NRA?

quasi-totalité des textes qui lui paraissaient y contrevenir ? Elle se montre par ailleurs très critique à l’égard du traité sur le commerce des armes en cours d’élaboration aux Nations unies – auquel le président Obama est pour sa part favorable. À ses yeux, il risque d’avoir un impact négatif sur les ventes d’armes légères aux États-Unis.

Réponse : tout le monde. Après la tuerie du 20 juillet dans un cinéma du Colorado, même Barack Obama ne s’est pas risqué à défier le toutpuissant lobby en proposant un renforcement du contrôle des armes à feu.

B

REPRÉSAILLES. Ces derniers savent à

AU-DELÀ DES LARMES. « La

AF P JOS HU A LO TT/

«

onne journée les tireurs, des plans pour ce week-end ? » Ce tweet signé par la National Rifle Association (NRA), le principal lobby des armes aux ÉtatsUnis, a été publié peu après la tuerie d’Aurora, dans le Colorado, le 20 juillet. Ce jour-là, lors de l’avant-première du film The Dark Knight Rises, James Eagan Holmes, 24 ans, a sorti un fusil d’assaut et mitraillé les spectateurs. Bilan : 12 morts et plus de 50 blessés. Même s’il a finalement été effacé, ce message en dit long sur le peu d’importance que la NRA accorde à ce genre de drames. Fondée en 1871 dans l’intention de créer des clubs de tir pour les vétérans de la guerre de Sécession, elle est devenue au fil des années un très puissant groupe de pression qui compte plus de 4 millions d’adhérents et dispose d’un budget de 220 millions de dollars (181 millions d’euros), dont 20 millions servent à défendre ses positions auprès des parlementaires.

s’est bien gardé de remettre en question. Il n’a pas oublié qu’en 2008 la NRA dépensa 40 millions de dollars pour diffuser des spots télévisés hostiles à sa candidature. Cela ne l’empêcha pas d’être élu, mais, sa réélection étant loin d’être acquise, il préfère éviter de se mettre à dos une organisation aussi puissante.

quoi s’en tenir. Lorsqu’en 1994 des représentants démocrates votèrent une loi interdisant les armes d’assaut, la NRA lança un plan de représailles qui, pour nombre La National Rifle Association ? d’entre eux, se traduisit par Quatre millions d’adhérents et un la perte de leur siège lors de l’élection suivante. Elle est budget de 220 millions de dollars. crainte jusqu’au sommet de l’État. Lors de son arrivée à la Maison S’appuyant sur la Constitution, dont Blanche, George W. Bush, par exemple, le deuxième amendement garantit à s’empressa de lever l’interdiction sur la tout citoyen américain le droit de poslibre circulation de ces mêmes armes séder et de porter une arme à feu, la d’assaut. Une décision que Barack Obama NRA n’a-t-elle pas réussi à bloquer la

JEUNE AFRIQUE

NRA a triomphé », estime Doyle McManus, l’éditorialiste du Los Angeles Times. En dépit de l’énorme émotion suscitée par les diverses tueries perpétrées ces dernières années – et des larmes d’Obama au lendemain de la fusillade d’Aurora –, les Américains sont de moins en moins favorables à un renforcement du contrôle des armes à feu. En 1991, 78 % d’entre eux l’étaient, selon un sondage Gallup. En 2011, ils n’étaient plus que 43 %. On ne s’étonnera donc pas de l’extrême discrétion des candidats à la présidentielle de novembre sur la question. Après s’être recueilli avec les familles des victimes, Obama a repris ses activités normales, tandis que Mitt Romney, son adversaire républicain, s’envolait pour Londres. Il n’y aura pas de débat. Dans le même sondage, seulement 43 % des personnes interrogées déclarent faire confiance aux autorités pour les protéger, le plus faible pourcentage jamais enregistré. Dans ces conditions, on comprend qu’après la tuerie d’Aurora les ventes d’armes aient fait dans le Colorado un bond de 43 % par rapport à la semaine précédente et de 39 % par rapport à l’an passé. Oui, la NRA a gagné. Bonne journée les tireurs, des plans pour ce week-end ? ● CLAUDE LEBLANC N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Europe, Amériques, Asie

NICK UT/AP/SIPA

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MUSIQUE

Bambi chez les loups

! BLANKET, PRINCE MICHAEL ET PARIS JACKSON, les trois enfants du chanteur, le 26 janvier.

confiés à leur grand-mère, la pimpante Katherine, 82 ans, qui les loge dans sa propriété californienne de Calabasas et touche une pension de 60 000 dollars par mois, notamment pour leurs frais de scolarité dans l’école privée de Buckley, Bien décidés à tirer parti de cet engouedevant laquelle un 4x4 rutilant les dépose ment post mortem, l’avocat John Branca chaque matin flanqués de leurs gardes et le producteur John McClain, ses exécudu corps. teurs testamentaires, qui gèrent l’Estate Mais de sombres querelles d’héritage refont surface et placent les enfants au of Michael Jackson, n’ont pas perdu une seconde. Dès octobre 2009 retentissaient centre du conflit familial. L’Estate doit en les couplets de This Is It, une chanson effetreverser40%desesprofitsàKatherine, fadasse que la star était censée interpréter 40 % aux trois enfants réunis et 20 % à des àLondres.Lemêmemois, associations caritatives. This Is It, un documenRien à Joseph, le père de Cinq frères et Michael, qui ne l’a même taire retraçant ses derpas mentionné dans son nières répétitions, n’est sœurs accusent : testament. Rien non plus resté que quinze jours à le testament de l’affiche afin de rentabilià ses frères et sœurs, avec Michael aurait ser la sortie du DVD. En qui il partagea les coups décembre 2010, Michael, été falsifié. de ceinture de leur paterun album complet, a été nel Pygmalion, lequel les commercialisé sans qu’on sache si son fit réussir dans le showbiz au prix d’épuiauteur, connu pour son perfectionnisme, santes journées de travail. l’aurait approuvé. Or, depuis quelques mois, Branca et McClain apurent la dette (elle n’est plus LES OUBLIÉS. Les dernières volontés du que de 300 millions de dollars) et multiroi de la pop concernant la garde de ses plient les contrats stratégiques avec Sony Music (250 millions de dollars pour la trois enfants ont, elles, été respectées, distribution d’inédits et des produits déridu moins jusqu’à tout récemment. En vés), Ubisoft (pour un jeu vidéo), Pepsi 2009, Prince Michael (aujourd’hui âgé de 15 ans), la jolie Paris (14 ans) et Prince (qui vendra cet été 1 milliard de canettes Michael II, alias Blanket (10 ans), ont été à l’effigie de « Bambi ») ou le Cirque du

Depuis sa mort, il y a trois ans, Michael Jackson n’a jamais été aussi « bankable ». Du coup, les membres de sa famille se déchirent. À belles dents.

U

n testament contesté, une grand-mère qui disparaît, une rafale de tweets acerbes, et beaucoup, beaucoup d’argent en jeu… Trois ans après la disparition de Michael Jackson, sa famille se déchire avec d’autant plus d’âpreté que la star redevient « rentable ». À sa mort, en juin 2009, le roi de la pop possédait 600 millions de dollars (430 millions d’euros à l’époque) d’actifs, mais laissait 500 millions de dollars de dettes qu’il comptait en partie éponger grâceàunesériedeconcertsàLondres.Les eût-il donnés et fût-il parvenu à renouer avec son public qu’il n’eût sans doute pas vendu autant de disques qu’aujourd’hui. Ce succès posthume, Michael Jackson le doit à sa fin tragique. La mort l’a fauché à l’âge de 50 ans sous les traits d’un éternel gamin, le livrant à l’adoration de fans qui, après l’avoir délaissé, se trouvaient soudain désemparés. À peine son corps gorgé de Propofol (le tristement célèbre anesthésiant administré par le Dr Conrad Murray) avait-il été déposé dans un cercueil en or qu’ils se sont lancés dans une frénésie d’achat. En l’espace de neuf mois, l’idole défunte a « vendu » 31 millions d’albums. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Europe, Amériques, Asie Soleil (pour son Immortal World Tour). Il y a dix-huit mois, les deux compères ont annoncé que l’Estate avait perçu 130 millions de dollars grâce aux ventes d’albums et de produits dérivés ainsi qu’aux recettes de catalogues acquis par Michael Jackson où figurent des tubes des Beatles, d’Elvis Presley ou de Bob Dylan. Appâtés par ces perspectives de profit, les oubliés du testament relèvent la tête. En 2010, Joseph a tenté – en vain – d’obtenir une pension mensuelle de 15000 dollars. Aujourd’hui, cinq frères et sœurs Jackson (Jermaine, Randy, Tito, Rebbie et Janet), qui avaient déjà essayé à trois reprises de contester le testament, publient une lettre ouverte dans laquelle ils accusent les deux gestionnaires d’avoir « profité du chagrin d’une famille » pour falsifier le document. TWEET VENGEUR. Accréditant la thèse

selon laquelle ils chercheraient à obtenir la garde des trois enfants – et donc un accès à la fortune de Michael –, les cinq contestataires affirment aussi que leur mère a été victime d’une attaque cérébrale nécessitant sa mise sous tutelle. Une initiative qui a fait bondir Paris. « Je défendrai ma chère grand-mère de toutes mes forces, y compris contre des membres de ma famille. Elle va très bien, elle n’a eu aucun problème de santé, ces rumeurs sont fausses », s’est indignée l’adolescente aux yeux verts sur son compte Twitter. Avant d’adresser un tweet vengeur à son oncle Randy : « Je n’apprécie pas que tu racontes des mensonges à tout le monde. » L’affaire a pris un tour rocambolesque le 15 juillet, lorsque ladite grand-mère s’est volatilisée ! Très inquiets de ne pouvoir la joindre au téléphone, ses petitsenfants ont déposé plainte auprès du shérif du comté de Los Angeles. « Je veux rassurer tout le monde, a aussitôt twitté Jermaine. Mère va bien, mais elle se repose en Arizona, sur ordre de son médecin. » Cette nouvelle n’a qu’à moitié rassuré la jeune Paris, l’avocate de Katherine et les gestionnaires de l’Estate, qui redoutent que les cinq rebelles fassent pression sur l’octogénaire pour qu’elle se sépare d’eux. Une altercation opposant plusieurs membres de la famille aurait éclaté le 23 juillet, Paris et sa tante Janet échangeant gifles et noms d’oiseaux. En attendant le retour de leur grand-mère, un juge de Los Angeles a confié la garde des enfants à Tito Junior, l’un des neveux du chanteur. Pas sûr que cela suffise à faire retomber la tension. ● JOSÉPHINE DEDET JEUNE AFRIQUE

CORÉE DU SUD

Sejong, capitale fantôme

Elle a été inaugurée le 1er juillet, mais peut-elle vraiment remplacer Séoul ?

«

S

ejong ne remplacera jamais Séoul. Les courants d’énergie terrestre s’éloignent d’elle et l’affaiblissent. » Consulté sur le choix de la nouvelle capitale administrative sudcoréenne, le géomancien Yun Mo-jik est formel : Sejong, près de Daejeon, à 120 km au sud de Séoul, a beau avoir été inaugurée le 1er juillet, elle ne prendra jamais son essor. L’histoire mouvementée de cette « Ville du bonheur » (son surnom officiel) semble lui donner raison. L’idée de déplacer la capitale remonte aux années 1970, quand la découverte de tunnels creusés par les Nord-Coréens à proximité de Séoul incita les responsables du Sud à mettre hors de portée de l’ennemi la Maison Bleue, la résidence présidentielle. TOLLÉ MONSTRE. Mais ce n’est qu’en

2002, sous l’impulsion du futur président Roh Moo-hyun, que le projet prit forme. Provincial agacé par la toute-puissance de Séoul (25 millions d’habitants aujourd’hui), Roh rêvait de décentralisation. Le tollé fut tel qu’en 2004 le projet fut annulé par la Haute Cour institutionnelle. Curieusement, CORÉE DU NORD

c’est l’un de ses plus farouches détracteurs, l’actuel président Lee Myungbak, qui, en 2007, en relança l’idée. En pleine campagne électorale, il s’efforçait de séduire les électeurs de la région du Chungcheong-do… En dépit de l’opposition du Premier ministre Chung Un-chan, qui juge le projet « absurde », « Bulldozer Lee » n’a pas trahi ses promesses électorales. Mais il les a revues à la baisse. Seules les administrations déménageront à Sejong, ainsi baptisée en hommage à l’inventeur de l’alphabet coréen, au XVe siècle. Mais le Parlement et la présidence resteront à Séoul. « C’est ridicule, personne n’y croit », jugent les Coréens. Même l’administrationLeen’estpasconvaincue,puisqu’elle a parallèlement engagé la construction de deux villes nouvelles, Saemangeum et Songdo, sur la côte ouest. Celles-ci sont intégrées à un ambitieux projet de hub logistique et financier pour l’Asie du Nord-Est, qui s’organisera autour de trois pôles : Incheon, Kaesong (en Corée du Nord) et Séoul. Une plaque tournante dans laquelle Sejong, excentrée, n’a pas sa place, mais qui rendrait à Séoul son rôle de capitale au cœur d’une péninsule réunifiée. ● JULIETTE MORILLOT Zone démilitarisée

Le nouveau hub de l’Asie du Nord-Est

Kaesong Songdo

SÉOUL Incheon

Wonju

Mer Jaune

0

50 km

La nouvelle capitale en chiffres Superficie : 465 km2 Population en 2015 : 500 000 habitants Coût de construction : 19,4 milliards de dollars 10 000 fonctionnaires et 36 administrations d’ici à 2015

Cheongju Daejeon

SEJONG

CORÉE DU SUD Busan Gwangju Mer du Japon N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

! « MON PÈRE VOULAIT QUE JE SOIS LE PROCHAIN ROGER MILLA. » Raté ! Le pouvoir de séduction de Bruce Lee a été le plus fort.

Dominique Saatenang Afro Shaolin Premier Africain formé par le fameux monastère, ce Camerounais veut promouvoir les relations Chine-Afrique.

I

l s’appelle Dominique Martin Saatenang, mais vous pouvez l’appeler « le Bruce Lee noir ». Ou, mieux encore, ShiYan Mai. Ce Camerounais de 37 ans est le premier Africain moine Shaolin. Son initiation, il l’a suivie au temple Shaolin, le vrai, perché sur les hauteurs du Henan, dans l’est de la Chine. Le saint des saints du kung-fu, pardon, du wushu, « parce que kung-fu signifie maîtrise du savoir », corrige l’intéressé. En France, son pays d’adoption, le moine troque volontiers la robe orange et le thé contre un costume noir et un soda. Mais ce sont là les seules entorses à son régime. « Ce que les moines vous inculquent s’imprime dans votre chair. Vous n’arrivez plus à vous en détacher », explique-t-il avant de raconter une journée type au temple : réveil aux aurores, méditation, petit déjeuner sommaire,

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puis début de l’entraînement, une série d’exercices plus compliqués les uns que les autres, destinés à forger le corps et l’esprit. « L’un de ces exercices consistait à descendre et gravir la montagne à quatre pattes, les gravillons plantés dans la chair », raconte-t-il en souriant. Né à Dschang, en pays bamiléké, Dominique Saatenang se voyait footballeur : « Mon père voulait que je sois le prochain Roger Milla. » Il a suffi d’un film pour que tout change : Opération dragon, avec en tête d’affiche l’Américain d’origine chinoise Bruce Lee. Alors en classe de 6e à Douala, le petit Dominique abandonne les tournois scolaires pour se consacrer à sa nouvelle passion. Les dojos sont rares dans la capitale économique du Cameroun, mais il finit par se dégoter un professeur, Serge Njoh, avec qui il travaillera pendant six

ans. La trentaine, Njoh a appris les arts martiaux en regardant des films et en s’entraînant avec les Asiatiques de passage à Douala. En 1990, après avoir déménagé au Gabon avec sa famille, Saatenang rencontre par hasard un Chinois lors de son footing matinal. « Il ne parlait pas français, mais on est parvenus à communiquer par gestes. On a travaillé ensemble tous les jours pendant un an et demi. » Autre rencontre déterminante : celle du Dr Huang Peng, propriétaire d’une clinique à Libreville. « Il a accepté de m’enseigner ce qu’il savait des méthodes de massage et de la médecine traditionnelle chinoise. » C’est aussi lui qui l’encourage à participer aux manifestations de l’Association gabonaise de kung-fu. Jusqu’à ce qu’il se fasse remarquer par les fonctionnaires de l’ambassade de Chine au point de se voir offrir un stage dans une école de wushu chinoise, à Denseng, en 2000. C’est au cours de ce séjour que Dominique Saatenang a rencontré celui qui allait changer sa vie : Shi Yongxin, JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Aujourd’hui, de retour à la « vie civile », le moine Shaolin ne tient plus en place. Il multiplie les voyages en Afrique pour promouvoir le wushu en qualité d’ambassadeur du sport dans le monde (depuis 2007) et d’ambassadeur du temple Shaolin (2011). Naturalisé français en 2009, il représente ce pays au sein de la Fédération internationale des juges de kung-fu wushu et participe à la formation des arbitres français, tout en donnant des cours dans l’école qu’il a créée à Paris. Mais ce dont il reste le plus fier, c’est son action pour favoriser les échanges entre la Chine et le continent : depuis octobre 2011, 10 étudiants originaires du Gabon, du Cameroun et du Rwanda sont entrés au temple Shaolin grâce à des bourses octroyées par l’abbé Shi Yongxin. Et, par le biais de son entreprise basée à Londres, Got qi – « avoir de l’énergie », en anglais et chinois –, celui qui est depuis mars 2012 vice-président de la Fédération chinoise d’investissement Chine-Afrique a accompagné fin juin une délégation d’hommes d’affaires en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en RD Congo. « Nous avons tout à gagner en matière de développement si l’on travaille avec la Chine, dit-il. Sans compter que, sur le plan culturel, nous avons plus de choses en commun que ce que l’on croit. » ●

CHINE

Atout cœur à Taïwan La République populaire incite ses ressortissantes à trouver un mari dans l’île rebelle. Une forme de prise de contrôle en douceur ?

«

C

haque fois qu’au cours de avalanche de plaisanteries graveleuses sur l’Histoire les Chinois ont les réseaux sociaux et de commentaires eudesproblèmesavecun doux-amers dans les médias. peuple étranger, ils ont Les pro-Pékin déplorent que les réagi en envoyant des femmes ; et c’est mariages « inter-détroit », bien qu’auencore le cas aujourd’hui », explique le torisés depuis 1992, soient encore trop rares. C’est selon eux la conséquence des Pr Chen In-chin, de la National Central nombreux obstacles imposés par Taïwan: University à Taïwan. De fait, depuis des années, les autorités incitent les ressortisrestriction des permis de résidence temsantes de la République populaire à épouporaire; limitation du nombre des agences serdesTaïwanais.Ellesneferaientainsique matrimoniales ; diminution du nombre de naturalisations… Reste que plus de suivre une longue tradition diplomatique et coloniale… Pour s’en convaincre, il suffit 260000ChinoisesontépouséunTaïwanais derelireL’Art de la guerre,deSunTzu,oude et sont aujourd’hui établies dans l’île. De seplongerdanslesviesdes–nombreuses– quoi alimenter une véritable névrose. Certains imaginent déjà une armée de fiancées chinoises qui émaillent l’histoire belles infiltrées chargées de prendre les de l’empire du Milieu. Wang Zhaojun, par commandes de l’île rebelle. D’autres ont exemple, qui, sous la dynastie des Han calculé que si ces unions produisaient (206 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.), contribua chacune deux enfants, il y aurait dans les à la pacification des tribus Xiongnu. Ou prochaines années 520000 votes suppléencore Wencheng, une princesse Tang mentaires favorables au rattachement ! mariée en 641 au roi du Tibet. D’autres vont encore plus loin : sachant En mai, devant les étudiants chinois de l’île, Ye Kedong, le directeur des affaires qu’une Chinoise obtient la nationalité taïwanaises auprès du Conseil d’État taïwanaise au bout de six ans et qu’il est (chinois), n’a d’ailleurs laissé planer permis d’imaginer qu’un îlien marié à aucun doute : « Ne laissez pas une continentale soit enclin à ! 260 000 passer votre chance, tissez des rallier la cause de son épouse, il CHINOISES ONT À liens avec les étudiants taïwapourrait y avoir bientôt 1 million CE JOUR ÉPOUSÉ nais, l’amour ne connaît pas de de votes supplémentaires. Soit DES TAÏWANAIS 10 % du corps électoral. ● frontières ! » Il n’en a pas fallu et sont établies davantage pour déclencher une JULIETTE MORILLOT dans l’île.

SUN CAN/XINHUA PRESS/CORBIS

chef spirituel du monastère Shaolin. « J’ai joué des coudes pour être au premier rang et il m’a remarqué dans la foule, raconte-t-il. Ce n’était pas difficile, j’étais le seul Noir. » Le moine lui propose un stage de trois mois, Saatenang accepte. « J’avoue que j’ai failli laisser tomber en cours de route », confesse-t-il. Le régime est spartiate, et le jeune entrepreneur – il dirige depuis 2002, au Cameroun, une entreprise de conseil en gestion et une école de wushu – a beaucoup de mal à s’y habituer. « Quand on entre au monastère, on abandonne sa petite vie confortable pour se retrouver dans une cellule minuscule, mal chauffée, avec des conditions d’hygiène douteuses », se souvient Saatenang. Il n’empêche. Un an plus tard, le nouveau moine vend ses biens et s’installe au temple.

MALIKA GROGA-BADA Photo : CAMILLE MILLERAND JEUNE AFRIQUE

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Économie

CÔTE D’IVOIRE

Utexi, le phénix du textile

TÉLÉCOMS

Les opérateurs virtuels parient sur la France

BCEAO

Tiémoko Meyliet Koné

« Le retour de la croissance ivoirienne va doper la zone » Crise malienne, réforme des institutions financières, parité fixe entre le franc CFA et l’euro… Un an après sa nomination dans un contexte tourmenté, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest dresse un premier bilan et précise ses objectifs. STÉPHANE BALLONG PASCAL AIRAULT

Propos recueillis par et

D

ébut 2011, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), institution émettrice des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a été ébranlée par la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Acculé financièrement, l’ancien chef de l’État ivoirien, refusant d’accepter sa défaite à la présidentielle d’octobre-novembre 2010, avait tenté de prendre le contrôle des coffres des structures locales de la Banque. Entre 60 milliards et 70 milliards de F CFA (entre 91,5 millions et 106,5 millions d’euros) auraient ainsi été décaissés, selon les estimations avancées à cette époque. La crédibilité de la BCEAO, alors dirigée par Philippe-Henri Dacoury-Tabley – considéré comme un proche de Laurent Gbagbo –, en a sérieusement pâti. Nommé à sa tête le 30 mai 2011, Tiémoko Meyliet Koné, 62 ans, a pour mission de restaurer l’image de l’institution, qui fête cette année ses 50 ans. Directeur de

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JEUNE AFRIQUE


TUNISIE

Conect, le courant alternatif

DÉCIDEURS

Nadia Bouhriz, directrice

du tramway chez CasaTransport

cabinet de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro de 2007 à 2010, cet Ivoirien, proche de l’actuel président Alassane Dramane Ouattara, avait déjà passé plus de trente ans au sein de la BCEAO. Avant de la quitter en 2006, il y occupait le poste de conseiller spécial du gouverneur et membre du gouvernement de la Banque. Pour la première fois depuis son arrivée à la tête de l’institution, il a accepté de répondre aux questions de Jeune Afrique. JEUNE AFRIQUE : Vous avez pris vos fonctions à la BCEAO juste après la crise postélectorale ivoirienne. Dans quel état avez-vous trouvé l’institution ? TIÉMOKO MEYLIET KONÉ : L’atmosphère était

particulièrement délétère. La réquisition des structures de la Banque en Côte d’Ivoire et les opérations qui ont été réalisées malgré l’interdiction du Conseil des ministres de la zone ont causé des préjudices matériels, financiers et moraux à l’institution et à son personnel. Les chefs d’État de l’UEMOA ont commandé un audit indépendant à un cabinet international pour évaluer l’ampleur des dégâts. Le rapport de cet audit leur a été remis. Ils l’examinent actuellement et nous attendons leurs conclusions.

Addis-Abeba trace son sillon

vue d’atteindre des taux de croissance permettant de réduire significativement la pauvreté. Depuis la réforme institutionnelle de 2010, la BCEAO a supprimé les avances directes aux Trésors publics. De fait, le lieu privilégié de mobilisation des ressources par les États reste aujourd’hui le marché. Il nous paraît donc prioritaire d’aider les États à renforcer leur capacité à accéder à ces ressources. Les autres priorités concernent d’une part le renforcement de la situation financière des établissements de crédit, d’autre part un accès plus large des populations aux services bancaires et financiers. Comment allez-vous procéder concrètement ?

Pour les actions spécifiques de la BCEAO, il y a d’abord la création d’une agence régionale d’appui à la mobilisation des ressources publiques, qui va aider les États à lever des financements, individuellement ou collectivement, sur les marchés.

À mon arrivée, l’atmosphère était particulièrement délétère.

Profil • Ivoirien, 62 ans, marié, 5 enfants • Plus de trente ans de carrière à la BCEAO (1975-2006)

Avez-vous sanctionné ceux qui n’ont pas respecté les directives ?

• Ancien directeur de cabinet du Premier ministre Guillaume Soro (2007-2010)

En attendant les conclusions du rapport d’audit, la BCEAO a pris un certain nombre de mesures. Tous ceux qui ont enfreint ses règles ont été sanctionnés dans le cadre de procédures administratives régulières: licenciements, rétrogradations et mises à pied. Par ailleurs, une plainte contre X a été déposée auprès des tribunaux ivoiriens pour tous les préjudices subis par la Banque dans cette crise.

• Ex-ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat (2010)

Qu’avez-vous fait pour remettre l’institution sur les rails ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

Nous avons d’abord amélioré l’atmosphère au sein des équipes, puis réorganisé les services de la Banque. Enfin, nous nous sommes attelés à mieux spécifier les responsabilités de chacun, afin d’orienter l’institution vers une culture du résultat. Une feuille de route précisant les priorités et les objectifs a été fixée pour chacune des directions, dans le cadre du plan d’entreprise 2011-2015.

JEUNE AFRIQUE

BOURSE AGRICOLE

Cette agence aura aussi pour mission d’aider les États à gérer la dette souveraine. Il y a ensuite la mise en place d’un fonds de stabilité financière destiné à suppléer les États qui seraient en défaut de paiement du fait de chocs divers. Il s’agit là d’une garantie de plus aux investisseurs pour le dénouement de leurs créances. N’est-ce pas là un vœu pieu, quand on sait que la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, à Abidjan), peu dynamique, peine à attirer les investisseurs ?

Il faut préciser que, sur le marché de la dette publique, les mobilisations sont en nette progression. Elles sont passées de 893 milliards à 2 600 milliards de F CFA entre 2008 et 2011. En ce qui concerne le marché financier, des actions sont envisagées pour accroître son attractivité, son efficacité, et permettre une mobilisation plus importante de financements. Il s’agira d’inciter à l’inscription d’un plus grand nombre d’entreprises à la cote et de réduire les coûts des opérations sur ce marché. Autre projet : la BRVM ambitionne de créer un marché destiné aux PME-PMI, qui sont des acteurs notoirement sous-financés.

Quelles sont vos priorités ?

Précisons d’abord le contexte économique de la zone. Tous les pays ont atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE [pays pauvres très endettés, NDLR] et envisagent d’importants investissements, notamment dans les infrastructures, en

Une réforme bancaire visant à renforcer la structure financière des banques est en cours depuis quelques années. Où en êtes-vous ?

La première phase de cette réforme qui porte le capital social minimum des banques à 5 milliards N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Entreprises marchés de F CFA s’est achevée fin 2011. La grande majorité des banques respecte ces conditions. Une trentaine d’entre elles éprouvaient quelques difficultés à cet égard, mais elles ont finalement présenté des plans de recapitalisation que nous avons jugés crédibles et qui sont en cours de mise en œuvre. Nous sommes en train de préparer un rapport pour enclencher la deuxième étape de cette réforme, qui vise à porter le capital minimum des établissements bancaires à 10 milliards de F CFA. N’est-ce pas trop faible au regard des attentes en matière de volume de financement ?

L’approche doit être progressive. Ne prenons pas le risque de faire disparaître un certain nombre de structures de taille moyenne et de contribuer à la constitution d’oligopoles qui fausseraient le jeu de la libre concurrence. C’est le client, au final, qui en paierait le prix. Dans sa configuration, le secteur bancaire et financier doit répondre aux différentes attentes des particuliers, des petites entreprises et des grosses structures. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous favorisons l’émergence des institutions de microfinance, qui répondent aux besoins de populations auxquelles les banques traditionnelles ne s’adressent pas. Les groupes internationaux manifestent un intérêt croissant pour la zone. Les banques locales sont-elles menacées ?

L’intérêt des banques étrangères pour la zone nous apporte de la crédibilité. Cela veut dire qu’elles y voient un environnement propice au développement de leurs activités. Cela doit aussi inciter nos établissements à se professionnaliser davantage et à améliorer continuellement la qualité de leurs services.

– 0,5 point C’est la baisse des prévisions de croissance de la zone UEMOA en 2012 du fait des crises malienne et bissau-guinéenne (de 6,1 % à 5,6 %)

doit bien sûr faire l’objet d’un dialogue entre les banques et leur clientèle. Nous devons aussi empêcher les dérives éventuelles. Au Sénégal, un Observatoire de la qualité des services financiers relève et signale les abus et les irrégularités. Nous allons encourager ce genre d’initiative dans tous les pays de l’UEMOA. Le débat sur la parité fixe euro-franc CFA refait surface avec la crise qui secoue les pays européens. Le moment n’est-il pas venu d’introduire une certaine dose de flexibilité ?

Les fondamentaux des économies de l’Union demeurent toujours bien orientés. À l’exception de la Guinée-Bissau et du Mali – pour des raisons connues –, tous nos pays sont en phase de croissance. Les réserves de change sont de 7 500 milliards de F CFA, ce qui correspond à environ huit mois d’importations. Au cours des trois dernières années, à la faveur d’une inflation relativement bien maîtrisée, les pays ont gagné à peu près deux points de marge de compétitivité. Le taux de couverture de l’émission monétaire est constamment supérieur à 100 %… Autant d’éléments qui ne remettent pas en question la politique actuelle de parité fixe.

Le secteur bancaire doit répondre aux attentes des particuliers et des PME comme à celles des grosses structures.

Les taux de bancarisation dans la zone restent encore très faibles. Comment comptez-vous développer l’accès aux services financiers ?

La bancarisation dans la zone tourne autour de 15 %. Ce taux est en effet bas comparé à certains pays comme le Maroc [60 %]. L’action de la BCEAO se focalise notamment sur la sensibilisation des populations et des banques. Ces dernières devraient veiller à réduire les coûts des services financiers, qui sont souvent dissuasifs. Tout cela

Après le conflit postélectoral ivoirien, la région subit de plein fouet la crise malienne. Quel est son impact sur l’UEMOA ?

La prévision de croissance 2012 de la zone a été ramenée de 6,1 % à 5,6 % pour tenir compte d’un certain nombre de facteurs, dont les crises malienne et bissau-guinéenne. Mais, les structures économiques n’étant pas détruites, les activités pourraient repartir rapidement au Mali si une solution venait à être trouvée à la crise politico-militaire. En Guinée-Bissau, l’économie commence déjà à repartir. Par ailleurs, le retour de la croissance en Côte d’Ivoire, qui pourrait dépasser les 8 % prévus, serait de nature à impulser un dynamisme plus fort à la sous-région. ●

BIENTÔT UNE BOURSE AGRICOLE RÉGIONALE ? À L’INSTAR DE l’Ethiopia Commodity Exchange (lire aussi pp. 70-71), l’idée de la création d’une Bourse agricole régionale fait son chemin dans les huit États membres de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA). Elle a même N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

été au centre des discussions de la réunion des bailleurs de fonds du Programme économique régional qui s’est tenue le 2 juillet à Abidjan. De fait, la Commission de l’UEMOA a inscrit des actions régionales en matière de gestion de l’information

sur les disponibilités des stocks de produits agricoles. Les réflexions portent aussi sur la mise en place de structures devant réguler le marché : acheter quand l’offre est importante et vendre quand S.B. elle est restreinte. ● JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

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CÔTE D’IVOIRE

Utexi, le phénix du textile

C

réée en 1973, l’Union industrielle textile de Côte d’Ivoire (Utexi) était fermée depuis 2002. Victime, d’une part, de la crise politico-militaire qui a éclaté cette année-là et, d’autre part, de ses propres difficultés financières, avec des dettes s’élevant à plus de 13 millions d’euros. Ayant trouvé un repreneur, l’usine de filature et de tissage de Dimbokro, dans le centre du pays, devrait rouvrir prochainement. « Le meilleur a gagné. Le prix de cession des actifs a été plafonné à 1,361 milliard de F CFA [environ 2,1 millions d’euros, NDLR]. Le sauvetage de ce bel outil industriel permettra de reprendre la production de tissus et de fibres made in Côte d’Ivoire », confie Jean-Luc Ruelle, patron Afrique francophone de KPMG, le cabinet de conseil qui a représenté l’usine lors de sa liquidation. PAYÉ CASH. De fait, la bataille

pour la reprise d’Utexi a tourné à l’avantage d’un pool d’actionnaires privés ivoiriens regroupés au sein de la Société des textiles de Côte d’Ivoire (Sotexi). Plusieurs opérateurs convoitaient l’entreprise. La Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT, société d’État) avait mis sur la table 2,3 millions d’euros et proposé un cautionnement sur trois ans. JEUNE AFRIQUE

GEORGES GOBET/AFP

Dix ans après sa fermeture, l’usine de filature et de tissage s’apprête à rouvrir ses portes. Son repreneur, Sotexi, un pool d’actionnaires privés ivoiriens, compte y injecter 15 millions d’euros en cinq ans. L’hommed’affairesivoiriend’origine libanaise Yasser Ezzedine, patron de la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI), proposait de son côté 2 millions d’euros, avec un modedepaiementde20%aucomptantet80%surtroisans.Finalement, Sotexi a payé cash 2 millions d’euros et a immédiatement lancé son programme d’investissement. La société repreneuse est dirigée par Vassiriki Konaté, un homme d’affairesde39ansquianotamment

! Le secteur (ici la société FTG, à Bouaké) a été MALMENÉ PAR LES CRISES

POLITICO-MILITAIRE ET COTONNIÈRE,

la contrebande et la contrefaçon asiatique.

La fabrique pourrait employer 1 000 personnes pour commencer. été le directeur commercial des assurances du Groupe Atlantique et qui s’est depuis reconverti dans l’agrobusiness (anacarde, cacao, transformation d’agrumes…). Sa proximité avec le patron du Groupe Atlantique, Bernard Koné Dossongui, lui a permis d’obtenir rapidement un financement de Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci) de 2,5 millions d’euros pour la réhabilitation de l’usine. Sotexi a par ailleurs entamé des discussionsaveclaBanqueouest-africaine de développement (BOAD) pour l’octroi d’un prêt de 8 millions d’euros. « Nous prévoyons d’injecter au moins 15 millions d’euros dans les cinq ans à venir pour la première phase de notre plan de

La dynamique de croissance de l’industrie en Afrique est l’un des thèmes majeurs du

AFRICA CEO FORUM GENÈVE, 19-21 NOVEMBRE

theafricaceoforum.com

développement et nous diversifier [dans l’amidonnage notamment] à moyen terme. Mais l’urgence est la remise en état des infrastructures, qui coûtera 3 millions d’euros », explique Vassiriki Konaté. EXPORTER. Avant sa fermeture,

Utexi avait un chiffre d’affaires annuel de 96 millions d’euros, pour une production annuelle d’environ 5 millions de mètres de tissu et de 15 millions de mètres de fibres. Quelque 20 % de cette production étaient destinés aux industriels locaux, et 80 % à l’exportation. Les nouveaux acquéreurs projettent de tripler la production dans les cinq années à venir, pour atteindre un chiffre d’affaires de 320 millions d’euros. « Nous visons essentiellement le marché européen pour les tissus et le marché américain pour les fibres », assure Vassiriki Konaté, qui espère des retombées de l’African Growth and Opportunity Act (Agoa,loiquifacilitelesexportations africaines aux États-Unis). La réouverture de l’usine est prévue avant la fin de l’année. Elle pourrait employer 1000 personnes pour commencer. Mais la tâche ne sera pas aisée pour les repreneurs, alors que l’industrie textile ivoirienne a étémalmenéeparlescrisespoliticomilitaire et cotonnière, la contrebande et la contrefaçon asiatique. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012


Entreprises marchés (qui ciblent des communautés et, par conséquent, des destinations spécifiques), en 2010. Ils ont crû de 48,2 % au premier trimestre 2012, et les revenus liés, de 13 %, à 255 millions d’euros. Grégoire Le Masne, fondateur de l’agence de conseil Etnidev, estime que « ce sont surtout les parts de marché perdues par SFR et Orange dans le secteur du prépayé au profit des MVNO ethniques, également actifs sur le national, qui ont poussé le premier à réagir ».

TÉLÉCOMS

Les opérateurs virtuels parient sur la France Le marché hexagonal des appels low cost vers l’international, en particulier l’Afrique, est estimé à plus de 7 millions de clients. Une manne que convoite notamment SFR, dernier arrivé dans ce secteur.

VINCENT FOURNIER/J.A.

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B

uzz Mobile, l’opérateur de réseau mobile virtuel (MVNO, pour mobile virtual network operator) du groupe français SFR, s’est lancé le 12 juin sur le marché hexagonal des appels low cost vers l’international. Plus d’un mois après, son directeur général délégué, Joël Thivet, ne cache pas sa satisfaction. « Il est un peu tôt pour communiquer des chiffres, mais le lancement a démarré très fort. Notre site internet a été pris d’assaut et nos résultats dépassent nos attentes pour juin et début juillet », explique-t-il.

SFR est le premier opérateur français à s’intéresser à ce marché. Il était déjà propriétaire de Mobisud, mais ce MVNO, dissous au profit de Buzz Mobile, qui en récupère les actifs, n’était destiné qu’au marché maghrébin. Si SFR a franchi le pas (alors qu’Orange et Bouygues se contentent de louer leur réseau), c’est en raison de la croissance du secteur, indique Joël Thivet. De fait, selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), les appels vers l’étranger ont augmenté depuis l’apparition des MVNO dits ethniques

Buzz Mobile casse les prix

ALGÉRIE CÔTE D’IVOIRE CAMEROUN

Buzz Mobile

Lycamobile

0,19 0,24 0,19

0,28 0,28 0,24

Lebara

Ortel Mobile

0,28 0,28 0,28

0,29 0,29 0,29

(tarifs en euros de la minute d’appel vers un téléphone mobile) N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

! Le britannique LEBARA revendique 3,8 millions de clients dans huit pays.

GUERRE DES TARIFS. Dans ses publicités de lancement, Buzz Mobile compare sa grille tarifaire à celle des trois leaders du secteur : Ortel Mobile, Lebara et Lycamobile (plus de 200 000 usagers). Vers toutes les destinations, notamment en direction de l’important marché africain, le nouveau venu est le moins cher, suivi de Lycamobile (voir tableau). « Je suis très inquiet pour eux, car ils vont perdre beaucoup d’argent à ces niveaux de tarifs », ironise Karim Benkirane, directeur général d’Ortel Mobile France. Pour vendre des cartes SIM et des recharges prépayées, les MVNO exploitent le réseau national d’un opérateur doté d’une licence et négocient du temps d’appel partout dans le monde. Or « certains opérateurs ont augmenté leurs tarifs vers certaines destinations,

DES OFFRES « ETHNIQUES » AVEC 8 MILLIONS de clients dans quatorze pays (dont treize européens), Lycamobile est le leader européen des opérateurs virtuels « ethniques ». Son concurrent Lebara en revendique 3,8 millions dans huit pays. Rare opérateur à communiquer ses résultats, ce dernier a annoncé un chiffre d’affaires de 648 millions d’euros en 2011 (+ 15 %), un résultat d’exploitation de 20 millions d’euros et une hausse de sa base clients de 27 %. Face à ces deux leaders, Turkcell, en 2011 en Allemagne, et China Telecom, en juin en Grande-Bretagne, ont innové en proposant des services à leurs seules communautés respectives. ChinaTelecom compte s’attaquer dès cette année au marché des S.A.-H. 700000 Chinois vivant en France. ● JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés poursuit Karim Benkirane. C’est le cas pour l’Algérie ou le Maroc et, en vendant la minute à 0,19 euro vers ces pays, je me demande combien de temps Buzz Mobile va tenir ». Joël Thivet l’assure pourtant: « Nos prix sont au plus juste. Comme ceux de tous les opérateurs, ils sont amenés à évoluer, à la baisse ou à la hausse. Mais les changements seront mineurs et beaucoup de tarifs resteront compétitifs. » Le 19 juillet, fin de validité de la première grille tarifaire de Buzz Mobile, les prix ont augmenté vers la Côte d’Ivoire et le Mali. Le marché français, estimé selon les MVNO à 7 millions ou 8 millions de clients pour un chiffre d’affaires de 500 millions d’euros, est l’un des derniers à avoir été investi par les

SÉCURITÉ NUMÉRIQUE

Gemalto, tête de liste Recensement des électeurs, passeport biométrique… Le groupe néerlandais s’impose comme un partenaire majeur des programmes gouvernementaux.

D

« À trois, ça devenait compliqué, alors à quatre… » KARIM BENKIRANE, Ortel Mobile France

leaders du secteur. Ortel Mobile, filiale de l’opérateur néerlandais KPN, est arrivé en mars 2010 sur le réseau de Bouygues Télécom, avant de rejoindre Orange. Il a été suivi des deux ennemis britanniques que sont Lebara, deux mois plus tard, et Lycamobile, un an après, également chez Bouygues – sans doute parce que cet opérateur n’avait « pas d’intérêt dans le secteur communautaire prépayé », estime Grégoire Le Masne.

SAÏD AÏT-HATRIT JEUNE AFRIQUE

MODERNE. Dès lors, Gemalto,

1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2011, considère désormais ces contrats comme un véritable relais de croissance, à côté des prestations vendues aux secteurs des télécoms et de la banque. « Ce type d’activité est en très fort développement sur le continent, avec une progression annuelle à deux chiffres. Cela représente 20 % de nos revenus»,confirmeFrédéricTrojani. Actuellement,Gemaltopoursuitune douzaine de programmes gouvernementaux en Afrique depuis ses bureaux au Sénégal, au Gabon, en Afrique du Sud et, depuis quelques semaines, au Maroc. Outre les échéances électorales, la lutte contre le terrorisme et la pression sur les finances publiques imposentaussiauxÉtatsd’améliorer le fonctionnement de leurs administrations. « Grâce à notre technologie, l’Algérie a déployé la gestion électronique des feuilles de soins et leMarocpossèdeaujourd’huilepasseport le plus moderne d’Afrique », se félicite Frédéric Trojani. ● JULIEN CLÉMENÇOT

JEAN-NOËL LANTHIEZ

ET VIRGIN MOBILE ? « À deux, c’était très bien; à trois, ça devenait compliqué, alors à quatre… Il nous faudra faire preuve d’innovation », estime Karim Benkirane, oubliant de citer les MVNO de second plan que sont Symacom, Phenix Mobile ou Eagle Télécom. Il souligne que, sur les marchés européens, plus matures, des opérateurs ont déjà disparu. Mais il en faudrait apparemment plus pour décourager le britannique Virgin Mobile, doyen des opérateurs virtuels, qui, d’après le quotidien Le Monde, songerait à lancer à son tour en France une offre low cost vers l’international. ●

Ü Centre de traitement des données d’inscription sur les listes électorales au BÉNIN, en 2011.

ébut juin, le Gabon a choisi Gemalto pour créerunnouveauregistre d’état civil biométrique devant être utilisé lors des élections localesde2013.Àlaclé,uncontratde 21 millions d’euros. Quelques mois plustôt,Ouagadougouavaitluiaussi choisi le groupe basé à Amsterdam pour recenser ses électeurs en vue des législatives de décembre. Gemalto l’avait alors emporté face à Morpho, filiale du groupe Safran, l’un de ses concurrents habituels avec Face Technologies et Oberthur Technologies. Grâce à 3 500 kits tenant dans une simple mallette, les agents électoraux burkinabè formés par Gemalto sillonnent aujourd’hui le pays pour collecter des données démographiques, les portraits numériques ainsi que la signature et les empreintes digitales de chaque citoyen. Au total, 8 millions d’électeurs devraient être ainsi répertoriés. «Lesgouvernementsafricainsont de plus en plus la volonté de moderniser les infrastructures publiques, d’allerversdessolutionsplussécurisées, qui protègent le citoyen, sa vie privée et garantissent la confiance

danslestransactions,qu’ils’agissede taxes à prélever ou d’autorisations à donner », explique Frédéric Trojani, vice-président de Gemalto chargé desprogrammesgouvernementaux. Des projets qui bénéficient souvent du soutien financier des institutions internationales.

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Entreprises marchés ! De g. à dr. : JEAN BURELLE, président de Medef International, HAMADI JEBALI, Premier ministre tunisien, et TAREK CHÉRIF, président de Conect, à Paris, le 28 juin.

dirigeants, une des nombreuses organisations du syndicat historique. Malgré leurs espoirs de changements, les patrons frondeurs de l’Utica se sont vite aperçus qu’il leur serait difficile de faire évoluer ce mastodonte composé de centaines de structures, dont certaines ne sont même pas opérationnelles. Fin mars 2011, ils décident de fonder un nouveau syndicat. « Notre ambition était de créer une organisation répondant aux TUNISIE préoccupations économiques, juridiques mais aussi sociales des chefs d’entreprise. L’ère de la pensée unique est révolue », résume Tarek Chérif. « De mars Créée en septembre 2011, l’organisation patronale n’a pas tardé à s’imposer sur la scène nationale et internationale en prônant la citoyenneté à août 2011, nous avons fait une étude des attentes du secteur et la bonne gouvernance. Au grand dam de l’Utica, le syndicat historique. privé pour nous positionner. Notre constat a été clair: la citoyenneté et e 28 juin, Tarek Chérif, prépatronat et les missions organisées labonnegouvernanceétaientcomsident de la Confédération avec des délégations d’hommes plètement absentes des débats », des entreprises citoyennes d’affaires en Libye, en Turquie et, justifie Douja Gharbi. de Tunisie (Conect), a à l’automne, en Côte d’Ivoire. Fidèle à son projet de départ, frappé un grand coup dans la lutte Une montée en puissance faciliConect exige notamment de ses d’influence qui l’oppose à l’Union tée par la période agitée actuelleadhérents qu’ils s’engagent à payer tunisienne de l’industrie, du comment vécue par l’Utica. Malgré ses leurs impôts sur la base de leur chiffre d’affaires (et non forfaimerce et de l’artisanat (Utica), le efforts, Wided Bouchamaoui peine à solder l’héritage des années Ben tairement, comme l’autorise la syndicat historique du patronat. Ali. Faute d’avoir achevé la loi sous certaines conditions). Ses équipes ont organisé le preréforme de ses statuts, le Nous avons aujourd’hui mier voyage officiel du Premier « No SOCIÉTÉ congrès de son organiiplus de 600 membres, mais pl ministre, Hamadi Jebali, à Paris. ÉCONOMIE Progrès social, nous ne cherchons pas Wided Bouchamaoui, présidente sation, prévu en juin, a Rentabilité, égalité des création de l’Utica, a fait des pieds et des été repoussé. Ces diffià grossir à tout prix. Par chances… de valeur… cultés sonnent comme mains pour assister en spectatrice exemple, Conect n’acUNE une confirmation pour cu à l’événement. Invitée quelques cueille pas d’entreprises CHARTE les fondateurs de Conect, ct, un unipersonnelles, comme jours plus tard à échanger avec EN QUATRE membres de longuee les chauffeurs de taxi ou les le le président Moncef Marzouki au AXES ÉCOLOGIE date de l’Utica avant artisans, car leurs attentes ar palais de Carthage, elle a encore Ressources sont trop différentes de la révolution. été obligée de partager la vedette G OUVERNANCE renouvelables, Responsabilité, celles des PME », précise avec son rival. lutte contre le déontologie… MASTODONTE. «Après Tarek Chérif. Moins d’un an après sa créagaspillage… le 14 janvier 2011, nous us Le discours séduit aussi tion en septembre 2011, Conect avons commencé à nous ous les grands groupes comme impose sa marque aussi bien sur réunir presque tous les jours », » num le numéro un tunisien Poulina, la scène nationale qu’internase rappelle Douja Gharbi, vice-préle leader des travaux publics tionale. À preuve, la convention sidente de Conect. « Le plus imporBouzguenda ou le fournisseur d’acsignée avec l’Agence de promotant était de défendre l’image des cès internet HexaByte. Si les sociétion de l’industrie et de l’innovachefs d’entreprise accusés d’avoir tés basées à Sfax et à Tunis sont tion, sa participation au Conseil pillé le pays », ajoute Monia Saïdi, encore surreprésentées, Conect d’affaires tuniso-marocain, les bonnes relations entretenues avec trésorière du syndicat et ancienne n’oublie pas de se développer dans la Confédération algérienne du présidente du Centre des jeunes les autres régions. « Nous sommes VINCENT FOURNIER/J.A.

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Conect, le courant alternatif

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

déjà implantés dans 13 gouvernorats sur 24. À Gafsa, nos représentants ont joué un rôle de médiateur important quand l’équipementier automobileYazaki,perturbépardes mouvements sociaux, a menacé de quitter le pays », souligne Monia Saïdi. En parallèle, Conect a amorcé la création de branches professionnelles comme celle du textile, déjà très active dans ses échanges avec son homologue turc. COTISATIONS. En tête des dossiers

chauds suivis par Conect : le code des investissements. « À l’invitation du gouvernement, nous allons participer à sa refonte », confirme Monia Saïdi. Pour avancer des propositions, la confédération pourra s’appuyer sur son conseil des sages – où siégeait, avant sa nomination, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari – et sur les réflexions de l’Institut arabe des chefs d’entreprise,

Son discours a séduit les grands groupes comme Poulina ou Bouzguenda. un think-tank fondé par Tarek Chérif. L’organisation n’oublie pas non plus de porter les revendications traditionnelles du patronat, en dénonçant par exemple le manque de souplesse du droit du travail. « Je regrette le fait que les pouvoirs publics aient limité le recours aux agences d’intérim », explique ainsi Tarek Chérif. Autre préoccupation majeure pour la jeune organisation : l’état de ses ressources. Son budget de base s’élève à 100 000 dinars (environ 50 400 euros), mais les événements qu’elle organise multiplient ses besoins par quatre. Pour poursuivre son développement et préparer son premier congrès prévu au premier trimestre 2013, elle lorgne naturellement une partie des cotisations patronales (environ 5 millions de dinars) reversées par l’État à l’Utica. Voilà qui ne devrait pas réchauffer les relations entre les deux syndicats. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

ÉMILIE REGNIER POUR JA

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MAURITANIE PLEINS GAZ SUR L’ÉLECTRICITÉ La Mauritanie prévoit de se doter d’une centrale électrique d’une capacité de 350 mégawatts. Détenue à 40 % par la Société mauritanienne d’électricité (Somelec), à 26 % par la Société nationale industrielle et minière (Snim) et à 34 % par Kinross, une compagnie minière canadienne,

elle sera alimentée en gaz par le pétrolier britannique Tullow Oil. D’un coût évalué à 580 millions d’euros, elle pourrait entrer en activité en 2014. Ce projet implique plusieurs développements ultérieurs importants pour la sous-région, au premier rang desquels l’alimentation en électricité du Sénégal. La construction d’un réseau de gazoducs pour redistribuer vers les pays voisins le gaz extrait des champs situés au large des côtes mauritaniennes est également envisagée. Enfin, l’industrie de la pêche, au potentiel immense, pourrait grandement bénéficier du projet : l’absence de chaîne du froid par manque d’électricité provoque actuellement la perte de 60 % des prises. ●

• CHARBON Le sud-africain Anglo American va racheter à l’australien Ken

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Talbot, pour 555 M$, 58,9 % des parts de la mine de Revuboè, au Mozambique

• DETTE La France et la Côte d’Ivoire ont conclu un accord d’annulation de dette de 3,76 G€ • CONSTRUCTION Le français Touax et le fonds ADP se sont emparés de 90 % de Sacmi, spécialiste marocain de la construction modulaire • DROIT Le cabinet d’avocats d’affaires Baker & McKenzie ouvre un bureau à Casa, son 3e sur le continent après l’Égypte et l’Afrique du Sud

CIMENT DES ANGOLAIS À KINSHASA La RD Congo a cédé le contrôle de la Cimenterie nationale (Cinat) à l’angolais Nova Cimangola pour 33,5 millions d’euros. Ce dernier pourrait y investir 45 millions d’euros.Très insuffisante, la production nationale de ciment est principalement assurée par la Cimenterie de Lukala (Cilu), dans le Bas-Congo. D’autres projets sont en cours un peu partout dans le pays. ● SANTÉ PROPARCO PASSE AU GÉNÉRIQUE Le laboratoire indien Strides Arcolab cède 20 % du capital de sa filiale africaine à Proparco, pour 10 millions d’euros. Les trois quarts de cet investissement seront consacrés à la

modernisation d’une usine au Nigeria et à la construction de deux nouvelles unités, au Cameroun et au Soudan. Le reste permettra de moderniser l’usine de Bombay, d’où sont issus 75 % des médicaments vendus en Afrique. ● TUNISIE QUI VEUT LES ACTIFS D’EL-MATERI ? Tunis a annoncé la vente des actifs confisqués à Sakhr el-Materi après la révolution. Quelque 51 % du concessionnaire Ennakl seront cédés à la suite d’un appel d’offres international, tandis que 9 % seront dans un deuxième temps vendus sur la Bourse deTunis. Concernant l’opérateurTunisiana, le gouvernement a également lancé un appel d’offres international pour une cession de 25 % du capital en un seul bloc. ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Décideurs MAROC

Nadia Bouhriz avance sur de bons rails

Bouhriz, ancien président de la région de Tanger-Tétouan. Forte de son expérience à Rabat, elle a été placée en mars 2009 à la tête du projet de Casablanca (initié en 2008). « Le fait d’être une femme n’est pas un problème. Je trouve même le milieu professionnel moins machiste au Maroc qu’en France », remarque-t-elle, avant de nuancer : « Dans les directions de haut niveau, je suis très souvent la seule femme, ce n’est pas normal. »

Cette ingénieure pilote le chantier du tramway de Casablanca. Forte de son expérience sur celui de Rabat, elle fait l’interface avec toutes les parties prenantes, pour une mise en service en décembre.

À

Casablanca, difficile de rater le chantier du tramway.Sur30km,du quartier d’affaires de Sidi Maarouf jusqu’à la zone industrielle d’Aïn Sebaa en passant par la place Mohammed-V au cœur de la ville, plus de 5 000 ouvriers s’activent sur ce projet de 6,4 milliards de dirhams (près de 582 millions d’euros). À terme, 230 000 passagers devraient emprunter chaque année la première ligne du « tram casaoui ». Peu de Marocains le savent, mais c’est une femme de 37 ans, Nadia Bouhriz, qui pilote le chantier. NÉGOCIATIONS. Directrice du

projet au sein de Casa Transport (lire encadré), elle a les yeux rivés sur ses objectifs : le 12 décembre 2012, date « magique » choisie pour l’inauguration, tout doit être prêt pour les usagers : rames et réseaux fonctionnels, stations terminées, tarification et gestion informatique des billets… Entre les sous-traitants, parmi lesquels le français Alstom et le turc Yapi Merkezi (génie civil), et les partenaires publics, cette Tangéroise diplômée de l’École spéciale des travaux publics (ESTP) de Paris est

INFLEXIBLE. Si l’ingénieure, louée

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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engagée sur tous les fronts. « Ces dernières semaines, ce sont les négociations avec le réseau de bus qui me prennent du temps. Nous cherchons à mettre en place une tarification unique et une bonne connexion entre les deux types de transport », explique-t-elle. La société casablancaise M’dina Bus étant en difficulté financière, les discussions sont musclées. Auparavant responsable de la planification des investissements à la Lyonnaise des eaux de Casablanca (Lydec), Nadia Bouhriz est arrivée en 2006 sur le chantier du tramway de Rabat comme directrice des infrastructures. « J’avais envie de travailler au sein d’un projet ambitieux, mais du côté du donneur d’ordre », explique cette mère de deux enfants, sensibilisée au service public par son père, Mohamed

! TANGÉROISE DE 37 ANS, elle est diplômée de l’École spéciale des travaux publics de Paris.

Elle devrait prendre logiquement la suite de Youssef Draiss à la tête de Casa Transport.

ET PUIS UN RER, UN MÉTRO… CRÉÉE EN 2008, CasaTransport est la société anonyme qui pilote les chantiers de transport urbain de la capitale économique. Après la première ligne de tramway, elle doit mener à bien trois autres lignes, mais aussi un RER (réseau express régional) et un métro, pour un coût total de 4 milliards d’euros. Dirigée depuis sa fondation parYoussef Draiss, haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, elle a pour principaux actionnaires la commune de Casablanca (58 % des parts), l’État (23 %) et le fonds public Hassan-II (10 %). ● C.L.B. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

pour ses qualités de stratège et d’organisatrice, a le soutien du conseil d’administration de Casa Transport et de son directeur général, Youssef Draiss, ses relations avec les sous-traitants sont plus tendues. « Elle se montre inflexible dans les négociations, en particulier sur les délais et les coûts », regrette l’un d’eux, qui note le nombre élevé de dénonciations de contrats lancées à l’encontre des sociétés travaillant sur le chantier. « Nous sommes réactifs, prenons les décisions rapidement et payons nos sous-traitants dans les temps », réplique l’énergique directrice, fière d’afficher déjà des

économies sur le budget. « Nous nous attendons à dépenser 600 millions de dirhams de moins que prévu grâce à une bonne mise en concurrence des appels d’offres », annonce-t-elle déjà. Si le lancement du tramway se déroule dans de bonnes conditions, Nadia Bouhriz devrait prendre logiquement la suite de Youssef Draiss à la tête de Casa Transport. « Elle en a l’étoffe, j’en ai déjà parlé au conseil d’administration », confie l’actuel directeur général, heureux de passer la main après quatre années de service. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


Décideurs

FEMME D’AFRIQUE MAGAZINE/PKL-CI

! « En Afrique, on a trop tendance à IMPORTER CE QU’ON CONSOMME. »

CÔTE D’IVOIRE

Marie Diongoye Konaté, l’opiniâtre

Elle a fondé Protein Kissèe-La, une société spécialisée dans l’alimentation infantile à partir de produits locaux. Malgré dix années de crise, pari réussi.

Q

uand on lui demande son âge, elle hésite. Fière de sa réussite, mais contrariée d’avoir perdu du temps. « À 50 ans, je me voyais à la tête de deux ou trois sociétés, mais les événementsdesdixdernièresannéesen ontdécidéautrement»,regrettecette Malienne originaire de Bamako. Après une formation d’architecte et d’ingénieur, Marie Diongoye Konaté a commencé par travailler au Brésil. « J’ai pris conscience que les Brésiliens mangent ce qu’ils produisent, alors qu’en Afrique on a tendanceàexportercequ’onproduit

L’entreprise en chiffres • Fondée en 1994 • 70 salariés • Environ 2 millions d’euros de chiffre d’affaires

et à importer ce qu’on consomme », souligne-t-elle. Puis elle arrive en Côte d’Ivoire au début des années 1990 pour travailler sur un projet portant sur le soja, financé par le gouvernement. « C’est un comble que, dans un pays souffrant de malnutrition, le soja soit seulement utilisé pour alimenter le bétail! » En 1994, elle décide de se lancer dans l’entrepreneuriat avec un capital de 400000 F CFA (610 euros actuels). « Entre les vendeurs locaux et les géants du secteur comme Nestlé et Danone, il y avait un gouffre à combler », se souvient-elle.

Six mois plus tard, Protein Kissèe-La (PKL, kissèe signifiant « graine » en bambara) était né. Avec comme objectif de proposer à un prix abordable une alimentation infantile à haute valeur nutritive. Aujourd’hui, Marie Diongoye Konaté dirige une entreprise de 70 personnes implantée dans la zone industrielle de Vridi, à Abidjan. PKL, qui s’approvisionne exclusivement auprès des producteurs locaux, achète chaque année pour 700 millions de F CFA de soja et de céréales et vend 300 tonnes d’alimentation infantile, essentiellement en Côte d’Ivoire, mais aussi au Sénégal, au Cameroun et en RD Congo. RACKET. En 2006, l’entreprise a

été frappée de plein fouet lorsque le navire Probo Koala a déversé des déchets toxiques à proximité de ses locaux, l’obligeant à fermer momentanément. Après avoir été divisé par deux, son chiffre d’affaires annuel atteint désormais 1,3 milliard de F CFA. Mais ses bénéfices n’ont jamais retrouvé leur niveau d’antan. Un an après la crise postélectorale, les PME attendent toujours que l’économie redécolle. Infrastructuresdéfaillantes,harcèlementpolicier,racket…«Onatouché le fond ces dix dernières années, constate Marie Diongoye Konaté. Mais j’ai confiance en l’avenir. » ● OLIVIER MONNIER, à Abidjan

DR

ON EN PARLE

LAURENT MAIROT MAROC TÉLÉCOM Auparavant directeur du budget, du plan et du contrôle de gestion de Vivendi, il vient d’être nommé au poste de directeur général administratif et financier de Maroc Télécom. JEUNE AFRIQUE

ANASS ALAMI MEDI TÉLÉCOM Le directeur général de la Caisse de dépôt et de gestion a été nommé président de l’opérateur marocain. Il succède ainsi à Othman Benjelloun, qui demeure membre du conseil d’administration.

EISSA AL-SUWAIDI ETISALAT Il a été nommé président du groupe émirati, où il remplace Mohammed Omran, qui occupait ce poste depuis 2005. Le groupe de télécoms est présent dans dix pays en Afrique. N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Marchés financiers BOURSE AGRICOLE

Addis-Abeba trace son sillon Lancé en 2008, l’Ethiopa Commodity Exchange inspire désormais plusieurs pays du continent. Le souci apporté aux petits producteurs n’est pas étranger à son succès.

E

n seulement quatre ans, l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX) est devenu une référence en Afrique. Tour à tour, cette Bourse de matières premières agricoles a reçu, en mai, la visite du président nigérian Goodluck Jonathan puis de son homologue tanzanien Jakaya Kikwete, tous deux venus s’imprégner de son modèle pour le reproduire dans leurs pays respectifs. Ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à la réussite de cette place. Le Rwanda et le Ghana, de même que les huit pays de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA), réfléchissent à des projets similaires (lire p. 62). Les performances de l’ECX, lancé en avril 2008, parlent d’ellesmêmes. Plus de 600 000 tonnes de produits agricoles y ont été échangées durant le dernier exercice, clos le 30 juin, soit une augmentation de plus de 100 000 t par rapport à 2010-2011. « Entre 2008 et 2011, nous avons réussi à doubler les volumes de transaction d’une année à l’autre », indique Eleni Gabre-Madhin, directrice générale. Diplômée en agroéconomie des universités du Michigan et de Stanford, en Californie, cette ancienne cadre de la Banque mondiale, qui cédera son fauteuil le 30 septembre (lire encadré), est également la fondatrice de l’ECX. En valeur, les transactions de 2011-2012 ont avoisiné 1,2 milliard

ALFREDO BINI/COSMOS

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LES TARIFS SONT FIXÉS en fonction de la demande locale et des cours internationaux.

de dollars (environ 955 millions d’euros), soit une hausse de 21 % sur un an. En moyenne, l’ECX réalise 20 millions de dollars de transactions par jour, soit dix fois le chiffre quotidien de la Bourse des valeurs d’Accra et sept fois celui du NairobiSecuritiesExchange,des places plus anciennes pourtant classées parmi les plus dynamiquesenAfriquesubsaharienne. FIABILITÉ. « Nous avons mis en

place un système qui répond aux besoins des petits producteurs », souligne Eleni Gabre-Madhin, expliquant ainsi la raison de ce succès. En Éthiopie, ces derniers (80 % de la population active) représentent plus de 90 % de la

600000 tonnes C’est le volume de produits (café, sésame, haricots blancs et maïs) échangés cette année sur l’ECX. Soit près de 1 milliard d’euros en valeur.

production agricole totale. De fait, pour les attirer, la quantité minimum de vente a été fixée à 50 sacs de 100 kg, soit 5 t, un volume largement accessible. « Il s’agit plus ou moins de la capacité des petits camions communément utilisés dans les milieux ruraux pour transporter les récoltes », poursuit la directrice de la Bourse. Autre explication : la fiabilité de l’offre et de la chaîne d’approvisionnement. « Nous avons dépassé le milliard de transactions sans jamais avoir un défaut de livraison ou de paiement », se félicite Eleni Gabre-Madhin. À travers le pays, l’ECX dispose de 17 entrepôts d’une capacité allant de 5 000 à 30 000 t pour le stockage

ANTENEH ASSEFA, NOUVEAU PATRON LE 1ER AOÛT, l’Ethiopia Commodity Exchange (ECX) aura un nouveau directeur général. Anteneh Assefa, 38 ans et banquier de profession, succédera à Eleni Gabre-Madhin. Mais celle-ci ne quittera pas le management de la Bourse N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

dans l’immédiat. Après une période de passation de services de deux mois, elle occupera dès octobre le poste de conseillère du directeur général jusqu’au 30 juin 2013. Choisi parmi une poignée de candidats de

haut niveau, Anteneh Assefa a quinze ans d’expérience dans le secteur bancaire local. Ancien cadre de Commercial Bank of Ethiopia, il était le vice-président chargé des opérations de Bank of

Abyssinia avant sa nomination. D’après le conseil d’administration de l’ECX, cette transition managériale est le résultat d’un plan de succession soigneusement élaboré depuis mai 2010. ● S.B. JEUNE AFRIQUE


Baromètre

La part du prix revenant aux caféiculteurs a quasiment doublé. entrepôt. Le café, premier produit d’exportation du pays, est par exemple classé par catégories, et les prix sont fixés en tenant compte de la demande locale et des cours sur les marchés internationaux. Mais outre ces avantages, le fonctionnement de la Bourse aide aussi à contourner les multiples intermédiaires qui prélèvent au passage une commission. Avant la création de l’ECX, les études estimaient à 38 % la part du prix qui revenait aux producteurs. Cette proportion est désormais de 65 %, voire de 70 %, pour les 15 millions des caféiculteurs éthiopiens. Les paiements se font moins de 24 heures après la signature du contrat, quand ce délai est de 48 à 72 heures pour la plupart des Bourses subsahariennes. TRANSFORMER L’ESSAI. Fort

de ses bons résultats, l’ECX peut désormais s’affranchir du financement de ses bailleurs de fonds (Banque mondiale, Programme des Nations unies pour le développement, Agence canadienne de développement international…), qui lui ont apporté un appui initial de 24 millions de dollars. Il doit cependant consolider son modèle pour transformer définitivement l’essai. Cela passera, selon les spécialistes, par l’introduction d’autres matières premières agricoles (pois chiches, lentilles et graines oléagineuses) et par la mise en place progressive des contrats à terme, pour devenir une Bourse plus moderne. ●

Tunis reste dans le vert VALEUR

SFBT Monoprix Banque de Tunisie Amen Bank UBCI BIAT ATB Carthage Cement Poulina Attijari Bank

SECTEUR

COURS au 24 juillet (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

BOISSONS

9,39

+ 39,7

DISTRIBUTION

18,73 8,08 23,34 29,55 44,23 3,36 2,37 4,61 10,44

+ 30,2 + 25,0 + 18,4 + 9,3 – 1,3 – 4,2 – 4,9 – 6,7 – 8,2

BANQUE BANQUE BANQUE BANQUE BANQUE CIMENT AGROBUSINESS BANQUE

APRÈS UNE PÉRIODE de stagnation en mai et juin, la Bourse deTunis a repris sa tendance haussière. Le 24 juillet, leTunindex affichait une hausse de près de 11 % depuis le début de l’année. Du côté des valeurs bancaires (43 % de la capitalisation du marché), les très fortes progressions de Banque deTunisie et d’Amen Bank ne doivent pas masquer les incertitudes qui pèsent sur les autres institutions financières,

SOURCE : ATTIJARI INTERMÉDIATION

des marchandises (café, sésame, haricots blancs et maïs, les quatre produits actuellement cotés sur cette place). Plus question donc pour les producteurs de conserver eux-mêmes leur récolte au risque de voir leur qualité se détériorer. Le mécanisme mis en place par l’ECX permet d’évaluer (grâce à un laboratoire) la qualité et la quantité des produits lorsqu’ils entrent en

Marchés financiers

dont la Société tunisienne de banque (– 10 % en 2012). En baisse de 6,7 % depuis le début de l’année, Poulina a laissé la place de numéro un en termes de capitalisation boursière à Banque deTunisie, malgré l’amélioration des performances opérationnelles du groupe. Depuis le début de l’année, la plus grosse chute est celle de la Société moderne de céramique (– 25 %), après une année 2011 très spéculative. ●

Valeur en vue UBCI L’effort commercial est insuffisant L’Union bancaire pour le commerce et l’industrie (UBCI, filiale de BNP Paribas) a une activité très variée. Elle opère dans la banque de détail, le crédit-bail, la gestion d’actifs, l’intermédiation boursière et l’immobilier. La banque souffre d’un réseau d’agences relativement restreint (111) qui freine son activité commerciale. Selon les indicateurs d’activité du premier semestre 2012, il est clair qu’UBCI souffre encore du climat instable de laTunisie, avec un produit net bancaire qui n’a augmenté que de 4,8 % par rapport Fatma Hergli au premier semestre 2011. Le ratio de liquidité a diminué Analyste chez AlphaMena de 172 points de base, à 93,8 %, à cause d’une hausse du niveau des crédits de 23,1 %, à 970 millions d’euros. Pour pallier cette insuffisance, la banque a eu recours aux emprunts et aux ressources spéciales, qui ont crû de 8,9 %, à 29 millions d’euros. Le coefficient d’exploitation bancaire [qui mesure le poids des frais généraux par rapport aux revenus, NDLR] s’est dégradé, passant de 59,8 % au premier semestre 2011 à 64,5 % cette année. Nous recommandons le titre à la vente. » ● BOURSE

PNB 2012 (1er semestre)

COURS

OBJECTIF

Tunis

30,7 millions d’euros (+ 4,8 %)

48,10 dinars (24.7.2012)

23,60 dinars

STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE

N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Saint Madiba Culture & médias

RADIO

Pendant une semaine, Fabrice d’Almeida revient sur l’icône de la lutte contre l’apartheid, son parcours exceptionnel, mais aussi ses erreurs et ses faiblesses. Un travail réalisé à partir d’archives et de reportages menés en Afrique du Sud.

Propos recueillis par

la guerre des Boers, pour enfermer des civils en masse. Et bien sûr, l’Afrique du Sud met en place l’apartheid, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que le nazisme est défait.

PIERRE BOISSELET

A

u lendemain de son 94e anniversaire, l’ancien président sud-africain et la figure emblématique de la lutte contre l’apartheid, Nelson Mandela, fait l’objet d’une semaine spéciale animée par l’historien Fabrice d’Almeida, dans le cadredesGrandes Traverséesd’étédelaradioFrance Culture. À raison de trois heures par jour, du 6 au 10 août*, il retrace son parcours en exhumant des documents d’archives et tente, au travers de cinq reportages réalisés en Afrique du Sud, d’évaluer ce qu’est devenue la nation Arc-en-Ciel. JEUNE AFRIQUE: Vous êtes plutôt un historien des totalitarismes européens. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à Nelson Mandela et à l’Afrique du Sud? FABRICE D’ALMEIDA : Pour des raisons person-

nelles, d’abord. Mon éveil politique s’est fait après la mort de Steve Biko en 1977, à un moment où la jeunesse française était très mobilisée sur la question de l’apartheid en Afrique du Sud. Étant métis moi-même, la discrimination en fonction de la couleur de la peau m’a toujours paru aberrante. Ensuite, en tant qu’historien, j’ai beaucoup travaillé sur le nazisme, qui est le système raciste par excellence. L’Afrique du Sud était toutefois moins totalitaire que l’Allemagne nazie : au cours des procès dans lesquels Nelson Mandela était impliqué, l’État a perdu à plusieurs reprises contre son mouvement, le Congrès national africain (ANC). Et puis l’Afrique du Sud est en totale résonance avec l’histoire du XXe siècle. C’est là-bas que Gandhi commence à faire ses premières manifestations non violentes. C’est là-bas, aussi, qu’ont été inventés les camps de concentration, par les Anglais pendant N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Nelson Mandela est une icône universellement admirée. Vous parlez d’un « saint laïque ». Avezvous aussi un regard critique sur son parcours ?

DR

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Fabrice d’Almeida Ì Historien de 48 ans,

professeur à l’université Paris-IIPanthéon-Assas

Ì Expert des médias du fascisme et du nazisme Ì Fils d’Hélène

d’Almeida-Topor, historienne spécialiste du Bénin, et de feu Francis d’Almeida, ingénieur agronome et ancien responsable du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) pour le Bénin A été directeur de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) de 2006 à 2008

Ì

Ì C’est un habitué des

plateaux de télévision et de radio en France

Nous avions, bien sûr, l’idée de mettre l’accent sur le côté exceptionnel de son parcours. Mais nous avons aussi voulu laisser paraître ses moments de faiblesse, voire ses erreurs. Le choix de la lutte armée, par exemple: Mandela et ses camarades le font sans en avoir les moyens et se font donc tous arrêter. Son sentiment que seuls les communistes sont à même de l’aider peut aussi se discuter, de même que la volonté, une fois arrivé au pouvoir, d’être le bon élève du libéralisme. Vous revenez sur le destin de son ex-femme, Winnie Madikizela-Mandela, que vous qualifiez de « face cachée » de Madiba. Pour quelle raison?

Nelson Mandela a effectivement conservé une image de saint vivant, alors qu’elle est souvent décrite comme une diablesse. Il est vrai que dans les années 1980 elle se comporte comme un chef de gang, avec le Mandela United Football Club. Cela donnera d’ailleurs lieu à un procès, en 1991, où elle va être condamnée en première instance avant que sa peine soit réduite en appel. Pendant les auditions de la Commission Vérité et Réconciliation, elle se borne à dire qu’il n’y a pas de preuve de ses exactions, et il faut l’intervention de Desmond Tutu pour qu’elle reconnaisse que des choses ont dérapé. Mais d’où vient cette face sombre ? Pendant que son mari est en prison, dans les années 1970 et 1980, elle a dû prendre, à sa place, beaucoup de décisions difficiles, entretenir sa famille avec ● ● ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

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ADRIE MOUTHAAN/HOLLANDSE HOOGTE-REA

! NELSON MANDELA, en 1994.


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Culture médias peu de ressources et protéger l’organisation des « traîtres » qui pouvaient la mettre en danger. Nelson n’a pas connu cela : il était en prison et a donc été préservé de tous ces aspects détestables.

pays a plutôt besoin d’un nouveau développement industriel. Mais, à la différence des pays émergents, son taux de croissance est très insuffisant.

●●●

Mais s’il était encore au pouvoir, dans la même situation, Mandela mettrait-il en œuvre les réformes plus radicales que propose Zuma ?

Mandela aurait conservé sa virginité politique du fait de son emprisonnement ?

En tout cas, lui et ses camarades auraient pu, à certains moments, accepter le marché proposé par les autorités : sortir de prison et renoncer à la lutte armée, quitte à aller organiser la résistance depuis l’exil. Ils ont préféré rester dans une position de martyrs. Mais c’est un martyre qui, à partir de 1976, et surtout de 1982, est beaucoup plus confortable. Il est donc assez dérangeant que Winnie endosse tous les crimes tandis que Mandela reçoit tous les honneurs. Pendant des années, sans elle, sa voix n’aurait pas existé.

Je ne pense pas. Sa présidence a montré qu’il ne pensait pas que la solution se situait au sommet de l’État : il a beaucoup laissé agir les corps intermédiaires. Le problème de l’Afrique du Sud, c’est que les Blancs sont haïssables, mais leur présence

Winnie endosse tous les crimes tandis que Mandela reçoit tous les honneurs. Or, sans elle, sa voix n’aurait pas existé.

Le régime a justement essayé de censurer toute information sur Mandela. Est-ce que cela se ressent dans les archives que vous avez utilisées?

Oui.Lepremierreportageradiophoniquefrançais consacré exclusivement à Nelson Mandela n’a été diffusé qu’en 1985! Son nom apparaît en 1977, mais uniquement dans un bulletin d’information, parmi ceux d’autres prisonniers politiques. Cela donne la mesure de l’oubli dans lequel il était tombé. Les pays anglo-saxons en ont, c’est vrai, beaucoup plus parlé. Mais il y a un moment, entre 1964 et 1971, où il est très peu médiatisé. En fait, ce n’est qu’à partir du début de 1979 qu’il devient le symbole planétaire que nous connaissons.

L’actuel président sud-africain, Jacob Zuma, a récemment déclaré qu’il était temps de prendre « toutes ces décisions difficiles » que l’ANC n’a « pas pu prendre en 1994 », c’est-à-dire à l’arrivée au pouvoir de Mandela. Il faisait référence à la redistribution des terres et à la taxation des entreprises minières. Mandela a-t-il manqué de courage sur ces réformes économiques ?

C’estunhommequiasufairepreuvedebeaucoup de pragmatisme. Ainsi, quand il se rend compte que l’idée d’égalité compromet la présence de toutes les composantes de la société, il met en avant celle de liberté: il faut libérer tout le monde, y compris les Blancs, qui sont aussi prisonniers de l’apartheid. Il a su adapter sa vision idéologique à un contexte et à un équilibre politique particuliers. Lorsqu’il arrive au pouvoir, l’Afrique du Sud est endettée et a besoin de garder un lien avec les institutions internationales comme le FMI, et donc il met en œuvre les libéralisations qu’elles réclament. Zuma est face à une pression supplémentaire, avec le sentiment que, pour faire un pas de plus dans l’émancipation économique des Noirs, il faut collectiviser. La réforme agraire risquerait de déséquilibrer le pays sur le plan alimentaire et ne résoudrait pas la question de la pauvreté urbaine. Le

N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

garantit une certaine richesse de l’économie. Il n’y a pas pour l’instant une génération de Noirs suffisamment compétents dans tous les domaines pour les remplacer. Malheureusement, le système éducatif sud-africain est ahurissant de défaillances.

+

Où trouver des archives sur Nelson Mandela? Ì Sur: archive

.nelsonmandela.org Ce site regroupe des milliers de photos, d’écrits et de documents vidéo et audio sur son parcours Ì À Johannesburg,

au musée de l’Apartheid Camarade, prisonnier, homme d’État… La « Mandela Exhibition » s’arrête sur les différentes étapes de sa vie Ì Sur : ina.fr Le site des archives de la télévision française permet de retrouver les scènes de sa sortie de prison, son premier discours à Soweto ou encore sa dernière apparition de président en 1999

Dans vos reportages, on sent beaucoup de frustration chez les jeunes Sud-Africains. On voit mal comment les choses pourraient continuer ainsi…

Oui, c’est un des risques. Je pense que les jeunes ont envie du changement, mais je ne sais pas s’ils pourront le maîtriser. Mandela a hérité d’un pays au bord de la guerre civile et sa grande force a été d’éviter qu’elle se produise ou que le pays devienne un nouveau Zimbabwe. Je ne sais pas si la nouvelle génération va réussir à préserver cela. Le 15 juillet, une Sud-Africaine, Nkosazana DlaminiZuma, a été élue à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA). Ce pays a-t-il des visées hégémoniques? L’histoire et l’idéologie de l’ANC l’en prémunissent-elles ?

Cette élection à l’UA fait partie de la stratégie de l’Afrique du Sud au niveau des grandes instances internationales. Elle se déploie aussi au G20, à l’ONU, dans les Brics… L’Afrique du Sud aspire à devenir une puissance régionale, mais il s’agit plus d’unrayonnementéconomiquequededomination: elle est, par exemple, le premier investisseur sur le continent, alors que le régime de l’apartheid, lui, exportait surtout son armée dans toute l’Afrique australe. Je ne pense pas que l’idéologie de l’ANC ait grand-chose à voir là-dedans. Elle a conservé une tradition issue du mouvement des non-alignés, mais elle cherche aussi l’influence sur la scène internationale là où le régime de l’apartheid était handicapé par les sanctions. ● * Après leur diffusion, les émissions seront disponibles sur franceculture.fr. JEUNE AFRIQUE


Culture e médias mé

Morceaux choisis

Infidèles

d’Abdellah Taïa

DR

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Infidèles, d’Abdellah Taïa, Seuil, 192 pages, 16,50 euros, à paraître le 23 août

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Dernier roman d’Abdellah Taïa, Infidèles nous plonge dans le quotidien de Jallal et de sa mère, Slima, une prostituée marocaine que le jeune homme aide dans la recherche de ses clients. Fidèle à son habitude, l’écrivain marocain explore le thème de l’homosexualité et des amours masculines et évoque la situation politique de son pays dans les années 1980. Récit à plusieurs voix écrit dans un style télégraphique qui ne manque pas de poésie, l’histoire est rythmée par les nombreuses ruptures temporelles et les rencontres des deux antihéros. Des hammams de Salé, au Maroc, aux casinos du Caire, en Égypte, Taïa nous entraîne dans la quête spirituelle nourrie par l’humiliation et les brimades quotidiennes de deux personnages marginalisés par la société, partis à la recherche d’un sens à donner à leur existence. En voici un extrait en avant-première.

as loin du quartier de Hay Salam il y avait une immense base militaire. Un terrain vague, vaste et terrifiant, nous séparait d’elle. Je n’ai jamais osé le franchir. C’était le pays des bandits, les vrais, des ivrognes rejetés de tous, des tueurs, des drogués. Une zone de non-droit juste à côté de la base militaire la plus importante du Maroc. Je n’ai jamais compris comment cela était possible. J’ai posé une fois la question à notre soldat. Lui non plus n’avait pas de réponse. Il s’est contenté de dire : « C’est le Maroc ! » C’est le Maroc ? Une autre énigme. Après son travail, le soldat traversait cette zone pour rejoindre Hay Salam, où il habitait comme nous. Il n’avait jamais peur. Il était sans doute protégé par sa tenue militaire et par les prières de sa mère. Hay Salam lui appartenait. C’était le milieu des années 80. Le Maroc avait soudain besoin de plus de soldats. On les formait à Salé, à Kenitra, à Meknès, et on les expédiait au sud, dans le Sahara, défendre un désert soudain devenu un territoire national, une cause sacrée. Un tabou. Un mystère. Une fiction. De la science-fiction.

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Notre soldat était sur le point de finir sa formation de deux ans. Il était arrivé chez nous quand j’avais 11 ans. Ce jour-là j’en avais presque 13. Je me suis habitué à lui très vite. La chambre qu’il louait chez un Berbère du Souss n’était pas loin de notre maison. Il venait voir ma mère au moins deux fois par semaine. Et moi j’allais le voir dans sa chambre désordonnée de célibataire quatre à cinq fois par semaine. Il ne s’est jamais plaint de ma présence trop envahissante, de mes chansons trop naïves et de mes fesses trop maigres. Pour me faire aimer un peu plus de lui, je me suis inventé un rôle. Sa bonne. Le bordel de sa chambre, c’était moi qui le rangeais. Son linge sale, c’était moi qui le lavais. Sa vaisselle, c’était moi qui la faisais. L’odeur de musc qu’on respirait chez lui, c’était moi qui l’avais imposée. Le musc était un lien entre nos deux chambres. Nos deux vies. Deux ans de va-et-vient. Deux ans pour connaître de l’intérieur un homme, un être humain, un sexe masculin. Savoir tout de ses paroles et de ses silences. De son souffle qui s’accélère. De son cœur qui devient fou. De sa jouissance. Son râle. Et son corps, au ciel, qui tombe violemment. Deux ans pour m’inspirer d’un homme, le copier, marcher comme lui, me tenir comme lui, tomber comme

lui, inventer dans ce monde une place près de la sienne, un chemin parallèle au sien. Deux ans. Je n’ai rien vu d’autre que lui. Lui et ma mère Slima. Lui, ma mère et le film. River of No Return. Deux ans qui se terminaient ce soir-là. On allait l’envoyer combattre au sud pour l’honneur marocain, la fierté marocaine. Il était digne à côté de moi, de nous. À présent, il allait entrer un peu plus danslasoumissionqu’onnousimposait, à tous les Marocains. « Le Polisario. C’est le nom de notre ennemi. Ils veulent nous voler notre Sahara occidental. » Le soldat a dit cela et il a ri. Plus tard, des années après, j’ai compris le sens de ce rire, son ironie, sa transgression. Sa tristesse. Je n’avais rien contre le Polisario. Je ne connaissais pas le Sahara marocain. Je connaissais le soldat. Il allait partir ce soir-là. Il marchait vers la mort. Il le savait. Je le savais. Personne n’arriverait à forcer ce destin. Le dérouter. L’annuler. Le combattre. L’amadouer. Le Sahara était marocain. Le roi Hassan II l’avait décidé. Et, après le départ des Espagnols, il avait organisé

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Culture médias

une grande marche en 1975 pour le récupérer, en faire une terre marocaine. La Marche verte. Le soldat avait préparé sa valise. Je l’avais aidé. Il y tenait. Le soldat allait pleurer. Ma mère s’en moquait. Pour elle, il n’était qu’un client parmi tant d’autres. J’avais appris sérieusement la chanson du film. Il était hors de question de le trahir. De sombrer dans une tristesse déclarée. La joie était ce qu’il venait chercher chez nous. La joie était mon dernier cadeau pour lui. Une chanson. Une petite danse. Un refrain. Une langue qu’on fait nôtre enfin. Dans la nuit longue nous allions tout réécrire. Ne plus jamais dormir.

choses, les fils entre les gens. Le mal. Le bien. Les masques. Les langues. Les illusions. Il ne fallait pas dire aux autres que nous avions une télévision en couleur. Ni aux voisins ni aux camarades à l’école. La jalousie, encore, toujours, partout. Se méfier des autres, de tous les autres. La nudité ne signifie pas révéler son âme, ses secrets, à tout le monde. « Le monde ne comprend pas la terre. On ne sait plus être vrai. Tu ne dois jamais te livrer complètement aux autres, mon fils, même à ceux qui t’aiment. Résiste. Résiste. Ne dis pas tout de toi, de ton histoire, de ton cœur. Ne te donne jamais totalement. Personne ne mérite cela, cet honneur. Tu as compris ? » La télévision en couleur symbolisait cette stratégie. Cacher l’essentiel. Cacher le vrai. Apprendre à jeter des sorts. À annuler ceux des autres. Marcher en regardantenpermanenceautourdesoi. ● © Seuil 2012

ROMAIN BOUTILLIER/EKTADOC

Je m’appelle Jallal. Dès notre installation à Hay Salam, ma mère Slima a acheté un poste de télévision. En couleur. C’était rare à l’époque, au milieu des années 80. Elle faisait son travail. Des hommes. Encore des hommes. Des Blancs. Parfois,

mais rarement, des Noirs. Elle avait beaucoup de succès. Après l’école, dans ma chambre bleue, je regardais la télévision. Dans sa chambre verte, ma mère bossait dur. Je ne m’ennuyais jamais. Je faisais le ménage et la cuisine. Ma mère s’occupait du reste. Les années à Hay Salam, c’était l’âge où tout allait être redéfini. Mon rôle. Le sien. Ce qu’on allait faire à deux, séparés, communiquant à travers le mur qui liait ma chambre à la sienne. Je ne réveillais jamais ma mère quand elle dormait. Son corps avait un autre rythme que le mien. Vivait d’autres expériences. Je savais tout. Je posais parfois une question. « C’est comme ça, mon fils. Je suis née pour cela. Vivre nue. Ne pas avoir peur d’être nue pour les autres. Je n’ai pas honte. » Je ne comprenais pas toujours. Je regardais la télévision. C’est d’elle que j’ai appris à mieux distinguer les

! « ELLE FAISAIT SON TRAVAIL. Des hommes. Encore des hommes. […] Elle avait beaucoup de succès. »

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Culture médias MÉDIAS

Les artistes tissent leur toile Écrivains, musiciens, dramaturges… Ils sont de plus en plus nombreux à compter sur les réseaux sociaux pour promouvoir leurs créations.

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n quelques clics, le lecteur de l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckouoududessinateurde BD gabonais Pahé peut s’abonner à leur compte Facebook, leur laisser un commentaire, trouver la date de leur prochaine dédicace… Les artistes africains sont de fervents utilisateurs de la plateforme la plus utilisée en Afrique, avec 17 millions d’inscrits. Dans les pays du Maghreb en particulier, où la liberté d’expression faisait cruellement défaut avant le Printemps arabe, les réseaux sociaux ont connu un véritable essor. Musiciens, acteurs, écrivains, danseurs, etc. en profitent depuis pour se faire connaître sur la scène internationale et rester en contact permanent avec leurs fans. « Ma page Facebook m’apporte une large visibilité, surtout lorsque je veux faire connaître mes nouveaux albums BD, des dessins osés. Le public se dirige de cette façon sur mon blog », explique Pahé qui, en revanche, dit ne pas maîtriser Twitter. « Il n’y a pas mieux pour se faire connaître à vitesse grand V : en quelques clics, vos travaux sont vus par tout le monde ! Je vais aussi très souvent sur des sites communautaires gabonais, très actifs ces derniers temps, et j’y poste mes œuvres. Ça marche, car le public vient nombreux. » De même, le blogueur tunisien –Z– utilisesapageFacebookdequelque7434fans pour publier ses caricatures et glisser des commentaires sur l’actualité de son pays. « Bien sûr que j’utilise les réseaux sociaux pour communiquer sur mon travail. Je vis avec mon temps », assure quant à lui le peintre et écrivain marocain Mahi Binebine. « Autrefois, je me roulais les pouces au Salon du livre de Paris, et quand N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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! MOINS AUSTÈRE QUE TWITTER, FACEBOOK permet aux artistes de donner davantage de visibilité à leur travail et d’atteindre un public plus large.

je dédicaçais trois ou quatre livres, j’étais aux anges! Maintenant, avec Facebook ou Twitter, je multiplie mes ventes par dix ! » D’autres, en revanche, gardent une certaine réserve. « Professionnellement, c’est un volet que je n’ai jamais cherché à développer, je reste un amateur », explique le designer marocain Hicham Lahlou. « Et puis j’ai commencé à acquérir ma notoriété dans les années 1990, précise-t-il, et Facebook ou Twitter n’existaient pas encore, j’en suis donc resté à ce stade, un peu volontairement. » BOULE DE NEIGE. Certains misent sur une page Facebook officielle, d’autres préfèrent un compte à leur nom sur le réseau social, où ils accumulent amis et relations. Dans les deux cas, il s’agit de tenir régulièrement informés les abonnés. « Mon blog est connecté à mes comptes Facebook, Twitter et LinkedIn par IFTTT, un programmateur de tâches qui publie directement sur les réseaux chaque article dès sa parution sur mon blog », explique le romancier togolais Kangni Alem, qui se

connecte tous les jours depuis son ordinateur ou son téléphone portable. Mahi Binebine assure, lui, qu’il y a « un effet boule de neige extraordinaire » dès qu’il annonce une exposition ou une signature de romans. « Lorsque j’ai des séances de dédicaces au Gabon, les abonnés de mes réseaux sont les premiers à savoir où cela aura lieu », confirme Pahé. Grâce à un groupe Facebook, la metteuse en scène française d’origine malienne et ivoirienne Eva Doumbia avait, elle, réussi à faire la promotion de son spectacle Moi et mon cheveu, le cabaret capillaire, en 2011, avant même qu’il ne soit monté. « Cela a été une formidable banque de ressources », raconte-t-elle. La plupart du temps, ces plateformes restentsurtoutlemeilleurmoyendetravailler en lien avec les autres artistes africains. Pahé confirme: « Avec quelques dessinateurs du continent, on peut parler de nos différents projets, des futurs festivals BD en vue, mais c’est souvent compliqué car la connexion internet est hélas fréquemment coupée. » ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


Culture médias Chaque semaine, en juillet et en août, J.A. vous présente une création majeure réalisée par un artiste contemporain, afin de montrer que l’art est bien vivant sur le continent. Par NICOLAS MICHEL

En donnant son propre prénom à ses sculptures, le plasticien camerounais revendique une perception personnelle de la tradition dont il est issu. « Je ne prétends pas être un artiste africain ; je ne prétends même pas être un artiste, je suis Pascale Marthine Tayou. » Et il préfère le terme « poupées », chargé des mystères du vaudou, plutôt que celui de « statuettes », Le titre plus neutre.

Né en 1966 au Cameroun, Pascale Marthine Tayou crée des sculptures monumentales à partir d’éléments disparates (troncs, parapluies, livres…) au sein desquelles le spectateur peut parfois se promener. En constante recherche de renouvellement – « Chaque fois que je défais un nœud, il y en a un autre qui se forme » –, il a connu la consécration lors de la 51e Biennale de Venise, en 2005. Les Poupées Pascale valent aujourd’hui entre 30 000 et 40 000 euros et il est possible de les voir à la Galleria Continua (au Moulin de Boissy-leChâtel en France et à San Gimignano en Italie) ou à la Manchester Art Gallery. Elles seront prochainement présentées à la Villette (Paris) et au Macro de Rome (Italie) pour les expositions « Collection privée » et « Parfum colonial ».

Le crayon est très présent dans l’œuvre de Pascale Marthine Tayou, mais moins en tant qu’outil de dessin qu’en tant qu’objet artistique à part entière. Ici, il compte autant pour sa couleur jaune que pour sa Le détail pointe effilée. Dans l’œuvre monumentale intitulée Damoclès, le Camerounais suspend plusieurs dizaines de troncs taillés comme des crayons de couleurs !

Les Poupées Pascale,

PHOTOS MARCO MINO/ COURTESY GALLERIA CONTINUA

« Je cherche l’harmonie entre les matières qui se repoussent pour exprimer la rencontre avec l’autre monde. Je fouille dans tout ce que nous jetons pour créer ma propre pyramide, avec l’objectif de traduire une pensée abstraite en forme visible. »

JEUNE AFRIQUE

L’œuvre « Mes poupées sont nées en 2008 d’une apparition, d’un accident d’optique. Lors d’une promenade vespérale à Venise, j’ai vu une ombre sortir d’un magasin où j’avais cru apercevoir une sculpture africaine dans du verre de Murano », raconte Tayou. Quand il décide d’en faire une série de sculptures, il choisit le cristal pour traduire la sensation de mystère, et l’incompréhension qu’il ressent face aux créations les plus réputées du continent. Mais le matériau est un peu trop noble pour le « chef de file des zéros », travaillant avec des détritus, de la poussière. Ainsi ses statuettes se vêtentelles d’éléments disparates : plumes, déchets, branchages…

L’artiste

JACQUES TORREGANO POUR J.A.

de Pascale Marthine Tayou

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Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

MUSIQUE

L’autre vaudou HORMIS SES ORIGINES AFRICAINES, on a tendance à penser le vaudou enraciné dans la seule culture haïtienne. À tort. Dans ce double CD contenant 40 titres au total, on découvre son implantation aux États-Unis et son impact sur la création. Des noms comme Jelly Roll Morton, MemphisMinnie,RobertJohnson,Muddy Waters, Bo Diddley, J.B. Lenoir, Blind Blake, Screamin’ Jay Hawkins, Art Blakey, John Coltrane, notamment, nous le rappellent à travers quelques classiques archiconnus. À (re)découvrir. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

EMMANUEL REUZÉ

Voodoo in America. 1926-1961 (Frémeaux et Associés) ■■■

BANDE DESSINÉE

Dans les bas-fonds de Kin

HISTOIRE

Un passé au goût de formol

Muscles saillants, décolletés plongeants, carrures viriles, courbes sensuelles : sans conteste, le Congolais Thembo Kash aime dessiner les corps. En particulier celui de Lola, belle gosse de riches qui va entraîner Bwana, simple garagiste mais quand même champion d’arts martiaux, dans des aventures à rebondissements. Le décor : Kinshasa et sa « jungle urbaine ». Le genre : thriller dopé à la testostérone. C’est dynamique, érotique comme il faut, un brin manichéen, pas forcément novateur, mais oui, on attend le tome II, parce qu’on veut connaître la suite ! ●

La France aura mis plus de cent trente ans pour restituer aux Kanaks la tête du chef de la révolte de 1878 contre les forces coloniales.

L

N.M.

THEMB O KASH

80

Jungle urbaine : 1. Lola, deThembo Kash, L’Harmattan BD, 60 pages, 9,90 euros ■■■ N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

e romancier français Didier Daeninckx s’est fait une spécialité d’aller fouiller dans les replis de la mémoire de la France coloniale. Si Meurtres pour mémoire revenait sur le massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961, Le Retour d’Ataï, paru en 2002, traite d’une révolte plus ancienne, celle du chef kanak Ataï, en NouvelleCalédonie, en 1878. Ce livre vient d’être adapté avec sensibilité en bande dessinée par Emmanuel Reuzé, qui a fait le choix judicieux d’une ligne claire et d’une palette de couleurs réduite. Au cœur de l’album, l’une des plus fameuses citations d’Ataï. Quand le gouverneur français lui conseille de construire des barrières pour protéger ses ignames du bétail des colons, il répond : « Je construirai des barrières quand mes ignames iront manger ton bétail. » Bien entendu, l’histoire ne finit pas bien: chef de la rébellion, Ataï fut tué par

un supplétif kanak engagé avec l’armée française. Pis, sa tête, conservée dans du formol, fut emportée en métropole, où sa trace se perdit… pour un temps ! Didier Daeninckx l’a d’abord retrouvée demanièreromanesque–c’estlaversion retenue dans la bande dessinée. Mais en 2011, alors que l’écrivain participe à la restitution à la Nouvelle-Zélande de la tête maorie conservée au Muséum d’histoire naturelle de Rouen, il entend de la bouche d’un jeune anthropologue que la tête d’Ataï est en réalité conservée dans les bâtimentsprovisoiresdumusée de l’Homme, à Paris. Cette fois, c’est la bonne, et Daeninckx peut enfin écrire: « Bientôt, Ataï reprendra sa route vers la Kanaky… » ● NICOLAS MICHEL

Le Retour d’Ataï, d’Emmanuel Reuzé, d’après Didier Daeninckx, Atmosphères, 56 pages, 15 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias JAZZ

ESSAI

Il était une fois le commerce équitable

Richard Epesse bien inspiré

ALAIN DUCASTEL

AFROJAZZ MIX, CE N’EST PAS SEU LEMENT le premier album d’un très grand chanteur. C’est aussi celui d’un vrai et habile compositeur qui laisse vivre et respirer ses morceaux sous des notes cristallines. D’une voix étonnamment souple, qui donne cette façon de chanter sans effort, le jazzman camerounais déroule une série d’hommages. À une mère récemment disparue, sur « Ewesse Party ». À un fils fruit d’amours lycéennes, avec « Muna ». Ce morceau hybride de

sept minutes, entre ballade et salsa endiablée, est sans doute l’un des plus aboutis des quatorze titres. Installé à Paris depuis une vingtaine d’années, Richard Epesse campe également l’envers du décor d’une société occidentale qui peut se révéler rude. Mais, tout au long de l’album, lui ne laisse que le meilleur l’envahir. Et nous le restitue… ● CLARISSE

Si le prêtre néerlandais Frans Van der Hoff a propagé le commerce équitable dans les montagnes mexicaines durant les années 1970 puis promu le label Max Havelaar, c’est un anarchiste américain, Josiah Warren, qui en est l’inventeur. Son précis publié en 1852 est une mine pour les altermondialistes en mal de références, ou de certitudes. La critique du capitalisme est virulente. Et elle s’appuie sur une expérience. Warren avait créé sa boutique, Time Store, à Cincinnati, où les consommateurs payaient en temps de travail. Finalement, les termes du débat – et des échanges ! – n’ont pas évolué… ●

JUOMPAN-YAKAM

Afrojazz Mix, de Richard Epesse (Re : Prod/World Records France) ■ ■ ■

PHILIPPE PERDRIX

EXPOSITION

R2-D2 au Cameroun

Commerce équitable, de Josiah Warren, Mille et Une Nuits, 208 pages, 5 euros ■■■

MEMBRE DE LA FIGURATION LIBRE, mouvement artistique français empruntant souvent à la BD et au graffiti, Hervé Di Rosa poursuit son tour du monde. Après ses escales africaines au Ghana, au Bénin, en Éthiopie, en Afrique du Sud et en Tunisie, il s’est arrêté au Cameroun. Où il a travaillé avec les sculpteurs et les fondeurs de Foumban (Ouest). Résultat : une trentaine de sculptures mêlant les techniques bamounes à son imaginaire coloré. On découvre des robots sortis tout droit des dessins animés des années 1980, mais façonnés à la manière des fétiches traditionnels. Ou des créatures anthropomorphes, sortes de totems parés de perles et de bronze. Ludique. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

CHRONIQUES

PIERRE SCHWARTZ

Allô les révolutions? Ici Paris!

« Yhayen (Procession) », d’Hervé Di Rosa, jusqu’au 14 octobre à Montpellier (France), au Carré Sainte-Anne JEUNE AFRIQUE

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Lauréat de nombreux prix de journalisme, Bernard Guetta a compilé une sélection de ses articles de presse et de ses chroniques pour France Inter couvrant « l’an I des révolutions arabes ». Le florilège s’ouvre sur la révolution verte de 2009 en Iran et la montée en puissance des islamistes de l’AKP turc, prémices pour l’auteur des contestations arabes et des victoires électorales de l’islam politique. Des textes spontanés, inspirés à chaud par une actualité souvent enthousiasmante, parfois préoccupante, et qui communique au lecteur l’émotion du journaliste, témoin d’un tournant décisif de l’Histoire. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

L’An I des révolutions arabes, de Bernard Guetta, Belin, 304 pages, 19 euros ■■■ N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE GABONAISE AGENCE NATIONALE DES INFRASTRUCTURES NUMERIQUES ET DES FRÉQUENCES

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

Manifestation d’intérêt

Date de lancement : 23/07/2012 Nom du projet : Audit GRH

1. OBJET Dans l’optique du renforcement des capacités en gestion des ressources humaines de l’Etat gabonais, l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences lance un avis d’appel à manifestation d’intérêt en vue de recruter une entreprise ou des consultants aux fins de réaliser un audit de l’application informatique de gestion des agents de l’Etat. Cet audit devra notamment vérifier : - La conformité des procédures implémentées ; - Les conditions d’exploitation ; - L’existence et la consistance de la documentation ; - La satisfaction des besoins des principaux utilisateurs ; - Les mécanismes de traçage des opérations effectuées par les utilisateurs, les développeurs et les exploitants ; - La cohérence globale du système d’information et la qualité des données traitées ; - La qualité du service offert à l’usager final ; - Etc. 2. CONDITIONS DE PARTICIPATION La participation à la présente manifestation d’intérêt est ouverte, à égalité de conditions aux cabinets, bureaux d’études nationaux et aux groupes d’experts qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n°001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant code des marchés publics à savoir : - Les personnes physiques ou morales en état de liquidation judiciaire et les personnes physiques dont la faillite personnelle a été prononcée ; - Toutes personnes physiques ou morales condamnées pour infraction à une disposition du code pénal ou du code général des impôts prévoyant l’interdiction d’obtenir de telles commandes ; - Les entreprises dans lesquelles la personne responsable des marchés ou de la commission d’évaluation des offres possède des intérêts financiers personnels de quelque nature que ce soit ; - Les entreprises affiliées à toutes personne (physique ou morale) ayant contribué à préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres ou de consultation. 3. MODALITÉS DE SOUMISSION Les candidats intéressés par le présent avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier comprenant : - Une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études faisant apparaître son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que le candidat a l’intention de soumissionner à l’appel d’offres s’il est présélectionné ; - Les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal de la société. Ces documents comprenant les statuts, l’agrément de commerce ou la fiche circuit de création du bureau d’études ; - Une attestation de non faillite délivrée par le tribunal compétent du lieu du siège social du bureau d’étude et datant de moins de trois (3) mois ; - Une attestation d’imposition prouvant que la société est à jour de ses obligations fiscales au titre de l’année 2011 (applicable aux candidats nationaux) ; - Une attestation CNSS du quatrième trimestre 2011 (applicable aux candidats nationaux) ; - Les références générales et spécifiques du bureau d’études dans le domaine concerné par l’appel à manifestation d’intérêt notamment les références concernant l’exécution des contrats analogues, les expériences antérieures pertinentes dans les conditions semblables (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; - Une description du bureau d’études et les moyens matériels et humains qu’il compte mettre en œuvre pour la réalisation de la mission (liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives, cursus, ancienneté et type de contrat liant chaque agent au bureau d’études. Joindre les CV des intéressés). 4. LES CRITÈRES DE SÉLECTION Il est requis des entreprises candidates : - Une aptitude certaine à réaliser les prestations dans les domaines concernés par le projet ; - Une expertise avérée dans la gestion de projets et la mise en œuvre d’applications informatiques ; - Des connaissances en matière de gestion des ressources humaines des administrations publiques ; - Une expérience professionnelle d’au moins 5 ans dans des prestations similaires (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; - Un personnel clé en adéquation avec la mission ; - Une excellente maîtrise du français ; - La preuve du parfait achèvement de tous les marchés obtenus pendant les 5 dernières années. L’ANINF établira sur la base des réponses au présent appel à manifestation d’intérêt une liste restreinte d’entreprises et reprendra ultérieurement contact avec les candidats remplissant les critères recherchés. La sélection finale se fera sur la base d’une consultation restreinte des sociétés ou entreprises présélectionnées. Les manifestations d’intérêt, rédigées en langue française doivent être déposées au plus tard le 14 Août 2012 à 11 heures (heure locale), à l’adresse ci-dessous : Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences Service Juridique 2ème étage Immeuble de la Solde, porte 219. BP 798 Libreville-Gabon Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires par courriel à l’adresse suivante : audit@aninf.ga Le Directeur Général de l’ANINF Alex Bernard BONGO ONDIMBA

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JEUNE AFRIQUE


Banque des États de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc Décision n° 59/GR/2012

Avis d’appel d’offres international ouvert n° 13/BEAC/DGE-DRH/AOIO/Bien/2012 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale envisage d’acquérir, sur ressources propres, des jouets pour les enfants des agents des Services Centraux, en vue de l’organisation de l’arbre de Noël 2012. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international ouvert, les entreprises remplissant les conditions requises, à présenter une offre pour la fourniture de jouets en vue de l’organisation de l’arbre de Noël 2012 à la BEAC. Le processus se déroulera conformément à la procédure d’appel d’offres international ouvert, définie par le Code des marchés et le Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information et examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse ci-dessous, entre 9 heures et 12 heures les jours ouvrés. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM, 14ème étage, porte 1402 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN # : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5402 ! : (237) 22 23 33 29 @ : cgam.scx@beac.int Le dossier d’appel d’offres rédigé en français peut être acheté et

retiré à l’adresse indiquée ci-dessus, moyennant le paiement d’un montant non remboursable de XAF deux cent mille (200 000) ou l’équivalent en EURO. Le paiement devra être effectué en espèces aux guichets de la BEAC ou par virement bancaire. Les soumissions, obligatoirement accompagnées d’une garantie de soumission conforme au modèle indiqué et équivalente à 5% du montant de l’offre, devront être déposées à l’adresse indiquée ciaprès, au plus tard le lundi 03 septembre 2012 à 12 heures. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le lundi 03 septembre 2012 à 13 heures 00, aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé. Yaoundé, mardi 24 juillet 2012 La Présidente de la Commission ad hoc, Florence LIMBIO

Avis de sélection internationale ouverte no 06/BEAC/DGCG/SIO/Con/Cab/2012 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) envisage de recruter des cadres supérieurs expérimentés, d’une part dans le domaine de la supervision bancaire, d’autre part pour sa fonction d’audit interne. A cet effet, elle souhaite s’attacher les services d’un Cabinet de renommée internationale, spécialisé en gestion des ressources humaines et ayant une grande expérience du recrutement. Elle invite, par le présent avis de sélection internationale ouverte, les cabinets intéressés et remplissant les conditions précisées dans le dossier de sélection, à présenter une proposition pour la gestion du recrutement de contrôleurs et juristes pour la supervision bancaire et d’auditeurs internes. Le processus se déroulera conformément à la procédure de sélection internationale ouverte, définie par le Code des marchés et le Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Le dossier de sélection peut être demandé par courrier ou par courriel et obtenu gratuitement à l’adresse suivante : BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX Secrétariat Général – DOAAR-CGAM - 14ème étage - Porte 1402 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN # : (237) 22 23 40 30 ; (237) 22 23 40 60 poste 5402 JEUNE AFRIQUE

! : (237) 22 23 33 29 @ : cgam.scx@beac.int Les propositions devront être déposées à l’adresse indiquée cidessous, au plus tard le vendredi 14 septembre 2012 à 12 heures, heure de Yaoundé. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE - 15ème étage - Porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé – CAMEROUN Les propositions reçues après le délai fixé seront rejetées. Les propositions techniques seront ouvertes le vendredi 14 septembre 2012 à 14 heures, heure de Yaoundé. Les propositions financières seront ouvertes le vendredi 28 septembre 2012 à 10 heures, heure de Yaoundé. Des représentants des Cabinets, dûment mandatés, pourront assister aux séances d’ouverture des propositions. Yaoundé, lundi 16 juillet 2012 Le Président de la Commission ad hoc du marché, Jacques NSOLE N° 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Appel d’offres - Avis de sélection

Banque des États de l’Afrique Centrale - Services Centraux Commission ad hoc des marchés


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Annonces classées

BANQUE DE L’HABITAT DU SÉNÉGAL - AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT -

La Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS), société anonyme avec Conseil d’Administration au capital de dix milliards (10 000 000 000) de francs CFA, inscrite au Registre de Commerce et du Crédit Mobilier sous le numéro SN-DKR1979-B-129, dont le Siège Social est situé au 69, Boulevard Général de Gaulle, BP 229 Dakar, Sénégal, vient d’ouvrir un projet d’acquisition et d’implémentation d’un nouveau progiciel bancaire. Les éditeurs et/ou intégrateurs (fournisseurs) de progiciels bancaires, intéressés, sont invités à soumettre leur candidature, en faisant parvenir à la BHS un dossier de candidature comprenant : une lettre de manifestation d’intérêt, un document de présentation de leur structure, la liste de leurs références dans le secteur bancaire, les attestations délivrées par leurs clients pour les cinq références les plus pertinentes, les noms et références de leurs partenaires éventuels. Les dossiers de candidature devront parvenir à la Direction Générale de la BHS, à l’adresse indiquée ci-dessus, par toute voie jugée appropriée par le fournisseur au plus tard le 27 août 2012 à midi.

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

La BHS se réserve le droit de choisir, parmi les candidats, la liste des fournisseurs qui recevront le dossier d’appel d’offres, sans avoir à fournir de justification, d’information ou de dédommagement quelconque aux candidats non retenus. Elle se réserve également le droit d’annuler la procédure de la même manière. La Direction Générale de la BHS

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE REMISE DES OFFRES RELATIFS À L'APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 02/EMAM/2012 La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer informe les fournisseurs ainsi que les représentants dûment mandatés intéressés par l’Appel d’Offres International n° 02/ENIAM/2012 pour Ia vente, au plus offrant, d’un bateau de plaisance, que la date Iimite de réception des offres au bureau d’ordre de la DAT est reportée au 18 Août 2012, dans les mêmes conditions.

MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Crédit n°5063-CG - Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 007/PRCTG II/12 « Recrutement d’un Consultant individuel international pour appuyer le ministère de la fonction publique et de la réforme de l’Etat (MFPRE) dans la conduite du projet d’informatisation, d’analyse et de conception d’une application de gestion des ressources humaines » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Téléphone, Fax, Courriel). Internationale de Développement (IDA) un Crédit (n°5063-CG) pour financer les Profil du Consultant : activités du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de - être titulaire d’un diplôme BAC+5 en informatique ; Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Crédit - disposer d’une expérience d’au moins cinq (05) ans dans le développement d’appour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant plication métier avec le langage de programmation php. individuel international pour appuyer le ministère de la fonction publique 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux et de la réforme de l’Etat (MFPRE) dans la conduite du projet d’informatisa- Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs tion, d’analyse et de conception d’une application de gestion des ressources de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base humaines. de la comparaison des CV. 2. L’objectif visé par la présente mission est de conduire à la conception et à l’im- 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir plémentation d’une application informatique qui prendrait en compte, l’automati- des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de sation de la réalisation des différentes actions liées à la gestion des ressources 8 h 00 à 16 h 00. humaines du MFPRE. La durée de la mission est de quatorze (14) jours. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le vendredi 10 août 2012. intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exéPROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS cuter lesdits services. DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : UNITE D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS • les copies des diplômes ; B.P 2116 Brazzaville, République du Congo • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de Derrière le Commissariat Central références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des Courriel : prctg@yahoo.fr précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et Brazzaville, le 17 juillet 2012 adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et Le Coordonnateur résultats obtenus) ; Marie Alphonse ITOUA • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP,

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JEUNE AFRIQUE


Annonces classées AFRICAN UNION

VACANCY ANNOUNCEMENT

UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA

EXPRESSION OF INTEREST FOR THE SUPPLY OF LABORATORY EQUIPMENT 01/AU/PANVAC/12

REGIONAL HEAD OF FINANCE IUCN, the International Union for Conservation of Nature is a world leader in developing knowledge and understanding for effective action for conservation of biodiversity and management of natural resources. Its mission is to influence, encourage and assist societies throughout the world to conserve the integrity and diversity of nature and to ensure that any use of natural resources is equitable and ecologically sustainable. The IUCN Programme for Central and West Africa, PACO, seeks to recruit its Regional Head of Finance (RHF). The Regional Head of Finance reports directly to the Regional Director and functionally to the Head, Global Finance in the IUCN Headquarters in Switzerland. He/she will serve as a senior member of the Regional coordination committee that supports organizational development of IUCN in Central and West Africa. The Regional Head of Finance (RHF) is responsible for the facilitation, formulation and implementation of Financial Policies, procedures, and accounting systems, to support implementation of IUCN’s programme in Central and West Africa. He/she is also responsible for providing advisory services and financial projections for multiyear budget programming and ensuring effective and efficient budget management and compliance with financial regulations and procedures The candidates for the positions will possess Accounting and Financial Management degree and at least 10 years’ equivalent experience in the functions to be exercised. For more information about the position, and to apply to the job, please visit the following link: https://hrms.iucn.org. The selection requirements for this position are to be seen on IUCN/PACO website at http://www.iucn.org/fr/propos/union/secretariat/bureaux/paco/. Expected start date: 01 September 2012 Type of contract: one year (renewable) Closing date for applications: 17 August 2012 Location: Regional Office for West and Central Africa, Ouagadougou, Burkina Faso IUCN is an equal opportunities employer

(Senior) Economists – Investment Climate Reform The World Bank Group’s Investment Climate Department (CIC) assists governments of developing countries and transition economies in improving their business environment, both at economy-wide and industry-specific level. In close cooperation with other teams across the World Bank Group, CIC provides advisory and technical assistance services aimed at facilitating reforms that foster open, productive, and competitive markets and unlock sustainable private investments in sectors that contribute to growth and poverty reduction.

The World Bank Group recruits:

(Senior) Economists – Investment Climate Reform with specific expertise in one or several of the following areas:

Business Regulation, Tax, Trade and Investment, Industrial Organization, Regional Integration, Competition Policy, Economic Governance • Senior Economist, CIC Front Office (IFC position, based in Washington D.C.; position number 121755)

• Senior Economist, Competition (IFC position, Istanbul; position number 121759)

• Economist, International Trade, Tax and Investment (World Bank position, Washington, D.C.; position number 121741)

• Senior Economist, Competition (World Bank position, Mexico City; position number 121777)

• Economist, Business Regulation (IFC position, Istanbul; position number 121756)

• Senior Economist, Regional Integration (IFC/Africa Region position, Dakar; position number 121761)

• Economist, Industrial Organization (IFC position, Istanbul; position number 121757) • Senior Agriculture Specialist (IFC position, Istanbul; position number 121758)

• Economist, Investment Climate (IFC/Africa Region position, Nairobi; position number 121760)

All positions require an advanced educational background, experience working in complex, multi-sector teams; excellent client relationship management and leadership skills and the willingness to travel internationally. Candidates for senior positions are expected to have a minimum of 8+ years of relevant experience. Our working language is English; additional language skills are an advantage. For full job descriptions please go to: worldbank.org/jobs (for World Bank positions) or ifc.org/careers for IFC positions). Deadline for applications is August 26, 2012. The World Bank Group offers rewarding careers in a global work environment. Women and nationals from developing countries are strongly encouraged to apply.

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N° 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Manifestation d’intérêt - Recrutement

Background The Pan African Veterinary Vaccine Centre of the African Union (AU/PANVAC) has allocated funds for the procurement of equipment and ancillary services for its laboratory complex, and now wishes to invite Expressions of Interest (EOI) from eligible bidders for the supply of laboratory equipment. The EOI is open to all eligible bidders from the AU or UN member states, who can demonstrate that they: 1. Have the Legal capacity to enter into a contract; 2. Are not insolvent, in receivership, bankrupt or being wound up or subject to legal proceedings for any of these circumstances; 3. Have not had business activities suspended by any national authority; 4. Do not have any conflict of interest in relation to this procurement requirement; and 5. Are not subject to suspension by the Commission of the African Union. Interested firms should submit the following documents along with signed and sealed letter of Expression of Interest: i. Company profile detailing verifiable previous relevant experiences within the last three years, ii. Copies of registration certificates and business licenses, iii. Audited Financial Statement for the past three years Submission of Expression of Interest One original and three copies of EOIs (in either English or French Language) must be received in one sealed envelope not later than Monday, 20 August 2012 at 1400 hours local time. The address for submission is: the Finance and Administration Officer; AU PANVAC Office, Administration Block, P.O. Box 1746, Debre Zeit, Ethiopia. For Communication and Enquiries please contact the Finance and Administration Officer, AU PANVAC Office, Email: AbrehamM@africa-union.org; Tel: +251 (0) 11 433 8001; Fax: +251 (0) 11 433 8844 Evaluation of EOIs Only shortlisted companies would be contacted for the next stage of the process.

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Annonces classées ACCESS TO FINANCE RWANDA

Recruitment of a Technical Director MSMEs, facilitating skills, knowledge and technology transfers, bringing innovative interventions that can be applied to the local context and have a big impact and increasing coordination between markets. The Technical Director will (amongst other tasks): • Lead the development of AFR’s strategy and business plans • Establish and lead a full team of professionals to deliver results • Establish clear monitoring and evaluation frameworks with clear annual targets and milestones as well as required resources • Lead management of the programme’s external stakeholder relationships • Provide thought leadership on financial inclusion • Funds mobilisation and establishment of long-term sustainability for AFR We need someone with a deep understanding of the financial inclusion field, financial markets and significant professional experience working in Sub-Saharan Africa and professional experience in East Africa will be an added advantage. You will need to have a strong track record in management and excellent communication skills. A minimum of a masters’ degree (or equivalent) in a relevant subject is required. Working knowledge of French is desirable. Detailed terms of reference for the position can be downloaded from: www.kpmg.com/eastafrica, www.minecofin.gov.rw, www.jeuneafrique.com www.dfid.gov.uk and www.cgap.org You will need to submit a covering letter explaining in no more than 900 words the reasons why you are the best candidate for this post. Please put “The Technical Director, AFR” in the subject line. If you think you are who we are looking for then please send your CV (no more than 6 pages) and the covering letter specified above (include all your contact details) to the Executive Selection Division, KPMG at the following email address: esd@kpmg.co.ug. Application through registered company with proven track record in the relevant field is desirable but not a mandatory requirement. Only short listed candidates will be contacted to arrange for interviews. AFR reserves the right to annul the recruitment process and not to appoint anyone to perform the role of Technical Director. Closing date: 10:00am GMT on Thursday 30th August, 2012. For any questions regarding the application process, please contact Executive Selection Division, KPMG on +256 414 347833, +256 414346294 or +256 414 340 315. © 2012 KPMG Uganda, a Ugandan partnership and a member firm of the KPMG network of independent member firms affiliated with KPMG International Cooperative (“KPMG International”), a Swiss entity. All rights reserved.

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Formation - Recrutement

Over the past ten years the UK’s Department for International Development (DFID) has worked with other leading agencies including the Swedish International Development Agency (Sida), Canadian International Development Agency (CIDA), World Bank, Danish International Development Agency and the Bill & Melinda Gates Foundation to establish financial market development programmes across Africa, including FinMark Trust, Financial Sector Deepening Tanzania (FSD Tanzania), FSD Kenya, Access to Finance Rwanda (AFR), and Enhancing Finance Innovation and Access (EFInA) Nigeria. These programmes share a common vision of making financial markets work for the poor, increasing access by poor people to savings, credit, agriculture finances, insurance and payments services. Access to Finance Rwanda (AFR), was launched in March 2010 at the request of the Government of Rwanda (GoR)and with support from the UK’s Department for International Development (DFID) and the World Bank. The core element of AFR is to remove systemic barriers to financial services by putting the poor at the centre of its interventions. Improving financial access by the rural poor will be of a particular focus using specific investment criteria as well as rigorous impact assessment for each activity. It is expected that the programme investment will be split between and deliver three interventions which will support and complement each other. These are as follows: Micro level - more than 60% of resources will be spent at micro level with an aim to enable financial institutions (mainly microfinances institutions and funders of MSMEs) strengthen their capacity to provide innovative products/financial services for the poor including amongst others: targeted saving products, access to credit, agriculture finance, supporting informal savings and loans associations as well as financial education programmes. Meso level – 20% of resources: This will mainly focus on (but is not limited to) capacity building – human resources, systems and technology development including mobile phone banking Macro level – 10% of resources: this will be spent on activities to strengthen appropriate legal and regulatory structure of the financial sector in Rwanda in order to improve delivery of financial services to the poor. To achieve this three-fold objective, the Technical Director is required to play high quality steering role. This ranges from identification/assessment of market failures and to proposing pragmatic interventions for AFRIC’s (AFR Investment Committee) approval that can enable those markets to work more effectively. AFR is now seeking an exceptional individual to establish and lead this new programme. The Technical Director will have overall responsibility for leading AFR to achieve its vision of expanding financial inclusion across Rwanda, working with existing interventions to explore possible synergies and strengthen the capacity of financial service providers with a clear focus on micro-finance and funding of

LUX

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Lux-Development, L’Agence luxembourgeoise pour la Coopération au Développement, a pour mission la formulation et la mise en œuvre de programmes et projets bilatéraux de Coopération au Développement de l’État luxembourgeois. Dans le cadre de son programme de Coopération avec le Burkina Faso, Lux-Development recrute: ! pour le Programme d’Appui au Secteur forestier, mis en œuvre par le Ministère de l’Environnement et du Développement durable, appuyé également par la Coopération suédoise: - un expert en approche sectorielle (environnement, développement rural), - un expert en gestion administrative comptable et financière, passation de marchés, - un expert en appui aux instruments financiers; ! pour le Programme d’Appui à la Politique sectorielle d’Enseignement et de Formation techniques et professionnels, mis en œuvre par le Ministère de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi, appuyé également par l’Agence française de Développement et la Coopération autrichienne: - un expert en instruments de financement de la formation professionnelle. Date de démarrage: dès que possible Vous trouverez plus de détails concernant ces postes ainsi que la possibilité de manifester votre intérêt dans la section recrutement de notre site web www.luxdev.lu Deadline: 10 septembre 2012 N° 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

info@sai2000.org JEUNE AFRIQUE


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Stratégie, Organisation et Finances Technologie, Solutions Métiers et Environnement Ressources Humaines

NOUS RECRUTONS

Pour le compte d’une Société en développement, basée à Abidjan – Côte d’Ivoire, dont l’objectif stratégique, à brève échéance, est de figurer parmi les leaders dans les domaines suivants : Surveillance et Gardiennage, Protection physique des personnes, Formation au métiers de la sécurité, Audit, Conseil et Investigations en matière de sécurité, Vente, Installation et Maintenance de matériel de sécurité électronique.

UN DIRECTEUR DES OPÉRATIONS MISSION : Sous la supervision du Directeur Général, le Directeur des Opérations est chargé d’organiser et de piloter les opérations de manière à atteindre les objectifs de satisfaction de la clientèle, de rentabilité et de développement commercial des activités. RÉSUMÉ DES PRINCIPALES TACHES : Définition de la stratégie et de la politique des opérations - Définir les grands axes de la politique d’exécution des prestations de surveillance et de gardiennage, de protection physique des personnes, de vente et d’installation de matériel de sécurité électronique, - Suivre les évolutions du marché, effectuer des choix de positionnement, étudier le positionnement et les performances des services fournis par l’entreprise, - Assurer la veille concurrentielle et développer des contrats commerciaux de haut niveau par la prospection et la fidélisation des clients. Gestion et suivi des prestations et activités commerciales - Valider les études de sécurité et les zones ou sites d’affectation du personnel d’encadrement et d’exécution, - Mettre en œuvre les moyens techniques, humains et commerciaux pour assurer le bon déroulement des opérations et en optimiser les performances, - Assurer la gestion et le suivi des mouvements du personnel d’encadrement et d’exécution ainsi que la gestion des équipements et moyens logistiques qui leur sont affectés, - Elaborer les tableaux de reporting internes et externes, - Assurer le management des équipes, faire respecter les consignes de sécurité et organiser les plans de formation continue de personnel d’exécution, - Négocier les contrats, gérer les accords commerciaux et suivre les indices de satisfaction du portefeuille client. PROFIL DU POSTE : - Diplôme BAC + 3/4 ans, une expérience professionnelle d’au moins cinq (05) ans dans le domaine de la sécurité privée et avoir exercé à des postes de responsabilité similaires, - Sens de l’organisation, réactivité, dynamisme, esprit d’initiative, capacité d’analyse et de synthèse, esprit de conception, sens de la communication et capacité managériale sont indispensables pour réussir à ce poste, - Une expérience internationale des domaines suscités, la pratique de l’anglais, la maitrise des outils bureautiques (Word, Excel, Powerpoint, …) et de reporting seraient des atouts supplémentaires.

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N° 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Recrutement - Propositions commerciales

Les dossiers de candidature (Lettre de motivation comportant prétentions salariales et délai de disponibilité, CV avec photo, Copie des références académiques et professionnelles) doivent parvenir avant le 16 août 2012 aux adresses suivantes : 01 BP 10564 Abidjan 01 – Côte d’Ivoire ou recrutement@conseils-strategies.com


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Modibo Diarra, l’antihéros J’ai été étonné par la tonalité de l’article consacré au Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra (J.A. no 2688, du 15 au 21 juillet). La situation dans laquelle se trouvent le Mali et l’ensemble de la sous-région MALI est inédite et LE GRAND complexe, et BLUFF Jeune Afrique devrait s’abstenir d’afficher pareil ! J.A. N 2688, du 15 au 21 juillet. parti pris. Selon votre article, Cheick Modibo Diarra est la cible des politiques de tout bord. Soit. Et si, paradoxalement, c’était le signe qu’il est bien l’homme de la situation ? Souvenons-nous : il a fallu l’« irresponsabilité » et l’« ingénuité » des sans-grades de l’armée malienne pour mettre à nu une situation complètement délétère, apparemment connue et acceptée des politiques chevronnés de ce pays. Plutôt que de prendre de haut les hommes de la transition (qui se met péniblement en place), de chercher l’oiseau rare qui fera jaillir de son chapeau la solution TCHAD DÉBY ITNO : « NOUS N’IRONS PAS À BAMAKO »

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • No 2688 • du 15 au 21 juillet 2012

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MAROC FACE À LA CRISE (ÉCONOMIQUE)

LIBYE RETOUR GAGNANT POUR MAHMOUD JIBRIL MAURITANIE ISLAMISTES MAIS PAS TROP

Trois mois après son arrivée à la primature, Cheick Modibo Diarra a déjà fait la preuve de son inaptitude à ce poste. Enquête sur une erreur de casting.

Le Premier ministre malien.

ÉDITION AFRIQUE DE L’OUEST

France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 €

Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

miracle permettant de sortir le pays de l’ornière, acteurs et observateurs de bonne volonté – dont Jeune Afrique, je l’espère – devraient se montrer plus mesurés. L’un des premiers accords entre la classe politique malienne et la Cedeao ôtait aux acteurs de la transition la possibilité de se porter candidats aux élections qu’ils auraient préparées. Ce principe devrait être réaffirmé, et respecté. Et peut-être, alors, la classe politique malienne ferait davantage confiance aux personnalités que le hasard a placées provisoirement à leur tête. ● HONORÉ VIGNON, Cotonou, Bénin

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Modibo Diarra, tête de Turc JEUNE AFRIQUE – que j’apprécie tant et dont je vante les mérites dans mon entourage – participerait-il à un complot ourdi par les détracteurs du Mali ? On pourrait le penser, à la lecture de « La comète Modibo Diarra », l’article consacré à la gestion de la transition par le Premier ministre. Mais, n’en déplaise aux médisants, le Mali ne sombrera pas dans la guerre civile où certains semblent vouloir le précipiter. Les Maliens ont choisi leur Premier ministre. Ils sont donc les seuls habilités à le juger. Comme vous le savez sans doute, on ne naît pas

EN ATTENDANT IDRISS DÉBY ITNO J’AI ÉTÉ SURPRIS PAR LES PROPOS du président Idriss Déby Itno me concernant, dans votre édition datée du 15 au 21 juillet (J.A. no 2688). À l’issue de sa visite officielle chez moi, à Léré, il m’a effectivement fait l’honneur de me recevoir à sa résidence. Au terme de cette brève entrevue, il a instruit son protocole d’aménager une rencontre à N’Djamena pour poursuivre notre entretien, ce que j’attends depuis le 25 mars 2012, son calendrier très chargé ne le lui permettant sans doute pas. En vérité, le chef de l’État tchadien n’a nullement l’intention de mettre en œuvre la loi de 2009 relative au statut de l’opposition dont je suis chef de file. À ce titre, des rencontres de concertation et d’information devraient être organisées entre le chef de l’exécutif et celui de l’opposition. Il n’en est rien. D’ailleurs, cette loi souffre toujours de l’absence d’un contrat d’application. M. Idriss Déby Itno, qui se proclame « homme de dialogue », prouve ainsi son manque d’ouverture. ● SALEH KEBZABO, député, président de l’UNDR, N’Djamena, Tchad N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

Premier ministre, président de la République, non plus. Et nul n’est, de toutes les façons, infaillible. Votre manque de respect pour Cheick Modibo Diarra est une insulte pour tous les Maliens. ● AMADOU NIARÉ, Bamako, Mali

Réponse Jauger, évaluer et, au besoin, réprouver l’action d’un homme politique, cela n’a rien à voir avec le manque de respect, encore moins avec l’insulte. D’autant que, vous en conviendrez, tous les Maliens ne pensent pas comme vous. Libre à vous d’estimer notre jugement excessif, voire injuste. Libre à nous d’exercer notre droit à la critique. C’est cela, la démocratie. LA RÉDACTION Touchants remerciements À la faveur de la crise malienne, je suis devenu un fervent lecteur de Jeune Afrique. Votre hebdomadaire traite de tous les sujets, sans esprit partisan, à l’inverse de certains médias étrangers établis au Mali. À travers vos analyses, vous proposez des solutions aux multiples crises africaines. Malheureusement, nos dirigeants n’en tiennent pas toujours compte, se sentant souvent mis en accusation. Votre contribution au développement du continent est incontestable, ce qui rend plus touchants encore les remerciements de François Soudan (J.A. no 2688, du 15 au 21 juillet) aux lecteurs de J.A. ● MAHAMADOU ALPHA BALDE, Kayes, Mali

L’âme perdue des Tunisiens En Tunisie, le bilan de la période postrévolutionnaire est loin d’être positif. Les élus en sont encore à rechercher une formule de gouvernance donnant au peuple un semblant de démocratie. Le peuple tunisien, lui, perd son âme. Cette âme forgée depuis 1934 par le premier président de la République, Habib Bourguiba. Bien sûr, une partie de la jeunesse – l’avenir du pays – clame haut et fort : « Nous ne sommes pas arabes, nous sommes tunisiens ! » Mais, à leurs portes, l’« ogre libyen » montre ses crocs. Un peu de fiction : à terme, la Tunisie pourrait devenir une province de l’actuelle Libye, qui JEUNE AFRIQUE


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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2673 • du 1er au 7 avril 2012

s’appellerait alors « Litusie » et renforcerait le bloc moyen-oriental, plus islamisé que le Maghreb actuel. Ce dernier se limiterait alors à l’Algérie et au Maroc. Petit rappel : en 1989, les pays du « Grand Maghreb » (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Mauritanie) créaient l’Union du Maghreb arabe (UMA). Retour à l’actualité : se faire payer des « services rendus » en milliers de barils de pétrole, c’est, au choix, se remettre à faire du troc, se faire acheter ou perdre son âme… ● JACQUES PLANTADE, Tunis, Tunisie

Aux chefs d’État de la Cemac Sommet de la Cemac à Brazzaville, les 25 et 26 juillet. Très bien et tant mieux. Ma prière, en tant qu’habitant de ladite sous-région, c’est de voir débuter le grand ménage au sein de l’institution, signe que la bonne gouvernance se met en place.

SÉNÉGAL LA LEÇON DE DAKAR

MALI COMMENT ATT A ÉTÉ RENVERSÉ

CAMEROUN HOMOPHOBES ET FIERS DE L’ÊTRE

Les présidences tournantes et les quotas dans ces institutions sous-régionales LE GRAND DÉBALLAGE (Beac, Cemac, BDEAC…) ne servent pas à ! J.A. N 2673, grand-chose : du 1er au 7 avril. mieux vaut privilégier le mérite. Après tout, qu’est-ce que cela peut bien faire d’être commandé par un Brésilien ou un Américain dans la zone Cemac ? Ça nous est complètement égal, à nous, « souverains primaires ». Le monde traverse une grave crise économique, et notre gestion ne doit en être que plus exemplaire. Nos économies de rente ne pourront intégrer le cercle des pays dits émergents si nous persistons à cautionner les agissements de cadres indélicats et cupides. La Cedeao et la Spécial 16 pages

CEMAC

CAE s’en sortent honorablement en termes de gouvernance. Pourquoi ne seraient-ils pas des exemples ? ● ROMARIC MISSENGUÉ, Brazzaville, Congo

EXCLUSIF

À quelques semaines de son prochain sommet à Brazzaville, l’institution régionale traverse une crise méconnue. Enquête et révélations sur l’homme au cœur de ce malaise : Antoine Ntsimi, président de la Commission et candidat à sa propre succession.

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France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

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GROUPE JEUNE AFRIQUE

Revenir à un agenda mensuel Merci à François Soudan de manifester ainsi sa gratitude aux lecteurs de Jeune Afrique pour leur fidélité (J.A. no 2688, du 15 au 21 juillet). J’aime la chute de son éditorial (« […] sans vous, lecteurs, nous ne serions rien »), toute en considération. Permettez-moi néanmoins une suggestion : le retour à l’ancienne formule de l’« Agenda », qui reprenait les dates de conférences, de séminaires, des indépendances et de faits historiques marquants. Elle avait l’avantage de nous permettre de moduler nos programmes pour suivre ces différents événements, voire y participer. ● JEAN-PIERRE EALE IKABE, Kinshasa, RD Congo

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Groupe international de presse et d’édition (30 millions € C.A. – 120 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :

Journaliste économique et financier experimenté(e) H/F MISSIONS :

Doté (e) d’une solide culture économique, de sérieuses capacités d’enquêteur(trice) et d’un « carnet d’adresses » opérationnel, vous viendrez enrichir notre équipe de rédacteurs(trices) composée d’une quarantaine de personnes avec pour principales missions : # "' ,($&$ )' "0.+*(."$*1 )( ,'+*'(-/ des entreprises et/ou des pays dont vous aurez la responsabilité ; # 3. -1).+*$4! )0.-*$+"', 24(- !4, )$%%1-'!*', publications (papier et web).

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Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’espagnol et/ou du portugais serait un plus. Réf.: REDECOJA 0110

Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDECOJA à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis, rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com JEUNE AFRIQUE

N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Haro sur les pharisiens!

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

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E 20 JUILLET, les sénateurs libériens ont voté comme un seul homme un amendement à la Constitution qui interdit le mariage homosexuel. Ce texte intelligent a été déposé par une certaine Jewell Taylor, ci-devant épouse de… Charles Taylor. Par ailleurs, actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale, un projet de loi devra criminaliser les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Tous sont d’accord, y compris la chef de l’État, Ellen Johnson-Sirleaf. Le projet de loi passera. Les gays et lesbiennes libériens n’auront qu’à bien se tenir : leurs ébats seront passibles de cinq ans de prison. Mais que disent ceux qui s’arrogent le droit de régenter la vie sexuelle des autres et affirment que la « sodomie volontaire » est un délit? Ils assènent, un trémolo dans la voix: « L’homosexualité ne fait pas partie de notre existence en tant que peuple. » Ou encore : « Nous n’avons jamais été cela. » Qu’en savent-ils au juste ? J’ai eu un débat sur la question avec un ami brazzavillois. Pour lui, l’homosexualité a été introduite en Afrique par les Occidentaux le long des villes côtières et elle ne fait pas partie de nos traditions. Donc, il faut la combattre, sinon nous risquons de disparaître. Les homosexuels n’ont pas le droit de revendiquer quoi que ce soit. Ils n’ont qu’à vivre discrètement.

Mais lorsque je rétorque à mon ami que les hétérosexuels ne se cachent pas, eux, il me répond : « Ce n’est pas la même chose, ils représentent la norme. » Soit. Faut-il pour autant que nos goûts et préférences se ressemblent ? Comme si cela ne suffisait pas, une association dénommée Rassemblement de la jeunesse camerounaise se met en évidence pour proposer l’instauration d’une journée mondiale contre l’homosexualité au nom, notamment, « de la sainte Bible, de la nécessité de préserver l’espèce humaine » et « des atteintes graves faites à l’humanité, à nos traditions, à notre culture africaine en général et camerounaise en particulier ». Je m’interroge : qu’est-ce que c’est que la culture africaine? Le christianisme et l’islam n’ont-ils pas été imposés à l’Afrique ? Serions-nous, en tant qu’Africains, des êtres extraordinaires? Arrêtons de nous raconter des inepties. Laissons les homosexuels, cette infime minorité, vivre leur vie, revendiquer leurs droits en tant qu’êtres humains. Battons-nous plutôt pour le développement de nos pays. Battons-nous contre la corruption. Tous ces inquisiteurs se placent d’un point de vue anal : l’homosexualité est, donc, une « impureté ». Ils sont persuadés que les gays sont des « malades » à extirper de la société. Mais ces hommes et ces femmes, en plus des sens, ont aussi des sentiments. Au nom de quelle morale va-t-on leur interdire de prendre leur pied comme ils l’entendent? Aujourd’hui, dans moult pays africains, à cause d’un excès de zèle ahurissant, l’homosexualité est un délit passible de la peine capitale (Mauritanie), d’emprisonnement (quatorze ans, en Gambie) ou d’une expulsion du territoire (Somaliland). Trop, c’est trop : ce qui se passe entre deux adultes ne nous regarde pas. ● N o 2690 • DU 29 JUILLET AU 4 AOÛT 2012

JEUNE AFRIQUE

Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Nicolas Michel, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Fanny Rey, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Benjamin Roger, Jean-Sébastien Josset et Nicolas Tesserenc Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chefs de produit : Dhouha Boistuaud, Nawal Laadad ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue ÉdouardHerriot, 92350 Le Plessis-Robinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.


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