JA 2698 du 23 au 29 septembre 2012

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CÔTE D’IVOIRE 2002-2012 : DIX ANS, DIX ÉNIGMES jeuneafrique.com

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2698 • du 23 au 29 septembre 2012

TUNISIE ABOU IYADH, ENNEMI PUBLIC NUMÉRO UN

TOGO LE PÉTROLIER, LE MINISTRE ET LE MILLIARDAIRE

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Spécial 26 pages

EXCLUSIF

LES NOUVEAUX

MAÎTRES

DU MALI

Aqmi, Ansar Eddine, Mujao… D’Abdelmalek Droukdel à Iyad Ag Ghali en passant par Mokhtar Belmokhtar ou Abou Zeid, enquête sur ces jihadistes qui font trembler l’Afrique et menacent l’Occident.

ÉDITION GÉNÉRALE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Éditorial François Soudan

Bête et méchant

Vous retrouverez Ce que je crois de Béchir Ben Yahmed dans le numéro 2700 du 7 octobre

L

A DERNIÈRE RÉGURGITATION DES CARICATURES de Mohammed publiée en France par Charlie Hebdo et la version islamophobe du Juif Süss filmée à la tronçonneuse par un monomaniaque américain ont en commun la même et affligeante absence de talent avec, pour ce qui concerne l’hebdomadaire satirique, une circonstance aggravante : quoi qu’en disent les héritiers de Hara-Kiri (publication du même acabit, dont le sous-titre était « journal bête et méchant »), leur objectif n’a jamais été de tester les limites de la liberté d’expression jusqu’au seuil de l’intolérable, mais bien de vendre du papier quelles qu’en soient les conséquences. Rien de tel, dans la France d’aujourd’hui, que d’exhiber les seins d’une princesse anglaise ou de croquer les fesses d’un prophète de l’islam pour épuiser les tirages des journaux. C’est dans le caniveau qu’on trouve les meilleures recettes de com. Le but de tout pyromane étant de jouir de l’incendie qu’il a allumé, mieux aurait valu que le feu ne prenne pas, qu’en l’occurrence ces caricatures pour potaches mal déniaisés et cette sitcom débile pour croisés bas du front rejoignent dans l’indifférence générale la poubelle des provocations ratées. Seulement voilà: de Benghazi à Tunis, de Sanaa au Caire, de Khartoum à Beyrouth, le piège a parfaitement fonctionné, à la secrète satisfaction de ceux pour qui en tout musulman sommeille un Ben Laden. Certes, le monde arabe ne s’est pas embrasé, et les orphelins d’Al-Qaïda qui se sont lancés à l’assaut des ambassades ne représentent qu’une infime minorité des croyants. Mais jamais le fossé d’incompréhension aura semblé aussi profond entre un Occident largement déchristianisé et laïcisé, où la liberté de tout dire ne se heurte qu’aux barrières fluctuantes du droit, et un monde arabo-musulman profondément religieux, où il ne viendrait à l’esprit d’aucun dessinateur de caricaturer Moïse et Jésus et où un film comme Da Vinci Code, jugé blasphématoire pour les catholiques, demeure très largement interdit de diffusion.

JEUNE AFRIQUE

Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

8 14 15 16 17 17 18 20 22

Côte d’Ivoire Dix ans, dix énigmes France Manuel Valls, droit dans ses bottes États-Unis Mia Love, Madame Muscles Transparence Les multinationales cernées Cinéma Quand Nina pâlit Milliardaires Quelle crise ? OGM Toxic affair Burkina Paré au rapport Tour du monde

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GRAND ANGLE

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TERRORISME

Les nouveaux maîtres du Mali Enquête exclusive sur ces jihadistes qui font trembler l’Afrique et menacent l’Occident.

PHOTOS DE COUVERTURES : MISA IRODIA/WOSTOK PRESS ; CORBIS. PHOTOMONTAGE J.A.

Ne nous y trompons pas : si les atteintes au sacré paraissent, vues du Nord, relever de l’anecdote, elles sont, en terre d’islam, perçues comme autant de violations de cette même liberté, dont le droit élémentaire de ne pas être insulté dans ses valeurs et son identité est une composante existentielle. Cette exigence de dignité n’est pas une affaire de vieilles barbes ou de jeunes exaltés du jihad. Les révolutionnaires arabes, tant célébrés en Occident, étaient avant tout porteurs d’un impératif moral : le respect de la volonté populaire bafouée par des régimes jugés impies. Après Abou Ghraib, Guantánamo, les corans profanés, les drones tueurs de civils et bien d’autres agressions, quel musulman peut comprendre que les pouvoirs publics n’aient, en France et aux États-Unis, d’autre réaction que de fournir aux boutefeux une protection policière? Pourquoi, si les seins de Kate Middleton ont valu à Closer une condamnation, aucune plainte contre Charlie Hebdo ou contre le producteur de L’Innocence des musulmans n’a-t-elle la moindre chance d’aboutir ? Seule réponse : la liberté est en Occident une norme intouchable, quitte à devenir ellemême liberticide. Et meurtrière. ●

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Justice Loïk Le Floch-Prigent, grandeurs et décadences Tribune Mobilisons-nous pour la RD Congo Afrique du Sud Zuma dans de sales draps Gambie Le chaud et le froid Côte d’Ivoire Portes ouvertes à la Maca

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Tunisie Abou Iyadh, l’ennemi public numéro un Tribune La farce et la force Israël Docteur Folamour Algérie Une feuille de route pour Abdelmalek Sellal Chine Le couronnement du prince rouge France Les Roms, éternels expulsés N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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JUSTICE GRANDEURS ET DÉCADENCES C’est l’histoire d’une arnaque à 48 millions de dollars, qui, le 15 septembre, a ramené Loïk Le Floch-Prigent derrière les barreaux, à Lomé.

LE PLUS

de Jeune Afrique

ÉCONOMIE Budget, politiques sectorielles… Retour au réel SOCIÉTÉ CIVILE Y’en a toujours marre

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DOSSIER AUTO LE HAUT DE GAMME MONTE EN PUISSANCE Spécial 8 pages Peut-il changer

le Sénégal?

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LE PLUS MACKY SALL PEUT-IL CHANGER LE SÉNÉGAL ? Face à l’impatience de la population, il doit désormais obtenir des résultats concrets et relancer une économie fragile.

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TUNISIE ABOU IYADH, L’ENNEMI PUBLIC NUMÉRO UN Le chef des salafistes semble décidé à semer le chaos et la discorde dans le pays.

POLITIQUE La rupture, c’est pour maintenant? PORTRAIT Harouna Dia, l’ami de l’ombre

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CHINE LE COURONNEMENT DU PRINCE ROUGE Après sa mystérieuse disparition, Xi Jinping est réapparu le 15 septembre. Il devrait bientôt être nommé à la tête du Parti…

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Amérique latine Villes champignons Parcours Sonia Dahou, du jasmin en banlieue Asie orientale De l’art de jouer avec le feu États-Unis Méli-mélo républicain

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Tunisie Adwya voit la vie en bleu Baromètre

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DOSSIER

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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

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Automobile Le haut de gamme monte en puissance

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Sénégal Macky Sall peut-il changer le pays ?

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CULTURE & MÉDIAS

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ÉCONOMIE

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Finance Interview de Matthieu Pigasse, DG France de la banque Lazard Algérie « Les attentes patronales sont énormes » Côte d’Ivoire Charles Kader Gooré n’a pas dit son dernier mot Droit des affaires Kinshasa fait sa révolution Ressources naturelles Eve Howell reprend du service en Afrique Conseil François Sarr, le tombeur de Millicom

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Littérature L’Amérique meurtrie de Toni Morrison Haïti L’amour au temps de la colère Cinéma Interview d’Olivier Barlet, directeur des publications du site Africultures Télévision Algérie : à la conquête du pouvoir La semaine culturelle de Jeune Afrique

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VOUS & NOUS

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Courrier des lecteurs Post-scriptum

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N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE



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RD Congo Les pérégrinations de Roger Lumbala

VINCENT FOURNIER POUR JA

FRANCE-SÉNÉGAL HOLLANDE À DAKAR LE 12 OCTOBRE

" LE PARLEMENTAIRE D’OPPOSITION CONGOLAIS au siège de Jeune Afrique, le 21 septembre.

L

e député et opposant congolais Roger Lumbala Tshitenga est arrivé à Paris le 16 septembre, au matin. Quinze jours après avoir été interpellé par les services de renseignements burundais à l’aéroport international de Bujumbura, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol pour Roissy, via Nairobi. Que s’est-il passé entretemps? Selon son récit, après l’avoir interrogé sur les raisons de sa présence et ses relations présumées avec le M23, groupe rebelle opérant dans l’est de la RD Congo, lesdits services lui demandent de se présenter à leur siège, le 3 septembre. Dans l’intervalle, Lumbala apprend que deux responsables des services burundais se sont rendus à Kinshasa. Craignant d’être arrêté, et après en avoir informé l’ambassade de France, il se réfugie, le 3 septembre à 10 heures, à l’ambassade d’Afrique du Sud, où il est accueilli à bras ouverts par la chargée d’affaires, Matsetsana Pearl Rampete. Cette dernière prend contact avec le chef des services burundais pour savoir si le Congolais fait l’objet de poursuites dans son pays, ce qui n’est pas le cas. Quelques jours plus tard, au cours d’une réunion entre Rampete, l’ambassadeur de RD Congo au Burundi, des responsables burundais et des représentants du HCR, l’ambassadeur congolais confirme l’absence de toute procédure contre Lumbala. Le 15 septembre, escorté par Rampete, Benjamin Mweri, l’ambassadeur du Kenya, et des représentants du HCR, il quitte l’ambassade d’Afrique du Sud pour l’aéroport de Bujumbura, puis embarque pour Nairobi. Le HCR s’occupe de lui jusqu’à son départ pour Paris, où vit sa famille. Depuis, Kinshasa a publié un document l’accusant d’intelligence avec l’ennemi. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

En route pour le sommet de la Francophonie, François Hollande fera le 12 octobre une escale de quelques heures au Sénégal. Au programme : un déjeuner avec Macky Sall, une visite de l’île de Gorée et une rencontre avec les Français expatriés. Le soir même, il s’envolera pour Kinshasa, où il arrivera dans la matinée du 13. Avantage pour le président français : avant sa venue controversée en RD Congo, il foulera le sol d’un pays démocratique et saluera en Macky Sall le vainqueur d’une élection exemplaire. Quant à l’étape kinoise, elle ne durera qu’une journée. Le sommet se prolongera jusqu’au 14, mais Hollande sera reparti dès la veille au soir. UNESCO DJIBOUTI PRÉSENTE SON CANDIDAT

La République de Djibouti présentera face à la Bulgare Irina Bokova, qui briguera un deuxième mandat de quatre ans, un candidat pour le poste de directeur général de l’Unesco, en novembre 2013. Il s’agit

du diplomate Rachad Farah, 62 ans. De 1977 à 1989, celuici a travaillé au ministère des Affaires étrangères de son pays avant d’être nommé ambassadeur au Japon (il couvrait également l’Inde et la Chine), puis, en 2004, à Paris, où il se trouve toujours. ALGÉRIE CHADLI RACONTE SA VIE Initialement prévue à l’occasion du XVIIe Salon international du livre d’Alger, le 20 septembre, la sortie des Mémoires de Chadli Bendjedid a été reportée au 1er novembre. Friand de symboles, l’ancien président a insisté auprès de son éditeur pour que l’ouvrage paraisse pour le 58e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération. Contiendra-t-il des révélations sur sa désignation pour succéder à Houari Boumédiène, en 1979 ? Et sur les conditions de son départ de la présidence après la victoire électorale du Front islamique du salut, en janvier 1992 ?

! BAOBABS DANS LE SUD

GRANDE ÎLE. Malgré la crise, les touropérateurs prospèrent. DE LA

JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société LE CHIFFRE

15609

Le nombre de meurtres commis en Afrique du Sud entre avril 2011 et mars 2012, de source

CEDEAO LE MALI ISOLÉ

Réunion houleuse, le 17 septembre à Abidjan, où les ministres des Affaires étrangères et les chefs d’état-major de la Cedeao examinaient une demande d’aide du Mali. Tous ont jugé « fantaisistes » et « irréalisables » les exigences de Dioncounda Traoré, le présidentparintérim,quis’oppose au déploiement de soldats ouest-africains à Bamako. « Je ne pense pas que l’armée malienne soit en mesure d’assurer la protection de qui que ce soit, et encore moins de récupérer le Nord », a ironisé l’un des participants. « Que la Cedeao lève le blocage de nos armes dans le port de Conakry, et l’on verra », ont rétorqué les Maliens. De passage à Bamako le 20 septembre, Daniel Kablan Duncan, le chef

gouvernementale. Cela représente près de 43 meurtres par jour, un taux quatre fois supérieur à la moyenne mondiale. Le nombre des viols recensés pendant la même période est de 55 200. Soit 150 par jour.

de la diplomatie ivoirienne, a tenté d’arrondir les angles avec Dioncounda Traoré. Cela suffira-t-il ? « Il n’est plus question pour nous de nous laisser infantiliser par la Cedeao.Maintenant,onrépondra du tac au tac », commente un membre de la délégation malienne à Abidjan. TUNISIE CAUCHEMARS PARISIENS

Le 17 septembre, le Press Club de Paris a reçu Elyes Fakhfakh, le ministre tunisien du Tourisme, accompagné d’Adel Fekih, le nouvel ambassadeur en France, et de Rabah Jerad, le patron de Tunisair. Le ministre venait faire la promotion de la « Destination Tunisie ». CD et brochures (« Tunisie, tous les rêves possibles ») avaient été distribués. Mais c’est plutôt de

cauchemarsqu’uncommando d’élitedujournalismepolitique parisien était venu débattre. Il n’a quasiment été question que de salafisme, d’émeutes, d’islamisme et de suggestion de démission gouvernementale. « Mais je suis venu parler de la saison touristique! » s’est exclamé le ministre, tandis que l’ambassadeursemblaitserésigner à l’obsessionterroriste des médias français… MALI VERS UNE RÉVISION DES RÔLES

ParisetWashingtonsouhaitent pour le Sahel la nomination d’un facilitateur international sous mandat onusien. L’idée est de nommer une personnalité extérieure pour échapper aux contradictions régionales. Lors de son entretien avec Blaise Compaoré, le 18 septembre à l’Élysée, François Hollande lui a donc demandé d’envisager une révision de son rôle. Le président burkinabè, qui ne souhaite pas abandonnerlamédiation,bien qu’il ait souligné les blocages et les problèmes de confiance auxquels elle donne lieu, serait prêt à accueillir d’autres bonnes volontés. Il s’est également montré disposé à aider

ses hôtes à libérer les otages françaisd’Aqmi,dontilaassuré avoir des preuves de vie. AFFAIRE BORREL NON-LIEU POUR BONNECORSE

Au cœur de l’été et à quelques jours des vacances judiciaires, la décision est passée inaperçue, en France. Poursuivie par Élisabeth Borrel, la veuve du juge français retrouvé mort à Djibouti en 1995, et par le Syndicat de la magistrature pour une petite phrase confiée à Jeune Afrique en mai 2007 dans laquelle il « préjugeait » que le juge aurait pu se suicider, Michel de Bonnecorse, l’ancien « Monsieur Afrique » deJacquesChirac,afinalement bénéficié d’un non-lieu, fin juillet.Deuxjugesd’instruction successifs, la cour d’appel puis la Cour de cassation se sont penchés sur ce dossier dans lequel Mme Borrel accusait Bonnecorse d’avoir cherché à faire pression sur la justice. Le verdict stipule notamment que les déclarations du conseiller de Chirac ayant été publiées au moment où il quittait ses fonctions, leur impact sur l’enquête – toujours en cours – concernant la mort du juge n’était pas avéré.

GODONG/LEEMAGE

MADAGASCAR Le tourisme redécolle

JEUNE AFRIQUE

MALGRÉ LA CRISE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE, Éric Koller, le président de l’Office national du tourisme, s’est montré confiant lors du récent salon IFTM Top Resa (Paris, 18-21 septembre) : « Les seize tour-opérateurs malgaches présents ici affichent tous une progression de plus de 20 % en un an. Les violences dans le Sud [conséquence des activités des voleurs de zébus, NDLR] n’ont guère eu d’impact sur l’activité. Seul Antananarivo, la capitale, est

encore boudé par les hommes d’affaires et a du mal à repartir. » Reste une inconnue : le devenir d’Air Madagascar, inscrit en 2011 sur la liste noire de l’Union européenne (UE). « L’accord de coopération avec Air France permet aux avions de la compagnie de continuer à assurer la liaison vers Paris avec un taux de remplissage de 88 %, commente Koller. Mais nous espérons que l’UE reviendra fin novembre sur sa décision. »

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La semaine de Jeune Afrique

FRATERNITÉ MATIN/SIPA

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! 19 SEPTEMBRE 2002 : le général Robert Gueï, ancien président de la République, est assassiné.

! JANVIER 2003 : les soldats de la

CÔTE D’IVOIRE

Dix ans, dix énigmes

C

Meurtres inexpliqués, francs CFA volatilisés, opérations militaires clandestines… La décennie qui a suivi le coup d’État contre Laurent Gbagbo aura été riche en rebondissements et lourde de secrets.

hacun marque les anniversaires à sa façon. Dix ans après le 19 septembre tragique et fondateur qui le propulsa sur le devant de la scène ivoirienne, Guillaume Soro a choisi de la jouer ludique. Sur son mur Facebook, le président de l’Assemblée nationale a posté un jeuconcours. Question : « En 2002, pendant le déclenchement de la rébellion, quel était mon pseudo ? » Les premiers à répondre « Dr Kumba » gagnent un exemplaire dédicacé de son autobiographie… D’autres, beaucoup d’autres, revivent les drames de cette décennie perdue, avec son cortège de crimes sans châtiments et de morts sans sépultures. L’avenir de la Côte d’Ivoire se joue certes sur le terrain du dialogue politique, pour l’instant introuvable, entre Alassane Ouattara et les orphelins de Gbagbo. Mais la réconciliation véritable, elle, dépend des réponses qui seront apportées à quelques-unes des énigmes énumérées ici. ● FRANÇOIS SOUDAN N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

PASCAL AIRAULT et CHRISTOPHE BOISBOUVIER

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Qui a tué Robert Gueï et Émile Boga Doudou ?

Le 19 septembre 2002, à 3 heures du matin, une insurrection armée éclate à Abidjan. Les rebelles veulent renverser le président Gbagbo, qui est en voyage à Rome. Une heure plus tard, le domicile d’Émile Boga Doudou, le ministre de l’Intérieur, est attaqué. Le ministre escalade un mur, mais il est abattu dans la cour de son voisin de trois balles tirées d’un fusil d’assaut. Un règlement de comptes interne au camp Gbagbo? Alain Dogou, son ex-directeur de JEUNE AFRIQUE


a force Licorne sécurisent l’aéroport d’Abidjan dans une ambiance tendue.

cabinet, n’y croit pas. De bonne source, le domicile de Boga Doudou était l’une des cibles identifiées par les assaillants de cette nuit-là. À partir de 10 heures, le camp Gbagbo – qui s’est ressaisi – accuse Alassane Ouattara et Robert Gueï d’être complices du soulèvement. Le premier trouve refuge chez l’ambassadeur d’Allemagne, le second dans la cathédrale d’Abidjan. Il y est capturé. Quelques heures plus tard, son corps est retrouvé. Son épouse est aussi assassinée. Aujourd’hui, la justice militaire ivoirienne considère comme « principal suspect » le commandant Anselme Séka Yapo, dit Séka Séka. L’ex-chef de la sécurité de Simone Gbagbo est détenu à Abidjan. Beaucoup comptent sur ses aveux pour savoir qui a donné l’ordre de tuer Robert et Rose Doudou Gueï, ainsi que dix-sept de leurs proches.

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Qui a financé la rébellion?

Encoreaujourd’hui,deszonesd’ombresubsistent. Le journaliste Guy-André Kieffer émettait l’hypothèse d’un financement par Armajaro, un groupe de négoce qui avait pris d’importantes positions spéculatives sur le cacao avant le coup d’État. Cela n’a jamais été prouvé. On a aussi évoqué le casse, le 27 août 2002, de la BCEAO à Abidjan, délestée de 2 milliards de F CFA (environ 3 millions d’euros), et celui de la BCEAO de Bouaké, le 24 septembre 2003. D’autres sources n’excluentpasunfinancementlibyen,vialeBurkina. Il est en revanche certain qu’une cinquantaine JEUNE AFRIQUE

AP/SIPA

HALEY/SIPA

L’événement

! 16 AVRIL 2004 : Guy-André Kieffer est enlevé.

Le ministre de l’Intérieur était, cette nuit-là, l’une des cibles désignées des rebelles.

de rebelles étaient hébergés à Ouagadougou et que plusieurs témoins ont vu des armes légères et des munitions transiter du Burkina vers le nord de la Côte d’Ivoire. En novembre 2002, tirant les conséquences de la partition, les rebelles ont entamé une réflexion pour l’organisation économique du Nord et créé la Direction de la mobilisation des ressources, chargée de collecter taxes routières et impôts. Les rebelles ont également mis en place une économie souterraine dans leurs dix zones de commandement pour tirer profit de l’exploitation des matières premières (cacao, coton, bois, noix de cajou, or et diamants…). Selon les partisans de Gbagbo, ce business pouvait leur rapporter plus de 60 milliards de F CFA par an.

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Comment Guy-André Kieffer a-t-il disparu ? Le 16 avril 2004, le journaliste franco-canadien, qui enquêtait sur des malversations financières, tombe dans un guet-apens sur le parking d’un supermarché d’Abidjan. On ne le reverra jamais. Un juge français, Patrick Ramaël, se rend sur place et fait « parler » ordinateurs et téléphones portables. Son enquête s’oriente vers le grand argentier du régime, Paul Bohoun Bouabré – aujourd’hui décédé –, et vers Simone Gbagbo, dont le beaufrère a servi d’appât lors de l’enlèvement. Depuis la chute de Gbagbo, Bernard Kieffer, le frère du disparu, s’étonne que l’enquête ● ● ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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La semaine de J.A. L’événement

CELESTIN DIOMANDE/VISUAL

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! C’EST LORS DES CRISES (2002, 2004, 2011) que Simone Gbagbo a le plus d’influence.

continue de piétiner et redoute que, « dans un grand élan de réconciliation nationale, le nouveau régime répugne à ressortir certains cadavres du placard ». Ce 24 septembre, le juge Ramaël était attendu à Abidjan pour une vingtaine de jours. Il souhaite entendre tous les témoins clés. C’est l’heure de vérité.

camp français pour le piéger et favoriser un coup d’État à Abidjan. Difficile de croire que Chirac ait sacrifié la vie de ses soldats… Reste une troisième hypothèse : la négligence ou la volonté d’éviter un bras de fer avec la Biélorussie et son allié russe. « Les pilotes, ce n’était pas notre priorité, dit aujourd’hui un ancien proche de Jacques Chirac. À l’époque, il fallait avant tout évacuer plusieurs milliers d’expatriés. »

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Bombardement de Bouaké : pourquoi la France a-t-elle laissé partir les pilotes ?

Le 6 novembre 2004, au troisième jour d’une offensive gouvernementale contre les rebelles, deux avions Soukhoï ivoiriens bombardent le camp militaire français de Bouaké. Neuf soldats français et un civil américain sont tués. Quelques jours plus tard, les pilotes biélorusses sont exfiltrés au Togo au milieu d’un groupe de mercenaires. Lomé avertit les Français, qui répondent qu’ils ne sont pas intéressés. Et les deux pilotes disparaissent dans la nature… Du coup, les familles des neuf soldats se demandent si la France n’a pas quelque chose à cacher. Aurait-elle appuyé secrètement l’offensive du camp Gbagbo ? Dans cette hypothèse, les familles lancent deux pistes. 1 – La bavure : Chirac soutient Gbagbo. Les avions visent un camp rebelle et se trompent de cible. 2 – La machination : Chirac laisse Gbagbo frapper le N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

! 11 AVRIL 2011 : Laurent Gbagbo, son épouse et

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Chirac a-t-il voulu renverser Gbagbo ?

Pour les « complotistes », pas de doute : Paris voulait placer le général Doué à la tête de l’État.

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2004, un escadron de blindés français se dirige vers l’hôtel Ivoire d’Abidjan, lieu de rassemblement de tous les expatriés à évacuer. Par un curieux détour, il se retrouve un moment devant la résidence de Laurent Gbagbo, dans le quartier Cocody. Depuis, beaucoup se demandent si, au moment où les manifestations anti-Français se multipliaient, Chirac n’a pas voulu l’intimider. Certains prétendent même que le président français aurait glissé dans la colonne un officier supérieur ivoirien – le général Doué ? – pour tenter de le faire déposer. Reste une troisième explication – la plus vraisemblable : la colonne se serait trompée de route ou aurait tenté de contourner une foule de manifestants. C’est la thèse avancée depuis huit ans par plusieurs militaires français, dont l’un des officiers de l’escadron. JEUNE AFRIQUE


son fils Michel (à dr.) sont arrêtés.

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REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

ARISTIDE BODEGLA/AFP

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! 27 AVRIL 2011 : Ibrahim Coulibaly, alias IB, est exécuté.

Attentat contre Soro : quels coupables ?

Aucune commission d’enquête n’a livré ses conclusions. Soro a toujours prétendu savoir qui était derrière l’attentat du 29 juin 2007 contre son avion sur l’aéroport de Bouaké. Au soir de l’attaque, les regards se sont tournés vers Chérif Ousmane et Zacharia Koné, deux comzones alors en déplacement à Ouagadougou. Avant que le Premier ministre ne réfute cette thèse. Seconde hypothèse : une vengeance d’Ibrahim Coulibaly, évincé de la rébellion. Mais il était en exil au Bénin. Autre piste très sérieuse, celle d’un complot ourdi par le camp Gbagbo. Si le président n’avait pas forcément intérêt à se débarrasser du chef du gouvernement après lui avoir tendu la main lors de l’accord politique de Ouaga, les plus radicaux de son camp aspiraient à son élimination. « Mes gars mijotent quelque chose contre Soro, aurait confié Gbagbo à un émissaire burkinabè une semaine avant l’attentat. Dites-lui de faire attention ! » Certains y ont vu la main de Kadet Bertin, puissant conseiller militaire du président, qui aurait pu se servir de rebelles mécontents.

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Cacao-pétrole : où est passé l’argent ? La Côte d’Ivoire n’a jamais connu autant de scandales financiers que durant les années Gbagbo. Les JEUNE AFRIQUE

Entre 2002 et 2008, 370 milliards de F CFA disparaissent des caisses de la filière café-cacao.

auditscafé-cacaoontrévéléladisparition,entre2002 et 2008, de 370 milliards de F CFA des caisses des différents organes de gestion de la filière. Pour le pétrole, l’opacité a été totale lors des premières années de mandat de l’ex-chef de l’État avant que le FMI n’exige plus de transparence. En plein conflit, le régime Gbagbo avait besoin d’argent pour acheter des armes et faire de la politique (retournement d’adversaires, lobbying). De nombreux intermédiaires et hommes d’affaires en ont profité pour se remplir les poches. L’opposition n’a pas été en reste. Ses responsables, qui ont participé aux différents gouvernements de réconciliation, avaient leur mot à dire lors de la signature des contrats (cacao, élections…). Gbagbo avait tendance à laisser faire. « Ils deviennent fous autour de moi, a-t-il un jour confié à l’un de ses proches. Si je suis réélu, les têtes vont tomber! »

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Quel était le véritable pouvoir de Simone Gbagbo ?

Elle faisait de la politique du matin au soir. Montrant la voie aux femmes patriotes, ferraillant à l’Assemblée, débauchant les cadres de l’opposition, la vice-présidente du Front populaire ivoirien (FPI) incarnait la ligne des durs opposés aux accords de Marcoussis. Ses détracteurs assurent qu’elle était aussi l’instigatrice des « escadrons de la mort », dont elle avait confié la direction à Anselme Séka Yapo, son garde du corps. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


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La semaine de J.A. L’événement

Elle jouissait d’une grande influence auprès de son époux, qui lui reconnaissait une légitimité acquise au cours des dures années d’opposition. Pour beaucoup, elle disait tout haut ce que Gbagbo pensait tout bas dans un scénario élaboré en duo. Si elle fut en première ligne en début de mandat, après septembre 2002 et lors des événements de 2004, Gbagbo ne l’écoutait pas toujours à l’heure de négocier, ce qui la plongeait dans une grande amertume. Elle vivait aussi très mal la cohabitation avec Nadiana Bamba, la seconde épouse du chef de l’État, qui dirigeait un groupe de presse et battait campagne dans le Nord. Animée d’une mission prophétique, cherchant à s’assurer le soutien des leaders religieux, des chefs traditionnels, des représentants des jeunes et des femmes, Simone n’a pourtant jamais désarmé. Au lendemain du premier tour de la présidentielle, elle avait retrouvé l’oreille de son époux. Durant la crise postélectorale, elle a dirigé une sorte de « conseil de guerre » dont le but était la survie du régime.

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Palasset, chef de la force Licorne, et l’ambassadeur Jean-Marc Simon, resteront au téléphone. « Il nous le faut vivant! » intiment-ils aux deux commandants. À 11 heures, le couple Gbagbo et ses partisans sont extirpés de leur bunker. Certains ont prétendu que les forces spéciales françaises avaient participé à l’opération, en passant par un tunnel situé sous la résidence voisine de l’ambassadeur de France. Rien n’est moins sûr.

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Pourquoi IB a-t-il été exécuté ?

Qui a arrêté Laurent Gbagbo ?

Le 10 avril 2011 au soir, les forces pro-Ouattara ne parviennent toujours pas à pénétrer dans l’enceinte de la résidence présidentielle. Un ultime coup de pouce est alors demandé à l’Élysée. Le 11 avril dans la matinée, les hélicoptères de la force Licorne détruisent les dernières poches de résistance de Gbagbo autour de la résidence, et des chars de l’armée française sécurisent le périmètre. Les commandants Hervé Touré (dit Vetcho) et Zacharia Koné, ex-comzones, n’ont plus qu’à aller cueillir Gbagbo et ses proches. Pendant toute l’opération, Alassane Ouattara, Guillaume Soro, le général

Le 11 avril, les hélicos et blindés français entrent dans la danse. Gbagbo n’a plus aucune chance.

Ibrahim Coulibaly (IB) refusait de se rendre à un rendez-vous de conciliation. Réapparu en janvier 2011 à Abidjan à la faveur de la crise postélectorale, l’ex-sergent-chef était un des leaders du « commando invisible », premier groupe armé à combattre les forces fidèles à Gbagbo, à Abidjan. Revendiquantsapartdanslachuteduprésidentsortant, IB demandait à rencontrer Alassane Ouattara. En vain. Le 27 avril au matin, Morou Ouattara, Hervé Touré « Vetcho » et Chérif Ousmane, commandants desForcesnouvelles(pro-Soro),prennentlecontrôle d’Abobo et encerclent IB dans une résidence en lisière de la commune d’Anyama. S’est-il rendu, comme affirment ses proches, avant d’être torturé? A-t-il résisté? Finalement exécuté, IB ne jurait que de se venger de Soro qui l’avait écarté depuis longtemps. Ayant participé à de nombreux putschs et complots de 1999 à 2011, il a emporté avec lui une partie des secrets de la rébellion. « Je présente mes condoléances à sa femme, à ses enfants, a déclaré le président Alassane Ouattara. C’est un jeune homme qui a été garde du corps chez moi. Bien entendu, des choses se sont passées… Cela est regrettable. » ●

QUE SONT LES REBELLES DEVENUS ?

I

ls étaient rebelles. Dix ans plus tard, ils sont ministres ou commandants. Ils occupaient le devant de la scène en septembre 2002. La plupart d’entre eux ne l’ont jamais quitté. Guillaume Soro, principal acteur de la rébellion, a été Premier ministre et préside aujourd’hui l’Assemblée nationale. Il s’est entouré de proches tels qu’Alain Lobognon, ex-directeur de la communication des rebelles du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI), désormais ministre de la Promotion de la Jeunesse et N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

du Service civique. Plusieurs autres « communicants » se sont eux aussi reconvertis. Sidiki Konaté, ami de longue date de Soro et ancien porteparole des Forces nouvelles, détient le portefeuille de l’Artisanat et de la Promotion des PME. Tuo Fozié, qui fut lui aussi porte-parole – et chef des opérations – du MPCI, est à la tête de l’Unité de lutte contre le racket. Certains protagonistes de 2002 sont restés dans l’armée, à l’instar d’Issiaka Ouattara, dit Wattao.

L’ancien comzone de la région de Séguéla, qui fut le cuisinier d’Ibrahim Coulibaly, est devenu commandant en second de la Garde républicaine. Un grade qu’a également atteint Chérif Ousmane, au sein du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). L’ex-comzone de Bouaké est pourtant toujours dans le viseur de la justice internationale. Tout comme Losseni Fofana, alias Loss, ancien seigneur de l’Ouest, que le Comité international de la CroixRouge soupçonne d’avoir

participé à des massacres à Duékoué en 2011. Il n’en a pas moins conservé son poste de commandant chargé de sécuriser la zone ouest. Soumis aux sanctions des Nations unies pour « violations répétées des droits de l’homme et enrôlement d’enfantssoldats », Fofié Kouakou Martin a, lui, pris le commandement de la Compagnie territoriale de Korhogo et n’a pas quitté la ville depuis qu’il en a pris le contrôle, lors de la rébellion. ● MATHIEU OLIVIER JEUNE AFRIQUE


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décision de justice sur plainte des collectivités locales, exécutée en coopération avec les associations de soutien aux gens du voyage et Dominique Baudis, le Défenseur des droits. En faveur des immigrés clandestins, il adoucit le régime de rétention administrative, le supprime pour les familles avec enfants, abolit la garde à vue pour motif de situation irrégulière ainsi que le délit de solidarité pour aide aux illégaux, supprime la franchise de 30 euros pour l’assistance médicale, améliore l’attribution des titres de séjour. EMBALLAGE. Alors que Nicolas Sarkozy

BRUNO LEVY

! À 50 ans, l’ancien maire d’Évry a un bel avenir devant lui.

Manuel Valls Droit dans ses bottes Immigration, vote des étrangers, consignes aux policiers… Le ministre français de l’Intérieur fait preuve d’une fermeté qui le rend très populaire. Un Sarkozy de gauche ? Non : un pragmatique.

«

V

ous imaginez les policiers, au soir des émeutes d’Amiens, distribuer des récépissés à tous ceux qu’ils avaient arrêtés ? » Des émeutes qui, en août dernier, avaient fait une vingtaine de blessés parmi les forces de l’ordre et des millions d’euros de dévastations; « des récépissés » où chaque agent aurait justifié la régularité de ses interpellations et indiqué son numéro matricule pour faciliter d’éventuelles contestations. Inimaginable pour Manuel Valls, interrogé par des journalistes. C’est pourtant le nouveau ministre de l’Intérieur qui avait envisagé de généraliser ce système dans l’espoir de désarmer les polémiques sur les contrôles au faciès. Il assume aujourd’hui, sans complexe ni états d’âme, ce revirement pragmatique, en tous points conforme à ce qu’il appelle sa « culture du résultat ».

Une couverture de magazine le présente comme le « Sarko de gauche ». À la sortie d’une réunion UMP, un participant ironise : « Avec lui à l’Intérieur, les socialistes ont fait un pas de Guéant. » En réalité, la gauche a bien changé depuis qu’elle a tiré les leçons réalistes de ses défaites électorales. Valls fait-il du Sarko parce qu’il entend « réhabiliter » la fonction de premier flic de France en restaurant, face aux violences, l’autorité de l’État dans la légitimité « républicaine » de ses décisions ? Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, verrouille le débat : « Il n’est pas le problème, il est la solution. » Au risque, il est vrai, d’un constant et difficile équilibrisme, particulièrement dans le domaine le plus sensible de l’immigration. Manuel Valls poursuit le démantèlement des campements de Roms, mais le soumet à de strictes conditions : une

voulait réduire de moitié le nombre des immigrés, il facilite le droit au séjour, assouplit les procédures de régularisation et de naturalisation en remplaçant notamment les tests de connaissance prévus sous l’ancienne présidence par des entretiens d’assimilation, afin de « mieux évaluer l’insertion » des candidats. En même temps, il se refuse à une régularisation massive des clandestins, maintient la cadence des expulsions, décide que le nombre d’étrangers admis chaque année sera fixé à l’occasion d’un débat au Parlement. Il souhaite que « l’arrivant soit perçu comme une chance, et non plus comme une menace », mais s’interdit tout signal « qui engendre de faux espoirs et crée un appel d’air ». Il évacue enfin l’embarrassante promesse d’un droit de vote pour les étrangers en la renvoyant au Conseil constitutionnel, c’est-à-dire aux calendes grecques. Le soupçonnera-t-on là encore de faire du Sarko ? « Question d’emballage », répond prudemment Alain Bauer, criminologue et ex-conseiller de Nicolas Sarkozy. À en croire les sondages, Valls emballe en tout cas une large partie de l’opinion : sympathisants de droite ou de gauche, ils sont près des deux tiers à souhaiter qu’il joue un rôle important dans les années à venir. Belle revanche, après les standing ovations de La Rochelle, pour l’avant-dernier du classement à la primaire socialiste. Et carrière à suivre. ● HENRI MARQUE

NOMINATIONS

AUGUSTE ILOKI CONGO-BRAZZAVILLE Ce juriste de 61 ans a été nommé président de la Cour constitutionnelle, le 17 septembre. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

THOMAS PICKERING ÉTATS-UNIS Ce diplomate retraité de 80 ans présidera la commission d’enquête sur l’attaque du 11 septembre contre le consulat américain de Benghazi, en Libye. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE 15

MAKA KOTTO

Mia Love Madame Muscles

À 50 ans, cet ancien acteur d’origine camerounaise, entré en politique au Québec, a été nommé, le 19 septembre, ministre de la Culture et des Communications du nouveau gouvernement de la Belle Province canadienne.

Étoile montante du Parti républicain, cette professeure de fitness ne ménage pas ses attaques contre Barack Obama.

LATIFA IBN ZIATEN

E

La mère d’un des militaires assassinés par Mohamed Merah a fondé une association pour lutter contre la « haine » dans les banlieues françaises. « Aidez-moi à conduire ce combat », a-t-elle prié François Hollande, le 19 septembre.

lle est noire, mormone et anti-Obama. Bien qu’elle s’en défende, Mia Love est un symbole. Si, en novembre, elle est élue au Congrès dans le quatrième district de l’Utah, elle deviendra la première Noire républicaine à siéger à la Chambre des représentants. Maire de Saratoga Springs depuis 2010, une bourgade agricole proche de Salt Lake City, elle est la candidate idéale pour un parti accusé de n’être composé que d’hommes blancs, et donc en quête d’ouverture. « J’ai été élue maire avec 60 % des voix, et ce n’est ni parce que je suis noire, ni parce que je suis une femme », se défend-elle. Mais si cette professeure de fitness de 36 ans est couvée du regard par les conservateurs, c’est aussi parce qu’elle a enflammé la convention nationale de Tampa, à la fin du mois d’août.

JUSTINE SPIEGEL

! SON MODÈLE en politique ? Condoleezza Rice.

JEUNE AFRIQUE

DR

En prêtant serment le 20 septembre, cette Ougandaise de 19 ans, membre du parti au pouvoir, est devenue la plus jeune députée de l’histoire de son pays. Elle succède à son père, dont le décès a provoqué la tenue d’une législative partielle. EN BAISSE

VÉRONIQUE GENEST L’actrice française, 56 ans, qui s’était déjà fait remarquer surTwitter en estimant que « l’islam [était] dangereux pour la démocratie », a déclaré à la télévision, le 17 septembre : « Je suis, comme beaucoup de Français, islamophobe. » ABDOULAYE CHERIF DIABY Ce colonel de l’armée guinéenne âgé de 52 ans, ancien ministre de la Santé de Moussa Dadis Camara, a été inculpé le 13 septembre par la justice de son pays pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009. DANIEL BARRERA « Le dernier grand parrain » colombien de la drogue a été arrêté au Venezuela, a annoncé le 18 septembre le président Santos. « Le Fou » est soupçonné d’avoir acheminé plus de 900 t de cocaïne en Europe et aux États-Unis. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

DR ; PANAPRESS/MAXPPP

PANAPRESS/MAXPPP

ARDENTE ORATRICE. Poing serré et regard déterminé, Mia Love a rappelé l’histoire de ses parents, des Haïtiens arrivés à New York dans les années 1970 avec seulement 10 dollars en poche et « l’espoir que l’Amérique dont ils avaient entendu parler n’était pas un mirage ». Dans les moments difficiles, a-t-elle souligné, ils se sont débrouillés seuls, sans aide de l’État. « L’Amérique dans laquelle j’ai grandi était fondée sur le principe d’autonomie et donnait à chacun la chance de vivre le rêve américain », a lancé cette ardente oratrice, taclant au passage le président Obama. Née à Brooklyn et élevée dans la foi catholique, Mia s’est convertie au mormonisme après sa rencontre avec un jeune adepte dans le Connecticut, où elle a obtenu un diplôme des beaux-arts, à l’université de Hartford. Devenue proche du Tea Party, cette mère de trois enfants a fait sien le credo des ultraconservateurs: non à l’avortement, oui au port d’arme et à la suppression des ministères de l’Énergie et de l’Éducation. À l’approche de son combat contre Jim Matheson, le représentant démocrate sortant, elle a le soutien du sénateur John McCain, de l’ex-secrétaire d’État Condoleezza Rice – un de ses modèles en politique – et de tout le clan Romney. Mais sa campagne a beau être musclée, la bataille s’annonce difficile. ●

PROSCOVIA OROMAIT


ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

La semaine de J.A. Décryptage

LE FRANÇAIS TOTAL a fait campagne contre le projet voté le 18 septembre.

Transparence Les multinationales cernées Après les États-Unis, l’Union européenne prépare une directive obligeant les entreprises à rendre publiques les sommes versées à des États dans le cadre de leurs opérations.

C

haque année, quelque 700 milliards d’euros s’évaporent des pays en développement du fait de la corruption et de l’évasion fiscale. Face à ces dérives, l’arsenal juridique se renforce, obligeant les multinationales à divulguer les sommes qu’elles versent aux États. Après l’entrée en application, le 22 août, des dispositions de la loi Dodd-Frank pour les sociétés minières et pétrolières cotées aux États-Unis, l’Union européenne (UE) sera bientôt elle aussi pourvue d’une directive en la matière. Le 18 septembre, la commission des Affaires juridiques du Parlement européen a voté une proposition de texte visant les

industriesextractives–commelaloiDoddFrank – mais aussi celle du bois, ainsi que les secteurs du BTP, des banques et des télécoms. Ce projet prévoit de contraindre les sociétés ayant leur siège dans l’UE ou y étantcotées(quellequesoitleurnationalité) àrendrepubliqueslessommessupérieures à 80000 euros versées à des États, des autorités locales ou des entreprises publiques pour chacune de leurs opérations. Il doit maintenant recevoir l’approbation du Conseil des ministres de l’UE, qui proposait un texte moins ambitieux. « Nous sommes sur le point de créer un cadrederéférenceinternationalenmatière de transparence, avec des réglementations

équivalentes en Europe et aux États-Unis », se réjouissait juste après le vote Arlene McCarthy, l’eurodéputée britannique travaillistequiaréuniautourdelaproposition une large coalition comprenant la droite, la gauche et les écologistes, en dépit des pressions des industriels. Parmi eux, le puissant lobby pétrolier américain API, qui craint une distorsion de la concurrence avec les compagnies des pays émergents, et huit multinationales (Total, Shell, BP, le gazier BG Group, les miniers Xstrata, Anglo American, BHP Billiton et Rio Tinto) opposées à la divulgation des transactions projet par projet. VICTOIRE. L’Afrique est particulièrement

concernée par ces mesures. Les compagnies cotées aux États-Unis et dans l’UE y sont très présentes dans l’exploitation pétrolière et minière, qui génère autour de 147 milliards d’euros chaque année. Sur le continent, le succès de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives(ITIE),unedémarchevolontaire lancée en 2002 par une coalition d’ONG, est inégal selon les pays. « L’ITIE a créé un espace de dialogue essentiel entre les États,lesmultinationalesetlasociétécivile, mais son impact est limité si elle n’entraîne pas la mise en place de réglementations coercitives nationales », indique Mathilde Dupré, de l’organisation CCFD-Terre solidaire. Or « le Congo-Brazzaville est sur le point d’adopter une loi spécifique, mais le Gabon se refuse à le faire », note-t-elle. Pour Marc Ona Essangui, président de l’ONG Brainforest à Libreville, ce projet de directive européenne « marque le début de la fin de l’opacité dans les secteurs pétrolier et forestier gabonais ». « Désormais, l’exigence de transparence ne sera plus uniquement l’affaire de la société civile mais aussi celle des multinationales, qui vont devoir se prêter au jeu malgré elles », souligne le militant, qui qualifie le vote européen de « grande victoire ». ● CHRISTOPHE LE BEC

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

30 SEPTEMBRE

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N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Congrès de l’AKP, à Ankara (Turquie). RecepTayyip Erdogan, le Premier ministre, brigue un quatrième et dernier mandat à la tête de son parti.

5-6 OCTOBRE

Sommet méditerranéen 5+5 à La Valette (Malte). Objectif : réactiver le dialogue politique entre cinq pays du Maghreb et cinq pays de l’Union européenne.

4-5 OCTOBRE

Réunion de la zone franc, à Bercy (Paris), sous la présidence d’Alassane Ouattara. On y célébrera le 40e anniversaire des accords de coopération de la zone. JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

« Je rentre des États-Unis avec l’impression que si Barack Obama est réélu en novembre, il frappera les installations nucléaires de l’Iran, car il n’aura plus rien à perdre : ce sera son deuxième et dernier mandat. »

RE/WESTCOM/STARMAX/SIPA

AMIT SHABI/BACKYARD-REA

Cinéma Quand Nina pâlit LA STAR DU JAZZ Nina Simone incarnée à l’écran par Zoë Saldana (photo) ? La question suscite une vive polémique aux ÉtatsUnis. Si le talent de la belle n’est pas en cause, sa couleur de peau, si. Trop claire, pour ceux qui reprochent à Hollywood de « blanchir » les Noirs au cinéma. Un « détail » qui compte, quand on sait que Nina Simone a été une fervente militante des droits civiques. De toute façon, s’il ne tenait qu’à elle, la question serait réglée : de son vivant, elle avait porté son choix sur Whoopi Goldberg… ● M.G.B.

JEUNE AFRIQUE

TZIPI LIVNI Ex-ministre israélienne des Affaires étrangères

« On s’est battus pour le droit de publier des livres en kabyle et, maintenant qu’ils existent, ils prennent la poussière dans les librairies. » LOUNIS AÏT MENGUELLET Poète et chanteur algérien

« Je suis assez intelligent pour comprendre que, quand on frappe le margouillat, le lézard doit s’apprêter. »

Milliardaires Quelle crise?

CHARLES BLÉ GOUDÉ Ancien chef des Jeunes Patriotes ivoiriens

« L’arrogance de Sarkozy l’emporte sur son intelligence. » SILVIO BERLUSCONI Ex-président du Conseil de l’Italie

TIMOTHY GREENFIED-SANDER/AP/SIPA

LES AMÉRICAINS LES PLUS FORTUNÉS ne connaissent pas la crise ! Le 19 septembre, le magazine Forbes a dévoilé son célèbre classement annuel des 400 personnalités les plus riches des États-Unis. Ensemble, elles pèsent 1 700 milliards de dollars (près de 1 310 milliards d’euros, un chiffre en hausse de 13 % sur un an), soit plus que le PIB de toute l’Afrique subsaharienne (1 201 milliards de dollars). Selon Forbes, elles peuvent remercier le rebond de la Bourse et du marché de l’immobilier (notamment à New York et Los Angeles) et la hausse des prix des œuvres d’art. Sans surprise, le trio de tête est inchangé. L’indéboulonnable Bill Gates, cofondateur de Microsoft, reste premier avec une fortune estimée à 66 milliards de dollars, soit environ 30 fois le PIB de la Centrafrique (près de 2,2 milliards de dollars). Warren Buffett, à la tête de la société d’investissement Berkshire Hathaway, occupe toujours la deuxième place, avec 46 milliards de dollars. À lui seul, il pourrait rembourser la dette extérieure de l’Afrique du Sud, estimée en 2010 par la Banque mondiale à 45,2 milliards de dollars. Larry Ellison, cofondateur du géant des logiciels Oracle, complète le podium avec 41 milliards de dollars, soit 8 de plus qu’en 2011. En revanche, pour Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, c’est la dégringolade. Les débuts difficiles de sa société en Bourse lui ont fait perdre 8,1 milliards de dollars par rapport au classement 2011 et l’ont fait chuter à la 36e place. Mais avec une fortune estimée à 9,4 milliards de dollars, soit plus du double du PIB de la Mauritanie (4,1 milliards de dollars), peut-il vraiment se plaindre ? ● JUSTINE SPIEGEL

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« Avec son élégance et son intelligence, Michelle Obama a aidé à changer le regard des gens sur les Noires. » WHOOPI GOLDBERG Actrice africaineaméricaine

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La semaine de J.A. Décryptage

OGM Toxic affair Pendant deux ans, des chercheurs français ont nourri des rats avec un maïs génétiquement modifié. Les conclusions de leur étude font froid dans le dos.

T

ous des cobayes ? Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire, et son équipe de l’université de Caen (France) en sont convaincus. C’est d’ailleurs le titre que ce chercheur donne à son ouvrage*, destiné à faire connaître au grand public les résultats de son étude. Ses conclusions, effrayantes, confirment la toxicité d’un maïs transgénique mis au point par le semencier américain Monsanto pour résister aux herbicides. L’expérience a été secrètement menée, durant deux ans, sur 200 rats scindés en plusieurs groupes. Au bout d’un peu plus d’unan,les rongeursayantéténourrisavec ce maïs, qui répond au nom barbare de NK603, sont affectés de tumeurs cancéreuses de la taille d’une balle de ping-pong, ainsi que d’autres pathologies lourdes. Plus angoissant pour les consommateurs, l’OGM, utilisé pour l’alimentation du bétail ou des volailles, se retrouverait ensuite dans la viande, les œufs et le lait. LE DESSIN DE LA SEMAINE

! DES TUMEURS de la taille d’une balle de ping-pong. DR

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Le NK603 est cultivé dans douze États dans le monde, parmi lesquels l’Afrique du Sud, premier producteur d’OGM (maïs, soja et coton) sur le continent. L’an dernier, ce pays a consacré 2,3 millions d’hectares à ces cultures, soit 100 000 ha de plus qu’en 2010. En 2008, l’Égypte a fait des essais sur un autre maïs transgénique du même semencier. Simultanément, le Burkina, deuxième producteur de coton en Afrique subsaharienne, a décidé, après sept ans d’expérimentations, d’autoriser la culture commerciale du coton Bt, génétiquement modifié par Monsanto pour résister aux insectes… De quoi donner des idées au Mali, où des essais sont en cours depuis 2009. Si la fibre est plutôt destinée à l’industrie textile, les graines

de coton sont utilisées dans la fabrication d’aliments pour bétail. La période 2013-2017 devrait marquer un tournant décisif pour le continent. Quatre pays d’Afrique de l’Est (Kenya, Mozambique, Tanzanie et Ouganda) vont introduire un maïs génétiquement modifié pour résister à la sécheresse et accroître la productivité de 20 % à 35 %, via le programme international Water Efficient Maize for Africa (Wema), financé par la fondation de Bill Gates, actionnaire de Monsanto. À moins que les résultats des recherches françaises ne remettent en cause ces projets… ● STÉPHANE BALLONG * Tous cobayes. OGM, pesticides, produits chimiques, éd. Flammarion, 224 p., 19 euros.

Chappatte • Le Temps • Suisse CARICATURES DU PROPHÈTE LA FAUTE À VOLTAIRE

LA CITATION, certes apocryphe, de Voltaire résume l’idéal de la liberté d’expression. Mais que penserait le philosophe éclairé des – pas si gratuites – provocations de Charlie Hebdo ? Fustigeant tous les fanatismes, le premier intellectuel engagé défendait la liberté d’expression comme la condition sine qua non du progrès matériel, intellectuel et politique des sociétés humaines. Des objectifs qui semblent bien éloignés de la démarche du magazine satirique… N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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La semaine de J.A. Décryptage

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JEUNEAFRIQUE.COM

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Retrouvez l’interview vidéo de Patrice Auvray : « Beaucoup de gens étaient complices du mauvais état du Joola. »

DÉBAT

Caricatures du Prophète dans Charlie Hebdo : liberté d’expression ou coup de pub irresponsable ? Exprimez-vous sur jeuneafrique.com et sur notre page Facebook. À LIRE AUSSI Football : Badou Zaki favori pour succéder à Eric Gerets à la tête des Lions de l’Atlas

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@youssouphadiaby

Burkina Paré au rapport Mis en cause pour sa gestion à l’époque où il était ministre, l’ambassadeur en poste à Paris, démissionnaire, est rentré à Ouaga pour s’expliquer.

C

est à la veille des vacances vérifié par les contresignataires légaux », gouvernementales, à la fin explique-t-on à l’Inspection générale des de juillet, que l’Autorité finances, à Ouagadougou. L’intéressé supérieure de contrôle assure pourtant avoir transmis le texte d’État (ASCE) a choisi de publier son en question et détenir copie de plus de rapport d’activités 2011, un document de 800 pages de factures justificatives. 131 pages épinglant la gestion financière de diverses institutions. SELLETTE. Joseph Paré n’est pas le seul à Et pour Joseph Paré, ambassadeur du faire l’objet de soupçons. Le 13 septembre, Burkina en France, les accusations sont Luc Adolphe Tiao, le Premier ministre, sérieuses. On lui reproche une dépense a profité de la tribune d’une conférence non justifiée de 262 millions de francs CFA de presse à l’ASCE pour avertir que son (400 000 euros) alors qu’il était ministre gouvernement était déterminé à « traquer des Enseignements secondaire et supéles fossoyeurs de l’économie ». rieur, entre 2006 et 2011. Deux semaines après la Le gouvernement va « traquer divulgation de ce rapport, les fossoyeurs de l’économie », qu’il découvre avec la menace le Premier ministre. presse, le diplomate décide de rentrer à Ouagadougou. Rappel en douceur ou choix délibéré ? À partir de cette date, l’autorité de contrôle avait dix jours pour communiDémentant la moindre pression, il doit pourtant se résoudre à une démission quer à la primature la liste des personnes inévitable devant la persistance des faits suspectées de gestion douteuse. Déjà, il reprochés. « À partir du moment où ma se murmure à Ouagadougou qu’un autre crédibilité a été mise en cause, il me ambassadeur est sur la sellette pour des devenait difficile de représenter mon faits de même nature. pays. J’ai donc demandé à être libéré de « Toutes les personnes mises en mes fonctions afin de pouvoir tirer tout cause doivent fournir un rapport qui cela au clair », précise-t-il à J.A. sera examiné en Conseil des ministres L’ambassadeur doit notamment s’explicourant octobre. J’y travaille », confie quer sur des dépenses faites sur la base Paré. L’exécutif tranchera. ● d’un « texte unilatéral, qui n’a pas été ABDEL PITROIPA

DR

« Le nouvel iPhone est plus grand, plus fin et plus noir. En gros, je suis le nouvel iPhone5 » Youssoupha Diaby, humoriste français

! LE DIPLOMATE Joseph Paré affirme qu’il détient la copie des factures justificatives.

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JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Tour du monde ÉTATS-UNIS

CAMBODGE

Mitt-le-gaffeur

Khmère rouge irresponsable

I

L LE FAIT EXPRÈS, OU QUOI ? Les gaffes de Mitt Romney s’accumulent avec une régularité telle que les démocrates pourraient presque se contenter de compter les points – ceux gagnés par Obama dans les sondages. Le 12 septembre, le candidat républicain à la présidentielle avait mis en cause avec légèreté la responsabilité de la Maison Blanche dans les exactions antiaméricaines en Égypte et en Libye. Le 17, le site du journal libéral Mother Jones a diffusé une vidéo tournée subrepticement lors d’un dîner de collecte de fonds. On y entend Romney tenir devant un aréopage de riches donateurs des propos électoralement dévastateurs sur « les 47 % d’Américains qui ne paient pas d’impôts et dépendent du gouvernement ». Dans cette distribution d’amabilités, les Palestiniens n’ont pas été oubliés. Le problème, estime Romney, c’est qu’ils « ne s’intéressent absolument pas à la paix ». Alors, évidemment, il ne lèverait pas le petit doigt pour relancer les négociations avec Israël s’il venait à être élu. Fort heureusement, cette perspective s’éloigne. ●

PREMIÈRE DAME du sinistre régime khmer rouge (deux millions de morts entre 1975 et 1979), Ieng Thirith est sortie libre du tribunal de Phnom Penh où elle était jugée pour génocide et crimes contre l’humanité. L’octogénaire, qui est atteinte d’une maladie neurodégénérative de type Alzheimer, a été reconnue irresponsable. Le procès des anciens dirigeants khmers rouges s’éternise depuis 2006. Une seule condamnation a été prononcée. RUSSIE

1000 milliards de carats dans un trou

AP PHOTO/MOTHER JONES VIDEO

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! ROMNEY DEVANT DES DONATEURS, EN MAI : des propos électoralement dévastateurs. FRANCE

Poker menteur à l’UMP JOLI COUP de François Fillon, l’ancien Premier ministre, dans la bataille pour la présidence de l’UMP. Pour être autorisé à briguer les suffrages des militants lors du congrès, en novembre, il fallait recueillir 7 924 parrainages – ce que ni Bruno Le Maire, ni Nathalie Kosciusko-Morizet, ni Henri Guaino n’ont réussi à faire. Jusqu’au 18 septembre, Jean-François N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Copé, l’actuel secrétaire général, en annonçait « plus de 30 000 », et Fillon, faussement modeste, « environ 15 000 ». Les copéistes pavoisaient. Ils avaient tort, c’était une ruse. Le 19 septembre, au cours d’une conférence de presse, l’ancien chef du gouvernement a solennellement annoncé avoir recueilli 45 000 parrainages. Du coup, les copéistes ne pavoisent plus du tout.

LE 16 SEPTEMBRE, LES SCIENTIFIQUES de l’Institut de géologie et de minéraux Sobolev, en Sibérie, ont révélé avec l’aval de Moscou qu’une fabuleuse mine de diamants – la plus grande du monde – avait été découverte dans les années 1970 au fond d’un cratère formé par la chute d’un astéroïde il y a plus de 35 millions d’années. L’ensemble des pierres qu’elle recèle pèserait plus de 1000 milliards de carats. De quoi alimenter le marché mondial pendant trois mille ans. JAPON

Le nucléaire, oui ou non? APRÈS DES MOIS de manifestations, le gouvernement japonais a cédé : le 14 septembre, il a annoncé l’arrêt progressif de l’industrie nucléaire avant 2040. La décision doit encore être approuvée par le Parlement. Mais les Japonais soupçonnent Yoshihiko Noda, le Premier ministre, de manœuvrer à la veille d’éventuelles élections législatives. Dès le lendemain, celui-ci a annoncé que la construction de trois réacteurs nucléaires dans le nord du pays allait se poursuivre. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

SHEIR LOCKE/NASA • REUTERS

ESPACE

« Endeavour », en route vers le musée ELLE AVAIT EFFECTUÉ SON PREMIER VOL en mai 1992. Et le dernier en juin 2011. Après 25 missions menées à bien, 296 jours passés dans l’espace et plus de 197 millions de kilomètres parcourus, la navette Endeavour a été autorisée à faire valoir ses droits à la retraite. Juchée sur un Boeing 747 spécialement aménagé, elle a définitivement quitté le Centre spatial Kennedy, en Floride, survolé le 19 septembre la ville de Houston (photo), avant de gagner Los Angeles, où elle sera exposée dans un musée.

LE CHIFFRE

9,86 %

LE POURCENTAGE DES CRÉANCES douteuses – pour l’essentiel, des crédits immobiliers ayant de sérieuses chances de ne pas être remboursés – détenues par les banques espagnoles au mois de juillet. Un record. BRÉSIL

Candidats ou kamikazes? QUELQUE 300 000 candidats brigueront 56 000 postes de conseiller lors des élections municipales des 7 et 28 octobre au Brésil. Vingt-trois d’entre eux, au moins, n’ont d’ores et déjà plus JEUNE AFRIQUE

aucune chance d’être élus : ils ont été assassinés par des pistoleiros appointés. Beaucoup d’autres ont été victimes de violences pour des motifs variés : luttes d’influence pour le contrôle des terres agricoles ou des revenus pétroliers, narcotrafic, etc. BIRMANIE

Aung San Suu Kyi à Washington UNE SOIXANTAINE de personnes ont été libérées le 18 septembre dans le cadre d’une amnistie accordée à cinq cents prisonniers birmans. Dès le lendemain, l’ex-opposante Aung San Suu Kyi a entamé une visite officielle à Washington, où elle a été reçue par Barack Obama, qui a confirmé la levée des sanctions contre le président Thein Sein, et par Hillary

Clinton, qui s’est dite favorable à l’allègement des sanctions économiques. ESPAGNE

Le communisme conserve SANTIAGO CARRILLO s’est éteint le 18 septembre à l’âge de 97 ans. Jeune responsable républicain pendant la Guerre civile (1936-1939), il fut contraint à l’exil (en France) après la victoire franquiste. Secrétaire général du Parti communiste espagnol (PCE) de 1960 à 1982, il joua un rôle de premier plan dans la transition démocratique qui suivit la mort du Caudillo, en 1975. Dix ans plus tard, il quitta le PCE pour fonder le Parti des travailleurs d’Espagne et se retira de la vie politique en 1991. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Grand angle

TERRORISME

LES NOUVEAUX

MAÎTRES DU MALI

Combattants islamistes, rebelles touaregs recyclés en jihadistes, bandits de grand chemin… Ce sont eux qui contrôlent le nord du pays depuis avril. Enquête sur ces chefs de guerre et leurs principaux lieutenants.

continuent d’assurer le minimum sanitaire, l’électricité, les salaires des fonctionnaires – ceux d’entre eux qui n’ont ls se sont arrêtés pour l’instant à Douentza, au pied pas fui – continuent d’être payés par Bamako au nom de des falaises mythiques de Bandiagara et du pays la continuité de l’État, et les marchés sont approvisiondogon, à 150 km de Mopti, la troisième ville du nés. Mais c’est sur le plan des libertés que la régression Mali, et à 600 km de Bamako, la capitale. À l’aube a été brutale, au nom de la charia. Des amputations de du samedi 1er septembre, les habitants de ce gros membres ont eu lieu à Ansongo, Gao et Tombouctou, bourg agricole ont vu arriver sur la nationale 15 un couple « illégitime » a été lapidé à mort à Aguelhok, une dizaine de 4x4 remplis de combattants islamistes du et les flagellations publiques au fouet pour dromadaire Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest sont quasi quotidiennes dans toutes les localités. Fumer (Mujao). Sans tirer un seul coup de feu, ils une cigarette, écouter de la musique, disont encerclé et désarmé le détachement de cuter entre hommes et femmes – et pour Talibans le jour, ces dernières dévoiler sa chevelure – ou la milice peule d’autodéfense Ganda Izo, contrebandiers à qui une armée malienne aboulique et consommer de l’alcool sont punis de dix acéphale avait sous-traité la protection de à cinquante coups de chicote. Le vol et le la nuit, ils cette localité pourtant stratégique. Depuis, banditisme valent amputation, les relations veulent établir leshommesd’OumarOuldHamahasesont sexuelles hors mariage, la lapidation ou, un califat. installés. Bamako n’est qu’à dix heures de si le cadi fait preuve de mansuétude, cent route de Douentza avec, sur le trajet, deux coups de fouet. La destruction des mauverrous en capilotade : Mopti et Ségou. Six mois après solées maraboutiques est systématique, la possibilité de s’exprimer et de s’opposer, nulle. la chute d’Amadou Toumani Touré, le 22 mars, l’ombre jihadiste n’en finit plus de s’étendre sur le Mali… Qui sont ces chefs surgis des sables de l’Azawad, dont la foi aveugle et sommaire s’accommode de bien CHARIA. Alors que se réunit à New York, le 26 septembre, des trafics impies, talibans le jour et contrebandiers une conférence internationale sur le Sahel, dont on attend la nuit, émirs autoproclamés de katibas dont la tacsans doute beaucoup trop tant les conditions à remplir tique s’apparente à celle des rezzous d’antan et dont pour déclencher une intervention militaire ressemblent l’objectif est d’établir un califat malien jusqu’à Bamako ? à un Rubik’s Cube insoluble, Douentza et avec elle la Chercheur indépendant, spécialiste du renseignement moitié nord du Mali font le douloureux apprentissage de et historien des guérillas révolutionnaires, le Français l’ordre islamique. Certes, le Nord survit, comme avant. la Laurent Touchard a reconstitué pour J.A. l’itinéraire catastrophe humanitaire annoncée n’a pas eu lieu, une d’une dizaine d’entre eux. Voici les nouveaux maîtres douzaine d’organisations non gouvernementales (ONG) du Nord-Mali… ● FRANÇOIS SOUDAN

I

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DUFOUR SEBASTIEN/SIPA

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! MEMBRES D’AQMI, entre Kidal et la frontière algérienne, en octobre 2011.


Grand angle

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Terrorisme

1993 Il rejoint le GIA,

puis le GSPC à sa création par Hassan Hattab, en septembre 1998

2004

En juin, il prend la direction du GSPC

2007

AFP

Après avoir fait allégeance à Al-Qaïda, en septembre 2006, il crée Aqmi, le 24 janvier

Abdelmalek Droukdel ALGÉRIEN,

Nos soldats sont à ses ordres pour qu’il frappe par notre entremise qui il voudra et partout où il le voudra. » 42 ANS La feuille de route se veut ambitieuse : fédérer l’ensemble des mouvements jihadistes dans la région (Tunisie, Maroc et Libye), soutenir les opérations milide vue fragilise le leadership au sein taires contre la coalition en Irak, voire en d’une organisation traversée par des Afghanistan, transformer le sud de l’Algéluttes intestines entre, notamment, deux rie et le nord du Sahara en une zone de lieutenants. Abderrazak el-Para, ancien repli depuis laquelle les jihadistes frappeparachutiste et chef redouté de la zone 5 ront les « apostats » en Europe et aux États(l’est de l’Algérie), convoite la direction Unis. Droukdel déploie également une du mouvement. Mokhtar Belmokhtar, le stratégie de marketing. L’ultraviolence contrebandier, soutient le chef. du GIA et les coups de boutoir de l’armée La bagarre est fratricide, et les algérienne ont fini par fragiliser le GSPC. manœuvres du « para » contribuent, dans Le label « Al-Qaïda » semble alors plus un premier temps, à provoquer la chute de porteur. Et c’est le 24 janvier 2007 que Hattab, en août 2003, remplacé par Nabil naît Al-Qaïda au Maghreb islamique Sahraoui. Deuxième temps, Abderrazak (Aqmi). Son fondateur s’en explique : el-Para est capturé au « Le groupe devait changer Tchad, en mars 2004. de nom pour montrer la Retranché en Troisième temps: Sahraoui véracité de la liaison [avec Kabylie, il est éliminé par les forces la maison mère, NDLR] ». exerce un de sécurité algérienne, Et ordonne une campagne en juin 2004. La route est d’attentats-suicides sur le contrôle dégagée. Droukdel s’automodèle de ceux perpétrés évanescent sur proclame « émir national » en Irak. ses hommes. et peut alors mettre en Mais cette stratégie musique sa stratégie de militaire ne fait pas l’unarapprochement avec le commanditaire nimité. Beaucoup de militants désades attentats du World Trade Center. vouent cette terreur menée en Algérie. Le 11 septembre 2006, Ayman al-ZawaLa fronde se développe. À partir de hiri, bras droit de Ben Laden et idéologue 2008, Droukdel supervise un déplad’Al-Qaïda, annonce l’allégeance de cement du centre de gravité de l’orgal’organisation algérienne, confirmée le nisation vers le Sahel. Les principaux 13 septembre par un communiqué de « faits d’armes » : les entraves au bon son chef : « Nous prêtons allégeance à déroulement du Paris-Dakar, l’assassicheikh Oussama Ben Laden. […] Nous nat de l’otage britannique Edwin Dyer, poursuivrons notre jihad en Algérie. quelques embuscades contre les forces

L’émir caché

L

e chimiste est devenu terroriste. Natif de Meftah (région de Blida), en 1970, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud (son nom de guerre), grandit dans une famille modeste et fortement marquée par la religion. Les premières opérations des groupes islamistes, à la fin des années 1980, fascinent le jeune homme, qui fréquente assidûment la mosquée. Baccalauréat en poche, il noue d’abord des contacts avec des combattants du Front islamique du salut (FIS). C’est l’un d’eux qui lui recommande d’entamer des études de chimie. Il s’exécute et obtient sa licence en 1994. Un an plus tôt, il avait rejoint les rangs de la lutte armée, au sein du Groupe islamique armé (GIA). Sa formation universitaire fait de lui un artificier. Il expérimente, gravit les échelons et se fait remarquer, notamment par Hassan Hattab, qu’il suivra lorsque ce dernier créera le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), en 1998. BEN LADEN. Droukdel est un ambi-

tieux. Il propose rapidement à son émir de se rapprocher d’Al-Qaïda. Le refus est catégorique. L’organisation a son identité nationale propre, et il n’est pas question de la transformer en succursale des activités de Ben Laden ! Il n’en reste pas moins que cette divergence N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE


Les nouveaux maîtres du Mali armées mauritaniennes, maliennes et algériennes, puis, bien sûr, les nombreuses et lucratives prises d’otages. Mais nous sommes encore très loin d’un jihadisme sahélien, tant Aqmi reste contrôlée par les chefs algériens. Aussi le Printemps arabe survient-il à point nommé. Droukdel comprend très vite l’intérêt de ce désordre régional pour gagner des positions, promouvoir la cause et donner du crédit à la rhétorique salafiste. Il ordonne l’infiltration de groupes en Tunisie, qui interviendront quelques semaines plus tard en Libye. Dans le même temps, il s’efforce d’asseoir son autorité au Sahel. En novembre 2011, il remplace son émissaire permanent, Yahia Djouadi (chef de la zone 9, SudAlgérie et Sahel), par Nabil Makhloufi (mort dans un accident de voiture le 8 septembre), jugé plus efficace pour contrôler Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar, les principaux chefs des katibas au Mali. Mais ces deux-là ont la maîtrise du terrain et la connaissance des hommes. Ce ne sont pas des poissons dans l’eau, mais bien des scorpions dans le désert.

Organigramme jihadiste

Émir ddu GSPC, devenu Aqmi en janvier 2007 ABDELMALEK DROUKDEL (Algérien)

Émirs de la zone 9 (Sud-Algérie - Sahel) YAHI YAHIA DJOU DJOUADI (Algér (Algérien)

En aactivité de 22008 à 2011

NABIL MAKHLOUFI (Algérien)

Décédé dans un accident de voiture en septembre

ION

ISS

SC

Chef d’Ansar Eddine

CHAOS. La rébellion touarègue, lancée

en janvier dernier par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), puis le coup d’État contre Amadou Toumani Touré, le 21 mars, constituent alors une deuxième occasion : profiter du chaos à Bamako pour avancer ses pions dans ce Sahel propice à tous les trafics et transformer les dunes maliennes en base arrière du jihadisme international. Pour cela, il faut gagner le cœur et l’esprit des habitants. En mai 2012, depuis les montagnes de Kabylie où il tente d’échapper aux forces de sécurité algériennes, le terroriste déclare : « Ne provoquez pas la population et n’appliquez pas la charia tout de suite. » Ce discours est inégalement suivi. La progression irrésistible des « dissidents » du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), la montée en puissance du « fondamentaliste maison » Iyad Ag Ghali (Ansar Eddine), l’autonomie d’Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar, les premières applications de la charia… confirment ce que les spécialistes supposaient. Abdelmalek Droukdel exerce un contrôle évanescent sur ses hommes. ● JEUNE AFRIQUE

Chefs des 2 principales katibas au Mali

Ex-Aqmi, fondateur du Mujao

Contrôle les villes de Tombouctou et Kidal

Contrôle Gao

MOKHTAR BELMOKHTAR (Algérien)

ABOU ZEID

(Algérien)

Ahmed Tilemsi, Abdel Hakim, Oumar Ould Hamaha et Bilal Hicham (en photo) sont les principaux chefs militaires. Notamment, pour le compte du Mujao

HAMADA OULD MOHAMED KHEIROU (Mauritanien)

IYAD AG GHALI (Malien)

ALGHBASS AG INTALLAH (Malien)

Le fils du chef des Ifoghas, Intallah Ag Attaher

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Terrorisme

1990-1991

Départ en Arabie saoudite puis en Afghanistan

1992

Retour en Algérie, où il rejoint le GIA et forme sa katiba

1998

Il intègre le GSPC et étend progressivement son influence au Sahel

2000 DR

« Mister Marlboro » règne sur bon nombre de trafics

Mokhtar Belmokhtar ALGÉRIEN, 40 ANS

Le trafiquant

M

okhtar Belmokhtar, ou l’histoire d’un hadj qui a mal tourné. Adolescent, le jeune Mokhtar quitte son Algérie natale, en 1990, pour se rendre en Arabie saoudite où il accomplit le petit pèlerinage. Il n’a alors que 18 ans. Fasciné par les combats menés par les moudjahidine afghans contre l’occupant soviétique, il décide d’aller lui aussi mener lejihad.Accompagnédetroiscamarades,il s’envole pour l’Afghanistan un an plus tard. Là-bas, il rejoint les fondamentalistes du Hezb-e-Islami dirigés par Gulbuddin Hekmatyar. Belmokhtar construit sa légende. Le fanatique en herbe aurait rencontré Abou Moussab al-Zarqaoui (qui deviendra le chef d’Al-Qaïda en Irak) : impossible à vérifier. Il aurait perdu son œil lors de combats contre les Soviétiques : les derniers chars russes ont quitté les montagnes afghanes en février 1989, il s’agit donc plus vraisemblablement d’une blessure au cours d’un entraînement. Quoi qu’il en soit, Belmokhtar songe à rentrer au pays. Le Hezb-e-Islami a embrigadé de nombreux combattants étrangers et jouit de fortes complicités au Pakistan. L’Algérie demande à Islamabad d’intervenir. C’est chose faite en avril 1993, lorsque la police

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« LE BORGNE ». De retour chez lui, fin 1992, il bénéficie d’une relative autonomie, met sur pied une katiba estampillée Groupe islamique armé (GIA), qui rapidement rayonne au-delà des frontières

AFP

! TROIS OTAGES D’AQMI, le Sud-africain Stephen Malcom, le Suédois Johan Gustafson et l’Allemand Sjaak Rijke (de g. à dr., vidéo diffusée par Al-Jazira, le 21 août 2012).

pakistanaise arrête et expulse plusieurs centaines de personnes. Mais le jeune jihadiste est déjà parti.

algériennes, dans le Sahara. En 1998, il intègre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). C’est au cours de ces années que « le Borgne » gagne son autre surnom, Mister Marlboro, en référence aux trafics de cigarettes, d’armes, de 4x4, de drogue, de diamants et de migrants… qu’il a mis en place. Difficile d’établir à qui revient la paternité de ce surnom: aux services de renseignements ou bien aux autochtones avec qui il travaille… Quoi qu’il en soit, ses juteux trafics lui permettent de sillonner toute la région, de se constituer un trésor de guerre et de tisser des liens privilégiés avec les populations – dont les chefs traditionnels et

JEUNE AFRIQUE


Les nouveaux maîtres du Mali

LIBYE. Au même moment, le déclenche-

ment de la rébellion touarègue l’oblige à se positionner. En mars 2012, il passe trois semaines en Libye pour, notamment, acheter des armes. En avril et mai 2012, il rencontre au moins à deux reprises, à Tombouctou, les chefs du mouvement Ansar Eddine et ceux du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Il connaît déjà vraisemblablement Iyad Ag Ghali pour l’avoir sans doute côtoyé lors de négociations pour la libération d’otages. Hamada Ould Mohamed Kheirouestunanciencompagnond’armes au sein d’Aqmi. Tous se répartissent les rôles et les zones d’influence. En renard du désert, Mokhtar Belmokhtar sait être indispensable, ou tout du moins incontournable. Est-il pour autant récupérable ? La sincérité de son engagement jihadiste étant sujette à caution, certains spécialistes estiment que oui. Pas sûr que l’Algérie – où il est condamné à mort par contumace – et la Mauritanie soient de cet avis. L’autre possibilité consisterait à le désolidariser d’Aqmi, contre de sérieuses garanties. Quitte à le neutraliser une fois la crise résolue… ● JEUNE AFRIQUE

1998

Après être passé par le FIS et le GIA, il intègre le GSPC

2003

Prise en otages de 32 touristes européens, dans le Sud algérien, en avril

2009

Exécution du Britannique Edwin Dyer, en janvier

SIFAOUI MOHAMED/SIPA

certains membres des forces de sécurité –, le long de ces pistes caravanières. Mais le businessman n’a pas que des partisans au sein du GSPC, surtout après la chute de Hassan Hattab, en août 2003. Il suscite des jalousies – les rivalités avec Abderrazak el-Para sont à leur comble – et provoque la polémique sur son attachement aux valeurs religieuses. Sa parade : s’enraciner et se planquer dans le désert malien, se déplacer en permanence avec sa katiba, éviter les confrontations avec l’armée, se marier avec des filles de chefs locaux… et distribuer de l’argent pour acheter le silence des uns, la complicité des autres. Ainsi transforme-t-il le Nord-Mali en sanctuaire d’où il peut aisément assurer la protection de ses convois, et d’où il peut s’affranchir de la tutelle de Droukdel. Il peut aussi se comporter en « patron intraitable ». C’est vraisemblablement sa katiba qui est responsable de l’enlèvement et de l’exécution de 11 soldats mauritaniens en septembre 2008. « Nous considérons que c’est une erreur et des instructions ont été données par mon frère, l’émir Abou Moussab Abdelwadoud [l’émir Droukdel, NDLR], pour ne plus répéter de tels actes », déclare-t-il en janvier dernier.

2010

Enlèvement en septembre des sept expatriés d’Areva et de Vinci, à Arlit, au Niger

Abou Zeid ALGÉRIEN, ÂGE INCONNU

Le tueur

D

zone du Niger et du Tchad, alors que écrit comme un taiseux et un Belmokhtar règne sur le Sud algérien sanguinaire froid, celui qui se et le Nord-Mali. Cela n’empêche pas distingue par son fanatisme a quelques alliances de circonstance. d’abord été, dans les années 1980, un contrebandier ayant effectué plusieurs En avril 2003, El-Para et son lieuteséjours en prison. Reste que son identité nant prennent en otage trente-deux n’est pas clairement établie. Selon la touristes européens qu’ils remettront fiche de la CIA et du FBI, il s’agirait d’un ensuite à Belmokhtar, en charge des certain Abid Hammadou, négociations. Zeid suit né à Touggourt, dans la les tractations, et c’est À Tombouctou, région de Ouargla. En s a n s d o u t e d u ra nt il s’est installé fait, ce patronyme serait cette période qu’il fait dans le palais celui d’un mort. Le vérila connaissance du de Kaddafi. table nom d’Abou Zeid Touareg Iyad Ag Ghali, est selon toute vraisemaujourd’hui chef d’Ansar blance Mohamed Ghedir, né à Debded, Eddine. un poste-frontière avec la Libye. La neutralisation d’El-Para au Tchad, en mars 2004, lui permet ensuite de ALLÉGEANCE. Son engagement extrégravir un nouvel échelon et de récumiste remonte aux premières heures de pérer les hommes de l’ancien militaire. la guerre civile en Algérie. Le parcours Légitimiste, il fait également allégeance est classique : le Front islamique du au nouveau chef du mouvement, l’idéosalut (FIS), puis le Groupe islamique logue Droukdel. armé (GIA), au sein duquel il fait la Soucieux d’entretenir l’authenticité connaissance et se met au service d’un de son jihad, il se démarque facilecertain Amar Saïfi, alias Abderrazak elment du businessman et opportuniste Para, le chef de la zone 5 (Est algérien). Belmokhtar, et envisage, en 2007, d’aller En 1998, les deux hommes suivent se battre en Afghanistan. Seules des Hassan Hattab lors de la création du informations parcellaires sont dispoGroupe salafiste pour la prédication nibles sur cet épisode : il aurait renet le combat (GSPC). Mais très vite, contré un émissaire de Ben Laden au Zeid soutient le parachutiste dans ses Tchad, mais son projet aurait tourné ambitions aux dépens de l’émir Hattab court avec la mort de cet émissaire. À et de sa rivalité frontale avec Mokhtar défaut d’obtenir le titre d’« Afghan », le Belmokhtar. El-Para se voit confier la combattant, qui rayonne dans la bande N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Grand angle

Terrorisme

saharienne, applique scrupuleusement les consignes de l’émir envoyées depuis la Kabylie. KIDNAPPING. En janvier 2009, des ban-

dits nomades kidnappent au Niger un ressortissant britannique, Edwin Dyer, qu’ils remettent aux hommes de sa katiba. La consigne de Droukdel : exiger la libération d’Abou Qoutada, un proche de Ben Laden, détenu en Angleterre. Londres négocie, et, croyant que les tractations ont abouti, annule au dernier moment une opération des forces spéciales, peu avant la fin de l’ultimatum. Funeste méprise. Dyer est sauvagement exécuté. Puis en juillet 2010, c’est l’otage français Michel Germaneau qui trouvera la mort. Par ces crimes, Abou Zeid marque plus sa différence avec l’homme d’affaires du désert qu’il n’affirme sa loyauté envers Droukdel. Il démontre clairement que sa katiba n’est pas une officine de contrebandiers, que ses hommes mènent le jihad et qu’ils infligent la terreur aux apostats… Ce qui ne l’empêche pas de se livrer, lui aussi, à des trafics, mais moins ostensiblement que Mister Marlboro ! En septembre 2010, l’enlèvement des sept expatriés d’Areva et de Vinci, à Arlit (Niger), s’inscrit dans cette logique idéologique. L’ancienne puissance coloniale, terre de chrétienté, est frappée au cœur. À noter qu’au cours des négociations il croise une fois de plus la route de Iyad Ag Ghali, mandaté par Bamako, et a rencontré le colonel de l’armée française et ex-officier de la DGSE, Jean-Marc Gadoullet, qui a obtenu la libération de trois des sept otages. Le vent révolutionnaire au Maghreb constitue une autre opportunité. Selon plusieurs sources, Zeid a envoyé des hommes en Tunisie puis en Libye, au moment de la chute de Ben Ali et de celle de Kaddafi. Quant au chaos malien, il lui a permis de renouer avec Ag Ghali et de servir d’intermédiaire entre le chef d’Ansar Eddine et sa maison mère, Aqmi. Signe des temps, le 1er avril dernier, lorsque Tombouctou tombait, il s’est installé dans le palais que Kaddafi s’était fait construire. Plus au nord, dans les montagnes de Kabylie, si l’émir Droukdel venait à disparaître, le lieutenant du Sahara serait certainement le candidat idéal à sa succession. À condition que l’éloignement ne constitue pas un obstacle. À condition aussi que la crise malienne n’engloutisse pas Mohamed Ghedir. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

! UN JEUNE HOMME AMPUTÉ, à Gao, le 11 septembre.

Hamada Ould Mohamed Kheirou MAURITANIEN, 42 ANS

Le cerveau du Mujao

L

a p r i s o n , Ha m a d a O u l d Mohamed Kheirou connaît. L a p re m i è re f o i s q u e c e Mauritanien est incarcéré, c’est à Nouakchott en 2005 pour avoir perpétré des actes de violence dans une mosquée qui, selon lui, ne s’inscrivait pas suffisamment dans un islam « véritable ». Il s’évadera quelques

2005

En prison à Nouakchott pour des actes de violence dans une mosquée

2009

Il retrouve Mokhtar Belmokhtar, au Mali

2011

En fin d’année, il quitte Aqmi et fonde le Mujao

mois plus tard… déguisé en femme. La seconde, c’est en 2009 à Bamako. Cette fois, Ould Kheirou a été arrêté pour avoir aidé à ravitailler la katiba de Mokhtar Belmokhtar dans le NordMali et pour s’être spécialisé dans la fabrication d’explosifs (il est relâché en 2010, sans doute dans le cadre des négociations autour de la libération de l’otage français Pierre Camatte). BOKO HARAM. Au fil des années, son mépris pour les religieux « trop timorés » va grandissant. Il intègre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), mais critique ses chefs, notamment Abdelmalek Droukdel, à qui il reproche de ne pas attribuer de postes importants aux non-Algériens. Mais le contentieux n’est pas qu’idéologique : se pose aussi la question du partage de l’argent des rançons et des trafics. Ould Kheirou veut sa part du gâteau. Fin 2011, il crée donc une organisation à la mesure de ses ambitions : JEUNE AFRIQUE


Les nouveaux maîtres du Mali

SIFAOUI MOHAMED/SIPA

AFP

! SCÈNE D’ENTRAÎNEMENT DANS LE NORD-MALI (document diffusé par Aqmi sur internet).

JEUNE AFRIQUE

ÉTAT-MAJOR DES SABLES Si Hamada Ould Mohamed Kheirou apparaît clairement comme le chef du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une certaine confusion règne quant aux fonctions et prérogatives des lieutenants militaires. Peu d’éléments sont connus sur le mystérieux AhmedTilemsi, si ce n’est qu’il est le « vrai chef militaire », selon une source régionale très bien informée, et qu’il aurait opéré auparavant sous les ordres de Mokhtar Belmokhtar. Beaucoup moins discret, le Sahraoui Abdel Hakim est chargé des questions de sécurité, mais il est surtout celui qui tient la ville de Gao. Il suit donc de très près le

dossier des diplomates algériens kidnappés en avril dernier. Troisième personnage, Oumar Ould Hamaha est un Arabe duTilemsi (nord de Gao) enrôlé, durant les années 1980, dans la Légion islamique de Kaddafi. Il a ainsi combattu auTchad et au Liban. De retour au Mali, au moment de la rébellion touarègue en 1990, il intègre l’armée malienne. Aujourd’hui, le militaire a « muté ». En avril dernier, on le voit dans une vidéo à Gao en tant que chef militaire d’Ansar Eddine. Au début de ce mois, c’est lui qui annonce la prise de la ville de Douentza par le Mujao. Bilal Hicham (nom de guerre), quant à lui, tient lieu de symbole, même s’il n’a pas autant de responsabilités que les

ISSOUF SANOGO/AFP

le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Habile, il sait toutefois qu’il n’a pas intérêt à se poser en concurrent direct d’Aqmi. Son cœur de cible, en revanche, c’est bien l’Afrique de l’Ouest – même s’il ne s’interdit pas de frapper l’Algérie ou les pays occidentaux. Dans les rangs du Mujao, on retrouve notamment des militants de la secte islamiste Boko Haram, soucieux de se trouver un sanctuaire hors du Nigeria. Parmi les coups d’éclat d’Ould Kheirou, l’enlèvement de trois humanitaires européens à Tindouf, en Algérie, en octobre 2011. Il est aussi le commanditaire de l’attentat qui a visé les locaux de la gendarmerie à Tamanrasset, le 3 mars 2012, et surtout du kidnapping de sept diplomates algériens à Gao, en avril dernier. Trois ont été relâchés en juillet, mais l’un d’entre eux aurait été exécuté, le 2 septembre. Depuis le mois de juin, le Mujao contrôle également la ville de Gao, preuve qu’Ould Kheirou a, en quelques mois, su s’imposer comme un associé sérieux d’Aqmi et d’Ansar Eddine. ●

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! BILAL HICHAM, le premier commandant noir d’une katiba.

trois autres. Nigérien, il est le premier commandant noir d’une katiba. « L’islam est sans frontières et nous voulons reformer l’unité des peuples d’Afrique de l’Ouest », a-t-il déclaré sur RFI, le mois dernier, depuis Gao. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Grand angle

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Terrorisme

1990

De retour de Libye, il prend la tête de la rébellion touarègue

2007

ROMARIC OLLO HIEN/AFP

Envoyé en Arabie saoudite comme conseiller consulaire. Accusé d’être en contact avec Al-Qaïda, il est expulsé en 2010. De retour au Mali, il sert d’intermédiaire dans les négociations pour libérer les otages d’Aqmi

2011

Il n’obtient pas la direction du MNLA, il fonde Ansar Eddine

Iyad Ag Ghali MALIEN, 54 ANS

Rebelle dans l’âme

O

riginaire de la région de Kidal, dans le nord du Mali, Iyad Ag Ghali est un Irayakan, de la grande famille des Ifoghas. C’est en Libye, pourtant, qu’il a fait ses armes au début des années 1980: il a une petite vingtaine d’années quand il choisit de rejoindre la Légion islamique du colonel Kaddafi – le Mali, victime de sécheresses à répétition depuis 1969, n’a rien à lui offrir.

Alghabass Ag Intallah

DR

LÉGION ISLAMIQUE. En Libye, Ag Ghali parvient à se faire remarquer. Il est envoyé au Liban pour combattre les phalanges chrétiennes puis, selon certaines sources, part faire le coup de feu au Tchad, dans le courant des années 1980, avant de rentrer au Mali quand le « Guide » prononce la dissolution de la Légion. Ag Ghali est déçu, mais trouve vite une autre cause à défendreendevenantl’unedesprincipales

MALIEN, 40 ANS ENVIRON

Héritier et diplomate N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

figures de la rébellion touarègue: c’est lui qui, à la tête du Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad (MPLA), donne l’assaut contre la ville de Ménaka, le 28 juin 1990. Six mois plus tard, les accords de Tamanrasset, signés sous le parrainage de l’Algérie, mettent fin aux affrontements, mais les rebelles en sortent profondément divisés. Ag Ghali fonde le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), qui rassemble les Touaregs les plus modérés ; il n’hésite pas à affronter ses anciens compagnons, quitte parfois à s’allier à l’armée malienne… Sa supériorité militaire ne fait plus aucun doute. À la fin des années 1990, il est, pour beaucoup de Maliens, celui qui a ramené la paix dans le Nord. Progressivement, l’homme se radicalise au contact de prédicateurs pakistanais de la Jamaat al-Tabligh (« association pour la

À L’ORIGINE, ALGHABASS AG INTALLAH n’a rien d’un chef de guerre. Député à l’Assemblée nationale, il est surtout le fils du puissant chef des Ifoghas et son successeur désigné – une lignée qui lui permet de bénéficier de nombreux contacts jusque dans le golfe Persique, notamment avec la famille royale qatarie. Lorsque éclate la

prédication »). Nous sommes en 1999, et Iyad Ag Ghali a changé : il ne serre plus la main des femmes, voile son épouse et passe le plus clair de son temps libre dans lesmosquées.Surprenant?Pastantqueça. Cette radicalisation va de pair avec un fort sentiment antioccidental, lui-même affûté dans les camps d’entraînement libyens. En outre, la crise économique a poussé de nombreux Maliens, sédentaires aussi bien que nomades, dans les bras des religieux. En 2003, Ag Ghali est donc acquis à la cause fondamentaliste, mais pas au jihadisme: il se dit hostile au terrorisme et aux attentats-suicides. Cet « état d’esprit » fait de lui l’intermédiaire idéal pour négocier la libération des otages retenus par les islamistes du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). C’est ainsiqu’enaoûtdelamêmeannéeBamako lui demande d’intercéder auprès d’Abou Zeid en faveur des touristes européens kidnappés en Algérie – ce qu’il fait avec succès. Trois ans plus tard, en mai 2006, la colère gronde une nouvelle fois dans le Nord-Mali. Les Touaregs reprochent aux autorités de ne pas avoir respecté leurs engagements. Ag Ghali rencontre le

rébellion touarègue, en janvier 2012, il se range d’abord aux côtés du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) – même s’il préconise toujours le dialogue avec Bamako –, puis rallie Ansar Eddine. Ag Intallah n’est pas un fanatique, et son choix est sans doute plus pragmatique

– l’émiettement du MNLA est sans équivoque – qu’idéologique. Aujourd’hui, Ag Intallah est le visage politique d’Ansar Eddine, son ambassadeur. Celui qui est reçu par le médiateur de la crise, le président burkinabè Blaise Compaoré. Iyad Ag Ghali sait trop qu’il a intérêt à lier son sort à celui qui régnera un jour sur les Ifoghas. ● JEUNE AFRIQUE


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Ahmada Ag Bibi MALIEN, 50 ANS ENVIRON

! POLICE ISLAMISTE, à Gao, en juillet.

président Amadou Toumani Touré (ATT), mais les négociations tournent court. Il se rapprochealorsd’IbrahimAgBahanga,autre grande figuredel’irrédentismetouareg,mort en août 2011. L’Algérie s’en mêle à nouveau, obtient la signature de nouveaux accords de paix (les accords d’Alger, conclus en juillet 2006), et, comme lors du précédent soulèvement, Ag Ghali troque sa tenue de combattant contre celle d’homme de paix.

cordialement, lui est donc préféré. C’est un camouflet. Qu’à cela ne tienne. Il crée sa propre formation, Ansar Eddine. Sans doute espère-t-il provoquer la dislocation du MNLA, dont il connaît si bien les faiblesses. À la même époque, Ag Ghali doit également renoncer à devenir le successeur de l’aménokal (le chef traditionnel) des Ifoghas, le vieil Intallah Ag Attaher lui ayant préféré son fils, Alghabass Ag Intallah (lire portrait p. 32). Cette fois encore, l’amertume est forte, mais il ne peut pas se permettre d’affronter ouvertement le patriarche. Mieux vaut composer et travailler main dans la main avec Ag Intallah, très respecté dans la région. Ag Ghali tient sa revanche en

EXIL. ATT, qui sait à quel point il peut lui être utile mais qui redoute son influence grandissante, le nomme conseiller consulaire à Djeddah (Arabie saoudite) en novembre 2007. Le chef de l’État tient autant à le remercier qu’à le couper de ses partisans. Mais l’exil est de courte Pour servir ses ambitions, durée : en 2010, les Saoudiens le il n’hésitera pas à se retourner soupçonnent d’être en contact avec des membres d’Al-Qaïda et contre ses « associés » actuels. l’expulsent. De retour au pays, il se sert à nouveau de son carnet d’adresses (qui s’est encore enrichi pendant juin 2012. Le MNLA est moribond, et c’est l’épisode de Djeddah) pour négocier des avecAnsarEddinequediscutemaintenantle libérations d’otages et se constituer une médiateur de la Communauté économique fortune personnelle. Son nom revient à des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), plusieurs reprises lorsqu’il est question du le président burkinabè Blaise Compaoré. L’ancien soldat de Kaddafi est désormais sort des employés d’Areva enlevés au Niger en septembre 2010. reconnu comme un acteur incontournable Fin 2011, le Mouvement national pour de la crise malienne… S’il prenait clairement la libération de l’Azawad (MNLA) n’a pas ses distances avec les salafistes, comme l’y encore de statuts officiels, mais Ag Ghali en incitent les diplomates étrangers, il pourrait revendique déjà la tête. En vain. Les cadres même devenir un allié. D’ailleurs, s’il estime de la future rébellion ne tiennent pas à voir qu’un affrontement direct avec Aqmi peut cet homme ombrageux envahir l’espace servir ses ambitions, il n’hésitera pas à se retourner contre ses « associés » actuels. politique et médiatique. Ils le trouvent trop proche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique Abou Zeid, Mokhtar Belmokhtar et Hamada Ould Mohamed Kheirou le savent mieux (Aqmi, ex-GSPC) et le soupçonnent d’être lié à Alger. Ils ne lui ont pas pardonné non que personne. ● LAURENT TOUCHARD plus les combats fratricides des années 1990. avec Baba Hamed (à Bamako), Mohamed Ag Najim, un autre vétéran Cherif Ouazani, Christophe Boisbouvier de la Légion islamique qu’Ag Ghali déteste et Philippe Perdrix JEUNE AFRIQUE

ISSOUF SANOGO/AFP

Le manœuvrier AHMADA AG BIBI ET IYAD AG GHALI se connaissent depuis longtemps. Au début des années 1990 déjà, ils se côtoyaient au sein du Mouvement populaire de l’Azawad (MPA). Ag Bibi est un grand militant de la cause touarègue, mais cela ne l’empêche pas de tremper dans de plus obscures affaires et d’être lié aux négociations pour la libération d’otages occidentaux. Dans le carnet d’adresses de ce député, on retrouve tout à la fois des bandits, des trafiquants, des hommes politiques de Bamako ou d’Alger, et même des membres de plusieurs services de renseignements (il a été membre de la commission parlementaire Défense et Sécurité intérieure)… Il a été président du groupe parlementaire d’amitié Mali-Algérie et a accompagné, en novembre 2011, l’ancien colonel de l’armée française, Jean-Marc Gadoullet, venu négocier avec Abou Zeid la libération des otages d’Areva et de Vinci. Quand le Nord se soulève de nouveau, en janvier dernier, Ag Bibi rejoint le MNLA, puis Ansar Eddine, tant par réalisme que par amitié envers « Iyad ». Il est peu attaché à la laïcité, mais croit, comme Alghabass Ag Intallah, le diplomate d’Ansar Eddine, dans la négociation, « aux solutions pacifiques », et pourrait de ce fait être l’homme du dialogue. « Seule l’Algérie peut jouer un rôle déterminant de médiateur entre les parties au conflit », estime-t-il. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Afrique subsaharienne

JUSTICE

Grandeurs décadences

C’est l’histoire d’un milliardaire émirati, d’un ancien ministre togolais et d’un pétrolier français reconverti dans le conseil. C’est l’histoire d’une arnaque tellement grosse qu’on se dit que personne n’y croira. C’est l’histoire d’un scandale à 48 millions de dollars, qui, le 15 septembre, a ramené Loïk Le Floch-Prigent derrière les barreaux, à Lomé. Enquête.

éditions Coop Breizh. Entre deux rendez-vous avec des journalistes ou des politiques, dont le e 14 septembre, le vol Abidjan-Paris est ministre des Mines, Adama Toungara, il a accordé parti sans lui, et Loïk Le Floch-Prigent a une interview à Radio Nostalgie, propriété de eu du mal à comprendre ce qui lui arri- la première dame Dominique Ouattara. On l’a vait. Jusqu’au bout, l’ancien patron d’Elf entendu dire que cette affaire (une escroquerie (1989-1993) a cru que tout rentrerait internationale à 48 millions de dollars au détriment dans l’ordre. Que les policiers conduits d’un homme d’affaires émirati, Abbas al-Youssef ) par Touré Lanzéni, le patron de la sécurité de ne le concernait en rien. Qu’aucun mandat d’arrêt l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, lui rendraient ne lui avait été signifié à ce jour. Le Floch-Prigent son passeport en le priant d’accepter leurs plates paraissait sûr de lui et n’envisageait pas un instant excuses. Mais non. Aux alentours de que la plainte d’Abbas al-Youssef, qui 22 heures, ce fol espoir s’est envolé l’accuse de complicité d’escroquerie, Arrêté à avec le vol AF 703. puisse conduire à son arrestation. Il Abidjan, il est Visé par un mandat d’arrêt interne pensait pas finir par partager le aussitôt national signé par le juge togolais sort de l’homme d’affaires togolais Matake Kelouwani et transmis Bertin Agba, arrêté en mars 2011, extradé vers le à Interpol, Le Floch-Prigent est ni celui de Pascal Bodjona, l’ancien Togo. Et peine à d’abord retenu dans un bureau de ministre togolais de l’Administracomprendre ce la police de l’air abidjanaise, où il tion territoriale, autrefois proche du passe la nuit. Le visage mangé par qui lui arrive. président Faure Gnassingbé, mais une barbe blanche, le regard fatilimogé puis arrêté le 1er septembre. gué, l’ancien grand patron paraît surpris, selon un témoin. Comment ne pas l’être quand rien ne FORTUNE. C’est le chef de l’État ivoirien, tout juste prédit la chute ? Celui qui, à 69 ans, était devenu rentré d’Abuja (Nigeria), où il était en visite de travail, consultant international venait de passer une qui, le 14 au soir, a donné son feu vert à l’interpelladizaine de jours à Abidjan. Et il n’est pas homme tion de Le Floch-Prigent. Quelques minutes plus tôt, à raser les murs ! Alors que la presse annonçait Alassane Ouattara s’était entretenu par téléphone depuis plusieurs semaines qu’un juge de Lomé avec Faure Gnassingbé, et son sort avait été vite voulait sa tête, Le Floch-Prigent, dont l’influence, scellé. Dès le lendemain, les Ivoiriens le livrent à les réseaux et la supposée capacité de nuisance des policiers togolais, présents à Abidjan dans le inspiraient encore crainte et respect en Afrique cadre d’une réunion sur la coopération policière francophone, ne s’est pas inquiété. Il s’est livré à dans la sous-région. Lomé affrète un vol spécial, qui une séance de dédicaces de son roman policier le ramène au Togo, où il est gardé dans les locaux Granit rosse, paru il y a quelques semaines aux de la gendarmerie et présenté à un juge. ●●● GEORGE DOUGUELI

L

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE

JEAN CLAUDE ABALO

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! L’ANCIEN PATRON

D’ELF ARRIVE AU

LOMÉ, le 17 septembre. TRIBUNAL DE


Afrique subsaharienne

DES HAUTS…

1982-1986

! LE MILLIARDAIRE ÉMIRATI ABBAS AL-YOUSSEF à Lomé, le 2 septembre.

●●● Devantlemagistrat,ilcontestelesaccusations portées contre lui. Al-Youssef, le patron de la société d’investissement Pilatus Energy, dit pourtant avoir été victime d’une escroquerie « à la nigériane ». Il affirme avoir été approché, en mars 2008 à Dubaï, par un homme et une femme qui se sont présentés comme le fils et la veuve de Robert Gueï. Ils lui auraient soutiré 48 millions de dollars (environ 36,5 millions d’euros), en lui faisant croire qu’ils détenaient la fortune du défunt président ivoirien, estimée à 275 millions de dollars et bloquée sur un compte au Togo. Tout cela, assure l’Émirati dans sa plainte,n’auraitpasétépossiblesanslacomplicitéde Pascal Bodjona et surtout de Loïk Le Floch-Prigent: « C’est lui qui m’a attiré dans cette affaire. » Depuis sa libération en 2004, le Français a été embauché comme conseiller d’Al-Youssef, avec une rémunération mensuelle de 20 000 euros. Il dispose de bureaux sur l’avenue des ChampsÉlysées, à Paris, d’un logement à Dubaï, où il a installé une partie de sa famille, et voyage beaucoup – toujours en classe affaires. Il met ses réseaux au service de son bienfaiteur. En 2006, ses entrées au sein du pouvoir congolais permettent à Pilatus Energy d’obtenir le permis Ngoki, dans la cuvette du fleuve Congo. Mais Al-Youssef et Le Floch-Prigent se brouillent, et ce dernier est débarqué. Il ne renonce pas à la juteuse concession pétrolière pour autant : le début du forage prend du retard, et Le Floch-Prigent en profite pour créer sa propre société, baptisée… Pilatus Group. L’homonymie fait craindre un coup tordu à son ancien employeur, qui saisit la justice pour protéger son permis d’exploitation pétrolière.

EXTORQUÉ. Au Togo, Al-Youssef décide de porter

plainte en mars 2011 contre Bertin Agba, figure principale du réseau d’aigrefins qui lui aurait extorqué des millions. Le Floch est aussi dans le viseur. L’argent de Gueï, bien évidemment, n’a jamais existé. Contacté par Jeune Afrique, Rufin Gueï, fils du général ivoirien tué dans la nuit du 18 N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEAN CLAUDE ABALO

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Administrateur général de Rhône-Poulenc

1989-1993

PDG d’Elf-Aquitaine

1993-1995

Président de GDF

1996

Président de la SNCF

LOÏK LE FLOCHPRIGENT … ET DES BAS

De juillet à décembre 1996 En détention préventive dans le cadre de l’affaire Elf

Novembre 2003 Condamné à cinq ans de prison ferme, toujours dans le cadre de l’affaire Elf, notamment pour abus de biens sociaux. Il est libéré cinq mois plus tard pour raisons de santé

Janvier 2010 Nouvelle incarcération pour six mois : il est accusé de ne pas avoir suffisamment indemnisé la partie civile

au 19 septembre 2002 lors d’une tentative de coup d’État, a rencontré Le Floch-Prigent à Paris courant 2010. « Il avait sollicité un rendez-vous au cours duquel il m’a demandé d’identifier la photo d’une femme (une Ivoiro-Guinéenne, NDLR) censée être la veuve de mon père. Je lui ai dit que je ne la connaissais pas. » Elle s’était d’ailleurs présentée sous le nom de Mounira Awa, alors même que Rose Doudou Gueï, l’épouse de l’ancien chef de l’État, a été tuée elle aussi le 19 septembre 2002. Quelques mois plus tard, le fils Gueï, qui veut laver l’honneur de sa famille, finit par rencontrer l’homme d’affaires émirati. « Pendant notre entretien, j’ai su que Le Floch-Prigent ne lui avait pas retransmis fidèlement ce que je lui avais dit », conclut-il, refusant de s’expliquer davantage. L’Émirati, lui, compte bien récupérer son argent. Début septembre à Lomé, une conciliation est tentée. Al-Youssef, Agba et Bodjona se rencontrent pendant trois jours. L’homme d’affaires togolais propose de rembourser 5 millions de dollars. Refus de l’intéressé, qui exige le double pour retirer sa plainte. Les négociations échouent. BONNE ÉTOILE. Retour donc à la case prison pour

Le Floch-Prigent. Depuis sa première condamnation à cinq ans de détention en 2003 pour abus de biens sociaux dans l’affaire Elf, sa vie est une succession de hauts et de bas. Ces dernières années, il a s ouvent été au fond du trou, avec vingt-huit mises en examen en France et plusieurs séjours en prison. La Légion d’honneur lui a été retirée. Naguère proche du Parti socialiste, il n’y est plus en odeur de sainteté. À droite, il n’est pas non plus considéré comme fréquentable. Dans un article du Monde daté du 10 janvier 2006, il raconte comment, un jour, dans un restaurant parisien, l’ancien Premier ministre Édouard Balladur demande à changer de table pour l’éviter. Mais ce Breton têtu, indécrottable optimiste alors même qu’il lutte depuis 2006 contre un cancer du pancréas, n’a jamais renoncé. Après avoir un moment conseillé la présidence tchadienne en matière pétrolière, il a refait surface au Gabon et surtout au Congo, où il est réapparu à la tête de Pilatus Group, dans la région de Boundji. Ainsi est Le Floch-Prigent : il croit en sa bonne étoile et, pour rebondir, mise sur son carnet d’adresses et sur la pérennité du pétrole. Le 14 septembre au soir, peu de temps avant son arrestation, l’ancien « client » favori de la redoutable Eva Joly téléphonait à Jeune Afrique depuis l’aéroport d’Abidjan pour se plaindre d’un article récent consacré à l’affaire Abbas al-Youssef (voir J.A. no 2696) : « Il faut que l’on se voie. J’ai des révélations à faire qui démontrent que je ne suis pour rien dans cette salade. » Rendez-vous avait donc été pris pour le mardi suivant à 9 heures. Si révélations il y a, c’est devant la justice togolaise que Loïk Le Floch-Prigent va devoir les faire. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

TRIBUNE

UN PHOTO/JC MCILWAINE

Opinions & éditorriaux

HERVÉ LADSOUS Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix

Mobilisons-nous pour la RD Congo

E

N PARCOURANT LES RUES embouteillées du centre-ville de Goma, tout laisse à croire que la vie suit son cours normal. Devant les étals, vendeurs et acheteurs marchandent comme à leur habitude. La principale ville de l’est de la RD Congo est pourtant au cœur d’une région à nouveau plongée dans la guerre. La mutinerie de soldats des Forces armées de la RD Congo (FARDC), qui se sont regroupés au sein du Mouvement du 23 mars (M23), a eu un effet dévastateur sur les villages des alentours. À Goma, paix et sécurité prévalent, grâce notamment aux patrouilles renforcées, menées conjointement par les autorités congolaises et les Casques bleus de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco). Goma pourrait devenir la poudrière de l’Est, mais pour l’heure elle en est sans doute le lieu le plus sûr. Non loin de là, des milliers de personnes ont trouvé refuge dans des écoles et des églises, fuyant les attaques de groupes armés. Certes, nos soldats de la paix se sont redéployés pour empêcher l’avancée du M23 et protéger les civils en danger, mais le défi est énorme. Depuis le mois d’avril et la mutinerie du M23, on a recensé 260000 personnes déplacées supplémentaires. Elles sont désormais 719000 dans la seule province du Nord-Kivu, sans compter que près de 60000 réfugiés originaires de la région ont été enregistrés en Ouganda et au R wa n d a v o i s i n s . Diverses sources font état de graves violations des droits de l’homme commises par le M23, dont le recrutement d’enfants-soldats et des exécutions sommaires. Le mouvement a établi une administration parallèle dans les zones sous son contrôle, tout en pratiquant le pillage systématique des ressources naturelles. Diverses informations indiquent aussi que le M23 bénéficie de soutiens extérieurs. Ceci est inacceptable. Dans les deux provinces du Kivu, des groupes armés ont repris leurs activités criminelles, et c’est très inquiétant. Profitant du désordre, plusieurs mouvements se livrent à nouveau à une campagne de terreur, tuant, pillant et violant. C’est le cas des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), ainsi que de diverses milices Maï Maï.Tous profitent de la mutinerie du M23 et des efforts déployés en vue de contrer leur avancée. Ultime tragédie : les progrès enregistrés au cours des dernières années en matière de stabilisation de la

région, avec le soutien de la Monusco notamment, sont aujourd’hui menacés. L’est de la RD Congo ne doit pas renouer avec son tragique passé. Au cours des deux dernières décennies, la zone a été la principale victime des conflits régionaux et de l’absence d’autorité étatique. Les activités d’armées étrangères et de groupes soutenus par des acteurs extérieurs y ont causé d’énormes souffrances. Nulle part ailleurs en Afrique, sans doute, la guerre n’a causé tant de désolation.Tout doit être fait pour restaurer la paix et la stabilité, et pour permettre un retour à une vie normale pour les populations. À l’initiative de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, des efforts sont en cours en vue de trouver des solutions durables à la crise. Les Nations unies soutiennent ces efforts. Dans la foulée, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, a convoqué à NewYork ce 27 septembre, en marge de la session annuelle de l’Assemblée générale de l’organisation, un sommet de haut niveau réunissant les chefs d’État de la région ainsi que divers acteurs internationaux. L’objectif est de soutenir les efforts entrepris et d’obtenir une mobilisation internationale pour qu’une solution soit trouvée. Il importe d’insister sur deux principes essentiels qui guident l’action de l’ONU: l’urgence de mettre

Dans l’Est, les rebelles du M23 ont établi une administration parallèle.

JEUNE AFRIQUE

fin aux intolérables souffrances que provoque cette crise et la nécessité de respecter la souveraineté de la RD Congo. Hasard de l’Histoire, cette année marque le dixième anniversaire de l’Accord global et inclusif, relatif à la transition politique en RD Congo et signé au terme de négociations à l’échelle nationale et internationale. Cet accord fut aussi un moment fort, parce que tous les acteurs s’entendirent sur le fait que la solution ne pouvait être que politique. Une décennie plus tard, l’est de la RD Congo et la région des Grands Lacs ont de nouveau besoin de l’engagement politique de tous. L’heure est à la mobilisation collective en vue de réaliser des progrès immédiats vers la paix, la stabilité et le développement économique. Pour les populations, c’est à la fois un besoin et un droit. Le pays peut, pour cela, déjà compter sur les soldats de la paix de l’ONU. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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SIPHIWE SIBEKO/REUTERS

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! MINEURS EN COLÈRE À MARIKANA, le 10 septembre.

AFRIQUE DU SUD

Zuma dans de sales draps La fusillade de Marikana a traumatisé le pays, mais pas forcément anéanti les chances du président. Il espère encore être reconduit à la tête de son parti et donc de l’État. Verdict en décembre.

C

est à un accueil triomphal qu’a eu droit le président sud-africain dans le centre des conventions de Midrand, près de Johannesburg, le 17 septembre. La Cosatu, grande centrale syndicale alliée au Congrès national africain (ANC, au pouvoir), s’y réunissait comme tous les trois ans. Les applaudissements réservés à Jacob Zuma ont pu surprendre: beaucoup avaient encore en mémoire la virulencedescritiquesdeZwelinzimaVavi, le secrétaire général de la Cosatu, contre la corruption du gouvernement. Mais quand Jacob Zuma a achevé son discours et entonné Umshini Wami (« Apportemoi ma mitrailleuse »), le chant de sa campagne pour prendre la direction de l’ANC en 2007, la salle a repris en chœur. Difficile d’imaginer, à cet instant, qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, aux abords de la mine de platine de Marikana, la plus violente grève de l’histoire de l’Afrique du Sud démocratique se poursuivait. Le 10 août, des mineurs y cessaient le travail sans préavis pour demander le triplement des salaires les plus bas, à

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

12 500 rands (1 160 euros) mensuels ; des violences éclataient ensuite contre les syndicalistes affiliés à la Cosatu, accusés d’être « complices » des patrons, faisant dix morts, dont deux policiers. Le 16 août, trente-quatre mineurs grévistes étaient tués par la police. Le drame s’est déroulé au pire moment pour Zuma, qui doit affronter en décembre la conférence de Mangaung, où le parti va décider de le reconduire ou non à sa tête pour cinq années de plus. L’ANC ne

collègues et de les placer en détention, selon une disposition du code pénal datant de l’apartheid et non appliquée depuis 1989. Le 12 septembre, les bases de l’armée ont été mises en état d’alerte – une mesure elle aussi inédite depuis 1994 –, laissant penser que le gouvernement était en état de siège. FÉROCE. Des réactions disproportion-

nées auxquelles Julius Malema n’est pas étranger. L’ancien chef de la Ligue de la jeunesse de l’ANC, exclu du parti et devenu le plus féroce détracteur de Zuma, avait annoncé son intention de rencontrer des militaires mécontents de leurs conditions de travail. Il avait été le premier à se rendre auprès des mineurs après la fusillade, soufflant Comme à son habitude, Julius sur les braises comme à son Malema en a profité pour souffler habitude, annonçant que sur les braises de la contestation. « beaucoup allaient mourir dans [leur] combat pour la libertééconomique».Ilavaitmêmeappelé courant aucun risque de perdre les élecà rendre les mines « ingouvernables » tions de 2014, cette « primaire » recèle – un écho au mot d’ordre de l’ANC dans un véritable enjeu : celui qui prend la les années 1980 visant à forcer le régime direction du parti est assuré de diriger de l’apartheid à négocier. l’Afrique du Sud. Les réactions maladroites des autorités Zuma a été pris au dépourvu. Arrivé face à la situation n’ont guère aidé Zuma: sur les lieux bien après le jeune tribun, le procureur a fait le choix d’inculper il a reçu un accueil mitigé de la part des 270 mineurs pour l’assassinat de leurs mineurs et a préféré temporiser : « J’ai JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne été fêté comme une victoire, et il pourrait décidé d’instituer une commission d’enquête [sur] les causes réelles de l’incident », donnerdesidéesaurestedelacorporation. a-t-il lancé. Opportunément, celle-ci ne doit rendre ses conclusions qu’en janvier, EN RANGS SERRÉS. Marikana aura aussi ce qui le dispense de faire tomber des têtes révélé de profondes dissensions entre les avant Mangaung. Mais elle n’a pas calmé grévistes et les syndicats traditionnels, proches de l’ANC. Celles-ci auraient pu la contestation: cinq autres mines ont été bloquées, mettant à l’arrêt un secteur vital conduire à un large remaniement des dirigeants de la Cosatu, mais c’est tout le de l’économie. Le 14 septembre, Zuma a changé de contraire qui s’est produit : les délégués ont resserré les rangs et l’ensemble de ses tactique et opté pour la fermeté. Malema a été empêché manu militari de s’adresser chefs, au premier rang desquels Sdumo aux mineurs, lesquels ont été dispersés par les forces Le 17 septembre, la puissante de l’ordre et ont subi une Cosatu a malgré tout maintenu descente de police nocturne son soutien au chef de l’État. spectaculaire – mais sans bavure cette fois – pour saisir Dlamini, son président pro-Zuma, a été leurs armes et arrêter leurs meneurs. réélu sans opposition. Finalement, le 18, les mineurs de Lors de l’élection interne de 2007, le Marikana ont accepté de retourner au soutien de la Cosatu, dont de nombreux travail contre une augmentation salariale (de 11 à 22 % selon les postes, avec une membres voteront aussi à Mangaung, fut prime de 2000 rands). C’est moins que les l’une des clés du succès de Zuma. Évincé revendications initiales, mais après cinq de la vice-présidence de l’ANC deux ans semaines de lutte acharnée, l’accord a plus tôt par Thabo Mbeki, il était alors un

rival déclaré et préparé. Mais, cette année, Zuma doit défendre un bilan plombé par la crise économique. Toutefois, ses possibles rivaux peinent à se démarquer, alors que le dépôt des candidatures débute le 1er octobre. L’aile syndicale de l’ANC n’a pas d’autre favori et il paraît exclu qu’elle soutienne l’un des ambitieux cadres du parti qui ont fait fortune dans les affaires, comme Tokyo Sexwale ou Cyril Ramaphosa. Ces dernières semaines, ce dernier est devenu un symbole de leur « trahison » : ancien meneur de grève, il siège aujourd’hui au conseil d’administration de Lonmin, propriétaire du site de Marikana. Une seule personne semble capable de faire de l’ombre à Jacob Zuma : Kgalema Motlanthe, son vice-président. Mais rien neditquecethommediscretetconsensuel prendra le risque de se dresser contre le chef de l’État. Présent au congrès de la Cosatu, Motlanthe est resté en retrait avec la délégation du parti, sans prendre la parole. Pas de quoi inquiéter Zuma. ●

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PIERRE BOISSELET

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Afrique subsaharienne GAMBIE

Le chaud et le froid Le président Yahya Jammeh autorise l’ONU à enquêter sur la disparition de deux journalistes.

L

ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, lui-même maître dans l’art du contrepied, s’en plaignait auprès de ses proches: « Avec Yahya Jammeh, on ne sait jamais à quoi s’attendre. » En l’espace d’un mois, le chef de l’État gambien vient d’en faire une nouvelle démonstration. Après avoir menacé d’exécuter tous les condamnés à mort (parmi lesquels figurent des prisonniers politiques) qui croupissent dans les geôles de la Gambie, il était passé à l’acte fin août en ordonnant l’exécution en catimini de neuf d’entre eux. Le 14 septembre, virage à 180 degrés : le voilà qui, dans un communiqué, annonce la suspension des exécutions « suite à de nombreux appels en ce sens du conseil des anciens, des groupes de femmes aussi bien que des groupes de jeunes », mais aussi de plusieurs dirigeants étrangers, dont l’ancien Premier ministre sénégalais Souleymane Ndéné Ndiaye, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, sonhomologueivoirienAlassaneOuattara et le révérend américain Jesse Jackson, qui s’est invité à Banjul. Sans compter les pressions émises depuis Washington et Dakar. SURPRENANTE. Mieux encore: le 18 sep-

tembre, les États-Unis annoncent que Jammeh aurait enfin autorisé les Nations unies à enquêter sur la disparition de deux journalistes, Deyda Hydara et Chief Ebrima Manneh. Le premier a été tué par balle en 2004. Le second n’est jamais réapparu depuis qu’en 2006 des agents présentés comme des membres des services de renseignements l’ont interpellé dans les locaux de son journal. Cette ouverture est d’autant plus surprenante que Jammeh a toujours éludé ces disparitions jugées emblématiques par l’opposition… et que, trois jours plus tôt, il avait ordonné la fermeture de deux journaux privés, The Standard et The Daily News, trop critiques à ses yeux. ● RÉMI CARAYOL N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Coulisses SÉNÉGAL AU CHÔMAGE ! Macky Sall a eu le dernier mot. Il a obtenu, le 19 septembre, que les parlementaires réunis en Congrès votent la suppression du Sénat et du poste de vice-président par 176 voix sur 250. Les sénateurs, bien sûr, ont tenté de s’y opposer, mais l’Assemblée nationale, où les députés soutenant le chef de l’État sont majoritaires, l’a emporté. L’économie ainsi réalisée (12,2 millions d’euros) sera affectée à la lutte contre les inondations. Pour le Parti démocratique sénégalais (PDS, le parti de l’ancien président Abdoulaye Wade), « les pluies diluviennes ne sont qu’un alibi » pour satisfaire les organisations de la société civile qui contestaient l’utilité de la Chambre haute. Une chose est sûre : le Sénat était considéré comme trop partisan. Cinquante-cinq des cent sénateurs n’étaient pas élus, mais nommés par le président de la République. Un mécanisme qui date de l’ère Wade, (Lire aussi p. 63) utile surtout pour caser des fidèles. ●

NIGERIA FAUT PAS POUSSER C’est à Lagos que le rappeur américain Rick Ross est allé tourner son dernier clip. On peut le voir déambuler dans les rues de la ville, une chaîne en or autour du cou, une grosse montre au poignet, distribuant des dollars à des enfants miséreux, le tout sur fonds d’images de Lagos et de la guerre du Biafra… Sauf que les internautes nigérians n’ont pas trop apprécié l’image négative ainsi donnée de leur pays. « On n’est pas des singes ! » a protesté l’un d’eux sur Twitter. FOOT HAYATOU TACLÉ L’Ivoirien Jacques Anouma, candidat à la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), n’a pas ménagé Issa Hayatou, qui occupe le poste

depuis 1988 et qui rechigne à laisser sa place. La CAF, a déclaré Anouma le 20 septembre à la BBC, « ne peut plus être dirigée comme le fief d’un chef de village ». Militant pour une limitation du nombre de mandats, il a ajouté : « Trois mandats de quatre ans, cela doit suffire […]. Ce qu’on ne peut pas faire en douze ans, on ne le fera jamais. » RD CONGO ENVOLÉS Ce n’est pas la première fois que cela arrive : plusieurs membres de la délégation de la RD Congo aux Jeux olympiques et paralympiques de Londres ont fait défection. Six d’entre eux (dont deux athlètes handicapées) ont demandé l’asile politique en Grande-Bretagne, le 17 septembre. Ils invoquent des raisons politiques et des conditions d’entraînement inadaptées. JEUNE AFRIQUE


! LE GÉNÉRAL GERVAIS KOUASSI, commandant supérieur de la gendarmerie (à dr.), et Simplice Kouadio Koffi (au centre), le procureur de la République, lors de la réouverture de la prison, en août 2011.

KAMBOU SIA/AFP

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CÔTE D’IVOIRE

PORTES OUVERTES

A LA MACA

Des détenus trop nombreux, des gardiens parfois corrompus et des trafics en tout genre… Bienvenue à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, la plus grande et la plus célèbre prison du pays. MALIKA GROGA-BADA, envoyée spéciale

D

e loin, on pourrait presque s’y méprendre : des murs jaune clair, un grand portail vert… La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) a des allures

JEUNE AFRIQUE

de camp de vacances. De près, on distingue mieux les hommes en armes postés en haut des miradors, les barbelés qui surplombent le mur d’enceinte et le fronton de la porte d’entrée qui proclame le nom de l’établissement. Bienvenue dans la plus grande et la plus célèbre des prisons de Côte d’Ivoire. Le cinq-étoiles de la détention, refait à neuf il y a quelques mois. « On sait quand on y entre, mais pas quand on en sort », ironisent les Abidjanais. Ici, on « accueille » aussi bien les bandits de grand chemin que les

hommes politiques, mais eux sont logés dans le quartier VIP, dans un bâtiment légèrement à l’écart. Laurent et Simone Gbagbo, les anciens époux présidentiels, sont passés par là en 1992. À la fin des années 2000, il y eut les pontes de la filière café-cacao, Henri Amouzou, Tapé Doh ou Angéline Kili, tous remis en liberté provisoire en 2011. En août dernier, Laurent Akoun et Alphonse Douati, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint du Front populaire ivoirien (FPI) fondé par Laurent Gbagbo, y ont été incarcérés. ● ● ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Afrique subsaharienne Reportage

KAMBOU SIA/AFP

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Construite en 1980, la prison de douze hectares était prévue pour 1 500 personnes. Depuis, elle a battu tous les records, culminant à 5400 détenus en 2011. Située aux abords de la forêt du Banco, dans le quartier de Yopougon, elle a souvent été le théâtre d’évasions spectaculaires. La plus importante a eu lieu en mars 2011, au plus fort de la crise postélectorale: la totalité des prisonniers s’est fait la malle, alors qu’Abidjan était en proie à de violents affrontements, et de nombreuses questions subsistent encore sur la « spontanéité » de l’évasion. Les groupes armés fidèles à Alassane Ouattara, tout comme ceux restés fidèles à Laurent Gbagbo, ont été accusés d’avoir volontairement libéré les détenus pour ensuite s’en servir comme miliciens. Rouverte en août 2011, la Maca ne compte plus « que » 2 600 prisonniers, la plupart rattrapés par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). D’autres ont préféré revenir spontanément. Profitant du « vide », entre mars et août 2011, les autorités ont décidé de rajeunir la prison. Plus de 2 milliards de F CFA (environ ●●●

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

3 millions d’euros) ont été investis pour réhabiliter portails, bureaux et cellules. Mais, pour beaucoup, l’opération est avant tout cosmétique : promiscuité, insalubrité, violence, concussion, drogue, armes… Il faudra beaucoup plus qu’un coup de peinture pour venir à bout des problèmes qui minent cette ville dans la ville.

! INSPECTION D’UNE CELLULE où seront gardées plusieurs dizaines de personnes. Trois millions d’euros ont été investis pour rénover l’établissement.

LAISSEZ-PASSER. En ce jour de

visite, ils sont des centaines à faire la queue devant la prison, munis d’un « billet de communication », le laissez-passer délivré par le tribunal. En théorie, c’est le seul moyen d’entrer dans la Maca.

En mars 2011, on se bat à Abidjan. Les détenus en profitent pour tous se faire la malle. Mais en théorie seulement, car quelques billets de banque glissés aux gardiens font tout aussi bien l’affaire. Dans le cas de l’auteure de ces lignes, 2 500 F CFA ont suffi. Le parloir des « droit commun » sent la sueur et l’urine. Prévenus

et détenus s’entassent à deux ou trois par box pour s’entretenir avec leurs visiteurs dans une salle sombre. Rien à voir avec le parloir des « assimilés », les VIP de la prison : un grand hangar bruyant où fonctionnaires, journalistes, hommes d’affaires ou fils à papa « tiennent salon », installés sur des bancs en bois ou des chaises en plastique. On peut y croiser Denis Maho Glofiéhi, l’ancien chef des milices pro-Gbagbo pour l’ouest de la Côte d’Ivoire ; Ousmane Sy Savané, le directeur général du groupe de presse Cyclone (fondé par Nady Bamba, seconde épouse de Laurent Gbagbo) ; ou le commandant Marcelin Ogou Toli, soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat des Français Yves Lambelin et Stefan di Rippel, en avril 2011. IMPECCABLE. Ici, pas question de

se laisser aller. Chemise impeccable, montre de prix et chaussures cirées, un homme d’affaires franco-ivoirien incarcéré depuis six mois parle volontiers de son quotidien, mais tient à garder l’anonymat pour que ses relations JEUNE AFRIQUE


Portes ouvertes à la Maca ne sachent pas qu’il est en prison. « C’est mauvais pour les affaires, argumente-t-il. Pour tenir le coup, il faut avoir une chose à laquelle se raccrocher. Il faut garder un semblant d’activité professionnelle. » Comme lui, ils sont nombreux à continuer à diriger leur entreprise du fond de leur cellule, à recevoir employés et avoués pour signer des parapheurs. Si Alphonse Douati, l’ancien ministre du FPI, a souvent la visite de sa famille, il rencontre aussi régulièrement des membres du parti. Quant à Denis Maho Glofiéhi, il continue de superviser ses plantations à distance. EN LIQUIDE. Dans le quartier

des VIP, on s’organise comme on peut, y compris pour les repas. La cinquantaine de prisonniers a organisé un « roulement ». « On a établi des plannings de cuisine pour rationaliser nos dépenses, explique notre homme d’affaires. Les familles cuisinent pour tout le monde à tour de rôle. Mais ce n’est pas toujours facile. Par exemple, les fonctionnaires emprisonnés pour collusion réelle ou supposée avec l’ancien pouvoir n’ont plus de salaires. » Alors que la prison, ça coûte cher. Tout se monnaie et en liquide : entre 80 000 et 100 000 F CFA pour avoir droit à une chambre à quatre et non à vingt ; 1 000 F CFA par jour pour un ventilateur, le double pour un poste de télévision ; 100 à 200 F CFA par jour pour un préposé au ménage ou un garde du corps – évidemment sélectionné parmi les prisonniers de droit commun, dont les conditions de détention sont nettement moins enviables. Eux

sont parqués par dizaines dans des cellules nauséabondes et surchauffées ; ils reçoivent peu de visites et n’ont pas la possibilité de se faire soigner… Dans leurs bâtiments, la tuberculose est la première cause de mortalité. COMPLICITÉ. Pendant ce temps,

dans le quartier VIP, un détenu explique qu’il a fait poser un verrou à l’intérieur de sa cellule Quartiers des pour empêcher détenus de droit commun les gardiens de « venir le voler », mais que cela n’a pas fonctionné. Un autre reconnaît dépenser entre 100 000 et 200 000 F CFA par mois pour communiquer avec l’extérieur Parloirs grâce à « un prisonnier qui tient une cabine téléphonique [qui loue un téléphone portable, NDLR] ». La Maca, c’est: « Tous ces trafics sont gérés par un homme, un seul : c’est un détenu 2653 détenus, dont qui bénéficie de la complicité des 1632 hommes gardiens, accuse un ancien penet 35 femmes sionnaire de la Maca. Il brasse condamnés, beaucoup d’argent, au moins et 986 prévenus 4 millions de F CFA par mois. 1 garde pour Pourquoi voudrait-il sortir alors 40 détenus qu’il a tout ce qu’il veut sur place, À la Maca, le au vu et au su des responsables salaire mensuel de la prison ? » moyen d’un L’administration pénitentigarde s’élève à aire dit prendre des dispositions 50000 F CFA pour mettre fin aux trafics. « Nous La Côte d’Ivoire en avons été informés, assure compte Mahomed Coulibaly, son direc29 prisons, teur. L’homme dont vous parlez pour un total de 6218 détenus a été mis sous mandat de dépôt,

tout comme les gardes qui avaient été mis en cause. » Mahomed Coulibaly est fier de nous dire que « les agents aussi peuvent être sanctionnés », et cite l’exemple des quatre hommes qui ont été jugés et condamnés pour corruption depuis le début de l’année. À l’entrée de la prison, une circulaire punaisée sur un tableau d’affichage menace d’ailleurs les gardiens indélicats. La corruption, justement, expliquerait en partie le Quartier g r a n d n o m b re VIP d’évasions qui ont lieu dans les prisons ivoiriennes. La dernière en date a eu lieu le 8 juillet : 12 détenus ont tenté de s’enfuir au cours de leur transfert à la Maca ; ils ont arraché les armes des policiers, mais huit d’entre eux ont été rattrapés. Deux jours après, le gouvernement annonçait qu’il allait remplacer l’ensemble des surveillants par des agents venus d’autres prisons du pays. Déjà, la sécurité aux abords de la Maca a été confiée à des éléments de la brigade antiémeute et c’est la gendarmerie qui se charge des miradors et du maintien de l’ordre dans l’enceinte de la prison. « Mais pour régler les problèmes de sécurité, il faut une vraie réflexion sur les prisons en Côte d’Ivoire, insiste Job Sodjinou, dont l’association Ngboado œuvre en milieu carcéral. Le ratio gardeprisonniers est l’un des plus élevés de la sous-région. » À la Maca, il y a un garde pour 40 détenus. ●

PRISON BREAK Que se passe-t-il dans les prisons ivoiriennes ? Mi-juin, le gouvernement reconnaissait que 240 détenus s’étaient évadés depuis le début de l’année, dont 52 dans la seule journée du 4 mai à la JEUNE AFRIQUE

Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Depuis, à Daloa, Bouna ou Bouaké, la liste des tentatives – réussies ou non – ne cesse de s’allonger. Premiers montrés du doigt, les

gardes pénitentiaires. Peu formés, en sous-effectif, ils sont débordés pour les uns, corrompus pour les autres, et l’administration ne tient pas à les armer, tant elle redoute les trafics. Le gouvernement a promis

de réformer le système : le 11 juillet, il a annoncé la mise en place d’une équipe d’experts de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) pour assister l’administration ivoirienne. ● M.G.-B. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Maghreb & Moyen-Orient

! LE LEADER D’ANSAR EL-CHARIA LORS D’UN MEETING, LE 20 MAI DERNIER, À KAIROUAN.

FETHI BELAID/AFP

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Maghreb Moyen-Orient

TUNISIE

ABOU IYADH, l’ennemi public numéro un Sorti du giron des islamistes d’Ennahdha, qu’il nargue à l’envi, le chef des salafistes jihadistes semble décidé à semer le chaos et la discorde dans le pays. Son dernier fait d’armes : l’assaut meurtrier contre l’ambassade américaine.

FRIDA DAHMANI,

L

à Tunis

a Tunisie a trouvé son mollah Omar. Recherché pour avoir appelé à prendre d’assaut l’ambassade et l’école américaines le 14 septembre, Abou Iyadh el-Tounsi, 47 ans, a l’art de se volatiliser au nez et à la barbe des forces de l’ordre. À son domicile, au cimetière El-Jellaz, où il assistait à l’enterrement d’un militant tué dans les affrontements, ou à la mosquée El-Fath, où, protégé par une importante garde rapprochée, il a harangué les fidèles trois jours d’affilée, le leader des salafistes jihadistes tunisiens a, chaque fois, déjoué la vigilance des policiers venus l’arrêter. Pendant que le ministère de l’Intérieur reconnaît vouloir éviter un affrontement avec les salafistes, Abou Iyadh, lui, construit tranquillement sa légende et profite des tergiversations du gouvernement face aux agissements des extrémistes religieux. En quelques mois, Abou Iyadh est devenu l’homme qui sème la discorde, alors que, jusqu’en 2011, il n’était connu que des milieux judiciaires internationaux et des organismes de défense des droits de l’homme, lesquels s’étaient insurgés contre ses conditions de détention dans les geôles de Ben Ali. Condamné en 2003 à quarante-trois ans de prison pour ses liens étroits avec Al-Qaïda, il revendique, en dépit de son passé terroriste, comme ses camarades jihadistes, le statut de prisonnier politique et bénéficie de l’amnistie de février 2011. Aujourd’hui, ce père de trois enfants, toujours vêtu d’une djellaba, au regard placide, à l’allure JEUNE AFRIQUE

austère et à la barbe imposante, défraie la chronique. Électron libre, il est devenu le plus inattendu et le plus mordant des opposants au gouvernement de l’islamiste Hamadi Jebali. Pourtant, dans les années 1980, Seifallah Ben Hassine, qui n’avait pas encore adopté son nom de guerre, comptait parmi les jeunes recrues du Mouvement de la tendance islamique (MTI), cofondé par Rached Ghannouchi et qui allait devenir, en 1989, Ennahdha, au pouvoir depuis l’élection de la Constituante le 23 octobre 2011. Seifallah n’est alors qu’un jeune révolté. Natif de Menzel Bourguiba, l’ancienne Ferryville, il n’a aucun goût pour les études, mais c’est une forte tête, « un meneur », dira un de ses instituteurs. Il grandit dans un environnement où la haine du colon est bien enracinée. Abou Iyadh la transforme en rejet de l’Occident, compense son maigre bagage scolaire par une lecture assidue du Coran et adopte l’idéologie des Frères musulmans, expression de la résistance à la modernité bourguibienne. VOCATION. Le jeune Seifallah a pour mentors

Sadok Chourou, actuel député d’Ennahdha, et Rached Ghannouchi, lequel retrouve en lui ses élans de jeunesse. En déclarant, en mars 2012, que « les salafistes sont nos enfants, il faut dialoguer avec eux », le président d’Ennahdha pensait sans doute à Abou Iyadh, dont la vocation de jihadiste était telle qu’il devient, dès 1986, l’un des piliers du bras armé du MTI, le Front islamique tunisien (FIT). Il fréquente des militants formés en Arabie saoudite par Ibn Baz, prédicateur wahhabite non voyant et ancien mufti du royaume des Saoud, ● ● ●

Principaux courants salafistes tunisiens SALAFIYA JIHADIYA qui prône le jihad • SALAFIYA ILMIYA chargée de développer l’idéologie salafiste • DAAWA WAT TABLIGH, dédiée à la prédication • TAKFIR WAL HIJRA, en rupture totale avec la société, jugée mécréante • JABHAT EL-ISLAH (le Front de la réforme), parti légalisé et présidé par Mohamed Khouaja

Les salafistes contrôlent 400 mosquées sur 2000 et, selon le ministère de l’Intérieur, rassembleraient 93000 militants et sympathisants, dont 5000 jihadistes. Principaux fiefs: le Grand Tunis (Oued Ellil, Sidi Thabet, Bhar Lazreg), Sejnane, Menzel Bourguiba, Sidi Bouzid, Kairouan, Tataouine N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Maghreb Moyen-Orient

FETHI BELAID/AFP

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ainsi que des membres des Groupes islamiques armés (GIA) algériens ou du Groupe islamique combattant libyen (GICL), tels qu’Abou Yahya el-Libi, futur numéro deux d’Al-Qaïda, abattu le 4 juin dernier par un drone américain au Pakistan. La répression de Ben Ali conduit Seifallah à l’exil. Après un passage par le Maroc, où il s’inscrit en droit, et la Grande-Bretagne, d’où il est expulsé pour ses prêches violents, il atterrit en Afghanistan. De réseau en réseau, il troque son prénom qui, en arabe, signifie l’épée d’Allah, pour Abou Iyadh (« père de Iyadh », nom de son fils aîné, comme le veut la tradition au Moyen-Orient), écume les camps d’entraînement, découvre les règles de la clandestinité, rencontre Oussama Ben Laden près de Kandahar et fonde, à Jalalabad, avec un ●●●

! UN JEUNE HOMME EN PRIÈRE durant la manifestation du 14 septembre, aux abords de l’ambassade des États-Unis.

LA CHARIA À TOUT PRIX ADEPTE DU RETOUR À L’ISLAM DES ORIGINES et à l’application immédiate de la charia, Ansar el-Charia (les partisans de la charia) représente l’aile dure du salafisme. Proche d’Al-Qaïda, ce mouvement est apparu en 2011, au lendemain du Printemps arabe. Sa structure en maillage lui permet, en cas de démantèlement d’une ou de plusieurs cellules, de rester opérationnel. Si Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) est dans la clandestinité, Ansar el-Charia a pignon sur rue et gagne en visibilité par des actions spectaculaires ou N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

violentes.Toutes les filiales sont en contact et obéissent à des mots d’ordre communs, mais elles demeurent spécifiques à chaque pays. Ainsi, le réseau, à défaut d’avoir intégré la scène politique, établit sa pérennité en s’enracinant dans la population. Contrairement à son homologue libyen – probablement à l’origine de l’attaque contre le consulat américain à Benghazi –, le groupuscule tunisien n’a en effet pas tenté d’entrer en politique et veut instaurer un nouvel ordre moral en encourageant les F.D. débordements. ●

autre Tunisien, Tarek Maaroufi, le Groupe combattant tunisien (GCT), une cellule terroriste liée à Al-Qaïda. Maaroufi recrute et crée des réseaux en Europe, Abou Iyadh s’occupe de la formation et étudie les cibles. Les deux hommes organisent l’assassinat du commandant Massoud en septembre 2001 et sont inscrits sur la liste des terroristes les plus recherchés. Maaroufi, incarcéré en Belgique, puis revenu en Tunisie en mars 2012, ne fait plus parler de lui. Quant à l’aventure jihadiste d’Abou Iyadh, elle prend fin en 2003, quand il est arrêté en Turquie, d’où il sera extradé vers la Tunisie. Il livre au ministère de l’Intérieur, sans doute sous la torture, les noms des membres du GCT, qui ne lui en tiendront pas rigueur. Depuis sa prison, Abou Iyadh continue d’entretenir des liens avec les 1 208 détenus salafistes, dont les auteurs de l’attentat de la Ghriba en 2002 et ceux du groupe de Soliman, arrêtés en 2006. IMPUNITÉ. À sa libération, en 2011, une vie aussi

nouvelle qu’inespérée commence pour lui. Il s’empresse de fonder, avec l’idéologue El-Khatib el-Idirissi et le prédicateur Abou Ayoub, le groupe Ansar el-Charia (lire encadré). Son objectif : islamiser la Tunisie. Sa stratégie est simple : d’abord vulgariser sa pensée, puis user de la provocation, des opérations coup-de-poing, de la médiatisation et de la menace pour s’imposer, même s’il assure que « la Tunisie n’est pas une terre de jihad mais de prédication religieuse ». Il s’installe à Hammam Lif, dans la banlieue sud de Tunis. Après avoir rapatrié ses troupes disséminées en Europe, il s’implante dans sa région d’origine et fait de Sidi Bouzid, Tataouine et Sejnane des fiefs intégristes. Grâce à des financements saoudiens, perçus à travers un réseau d’associations islamistes, il recrute dans les quartiers démunis et organise des entraînements dans des salles de sport. Il réussit à étendre son influence via les réseaux sociaux et les mosquées, et noue des liens ambigus avec Ennahdha, qui ne condamne aucun dépassement extrémiste. Et pour cause, la mouvance salafiste est utile aux islamistes, car elle leur permet d’apparaître modérés. Aux termes d’un accord secret conclu à La Soukra à la veille des élections d’octobre 2011, les salafistes acceptent d’accorder leurs suffrages à Ennahdha, alors qu’ils ne reconnaissent pas la voix des urnes mais seulement celle d’Allah. Plus besoin de prendre le maquis pour agir, le champ est libre; Abou Iyadh hausse le ton avec la bénédiction tacite de leaders islamistes, tels que Habib Ellouze ou Sahbi Atig, et reçoit même l’appui d’Abderraouf Ayadi, ancien secrétaire général du Congrès pour la République (CPR), parti de Moncef Marzouki, actuel président de la République. En moins d’un an, Abou Iyadh prêche à tout-va, organise des rassemblements, comme à Kairouan en mai 2011 où 5 000 de ses partisans brandissent sabres et drapeaux noirs. Il provoque le blocage de la ● ● ● JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

TRIBUNE

AGOSTINO PACCIANI POUR J.A.

Opinions & éditoriaaux

YOUSSEF SEDDIK Philosophe et anthropologue tunisien spécialiste de la Grèce antique et de l’anthropologie du Coran

La farce et la force

T

UNIS, LE 19 AVRIL 2012. À l’entrée du Palais de justice, où je me rendais pour soutenir, avec d’autres intellectuels, la chaîne Nessma, en procès pour blasphème, une quinzaine de jeunes barbus m’encerclent, me demandent de me repentir, me reprochent sans ménagement un avis énoncé dans les médias et me pressent de déguerpir sous peine de subir les mêmes violences perpétrées au même moment contre un universitaire et un journaliste restés insensibles à leurs menaces. J’ai cru bon d’empoigner le plus jeune par l’épaule, dont les yeux exorbités semblaient davantage appeler à l’aide qu’à la guerre, et entamé une tirade sur mon âge, égal sinon plus avancé que celui de son propre père et, allant crescendo dans ce qui devenait un sermon, j’ai évoqué mes ouvrages sur l’islam et sa grandeur : « Comment vous permettez-vous de manquer de respect envers une personne comme moi qui ai traduit des gloires de l’islam pour convaincre les nonmusulmans de sa contribution aux œuvres de la civilisation ? J’ai traduit le Coran, les hadiths, le… » Le jeune homme s’est raidi et m’a interrompu, le regard devenu de feu, s’est libéré violemment de mon emprise, puis a explosé en un cri qui s’est abattu comme un couperet sur mes idées: « Quoi?Tu oses traduire le saint Coran et les saintes paroles de notre Prophète alors que tu ne portes pas la barbe ? »

abbasside Al-Mutawakkil (847-861) fut le premier à favoriser la naissance de ce que nous appelons depuis le sunnisme en réduisant à néant les emblèmes et sites du chiisme et en effaçant pratiquement de l’histoire des idées islamiques la doctrine des rationalistes mutazilites. Le long intermède des croisades permit un réveil de la pensée religieuse dans toute sa complexité mystique, philosophique, politique et juridique à travers de grandes œuvres, comme celles de Ghazali, d’IbnToufaïl ou d’Averroès, sans parler d’une véritable résurrection des courants mystiques et poétiques, surtout en Iran et en Andalousie. L’éveil des consciences nationales au XIXe siècle donna naissance à une nouvelle perception de l’islam chez les penseurs. Mohamed Iqbal dans le subcontinent indien, Mohamed Abdou en Égypte, ouThaalibi enTunisie déclarèrent leur hostilité à un islam populiste et monolithique,

Quoi ? Tu oses traduire le saint Coran alors que tu ne portes pas la barbe ? »

Le salafisme, politique du moins, c’est cela ! Réduire à sa plus simple expression la conscience religieuse de ses adeptes – à la manière du wahhabisme saoudien –, afin de mieux les embrigader pour des actions ponctuelles dont une élite politique seule connaît les enjeux. Cette technique de simplification jusqu’au tarissement de la diversité religieuse n’est pas nouvelle dans l’histoire de l’islam. Dès la Grande Discorde (Fitna), une génération à peine après la mort du Prophète, les troupes, pour la plupart non arabes, qui soutenaient le calife contesté Ali Ibn Abi Taleb, cousin et gendre du Prophète, brandirent le slogan de « l’arbitrage exclusif du Coran » comme la meilleure manière de mettre fin à la guerre entre coreligionnaires. Ali jugea ce slogan simpliste dangereux pour la cohésion de son armée et fut acculé à sévir contre les « sortants » (c’est le sens du mot « kharidjite » dans la fameuse bataille de Nahrawan, en 658). Plus tard, le calife JEUNE AFRIQUE

devenant, de ce fait, les pires adversaires d’un wahhabisme solidement installé dans la majeure partie de la péninsule Arabique. Aujourd’hui, c’est cet islam sans pensée, sans différenciation, sans cette passion – au sens positif du terme – qui pousse à la créativité et à l’innovation que les maîtres du monde entendent favoriser dans une stratégie à long terme destinée à leur permettre de maintenir leur position dominante. Qu’importe si les sociétés islamiques s’agitent ou s’effondrent en cherchant à imiter « le modèle pur » des temps premiers de l’Histoire, pourvu que leurs territoires et leurs richesses restent soumis à l’équation d’une mondialisation où elles n’assument que le rôle exclusif de consommatrices. À Tunis comme au Caire, Alger ou Amman, tout comme déjà et depuis longtemps à Riyad, Doha, Mascate ou Dubaï, les espaces publics, les écoles et les universités se doivent dorénavant de se soucier de la coupe de barbe, de la manière d’énoncer l’appel à la prière, du voilement de la femme le plus étanche, etc. Et si jamais un tel vécu dans l’utopie ne suffit pas, on aura recours à cet inépuisable gisement qui provoque les foules et pousse toute société quelque moderne qu’elle soit à sa perte : la colère face au sacré profané. Le salafisme politique, c’est cela, rien que cela. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Maghreb Moyen-Orient

AUDE OSNOWYCZ/SIPA

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faculté de la Manouba, les saccages d’espaces culturels et de débits d’alcool, les violences à l’encontre de Nessma TV, de certains artistes, journalistes et hommes politiques, et l’annulation de nombreux festivals. Tous ces actes sont restés impunis ; pour le pouvoir, ils sont autant de diversions bienvenues pour faire oublier les problèmes et les priorités du pays ; ils deviennent même le prétexte à de faux débats comme celui sur les excès des médias. Extrémistes et nahdhaouis semblent en synergie, si bien que les salafistes sont considérés par l’opinion publique comme le bras armé et occulte du parti islamiste. Mais la lune de miel ne dure pas ; ulcéré par la décision d’Ennahdha de ne pas inscrire la charia dans le projet de Constitution, Abou Iyadh se sent trahi et ne cible plus seulement l’Occident, les juifs, les femmes, mais aussi le gouvernement. ●●●

FEU VERT. En juin 2011, le jihadiste mauritanien

Abou el-Moundhir el-Shiniqiti et le chef d’Al-Qaïda Ayman el-Zawahiri accusent les islamistes au pouvoir d’avoir « violé les fondements du Coran et de la Sunna [la tradition], et de chercher un arrangement pour être acceptés par l’Occident et les pays du Golfe ». Une manière de feu vert donné à Abou Iyadh, lequel engage le combat contre « Ennahdha, qui a choisi la voie de la laïcité, bien loin de l’islam et de la charia ». Il menace le ministre de l’Intérieur et fait vaciller le gouvernement en organisant l’assaut de l’ambassade et de l’université américaines, ce dont il se défend. Si la plupart des

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! Débordées lors de l’assaut contre l’ambassade américaine, LES FORCES DE L’ORDRE ont enregistré plusieurs blessés dans leurs rangs.

partis ont condamné le film islamophobe à l’origine de l’explosion de colère dans le monde musulman, tous critiquent sévèrement les débordements du 14 septembre et le manque de réactivité, voire la passivité des forces de l’ordre. Pour certains, le gouvernement est tacitement complice des salafistes. Pour d’autres, il en a tout simplement peur. En quelques minutes, les images des violences font le tour du monde, plongent la Tunisie dans la stupeur, entachent le crédit du pays et provoquent une crise interne profonde. Désormais, Ennahdha est sommée d’abandonner son double discours, de dévoiler ses intentions, au risque de se scinder, et de reconnaître son échec dans la gestion du pays. Il est Ulcéré par la non-inscription même question, pour de la charia dans le projet éviter une autre crise, de Constitution, il se sent trahi. de la formation d’un gouvernement d’union nationale après le 23 octobre, date à laquelle prend fin le mandat de la Constituante, laquelle n’a pas achevé la rédaction de la loi fondamentale. Tandis que des dirigeants islamistes, comme Sadok Chourou, persistent dans le déni et affirment encore que les salafistes sont inoffensifs, Ennahdha a placé le siège du parti sous haute protection par crainte de rétorsions des extrémistes. Abou Iyadh, le jihadiste aguerri, n’est plus « un enfant qu’il suffit de ramener à la raison », comme le soutenait Rached Ghannouchi, mais le chef d’orchestre du chaos. ● JEUNE AFRIQUE



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Maghreb Moyen-Orient ISRAËL

Docteur Folamour

Conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre, Uzi Arad n’a qu’une obsession : bombarder l’Iran pour l’empêcher de contester la suprématie militaire de l’État hébreu.

P

our cerner les préoccupations sécuritaires et les ambitions d’Israël, il suffit de savoir ce qui se trame dans la tête d’Uzi Arad, conseilleràlasécuriténationaleduPremier ministre, Benyamin Netanyahou. Vétéran du Mossad, où il a passé vingt ans, Arad a l’oreille du chef du gouvernement, occupe unbureauàdeuxpasdusienets’estimposé danslacompétitionentrechefsdesservices de défense, de sécurité et de renseignements. Arad est le superfaucon de l’État hébreu. Certains l’ont même surnommé le Docteur Folamour israélien. Son objectif principal est de mettre un terme définitif à l’ambition iranienne de fabriquer une bombe nucléaire, ou simplement d’en acquérir les moyens. Il ne croit pas en l’efficacité de « sanctions paralysantes » et déplore que les Occidentaux ne soient pas plus résolus à stopper l’Iran dans sa course à l’armement nucléaire. Il reste convaincu, malgré quelques preuves du contraire, que l’Iran est déterminé à devenir une puissance nucléaire. PARANOÏA. UziAradveutqueWashington

et ses alliés occidentaux fassent comprendre à la République islamique qu’il y aura une attaque militaire si elle n’abandonne pas toute activité d’enrichissement d’uranium et de production de plutonium. Pour lui, une attaque préventive serait parfaitement légitime: il faut arrêter l’Iran avant qu’il ne soit trop tard. À l’heure où Netanyahou ne manque pas une occasion de diaboliser la République islamique, « grande menace pour la paix mondiale » et « premier soutien au terrorisme international », on peut prédire, sans trop de risques de se tromper, que son prochain discours à la 67e session de l’assemblée générale de l’ONU, ce mois-ci, se résumera à une diatribe anti-iranienne. Quelles sont les racines de l’animosité israélienne à l’égard de l’Iran ? Sans doute y a-t-il là une part de paranoïa. Ayant enduré le génocide nazi, les Juifs sont déterminés à ne pas laisser planer la moindre menace d’un autre Holocauste. « Plus jamais ça! », tel est leur leitmotiv. Et N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Aradd’évoquerles«épithètesgénocidaires qui émaillent les déclarations iraniennes ». Mais il y a également des signes d’hubris, d’orgueil démesuré, dans l’attitude d’Israël. Cet État s’est doté d’un puissant arsenal nucléaire – cent à deux cents têtes, estimet-on – et dispose de toute une gamme de vecteurs, dont des sous-marins lancemissiles qui lui donnent une capacité de seconde frappe. En la matière, Israël ne tolère aucune concurrence. Il veut être la seule puissance nucléaire du MoyenOrient, un élément clé pour asseoir sa suprématie militaire dans la région.

ATTAQUES PRÉVENTIVES, ASSASSINATS CIBLÉS, SABOTAGE… 7 juin 1981

Bombardement du réacteur nucléaire d’Osirak, en Irak

12 juillet14 août 2006

Guerre contre le Hezbollah au Liban (1200 morts au Liban, 150 en Israël)

27 décembre 2008-18 janvier 2009

Opération « Plomb durci » contre la bande de Gaza (1400 morts à Gaza, 13 morts côté israélien)

22 mars 2004

Assassinat de Cheikh Yassine, leader du Hamas. Vingt-cinq jours plus tard, son successeur, Abdelaziz al-Rantissi, connaît le même sort

6 septembre 2007 Bombardement d’un réacteur nucléaire syrien

Janvier 2010janvier 2012

Assassinat de quatre scientifiques iraniens. Cyberattaques contre Téhéran au moyen des virus Flame et Stuxnet

Arad, Netanyahou et leurs semblables ne croient pas une seconde que les dirigeants iraniens soient fous ou suicidaires. Ils savent très bien que, si la République islamique parvenait à acquérir l’arme nucléaire, elle ne se hasarderait jamais à

! UZI ARAD (à dr.) AU CÔTÉ DE

MICHAEL OREN, AMBASSADEUR D’ISRAËL À

WASHINGTON.

risquer l’annihilation immédiate en la lançant contre Israël. Les bombes atomiques ne sont pas des armes d’attaque mais de défense. Elles apportent aux pays qui les possèdent une capacité de dissuasion. Tel-Aviv refuse que l’Iran, ou quelque autre État du Moyen-Orient, puisse acquérir une telle capacité qui limiterait ses propres capacités à frapper ses voisins quand il le veut. Si l’Iran ou un État arabe disposaient de la puissance nucléaire, Israël n’aurait pas attaqué le Liban en 2006, ni la Syrie en 2007, ni Gaza en 2008. CHANTAGE. Pour Arad, les États-Unis et leurs alliés doivent adresser un ultimatum clair à l’Iran : « Démantelez la totalité de votre industrie nucléaire, ou vous serez attaqués. N’osez pas répliquer, car davantage de représailles suivraient. Et ne songez même pas à relancer votre programme nucléaire ensuite, car il serait à nouveau anéanti. » Il a exprimé ses positions brutales à maintes reprises, comme lors d’une allocution, en février dernier, à la Conférence annuelle du Canada sur la défense et la sécurité. Que recommande-t-il ? D’abord, de faire péricliter les exportations pétrolières iraniennes, puis de mener des frappes « chirurgicales » contre ses installations nucléaires et les Gardiens de la révolution. De telles frappes, avance-t-il, seraient bien plus simples à accomplir que les guerres d’Irak et d’Afghanistan, et elles n’entraîneraient que peu de dommages collatéraux. Balayant d’un revers de main la crainte régulièrement évoquée qu’une telle attaque n’embrase toute la région. Comme son chef, Netanyahou, Arad rejette tout compromis avec l’Iran. Il récuse le point de vue très répandu selon lequel cet État, signataire du traité de non-prolifération, a le droit d’enrichir de JEUNE AFRIQUE


CHIP SOMODEVILLA/AFP

Maghreb Moyen-Orient d’assurer la domination militaire d’Israël sur le Grand Moyen-Orient par tous les moyens:guerre,sabotage,démembrement des États menaçants, mobilisation des États-Unis pour abattre certains régimes et assassinat d’opposants politiques. La longuelistedesvictimesd’Israëlcomprend aussi bien d’anciens chefs du Hezbollah et du Hamas que des scientifiques iraniens. Enfin, la nécessité d’empêcher la constitution d’un État palestinien qui mettrait fin au rêve d’un Grand Israël et pourrait même saper la légitimité du projet israélien, construit sur les ruines de la Palestine arabe. Uzi Arad est le conseiller dangereux d’un dangereux Premier ministre. Dans la mythologie grecque, l’hubris conduit à la nemesis (la « vengeance »). Si l’État hébreuveutsurvivreàlongterme,ildevrait accepter et même encourager l’émergence d’unÉtatpalestinien,etnouerdesrelations pacifiques de coopération avec l’ensemble de la région. Mais il ne pourra survivre par le meurtre, la subversion, la domination et la guerre. ● PATRICK SEALE

DDB SA 36762/F

l’uranium à des fins civiles, énergétiques ou médicales. Il ne veut rien savoir. Son seul argument : une frappe militaire présenterait bien moins de dangers que de vivre avec un Iran nucléaire. Si Téhéran obtenait la bombe, prévient-il, cela « accroîtrait encore la puissance de ce régime islamique extrémiste et militant », et conduirait les Arabes à se lancer dans la course au nucléaire.

Jusqu’ici, le président américain, Barack Obama, a résisté aux incessantes pressions d’Israël en faveur de la guerre et à son chantage permanent : « Si vous n’attaquez pas l’Iran, nous le ferons et vous serez obligés de vous joindre à nous, que cela vous plaise ou non. » Pour démentir ceux qui l’accusent d’être prêt à « laisser Israël dans la fosse aux lions », Obama s’est efforcé d’abreuver l’État hébreu de fonds, de renseignements, de veto favorables à l’ONU et d’armes, dont des avions de guerre et des bombes antibunkers dernier cri. Il s’est associé à Israël dans sa pratique du terrorisme d’État, comme la cyberguerre menée contre l’Iran. Si l’on pouvait lire dans les pensées d’Uzi Arad, quels autres impératifs y trouveraiton ? D’abord, la nécessité de maintenir à toutprixlarelationvitaleaveclasuperpuissance américaine. Plus qu’une alliance, il s’agit d’un mariage, d’une fusion, d’une interpénétration des deux sociétés si profonde qu’il devient difficile de dire qui domine le couple. Ensuite, la nécessité

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! LE PREMIER MINISTRE A ÉTÉ NOMMÉ LE 3 SEPTEMBRE. ALGÉRIE

réponses appropriées quant à l’accès à un service public de qualité ».

Une feuille de route pour Abdelmalek Sellal La réhabilitation et la mobilisation de tous les services publics pour répondre aux attentes et aux préoccupations du citoyen sont au cœur des priorités – très techniques – du nouveau gouvernement.

Q

uelques heures après sa nomination, le 3 septembre, au poste de Premier ministre, Abdelmalek Sellal a eu ce propos énigmatique : « Nous allons nettoyer le pays. » Karcher à la mode Sarkozy ? Chasse aux sorcières ? Énième opération mains propres ? Ces interrogations ont été très vite balayées, sans mauvais jeu de mots, puisqu’il s’agissait en réalité de lancer une vaste opération de nettoyage des villes et des villages, de la capitale au pays profond. Les bennes à ordures sont de sortie. Les employés des services municipaux sont mobilisés pour l’assainissement de la voirie, l’entretien des espaces verts et la libération des trottoirs occupés, au détriment des piétons, par le commerce illicite. Bref, un pays en ablution. Démagogie populiste ? « Pas du tout, rétorque un collaborateur du nouveau Premier ministre, il ne s’agit pas d’une opération ponctuelle mais d’un redéploiement de l’État dans un domaine laissé en friche depuis plusieurs années. » N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Le Conseil des ministres présidé le 17 septembre par Abdelaziz Bouteflika le confirme: parmi les priorités du nouveau gouvernement figurent « la réhabilitation et la mobilisation de tous les services publics pour répondre aux attentes et préoccupations du citoyen ». Abdelmalek Sellal a donc reçu pour instruction d’inscrire son action dans le sens d’une écoute permanente de la population avec pour objectif l’amélioration du cadre de vie général. Pour Abdelaziz Bouteflika, l’exécutif devra désormais apporter « des

ÉTAT DE DROIT. Il ne faut pas croire, cependant, qu’Abdelmalek Sellal, 62 ans, aura pour seule vocation de récurer la maison Algérie. La feuille de route de son gouvernement ne se réduit pas au lavage à grande eau des quartiers et des cités-dortoirs. Au cours des dix-sept mois qui nous séparent de la prochaine présidentielle et qui constituent la durée de vie de son équipe, le Premier ministre aura quatre priorités: poursuivre l’amélioration du cadre de vie pour renforcer l’État de droit, consolider la sphère économique et financière, promouvoir le développement humain et accentuer la moralisation de la vie publique. Rien de bien original par rapport au programme du gouvernement sortant. En revanche, le communiqué du Conseil des ministres qui dévoile cette feuille de route confirme que les tâches politiques dévolues à l’exécutif sont du

CHANGEMENT D’AMBIANCE CONTRAIREMENT À SON PRÉDÉCESSEUR, jugé trop martial et psychorigide, Abdelmalek Sellal est réputé pour sa jovialité et sa bonhomie. « L’humour et la gouaillerie font partie de son mode de

fonctionnement, affirme l’un de ses collaborateurs, sans que cela entame l’autorité que dégage son imposante silhouette [1,90 m, NDLR]. » Le résultat ne s’est pas fait attendre : l’ambiance de travail

s’est nettement détendue au palais du gouvernement. Habitués au ton sec et péremptoire d’Ahmed Ouyahia, les nombreux ministres reconduits sont les premiers à apprécier ce changement. ● CH.O. JEUNE AFRIQUE

RYAD KRAMDI/MAX PPP

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Coulisses SYRIE SANG POUR SANG

Le 17 septembre, la Commission internationale d’enquête de l’ONU sur la crise en Syrie a rendu public son deuxième rapport. Elle constate la « détérioration considérable » de la situation depuis le début de l’enquête, en février, et insiste sur la responsabilité écrasante du régime de Bachar al-Assad en dressant la liste détaillée de ses violences. Mais le rapport met aussi en évidence les « crimes de guerre, comprenant meurtres, exécutions extrajudiciaires et tortures » perpétrés par les groupes armés antigouvernementaux. Ces exactions touchent soldats et miliciens pro-régime capturés par les rebelles, toutefois elles ne constituent pas des crimes contre l’humanité. Des mineurs seraient également enrôlés dans les rangs de l’Armée syrienne libre. Ce rapport est cependant loin de corroborer les accusations du régime, et les abus des insurgés « n’atteignent pas la gravité, la fréquence et l’ampleur de ceux commis par les forces gouvernementales […] ». ●

CONTENIR L’INFLATION. Le projet de

loi de finances 2013 dévoile la politique budgétaire de l’équipe Sellal.Si l’enveloppe publique prévisionnelle est de l’ordre de 6 737 milliards de dinars (près de 65 milliards d’euros), près des trois quarts sont consacrés aux seules dépenses de fonctionnement. « C’est le résultat des fortes augmentations salariales accordées à la fonction publique et au secteur productif de l’État », explique Karim Djoudi, ministre des Finances. Résultat : les autorisations de programmes et les dépenses d’équipement s’élèvent à 1 600 milliards de dinars à peine (15 milliards d’euros). Autre tâche technique confiée à Abdelmalek Sellal : contenir l’inflation (7 % au cours des neuf premiers mois de 2012), qui ruine les efforts financiers consentis pour améliorer les revenus des ménages. C’est donc cette feuille de route que devra soumettre, le 25 septembre, Abdelmalek Sellal à la représentation nationale. Le débat avec les députés devrait durer une semaine, à l’issue de laquelle l’hémicycle votera, le 2 octobre, l’adoption du plan d’action du gouvernement. La configuration de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement) ne laisse aucune place au doute : Abdelmalek Sellal est assuré d’obtenir l’assentiment des députés. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE

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LYNSEY ADDARIO/VII/CORBIS

domaine exclusif d’El-Mouradia, siège du palais présidentiel. Nulle référence au projet de la nouvelle Constitution, ni au programme de réformes politiques engagées depuis avril 2011, effet collatéral du Printemps arabe. Et si l’organisation du prochain scrutin municipal, prévu le 29novembre,etdelaprésidentiellede2014 relèvedelacompétencedugouvernement, le plan d’action d’Abdelmalek Sellal n’en fait pas mention. En revanche, le Premier ministre devra prendre en charge la mise en œuvre de la réforme du code des hydrocarbures. Objectif: maintenir l’attractivité de l’Algérie en matière d’investissements énergétiques, notamment dans l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels (gaz et huile de schiste). Au nombre des mesures incitatives envisagées, la baisse de la fiscalité pétrolière ne concernera pas les gisements en cours d’exploitation mais l’exploration et l’exploitation dans des zones peu prospectées (dans le nord du pays et en offshore) et qui nécessitent de nouvelles technologies dont ne dispose pas le groupe public pétrolier Sonatrach.

Maghreb & Moyen-Orient

ARABIE SAOUDITE SLIP, STRING ET CHARIA Le ministère saoudien duTravail a ordonné la fermeture d’une centaine de magasins de lingerie pour se conformer à la stricte séparation des sexes. Ces commerces ne s’étaient pas pliés à la décision prise en 2011 de remplacer leurs vendeurs par des vendeuses. Cette mesure créera à terme 44 000 emplois pour les Saoudiennes. Mais le mufti du pays ne juge pas cette épuration convenable, car les vendeuses seraient alors en contact direct avec les gérants, des hommes. ALGÉRIE-MAROC AMIS SANS FRONTIÈRES Un logiciel mis au point par une diplômée en relations internationales de l’université américaine de Stanford fait apparaître quels sont, sur

Facebook, les meilleurs pays amis d’un pays donné. Et le préféré du Maroc se trouve être… l’Algérie, dont les relations avec le royaume chérifien sont pour le moins houleuses. Mais les meilleurs amis peuvent se révéler ingrats : le Maroc n’est que le deuxième ami de l’Algérie derrière laTunisie. CINÉMA LA FIERTÉ DES MUSULMANS La rage suscitée par le film L’Innocence des musulmans a incité le holding qatari Alnoor à accélérer la mise en route d’une superproduction de 450 millions de dollars sur la vie du Prophète. La trilogie sera réalisée avec les conseils du téléprédicateurYoussef al-Qaradawi. De l’autre côté du Golfe, le réalisateur iranien Mohamed Majidi vient d’annoncer l’achèvement de son propre biopic sur Mohammed, qui n’a coûté « que » 30 millions de dollars. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


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Europe, Amériques, Asie

CHINE

Le couronnement du

prince rouge Quinze jours durant, sa mystérieuse disparition avait nourri les plus folles spéculations. Xi Jinping est réapparu le 15 septembre. Dans quelques jours, il devrait être, comme prévu, nommé à la tête du Parti communiste. Et à celle de la République populaire, l’an prochain.

É

trange jeu de cache-cache. Depuis le 1er septembre, Xi Jinping, le futur numéro un chinois, n’avait plus été vu en public et avait annulé in extremis plusieurs rencontres avec des responsables étrangers – Hillary Clinton, la secrétaire d’État américaine, notamment. Il n’en avait pas fallu davantage pour que, sur internet, rumeurs et spéculations, alimentées par le mutisme des autorités, se donnent libre cours. Certains le disaient cloué au lit par un mal de dos. D’autres évoquaient, au choix, une crise cardiaque, une attaque cérébrale, un cancer du foie ou un accident de la route. Les plus exaltés n’écartaient pas l’hypothèse de sa mort. Les plus politiques s’interrogeaient gravement sur une possible remise en question de la transition que le 18e congrès du Parti communiste – dont l’ouverture est N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

imminente – est censé engager après le départ du président Hu Jintao. Et puis, sans crier gare, l’agence officielle Chine nouvelle a, le 15 septembre, publié deux photos du « disparu » en visite à l’Université de l’agriculture, à Pékin. On l’y voit, tout sourire, serrer des mains et s’entretenir familièrement avec des interlocuteurs inconnus. Fin du suspense. L’actuel vice-président prendra bien la tête du Parti communiste L’homme du consensus chinois (PCC) dans quelques entre les factions qui jours. Et celle de la République populaire l’an prochain. Ainsi se disputent le pouvoir. va la vie politique en Chine, cet empire de l’opacité et du mystère. Faut-il y voir un signe de la fragilité du régime ? En tout cas, de son extrême complexité. « Xi Jinping n’est pas un révolutionnaire, explique John Russel, directeur d’un cabinet SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin

JEUNE AFRIQUE


AMBITIEUX ET CONCENTRÉ. Né en 1953 dans la

province du Shaanxi, Xi a fait des études d’ingénieur chimiste à l’université Tsinghua, à Pékin, puis obtenu un doctorat de « théorie marxiste ». C’est ce qu’indique sa biographie officielle. Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’il est tombé dans le chaudron de la politique dès son plus jeune âge. C’est un « prince rouge », comme on dit ici, le fils d’un héros de la révolution communiste. Pendant la Révolution culturelle (1966-1976), il commandait une brigade de Gardes rouges dans le Shaanxi. Envoyé à la campagne comme des millions de ses compatriotes, il jure en avoir JEUNE AFRIQUE

bavé. Naturellement, la propagande officielle en rajoute : il était, paraît-il, capable de « porter des sacs de blé de 50 kg sur des sentiers de montagne, sans fatigue ». Mais il ne semble pas avoir gardé un très bon souvenir de cet épisode tragique et se méfie des partisans d’un retour au maoïsme pur et dur. Grâce à l’appui de Xi Zhongxun, son père, ancien vice-président de l’Assemblée populaire et ancien vice-Premier ministre, il fait alors ses premiers pas en politique. Une carrière à la chinoise, sinueuse et fragile, qui l’emmène de la province du Fujian au Zhejiang, puis à Shanghai et, pour finir, à Pékin. En mars 2008, il est nommé vice-président. À ce titre, il est chargé de deux dossiers sensibles : Hong Kong et la supervision de la phase finale des Jeux olympiques de Pékin. Les rares indiscrétions concernant la personnalité de Xi Jinping viennent de diplomates N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

ALEXANDER F. YUAN/AP/SIPA

d’intelligence économique. Il est l’homme du consensus entre les différentes factions qui se disputent le pouvoir. Il est arrivé au sommet en suivant sagement les règles et en nouant des alliances stratégiques. Il est le fruit d’un système. »

! XI JINPING À PÉKIN, LE 21 AOÛT. Fils d’un héros de la révolution, il est arrivé au sommet en suivant sagement les règles.


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Europe, Amériques, Asie américains. Dans un télégramme daté de novembre 2009 et rendu public par WikiLeaks, une source le décrit comme un homme « exceptionnellement ambitieux, confiant et concentré, […] qui vise le poste suprême depuis de longues années ». « Extrêmement pragmatique », il serait motivé non pas par une idéologie mais par une combinaison d’ambition et d’instinct de survie. La vive rivalité opposant les princes rouges aux responsables issus de la Ligue de la jeunesse communiste, au premier rang desquels Hu Jintao et le futur Premier ministre, Li Keqiang, n’a pas échappé au diplomate américain. TOMBER LA VESTE. XiJinpingnetweetepascomme

Barack Obama et ne va pas travailler à vélo comme David Cameron, mais il est sans doute le plus « cool » des hommes politiques chinois. N’a-t-il pas épousé en secondes noces la sculpturale Peng Liyuan, chanteuse célèbre et, accessoirement, générale de l’Armée populaire de libération (APL)? À l’inverse d’un Hu Jintao éternellement engoncé dans son costume sombre, il n’hésite pas à tomber la veste, et même – tout arrive – à sourire. Il promène son mètre quatre-vingts avec assurance et parle d’une voix posée de baryton. Il est fan de basketball, aime les films d’action américains et a souvent voyagé à l’étranger, aux États-Unis notamment. Sa fille est même étudiante à Harvard. Cela ne l’empêche nullement de fustiger à l’occasion les Américains et tous les contempteurs de la Chine. « Des étrangers au ventre plein n’ont rien de mieux à faire que de nous montrer sans cesse du doigt », a-t-il un jour déclaré au cours d’un séjour au Mexique. Mais quand il le faut, il renonce sans remords à l’épaisse langue de bois en vigueur à Pékin. Interrogé récemment par des étudiants américains, il s’est – un peu – laissé aller : « Bien sûr que nous aimerions tous avoir davantage de temps à consacrer à notre famille. Mais comme on dit, c’est mission impossible ! » Ce changement de style suffira-t-il à changer la Chine ? « Le croire, ce serait oublier que, dans ce pays, la politique n’est pas le fait d’un seul homme, explique John Russel. C’est une direction collégiale.

LES MYSTÈRES DE PÉKIN

Si la disparition de Xi Jinping a fait couler beaucoup d’encre, les dirigeants chinois sont coutumiers du fait :

★ LIN BIAO

En 1971, le numéro deux du régime n’apparaît plus. Pendant deux mois, aucune nouvelle n’est donnée jusqu’au jour où l’on apprend sa mort dans un accident d’avion.

★ MAO ZEDONG

Pendant la Révolution culturelle, il lui arrive de ne plus faire d’apparitions publiques, laissant planer des doutes sur sa santé.

★ LI PENG

Le Premier ministre n’apparaît plus en public pendant sept semaines en 1993. Officiellement grippé, des rumeurs laissent entendre qu’il a été victime d’une attaque cardiaque. Aujourd’hui encore, personne ne connaît les véritables raisons de sa disparition.

TEL PÈRE, TEL FILS ? XI ZHONGXUN, LE PÈRE DE XI JINPING, entretenait une relation privilégiée avec… le dalaï-lama, qui, en 1954, lors d’une visite à Pékin, lui aurait même offert une montre de prix. Le chef spirituel desTibétains s’en souvient comme d’un homme « très sympathique, assez ouvert d’esprit, très gentil ». Selon Reuters, le père de Xi était un défenseur des droits desTibétains, des Ouïgours et, plus généralement, des minorités. En 1989, il s’était également opposé à la répression par l’armée du mouvement démocratique. Le dalaï-lama n’a jamais rencontré son fils, mais les experts espèrent que ces liens familiaux laissent présager un assouplissement de la position chinoise sur la question tibétaine. ● S.L.B. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Xi ne pourra agir sans l’assentiment des différents clans. Il lui faudra d’abord asseoir son pouvoir, puis lancer par petites touches des réformes qui lui semblent importantes, comme la lutte contre les inégalités sociales. On ne devrait pas en voir les résultats avant quatre ou cinq ans. » Reste l’argent. La corruption est, comme l’on sait, la (grosse) zone d’ombre du système politique chinois. « Xi n’est pas corrompu, estime une source à l’ambassade des États-Unis à Pékin. Mais il pourrait être corrompu par le pouvoir. » En 2004, lors d’une conférence sur le sujet, à Pékin, l’intéressé avait exhorté en ces termes les cadres du parti : « Contrôlez vos épouses, vos enfants, vos proches, vos amis et vos employés. Et prenez l’engagement de ne pas utiliser votre pouvoir à des fins personnelles. » RÉFORMISTE RAISONNABLE. Avant l’été, Bloomberg, l’agence américaine d’information financière, a pourtant révélé que la famille Xi était à la tête d’une fortune estimée à 376 millions de dollars. Mais ni Xi Jinping, ni son épouse, ni sa fille n’y sont apparemment pour quelque chose. Le problème viendrait de Qi Qiaoqiao, sa sœur aînée, qui aurait des parts dans plusieurs grands groupes d’État chinois et posséderait six villas et appartements à Hong Kong. Depuis quatre mois, le site internet de Bloomberg est bloqué en Chine. La lutte contre la corruption sera l’un des principaux chantiers du futur président. Depuis plusieurs mois, les scandales impliquant des dirigeants de premier plan se multiplient. Personne n’a oublié l’affaire Bo Xilai, cet autre « fils de prince » dont l’épouse a été condamnée à la prison à vie pour le meurtre d’un de ses associés britanniques. Pour ne rien arranger, la croissance économique ralentit, ce qui, à terme, pourrait déboucher sur une remise en question du contrat social. « Il faut faire en sorte que la croissance repose moins sur les exportations, et davantage sur le marchéintérieur.Doncredistribuerlarichesseproduite: moins pour l’investissement des entreprises, plus pour le pouvoir d’achat, explique l’universitaire français Jean-François Huchet. Hu Jintao avait la volonté de réduire les inégalités, mais celles-ci n’ont cessé de croître. Or le rythme des réformes a ralenti depuis 2004-2005. Un peu partout, des grèves éclatent. Le parti envoie ses responsables locaux jouer les pompiers et consentir des hausses de salaire pour éviter la propagation. Il va falloir régler tout cela au niveau institutionnel. » Le futur président a donc du pain sur la planche. Il faudra à ce « réformiste raisonnable », selon les termes d’un diplomate, beaucoup de doigté pour maintenir à flot la deuxième économie du monde. Reste une question pour l’instant sans réponse : pourquoi Xi Jinping a-t-il, en septembre, mystérieusement disparu, quinze jours durant, de la scène publique ? ● JEUNE AFRIQUE


CORENTIN FOHLEN/FEDEPHOTO

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FRANCE

Les Roms, éternels expulsés

! UN CAMP DE ROMS à Stains, en région parisienne, au mois d’août.

La droite n’hésitait pas à renvoyer massivement chez eux ces Européens atypiques originaires surtout de Roumanie et de Bulgarie. Revenue aux affaires, la gauche n’agit pas différemment.

E

n dépit de la promesse de campagne de François Hollande de ne pas procéder à des expulsions de Roms sans « solutions alternatives », les démantèlements de campements illégaux ont repris de plus belle depuis le mois d’août. Au point qu’ils ont ravivé le débat ultrasensible sur l’intégration de ces populations. Pour le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, c’est même l’un des dossiers chauds de la rentrée. « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde et de l’Europe », a lancé, le 11 septembre, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls, paraphrasant Michel Rocard. Sept mille Roms seront ainsi reconduits à la frontière avant la fin du mois de septembre, nantis d’une aide au retour humanitaire (ARH). Deux jours plus tard, à l’issue d’un voyage en Roumanie, Valls s’est interrogé sur la possibilité de revoir ce système, qui prévoit une allocation de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant mineur. En 2011, environ 10 000 personnes en ont bénéficié. Parmi eux, 7 284 Roumains et 1 429 Bulgares. Le nombre des Roms résidant en France est estimé à 15 000. Depuis 2007, ils bénéficient de la libre circulation au sein de l’Union européenne. JEUNE AFRIQUE

sont certes précaires, mais d’autres sont très bien intégrés dans leurs pays d’origine. » Justement, Manuel Valls le répète, le problème des Roms doit être traité à la source. Sauf que les fonds alloués aux pays Mais qui sont donc ces populations concernés par la Commission européenne très atypiques, indistinctement appelées afin de favoriser l’intégration des Roms ne Gitans, manouches, Tsiganes ou bohésont pas, ou alors très mal, utilisés. miens? Selon les Nations unies, les Roms La France n’est certes pas laseule à rapa(« être humain », en hindi) sont originaires trier les Roms en situation illégale. Mais sa du Rajasthan (Inde) et parlent le romani. politique répressive diffère sensiblement Mais le terme renvoie aujourd’hui unide celles d’autres pays européens. Il est quement aux migrants d’Europe de l’Est, vrai que l’Italie, la Belgique, la Grèce, le Roumanie et Bulgarie en premier lieu. En Danemark ou la Finlande procèdent eux France, l’amalgame est souvent fait avec aussi à des démantèlements de camps et à des expulsions. Mais l’Allemagne, par exemple, Il y a très longtemps, ils sont a reconnu les Roms (dont le venus du Rajasthan. En hindi, nombreyestestiméà30000) leur nom signifie « être humain ». comme l’une des quatre minorités nationales, les les « gens du voyage », qui n’est qu’un plaçant de fait sous la protection de l’État. statut administratif appliqué aux adeptes Resteque,commelaFrance,laRépublique du nomadisme. Or 80 % des 10 millions fédérale est l’un des huit pays européens à 12 millions de Roms vivant en Europe (avec la Belgique, le Luxembourg, Malte, sont sédentaires ! l’Autriche, le Royaume-Uni et les Pays-Bas) qui continuent d’appliquer des mesures VOLEUR DE POULES. « Ils migrent surtout transitoireslimitantjusqu’àdécembre2013 pour des raisons économiques, mais leur l’accès des citoyens roumains ou bulgares, but est de rentrer dans leur pays d’oripourtantmembresdel’UE,àleursmarchés gine, explique Michaël Guet, secrétaire du du travail respectifs. En août, Jean-Marc Comité ad hoc d’experts sur les questions Ayrault s’est déclaré favorable à l’assouroms (Cahrom) au Conseil de l’Europe. plissement du dispositif limitant à 150 le L’image inique du mendiant ou du voleur nombre des métiers accessibles aux Roms. de poules doit disparaître. Les conditions Unepremièreétapeversleurintégration? ● de vie de la grande majorité d’entre eux JUSTINE SPIEGEL N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Europe, Amériques, Asie AMÉRIQUE LATINE

Villes champignons

L’Amérique latine est, avec les Caraïbes, l’une des régions les moins peuplées au monde. Elle est aussi – paradoxe – la plus urbanisée.

Q

uatre-vingtspourcentdesLatinoAméricains vivent dans une ville. C’est deux fois plus que les Africains et que les Asiatiques, et même plus que les Occidentaux. Selon un récent rapport de l’Agence de l’ONU pour l’habitat*, ce taux devrait atteindre 90 % d’ici à 2050 – et dès 2020 au Brésil. Principale cause de cette urbanisation galopante : un exode rural massif. En seulement quatre décennies (19501990), le nombre des villes a été multiplié par six (on en recense aujourd’hui 16000) et huit mégalopoles de plus de 5 millions d’habitants ont fait leur apparition (il n’y en avait aucune en 1950) : Mexico, São Paulo, Buenos Aires, Rio de Janeiro, Lima, Bogotá, Santiago et Belo Horizonte. Le cas de São Paulo est particulièrement net : 2,3 millions d’habitants en 1950, 8 millions en1970,10millionsen1980…Bouleversant le modèle classique – une ou deux agglomérations dominant le pays et accaparant ses richesses –, les villes moyennes (moins de 500000 habitants) se multiplient. Près de 40 % des Latino-Américains (soit plus de 222 millions de personnes) y résident aujourd’hui, tandis que 14 % d’entre eux (65 millions) vivent dans les mégalopoles.

Pourtant, selon le rapport onusien, l’Amérique latine et les Caraïbes (8,5 % de la population mondiale) font partie des régions les moins peuplées de la planète. La densité de la population n’y excède pas 29 habitants/km2, alors que la moyenne mondialeestde51.L’existenced’immenses territoires presque vides, comme l’Amazonie, explique ce phénomène.

– sans parler de la dégradation de l’environnement. À la périphérie des villes, les besoins non satisfaits sont immenses, qu’il s’agisse des transports en commun, des services publics et des forces de police (alors que l’insécurité croît de manière fulgurante) ou de l’accès à l’eau potable. Bien entendu, les inégalités se creusent entre zones résidentielles et favelas. Si le taux de pauvreté a globalement reculé depuis dix ans (il est passé de 48 % à 33 % entre 1990 et 2009), 111 millions de LatinoAméricains (sur un total de 588 millions) continuent de vivre dans des bidonvilles. Leurs logements précaires les exposent à toutes les catastrophes naturelles, comme ce fut le cas en Haïti en 2010 (la moitié de la population de Port-au-Prince est toujours sans abri), et les mettent à la merci des cartels de la drogue et du crime organisé : ils sont les premières victimes de l’insécurité.

NOUVEAUX DÉFIS. Situées dans leur majorité dans les zones côtières, les villes sont aujourd’hui confrontées à de nouveaux défis. « Leur étendue géographique grandit plus vite que leur population », s’inquiète Combien de mégalopoles de plus de Alain Grimard, directeur 5 millions d’habitants ? Huit. Les régional de l’agence onuplus grandes ? Mexico et São Paulo. sienne pour l’Amérique latine. Selon lui, cela complique singulièrement la gestion et Reste que les agglomérations latinole développement durable des aggloméaméricaines sont les moteurs de l’éconorations. Les rapporteurs plaident donc mie de leurs pays respectifs. Le produit pour une occupation verticale, plutôt intérieur brut (PIB) des quarante plus qu’horizontale, des sols. importantes est de 842 millions de dolD’autre part, l’extension urbaine a trop lars. Soit les deux tiers du PIB de tout le souvent été chaotique et a provoqué la sous-continent. ● multiplication des bidonvilles et des MARIE VILLACÈQUE nœuds d’axes routiers mal coordonnés * « L’État des villes en Amérique latine et aux Caraïbes ».

Taux d’urbanisation : une progression fulgurante

MEXIQUE

1950

CUBA

HAÏTI RÉP. DOMINICAINE BELIZE GUATEMALA HONDURAS JAMAÏQUE NICARAGUA VENEZUELA GUYANE COSTA RICA PANAMÁ SURINAM COLOMBIE GUYANE FRANÇAISE ÉQUATEUR PÉROU

BRÉSIL

HAÏTI RÉP. DOMINICAINE BELIZE GUATEMALA HONDURAS JAMAÏQUE NICARAGUA VENEZUELA COSTA RICA GUYANE PANAMÁ SURINAM COLOMBIE GUYANE FRANÇAISE ÉQUATEUR ÉQU

moins de 20 % de 20 % à 40 %

BOLIVIE PARAGUAY CHILI

MEXIQUE

URUGUAY ARGENTINE

2010

CUBA

de 40 % à 50 % de 50 % à 60 % de 60 % à 70 % de 70 % à 80 % de 80 % à 90 %

PÉROU

BRÉSIL BOLIVIE PARAGUAY

CHILI

SOURCE : UNDESA (2010).

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URUGUAY ARGENTINE

de 90 % à 100 %

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JEUNE AFRIQUE


INEDIT ! « Le sexe autour du monde » Mercredi à 21h45 *

www.tv5monde.com/cousinades

Une exploration des pratiques sexuelles à travers le monde. Sans tabou ni voyeurisme. *Diffusion dans « Cousinades », le rendez-vous des émissions francophones les plus étonnantes, chaque mercredi soir sur TV5MONDE.


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

! GRÂCE AU NON-CUMUL DES MANDATS, cette jeune engagée en politique est en charge d’une ville de 25 000 habitants.

Sonia Dahou Du jasmin en banlieue À 38 ans, elle reprend les rênes de la mairie des Ulis (France). Membre du Parti socialiste, cette Franco-Tunisienne est réputée proche des gens.

S

ONIA DAHOU A UN VISAGE RIEUR, le regard franc, des cheveux de jais qui s’accordent à son tailleur-pantalon noir. Elle semble quelque peu hésitante dans son vaste bureau de maire. Mais dès qu’elle évoque son parcours politique, elle s’anime, enthousiaste. Il y a deux mois, elle a repris, sous les couleurs du Parti socialiste (PS), les rênes de la mairie des Ulis, une commune de 25 000 habitants nichée dans l’Essonne (France) ancrée à gauche depuis sa création, en 1977. Un changement un peu soudain pour cette adjointe à la démocratie locale, à l’information et à la communication en poste depuis 2008. Lors de la campagne législative, Maud Olivier (PS), son prédécesseur et mentor, avait promis de ne pas cumuler ses mandats si elle était élue députée. C’est elle qui a suggéré Sonia Dahou – choix confirmé par

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le conseil municipal du 9 juillet – pour lui succéder. Non sans surprise, selon l’élu UMP Franck Del Boccio, qui affirme que le nom du socialisteYves Faure était parmi les plus cités. « Vu son engagement en faveur de la parité, il n’est pas étonnant que Maud Olivier ait finalement choisi une femme. Et puis Sonia est très appréciée pour son engagement local », explique-t-il. Cette dernière raconte comment, après sa désignation, les réseaux sociaux ont explosé, en particulier enTunisie. Car Sonia Dahou est fière de sa culture arabe. Mais ne se revendique pas pour autant comme une élue de la diversité. Elle refuse cette étiquette, se sentant plus française que tunisienne, après vingt ans passés dans l’Hexagone. Les Ulis, elle y débarque en 1992, « un peu par hasard », mais surtout pour des

raisons économiques, alors qu’elle cherche à se loger en résidence universitaire pour étudier les mathématiques et la physique à la faculté d’Orsay. Une fois diplômée, elle trouve un logement social – dont le quota est de 50 % aux Ulis. Son père puis sa mère la rejoignent bientôt pour se rapprocher de leurs enfants vivant en France. Alors qu’elle est cadre à la Direction générale des finances publiques depuis plusieurs années, Sonia Dahou décide, il y a douze ans, de s’engager en politique. Le PS s’impose comme une évidence. « C’était une réaction à toutes les inégalités sociales que j’avais vues et vécues dans ma commune, expliquet-elle. J’avais fait partie de ceux qui peinaient à boucler leurs fins de mois, qui accumulaient les petits boulots pour pouvoir s’acheter des livres ou payer une chambre. » Étudiante, elle donnait des cour s de soutien scolaire. Aujourd’hui, elle revoit ses anciens élèves, et en a même marié certains. Sa volonté de répondre aux attentes de ses concitoyens n’a jamais faibli. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Elle retourne au moins une fois par an enTunisie. Cette année, elle redoute ce qu’elle va y trouver. Depuis l’arrivée des islamistes sur la scène politique, son pays a changé. « Ce que je vois en ce moment me désole. Je pense que la transition va être longue et difficile », affirme la jeune femme, soudain grave. L’année dernière, elle a suivi avec enthousiasme la révolution du Jasmin grâce aux coups de fil des amis… Elle a même envisagé de rentrer. « Je voulais participer à cet espoir démocratique. Et en même temps, j’avais mon engagement ici. C’est important pour moi de rester, je porte désormais une responsabilité en tant que maire. » Son mandat ne lui laissera probablement pas de répit. Surtout, elle veut réussir à concilier politique et vie familiale et s’est, pour cela, mise en disponibilité de son poste aux finances publiques. Elle souhaite se consacrer à ses deux jeunes enfants, à qui elle veut transmettre sa culture. Elle initie le plus petit à l’arabe. Les municipales de 2014 ? Elle y pense « un peu ». Ce sera le véritable test, celui du suffrage universel. Elle disposera cependant de peu d’expérience pour défendre son bilan. Gravir les échelons de sa formation politique ? Elle n’écarte pas l’idée. Mais sa priorité, insiste-t-elle, est de réaliser le projet entamé avec son prédécesseur. « Je crains de ne pas avoir assez de temps pour y arriver », dit-elle. ●

ASIE ORIENTALE

De l’art de jouer avec le feu Après la nationalisation des îles Senkaku, les manifestations antijaponaises se multiplient en Chine. Mais les deux pays savent qu’ils ne peuvent pas aller trop loin. Enfin, espérons-le !

D

es milliers de personnes hurle moindre dérapage pourrait avoir des lant des slogans antinippons conséquences catastrophiques. Pour dans les rues de Pékin… Une le Japon, fragilisé par la crise nucléaire usine Panasonic incendiée… et affaibli par la valse de ses Premiers Des concessionnaires Honda et Toyota ministres (pas moins de six en cinq ans), attaqués à Qingdao… Des drapeaux japola marge de manœuvre est étroite. Organe nais piétinés dans des dizaines de villes officiel du PC chinois, Le Quotidien du chinoises… Jamais depuis le rétablissepeuple n’y va pas par quatre chemins. ment des relations diplomatiques, il y a « L’économie japonaise, écrit-il, n’est pas quarante ans, les tensions entre les deux immunisée contre les mesures de rétorpays n’avaient été aussi fortes. sion. Ce pays est-il prêt à perdre de nouÀ l’origine de cette fièvre nationaliste veau dix ans, voire à reculer de vingt ans? » qui a atteint son paroxysme le 18 sepAprèsavoirattisél’exaltationnationaliste tembre (date anniversaire de « l’incident à la veille de la désignation de sa nouvelle de Moukden », qui, en 1931, fut le prélude à l’invasion de « L’économie japonaise n’est pas la Mandchourie) : l’archià l’abri de mesures de rétorsion », pel des Senkaku (Diaoyu pour les Chinois), cinq menace Le Quotidien du peuple. îlots rocheux revendiqués par la Chine, le Japon et Taiwan. C’est direction (lire pp. 54-56), la Chine redoute l’annonce par le gouvernement japonais, àprésentdesdébordementsincontrôlables début septembre, de leur nationalisation susceptibles d’exacerber le mécontentequi a mis le feu aux poudres. Or, parament social. doxalement, cette annonce manifestait Et puis elle n’ignore pas qu’en cas plutôt la volonté des autorités de calmer d’accrochage majeur sa marine risque le jeu en empêchant Shintaro Ishihara, de se retrouver face à l’US Navy. En vertu l’ultranationaliste gouverneur de Tokyo, d’un traité bilatéral conclu avec leur de racheter lui-même les îlots. allié japonais, les États-Unis sont en Même si les provocations se multiplient effet tenus de défendre militairement depuis l’été, les deux rivaux savent que les îlots contestés. ● JULIETTE MORILLOT ! MANIFESTATION AVEC PORTRAITS DE MAO ZEDONG, le 18 septembre devant l’ambassade du Japon, à Pékin.

ALEXANDER F. YUAN/AP/SIPA

Conseils de quartier, instances participatives, consultations des Ulissiens… « Ma passion, c’est les gens », affirme l’élue de 38 ans qui s’investit également au sein de la Ligue des droits de l’homme. Ce souci de l’autre, elle l’a hérité de ses parents, aujourd’hui décédés, dont la maison àTunis ne désemplissait jamais, peuplée d’amis de tous horizons. Elle y a appris « la tolérance et l’amour des autres ». Une enfance heureuse et ensoleillée, aux côtés d’un père fonctionnaire au consulat de France, et d’une mère au foyer. Après l’école maternelle française, le lycée Pierre-Mendès-France deTunis, et un bac décroché à 17 ans, faire des études à Paris était logique.

MARIE VILLACÈQUE Photo : YOURI LENQUETTE POUR J.A. JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

Méli-mélo républicain

Des vétérans des administrations Bush, des néoconservateurs proches de l’extrême droite israélienne et même quelques modérés. Il y a de tout dans le staff diplomatique de Mitt Romney.

Q

uand il a pris connaissance de la liste des conseillers de Mitt Romney pour la politique étrangère, l’ancien secrétaire d’État Colin Powell a eu des sueurs froides. « Je ne les connais pas tous, mais certains sont vraiment beaucoup trop à droite », s’est-il exclamé, en mai, sur la chaîne MSNBC. Le candidat républicain, qui n’a qu’une expérience diplomatique limitée, s’est entouré d’une quarantaine d’experts, dont vingtcinq special advisers qui, pour la plupart, furent membres des administrations Bush, père et fils. Parmi eux, d’anciens responsables du renseignement, comme Joseph Cofer Black, qui dirigea le centre antiterroriste de la CIA avant d’être recruté en 2005 par Blackwater (aujourd’hui rebaptisée Xe), la très controversée entreprise de sécurité privée, mais aussi, bien sûr, des néoconservateurs bon teint comme l’historien, politologue et éditorialiste Robert Kagan ou l’ancien conseiller de Condoleezza Rice au département d’État, Eliot Cohen. Ces derniers furent, dans les années 1990, membres du Projet pour le nouveau siècle américain (le premier en fut même l’un des cofondateurs), un think-tank dont l’intitulé est à lui seul tout un programme. Ils furent d’ardents partisans de l’invasion en Irak et plaident aujourd’hui pour le renversement du régime iranien. Curieusement, l’équipe est coordonnée par un modéré, Richard S. Williamson, un vétéran du département d’État qui fut l’envoyé spécial des États-Unis au Soudan. Et puis il y a John Bolton. L’ancien ambassadeur auprès des Nations unies est N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

que la Russie était l’ennemi numéro un des États-Unis et annoncé qu’il soutiendrait une attaque militaire israélienne contre l’Iran si toutes les autres options étaient épuisées. « S’il était élu, sa politique étrangère pourrait ressembler à celle de Bush fils », estime Christopher Preble, du Cato Institute, un think-tank libertarien financé par le milliardaire ultraconservateur Charles Koch. PRAGMATISME. À

l’inverse, d’autres fondent beaucoup d’espoirs dans la présence dans le staff de Romney de quelques modérés. Ils veulent croire que le courant pragmatique finira par s’imposer. Ancien conseiller du candidat républicain et bon connaisseur de la Russie, Dimitri Simes est l’un d’eux. « Il faut le juger moins sur ce qu’il dit pendant la campagne que sur le leader qu’il est », a-t-il confié au Wall Street Journal, en juillet. Il est certain que les positions des conser! AUTOUR DE MITT ROMNEY, LE SUPERHÉROS : John Bolton, vateurs, qu’ils soient Robert Kagan, Eliot Cohen, Joseph Cofer Black « néo » ou « ultra », sont et Richard Williamson (de gauche à droite). loin d’avoir les faveurs des Américains. Selon aujourd’hui le porte-parole de Romney. un sondage réalisé en juillet, 60 % des perLa revue Foreign Policy voit en lui, à juste sonnes interrogées estiment que les Étatstitre, « l’incarnation de l’idéologie néoUnis devraient mettre un terme à leur conservatrice insouciante », qui est « dans intervention en Afghanistan. Et Barack une large mesure à l’origine de la guerre Obama le sait. Dans son discours d’investiture devant la convention démocrate (Charlotte, Sur MSNBC, Colin Powell 6 septembre), il ne s’est s’étrangle : « Certains sont pas privé d’attaquer bille vraiment beaucoup trop à droite ! » en tête son adversaire républicain : « Pour voir d’Irak, sur la base de preuves fabriquées dans la Russie l’ennemi numéro un – et de toutes pièces ». non Al-Qaïda –, il faut être resté bloqué Certains experts s’inquiètent de l’indans une mentalité datant de la guerre fluence grandissante des « durs » dans froide. » Conclusion : « Mon adversaire l’entourage de Romney. Il est vrai que et son colistier [Paul Ryan, NDLR] sont celui-ci a critiqué le futur retrait des des novices en politique étrangère. » C’est troupes d’Afghanistan (en 2014), affirmé un euphémisme. ● VINCENT DUHEM JEUNE AFRIQUE


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L’espoir ou le regret

S

il est une chose que les Sénégalais de rupture, de la réduction du train de vie de n’accepteront plus jamais, c’est la l’État (tout en cherchant à en récupérer les déception. Le wax waxeet (« dire deniers « évaporés ») aux mesures sociales, et se dédire », en wolof), c’est fini. en passant par la très symbolique affaire Il faut se souvenir de l’espoir qu’incarnait Habré. Sans vouloir faire de l’anti-Wade à tout prix : contrairement à une idée reçue, le sopi (« changement ») d’Abdoulaye Wade il a conservé certaines compétences issues en 2000. Se remémorer la ferveur populaire du vivier Wade, accréditant ainsi la thèse au lendemain d’une victoire qui constituait, qu’il demeure un homme de compromis déjà, une leçon de démocratie si rare sur le nullement obsédé par le fait de régler ses continent. Les fruits n’ont cependant jamais comptes, pour qui rupture n’implique pas passé la promesse des fleurs. Et le style Wade, obligatoirement faire table rase du passé. savant mélange de détermination, de vision Le Sénégal n’a en effet plus les moyens de mais aussi de morgue et de gouvernance erratique où tous les coups étaient permis, a remettre vingt fois sur le métier un ouvrage fini par convaincre les Sénégalais qu’il était jamais achevé. grand temps de tourner une page qui aurait dû l’être cinq ans plus tôt. Macky trace donc patiemment son Macky Sall, qui connaît parfaitement son sillon, sans véritables faux pas. Sa réserve pays, sa classe politique, son administration naturelle donne à certains l’impression qu’il et les écueils qui ne manqueront pas de se dresser sur son cheGuère obsédé par le fait de régler min, sait bien qu’il n’a pas droit ses comptes, Macky conserve des à l’erreur et que la patience de compétences issues du vivier Wade. ses compatriotes s’est réduite comme peau de chagrin. Mais savoir et pouvoir sont deux choses difféne sait pas où il va. D’autres lui reprochent rentes. Il a besoin de temps, de moyens et, de ne pas avoir de « grande vision », contraiaussi, d’hommes et de femmes autour de rement à Wade, pour son pays. Comme lui qui sauront privilégier l’intérêt général. François Hollande en France, ses qualités Autant de denrées rares de nos jours… d’hier pourraient, aux yeux d’une opinion impatiente,devenirsesfaiblessesdedemain. Au cours de ses six premiers mois à la Macky n’a donc d’autre alternative que tête de l’État, « Macky » a essentiellement de résoudre une équation pour le moins installé le socle de son pouvoir. complexe: réformer en profondeur un pays Une fois encore, il a pris le contre-pied de qui s’est longtemps contenté de panser des son prédécesseur et ex-mentor, érigeant la plaies qui nécessitaient des traitements plus concertation et le partage des responsabilités lourds, obtenir des résultats concrets dans avec ses alliés en mode de gouvernance, l’urgence, tout en fixant un cap à moyen souvent au détriment de sa propre formation et long terme pour que, enfin, le Sénégal politique. Wade, lui, avait brisé une à une les pèse sur la scène africaine pour ce qu’il chaînes de ses alliances, cet insupportable serait – économiquement, culturellement carcan pour un homme persuadé de sa ou diplomatiquement – et non grâce à la supériorité et peu enclin aux concessions. seule personnalité de son chef. Une gageure, Le chef de l’État a également imposé un certes, mais surtout une nécessité. style en adéquation avec celui qui avait Un seul mandat n’y suffira évidemment séduit les Sénégalais durant sa traversée du pas. Les Sénégalais devront donc décider, désert puis son ascension – sobriété, calme en 2017, si le chemin emprunté est le bon et et constance –, et pris des mesures drass’il mérite d’être poursuivi. Raison de plus tiques censées donner corps à sa politique pour ne pas les décevoir. ● JEUNE AFRIQUE

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CHRISTOPHE MORIN/IP3

Peut-il changer

ALTERNANCE Rentrée dans le vif du sujet

p. 66

PORTRAIT Harouna Dia, l’ami de l’ombre

p. 72

POLITIQUE La rupture, c’est maintenant ?

p. 74

SOCIÉTÉ CIVILE Y’en a toujours marre p. 78 TRIBUNE Par Ibrahima Thioub, historien p. 79

ÉCONOMIE Budget, grands travaux, politiques sectorielles… Retour au réel p. 86 PRESSE Futurs Médias à l’épreuve du pouvoir p. 94 ENTREPRENEURIAT Audace productive p. 96 SANTÉ Des soins pour tous p. 98 CONSOMMATION Dakar chouchoute sa classe moyenne

p. 101


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Le Plus de Jeune Afrique

ALTERNANCE

Rentrée dans Six mois après son élection, le président sénégalais est attendu au tournant. Gouvernance irréprochable, relance économique, amélioration des conditions de vie… La population veut voir le pays changer rapidement, et en profondeur.

RÉMI CARAYOL, envoyé spécial

L

entourage du chef de l’État a beau clamer qu’il n’a jamais été question d’état de grâce depuis l’élection de Macky Sall, le 25 mars, les premiers mois de sa présidence ont été d’une rare tranquillité. Les Sénégalais semblaient s’être accordés pour lui laisser du temps. Ils lui ont donné une majorité confortable à l’Assemblée nationale à la suite des législatives du 1er juillet, avec 119 sièges sur 150 (lire pp. 74-76). Les premières mesures prises par le gouvernement d’Abdoul Mbaye les avaient rassurés: subventions

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aux paysans (plus de 60 milliards de F CFA, soit environ 91,5 millions d’euros), baisse des prix des produits de première nécessité (entre - 5 % et - 15 % pour le riz, le sucre et le gaz), fin de la grève des enseignants, promesses d’une gouvernance plus sobre… Même les cieux lui étaient favorables. Alors que la pluviométrie avait été exécrable lors de la précédente saison agricole, provoquant une baisse record des productions, elle a été bien meilleure cette année. Mais au mois d’août, les choses se sont gâtées. Il y a d’abord eu le retour des délestages, ceux-là mêmes qui ont définitivement fâché les Sénégalais avec Wade en 2011. Puis les prix du riz et du sucre ont à nouveau augmenté. Et le ciel s’en est mêlé. Les pluies abondantes ont provoqué des inondations dramatiques dans l’ensemble du pays. Le bilan est lourd : une quinzaine de victimes et les premières manifestations contre le régime. « La rentrée sera difficile », convient-on dans l’entourage du président. « Les attentes des Sénégalais sont très fortes. Macky va faire face à la dure réalité du pouvoir, et je crains qu’il ne puisse tenir ses promesses », déplore Assane Dioma Ndiaye, JEUNE AFRIQUE


le vif du sujet coordonnateur de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme. « Les gens ont l’impression qu’il n’y a pas eu de rupture », s’inquiète pour sa part Aïssata Tall Sall, la porte-parole du Parti socialiste, membre de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) qui soutient Macky Sall. PRÉALABLE. À certains égards pourtant, la rupture

est spectaculaire. Il est possible de l’illustrer par quelques cas emblématiques. Il y a l’affaire Hissène Habré, que le nouveau pouvoir a décidé de juger, rompant avec les tergiversations de Wade. Il y a aussi les retrouvailles avec la Gambie. Alors que les relations entre Wade et Yahya Jammeh ont oscillé entreletièdeetletrèsfroid,Sallaenvoyéunmessage fort en réservant à son voisin sa première visite à l’étranger. Résultat, le pont sur le fleuve Gambie, qui changera la vie des Casamançais, devrait enfin voir le jour dans quelques années (lire pp. 82-83). Un accord a été signé début août. Sur ce point, Sall reste cependant tributaire des coups de sang de son homologue gambien. L’exécution de deux Sénégalais condamnés à la peine de mort, fin août, a considérablement détérioré l’axe Dakar-Banjul. JEUNE AFRIQUE

Au titre des symboles, il y a aussi la suppression du Sénat (lire p. 40) et de la vice-présidence, deux institutions budgétivores et impopulaires créées par Wade, ou encore la chasse aux biens mal acquis, qui adonnélieuàunspectacleinéditd’anciensministres et de patrons se succédant dans les locaux de la police judiciaire afin de répondre de leur fortune. Pour Macky Sall, le devoir de justice est une priorité. « La bonne gouvernance, c’est l’élément fondamental de son programme. Nous estimons que c’est un préalable à toute politique efficace de développement », précise Aminata Touré, une proche du président, nommée à un ministère clé, celui de la Justice.

! MACKY SALL rejoint le palais présidentiel pour sa prestation de serment, le 2 avril 2012. (Dakar)

MESSAGE. Le legs de Wade, en la matière, est épicé.

Aminata Tall qui, en tant que secrétaire générale de la présidence, est chargée de faire le ménage, n’en revient toujours pas (lire interview p. 71). L’étude des derniers mois de Wade à la présidence pourrait servir de base à la rédaction d’un précis des plus gros subterfuges pour financer une campagne électorale. On trouve de tout: des emplois plus ou moins fictifs attribués à des alliés politiques ; des licences ● ● ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

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● ● ● (en télécommunications notamment) et des contrats accordés dans la plus grande opacité; des augmentations de salaire impromptues au profit de certains corps stratégiques (les magistrats, les généraux de l’armée) ; des milliers d’hectares de terres et des centaines de véhicules donnés à des proches, des marabouts ou des hommes d’affaires; des passeports diplomatiques distribués à la pelle, et notamment aux chefs religieux (on en comptait 3 000 en 2000, dix fois plus en 2012)… Toutes ces entorses à l’orthodoxie budgétaire ont pris fin, affirme Aminata Tall. Une soixantaine de structures paraétatiques jugées « inopportunes » ont été supprimées. Le nombre de membres du gouvernement a été limité à vingt-cinq (les ministres conseillers sont cependant légion). Quant aux audits consacrés à la gestion des agences paraétatiques – dont certains, qui avaient été réalisés dès 2010, dormaient dans un placard (lire p. 86) –, ils ont révélé « de graves irrégularités » et des faits d’enrichissement illicite. Plusieurs hauts responsables ont été auditionnés. D’autres croupissent déjà en prison, comme Baïla Wane, l’ancien directeur général de la Loterie nationale sénégalaise (Lonase). Et ce n’est pas fini, annonce nonce ieurs Aminata Touré, la garde des Sceaux. Plusieurs dossiers ont d’ores et déjà été transmis à la Cour de répression de l’enrichissement illicite, unee structure en sommeil depuis vingt ans que le nouveau pouvoir a réactivée et qu’il veut transformerencourderépressiondescrimes économiques et financiers. « C’est un message adressé aux Sénégalais, mais aussi aux gestionnaires actuels: l’impunité, c’est fini », résume un membre du cabinet du président.

L’ATTENTE. Mais à tout cela, la grande majorité orité des Sénégalais ne prête guère attention, hormis ormis un petit noyau de Dakarois. « Ce qu’ils attendent, ndent, c’est que les prix baissent, que les fonctionnaires

SEYLLOU/AFP

Le Plus de J.A.

! Le président sénégalais accueillant son homologue gambien YAHYA JAMMEH le 3 mai, à Dakar.

soient à leur bureau à l’heure, que leur quotidien s’améliore », souligne Aïssata Tall Sall. Le bitume, ça ne se mange pas, a-t-on l’habitude de dire dans les pays en développement. Les audits non plus. Ils ont même tendance à effrayer les investisseurs, note l’un d’eux, un riche homme d’affaires ouest-africain, qui rappelle que « l’argent n’aime pas le bruit ». Le ttemps des réformes structurelles ne devra donc pas tarder. Il s’agira de désenclaver le monde PROMESSES DU SEPTENNAT rural (l’axe majeur de sa campagne), de créer de l’emploi (Sall a promis 500 000 postes en sept l’em ans) et de pérenniser la baisse des prix. Faute an Le développement de quoi le discours de la nouvelle opposition, rural qui parle de « poudre aux yeux » et dénonce « une chasse aux sorcières infondée », sera à La création nouveau audible. « L’attente des Sénégalais de 500 000 emplois est extrêmement forte », alerte Fadel Barro, es le porte-parole du mouvement Y’en a marre (lir (lire p. 78). Le gouvernement le sait. S’il n’y a La baisse des prix pas, rapidement, des avancées concrètes, les citoyens ne tarderont pas à se rappeler à son citoye bon souvenir so et à laisser à nouveau exploser leur mécontentement. ●

Un second très discret Le chef de l’État décide, le Premier ministre exécute… Abdoul Mbaye semble taillé pour le rôle.

S ANTOINE TEMPÉ

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! LE BANQUIER a été nommé le 3 avril. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

ix mois après sa nomination surprise à la tête du gouvernement, avec pour mission d’« améliorer les conditions de vie des Sénégalais », Abdoul Mbaye, 59 ans, banquier de profession, reste un mystère. Très peu médiatique, encore moins politique, absolument pas populiste, le Premier ministre « a du mal à trouver sa place », convient un conseiller de Macky Sall. Toutefois, selon lui, les rumeurs qui font état de sérieuses divergences entre les deux hommes sont infondées – « ils s’apprécient et se voient régulièrement ». Une chose est

sûre, leurs rôles sont bien définis: « Macky est le patron. C’est lui qui décide, Mbaye exécute. » En ce sens, il n’y a eu aucune rupture avec la gouvernance de Wade. Il pourrait difficilement en être autrement, au vu des hommes qui entourent Mbaye. Le secrétaire général du gouvernement, Seydou Guèye, est un proche de Sall (il a dirigé sa communication pendant la campagne électorale). Idem pour les principaux ministres, tous ceux qui occupent des postes clés (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Agriculture) étant des intimes du président. ● R.C. JEUNE AFRIQUE




Macky peut-il changer le Sénégal ?

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GOUVERNANCE

Aminata Tall « Nous avons découvert des anomalies inouïes »

O

n l’appelle la dame de fer, et ça la fait rire. « Chaque fois qu’une femme dit non et assume ses choix, on la surnomme ainsi ! » résume Aminata Tall, 63 ans, tout en reconnaissant que son caractère entier y est certainement pour quelque chose. En sa qualité de secrétaire générale de la présidence, avec rang de ministre d’État – un poste qu’elle occupait déjà aux côtés d’Abdoulaye Wade depuis 2009 –, c’est elle que Macky Sall a chargée de traquer les irrégularités au sein de l’administration, dans la droite ligne de ses promesses de bonne gouvernance. Une missiondemère-la-rigueurqu’elleassume pleinement, mais qui vaut à l’ancienne égérie du Parti démocratique sénégalais (PDS) des attaques récurrentes, dans la presse comme dans les coulisses du Palais. JEUNE AFRIQUE : Beaucoup de choses ont été écrites sur les dérives de la présidence Wade. Qu’en est-il réellement ? AMINATA TALL: Nous avons trouvé une

situation assez… particulière. Dans les ressources humaines d’abord, puisqu’il n’existait aucun support administratif. Les collaborateurs du précédent chef de l’État étaient en grande majorité des hommes politiques sans rôle précis, des chargés de mission, des conseillers techniques, etc. Il a été mis fin à leurs fonctions. Nous avons par ailleurs constaté des anomalies inouïes dans les procédures administratives, comme l’acquisition de véhicules sous le label de la présidence mais hors de la procédure normale des marchés JEUNE AFRIQUE

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

C’est à elle que Macky Sall a confié la mission de faire le ménage dans la gestion du Palais. Un rôle délicat que la secrétaire générale de la présidence assume pleinement. ! LA DAME DE FER dans son bureau du cabinet présidentiel.

publics. Véhicules qui ont été ensuite distribués à des personnes qui ne sont pas des ayants droit : des chefs de village, des chefs religieux, des particuliers, des politiques, etc. J’ai aussi découvert des pratiques que je n’aurais jamais pu soupçonner. Par exemple, certaines entreprises ont voulu se faire payer ce qui avait fait l’objet de dons à l’État, notamment des véhicules offerts par l’Arabie saoudite lors de la tenue du sommet de l’Organisation de la conférence islamique [OCI, à Dakar en 2008, NDLR].

Le peuple est devenu exigeant, impatient. En quoi consiste concrètement la bonne gouvernance que vous êtes chargée de mettre en pratique ?

Il s’agit de faire en sorte que les fonctionnaires soient au bureau à l’heure, qu’ils travaillent avec efficacité, qu’ils accueillent le public comme il se doit et, plus généralement, de veiller à ce que les ressources financières de l’État soient bien utilisées. Il a notamment été mis fin à beaucoup de décrets pris lors des derniers jours du régime précédent, qui donnaient des avantages à certains corps

et ne reposaient sur rien, ou portant sur l’attribution de terrains, de sites miniers, de licences en télécommunications, etc. Ne fait-on pas trop de bruit autour de cette chasse aux biens mal acquis ? Certains pensent que c’est de la poudre aux yeux et doutent de la volonté réelle d’aller au bout des audits, d’autres s’inquiètent de ce qu’ils risquent d’effrayer les investisseurs…

Ce redressement va se poursuivre jusqu’à son terme et permettre de faire revenir dans les caisses de l’État des fonds qui n’auraient jamais dû en sortir. Nous voulons assainir l’environnement des affaires, et les investisseurs devraient se réjouir que nous nous occupions de clarifier cette situation nébuleuse qui ne correspond en rien à une politique de développement juste et durable, mais répond à des intérêts personnels ou de groupe.

Après l’état de grâce des premiers mois, la rentrée ne s’annonce-t-elle pas délicate ?

Je pense que nous n’avons pas eu droit à une période de grâce. Abdoulaye Wade en a bénéficié en son temps pendant plus d’uneannéemais,dansnotrecas,ladéception suscitée par l’ancien régime est telle que le peuple n’accepte plus rien. Il est devenu exigeant, impatient. ● Propos recueillis à Dakar par RÉMI CARAYOL N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Le Plus de J.A. ÉMINENCE GRISE

Harouna Dia, l’ami de l’ombre

Principal bailleur de fonds du parti et de la campagne de Macky Sall, l’homme d’affaires préfère éviter la lumière. Il est pourtant de plus en plus visible.

A

vant l’élection de Macky beaucoup », indique un ami commun Sall, personne ou presque aux deux hommes. au Sénégal ne connaissait Leur compagnonnage est récent. C’est Harouna Dia. Si la générosité Wade qui les a fait se rencontrer. Nous qu’on lui prête avait fait sa renommée sommes en 2007. Macky Sall dirige la camdans le Fouta profond – la région peuplée pagne électorale de Gorgui (« le vieux » en de pasteurs et de cultivateurs qui l’a vu wolof) et Dia est chargé par le parti libéral naître il y a cinquante-sept ans –, et si de mobiliser la communauté sénégalaise son compagnonnage avec le patron de au Burkina Faso, où il s’est installé en 1986 l’Alliance pour la République (APR) était et où il a fait fortune (son entreprise est un secret de polichinelle dans les états-majors des partis, le nom de ce Ils partagent la même milliardaire exilé depuis vingt-cinq langue, les mêmes valeurs, ans, qui a fait fortune en vendant du poisson aux Burkinabè, ne signifiait la même réserve. pas grand-chose pour la plupart des Sénégalais. Aujourd’hui, son portrait leader sur les principaux marchés du poisfait régulièrement la une des journaux son congelé dans la sous-région). « On nationaux. a très vite accroché », explique Dia. Les Il serait le « vice-président » officieux, deux hommes partagent la même langue « l’homme fort du système », « celui qui (le pulaar), les mêmes valeurs, la même souffle à l’oreille de Macky ». C’est exagéré. réserve, la même simplicité. Avec eux, pas Certes, « les deux hommes s’entendent très unmotplushautquel’autre,pasd’éruption bien, confie un conseiller du président, et decolère,pasd’ostentation.Diaabeauêtre HarounaDiaestl’unedesseulespersonnes à pouvoir s’inviter à tout moment dans le bureau de Macky ». Mais, comme le rappelle un proche du chef de l’État, dans le système (très cloisonné) mis en place par le nouveau président, « personne n’est indispensable, et chacun de ses collaborateurs est tenu de rester à sa place ». TIRELIRE. Justement, Harouna Dia, qui

n’a été nommé à aucun poste (il n’en réclamait pas et a refusé le ministère de l’Agriculture que lui offrait Sall) – contrairement à tous ceux qui ont joué un rôle majeur pendant la campagne électorale –, occupe une place particulière. « Macky lui voue un grand respect, explique un proche. Pas seulement pour ce qu’il a fait pour lui, mais aussi pour ce qu’il représente. » L’homme d’affaires est en effet le financier de l’APR depuis sa création, en décembre 2008. Sans son argent, sans ses 4x4, sans son influence auprès de la diaspora, le parti n’aurait jamais pu s’implanter si rapidement dans l’ensemble du pays et Sall rivaliser avec Abdoulaye Wade. Mais Dia représente bien plus qu’une tirelire pour le nouveau président. « Il l’inspire N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

AHMED OUOBA POUR J.A.

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l’un des Sénégalais les plus riches de la planète, il continue de porter des chemises trop grandes pour lui et des pantalons bon marché. « Seul le désir de voir mon pays enfin se développer me guide », dit-il. OMNIPRÉSENT. Ingénieur en hydrau-

lique de formation, Dia a d’abord fait ses armes danslafonction publique, puis dans l’humanitaire en Casamance, au Tchad et au Burkina, avant de lancer sa propre affaire. Exilé volontaire à Ouagadougou depuis vingt-cinq ans, il aurait pu rester à l’écart de la vie de son pays, « mais il a toujours voulu agir », résume un proche. « Si tu es riche alors que neuf de tes parents sont pauvres, ça ne sert à rien », a-t-il coutume de dire. Celui qui se définit comme « un homme du privé », « une sentinelle », et aimerait rester « une force invisible », s’y prend en revanche assez mal pour rester dans l’ombre. Il est omniprésent. Si on ne le voit plus guère à Ouaga, on le croise en revanche à Dakar, plus précisément dans une suite de l’hôtel Radisson Blu, sur la corniche, où il a installé son bureau. Il y reçoit beaucoup. Des ministres, des hommes d’affaires, des investisseurs étrangers… « Pourquoi ? À quel titre ? On l’ignore », déplore un ministre. Même à l’APR, où l’on sait ce qu’on lui doit, cette influence irrite. « Il en fait trop ! » estime un conseiller de Sall, qui l’accuse de « placer ses hommes », à commencer par son frère, Daouda Dia, qui a été nommé au poste symbolique de premier questeur de l’Assemblée nationale. ● RÉMI CARAYOL

! IL SERAIT LE VICE-PRÉSIDENT OFFICIEUX, « celui qui souffle à l’oreille de Macky ». JEUNE AFRIQUE


2004 - 2012 LA GRANDE AVENTURE DES SABLES TITANIFÈRES SÉNÉGALAIS

M

inéral Deposits Limited (MDL), groupe Australien spécialisé, depuis plusieurs décennies, dans l’exploration et l’exploitation des sables titanifères ainsi que la réhabilitation des sites d’exploitation dunaires, a décidé, au début des années 2000, de lancer des programmes d’exploration en Afrique de l’Ouest. En Septembre 2004, il s’est vu octroyer une convention d’exploration sur un périmètre de près de106 km de long situé sur un système de dunes mobiles côtières allant de Nord Kayar à Potou. Pendant près de quatre ans, MDL a investi environs 85 Millions de Dollars US, soit approximativement 45 Milliards de FCFA en réalisant un programme de sondages (196 000 m), en utilisant pour la première fois au Sénégal des équipements spécialisés, et en installant un laboratoire d’analyses de roches à Tivaouane. Parallèlement il a créé près de 55 emplois permanents et dispensé des formations spécialisées dans le domaine de l’analyse de roches à son personnel sénégalais. Avant même la fin de la phase d’exploration, dès 2006, a été lancé une Étude d’Impact Environnemental qui a débouché sur le Programme de Gestion Environnemental et Social agréé par le Ministère de l’Environnement. Au cours de l’année 2007, Il a été mis en évidence plusieurs gisements notamment du zircon (près de 80 000 tonnes par an) et de l’ilménite (près de 600 000 tonnes par an), exploitables grâce à une méthode de concentrateur flottant captant le minerai par gravité sans utilisation du moindre produit chimique. L’opérateur entend développer une mine par drague flottante, une usine de séparation du minerai, une centrale électrique de 36 MW utilisant du fuel et réaliser des infrastructures ferroviaires (125 km) et portuaires (30 000 m²), pour un investissement de près de 550 Millions Dollars US, soit plus de 290 Milliards FCFA. Ce projet d’exploitation à très long terme – minier, industriel et logistique- a nécessité l’arrivée d’un partenaire industriel, le groupe Français Eramet SA qui a une expertise reconnue dans le traitement des minéraux et des métaux sur 4 continents et une maîtrise avérée de l’exploitation ferroviaire (Transgabonaise). L’Australien MDL et le Français Eramet ont donc décidé d’unir leurs moyens pour réaliser ce projet d’envergure mondiale dans le cadre d’un Joint-Venture dénommé TIZIR. L’État Sénégalais, étant à leurs côtés en tant qu’actionnaire (10% octroyés gratuitement conformément au Code Minier) , reçoit également, dans le cadre d’un partage de production non prévu par le Code Minier 10% de la production dès la première année. Par ailleurs, s’ajoute une redevance annuelle de 5%, alors que le code minier ne fait obligation que de 3% uniquement.

Ce projet n’a pu être envisagé qu’au prix de nombreuses études environnementales, sociales et géologiques qui ont permis la collecte d’énormes quantités de données et d’informations touchant à la géologie, à l’hydrologie, à l’impact du projet sur les communautés et villages environnants du point de vue socio-économique et surtout la maîtrise et la neutralisation de l’impact environnemental. Désormais, Grande Cote Opérations (GCO) SA, société d’exploitation de droit Sénégalais bénéficiant de l’appui financier et industriel de ses actionnaires regroupés au sein de l’entité TIZIR peut lancer la construction de la mine, de l’usine de traitement du minerai et réaliser les infrastructures portuaires et ferroviaires indispensables à la profitabilité du projet. Dans le cadre de la concession octroyée par l’État, GCO SA s’est engagé à construire et à réhabiliter la ligne ferroviaire Diogo – Dakar Bel Air et aménager un terminal dans le port de Dakar. Parallèlement à cette phase de construction qui durera jusqu’à la fin 2013 et qui créera plus de 1000 emplois, GCO SA a inauguré une politique avant-gardiste de développement de l’emploi régional à travers l’instauration de comités de recru-

Désormais, Grande Côte Opérations (GCO) SA peut lancer la construction de la mine, de l’usine de traitement du minerai et réaliser les infrastructures portuaires et ferroviaires. tement où siègent chefs de villages, autorités préfectorales, associations de transporteurs et associations de jeunes et de femmes, ce qui a conduit à ce que près de 70% de l’emploi soit occupé par des ressortissants de la région administrative de Thiès accueillant le projet. Un projet d’une telle envergure n’est pas sans susciter des craintes de la part des riverains quant aux questions foncières ; c’est pourquoi, dans le cadre d’une concertation large et transparente associant les exploitants agricoles et l’administration territoriale, des inventaires et des études portant sur les rendements agricoles ont été réalisées par des cabinets indépendants associés au service départemental de l’Agriculture afin qu’une indemnisation pour l’occupation temporaire et à moyen terme des terres (généralement moins de 5 ans) soit octroyée aux actuels occupants dans le respect des standards préconisés par la Banque Mondiale et très largement supérieurs à ce que la réglementation Sénégalaise prévoit.

GRANDE CÔTE OPÉRATIONS SA

26 rue de Ngor, Dakar, Sénégal BP16844 Tél. : +221 33 869 31 81 Fax : +221 33 820 48 73 Communiqué - Difcom - F.C. Photos : DR


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Le Plus de J.A. « J’estime que les députés doivent se faire respecter, dit-il dans son bureau de maire. C’est fini, le temps où ils exécutaient sans discuter les ordres du président. Nous ne sommes pas au garde-à-vous. Accompagner le gouvernement, oui, mais cela ne doit pas nous forcer à voter des lois scélérates. » SYMBOLE. Dias pourrait être

le symbole de cette assemblée que les Sénégalais ont élu le 1er juillet. Le nouvel hémicycle est jeune, hétéroclite, inexpérimenté, et c’est pour cela, disent les nouveaux élus, qu’il compte jouer son rôle en toute indépendance. « Ce serait une première », s’enorgueillit un conseiller de Macky Sall. En juillet, le président avait appelé à « une rupture », censée

« Je veux être indépendant, n’avoir de comptes à rendre qu’à mes électeurs. » IDRISSA DIALLO, député de la coalition BBY

POLITIQUE

La rupture, c’est pour maintenant?

Près de 90 % de nouveaux élus, deux fois plus de femmes, douze sièges pour l’ex-parti majoritaire… Les députés ont changé. Reste à savoir s’ils s’affranchiront des travers de leurs aînés.

B

arthélémyDiasn’estpasdugenre à se taire. Avant même son incarcération, en décembre 2011, pour le meurtre d’un nervi qui, avec d’autres gros bras payés par le Parti démocratique sénégalais (PDS), était venu le menacer devant sa mairie de MermozSacré-Cœur (arrondissement de Dakar), la réputation de ce jeune socialiste de 37 ans n’était plus à faire. C’était le « bad boy » de la politique sénégalaise. Un fort en gueule doublé d’un sacré tribun, qui emploie les

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mêmes artifices qu’Abdoulaye Wade et ne croit qu’aux rapports de force. À peine sorti de prison (il est en liberté conditionnelle depuis le mois de mai), Dias est devenu député. En bonne place sur la liste de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY), qui a soutenu Macky Sall lors du second tour de la présidentielle et a largement remporté les législatives en juillet, il occupe aujourd’hui le poste (symbolique) de secrétaire élu de l’Assemblée nationale. Mais ce n’est pas un titre qui va le changer.

correspondreàlamontéeenpuissancedes attentes des Sénégalais quant à une meilleure pratique démocratique. « Le temps des députés godillots, c’est du passé ! » s’enflamme un proche de Moustapha Niasse, le président de cette assemblée new look. Doit-on les croire ? « Pour l’heure, il n’y a rien de concret, mais l’Assemblée vient tout juste de s’installer », constate le professeur de droit constitutionnel et analyste politique Babacar Gueye. Ce qui est sûr, poursuit-il, c’est que sur le papier la rupture est actée. Une rupture politique, d’abord. Le PDS de Wade, qui monopolisait 131 sièges sur 150 dans la précédente législature, n’en compte plus que 12, et la coalition Bokk Gis Gis (BGG, du président du Sénat, Pape Diop), issue d’une scission au sein de la famille libérale, seulement 4 sièges. Absente de l’hémicycle ces cinq dernières années en raison du boycott des législatives de 2007, l’(ex-)opposition y est entrée en force, la coalition BBY occupant une confortable majorité de 119 sièges. JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ? NOUVEL HÉMICYCLE, NOUVEAUX ÉQUILIBRES

Parti démocratique sénégalais (PDS)

Benno Bokk Yakaar (BBY) 119

SOURCE : AN, AOÛT 2012

Nbre total de sièges : 150

Bokk Gis Gis (BGG) Mouvement citoyen pour la refondation 12 4 4 nationale Bes Du Ñakk

2 2 Mouvement de Parti de la vérité pour la réforme pour le développement (PVD) le développement social (MRDS)

Hommes 85 sièges

56,7 %

Femmes 65 sièges

43,3 %

contre 22 % auparavant la parité extrêmement contraignante, font une entrée remarquée (lire interview p. 76). « C’est une nouvelle donne importante », analyse Babacar Gueye. Reste à mettre en pratique cette rupture tant annoncée. Les élus de 2012 arriveront-ils à se débarrasser des

TÉNORS. Il y a aussi une opposition, certes

réduite, mais de qualité, avec « des ténors, desanciensministres[commeOumarSarr, Djibo Kâ, NDLR], un ex-Premier ministre [Souleymane Ndéné Ndiaye]… Ce sont des gens qui connaissent leurs dossiers. Ce seront de bons sparring-partners ● ● ●

DIVCOM – FA / Photos D.R.

La rupture est aussi générationnelle. Sur les 150 sortants, seuls une dizaine ont été réélus. « Aujourd’hui, il y a tout un tas de nouvelles têtes à l’Assemblée. Certains sont très jeunes! » sourit un fonctionnaire de l’institution. Parmi les nouveaux, les femmes, qui ont bénéficié d’une loi sur

Autres 7

oripeaux d’une démocratie sénégalaise dont l’unique centre de gravité se situait jusqu’à présent à la présidence ? Aurontils le cran d’affronter l’exécutif, de mettre en place des commissions d’enquête et d’exiger que les ministres viennent sur place leur rendre des comptes – ce qui n’était pas le cas sous Wade ? Babacar Gueye, comme d’autres observateurs, le croit. D’abord parce qu’il y a dans cette nouvelle génération de fortes têtes et quelques néophytes gonflés d’idéaux, comme Idrissa Diallo, élu sur la liste de BBY. « Je me considère comme le député des causes perdues. Je veux être indépendant, n’avoir de comptes à rendre qu’à mes électeurs et avoir ma conscience pour seul moteur », dit-il.

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75


Le Plus de J.A. ● ● ● [partenairesd’entraînement],quinous permettront d’avoir des débats sérieux », espère la socialiste Aïssata Tall Sall, une « bleue ». La personnalité du président de l’Assemblée lui-même « est un signal important », juge un proche de Sall. « Jusqu’à présent, on avait surtout eu droit à des seconds couteaux. Niasse, c’est une très forte personnalité. Un vrai homme d’État », estime Babacar Gueye. À 72 ans, Moustapha Niasse, qui fut Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et représentant du secrétaire général des Nations unies, a sa carrière derrière lui. Il n’aura aucun complexe lorsqu’il s’agira

Le parti du chef de l’État ne compte que 65 sièges et n’a donc pas la majorité absolue. d’affronter l’exécutif, même si son entourage reconnaît qu’il a été littéralement séduit par la personnalité de Macky Sall. Lors de son accession au perchoir, il a ainsi parlé d’une « étape nouvelle » dans l’histoire de la démocratie sénégalaise, mais a aussi vanté « la loyauté » envers le gouvernement. IDÉAUX. Au-delà des hommes, et des femmes, un simple calcul permet de croire en la rupture. Si la coalition BBY dispose d’une majorité confortable, l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, ne compte que 65 députés et n’a donc pas la majorité absolue. « Il nous faudra sans cesse négocier », convient un cadre de l’APR. « Contrairement à la législature précédente, où l’on avait un parti tout puissant aux ordres d’un seul homme, nous sommes en présence d’une majorité “plurielle” », convient Babacar Gueye. Or aucune des composantes de la coalition présidentielle n’entend renier ses idéaux, sociaux-démocrates pour certains (les députés du Parti socialiste et ceux de l’Alliance des forces de progrès de Niasse), libéraux pour d’autres (les élus de l’APR et ceux de Rewmi, le parti d’Idrissa Seck). Sur ce point, Barthélémy Dias est d’ailleurs très clair : « Il ne s’agit pas d’une fusion, mais d’une coalition. Le jour où nous ne serons plus d’accord, les députés socialistes, nous le dirons. Il en va de la survie de notre parti. » ● RÉMI CARAYOL N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

QUESTIONS À | Fatou Sarr Sow

Sociologue, directrice du laboratoire genre de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) de l’université Cheikh-Anta-Diop (Ucad) à Dakar

DR

76

« Les femmes vont pouvoir influer sur les lois »

L

es législatives de juillet étaient les premières depuis l’adoption de la loi sur la parité de mai 2010, selon laquelle la moitié des candidats de chaque parti doivent être des femmes. La chercheuse sénégalaise, qui s’est distinguée dans la lutte pour la parité, revient sur la configuration de l’hémicycle.

JEUNE AFRIQUE : Êtes-vous satisfaite du nombre de femmes élues aux législatives ? FATOU SARR SOW : Au Sénégal, près de 90 % des femmes continuent d’aller chercher le bois de chauffe, plus de la moitié d’entre elles ramènent toujours l’eau du puits… Pour régler leurs problèmes et leurs besoins les plus élémentaires, il fallait que les femmes soient ellesmêmes dans des positions de

manque à gagner en termes de nombre de femmes élues. Le changement est tout de même radical… Dans la précédente législature, il n’y avait que 33 femmes députées, soit 22 % des sièges de l’Assemblée nationale, ce qui ne représentait pas une taille critique suffisante pour influer sur les lois. Avec désormais 65 élues sur 150 députés, soit 43,3 % de l’hémicycle, c’est un formidable bon en avant qu’a fait le Sénégal, qui le place en troisième position en Afrique après le Rwanda et les Seychelles, et au sixième rang dans le monde pour la représentation des femmes à l’Assemblée nationale. Quels combats particuliers serontelles appelées à mener ? Nous avions dit à Abdoulaye Wade, initiateur de la loi sur la parité, que le jour où les femmes seraient à l’Assemblée nationale elles se battraient pour pouvoir donner leur nationalité à leurs enfants. Il y a en effet énormément d’enfants dont le père est gambien, malien, etc., et la mère sénégalaise, mais qui ne peuvent avoir la nationalité sénégalaise parce que seul le père a le droit de la donner. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres de la dimension stratégique que peut prendre désormais cette meilleure représentativité des femmes au Parlement, qui doit leur permettre de peser sur les décisions. ●

Le pays est au sixième rang mondial en matière de représentation féminine à l’Assemblée nationale. pouvoir. L’Assemblée nationale est un lieu stratégique, c’est celui où l’on décide de l’utilisation des ressources nationales, où l’on définit les lois qui vont régir la vie des citoyennes et des citoyens. Il était donc essentiel que les femmes y soient largement représentées. Mais le travail n’est pas terminé, ne seraitce qu’en ce qui concerne les modalités de répartition des sièges, qui constituent un problème et un

Propos recueillis à Dakar par NICOLAS LY JEUNE AFRIQUE


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SEYLLOU/AFP

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! La première visite de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, à Dakar, fut pour FADEL BARRO (à g.). SOCIÉTÉ CIVILE

Y’en a toujours marre Symbole de la contestation anti-Wade, le collectif semble moins offensif depuis l’alternance. Il n’a pas pour autant baissé la garde.

D

élicate position que celle des membres du mouvement Y’en a marre. Né en janvier 2011 à la suite d’une énième coupure d’électricité dans la banlieue de Dakar, le collectif s’est positionné en quelques mois à l’avant-garde de la contestation anti-Wade grâce à quelques coups d’éclat, à des leaders charismatiques – dont certains ont goûté aux geôles et aux interrogatoires – et, surtout, à un discours radical appelant à une nouvelle forme de citoyenneté. Depuis l’éviction d’Abdoulaye Wade de la présidence, le mot d’ordre du collectif, la fabrique d’un NTS (« nouveau type de Sénégalais »), est repris à toutes les sauces, y compris par le chef de l’État. Et les têtes d’affiche de Y’en a marre, parmi lesquelles son porte-parole, le journaliste Cheikh Fadel Barro, adulées par les milliers de jeunes Sénégalais qui ont rejoint le mouvement, sont devenues des stars courtisées par les hommes politiques – même Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, leur a rendu visite fin juillet, dès son arrivée à Dakar. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Après la présidentielle et la nomination du gouvernement, ils auraient pu s’arrêter là. Soupçonnés par leurs détracteurs au mieux de s’être embourgeoisés, au pire de s’être fait acheter, les « y’en-a-marristes » continuent pourtant le combat avec la même énergie. Il est vrai que, depuis la défaite de Wade, ils sont plus discrets dans les médias, que Barro s’est

Le discours est peut-être moins radical, mais, dans le il n’a pas varié. marié mi-juillet, à Paris, avec la fille du coach français Claude Le Roy, l’ancien sélectionneur des Lions indomptables, bien connu des amateurs de football en Afrique. INDÉPENDANCE. Pourtant, avant les législatives, les membres du collectif ont battu campagne contre l’abstention dans de nombreuses circonscriptions. Des actions certes moins spectaculaires et médiatisées que les sit-in, coups de gueule

et raps indignés. « On nous a proposé des postes, Macky Sall nous a demandé de travailler avec lui, révèle Barro, mais nous avons refusé. Nous voulons garder notre indépendance. » Le 27 août, en tout cas, ils étaient tous là, au QG de Y’en a marre, dans le quartier des Parcelles-Assainies à Dakar – le même depuis le début: un petit appartement surchauffé –, pour réfléchir à un plan d’action afin de lutter contre les inondations, fléau récurrent qui, cette année encore, a ravagé plusieurs régions du pays. Le discours est peut-être moins radical mais, dans le fond, il n’a pas varié. Il s’agit de « faire comprendre aux Sénégalais qu’eux seuls pourront changer les choses » et « qu’ilnefaut rien attendre des politiques ». Sall ? Il est certes « plus ouvert que fond, Wade », mais « ce n’est pas le messie », estime Barro. Si le mouvement a laissé au chef de l’État et à son équipe le temps de s’installer, il veille, prêt à s’indigner quand il le faudra, notamment si les promesses de campagne, comme la création de 500 000 emplois pour les jeunes ou la couverture médicale, n’étaient pas suivies d’effet. Et le journaliste de 36 ans originaire de Kaolack, qui a mis sa carrière en standby depuis un an et demi, de rappeler que « la situation sociale est extrêmement tendue » et que « ça peut exploser à tout moment ». ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ?

TRIBUNE

Opinions & éditorriaux

IBRAHIMA THIOUB Historien, enseignantchercheur à l’université Cheikh-Anta-Diop (Ucad) de Dakar

Un lourd passif à solder

L

E 25 MARS 2012, le Sénégal renouait pour la seconde fois avec l’alternance politique. La première, survenue le 19 mars 2000, avait suscité un immense espoir de rupture. Le Sopi (« changement » en wolof) venait de mettre un terme à un vieux pouvoir socialiste usé par un règne semi-séculaire. L’électeur sénégalais avait réglé ses comptes avec le Parti socialiste (PS) et son orientation néolibérale, qui avait ruiné l’économie rurale et réduit au chômage des milliers de salariés urbains. Pourtant, les politiques d’ajustement à l’origine de ces contreperformances sociales avaient eu le mérite de refaire passer dans le vert les grands agrégats économiques et de rétablir l’équilibre des finances publiques. Le nouveau pouvoir installé en 2000 disposait alors des moyens politiques et économiques pour rompre avec les errements des socialistes. Une popularité bâtie sur vingt-six années d’opposition lui donnait une légitimité qui ne devait rien aux notabilités religieuses et coutumières. L’exemplarité de la maturité électorale sénégalaise attirait la bienveillance des bailleurs de fonds. Paradoxalement, le président Wade laisse à son successeur un pays en ruine sur plusieurs plans. Le surendettement a mis dans le rouge les finances publiques effondrées par des dépenses somptuaires et contre-productives. La personnalisation du pouvoir a vidé de leur substance les institutions publiques sclérosées par un gouvernement instable avec sa pléthore de ministères sans objet autre que la rémunération de soutiens mercenaires. La Constitution a été mise en lambeaux par des révisions intempestives destinées à pérenniser un pouvoir aux relents monarchistes. Le régime de la première alternance a battu tous les records de détournements de deniers publics et ruiné l’image du pays avec la généralisation de la corruption. C’est sur le champ de l’accaparement des terres que s’est le mieux illustrée sa pathologie du pillage. Un remarquable programme d’infrastructures routières peut tout de même être inscrit au crédit de Wade. Mais ces travaux ont occasionné une dilapidation pharaonique de ressources.Toutefois, son héritage le plus négatif demeure la généralisation du non-respect des institutions, le contournement des règles et le recours aux passe-droits, bref la ruine des valeurs qui fondent une République.

JEUNE AFRIQUE

Pour le nouveau régime, reste à savoir quelle direction prendre face à un tel passif. Quels signaux envoyer à l’opinion pour calmer les demandes sociales? Comment satisfaire à court terme sans compromettre les nécessaires réformes structurelles ? Les urgences sont nombreuses, et les ressources si amoindries que les arbitrages budgétaires sont un véritable casse-tête. Le régime de Macky Sall montre les signes d’une politique de rupture : sobriété dans le rituel du pouvoir, réduction du nombre de portefeuilles ministériels, etc. La suppression du Sénat est la plus spectaculaire de ces mesures. Il est également courageux d’avoir supprimé le fonds commun des magistrats. Mais cette politique reste encore largement en deçà de l’attente des citoyens. La nomination de ministres conseillers, par exemple, laisse entrevoir des marchandages d’un autre âge. Et le pays fait face à des défis autrement plus urgents: le conflit casamançais, la réforme du système

Le président Wade laisse à son successeur un pays en ruine. scolaire et universitaire, les suites judiciaires à donner aux audits, la réforme en profondeur de l’économie rurale, la crise énergétique… Les grands obstacles à la rupture restent la culture de prédation et le clientélisme politique, à l’origine d’une atomisation des espaces associatifs (politiques, syndicaux et société civile). Des associations sans représentativité disposent d’une grande capacité de pression sur les administrations et les pouvoirs politiques. Elles paralysent par la violence le fonctionnement des institutions pour négocier l’accès à des ressources et à des positions de rentes indues. Ce modèle atteint son paroxysme dans le milieu scolaire et universitaire. Il installe la médiocrité comme critère de promotion dans tous les services publics. L’actuel pouvoir a-t-il le courage et les moyens politiques de démanteler ces réseaux de prédateurs? S’il veut être crédible, il doit traduire ses intentions en actes rompant avec les dérives des autorités précédentes. Pour faire accepter aux Sénégalais les sacrifices nécessaires à l’assainissement de la situation du pays, il lui est nécessaire de prouver que les économies faites sur la base de leurs renoncements serviront à résoudre les problèmes de développement, et non à entretenir des rentiers et des prédateurs. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Le Plus de J.A.

EMILIE RÉGNIER POUR J.A.

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! CÉSAR ATOUTE BADIATE, l’un des leaders de l’aile sud de la rébellion casamançaise. CASAMANCE

Mot d’ordre: patience

Les tentatives du chef de l’État de renouer un dialogue franc et direct avec les différentes factions rebelles se multiplient. Si le retour à la paix semble encore loin, on observe une réelle accalmie.

E

n 2000, Abdoulaye Wade avait le maquis. Le dossier est cogéré par les promis de régler la question ministres de l’Intérieur et de la Défense, casamançaise « en cent jours ». en lien étroit avec la présidence, mais Douze ans après, la paix n’avait pour l’heure le nouveau pouvoir n’est pas pas avancé d’un chouïa. Au cours de la entré dans la danse des négociations. Si dernière campagne électorale, Macky « des contacts ont été pris » avec certains Sall s’est bien gardé de pronostiquer quoi groupes armés, Sall laisse le soin à la que ce soit – « il sait que cela prendra du communauté Sant’Egidio de poursuivre temps », confie un proche –, mais le retour à la normale Aujourd’hui, plus personne dans cette région en proie à ne représente « Macky » une rébellion armée alimentée par une revendication indédans le maquis. pendantiste depuis trente ans est pour lui une priorité. Après sa victoire, la médiation qu’elle a entamée en début il a rompu avec les méthodes passées. d’année à la demande des chefs rebelles Fini les « Monsieur Casamance » officieux et à l’invitation de Wade. chargés de renouer avec les rebelles et de distribuer des liasses de billets de manière DEUX FRONTS. Fini aussi le refus d’intertrop voyante au nom du président Wade : nationaliser le problème : si Macky Sall personne ne représente « Macky » dans a réservé sa première visite officielle en

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

tant que chef d’État à la Gambie, c’était pour convaincre Yahya Jammeh, dont le soutien à une partie de la rébellion est un secret de polichinelle, de l’aider à ramener les combattants à la table des négociations. Dans son discours d’investiture d’avril, Sall avait déclaré compter sur les deux voisins qui abritent des bases rebelles, la Gambie et la Guinée-Bissau, pour résoudre la crise. Mais la principale différence se traduit dans les mots. À plusieurs reprises, Sall s’est déclaré ouvert à « un dialogue franc » avec les combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), divisés en deux fronts pour l’heure irréconciliables – le Sud, dirigé par César Atoute Badiate et Ousmane Niantang Diatta, et le Nord, commandé par Salif Sadio. « Pour la première fois depuis longtemps, on sent une réelle JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ? le contexte lui est favorable. Un temps fâchés, Badiate et son ancien lieutenant, Niantang, ont Océan accepté de renouer le dialogue. Atlantique St-Louis Une réconciliation est en bonne voie, et tous deux sont prêts à ouvrir les négociations avec SÉNÉGAL Dakar. Mais il reste à convaincre 40 km Sadio, dans le Nord. Pour la preDakar mière fois depuis très longtemps, le plus radical (et le plus armé) des chefs de guerre, qui détient neuf soldats sénégalais depuis Banjul GAMBIE plusieurs mois, est disposé à négocier avec l’État. Mais il Kolda HauteBasse- Sédhiou Casamance continue, pour l’heure, de refuCasamance ser tout contact avec les autres UN VIEUX RÊVE. Avec son offenGUINÉE-BISSAU Ziguinchor branches du Mouvement. « Il sive de charme, Sall peut s’enorGUINÉE estime être le seul représentant gueillir d’avoir fait avancer un dossier en suspens depuis de authentique du MFDC. C’est un deux États », confiait une source diplonombreuses années: la construction d’un freinaujourd’hui»,convientunmédiateur. matique. Mais c’était avant l’affaire des pont sur le fleuve Gambie – un vieux rêve En attendant, sur le terrain, « on a à Ziguinchor. Le 4 août, le Sénégal et la exécutions de condamnés à mort (dont observé une forte accalmie des affronGambie l’ont concrétisé en signant un deux Sénégalais) à Banjul, qui a provoqué tements ces derniers mois, note Nouha mémorandum. Cet acte marque « une la colère de Dakar. Cissé. On n’avait pas vu ça depuis longnouvelle ère dans les relations entre les Malgré ces tiraillements, Sall sait que temps ». ● RÉMI CARAYOL

volonté de négocier », confie un cadre du MFDC (aile civile), Louis Tendeng. « Les choses ont changé avec Macky, souligne Nouha Cissé, un des observateurs les mieux informés. La première nouveauté, c’est qu’il a répondu publiquement à la main tendue de Sadio, qui s’est dit ouvert aux négociations à deux reprises depuis décembre 2011. La deuxième, c’est que le président est prêt à négocier n’importe où, même à l’étranger, ce que refusait Wade. »

MAURITANIE

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Le Plus de J.A. ÉCONOMIE

Retour au réel

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

Réduction des dépenses publiques, remise en confiance du privé, accélération du développement rural… Le gouvernement a du pain sur la planche pour remettre le pays sur les rails d’une croissance stable.

! CENTRALE ÉLECTRIQUE DE LA SENELEC dans une zone industrielle de Dakar.

L

e Sénégal « réel » est de retour. Fini les délires du visionnaire Abdoulaye Wade, qui parlait d’une centrale nucléaire à Diourbel et voulait un Brasilia au nord de Dakar, tout en multipliant les agences chargées de mettre en musique ses foucades… et de faire « manger » ses affidés. À l’évidence, dès son élection à la présidence, Macky Sall s’est attelé à remettre d’aplomb un État et une économie malmenés par une décennie de voltige budgétaire et de projets mal suivis. Au grand soulagement des partenaires du Sénégal, qui, tel Shanta

Devarajan, économiste en chef pour le continentdelaBanquemondiale,estiment que le pays « est entré dans un processus que nous souhaitons pour l’Afrique », ou qui,avecSandraEugène-Kassab,coordonnatrice régionale à l’Agence française de développement (AFD), constatent « des signaux de reprise de confiance ». ASSAINISSEMENT. Plus un seul franc CFA

dans les caisses. Un déficit qui menaçait d’atteindre la taille de celui de la Grèce… Il y avait urgence à faire le ménage, car les chèques de la France et de l’Union

européenne ne pouvaient avoir qu’un temps. Le nettoyage est en cours. Le gouvernement a donc été réduit à 25 membres, contre 37 auparavant. Il a taillé dans les salaires des directeurs d’agences, et en a supprimé 60 d’entre elles. Il a interdit à ses troupes la première classe et élagué les dépenses publiques de téléphone en supprimant 687 abonnements abusifs. Il a fallu différer des investissements peu essentiels, et le président a proposé de supprimer le Sénat et d’affecter son budget de 8 milliards de F CFA (12,2 millions

LE DÉFICIT SE CREUSE, LES INVESTISSEMENTS S’ESSOUFFLENT

2,5 %

DÉFICIT BUDGÉTAIRE

INVESTISSEMENTS (En % du PIB)

29,3

29,7

29,2

30,9

%

INFLATION

N 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

37%

INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS (En millions de dollars, en prix courants)

398 320

266

286

2010

2011

5,2

2009 o

TAUX D’ENDETTEMENT

ENCOURS DE LA DETTE PUBLIQUE

6,4

84

2010

2011

2012

milliards de dollars

2008

2009

JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ? NUMÉRO DEUX AU SEIN DE L’UEMOA PIB

Rang sur 183 pays classés, en 2011 Mali

25,2 14,1

Côte d’Ivoire Sénégal

10,2

Burkina Faso Mali

11

Bénin

7,5 6,8

Niger

Sénégal Togo

Guinée-Bissau

PIB PAR HABITANT

INVESTISSEMENTS

En dollars, en 2012 Côte d’Ivoire

1 079,0

Sénégal

1 028,0

Bénin Burkina Faso

663,8 553,6

Guinée-Bissau Togo

17,6 15,6 10,1 8,2

En millions de dollars, en 2011 14,0 8,1

Mali

Bénin

Bénin

INVEST. DIRECTS ÉTRANGERS

Côte d’Ivoire

Togo

18,6

Côte d’Ivoire

En % du PIB, en 2012 Niger

Sénégal

20,4

Togo

Guinée-Bissau

436,1

CROISSANCE

Guinée-Bissau

39,0 29,2

Sénégal

Burkina Faso

495,4

Niger

En % du PIB, en 2011 Niger Mali

740,3 677,0

Mali

Burkina Faso

173e 175e 176e

Niger Bénin

1

Guinée-Bissau

167e

Côte d’Ivoire

3,6

Togo

146e 150e 154e 162e

Burkina Faso

1 014

Niger 344 286

Côte d’Ivoire

6,0

Sénégal

5,0 4,5

178

Mali Bénin

4,4 3,8

Togo Guinée-Bissau

3,5

Burkina Faso

118 54 19 7

Sources : FMI, avril 2012 - Banque mondiale, oct. 2011 - Pnud, nov. 2011 - Cnuced, juillet 2012 - ministère de l’Économie et des Finances, juillet 2012.

CLIMAT DES AFFAIRES

En milliards de dollars, en 2012

* Prévisions

d’euros) à l’aide aux victimes des inondal’huile, du sucre et du riz. Toutefois, assaitions urbaines à répétition. nissement n’est pas développement et les Si l’on en croit le Fonds monétaire chantiers qui attendent le gouvernement sontredoutables,carleSénégalestmalade, international (FMI), avec ces mesures le et depuis longtemps. Pays le plus aidé de déficit budgétaire serait contenu à 6,4 % du produit intérieur brut (PIB) cette année et reviendrait à 5 % « Le Sénégal, c’est une grosse en 2013, puis à 4 % en 2015. La tête avec un corps frêle. » croissance atteindrait 3,8 % en OUSMANE TANOR DIENG, secrétaire général du Parti socialiste 2012, contre 2,6 % en 2011, avant de monter à 4,5 % l’an prochain. L’inflation est raisonnable, la région, avec des appuis représentant à 2,5 %, après des discussions avec les 7,3 % de son PIB en 2010, il affiche une commerçants pour abaisser les prix de croissance inférieure à celle de pays moins bien lotis du Sahel, comme le Burkina Faso ou le Niger. Après un plan Retour vers l’agriculture Croissance PIB (Reva) et une Grande Offensive agricole (Variation du PIB,en %, (en milliards en prix constants) de dollars, en prix pour la nourriture et l’abondance (Goana, courants) abandonnée, lire p. 89), la récolte d’ara15,1 12,9 14,5 chidedemeureballottéeaugrédelamétéo, 14,1 4,5 12,8 et le pays importe toujours les quatre cin4,1 3,8 quièmes de sa consommation de riz. La moitié de la population vit en dessous du 2,6 seuildepauvretéetlepaysseclasse155e sur 2,1 187 dans le Rapport mondial 2011 sur ● ● ● 2009 2010 2011 2012* 2013* JEUNE AFRIQUE

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Le Plus de J.A. ● ● ● ledéveloppementhumaindesNations unies.ShantaDevarajan diagnostique trois problèmes: « Il existe au Sénégal trop d’oligopoles qui empêchent la concurrence, notammentdanslesproduitsalimentaires. L’inexistence d’un marché foncier nuit au décollage de l’agriculture. Les subventions aux infrastructures comme l’électricité ou le chemin de fer pèsent lourd sur le budget de l’État sans pour autant aider les plus pauvres. »

CASSE-TÊTE ÉNERGÉTIQUE. L’énergie est

devenue un véritable casse-tête, tant les gouvernements successifs ont eu peur de déclencher des émeutes en la faisant payer un prix se rapprochant de la réalité. Obligé de combler les pertes de la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), dont le manque de moyens provoque des coupures de courant insupportables, le pouvoir a été contraint d’aggraver le déficit budgétaire en accordant des subventions, amputantde2pointslacroissancedupays, tandis que 76 % des entreprises se sont dotées d’un groupe électrogène. Derniers chiffres connus : les subventions à l’énergie s’élèveront cette année à 150 milliards de F CFA, alors qu’elles avaient été budgétisées pour 40 milliards… Quand les pouvoirs publics réserveront-ils ces largesses aux plus nécessiteux, au lieu d’en faire profiter aussi les classes aisées? « Le Sénégal, c’est une grosse tête avec un corps frêle », déplore avec raison le socialiste Ousmane Tanor Dieng. Dakar concentre un quart de la population du pays, mais s’adjuge 56 % des dépenses publiques. Quand mettra-t-on fin à cette iniquité, qui a pour conséquence d’accélérer l’exode rural ? Car, comme le souligne LudovicSubran,cheféconomistedel’assureur Euler Hermes, « il est difficile de faire de la croissance avec une démographie urbaine qui s’accroît de façon exponentielle et suscite une formidable demande en éducation, santé et énergie ». Pas de croissance non plus si le secteur privé ne décolle pas. Or le Sénégal conserve, selon Ludovic Subran, « un environnement des affaires médiocre en raison des lourdeurs des procédures pour créer une entreprise ». Il faut par exemple compter deux cent dix jours pour obtenir un permis de construire. La « République exemplaire » voulue par Macky Sall devra, aussi, se montrer très, très persévérante dans les réformes et les changements de comportements. ● ALAIN FAUJAS N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

QUESTIONS À | Mouhamadou Mbodj YOURI LENQUETTE POUR J.A.

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Coordonnateur du Forum civil (section sénégalaise de Transparency International)

« Pas d’avenir sans contrôle efficace » JEUNE AFRIQUE : Que pensezvous des audits lancés par le nouvel exécutif ? MOUHAMADOU MBODJ : Jusqu’à présent, Macky Sall n’a fait que reprendre les audits qu’AbdoulayeWade avait commandités et lever les verrous qui empêchaient ces derniers d’être adressés à la justice. C’est déjà ça. En douze ans, l’ex-président Wade a lancé des projets d’infrastructures scolaires, routières, sanitaires…, qui s’avèrent inachevés. Quelle est la responsabilité de Wade à cet égard ? Quelle est

Il n’y a pas d’avenir pour le Sénégal si l’on ne parvient pas à un contrôle optimal et efficace de l’utilisation de ces ressources. Deux études intéressantes ont été publiées sur la question par des professeurs agrégés d’économie de l’université CheikhAnta-Diop de Dakar, Abdoulaye Seck et François Cabral. Seck démontre que, lorsque la corruption se généralise, la baisse de 1 point dans l’indice de sa perception équivaut à 384 milliards de F CFA [585,4 millions d’euros] perdus dans des transactions douteuses, ce qui obère donc l’efficacité économique du pays. L’étude de Cabral prouve quant à elle que, chaque fois que 10 % de l’investissement public sont détournés, l’indice de bien-être fléchit et celui de la pauvreté s’accroît, jusqu’à créer, en absolu, 62000 nouveaux pauvres chaque année.

Le pays se retrouve confiné parmi les États « fortement corrompus » dans le classement 2011. celle des intermédiaires – ministères, agences, etc. ? Il est important de répondre à ces questions. Dans leur écrasante majorité, les Sénégalais ont décrié la gestion des affaires publiques, et le pays se retrouve confiné parmi les États « fortement corrompus » dans le classement du degré de perception de la corruption établi par Transparency International en décembre 2011 : il occupe le 112e rang [ex æquo avec l’Algérie et l’Égypte, NDLR] sur 183 pays classés, avec un score médiocre de 2,9 sur 10. Quels sont les enjeux d’une bonne gestion des ressources publiques?

Y a-t-il des mécanismes prioritaires à mettre en place pour prévenir les dérives ? Il faut renforcer le dispositif institutionnel, les procédures et le système de contrôle pour lutter contre la corruption. Mais aussi le contrôle par les citoyens. L’État doit notamment ouvrir les comptes publics pour leur permettre d’accéder aux informations financières. ● Propos recueillis à Dakar par NICOLAS LY JEUNE AFRIQUE



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Macky peut-il changer le Sénégal ? AGRICULTURE

Adieu la Goana

La Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, lancée en 2008, n’a pas permis d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Quel est le nouveau plan ?

C

QUESTION DE VOLONTÉ. « Wade n’écou-

tait personne! déplore Baba Ngom. Or on ne peut pas faire de développement sans les acteurs du secteur. » Pour l’instant, il constate « moins d’arrogance » de la part des nouvelles autorités. Entre les deux tours de la présidentielle, Macky Sall a été le seul candidat à recevoir le CNCR et s’est engagé à répondre à ses demandes. À commencerparl’application de la loi d’orientation agroEn 2011, la mauvaise pluviométrie sylvo-pastorale (Loasp) de et le quasi-arrêt des subventions 2004, qui protège les droits ont remis le secteur en crise. des petites exploitations, et une réforme pour assurer d’être fixé (61 milliards de F CFA, soit près la sécurité foncière des exploitants. Baba de 93 millions d’euros), mais le premier Ngom est convaincu que l’autosuffisance conseiller du ministre affirme avoir déjà alimentaire est une question de volonté politique : « Il y a environ 250 000 ha de démarré plusieurs chantiers : la mise en place d’un système d’information agricole champs irrigables, or nous n’en exploitons « pour avoir des statistiques fiables », et la que 80 000. Il faut se fixer des objectifs reconstitution du capital semencier. Dans réalistes et irriguer un peu plus chaque les prochaines semaines, des ateliers sur année. » ● MAUD JULLIEN, à Dakar

un matin pour décider, sans consulter personne, qu’il allait redistribuer des terres à des gouverneurs, des préfets, des marabouts… De gros clients politiques qui n’avaient jamais cultivé de leur vie. » Le gouvernement veut donc tout reprendre de zéro. Le budget 2013 du ministère de l’Agriculture vient à peine

! LA MÉCANISATION

est en marche. Ici, à Djilakh, au sud de Dakar.

GEORGES GOBET/AFP

«

est quoi déjà la Goana, un reptile? » lance JeanPierre Senghor, premier conseiller technique au ministère de l’Agriculture. Une pirouette qui illustre bien la volonté du nouveau régime de rompre avec la politique agricole de l’ère Wade. « On ne va pas plonger dans des concepts que l’on ne saisit pas totalement, poursuit-il, mais on va faire un bilan, voir ce qui a marché ou pas. » Il promet que la Goana sera soumise à un audit. Les fonds injectés dans le secteur à travers la Goana avaient pourtant provoqué une embellie agricole (lire encadré). « Mais les bases de cette croissance étaient fragiles », explique le professeur Abdoulaye Diagne, du Consortium pour la recherche économique et sociale. « Les subventions ne se sont pas traduites par une forte injection d’intrants dans le secteur, une grande partie des ressources ayant été détournées avant d’arriver aux producteurs. » En 2011, une mauvaise pluviométrie conjuguée à un quasi-arrêt des subventions a replongé l’agriculture dans la crise. « La Goana, c’était des blagues », s’emporte Baba Ngom, le secrétaire général du Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), qui regroupe vingthuit associations d’agriculteurs. « Abdoulaye Wade s’est levé

la maîtrise de l’eau, la mécanisation de l’agriculture, la formation et la recherche seront mis sur pied. Ce sont les trois principaux axes de la nouvelle politique agricole. Jean-Pierre Senghor assure que, cette fois, « tous les acteurs seront inclus dans les consultations », qui aboutiront à un plan quinquennal.

INVESTISSEMENTS MASSIFS, RÉSULTATS MITIGÉS AVEC LA GRANDE OFFENSIVE AGRICOLE pour la nourriture et l’abondance (Goana), dont le montant était de plus de 344 milliards de F CFA, soit plus de 524 millions d’euros, les dépenses publiques en faveur du secteur agricole sont passées de 176 à JEUNE AFRIQUE

228 milliards de F CFA en un an. La production de riz a connu une forte croissance: la campagne 2010-2011 était de 604000 tonnes, contre 193000 t en 2007-2008, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. Résultat: les importations ont chuté,

passant de plus de 1 million de tonnes en 2007 à 650000 t en 2010. Pourtant, en 2011, trois ans après le début de la Goana, les importations s’élevaient encore à plus de 800000 t et, en juin 2012, la production a baissé de 32 % par rapport à 2010-2011. Abdoulaye Diagne estime

qu’un programme pour l’autosuffisance alimentaire reste une urgence, mais que celui-ci doit être bâti sur de nouvelles bases: « Il faut favoriser l’investissement privé en mettant en place un cadre institutionnel plus cohérent et optimiser l’allocation des ressources publiques. » ● M.J. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Le Plus de J.A.

! À LA SORTIE DE DAKAR, l’autoroute à péage vers Diamniadio. CHANTIERS

On change les cadres et on continue Avec un bilan plutôt positif et un nouveau directeur général, l’Agence nationale chargée de la promotion des investissements et des grands travaux garde le cap. Mais doit gagner en transparence.

M

leur chiffre d’affaires à l’export de bénéfioins de gaspillage, plus de cier d’exonérations des droits de douane. transparence, mais pas de bouleversements. L’Agence Résultat, selon la Conférence des Nations nationale chargée de la unies sur le commerce et le développepromotion des investissements et des ment (Cnuced), le flux d’investissements grands travaux (Apix) reste une structure directs étrangers vers le Sénégal est passé autonome rattachée à la présidence de la de 63 millions de dollars (66,8 millions République, avec un statut de société anod’euros à l’époque) en 2000, date de la nyme à participation publique majoritaire, création de l’agence, à 286 millions de et poursuit les travaux engagés, « dans la dollars en 2011 (voir infographie p. 84). continuité ». En revanche, conformément au mot d’ordre du chef de l’État, Diène CRÉDIT. Le nouveau patron de l’Apix veut Farba Sarr, son nouveau directeur général s’inscrire dans la continuité d’un bilan (il y a tout de même quelques changedont il estime qu’une partie est à mettre ments), promet d’optimiser les coûts et au crédit de Macky Sall, lequel était en d’accroître la transparence au sein de la société. Le budget de l’Apix augmentera S’il n’est pas question de faire de 10 milliards pour passer à table rase de l’Apix, c’est que, 46 milliards de F CFA en 2013. jusqu’à présent, elle a plutôt bien rempli ses objectifs. Comme le souligne l’économiste Alioune Camara, effet Premier ministre d’Abdoulaye Wade « elle a contribué à améliorer le climat de 2004 à 2007, au moment où la plupart de ces chantiers ont été engagés. Diène des affaires au Sénégal en mettant en place des dispositifs comme le guichet FarbaSarrétaitsonconseiller.«Nousavons lancé alors les grands travaux de l’État et unique, grâce auquel on peut désormais créer une entreprise en quarante-huit nous allons les poursuivre », assure-t-il. À heures, ou le statut d’entreprise franche, commencerparlechantierdel’autorouteà quiinciteàl’exportation»,puisqu’ilpermet péage entre Dakar et Diamniadio, qui doit aux entreprises réalisant plus de 80 % de être livrée en août 2013, dont le montant N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

global s’élève à 231 milliards de F CFA (plus de 352 millions d’euros). Le tronçon entre Diamniadio et l’aéroport international Blaise-Diagne devrait être prêt dans le courant du second semestre 2014. Quant aux investissements étrangers, l’objectif du nouveau directeur est de les faire passer de moins de 20 % actuellement à 30 % du PIB d’ici à 2018. Pour attirer les entreprises, l’Apix promet d’améliorer l’environnement juridique et fiscal et d’optimiser les facteurs de production tels que les ressources humaines et, surtout, les ressources énergétiques. Il lui faudra aussi résoudre les problèmes d’accès au foncier, en surveillant les usages dans les pays concurrents. Pas de modification radicale non plus dans la gestion de l’Apix elle-même. « Les changements seront stratégiques, organisationnels, techniques et humains, sans remettre en question la structure organisationnelle globale », résume Diène Farba Sarr. Toutefois, on notera que pour remplir ses missions l’agence dispose d’un budget d’un peu plus de 46 milliards de F CFA pour 2013, soit 10 milliards de plus que pour l’exercice 2012. L’Apix a souvent été accusée de ne pas gérer ses projets de manière suffisamment JEUNE AFRIQUE

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

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Macky peut-il changer le Sénégal ? transparente. « On ne sait pas ce qui s’y passe », remarque Mouhamadou Mbodj, le coordonnateur de l’ONG Forum civil, branche de Transparency International (lire p. 86). « Il faudrait un audit organisationnel en plus de l’audit financier en cours… » poursuit-il, regrettant que les projets de l’État n’aient fait l’objet d’aucune consultation, ni d’études techniques préalables, ni d’appels d’offres. EXCLUSIF. DièneFarbaSarrassure,lui,que

désormais, « conformément aux souhaits du président », l’Apix sera gérée selon un système de gouvernance « fait de sobriété et de rigueur pour générer des résultats au bénéfice exclusif des populations ». À cet égard, Sarr a nommé un membre de l’inspection générale d’État, par qui transiteronttouslesdossiers.Uneprécautionque l’ex-patronne de l’Agence, Aminata Niane, n’avait pas prise… Contre toute attente, le 14 septembre, Macky Sall a cependant nommé cette dernière conseillère spéciale chargée des grands travaux, avec rang de ministre. ● MAUD JULLIEN

Diène Farba Sarr, un fidèle

L

e nouveau patron de l’Apix fait partie des proches de longue date du président Macky Sall. Les deux hommes se rencontrent en 1999 au sein de la cellule des cadres du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade. Celui qu’on appelle Diène Farba rédige des articles reprenant les arguments du chef du PDS quand le coordonnateur de la cellule, Macky Sall, le repère. En 2004, ce dernier devient Premier ministre. Trois heures après sa nomination, il fait de Diène Farba Sarr son conseiller spécial. Son domaine de prédilection: l’infrastructure. Parallèlement à sa fonction de conseiller en gestion, il est commissaire du gouvernement auprès du conseil des infrastructures et vice-président du conseildesroutes.Ilaffirmequesousson impulsion Macky Sall a inspiré tous les grandsprojetsroutiersquionttransformé Dakar sous la présidence de Wade.

en un clic

! IL DEVIENT CONSEILLER

de Macky Sall en 2004. SPÉCIAL

Quand Macky Sall démissionne du gouvernement et forme l’Alliance pour la République (APR), Diène Farba Sarr le suit. Membre de la première heure, il représente toujours le parti à l’étranger et coordonne ses activités à Kaolack. Il a même consacré un livre au président, Macky Sall, un combat pour la République,paruauxéditionsSentinelles en juin 2011. ● M.J.

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TOURISME

Loin des sentiers battus TORRIONE STEFANO/HEMIS.FR

Nouvelles priorités pour le secteur. Après Dakar, place au patrimoine régional pour faire progresser l’économie locale.

! DANS LE SINE-SALOUM, à Palmarin, la plage d’un grand hôtel.

L

types et répondre à toutes les demandes. » Béranger Ngom, le président de l’Aphore, e tourisme doit améliorer les conditionsdeviedespopulations. En clair : faire en sorte que la destination l’association des professionnels du secDans cette perspective, Amdy redevienne attrayante et accessible. teur (plus de 1 500 membres), estime Sène, directeur de la réglemenL’objectif est de passer de 900 000 visique la réduction des prix ne bénéficie teursen2011(enhaussede6%parrapport tation et de l’encadrement touristique qu’aux investisseurs et que « quand un au ministère concerné, souhaite que les à 2010) à 1,5 million par an à court terme. pays est crédible et paisible, il n’a pas entreprises puissent intégralement recruPour cela, il faut reprendre des parts de besoin de ce genre de mesures pour ter et s’approvisionner au Sénégal. marché à la concurrence. En ligne de attirer les gens ». Pour l’heure, « la plupart des emplois du mire, le Maroc et la Tunisie, avec une TVA L’association souhaite surtout un meilsecteur sont soit informels, soit, pour les à moins de 10 %. leur contrôle des structures hôtelières postes en hôtellerie, à temps partiel », note « Si les recettes du tourisme augmenet la fin de la concurrence déloyale de Mbaye Diène, chercheur au Consortium tent [de 100 milliards de F CFA en 2002, celles qui ne paient pas leurs impôts. Cela pour la recherche économique et sociale. passe par l’homologation de l’ensemble des établissements et la sécurisation Le gouvernement veut aider les habitants Un billet trop cher des zones touristiques à constituer des des lieux touristiques. Le gouvernement structures d’accueil autogérées, mais aussi s’engage à s’y atteler. « On ne sait pas qui à valoriser les sites et les monuments et à travaille et qui est payé, on ne maîtrise développer des circuits de visite dans les pas le nombre de touristes qui arrivent, déplore Amdy Sène, et les pertes en dé villages. « Il faut que les populations ons se recettes fiscales liées à l’absence rendent compte qu’elles détiennent des re H C E richesses culturelles qui ont tendance d’informations sont énormes. » K RRA -TUNIS 0/330 € A à disparaître », plaide Amdy Sène. IS R M A P 18 Youssou Ndour, ministre de la CONTRÔLE. L’assainissement, PARIS Culture et du Tourisme depuis avril c’est aussi au un meilleur contrôle de certaines dernier, est en première ligne. Il doit oit tain activités annexes informelles qui inaugurer à Toubacouta, dans le delta du tendent à se développer. Les professionSaloum, un complexe touristique comprenels estiment notamment que la faiblesse nant un écomusée, un espace artisanal et des barèmes hôteliers contribue au déveun centre de formation. La région enclavée soit 152 millions d’euros, à 300 milliards loppement de la prostitution, et appellent de Kédougou devrait suivre. de F CFA en 2011, NDLR], le pays reste à la révision de la convention hôtelière, tout petit en termes de part de marché », qui ne prend pas en compte la cherté de DÉCENTRALISER. Pendant plusieurs explique Mbaye Diène. Pour être plus la vie. « Nous avons un petit territoire années, une grande partie des investiscompétitif, le ministre du Tourisme a facile à contrôler, et la prostitution ou la sements a été consacrée au tourisme annoncé étendre la baisse de la TVA à circulation de drogues ternissent notre d’affaires, concentré à Dakar. Au détri10 % dans toute l’industrie touristique, image », dénonce Béranger Ngom. Le ment de ses autres formes. Le nouveau ministère promet que la police touristique et non plus dans la seule hôtellerie. Des gouvernementsouhaitedoncdécentraliser accords devront aussi être passés avec des sera réorganisée et renforcée. les efforts : « Le tourisme haut de gamme compagniesaériennespourbaisserlesprix Pour inverser la tendance et rendre le n’est plus d’actualité, annonce Amdy Sène. desbillets.Des mesures réclamées par les Sénégal aussi attrayant que ses voisins, Il faut voir le Sénégal comme un ensemble patrons, mais décriées par les personil reste donc de gros efforts à fournir. ● à promouvoir, prendre en compte tous les nels de l’hôtellerie et de la restauration. MAUD JULLIEN

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PRESSE

Futurs Médias à l’épreuve du pouvoir

Le groupe réunit le journal, la radio et la télé qui ont la plus grande audience du pays. Mais depuis que son patron, Youssou Ndour, est devenu ministre, les choses ne sont plus aussi simples.

U

ne pointe d’autosatisfaction accompagnait la célébration, début septembre, du dixième anniversaire du groupe Futurs Médias (GFM). Il faut dire que l’entreprise fondée en 2002 par Youssou Ndour, le roi du mbalax, peut se permettre de plastronner. Selon ses dirigeants, Radio Futurs Médias (RFM) – l’aînée de la fratrie, née en 2002 – est la plus écoutée dans la région de Dakar. Un petit tour dans les taxis de la capitale, véritables curseurs en matière d’audience, confirme la tendance. L’Observateur, le quotidien de 16 pages lancé un an plus tard, est aujourd’hui le journal le plus lu au Sénégal, et de loin, puisqu’il tire (toujours selon le groupe) à 95 000 exemplaires. Enfin, la petite dernière,TéléFutursMédias,estl’unedestrois chaînes de télévision les plus regardées, deux ans après son lancement, en 2010.

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

de Youssou Ndour dans le gouvernement Futurs Médias, avec ses quelque de Macky Sall, en avril dernier, un flot de 400 salariés, est un groupe solide. suspicions s’est abattu sur les médias du Rentable, aussi, si l’on se fie à son direcgroupe. Il y a ceux qui pensent, comme teur général, Mamoudou Ibra Kane. ce patron d’un journal concurrent, que Une success-story que les observateurs expliquent par le professionnalisme des « L’Obs c’est désormais le deuxième jouréquipes de ces trois médias et par les nal gouvernemental » et que, avec la grosses sommes investies, au départ, par nomination du « boss » au ministère de « You ». D’après un ancien de RFM, « il s’est payé les Les journalistes de RFM mettent meilleures plumes, les meilen avant leur indépendance leurs animateurs et, surtout, et leur esprit critique. il met à disposition de ses équipes du matériel de qualité ». Les journalistes maison, eux, la Culture et du Tourisme, le quotidien mettent en avant leur indépendance et serait subitement devenu docile. « C’était leur esprit critique. notre premier opposant quand on était aux affaires et, aujourd’hui, c’est le preSUSPICIONS. Pourtant, à l’approche du mier supporteur de Macky Sall », déplore dixième anniversaire, cette belle réputaquant à lui un collaborateur d’Abdoulaye tion a été quelque peu ternie. Avec l’entrée Wade. Il est vrai que, durant les derniers JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ? Sall. Il faut que l’engagement de Youssou Ndour dans le gouvernement se reflète dans la ligne de son groupe de presse. » En d’autres termes, s’aligner ou se retirer… Un autre proche du chef de l’État, Jean-Paul Dias, dont les déclarations incendiaires sont une marque de fabrique, a estimé que la présence de You dans le gouvernement faisait « désordre », non pas parce que c’est un artiste, mais parce que ses médias dérangent.

! NÉE EN 2002, la radio est l’aînée de la fratrie.

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

MALAISE. Au sein du gouvernement,

mois de sa présidence, le journal, comme la plupart des autres quotidiens, était particulièrement mordant. Il y a aussi ceux, dont certains proches de Sall, qui encaissent mal les (rares) critiques qu’ils peuvent lire dans L’Obs. En juin, plusieurs d’entre eux s’en sont pris publiquement au ministre de la Culture. « Son groupe de presse nous attaque quotidiennement, c’est inacceptable, s’est indigné Djibril War, un cadre de l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky

neuf ans. Le fait que les critiques viennent des deux côtés du paysage politique est de nature à le conforter. « Cela signifie que nous faisons notre travail. Affirmer que nous sommes aux ordres de Youssou Ndour,c’estmalconnaîtrenosjournalistes. Et c’est mal connaître Youssou, car il a beaucoup de respect pour la profession. » L’Obs, You le découvre comme tout le monde, lorsqu’il est déjà en kiosque. Idem pour sa radio et sa télé. « Contrairement à d’autres patrons, il n’est pas du genre à se mêler de tout », affirme l’un des anciens journalistes du groupe passé depuis à la politique. Le ministre reconnaît d’ailleurs ne pas être toujours d’accord avec ce qu’il y lit ou entend. « Ce groupe, dit-il, c’est une grande fierté, j’ai mis beaucoup d’argent dedans, je ne vais pas hypothéquer son avenir ou le mettre en danger parce que

même les plus mesurés admettent un malaise. « C’est une situation délicate…, glisse l’un d’eux. Disons que Youssou, par le passé, a su tenir ses journalistes. » Sous-entendu : plus maintenant. Plusieurs articles de L’Obs sont incriminés, mais c’est celui qui portait sur le patrimoine du président, où l’auteur constatait qu’il ne L’Obs, « You » le découvre en collait pas avec les salaires, kiosque, comme tout le monde. qui a mis le feu aux poudres. Idem pour sa radio et sa télé. Selon la rumeur, Sall s’en seraitplaintauprèsdeNdour, je me suis engagé en politique. Sa force, qui aurait convoqué le rédacteur en chef. L’entourage des intéressés nie. L’auteur de c’est son indépendance. » La frontière n’en est pas moins étroite l’article, Pape Sambaré Ndour, n’en a luimême pas eu confirmation. « Je sais que, et le mur qui sépare la rédaction du grand le lendemain, des proches de Macky ont patron friable, ainsi qu’il le fait lui-même appelé la rédaction; mais jamais Youssou remarquer : « Je ne peux pas m’engager Ndour ne m’en a parlé », explique le jourdans un combat et accepter que, dans naliste, rédacteur à L’Obs depuis deux ans, le même temps, mon journal détruise qui affirme n’avoir jamais subi de pression ce combat. Mon journal ne doit pas me de la part du patron. Au contraire, « il ne gêner. Mais j’estime qu’il ne doit pas non passe quasiment jamais à la rédaction. En plus me cirer les pompes. » deux ans, je l’ai vu peut-être deux fois, et il Et Mamoudou Ibra Kane de renchérir : nous a toujours dit que nous étions libres ». « Les Sénégalais nous ont adoptés pour Dans le bureau qui, jusqu’en avril, était notreindépendanceetnotresensdel’équioccupé par la star planétaire, au deuxième libre. Le jour où nous ne les satisferons étage des studios de la TFM, Mamoudou plus, ils nous lâcheront. Mais ce n’est pas Ibra Kane est à l’aise. Le journaliste connaît le cas. » Ces derniers mois, L’Obs a même bien la maison. Il a dirigé la RFM pendant augmenté ses ventes. ● RÉMI CARAYOL

air Sénégal, de pour Serv on m u d t û Le go des normes respectueux c’est d’être les. écificités loca es et des sp al n io at e rn te in tion aérienn e la restaura d rs ie ét m Le goût des ortuaires. rvices aérop se es d x u ce et aussi de our répondre du service p t û go le r, ort Et bien sû ers de l’Aérop es des passag nn ie id ot qu es . aux attent R SENGHOR POLD SEDA O LE l na io at Intern

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Le Plus de J.A. INITIATIVE

Audace productive

Rien ne les prédisposait ni au management ni à la création d’entreprise. Malgré les risques et le manque d’expérience, ils ont osé.

Valérie Quenum Ndiaye Nutritionniste en chef Directrice générale d’Esteval

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alérie Ndiaye a pris de gros risques. Médecin de formation, elle a quitté son poste de directrice de la nutrition au ministère de la Santé en 2008 pour créer son entreprise de transformation de fruits : Esteval. « On m’a traitée de folle », se souvient-elle. Mais elle était déterminée. « Les Sénégalais pensent que les fruits sont réservés aux pauvres ou aux petits enfants », explique la nutritionniste. Or elle est convaincue que les consommer en grandes quantités diminuerait carences et diabètes. Quatre ans après sa création, Esteval compte quinze employés et propose une large gamme de jus, sirops et fruits séchés. Des produits naturels, avec très peu de sucres ajoutés. Au début, les ventes n’ont pas décollé. Les habitudes ont la vie dure. Mais l’an dernier, le chiffre d’affaires a été multiplié par quatre par rapport à 2008, atteignant presque 10 millions de F CFA (15 000 euros). « Les gens commencent à manger moins sucré », assure-t-elle. Même si elle est obligée de réinvestir tous ses bénéfices, elle n’a pas de regrets. « Je ne me sentais pas vraiment utile au ministère. Maintenant au moins, il y a des jus locaux dans les supermarchés ! » ● MAUD JULLIEN

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

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Moustapha Seye Savant dosage Directeur de Diprom

«

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e suis ce qu’on appelle un selfmade-man ! » lance Moustapha Seye en souriant. En fin de carrière, le sexagénaire évoque son parcours avec réserve. Avant de devenir le patron de Diprom, numéro un dans la distribution et le stockage d’hydrocarbures, la transformation d’acier et la distribution de produits métalliques, il a été comptable et

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

propriétaire d’une quincaillerie. Très tôt, Moustapha Seye a compris qu’il n’avait pas besoin de faire d’études supérieures pour réussir dans le monde des affaires. « Je voulais apprendre en faisant. » Il n’a pas 20 ans quand il entre chez Afrique Auto, une entreprise française dont il gravit les échelons tout en mûrissant son projet : devenir son propre patron.

Au bout de treize ans, il prend le pari. Il démissionne pour ouvrir une quincaillerie qu’il tient le temps de récolter 1,5 million de F CFA (2 286 euros) et de recruter dix personnes. Diprom est en marche. Vingt-cinq ans plus tard, l’entreprise compte 500 employés et affiche un chiffre d’affaires de 15 milliards de F CFA. ● M.J. JEUNE AFRIQUE


Macky peut-il changer le Sénégal ?

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Sadiya Gueye Un top en grande forme Directrice du complexe de mode Sadiya

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YOURI LENQUETTE POUR J.A.

adiya Gueye est devenue mannequin par hasard : une amie l’a inscrite à un concours de beauté. Quand elle rentre au Sénégal après dix ans de carrière, c’est le fruit d’un choix longuement mûri. « J’ai toujours su que je reviendrais pour développer mon pays », affirme l’ancienne top-modèle, qui fut un temps l’égérie d’Yves Saint Laurent. Elle voit les choses en grand. En 1997, elle investit plus de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) pour ouvrir le premier complexe de mode du pays, composé d’une école de stylisme et de mannequinat, d’une ligne de création et de salons de beauté et de remise en forme. Quinze ans après l’ouverture du complexe Sadiya, qui emploie cinquante personnes, le chiffre d’affaires s’élève à environ 300 millions de F CFA. Plus d’une centaine d’élèves y sont formés chaque année. Mais la directrice est loin d’avoir atteint ses objectifs : elle voudrait vendre partout dans le monde des vêtements dessinés et produits localement, mais ne peut répondre aux commandes faute de machines et de personnel qualifié. Elle essaie donc de convaincre des fabricants européens de venir en Afrique, « moins lointaine que l’Asie ». ● M.J.

Henri Senghor Rotatives, restos et rythme jazz Directeur de Good Rade et de Graphiplus enri Senghor a arrêté l’école à l’âge de 15 ans. Cela ne l’a pas empêché de devenir le patron de l’une des plus grandes imprimeries du pays, Graphiplus, et du complexe d’hôtellerie et de restauration Good Rade. Il pèse plusieurs centaines de millions de francs CFA et emploie une centaine de personnes. S’il a mis fin prématurément à ses études, c’est parce qu’il a dû aider sa mère. Après plusieurs petits boulots, il monte une imprimerie avec des associés. Très vite, il continue, mais seul: « Les autres étaient satisfaits de leur situation, moi je voyais plus loin. » Graphiplus connaît un essor rapide. Il développe alors Good Rade: un restaurant, un jazz-club et un hôtel. Leur particularité : ils sont situés au bord de la voie de dégagement nord. Ce n’est pas un cadre de charme mais c’est pratique. Henri Senghor cible les milliers de personnes JEUNE AFRIQUE

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

H

qui empruntent cette route chaque jour pour rentrer chez eux après le travail. Cela fait un tabac. À tel point qu’il vient d’ouvrir un complexe sur le même axe,

qui comprend un restaurant, six salles de séminaire, un amphithéâtre et deux boîtes de nuit. Le premier du genre à Dakar. ● M.J. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Le Plus de J.A.

ANDRÉ LEJARRE/LE BAR FLORÉAL

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! L’HÔPITAL DE NDIOUM, dans la région de Saint-Louis. SANTÉ

Des soins pour tous

Moins de 20 % des Sénégalais disposent d’une assurance maladie. La création d’une couverture universelle de base est donc l’une des réformes les plus attendues.

L

primes d’assurance ou de mutuelle, par des prélèvements sur les activités à forte rentabilité (télécoms, industries extractives, pharmaceutiques, tabac, transactions financières…) et par les économies dégagées grâce à la réduction du train de vie de l’État. À cet égard, Macky Sall a déjà supprimé, en mai, une cinquantaine d’agences et de directions publiques, ainsi que divers avantages dont bénéficiaient les membres du gouvernement. Pour Mballo Dia Thiam, le secrétaire général du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas), il est possibled’instaurerdanscesconditionsun mode de financement global et d’assurer « un système de santé équitable, comme l’ont fait d’autres pays, tel le Rwanda ». PLAN SÉSAME. Pas question cependant, pour engager le projet de la couverture maladie universelle, d’attendre par exemple que la dette des hôpitaux soit apurée. « Ces chantiers se feront en parallèle », précise-t-on au ministère de la Santé. Ainsi, depuis le mois de juin, une vingtaine de mutuelles ont déjà bénéficié du fonds d’équité (d’un montant de 650 millions de F CFA) destiné à la prise en charge médicale des personnes indigentes dans les régions de Kaolack, Fatick, Diourbel et Kaffrine. Ce programme pilote, fruit d’une coopération avec la Belgique, va permettre à 10000 personnes de recevoir gratuitement des soins d’ici à un an. « Ce fonds est un pas supplémentaire vers la couver-

des soins de qualité est un tout. « C’est pourquoi nous avons proposé au président d’augmenter le budget de la santé, qui est de plus de 110 milliards de F CFA pour l’année en cours [soit plus de 5 % du budget, NDLR], afin d’avoir des structures de qualité, un personnel qualifié et un plateau technique performant », explique-t-elle. Dans un premier temps, « des mesures Depuis le mois de juin, une vont être prises pour accévingtaine de mutuelles ont lérer le processus d’épuradéjà bénéficié du fonds d’équité. tion de la dette au niveau des hôpitaux ». Le budget du ministère de la Santé ne ture sanitaire universelle », souligne la permet pas, à lui seul, d’assurer la créaministre de la Santé. tion de la couverture maladie universelle Quant aux avancées obtenues sous la de base, mais, comme le confie El Hadj présidence d’Abdoulaye Wade, notamNiang, un médecin proche du nouveau ment le Plan Sésame (soins offerts aux FINANCEMENT. Pour Awa Marie Collpouvoir,l’Étatprévoitdemettreenplaceun personnes âgées), la gratuité des césaSeck, la ministre de la Santé, la couverture « mécanisme autonome de financement ». riennes, la prise en charge des malades maladie universelle et l’accès de tous à Ce dernier sera alimenté par la collecte de atteints de la tuberculose ou du sida, « elles seront maintenues et intégrées dans le système de financement global », TRAITEMENTS DÉCENTRALISÉS précise El Hadj Niang, qui reconnaît que L’UNE DES PRIORITÉS de la nouvelle politique de santé est de réduire les ces dispositifs étaient de bonnes initiadisparités entre Dakar et le reste du pays. Le gouvernement prévoit donc la tives. Mais sans mécanisme autonome création de centres hospitaliers universitaires (CHU) régionaux, d’écoles pour récolter des fonds, et compte tenu de paramédicaux (infirmiers, techniciens supérieurs de laboratoires, des difficultés de l’État à payer les hôpisages-femmes, etc.) et, là où il n’y a pas d’hôpitaux, d’unités médicales taux, elles rencontraient de nombreux mobiles. ● N.L. problèmes. ● NICOLAS LY, à Dakar

e candidat Macky Sall l’avait promis. Six mois après son élection, le gouvernement s’évertue à poser les jalons d’une couverture maladie universelle de base pour mettre en place un système de santé équitable et supprimer les injustices en matière d’accès aux soins. Le défi est énorme dans un pays où 80 % de la population n’a pas de couverture médicale (selon l’enquête démographique réalisée en 2005), où les hôpitaux de référence croulent sous le poids de la dette, estimée à 8 milliards de F CFA (plus de 12 millions d’euros), et qui manque cruellement de personnel qualifié ainsi que d’un plateau médical performant, premier frein à la mise en œuvre d’une telle politique de santé.

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JEUNE AFRIQUE



Entretien avec un acteur majeur de l’enseignement supérieur africain : Moustapha Mamba GUIRASSY, fondateur et DG du Groupe IAM (Institut Africain de Management) à Dakar. Ancien ministre de la Communication, des Télécommunications et des TICs et porte parole du gouvernement sénégalais, il est également le maire de la ville de Kédougou.

R Photo Geneviève SAUVALLE

IAM centre d’excellence labellisé par l’UEMOA, des programmes accrédités par le CAMES, une école certifiée ISO, Classée par Eduniversal parmi les 1000 meilleures écoles de commerce du monde, classée 2 fois par jeune Afrique parmi les top ten des business school africaines, membre fondateur de AABS qui est membre de la prestigieuse institution EFMD accréditant aux Moustapha Mamba GUIRASSY labels EQUIS et EPAS, bref un Président Fondateur parcours et des performances qui semblent résolument positionner l’IAM dans la cour des grands. Un secret ?

Peut-être pas un secret ; seulement que nous avons cessé depuis fort longtemps de parler d’éducation au management en Afrique ; nous parlons plutôt d’éducation africaine au management pour arriver à produire l’épure de la société africaine de demain. Ce New Deal Educatif, pour former ce que nous appelons les « Global Leaders, nous engage à garantir une offre excellente à nos différents partenaires que sont les étudiants, les cadres d’entreprises, les entreprises elles-mêmes. Et comme vous le savez, l’offre d’éducation ne saurait être excellente pour les « end users », si elle ne répond pas excellemment à la demande. Or la vraie demande de l’entreprise, voire de la société africaine, c’est la fabrication d’esprits créateurs, de consciences insoumises; mais pourtant conformes, compatibles avec les réalités, les intérêts et les valeurs de notre nouveau monde. Les exigences de la formation conformément à l’esprit de ce New Deal Educatif, ne nous laissent pas d’autre choix : gravir les marches des référentiels universels,

pour accéder, avec notre identité propre, à l’univers de l’excellence que nous devons de plus en plus partager avec les plus grandes Business School de ce monde ou tout simplement trahir notre mission. Bref nous sommes tout simplement« localy rooted et globaly connected ». Comment traduisez vous dans vos programmes de Bachelor, de MBA ou d’Executive Doctorate In Business Administration l’importance de ces soft skills ? Le constat est que la façon de former les cadres reste encore unidimensionnelle contrairement à la réalité du business ; la connaissance qui a de plus en plus une durée de vie très courte, est considérée dans l ‘entreprise comme « une commodité » alors que les universités et business schools continuent de faire de sa création et de sa dissémination, la seule grande finalité. De nos jours, les connaissances techniques ou fonctionnelles quelque soit leur degré de spécialisation ne représentent qu’un simple ticket d’entrée dans le management des organisations. Le business exige en effet du manager des habiletés managériales, du caractère et une forte personnalité. Aussi avons nous, dans notre New Deal Educatif, conçu un mix éducationnel à trois composantes: connaissances-habiletés-attributs. Un important changement de « focussing » pour mieux prendre en compte dans tous les cursus de formation, du Bachelor au DBA, en passant par les Master les aspects liés par exemple à l’intégrité, la confiance en soi, la curiosité, la passion de l’excellence, le jugement, l’intuition… Les business school sont en général des territoires inconnus pour cette dimension du mix éducationnel et qui continue malheureusement d’être considérée comme relevant plus des généticiens que des professeurs en management. Cette approche traditionnelle n’est pas défendable à l’IAM. C’est une de nos marques distinctives.

PUBLI-INFORMATION

Institut Africain de Management

www.groupeiam.com

Tél. (221) 33 869 36 36 E-mail info@groupeiam.com


Macky peut-il changer le Sénégal ? CONSOMMATION

Dakar chouchoute sa classe moyenne

Centres commerciaux, boutiques chics, quartiers résidentiels huppés, restaurants haut de gamme… La capitale s’embourgeoise. Et le montre.

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

S

amedi8septembre.Ilestàpeine 10 heures au très chic Sea Plaza, le plus grand centre commercial de Dakar, sur la corniche ouest. Plus d’une centaine de clients se glissent déjà entre les rayons du Casino, avec des chariots bien garnis. La caisse affiche 74615 F CFA (114 euros) pour celui de Cheikh Tidiane, qui tend fièrement sa carte bancaire à la caissière. Ce cadre de 37 ans est un habitué. Il vient y faire « le plein » deux à trois fois par mois – « c’est plus simple, ça fait gagner du temps ». À l’instar de Cheikh Tidiane, fonctionnaires, cadres du privé et entrepreneurs se bousculent aux portes des centres commerciaux et grands magasins qui essaiment dans la capitale sénégalaise et sa banlieue. Un signe qui ne trompe pas. Ces grandes surfaces et boutiques spécialisées répondent aux attentes d’une nouvelle classe moyenne, une petite bourgeoisie bien décidée à profiter de son pouvoir d’achat et à consommer comme elle en a envie. BOOM IMMOBILIER. Pour l’économiste

Moubarack Lô, il n’y a aucun doute, l’émergence d’une classe moyenne au Sénégal est bien réelle. Elle est dotée « d’une importante capacité et de nouvelles habitudes de consommation »,

et inscrivent leurs enfants dans les grandes écoles privées de la capitale », confirme le sociologue Djiby Diakhaté. Le phénomène ne se limite évidemment pas au shopping. Ouvert en novembre 2011, l’hôtel Onomo Dakar Airport, un trois-étoiles situé aux abords de l’aéroport Léopold-SédarSenghor, profite de cette nouvelle clientèle. « Nous avons un tarif économique spécialement adapté à la classe moyenne et recevons de nombreuses familles sénégalaises », explique Armelle Dakouo, chargée de projets marketing et culturels de l’hôtel. L’immobilier connaît lui aussi un boom sans précédent. Ces dernières années, la capitale s’est métamorphosée. De nouveaux quartiers résiden! LE SEA PLAZA, sur la corniche ouest, à Dakar. tiels tels que Nord-Foire et Ouest-Foire, Liberté-6caractérisées par une double exigence : Extension ou Grand-Yoff sont sortis de avoir accès à des produits de meilleure terre. Idem pour les ventes de véhicules qualité et bénéficier d’un plus grand particuliers, dont le parc s’agrandit et se choix. C’est-à-dire les mêmes souhaits modernise à vue d’œil. Le tout soutenu et les mêmes usages que les plus aisés, par des campagnes de publicité de plus « à la seule différence que ces derniers en plus importantes et ciblées, notamont une capacité d’épargne plus élevée », ment pour vanter les avantages de tel ou précise l’économiste. tel établissement bancaire – le pays en « Ce sont les membres de la classe compte désormais une vingtaine – en moyenne qui consomment, construisent matière de crédit. ● NICOLAS LY

Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique TOP

BANKS Better, not bigger

ZIMBABWE Tsvangirai: “Change ” without bloodshed

UK-AFRICA David Cameron’s cut-price diplomacy

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T E M B E R 2 011

LIBERIA’S ELLEN JOHNSON SIRLEAF

SOUTH AFRICA

Justice is no laughing matter

OIL & GAS The scramble for East Africa

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THE AFRICA REPORT

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East Africa’s Your to get ready guide to

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ALL CHANGE, PLEASE! Africa’s answer to the Arab Spring

N°36 • DECEMBER

THE CRASH How Africa will deal with the downturn

2011 - JANUARY

EXCLUSIVE INTERVIEW President Michael Sata, Zambia’s King Cobra ANGOLA The former colony starts buying up Portugal

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N°38 • MARCH

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POLITIC

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U S T- S E P N° 33 • AUG M A R E P O R T.C O

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■ Publié par le Groupe Jeune Afrique depuis 2005, The Africa Report s’est imposé comme le magazine anglophone de référence dédié au continent. ■ C’est aujourd’hui l’outil essentiel pour anticiper les évolutions politiques et économiques des marchés africains.

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■ Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.

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Le Plus de J.A.

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

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quinzaine d’années. Titulaire d’un deug de cinéma de l’École d’art et de communication de Cergy-Paris 8, il a aussi fréquenté le Centre de formation technique des Gobelins. Spécialité : réalisateur-storyboardeur de dessins animés. Il est surtout connu pour sa série Kabongo le griot (diffusée en 2003 par Canal France ! Son dessin animé International), la preKABONGO mière entièrement LE GRIOT a été réalisée en Afrique de entièrement l’Ouest. En 1998, avec réalisé Aïda Ndiaye, Sauvalle à Dakar. a créé à Dakar le premier studio de production et de fabrication de dessins animés de la sous-région, Pictoon. De l’atelier à la cuisine, son autre passion, il n’y a eu pour lui qu’un pas. « J’ai du mal à me concentrer seulement sur mon art. J’ai besoin de faire autre chose pour me sentir à l’aise dans mon travail d’artiste, voilà pourquoi j’ai investi, sur fonds propres, dans la restauration », confie-t-il. AUTHENTICITÉ. À son ouverture, il y a

un peu plus de deux ans, L’Impala était seulement un bar lounge, proposant tapas et petite restauration. « J’ai décidé d’ajouter une touche culinaire pour en faire aussi un restaurant des terroirs, autour des plats nationaux des difféGASTRONOMIE rents pays du continent, raconte Pierre Sauvalle. Pour garder son authenticité, chaque plat est préparé par une personne Dans son restaurant dakarois, l’artiste Pierre Sauvalle cultive originaire de son lieu de provenance. » l’art du design et concocte les meilleures spécialités du continent. S’il séduit surtout avec ses standards africains, L’Impala, se voulant ouvert à tous et au monde, a complété sa carte de eux qui ont du goût se donnent Cet univers est tout droit sorti de l’imaquelques incontournables européens. rendez-vous à L’Impala. À la gination de Pierre Sauvalle, « un artiste « Aujourd’hui, la mondialisation se trafois pour son ambiance chaqui fait du business en art », ainsi qu’il duit dans la restauration. Quand on leureuse, sa déco écolo-design se définit. « Je suis de la forêt, et c’est là sort, on a envie de variété, et les étaet, désormais, ses spécialités africaines, que réside la sagesse. Impala signifie blissements doivent diversifier leurs un concentré culinaire du continent “gazelle” en swahili, c’est l’animal le plus menus », explique l’artiste. Sa clientèle ? – foufou, sauce gombo, saka saka, ndolé, noble d’Afrique rien que par sa gestuelle Des cadres africains, des Européens, thiebou dieune, etc. des membres de la diaspora et beaucoup de jeunes Situé dans le quartier dakarois de La décoration est inspirée Ouakam, à deux pas du lycée français Dakarois, qui se retrouvent de la forêt africaine : bambous, Jean-Mermoz, le bar-restaurant lounge entre amis autour d’un se distingue d’abord par sa couleur, le verre ou pour déguster bois foncé, bustes d’animaux… vert. Une décoration inspirée de la forêt un plat. À leur service, une africaine. Ambiance bambous et bois et ses sauts, explique-t-il, les dreadlocks vingtaine d’employés. « C’est un lieu où foncé pour les murs, éclairage feutré bien noués. Je suis designer à la base, et on peut se faire plaisir sans être dérangé, d’où émergent, côté bar, quelques bustes ça m’a beaucoup aidé pour la déco. L’idée explique une cliente. L’ambiance n’est d’animaux, notamment de gazelles, et, était de faire en sorte qu’en entrant à pas survoltée, ni débordée, et les prix des côté salle, de grands canapés design, L’Impala on se sente chez soi, à l’aise. » plats [autour de 5 000 F CFA (7,60 euros), entourant des tables aux formes Né à Douala en 1967, cet artiste francoNDLR] sont abordables. » ● originales. camerounais vit au Sénégal depuis une NICOLAS LY

Faites un saut à L’Impala

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JEUNE AFRIQUE


Bolloré Africa Logistics le spécialiste des opérations logistiques au Sénégal

Fort de son implication sur le terrain depuis plus de 80 ans et spécialiste de la logistique et des grands projets industriels et miniers, Bolloré Africa Logistics Sénégal développe des solutions logistiques multimodales sur mesure, répondant à toutes les exigences des entreprises installées au Sénégal et dans les pays voisins enclavés. Au Sénégal, Bolloré Africa Logistics s’appuie sur les marques : SOCOPAO, SDV, SDV EXPRESS, SAGA, SAGATRANS, AFRITRAMP, TCS, SOCOFROID, SENEGAL TOURS, HAVAS MEDIA. Bolloré Africa Logistics Sénégal: KM 4 - 5 Bd du Centenaire - BP 233 Dakar - Tél. : +221 33 839 00 00 www.bollore-africa-logistics.com


Économie

ALGÉRIE

« Les attentes patronales sont énormes »

CÔTE D’IVOIRE

Charles Kader Gooré n’a pas dit son dernier mot

VINCENT FOURNIER/J.A.

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J

EUNE AFRIQUE : Vous misez sur le futur de l’Afrique. Est-ce le fruit de votre optimisme naturel ou d’un calcul savant ? MATTHIEU PIGASSE : C’est le fruit de

notre expérience. Depuis des décennies, Lazard conseille les gouvernements africains qui veulent obtenir une notation de leur dette, la réduire ou émettre des obligations souveraines. Nous sommes intervenus par exemple au Gabon, au Nigeria, au Congo-Kinshasa, en Mauritanie, en Éthiopie et au Sénégal. Nous y avons acquis la conviction que l’Afrique subsaharienne dispose de potentialités extraordinaires. Car elle accélère. Dans les années 1980, elle enregistrait en moyenne une croissance de 1,9 % par an. Le rythme est passé à 2,3 % dans les années 1990. Depuis l’an 2000, il est monté à 5 %. Aujourd’hui, le continent représente 4 % de la richesse mondiale; N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

en 2030, il en pèsera 7 %, et 12 % en 2050. Il sera alors plus riche que l’Europe et pèsera les deux tiers des États-Unis et de l’Europe réunis… Ce phénomène n’est-il pas dû à l’engouement mondial pour les matières premières africaines?

Non. Les études du FMI [Fonds monétaire international, NDLR] et de la Banque mondiale montrent que les exportations de matières premières expliquent un tiers seulement de cette croissance. D’autres forces positives sont à l’œuvre: la croissance démographique, l’urbanisation, une plus grande stabilité politique, la diminution des principaux conflits, une meilleure gestion de l’économie, les allègements de la dette, la libération des changes, etc. Sans oublier la rupture technologique que constitue le téléphone mobile, véritable accélérateur JEUNE AFRIQUE


DROIT DES AFFAIRES

PORTRAIT

Kinshasa fait sa révolution

Eve Howell, présidente d’EMR

Resources et deTangiers Petroleum

FINANCE

Matthieu Pigasse

« Le XXI siècle sera africain » e

La banque Lazard ouvre le 24 septembre un département consacré au marché subsaharien. Son directeur général délégué en France, vice-président pour l’Europe et responsable de cette nouvelle branche, explique pourquoi il croit aux « incroyables potentialités » du continent. Propos recueillis par

Lazard Afrique • 15 personnes • Basé à Paris • Conseil aux investisseurs

ALAIN FAUJAS

du développement, puisqu’il permet de pallier l’absence d’infrastructures, de réaliser des opérations bancaires depuis les villages ou encore d’informer le paysan des fluctuations des prix et de la demande de produits agricoles. Sans oublier non plus les flux d’investissements croissants, dont 40 % proviennent du continent. Enfin les Africains croient en eux-mêmes! Ce siècle sera africain. Constatez-vous un différentiel de croissance entre une Afrique de l’Est dynamique et une Afrique de l’Ouest très pataude ?

Je sens ce différentiel, mais je n’y crois pas. Ou plutôt je distingue la photo et le film. La photo, c’est une Afrique de l’Est aujourd’hui plus tonique – peut-être pour des raisons culturelles, peut-être pour son rapport positif à l’entrepreneuriat –, plus JEUNE AFRIQUE

TUNISIE

Adwya voit la vie en bleu

intégrée aussi. Le film, c’est que je suis convaincu du potentiel de l’Ouest à terme et que le panorama des modèles de développement est plus riche que cette opposition manichéenne ne le fait croire. Je classerais l’Afrique en quatre groupes, qui sont autant de modèles de croissance. Le premier est celui des grands pays comme le Nigeria, le Soudan ou la RD Congo. Leur taille et leur population les vouent à consacrer leurs importantes ressources naturelles au développement de leur marché domestique. Leur modèle de développement est essentiellement endogène. Le second groupe comprend les pays côtiers. Plus petits, ils doivent se tourner vers l’exportation de leurs matières premières, mais en y incorporant plus de valeur ajoutée. On y trouve la Côte d’Ivoire, le Cameroun ou le Ghana. Le troisième regroupe les pays enclavés comme le Rwanda ou le Burkina Faso. Ils doivent devenir des plateformes régionales et fournir leurs voisins en produits agricoles ou en services. Le quatrième est composé de pays peu peuplés, tels le Gabon ou le Congo-Brazzaville. Leur vocation est de se spécialiser sur des niches, de mieux taxer celles-ci et d’y ajouter de la valeur, à l’instar de ce qu’a fait le Botswana avec ses diamants. Pour résumer, l’Afrique affiche un dynamisme puissant au moment où le reste du monde s’essouffle. Aujourd’hui, l’hebdomadaire The Economist ne pourrait pas refaire sa une de mai 2000, qu’il consacrait à l’Afrique, « Le continent sans espoir » ! À l’échelle des siècles, je vois la parenthèse de la domination européenne se refermer bientôt et un cycle historique de prééminence de l’Asie et de l’Afrique s’ouvrir. Regardez l’Angola, qui s’est porté au secours des banques et des finances de l’État portugais ! Plus incroyable encore, les Portugais font la queue devant le consulat angolais de Lisbonne pour se rendre à Luanda, où la crise n’existe pas. C’est la revanche de l’Histoire. L’Afrique pourra-t-elle conserver cet élan ?

Oui ! Rien ne l’arrêtera. À condition d’accélérer son intégration régionale, notamment en développant ses infrastructures, qui doivent permettre aux pays voisins de se renforcer mutuellement. Dans le bassin du Congo, j’ai constaté un enclavement incroyable : il n’est plus possible de passer de Kinshasa à Brazzaville après 18 heures, il n’y a plus de bateau et pas de pont ! La corruption n’est-elle pas un handicap rédhibitoire pour le continent ?

C’est une réalité que je ne peux pas mesurer, car nous n’y avons jamais été confrontés. Mais il est vrai que j’ai rencontré des entreprises qui avaient N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Entreprises marchés renoncé à investir dans un pays africain parce qu’elles avaient découvert que derrière leurs futurs partenaires locaux se cachaient des hommes du pouvoir. En tout cas, le continent n’a pas le monopole de la corruption et il fait des progrès dans ce domaine, parce que ses populations sont de plus en plus éduquées. La transparence y progresse grâce aux ONG et aux nouvelles technologies. Je crois l’Afrique habitée d’une profonde volonté de se réformer de ce point de vue. Je soulignerai un autre handicap très présent dans la zone : l’instabilité et l’hétérogénéité des règles juridiques – sur la propriété notamment –, qui perturbent l’activité entrepreneuriale. Il faut y remédier. Comment considérez-vous les entreprises du continent ?

Je suis impressionné par leur montée en puissance, que j’ai constatée dans la téléphonie – avec le sud-africain MTN –, la finance – le nigérian United Bank for Africa –, le ciment, etc. Leurs patrons sont ouverts, bien formés, et leur marché croît à toute allure grâce à la poussée des classes moyennes. Savez-vous qu’en 2015 l’Afrique subsaharienne comptera 100 millions de personnes disposant d’au moins 3000 dollars[2300 euros] de revenusannuels, l’équivalent de la classe moyenne indienne? Savezvous que la capitalisation de la Bourse de Lagos a dépassé celle de la Place d’Athènes ?

Un de vos oncles, Jean-Paul Pigasse, est très investi au Congo-Brazzaville. Faites-vous des affaires dans ce pays ?

Le continent représente 4 % de la richesse mondiale. En 2030, il en pèsera 7 %, et 12 % en 2050.

Non, nous n’avons pas de relations d’affaires dans ce pays, mais rien ne nous l’interdit. Quel regard portez-vous sur la Françafrique ?

Je ne comprends pas ce que cette expression, qui appartient au passé et qui m’est étrangère, signifie aujourd’hui. Je regrette qu’on l’utilise désormais comme un repoussoir pour empêcher l’Afrique et la France d’avancer ensemble. Le complexe français et la méfiance africaine bloquent le partenariat équilibré, nouveau, reposant sur la confiance et le respect mutuels, dont les deux parties ont besoin. Ce qui laisse le champ libre à d’autres, comme la Chine, moins désintéressée qu’elle ne le prétend, ou les États-Unis. Que pensez-vous de l’action des fonds vautours qui ont abusé de la dette de pays africains ?

Lazard, qui a été historiquement l’un des créateurs du métier de conseil auprès des gouvernements, n’a jamais été du côté des créanciers des États et s’est toujours tenu aux côtés de ces derniers pour lutter contre les prédateurs. Les fonds vautours sont une menace non seulement pour les États eux-mêmes, mais aussi pour l’ensemble des acteurs de marché en raison de leur comportement de free riders. Il ne faut pas céder au chantage. Face à ces attaques, on peut pratiquer des tactiques défensives ou offensives : protéger les actifs que les fonds tentent de faire saisir, utiliser des outils contractuels comme les clauses d’action collective ou la mise en place de trusts obligataires…

! FORT DE SON RÉSEAU QUI S’ÉTEND DANS 27 PAYS, LE GROUPE a déjà conseillé les gouvernements de plusieurs États francophones et anglophones.

Loger les recettes des exportations de pétrole ou de minerais dans des comptes spéciaux des banques centrales n’est-il pas un bon moyen d’éviter la corruption et la gabegie ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

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La transparence est un préalable absolu. Une bonne solution consiste à créer un fonds de stabilisation qui engrangera, au vu et au su de tous, des réserves quand les prix du baril ou des minerais exportés excéderont les prévisions budgétaires et qui compensera la chute des recettes quand ces prix seront déprimés, afin de préserver l’équilibre budgétaire et les services publics. La transparence assurée,ilfautconsacrercettemanneàlacroissance. Ce qui veut dire créer des fonds d’investissement et de développement, financés par les rentes des matières premières. Ces dispositifs seront une garantie de stabilité pour les investisseurs étrangers, qui seront plus enclins à apporter leurs capitaux au pays qui les aura mis en place. Quelles seront les missions de votre département Lazard Afrique ?

Nous créons Lazard Afrique, un département spécialisé sur la zone subsaharienne, avec quinze JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés personnes basées à Paris – au moins dans un premier temps. Nous sommes parmi les tout premiers à le faire. La mission de ce département sera le conseil financier en Afrique pour les entreprises et pour les investisseurs, originaires du continent ou non. Nous ne ferons ni financement ni trading, mais nous accompagnerons les fusions, les acquisitions et les financements d’infrastructures. Nous aiderons à l’émergence de champions africains. Pour cela, nous nous appuierons sur notre expérience de conseil aux gouvernements en Afrique francophone et anglophone. Nous mettrons à la disposition de nos clients notre réseau implanté dans 27 pays dans le monde et nos

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équipes sectorielles spécialisées dans les télécoms, les infrastructures, les banques, la distribution ou les matières premières. Quels sont vos objectifs en termes de volume d’affaires ?

Nous n’avons pas l’habitude de publier de prévisions en la matière. Je constate simplement que l’Afrique a plus que décuplé le nombre de ses fusions-acquisitions en dix ans, soit près de 200 opérations portant sur 21 milliards de dollars l’année dernière. Cette forte croissance confirme notre conviction que c’est là qu’il faut être aujourd’hui. ●

Besoin d’un conseil? Émissions obligataires, fusions-acquisitions, financements complexes… L’activité des banques d’affaires explose.

OUTSIDERS. À l’image du français Rothschild, qui coordonne l’acquisition de CFAO (numéro un de la distribution automobile et pharmaceutique en Afrique francophone) par le japonais TTC, les leaders mondiaux de la banque d’affaires, de JP Morgan JEUNE AFRIQUE

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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a décision de Lazard d’ouvrir aujourd’hui un bureau entièrement consacré à l’Afrique n’est pas une surprise: les grandes opérations de fusions-acquisitions transfrontalières afficheront cette année une progression de 67 % en Afrique et au Moyen-Orient, alors qu’elles baisseront de 34 % au niveau mondial, selon les dernières prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Arrivée de groupes internationaux, exploitation de nouveaux gisements miniers, lancement d’importants programmes d’investissements publics : l’intervention des spécialistes du conseil est de plus en plus demandée…

! COMME ATTIJARIWAFA, de nombreux acteurs locaux ont créé des filiales spécialisées.

à Goldman Sachs en passant par Lazard et Crédit suisse, dominent également le continent. Mais à côté de ces ténors des acteurs locaux ont su s’imposer : Standard Bank, Rand Merchant Bank, Renaissance Capital, EFG Hermes ou encore Attijari Finances. Et d’autres ne cachent plus leurs immenses ambitions : United Bank for Africa (UBA), First Bank of Nigeria (FBN) ou encore Ecobank ont ainsi créé leurs propres filiales spécialisées – UBA Capital, FBN Capital et Ecobank Capital, respectivement. « Depuis les emprunts obligataires du Togo, du Cameroun, du Bénin ou du Tchad jusqu’à celui réalisé tout récemment par la Côte d’Ivoire, nous avons été présents sur toutes les émissions,

Le financement de la croissance des entreprises africaines fait partie des thèmes majeurs du AFRICA CEO FORUM GENÈVE, 20-21 NOVEMBRE

theafricaceoforum.com

indique Ehouman Kassi, qui dirige Ecobank Capital. Si les grandes banques internationales sont toujours leaders sur toutes les activités de conseil et d’émission d’eurobonds [emprunts obligataires internationaux, NDLR], les groupes africains dominent les mobilisations de fonds en monnaie locale. » Les outsiders africains gagnent aussi des marchés dans des opérations de privatisation, de fusion ou d’acquisition. « C’est naturel : lorsqu’une entreprise locale est approchée par un groupe international pour un rachat, vous êtes forcément mieux placé pour l’accompagner dans l’opération », explique Ehouman Kassi. ● STÉPHANE BALLONG N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Entreprises marchés ALGÉRIE

« Les attentes patronales sont énormes »

Les chefs d’entreprise se félicitent de leurs premiers contacts avec le nouveau gouvernement Sellal. Mais ils demandent des mesures concrètes pour relancer l’économie.

L

es chefs d’entreprise algériens applaudissent les premiers pas du gouvernement d’Abdelmalek Sellal, nommé Premier ministre le 3 septembre, en matière de dialogue social. Et pour cause: une semaine seulement après sa nomination, le nouveau ministre de l’Industrie, Cherif Rahmani, a reçu les organisations patronales, avant même les syndicats ! « On est loin de l’esprit de la tripartite. C’est un dialogue constructif,constantetrégulier.Cela tranche avec le gouvernement précédent », remarque Réda Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), principale organisationpatronaledupays.Jusque-là,les rencontres étaient cantonnées aux réunionstripartites(gouvernementsyndicats-patronat) qui se tiennent une à deux fois par an. Pour Brahim Benabdeslem, directeur général de MDI Business School, on observe « des prémices d’une nouvelle approche de dialogue avec le patronat ». Le président de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop, importateurs et producteurs de médicaments), Nabil Mellah, affirme de son côté avoir constaté chezlenouveauministredelaSanté, Abdelaziz Ziari, « une réelle volonté de travailler en concertation avec tous les professionnels du secteur ». « Pour l’anecdote, s’amuse-t-il, c’est la première fois que nous sommes reçus par un ministre avant même d’avoir eu le temps de déposer une demande d’audience ! » Peu écoutés sous l’ancien gouvernement d’Ahmed Ouyahia, les patronsalgériensseremettentdéjàà espérer l’instauration d’un dialogue social durable. « Il faut créer des structures de dialogue et de concertationpermanentes»,plaideBrahim Benabdeslem. Mais ils veulent plus que de simples rencontres : des

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actions concrètes pour relancer une économie en panne depuis quelques années. « Les attentes sont énormes, explique Benabdeslem. Le gouvernement doit prendre des

Le ministre de l’Industrie les a reçus une semaine après sa nomination. Avant les syndicats ! décisions courageuses pour relancer et soutenir l’investissement, lutter contre l’informel et améliorer le climat des affaires, qui n’est pas bon. » LIBERTÉ D’INVESTIR. Le FCE demande au gouvernement de clarifier sa politique économique et de réviser la loi dite des « 49/51 », qui oblige des intérêts algériens à prendre la majorité dans tout projet d’investissement impliquant des étrangers. « La loi 49/51 est à revoir. Elle est trop figée et générale. Son application peut se justifier uniquement dans les secteurs stratégiques », estime Réda Hamiani. Le FCE plaide également pour la libération de l’investissement. Actuellement, tous les projets d’un

montant supérieur à 20 millions d’euros doivent être validés par le Conseil national de l’investissement (CNI), présidé par le Premier ministre. De nombreux chefs d’entreprise comme Issad Rebrab, président de Cevital, le premier groupe privé du pays, accusent régulièrement cette instance d’entraver leurs projets pour des raisons politiques. « Le CNI est un instrument efficace entre les mains du pouvoir pour favoriser un investisseur et en bloquer un autre », estime le PDG d’un groupe privé. DÉPENDANCE. Mais les patrons,

même s’ils affichent une certaine satisfaction, ne cachent pas leur pessimisme sur la capacité du gouvernement à mener des réformes profondespoursortirl’économiedu pays de sa forte dépendance vis-àvis des hydrocarbures. « Le nouveau gouvernementnevapasprendrede décisions stratégiques et renoncer à des mesures initiées par le président de la République. Sa marge de manœuvre est étroite », poursuit le même PDG. L’Algérie exporte essentiellement du pétrole et du gaz et son industrie, agonisante, ne représente que 5 % de son PIB. ● HAMID GUEMACHE, à Alger

! RÉDA HAMIANI salue « un dialogue constructif, constant et régulier ».

SAMIR SID

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JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés d’Ivoire, tente, en juillet, de saisir l’entreprise pour recouvrer une créance de 1,1 milliard de F CFA. En attendant une hypothétique remise en marche, la centaine d’employés est en chômage technique.

! LE PDG DE 43 ANS a connu une ascension rapide sous Laurent Gbagbo.

VINCENT FOURNIER/J.A.

JUSTICE. De son côté, Hydrochem

CÔTE D’IVOIRE

Charles Kader Gooré n’a pas dit son dernier mot Les deux fleurons de son groupe sont à l’arrêt. En difficulté dans son pays, le chef d’entreprise multiplie les projets au Ghana.

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harlesKaderGoorétente de sauver ce qu’il reste de son empire. Avant la crise politique ivoirienne, CKG Holding annonçait 70 milliards de F CFA (106,7 millions d’euros) de chiffre d’affaires. Désormais, le groupe diversifié est à la peine. Revenu au pays au dernier trimestre 2011 grâce à une intervention de Guillaume Soro, alors Premier ministre, le PDG de 43 ans fait depuis face aux pires difficultés. Il paie notamment sa proximité avec Laurent Gbagbo. Certains proches de l’actuel pouvoir le soupçonnent d’agir comme prête-nom de l’ex-président. Si les enquêtes diligentées par les nouvelles autorités n’ont rien révélé, la situation du groupe ne s’est pas améliorée pour autant. Sa société de gardiennage, Omeifra Afrique, l’une des plus importantes du pays, craint de perdre ses autorisations, tandis que ses deux fleurons, SN Chocodi et Hydrochem Africa, sont à l’arrêt. Lapremière,uneunitédebroyage de fèves de cacao rachetée en 2008 au suisse Barry Callebaut, est dans le collimateur de ses créanciers. Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci) a saisi la justice pour contraindre CKG Holding à lui JEUNE AFRIQUE

rembourser un prêt de 1,5 milliard de F CFA et obtenu la nomination en début d’année d’un administrateur séquestre. « On m’empêche de travailler », se plaint Charles Kader Gooré, qui a réussi à faire lever

SN Chocodi est dans le collimateur de ses créanciers. cette décision au bout de six mois. «Malgrélamisesousadministration séquestre, Baci n’a pas pu récupérer sa dette. La justice n’a donc pas trouvé utile de renouveler sa décision », explique le PDG, qui s’est cru un temps sorti d’affaire… avant qu’une autre banque, BIAO-Côte

Africa, l’un des deux principaux distributeurs d’engrais et de produits phytosanitaires du pays, accumule également de lourdes pertes. La société est au cœur d’une grave crise qui se joue devant la justice ivoirienne entre ses deux actionnaires, CKG Holding (propriétaire de 70 % du capital) et le groupe norvégien Yara (30 %). Face à ces difficultés, Charles Kader Gooré affirme multiplier les projets au Ghana voisin grâce à l’appuidusultanatd’Oman.Nommé représentant en Afrique de l’Ouest de l’Autorité publique omanaise pour la promotion des investissements et le développement des exportations (Paiped), il a créé plusieurs sociétés avec le petit État. Parmi celles-ci, CKG Energy s’est portée candidate à la construction d’unecentralede450MWàTakoradi (Ghana) pour près de 460 millions d’euros. Une usine de production d’engrais d’urée serait aussi en projet au Ghana. Charles Kader Gooré affirme en outre travailler avec Oman Air pour développer le hub de la compagnie en Afrique de l’Ouest. Enfin, Chocoman, une entreprise de broyage de fèves de cacao, sera implantée dans la zone franche de Mascate. Autant de relais de croissance potentiels pour le chef d’entreprise, mais hors de son pays. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

OMAN CONNECTION C’EST AU COURS de la dernière décennie que Charles Kader Gooré s’est rapproché du sultanat. Après plusieurs voyages à Mascate, il a noué des contacts avec Nisreen Ahmed Jaffer, l’influente directrice générale de la promotion des investissements, et a

bénéficié d’entrées auprès du ministre des Affaires étrangères, Youssef Ben Alaoui.Très proche de Salem Ben Nasser Al Ismaily, le puissant président de l’Autorité publique pour la promotion des investissements et le développement des exportations (Paiped),

Charles Kader Gooré a réussi à orienter Oman dans les investissements dans plusieurs secteurs non pétroliers, dont l’agro-industrie, l’énergie et les infrastructures. Une stratégie qui épouse parfaitement les ambitions africaines du sultan, Qabous Ibn Saïd. ● B.M. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Entreprises marchés DROIT DES AFFAIRES

Kinshasa fait sa révolution Près d’une décennie après le lancement de son processus d’adhésion, la RD Congo a rejoint l’Ohada le 12 septembre. Un bond en avant pour le pays, dont certains textes juridiques remontaient au XIXe siècle.

L

entrée de la RD Congo dans l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) était à l’étude depuis 2004. Son adhésion avait même été annoncée deux fois : début 2010 par Joseph Kabila, puis pu en octobre de la même année par Olivier Kamitatu, alors ministre du Plan. Mais c’est seulement le 12 septembre dernier, grâce au gouvernement « technocratique » d’Augustin Matata Ponyo, que le pays a finalement franchi le pas. Les entreprises congolaises ont désormais deux ans devant elles pour se conformer aux nouvelless dispositions de l’Ohada. « Il s’agit d’un saut immensee pour la RD Congo, affirme Martin in Gdanski,associéducabinetd’avoocats international Norton Rose. se. Ainsi, le pays offre aussi bien nà ses propres commerçants qu’aux ux adre investisseurs étrangers un cadre juridique moderne et efficace, rememplaçant des textes épars remontant tant aux années 1960 et parfois même me à des arrêtés royaux de la fin du icuXIXe siècle. » C’était tout particuroit lièrement vrai en matière de droit des sociétés: « La loi sur les sociétés étés commerciales datait de 1887 et ne

JUNIOR D. KANNAH/AFP

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! LE PREMIER MINISTRE, AUGUSTIN MATATA PONYO (à dr.), le 27 août, lors d’un séminaire sém sur le climat des affaires. La modernisation de l’arsenal législ législatif devrait faciliter l’activité économique.

tena que sur quelques pages; elle tenait changements apportés au statut avait été amendée, mais les derd’une SARL (l’équivalent en droit avai nières modifications substantielles nièr local de la société anonyme fran17 ÉTATS remontaient aux années 1960 », çaise) requéraient l’autorisation remo MEMBRES explique Poupak Bahamin, égadu président de la République, expl n ni Bé un vestige de la période coloniale. lement associée de Norton Rose. leme Burkina Faso Bien que le pays Cameroun ait adopté une Les entreprises du pays Centrafrique Comores série de codes plus sé ont deux ans devant elles Congo modernes dans re oi pour se conformer aux Iv d’ Côte plusieurs secteurs pl Gabon nouvelles dispositions. industriels (mines, in Guinée fo forêts, investisseu sa Guinée-Bis me ments), le droit des sociétés « Face aux carences de la loi, cerriale Guinée équato en vigueur rendait difficile aux tains tendaient à recréer des règles Mali différents partenaires d’une plus modernes au travers de pactes Niger coentreprise la mise en place d’actionnaires et autres contrats RD Congo de certains contrôles nécesqui, bien que liant les parties, Sénégal saires à la protection de leurs n’avaient pas nécessairement de Tchad Togo intérêts. Par exemple, tant valeur juridique envers les tiers », ajoute Poupak Bahamin. la constitution que certains

UNE ORGANISATION SUPRANATIONALE CRÉÉE EN OCTOBRE 1993 à Port-Louis par treize pays africains francophones, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) propose une série d’actes uniformes qui N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

prévalent sur toutes les lois locales dans des domaines aussi variés que le droit commercial et comptable, le droit des sociétés, l’arbitrage, les sûretés, etc. Depuis, quatre nouveaux pays, dont la

RD Congo, ont adhéré à l’organisation. Même si le moindre changement de disposition implique l’accord des 17 ministres des Finances et de la Justice des pays membres, deux des neuf actes

uniformes ont déjà été révisés pour tenir compte des pratiques. Preuve du succès de l’Ohada, 29 pays des Caraïbes tentent de mettre en place une structure similaire, l’Ohadac. ● N.T. JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

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ARBITRAGE. Dans les conflits

découlant d’investissements réalisés en RD Congo, le choix d’une procédure d’arbitrage a longtemps été entravé, car le pays ne faisait pas (et ne fait toujours pas) partie de la convention de New York, en vertu de laquelle une sentence arbitrale rendue dans un État signataire a force exécutoire dans les autres. Désormais, ces procédures d’arbitrage pourront être confiées à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), basée à Abidjan. Certes, certains observateurs critiquent cette institution pour sa lenteur et pointent la pénurie de juges compétents. Il est vrai également que les affaires traitées par la CCJA concernent encore très majoritairement l’Afrique de l’Ouest et beaucoup moins l’Afrique centrale. Mais « cette zone juridique commune a permis de créer des tribunaux locaux qui rendent des avis d’une grande qualité scientifique », souligne Thierry Lauriol, associé du cabinet d’avocats Jeant et Associés et président de l’association Afrique du barreau de Paris. « Sur certains points, le droit Ohada est même parfois en avance sur le droit français », s’enthousiasme-t-il. Aujourd’hui, les promoteurs de l’Ohada espèrent que la prochaine mise à jour concernant le droit des sociétés, qui doit être rendue publique à la fin de l’année, introduira la société anonyme simplifiée (SAS). Cette forme d’organisation extrêmement souple serait tout particulièrement adaptée aux coentreprises, très nombreuses en RD Congo, notamment dans le secteur des industries extractives. ● NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE

CLIMAT DES AFFAIRES LE MAROC ET LA TUNISIE DANS LES PREMIERS RANGS La banque sud-africaine Rand Merchant Bank (RMB) a publié son classement des économies africaines les plus attractives pour les investisseurs étrangers. Selon cette étude, baptisée « Où investir en Afrique », le meilleur environnement pour faire des affaires reste de loin l’Afrique du Sud, mais son avance sur l’Égypte et le Nigeria s’amenuise. En cause notamment, la faiblesse de sa croissance. En outre, cette année, RMB a inclus les pays d’Afrique du Nord dans son classement et souligne plus particulièrement les bonnes performances de la Tunisie (5e) et du Maroc (6e), et ce malgré le Printemps arabe. En Afrique subsaharienne, le Rwanda (14e), le Ghana (4e) et la Zambie (13e) ont particulièrement progressé dans le classement, une évolution sous-tendue par de nombreuses réformes et une croissance accélérée. Les économies d’Afrique occidentale et d’Afrique centrale francophone figurent en revanche à la fin de la liste, malgré la stabilisation de la Côte d’Ivoire (19e). ● CÉCILE TREAL & JEAN-MICHEL RUIZ

L’adhésion de Kinshasa à l’Ohada devrait aussi inspirer confiance aux institutions financières. « Les nouvelles règles relatives aux sûretés personnelles et réelles conforteront la situation juridique de ceux qui octroient des crédits à des entreprises actives en RD Congo ou à leurs actionnaires et les encourageront à participer plus activement au financement des grands projets dont le pays a besoin », souligne Martin Gdanski.

S

• CÔTE D’IVOIRE CMA-CGM, MSC, Maersk et Bolloré sont présélectionnés pour la concession du terminal à conteneurs d’Abidjan • TUNISIE Reprise

M•

S

prochaine des négociations avec l’UE sur l’ouverture de son ciel aérien ZAMBIE Le pays a levé 750 M$ grâce à une offre sursouscrite

• MADAGASCAR Le canadien Sherritt International a reçu l’autorisation d’entamer la production d’Ambatovy, une mine géante de nickel

TÉLÉCOMS JEU DE CHAISES MUSICALES CHEZ ORANGE Principal bras armé d’Orange en Afrique, l’opérateur sénégalais Sonatel est désormais dirigé par Alioune Ndiaye. Par ailleurs, le groupe français a procédé à six autres nominations de directeurs généraux dans ses filiales. Jean-Luc Bohé succède à Alioune Ndiaye au Mali et laisse sa place dans la Grande Île à Michel Barré. Jean-FrançoisThomas devient directeur général en Jordanie, son poste de directeur général adjoint à Maurice est confié à Nathalie Clere. Enfin, Didier Charvet prend les rênes de laTunisie.Tous prendront officiellement leurs fonctions le 1er octobre. ● HYDROCARBURES SONATRACH EN MODE TURBO Conformément à son plan d’investissement, Sonatrach a entamé la construction d’une nouvelle

raffinerie dans la wilaya de Biskra, à 400 km au sud d’Alger, pour 3 milliards de dollars (2,3 milliards d’euros). Cette unité devrait atteindre une capacité de 5 millions de tonnes de produits pétroliers par an, parmi lesquels du benzène, du gaz de pétrole liquéfié (GPL) et du kérosène notamment. ● MINERAIS DE SANG L’ÉTAU SE RESSERRE La RD Congo a demandé à la SEC, le gendarme américain de la Bourse, un embargo sur l’exportation de minerais depuis le Rwanda, qu’elle accuse de financer la rébellion qui sévit dans l’est de son territoire. En août, la SEC a voté deux nouvelles dispositions visant à réduire la corruption et le trafic des « minerais de sang », tandis que les eurodéputés se sont prononcés la semaine dernière en faveur de l’introduction d’obligations de transparence à l’égard des multinationales européennes. ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Décideurs

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RESSOURCES NATURELLES

Eve Howell reprend du service en Afrique

DR

L’influente femme d’affaires australienne, soudanaise d’origine, s’intéresse désormais à l’or malien et au pétrole marocain.

B

ien qu’elle s’en défende, Eve Howell est une célébrité en Australie. L’une de ces personnes qu’il fait bon saluer pour qui nourrit quelque ambition dans les secteurs miniers et pétroliers de l’île-continent. Dans les salons lambrissés et inondés de soleil de l’hôtel Pan Pacific, à Perth, la capitale minière du pays, elle n’en finit plus de répondre aux marques de considération des uns et des autres. D’un simple hochement de tête ou d’un petit signe de la main, mais toujours avec un sourire, presque timide. Pendant plusieurs années, Eve Howell a été l’une des femmes les plus influentes d’Australie. Responsable, au sein de la compagnie Woodside, du plus grand projet gazier jamais développé dans le pays, elle est ensuite devenue vice-présidente du premier opérateur pétrolier australien, avant de tirer sa révérence en novembre dernier pour mettre un terme, à 66 ans, à une N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

1945 Naissance à Khartoum (Soudan) 1962 Part vivre à Londres 1981 S’installe en Australie 2006 Entre chez Woodside 2012 Prend la tête d’EMR Resources et de Tangiers Petroleum

rencontre par hasard en 2009 à l’aéroport de Perth. Les deux géologues de formation se lient vite d’amitié, surtout lorsque Max entretient Eve de ses projets en Afrique. NOUVELLES AVENTURES. Née le

11 septembre 1945 à Khartoum, cette dernière n’est jamais retournée sur le continent qu’elle a quitté à l’âge de 16 ans pour suivre sa mère à Londres, après le décès de son père originaire de l’ancien Sud-Soudan. De son enfance, elle garde le souvenir de « magnifiques » levers de soleil sur le Nil, vision qu’elle retrouvera bien des années plus tard en contemplant le fleuve Niger de la fenêtre de son hôtel à Bamako. En posant les pieds au Mali fin 2011, elle a « immédiatement eu l’impression d’être de retour à la maison », se souvient-elle, l’œil aussi brillant que les perles de belle taille suspendues à ses oreilles. Plus question à présent de « parler de retraite » pour la présidente d’EMR et de Tangiers. Au contraire, elle est bien décidée à « démarrer de nouvelles aventures » sur sa terre natale. « Pas pour l’argent, mais plutôt pour contribuer à son développement et à celui de ses populations », insiste Eve Howell, qui a connu une excitation comparable en débarquant en Australie occidentale dans les années 1980. « L’Angleterre ne m’aurait jamais offert la carrière que j’ai eue ici », estime Eve qui, bien que possédant « trois passeports », se sent

carrière que tous s’accordaient à juger bien remplie. Elle n’a pourtant pas tardé à sortir de sa retraite. D’ailleurs, Eve Howell est coutumière du fait puisque, en 2006 déjà, c’était après quelques mois d’inactivité qu’elle avait accepté la proposition que Woodside lui présentait sur un plateau d’argent. Seulement cette fois, ce n’est pas pour Cette fois, elle se lance répondre aux sollicitations de quelque pour accompagner les pas major pétrolière qu’elle de deux jeunes entreprises. reprend du service, mais pour accompagner et encadrer les premiers pas de avant tout australienne. Même deux jeunes entreprises austrasi le Soudan continue d’occuliennes, EMR Resources et Tangiers per une place particulière dans Petroleum. La première prospecte son cœur. Elle espère pouvoir y depuis quelques mois les veines retourner enfin cette année. « Tout aurifères du Mali, la seconde est sera certainement très différent », l’opérateur, désigné par l’État maroredoute-t-elle. Sauf le soleil, toucain, de champs d’hydrocarbures jours aussi majestueux lorsqu’il au large de ses côtes. émerge chaque matin des flots Derrière ces entités, un seul bleus du Nil blanc. ● homme, Max de Vietri, qu’Eve OLIVIER CASLIN, envoyé spécial à Perth JEUNE AFRIQUE


Décideurs Devant les instances internationales, le tout s’est soldé par un accord à l’amiable: l’opérateur versera 103 millions de dollars à l’État (78,9 millions d’euros) pour mettre fin au conflit et obtenir sa licence.

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

INSPIRER CONFIANCE. Cependant,

! AU DÉPART, son activité consistait avant tout à gérer des contentieux.

CONSEIL

François Sarr, le tombeur de Millicom

L’avocat d’affaires sénégalais a conseillé son pays dans la procédure contre l’opérateur télécom. Mais ce n’est que l’une des facettes de son travail.

S

ur son bureau sont posés des dossiers où l’on peut lire Apix, MDL ou ICS. De l’Agence nationale chargée de la promotion des investissements et des grands travaux aux Industries chimiques du Sénégal, en passant par les banques de la société aurifère, la liste des clients de François Sarr est longue. Y figurent non seulement les principaux établissements bancaires du pays, mais aussi les multinationales Shell, Total ou Eiffage… Toutes

les grandes entreprises présentes au Sénégal semblent être passées par le cabinet de l’avocat d’affaires. Touslesdossierspolitiquescruciaux concernant les infrastructures ou l’électricité également. Son dernier fait d’armes: avoir été l’un des avocats de l’État sénégalais contre Millicom. Dans cette affaire, le gouvernement avait porté plainte contre Sentel, la filiale sénégalaise de l’opérateur téléphonique, l’accusant de s’être octroyé une licence de téléphonie à un prix dérisoire.

l’essentiel du travail de François Sarr ne consiste plus à régler des contentieux… Il a modifié l’orientation des activités du cabinet qu’il a rejoint en 1982 (lorsque les avocats, respectivement libanais et français, Adel Fakry et Pierre-Michel Reyss l’ontrepéré)etquiportemaintenant son nom. La structure jouissait déjà alors d’une solide réputation en matière de défense des sociétés. D’abord association d’avocats généralistes, le cabinet François Sarr s’est peu à peu tourné vers le conseil aux entreprises avec des équipes (douze avocats aujourd’hui) capables de les suivre sur le long terme. « Cela a pris beaucoup de temps, explique l’avocat. Il a fallu accompagner de nombreux clients dans des contentieux afin d’avoir l’expérience nécessaire pour inspirer confiance. » Prochainobjectif:étendrelesactivités du cabinet et en faire une référence en Afrique de l’Ouest. « Avec l’uniformisation du droit au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les possibilités sont immenses », se félicite l’avocat. Il a déjà travaillé avec la Société financière internationale au Mali. Un premier pas hors du Sénégal. ● MAUD JULLIEN, à Dakar

DR ; RENAULT

ON EN PARLE

MEHDI GUEDDAS ACCOMPANY CONSULTING Le président de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) quitte Attijari Leasing, dont il était directeur général adjoint, pour fonder ce cabinet d’études. JEUNE AFRIQUE

OPUIYO OFORIOKUMA ARM INFRASTRUCTURE FUND Le Nigérian a été nommé directeur général de ce nouveau fonds qui doit investir plus de 190 millions d’euros dans des projets d’infrastructures au Nigeria et en Afrique de l’Ouest.

GUILLAUME JOSSELIN RENAULT ALGÉRIE L’ancien directeur marketing de Renault France prend la direction générale de la filiale algérienne. Il succède à Stéphane Galoustian, qui devient PDG de Renault Maroc. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Marchés financiers ! La société collabore avec Sanofi ou GlaxoSmithKline TOUT EN DÉVELOPPANT SA PROPRE GAMME.

de 4,5 millions de dinars en 2010 à 1,2 million de dinars. « L’année 2012 sera bien meilleure avec une progression estimée du chiffre d’affaires de 6 % [pour un résultat net de 4 millionsdedinars,NDLR],enattendant une croissance à deux chiffres pour les trois exercices suivants », précise Sofiane Hammami, analyste pour l’intermédiaire boursier Axis Capital Bourse. PORTEFEUILLE. Partenairedegéants

ONS ABID

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TUNISIE

Adwya voit la vie en bleu

Après une année 2011 morose, le laboratoire pharmaceutique retrouve des couleurs. Le succès du Viatek, une formule reprenant le principe actif du Viagra, valide son choix de miser sur les médicaments génériques.

M

ondialementconnue parce qu’elle permet aux hommes d’atteindre à nouveau des sommets quand tout espoir leur était interdit, la pilule bleue redresse aussi les courbes financières. Aux anges, les actionnaires du laboratoire Adwya, leader du marchéofficinalenTunisie,peuvent le certifier depuis la commercialisation, en mars dernier, du Viatek. Ce générique, déclinaison du Viagra, dont il reprend le principe actif, a rencontré un grand succès, générant 1 million de dinars (près de 490000 euros) de chiffre d’affaires finavril2012.Unrésultatquel’entreprise espère doubler d’ici à la fin de l’année. Il faut dire qu’Adwya profitait de conditions favorables, l’américain Pfizer n’ayant, jusqu’au 4 septembre, pas l’autorisation de vendre l’original. Ces chiffres sont de bon augure après un exercice 2011 morose, perturbé par des tensions sociales au sein de l’entreprise. Sur un marché N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

officinal toujours en hausse (+ 8 % en 2011, à 1 milliard de dinars), les revenus d’Adwya n’avaient grimpé quede2,6%pouratteindre55,2millions de dinars (28,3 millions d’euros). Ses profits s’étaient écroulés (– 73,8 %), son résultat net passant Des objectifs ambitieux à l’horizon 2016 (chiffre d’affaires en millions d’euros)

+ 58 %

44,6

+ 2,4 + 2,7 + 3,9 +5

Export Sans ordonnance Nouveaux génériques Gamme sous licence actuelle Gamme générique actuelle

28,3

+ 2,3

2011

2016 (prév.)

SOURCE : ADWYA

comme Sanofi ou GlaxoSmithKline, l’entreprise s’est concentrée dès le début des années 1990 sur la fabricationdemédicamentssouslicence. Cette activité représente encore près des trois quarts de son chiffre d’affaires. Une spécialisation favorisée par la loi dite de corrélation, une législation protectionniste qui, à partir de 1991 et jusqu’en 2006, a privilégié les productions locales au détriment des importations. « L’une des conséquences de ces collaborations est qu’aujourd’hui les salariés d’Adwya sont parmi les mieux formés en Tunisie », explique le consultant Faiz Makni, ancien directeur technique de l’entreprise. Mais l’enjeu pour le laboratoire consiste maintenant à développer son portefeuille de génériques pour ne pas dépendre de ses donneurs d’ordres. Un effort rendu nécessaire également par la volonté du gouvernement de réduire la consommation de produits sous licence, qui, lorsqu’ils ne sont pas importés (entretenant le déséquilibre de la balance des paiements), coûtent de toute façon plus cher à la Sécurité sociale que des génériques. Initiée dès le milieu des années 2000, cette stratégie reste cependantdifficileàappliquer,l’entreprise devant éviter les conflits d’intérêts avec les laboratoires dont elle produit les médicaments. Dans son plan de développement 2012-2016, dévoilé en mai dernier, la direction estimait cependant pouvoir augmenter de 155 % les revenus tirés des génériques sur cinq ans pour les porter de 14,1 millions JEUNE AFRIQUE


Baromètre de dinars en 2011 à 36 millions en 2016 (sur un chiffre d’affaires global attendu à près de 87 millions). Pour y arriver, le patron d’Adwya, Ramzi Sandi, ancien directeur des affaires industrielles de Sanofi en Tunisie, mise entre autres sur la commercialisation d’une gamme d’antidouleur et d’anti-inflammatoires vendus sans ordonnance. Autres chantiers prioritaires pour le laboratoire: développer ses exportations encore embryonnaires et décrocher davantage d’appels d’offres publics destinés aux hôpitaux.

Le cours du titre à la Bourse de Tunis a augmenté de 18,5 % depuis début janvier. Des objectifs ambitieux qui impliquent des investissements de près de 1 million de dinars par an pour les trois prochains exercices, notamment pour améliorer les lignesdeconditionnement,acquérir des équipements de laboratoire et agrandir les locaux. En dépit des défis que cela représente, les projets d’Adwya ont ces derniers mois séduit les milieux financiers, restés par ailleurs insensibles à la confiscation par l’État des parts (34 % du capital) de Moncef elMateri, cofondateur de l’entreprise en 1983, en raison de ses rapports avec le clan Ben Ali. À la Bourse de Tunis, l’action du laboratoire a augmenté de 18,5 % depuis début janvier pour atteindre 8,4 dinars le 18 septembre, et les échanges de titres ont été multipliés par trois au premier semestre 2012 comparé à la même période en 2011. « Selon nos calculs, le potentiel du titre Adwya pourrait dépasser 11 dinars, soit près de 30 % de plus que le niveau actuel. À nos yeux, c’est un excellent placement », estime Imen Ben Ahmed, analyste pour le cabinet AlphaMena. Reste à voir si les investisseurs suivront ce conseil au moment où ils semblent bouder la Bourse de Tunis, sans doute échaudés par la dégradation du climat dans le pays et l’approche du vote de la nouvelle Constitution. ●

Marchés financiers

Zimbabwe : l’impossible reprise VALEUR

SECTEUR

COURS au 19 septembre (en euros)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

British Am. Tobacco AGRO-INDUSTRIE

3,1

+ 158,1

National Foods Old Mutual OK Zimbabwe Innscor Africa Econet Delta Corporation Hippo Valley Estates Seed Co ABC Holdings

1 1,3 0,1 50,5 3,3 0,6 0,8 0,6 0,4

+ 51,2 + 30,8 + 30 + 21,1 + 7,5 + 7,1 – 4,35 – 22,73 – 47,37

A LIMENTAIRE A SSURANCES D ISTRIBUTION H OLDING T ÉLÉCOMS B OISSONS A GRICULTURE A GRICULTURE B ANQUE

L’ÉCONOMIE DU PAYS a beau être sortie de ses pires années, grâce notamment à la dollarisation, rien n’y fait. Après avoir reculé de 3,6 % en 2011, le marché a poursuivi sa baisse en 2012. L’indice industriel abandonne ainsi 3,2 % depuis le début de l’année, quand l’indice des valeurs minières s’effondre de 22 %.

Résultat : les valorisations sont désormais très basses au regard des performances économiques des sociétés cotées, notamment pour les plus grandes. Le numéro un local des télécoms, Econet, a ainsi vu ses profits bondir de 18 % en 2011-2012. Seed Co, l’un des tout premiers semenciers en Afrique, a vu les siens progresser de 10 %. ●

Valeur en vue DELTA CORPORATION Une croissance masquée par le risque pays DEPUIS MAI 2011, le cours de Delta Corporation a perdu 20 %, en ligne avec l’évolution de l’indice boursier zimbabwéen. Cette chute s’est produite malgré une croissance de l’activité de 39 % en rythme annuel, renforçant notre opinion selon laquelle le groupe souffre des incertitudes politiques et économiques locales. Principal brasseur du pays avec une part de marché supérieure à 90 % sur l’industrie des boissons, Delta devrait continuer à bénéficier de la reprise du pouvoir d’achat et de la fin Andy Gboka de l’hyperinflation. Depuis l’exercice 2009, les volumes Analyste chez Exotix de vente ont plus que doublé, passant de 2,5 millions d’hectolitres à 6,9 millions pour la période fiscale écoulée. De plus, le groupe a investi plus de 200 millions de dollars sur les deux dernières années afin d’augmenter ses capacités de production, mais aussi d’améliorer sa productivité. Nous prévoyons une hausse annuelle moyenne de 15 % des revenus d’ici à 2017, combinée avec une croissance à deux chiffres du bénéfice par action. Nous maintenons donc notre recommandation d’achat sur l’action. » ● BOURSE

CA 2011-2012

COURS

OBJECTIF

Zimbabwe

554,8 millions de dollars (+ 36 %)

0,75 dollar (19/9/12)

0,94 dollar

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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Dossier

Automobile

TENDANCE

Le haut de gamme monte en pui L’émergence d’une classe aisée profite aux marques de luxe. Comme sur les routes d’Afrique du Sud, il n’est plus rare de croiser au Maghreb et dans certains pays subsahariens berlines allemandes ou 4x4 cossus… en attendant les voitures de sport. SÉBASTIEN DUMOULIN

L

e 16 mars dernier, au cœur de Victoria Island, le quartier chic de Lagos, s’ouvrait en grande pompe le tout dernier showroom africain de Porsche. Après le Maghreb (2002 au Maroc, 2008 en Tunisie et 2011 en Algérie) et le Ghana (2011), le fabricant de la mythique 911, présent de longue date en Afrique du Sud, a choisi le Nigeria pour étendre un peu plus sa toile africaine – symbolisant parfaitement l’intérêt récent et marqué des constructeurs premium pour le continent. Avec 600 m2 consacrés à la marque, neuf véhicules exposés, assortis d’un garage dernier cri, les installations nigérianes de Porsche n’ont rien à envier aux plus belles concessions européennes. « Nos voitures étaient jusqu’à présent importées des États-Unis. Aujourd’hui, Porsche a estimé que le potentiel de développement justifiait une implantation sur place », explique Michael Wagner, responsable de la marque à Lagos. « Les ventes se développent bien. Les modèles Panamera et Cayenne ont un grand N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

succès. De nombreux businessmen apprécient la robustesse de nos voitures. Nous profitons aussi du travail effectué depuis plusieurs années par des marques comme BMW ou Mercedes pour familiariser le consommateur nigérian aux véhicules haut de gamme », reconnaît-il. Pour Porsche, l’Afrique est devenue un relais de croissance essentiel. Il faut dire que, dans les rues de Lagos comme ailleurs sur le continent, il n’est plus rare de croiser de grosses cylindrées. Ferrari, Bentley et Lamborghini y restent des produits importés – mais un showroom Audi devrait par exemple sortir de terre d’ici à un an. Surfant sur le succès de la berline familiale A4 et du SUV compact Q5, les concessions Audi poussent en Afrique comme des champignons après la pluie: la marque en compte 60, dont 17 ouvertes ces deux dernières années, et 13 autres devraient s’implanter d’ici à 2013. « Nous écoulons plus de 20 000 véhicules par an en Afrique », explique Ian Bolin, directeur des ventes Afrique du Sud. Le marché sud-africain représente encore 80 % du total, « mais l’Algérie et le Maroc, suivis par l’Égypte, sont de gros marchés et progressent très vite », assure-t-il. Si l’Afrique du Sud fait encore figure d’exception sur le continent, elle pourrait en effet ne pas garder très longtemps ce statut particulier. De plus en plus, c’est le Maghreb qui attire les regards. Sur les marchés algérien, tunisien et marocain, BMW affiche ainsi 30 % de progression sur un an, avec plus de 2 000 véhicules vendus ces huit derniers mois. Du JEUNE AFRIQUE


Les allemandes en pole position

INTERVIEW

Robin Colgan, directeur

régional de Jaguar Land Rover

TUNISIE

Kia impose sa marque

ENQUÊTE

Les rouages bien huilés de l’occasion

ssance côté de Porsche, qui annonce 200 ventes paran dans larégion, on ne cache pas ses ambitions. « Au Maroc, qui représente 75 % de nos ventes au Maghreb, nous avons actuellement un taux de progression de 60 % », se réjouit Cyrille Van Belleghem, directeur des ventes France (qui supervise aussi le Maghreb). Il envisage très sérieusement une implantation en Libye. « Le Printemps arabe a clairement libéré les aspirations à consommer des classes supérieures dans cette région du monde. Nous allons multiplier par deux les volumes sur la zone dans les trois ans qui viennent », pronostique-t-il.

! DANS UNE RUE COMMERÇANTE DU

BERGES BMW a vu ses ventes progresser de 30 % en un an sur les marchés algérien, tunisien et marocain. QUARTIER DES

DU LAC, À TUNIS.

VITESSE. En Afrique subsaharienne, si les ventes

n’atteignent pas encore de tels niveaux, la situation évolue également. Avec l’essor économique et la plus grande stabilité politique, la classe moyenne se déplace de plus en plus dans des véhicules premium. Une marque comme BMW a ainsi pu passer de 80 voitures vendues en Côte d’Ivoire en 2011 à 110 prévues pour 2012 (avec un objectif de 140 en 2013), tandis qu’au Nigeria elle a multiplié ses ventes par trois dans le même laps de temps, visant cette année 300 véhicules. L’état des routes ne permet certes pas de s’offrir les pointes de vitesse que promettent les plaquettes officielles des bolides, mais les marques misent sur leurs gros 4x4 de luxe pour pénétrer les marchés – en retravaillant la motorisationpourl’adapteràlaqualitédescarburantslocaux. L’évolution des exigences des consommateurs fait le reste. « Des véhicules comme le iX35 de Hyundai, JEUNE AFRIQUE

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NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

PANORAMA

Porsche en Afrique

6 showrooms 200

ventes par an au Maghreb Une progression annuelle de

60 % au Maroc

qui sont à la frontière du haut de gamme, jouent le rôle de tremplin, explique Bernard Bousson, brand manager pour le distributeur Tractafric Motors Corporation. Ils se vendent très bien en ce moment. Le stade suivant, pour beaucoup de clients, sera de passer à des marques allemandes. » « Les couleurs retenues sont très majoritairement le noir ou le gris, car ici la voiture de luxe reste un accessoire de businessman », remarque Michael Wagner chez Porsche. Du coup, si les grosses berlines et les 4x4 luxueux se multiplient sur les routes africaines, les « supercars » – le segment du très haut de gamme – ne rencontrent pas encore le même succès. Ferrari, Bugatti, Lamborghini, Maserati, Bentley, Rolls-Royce… Toutes ces marques ont un distributeur en Afrique du Sud, certaines en Égypte, aucune n’est présente ailleurs. Clifford Joffe, responsable marketing d’Aston Martin en Afrique du Sud, exclut ainsi tout développement continental dans un futur proche : « Nous vendons quelques véhicules hors d’Afrique du Sud, mais compte tenu de la qualité des infrastructures, l’intérêt de la conduite de nos voitures dans les pays limitrophes est limité. » Pour Yasmine El Kadiri, chroniqueuse spécialisée de la station marocaine Luxe Radio, « les supercars restent exceptionnelles. On peut douter que ce segment de marché se développe un jour au Maghreb car, si les signes extérieurs de richesse sont pleinement acceptés, une certaine discrétion reste de mise. Nous ne sommes pas du tout dans le “bling-bling” moyen-oriental ». ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


15061-1 012 460 8545

CHANGEMENT DE CROISSANCE. Avec une large gamme de véhicules spécifiquement conçue pour des conditions routières difficiles et une qualité variable de carburant en Afrique subsaharienne, ainsi qu’un réseau de revendeurs bien établi et toujours en expansion, Nissan est prêt à participer à la croissance de l’Afrique. PLAN D’AFFAIRES QUINQUENNAL En 2011, Nissan a dévoilé “ Power 88 ”, son plan quinquennal qui fixe la direction stratégique pour accélérer la croissance de la compagnie sur les nouveaux marchés et segments. “ Power ” traduit l’envie de renforcer la marque et ses ventes, tandis que “ 88 ” fait référence à ses ambitions en terme de résultats : 8% de part de marché globale et 8 % de bénéfice d’exploitation durable. “ Driving Power 88 ” est une offensive produit et technologique qui se traduit par le lancement mondial de 51 nouveaux modèles sur toute la durée du plan. Ceci fait une moyenne d’un nouveau véhicule toutes les six semaines pendant les six prochaines années. L’un des points importants du plan est l’extension de la “ mobilité pour tous ”, par le renforcement de la gamme de véhicules commerciaux légers et l’introduction de

véhicules passagers sur les marchés émergents. Une grande partie de la croissance de ces marchés se trouve en Afrique où Nissan a déjà une forte présence avec une large gamme de véhicules commerciaux légers et un réseau établi de revendeurs. “ Prévue pour être la prochaine région de croissance après la Chine, avec un taux de croissance du PIB anticipé de plus de 5% par an, Nissan considère l’Afrique comme un marché stratégique pour atteindre ses objectifs à moyen terme. ” a déclaré Jim Dando, Directeur Général des opérations régionales globales de la compagnie, le Bureau Nissan régional pour l’Afrique.

CONDUIRE LA CROISSANCE DES VENTES EN AFRIQUE La stratégie de Nissan pour dynamiser la croissance des volumes en Afrique s’appuie sur le marché établi des véhicules commerciaux légers dans une large gamme de secteurs, et capitalise sur une urbanisation croissante liée au développement de la classe moyenne et à l’expansion de la force de travail. “ La base de clients grandissante en Afrique deviendra de plus en plus motorisée et Nissan a pour objectif d’être au premier rang des initiatives pour capturer ce marché ” déclare Dando. “ Les segments d’entrée ont fortement augmenté depuis la crise économique mondiale en 2009, et nous y voyons une opportunité d’augmenter la part de marché Nissan sur les marchés africains. ” Après avoir lancé en 2011 la Micra, avec sa faible consommation, Nissan a lancé l’Almera sur les marchés d’Afrique subsaharienne au cours du premier trimestre 2012. Pour nos clients qui vivent ces moments excitants, la Nissan Almera est une toute nouvelle berline

haut de gamme, stylée à l’intérieur comme à l’extérieur, vendue à un prix très attractif. Elle se fait l’écho du fort dynamisme mondial pour l’éco-sensibilité avec de faibles émissions de CO2 et une consommation de premier ordre. “ L’Almera est l’un de ces cas clairement défini lorsqu’une grande multinationale est poussée à agir par ses clients ”, déclare Dando. “ C’est un produit qui répond aux demandes du monde réel pour les voitures: une conduite confortable, une voiture fiable et abordable à l’achat comme à l’utilisation, tout en étant classe, afin de projeter l’image de quelqu’un de bien établi et qui se déplace.” Avec son vaste espace intérieur, son excellente consommation et son design haut de gamme à un prix abordable, l’Almera devrait être très attractive pour bon nombre de personnes. Pour renforcer sa gamme de véhicules commerciaux légers, le mois d’octobre de cette année verra l’introduction du minibus et fourgonnette tant attendu, le NV350 Urvan, doté d’un grand nombre de nouveaux éléments design, d’éléments de confort et du nouveau moteur 2,5 l turbo diesel avec un couple augmenté et une consommation exceptionnelle.

RÉSEAU FORT En plus d’optimiser sa gamme de produits, Nissan s’appuiera aussi sur sa notoriété en Afrique, ainsi que sur son service d’assistance solide et son infrastructure de service après-vente. Pour soutenir les ventes de nouveaux véhicules Nissan en Afrique subsaharienne, son réseau de revendeurs bien établi est actuellement en train d’étendre sa portée afin de répondre aux besoins des clients dans les régions isolées.


Nissan va de l’avant en Afrique avec pour objectif d’accroître sa part de marché sur le continent. Jim Dando - GM

Nissan Africa Regional Office Dans des pays miniers comme la Zambie, la Tanzanie, le Ghana et le Mozambique, des réseaux étendus de revendeurs sont mis en place pour assurer une fourniture ininterrompue de pièces et des révisions fiables des véhicules. En tant que marque longuement établie sur le continent africain, depuis ses premiers jours Datsun, Nissan a fourni des services ventes et après-ventes personnalisés en fonction des besoins de ses clients. A tout moment, le magasin de pièces détachées Nissan Afrique du Sud détient un inventaire excédant US$20 millions pour les véhicules vendus en Afrique, à partir de neuf usines différentes de production de par le monde. De plus, les distributeurs locaux conservent un stock de pièces d’un minimum de trois à six mois pour s’assurer que les véhicules des clients n’auront pas à attendre. Les pièces urgentes sont envoyées par avion pour qu’elles puissent arriver dans la semaine, en fonction des délais douaniers et de la disponibilité des vols.

LARGE RÉSEAU, SERVICE SOLIDE COUNTRY

COMPANY

CONTACT

TELEPHONE NUMBER

ALGÉRIE

Groupe Hasnaoui

Sefiane Hasnaoui

+213 2121 980306 +244 2226 41609

ANGOLA

TDA

Nicolau Silva

BÉNIN

Sonaec

Charlemagne Anani

+229 2133 1171

BURKINA FASO

Sea-B

Gilles Lawson

+226 7138 2139 +257 2222 2185

BURUNDI

Old East

Ulrike Ring

CAMEROUN

Mitcam

Pierre-Marie Tchokouani

+237 3342 2445

TCHAD

CFAO Motors Tchad

Abderahim Djalal

+235 6629 1257

CONGO BRAZZAVILLE

Auto Transport Company

Stephane Salomon

+322 7249 041

CÔTE D’IVOIRE

ATC Comafrique

Fidele Koffi

+225 0702 9496

DJIBOUTI

Anciens Comptoirs Ries

Stéphane Damblin

+253 7760 9840

ETHIOPIE

Nyala Motors Sh. Co.

Mintesnot Tessera

+251 1166 13919

GABON

CFAO Motors Chad

Jacques Regnault

+241 0518 2400

GAMBIE

Shyben A. Madi

Anand Dwaraka

+220 7769 669 +233 2122 2311

GHANA

Auto Parts Ltd

Ghassan Zakhour

GHANA

Japan Motors Trading

Imad Ghorayeb

+233 302 682220

GUINÉE-BISSAU

Mavegra Trading

Luis Gomes

+245 3211 529

GUINÉE CONAKRY

GSCF

Alpha Oumar Diallo

+224 6235 2726

GUINÉE EQUATORIALE

Compagnie du Rio

Ema Kamdem

+240 0991 22

KENYA

DT Dobie Kenya

Usha Nagpal

+254 2069 77200

LIBERIA

GBK Motors

Elie Geagea

+961 4404 814/5

MADAGASCAR

Madagascar Automobile

Hanitra Ratonga

+261 2023 25454

MALAWI

CFAO Malawi

Peter Khamisa

+265 1880 571

MALI

SERA

Facourou Soumare

+222 5255 572

MAURITANIE

CGA SA

Mohamed Babati

+222 6303 240

ILE MAURICE

ABC Motors

Nitish Gungabissoon

+230 2069 900

MAROC

SIAB

Nicolas Beguin

+212 6612 59813

MOZAMBIQUE

Motor care

Martha Dos Santos

+258 2131 2931/8

NIGER

Babati Automobiles

Ali Ahmed Babati

+227 9696 3730

NIGERIA

Alliance Autos Nigeria

Gaurav Kaul

+234 1462 7888

OUGANDA

Motorcare Uganda Ltd

Moses Banturaki

+256 3122 38217

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

GACOA - SIV

Robert Ngoki

+236 2161 1617

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Auto Transport Company

François Kayibadi

+243 0818 845250

RWANDA

ATC

Felix Singama

+250 7883 01188

SÉNÉGAL

Sera

Herbert Horn

+221 3384 93057

SEYCHELLES

Sun Motors Ltd

Alain Ah-Cheen

+248 437 3541

TANZANIE

CFAO Tanzania

Wayne Macintosh

+255 2228 61040

TUNISIE

Adev Sarl

Samir Landouisi

+216 7190 4300

ZAMBIE

CFAO Zambia

George Roberts

+260 2112 43112/4

ZIMBABWE

Nissan Zimbabwe

Brendon Butterworth

+263 4369 0306


120

Dossier Automobile PANORAMA

Les allemandes en pole position

À la fois robustes et luxueux, ces bolides dominent le marché africain des véhicules premium. par SÉBASTIEN DUMOULIN

AUDI A4 MOINS GOURMANDE

C PORSCHE CAYENNE MONSIEUR MUSCLES

V

éhicule de prestige, le Cayenne se taille un joli succès en Afrique, où il représente 75 % des ventes de Porsche. Ce Sport Utility Vehicle (SUV) en a sous le capot. Les versions de base en diesel et essence développent 245 et 300 chevaux pour des tarifs démarrant à 59882 euros.

Au sommet de la gamme trône l’effrayantTurbo: 500 chevaux, 278 km/h en vitesse de pointe et le 0 à 100 km/h abattu en 4,7 secondes. Ces petits plaisirs ont un prix en accord avec les sensations: 123659 euros, sans compter les options. ●

BMW SÉRIE 3 SIXIÈME GÉNÉRATION

L

a BMW la plus vendue au monde fait un carton plein en Afrique. Avec 569 exemplaires écoulés au Maghreb sur les huit premiers mois de 2012, cette berline premium s’impose comme la plus appréciée de la gamme. Vendue à partir de 30 600 euros, la Série 3 en est actuellement à sa sixième génération et est disponible en essence ou en diesel, en boîte manuelle à 6 rapports ou automatique à 8 rapports. Le modèle de base développe 116 chevaux en diesel et 136 en essence, mais deux autres éditions développent respectivement 258 et 306 chevaux. ●

ette icône parmi les berlines allemandes est légèrement plus longue (de 8 cm, à 4,7 m) que sa grande rivale, la Série 3. Vendue à partir de 27000 euros, elle est disponible en essence et en diesel avec une boîte manuelle de 6 vitesses et bondit en à peine 8 secondes de 0 à 100 km/h (avec le moteur 1,8 l TFSI de 170 chevaux). Le système Start/Stop, qui coupe le moteur lorsque la voiture est à l’arrêt, et la récupération d’énergie au freinage permettent une consommation de carburant réduite – moins de 5 l pour 100 km en moyenne pour les diesels. ●

MERCEDES M ÉCOLO-COMPATIBLE

P

our sa troisième génération, le légendaire SUV ML de Mercedes est rebaptisé M. Il continue de faire rêver les amateurs de tout-terrain, tout en s’affichant « écolo-compatible », avec une consommation annoncée de 6 l pour 100 km pour l’entrée de gamme 4 cylindres diesel et des émissions de CO2 inférieures à 170 g/km. Ce premier modèle coûte tout de même 55 250 euros. Les prix, tout comme la consommation et les émissions, augmentent sensiblement selon les modèles – sans compter les options qui peuvent alourdir encore l’addition. Les versions diesel existent en 204 et 258 chevaux, tandis que la motorisation essence offre un V6 de 306 chevaux ou un V8 de 408 ou 525 chevaux. ●

Les prix, mentionnés à titre indicatif, correspondent aux tarifs en vigueur en France. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE



Dossier Automobile STRATÉGIE

Robin Colgan

D IRECTEUR

RÉGIONAL DE

J AGUAR L AND R OVER

« Nos ventes ont décollé grâce à des motorisations diesels adaptées » Cet Anglais de 43 ans pilote l’activité des deux marques britanniques en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et au Pakistan. Depuis leur rachat par Tata, elles connaissent une forte croissance en Algérie et au Maroc.

JEUNE AFRIQUE: Que représente le marché nord-africain pour Jaguar et Land Rover ? ROBIN COLGAN: En 2008, quand

je suis arrivé à la tête de la région, nous vendions à peine 300 véhicules par an en Algérie et 200 au Maroc. Aujourd’hui, nous prévoyons plus de 1 000 ventes dans chacun de ces pays, avec un total de 2 800 en Afrique du Nord cette année. Nous écoulons encore peu de véhicules en Tunisie et en Égypte en raison des droits de douane élevés. Mais nous espérons que les nouvelles autorités feront évoluer les réglementations. Comment expliquez-vous votre belle progression au Maroc et en Algérie ?

de nos ventes, suivi du Range Rover Sport. Dans la gamme Jaguar, c’est la berline XD qui a le plus de succès. En Algérie en revanche, c’est le Freelander qui est en tête, avec 50 % des ventes, suivi du Range Rover Evoque (30 %). L’arrivée officielle de Jaguar dans le pays est prévue pour la fin de l’année. Qui distribue vos véhicules ?

En Afrique, nous travaillons avec des distributeurs locaux. Algérie Motors, Alpha International Tunisie et MM Group (en Égypte) commercialisent Land Rover. Au Maroc, le groupe Smeia distribue Land Rover, et la création de Jaguar Maroc

a été accompagnée par un partenaire local [Omar Benjelloun, NDLR]. L’entité Jaguar Land Rover appartient à l’indien Tata. Y a-t-il des synergies avec votre maison mère?

L’Inde est le seul pays où nous partageons des infrastructures avec Tata Motors [la branche automobile du groupe Tata], notamment logistiques. Ailleurs, nous n’avons pas d’autres relations que celles d’une filiale avec son actionnaire. Il n’y a pas de synergie opérationnelle en Afrique et ce n’est pas à l’ordre du jour.

Prévisions de ventes pour 2012 (en nombre de voitures)

14000 dans la zone Menap

2 800

Et entre Jaguar et Land Rover ?

Au siège, les deux marques sont gérées indépendamment. Elles n’ont été rassemblées au sein de la même entité qu’en 2002 [après leur rachat par Ford]. Mais dans chaque région, c’est une équipe commune qui élabore la stratégie commerciale et vient en appui aux distributeurs. Celle de la zone Afrique du Nord-Moyen-OrientPakistan [Menap] est basée à Dubaï et compte 40 personnes.

en Afrique du Nord (soit 5 %)

Les attentes de ces deux marchés sont similaires à celles de l’Europe du Sud, avec une forte proportion de motorisations diesels. Les véhicules de loisir toutterrain (SUV compacts) sont très demandés. Land Rover est très bien positionné sur le haut de gamme de ce segment, avec une sobriété qui convient aux hommes d’affaires. Avant 2008, il nous manquait des motorisations diesels adaptées à la qualité médiocre du carburant. Dès que nos modèles en ont été pourvus, avec un turbo diesel 2,2 l, les ventes ont décollé en flèche.

Sur quels nouveaux modèles comptez-vous pour doper vos ventes en Afrique du Nord ?

Cette année, Jaguar Land Rover a prévu d’investir 2 milliards de livres sterling [2,5 milliards d’euros] dans larechercheetledéveloppementde nouveaux modèles. J’attends avec impatience le nouveau Land Rover Defender [attendu pour 2013], qui doit offrir une tenue de route exceptionnelle. Par ailleurs, nous avons lancé le développement de petites motorisations diesels encore plus efficaces, compatibles avec le carburant local. Je suis très optimiste sur notre avenir dans la région. ●

Quels sont vos modèles les plus appréciés ?

Au Maroc, chez les particuliers, le Range Rover Evoque, lancé en janvier 2012, s’adjuge déjà la moitié N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

DR

122

Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


TRACTAFRIC MOTORS Corporation

Tractafric Motors Corporation une nouvelle référence de la Distribution Automobile

Tractafric Motors Corporation est né du rapprochement des entités automobiles de deux groupes très solidement implantés en Afrique: OPTORG et SDA. Véhicules particuliers, véhicules industriels, aftermarket: Tractafric Motors Corporation se positionne aujourd’hui en acteur de premier plan dans la distribution et le négoce automobiles en Afrique avec: ! Des enseignes commerciales réputées: Tractafric Motors, Demimpex Motors, Africauto, ATC, AMC. ! Un portefeuille de marques diversifié: Mercedes, Hyundai, Mitsubishi, Volkswagen, Ford, Nissan,… ! Un réseau commercial établi dans 26 pays ! 45 points de vente en propre et via des distributeurs agréés ! 1350 experts au service de nos engagements clients

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> Nos implantations: Belgique | Bénin | Burkina Faso | Cameroun | Chine | Congo Brazzaville | Côte d’Ivoire | France | Gabon Guinée Equatoriale | Gambie | Ghana | Guinée-Bissau | Guinée | Libéria | Maroc | Mauritanie | Mali Niger | RCA | République Démocratique du Congo | Sénégal | Sierra Léone | Tchad | Togo | UAE (Dubaï)

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> Contact: Website: www.tractafrictmc.com - Email: info@tractafrictmc.com


Dossier Automobile contre 14 500 euros pour une Clio (Renault). Mais il ne suffit pas toujours à convaincre. Autres atouts de la marque coréenne : une garantie decinqans,ladisponibilitédecylindrées plus puissantes, toujours à petits prix, et son réseau. SERVICE APRÈS-VENTE. « La proxi-

ONS ABID

124

TUNISIE

! L’entreprise s’appuie sur UN RÉSEAU DE SUCCURSALES TRÈS DENSE.

Kia veut imposer sa marque

Le concessionnaire du constructeur coréen, qui était détenu par Sakhr el-Materi, a subi des pertes pendant la révolution avant d’être saisi par l’État. Cela ne l’empêche pas de consolider sa présence sur le marché local.

A

rrivé fin 2009 sur ce marché limité mais friand de nouveautés, le constructeur sudcoréen Kia Motors prenait peu de risques en s’installant en Tunisie. Au cours des dix-huit premiers mois de son activité, il a écoulé quelque 5 800 véhicules et est devenu l’un des principaux acteurs du marché au niveau national. Au tournant de 2011, la révolution aurait bien pu mettre fin à cet essor, puisque City Cars, concessionnaire de Kia Motors (avec City Cars Gros pour les pièces de rechange), était une filiale de Princesse Holding, propriété de Sakhr el-Materi, gendre de l’ancien président Ben Ali. Malgré 2,5 millions d’euros de pertes lors des insurrections de janvier 2011, City Cars a réalisé 40 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année-là. Kia l’outsider a même réussi, au premier trimestre 2012, à détrôner Renault, traditionnel champion des ventes dans le pays, en raflant alors 15 % du marché (lui-même en forte progression, avec 65 % d’immatriculations de plus qu’au premier trimestre 2011). Même si au second trimestre le constructeur français a repris sa place de leader, Kia entend poursuivre sa N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

conquête, notamment grâce à la Rio (en vente depuis mars 2010) et à son positionnement tarifaire attractif sur le segment des berlines à bas prix. Au premier trimestre 2012, ce modèle réalise 55 % des ventes de la marque. Sur le carnet de commandes, 6 000 exemplaires sont en attente. « Elle est adaptée à nos besoins. C’est une citadine nerveuse et séduisante dont le prix est raisonnable », s’enthousiasme un inconditionnel. Sur un marché où les voitures sont chères car lourdement taxées, l’argument financier est crucial : une Rio coûte environ 13000 euros

6 Le 6e constructeur du pays

2659

véhicules vendus à la fin août 2012

7,6 %

de part de marché

mité est, en fait, la clef du succès », affirme Mehdi Mahjoub, PDG de City Cars (dont il était jusqu’en août le directeur général). L’entreprise a multiplié les succursales dans les principaux centres urbains et mis en place un service après-vente réactif – point faible de la concurrence. « Le marché tunisien a profité d’un produit qui était précédé d’une réputation de performance et qui proposait un renouvellement de gamme régulier. Une stratégie marketing simple, basée sur une campagne publicitaire classique et un sponsoring sportif ciblé, a lancé la Rio et toute la gamme Kia. Le bouche à oreille a fait le reste et créé un effet de mode », analyse un expert en communication. Si ses véhicules prolifèrent sur les routes tunisiennes, les mois à venir seront cruciaux pour Kia Motors. Placée sous séquestre depuis la révolution, City Cars, qui a créé 700 emplois directs et indirects, va être mise en vente. Pilotée par Axis Capital, la cession des parts de Sakhr el-Materi s’effectuera via la vente d’au moins 60 % du capital et l’introduction du reste en Bourse. De quoi permettre à l’État d’engranger une belle plus-value. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis

UNE LIBÉRALISATION IMPARFAITE AVEC UNE CAPACITÉ DE 40 000 à 50 000 nouvelles immatriculations par an, le marché automobile tunisien reste difficile à réguler. Régi jusqu’en 2010 par un système de quotas qui attribuait un contingent annuel d’importations à chaque concessionnaire, le secteur est en principe totalement libéralisé.

Mais les difficultés économiques du pays ont maintenu un statu quo autour des quotas afin de préserver la balance commerciale, même si aucun concessionnaire ne prendrait le risque d’importer plus de voitures qu’il ne peut en vendre. Le secteur est également fragilisé par les

difficultés que rencontrent les particuliers pour financer l’achat d’une voiture par crédit bancaire ou leasing, et menacé par les importations privées et l’expansion du marché de l’occasion, le gouvernement ayant relevé de trois à cinq ans l’âge limite des véhicules importés à titre individuel. ● JEUNE AFRIQUE



126

Dossier Automobile dans la capitale béninoise. Dès leur dédouanement, ils sont convoyés, de nuit, dans les différents parcs automobiles installés dans la périphérie pour ne pas engorger le port et la ville. Environ 90 % d’entre eux sont destinés au Nigeria, le reste Le marché des véhicules de seconde main ne connaît pas la allant au Niger et au Bénin. crise en Afrique subsaharienne. À Cotonou, Accra et Douala, À Cotonou, quatre grands la filière s’est structurée. Les importateurs diversifient importateurs dominent le secteur: Sobimex Traco, Al Woudjoud, leurs approvisionnements et montent en gamme. Micha et Balla & Fils. Tous sont ifficile d’évaluer la rehaussait de 5 à 8 ans l’ancienneté connectésaveclesgrandsacheteurs quantité de voitures des véhicules autorisés à l’importade véhicules établis à Bruxelles, la d’occasion qui arrivent tion. Au Nigeria, cette « rallonge » capitale belge restant le principal Un marché centre d’approvisionnement pour en Afrique : les circuits a été portée de 5 à 10 ans en 2010. en hausse d’importation sont mouvants Pour Ferdinand Assogbal’Afrique de l’Ouest. Le transporteur et les statistiques portuaires peu Dognon, secrétaire général de maritimenapolitainGrimaldiachel’Association pour la promotion fiables. D’après le chercheur Martin mine la plus grande partie des du port de Cotonou (APPC), Rosenfeld, de l’Université libre de voitures. Ses rouliers, navires l’imposition d’une limite Bruxelles, le nombre de véhicules dotés d’une rampe d’accès Nombre de véhicules importés en 2011 d’âge trop drastique était de seconde main importés de la pour les véhicules, font la vouée à l’échec. « Selon seule Europe irait de 4 millions à navette depuis le début Cotonou (Bénin) : la réglementation de la 5 millions chaque année. Un chiffre des années 1980. « En 340 000 Cedeao [Communauté auquel il faut ajouter le nombre 2010, Grimaldi (2,5 mil(+ 67 % en cinq ans) économique des États de liards d’euros de chiffre – inconnu – de ceux venus de Chine Toamasina (Madagascar) : d’affaires) a modernisé ses et des États-Unis. L’Afrique subsal’Afrique de l’Ouest, NDLR], 8 000 les véhicules peuvent cirinstallations de Cotonou harienne absorbe la plus grande (+ 25 % en cinq ans) culer librement en Afrique pour accélérer le rythme partie de ce commerce. Le marché du neuf y est encore peu développé, de l’Ouest. Tant que le Bénin, des débarquements », indique le Ghana et la Côte d’Ivoire, prinFerdinand Assogba-Dognon. avec seulement 41000 voitures sorcipaux pays d’entrée de l’occasion, ties d’usine vendues dans les pays francophones. À titre de comparain’adoptent pas une législation SAVOIR-FAIRE. « Des réseaux se son,340000véhiculesd’occasionont contre les véhicules âgés, il est illusont montés à Lagos et à Portdébarqué en 2011 dans le port de soire d’espérer rajeunir le parc autoHarcourt, après la libéralisation Cotonou,etenviron80000àDouala. mobile de cette façon », affirme-t-il. du marché au Nigeria. Mais ils n’ont En Afrique de l’Ouest, le port pas encore l’expérience suffisante « RALLONGE ». Certains pays ont de Cotonou est incontournable. ni les relations en Europe pour interdit l’importation de véhicules Tous les métiers de l’importation pouvoir vraiment nous faire de âgés, arguant de leur vétusté dany sont représentés (voir schéma) et l’ombre », estime le secrétaire génégereuse, et espérant une hausse 25000 personnes travaillent autour ral de l’APPC. Les ports d’Accra et de des ventes de voitures neuves… qui duvéhiculed’occasion.Transitaires, Douala disposent aussi d’un savoirn’est jamais venue. Sous la pression gestionnaires de parc automobile, faire reconnu. Le premier approvipopulaire, la plupart des dirigeants garagistes et revendeurs, chacun sionne le Ghana, le Burkina Faso et y ont finalement renoncé. En mai, joue sa partition. Chaque jour, un le Mali ; le second le Cameroun, le millier de véhicules débarquent le président sénégalais Macky Sall Tchad et la Centrafrique. Ceux qui desservent uniquement un marché national sont « ZÉRO KILOMÈTRE » moins organisés. « À Madagascar, CE NOUVEAU CIRCUIT Maghreb. « Les quelque 5000 voitures 8 000 véhicules d’occasion sont vendues chaque année D’APPROVISIONNEMENT concessionnaires entrés par le port de Toamasina fait frémir les européens vendent à prix dans le secteur haut de en 2011, indique le responsable distributeurs nordcoûtant des flottes gamme », s’indigne un d’une société portuaire malgache. entières à ces acheteurs. concessionnaire Ce sont à 40 % des particuliers et africains. Le « véhicule zéro kilomètre » est Ils entrent dans la casablancais qui, avec à 60 % des petits importateurs qui acheté neuf en Europe, combine, car ils reçoivent des coûts fixes plus les font venir. On ne peut pas parler par un importateur des primes pour des gros élevés, doit faire face à d’industrie de l’importation d’occaindépendant, qui volumes vendus. Au une différence de prix de sion comme au Bénin, même si ce l’achemine par ses Maroc, ce trafic 10000 à 12000 euros par commerce a progressé de 25 % en propres moyens au représente 30 % des véhicule. ● C.L.B. cinq ans. » ENQUÊTE

Les rouages bien huilés de l’occasion

D

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JEUNE AFRIQUE


Dossier Les intervenants de la filière Europe-Afrique

L’origine des véhicules évolue. « La proportion de voitures américaines a explosé, indique Ferdinand Assogba-Dognon. Il y a dix ans, nous importions la quasi-totalité de nos voitures d’Europe. Aujourd’hui, 40 % des véhicules d’occasion qui entrent à Cotonou viennent de la côte est-américaine. » Trois compagnies maritimes se partagent le transport Amérique-Afrique : Höegh, Mitsui OSK Lines et ACC.

3

2

CONSIGNATAIRE

Responsable de l’ensemble des démarches administratives pour l’expédition

ACHETEUR

Achète en Europe et revend aux importateurs

HAUT DE GAMME. Dans l’est du

1

ARMATEUR

4

Transporte le véhicule jusqu’en Afrique

IMPORTATEUR

Commande les véhicules d’occasion qu’il souhaite faire venir en Afrique

7

TRANSITAIRE E

5

Prend en charge le dédouanement pour le débarquement en Afrique

(pour un véhicule valant environ 15 000 €) Transport maritime jusqu’à Cotonou :

450 €

Frais de dédouanement, taxes et immatriculation :

1 500 €

REVENDEUR

Répare, adapte et revend les véhicules

6

GESTIONNAIRE GE DE PARC DE VÉHICULES Convoie et assure le gardiennage

SOURCE : UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

Quels frais ?

continent, les voitures de seconde main chinoises sont en progression. « Le nombre d’occasions embarquées à Hong Kong a connu une forte croissance entre 2007 et 2009, mais a pâti de l’interdiction des véhicules avec la conduite à droite, quiconstituaientlamajoritédecette flotte automobile », note le même opérateur malgache. Mais les marques phare de l’occasion ne diffèrent guère de celles du neuf : les japonaises dominent. « Peugeot n’a plus la cote depuis longtemps. Ce que veulent nos clients, ce sont des Toyota, Nissan et Mazda », note Ferdinand AssogbaDognon. Ces dernières années, le nombre de véhicules d’occasion haut de gamme a aussi explosé. « À Abidjan, des importateurs se sont spécialisés dans les marques Mercedes, BMW et Lexus de moins de 5 ans, très demandées », indique un observateur ivoirien. Forte demande, filière rodée, montée en gamme : l’avenir s’annonce radieux pour les professionnels de l’occasion. « La population augmente, donc le trafic est en hausse, c’est mécanique. La majorité des gens n’a pas les moyens de s’acheter du neuf, mais ils veulent de meilleures occasions, donc plus chères qu’auparavant », se réjouit Ferdinand Assogba-Dognon. ● CHRISTOPHE LE BEC

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Culture & médias

LITTÉRATURE

L’Amérique meurtrie de

Toni Morrison N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE


Culture médias NICOLAS MICHEL

N

oir, blanc. Comme une phrase jetée à la va-vite sur une feuille blanche. Comme un homme s’enfuyant dans la neige pour échapper à ses démons. Ainsi commence le nouveau – et superbe – roman de l’Africaine-Américaine Toni Morrison, Home. « Un clair de lune dément, assorti à sa frénésie désespérée, faisait le travail d’étoiles absentes en éclairant ses épaules voûtées et les empreintes de ses pas dans la neige », écrit-elle. Le personnage qui s’enfuit d’un hôpital psychiatrique s’appelle Frank Money. C’est un vétéran de la guerre de Corée, tout à fait conscient de l’ironie qu’il y a à s’appeler Money quand on n’a pas un dollar en poche. Sa course éperdue obéit à une injonction qui ne lui laisse aucune échap1931 patoire : « La visualisation Naissance de Chloe d’une feuille de papier vierge Wofford à Lorain, orientasonespritverslalettre dans l’Ohio qu’il avait reçue – celle qui lui 1970 avait serré la gorge: “Venez L’Œil le plus bleu, vite. Elle mourra si vous tarpremier roman dez.” »Lafemmedontils’agit, c’est sa sœur Ycidra, la petite 1988 et fragile « Cee » qu’il a touBeloved, jours protégée, aujourd’hui prix Pulitzer employée par un étrange 1989 docteur, en Géorgie… Enseignante à Princeton

PARABOLE. Poussé par

l’amour puissant et pur qu’il voue à sa sœur, Frank Money se lance à corps perdu dans un voyage à 2012 travers une Amérique de la Presidential Medal ségrégation où le Blanc et of Freedom, publie le Noir ne partagent jamais Home le même banc… Maître de la suggestion, ennemie déclarée des affirmations manichéennes, la Prix Nobel de littérature (1993) décrit le racisme ordinaire de l’intérieur. Mieux: elle le donne à sentir jusqu’au frisson d’horreur. Elle qui est née en 1931 s’est beaucoup documentée sur la période qu’elle décrit, les années 1950, mais elle l’a aussi vécue. Elle se souvient avec acuité du visage grimaçant qu’arboraient les États-Unis de l’époque. Âgée de 17 ans, étudiante, elle garde en mémoire le souvenir d’une tournée avec sa troupe de théâtre dans le Sud… et des difficultés qu’il y avait pour trouver un simple logement. Comme son personnage, elle pouvait alors compter sur l’aide et la générosité des paroissiens des églises noires. Frank, lui, reçoit le soutien d’un révérend : « Il recopia dans le guide de Green des adresses et des noms d’immeubles avec chambres à louer où on ne le refoulerait pas. » Toni Morrison rappelle au passage l’existence de ce « guide du routard »

NICOLAS GUERIN/CONTOUR BY GETTY IMAGES

1993 Prix Nobel de littérature

Dans son dernier roman, la Prix Nobel de littérature nous entraîne dans un voyage à travers la ségrégation et le racisme des années 1950. Un texte court et puissant servi par une prose poétique ramassée. JEUNE AFRIQUE

! L’AUTEURE DE BELOVED, dans son appartement new-yorkais, en 2009.

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Culture médias conçu spécifiquement pour les Noirs (The Negro Motorist Green Book, devenu plus tard The Negro Travelers’ Green Book), édité de 1936 à 1964 par un employé de poste de Harlem joliment nommé Victor Hugo Green. Dans l’imaginaire américain, les années 1950 représentent une période de prospérité que l’on évoque avec nostalgie. Argent et films à l’eau de rose. Symbole de cette insouciance, l’actrice et chanteuse à la chevelure d’or Doris Day – 88 ans aujourd’hui. Convaincue que la réalité était bien plus sombre, Toni Morrison est allée creuser des plaies douloureuses : la ségrégation, le racisme, le maccarthysme ou bien encore cette guerre de Corée toujours considérée de nos jours comme une « opération de police ». Frank Money, d’une certaine manière, incarne les maux et les blessures de cette période. Sa famille a souffert des expropriations forcées, il a vu mourir ses amis dans un conflit dont il est revenu quasi fou, et, si l’armée a bien voulu de lui, le pays pour lequel il s’est battu n’entend pas le payer de retour. Cette violence à la fois raciale, sociale et morale a un effet physique sur sa santé : par moments, la réalité se vide de ses couleurs pour n’être plus qu’un film en noir et blanc (voir extrait en encadré). Tendue, poétique, la prose même de Toni Morrison s’est vidée de tous ses adjectifs de couleur pour rendre cette impression terrible… Hanté par la violence de la guerre, par ses échecs et sa culpabilité, Frank Money n’est pas seulement victime. Il est également bourreau, et son long périple représente aussi un voyage sur le chemin de la rédemption. Toni Morrison, elle, se garde bien de juger son personnage en abusant de ses droits de narrateur tout-puissant. Elle se permet même le luxe de lui donner la parole, de le laisser se raconter : « Il faut que je vous dise quelque chose tout de suite. Il faut que je vous dise toute la vérité. Je vous ai menti et je me suis menti. Je vous l’ai caché parce que je me le suis caché », déclare Frank Money directement à sa créatrice,

Toni Morrison. Au fond, il n’y a plus ni Blanc ni Noir, seul reste le gris sale de l’humaine condition. Et c’est là que la parabole de Home prend tout son sens : l’auteur de Beloved et de Jazz n’écrit pas sur le racisme ou la condition noire, elle se demande à chaque ligne : « Qu’est-ce qu’être un homme ? » Ainsi, à un enfant de 8 ans ayant perdu un bras à cause d’un « péquenaud mal dégrossi [qui] trouvait que les autres flics sous-estimaient sa bite », Frank demande : « Quel métier tu veux faire quand tu seras grand ? » Le gosse répond tout simplement : « Homme. » Le plus dur des métiers, certainement.

CAMÉLÉON. Texte court et puissant servi par une écriture plus ramassée qu’à l’accoutumée, Home est un pur concentré des thèmes qui traversent toute l’œuvre – une dizaine de romans – de celle qui s’appelait Chloe Wofford quand elle naquit, en 1931, à Lorain, dans l’Ohio. Venue au roman sur le tard – elle a publié son premier roman, L’Œil le plus bleu, en 1970 –, Toni Morrison a étudié dans les universités de Howard et de Cornell, Au fond, il n’y a plus rédigé une thèse sur le suicide dans ni Blanc ni Noir, seul l’œuvre de Virginia Woolf et de William reste le gris sale de Faulkner, enseigné l’anglais avant de l’humaine condition. devenir éditrice chez Random House. Une maison au sein de laquelle elle a publié des auteurs africains-américains comme Toni Cade Bambara, Gayl Jones et même Angela Davis. En 1988, Beloved, sanctionné par le prix Pulitzer et l’American Book Award, lui a apporté une reconnaissance internationale et, jusqu’en 2006, elle a enseigné à Princeton. Ses textes, exigeants, doivent bien sûr leur succès à leur qualité littéraire, mais aussi à l’influence d’une fan de la première heure, une certaine Oprah Winfrey… Aujourd’hui, c’est un autre fan qui mérite l’attention,àlaveilledel’électionprésidentielleaméricaine. Prix Nobel lui aussi (mais dans une autre catégorie), Barack Obama l’a confié plusieurs fois: Le Chant de Salomon est l’un de ses livres de chevet. En mai dernier, il remettait d’ailleurs à la grande dame des lettres américaines la Médaille présidentielle de la EXTRAIT liberté, la plus haute distinction civile américaine. « CELA S’ÉTAIT PRODUIT pour la première fois Bienloindessubtilitésdelalittérature,ToniMorrison quand il était monté à bord d’un car près de Fort le lui rend bien: engagée en sa faveur, elle ne tarit Lawton – le certificat de démobilisation intact. Il pas d’éloges à son sujet et attaque Mitt Romney était tout bonnement assis, sans rien dire, à côté comme une harpie, le qualifiant de « prédateur », le Home, de Toni Morrison, d’une femme vêtue d’habits éclatants. Sa jupe à comparant au « Ken de Barbie » et ne lui accordant fleurs valait un univers de couleurs; son corsage Christian pas « l’intelligence d’un caméléon » (Le Nouvel Bourgois, était d’un rouge criard. Frank regarda les fleurs Observateur du 22 août 2012). Vindicative? Sans 156 pages, noircir sur l’ourlet de sa jupe et la couleur doute. Mais la haine et le racisme qui se déchaînent 17 euros s’évanouir sur son corsage rouge, jusqu’à ce qu’il contre le premier président africain-américain devienne blanc comme lait. Puis, tout; tout le monde. À la fenêtre peuvent à juste titre effrayer. Récemment, le poster – les arbres, le ciel, un garçon en scooter, l’herbe, les haies.Toute la Hope de Shepard Fairey a été détourné en Rope couleur disparut et le monde devint un écran de cinéma en noir et («Pendez-le»),présentantBarackObamalacordeau blanc. Il ne hurla pas à ce moment-là, car il croyait qu’il lui arrivait cou… Funestes résidus de l’idéologie du KKK… Toni aux yeux quelque chose de grave. De grave, mais non d’incurable. Morrison l’a bien senti: si l’Amérique d’Obama n’a plus grand-chose de commun avec celle des années Il se demanda si c’était ainsi que les chiens, les chats ou les loups percevaient le monde. » ● 1950, certains maux continuent de la gangrener. ●

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JEUNE AFRIQUE


Culture médias HAÏTI

L’amour au temps de la colère Avec Maudite Éducation, Gary Victor livre un roman d’apprentissage plein de passion et d’indignation. Une chronique à peine voilée de sa jeunesse sous Bébé Doc.

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n dit qu’il est l’écrivain le plus lu en Haïti. Et le nouvel opus de Gary Victor devrait naturellement faire un tabac sur ce « quart d’île » auquel l’auteur, 54 ans, a déjà consacré une quinzaine d’ouvrages – dont, dernièrement, Le Sang et la Mer (2010) et Soro (2011). Eau de rose, vitriol et encre noire…, voici le cocktail qu’il nous sert dans ce roman d’apprentissage mettant en scène un adolescent – qui deviendra jeune homme au cours du récit – dans le Port-au-Prince des années 1970-1980. Un livre « qu’on devine pour partie autobiographique », suggère l’éditeur.

JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FEDEPHOTO

EAU DE ROSE. Certes, on est loin de La Gloire de mon père comme des Souffrances du jeune Werther, mais il y a dans Maudite Éducation une nostalgie et un romantisme que n’auraient pas reniés Pagnol ou Goethe. La première se manifeste à travers les nombreuses lignes consacrées à la figure crainte et admirée du père. Celui-ci, professeur de son état, surprend un jour le jeune Carl en train de se masturber dans la bibliothèque – « J’eus une intense excitation de nature sexuelle par le seul fait de violer cet espace »,

333 mètres du Palais national, 333 petits mètres « pour ripailler dans les carrefoursdéveines, éterniser le bal des comédiens assassins, garantir la faim de l’enfant des rues, aiguiser les crocs des rats et canoniser lejappementdeschiens»,écritGaryVictor, soulignant les turpitudes d’un pouvoir – celui de Jean-Claude Duvalier alias Bébé Doc, en l’occurrence – à la fois implacable et incapable.

explique le narrateur – avant de le pousser, pour le remettre dans le droit chemin, dans les bras d’un poète pourtant peu recommandable… Quant au romantisme, qui confine à la démence lorsque l’amour flirte avec ENCRE NOIRE. Si Maudite Éducation fera la mort, il est incarné par une jeune fille surnommée Cœur qui saigne, fantasme chavirer les cœurs sensibles, nul doute, platonique qui hantera Carl à donc, qu’il attisera aussi les jamais, resurgissant parfois en esprits indignés et, enfin, chairpourmieuxl’enflammer, flattera le goût des esthètes le tourmenter, l’inspirer. Tout de la langue. Car, en trame cela pourrait tourner à la miède fond, c’est une véritable vrerie si Gary Victor ne savait initiation à l’écriture que nous y mettre les mots justes grâce conte l’auteur. Outre ses lettres auxquels la passion, débard’amour dans lesquelles il rassée de toute justification, s’invente un personnage, le reste un élan brut du cœur jeune Carl imagine des menet des sens. songes pour son père qui lui Maudite É Éducation, demande le résumé de ses de Gary Victor, VITRIOL. Et puis il y a ces lectures et qui constate, après éd. Philippe Rey, 288 pages, 19 euros virées dans les bas-fonds de avoirlui-mêmelulesouvrages lavilleoùdesfemmesvendent en question : « Les histoires leur corps et leurs histoires tragiques à qu’il m’a racontées étaient fabuleuses. l’adolescent qui, plus que l’expérience Mais quand j’ai commencé à lire, je n’ai du sexe, fait celle de la brutalité, de la rien trouvé de tout ce qu’il disait. » cruauté du monde. Cette même cruauté La littérature, ou l’art d’embellir les qui, des années plus tard, verra son père choses, d’ouvrir de lumineuses parenmourir sur un lit d’hôpital sous-équipé à thèses,tantilestvaind’essayerdecolleràla vérité? « J’ai toujours l’impression que ma plume n’arrivera jamais à m’immerger complètement dans l’encre de cette réalité souillée pour la restituer telle qu’elle est », confesse Carl – et, encore une fois, c’est Gary qu’on entend. Rien de mieux, alors, que d’écrire des histoires pleines de passion, de souffrance, d’espoir et de colère.Pouremporterunlarge public sans rien céder sur le fond et, partant, donner ses lettres de noblesse au roman populaire. ● FABIEN MOLLON

! L’ÉCRIVAIN, dans la salle de la bibliothèque Georges-Castera (Limbe) qui porte son nom. JEUNE AFRIQUE

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! Lors d’une projection du Cinéma numérique ambulant, AU MALI.

Surtout en Afrique subsaharienne, où la plupart des salles ont fermé. Les festivals constituent une niche pour montrer les films, en particulier ceux qui sont exigeants et entendent développer l’esprit critique du public. Ces œuvres ont aussi besoin d’être vues à la télévision.

MEYER/TENDANCE FLOUE

Dans votre livre, vous parlez « des » cinémas d’Afrique au pluriel. Pourquoi ?

CINÉMA

Olivier Barlet « Les films africains d’aujourd’hui sont décomplexés »

Grand connaisseur de la situation du septième art sur le continent, le directeur des publications du site Africultures analyse l’évolution de ces dix dernières années.

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JEUNE AFRIQUE: On a longtemps accusé le cinéma africain de n’être qu’un cinéma de festival. Mais il a aujourd’hui presque totalement disparu des grands rendezvous. Faut-il s’en alarmer ? OLIVIER BARLET : Ce n’est pas une

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bonne nouvelle, bien sûr. Parler de films de festival, c’était reprocher à la production africaine de se cantonner au cinéma d’auteur, sans toucher véritablement le public local. Or il n’y a pas de raison a priori d’opposer cinéma d’auteur et cinéma populaire : les deux peuvent coexister. On peut donc se demander s’il ne s’agissait pas surtout de manifester un certain mépris, et même un rejet, pour le cinéma africain. La question centrale, c’est celle de la diffusion des films. AF RI CU LT

O

livier Barlet, c’est, par excellence, le « Monsieur cinéma africain », une encyclopédie vivante sur ce sujet. Difficile d’imaginer un festival impliquant les réalisateurs du continent où on ne le verrait pas, promenant, toujours attentif et souriant, son crâne dégarni et sa bonne humeur inaltérable. Directeur des publications du site internet Africultures, il y est également le principal auteur de critiques, rarement assassines mais toujours pertinentes et documentées, sur tous les films africains. Auteur de l’ouvrage de référence Les Cinémas d’Afrique noire, le regard en question, publié en 1996 chez L’Harmattan (traduit en anglais, en allemand et en italien), il publie aujourd’hui, chez le même éditeur, où il dirige la collection « Images plurielles », Les Cinémas d’Afrique des années 2000. L’occasion de faire avec lui le point sur l’état actuel du septième art sur le continent.

Le singulier dénie l’énorme diversité culturelle de tout un continent. Sans parler de l’existence des très nombreux réalisateurs de la diaspora qui sont en mouvement permanent entre leur pays d’origine et leur lieu d’habitation. Mais vous considérez quand même l’Afrique comme un tout, traitant autant du nord que du sud du continent…

Ce n’est évidemment pas pour m’enfermer à mon tour dans une perspective territoriale. Il y a des ponts entre le nord et le sud du Sahara, que ce soit en termes de stratégie esthétique ou de thématique. Ce qui n’empêche pas l’existence de différences, tenant aux sociétés que décrivent les films et aux structures des cinématographies nationales, en général mieux soutenues au Maghreb qu’en Afrique subsaharienne. Ce qui explique que les cinémas du Maghreb ont gardé une certaine visibilité hors de leurs frontières contrairement à ceux du Sud ?

La différence n’est pas si évidente. MêmeauMaghreb,seulsquelquesréalisateurs ont réussi à émerger. Si l’on regarde le pays le plus prolifique, le Maroc, avec une bonne quinzaine de films par an, la plupart ne sortent pas à l’extérieur. On connaît un peu Faouzi Bensaïdi, Daoud Aoulad-Syad, Nabil Ayouch ou, depuis peu, Leïla Kilani… et, sauf erreur, on a fait le tour. Qu’est-ce qui fait la spécificité des années 2000 ?

Les nouveaux réalisateurs évoquent à la fois le cinéma et ! L’AUTEUR DE L’OUVRAGE LES CINÉMAS D’AFRIQUE DES ANNÉES 2000, L’Harmattan, 442 pages, 36 euros. JEUNE AFRIQUE


Culture médias l’Afrique de façon nouvelle. Leur manière d’aborder le réel est vraiment différente. On n’est plus dans le projet de Sembène Ousmane de film pédagogique pour faire évoluer la communauté dans le sens du progrès et de l’émancipation. On ne propose plus de solutions, de héros emblématiques. On s’inscrit dans le doute, l’incertain ; ce qui se retrouve dans les thèmes mais même aussi dans la structure des films: on ne sait plus où tout cela nous mène. Le spectateur est mobilisé pour être en prise avec le monde, mais il n’y a plus de voie à suivre, de prophète, de programme. Ce qui signifie qu’on en a fini avec la période où l’essentiel était de décoloniser les imaginaires?

Certainement. Car on ne se situe plus en opposition à l’autre. Il s’agit d’un cinéma

décomplexé. L’important, désormais, c’est soi dans le monde et ce qu’on peut apporter au monde. Qu’apporte le cinéma africain au monde?

Il fait apparaître mieux que tous les autres la force de la mondialisation. Comme les Africains ont vécu presque toujours dans des entre-deux culturels, ils sont bien placés pour apprendre aux autres ce que peut être un homme planétaire. Et parce qu’ils vivent souvent en situation de précarité, ils ont un sens aigu de l’imprévisible. Donc de ce que tout reste possible même quand on ne sait pas ce qui va advenir. En ces temps de crise, où l’on a peur du lendemain, on sent cela à travers les histoires que racontent les films et la façon dont les personnages vivent les situations qu’ils rencontrent.

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Malgré toutes ces difficultés, peut-on rester optimiste ?

Il le faut ! Parce que les auteurs, les talents existent. Mais la situation n’évoluera vraiment que lorsque les États auront enfin des politiques culturelles. Et que l’on arrêtera d’attendre la solution des coopérations avec le Nord, où l’on distribue de moins en moins d’argent, d’ailleurs. L’Afrique doit se rendre compte qu’à part ses matières premières c’est surtout sa culture qu’elle peut vendre au monde. Il faut qu’elle la considère enfin comme un facteur de développement et un secteur créateur d’emplois. En particulier en matière de cinéma, art total et art populaire par excellence. ● Propos recueillis par RENAUD DE ROCHEBRUNE

ALGÉRIE

À la conquête du pouvoir Dans un documentaire-fleuve, Hervé Bourges revient sur l’histoire du pays depuis 1962. Sans tabou ni parti pris.

JEUNE AFRIQUE

FRANCE 5W

A

lors que l’on a fêté dans un bel élan d’humanité le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie début juillet, une chaîne de télévision française revient dans un film sur l’histoire de l’Algérie depuis 1962. L’initiative n’est pas si « décalée » qu’il n’y paraît. Car les dirigeants algériens ont tous fondé leur légitimité – du moins à leurs propres yeux – sur leur participation à la guerre de libération. Rien ne le démontre mieux que le début du premier épisode – le plus passionnant – du documentaire-fleuve d’Hervé Bourges présenté en deux volets. Ainsi que l’expliquel’ambassadeurLakhdarBrahimi, l’implacable « course au pouvoir » entre les principaux responsables du FLN a commencé avant même l’indépendance, dès les accords d’Évian, en mars 1962. Dans sa dernière interview filmée, le premier président de l’Algérie indépendante, Ben Bella, explique que, lors de son retour en Algérie en août 1962 pour prendre le pouvoir avec l’appui de Boumédiène, « on a un peu forcé la porte ». Boumédiène, qui évinça Ben Bella, a avoué qu’avec ses

! REPRÉSENTATION DU PREMIER PRÉSIDENT, BEN BELLA, dans les rues d’Alger.

proches compagnons ils n’ont « pas fêté l’indépendance » – sous-entendu: l’essentiel était de préparer la prise du pouvoir en cet été 1962, où l’Algérie risqua, rappelle l’ancien ministre Bachir Boumaza, « la congolisation », autrement dit le chaos. INCONCILIABLES. Ami indéfectible

de l’Algérie depuis qu’il y a séjourné de 1962 à 1966, Hervé Bourges a considéré qu’aucun épisode de l’histoire de l’Algérie depuis 1962 ne devait rester tabou. Il a construit son documentaire à travers des images d’archives (parfois inédites) et le

témoignage de grands acteurs algériens de cette histoire, du pouvoir ou de l’opposition. Ces derniers proposent parfois des thèses inconciliables pour analyser certains événements (le renversement de Ben Bella, l’assassinat de Boudiaf, les rapports entre les islamistes et le pouvoir…), sans que l’auteur donne son point de vue. Prudenceousimplerespectdesfaitsquand l’Histoire n’a pas encore tranché ? ● R.R. L’Algérie à l’épreuve du pouvoir (1962-2012), d’Hervé Bourges, les dimanches 30 septembre et 7 octobre à 22 heures sur France 5. N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012


Culture médias En vue ÉTUDE

Quelle Afrique demain?

CONSÉQUENCES économiques du Printemps arabe, imbroglio syrien, place du Qatar dans le monde, crise au Saheletguerrecontreleterrorisme,nouveauxmouvements religieux, interventions militaires françaises en Afrique… Le dernier rapport annuel de l’Institut français des relations internationales (Ifri) « Gouverner aujourd’hui? » consacre une large place à l’analyse des phénomènes qui touchent les pays arabes et l’Afrique subsaharienne. L’exercice du pouvoir en temps de mondialisation et de développement des moyens de communication y est également largement abordé. On y trouve enfin une chronologie des grands événements et de nombreuses cartes (migrations, conflits, populations, richesses des nations, nucléaire, dette et créances, eau…). ● PASCAL AIRAULT Ramses 2013. Gouverner aujourd’hui ?, sous la direction deThierry de Montbrial et de Philippe Moreau Defarges, Dunod/Ifri, 340 pages, 27 euros ■■■

JEUNESSE

Césaire, ce héros

L’ÉCRIVAINTCHADIENNimrodrendhommageauchantre de la négritude. S’adressant à un jeune public, il retrace l’engagement littéraire et politique d’Aimé Césaire, ce petit « Noir de service », sujet à des humiliations de ses camarades békés à l’école, devenu plus tard maire de Fort-de-France. À la gloire de Césaire, ce « héros au sourire si doux », le récit paraît parfois un peu trop flatteur. Néanmoins, ce portrait succinct de toute une vie de lutte contre l’anticolonialisme et l’acculturation demeure agréable à lire. ● TRÉSOR KIBANGULA

Aimé Césaire : « Non à l’humiliation », de Nimrod, Actes Sud Junior, 80 pages, 8 euros ■■■

ENQUÊTE

PHOTOGRAPHIE

Instantané social

A priori, un supermarché n’est en rien un lieu idéal pour prendre des photos. Encore moins pour y installer son studio. C’est pourtant ce que le photographe de rue Jacob Nzudie fait à Yaoundé (Cameroun): il réalise des portraits en pied des consommateurs dans le rayon des spiritueux comme dans celui des fruits et légumes, des jouets ou des farces et attrapes. Hommes, femmes, couples de toutes extractions et de tous styles vestimentaires. C’est répétitif, certes, mais au final, l’artiste brosse le portrait global de tout un pan de la société camerounaise: sa classe moyenne. ● NICOLAS MICHEL

Supermarket, de Jacob Nzudie, sur un projet de JeanLuc Cramatte, Le Bec en l’air, 146 pages, 28 euros ■ ■ ■

Le prédateur

Grand reporter au journal Le Monde, Annick Cojean aborde dans un livre-choc l’un des derniers tabous de la Libye de Kaddafi : la perversité sexuelle du « Guide ».

J

«

en’oublieraijamais,ilprofanait mon corps mais c’est mon âme qu’il a transpercée d’un coup de poignard. La lame n’est jamais ressortie. » Ces paroles sont celles de Soraya,jeuneLibyenneâgéeaujourd’huide 23 ans, qui a été pendant plusieurs années esclave sexuelle de Mouammar Kaddafi. Comme elle, des centaines de (très) jeunes femmes ont été repérées en raison de leur beauté – à l’école, à la fac ou encore lors de mariages – puis enlevées par les sbires du régime pour être intégrées au sein

du harem des « amazones » dans le lugubre sous-sol de Bab el-Azizia. Page après page, Annick Cojean consigne leurs paroles, souvent à la limite du soutenable. Il y a Soraya, pour le témoignage central de l’ouvrage,maisaussiLibya,Khadija,Leilaou encore Houda. Ces femmes, constituant la garde rapprochée factice du « Guide », ont toutes été séquestrées, battues, droguées et violées par un Kaddafi aussi déviant que brutal. Obsédé par le sexe, il en avait par

ailleurs fait une arme politique pour demeurer seul maître du pays, n’hésitant pas, parfois en monnayant, à abuser de ses ministres, de leurs femmes, ou encore des filles d’ambassadeurs et de diplomates. « Il ne pensait sérieusement qu’à ça. Il gouvernait,humiliait,asservissait et sanctionnait par le sexe », résume un proche du régime. Pour ceux qui estiment que Kaddafi incarne encore le symbole de la résistance panafricaine face à l’ennemi occidental, la lecture de ce livre devrait suffire à faire tomber le peu de verni qui reste. Prochaine étape: la parution en Libye du livre traduit en arabe au mois de novembre. ● JEAN-SÉBASTIEN JOSSET

Les Proies. Dans le harem de Kaddafi, de Annick Cojean, Grasset, 328 pages, 19 euros N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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JACOB NZUDIE

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Culture médias

■ ■ ■ Décevant ■ ■ ■ Pourquoi pas ■ ■ ■ Réussi ■ ■ ■ Excellent

Et il est comment le dernier…

MONOGRAPHIE

L’Inde expliquée aux ados

… Alain Mabanckou ?

GANDHI, LE TAJ MAHAL, les vaches sacrées… Notre connaissance de l’Inde, puissance émergente s’il en est, se résume trop souvent à une collection de clichés. Bonne raison de ne pas manquer Aujourd’hui, l’Inde, très utile opuscule écrit conjointement par Tirthankar Chanda, que les lecteurs de Jeune Afrique connaissent bien, et Olivier Da Lage à l’intention des adolescents – mais que rien n’interdit aux parents de lire en cachette. Divisé en cinq chapitres (histoire, politique, économie, société, culture) abondamment illustrés, l’ouvrage, une fois refermé, nous laisse un peu moins ignorants que nous ne l’étions en l’ouvrant. Est-ce si fréquent ? ● JEAN-MICHEL AUBRIET Aujourd’hui, l’Inde, deTirthankar Chanda et Olivier Da Lage, RFI/Casterman, 80 pages, 19,50 euros

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LIVRE

Voyage musical usical DANS SON DERNIER OUVRAGE, Florent Mazzoleni résume plusieurs décennies de productions musicales africaines en 100 disques. De l’océan Indien à l’Afrique du Sud en passant par l’ouest et le centre du continent, l’écrivain et mélomane bordelais, auteur d’une vingtaine de livres sur la musique africaine, offre un panorama de grands classiques et œuvres méconnues. Il s’est intéressé aussi bien à la rumba congolaise qu’à la cithare malgache, aux lamentos marxistes angolais qu’aux musiques de cour maliennes, aux mornas cap-verdiennes qu’à l’afrobeat nigérian, au makossa camerounais qu’au mbalax sénégalais… ● P.A.

Africa 100. La traversée sonore d’un continent, de Florent Mazzoleni, Le Mot et le Reste, 224 pages, 20 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE

S

i son très bon Black Bazar (2009) vous a laissé de marbre, passez votre chemin. Si au contraire il vous a subjugué, vous pouvez en rester là, à moins que vous n’en réclamiez encore. Mais si vous êtes passé à côté, offrez-vous donc une séance de rattrapage avec Tais-toi et meurs. Car en décrivant les tribulations d’un jeune Congolais de Brazzaville dans la « jungle parisienne », le prolifique Alain Mabanckou – il a déjà publié en janvier un essai intitulé Le Sanglot de l’homme noir – reprend peu ou prou la même recette, agrémentée cette fois-ci d’une savoureuse sauce polar. Le narrateur porte le nom prédestiné de Julien Makambo – « les ennuis », en lingala –, qu’il a troqué contre la fausse identité de José Montfort une fois débarqué en France. Accusé d’avoir défenestré une jeune femme, il entreprend de coucher par écrit le récit des mésaventures qui l’ont conduit en prison. Au fil des méandres de ses confessions, les pièces du puzzle s’assemblent peu à peu, dessinant sa propre histoire et, surtout, le paysage souterrain du Paris africain. De fait, c’est à une plongée dans le « milieu congolais » que nous invite le chroniqueur à Jeune Afrique. Celui du soukouss et de la sape, mais aussi – et c’est là que Tais-toi et meurs se démarque de Black Bazar – celui des rapines et autres combines : vol de chéquier, marché noir, faux et usage de faux… Le suspense

n’est pas à son comble, mais le décor vaut qu’on tourne les pages. Alain Mabanckou prend goût à évoquer avec précision les hauts lieux du Paris noir : Château-Rouge pour les Congolais, Montreuil pour les Maliens… Il joue aussi avec les codes du polar : évoquant la femme gisant « dans une mare de sang », il ajoute, malicieux, « comme on dit dans les romans policiers pour aller plus vite et faire sensation auprès du lecteur afin qu’il n’abandonne pas sa lecture en cours de route ». Enfin, il jongle avec les références implicites,

Tais-toi et meurs, d’Alain Mabanckou, éd. La Branche, 224 pages, 15 euros ■■■

comme lorsqu’un Martiniquais en rogne contre les Africains suggère qu’on les renvoie chez eux, « au cœur des ténèbres » – évocation du célèbre ouvrage de Joseph Conrad. Bref, une écriture simple et jouissive qui fait de la lecture de Tais-toi et meurs une partie de plaisir, mais qui peinera à masquer, chez les familiers de l’écrivain, une impression de déjà-lu. ● FABIEN MOLLON N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Avis d’appel d’offres international restreint no 19/BEAC/DGE-DIPG/AOIR/Tvx/2012

Appel d’offres

Dans le cadre de l’exécution de son programme immobilier, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) envisage la construction d’un nouvel immeuble pour la Direction Nationale de la République Centrafricaine à Bangui. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international, les entreprises intéressées remplissant les conditions précisées dans le dossier de présélection à présenter une offre pour les travaux de construction du nouvel immeuble de la Direction Nationale pour la République Centrafricaine à Bangui. Le processus se déroulera conformément à la procédure d’appel d’offres international restreint avec une présélection ouverte définie par le Code des marchés et le Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Le projet est financé sur fonds propres de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information et demander le dossier de présélection en version électronique à l’adresse suivante : cgam.scx@beac.int Les soumissions devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le vendredi 09 novembre 2012 à 12 heures, heure de Yaoundé. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister à la séance d’ouverture, le vendredi 09 novembre 2012, à 13 heures 00, aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé. Yaoundé, mardi 11 septembre 2012 Le Président de la Commission ad hoc, Guerdita NDOADOUMGUE

Avis d’appel d’offres international restreint no 20/BEAC/DGE-DIPG/AOIR/Tvx/2012 Dans le cadre de l’exécution de son programme immobilier, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) envisage la construction d’un nouvel immeuble pour le Centre d’Abéché en République du Tchad. A cet effet, elle invite, par le présent avis d’appel d’offres international, les entreprises intéressées remplissant les conditions précisées dans le dossier de présélection à présenter une offre pour les travaux de construction du nouvel immeuble pour le Centre d’Abéché en République du Tchad. Le processus se déroulera conformément à la procédure d’appel d’offres international restreint avec une présélection ouverte définie par le Code des marchés et le Manuel de procédures de gestion des marchés de la BEAC. Le projet est financé sur fonds propres de la BEAC. Les entreprises intéressées peuvent obtenir un complément d’information et demander le dossier de présélection en version électronique à l’adresse suivante : cgam.scx@beac.int Les soumissions devront être déposées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le vendredi 16 novembre 2012 à 12 heures, heure de Yaoundé. BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE – SERVICES CENTRAUX BUREAU D’ORDRE 15ème étage, porte 15.01 736 Avenue Monseigneur Vogt " : BP 1917 Yaoundé - CAMEROUN Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires dûment mandatés qui souhaitent assister à la séance d’ouverture, le vendredi 16 novembre 2012, à 13 heures 00, aux Services Centraux de la BEAC à Yaoundé. Yaoundé, jeudi 13 septembre 2012 Le Président de la Commission ad hoc, Alexandre RENAMY-LARIOT N° 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

JEUNE AFRIQUE


République de Côte d'Ivoire Union - Discipline - Travail

MINISTÈRE DE LA POSTE ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES FONDS NATIONAL DES TÉLECOMMUNICATIONS

AVIS D’APPEL D’OFFRES N° T 501/2012 CONSTRUCTION DU RÉSEAU NATIONAL HAUT DÉBIT À BASE DE FIBRE OPTIQUE, TRONÇON ABIDJAN-BOUNA ARTICLE 1 : AUTORITÉ CONTRACTANTE Le présent appel d’offres est lancé par le Ministère de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication représentant l’Etat de Côte d’Ivoire (le « Maître d’Ouvrage » ou l’« Autorité contractante »). Le Fonds National des Télécommunications (FNT) à la qualité de maître d’ouvrage délégué (le « Maître d’Ouvrage Délégué »). ARTICLE 2 : OBJET Le présent appel d’offres a pour objet la construction du Réseau National Haut Débit à base de fibre optique, tronçon Abidjan – Bouna, long d’environ 600 km. ARTICLE 3 : NATURE DES PRIX DU MARCHÉ ET ALLOTISSEMENT Le marché est passé sur prix global forfaitaire. Les travaux, objet du présent appel d’offres sont constitués en un (01) lot unique.

ARTICLE 5 : CAUTIONNEMENT PROVISOIRE Les Soumissionnaires devront joindre à leur offre, un cautionnement provisoire établi par une banque, un établissement financier ou un tiers agréé par le Ministère de l’Economie et des Finances de Côte d’Ivoire, d’un montant fixé à 200 000 000 F CFA. ARTICLE 6 : CONDITIONS DE PARTICIPATION Peuvent participer à la concurrence, toutes personnes physiques ou morales établies ou non en Côte d’Ivoire pour autant qu’elles possèdent les capacités administratives, techniques et financières nécessaires à l’exécution d’un marché public ainsi que l’expérience de l’exécution de contrats analogues. ARTICLE 7 : RETRAIT DU DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le dossier d’appel d’offres peut être consulté ou retiré à l’adresse suivante : FONDS NATIONAL DES TELECOMMUNICATIONS (FNT) Auprès de Monsieur le Président du Comité de Gestion sis à Abidjan-Plateau, Rue Thomasset, Cours RASCOM, Immeuble Ex-Intelci, 2ème étage JEUNE AFRIQUE

contre paiement en espèces d’une somme forfaitaire non remboursable de 1 000 000 F CFA. ARTICLE 8 : REMISE DES PLIS Les offres seront déposées au plus tard le lundi 05 novembre 2012 à 10 heures, heure d’Abidjan à l’adresse indiquée à l’article 7. Elles seront présentées sous enveloppes fermées et dans le strict respect des prescriptions des Données Particulières de l’Appel d’Offres (DPAO). Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. ARTICLE 9 : OUVERTURE DES PLIS L’ouverture des plis sera effectuée par la Commission d’Ouverture des plis et de Jugement des Offres, en séance publique, le lundi 05 novembre 2012 à 11 heures, heure d’Abidjan, dans la salle de conférence du 20ème étage de l’immeuble SCIAM sis à Abidjan Plateau - Côte d’Ivoire. Les plis seront ouverts en présence des soumissionnaires qui le souhaitent ou de leur représentant. ARTICLE 10 : PUBLICATION DES RÉSULTATS Les résultats du présent appel d’offre seront publiés dans le Bulletin Officiel des Marchés Publics de la République de Côte d’Ivoire (Journal des Marchés Publics) et affichés à l’adresse indiquée à l’article 7. ARTICLE 11 : DURÉE DE VALIDITÉ DES OFFRES Les soumissionnaires restent tenus par leurs offres pendant un délai de 120 jours à partir de la date limite fixée pour la remise des offres. ARTICLE 12 : DROITS D’ENREGISTREMENT Le marché issu du présent appel d’offres sera soumis aux formalités de timbres et d’enregistrement aux frais du titulaire. ARTICLE 13 : LÉGISLATION RÉGISSANT LE MARCHÉ Le présent appel d'offres est soumis aux lois et règlements en vigueur en Côte d'Ivoire, notamment au Décret n°2009-259 du 06 août 2009 portant Code Des Marchés Publics.

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Appel d’offres

ARTICLE 4 : FINANCEMENT Le marché issu de cet appel d’offres, sera financé par le Fonds National des Télécommunications (FNT).

S/C BNI 01 BP 670 ABIDJAN 01 - COTE D’IVOIRE TEL. : (225) 20 25 77 00 /01 ; FAX: (225) 20 25 77 02 fnt.mgnamien@egouv.ci


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Annonces classées Avis d’Appel d’Offres

République Démocratique du Congo Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement prioritaires Travaux de Gestion et Entretien par Niveau de Service de la Route Kisangani-NiaNia-Beni

AOI N° 006/MATUHITPR/CI/PRO-ROUTES/2012 Date : le 21 septembre 2012

1. Le présent Avis d’Appel d’Offres suit l’Avis général de passation de marchés du projet publié le 12 Février 2008, le 21 mai 2009 et le 27 novembre 2011. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a reçu un Don de l’Association Internationale pour le Développement et du DFID pour financer le Projet de Réouverture et d’Entretien des Routes Hautement prioritaires, et à l’intention d’utiliser une partie de ce Don pour effectuer des paiements au titre du Marché de Travaux de Gestion et Entretien par Niveau de Service de la Route Kisangani–Niania-Beni (PK21-PK693). La Cellule Infrastructures sollicite des offres sous pli fermé de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour exécuter les Travaux répartis en deux lots ci-après : Lot 1 : PK 21+374 (fin de la route bitumée à partir de Kisangani) – PK 340+420 Lot 2 : PK 340+420 - PK 693+241 (début de la route bitumée en direction de Beni) Les travaux de chaque lot comprennent les travaux de réhabilitation initiaux visant à assurer le niveau de service prévu, les travaux optionnels d’amélioration portant sur le rétablissement de la largeur de la couche de roulement, les services de gestion routière et travaux d’entretien et les travaux d’urgence. La durée de réalisation est de 4 ans dont les 12 premiers mois pour les travaux de réhabilitation. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA », et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 4. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule Infrastructures au courriel ci-dessous et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessous de 9 heures 00’ à 16 heures 00’ (TU+1). 5. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres complet

en langue française en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 150 USD (cent cinquante Dollars américains). Le paiement sera effectué en espèces à la caisse, chèque de caisse, dépôt direct sur le RAWBANK en faveur de la Cellule Infrastructures en précisant le numéro du Dossier d’Appel d’Offres pour lequel le versement est effectué (NUMÉRO DU COMPTE : 0501-0100132602-20 EURO, SWIFT : RAWBCDKIXXX, IBAN : FR76 0510005101010013260220). Le Dossier d’Appel d’Offres sera adressé par voie électronique ou par retrait à la Cellule Infrastructures. Sur demande du Soumissionnaire et moyennant un paiement de 500 USD (cinq cents Dollars américains), la Cellule Infrastructures peut se charger d’expédier ledit Dossier par courrier rapide. Elle ne sera en aucun cas tenue responsable des retards ou pertes subis durant cet acheminement. Il est à noter que l’Offre de tout Soumissionnaire qui n’aura pas fourni la preuve d’achat du Dossier d’Appel d’Offres (DAO) en bonne et due forme sera rejetée. 6. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous au plus tard le 08 novembre 2012 à 14 heures 30’ locales (TU+1). Les offres doivent comprendre « une garantie de l’offre », pour un montant de 200 000 USD (Deux cents mille Dollars américains) par lot. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne ou à distance à l’adresse mentionnée ci-dessous 08 novembre 2012 à 14 heures 30’ locales (TU+1). 7. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : Cellule Infrastructures - 70A, Avenue Roi Baudouin Kinshasa/Gombe - République Démocratique du Congo Courriel : info@celluleinfra.org - Site web : www.celluleinfra.org Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur ai

Appel d’offres

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, URBANISME, HABITAT, INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION CELLULE INFRASTRUCTURES PROJET D’AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE BATSHAMBA-TSHIKAPA : SECTION PONT DE LOANGE-PONT DE LOVUA

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Don n° : P-CD-DB0-002 - AAOI n° : 02/CI/BAD/2012 - Date : le 17 septembre 2012

1. Le présent avis d’appel d’offres (AAO) suit l'avis général d'acquisition pour ce projet qui a été publié sur UNDB online le 07 mars 2012 et sur le portail du Groupe de la Banque Africaine de Développement (www.afdb.org). 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu un don du Fonds Africain de Développement (FAD) en diverses monnaies pour financer le coût du projet d’Aménagement de la route Batshamba–Tshikapa, section Pont de Loange – Pont Lovua. Il est prévu qu’une partie des sommes à accorder au titre de ce don sera utilisé pour effectuer les paiements prévus au titre du marché des travaux d’aménagement de la section de la route « Loange –pont de lovua », de 63 Km. 3. La Cellule Infrastructures du Ministère de l’Aménagement du Territoire, Urbanisme, Habitat, Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction ci-après dénommée « l’organe d’Exécution » (OE), agissant au nom du Gouvernement de la RDC, invite par le présent Appel d’offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la réalisation des travaux d’aménagement de la section de la route « Loange –pont de lovua », de 63 Km, y compris les réservations pour le passage de la fibre optique, en RDC. 4. Les soumissionnaires intéressés par l’appel d’offres peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’appel d’offres dans les bureaux de la Cellule Infrastructures, sis 70 A, Avenue Roi Baudouin, Commune de la Gombe, Kinshasa, République Démocratique du Congo. ; Tél. : (+ 243) 81 010 26 81 ; (+243) 99 315 22 26 ; E-mail : info@celluleinfra.org 5. Le Dossier d’appel pourra être obtenu au siège de la Cellule Infrastructures, Organe d’exécution (OE) contre présentation d’une quittance de versement d’une somme non remboursable de deux cent cinquante Dollars américains (250 USD) ou

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de sa contre-valeur dans une monnaie convertible. Le paiement se fera par versement d’espèces au compte spécial du projet. Pour les soumissionnaires non-résidents, ce montant devra être majoré d’un montant de trois (300 USD) Dollars américains pour l’envoi du Dossier d’Appel d’Offres par courrier rapide (e.i. DHL). Dans tous les cas, les frais occasionnés par ce paiement sont à charge du soumissionnaire. 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des clauses administratives générales sont les dispositions standards du Dossier type d’appel d’offres pour l’acquisition des travaux, édition de septembre 2010, publié par la Banque Africaine de Développement. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 8 novembre 2012 à 14 heures 00 (heure locale) et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant au moins égal à huit cent mille dollars américains (800 000 USD) ou de sa contre-valeur dans une monnaie convertible. 8. Les offres et les garanties de soumission doivent être valides durant une période de cent vingt (120) jours à partir de la date limite de dépôt des offres. 9. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 8 novembre 2012 à 14 heures 30 minutes (heure locale) à l’adresse ci-dessous indiquée. Cellule Infrastructures 70 A, Avenue Roi Baudouin - Commune de la Gombe, Kinshasa République Démocratique du Congo. Tél. : (+ 243) 81 010 26 81 - (+ 243) 99 315 22 26 E-mail : info@celluleinfra.org Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur a.i

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, URBANISME, HABITAT, INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION CELLULE INFRASTRUCTURES PROJET D’AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE BATSHAMBA-TSHIKAPA, SECTION PONT LOANGE-PONT LOVUA (63 km)

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT SERVICES DE CONSULTANT POUR LE CONTRÔLE ET LA SURVEILLANCE DES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DE LA SECTION LOANGE-PONT LOVUA (63 km) ET DES AMÉNAGEMENTS CONNEXES Date : 17 septembre 2012 - AMI N° : 01/CI/BAD/2012

1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu du Fonds Africain de Développement (FAD) un don d’environ 53,56 millions d’UC, en diverses monnaies pour financer le coût du projet d’aménagement de la Batshamba–Tshikapa, section Pont Loange – Pont Lovua. Il se propose d’utiliser une partie des fonds accordés au titre de ce don pour effectuer des paiements autorisés au titre du contrat de contrôle et surveillance des travaux d’aménagement de la section Loange-Pont Lovua et des aménagements connexes. 2. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent le contrôle et la supervision des travaux : (i) d’aménagement et bitumage de la section Loange-Pont Lovua (63 km) ; (ii) de réhabilitation de 80 km de pistes rurales connexes ; (iii) de réhabilitation d'infrastructures sociales dans la zone du projet ; et (iv) de réhabilitation des bureaux de l'Office des Routes. 3. La Cellule Infrastructures du Ministère de l’Aménagement du Territoire, Urbanisme, Habitat, Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction, ci-après dénommée « l’Organe d’Exécution » (OE), invite les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant leurs expériences et capacités démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité de personnel qualifié, etc.). Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 4. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de

sélection sont conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des consultants » de la Banque Africaine de Développement (Edition de Mai 2008) qui sont disponibles sur le site web de la Banque adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 5. Les consultants intéressés peuvent obtenir les informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse indiquée ci-dessous et aux heures suivantes : du lundi au vendredi de 09h00 à 12h00 et de 13h00 à 15h30 (heure locale). 6. Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être déposés à l’adresse mentionnée ci-dessous en quatre (04) exemplaires (un original plus trois copies), au plus tard le 09/10/2012 à 14.h 30, heure locale. Ils devront porter expressément la mention : « Manifestation d’intérêt pour les services de consultants pour le Contrôle et Surveillance des travaux d’aménagement de la section LoangePont Lovua et des aménagements connexes ». Cellule Infrastructures 70 A, Avenue Roi Baudouin - Commune de la Gombe, Kinshasa République Démocratique du Congo. Tél. : (+ 243) 81 010 26 81 - (+ 243) 99 315 22 26 E-mail : info@celluleinfra.org Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur a.i

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT SÉLECTION D’UN OPÉRATEUR ENVUE DE LA CONCEPTION, LA MISE EN ŒUVRE ET LA GESTION DU GUICHET UNIQUE INTÉGRAL Numéro de l’avis : AMI 0001/ECO&COM/CGPMP/DP/2012 Pays : République Démocratique du Congo Source de financement : Fonds du Gouvernement Services de Consultant : Sélection d’un Opérateur en vue de la conception, la mise en œuvre et la gestion du guichet unique intégral Date de publication : 23 / 09 / 2012 - Date de clôture : 15 / 10 / 2012 1. CONTEXTE GÉNÉRAL Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, par le biais du Ministère de l’Economie et du Commerce Extérieur, a l’intention de recruter un Opérateur en vue de la conception, la mise en œuvre et la gestion du Guichet Unique Intégral du Commerce Extérieur. 2. OBJECTIF GÉNÉRAL DE LA MISSION La mission de l’Opérateur qui sera définie dans les termes de référence consistera à l’analyse de la situation existante, à la définition et au développement du Guichet Unique à mettre en place, à la formation des personnels concernés par le Guichet Unique Intégral ainsi qu’à la mise en place d’un plan de communication sur ledit Guichet Unique Intégral. L’objectif général de la mission de l’Opérateur sera la mise en place d’un Guichet Unique Intégral du Commerce Extérieur couvrant l’ensemble des activités d’importation et d’exportation sur le territoire national. 3. OBJECTIF SPÉCIFIQUE DE LA MISSION L’objectif spécifique du Guichet Unique Intégral du Commerce Extérieur est l’amélioration de l’efficacité et de la fluidité des procédures ainsi que des formalités de passage des marchandises aux postes frontières de la RDC, en favorisant notamment la coordination des actions de tous les intervenants par l’utilisation généralisée des moyens informatiques efficaces et l’échange croisé des données. 4. PROFIL DU CONSULTANT L’Opérateur doit être doté d'une équipe composée d'experts du Commerce International, d'informaticiens, des juristes et de toutes autres compétences jugées utiles dans le domaine de la présente mission. Il devra mettre en évidence son expérience en matière du commerce international, de conception, de direction et de coordination des projets similaires ; son expérience minimale des projets de facilitation et/ou de développement de Guichet Unique du commerce extérieur. Il devra également prouver la compétence de son personnel clé qui sera affecté à la mission. 5. MÉTHODE DE SÉLECTION Le Secrétariat du Comité de Pilotage pour la Réforme du Guichet Unique ainsi que la Cellule de JEUNE AFRIQUE

Gestion des Projets et des Marchés Publics, pour le compte du Ministère de l’Economie et du Commerce Extérieur, invitent les opérateurs éligibles à manifester leurs intérêts pour fournir les services décrits ci-dessus. A cet effet, les soumissionnaires doivent présenter dans leurs dossiers respectifs de manifestation d'intérêt les éléments suivants : - l'organisation du candidat ; - les références des missions pour des projets similaires tels que décrits au point 2 ; - la capacité financière ; - les curricula vitae (CV) du personnel clé chargé du projet. Un Consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans le manuel des procédures édité le 2 juin 2010 du code des marchés publics en République Démocratique du Congo d’avril 2010, plus précisément sur base de la méthode fondée sur la qualité et le coût. Les cabinets intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous, de lundi à vendredi aux heures suivantes : de 9h00 à 16h00 (heure locale). Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou par E-mail, en trois (3) exemplaires (un original et deux copies) à l’adresse ci-dessous au plus tard le lundi 15 octobre 2012 et porter clairement la mention « AMI 0001/ECO&COM/CGPMP/DP/2012 - Sélection d’un opérateur en vue de la conception, la mise en œuvre et la gestion du guichet unique intégral ». Secrétariat du Comité de Pilotage pour la Réforme du Guichet Unique Avenue Kilo-moto n° 1/A ; Quartier : Lemera, Commune de la Gombe Kinshasa/RDC. (Réf. Maison Communale de la Gombe) E-mail : coordinationgurdc@gmail.com, lukojipaul@yahoo.fr, Tel : 00243 81 50 61 770, 00243 99 99 29 540 Jean-Paul NEMOYATO BAGEBOLE Ministre de l’Economie et du Commerce Extérieur N° 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

Manifestation d’intérêt

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) - MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DU COMMERCE EXTÉRIEUR COMITÉ DE PILOTAGE DE LA RÉFORME DU GUICHET UNIQUE


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Annonces classées MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PPF n° P124085- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11- 05 521 91 16, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 005/PRCTG-PFDE/12 « Recrutement d’un expert international en suivi-évaluation avec une expérience en gestion des ressources naturelles du PFDE »

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PPF P124085) du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Expert International en suivi-évaluation avec une expérience en gestion des ressources naturelles du PFDE. 2. L’expert international en suivi-évaluation du PFDE sera chargé de : (i) appuyer la mise en place d’un système informatisé de suivi-évaluation (S&E) performant ; (ii) former l’homologue national spécialiste en S&E, les responsables et les cadres du MDDEFE et les opérateurs du projet sur le système mis en place dans le cadre des différentes activités de collecte, de traitement, d’analyse, de stockage, de sécurisation des données et de leur diffusion ; (iii) contribuer à la préparation des programmes annuels d’activités, des plans d’opérations en y incorporant des indicateurs de suivi des performances pour faciliter la prise de décisions et (iv) aider à la préparation des rapports d’activités du projet, des comités de pilotage et des missions de supervision en rassemblant toutes les informations nécessaires. La durée de la mission est d’un (01) an renouvelable après une évaluation par l’autorité compétente. Il résidera à Brazzaville. 3. Pour une meilleure préparation du PFDE, le Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG) a été chargé par le MDDEFE de gérer les fonds d’avance alloués par l’IDA et de conduire les activités de passation des marchés et de gestion financière. 4. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Candidats intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients

pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, ; • l’adresse complète du candidat (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil de l’expert : L’expert international devra avoir le profil suivant : • avoir un diplôme universitaire supérieur (Bac+5) en rapport avec la gestion des ressources naturelles (foresterie, environnement, géographie, écologie, etc.) ; • avoir une expérience avérée dans la conception et la mise en œuvre de système de suivi-évaluation de projets d’investissement dans le secteur des ressources naturelles ou de développement durable ; • avoir une bonne maîtrise de l’outil informatique (Word, Excel, Power Point, project…) en vue d’un meilleur suivi-évaluation du projet ; et • avoir travaillé dans un des pays du Bassin du Congo constitue un atout important. Sur cette base, un Expert international sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». L’Expert sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés peuvent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le vendredi 12 octobre 2012 PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 20 Septembre 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA

MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PPF n° P124085- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11 - 05 521 91 16, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 006/PRCTG-PFDE/12 « Recrutement d’un expert international en sciences sociales avec une expérience en communication du PFDE »

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PPF P124085) du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Expert International en sciences sociales avec une expérience en communication du PFDE. 2. L’Expert en sciences sociales avec une expérience en communication du PFDE sera chargé de : (i) prendre en compte les aspects sociaux et les intérêts des populations locales et autochtones dans l’organisation, la planification et le suivi de l’ensemble des activités du projet ; (ii) mettre en place un plan de communication performant et (iii) former l’homologue national qui prendra totalement en charge les aspects sociaux et de communication après le départ de l’expert. La durée de la mission est d’un (01) an renouvelable après une évaluation par l’autorité compétente. Il résidera à Brazzaville. 3. Pour une meilleure préparation du PFDE, le Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG) a été chargé par le MDDEFE de gérer les fonds d’avance alloués par l’IDA et de conduire les activités de passation des marchés et de gestion financière. 4. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Candidats intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client ;

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• l’adresse complète du candidat (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil de l’expert : L’Expert I International en sciences sociales devra avoir le profil suivant : • avoir un diplôme universitaire supérieur en sciences sociales (Bac+5) ou équivalent ; • avoir une expérience avérée et vérifiable dans la communication liées à des projets de gestion des ressources naturelles, la préparation de supports médiatiques et le travail avec les médias et ; • avoir une bonne maîtrise de l’outil informatique (Word, Excel, PowerPoint, etc.), de la gestion des sites WEB et des logiciels (dessins, etc.) utilisés pour préparer des supports médiatiques. Sur cette base, un Expert international sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». L’Expert sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés peuvent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le vendredi 12 octobre 2012 PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 20 Septembre 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA

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RÉPUBLIQUE GABONAISE - AGENCE NATIONALE DES GRANDS TRAVAUX

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

Visa de confomité juridique : Date de lancement : 24 septembre 2012 - Appel à manifestation d’intérêt : N° 12 ZUA04-024/PR/ANGT Nom du projet : Assistance technique pour la construction d’un terrain de golf international à Libreville - Source de financement : Budget de I’Etat Gabonais 1. OBJET Par le présent appel à manifestation d’intérêt, l’Agence Nationale des Grands Travaux en tant que Maître d’Ouvrage Délégué se propose d’arrêter une liste restreinte des bureaux d’études techniques qualifiés qui seront appelés à soumissionner pour les missions de maîtrise d’œuvre pour : • Rédiger le cahier de charges fonctionnel et technique du constructeur ; • Assister le Maître d’Ouvrage Délégué dans la consultation, le choix des entreprises en mesure de réaliser les travaux de terrassement et de construction ; • Mission de visa des études d’exécution ; • Assister le Maître d’Ouvrage Délégué dans la mise en place des moyens de gestion : étude des différents modes d’expIoitation, assistance pour le choix du mode le plus adéquat et assistance à la mise en place du mode retenu. 2. PARTICIPATION Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse aux bureaux d’études internationaux qui ont les expériences et compétences dans des études similaires (minimum cinq golf créés) et qui peuvent mettre à disposition un consultant qui résidera plusieurs mois à Libreville de manière discontinue selon la durée du projet estimée à 18 mois. 3. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent comprendre, entre autre, les éléments suivants : • Une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études faisant apparaitre son nom, sa qualité, son adresse et les pouvoirs qui Iui sont délégués et précisant que Ie candidat a l’intention de soumissionner à l’appel d’offre s’il est présélectionné ; • Les documents arrêtant la constitution ou le statut, Ie lieu d’enregistrement et Ie domicile légal du bureau d’études ; • Une attestation de non faillite délivrée par les autorités compétentes du lieu du siège social du bureau d’études et datant de moins de trois (3) mois ; • Un relevé d’identité bancaire ; • La liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives et leur CV signé des intéressés ; • Les références générales et spécifiques dans le domaine concerné par I’appel à manifestation d’intérêt (joindre les fiches projets et attestations de bonne fin d’exécution précisant la valeur des prestations réalisées, avec équivalence en Franc CFA sachant que 1 Euro = 655,957 Francs CFA) ; • La liste des sous-traitants, le cas échéant. Le dossier de candidature ne doit comporter aucune proposition financière, il devra être présenté en un (1) original et quatre (4) copies.

5. CRITÈRES DE PRÉ QUALIFICATION Le bureau d’études doit : • justifier d’une expérience de plus de cinq (5) ans dans les prestations similaires ; • justifier des moyens matériels, techniques adéquats et d’un personnel clé en adéquation avec Ia mission ; • justifier d’une capacité financière Iui permettant de démarrer I’exécution des prestations dès la notification du marché (joindre les documents attestant I’accès à des financements tels que des avoirs liquides, lignes de crédits, etc.). 6. DATES LIMITES DE DÉPOT, D’OUVERTURE DES PLIS ET LIEU DE DÉPÔT DES CANDIDATURES · Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être adressés à I’adresse ci-dessous, au plus tard Ie 25 Octobre 2012 à 10h (heure locale). Agence Nationale des Grands Travaux 1er étage de l’immeuble du bord de mer sise à côté de l’ancien gouvernorat Directeur département des contrats BP 23765 Libreville — Gabon Email : apelissi@bechtel.com Les plis seront ouverts par la commission d’évaluation des offres le 25 Octobre 2012 à 15h, (heure locale) dans la salle de réunion de l’Agence National des Grands Travaux. Le Directeur Général des Marchés Publics Le Directeur Général de l’Agence Nationale des Grands Travaux Commissaire Général Jean-Félix SOCKAT Henri OHAYON

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Manifestation d’intérêt - Divers

4. MODALITÉS DE PRÉSENTATION DES DOSSIERS DE CANDIDATURE Les dossiers de manifestation d’intérêt ainsi que toutes les correspondances seront rédigés en langue française. Ils doivent être présentés dans une enveloppe fermée. L’enveloppe extérieure devra porter impérativement la seule et unique mention suivante : APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 12 ZUA04-024/PR/ANGT - ASSISTANCE TECHNIQUE POUR LA CONSTRUCTION D’UN TERRAIN DE GOLF INTERNATIONAL À LIBREVILLE NE PAS OUVRIR AVANT LE 25/10/2012 À 15 HEURES


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VACANCY ANNOUNCEMENT DATA MANAGEMENT SPECIALIST (ICRISAT/IER) ICRISAT invites applications for a DATA MANAGEMENT SPECIALIST for its Collaborative Project with the Institut de l’Economie Rurale (IER), Sotouba, Mali. This position is for a two year period and is in the internationally recruited staff category. ICRISAT – a non-profit, apolitical, international scientific research and training institute – is one of the 15 Centers of the Consultative Group for International Agricultural Research (CGIAR, www.cgiar.org), and is supported by more than 48 governments, foundations and development banks. ICRISAT Headquarters is located at Patancheru, Greater Hyderabad, Andhra Pradesh India with regional offices in Nairobi, Kenya to serve Eastern and Southern Africa, and in Bamako, Mali to serve West and Central Africa. . ICRISAT's work covers all countries in WCA and has scientists located in research centers in Niamey, Niger and Kano, Nigeria. Send applications comprising: letter of motivation, full Curriculum Vitae (with nationality, age, gender and marital status), and names of three references (full contact information) to: icrisatjobs@cgiar.org before October 5, 2012. For more details on ICRISAT and full vacancy notice, please consult our job opportunities on ICRISAT website at http://www.icrisat.org/ All applications will be acknowledged, however only short-listed candidates will be contacted. Those who have applied in response to our earlier announcement need not apply. ICRISAT is an equal opportunity employer, and is especially interested in increasing the participation of women on its staff. ICRISAT has a flexible approach to international appointments and welcomes dual-career couples.

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Vous & nous

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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

SAS De Villiers, bien réel 128

Culture & médias

LITTÉRATURE

GÉRARD DE VILLIERS

VINCENT FOURNIER/J.A.

« On m’a accusé de racisme mais c’est faux, j’aime l’Afrique » Auteur prolifique de romans d’espionnage dopés à la testostérone, journaliste introduit dans les milieux du renseignement, voyageur impénitent, le père du prince Malko Linge évoque son nouvel opus: Panique à Bamako.

Propos recueillis par

LAURENT DE SAINT PÉRIER

S

AS, trois lettres qui brillent dans les kiosques, les relais de presse et les librairies de la Francophonie. Trois lettres qui se découpent sur une photo de bimbo profondément décolletée et lourdement armée. SAS, pour Son Altesse Sérénissime Malko Linge, prince autrichien et « contractuel de luxe de la CIA », toujours aussi prompt, depuis 1965, à défourailler du holster et de la braguette. Familier des coins les plus chauds de la planète, il nous livre, le 5 octobre, le récit de ses dernières aventures dans le Mali déchiré : Panique à Bamako. À 85 ans, son créateur, Gérard de Villiers, semble avoir l’esprit plus vif et malicieux que jamais, bien qu’un accident l’oblige à se déplacer avec un déambulateur. Ce qui ne l’empêche pas de se rendre systématiquement sur le terrain, hier à Benghazi et Bamako, demain au Caire. Plus grand N o 2697 • DU 16 AU 22 SEPTEMBRE 2012

reporter qu’écrivain de salon, il tape lui-même ses cinq « bouquins » annuels sur sa vieille machine électrique. Il reçoit J.A. dans son appartement de l’avenue Foch, décoré de kalachnikovs, de reproductions de grands maîtres, de bénédictions papales et de croupes festonnées de dentelle dans des cadres dorés. Interview. JEUNE AFRIQUE : Malko est retourné souvent en Afrique récemment ! GÉRARD DE VILLIERS : Je colle aux événements,

et l’Afrique m’en a fourni de bons ces derniers temps. La Guinée-Bissau, endroit névralgique pour le trafic de cocaïne, m’a inspiré Féroce Guinée il y a deux ans. Puis j’ai sorti un bouquin en 2011 qui se passe à Nouakchott avec Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR], et je suis aussi allé en Libye, à la fin des combats, pour Les Fous de Benghazi. J’étais en mai à Bamako pour ce livre. Il y a Aqmi, bien sûr, mais c’est surtout l’invasion du Nord, l’effondrement du Mali et tout ce qui s’ensuit qui m’a intéressé. JEUNE AFRIQUE

L’ambiance est lourde. Beaucoup de Blancs sont partis, les Maliens sont des gens très gentils et calmes, pas du tout fanatiques, mais ils n’ont plus d’armée, plus de président, et le Premier ministre passe son temps au Burkina. Le pays va à vau-l’eau, et il est occupé à 80 % par Aqmi, le Mujao [Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, NDLR] et Ansar Eddine, des fournées d’Al-Qaïda. Les gens sont inquiets à Bamako, mais tout se passe au Nord pour le moment.

Vous aviez des enquêteurs sur place…

L’intrigue se déroule pourtant à Bamako…

JEUNE AFRIQUE

MARYLINE KESSI, Libreville, Gabon

de se passer début septembre. J’avais déjà rédigé le passage mais c’est dans leur logique, c’était écrit…

Quelle était l’ambiance à Bamako ?

En effet, parce qu’Aqmi, le Mujao, Ansar Eddine et les Touaregs ont leurs relais à Bamako! D’ailleurs, un des journalistes africains avec qui j’ai travaillé fait le go between entre le Mujao et les Algériens pour les otages [sept diplomates algériens enlevés en avril, NDLR]. Il a déjà été mêlé à des affaires du même genre et connaît tous les services : un type précieux ! D’ailleurs, c’est curieux, je raconte dans mon livre l’exécution d’un des otages, et cela vient

croustillants que comportent ses livres est un délice. Dans tous les cas, j’ai ma réponse aujourd’hui et cela grâce à vous, J.A. ! GDV, à quand un titre sur la Côte d’Ivoire, mon pays d’origine ? ●

SAS, tome 195, Panique à Bamako, de Gérard de Villiers, 7,50 euros, sortie le 3 octobre

Je suis tombé sur d’excellents journalistes. Les Blancs ne peuvent pas aller dans le Nord, mais les islamistes acceptent que des reporters locaux accompagnent les convois humanitaires qui partent sur Gao et Tombouctou. J’en ai missionné deux très bons, qui ont fait un boulot parfait et sont revenus avec beaucoup d’éléments et de témoignages. Le téléphone portable, bizarrement, marche aussi très bien là-bas. Moi, j’ai surtout rencontré des gens des services et des acteurs principaux. Le capitaine Sanogo, qui a fait le coup d’État, par exemple, et le président intérimaire – mais seulement cinq minutes à l’aéroport d’où il partait pour la France après s’être fait lyncher. Malko se rend pour la première fois au Mali, a-t-il apprécié le périple ?

J’avais moi-même été au Mali mais il y a très N o 2697 • DU 16 AU 22 SEPTEMBRE 2012

! J.A. N° 2697, du 16 au 22 septembre.

Il est vrai que J.A. m’impressionne toujours par la qualité de ses articles. Mais, là, je suis carrément bouleversée par l’interview de Gérard de Villiers… (J.A. n° 2697, du 16 au 22 septembre). Que de nuits blanches à dévorer les aventures du prince Malko, palpitant espion VIP, en compagnie de mes gorilles préférés, Chris John et Milton Brabeck ! De plus, il est réel, vivant, GDV ! Mais comment fait-il, lui ? Et je me suis toujours dit que cet auteur était soit un espion reconverti, soit un mercenaire, tant la foison de détails

CQJC 1 Une si longue attente Depuis quelques années, je suis un fidèle lecteur de votre hebdomadaire. À longueur de semaines, les chroniques de BBY se sont révélées comme de véritables boussoles, des clignotants destinés à faire réfléchir le monde des décideurs. Alors que vous annonciez notamment la reprise de « Ce que je crois » courant septembre, nous en sommes toujours sevrés ! ● ABRAHAM NDJANA MODO, Yaoundé, Cameroun

CQJC 2 Ça me manque ! Je suis un fervent lecteur de Jeune Afrique malgré les difficultés que je rencontre pour me le

Caricatures Liberté d’expression : deux poids, deux mesures LES OCCIDENTAUX SE PRÉVALENT DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION pour protéger ceux qui s’attaquent à l’Islam et caricaturent son Prophète. Pourtant, la moindre critique contre Israël est considérée comme antisémite ; elle met les hommes politiques en émoi, déclenche un tollé médiatique et parfois une plainte au tribunal. On ne parle pas, dans ces cas-là, de liberté d’opinion. Dans cette histoire de caricatures, les politiques sont aussi responsables que les médias, que personne n’ose condamner de peur d’être accusé de céder devant « l’ennemi ». Ces mêmes hommes politiques sont prompts à légiférer sur tout ce qui touche au peuple juif, sans doute parce qu’ils se sentent coupables et redevables. Pour les musulmans, ils légifèrent en matière de comportement (interdiction du port de la burqa, par exemple), mais limitent leur liberté d’opinion. Il y a deux poids, deux mesures: comment peut-on condamner celui qui se moque des morts de la Shoah et exonérer celui qui se moque du père spirituel des musulmans ? Les musulmans ne céderont pas et la révolte, même contenue, ne fera que creuser davantage le fossé d’incompréhension entre les peuples. Charlie Hebdo ne répond pas seulement aux extrémistes, il humilie des millions de personnes qui ne demandaient rien. ● ABDOULAYE LO, Dakar, Sénégal N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

procurer. À chaque fois, je vais en priorité aux pages « Ce que je crois », « Humour, saillies et sagesse » et « En hausse, en baisse », trois rubriques qui me passionnent. Hélas, depuis quelques numéros, plus de « Ce que je crois » ! Béchir Ben Yahmed serait-il en train de nous désaccoutumer de ses bonnes réflexions ? En attendant, CQJC, ça me manque ! ● PASCAL WAMENYA, Bukavu, RD Congo

Réponse : Rassurez-vous, la parenthèse va bientôt se refermer. BBY et « Ce que je crois » nous reviennent dès le n° 2700 de J.A., daté du 7 octobre. ● LA RÉDACTION Oups ! La Martinique est bien française Dans votre article intitulé « La fausse retraite de Martine Aubry », en pages 62 et 63 du n° 2697 daté du 16 au 22 septembre, sur la partie consacrée à Harlem Désir, « Enfin Désir vint », une phrase m’a interpellée. En effet, vous écrivez : « Fils d’un Martiniquais et d’une Française… » La Martinique n’est-elle pas française depuis 1635 ? ● DAYE SECK, Paris, France

Réponse : Formulation bien maladroite, en effet. Il eût fallu écrire : « Fils d’un père martiniquais et d’une mère d’origine alsacienne. » Merci de votre vigilance. Et toutes nos excuses. ● LA RÉDACTION

RD Congo La fin tragique de Katumba En août , Augustin Katumba Mwanke, alors gouverneur du Katanga, avait instruit le commandant du bataillon d’infanterie de Likasi d’abattre et de consommer mon troupeau de vaches laitières, qui se trouvait dans ma ferme, sur la route Likasi-Kambove. J’étais alors injustement détenu en prison, avec mon épouse et mes quatre enfants, à la suite de la guerre déclenchée dans l’est de la RD Congo. Quatorze ans plus tard, Katumba Mwanke a perdu la vie à Bukavu : son avion s’est écrasé au milieu d’un JEUNE AFRIQUE


Vous nous

FIDÉLITÉ DES ENCOURAGEMENTS, SVP ! CONSACRÉ DOYEN DES LECTEURS que Jeune Afrique avait choisi de mettre en lumière lors de son cinquantenaire, en 2010 (J.A. no 2598-2599, du 24 octobre au 6 novembre 2010), j’apprécie toujours autant votre hebdomadaire, que je trouve très complet. J’en achète toutes les éditions depuis le premier numéro – Afrique Action, du 17 octobre 1960 – et ! ABDESSALEM EL-GHARBI, en suis même parvenu à fidéliser tous mes 2010, chez lui, en Tunisie. amis retraités en leur offrant des photocopies de reportages et d’articles sur laTunisie. Dans les années 1970, je me suis également procuré votre atlas de 1973 – que je conserve soigneusement dans son écrin – pour une mensualité de salaire. J’attends en retour des encouragements, qui renforceront ma fidélité à J.A. ● ABDESSALEM EL-GHARBI, Hammam Sousse, Tunisie

Réponse : Plus que des encouragements, ce sont des remerciements que nous vous devons. Puissiez-vous continuer très longtemps encore à nous lire chaque semaine… ● LA RÉDACTION troupeau de vaches ahuries par la fin tragique d’un homme qui avait à cœur de se faire des ennemis, même parmi les ruminants. ● FÉLICIEN RUCACA BIKUMU, Goma, RD Congo

Eldorado Juste un bravo Je ne manque aucun numéro de votre hebdomadaire, tant sa lecture m’est agréable. Je tiens donc à vous féliciter pour votre façon de travailler et d’informer l’Afrique, voire le monde entier. Vos rubriques sont pertinentes. Votre site internet vaut lui aussi le détour. Cependant, si je suis d’accord avec votre présentation de l’Afrique du Sud comme un nouvel eldorado (J.A. n° 2691, du 5 au 11 août), je me garderai bien de conseiller à quelque étranger que ce soit d’aller s’y installer, les communautarismes étant encore prégnants : les Indiens sont toujours

entre eux, tout comme les Noirs et les Blancs. Les Blancs racistes détestent encore plus les étrangers noirs. Et je ne parle pas de la criminalité. ● ALAIN LATO, Durban, Afrique du Sud

M23 Traité de Berlin : comme un boomerang En , les grands de l’époque décidèrent unilatéralement de se partager arbitrairement le gâteau africain, en redessinant les frontières entre les pays du continent noir. C’est ainsi que le Rwanda fut dépossédé de plusieurs parties de son territoire, tandis que ses populations y étaient maintenues : le nord-est du Kivu au profit de la RD Congo, le Bufumbira à l’avantage de l’Ouganda. Les médias ne cessent de nous rebattre les oreilles des conflits récurrents entre les différentes rébellions dites rwandophones – dont

le M23 – et le pouvoir central de Kinshasa. Ce dernier a beau jeu de désigner le même bouc émissaire, le Rwanda, chaque fois que ses forces armées sont mises en déroute. Les autorités congolaises finirontelles un jour par reconnaître à ces « rwandophones » une identité congolaise à part entière, la même qu’aux autres habitants de ce payscontinent ? ● GEORGES MUPENZI, Kigali, Rwanda

Mali L’Afghanistan du Sahel Telle que décrite dans votre article « Qui dirige à Bamako ? » (J.A. n° 2696, du 9 au 15 septembre), la situation au Mali menace la stabilité de notre continent. Les jihadistes affluent de partout pour s’installer dans le Nord occupé. Ils détruisent tout ce qu’ils estiment contraire à leur interprétation de l’islam, coupent des mains en application de la charia… Que font les politiciens de Bamako, pendant ce temps ? Faible et divisé, le gouvernement ne bronche pas. L’armée joue un rôle trouble, se disant hostile à une intervention extérieure, elle qui n’a pas su protéger le territoire d’une ! J.A. N° 2696, du invasion 9 au 15 septembre. parfaitement prévisible. Que les militaires mettent en sourdine leur nationalisme et préparent la reconquête avec l’aide de soldats africains et la logistique des Occidentaux. Le Mali ne doit pas devenir l’Afghanistan du Sahel. L’obscurantisme ne doit pas triompher. Ce n’est pas acceptable. ● DENIS RUJIGUIRO, Bruxelles, Belgique

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Un sacrilège immonde

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USQU’OÙ IRONTILS ? Oseront-ils tout ? N’y a-t-il plus rien de sacré ? Peut-on commettre n’importe quel crime de lèse-humanité ? Ce sont les questions qui agitent les Marocains en ce moment à Amsterdam et dans les villes circonvoisines. Non, il ne s’agit pas du fameux film diffusé sur internet et qui a déclenché des protestations et des émeutes un peu partout dans le monde. Non, c’est bien plus sérieux, c’est plus grave, il s’agit de… cuisine ! Voici les faits : certains Marocains d’Amsterdam ont constaté avec horreur que des Chinois – encore eux ! – s’étaient mis à fabriquer et à vendre le fameux ras-el-hanout, sans lequel la gastronomie marocaine ne serait pas ce qu’elle est.

Vous me dites : c’est bizarre, pourquoi les Chinois s’intéressent-ils au ras-el-hanout ? Ça ne marchera jamais, les Marocains ne tomberont pas dans le panneau, ils n’achèteront jamais un ras-el-hanout made in Pékin ou made in l’arrièreboutique d’un louche restau cantonais. Mais justement : les Chinois ne s’intéressent pas à nous mais aux Européens qui sont en train de découvrir les trésors de la cuisine marocaine. Flairant la bonne affaire, les Fils du ciel proposent maintenant tous les ingrédients des maîtres-queux chérifiens – et donc, en particulier, le ras-el-hanout.

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L’histoire est ahurissante. Il faut savoir que cet ingrédient miracle se compose de 26 ou 27 éléments différents (ça dépend si on y met ou non un certain truc mystérieux), dont certains sont rares et ne se trouvent qu’au Maroc. Comment font les enfants de Mao pour se les procurer ? Justement, c’est là que le sacrilège commence. Ils ont analysé en gros le goût du rasel-hanout et ont remplacé le cocktail de 26 (ou 27) ingrédients par une ou deux molécules qui donnent en gros, en très gros, le goût de l’ensemble. Deux molécules pour remplacer ma grand-mère ! Quand je vous disais qu’on est en présence d’un scandale de dimensions planétaires… Le plus vicieux dans l’histoire, c’est que les Chinois vendent la chose dans des petits paquetages très jolis, très « peintre orientaliste allumé », avec dessus cette inscription d’une insolence sans bornes : « Le vrai ras-el-hanout. Méfiez-vous des imitations ». Incroyable, non ? De quoi se peindre en jaune et aller se pendre à la plus proche pagode, non ? Les Marocains d’Amsterdam ne savent plus à quel saint (de l’Atlas) se vouer. Certains ont l’intention de prendre langue avec le gouvernement marocain pour riposter à cette manœuvre déloyale de l’empire du Milieu. Il faut se pencher au plus vite sur cette question culinaire mais néanmoins cruciale… Sinon, il faudra passer aux représailles. C’est la guerre ! Nous n’hésiterons pas à élever des canards laqués dans les Doukkala, à faire pousser du riz cantonais dans le Gharb et à engraisser des porcs halal dans la Chaouïa… ● N o 2698 • DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2012

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