JA3118 du 28 octobre 2022

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NOVEMBRE 2022

TOGO LA MÉTHODE FAURE NO 3118 – NOVEMBRE 2022

SPÉCIAL 14 PAGES

www.jeuneafrique.com

COP27 CE QUE VEUT (ET PEUT) L’AFRIQUE

CAMEROUN Game of Thrones à Etoudi MAROC-ISRAËL Et maintenant ?

30 PAGES

Édition GABON

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À moins de dix mois de la présidentielle, tout un pays se prépare à ce scrutin crucial, qui sera suivi la même année des législatives et des locales. Mais si 2023 sera éminemment politique, les enjeux économiques et sociaux ne peuvent être oubliés. Paysage avant la bataille.

M 01936 - 3118 - F: 7,90 E - RD

JEUNE AFRIQUE N O 3 1 1 8

LE COMPTE A REBOURS

Allemagne 9 € • Belgique 9 € • Canada 12,99 $CAN Djibouti 12 € • Espagne 9 € • France 7,90 € • DOM 9 € Italie 9 € • Maroc 50 MAD • Mauritanie 200 MRU Pays-Bas 9,20 € • Portugal 9 € • RD Congo 10 USD Suisse 15 CHF • Tunisie 8 TDN • TOM 1 000 XPF Zone CFA 4 800 F CFA • ISSN 1950-1285

GABON


2022

African Champion

Disrupter of the Year

Central Bank Governor

28 novembre 2022

Lomé Togo www.afis.africa

En partenariat avec

Woman Leader


POUR TOUT COMPRENDRE DE L’ÉVOLUTION D’UN PAYS

GRAND FORMAT GABON

GABRIEL BOUYS / AFP

ENJEUX p. 166 | ÉCONOMIE p. 182 | SOCIÉTÉ p. 204

Le compte à rebours Présidentielle, législatives, locales : pour les Gabonais, 2023 sera éminemment politique. Mais cette année électorale ne saurait occulter les grands enjeux économiques et sociaux. Paysage avant la bataille. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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Édito

Marwane Ben Yahmed

Enfin une élection normale ?

bureau du premier étage, au Palais du Bord de mer. Du côté d’ABO, l’équation est à la fois simple et compliquée. Il ne pourra s’appuyer que sur un bilan guère enthousiasmant, compte tenu de l’accident vasculaire cérébral qui l’a frappé en octobre 2018, de la crise liée à la pandémie de Covid-19 et des conséquences dramatiques (inflation galopante) de la guerre en Ukraine. Si beaucoup a été fait en matière d’éducation, de formation professionnelle, de diversification de l’économie (filière bois, agroalimentaire, etc.) ou pour la fonction publique (régularisation de plus de 13000 agents et recrutements), c’est évidemment insuffisant au regard des besoins exprimés et des attentes de la population.

« ABO bashing »

J

uillet ou août 2023, personne ne sait encore à quelle date se tiendra précisément la prochaine présidentielle, mais tous les esprits sont déjà tournés vers cette échéance cruciale. Premier scrutin à deux tours de l’histoire récente du pays, ce qui change considérablement la donne en matière de stratégie politique et de type de campagne électorale, il concernera environ 600000 inscrits pour, dit-on, 300000 votants attendus. Conclusion logique : avec seulement 200000 voix, on devient président de l’un des pays les plus riches d’Afrique (le PIB par habitant y est d’un peu plus de 8000 dollars). De quoi aiguiser les appétits… Après l’élection de 2016, véritable théâtre d’ombres qui aura vu Ali Bongo Ondimba (ABO) et Jean Ping s’affronter et aura exhibé ce qui peut se faire de plus détestable en matière de vie politique – entre fraude des deux côtés, trahisons, coups bas, attaques personnelles nauséabondes, appels à la haine et relents xénophobes, immixtion sournoise des voisins ou d’une partie de l’establishment français désireux de se débarrasser d’ABO –, la présidentielle de 2023 représente un enjeu majeur.

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Les Gabonais veulent faire entendre leur voix dans les urnes en toute transparence et dans la sérénité. Leurs préoccupations majeures sont limpides : emploi et pouvoir d’achat pour les citadins, les ruraux ajoutant à ces deux priorités la question des infrastructures routières, encore largement insuffisantes. À charge pour les candidats de leur proposer des solutions, un programme, un projet de société, bref de les convaincre. C’est donc une campagne positive qui est attendue, c’est-à-dire faite d’idées, de propositions et de débats, contrairement aux précédentes, sortes de « règlements de comptes à O.K. Corral » à la sauce nyembwe, au cours desquelles les anciens premiers rôles de l’ère Omar Bongo Ondimba s’étripaient allègrement et donnaient la triste impression de ne se préoccuper que de poser leur séant sur le fauteuil du mythique

Au président sortant de convaincre ; à l’opposition de faire son aggiornamento.

Il devra surtout expliquer en quoi il est le mieux placé pour diriger le pays au cours des sept prochaines années et proposer aux Gabonais un nouveau projet politique. Enfin, il devra les convaincre que, malgré les séquelles de son AVC, il sera apte à les diriger, même s’il ne sera plus jamais le même homme que celui qu’ils découvrirent en 2009, haranguant les foules, chantant ou dansant durant sa première campagne présidentielle. Pas simple… L’opposition, elle, doit faire son aggiornamento et proposer un autre programme que le « ABO bashing » en vigueur jusqu’ici. Son patronyme en 2009, sa filiation supposée douteuse en 2016, sa santé en 2023… Il est grand temps qu’elle se mette à faire ce que l’on attend d’elle : proposer, critiquer de manière constructive, débattre, offrir une alternative crédible. Et, soyons fous, cesser de se fourvoyer en querelles intestines, parfois au sein des mêmes partis. Bref, on l’aura compris, ce que veulent les Gabonais, c’est une compétition politique dans les règles de l’art, où ils seront au centre de toutes les attentions, et, enfin, une présidentielle « normale ». Leurs politiciens seront-ils au rendez-vous? Espérons-le : en ces temps troubles, le pays ne peut s'offrir le luxe d'une énième crise. Son potentiel inouï mérite tellement mieux…


COMMUNIQUÉ

Entretien : Monsieur Joël Lehman Sandoungout, Directeur Général de Trans’Urb La gratuité du transport urbain pour tous au Gabon est une première en Afrique. Quelles en sont concrètement les modalités ?

« La mobilité urbaine, un pan indispensable de l’économie gabonaise » Pouvez-vous présenter Trans’Urb ? La Société Gabonaise des Transports Urbains, Trans’Urb, est une société d’État dont la mission est le transport des personnes en zone urbaine et interurbaine. Elle a officiellement débuté ses activités en avril 2020 dans le contexte inédit de la pandémie de la Covid 19. Le Chef de l’État, son Excellence Ali Bongo Ondimba, soucieux du bien-être de ses populations, a instauré la gratuité du transport urbain, dont Trans’Urb est l’un des opérateurs majeurs. Avec une flotte de près de 260 bus, 9,5 millions et 17,7 millions de personnes ont été transportées en 2020 et 2021 respectivement. A fin juin 2022, 37,5 millions de personnes ont emprunté les lignes du réseau Trans’Urb au sein de la capitale gabonaise.

Comme dévolu dans sa mission de service public, Trans’Urb a pour objectif le transport urbain du plus grand nombre sans distinction aucune. Le contexte sanitaire, social et économique de mise en place de la gratuité se justifie aisément et démontre la volonté des plus Hautes Autorités de soulager le portefeuille des plus démunis suite aux conséquences négatives de la Covid 19. Le fonctionnement de notre société engendre des coûts financiers qui sont subventionnés pour le moment entièrement par le Gouvernement. À cela, l’ensemble des populations gabonaises, auxquelles je me joins, tenons à remercier encore le Chef de l’État, son Excellence Ali Bongo Ondimba pour cet acte social dont l’impact au quotidien n’est plus à démontrer.

Quelles sont les difficultés rencontrées ? Le recrutement de personnel expérimenté (chauffeurs, mécaniciens, etc.) demeure un enjeu majeur. Cependant, les profils des collaborateurs sont de plus en plus

conformes aux besoins du métier grâce à une politique de recrutement et de formation plus pointue. L’autre difficulté inhérente à notre métier est l’acquisition des pièces détachées dont la fourniture au niveau local reste très difficile. La fermeture des frontières lors de la pandémie de la Covid 19 a énormément retardé l’achat des pièces détachées à l’étranger. À ce jour, les choses tendent à se régulariser. Enfin, la difficulté majeure, et non des moindres, reste le retard dans la mise à disposition des subventions. Nous demeurons cependant confiants et comptons sur l’implication et la collaboration des Ministères du Budget et du Trésor Public quant au maintien et au respect du calendrier de décaissement des subventions.

La gratuité aura-t-elle une fin ? L’article 2 de son ordonnance de création, indique qu’en plus de sa mission de transport de personnes, Trans’Urb peut « … également effectuer toutes opérations commerciales … favorisant l’extension ou le développement … » de ses activités. Sans présumer des décisions futures du Chef de l’État, nous préparons simultanément la mise en place d’un ticket de transport payant et l’ensemble des outils nécessaires au fonctionnement optimal d’une société commerciale.

Vous desservez uniquement la capitale…

Trans’urb

JAMG - PHOTOS DR

Sachant que 70 % de la population gabonaise réside à Libreville, l’urgence a été de desservir en priorité cette dernière par le biais de plus de 300 points d’arrêt dans l’ensemble des communes du Grand Libreville que sont Libreville, Owendo, Ntoum et Akanda. La desserte des autres villes se fera progressivement en fonction des moyens matériels, humains et financiers mis à notre disposition.

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contact@transurb-ga.com

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066 81 64 87


GRAND FORMAT GABON

PRÉSIDENCE GABON

Ali Bongo Ondimba, le 12 mars, lors du 54e anniversaire du PDG.

ENJEUX

C’est reparti pour deux tours ! Avec la présidentielle, puis les législatives et les locales, toutes prévues au second semestre de 2023, le pays entre clairement en précampagne. Revue de détail des forces en présence. GEORGES DOUGUELI

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GRAND FORMAT GABON son concurrent. La coalition de l’opposition ayant volé en éclats, ils ont été nombreux à nourrir de nouvelles ambitions. « Je crois que Guy Nzouba-Ndama [fondateur des Démocrates] était déjà candidat au moment de la prestation de serment d’Ali Bongo Ondimba en 2016 », ironise un cadre de l’Union nationale (UN, opposition). Et si Alexandre Barro Chambrier (ABC), le président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM), multiplie les tournées dans le Gabon profond, c’est bien parce qu’il entend s’imposer en 2023 comme candidat légitime de l’opposition. Ils ne sont pas les seuls à se croire dotés de l’étoffe d’un chef d’État. Nombre de candidats potentiels se préparent, pour le moment en coulisses, comme lors de la Tropicale Amissa Bongo, où le gros du peloton laisse partir l’échappée, attendant l’heure du rattrapage, dans la dernière ligne droite.

Le sortant, « candidat à abattre »

I

ls ne pensent qu’à ça. Alors qu’elle ne devrait se tenir que dans dix mois, en août 2023, l’élection présidentielle éclipse déjà tous les autres grands sujets de politique intérieure. On dirait même que, sitôt proclamés les résultats de la dernière élection présidentielle, en 2016, les adversaires du président gabonais étaient repartis en campagne, en quête de revanche. Le vainqueur, s’il en avait eu les moyens,

aurait tout de suite refermé la parenthèse électorale pour remettre les Gabonais au travail et, ainsi, réaliser ses promesses. Mise sous tension par le scénario du vote, la rue en a décidé autrement. Ali Bongo Ondimba (ABO) a dû faire face à une violente contestation. Pas question pour ses adversaires d’attendre la fin du bail. Arrivé en deuxième position à l’issue du scrutin, Jean Ping n’a jamais reconnu l’élection de

L’échéance se rapproche, et un calme à la fois rassurant et inquiétant règne à Libreville. Dans les eaux du marigot gabonais, les apparences peuvent être trompeuses. On n’est jamais à l’abri d’une surprise. Et les coups les plus durs peuvent provenir de son propre camp. Nul n’avait vu venir la cascade de démissions qui, avant la présidentielle de 2016, avait laissé le parti au pouvoir exsangue, vidé d’une partie de ses élus et de dizaines de cadres influents, séduits par Jean Ping et ses promesses de changement. Qui aurait parié que, le 5 septembre 2016, soit neuf jours après le scrutin, Séraphin Moundounga enverrait sa lettre de démission sans le moindre signe avant-coureur ? Fidèle parmi les fidèles du chef de l’État, ministre de la Justice, dans la maison de campagne duquel le président sortant, en tournée électorale, avait passé la nuit quelques semaines auparavant… Comment savoir si de tels scénarios ne se reproduiront pas en 2023 ou quels coups de théâtre se préparent? Cette fois, ABO est à la manœuvre, et ses adversaires plutôt sur la défensive. C’est lui qui frappe aux portes de l’opposition pour négocier et ramener les dissidents à la maison. Peutêtre le président veut-il par avance JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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GRAND FORMAT GABON neutraliser toute potentielle violence dans la confrontation électorale à venir. Malheureusement, de ce point de vue, les campagnes présidentielles se suivent et se ressemblent, le président sortant est « le candidat à abattre ». En 2016, Ping et ses alliés ont remis en question l’éligibilité d’ABO par la contestation de son identité, de sa filiation et donc de sa légitimité à perpétuer le système, ce qui justifiait autant de ruptures d’allégeance. La campagne 2023 aura probablement un autre angle d’attaque. Le temps de parole sera consacré à dénier au président sortant la capacité à gouverner, à la suite de l’accident vasculaire cérébral hémorragique dont il a été victime, le 24 octobre 2018, à Riyad, en Arabie saoudite.

« Ali » le résilient

Pourtant, quel volontarisme, quels efforts douloureux faut-il déployer pour se relever, recommencer à marcher, à présider le Conseil des ministres hebdomadaire, à recevoir les acteurs politiques et à revenir sur la scène diplomatique. En visite officielle à Paris, en novembre 2021, il refuse d’emprunter une rampe, rejetant tout dispositif spécial destiné à lui faciliter la montée les marches de l’Élysée. Des deux corps du roi, dirait Ernst Kantorowicz, le charnel souffre mille morts, tandis que le symbolique, incarnant le Gabon en dépit des outrages de la maladie, refuse d’abdiquer et de geindre. Si le président gabonais n’a pas récupéré la souplesse de ses mouvements, notamment cette jambe droite qui ralentit sa marche, il a recouvré l’essentiel de ses capacités cognitives, la mobilité de ses membres supérieurs et la fluidité de son élocution en français et en anglais. « Ali » est un cas d’école en matière de résilience et de récupération face au fléau des maladies cardiovasculaires. Pour autant, devrait-il briguer un troisième mandat? « Je pense que l’examen médical est l’élément le plus efficace pour établir si une personne est apte à exercer ses fonctions », estime l’avocat AngesKévin Nzigou, l’une des dix personnalités à avoir signé un « appel à agir ». Auquel un ministre répond : « Si, dans

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cette conversation avec lui-même, le président répondait positivement à la question de briguer un nouveau mandat, laquelle est cruciale pour lui et pour le Gabon, il soumettra alors sa décision à la sanction des électeurs. Laissons les électeurs en décider et nous verrons qui gagnera. » ABO n’est pas le seul à subir les revirements du très versatile personnel politique gabonais. Il a d’ailleurs transformé ce travers en opportunité pour affaiblir ses adversaires. Ainsi de Guy Nzouba-Ndama, ce politicien madré qui n’a pourtant pas vu venir l’entrée au gouvernement de ses

ABO n’est pas le seul à subir les revirements du très versatile personnel politique. Il a d’ailleurs transformé ce travers en opportunité pour affaiblir ses adversaires. lieutenants, Jean-Norbert Diramba et Jean-Pierre Doukaga Kassa, deux figures des Démocrates débauchées en mars dernier pour occuper respectivement les ministères du Tourisme et de l’Économie numérique. Un coup rude porté par le Palais, que le patron des Démocrates (10 députés, 4 sénateurs) n’avait pas encore digéré au moment où une deuxième « déconvenue » le frappait, qui pourrait bien mettre un terme à son ambition présidentielle. Le 17 septembre, le « Président Guy » a été intercepté, à la frontière avec le Congo, transportant des valises recelant 1,19 milliard de F CFA (1,82 million d’euros) en petites coupures. L’affaire lui a valu une garde à vue et une assignation à résidence, en attendant un procès. Les ennuis de Guy Nzouba-Ndama pourraient bien profiter à Paulette Missambo, issue, comme lui, de l’Ogooué-Lolo. Cette ex-ministre se présente en présidentiable crédible du fait de sa notoriété et d’une relative popularité, mais aussi de son expérience de femme politique de premier plan. Mais son élection à la tête

de l’UN, en novembre 2021, a fracturé l’un des partis les plus importants de l’opposition. Alors qu’elle non plus ne s’y attendait pas, son rival, Paul-Marie Gondjout, a claqué la porte, emportant avec lui une partie des cadres, pour lancer, en juillet dernier, son propre parti : l’Union nationale initiale (UNI). En guise d’adieu, les deux protagonistes ont échangé des propos acides – elle le qualifiant d’« homme du passé », lui tançant son « absence d’esprit d’ouverture, de dialogue et de concertation » –, de mauvais augure pour leur relation future. Alexandre Barro Chambrier, lui aussi, se relève d’une querelle fratricide qui l’a opposé à son ex-proche Michel Menga, actuel ministre de la Décentralisation. ABC voulait dissoudre le Rassemblement Héritage et Modernité (RHM), créé en 2016 avec Menga, pour lancer un nouveau parti, le Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM). Refus catégorique de Menga, qui saisit les tribunaux pour entraver le projet de son ex-ami. Finalement, en avril, Barro est parvenu à obtenir du ministre de l’Intérieur la légalisation de son parti. Mais cet épilogue pourrait n’être que l’amorce d’un duel susceptible de parasiter la campagne du probable candidat du RPM.

Bilan du septennat

Ces considérations de politique politicienne relèguent au second plan les difficultés du gouvernement à faire avancer les grands projets d’infrastructure et à réduire les écarts sociaux aggravés par la crise liée au Covid, l’inflation et la situation de l’emploi des 15-24 ans, dont le taux de chômage est passé de 36,5 % en 2019 à 38,2 % en 2020. Particulièrement scruté, le ministère des Travaux public – le plus important budget d’investissement du pays –, qui a essuyé la colère d’ABO. Le 12 septembre, le chef de l’État a dissous le ministère et rattaché son personnel à la primature… avant de se raviser, un mois plus tard, en nommant à la tête de ce département un conseiller spécial du cru, Toussaint Nkouma Emane, lequel doit faire en sorte que s’ajoutent au bilan du septennat quelques-uns des ouvrages promis en 2016.


COMMUNIQUÉ

Votre partenaire pour l’avenir

« Notre croissance est principalement orientée vers le développement du secteur privé » Administrateur-Directeur Général de BGFIBank Gabon

produits. À ce titre, notre nouvelle gamme d’agences bancaires est de type 4 ème génération, équipée de corners digitaux en libre-service. Nous améliorons continuellement notre offre digitale actuelle avec notamment : o La digitalisation de l’ouverture de compte. o Notre solution de WEB Banking à l’attention des entreprises (paiement des salaires, trade finance, etc.).

Comment BGFIBank Gabon contribuet-elle à la relance et à la diversification de l’économie du Gabon ?

BGFIBank Gabon se positionne comme la plus grande banque de la CEMAC en termes de capitalisation bancaire et intervient au plus haut niveau de financement des opérateurs économiques. Depuis le début de l’année 2022, nous avons ainsi accordé près de 300 milliards de FCFA pour la réalisation de projets structurants aussi bien à l’échelle nationale que régionale. Ces financements ont notamment été octroyés dans les secteurs porteurs tels que l’aéroportuaire, le portuaire, les transports, les mines, l’énergie, le bois, l’agro-industrie, les télécommunications, le commerce général et tout leur écosystème. En outre, la croissance de notre bilan, qui s’établit à plus de 100 milliards de FCFA, est principalement orientée vers le développement du secteur privé. Quelle est votre stratégie en matière de digitalisation ?

BGFIBank Gabon est résolument engagée dans une digitalisation accrue, rapide et maîtrisée de ses process et

o Nos terminaux de paiement électroniques (TPE) de dernière génération autorisant des paiements sans contact (et bientôt des paiements à partir des portes monnaies électroniques et de la technologie QR CODE). o Notre application de Mobile Banking, intégrant des services de consommation de masse plus étendus. o Notre offre de cartes spécifiquement paramétrées en harmonie avec les nouvelles exigences réglementaires en matière de voyages et d’études. Quelle est votre stratégie en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ?

Notre engagement RSE se traduit d’abord par l’accompagnement et le financement de grands projets structurants portés par les grandes entreprises et les PME pour le développement économique, le développement de l’emploi et l’amélioration du bien-être des populations. D’un point de vue social, nous avons mis en place un dispositif d’actionnariat salarié qui permettra aux 600 collaborateurs d’être propriétaires de BGFIBank Gabon.

groupebgfibank.com

Dans le cadre de la maîtrise environnementale du cycle de nos produits et la valorisation de nos déchets, toutes nos cartes à puce expirées sont transformées en matériaux de construction (pavés). Ce procédé, en phase expérimentale, est développé en partenariat avec des PME locales que nous accompagnons. Enfin, à travers notre participation aux activités de la Fondation BGFIBank, nous sensibilisons également en permanence nos parties prenantes à s’inscrire dans une démarche de plus en plus responsable pour la préservation de nos ressources, le soutien à l’éducation et à la santé pour un développement durable. En avril 2022, BGFIBank Gabon a reçu la certification AML 30 000. De quoi s’agit-il ?

En effet, AML 30000® est une norme internationale de certification dédiée à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes. Elle certifie la conformité technique et l’effectivité des dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (« LCB/FTP ») mis en place par les institutions financières. L’obtention de ce certificat atteste que la banque s’est appropriée les meilleures pratiques internationales en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Cette nouvelle distinction complète nos trois certificats ISO et notre notation financière stable à A+ à court terme et à A1+ à long terme. Ensemble, ils attestent de notre solidité financière, de la robustesse de notre dispositif de maîtrise des risques.

JAMG - PHOTOS : © DROIT RÉSERVÉ BGFI BANK

Entretien avec M. Loukoumanou WAÏDI,


GRAND FORMAT GABON

COULEUR LOCALE

Blanc comme le PDG

L

e congrès du Parti démocratique gabonais (PDG), qui devrait se tenir avant l’élection présidentielle, prévue en août 2023, sera le rendez-vous statutaire qui entérinera les nominations récentes et devrait recueillir la déclaration de candidature du président sortant. Il sera aussi ce concours d’élégance où l’élite politico-administrative débarquera vêtue de blanc, dress code digne d’une fête tropézienne et hérité de l’époque d’Omar Bongo Ondimba. Ce blanc immaculé, le « Doyen » l’aurait instauré pour matérialiser l’une des pensées contenues dans son petit livre vert intitulé Rénovation. Il y clamait son souhait de faire de la politique en gardant les « mains propres ». Au congrès, « Omar » débarquait en costume de grand couturier à revers cranté, ou en col Mao, qu’il « cassait » avec des chaussures – à talonnettes – noires, une cravate, des lunettes et d’autres accessoires assortis. Son successeur perpétue cette tradition, tout en se montrant plus décontracté. Un jour en

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costume sans cravate, un autre en saharienne, avec une préférence pour le lin plutôt que la soie. Personne n’a jamais vu « Ali » arborer de tenue à effigie, qui rappelle un folklore peu compatible avec sa vision du Gabon. Tirés à quatre épingles, ses ministres, jeunes et cosmopolites pour la plupart, viennent tous au congrès en blanc de rigueur, fort pratique par température caniculaire, mais qui n’empêche pas de transpirer à grosses gouttes sous le chapiteau insuffisamment climatisé où se tient traditionnellement l’assise populaire.

Fini « l’Afrique à papa »

Bien qu’Omar bongo Ondimba soit décédé en 2009, le PDG n’a jamais mis à jour son identité visuelle. Il n’a toujours pas imprimé le visage de son successeur sur le tissu utilisé pour confectionner l’uniforme du parti. Et ce n’est pas près d’arriver. « C’est la marque du rénovateur Ali. Il ne veut pas de cette pratique

DOM POUR JA

Dis-moi comment tu t’habilles, je te dirai quel « PDGiste » tu es. Revue de style au sein du parti présidentiel.

du passé, ce culte du « père de la nation » qui fleurait bon « l’Afrique à papa ». Pendant quatre décennies, on voyait le visage du président à la télé, en couverture des journaux, sur les panneaux d’affichage, sur les billets de banque et, bien sûr, les uniformes du parti », explique un ancien ministre. Et quand son état-major de campagne fait fabriquer des tee-shirts à son effigie, seul son prénom, Ali, y est imprimé. La volonté de dépoussiérer le système aurait pu aller jusqu’au changement de nom du parti, si le président avait écouté certains de ses conseillers. Ceux-ci le pressaient

Au congrès, « Omar » débarquait en costume de grand couturier.

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de tout changer, quitte à se mettre les vieux caciques à dos. Le président togolais, Faure Gnassingbé, a attendu sept ans avant de créer l’Union pour la République (Unir) sur les cendres du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti créé par son père, le général Gnassingbé Eyadéma. Ali, lui, a refréné les ardeurs des jeunes PDGistes, même si, dans sa relation au parti, il y a des hauts et des bas. Pour les uns, il se démarque habilement de son père, pour les autres, il fait des changements sans renier sa filiation. Quoi qu’il en soit, il y a peu de chances que le dress code du PDG change. Et puis, y a-t-il meilleure incitation à la propreté et à la netteté que ce blanc immaculé? Georges Dougueli


COMMUNIQUÉ

« NOTRE PARTENARIAT AVEC CARREFOUR PROFITE AVANT TOUT AUX CONSOMMATEURS GABONAIS »

Créée en 1992avecl’ouverture d’un premier magasin à Libreville, la société Prix Import est devenue un acteur clé du secteur du commerce au Gabon. Cette position a été renforcée grâce à la signature d’un accord de franchise avecle groupe Carrefour qui a entrainé le « rebranding » et la modernisation de 8 magasins. L’investissement a atteint 10 milliards de Francs CFA Ainsi 7 magasins sont devenus des supermarchés Carrefour Market - Prix Import tandis qu’un hypermarché a été rebaptisé Carrefour - Prix Import. Ce dernier est situé dans un centre commercial en construction qui comprendra une galerie marchande pouvant accueillir une dizaine d’enseignes. Un 9ème magasin complète l’offre de Prix Import qui dispose autotal d’une surface de vente de 9000 m2. DES AVANTAGES POUR LES CONSOMMATEURS L’accord conclu avec le groupe Carrefour apporte une série d’avantages substantiels pour les consommateurs gabonais : l’augmentation du nombre de références, aussi bien dans l’alimentaire que dans le non-alimentaire, d’où un choix accrude produits ; des prix plus avantageux grâce à l’accès à la centrale d’achat du groupe Carrefour ; la mise en place des standards internationaux de la grande distribution ; etc.

« Les premières enquêtes que nous avons menées auprès de nos clients font état d’un taux de satisfaction élevé » affirme Bernard Azzi, président-directeur général de Prix Import. « Ce projet nous a permis d’atteindre l’objectif fondamental que nous nous sommes fixés : proposer, tous les jours, à tous nos clients, des produits, alimentaires et non alimentaires, pour tous les goûts et tous les budgets en nous inscrivant dans une vision novatrice et durable ». UN ENGAGEMENT SOCIÉTAL FORT La transformation des magasins mentionnée précédemment s’est accompagnée de la création d’emplois et d’un effort de formation au profit de personnes de nationalité gabonaise. « Nous sommes fortement engagés dans le développement économique local » souligne le PDG. Cet engagement se traduit également par une volonté de promouvoir l’offre « Made in Gabon », érigée au rang de priorité stratégique. Dans les rayons des magasins, on trouve des fruits et des légumes cueillis sur place et des produits de la pêche. Mais les produits transformés sont également disponibles : farine, huile, produits de boulangerie, confitures, miel, chocolat, etc. L’objectif de Prix Import est d’accroître et de diversifier régulièrement la présence de produits locaux.

Bernard Azzi, président-directeur général de Prix Import

UN ACTEUR CLÉ DU MARCHÉ DU GROS

La société Prix Import a également développé une importante activité grossiste qui représente plus de 40% de duchiffre d’affaires, grâce notamment a notre plateforme logistique de 18000 m2 qui assure un dispatching efficace et sécurisé auprès des 450 revendeurs. « Aufil des ans, nous sommes devenus distributeurs exclusifs d’une cinquantaine de marques de renommée mondiale telles que : L’Oréal, Unilever, Elle & Vire, 1664, Groupe Seb, Laurent Perrier, Trouillard, Taittinger, les Grands Chais de France, etc. » précise Bernard Azzi. La distribution de vins et de spiritueux est une des spécialités de Prix Import. Une logistique adaptée aux caractéristiques spécifiques de ces produits a été mise en place ce qui permet de positionner la société comme un des leaders auGabon sur ce segment.

JAMG - PHOTOS DR

Acteur clé dusecteur ducommerce auGabon, la société Prix Import a signé un accord de franchise avecle groupe Carrefour, aux termes duquel 8magasins situés sur le Grand Libreville ont subi une cure de jouvence et ont été mis aux standards internationaux. Un partenariat qui s’avère être d’ores et déjà une vraie « success story ».


GRAND FORMAT GABON

Rose Christiane Ossouka Raponda

« En politique, il ne faut pas être sectaire. Il faut rassembler. » Relance économique, protection sociale, égalité des chances, préparation des échéances de 2023… La Première ministre gabonaise répond aux questions de Jeune Afrique.

GEORGES DOUGUELI

M

inistre du Budget dans le gouvernement Ndong Sima (20122014), puis maire de Libreville, Rose Christiane Ossouka Raponda est revenue au gouvernement en février 2019 pour prendre la tête du ministère de la Défense. Une montée en puissance confirmée, en juillet 2020, par sa nomination au poste de Premier ministre. Cette économiste de 59 ans, formée à l’Institut gabonais de l’Économie et des Finances, est réputée pour sa loyauté à toute épreuve, au point qu’Ali Bongo Ondimba pourrait lui confier la direction de sa campagne s’il se porte candidat à la présidentielle de 2023.

Jeune Afrique : Avez-vous le sentiment que le Gabon est un pays « bloqué » sur le plan politique, ainsi que le décrit l’opposition? Ro s e C h r i s t i a n e O s s o u k a Raponda : Non. Le seul blocage se trouve au sein d’une opposition sclérosée, qui peine à se renouveler et à incarner une alternative crédible. Au contraire, nous travaillons pour un Gabon qui connaît une phase de

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transition accélérée. Jamais autant de chantiers n’avaient été mis en œuvre en même temps. Nous avons révolutionné les programmes scolaires pour donner toute sa place à la formation professionnelle. Pour accélérer sa transformation post-pétrole, le pays diversifie sa structure économique et fait de l’économie verte le moteur du changement. La commercialisation de 187 millions de crédits carbone sur la période 2010-2018 constitue à cet égard un véritable tournant. Notre endettement va diminuer de manière très sensible, ce qui nous donnera des marges de manœuvre pour préparer l’avenir. Sur le plan social, nous engageons des réformes en profondeur, notamment à la Caisse nationale de sécurité sociale. Elles conforteront notre modèle de solidarité. Sur le plan international, notre adhésion au Commonwealth aura un impact sur les générations futures. Nous sommes un acteur majeur en matière de climat et d’environnement. Nous présidons aujourd’hui le Conseil de sécurité de l’ONU. Sur le plan politique, les institutions fonctionnent de manière fluide… Je

pourrais multiplier les exemples pour montrer que nous avançons. Plusieurs opposants ont rejoint la majorité, certains le gouvernement. Pourquoi les accueillez-vous? L’ostracisme ne fait pas partie de notre logiciel. Ce qui compte, c’est le Gabon. Le président Ali Bongo Ondimba insiste là-dessus. Toute


WEYL LAURENT/COM PR ID

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Dans son bureau, à Libreville, en octobre.

personne qui désire nous rejoindre pour construire le pays est la bienvenue. En politique, il ne faut pas être sectaire. Au contraire, il faut rassembler.

l’est, je le soutiendrai comme je l’ai toujours fait. Quelle forme ce soutien prendra-t-il? Nous verrons le moment venu. Ce qui est sûr, c’est qu’il sera total et sans faille.

Si Ali Bongo Ondimba venait à être candidat en 2023, comment soutiendriez-vous sa campagne? Je l’ai déjà dit publiquement : je souhaite qu’il soit candidat. Et s’il

Vous avez instauré un conseil de cabinet ministériel. Ce système a-t-il amélioré l’efficacité du travail gouvernemental? Ce n’est pas un remède miracle.

Ce système a une vertu : le reporting. À partir du moment où vous devez rendre périodiquement des comptes sur les objectifs qui vous ont été fixés, vous êtes incité à faire preuve d’efficacité. Cela permet aussi un meilleur partage de l’information entre les différents ministères, qui ont parfois tendance à fonctionner en solitaire. La cohésion de l’équipe s’en trouve renforcée. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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GRAND FORMAT GABON En 2020, le Gabon est entré en récession, avec une croissance de – 1,9 %, redevenue positive en 2021. Comment se porte son économie en 2022? Après une année 2020 difficile pour l’ensemble des économies mondiales, dont le PIB a chuté de 3,1 %, nous avons amorcé la reprise en 2021. Cette tendance s’est consolidée en 2022, puisque nous prévoyons une croissance de 2,9 %, portée pour l’essentiel par les mines (notamment la filière manganèse), l’agriculture, les transports, le BTP ou encore les industries du bois. Ce rebond s’explique aussi par la relance de la demande intérieure, avec une consolidation de l’investissement, tiré par le privé, en particulier dans les secteurs pétrolier, minier, énergétique et industriel (malgré la conjoncture de hausse généralisée des prix à la consommation). La fermeté de la demande extérieure et la vigueur de nos exportations contribuent également à cet élan. La remontée des cours des matières premières depuis le premier trimestre de 2022 devrait permettre une amélioration des finances publiques, avec, entre autres, une hausse de l’excédent public de 3,8 points du PIB et une baisse du taux d’endettement. Comme vous le voyez, l’économie gabonaise est sur de bons rails. Ce réalignement sur une trajectoire vertueuse résulte en bonne partie de la mise en œuvre du Plan d’accélération de la transformation [PAT]. Cela aura-t-il un effet sur le pouvoir d’achat? L’envolée des prix du pétrole et d’autres produits de base comme le blé s’est traduite par des tensions inflationnistes sur les produits importés. Au niveau national, nous anticipons donc un taux d’inflation de 3,5 % en moyenne pour 2022, malgré les mesures prises, telles que les subventions sur les prix des carburants à la pompe et de la farine, qui nous coûtent très cher. C’est pourquoi le ministre de l’Économie a échangé avec les opérateurs économiques afin de mettre en place une nouvelle mercuriale [document de référence sur les prix], en vigueur depuis quelques semaines.

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Quelles sont les perspectives pour 2023? La dynamique de 2022 devrait se poursuivre, et le PIB progresser de plus de 3 %. Par ailleurs, malgré les fortes contraintes budgétaires auxquelles il s’attend, le gouvernement veut maintenir sa politique sociale en faveur des ménages. Grâce à la nouvelle mercuriale et au maintien de mesures sociales telles que la gratuité des transports publics et du transport scolaire ou la subvention des prix à la pompe, nous espérons maîtriser l’inflation aux alentours de 2,8 % en 2023. Nous comptons enfin poursuivre les projets structurants engagés dans le cadre du PAT, qu’ils soient financés sur fonds propres, sur ressources extérieures ou par le biais de partenariats public-privé. C’est le cas de la Transgabonaise, des voiries urbaines et du projet d’adduction d’eau.

Nous prévoyons une croissance de 2,9 % cette année, portée par la demande intérieure et par la vigueur de nos exportations. La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont entraîné une forte hausse des cours des matières premières et, donc, des recettes pétrolières. Qu’en ferez-vous? Le conflit russo-ukrainien a en effet généré des recettes supplémentaires liées à la hausse des cours du baril, soit une augmentation de 33,3 % dans le cas de notre pays. Ces recettes exceptionnelles nous ont permis de relever les dépenses d’investissement, d’amortir la dette extérieure et la dette moratoire. Mais la guerre a aussi entraîné une augmentation des prix du carburant à la pompe et une hausse vertigineuse des cours dans le monde. D’où les efforts consentis par le gouvernement pour stabiliser les prix du carburant et de la farine.

Ce conflit rappelle aussi que le Gabon reste fortement dépendant des importations alimentaires… Il importe pour près de 450 milliards de F CFA [686 millions d’euros] par an de produits alimentaires, ce qui traduit déjà le faible niveau de la production agricole de notre pays. Cette situation n’est pas soutenable sur le plan économique. La guerre en Ukraine et, avant elle, la pandémie de Covid-19 ont contribué à déstabiliser les circuits d’approvisionnement internationaux et entraîné une inflation généralisée. Pour y faire face à court terme, le gouvernement vient de s’assurer de la disponibilité des produits alimentaires en quantité, en qualité, et à un prix accessible à toute la population. Nous avons ainsi décidé de subventionner et de réguler les prix des produits de première nécessité. Sur un tout autre plan, le ministère chargé de l’Agriculture a décidé de créer cinq Zones agricoles à forte productivité (ZAP), à Kango, Andem, Bifoun-Abanga, Idemba et Mboukou. L’objectif est d’apporter des solutions adaptées aux principaux problèmes que rencontrent les agriculteurs afin de garantir la sécurité alimentaire, de renforcer les exportations des produits agropastoraux et de lutter contre la pauvreté par la création d’emplois. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la situation de l’emploi s’est dégradée, en particulier chez les jeunes. Comment comptez-vous y remédier? L’une des causes du chômage, en particulier celui des 15-25 ans, est l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Pour y remédier, le président Ali Bongo Ondimba a engagé toute une série de réformes visant à rendre le marché de l’emploi plus attrayant : valorisation de la certification des formations de courte durée en apprentissage ou en alternance; réforme du code du travail qui accorde une place de choix aux contrats de professionnalisation, d’apprentissage, à l’insertion professionnelle ou à l’alternance, etc., ce qui favorise l’emploi des jeunes. Quelles réformes ont été engagées dans le cadre de la politique


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DAVID MAREUIL / POOL / AFP

personnes qui bénéficient de la couverture maladie, soit un taux de couverture de 70 %. Et pour la même période, plus de 61 milliards de F CFA ont été dépensés au titre de la prise en charge sanitaire des Gabonais par le biais de la CNAMGS. Ces efforts se poursuivent à travers la mise en œuvre de projets à fort potentiel social dans le cadre du PAT 2021-2023.

Avec Fumio Kishida, le Premier ministre japonais, à Tokyo, le 26 septembre.

d’égalité des chances promue par le chef de l’État? Tout commence par l’égalité d’accès à l’éducation. Malgré les effets négatifs de la pandémie de Covid-19, nous avons engagé un vaste programme de construction et de réhabilitation d’établissements scolaires et d’internats. Pour favoriser l’emploi des jeunes et mieux assurer l’adéquation formation-emploi, nous avons créé trois centres de formation multisectoriels entièrement équipés, à Libreville, Franceville et Port-Gentil. Et, pour dynamiser notre politique d’emploi, l’Office national de l’emploi (ONE), devenu Pôle national de promotion de l’emploi (PNPE), a vu ses compétences élargies. Dans le domaine de la santé, nous avons renforcé le plateau technique de nos structures de soins et lancé un programme national de réhabilitation dans les différents départements sanitaires. Pour améliorer l’accès des populations au médicament, l’Office national pharmaceutique a également été réformé – notamment la gestion des pharmacies hospitalières afin d’assurer la disponibilité permanente des médicaments au sein des hôpitaux publics. L’égalité des chances, c’est aussi l’égalité des genres. Avec le concours de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille, nous avons déployé le programme Gabon Égalité pour promouvoir la protection et

les droits des femmes et des jeunes filles. Pourquoi la promotion des femmes occupe-t-elle une place aussi importante dans l’agenda politique gabonais? Le Gabon est en effet souvent cité parmi les trois pays d’Afrique subsaharienne les plus entreprenants en matière d’égalité des genres. Dès 2015, le président a décrété que cette décennie serait celle de la femme. Depuis, l’évolution de notre pays a été spectaculaire. Tout cela est aussi advenu grâce à l’engagement et à la détermination de la première dame, Sylvia Bongo Ondimba, et à l’action de sa fondation. C’est à ses travaux que nous devons la révision, en 2021, du code pénal, du code civil et du code travail, dans lesquels l’égalité des genres a été inscrite. C’est à sa fondation que nous devons la création de l’Observatoire du droit des femmes au Gabon, ainsi que l’ouverture prochaine d’un centre d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences. Pouvez-vousnousdonnerquelques chiffres susceptibles d’illustrer le développement social inclusif? En 2021, la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) a enregistré 64 635 nouvelles immatriculations. Ce qui porte à près de 1,58 million le nombre de

En 2021, Transparency International a classé le Gabon parmi les pays où le niveau de corruption est considéré comme élevé. Que fait le gouvernement pour faire reculer ce fléau? Vous omettez de dire que, dans le dernier classement de Transparency [publié en janvier 2022], le Gabon fait un bond de cinq places. Il remonte du 129e au 124e rang [sur 180 pays], et figure au 19e rang sur les 49 pays d’Afrique subsaharienne évalués. Ce qui signifie que notre politique hypervolontariste de lutte contre la corruption porte également ses fruits. Elle prend différentes formes : opération Scorpion, task-forces (comme celle sur la dette intérieure), procédures devant la Cour arbitrale de justice, adoption d’un code pénal qui réprime avec la plus grande fermeté les infractions financières… Avez-vous le sentiment que la société gabonaise a accepté qu’une femme soit « un Premier ministre comme un autre »? Oui, je le crois. La politique d’égalité des chances a également porté ses fruits. Aujourd’hui, beaucoup de postes parmi les plus prestigieux sont occupés par des femmes : la primature, la présidence du Sénat, du Conseil constitutionnel, du gouvernorat de l’Estuaire, etc. Sans oublier le ministère de l’Économie ou la mairie Libreville. Une femme Premier ministre, est-ce un pas de plus vers l’égalité des genres? Sans l’ombre d’un doute. Le principal impact est celui provoqué dans l’esprit des jeunes filles. Ce qui les entrave le plus, au-delà des grossesses précoces, qui sont un autre fléau, c’est l’autocensure. Elles ont besoin de modèles. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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Géopolitique des élections Qui vote pour quel candidat selon qu’il vient du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest ? En attendant la présidentielle, voici quelques clés pour comprendre comment les Gabonais font leur choix lors d’un exercice dont ils sont friands. GEORGES DOUGUELI

U

ne élection présidentielle pointe de nouveau à l’horizon – elle est prévue en août 2023 –, mais on la voit venir depuis des mois déjà. Dans les états-majors, le personnel politique sonde les oracles sur le climat qui prévaudra l’année prochaine, travaille à se positionner pour peser sur le vote communautaire – ou ethnique –, évalue la proportion de l’électorat prête à se mobiliser pour ou contre son camp, sans oublier de jauger la part du vote contestataire qui serait préjudiciable au président sortant, Ali Bongo Ondimba (ABO), s’il briguait sa propre succession. Le mode de scrutin à un tour avait l’avantage de dégager une majorité claire en évitant les marchandages. La révision constitutionnelle de 2018 ayant consacré le retour au scrutin à deux tours, le risque est très élevé pour le candidat arrivant en tête de se heurter à une coalition d’adversaires ligués contre lui au second tour. Aussi, pour conjurer ce sort peu enviable qui oblige à négocier en position délicate, le président sortant a intérêt à obtenir la majorité absolue dès le premier tour. Pour réussir cette performance, le chef de l’État dispose d’une machine de guerre, le Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir depuis 1968 – il célébrera ses cinquante-cinq années d’existence en mars 2023 – et qui bénéficie d’un maillage territorial serré, tissé au fil des décennies. Traditionnellement, le parti présidentiel rafle la majorité des suffrages en milieu rural, dans les petites villes (chefs-lieux de département) et les villes moyennes (chefs-lieux de province). En revanche, il est moins fringant dans les grands centres urbains

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(Libreville et Port-Gentil), où il a du mal à s’imposer. Le politologue Flavien Enongoué observe une évolution de la géographie du vote entre 2008 et 2018. Selon lui, la carte électorale du pays révèle l’existence de trois pôles. L’axe ouestnord (Ogooué-Maritime, Estuaire, Woleu-Ntem) se caractérise par une instabilité électorale : d’un scrutin à l’autre, les résultats peuvent passer de favorables à défavorables, voire très défavorables, à la majorité présidentielle. L’axe centre-sud, constitué des provinces du Moyen-Ogooué, de la Ngounié et de la Nyanga, était traditionnellement défavorable au PDG, même si la tendance s’est inexplicablement inversée lors des législatives de 2011. Avant, de nouveau, de tourner casaque, lors de la dernière présidentielle, en 2016, qui fut un plébiscite pour l’opposition. Enfin, le troisième pôle électoral se situe dans l’est du pays : les provinces du Haut-Ogooué, de l’Ogooué-Lolo et de l’Ogooué-Ivindo sont acquises de manière constante au PDG. Par attachement à la famille Bongo, originaire du Haut-Ogooué ? Flavien Enongoué assure qu’il n’en est rien, mais que c’est une tendance historique héritée de l’époque coloniale.

Ce qui fit l’union autour de Ping

Lors de la présidentielle de 2016, l’opposition avait réussi le tour de force de s’unir autour de la candidature « unique » de Jean Ping, un métis de père chinois, devenu de ce fait une figure transcendant les communautés, même s’il est myene par sa mère. Des personnalités telles que Jean Eyeghe Ndong et Casimir Oyé Mba (Fangs de l’Estuaire), Zacharie Myboto (Nzebi du Haut-Ogooué),

Alexandre Barro Chambrier (Mpongwè de l’Estuaire) ou Guy Nzouba Ndama (Pouvi de l’OgoouéLolo) et même Léon Paul Ngoulakia, le cousin germain du président sortant, se coalisèrent autour de Ping, crédibilisant ainsi la première offre politique alternative véritablement transethnique depuis le retour au multipartisme, en 1990. Sur le terrain, l’union eut-elle les effets escomptés ? Sans doute, puisque Ping fit le plein des suffrages autour de l’axe ouest-nord. Le résultat a également permis de relativiser

Traditionnellement, le PDG rafle la majorité des suffrages en milieu rural. En revanche, il est moins fringant dans les grands centres urbains. l’importance du vote communautaire au regard de la faiblesse démographique du groupe myene. La coalition aura surtout eu le mérite d’agréger les contestataires autour d’un présidentiable qui sut porter leur « cause ». Finalement, l’opposant obtint une victoire symbolique avec une avance relative sur Ali Bongo Ondimba dans six des neuf provinces, à savoir l’Estuaire, le Moyen-Ogooué, l’OgoouéMaritime, le Woleu-Ntem, la Nyanga et la Ngounié, où il totalisa 47 % des voix. Ce qui est resté insuffisant pour renverser le président sortant, qui fut plébiscité dans l’Est, dans son fief du Haut-Ogooué et dans ses bastions de l’Ogooué-Lolo et de l’Ogooué-Ivindo.


JOEL TATOU / AFP

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Bureau de vote à Libreville lors des élections législatives et municipales de 2018.

En attendant le retour de l’élection présidentielle à deux tours telle qu’elle est prévue en 2023, le chef de l’État sortant ratisse large. Il soigne ses liens avec les poids lourds régionaux de son parti, recasés au sein d’un Haut-Commissariat de la République créé par ordonnance lors du Conseil des ministres du 13 septembre 2021. On note également le retour en grâce de personnalités que l’on n’avait plus vus sur le devant de la scène lors des deux derniers septennats.

Rabibochage et gestes d’amour

Dans le même temps, le président s’est rabiboché avec d’anciens cadres de son parti, qui avaient démissionné pour rejoindre l’opposition, à l’instar de Charles Mba, un Fang du clan nkodjeign d’Oyem, que certains conseillers du président souhaitent voir revenir au premier plan pour attirer les voix du Woleu-Ntem, traditionnellement favorable à l’opposition. Après douze années passées au sein de l’opposition, Jean Eyeghe Ndong a été nommé au Haut-Commissariat de la République, revenant ainsi

dans l’orbite du parti au pouvoir. Le retour de cet ancien Premier ministre auprès de la majorité présidentielle renforce ABO dans la capitale, où celui-ci a du mal à gagner des élections. En effet, Eyeghe est le chef de la puissante famille Léon Mba (le premier président du pays) et le référent politique du clan essokè, très influent auprès des Fangs. La bataille de l’Estuaire – la province de la capitale –, qui concentre plus de la moitié de la population du pays, sera d’ailleurs déterminante pour l’issue du scrutin. Contrairement à 2016, où les Fangs et les Mpongwès, originaires de la province, avaient majoritairement voté pour Jean Ping, il n’y aura peut-être pas d’unité autour d’un candidat de l’opposition en 2023. Probable candidat à la magistrature suprême et lointain descendant du roi Denis – un souverain mpongwè de Libreville –, Alexandre Barro Chambrier revendique lui aussi une lointaine filiation fang, puisant des racines dans le clan essissis, auquel appartient Faustin Laurent Bilie Bi Essone, le secrétaire exécutif du

Rassemblement pour la Patrie et la modernité (RPM). L’idée est d’engranger une partie du vote fang (Essissis), pour compenser la perte des Essokès, cornaqués par Eyeghe et chouchoutés par ABO. Dans l’Ogooué-Maritime, plus particulièrement à Port- Gentil, ABO n’est pas en terrain favorable. Retourner le vote orungu (sousgroupe myene) acquis à Ping en 2016 ne sera pas une mince affaire. Aussi multiplie-t-il les gestes d’amour : il soigne ses liens avec le patriarche Michel Essonghe, qu’il a nommé à la tête du Haut-Commissariat de la République. Il s’appuie également sur ses propres fidèles, natives de la province, dont l’ancien ministre du Budget Jean-Fidèle Otandault et celui de la Communication, Pascal Houangni Ambouroue, chargés de limiter la casse dans cette ville traditionnellement acquise à l’opposition. Entre vote protestataire et préférences communautaires, un électorat indécis, jeune et cosmopolite attend le débat d’idées pour faire son choix. Ainsi vote-t-on au Gabon depuis soixante-dix ans. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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QUESTIONS À…

Alexandre Barro Chambrier

« Ali Bongo Ondimba doit comprendre le danger d’un nouveau passage en force » Après avoir claqué la porte du Parti démocratique gabonais et soutenu la candidature de Jean Ping en 2016, le président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) pourrait briguer la magistrature suprême en 2023.

Jeune Afrique : Serez-vous candidat à la présidentielle? Alexandre Barro Chambrier : Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est d’analyser ce que j’ai vu en sillonnant le pays depuis un an et demi. J’ai pu constater l’ampleur de la dégradation de nos villes et de nos campagnes, le faible niveau d’activité, le désarroi d’une jeunesse sans qualification et de diplômés sans emploi. J’ai aussi pu toucher du doigt les souffrances des populations dans les quartiers précaires sans eau ni électricité, et la malnutrition dans les zones rurales, faute d’infrastructures routières. Par conséquent, ce qui m’importe, c’est de réfléchir à la contribution que je peux apporter pour soulager

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YVAN G.PICTURES POUR JA

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ncien économiste passé par le FMI, arrièrepetit-fils du roi Denis Rapontchombo (un souverain mpongwè de Libreville), Hugues Alexandre Barro Chambrier, 64 ans, a longtemps attendu son heure. Après avoir claqué la porte du Parti démocratique gabonais (PDG), où il n’avait ni l’espace ni le pouvoir d’exprimer son ambition, il a soutenu Jean Ping à l’élection présidentielle de 2016, avant de prendre ses distances avec lui. En attendant de savoir s’il sera candidat à la présidentielle ou aux législatives prévues au second semestre de 2023, il passe au crible la situation politique du pays.

mes compatriotes. Bien entendu, je n’ignore pas l’importance de la présidentielle de 2023. Et il est vrai que je reçois régulièrement des sollicitations de citoyens qui me demandent de me porter candidat. Mais, compte tenu des enjeux cruciaux de ce rendez-vous, ne donnons pas aux Gabonais le sentiment de nourrir une idée fixe, ou de se mettre en avant de façon artificielle. Le moment venu, je ferai savoir mes intentions. Pensez-vous que le passage au scrutin à deux tours pour la présidentielle et les législatives soit une bonne chose? La majorité nous a habitués à ces tours de passe-passe faits de pseudo-réformes aux apparences démocratiques. Nous sommes convaincus, parce qu’elle a tout à perdre en cas de second tour, que la

majorité va tout faire pour s’imposer au premier tour, y compris par la fraude. J’en ai moi-même été victime lors des dernières législatives. Et nul doute que cela se répétera. Mais Ali Bongo Ondimba doit comprendre le danger d’un nouveau passage en force, car les réformes urgentes que le Gabon attend ne pourront se faire qu’avec un pouvoir disposant d’une réelle légitimité électorale. C’est en ce sens que l’opposition a déposé un mémorandum pour exiger la transparence tout au long du processus électoral, afin d’éviter des lendemains incertains en cas de fraude. Quoi qu’il en soit, l’espoir est de notre côté. L’opposition doit-elle désigner un candidat unique au premier tour, pour l’emporter contre Ali Bongo Ondimba s’il est candidat? C’est un secret de polichinelle qu’Ali Bongo Ondimba sera candidat, même si la sagesse aurait recommandé qu’il évite ce combat de trop. Bien entendu, l’unité est fondamentale. Plutôt que de désigner un candidat unique, il s’agira de créer des synergies autour d’un homme ou d’une femme qui aura su cristalliser l’espérance du peuple gabonais. Le moment venu, le peuple saura identifier le bon berger. Je peux vous assurer qu’il imposera aux étatsmajors politiques une dynamique unitaire.


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Plusieurs cadres de l’opposition sont entrés au gouvernement ou ont rejoint le PDG. Que vous inspirent ces mouvements? Je me garderai de juger qui que ce soit. Cela étant, ces transhumances soudaines m’attristent car elles renforcent la mauvaise image que les Gabonais ont des hommes politiques. Mais de tels débauchages sont un non-événement. Ces manœuvres ne vont pas changer la donne. En vérité, par ce discours, la majorité tente de faire croire qu’il n’y a personne dans l’opposition pour faire le poids face au candidat du PDG et que seul Ali Bongo Ondimba, son soi-disant unique champion, serait capable de diriger le Gabon. Avez-vous été approché par des émissaires du parti présidentiel? Pourriez-vous revenir au PDG? Oui, bien sûr, j’ai été approché à plusieurs reprises. Je ne m’en offusque pas et je ne suis pas surpris, puisque ce mode de fonctionnement fait partie de leur ADN. Mais j’estime avoir suffisamment donné au PDG, du temps de sa splendeur, pour ne pas vouloir revenir aujourd’hui au sein d’une formation politique sans vision, sans boussole et dépourvue d’âme. On ne revient pas en arrière… Surtout, la confiance des Gabonais m’oblige. Elle est d’ailleurs plus que vitale pour la croissance de mon jeune parti, le RPM. Sur le plan économique, comment jugez-vous les résultats de l’exécutif? Notre pays accuse, pour au moins une génération, un retard qui en dit long sur le coût de la tragique farce de « l’émergence ». La valeur ajoutée du secteur industriel, qui représentait 50,9 % du PIB en 2009, est tombée à 40,07 % en 2020. Les déficits budgétaires sont creusés par des dépenses improductives (train de vie de l’État, agences superfétatoires…), la promotion d’anti-valeurs (corruption, impunité…) et un ensemble de pratiques déconnectées de toute

orthodoxie financière qui ont grippé la machine économique de façon chronique. Malgré l’exportation de ressources sûres, la richesse créée n’a pas profité au plus grand nombre, faute d’investissements structurants. Résultat : la croissance, qui était d’environ 6 % au début des années 2010, stagne autour de 2 % en 2021. Et le contexte de la pandémie ne justifie pas l’atonie de cette croissance non inclusive. L’environnement des affaires étant moins attractif pour les investisseurs privés, les Gabonais subissent le chômage de plein fouet, en particulier les plus jeunes. Et plus de 40 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté.

« C’est un secret de polichinelle. Ali sera candidat. » S’il vous était donné de gouverner en ces temps de croissance atone, que préconiseriez-vous? Je crois qu’il est essentiel d’établir des priorités dans l’effort économique : l’éducation, la santé et les infrastructures – cet ordre ne doit rien au hasard. Il me semble tout aussi indispensable d’assainir l’environnement économique en créant un climat des affaires attractif, tout en trouvant les moyens d’investir beaucoup plus, sans aggraver la dette, à travers des mécanismes appropriés (partenariats public-privé, reprofilage de la dette…). Par ailleurs, il faut offrir davantage d’opportunités aux Gabonais, afin qu’ils puissent se réapproprier le tissu économique du pays, en encourageant le dynamisme dans les activités commerciales. Dans le secteur de l’énergie, le Gabon se doit d’investir s’il veut préserver sa souveraineté, au lieu d’importer de l’électricité ou du carburant

des pays voisins. L’agriculture doit également, sinon prioritairement, être développée. Depuis plus de soixante ans, elle demeure un angle mort de notre économie. Or notre territoire dispose d’atouts non seulement pour développer une industrie agroalimentaire, mais aussi pour être autosuffisant. À cet égard, la récente pénurie de pain provoquée par la guerre en Ukraine et l’inflation touchant les produits locaux de première nécessité sont de sérieux avertissements. Quel est votre projet pour le pays? Ce qui est évident, c’est que le Gabon a besoin de quelqu’un qui rassemble ses filles et ses fils, qui leur redonne la fierté de leur citoyenneté, et la possibilité de faire à nouveau confiance aux individus qui sont à la tête des institutions, au prix d’une catharsis collective, à laquelle il faudra s’atteler impérativement et sans délai. Le Gabon est un pays magnifique, où il suffit de créer les conditions du vivre-ensemble pour retrouver la douceur du bien-vivre. Rendons-le attractif, compétitif, et permettons aux Gabonais de se le réapproprier pleinement, avec plus d’équité, plus de justice, plus de contre-pouvoirs. Ma pensée est constamment tournée vers nos enfants, les jeunes et les femmes, qu’il est de notre devoir de réussir à intégrer pour leur assurer les meilleures chances pour l’avenir. Pour conclure, je voudrais souligner que l’alternance à laquelle le peuple gabonais aspire ne signifie nullement que ce serait le point de départ de règlements de comptes ou d’une chasse aux sorcières. Personnellement, je n’ai pas de rancœur, ni d’ennemis. Il s’agit simplement de replacer les choses à leur juste place. Ce qui est en jeu, c’est notre pays, qu’il est urgent de ramener sur les sentiers d’un développement véritable, durable et profitable à tous. Propos recueillis par Georges Dougueli JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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ENTRETIEN

Mr Séverin Maxime Anguilé Directeur Général de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et Garantie Sociale (CNAMGS)

Notre ambition est d’améliorer en permanence la couverture maladie, tout en continuant à respecter des règles de bonne gouvernance ” Dès le début de son mandat, le Directeur Général de la CNAMGS avait annoncé le principe de base qui devait guider sa gestion : « REMETTRE L’ASSURÉ AU CŒUR DU MODÈLE OPÉRATIONNEL DE LA CNAMGS ». Cette stratégie s’est accompagnée d’une maîtrise de la progression des dépenses de santé et de la réduction des charges courantes de la CNAMGS. Prochaine étape clé : la mise en place du Fonds 4, qui permettra de couvrir toute la population résidant au Gabon.

- La maîtrise de la progression des dépenses techniques de santé. Le montant des dépenses de santé des trois Fonds a augmenté globalement de 3,8 milliards de Francs CFA (+6,6 %) entre 2020 et 2021, passant de 58,7 milliards de Francs CFA à 62,6 milliards de Francs CFA. Le nombre d’évacuations sanitaires a progressé de 52 % par rapport à 2020, passant ainsi de 295 à 448 évacués sanitaires. -La poursuite de la réduction du déficit de la CNAMGS. Les comptes font état d’un déficit, en nette amélioration, de 1,4 milliard de Francs CFA en 2021 contre 12 milliards de Francs CFA en 2020 et 18,1 milliards de Francs CFA en 2018. Mr Séverin Maxime Anguilé

QUEL BILAN TIREZ-VOUS DE L’EXERCICE 2021 ? Les indicateurs de l’exercice 2021 témoignent d’un bilan positif dans plusieurs domaines clés : - La poursuite de l’immatriculation des populations cibles. En dépit de l’arrêt des immatriculations de masse en raison de la pandémie de la Covid-19, 64 635 nouveaux assurés ont pu bénéficier de la couverture maladie, dont 60 % de Gabonais Économiquement Faibles (GEF). Au 31 décembre 2021, le taux de couverture de la population était de 74 % contre 72 % en 2020.

- L’optimisation du recouvrement des recettes de la CNAMGS auprès de l’État et des sociétés du secteur privé et parapublic. Les recettes du Fonds 1 ont augmenté de 68 % ; celles du Fonds 2 sont en baisse de 38 % ; et celles du Fonds 3 (CSS) ont enregistré une hausse de 30 %.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CES BONS RÉSULTATS ? Laréductiondu déficitestlaconséquence des efforts réalisés en matière de gouvernance. Le bilan des recettes laisse apparaître des hausses considérables dans le recouvrement descotisations sociales auprèsdes entreprises privées en dépit du climat économique morose. Il convient de rappeler que le Pré-

Le Président de la République, Chef de l’État, son Excellence Ali Bongo Ondimba, a insufflé une dynamique permettant à l’ensemble des acteurs de la chaine de dépense de relancer les règlements des cotisations sociales ”


COMMUNIQUÉ

sident de la République, Chef de l’État, son Excellence Ali Bongo Ondimba, en appelant les Organismes de Protection Sociale (OPS) autour de la table le 27 mai dernier, a insufflé une dynamique permettant à l’ensemble des acteurs de la chaine de dépense de relancer les règlements des cotisations sociales du Fonds 2 et surtout du Fonds 3 avec le règlement régulier de la Contribution Spéciale de Solidarité (CSS).

LA CNAMGS A AUSSI FAIT DES EFFORTS… Nous avons voulu montrer l’exemple. La politique de maîtrise et de réduction des charges de fonctionnement a débuté en 2020 avec une économie de 12 milliards de Francs CFA. Elle a été poursuivie en 2021 avec un gain additionnel de 3,8 milliards de Francs CFA. En dépit des besoins spécifiques au métier de l’assurance maladie, pour la troisième année consécutive, la Direction Générale a respecté les instructions du Plan d’Accélération et de la Transformation (PAT) en ce qui concerne le gel des recrutements.

LA MISE EN PLACE DU FONDS 4 EST UNE ÉTAPE IMPORTANTE. POUR QUELLES RAISONS ? La poursuite de l’enrichissement du bouquet des prestations offertes va s’illustrer avec la mise en place du Fonds 4 qui donnera tout son sens à l’universalité de l’assurance maladie. Ce Fonds permettra d’atteindre la couverture maladie universelle en incorporant le reste de la population non couverte à ce jour et vivant au Gabon. Il s’agit des travailleurs indépendants et assurés volontaires gabonais et des résidents étrangers, dans le strict respect du principe de non-discrimination prévu par la Constitution de notre pays. Les assurés du Fonds 4 bénéficieront des mêmes conditions de remboursement des soins que les assurés des trois autres Fonds déjà opérationnels. Cette amélioration va se poursuivre par la migration vers la transformation digitale

Il faudrait intensifier les contrôles afin de lutter efficacement contre la fraude. Malgré les efforts déployés, la CNAMGS se heurte à un manque à gagner de l’ordre de 5 à 10 milliards de Francs CFA par an. Par ailleurs, il est indispensable de trouver de nouvelles recettes compte tenu de la croissance démographique des assurés. Le financement par l’impôt doit être privilégié partout où c’est possible car ce financement repose sur une assiette plus large que la masse salariale du secteur formel.

Le Fonds 4 permettra d’atteindre la couverture maladie universelle en incorporant le reste de la population non couverte à ce jour et vivant au Gabon ”

de la CNAMGS en acquérant une solution logicielle d’identification, d’authentification et de personnalisation des assurés du Fonds 4 (ERP). Cette solution logicielle innovante, robuste, sécurisée et intégrée couvrira toutes les fonctionnalités des applicatifs de nouveaux kits compatibles avec la nouvelle solution d’identification et d’authentification des assujettis.

Enconséquence,l’insuffisancedufinancement des prestations sanitaires de la CNAMGS et la demande de soins grandissantes nécessitent derecourir à nouveau aucadrage actuariel du panier de soins. De plus, il est nécessaire de réaliser des études actuarielles périodiques afin d’opérer sans cesse les réajustements paramétriques. Il y va de la pérennité de notre système de couverture maladie car il est impérieux que la CNAMGS atteigne la maîtrise du financement de sa couverture maladie et garantisse le respect des équilibres financiers des différents Fonds parce que « la solidarité à un sens ».

UN MOT DE CONCLUSION ? Les efforts de la Direction Générale en matière de bonne gouvernance devraient permettre de poursuivre la réduction du déficit de la CNAMGS. Mais d’autres actions sont nécessaires afin de matérialiser notre

Trois outils au service de la couverture santé de la population La CNAMGS bénéficie de recettes provenant de 3 Fonds distincts et non fongibles : • Le Fonds 1, dont les ressources proviennent des cotisations sociales (part patronale et part salariale) des entreprises du secteur privé. • Le Fonds 2, dont les ressources proviennent des cotisations sociales (part patronale et part salariale) du secteur public. • Le Fonds 3, dit Fonds des Gabonais Économiquement Faibles (GEF), dont la ressource est constituée uniquement par le reversement de la Contribution Spéciale de Solidarité (CSS).

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

En ce qui concerne le volet des dépenses, nous avons réussi à maîtriser leur évolution dans un contexte de croissance démographique du nombre des assurés. Il est cependant indispensable de poursuivre les avancées sur le volet préventif afin de diminuer drastiquement les dépenses de santé pour le bien-être de la population gabonaise.

vision qui consiste à mettre l’assuré au cœur de notre modèle opérationnel.


GRAND FORMAT GABON

Le nouveau port international d’Owendo, exploité par Gabon Special Economic Zone (GSEZ), à 27 km au sud de Libreville.

DCP

ÉCONOMIE

Lentement mais sûrement Un an après la mise en œuvre du Plan d’accélération de la transformation, la croissance reste timide et dépendante de la production et des cours du brut. Mais la dynamique et les réformes structurelles sont là, qui devraient s’accentuer en 2023. SOPHIE EYÉGUÉ, À LIBREVILLE

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JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022


GRAND FORMAT GABON

C

omme la plupart des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), ébranlés par la pandémie de Covid-19 – intervenue après plusieurs années de crise financière liée à la chute de la production et des cours du brut, de 2014 à 2019 –, le Gabon a connu une récession, son taux de croissance chutant de 3,9 % en 2019 à – 1,9 % en 2020. Ce dernier est cependant reparti à près de 1 % en 2021, et, selon les

projections du FMI, il devrait s’établir à 2,7 % cette année et à 3,4 % en 2023 (voir tableau). Un rebond porté par une hausse de la production et de la valeur ajoutée des industries du bois, de l’agriculture et des mines (en particulier de la filière manganèse), par la reprise des activités dans le secteur de la construction, sans oublier la hausse des cours des hydrocarbures. Pour Gomez Agou, le représentant du FMI à Libreville, ce rebond est le résultat « d’une maîtrise notable de la crise » par les pouvoirs publics. Le pays a en effet mis en place dès janvier 2021 une stratégie de relance post-Covid – le Plan d’accélération de la transformation (PAT) 2021-2023 –, dont l’objectif est non seulement d’adapter le plan de développement du pays à la difficile conjoncture actuelle, mais aussi d’anticiper les conséquences de futures crises mondiales, d’une part en réduisant la dépendance de l’économie gabonaise aux importations et à la vente d’hydrocarbures, et d’autre part en améliorant la compétitivité du pays, de façon à attirer les investissements privés. En juillet 2021, dans le cadre du Mécanisme élargi de crédit (MEDC), le FMI – qui soutient ce PAT – a approuvé un nouvel accord de financement, allouant à l’État gabonais 553 millions de dollars sur trois ans, en fonction des objectifs atteints. Au regard de l’amélioration des équilibres budgétaires et des prévisions de croissance, le Fonds a ordonné à la fin de juin 2022 le versement de la deuxième tranche, soit environ 155 millions de dollars. Si, depuis le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, le Gabon est affecté par la hausse des prix des denrées de première nécessité, ses ressources ont cependant enregistré une forte croissance liée à la pénurie mondiale d’hydrocarbures et à la hausse des cours des produits pétroliers. Selon le ministère de l’Économie, les exportations de brut du pays ont augmenté de 145 % en mars 2022 par rapport à mars 2021, en même temps que les cours mondiaux des hydrocarbures repartaient à la hausse, le baril de brent passant de 65 dollars en mars 2021 à 117 dollars en mars 2022. Les prévisions de production pour 2022 sont maintenues

à près de 78,5 millions de barils (soit 215 000 b/j), et les investissements dans les activités d’exploration et de production ont eux aussi augmenté, passant de 656,8 millions de dollars en 2020 à près de 1,15 milliard en 2022, selon le ministère gabonais du Pétrole, du Gaz et des Mines.

Du brent au fer de Belinga

Cette rente pétrolière a permis au pays de renforcer ses positions budgétaires et de réduire sa dette, évaluée à plus de 77 % du PIB en 2020 (au-dessus du taux de 70 % préconisé par la Cemac) et redescendue actuel-

La diversification passe aussi par l’essor des filières agricoles. D’autant que plus de 60 % des produits consommés par les Gabonais en 2021 étaient importés… lement aux alentours de 57 %, selon le FMI – lequel avait fait de la réduction de la dette publique l’une des conditions à son soutien. Dans le domaine des industries extractives, le secteur minier enregistre également un regain d’activité, porté en particulier par une hausse de la production de manganèse à Moanda, où, grâce au programme d’expansion de la mine, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog, filiale du français Eramet) a produit 3,6 millions de tonnes (t) de manganèse au premier semestre de 2022 : une hausse de 17 % par rapport au premier semestre de 2021, similaire à celle des volumes de minerais et alliages vendus (dont les prix ont, eux aussi, bondi). La Comilog projette d’atteindre 7,5 millions de tonnes de manganèse pour l’ensemble de l’année. Ce qui devrait permettre au pays de voir la production globale de ce minerai dépasser les 10 millions de tonnes en 2022, contre 7 millions en 2021 et 5,8 millions en 2020. Autre fait marquant : la relance des activités de recherche sur le JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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GRAND FORMAT GABON mégagisement de fer de Belinga, dans l’Ogooué-Ivindo, dont les réserves sont estimées à plus de 1 milliard de tonnes. Le 19 août, dans le cadre de ce projet prioritaire du PAT, le gouvernement gabonais a signé une convention de recherche avec le géant australien Fortescue Metals Group (FMG) et Africa Transformation and Industrialization Fund (Atif, basé à Abou Dhabi), partenaires au sein de la coentreprise Ivindo Iron SA – dont ils détiennent respectivement 80 % et 20 % –, laquelle devrait investir 90 millions de dollars sur trois ans dans le développement du projet. Toutefois, le secteur minier ne contribue pour l’heure qu’à 2,5 % du PIB. L’objectif des pouvoirs publics gabonais est de porter cette contribution à 10 % dans les prochaines années.

Stratégie « verte »

Dans le même temps, la production et les ventes se sont également accrues dans plusieurs secteurs non extractifs, en particulier ceux des bois transformés et de l’huile de palme, dont les exportations ont augmenté en moyenne de 55 % entre 2020 et 2021, entraînant un doublement des recettes liées à ces échanges commerciaux, selon la Direction générale

des douanes et droits indirects. Une tendance que Libreville entend cultiver. Depuis 2016, le pays a engagé la stratégie « Gabon vert », misant sur l’économie verte et la forêt tropicale, qui couvre 90 % de son territoire. L’objectif – conforté par la pandémie de Covid-19, qui a mis à l’arrêt une partie des activités pétrolières – est de préparer l’après-pétrole, en faisant en sorte que l’exploitation des hydrocarbures ne représente plus que 15 % du PIB à la fin de 2023, contre environ 30 % aujourd’hui. Pour exemple, au premier trimestre de 2022, la surface de production de bois a augmenté de 15 %, et les ventes locales ont bondi de plus de 50 %. Cependant, pour le moment, cette industrie ne représente que 3 % du PIB. Lee White, le ministre des Eaux et des Forêts, défend également les dispositions du Gabon à être un acteur majeur du marché carbone et à en retirer des bénéfices. Selon lui, en dix ans, le pays a emmagasiné 100 millions de tonnes de CO2, dont la vente pourrait constituer une manne financière substantielle. Le programme de diversification vers une économie verte porte aussi sur le développement des filières agricoles. Le pays a adopté plusieurs mesures pour mettre à profit ses

REPÈRES Retour à l’équilibre, relance amorcée 2019

2020

2021

2022

2023

Projections

(en %)

Croissance (PIB réel, à prix constants)

3,9

– 1,9

0,9

2,7 4,8

3,4

2,0

1,3

1,1

2,9 3,2

2,6

Moyenne en zone Cemac

Inflation (moyenne annuelle) Moyenne en zone Cemac

(en % du PIB)

Solde budgétaire global (dons compris)

2,1

– 2,2

– 1,5

1,6 – 2,0

3,5

Solde extérieur courant (dons compris) – 0,9

– 6,0

– 6,9

1,7 2,9

– 0,1

59,8

77,3

69,5

57,4 47,9

57,2

38,9

49,0

38,1

33,7 27,9

34,8

Moyenne en zone Cemac Moyenne en zone Cemac

Dette publique Moyenne en zone Cemac

Dette extérieure Moyenne en zone Cemac

SOURCE : FMI, MAI 2022

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JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

200 000 ha de terres cultivables et mettre fin à sa dépendance alimentaire – en 2021, plus de 60 % des produits consommés par les Gabonais étaient importés, principalement du Cameroun voisin. Pour remédier à cette situation, les pouvoirs publics comptent notamment mettre en place une protection tarifaire pour encadrer les productions locales, substituer les céréales importées par les ressources cultivables dans le pays (manioc,

Parmi les chantiers emblématiques : la Transgabonaise, une route de 780 km entre Libreville et Franceville. Sa livraison est prévue au second semestre de 2023. plantain, sucre…) et encourager le développement des filières porcine, bovine et avicole à travers la création de fermes industrielles. Si la plupart de ces propositions sont au stade de projet, certaines commencent à se concrétiser, comme le montre la construction, presque achevée, d’un abattoir de volailles à Ntoum (40 km à l’est de Libreville).

Traque aux tracasseries

La diversification de l’économie attire les investissements privés. En juin, TotalEnergies, implanté depuis longtemps dans le pays dans le secteur des hydrocarbures, est devenu actionnaire majoritaire de la Compagnie des bois du Gabon, dont il a acquis 49 % du capital auprès de Criterion Africa Partners. Selon le groupe français, son investissement dans CBG – à laquelle il « projette de consacrer 100 millions de dollars par an » –, marque le développement d’un nouveau modèle de gestion forestière, combinant production durable de bois, préservation de la biodiversité et séquestration de CO2. Pour rassurer et motiver les investisseurs, l’État s’est engagé à assainir ses finances publiques et à



GRAND FORMAT GABON

JACQUES TORREGANO POUR JA

Unité d’embouteillage d’huile de palme de l’usine d’Olam Palm Gabon, à Lambaréné.

améliorer le climat des affaires. Ainsi, en 2021, le Gabon a réintégré l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie), huit ans après en avoir été exclu. Le gouvernement a créé un seul compte séquestre pour contrôler les entrées et les sorties, et, afin de lutter contre la corruption, a promis d’être transparent vis-à-vis des bénéficiaires de marchés publics – une mesure qui n’a pas encore été mise en pratique. Faciliter la vie des entrepreneurs et des investisseurs passe aussi par la traque aux tracasseries et à la lenteur administrative. Sur ce plan, au cours des six prochains mois, l’État compte en particulier accélérer le processus de délivrance des titres fonciers et redynamiser le marché de la construction immobilière. Enfin, les chantiers d’infrastructures indispensables au développement des activités sont poursuivis, notamment dans le domaine des transports et de la logistique. Parmi ces chantiers, le plus emblématique est la Transgabonaise, dont la livraison est prévue au second semestre de 2023 : une route de 780 km entre Libreville, à l’ouest, et Franceville, à l’est, qui est le fruit d’un partenariat public-privé entre l’État et la Société autoroutière du Gabon

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(SAG), coentreprise fondée par le holding panafricain Arise (Olam Infrastructures) et le fonds d’investissement français Meridiam. Autre projet routier inscrit au PAT, celui de l’Owendo Bypass : une voie rapide directe entre la Zone économique spéciale (ZES) de Nkok et le port d’Owendo qui permettra un gain en temps et en coût de transport, puisque le trajet, de 30 km actuellement, sera réduit à 17 km.

Nouveaux pauvres

L’économie gabonaise redémarre après avoir traversé sans trop de remous l’onde de choc due à la pandémie de Covid. Pour le moment, alors que la problématique de la vie chère s’est étendue à l’ensemble des pays de la planète depuis le début de la guerre en Ukraine, au Gabon, l’inflation reste maîtrisée à 2,9 % en moyenne pour 2022, alors qu’elle s’élève à 3,2 % dans la Cemac et à 10 % en Afrique subsaharienne. Le niveau de vie des Gabonais peine cependant à s’améliorer. En 2014, le président Ali Bongo Ondimba avait engagé un « plan social », après qu’une étude qu’il avait lui-même commandée au cabinet de conseil américain McKinsey avait révélé que 30 % des foyers gabonais (95000

ménages) vivaient avec moins de 80 000 F CFA (environ 120 euros) par mois. Huit ans plus tard, les documents du PAT font le même constat : 30 % des 1,8 million de Gabonais vivent au-dessous du seuil de pauvreté, soit avec moins de 580 F CFA (0,88 euro) par jour. Si la pandémie de Covid-19 a créé des centaines de « nouveaux pauvres », elle a aussi retardé la réalisation ou le financement des chantiers destinés à accélérer l’accès aux réseaux d’eau potable, d’électricité, d’assainissement, etc. De même dans le secteur de l’éducation, où seulement 30 % des projets engagés ont été achevés. Idem en ce qui concerne le renforcement et l’élargissement du dispositif de protection sociale, qui en est encore à la phase d’identification des foyers les plus vulnérables. La santé, le renforcement de la protection sociale, l’accès aux services essentiels, la lutte contre la vie chère, sans oublier l’éducation, la formation et l’emploi… Autant de thématiques de la vie quotidienne des Gabonais qui étaient au cœur du discours du chef de l’État, le 16 août, lors de la fête de l’Indépendance. Et qui devraient s’imposer dans la prochaine campagne pour l’élection présidentielle, prévue en août 2023.



Le continent africain est actuellement confronté à plusieurs défis majeurs : le changement climatique, la croissance démographique ou encore l’urbanisation grandissante. Face à ces changements, les notions de ville et de mobilité durables sont les clés pour la réussite et le développement d’une société prospère et inclusive. À Libreville, l’une des réponses réside dans l’intervention de la Façade Maritime du Champ Triomphal (FMCT), filiale du Fonds Souverain de la République Gabonaise (FSRG) dont le mandataire exclusif est le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS). Depuis 2015, les activités de la FMCT chargé de piloter la Baie des Rois constitue la première étape d’une transformation en profondeur de la capitale gabonaise comme une ville durable, dynamique et ouverte sur le monde.

Du fait de son positionnement géographique et de sa nature de centre-ville maritime, la Baie des Rois a pour vocation de constituer une référence régionale d’éco-quartier qui répond aux enjeux de durabilité et aux objectifs climatiques internationaux dans sa démarche de planification urbaine. Le projet fait l’objet de labels éco-responsables tels que la certification écologique Excellence in Design for Greater Efficiency (EDGE), développée par la Société financière internationale (SFI), avec pour objectif de réduire son empreinte environnementale des bâtiments. Il se place également dans la lignée des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.

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GRAND FORMAT GABON

RENCONTRE AVEC

Anne Nkene Biyo’o la force tranquille de Nkok Principalement consacrée à la transformation du bois, la zone économique spéciale inaugurée en 2011 à une trentaine de kilomètres de Libreville fait figure de modèle du genre. À l’instar de son administratrice générale.

S

on bureau est conforme à l’image de rigueur qu’elle cultive. Harmonieux, sans fioritures et respectueux de la tradition républicaine : le portrait du président Ali Bongo Ondimba trône en bonne place sur l’un des murs vert pistache de la vaste pièce. Depuis ses fenêtres, au premier étage du bâtiment, qui en compte trois, Anne Nkene Biyo’o peut embrasser une bonne partie des quelque 1100 ha de ce hub industriel situé dans le département de Komo-Mondah, à 27 km au nord de Libreville, sur lequel elle veille depuis juillet 2020 en tant qu’administratrice générale de l’Autorité administrative de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok. « Avec elle, vous ne serez pas déçu », nous indique Fred, un entrepreneur de 22 ans croisé dans la salle d’attente. En revanche, il a fallu s’armer de patience. Ce jour-là, notre rendez-vous a été reporté de trois longues heures. La faute à un agenda très chargé et à « un déplacement inopiné sur le site ». Celle que certains médias gabonais n’hésitent pas à qualifier d’« Amazone de la ZES » entend en effet contrôler dans les moindres détails les activités du hub industriel qu’elle est chargée d’administrer. De retour à son bureau, Anne Nkene Biyo’o enchaîne coup sur coup deux rencontres en tête à tête avec des acteurs économiques pressés, avant, enfin, de nous ouvrir sa porte. « Je suis une femme de terrain », glisse-t-elle en souriant.

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JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

Si elle ne rechigne ni à arpenter la ZES, qu’elle dirige depuis deux ans, ni à multiplier les rendez-vous avec les patrons gabonais et étrangers, Anne Nkene Biyo’o est aussi à l’aise dans la sphère politique. « Elle connaît tous les rouages de l’administration gabonaise, confie l’un de ceux qui ont côtoyé la quadragénaire dans les cercles proches du sommet de l’État. C’est une femme entière, mais aussi engagée, et très professionnelle. »

Brigade chevronnée

Avant de prendre les rênes de la ZES de Nkok, gérée par Gabon Special Economic Zone (GSEZ) – société détenue par Arise (Olam Infrastructures Afrique), l’État gabonais et l’institution financière panafricaine Africa Finance Corporation (AFC) –, Anne Nkene Biyo’o en a été l’administratrice adjointe pendant sept ans, après avoir fait ses premiers pas au sein du ministère de l’Économie et des Finances, dans les services chargés du secteur pétrolier. Aussi, lorsque son prédécesseur, Igor Nyambie

Femme de terrain, elle entend contrôler dans les moindres détails les activités du hub industriel.

Simard, l’ancien conseiller d’Ali Bongo Ondimba, a été nommé directeur général de l’aéroport de Libreville en 2020, le nom d’Anne Nkene Biyo’o s’est naturellement imposé pour lui succéder. Réputée « dynamique et bosseuse », formée à la faculté de droit et de sciences économiques de Libreville, l’executive woman de 49 ans incarne pour beaucoup l’ascension réussie à des postes de top management des talents formés au Gabon. Gestion et dynamisation des services douaniers, augmentation du nombre d’entreprises, restructuration des finances du guichet unique, révision des exonérations fiscales, construction d’une raffinerie d’or et d’usines de transformation de bois… Les missions qui lui ont été confiées sont aussi nombreuses que complexes. L’objectif est de « faire de la ZES de Nkok un pôle industriel pour l’Afrique centrale et pour le continent », dit-elle. Lorsqu’elle est devenue administratrice générale de la ZES, Anne Nkene Biyo’o n’a toutefois pas voulu renverser la table. « On ne change pas une équipe qui gagne », glisset-elle. Mais si elle plaide pour la continuité au sein du service (une brigade chevronnée qui gère les 23 administrations présentes sur le site), elle dit aussi ne pas hésiter à ouvrir la porte à des cadres plus jeunes, au profil prometteur, pour « apporter un nouveau souffle à l’institution et assurer la relève. Je crois véritablement en la jeunesse,


COURTESY ZES

GRAND FORMAT GABON

insiste-t-elle. Les jeunes apportent toujours dynamisme et créativité ». Et de la créativité, l’administratrice de la ZES en aura besoin. D’ici à 2030, elle devra créer 35000 emplois directs et indirects (ses services indiquaient en 2021 que 16000 emplois avaient effectivement été créés depuis l’inauguration du site, en 2011). Elle devra également répondre aux critiques et aux doutes émis par les bailleurs et les partenaires internationaux, dont le FMI, qui a fortement laissé entendre que les exonérations et autres avantages fiscaux accordés au secteur privé étaient disproportionnés. « Les exonérations fiscales sont élevées au Gabon et constituent un problème majeur pour la mobilisation des recettes non pétrolières, la gouvernance et la transparence », relevait le FMI dans un rapport daté d’août 2021. Waris Moulenda Fatombi, l’un des proches collaborateurs d’Anne Nkene Biyo’o, assure que cette dernière consacre toute son énergie à répondre à ces défis. « Et lorsqu’elle se trouve face à un dossier qu’elle

ne maîtrise pas à tous les niveaux, elle sait prendre le temps d’approfondir ses connaissances », tient à souligner ce conseiller. « Quand elle est dans son travail, elle ne fait que ça. Ses occupations professionnelles la hantent », ajoute Irène Inyené, inspectrice centrale des impôts et amie de longue date d’Anne Nkene Biyo’o, qui la considère comme « une sœur ».

Addiction au travail

Quant au peu de temps libre qu’elle parvient à dégager, l’administratrice de la ZES dit le consacrer exclusivement, ou presque, à sa famille – son mari, son garçon de 12 ans et sa nièce de 18 ans, qu’elle a élevée depuis sa naissance. « Si je n’avais pas ma famille pour me soutenir, confie-t-elle, je n’aurais pas l’énergie nécessaire pour venir travailler tous les matins. » Elle passe la majeure partie de ses soirées à compulser des dossiers urgents qu’elle emporte chez elle. Une addiction au travail qu’elle affirme avoir reçue en héritage. Entourée de ses quatre frères aînés,

elle a grandi dans « une famille modeste mais exigeante ». Son père, par sa carrière de magistrat, et sa mère, « omniprésente », lui ont inculqué « une éducation de rigueur ancrée dans les valeurs de la religion chrétienne ». Une éducation sévère aussi, avec peu de droit à l’erreur. Sa mère n’hésitait pas à prendre le bâton et à la corriger à la moindre incartade. « Cela a un peu influencé ma personnalité », concède Anne Nkene Biyo’o, qui cultive une intransigeance singulière, voire contradictoire. « Je suis quelqu’un de très sérieux. Oui, je suis ferme et j’aspire au travail bien fait, mais j’attends aussi que les choses soient faites dans la souplesse. » Ferme et précise lorsqu’il s’agit de dresser son bilan à la tête de la ZES, Anne Nkene Biyo’o se montre en revanche beaucoup plus évasive et botte en touche dès lors que l’on aborde son avenir professionnel et, plus encore, ses éventuelles ambitions. La politique? Les déboires judiciaires de plusieurs hauts fonctionnaires, du directeur général des Forêts, Ghislain Moussavou, arrêté en mai? La contestation dont font l’objet les réformes portées par Lee White, le ministre des Eaux et Forêts? Elle balaie toutes ces questions d’un revers de la main. « Je ne suis pas politicienne, je suis technicienne. » Tout juste souligne-t-elle « le rôle important que joue Lee White pour concrétiser la vision d’Ali Bongo Ondimba ». Rêve-t-elle d’intégrer un jour l’équipe gouvernementale? Là, la réponse est directe et tranchée : « Non! » Mais elle ne parvient pas à masquer un petit sourire satisfait à l’idée que l’on puisse l’imaginer ministre. « Ce sont les plus hautes autorités qui désignent les ministres au sommet de l’État. Je me vois toujours servir mon pays, quel que soit le poste qui me sera confié », continue-t-elle. Et de conclure, après une courte pause : « Le travail finit toujours par être récompensé. » Maher Hajbi, envoyé spécial à Libreville JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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GRAND FORMAT GABON

ZES à forte valeur ajoutée En onze ans, la zone économique spéciale de Nkok a fait ses preuves. Plus de 140 sociétés y sont installées, et elle sert désormais d’exemple à deux nouveaux pôles industriels, dans le Moyen-Ogooué et dans le Haut-Ogooué.

JACQUES TORREGANO POUR JA

SOPHIE EYÉGUÉ, À LIBREVILLE, ET YARA RIZK

Dans les ateliers de la société Gabon Wood Industries (GWI), l’une des 144 entreprises de la ZES de Nkok.

D

e part et d’autre d’une longue route bétonnée, des dizaines de camions transportant des gigantesques troncs d’arbres arrivent, patientent, puis redémarrent face à la barrière du poste de contrôle. Ce ballet rythme le quotidien de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok, située à 27 km du centre de Libreville. Depuis sa création, en 2010, par un partenariat public-privé (PPP) entre l’État gabonais, Arise Integrated Industrial Platform (Arise IIP) et Africa Finance Corporation, la ZES a fait ses preuves. Et, malgré la conjoncture économique défavorable, l’année

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2022 ne semble pas partie pour faire exception. Depuis sa création, le pôle a en effet généré 1,7 milliard de dollars d’investissements directs étrangers (IDE), et exporté 108 milliards de F CFA (près de 165 millions d’euros) de marchandises (+ 58 % par rapport à 2021), pour un total de 17000 conteneurs (+ 34 %). « Cette année, la ZES bénéficie du ralentissement de l’activité généré par la crise sanitaire. On n’a pas coupé plus d’arbres, explique Paul DanyMengaBekale,responsablecommercial. Nous écoulons les stocks réalisés lorsque les exportations étaient à l’arrêt. Désormais, nous espérons atteindre 25000 conteneurs par an. »

Gabon Special Economic Zone (GSEZ, société gestionnaire de la ZES de Nkok) constitue désormais l’un des premiers employeurs du Gabon, « soit quelque 7 % de la population active du pays », précise Mohit Agrawal, le directeur général. La main-d’œuvre se compose essentiellement de Gabonais, mais celle-ci est encore majoritairement cantonnée à des « métiers élémentaires qui ne nécessitent pas un niveau d’études élevé », précise Mohit Agrawal. « Elle est néanmoins formée à l’utilisation des nouvelles technologies par les travailleurs expatriés, qui représentent aujourd’hui 15 % à 20 %


COMMUNIQUÉ

CIMAF GABON :

UNE POSITION INDUSTRIELLE CONFORTÉE, UNE ENTREPRISE CITOYENNE ENGAGÉE. C’est en juin 2013 que fut posée la première pierre pour la construction de son usine de fabrication de ciment en présence du Président de la République, Ali Bongo Ondimba. Depuis lors, la filiale locale du géant cimentier marocain, les Ciments de l’Afrique (CIMAF), n’a cessé de poursuivre son développement et conforter sa position de partenaire du développement du Gabon avec une responsabilité sociétale affirmée.

Ces projets représentent un investissement cumulé de 61 milliards de F CFA et plus d’un demi-millier d’emplois ont été créés. Ils viennent conforter le pan Gabon industriel du Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE).

UNE ENTREPRISE CITOYENNE Outre son apport au développement du tissu industriel, CIMAF Gabon s’inscrit dans une dynamique d’entreprise citoyenne avec une Stratégie RSE volontariste, selon Monsieur El Mehdi Janah Idrissi, DG Pays de l’entreprise. Cette stratégie s’articule autour de quatre axes principaux : • La place de l’Homme au cœur de Tout via la prise en considération de nos employés. • La Bonne Gouvernance via la promotion de bonnes pratiques et le strict respect des réglementations en vigueur. • La Responsabilité Sociétale via diverses actions sociales de partage et le soutien aux PME locales. • Le Développement Durable par une politique environnementale qui répond aux exigences réglementaires et inhérentes à sa préservation.

www.cimentsafrique.com

DES INITIATIVES CONCRÈTES Des actes sociaux et de développement ont ainsi été concrétisés depuis plusieurs années déjà avec le lancement de la caravane sociale articulée autour de divers dons variés aux orphelinats et aux établissements scolaires publics dans différents chefs-lieux de province ; la dotation de bacs à ordures pour la lutte contre l’insalubrité ; la réhabilitation des pompes publiques dans certaines communes ; le soutien aux malades atteints du cancer et aux personnes vulnérables. En octobre 2022, CIMAF Gabon a contribué au réaménagement de l’espace PME du Ministère du Commerce avec la dotation d’un parc d’ordinateurs et d’équipements divers pour sa salle informatique. La société a également procédé à la livraison des travaux de construction de la route principale de la zone industrielle nord d’Owendo (un linéaire de 1 km de long sur 7 m de large), en préfinançant entièrement le projet dans le cadre d’un partenariat PPP avec l’autorité portuaire Oprag.

JAMG - PHOTOS : D.R.

La nouvelle usine, d’une capacité de 500 000 T/an, est opérationnelle depuis août 2015. En septembre 2020, la deuxième ligne de production a été lancée avec une capacité de 350 000 T/ an, portant la capacité totale à 850 000 T/an pour un marché local d’environ 600 000 T/an.

Le 30 septembre 2022, inauguration de la route industrielle nord par le Ministre d’État Pacôme Moubélet Boubéya, 700 millions de F CFA investis.


GRAND FORMAT GABON des emplois, contre près de 30 % à la création de la zone », ajoute-t-il. Afin d’encourager le recrutement de nationaux, deux centres de formation ont été créés. Les lycéens gabonais peuvent intégrer sur concours des apprentissages de dix-huit mois se composant de cours pratiques et des stages dans les entreprises de Nkok. Sur les 1 126 hectares du parc industriel se sont installées 144 entreprises issues de 19 pays. Quelque 70 secteurs industriels sont représentés : bois, ciment, pharmacie, manufacture… Les sociétés leaders de la zone sont principalement chinoises et indiennes, telles qu’Africa Cement and Steel, le laboratoire La santé pharmaceutique ou encore Jia Ming Plastic Manufacturing. Ces dernières contribuent à diversifier l’économie gabonaise – qui repose encore principalement sur les hydrocarbures –, en particulier en investissant massivement dans la filière bois : 58 % des entreprises de la ZES sont spécialisées dans la transformation du bois (84 au total), une industrie qui représente désormais 3 % du PIB national. Rien qu’en 2021, le Gabon a produit 3 millions de m3 de bois, dont 33 % sortent de la ZES de Nkok.

Cercle vertueux

Ainsi, toute la stratégie économique de la zone repose sur la transformation du bois – première, deuxième et, désormais, troisième transformation –, afin de créer de la valeur ajoutée. « En 2009, avant la création de Nkok, le bois gabonais, vendu non transformé, coûtait 50000 F CFA/m3, aujourd’hui la transformation permet de le vendre à 650 000 F CFA », explique un porte-parole de la ZES de Nkok. Depuis 2017, les entreprises poncent les troncs jusqu’à « la troisième transformation ». Le pays est devenu le deuxième exportateur du monde de contreplaqué. Selon Arise IIP, cette transformation « jusqu’au contreplaqué » permet un rendement situé entre 300 et 1 500 dollars par m3 de bois exploité. « Si nos entreprises vont jusqu’à la quatrième transformation, alors ce rendement pourra atteindre les 5000 dollars pour le même volume. » En 2022, 80 % du bois sortant de Nkok était transformé, contre 55 %

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en 2020-2021. L’objectif est que, d’ici à 2026, la majorité des usines installées dans la zone soit performante jusqu’à la quatrième transformation : celle de l’exportation de meubles et d’objets finis. Dans cette optique, GZES montre l’exemple en développant sa propre marque d’ameublement haut de gamme, Akiba, d’ores et déjà exportée aux États-Unis. Selon les représentants du projet, les ambitions commerciales de Nkok s’allient avec les ambitions écologiques du Gabon. Grâce à son programme « vert », GZES tire d’ailleurs son épingle du jeu dans le classement des zones franches établi par fDi Intelligence (groupe Financial Times), bimestriel consacré aux actualités et aux investissements directs étrangers (IDE), qui l’estime « hautement recommandée » et la positionne comme deuxième meilleure zone franche où investir en Afrique, après celle de Maurice (Mauritius Freeport). « Nous sommes

« Grâce à nos efforts en matière d’environnement, nous proposons une offre de bois de haute qualité, ce qui nous permet d’être plus compétitifs. » la première ZES neutre en carbone », se targue Danièle Remanda, chargée de la mission « carbone neutre » au sein d’Arise IPP. En 2019, la zone a émis 84790 tonnes de CO2, dont plus de la moitié représente les « besoins de base » de fonctionnement. « Nous travaillons à réduire davantage les émissions. Nous projetons de passer à la mobilité électrique pour assurer le transport du bois et à l’installation d’un parc de panneaux solaires », précise-t-elle. Nkok travaille aussi à réduire ses déchets. Notamment grâce à la construction de l’usine Strarphy, spécialisée dans le recyclage des sciures de bois. Pour boucler la boucle de ce cercle vertueux, « les entreprises de Nkok utilisent en très grande majorité du bois certifié FSC [attestant qu’il s’agit d’un bois provenant de sources

responsables et traçables], ce qui a notamment permis l’ouverture des portes des marchés européen et nord-américain », explique Lee White, le ministre gabonais des Eaux et Forêts. « Grâce à nos efforts en matière d’environnement, nous proposons une offre de bois de haute qualité, ce qui nous permet d’être plus compétitifs », ajoute Mohit Agrawal. « GZES joue également un rôle de tremplin pour les petits investisseurs locaux », ajoute Paul Dany Menga Bekale. Et ce à travers la mise en place d’un dispositif fiscal favorable, un accès facilité aux prêts pour les fabricants ainsi qu’aux infrastructures commerciales du pays, comme le port d’Owendo ou la ligne ferroviaire.

Déploiement massif du modèle

La stratégie mise en place à Nkok est appliquée – par les mêmes développeurs – aux deux autres principales ZES du pays, celle de Lambaréné (Ikolo), qui compte bientôt quatre entreprises et celle du Haut-Ogooué. Pour l’instant, les industries qu’elles hébergent ne se sont spécialisées que dans la deuxième transformation du bois (bois scié, vernis…). Pour 2022, le chiffre d’affaires estimé d’Ikolo devrait atteindre 2,63 millions d’euros, et celui de la ZES du Haut-Ogooué 880 000 euros. Arise IIP espère en doubler les recettes d’ici à 2025. Pour accélérer le processus, des entreprises présentes à Nkok implantent également leur usine dans ces ZES secondaires. Le modèle de GZES se déploie aussi dans sept autres pays africains, avec, entre autres, la création de structures construites à l’identique au Bénin (GDIZ) et au Togo (PIA). Mais également sous d’autres formes. D’une part, en signant des partenariats avec les gouvernements pour développer les ZES locales déjà existantes, comme c’est le cas au Congo, à PointeNoire et à Ouesso, ou pour améliorer les infrastructures, comme avec la construction d’un terminal à conteneurs dans le port de Nouakchott, en Mauritanie. D’autre part, en développant des « zones industrielles », c’est-à-dire des zones dévolues à la transformation des produits agricoles locaux, en Côte d’Ivoire et au Tchad, par exemple.



GRAND FORMAT GABON

Duo de choc pour redoubler d’énergie Avec Gustave Aimé Mayi comme directeur général et désormais Marcellin Massila Akendengue à la présidence du conseil d’administration, la SEEG semble dotée du tandem idoine pour mener à bien le processus de décarbonation du secteur national de l’électricité.

OMER MBADI

S

a nomination au poste de président du conseil d’administration (PCA) de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), le 1er septembre, a été perçue comme une sorte de retour à la case départ. Marcellin Massila Akendengue, 59 ans, a en effet passé l’essentiel de sa carrière chez ce producteur d’énergie et d’eau. Une maison intégrée il y a trente ans et dans laquelle il a gravi tous les échelons, pour en devenir le patron en 2018. À l’époque, il lui incomba de gérer la délicate période de la fin de la concession de Veolia, notamment la plainte du groupe français auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi, groupe Banque mondiale). Une procédure qui se soldera par un règlement à l’amiable d’un montant de 45 millions d’euros. Cet ingénieur électromécanicien, diplômé de l’École supérieure interafricaine de l’électricité (Esie) de Côte d’Ivoire, séjourne une première fois au Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) au milieu de la décennie 2010, au cours de laquelle il est chargé des questions relatives à l’eau et à l’électricité au sein de sa filiale, Gabon Power Company (GPC). Dans son portefeuille, les projets hydroélectriques de Ngoulmendjin, Dibwangui et Kinguélé Aval prennent progressivement corps. Marcellin Massila Akendengue retourne ensuite à la SEEG pour en devenir le numéro deux, puis le

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patron. Et quitte une deuxième fois la société pour prendre la tête de GPC. C’est d’ailleurs à ce titre que lui échoit aujourd’hui le poste de PCA de la SEEG.

Retour à la rentabilité

Cette promotion cache en réalité un mouvement bien plus ample de réformes en cours dans le secteur énergétique local. De fait, le Fonds souverain gabonais, administré par le FGIS, récupère les parts de Veolia dans la SEEG (51 %), rachetées en 2019 par l’État et provisoirement détenues par la Société de patrimoine, auxquelles s’ajoutent les actions dont la Banque gabonaise de développement (BGD) était la propriétaire (4 %). Ce sont donc en tout 55 % du capital de l’énergéticien qui tombent dans l’escarcelle du FGIS, et qui seront en pratique gérés par GPC. Les 45 % restants sont détenus par des entreprises et par des actionnaires privés gabonais. Le nouvel actionnaire de référence doit donc s’assurer du retour à une meilleure santé financière, voire à la rentabilité du producteur d’énergie. L’une des pistes passe par l’amélioration du recouvrement auprès des clients, à travers le prépaiement – en œuvre depuis plus d’un an – effectué grâce à des compteurs intelligents. Un projet que Gustave Aimé Mayi connaît dans ses moindres détails. L’actuel directeur général de la SEEG n’était que le numéro deux de l’entreprise au moment de sa prise de

fonctions, en février 2022. Comme le nouveau PCA, cet ingénieur, également détenteur d’un master en gestion, cumule trente ans de présence au sein de la maison. Il n’hésite pas, du reste, à prendre ses responsabilités, quand la tension monte, en se rendant sur les plateaux de télévision pour faire œuvre de pédagogie lorsque des incidents surviennent sur le réseau.

Quand des incidents surviennent sur le réseau et que la tension monte, le patron se rend sur les plateaux de télévision pour faire œuvre de pédagogie. Ce duo va donc concentrer ses efforts pour réussir le processus de décarbonation en cours dans le secteur énergétique, une réforme supervisée par le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Alain Claude Bilie-by-Nze – nommé par ailleurs vice-Premier ministre le 12 octobre. Pour se conformer à l’ambition d’un Gabon vert, le pays espère dans les prochaines années parvenir à un mix énergétique propre, en remplaçant les centrales thermiques au


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GRAND FORMAT GABON fioul par des sources d’énergie hydroélectrique et gazière. Ces deux dernières composantes représentent chacune 40 % de l’électricité produite par la SEEG. Le reliquat (20 %) émane encore du fioul, principalement dans les provinces du Woleu-Ntem, de la Ngounié et de l’Ogooué-Ivindo, qui ne disposent pas de barrages.

Mix énergétique propre

Délestée du poids des centrales thermiques, la SEEG espère revenir le plus rapidement possible à l’équilibre financier. tielles. Le coût de revient du kilowattheure (kWh) d’une centrale au fioul oscille entre 220 et 300 F CFA (entre environ 34 et 46 centimes d’euros), celui de l’hydroélectricité se situe entre 68 et 75 F CFA, tandis qu’il n’est que de 60 F CFA pour le kWh au gaz.

Or le même kWh en basse tension revient en moyenne au consommateur à 112 F CFA. Conséquence : les profits réalisés sur les deux dernières sources compensent le déficit enregistré sur la première. La construction de lignes de transport et de gazoducs permettra à terme de résoudre le problème des approvisionnements irréguliers des centrales traditionnelles, cause de fréquents délestages. « Le transport du carburant par bateau ou par camions engendrait d’énormes difficultés du fait du mauvais état des routes et du débit fluctuant des cours d’eau », explique un analyste. Délestée du poids des centrales thermiques, la SEEG espère revenir le plus rapidement possible à l’équilibre financier. Et il est fort probable qu’elle soit, comme ses homologues congolaise, équato-guinéenne et centrafricaine, éligible dans les années à venir à l’admission à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC).

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Pour compenser le démantèlement des centrales thermiques, GPC et ses partenaires ont engagé des projets de l’ordre du milliard de dollars. Les plus significatives étant le barrage hydroélectrique de Kinguélé Aval (35 MW) – développé avec le fonds Meridiam –, dont la mise en service est prévue pour la fin de 2024, et la centrale à gaz d’Owendo (120 MW), développée par le finlandais Wärtsilä, dont l’énergie devrait être disponible la même année. Parallèlement, la SEEG négocie un contrat d’achat d’énergie avec le producteur d’électricité équato-guinéen, dans le cadre

d’une interconnexion entre les deux pays. Outre le fait d’apporter une énergie moins polluante, cette transition aura la vertu de permettre à la SEEG de satisfaire la demande croissante en électricité du fait d’une population en augmentation, et de réaliser des économies substan-

Les barrages hydroélectriques de Kinguélé et Tchimbélé produisent l’essentiel de l’électricité de Libreville. Ici, l’installation de Kinguélé.

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MESSAGE

« Nous voulons être un catalyseur de la transformation de l’économie du Gabon dans une logique de développement durable » Emmanuel Mundela - Directeur Afrique centrale de Meridiam

v Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

et dont la progression des volumes exportés est soutenue ; et la centrale hydro-électrique de Kinguélé Aval, dont les travaux ont débuté à la fin de 2021.

Meridiam est une société à mission (au sens de la loi française), créée en 2005, qui développe, finance et exploite à long terme des infrastructures publiques à travers le monde. Pour chacun de nos projets, nous mettons au même niveau la performance économique et financière, d’une part, et l’impact positif sur l’environnement et la société au sens large, d’autre part. Et nous nous assurons que tous nos projets contribuent concrètement aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. En 2015, nous avons commencé à nous déployer en Afrique. À ce jour, nous y avons investi plus de 4 milliards d’euros dans une vingtaine de projets. Et d’ici 2025 nous prévoyons de plus de doublercesinvestissementsàhauteurde 10 milliards d’euros.

• Faire de nos projets un catalyseur de l’accélération et de la diversification de l’économie du Gabon. • Être un modèle de développement des partenariats publics privés (PPP), soucieux des impacts environnementaux et sociaux. • Développer autour de nos projets des écosystèmes vertueux grâce à leur insertion harmonieuse dans leur environnement immédiat, y compris en mettant en place des mesures de protection de l’environnement, et à la création d’opportunités et de nouveaux revenus pour les populations.

v Quelle est la place du Gabon ?

v Comment faites-vous pour

Le Gabon est un pays stratégique : il occupe une place centrale dans le portefeuille du Groupe en Afrique. Nous sommes présents dans quatre projets structurants : la Transgabonaise, axe routier entre Libreville et Franceville, actuellement en construction ; le chemin de fer Transgabonais, en exploitation et qui fait l’objet de travaux massifs d’augmentation de sa capacité ; le port minéralier d’Owendo, en exploitation

Dès la phase amont d’un projet, celle de la conception et des études, nous prenons en compte les impacts environnementaux et sociaux potentiels. Ainsi, lorsque nous avons commencé à travailler, par exemple, sur le projet de la centrale de Kinguélé Aval, nous avons décidéderéduiresacapacitépourlimiter

v Quelleestvotreambitionàlong terme dans le pays ?

Notre ambition est triple :

v Quelle est votre expérience des PPP ?

Elle est très positive car nous partageons avec les autorités gabonaises une vision et des objectifs identiques. LesPPPsontunevraiesolution«gagnantgagnant ». Ils permettent à l’État de réallouerdesressourcesbudgétairesaux secteursprioritaires(éducation,santé,etc.) tout en transférant des responsabilités et des risques contractuellement établis à des partenaires privés. Ils contribuent aussi à dynamiser l’économie locale. Dans les projets que nous portons, nous favorisons la participation des sociétés gabonaises, c’est pour nous essentiel. Une des activités de notre bureau de Libreville consiste d’ailleurs précisément à identifier avec nos sociétés de projet des entreprises locales susceptibles de participer à nos côtés à la réalisation de nos projets.

JAMG - PHOTOS DR

concilier retour sur investissement et impact environnemental et social ?

l’impact sur l’environnement. Puis, pour compenser l’impact inévitable du projet, nous avons repris plus de 2000 ha d’une concession forestière proche de la future centrale en vue d’y créer un sanctuaire de biodiversité. Toute notre stratégie est basée sur un postulat fondamental : il n’y a pas nécessairement d’opposition entre le retour sur investissement et l’impact environnemental et social. Bien au contraire, ces deux éléments sont pour nousindissociables,d’autantpluslorsque l’on investit à long terme.

Port minéralier d’Owendo.

meridiam.com

Centrale hydro-électrique de Kinguélé Aval.

Transgabonaise.

Chemin de fer Transgabonais.

Meridiam est une société à mission, et soutient les Objectifs de Développement Durable de l’ONU.


GRAND FORMAT GABON

Bantoo Chocolate, des tablettes made in Libreville De la plantation familiale, près de Lambaréné, à leur chocolaterie dans la capitale, en passant par les États-Unis, le Japon, la France et l’Italie, les frères Ayimambenwe ont investi chacun des métiers de la filière cacao, et signent un succès sur toute la ligne. MURIEL DEVEY MALU-MALU

C

est dans l’atelier Kakao Mundo, créé en 2018 à Libreville, que sont fabriquées chaque jour les tablettes de la marque Bantoo Chocolate. La chocolaterie en produit environ 300 par jour : noir, au lait, avec ou sans ingrédients (pistaches, arachides, noisettes, caramel, coco, amandes salées…), et en barres de 5, 30 ou 100 grammes – sans oublier les formats professionnels pour les pâtissiers. Fèves de cacao, arachides, noix de coco… Tout est produit localement, sans déforestation. Tout est naturel : pas de pesticide, ni d’additif, ni d’huile dans les produits. Même le design du packaging est réalisé en interne. Pour parvenir à ce chocolat 100 % « made in Gabon », il a fallu du temps, de l’énergie, de la ténacité et des heures de formation aux frères Ayimambenwe, dont les débuts de cacaoculteurs ne furent pas un succès, tant s’en faut. En 2009, de retour de France, où ils ont obtenu leur master à l’université de Poitiers – en gestion des entreprises pour Sébastien, l’aîné, et en bio-informatique pour Jonathan, son cadet –, les frères créent Sayiman, une société agricole chargée de réhabiliter et d’exploiter la plantation familiale de quelque 3 hectares de cacaoyers, située près de Lambaréné, dans le Moyen- Ogooué. Ils investissent 30000 euros pour porter la superficie à 10-15 ha. Mais l’affaire vire au fiasco, en raison de leur manque de connaissances en agronomie, de récoltes limitées et du prix très bas des fèves.

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Les jeunes entrepreneurs ne se laissent pas abattre pour autant et décident, pour créer de la valeur ajoutée, d’élargir leurs activités à la fabrication de chocolat. Mais pas question de renouveler les erreurs des débuts. Misant sur la formation, ils soumettent en 2017 un projet au concours Young African Leaders Initiative (Yali, créé par l’ex-président américain Barack Obama), qu’ils remportent. Et c’est Sébastien qui part effectuer une formation agroalimentaire de trois mois à l’Université Purdue, dans l’Indiana. Pendant trois ans, soucieux de se tenir informés et de développer leurs connaissances des bonnes pratiques de la cacaoculture et de la fabrication de chocolat, les frères se rendront dans des pays pro-

Tout est produit localement, sans déforestation. Tout est naturel, sans pesticide, sans huile ni additif. ducteurs tels que Haïti et le Mexique, mais aussi chez des fabricants et des consommateurs de chocolat, en particulier en Europe (Belgique, France, Italie), au Japon, à Hong Kong et aux États-Unis. Puisqu’il faut commencer par la plantation, Sébastien et Jonathan Ayimambenwe s’attachent à former employés et planteurs-associés au

séchage, à la fermentation et au stockage des fèves. Des techniques dont la maîtrise est indispensable pour obtenir un produit de qualité. Sinon, gare aux pertes, qui peuvent atteindre 20 % de la production des fèves : un coût pour le chocolatier, qui, pour compenser, devra ajouter du sucre ou des arômes artificiels.

Biotech et outils numériques

Produire ne suffit pas, il faut vendre. Connaître les marchés, les attentes des professionnels du chocolat et des consommateurs devient donc un nouveau cheval de bataille pour les frères, qui envoient un dossier d’inscription à un concours organisé par la région des Hauts-de-France (nord de l’Hexagone). Ils sont sélectionnés et, en 2019, intègrent la Serre numérique de Valenciennes, un incubateur public émanant de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Hainaut. Outre analyser les tendances des marchés, ils peaufinent les questions de marketing et de qualité nutritionnelle, avec l’appui de Certia Interface (conseil technologique aux entreprises agroalimentaires des Hauts-de-France), d’Agro-Sphères (association régionale d’entreprises agroalimentaires), ainsi que d’étudiants de master en gestion de la qualité nutritionnelle et marketing des produits alimentaires de la faculté polytechnique de l’Université de Lille. Au cours de cette période d’incubation, Sébastien et Jonathan Ayimambenwe mettent au point des outils numériques


DR

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Sébastien et Jonathan Ayimambenwe, les fondateurs de Kakao Mundo.

– traçabilité, transparence, qualité, impact social et environnemental –, une exigence fixée par les marchés. Le QR Code réalisé, déjà lisible sur certains lots, figurera à terme sur tous les produits de leur marque, Bantoo Chocolate. Dans le même temps, les frères créent, à Valenciennes, Kakao Mundo SAS, une société spécialisée en biotechnologie et en agrotechnologie du cacao. Un moyen de bénéficier des appuis qu’offre la région et d’ancrer leur présence française. « Avec un chocolat de qualité, on peut espérer vendre nos produits en France, qui est une référence mondiale en matière agroalimentaire », souligne Jonathan. Car, après le marché gabonais (supermarchés, duty free, boutiques Bonjour de TotalEnergies…) et la vente en ligne, qu’ils cherchent à renforcer, les frères souhaitent développer l’exportation. « Notre approche est flexible. Notre production est au Gabon, mais nous exportons et des fèves et des tablettes de chocolat. » La recherche de partenaires les conduit à ouvrir une usine – Ayimam Industry – à Sassari, en Sardaigne (Italie), pour traiter les fèves exportées du Gabon. Depuis 2020, ils déploient un projet baptisé Cacao Premium Gabonais (CaPreGa),

destiné à former aux normes de qualité des planteurs auxquels ils achèteront leur production. Après avoir expérimenté ce projet avec leurs propres planteurs, Sébastien et Jonathan ont signé, en 2021, une convention avec la Direction générale des caisses de stabilisation et de péréquation du Gabon, qui a lancé le programme Jeunes entrepreneurs du café-cacao (Jecca). Créé pour lutter contre l’exode rural et ramener les jeunes vers ces cultures, le Jecca a permis à une trentaine de planteurs d’adhérer à CaPreGa, étoffant ainsi le réseau des cacaoculteurs-associés de Sayiman, lesquels fournissent 80 % des besoins en fèves de Kakao Mundo, le reste provenant de la plantation familiale.

Une carte des terroirs

Les frères Ayimambenwe se sont fixé un autre défi, celui de dresser une carte des terroirs du cacao gabonais. Les zones et leurs spécificités sont identifiées à l’aide de l’outil informatique. « Nous mettons en place le profil gustatif de la fève, qui dépend d’une récolte et d’une année données. Il faut éviter de mélanger des fèves de qualité différente. » Désireux de placer l’humain au cœur de la cacaoculture, les deux entrepreneurs définissent avec les

producteurs une palette de projets sociaux répondant à leurs besoins. En utilisant le QR code figurant sur les produits de Kakao Mundo, les consommateurs peuvent donner leur avis. « C’est l’une de nos innovations. En août, les consommateurs ont voté pour des kits scolaires, que l’on a donc distribués aux enfants d’un village du Moyen-Ogooué. On change de projet tous les quatre mois. » Ce système de partenariat responsable permet aussi d’attirer des cacaoculteurs vers Kakao Mundo. Parmi les autres initiatives engagées : le sponsoring d’activités sportives et l’organisation d’ateliers dans des écoles. « On a demandé aux enfants de dessiner des masques. Les meilleurs ont été reproduits sur les emballages des tablettes de chocolat. » Petit à petit, la mini-multinationale Kakao Mundo se développe. Son objectif est triple : atteindre une production de 3 000 tablettes par jour d’un chocolat « made in Gabon » distribué sur le marché national et à l’international, qui soit issu d’un cacao labellisé, estampillé durable et viable pour les cultivateurs. Mais aussi faire en sorte que Kakao Mundo devienne un label largement reconnu et que le procédé CapreGa se généralise au Gabon. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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OFFICE DES PORTS ET RADES DU GABON

NOTRE MÉTIER, LA CONNEXION PORTUAIRE


OFFICE DES PORTS ET RADES DU GABON


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SOCIÉTÉ

L’« internationale bantu », ou l’âme africaine universelle Les langues, cultures et traditions nigéro-congolaises concerneraient près de la moitié des habitants du continent. Le 40e anniversaire du centre international qui leur est consacré est l’occasion de voir comment elles irriguent aussi le monde.

ARTHUR MALU-MALU

I

l est peu connu du grand public en Afrique, y compris au Gabon, où se trouve son siège. Pourtant, le Centre international des civilisations bantu (Ciciba) constitue un pôle de recherche de niveau international. Il s’apprête à célébrer son quarantième anniversaire, avec l’objectif de renforcer sa visibilité, à l’instar de « l’internationale bantu » qu’il incarne. L’idée de créer un tel centre avait germé dans la tête d’Omar Bongo Ondimba au début des années 1980. Le président gabonais rêvait de mettre en valeur les cultures et traditions bantoues en constituant, dans un premier temps, une association nationale gabonaise. Sûr de l’intérêt que son idée pouvait susciter à l’international, Omar Bongo Ondimba s’en était par la suite ouvert à ses homologues de la région et du continent. Certains chefs d’État étaient enthousiastes à l’idée de se lancer dans cette aventure, d’autres avaient promis d’y adhérer sans pour autant passer à l’acte, et quelques-uns, dit-on, cherchèrent secrètement à torpiller ce projet de crainte qu’il ne fasse briller encore un peu plus l’image du président gabonais. Qu’à cela ne tienne, le Ciciba a fait émerger ce que certains appellent « l’internationale bantu ». Il compte aujourd’hui onze États membres : l’Angola, le Burundi, la Centrafrique,

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les Comores, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la RD Congo, le Rwanda, São Tomé-et-Príncipe et la Zambie. Ils pourraient prochainement être rejoints par les douze autres pays qui avaient nourri la réflexion préalable à la création du centre il y a plus de quarante ans et qui, depuis, traînent des pieds pour y adhérer. Le Ciciba continue de s’employer à convaincre ces « États tièdes » de ratifier les textes qui feront d’eux des membres à part entière.

5 000 ans d’histoire

Les Bantous ne forment ni un bloc monolithique ni un peuple en tant que tel. Il ne s’agit pas non plus d’un groupe de personnes ayant des traits physiques communs. Les chercheurs qui font autorité en la matière parlent d’un ensemble de populations ayant des langues, des cultures et des traditions communes. « Le muntu [singulier de bantu] est l’être intime, cet élément intime qui est dans l’homme et est porteur de son identité. Le muntu, c’est l’être africain qui réside dans des communautés africaines et est déterminé par un certain nombre de langues », explique le professeur Antoine Manda Tchebwa, directeur général du Ciciba. L’apparition des Bantous en Afrique remonterait à 5 000 ans. Leur foyer originel se situerait dans

l’actuel État de Benue, dans l’est du Nigeria. Certaines études identifient cependant un foyer antérieur en Égypte antique. Cette thèse est corroborée par des figures emblématiques du monde universitaire africain, comme Théophile Obenga (égyptologue, historien et linguiste congolais) et Cheikh Anta Diop (historien et anthropologue sénégalais, décédé en 1986). Sur le continent, la sphère de rayonnement des Bantous s’étend du Nigeria jusqu’en Afrique du Sud, où est fait l’éloge d’ubuntu, une philosophie humaniste qui prône

Douze pays avaient nourri la réflexion préalable à la création du Ciciba et, depuis, traînent les pieds pour y adhérer. le bien-être et le vivre-ensemble au sein de la communauté. Ce sont, pour l’essentiel, des membres de l’ethnie xhosa, dont était issu Nelson Mandela, qui ont mis en avant ce concept, lequel englobe la notion d’interdépendance entre les êtres humains au sein d’une communauté. Ubuntu aurait permis à la


GRAND FORMAT GABON disséminées à travers le monde, principalement en raison de la traite négrière et de l’esclavage.

DOM POUR JA

Antennes locales

nation Arc-en-Ciel de mieux affronter les tensions nées de l’abolition de l’apartheid, génératrice de la fin des privilèges de la minorité blanche, qui tenait les rênes de l’économie nationale.

En quête de racines

Dans l’espace bantou se trouvent aussi d’autres communautés (pygmées, semi-bantous, nilotiques, etc.). Grâce notamment au livre Ubuntu – Je suis car tu es – Leçon de sagesse africaine (HarperCollins, 2019), de Mungi Ngomane, petitefille de l’archevêque Desmond Tutu, cette philosophie « parle » aujourd’hui à des millions d’êtres humains qui ne vivent pas forcément dans l’espace bantou. Des expositions d’artistes sur le même thème ont également contribué à asseoir sa réputation dans le monde. Aujourd’hui, le Ciciba a quitté son siège délabré d’Akanda, au nord de Libreville, pour s’établir dans un bâtiment moderne du centre de la

capitale gabonaise. Il dispose de la plus grande banque de données mondiale sur les civilisations bantoues, constituée sous forme de microfiches. Cette banque contient les résultats des travaux effectués dans plusieurs pays par des chercheurs africains, européens et asiatiques, entre autres. Sur le plan académique, le centre a conclu des partenariats avec diverses universités étrangères pour le développement de la recherche sur les civilisations et les cultures bantoues. Il veut être un espace de coopération internationale entre l’Afrique et ses diasporas, parmi lesquelles on peut inclure les personnes d’ascendance africaine, dans un contexte où les Afro-descendants sont de plus en plus nombreux à se mettre en quête de leurs racines et à entreprendre des pérégrinations sur le continent. C’est d’ailleurs dans cette optique que Libreville a accueilli, en 2017, la première rencontre entre personnes d’ascendance africaine, aujourd’hui

Le Ciciba rayonne en particulier à São Paulo, la plus grande ville du Brésil, où il a ouvert un bureau de représentation qui couvre toute l’Amérique latine. L’internationale bantu étend ainsi sa présence en Méso-Amérique (aire culturelle occupée par les civilisations d’Amérique centrale avant la colonisation espagnole), mais aussi en Amérique du Nord : aux États-Unis, au Canada et dans les îles des Caraïbes, où elle dispose de partenaires informels. Il est toutefois question que ces derniers deviennent des « collaborateurs formels » dès 2023. « Dans les prochaines années, nous espérons pouvoir installer des antennes du Ciciba partout où il a l’obligation de diffuser et de promouvoir l’identité ainsi que les cultures bantoues », souligne Antoine Manda Tchebwa. Reste que cette ambition se heurte encore à des difficultés liées au retard avec lequel certains États membres versent leur contribution – mais quand on sait que l’Union africaine (UA), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadec) et d’autres organisations régionales ou continentales se plaignent égale-

Leur sphère de rayonnement s’étend du Nigeria jusqu’en Afrique du Sud, où l’ubuntu désigne l’humanisme, la fraternité, l’ouverture. ment de ces lenteurs… Pour contourner cet écueil et trouver de nouvelles sources de financement, l’internationale bantu entend se tourner vers des philanthropes et des fondations sensibles à la question bantoue à travers le monde. Une démarche d’autant plus encouragée qu’elle est prévue par les textes fondateurs du Ciciba. JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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DIDIER ASSEKO-NZUE/AS-PRESSION LTD

GRAND FORMAT GABON

Grâce à ces représentations, les comédiennes de la compagnie Les Phénix, toutes membres de l’Asafac, trouvent la force de se confier.

Le théâtre pour thérapie L’Association pour le soutien et l’aide aux femmes atteintes de cancer met en scène sa pièce, Huis clos avec Les Phénix, jouée par des patientes qui tordent le cou aux idées reçues et sensibilisent le public mieux que quiconque.

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

E

lles sont neuf sur scène. L’une s’entretient avec un ganga. La veille, le diagnostic du médecin est tombé, révélant un cancer qui, à ses yeux, ne peut être que la conséquence d’un mauvais sort jeté par un esprit maléfique. Une autre hurle sa détermination à ne plus approcher sa sœur malade, de peur d’être contaminée. Elle n’est pas loin de partager le point de vue de leur frère qui, lui, est formel : ce cancer, elle l’a bien cherché ; il est le fruit de sa vie dissolue… Dans Huis clos avec Les Phénix, pièce de théâtre créée sous la houlette de Rosina Koussou (médiatrice culturelle) par l’Association pour le soutien

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JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

et l’aide aux femmes atteintes de cancer (Asafac) – toutes les comédiennes en sont membres –, les histoires s’entremêlent pour démystifier cette maladie encore taboue au Gabon. Patientes malades ou en période de rémission, proches ou simples bénévoles, les comédiennes, réunies depuis le début d’août pour une série de représentations en partenariat avec l’Institut français, ont toutes une histoire avec le cancer. À travers leur expérience, les actrices alertent sur les risques d’une prise en charge tardive, les patientes arrivant souvent à l’hôpital à un stade trop avancé de la maladie, après un parcours chaotique entre marabouts

et autres pasteurs évangéliques. Elles sensibilisent le public à la stigmatisation des malades, bien réelle mais dont tout le monde parle sans que nul n’ose monter au créneau pour la dénoncer. Didactique, la pièce évoque les signes d’alerte qui devraient interpeller les femmes, les facteurs de risque et les gestes qui sauvent, telle l’autopalpation.

Prise de conscience

Sans vouloir dresser un réquisitoire contre le personnel de santé, le texte souligne aussi quelques-unes de leurs défaillances, les exhortant notamment à faire preuve de plus d’empathie à l’égard des malades.


GRAND FORMAT GABON Une absence d’empathie qui pose, en creux, la question de la formation du personnel médical à la prise en charge de cette pathologie. Pour Jeanne d’Arc Kong-Ndes, présidente de l’Asafac, qui a eu l’idée de créer la pièce en écoutant ces femmes lors de groupes de parole, c’est surtout une thérapie : « Être sur scène leur permet de s’extraire de la maladie, d’exprimer leurs émotions et d’éprouver leur mémoire quand celle-ci menace chaque jour de leur jouer des tours sous l’effet de la chimiothérapie. » Désormais en rémission totale après un double cancer du sein qui l’a affectée entre 36 et 44 ans, Mathilde Biloghe Bi-Ndong dit trouver dans le théâtre la force de se confier sans fondre en larmes. « Il contribue à nous guérir psychologiquement. Mais la plus belle des récompenses, c’est de voir le public prendre conscience de la nécessité de se faire dépister au moindre signe d’alerte. Nous obtenons de meilleurs résultats qu’avec le

porte-à-porte organisé lors de grandes campagnes de sensibilisation. » Nombre de médecins témoignent de la transformation de leurs patientes après leur adhésion à l’association. Les autorités gabonaises, elles aussi, ont conscience du rôle de l’Asafac. Le 6 octobre, le ministère de la Santé a ainsi salué la « présence [de la structure] sur le terrain, douze mois sur douze », contrairement à d’autres qui se contentent d’apparitions sporadiques. « Tout le monde apprécie nos efforts, reconnaît Jeanne d’Arc Kong-Ndes. Moi, j’apprécierais de recevoir un soutien financier de l’État. »

Difficultés financières

Depuis sa création il y a cinq ans, l’association fonctionne essentiellement grâce au seul soutien des entreprises. Elle ne reçoit pas de subventions de la part du gouvernement, le ministère de la Santé et celui des Affaires sociales n’ayant pas de ligne

budgétaire prévue à cet effet. Jeanne d’Arc Kong-Ndes espère voir la donne évoluer, ce qui permettrait de mettre sur les rails son prochain chantier d’envergure : la construction d’une maison d’accueil comptant plusieurs chambres et salles de repos. « Actuellement, les hôpitaux ne disposent pas d’espace où les patientes peuvent se réunir pour échanger entre elles, rencontrer un psychologue, lire, participer à des ateliers… » Pis : après leurs séances de chimiothérapie ou de radiothérapie, en l’absence de salle de repos et alors qu’elles viennent parfois de loin et vivent seules la plupart du temps, elles sont obligées de reprendre aussitôt le chemin du retour. Outre ce projet, la fondatrice de l’Asafac aimerait aussi organiser des activités génératrices de revenus. Évoluant pour la plupart d’entre elles dans le secteur informel avant la découverte de leur pathologie, les patientes sont généralement en cessation d’activité.

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