JA3118 du 28 octobre 2022 Inter. ESPAGNE

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GABON LE COMPTE À REBOURS NO 3118 – NOVEMBRE 2022

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COP27 Ce que veut (et peut) l’Afrique

MAROC-ISRAËL Et maintenant ?

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Le plus jeune et le plus âgé des chefs d’État au monde sont africains. Le capitaine putschiste burkinabè Ibrahim Traoré, 34 ans, aux commandes depuis un mois, et le doyen camerounais Paul Biya, 89 ans, président depuis quatre décennies. De Yaoundé à Ouagadougou, l’enquête de JA dans les coulisses de deux pouvoirs d’exception.

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RD CONGO Le facteur Kamerhe


INTERNATIONAL Pedro Sánchez, lors de sa visite à Rabat, le 7 avril.

ESPAGNE-AFRIQUE

Madrid joue les équilibristes

Brouille avec Alger, lune de miel avec Rabat… Le revirement du gouvernement Sánchez sur la question du Sahara occidental divise les partis politiques espagnols, à quelques mois des élections générales. SOUFIANE KHABBACHI

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MARISCAL/EFE/SIPA

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« Nous ne voulons pas que la relation très solide que nous construisons avec le Maroc et qui est si bénéfique à l’Espagne soit un obstacle aux liens que nous entretenons avec l’Algérie. » C’est en ces termes que,

le 8 septembre, à Séville, au cours d’un point de presse, José Manuel Albares, le chef de la diplomatie espagnole, a résumé l’embarras de l’exécutif espagnol et ses difficultés à assumer la position d’équilibriste dans laquelle il s’est lui-même placé. Depuis plusieurs mois, Madrid tente en effet, non sans mal, de renouer avec Alger, qui a rappelé son ambassadeur le 19 mars, soit moins de vingt-quatre heures après que le gouvernement espagnol a annoncé son soutien au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Cette inflexion politique est intervenue dans un contexte de grande tension entre les deux voisins du Maghreb, qui n’entretiennent plus

aucune relation diplomatique depuis août 2021. Révélée par le palais royal marocain alors que Ramtane Lamamra, le ministre algérien des Affaires étrangères, était en visite en Chine, cette nouvelle a été très mal perçue à El-Mouradia. Au point que, le 8 juin dernier, le gouvernement algérien a annoncé la suspension immédiate du traité d’amitié et de bon voisinage conclu avec l’Espagne en octobre 2002. Pourtant, il y a moins d’un an, c’étaient Madrid et Rabat qui traversaient une crise diplomatique, pour des raisons, là encore, liées au Sahara occidental. Alors que les responsables espagnols s’étaient jusque-là gardés de s’immiscer dans ce dossier JEUNE AFRIQUE – N° 3118 – NOVEMBRE 2022

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Tribunaux internationaux

S’est alors ensuivie une dégradation des relations bilatérales, dont le point culminant a été la menace, brandie par les autorités algériennes, de couper le robinet de gaz à l’Espagne. Principal fournisseur d’énergie de Madrid, l’Algérie est allée jusqu’à déclarer qu’elle n’hésiterait pas à rompre le contrat entre la société Sonatrach et ses clients espagnols si ces derniers venaient à acheminer du gaz « vers une destination tierce » (entendez : le Maroc). L’hypothèse d’une rupture des approvisionnements en gaz semble, pour l’heure, écartée. Les menaces de Teresa Ribera, la ministre espagnole de la Transition écologique, de saisir les tribunaux internationaux en cas d’interruption dudit contrat, qui arrive à échéance en 2032, semblent avoir eu l’effet dissuasif escompté auprès d’Alger. « Avant de prendre position [sur le Sahara occidental], les Espagnols ont forcément tenu compte du fait que leur contrat de gaz avec l’Algérie courait encore sur dix ans », assure Bernabé López García, historien spécialiste du Maghreb. Les relations entre les deux pays n’en demeurent pas moins glaciales, et les échanges commerciaux sont, à l’initiative d’Alger, devenus quasi nuls. Le 30 juin, lors d’une réunion de commission parlementaire, Xiana Méndez, la secrétaire d’État espagnole au Commerce, a déploré « la paralysie presque totale des opérations avec l’Algérie, aussi bien des importations que des exportations,

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ultrasensible, les considérations politiques, économiques et sécuritaires avaient fini par l’emporter. Car si l’Espagne est le premier partenaire commercial du Maroc, sa situation géographique en fait également l’une des principales portes d’entrée de l’immigration clandestine en Europe – un thème que Rabat n’a pas hésité à instrumentaliser pour faire plier Madrid. Ces facteurs ont donc poussé Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, à trancher en faveur du Maroc, précipitant son divorce avec Alger, soutien indéfectible des indépendantistes du Front Polisario. À Alger, le 25 août 2021, au moment de la rupture des relations diplomatiques algéro-marocaines.

à l’exception des produits énergétiques ». Signe qui ne trompe pas, le successeur de Saïd Moussi, l’ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne (aujourd’hui en poste à Paris), n’a toujours pas été nommé. Simultanément, et à la suite de leur spectaculaire réconciliation, scellée en avril, Rabat et Madrid poursuivent leur lune de miel. En témoigne la

Alger est allé jusqu’à menacer Madrid de rompre le contrat gazier qui lie, jusqu’en 2032, Sonatrach à ses clients espagnols. multiplication, depuis quelques mois, des rencontres très médiatisées entre responsables marocains et espagnols. L’annonce de Pedro Sánchez sur le Sahara occidental a par ailleurs provoqué de fortes tensions au sein de la classe politique espagnole. Si elles semblent être progressivement retombées au fil des mois, elles pourraient s’exacerber à l’approche des élections générales de 2023. Les critiques les plus acerbes viennent d’ailleurs de la coalition gouvernementale, très divisée sur la question. Par la voix de l’un de ses porte-parole, Podemos (gauche

radicale), composante essentielle de la majorité, a vite qualifié d’« énorme erreur » la nouvelle position du gouvernement. En septembre, le secrétariat international du parti s’est même rendu à Tindouf, dans un camp de réfugiés, réaffirmant à cette occasion son « soutien au peuple sahraoui et à ses revendications légitimes d’autodétermination et de souveraineté ». À l’opposé du spectre politique, la formation d’extrême droite Vox a qualifié de « soumission » à l’égard du Maroc le changement de posture du gouvernement. Il a réclamé qu’en contrepartie Rabat reconnaisse de manière « explicite » la souveraineté espagnole sur les enclaves de Ceuta et Melilla. Donné vainqueur dans les sondages, le Parti populaire (PP, centre-droit) se montre quant à lui volontairement ambigu. Et pour cause : « S’ils étaient appelés à gouverner, ses dirigeants ne reviendraient pas sur la décision de Pedro Sánchez », confie un ancien poids lourd du parti conservateur, selon qui « c’est surtout le timing et la méthode employés par Sánchez qui ont suscité les critiques ». Depuis son arrivée récente à la tête du PP, Alberto Núñez Feijóo ne cesse de s’en prendre au chef de la majorité, qu’il accuse d’avoir « gâché la relation de l’Espagne avec l’Algérie ». Même s’il se garde bien d’aborder le fond du problème, à savoir la difficulté de son pays à adopter une position claire sur la question du Sahara.


COMMUNIQUÉ

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Et si l’Afrique restait en plan ? Madrid tente de garder le cap sur le sud du Sahara. Pas simple, quand la crise énergétique et la guerre en Ukraine accaparent l’attention.

L

a diplomatie espagnole a, certes, gagné du terrain ces dernières années en Afrique, notamment dans le secteur économique et à la faveur d’une présence entrepreneuriale croissante. Mais d’autres États européens sont bien plus actifs sur le continent », souligne Ainhoa Marín, spécialiste de l’Afrique subsaharienne à l’Institut Elcano (Madrid). « L’Espagne, poursuit la chercheuse, reste essentiellement centrée sur ses thèmes de préoccupation habituels : flux migratoires, coopération, défense, accords de pêche. » En lançant le Plan Afrique III en 2019, le gouvernement de droite (Parti populaire, PP) de Mariano Rajoy a pourtant doté Madrid d’une véritable politique africaine. En 2021, le programme Foco África 2023 est venu étayer ce plan : il prévoit la réalisation, sur deux ans, de 250 actions concrètes, allant du renforcement des relations diplomatiques et culturelles à l’accompagnement des investissements du secteur privé en Afrique. Foco África a fait, ces derniers mois, l’objet d’un audit interne au ministère des Affaires étrangères, dont les résultats n’ont pas encore été divulgués. Parmi ses principales actions, la première édition du Programme des visiteurs d’Afrique a permis à six jeunes entrepreneurs africains de se rendre en Espagne, à la fin de septembre, pour y rencontrer des pairs espagnols.

Émancipation des femmes

Preuve de l’intérêt croissant que Madrid porte à l’Afrique, la plateforme Mesa África se réunit plusieurs fois par an afin de coordonner les stratégies de l’administration publique et de la société civile (ONG, think thanks, secteur privé…) sur le continent. Mis en place dans le cadre du Plan Afrique III, cet outil n’a d’équivalent dans aucun autre

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Nana Akufo-Addo, le président ghanéen, au Foco África, à Madrid, le 29 mars 2021.

service du ministère des Affaires étrangères. Sa dernière réunion, en juillet, a donné lieu à toute une série de recommandations sur l’émancipation des femmes et la présence des entreprises espagnoles en Afrique. Une autre session est prévue d’ici à la fin de l’année.

Le royaume reste centré sur ses thèmes de préoccupation habituels : flux migratoires, coopération, défense, accords de pêche. Malgré ces avancées, l’actualité récente a légèrement déplacé l’attention de l’Espagne vers le Maghreb et vers l’Ukraine en guerre, sur fond de crise énergétique. « L’intérêt du gouvernement pour l’Afrique subsaharienne en a pâti. Il a nettement diminué ces derniers mois », regrette

Ainhoa Marín, qui espère néanmoins que le continent fera partie des priorités du gouvernement espagnol quand Madrid prendra la présidence tournante de l’UE, au second semestre de 2023. La politique africaine de l’Espagne pourrait-elle être affectée par les prochaines échéances électorales ? Les instituts de sondage donnent pour l’instant le PP (opposition) vainqueur des élections générales de la fin de 2023. Le PP a déjà remporté, cette année, l’une des plus grandes régions du pays, l’Andalousie, fief traditionnel de la gauche durant des décennies. Un changement de couleur politique entraînerait-il forcément un changement de cap ? « Si la droite arrivait au pouvoir, elle assurerait probablement la continuité de la politique africaine dont elle est ellemême à l’origine, indique Ainhoa Marín. Elle pourrait bien sûr adopter une autre approche, mais le maintien du Plan Afrique III semble acquis ». Marie Villacèque


COMMUNIQUÉ

« Nous voulons écrire une nouvelle page de l’histoire du développement urbain en Afrique » ENTRETIEN :

Christian Vande Craen, Directeur du DéveloppementAfrique PNHG et Directeur Général Filiale Côte d’Ivoire

Quelle est l’originalité de votre offre ? PN-HG exécute pour le ministère de l’Environnement et du Développement durable de la République du Bénin un projet de construction de 8 500 logements sociaux et abordables dans la zone urbaine de Ouèdo, à une trentaine de kilomètres de Cotonou. C’est l’un des ouvrages les plus importants du pays, qui vise à répondre à la nécessité de générer du logement tout en urbanisant suivant des principes de développement durable la zone métropolitaine de Cotonou. À cette occasion, nous avons appliqué notre méthode de production semi-industrielle de logements. Nous avons réussi à proposer une solution de construction de qualité, à des coûts abordables, respectueuse de l’environnement, et ce en respectant les délais fixés par le client. C’est un modèle réplicable dans d’autres pays : plusieurs gouvernements de la région nous ont approché afin de lancer des projets de « quartiers urbains », combinant des logements, des commerces et des équipements urbains (écoles, hôpitaux, etc.). Un autre exemple ? Le groupe PN-HG accompagne le groupe textile indien Arise dans son développement en Afrique. Nous construisons deux usines

Ville nouvelle Ouèdo - Bénin

Christian Vande Craen et Mikel Ortiz, CEO PNHG.

JAMG - © : D.R.

Pouvez-vous vous présenter ? Pablo y Natalia Holding Group (PN-HG) est un groupe espagnol, basé à Barcelone et spécialisé dans le développement urbain, la construction et le développement immobilier au niveau international. Implantés en Europe depuis vingt ans et en Afrique de l’Ouest depuis sept ans, nous avons à notre actif plusieurs projets dans la région.

au Bénin et avons des projets dans d’autres pays de la région. Nous envisageons également de construire des cités résidentielles pour héberger les travailleurs de ces usines. Quelle est la place la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans votre stratégie ? La RSE est pleinement intégrée à notre stratégie de développement en Afrique et cet engagement se traduit concrètement dans plusieurs domaines : • La formation. A l’occasion de chacun de nos projets, nous créons une école de formation. Au Bénin, nous avons créé la PN Academy qui propose des modules de formation aux différents corps de métiers (électricité, plomberie, carrelage, etc.) et à la sécurité. Plus de 3 000 personnes ont ainsi reçu une formation dans le cadre du projet de Ouèdo. • La parité du genre. La promotion des femmes dans les métiers de la construction et de la promotion immobilière est une priorité stratégique. L’objectif est d’atteindre un taux d’emploi féminin de 20% dans les plus courts délais. • Le respect de l’environnement. Nous utilisons des techniques de construction et des matériaux qui minimisent l’impact sur l’environnement. L’efficacité dans l’utilisation de l’énergie et des ressources naturelles ainsi que la réduction des émissions et des rejets, sont une priorité dans chacun de nos projets.

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INTERVIEW

Jesús Jiménez

Responsable Afrique au Club des exportateurs espagnols

« Nos investissements directs sont en hausse sur le continent » PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE VILLACÈQUE

Jeune Afrique : Quel est le rôle du Club, en particulier en Afrique? Jesús Jiménez : Fondé pour aider les entreprises espagnoles qui exportent ou investissent à l’étranger, il compte environ 140 membres, dont un tiers a des intérêts en Afrique dans des secteurs très divers (alimentation, énergie, infrastructures, pharmacie…). La majorité de ces entreprises est présente au Maroc et en Algérie, mais aussi au Sénégal, au Ghana, au Kenya, au Rwanda, en Tanzanie, en Côte d’Ivoire… Nous avons donc créé, en 2017, le Groupe de travail pour l’Afrique, qui s’intéresse principalement au sud du Sahara. La stratégie des entreprises espagnoles a-t-elle évolué? Elles se sont ouvertes aux marchés extérieurs et se sont très vite intéressées à l’Afrique. Elles exportent désormais leurs biens grâce à des hubs de distribution établis sur place avec des partenaires locaux. Les entreprises de services sont, quant à elles, de plus en plus présentes sur tout le continent.

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puissent rencontrer leurs homologues africains. Enfin, nous aidons nos entreprises à surmonter des difficultés, notamment en matière financière et fiscale.

Nous observons par ailleurs une hausse des investissements directs espagnols dans le secteur manufacturier ou dans la production de biens d’équipement industriel. L’accent est mis sur la filière énergétique, en particulier sur les énergies renouvelables, domaine dans lequel l’Espagne a beaucoup à offrir.

Le soutien du gouvernement espagnol à son secteur privé en Afrique vous paraît-il adapté ? Si on les compare à ce qui se fait dans les pays tiers, nos instruments de soutien financier sont techniquement efficaces, mais nos budgets sont très inférieurs. Pour être plus compétitifs, nous devrions créer des mécanismes spécifiques de soutien à l’investissement sur le continent tout en multipliant les traités bilatéraux. Le Foco África 2023 [programme du Plan Afrique III, qui comprend 250 actions concrètes à réaliser d’ici à deux ans] a vocation à aider nos entreprises à s’implanter en Afrique. Il devrait contribuer à renforcer la coordination entre les différents ministères, les ambassades qui se trouvent en Afrique et leurs bureaux commerciaux. C’est déjà le cas au Sénégal. Nous espérons que cela servira d’exemple.

Quel soutien apportez-vous à vos membres? Par le biais des ambassades et des bureaux commerciaux, nous faisons la liaison entre les institutions publiques et les entreprises privées établies en Afrique. Le Club organise régulièrement des réunions avec les ambassadeurs et les conseillers commerciaux des pays africains présents en Espagne et avec les représentants de l’Espagne sur le continent. Nous organisons également des missions commerciales afin que nos membres

ANGEL NAVARRETE POUR JA

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epuis sa création, il y a vingt-cinq ans, le Club des exportateurs et des investisseurs espagnols a trouvé sa place entre les différents services de l’administration et le secteur privé. C’est notamment le cas en Afrique, où un nombre croissant d’entreprises ibériques tentent de s’implanter, au point que le Club dispose, depuis cinq ans, d’un groupe de travail spécialisé. Son responsable, Jesús Jiménez, détaille la manière dont le secteur privé espagnol se déploie sur le continent.

Quel rôle le Club des exportateurs joue-t-il dans l’élaboration des politiques publiques ? Il a été l’un des acteurs clés de l’élaboration du Plan Afrique III. Avec la Confédération espagnole des organisations professionnelles et la Chambre de commerce espagnole, il est l’un des trois représentants du secteur privé à Mesa África, un forum qui réunit des membres de la société civile et des responsables du ministère des Affaires étrangères.


AEE Power

depuis 20 ans au service de l’accès à l’électricité en Afrique.

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artant du constat simple que l’Afrique subsaharienne dispose du taux d’électrification le plus bas du monde (45 % en 2018) et du taux d’accroissement de la population le plus élevé du monde (2,7 %/an en 2018), AEE Power s’est donné pour mission depuis 20 ans, d’électrifier l’Afrique en y développant des infrastructures énergétiques pour que 600 millions d’africains puissent enfin avoir accès à l’électricité. Au total, des projets d’une valorisation totale de plus de 500 millions de dollars US ont été menés exclusivement en Afrique, comprenant 2 000 km de lignes,

8 000 km de réseaux, 29 sous-stations et l’exploitation de plus de 90 MW de production. Aujourd’hui, nous opérons dans 13 pays africains pour 19 clients privés ou publics et 5 nouveaux pays devraient bientôt s’ajouter à la liste. Triplement certifié ISO 9001 (qualité), ISO 14001 (environnement) et ISO 45001 (santé et sécurité au travail), AEE Power s’inscrit systématiquement dans une optique de long terme en prenant soin de son environnement et de ses collaborateurs dont la grande partie sont africains. Aujourd’hui, notre entreprise poursuit sa stratégie de développement et de ciblage en Afrique via des filiales et des alliances locales pour développer des concessions et des services et en diversifiant dans la construction des infrastructures, leur gestion et leur maintenance. La satisfaction de nos clients est au cœur de tout ce que nous faisons et grâce à notre expérience africaine et l’expertise de nos collaborateurs, nous sommes fiers d’en avoir une des plus hautes de notre secteur

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ÉNERGIE

Avec AEE Power, le courant passe Créée en 2006, cette entreprise espagnole assure aujourd’hui le développement du réseau électrique dans treize pays du continent. Et mise sur les énergies renouvelables. MARIE VILLACÈQUE

la connexion a pu se faire aisément à partir des grandes lignes. Mais d’autres localités, du fait de leur isolement, n’ont pu être reliées au réseau national. C’est le cas des petites villes congolaises de Gemena, Isiro ou Bumba, où il est envisagé, dans le cadre du projet Essor – dont AEE Power est l’un des concessionnaires –, de construire un réseau indépendant, alimenté par des centrales solaires hybrides. Avec un investissement de 100 millions de dollars, ce mini-réseau électrique, destiné à alimenter environ 500 000 habitants, est le plus important d’Afrique subsaharienne.

Centrale photovoltaïque

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L

’Afrique fait partie de notre ADN », annonce d’emblée José Ángel González, cofondateur, président et directeur exécutif d’AEE Power. Quand, en 2006, il décide de créer son entreprise, ses partenaires sont tous forts de plus de vingt années d’expérience sur le continent africain dans le secteur des infrastructures électriques. Luimême est arrivé en Afrique en 1972, avec son père, ingénieur. En dehors d’une parenthèse de quelques années à Madrid, il a tour à tour vécu à Kinshasa, Luanda, Johannesburg et Nairobi. En lançant son activité au Zaïre (actuelle RD Congo), AEE Power a immédiatement parié sur l’immense potentiel de l’Afrique subsaharienne et de son marché énergétique. « Sur le

AEE POWER

La station électrique de Thika, au Kenya.

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continent, 600 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité. C’est là que se trouve notre marché », résume José Ángel González. Durant plusieurs années, l’entreprise a donc principalement travaillé à l’électrification d’une partie de Kinshasa, avant de s’attaquer à celle de Luanda et de Lomé. D’autres projets, financés par des institutions multilatérales tels que la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale ou encore l’Agence française de développement (AFD), se sont ensuite succédé au Kenya, puis dans le reste de l’Afrique. Après les villes, l’entreprise espagnole s’est intéressée au raccordement électrique des zones rurales. Pour certaines, comme MbanzaKongo (dans le nord de l’Angola), Goma et Bukavu (en RD Congo),

« Nous misons sur le développement de ces mini-grids, qui sont l’avenir de la distribution d’électricité sur le continent, ainsi que sur la mise en concession de lignes à haute tension, confie José Ángel González. On a besoin d’investissements privés dans le secteur. Les gouvernements sont endettés et doivent faire appel à des capitaux privés pour construire et exploiter les réseaux, à l’image de ce qui se fait sur les autoroutes privées. » Chargé du fonctionnement et de la maintenance de la centrale hydroélectrique de Mount Coffee, au Liberia (capacité de production : 80 MW), AEE Power a également dirigé toutes les étapes du développement d’une centrale photovoltaïque de 5 MW dans la mine de Rosh Pinah, en Namibie : promotion, construction, maintenance. Bien que de taille modeste, ce projet a valeur de symbole pour l’entreprise, puisqu’il est le premier en Afrique, dans le domaine des énergies renouvelables, à bénéficier de l’apport de fonds privés. L’entreprise travaille aujourd’hui dans treize pays africains. Elle dispose d’un portefeuille de 29 contrats, dont la valeur avoisine 400 millions de dollars. « Nous ne menons pas une politique opportuniste qui consisterait à monter un projet puis à partir. Notre vocation est de rester sur le long terme. Nous misons donc sur le talent de notre personnel, qui est à 90 % africain. En ce sens, nous sommes uniques », insiste le président d’AEE Power, dont le siège reste à Madrid.


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TROIS QUESTIONS À

Dagauh Komenan « Premier objectif de Madrid : mettre fin à l’immigration clandestine » Spécialiste des relations hispano-africaines, l’historien ivoirien décrypte les dernières évolutions de la diplomatie espagnole. Jeune Afrique : Quelles relations l’Afrique et l’Espagne ont-elles entretenu au cours de l’Histoire ? Dagauh Komenan : Avec les îles Canaries et les enclaves de Ceuta et Melilla, l’Espagne est africaine, mais elle n’a jamais vraiment assumé son africanité. Dès les années 1970, avec le retour de la démocratie, elle a choisi d’entrer dans l’Union européenne et de tourner le dos à son passé colonial. Depuis, quand elle intervient sur le continent africain, c’est

pour résoudre des tensions ou des conflits. Depuis quelques années, Madrid s’intéresse de près à l’Afrique subsaharienne. Pour quelles raisons ? Elle veut avant tout mettre fin à l’immigration clandestine. Lors de la crise de 20062007, plus de 30000 migrants ont débarqué sur ses côtes, ce qui l’a obligée à s’intéresser au continent africain. Elle a élaboré les Plans Afrique I et II, et a créé la Casa África, aux Canaries. En 2019, avec le Plan Afrique III, Madrid a

élaboré une nouvelle stratégie pour tenter de réduire l’immigration clandestine : elle mise sur des pays africains clés, en se fixant pour objectif de soutenir leur croissance de manière à en faire des pôles d’attraction économique. En juillet, José Manuel Albares, le ministre des Affaires étrangères, a réservé sa première visite en Afrique au Sénégal et à la Mauritanie. Pourquoi ces deux pays ? Compte tenu des préoccupations de Madrid, ces

deux pays présentent un intérêt stratégique. Lors de la crise de 2006, beaucoup de migrants sont venus de Mauritanie. Par ailleurs, les Sénégalais forment la première communauté d’Afrique subsaharienne en Espagne. Faire en sorte qu’ils aient un certain niveau de vie chez eux permettrait de réguler les flux migratoires. Tout est lié. Dans les trois Plans Afrique, le Sénégal apparaît comme un pays clé. Propos recueillis par Marie Villacèque

En 2020, la production d’énergie renouvelable représentait 9 % de la production totale d’énergie en Afrique malgré un immense potentiel de génération d’énergies renouvelables. Selon l’International Energy Association (IEA), les énergies renouvelables devraient représenter 85 % des 286 GW d’augmentation de capacité attendue entre 2020 et 2030.

L’Afrique, nouvel « eldorado » des énergies renouvelables ? Miguel A. Hernández, Directeur Général

Cela signifie qu’il existe un énorme potentiel principalement exploité par le Maroc, l’Égypte et l’Afrique du Sud. Le Maroc, pionnier en Afrique francophone, est un exemple pertinent en termes de développement d’énergies renouvelables. Sa production d’énergie renouvelable destinée aux marchés nationaux et internationaux, en Afrique comme en Europe, en raison du projet ambitieux d’approvisionnement énergétique depuis le Maroc vers le Royaume Uni. Cependant, notre expérience en Afrique montre qu’il est encore nécessaire d’éliminer plusieurs barrières avant que le continent devienne le nouvel eldorado du renouvelable. Entre autres, la réglementation doit être modifiée, la flexibilité et le stockage doivent être améliorés pour éviter les coupures d’électricité. Une rapide modernisation des entreprises électriques est également à prévoir pour assurer l’expansion des infrastructures nécessaires à la croissance du continent. L’Afrique est destinée à connaître un fort développement en termes d’énergies renouvelables dans les prochaines années. Mercados-Aries International a déjà aidé de nombreux pays d’Afrique francophone et anglophone à surmonter ces obstacles et à soutenu de nombreux développeurs d’énergie vertes. Nous sommes convaincus que l’Afrique sera bientôt l’eldorado du renouvelable ! Avenida de Burgos 12 | 13th étages 28036 Madrid | Espagne - Tél. : +34 91 579 52 42 Email : contact@mercadosaries.com www.mercadosaries.com


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