Le président sénégalais, lors d’un Conseil national de la consommation, le 6 novembre.
OBJECTIF DAKAR
COÛT DE LA
Macky Sall casse les prix
Lorsque le chef de l’État s’adresse aux Sénégalais, ce 16 septembre, jamais sa coalition n’a été en si délicate posture. Les élections légis latives de mi-mandat ont marqué l’avancée sans précédent de l’op position, qui a été à deux doigts de remporter la majorité à l’Assemblée en juillet. Macky Sall s’apprête à annoncer la composition de son gouvernement remanié et la nomination d’Amadou Ba au poste de Premier ministre, lequel avait été supprimé à sa réélection, en 2019. Certains s’imaginent alors que le président va s’ex primer sur sa potentielle candidature à la présidentielle de février 2024, commeildevaitdéjàlefaireaulende maindeslégislatives.Iln’enserarien.
Macky Sall adopte en revanche une posture d’unité, insiste sur le « vivre-ensemble » et la stabilité dont jouit le pays. Il s’attardera surtout sur la flambée des prix du pétrole et des denrées de première nécessité, alors qu’une inflation galopante (entre 12 % et 14 %) frappe le Sénégal comme le reste du continent. « Les mesures d’allègement du coût de la vie et de soutien à l’emploi et à l’entrepreneuriat des jeunes, la lutte contre les inondations, la cherté des loyers resteront pour moi la priorité des priorités », déclare le président, qui promet de nouvelles mesures. « Mon souci, c’est de tout faire pour rendre le quotidien plus supportable pour tous », ajoute-t-il.
Ces mesures sont annoncées le 6 novembre, après trois semaines de concertation avec les associations de consommateurs, les commerçants et les entreprises. Dix-huit commis sions ont présenté leurs propositions au Premier ministre, qui a réalisé un premier arbitrage, avant de les faire validerparlechefdel’État.Leprixdu kilo de riz brisé a été fixé à 325 F CFA
contre 350 F CFA (0,49 euro, contre 0,53), celui de l’huile passe de 1 200 F CFA à 1 100 F CFA. Des réductions de loyer ont aussi été arrêtées : de 5 % de réduction pour les loyers de plus de 500000 F CFA (750 euros), de 10 % pour ceux allant de 300000 F CFA à 500000 F CFA, et de 20 % pour ceux inférieurs ou égaux à 300000 F CFA.
La capitale sénégalaise est particulièrement concernée par cette dernière mesure, qui manque de milliers de logements et où les loyers ont explosé : 200 % d’augmentation depuisladernièretentativedebaisse, en 2014, a annoncé le président. Près d’un quart de la population du pays se concentre sur l’espace réduit de la presqu’île,quioccupemoins de0,3 % de la superficie du territoire national.
travaux, avant de relouer beaucoup plus cher Une pratique pourtant punie d’une amende de vingt-quatre mois de loyer calculée sur le dernier montant réglé « Les locataires n’ont pas été nombreux à recourir à la loi, ils ont préféré aller chercher ailleurs », précise Elimane Sall. Selon une enquête de l’Agence nationale de la statistique, seuls 41,1 % des Dakarois étaient propriétaires de leur logement en 2021, quand la moyenne nationale était de plus de 70 %.
« La situation est devenue intenable. Désormais, la location d’une chambre avec salle de bains revient à près de 85000 F CFA dans la capitale », soit quasiment le montant du salaire mensuel moyen, qui est de 90000 F CFA. « En matière de loyer, Dakar rivalise avec les capitales du monde entier », ajoute Elimane Sall. La ville a d’ailleurs été classée ville la plus chère d’Afrique de l’Ouest en 2022 pour les expatriés par le cabinet Mercer. Cette étude, qui se fonde sur des critères divers tels que l’immobi lier, la nourriture, le transport, l’habillement ou les loisirs, fait de Dakar la 8e ville la plus chère du continent et la 65e ville la plus chère au monde.
Contrôle
Les choses seront-elles différentes cette fois-ci? « Depuis des décennies, on n’a cessé de prendre des décisions pour réglementer le secteur, qui est déstructuré, quasi informel, sous aucun contrôle de l’État sur le terrain, et régi par des lois qui ne sont pas appliquées », rappelle Elimane Sall, président de l’Association pour la défense des locataires du Sénégal (ADLS). Une dérégulation qui a provoqué une flambée des prix dans la capitale au début des années 2000. Par ailleurs, l’instabilité régionale a entraîné une vague de candidats à la location à Dakar, et a fait exploser le marché.
Présent lors des concertations nationales de cette fin de 2022, Elimane Sall attend avec impatience la mise sur pied d’un véritable organe de régulation et de contrôle. Lorsque l’État avait tenté de faire baisser les prix des loyers en 2014, de nombreux propriétairess’étaientcontentésd’ex pulser leur locataire en prétextant une occupation personnelle ou des
Le porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, assure quant à lui que les baisses seront bien appliquées à la fin de novembre, et contrôlées par une commission de régulation spécifique, afin que soient évitées les erreurs de 2014. La baisse des prix des denrées alimentaires pourra être réévaluée dès février 2023.
L’annonce de ces mesures n’a pas manqué de faire réagir l’opposition. Le secrétaire général du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, a ainsi affi ché son scepticisme : « Le peuple sénégalais est perdu devant des baisses annoncées qui ne tiennent que sur le papier. En 2014, la loi sur les loyers n’a donné aucun résultat. Mais, pour masquer ses carences à apporter des réponses aux souf frances des Sénégalais, le président Macky Sall a voulu introduire des baisses », dénonce le bras droit de l’opposant Ousmane Sonko
Trois des produits concernés par la baisse des prix le riz, le sucre
Seuls 41,1 % des Dakarois étaient propriétaires en 2021, quand la moyenne nationale était de 70 %.
et l’huile constituent la base de la consommation des ménages à Dakar, à Ziguinchor ou encore à Louga. Cela permet d’envoyer un « message posi tif » aux ménages, estime Ollo Sib, chercheur senior pour l’Afrique de l’Ouest au Programme alimentaire
alimentaire,unprixindexésurl’infla tion.« Selon lesdernières estimations d’octobre, cette inflation est de 19,5 % pour les produits alimentaires, ce qui fait du Sénégal le pays de la zone CFA le plus touché », ajoute Ollo Sib.
Problème de stockage
La valeur du MEB est plus élevée à Dakar que dans le reste du pays, précise le spécialiste. « En valeur, les ménages dépensent environ 2 à 2,5 fois plus par membre de la famille à Dakar que partout ailleurs dans le pays », selon l’enquête de l’Agence nationale de statistique citée plus haut. De même, le taux de chômage est plus élevé dans la capitale (12,9 %) que dans l’ensemble du pays (11,6 %).
les secteurs concernés. » « Des dis positions budgétaires et fiscales ont été instaurées » pour protéger les producteurs, répond celui qui est aussi ministre du Commerce et de la Consommation, Abdou Karim Fofana : « Notre problème aujourd’hui n’est pas la capacité de production, mais la capacité de stockage. Si nous arrivions à stocker, nous pourrions couvrir les besoins de toute l’année et même exporter. Les investissements de l’État se consacreront à ce domaine. »
mondial (PAM). « Ces mesures béné ficieront à l’éducation et à la santé », précise-t-il. En 2019, le PAM évaluait à14000 FCFAle« panierdedépenses minimum » (MEB) par mois et par personne pour les dépenses alimen taires, et à 3300 F CFA le panier non
Le spécialiste du PAM s’inquiète toutefois de l’effet négatif que ces plafonnements pourraient avoir sur le long terme : « En 2008, de telles mesures ont été mises en place dans beaucoup de pays, mais on a observé qu’elles ne créaient pas de motivation à l’investissement dans
Il existe une autre manière de lut ter contre cette dépendance à l’importation, ajoute Ollo Sib : les achats groupés afin de mieux négocier les prix, et le renforcement des échanges intra-africains. « La Zone de libreéchange continentale africaine [Zlecaf] doit faciliter les échanges sur le continent. Cela permettrait de réduire la facture des importations des produits de base et de renforcer nos économies, pour enrichir le voisin plutôt qu’un pays éloigné. »
Abdou Karim Fofana
Ministre du Commerce et de la Consommation, et porte-parole du gouvernement « Mettre en œuvre le programme
Baisse du prix du riz, de l’huile, du sucre, des fournitures scolaires ou encore des loyers : les différentes mesures annoncées par Macky Sall au début de novembre seront d’abord appliquées dans la capitale. À Dakar, où réside près d’un quart de la population, l’inflation galopante et la bulle spéculative de l’immobilier rendent la situation intenable pour une grande partie des Sénégalais.
Quepeut-onattendredesdécisions prises par l’exécutif, et comment s’assurer qu’elles soient appliquées? L’ancien responsable du ministère de l’Urbanisme, Abdou Karim Fofana, nomméministredelaConsommation et du Commerce et porte-parole du gouvernementenseptembredernier, a reçu JeuneAfrique pour en détailler les enjeux.
JeuneAfrique:Commentgarantir l’applicationdesmesuresde contrôledesprixannoncéesparle chefdel’État?
AbdouKarimFofana: Notre dispositif de contrôle entrera en action le 14 novembre dans les 35000 boutiques répertoriées de Dakar. Soixante-cinq agents de commerce seront mobilisés pour informer les commerçants. Le simple fait de ne pas publier les affiches d’indication des prix pourra faire l’objet d’une sanction. Les dispositifs seront ensuite étendus au reste du pays, avec une légère différence de prix due aux coûts d’acheminement des produits.
Concernantlabaissedesloyers, commentéviterquelesbailleurs nesecontententd’expulserleurs locataires?
Pour pallier les manquements de la précédente mesure de 2014, nous avons mis en place une commission nationale de régulation des loyers et des affaires immobilières dès la
fin de novembre, au moment où la baisse a été appliquée. L’idée est de créer un organe efficace et rapide, et d’éviter que les contentieux aillent directement au tribunal.
Deplusenplusdepropriétaires refusentleslocatairessénégalais.Cettecommissionpour ra-t-ellesesaisirdecescasde discrimination?
Ce sont des pratiques discriminatoires intolérables. Vous pouvez demander que le bail de votre locataire soit résilié s’il est malveillant ou irrégulier dans ses paiements, mais vous ne pouvez pas exclure une personne à cause de ses origines, a fortiori des nationaux, pour augmenter le prix du loyer… La commission pourra se saisir de ces questions, avec l’aide des délégués de quartier, qui pourront filtrer les plaintes pour plus d’efficacité.
Lecoûtdelaviedanslacapitale estparticulièrementélevépar rapportausalairemoyen.Quelles mesuresstructurellessontenvisagéespouraméliorerlaqualitéde viedespopulations?
Dans le triangle Dakar-Thiès Mbour, l’explosion démographique
et la valeur foncière atteignent des niveaux insoupçonnés. Dakar est un îlot de stabilité politique, et beaucoup de nos cousins de la sous-région sont intéressés par les gains immobiliers à y réaliser. C’est pour cela que mon successeur à l’urbanisme, Abdoulaye Saydou Sow, travaille à la mise en œuvre du programme « 100000 logements », avec la création de 28 pôles urbains au Sénégal.
La baisse des prix ne risque-t-elle pas, à long terme, de décourager la production locale?
L’État a mis en place des dispositions budgétaires, fiscales, d’allége ment des droits de douane et de la TVA pour les producteurs de façon que ces baisses n’affectent pas leur exploitation. Par exemple, la taxe d’assise pour les corps gras est une mesure prise pour les industries locales de raffinage d’huile Autre exemple : les meuliers qui achètent leur blé à l’extérieur mais font de la farine pour les boulangers sont concernés par la subvention sur le blé. Propos recueillis à Dakar par Marième Soumaré
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directeur de l’Université africaine de sciences et technologies, à Dakar, le 4 novembre.
Les sept vies d’Aliou Sall
Depuis sa défaite aux élections locales de janvier, le frère du président sénégalais s’est reconverti dans la gestion de deux instituts d’enseignement privé. Un énième rebond pour un homme à qui l’éclectisme tient lieu de boussole
BAOn l’avait perdu de vue au début de mars 2022, alors que les récentes élections locales l’avaient écarté de la mairie qu’il avait conquise près de huit ans plus tôt. À Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, dont il s’est fait déloger par le journaliste Ahmed Aïdara, Aliou Sall avait toutefois livré un baroud d’honneur qu’il avait détaillé à JA.
Le frère du président sénégalais nous avait alors parlé à mots couverts de sa nouvelle activité, dont il ne
souhaitaitpasencorefaireétatouvertement. Naviguant depuis dix ans entre le privé, la fonction publique et ce mandat électoral en tant qu’élu local, Aliou Sall, tel un Gaulois de la bande dessinée Astérix, a régulièrement l’impression que le ciel va lui tomber sur la tête en raison de son lien de parenté avec le chef de l’État. Désormais, le voici à la tête de deux instituts privés d’enseignement, à DakaretdanssonfiefdeGuédiawaye
« Depuis la réélection du président, en 2019, je souhaitais mettre
lapédaledouceenpolitique,résume t-il à JA Pas abandonner totalement ce domaine, mais faire aussi autre chose »
Depuis deux ans déjà, Aliou Sall préparait donc sa reconversion. « Je possède une société d’investisse ment qui est désormais actionnaire à 100 % d’un complexe scolaire à Sangalkam, dans la banlieue de Dakar. Nous avons débuté en octobre 2020 avec 200 élèves Cette année, il y en a 1 110, de la maternelle à la terminale », confie-t-il. Ce cours
GU ILLA UME BA SSINET POUR JA LeSÉNÉGAL: PORTE D’ENTRÉE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
Le commerce mondial est l’épine dorsale de la croissance économique durable.Depuis le démarrage en 2008 de nos activités au terminal à conteneursduportdeDakar,celui-ci est devenu une escale privilégiée desnavires allant de l’Europe vers le Sud.
Le Sénégals’apprête àrenforcer sa position de plaque tournante du commerce régional avec laconstruction du portmultifonction de Ndayane.Cenouveau portouvrira d’importantesopportunités économiques aux entreprises localesetamélioreral’attractivité du Sénégal aux investissements internationaux.
En fluidifiant le transportdes marchandisesàtravers le globe,nous contribuons au développement de la croissance économique régionaleentant qu’acteur de premier plan dans lessolutions de logistique intelligente.
privé a été baptisé « Amadu et Kumba », les prénoms de ses parents.
L’école applique le programme fixé par le ministèrede l’Éducation natio nale, tout en y apportant certaines innovations, comme l’enseigne ment de la religion, et en particulier du Coran, ou encore l’apprentissage de l’anglais dès le cours élémentaire. Le numérique y est également mis à l’honneur, les classes étant équipées de tablettes interactives pour que les élèves apprennent à effectuer des recherches sur internet. « Nous avons fait de cet apprentissage une norme pédagogique, et nous recevons d’excellents retours des parents sur l’enseignement bilingue en français et en anglais », se félicite Aliou Sall.
Une deuxième entité vient com pléter le tableau de sa nouvelle vie : l’Emia, l’Université africaine des sciences et technologies. « C’est un institut de formation que j’ai repris à un ami durant la crise due au Covid-19, en 2020, car celui-ci rencontrait alors des difficultés. J’essaie aujourd’hui de le réorienter vers les métiers des sciences et technologies. Notamment l’agronomie, l’informatique décisionnelle, le génie civil et, bientôt, l’électrotechnique, les énergies renouvelables ou encore les métiers de la mécanique et de l’industrie. »
est difficile de dénicher des enseignants qualifiés et de les rémunérer correctement, difficile aussi d’obte nir les accréditations requises auprès de l’Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation [Anaq-Sup]. »
Ancien maoïste
Tel le chat dans diverses cultures occidentales ou orientales, Aliou Sall a eu plusieurs vies. Après avoir milité à la gauche de la gauche sénégalaise dans sa jeunesse (au sein d’And Jëff, d’obédience maoïste), ce diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) commence sa carrière professionnelle dans le journalisme. Après la victoire d’Abdoulaye Wade à la présidentielle, en 2000, il exerce plusieurs fonctions successives au service de l’État, avant de reprendre ses études. Diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) de Paris, il retourne ensuite au Sénégal, où son frère est entre-temps devenu l’un des piliers du régime Wade (ministre de l’Intérieur, Premier ministre…).
Ironie du sort : l’ancien militant maoïste s’envole ensuite vers la Chine, où il dirigera le bureau économique de l’ambassade du Sénégal. Une mission qui se compliquera à partir de la fin de 2008, lorsque Macky Sall entrera en disgrâce et s’en ira fonder son propre parti.
Guédiawaye, en 2014 (contre l’avis de son frère aîné, nous confiera-t-il), puis président de l’Association des maires du Sénégal. Après avoir démissionné de Petro-Tim, le voici nommé à la tête de la Caisse des dépôts et consignations. Il jettera l’éponge en 2019, après avoir été mis en cause dans une enquête de la BBC qui ressuscitera l’affaire Petro-Tim.
Selon Aliou Sall, « il y a de très belles offres d’enseignement supérieur à Dakar et dans sa région, mais 80 % d’entre elles, sinon plus, sont orientées vers le commerce ». « Or, ajoute-t-il, même si nous proposons un cursus en management, l’immense majorité de nos effectifs suit des filières scientifiques et technologiques. C’est en effet dans ces secteurs que l’on constate un déficit criant de formations supérieures : il
C’est d’ailleurs en Chine qu’Aliou Sall sera présenté à Franck Timis, un homme d’affaires australo-roumain notamment actif dans l’exploration gazière et pétrolière. Après la victoire de Macky Sall à la présidentielle, en 2012, le businessman se tournera vers le frère cadet du nouveau chef de l’État pour qu’il gère Petro-Tim Sénégal, une société qui recevra des concessions d’exploration offshore d’Abdoulaye Wade peu avant sa défaite, mais que Macky Sall validera au lendemain de sa victoire. Révélée deux années plus tard, l’affaire fera scandale, Aliou Sall étant soupçonné d’avoir bénéficié des largesses du chef de l’État pour s’enrichir dans le privé.
Entre-temps, celui qui n’avait jamais vraiment pris ses distances avec la politique a été élu maire de
Aujourd’hui, c’est donc dans l’enseignement privé qu’il rebondit, une activité qu’il dit avoir mûrie de longue date. « Lorsque je cherchais à devenir maire de Guédiawaye, j’avais fait de l’éducation l’une de mes priorités, sinon la principale. Je m’étais rendu compte que l’en seignement public ne répondait qu’à environ 40 % de la demande scolaire et que les effectifs des classes étaient parfois très élevés. Quant au privé, il montrait lui aussi des lacunes par rapport aux normes requises, notamment en matière d’infrastructures Au terme de mon mandat, je me suis donc consacré à plein temps à cette activité. » Son objec tif, indique-t-il, c’est d’avoir un institut doté d’un équipement de haut niveau, processus qui est encore en cours d’achèvement : « D’ores et déjà, nous disposons de deux laboratoires : l’un de biochimie, l’autre d’informatique. Sans compter un terrain d’application pour les étudiants en génie civil. Et cet effort se poursuivra l’année prochaine avec un labo électrotech. »
Et la politique?
Provisoirement en retrait de la politique, et préférant la discrétion dans sa nouvelle vie, Aliou Sall n’a toutefois pas dit son dernier mot en tant que militant. Récemment, plusieurs cadres de la mouvance présidentielle ont critiqué son absence sur le terrain politique depuis les élections locales de janvier « Je le reconnais et je l’assume, répond-il. Je n’ai pas abandonné le militantisme mais je ne vis pas de la politique Je consacre désormais plus de temps à ma nouvelle activité, c’est tout. En revanche, je reste le coordinateur de l’Alliance pour la République (APR) et de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) à Guédiawaye. » Reste à savoir où il rebondira ensuite.
Son objectif : insister sur les métiers des sciences et technologies, où l’on constate « un déficit criant de formation ».
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Dakar Dem Dikk peut-il passer à la vitesse supérieure?
L’opérateur public de transports en commun entend jouer un rôle croissant pour fluidifier le trafic dans l’agglomération. Il devra pour ce faire renouveler une flotte de bus aujourd’hui décimée.
THÉO DU COUËDIC, À DAKARL«e parc est pratique ment à terre, on peine à sortir 50 bus par jour dans Dakar et sa banlieue, la situation est inte nable » C’est le constat dressé par Alioune Badara Konaté, secrétaire général de l’Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (DDD), qui appelle de ses vœux le renouvellement du parc automobile de l’opérateur public de transport, fondé en 2001. Selon le responsable syndical, sur les 475 véhicules reçus par Dakar Dem Dikk en 2016 faisant suite à un contrat passé avec le constructeur indien Ashok Leyland (Hinduja Group) –, une grande
partie serait aujourd’hui hors service. Si, selon nos informations, un contrat commercial a été signé cet été entre le gouvernement sénégalais et le constructeur automobile franco-italien Iveco Group concernant la livraison de 1400 véhicules, en deux phases, le dossier ne semble pas aujourd’hui totalement ficelé. En juillet, l’ancien directeur général de DDD,OmarBounkhatabSylla,parlait d’une arrivée « imminente » de ces nouveaux bus, dont la durée de vie devrait être comprise entre quinze et vingt ans. Quatre mois plus tard, son remplaçant, Ousmane Sylla par ailleurs élu maire de Kédougou lors des dernières élections locales
repoussait cette livraison « à la fin du premier trimestre » de 2023.
Une carte à jouer
Sur le papier, la société dispose pour tant d’une importante marge de manœuvre pour davantage compter dans la mobilité urbaine de Dakar et sabanlieue quireprésententprèsde la moitié de la population urbaine du pays. Selon une récente étude réalisée par la fondation Friedrich-Ebert surlesdéfisdel’urbanisationàDakar, seulement 6 % de la demande en transports est assurée par DDD. Les minibus Aftu (Tata) seraient les plus utilisés, avec 35 % des déplacements, suivis des cars rapides (20 %), des
Les nouveaux autocars Dakar Dem Dikk lors de leur réception, le 20 juillet 2022.clandos (12 %), des taxis (10,5 %) et des Ndiaga Ndiaye (4 %). Par ailleurs, la marche serait le mode de déplacement le plus usité, à hauteur de 70 % du total.
DDD a donc une carte à jouer pour contribuer à désembouteiller la capitale, en appui du train express régional (TER), dont le deuxième tronçon qui desservira l’aéroport international Blaise-Diagne à partir de la ville nouvelle de Diamniadio est actuellement en construction, ainsi que du Bus Rapid Transit (BRT) qui devrait être mis en service courant 2023. Ce dernier projet d’envergure sera composé de 121 bus qui transiteront à travers 23 stations réparties sur 14 communes, de la gare ferroviaire de Dakar à la mairie de Guédiawaye.
En attendant la finalisation du dossier Iveco, Dakar Dem Dikk devra composer avec les moyens du bord. « Sur le parc actuel, qui couvre Dakar et sa banlieue, seuls 40 % des bus sontopérationnels»,estimeOusmane Sylla, qui a pris ses fonctions à la
mi-octobre et aimerait donner un nouveau souffle à la société.
« L’objectif, avant la fin de l’an née, c’est de faire circuler 120 bus par jour », ambitionne ce patron de 42 ans, qui a passé l’essentiel de sa carrière à des postes de direction au sein du groupe sidérurgique ArcelorMittal, en Europe et en Afrique. « Il y a un travail de maintenance à venir, la plupart des bus sont réparables », estime celui qui voit en DDD « un potentiel extraordinaire » à développer.
Des projets dans la sous-région
Outre la desserte de Dakar et de sa banlieue une quarantaine de lignes–,ainsiqueletransportpérisco laire, l’opérateur est également actif, depuis 2017, sur le territoire national avec la couverture de 17 villes dans les 14régionsdupays Enjuillet,lasociété a reçu 33 bus modernes équipés de ports USB, d’une connexion wifi et de sièges inclinables pour renforcer ce volet périurbain.
« Nous avons également de nombreux projets dans la sous-région », indique Ousmane Sylla. Mauritanie, Maroc, Côte d’Ivoire : la société souhaiterait à terme desservir les capitales environnantes. Des ambitions déjà évoquées en 2020 avec le lancement d’Afrique Dem Dikk qui se cantonne depuis lors à des liaisons quotidiennes avec la Gambie.
Dernière mise en œuvre dans la stratégie numérique de l’opérateur : la signature d’une convention avec l’entreprise de mobile money Wave pour l’achat de billets par voie digitale. Ce service était déjà disponible auprès d’Orange Money. Le groupe travaille aussi à la digitalisation d’informations en temps réel, comme les retards ou les numéros de voies… Si DDD semble avoir toutes les cartes en main pour améliorer la situation des transports à Dakar et dans le pays, « la seule chose qui nous freine pour le moment, c’est le manque de bus », estime le syndicaliste Alioune Badara Konaté.
POUVEZ-VOUS NOUSPARLER DES DÉBUTS DE SENICO EN QUELQUESMOTS?
Nous sommes en 1989, de jeunes et dynamiquesfrères riches uniquement de leur fine connaissance des réalités socioculturelles, décident de se lancer dans la commercialisation de thé. AKeur Massar lointaine banlieue de Dakar,leGIE DIA &FRERESvoitlejour et commence, dans une boutique, la distribution d’une marque unique de thé appelée Thé La Force.
Aujourd’hui le GIE est devenue la SENICO SA (SENEGALAISE INDUSTRIE ET COMMERCE) une unité industrielledepremier ordre qui produitconditionne et commercialise ses propres marques.
Dotée des derniers outils de pointedela technologie agro-alimentaire, la SENICO SA a fini de par la qualitédeses produits fabriqués, àsehisser au premier rang et àdevenir un des fleurons de l’industrie agroalimentaire sénégalaise.
Nous capitalisons une présence sous régionale au niveau de 12 pays et même àl’Internationale dans 02 pays.
Nous mettons sur le marché un large éventail de produits tel que le lait, les bouillons culinaires, la pâte àtartiner chocolatée, la margarine, l’huile, la moutarde, la mayonnaise, les boissons chocolatées, le vinaigre et les pâtes alimentaires. Nous disposons de 15 marques, plus de 90 références.
QUELLESSONT LES PARTICULARITÉS DE VOSPRODUITS ET COMMENT DÉCRIRIEZ VOUS LA CHAÎNE DE VALEUR DE SENICO ?
L’utilisation de la nouvelletechnologieest partie prenante pour valoriser et améliorer la qualité de nos produits. Nos processus de fabrication sont extrêmement pointus, avec le respect des normes d’hygiène et de sécurité alimentaires les plus strictes. Nos équipementsàlapointe de la technologiededernière génération sont dotés des critères de conformité au point de garantir les standards de haute qualité. Les succès-stories de JADIDA, FLECHA, HALIB, KADI, leaders incontestables dans leur domaine respectif sont une réponse logique de l’excellentaccueil que leur ont réservéles consommateurs réputés très critiques en termedegout.
Nous attachons un engagement fort àla
qualitéafindemettre àladisposition de nos clients des produitsdequalité et aussi s’engager auprès de nos fournisseurs sur une
D’EMPLOI ?ENAFRIQUE ?
Notre apport dans l’économie est significatif Nous créons des milliers d’emplois directs et indirects, avec une importante contribution fiscale, et soutenonsledéveloppement social des communautés locales.
Nous généronségalement de nombreux autres emploisdans des secteurs connexes. Nous avons des représentants dans presque tous les pays partenairespour la distribution de nos produits.
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QU’ESTCEQUI VOUS DÉMARQUE DE VOS CONCURRENTS ?
Notre stratégie est axée sur une croissance cohérente, compétitive, rentable et responsable. Nous avons mis en place un programme de développement durable ambitieux pour nous attaquer aux problèmes qui préoccupent nos consommateurs et les acteurs concernés en favorisant l’inclusion sociale.
Senico accompagne les consommateurs tout au long de la journée :dupetit déjeuner au diner
Notre ambition est de nous hisser au rang de Leader dans le domaine agro-alimentaire, nous allons donc continuer àdévelopper des produits de qualitéà justeprix.
QUELLESSONT LES INNOVATIONS À VENIR ET VOSPROCHAINS DÉFIS?
Axant notre recherche sur toutes les sciences de l’Alimentation, l’innovation atoujours été au cœur du développement de la SENICO Chaque jour,nous avons la résolution de rendre nos produits meilleurs et plus sains dans le but d’aider les consommateurs à prendre soin d’eux et de leur famille.
L’innovation de l’année 2023 est le démarrage effectif de l’unitédeproduction de pâtes alimentaires (macaronni, vermicelle, spaghetti, torsade )d’une capacité de 150 tonnes par jour,l’une des plus grandes de l’Afrique de l’ouest. Ce qui nous pousse àavoir un challenge majeur qu’est la conquête du continent africain.
VOTRE RÔLE DANS L’ÉCONOMIE DU SÉNÉGAL ?ETQUEL EST VOTRE POUVOIR
Notre politique RSE s’aligne sur les besoins et préoccupationsdenos clients, sur l’environnement, mais également de nos employés. SENICOintègre des objectifs de développement durables dans sa feuille de route, en organisant des événements àfort impactsocialcomme le récital coran etc...
Nous accompagnonségalement des organisations caritatives locales en mettant à leur disposition des outilsetressources dans l’exercice de leurs missions.
De plus, notre engagement sur la santé publique, sur la religion, sur l’éducation, sur le sport, le bien-être et sur l’environnement sont des critères très déterminants.
À bonne adresse avec l’appli FindMe
MAWUNYO HERMANN BOKOJ«’habite au 84, rue YF-126, dans le quartier Nord Foire,auxAlmadies.»C’est désormais ainsi que Gora Gueyeindiquesondomicileauxamis et parents qui veulent se rendre chez lui. L’adresse créée à partir de l’application FindMe (« trouve-moi ») est également visible sur la plaque bleue commandée grâce à la même solu tionnumérique queceretraitédeLa Poste a fixée sur la façade de sa villa. Depuis la plateforme numérique, Gora Gueye peut aussi envoyer la géolocalisationdesademeure.«C’est beaucoup plus facile maintenant. Je n’aiplusàdire:“AllezderrièrelecimetièremusulmandeYoff”»,ironise-t-il.
Depuis plusieurs mois, FindMe propose aux Dakarois de générer gratuitementleurpropreadressepostale via son application éponyme. Avec la possibilité de la voir inscrite sur une plaque physique pour 10000 F CFA (environ 15 euros). « Une fois l’application téléchargée, l’utilisateur renseigne son identité et son numéro de villa. Il doit ensuite prendre en photo la devanture de son domicile. Ce qui nous permet d’obtenir les véritables coordonnées GPS de sa maison. À partirdecesdonnées,nosalgorithmes génèrent son adresse exacte en repé rant le nom de la rue puis le code pos talliéàl’arrondissementduquartier», explique Brandon Wanguep.
Cet ingénieur en mécanique des matériaux camerounais a fondé la start-up à Paris avec deux compatriotes : Romaric Takam et Duplex Éric Kamgang par ailleurs fondateur de Studely, un service financier qui accompagne les étudiants africains voulant poursuivre leur
parcours universitaire en France et en Allemagne
C’est en 2019, après avoir eu connaissanced’undrameliéaudéfaut d’adressage,queBrandonWanguepet sesassociésdécidentd’élaborerceservice. « Le père d’une amie est décédé chez lui, au Maroc, après avoir fait un malaise. Les ambulanciers ont mis plusieurs heures à trouver sa maison », déplore-t-il. À trois, donc, ils se lancent dans le développement d’un outil qui permettra à tout habi
liée à l’adressage », précise Fatou Mbaye, responsable du suivi et de l’évaluation des projets de La Poste.
Manque à gagner
À Dakar, 50 % des rues ne sont pas nommées Et ce taux est beaucoup plusfaibledanslesvillesdel’intérieur du pays. Dans certains quartiers, les résidences ne sont pas numérotées en dépit des nombreux programmes entrepris par les autorités. « Dans ces conditions,ilestdifficiled’acheminer lescourriersetlescolis.Nousperdons énormément de contrats avec les banques ou les entreprises parce que nous ne parvenons pas à satisfaire leurs demandes. Cela représente un manque à gagner pour La Poste », admet Fatou Mbaye.
tant du continent de disposer d’une adresse répondant aux normes internationales reconnues par l’Union postale universelle (UPU). Selon les Nations unies, plus de 4 milliards de personnes dans le monde vivent sans adresse postale, dont une majorité en Afrique.
En juillet 2020, l’innovation trouve un écho favorable auprès de La Poste du Sénégal lors d’un hackathon (contractionde«hacker»etde«marathon ») baptisé « Poste Challenge » et organisé par l’entreprise publique « Nous avions adopté une logique de numérisation des services postaux. Lors de ce hackathon, cinq solutions ont retenu notre attention, dont celle
L’application FindMe a ainsi sus cité l’intérêt de la société, qui y voit un moyen d’améliorer ses services de transport et de livraison express, à l’heure où les modes de consommation sont bousculés par le développement des places de marché en ligne, tellegéantnigérianJumia,également présentàDakar «Aujourd’huiencore, c’est au facteur de se débrouiller pour trouver le destinataire d’un courrier, avec,pourseulesindications,lequartier et le numéro de villa, s’il en existe un.Cen’estpasdutoutévidentetc’est épuisant », affirme Gora Gueye.
Incubée par La Poste du Sénégal et encore en test avant un lancement officiel d’ici au début de 2023, la start-up FindMe affirme avoir déjà généré plus de 15000 adresses dakaroisesetapposéplusde4000plaques physiques. Elle compte désormais s’implanter dans d’autres capitales, comme Cotonou et Abidjan.
Dans une capitale où la moitié des rues ne portent pas de nom, il est désormais possible d’indiquer avec précision où se trouve son domicile.
La start-up affirme avoir déjà généré plus de 15000 coordonnées dakaroises et apposé plus de 4000 plaques physiques.
Quand Barthélémy Dias veut que Dakar arrive à l’heure
Dans sa volonté de faire de la capitale une smart city, le député maire annonce l’installation d’horloges pour que ses citoyens soient ponctuels. Un nouveau coup de com?
Barthélémy Dias, 47 ans, l’enfant terrible de la politique sénégalaise, est donc maire de Dakar et semble, comme son père avant lui, décidé à faire monter le mercure dans le Landerneau politique local.
Barth, du surnom affectueux que lui donnent ses administrés, est fameusement connu depuis sa condamnation pour avoir dégainé un pistolet et occis un présumé nervi du Parti démocratique sénégalais de Wade père. (For)fait que le principal intéressé a toujours contesté pour lequel il a purgé une peine de deux ans de prison dont six mois ferme, récemment confirmée après qu’il en a fait appel.
Barthélémy en maire de Dakar, c’est une épine dans le pied du pouvoir incarné par Macky Sall. Et possiblement aussi dans la chaussure de son (futur ex ?) mentor, l’ancien maire Khalifa Ababacar Sall.
Il faut dire que, depuis son élection, en janvier, Dias adopte des postures très présidentielles sur les affiches qui annoncent ses événe ments. En boubou blanc majestueux pour son contre-sommet de l’eau en mars. En costume cravate bleu nuit impeccable, les mains jointes, pour « son » Forum mondial de l’économie sociale et solidaire (ESS), qui se tiendra en mai 2023.
Or un présidentiable sénégalais sérieux se doit de faire des promesses souvent un peu fantasques. Abdou Diouf avait ainsi fait miroiter la construction d’un moulin et d’un forage pour chacun des villages du pays. Abdoulaye Wade, quant à lui, avait laissé espérer une machine automatique à fabriquer du mafé. Aussi est-ce le putatif candidat à la présidence de 2024 qui parle quand Barthélémy Dias annonce dans CIOMag, au début d’octobre, que « Dakar ville smart, ce n’est pas qu’un souhait, c’est une exigence ».
Mécaniques ou numériques?
Disons-le, le député maire Barth est une start-up à lui tout seul. Son grand projet de l’instant : faire arriver les Dakarois à l’heure. Dans le cadre de la modernisation et de l’aménagement de l’agglomération, le programme « Dakar à l’heure », lancé par la mairie, consiste à « installer des horloges urbaines dans certains ronds-points et axes stratégiques de la ville dans le but d’améliorer la culture de la gestion du temps des agents écono miques ». Quèsaco? À l’heure et à l’ère où même l’horloge parlante de Paris a cessé de fonctionner faute d’usagers, Dias fils veut donc installer des Big Ben partout dans la capitale sénégalaise… Seront-ce des horloges mécaniques ou numériques? Tant
qu’à faire, peut-être est-ce l’impo sant Monument de la Renaissance africaine qui devrait accueillir l’horloge pour qu’elle soit vue de tous?
Entre les smartphones omnipré sents et les montres aux poignets, les gens ont pourtant bien des moyens de connaître l’heure! Quoique. Car, très souvent, les driankés sénégalaises, ainsi que l’on appelle les plantu reuses indigènes « dont la démarche ressemble à un alexandrin de douze pieds » pour reprendre le poète sénégalais Amadou Lamine Sall –, possèdent des montres plaqué or en panne depuis bien longtemps, qui servent plus de bijou que d’horloge Mais, non, il ne faut surtout pas « accélérer » une drianké… Quant aux jeunes générations, elles sont plus occupées à poster sur les réseaux sociaux qu’à regarder l’heure.
Résultats des courses? Tout le monde est toujours en retard à Dakar, sous le prétexte tout trouvé des embouteillages comme si c’était une nouvelle neuve! Et ceux qui arrivent à l’heure à leurs rendez-vous embarrassent leurs hôtes, qui les attendaient quarante-cinq minutes plus tard. Ainsi, il y a un adage wolof dont on peut affirmer qu’il est assurément faux : « Toutes les bonnes montres affichent la même heure. » Ousseynou Nar Guèye
«LEBRT ENTRE DAKAR ET GUÉDIAWAYE EST UN PROJET DE TRANSFORMATION URBAINE »
Quel est le contexte ?
Dakar est confrontée àune croissance très rapide de sa population. Celle-ci est passée de 400 000 habitants en 1970 à4 millions actuellement et devrait atteindre7millions en 2040. Cetteexplosion de la population urbaine s’accompagne d’une mise en tension de l’ensemble des réseaux, dont ceux liés aux transports. La situation actuelle se caracté rise par l’accumulation d’externalités négatives :congestion urbaine, pollution de l’air,sinistralité routière, etc. Le BRT, qui traverse les zones les plus densément peuplées et conges tionnées de Dakar,est une réponse àcette situation.
De quelle façon ? C’est d’abordunsystème de transport de masse efficace, incorporant les dernières technologies numériques disponibles (suivi en temps réel de l’exploitation, applications mobiles, etc.) et capable de transporter 300 000 passagers par jour en moyenne. Il seraintégréaux autres modes de transport (TER entreDakar et Diamniadioetlignes de bus de rabattement). Nous avons pris l’option de prioriser l’inves tissement sur la mobilité collective et active afind’apporter une réponse efficace àlaforte congestion routière. Il ya également un enjeu environnemental majeur.Nous avons opté pour une technologie zéroémission polluante :des bus articulés 100 %électriquesqui devraient permettred’éviter le rejet dans l’atmosphèrede59000 tonnes de CO2 chaque année. Ce seralepremier BRTdecette capacité 100 %électrique opérationnel en Afrique. Enfin, il ya une composante essentielle d’amélioration concrète du cadredevie des populations des communes traversées :aménagement du paysage urbain, éclairage public, signalisation et régulation du trafic, assainissement, revêtement et mobilier urbain, or ganisation du stationnement et de la logistique urbaine, etc. Pour vous donner un exemple, 15 %des investissements en
infrastructures de base du projet sont liés àl’installation d’un réseau d’assainissement neuf de 40 km pour l’évacuation des eaux de pluies. Il faut que l’infrastructuresoit résiliente, en traitant les quartiers traversés. Le BRTa été conçu dès le départ comme un projet comportant des transformations structurantes qui rendent la ville plus agréable àvivre. C’est un véritable projet de transformation urbaine.
Qu’en est-il de la gouvernance ? Des innovations importantes ont été introduites. En effet, un cadredegouvernance participatif apermis la libération apai sée des emprises et l’adhésion parfaite des populations. Parmi les outils mobilisés, citons le Plan d’Engagement des Parties prenantes (PEPP), le Plan de Gestion environnementale et sociale (PGES), l’installation d’un réseau d’ambassadeurs et de Comités locaux d’Information et de Suivi impliquant les populationsdes 14 communes traversées dans l’ingénie rie sociale. Parailleurs, nous avons mis en place une plate forme de suivi des indicateurs de développement du projet, depuis une situation de référence, en passant par la phase chantier,pour poursuivrelacollecte et l’analyse des données pendant l’exploitation àvenir.Ces initiatives, accompagnées par les autorités administratives et territoriales, marquent la volonté d’une recherche de performance inscrite dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale.
Un mot de conclusion ?
Le gouvernement du Sénégal compte poursuivreses ef forts de priorisation de l’investissement pour une mobilité durable. C’est dans cette perspective que le renforcement institutionnel du CETUD aété consacrépar loi cette année, avec l’extension de son périmètred’intervention permettant d’appuyerles villes secondaires dans la définition de stratégies de mobilité.
LE BRT EN BREF
18,3 kilomètres.
- 14 communes traversées.
23 stations et 3 pôles d’échanges.
- 158 bus articulés 100 %électriques.
- 300 000 voyageurs/ jour en moyenne.
- 59 000 tonnes de CO2 évitées chaque année.
-Mise en service : 2e semestre de 2023.
Thierno BIRAHIM AW Docteur en Économie des transports de l’École Nationale des Ponts et Chaussées -Université Paris Est, il dispose de 18 ans d’expérience professionnelle dans le domaine des transports et de la mobilité en milieux urbain et régional, pour le compte des secteurs privé et public.
L’eau de mer bientôt potable?
Pour réduire sa dépendance au lac de Guiers, sa principale source, Dakar se dote d’une usine de dessalement.
Le chantier de l’usine de dessalement suit son cours sur les hauteurs des Mamelles, les collines qui abritent le célèbre phare de Dakar. Lancé en grande pompe le 31 mai par le président Macky Sall, l’ouvrage est le premier du genre en Afrique de l’Ouest. L’usine, d’une capacité de 50000 m3 par jour (m3/j) extensible à 100000 m3/j, doit permettre d’amé liorer l’approvisionnement en eau potable de la capitale sénégalaise.
« Cette infrastructure servira d’appui à celles qui existent déjà et nous permettra d’atteindre, d’ici à 2026, une production de plus de 700000 m3 d’eau potable par jour », précise Charles Fall, directeur géné ral de la Société nationale des eaux du Sénégal(Sones),quiassurelamaîtrise d’ouvrage.
Dakar s’étend sur 0,3 % de la superficie du Sénégal. Mais la capitale concentreprèsde25 %delapopulation du pays, soit 3 millions d’habitants. Si les besoins actuels en eau potable sont de 600 000 m3/j, les autorités s’attendentàcequ’ilsaugmententd’ici quelques années avec la croissance démographique et l’émergence de nouveaux pôles économiques comme lanouvellevilledeDiamniadio « Nous avons décidé d’anticiper et de diversi fier nos sources d’alimentation afin de ne pas revivre les événements de septembre 2013 », explique Serigne Mbaye Thiam, le ministre de l’Eau et de l’Assainissement.
Cette année-là, les Dakarois avaient été privés d’eau potable pendant près de trois semaines en raison d’un incident survenu dans les installations
alimentées par le lac de Guiers, situé à 250 km au nord et principale source d’approvisionnementdeDakar.« L’un des deux conduits d’eau reliant les usines de traitement de Keur Momar Sarr à la principale ville du pays avait lâché. Sur les 300 millions de litres qui arrivaient quotidiennement dans la capitale à l’époque, un tiers était indisponible », raconte le directeur de la Sones. Plusieurs manifestations avaient alors éclaté, et la colère de la population était telle que Macky Sall avait dû écourter son séjour à New York, où il participait à l’Assemblée générale des Nations unies.
Réserve stratégique
L’exploitation des ressources souterraines étant par ailleurs limitée à une production insuffisante de 15000 m3/j, le Sénégal a décidé de se tourner vers le dessalement d’eau de mer pour prévenir de futurs aléas. La nouvelle usine, construite dans la commune de Ouakam par un groupement d’entreprises comprenant le français Eiffage et le suisse Wabag, servira également de réserve stratégique en cas de défaillance.
Pour autant, l’infrastructure composée de deux stations, l’une de pompage, l’autre de traitement ne fait pas l’unanimité. Plusieurs associations de défense du littoral craignent que son fonctionnement n’ait un impact négatif sur les ressources halieutiques et ne menace les activités des pêcheurs. En effet, pour dessaliniserl’eau,lesexpertsontprivilégiélatechniquedel’osmoseinverse.
« L’eau sera pompée sous très haute pression en mer par des membranes
semi-perméables dans l’objectif d’en retirer le sel », explique Charles Fall. Concrètement, un litre d’eau potable sera produit à partir de deux litres d’eau salée. Le litre de saumure sera rejeté en mer. « Le déversement de cette énorme quantité de sel dans la mer ne nous rassure pas », s’inquiète unhabitantduquartierdesMamelles.
Technique énergivore
Les usines de dessalement d’eau de merontconnuunvéritableessordans le monde à partir des années 1960. Pour couvrir leurs besoins en eau
OBJECTIF DAKAR
potable, plusieurs pays, notamment situés en zone aride, où il n’existe pas desourcesd’eaudouce,ontoptépour cette technique réputée énergivore. L’ONU recense plus de 15000 usines de ce type dans 177 pays, dont une majoritéauMoyen-Orient.Mais,dans un rapport publié en janvier 2019, l’organisation internationale a sonné l’alarme à propos des dangers de leur usage pour l’environnement. L’ONU indique en effet que le rejet de saumure dans la mer en très grandes quantités a des effets néfastes sur les écosystèmes marins.
« Les boues chargées de saumure seront rejetées à 500 m du littoral et vont se diluer dans la mer. Cette distance a été définie lors des études d’impactenvironnemental.Iln’yaura de risque ni pour la faune, ni pour la flore, ni pour les pêcheurs », affirme Serigne Mbaye Thiam, se voulant rassurant. Financée par un prêt de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica) de 200 millions d’euros,l’usinedevraitêtreopération nelle à la fin de 2024. Le projet inclut également la rénovation de plus de 300 km du réseau de distribution.
CCIS, GÉANT CACHÉ DE L’INDUSTRIE SÉNÉGALAISE
Créée en 1972, la Compagnie Commerciale et Industrielle du Sénégal (CCIS) est devenue en 50 ans l’un des leaders en Afrique de l’Ouest dans la fabrication de tuyaux PVC et PEHD, avec une capacité de transformation annuelle de plus 50 000 tonnes.
IMAD DERWICHE Directeur Général de CCISFatiya Diene Mazza, bâtisseuse du futur
Siège de la RTS, Maisons de la jeunesse, gare de Diamniadio… La directrice du cabinet ID+EA accompagne la ville dans son expansion en préservant son harmonie.
FRELANDFatiya Diene Mazza a grandi au Plateau, pas très loin de la Corniche Elle a passé son enfanceàmarcherdel’école à la maison, de la maison à la plage où est situé le célèbre restaurant Le Lagon. Une enfance heureuse, calme, sous les vents porteurs, ceux de l’harmattan et des alizés Elle a passé ses jours fériés à faire des dessins sous les planches du père, architecte installé au Plateau. Aujourd’hui, quand elle marche dans le vieux quartier, elle n’en reconnaît pas forcément les contours. Certaines villas abandonnées ont disparu sous de grands édificesdebéton,lesvendeurs à la sauvette sont partis ail leurs. Le quartier, plus propre, est désormais une zone de commerces et d’habitations luxueuses. « Dakar est en train de se développer à la verticale C’était devenu nécessaire car la population a explosé. Mais certains quartiers doivent préserver leur identité, c’est le cas du Plateau. L’État devrait mettre l’accent là-dessus, préserver le charme, c’est aussi assurer l’harmonie d’une ville en devenir. »
L’harmonie, voilà un mot qui revient souvent dans la bouchedeFatiyaDieneMazza, la directrice du bureau ID+EA, qui compte une vingtaine d’employés, majoritairement
africains. Ce dernier conduit notam ment l’agrandissement du siège de la Radiotélévisionsénégalaise(RTS),en bordure du Plateau. « Ma mère m’a donné ce rapport spirituel au monde. Lavieestpleinedecorrélations.Nous sommes en réseau, liés les uns aux autres. Et l’existence n’est pas faite que de hasards. Je crois à la logique des rencontres. »
C’est dans cet esprit que Fatiya Diene Mazza a pensé l’esprit du siège de la communication sénégalaise. « J’ai voulu que la RTS comme le Plateau fassent le lien entre le vieux Dakar et cette ville tournée vers la modernité. D’un côté, nous restaurons le bâtiment originel, construit dans les années 1990 par un architecte japonais, dans le plus grand respect de son dessin d’origine, tout en le faisant évoluer légèrement. De l’autre, nous agrandissons la structure générale en construisant un édifice de neuf étages en forme de cube, qui rappelle un peu un poste de télévision. Nous utilisons des matériaux ultramodernes, comme du béton fibré en façade pour faire passer les lignes hertziennes. »
Partir pour revenir
Ce qui ne passe pas inaperçu dans les réalisations de cette esthète, c’est le style, l’allure générale, cette harmo nie des formes et des couleurs. La tour principale en double peau de la RTS, d’une hauteur de 55 m, va surplomber la ville Elle abritera un amphithéâtre d’une hauteur de 10 m et d’une surface de 1000 m2 à la capacité de 585 places ainsi que deux studios pour la télé vision de 300 et 400 m2 , trois studios régie pour la radio, 55 bureaux, etc.
Elle a étudié l’architecture à Boston.
« Du dernier étage, on apercevra la mer, car Dakar c’est aussi l’évasion », précise cette rêveuse. Est-ce encore un hasard si Fatiya Diene Mazza a fait une partie de ses classes au lycée Jean-Mermoz, du nom de l’un des pionniers de l’aviation mondiale qui, avec son complice Antoine de Saint-Exupéry, posait dans les années 1930 les ailes de l’Aéropostale au Sénégal ? Une chose est sûre, Fatiya Diene Mazza a toujours rêvé d’ailleurs. Partir pour revenir. À l’image de la gare ferroviaire de Diamniadio, haut lieu de passage, dont l’architecture est, cette fois, empreinte d’un mouvement circulaire. « Diamniadio reflète le tourbillon d’énergies autour de la ville nouvelle… Par sa
FRANÇOIS-XAVIER QUENTIN MKAstructure en forme d’ovni, j’ai voulu montrer ce vers quoi le Sénégal tend : exister sur l’échiquier mondial. C’est un pays jeune avec un savoir-faire familial bien ancré. »
Le lien, toujours le lien. Pas de hasard. C’est aussi ce mouvement de toupie qui l’a menée à étudier l’architecture à l’université Northeastern, à Boston (États-Unis), avant de vivre quatre ans au Brésil entre São Paulo et le Nordeste, puis entre l’Arabie saoudite, les États-Unis et l’Italie,
le pays d’origine de son mari. Avant de s’installer à Dakar. « On est dans un monde globalisé. J’aime cette errance qui permet de ne pas s’enfer mer, de ne pas rester cantonné dans ses croyances… Mes influences sont riches, elles vont du style architec tural sénégalais aux formes iconoclastes de l’Irakienne Zaha Hadid en passant par le minimalisme du japonais Tadao Ando, le style singulier et créatif de Jean Nouvel, entre béton et lumière. J’aime réarranger les codes. Il est bon de voir ce que font les autres cultures, de s’en inspirer afin de concevoir et de créer pour son environnement local. »
Doha, Hawaï, San Francisco…
Avantdedevenirlacélèbrearchitecte sénégalaise qu’elle est aujourd’hui, Fatiya Diene Mazza a passé des heures à dessiner et à gommer des croquis d’aéroports internationaux à Doha, Salt Lake City ou Hawaï, lorsqu’elle était encore employée de l’immense cabinet américain Hok, à San Francisco. « Savoir d’où l’on vient
pour savoir où l’on va », dit l’adage. C’est pour cette raison que cette cosmopolite qui parle cinq langues couramment a décidé de revenir aux traditions à Nguering, sur la côte, près de Mbour, en construisant avec le soutien de la population locale une maison expérimentale en pisé inspirée des techniques écologiques en terre cuite de la mosquée de Djenné, au Mali, « tout en lui donnant un coup de “boost” vers la modernité ».
C’est aussi cette volonté de ne pas perdre de vue ses origines africaines qui l’a influencée dans l’ébauche des Maisons de la jeunesse déjà en construction dans plusieurs villes de province, notamment à Pikine ou Podor –, où sont reproduites des places de village, telles des agoras africaines. Lentement, mais sûrement, Fatiya Diene Mazza fait de son cabinet un kaléidoscope de collabo rateurs sénégalais mais aussi burki nabè, tchadiens ou comoriens. Un véritable porte-étendard de ce qu’elle appelle « l’architecture panafricaine contemporaine ».
PETER KUBIL US ASSISTÉ PA R JARED BO SLET « [La gare de] Diamniadio reflète le tourbillon d’énergies autour de la ville nouvelle… Par sa structure en forme d’ovni, j’ai voulu montrer ce vers quoi le Sénégal tend : exister sur l’échiquier mondial. »« Mes influences sont riches, elles vont du style sénégalais aux formes iconoclastes de Zaha Hadid, en passant par le minimalisme de Tadao Ando…»
Le vaccinopôle de Diamniadio en salle d’attente
VICTOIRE N’SONDÉ, À DAKARCe vendredi matin, aucun embouteillage n’est à déplorer sur le parcours. Quarante-cinq minutes après avoir quitté Dakar, le véhicule quitte l’autoroute bitumée pour s’engager sur une artère secondaire en terre rouge. Terminus Diamniadio, dans le département de Rufisque, site du futur vaccinopôle de l’Institut PasteurdeDakar(IPD),quis’étendsur plus de 3 hectares.
Pensée pour désengorger la capitalesénégalaiseetaccueillircertaines de ses administrations, Diamniadio est une ville nouvelle encore en devenir. Mais certaines infrastructures phares trônent déjà dans le paysage. Impossible que le majestueux stade Abdoulaye-Wade, inauguré cette année, échappe à la vue. Également, au loin, le nouveau siège des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest. Autre atout : les transports La ville se situe non loin du nouvel aéroport international Blaise-Diagne, et le train express régional la relie désormais au centre de Dakar en une vingtaine de minutes.
Surlechantierduvaccinopôle,deux bâtiments principaux se font face. Ils correspondent à deux futures unités de production de vaccins. D’une sur face de 2200 m², le premier bloc sera consacré au projet AfricAmaril, lancé en 2013 par l’IPD. Cette unité vise à accroître les capacités de production du vaccin contre la fièvre jaune, une maladie provoquée par le virus ama ril, d’où le nom du projet. Depuis les années 1930, ce vaccin est fabriqué au siègehistoriquedel’InstitutPasteur,à
Dakar même. De fait, l’IPD est la seule structure agréée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la fabricationdecevaccinàêtreinstallée en Afrique, les trois autres se situant au Brésil, en France et en Russie.
300 millions de doses par an Pour l’heure, c’est toutefois l’autre grand bloc du site qui fait l’objet de toutes les attentions. D’une superfi cieplusimportanteavecses3500 m², ce bâtiment est baptisé Madiba, acronyme de Manufacturing in Africa for Disease Immunisation and Building Autonomy, et en référence au surnom du président sud-africain Nelson Mandela. Il a été conçu pour accueillir une unité de fabrication de
vaccins contre le Covid-19 et d’autres maladies endémiques en Afrique. Au total, 350 personnes travaillent sur les différents sites du chantier, indique Roberto Alves, du départe ment infrastructures de l’IPD, chef deprojetsurle chantierMadiba.C’est lui qui joue les guides durant la visite.
Si la première pierre de Madiba n’a été posée qu’au mois de septembre 2021, sa construction pourrait bien s’achever avant celle d’AfricAmaril. « Madiba est le plus avancé des deux, confirme Roberto Alves. Il s’agit de deux projets dif férents avec des financements distincts, même s’il y aura de la synergie entre les deux. » L’implantation de Madiba sur le site qui hébergeait
Visite guidée du site de la future usine de fabrication de vaccins contre le Covid-19, qui devrait être achevée d’ici à la fin de 2023. L’Institut Pasteur de Dakar (IPD) investira d’ici à l’année prochaine les bâtiments, dans la banlieue dakaroise.LE PROGRAMME PLASEPRI/PASPED: UN PONTENTRE L’EUROPE,L’ITALIEETLESÉNÉGAL
Danslecadre desprogrammes de coopération déléguée, co-fi nancés parl’UnionEuropéenne (UE),l’Agence Italienne de Coopération au Développement(AICS) à Dakaramis en œuvre le programme PLASEPRI/PASPED, en collaboration avec le MinistèredelaMicrofinanceetdel’Économie Sociale et Solidaire du Sénégal. Il s’agitd’un programmecomposé de deux projets :PLASEPRIII(Plateformed’appui au secteur privéetàlapromotion deladiaspora sénégalaise) financé par l’Italie (13000 000 euros)etcofi nancépar le gouvernementsénéga lais par l’intermédiaireduMinistère desFinances(13 842000 euros)et le PASPED (Projetdelutte contre la migrationirrégulière parl’appuiau secteur privéetlacréation d’emplois au Sénégal),financé parl’UEdansle cadre du Fondsfiduciaired’urgence del’UEpour l’Afrique (14303 200euros). Le PASPED estmis en œuvrepar l’AICSenco-délégation avec la Cassa Depositie Prestiti (CDP).
La partiedufinancement européen quiavait pour origine le Fondsfidu ciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (forum de La Valetteen2015) et qui, par conséquent, provenaitd’unins trumentpour répondre àlacrise mi gratoireenAfrique, apris, àtravers la composante PASPED du programme, le profild’unoutil d’action visant à donner desréponsesconcrètesaux besoins d’emploidelajeunessesénégalaiseetàstimuler le développe
mentdusystème entrepreneurialdu pays.Pour cette raison, en plus de l’accompagnementfinancier fourni par la composante PLASEPRI (204 PMEd’accéder au crédit financépour un montanttotal de 1995 730 euros). Malgrélapandémie,àtravers une stratégie d’intervention visantàpro mouvoirleprincipedeterritorialité et de proximité, le PASPED asoutenu, avec un accompagnementfinancier et technique, 195 entreprises dans la périodededeuxans 2020-2021, ce qui apermisdesauvegarder un total d’environ7 000 emplois pendantla phaseaiguëdelacrise du COVID-19 grâceàunfinancementde3234 384 euros.
Le dispositif misenplace apermisde soutenirles activitésdes entreprises, garantir un revenu auxsalariés, et de lancer une «production ou action so lidaire» en faveur despopulationsles plusdémunies: plus de 7tonnes de produits nutritionnels pour la petite enfanceont étéfabriquées locale mentetdistribuées dans lescommunautés de référencedes entreprises elles-mêmes.Lavaleurhumaine et socialedecette intervention apermis auxentreprises de structurer leur profilderesponsabilité sociale.
En outre,aucours de la mêmepériode, le travaild’insertion professionnelle mené par lesAgences Ré gionalesdeDéveloppement (ARD) par le biaisdecontratsd’emploi impliquant2274 jeunesformés, qui
ontété placés dans 1084 entreprises locales, s’estavéré particulièrement efficace.
Un autre aspectinnovantdutravail duPASPEDremonteaux activités appelées «Investo in Sénégal»,qui vise àfaciliter lesinvestissementsde la diasporasénégalaiseenEurope. Unenouvellegénération (jeunes, formé(e) s, femmes) qui amontré qu’ils/ ellesavaientune idée claire de leur avenirencréantdes idées d’entreprises dans leurpaysd’origine.Un dispositif techniqueetfinancier à chevalsur lesdeuxpaysqui apermis desoutenir51projets d’entreprise pour une valeur financièrede1 110000 euros.
Àtravers lesactivitésdeCDP,le PASPED estégalementintervenu sur l’écosystème de la microfinancelocale àtraversuntravail d’appui tech nique et de advisory au Fonds de garantie desinvestissements prioritaires (FONGIP), afin de rendrecesujetplus efficacedanssagestion desrisques et doncd’accroître sa capacitéd’intervention et d’accompagnement dans le développement social et éco nomique du Sénégal, valorisantpour la première fois égalementauniveau internationallalongue expériencede CDP en tant qu’institution financière opérantauservice d’un acteur public.
Uneexpérience multiacteurs,celle duPLASEPRI/PASPED,cequi dé montreunbon niveau de partenariat entre l’ItalieetleSénégal.
CONTACT :
AICS, BureaudeDAKAR 69, RueJacques Bugnicourt BP 348–CP18524 Dakar Tél. :+22133822 87 11 dakar@aics.gov.it dakar.aics.gov.it
déjà AfricAmaril illustre cette complémentarité. Toutefois, le projet a été accéléré du fait de l’urgence liée à la pandémie de Covid-19. L’objectif est de faire sortir le premier vaccin anti-Covid de l’usine avant la fin de 2023 À terme, la capacité annuelle de production devrait atteindre 300 millions de doses. Le coût de la construction du bâtiment et de son équipement est évalué à 220 millions d’euros. Madiba devrait bénéficier de fonds publics et privés.
Le projet est soutenu par l’OMS, par l’Union africaine ainsi que par les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) Cinq institutions internationales (SFI, filiale du groupe de la Banque mondiale), l’Agence fran çaise de développement, la Société de financement du développement international des États-Unis, la Commission européenne et la Banque européenne d’investisse ment) ont d’ores et déjà annoncé une
participation financière d’un montant global de 14 millions de dollars.
Projets concurrents
Pour la conception du bâtiment Madiba, le choix s’est porté sur une technologie coûteuse mais qui permettait de gagner du temps. « Nous étions en période pandémique, justifie Roberto Alves. Pour aller plus vite, nous avons construit le bâtiment et la salle blanche [environnement stérile et décontaminé indispensable à la fabrication de vaccins] en même temps.Nousavonsutiliséunsystème de préfabriqués. Ils ont été construits en Suède par la société Keyplants puis acheminés par bateau jusqu’au Sénégal. »
RobertoAlvesapparaîttrèsloquace, tout en maîtrisant totalement sa communication. Souriant mais intraitable, il interdit de prendre des photos de l’intérieur du bâtiment. Il ne divulguera pas le nom du labora toire pharmaceutique qui fabriquera
prochainement son vaccin contre le Covid-19 sur le site de Diamniadio, ni la technologie retenue avec ou sans ARN messager. C’est que le projet Madiba évolue dans un environne ment concurrentiel. Sur le continent, deux autres usines de fabrication de vaccins contre le Covid-19 sont en train d’être montées, au Rwanda et en Afrique du Sud « À ma connais sance, notre chantier est le plus avancé », veut croire le chef de projet de Madiba
Les deux autres projets ne sont pas entourés d’autant de mystère. C’est bien un vaccin à ARNm des laboratoires Pfizer et BioNTech qui sera élaboré au Cap, en Afrique du Sud, en collaboration avec le fabricant local Biovac, ainsi qu’à Kigali, au Rwanda. Un communiqué de BioNTech que nous avons pu consulter suggère que l’IPD pourrait également produire ce mêmevaccin.Sicelaseconfirmait,les troisprojetsapparaîtraientdavantage complémentaires que concurrents.
AVIS D’EXPERT
DeloitteSénégal
ImmeubleIndependance, Accueilau15eetage Sénégal,Dakar Tél.:(+221)338496505 www.deloitte.com
métiersduconseil sont au cœur du processus de transformation de l’économie sénégalaise »
Comment voyez-vous les perspectivesd’affaires au Sénégal ?
Àcourt terme, le Sénégal est un «paysenchantier».J’enveux pourpreuveles nombreuxprojets d’infrastructures actuellement en coursderéalisation: TER entreDiamniadio et l’aéroport international, nouveau port de Ndayane, densification du réseau routier urbain et interurbain, développement du tourisme haut de gamme, etc.
La production d’hydrocarbures, prévue en 2023/2024, sera un évènement majeur àmoyen terme. Outrel’autosuffisanceénergétique, le pétrole et le gaz devraient four nir au pays de nouvelles sources de recettes pourfinancer son développementenréduisantlerecoursàladette extérieure. Malgré la conjoncture internationale et le manque ressources naturelles, le Sénégal asumaintenir un niveau de croissance décent et garantir unerelative stabilitépolitique. Les hydrocarbures devraient permettreaupaysd’aborder dans la sérénitéune nouvelle étape de sonprocessus de développement économique et social.
J’ajouterais que le Sénégal bénéficie d’une position géographique particulièrement favorable. Situé à5heuresd’avion de l’Europeetà 8heures du continent américain, le pays fait figure de hublogistique naturel en Afrique de l’Ouest.
Il ya aussides défis pour les entreprises… Clairement, oui !D’abord,l’environnement des affaires. L’amélioration observée au coursde la période récente est très nette et afavorisél’émergence d’un secteur privé national de plus en plus dynamique. Mais on peut faireplus et mieux pour définiti vement changerleparadigme des relations entreles administrations publiques et les entreprises.
Ensuite, le défides ressources humaines. Le Sénégaldispose d’un systèmeéducatif de qualité, notamment au niveau supérieur, mais lesentreprises éprouvent encoredes difficultés àrecruter les profils nécessaires.Le développement des hydrocarbures risque encored’accroîtrece«gap ».
Enfin,ilya la délicate question du financement des entreprises.Dans un pays où 90 %des entreprises appartiennent au secteur informel, l’absence de garanties de la part du secteur privé constitueunfrein puissant àl’accès au crédit.
Quellepeut êtrelacontribution des métiers du conseil ? Je croisréellement que nos métiers sont au cœur du processus de transformation de l’économie sénégalaise et cetteprépondérance va s’accentuer :
D’une part, nous assurons la sécuritédel’information,juridique, financièreetfiscale,ce quidonne
aux opérateursetaux régulateurs une meilleureappréciation des risques et des opportunités.
- D’autrepart,notre ADNpluridis ciplinaire(juridique, organisa tion, stratégie,financier, capital humain, risk advisory)etnotre solide approche méthodologique dans les métiersréglementés (audit, conseil fiscal et expertise comptable)fontdenos cabinets lestiersdeconfiance naturels desentreprises, de l’État et des bailleurs.
«Lanette amélioration de l’environnement des affaires afavorisé l’émergenced’un secteur privé national de plus en plus dynamique».
«Les
SOCIÉTÉ
Assistance à femmes en danger
Structure d’accueil pour les victimes de violences conjugales ou familiales, le centre Kayam a ouvert ses portes en mars dernier. Et croule déjà sous les demandes.
MARIÈME SOUMARÉ, À DAKAR PHOTOS : ANNIKA HAMMERSCHLAG POUR JAOBJECTIF DAKAR
Une dizaine de femmes résident dans ce refuge situé dans une rue calme de Petit Mbao, à une vingtaine de kilomètres de Dakar.
Codedelafamillesénégalais.
Article 152 « Puissance maritale » : « Le mari est le chef de la famille, il exerce ce pouvoir dans l’intérêt commun du ménage et des enfants. » Article 153 « Résidence du ménage » : « Le choix de la résidence du ménage appartient au mari; la femme est tenue d’y habiter avec lui et il est tenu de l’y recevoir. »
Lorsqu’elle a épousé son mari, Aïssata (certains prénoms ont été modifiés à la demande des témoins) ne connaissait peut-être pas le contenu exact des textes de loi qui régissent le mariage et la famille au Sénégal, mais elle savait l’essentiel : son mari exerçait légalement sur elle une autorité à laquelle elle devait se soumettre Mais cette jeune citadine éduquée, qui tenait beaucoup à ses études et à son autonomie malgré tout, ne se doutait pas que sa vie de coupleallaitprogressivementserefermer sur elle comme une prison.
« C’est lorsque nous sommes partis à l’étranger pour son travail que les choses ont changé, raconte-t-elle Je n’avais plus de téléphone, je n’avais le droit de sortir que pour aller au marché Chaque jour, il inventait une nouvelle excuse pour m’isoler un peu plus. » Privée de tout contact avec sa familleetsesamis,enferméechezelle avec ses trois enfants, Aïssata sombre dansune« énorme »dépression.« J’ai passé plus de dix mois absolument seule », se remémore-t-elle.
« Vivre sa propre vie » À son retour au Sénégal, la jeune femme décide de quitter son mari. Ses parents s’y opposent. Battue par sa famille, rejetée par les siens, elle cherche sur internet un lieu où trouver refuge, et découvre le centre Kayam. Cette maison d’accueil réser véeauxfemmesvictimesdeviolences conjugales et domestiques a ouvert ses portes en mars dernier. Le centre s’est installé dans une rue calme de Petit Mbao, à une vingtaine de kilo mètres de Dakar. Une dizaine de femmes résident à temps plein dans cette demeure agréable et fraîche ment rénovée où, hormis le directeur et le gardien, les seules personnes de sexe masculin sont des enfants des résidentes.
L’une des résidentes confie: « Si je suis venue ici, c’est d’abord parce que je me suis sentie soutenue et écoutée. »
Sur le canapé du salon où elle raconte son histoire, Aïssata évite de parler des violences physiques qu’elle a subies et de sa procédure de divorce. Elle insiste surtout sur ce qu’elle a appris lors de son passage au centre : la possibilité pour elle de « vivre sa propre vie », une vie qui ne luiseradictéeparaucunhomme,père
ou mari. « Beaucoup de ces femmes ont été victimes de violences psycho logiques avant tout. Elles arrivent ici en pensant qu’elles ne valent rien. Il faut d’abord leur redonner confiance en elles », explique la professeure Béatrice Yolande Badiane La formatrice en estime personnelle se rend plusieurs fois par semaine dans ce
refuge, où elle recueille la parole des résidentes. « Beaucoup assimilent encore l’émancipation des femmes à de la perversion, sans comprendre que ce pays a besoin d’elles pour se développer »,regrettecettespécialiste desquestionsdeparité.Unepensionnaire se confie : « Si je suis venue ici, c’estd’abord parcequejemesuissentie soutenue et écoutée. En tant que femme,onnousapprendàêtreobéissante, mais nous avons nous aussi le droit à la liberté. »
Oser porter plainte Selon une étude de la Banque mondiale réalisée en 2013, trois femmes sénégalaisessurcinq ontétévictimes de violences conjugales. Aïssata reste une exception pour avoir bravé les interditsfamiliauxetdécidédedivorcer Au Sénégal, le soutoura (la discrétion, la pudeur) et le mugn (le fait d’endurer la douleur avec patience) figurent parmi les principales qualités que l’on attend d’une femme.
« Ici, la pesanteur sociale est très forte : quoi qu’elles subissent, les femmes n’osent pas prendre la
parole », remarque Thierno Diouf, le directeur du centre. Toutes les femmes qu’il recueille ont été vic times de violences psychologiques, physiques ou sexuelles dans leur cellule familiale, de viols conjugaux ou d’inceste,parfoispendantdesannées. Danssonbureaudurez-de-chaussée,
et une ancienne résidente victime de violences conjugales qui avait décidé de retourner vivre avec son époux « Son mari l’a battue à nouveau hier, et la police s’est rendue sur les lieux. Sa femme avait porté plainte contre lui, puis elle a fait marche arrière. Ça arrive souvent. Son mari ne cessait de lui répéter : tu ne peux pas porter plainte, tu ne peux rien contre moi », lâche Thierno Diouf, qui tentera pendant de longues minutes de convaincresonanciennerésidentede quitter le domicile familial.
le nouveau responsable ne cache pas son inquiétude. « Nous avons ouvert il y a quelques mois seulement et nous recevons des demandes tous les jours. Lorsqu’elles arrivent chez nous, la plupart de ces femmes sont dans un état psychologique désastreux », déplore-t-il. Il sera interrompu plusieurs fois au cours de l’entretien par la sonnerie de son téléphone. Au bout du fil, la police,
« Avec le contrôle que les hommes exercent sur les femmes en vertu de la loi et de la structure de la société, comment protéger ces dernières? » s’interroge Yacine Diouf La fille de l’ancien président sénégalais Abdou Diouf est à l’origine de la création de ce lieu, une idée qu’elle a mûrie pendant plusieurs années avant que le projet voie le jour.
« Les choses évoluent et laissent la place au débat », juge la fondatrice du centre Kayam, qui cite les récentes mobilisations contre les féminicides et la loi sur la criminalisation du viol,
votée en 2020. « L’important, c’est de faire en sorte que ces femmes connaissent leurs droits et qu’elles puissent devenir autonomes », poursuit Yacine Diouf.
Le centre n’est pas seulement un lieu d’accueil, et ses résidentes ne sont pas censées y rester longtemps. Dès leur arrivée, elles sont suivies par des infirmières et des psychologues, et bénéficient de formations (alphabétisation, esthétique, numérique…) adaptées à leurs besoins. Le centre Kayam travaille avec l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO, organisme public chargé de la protection des enfants) et le Samu social, qui lui envoie des résidentes Il fournit aussi un accompagnement juridique aux femmes qui le désirent, avec l’aide de l’Associationdesjuristessénégalaises (AJS), l’une des principales organisations féministes du pays.
Les autres services d’accueil de la capitale font également appel à
Kayam lorsqu’ils sont saturés. La maison de Petit Mbao reçoit même des jeunes filles délinquantes qui n’ont plus de place dans les centres de redressement de Dakar C’est aussi comme ça que Safia et ses
trouvé un endroit où loger. Obligée de fuir son pays après la mort de son mari et de son père, Safia attend toujours que le Sénégal lui accorde le statut de réfugiée. « Sans l’aide du centre, je serais toujours au bord de la route avec mes trois enfants », assure-t-elle.
trois enfants, réfugiés centrafricains récemment arrivés du Cameroun, ont trouvé refuge à Kayam. Dans la chambre qu’elle partage avec plu sieurs autres résidentes, la jeune femme se dit soulagée d’avoir enfin
Thierno Diouf sait que ce refuge n’a pas les capacités d’accueillir cor rectement toutes les femmes qui en ont besoin. « La situation est dra matique. Ce que nous faisons n’est qu’une goutte d’eau, mais voir celles qui s’en sortent nous donne de l’es poir », ajoute-t-il. Il salue le travail des badienu gokh, ces marraines de quartier chargées d'appuyer les centres de santé dans la protec tion maternelle et infantile. « Nous n'avons pas vocation à ouvrir des centrespartoutauSénégal,maisnous voulons au moins avoir des relais locaux sur le territoire. Ce serait un moyen d'améliorer le système. »
Dès leur arrivée, les pensionnaires sont suivies par des infirmières et des psychologues, et reçoivent une formation.« Sans l’aide du centre, je serais toujours au bord de la route avec mes trois enfants », assure Safia, une réfugiée centrafricaine.
Le Sénégalvers un ‘‘Small BusinessAct’’ africain L’ADEPME,modèle continental dans l’accompagnement des PME
L’AgencedeDéveloppement et d’Encadrement des PME (ADEPME), bras opérationnel de l’Etat du Sénégal dans l’accompagnement des PME, dont le rôle est décisif pour permettre àlacroissanceforte du Sénégal-qui vient de faire son entrée dans «l’Opep du Gaz »-d’être plus inclusive et créatrice d’emplois, afêté ses vingt ans (2001-2021). Nousentrons de plain-pieddans une troisième décennie très prometteuse, forts de deux décennies riches et structurantes.Ils’agit désormais de changer d’échelle àpartir d’un modèle éprouvé basé sur la mesure systématique de la performance des PME àpartir de laquelle nous co-définissons leurs parcours de futurs champions. Ce modèle africain, nos acquis et réalisations sont attestées,sibesoin en est, par le benchmarking réalisé parl’InternationalTrade Center (ITC) en 2019, qui, en qualité de SAE (Structure d’Appui àl’Accompagnement), nous classe au 1er rang danslaCEDEAO, au 3ème rang en Afrique et au 18ème rang sur 64 dans le monde entier.
L’ADEPME, assurément, construit àl’instar de la Small BusinessAdministration (SBA) aux Etats-Unis ou de SME Corp en Malaisie, un véritable modèle d’accompagnement des PMEafricaines, marquées par leur très forte informalité. Et àcet égard,iln’est pas anodin qu’Idrissa Diabira, 48 ans, Directeur général en poste àlatête de l’ADEPME depuis 2017, ait été coopté en mai 2022 comme membre du Independent Advisory Board for Ecosystems and Institutions de l’ITC, par Pamela –Coke Hamilton, la Directricegénérale de cette institution, agence conjointe de l’Organisation mondiale du commerce et de l'Organisation des Nations unies fondée en 1964.
FIERS DE NOS DEUX DÉCENNIES ÉCOULÉES
institutions financières et les donneurs d’ordre. Oui aussi, car plus de 30.000 PME ont été accompagnées ces 5dernières années grâce àunmécanisme de subventions de contrepartie efficace qui incite et permet aux PME d’accéder àde l’assistance technique pour être plus compétitives, le niveau de satisfaction de nos clients/ PME(CSAT) surtoutest de 89,2%. Ouienfin,car àpartir du mandat clair et de la confiance du gouvernement et du Chef de l’Etat S.EM MMacky Sall, renouvelée en 2020 par la loi d’orientation2020-02 relative aux PME, qui nous confie notammentlamission d’établir la synergie des actions envers les PME, nous avons su gagner, grâceàune équipe compétente, professionnelle et dynamique,la confiancedepartenaires clés :ONUDI, Banque Mondiale, Coopération Allemande (GIZ), Banque AfricainedeDéveloppement,PNUD, BIT,AFD,Union Européenne, Ecobank, le Fonds de Solidarité Africain,Chambres de Commerce
Nous avons ainsi démultiplié notre budget et notre impacten10ans, passant de 400 millions en 2012 àplus de 13 milliards FCFA en 2022.C’est la volonté d’être nous aussi une organisation exponentielle, en nous appuyant sur une démarche de haute performancepublique et de digitalisation.
TIERS DE CONFIANCE DE L’ÉCOSYSTÈMEDES PME ET DES BANQUES
Notre vision est d’être le coach des futurs champions grâce ànotre évaluation, en particulier notre outil de scoring, «e-rating », nos subventions de contrepartie (jusqu’à hauteur de 75% des montants pris en charge par l’ADEPME)etlasynergie d’actions des acteurs privés et publics de l’écosystème entrepreneurial. Le projet-phare «e-PME »que nous venons de lancer, financé àhauteur de 24 millions de dollars par la Banque Mondiale et de 8millions d’euros par la Banque Africaine de Développement,sur les trois prochaines années (2022-2025) vise àaméliorer la productivité des PME grâce àl’adoption de technologiesprincipalement digitales, il est révolutionnaire.« e-PME » permettra d’asseoir notre modèle et d’accompagner plus de 5000 PME sur toute l’étendue du territoire national, dont 30% dirigées par des femmes. Associé àlamise en œuvre prochaine du guichet uniquefinancier des PME qui va digitaliser l’accès au financementdes PME et la mise en relation de l’offre et de la demandedefinancementavecl’appui de la GIZ, le Sénégal va disposerdes champions nécessaires àlaréalisation de son défi de l’émergence décrit dans le Plan Sénégal Emergent(PSE).