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Édito François Soudan Il faut aider le soldat Bazoum
Réunir un sommet au Niger, comme l’a fait à la fin d’octobre l’Union africaine autour du thème de l’industrialisation et de la diversification économique en Afrique, a au moins un avantage : on est sûr de cocher toutes les cases du politiquement correct. Après tout, les capitales du continent où l’on peut parler de bonne gouvernance et du rôle de la démocratie dans le développement, sans être aussitôt placé en contradiction avec les mauvaises pratiques en la matière du pays hôte, ne sont pas si nombreuses. Une image flatteuse qui a largement contribué au succès de la table ronde sur les investissements organisée au début de décembre dernier à Paris
Et qui a valu à Mohamed Bazoum d’être, quelques jours plus tard, l’un des chefs d’État les plus écoutés au sommet USA-Afrique de Washington.
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Produit d’un défi audacieux
Deux ans (ou presque) après une alternance exemplaire sur fond de respect de la Constitution, le Niger a su se préserver de la contagion prétorienne qui s’est emparée de ses voisins du Sahel, et son président est un homme aux côtés duquel les dirigeants occidentaux trouvent bénéfice à se faire photographier – au risque de rendre jaloux quelques-uns de ses pairs moins « bankable ». De Bruxelles à Washington en passant par Paris, le mot d’ordre est clair : il faut aider le soldat Bazoum.
Mohamed Bazoum, 63 ans le 1er janvier, est tout sauf un chef d’État naïf. Il sait que, quand les Occidentaux vous applaudissent, ce n’est pas toujours sans risque, et il a appris à se méfier des baisers de Judas qui vous désignent à la vindicte de vos ennemis, qu’ils soient jihadistes, putschistes ou agitateurs alimentaires des réseaux sociaux.
Il le sait d’autant mieux qu’il est le produit d’un défi particulièrement audacieux, relevé par son prédécesseur, Mahamadou Issoufou : faire du ressortissant d’une minorité originaire du sud de la Libye, mais nigérien de naissance, de cœur et de culture, le chef d’un État composite et fragile. Parier sur la tolérance, l’intelligence et la modernité plutôt que sur le repli identitaire, l’exclusion ethnique et le populisme xénophobe, il fallait oser
À cet égard, les propos inadmissibles prononcés à la tribune de l’ONU le 24 septembre dernier par le Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, à l’encontre du président Bazoum – qualifié d’« étranger qui se réclame du Niger » – ont beaucoup plus desservi leur auteur que leur cible. En creux est apparu ce jour-là ce qu’est le Mali d’aujourd’hui et que le Niger ne veut surtout pas être : un pays isolé, fracturé, en pleine dérive autoritaire, où le masque du souverainisme ne parvient plus à cacher le profond malaise identitaire et la perte de contrôle de pans entiers du territoire national.
Devoir d’exemplarité
Il est donc important, pour le progrès de l’Afrique, que l’expérience nigérienne tienne, perdure et réussisse. Mohamed Bazoum ne l’ignore pas : sa gouvernance se doit d’être exemplaire, et on ne lui passera aucun des défauts que l’on tolère chez ses pairs.
Il n’ignore pas non plus que les 25 millions de Nigériens ne le jugeront pas sur la foi des satisfecit des bailleurs de fonds, mais sur ce qu’il aura concrètement fait pour améliorer leur quotidien, lutter contre la pauvreté et libérer leurs énergies. En l’élisant le 21 février 2021, ils lui ont offert un chèque en blanc. À lui de le remplir.