MAROC LE RETOUR DES CERVEAUX
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 48e ANNÉE • N° 2467 • du 20 au 26 avril 2008
www.jeuneafrique.com
AIMÉ CÉSAIRE
1913-2008 Spécial 10 pages
SÉCURITÉ, CORRUPTION, CONTRATS MINIERS, MŒURS POLITIQUES...
KABILA PEUT-IL (ENFIN) CHANGER LE CONGO ? Spécial 26 pages
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE CENTRALE M 01936 - 2467 - F: 3,00 E
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France 3 € • Algérie 150 DA • Allemagne 4 € • Autriche 4 € • Belgique 3 € Canada 5,25 $ CAN • DOM 3 € • Espagne 3,60 € Finlande 4 € • Grèce 3,60 € • Italie 3,60 € • Maroc 20 DH • Norvège 35 NK • Pays-Bas 3,60 € • Portugal cont. 3,60 € Royaume-Uni 3 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3 DT • USA 5,75 $ US • Zone CFA 1600 F CFA • ISSN 1950-1285
CE QUE JE CROIS BÉCHIR BEN YAHMED bby@jeuneafrique.com
Samedi 19 avril
Elle est... fragile
P
our le moment, le mal ne s’est déclaré – ou n’a resurgi – qu’en Afrique subsaharienne, au Kenya d’abord, puis au Zimbabwe : les élections, même lorsqu’on est parvenu à en fixer la date, à en régler les modalités et à les tenir à peu près correctement, ne débouchent plus forcément sur la mise en place d’un pouvoir accepté par la population, et notamment par les partisans de ceux qui l’ont perdu (ou ne l’ont pas conquis). ✷ Au Kenya, on a fini, après cent jours de désordre, plusieurs centaines de morts, des dizaines de milliers de déplacés et des dommages gravissimes portés à l’économie, par céder aux pressions des médiateurs et se résigner à partager le pouvoir entre les deux principales forces qui se le disputaient. Cette solution de compromis, que nous avons accueillie avec soulagement, fera très probablement, et hélas, long feu. Il faut en tout cas le craindre – et s’y préparer. Car, très difficiles à gérer et toujours précaires, même dans les pays où la démocratie est enracinée, la cohabitation et le partage du pouvoir ne bénéficient d’aucune tradition ou légitimité dans le marigot africain. Ils n’y fonctionnent pas ! Du côté de Nairobi, attendons-nous donc à entendre bientôt parler de couacs, ou même de blocages. ✷ Au Zimbabwe, le blocage est déjà installé : depuis près d’un mois, les perdants refusent de céder la place ou même de partager le pouvoir. L’économie du pays étant déjà au plus mal et le fossé séparant les deux camps politiques paraissant infranchissable, je ne vois d’autre issue à la crise que ce qui vient d’être évité de justesse (et peut-être provisoirement) au Kenya: l’intervention, au moment de leur choix, des militaires (et autres forces armées). ✷ Si, comme le montrent les exemples du Kenya et du Zimbabwe, les élections ne sont plus, en Afrique subsaharienne du moins, un moyen sûr d’installer à la tête du pays un pouvoir incontesté, il nous faut nous inquiéter pour la Côte d’Ivoire. Et prendre toutes les précautions pour que l’élecJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
tion présidentielle, dont le jour vient enfin d’être fixé, soit bien préparée, ait lieu à la date annoncée, ne se révèle pas « calamiteuse » comme celle de mars 2000. Il faut qu’elle soit transparente et internationalement contrôlée afin de désigner (au premier ou au second tour) un président légitime et accepté par les principales formations du pays. La Côte d’Ivoire a le plus grand besoin de sortir de la crise dans laquelle elle a donné l’impression de se complaire depuis près de dix ans. ✷✷✷ Je voudrais maintenant attirer votre attention sur un deuxième phénomène de notre époque qui est, lui, mondial. Illustré par deux faits très récents, il met en danger la démocratie, même là où elle est le mieux installée. 1. Tout d’abord, la victoire électorale de Silvio Berlusconi en Italie, acquise haut la main. Berlusconi a déjà été deux fois président du Conseil et a gouverné son pays pendant sept ans : sa performance s’est révélée désastreuse et il a montré à ses compatriotes et au monde qu’un entrepreneur qui a fait fortune ne fait pas forcément un bon gouvernant. Qui ne sait que ce Berlusconi, politicien de droite allié à l’extrême droite italienne, est un démagogue sans scrupule, un corrupteur avéré qui a su user sans aucune retenue, et donc abuser, des immenses moyens financiers et des trop grands pouvoirs médiatiques qu’il a rassemblés ? Alors, pourquoi a-t-il réussi à se faire élire avec un très bon score alors que ses électeurs eux-mêmes savent qu’il fait passer ses intérêts avant ceux de l’Italie ? Son succès électoral s’explique principalement par son bagout et par les moyens dont il dispose, qu’il utilise senza vergogna. La démocratie – et pas seulement l’italienne – est pervertie. Donc : problème. ✷ 2. En second lieu, un sondage Financial Times/ Harris réalisé entre le 27 mars et le 8 avril donne les résultats étonnants que je vais vous présenter. Nous verrons par ce nouvel exemple que la démocratie est menacée.
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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
RD CONGO RELANCE DE LʼÉCONOMIE, LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, RÉFORME DE LʼARMÉE...
P.PERDRIX / J.A.
Course contre la montre
Fonderie de cuivre au Katanga.
BANRO CORPORATION Banro est une société Canadienne spécialisée dans l’exploration aurifère dont les dirigeants ont une longue expérience en Afrique. Elle étend, aujourd’hui, son activité sur 4 concessions situées le long de la ceinture aurifère de 210 km allant de Twangiza à Namoya, en République Démocratique du Congo.
LA MISSION DE BANRO EST DE DÉVELOPPER DES ACTIFS MINIERS EN RESPECTANT LES NORMES ENVIRONNEMENTALES INTERNATIONALES ET CELLES DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO L’engagement de Banro vis-à-vis de sa responsabilité sociale comprend 4 facettes: La Fondation Banro, qui promeut le développement social et économique : Créée en 2005, cette organisation caritative enregistrée en RDC a comme cahier des charges le soutien à l’éducation, à la santé et à l’amélioration des infrastructures, principalement dans les régions dans lesquelles Banro opère. La fondation se consacre aux besoins identifiés par les dirigeants des communautés locales et investit dans des projets pour le seul bénéfice de ces communautés. Création d’emploi et formation des citoyens Congolais Après seulement 3 ans, la Société Banro est devenue l’un des plus importants employeurs de l’est de la RDC. Cette société s’engage à créer des emplois formateurs contribuant à un développement économique durable. En se développant, la société a créé des opportunités pour les Congolais avec près de 200 emplois directs et plus de 1000 indirects. L’entreprise a également créé des opportunités de carrière pour les femmes. Certaines d’entre elles sont géologues, personnel de bureau, ou occupent différents postes au laboratoire. Sécurisation du lieu de travail : La politique de Banro en matière de protection de l’environnement est inscrite dans sa Charte de « Business Conduct », qui énumère les convictions de l’entreprise concernant l’efficacité des normes écologiques, la santé et de la sécurité au travail. Banro est guidée par ces principes de coopération professionnelle avec les populations locales et le gouvernement.
Réalisation DIFCOM / C.C. - photos D.R.
Protection de l’environnement : Banro est certifié E3 « Exploitation d’Excellence Ecologique », un label développé par l’Association Canadienne des Exploitants et Entrepreneurs considéré comme la norme de référence en matière de protection environnementale dans le secteur de l’exploitation minière. Les dirigeants de Banro ont aussi pris des mesures afin d’assurer par tous leurs employés et fournisseurs, le respect et la protection des espèces animales menacées ou en voie de disparition.
w w w. b a n ro . c o m Banro Congo Mining SARL Bureau de Kinshasa : Bureau de Bukavu : Safricas Villa Kakoma 14, Avenue Sergent Moke - Commune de Ngaliema No. 26 Avenue Kahuzi Kinshasa, Gombe Beiga, Bukavu, Sud Kivu République Démocratique du Congo République Démocratique du Congo 80202 Téléphone : +243 812 686 096 - Fax : +243 812 616 096 Téléphone: +243 810 393 534
LE PLUS 59 LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
RD CONGO
PRÉLUDE
RELANCE DE LʼÉCONOMIE, LUTTE CONTRE LA CORRUPTION, RÉFORME DE LʼARMÉE...
FRANÇOIS SOUDAN
Course ourse contre la montre
Bana ya Congo* Fonderie de cuivre au Katanga.
PA N O R A M A
Les grands chantiers de Joseph Kabila p. 60 SÉCURITÉ
Réapprendre à marcher droit p. 64 É CO N O M I E
Kinshasa, Pékin et le FMI p. 67 ÉNERGIE
Les promesses du fleuve p. 68 MINES
La fin du hold-up ? p. 71 M ATA D I
Une ville où lʼeau ne dort pas p. 77 NORD-KIVU
Goma la martyre p. 80
Direction : Danielle Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed Rédacteurs en chef : Jean-Dominique Geslin, avec Cécile Manciaux Rédaction : Muriel Devey, Philippe Perdrix et Tshitenge Lubabu M.K. (envoyés spéciaux)
COMMENT TRANSFORMER UN CERCLE VICIEUX en un cercle vertueux ? Sept ans après son arrivée au pouvoir, un an et demi après son élection, Joseph Kabila en est encore à se poser cette question. Après un quart de siècle de dépérissement continu, la mise en place d’un cadre politique et institutionnel qui permette au Congo de tirer parti de ses atouts économiques exceptionnels – seules la Russie et peut-être l’Afrique du Sud peuvent comparer leur patrimoine géologique au sien – est enfin prête. Mais il y manque toujours l’essentiel : une révolution des mentalités. Pour les 60 millions de bana ya Congo, classe politique comprise, la culture de l’État est encore une culture de la débrouille, le civisme se confond désespérément avec le sentiment que l’on peut toujours tricher avec les règles – et la corruption, démocratisée jusqu’au bas de l’échelle des fonctionnaires, est souvent un moyen de survie. Sous Mobutu, on bradait l’usufruit. Sous Kabila père, les actifs. Désormais, si la voracité manducatoire des prédateurs ne trouve plus à ronger les proies goûteuses d’autrefois, leur appétit demeure intact. Ne dit-on pas, à Kinshasa, que la vie ça ne se gagne pas, ça se vole ? Ce constat peut paraître dur, voire caricatural, mais il explique en grande partie pourquoi ce président de 37 ans et son gouvernement semblent peiner à amorcer la spirale du développement. Si Joseph Kabila, projeté au pouvoir un jour de janvier 2001 sans expérience, sans hommes à lui et sans parti, est longtemps demeuré prudent de par la précarité de sa position, il l’est toujours aujourd’hui pour une autre (bonne) raison : le Congo, que Frantz Fanon qualifiait de « gâchette » du continent, est d’autant plus fragile, voire explosif, que le nationalisme des Congolais est avant tout d’ordre onirique. Ils rêvent de ce qu’ils pourraient et devraient être – individuellement et collectivement riches – tout en ressentant comme une fatalité leur impuissance à prendre en mains leur propre destin. Autant ils se montrent impatients face à la lenteur des résultats escomptés, autant ils ne font rien ou presque pour aider ceux de leurs compatriotes qui commencent à progresser – toute réussite, même socialement utile, étant perçue comme suspecte, menaçante pour les droits des autres, intolérable au regard de l’obligation d’être égaux, y compris dans la douleur. Aux cinq grands chantiers prioritaires qu’il s’est promis de mettre en œuvre avant la prochaine élection présidentielle, en 2011, Joseph Kabila est donc contraint d’en ajouter un sixième, fondamental, dont dépendra l’éveil (ou la rechute) du géant. Transmettre à ses concitoyens la seule maladie contagieuse contre laquelle ils ne doivent surtout pas être vaccinés : la fierté d’être congolais. * Enfants du Congo (en lingala).
Coordination : Myriam Karbal Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris Tél.: +33 1 44 30 19 60 Fax : +33 1 45 20 08 23 J E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
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PAN O R A M A
Les grands chantiers Comment travaille le chef de lʼÉtat ? Avec qui ? Selon quelles priorités ? De la lutte contre la corruption à la décentralisation, en passant par la réforme de lʼarmée, le point sur les avancées du programme présidentiel.
S
PHILIPPE PERDRIX, envoyé spécial
ur la seule route permettant de relier Lubumbashi, dans le sud du pays, à la frontière zambienne, la colère gronde. En cette jou r née maussade de février, des dizaines de camions stationnés en travers de la chaussée bloquent la circulation, paralysée par une épaisse boue recouvrant les restes d’une improbable couche de goudron. Après plusieurs heures de vaines palabres, l’énervement gagne les esprits. Quelques manœuvres plus tard, la rumeur s’installe. Ce sont les Chinois, en charge de l’entretien de cet axe stratégique reliant la capitale provinciale du Katanga à la localité frontalière de Kasumbalesa, qui ont déposé de l’argile pour combler les trous. En pleine saison des pluies ! De quoi transformer une route cahoteuse en patinoire. « La guerre sera longue et populaire », s’exclame un chauffeur résumant, non sans humour, une situation qui, finalement, sera réglée le lendemain. Plus irrespectueux, un autre
de « la cité » avec sa corbeille pleine de légumes. En quelques semaines, le litre d’essence est passé de 675 à 705 francs congolais (FC). Quant au sac de riz de 50 kg, son prix de 55 dollars (plus de 24000 FC), le rend inaccessible à la plupart des habitants. Au cœur d’un inextricable embouteillage sur le boulevard menant à l’aéroport Ndjili, Papa Jean se désole: « Depuis l’élection présidentielle d’octobre 2006 et la victoire de Joseph Kabila, rien n’a changé. » UNE OBLIGATION DE RÉSULTAT
De fait, beaucoup de temps a été perdu en République démocratique du Congo. Si le scrutin de 2006 a marqué la fin d’une laborieuse transition et offert une nouvelle légitimité politique au chef de l’État, il devait aussi sonner comme le début de la reconstruction d’un pays exsangue après une décennie de conflits et de chaos. Sur ce dernier point, tout reste à faire, alors que plus des trois quarts des 60 millions de Congolais vivent avec moins de 1 dollar par jour. Devant un tel défi, l’exécutif réplique pa r la promesse des « cinq chantiers » dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’énergie et des infrastructures. Mais, à ce jour, la seule concrétisation a été le coup d’envoi, le 25 mars, des travaux de réhabilitation d’une avenue de Kinshasa, grâce à des fonds koweïtiens. Plutôt mince pour satisfaire des habitants impatients, fatigués de vivre dans des quartiers insalubres, et qui ont majoritairement voté en 2006 pour le candidat de l’opposition, Jean-Pierre Bemba, le leader du Mouvement de libération du
« Le président est lent à prendre ses décisions, il doit sans cesse arbitrer. » s’interroge : « Avons-nous voté pour cela ? Et où sont les cinq chantiers de Kabila ? » À Kinshasa, ville habituellement prompte à exprimer ses joies et ses peines, la résignation devant un quotidien ponctué par la hausse des prix nourrit la plupart des conversations. « Que peut-on faire pour que les affaires reprennent? » se lamente Marie, une commerçante du marché central venue
Pour certains de ses concitoyens, le chef de l’État est un homme « trop discret ».
Congo (MLC) toujours exilé au Portugal (voir encadré p. 62). Parallèlement, dans le reste du pays, malgré la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu organisée à Goma en janvier dernier, l’instabilité perdure dans les provinces orientales. Les hommes du général Laurent Nkunda n’ont toujours pas déposé les armes. Quant aux troubles dans le Bas-Congo, qui ont conduit à l’interdiction du mouvement politicoreligieux Bundu dia Kongo (BDK), ils font peser une nouvelle menace sur l’ouest du pays. Il s’agit en tout cas d’un nouveau point de crispation sur fond de revendications régionalistes.
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de Joseph Kabila lorsqu’il doit prendre des mesures. Mais, parfois, il nous demande de ne pas communiquer les décisions prises. C’est un homme discret. Il faut l’accepter. Pour ce qui est de la rumeur, elle n’a aucune prise sur notre travail et la meilleure façon de la gérer est de ne pas y prêter attention. Inconsciemment, les Congolais tentent de comparer Kabila à Mobutu, mais c’est une erreur », conclutil. De fait, le Zaïre appartient à l’Histoire, comme la toque de léopard et la canne sculptée ne sont plus les attributs du pouvoir. Il n’empêche, l’héritage du maréchal se perpétue, laissant parfois le champ libre à des habitudes pernicieuses. « Le fonctionnement à la présidence est chaotique et il y règne une sorte de paranoïa », estime un observateur évoquant la lenteur des prises de décision, les nombreuses intrigues – réelles ou supposées – ainsi que le phénomène de cour. Avec, au final, un manque de visibilité et un sentiment de flottement.
GIANLUIGI GUERCIA/AFP PHOTO
LA GARDE RAPPROCHÉE DU CHEF
tent toutes sortes de rumeurs dont se délectent les Kinois. Les plus folles ont circulé en janvier, lorsque des menaces sur la sécurité du président faisaient la une des journaux. D’autant que, au lieu de démentir, le président est resté, comme à son habitude, sur la réserve. Alors que le culte du chef est encore très marqué en RD Congo, cette attitude a de quoi désarçonner. Les souvenirs de l’omnipotent maréchal Mobutu ont laissé des traces au sein d’une population désespérée par son quotidien et qui a besoin d’être rassurée sur son avenir. « Le président ne manque pas de réactivité, explique un habitué du palais de Marbre. Il tranche sans état d’âme
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« Le président Kabila est lent dans ses prises de décision car il doit sans cesse arbitrer entre les différents clans qui gravitent autour de lui », explique un habitué des arcanes du pouvoir. « Tous ceux qui pensent jouer un rôle ou qui défendent des positions acquises alimentent d’incessantes luttes d’influence. Face à cela, c’est au chef de l’État de manœuvrer. Mais pour cela, il lui faut mieux connaître les hommes et les situations », conclut-il, laissant entendre que, sur cet aspect des choses, le patron a encore des progrès à faire. Au gré des nominations, des fâcheries et des disgrâces, Joseph Kabila dispose d’une garde rapprochée, mais ses contours mystérieux alimen-
Entre les conseillers occultes mais influents, les officiels sans emprise et les hommes de poids, il est difficile de s’y retrouver. Fidèle parmi les fidèles, Augustin Katumba Mwanke n’a aucun titre, mais peut se prévaloir de sa fonction de secrétaire exécutif de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP) pour continuer à jouer les premiers rôles. Avant 2001, cet ancien ingénieur katangais était un proche de Kabila père, qui l’avait nommé gouverneur de sa province natale. Depuis, il n’a jamais fait défaut et son entregent dans le secteur minier fait de lui une personnalité incontournable. Après une période de brouille larvée, le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, natif du Kivu, semble être revenu en grâce. Ses ambitions affichées et son activisme lui ont été pardonnés. Dans le domaine particulièrement sensible de la sécurité, l’ancien chef d’étatmajor de l’armée de l’air et actuel inspecteur général de la police, John Numbi, ainsi que l’inamovible ministre d’État chargé de l’Intérieur, Denis Kalume, restent parmi les proches de
ANNA ZIEMENSKI/AFP PHOTO
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n’y a pas d’immobilisme », a s su r e p ou r sa pa r t le ministre du Plan, Olivier Kamitatu, énumérant les dossiers traités par le gouvernement et les projets de loi présentés au Parlement. Kinshasa mise sur l’accord avec la Chine, chiffré à 6 milliards de dollars, pour accélérer la remise en état du pays, notamment dans le domaine des infrastructures routières. La reprise progressive de la coopération avec les partenaires étrangers doit aboutir à Parmi ceux qui travaillent avec Joseph Kabila, le conseiller Augustin Katumba Mwanke, le président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe et le ministre du Plan Olivier Kamitatu (de g. à dr.). la signature, cette année, d’un programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Kabila. Ils ont su combler le vide nonchalance administrative. « Il y a À la clé, des aides substantielles et un laissé par le décès du conseiller à la préun vrai problème de coordination », allégement de la dette. Prévue par la sidence, Samba Kaputo. Six mois après affirme un fonctionnaire internaConstitution, la décentralisation fixe cette disparition, le poste a été affecté, tional. « Il faut tout reconstruire en le transfert aux provinces de 40 % des en février, à Prince Kaumba, jusqu’alors RD Congo, et cela ne concerne pas recettes fiscales, ce qui permettra de recteur de l’université de Lubumbashi. uniquement les infrastructures. Cela désengorger un État centralisé mais Quant au nouveau directeur de cabinet, touche également l’appareil d’État, inopérant. L’unification et la restrucle Kasaïen Raymond Tshibanda – ancien la fonction publique et le personnel turation des forces de sécurité ainsi représentant du Haut-Commissariat des politique. De ce fait, changer de Preque la réforme de la justice sont consiNations unies pour les réfugiés (HCR) – mier ministre ne donnerait pas plus dérées, à juste titre, comme l’une des réputé pour sa rigueur, il est parvenu à de tonus au gouvernement », avance conditions du retour à la stabilité. La faire oublier Léonard She Okitundu, qui un membre du cabinet présidentiel feuille de route est donc connue. Au avait l’oreille du chef. Avec son écouteur pour expliquer les retards dans l’avanterme de son mandat en 2011, le préde téléphone cellulaire toujours rivé à cement des cinq chantiers. « Le style sident Kabila sera jugé sur les résull’oreille, le conseiller politique et diploGizenga ne répond peut-être pas à tats obtenus. ■ matique Marcellin Tshisambo a pris l’impatience des populations, mais il du galon et, certainement, gagné en influence. Tout comme Évariste BosBEMBA HORS DU SÉNAT ? hab, promu secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la « NOUS VOULONS UN INTERLOCUTEUR au sein du gouvernement démocratie (PPRD, au pouvoir). pour régler les questions de sécurité et nous demandons de pouvoir choisir les membres de la garde de Jean-Pierre Bemba au sein TRAIN DE SÉNATEUR de l’armée. » Telles sont les conditions du retour du chef de file du À LA PRIMATURE Mouvement de libération du Congo (MLC) exposées par l’un de ses L’autre interrogation concerne le représentants à Kinshasa, Fidèle Babala. Depuis son exil portugais « leadership » gouvernemental. Un de Faro, où il se trouve depuis mars 2007, Bemba assure pour sa part an après la nomination du Premier que son retour est avant tout « une question politique, et qu’il renministre Antoine Gizenga, le style du forcerait la réconciliation nationale ». Mais pour l’instant, le candidat patriarche, âgé de 83 ans, alimente malheureux à la présidentielle de 2006 risque surtout de perdre son toutes les rumeurs. On annonce régumandat de sénateur. Le 31 mars, la Haute Assemblée lui a envoyé une lièrement son départ. Son silence lettre le priant de se conformer au règlement intérieur, qui prévoit assourdissant sur les dossiers brûlants l’exclusion d’un élu en cas d’absence non justifiée et non autorisée et son absence totale de communià plus d’un quart des séances d’une session. Celle en cours a repris cation politique le font apparaître le 15 mars et doit se prolonger jusqu’au 15 juin. « Tout cela relève davantage comme une icône du passé de l’argutie juridique. La question fondamentale est de savoir si le que comme un chef de gouvernement pouvoir accepte l’existence d’un chef de l’opposition avec un certain apte à insuffler le dynamisme dont le poids politique. Quant à Bemba, son absence prolongée a révélé les pays a besoin pour se redresser. Résulfissures au sein de son parti. Un retour précipité pourrait accentuer tat, les ministres les plus téméraires les tensions », analyse un diplomate. « Bemba veut rentrer au pays, il ont pris l’habitude de court-circuiter n’y a aucun doute là-dessus. Depuis son départ, la direction du MLC la primature pour traiter directement est anesthésiée et personne à Kinshasa n’a pris la relève de manière avec la présidence. Les autres perpéPH.P. sérieuse », conclut Babala. ■ tuent, sans broncher, une certaine J E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
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Réapprendre à marcher droit
Le développement démocratique et économique du pays passe par la remise à plat de la police, de la justice et de lʼarmée, avec lʼappui de lʼONU et de lʼUnion européenne.
AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO
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ette fois-ci, la table ronde sur la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) en République démocratique du Congo s’est inscrite dans un contexte politique particulier. Celui-ci a été marqué, notamment, par la signature de l’acte d’engagement de Goma, le 23 janvier 2008, à l’issue de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement des provinces du Nord-Kivu et du SudKivu (Est), organisée à Goma à partir du 6 janvier. Si les bruits de bottes n’ont pas cessé, les choses ont cependant évolué. Du coup, lors de la rencontre qui a réuni, les 25 et 26 février dernier à Kinshasa, quelque 300 experts nationaux et étrangers, les autorités congolaises se sont engagées, quatre ans après son lancement, à donner un coup d’accélérateur au processus. À leur décharge, la mise en œuvre de la RSS est une tâche titanesque. Né de l’initiative des bailleurs internationaux pour les pays qui ont connu des conflits, ce programme vise trois secteurs, intimement liés : la police, la justice et l’armée. Autant dire qu’il s’agit de chasses gardées où les pires habitudes – corruption, impunité et autres méfaits – ont longtemps pu prospérer. En outre, si la RSS est légitimée par la Constitution du 8 février 2006, elle a été induite par l’offre plus que par la demande. D’où la difficulté à se l’appro-
La formation de la police bénéficie du soutien de l’Union européenne et de la Monuc.
prier. « Le concept nécessite un système coordonné entre les trois domaines et établit un lien entre forces de sécurité, bonne gouvernance et réforme globale de l’État, constate un expert. Le risque est de penser la RSS comme une opération technique et non politique, qui s’inscrit dans un contexte de démocratisation. Certains dossiers ne font pas toujours l’unanimité, comme le contrôle démocratique des forces armées. »
TROIS ÉTAPES EN DOUZE ANS AU-DELÀ DES RESTRUCTURATIONS EN COURS, à quoi ressemblera finalement la grande muette ? Lors de la table ronde qui s’est tenue en février dernier, le ministre de la Défense a présenté un chronogramme en trois étapes. De 2008 à 2010, une force de réaction rapide, composée de 12 bataillons chargés d’assurer la relève de la Monuc, sera mise sur pied. Le deuxième chantier, de 2010 à 2015, portera sur la formation d’une force de couverture, chargée de la production, pour l’alimentation des troupes, mais aussi de réconcilier les forces armées entre elles et avec la population. La troisième phase, de 2015 à 2020, visera la modernisation de l’armée et la constitution d’une Force de défense principale (FDP) dissuasive. Une étape qui dépendra surtout de la réussite des deux premières. ■ M.D.
Autre problème, la restructuration des services de sécurité – Agence nationale de renseignements (ANR) et Direction générale de la migration (DGM) –, qui reste le parent pauvre du programme. Si la mise en œuvre de la RSS peut rencontrer des lenteurs côté congolais, en revanche les intervenants extérieurs, eux, se mobilisent. Outre le groupe de contact de la RSS, qui regroupe l’Union européenne (UE), la mission des Nations unies en RDC (Monuc) ainsi que onze pays, les initiatives isolées d’États membres de l’UE et d’autres pays ne manquent pas. Pour preuve, une semaine avant la table ronde, une rencontre tripartite, regroupant la RDC, l’Afrique du Sud et les Pays-Bas, planchait sur la mise en place d’une force de réaction rapide. À croire qu’au-delà des préoccupations sécuritaires la RSS est l’occasion pour les uns et les autres d’élargir leur influence dans le pays. C’est évident pour l’ONU et l’UE, qui se disputent le leadership du processus. Chacun promettant que, désormais, les interventions seront coordonnées. Sur le terrain, la RSS avance à des rythmes divers selon
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les domaines. La réforme de la police nationale congolaise (PNC) bénéficie notamment du soutien de la Monuc (la RSS faisant partie de son mandat) et de l’Union européenne, via la mission Eupol RD Congo, qui a pris le relais, en juillet 2007, d’Eupol Kinshasa, déployée en février 2005 pour sécuriser les élections. Son objectif: assister les autorités congolaises dans le domaine de la police et de son interaction avec la justice. Parmi les actions déjà menées figurent la formation de policiers, l’approbation du document de réforme de la police, ainsi que l’élaboration d’un avant-projet de loi portant organisation de la PNC et de divers textes réglementaires. Il faut maintenant adopter le texte de loi, définir un plan d’action globale, mettre en place une police de proximité qui devra tenir compte du nouveau découpage administratif du pays en 26 provinces et instaurer des dispositifs de contrôle interne et externe. Du pain sur la planche. POTS-DE-VIN ET RACKET
Côté justice, sont déjà acquis : la suppression de la Cour d’ordre militaire, la rédaction d’un nouveau code judiciaire et d’un nouveau code pénal militaires, la cartographie des institutions judiciaires, l’adoption d’un statut pour les magistrats, l’installation de tribunaux de commerce et la validation du plan d’action de la justice. Les nouveaux chantiers portent sur l’adoption du code pénitentiaire et les lois devant aboutir à la mise en place d’une Cour constitutionnelle, d’un Conseil d’État et d’une Cour de cassation, l’établissement de tribunaux militaires de police et de garnison, ainsi que sur la ratification d’instruments juridiques internationaux. Les autres mesures concernent la formation des acteurs judiciaires, la réhabilitation des services judiciaires et pénitentiaires et l’établissement de tribunaux de paix. Ce plan d’action doit s’accompagner de la mise en place d’une structure nationale chargée de la promotion et de la protection des droits humains. Enfin, le gros morceau reste la réforme des Forces armées de RDC (FARDC) – composées d’ex-miliciens issus des groupes armés et de militaires des ex-Forces armées congolaises – dont les grandes lignes ont été définies dans le plan d’action stratégi-
que de l’armée, rendu public en 2005. Elle bénéficie de l’appui de la Monuc avec, notamment, des actions de formation sur le savoir-faire et la justice militaires, et le respect des droits de l’homme. L’UE intervient également via Eusec RD Congo (European Communications Security and Evaluation Agency), lancée en juin 2005 et dotée d’un mandat de trois ans. Ses missions de conseil et d’assistance, à caractère civil, comptent, entre autres, un appui à l’élaboration du statut des militaires, au recensement biométrique des effectifs, ainsi qu’à la mise en place d’une nouvelle organisation de la comptabilité, fondée sur la séparation de la chaîne de commandement et de l’administration chargée du contrôle et de la gestion financière. Restera à revaloriser les soldes, que certains arrondissent encore à coups de pots-de-vin, racket et autres délits. Engagé en 2004, le brassage des ex-combattants, première étape du processus d’intégration qui consiste à mélanger et à former les ex-miliciens dans des centres dédiés à cette mission, a connu des moments difficiles. L’un des gros problèmes actuels vient des Maï-Maï, qui refusent d’être affectés hors de leur région d’origine, et des éléments du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, prompts aux revirements.
Le principal défi reste la réforme des Forces armées de RD Congo. Les deux groupes continuent d’ailleurs à s’affronter, en dépit des résolutions prises à Goma. Le processus d’intégration a permis, pour sa part, de former et de déployer 15 unités intégrées. Il s’est heurté au délicat problème du recensement des soldats. De 340 000 annoncés en 2002, leur nombre a été révisé à 240000 en 2004 par le Conseil supérieur de défense, pour être ramené à 100 000, à la suite des deux recensements effectués par l’Afrique du Sud et l’Union européenne. Quant à savoir combien de soldats comptera l’armée congolaise, la question reste entière. Quelque 80 000 éléments issus des exgroupes armés n’auraient en outre pas encore été pris en compte. ■
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MURIEL DEVEY
Yves CUYPERS Administrateur Délégué et Président du comité de direction de la BCDC
« La dynamique de la performance » LA BANQUE COMMERCIALE DU CONGO (BCDC) poursuit son développement initié en 2004. Les indicateurs du rythme de croissance sont tous positifs. Parmi ceux-ci, le produit net bancaire exprimé en dollars se voit multiplier par 2,5 en quatre ans et, dans le même temps, le bénéfice net après impôts, également exprimé en dollars, est multiplié par 30. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette croissance dont bien entendu l’évolution positive du cadre macro-économique de la République démocratique du Congo.
S
i la BCDC vit une telle dynamique de croissance dans un marché devenu fort concurrentiel, elle le doit à un management déterminé, à une structure organisationnelle renforcée, à une nouvelle dynamique professionnelle de ses équipes dont les effectifs ont augmenté de 38% depuis fin 2004 et à une politique commerciale de proximité au service du client.
Yves CUYPERS : « Nous avons défini des ambitions de croissances volontaristes : augmentation du nombre d’agences à Kinshasa et dans le pays, élargissement significatif de la base clientèle en ouvrant davantage nos guichets aux PME et aux Particuliers, consolidation des structures opérationnelles et de contrôle de la banque pour digérer cette croissance tout en améliorant en permanence la qualité du service à la clientèle, renforcement des compétences par l’engagement continu de jeunes cadres, le tout avec un regard vigilant sur la performance financière qui poursuivra sa courbe ascendante. »
Yves CUYPERS : « Dans la logique de ce développement, il importe également de re« Nous incitons les petites entreprises à relever que la BCDC est plus joindre le secteur formel de l’économie et que jamais un acteur signinous accompagnons leurs dirigeants dans ficatif du redéploiement de cette démarche qui est une des clés de l’accès l’économie congolaise. Non au financement bancaire. » seulement par le financement de l’économie (exprimés en dollars, les crédits à décaissement se sont vus multiplier par 2,3 au cours de ces 4 dernières années) et sa contribution significative au budget de l’Etat en termes d’impôts des sociétés et autres charges sociales, mais également par l’engagement continu de jeunes congolais au rythme d’une cinquantaine par an. Et ce rythme d’engagements devrait encore s’accélérer. »
Aujourd’hui la BCDC est leader du marché bancaire en RDC qui compte 11 organismes financiers. Demain, le pays en comptera 18…
PUBLIREPORTAGE
Dès lors que la BCDC évolue dans un environnement socio-économique en croissance, elle entend y imprimer sa marque et jouer pleinement son rôle d’acteur de premier rang de la reconstruction nationale.
Le rapport annuel 2007 de la BCDC sera disponible à partir du 23 mai 2008 sur www.bcdc.cd ou sur simple demande adressée à dir@bcdc.cd.
Yves CUYPERS : « Dans ce contexte de concurrence qui s’annoncera quelques fois dur, l’objectif n’est pas de devenir, d’être ou de rester leader. L’objectif est de proposer au marché des produits de qualité et d’offrir aux clients – grandes entreprises nationales et internationales, institutionnels, PME/PMI et particuliers – des services à la hauteur de leurs attentes pour répondre avec rapidité, efficacité et fiabilité à leurs besoins. C’est ce à quoi nous veillons. Et la BCDC dispose à cet effet de nombreux atouts financiers, humains, technologiques, commerciaux et géographiques pour accompagner l’économie congolaise dans son redéploiement. »
www.bcdc.cd.
LE PLUS 67 ÉCONOMIE
Kinshasa, Pékin et le FMI Dérapage de lʼinflation, hausse des dépenses publiques... les bailleurs de fonds sʼinterrogent sur la capacité du pays à renouer avec une gestion équilibrée. Congo pourrait alors atteindre le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et voir annuler une partie de sa dette extérieure, qui s’élevait à 10,8 milliards de dollars à la fin de l’année 2006. Mais à dire vrai, si les institutions internationales demandent à Kinshasa un peu plus de rigueur, elles exigent surtout de connaître le contenu exact de l’accord signé en septembre 2007 avec la Chine. Depuis, les négociations se sont poursuivies avec Pékin. Outre la somme de 6 milliards de dollars allouée à parts égales au développement des infrastructures et au secteur minier, la Chine accorderait une troisième enveloppe de 3 milliards supplémentaires. Pour ce « troc minerais contre dollars », un joint-venture doit réunir un consortium chinois qui détiendrait 68 % du capital (composé de China Railway Engineering Corporation et Synohydro, et Exim Bank), et la Gécamines 32 %. « Nous n’avons pas encore vu l’accord final. S’agit-il d’une dette publique ou privée? Les prêts consentis sont-ils concessionnels? » s’interroge un expert du FMI qui craint un risque de surendettement et, à terme, une crise
Les institutions internationales veulent connaître les termes de l’accord avec la Chine. nier le Fonds monétaire international (FMI) à l’issue d’une mission à Kinshasa. En cause, une hausse sensible des dépenses publiques, notamment dans le domaine sécuritaire pour financer les opérations militaires au Kivu. À la clé, une nouvelle dépréciation du franc congolais de 8 % et un retour de l’inflation, dont le taux annualisé s’établissait à 16 % à la fin janvier. Sans remettre en cause la perspective d’un accord triennal, en 2008, au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), le FMI insiste sur la nécessité d’un retour à l’équilibre. La RD
LES BANQUES EN RETRAIT LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO compte depuis peu sept banques supplémentaires. Ecobank, First International Bank RDC, Invest Bank Congo, La Cruche Banque, Mining Bank of Congo, Sofibanque, et Finca RD Congo ont obtenu l’autorisation de s’installer par décret présidentiel, le 1er avril dernier. « Excepté Ecobank, qui se montre très agressive, nous ne voyons pas de grosses pointures internationales, regrette un banquier de la place, qui reconnaît que le marché congolais puisse faire peur. » Une économie « dollarisée », une monnaie nationale dépréciée et une bancarisation infime – à peine plus de 100000 comptes – sont autant d’éléments qui ne plaident pas en faveur du pays. Les dépôts bancaires sont pour les trois quarts en dollars. Quant aux crédits, 90 % d’entre eux sont également délivrés en dollars. Avec un bilan total de 256 millions de dollars, la Banque commerciale du Congo (BCDC) reste leader sur le marché et s’apprête à passer sous pavillon marocain. La maison mère, le groupe belgo-néerlandais Fortis, est en discussions avec Attijariwafa Bank. ■ PH.P. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
PIB en milliards de dollars 6,6
8,5
7,1
9,8
Taux de croissance 6,6 %
6,5 %
5,1 %
2004
2005
2006
6,5 % 2007
Inflation en moyenne annuelle 21,4 % 17,4 % 13,2 %
SOURCE : FMI
L
es dérapages budgétaires survenus entre décembre 2007 et janvier 2008 ont fait l’effet d’une « douche froide », explique un fonctionnaire international pour résumer l’état d’esprit de la communauté des bailleurs de fonds. « La mise en œuvre du programme de référence jusqu’à la fin de 2007 a donné des résultats mitigés », a dénoncé en février der-
4% 2004
2005
2006
2007
de solvabilité de la RDC. « C’est toujours dans le détail que se trouve le diable », conclut-il. DÉCISION POLITIQUE
« Nous avons un débat avec les bailleurs de fonds mais ce serait une erreur de comparer les performances budgétaires de la RD Congo avec celles d’autres pays. Nous travaillons en flux tendu et le moindre imprévu provoque forcément des tensions. Quant à l’accord avec la Chine, on ne peut pas nous demander de redresser l’économie sans nous donner les moyens de moderniser nos infrastructures. La coordination des ressources extérieures est notre priorité, mais il ne faut pas prononcer de fatwa contre la Chine », réplique le ministre du Plan, Olivier Kamitatu, avant d’ajouter: « La décision finale du FMI sera politique. » Une façon de placer les institutions de Bretton Woods devant leurs responsabilités. L’arrivée des Chinois relève de la souveraineté congolaise. À défaut d’entériner cette nouvelle donne, les Occidentaux prendraient le risque de laisser le champ libre à l’empire du Milieu. La décision du FMI pourrait intervenir à la fin du premier semestre 2008. ■ PHILIPPE PERDRIX
68 LE PLUS RD CONGO ÉNERGIE
Les promesses du fleuve Alors que le pays dispose dʼun gigantesque potentiel hydroélectrique, seuls 6,5 % des ménages congolais ont accès à lʼélectricité.
L
’entrée dans la vaste concession d’Inga, située dans la prov ince du Bas-Congo, à 40 kilomètres en amont de Matadi et à 200 kilomètres en aval de Kinshasa, est soumise à contrôle. Passeport, ordre de mission, sourires et échanges de politesses. Tout est en règle. La voiture peut s’engager sur la route goudronnée qui traverse le site, noyé dans une végétation luxuriante et plongé dans un silence quasi religieux que seuls les chants d’oiseaux et les cris des singes viennent interrompre. Bâtiments et villas de part et d’autre de la route, et nous voilà arrivés au Belvédère. Devant nos yeux,
les districts du Bas-Fleuve et des Cataractes, dans la province du Bas-Congo, ainsi que quelques zones du Katanga. Le reste de l’électricité – soit 150 MW aujourd’hui contre 250 MW auparavant – est exporté vers le Congo-Brazzaville, le Zimbabwe, l’Angola, la Zambie et l’Afrique du Sud. DES CENTRALES VÉTUSTES
La capacité installée d’Inga, et encore moins sa production actuelle, ne peut satisfaire la demande. Difficile d’ailleurs d’estimer les besoins nationaux, faute d’informations fiables. Pour en savoir plus, le ministère de l’Énergie a demandé à chaque secteur d’activité de chiffrer ses besoins mais, jusqu’à présent, seuls les opérateurs miniers l’ont fait. Selon Africa Energy Intelligence, les besoins en électricité de Kinshasa sont évalués à 600 MW. Un chiffre qui devra être revu à la hausse, compte tenu de la relance de l’économie et de l’immobilier. S’il est le plus important, Inga n’est pas le seul site producteur d’électricité du pays, qui possède 87 centrales, dont 47 hydroélectriques, soit une capacité installée de 2 500 MW… pour une production de seulement 1 050 MW. Pour accroître cette der-
Inga permettrait de résoudre la crise énergétique qui mine le pays et ses voisins. sous un ciel d’acier, le fleuve Congo, bouillonnant d’écumes, étale toute sa puissance. Parsemé d’une myriade d’îlots de verdure, son lit, ici large de trois à quatre kilomètres, débite, selon les saisons, 30 000 à 60 000 m3 d’eau à la seconde. Construits dans le coude que forme le fleuve à cet endroit, les barrages semblent perdus dans l’immensité des lieux. À Inga – contraction d’Ingeta, qui signifie « oui » en kikongo –, le fleuve pourrait produire jusqu’à 45 000 MW d’électricité, soit près de la moitié du potentiel du pays. Rien de plus normal, donc, que d’avoir aménagé deux centrales hydroélectriques sur ce site stratégique (voir encadré). Mais malgré ce potentiel, la capacité installée d’Inga ne dépasse pas pour l’heure 1 775 MW. En fait, la production actuelle n’est même que de 700 MW. Et pour cause : sur les quatorze turbines existantes, sept sont hors d’état de fonctionner. De quoi désespérer tous ceux qui dépendent de ce site, dont une partie de la production alimente les villes de Kinshasa, Matadi, Boma et Bandundu,
nière, une « Lettre de politique énergétique » a été élaborée en 2007. Le secteur a été totalement libéralisé, mais les prix resteront réglementés. Et si l’accent est mis sur l’hydroélectricité (qui représente actuellement 99,7 % de la production totale d’énergie du pays), il est prévu de promouvoir les autres sources d’énergie, à l’exception du nucléaire. Quant aux biocarburants, leur développement ne pourra se faire au détriment de l’agriculture. Tous les types de partenariats, notamment publics-privés, sont encouragés. Quelque 38 projets – réhabilitation, modernisation ou construction de centrales électriques ou à gaz – ont été identifiés. Certains opérés par des producteurs indépendants d’énergie, comme le canadien MagEnergy, sont en cours de réalisation. Inga reste « le » grand espoir de la RDC et d’autres pays africains pour résoudre la crise énergétique qui les mine. D’où la nécessité de remettre à niveau ses centrales. C’est l’objet du Projet de développement du marché de l’électricité pour la consommation domestique et à l’exportation (PMEDE), f inancé par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD). D’un montant de 499 millions de dollars, le PMEDE s’articule en plusieurs volets, dont l’un porte sur la réhabilitation des six
UN SITE QUI VIT AU RALENTI GÉRÉ PAR LA SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (Snel), le site d’Inga dispose d’un formidable potentiel énergétique, mais seulement deux centrales hydroélectriques y ont été installées : Inga I et Inga II. Entrée en service en 1972, Inga I compte six turbines, pour une capacité de production de 350 MW. Inaugurée en 1982, Inga II, d’une capacité installée de 1 424 MW, est formée de deux unités : Inga II A et Inga II B. Construite par un consortium piloté par le belge Acec Énergie, Inga II A dispose de quatre turbines (1 à 4) et Inga II B, dont la construction a été assurée par un consortium conduit par Siemens, comprend quatre turbines (5 à 8). Faute d’entretien, depuis le milieu des années 1980, deux machines sont arrêtées à Inga I et les quatre autres tournent au ralenti. À Inga II, cinq turbines sont à l’arrêt. ■ M.D. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
À Inga, les projets d’aménagement les plus ambitieux nécessiteraient au moins 40 milliards de dollars d’investissements.
turbines d’Inga I et de quatre turbines d’Inga II A, tandis qu’un autre prévoit la construction d’une deuxième ligne à très haute tension (THT) entre Inga et Kinshasa. Le 10 avril, la BAD a signé un accord de dons de 58 millions de dollars avec la RDC pour la réhabilitation des deux centrales et des réseaux de distribution. La turbine numéro 3 d’Inga II A est d’ores et déjà en cours de réparation sur un financement de MagEnergy en partenariat avec la Snel (Société nationale d’électricité). POUR SORTIR DE L’OMBRE
Même remises à niveau, les centrales d’Inga I et II ne pourront, à elles seules, satisfaire la demande du pays et de ses voisins d’Afrique australe. C’est pourquoi, les projets de construction de deux centrales hydroélectriques en aval d’Inga II ont été réactivés. Le plus avancé est celui d’Inga III, actuellement à l’étude. Et pas question de limiter sa production aux besoins de la seule RD Congo : « Le principe d’exporter une partie de l’électricité est acquis. Cinq pays seront concernés par Inga III : la RDC, l’Angola, l’Afrique du Sud, la Namibie et le Botswana », précise un conseiller du ministre de l’Énergie. Reste à identifier et préciser les besoins. Ce sera, entre autres, la mission de Westcor (Western Power Corridor), un partenariat qui regroupe
les sociétés nationales des cinq pays intéressés. Et, en attendant que Westcor se prononce sur les apports financiers de chacun de ses membres, la RDC a lancé les études techniques et financières de la future centrale. Réalisées par le bureau d’études SNC-Lavalin, grâce à un financement du gouvernement canadien, les études de préfaisabilité d’Inga III viennent d’être achevées. Financée par l’australien BHP Billiton (10 millions de dollars), futur client et désireux de construire une usine de production d’aluminium dans le Bas-Congo, par la BAD (9,5 millions de dollars) et la Banque mondiale (1,15 million de dollars), qui constituent le comité de pilotage du projet, l’étude de faisabilité technique sera lancée prochainement et devrait être achevée dans le courant de 2009. Reste à finaliser les termes de référence et à lancer l’appel d’offres pour sélectionner la société qui sera chargée de la tâche. L’étude de faisabilité financière, pour sa part prise en charge par la Banque mondiale, est assurée par le français BNP-Paribas. Elle permettra de déterminer le coût exact de réalisation de la centrale (estimée pour l’heure à 3,6 milliards de dollars) ainsi que le prix de revient du KW/heure, mais
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aussi d’identifier les membres du futur consortium qui gérera Inga III. Selon qu’il participera financièrement ou non à la réalisation du projet, Westcor en sera membre ou sera simple client. On estime à 4 320 MW la capacité de production de la future centrale. De quoi faire rêver les millions d’Africains concernés ! Le second projet, baptisé Grand Inga, semble quant à lui relever de l’utopie. Sa capacité atteint 39 000 MW ! Et pourtant, le potentiel est là. Véritable projet intégrateur à l’échelle continentale, il prévoit de desservir trois grandes zones : l’Égypte, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe. Autant
La part de l’hydraulique dans la production nationale atteint 99,7 %. dire qu’aucun pays ne pourra réaliser, seul, un tel chantier, le montant nécessaire à la réalisation de l’ouvrage étant estimé entre 40 milliards et 50 milliards de dollars ! Reste à savoir qui composera le consortium. Au vu de l’état d’avancement des projets, la RDC n’y verra vraiment clair que d’ici à une dizaine d’années. ■ MURIEL DEVEY
MURIEL DEVEY/J.A.
LE PLUS 69
• De gauche à droite :
LE GROUPE FORREST : UN PILIER INDUSTRIEL DE LA R.D.CONGO
mine de Luiswishi exploitée par CMSK, sous-traitance minière par EGMF, pont à peser pour poids-lourds réalisé par EGMF, coulée de métal dans l’usine STL.
Le Groupe FORREST est un groupe de sociétés appartenant à George Arthur FORREST où dans lesquelles, il détient une participation. La naissance du Groupe FORREST remonte à 1922, année au cours de laquelle Malta FORREST créa sa société dans la province du Katanga. En 1986, son fils, George Arthur FORREST, prit seul, la direction de l’entreprise familiale et lui donna un nouvel essor. Par la diversification de ses activités, le Groupe FORREST s’est érigé en un opérateur économique incontournable de la République Démocratique du Congo. Il en est aujourd’hui le premier investisseur et employeur privé. Le Groupe est actif dans le secteur minier, l’industrie du ciment, les travaux publics et de génie civil, le montage industriel, la santé et l’agroalimentaire. L’activité de ses sociétés procure un emploi à 9 500 personnes, 15 000 en prenant en compte les emplois indirects. Parallèlement à ses activités économiques et compte tenu du contexte socio-économique de la République Démocratique du Congo, le Groupe FORREST est particulièrement impliqué dans des projets sociaux. Notamment via la Cellule Sociale du Groupe, appelée à devenir une Fondation, qui elle, finance des initiatives dans les domaines de l’enseignement, la santé, le sport, l’agriculture ou encore l’environnement. Malgré les conflits qui ont ravagé le pays pendant près de huit années, le Groupe FORREST est l’une des rares entreprises a n’avoir jamais suspendu ses activités, ni ne s’être détournée du pays et de la population congolaise. Elleaaucontrairecontinuéàyinvestir,entraînantdanssonsillondesinvestisseursoccidentauxdepremierplan. George Arthur FORREST, président du Groupe est Consul honoraire de France à Lubumbashi. En mars 2007, il a été nommé Président d’Honneur de la Chaire UNESCO pour l’Afrique centrale et les pays de la SADC. Fervent promoteur de la transparence dans le secteur minier, il est également, depuis octobre 2007, membre du Comité de Pilotage de l’Initiative pour la Transparence dans la gestion des Industries Extractives (ITIE) en République Démocratique du Congo. Il est finalement un ardent défenseur de l’art contemporain congolais, notamment via l’ASBL Dialogues qu’il finance entièrement. Celle-ci soutient les artistes congolais et promeut leurs œuvres par des expositions tant en République Démocratique du Congo qu’en Europe et dans le reste de l’Afrique.
A Avenue USOKE 359 Lubumbashi K Katanga – RDC T Tél. : +243 99 534 00 00 / +243 81 558 10 10 F Fax : +243 (0) 23 42 223 E E-mail : hdh.gfia@forrestrdc.com
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DIFCOM/D.F. _ PHOTOS : D.R.
G GEORGE FORREST IINTERNATIONAL AFRIQUE
BRUNO ARNOLD/ASAP-REPORTERS-REA
LE PLUS 71
MINES
La fin du hold-up ? Après avoir engagé la révision de plus de soixante contrats miniers, les autorités ont rendu leur verdict en mars. Plusieurs compagnies sont dans le collimateur de Kinshasa.
L
À l’inverse, les compagnies internationales affichent des ambitions à la mesure du potentiel congolais. La fameuse copper belt (« ceinture de cuivre ») entre Lubumbashi, Likasi et Kolwezi abrite 10 % des réserves mondiales de métal rouge et 34 % de celles de cobalt. Ce magot ne laisse personne indifférent. La forte demande chinoise offre un débouché considérable, et le cours du cuivre a atteint un niveau historique à 8 860 dollars la tonne en mars dernier (+ 240 % en quatre ans). Les investissements miniers au Katanga sont estimés à 2 milliards de dollars et, selon des chiffres de la Banque centrale, la production officielle de cuivre a été de 36388 tonnes en 2006 (+ 38 % par rapport à 2005) et de 10849 tonnes pour le cobalt (+ 32 %). À l’échelle du pays, les retombées peuvent être gigantesques. Pour l’heure, le secteur ne représente que 6 % du PIB, qui atteint péniblement 8,5 milliards de dollars, mais la Banque mondiale estime que la valeur brute de la production minière variera entre 2 milliards et 3,8 milliards de dollars par an d’ici à 2017 (entre 20 % et 25 % du PIB) et rapportera à l’État entre 186 millions et 689 millions de dollars de recettes fiscales, contre 27 millions déclarés en 2005! « Cette dynamique est réelle, encore faut-il la consolider, explique le dirigeant d’une société minière. Le pays peut miser sur une valorisation de ces gisements pour asseoir son développement économique. Mais pour cela il faut
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sécuriser les investisseurs, et nous n’en prenons pas encore le chemin », conclutil, faisant allusion au processus de « revisitation » en cours. JOUER LA TRANSPARENCE
Jouant la carte de la transparence, les autorités ont en effet rendu publiques le mois dernier les conclusions de l’examen effectué sur 61 accords passés entre 2002 et 2006. Le verdict de la commission ad hoc est sans appel: avantages fiscaux considérés comme excessifs, sousvalorisation coupable des actifs, présence trop restreinte des sociétés publiques (Gécamines, Miba et Okimo) au capital des joint-ventures, royalties insuffisantes, non-respect des engagements en termes d’investissements ou de mise en production… Aucun des 61 contrats n’a pu être classé A (viable). Tous sont « à renégocier » ou « à annuler ». « Le gouvernement entend désormais assurer une gestion efficiente et un contrôle adéquat du secteur minier afin que les mines congolaises profitent pleinement et réellement à la nation congolaise », se justifie la commission. « L’objectif n’est pas de résilier ces contrats mais de les réajuster », tempère le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, alors que les opérateurs sont tenus de répondre « aux exigences ou recommandations » du gouvernement sous peine de voir leurs positions sérieusement menacées. Et, pour certains, les négociations s’annoncent délicates.
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or sque le gouve r neu r du Katanga, Moïse Katumbi, a décidé l’an dernier d’interdire l’exportation de minerais bruts, le plus souvent sortis de mines artisanales exploitées sans autorisation, l’effet a été immédiat. Des dizaines de camions se sont retrouvés bloqués dans Lubumbashi. « Plus de 500 camions quittaient chaque jour la province vers la Zambie. Le Katanga était une vache à lait et perdait quotidiennement 5 000 tonnes de minerais, soit 10 milliards de dollars par an », explique le gouverneur. Poussés par la misère, les creuseurs artisanaux continuent d’alimenter une économie parallèle mais les autorités provinciales semblent décidées à mettre un terme à ce qui s’apparentait à un hold-up à ciel ouvert. Il faut dire qu’après une longue période de repli, l’exploitation industrielle est en phase de relance. En quelques années, les plus grandes compagnies minières internationales ont pris position et constitué des jointventures avec l’entreprise publique, la Gécamines. Celle qui fut le fleuron de l’économie congolaise n’avait guère le choix. L’absence d’investissements, la gestion catastrophique et une corruption endémique ont brisé la « Gécamines providence » qui faisait la fierté du pays. De 450 000 tonnes de cuivre en 1984, la production est tombée à 26000 tonnes, l’appareil industriel est en ruine et l’entreprise plombée par une dette de 2 milliards de dollars.
72 LE PLUS RD CONGO ▲ ▲ ▲
Après avoir acquis en 2006 Phelps Dodge, détenteur du permis, l’américain Freeport-McMoRan, deuxième producteur mondial de cuivre, se voit contraint de redéfinir les contours de son association avec la Gécamines pour développer le fabuleux gisement (cuivre et cobalt) de Tenke Fungurume, près de Kolwezi, dont le potentiel de production est de 400 000 tonnes par an d’ici à 2012. Grâce à 630 millions de dollars d’investissements, l’entrée en production est annoncée à la mi-2009 mais, d’ici là, Kinshasa demande que la participation de la Gécamines passe de 17,75 % à 45 % et réclame le versement d’un pasde-porte de 250 millions de dollars. Une nouvelle donne qui pourrait inciter Freeport à ralentir, voire interrompre, la mise en exploitation du site. Autres exemples : la commission propose une résiliation de la convention qui lie l’État et l’australien Anvil Mining sur la mine de Dikulushi, près de la frontière zambienne, alors que des investissements et la production sont déjà engagés ; le diamantaire sud-africain De Beers doit modifier le joint-venture constitué avec la Miba en lui versant en royalties 1 % sur le chiffre d’affaires, au lieu de 1 % prévu sur les revenus ; le sud-africain AngloGold Ashanti, numéro trois mondial de l’or, est prié de laisser à la société publique Okimo une part de 49 %, au lieu de 13,78 %, dans le capital de la coentreprise dédiée au développement
du gisement de Kilo, en Ituri (nord-est du pays). La commission se prononce aussi pour une résiliation de la convention obtenue en 1990 alors que plusieurs dizaines de millions de dollars ont été investis et que la production doit débuter en 2011. Pourtant considéré comme un proche du pouvoir, l’entrepreneur belge George Forrest voit également certaines de ses positions menacées. Après les deux permis « Dima », près de Kolwezi, récupérés par la Gécamines pour être affectés à ses partenaires chinois dans le cadre de l’accord avec Pékin (voir p. 67), Kinshasa souhaite que la mine de cuivre de Musoshi soit restituée à la société publique Sodimico. DÉNONCER LES CONTRATS LÉONINS
« Je ne suis pas certain que la commission ait parfaitement compris l’économie minière. On ne peut résumer la situation en opposant les méchants miniers qui pilleraient les ressources et l’État vertueux qui défendrait l’intérêt général. Ces joint-ventures ne prévoient aucun engagement financier des entreprises publiques et, de leur côté, les privés valorisent les gisements et créent de la richesse. Cet argument doit être entendu. L’exploitation demande de gros investissements, il est donc normal que la fiscalité prenne le risque minier
PENDANT CE TEMPS, D’AUTRES SIGNENT ! SI LES UNS SONT MENACÉS PAR LA « REVISITATION », d’autres en profitent pour avancer leurs pions. Et il n’y a pas que les Chinois qui s’intéressent aux matières premières congolaises. Le 18 mars dernier, le président de la compagnie russe Alrosa, Sergey Vybornov, a été reçu par le président Joseph Kabila pour envisager une coopération dans l’exploration diamantaire et l’énergie. Le même jour, le ministre des Mines, Martin Kabwelulu, a annoncé le lancement d’un projet d’exploitation du fer dans la province Orientale, au nord de Kisangani, par la société Oriental Iron Company (Orico), dirigée par Dan Gertler. Les investissements évoqués sont faramineux : 7 milliards de dollars. Le 2 avril, les Canadiens de ICS Copper Systems rendaient publique la signature d’une lettre d’intention avec TransAfrican Minerals Limited qui détient six permis miniers en RDC. Le groupe Antofagasta, leader dans le cuivre en Amérique latine, a exprimé son intérêt pour les gisements congolais. La compagnie émiratie Ras Al Khaimah Minerals & Metals Investments (RMMI) a pour sa part déjà engagé 250 millions de dollars dans différents projets d’exploitation de cuivre et de cobalt. Enfin, dans le domaine des hydrocarbures, le sud-africain SA Minerals Resources Corporation (Samroc) a acquis, en mars, South Africa Congo Oil, qui possède plusieurs concessions pétrolières dans PH.P. la région du lac Albert (Nord-Est). ■
en considération », résume un opérateur s’interrogeant sur les intentions de Kinshasa. Plusieurs points demandent en effet éclaircissement. Depuis l’adoption du code minier en 2002, 4542 permis d’exploration ont été délivrés (soit 33,8 % du territoire national) à 642 sociétés. Seuls 411 d’entre eux ont été officiellement transformés en permis
Les investissements au Katanga sont estimés à 2 milliards de dollars. d’exploitation. « Curieusement, les autorités se sont attardées sur 61 contrats, dont neuf projets sont véritablement passés en phase de production. Cette focalisation est contre-productive car le flou juridique suscité risque de refroidir les investisseurs. Les compagnies internationales s’interrogent sur la capacité de l’État à tenir ses engagements », menace à demi-mot le représentant d’une société minière. « Kinshasa est dans son bon droit en dénonçant les contrats léonins, mais les compagnies ont une arme redoutable: mettre sur la place publique les conditions dans lesquelles les négociations se sont déroulées ces dix dernières années. Et certains pourraient être inquiétés », précise un observateur. D’aucuns font remarquer que d’autres accords mériteraient la même attention pour rendre ce grand ménage parfaitement crédible et efficace. Ainsi, l’Israélien Dan Gertler, via sa société Emaxon, a obtenu un très avantageux contrat d’exclusivité sur 88 % de la production de diamants de la Société minière de Bakwanga (Miba). Parallèlement, l’exploitation artisanale, qui représente les trois quarts de la production nationale de gemmes, est loin de respecter toutes les normes de transparence. Or, si les multinationales, solvables, sont dans le collimateur de l’État, le pillage en règle des ressources se poursuit en toute impunité dans les Kivus et en Ituri. « Les griefs présentés par la commission sont une base de négociations mais il ne s’agit pas d’une position figée », espère le représentant d’une multinationale. Un panel constitué de huit membres du gouvernement est à présent chargé d’étudier les notifications de la commission et les réponses argumentées des opérateurs. Sans doute une façon de rechercher des compromis, au PHILIPPE PERDRIX cas par cas. ■
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LE GROUPE LEDYA
GROUPE LEDYA
Atelier de l’usine FOLEMET
Inauguration en 2007 de l’usine de transformation des métaux FOLEMET
Hôtel Pyramide
DIFCOM/ D.F. - PHOTOS : D.R.
M.
de Tondo « CMT sprl », Compagnie Minière de Jean LENGO DIA NDINGA, entreTondo. Au cours de l’année 2005, commenpreneur perspicace, audacieux, clairce la construction de la fonderie « FOLEMET ». voyant et respectueux de ses engaSon inauguration a lieu en 2007 par le Chef de gements est à la tête d’un Groupe de sociétés l’État, Son excellence Monsieur Joseph Kabila dont les activités touchent presque l’ensemble Kabange dans le cadre de la réalisation du prodes secteurs de la vie de la République Démojet des cinq chantiers. Dans le même temps, cratique du Congo et procure du travail à 926 > Jean LENGO DIA NDINGA, débute l’exploitation forestière de la province employés. Le groupe se compose aujourd’hui Président directeur général de l’Équateur ainsi que l’acquisition de la carrièd’un ensemble de 9 sociétés distinctes alors qu’il du GROUPE LEDYA. re de Kinsuka en préparation d’exploitation afin a commencé par le petit commerce de denrées de mettre à disposition des constructeurs potentiels les intrants alimentaires locales dans les écoles secondaires et professionnécessaires à la construction d’infrastructures indispensables au nelles qu’il a fréquentées. développement de la République Démocratique du Congo. Jean Lengo Dia Ndinga, patriote Congolais et self-made man Le Groupe LEDYA, c’est aussi une chaîne hôtelière qui coms’est lancé dans les affaires dès l’âge de 17 ans. prend déjà deux hôtels, celui de Matadi et le Pyramide Hôtel. En 1978, il connaîtra l’essor des ses activités commerciales C’est toujours aller de l’avant, en améliorant l’exploitation focomme fournisseur des Supermarchés Kinois par l’importation restière et minière, en développant une scierie moderne et d’articles en plastique et de matériel électroménager. d’implanter une cimenterie. C’est encore, construire une ligne En 1985, il étend ses activités avec l’importation de produits électrique de Boma à Kabinda dont pourront bénéficier les vilalimentaire et le transport routier (avec 10 véhicules à son commencement). lages environnants. En 1991, il se spécialise dans l’importation de vivres frais, congelés et surgelés. Pour cette activité, il fait construire les infrastructures adaptées à la chaîne du froid. En 1992, il débute l’importation de matériaux de construction et l’implantation de deux boulangeries. Il créera aussi la société AIDEL (Agence Internationale pour le Dédouanement et le leasing). En 1995, toutes ces activités vont êtres regroupées sous > Le siège social du GROUPE LEDYA. le nom de Société Commerciale LENGO DIA NDINGA et fils Expérience, volonté et ténacité fait du Groupe LEDYA « LEDYA sprl ». un incontournable dans l’essor économique de la Début 2000, Jean LENGO DIA NDINGA s’investit dans l’agriRépublique Démocratique du Congo. culture mécanisée pour développer l’auto suffisance alimentaire et ainsi lutter contre la pauvreté et crée la même année la société de construction et de Génie Civil CONST–SOCO sprl. Par ailleurs, pour assurer une meilleure gestion de son patriSIÈGE SOCIAL moine immobilier, il crée la société SIMOBILE (Société de Ges17, avenue de forgeron, Quartier Funa, tion Immobilière LENGO). Commune de Limété, Kinshasa – RD CONGO Tél. : +243 81 700 50 78 / +243 81 880 44 63 En 2005, début de l’exploitation minière du bas Congo à traFax : +243 13 98 113 - Email : info@groupe-ledya.com vers la société LEREXCOM. En 2006 un contrat de partenariat Site Web : www.groupe-ledya.com est signé avec la GECAMINES pour l’exploitation du gisement
MURIEL DEVEY/J.A.
LE PLUS 77
Entre fleuve et collines, le calme trompeur d’une agglomération en mutation.
MATADI
Une ville où lʼeau ne dort pas
La capitale du Bas-Congo attire de plus en plus dʼentrepreneurs et de Kinois à la recherche dʼun meilleur cadre de vie. Principal atout, à valoriser : son port.
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philosophique, bénéficie de la tradition messianique du Bas-Congo, exploite le thème de la pauvreté et joue sur la fibre régionale. Il a tous les ingrédients pour recruter des adeptes. Et son service d’ordre a tout d’une milice », explique un journaliste. En tout cas, la xénophobie et le fanatisme des adeptes du BDK, accusés par ailleurs d’interdire la pratique d’autres cultes et de faire la justice dans ses tribunaux populaires, inquiètent ou exaspèrent ceux qui ne partagent pas leurs idées.
meilleures que dans la capitale. « Ici, les loyers sont accessibles et les déplacements aisés. Tu trouves facilement un emploi et tu n’as pas besoin d’être coopté pour cela. On t’engage selon tes compé-
La vie économique s’organise autour du fleuve, qui conditionne l’avenir de la cité.
UNE ATTRACTIVITÉ RENOUVELÉE
Néanmoins, la présence de cette secte, dont le siège est implanté au quartier Belvédère, n’empêche pas les hommes d’affaires de venir humer le climat de la ville. C’est le cas de Patrice Kabeya, patron de Partners, une entreprise installée à Kinshasa, qui espère tirer profit de la relance du téléphone fixe dans le Bas-Congo pour y vendre du matériel et s’informe sur les opportunités touristiques de la région. D’autres comme Claude, un prof de math, ont carrément choisi de s’établir dans la ville portuaire plutôt que de végéter à « Kin », attirés par les conditions d’embauche et de vie
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tences », explique Laura, chef d’agence de Crésence, qui, outre l’organisation de défilés de mode et de manifestations culturelles, s’est lancée dans le stylisme. Et il n’est pas très difficile de trouver des sponsors et des clients, car les habitants de Matadi sont réputés pour leur propension à dépenser. Leur pouvoir d’achat, petit ou grand, les Matadiens le doivent en grande partie au port, jumelé à celui d’Anvers (Belgique), autour duquel s’organise toute la vie économique. On l’a d’ailleurs surnommé bilanga ya tata – « le champ de papa » en lingala. « L’essentiel est donc d’y entrer pour récupérer ce que papa a planté », plaisante Claude. Pourtant, malgré un chiffre d’affaires de 7 millions de dollars par mois, un trafic annuel d’environ 1,5 million
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l surgit, sans crier gare, au détour d’un virage, par-delà le pont qui enjambe la rivière Mpozo. Juché sur les collines surplombant le lit encaissé du fleuve Congo, Matadi se fond dans la rocaille et la verdure. De quoi faire oublier l’éprouvant voyage en minibus depuis Kinshasa. Une belle route goudronnée, certes, mais de multiples virages et une majorité d’automobilistes peu enclins à respecter le code de la route. Et, surtout, un insupportable prêche hurlé, une heure durant, par une passagère reconvertie en pasteur de fortune, qu’aucun voyageur n’a osé interrompre, sinon pour ponctuer sa longue litanie d’Amen et d’Alléluia convaincus. Comparé à la trépidante capitale, Matadi fait figure de ville provinciale, avec ses 400 000 habitants et ses rues proprettes, plutôt calmes pendant les heures chaudes. Un calme toutefois trompeur, si l’on en juge par les manifestations violentes qui ont opposé, à plusieurs reprises, les forces de l’ordre aux membres du mouvement Bundu dia Kongo (BDK), faisant de nombreux morts et blessés. Dirigé par le député Ne Muanda Nsemi, qui milite pour une République fédérale avec un Bas-Congo autonome, le mouvement est relativement populaire dans la région. Et pour cause. « Le BDK a une base religieuse et
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de tonnes de marchandises et 106250 conteneurs, l’activité portuaire n’est pas à son niveau maximal. Le trafic pourrait être porté à 2,5 millions de tonnes, à condition d’agrandir l’espace d’entreposage et de réhabiliter les engins de manutention. Actuellement, les difficultés du chemin de fer aggravant la situation, les conteneurs restent stockés pendant 40 à 60 jours, au lieu de 20. Ces délais devraient être raccourcis grâce aux travaux en cours. « L’espace du parc à conteneurs sera agrandi de 33000 m2. On va entreposer les grumes sur des terrains en terre et ainsi libérer 16000 m2 de surface bétonnée, auxquels s’ajouteront 17000 m2 récupérés ailleurs. Cela permettra de stocker 6 300 conteneurs supplémentaires », explique Tito Umba di Malanda, directeur du département des ports maritimes de l’Office national des transports (Onatra). La réparation d’une grue et l’acquisition de deux nouvelles machines devraient permettre d’augmenter les cadences. REMISE À FLOT DE L’ÉCONOMIE
Du coup, Matadi pourra se consacrer à ce qui devrait être désormais sa vocation : un port d’importation spécialisé dans le trafic de cargos secs et de conteneurs. En outre, quand le port secondaire en construction – en l’occurrence le port sec de Kenge, à 28 km de là – sera achevé, Matadi pourra retrouver la fonction
de transit qu’il avait en partie perdue au profit du stockage. Quant à sa rivale, la ville voisine de Boma, qui a récupéré une part du trafic de conteneurs et les opérations de dédouanement des véhicules importés, « elle pourrait se professionnaliser dans le trafic des grumes et des produits agricoles », assure Tito Umba di Malanda. Comparée au port, la gare de Matadi, elle, a piètre allure. Par manque de trafic, les quais sont souvent vides et les herbes se sont installées durablement sur la voie ferrée. C’est donc par le port et la route que Matadi est ravitaillée. Et ses habitants sont fiers de vous annoncer qu’ils consomment surtout local ou européen. Les produits chinois n’auraient-ils pas encore envahi la ville ? À voir. Mais il est vrai que les voitures « d’occase » et les produits vendus dans les entrepôts de grossistes, alias « dépotages », viennent en partie d’Europe. En tout cas, les fruits et les légumes, très abondants sur les marchés, arrivent tout droit des villages environnants ou des jardins maraîchers de la ville. Quant aux pierres sur lesquelles est bâti Matadi – nom qui signifie d’ailleurs « pierre » en kikongo –, elles servent à construire murs et toitures, quand elles ne font pas fonction de marches d’escaliers. Si la relance du port conditionne
celle de la ville et de la région, les projets pétroliers, miniers et énergétiques en cours sont également de nature à dynamiser l’économie locale. C’est d’ailleurs sur le développement régional que misent certains pour ramener
« Bundu dia Kongo exploite le thème de la pauvreté et joue sur la fibre régionale. » le calme. « Les populations oublieront les prophéties du BDK quand leur niveau de vie s’améliorera », assure un avocat matadien. Certes, mais avant que les projets se concrétisent, beaucoup d’eau aura coulé sous le pont Mobutu. Reste à savoir, en outre, comment réagira le BDK à la récente décision du gouvernement – le 21 mars dernier – d’interdire le mouvement. Une mesure que tous n’approuvent pas. « Pour calmer les esprits, il faudrait une meilleure représentation des Kongos dans les institutions. Un effort a été fait au niveau des entreprises publiques, mais ce n’est pas suffisant », estime le même avocat. En tout cas, beaucoup croisent les doigts, espérant que la situation sociopolitique ne se dégradera pas. Pas question de faire fuir les investisseurs. ■ MURIEL DEVEY
3 QUESTIONS À...
SIMON MBATSHI BATSHIA Gouverneur du Bas-Congo JEUNE AFRIQUE: L’interdiction du mouvement BDK va-t-elle suffire à ramener le calme à Matadi? SIMON MBATSHI BATSHIA: La répression n’est jamais une solution en soi. Mais il faut faire la part des choses. Jusqu’à maintenant, le phénomène Bundu dia Kongo n’a été connu et médiatisé que lorsqu’il y a eu des morts, lors d’affrontements avec la police. Aussi les adeptes du BDK sont-ils perçus comme des victimes. Alors que ce sont des gens qui sont manifestement hors-la-loi.
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En quoi les adeptes du BDK sont-ils des hors-la-loi? Le BDK a certes des revendications valables, comme celles relatives aux tracasseries policières. On peut dialoguer avec eux et voir comment améliorer les choses. Mais leurs adeptes sont allés trop loin. Ils remplacent les chefs de secteur que l’État a nommés par leurs propres
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hommes. Ils occupent les frontières et assurent eux-mêmes les formalités douanières, obligeant des gens à quitter le pays. Ils occupent les paroisses, dont ils chassent les prêtres. Ils font la loi, jugent, incinèrent et enterrent. Cela n’a rien à voir avec des revendications. Ce qu’ils font dépasse ce qui est permis. La loi est transgressée, il faut donc agir. Quand quelqu’un se substitue à l’État, il n’y a pas d’autre solution que de réprimer. Le BDK est très populaire dans la région. Ne craignezvous pas que la population réprouve la répression? L’adhésion de la population au BDK est contrainte. Les gens se sont rangés à ses côtés par peur, car le mouvement utilise la force et arrête les populations. Il a même été jusqu’à empêcher les enfants d’aller à l’école pour les enrôler. Mais depuis que la police a mené une action d’envergure et qu’on a maîtrisé le mouvement, c’est la population elle-même qui commence à livrer les prédicateurs du BDK à la police et à brûler les maisons. Autre preuve, lors du dimanche des Rameaux, toutes les églises étaient pleines. Auparavant, le BDK empêchait la population d’aller prier. Aujourd’hui, les gens se sentent plus libres. ■
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Propos recueillis par MURIEL DEVEY J E U N E A F R I Q U E N ° 2 4 6 7 • D U 2 0 A U 2 6 AV R I L 2 0 0 8
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Goma la martyre
AFP PHOTO / LIONEL HEALING
Pris entre le feu du volcan et celui des bandes armées, les 500 000 habitants de la capitale provinciale essaient de vivre normalement, mais gardent la peur au ventre.
Des milliers de réfugiés ont fui l’insécurité des campagnes.
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près avoir longuement survolé le lac Kivu, le petit porteur se pose sur l’aéroport de Goma. Les passagers, pourtant déjà contrôlés à Buta, sont une nouvelle fois soumis au rituel par les agents de l’Immigration et des Douanes. Dès l’aéroport, on sent que cette ville n’est pas ordinaire. En guise de comité d’accueil, on passe devant un poste d’observation de la Mission des Nations unies (Monuc) protégé par des sacs de sable. Ces dix dernières années, Goma a été le quartier général de deux rébellions armées et une troisième, toute récente, a tenté de s’en emparer. Dès l’aéroport, on sent qu’ici, la terre, couleur de cendre, a plus que souffert. Sur la route menant au centre-ville, la chaussée est défoncée, trouée d’innombrables nids-de-poule et jonchée de roches noires. Un jour de janvier 2002, le Nyiragongo, le volcan qui domine l’agglomération, s’est brutalement réveillé. Des coulées de lave fumantes, hautes de trois mètres, ont traversé la ville. Bilan: une centaine de morts, près de la moitié de la cité anéantie et des séquelles toujours visibles. Ces aléas n’empêchent pas les « Gomatraciens » de vivre presque normalement,
mais avec la peur au ventre, à cause de l’instabilité entretenue dans la province par différents groupes armés et de l’insécurité grandissante en ville. Les nuits sont toujours aussi animées. Bars et boîtes de nuit déversent leurs décibels, faisant honneur à la réputation du Goma by night d’antan. Des habitants de Gisenyi, ville rwandaise située à 3,5 km du centre de Goma, viennent souvent faire la fête avec leurs voisins congolais. Sur les bords du lac Kivu se dressent de nouvelles constructions appartenant à la classe aisée. Des hôtels et des restaurants fleurissent. Un signe de retour à la normale, qu’un Kinois de passage juge avec admiration: « Alors que partout ailleurs les choses marchent au ralenti, ici les gens ont commencé à reconstruire. C’est un exemple à suivre. » C’est sans doute vite dit. Depuis quelques années, Goma est devenu une plaque tournante du trafic de produits miniers (or, cassitérite, coltan), dont le contrôle échappe aux autorités. Et les 4x4, signes extérieurs de réussite s’il en est, témoignent de la volonté des habitants aux poches plei-
nes de goûter aux plaisirs du temps. Les autres ont le choix entre le minibus et la moto taxi. Mais la ville est loin d’avoir résolu ses problèmes. « Nous n’avons pas d’éclairage public parce que notre alimentation en énergie est insuffisante, explique Julien Paluku Kahongya, gouverneur du Nord-Kivu. Cela nous amène à délester les quartiers à tour de rôle. » Autre problème récurrent, celui de l’insécurité, surtout à Nyabushongo, le quartier hutu, où les personnes tuées par balles ne se comptent plus. « Pendant la Transition, l’un de mes prédécesseurs a distribué des armes à des miliciens pour semer la terreur. Nous essayons maintenant de récupérer cet arsenal. » Les combats de l’an dernier entre l’armée régulière et les dissidents fidèles au général Laurent Nkunda ont poussé des milliers de personnes à quitter les territoires du Masisi et du Rutshuru pour trouver refuge à Goma. Regroupés dans plusieurs camps à la sortie de la ville, ces déplacés attendent des jours meilleurs. Géré par le Norwegian Refugee Council (NRC), le camp de Bulengo accueille près de 17000 déplacés. « Nous les encourageons à travailler, confie Omer Kabelu Budibuende, responsable du camp. Ils sont organisés en associations, en fonction du métier qu’ils exerçaient avant guerre. » Chaque mois, ils reçoivent du Programme alimentaire mondial (PAM) 50 kg de farine de maïs, des petits pois, 5 litres d’huile de
La rébellion de Laurent Nkunda a tenté de s’emparer de l’agglomération. palme, 500 g de sel par ménage. « Pour avoir de la viande, du poisson ou du riz, explique l’un d’eux, nous sommes obligés de faire du troc avec les gens de Goma. » Malgré leur débrouillardise, les déplacés prient chaque jour pour le retour définitif à la paix, qui leur permettrait de regagner leurs foyers. L’équilibre fragile de Goma en dépend. ■ TSHITENGE LUBABU M.K.
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TRACTAFRIC Congo assure aussi les représentations de Mercedes-Benz (voitures particulières et
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DIFCOM C.C. / Photos : DR
TRACTAFRIC Congo est filiale du 1er groupe privé Marocain, l’ONA. Outre Caterpillar, d’autres marques de renom international, comme Hyster, Manitou, Mecalac, Perkins, Olympian, Michelin, font également confiance à
TRACTAFRIC pour les représenter. Par ailleurs, au travers de son Département Motors, également présent en Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest,
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