MAROC LES NOUVEAUX BARONS DES MÉDIAS
RD CONGO
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL AL INDÉPENDANT IND NDÉP • 49e ANNÉE • N° 2499 • du 30 novembre au 6 décembre 2008
LE PLUS
MURIEL DEVEY
UE DE JEUNE AFRIQ
www.jeuneafrique.com
Le Bas-Congo, ière province pionn
es Spécial 28 pag
SÉNÉGAL
Y a-t-il un pilote dans l’avion? Crispations politiques, tensions sociales, incertitudes économiques : les réponses d’Abdoulaye Wade se font singulièrement attendre.
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE M 01936 - 2499 - F: 3,00 E
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France 3 € • Algérie 150 DA • Allemagne 4 € • Autriche 4 € • Belgique 3 € • Canada 5,95 $ CAN • DOM 3 € • Espagne 3,60 € Finlande 4 € • Grèce 4 € • Italie 3,60 € • Maroc 20 DH • Mauritanie 1000 MRO • Norvège 35 NK • Pays-Bas 3,60 € Portugal cont. 3,60 € • Royaume-Uni 3 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1600 F CFA • ISSN 1950-1285
SOMMAIRE 7 LE PLUS
MURIEL DEVEY
DE JEUNE AFRIQUE
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LE GRAND REPORTAGE
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LʼAFRIQUE À VENDRE... À lʼimage de Daewoo à Madagascar, les terres arables du continent attisent lʼappétit des investisseurs de tous horizons.
Le Bas-Congo, province pionnière
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SÉNÉGAL : Y A-T-IL UN PILOTE DANS LʼAVION ? Crispations politiques, tensions sociales, incertitudes économiques... Outre ces crises quʼil va falloir désamorcer, le président Abdoulaye Wade doit arbitrer une guerre de succession déjà lancée.
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RD CONGO
LE PLUS BAS-CONGO Voyage au cœur de la plus petite, mais très stratégique, province de RD Congo. Spécial 28 pages.
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LES CENT JOURS DʼABDELAZIZ Le premier bilan du chef de lʼÉtat mauritanien autoproclamé. Son populisme séduit les plus pauvres.
REVOILÀ HILLARY CLINTON ! Obama a choisi son ex-adversaire comme secrétaire dʼÉtat. Tous deux veulent donner la priorité à lʼAfrique.
Le devoir d’informer, la liberté d’écrire 38
MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Mauritanie Les cent jours dʼAbdelaziz Algérie Le front du « non » Maroc Les nouveaux barons des médias Libye Une politique en trompe lʼœil Irak Reconstruction à (très) petits pas Éducation À nouveau Maroc, nouvelle grande école Islam Al-Azhar lève un coin du voile Arabie saoudite Sous lʼabaya, des rockeuses
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INTERNATIONAL
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États-Unis Lʼaigle à deux têtes Venezuela À la recherche dʼun second souffle Parcours Mohamed El Khayat Thaïlande Lutte à mort
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L E P L U S D E J E U N E AF R I Q U E
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RD Congo Le Bas-Congo, province pionnière
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ECOFINANCE
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Afrique de lʼOuest Lʼéconomie du Ghana : un modèle à parfaire
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La semaine dʼEcofinance Portrait Ousmane Kane, lʼhomme du fer mauritanien Banque Offensive éclair dʼAttijari en Afrique Tunisie Un prêt-à-porter décomplexé à lʼexport Décryptage La crise financière internationale : opportunité pour lʼAfrique ou annonce de son effondrement ? LIRE, ÉCOUTER, VOIR Photographie Immortels tirailleurs Cinéma Vent de grand nord sur Marrakech Livres Lévi-Strauss vu dʼAfrique Musique Sandra Nkaké, ça décoiffe !
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VOUS & NOUS
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Forum La liberté par lʼimage Courrier Agenda Post-scriptum
Ce numéro contient un DVD INPES qui sera diffusé dans les exemplaires destinés à la diffusion en Afrique subsaharienne et en France.
LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
RD CONGO
Le port de Matadi.
MURIEL DEVEY
Le Bas-Congo, province pionnière
LE PLUS 61 LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
RD CONGO CONG GO G O
PRÉLUDE
FRANÇOIS SOUDAN
MURIEL DEVEY
Mondialisation Le Bas-Congo, province pionnière PA N O R A M A
Une force tranquille p. 62 SOCIÉTÉ
Au cœur du messianisme p. 66 POLITIQUE
Une journée à lʼAssemblée p. 70 INTERVIEW
Simon Mbatshi Batshia, gouverneur du Bas-Congo p. 73 TRANSPORTS
Quand la route bat le fer p. 74 M AT I È R E S PR E M I È R E S
De lʼor noir à lʼor gris p. 76 PORTS
Lʼéconomie au fil de lʼeau p. 78 HYDROÉLECTRICITÉ
Un grand Inga... et lʼAfrique sʼéclairera p. 79 AG R I C U LT U R E
Pratiques extensives: le pour et le contre p. 80 PAT R I M O I N E
LES GUERRES QUI, DEPUIS PLUS D’UNE DÉCENNIE, déchirent la République démocratique du Congo ont eu au moins un mérite : celui de démontrer que, en dépit de violentes tensions scissipares, il existe bien une identité congolaise et une volonté commune de vivre ensemble. Mais elles ont aussi accentué le repli sur soi de certaines régions au fédéralisme affirmé qui, tout en refusant fermement de s’éloigner de l’espace national, estiment qu’il est inutile – voire contre-productif – de tout attendre de Kinshasa. Le Katanga minier en est l’exemple le plus connu, le Bas-Congo sans doute le plus symbolique. La plus petite des provinces du pays et son unique débouché maritime est l’héritière d’une histoire séculaire et singulière, celle du grand royaume de Kongo, porte d’entrée des Européens et victime de l’écartèlement colonial entre trois pays. De Kimpa Vita à Ne Mwanda Nsemi, chef de la secte Bundu dia Kongo (BDK), la quête identitaire, ses illusions et ses dérives, a toujours pris ici un cours politico-mystique, pour le meilleur comme pour le pire. Le Bas-Congo vit naître Simon Kimbangu, dont l’église syncrétiste représenta un temps la plus grande menace contre l’ordre belge, mais aussi l’Abako (Alliance des Bakongo) de Joseph Kasa-Vubu, qui fut la première à oser le mot « indépendance » pour l’ensemble du Congo. Réprimée, frustrée et délaissée sous le règne de Mobutu, la province fit entendre son particularisme avec l’éveil démocratique du début des années 1990, sous une forme particulièrement radicale. Le roi Bernard Mizele Nsemi puis la secte BDK glissèrent insensiblement de la revendication nationaliste à la xénophobie, en dénonçant la domination des « mingisila » – les Congolais non originaires de l’ex-royaume de Kongo. Un dérapage qui devait mener tout droit à la violence, aux aberrations doctrinales (campagnes anti-vaccinations), parfois au meurtre, et susciter en retour de la part des forces de l’ordre une forte répression contre les membres de la secte, dont la brutalité a été soulignée par l’ONU et les ONG. Pourtant, cette riche terre du peuple kongo cache une autre réalité : celle de gens plus portés sur la palabre que sur la violence – travailleurs consciencieux unis par une langue commune, que le vide politique et un certain complexe de supériorité ont parfois portés vers les extrêmes, mais qui, très vite, retrouvèrent le chemin de la raison. Le développement, soutiennent aujourd’hui ses élites, est le meilleur moyen d’affirmer sa singularité et de rendre hommage aux grands ancêtres qui, il y a cinq siècles, échangeaient des ambassades avec le continent des Blancs. Comme quoi, au Bas-Congo, la mondialisation est une vieille histoire… ■
Comme il vous plaira... p. 85
Direction : Danielle Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed
Rédaction en chef : Cécile Manciaux
Rédaction : Muriel Devey, envoyée spéciale, Tshitenge Lubabu MK, Isidore Ndaywel è Nziem, historien
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Coordination : Ekanga Shungu, Bala Moussa Keita Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris Tél.: +33 1 44 30 19 60 Fax: +33 1 45 20 08 23
62 LE PLUS BAS-CONGO
PANORAMA UNE FORCE Le Bas-Congo est une province toute stratégique pour le pays. Ouverte sur lʼocéan, elle a su développer une économie diversifiée. Que les nouvelles autorités territoriales comptent bien valoriser.
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MURIEL DEVEY, envoyée spéciale
a route nationale 1, qui traverse le sud du BasCongo, se déroule dans u n p a y s a g e de c ol l i nes verdoyantes, où les arbres se font parfois rares. Impossible de voir le f leuve Congo. On ne le découvrira qu’à Matadi. Mais, de temps à autre, on aperçoit la ligne de chemin de fer et quelques gares, comme celles de Kasangulu, de Mbanza-Ngungu ou de Kwilu-Ngongo. Depuis la capitale du pays, Kinshasa, on atteint Matadi, le chef-lieu du Bas-Congo, en moins de cinq heures. Puis, par le pont Matadi, on peut alors passer sur la rive droite du fleuve et rejoindre, à 120 km de là, un autre grand port, celui de Boma. Quant aux derniers 120 km qui séparent Boma de Moanda et de sa plage, sur l’Atlantique, ils sont plus longs à parcourir, car la route est peu praticable, surtout pendant la saison des pluies. UN CARACTÈRE BIEN TREMPÉ
Avec ses 53 920 km 2 , formant un étroit couloir de quelque 40 km de large, le Bas-Congo est la plus petite province de la République démocratique du Congo – après la capitale du pays, Kinshasa, qui a le statut de province. C’est cependant une région bien stratégique. Elle est la seule à avoir un accès à la mer et à être reliée à la capitale à la fois par la route, par
Avec ses 53920 km2, la plus petite province du pays est plus grande que la Belgique. le chemin de fer (voir p. 74) et par une liaison aérienne. Un autre de ses atouts est le fleuve Congo, son épine dorsale, dont les rapides ont permis la construction du complexe hydroélectrique d’Inga (voir p. 79). Le BasCongo compte trois districts (le BasFleuve, les Cataractes et la Lukaya)
et deux villes principales (Matadi et Boma). Petit par la taille, il l’est aussi par sa population : 3 millions d’âmes – pour un pays de 66 millions d’habitants –, en majorité concentrées dans les centres urbains et le long de la nationale. Depuis l’indépendance, en 1960, la province fut plusieurs fois baptisée et rebaptisée. Congo central en 1963, elle devient Bas-Zaïre en 1971, puis Bas-Congo en 1997. Le référendum du 18 décembre 2005 a approuvé son changement de nom en « Kongo central » dans le cadre de la réforme des institutions et du nouveau découpage territorial de la Républi-
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LE PLUS 63
TRANQUILLE
REPÈRES
Matadi, qui signifie « pierre » en kikongo, est le chef-lieu de la province.
vaut être étranger que Congolais d’une autre province pour être accepté ici », assure un Katangais installé à KwiluNgongo et qui se souvient des exactions du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (BDK) ces dernières années. Alors, peut-on dire des Kongos qu’ils sont repliés sur eux-mêmes ? Ces derniers s’en défendent. « Nous sommes très hospitaliers. L’épisode BDK est fini. Au début nous l’avons suivi, car il défendait nos problèmes. Mais il a dérapé par la suite. La population en avait marre. » Mais si le calme est revenu, le mouvement a gardé des adeptes. Quant à être sécessionnistes
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que issu de la Constitution de 2006, qui laisse à la province l’intégralité de son territoire, « parce qu’elle est la seule […] à avoir une unité linguistique. Contrairement au reste du pays, nous n’avons qu’une langue ici, le kikongo », explique un Kongo… Et ce dernier d’enchaîner en déplorant l’envahissement croissant du lingala (langue nationale la plus parlée dans le pays) et le recul des traditions dans la province. Formée en majorité de Kongos (ou Bakongo, voir pp. 64-65), la population provinciale compte aussi des ressortissants d’autres régions. Une présence qui irrite certains Kongos. « Mieux
PHOTOS : MURIEL DEVEY
LE PAYS EN BREF 3e plus vaste pays d’Afrique, avec une superficie de 2345409 km2. Le plus peuplé d’Afrique centrale, avec une population de 66 millions d’habitants. Langues Français (officielle), lingala, kikongo, swahili et tshiluba ont le statut de langues nationales. Monnaie Franc congolais (FC) – Parité au 25/11/2008: 1 euro = 727,107 FC; 1 $ = 576,24 FC. LE BAS-CONGO ■ C’est la plus petite province du pays, avec une superficie de 53920 km2 , soit un territoire bien plus étendu que celui de certains pays de la sous-région, comme le Rwanda (26 340 km2 ), le Burundi (27 830 km2 ), la Guinée équatoriale (28 050 km2 ), ou encore la Belgique (30 528 km2 ) et la Suisse (41 285 km2 ). ■ Population 3 millions d’habitants. ■ 3 districts Le Bas-Fleuve, les Cataractes, la Lukaya. ■ 2 villes principales Matadi (capitale, 250 000 habitants) et Boma (200 000 habitants). ■ 10 territoires 4 dans le Bas-Fleuve (Moanda, Lukula, Seke-Banza, Tshela), 3 dans les Cataractes (Luozi, Mbanza-Ngungu, Songololo), 3 dans la Lukaya (Kasangulu, Kimvula, Madimba). ■ Langues Français (officielle), kikongo (divisée en plusieurs dialectes). ■ Représentation nationale au Parlement 25 députés, 4 sénateurs. ■ Gouvernement provincial Le gouverneur et le vice-gouverneur sont élus par les députés provinciaux (au sein ou en dehors de l’Assemblée provinciale) pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Ils sont investis par ordonnance du président de la République. Les ministres provinciaux sont désignés par le gouverneur : ils ne peuvent être plus de 10 et leur choix doit tenir compte de la représentativité de l’Assemblée provinciale.
64 LE PLUS BAS-CONGO
DE GRANDS MARCHÉS À PORTÉE DE MAIN
Assez diversifiée, l’économie provinciale repose sur l’agriculture, l’agroindustrie, le pétrole, la production d’énergie et le secteur tertiaire, en particulier dans les activités liées au transport maritime (voir pp. 78-79). Toutefois, elle ne tire pas pleinement profit de son potentiel. En cause, le manque d’électricité, de voies de communication, la vétusté des installations portuaires et du chemin de fer. Sans compter la difficile navigation sur le bief entre Matadi et le petit port de Banana, le fleuve étant insuffisamment dragué. En cause aussi, le déclin de la production universitaire et le déficit en techniciens supérieurs. Car le Bas-Congo, qui a donné par le passé nombre d’intellectuels et de techniciens grâce à son réseau étoffé d’instituts et d’universités, n’est plus ce qu’il était. La décentralisation issue de la Constitution de 2006 peut apporter des correctifs à ces déficits. Elle constitue en tout cas une opportunité pour les investisseurs, du fait de la proximité qu’elle instaure entre opérateurs économiques et décideurs politiques. « Les décisions se prennent localement et nous sommes mieux
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Brazzaville
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO LUKAYA Kimvula
Songololo
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écoutés, souligne un chef d’entreprise. Il faut cependant mettre en place une politique d’aménagement du territoire et définir des zones d’intérêt économique en fonction des potentialités de chaque district. » Reste à résoudre la question des finances provinciales. Tous attendent avec impatience le vote de la loi financière qui permettra de connaître le sort des recettes nationales destinées aux provinces (voir pp. 73-74). Et de lever de nouvelles taxes. Sur le plan économique, l’accent est mis sur le renforcement des activités existantes, mais aussi sur le développement des mines, celui des industries de transformation (notamment liées aux activités extractives et agricoles) et sur le tourisme. Et, pour attirer les investisseurs, le gouverneur Simon Mbatshi Batshia (voir interview pp. 73-74), ne manque pas d’arguments : « Nous avons beaucoup de ressources inexploitées et quatre
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marchés – le Bas-Congo, Kinshasa, l’Angola et le Congo-Brazzaville – sur lesquels toute notre production locale peut être écoulée », souligne-t-il. Ces marchés sont accessibles par la route, le fleuve ou la mer : au nord, le Congo-Brazzaville est à deux pas et, quand on glisse sur le fleuve, en aval de Matadi, l’Angola est à portée de main sur la rive gauche. Sans compter que sa riche province pétrolière du Cabinda est enclavée entre le district du Bas-Fleuve et le Congo-Brazzaville (voir carte ci-dessus). À cet égard, si l’Angola réalise son projet de relier sa province du Zaïre à celle de Cabinda par un pont et une autoroute, voire par un seul pont (un investissement de 2 à 3 milliards de dollars, selon les options), les échanges entre les pays s’en trouveront renforcés. Une aubaine pour le Bas-Congo, qui a bien besoin d’investisseurs pour créer des emplois et améliorer le niveau de vie de sa population. ■
Les Kongos et les autres Ils sont 10 millions répartis sur plusieurs pays. Ils parlent kikongo et partagent une culture héritée de lʼancien royaume et mêlée dʼinfluences occidentales.
E Pêcheurs bakongo près du port de Banana.
Kwango
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dans l’âme, jamais ! « D’autres provinces se sont distinguées sur ce plan dans le passé. Pas nous. » On reconnaît en tout cas à travers tout le pays « l’ardeur au travail et l’honnêteté des Kongos. On les embauche volontiers comme caissiers ou trésoriers, car on peut leur faire confiance », explique un Kinois.
n Afrique centrale, particulièrement sur les rives du Congo, les Kongos (Bakongo avec le préfixe pluriel des langues bantoues) se distinguent des autres groupes par leur conscience de constituer un seul peuple, bien qu’éparpillé sur trois pays : l’Angola, la République démocratique du Congo (RD Congo) et le Congo. Cette conscience se trouve inscrite jusqu’à la désignation de leur province, en RD Congo, qui, bien
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qu’étant la plus occidentale du pays, tient à demeurer « Kongo central ». « Kongo » avec un « k », en référence au royaume côtier, qui aurait dû s’écrire « Kongo », comme Kisantu… n’eût été le recours à la graphie portugaise utilisant le « c ». Et « central » parce que situé au milieu, entre l’espace angolais et l’espace congolais. Autre particularité : à ce Kongo central correspond une acculturation antique, inscrite dans l’héritage de l’ancien royaume, puisqu’il a été non seulement le Kongo dia Ntotila (le « Kongo de la royauté »), mais aussi le Kongo dia Ngunga (le « Kongo des cloches »), c’est-à-dire un royaume christianisé à souhait. La culture kongo porte donc les marques de cette acculturation vieille de plusieurs siècles, de par sa langue truffée de mots portugais, et de par certains de ses noms propres (de personnes et de lieux) qui sont simplement une africanisation de prénoms portugais. Il en est ainsi du kikongo, auquel la langue lingala a emprunté le mot « poto » (entendez : Portugal) pour désigner le continent européen. LA PORTE D’ENTRÉE DES COSMOGONIES
La conscience de former un seul et même peuple n’a jamais exclu ici la prise en compte des diversités internes : celle qui démarque les Septentrionaux (Sundi, Bembe) des Méridionaux (Zombo, Mbata, Nkanu) et celle, surtout, qui différencie les Kongos du C e nt r e - O ue s t ( Woy o, S olon g o, Yombe) de ceux du Centre-Est (Ndibu, Nt a n du), v o i r e de c eu x qu i f ont ta mpon ent re les deux sous-groupes (Nianga, Besi Ngombe). Ces distinctions forment l’espace des négociations politiques lorsqu’il est question de la gestion de la province. Par rapport aux autres peuples de la RD Congo, l’espace kongo est le lieu du surgissement de la modernité d’origine externe, qui s’est étendue peu à peu dans l’arrièrepays. Il a servi de porte d’entrée aux nouvelles « cosmogonies » – protestantisme, catholicisme, salutisme – et fut aussi le champ d’expérimentation pour leur intégration et leur utilisation comme « armes messianiques » afin de résoudre des problèmes politiques. Ainsi, de la secte des Antoniens, au début du XVIIIe siècle, on en vint au kimbanguisme au début du XXe siècle, voire au Bundu dia Kongo du début de notre millénaire (voir p. 66). En tant que fille aînée des autres provinces, le Bas-Congo a abrité les deux premières capitales du pays, Boma et Vivi. On comprend donc que la province ait bénéficié, la première, des efforts de mise en valeur coloniale avec la construction, dès la fin du XIXe siècle, du chemin de fer Matadi-Léopoldville, projet qui a été complété plus tard par la construction du barrage d’Inga et celle du pont rail-route, au temps de Mobutu. Ces infrastructures sont censées être bientôt complétées par la construction d’un grand port en eau profonde à Banana, qui confortera la position du Kongo central en tant que porte d’entrée en RD Congo. ■
C’est l’histoire d’un seul peuple éparpillé sur trois pays: Congo, RD Congo et Angola.
ISIDORE NDAYWEL È NZIEM, historien JEUNE A FRIQUE N ° 24 9 9 • DU 3 0 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 20 0 8
Remise des diplômes de l’École biblique kimbanguiste à Nkamba, le village natal de Simon Kimbangu, en décembre 2007.
SOCIÉTÉ
Au cœur du messianisme
Au temps du royaume de Kongo, la religion devint un moyen, plus ou moins efficace, de régler des questions dʼordre politique. Depuis, ici, elle nʼa jamais quitté lʼespace public.
L
e Bas-Congo se distingue pour avoir vu naître et se développer, au cours des siècles, différents mouvements messianiques. Si la plupart d’entre eux ont fait long feu, ils restent, dans la conscience collective kongo, la preuve d’une vitalité religieuse à nulle autre pareille. C’est aussi l’illustration de la manière dont les Africains se sont approprié le message de l’Évangile, au point de le fondre, dans la pratique, dans le moule culturel traditionnel, provoquant l’ire des missionnaires européens et autres autorités coloniales. L’une des premières manifestations connues de l’apprivoisement du christianisme remonte au XVIIIe siècle, à travers la secte dite des Antoniens, par référence à saint Antoine de Padoue, franciscain portugais (1195-1231). De cette mouvance surgit une figure, celle d’Appolonia Mafuta qui, en 1704, affirme avoir reçu la visite de la Vierge Marie lui demandant de mettre en garde ceux de ses compatriotes qui refusent de prendre le chemin de São Salvador, la capitale. Pour prouver que son message est de source divine, elle montre aux incrédules une pierre sur laquelle est gravé le visage de Jésus. Connue pour avoir brûlé fétiches, amulettes et autres
objets considérés comme païens, Appolonia Mafuta aurait aussi opéré plusieurs miracles. À la même époque, une autre femme se fait remarquer : Kimpa Vita, alias Ndona Béatrice. Elle se dit dotée de pouvoirs de guérison, morte et ressuscitée, et se donne une mission beaucoup plus politique : réunir le peuple kongo, selon les recommandations de saint Antoine de Padoue. Elle devient vite populaire. Mais le fait d’avoir enfanté va lui être fatal. Pour les missionnaires européens, sans doute jaloux de son influence, l’action de Ndona Béatrice n’est qu’imposture. Et elle périt sur un bûcher le 2 juillet 1706. L’EMPREINTE DU PROPHÈTE
La plus grande figure du messianisme en pays kongo est sans conteste Simon Kimbangu. Né en 1889, cet ancien boy devenu catéchiste voit sa vie changer en mars 1921. Il fait un rêve pendant lequel un étranger lui apporte une bible, afin qu’il la lise et puisse prêcher; il lui demande en plus d’aller prier pour un enfant malade dans un village voisin et de le guérir. Simon Kimbangu applique à la lettre ce que lui avait demandé l’étranger dans son sommeil et voit sa vision se réaliser. Il devient alors un
autre homme. Allant de village en village, il prêche, guérit les malades, pousse à la destruction des fétiches, condamne la polygamie. Deux mois après le début de sa prédication, des milliers de personnes affluent vers Nkamba, son village natal. Les malades quittent les hôpitaux pour être guéris par lui. La population lui obéit alors qu’elle n’écoute plus les autorités coloniales. Son ascension et son audience extraordinaires provoquent l’indignation du clergé belge, qui réclame son arrestation. Un mandat d’arrêt est lancé contre Kimbangu, qui entre alors dans la clandestinité. Chaque fois qu’il le peut, il annonce le retour de Jésus et la fin du pouvoir des Blancs sur les Noirs. Il prône même une forme de désobéissance civile. Après s’être rendu aux autorités belges en septembre 1921, il sera jugé et condamné à mort. Mais sa peine sera commuée en prison à vie. Transféré dans une prison d’Élisabethville (Lubumbashi), au Katanga, le prophète du BasCongo meurt trente ans plus tard. Ses idées survivent et donnent naissance à l’Église de Jésus-Christ sur la terre par le prophète Simon Kimbangu, autrement appelée kimbanguisme. ■ TSHITENGE LUBABU M. K.
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PRESKI FRANCE
66 LE PLUS BAS-CONGO
70 LE PLUS BAS-CONGO POLITIQUE
Une journée à lʼAssemblée Engagée il y a deux ans, la décentralisation version congolaise serait un cas unique en Afrique. Quels sont les prérogatives et le poids des députés élus en octobre 2006 ? Et comment se passe la cohabitation avec le gouvernement provincial ?
C
’est par une voie de terre qu’on accède à l’Assemblée provinciale du Bas-Congo, située dans le quartier Safari de Matadi. À la mi-octobre, les députés provinciaux avaient du pain sur la planche. Débat sur le vote du budget 2009 de la province, qui a fait l’objet d’une session extraordinaire… Et discussions serrées sur la répartition du budget d’investissement : « Nous voulons mettre l’accent sur les besoins sociaux, l’agriculture et le développement rural », explique François Kimasi Matuiku Basaula, président de l’Assemblée provinciale et du parti Abako
PORTRAIT
(Alliance des bâtisseurs du Kongo). Le 25 octobre, mission accomplie : évalué à 101 milliards de francs congolais (un peu moins de 136 millions d’euros), le projet de budget est adopté. Restera au gouverneur à promulguer l’édit (loi provinciale, dont le contenu ne peut être contraire aux lois nationales en vigueur). Et place aux vacances parlementaires. La prochaine session ordinaire commencera en janvier 2009. Le pli étant pris, les débats des plénières seront diffusés en direct sur la Radio-Télé diocésaine de Matadi (RTDM). « La RadioTélévision nationale congolaise (RTNC)
du Bas-Congo a tendance à censurer nos débats. On a donc conclu un partenariat avec la RTD. C’est plus démocratique, mais à double tranchant », précise François Kimasi. Parmi les projets d’édits qui seront examinés lors de la rentrée parlementaire figurent la délocalisation du chef-lieu de Matadi (car Matadi n’a pas été construite pour être une ville administrative), l’apprentissage de la langue kikongo, à côté du français, dans l’enseignement primaire, ainsi que les nuisances en matière d’environnement. Au Bas-Congo, c’est la cohabitation. Le gouvernement provincial
Marie-Josée Mfulu Massaka
Députée et vice-présidente de lʼAssemblée provinciale
MURIEL DEVEY
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a c i nqua nt a i ne pa ssée, Marie-Josée Mfulu, élue de la circonscription de Madimba, est l’une des cinq femmes membres de l’Assemblée du Bas-Congo et sa viceprésidente. Native de Kinkenge (district des Cataractes), titulaire d’une maîtrise en psychologie clinique obtenue à l’université de Paris-VII, elle devient chef de service à la Banque de Kinshasa en 1975, fondée de pouvoir à la Nouvelle Banque de Kinshasa en 1997, puis gérante de la Société des produits agricoles et forestiers en 1998. De 2000 à 2004, elle est vice-gouverneure chargée des questions économiques, financières et du développement à Kinshasa. Membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, majorité présidentielle) depuis 2002, elle y occupe, de 2005 à 2007, la fonction de secrétaire exécutif national adjoint chargé des Finances et du Budget. Mariée et mère de trois enfants, ancienne militante syndicale, Marie-Josée Mfulu est une féministe convaincue et reste très active dans le monde associatif. Consul-
tante en genre pour le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, elle est membre de la Women’s Aglow Fellowship, ainsi que de l’Institut de développement du Bassin du Nsele-Mbombo et de l’Association de développement communautaire Mokili M. D. Mwinda. ■ JEUNE A FRIQUE N ° 24 9 9 • DU 3 0 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 20 0 8
LE PLUS 71 est dominé par l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP), alors que la majorité des députés (voir encadré) est dans le camp de l’Union pour la nation (UN), qui avait recueilli 74 % des suffrages dans la province au second tour de la présidentielle d’octobre 2006. UN POUR TOUS…
Il n’y a cependant pas de tiraillement entre les deux camps, « nous travaillons tous pour le peuple kongo, assure François Kimasi. Il n’y a pas de divergence quand il s’agit de prendre des décisions qui vont dans le sens du développement de la province. » La cohabitation n’exclut toutefois pas le contrôle et les enquêtes. Les députés n’hésitent pas à interpeller certains ministres provinciaux sur leur gestion, à poser des questions orales au gouverneur, à mener des enquêtes, dont l’une sur les événements qui ont opposé, en début d’année, les forces de l’ordre au Bundu dia Kongo. Prochainement, une action sera menée pour contrôler les services de l’État mis à
disposition de la province. De leur côté, les citoyens semblent satisfaits. « Nos problèmes sont pris en compte par les députés et sont répercutés aux députés nationaux et aux sénateurs, qui viennent sur le terrain », témoigne un jeune Matadien. Reste toutefois un problème de communication avec les populations vivant hors du chef-lieu. « Il faut étendre le rayon de diffusion de la RTNC,
limité pour le moment à Matadi », explique Marie-Josée Mfulu Massaka, vice-présidente de l’Assemblée (voir portrait). Au dire de ses acteurs et animateurs, la décentralisation version RDC serait un cas unique en Afrique. « Nous sommes allés plus loin que les autres pays. C’est une forme de fédéralisme qui ne dit pas son nom », assure Marie-Josée Mfulu. ■ MURIEL DEVEY
CINQ GROUPES PARLEMENTAIRES L’Assemblée provinciale compte 30 députés, dont 27 élus au suffrage universel et 3 chefs coutumiers cooptés sur la liste présentée par les autorités coutumières (suite à l’invalidation du mandat de l’un des chefs coutumiers, l’Assemblée actuelle ne compte que 29 membres). Ils sont réunis en 5 groupes parlementaires : Mouvement de libération du Congo (MLC) et alliés (8 membres), Bâtisseurs du Congo (6), Centre (5), Démocrates (5), Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, 5). L’Assemblée compte en outre 3 commissions techniques (politique, administrative et judiciaire, économique et financière, socioculturelle) et 4 sous-commissions (environnement, bonne gouvernance, genre et parité, éducation et santé). ■
SOCIR
Présentation La SOCIR, Société Congolaise des Industries de Raffinage, est une SARL créée par la convention de 19 janvier 1963 en qualité de Société mixte à 50 % État Congolais et 50 % ENI (Ente Nazionale Idrocarburi), une Entreprise de l’État Italien. Les parts de la partie italienne ont été rachetées depuis 1998 par XRD, XOIL Refining and Distribution Ltd, qui détient à ce jour, comme l’État Congolais, 50 % d’actions. Le Siège social est situé au 10ème niveau du building BCDC à KINSHASA tandis que le Siège d’exploitation se trouve à Muanda, dans la Province du Bas-Congo, près de l’embouchure du fleuve Congo.
Objet social de la SOCIR Le raffinage au Congo de pétrole brut et toutes opérations industrielles en vue de la production de carburant, combustibles liquides, bitumes et GPL destinés à satisfaire en priorité les besoins du marché intérieur congolais ; La vente ex-raffinerie des produits finis obtenus tels que définis ci-dessus, la vente des sous-produits de raffinage ainsi que l’exportation du surplus des produits. Le transport et le stockage du pétrole brut et des produits finis, activité consistant à la réception et l’allégement des cargaisons importées, stockage des produits allégés dans les réservoirs de la raffinerie et leur acheminement à MATADI dans les entrepôts de SEP CONGO.
Objectifs poursuivis par la SOCIR • Satisfaire les besoins du marché intérieur congolais en produits pétroliers issus du raffinage de pétrole brut ; • Assurer le déchargement des pétroliers à BANANA
et transporter les produits finis à ANGO-ANGO/MATADI, point de départ du pompage vers KINSHASA ; • Mettre à la disposition du Pays sa grande capacité de stockage pour une meilleure sécurité d’approvisionnement ; • Mettre en œuvre les investissements en vue de traiter le brut congolais de manière économiquement rentable.
SOCIR • Boulevard du 30 juin / Gombé • 10e niveau Tour BCDC • BP 1478 KINSHASA Tél. : (00 243) 09 99 93 32 40 • Fax : (00 243) 08 13 01 66 40
LE PLUS 73 INTERVIEW
SIMON MBATSHI BATSHIA « Ici, tolérance zéro face à la corruption » Pour sa province, lʼinfatigable gouverneur ne compte pas ses heures. Objectif: faire du Bas-Congo une région où il fait bon vivre et investir... Mais aussi de le faire savoir.
MURIEL DEVEY
N
é en 1949 à Mvuangu, dans le district du Bas-Fleuve, Simon-Floribert Mbatshi Batshia obtient une licence en sciences commerciales et consulaires en 1972. Après deux ans dans l’enseignement, il devient directeur général de la Société de gestion et de management (Sogem) et entre en politique en 1977, en tant que Commissaire du peuple (député national) élu de la circonscription du Bas-Fleuve. Cinq ans plus tard, il rejoint le gouvernement: secrétaire puis commissaire d’État (ministre) à l’Économie, à l’Industrie et au Commerce extérieur (1982-1985), avant de prendre la tête du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (1986-1988). Il est alors nommé PDG de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), puis de l’Office de gestion du fret maritime (Ofregem). En 1991, il part en Afrique du Sud et se consacre au management de sociétés privées. Activités qu’il poursuit de retour au pays, en 2003. Membre
té. Nos priorités sont donc les soins de santé, l’éducation et la route, parce que cette dernière permet les échanges et l’augmentation de la production. Et avec quels moyens? La province dispose de recettes à caractère national rétrocédées par l’État et de ses recettes propres. Sur un budget de 80 milliards de francs congolais [FC, environ 108 millions d’euros], ces dernières ne représentent que 4 milliards, soit 5 % du total. C’est peu… Nous ne sommes pas autorisés à créer de taxes au niveau provincial. Mais, avec la future loi financière, nous le pourrons. Et les recettes provinciales vont donc augmenter.
« Même si la province marche bien, elle n’échappe pas à l’image négative du pays. » du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, majorité présidentielle), il est élu gouverneur du Bas-Congo le 27 janvier 2007. JEUNE AFRIQUE : Quelles sont vos priorités sur le plan économique? SIMON MBATSHI BATSHIA : On les détermine en fonction de la grande bataille qu’est la lutte contre la pauvre-
Rétrocession de 40 % des recettes de l’État ou prélèvement à la source: quelle est votre position sur la question? La Constitution dispose que les provinces auront 40 % des recettes de l’État. Or plusieurs lois sur la décentralisation ont été promulguées, mais pas la loi financière, qui est l’une des plus importantes. Un autre point de divergence concerne le montant à rétrocéder: l’État a
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déclaré que les 40 % de recettes qui iront aux provinces ne seront pas redistribués en fonction des richesses créées par chacune d’elles, mais calculés, entre autres, sur la base de critères démographiques. Enfin, troisième débat: la façon dont ce montant sera rétrocédé. Les provinces demandent qu’il soit prélevé directement au niveau des régies financières, ce qui permettrait d’en disposer rapidement. Mais l’État veut d’abord récupérer les recettes et les rétrocéder ensuite… Quel est le montant qui vous sera rétrocédé en 2008? Il s’élève à 40 milliards de FC [environ 54 millions d’euros], dont 12,5 milliards pour le budget des services qui relèvent du gouvernement central (enseignement, agriculture, santé, autorités coutumières…). Le reste, soit 2,3 milliards par mois, nous sera payé ultérieurement. Comment promouvoir les investissements? Nous avons élaboré des plaquettes de présentation et menons des campagnes de promotion pour « vendre la province ». Nous avons aussi créé une structure de promotion des investissements. Elle prend en charge l’investisseur à son
74 LE PLUS BAS-CONGO
Et quel était l’objet de vos récents déplacements en Belgique, en France, en Pologne et en Afrique du Sud? Je voulais présenter le Bas-Congo. Même si une province marche bien, qu’elle connaît le calme et la stabilité, elle ne peut échapper à l’image générale négative du pays qui, à l’étranger, est perçu comme un pays en guerre, où il y a beaucoup de corruption. Nous expliquons que la guerre ne concerne qu’une petite partie du pays, que les gouverneurs sont élus et qu’il y a une stabilité. Et présentons les opportunités économiques de la province et les mesures prises pour lutter contre la corruption.
PORTRAIT
Déo Nkusu
Vice-gouverneur du Bas-Congo
D.R.
arrivée, l’aide à rassembler les documents dont il a besoin, à prendre des contacts… Par ailleurs, nous avons instauré une commission de lutte contre la corruption, la fraude et les tracasseries administratives et judiciaires dirigée par un haut magistrat. Ici, le mot d’ordre est: « Corruption, tolérance zéro. »
« Kisalu me banda » (« Le travail a commencé »), c’est le leitmotiv de Déo Nkusu. Né en 1958 à Kinshasa, il arrive en 1981 en France, où il étudie l’histoire et les sciences politiques. Longtemps militant au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social, il adhère au Rassemblement congolais pour la démocratie à la fin des années 1990. De retour au Congo en 2003, il est, pendant la transition, conseiller au ministère de l’Intérieur et, en 2004, est nommé vice-gouverneur du Bas-Congo. Il est élu député provincial en octobre 2006 et, en janvier 2007, vice-gouverneur de la province, sur le même ticket que Mbatshi Batshia. ■ T.L.M.K. Avez-vous conclu des partenariats avec l’étranger? Les coopérations décentralisées dépendent d’accords-cadres signés entre États. Les provinces peuvent engager des partenariats public-privé (PPP) : s’associer à des sociétés pour créer des joint-ventures, leur accorder des concessions… Elles peuvent aussi procéder à des jume-
lages, sur des actions socioculturelles ou humanitaires mais, au préalable, il faut un accord-cadre entre États. Nous avons lancé un processus de jumelage avec la région de Varsovie (Pologne) et, bientôt, avec le Kwazulu-Natal (Afrique du Sud) et Namur (Belgique). ■ Propos recueillis à Matadi, par MURIEL DEVEY
TRANSPORTS
Quand la route bat le fer
L
Venant de Kinshasa, la nationale 1 traverse le Bas-Congo jusqu’à la mer.
MURIEL DEVEY
es voitures se sont serrées le long du bas-côté. Sur la voie opposée, un convoi de 4x4 suivi d’un camion contenant une énorme charge, laquelle dépasse la largeur du véhicule, passe avec un bruit d’enfer. Rien d’exceptionnel. Depuis les problèmes sur la ligne de chemin de fer Kinshasa-Matadi, la nationale qui traverse le Bas-Congo a pris beaucoup d’importance. Sillonnée au quotidien par moult camions et camionnettes ployant sous le poids de leur cargaison. Et pour cause : alors qu’il transportait 875 000 tonnes de fret en 1990, le réseau ferroviaire n’en transporte plus que 200000 et, désormais, 90 % des marchandises débarquées dans les ports de Matadi et Boma passent par la route. À ce rythme, la chaussée risque de se dégrader rapidement. Et les accidents d’augmenter. « Une fois débarqués dans les ports, les conteneurs restent stockés entre 40 et 60 jours, au lieu de 20, faute de pouvoir être rapidement évacués vers Kinshasa… ce qui renchérit les coûts », gémit un opérateur économique. Outre la réfection des tronçons routiers Matadi-Boma-Moanda, les transpor-
teurs attendent donc avec impatience la réhabilitation du chemin de fer. La situation devrait s’améliorer. En juin, dans le cadre de la réforme des entreprises publiques, un contrat d’assistance a été signé entre l’Office national des Transports (Onatra) et le groupe espagnol Progosa pour restructurer l’Office et stabiliser sa situation. L’acqui-
sition et la réhabilitation de matériels roulants et de maintenance seront assurées par des Sud-Africains. Les Chinois se sont engagés à refaire la voie ferrée sur une centaine de kilomètres et à créer un nouveau réseau, avec un écartement de rails plus large. De quoi améliorer les échanges. ■ M.D.
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76 LE PLUS BAS-CONGO MATIÈRES PREMIÈRES
De lʼor noir à lʼor gris Alors que lʼexploration bat son plein dans plusieurs provinces, le Bas-Congo reste le seul producteur de pétrole du pays. Il présente aussi un potentiel minier confortable. Et de nombreux projets liés aux industries extractives.
«
B
ienvenue dans notre PortGentil local », claironne un jeune de Moanda. Certes, la cité balnéaire n’a pas la taille de la capitale économique gabonaise, et la production pétrolière congolaise n’atteint pas les niveaux de celle du Gabon. Toutefois, Moanda peut se prévaloir d’être le centre pétrolier du pays, et le Bas-Congo d’être, pour le moment, sa seule province productrice d’or noir. À Moanda, la filiale locale du groupe français Perenco produit plus de 22 000 barils/ jour, dont 12 000 offshore. En partenariat avec l’américain Chevron et le japonais Teikoku, la compagnie opère 6 champs offshore (rachetés à Chevron en 2004) et 4 onshore (rachetés à Fina en 2000). Étant donné que ses blocs ont des réserves suffisantes pour maintenir un bon de niveau de production, Perenco se limite à l’exploitation et, pour renouveler ses réserves, investit quelque 100 millions de dollars par an. L’exploration pétrolière est donc, quant à elle, assurée par d’autres com-
PHOTOS : MURIEL DEVEY
Si elle a suspendu ses activités de raffinage, la Socir assure le stockage des produits pétroliers et reste célèbre pour son laboratoire d’analyses et de certification.
pagnies, qui opèrent sur la base de contrats de partage de production. Dans le bassin côtier, au large de Banana, la Soco-RD Congo (filiale de la multinationale Sneuder Oil Corp., basée à Londres) prospecte sur le bloc Nganzi, EnerGulf Africa (filiale de l’américain EnerGulf Resources Inc.) explore le bloc Lotshi, tandis que Surestream-RDC (filiale de la britannique Surestream-Petroleum Ltd.) se concentre sur ceux de Yema, Matamba-Makanzi et Ndunda. En f in, dans la zone d’intérêt commun angolo-congolaise (couloir maritime de 375 km de long et 10 km de large qui couvre l’offshore profond), c’est le britannique Nessergy qui prospecte, en partenariat avec la Cohydro (Congolaise des hydrocarbures), dont les premiers barils devraient être livrés en 2009. Le Bas-Congo est aussi actif dans l’aval pétrolier. Moanda abrite la Société congolaise des industries du
raffinage, la Socir, dont le capital est réparti entre l’État congolais et XRD, filiale du suisse Glencore. La Socir a cessé ses activités de raffinage depuis 1999. Le redémarrage de la raffinerie est conditionné, entre autres, par le changement du système de contrôle, actuellement analogique, l’achat d’un groupe électrogène et de deux chaudières. Soit un investissement de 5 à 6 millions de dollars. L’entreprise n’a pas fermé ses portes pour autant. Célèbre pour son laboratoire, « la Socir est chargée de l’analyse des produits et de la certification de leur qualité », explique Félix Mvuemba Ntanda, son président-administrateur délégué. Elle assure aussi la réception et l’allègement des cargaisons de produits pétroliers importés, ainsi que leur stockage et leur acheminement, par barges ou tankers, de Moanda à Matadi, où le relais est pris par la Société congolaise d’entreposage des produits pétroliers (Sep-Congo), entreprise d’économie mixte. Basée à Matadi, où débarquent environ 700 000 m3 de produits pétroliers par an, soit 80 % de la consommation nationale, Sep-Congo dispose de 33 réservoirs, d’une capacité de stockage de 68 000 m3, au terminal pétrolier Ango-Ango. Deux pipelines évacuent les produits vers Kinshasa, d’où ils sont acheminés vers la province voisine du Bandundu, vers l’Équateur, le Kasaï occidental et la province Orientale. BHP BILLITON VA CONSTRUIRE UNE FONDERIE D’ALUMINIUM
Parmi les projets qui pourraient faire bouger le secteur dans les années à venir, la Libya Oil Holding a annoncé fin août s’être accordée avec le gouvernement congolais pour la construction et l’exploitation d’un oléoduc de
Le groupe Perenco produit plus de 22 000 barils par jour à Moanda. 140 kilomètres entre Moanda et Matadi, pour un investissement de 300 millions de dollars. Enfin, le gouvernement congolais poursuit la mobilisation de fonds pour la construction d’un port en eau profonde à Banana, un projet vieux de plus de quinze ans qui ne s’est toujours
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pas matérialisé. Ce projet intéresserait aussi les miniers. L’exploitation des métaux et des minerais de la province – or, diamant, bauxite, cuivre, plomb, zinc, vanadium, phosphates, sables bitumineux… – est encouragée par l’exécutif provincial. Des compagnies ont déjà manifesté leur intérêt : notamment le brésilien King Making pour le diamant et l’or, Congo Bitume-SRM et l’indien Spice Energy pour les sables bitumineux de Mavuma, ainsi qu’une société sud-africaine pour le phosphate du Bas-Fleuve. Toutefois, le plus important projet, qui créerait 3 000 emplois directs et
12 000 indirects, reste celui du géant minier BHP Billiton. Ce dernier envisage de construire près de Moanda une fonderie d’aluminium, qui traiterait la bauxite locale ainsi que de l’alumine importée de Guinée et d’Australie. Un investissement de 3 milliards de dollars pour une capacité de production de 800 000 tonnes d’aluminium par an. Reste à régler la question de l’énergie nécessaire à l’infrastructure. D’où l’intérêt porté par le groupe australo-britannique à la construction de la centrale hydroélectrique d’Inga III (voir p. 79), dont il cofinance les études de faisabilité. ■
La Minoterie de Matadi La Minoterie de Matadi, MIDEMA est une société d’économie mixte dont le capital social se répartit comme suit : 51,43 % Groupe Américain SEABORD, 40 % RDC, 8,6 % Privés.
MURIEL DEVEY
INDUSTRIE
Lʼavenir est dans la transformation
MIDEMA
Label qualité La valeur de l’investissement de MIDEMA représente près de 23,203 millions de dollars américains et possède aujourd’hui une capacité d’écrasement de 960 tonnes de blé par jour, une capacité de mouture de 350 tonnes de blé par jour, le tout équivalant à une production journalière de 16 400 sacs de farine de 45 kg. A part la farine panifiable de qualité supérieure, la MIDEMA produit :
S
Suivi de fabrication à la Compagnie sucrière de Kwilu-Ngongo.
i le Bas-Congo doit développer son tissu industriel, il compte déjà quelques unités manufacturières importantes, dont deux fleurons dans l’agro-industrie. À commencer par la Compagnie sucrière de Kwilu-Ngongo qui, en 2007, a produit 76573 tonnes de sucre, principalement pour le marché intérieur, et 4,7 millions de litres d’alcool, dont 3,9 millions de litres d’alcool « bon goût ». La Minoterie de Matadi (Midema), dont les principaux actionnaires sont l’État (40 %) et le groupe américain Seaboard (51,4 %), importe quant à elle 350000 tonnes de blé par an et produit environ 1000 tonnes de farine par jour, ainsi que des aliments pour bétail. La brasserie Bralima, filiale congolaise du groupe Heineken, a établi une de ses unités de production à Boma. Et, nouvelle venue dans le paysage industriel de Matadi, la Sogemil produit chaque jour 6000 bouteilles d’un litre et 12000 bouteilles d’un demi-litre d’eau minérale Ma Vie, captée à la source de Tshimpi. Le Bas-Congo abrite aussi deux cimenteries: la Cimenterie de Lukala (Cilu), du groupe Malta Forrest (450000 t/an), et la Cimenterie nationale de Kimpese (Cinat), une entreprise publique basée à Kimpese (120000 t/an). Enfin, grâce à un investissement de 20 millions de dollars, la Société générale industrielle (SGI) a inauguré en septembre dernier une usine de concassage de grès à Kasangulu, à l’extrême nord-est de la province. Avec une capacité de production de 3000 t/an, c’est la deuxième plus grande unité de concassage de grès de la sous-région. ■ M.D.
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• la semoule pour pâtes alimentaires et ménages ; • le son et issues de blé, ingrédient entrant dans la fabrication d’aliments pour bétail et volaille, dont 80% sont exportés. À la tête d’une usine Feed-Mill, spécialisée en aliments pour bétail et volaille, et une Maïserie produisant 15 tonnes de farine par semaine, toutes deux situées à Kinshasa. MINOTERIE DE MATADI MIDEMA S.A.R.L. Siège social : BUILDING MIDEMA 13, avenue de la Mongala KINSHASA - GOMBE Tél. : 00 243 81 555 8000 Fax : 00 243 813 016 497 E-Mail : midema@ckt.cd - Site : www. midema.cd USINE MATADI - BP 715 Matadi Tél. : 00 243 8941010 - Fax.:+1 801 665 1067 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
78 LE PLUS BAS-CONGO PORTS
Lʼéconomie au fil de lʼeau Matadi, Boma et Banana sont autant dʼatouts que de casse-tête. Les trois ports ont une activité stratégique, mais nécessitent de lourds investissements.
D
ses, avec un trafic conteneurs de 6000 à 7 000 EVP par mois (l’unité de mesure de conteneur « équivalent vingt pieds » représente environ 30 m3). Sur les neufs premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires a dépassé les 83,5 millions de dollars, contre 68,37 millions pour la même période en 2007. Une hausse à mettre à l’actif des mesures prises afin de corriger le montant des facturations déclarées et lutter contre la fraude. Au fil des ans, Matadi a en partie perdu sa fonction de port de transit, pour devenir un bassin et un parc d’entreposage pour conteneurs, de plus en plus congestionné et vétuste. Pour preuve, les quatre postes d’accostage du quai Matadi sont hors service. Les travaux entrepris pour améliorer l’acti-
es trois ports situés le long du bief ma r it i me (dont l’entretien est assuré par la Régie des voies maritimes, RVM), celui de Matadi est le plus important. Il a été construit en 1886, sur la rive gauche du fleuve Congo, à 150 km de son embouchure. Sa situation ne doit rien au hasard puisque c’est là que s’arrêtent les rapides. Là où le fleuve redevient navigable et qu’il est le plus profond, perdant en largeur ce qu’il gagne en abysse. Principale porte d’entrée et de sortie des marchandises du pays, le port de Matadi – qui est jumelé avec celui d’Anvers – compte dix quais. De janvier à septembre 2008, son trafic s’établissait à 1,54 million de tonnes de marchandi-
vité du port vont permettre de récupérer plus de 33 000 m2 pour le stockage et, avec l’appui du port d’Anvers, le quai Venise est en cours de réhabilitation. Reste à financer la reconstruction du quai Matadi et la mise en place de nouveaux portiques : un projet de 51 millions de dollars que pourraient financer les Chinois. D’autres travaux s’imposent, telle la réfection des voies d’accès au port. De quoi permettre à Matadi d’assumer sa mission de port d’importation spécialisé en cargos secs et conteneurs. Et quand le port en construction à Kenge (à 28 km) sera achevé, celui de Matadi pourra retrouver la fonction de port de transit. Sur la rive droite du Congo, son rival, le port de Boma, était à l’origine
ENTREPRENEURS TROIS PATRONS QUI COMPTENT
PHOTOS : MURIEL DEVEY
NATIF DU BAS-CONGO, Maurice Landa, la cinquantaine passée, est diplômé de l’Institut supérieur de tourisme et d’hôtellerie de Rhodes (Grèce). Après avoir dirigé divers hôtels d’État et avoir été administrateur de l’Office national du tourisme, il assure aujourd’hui la coordination des hôtels du groupe Ledya et est consultant auprès du ministre provincial du Tourisme. Président de l’Association des hôteliers du Bas-Congo et du Comité professionnel de l’hôtellerie de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), il croit dur comme fer à la vocation touristique de sa province: alors qu’il est en train de boucler un guide touristique, il s’attelle à la création d’une école d’hôtellerie et souhaite aménager un projet touristique à Moanda. C’est dans le dédouanement qu’opère Dieudonné Kasembo Nyembo. L’entreprise qu’il a créée, la Générale de commerce et de transit (Gecotrans), est l’un des leaders sur son marché. Bien qu’il ne soit pas originaire de la province, il n’avait pas grand choix pour exercer son activité et c’est donc à Matadi qu’il s’est installé. Il a assuré la présidence de la FEC au niveau provincial, avant de devenir président de sa Commission nationale PME-Commerce. Il va bientôt se lancer
Président de l’Association des hôteliers du Bas-Congo, Maurice Landa (ci-dessus) est convaincu de la vocation touristique de sa province. Dieudonné Kasembo Nyembo (ci-contre), lui, est venu y installer sa société de transit.
dans la pisciculture et la production de maïs pour volailles, toujours au Bas-Congo. Le Français Boris Lamarca, époux d’une Congolaise, a choisi le transport de voyageurs. Il a d’abord investi dans un bus climatisé, avant de se tourner vers le transport fluvial. Il lui a fallu deux ans de recherches pour mettre au point son bateau fabriqué en France. Aujourd’hui, avec ses vingt-quatre places, la vedette Etana assure la liaison Matadi-Boma-Banana par le fleuve. Au grand bonheur des voyageurs, qui se sentent enfin en sécurité. ■ M.D. JEUNE A FRIQUE N ° 24 9 9 • DU 3 0 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 20 0 8
LE PLUS 79 dédié au transport des produits agricoles et forestiers. Aujourd’hui – solution à l’engorgement de Matadi –, il transborde 200 000 tonnes de marchandises par an et reçoit entre 200 et 300 conteneurs par mois. Il abrite les ateliers de réparation et les engins de la RVM. L’objectif est d’en faire un port à grumes destiné également au débarquement des véhicules importés, mais, comme à Matadi, l’urgence est
à la rénovation : les tuyaux d’évacuation des eaux de la ville, qui passent sous le port, s’étant détériorés, le port s’est affaissé et ses trois postes sont à renforcer. Enfin, à une dizaine de kilomètres de Moanda et de l’océan Atlantique, sur la rive nord du f leuve, Banana est un petit port de marchandises et de voyageurs. Surtout, il accueille le terminal pétrolier de la Société
HYDROÉLECTRICITÉ
PHOTOS : MURIEL DEVEY
Un grand Inga... Et lʼAfrique sʼéclairera
Sur les 6 turbines de la centrale d’Inga I, 2 sont arrêtées et 6 tournent au ralenti.
Le pays vit presque dans le noir. Pourtant, la puissance du fleuve Congo pourrait fournir assez dʼénergie pour soulager une bonne partie du continent.
C
MURIEL DEVEY
exporter vers l’Afrique australe, l’Afrique de l’Ouest, et même du Nord… Reste à réunir les financements nécessaires à la réalisation de nouveaux complexes hydroélectriques et, pour commencer, à remettre en état les turbines des deux centrales existantes. En effet, l’immense concession d’Inga compte déjà deux barrages et leurs centrales, construites en 1972 (Inga I) et en 1982 (Inga II), dont la gestion est assurée par la Société nationale d’électricité (Snel). Elles alimentent une partie des districts du Bas-Fleuve et des Cataractes, les villes de Matadi et Boma, ainsi que Kinshasa, une partie des provinces du Bandundu et du Katanga. Le reste de la production est exporté vers le CongoBrazzaville, le Zimbabwe, l’Angola, la Zambie et l’Afrique du Sud.
Le projet à l’étude alimentera l’Égypte, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique australe. Seu lement voi là : a lor s que la capacité installée d’Inga dépasse les 1 750 MW, la puissance exploitée actuelle excède difficilement les 700 MW. Et pour cause, la moitié des quatorze turbines que compte le site sont à l’arrêt ou tournent au ralenti. Entraînant de récurrents délestages et la limitation de l’exportation d’électricité. Dans le cadre du
▲ ▲ ▲
’est à Inga – contraction d’Ingeta, qui signifie « oui » en kikongo – que le débit du f leuve Congo, après avoir dévalé les rapides, est le plus puissant : entre 30 000 et 60 000 m3/seconde. Un potentiel de 44 000 MW d’électricité, soit deux fois et demie la capacité du barrage des Trois-Gorges, en Chine. Et de quoi alimenter l’ensemble du pays et
congolaise des industries de raffinage (Socir, voir pp. 76-77) et un quai utilisé par les compagnies pétrolières. Banana, comme le souhaite les autorités provinciales, nationales et sous-régionales, pourrait devenir le futur grand port en eau profonde d’Afrique centrale… Reste à réunir les 2 milliards de dollars nécessaires à sa construction. ■
80 LE PLUS BAS-CONGO ▲ ▲ ▲
Projet de développement du marché d’électricité pour la consommation domestique et à l’exportation (PMEDE), les centrales d’Inga vont être remises à niveau. Cofinancé par la Banque mondiale (297 millions de dollars), la Banque européenne d’investissement (110 millions) et la Banque africaine de développement (BAD, 55 millions), le PMEDE prévoit aussi la construction d’une deuxième ligne très haute tension (THT) entre Inga et Kinshasa, la réhabilitation et l’extension du réseau est de la capitale, et des travaux d’urgence. En attendant que ce projet soit engagé, MagEnergy devait financer la réhabilitation de quatre turbines d’Inga II en échange de l’exploitation de 165 MW sur quinze ans. Mais à la
suite d’un différend avec la Snel, les travaux d’urgence sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. Parce que la réhabilitation d’Inga ne suffira pas à satisfaire la demande, les projets de construction de deux nouveaux barrages et centrales hydroélectriques sont réactivés. Le plus avancé est celui d’Inga III (4320 MW), dont l’étude de faisabilité est en cours. Financée par le géant minier BHP Billiton (10 millions de dollars), futur client, la BAD (9,5 millions de dollars) et la Banque mondiale (don de 730000 euros), elle devrait s’achever en 2009. L’étude de faisabilité financière, assurée par BNP Paribas, permettra de déterminer le coût exact de réalisation
de la centrale (estimé à 3,6 milliards de dollars), le prix de revient du kilowattheure et l’organisation du consortium qui gérera l’infrastructure. Même si le potentiel est là, le second projet, baptisé Grand Inga, est encore
Un plan de plus de 460 millions de dollars est lancé pour réhabiliter les vieilles centrales. c h i mér ique, avec sa capac ité de 39000 MW et son coût estimé à 50 milliards de dollars. Véritable projet intégrateur pour le continent, il prévoit de desservir l’Afrique australe, l’Afrique de l’Ouest et l’Égypte. ■ M.D.
Champ de canne à sucre dans le district des Cataractes.
AGRICULTURE
Pratiques extensives: le pour et le contre Agrandissement des surfaces cultivées, modernisation, investissements... Depuis longtemps grenier de Kinshasa, avec le Bandundu voisin, la province veut passer à la vitesse supérieure.
S
l’éclosion de petites entreprises de transport chargées d’assurer l’approvisionnement des produits vers Kinshasa. La plus importante société agroalimentaire est la Compagnie sucrière de Kwilu-Ngongo, dans les Cataractes, créée en 1925, dont le capital est détenu par le Groupe sucrier belge (60 %) et l’État congolais (40 %). Propriétaire de 10 403 hectares de canne à sucre, elle récolte quelque 624000 tonnes de canne et produit près de 76000 tonnes
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i tous sont maraîchers, chaque district a ses spécialités : haricots, arachides, riz, hévéas, huile de palme et café dans le Bas-Fleuve ; fruits et légumes dans les Cataractes (agrumes, ananas, mangues, bananes…) ; cultures vivrières dans la Lukaya (maïs, sésame, niébé, manioc…). Soutenue par la présence des marchés ruraux et la demande croissante de la capitale, l’agriculture reste au cœur de l’économie de la province et a favorisé
JEUNE A FRIQUE N ° 24 9 9 • DU 3 0 NOVEMBRE AU 6 DÉCEMBRE 20 0 8
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de sucre par an. Enfin, côté bois, après avoir été surexploitée, la forêt du Mayombe est désormais protégée. « Le Bas-Fleuve étant la zone la plus déboisée, la coupe de bois y est désormais limitée et une politique de reboisement a été mise en place », souligne le ministre de l’Environnement congolais, José Endundo Bononge. L’ÉPINEUSE QUESTION FONCIÈRE
Pour les autorités provinciales, pas question d’en rester là. « Nous disposons de 2 millions de terres arables, dont 5 000 hectares mécanisables, pour la plupart inexploitées », explique le gouverneur, Simon Mbatshi Batshia. Aussi l’accent est mis sur l’extension, la diversification de la production et la modernisation des pratiques. Outre un programme en faveur des petits paysans, la province met en place un projet de mécanisation estimé à 17,7 millions de dollars : « Nous recherchons une ligne de crédit auprès d’institutions financières, qui sera logée dans une banque locale pour financer l’achat de 500 tracteurs en provenance de Pologne, précise
La distillerie de la Compagnie sucrière de Kwilu-Ngongo.
le professeur Odilon Gamela, président du Comité de promotion des investissements du Bas-Congo. Regroupés en coopérative et encadrés par des agronomes, les fermiers bénéficiaires des engins devront produire en majorité du
maïs. La province se portera garante des prêts, et une structure sera chargée de la commercialisation des produits. » Les investissements à grande échelle sont également encouragés. Ainsi, à l’instar du sud-africain SAG ROC, l’américain Sun Congo compte investir 28 millions de dollars, principalement dans la culture du riz, du manioc, du maïs, l’élevage du gros bétail et l’agroindustrie. Le démarrage des projets est cependant suspendu à la promulgation du code agricole. La question foncière est en effet un problème épineux qui préoccupe MarieJosée Mfulu, vice-présidente de l’Assemblée provinciale : « Dans un contexte d’agriculture extensive où les paysans se déplacent pour pratiquer leurs cultures, l’octroi de concessions de plus de 300 hectares limite les espaces libres. Des villages se trouvent enclavés à l’intérieur de ces concessions, ce qui pousse les paysans à se faire embaucher dans les grandes fermes ou à aller s’installer ailleurs. » Une situation que la province veut éviter. ■ M. D.
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1/2 pageŒuvrant dans
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Pipelines (Matadi-Kinshasa) sous haute surveillance, traversant le marécage de Wungu. Ces infrastructures exigent une forte technicité et un suivi permanent.
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Comme il vous plaira...
Dans les Cataractes, passés les derniers rapides, le fleuve devient navigable.
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ans le district du Bas-Fleuve, le Parc marin des mangroves de Moanda est une merveille. Créé en 1992, il s’étend sur 768 km 2, dont 20 % sur l’océan Atlantique. On y contemple lamantins et tortues marines et, sur la terre ferme, des buffles et des hylochères. Depuis deux ans, le parc bénéficie du soutien du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et du Fonds mondial pour l’environnement (FME). Un financement pour la protection et la valorisation du patrimoine qui pourrait aussi contribuer à promouvoir le tourisme, un secteur que les autorités provinciales souhaitent développer.
Facilement accessible et doté d’un patrimoine naturel, artistique et architectural indiscutable, le Bas-Congo manque encore d’infrastructures hôtelières. Il en a assez toutefois pour permettre à quelques privilégiés de s’offrir des balades à couper le souffle, visiter le barrage d’Inga (voir p. 79), admirer les chutes du même nom ou descendre le fleuve en bateau jusqu’à la mer. La province abrite d’autres chutes (notamment celles de Zongo), les grottes de Loff et celles « aux poissons aveugles ». Sans oublier les pittoresques cavernes des pêcheurs de kossa kossa, sur l’estuaire. Ni le jardin botanique de Kisantu, dans la commune de Madimba : un bijou de verdure à vocation scientifique
MURIEL DEVEY
Des paysages à couper le souffle. Une histoire et une culture tout aussi puissantes. Cʼest cela, aussi, le Bas-Congo.
et pédagogique de 225 hectares, pour quelque 4 500 espèces végétales, des pépinières, une collection de semences, un arboretum de près de 200 espèces domestiques et un herbarium de 6 000 spécimens. Créé en 1900 par le frère jésuite Gillet et récemment réhabilité, ce jardin, qui abrite la seule école horticole du pays, en plus d’un musée et d’une bibliothèque, accueille quelque 20 000 visiteurs par an. Sur le plan historique, l’empreinte des périodes précoloniale et coloniale est visible partout. Boma, par exemple, abrite la plus vieille église catholique du pays, la première résidence du gouverneur général du Congo et le célèbre « baobab au tronc creux » où l’explorateur Stanley (arrivé le 9 août 1877) a passé ses premières nuits. Et face à Matadi, sur les collines de la rive droite, subsistent les rares vestiges de Vivi, qui fut la première capitale de l’État indépendant du Congo, en 1885. Matadi, bien sûr, mais aussi les petites gares égrenées le long de la voie ferrée, sont autant de témoins du passé. L’histoire du kimbanguisme (voir p. 66) et de son fondateur Simon Kimbangu se découvre à Nkamba, la cité « sainte » où naquit le prophète. Et pour vivre la culture kongo, rien de mieux que d’aller dans les villages et les quartiers populaires des villes pour admirer les œuvres de ce peuple de sculpteurs et d’ébénistes, écouter les musiques du Kintueni, dans le Bas-Fleuve, ou le Kilombo des Cataractes. Enfin, les nombreux instituts universitaires du Bas-Congo rappellent sa dimension intellectuelle, qui a vu naître des personnalités célèbres, dont Joseph Kasa-Vubu, le premier président du Congo indépendant. ■ MURIEL DEVEY
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