N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS B EM LE AIN ES N° 2651-2652 • du 30 octobre obre au 12 novembre 2011
TUNISIE ET MAINTENANT ?
LE PLUS
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • jeuneafrique.com
KADDAFI COMMENT LE « GUIDE » S’EST PERDU
MAROC GOUVERNEMENT EL FASSI: LE GRAND BILAN
de Jeune Afrique
CAMEROUN BIYA VI ACTE I
L’Algérie
va-t-elle vraiment changer?
DOSSIER LES MEILLEURES ÉCOLES DE COMMERCE AFRICAINES
Spécial 18 pages
50 Les
qui font
LA CÔTE D’IVOIRE Cet exemplaire vous est offert et ne peut être vendu.
| Not for sale.
LA FRANCOPHONIE MOBILISE 50 JEUNES VOLONTAIRES SUR LES CINQ CONTINENTS Les cinquante jeunes volontaires de la promotion 2011 du programme de Volontariat international de la Francophonie (VIF) se sont retrouvés à Paris, du 26 septembre au 2 octobre, pour suivre une formation au siège de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) avant leur départ. Ils ont rencontré à cette occasion Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie et échangé avec les responsables de la Francophonie, Clément Duhaime, Administrateur de l’OIF et Wanda Diebolt, Secrétaire générale de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Issus de dix-huit nationalités différentes, ces jeunes femmes et hommes sélectionnés sur la base de leurs compétences et leur engagement, parmi 3 260 jeunes candidats issus de 40 pays, seront affectés pour une période de douze mois en Afrique, Océan Indien, en Europe centrale et orientale, ainsi qu’en Asie et dans les Amériques (Canada et Haïti), afin de mettre leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être, au service d’un projet de la Francophonie qui s’intègrera à leur parcours professionnel.
Le programme du volontariat international de la Francophonie mis en place par l’OIF en 2007 s’adresse aux jeunes francophones âgés de 21 à 34 ans et leur permet de vivre une expérience de mobilité internationale au sein de l’espace francophone. Durant la phase pilote 2007-2009, 37 jeunes ressortissants de 14 pays ont été volontaires de la Francophonie. Pour la période 2010-2013, ce programme se déploie avec un total de 150 postes de volontaires. Déployés sur les cinq continents, les volontaires s’engagent à œuvrer dans les domaines d’actions privilégiés de la Francophonie : ● la promotion de la langue française et de la diversité culturelle et linguistique, ● la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme, ● l’éducation, la formation et la culture, ● l’appui au développement durable et à la solidarité, ● les NTIC pour la réduction de la fracture numérique, ● le renforcement des capacités locales en développement économique, social et culturel.
En fonction des projets identifiés, les Volontaires internationaux de la Francophonie peuvent être affectés au sein d’une structure d’accueil francophone située dans un des 56 États et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie. Le volontariat international s’inscrit parmi les axes prioritaires de la programmation jeunesse de l’OIF, qui vise à donner la capacité aux jeunes de prendre la relève pour assurer leur avenir et les aider à mettre leurs forces au service de la solidarité et du développement durable, valeurs de la Francophonie.
COMMUNIQUÉ
Plus d’informations sur : www.francophonie.org - www.jeunesse.francophonie.org - www.auf.org - www.aimf.asso.fr - www.tv5.org
3
Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 29 OCTOBRE
Bilan d’étape
N
EUF BONS MOIS se sont écoulés depuis ce mémorable vendredi 14 janvier 2011, où le Printemps arabe a enregistré, en Tunisie, sa première victoire : la chute, sous la pression populaire, d’une dictature arabo-africaine, celle de Zine el-Abidine Ben Ali. Neuf mois, c’est tout juste le temps de concevoir un enfant, pour sa mère de le porter jusqu’à sa naissance. ■
Ce court laps de temps a été bien rempli, puisqu’il s’est révélé suffisant pour abattre deux autres dictatures, l’égyptienne et la libyenne. Les Tunisiens ont même pu l’utiliser pour organiser le premier scrutin transparent et honnête rendu possible par le Printemps arabe : le 23 octobre, autre jour mémorable, ils sont allés aux urnes – librement et massivement pour la première fois depuis plus d’un demi-siècle – afin d’élire leur Assemblée nationale constituante. Elle se réunira dans quelques jours et se mettra au travail pour désigner un président et un gouvernement, et façonner le destin politique des 10 millions de Tunisiens. ■
Au moment où j’écris ces lignes, les résultats du scrutin ne sont connus que dans leurs principaux contours, l’inévitable contentieux postélectoral n’est pas encore apuré et, surtout, les conséquences du vote ne sont pas tirées. Elles ne le seront que dans plusieurs jours. Mais, appelés à expliquer l’événement et à se prononcer à chaud sur ses lendemains, analystes et commentateurs sont parvenus au consensus suivant, auquel j’adhère : 1) Le scrutin a été convenablement préparé, s’est tenu sans incidents notables et a connu une participation très élevée (en pourcentage des électeurs inscrits). Ses résultats, tels qu’ils ont été communiqués, traduisent fort bien la volonté des votants. 2) Le Mouvement Ennahdha, qualifié, à tort ou à raison, « d’islamiste modéré », a remporté un succès plus net que prévu, même par ses dirigeants. On peut dire de sa performance, selon la formule anglo-saxonne bien connue*, « qu’elle est meilleure qu’espérée par les uns, redoutée par les autres, moins bonne qu’annoncée ». JEUNE AFRIQUE
Fortement réprimé vingt années durant par le régime Ben Ali, il prend néanmoins une belle revanche et devient, en tout cas, la principale force politique du pays. Il passe de l’opposition au pouvoir et, du jour au lendemain, remplit le vide créé par la dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au lendemain du triomphe de la révolution tunisienne. L’extravagant éparpillement politique qui a cru prendre la relève du RCD – plus de cent minuscules partis créés en six mois ! – n’a pas peu aidé Ennahdha à s’affirmer comme un parti central et le réceptacle des frustrations de la société tunisienne. Par les urnes, en 2011 et en un seul jour, Ennahdha a obtenu ce qu’elle n’a pas réussi à arracher dans les années 1980 après des mois de violence. Il paraît logique qu’elle en tire pour leçon que le plus payant pour elle, désormais, est de ne pas perdre le capital populaire qu’elle a acquis. ■
3) Il est cependant hasardeux et, en tout cas, prématuré de spéculer sur ce que donnera cet avènement. Comment ce parti se comportera-t-il dans l’exercice du pouvoir ? Tiendra-t-il les engagements qu’il a pris pour se faire adouber ? Respectera-t-il les acquis engrangés par les Tunisiens depuis l’indépendance ? Acceptera-t-il la société tunisienne ou bien voudra-t-il la changer ? S’il se risquait à vouloir la changer, à quelles résistances intérieures et extérieures se heurterait-il ? Parviendrait-il à les vaincre ou serait-il alors rejeté ? ■
Je ne suis pas un connaisseur d’Ennahdha, à supposer qu’il y en ait, et ne m’aventurerai à aucun pronostic. Mais il est communément admis que cette formation est loin d’être monolithique : attirée par des voies divergentes, traversée par plusieurs courants, elle ne s’est pas encore dotée d’une stratégie unique. Beaucoup va donc dépendre du rapport des forces entre ses dirigeants, de l’influence qu’auront – ou n’auront pas – sur eux les alliances qu’ils contracteront à l’intérieur, les amitiés extérieures dont ils disposeront. On sait cependant que le cheikh Rached Ghannouchi, qui a 70 ans, est son président depuis 1981, son émir et N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
4
Ce que je crois sa figure la plus connue à l’extérieur. Mais il n’en est que le chef nominal et l’un des porte-parole. Il n’est pas à Ennahdha ce que Habib Bourguiba fut au Néo-Destour : le chef incontesté, le fédérateur et le stratège. Il n’est pas non plus à Ennahdha ce que Recep Tayyip Erdogan est à l’AKP turc : le patron incontesté. ■
Ennahdha n’a pas l’expérience du pouvoir et devra, par conséquent, l’acquérir. Elle pourra le faire aisément, car elle arrive aux affaires avec beaucoup d’atouts : – La Tunisie dont elle hérite est un État constitué de longue date et qui fonctionne harmonieusement, avec des ressources suffisantes. Il suffit de le gérer et d’éviter de le bousculer. – Comme les autres peuples, les Tunisiens volent vers le succès, vont à la victoire, donnent leur chance à ceux qui ont gagné : les hauts cadres du pays, ses nombreux techniciens se mettront sans problème à la disposition du nouveau pouvoir, le faisant bénéficier de leur savoir-faire. – L’armée tunisienne restera fidèle à sa tradition de servir l’État, d’être l’instrument du pouvoir en place. Que celui qui va exercer les responsabilités soit élu rend encore plus aisé pour elle de se mettre à son service. Ennahdha a gagné en Tunisie la place qui est désormais la sienne parce qu’elle a claironné et fait accepter que son modèle est l’AKP de Recep Tayyip Erdogan. Si elle a l’intelligence de suivre ce modèle, elle obtiendra
le même succès et, comme lui, conservera le pouvoir longtemps. ■
La Tunisie a franchi une étape et se prépare à s’engager dans la suivante. Le bilan d’étape est nettement positif si l’on accepte l’idée que « qui veut la pluie doit accepter les nuages et même parfois l’orage ». Qui veut la démocratie doit savoir et accepter qu’elle n’est pas sans « couacs », sans perte de temps ou d’énergie. De même qu’un enfant doit apprendre à marcher et tombe plus d’une fois avant d’enchaîner ses pas, de même un peuple ne s’installe en démocratie qu’au terme d’un long apprentissage. Depuis son indépendance en 1956 et jusqu’au 14 janvier dernier, la Tunisie a constamment vécu sous la férule d’un autocrate. Ils sont deux à s’être succédé à sa tête, à avoir disposé d’une (trop) grande autorité et à n’avoir su, ni l’un ni l’autre, « ne pas aller jusqu’au bout de leur pouvoir ». ■
Depuis neuf mois, elle n’a plus ce chef qui prenait seul et en dernier ressort toutes les décisions (manipulé, sans qu’il en ait conscience, par sa femme). Elle s’aperçoit qu’elle peut vivre sans, apprend à le faire et y prend goût. Pourvu que ça dure. ● * « Better than expected (or feared), less than advertised. »
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð « Comment as-tu trouvé le monde et ses plaisirs? – C’est comme si l’on entrait dans une maison avec deux portes opposées: on reste un petit moment au milieu, puis on sort par l’autre porte. » Al-Ibchichi
Ð L’inconvénient des grandes idées, c’est qu’il y a presque toujours quelqu’un qui les a eues avant vous. André Frossard
Ð La célébrité m’a apporté un gros avantage : les femmes qui me disent non sont plus belles qu’autrefois. Woody Allen
Ð Le pouvoir est une femme qui ne se partage pas. Ahmadou Kourouma
Ð Si tu veux que la poule ponde, tu dois supporter son caquetage. Proverbe anglais
Ð N’oublie pas qu’on écrit avec un dictionnaire et une corbeille à papier. Tout le reste n’est que litres et ratures. Antoine Blondin
Ð Si la Turquie entre dans l’Europe, tu peux changer tes serrures. Les Nouvelles Brèves de comptoir
Ð À n’importe quel moment, les êtres humains peuvent avoir soif de richesses, de savoir ou d’amour, et parfois de deux choses en même temps, mais jamais des trois. Nassim Nicholas Taleb
Ð Notre plus grande gloire n’est point de tomber, mais de savoir nous relever chaque fois que nous tombons. Confucius N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Ð L’homme est aussi lié à une société dont il subit la marque, dont il accepte ou refuse les structures, dont il partage ou repousse les sentiments et les actes collectifs. Georges Pompidou
Ð Je ne connais rien d’aussi immoral que les fonds secrets si ce n’est les fonds publics. Henri Rochefort JEUNE AFRIQUE
Le premier mensuel généraListe de Langue française Actuellement en Kiosque www.larevue.info
6
Éditorial François Soudan
Totems et tabous
PHOTOS DE COUVERTURES : MICHAEL ZUMSTEIN/VU ; OLIVIER ; FAROUK BATICHE/AFP ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; C. GRANIER-DEFERRE/NEWSPICTURES
J
OURS DE GRAND CONVENT À BRAZZAVILLE, en cette fin d’octobre. Les « frères de lumière » d’Afrique centrale sont réunis autour des présidents Sassou Nguesso et Bozizé pour une parenthèse enchantée dans ce monde de brutes. Mines graves de rigueur, cérémonies nocturnes jusqu’à l’aube, rituels secrets : nul n’est plus heureux qu’un maçon entre Congo, Ogooué et Oubangui, nouvelle terre d’élection de tout ce qui porte tablier, triangle et compas. Ironie interdite, cependant, sauf à passer à côté de l’essentiel. La franc-maçonnerie en Afrique n’est en effet que la partie émergée, et somme toute rationnelle, dicible, d’un iceberg tabou d’occultisme et de pratiques traditionnelles dont la reconnaissance est indispensable pour qui veut comprendre les ressorts profonds de la politique africaine. Journalistes occidentaux, experts de la Banque mondiale, diplomates en poste, analystes, ONG, tous ou presque négligent, faute de détenir les clés nécessaires pour accéder à ce monde opaque, cette dimension fondamentale. Au risque évident de voir leurs articles, rapports ou télégrammes n’aborder que la réalité pelliculaire, politiquement correcte et compatible des choses. Il est vrai que leurs interlocuteurs ne leur facilitent guère la compréhension. Pour tout chef d’État, ministre, haut fonctionnaire, prélat ou intellectuel africain, cela fait partie du jeu, qui a ses règles et son omerta, que de nier cette réalité-là. Qu’un Européen de passage ose la question et il obtiendra toujours la même réponse : « Les féticheurs, les marabouts, la sorcellerie, connais pas. Mon voisin peut-être. Mais moi, je ne mange pas de ce pain. » Et pourtant… Même si aucun d’entre eux, à l’époque de la bonne gouvernance, n’a le culot d’un Mobutu ou d’un Eyadéma, qui tâtait du spiritisme à visage quasi découvert, tous les responsables politiques et économiques, tous les chefs d’État d’Afrique du Centre, de l’Ouest et de l’Est, les plus jeunes comme les dinosaures, les plus occidentalisés comme les plus traditionnels, les civils profilés FMI comme les militaires issus des écoles d’enfants de troupe, ont leur part, souvent envahissante, d’occultisme. Bien sûr, tous prétendront le contraire, mais si vous aviez accès à leur chambre, à leurs toilettes, à leurs valises, aux petits sacs que portent leurs aides de camp, vous y feriez bien des découvertes étranges. Combien de décisions, de nominations, de révocations, de déplacements annulés, de cérémonies ajournées, toutes choses que les observateurs étrangers s’acharnent à expliquer rationnellement, relèvent du simple conseil de ces manipulateurs inconnus et essentiels de la politique africaine, le plus souvent analphabètes mais incroyablement doués pour la suggestion, que sont les marabouts et féticheurs ! Et que de temps perdu par chacun à se « blinder », se défendre et se soigner contre le mauvais sort qu’il s’agit de retourner prestement à l’envoyeur, lequel a passé des nuits entières à le concocter pour mieux vous terrasser ! Alors qu’en période électorale le côté agressif de ces pratiques redouble d’intensité et de férocité, avec l’entrée en jeu des sorciers et des envoûteurs, des bœufs enterrés vivants et des albinos sacrifiés, la facilité serait de dire avec Axelle Kabou, dont c’est le titre d’un livre célèbre : « Et si l’Afrique refusait le développement ? » ou plutôt : cette Afrique-là est-elle antidéveloppement ? Oui, car c’est autant de temps pris sur le progrès et de retard sur la mondialisation. Non, car la croyance en un monde parallèle transcende cultures, races et continents. François Mitterrand avait Elizabeth Teissier, et Jacques Chirac, le mage de Tozeur… ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
10
TUNISIE ET MAINTENANT ? Le 23 octobre, les Tunisiens ont élu une Assemblée constituante dominée par les islamistes d’Ennahdha. Le plus difficile reste à faire : tracer les contours de nouvelles institutions démocratiques.
40
CAMEROUN INDÉTRÔNABLE PAUL BIYA Le président sortant a été confortablement réélu, le 9 octobre. Déjà divisée, l’opposition est désormais laminée.
54
GOUVERNEMENT MAROCAIN MENTION PASSABLE À un mois des élections législatives anticipées, revue de détail du travail de l’équipe d’Abbas El Fassi. Notes à l’appui!
03 08
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
10
L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
10 16 17 18 19 20 21 21 22
Tunisie Et maintenant ? Nayef Ibn Abdelaziz Un prince pas très charmant CPI Fatou Bensouda favorite Tchad Officiers, sortez des rangs ! ONU Pari gagné ! Kenya La vengeance des Shebab Consulting Blair business Gabon Ben Moubamba, le retour Tour du monde
25
G RA N D A N G L E
25
Les 50 qui font la Côte d’Ivoire
40
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
40 42 43 44 46
Cameroun Indétrônable Paul Biya En vérité Victoire ambiguë L’actualité vue par Glez Mali Les Diarra, une famille en or Niger En toute discrétion JEUNE AFRIQUE
N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES
LE PLUS US
de Jeune Afrique
50 Les
L’Algérie
va-t-elle vraiment changer?
qui font
25
LA CÔTE D’IVOIRE
L’ALGÉRIE VA-T-ELLE VRAIMENT CHANGER? • Stratégie Bouteflika à pas comptés • Politique L’Assemblée sens dessus dessous • Diplomatie Les mal-aimés du Maghreb Spécial 18 pages
140
GRAND ANGLE
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 6 ! Y ?\)M@%, -EH 9? Y ?\\,[I)X, $ ! Y ?:<@%F', $ ! Y =,\)%A:, ( ! Y ;IXIDI GGL"H # ;?Q Y ;.<, DZT8C%@, E$HH 6 ;6? Y 9IX,[I@! (H 9SS Y 9PR ( !
PHOTOGRAPHIE REGARDS D’ARTISTES Le mois de novembre sera particulièrement riche – comme l’ensemble de l’année 2011 – en expositions du travail des photographes africains. Jeune Afrique vous présente sa sélection.
114
66
LIBYE COMMENT KADDAFI S’EST PERDU Retour sur l’histoire du « Guide ».
EMPLOI & FORMATION LE CLASSEMENT EXCLUSIF DES BUSINESS SCHOOLS AFRICAINES + l’actualité des écoles sur tout le continent
50 52
Angola Dos Santos contre vents et marées Afrique du Sud Ainsi parlait Mandela
54
MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
54 58 63 64 66
Gouvernement marocain Mention passable Shalit-Hamouri Deux poids, deux mesures Mauritanie Réformes en petit comité Syrie Asaad contre Assad Kaddafi Comment le « Guide » s’est perdu
70
EUROPE, AMÉRI Q U E S, ASIE
70 74 76 77 78 79 80
De Madrid à Hong Kong… Une onde d’indignation Colombie Irréductibles Africains États-Unis Pas de mariage blanc Birmanie Brise de printemps sur Rangoon Parcours Sophia Charaï, artiste patchwork Chine Les chevaliers blancs du Net Immigration Schizophrénie française
81
LE PLUS DE J EU N E A FR I Q U E
81
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?
100 100 104 106 108 110 111 112 113 114 114 140 140 146 147 148 160 160 162
JEUNE AFRIQUE
81
ÉC O N O M IE Afrique de l’Ouest La conquête éclair d’Arik Air Énergie Du gaz à profusion… surtout pour l’export Tribune Abdoulaye Bio-Tchané, président d’ACI RD Congo First Bank entame sa marche africaine Hydrocarbures Jack Grynberg contre-attaque BIDC Période d’essai réussie pour Bashir Ifo Bourse de Casablanca Rénové, le CIH élargit ses perspectives Baromètre L E D O SSIER EM PL O I & F O RM AT IO N Business schools L’élite passée au crible C U LT U RE & M ÉD IA S Photographie Regards d’artistes Livre Les Algériens parlent aux Algériens Lu et approuvé Trois siècles de négritude La semaine culturelle de J.A. VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
8
DR
Ý SEIF EL-ISLAM KADDAFI. Le rejeton le plus célèbre du défunt « Guide » est recherché par la CPI.
DR
Ð ABDALLAH AL-SENOUSSI. L’ancien chef des services secrets est réfugié dans le nord du Mali.
Libye Les Touaregs au secours des fils Kaddafi
S
EIF ELISLAM, le plus recherché des fils Kaddafi, a franchi la frontière entre la Libye et le Niger le 25 ou le 26 octobre, sous la protection de combattants touaregs proches des ex-rebelles nigériens Rhissa Ag Boula et Agaly Alambo – aujourd’hui conseillers respectivement de Mahamadou Issoufou, le chef de l’État, et de Hama Amadou, le président de l’Assemblée. Début septembre, déjà, Saadi, un autre fils du défunt « Guide », était passé au Niger avec l’aide d’Alambo, avant de se livrer aux autorités. Seif el-Islam est recherché par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité. Il chercherait à rejoindre Abdallah al-Senoussi, l’ancien chef des services secrets libyens, qui s’est réfugié dans le nord du Mali avec l’aide des combattants de l’ex-rebelle touareg Ibrahim Ag Bahanga, mort fin août dans un accident de voiture. « Pour eux, explique une source sécuritaire, le Nord-Mali est la meilleure cache possible, car le régime n’y contrôle rien. » ●
ALGÉRIE LES FRÈRES AUX ANGES
Le triomphe électoral des islamistes d’Ennahdha a ravi les militants du Mouvement de la société pour la paix (MSP, membre de l’Alliance présidentielle). Bien décidé à être
le premier à féliciter Rached Ghannouchi, Bouguerra Soltani, le président du parti, lui a téléphoné dès 22 heures, trois heures à peine après la fermeture des bureaux de vote – et avant la publication des premières tendances. Et c’est
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
ainsi qu’il a réussi à brûler la politesse au Libyen Mustapha Abdeljalil ! MAROC GHELLAB SUR ORBITE
Ingénieur des ponts et chaussées, ministre des Transports,
membre du comité central de l’Istiqlal et président de l’arrondissement de Ben M’Sick, à Casablanca, Karim Ghellab (44 ans) a le vent en poupe et pourrait contribuer à rajeunir l’image de son parti. C’est lui qui, le 31 octobre, a été mandaté pour représenter l’Istiqlal à la conférence organisée à la Bourse de Casablanca par l’Association marocaine des anciens de Sciences Po (Amasp). Cette série de conférences a déjà accueilli Salaheddine Mezouar et Abdelilah Benkirane, chefs respectifs du Rassemblement national des indépendants (RNI) et du Parti de la justice et du développement (PJD) – l’un et l’autre Premiers ministres potentiels.
LE CHIFFRE
640
milliards de m3
C’est l’estimation revue à la hausse par le groupe pétrolier italien ENI de sa gigantesque découverte de gaz au large du Mozambique. Cela fait de ce pays le numéro cinq africain en termes de réserves. ENI envisage d’investir 15 milliards de dollars (10 millions d’euros) dans l’exploitation.
MINES SÉNÉGAL CONTRE ARCELORMITTAL
Las d’attendre le démarrage de la mine de fer de la Falémé, dans le sud-est du pays, le gouvernement sénégalais a saisi la cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris dans le litige qui l’oppose au groupe sidérurgique ArcelorMittal. En 2007, celui-ci avait signé un protocole d’accord comprenant une licence d’exploitation du gisement d’une durée de JEUNE AFRIQUE
N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES
Politique, économie, culture & société vingt-cinq ans, ainsi qu’un investissement de 2,2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros) pour la construction d’une voie ferrée et d’un port minéralier. Or rien n’a été entrepris. ArcelorMittal affirme aujourd’hui être dans l’incapacité de financer seul ces infrastructures, mais la vérité est que le gisement de la Falémé est sans doute moins rentable que prévu : il ne recèlerait que 500 millions de tonnes de minerai, au lieu des 750 millions attendus. Défendu par l’avocat parisien Rassek Bourgi, le Sénégal réclame une indemnité de 700 millions de dollars, mais tenterait parallèlement d’obtenir un divorce à l’amiable.
créer quatre nouveaux vols hebdomadaires à destination d’Abidjan. Enfin, des hommes des forces spéciales ivoiriennes suivent actuellement une formation dans les bases d’entraînement des Forces armées royales marocaines. GUINÉE COURSE CONTRE LA MONTRE Les élections législatives guinéennes auront-elles lieu, comme prévu, le 29 décembre ? La révision des listes électorales aurait dû débuter le 5 octobre mais a été reportée. Deux mille kits ont été achetés en Afrique du Sud pour 15 millions d’euros, mais on voit quand même mal comment le calendrier pourrait être respecté. La France est donc favorable à la mise en place d’un groupe international de contact sur le modèle de celui qui avait supervisé la transition du général Sékouba Konaté, en 2010. À l’époque, ce groupe était notamment composé de représentants des Nations unies, de la Cedeao, de l’Union africaine, de la Cen-Sad et de l’Union européenne.
ÉLECTRICITÉ TOTAL AU NIGERIA
Le groupe français Total conclura dans les prochains jours avec le Nigeria un contrat de vente d’électricité. Celle-ci sera produite par une centrale au gaz naturel d’une capacité de 430 MW, qui sera construite à Obite, au nord de Port-Harcourt. Pour son alimentation, Total construira un gazoduc (28 300 m3/jour) jusqu’au gisement le plus proche, à 50 km de là. Il assurera également le raccordement au réseau électrique nigérian. La production devrait commencer dans deux ou trois ans. CÔTE D’IVOIRE-MAROC OUATTARA CHEZ M6
JEUNE AFRIQUE
MALGRÉ LES CERTITUDES affichées par Daniel Ngoy Mulunda, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le 27 octobre, à la veille du lancement de la campagne des élections présidentielle et législatives du 28 novembre en RD Congo, de grosses interrogations subsistent. Le scrutin législatif, surtout, inquiète : 18 855 candidats, 169 circonscriptions et 62 000 bureaux de vote, ça fait quand même beaucoup ! Le 27 octobre, les bulletins n’étaient toujours pas imprimés, alors que dans les quatre circonscriptions de Kinshasa, par exemple, plus de 1 000 candidats sont en lice. Les bureaux de vote n’étaient toujours pas officiellement désignés, et les 186 000 urnes géantes achetées en Chine, pas toutes arrivées à destination. ●
RD CONGO QUI VEUT LA PEAU D’ALIEU CONTEH ?
Alieu Conteh doit regretter amèrement d’avoir fait entrer le loup – en l’occurrence, Feruzi Kalume Nyembwe, un proche de Jaynet Kabila, sœur jumelle du chef de l’État – dans la bergerie lorsqu’il a créé Congo Wireless Network (CWN) et la nébuleuse de sociétés aux participations croisées qui la détiennent. Car Feruzi, qui est actionnaire de l’une des sociétés en question, essaie aujourd’hui de le pousser vers la sortie. Conteh a dû plaider sa cause jusqu’au sommet de l’État pour être
maintenu à la présidence du conseil d’administration de CWN. Ce poste stratégique lui permet notamment de conserver voix au chapitre dans la vente de l’opérateur Vodacom Congo (valeur estimée: plus de 1 milliard de dollars, soit plus de 712 millions d’euros), dont CWN détient 49 % du capital. Le groupe sud-africain Vodacom (51 % des parts) souhaite en effet se séparer de sa filiale congolaise (MTN, Unitel, Econet et Vivendi seraient intéressés). La cour d’arbitrage de Bruxelles doit statuer au début de l’an prochain sur le conflit qui l’oppose à CWN.
MALI : ENCORE UN CANDIDAT À LA PRÉSIDENTIELLE !
Mountaga Tall, aussi
EMMANUEL DAOU BAKARY
Alassane Ouattara devrait se rendre en visite d’État au Maroc au mois de janvier (ou février) prochain. Plusieurs accords de coopération devraient être conclus à cette occasion. Les deux pays souhaitent en effet développer des partenariats dans divers secteurs : défense et sécurité, logement social, construction, transports, banques et télécoms. En novembre, la Royal Air Maroc devrait
RD Congo Inquiétudes quiétudes pour les législatives slatives
Leader du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid), Mountaga Tall a séjourné en France au cours de la seconde quinzaine du mois d’octobre. Il venait d’Afrique centrale, où il a rencontré des responsables de la communauté malienne dans la perspective de la présidentielle de 2012. Officiellement, son passage à Paris n’avait qu’un but : se soumettre à un contrôle médical avant de se lancer dans la bataille électorale. Mountaga Tall, 54 ans, sera en effet investi comme candidat du Cnid le 10 décembre, au stade Mamadou-Konaté, à Bamako. Cette date coïncide avec le vingt et unième anniversaire de la première marche pour la démocratie au Mali. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
La semaine de Jeune Afrique
ONS ABID
10
TUNISIE
Et maintenant
Le 23 octobre, les Tunisiens ont élu une Assemblée constituante. Le plus difficile reste à faire : tracer les contours de nouvelles institutions démocratiques.
MARWANE BEN YAHMED
C
e23 octobre,lelaboratoiretunisien a mené avec succès sa première expérience : l’organisation d’un scrutin libre, pluraliste (c’est le moins que l’on puisse dire…) et transparent. Les pionniers du Printemps arabe entament donc l’automne toujours vêtus de leurs habits d’éclaireurs sur la route de la démocratie. Malgré l’inquiétude permanente qui rythme la vie du pays depuis la chute de Ben Ali, les accès de fièvre, une situation socio-économique précaire, la guerre libyenne et
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
une inclination certaine à la division, la majorité des Tunisiens, responsables politiques comme citoyens, ont accompli leur devoir sagement et ainsi montré l’exemple. Bravo ! Nous avons assisté à quelques surprises, dont certaines de taille, comme il y en a toujours. Mais les résultats sont logiques. Surtout si l’on tient compte d’un paramètre majeur : une offre politique subitement pléthorique, des partis ou des personnalités quasi inconnus des électeurs et, donc, l’impérieux besoin d’être rassuré. Les performances d’Ennahdha, du Congrès pour la République (CPR) ou d’Ettakatol illustrent en grande partie le choix des Tunisiens : confier leurs suffrages à des formations connues, rassembleuses, et dont la ligne n’a jamais varié. Même s’ils ont adopté des stratégies différentes, aucun de ces mouvements n’a frayé avec l’ancien régime. Aucun n’a versé dans l’attaque de ses concurrents lors de la campagne. Tous ont une solide réputation d’honnêteté et de JEUNE AFRIQUE
N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES
L’événement rigueur morale. Les seuls véritables fanaux d’une traversée à risque, en somme… Reste le cas d’Al-Aridha Al-Chaabiya (« la Pétition populaire ») de Hachemi Hamdi, véritable apprenti sorcier de la politique devenu pyromane depuis son retrait de la Constituante, qui a provoqué l’embrasement de Sidi Bouzid. Cet homme d’affaires irresponsable, qui ne recule devant rien, s’est mué, le temps de la campagne, en aspirateur à voix des plus démunis, leur promettant la lune, ainsi que Mars et Jupiter, invoquant à longueur d’émissions la mémoire de Mohamed Bouazizi sans jamais fouler le sol où il dit plonger ses racines. Son succès en dit long cependant
sur l’immense nse désarroi de toute une région… L’émiettementt de l’échiquier politique, tout comme la défiance exprimée par nombre de Cassandre à l’encontre d’Ennahdha, augurent cependant des lendemains difficiles. Il faudra beaucoup de sang-froid et de raison pour réussir la prochaine étape : la rédaction de la future Constitution et la formation d’un gouvernement, d’autant que le pays ne pourra supporter longtemps un taux de croissance anémique et que l’on se contente de gérer les affaires courantes. Les Tunisiens ont démontré, depuis le 14 janvier, qu’ils savent prendre leurs responsabilités. Espérons que la classe politique fera de même. ●
Comme un parfum de troisième tour… Ennahdha n’ayant pas obtenu la majorité absolue, gagnants et perdants mesurent leurs forces et envisagent des alliances. Objectif : le poste de Premier ministre et de président. Ý DEVANT LE SIÈGE
D’ENNAHDHA,
à Tunis, le soir du scrutin.
?
I
nstinctivement, les Tunisiens ont compris qu’ils n’étaient pas face à une élection ordinaire et ont « voté utile », ce qui constitue un atout pour latransitiondémocratique.Letriogagnant: Ennahdha (islamiste modéré) présidé par Rached Ghannouchi, le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) de Moncef Marzouki et Ettakatol (socialdémocrate)dirigéparMustaphaBenJaafar font partie des rares mouvements à s’être frontalement opposés à Ben Ali durant ses vingt-trois années de règne et à avoir ensuite soutenu la révolution sans jamais perdre de vue leur objectif de rompre définitivement avec le système.
Parmi les déçus du scrutin, le Parti démocrate progressiste (PDP, centre gauche) d’Ahmed Nejib Chebbi, qui ambitionnait de talonner Ennahdha, a reconnu sa défaite. Ettajdid, ancien Parti communiste, qui s’est présenté sous l’étiquette Pôle démocratique moderniste (PDM), s’est effondré. Pratiquement aucune nouvelle formation n’a percé. Ainsi, la mystérieuse Union patriotique libre (UPL) de Slim Riahi, qui a dépensé au moins 3 millions de dollars (2,1 millions d’euros) dans cette campagne, ne compte aucun élu, pas même Chokri el-Ouaer, l’ancien gardien de l’équipe nationale de football. Ceux qui se présentaient ● ● ●
LA BOMBE HAMDI
DR
ORIGINAIRE DE SIDI BOUZID comme Jugeant qu’il a enfreint la loi, Mohamed Bouazizi, le héros de la l’Instance supérieure indépendante révolution, Hachemi Hamdi a fait la pour les élections a invalidé six de ses sienne… depuis Londres ! Multipliant listes, ce qui ne l’a pas empêché de les promesses démagogiques, remporter 19 sièges, provoquant un l’homme d’affaires a présenté des tollé dans la société civile, suivi par candidats sous l’étiquette Al-Aridha des émeutes orchestrées par sa tribu, Al-Chaabiya (« la Pétition populaire ») à Sidi Bouzid. De guerre lasse, Hamdi HACHEMI HAMDI sur et sa télévision, Al-Mustakillah, basée a retiré tous ses élus. Personnage Al-Mustakillah, sa chaîne de dans la capitale britannique, s’est folklorique, islamisant et énigmatique, télévision, basée à Londres. consacrée à sa campagne 24 heures celui que l’on surnomme sur 24. À l’antenne, des personnes « la girouette » se flatte d’être l’ami du démunies n’ont cessé de quémander, par téléphone, président déchu Ben Ali, qui lui aurait téléphoné le son aide financière. 14 janvier, quelques heures avant sa fuite. ● Az.B. JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
La semaine de J.A. L’événement
12
Ennahdha domine la Constituante Ennahdha 90 (41,47 %)
SOURCE : ISIE
Parti démocrate progressiste (PDP) 17 (7,83 %)
Initiative 5 (2,3 %) AFEK 4 (1,84 %)
Nombre de sièges (sur 217), en % des voix exprimées
Pôle démocratique moderniste (PDM) 5 (2,3 %) Pétition populaire* 19 (8,76 %)
Ettakatol 21 (9,68 %)
Congrès pour la République 30 (13,82 %)
Autres 26 (12 %) * Six listes de la Pétition populaire ont été invalidées. Après le retrait définitif de ce parti, ses 19 sièges restants devraient être redistribués aux autres formations. en tant qu’« indépendants » (45 % des candidats) n’ont pas davantage créé la surprise : quasiment aucun de leurs ténors n’a été élu, pas même Abdelfattah Mourou, l’ex-dirigeant islamiste. Encore présents dans les structures de l’État et parmi la centaine de partis en lice, les contre-révolutionnaires ont échoué. Les formations issues de l’ancien parti au pouvoir dissous n’ont, pour la plupart, aucun élu. C’est notamment le cas pour la quarantaine de mouvements qui s’étaient regroupés au sein de l’Alliance républicaine autour d’un projet de référendum destiné à limiter les pouvoirs de la Constituante et auquel Béji Caïd Essebsi (« BCE »), le Premier ministre, avait donné un certain crédit avant qu’il ne fasse long feu. C’est aussi le cas des partis dirigés par des personnalités ayant travaillé sous les ordres de Ben Ali, comme Mohamed Sahbi Basly et Mohamed Jegham. Seule El-Moubadara de Kamel Morjane a remportécinqsiègesgrâceauvotedescaciques de l’ancien régime dans la région du Sahel, mais, là aussi, les candidats d’Ennahdha sont arrivés en tête. Les seules surprises sont venues d’Al-Aridha Al-Chaabiya de Hachemi Hamdi et du CPR de Moncef Marzouki (lire les encadrés). Ennahdha n’a pas de majorité pour gouverner seule. Le poste de Premier ministre devraittoutefoislui revenir.Lemouvement envisage de présenter la candidature de Hamadi Jebali, son secrétaire général. Quant au nouveau président de la République, il doit être élu par la Constituante. Difficile d’envisager que cela puisse se faire sans l’accord d’une majorité, et plus particulièrement d’Ennahdha, qui ne brigue pas ce poste et semble avoir deux fers au feu: nouer une alliance avec les deux autres partis arrivés en tête, ou jouer la carte Béji Caïd Essebsi. Une alliance des islamistes avec le CPR et Ettakatol permettrait à ce trio de ●●●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
disposer d’une majorité confortable de 141 sièges sur les 217 sièges que compte la Constituante (voir l’infographie), en attendantderécupérerd’autressiègesaprès le retrait des 19 élus de la Pétition populaire. Les trois « gagnants » ont entamé des discussions et cherchent à rallier d’autres partis qui, comme eux, ont combattu Ben Ali. Objectif: tracer les contours des futurs pouvoirs publics dès que la Constituante entamera ses travaux, avant la mi-novembre. À J.A., qui lui demandait s’il briguerait la magistrature suprême, Mustapha Ben Jaafar a répondu, le 28 octobre : « C’est la Constituante qui décidera. Toutes les hypothèses sont ouvertes, y compris ma candidature. » Le secrétaire général d’Ettakatolappelledesesvœuxungouvernement d’union nationale qui prenne des mesures d’urgence pour répondre aux attentes des citoyens, mais estime que chaque parti doit garder son indépendance lors de la rédaction de la future Constitution. LA CARTE « BCE ». Avant les élections,
Ennahdha considérait déjà Ben Jaafar comme un présidentiable. Mais Jebali a aussi – certes une seule fois – cité le nom de Caïd Essebsi parmi les postulants possibles. Invité par J.A. à clarifier ses propos, le secrétaire général d’Ennahdha a précisé que « toute décision [serait] prise au sein de l’alliance entre les trois gagnants ».
La seconde option du parti islamiste serait en effet de jouer la carte « BCE ». Depuis plusieurs semaines, le Premier ministre a multiplié les contacts tous azimuts, notamment avec des dirigeants d’Ennahdha, rencontrés le jour de l’élection. Ces derniers ont toutefois précisé à J.A. que c’était pour leur donner des assurances qu’il n’y aurait pas de manipulations du scrutin contrairement à ce que Rached Ghannouchi craignait. Quoi qu’il en soit, Caïd Essebsi ne s’engagera certainement pas sans poser ses conditions : disposer de pouvoirs étendus et, s’il devait accepter Jebali comme Premier ministre, toute latitude pour choisir les ministres. Manière de dire que ce serait un gouvernement Caïd Essebsi, dont le premier des ministres serait Jebali… Envoyer « BCE » au palais présidentiel pour succéder à un Foued Mebazaa sur le départ risque néanmoins d’être difficile à faire accepter à la Constituante, à moins qu’Ettakatol et le CPR ne s’y résignent, ce qui est loin d’être le cas. Du coup, l’ultime chance de Caïd Essebsi serait qu’il bénéficie d’une alliance contre-nature entre Ennahdha et des partis « perdants » anti-islamistes mais qui lui sont favorables, comme le PDP ou le PDM, ainsi que les restes de l’ex-parti au pouvoir. À suivre… ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis
MARZOUKI, LA DEUXIÈME SURPRISE IL A UN PASSÉ GLORIEUX de président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme et de féroce opposant à Ben Ali. N’a-t-il pas été le premier à lui lancer, depuis son exil, un tonitruant « Dégage ! » ? De retour au pays, Moncef Marzouki a sorti de la clandestinité son Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste), fondé en 2001. Parce qu’il a pris la défense des prisonniers politiques islamistes – ce qui l’a rapproché d’Ennahdha –, ses détracteurs l’ont traité, bien à tort, de « cryptoislamiste ». Bien qu’il soit très populaire auprès d’une partie de la jeunesse révolutionnaire, qui a voté pour lui, beaucoup ont été surpris de voir son CPR devenir la deuxième force politique du pays. ● A Z .B. JEUNE AFRIQUE
BECHIR BETTAIEB/AFP
13
Reportage « Je vote, donc je suis » Du Sahel, région natale de Bourguiba et de Ben Ali, aux quartiers populaires ou huppés de la capitale, les Tunisiens se sont massivement rendus aux urnes. Récit d’une journée historique.
L
orsqu’on évoque le Sahel, la première image qui vient à l’esprit est cette large bande désertique de 4 millions de km2 séparant l’Afrique du Nord du reste du continent. Une zone grise, infestée de salafistes et de trafiquantsentoutgenre.RiendetelenTunisie. Ici, le Sahel est une bande côtière longue d’une centaine de kilomètres, s’étendant de Mahdia, au sud, à El-Kantaoui, au nord. Ses habitants sont plutôt conservateurs. Davantage négociants que cultivateurs, ils sont ouverts sur le monde grâce à la présence quasi permanente des touristes occidentaux. En ce 23 octobre, la manière dont Tunis a vécu cette journée électorale n’est pas seule à être examinée de près. On se demande avec curiosité comment va réagir le Sahel, où l’avènement de la Seconde République prend une saveur particulière. Les deux premiers présidents de la Tunisie contemporaine, Habib Bourguiba et Zine el-Abidine Ben Ali, sont respectivement natifs de Monastir et de JEUNE AFRIQUE
Hammam-Sousse. Ce qui donne, à tort ou à raison, à cette région la réputation d’être le fief des « dsatra », les destouriens – autrement dit les constitutionnalistes se réclamant de l’héritage de Bourguiba –, voire des nostalgiques de l’ère « Zaba » – acronyme qui désigne le raïs déchu. DIX ÉTAGES. Partis politiques, candidats
ILS ONT VOTÉ. La preuve : ils montrent leur index taché d’encre bleue. À Monastir, le 23 octobre.
(« L’Initiative »), et Mohamed Jegham, ex-ministre de la Défense, avec El-Watan (« La Patrie »). L’héritage politique des deux anciens chefs d’État est revendiqué par plusieurs nouvelles formations. À Sousse, la plus visible est le Parti réformateur destourien (PRD), qui dispose d’un siège imposant : une tour de dix étages dominée par une enseigne lumineuse brillant de mille feux. Moncef Jrad, étudiant en histoire à l’université voisine de Monastir, tempère: « Il ne faut pas se fier aux apparences, le PRD ne représente rien. D’ailleurs, il n’occupe qu’un étage de l’immeuble. » La suite des événements lui donnera raison. La liste du PRD ne recueillera
indépendants… Une soixantaine de listes se sont disputé les suffrages des quelque 210000 Sahlis (habitants du Sahel) pour obtenir les dix À Sousse, l’ancien ministre sièges de l’Assemblée constiKamel Morjane se fait chahuter tuante dévolus à la région. dans la file d’attente. Dissous à la suite de la révolution, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, que quelques centaines de voix dans son propre fief de Sousse, et ne remportera ex-parti au pouvoir) n’a pas participé au aucun siège. Celle de Kamel Morjane scrutin, ses cadres étant interdits de toute aura plus de chance. Avec 52 000 voix, activité politique. Deux personnalités issues de ses rangs ont toutefois réussi à se l’enfant de Hammam-Sousse réussit à présenterenconstituantunelisteindépendécrocher les cinq (et uniques) sièges dante. Kamel Morjane, l’ancien chef de la destouriens de l’Assemblée constituante. diplomatie de Ben Ali, avec El-Moubadara Mais sa campagne n’a pas été de tout ● ● ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
La semaine de J.A. L’événement
AUDE OSNOWICZ
14
DANS UN BUREAU DE VOTE de Hammam-Sousse, la ville de Zine el-Abidine Ben Ali.
repos : il se fera même chahuter dans le bureau de vote. Contrairement à Monastir, qui avait été particulièrement choyé par Bourguiba, Hammam-Sousse ne semble pas avoir été privilégié par Zaba. En dehors de son littoral, où se succèdent hôtels et palaces destinés au tourisme balnéaire, la ville n’a rien de séduisant. « Un Sidi Bouzid amélioré », ironise Béchir, un pêcheur à la cinquantaine fatiguée. Comme partout en Tunisie, les bureaux de vote y ont été assaillis avant même leur ouverture, à 7 heures. Issam, 23 ans, volontaire de N’chouf (« Je vois »), une association de scrutateurs bénévoles, ne s’attendait pas à pareille affluence. « Une heure après le début des opérations de vote, plus de cinq cents personnes attendaient patiemment leur tour pour glisser leur enveloppe dans l’urne! » Issam a veillé sur les quatre bureauxétablisdanslaMadrassatel-Akhlak (« l’école de la morale »), à proximité du complexesportifabritantleclubdefootball local, fierté de Hammam-Sousse. Ici,lenombredefemmesportantlehijab est sans doute le plus faible de Tunisie. Moderniste, Hammam-Sousse ? Pas du tout. Simplement, dans la ville natale de Zaba, on s’habille différemment. Qu’elles ●●●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
soient jeunes ou vieilles, actives ou au foyer, les femmes ne sortent que drapées dans une fouta, sorte de pagne aux couleurs chatoyantes, généralement en soie, qui rappelle la proximité de la civilisation berbère. Leur tête est couverte d’une menchfa – littéralement « serviette », mais dont le tissu est autrement plus noble. TRAVAIL DE FOURMI. Dans les files d’attente, le hijab est donc rare, et la mixité, toute naturelle. On attend son tour en commentant le déroulement de la campagne. Le meeting « le plus cool » ? Celui du Pôle démocratique moderniste d’Ahmed Brahim. Le plus imposant ? Celui d’Ennahdha, qui a réuni plus de 10 000 personnes à Sousse. La stratégie du parti islamiste s’est inspirée du zenga-zenga – « ruelle par ruelle », une formule rendue tristement célèbre par Kaddafi. « Nous avons été partout, raconte Omar, un militant d’Ennahdha. Même dans les endroits les plus reculés où les autres partis étaient absents. Seule une autre liste a adopté la même stratégie : Al-Aridha Al Chaabiya. » « La Pétition populaire » du démagogue Hachemi Hamdi a en effet accompli un travail de fourmi pour se faire connaître des
Sahlis. Pourtant composée de personnes quasiment inconnues dans la région, sa liste a talonné celle de Morjane. L’engouement des électeurs du Sahel pourcepremierscrutindémocratiqueestle reflet de ce qui s’est passé à l’échelle nationale. À Tunis, quartiers huppés ou cités populaires ont voté dans le calme, malgré quelquescouacsdusàlatrèsforteaffluence. ÀMellassine,l’undesplusanciensquartiers populairesdelacapitale,labrocantegéante deSoukLibyamanquedechalands.Enface, le marché aux bestiaux est désert, en cette période de veille de Fête du sacrifice, et les allouche(béliers)netrouventpaspreneurs. Les acheteurs potentiels ne songent plus qu’aux élections… À Tunis, il faut s’armer de patience pour déposer son bulletin dans l’urne. Mais pas toujours. Ainsi, à El-Omrane, dans l’école de la rue de Pologne, on peut voter en quelques minutes si l’on est inscrit au bureau n0 1, et au bout de plusieurs heures si l’on est inscrit dans le bureau voisin.Pourquoi?Mystère…Laperspective d’une longue attente ne décourage personne.«Celaprendraletempsqu’ilfaudra, mais je ne renoncerai pas », dit fièrement Salah, dans le tabour (file) depuis plus de deux heures. JEUNE AFRIQUE
Tunisie Et maintenant ? Retour à Mellassine. L’Instance supévote, donc je suis », lance-t-il à l’un de ses rieure indépendante pour les élections voisins, un barbu qui porte sur le front la marque des gens qui passent leur temps à (Isie) a prévu un système de rattrapage prier. « Si on gagne, on te privera de ta bière pour les non-inscrits (près de 50 % du quotidienne », plaisante ce dernier. « Vous corps électoral). Des bureaux de vote leur ne me faites pas peur, rétorque Brahim. Si ont été spécialement réservés. Celui de Mellassinesesitueprèsdel’immenseCHU vous interdisez l’alcool, je reprendrai une La Rabta. Au milieu d’une belle pagaille, Asma est en « Si on gagne, on te privera de ta pleurs.«J’ai18ansrévolus,et bière quotidienne », lance un onm’apprendquejenepeux électeur d’Ennahdha à son voisin. pasvotercarmacarted’identité est datée du 16 août et que le fichier électoral a été clos deux jours pratique ancestrale : n’qettar [« j’égoutteauparavant, le 14. » Son père la réconforte: rai », NDLR] et, au lieu de fleur d’oranger, « Tu te rattraperas pour les législatives… » je brasserai de l’orge et je distillerai moiMaisAsmaestinconsolable.«SiEnnahdha même ma bière ! » ne gagne pas, je ne me le pardonnerai jamais. » Le look de la jeune fille, qui ne BADAUDS. Dans le très huppé Ennasr, porte pas le hijab, ressemble davantage à on vote avec la même ferveur. La crise celuid’unefandeRihannaqu’àceluid’une libyenne a bouleversé la physionomie du disciple de Rached Ghannouchi. quartier et fait s’envoler les cours de l’imÀ quelques kilomètres de là, à Ettadmobilier. La plupart des appartements et hamen, cité de la Solidarité, immense des maisons sont désormais loués par des bidonville de l’industrieuse Ariana, le vote Libyens qui ont fui les combats. Plusieurs est aussi massif qu’ailleurs. Brahim, 45 ans, Libyennes ont réussi à se faire accréditer carrossier et mécanicien, exhibe fièrement comme scrutatrices « afin d’apprendre son index marqué du bleu indigo prouvant la pratique démocratique ». Autour des qu’il a accompli son devoir civique. « Je bureaux de vote où les Tunisiens font
15
sagement la queue, de jeunes Libyens oisifs jouent les badauds et ironisent sur ceux qui « gâchent leur journée juste pour voter ». Aussi aisés et cultivés soient-ils, les électeurs du cru déplorent la complexité du processus électoral. « J’ai passé plus de cinq minutes dans l’isoloir avant de trouver la liste pour laquelle je voulais voter », déplore Bessam, patron d’une PME dans l’agroalimentaire. Il est vrai que l’offre est nombreuse et compliquée. Le nom de toutes les listes et le sigle de chaque parti figurentsurunemêmefeuille,deformatA4, surlaquellel’électeurdoitcochersonchoix. « J’ai eu du mal à m’y retrouver, qu’est-ce que cela doit être pour un analphabète! » s’exclame Bessam. À la fermeture des bureaux de vote, à 19 heures, les files d’attente se mesurent toujours en centaines de mètres. L’Isie a donné pour instruction d’interdire l’accès aux écoles et aux établissements abritant les bureaux de vote, laissant le choix à ceux qui s’y trouvent encore d’attendre leur tour ou de renoncer. À Bab Souika, au cœur de Tunis, le dernier votant a glissé son bulletin dans l’urne à 23 heures. Même tard, je vote, donc je suis. ● CHERIF OUAZANI, envoyé spécial
NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE
Æ RACHED GHANNOUCHI, le chef d’Ennahdha, à Tunis, le soir du vote, ses filles Intissar, Soumaya et Yosr (de g. à dr.) et deux militantes.
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
La semaine de J.A. Les gens
Nayef Ibn Abdelaziz Un prince pas très charmant Ultraconservateur et partisan de la manière forte, le ministre saoudien de l’Intérieur est désormais l’héritier du trône.
FAHAD SHADEED/REUTERS
16
S
Un Monsieur
Issu du puissant clan des i Abdelaziz Ibn Sécurité très Soudayri, les fils de l’épouse Saoud, fondateur hostile au PRINTEMPS ARABE. favorite d’Ibn Saoud, Nayef du royaume saouoccupe, depuis 1975, le poste dien, avait choisi son fils aîné pour lui succéder, c’est la règle clé de ministre de l’Intérieur. Face à la polidynastique prévoyant la transmission du tique plutôt progressiste du roi Abdallah, pouvoir aux frères du souverain disparu Nayef, proche des religieux et hostile aux tentatives de modernisation menées par le par rang d’âge qui a prévalu par la suite. Cinquième fils d’Ibn Saoud à régner, souverain depuis son accession au trône en 2005, fait figure de conservateur, voire Abdallah Ibn Abdelaziz, 88 ans, vient de réactionnaire. Affichant avec fierté son de se faire opérer une troisième fois du dos, et le décès, le 22 octobre, de son attachement aux traditions ancestrales demi-frère et héritier, Sultan, 83 ans, et à la pureté religieuse du wahhabisme des suites d’un cancer a fait de son autre – doctrine rigoriste des Saoud depuis le demi-frère, Nayef, 78 ans, atteint de diaXVIIIe siècle –, il ne dissimule pas son bète et d’ostéoporose, son successeur mépris pour les États arabes, selon lui à la tête du royaume. Le 27 octobre, le occidentalisés, du Proche-Orient et du Conseil d’allégeance, institué en 2006 Maghreb. Il aurait ainsi été l’instigateur, pour clarifier la procédure de désignaen 2009, de l’interdiction du seul festival tion et l’ouvrir aux jeunes générations, a de cinéma du pays et, en avril 2011, d’une confirmé le choix déjà exprimé par le roi loi sur la presse punissant sévèrement les en 2009, lorsqu’il a nommé Nayef second atteintes à la sécurité nationale et aux vice-Premier ministre. préceptes de l’islam.
Ayant d’abord ouvertement dénoncé un complot sioniste derrière les attentats du 11 septembre 2001, il s’était fortement discrédité aux yeux de Washington et aurait pu tomber en disgrâce s’il n’avait combattu avec succès le terrorisme qui a frappé l’Arabie saoudite entre 2003 et 2006. Parvenant, avec son fils Mohamed, viceministre de l’Intérieur, à bouter Al-Qaïda hors du royaume, il s’est retrouvé en position de force pour succéder à son demi-frère. Responsable des forces de sécurité et de la police religieuse, Nayef voit d’un très mauvais œil le Printemps arabe, qui menace de faire fleurir la contestation dans le royaume, plus particulièrement dans la province orientale, où vit une forte communauté chiite discriminée. Quand le souverain Abdallah cherchait à prévenir la contestation en déversant 130 milliards de dollars (92 milliards d’euros) de primes et d’aides, Nayef, lui, déployait ses forces de sécurité à Riyad et dans les provinces séditieuses. Certains commentateurs voient d’ailleurs dans le couple formé par Abdallah le réformiste et Nayef le conservateur la complémentarité de la carotte et du bâton, indispensable à la survie du système saoudien. Quand la révolution a commencé à poindre chez le voisin bahreïni, Nayef a appuyé l’envoi de milliers de soldats saoudiens, au nom du Conseil de coopération du Golfe (CCG), pour aider le roi contesté à réprimer le soulèvement. Son animosité à l’égard de l’Iran, dont il dénonce les agissements subversifs auprès des chiites des provinces orientales et de Bahreïn, le porterait à vouloir brûler tout le nid de vipères plutôt qu’à simplement « couper la tête du serpent », comme l’a suggéré le roi Abdallah à ses interlocuteurs américains en 2008. De quoi nourrir quelques craintes pour l’avenir d’une région qui pourrait être prise en tenaille entre une république islamique chiite dotée de l’arme nucléaire et un royaume wahhabite dirigé par le faucon Nayef Ibn Abdelaziz. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
NOMINATIONS
❘
MOHAMED SAAD ALAMI ONU Le ministre marocain de la Modernisation des services publics a été élu pour deux ans président de la Conférence de l’ONU sur la lutte contre la corruption lors de la 4e réunion de cette instance, du 23 au 28 octobre, à Marrakech. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
❘
DENIS LAVAGNE FOOTBALL L’ex-entraîneur français du Coton Sport de Garoua a été nommé, le 25 octobre, sélectionneur de l’équipe nationale de football du Cameroun. Il a la lourde tâche de redorer le blason des Lions indomptables. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
17
PAUL ROUSSEAU
CPI Fatou Bensouda favorite
Le 24 octobre, cet ex-policier français de 78 ans a été décoré de la médaille de l’ordre du Mérite national algérien pour avoir dénoncé dans la presse le massacre des manifestants du FLN du 17 octobre 1961, à Paris.
La femme de loi gambienne pourrait succéder à Luis Moreno-Ocampo au poste de procureur général de la Cour pénale internationale.
ANDRÉ AZOULAY
CÉCILE SOW JEUNE AFRIQUE
Le conseiller du roi du Maroc a été réélu président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures lors d’une réunion de son conseil des gouverneurs, les 22 et 23 octobre, à Cracovie (Pologne).
Natif d’Abidjan, le capitaine de l’équipe de France de rugby a été désigné joueur de l’année par l’International Rugby Board (IRB) au lendemain de la finale de la Coupe du monde (perdue) face à la Nouvelle-Zélande.
DR ; M. FRAREMA/VILLE DE CLICHY
THIERRY DUSAUTOIR
EN BAISSE
BHEKI CELE Impliqué dans un scandale immobilier, le chef de la police sud-africaine a été suspendu par le président Jacob Zuma, qui s’est aussi séparé de deux ministres accusés de corruption : Gwen Mahlangu-Nkabinde et Sicelo Shiceka. KHALED NEZZAR Accusé de crimes de guerre par des victimes présumées de tortures, l’ex-ministre algérien de la Défense a été interpellé et entendu le 20 octobre, à Genève. Il a été remis en liberté, mais une procédure judiciaire est ouverte. SIHEM HABCHI La présidente de Ni putes ni soumises affronte une grève du personnel de l’association française qui réclame sa démission. Un courriel anonyme lui reproche ses notes de frais « scandaleuses » et l’accuse de népotisme. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
DR ; FACELLY/SIPA
THIERRY GOUEGNON/REUTERS
F
orte d’un parcours exemplaire, Fatou Bensouda, la cinquantaine élégante, est donnée favorite pour succéder à Luis Moreno-Ocampo, procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), dont le mandat s’achève en juin 2012. Cette femme de loi gambienne fait partie des quatre personnalités sélectionnées par le comité chargé du recrutement du prochain procureur qui a examiné les dossiers de cinquante-deux candidats. Ont également été retenus Robert Petit, un expert canadien des crimes de guerre, le Britannique Andrew Cayley, coprocureur du tribunal chargé de juger les Khmers rouges, et le juge tanzanien Mohamed Chande Othman. Fatou Bensouda dispose de plusieurs atouts. D’abord sa parfaite connaissance des institutions judiciaires internationales et des grands dossiers. Avant de rejoindre, en 2004, la CPI, où elle occupe depuis le poste de procureure adjointe, elle fut conseillère juridique et substitut du procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), à Arusha, en Tanzanie. Le fait qu’elle soit une femme et son origine africaine jouent aussi en sa faveur. Bien qu’encouragées, les candidatures féminines ne sont pas légion. Et, de l’avis de plusieurs États, africains en particulier, il est normal que la CPI soit dirigée par un professionnel du continent puisque la majorité des procédures le concernent (RD Congo, Darfour, Côte d’Ivoire…). Lors du dernier sommet de l’Union africaine (UA), fin juin, à Malabo (Guinée équatoriale), un lobbying intense avait d’ailleurs été mené par la Gambie en faveur de la candidature de Fatou Bensouda, rapporte un officiel gambien. Selon lui, si elle est élue lors de la prochaine session de la CPI, prévue à New York du 12 au 21 décembre, ce sera une « promotion pour toutes les femmes africaines et une grande fierté pour l’Afrique ». À Banjul, la capitale gambienne, où elle a occupé de hautes fonctions (procureure générale, ministre de la Justice) entre 1987 et 2000, son entrée en lice a été saluée par la presse. Diplômée en droit maritime international et en droit de la mer, Fatou Bensouda a été, en outre, la première experte de Gambie en droit maritime international. ●
La semaine de J.A. Décryptage
18
Retrouvez l’interview vidéo de Sidya Touré, président de l’UFR et ex-Premier ministre guinéen : « Le pouvoir veut manipuler le fichier électoral. »
SONDAGE
Vous avez été nombreux à voter* pour élire votre favori à la CAN 2012. La Côte d’Ivoire a remporté la majorité des suffrages.
Pour vous, le gagnant sera… * SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 21 ET LE 26 OCTOBRE – 873 VOTANTS
(en %) 31,7 26,4
24,7 17,2
Côte Maroc Ghana Sénégal d’Ivoire
CETTE SEMAINE :
Maghreb : les partis islamistes, comme Ennahdha en Tunisie ou le PJD au Maroc, sont-ils aptes à gouverner ? À LIRE AUSSI : Les enjeux de la Libye de demain, expliqués par le politologue Hasni Abidi N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
DR
VINCENT FOURNIER/J.A.
JEUNEAFRIQUE.COM
Les anciens rebelles et autres éléments « assimilés » seront recensés. CEUX QUI SERONT DÉCLARÉS APTES DEVRONT SUIVRE UNE FORMATION ; les autres, retourner à la vie civile.
Tchad Officiers, sortez des rangs! Le chef de l’État a donné le coup d’envoi d’une opération de réorganisation de l’armée. Dans le viseur, des effectifs et un encadrement pléthoriques.
M
armées, moins de 5 000 ont été jugés oussoro est une localité aptes et envoyés dans des centres de située à quelque 300 km au nord-ouest de la capitale, formation. Les autres devront retourner à N’Djamena. Particularité : la vie civile. Ces exclus, qui n’auront droit elle abrite le plus grand et le plus vieux à aucune indemnisation, ne vont-ils pas centre d’instruction militaire du pays. devenir un problème? « Ils doivent plutôt C’est là que le président Idriss Déby Itno s’estimer heureux de repartir sans être a lancé, le 22 octobre, une opération de poursuivis pour avoir indûment touché « nettoyage » de l’armée. des soldes », affirme le collaborateur Objectifs: dégraisser, réorganiser et prod’Idriss Déby Itno. fessionnaliser les forces armées. L’effectif, dont il n’existe aucune estimation précise SIX ANS. Il aura donc fallu attendre six – les chiffres de 50 000 à 60 000 hommes ans après les états généraux de l’armée, en sont avancés –, a été gonflé depuis la fin avril 2005, pour voir un début de solution des années 1970, au gré des guerres civimis en place. Selon un proche du présiles que le pays a connues, par l’intégration d’anciens « Les conditions sont maintenant partisans de différents chefs réunies grâce à la réconciliation rebelles et de membres de avec le Soudan, en février 2010. » clans ralliés au pouvoir UN COLLABORATEUR D’IDRISS DÉBY ITNO central. « L’armée nationale tchadienne compte dans ses rangs des commerçants, des étudiants, dent, « les conditions sont maintenant des éleveurs, des femmes et des morts, réunies grâce à la réconciliation avec le énumère un collaborateur du chef de Soudan, en février 2010 », car les multiples l’État. Recrutés par des hauts gradés et groupes armés qui opéraient à partir du des commandants de régions militaires, territoire soudanais ont été neutralisés. ils ont été promus illégalement et frauduSi le processus de réduction des effectifs leusement aux grades d’officiers assimilés, suit son cours, la future armée pourrait compter 30 000 hommes, comme c’est-à-dire de lieutenant à colonel. » le prévoyaient les conclusions des états Sur 12000 hommes et femmes recensés généraux. ● TSHITENGE LUBABU M.K. par la commission de réorganisation des JEUNE AFRIQUE
19
ONU Pari gagné!
de voir le royaume revenir dans l’UA pour contrebalancer notamment l’influence sud-africaine », explique une source Le Maroc et le Togo ont été élus membres non permanents marocaine proche du dossier. du Conseil de sécurité, le 21 octobre. Le Maroc siégera d’ailleurs aux côtés de Pretoria, qui reste, avec Alger et Abuja, l’un des plus fervents soutiens du est une belle victoire diplon’a pas pour autant isolé le Maroc sur Polisario sur le continent. Autres grands matique. Le 21 octobre, le continent, souligne le ministre. Nous rivaux à siéger côte à côte au Conseil de le Maroc a été élu dès le avons développé les relations bilatésécurité, l’Inde et le Pakistan, qui a été premier tour membre non rales et mené une politique africaine élu avec 129 voix. Les ambassadeurs des permanent du Conseil de sécurité de deux pays se sont montrés rassurants et proactive, tant sur le plan économique l’ONU, avec le score exceptionnel de ont exprimé leur volonté de travailler que sur le plan politique ou culturel. 151 voix sur les 129 requises. Composé main dans la main. Nos actions de médiation et notre parde quinze membres, dont dix non perPour le Togo, l’enjeu était avant tout ticipation aux opérations de maintien manents élus par l’Assemblée générale de la paix ont également conforté notre symbolique. Mis au ban pendant plus de candidature. » quinze ans par les bailleurs de fonds, le (et renouvelés par moitié tous les ans), le Conseil de sécurité a pour principale pays tente depuis l’arrivée au pouvoir de mission le maintien de la paix et de la CONTREPOIDS. Même si le vote s’est fait Faure Gnassingbé, en 2005, de redorer sécurité internationales. à bulletin secret, il apparaît clairement son blason. Élu au troisième tour avec « Noussommeshonorésdelaconfiance que les consignes de vote de l’UA n’ont 131 voix (contre 61 pour la Mauritanie), le que notre continent et nos frères afripas été suivies. Plus de trente pays de l’orpays sort de son isolement et va pouvoir cains ont placée en nous, et ce malgré ganisation ont voté en faveur de Rabat, redonner une impulsion à sa diplomal’adversité et les tentatives d’exclure le tie. Le fait qu’Elliot Ohin, royaume, sous prétexte qu’il n’appartient Bien que le royaume n’en soit plus le ministre des Affaires pas à l’Union africaine [UA] », s’est réjoui membre, une trentaine de pays de étrangères, appartienne Taïeb Fassi-Fihri, le ministre marocain à l’Union des forces de l’UA ont voté en faveur de Rabat. des Affaires étrangères. changement (UFC), parti En effet, la partie n’était pas gagnée historique d’opposition, a d’avance. Contrairement aux autres et pas seulement des États d’Afrique de joué en faveur de Lomé, attestant de candidats africains en lice, le Togo et l’Ouest, traditionnellement acquis à la ses efforts en matière d’ouverture et de la Mauritanie, le Maroc ne pouvait se cause marocaine. Des pays anglophodémocratisation. prévaloir du soutien de l’UA, dont il nes, comme le Ghana, ou lusophones, Le Togo et le Maroc succèdent pour ne fait plus partie depuis 1984, date de comme l’Angola, lui auraient donné deux ans au Gabon et au Nigeria, dont l’entrée de la République arabe sahraouie leur voix. « Même s’ils reconnaissent le les mandats arrivent à échéance le démocratique (RASD) dans l’organisaPolisario, de nombreux pays expriment 31 décembre. ● tion. « Le fait de ne pas appartenir à l’UA de plus en plus clairement leur volonté LEÏLA SLIMANI
C
’
LE DESSIN DE LA SEMAINE
Chappatte • Le Temps • Suisse FRANCE HYPERPAPA
ENTRE BRUXELLES, où, dans la nuit du 26 au 27 octobre, de dures négociations sur l’euro l’ont opposé à Angela Merkel, l’intraitable chancelière allemande, et Paris, où son cercle familial vient de s’agrandir (Giulia, sa fille, est née huit jours auparavant), Nicolas Sarkozy vole et se démultiplie. Cet homme-là, ce n’est plus l’hyperprésident, c’est carrément Superman ! JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
La semaine de J.A. Décryptage
20
TONY KARUMBA/AFP
Ý L’UN DES QUATORZE BLESSÉS de l’attentat du bar Mwaura, à l’hôpital Kenyatta, à Nairobi, le 24 octobre.
Kenya La vengeance des Shebab Alors que l’armée kényane poursuit son opération militaire en Somalie, Nairobi devient la cible d’attentats.
L
undi 24 octobre, 1 heure du matin. L’ambiance est détendue au Mwaura, un bar de Mfangano Lane, à Nairobi. Soudain, une violente explosion fait trembler les murs. Quelqu’un a lancé une grenade. Il y a du sang partout. Tout le monde se précipite vers la sortie – trop étroite – dans la plus grande confusion. Bilan : quatorze blessés. Moins de vingt-quatre heures plus tard, près d’un terminal de bus, une autre grenade explose, causant la mort d’une personne et en blessant treize autres. La police arrête Elgiva Bwire Oliacha, alias Mohamed Seif, 28 ans, qui reconnaît être membre des milices islamistes Shebab. Danssonappartement,lespoliciersdécouvrent armes et munitions en quantité.
Après l’attaque lancée par l’armée kényane, le 16 octobre, sur les villes d’Afmadow et Kismayo (Somalie), les Shebab avaient promis des représailles. Il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour mettre leur menace à exécution. En l’occurrence contre Nairobi, qu’ils avaient jusque-là épargné – sans doute parce que le Kenya leur servait de base logistique et financière. Si les mesures de sécurité ont été renforcées dans la capitale kényane, les autorités risquent d’avoir du mal à gérer la présence des nombreux immigrés somaliens qui peuplent, notamment, le « petit Mogadiscio » (quartier d’Eastleigh). Surtout si le conflit armé devait durer, ce que les précédents américain et éthiopien font craindre (voir J.A. n0 2650).
Alors qu’en Somalie les troupes kényanes continuaient leur progression vers Kismayo, port stratégique tenu par les Shebab, des révélations sont venues éclairer les dessous de cette action militaire. « Une opération de cette ampleur ne se prépare pas en une semaine. Elle est dans les tuyaux depuis un moment », a ainsi affirmé Alfred Mutua, le porteparole du gouvernement. Une déclaration qui confirme l’idée que les enlèvements d’étrangers, invoqués pour justifier l’attaque, ne sont qu’un prétexte. Certains suggèrent que la construction d’un grand port à Lamu, non loin de la frontière, ne peut être mise en œuvre si la zone demeure sous la menace conjointe des pirates et des Shebab… NAVIRES FRANÇAIS. Reste que, si
l’intervention était planifiée depuis longtemps, il est étrange qu’elle ait été déclenchée au moment où les pluies rendent la progression difficile. Autre question en suspens: qu’en est-il de l’aide apportée par la France et les États-Unis ? Se limite-t-elle au renseignement ou implique-t-elle des frappes aériennes, comme le laisse à penser une déclaration d’Emmanuel Chirchir, le porte-parole de l’armée kényane : « Kismayo a subi des attaques aériennes. Ce n’est pas celles de nos troupes, ce doit être celles de nos alliés » ? Les états-majors français et américain démentent. Paris n’aurait apporté qu’une aide logistique au moyen d’un avion Transall C-160. Mais selon Jean Guisnel, chroniqueur à l’hebdomadaire Le Point, la France dispose dans la région de plusieurs bâtiments de guerre et d’un navire de renseignement, le Dupuy de Lôme, qui mouillerait actuellement dans le port de Mombasa. ● NICOLAS MICHEL
À SUIVRE EN NOVEMBRE
JENNY ROCKETT
8
NOVEMBRE Second tour de l’élection présidentielle au Liberia. La chef de l’État sortante, Ellen Johnson-Sirleaf (43,9 % au premier tour), affrontera Winston Tubman (32,7 %). N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
18-20
NOVEMBRE Visite de Benoît XVI au Bénin, à l’occasion du 150e anniversaire de l’évangélisation du pays. C’est le second voyage en Afrique de son pontificat.
20
NOVEMBRE Législatives anticipées en Espagne. Face à des socialistes en mauvaise posture, le Parti populaire (droite) de Mariano Rajoy pourrait obtenir la majorité absolue. JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
«
ministre a formé une équipe composéed’AlastairCampbell, son ex-directeur de communication, et de Jonathan Powell, son ancien chef de cabinet à Downing Street. C’est à Londres, en 2000, que Blair avait fait la connaissance de Nazarbaïev. L’autocrate avait tenu dans ses bras son fils, Leo, alors âgé de six mois. Depuis son départ du gouvernement, Tony Blair a amassé une fortune estimée entre 23 et 57 millions d’euros. À la tête de Tony Blair Associates, il conseille le gouvernement koweïtien, un fonds d’investissement d’Abou Dhabi et la banque américaine JP Morgan. Membre du Quartette pour le ProcheOrient depuis 2007, il est très critiqué pour la faiblesse de son action sur le terrain. ● LEÏLA SLIMANI
Gabon Ben Moubamba, le retour BRUNO BEN MOUBAMBA, 44 ANS, ancien vice-président de l’Union nationale (UN), va officialiser début novembre son ralliementàl’Uniondupeuplegabonais(UPG)dePierreMamboundou, l’opposant historique décédé le 15 octobre. Démissionnaire de l’UN en août, il avait expliqué qu’il ne souhaitait pas être « pris en otage par le conflit personnel opposant Ali Bongo Ondimba à André Mba Obame », l’influent secrétaire exécutif de ce parti d’opposition. Si le choix d’annoncer son adhésion après le décès de Mamboundou laisse perplexe, lui explique, sans se démonter : « Je l’ai rencontré à plusieurs reprises en 2009 et il m’a dit qu’il appréciait mon combat. » Il n’en faut pas plus pour que Moubamba revendique une « filiation idéologique » qui, selon lui, n’aurait rien à voir avec un repli ethnique, Mamboundou étant punu comme lui. En revanche, il admet avoir toujours éprouvé une « certaine culpabilité » pour avoir refusé de rallier le leader de l’UPG lors de la présidentielle de 2009. « Il était à mes yeux le plus légitime pour revendiquer la victoire », souligne-t-il. Des « pressions amicales » exercées par des cadres UPGistes de la diaspora auraient influencé la décision de l’ancien activiste proche des ONG anticorruption, qui entend désormais jouer un rôle essentiel dans le premier parti d’opposition. Établi en France, Moubamba envisage de rentrer définitivement au Gabon en 2012. En attendant, il souhaite qu’avec ou sans biométrie l’opposition participe aux législatives du 17 décembre prochain. ● GEORGES DOUGUELI
jeune afrique .com JEUNE AFRIQUE
Ý Lire l’interview intégrale de l’opposant
gabonais sur jeuneafrique.com
Kaddafi avait pour moi une fascination assez étrange, demandant à des visiteurs pourquoi sa “princesse africaine” ne lui rendait pas visite. » CONDOLEEZZA RICE Ancienne secrétaire d’État américaine (dans ses Mémoires, qui paraissent aux États-Unis le 1er novembre)
« Mouammar Kaddafi a été exhibé comme un trophée de guerre, ce qui bafoue les principes les plus élémentaires de la religion musulmane et des autres confessions. » FIDEL CASTRO Ancien numéro un cubain
«
La France répudiera sans regret les miasmes de ce qu’on appelle la Françafrique. » FRANÇOIS HOLLANDE Candidat socialiste à l’élection présidentielle française de 2012 (lors de son investiture, le 22 octobre)
«
Je suis une célébrité ici [en prison]. Je suis traité comme un chef de la mafia. C’est vraiment agréable de voir à quel point tout le monde est attentif à mon bien-être, y compris le personnel. Et c’est beaucoup plus sûr ici que dans les rues de New York. » BERNARD MADOFF Financier américain, condamné en 2009 à cent cinquante ans de prison pour escroquerie (dans une lettre à sa belle-fille)
« Les Égyptiens font une overdose de politique. Est-il possible de faire un film qui n’a rien à voir avec la révolution ? L’une de mes idées folles est de faire de la sciencefiction ! » MOHAMED DIAB Réalisateur égyptien N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
UN PHOTO/JENNY ROCKETT – DR
Consulting Blair business TONY BLAIR s’est trouvé un job en or… noir ! Recruté comme consultant par le Kazakhstan, l’ancien Premier ministre britannique devrait toucher 9,2 millions d’euros par an. De quoi lui faire oublier que cette ex-république soviétique gorgée de pétrole n’est pas un modèle de démocratie. Au pouvoir depuis 1989, Noursoultan Nazarbaïev, réélu cette année avec plus de 95 % des voix, n’hésite pas à faire arrêter ou assassiner ses opposants, à museler la presse et à interdire tout autre parti que le sien. Lors de son dernier voyage à Astana, en mai, Blair s’était pourtant félicité des « extraordinaires réalisations du Kazakhstan ». Chargé de moderniser l’économie et d’attirer des investisseurs, l’ancien Premier
21
La semaine de J.A. Tour du monde
22
Ý LE PREMIER MINISTRE ET SON ANCIENNE GARDE
SCEAUX : une attaque à l’arme lourde.
DENIS/REA
DES
FRANCE
Dati, Fillon et la « pétaudière »
D
ÈSAVANTSONDÉPARTdugouvernement,enjuin2009, elle a jeté son dévolu sur la mairie de Paris, qu’elle compte bien conquérir en 2014. Ancienne garde des Sceaux et symbole de la diversité décomplexée, Rachida Dati s’est d’abord fait élire maire du 7e arrondissement delacapitale(mars2008),puisdéputéeeuropéenne(juillet2009). L’objectif suivant ? La très conservatrice 2e circonscription de Paris (5e et 6e arrondissements), dernier étage de la fusée censée la mener à l’Hôtel de Ville. Problème : François Fillon, las de son terroir sarthois, nourrit exactement la même ambition, quoique exprimée plus tardivement. Fureur de Rachida-la-tigresse, qui, le 23 octobre sur Radio France, s’est livrée à une attaque au mortier contre le Premier ministre. À l’évidence, elle compte sur le soutien de Jean-François Copé, le secrétaire général de l’UMP, qu’une inimitié notoire – et, peutêtre, de communes ambitions élyséennes pour 2017 – oppose à Fillon. Prudent, Copé se contente pour l’instant de jouer les « Casques bleus » dans cette « pétaudière » qu’est devenue la fédération de Paris du parti majoritaire. C’est un point marqué par Dati, à qui la violence de ses attaques aurait pu valoir une sanction. Mais la partie ne fait que commencer. ● ARGENTINE
Un ouragan nommé Cristina CHEF DE L’ÉTAT SORTANTE, Cristina Kirchner a été réélue pour un nouveau mandat de quatre ans dès le premier tour de l’élection présidentielle du 23 octobre. Elle devance très largement le socialiste Hermes Binner et le radical Ricardo Alfonsin. Outre ceux N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
des classes populaires, traditionnellement acquises aux candidats péronistes, elle a bénéficié des suffrages d’une partie des classes moyennes et des cadres supérieurs. L’excellente santé de l’économie argentine n’y est évidemment pas pour rien.
MÉDIAS
WikiLeaks arrête les frais SPÉCIALISÉ DANS LA PUBLICATION de documents secrets, WikiLeaks s’était attiré les foudres de l’administration américaine. Depuis décembre 2010, il est victime d’une opération manifestement concertée visant à l’asphyxier financièrement. Divers établissements (Bank of America, Visa, Mastercard, etc.) ayant bloqué ou gelé ses comptes bancaires, le site internet se trouve dans l’incapacité de recevoir des dons et a été contraint de suspendre « temporairement » ses publications. LE CHIFFRE QUI SOULAGE
50 %
C’EST LE POURCENTAGE de leurs créances sur la Grèce auquel les banques ont accepté de renoncer, après dix heures d’âpres négociations dans la nuit du 26 au 27 octobre, à Bruxelles, lors du sommet de la zone euro. Aux termes de cet accord « historique », le montant du fonds de secours destiné à empêcher la contagion de la crise à d’autres pays sera porté à 1 000 milliards d’euros. SUISSE
Coup d’arrêt pour la droite populiste EN DÉPIT D’UNE CAMPAGNE violemment anti-immigration et anti-Union européenne, les populistes de l’Union démocratique du centre (UDC) ont subi un net échec lors des élections fédérales du 23 octobre. Avec 26,8 % des suffrages, ils restent certes le premier parti de la Confédération, mais ils régressent (28,9 % lors du scrutin de 2007). Christophe Blocher, le leader de l’UDC, n’est pas parvenu à se faire élire au Conseil national (Sénat). JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
STRINGER TURKEY • Reuters
TURQUIE
L’enfant du miracle ELLE EST – BIEN MALGRÉ ELLE – la vedette de toute la Turquie. Quarante-huit heures après le violent séisme qui, le 23 octobre, a dévasté la région de Van (Est), faisant plus de 500 morts et plusieurs milliers de blessés, Azra Karaduman, une fillette de quinze jours, a été miraculeusement retirée des décombres de sa maison, à Ercis. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, sa mère et sa grand-mère ont également été sauvées.
THAÏLANDE
Maudite mousson
MALGRÉ SES 200 écluses et ses 158 stations de pompage, Bangkok n’a pas échappé aux inondations qui, depuis le début de la mousson, ont déjà fait plus de 100 000 sans-abri et 356 morts. Très critiquée, Yingluck Shinawatra, la Première ministre, a fait ouvrir les écluses au nord de la ville afin d’évacuer les eaux vers la mer. Mais elle a bien du mal à se faire obéir par l’armée. MAYOTTE
Crise sociale EN MARS, Mayotte est devenue le 101e département français, mais n’a pas résolu tous ses problèmes : depuis 2007, les prix ont augmenté de 52 %. Les syndicats JEUNE AFRIQUE
exigent une baisse des tarifs de onze produits de première nécessité (gaz, viande, etc.), sur fond de grèves, barrages, manifestations et violences (un mort)… Un médiateur a été nommé et des négociations sont engagées avec les représentants de la grande distribution. Mais les affrontements entre jeunes Mahorais et gendarmes se poursuivent. CHINE
La petite fille et les chauffards LA SCÈNE EST ATROCE : sur le marché de Foshan, dans le sud de la Chine, une petite fille de 2 ans écrasée à plusieurs reprises et agonisant sur la chaussée sous l’œil indifférent des passants… Identifiés grâce à la vidéosurveillance, deux
chauffeurs ont été arrêtés. L’un d’eux a reconnu avoir roulé deux fois sur le corps de l’enfant. « Je savais que si elle mourait, je devrais payer 10 000 yuans ; si elle avait survécu, ça m’aurait coûté dix fois plus », explique-t-il froidement. PHILIPPINES
Combats dans le Sud LE GOUVERNEMENT philippin a lancé le 25 octobre une série de frappes aériennes contre les rebelles du Front moro islamique de libération (MILF) dans l’île de Mindanao (sud du pays). Deux OV-10 Bronco ont pilonné un village proche de Payao soupçonné d’abriter une centaine de séparatistes. Les affrontements ont déjà fait 35 victimes et provoqué l’évacuation de 3 000 civils. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
23
Grand angle
Les
qui font la Entre reconstruction, réconciliation nationale et relance de l’économie, le pays a entamé sa refondation après une décennie de crise. Rencontre avec ceux et celles qui marquent cette nouvelle période. PHILIPPE PERDRIX
D
epuislachutedeLaurentGbagbo,le 11 avril dernier, une nouvelle Côte d’Ivoires’installeettentedetourner une page sombre de son histoire. À la manœuvre: le chef de l’État, Alassane Ouattara, hyperprésident pour les uns, grand orchestrateur pour les autres. Conseils des ministres à l’ordre du jour calibré, administration remise au travail avec vigueur, hommes de confiance aux postes clés, objectifs chiffrés et évaluation des résultats obtenus… La méthode Ouattara se décline à la façon d’un management appris dans les grandes écoles de commerce. Le style est à la rupture. Au-delà de l’inévitable valse dans les ministères, des disgrâces prononcées, des exils forcés et des poursuites judiciaires lancées contre les barons de l’ancien régime, il est JEUNE AFRIQUE
normal, dans ces conditions, que de nouvelles figures apparaissent. Jeune Afrique en a retenu cinquante, en excluant volontairement le chef de l’État tant son rôle est évident. Autour du président, des décideurs politiques incarnent l’alternance, d’autres assurent une certaine forme de continuité. Le dosage est subtil et ne doit rien au hasard. Dans la sphère économique, les « big boss » à la stature indiscutable ont su rebondir. Et puis, la Côte d’Ivoire a la chance d’avoir des sportifs, des artistes, des journalistes, des intellectuels et des leaders associatifs qui pratiquent, non sans un certain talent, le dépassement de soi pour aller vers l’autre. La réconciliation nationale dans un pays profondément meurtri relève de la catharsis. La refonte de l’armée autour de deux camps qui se sont fait la guerre – les ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) de Gbagbo et les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de Ouattara – s’apparente à une mission impossible. La relance d’une économie exsangue peut nourrir le scepticisme. À ces cinquante-là de ne pas décevoir. ● Dossier réalisé par PASCAL AIRAULT, MALIKA GROGA-BADA et, à Abidjan, ANDRÉ SILVER KONAN et BAUDELAIRE MIEU N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
25
Grand angle Les
26
50
qui font la Côte d’Ivoire
Politique
VINCENT FOURNIER/J.A.
La victoire d’Alassane Ouattara et la chute de Laurent Gbagbo ouvrent une nouvelle page. La plupart des caciques de l’ancien régime ont disparu.
Guillaume Soro Premier ministre, ministre de la Défense, 39 ans C’EST INCONTESTABLE, Guillaume Soro estledeuxièmehommefortdeCôted’Ivoire, après Alassane Ouattara. Premier ministre, ministre de la Défense, secrétaire général des Forces nouvelles (FN), l’ex-rebelle du Nord est incontournable. Son ralliement à Ouattara, lors de la présidentielle du 28 novembre 2010, a été déterminant dans l’arrivée au pouvoir de l’actuel président. Ce sont ses hommes (les ex-rebelles des Forces nouvelles) qui ont lancé l’offensive contre les positions des combattants proN o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Gbagbo, avant que les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ne prennent la relève. Ouattara pouvait difficilement ne pas le nommer à la primature et ne pas lui confier la Défense. En décembre, après les législatives, auxquelles il participera, il pourrait bien rempiler pour poursuivre le désarmement des ex-rebelles et la refonte des forces de sécurité. Pour, aussi, étendre son réseau, avec 9 000 ex-FN au sein de la nouvelle armée et 2 000 cadres dans l’administration. ● JEUNE AFRIQUE
ISSOUF SANOGO/AFP
27
PRÉSIDENCE FAMILIALE L’épouse, le frère et la nièce du chef de l’État jouent chacun un rôle essentiel à ses côtés. De la vitrine à l’antichambre, visite guidée de la maison Ouattara.
P
our Alassane Dramane Ouattara (ADO), la confiance est essentielle dans le travail. Sa famille n’est donc pas loin. Il y a d’abord son épouse, la Française Dominique Ouattara (en photo, avec le chef de l’État lors de son investiture, le 21 mai àYamoussoukro), soutien inconditionnel, conseillère discrète et écoutée. Mariée à ADO depuis 1991, elle l’accompagne dans la plupart de ses voyages officiels à l’étranger. Sur le plan national, la première dame est très impliquée dans les questions de santé, de réconciliation et pour tout ce qui concerne la condition des femmes et des enfants, notamment à travers sa fondation Children for
JEUNE AFRIQUE
Africa. Elle promeut aussi la nouvelle scène artistique et s’investit dans les projets en faveur de la jeunesse. Si elle affirme s’être désengagée de ses activités économiques dans l’immobilier et dans les médias, cette redoutable entrepreneuse continue de recevoir les hommes d’affaires qui font antichambre au palais. Pour les questions financières, ADO fait confiance à son frère Ibrahim Ouattara, nommé directeur administratif et financier de la présidence. Il tient également les rênes de la trésorerie du Rassemblement des républicains (RDR). Volontairement discret et effacé, celui que l’on surnomme
« Photocopie » pour sa ressemblance avec le chef de l’État est aussi l’homme des missions sensibles. Autre figure incontournable du cercle rapproché: MasséréTouré, la nièce d’ADO, s’est occupée de la com’ durant la campagne électorale. Celle que le président présente en plaisantant comme sa « Claude Chirac » assure avec Amadou Coulibaly, un habitué des cabinets ministériels, le rôle de conseillère en communication. Elle organise les interviews avec la presse, autorise ou verrouille l’accès au patron, diffuse l’information officielle, donne des conseils « amicaux » et règle les détails, essentiels ou non. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Grand angle Les
28
50
qui font la Côte d’Ivoire
Charles Konan Banny Président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, 69 ans
VINCENT FOURNIER/J.A.
DE TOUS LES PATRONS DU PAYS, c’est à lui qu’incombe la tâche la plus délicate, et sans doute la plus exaltante : réconcilier les Ivoiriens, profondément divisés par une décennie de crises répétitives et son dénouement postélectoral meurtrier. Une véritable catharsis. Charles Konan Banny, président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), n’a que deux ans pour réussir cette mission. L’ex-Premier ministre (2005-2007) sait qu’il est attendu sur le chemin de l’impartialité. Il reste convaincu qu’« aucune victoire par la force ne peut être tenue pour définitive, car le vaincu d’aujourd’hui fourbira ses armes dans l’espoir de devenir le vainqueur de demain ». Chaque camp interprète cette position de Banny comme il l’entend ; lui estime que c’est une déclaration d’indépendance de la CDVR. ●
Henri Konan Bédié QUAND ON DEMANDE à Henri Konan Bédié s’il est le nouveau sage de Côte d’Ivoire, il botte en touche. Mais une chose est sûre : le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et de la conférence des présidents du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, mouvance présidentielle) profite d’une nouvelle jeunesse. Impénétrable comme un roi akan (le groupe ethnique dont il est issu), Bédié n’affiche pas ses ambitions. Mais il pourrait diriger le probable parti unifié des houphouétistes. Pour l’heure, son domicile de Daoukro est devenu le passage obligé des ambitieux de tout bord. Ainsi, c’est après lui avoir rendu visite que certains ont vu leur nom disparaître de la liste noire du procureur Simplice Kouadio Koffi, qui enquête sur les événements postélectoraux. Le troisième pont d’Abidjan, en construction, porte le nom de l’ancien chef de l’État (1993-1999), selon la volonté de Ouattara. Passage à la postérité garanti. Quoi qu’il en dise, le « Sphinx de Daoukro » n’est pas loin de devenir le « Sage de Côte d’Ivoire ». ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
VINCENT FOURNIER/J.A.
Ancien chef de l’État, 77 ans
Soumaïla Bakayoko
Anne Désirée Ouloto Adama Toungara
Chef d’état-major des FRCI, 56 ans
Ministre de la Salubrité urbaine, 45 ans
Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, 68 ans
À LA TÊTE DES TROUPES depuis juillet dernier, l’ancien « patron » des Forces nouvelles doit créer la future armée ivoirienne avec des combattants qui se sont affrontés. Un chantier titanesque : il faut fusionner des éléments des exForces de défense et de sécurité (FDS), pro-Gbagbo, avec ceux des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), proOuattara. Ses priorités : la « moralisation de l’armée », l’ordre et la discipline. Ce ne sera pas simple s’il a peu d’autorité sur les ex-commandants de zone, qui contrôlent encore certaines régions. ●
LES ABIDJANAIS l’ont surnommée «MamanBulldozer»;ellepréfèreyvoirune marqued’affection.D’autantquelaministre de la Salubrité urbaine n’a pas l’intention de s’arrêter de sitôt. Une bonne partie de la capitale économique reste à nettoyer de ses bidonvilles, sans compter ceux de Bouaké et de San Pedro. Si les Abidjanais sont heureux de voir leur ville retrouver de sa superbe, une frange non négligeable des habitants est plus qu’inquiète : les boutiques anarchiques étaient leur seul moyen de subsistance et, jusqu’à présent, aucune compensation ne se profile. ●
PREMIER PATRON de Petroci et de la Société ivoirienne de raffinage, cet ex-conseiller de Houphouët-Boigny est considéré comme le père de l’industrie pétrolière ivoirienne. Tous les textes qui régulent le secteur portent sa marque. Aujourd’hui ministre, il a mis au pas les sociétés minières et pétrolières qui ne mettaient pas en valeur les permis octroyés par l’État. Son plan pour les prochaines années ? Faire de la Côte d’Ivoire un pays stratégique dans les industries extractives. Le gouvernement prépare une grande réforme du secteur. ●
LES SURVIVANTS DE L’ÈRE GBAGBO La plupart des anciens barons du FPI sont en prison ou en exil, réduits ou s’astreignant au silence. Mais certains l’ont jouée plus fine et rêvent encore d’un avenir politique.
JEUNE AFRIQUE
OLIVIER POUR J.A.
A
bsent à l’investiture du président déchu, le 4 décembre 2010, Mamadou Koulibaly (photo) a été le premier à reconnaître la victoire de Ouattara et les dérives du régime Gbagbo. Assurant l’intérim du Front populaire ivoirien (FPI), le président de l’Assemblée nationale voulait refonder un projet politique. Mis en minorité, il a claqué la porte du parti et créé, en août, sa propre formation, Liberté et démocratie pour la République (Lider). Son pari : proposer aux Ivoiriens un projet de société moderne et libérale à la présidentielle de 2015. En attendant, s’il participe au scrutin, Koulibaly tentera de conserver son poste de député de Koumassi, une commune d’Abidjan, le 11 décembre prochain. Le nouveau président par intérim du FPI est Sylvain Miaka Oureto, l’ancien secrétaire général du parti. Député de Soubré, il passe pour un modéré. Interlocuteur privilégié des nouvelles autorités, il négocie actuellement la participation de son parti aux législatives. Mais il doit composer avec les cadres exilés au Ghana, dont une partie considère toujours Gbagbo comme président légitime. C’est le cas de Justin Koné Katinan, ministre du Budget du dernier gouvernement Aké N’Gbo, qui intervient régulièrement au nom du président déchu, dont il assure être le porte-parole. ●
29
SIA KAMBOU/AFP
DR
OLIVIER POUR J.A.
Politique
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Grand angle Les
50
qui font la Côte d’Ivoire
Youssouf Bakayoko
GOUVERNEURS DE CHOC
Président de la Commission électorale indépendante, 68 ans
À Abidjan et à Yamoussoukro, ils sont les garants de la décentralisation promise par le chef de l’État.
XAVIER SCHWEBEL POUR J.A.
LE 2 DÉCEMBRE 2010, le président de la Commission électorale indépendante (CEI), alors assiégée par les combattants et supporteurs pro-Gbagbo, a fait preuve d’un certain courage : il s’est rendu au Golf Hôtel pour proclamer les résultats de l’élection présidentielle, qui donnaient Ouattara vainqueur. La suite est connue. En posant cet acte, Youssouf Bakayoko jouait le destin de la Côte d’Ivoire. Après la présidentielle l’an passé et les législatives cette année, il doit conduire, en 2012, les élections municipales et régionales. Et les réussir. ●
Hamed Bakayoko Ministre de l’Intérieur, 46 ans LE SUPERMINISTRE du gouvernement, c’est lui. Hamed Bakayoko n’est pas seulement chargé de l’Intérieur; il est surtout l’homme de confiance du président. Le promoteur du très alassaniste journal Le Patriote est aux commandes de l’actuel redécoupage territorial et électoral de la Côte d’Ivoire. Les nouvelles circonscriptions électorales et les noms des nouvelles régions portent sa griffe. Il conduit aussi des dossiers importants, tels que le redéploiement de l’administration dans le pays – notamment dans le Nord – et la réforme de la police nationale. ●
À YAMOUSSOUKRO, AUGUSTIN THIAM doit conduire le transfert des institutions.
A
Patrick Achi Ministre des Infrastructures, 55 ans ISSU DU PDCI d’Henri Konan Bédié, Patrick Achi a gagné ses galons dans les gouvernements successifs de l’ère Gbagbo. Cet ancien consultant en énergie électrique et expert-comptable est parvenu à boucler le projet majeur de la construction du troisième pont d’Abidjan ; aujourd’hui, c’est lui qui pilote les plus gros ouvrages – notamment la réhabilitation des routes. Patrick Achi caresse également le rêve de construire un tramway à Abidjan. Mais son ambition immédiate est d’être élu député dans la circonscription d’Adzopé (Sud), sa ville natale. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
VINCENT FOURNIER/J.A.
30
yant promis la décentralisation aux Ivoiriens, le président a co commencé par nommer, en mai, deux gouverneurs gouverneu de district. ÀYamoussoukro, gouverneu AugustinThiam souhaite le nouveau gouverneur développer la capitale capita politique. Petit-neveu de Houphouët-Boig et chef du canton Akouè, Félix Houphouët-Boigny médeci s’est attelé à démanteler ce docteur en médecine les barrages routiers, rou à faire revenir l’ordre et à c détruire les constructions anarchiques. Il sera l’un des d acteurs du transfert des institutions dans la ville. Ayant grandi au Maroc, où son père mission était ambassadeur, Ý La mis OBERT de ROBER il compte aussi rénover MAMBÉ BEUGRÉ la mosquée, dont À ABIDJAN : la construction a été assainir, financée en partie nettoyer, nettoyer reconstruire… par le roi Hassan II, reconstru et développer la coopération entre les deux pays. Né à Abiate, près de la capitale écon économique du pays, Ro Robert Mambé Beugré est le no nouveau gouverneur d’Abidjan. Ce Ébrié, ancien président Cet de la Commission électorale in indépendante, est engagé au quotidien dans la lutte contre l’insa l’insalubrité et les travaux d’as d’assainissement de la voirie. tra Il travaille aussi à la mise en œuvre des futurs projets d’infrastructures. ● JEUNE AFRIQUE
31
Économie
PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.
Ministre, patrons, banquiers, planteurs… Ceux qui étaient restés à bonne distance de l’ancien régime sont toujours en place. Pour les autres, la période actuelle est plus délicate.
Charles Koffi Diby
Jean-Louis Billon
Ministre de l’Économie et des Finances, 54 ans
Président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, 46 ans
NATIF DE BOUAKÉ, Charles Koffi Diby est en fonction depuis six ans. Son passage de Gbagbo à Ouattara a été déterminant dans la gestion du volet financier et monétaire de la crise. Le défi aujourd’hui: assainir les finances publiques et donner confiance aux partenaires internationaux de la Côte d’Ivoire, pour faire revenir les investisseurs et atteindre avant la fin du premier semestre 2012 le point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). D’ici là, le ministre veut également créer une brigade de lutte contre la corruption. Charles Koffi Diby, qui a réussi à se faire adouber par Henri Konan Bédié, envisage en outre de solliciter le suffrage des populations de Bouaflé (Centre) lors des législatives de décembre, sous la bannière du PDCI. ● JEUNE AFRIQUE
Jean Kacou Diagou Président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, 63 ans ON L’A CONNU grâce à son groupe d’assurances NSIA, qu’il a étendu avec succès au secteur bancaire en rachetant la BIAO Côte d’Ivoire, en 2006. Il est aussi à l’origine de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), dont il assure la présidence. Pour l’État, l’organisation patronale est devenue incontournable lorsqu’il s’agit d’élaborer les grandes orientations économiques du pays. Après la crise postélectorale, à laquelle les entreprises ont payé un lourd tribut, Jean Kacou Diagou et la CGECI ont ainsi multiplié les discussions avec les pouvoirs publics, pour que les difficultés du secteur privé soient prises en compte. ●
LE PATRON DU GÉANT agroalimentaire Sifca – et président depuis 2002 de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire – n’a pas sa langue dans sa poche. Depuis plusieurs années, il se fait l’avocat du monde des affaires face à la pression de l’État et au harcèlement fiscal. En décembre 2010, il a refusé d’être le Premier ministre de Gbagbo, préférant se mettre à l’abri à l’étranger. En juillet, il a organisé à Abidjan le premier Forum économique des entreprises françaises et ivoiriennes. Sifca, durement touché par la crise – avec notamment la mort de son directeur général, Yves Lambelin –, poursuit par ailleurs sa consolidation et son expansion. Jean-Louis Billon a aussi des ambitions politiques : le maire de la ville de Dabakala (Nord) participera aux élections régionales. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Grand angle Les
50
qui font la Côte d’Ivoire
SIA KAMBOU/AFP
VINCENT FOURNIER/J.A.
32
Marcel Zadi Kessy
Georges Bléhoué Aka
Président du Conseil économique et social, 75 ans
Président du Conseil national des sages de la filière café-cacao, 76 ans
LE RÔLE DU CONSEIL ÉCONOMIQUE et social (CES) est purement consultatif mais, avec Marcel Zadi Kessy à la tête de l’institution, pas sûr qu’il le reste longtemps… Président du conseil d’administration de la CIE-Sodeci (eau et électricité), essayiste, humaniste, ce technocrate a un parcours professionnel sans accroc. Par le biais de son ONG Ouyiné (« la solidarité », en bété), il a fait de son village Yacolidabouo (Sud-Ouest) un exemple de développement participatif, en montrant qu’il faut accompagner les populations et non leur imposer un modèle. Son cheval de bataille : la responsabilité sociétale des entreprises, qu’il a pu expérimenter à la CIE-Sodeci. Nul doute qu’elle sera au cœur de son action au CES. ●
AVEC 2 000 HA DE CACAO, de palmier à huile et d’hévéa, Georges Bléhoué Aka est le plus riche planteur du pays. Fidèle au régime Gbagbo, le président du Conseil national des sages de la filière café-cacao s’est exilé un temps au Ghana. Le 17 juin, après avoir vu le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, il s’est rangé « derrière Alassane Ouattara ». Depuis, les activités reprennent dans ses champs. Sous les meilleurs auspices : le prix d’achat du cacao est monté début octobre à 1 000 F CFA (1,53 euro) le kilogramme. ●
Joël Dervain DG de la Société ivoirienne de raffinage, 57 ans APRÈS TOUTE UNE CARRIÈRE à la Société ivoirienne de raffinage (SIR), dont il est le directeur depuis 2001, Joël Dervain a réussi son challenge : il a tenu bon pendant les longues années de crise, maintenu l’approvisionnement de brut pour alimenter la raffinerie d’Abidjan et géré la SIR comme une
société privée. La première entreprise ivoirienne est aujourd’hui sortie de la zone de turbulences. Mieux : son patron en poste sous Gbagbo a été reconduit par Ouattara. Au niveau continental, Joël Dervain est le secrétaire exécutif de l’Association des raffineurs africains. ●
Charles Kader Gooré
Président du groupe Banque Atlantique, 60 ans
PDG de CKG Holdings, 42 ans
SA PROXIMITÉ AVEC LAURENT GBAGBO l’avait mis dans la ligne de mire du nouveau pouvoir. Et ses déboires avec Air Ivoire auraient pu détourner l’homme d’affaires des opérations d’envergure dans l’économie locale. Mais Bernard Koné Dossongui est coriace. Son groupe Banque Atlantique (finance, assurance, télécoms, immobilier…) conserve des positions solides dans plusieurs secteurs stratégiques ivoiriens et prendra une part active dans les investissements postcrise. Qui plus est, le groupe français BPCE est en discussion pour entrer au capital de la filiale Banque Atlantique Côte d’Ivoire. ●
ON AVAIT CRU QUE LA CHUTE de son mentor allait l’emporter. Mais Charles Kader Gooré, directeur de campagne de l’ex-chef de l’État à Bédiala (Centre-Ouest), a su faire la part entre la politique et le business. Seul patron pro-Gbagbo à être revenu au pays – en octobre –, cet évangéliste prépare la poursuite de la diversification de son groupe d’investissement (finance, négoce, agroalimentaire, sécurité, chimie…). Après un flottement dû à la crise postélectorale,CKGHoldingsamorcesonredécollage. Objectif: jouer un rôle prépondérant dans la relance de l’économie ivoirienne. ●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
DR
Bernard Koné Dossongui
JEUNE AFRIQUE
Économie
Souleymane Diarrassouba DG de Banque Atlantique Côte d’Ivoire, 40 ans JEUNE ET DYNAMIQUE DIRECTEUR de Banque Atlantique Côte d’Ivoire (Baci), c’est lui qui a sécurisé les approvisionnements de la Société ivoirienne de raffinage pendant la crise, grâce à la mise en place d’un financement pour assurer la livraison des cargaisons de pétrole. Baci est aujourd’hui la deuxième banque ivoirienne après SGBCI. Avec l’entrée au capital du français BPCE, elle s’est fortement consolidée et jouera un rôle important dans le financement de la reconstruction du pays. Diarrassouba s’est fait élire, début septembre, à la tête de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers
de Côte d’Ivoire. Un poste stratégique, alors que le gouvernement prépare une réforme bancaire. ●
Fabrice Sawegnon
béninois Adrien Houngbédji lors de la présidentielle de mars 2001. ●
Georges N’Dia Coffi
DG de Voodoo Communication, 37 ans
PCA de la Société ivoirienne de banque, 70 ans
ALASSANE OUATTARA ne s’est pas trompé en confiant le pilotage de la communication locale de sa campagne présidentielle, fin 2010, à Voodoo Communication, dirigé par Fabrice Sawegnon. Enfant de la pub, cet IvoiroBéninois très discret a mené sa mission avec maestria. Du coup, la présidence continue de lui faire confiance. En une dizaine d’années, Voodoo s’est imposé dans le paysage ouest-africain des sociétés de communication. Il a par exemple travaillé pour la candidature de l’opposant
EFFACÉ DE LA SCÈNE ÉCONOMIQUE depuis son départ, en 2002, de la présidence de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, Georges N’Dia Coffi a de nouveau fait parler de lui, en septembre, après sa nomination à la présidence du conseil d’administration de la Société ivoirienne de banque (SIB) pour le compte de l’État ivoirien. Il se chargera de valider la nouvelle stratégie de développement local de la SIB, filiale du puissant groupe bancaire marocain Attijariwafa Bank. ●
LES NOUVEAUX BARONS Petroci, Port autonome d’Abidjan et filière café-cacao. Le président a placé des personnes de confiance aux commandes des moteurs de l’économie ivoirienne.
JEUNE AFRIQUE
OLIVIER POUR J.A.
D
epuis son élection, le président Ouattara redistribue les cartes dans les entreprises publiques et parapubliques. Il a nommé Daniel Gnangni directeur général de la Petroci. Né en 1950 à Grand-Lahou, dans le sud du pays, ce proche d’Henri Konan Bédié a fait une grande partie de sa carrière au ministère des Mines et de l’Énergie et à la Petroci. Ses priorités : le gazoduc reliant Abidjan à Bouaké. Il a également signé, à la mi-octobre, un protocole d’accord avec deux groupes nigérians (Taleveras Group et Sahara Energy Group) dans le domaine de l’exploitation et de la distribution du gaz. Objectif : faire de la Petroci une championne africaine. Hien Sié, nouveau directeur du Port autonome d’Abidjan, ne Nommée par Alassane Ouattara, manque pas non plus d’ambitions. partie du cercle restreint qui MASSANDJÉ TOURÉ-LITSÉ supervise la Après avoir procédé à de nombreux a participé à l’élaboration refonte de la filière café-cacao. remplacements en interne, sa de la réforme actuelle du secteur. première tâche a été de redémarrer les activités. Le port Elle s’est rendue en mai chez le voisin ghanéen pour accueille aujourd’hui douze navires par jour, contre un étudier le fonctionnement du Cocoa Board (Cocobod), pendant les heures les plus chaudes la crise. Pour doper un organe de gestion reposant sur un partenariat le trafic, il tente aussi de convaincre les sociétés des pays public-privé. Cette ancienne conseillère de Guillaume de l’hinterland de repasser par Abidjan. Soro gère la régulation du marché et la Nommée présidente du Comité de gestion de la commercialisation des fèves, en attendant la mise filière café-cacao (CGFCC), Massandjé Touré-Litsé fait en place du nouveau dispositif. ●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
33
Grand angle Les
34
50
qui font la Côte d’Ivoire
Société
Si le pays n’a pas sombré dans le chaos, c’est en partie grâce à eux. Artistes, sportifs, journalistes, magistrats, leaders associatifs… Ils prônent la paix et la réconciliation.
Didier Drogba Footballeur, 33 ans
DENIS BALIBOUSE/REUTERS
IL FAUT COMMENCER par essayer de se tolérer. Tous les Ivoiriens doivent s’impliquer. » Tel est le credo de Didier Yves Drogba Tébily. Après avoir démontré sa valeur dans les stades de football, l’attaquant vedette des Éléphants doit faire ses preuves sur le terrain ivoirien, en qualité de membre de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR). La superstar de Chelsea, capitaine de l’équipe nationale de football, se prête volontiers au jeu. En effet, il prend sa mission au sérieux: « Nous allons poser les bases de la réconciliation des Ivoiriens », affirme-t-il. Sa présence au sein de la CDVR en tant que représentant des jeunes et de la diaspora ivoirienne n’est pas fortuite. Il est surtout l’enfant de Niaprahio, un village bété de la région de Gagnoa, fief natal de Laurent Gbagbo. ●
Président de la Fédération ivoirienne de football, 52 ans CEUX QUI AVAIENT PARIÉ sur son échec à la présidence de la Fédération ivoirienne de football parce qu’il n’avait pas le soutien de Roger Ouégnin, inamovible président de l’Asec d’Abidjan et « faiseur de rois » dans le milieu du ballon rond, ont perdu. Augustin Sidi Diallo est le nouvel homme fort du football ivoirien. Son objectif : ramener en Côte d’Ivoire la Coupe d’Afrique des nations 2012, vingt ans après la seule et unique victoire des Éléphants, au Sénégal, en 1992. Mission impossible ? Pas du tout ! Sidi Diallo est convaincu que 2012 sera l’année des Éléphants. Et peut-être la sienne. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Simplice Kouadio Koffi Procureur de la République à Abidjan, 49 ans LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE de Côte d’Ivoire est le magistrat le plus puissant du pays. Nommé par Ouattara après la chute de Gbagbo, il est chargé d’enquêter sur les événements postélectoraux qui ont officiellement causé la mort de plus de 3000 personnes. Simplice Kouadio Koffi doit en particulier faire la lumière sur le rapt du Novotel au cours duquel deux Français, un Béninois et un Malaisien ont été tués. À ce jour, 128 militaires et civils du camp de l’ex-majorité présidentielle, y compris Laurent et Simone Gbagbo, ont été inculpés, notamment pour « crimes économiques ». L’exdirecteur des études, de la législation et de la documentation au ministère de la Justice doit cependant prouver qu’il n’est pas le pilier d’une justice des vainqueurs que dénoncent certaines organisations internationales. ● JEUNE AFRIQUE
SIA KAMBOU/AFP
Augustin Sidi Diallo
35
Émilienne Anikpo N’Tamé
Patrick N’Gouan Président de la Convention de la société civile ivoirienne, 52 ans
Lazare Aka Sayé
JEUNE AFRIQUE
OLIVIER POUR J.A.
DG par intérim de la RTI, 58 ans
À LA TÊTE DE LA CONVENTION de la société civile ivoirienne (CSCI), Patrick N’Gouanpromeutlesdroitsdel’homme, l’instaurationd’unÉtatdedroit,labonne gouvernance et la mise en place d’une démocratie participative. La CSCI est un contre-pouvoir fort et crédible. S’il s’apprêteàquittersonpostedeprésident avant la fin de l’année, Patrick N’Gouan ne dit rien de ce qu’il fera ensuite. Mais il resteracertainementl’activisteintraitable qu’il est aujourd’hui. ●
POU
R J. A.
Jacqueline Mariam Dao-Gabala POUR JACQUELINE MARIAM DAOGABALA, une paix durable en Côte d’Ivoire passe par l’implication des femmes. Son organisation, la Coalition des femmes leaders (issues de toutes les couches sociales), s’investit dans la promotion de la gent féminine, à qui elle veut donner une véritable place dans la reconstruction, le développement économique, culturel et social du pays. L’une des vice-présidentes de la Coalition, Raymonde Coffie, est maintenant ministre de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. ●
HS
Coalition des femmes leaders de Côte d’Ivoire, 51 ans
ERG
DIRECTEUR GÉNÉRAL PAR INTÉRIM, Lazare Aka Sayé préfère ne pas voir le côté provisoire de sa fonction: « La RTI [Radio Télévision ivoirienne, NDLR] est dans un comaprofond.Jem’attaqueauxproblèmes dès maintenant, et l’exécutif prendra sa décision en temps voulu. » Car les chantiers sont nombreux. À commencer par la réconciliation au sein même de la chaîne, où les tensions politiques, très marquées, mettront du temps à s’apaiser. Et puis il faut amorcer la restructuration de la maison, mal préparée à l’ouverture imminente de l’audiovisuel,avecdeseffectifspléthoriques et une grille des programmes à dépoussiérer.MaisLazareAkaSayéresteoptimiste:la RTI a souvent connu de graves difficultés. Et a toujours réussi à les surmonter. ●
Côte d’Ivoire et sont décidés à en jouer pour prôner la réconciliation. Ils ont profité de la présentation de leur dernier disque de platine au Premier ministre, Guillaume Soro, pour intercéder en faveur des artistes ivoiriens en exil. Et peuvent déjà se vanter d’un retour, celui d’Angelo Kabila, ex-manager du groupe et rabatteur d’artistes pour la campagne de Laurent Gbagbo. ●
MB
SOURIRE ÉCLATANT, dégaine d’adolescent, Didier Bléou est la star de la RTI. La coqueluche des téléspectateurs anime l’émission de variété phare Tempo et a ressuscité Podium, le concours d’orchestre créé par feu Roger Fulgence Kassi. Et le jeune quadra a bien d’autres idées. Un talk-show, un Tempo itinérant… « Tout dépendra de la grille des programmes et des moyens de la chaîne, mais j’ai bon espoir que ce projet aboutisse. » En attendant, « Golden Boy » organise des batailles entre les genres musicaux ivoiriens. ●
ILSÉTAIENTÀTUETÀTOIavecLaurent Gbagbo. Idem avec les dignitaires du régime actuel. A’salfo, Goudé, Manadja et Tino revendiquent leur liberté. « Notre parti, c’est les Ivoiriens », répondait aux journalistes A’salfo, le leader du groupe, chaque fois qu’il était appelé à prendre position sur la crise postélectorale ivoirienne. À eux quatre, les Magiciens illustrent bien la diversité culturelle de la
G RY
Animateur télé, 40 ans
Groupe de musique depuis dix-sept ans
É L IE
Didier Bléou
Magic System
AU R
DÈS QU’ELLE A PRIS SA RETRAITE de fonctionnaire internationale, Émilienne Anikpo N’Tamé a investi ses économies dansunegaleried’art–LeDompry–dansle quartier du Plateau. Elle organise aussi des retraites-expositions en plein air dans son village de Katadji, à 80 km au nord d’Abidjan. Pour elle, c’est une victoire de l’amour: « J’ai vu des personnes opposées par la politique se retrouver dans une toile. L’art estleseuldomaineoùtouteslessensibilités se rencontrent et se comprennent. » ●
OLIVIER
Galeriste, 62 ans
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Grand angle Les
50
Isaïe Biton Koulibaly Écrivain, 62 ans
qui font la Côte d’Ivoire
LA RÉCONCILIATION EN CHANTANT Alpha Blondy et Tiken Jah Fakoly, les frères ennemis du reggae ivoirien,
JE NE M’ENNUIE PAS DU TOUT. Je suis même très occupé. » Chroniqueur pour des journaux de la place ivoirienne, Isaïe Biton Koulibaly vient de finir, « aidé par la crise électorale qui nous a tenus enfermés », plaisante-t-il, un recueil de nouvelles – Enchaînée pour l’amour d’un homme – et un roman – La Parenthèse délicieuse. Des titres qui rappellent évidemment son célèbre Ah ! Les femmes…, réédité dix-huit fois. Il a aussi lancé un prix à son nom qui récompense de jeunes auteurs prometteurs. ●
Flore Hazoumé Écrivaine, 52 ans LORSQU’EN 1984 ELLE PUBLIE son premier recueil de nouvelles, Rencontres, ils sont peu nombreux à imaginer qu’elle deviendra une figure de la littérature ivoirienne « tant elle semblait timide et pleine de doutes », confie un ami. Depuis, Flore Hazoumé s’est affirmée, son écriture aussi. Et si elle est peu prolifique, chacun de ses ouvrages est salué par la critique. En parallèle, elle dirige Scrib Magazine, vitrine des productions artistiques ivoiriennes et africaines, qui se décline à présent en Scrib Junior et Scrib Spiritualité. ●
Georges Momboye Directeur du Ballet national, 43 ans DEPUIS SA NOMINATION au poste de directeur du Ballet national, en juin, le chorégraphe, qui dirige en France son école et sa compagnie de danse, multiplie les allers-retours entre l’Hexagone et la Côte d’Ivoire, « histoire de régler quelques détails » avant de rentrer pour de bon. Sa nouvelle fonction ne sera pas une sinécure. Formellement, le Ballet national existe ; mais il y a belle lurette qu’il a cessé toute activité. Georges Momboye s’est lancé à la recherche de bureaux, puis il se penchera sur la forme à donner à la nouvelle formation, avant de recruter des danseurs et peut-être même des acrobates. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
KRISTY SPAROW/WIREIMAGE
36
L ’
un est le père du reggae ivoirien ; l’autre, celui qui lui a donné un nouveau souffle. Le premier a soutenu Laurent Gbagbo avant de s’en détourner pendant la crise postélectorale, tandis que le second s’est exilé au Mali voisin peu après sa prise de pouvoir. Mais ce sont surtout leurs divergences personnelles qui
opposaient les deux icônes du reggae ivoirien, Alpha Blondy (58 ans, à g.) et Tiken Jah Fakoly (43 ans). « Des tentatives de réconciliation, on en a fait plusieurs, témoigne un ami commun. Chaque fois ça échouait, sans qu’on sache pourquoi. » C’est Alassane Ouattara en personne qui a mis un terme aux JEUNE AFRIQUE
Société
YOURI LENQUETTE
ont fait la paix. Le président Ouattara leur a donné pour mission de montrer l’exemple.
dissensions entre le « Marley ivoirien » et l’« enfant de Gbéléban ». Les rencontrant l’un après l’autre en mai à Paris, le chef de l’État leur a demandé de travailler ensemble à la réconciliation des Ivoiriens. Comment dire non au président ? Ni une ni deux, les protagonistes de la guéguerre du reggae s’affichent JEUNE AFRIQUE
tout sourire devant les photographes et sont désormais à tu et à toi. Pour sceller leur nouvelle amitié, ils préparent même ensemble une caravane de la paix et de la réconciliation pour la fin de l’année. À défaut de se rencontrer – Alpha Blondy vit plus à Paris qu’à Abidjan, Tiken Jah Fakoly, à Bamako –, ils se
parlent régulièrement pour faire le point sur l’organisation et tentent, chacun de leur côté, de rallier les artistes pro-Gbagbo exilés dans la sous-région et en Europe. D’abord dépités par la fin de la rivalité, les fans de chaque camp ont fini par s’en réjouir : ils pourront, pour la première fois, voir les deux idoles sur la même scène. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
37
Grand angle Les
38
50
qui font la Côte d’Ivoire
Ibrahim Sy Savané Président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, 56 ans
VINCENT FOURNIER/J.A.
IBR AHIM SY SAVANÉ conduit une réforme très attendue : la libéralisation du secteur de l’audiovisuel, jusque-là monopolisé par la Radio Télévision ivoirienne (RTI, média public). L’ex-ministre de la Communication – sous Gbagbo – espère voir lancer de nouvelles chaînes privées
dès le second semestre 2012. Les opérateurs potentiels (hommes d’affaires, responsables politiques, patrons de presse…) sont nombreux. Mais attention, le cahierdeschargess’annonceexigeant. Pas question d’autoriser les dérapages et l’exacerbation des fractures communautaires. La Côte d’Ivoire n’en a vraiment pas besoin. ●
LE ROI, L’IMAM ET L’ARCHEVÊQUE Aux côtés de Charles Konan Banny, trois sommités – un notable et deux religieux – forment le présidium de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation.
ISSOUF SANOGO/AFP N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
L
eur désignation à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) n’a fait l’objet d’aucune critique, dans un pays où tout le monde ou presque est soupçonné de partialité. Sa Majesté Désiré Amon Tanoé, roi des N’Zima-Kotoko, Cheikh Boikary Fofana, président du Conseil supérieur des imams, et Mgr Paul-Siméon Ahouana Djro, archevêque de Bouaké (photo, de g. à dr.), sont les premier, deuxième et troisième vice-présidents de la CDVR. Ils forment avec Charles Konan Banny le présidium de cette structure. Début octobre, Alassane Ouattara a fait le déplacement à la cour royale de Grand-Bassam pour présenter ses condoléances à Désiré AmonTanoé après le décès de sa mère. Jusque-là, le numéro un ivoirien s’était abstenu de faire cette civilité à ses proches qui avaient perdu un parent. Quant à Cheikh Boikary Fofana, rentré des États-Unis, où il était en exil, il a fini par s’imposer comme le leader spirituel le plus crédible de la communauté musulmane. Enfin, l’archevêque n’est certes pas le plus charismatique des prélats ivoiriens, mais il reste sans doute le plus légitime : Paul-Siméon Ahouana Djro a souvent joué le rôle de modérateur secret entre Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et feu Robert Gueï. ●
Venance Konan DG du groupe Fraternité Matin, 52 ans INUTILE D’ESSAYER DE LE JOINDRE à son bureau. Sur son portable ? Autant laisser un message. Le journaliste et écrivain Venance Konan, directeur général du groupe de presse Fraternité Matin, est quasi injoignable. Et pour cause : il enchaîne réunion sur réunion, et le moindre de ses « temps libres » est consacré à la salle de rédaction, au charbon, là où il se sent le mieux. Avec une réputation sérieusement entachée, le quotidien « gouvernemental » Fraternité Matin a du pain sur la planche avant de retrouver sa place de numéro un. Aussi son nouveau patron table-t-il sur la formation des journalistes : en collaboration avec d’autres organes de presse, il prépare une école spécialisée. ● JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
CAMEROUN
Indétrônable
Paul Biya
Il n’y avait pas de suspense, il n’y a pas eu de surprise. La communauté internationale a eu beau dénoncer des irrégularités, le président sortant a été confortablement réélu, le 9 octobre, à la tête du pays. Déjà divisée, l’opposition est désormais laminée. GEORGES DOUGUELI
C
’
estpresqueunraz-de-marée.À l’issue de la présidentielle du 9 octobre, Paul Biya, 78 ans, a été confortablement réélu pour un sixième mandat à la tête du Cameroun, avec 77,9 % des suffrages. Le scénario était bien huilé. Il a fonctionné sans accroc. La prime au sortant n’aura pas été le moindre de ses avantages. Jusqu’au 30 août dernier, il était seul à savoir quand se tiendrait l’élection qu’il a officiellement fixée au 9 octobre ce jour-là, dans le secret de son cabinet. Dans ces conditions, il lui était facile d’avoir deux ou trois coups d’avance sur ses adversaires. De la même manière, c’est sans consulter les partis d’opposition qu’il avait décidé de l’étendue des prérogatives d’Elections Cameroon (Elecam), chargé d’organiser le scrutin, et nommé ses membres. A-t-il profité des nombreux dysfonctionnements de cet organe, comme le prétendent ses adversaires ? C’est ce que laisse croire un communiqué de Robert P. Jackson, l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun, qui a dénoncé avec une virulence inhabituelle des « irrégularités à tous les niveaux ». La France, qui avait d’abord estimé que le scrutin s’était déroulé dans des conditions acceptables, a finalement fait marche arrière en reconnaissant elle aussi des irrégularités. Le suspense, pourtant, était quasi nul. Effectuée en trois étapes (à Maroua, Douala et Kribi), la campagne du candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) a été menée avec les moyens dévolus au chef de l’État, services de sécurité et hélicoptères de la flotte N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
présidentielle inclus. La compagnie aérienne nationale, Camair-Co, lui a même loué l’unique avion destiné aux lignes intérieures sans tenir compte de l’agenda des autres candidats, obligés de faire le pied de grue dans les aéroports. Ses équipes ont fait poser des affiches – d’un format supérieur aux recommandations d’Elecam – sur la quasi-totalité des espaces publicitaires disponibles… Jamais la figure du candidat ne s’était autant confondue avec celle du président. Ajoutons à cela le fait que, dans l’inconscient collectif, la longévité du « règne » de Paul Biya exerce un magistère et une fascination étonnants. « Beaucoup d’entre nous le considèrent à la fois comme un métronome et un repère politique temporel », explique un universitaire. Sans surprise non plus, la réélection de Biya a été orchestrée par le RDPC. Le congrès du parti, qui s’est tenu les 15 et 16 septembre dernier, a montré toute la complexité de la machine à gagner du présidentcandidat: les grands commis de l’État y côtoyaient
FRANCK OU L’INVITÉ INATTENDU
DR
40
APPARITION DU DISCRET Franck Emmanuel Biya (au centre), le 8 octobre, lors d’un meeting de son père à Kribi. À sa droite, Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil de la présidence. Deux jours plus tôt, Franck Biya, 41 ans, s’était déjà montré à la tribune, à Douala. Conseiller officieux du président, chef d’entreprise, il a surpris en passant de l’ombre à la lumière. Va-t-il y rester? ● JEUNE AFRIQUE
DR
41
l’élite des affaires, les patrons camerounais des filiales de grands groupes étrangers y siégeaient avec des lamidos enturbannés, les héritiers des grandes familles fortunées s’affichaient avec des généraux et officiers supérieurs de l’armée en tenue d’apparat… Un immense réservoir d’énergies au service du champion : à chaque élection, il lui garantit une implantation sur l’ensemble du territoire, ainsi qu’un concours financier et logistique considérable. Et si l’argent n’est pas un problème, les dépenses de campagne sont un secret bien gardé. À en croire certaines indiscrétions, le parti aurait versé plus de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros) à une agence de communication parisienne et affecté une quinzaine de milliards de F CFA à l’achat de gadgets de campagne. Pressés de donner des gages de fidélité et de remporter des victoires dans leurs « fiefs » JEUNE AFRIQUE
LE CHEF DE L’ÉTAT, le jour du vote. Il vient de rempiler pour un sixième mandat.
respectifs, les cadres du RDPC sont souvent prêts à tout. Comme pris d’amnésie collective, certains oublient que nombreux sont les membres du parti aujourd’hui emprisonnés. Dans cette assemblée impitoyable, on a banni les « camarades » tombés pour avoir confondu caisses publiques et cassette personnelle. SOCLE BRANLANT. Dans l’opposition, l’argent a
cruellement manqué. Les budgets étaient maigres et les financements publics (40 000 euros) insuffisants. Ce qui explique les échecs successifs, mais en partie seulement. Les erreurs des opposants comptent aussi beaucoup dans la victoire du président sortant. Ils ont cette fois encore considéré à tort le scrutin présidentiel comme un référendum pour ou contre Biya. Les résultats les ont détrompés: le patron du Social Democratic ● ● ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
42
Afrique subsaharienne
EN VÉRITÉ
Opinions & éditoriaux François Soudan
Victoire ambiguë
V
OICI DONC PAUL BIYA RÉÉLU. Hors de question ici de remettre en cause sa victoire : compte tenu des divisions congénitales de l’opposition, des erreurs tactiques de ses chefs et de la disproportion des moyens mis en œuvre, la répétition du scénario de 1992 qui vit Biya l’emporter de justesse et dans des conditions controversées face à John Fru Ndi était tout simplement impensable. Ce qui pose problème, au vu des résultats rendus publics par la commission électorale, n’est donc pas le classement de cette élection à tour unique, ni même les pourcentages obtenus par les différents candidats, mais bien le taux de participation. Il s’agissait là du seul véritable enjeu de ce scrutin joué d’avance et le test non pas de la validité des résultats, mais de la légitimité populaire dont allait bénéficier le vainqueur sorti des urnes. Or, disons-le sans ambages: les 65,8 % de participation officiellement annoncés ne sont pas crédibles et même tout à fait incongrus pour une consultation aussi peu mobilisatrice et compétitive, aussi dénuée de suspense que celle-là.
Tous les observateurs, y compris les mieux disposés à l’égard du pouvoir, l’ont constaté: si l’élection du 9 octobre s’est déroulée dans des conditions acceptables d’ordre public et de respect des règles formelles de la démocratie, on ne s’est guère pressé dans les bureaux de vote de la République.Au point que l’ONG Transparency International, qui avait dépêché des centaines de scrutateurs sur le terrain, avance, elle, un chiffre de participation voisin de 30 %. À l’évidence, Elections Cameroon, dont les membres ont été nommés par le palais d’Etoudi, a de ce côté péché par excès de zèle et réflexe pavlovien : un chef dont la reconduction ne repose pas sur la majorité des électeurs – a fortiori de votants – est un chef mis en équation. Victoire ambiguë donc, trop belle sans doute, mais élection tout de même. Si l’opposition a retrouvé pour en exiger l’invalidation une unité dont elle aurait été mieux inspirée de faire preuve avant le 9 octobre, la communauté internationale s’en accommode vaille que vaille. Critiques, Américains et (tardivement) Français ne demandent pas la reprise du scrutin, ce qui réduit considérablement la portée de leur jugement. De la modification de la Constitution à sa propre réélection, Paul Biya a donc réussi son pari, en l’espace de trois ans et sans susciter de troubles internes : belle performance pour cet animal politique hors pair. Restent le Cameroun et les Camerounais. Pour eux, le septennat qui s’ouvre et qui s’achèvera en 2018 (Biya aura alors 85 ans) s’apparente à la fois à un éternel recommencement et à un saut dans l’inconnu. Paul Biya ira-t-il jusqu’au bout de son mandat et, dans le cas contraire, quel dauphin ce président qui en a épuisé tant, et n’en a au fond jamais toléré, sortira-t-il de sa manche? Que se passerait-il si demain l’homme qui les dirige depuis près de trois décennies venait à disparaître? Ces questions hier taboues, tous les Camerounais se les posent désormais légitimement. L’intéressé, lui, est muet sur ce point, au risque d’alimenter les angoisses et les fantasmes. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
● ● ● Front (SDF), John Fru Ndi, est arrivé deuxième avec 10,71 % des voix et trône désormais sur un socle branlant. Il a perdu sa capacité à mobiliser l’électorat populaire en faveur du « changement », son thème de campagne maintes fois recyclé. Adamou Ndam Njoya, quatrième avec 1,53 % des suffrages, voit s’effilocher son emprise sur sa base ethnorégionale du Noun, sur laquelle comptait son parti, l’Union démocratique du Cameroun (UDC). Cinglant camouflet aussi pour Jean-Jacques Ekindi, du Mouvement progressiste, neuvième avec 0,46 % des voix. Polytechnicien au style amphigourique, il n’a jamais su parler qu’aux populations urbaines, oubliant les ruraux, pourtant plus nombreux à voter. Même la jeune Édith Kah Walla, sixième avec 0,72 %, très présente sur les réseaux sociaux, n’a finalement pas eu plus de consistance qu’une bulle médiatique.
IMPARDONNABLES. Entre tauliers de l’opposition, on se déteste cordialement. Ndam Njoya n’a toujours pas pardonné à Fru Ndi d’avoir maintenu sa candidature après avoir rejeté le verdict qui le désignait lui, Njoya, comme candidat unique de l’opposition en 2004. Garga Haman Adji (troisième avec 3,21 %) a beau être le seul ministre à avoir claqué la porte du gouvernement par conviction, il n’a jamais trouvé grâce aux yeux des ténors qui le suspectent, non sans mauvaise foi, de rouler pour le pouvoir – même s’il est vrai que ce natif de Maroua caresse le rêve de ravir aux anglophones le poste de Premier ministre… Les vétérans de l’opposition sont d’autant plus impardonnables qu’ils savaient ce qui les attendait. Rivalités et replis ethniques ont empêché
Entre tauliers de l’opposition, on se déteste cordialement. Paul Biya a su en profiter. l’émergence d’une coalition. Or, aucune formation politique n’avait les moyens humains, financiers et logistiques de se déployer sur l’étendue du territoire, ni d’être représentée dans les 24 000 bureaux de vote et de surveiller la régularité du scrutin. « Ils étaient quasiment absents des zones rurales du Grand Nord. Mauvais calcul, ils ont tout misé sur les grandes villes où l’abstention était malheureusement très importante », déplore Guibaï Gatama, directeur de l’hebdomadaire régional L’Œil du Sahel. Pourtant, les trois régions du Grand Nord constituent le tiers de l’ensemble des électeurs. Mais plutôt que de faire appel aux technocrates et autres professionnels des luttes électorales, ils ont préféré s’entourer de membres de leurs familles et multiplié les erreurs. Mal préparés, ils ont perdu la bataille de la crédibilité et ouvert un boulevard au président sortant. Pour la quatrième fois consécutive. ● JEUNE AFRIQUE
L’actualité vue par Glez Afrique subsaharienne
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
43
Afrique subsaharienne MALI
Une famille en or De brillantes carrières à New York ou Bamako, et peut-être même, pour deux des cinq frères Diarra, un avenir en politique. Portrait d’un clan qui veut peser sur le destin du pays.
I
ls sont cinq. Sidi Sosso, l’aîné de la fratrie, est un brillant expert-comptable, Cheick Modibo, le cadet, un scientifique célèbre. Il y a aussi Boubacar, l’agriculteur qui s’occupe de la maison familiale à Ségou, Cheick Sidi, le conseiller spécial pour l’Afrique de Ban Ki-moon aux Nations unies, et enfin le benjamin, Cheick Hamallah, urbaniste à la mairie de New York. Au Mali, le nom des Diarra est connu et deux des frères ont bien l’intention de profiter de leur notoriété pour se faire une place en politique. À commencer par Sidi Sosso, ex-vérificateur général de l’État (2004-2011). Les rapports annuels du « Vegal » – comme le surnommaient les Maliens – sur la gestion des fonds publics ont fait trembler jusqu’aux plus hauts niveaux de l’administration. Depuis qu’il a quitté ses fonctions, Sidi Sosso, la soixantaine pimpante – il est né en 1946 – est détendu. Il redécouvre le plaisir de sortir sans une armada de gardes du corps. Toutefois, ses déplacements restent prudents: les nombreuses menaces de mort qu’il a reçues, après avoir dénoncé des détournements de fonds dans plusieurs administrations, ont laissé des traces. Sidi Sosso Diarra a ouvert un cabinet d’audit et de conseil, la Panafricaine d’audit (Panaudit), à Bamako, tout en songeant à donner une nouvelle orientation à sa carrière. Pourquoi pas député
UN PHOTO/ESKINDER DEBEBE
44
LES FRÈRES DIARRA. De g. à dr.: Cheick Sidi, conseiller spécial de Ban Ki-moon; Cheick Hamallah, vivent respectivement à Ségou et à NewYork.
dans sa région de Ségou ? Ou encore sénateur, si la chambre est créée? « Quand on a occupé le poste de vérificateur général, on n’a pas d’autre choix que de s’impliquer en politique », déclare celui que la presse malienne a surnommé « l’incorruptible ». Comme si le virus de la politique s’était propagé dans la famille. Avant lui, son frère cadet, Cheick Modibo Diarra, 59 ans, premier Africain à avoir travaillé pour la Nasa et patron de Microsoft Afrique, avait ouvertement déclaré qu’il convoitait le palais de Koulouba pour 2012. Son cheval de bataille : l’éducation et la lutte contre le chômage. Aussi volubile que son aîné est calme, il tient un discours digne d’un vieux routard de la politique. « J’ai travaillé auprès des populations maliennes, par le biais de ma fondation [Pathfinder Foundation, NDLR]. J’ai vu trop de misère. Les sollicitations des paysans, des femmes, des étudiants ont fini par me convaincre », lance-t-il à ses
AU NOM DU PÈRE COMMIS DE L’ADMINISTRATION COLONIALE et syndicaliste proche du Parti progressiste soudanais de Fily Dabo Sissoko, Moussa Diarra est accusé de régionalisme par le régime de Modibo Keita. Pour étouffer « ses velléités sécessionnistes », on l’arrête en 1962 ; il est déporté à Kidal (Nord), tandis que ses frères sont transférés au bagne deTaoudenni, à la limite du Sahara. Du jour au lendemain, Sidi Sosso, 16 ans, devient adulte. « Mon père absent, je me devais de transmettre à mes frères les principes qu’il m’avait enseignés, je n’avais pas le droit d’échouer. » Pour « adoucir » la sanction du prisonnier Moussa Diarra, assigné à résidence, on l’autorise à partir de 1963 à garder ses deux derniers fils, Cheick Sidi et Cheick Hamallah, qui passeront à ses côtés les dix années de détention. ● M.G.-B. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
détracteurs, qui lui reprochent d’être déconnecté du Mali d’en bas. LAISSÉS SUR LE CARREAU. Parmi les
propositions du Rassemblement pour le développement du Mali (RPDM), le parti qu’il a lancé en mars 2011, l’école gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 15 ans. Dans un pays où plus de 50 % de la population a moins de 25 ans, et où les jeunes diplômés sont laissés sur le carreau en raison de la faiblesse de leur niveau, le sujet fait mouche. Reste que le candidat, nouveau venu sur le terrain, peine à convaincre les observateurs de la vie politique malienne. « Il n’a jamais concouru dans aucune élection auparavant. Son parti est jeune, donc il n’a pas encore d’assises dans tout le pays… Il ne pourra surfer que sur sa popularité d’astrophysicien de la Nasa », analyse Adam Thiam, éditorialiste malien. Autre « petit » handicap : Cheick Modibo Diarra est le gendre de l’ancien président Moussa Traoré, qui le soutient au détriment de son propre fils, Cheick Boucadry Traoré, également candidat à la succession d’Amadou Toumani Touré (ATT). Pas sûr que cela soit un avantage quand on sait que c’est un soulèvement populaire qui a contraint l’ex-chef de l’État malien à quitter le pouvoir en 1991. « Avec un peu de chance, il pourra faire des scores honorables à Bamako et à Ségou, ce qui lui permettrait déjà, dans un premier temps, de se positionner sur l’échiquier politique », commente un journaliste local. JEUNE AFRIQUE
Cheick Modibo, candidat à la présidentielle d’avril 2012; et Sidi Sosso, ex-vérificateur général de l’État. Les deux autres, Boubacar et
Quoi qu’il en soit, Cheick Modibo Diarra y croit et, dans son entourage, on affirme que cela fait longtemps qu’il mûrissait l’idée. « Ce n’est pas une décision prise à la légère, témoigne Cheick Sidi, appelé Tidiane, 54 ans et sans doute le plus discret des frères Diarra. À l’époque, quand il nous a confié ses ambitions, je lui ai juste suggéré une chose: patienter. Par respect pour mon employeur », en l’occurrence le président ATT. REMIS SUR LES RAILS. Diplomate, pré-
sident du Groupe de pays en développement sans littoral à New York, Tidiane a été, à l’âge de 23 ans, le plus jeune conseiller juridique de la présidence du Mali. « Mes fonctions m’interdisent d’intervenir de quelque façon que ce soit dans la politique d’un pays, expliquet-il quand on lui demande le rôle qu’il tiendra dans les campagnes à venir. Mais ce sont mes frères et je les soutiendrai toujours. » L’anecdote illustre bien les relations dans la fratrie. Des liens de sang, certes, mais aussi des liens forgés dans l’adversité, quand feu Moussa Diarra, leur père, est emprisonné au début des années 1960 (lire ci-contre).
réaction dont il se rappelle encore. « Pour faire quoi dans la vie ? lui ai-je demandé. Puis, un soir au village, nous avons passé des heures assis dehors. Modibo m’a parlé du ciel et des étoiles. J’ai vu dans ses yeux que je ne pourrais jamais le faire changer d’avis et que c’était son rêve. » Sidi Sosso vit à Bamako, Cheick Modibo entre la capitale malienne et Johannesburg, Boubacar à Ségou, Cheick Sidi et Cheick Hamallah à New York. Il y a bien longtemps qu’ils ne se sont pas retrouvés tous L’élection de 2012, à laquelle ensemble. « La dernière fois, Modibo est candidat, place la c’était en 2002 ou 2003, lors fratrie sous les feux de la rampe. des funérailles de la mère de Modibo, Binta, explique Sidi D’ailleurs, Sidi Sosso a longtemps cru Sosso. On s’écrit de temps en temps ou avoir échoué avec Cheick Modibo-leon s’appelle… » La distance, jurent-ils, distrait, qui a démonté la nouvelle moto de n’altère en rien les liens qui les unissent. leur père sans avoir la moindre idée de la Ni l’ordre hiérarchique dans la famille : façon dont il allait la remettre en marche. « C’est moi le grand frère, je suis intraitable « Mon père sortait de prison et c’était l’une sur ce point », plaisante Sidi Sosso. Et la de ses premières acquisitions. Il a failli perspective des échéances électorales, s’étouffer de rage », se souvient Sidi Sosso affirment-ils, ne fera que les rapprocher. en riant. Et quand Cheick Modibo lui a Cette solidarité leur réussira-t-elle en annoncé son intention d’étudier la physipolitique ? Réponse en 2012. ● que et la mécanique spatiale à l’université MALIKA GROGA-BADA, Pierre-et-Marie-Curie,enFrance,ileutune avec STÉPHANE BALLONG Meurtri, révolté contre le système, Sidi Sosso prend sa revanche sur les bancs de l’école,toujoursentêteduclassementpour que « jamais les enfants de grands types », cesoligarquesquiontfaitemprisonnerson père, ne soient meilleurs que lui. Il prend soussonaileCheickModibo,desixansson cadet, qui a constamment besoin d’être remis sur les rails. Turbulent, « il fallait le forcer pour aller à l’école, témoigne Sidi Sosso. Il ne pensait qu’à s’amuser ».
VINCENT FOURNIER/J.A.
CYRIL BAILLEUL
45
VINCENT FOURNIER/J.A.
46
NIGER
En toute discrétion Nommé en avril à la tête du gouvernement, Brigi Rafini ne faisait pas partie des proches du président Issoufou. Touareg, peu connu du grand public, il se revendique comme technocrate civil. Rencontre.
K
nommé à ce poste ? « Ce n’est pas à moi addafi, il l’avait rencontré à deux reprises. La dernière fois, de répondre. » se souvient Brigi Rafini, c’était Rafini est ainsi. Prudent, précis, méticuleux même lorsqu’il retrace sa longue caren 2008, alors que le « Guide » libyen venait de se faire couronner « roi rièreauseindel’administrationnigérienne. Rien pourtant ne prédestinait ce gamin des rois d’Afrique ». De cette époque, le d’Iferouane, « né vers 1953, un 1er janvier, Premier ministre nigérien ne parle qu’à contrecœur. Il ne tient pas à s’étendre si l’on en croit l’état civil », envoyé à l’école par le chef du village contre la volonté de sur le malaise éprouvé alors et préfère ses parents, à occuper un jour l’une des raconter cette autre rencontre, fin 2007, à Tripoli. Rafini avait fait le voyage en tant plus hautes fonctions de l’État. que député-maire d’Iferouane (Nord). À DOS DE CHAMEAU. Il en a fait du cheKaddafi, lui, jouait les médiateurs entre le président Tandja et les rebelles touaregs min, mais il se souvient encore des sept nigériens. « Kaddafi, conclut Rafini, [était] jours de voyage à dos de chameau pour un homme aux multiples visages. » rejoindre le collège d’Agadez, à 350 km de Depuis, Mahamadou Issoufou est arrivé à la tête de « Sous Kountché ou Maïnassara… l’État et il a fait de Rafini son À chaque fois, j’ai servi Premier ministre. C’était le mon pays, pas un individu. » 7 avril dernier. Les journaux ont eu tôt fait de présenter BRIGI RAFINI, Premier ministre cet homme discret, ancien président du Conseil national de dévelà. De son tout premier stage au Commissariat français à l’énergie atomique, dans loppement, comme le premier Touareg la région d’Arlit, de son passage à l’École jamais nommé à la tête du gouvernement nationale d’administration (ENA) de nigérien. Mais lui rappelle que Hamid Algabid l’y avait précédé sous Kountché, Niamey et de ces années passées à parfaire de 1983 à 1988. On insiste. Tout de même, sa formation en Belgique puis en France. sa nomination n’est-elle pas symbolique? En 1987, il est sous-préfet de Keita quand, « Moi, un symbole ? Vraiment, je ne sais au beau milieu des dunes dont il est venu pas…»Pourquelleautreraisoncethomme surveiller l’avancée, un émissaire du préfet peu connu du grand public aurait-il été deTahoua(quin’estautreque…Mamadou N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
DÉBUT OCTOBRE, à Paris. En 2009, il s’était publiquement opposé à Tandja, qui s’accrochait au pouvoir.
Tandja) l’informe que Kountché vient de le nommer secrétaire d’État à l’Intérieur. « Je n’avais pas été consulté, mais je ne pouvais pas refuser. C’était comme ça. » Ainsicommencesacarrièreenpolitique. Suivront d’autres ministères (« Moi-même parfois je m’y perds »), d’autres régimes autoritaires (« Kountché, Maïnassara… À chaque fois, j’ai servi mon pays, pas un individu ») et d’autres partis politiques. Le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP) d’Ibrahim Baré Maïnassara d’abord, puis, quand le RDP décide de soutenir Mamadou Tandja, qui veut se maintenir au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) d’Issoufou. En 2009, il condamne publiquement le tazartché (« continuité », en haoussa). « Je savais que Tandja en était capable, mais je ne pensais pas qu’il oserait. » Depuis, il a rendu visite à l’ancien président, libéré en mai, « par respect pour son âge et son deuil [Tandja a perdu sa mère lorsqu’il était en prison, NDLR]. Il n’a pas exprimé de regret pour ce qu’il a fait, mais je pense qu’il prend tout ça avec philosophie ». Aujourd’hui, Rafini « sert » Issoufou. Les deux hommes s’étaient côtoyés sur les bancs de l’Assemblée nationale puis dans l’opposition mais se connaissaient finalement assez peu. Brigi Rafini n’appartient pas au premier cercle, mais, comme son président, il a peu de goût pour la chose militaire. « Je suis, répète-t-il, un technocrate civil, pas un homme du maquis. D’ailleurs, je n’aime pas le maquis. » ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ JEUNE AFRIQUE
À PARAÎTRE PROCHAINEMENT Biographie du Docteur Ghoulem BERRAH
COMMUNIQUÉ Scientifique, Ambassadeur, Conseiller spécial du Président HOUPHOUET-BOIGNY
AVEC LA DISPARITION DU DOCTEUR BERRAH, L’AFRIQUE PERD UN DIPLOMATE D’UN TALENT EXCEPTIONNEL ET LE MONDE UN ARTISAN INFATIGABLE DE LA PAIX. Toung et Chou en Lai, il continue
devient son conseiller fidèle. Ils ne
son travail d’information à travers les
se sont jamais quittés (1965-1993).
universités. À son retour, il bénéficie
Présent dans tous les domaines à
grâce à la Princesse LALLA Aïcha,
ses côtés, son rôle est unique dans
de dix bourses d’études de l’Ambas-
la diplomatie secrète. D’une intelli-
sade des États-Unis. Dr BERRAH
gence exceptionnelle doublée d’un
et neuf étudiants se rendent aux
caractère affirmé, d’une grande
USA. Il obtient à l’Université de
sensibilité, il est chaleureux,
l’Indiana (Bloomington) un Master
courtois, mais abrupt si néces-
en Microbiologie et un Doctorat en
saire. Ses qualités personnelles et la
1963. Après sa communication sur
confiance que lui voue le Président
la transcriptase inverse au Congrès
HOUPHOUËT (à SADATE en 1977,
de Houston(1963), il reçoit plusieurs
« Dr BERRAH en qui je place toute
UN ENGAGEMENT MILITANT POUR L’ALGÉRIE
propositions et choisit d’enseigner à
ma confiance »), vont déterminer des
la Faculté de Médecine de Yale.
événements majeurs.
Né le 29 mai 1938 à Aïn Beida
Une Rencontre décisive
Après des relations méfiantes, par
(Algérie), il obtient le baccalauréat à
Dr BERRAH continue de défendre
un travail sans relâche du Dr BER-
Constantine. Étudiant en médecine,
la cause de l’Algérie et se rend
RAH, on arrive à une rencontre
il milite pour la cause algérienne
aux Nations Unies pour suivre les
constructive des Présidents
comme membre de l’UGEMA (Pré-
débats. En mai 1962, le Président
BOUMEDIENE et HOUPHOUËT-
sident section-Bordeaux). En mai
HOUPHOUËT, en visite officielle
BOIGNY au Xe Sommet de l’OUA
1956, après des événements graves
aux USA, par l’intermédiaire de son
(Addis-Abeba) en 1973, scellée par
à l’Université d’Alger, les étudiants
Ambassadeur Usher ASSOUAN
une amitié entre les deux hommes.
algériens de France décident d’une
(ami de Ghoulem BERRAH depuis
La guerre éclate en 1973 au Moyen-
grève des cours. Surveillé par la Po-
Bordeaux), l’invite à lui rendre visite.
Orient, le Président BOUMEDIENE
lice française, il s’évade en Espagne
Après des questions sur la Révolu-
sensibilise l’Afrique sur la présence
(Pampelune), se rend à la Guardia
tion algérienne, ses études, il lui dit,
de commandos israéliens sur la rive
civil. Emprisonné puis conduit à
« L’Amérique n’a pas autant be-
africaine du Canal de Suez. Par
Madrid, il est remis à Abdelkebir
soin de vous que l’Afrique, nous
solidarité avec l’Egypte, la majo-
EL FACI, responsable de l’ISTIQLAL.
sommes en pleine construction,
rité des pays africains rompent les
Il est échangé contre des soldats
venez nous aider…». À l’indépen-
relations diplomatiques avec Israël.
espagnols prisonniers de l’Armée
dance de l’Algérie, il retourne dans
Le Président HOUPHOUËT doute de
de Libération Marocaine. Accueilli
son pays natal. Fortement déçu par
l’efficacité de cette mesure. Fidèle à
par Dr EL KHATIB, Chef de ALM, il
l’orientation prise par le Président
son principe de dialogue, il se rend
l’intègre à sa structure militaire à la
Ben BELLA, il reste dix jours et repart
aux États-Unis peu avant la guerre,
frontière algéro-marocaine. Interne
pour Yale. Décidé à servir l’Afrique et
invité par le Président NIXON. Au
à l’Hôpital Moulay Youssef (Rabat),
à œuvrer pour un monde meilleur, en
Président BOUMEDIENE le 30 octo-
il reçoit de l’aide pour le FLN des
1965, il répond à l’appel du Président
bre : il m’a dit : « Vous pouvez parler
partis politiques marocains auprès de
HOUPHOUËT.
à Golda MEIR, elle pourrait vous
qui il est introduit par Fatima et Larbi
écouter car vous êtes en dehors
HASSAR. En 1959, il représente
UNE DIPLOMATIE DISCRÈTE
de toute influence intérieure ou
en Chine la jeunesse du FLN et
Dr BERRAH a des liens privilégiés
extérieure ». En réponse le Président
du tiers monde. Reçu par Mao Tse
avec le Président HOUPHOUËT. Il
BOUMEDIENE au Dr BERRAH :
À PARAÎTRE PROCHAINEMENT Biographie du Docteur Ghoulem BERRAH
Scientifique, Ambassadeur, Conseiller spécial du Président HOUPHOUET-BOIGNY
S.E. Dr. Berrah en conversation avec S.E. le Président Houphouët.
S.E. Dr. Berrah remercie S.S le Pape Jean-paul II à son arrivée à Yamoussokro, le 9 septembre 1990, pour la consécration de la basilique notre Dame de la Paix.
« nous devons avoir des positions
avec laquelle il faut compter...». Les
que la paix juste et durable règne
claires. Israël occupe une partie du
missions du Dr BERRAH sont atten-
enfin sur cette terre d’amour, la
territoire africain. On ne peut pas se
dues et appréciées par le Président
nécessité absolue non seulement
contenter des promesses de NIXON.
algérien qui en juin 1975 remercie le
d’affirmer les droits légitimes
Une prise de position officielle, je ne
Président HOUPHOUËT :
des Palestiniens, mais d’instal-
crois pas que ce soit là demander
«…d’avoir envoyé notre ami com-
ler dans leurs droits, j’ai retenu
l’impossible. Je suis convaincu de
mun le Dr BERRAH ».
votre désir de venir un jour après
la sincérité de HOUPHOUËT ». Au
la reconnaissance de vos droits, à une entente sincère avec Israël ».
défend ses intérêts et sa survie po-
L’HOMME DES MISSIONS SECRÈTES
litique et je dois rendre hommage à
C’est dans le conflit Israélo-Pales-
HOUPHOUËT : « votre représen-
Mme Golda MEIR qui a dit : « nous
tinien que Dr BERRAH utilise son
tant a été le seul non palestinien à
n’avons qu’un seul Dieu et un seul
talent et sa détermination.
assister à toutes les réunions au
ami, l’Amérique…». Au Dr BERRAH,
Dr BERRAH introduit auprès du Pré-
Sommet Dr BERRAH pourra vous le
« il est de son devoir sacré de sau-
sident HOUPHOUËT, Dr SARTAWI
confirmer, lui qui a vécu auprès de
vegarder l’unité de l’Afrique, l’unité
(conseiller de ARAFAT rencontré à
moi deux jours les événements du
de notre continent ». Le 7 novembre,
l’OUA). Reconnu grâce au Président
mois dernier au Liban (juin 1975) ».
la Côte d’Ivoire annonce la rupture
BOUMEDIENE au Sommet des
Le Président HOUPHOUËT et
des relations diplomatiques avec
Non-Alignés en 1973 (Alger) et en
Dr BERRAH, prêchent la négocia-
Israël. Le 8 novembre, le Prési-
1974 à l’ONU, est ignoré des États-
tion directe entre ennemis. Le Pré-
dent HOUPHOUËT au Président
Unis. ARAFAT en 1975 : « El FATH
sident HOUPHOUËT au Président
BOUMEDIENE: « je romps par
délègue le Président HOUPHOUËT
ARAFAT (août 1975) par Dr SAR-
solidarité avec mes frères arabes,
et lui confie les intérêts palestiniens,
TAWI « qu’il s’agisse de cela ou du
beaucoup pour vous qui êtes
nous avons toujours été disposés à
dialogue avec l’Afrique du Sud, je
honnête et par le souci de l’unité
discuter avec les USA, mais toutes
n’obéis qu’à ma foi dans la Paix,
de notre continent ». L’influence
nos avances ont été repoussées,
dites à ARAFAT que je resterai
est mutuelle. Au Sommet arabe de
nous vous donnons carte blanche
jusqu’à ma mort le serviteur de la
Rabat(1974), le Président BOUME-
pour leur expliquer notre position et
paix juste et durable et c’est pour
DIENE par le Dr BERRAH au Prési-
notre désir aussi de rechercher la
cela que je continuerai à dire c’est
dent HOUPHOUËT« j’ai décidé de
paix ...». Le Président HOUPHOUËT
criminel de tourner autour du pot,
rétablir les relations diplomatiques
par le Dr BERRAH : «...Je ne
les Palestiniens doivent récupérer
avec les américains. Vous avez
ménagerai aucun effort pour
leur terre, j’ai fait comprendre aux
raison. C’est une grande puissance
faire comprendre, si l’on veut
Israéliens que pas de paix sans re-
Président HOUPHOUËT, « NIXON
Le Président ARAFAT au Président
COMMUNIQUÉ
Photos d’histoire...
S.E. Dr. Berrah avec S.E. le Président Siad Barre, le 21 Octobre 1977.
S.E. Dr. Berrah avec S.E. le Président Boumediene.
tour dans leur pays et arrangement
Général PELED, les Accords d’Oslo
port de Berbera. Le Dr BERRAH se
avec les seuls Palestiniens. Ils se
en 1993 ont été en partie « les fleurs
rend à Riyad les 3-4 janvier 1978 où
rendent comptent de cette vérité ».
tardives des semences plantées
il rencontre le Président CARTER en
En réponse (septembre 1975),
par ses amis et lui dans les années
visite officielle et lui remet la lettre du
le Président ARAFAT :
1970 ».
Président Siad BARRE. Dr BERRAH se retire de la vie
« le droit suppose une reconnaissance de chacune des parties par l’autre. Nous avons reconnu les israéliens dans notre déclaration, eux refusent de nous reconnaître». Le Président HOUPHOUËT : «…notre modestie mise à part, je continuerai..., tout espoir n’est pas perdu ». Les Palestiniens font confiance au Président HOUPHOUËT. Le dialogue finit par avoir un écho. Le Général israélien M. PELED, fonde en 1975 avec ses amis, « The Israeli Council For Israeli Palestinian Peace », la Charte du mouvement stipule le retrait israélien des territoires occupés en 1967 et la création d’un État Palestinien dans ces territoires et
UN RÔLE IMPORTANT DANS LA GUERRE FROIDE En 1969, Siad BARRE établit en Somalie une République socialiste scientifique. Le Président HOUPHOUËT, à travers le Dr BERRAH, essaie de le convaincre de s’éloigner des Russes. Le 30 juin 1975, « le Baltimore Sun » rapporte que des reporters, venus s’assurer de l’absence de missiles soviétiques, se sont vu refuser l’accès du Port de Berbera. Le Dr BERRAH se rend le 4 juillet à Mogadiscio. Le Président somalien:« certains américains ont dit que nous avons une base à Berbera.
Jérusalem partagée entre les deux
Berbera est un port somalien ouvert
États. Les premiers pourparlers
à tous nos amis…». En 1977,
secrets ont lieu à Paris en 1976.
Siad BARRE réagit au soutien de
Présents côté israélien, le Géné-
l’URSS à l’Ethiopie en expulsant
ral PELED (proche du I Ministre
les conseillers militaires soviéti-
er
RABIN), Uri AVNERY, Aryeh ELIAV,
ques. Il se tourne vers le Président
côté palestinien, Dr SARTAWI et
HOUPHOUËT-BOIGNY et son
d’autres, Dr BERRAH (représentant
conseiller pour informer les États-
le Président HOUPHOUËT). Pour le
Unis de son désir de leur céder le
politique en 1993 à la mort du Président HOUPHOUËT et retourne aux États-Unis. Séduit par la politique de dialogue annoncée par le candidat Barack OBAMA, il mène une campagne passionnée en Floride, ce qui lui vaut une lettre de remerciement du Président élu et de son épouse et une invitation à sa prestation de serment le 20 janvier 2009. Une fois installé, le Dr BERRAH lui écrit régulièrement pour lui faire part de ses suggestions. Le Docteur BERRAH s’est éteint le vendredi 4 mars 2011 à son domicile de Floride. À ses funérailles se sont retrouvés au cimetière musulman, proches et amis de toutes confessions, musulmane, chrétienne et juive.
Alley DJOUKA Docteur en droit-Avocat à la Cour (Extraits des Mémoires du Dr BERRAH, à paraître)
www.docteurberrah.com
PHOTOS D.R.
S.E. Dr. Berrah avec S.E. le Président Sadate, le 7 Septembre 1974.
Afrique subsaharienne ANGOLA
Dos Santos contre vents et marées Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) l’envoie étudier à Bakou, dans ce qui est à l’époque l’URSS. Ces sept années sont fondatrices. Il décroche un diplôme d’ingénieur spécialisé dans les hydrocarbures et les télécommunications. Il fréquente la nomenklatura soviétique, qui lui enseigne le self-control. Il rencontre une jolie Russe qui lui donnera sa fille aînée, la fameuse Isabel… À son retour en Afrique, le jeune technocrate se rend vite indispensable auprès d’Agostinho Neto – un peu comme Biya auprès d’Ahidjo, au Cameroun. À la mort
Inébranlable, le chef de l’État résiste aux protestations des « Indignados » comme aux pressions internes à son parti. Il promet une élection depuis 2008… mais rien ne vient.
U
de sortir l’album A ditadura de pedra (« Une dictature de pierre »). Son slogan : « Trente-deux ans, c’est trop ! ». Pour les manifestants, le fléau numéro un, c’est la corruption. Avec plus de 2 millions de barils par jour, l’Angola est le deuxième producteur de pétrole du continent, juste derrière le Nigeria. Et pourtant, selon l’indice de développement humain de Dès qu’un attroupement se forme, l’ONU, il est parmi les pays les « ninjas » de la police lâchent les plus mal classés en 2010: e 146 sur 169, juste derrière leurs chiens contre les jeunes. Haïti! Entre les 42 % d’Angolais qui n’ont pas accès à l’eau potable et la de Neto, en 1979, il est désigné par le MPLA bourgeoisie d’affaires incarnée par Isabel pour lui succéder. Il n’a que 37 ans. Depuis, dos Santos (lire l’encadré), les écarts de il tient. Son secret? Un visage impassible, revenus sont phénoménaux. À Luanda, les un ton égal, une forte capacité de concengens aiment à dire: « Nous vivons dans le tration et un talent de manœuvrier hors pays pauvre le plus riche du monde. » pair. La preuve : en trente-deux ans de pouvoir, il a réussi le tour de force de ne jamais passer par la case élection ! SELF-CONTROL. Comment peut-on rester trente-deux ans à la tête d’un pays aussi Certes, au début, il a une excuse : la fracturé ? C’est le mystère dos Santos. Né guerre contre l’Union nationale pour l’inil y a soixante-neuf ans dans un quartier dépendance totale de l’Angola (Unita). pauvre de Luanda, ce fils d’un maçon et En 1992, son duel électoral contre Jonas d’une femme de ménage apprend très Savimbi tourne court. Le conflit armé vite à se taire et à cacher ses émotions. reprend entre les deux tours de la présiDès l’âge de 19 ans, il entre dans la lutte dentielle. Mais après la mort de Savimbi, clandestine contre le colon portugais. Le en février 2002, il n’a plus d’alibi et doit ruser. Lors des législatives que gagne haut la main le MPLA en 2008, il promet une CHERCHEZ LA FILLE… présidentielle pour l’année suivante. Mais rien ne vient. Au lieu de cela, il réforme la ISABEL DOS SANTOS, c’est à la fois la Constitution et supprime l’élection préBelle au bois dormant et Thatcher. Une jolie sidentielle au suffrage universel. Si tout princesse et une femme de pouvoir. va bien, après les législatives prévues au Pour elle, la vie n’a pas été trop dure. Née troisième trimestre de 2012, la tête de liste à Bakou il y a trente-huit ans, elle part du parti vainqueur sera élue président par à Londres avec sa mère russe et y apprend les députés. Si tout va bien… la gestion d’entreprise. À 22 ans, elle José Eduardo dos Santos sera-t-il tête débarque à Luanda, où la position de son L’HÉRITIÈRE DU LEADER de liste ? À Luanda, c’est la question du père lui ouvre quelques portes. Banques, ANGOLAIS est l’une des moment, et l’intéressé s’amuse à faire téléphone, pétrole… Elle achète des parts femmes les plus riches planer le doute sur ses intentions. Il est dans tout ce qui rapporte, et devient, hors du continent. coutumier du fait. Dès 2001, il a laissé Afrique du Sud, la femme la plus riche du dire qu’il partirait bientôt. En septembre continent. Selon Forbes, elle pèse 50 millions de dollars. À 30 ans, elle dernier, il est allé plus loin : il a regardé, épouse un golden boy congolais, Sindika Dokolo, métis lui aussi. Parmi sans réagir, la presse locale donner le nom les mille invités à la noce, le Premier ministre portugais de l’époque, d’un successeur possible. Celui de Manuel José Manuel Barroso. Aujourd’hui, elle attaque le marché portugais. Vicente, le patron de la toute-puissante Rien n’arrête Isabel, la figure de proue des conquistadors angolais. ● A.F.
ne opposition sans visage. Depuis mars dernier, ce sont de jeunes « Indignados » sans leader et sans parti qui défient José Eduardo dos Santos, l’un des deux chefs d’État les plus anciens de la planète – avec l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema. Sur le modèle des jeunesses de Tunisie et d’Égypte, quelques centaines d’internautes et de rappeurs défilent régulièrement dans les rues de Luanda aux cris de : « Nous voulons le départ de “Zedu” [surnom du président angolais, NDLR], de ses ministres et de ses compagnons corrompus ! » Signe de son désarroi, le pouvoir tergiverse. Le 3 septembre, il arrête une vingtaine de meneurs. Le 14 octobre, il les relâche. Et quatre jours plus tard, dans son discours annuel à l’Assemblée, le président lance: « Il n’y a aucune raison d’affirmer que l’Angola est dirigé par un régime dictatorial. Nous allons mettre en place des méthodes d’écoute et de dialogue. » En guise de dialogue, le pouvoir approche quelques « libertadores » de quartier et leur fait miroiter argent ou véhicule. Mais ça ne suffit pas. La rue continue de gronder. L’un des rappeurs en vogue, Brigadeiro 10 Pacote, vient
D.R.
50
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne ANGOLA
Dos Santos contre vents et marées Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) l’envoie étudier à Bakou, dans ce qui est à l’époque l’URSS. Ces sept années sont fondatrices. Il décroche un diplôme d’ingénieur spécialisé dans les hydrocarbures et les télécommunications. Il fréquente la nomenklatura soviétique, qui lui enseigne le self-control. Il rencontre une jolie Russe qui lui donnera sa fille aînée, la fameuse Isabel… À son retour en Afrique, le jeune technocrate se rend vite indispensable auprès d’Agostinho Neto – un peu comme Biya auprès d’Ahidjo, au Cameroun. À la mort
Inébranlable, le chef de l’État résiste aux protestations des « Indignados » comme aux pressions internes à son parti. Il promet une élection depuis 2008… mais rien ne vient.
U
de sortir l’album A ditadura de pedra (« Une dictature de pierre »). Son slogan : « Trente-deux ans, c’est trop ! ». Pour les manifestants, le fléau numéro un, c’est la corruption. Avec plus de 2 millions de barils par jour, l’Angola est le deuxième producteur de pétrole du continent, juste derrière le Nigeria. Et pourtant, selon l’indice de développement humain de Dès qu’un attroupement se forme, l’ONU, il est parmi les pays les « ninjas » de la police lâchent les plus mal classés en 2010: e 146 sur 169, juste derrière leurs chiens contre les jeunes. Haïti! Entre les 42 % d’Angolais qui n’ont pas accès à l’eau potable et la de Neto, en 1979, il est désigné par le MPLA bourgeoisie d’affaires incarnée par Isabel pour lui succéder. Il n’a que 37 ans. Depuis, dos Santos (lire l’encadré), les écarts de il tient. Son secret? Un visage impassible, revenus sont phénoménaux. À Luanda, les un ton égal, une forte capacité de concengens aiment à dire: « Nous vivons dans le tration et un talent de manœuvrier hors pays pauvre le plus riche du monde. » pair. La preuve : en trente-deux ans de pouvoir, il a réussi le tour de force de ne jamais passer par la case élection ! SELF-CONTROL. Comment peut-on rester trente-deux ans à la tête d’un pays aussi Certes, au début, il a une excuse : la fracturé ? C’est le mystère dos Santos. Né guerre contre l’Union nationale pour l’inil y a soixante-neuf ans dans un quartier dépendance totale de l’Angola (Unita). pauvre de Luanda, ce fils d’un maçon et En 1992, son duel électoral contre Jonas d’une femme de ménage apprend très Savimbi tourne court. Le conflit armé vite à se taire et à cacher ses émotions. reprend entre les deux tours de la présiDès l’âge de 19 ans, il entre dans la lutte dentielle. Mais après la mort de Savimbi, clandestine contre le colon portugais. Le en février 2002, il n’a plus d’alibi et doit ruser. Lors des législatives que gagne haut la main le MPLA en 2008, il promet une CHERCHEZ LA FILLE… présidentielle pour l’année suivante. Mais rien ne vient. Au lieu de cela, il réforme la ISABEL DOS SANTOS, c’est à la fois la Constitution et supprime l’élection préBelle au bois dormant et Thatcher. Une jolie sidentielle au suffrage universel. Si tout princesse et une femme de pouvoir. va bien, après les législatives prévues au Pour elle, la vie n’a pas été trop dure. Née troisième trimestre de 2012, la tête de liste à Bakou il y a trente-huit ans, elle part du parti vainqueur sera élue président par à Londres avec sa mère russe et y apprend les députés. Si tout va bien… la gestion d’entreprise. À 22 ans, elle José Eduardo dos Santos sera-t-il tête débarque à Luanda, où la position de son L’HÉRITIÈRE DU LEADER de liste ? À Luanda, c’est la question du père lui ouvre quelques portes. Banques, ANGOLAIS est l’une des moment, et l’intéressé s’amuse à faire téléphone, pétrole… Elle achète des parts femmes les plus riches planer le doute sur ses intentions. Il est dans tout ce qui rapporte, et devient, hors du continent. coutumier du fait. Dès 2001, il a laissé Afrique du Sud, la femme la plus riche du dire qu’il partirait bientôt. En septembre continent. Selon Forbes, elle pèse 50 millions de dollars. À 30 ans, elle dernier, il est allé plus loin : il a regardé, épouse un golden boy congolais, Sindika Dokolo, métis lui aussi. Parmi sans réagir, la presse locale donner le nom les mille invités à la noce, le Premier ministre portugais de l’époque, d’un successeur possible. Celui de Manuel José Manuel Barroso. Aujourd’hui, elle attaque le marché portugais. Vicente, le patron de la toute-puissante Rien n’arrête Isabel, la figure de proue des conquistadors angolais. ● A.F.
ne opposition sans visage. Depuis mars dernier, ce sont de jeunes « Indignados » sans leader et sans parti qui défient José Eduardo dos Santos, l’un des deux chefs d’État les plus anciens de la planète – avec l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema. Sur le modèle des jeunesses de Tunisie et d’Égypte, quelques centaines d’internautes et de rappeurs défilent régulièrement dans les rues de Luanda aux cris de : « Nous voulons le départ de “Zedu” [surnom du président angolais, NDLR], de ses ministres et de ses compagnons corrompus ! » Signe de son désarroi, le pouvoir tergiverse. Le 3 septembre, il arrête une vingtaine de meneurs. Le 14 octobre, il les relâche. Et quatre jours plus tard, dans son discours annuel à l’Assemblée, le président lance: « Il n’y a aucune raison d’affirmer que l’Angola est dirigé par un régime dictatorial. Nous allons mettre en place des méthodes d’écoute et de dialogue. » En guise de dialogue, le pouvoir approche quelques « libertadores » de quartier et leur fait miroiter argent ou véhicule. Mais ça ne suffit pas. La rue continue de gronder. L’un des rappeurs en vogue, Brigadeiro 10 Pacote, vient
D.R.
50
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne ANGOLA
Dos Santos contre vents et marées Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) l’envoie étudier à Bakou, dans ce qui est à l’époque l’URSS. Ces sept années sont fondatrices. Il décroche un diplôme d’ingénieur spécialisé dans les hydrocarbures et les télécommunications. Il fréquente la nomenklatura soviétique, qui lui enseigne le self-control. Il rencontre une jolie Russe qui lui donnera sa fille aînée, la fameuse Isabel… À son retour en Afrique, le jeune technocrate se rend vite indispensable auprès d’Agostinho Neto – un peu comme Biya auprès d’Ahidjo, au Cameroun. À la mort
Inébranlable, le chef de l’État résiste aux protestations des « Indignados » comme aux pressions internes à son parti. Il promet une élection depuis 2008… mais rien ne vient.
U
de sortir l’album A ditadura de pedra (« Une dictature de pierre »). Son slogan : « Trente-deux ans, c’est trop ! ». Pour les manifestants, le fléau numéro un, c’est la corruption. Avec plus de 2 millions de barils par jour, l’Angola est le deuxième producteur de pétrole du continent, juste derrière le Nigeria. Et pourtant, selon l’indice de développement humain de Dès qu’un attroupement se forme, l’ONU, il est parmi les pays les « ninjas » de la police lâchent les plus mal classés en 2010: e 146 sur 169, juste derrière leurs chiens contre les jeunes. Haïti! Entre les 42 % d’Angolais qui n’ont pas accès à l’eau potable et la de Neto, en 1979, il est désigné par le MPLA bourgeoisie d’affaires incarnée par Isabel pour lui succéder. Il n’a que 37 ans. Depuis, dos Santos (lire l’encadré), les écarts de il tient. Son secret? Un visage impassible, revenus sont phénoménaux. À Luanda, les un ton égal, une forte capacité de concengens aiment à dire: « Nous vivons dans le tration et un talent de manœuvrier hors pays pauvre le plus riche du monde. » pair. La preuve : en trente-deux ans de pouvoir, il a réussi le tour de force de ne jamais passer par la case élection ! SELF-CONTROL. Comment peut-on rester trente-deux ans à la tête d’un pays aussi Certes, au début, il a une excuse : la fracturé ? C’est le mystère dos Santos. Né guerre contre l’Union nationale pour l’inil y a soixante-neuf ans dans un quartier dépendance totale de l’Angola (Unita). pauvre de Luanda, ce fils d’un maçon et En 1992, son duel électoral contre Jonas d’une femme de ménage apprend très Savimbi tourne court. Le conflit armé vite à se taire et à cacher ses émotions. reprend entre les deux tours de la présiDès l’âge de 19 ans, il entre dans la lutte dentielle. Mais après la mort de Savimbi, clandestine contre le colon portugais. Le en février 2002, il n’a plus d’alibi et doit ruser. Lors des législatives que gagne haut la main le MPLA en 2008, il promet une CHERCHEZ LA FILLE… présidentielle pour l’année suivante. Mais rien ne vient. Au lieu de cela, il réforme la ISABEL DOS SANTOS, c’est à la fois la Constitution et supprime l’élection préBelle au bois dormant et Thatcher. Une jolie sidentielle au suffrage universel. Si tout princesse et une femme de pouvoir. va bien, après les législatives prévues au Pour elle, la vie n’a pas été trop dure. Née troisième trimestre de 2012, la tête de liste à Bakou il y a trente-huit ans, elle part du parti vainqueur sera élue président par à Londres avec sa mère russe et y apprend les députés. Si tout va bien… la gestion d’entreprise. À 22 ans, elle José Eduardo dos Santos sera-t-il tête débarque à Luanda, où la position de son L’HÉRITIÈRE DU LEADER de liste ? À Luanda, c’est la question du père lui ouvre quelques portes. Banques, ANGOLAIS est l’une des moment, et l’intéressé s’amuse à faire téléphone, pétrole… Elle achète des parts femmes les plus riches planer le doute sur ses intentions. Il est dans tout ce qui rapporte, et devient, hors du continent. coutumier du fait. Dès 2001, il a laissé Afrique du Sud, la femme la plus riche du dire qu’il partirait bientôt. En septembre continent. Selon Forbes, elle pèse 50 millions de dollars. À 30 ans, elle dernier, il est allé plus loin : il a regardé, épouse un golden boy congolais, Sindika Dokolo, métis lui aussi. Parmi sans réagir, la presse locale donner le nom les mille invités à la noce, le Premier ministre portugais de l’époque, d’un successeur possible. Celui de Manuel José Manuel Barroso. Aujourd’hui, elle attaque le marché portugais. Vicente, le patron de la toute-puissante Rien n’arrête Isabel, la figure de proue des conquistadors angolais. ● A.F.
ne opposition sans visage. Depuis mars dernier, ce sont de jeunes « Indignados » sans leader et sans parti qui défient José Eduardo dos Santos, l’un des deux chefs d’État les plus anciens de la planète – avec l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema. Sur le modèle des jeunesses de Tunisie et d’Égypte, quelques centaines d’internautes et de rappeurs défilent régulièrement dans les rues de Luanda aux cris de : « Nous voulons le départ de “Zedu” [surnom du président angolais, NDLR], de ses ministres et de ses compagnons corrompus ! » Signe de son désarroi, le pouvoir tergiverse. Le 3 septembre, il arrête une vingtaine de meneurs. Le 14 octobre, il les relâche. Et quatre jours plus tard, dans son discours annuel à l’Assemblée, le président lance: « Il n’y a aucune raison d’affirmer que l’Angola est dirigé par un régime dictatorial. Nous allons mettre en place des méthodes d’écoute et de dialogue. » En guise de dialogue, le pouvoir approche quelques « libertadores » de quartier et leur fait miroiter argent ou véhicule. Mais ça ne suffit pas. La rue continue de gronder. L’un des rappeurs en vogue, Brigadeiro 10 Pacote, vient
D.R.
50
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
AFP IMAGEFORUM
51
DEPUIS 2010, IL N’Y A PLUS DE
compagnie pétrolière Sonangol. L’homme qui a été reçu il y a six mois à Pékin par Xi Jinping, actuel vice-président et futur numéro un chinois. Le choix est cohérent. Comme le souligne l’Institut des études stratégiques à Pretoria, « Sonangol est à l’épicentre du pouvoir et du système de corruption en Angola. Les revenus du pétrole permettent de s’acheter une vaste clientèle au MPLA et dans l’armée. Vicente a bonne presse à l’étranger, mais n’a pas de base
un diplomate occidental surnomme le président actuel, se donne le temps de la réflexion. Un ex-cadre du MPLA confie : « Tant que les principales figures du parti ne le pousseront pas dehors, dos Santos s’accrochera au pouvoir. » Que vont faire le vice-président de la République, Fernando da Piedade Dias dos Santos, dit « Nando », et les apparatchiks du MPLA tels que Roberto de Almeida, Dino Matross et Bento Bento ? Si la révolte des jeunes Luandais reste sous contrôle, « ils vont accepter « Trente-deux ans de Dos Santos, que dos Santos soit tête de c’est trop ! » liste du parti pour les légisBRIGADEIRO 10 PACOTE, rappeur latives de l’an prochain, et donc futur président élu, politique dans le pays. Dos Santos peut mais ils vont lui adjoindre un « deuxième abandonner la présidence en gardant de liste », qui sera appelé à lui succéder », le contrôle du MPLA ». Avec Vicente, estime leur ancien camarade. le clan dos Santos peut donc espérer CORRUPTION. Deuxième de liste, Manuel conserver sa fortune, notamment grâce à Isabel, qui est partenaire de Sonangol Vicente ? « Pas nécessairement, ajoutedans plusieurs investissements via la t-il. Son nom est trop lié à la corruption société offshore Esperanza. Mais le choix pétrolière. Le futur numéro deux peut est aussi risqué. Une fois chef de l’État, être João Lourenço, l’ex-secrétaire général Vicente peut rafler la mise. C’est pourquoi du parti, tombé en disgrâce en 2005 pour le « Machiavel de l’Afrique », comme avoir rappelé à dos Santos sa promesse JEUNE AFRIQUE
PRÉSIDENTIELLE AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT.
Le président du parti vainqueur des législatives prend automatiquement la tête du pays.
de ne pas s’incruster au pouvoir. On parle aussi de Bornito de Sousa, le chef du groupe parlementaire du MPLA, qui a son franc-parler. » La force de dos Santos, c’est la faiblesse de son opposition parlementaire. Depuis la mort de Savimbi, l’Unita est divisée. Au congrès de décembre prochain, Isaías Samakuva sera défié par Abel Chivukuvu etPauloLukambaGato.Sonavantage,c’est le manque de visibilité du mouvement des « Indignados ». Dès qu’un attroupement se forme sur la place de l’Indépendance, à Luanda, les « ninjas » de la police lâchent leurs chiens sur les jeunes et confisquent caméras et téléphones portables. Surtout pas d’images! Un manifestant appelle une journaliste de la BBC basée à Londres : « Que faut-il faire pour que vous vous intéressiez à nous ? » L’Angola, c’est loin, c’est coûteux (Luanda est l’une des villes les plus chères au monde) et c’est lusophone. Alors l’Angola, angle mort de l’actualité ? Le régime ne fait rien contre. ● ALAIN FAVERIE N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Afrique subsaharienne AFRIQUE DU SUD
Ainsi parlait Mandela
La Fondation de l’ancien président vient de publier un recueil de citations autorisées. Morceaux choisis.
P
endant près de quarante ans, Nelson Mandela a été réduit au silence.D’abordparlaprocédure du « ban », qui, sous l’apartheid, privait les opposants politiques de leur libertéderéunionetdecirculation,etinterdisait la reproduction de leurs propos. Puis
par les vingt-sept années qu’il a passées en prison. Cela ne l’empêche pas d’être aujourd’hui, à l’âge de 93 ans, l’une des figures les plus citées au monde, avec ce que cela comporte d’erreurs ou d’imprécisions. La Fondation Nelson Mandela vient de rassembler, dater et remettre dans
leur contexte 2 000 citations vérifiées et triées par thème, dans un ouvrage publié (en anglais) le 7 octobre. On y retrouve la hauteur de vue et la grandeur d’âme de l’icône de la lutte contre l’apartheid, mais aussi ses doutes, ses interrogations et quelques facéties. ●
« La mort est inévitable. Quand un homme a fait ce qu’il considère être son devoir envers son peuple et son pays, il peut reposer en paix. Je crois avoir fait cet effort, et c’est pourquoi je dormirai pour l’éternité. » EXTRAIT DU DOCUMENTAIRE MANDELA, 1996
« S’il est un pays qui a commis d’indescriptibles atrocités dans le monde, ce sont les États-Unis d’Amérique. Ils se moquent des êtres humains. » TOKYO, 30 JANVIER 2003 (PENDANT LA PRÉPARATION DE L’INVASION DE L’IRAK)
« Mon fils est mort du sida. […] Attirons l’attention sur le sida plutôt que de le cacher, parce que la seule manière d’en faire une maladie normale, comme la tuberculose ou le cancer, c’est de toujours le dire lorsque quelqu’un est mort du sida. Alors, les gens arrêteront de le voir comme quelque chose d’extraordinaire, une maladie réservée à ceux qui vont en enfer. » CONFÉRENCE DE PRESSE ANNONÇANT LA MORT DE SON FILS MAKGATHO, JOHANNESBURG, 6 JANVIER 2005
« Nous avons regardé nos enfants grandir sans
nos conseils… et quand nous sommes enfin sortis, mes enfants ont dit : “Nous pensions que nous avions un père et qu’un jour il reviendrait. Mais à notre désarroi, notre père est revenu et nous a laissés seuls parce qu’il était désormais devenu le père de la nation.”. »
AU MARIAGE DE SA FILLE ZINDZI, JOHANNESBURG, 24 OCTOBRE 1992
« Merci d’être gentil avec un vieux monsieur en lui permettant de se reposer, même si nombre d’entre vous trouvent peut-être qu’après avoir flâné sur une île et dans d’autres endroits pendant vingt-sept ans, le repos n’est pas vraiment mérité. » DEVANT LA FONDATION NELSON MANDELA, JOHANNESBURG, 1 ER JUIN 2004 N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
WITT/SIPA
52
Nelson Mandela by Himself. The Authorised Book of Quotations, Pan Macmillan South Africa, 300 pages
« Monsieur le président, je suis venu vous annoncer que l’Afrique du Sud est libre aujourd’hui. »
SUR LA TOMBE DE JOHN LANGALIBALELE DUBE, PRÉSIDENT-FONDATEUR DE L’ANC, LE JOUR DES PREMIÈRES ÉLECTIONS MULTIRACIALES, OHLANGE, 27 AVRIL 1994
« Quand je suis allé à l’école, la maîtresse, Miss Mdingane, m’a demandé : “Quel est ton nom ?” Je lui ai donné mon nom africain, Rolihlahla. Elle a répondu : “Non, je ne veux pas celui-là, tu dois avoir un nom chrétien.” J’ai répondu : “Non, je n’en ai pas.” Elle a dit : “À partir de maintenant, ce sera Nelson.” » EXTRAIT DU DOCUMENTAIRE MANDELA, 1996 JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
53
« Nous savons maintenant que même ces gens avec qui nous avons mené la bataille contre la corruption de l’apartheid peuvent eux-mêmes devenir corrompus. » « Pendant des siècles, un continent ancien a saigné par des plaies béantes. Il a perdu des millions de ses fils et filles les plus capables du fait du commerce des esclaves. […] Aujourd’hui encore, nous continuons de perdre certains des meilleurs d’entre nous parce que les lumières du monde développé brillent plus fort. » ALLOCUTION DEVANT LE PARLEMENT BRITANNIQUE, LONDRES, 11 JUILLET 1996
« L’unité “du Cap au Caire”, cela a toujours été un rêve. […] Quand ils parlaient d’une organisation pour coordonner les efforts des différents gouvernements, je les soutenais. Mais l’idée d’avoir un seul gouvernement, je trouvais ça ridicule. » CONVERSATION AVEC RICHARD STENGEL,
SERGE DANIEL/AFP
PRETORIA, 25 AOÛT 1998
C’EST DANS LA « FORÊT » DE WAGADOU (MALI) que la Mauritanie est intervenue.
LUTTE CONTRE AQMI JOLI COUP Pour la Mauritanie, c’est un succès. Le 20 octobre,Teyeb Ould Sidi Aly, un chef militaire d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a été tué dans la « forêt » duWagadou – zone de savane boisée de l’ouest du Mali. En juin dernier déjà, l’armée mauritanienne avait franchi la frontière pour frapper des terroristes dans le secteur.À l’époque, l’opération (terrestre) avait coûté la vie à au moins deux soldats. Cette fois-ci, c’est un raid aérien – mené sans doute par un ou deux appareils à héliceTucano basés à Néma – qui a
JUSTICE LE TPIR LÂCHE DU LEST
21 DÉCEMBRE 1992
« L’archevêque [Desmond] Tutu et moi avons eu une discussion à ce sujet. Il m’a dit : “Monsieur le président, je pense que vous vous en sortez bien dans tous les domaines sauf dans votre manière de vous habiller.” J’ai dit à l’archevêque, pour qui j’ai beaucoup de respect : “N’entrons pas dans une discussion à laquelle aucune solution ne peut être trouvée.” » ORANIA, 15 AOÛT 1995 JEUNE AFRIQUE
Pour la première fois de son histoire, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) accorde une libération anticipée. Condamné à huit ans de prison pour complicité de génocide, Michel Bagaragaza, ancien patron de la filière thé, sera remis en liberté le 1er décembre, après avoir purgé les trois quarts de sa peine. Ce proche du président
détruit un campement et deux véhicules d’Aqmi. « Si les Maliens étaient déterminés à défendre ce secteur, les Mauritaniens ne seraient pas obligés d’y revenir tous les trois mois », lâche une source sécuritaire française. Né à Nouakchott il y a une trentaine d’années, Teyeb était un spécialiste des explosifs et avait participé, en février, à une tentative d’attentat à la voiture piégée dans la capitale. « On le suivait à la trace », confie un officier de renseignement. Écoutes téléphoniques ? Surveillance par satellite ? Visiblement, les chefs de l’opération du 20 octobre ont frappé en sachant que Teyeb était là. ●
Habyarimana, qui s’était rendu auTPIR en août 2005 et avait plaidé coupable, était détenu en Suède. CAMEROUN MORT D’UN OPPOSANT La Cour suprême avait retoqué sa candidature à la présidentielle du 9 octobre. Augustin Frédéric Kodock est décédé, le 24 octobre, à l’âge de 78 ans. Au Cameroun, certains le rendaient responsable
de la perte de prestige de l’opposition, en particulier de l’Union des populations du Cameroun (UPC), dont il avait été membre avant de créer l’UPC-Kodock et d’entrer au gouvernement dans les années 1990. Diplômé de l’École nationale d’administration de Paris, il était, depuis, retourné à l’opposition et apparaissait comme l’une des figures de la scène politique camerounaise.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Maghreb & Moyen-Orient
GOUVERNEMENT MAROCAIN
Mention Pas de félicitations pour l’équipe d’Abbas El Fassi. À un mois des élections législatives anticipées, les ministres sortants, à quelques exceptions près, ne peuvent guère se prévaloir d’un bilan positif. Revue de détail.
L
’
envoyé spécial
illusoire solidarité gouvernementale a volé en éclats depuis l’annonce de la tenue des législatives anticipées du 25 novembre. En l’absence d’un chef d’orchestre, les solistes s’en donnent à cœur joie. Communiqués, alliances, règlements de comptes, coups bas… il y a une ambiance de fin de règne à la cour d’Abbas El Fassi, qui n’a jamais réellement revêtu ses habits de chef. Un épisode rapporté par un proche collaborateur corrobore l’impression. Lors de la dernière réunion de la Commission des investissements, mi-octobre, le Premier ministre se charge de la lecture d’un communiqué récapitulant le nombre de projets approuvés depuis 2007. Mais l’étude de la cinquantaine de projets soumis à cette session n’a finalement pas lieu et, surprise, le chef du gouvernement laisse les ministres concernés décider, sans arbitrage ni débat. Le ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, déjà candidat à la succession, se répand depuis en critiques dans les salons casablancais, en présence de son mentor, Driss Jettou, Premier ministre de 2002 à 2007, un technocrate regretté par beaucoup aujourd’hui. Bref, le bateau El Fassi est à la dérive, même si certains ministres ne s’en sortent pas trop mal. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
/J. A.
YOUSSEF AÏT AKDIM,
UR NI ER VIN CE NT FO
54
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
55
Abbas El Fassi
JEUNE AFRIQUE
AIC PRESS
IL AVAIT ANNONCÉ LA COULEUR À J.A. en 2008, avouant avoir « toujours en poche un téléphone avec un numéro spécial » qui permet au roi de l’appeler « à tout moment ». On ne sait pas à quel rythme fonctionne ce « téléphone rouge ». Aujourd’hui, El Fassi apparaît comme un rouage secondaire du processus de décision. Indice de la lassitude qui gagne l’exécutif, ces confidences de l’intéressé reconnaissant n’avoir pas été prévenu du retrait du projet de loi de finances, pourtant déposé le 21 septembre par les services de la primature au bureau du Parlement. Docile, timoré, El Fassi était une carte gagnante dans la manche de la monarchie exécutive. Depuis la réforme constitutionnelle de juillet, son profil ne correspond plus au poste de chef de gouvernement. Sa personnalité ne serait donc pas étrangère à la décision de provoquer des élections anticipées. Dinosaure de la politique dénué de charisme, chef d’un clan familial accusé de favoritisme, El Fassi n’a jamais réussi (a-t-il essayé ?) à imposer son indépendance vis-àvis des ministres de souveraineté, choisis par le roi seul, ni à l’égard d’un cabinet royal entreprenant ou d’unFouadAliElHimma,fondateur du Parti Authenticité et Modernité (PAM), une machine électorale qui a beaucoup empiété sur les terres de l’Istiqlal. Une apathie qui réveille des ambitions au sein de son parti, peut-être parmi les ministres qui ont travaillé avec lui. Son gendre, Nizar Baraka, dirige officiellement le (petit) ministère des Affaires économiques et générales. Mais en réalité, il coiffe, depuis 2007, tous les sujets économiques que son beau-père ne maîtrise pas. El Fassi occupe ses journées à étudier d’autres dossiers, pas forcément prioritaires. Et le soir, « après le dîner, déclarait-il à J.A. en 2008, je signe des parapheurs à la maison, puis je réfléchis sur ce qui va et ne va pas au Maroc ». Vaste programme ! ●
ALEXANDRE DUPEYRON
PREMIER MINISTRE
Taïeb Cherkaoui
Salaheddine Mezouar
MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
MINISTRE DES FINANCES
NOMMÉ EN JANVIER 2010, Taïeb Cherkaoui n’a pas chômé à la tête du ministère de l’Intérieur. En sus de la lutte contre le terrorisme, le dossier du Sahara et le mouvement de contestation du 20 février se sont invités dans son agenda déjà chargé. Le soulèvement de Gdim Izik, qui coûtera la vie à une dizaine de membres des forces de l’ordre en novembre 2010, souligne l’échec des négociations avec des militants jusqu’au-boutistes. L’autorité de l’État est secouée, et Cherkaoui n’est pas maître de la situation, mais il garde le contrôle de ses troupes. Même constat en 2011, face aux indignés du Mouvement du 20 février. Là où on aurait pu craindre des bavures, cet ancien magistrat a su désamorcer les tensions. Bilan en demi-teinte, donc, pour ce serviteur de l’État, dont la marge de manœuvre est réduite par l’ambition de Fouad Ali El Himma, ancien patron du ministère et ami du roi. Taïeb Cherkaoui peut, en revanche, se féliciter du succès de ses consultations avec les partis au sujet des lois électorales post-Constitution. ●
QUASI INCONNU en 2004, lors de son entrée au gouvernement de Driss Jettou, Salaheddine Mezouar prend de la voilure en devenant ministre des Finances en 2007. Il se met aujourd’hui dans le sens du vent en rejoignant une coalition formée principalement de son parti, le Rassemblement national des indépendants (RNI), et de trois autres partis « de l’administration », dont le PAM de Fouad Ali El Himma. Candidat à la primature, Mezouar peut se prévaloir d’un bilan solide sur le plan technique, avec la réduction des impôts sur le revenu et les sociétés, la mise en place d’un comité de veille stratégique et le maintien des grands équilibres macroéconomiques. Mais quand il faut agir politiquement, l’homme ne se montre pas encore tranchant. Le système de compensation des produits de base est inefficace, mais n’a toujours pas été réformé. Mezouar a beau jeu d’expliquer que ce dossier lui échappe, qu’il n’est pas encore patron. D’ailleurs, certains de ses collègues du gouvernement n’hésitent plus à l’accuser de jouer « trop perso » à l’approche du scrutin de novembre. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
XAVIER LEOTY/AFP
ABDELHAK SENNA/AFP
Maghreb Moyen-Orient
ABDULLAH DOMA/AFP
56
Taïeb Fassi-Fihri
Karim Ghellab
Yasmina Baddou
MINISTRE DES AFFAIRES
MINISTRE DES TRANSPORTS ET DE L’ÉQUIPEMENT
MINISTRE DE LA SANTÉ
ÉTRANGÈRES
APPRÉCIÉ DE ses interlocuteurs étrangers, qui louent son sérieux et son abnégation sur le dossier du Sahara – le seul qui compte vraiment aux yeux de la diplomatie marocaine –, le ministre des Affaires étrangères vient de remporter un succès d’estime à l’ONU, où l’élection du royaumecommemembrenonpermanent du Conseil de sécurité a été un triomphe, avec 151 votes dès le premier tour. De quoi oublier les quelques couacs marquant son passage au ministère: incident diplomatique évité de justesse après l’expulsion de la militante sahraouie Aminatou Haidar, rupture fracassante et inexpliquée des relations diplomatiques avec l’Iran. En 2011, l’absence du Maroc à l’Union africaine (UA), la discrétion du roi lors des sommets de chefs d’État passeraient presque pour un bon point. Domaine réservé de Mohammed VI, la politique étrangère se teinte d’un réalisme sans fard: soutien prudent à la révolution libyenne, statut avancé avec l’Union européenne, lobbying onusien et contournement des instances régionales (UA, Ligue arabe) pour maintenir des relations avec des partenaires clés. ●
H I E R J E U N E T E C H N O C R AT E , aujourd’hui véritable bête politique, au gouvernement, Ghellab est un symbole de la génération M6. Ingénieur déniché par le superconseiller royal Meziane Belfqih, responsable de l’exécution des grands travaux d’infrastructures depuis le gouvernement Jettou, l’homme réussit à imposer son code de la route (permis à points, refonte de l’examen, durcissement des amendes, radars) contre vents et marées. Volontariste mais ouvert, c’est un redoutable négociateur, qui sait écouter les syndicats sans rien céder sur l’essentiel. Sur le dossier du TGV, il sort récemment du bois pour défendre le montage financier et juridique du plus grand projet ferroviaire du pays depuis l’indépendance. Les esprits chagrins noteront qu’il n’y a pas de débat public, mais les arguments sont là. Travailleur acharné, homme de dossiers, il cultive depuis plusieurs années un rapport direct avec les électeurs depuis son fief de Sbata, un quartier populaire de la banlieue de Casablanca. Certains voient déjà en lui un futur patron de l’Istiqlal. Pour le moment, il accumule les bons points. ●
AVOCATE DE FORMATION, jeune secrétaire d’État dans le gouvernement Jettou en 2002, Yasmina Baddou ne manque pas de cran. En 2007, elle se présente dans la « circonscription de la mort », à Casablanca-Anfa, et décroche son siège de députée. Sa nomination au ministère de la Santé est accueillie favorablement au départ, les profanes étant réputés plus indépendants à ce poste que les médecins. Pourtant, après quatre années de batailles avec les fonctionnaires et les cliniques, d’attaques vicieuses de la part d’une presse machiste et souvent indigne, la ministre se prépare à rendre son tablier sans avoir vaincu. Elle a pourtant imposé des mesures courageuses, comme la pilule du lendemain en 2008, et géré avec sérieux la crise de la grippe A l’année suivante. Mais avec les syndicats, son style autoritaire déplaît. Ce n’est pas le courage qui fait défaut à Baddou. Sauf que lors des négociations avec les médecins en grève totale (une première enregistrée au printemps 2011), elle laisse le ministère de l’Intérieur gérer les négociations avec les syndicats. ●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Ahmed Akhchichine
MINISTRE DE L’ÉDUCATION
Aziz Akhannouch,
MINISTRE DE L’AGRICULTURE
NATIONALE
SUR LE PORTAIL makassib.ma, vitrine électronique du bilan du gouvernement El Fassi, les réalisations du ministère de l’Éducation nationale ne concernent que l’enseignement supérieur. Tout le volet relatif à l’école est mis au crédit du secrétariat d’État à l’enseignement scolaire. Comme si, par avance, Ahmed Akhchichine cachait sous le tapis la poussière du plan d’urgence pour l’école de sa collègue Latifa Labida. Les objectifs du programme d’urgence 2009-2012 sont encore loin d’être atteints. Déjà, les cadres du ministère expliquent qu’il est trop tôt pour faire le bilan, que le ministre doit nécessairement être reconduit dans ses fonctions avant d’être jugé sur pièce. Pourtant, les parents ne décolèrent pas, contraints d’envoyer leurs enfants dans des écoles privées dès qu’ils en ont les moyens. Pis, les enseignants, poussés par leurs syndicats, bloquent une réforme jugée autoritaire. Découragé, Akhchichine aurait songé plusieurs fois à la démission. Pour ce membre fondateur du PAM, ministre alors que son parti est dans l’opposition depuis 2009, la délivrance pourrait être proche. ● JEUNE AFRIQUE
Khalid Naciri
PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT
QUAND IL ARRIVE au ministère de l’Agriculture, Aziz Akhannouch s’empresse de commander une stratégie sectorielle au cabinet McKinsey. Preuve que ce manager, grand acteur de la distribution d’hydrocarbures et magnat de la presse, voit grand. La recette est connue : pour convaincre en haut lieu, rien de mieux que de présenter un gros rapport de la firme de consulting avec, en prime, une jolie présentation PowerPoint. Décrié majoritairement par les universitaires, le plan « Maroc vert » fait la part belle à une agriculture d’exportation s’appuyant sur des grands groupes. Or le deuxième volet de la stratégie qui vise la relève du monde rural a la part congrue. Les lois sur les produits du terroir, une des passions du ministre avant 2007, sont prometteuses. Mais les objectifs les plus ambitieux du plan « Maroc vert » se heurtent à des problèmes de fond, dont la libération du foncier. Côté pêche, le ministre a mis du temps à réunir tous les professionnels autour d’une table, mais ses collaborateurs se sont distingués lors de la renégociation des accords avec l’Union européenne. ●
57
AIC PRESS
VINCENT FOURNIER/J.A.
ALEXANDRE DUPEYRON
Maghreb Moyen-Orient
POUR UN GOUVERNEMENT soucieux de son image à l’étranger, la stratégie de communication du gouvernement El Fassi est un échec patent. Faible coordination interministérielle, coups de sang du ministre, politique de l’autruche, le « Maroc qui communique » a perdu au change entre l’ancien porte-parole du gouvernement Nabil Benabdallah et son successeur, Khalid Naciri. Trois dossiers de crise et trois ratés illustrent cette prestation désastreuse. La liberté de la presse, d’abord, mise à mal par le ministre de tutelle, érigé en procureurcenseur adepte du réquisitoire enflammé contre les « nihilistes ». Ensuite, fin 2009, l’affaire de la militante indépendantiste sahraouie Aminatou Haidar est le symbole d’une poussée de fièvre propagandiste. Rebelote en 2010 avec Gdim Izik. Alors que Rabat peut se targuer d’une riposte mesurée à la contestation de militants indépendantistes, des médias étrangers présentent une version des faits largement favorable au Polisario. En cause, notamment, l’attitude crispée des autorités marocaines avec la presse internationale. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Maghreb Moyen-Orient faits à l’audience n’ont été corroborés par aucun élément de preuve », déclare le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé, en mars 2011.
SHALIT-HAMOURI
Deux poids, deux mesures Si l’Élysée s’est beaucoup mobilisé pour le soldat franco-israélien capturé par le Hamas, il a fait peu de cas du jeune militant franco-palestinien détenu en Israël depuis 2005.
ATTERRÉS. Le 14 octobre, à l’issue de sa
rencontre avec Nicolas Sarkozy, le président Mahmoud Abbas saluait les « efforts considérables » de la France pour obtenir la libération de Shalit et l’appelait à en faire autant pour le Franco-Palestinien. Le 18 octobre, le chef de l’État français formule l’espoir que Hamouri fera partie de la seconde vague de prisonniers palestiniens libérés en échange de Shalit, le 18 décembre. « C’est la première fois qu’il cite son nom en public », regrette sa mère, Denise Hamouri-Guidoux, avant de s’emporter : « Salah est libérable le 28 novembre. Pourquoi Sarkozy veut-il le faire rester trois semaines de plus en prison ? » Le lendemain de la négligence présidentielle, l’aveu de Gérard Longuet, ministre de la Défense, reconnaissant son ignorance totale du dossier, achève d’atterrer le comité de soutien. Alors que Sarkozy insiste sur le fait qu’il a rencontré « douze ou treize fois » le père de Gilad, la mère de Salah n’a été reçue que deux fois par des conseillers diplomatiques. En juin 2010, l’un d’eux, Jean-David Levitte, Denise Hamouri-Guidoux, la mère de SALAH HAMOURI, le 24 juin 2009, à Marseille. lui affirme que « pour le président, les Ramallah sur une dénonciation anonyme deux jeunes sont des Français et qu’il les e 25 juin 2006, quand le Francodéfendait de la même façon ». l’accusant d’appartenir au FPLP. Trois mois Israélien Gilad Shalit, 19 ans, est Mais en juin 2011, le porte-parole du capturé par le Hamas, le Francoauparavant, des caméras l’avaient filmé Quai d’Orsay déclare qu’il « n’y a pas Palestinien Salah Hamouri, passant en voiture devant la demeure du lieu de faire un parallèle entre les deux 21 ans, croupit depuis quinze mois rabbin Yossef. Il n’en faut pas plus pour situations. Hamouri a été jugé par la justice dans une geôle israélienne. Condamné convaincre la justice israélienne. Après israélienne. Il est en prison ». Deux poids, le 17 avril 2008, sans possibilité d’aptrois ans de détention sans jugement, il deux mesures, s’empressent de dénoncer pel, à sept ans de prison par un tribunal accepte le compromis proposé par son les soutiens de Hamouri, qui militaire pour sa participation présumée rappellent l’ardeur de Paris au projet d’assassinat du rabbin Ovadia Le ministre français de la Défense à demander la libération de Yossef, chef spirituel du parti d’extrême Gérard Longuet reconnaît tout Clotilde Reiss et de Florence droite Shass, et pour son appartenance Cassez,détenuesrespectivesupposée au Front populaire de libération ignorer du dossier… ment en Iran et au Mexique. de la Palestine (FPLP), interdit en Israël, Pour Jean-Claude Lefort, « le cas de Salah Hamouri était libérable le 28 novembre avocate : comme 95 % des prisonniers est un marqueur de la nouvelle politique prochain. Mais les Israéliens ont décidé, politiques palestiniens, il plaide coupafrançaise au Proche-Orient : elle a toule 26 octobre, de lui appliquer une loi ble afin de ne pas voir sa peine portée à jours de belles paroles, mais, en réalité, permettant de convertir rétroactivement quatorze ans. Mais il refuse d’être extradé elle s’aligne sur Israël et les États-Unis ». les années administratives en années vers la France. « Cela l’aurait privé de la L’annonce par les Israéliens du report civiles, prolongeant de cent quarante possibilité de retourner à Jérusalem », de sa libération le lendemain même où jours la détention de Hamouri, qui ne explique Jean-Claude Lefort, ex-député Alain Juppé a demandé sa libération en sera donc libéré que le 12 mars 2012. communiste français et coordinateur de dit long sur l’impuissance de la France. Né à Jérusalem d’un père palestinien et son comité de soutien. Lors de ses demanMais les parents du Franco-Palestinien, ne d’une mère française, Hamouri s’engage desdelibérationanticipée,iln’exprimepas désespèrent pas « de voir Paris accentuer très tôt dans la lutte pour l’indépendance. de regrets pour des actes dont il continue à la pression sur Israël » pour que leur fils En 2001 et 2004, il est brièvement incarnier la réalité. « Je déplore que les autorités soit tout de même libéré le 28 novembre. ● céré. Le 13 mars 2005, alors étudiant en israéliennes n’aient pas pris de décision LAURENT DE SAINT PÉRIER sociologie, il est arrêté sur la route de de remise de peine, d’autant que les aveux PHOTOPQR/LA PROVENCE/CYRIL SOLLIER/MAX PPP
58
L
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
MESSAGE
Mo Ibrahim Fondation - Dr. Mohamed Ibrahim
Le Board de la Fondation Mo Ibrahim (de gauche àdroite) : Lord Cairns, Hadeel Ibrahim, Sir Ketumile Masire, Mo Ibrahim, Ahmed Salim, Nathalie Delapalme. Devant : Mary Robinson, Dr Mamphela Ramphele.
Bonne gouvernance et Leadership d’excellence « Il n’y a pas de fatalité africaine. Mais des individus de qualité et une terre prometteuse ne font pas nécessairement des pays prospères s’il manque un ingrédient crucial : une gouvernance de qualité et des dirigeants d’excellence. C’est là-dessus qu’il faut nous concentrer. »
Mo Ibrahim, Founder and Chair, Mo Ibrahim Foundation
A
yant connu un grand succès dans ses activités d’affaires en Afrique, Mo Ibrahim est convaincu que le seul « chaînon manquant » dans un continent béni par de vastes ressources naturelles, une population jeune et croissante et un immense potentiel de marchés, est la gouvernance et le leadership. “Mon expérience dans la gestion de Celtel m’a convaincu que la mauvaise gouvernance était au cœur de tous les problèmes du continent. Que le fait qu’un continent aussi abondamment riche soit devenu synonyme de pauvreté, maladie, corruption et conflit doit être porté à l’attention de notre leadership politique. L’argument que le colonialisme et l’impérialisme sont responsables de nos problèmes ne tient plus face au fait que de nombreux pays africains ont une qualité de vie en déclin depuis l’indépendance si on compare à celle de la Malaisie, de la Thaïlande et de la Corée du Sud. Ce n’est qu’en confrontant ces vérités que nous pouvons aller de l’avant.”
Pour la Fondation créée par Mo Ibrahim en 2006, le leadership consiste à savoir prendre des risques et faire des choix, et la gouvernance consiste à savoir gérer ces risques et mettre en œuvre ces choix. L’élaboration des politiques consiste à définir des objectifs publics et à mobiliser au mieux les ressources pour atteindre ces objectifs. Mais personne ne peut conduire sans instruments pour évaluer direction, vitesse et consommation d’énergie. Pour qu’une politique publique soit efficace il faut pouvoir évaluer les résultats afin d’ajuster les objectifs, les ressources et les stratégies en tant que de besoin. C’est ainsi que le projet phare de la Fondation, l’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine, a été conçu. La richesse des données disponibles permet aux gouvernements comme aux citoyens d’évaluer l’impact des interventions politiques, d’orienter au mieux l’affectation des ressources et de tirer tous les enseignements des succès et des échecs rencontrés sur le continent.
L’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine Créé en 2007, l’Indice Ibrahim est la base de données quantitatives sur l’Afrique la plus complète ; elle fournit une évaluation annuelle de la qualité de la gouvernance dans chaque pays africain.
L
’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine dévoile un tableau nuancé du continent - un tableau dans lequel un certain nombre de pays sont en train de faire de formidables progrès. Mais il montre aussi un continent de progrès inégaux. Cela peut mener à l’instabilité et aux troubles : un compromis déséquilibré entre libertés politiques et profits économiques qui a peut-être déclenché les révolutions récentes en Afrique du Nord. « Les évènements de cette année montrent clairement les conséquences éventuelles de politiques qui ne prennent pas en compte tous les citoyens et qui leur refusent certains des biens et services publics qu’ils sont en droit d’attendre », explique le fondateur et président de la Fondation, Mo Ibrahim. « Si le progrès économique ne se traduit pas par une meilleure qualité de vie et le res-
pect des droits du citoyen, nous allons connaître d’autres Place Tahrir en Afrique. » L’Indice 2011 montre que 38 des 53 pays africains ont amélioré leur score dans la catégorie Développement économique durable, et 48 dans la catégorie Développement Humain. Mais 17 pays seulement ont progressé en matière de Sécurité et Souveraineté, et 14 en matière de Participation et droits de l’homme. Pour Donald Kaberuka, Président de la Banque Africaine de Développement, « On dit parfois que l’autoritarisme peut faciliter le développement, mais ce n’est pas durable. En fin de compte les réformes économiques doivent se prolonger pour se situer dans le cadre des réformes politiques.» Ces dernières années, les pays qui ont su promouvoir un modèle plus équilibré se trouvent en tête de
l’Indice - Maurice, le Cap Vert, le Botswana, les Seychelles et l’Afrique du Sud. Il y a de bonnes nouvelles venant des pays émergents de conflits, remettant ainsi en question les stéréotypes habituels au sujet de la fragilité des états sortant de conflits et condamnés à être à la traine pendant des années. Le Libéria et le Sierra Leone, grâce à des leaderships intelligents, ont progressé dans chacune des 4 catégories, et ce, de façon consistante depuis 5 ans. ■
TOP 5 DE L’INDICE IBRAHIM 2011 Le 5e Indice souligne combien une approche équilibrée, équitable et inclusive est un élément crucial pour la qualité de la gouvernance. 1er Maurice - score 82
Performances de l’Indice 2011 Sierra Leone et Libéria
2e Cap Vert - score 79
3e Bostwana - score76
4e Seychelles - score 73
5e Afrique du Sud - score 71
MESSAGE
L’Indice Ibrahim
F
inancé et piloté par une institution africaine, l’Indice Ibrahim est construit en partenariat avec un Conseil Consultatif et un Comité Technique composé d’experts de différentes institutions africaines, incluant le CODESRIA et la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique.
Avec 11 années de données, l’Indice est de plus en plus perçu aussi bien comme un outil de travail par les décideurs politiques souhaitant évaluer l’impact de leur action et voir où leurs budgets devraient être dépensés, qu’une ressource pour la société civile. Il est important de noter que cet Indice étant africain, créé avec des moyens africains, en collaboration avec des institutions africaines, il n’est pas perçu comme étant un instrument de critique venue des pays occidentaux, mais plutôt comme une voix constructive issue du continent. L’Indice mesure la gouvernance du point de vue du citoyen. La bonne gouvernance est celle qui a pour résultat de délivrer les biens et services publics que les citoyens sont en droit d’attendre. En choisissant cette approche basée sur les résultats, on touche à un problème central: la pauvreté des données. Si la gouvernance est essentielle pour atteindre un meilleur développement plus rapidement, les données sont quant à elles, essentielles pour construire et bâtir une bonne gouvernance. Mais les données sont très souvent indisponibles, font anciennes ou n’existent carrément pas pour les pays africains. Le plus frappant est l’absence de données
* Sous-catégories Sécurité et Souveraineté du droit : Souveraineté du droit, Redevabilité, Sécurité Individuelle, Sécurité nationale. Participation et Droits de l’Homme : Participation, Droits, Parité Développement économique durable : Gestion publique, Environnement des Entreprises, Infrastructures, Secteur agricole. Développement humain : Protection sociale, Enseignement, Santé.
actualisées sur la pauvreté, mais cela est aussi vrai pour plusieurs autres domaines clés, de l’inégalité aux infrastructures physiques. La Fondation travaille à combler ces lacunes, et à affiner et améliorer la base statistique sur laquelle l’Indice est construit. Cette année, deux nouveaux projets ont été mis en place qui fourniront une mine de données pour l’Indice, les chercheurs et les politiques, à partir d’enquêtes réalisées sur le terrain. La Fondation travaille avec Afrobarometer afin d’étendre le nombre de pays dans lesquels des sondages approfondis auprès des citoyens sont effectués, fournissant l’ensemble le
plus complet de données sur l’opinion et les points de vue des citoyens sur les problèmes de gouvernance. La Fondation travaille également avec la Global Integrity Trust en Afrique du Sud pour mettre en place un réseau d’experts à travers toute l’Afrique qui fourniront des évaluations d’indicateurs sociaux, économiques et politiques. Ces évaluations existent mais sont souvent effectuées par des analystes basés ailleurs qu’en Afrique. Dans ce sens, la Fondation effectue un travail de fond pour que le continent s’approprie ses questions de gouvernance et pour améliorer la qualité et la disponibilité des données sur l’Afrique. ■
MESSAGE
Principales initiatives de la Fondation : ● L’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine fournit des données comparables pour tous les pays africains sur une période de 11 ans. ● Le Prix Ibrahim de la bonne gouvernance Africaine reconnaît et célèbre l’excellence. Il est décerné à un ancien Chef d’Etat ou Chef de gouvernement par un Jury composé d’importantes personnalités, incluant deux Prix Nobel. Les précédents lauréats, à ce jour, sont le président Joaquim Chissano du
Mozambique (2007), le président Festus Mogae du Botswana (2008), le président Pedro Pires du Cap Vert (2011) et le président Nelson Mandela (Prix d’Honneur). En 2009 et 2010, le Prix Ibrahim n’a pas été décerné par Jury du Prix. ● Le Forum Ibrahim est un Forum annuel de haut niveau sur des problématiques africaines majeures. En 2011 le Forum aura lieu enTunisie sur le thème de l’agriculture africaine : « De la réponse aux besoins à la création de richesse ».
En 2007, le président Chissano reçois le prix Ibrahim remis par Mr Kofi Annan.
● Les Programmes de Renforce-
ment des capacités incluent des bourses pour des étudiants prometteurs dans certaines des meilleures écoles au monde. Le « Leadership Fellowship Programme » est un programme sélectif conçu pour identifier et préparer la prochaine génération de dirigeants africains en offrant une occasion unique de tutorat auprès des dirigeants de la Banque Africaine de Développement, du Conseil Économique des Nations Unies pour l’Afrique et de l’Organisation Mondiale du Commerce.
L’ancien président du Botswana, Festus Gontebanye Mogae, est le lauréat du prix Ibrahim 2008.
Direct et avec son franc-parler, Mo Ibrahim est toujours sollicité par de nombreux journalistes qui attendent de lui parler lors de conférences internationales, signe certain d’un communicateur efficace. Étant donné la voie qu’il s’est choisie, il se doit de l’être. Mo Ibrahim veut donner une nouvelle image de marque à l’Afrique, et mettre en lumière le dynamisme et les progrès effectués dans le continent ces dix dernières années. Né au nord Soudan en 1946, il grandit en Egypte quand ses parents s’y installent. Après avoir fait des études d’ingénierie à l’Université d’Alexandrie, il part
au Royaume Uni pour continuer ses études, où il est repéré par un chasseur de tête pour diriger le premier service de téléphonie mobile de British Telecom. Il quitte BT pour créer MSI qu’il vend ensuite pour créer Celtel. Après avoir vendu Celtel pour plus de 3 milliards de $, il crée sa Fondation en 2006 pour évaluer et améliorer la gouvernance et le leadership en Afrique, qu’il considère comme les deux ingrédients fondamentaux et complémentaires de la réussite, que ce soit pour un pays ou pour une entreprise.
The Mo Ibrahim Foundation - 3rd Floor North, 35 Portman Square, London W1H6LR - Royaume Uni www.moibrahimfoundation.org
DIFCOM / Photos D.R.
PROFIL DE MO IBRAHIM
AMI
63
MAURITANIE
Réformes en petit comité Créer une commission électorale indépendante et criminaliser les coups d’État : deux propositions phares formulées au terme d’un mois de débats… boycottés par une grande partie de l’opposition.
P
alaisdescongrèsdeNouakchott, le 19 octobre. La fin du Dialogue national lancé par le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, est scellée par la signature d’un accord sur des réformes constitutionnelles. Depuis le 17 septembre, la majorité présidentielle – représentée par une soixantaine de formations – et quatre partis de l’opposition, l’Alliance populaire progressiste (APP), El Wiam, Hamam et Sawab, débattaient sur les moyens de renforcer la démocratie. Parmi les dix thèmes abordés, la réforme du fichier électoral, l’alternance, l’unité nationale ou le rôle de l’armée. La rencontre, prévue dans l’accord de Dakar de juin 2009 et attendue depuis deux ans, avait été qualifiée de « tournant historique » par Mohamed Ould Abdelaziz. Au final, l’accord comporte une série de propositions d’amendement à la Constitution de 1991 (déjà modifiée en 2006). « Nous sommes très satisfaits, se félicite Boidiel Ould Houmeid, le président du parti El Wiam et représentant de l’opposition lors du dialogue. Les débats se sont très bien passés, des concessions ont été faites de part et d’autre, et ainsi des réformes très importantes ont pu être faites dans l’intérêt du pays. » Le texte réaffirme la diversité culturelle, confirme l’arabe comme langue JEUNE AFRIQUE
officielle du pays et rejette l’esclavage. Il pose le principe de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. L’accord suggère également de passer de 95 à 146 députés et de créer une liste nationale de vingt sièges réservés aux femmes. En outre, tout élu qui démissionnerait de son parti en cours de mandat perdrait son siège. Alors que les scrutins législatif et municipal prévus en octobre ont été reportés sine die, l’accord prévoit de créer une commission électorale nationale indépendante (Ceni) permanente,
La rencontre, prévue dans l’accord de Dakar, était attendue depuis deux ans. une première dans le pays. Elle conduirait le processus du début à la fin, ses relations avec le ministère de l’Intérieur étant réduites à un simple partenariat. Enfin, les « changements inconstitutionnels », dont les coups d’État, seraient criminalisés – « Aziz » ayant pris soin de se protéger en précisant que les putschs passés seraient prescrits – et les militaires exclus de toute activité politique. « Dans les prochaines semaines, une commission indépendante va travailler avec des experts, explique Boidiel
AHMEDOU OULD BAHIYA (à dr.), ministre d’État, et BOIDIEL OULD HOUMEID, du parti El Wiam, signent l’accord final de la réunion, le 19 octobre.
Ould Houmeid. Elle seule décidera si les amendements seront approuvés par le Congrès [Assemblée nationale et Sénat, NDLR] ou par référendum constitutionnel. » « RIEN DE NOUVEAU ». « Certaines de
ces résolutions faisaient partie de nos revendications politiques, mais ce n’est pas suffisant, réagit Cheikh Ould Jiddou, l’un des responsables de la Coordination de la Jeunesse du 25 février. Les concertations doivent continuer en vue d’une réforme totale du système politique. » La Coordination de l’opposition démocratique (COD), composée d’une dizaine de partis, a quant à elle rejeté les termes de l’accord. « Il n’y a rien de nouveau, car on ne revoit pas à la baisse les pouvoirs du président, ni à la hausse ceux du Parlement ou du Premier ministre, regrette Jemil Ould Mansour, chef du parti islamiste Tawassoul, membre de la COD. Il n’y a toujours pas de séparation des pouvoirs, puisque le chef de l’État préside toujours le Conseil de la magistrature. » La COD avait boycotté le dialogue, estimant que les conditions d’une discussion sérieuse n’étaient pas réunies. « Pour que nous y participions, il aurait fallu éliminer tout processus électoral unilatéral et ouvrir les médias publics à tous les partis d’opposition. » ● JUSTINE SPIEGEL N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
64
Maghreb Moyen-Orient de manifestations non violentes n’ont cents morts parmi les forces loyalistes à la mi-septembre. apporté que la mort de 3 000 personnes. Pour beaucoup, le triomphe des rebelles libyens démontre que la voie pacifique FAIT D’ARMES. Malgré la menace d’être conduit à une impasse. « Kaddafi, c’est exécutés par leurs officiers ou par les fini, Bachar, ton tour arrive ! » ont scandé éléments de la sécurité militaire qui les les opposants, le 21 octobre, dans des encadrent, des militaires, écœurés de Civils, anciens conscrits, devoir tirer sur des civils sans défense centaines de localités. Une semaine plus déserteurs… Ils sont de plus en tôt, les Comités locaux – parfois des enfants –, plus nombreux à rejoindre les de coordination (CLC) ont dés er té dès le L’Armée syrienne rangs de l’armée de avaient affiché leur soudébut de la répression, libre en chiffres tien aux déserteurs de en mars. Et ils sont de libération mise sur pied par un l’armée en faisant du plus en plus nombreux, colonel dissident pour protéger 14 octobre le « Vendredi encouragés par la créales manifestants civils, des militaires libres ». tion, cet été, de l’Armée et leur prêter main-forte. ONG d’opposition, syrienne libre (ASL), qui officiers l’Observatoire syrien fédère leurs forces. des droits de l’homme La bataille de Rastan, (OSDH) le reconnaît du 27 septembre au maintenant sans amba2 octobre, a été son preon aux armes, non à bataillons ges : les combats se mulmier fait d’armes. Dans l’intervention étrantiplient entre insurgés cette localité stratégigère, non à la confeset forces de sécurité, que située à 180 km de sionnalisation. » Les faisant des dizaines de Damas, entre les centrois principes sacrés qui ont guidé les premiers pas de la contestation sont en morts dans les deux tres révolutionnaires hommes train de voler en éclats sous le feu nourri camps. « Joussiyé : envide Hama et de Homs, des forces de sécurité syriennes. « Un ron 50 soldats ont fait des centaines de déserteurs se sont regroupés sous la banrégime qui s’est construit par la force défection et se sont mis à défendre les civils désarmés, causant la destruction nière de l’armée dissidente. Il a fallu ne peut tomber que par la force », c’est aujourd’hui l’argument des officiers d’un bus rempli de chabihas [miliciens deux cent cinquante chars et plusieurs jours de violents combats pour que le qui ont fait défection et d’une partie prorégime, NDLR] et d’un blindé », régime reprenne le contrôle de la ville croissante de l’opposition qui réclame peut-on lire dans le rapport journalier désormais une intervention du Conseil au désormais célèbre bataillon Khaled du 19 octobre. D’après Nir Rosen, d’Alde sécurité de l’ONU. Jazira, l’un des rares journalistes à avoir Ibn al-Walid. Parmi les civils, les plus réalistes pu enquêter sur l’insurrection armée, La création de l’ASL a été annoncée le 29 juillet, depuis la Turquie, par le font un douloureux constat : sept mois les escarmouches avaient déjà fait sept colonel déserteur Riad al-Asaad. Le Les défections se multiplient dans le camp loyaliste 9 juin, une autre armée dissidente, le Mouvement des officiers libres, avait été constituée par le lieutenant-colonel TURQUIE Hussein Harmoush. Mais après le kidnapping de ce dernier par les services secrets syriens dans son exil turc et sa « confession » télévisée du 15 septembre, Idlib les deux groupes ont fusionné le 23 septembre sous l’enseigne de l’ASL. Jebel Al Zawiya À Antakya, ville turque située à 20 km de la frontière syrienne, le colonel Asaad Deir ez-Zor Rastan a réuni un état-major de trente-six officiers. Face aux 200 000 soldats de l’armée Homs régulière, il revendique aujourd’hui plus SYRIE LIBAN de 10 000 hommes organisés en vingtdeux bataillons répartis dans les prinIRAK cipales villes et provinces du pays. Si les déserteurs en forment le noyau dur, des civils armés – pour la plupart des militaiPrincipaux foyers res à la retraite ou d’anciens conscrits – Deraa ISRAËL de la dissidence constitueraient le gros des troupes. Et, militaire chaque semaine, de nouveaux éléments JORDANIE 100 km viennent en grossir les rangs. SYRIE
Asaad contre Assad
36
«
22
N
10 000
p
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Eu
Damas
JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient elle n’est ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Qui estelle, cette dame en rouge? Et qu’attend-elle ? Du 19 juillet au 13 octobre, des milliers de passants se sont interrogés. Parfois des agents en uniforme se sont inquiétés. Mais la performance artistique, autorisée officiellement, n’avait rien de subversif. Elle rejouait la geste immobile de celle que l’on avait surnommée «Yaqut », « rubis » en persan. Une page Facebook, « Lady in Red Reperformance », proposait de ranimer cette histoire, belle et mélancolique comme une poésie persane. Pendant près de trois mois, 70 Iraniennes se sont parées de rouge pour venir se poster là où, pendant plus de vingt ans, une mystérieuse femme, toujours vêtue de rouge, venait attendre de l’aube au crépuscule, jusqu’au soir de sa vie, en 1983. « Les gens disent que vous attendez quelqu’un », lui avait dit un journaliste, en 1976. « C’est un mensonge », avait-elle répondu. ● DR
La mission initiale de l’ASL était de ne riposter qu’en état de légitime défense et de protéger les manifestants en visant les éléments des forces de sécurité qui ne portent pas l’uniforme. De Homs, épicentre de la contestation dans l’Ouest, où est affecté le bataillon Khaled Ibn al-Walid, à Deir ez-Zor dans l’Est, de Deraa dans le Sud à Idlib dans le Nord, des unités s’opposent par les armes à la répression aveugle des forces loyalistes. Mais face à l’écrasante supériorité numérique et matérielle des troupes d’Assad – les insurgés ne disposent que de fusils d’assaut et de lance-roquettes RPG –, l’ASL a décidé de s’engager dans une stratégie plus offensive : « Sans la guerre, il [Bachar al-Assad] ne tombera pas », déclarait le colonel Asaad, le 7 octobre, à l’agence Reuters. GUÉRILLA. L’ASL recourt désormais à des opérations de guérilla pour harceler les forces de sécurité sur les voies de communication, à l’exemple de l’embuscade du 19 octobre, à Joussiyé, et cherche à renforcer ses moyens. Dans un article publié le 9 octobre par le quotidien Asharq al-Awsat, le colonel Asaad a déclaré qu’il était en train de réunir un arsenal plus important provenant exclusivement de Syrie : des relais au sein de l’armée régulière fourniraient clandestinement l’ASL. Mais le grand projet du colonel dissident est de se constituer un sanctuaire, un Benghazi syrien, à proximité de la
Les rebelles demandent aux Nations unies l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. frontière turque, pour regrouper ses forces et les lancer à l’assaut des troupes du régime. Selon lui, une telle zone protégée favoriserait la défection d’unités entières, la dislocation des forces de sécurité et l’effondrement du régime. À cette fin, il demande l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne par le Conseil de sécurité de l’ONU, tout en rejetant fermement une intervention armée étrangère. Mais après les veto chinois et russe à la proposition de résolution n’imposant que des sanctions au régime syrien, une telle perspective semble pour le moment difficilement envisageable… ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
IRAN LADIES IN RED Comme une rose du soir dans le tohubohu de la place Ferdewsi, àTéhéran, elle attend, immobile, tous les soirs, entre 18 heures et 19 heures, vêtue de rouge de pied en cap. Et chaque jour,
TURQUIE-IRAK OPÉRATION ANTI-PKK Après la mort, le 18 octobre, de 24 militaires turcs tués par des rebelles kurdes du PKK venus d’Irak, lors de l’attaque simultanée de huit postes-frontières, Necdet Özel, le chef d’état-major, a dressé le bilan de l’offensive lancée contre l’organisation séparatiste à la mi-août. L’armée turque, qui bombarde des camps rebelles en Irak du Nord, où ses soldats font des incursions, aurait éliminé 270 guérilleros et en aurait blessé 210 autres. Depuis l’été, attentats et embuscades se multiplient dans
le sud-est de laTurquie, faisant en moyenne une dizaine de morts par semaine. ISRAËL-PALESTINE CHOSE PROMISE, CHOSE DUE L’Autorité palestinienne (AP) va demander au Quartet de faire pression sur Israël pour que Marwane Barghouti, membre du Fatah, et Ahmed Saadat, secrétaire général du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), fassent partie de la seconde vague de prisonniers libérés en échange de Gilad Shalit. En 2008, Ehoud Olmert, alors Premier ministre, s’était engagé auprès
d’Abbas à faire libérer un certain nombre de détenus réclamés par l’AP, en cas d’accord pour la libération de Shalit afin que celui-ci ne tourne pas à l’avantage exclusif du Hamas. ALGÉRIE ENLÈVEMENT À TINDOUF Deux Espagnols et une Italienne, employés par des associations d’aide aux réfugiés sahraouis, ont été enlevés le 23 octobre dans le camp de Rabuni, près deTindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. Le Polisario a nié toute implication et a attribué cet enlèvement à une branche d’Al-Qaïda venant du Mali.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
65
Maghreb Moyen-Orient Nécrologie
GENEVIÈVE CHAUVEL/SYGMA/CORBIS
66
Comment le « Guide » s’est KADDAFI
Aussi mégalomane qu’excentrique, il s’est évertué toute sa vie à se convaincre qu’il était prophète en son pays – et au-delà –, se posant tour à tour en panarabiste, en révolutionnaire internationaliste et en unificateur de l’Afrique. Sa fin atroce met définitivement un terme à l’une des dictatures les plus ubuesques de l’histoire contemporaine.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
CHERIF OUAZANI
P
rophèteautoproclamé venu révéler à l’humanité la troisième théorie universelle, Mouammar Kaddafi est mort supplicié. Son Ponce Pilate ? Un certain Youssef al-Qaradhaoui – gourou égyptien d’Al-Jazira et référence JEUNE AFRIQUE
67
Ý PLONGÉ DANS LA LECTURE, à son domicile tripolitain, le 1er août 1973.
perdu majeure des Frères musulmans, principale force politico-religieuse à laquelle sont promis les fruits du Printemps arabe – qui avait appelé à son meurtre. Toute sa vie, le « Guide » de la Jamahiriya s’est évertué à se convaincre qu’il était prophète en son pays, rappelant à l’envi à son auditoire qu’il est né pauvre, à l’instar du Christ et JEUNE AFRIQUE
ses compagnons de lycée et de fac à en faire autant. Pour assouvir ses ambitions, il lui faut « ses » officiers libres. Beaucoup d’entre eux le deviendront et connaîtront des sorts contrastés tout au long de ses quarante-deux années de règne. À l’issue d’une formation militaire sommaire, il est bombardé lieutenant, puis capitaine. C’est
du prophète Mohammed, dans le désert des Syrtes. Et si, contrairement à Jésus, il eut un père, il est, se plaisait-il à répéter, fils unique comme le messager de l’islam. Devenu puissant, il n’a pas oublié qu’il est né et qu’il a vécu sa prime enfance sous une tente en peau de Dans le monde arabe, l’arrivée chèvre. Amoureux fou des immenau pouvoir de cet admirateur de sités désertiques, il était allergique à l’idée de frontière. Nourri Nasser est plutôt bien accueillie. de lectures diverses et variées, du Capital à Mein Kampf, en pasdu haut de ce modeste grade qu’il force son destin. Le 1er septembre sant par Machiavel et Rousseau, 1969, il dépose le vieux roi libyen il est fasciné durant son adolescence par le Idriss Ier, alors que le souverain était lyrisme panarabe des en villégiature. Un coup d’État sans Officiers libres, ces la moindre effusion de sang. Il se militaires qui, dix ans rattrapera plus tard… après sa naissance, avaient renversé le ICÔNE. Jeune putschiste révoluroi Farouk en Égypte. tionnaire au verbe haut, le nouvel C’est son admiration homme fort de la Libye, deuxième sans bornes pour producteur de pétrole à l’échelle Gamal Abdel Nasser africaine, ne suscite pas de crainqui fit naître en lui sa tes particulières en Occident. vocation de « Guide » Dans le monde arabe, hormis les des masses incultes. pétromonarchies du golfe AraboNé en 1942 à Abou SEPT Persique qui s’inquiètent d’une 9 Un coup E 1969. RE MBR EMB PTE Hadi, dans la région possible contagion, l’arrivée au d’État sans la moindre effusion de sang. de Syrte, Mouammar pouvoir de cet ersatz de Kaddafi s’illustre par Nasser est plutôt bien Na une scolarité et un parcours univeraccueillie. En quelques ac sitaire chaotiques. Sans être brillant, mois, Kaddafi se rend il est bien noté par ses professeurs, plusieurs fois au Caire, cependant lassés et parfois inquiets quémandant à son de l’activisme débordant de ce idole le statut de daujeune lycéen au discours révoluphin du panarabisme révolutionnaire. Pour tionnaire. Plusieurs fois sanctionné pour sa promptitude à dénoncer son cinquième séjour l’impérialisme anglo-américain cairote, il apporte (il a vécu le bombardement du dans ses bagages canal de Suez, en 1956, comme une copie de la décision de fermeture du un traumatisme personnel) et pour avoir transformé les dortoirs de camp militaire de ir JUIN 1980. Après avo ns, l’école préparatoire de Sebha en Wheelus Field, une no pag com ses éliminé ts. salles de réunions secrètes, il finit base aérienne amériil liquide ses opposan quand même par obtenir, à l’âge caine en Libye. Nasser de 21 ans, une licence en histoire lui concède ce statut en présentant des civilisations. Un diplôme de Kaddafi comme « le garant de la l’enseignement supérieur n’est pas révolution nationaliste arabe ». Le le meilleur sésame pour le poudésormais colonel exulte, même s’il voir. C’est pourquoi il s’engage, pleure à chaudes larmes devant la en 1963, dans l’armée libyenne dépouille du raïs égyptien, décédé et intègre l’académie militaire de quelques semaines plus tard, le Benghazi en incitant fortement 28 septembre 1970. ●●● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Maghreb Moyen-Orient Nécrologie
68
fois de le prendre au téléphone. Quant à Hassan II, il a tenté de manipuler à son profit la naïveté manichéenne du « patron de la Libye ». En vain. Ses pairs arabes ? Kaddafi les assimile à une bande de valets de l’impérialisme qui s’escriment à anéantir ses rêves unionistes.
ASMAA WAGUIH / REUTERS
TERRORISME. Ailleurs, la cote de
rares contradicteurs, éliminant ●●● Kaddafi était révolutioncelui qui émet la moindre réserve. naire, le voilà icône. Sa mégaloUn « Guide » ne s’embarrasse pas manie n’aura d’égale que son d’esprit critique. excentricité. En Comme il constate Co 1973, il emprunte que les habits de qu au Grand Timochef d’État sont trop ch nier sa révolution étroits pour un proét culturelle, puis ses phète, il dissout, en ph purges, en octobre 1975, éliminant 1978, la République, 19 un à un ses comle gouvernement et pagnons d’armes, touteslesinstitutions au prétexte d’un pour créer « sa » complot contreJamahiriya, un acrorévolutionnaire. Il nyme arabe inventé n’épargne que les par lui signifiant plus inoffensifs de « République des ses anciens camara- SEPTEMB masses ». 4 La E 2004. RE MBR des de mess. Sa révo- Jamahiriya est désormais Au plan régional, lution culturelle est la république des siens. la vague de symundétonnantcocktail pathie suscitée par le jeune putschiste est très vite de socialisme bédouin et de charia. Mais comment être prophète sans balayée par les inquiétudes que provoque son côté imprévisible. livre saint ? Il lui faut son œuvre Le Tunisien Habib Bourguiba le révélée. Il verdit Mao, tourne en bourrique AdamSmithet Karl Marx renvoie à ses chères études quand (« les deux Juifs dont les théories se il vient, en 1974, à Tunis, sceller partagent le monde ») et invente la l’union politique entre la Tunisie et la Libye. L’Algérien Houari troisième théorie universelle dont Boumédiène, son rival pour le le champ d’application se limitera à la République arabe libyenne et leadership révolutionnaire, le qui se révélera une sinistre fumisregarde de haut. Conscient de la terie pour asseoir les ambitions situation de sa forte diaspora en messianiques de l’enfant de Syrte. Libye, l’Égyptien Anouar al-Sadate Kaddafi impose son « Livre vert » ménage « le fou de Tripoli », puis, par la terreur, massacrant ses désespérant de lui, refuse plusieurs N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Kaddafi s’était effondrée en quelques mois de pouvoir. Hormis Moscou, son unique fournisseur d’armes, les grandes capitales sont profondément préoccupées par la mégalomanie du personnage. Paris est le premier à en faire les frais. Accueilli en grande pompe en novembre 1973 à l’Élysée par Georges Pompidou, qui a, alors, des propos très élogieux à son endroit,KaddafiremercieraParisen Entre BEN annexant, en 1976, la Bande d’AoALI, SALEH et zou, en territoire tchadien. Ce qui MOUBARAK, équivaut à une véritable déclaration le 10 octobre de guerre, le Tchad faisant partie 2010, à Syrte. intégrante du pré carré de la France en Afrique. Washington s’était très vite fait une idée de l’homme fort de Tripoli. Et n’est guère surpris quand le lyrisme révolutionnaire de Kaddafi se transforme en soutien au terrorisme international et aux causes les plus douteuses. Le Vénézuélien Carlos, le Palestinien Abou Nidal et d’autres parias sont choyés par Kaddafi, qui franchit le Rubicon en optant lui-même pour le terrorisme au milieu des années 1980, devenant l’un des ennemis jurés de l’Occident. En représailles à l’attentat qui cible, en avril 1986, une discothèque de Berlinfréquentéepardes élu Æ FÉVRIER 2009. Il est GI’s, le président Ronald de par ses pairs à la tête Reagan envoie des F16 . l’Union africaine bombarder le QG tribo politain du « Guide », le po bunker de Bab el-Azibu ziya. Le coup de maszi sue – Kaddafi déplore la su perte d’une fille adoppe tive – ne tempère pas ti ses ardeurs terroristes. se À quelques mois d’intervalle, deux avions de ligne, l’un américain, l’autre français, explosent en plein vol. JEUNE AFRIQUE
Comment Kaddafi s’est perdu
69
(OU PRESQUE) SASSOU DIT TOUT CONGO-BR AZZA
Un doigt accusateur est pointé sur Tripoli, mais son prophète n’en a cure. Des sanctions financières et commerciales isolent la Libye. Cet embargo et le dépit amoureux avec les Arabes après ses tentatives d’union avortées conduisent Kaddafi à se tourner vers le sud. Le prophète redécouvre son atavisme de fils du désert et ses rêves de Grand Sahara, un État qui s’étendrait du fleuve Sénégal à l’Euphrate et dont la formation aurait été historiquement contrariée par l’épisode colonial. L’Afrique lui rend bien ses nouvelles inclinations continentales en violant allègrement l’embargo. Sous son impulsion, l’ambition panafricaine est dévoyée en concept fumeux d’États-Unis d’Afrique, qu’il formule en 1999.
e
HEBDOMADAIRE INTERNATION
ANNÉE • N° 2616•du
27 février au 5 mars 2011
www.jeuneafrique.com
TUNISIE SUR LA PISTE DU CLAN BEN ALI
BÉNIN BONI YAYI PEUT-IL PERDRE ?
CÔTE D’IVOIRE AU CŒUR D’ABOBO
Kaddafou
MOYEN-ORIEN T 4€ Danemark 35 DKK • DOM ALE ET MAGHREB & • Canada 5,95 $ CAN • ÉDITION INTERNATION 4,50 € • Belgique 3,50 € • Pays-Bas 4 € 1100 MRO • Norvège 41 NK Allemagne 4,50 € • Autriche
170 DA • 23 DH • Mauritanie 1950-1285 France 3,50 € • Algérie 4,50 € • Italie 4 € • Maroc Zone CFA 1700 F CFA • ISSN Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Espagne 4 € • Éthiopie 65 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 Portugal cont. 4 € • RD Congo
25/02/11 12:00:45
Æ Les corps de KADDAFI (au centre), de son fils MOATASSIM (à dr.) et d’ABOU BAKR YOUNÈS, exposés dans une chambre froide, à Misrata, le 24 octobre.
uniformeavecunpin’sreprésentant Omarel-Mokhtar,hérosdelaguerre de libération libyenne. En 2009, il se rend aux Nations unies où, lors d’un discours devant l’Assemblée générale, il déchire et jette la charte de l’ONU, qualifiant le Conseil de sécurité d’illégal et accusant ses membres de déclencher la plupart des guerres pour préserver leurs intérêts. Face à l’insurrection – déclenchée en février 2011 dans la foulée de la révolution tunisienne – qui a fini par l’emporter, Mouammar Kaddafi a eu une dernière vision. Il a annoncé sa volonté de traquer ses opposant « zenga zenga, dar dar » (ruelle par ruelle, maison par maison). Sans le savoir, il venait de décrire sa propre traque. Celle qui mènera ses bourreaux jusqu’à ce trou dont il sera extirpé, le 20 octobre, avant de subir un lynchage en règle. Une mort atroce pour le prophète qu’il avait rêvé d’être et qu’il ne fut jamais. ●
REUTERS
VOLTE-FACE. Les attaques du 11 septembre 2001, puis, quelques années plus tard, les images du supplice de Saddam Hussein traumatisent un Kaddafi qui ne veut
AL INDÉPENDANT • 51
plus revivre la nuit du 15 avril 1986 à Bab el-Aziziya. Il renonce à son programme nucléaire militaire et tente de se racheter une conduite en balançant ses fournisseurs ur libyen pakistanais et nordPourquoi et comment le dictate peuple. en est venu à massacrer son coréens. Il va même jusqu’à offrir ses services de supplétif dans la FÉVRIER 2011. « guerre mondiale contre Le début de la fin. le terrorisme » chère à George W. Bush. Fort de sa nouvelle respectabilité, il promène son arrogance dans les principales capitales européennes: il dresse sa tente dans les jardins de l’hôtel de Marigny, résidence officielle des hôtes de l’État français, contre quelques juteux contrats, parade à Rome, ancienne puissance coloniale, en
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
70
Europe, Amériques, Asie
DE MADRID À HONG KONG…
Une onde
d’indi
Ils affirment représenter l’immense majorité de la population victime des excès du capitalisme financier. Partout, ils manifestent ou campent dans les quartiers d’affaires. Parti d’Espagne, leur mouvement gagne peu à peu l’ensemble du monde occidental. Où vont les jeunes Indignés ?
JUSTINE SPIEGEL
«
C
equisepasseaujourd’hui en Grèce, c’est le cauchemar qui attend d’autres pays. La solidarité, c’est l’arme des peuples. » Démocratieréelleestl’un des nombreux groupes qui appellent à manifester sur la place Syntagma, à Athènes. Sous l’impulsion du Mouvement des 700 – ainsi baptisé en référence ausalairemensuelminimum:700euros–,lepaysest depuis plusieurs semaines le théâtre de grèves et de manifestations ponctuées de flambées de violence. À cause du plan d’austérité que le gouvernement a été contraint de mettre en œuvre d’urgence sous la pression de ses créanciers – l’Union européenne et le FMI –, afin d’échapper à la faillite. Ultime coup de massue, le Parlement a voté le 20 octobre une nouvelle loi imposant 6,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Les Grecs n’en peuvent plus de se serrer la ceinture, mais ils ne sont pas les seuls. Dans tout le N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
monde occidental, les Indignés – qui ont repris à leur compte la désormais célèbre exhortation de l’essayiste français Stéphane Hessel (lire p. 72) – se multiplient à la vitesse grand V : des dizaines de milliers de manifestants expriment dans la rue leur crainte d’un « no future ». Membres des classes moyennes en voie de paupérisation, fonctionnaires, jeunes chômeurs ou diplômés sans emploi, ils sont nombreux à se reconnaître dans leur combat. MYTHE FONDATEUR. Madrid, Athènes, New York,
Classes moyennes en voie de paupérisation, fonctionnaires, jeunes chômeurs, diplômés sans emploi…
Bruxelles, Rome et beaucoup d’autres… Toutes les capitales occidentales ont vu naître depuis cinq mois des mouvements de protestation inspirés du Printemps arabe. Ces derniers sont d’autant plus surprenants qu’ils ne se reconnaissent pas dans les organisations politiques ou syndicales traditionnelles. « Il s’agit d’une nouvelle forme d’action politique qui invente ses propres modalités, à savoir les rassemblements, analyse Albert Ogien, directeur du Centre d’études des mouvements sociaux et coauteur de Pourquoi désobéir en démocratie ?. Tous les mouvements d’Indignés s’inspirent de la révolution tunisienne, c’est leur mythe fondateur. Ils ont été frappés par la puissance d’un peuple qui se rassemble et parvient à destituer ses gouvernants. » Née le 15 mai sur la Puerta del Sol, à Madrid, la mobilisation a fait tache d’huile durant l’été en Europe, aux États-Unis et jusqu’en Asie – quoique à plus petite échelle. Le 15 octobre, à l’appel de JEUNE AFRIQUE
gnation United for the Global Change, une grande journée de rassemblements et de manifestations a eu lieu dans le monde entier. Aucun syndicat, aucun parti n’en était à l’origine. Selon le site 15october.net, qui recense les initiatives en cours, 82 pays et plus de 1 000 villes sont désormais concernés. Même les États-Unis sont entrés dans la danse avec Occupy Wall Street, un campement d’Indignés locaux qui, le 17 septembre, s’est installé à Zuccotti Park, rebaptisé « Liberty Plaza », à un jet de pierre du New York Stock Exchange (lire pp. 72-73). La France de Stéphane Hessel s’indigne en revanche très timidement. « La situation des jeunes sur le marché de l’emploi est peut-être moins tendue qu’en Italie, en Grèce, en Espagne ou au Portugal, explique Albert Ogien. Dans ces pays, ils sont sans doute plus nombreux à souffrir collectivement, alors qu’en France les intérêts de la jeunesse des banlieues et de celle des centresville ne sont pas nécessairement liés. »
CUPIDITÉ ET CYNISME. Dépourvus de leaders mais très actifs sur les réseaux sociaux, les Indignés sont aussi très hétéroclites. Tous les mouvements contestataires connus en Occident depuis des décennies – altermondialistes, antinucléaires, anarchistes, mouvances de gauche plus ou moins extrême – participent au mouvement, dont la figure emblématique reste cependant celle du jeune diplômé incapable de trouver sa place sur un marché de l’emploi saturé. Alors, les Indignés installent des campements de fortune JEUNE AFRIQUE
Le 15 octobre, les Indignés ont lancé des initiatives dans
82 pays et plus de
1 villes 000 à travers le monde
DAVID HOFFMAN/EYEVINE/BUREAU 233
71
DEVANT LA CATHÉDRALE SAINT PAUL, près du London Stock Exchange, le 24 octobre.
dans les quartiers d’affaires : Wall Street, on l’a vu, mais aussi les abords de la Banque centrale européenne à Francfort, la City à Londres, le square Victoria à Montréal… Leurs revendications couvrent un champ immense, mais sont très peu concrètes. Dans une certaine mesure, c’est délibéré. Il s’agit de ne pas diviser le mouvement et de rassembler toujours plus largement. Mais tous sont au diapason pour s’insurger contre les excès du capitalisme financier. Leur cible préférée ? Les banques, bien sûr, vouées aux gémonies pour leur « cupidité », leur « cynisme », leur « pouvoir corrosif » sur la démocratie. Ils estiment représenter « 99 % de la population » et dénoncent le 1 % restant, jugé responsable de la crise économique. Quant aux pouvoirs en place… « Vous ne nous représentez plus ! » lancent les manifestants à l’adresse des hommes politiques. Le mouvement n’a pour l’instant aucune traduction politique concrète, mais il contribue à affaiblir la crédibilité des dirigeants. Même la Chine et la Russie s’en inquiètent ! Le mouvement est à la mode et les soutiens ne lui font pas défaut. Aux États-Unis, plusieurs centaines d’écrivains (Russell Banks, Margaret Atwood, Dorothy Allison…) ont signé une pétition sur internet intitulée Occupy Writers. Des célébrités n’hésitent pas à passer quelques heures avec les Indignés new-yorkais. Parmi elles, le révérend Jesse Jackson, le rappeur Kanye West ou les acteurs Alec Baldwin et Susan Sarandon. Ahmed Mahrer, l’un des leaders de la révolution égyptienne, est même N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Europe, Amériques, Asie venu à Zuccotti Park pour prodiguer quelques conseils aux manifestants et les conforter dans leur choix de la non-violence. De l’autre côté de l’Atlantique, même Herman Van Rompuy et José ManuelBarroso,leprésidentdel’Unioneuropéenne et celui de la Commission européenne, affirment comprendre la colère des Indignés. Mais comment faire aboutir leur action sans le relais des partis traditionnels ? À terme, c’est la grande question. Mais dans l’immédiat, le mouvement devrait se poursuivre. « Selon les experts, il est probable qu’il n’y aura pas de travail avant plusieurs années, estime Ogien. Plus il y aura de désespérés, plus le mouvement grandira. » ●
États-Unis « We are the 99 % »
54 %
des Américains favorables à Occupy Wall Street
Trois cents irréductibles campent depuis plus d’un mois près de la Bourse de New York. Le nom de leur mouvement est tout un programme : Occupy Wall Street.
QUESTIONS À | Stéphane Hessel VINCENT FOURNIER/J.A.
72
Ancien résistant, ancien diplomate et auteur de Indignez-vous ! (plus de trois millions d’exemplaires vendus en un an).
« Ils ne veulent être inféodés à personne » JEUNE AFRIQUE : Pourquoi le mouvement ne décolle-t-il pas en France ? STÉPHANE HESSEL: Nous sommes dans une phase particulière. Le président n’est plus très populaire et la gauche se développe.Tout cela, c’est de l’indignation! Bien sûr, il n’y a pas la même nervosité qu’en Espagne, par exemple, mais on est davantage dans une réflexion. C’est pour cela que je ne regrette pas que les gens ne descendent pas dans les rues avec des drapeaux. Comment expliquez-vous le succès de votre pamphlet ? Je ne m’y attendais absolument pas. Cela prouve que les valeurs défendues au fil de ses trente pages ne sont pas suffisamment portées par les dirigeants actuels et légitiment donc un nouvel engagement. Je ne pensais pas que mon livre dépasserait les frontières de l’Hexagone, car j’imaginais qu’il ne s’adressait qu’aux Français. Mais il a été publié à un moment où notre société globale, traversée de courants violents comme la dérégulation financière, se trouve remise en question. La manière dont nous sommes dirigés depuis une dizaine d’années ne répond pas aux aspirations du plus grand nombre. Sans voix unique ni objectifs précis, le mouvement peut-il être pris au sérieux ? Il faut être prudent car les mouvements actuels, comme en Égypte, en Tunisie ou en Espagne, ne se veulent pas a priori inféodés à un nouveau dirigeant ou à un seul parti. Les jeunes expriment un besoin de démocratie participative. Il ne faut pas leur imposer une structure, mais essayer de leur suggérer, en prenant en compte leurs moyens de communication, une volonté commune de transformation des instances politiques. L’ambition est grande, donc risquée, mais s’il se poursuit, le mouvement pourrait aboutir. ● Propos recueillis par J.S. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
I
ls sont un peu les Mohamed Bouazizi de l’Amérique. Qui auraient choisi de se mobiliser plutôt que de s’immoler par le feu. Les quelque trois cents participants du mouvement Occupy Wall Street qui campent dans le minuscule square Zuccotti, à un jet de pierre du New York Stock Exchange et de Ground Zero, sont les perdants d’une société américaine en pleine crise. Jeunes chômeurs ou étudiants sans avenir, plombés par des frais universitaires exorbitants, ils viennent majoritairement des classes moyennes. À leurs côtés, on trouve aussi
Du démantèlement de la Fed à l’indépendance de Porto Rico : un bricà-brac idéologique des SDF, des anarchistes, des militants d’on ne sait quelle cause perdue… Le mouvement vient d’entrer dans son deuxième mois et a essaimé dans plusieurs dizaines de villes. Idéologiquement et ethniquement, il est d’une grande hétérogénéité. « Nous sommes la multitude », proclame une pancarte. L’ambiance reste au beau fixe malgré les conditions de vie difficiles – sacs de couchage à même le sol, odeurs nauséabondes –, les intempéries et les rixes qui émaillent les nuits. Mais que veulent ces irréductibles ? Jeune éducateur social noir originaire de Boston, Terry Malone vient d’être licencié. « Je suis en colère, les banques tiennent ce pays », s’insurge-t-il. Il n’a manifestement pas digéré les 4 millions de dollars offerts récemment par la banque Morgan Chase à la police de New York… Idem pour Frances, jeune actrice de Philadelphie qui tient la bibliothèque JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie du camp, où Antonio Gramsci, le fondateur du PC italien, voisine avec J.K. Galbraith, l’économiste keynésien de gauche. Sa cible à elle aussi: les traders de Wall Street. L’un et l’autre font partie des 99 % d’Américains touchés par la crise, en guerre contre le 1 % restant, les riches, les privilégiés de la vie. « We are the 99 % » est d’ailleurs devenu le slogan d’un mouvement qui n’a ni leaders, ni durée définie, ni objectifs précis. La lutte contre les contrôles au faciès pratiqués par la police new-yorkaise, le démantèlement de la Réserve fédérale,
l’indépendance de Porto Rico… Un vrai bric-à-brac. Malgré deux assemblées générales par jour, le message reste flou, ce qui ne facilite pas sa prise en compte par la classe politique.
en annonçant son intention de consacrer la fin de son mandat à la relance de l’emploi – avec un plan à 447 milliards de dollars – et à la réduction des inégalités, mais cela suffira-t-il ? Selon un sondage, 54 % des Américains ont une opinion favorable d’Occupy Wall Street. S’il n’est pas évacué rapidement, le campement new-yorkais devrait tenir jusqu’aux grands froids. Le temps de formuler des revendications réalistes ? Comme le dit un manifestant : « Nous nous battons contre des géants. » ●
HARO SUR LE « SYSTÈME ». Les démo-
crates, notamment, redoutent l’émergence d’une sorte de Tea Party de gauche. Il est vrai qu’en dépit de leurs différences leur commune opposition au « système » rapproche les deux mouvements. Barack Obama a bien tenté d’afficher sa sympathie et de capitaliser sur le mouvement
JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York
MARIO LAPORTA/AFP
Ý POLICIERS ANTIÉMEUTES devant un véhicule des forces de l’ordre incendié dans la capitale, le 15 octobre.
Italie Quand ça dérape… Le 15 octobre, des manifestants pacifiques ont été débordés par des groupes anarchistes très bien organisés qui ont mis Rome à feu et à sang.
P
récaires, étudiants, cinquantenaires frappés de plein fouet par la crise, fils de bonne famille… on trouve de tout parmi les Black Blocs qui, le 15 octobre, se sont invités dans le cortège des Indignés. Pour mettre Rome à feu et à sang. Contrairement à leurs hôtes involontaires – dont, en l’absence de leaders, les JEUNE AFRIQUE
actions partent dans tous les sens –, les Black Blocs sont très organisés. Certains s’entraînent dans le val de Suse, au-dessus de Turin, et s’immiscent à l’occasion dans les manifestations organisées par les opposants à la construction d’une ligne de TGV. D’autres à Athènes, auprès de cellules anarchistes locales. « Les groupes italiens et grecs entretiennent des liens étroits et s’inspirent des thèses de l’anarchiste Alfredo Maria Bonanno. Ils tentent aujourd’hui de profiter de la colère et du désespoir de leurs compatriotes », analyse Dimitri Michudis, spécialiste de la mouvance anarchiste. Plusieurs tendances cohabitent au sein de ce mouvement très radical. Toutes
ne prônent pas la violence à l’état pur. C’est le cas d’Acrobax, un centre social autogéré qui multiplie les occupations de ces symboles du capitalisme que sont les supermarchés, les hôtels de luxe ou les banques. « Nous ne sommes pas des Black Blocs, mais des garçons et des filles en colère et indépendants », expliquent ses responsables sur leur site internet. Reste que certains manifestants du 15 octobre jurent avoir vu des membres d’Acrobax jeter des pavés sur les carabiniers… MANIPULATION. « Ce n’est qu’un début.
Nous continuerons à nous battre et nous serons toujours mieux organisés et plus nombreux », promet l’un de ses membres. Plusieurs fois par semaine, il rencontre ses compagnons dans la périphérie de Rome, dans un lieu surveillé de près par la police. « Tout le monde savait que la manifestation des Indignés risquait de dégénérer, s’insurge l’étudiant en sociologie Paolo Fusco. En évitant d’intervenir préventivement pour neutraliser les groupes violents, le pouvoir a manipulé la protestation. Et les revendications des pacifistes, qui réclament des changements politiques, économiques et sociaux, sont passées à la trappe. » De fait, depuis le 15 octobre, les arrestations se multiplient dans les milieux anarchistes. Et l’on parle beaucoup des lois spéciales que le ministère de l’Intérieur envisage de faire adopter. Dans ce tumulte, la voix des Indignés a le plus grand mal à se faire entendre. ● ALEXANDRA BAKCHINE, à Rome N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
73
Europe, Amériques, Asie
ANTOINE SIMONNEAU
74
COLOMBIE
Irréductibles Africains Ils venaient de Guinée-Bissau, du Congo, du Sénégal ou du Nigeria. Esclaves en fuite, ils créèrent en 1603 au cœur de la forêt amazonienne le village de Palenque de San Basilio. Quatre siècles plus tard, leurs descendants n’ont rien renié de leurs origines.
D
ans la touffeur d’un aprèsmidi tropical, les pieds des enfants martèlent le sol poussiéreux jonché de cailloux. Leurs mouvements saccadés marquent le rythme inépuisable du tambour. Ils ont à peine 10 ans et, comme de bons petits soldats, connaissent déjà leurs chorégraphies sur le bout des… orteils. À Palenque de San Basilio, la danse est un combat. Une lutte quotidienne pour la survie d’une culture qui a bien failli disparaître : celle des anciens esclaves africains de Colombie. Dans tout le pays, Palenque de San Basilio est considéré comme un village d’irréductibles, symbole de résistance et de liberté. Au pied des montagnes, à une heure de la côte caraïbe, ce village de 3 500 habitants fondé en 1603 par trente-sept esclaves occupe une place à N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
part dans le cœur, l’histoire et les revendications des Africains-Colombiens. Originaires de Guinée-Bissau, du Congo, du Sénégal ou du Nigeria, ces pionniers ont fondé le premier palenque (village fortifié habité par des esclaves en fuite) de l’histoire latino-américaine. HÉRITAGE. Pendant quatre siècles, les
Palenqueros ont vécu coupés du monde. Une autarcie salvatrice, puisque leur héritage africain est aujourd’hui presque intact. Mélange d’espagnol, de portugais, d’allemand et de langues bantoues comme le kimbundu et le kikongo, la langue palenquera en est le meilleur témoignage. Si, jusqu’au milieu du XXe siècle, le village a su se préserver du monde extérieur, la nécessité de nourrir leurs familles a par la suite poussé les Palenqueros à
LES PALENQUEROS PARLENT un mélange d’espagnol, de portugais, d’allemand et de plusieurs langues bantoues.
migrer vers les villes et villages alentour. Ils se sont alors heurtés au racisme et aux moqueries des Colombiens. Sur le seuil de sa maison au toit de palmes, dans son fauteuil à bascule, Concepción Hernández se souvient : « Ils se moquaient de notre façon de parler. Ils disaient que les nègres commenousn’étaientmêmepascapables de travailler dans leurs champs. » Humiliés, les émigrants cultivent alors un sentiment de honte et de rejet de leur propre culture. « Lorsqu’ils sont rentrés au village, les parents ont dit à leurs enfants qu’il ne fallait plus parler palenquero, mais espagnol », raconte Solbay Cáceres. Ironie de l’histoire, cette objurgation était énoncée en… palenquero. Brutalement, la langue maternelle a donc cédé la place à l’espagnol. Dans les années 1980, un tiers des habitants seulement, les plus anciens, s’obstinaient à la parler. Pourtant, une discrète révolution va bientôt s’amorcer. Une poignée de villageois finissent par être admis dans les grandes universités colombiennes. Une élite intellectuelle et militante, influencée par le mouvement des droits civiques aux États-Unis, qui découvre l’anthropologie, JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie Sans appui extérieur, les villageois la sociologie et surtout la linguistique. Les se mobilisent pour faire reconnaître jeunes Palenqueros prennent conscience l’authenticité de leur culture et dépode la lente disparition de leur culture. Le renouveau de la langue sera leur premier sent un dossier de candidature auprès cheval de bataille. Ils organisent une de l’Unesco. En 2008, leurs efforts sont vaste opération de collecte d’informarécompensés : Palenque de San Basilio tions, et un dictionnaire palenquero voit est inscrit au patrimoine immatériel de le jour. Dix ans plus tard, les premiers l’humanité. Leur musique, leur danse et leur gastronomie font l’objet de programcours d’ethno-éducation se mettent en place. Avec une obsession : la sauvegarde de l’identité Depuis 2008, le village est inscrit palenquera. « Il faut prépar l’Unesco au patrimoine parer les jeunes qui vont quitter le village à ne pas immatériel de l’humanité. devenir les ennemis de leur propre culture », explique Manuel. mes de préservation et de valorisation. Dans l’école du village, on enseigne les Pour les Palenqueros, c’est une victoire traditions palenqueras, on fait appel à la fois culturelle et politique. aux témoignages des plus anciens, et, surtout, on apporte une autre vision de AUTONOMIE. Désormais fiers de leurs l’histoire colombienne : « Il faut parler racines africaines, les Palenqueros n’ende ce que les Noirs ont apporté à ce pays, tendent pas s’arrêter en si bon chemin soutient le Pr Rodrigo Miranda. Parler et s’efforcent d’obtenir leur autonomie de Simón Bolívar ? Oui, bien sûr, mais administrative et politique. Depuis 1993, aussi de Benkos Biohó [le fondateur de la législation colombienne reconnaît des Palenque de San Basilio]. » droits spécifiques aux communautés
Abonnez-v Abonn ez-vous ez-vo ez-v us !
Abonnez-v Abonn ez-vous ! ez-v
Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !
Abon Ab Abonnez-vous onne on nezne z-vo zvous vo us !
nou nouvelle uvellle e fo formule orm mule
Découvrez la nouvelle formule de Jeune Afrique q à partir artir de nouve nou velle vel ve le fo formul mule mul e
39€ seulement
nouvel nou velle le formule forrmul fo mule no ouvelle formunouvelle le vel
*
nouvel nou ve le fo forrmul mule e
Abonnez-v Abonn ez-v us ! ez-vo
AAbonnez-vous Ab bonne nnez n eous z-v vous ! Abonne Abo nnez-v z-vous z-v !
Abonnez-v Abonn ez-vo ez-v ous !
Abonnez-vous ! Abon Ab onne on nezne z-vo zvous vo us ! Abonnez-v Abonn ez-vo ez-v ous !
3 mois
6 mois
1 an
Zone
(22 N° + 2 N° doubles)
(44 N° + 4 N° doubles + 3 hors-série)
2 ans
(11 N° + 1 N° double)
France métropolitaine* Europe Maghreb / CFA USA / Canada Reste du monde
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
Formule
Abonnez-v Abonn ez-vous ez-vo ez-v us !
Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !
JE CHOISIS MA FORMULE
Je coche l’abonnement de mon choix. Pour les offres 1 an et 2 ans, je recevrai chaque année les trois hors-série à paraître : L’état de l’Afrique, Les 200 premières banques africaines et Les 500 premières entreprises africaines.
Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !
39 € 49 € 55 € 59 € 65 €
CRÉDIT PHOTO
nouve nou velle vel ve le fo forrmul mule
✓ ❒ Oui, je souhaite m’abonner à Jeune Afrique
69 € 89 € 99 € 109 € 119 €
135 € 159 € 179 € 209 € 229 €
(88 N° + 8 N° doubles + 6 hors-série)
235 € 295 € 335 € 389 € 439 €
J’INDIQUE MES COORDONNÉES
JE JOINS MON RÈGLEMENT PAR
❒ Mme ❒ Mlle ❒ M.
❒ Chèque bancaire à l’ordre de SIFIJA
Nom
❒ Carte bancaire n°
Prénom
❒ Visa
❒ Mastercard
❒ Amex
Société
Date de validité
Adresse
Notez les 3 derniers chiffres au dos de votre carte, près de la signature
Code postal Pays
❒ Je souhaite recevoir une facture acquittée.
Ville Tél.
Email COM&COM - Groupe Jeune Afrique 20, Avenue Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson - France
DNF 2011
nouve nou velle ve le fo formul mule
MARIE BOLINCHES et ANTOINE SIMONNEAU, à Palenque de San Basilio
BULLETIN D’ABONNEMENT
nouve nou nouvelle velle ve le formule fo mul for mule
L’Afrique change, Jeune Afrique aussi. Ab bonnez-v vous vous s!
d’afro-descendants. En 2008, Palenque de San Basilio a déposé une demande auprès de l’État pour devenir propriétaire des 7 300 ha que compte le village, afin d’obtenir une autonomie équivalente à celle dont bénéficient les communautés indigènes. « Ils sont notre modèle. Nous sommes en contact permanent avec eux », révèle l’anthropologue Jesús Palomino. Un modèle, Palenque de San Basilio l’est devenu pour l’ensemble des communautés afro du pays. « Avant notre combat, il n’y avait aucune politique publique pour les Africains-Colombiens, rappelle Palomino. Aujourd’hui, on aide les autres communautés, on partage avec eux notre savoir-faire en termes de préservation du patrimoine et on assure un soutien juridique. » Palenque de San Basilio continue donc de construire sa légende, au rythme des combats quotidiens. Comme une danse sans cesse recommencée. ●
✂
nou no ouvellle le fo fn oorrmule m uelle lle ee formule nou nouvelle no uvul ffo orm mule l
75
Date et signature :
+33 1 40 94 22 22 Indiquez le code DNF2011
jeuneafrique@cometcom.fr Indiquez le code DNF2011
* Tarif France métropolitaine. Offres valables jusqu’au 31/12/2011. Conformément à la loi informatique et liberté (art.34) vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant auprès du Groupe Jeune Afrique.
76
Ý ADOLESCENTES SUR LA PLAGE de Coney Island, à New York.
BERND JONKMANNS/LAIF-REA
woman et d’un col-bleu, qui gagne forcément moins bien sa vie, sont voués à l’échec dans plus de la moitié des cas. Quant aux Noirs qui ont réussi, ils adoptent l’attitude inverse. Face à l’abondance de l’offre féminine, ils reconnaissent avoir l’embarras du choix entre Noires, Blanches, Hispaniques ou Asiatiques… et ne pas être pressés de s’engager ! TRAHISON. « Les Africaines-Américaines
ÉTATS-UNIS
Pas de mariage blanc
Pourquoi les Africaines-Américaines rechignent-elles à convoler hors de leur communauté, au risque de rester éternellement célibataires ?
«
À
ce stade de ma vie, je pensais que je serais mariée et que j’aurais des enfants », confie Audrey,39ans.CetteAfricaine-Américaine avenante, diplômée et sexy, vit seule à Washington et s’y résigne tristement. « Audrey fait partie du groupe de célibataires le plus nombreux aux États-Unis : les femmes noires », explique Ralph Richard Banks, professeur à la Stanford Law School (Californie) et auteur d’un livre au titre provocateur : Is Marriage for White People?* (« Le mariage est-il réservé aux Blancs ? ») Après une enquête à travers tout le pays, Banks – qui est lui-même noir – attribue le fort taux de célibat (près de 70 %) des Africaines-Américaines à leur rejet
des mariages mixtes et à « une pénurie d’hommes noirs sur le marché ». Pénurie due, en partie, au nombre effarant des incarcérations : sur plus de 2 millions de prisonniers aux États-Unis, quelque 40 % sont des Noirs. Autre facteur aggravant : des différences socioprofessionnelles trop marquées au sein de la communauté. Près de 1,4 million de jeunes AfricainesAméricaines font des études universitaires (niveau licence), contre 900 000 garçons, et elles sont deux fois plus nombreuses que ces derniers à obtenir leur diplôme. En 2008, elles étaient 125 000 à continuer leurs études au-delà de la licence, contre 58 000 garçons. Pourtant, ces diplômées acceptent volontiers d’épouser des non-diplômés. Mais les couples formés d’une executive
franchissentlesbarrièressociales,maispas les barrières raciales : seule 1 femme sur 20 opte pour un mariage mixte », souligne Banks, pour qui ce refus a une raison très politique: « Elles veulent se montrer solidaires des hommes de leur communauté. Pourbeaucoupd’entreelles,mariagemixte rime avec trahison. » Certaines invoquent desargumentsenapparence futiles(«C’est facile de sortir avec un Noir, car il sait que je ne me lave pas les cheveux tous les jours, que je dois porter un foulard la nuit ») – preuve, selon Banks, qu’elles n’ont pas le courage de se lancer dans une kyrielle d’explications avec des néophytes. Enfin, certaines reconnaissent vouloir des bébés noirs. Comme Cecelia, qui craint, en se mariant avec un Blanc, de mettre au monde un enfant qui ne passerait pas pour le sien. « Elle aurait peur qu’on la prenne pour la nounou », suggère Banks. Parce qu’il affiche une grande complicité et élève ses deux filles à deux, le couple Obama fait d’autant plus rêver… ● JOSÉPHINE DEDET
* Is Marriage for White People? How the African American Marriage Decline Affects Everyone, de Ralph Richard Banks, Dutton Books 2011, 289 pages, 19 euros.
Europe, Amériques, Asie BIRMANIE
Brise de printemps sur Rangoon Contre toute attente, le président Thein Sein – un ancien général – a entrepris de libéraliser le régime militaire en place depuis 1962. Est-ce un nouveau Mikhaïl Gorbatchev ?
Mais les mesures gouvernementales ne s’arrêtent pas là. Grâce à une loi entrée en vigueur fin octobre, les travailleurs ont désormais le droit « de former des organisations syndicales et de faire grève », ce qui leur était interdit depuis un demi-siècle. Sont toutefois exclus quatre secteurs jugés essentiels : la distribution de l’eau et de l’électricité, les télécommunications, les services de santé et ceux d’urgence.
SOE ZEYA TUN/REUTERS
FRUSTRATIONS CHINOISES. Pour cou-
U
n demi-siècle après le coup d’État qui installa les militaires au pouvoir, la Birmanie connaît depuis le printemps un vent de réformes sans précédent. Dans le passé, des insurrections populaires avaient déjà eu lieu, mais elles avaient été réprimées dans le sang, qu’il s’agisse du soulèvement démocratique du « 8888 », le 8 août 1988, ou de la « révolution safran » (la révolte des bonzes), en 2007. Cette fois, contrairement aux révolutions arabes, dont l’impulsion a été donnée par les masses populaires frustrées, c’est du gouvernement que résultent les changements spectaculaires survenus au cours des derniers mois. AMNISTIES. Depuis son arrivée au pou-
voir, en mars, après la dissolution de la junte militaire, l’ancien général Thein Sein a multiplié les gestes politiques forts. Il a d’abord repris le dialogue avec l’opposante Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix 1991, dont l’assignation à résidence a été levée à l’automne 2010 JEUNE AFRIQUE
ronner le tout, Thein Sein a annoncé l’arrêt du projet de construction, violemment critiqué, du barrage de Myitson, financé par les Chinois dans le nord de l’État de Kachin. Une fois achevé, cet ouvrage sur le fleuve Irrawaddy aurait provoqué l’engloutissement sous les eaux d’une région grande comme Singapour, au bénéfice, essentiellement, de la Chine : 90 % de Ý DÉTENUS l’électricité fournie EN INSTANCE lui aurait été destiDE LIBÉRATION née. Mais le chef de dans une prison l’État a-t-il vraiment de la capitale, le 12 octobre. abandonné ce proDeux cents jet de 3,6 milliards prisonniers de dollars au nom politiques du seul « respect de ont à ce jour la volonté du peuété élargis. ple » ? Non, bien sûr. Derrière sa décision populiste se cache la crainte d’une flambée de violence antichinoise comparable à celle qui embrasa Rangoon en 1967. D’autant qu’un tel soulèvement pourrait recevoir le soutien d’une partie de l’armée, qui n’a jamais caché son hostilité à l’égard de la République populaire.
(celle-ci juge « très positive » l’évolution en cours), puis notablement assoupli la censure des médias et d’internet. Mieux, 6 359 détenus, dont 200 prisonniers politiques, ont été amnistiés, puis relâchés, à la mi-octobre. Et à en croire Ko Ko Hlaing, le conseiller politique du président, les libérations devraient se poursuivre : « J’ai le sentiment, dit-il, que le Aung San Suu Kyi, l’opposante gouvernement pourrait historique, juge « très positives » bientôt offrir une amnistie aux derniers prisonniers les évolutions en cours. de conscience. Pourquoi C’est d’ailleurs dans un même but de devraient-ils rester en prison alors que d’autres ont été libérés ? » Ce geste rééquilibrage régional, et afin d’atténuer de bonne volonté est sans doute de sa dépendance envers son puissant voisin, nature à convaincre la communauté que Thein Sein s’est rendu à New Delhi à internationale, qui hésite encore entre la mi-octobre. Enfin, le chef de l’État a réitéré ses appels de paix aux groupes armés enthousiasme et scepticisme, de la qui sévissent dans le nord du pays. sincérité des réformes et à entraîner Aucun doute, donc : un étonnant prola levée des sanctions économiques cessus d’ouverture a bel et bien démarré mises en place dans les années 1990. À ceci près que la Birmanie affirme ne en Birmanie. Thein Sein est-il pour détenir que 600 prisonniers politiques, autant une sorte de Mikhaïl Gorbatchev, quand une association spécialisée en aux premiers temps de la perestroïka ? recense trois fois plus. L’avenir le dira. ● JULIETTE MORILLOT N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
77
78
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
LA CHANTEUSE s’épanouit dans des mélodies hybrides nées du frottement des cultures.
Sophia Charaï Artiste patchwork Elle aurait dû être architecte, comme papa. Elle s’est finalement orientée vers la musique et le chant, tout en s’autorisant des détours par la haute couture.
U
ne rose rouge plantée dans sa chevelure ondulée, un foulard chatoyant autour du front, la chanteuse marocaine Sophia Charaï tient à sa note bohème autant qu’à son élégance bien citadine. Pour elle, le métissage est un mode de vie qui s’exprime de mille manières. Sur scène, à la terrasse d’un café parisien ou dans les rues de son pays natal, la diva arbore un look bigarré, nourri de tous ses voyages et de toutes ses expériences. « Le mélange est en lui-même politique », dit-elle avec une expression joyeusement frondeuse. Aussi glamour que provocatrice, elle aime se décrire comme une « Catherine Ringer du Maroc » (la chanteuse des Rita Mitsouko).Tout en rires et danses endiablées, elle nous emporte vers un monde arc-en-ciel aux sonorités plurielles.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
« Mêle ta langue à la mienne / Mélangée fais-la tienne / Nos bouches tour de Babel / Entre harem et bordel. » Le ton est donné : sans tabous ni langue de bois, les morceaux de Pichu, premier album studio de la chanteuse sorti en 2010, dessinent un univers dont le visage est fantasque et le corps chevillé au réel. On y croise Pichu, le compagnon imaginaire de Sophia sorti tout droit d’un film d’Almodóvar, mais aussi Khadija, « Khali, Hassan et Hlima / Et Houria ». Le tout constitue une galerie mosaïque inspirée d’une vie qui l’est tout autant. Un ami d’enfance marocain, un mari et compagnon de musique français ou encore un prodige du chant indien, tous influencent les vers de Sophia…Tantôt racontés en darija, l’arabe marocain, tantôt en français, ces petits héros composent à leur manière le parcours de Sophia, riche en rebondissements.
De l’architecture au chant, en passant par la haute couture et le théâtre, cette adepte du métissage a exploré bien des disciplines. Si la première lui fut imposée par un père lui-même architecte, les autres l’ont aidée à sortir du chemin tout tracé. Une libération facilitée par une expatriation à Paris, à l’âge de 17 ans, pour études. Vite lasse de rester assise à assembler d’interminables projets, la jeune fille « bosse à droite à gauche pour [se] payer des cours de chant ». Quand des camarades de fac lui font découvrir le jazz, elle s’enthousiasme et apprend auprès d’eux les bases de la musique. « J’ai toujours eu un rapport très lointain avec la musique traditionnelle marocaine », confesse-t-elle. Trop austère et cloisonné à son goût, ce répertoire n’a pas bercé ses jeunes années. « Moi j’m’appelle Sophia pas Oum Kalsoum », chante-t-elle. La musique égyptienne n’a pas non plus gagné ses faveurs. Une hostilité qui n’est pas étrangère à un besoin d’indépendance précoce. Née dans la cage dorée de la frange bourgeoise du Maroc dans les années 1970, JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Loin du foyer, loin des interdits. Si la Sophia du Maroc aurait eu du mal à être chanteuse et créatrice de mode, la Sophia de France, elle, a l’embarras du choix. Et après une longue privation, pas question de trancher. Du moins pas trop tôt. La gitane en herbe papillonne d’un domaine à l’autre, abandonne l’archi pour Mathias Duplessis, producteur et compositeur d’une musique taillée sur mesure. Dans ses mélodies hybrides nées du frottement des cultures, la chanteuse trouve son nid. Croisement entre l’Orient et l’Occident, entre arabe classique et rythmes modernes avec des touches de jazz, de flamenco et de refrains tsiganes… Un premier album est créé, encore bien loin de Pichu, qui lui permettra d’envoyer valdinguer les codes traditionnels. Mais le mouvement est lancé, même s’il s’interrompt durant quelques années quand Sophia rencontre la broderie. « Ma tante fait de la haute couture. Un jour, j’ai vu des femmes qui brodaient à la machine. C’était tellement bien réalisé! » L’artiste lâche le micro, se munit de ciseaux, de fil et de tout le nécessaire pour se tailler un manteau. « Une fois le vêtement prêt, je me suis éclatée à dessiner des motifs, à suivre les palettes de couleurs… » Trois collections et trois défilés voient le jour, aboutissement d’une polychromie culturelle en germe depuis des années. Orientales et asiatiques, parsemées de motifs traditionnels, les créations de l’autodidacte annoncent l’évolution musicale de Pichu et la tournée internationale de 2011. Immersions à Grenade dans le quartier des Gitans, concerts informels en Inde et escapades musicales vers le Brésil ont donné naissance à l’album. Rapportés de ces voyages, la guitare flamenca, le sarangui et le tabla accompagnent les virevoltes de la créature qui danse « pour les âmes perdues » en brillant « plus fort que la lune ». Et maintenant ? Pourquoi ne pas se faire un peu plus engagée, un peu plus provoc?Tel est en tout cas l’évolution souhaitée par Sophia Charaï… ● ANAÏS HELUIN
CHINE
Les chevaliers blancs du Net
Inspiré de l’américain Twitter, le site de microblogging Weibo compte aujourd’hui 200 millions d’utilisateurs. Sa spécialité ? La dénonciation de scandales. Le gouvernement apprécie modérément.
«
W
eibo a changé notre façon de travailler. Désormais, lors de la plupart des événements importants, les messages des blogueurs sont diffusés si vite que nos journalistes peuvent intervenir bien avant les censeurs du département de la propagande. » Ce commentaire d’un rédacteur en chef illustre la nouvelle donne de l’information en Chine. Weibo, le Twitter chinois, avec ses 200 millions d’utilisateurs, est devenu en quelques mois la principale source d’information des internautes. Il révèle presque instantanément ce que les autorités préféreraient occulter. Né il y a moins de deux ans et attaché à Sina, le plus important portail internet local, Weibo (qui signifie littéralement « microblog ») est devenu l’exutoire de toute une population qui ne fait plus confiance à personne. « La justice et la police sont corrompues, nous explique un utilisateur qui se fait appeler Dark Night (“nuit noire”). Les médias sont censurés et, si je veux savoir ce qui se passe en Chine, je m’informe sur Weibo. Si je veux dénoncer quelque chose, je poste aussi sur Weibo. » Le site fonctionne sur le modèle de Twitter, qui est pour sa part bloqué en Chine, et permet de diffuser en quelques
dizaines de caractères des messages à des millions d’internautes. Depuis le début de l’année, les dénonciations de scandales se multiplient : diffusion de photos de plusieurs ministres arborant des montres de luxe, publication de factures d’achats d’alcool par les dirigeants d’une grande société d’État… Rien n’échappe à la vigilance des chevaliers blancs du Net. Le gouvernement l’a bien compris et tente de museler le site. Mais comment bâillonner 200 millions de personnes ? EXUTOIRE. « Des propositions ont été
faites, comme de contrôler les microblogs des leaders d’opinion ou de faire de Weibo un simple exutoire au mécontentement populaire, ce qui prouve que le gouvernement continue de ne faire aucun cas de l’opinion, estime l’universitaire Ren Jiantao, à Pékin. Il faut voir Weibo de façon positive, et son intervention dans la politique comme un moyen d’accélérer la réforme du mode de gouvernance. » Reste que, pour la plupart des dirigeants chinois, Weibo est avant tout une menace. Et le rôle central qu’ont joué les réseaux sociaux dans les révolutions arabes conforte évidemment leur crainte. Bref, les jours de Weibo sont peut-être comptés. ● STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin
Æ LA PAGE D’ACCUEIL DE WEIBO.COM : un site en danger de mort ?
STRINGER CHINA/REUTERS
Sophia Charaï n’a pu assister que de loin à l’émancipation d’une population trop longtemps contrainte.
Photo : VÉRONIQUE BESNARD POUR J.A. JEUNE AFRIQUE
79
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
jeune afrique .com
Europe, Amériques, Asie
80
IMMIGRATION
Schizophrénie française
DURAND FLORENCE/SIPA
Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, durcit les conditions d’insertion professionnelle des étudiants étrangers formés dans les meilleurs établissements du pays.
E
n apparence, le message n’a pas changé : « Si vous concluez un contrat en relation avec votre formation […], vous pourrez alors travailler à plein temps et déposer une demande de changement de statut (d’étudiant à salarié) », peut-on lire sur le site internet Campus France, dont la vocation est d’attirer des jeunes du monde entier dans les universités et grandes écoles françaises. En réalité, depuis le mois de juin, des centaines d’étudiants étrangers qui avaient un emploi en France se sont vu refuser l’autorisation d’y rester. Certains d’entre eux sont pourtant diplômés des plus grandes écoles françaises : Polytechnique, HEC, Sciences-Po… Yasmine, une Tunisienne de 24 ans diplômée de Grenoble école de management (GEM), est dans ce cas. En signant en mai un contrat à durée indéterminée dans un grand cabinet de conseil, la jeune femme pensait que le plus dur était fait. Fin septembre, sa demande d’un statut de salarié lui a pourtant été N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Ý Retrouvez les témoignages des étudiants
en vidéo sur jeuneafrique.com
du rayonnement culturel et économique du pays. Car la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans la petite communauté des étudiants étrangers, puis dans la presse étrangère : la circulaire Guéant a fait les titres du New York Times ou du quotidien égyptien Al-Masri Al-Youm. Pour le quatrième pays d’accueil des étudiants étrangers Ý RESTAURANT dans le monde (la UNIVERSITAIRE, France vient de perdre À PARIS. la troisième place au La France accueille près profit de l’Australie), de 285 000 qui s’efforce d’attirer étudiants les plus talentueux, étrangers. l’effet est désastreux. « Si les réseaux sociaux diffusent à l’étranger l’information selon laquelle la France se ferme aux étudiants étrangers, tous nos établissements seront touchés », estime Pierre Tapie, président de la Conférence des grandes écoles. Laurent Wauquiez, le ministre de l’Enseignement supérieur, a dû monter au créneau et proposer, dans un entretien au quotidien Le Monde (7 octobre), de « donner de nouvelles directives aux préfets ». Selon lui, « Xavier Bertrand [ministre du Travail et cosignataire de la circulaire] et Claude Guéant sont en phase avec cette idée ». Réunis dans un « collectif du 31 mai » (plus de 6 000 soutiens sur Facebook), les étudiants réclament pour leur part le retrait pur et simple du texte – ce dont Guéant ne veut pas entendre parler. « Le plus simple serait de le retirer, estime Louis Vogel, qui préside la Conférence des présidents d’université, mais le ministre de l’Intérieur ne veut pas perdre la face. »
refusée. Et elle ne comprend pas : « J’ai fait toutes mes études dans le système scolaire français. Pour moi, c’est une trahison. » En cause, la circulaire de Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, en date du 31 mai demandant aux préfets de donner la priorité « à l’insertion professionTant pis pour le rayonnement nelle des demandeurs culturel, priorité à la lutte contre d’emploi » déjà présents sur le marché du travail l’immigration, fût-elle légale. français. Message comEn attendant, les étudiants perdent plété lors d’un discours, quatre mois plus tard : « La baisse du nombre des changeconfiance en leur avenir en France. ments de statut [d’étudiant à salarié] est « Admettons que je parvienne à obtenir insuffisante. Cela doit changer. » mon changement de statut, s’inquiète Yasmine, qui a déposé un recours avec « ADHÉRENT D’HONNEUR ». À l’apl’aide de son entreprise. Mais qu’en seraproche de la présidentielle, l’ancien t-il dans un an, quand je devrai renouvesecrétaire général de l’Élysée – à qui le ler mon autorisation de séjour ? » Front national a ironiquement proposé Après avoir bénéficié des meilleures de devenir « adhérent d’honneur » – ne formations françaises, ils pourraient veut pas donner l’impression de faiblir bien décider de faire profiter à d’autres dans sa lutte contre l’immigration, fûtpays de leurs talents. ● elle légale. Et tant pis si c’est au détriment PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
STRATÉGIE Bouteflika à pas comptés
81
POLITIQUE Une Assemblée sens dessus dessous DIPLOMATIE Les mal-aimés du Maghreb TÉLÉVISION Révolution sur les ondes
L’Algérie
Nouvelles lois sur les partis, les médias et les élections, révision prévue de la Constitution après les législatives de 2012… Les réformes annoncées seront-elles assez profondes pour répondre aux attentes ?
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
LAHCENE ABIB/SIGNATURES
va-t-elle vraiment changer?
Le Plus de Jeune Afrique
LE PLUS
Prélude
Marwane Ben Yahmed
L’Algérie
I
NU TILE DE REVENIR ici sur le du monde à briser le plafond de verre des besoin de changement exprimé par métiers à responsabilités ou de pouvoir : les Algériens, sur les aspirations peu peu de politiques, donc, pas de grandes ou prou identiques à celles de leurs patronnes hormis celles qui, grâce au « frères » arabes qui les ont poussés dans mariage et à la confiance de leurs seuls la rue. Nul besoin, non plus, d’expliquer époux, parviennent à se frayer un chemin pourquoi cette nation ne s’embrase pas dans l’univers très « macho » des affaires. Il existe bien quelques arbres qui cachent la comme la Tunisie, l’Égypte, la Libye, voire le Yémen ou la Syrie. Les Algériens forêt, comme partout ailleurs, de l’inoxyont déjà « donné », plus que de raison. dable Louisa Hanoune à l’inusable Khalida Bouteflika n’est pas non plus, loin s’en faut, Toumi, mais, comme nous l’avons vu plus Ben Ali, Moubarak, Kaddafi ou Assad. Au haut, pas de relève visible, et bien trop cœur des critiques : le « système », vaste peu de « sœurs » à leurs côtés. concept nébuleux qui définit l’organiComment, dans ces conditions, sation et l’exercice du pouvoir depuis l’Algérie pourrait-elle procéder à son l’indépendance par la génération qui a pris les armes et le maquis pendant nécessaire aggiornamento ? Comment la guerre de libération, il y a bientôt… imaginer que, quelle que soit l’ampleur cinquante ans. des réformes en cours ou à venir, la société La résolution de la complexe équation algérienne, traversée par de multiples algérienne est là : comment procéder au fractures – entre jeunes et vieux, hommes passage de témoin entre cette génération et femmes, donc, mais aussi entre la bande et les suivantes. Le fossé est grand, quasi littorale et l’intérieur du pays, islamistes abyssal, entre des dirigeants pour le moins et nationalistes, Arabes et Berbères, gens expérimentés, mais peu en phase avec de l’Est et de l’Ouest, ruraux et urbains, leurs cadets, et une population jeune, dont « locaux » et « diaspos », ceux d’« en haut » le dynamisme ne cesse de se heurter au et ceux d’« en bas »… –, puisse s’inventer poids du conservatisme, des traditions et un avenir commun, nourri par des valeurs de l’inertie d’une nation immense et riche et des idéaux partagés ? mais en décalage profond avec un environnement Le dynamisme d’une population international qui ne cesse jeune ne cesse de se heurter au d’évoluer sans attendre les retardataires. Illustration de poids du conservatisme, de l’inertie. ce hiatus : le peu de cadres dirigeants de moins de 60 ans (restons La réponse à cette question n’est pas raisonnable…) au sein des partis polientre les seules mains des politiques, des militaires ou des patrons. Et les « grands tiques, dans la majorité présidentielle comme dans l’opposition. équilibres » entre toutes ces composantes, qui maintiennent pour le moment le pays Second gouffre, et non des moindres, en ordre de marche, ne pourront durer la place accordée aux femmes dans la éternellement. Ils sont tout à la fois la cause et la conséquence du statu quo en société algérienne et, en particulier, dans la sphère politique (lire page 92). Alors vigueur au sein d’une nation qui n’a plus qu’elles sont quasi majoritaires dans les rien à voir avec ce qu’elle était à la fin des cycles d’études secondaires, percent au années 1990, après les derniers feux de la sein de la magistrature, de la police, de la décennie noire, mais qui donne toujours recherche, de la santé ou de l’enseigneaux Algériens l’impression de ne pas avanment, elles éprouvent toutes les peines cer. Pas ensemble, en tout cas… ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
va-t-elle vraiment changer? STRATÉGIE Boutef à pas comptés p. 84 TRIBUNE Mohamed Bouhamidi, philosophe et chroniqueur p. 87 DIPLOMATIE Les mal-aimés du Maghreb
p. 88
RÉFORMES Une Assemblée sens dessus dessous p. 90
FEMMES ET POLITIQUE Elles ne font pas (encore) la loi p. 92 DÉCRYPTAGE Si le cours du pétrole s’effondrait… p. 93 INTERVIEW Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA p. 94 MÉDIAS Révolution sur les ondes p. 96 TRIBUNE Sid Ahmed Bedjaoui, conseiller au ministère de la Culture p. 98
OMAR/PANORAMIC
L’équation algérienne
JEUNE AFRIQUE
83
de Jeune Afrique
Le Plus de Jeune Afrique
FAYEZ NURELDINE/AFP
84
STRATÉGIE
Boutef
à pas comptés
Si le pays est resté en marge du Printemps arabe, Alger a senti le vent du boulet. En réponse au mécontentement populaire, le chef de l’État a lancé un processus de réformes. À son rythme, et dans la concertation. CHERIF OUAZANI,
R
envoyé spécial
éseauxsociaux,FacebookouTwitter, et médias traditionnels, des plus sérieux aux tabloïds, nationaux ou étrangers,sesontlonguementinterrogés sur les capacités de résistance du pays d’Abdelaziz Bouteflika aux vents révolutionnaires qui soufflent sur le monde arabe. Chancelleries et officines, spécialistes de l’Algérie et éditorialistes plus ou moins avisés ont abondamment commenté cette absence de
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
contagion, épargnant un État que l’on disait, avec uneétonnantelégèreté,fragile.Celadit,le«système» algérien a pris bonne note de l’actualité régionale. En janvier 2011, deux coups de semonce l’ont sorti d’une douce léthargie institutionnelle et du confort douillet qu’assure l’opulence du Fonds de régulation des recettes, où s’accumulent les surplus des revenus pétroliers (un bas de laine estimé à près de 48 milliards d’euros fin 2010), et d’une réserve de change de 174 milliards de dollars (121 milliards d’euros). Première alerte, le 5 janvier. Des émeutes JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ? contre la cherté de la vie embrasent Bab el-Oued, Le rapport des forces au sein de la sphère politiquartier populaire de la capitale, puis s’étendent au que, dominée par une large majorité présidentielle reste du territoire, plongeant dans le chaos 20 des face à une opposition fortement divisée, et l’absence 48 wilayas (préfectures) du pays, livrées aux casseurs de remise en cause, dans l’opinion, de la personne et aux pilleurs. Mais le mouvement ne fédère pas. de Boutef – les critiques visant essentiellement le Pis: il provoque le désaveu populaire. « système » – emportent les réticences exprimées Le pouvoir n’a pasle temps de profiterde ceretour par quelques titres de la presse indépendante. au calme. Le 14, l’impensable arrive : le peuple EN DEUX TEMPS. Malade ou pas, affaibli ou non, tunisien contraint son dictateur, Zine el-Abidine Abdelaziz Bouteflika impose « ses » réformes au Ben Ali, à la fuite. Les certitudes sont ébranlées rythme que ce chantre de la prudence et de la et les sphères décisionnelles s’accordent sur la nécessité d’un changement. Le président Abdelaziz méthode des pas comptés juge compatible avec Bouteflika prend la mesure de l’ampleur du séisme. « les grands équilibres ». Au gouvernement, il confie Le 3 février, il convoque un Conseil des ministres l’élaboration de trois lois organiques concernant pour répondre aux « inquiétudes et impatiences » le régime électoral (lire pp. 90-91), le statut des de la population. Dans la foulée, il annonce la partis politiques et la place de la femme dans les levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis près instances élues (lire p. 92). En outre, l’exécutif est de deux décennies, et son intention d’introduire chargé de préparer des projets de lois relatifs au « des réformes politiques visant à consolider la mouvement associatif, pour renforcer la démocratie pratique démocratique ». participative, et aux incompatibilités avec le mandat Une partie de l’opposition, emmenée par le de parlementaire, ainsi qu’un projet de révision du Rassemblement pour la culture et la démocratie code de la wilaya, pour réformer la gestion locale (RCD, de Saïd Sadi) et quelques organisations de la des territoires et circonscriptions. société civile, tente d’imUn nouveau code de poser le changement par « Si changement il doit y avoir, l’information dépénalila rue. Mais la faiblesse santlesdélitsdepresseet qu’il se fasse de manière de la mobilisation a raiouvrant l’espace audioordonnée et pacifique. » visuel au secteur privé son des velléités révoluM MILOUD BRAHIMI, avocat – sans doute l’aspect le tionnaires, car opinion et classe politique sont plus spectaculaire des d’accord sur un point : « Si changement il doit y réformes, avec la levée de l’état d’urgence – est par avoir, autant qu’il se fasse de manière ordonnée ailleurs concocté par l’équipe du Premier ministre, et pacifique, affirme Me Miloud Brahimi, ancien Ahmed Ouyahia (lire pp. 96-97). Ces textes figurent président de la Ligue algérienne pour la défense sur l’agenda de l’actuelle législature; autrement dit, des droits de l’homme. La violence et l’instabilité? ils devraient être votés avant mars 2012. Ici, les gens estiment avoir déjà donné. » Quant à la « mère des réformes », la révision de la Constitution, le calendrier fixé par Abdelaziz AFFAIBLI. Dans son adresse au peuple algérien, Bouteflika la met au programme de la future la première depuis plus de cinq ans, Abdelaziz Assemblée populaire nationale (APN, Chambre Bouteflika détaille, le 15 avril, la feuille de route basse du Parlement), qui devrait être élue en des profondes réformes qui devraient renforcer la mars 2012 selon le nouveau régime électoral pratique démocratique. Mais ce jour-là, plus que (supervision du scrutin par des magistrats en le contenu du discours, c’est l’image et le son de la lieu et place de l’administration jugée partiale, retransmission qui traumatisent l’opinion. Le chef urnes transparentes et observateurs étrangers). de l’État apparaît physiquement affaibli, sa voix est En procédant de la sorte, Abdelaziz Bouteflika quasi inaudible, le verbe hésitant. Incarnation de la désamorce les critiques. Une grande partie de diplomatie flamboyante des années Boumédiène la classe politique, allant des nationalistes du avant de devenir le bâtisseur de ce début de milFront national algérien (FNA, de Moussa Touati) lénaire et l’artisan de la réconciliation nationale, aux trotskistes du Parti des travailleurs (PT, de Boutef est donc cet homme en apparence diminué. Louisa Hanoune), en passant par les islamistes Celui qui avait promis, un jour, de transmettre le d’El-Islah, juge en effet l’actuelle APN illégitime, pouvoir aux générations postindépendance – sa car les législatives de 2007 avaient été entachées génération à lui, qui a mené la guerre de libération, de fraudes à grande échelle. « Une telle assemblée instrument suprême de légitimation, est toujours n’est pas qualifiée pour mener des réformes de en place – donne l’impression d’avoir entamé cette importance », dénonce Louisa Hanoune, le processus de réformes sous la pression d’une qui siège elle-même à l’APN. santé précaire plus que d’une quelconque menace Par ailleurs, la revendication d’une Assemblée constituante, portée depuis des lustres par le de contagion révolutionnaire. Quelques voix s’en émeuvent, évoquant une situation d’empêchement. Front des forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Mais là non plus, l’opinion ne suit pas. Ahmed) et par le PT, revient au goût du jour. Le ● ● ● E
LA PERSONNE DU PRÉSIDENT N’A PAS ÉTÉ REMISE EN QUESTION
dans l’opinion. Le « système » concentre les critiques.
MARS MA RS 2012 Les législatives seront organisées selon le nouveau code électoral. La future Assemblée populaire nationale devra débattre de la révision de la Constitution.
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
85
LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES
86
cheminementdelarévolutiontunisiennen’yest pas étranger. Bouteflika juge le procédé quelque peu risqué et esquisse les limites que ne doit pas franchir le législateur algérien : le caractère républicain de l’État, le triptyque composant l’identité nationale (islamité, arabité et amazighité), le multipartisme, les droits de l’homme et l’intégrité du territoire national. Quant à la question de la laïcité, elle est évacuée par le maintien de l’article 2 de l’actuelle Constitution : « L’islam est la religion de l’État. » Tout le reste est susceptible de révision. La méthode Boutef se singularise par une concertation tous azimuts : consultations avec la classe politique et des personnalités nationales à ●●●
MANIFESTATION, LE 12 FÉVRIER, DANS LA CAPITALE, à l’appel de la Coordination nationale pour le changement démocratique.
ALGÉRIE-MAROC : UN BUT, DEUX CHEMINS LES FRÈRES ENNEMIS du Maghreb partagent une même problématique : l’immobilisme institutionnel face aux impatiences d’une jeunesse de plus en plus soucieuse de son environnement politique et économique, enhardie par les révolutions tunisienne et égyptienne. Abdelaziz Bouteflika et Mohammed VI en ont très vite pris la mesure, chacun à sa manière. Premier à réagir, le monarque chérifien préconise une révision de la Constitution qui prévoit un meilleur équilibre entre les pouvoirs. Une nouvelle loi fondamentale est adoptée, par référendum, le 1er juillet. De l’autre côté de Zoudj Beghal (nom du poste-frontière entre les deux pays, désespérément fermé depuis août 1994), Bouteflika prend plus de temps. Au moment où les électeurs marocains s’expriment sur la nouvelle Constitution, le processus de concertation algérien vient à peine de s’achever. Outre cet écart dans le rythme de mise en œuvre des réformes, une autre différence singularise les deux procédés : la large concertation CH.O. que préconise Boutef avant toute innovation. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
propos de la révision de la loi fondamentale, états généraux de la société civile, assises régionales pour le développement local et organisation de la démocratie participative orchestrées dans tout le pays par le Conseil national économique et social (Cnes). « Nous ne voulons pas que le pouvoir organise le débat, nous voulons qu’il le permette, atténue Mokrane Aït Larbi, ex-sénateur et opposant de toujours. La méfiance entre gouvernés et gouvernants est telle que toute initiative de l’exécutif est systématiquement sujette à caution. » Pourtant, les débats régionaux s’avèrent d’une extrême utilité et les échanges, le plus souvent vifs, sont retransmis au JT de 20 heures, grand-messe de l’information quotidienne. MINI-CONSTITUANTE. Pendant ce temps, au Parlement, les partis de la majorité tentent d’édulcorer les textes en introduisant des amendements, par exemple pour que le quota envisagé de femmes candidates lors des scrutins de listes soit inférieur à 30 %, ou pour limiter les cas d’incompatibilité avec le mandat parlementaire (lire pp. 90 à 92). Quant à la « mère des réformes », après les consultations menées par Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation (Sénat), du 21 mai au 21 juin, un rapport reprenant toutes les propositions d’amendement à la Constitution a été soumis en juillet à Abdelaziz Bouteflika qui devrait le transmettre, à son tour, à une commission de juristes chargés d’émettre des recommandations. Le texte né de ce processus constituera la priorité de la future APN qui a, d’ores et déjà, des allures de mini-Assemblée constituante. ● JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ? TRIBUNE
DR
Op Éd
MOHAMED BOUHAMIDI Philosophe et chroniqueur
Quand les Cassandre médiatiques font de l’intox
L
A QUESTION DE LA SINGULARITÉ algérienne à l’endroit du « printemps arabe » nous renseigne, derrière sa « naïveté », sur la capillarité et la porosité entre des secteurs et des acteurs de la vie politique qui, en apparence et en bonne déontologie, auraient dû rester séparés. Elle nous a révélé qu’en toute bonne conscience un changement en Algérie était programmé dans l’esprit d’experts, d’universitaires, de politiques et de journalistes. Pas dans celui du peuple algérien. Mais comment donc des représentants de disciplines autrefois autonomes en viennent-ils à réagir de façon pavlovienne ? Les vieilles frontières et les critères de validation qui assuraient leur indépendance et, partant, l’honnêteté et la sincérité de leur travail semblent bien avoir disparu. Comment éloigner l’impression qu’un ordre de mobilisation générale a ameuté des historiens, sociologues, économistes au secours des politiques et des chroniqueurs au chevet d’une société qui n’a pas réagi comme ils attendaient qu’elle réagisse ? Dans cet empressement généralisé autour de cette « urgence historique », nous pouvons nous demander qui est au service de l’autre. La presse porte-t-elle, simplement et sincèrement, la parole des experts et des « savants » sur une « anomalie algérienne » ? Mais alors, qui a décidé, et au nom de quelle qualification, qu’il s’agissait là d’une anormalité, si énorme qu’elle retienne l’attention de tant de médias ? Qui a décidé que désormais, pour la presse, la non-actualité, la non-survenue d’un événement devient l’événement ? La mémoire fournit la bonne réponse : le « printemps algérien » est attendu depuis 1962, comme retour de bâton de l’audace indépendantiste, avec un point culminant pendant la période du FIS et du terrorisme. Les mesures de « patriotisme économique » de 2009 ont exacerbé cette attente et provoqué la colère de l’empire de voir la proie Algérie lui échapper alors que la crise économique lui rend vital le retour du pillage colonial le plus brutal et le plus barbare.
l’Algérie, c’est l’explosion sociale. La norme, c’est qu’Alger explose (ce que la capitale fait régulièrement, mais comme le veulent les Algérois, pas comme le rêvent des historiens reconvertis en oracles). La prédication, pour revêtir cependant les allures de la vraisemblance, a besoin du minimum de validation que les experts s’empressent d’apporter, pour préparer les opinions à l’idée de la fatalité de la catastrophe. Ils trouveront dans une partie des élites algériennes la confirmation indigène de leurs pronostics. L’intoxication deviendra alors générale, les Cassandre indigènes et étrangers s’appuyant les uns les autres. En réalité, ces élites représentent les avantgardes visibles chargées de l’habillage idéologique d’une offensive contre les États nés des révolutions nationales. Elles cherchent à saper l’État encore national en maquillant en « mesures techniques » les injonctions politiques ultralibérales qui visent à le dessaisir de sa souveraineté, à générer les frustrations qui serviront de carburant à la « révolte » et à accélérer celle-ci en diabolisant quelques figures pour toute conscience et pour toutes cibles politiques. Les Abdeljalil algériens devraient, dans la sombre et pitoyable galerie des laquais, fantoches et autres présidents potiches du Tiers Monde,
Qui a décidé que désormais, pour la presse, la non-actualité, la non-survenue d’un événement devient l’événement ?
Une espèce d’intoxication, d’obsession a saisi ces milieux, différents dans leurs formes et tellement soudés dans leur but. La norme pour
JEUNE AFRIQUE
remplacer les Bao Daï et les Tshombe, et les figures usées des Ben Ali et des Moubarak. L’agression contre l’Algérie n’est pourtant pas mûre. Il reste encore une grande part des élites du pays à convertir à la haine de l’État national. C’est la phase actuelle du travail de la presse : convaincre de nouveaux pans des élites algériennes qu’il est anormal de laisser passer le « printemps » et qu’elles mériteraient, en passant à l’acte, un certificat d’assimilé de la mondialisation capitaliste. Nous passerons alors à la phase active de la grande propagande à la libyenne, le moment venu. Il reste à ces experts et à cette presse à trouver des Abdeljalil locaux capables d’organiser une marche du samedi. ●
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
87
Le Plus de J.A.
YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS
88
Avec Rabat, des hauts et des bas 27 février 1976 INTERNATIONAL
Les mal-aimés du Maghreb
Entre des relations tumultueuses avec Paris et des voisins méfiants, le pays n’a pas l’image qu’il souhaite sur la scène mondiale. Sans en souffrir outre mesure.
L
’
hebdomadaire français Valeurs actuelles a, dans son édition datée du 8 septembre, fait son WikiLeaks. Il a publié les propos off des diplomates français accrédités au Maghreb, tenus à Paris, en marge de la 19e conférence des ambassadeurs, du 31 août du 2 septembre. Le traitement réservé à l’Algérie est des plus édifiants : « Pays pathétique, […] bloc monolithique qui ne comprend rien », où « deux cents têtes » décident de tout et où « les autorités vont à contresens ». Si les gouvernants sont maltraités, les gouvernés ne sont pas épargnés. Les Algériens sont présentés comme un « peuple tué, qui n’a plus de ressort et qui fait peine à voir ». Pouvoir et population, même pathétiques, constituent néanmoins une source de préoccupation pour les intérêts français: « C’est un mastodonte qui va nous gêner. » Curieusement, l’affaire ne déclenche aucune protestation officielle. La presse N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
indépendante s’en empare mais, plutôt hostile à Abdelaziz Bouteflika, l’utilise pour démonter son bilan diplomatique. LE DOS ROND. Dans les allées du siège flambant neuf du ministère des Affaires étrangères, aux Annassers, sur les hauteurs d’Alger, la colère est à son comble. Mais sur instruction présidentielle, nul commentaire n’est toléré. « Ce n’est pas nouveau, affirme un ambassadeur algérien à la retraite. À l’occasion des événements du Caire, en novembre 2009, lors du match qualificatif pour le Mondial de football, officiels et médias égyptiens s’étaient acharnés sur l’Algérie, son peuple et ses martyrs. Mais les ordres du président étaient clairs : faire le dos rond et s’abstenir de toute déclaration en réponse aux injures. » Diplomates et médias officiels étant contraints au silence, les Algériens ont utilisé la blogosphère pour répondre à
Soutenu par l’Algérie, le Front Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique au Sahara occidental, territoire sous souveraineté marocaine 1976-1980
Combats entre le Polisario et les armées marocaine et mauritanienne. Des milliers de Sahraouis se réfugient en Algérie, àTindouf 6 septembre 1991
Cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario Août 1994
Fermeture de la frontière, à la suite d’un attentat contre un hôtel de Marrakech (2 morts) attribué par le Maroc aux services secrets algériens Juillet 2011
Appels de Mohammed VI à une normalisation des relations avec l’Algérie et une réouverture des frontières. Abdelaziz Bouteflika se prononce en faveur d’un renforcement des liens bilatéraux
JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ? Ý À LA FRONTIÈRE ALGÉRO-MAROCAINE, fermée depuis dix-sept ans.
l’analyse des diplomates français, qu’ils estiment injuste et otage des relations mouvementées entre Alger et Paris. Deux cents têtes qui monopolisent la décision, « c’est tout de même cinq fois plus que les 40 du CAC! » ironise un internaute. Tandis qu’un autre retourne le compliment à l’envoyeur: « Pays pathétique? Vous parlez bien de ce pays où des valises bourrées d’argent détourné par des chefs d’État africains, portées par des avocats véreux ou des barbouzes, ont servi à financer les campagnes électorales de présidents de la République élus ? Où les services secrets sont requis par le pouvoir afin de surveiller journalistes et magistrats trop indépendants ? Où des personnalités de premier plan sont impliquées dans de sordides affaires de mœurs ? »
en matière d’affaires algériennes. Et c’est un prisme déformant. » Peut-être, mais attribuer le fait que les Algériens soient les mal-aimés du Maghreb aux câbles diplomatiques du Quai d’Orsay, aux écrits de la presse hexagonale et aux lobbies des nostalgiques de l’Algérie française serait réducteur. Car ils sont également mal-aimés au Maghreb. MERCENAIRES ? Le vieux contentieux
autour du Sahara occidental et celui de la fermeture – depuis dix-sept ans – des frontières terrestres entre les deux pays pourraient expliquer le désamour entre Marocains et Algériens (lire chronologie). En revanche, rien ne semble justifier les rumeurs attribuant à Abdelaziz Bouteflika et à son gouvernement le financement et l’armement des milices qui avaient terrorisé la Tunisie dans les jours qui ont suivi la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali. « Pour des considérations de politique intérieure, ANALYSE TRONQUÉE. Les Algériens, un le gouvernement algérien tente de saboter « peuple tué, qui n’a plus de ressort et qui notre révolution » affirmait alors Bessam, fait peine à voir »? Surprenante appréciapatron d’une PME à Tunis. tion, alors que la Direction générale de la Plus à l’est, les Libyens sont encore sûreté nationale (DGSN) a enregistré pour moinscléments.LadénonciationparAlger la seule année 2010 près d’un millier de des frappes de l’Otan sur la Libye a été mouvements sociaux et manifestations de perçue comme un soutien actif au régime rue, ayant parfois pris la forme d’émeutes. de Mouammar Kaddafi. Les Libyens en Cette contestation permanente n’a pas sont convaincus: leur voisin a envoyé des manqué de produire ses effets. Au 1er janmercenaires combattre l’insurrection. vier 2012, le salaire national minimum Preuve, pour eux, de la proximité d’Alger garanti (SNMG) sera porté de 15 000 à avec Tripoli ? L’asile accordé à une partie 18 000 dinars (d’environ 146 à 175 euros) de la famille du « Guide ». « Cette décision par mois ; c’est 50 % de plus qu’en 2008. nous a valu un déluge de critiques, réagit Sur la même période, les salaires ont été le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, doublés dans la fonction publique, avec alors qu’aucune réserve n’a été exprimée effet rétroactif. « Nos homologues français, au pays qui a accueilli [le 14 janvier 2011, affirme l’ancien ambassadeur, ignorent NDLR] l’ex-président tunisien et sa famille. la vitalité de cette Pas plus qu’à l’ensociété qui bouge, droit de la Jordanie « Un pays pathétique […] et du Qatar quand notamment sur le qui ne comprend rien » : front social, car la ils avaient accordé c’est l’opinion, en off, [en 2003] l’asile revendication n’a pas un caractère de diplomates français. à la famille de politique, comme Saddam Hussein. » ils semblent le souhaiter. C’est la preuve Commentaire d’un ténor du barreau d’Alque l’analyse est tronquée. » ger: « Même l’humanitaire est à géométrie Mais si les Algériens ont un sérieux provariable, quand il s’agit de notre pays. » blème d’image, le doivent-ils pour autant En parallèle, le pays se tourne vers le Sahel et consolide les acquis de la conféaux seuls diplomates français ? « Oui, rence d’Alger du 7 septembre sur la sécurépond sans ambages un haut fonctionnaireinternationalalgérien.Touteactualité rité. Après la visite du président malien, algérienne, bonne ou mauvaise, est vue Amadou Toumani Touré, du 24 au 27 octosous un prisme, officiel ou médiatique, bre, Abdelaziz Bouteflika doit accueillir français. Pour la communauté internases homologues nigérien et mauritanien tionale, cinquante ans après l’indépencourant novembre. ● dance, c’est encore Paris qui donne le la CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
90
Le Plus de J.A. POLITIQUE
Une Assemblée sens dessus dessous Les premières réformes discutées au Parlement suscitent des débats houleux. Face à la fronde des députés de sa majorité, le gouvernement trouve des soutiens inattendus dans l’opposition.
Q
ui l’eût cru ? L’hémicycle du palais Zighoud-Youcef, abritant les sessions plénières de l’Assemblée populaire nationale (APN) et réputé pour sonner creux lors des séances de questions orales au gouvernement, grouille d’activité ces dernières semaines. Mieux : souvent traitée de « caisse d’enregistrement », la Chambre basse du Parlement étonne par les violentes joutes qui marquent les travaux de ses différentes commissions, notamment celle des affaires juridiques et administratives et des libertés, que préside le député du Front de libération nationale (FLN) Cherif Nezzar. « C’est un rythme démentiel, raconte un élu de l’opposition trotskiste, un vrai marathon législatif. Toutes les commissions de l’Assemblée carburent à plein régime. » Le marathon en question? L’adoption, avant la fin de l’année en cours, des réformes politiques annoncées par le président Abdelaziz Bouteflika le 15 avril. Depuis le 4 septembre, date de l’ouverture de la session d’automne du Parlement, les services du secrétariat général du gouvernement inondent le palais Zighoud-Youcef de projets de loi organique. Après celui consacré à l’augmentation de la participation des femmes
dans les instances élues (lire p. 92), les députés auront eu droit à une batterie de textes censés consolider la pratique démocratique : réforme du régime électoral, lois sur les partis, incompatibilités avec le mandat de parlementaire, code de l’information, statut des associations… NOMADISME. Autant de thèmes qui ont provoqué, par moments, des situations cocasses. Les textes élaborés par le gouvernement ont été mis à mal par la majorité dont il se réclame et défendus par l’opposition. Lors du débat de la loi organique sur le régime électoral, l’article 67, qui lutte contre le nomadisme politique, a ainsi donné lieu à une véritable guerre de tranchées. Ayant pour objectif de moraliser la pratique politique, cette disposition prévoit de déchoir de son mandat tout élu qui change de parti politique au cours de la législature. Cette mesure, qui s’inscrit dans la droite ligne des instructions données par le président Abdelaziz Bouteflika au cours d’un Conseil des ministres, a rencontré une forte opposition de… l’Alliance présidentielle, composée du FLN d’Abdelaziz Belkhadem, du Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia et du Mouvement de la
SUS AUX CUMULARDS SI DIFFÉRENTES DISPOSITIONS des projets de réforme ont déchaîné les passions, il en est une qui est passée comme une lettre à la poste. Alliance présidentielle, islamistes d’En-Nahda et d’El-Islah, nationalistes du Front national algérien (FNA, opposition) ou trotskistes du Parti des travailleurs (PT) ont applaudi en chœur cette mesure qui conforte, selon eux, « le respect du mandat » : désormais, le parlementaire doit choisir entre sa profession et son statut de législateur. Une exception est toutefois accordée aux professeurs de l’enseignement supérieur ainsi qu’aux patrons des services hospitaliers : « une prime à la recherche scientifique », se félicite un député du Rassemblement national démocratique (RND). Quant à Ramdane Taazibt, du PT, il ne cache pas sa satisfaction d’avoir soustrait le député aux puissances de l’argent qui, « mêlé à la politique, constitue une menace pour les mœurs et CH.O. la pratique démocratique ». ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
société pour la paix (MSP, islamiste) de Bouguerra Soltani. « L’élu est mandaté par le peuple et ne saurait être l’otage d’un parti », proclame le député FLN Hocine Khaldoun pour expliquer son refus. Mohamed Kacem Laïd, élu du RND, va plus loin. « Le parti politique n’est pour l’élu qu’un moyen pour se porter candidat », affirme-t-il sans rougir, avant de poursuivre avec un affligeant « même dans un couple, le divorce existe ». Et c’est le Parti des travailleurs (PT, opposition trotskiste) qui, par la voix de Ramdane Taazibt, monte au créneau et accuse les partis de la majorité de vouloir « vider les projets de réforme de leur substance ». CONGÉS FORCÉS. Un autre bras de fer a
opposé majorité et opposition au cours du débat de ce projet de loi, autour de l’article 93. Obligeant un membre du gouvernement postulant à la députation à démissionner de l’exécutif trois mois avant le scrutin, cette disposition a provoqué de vifs échanges et placé l’Alliance présidentielle dans l’inconfortable position de force conservatrice qui entrave la marche vers une réforme de la pratique politique. Cette règle, jusqu’alors non écrite, avait été mise en œuvre par le président Abdelaziz Bouteflika en 2007, quand, à l’occasion JEUNE AFRIQUE
91
Ý TAYEB BELAÏZ, MINISTRE DE LA JUSTICE, PRÉSENTE DANS L’HÉMICYCLE, le 13 octobre, le texte sur les femmes dans la vie politique.
nouvelles dispositions introduites nous rapprochent des standards démocratiques internationaux. »
SAMIR SID POUR J.A.
PRIÈRE D’AGRÉER. Après ces vifs débats
JEUNE AFRIQUE
Cela ne l’a pas empêché de présenter les réformes comme un processus visant à créer les meilleures conditions pour les opérations de vote à venir (urnes transparentes, encre indélébile, supervision par des magistrats, présence d’observateurs étrangers et de scrutateurs nationaux…). « Le nouveau dispositif devra permettre au citoyen de participer avec efficacité à la prise en charge de ses préoccupations, a assuré Ould Kablia. En outre, les
CHERIF OUAZANI
Une Chambre dominée par l’Alliance présidentielle Répartition des sièges à l’APN à l’issue des législatives de 2007 Alliance présidentielle
{
Parti des travailleurs
Indépendants
62
51
Rassemblement pour la culture et la démocratie
33 26
Mou Mouvem Mouvement vement de la société pour la paix
Rassemblement national démocratique
19
62
Divers
136
Front de libération nationale
TOTAL : 389 sièges N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
SOURCE : ASSEMBLÉE POPULAIRE NATIONALE
des législatives, il avait mis en congé ses ministres briguant un siège de député, à la veille de la campagne électorale. Quatre ans plus tard, il a décidé de codifier cette disposition dans le régime électoral et d’étendre la période concernée. Tollé au sein de la majorité présidentielle. Ahmed Issad, élu du MSP, poussera son hostilité à cette mesure jusqu’à mettre en doute sa constitutionnalité. La députée trotskiste Houaria Bousmaha ironise: « Voilà que la majorité, dont l’essentiel de l’équipe gouvernementale est issu, nous suggère que le Conseil des ministres nous bombarde de textes anticonstitutionnels ! » Pour défendre les projets de loi devant les députés, le gouvernement a mandaté son ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, flanqué de son collègue chargé des Relations avec le Parlement, Mahmoud Khouidri – incarnation de l’aile la plus conservatrice du FLN (il fait partie de ceux qui militent pour le retour du Front islamique du salut sur l’échiquier politique). Paradoxe de cette situation : le principal changement apporté au régime électoral est de confier la supervision des prochains scrutins à des magistrats, et non plus à l’administration, accusée de partialité par l’opposition. Or, en sa qualité de ministre de l’Intérieur, Ould Kablia symbolise la tutelle de cette administration dont la neutralité est mise en doute.
sur le régime électoral, l’APN a eu à étudier l’avant-projet de loi sur les partis. Principales innovations: l’administration (le ministère de l’Intérieur, encore) est désormais contrainte de motiver les refus d’agrément de nouveaux partis, et ces derniers peuvent déposer un recours auprès des tribunaux administratifs. Quant à l’attitude méprisante de l’administration, qui le plus souvent prenait tout son temps dans l’étude des dossiers d’agrément avant d’exprimer son refus (en avril, quarantedeux partis politiques attendaient, parfois depuis des années, le précieux sésame, selon une confidence de Dahou Ould Kablia), elle devrait bientôt appartenir au passé. Selon le nouveau texte, les autorités ont soixante jours pour se prononcer ; faute de réponse dans ce délai, le parti est automatiquement agréé. Ces dispositions ont suscité moins d’échanges vigoureux, mais la passion qui a caractérisé les débats sur les réformes politiques a fait dire à un député de l’opposition : « Il m’arrive de regretter cette époque où le président Bouteflika légiférait par ordonnances entre deux sessions du Parlement. » ●
Le Plus de J.A.
92
QUOTAS
Elles ne font pas (encore) la loi
Imposer aux partis de compter un tiers de candidates sur leurs listes aux élections législatives et locales n’est pas du goût de tous… Ni de toutes.
partis politiques. « Une disposition prévoit de ne pas prendre en considération le classement défini par la liste et de partager les sièges équitablement entre candidats des deux sexes. Je suis contre cette mesure, car elle va à l’encontre de la volonté populaire. Les électeurs votent pour une personne, mais celle-ci perd son mandat sous la force de la loi », précise-t-elle.
OMAR/PANORAMIC
SOUS EMBARGO. En fait, l’APN a déjà
connu une tentative pour renforcer la présence des femmes au sein des assemblées élues. En 2004, une proposition d’amendement du code électoral initiée par Samia Moualfi, alors jeune députée du FLN, prévoyait de donner l’une (ou plus) des trois premières places des listes à une femme. « Par sa simplicité, ce mécanisme aurait pu être facilement accepté par les acteurs politiques et la société. Cet amendement aurait permis d’atteindre une représentativité féminine dans les assemblées comprise entre 10 % et 20 % », indique-t-elle. Finalement, la proposition de loi est restée dans les tiroirs de l’APN et n’a jamais été présentée au gouvernement. Cette mise sous embargo semble due au fait que Samia Moualfi ait choisi de soutenir Ali Benflis lors de la présidentielle de 2004. MANIFESTANTES DEMANDANT UN CHANGEMENT DE RÉGIME, le 12 février, à Alger. Chalabia Mahdjoubi, présidente du ayeb Belaïz est furieux. Le minisCertains estiment que les partis politiques Mouvement pour la jeunesse et la démotre de la Justice fait face à une seront dans l’incapacité de présenter cratie (MJD) et première femme à avoir véritable fronde des députés des listes parce qu’il y a peu de femmes tenté de se porter candidate à la magisdepuis la modification, en proengagées en politique. C’est le cas des trature suprême en 1995, constate fondeur, du projet de loi relatif à la partimanque d’engagement des élus de la région de Ghardaïa, le m cipation des femmes dans les assemblées dans le sud du pays, qui sont pouvoirs publics en matière po Seuls élues. Le texte, qui traduit une disposition montés au créneau pour exide promotion de la gent fémiintroduite dans la Constitution en 2008, ger le retrait de l’article qui nine. « Il n’y a pas assez de impose aux partis politiques de réserver impose le quota. femmes aux postes à respondes députés sont de sexe Pour le Parti des traun quota aux femmes au sein des listes. sabilités. Il suffit de voir le féminin Initialement fixé à 33 %, ce taux a été revu vailleurs (PT), cette question gouvernement, il y a tout juste à 20 % par la commission des Affaires a été définitivement tranchée. une femme ministre [Khalida un La formation dirigée igée Toumi, à la Culture, NDLR] et deux Toum par Louisa Hanoune s’opsecrétaires d’État. Nous sommes encore Religion, culture, sociologie : pose à ce système. Nadia loin des normes internationales. » Pour une batterie d’arguments est Chouitem, députée PT la petite histoire, Chalabia Mahdjoubi de la capitale, explique avait tenté de présenter une liste excludéployée contre le projet. qu’« une femme imposée sivement féminine dans une wilaya de juridiques, administratives et des Libertés sur une liste perd de sa crédibilité une l’intérieur du pays. « Nous n’avions eu de l’Assemblée populaire nationale (APN) fois arrivée à l’Assemblée. Elle se trouve aucune réaction négative de la part de sous la pression du groupe parlementaire automatiquement dans une situation de la population. Mais la liste a finalement du Front de libération nationale (FLN) fragilité et de vulnérabilité. Elle devient été bloquée par l’administration locale, et des partis islamistes. alors redevable envers ceux qui l’ont qui avait alors exigé qu’elle compte au La religion, la culture, voire la sociodésignée ». Pour sa part, Farida Illimi, moins un homme. » Une anecdote qui logie de certaines régions d’Algérie… élue du FLN à Alger, considère que l’apexplique à elle seule la problématique les députés ont usé d’une batterie d’arplication de ce texte risque de créer des de la participation des femmes à la vie guments pour contrer ce projet de loi. situations de blocage au sein même des politique. ● AHMED BEY, à Alger
T
7,7 %
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?
DÉCRYPTAGE Alain Faujas
Si le cours du pétrole s’effondrait…
L
’
ALGÉRIE EST INCORRIGIBLE et le Printemps arabe n’y changera rien. Son pétrole et son gaz lui permettent de persister dans la voie de l’erreur, qui ne se révélera calamiteuse qu’à l’épuisement des gisements d’hydrocarbures, c’est-à-dire trop tard. Elle n’est plus cette sorte de démocratie populaire, façon Europe de l’Est des années 1970-1980, qui a débouché sur la guerre civile. Et elle n’est plus non plus le régime légèrement libéral mis en place dans les années 1990. Mais son économie demeure une assistée, totalement tributaire du secteur public, lui-même dépendant des hydrocarbures, qui représentent 97 % des exportations du pays. La seule politique économique que connaissent les autorités consiste à dépenser plus sans créer de richesse correspondante.
conviction que les entrepreneurs sont des « prédateurs » et plus encore s’ils sont étrangers, comme l’a dit à plusieurs reprises le président Bouteflika. L’entreprise publique est presque logée à la même enseigne. Dans les pays développés, quand une telle entreprise se porte mal, son patron est remercié. En Algérie, il peut être jeté en prison pour délit de mauvaise gestion au gré d’opérations « mains propres » très aléatoires. « De plus en plus d’options économiques critiquables sont transcrites dans des textes juridiques rédigés de manière approximative, explique Mehdi Haroun, avocat associé du cabinet britannique Herbert Smith. Beaucoup de projets d’investissement sont tombés à l’eau en raison d’un environnement législatif et réglementaire devenu restrictif. Comment espérer qu’un investisseur étranger risque ses fonds, alors qu’une loi de finances complémentaire l’oblige à céder la majorité du capital de sa société à des Algériens et que l’État se réserve un droit de préemption en cas de revente de ses actions? Qu’on ne s’étonne pas si les investisseurs ignorent l’Algérie tant les règles y sont obscures, changeantes et souvent incohérentes par rapport à la pratique normale des affaires. » Il ne reste plus qu’à espérer que la pluie soit au rendezvous à nouveau, comme cette année, où le pays attend des recettes agricoles en hausse de 23 % par rapport à 2010; et, surtout, que l’économie mondiale n’entre pas en récession, ce que laisse craindre le fort ralentissement des économies européennes et américaine criblées de dettes. Si le cours du pétrole s’effondrait durablement, un Printemps algérien ne serait plus exclu, puisque l’atonie démocratique y tient en partie à l’omnipotence de l’or noir et aux généreuses dépenses budgétaires qu’elle autorise. ●
Seule politique économique connue des autorités : dépenser plus sans créer de richesse correspondante. Quelques émeutes sans lendemain éclatent-elles dans la foulée de la Révolution tunisienne, le gouvernement ouvre les vannes des subventions pour l’huile, le sucre, le blé ou l’eau. Sans parler de la hausse de 20 % du salaire minimum consentie fin septembre. Certes, les dépenses d’équipement se poursuivent intensément dans le logement, l’eau – où 15 milliards de dollars (10,9 milliards d’euros) seront investis entre 2010 et 2014 –, les autoroutes, les voies ferrées, les énergies renouvelables (15 milliards d’euros d’ici à 2021), mais elles engendrent d’autant moins de richesse et de travail que les chantiers emploient souvent une main-d’œuvre asiatique. Certes, les réserves en devises du pays atteignent 174 milliards de dollars, soit trois ans d’importations, ce qui permet de voir venir… Mais l’Algérie est à la traîne. Selon les chiffres du Fonds monétaire international, sa croissance est la plus faible du Maghreb (hormis en cette année 2011 de révolution tunisienne), alors que laTunisie et le Maroc sont dépourvus de telles réserves énergétiques. Son inflation et son taux de chômage des jeunes sont les pires. Comparé aux grands États du golfe Persique, c’est le pays qui a le plus besoin de la manne pétrolière pour équilibrer ses comptes. Tous les dirigeants algériens se méfient de l’entreprise privée, seule capable pourtant de créer de la richesse. Dans leur discours, ils la glorifient et bonifient les prêts aux PME. En réalité, ils ont gardé de la guerre de libération la JEUNE AFRIQUE
Une croissance à la traîne (Progression moyenne du PIB 2002-2011)
Maroc
Tunisie
e
Algéri
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
93
Le Plus de J.A.
94
Abdelmadjid Sidi Saïd « Banaliser la grève la rend inopérante » Soucieux de conserver sa position d’unique interlocuteur syndical des pouvoirs publics, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens se pose en homme de consensus. À la confrontation il dit préférer le dialogue social. doivent converger vers des actions porteuses. Ils n’ont aucun intérêt à tirer les uns sur les autres. Aujourd’hui, nous n’avons pas la même approche, car, selon nous, il est possible de parvenir à de bons résultats sur la base du principe de non-confrontation. Le monde a changé, le mouvement syndical aussi. Il faut trouver d’autres techniques d’action syndicale. L’une d’elles consiste à atteindre des objectifs à travers le dialogue social. Vous avez la réputation de ne jamais perdre de bataille. Mais si l’on dresse le bilan de la dernière tripartite, qui s’est tenue fin septembre, on constate qu’il n’y a pas eu de réelle victoire.
SAMIR SID POUR J.A.
Cette tripartite était plus ou moins froide, mais elle a permis de franchir un pas énorme. Nous avons fait gagner le consensus entre les partenaires, au profit du monde de l’entreprise. Mon objectif est d’obtenir la confiance du gouvernement et du patronat et non pas de les repousser. Je vais signifier à l’un et à l’autre que nous pouvons aller vers des solutions sur la base de civilités. Car l’épanouissement du travailleur dans l’entreprise, c’est l’épanouissement de l’entreprise. SON OBJECTIF : « Obtenir la confiance du gouvernement et du patronat. » JEUNE AFRIQUE : Des changements politiques interviennent en Algérie. Le vent des réformes soufflera-t-il aussi sur le monde syndical ? ABDELMADJID SIDI SAÏD : L’ouverture
du monde syndical ne date pas d’aujourd’hui. Elle a débuté en 1990. Le gouvernement de l’époque avait conforté l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) comme unique représentant du monde du travail. En concertation avec feu Abdelhak Benhamouda, notre secrétaire général, nous avions opté, en tant qu’organisation syndicale, pour une réelle ouverture. Donc l’initiative de la pluralité syndicale en Algérie revient à l’UGTA. Aujourd’hui, nous ne pouvons N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
pas revenir sur un principe dont nous avons été le principal initiateur. La véritable réforme ne consisterait-elle pas à faire des syndicats autonomes des interlocuteurs officiels des pouvoirs publics, au même titre que l’UGTA ?
La volonté de travailler collectivement au profit des travailleurs et de l’entreprise doit primer. Depuis 1990, notre organisation a initié le tripartisme (UGTA-gouvernement-patronat) et le bipartisme (UGTA-gouvernement), et à l’avenir, le développement devra se dérouler dans ce sens. Je n’ai jamais ressenti d’animosité envers les autres syndicats. Nombreux ou pas, les syndicats
Quel accueil reçoit ce concept ?
Il ne faut pas se leurrer, j’ai été confronté à beaucoup de blocages. Il y a des réticences. La véritable bataille consiste à arracher l’autre à sa conception négativiste. Je considère que nous ne devons pas gâcher le rapport de force en banalisant la grève. Banaliser l’action de protestation la rend inopérante. Il faut s’engager dans une logique constructive. Je ne suis pas là pour jouer au Zapata, au leader charismatique. J’ai une responsabilité envers les travailleurs et leurs familles. À la suite de la tripartite, le gouvernement a annoncé la suppression de JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ? pouvons dire que le principe de sa suppression est acquis. Il n’y a plus lieu de spéculer sur cette question.
l’article 87 bis du code du travail. Quel effet cela aura-t-il sur les salaires ?
Permettez-moi avant tout de revenir sur les raisons qui ont conduit à l’introduction de cette disposition dans le code du travail. Lors de la bipartite de janvier 1994, alors que l’Algérie faisait face
Quand sera-t-il supprimé ?
Nous devons d’abord évaluer les incidences financières, car les salaires
code du travail débarrassé de l’article 87 bis devant le Parlement ?
Le groupe de travail doit prendre son temps. Il ne doit subir aucune pression, ni de la part du gouvernement ni du patronat. Cela risque de durer longtemps…
Je ne suis pas là pour jouer au leader charismatique à la Zapata. à des problèmes de financement, il a été décidé de bloquer l’évolution du salaire national minimum garanti (SNMG). Cela s’est fait sur une base consensuelle. Mais il s’agissait d’un réel sacrifice. À partir de là, les négociations sur la hausse du SNMG se déroulaient dans le cadre des bipartites et des tripartites. Reste que la suppression de l’article 87 bis a toujours été une de nos revendications principales, puisque cette mesure avait été prise à titre transitoire. Depuis la dernière tripartite, nous
augmenteront automatiquement dès l’abrogation de cet article. Il faudra savoir quel sera le coût pour l’État mais aussi pour les entreprises publiques et privées. Un groupe de travail a été chargé de calculer ces incidences financières. Nous passerons ensuite à une autre étape qui consistera à intégrer le nouveau SNMG dans le projet de code du travail. Le texte est en cours d’élaboration. Concrètement, le gouvernement a-t-il annoncé la date de la présentation du
Si nous travaillons correctement, il pourra être intégré dans le processus de réformes politiques. Peut-être au cours de l’année 2012. Nous ne devons pas confondre vitesse et précipitation. Nous devons aller vers un code du travail qui réponde également à des exigences d’ordre international. Ne craignez-vous pas d’être confrontés à l’impatience des travailleurs ?
Non. Ils sont tranquillisés, le principe de la suppression de cette mesure étant acquis. Et ils doivent rester sereins, car la hausse de salaire sera conséquente. Dans certains cas, elle atteindra 45 %. ●
Partager g le sourire e de millions de planteu planteurs urs
Propos recueillis à Alger par AHMED BEY
CRÉDIT PHOTO HOTO
PUB 1/2 PAGE
En tant que leader international et Chef de file mondial dans la gestion de la « Supply Chain », Olam a engagé des partenariats avec les planteurs en Afrique et dans les pays émergents. Nous nous basons sur notre Charte de Développement Durable « Livehood Charter » pour créer un partenariat gagnant avec les planteurs, basé sur la transparence et la confiance. Nous
renforçons les capacités des planteurs en mettant à leur disposition du financement de campagne, en leur fournissant des formations d’outils et des techniques pour améliorer les rendements et la qualité des récoltes et en les mettant en relation avec les principaux marchés mondiaux. Au travers de ces démarches, Olam a contribué à l’amélioration des revenus de plus de 1,5 million d’agriculteurs en Afrique en apportant à nouveau le sourire sur le visage de ceux qui en ont le plus besoin.
Olam est présent en :
Format total (avec débords de coupes) L = 200 x H = 140
Afrique du Sud, Algérie, Angola, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Gabon, Surface utile (déllimitée Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Liberia, Mozambique, Nigeria, Soudan, Tanzanie, Togo, Uganda, Zambie, Zimbabwe. L = 185 x H = 130 Olam International Limited
9, Temasek Boulevard #11-02, Suntec Tower 2, Singapore 038989 Tel: (65) 63394100 - Fax: (65) 63399755
www.olamonline.com
en noir)
95
Le Plus de J.A. MÉDIAS
Révolution sur les ondes
L’ouverture de l’audiovisuel permettra la création de télévisions privées nationales. La fin d’un monopole d’État devenu ubuesque face aux centaines de chaînes satellitaires.
O
n a la révolution qu’on peut. Si l’on devait mesurer les effets à Alger des révoltes populaires qui, en Tunisie et en Égypte, ont emporté des régimes dictatoriaux, on pourrait les résumer à la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis près de vingt ans, et aux promesses d’ouverture de l’audiovisuel aux investisseurs privés. Ailleurs, ce dernier engagement ne paierait pas de mine ; ici, il s’agit d’un bouleversement majeur. Depuis un demi-siècle – soit l’âge de l’Algérie indépendante –, radios et télévisions, qualifiées de « médias lourds », relèvent d’un monopole d’État. De tout temps, dans le choix des dirigeants de
Les téléspectateurs n’ont jamais eu la possibilité de « zapper algérien ». ces entreprises publiques, l’allégeance a primé sur la compétence, la docilité à l’égard du puissant sur l’esprit d’initiative, la flagornerie sur la créativité. Les velléités de libéralisation de la fin des années 1980 (lire la tribune d’Ahmed Bedjaoui p. 98) ont très vite tourné court. Le pouvoir a, à tort ou à raison, estimé que l’impact d’une télévision libre constituait une menace sur sa pérennité.
OMAR SEFOUANE
96
LE PLATEAU DU DZAÏR SHOW, l’un des succès de Canal Algérie.
paraboliques qui enlaidissent toitures et façades des immeubles des villes et des villages, de centaines de canaux arabes ou occidentaux (pour l’essentiel français). En revanche, il n’a jamais eu la possibilité de « zapper algérien », même si l’offre nationale est aujourd’hui plurielle (il existe un bouquet de cinq chaînes, mais parfaitement jumelles, proposant des programmes identiques). Pourquoi le pouvoir avait-il si peur d’une télé libre ?
5 chaînes publiques bientôt concurrencées
PARABOLES. Le problème ne
tient aujourd’hui pas à la pluralité de l’offre. Depuis l’intrusion des chaînes satellitaires, puis la révolution numérique, le paysage audiovisuel algérien est des plus variés, et le téléspectateur dispose, grâce aux antennes N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
• ENTV • Tamazight • Canal Algérie TV 4 • Algérie 3 • Coran TV 5
Boualem est retraité de la Radiodiffusion télévision algérienne (RTA, ancêtre de l’actuelle Entreprise nationale de télévision, ENTV). Ancien syndicaliste, il explique l’obsession du contrôle des programmes par les gouvernants. « C’est lié à l’histoire de ce pays. La légitimation du pouvoir part de la guerre de libération. Au début des années 1960, la télévision algérienne était une sorte de filiale de l’ORTF [Office de radiodiffusion télévision française, NDLR], institution télévisuelle de la puissance coloniale. À la veille de l’indépendance, tous les cadres et techniciens français ont quitté l’Algérie en catastrophe. Et c’est le personnel algérien, non qualifié, qui a pris la relève. Le cadreur est devenu réalisateur, l’accessoiriste, chef d’antenne, et le menuisier de décor, opérateur du télécinéma [appareil d’un autre âge qui convertissait les films cinématographiques en signal vidéo]. Ce JEUNE AFRIQUE
L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?
Le JT de 20 heures d’ENTV bat tous les records d’audience. Un formidable outil de communication. résisté à la concurrence des chaînes étrangères venant du ciel. Tous les sondages de médiamétrie réalisés ces dernières années le confirment : le journal télévisé de 20 heures d’ENTV est indéboulonnable et bat tous les records d’audience. C’est pourquoi les gouvernants ont toujours rechigné à laisser ce formidable instrument de communication leur échapper. Le Printemps arabe a bousculé cette donne. Entrant dans le cadre des réformes annoncées par Abdelaziz Bouteflika, l’ouverture de l’audiovisuel prendra la forme d’une distribution de fréquences au profit exclusif de sociétés de droit algérien remplissant un cahier des charges (en cours d’élaboration) et après un avis favorable d’un Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dont les contours, prérogatives et composantes devraient être définis au terme d’une concertation entre le gouvernement et la corporation. Mais c’est l’administration qui, en dernière instance, délivrera l’autorisation d’émettre. On n’est jamais trop prudent. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
N
écessitant des investissements considérables et un cash-flow conséquent, la création d’une chaîne de télévision n’est à la portée que d’une poignée d’hommes d’affaires disposant à la fois de la surface financière indispensable et d’un réel intérêt pour la sphère médiatique. Trois capitaines d’industrie répondent à ce profil.
Issad Rebrab
67 ans, président de Cevital À la tête du groupe Cevital (agroalimentaire, grande distribution et industries légères), qu’il a fondé en 1998, il est le propriétaire du quotidien algérois francophone Liberté (110 000 exemplaires par jour) et détient des parts dans la chaîne de télévision française Berbère TV. Proche de l’opposition, et particulièrement du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi), il envisage de lancer une chaîne généraliste trilingue (arabe, français et tamazight) sur fonds propres pour garder la mainmise sur la ligne éditoriale de sa télévision.
Ali Haddad
AGOSTINO PACCIANI/JAI
tient sans doute au vecteur de transmission lui-même. Malgré l’anémie de ses grilles de programmes, l’indigence de ses informations et la médiocrité de son habillage, la télévision publique a
Les premières fréquences doivent être attribuées dès l’an prochain. Plusieurs grands patrons préparent déjà leur projet.
AGOSTINO PACCIANI/J.A.
INDÉBOULONNABLE. L’explication
Ils sont dans les starting-blocks
SAMIR SID
fut laborieux, mais cela a marché. C’est dans ces conditions qu’est née la RTA, devenue fierté nationale et instrument de souveraineté. » Mais cet argument historique n’explique pas, à lui seul, la volonté de mainmise sur l’image et le son produits localement. La circulation des idées dans la sphère médiatique ne semble pourtant pas gêner outre mesure les pouvoirs publics. En matière de presse écrite, la libéralisation est ainsi effective depuis deux décennies, avec des résultats impressionnants : 180 titres, un tirage quotidien de plus de 3 millions d’exemplaires (un record pour le monde arabe, Égypte comprise) et des salles de rédaction échappant à tout contrôle de l’État.
46 ans, PDG du groupe ETRHB Grand bénéficiaire du programme d’investissements publics dans les infrastructures, son entreprise de BTP, ETRHB, est devenue
en 2010 le premier groupe privé du secteur. Haddad, la quarantaine élégante, est le propriétaire du quotidien francophone Le Temps, et de son alter ego arabophone El Wakt. Il surfe également sur la professionnalisation du football. Il a racheté le club star de la capitale, l’USM Alger, et, dans la foulée, investi dans la télévision sur internet, avec Dzaïr Web TV, consacrée à l’actualité sportive. L’entrepreneur trépigne d’impatience en attendant de pouvoir déposer sa demande de fréquence.
Djilali Mehri
73 ans, PDG du groupe Mehri Outre l’hôtellerie, son groupe est spécialisé dans les boissons gazeuses (Pepsi Cola) et les brasseries. Ce qui avait valu à cet ancien élu islamiste, sous l’étiquette du Mouvement de la société pour la paix (MSP, d’obédience Frères musulmans), d’être raillé d’un « Pepsi Allah al-Rahmane alRahim » parodiant le « Bismi Allah al-Rahmane al-Rahim » (« Au nomdeDieu,leClément, le Miséricordieux »), formule introductive à tout ce qu’entreprend le musulman. Mehri n’a jamais fait mystère de son intérêt pour les médias audiovisuels. Pour concocter le bouquet qu’il s’apprête à lancer en 2012, l’homme d’affaires s’est entouré, selon la presse locale, de spécialistes français, notamment d’anciens du groupe TF1. ● CH.O. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
97
Le Plus de J.A.
98
TRIBUNE
SAMIR SID POUR J.A.
Éd SID AHMED BEDJAOUI Conseiller au ministère de la Culture
On peut encore rattraper le temps perdu
N
OUS SOMMES EN 1989 et un vent de réformes souffle sur une Algérie encore secouée par les émeutes d’octobre 1988. Après la promulgation de la loi de l’information, datée du 7 avril 1990, le gouvernement Hamrouche autorise les journalistes de la presse écrite à créer des titres indépendants et met en place un Conseil national de l’audiovisuel (CNAV, dont j’ai fait partie à l’époque), chargé de préparer la libération du champ audiovisuel national. Le cahier des charges est prêt, et les affichages commencent lorsque Mouloud Hamrouche est remplacé par Sid Ahmed Ghozali à la tête du gouvernement. Les options demeurent pourtant intactes jusqu’à ce que les élections soient annulées et que Bélaïd Abdesselam vienne mettre un terme à ce rêve en dissolvant le CNAV et en renvoyant les réformateurs à leurs chères études. Et dire que l’Algérie a failli être le premier pays africain et arabe à octroyer des fréquences de radiodiffusion visuelle et sonore à des groupes privés ! Plus de vingt ans après, où en est-on? La presse écrite a échappé au « redressement » en réussissant à pérenniser des médias libres, mais les caciques sont parvenus à sauver le symbole fort et dérisoire (comme le montrera l’avenir) de la radio-télévision d’État, plombant pour un temps l’image du pays dans le monde. Lorsque, le 31 mars 2010, le président mauritanien a annoncé la libéralisation de l’audiovisuel dans les trois mois, l’Algérie est passée du rang d’expionnier potentiel à celui de dernier pays africain à accepter l’existence de télévisions privées. À tel point que le magazine TéléDz n’a pas hésité à lancer, l’année dernière, un canular. « Le président de la République lui-même souhaite désormais que l’audiovisuel soit rapidement ouvert au privé », affirmait la publication, ajoutant: « Cette ouverture permettra la création de nouvelles chaînes qui dynamiseront le secteur de la production et détourneront les Algériens des chaînes étrangères. » Il s’agissait, certes, d’une blague, mais la situation du secteur n’était-elle pas arrivée dans une telle impasse que la question de l’ouverture se posait bel et bien en termes d’urgence vitale ? Mais au fait, qui a dit que le champ audiovisuel était fermé ? En réalité, les Algériens ont à leur
disposition, selon l’Arab States Broadcasting Union, des centaines de chaînes satellitaires arabes, publiques et privées, sans oublier les canaux d’expression française qui leur sont familiers. Mieux encore, pendant que notre télévision d’État ronronne, à l’est et à l’ouest de nos frontières, des chaînes affichent des ambitions maghrébines. C’est le cas de Nessma TV et de Medi 1 Sat, qui grignotent encore un peu plus l’audience de l’ENTV. Les avancées technologiques elles-mêmes rendent l’isolement presque risible. Alors que les télévisions privées sont toujours interdites, Algérie Télécom annonce qu’il diffusera sur le territoire le bouquet Canal+ Maghreb et ART via son offre internet. En somme, conclut Amira Soltane dans le quotidien algérien L’Expression, « l’Algérie préfère diffuser des chaînes étrangères plutôt que d’ouvrir le champ audiovisuel aux initiatives privées algériennes ». En fin de compte, l’ouverture prochaine des fréquences de radiodiffusion à des opérateurs privés a été officiellement annoncée. Retour à la case départ. Peu importe : il est encore temps de positiver et de rattraper le temps perdu. Une nouvelle loi est en préparation.
Pendant que notre télévision d’État ronronne, Nessma TV ou Medi 1 Sat affichent des ambitions maghrébines.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Sous quelle forme ? Les textes restent pour le moment assez flous, et il faudra attendre la discussion législative pour en savoir plus. Certes, l’avènement du numérique va permettre la multiplication des canaux. Mais n’est-ce pas là un palliatif de plus à l’archaïsme médiatique ?Sur un blog de itMag consacré au sujet, un jeune téléspectateur commente très justement : « La télé en Algérie sera numérisée tôt ou tard. Mais la priorité n’est pas dans la transmission ! La priorité, c’est le programme offert. Je connais pas mal de compatriotes qui ne regardent jamais l’ex-Mehtouma parce que ses grilles les déçoivent. Le contenu doit être corrigé avant la numérisation. »Tout le monde s’accorde à présent pour dire que c’est la qualité de la production qui, demain, fera la différence entre le public et le privé. Surtout si la télévision d’État décidait soudain de devenir un véritable service public. ● JEUNE AFRIQUE
Always Caring for You
100
Économie
ÉNERGIE
Du gaz à profusion… surtout pour l’export
TRIBUNE
Abdoulaye Bio-Tchané
Président du cabinet ACI
AFRIQUE DE L’OUEST
La conquête éclair d’
Dans la plus grande discrétion, la compagnie nigériane s’est imposée en huit ans comme le premier transporteur privé ouest-africain. Certains s’interrogent cependant sur les risques d’une expansion aussi rapide. Avec raison ? STÉPHANE BALLONG
D
ébutoctobreàWashington,l’avionneur américain Boeing a signé un contrat pour la vente de deux B747-8 Intercontinental, nouveau modèle destiné à concurrencer l’A380, le gros-porteur de son concurrent européen Airbus. Son client est africain: il se nomme Arik Air. Il s’agit d’une compagnie aérienne créée en 2004 au Nigeria par un homme d’affaires, Joseph Arumemi-Ikhide, qui a fait fortune dans l’agriculture et, surtout, dans les services à l’industrie pétrolière (lire p. 102). Avec cet investissement, Arik Air, dirigé par un homme maladivement discret sur ses moyens et ses résultats, est la première compagnie d’Afrique de l’Ouest à commander des avions neufs depuis très longtemps. La facture présentée par Boeing, si l’on se réfère aux prix catalogue du constructeur américain, avoisine les 635 millions de dollars (environ 456 millions d’euros). Le montant sera financé grâce à l’appui d’Afreximbank, au Caire, dont la mission est de promouvoir le commerce intra-africain. Les détails du prêt n’ont pas été communiqués. À L’OFFENSIVE. « Notre stratégie à long terme: offrir
des services de standards internationaux, avec des appareilsdequalitéquiapportentunemeilleureéconomie d’exploitation », a indiqué Joseph ArumemiIkhide lors de la signature du contrat, le 6 octobre. À l’instar des principaux transporteurs subsahariens que sont Kenya Airways, South African Airways et EthiopianAirlines,legroupenigérianestàl’offensive. Il multiplie les ouvertures de nouvelles lignes sur les réseaux régionaux et intercontinentaux, et renforce sa flotte avec des appareils neufs. Ainsi, quand ses concurrents régionaux Senegal Airlines, Asky Airlines et Camair-Co opèrent avec des flottes de location de deux à cinq appareils, Arik Air possède une trentaine d’aéronefs, souvent achetés neufs. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Seattle (États-Unis), avril 2007. DES DIRIGEANTS D’ARIK AIR ET DE BOEING se félicitent d’un accord portant sur l’achat de deux appareils de l’avionneur américain.
Autre signe distinctif : la compagnie nigériane connaît une croissance rapide et a de grandes ambitions, parce qu’elle a su profiter au départ du potentiel de son marché domestique (le Nigeria compte 158 millions d’habitants). Rien que sur le plan national, Arik Air compte une vingtaine de destinations et a réussi à s’imposer comme l’un des leaders. Son principal concurrent, Air Nigeria (exVirgin Nigeria Airways puis Nigerian Eagle Airlines), assure huit destinations domestiques et a acheté, en août dernier, son onzième appareil, un Boeing 737-400. Depuis avril 2010, la compagnie, rachetée au milliardaire britannique Richard Branson, appartient à l’homme d’affaires nigérian Jimoh Ibrahim, patron de Global Fleet Group (assurances, banques, hôtellerie, immobilier, pétrole…) qui a démarré dans la distribution de carburant. JEUNE AFRIQUE
RD CONGO
First Bank of Nigeria entame sa marche africaine
DÉCIDEURS
Jack Grynberg
PDG de RSM Petroleum
BOURSE DE CASABLANCA
Rénové, le CIH élargit ses perspectives
101
TED S. WARREN/AP/SIPA
Arik Air
Forte de cette base nationale solide, la compagnie s’est attaquée, dès 2008, au marché sous-régional et international. D’après Herbert Reichle, directeur général de l’allemand Lufthansa pour l’Afrique de l’Ouest, basé à Lagos, « Arik Air a une stratégie futuriste ». « C’est par exemple la première compagnie nigériane qui prévoit d’aller en Amérique du Sud, alors que toutes les autres se limitaient jusque-là aux liaisons avec Londres et les États-Unis », relèvet-il. Les échanges commerciaux entre le Nigeria et les pays de cette région sont en pleine croissance. Avec le Brésil par exemple, ils sont en constante progression et avoisinent les 10 milliards de dollars aujourd’hui, contre environ 8 milliards en 2008. À l’international, le transporteur nigérian opère déjà à Londres, à New York et à Johannesburg. Mais il entend aussi développer de nouvelles liaisons avec JEUNE AFRIQUE
Houston (États-Unis), Paris, Pékin, Abou Dhabi… Pour atteindre ses objectifs, la compagnie affirme avoir en commande, pour plus de 6 milliards de dollars, plusieurs appareils (Boeing B777, B787 et Airbus A340) dont les livraisons sont attendues au cours des dix prochaines années. BIENTÔT À BAMAKO. Outre Afreximbank, Arik Air
Il opère déjà à Londres, New York et Johannesburg, en attendant Paris, Pékin, Abou Dhabi…
compte parmi ses fidèles partenaires financiers le fonds d’investissement Africa Finance Corporation (AFC, détenu à 42,5 % par la Banque centrale du Nigeria). C’est déjà lui qui, en 2008, avait débloqué 100 millions de dollars pour financer l’expansion de la flotte du transporteur. Plus récemment, en juin, AFC a par exemple injecté 668 millions de dollars dans l’acquisition par Ethiopian Airlines de cinq Boeing 777-260.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Entreprises marchés Grâceàcepartenariat,ArikAirdispose,avectreize PENDANT appareils, de la plus importante flotte de Boeing 737 (les aéronefs de 80 à 120 passagers les plus CE TEMPS répandus sur le continent) en Afrique de l’Ouest. Un atout qu’il utilise notamment pour mener son offensive régionale. Après s’être posée dans des capitales anglophones de la sous-région (Accra, Freetown, Monrovia…), la compagnie nigériane, qui dessert aussi Dakar, met désormais le cap sur l’Afrique francophone. L’ouverture d’un LagosBamako via Cotonou et Ouagadougou, d’abord annoncée pour le 11 octobre, est attendue début décembre. Le plan initial prévoyait deux liaisons par semaine à bord d’un Bombardier CRJ900 de 76 places. D’autres destinations comme Abidjan, Kinshasa et Niamey devraient suivre. ERREURS. Reste une question : Arik Air peut-il
absorber cette croissance tous azimuts? En moins de six ans, la compagnie, qui annonce qu’elle aura transporté 3 millions de passagers en 2011 (déjà 6 millions de passagers depuis 2004), est devenue le plus grand transporteur privé d’Afrique de l’Ouest. « Une chose est de se développer, une autre de pouvoir absorber sa croissance, sachant que la moindre erreur peut être lourdement payée », indique le patron d’une compagnie ouest-africaine. Or des erreurs, le transporteur en a déjà commis. « Au départ, ils ont voulu vendre toutes leurs destinations uniquement sur internet, sans passer par les réseaux traditionnels d’agences de voyages. Mais ils ont très vite compris qu’en Afrique cela allait être très difficile », explique le patron d’une agence de voyages au Mali. Résultat: pour l’heure, Arik Air n’est pas encore rentable. Le groupe, qui
• Après un début d’année difficile, Royal Air Maroc espère se relancer grâce à une augmentation de capital de 138,5 millions d’euros.
Pour l’heure, Arik Air, qui refuse de divulguer ses résultats, n’est pas encore rentable.
PERSPECTIVES FAVORABLES. Toutes ces inter-
UNE SUCCESS-STORY NIGÉRIANE TOUT A COMMENCÉ EN 2002, après la liquidation de la compagnie nationale Nigeria Airways. Homme d’affaires prospère, Joseph Arumemi-Ikhide achète alors son propre jet privé – un Hawker – pour ses déplacements à l’intérieur du pays. Cet avion servira aussi à ses partenaires de l’industrie pétrolière et gazière. Face à une demande croissante, il achète un deuxième jet et décide, en 2004, de créer une compagnie aérienne pour opérer des liaisons domestiques. Auparavant, cet ingénieur mécanicien a travaillé pendant plus de dix ans dans des groupes pétroliers (Chevron, Shell, Agip), avant de créer en 1999 sa propre société, Rockson Engineering, spécialisée dans l’ingénierie, la fourniture d’équipements à l’industrie pétrolière et la construction de centrales énergétiques. À 62 ans, il est désormais à la tête de plusieurs entreprises, dont Ojemai Farms (agroalimentaire), et est considéré comme l’une des principales fortunes du Nigeria. Président d’Arik Air, il en a confié la direction générale à son fils Michael, 33 ans, en janvier 2010. ● S.B. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
• Face à un climat social tendu, Abdelwahid Bouabdallah a cédé en juin son fauteuil il de PDG d’Air Algérie à Mohamed
refuse de divulguer ses résultats, prévoit de dégager ses premiers bénéfices en 2012. Deplus,ArikAirdoits’attendreàuneconcurrence rude des transporteurs sous-régionaux. Air Mali et Air Burkina ont cessé les liaisons intercontinentales pour se concentrer sur le marché régional, ce qui les a rendus plus compétitifs. Senegal Airlines, Asky Airlines et Air Nigeria poursuivent aussi un développement sous-régional. Ainsi, sur la ligne Lagos-Bamako qu’il entend ouvrir en décembre, Arik Air devrait croiser, entre Lagos et Cotonou, Air Nigeria, qui y opère déjà huit vols par semaine. Le transporteur devra aussi rivaliser avec Air Burkina (quatre vols par semaine) et Kenya Airways (un vol) entre Cotonou et Ouagadougou. Enfin, sur la ligne Ouagadougou-Bamako, Arik Air devra parvenir à se faire une place aux côtés d’Air Burkina, d’Air Mali et de Senegal Airlines, déjà bien implantés. Autre source d’inquiétude : la capacité de la compagnie nigériane à faire de l’aéroport MurtalaMuhammed de Lagos, sa principale base, un hub. « Cette infrastructure conçue il y a une trentaine d’années n’est pas adaptée. Les voyageurs en transit sont obligés de sortir et de refaire les formalités pour changer de vol », explique le porte-parole d’un loueur d’avions.
TED S. WARREN/AP/SIPA)
102
rogations sont balayées d’un revers de main en interne. « Le propriétaire du groupe s’est entouré d’anciens cadres de grandes compagniesoccidentales », affirmeDjibrilTabouré,le représentant d’Arik Air au Mali. Par exemple, le vice-président chargé du planning et du marketing, Bert van der Stege, est un ancien cadre de Lufthansa. Mais cela suffira-t-il à faire d’Arik Air un transporteur de référence en Afrique? Une chose est certaine, la compagnie pourra bénéficier des perspectives favorables dans le ciel africain. D’après l’Association internationale du transport aérien (Iata, organisation qui regroupe environ 230 compagnies représentant 93 % du trafic mondial), l’Afrique sera la deuxième région de plus forte croissance du secteur, après l’Asie, jusqu’en 2014 (+ 7 % par an). De plus, dans ses dernières estimations publiées fin septembre, l’Iata prévoit une amélioration dans les finances des compagnies africaines. Après leur avoir prévu une perte globale de 100 millions de dollars, l’organisation affirme que les transporteurs africains atteindront finalement l’équilibre en 2011. ● JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés Salah Boultif. Les salaires ont crû de 20 % en octobre.
• Mis en faillite en juillet, Air Ivoire doit renaître
début 2012 avec Air France et l’État à son capital. • AprèsYaoundé (Camair(C Co) et Brazzaville zaville (ECAir),
MURIEL DEVEY
• Senegal Airlines a été lourdement pénalisé par un incident qui a cloué
sur le tarmac de Bamako l’un de ses deux appareils pendant plusieurs semaines.
RD CONGO
Les ailes coupées
Libreville s’apprête à lancer une compagnie nationale. Au risque de condamner Air Cemac, le projet Ce de transporteur régional. tra
handling basée à Kinshasa), ainsi que par Cosha Investment et deux personnes physiques –, doit assurer, selon son directeur Matthieu Boukitou, son premier vol entre Kinshasa et Lubumbashi à la mi-novembre. Reste à importer le Boeing 737-500 que le transporteur louera à Zambezi Airlines. Par la suite, Okapi Airlines compte acquérir Ý Depuis juillet, seule la deux Boeing 737COMPAGNIE 400 (l’achat de l’un AFRICAINE D’AVIATION est en négociation à relie Kinshasa Londres) ainsi que aux autres villes trois ATR 42-500 et du pays (ici Mbuji-Mayi). un Boeing 737-800. Lajeunecompagnie a déjà investi 57 millions de dollars dans les appareils et la formation du personnel. Démarrant avec 75 employés, elle prévoit de porter ses effectifs à 150 salariés en vitesse de croisière. CLOUÉ AU SOL. Autre nouvelle venue :
Stellar Airways. Liée à Services Air, un transporteur spécialisé dans le fret aérien qui opère en RD Congo depuis plusieurs années sous la direction d’un Indien, la compagnie devrait lancer bientôt ses premiers vols passagers. retardé. Et en l’absence de concurrence, Pour sa part, Korongo Airlines reste les tarifs ont explosé. En un an, l’aller-recloué au sol. Pourtant, la compagnie tour Kinshasa-Lubumbashi a augmenté constituée en avril 2010 – dont le capital de près de 100 dollars (environ 72 euros), est détenu à 70 % par un holding formé passant de 540 à 630 dollars. du groupe George Forrest International Au bord de la crise de nerfs, les agenet de Brussels Airlines (35 % chacun), et ces de voyages et de billetterie locales à 30 % par des investisseurs congolais – a ont envoyé, fin septembre, une lettre passé toutes les étapes de la certification, côté congolais comme belge. Mais, sans aucune Au bord de la crise de nerfs, les agences de voyage ont envoyé explication officielle, elle n’a toujours pas d’autorisation une lettre au Premier ministre. d’importer les avions indispensables au démarrage de au Premier ministre pour demander son activité. De quoi enrager. Korongo que l’ordre soit rétabli dans le secteur a investi 3,5 millions de dollars dans la et, surtout, que celui-ci soit ouvert à la formation de ses 200 employés, mais concurrence. Ont-elles été entendues ? aussi dans un hangar flambant neuf à En tout cas, une nouvelle compagnie, Lubumbashi, un centre de maintenance Okapi Airlines – dont le capital est et une unité de catering dernier cri. Qui majoritairement détenu par African tournent à vide pour le moment. ● Transport System (ATS, une société de MURIEL DEVEY, à Kinshasa
Avec un seul transporteur en état d’assurer les liaisons intérieures, les prix flambent. Trois nouveaux acteurs pourraient mettre fin à ce monopole… s’ils réussissent à décoller.
R
ien ne va plus dans le ciel congolais. Depuis la suspension des vols de la compagnie Hewa Bora après le crash d’un de ses Boeing à Kisangani, le 8 juillet, et l’arrêt de la desserte de cette même ville par Kenya Airways, seule la Compagnie africaine d’aviation (CAA), du groupe Blattner, assure les vols domestiques long-courriers entre Kinshasa et les grandes villes du pays, comme Lubumbashi, Kisangani ou Goma. Un seul transporteur, c’est peu pour la vaste RD Congo, où les déplacements se font pour l’essentiel par avion. D’où une multitude de désagréments pour les passagers, même si la CAA a multiplié les rotations. Les clients se battent – par tous les moyens – pour obtenir une place et passent des heures à l’aéroport à attendre un vol dont l’horaire a été JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
103
Entreprises marchés ÉNERGIE
Du gaz à profusion… surtout pour l’export
Riche en réserves, l’Afrique pourrait profiter de cette manne pour alimenter ses centrales électriques. Mais l’essentiel de sa production reste destiné à l’étranger.
I
l suffit de suivre les torchères, réparties telles des bougies sur un gâteau, pour se repérer dans le bassin du Congo. De prendre une bouffée d’air acide et carboné dans le delta du Niger pour sentir ce que vit le peuple ogoni. Dans ces régions où les pétrodollars coulent à flots, l’unique production de lumière est une flamme qui ne s’éteint jamais. Quelque 40 milliards de m3 de gaz inexploités, l’équivalent de la consommation annuelle française, sont ainsi brûlés chaque année en Afrique depuis plus de cinquante ans, au mépris de l’homme et de son environnement. Une richesse gâchée… que le continent pourrait convertir en électricité pour ses habitants. Car l’Afrique n’est pas qu’un gigantesque réservoir pétrolier. Son potentiel gazier est au moins aussi important. Du nord au sud, ses réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 14 700 milliards de m3 en 2010, soit près de 8 % des réserves mondiales. Et elles pourraient rapidement croître.
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
104
L’ALGÉRIE est le premier producteur de gaz naturel liquéfié du continent.
À preuve, la découverte sensationnelle de l’italien ENI, le 20 octobre au large du Mozambique, estimée à 425 milliards de m3. Avec une production prévue de 46,6 millions de m3 par jour dès 2016, destinée aux marchés domestique, régional et international, Maputo deviendra un producteur de poids. La manne étant située à 40 km des côtes, son évacuation nécessitera la construction d’un gazoduc sous-marin et d’infrastructures supplémentaires
LES GAZ DE SCHISTE EN QUESTION L’AFRIQUE EST ASSISE sur des milliards de m3 de gaz conventionnels non exploités, mais les pétroliers s’intéressent déjà aux gaz de schiste emprisonnés dans la roche. Décriée pour son impact sur l’environnement (la roche est fracturée à l’aide d’un produit chimique injecté sous pression), leur exploitation a été évoquée en Afrique du Sud, où l’anglo-néerlandais Shell avait un projet sur 90 000 km2, dans la région semi-désertique du Karoo, connue aussi pour la qualité de sa viande de mouton. Derrière lui, le sud-africain Sasol, le norvégien Statoil, l’américain Chesapeake Energy… Sous la pression des populations, l’État a fini par voter un moratoire en mai. Le françaisTotal est quant à lui déjà un acteur en Algérie, où il extrait, àTimimoun et Ahnet, un gaz conventionnel proche des gaz de schiste, le « tight gas ». Mais si les producteurs avouent « regarder » pour le long terme, ils affirment M.P. cependant donner la priorité aux réserves conventionnelles. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
pour l’acheminer sur son lieu de consommation : un autre pipeline pour rejoindre, par exemple, l’Afrique du Sud (qui s’est dite très intéressée, alors qu’elle affronte une véritable crise énergétique), et une usine de liquéfaction pour ensuite transporter le gaz par bateau partout dans le monde. INVERSER LA TENDANCE. Cette
découverte participera à augmenter la part africaine dans la production mondiale – la contribution du continent est aujourd’hui de 6,5 %, dont plus des trois quarts proviennent d’Algérie, d’Égypte et de Libye. Elle ne suffira pas, en revanche, à inverser une autre tendance. « L’Afrique vit une contradiction par rapport aux autres continents : elle produit deux fois plus de gaz qu’elle n’en consomme », relève Anne-Sophie Corbeau, analyste marchés gaziers à l’Agence internationale de l’énergie. Et de citer l’Égypte, deuxième producteur africain, qui peine à répondre à sa demande intérieure… pourtant un tiers inférieure à sa production. JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés facilement exportable, est six fois moins élevé que le pétrole (à production d’énergie équivalente). Ralentis au lendemain de la crise de 2008, les projets africains de production de GNL ont à nouveau le ventenpoupe.Quelque50milliards d’euros doivent être investis dans des projets de terminaux méthaniers (voir carte). L’un des derniers annoncés est celui du français GDFSuez au Cameroun, à 30 km au sud de Kribi ; les études viennent de commencer, mais le coût est déjà estimé à 2,5 milliards d’euros. Si tous ne verront pas le jour, certains projets devraient démarrer en 2012. C’est le cas d’Angola LNG, opéré par le français Total, le britannique BP, l’italien ENI, l’américain Chevron et l’entreprise nationale
Alors que le continent représente à peine plus de 3 % de la consommation mondiale, force est de constater que la plupart des projets qui essaiment du nord au sud sont destinés à l’exportation. D’abord, parce que la croissance de la demande mondiale ne se tarit pas (+ 7,4 % en 2010), tirée par la Chine, qui entend doubler la part du gaz dans son mix énergétique d’ici à 2015, en augmentant son utilisation de 20 % par an. Ensuite, parce que l’accident de la centrale de Fukushima, en mars au Japon, semant le doute sur tous les programmes nucléaires du monde, a déjà eu un effet de levier. Enfin, parce que le prix du gaz, en particulier du gaz naturel liquéfié (GNL), transporté par bateau et donc
Sonangol. Mise en route prévue au premier semestre 2012, au terme d’un investissement de 6,5 milliards d’euros. En Algérie, l’extension de la plus vieille usine de liquéfaction du continent (1961), à Arzew, devrait suivre le même calendrier.
« Le continent produit deux fois plus de gaz qu’il n’en consomme. » ANNE-SOPHIE CORBEAU, Agence internationale de l’énergie
Au Nigeria aussi, les faits sont têtus, et contraires aux déclarations politiques et aux besoins du pays. Quatrième producteur de gaz en Afrique, mais assis sur les plus importantes réserves, avec 5300 milliards de m3, le pays voit ses exportations stagner, et la demande intérieure n’arrive pas à être satisfaite. La « Power Road Map » élaborée en 2010 prévoit de porter la production d’électricité de 3 000 à 20000 MW d’ici à 2020, ce qui créerait un besoin supplémentaire de 100 millions de m3 de gaz par jour (la quasi-totalité des centrales électriques sont alimentées en gaz), contre une consommation actuelle estimée à 30 millions de m3.
Les projets de terminaux méthaniers fleurissent 1 1
3
4
Algérie
2
1
Libye
2
Égypte
1 Mauritanie
CHIMÈRE ÉLECTORALE. Or, plus de
Côte d'Ivoire d' re 1
Nigeria 6 1
1
Came meroun me un
Gu ée 1 Guinée équatoriale équatorial éq toriale ale 1
Kenya
SOURCE : CALIFORNIA ENERGY COMMISSION, J.A.
1 1 Nombre d'unités de production de GNL : 1 existantes 1 en construction 1 en projet (estimations) 1 Unités de regazéification en projet
Angola 1 Namibie
Afrique Af du Sud 1
66 % de la production nigériane de gaz est du GNL destiné à l’export, via Bonny (Sud-Est). Une septième tranche de ce terminal est à l’étude, tandis qu’un autre projet, situé à Brass (un peu plus à l’ouest), devrait voir le jour prochainement. Porté par un consortium composé de la compagnie nationale NNPC, de Total, d’ENI et de l’américain ConocoPhillips, il aura une capacité de 50 millions de m3 par jour. Le calendrier reste incertain, mais les appels d’offres pour sa construction ont été lancés, et la quantité de GNL qui en sortira est en cours de commercialisation. Ces milliards de m 3 de gaz exportés sont autant de torchères éteintes. Mais pour l’heure, le rêve d’une Afrique électrifiée grâce au gaz de son sous-sol demeure une chimère électorale, et le privilège de quelques quartiers huppés des grandes villes. ● MICHAEL PAURON
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
105
Entreprises marchés
106
TRIBUNE
VINCENT FOURNIER/J.A.
Éd ABDOULAYE BIO-TCHANÉ Président du cabinet Alinadaou Consultancy International (ACI), ancien président de la BOAD et ex-directeur du département Afrique du FMI
Les attentes africaines du G20
L
E G20, porté sur les fonts baptismaux en décembre 1999, s’était assigné pour mission principale d’apporter une réponse adéquate aux crises financières, notamment dans les pays émergents ; c’était compter sans les aléas du monde. En effet, au moment même où les crises économiques et financières menacent les économies développées, les pays émergents affichent une insolente santé. Cette nouvelle tournure des événements a imposé, à tous, le G20 comme le forum le plus adéquat. Nous saluons au passage les différentes initiatives du président français Nicolas Sarkozy pour légitimer davantage ce forum. C’est aussi pourquoi les Africains attendent beaucoup du G20.
La réunion du G20, qui a lieu à Cannes (France) du 3 au 4 novembre 2011, intervient à un moment critique. En effet, pendant que l’Europe peine à trouver les moyens capables d’endiguer la crise de la dette qui menace la stabilité de l’euro, les États-Unis cherchent la recette d’une politique de relance économique, alors même que les pays émergents et le reste du monde se préoccupent de la manière de se préserver de la tourmente qui a gagné ces grands pays. Le Printemps arabe mérite quant à lui une attention toute particulière, même si les répercussions de la crise sur ce dernier sont bien souvent minimisées par tous.
Pour des millions d’Africains, une solution efficace et durable à ces phénomènes est une nécessité absolue. Plus de 20 millions d’entre eux sont actuellement exposés à la famine dans la Corne de l’Afrique. Sur le continent, les réflexions doivent être axées sur de véritables politiques agricoles, en donnant la priorité, par exemple, à des règles fidèles à leur objectif de départ et que les marchés seraient obligés de respecter. Le potentiel de l’Afrique n’est plus discutable. Des politiques publiques conduites intelligemment et déclinées à travers une meilleure gouvernance seront les gages de son développement. Le G20 fera œuvre utile et salutaire en donnant une dimension africaine au sommet de Cannes. L’Afrique mérite un plaidoyer afin que sa véritable place soit reconnue dans toutes les instances de décision ou de concertation, telles que le Conseil de sécurité de l’ONU, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui engagent l’avenir du monde. Continuer de
Le continent mérite un plaidoyer afin que sa véritable place soit reconnue dans les instances telles que le FMI et la Banque mondiale.
Ces constats suscitent une interrogation : les priorités de la réunion du G20 sont-elles à la hauteur des attentes ? Si les défis et enjeux économiques conjoncturels et sociaux méritent la plus haute attention, il est aussi indispensable et digne d’intérêt de se préoccuper de l’angoisse que suscitent les changements climatiques dont les conséquences menacent la survie de nos pays. Ainsi, la préservation des équilibres actuels, la restauration des fondamentaux d’un contexte propice à la reprise de la croissance mondiale, etc., ne sont pas, semble-t-il, en contradiction avec les nouvelles orientations qu’imposent les défis liés au changement climatique. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
méconnaître cette vérité serait lourd de conséquences pour un monde dont certains avaient prédit que l’Afrique serait l’avenir. Enfin, méconnaître cette vérité à Cannes trahirait l’idéal d’équité d’une « coopération économique et financière pour assurer une croissance mondiale fondée sur des bases saines et solides [la mission que s’est donnée le G20, NDLR] ». Les légitimes attentes que suscite aujourd’hui le sommet de Cannes rendent la mission du G20 encore plus exaltante, en même temps qu’elles appellent des réformes efficientes à impact productif pour les décisions qui en seront issues. Mettre l’Afrique en bonne place au G20 donnerait une plus grande légitimité à cette nouvelle gouvernance ; et la communauté internationale devrait en tenir compte, non pas simplement comme une requête des Africains, mais plutôt comme une exigence des temps actuels. ● JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés RD CONGO
First Bank entame sa marche africaine
cours (Oceanic Bank racheté par Ecobank, Intercontinental Bank par Access Bank), First Bank devrait désormais chercher à l’étranger le surplus de croissance et de dynamisme qu’elle gagnait jusqu’à aujourd’hui au Nigeria. Son objectif officiel est de s’établir dans une dizaine de pays subsahariens au cours des cinq prochaines années. Lesquels ? Le mystère reste pour l’instant entier.
Jusqu’ici cantonné à ses activités nigérianes, le groupe a racheté la Banque internationale de crédit, à Kinshasa. Il vise une dizaine d’autres implantations sur le continent.
F
UN MARCHÉ PROMETTEUR. La
cible acquise par First Bank est au final plutôt modeste : la BIC affichait ainsi, fin 2010, un total de bilan de 198 millions de dollars (149 millions d’euros), 75 fois moins que son nouvel actionnaire de référence. Mais l’opération permet au groupe nigérian de prendre pied sur un marché prometteur, lorgné par la plupart des groupes bancaires panafricains. Standard Bank, Ecobank, Bank of N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
RAMPE DE LANCEMENT. « Je
PREMIER GROUPE BANCAIRE OUEST-AFRICAIN, First Bank of Nigeria est aussi le plus ancien établissement de Lagos (117 ans).
Africa, Afriland First Bank et BGFI Bank s’y sont ainsi implantés ces dernières années, attirés par le potentiel de développement d’un secteur qui ne comptait, en 2010, que 350 000 comptes actifs pour 65 millions d’habitants. L’acquisition de la BIC offre également une place directe parmi les leaders de la place : Rawbank, Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC), Banque commerciale du Congo (BCDC) et Trust Merchant Bank. Ces dernières, toutes détenues par des figures locales des affaires, contrôlent toujours plus des deux tiers du marché, malgré la montée de la concurrence étrangère. La BIC, dont le management actuel semble devoir rester en place, dispose d’une part d’environ 10 %. Confronté à une concurrence croissante à domicile, notamment en raison de la nouvelle vague de fusions-acquisitions en
pense que les pays riches en matières premières, dont les nouveaux arrivants dans le domaine pétrolier et gazier, seront en haut de la liste des préférences : Ghana, Angola, Mozambique, Tanzanie et, dans une moindre mesure, São Tomé e Príncipe. Le Kenya pourrait également compléter la liste, comme rampe de lancement vers le bloc est-africain, avec l’Ouganda dans la foulée », pronostique Victor Ndukauba. First Bank, qui compte 7 millions de clients et 630 agences au Nigeria, a de sérieux atouts en mains. Considérée comme l’une des banques les mieux gérées du pays, cette doyenne (117 ans!) doit inquiéter ses rivaux panafricains. Et en premier lieu UBA, dont la stratégie continentale tarde à porter ses fruits, et Access Bank, qui a notamment recentré ses activités ivoiriennes sur la banque d’entreprise. ● FRÉDÉRIC MAURY
La BIC, numéro 5 congolais RANG
BANQUE
1
R AWBANK
2 3 4 5 6
BCDC BIAC TRUST M ERCHANT B ANK BIC P ROCREDIT B ANK C ONGO
TOTAL DE BILAN 2010 (en millions de dollars)
377 360 259 232 198 147 JEUNE AFRIQUE
SOURCE : JEUNE AFRIQUE SPÉCIAL FINANCE 2011
irst Bank of Nigeria crée la surprise. Le numéro un du secteur bancaire nigérian – tant par le total de bilan que par le produit net bancaire – s’était jusqu’à présent tenu à l’écart du mouvement d’africanisation entamé par certains de ses concurrents locaux, United Bank for Africa (UBA) et Access Bank en tête. Le voici désormais propriétaire à 75 % de la Banque internationale de crédit (BIC), acquise début octobre auprès des diamantaires israéliens Dan Gertler et Beny Steinmetz. Un joli coup qui lui permet de se hisser directement au cinquième rang des banques actives en RD Congo (voir tableau). « First Bank of Nigeria n’a jamais étéopposéàuneexpansionpanafricaine », souligne Victor Ndukauba, analyste chez le courtier nigérian AfrinvestWestAfrica.«Aucontraire, l’établissement a même activement considéré cette option, comme en témoigne la fusion manquée avec le groupe Ecobank. » Entre 2005 et 2010, les deux groupes avaient mené des négociations poussées, avant de faire marche arrière.
JIDE AKINBOADE
108
Coulisses
Entreprises
marchés
109
L’avocat ENRICO MONFRINI. BIENS MAL ACQUIS
Tunis mandate un limier suisse ENMATIÈREDETRAQUEdesavoirs illicites, Enrico Monfrini est l’un des meilleurs. C’est à la demande du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Mustapha Nabli, également à la tête du comité national pour le recouvrement des avoirs illégaux du clan Ben Ali à l’étranger, que l’avocat suisse a été mandaté, le 26 septembre, pour récupérer le magot du dictateur déchu et de ses proches. Un pactole – non estimé à ce jour – constitué de placements dans des banques, dans des entreprises ou dans l’immobilier, principalement en France, en Suisse, au Moyen-Orient et au Canada. « Si j’obtiens une assistance politique et judiciaire réelle de la part des pays occidentaux, la restitution d’avoirs pourrait intervenir assez vite », estime Monfrini. Soit avant la fin de l’année. « J’ai une liste d’environdeuxcentspersonnes.Certaines d’entre elles n’ont pas intérêt à voir leur nom publié dans les journaux, elles préféreront rendre l’argent, comme je l’ai déjà vu au Nigeria », explique l’avocat, qui se rendra à Tunis en novembre. À 67 ans, Enrico Monfrini n’en est en effet pas à son coup d’essai. Ce fils de diplomate, qui a vécu au GabonetenCôted’Ivoiredurantson enfance, a épinglé à son tableau de chasse l’ex-dictateur haïtien JeanClaude Duvalier et participé à la traque des avoirs de Mobutu en Suisse. Défenseur d’opposants au régime d’Abacha, il a été sollicité en 1999parlesautoritésdu Nigeria,qui ont récupéré grâce à lui 1,3 milliard d’euros. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
Récompensés pour leurs efforts en matière de démocratie, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Niger ont retrouvé leur statut de partenaire commercial privilégié des États-Unis, a indiqué la Maison Blanche. C’est à l’occasion de la révision annuelle de la liste de la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (Agoa), le 24 octobre, que Barack Obama a signé un décret qui officialise la réintégration des trois pays. Cette liste restera valable au moins jusqu’à la fin de 2012. La version actuelle de l’Agoa a été instaurée par le Congrès américain en 2000. Ce programme établit jusqu’en
2015 une coopération économique et commerciale qui facilite les exportations africaines vers les États-Unis, afin de soutenir le développement et les réformes en Afrique subsaharienne. À ce jour, la RD Congo et Madagascar sont encore exclus de l’Agoa, tandis que la Mauritanie a été réintégrée en 2010. ●
JASON REED/REUTERS
SALVATORE DI NOLFI/AP/SIPA
AGOA CÔTE D’IVOIRE, GUINÉE, NIGER : LE RETOUR
Ð À LA MAISON BLANCHE, le 29 juillet.
S
M
S
• BANQUE La BOAD, le belge BIO et le français Proparco ont injecté 9,1 M€ au capital d’Orabank • WEB Le site d’annonces gratuites soukaffaires.ma a levé 372 K€ auprès du Maroc Numeric Fund • ACIER L’Algérie doit créer avec le Qatar une coentreprise produisant 5 Mt par an • TOURISME Qatari Diar entamera en 2012 la construction d’un complexe touristique 5 étoiles de 80 M$ à Tozeur (Tunisie) • ASSURANCES Le marché camerounais est évalué
à 195 M€ et compte 25 entreprises • PÉTROLE L’algérien Sonatrach démarrera des forages pétroliers dans le bassin de Taoudeni (Mali) au 1er semestre 2012
MAROC RENAULT ATTIRE SES FOURNISSEURS Dans le sillage de Renault, dont l’usine deTanger Med démarrera en janvier, équipementiers et sous-traitants automobiles s’implantent au Maroc. Le fabricant français de composants métalliques Snop a inauguré le 22 octobre son usine tangéroise (250 salariés, 27 millions d’euros d’investissement). Son compatriote GMD vient également d’annoncer son implantation dans le royaume (120 salariés), tout comme Cofely, filiale de GDF Suez, qui prendra en charge une partie de la sous-traitance des services de l’usine Renault. ● CÔTE D’IVOIRE C’EST REPARTI POUR RANDGOLD Après avoir investi 300 millions d’euros dans la mine d’or deTongon (Nord), le sud-africain Randgold Resources
a procédé à l’inauguration officielle de ses opérations en présence d’Alassane Ouattara. Avec une production annuelle de plus de 7 t, la mine deTongon est la plus importante du pays. Mark Bristow, patron de Randgold, a annoncé la poursuite des investissements. Avec une réserve de 90 t d’or, l’exploitation de la mine va durer onze ans. ● CONTINENTAL DES COUPURES QUI COÛTENT CHER Selon un rapport de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies en date du 24 octobre, les coupures d’électricité font perdre 5 % de chiffre d’affaires aux entreprises africaines (20 % pour celles du secteur informel). D’après l’institution, les pénuries de courant coûtent de 1 % à 2 % de PIB aux économies d’Afrique subsaharienne, où, en moyenne, 74 % des habitants n’ont pas accès à l’électricité. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
110
BIO EXPRESS
THE WASHINGTON POST/GETTY IMAGES
• 1932 Naissance en Pologne • 1962 Gagne son premier million aux États-Unis • 1995 Engage une soixantaine de procédures contre plusieurs centaines d’entreprises pour avoir sous-estimé leurs productions • 2007 Assigne la Centrafrique • 2011 Obtient 19000 euros de Bangui et assigneYaoundé
HYDROCARBURES
Jack Grynberg contre-attaque
Infatigable chercheur d’or noir, le multimillionnaire américain a découvert des champs au Kazakhstan, en Amérique latine, au Cameroun… Habitué des prétoires, il assigne Yaoundé devant un tribunal international.
L
es premières livraisons de gaz par pipeline devraient commencer dans les prochaines semaines. Pour la douzaine de grands industriels de Douala, qui espèrent substituer ce gaz au fioul afin d’alimenter leurs usines en électricité, la nouvelle est de bon augure. Tout comme elle l’est pour le principal opérateur du projet, la société britannique Victoria Oil & Gas. La valeur économique de ce champ gazier frôle en effet les 700 millions de dollars (500 millions d’euros). L’ambiance est plus morose en revanche du côté de Denver, dans l’État du Colorado (États-Unis), où officie Jack Grynberg. Découvreur du champ gazier de Logbaba, près de la capitale économique camerounaise, ce légendaire pétrolier américainde79ans,dontcinquante passés à traquer l’or noir à travers le monde, a été associé au projet jusqu’enjuilletdecetteannée.Avant d’en être purement et simplement éjecté, accusé par le Cameroun de ne pas avoir acquitté sa part dans un investissement gazier. Il a alors vu s’échapper, en quelques jours, l’espoir de 200 millions de dollars de revenus… N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Habitué des prétoires, Jack Grynberg a décidé de ne pas en rester là. Yaoundé doit désormais répondre de sa décision devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), tribunal d’arbitrage dépendant de la Banque mondiale. Une procédure a été ouverte en septembre. Elle devrait durer plusieurs années, sauf accord entre les parties. Pour Roger Jatko, la nouvelle est presque de l’ordre de la routine. Il y a quelques mois à peine, le directeur juridique de Jack Grynberg plaidait – avec l’avocat parisien Philippe Auzas – la cause de son patron devant la même instance,
Justicier anticorruption des temps modernes, l’industriel n’a peur de rien. mais contre un autre pays de la région : la Centrafrique. Le litige a débouché sur la condamnation – très modeste – de Bangui à verser quelques dizaines de milliers d’euros, quand Jack Grynberg en demandait 88 millions pour la perte d’un permis pétrolier dans le nord
du pays. À deux pas des champs tchadiens de Doba, qui produisent plus de 100 000 barils par jour… Né en 1932 en Pologne, puis réfugié aux États-Unis, Jack Grynberg n’a peur de rien. L’aventurier, qui a découvert des champs d’or noir au Kazakhstan comme en Amérique latine, aurait mené plusieurs dizaines de procédures juridiques contre desÉtatsoudesmultinationales. Un rôle de justicier des temps modernes qu’il est loin de renier. Dans une étude sur le secteur pétrolier, BNP Paribas estimait ainsi à 300 le nombre de sociétés poursuivies par le multimillionnaire via ses compagnies.Etnondesmoindres:BP,Total, ENI, Royal Dutch Shell, ExxonMobil ont été ouvertement accusés par Grynberg de « corruption et subornation massives » d’officiels gouvernementaux au Kazakhstan. LA CHANCE A TOURNÉ. C’est
d’ailleurs dans cet ancien État de l’URSS que l’homme d’affaires a prouvé au monde son talent de découvreur. Il y a en effet mis au jour lechampKashaganetses9milliards de barils, dans la mer Caspienne. Ce fut l’une des plus grandes découvertes de champ pétrolifère depuis plusieursdécennies.EnCentrafrique, où il avait arrêté en 2003 ses activités de recherche en raison de l’instabilité politique, Jack Grynberg a été moinsheureux.Labataillejuridique entre sa société, RSM Petroleum, et Bangui a duré quatre ans et demi. Au Cameroun, la chance vient aussi de tourner. Et la procédure qui s’est ouverte promet d’être longue. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
Décideurs
111
BIDC
Ý HOMME DU SÉRAIL, il est entré en 1995 au sein de l’institution.
BIDC
Période d’essai réussie pour Bashir Ifo Le Nigérian assurait depuis janvier l’intérim de la présidence de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao. Au terme d’âpres tractations, il a été définitivement confirmé dans ses fonctions.
N
euf mois. C’est le temps qu’il aura fallu pour nommer un président à la tête de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) et remplacer le Béninois Christian Adovèlandé, parti, le 22 janvier, diriger la Banque ouest-africaine de développement. Le conseil des gouverneurs de la BIDC, réuni le 10 octobre à Accra, a finalement fait confiance à un homme du sérail. Entré en 1995 dans ce qui s’appelait alors le Fonds de la Cedeao, Bashir Ifo y a fait toute sa carrière, jusqu’à occuper, à partir
de 2007, le poste de vice-président chargé des finances et des services institutionnels. Diplômé en banque et finance de l’université Ahmadu Bello de Zaria (Nigeria), il gravit, à l’âge de 51 ans, l’ultime marche de l’organigramme. Devantlesgouverneurs,BashirIfo a fait un point sur la BIDC, dont le champd’actions’étendsurseizepays ouest-africains. « Au 31 décembre 2010, a-t-il précisé, la banque avait un déficit de 4,8 millions de dollars [3,6millionsd’euros,NDLR].Lesprévisions à la fin juin 2011 font apparaître que le déficit a été transformé
en un bénéfice de 2,66 millions de dollars. Cela a été possible grâce à des mesures de gestion prudentes et des dispositions agressives de recouvrement des prêts. » En termes d’interventions (prêts, garanties, capital-investissement), les engagements de la BIDC sont passés de 751,2 millions de dollars en décembre 2010 à 905,9 millions fin août 2011. Par ailleurs, la banque a obtenu une ligne de crédit de 150 millions de dollars en juillet auprès du gouvernement indien, et des négociations sont en cours avec des banques chinoises pour financer, à hauteur de 1,5 milliard de dollars, treize projets dans quatre pays (Mali, Sénégal, Togo et Burkina). IMPOSÉ PAR LAGOS. La nomi-
nation de Bashir Ifo ne s’est pas faite dans la sérénité. Les États de la Cedeao avaient convenu que le président de la BIDC serait recruté par un chasseur de têtes. Un cabinet spécialisé a bien présenté en avril une sélection de dixsept candidats issus de huit pays. Les trois premiers (deux Guinéens et un Bissau-Guinéen) étaient ex æquo, Bashir Ifo sixième… Mais le Nigeria, qui apporte 40 % des fonds de la BIDC, a imposé son ressortissant. À celui-ci de prouver maintenant qu’il est bien l’homme de la situation. ● JEAN-MICHEL MEYER
CHARLES KIÉ ECOBANK CAPITAL Le banquier ivoirien a rejoint comme numéro deux, à Londres, la branche marchés de capitaux et banque d’investissement d’Ecobank. Il avait récemment démissionné du poste de directeur général du groupe Banque atlantique, qu’il occupait depuis 2008. JEUNE AFRIQUE
SAMIR BENMAKHLOUF MICROSOFT Après avoir piloté l’introduction de la franchise immobilière Century 21 dans le royaume chérifien, il rejoint le géant américain en tant que directeur général Maroc. De 2001 à 2005, il avait déjà dirigé les filiales d’Algérie et de Bahreïn.
PHILIPPE GARSUAULT BPCE Il est nommé, à 51 ans, directeur général de BPCE International et Outre-mer, qui regroupe les filiales et participations du groupe français dans la banque commerciale hors de métropole (Cameroun, Congo, Mali, Maroc,Tunisie, Madagascar…). N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
LOUGUÉ ; MICROSOFT ; BPCE
ON EN PARLE
Marchés financiers
112
universelle à part entière, le CIH s’est développé dans de nouveaux métiers. Il est monté au capital de Maroc Leasing (crédit-bail) et de Sofac (crédit à la consommation), et a profité de son appartenance à l’ensemble CDG pour travailler avec la banque d’investissement CDG Capital et l’assureur Atlanta.
CIH
REVENUS EN BERNE. Question
BOURSE DE CASABLANCA
Le 21 octobre, le patron AHMED RAHHOU (cravate bleue) inaugurait une antenne à Marseille (France).
Rénové, le CIH élargit ses perspectives Après avoir assaini ses comptes, le Crédit immobilier et hôtelier veut accélérer sa transformation en banque universelle. Première étape : se rapprocher de la diaspora en ouvrant des bureaux à l’étranger.
V
endredi 21 octobre, Ahmed Rahhou a franchi une nouvelle étape. Patron du Crédit immobilier et hôtelier (CIH) depuis 2009, il a inauguré à Marseille (France) le premierbureaudereprésentationde la banque à l’étranger. Avec l’espoir de grappiller quelques points de part de marché à ses grands concurrents : Attijariwafa Bank, Banque populaire et BMCE Bank. « La cible des Marocains résidant à l’étranger est stratégique: 20 % des dépôts au Marocproviennentdecetteclientèle. Notre objectif est de faire grimper notre part de marché à 2 % ou 3 % », explique Ahmed Rahhou. À l’image de son patron, le CIH reste modeste. Fort de son partenariat avec le français BPCE, deuxième actionnaire de référence avec la Caissededépôtetdegestion(CDG), il entend simplement déployer quelques bureaux en France afin d’établir des liens directs avec la clientèle marocaine. En réduisant au minimum le coût et les risques, la stratégie paraît gagnante, d’autant quelabanques’appuiesurdesoffres N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
de transfert d’argent gratuit, d’aide à l’acquisition de biens immobiliers et, bientôt, de garantie de caution pour les étudiants marocains. Au Maroc, le CIH est une banque à part. Alorsque les trois leaders affichent des perspectives insolentes, il apassétoutescesdernièresannéesà s’acquitter d’un lourd passif. « Dans les années 1990, plus de la moitié de nos créances étaient douteuses, explique Ahmed Rahhou. Sur les trois derniers exercices, nous avons consacré 400 millions de dirhams [35millionsd’euros,NDLR]àapurer les comptes. » Tous les dossiers sont aujourd’hui réglés ou provisionnés. « Cela a été notre premier axe de travail. Les deux autres ont été le développement et l’universalisation de la banque », explique le patron. La banque, qui devrait atteindre les 200 agences d’ici à la fin de l’année, compte en ouvrir encore 20 à 30 par an. Objectif : 4 % de part de marché tant en matière d’agences que de dépôts, contre moins de 3 % aujourd’hui.L’offreaétéélargiepour être en ligne avec la concurrence. Et, afin de devenir une banque
finances, les efforts ont commencéà porter leurs fruits. Après une année 2010 sous le sceau de l’assainissement,lesbénéficesnetsontétémultipliés par 6,8 au premier semestre 2011. Mais les revenus, eux, sont en berne. « L’orientation vers les métiers de la banque universelle est ambitieuse, mais semble semée d’embûches », relèvent les équipes d’Attijari Intermédiation, qui doutent de l’efficacité des prises de participation minoritaire,d’unpositionnement tardif dans la bancassurance et de l’absence d’un modèle de filialisation créateur de synergies. L’autre courtier leader à la Bourse de Casablanca est plus positif: BMCE Capital prévoit une progression du produit net bancaire de 8 % en 2012 et une hausse du résultat net part du groupe de 15,3 %.
Le groupe s’est développé dans de nouveaux métiers, comme le créditbail et le crédit à la consommation.
- 15 % C’est la chute enregistrée par l’action CIH sur un an (au 26 octobre)
«Nousavonsdesperspectivesflorissantes, se réjouit Ahmed Rahhou. Et nous sommes dans une logique de distribution de dividendes, avec pour objectif de verser les deux tiers de nos résultats. » Cette sortie progressivedesdifficultéssatisfera-t-elle les actionnaires? CDG et BPCE se seraient déjà engagés à souscrire à l’augmentation de capital de 962millionsdedirhams(85millions d’euros) qui débutera le 14 novembre. Et les petits épargnants? Jusqu’à aujourd’hui, c’est peu de dire qu’ils ont marqué leur méfiance vis-àvis de la banque: en quatre ans, le cours a perdu plus de la moitié de sa valeur. Il se traîne depuis le début de l’année autour des 300 dirhams. Avant de rebondir? ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
Baromètre
Les mines s’envolent
EMPRUNTS OBLIGATAIRES
Après les succès de l’OCP et de l’ONCF, d’autres groupes vont faire appel au marché.
L
es obligations marocaines fontànouveaurecette,après un début 2011 très calme. Les émissions de 178 millions d’euros par l’Office chérifien des phosphates (OCP) fin septembre, puis de 133 millions par l’Office national des chemins de fer (ONCF) mi-octobre, ont remporté un franc succès. Ces emprunts obligataires ontétésursouscrits6foispourl’OCP, 1,2 fois pour l’ONCF. Et ce alors que sur le marché actions, les indices Masi et Madex sont en baisse de 10 % à Casa depuis janvier.
ALLÉCHÉS. « Les entreprises qui ont desgrandsprojetsd’investissement, confrontées à une raréfaction du crédit bancaire, se tournent vers les marchés de la dette privée, analyse Larbi Mouline, directeur des marchés de capitaux chez CDG Capital. Le succès de l’opération de l’OCP n’a pas été une surprise, les investisseurs ont été alléchés par sa très forte rentabilité. Pour l’ONCF, c’est la durée de l’emprunt, quinze ans, qui a séduit, ainsi que la garantie de l’État qui lui est assurée par son statut de société publique. » D’autres émissions devraient suivreavantlafinde l’année.«Ces deux opérations n’ont pas asséché les liquidités disponibles, affirme Larbi Mouline. Les caisses de retraite et les compagnies d’assurances sont encore friandes de produits financiers de long terme. » Des sociétés publiques ayant déjà émis des obligations, comme Autoroutes du Maroc et l’Office national des aéroports, et certaines qui n’en ont jamais fait, comme TMSA (qui gère le port de Tanger-Med), pourraient se manifester, ainsi que les grands groupes privés de l’immobilier et des services. ●
VALEUR
Managem Centrale laitière Maroc Télécom BCP Attijariwafa Bank Ciments du Maroc BMCE Bank Douja Prom Addoha Lafarge Ciments CGI
SECTEUR
COURS au 25 octobre (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)
MINES
203,78
+ 148,5
AGRO - INDUSTRIE
166,81 17,56 47,41 44,48 122,15 25,99 9,47 186,94 139,11
+ 8,9 – 5,9 – 7,5 – 10,4 – 16,6 – 18,4 – 25,4 – 27,7 – 36
TÉLÉCOMS BANQUE BANQUE CIMENT BANQUE IMMOBILIER CIMENT IMMOBILIER
LES POIDS LOURDS MAROCAINS continuent à perdre du terrain. Après le regain enregistré fin mai, les principales capitalisations du pays ont repris leur cycle baissier, la Compagnie générale immobilière (CGI) voyant même sa dégringolade s’accentuer.Toujours survalorisé, le groupe cède 36 % depuis le début de l’année. Malgré le ralentissement de ses performances financières et
la montée de la concurrence, Maroc Télécom ne s’en sort pas trop mal, tandis que Centrale laitière, dont l’activité est pourtant pénalisée par le ralentissement de la consommation, continue à afficher une performance positive.Toutefois, au cours du dernier trimestre, la performance était du côté des valeurs minières, comme en atteste l’envolée de Managem. ●
Valeur en vue EQDOM Un positionnement défensif BOURSE Casablanca • PNB 2010 61,9 millions d’euros (+ 7 %) COURS 1 800 dirhams (25.10.2011) • OBJECTIF 1 985 dirhams
EQDOM EST LE PREMIER FOURNISSEUR de crédits à la consommation sur le segment convoité des fonctionnaires et des retraités fonctionnaires, avec une part de marché de 36,3 %. Grâce à ce positionnement historique sur une catégorie peu risquée de clientèle (du fait du prélèvement à la source), la filiale de la Société générale est l’opérateur qui a le mieux résisté à la dégradation de la conjoncture et à la forte montée du coût du risque. En termes de perspectives, compte tenu Hanane Rahali de la conjoncture, Eqdom devrait maintenir cette Analyste stratégie défensive. À long terme, en raison de la chez CFG Group concurrence croissante des banques, le management souhaite se repositionner du secteur du crédit à la consommation vers des crédits plus spécialisés (financement automobile, biens d’équipement…). En termes de valorisation, nous restons positifs sur le titre, qui, selon nous, devrait rattraper son retard de performance. Eqdom offre de surcroît un rendement de dividende moyen de 6 % sur les cinq dernières années. Nous le recommandons à l’achat. » ●
DR
Regain marocain
Marchés financiers - Spécial Maroc
CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
113
114
Dossier
Emploi & Formation
1
2
3
4
BUSINESS SCHOOLS
L’éliteaupassée crible
Leur nombre est encore restreint, mais les meilleures écoles de commerce africaines se rapprochent un peu plus des standards internationaux. Liens avec les entreprises, accréditations, partenariats académiques… Jeune Afrique vous sert de guide pour découvrir leurs atouts.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JULIEN CLÉMENÇOT
D
is-moi quel est ton diplôme, je te dirai quelle carrière tu feras. En matière de parcours professionnel, mieux vaut faire de belles études pour réussir son entrée dans le monde du travail. Une erreur d’aiguillage, et la sanction peut se révéler cruelle. On ne compte plus, hélas, de Tunis à Abidjan, le nombre de chômeurs dans les rangs des lauréats de l’enseignement supérieur. Pour la troisième fois, après 2008 et 2009, Jeune Afrique a mené l’enquête pour recenser les meilleures écoles de commerce d’Afrique francophone. JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Jonathan Cook Président de
l’African Association of Business Schools
SÉNÉGAL
Dans la jungle du privé
PARCOURS
Une vie après le diplôme
FINANCE
Laissez les consultants venir à vous
POUR J.A. : HASSAN OUAZZANI, OLIVIER ASSELIN, ONS ABID, OMAR SEFOUANE
5 6 7 8
Les meilleurs établissements d’Afrique francophone se trouvent notamment à Alger, avec L’ÉCOLE SUPÉRIEURE ALGÉRIENNE DES AFFAIRES (photos 1, 2 et 7) ; à Casablanca, avec L’ÉCOLE SUPÉRIEURE DU COMMERCE ET DES AFFAIRES (photo 5) ; à Dakar, avec LE CENTRE AFRICAIN D’ÉTUDES SUPÉRIEURES EN GESTION (photos 3 et 6) ; et à Tunis, avec LA MEDITERRANEAN SCHOOL OF BUSINESS (photos 4 et 8).
Celles qui, grâce à la qualité de leurs équipements, de leurs professeurs et de leurs liens avec le monde de l’entreprise, forment les élites du continent. Force est de constater, au terme de notre travail, que si leur niveau a encore progressé, s’approchant un peu plus des standards internationaux, leur nombre reste globalement stable. Preuve que créer un centre d’excellence ne s’improvise pas et que, dans ce domaine, il convient, pour les étudiants et leurs parents, de ne pas céder trop facilement aux sirènes du marketing (lire p. 121). Pour ce palmarès, nous avons envoyé près de 40 questionnaires, aussi bien au Maghreb qu’en Afrique subsaharienne, puis sélectionné dix institutions privées et publiques constituant toutes des références au niveau régional. Cette année, la nouveauté dans notre classement réside dans l’apparition, parmi les meilleures écoles africaines, d’unefilialed’unétablissementfrançais:BEMDakar, inaugurée en 2008 par Bordeaux École de management (ex-ESC Bordeaux). En matière d’éducation comme dans les autres secteurs d’activités, l’Afrique constitue évidemment un marché à conquérir. JEUNE AFRIQUE
115
Preuve de l’engouement des institutions françaises, d’autres établissements hexagonaux ont créé leur antenne africaine. Euromed Management (ex-ESC Marseille Provence), déjà impliquée dans le projetdel’Écolesupérieurealgériennedesaffaires (ESAA), a ouvert son propre campus à Marrakech en 2009; et l’université Paris-Dauphine une antenne à Tunis la même année. Deux candidats naturels, dès qu’ils auront fait leurs preuves, à notre palmarès. Pour briller, ces écoles pourront miser sur un atout de taille : leur notoriété à l’international.
Accréditation: le sésame
Prenant exemple sur l’Europe, les écoles africaines ont fait une obsession de la reconnaissance au-delà de leurs frontières. Décrocher une accréditation est sans doute le meilleur moyen pour y parvenir. Dans l’univers des business schools, trois organismes sont actuellement des références au niveau mondial: l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), l’EFMD (European Foundation for Management Development, ● ● ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
116
Dossier Emploi & Formation To Top Top To p 10 10 de des des business de business schools schools d'Af d' d'Afrique francophone d'Af d' d'Afrique francophone
Rang
École
Doubles diplômes
Partenaires académiques
Professeurs permanents
Coût annuel du master (en euros)
1
ESCA
EM Grenoble, IAE Lille, FFBC Lille, IAE Poitiers
Edhec, EM Normandie, EM Grenoble
36 (dont 23 PhD)
M1 : 3 875 M2 : 3 655
Université de Lille-II, Advancia
HEC Paris, ESCP Europe, Euromed Management, Advancia
NC
4 125
Paris-Dauphine, IAE Paris, Edhec
Paris-Dauphine, Edhec, IAE Paris, EM Grenoble, IAE Lille
17 (dont 11 PhD)
5 300
Bordeaux École de management
Bordeaux École de management
30 (dont 15 PhD)
3 658
NC
Morehouse University, HEC Montréal
24 (dont 17 PhD)
8 832
NC
Universités de Warwick, d'Alabama, de Chicago, de Dallas, Moore School of Business, HEC Paris, École des Ponts ParisTech
9 (dont 7 PhD)
6 500
Rouen Business School
Rouen Business School, ESC Rennes, ESC Amiens
50 (dont 10 PhD)
1 500
IAE Poitiers
Paris-Dauphine, Insead, IAE Paris, New York University, universités de Montpellier, d'Ottawa et de Douala
20 (dont 6 PhD)
2 790
Université de Saint-Étienne
HEC Paris, Skema Business School, université de Saint-Étienne, University of East London
167 (dont 67 PhD)
55
Université du Québec à Chicoutimi
Université libre de Bruxelles, universités de Strasbourg et de Mulhouse
21 (dont 10 PhD)
3 430
CASA
2
ESAA ALGER
3
MDI ALGER
4
BEM DAKAR
5
AL AKHAWAYN IFRANE
6
MSB TUNIS
7
ISM DAKAR
8
CESAG DAKAR
9
ESCT TUNIS
10
IAM DAKAR
CLASSEMENT « JEUNE AFRIQUE », LE MAKING OF RÉALISÉ SUR LA BASE DES RÉPONSES des écoles à notre questionnaire, notre palmarès prend en considération une vingtaine de critères dans cinq thématiques différentes : notoriété, ouverture à l’international, recherche, pédagogie et liens avec les entreprises. Ainsi, la qualité des doubles diplômes proposés, l’intégration des langues étrangères dans les cursus, la présence ou non d’une école doctorale, le nombre d’enseignants permanents titulaires d’un niveau doctorat ou N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
l’animation du réseau d’anciens sont autant d’éléments utilisés pour apprécier les efforts fournis par les établissements. À noter dans cette édition, l’absence de quelques institutions de renom, comme l’Institut des hautes études de management (HEM) au Maroc, l’Institut des hautes études commerciales (IHEC) en Tunisie et l’École supérieure de commerce et d’administration des entreprises (Escae) en Côte d’Ivoire, qui n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. ● J.C. JEUNE AFRIQUE
Dossier
Indispensable ouverture à l’international
dont la certification peut concerner l’école tout entière – Equis – ou un programme en particulier – Epas), et l’AMBA (Association of MBAs). Obtenus sur la base d’un audit complet, ces labels donnent une visibilité immédiate à la formation, car ils garantissent le respect de standards partagés par les meilleurs, qu’il s’agisse de critères académiques, d’ouverture à l’international ou de la prise en considération des attentes des entreprises. Seules cinq institutions du continent – une égyptienne et quatre sud-africaines – sont pour le moment détentrices des précieux sésames (lire interview p. 120). À défaut, beaucoup d’écoles du classement (Esca, ISM…) sont déjà membres d’au moins une de ces organisations : une étape indispensable avant l’obtention du label. Au Maroc, l’université Al Akhawayn pourrait sous peu marquer de précieux points dans ce match à distance. Son programme de bachelor sera audité courant novembre par l’EFMD, en vue d’une accréditation Epas. Autre grande gagnante de ce système : BEM Dakar. Cette dernière revendique haut et fort une triple couronne (AACSB, Equis, AMBA), en fait obtenue par sa maison mère. Mais les étudiants devraient bientôt y voir plus clair. Un audit aura lieu courant 2012 pour évaluer le standing de la filiale sénégalaise. En cas de succès, la valeur de ses formations grimperait évidemment en flèche. ●●●
Au-delà du surplus de crédibilité qu’elle apporte, la collaboration avec une institution étrangère s’est aussi imposée du fait de la mondialisation. Car même s’ils restent travailler dans leur pays, les jeunes diplômés évoluent de plus en plus souvent dans un environnement international. À Tunis, Mahmoud Triki, fondateur de la Mediterranean School of Business (MSB), a d’ailleurs fait de son tropisme américain le premier argument de son établissement. Leçons intensives d’anglais avant le début des cycles bachelor et master, cours presque intégralement donnés dans la langue de Shakespeare, intervenants venant des facultés américaines, mais aussi séjours d’étude outre-Atlantique pour
JEUNE AFRIQUE
OLIVIER ASSELIN POUR J.A.
Le double diplôme, un gage de crédibilité Sans accréditation, comment attirer à soi les étudiants les plus brillants? Les écoles du continent ont depuis longtemps répondu à cette question en nouant des partenariats avec des établissements étrangers, souvent prestigieux. Dans les cas les plus aboutis, cette collaboration a naturellement débouché sur un double diplôme, offrant aux élèves la reconnaissance tant recherchée. À Casablanca, l’École supérieure du commerce et des affaires (Esca) propose par exemple un master « achats et logistique » (bac +5) reconnu par Grenoble École de management (GEM), une institution régulièrement classée par le quotidien britannique Financial Times parmi les meilleures business schools. De même, le Centre africain d’études supérieures en gestion (Cesag, Dakar) et le Management Development International Institute (MDI, Alger) profitent aussi du supplément de crédibilité que leur procurent les MBA délocalisés dans leur école par les universités Paris-Dauphine et Paris-Sorbonne. Enfin, du côté de l’ESAA, à Alger, la rentrée 2012 doit voir l’ouverture d’un cursus amenant in fine sur un double diplôme avec l’ESCP Europe (ex-ESC Paris), un des fleurons français des écoles de management.
117
ENCADREMENT. Le Cesag (Dakar) bénéficie de l’expertise de cadres de la BCEAO.
les plus fortunés… Tout est entrepris pour faire des étudiants des managers rompus aux mœurs américaines. Si l’anglais est la langue la plus communément étudiée, certaines écoles s’ouvrent également sur des horizons plus exotiques, comme l’Institut supérieur de management (ISM), à Dakar, qui propose des cours de coréen, ou l’Esca, à Casablanca, dans laquelle les élèves de quatrième année peuvent goûter aux joies du mandarin. L’ouverture sur le monde passe également par l’accueil d’étudiants étrangers dans chaque promotion. Une mixité très africaine au Sénégal, où les effectifs, plus qu’ailleurs, réunissent des élèves originaires de tous les pays francophones. À l’opposé, les écoles algériennes sont dans ce domaine à la traîne, leurs promotions étant composées presque à 100 % de nationaux. Mais plus que par le multiculturalisme, c’est grâce à une offre pédagogique exigeante que les meilleures business schools, en Afrique comme ailleurs, parviennent à sortir du lot. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Dossier Emploi & Formation
La pédagogie, premier des critères
Dans ce secteur, l’Esca de Casablanca se distingue par une montée en gamme depuis notre dernier palmarès. Son encadrement est ainsi passé de 28 à 36 professeurs permanents, dont 23 détiennent un doctorat ou un niveau équivalent, contre 15 auparavant. Un effort similaire a été observé au sein de MDI Alger et de l’École supérieure de commerce de Tunis (ESC Tunis). Les business schools se caractérisent également par un enseignement en partie basé sur l’étude de cas. Tous les lauréats du classement sont dans ce domaine sur la même ligne, alternant les supports élaborés localement et ceux empruntés tantôt aux institutions les plus reconnues comme Harvard, tantôt aux centrales de cas internationales (CCMP, ECCH…). À mesure qu’elles se rapprochent des meilleures, les écoles privées font également de la recherche universitaire une priorité (cette mission étant naturellement plus présente dans l’enseignement public). Loin d’être une simple posture, les travaux des professeurs et, le cas échéant, des doctorants, viennent irriguer les savoirs transmis aux étudiants. D’ailleurs beaucoup, comme l’université Al Akhawayn, incitent leurs professeurs à publier dans des revues internationales. À signaler dans ce domaine, l’initiative de MDI Alger, qui a créé en 2011 sa propre publication, intitulée Business Management Review. Remarquée par la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (FNEGE) – avec le prix de la revue émergente –, elle a pour ambition d’établir des passerelles entre la recherche en management et le monde des entrepreneurs.
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
118
INTERNATIONAL. Les étudiants de l’Esca (Casablanca) peuvent prendre des cours de mandarin.
DES TARIFS AU SOMMET UNE BONNE FORMATION, cela n’a pas de prix. C’est sans doute ce que se disent les parents pour adoucir le poids de la « douloureuse » quand vient le temps de régler la scolarité de leurs enfants. En Afrique comme ailleurs, les meilleures business schools font payer cher la qualité de leur enseignement. Pis, entre 2009 et 2011, les tarifs ont eu une fâcheuse tendance à décoller. Auparavant fixée à 5 000 euros par an, l’addition de l’université marocaine Al Akhawayn atteint désormais plus de 8 800 euros. Même tendance en Algérie, avec l’ESAA et le MDI Alger, dont les prix ont respectivement augmenté de 10 % et 32 %. Une évolution d’autant plus problématique que l’État algérien ne permet pas de recourir à des prêts pour financer cette dépense. Certaines écoles restent cependant plus raisonnables. C’est le cas de l’ISM et du Cesag, à Dakar, qui n’ont pas revu leurs tarifs à la hausse. La palme du bon rapport qualité-prix revient cette année encore à l’ESC Tunis, dont l’inscription annuelle J.C. en master est fixée par l’État à 55 euros. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Connecter l’école aux entreprises L’attention portée par les business schools aux attentes du marché explique en grande partie leur succès. D’ailleurs, plusieurs établissements de notre palmarès, comme MDI Alger ou MSB, à Tunis, ont d’abord débuté par l’offre de formations aux cadres en activité. Pour être certains de bien comprendre les besoins des entreprises, la plupart d’entre eux impliquent des dirigeants d’entreprise dans leur comité d’orientation stratégique. C’est le cas de BEM Dakar, qui a habilement mixé filiales de multinationales (Sanofi Aventis, Allianz, Mazars) et entreprises nationales (Patisen, Chaka). La relation entretenue avec les professionnels se traduit également, au quotidien, par l’intégration dans chaque cursus de cours donnés par des intervenants extérieurs. Ainsi, le Cesag, à Dakar, bénéficie de l’expertise de cadres de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour ses formations en finance. Autre tendance forte dans les écoles de commerce : la sensibilisation des élèves à l’entrepreneuriat. L’Institut africain de management (IAM), à Dakar, organise par exemple des concours de business plan, dont les meilleurs peuvent être soumis à financement. L’université Al Akhawayn a quant à elle intégré cette problématique dans le tronc commun de son bachelor (bac +3), en même temps qu’elle propose un club pour permettre aux patrons en herbe d’exercer leurs talents. À ces initiatives destinées à mieux connecter les étudiants à l’univers des entreprises, s’ajoutent bien sûr des stages, mais également les conférences données par les patrons dans les écoles, les visites de sociétés et les forums emploi organisés par tous les établissements. Des liens avec les professionnels qui passent aussi par le réseau des anciens. Si certaines business schools, comme Al Akhawayn, l’Esca et l’ISM, en ont fait depuis longtemps un atout, d’autres, et notamment les institutions publiques, pèchent encore dans ce domaine, alors que leur antériorité leur procure théoriquement un sérieux avantage. ● JEUNE AFRIQUE
La Grande Ecole de Management
Bordeaux - Paris - Dakar
TĂŠl: (+221) 33 869 82 81 - (+221) 77 704 77 77 - (+221) 76 388 12 12
www.bem.sn
Dossier Emploi & Formation
120
INTERVIEW
Jonathan Cook
P RÉSIDENT
DE L ’A FRICAN
A SSOCIATION
OF
B USINESS S CHOOLS
« Enseigner global, appliquer africain » Pour le directeur de l’école de commerce de l’université de Pretoria, les business schools du continent doivent prétendre à un niveau international tout en s’adaptant aux enjeux locaux. Explications.
il a besoin d’un MBA qui prenne en compte les spécificités africaines. Comment favoriser le développement des business schools sur le continent ?
GIBS
Il faut nous engager plus fortement dans des programmes courts à destination des cadres en activité. Dans le monde entier, c’est par ce biais que de nombreuses écoles se financent et peuvent même sponsoriser les formations initiales. De plus, cela permet de se rapprocher des employeurs, de renforcer notre réputation auprès d’eux et d’habituernosprofesseursàuneapproche très pratique de l’enseignement. Par ailleurs, nous devons développer davantage de programmes doctoraux, pour former nous-mêmes nos professeurs-chercheurs.
JEUNE AFRIQUE : Comment qualifier le paysage des écoles de commerce en Afrique ? JONATHAN COOK : Elles ne sont
pas très nombreuses et beaucoup ont des progrès qualitatifs à faire. Aujourd’hui, seules cinq d’entre elles bénéficient d’une accréditation mondialement reconnue [l’Université américaine du Caire et, en Afrique du Sud, les business schools des universités de Pretoria, de Stellenbosch, du Witwatersrand et du Cap, NDLR]. Il y a plusieurs raisons à ce développement tardif. D’abord, le secteur privé, faible et encore dominé par quelques multinationales, ne crée pas de fort besoin. Ensuite, on constate un certain conservatisme du système éducatif, parfois réticent à s’écarter de l’offre universitaire classique.Des écoles privées pourraient prendre le relais, mais il est difficile pour elles de gagner de l’argent du fait de la faiblesse des coûts d’inscription. Enfin, à cause de la fuite des N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
cerveaux et de la carence d’offres de formation doctorale, nous manquons de professeurs qualifiés. Ce tableau est un peu sombre…
Pas du tout, car tout cela change à grande vitesse! Nous entrons dans une période de forte dynamique démographique pour la population active, comme en Asie il y a vingt ans. Les opportunités sont là. Il ne nousmanquequedescadresavecde bonnescompétencesmanagériales. Les business schools peuvent fournir des formations qui soient à la fois globales et africaines, c’est-à-dire de niveau international et avec une compréhension des enjeux locaux. De plus, le rapport qualité-prix des formations africaines est souvent très bon. Pourquoi un de mes étudiants, un jeune Congolais dont la famille vit en Belgique, est-il venu étudier en Afrique du Sud ? Parce que la formation est bien moins chère qu’en Europe et que, comme il souhaite travailler en RD Congo,
Profil • 59 ans, Sud-Africain • Diplômé en psychologie de l’université du Cap et de l’Unisa • Ancien professeur à la Wits Business School (université du Witwatersrand) • Directeur du Gordon Institute of Business Science (université de Pretoria)
Quel est le rôle des écoles étrangères ?
Les partenariats avec elles sont essentiels. La business school de l’Université de Stellenbosch a signé beaucoup d’accords avec des écoles dans le monde entier. Leurs MBA respectifs sont reconnus, et les étudiants peuvent choisir de suivre certains cours dans une institution ou l’autre. Parfois ces partenariats relèvent plus du tutorat, comme pour la business school de l’Université de Dar es-Salaam, qui collabore avec une école scandinave pour le recrutement de ses doctorants. En revanche, l’implantation par un établissement étranger d’un campus satellite en Afrique peut poser problème. Souvent la qualité des enseignementsn’estpasaussibonne quesurlecampusd’origine.Etsiune école étrangère devait profiter du prestige de sa marque pour s’attirer le meilleur du marché, cela réduirait dramatiquement le potentiel de croissance des écoles africaines. ● Propos recueillis par SÉBASTIEN DUMOULIN JEUNE AFRIQUE
Dossier SÉNÉGAL
Dans la jungle du privé
Profitant de la faillite de l’université, les instituts de toutes sortes se sont multipliés à Dakar ces dernières années, pour le meilleur et pour le pire. Les autorités comme les élèves sont dépassés par cette anarchie.
de mon ancienne école nous avait assuré le contraire. » Pour s’inscrire en master, il aurait donc fallu que la jeune femme recommence sa licence. Elle a refusé, d’autant que ses parents avaient déjà déboursé 3 millions de F CFA (4 575 euros) pour ses études dans le privé. Avec un chiffre d’affaires qui atteignait déjà 13,7 millions d’euros en 2008,l’enseignementsupérieurprivé est un marché en plein boom (voir infographie). Aujourd’hui, 30 % des étudiants sénégalais y sont inscrits. Ils seront 40 % d’ici à 2015, selon le ministère de l’Enseignement supérieur. La stabilité politique et économique, la faillite du système universitaire public (multiplication des grèves, surpopulation) et la nécessité de filières plus en phase avec le marché du travail (communication, marketing, banque, assurance…) ont contribué à ce boom. FRAUDE. D’ailleurs,surlebureaudu
P
asfacile,pourlesétudiants et leurs parents, de se retrouver dans la jungle des 140 établissements supérieurs privés que compte le pays. Parmi eux, une bonne cinquantaine se contentent d’encaisser les chèques. Et le flou juridique n’arrange rien: malgré un accord-cadre signé en 1995 entre les responsables del’enseignementsupérieurprivéet l’État, aucune disposition législative ou réglementaire sur ce sujet n’est encore entrée en vigueur. Résultat : certains élèves se retrouvent à étudier dans des appartements ou des garages transformés en école, des enseignants ne sont pas payés, des diplômes sont monnayés à la fin des études… D’autres étudiants sont abusés par le côté clinquant d’écoles installées dans des villas des quartiers d’affaires. « Elles ont pignon sur rue, font de JEUNE AFRIQUE
la publicité à la télé… Et comme les frais d’inscription sont chers, certains pensent que ce sont forcément de bonnes écoles », dénonce Papa Saliou Sall, secrétaire général du Collectif de l’enseignement supérieur privé. Un exemple : Rama a étudié la gestion hôtelière dans un de ces instituts privés. Après sa licence, quand elle a voulu postuler en master dans une université privée agréée, elle a reçu eç une fin de nonrecevoir. « On m’a dit que je ne pouvais pas avoir ir d’équivalence avec mon diplôme, e, alors que la direction
Un secteur en plein boom
23 000
13000
140 5 000
Instituts privés Nombre d’élèves 500
4
48 31
1994
1999
2004
2011
directeur de l’Enseignement supérieur,AbabacarGayeFall,lespilesde dossiers de demande d’autorisation d’ouverture s’accumulent : « Nous donnons des agréments provisoires aux écoles qui répondent à nos critères, mais après nous n’avons pas assez de personnel pour faire un suivi de manière automatique, avoue-t-il. C’est vrai que nous sommes confrontés à un gros problème defraudeacadémique,quinécessite une plus grande surveillance. » En attendant, c’est l’ensemble des instituts privés qui pâtit de l’absence de régulation. « Cette anarchie affecte notre image, nous empêche de parler d’une même voix et nous discrédite auprès des entreprises, qui peuvent être déçues après des recrutements », s’inquiète Mohamed Diouf, directeur de la communication de l’Institut technique de commerce (Itecom). Face à ce fléau, un décret statuant sur les établissements privés a été signé en juillet. Enfin ! Il ne reste maintenant que les arrêtés à prendre pour que la réglementation soit complète. Et que le ministère de l’Enseignement supérieur puisse fermer les établissements frauduleux. ● AURÉLIE FONTAINE, à Dakar N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
121
Dossier Emploi & Formation
122
PORTRAITS
Trois profs montrent l’exemple
Ils ont étudié à l’étranger et enseignent aujourd’hui en Afrique. Zoom sur trois personnalités qui s’investissent pour le rayonnement universitaire du continent.
Felwine Sarr
DR
Génial touche-à-tout
DIFFICILE DE CERNER ce professeur d’é c o n o m i e, écrivain, musicien reconnu et fan d’arts martiaux. « Au fond de moi, je voulais étudier les lettres, mais la pression familiale était trop forte », explique ce Sénégalais de 39 ans. Pendant son doctorat à l’université d’Orléans (France), il joue dans un groupe de reggae, Dolé, qui donne 500 concerts et sort deux albums, avant de rentrer au pays. Aujourd’hui professeur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, il a publié deux romans ces dernières années, Dahij et 105 rue Carnot, et refondé un groupe de chansons à texte. Récemment invité à l’université Columbia (New York) par le professeur de philosophie Souleymane Bachir Diagne – qui a mis son roman au programme –, cet expert des politiques budgétaires y a passé un mois comme intervenant en littérature francophone. « J’aime l’approche pluridisciplinaire », dit-il. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Achille Mbembe Star des sciences sociales
IL EST MONTÉ SUR LES ESTRADES des plus prestigieuses universités américaines. Aujourd’hui directeur de recherche en Afrique du Sud, à l’université du Witwatersrand (Johannesburg), Achille Mbembe est, à 54 ans, l’un des plus fameux théoriciens du postcolonialisme. Après des études supérieures en France, l’intellectuel camerounais obtient à l’âge de 32 ans un poste à l’université Columbia (New York). « Il n’y avait pas de professeur africain sur le campus. Très souvent, on me prenait pour un étudiant, se souvient-il. Mais après dix ans d’enseignement, je me suis dit qu’il fallait que je rentre en Afrique ou que j’arrête d’en parler. » En 1996, il pose ses valises à Dakar, avant de rejoindre Johannesburg. « Ici se tisse une culture “afropolitaine”. Je voulais être partie prenante de ce moment historique. » ●
Najat El Mekkaoui de Freitas Binationale engagée
N É E AU M A RO C , Najat El Mekkaoui est arrivée très jeune en France, où elle a fait toutes ses études jusqu’à son doctorat à Paris-Dauphine. « Mes contacts avec le Maroc ont longtemps été réduits aux périodes estivales. Je n’ai commencé à travailler avec des collègues marocains qu’en 2005, comme consultante pour la Banque mondiale », explique cette spécialiste des systèmes de protection sociale et de retraite. Petit à petit,elletissedesliens avec le milieu académique local qui l’amènent
à mettre en place un master à l’université Mohammed-VAgdal (Rabat) en 2008, puis des programmes de recherches à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (Insea), et sans doute bientôt un autre master à l’Université internationale de Rabat. « Ça ne va pas changer le monde,maisçapeut y contribuer », s’enthousiasme cette universitaire francomarocaine qui vient d’être nommée au tout nouveau Conseil national des droits de l’homme. ● DR
L
ongtemps, les professeurs africains les plus prestigieux partaient enseigner à l’étranger. Aujourd’hui, non seulement ils reviennent, mais le continent attire même des talents venus d’ailleurs. Le paysage professoral se diversifie, et on y croise désormais des universitaires formés en Afrique comme à l’étranger, des acteurs de la société civile venus sur le tard à l’enseignement ou encore des membres de la diaspora revenant au pays. Un melting-pot qui contribue au rayonnement universitaire du continent.
STÉPHANE LAGOUTTE/MYOP
SÉBASTIEN DUMOULIN
JEUNE AFRIQUE
J’ai appris l’importance du travail d’équipe pour atteindre les sommets. Mes forces sont mes connaissances et mon expérience. Je sais toujours retomber sur mes pieds.
HEC Paris. The MBA that builds confidence and inspires trust. www.mba.hec.edu
flashcode
Apprendre à oser.® web
A temps plein ou en alternance. HEC MBA : Inspirer confiance et la créer.
Dossier Emploi & Formation
124
BURKINA
Un blason à redorer
AHMED OUOBA POUR J.A.
Illettrisme, décrochage précoce, émigration étudiante… Pour remédier à ces problèmes, un programme quinquennal doit enrichir l’offre éducative à tous les niveaux de l’enseignement.
Q
uand le professeur Albert Ouédraogo a été nommé à la tête du ministère des Enseignements secondaire et supérieur dans le gouvernement de Luc Adolphe Tiao, en avril, il a dit souhaiter sortir l’éducation – et les universités en particulier – du marasme dans lequel elle était entrée. La situation est en effet problématique. Les deux tiers de la population ne sont pas alphabétisés. Le Programme national d’accélération de l’alphabétisation (Pronaa) 2011-2015 fait état du déficit en la matière. Le décrochage scolaire est important (plus de la moitié des élèves ne vont pas jusqu’au bout de l’enseignement primaire), l’accès au secondaire limité… sans parler du supérieur : « Sur 100 élèves du primaire, 25 accèdent au secondaire et un seul parvient à l’université », souligne l’université de Ouagadougou. En outre, certains diplômés de l’enseignement supérieur burkinabè connaissent plus de difficultés à l’embauche que ceux formés au Maroc, en Algérie ou au Sénégal. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Ceux qui ont étudié en Europe ou en Amérique sont encore mieux lotis. Un chef d’entreprise explique: « Dans des domaines comme l’environnement, le BTP, l’industrie, la comptabilité, les services bancaires ou les assurances, les sociétés internationales vont rechercher l’expertise de ceux qui ont été formés en France ou en Occident, ou de ceux qui sont diplômés des écoles internationales implantées au Burkina. » Ces dernières disposent d’infrastructures pédagogiques et de recherche performantes, mais les frais de scolarité sont en revanche élevés.
FAIBLES MOYENS. Maislesmoyens
GRÈVES. C’est le cas de l’Ins-
titutinternationald’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2IE), à Ouagadougou, qui forme des ingénieurs hydrauliques. Pour obtenir le précieux sésame de cet établissement qui délivre des titres reconnus dans l’espace européen, il faut compter pas moins de 7 000 euros pour les
deux années de master. Malgré un système de bourse, ce sont les plus nantis qui ont accès à l’excellence. Ils peuvent alors effectuer leurs études localement, sans craindre la dépréciation de leur diplôme, ni même les grèves, comme celles qui ont émaillé les cours de l’université l’année dernière. En dépit de cela, les efforts sont soutenus pour améliorer la situation dans les universités burkinabè. Dans le privé, les effectifs augmentent. Ainsi, l’Unité universitaire de Bobo-Dioulasso – membre du réseau de l’Université catholique d’Afrique de l’Ouest (Ucao) –, qui accueillait seulement 33 étudiants à son ouverture en 2005, totalisait 1 400 inscrits en 2010-2011. À Ouahigouya et Fada N’Gourma, de nouveaux centres universitaiÝ À L’UNIVERSITÉ DE OUAGADOUGOU, res publics ont les cours ont ouvert en 2010 pris du retard danslecadrede à cause des la décentralisamanifestations tion, et un autre du printemps dernier. doit suivre à Gaoua. Dans la capitale, le retard pris sur le programme d’enseignement, à cause des manifestations du printemps dernier, a été rattrapé cet été.
100
Sur élèves de primaire,
25
accèdent au secondaire,
1
au supérieur
pédagogiques restent en deçà des espérances. « Le matériel manque, et les travaux pratiques dans les laboratoires sont limités », constate unchercheurenbiologieappliquée, même s’il reconnaît que certaines filières (la biologie, l’écologie et la géologie avec l’essor du secteur minier) sont mieux dotées. La même mobilisation a lieu du côté de l’enseignement professionnel, où les pouvoirs publics interviennent pour remédier à l’évasion scolaire. Un projet récemment mis en œuvre va permettre à plus de 6000 jeunes de 13 ans à 18 ans d’intégrer un plan de formation dans les métiers des mines. L’objectif est de rescolariser celles et ceux qui ont décroché du système scolairedèsleCM2pours’employer sur les sites d’orpaillage… ● VÉRONIQUE NARAME JEUNE AFRIQUE
125
Ý L’institution a ouvert son premier campus marocain en 2008, à CASABLANCA.
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
définit un certain nombre de secteurs de développement jugés prioritaires, parmi lesquels l’offshoring, c’est-à-dire la délocalisation d’activités de services – notamment informatiques. En développant ce secteur, le Maroc espère générer 100 000 nouveaux emplois directs et 15 milliards de dirhams (environ 1,3 milliard d’euros) de PIB supplémentaire d’ici à 2015. MAROC
Supinfo marque le pas
L’implantation en terre chérifienne de l’école parisienne avance sûrement, mais plus doucement que prévu. Elle s’inscrit dans la volonté du royaume de devenir un hub de services informatiques à bas coût.
P
artie sur les chapeaux de roues, l’histoire marocaine de l’École supérieure d’informatique de Paris (Supinfo) enregistre désormais un léger retard sur le tableau de marche. L’implantation d’un premier campus à Casablanca, en 2008, était censée inaugurer une présence croissante de cette école privée d’ingénieurs en terre chérifienne. En février 2009, Supinfo Maroc rendait publiques l’ouverture de deux nouveaux campus, à Rabat et Marrakech, pour la rentrée universitaire 2009-2010, ainsi que la construction de quatre autres campus, à Agadir, Fès, Tanger et Oujda, à compter de 2014. Qu’en est-il deux ans après cette annonce triomphale ? Si le campus de Rabat a bel et bien ouvert ses portes, rien ne se profile en
revanche du côté de Marrakech. Et selon Amine Zniber, directeur régional de Supinfo Maroc, seuls trois chantiers devraient débuter en 2014 : Oujda, Tanger
L’établissement doit contribuer à la formation d’une main-d’œuvre qualifiée disponible localement. et Marrakech. Oubliés Agadir et Fès ! Reste que si les objectifs initiaux ont visiblement été revus à la baisse, le processus est toujours en marche. Les villes sélectionnées sont censées accueillir des zones franches créées à l’intention d’entreprises étrangères. Ces zones franches s’inscriventdansleplanÉmergence initié par le roi Mohammed VI en 2005. Cette stratégie industrielle
FA C I L I T É S
F I N A N C I È R E S.
L’implantation de Supinfo s’inscrit dans cette stratégie, en contribuant à la formation d’une main-d’œuvre qualifiée à bas coût, disponible localement. Pour l’heure, deux zones franches dévolues à l’offshoring ont été créées, chacune d’entre elles accueillant un campus : Rabat Technopolis dans la capitale et Casanearshore dans la métropole économique. « Les autres zones offshore sont en cours de construction, précise Amine Zniber. Il y a bien une volonté politique, mais, pour être honnête, nous n’avons pas plus d’éléments concrets à l’heure actuelle, en dehors de la convention signée avec le gouvernement et des financements associés. » Cette convention d’investissement prévoit des facilités, notamment financières, pour la construction de ces nouveaux campus. Pour juger de la bonne marche du plan de développement de Supinfo Maroc, il conviendra de faire le point en 2020. C’est à cette date qu’est attendue la première promotion des futurs campus. ● IDIR ZEBBOUDJ
UNE VOCATION INTERNATIONALE DANS LATRENTAINE DE SITES que compte Supinfo de par le monde (France, Chine, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, Belgique…), les cours ainsi que les travaux pratiques sont normalisés, de sorte que tout élève peut, d’une année sur l’autre, suivre sa scolarité dans le pays de son choix. Le souci d’uniformité va jusque dans le montant des frais de scolarité, fixés à 5 000 euros par an. Un tarif bien souvent rédhibitoire pour les étudiants marocains, même méritants… Comme dans toute école JEUNE AFRIQUE
d’ingénieurs, le cursus en formation initiale est de cinq ans, incluant deux premières années de classe préparatoire. Les principales thématiques – architecture des systèmes d’information, développement d’applications en entreprise, développement de sites web, etc. – sont abordées tout au long du cycle. Supinfo Maroc propose également un master Business Intelligence en formation continue, destiné aux titulaires d’un bac+4 justifiant de trois années d’expérience. ● I.Z. N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Dossier Emploi & Formation
126
PARCOURS
Une vie après le diplôme
Que deviennent les lauréats des business schools africaines ? Les différentes trajectoires témoignent de la diversité des carrières envisageables. SÉBASTIEN DUMOULIN
Ferial Haouara ESAA, Alger, 2008
Chef de produit, Nestlé
L
’
Omar Tronbati HEM, Casablanca, 2007 Directeur général, Access Cargo
I
ssu d’une famille de commerçants, Omar Tronbati n’a pas attendu la fin de ses études pour lancer son propre business. En 2006, un an avant l’obtention de son diplôme à l’Institut des hautes études de management (HEM), il profite d’un stage dans une sociétédetransportàDubaïpourmonter sa première opération d’importation avec son frère aîné. « Nous avons affrété un petit conteneur avec des produits cosmétiques pour les revendre sur le marché marocain. Toutes mes économies y sont passées, mais nous avons gagné de l’argent et nous sommes tout de suite partis en Chine pour prospecter de nouveaux fournisseurs », explique le jeune homme. Le volontarisme a payé. À 27 ans, Omar Tronbati est aujourd’hui à la tête de sa propre société de fret, Access Cargo, qui emploie 35 personnes à Casablanca. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Mame Tedar Fall ISM, Dakar, 2006
Chargée de clientèle, Diamond Bank
A
près un bachelor en finance obtenu en 2006 à l’Institut supérieur de management (ISM) de Dakar, Mame Tedar Fall suit un master à Rouen Business School, en France, pour parfaire sa formation. Un parcours prisé, puisque la jeune femme n’a pas encore soutenu son mémoire sur le financement bancaire des PME qu’elle est déjà recrutée par la Banque régionale de solidarité, active dans toute l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). « Je voulais travailler à la direction financière, mais tout le monde m’a poussée vers un poste plus commercial parce que j’aime discuter et convaincre », s’amuse-t-elle.
DR
DR
HASSAN OUAZZANI
itinéraire de Ferial Haouara, tout juste 30 ans, est celui d’une reconversion réussie. Aujourd’hui chef de produit chez Nestlé, à Casablanca, elle a commencé par étudier pendant quatre ans… la médecine. « Pour mes parents, c’était la carrière la plus prestigieuse », explique cette Algérienne de Batna, dont les deux sœurs exercent des professions médicales. Passant outre les recommandations familiales, elle décide en 2002 de bifurquer vers des études commerciales. À la sortie de son master de l’École supérieure algérienne des affaires (ESAA) en 2008, les employeurs se bousculent. « Nestlé était intéressé par mon double cursus. Le groupe m’a permis de passer la vitesse supérieure en étant responsable de la gamme des laits de croissance sur toute la zone Maghreb ! » ●
Débauchée au bout d’un an par le nigérian Diamond Bank qui veut s’installer au Sénégal, la native de Dakar de 27 ans n’a pas hésité. « Être présente dès le décollage de la banque est une véritable opportunité. C’est un peu mon bébé ! » ● JEUNE AFRIQUE
Dossier
127
Éric Kamdem Tagang Ucac, Yaoundé, 2009
Responsable comptable et financier, Africa Food Distribution
«
T
ONS ABID
rop de PME camerounaises travaillent à l’ancienne, avec un système d’information pas suffisamment organisé. Elles naviguent à vue et, à la moindre difficulté, elles meurent », se désole Éric Kamdem Tagang. Diplômé de l’Université catholique d’Afrique centrale (Ucac, Yaoundé) en 2009, ce financier de 31 ans, d’abord passé chez un fabricant de savons ménagers puis dans une entreprise de montage d’ordinateurs, aime rationaliser. Chez Africa Food Distribution, son travail consiste à mettre en place une véritable comptabilité analytique pour « aider le dirigeant à comprendre sa structure de coûts ». Lui qui se décrit avec humour comme « l’œil de la direction générale » avoue aimer travailler dans de petites structures et en changer régulièrement, « par amour du challenge ». ●
Riadh Ben Marzou ESC Tunis, 2010 Directeur général, Extra-Pub
E
DR
n rejoignant l’École supérieure de commerce (ESC) de Tunis, Riadh BenMarzouétaitdéterminéàmonter sa propre entreprise. « J’avais vu mon frère, ingénieur diplômé, rester au chômage plusieurs années », explique-t-il. Ses originesmodestesneluipermettentpasde s’autofinancer,maissonprojet d’agencede communicationinnovantereçoiten2009le
premier prix du concoursdu meilleur plan d’affaires. « J’ai pu breveter mon concept et lancer l’entreprise en décembre 2010 », sourit le patron d’Extra-Pub du haut de ses 23 ans. Son idée – installer des factices de produits de grande consommation sur les barres des caddies de supermarché – a déjà séduit la marque Géant. D’autres clients, comme Minute Maid ou Orange, lui ont également confié des opérations de communication. « La révolution a un peuralentinosprojets,maisnousdevrions quand même être bénéficiaires dès la première année », espère-t-il. ●
Djénéba Siby IHEM, Bamako, 2005
Auditrice interne, Banque commerciale du Sahel
«
L
question qu’ils me recrutent. J’avais un planning bien tracé en tête. » Son choix de rentrer au Mali en 2009 est à la fois éthique et tactique. « J’ai un rôle à jouer pour mon pays. Et les opportunités de carrière sont meilleures ici », reconnaît la jeune femme, qui a intégré l’audit interne de la Banque commerciale du Sahel. À 25 ans, elle se verrait bien un jour à la tête d’une banque. « La jeunesse, c’est ce qu’il faut dans les entreprises. » ● DR
es maths ont toujours été ma matière », sourit Djénéba Siby quand elle explique ses réussites scolaires. Prix d’excellence de la première promotion de l’Institut des hautes études en management (IHEM, Bamako) en 2005, elle poursuit ses études à Paris, avec un MBA en audit et contrôle de gestion. « J’ai validé ce dernier diplôme avec un stage au département financier de Pernod Ricard à Paris, mais il n’était pas JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Dossier Formation & Emploi
128
FINANCE
Laissez les consultants venir à vous
Créé par des professionnels issus de la diaspora africaine, FinAfrique propose aux entreprises des formations dans les domaines de la Bourse, de la banque et de l’assurance. À domicile et sur mesure.
aux thèmes de l’actualité et aux besoins des clients, requièrent de la part des formateurs recrutés un haut degré de motivation, ne serait-ce que pour se rendre régulièrement en Afrique pour des sessions de plusieurs jours. De fait, sur la cinquantaine de consultants qui composent l’effectif, 95 % sont d’origine africaine.
OPCVM, gestion actif-passif et finance islamique sont des questions régulièrement traitées. « Tous ont le désir de se familiariser avec le milieu des affaires africain. Beaucoup de nos formateurs cherchent en effet une manière de contribuer au développement du continent », affirme Fabrice Kom Tchuente.
DR
DÉMYSTIFIER. FinAfrique a dis-
A
limentant la chronique du fait de la crise des économies européennes et américaine, les subtilités de la finance internationale, généralement insondables pour le grand public, peuvent s’avérer tout aussi opaques pour les cadres africains. Forts de ce constat, quatre financiers officiant dans de grandes institutions européennes (banques et cabinets de conseil) ont réfléchi de concert à la meilleure façon de vulgariser les lois du secteur. Leur point commun: tous sont originaires d’Afrique centrale ou d’Afrique de l’Ouest. En 2008, ils créent FinAfrique, prestataire de services se proposant de dispenser, au sein des entreprises, des formations courtes dans les domaines de la Bourse, de la banque et de l’assurance. « Bien souvent, les grandes banques d’Afrique sont contraintes d’envoyer leurs salariés se former à l’étranger sur des thématiques particulières. Ce qui est plutôt gratifiant pour les N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
salariés, mais très onéreux pour leurs employeurs. D’où l’idée de mettre en place un dispositif par lequel les formateurs se déplacent pour donner des cours sur des problématiques d’actualité », indique Fabrice Kom Tchuente, directeur exécutif de FinAfrique. Ainsi, la gestion d’OPCVM (Organisme de placement collectif en valeurs mobilières, entité chargée de la gestion d’un portefeuille de titres), la gestion actif-passif (maîtrise des risques financiers) ou la finance islamique sont des questions régulièrement traitées. Mais ces prestations à domicile et sur mesure, à la fois adaptées
Le directeur exécutif FABRICE KOM TCHUENTE (à g.), avec des participants à une session organisée au Cesag, à Dakar.
pensé ses premières formations fin 2009 au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Depuis, le rayon d’action de l’entreprise s’est étendu au Sénégal, viaunpartenariatavecleCentreafricain d’étudessupérieures en gestion (lire encadré). À terme, FinAfrique ambitionne de s’étendre aux pays anglophones, à commencer par le Ghana, à partir de 2012. Et pour cause: « Par rapport aux pays d’Afrique centrale ou d’Afrique de l’Ouest, le Ghana, le Nigeria ou l’Afrique du Sud sont dotés de Bourses offrant une gamme sectorielle de titres assez étendue [matières premières, télécoms, banques, etc., NDLR] », relève Fabrice Kom Tchuente. Avec la démystification de tous les nouveaux codes que cela implique. ● IDIR ZEBBOUDJ
À DAKAR, SUIVRE LES COURS EN TEMPS RÉEL OUTRE SES INTERVENTIONS EN ENTREPRISE, FinAfrique dispense des formations qualifiantes dans le cadre du master banque et finance délivré par le Centre africain d’études supérieures en gestion (Cesag, à Dakar) à destination des financiers d’Afrique de l’Ouest. Les consultants FinAfrique et leurs élèves disposent ainsi de salles de marché équipées de postes Reuters donnant accès en temps réel aux données boursières. Le prix d’une formation I.Z. de cinq jours est de l’ordre de 800 000 F CFA (1 220 euros). ● JEUNE AFRIQUE
Dossier RECRUTEMENT
Walters s’étend BRUNO LEVY POUR J.A.
Lancée il y a un an, la division Afrique du chasseur de têtes accélère son offensive.
Au sein du cursus initial, le nombre d’ÉTUDIANTS AFRICAINS diminue. FRANCE
Sciences-Po drague les pros En ouvrant un cycle de formation continue destiné aux hauts cadres africains, l’institution souhaite renforcer sa notoriété sur le continent.
H
aut cadre africain, vous souhaitez booster votre CV? Depuis l’an dernier, il vous est possible – moyennant environ 12000 euros – de venir vous former à Sciences-Po Paris. Le prestigieux établissement propose en effet un cycle de formation continue intitulé « Potentiel Afrique » réservé aux salariés du continent. Dispensé sur vingt-sept jours, il débouche sur un certificat de formation professionnelle. Julie Thinès, responsable du projet, en explique la finalité : « Il s’agit de donner des outils méthodologiques supplémentaires aux cadres en activité, afin qu’ils soient mieux armés pour la mise en œuvre des réformes dans leurs pays respectifs comme pour les négociations internationales. » Après sélection sur dossier et entretien, les candidats retenus – douze par promotion – suivent trois sessions consécutives de neuf jours chacune. Le cycle est ponctué par la rédaction d’une note opérationnelle nécessaire à l’obtention de la qualification. PRODUIT D’APPEL. Autant qu’une
source de revenus supplémentaire, ce cycle court constitue pour Sciences-Po un produit d’appel s’inscrivant dans sa politique JEUNE AFRIQUE
d’ouverture au continent menée depuis deux ans. Car côté formation initiale, l’institution est confrontée à une baisse du nombre de ses étudiants africains, alors que 40 % des inscrits ne sont pas de nationalité française. Consciente que le développement économique de l’Afrique induit une formation de ses élites futures, la direction de Sciences-Po cherche à rectifier le tir. La rentrée universitaire 2011-2012 a ainsi donné lieu au lancement du programme « Europe-Afrique », qui ambitionne d’intégrer chaque année une quinzaine de bacheliers africains au cursus initial.
« Nous nous devons d’attirer les meilleurs étudiants, mais aussi les meilleurs professeurs. » CAPUCINE EDOU, chargée de mission Afrique et Turquie
Une démarche qui vise notamment à accroître la notoriété de l’établissement en Afrique. « Sciences-Po se doit d’attirer les meilleurs étudiants, mais également les meilleurs professeurs, résume Capucine Edou, chargée de mission Afrique et Turquie. Dans cette optique, le continent constitue le nouvel horizon de notre développement à l’international. » ● I.Z.
I
l y a un peu plus d’un an maintenant, Karina Sebti lançait la division Afrique du cabinet de recrutement britannique Robert Walters. Malgré un bureau en Afrique du Sud, cette nouvelle direction avait été confiée au siège parisien. Un challenge, alors que d’autres chasseurs de têtes étaient déjà bien implantés: Michael Page depuis sept ans, AfricSearch et Fed Africa. Douze mois après, le bilan est positif. Une quarantaine de recrutements ont été effectués par Robert Walters, principalement en AfriqueduNord.Banques,assurances, automobile… le champ de la clientèle est déjà vaste, mais la cible est claire : priorité au « top management », les profils « middle » ou en dessous, qui n’ont jamais été le cœur d’activité du groupe, étant déjà happés par internet. EXPERTS LUSOPHONES. L’équipe
parisienne se renforce pour poursuivre son développement, notamment au sud du Sahara. Le cabinet a nommé un nouveau responsable Afrique, Fabiano Minciotti. De son côté, Karina Sebti prend de la hauteur et gère désormais trois divisions : Afrique, Management de transition et Assessment (littéralement « évaluation »). Le pôle dévolu au continent, désormais composé de quatre personnes, va surtout s’enrichir, début novembre, de deux experts lusophones : une consultante brésilienne et un spécialiste franco-angolais. Objectif : chasser des cadres de haut niveau pour l’Angola et le Mozambique, deux pays où les besoins en ressources humaines suivent le boom des activités extractives. ● MICHAEL PAURON N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
129
130
Annonces classées
www.codevformation.com
PROGRAMME 2012
« Le Développement par le Renforcement des Capacités » Séminaires Internationaux de CODEV Formation à Tunis (Projets de développement, Collectivités locales, Administrations publiques, ONG, Entreprises…)
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
E-mail : contact@codevformation.com / codev@planet.tn / tocka@codevformation.com Tél. : +216 71 894 742 Fax. : +216 71 894 685 Du 27 février au 09 mars 2012
Suivi évaluation des projets de développement (1ère session)
Du 12 mars au 16 mars 2012
Top Management (1ère session)
Du 19 mars au 30 mars 2012
Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) (1ère session)
Du 09 avril au 20 avril 2012
Gestion Administrative, Comptable et Financière des projets de développement (1ère session)
Du 30 avril au 18 mai 2012
Passation de marchés Procédures IDA, BAD et autres (1ère session)
Du 21 mai au 1er juin 2012
Suivi évaluation des projets de développement (2e session)
Du 11 juin au 22 juin 2012
Gestion Axée sur les Résultats (GAR) (1ère session)
Du 02 au 13 juillet 2012
Gestion Administrative, Comptable et Financière des projets de développement (2e session)
Du 16 juillet au 20 juillet 2012
Top Management (2e session)
Du 23 juillet au 10 août 2012
Passation de marchés Procédures IDA, BAD et autres (2e session)
Du 13 août au 24 août 2012
Suivi évaluation des projets de développement (3e session)
Du 03 septembre au 14 septembre 2012
Gestion Administrative, Comptable et Financière des projets de développement (3e session)
Du 24 septembre au 12 octobre 2012
Passation de marchés procédures IDA, BAD et autres (3e session)
Du 15 octobre au 26 octobre 2012
Contrats pétroliers : Aspects juridiques, comptables et Fiscaux des contrats pétroliers et gaziers
Du 5 novembre au 16 novembre 2012
Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT)
Du 26 novembre au 07 décembre 2012
Développement Municipal, Décentralisation – Gestion Administrative, Comptable et Financière des Communes
Du 10 décembre au 21 décembre 2012
Gestion Axée sur les Résultats (GAR) ( 2e session)
NB : Un PC portable avec supports de cours est offert à chaque participant à nos séminaires et cycles de formation. Avec option d’hébergement pris en charge par CODEV en chambres individuelles équipées de toutes commodités.
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
131
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
132
Annonces classées
Une gamme de formations initiale et continue pour former des cadres Supérieurs
Institut des régions chaudes
Diplômes BAC + 5 INGENIEUR «Systèmes Agricoles et Agroalimentaires Durables au Sud » - Grade de Master Formation sur 3 ans g Conception, conduite et évaluation de projets de développement agricole, rural ou industriel (agro-alimentaire) MASTER «Agronomie et Agro-Alimentaire» Formation sur 1 an (M2) ou 2 ans (M1 + M2) Spécialisations en M2 pour les milieux méditerranéens et tropicaux : production agricole, élevage des ruminants, g semences et plants, g g
environnement et forêts, systèmes agraires (marchés, organisations, qualité, services, ressources dont gestion de l'eau, durabilité) g horticulture et santé des plantes. g g
Diplôme BAC + 6 MASTERE SPECIALISE
(en partenariat avec le Cirad)
«Innovations et Politiques pour une Alimentation Durable» Formation sur 1 an g Conception, négociation ou évaluation des politiques et des innovations des systèmes agricoles et agro-alimentaires
expertise et Formation continue sur mesure Depuis 2007, le service DEFIS met ses compétences en ingénierie de formation, en développement rural et agroalimentaire au service : g des entreprises agro-alimentaires, centres de recherche, organismes de développement pour la construction de plans de formation et le renforcement de compétences (ex : Maroc, Tchad, Kenya, Mauritanie, Burkina Faso). g des universités et centres de formation pour la création de Licence/Master professionnels (ex: Sénégal, Niger, Angola, Algérie). g des ministères et leurs partenaires pour la rénovation de leurs dispositifs nationaux dans la formation agricole (ex: Cameroun).
Un label d’excellence pour les métiers du développement et de l’alimentation durable au Sud
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
w w w. s u p a g r o . f r / i r c /
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
133
!# .*$''"+*
*) %,")+ (* &".* !##,-))$$$&"*#(%+#%('&'%
Email : ecolebadialan1@yahoo.fr
Etablissement d’enseignement supérieur privé, habilité par le Gouvernement du Mali et en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse, l’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse et l’Université de Paris 13, forme dans les filières suivantes : - Architecture : Bac + 5 ans avec un master 2 professionnel en Architecture de terre - Génie civil : Bac + 5 ans et une licence professionnelle en « Contrôleur de chantier » - Urbanisme/aménagement : Licence + 2 ans
Si nous (africains) ne formons pas sur place nos enfants, nous perdrons notre culture et nos enfants et nous ne pourrons jamais nous développer.
CABINET MAYORO WADE Services d’Audit, de Conseil et de Transactions Support
Votre partenaire au Sénégal et dans les pays de l’UEMOA
Nous vous accompagnons dans votre développement local et régional : • Une expertise pointue servie par des professionnels nationaux et régionaux d’envergure internationale ; • Le bénéfice, à la fois, de la proximité et de l’international ; • Banking – Entertainment – Industrie – Commerce – Services – NTIC – Assurances – Projets de développement – ONG 47-53, Rue Carnot - BP 1686 – DAKAR Tél. +221 33 823 68 68 / +221 33 823 97 77 Fax. : +221 33823 85 79 / +221 33 821 63 37 email : cabmwade@orange.sn JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
www.esiau-mali.com Rue 466 Porte 28 Badialan1 Bamako Rép du Mali
134
Annonces classées
www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS
Travail Temporaire Formation Conseil en Ressources Humaines
École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
info@sai2000.org GROUPE JEUNE AFRIQUE
www.groupeja.com
PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL
Groupe international de presse et d’édition (30 millions € C.A. – 120 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :
Journalistes (H/F) spécialisés sur l’Afrique subsaharienne et/ou le Maghreb MISSIONS : Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du continent (Afrique subsaharienne et/ou Maghreb), de sérieuses capacités d’enquêteur et de contacts sur la zone, vous viendrez enrichir notre équipe de journalistes, composée d’une quarantaine de personnes, avec comme missions premières : • Le suivi de l’actualité des pays dont vous aurez la responsabilité; • La proposition d’enquêtes et de reportages; • La rédaction d’articles pour nos différentes publications (papier et web). Une réelle maîtrise des enjeux et de l’actualité d’un ou plusieurs pays du continent est indispensable.
PROFIL : Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’arabe serait Réf. : REDJA 0411 un plus.
Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDJA 0110 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis, rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
Président Nairobi, Kenya
Il est tout à fait possible de transformer l’agriculture de l’Afrique, et avec elle les vies de millions de personnes. Ce changement peut être réalisé en l’espace d’une génération. L’AGRA, dont le Conseil est presidé par M. Kofi Annan et qui a été créée par le biais d’un partenariat unique entre les fondations Gates et Rockefeller, vise à concrétiser cette vision maintenant. L’organisation cherche un nouveau Président qui sera chargé de mener à bien ses programmes ambitieux, se fera son défenseur en partenariat avec des personnalités de premier rang et assurera que l’AGRA bénéficie des ressources nécessaires pour continuer son travail essentiel. Dans le cadre de ses différents programmes, l’AGRA a créé une approche intégrée visant à soutenir les petits exploitants agricoles pour augmenter considérablement leur production. Les améliorations apportées aux réserves de graines et à l’agronomie sont complétées par un meilleur accès aux marchés et au financement. Il en résulte un modèle servant à libérer le potentiel des agriculteurs africains, à réduire l’insécurité alimentaire et à augmenter la prospérité. L’AGRA vise à être un catalyseur pour le changement, en démontrant l'efficacité de cette approche et en facilitant les partenariats nécessaires pour le concrétiser dans les divers contextes dans lesquels les agriculteurs africains travaillent. Les candidats au poste de Président, seront des chefs de file talentueux. Le nouveau Président sera un cadre supérieur accompli, habitué à diriger un organisme complexe dans le secteur public ou privé. Ce sera également un ambassadeur charismatique et faisant autorité pour l’AGRA. Travaillant aux côtés de M. Annan, le Président sera le visage et la voix de l’organisation, diffusant ses objectifs et s’assurant qu’elle ait toutes les ressources dont elle a besoin, mais surtout, il apportera une compréhension profonde de l’Afrique et des enjeux auxquels font face les petits exploitants agricoles africains ainsi que des opportunités qui s’offrent à eux. L’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) a engagé Russell Reynolds Associates pour l’assister dans cette démarche de recrutement. Pour plus d’informations sur le poste, les qualifications nécessaires’, conditions requises et termes et conditions générales de service et pour savoir comment candidater, veuillez consulter le site: www.rrapublicsector.com La date limite pour des candidatures est fixée au 18 novembre 2011
JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
Libérer le potentiel des agriculteurs de l’Afrique
135
136
Annonces classées
Avec plus de 6 millions d’abonnés et sa volonté de devenir la marque la plus aimée des Congolais en leur apportant des produits et services toujours innovants avec un personnel engagé pour l’excellence, Airtel en République Démocratique du Congo est à la recherche également des personnes qualifiées ayant beaucoup de talents et surtout aptes à partager son dynamisme. Actuellement, plusieurs postes sont ouverts dans les Ventes, le Marketing, les Finances :
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
✓ Corporate Manager pour Airtel Money • Développer des solutions d’affaires ; • Elaborer des stratégies et des plans d’acquisition et de rétention des entreprises, ONGs et marchands partenaires • Négocier des plans d’affaires tarifaires adaptés aux solutions proposées aux partenaires d’affaires • Prendre le lead dans l’identification des besoins des clients (entreprises, marchands, ONGs) en vue de les incorporer dans la stratégie global du Mobile Commerce • Diplôme universitaire dans le domaine des banques ou des finances et 5 à 8 ans d’expérience dans les ventes ✓ Finance Manager for Airtel Money • Etablissement des états financiers de Airtel Money SPRL en utilisant ORACLE ERP • Assurer la gestion de la trésorerie du Mobile Commerce • Gestion et suivi des audits internes et externes • Responsable de la planification, du budget et de la fiscalité • Diplôme universitaire et 5 à 8 ans d’expérience dans le domaine des banques ou des Finances ✓ Finance Reconciliation Manager • Gestion des opérations de réconciliation entre la plateforme M-commerce et les comptes des règlements des différentes banques sponsors • Assurer une gestion efficace des traitements des plaintes des clients • Recommander des crédits temporaires si nécessaire comme mesure provisoire pour régler les différends avec les clients jusqu'à ce que leur problème soit définitivement réglé. • Bonne connaissance des règles d’exploitation de Mastercard et Visa • Diplôme universitaire et 5 à 8 ans d’expérience dans le domaine des banques ou des Finances ✓ Retail and EVD Manager • Etablissement de la stratégie et planification du développement du business transfert d’argent au niveau national. • Supervision des agents commerciaux, établissement des objectifs nationaux et monitoring des réalisations régionales en accord avec les objectifs globaux de Airtel Money. • Etablissement de la stratégie de recrutement des distributeurs et agents, gestion et supervision de leurs activités • par l’identification des candidats potentiels et établissement des contrats de partenariat pour Airtel Money. • Coaching des agents commerciaux sur les techniques de mise en place d’une distribution efficace. • Agent de liaison entre le GSM et Airtel Money en ce qui concerne la vente des recharges électroniques au travers de la plateforme N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Airtel Money • Diplôme universitaire et 5 à 8 ans d’expérience dans le domaine des banques ou des Finances ✓ Media Planning & Buying Coordinator • Assurer le suivi des développements des scripts et des productions publicitaires (TV, radio, Outdoor et magazines), • S’assurer de l’exploitation optimale des espaces achetés par l’agence de media buying via les rapports de monitoring ou toute autre étude empirique, • Suivre la production des imprimés et la pose des panneaux dans les délais • Contribuer à l’élaboration et l’exécution des plans média et des plans de gestion du réseau outdoor avec l’agence et les équipes régionales • Assurer la mise à disposition régulière des activités média de la concurrence télécom • Proposer des actions de relations publiques susceptibles de relever l’équité de la marque AIRTEL à travers les partenaires média • Diplôme d’université en marketing, administration des affaires ou communication • Avoir au moins deux ans d’expérience professionnelle en marketing ou en communication ✓ Géomarketing Coordinator • Conçoit, prépare et implémente les projets de prospection du marché liés à l’expansion du réseau • Sélectionne les agences de prospections du marché et supervise leurs prestations sur terrain • Construit les « business cases » et évalue la fiabilité/profitabilité des projets liés au développement du réseau et la soumission de ceux-ci à la hiérarchie pour approbation du budget • Analyse les performances des sites et formule les recommandations aux équipes régionales pour l’accroissement de l’utilisation des sites non-performants • Joue le rôle de courroie de transmission entre l’équipe Technique et le Marketing en ce qui concerne le déploiement du réseau • Une licence en économie, marketing ou équivalent • 2-5 ans d’expérience dans les GSM ✓ Fraud Coordinator • Investiguer les cas de fraude prepaid, postpaid roaming, interconnexion et VAS de bout en bout (de l’activation du service jusqu’à sa facturation ou pas) en collaboration avec le département commercial et partenaires techniques • Analyser toute la chaîne de production, livraison et vente des produits Airtel • Analyser les différents rapports d’alarme du système de fraude • Diplôme Universitaire en sciences commerciales, financières ou autre discipline pertinente • 3 années d’expérience en informatique, en télécommunications ou dans un domaine similaire ✓ Territory Sales Manager • Réaliser les objectifs de vente et revenus et ce, avec le support des distributeurs, revendeurs et autres partenaires qui revendent les produits et services de la société Airtel • Augmenter le nombre de partenaires de distribution JEUNE AFRIQUE
Annonces classées • Travailler en étroite collaboration avec les distributeurs et les autres partenaires (revendeurs) • Atteindre les objectifs de vente en abonnés prépayés • Gérer, former et développer la force de vente • Maintenir à jour les informations du marché • Diplôme universitaire dans un domaine relatif à la vente ou formations supplémentaires en ventes et Marketing • Minimum 3 ans d’expérience de préférence dans les télécommunications et autres grands produits à forte consommation ✓ Interconnect Analyst • Assurer l’échange, la réconciliation, la facturation du trafic d’interconnexion local et international ainsi que le recouvrement de sommes le cas échéant • Assurer un monitoring/reporting et ainsi qu’une analyse quotidienne du trafic d’interconnexion local et international ; • Assurer une gestion optimale des coûts et revenu d’interconnexion • Assurer un monitoring quotidien de la qualité de service du trafic d’interconnexion spécialement pour le trafic international • Minimum 3 ans d’expérience ✓ Network Services Manager • Travailler étroitement avec les autres départements de l’entreprise et les partenaires stratégiques pour construire un réseau (+1) rencontrant les nouveaux défis technologiques, en ligne avec l’autorité de régulation et plus compétitif. • Gérer et assurer le suivi des opérations en rapport avec les systèmes centraux téléphoniques et Data du Réseau, les plateformes Prépayées, le Roaming Voix et Data, les VAS (CRBT, ADC, USSD,
IVR) en ligne avec le budget alloué. • Gérer les partenaires et se rassurer dans le cadre du « Managed services » que nos partenaires sont en ligne avec les KPIs leur exigés selon les contrats. • Assurer l’interface entre nos partenaires avec les autres départements de l’organisation pour répondre efficacement aux besoins du client. • Faire des recommandations visant à contenir les dépenses d’exploitation dans les limites budgétaires. • Ingénieur en Télécom +3 avec un minimum de 5 ans d’expérience ✓ Quality Platinum Towns • Suivi des indicateurs de performance du réseau pour assurer le niveau de qualité requis • Suivi du plan d’action d’amélioration de notre réseau par rapport aux autres compétiteurs sur le marché congolais • Concilier l’amélioration des indicateurs de performance du réseau avec l’expérience client • Validation des indicateurs de performance des partenaires • Assurer par un suivi étroit, avec le partenaire « Managed service », la résolution de plaintes clients portant sur la qualité du réseau • Ingénieur civil électricien/électronicien ou Télécom avec 3 ans minimum d’expérience Les candidatures à ces postes devront être envoyées par courrier électronique à emploiRDC@cd.airtel.com, avant le 11 novembre 2011 Pour plus de détails, visitez notre site http://africa.airtel.com/drc/
E T Consultant - Legal Associate LEGVP (Office of the Senior Vice President and Group General Counsel) 04-Nov-2011 30-Nov-2011 Washington, DC - USA
The World Bank is a multilateral financial institution and a specialized agency of the United Nations. Its members are 187 countries with a mission to reduce poverty through economic growth and development. In the context of the World Bank’s broad development agenda, The Legal Vice Presidency (LEGVP) provides legal services required by the World Bank and plays an active role in all the World Bank's activities. In addition, LEG VP helps to ensure that all World Bank’s activities comply with the Institution’s Articles of Agreement, policies and procedures. The Legal Associates Program (LAP) was launched in 2004 and is designed to introduce talented young legal professionals from all over the world to the World Bank. The Legal Associates will include legal research, comparative legal analysis, drafting of legal documents and legal support on ongoing projects. Eligibility for Application • Masters (Graduate or Post-graduate) degree in law: All applicants must have obtained a post graduate degree (master’s degree) in law, LLM, PhD or equivalent. It is not required to have a degree from a US university nor is it considered an advantage or a disadvantage. We strongly encourage applicants with a post-graduate degree from non US universities to apply. • Nationality: Applicants must be citizens of a member country of the World Bank to be eligible and satisfy all other hiring conditions related to employment at the World Bank. • Languages: Fluency in English is necessary. Fluency in Arabic, French, Chinese, Russian, Spanish or Portuguese would be a strong advantage in the recruitment process. • Prior Experience: A minimum of one year and no more than two years of work experience in the legal field is required. How to Apply The Legal Associates Program recruits through a highly selective and competitive process. Candidates must submit their applications online including the curriculum vitae and cover letter. Only candidates who are short-listed will be contacted. Kindly visit our website www.worldbank.org/laprogram for the online application and more details on the program’s requirements and recruitment timeline. JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
Job Title: Department/Division: Posting Date: Closing Date: Location:
137
138
Annonces classées RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Projet de Relance Agro-Pastorale en République Centrafricaine (PRAP-RCA)
AVIS DE RECRUTEMENT 1. Le Gouvernement de la République Centrafricaine a obtenu un don de la Banque Mondiale (BM) à travers une avance de préparation du projet (PPF) pour financer le coût du Projet de Relance Agropastorale (PRAP-RCA) dans quatre préfectures comprenant : la Lobaye, la Mambéré-Kadéi, la Sangha-Mbaéré et la Nana-Mambéré. 2. L’objectif du projet sera d’accroître la productivité agricole et la commercialisation des produits agro-pastoraux des petits producteurs dans sa zone d’intervention 3. A ce titre, l’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public en Centrafrique (AGETIP CAF), agissant en qualité de Maître d’Ouvrage Délégué, pour le compte de l’Etat représenté par le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, Maître d’Ouvrage, envisage de recruter le personnel clé du Projet dont les profils sont les suivants : 1 Coordonnateur, 1 Spécialiste en passation de marchés, 1 Spécialiste en gestion financière, 1 Spécialiste en suivi-évaluation, 1 Spécialiste en productions végétales, 1 Spécialiste en élevage, 1 Assistante de direction, 2 Comptables, 1 Chauffeur et 1 Planton. 4. Les manifestations d’intérêt devront être envoyées soit par e-mail ou par courrier, à l’adresse ci-dessous au plus tard le Lundi 21 Novembre 2011 à 12 heures 30 minutes (heure locale) : Monsieur le Directeur Général de l’AGETIP CAF ; Rue du stade Barthélemy BOGANDA ; BP 895 BANGUI (RCA) ; Tél : 00236 21 61 82 95 ; Fax : 00236 21 61 51 77 ; E-mail : mnganassem@yahoo.fr / agetipcaf@africatip.net 5. Les termes de références à ces différents postes sont disponibles et peuvent être retirés au Secrétariat de la Direction technique de l’AGETIP CAF ou envoyés par e-mail aux candidats intéressés, à leur demande.
Location: Abu Dhabi (United Arab Emirates), IRENA Headquarters Duration: Two years Fixed Term Appointment renewable up to eight years Closing Date: 30 November 2011 The International Renewable Energy Agency (IRENA) is looking to recruit a Deputy Director-General for the IRENA Secretariat. IRENA is a new intergovernmental organisation dedicated to the promotion of renewable energy. Its mandate is to promote the widespread and increased adoption and the sustainable use of all forms of renewable energy.The Agency is working to facilitate access to all relevant information, including reliable data on the potential of renewable energy,best practices,effective financial mechanisms and state-of-the-art technological expertise. IRENAseeks to recruit a Deputy Director-General who will report to the Director-General and be a leading member of senior management. The DDG will assist the Director-General in strategic management and programme design, formulation, and implementation, in line with IRENA’s mandate and mission objectives.The DDG will monitor and evaluate political, economic and technical developments and trends, with the view to providing advice on strategies,goals and objectives.The DDG will maintain active relationship/partnership with Members, private sector, intergovernmental and non-governmental organizations, regional entities, institutes and academia to enhance collaboration, cooperation and alliances on programme implementation, and sustained partnerships to promote accelerated uptake of renewables. He or she will provide substantive leadership to all administrative and operational matters, in particular on the coordination and collaboration between programmatic divisions and service areas. Further details of the vacancy announcement and information on how to apply can be obtained at www.irena.org/Jobs.
SPÉCIAL EMPLOI FORMATION
Le Directeur Général de l’AGETIP CAF
9("$%# 9)7(&%-7=,(+(73/ 9=5
2%73%(0)& .3+30(4(+% 3+' !:(&$%)8( 9)7(&%)-+
14 novembre 2011
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
140
Culture & médias
PHOTOGRAPHIE
Regards d’artistes Le mois de novembre vient parachever une année très riche en expositions consacrées au travail des photographes africains. À l’heure où s’ouvrent les Rencontres de Bamako (Mali), Jeune Afrique vous présente sa sélection.
Paris, jusqu’au 17 décembre), photographe né en Angola, Revue noire publie trois magnifiques livres « de poche » sur trois grands photographes : Jean Depara, bien sûr, mais aussi le Sénégalais Mama Casset et le Camerounais Samuel Fosso. Est aussi annoncé pour le 10 novembre un livre consacré au travail du plasticien Zwelethu Mthethwa… Trouvera-t-on le temps de respirer? Non, parce que le 1er novembre commence au Mali la neuvième édition des Rencontres de Bamako, organisées par le ministère de la Culture, en partenariat avec NICOLAS MICHEL l’Institut français et Jeune Afrique. La manifestation, i la photographie d’art existe depuis qui dure jusqu’au 1er janvier 2012, a pour thème : belle lurette en Afrique, sa visibi« Pour un monde durable ». Elle offre l’occasion lité sur la scène contemporaine de découvrir une cinquantaine de « nouveaux est, pendant des lustres, restée talents », témoins d’une extraordinaire vitalité inversement proportionnelle au créative, mais aussi de redécouvrir le travail des talent déployé. En ce sens, l’anpères fondateurs, tels les Maliens Malick Sidibé, née 2011 marque un véritable tournant. Qu’on Abderramane Sakaly et Soungalo Malé. en juge : du 24 mai au 25 septembre, le prestigieux Quels enseignements tirer de cette effervesmusée parisien du Jeu de Paume consacrait une cence ? D’abord, que la photographie « africaine » importante rétrospective au travail du photogran’existe pas. Il y a autant de démarches artistiques phe sud-africain Santu Mofokeng. Quelques mois que de photographes, et ce serait se fourvoyer que auparavant, entre janvier et avril, la Fondation d’insister seulement sur leurs points communs. Henri Cartier-Bresson honorait le travail de son Si les Français Henri Cartier-Bresson et Robert compatriote David Goldblatt. Outre-Manche, le Doisneau ont tous deux photographié Paris, ne Victoria & Albert Museum réunissait pour sa part serait-il pas réducteur d’analyser leur travail sous dix-sept artistes majeurs représentant les tendances le seul angle des similitudes… En réalité, ce que les actuelles de la photo au pays de Mandela. Si l’on expositions et événements de l’année 2011 vienajoute à cela le fait que le dernier World Press Photo nent démontrer avec brio, c’est l’inscription dans of the Year a été remis à la le paysage artistique Sud-Africaine Jodi Bieber, de démarches pureNi esthétisants ni racoleurs, pour l’image d’une Afghane ment plasticiennes ils prennent désormais au nez tranché, il est possible qui se tiennent prule risque du rejet en de croire que seule la nation demment à distance du Arc-en-Cielproduitdesartiss’éloignant des codes établis. photoreportage, plus tes d’envergure internatiolié à l’actualité. Quand nale. Rassurons-nous, la fin de l’année 2011 prouve le Sud-Africain Daniel Naudé photographie des le contraire. Jusqu’au 11 novembre, la 3e biennale animaux, quand le Marocain Khalil Nemmaoui des images du monde (Photoquai), organisée par photographie un arbre isolé, ils s’interrogent sur les rapports profonds que nous entretenons avec le musée du Quai Branly, présente des artistes comme la Togolaise Hélène Amouzou, le Marocain la nature. Ni esthétisants ni racoleurs, ils prennent Hassan Hajjaj, la Tunisienne Nicène Kossentini, le risque de l’incompréhension et du rejet en s’éloignant des codes établis. Puissent les collecl’Éthiopien Michael Tsegaye ou encore le Tanzanien Mwanzo Millinga. Pendant ce temps, en plus de tionneurs, les galeries et les musées du monde leur consacrer une belle rétrospective à Jean Depara (à apporter tout le soutien dont ils ont besoin. ●
S
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
OMAR VICTOR DIOP (Sénégal) Photographe autodidacte installé à Dakar, il travaille sur la mode et sur les questions liées à l’environnement. À l’occasion des 9es Rencontres de Bamako, il expose des images dans lesquelles ses deux centres d’intérêt se rejoignent. Une robe en papier kraft (recyclé ?), une jupe de bouteilles en plastique, sa série Fashion 2112, l’élégance du XXIIe siècle interroge avec gaieté et optimisme le thème de cette biennale : « Pour un monde durable ». À voir au Musée national du Mali, à Bamako.
JEUNE AFRIQUE
142
Culture médias
DANIEL NAUDÉ (Afrique du Sud) Photographe de 28 ans, il réalise dans ses séries Animal Farm, African Scenery & Animals et Africanis d’étranges portraits d’animaux domestiques et/ou domestiqués. Une manière de s’interroger sur notre rapport au monde animal – un rapport de domination et de dépendance… NYANI QUARMYNE (Ghana) Né en Inde d’un père ghanéen et d’une mère philippine, il a vécu, entre autres, au Kenya, au Zimbabwe, au Swaziland, au Canada, en Australie… Cherchant à nous rappeler « nos responsabilités communes envers la planète », il photographie ici l’érosion accélérée et menaçante des côtes ghanéennes.
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Regards d’artistes
KHALIL NEMMAOUI (Maroc) Ce photographe de 44 ans s’est d’abord fait connaître dans le photojournalisme. Sa série La Maison de l’arbre, réalisée autour de Casablanca, instaure un dialogue – une confrontation ? une cohabitation ? – entre le végétal et les créations humaines. Outre aborder la question de l’environnement, l’artiste insiste par ailleurs sur la nécessité de rejeter toute forme d’exotisme. HASAN ET HUSAIN ESSOP (Afrique du Sud) Jumeaux, les deux artistes proposent une série intitulée Halaal Art. « Nous explorons les influences de la culture populaire occidentale et les effets distordants qu’elle peut avoir sur les autres religions et cultures », expliquent-ils.
JEUNE AFRIQUE
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
143
144
Culture médias Photographie
ARTURO BIBANG (Guinée équatoriale) C’est en tant que photoreporter qu’il a été reconnu en Espagne. De retour dans son pays natal, il s’est intéressé à l’insularité et l’isolement des Annobonais, qui vivent sur un petit îlot au large du Gabon. Il y a vu « l’équilibre nécessaire pour qu’un monde soit durable ».
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Regards d’artistes Novembre, le mois des images BAMAKO • « L’exposition panafricaine » Réunit 45 photographes et 10 vidéastes issus de 27 pays. Le commissariat est assuré par Michket Krifa et Laura Serani. Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012 • David Goldblatt, Ex-Offenders Figure majeure de la photo sud-africaine, David Goldblatt a photographié des criminels sur le lieu de leur délit, après leur sortie de prison. Musée du district de Bamako, jusqu’au 1er janvier 2012
FATOUMATA DIABATÉ (Mali) Jeune photographe de 31 ans, elle a débuté au Centre de formation audiovisuel Promo-Femme. Avec ses images d’enfants de Sikasso déguisés, L’Homme en animal, elle s’interroge sur l’importance des valeurs transmises par les contes et la tradition. JEAN DEPARA (Angola) Né en 1928 et mort en 1997, il est aujourd’hui exposé à Paris par la Revue noire. Son travail nous entraîne dans la nuit de Kinshasa (alors Léopoldville) à l’heure où se profilent les indépendances. Bande-son des bars-dancings : rumba, bien sûr. En 1989, arrivé à l’âge de la retraite, Depara abandonne la photographie.
• Philippe Bordas, Les Chasseurs du Mali Connu pour ses phot o s d e b ox e u r s kényans et de lutteurs sénégalais, Philippe Bordas s’est intéressé à la confrérie des chasseurs. Institut français de Bamako, jusqu’au 21 décembre 2011 • Collection Sindika Dokolo Riche Congolais vivant en Angola, Sindika Dokolo aurait rassemblé la plus importante collection d’art contemporain africain. Pour cette exposition, le commissaire Simon Njami a choisi de travailler sur la « représentation de soi-même » par des artistes tels que Jean Depara, Samuel Fosso ou encore Tracey Rose. Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012 • Sougalo Malé, Abderramane Sakaly, Malick Sidibé Les pères de la photo malienne honorés… et conservés grâce à un projet de documentation et de numérisation. Leur regard constitue un riche patrimoine artistique et historique. Musée national du Mali, jusqu’au 1er janvier 2012
JEUNE AFRIQUE
• « Le Printemps arabe » En partenariat avec l’Institut français du Caire, l’inévitable hommage aux artistes des révolutions de 2011. Mémorial Modibo Keïta, jusqu’au 1er janvier 2012
PARIS • « African Emerging Photography » Une sélection de jeunes artistes africains choisis par les commissaires des Rencontres de Bamako, Michket Krifa et Laura Serani, à l’occasion de Paris Photo 2011. Grand Palais, du 10 au 13 novembre 2011 • Photoquai La biennale des images du monde organisée par le musée du Quai Branly. Musée du Quai Branly, jusqu’au 11 novembre 2011 • Jean Depara, « Night & Day in Kinshasa, 1951-1975 » Une rétrospective organisée par la Maison Revue noire sur le travail du photographe angolais. 150 photos pour s’imprégner de l’atmosphère d’une époque. Maison Revue noire, jusqu’au 17 décembre 2011 • « Events of the Self : Portraiture and Social Identity » Tirée du fonds africain de la collection de l’homme d’affaires (ex-Goldman Sachs) Artur Walther, cette exposition dirigée par l’Americano-Nigerian Okwui Enwezor confronte des portraits de trois générations de photographes africains, dont Seydou Keïta, Malick Sidibé, Sammy Baloji, Zanele Muholi, David Goldblatt, Santu Mofokeng… Grand Palais, du 10 au 13 novembre 2011 N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
145
Culture médias LIVRE
Les Algériens parlent aux Algériens Notre collaborateur Renaud de Rochebrune signe, avec l’historien Benjamin Stora, un ouvrage fouillé qui renverse la perspective dominante de manière salutaire.
L
’
originalité de ce livre sur de Philippeville (aujourd’hui la guerre d’Algérie claSkikda). Des milliers de paysans, que dès son titre : « vue avec femmes et enfants, probablepar les Algériens ». Le ment encadrés par « à peine deux rapport de force de la produccents combattants » de l’Armée de libération nationale (ALN), tion éditoriale entre les deux rives de la Méditerranée est au moins investissent le cœur de la cité aussi inégal qu’il le fut hier sur le portuaire et attaquent commisterrain. Si près de 3 000 ouvrages sariats, gendarmerie et bâtiments ont été consacrés au conflit avant administratifs. La propagande même l’avalanche attendue pour française insiste sur une « viole cinquantenaire de 2012, les lence aveugle ». À tort : le bilan le plus sérieux fait aujourd’hui textes reflètent en majorité une état de 5 morts européens. La approche plutôt française, critique ou apologétique, neutre ou chaudémonstration de force touchera vine. D’où la question : comment en fin de compte de nombreuses les Algériens, acteurs et victimes, localités du département le plus ont-ils vu et vécu « leur » guerre ? peuplé d’Algérie, causant au total Les auteurs, outre des recherches une centaine de décès civils. La inédites, ont cherché la réponse répression sanglante, que les en revisitant de près cette énorme auteurs chiffrent entre 7 000 et masse écrite. Dans une longue 12 000 morts musulmans, soit « note sur les sources », ils justicent fois plus que les victimes fient, avec un soin rare, chacune du côté des Européens, va faire des scènes racontées dans les cinq basculer les populations dans grands chapitres qui composent la guerre. Et poser un problème l’ouvrage et donnent à chaque fois nouveau au Front de libéra LE COLONEL DE L’ARMÉE DE LIBÉRATION NATIONALE la référence des documents dont tion nationale (FLN) : celui de Amirouche (à g.) et son « secrétaire » Slimane Laichoui. ils se sont servis. l’encadrement d’une force très qui se lance dans la bagarre en premier éloignée par son nombre, sa compoUn exemple parmi d’autres de la quane sera guère suivi. La répression se lité de leur travail : le 6 février 1956, Guy sition, son niveau culturel et politique, Mollet, chef du gouvernement français révèle efficace, les divergences politiques des instigateurs du 1er novembre 1954. neutralisent des régions entières et, en de l’époque, n’a-t-il reçu que des tomaFellahs insurgés d’un côté, militants dehors des Aurès et de la Kabylie, la tes comme le veut la légende née des politiques de l’autre, les rapports entre « rébellion » dénoncée par les responcomptes rendus de la presse de l’époque? ces deux groupes sont marqués par la Ou bien ce légume, plutôt rare en cette sables français n’embraie pas sur le pays domination des seconds sur les premiers. saison, n’était-il qu’une exception dans profond. C’est dans ce contexte que le L’autoritarisme politique des régimes qui vont se succéder en Algérie n’est-il pas la pluie de projectiles plus consistants nouveau chef de la zone II (on ne parle né de cette asymétrie ? qui s’abattirent sur le cortège officiel ? pas encore de wilaya), Youssef Zighout, Dans les mois qui suivent, le soulèveLes auteurs s’interrogent et concluent prend l’initiative de mobiliser les masses que la manifestation n’avait rien de bon rurales. Le 20 août, il les lance à l’assaut ment qui embrase toutes les régions rend enfant… urgent, pour la direction du FLN, de « faire le point de la situation et de coordonner RÉPRESSION. L’autre originalité la lutte ». Le groupe à l’origine de l’appel La Guerre d’Algérie aux armes du 1er novembre a organisé sa de ce travail est d’avoir renoncé vue par les gouvernance sur le principe de la colléau récit linéaire pour priviléAlgériens, gialité. Ses membres se sont réparti le gier cinq dates clés, entre 1949 tome 1 : « Des origines à la bataille territoire algérien en cinq puis six zones, et 1956. Première question fond’Alger », par Renaud chaque chef étant seul compétent pour damentale : quand commence de Rochebrune et choisir ses adjoints et sa stratégie, les vraiment la guerre d’Algérie ? Le Benjamin Stora, 1er novembre 1954 ou le 20 août questions communes devant être traitées Denoël, 440 pages, 1955 ? Le petit millier d’activistes par l’ensemble du groupe. Une rencontre 23,50 euros RUE DES ARCHIVES/TAL
146
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Culture médias de ce dernier était prévue début 1955. Elle n’aura pas lieu, faute de pouvoir réunir tous les intéressés. Le passé récent ne favorise pas l’adoption d’un schéma simple de pouvoir. Tous les dirigeants sont des militants passés par le Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (PPA-MTLD) et ils se défient des zaïms, les chefs charismatiques, à cause du précédent de leur ancien leader Messali Hadj, trop enclin à traiter le parti comme sa « chose ». Ils redoutent aussi les manœuvres politiciennes. N’ont-elles pas empêché le principal parti nationaliste de se lancer plus tôt dans la lutte armée ? RÉVOLUTION. LecongrèsdelaSoummam,
qui réunit une bonne partie des chefs du FLN et de l’ALN, en août 1956, entend apporter une solution à cette question. La « révolution » se choisit une tête composée d’une instance législative, le Conseil natio-
Comment ceux qui en ont été les acteurs et les victimes ont-ils vécu la guerre de libération ? nal de la révolution algérienne (CNRA), et d’un exécutif, le Comité de coordination et d’exécution (CCE). Le Congrès pose deux principes qui ne survivront pas à la suite de la guerre : afin de normaliser les rapports entre les civils et les militaires, entre les chefs de l’intérieur et ceux de l’extérieur, le FLN est censé diriger l’ALN, et les commandants maquisards sont supposés l’emporter sur les ambassadeurs de la révolution – à commencer par Ben Bella – installés hors d’Algérie… Les auteurs dissèquent la genèse de ce tournant décisif de la révolution algérienne, mais aussi les oppositions qui le rendront caduc à peine un an plus tard avec l’assassinat de son promoteur, Ramdane Abane, tête politique du FLN. S’agissant de cet autre moment clé de l’histoire algérienne, il nous faudra patienter jusqu’à la parution du tome 2 de l’ouvrage, en 2012, pour en connaître le déroulement. En attendant, la lecture du tome 1, qui s’achève sur le récit de la bataille d’Alger, confirme que le pari est tenu : la vision algérienne des premières années de la guerre s’impose enfin dans l’historiographie de ce qui fut le plus long conflit colonial du XXe siècle. ● JEAN-PIERRE SÉRÉNI JEUNE AFRIQUE
Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais
TROIS SIÈCLES DE NÉGRITUDE
À
QUELQUES MOIS de l’élecest ensuite devenu le « Nègre », puis tion présidentielle en tout simplement le Noir, avant d’être perçu comme un immigré et, dans France, ce « beau livre » qu’est La France noire, trois les années 1990, comme un « Black ». siècles de présences tombe à pic. Depuis les années 2000, les débats Depuis que la question de l’immigraportent sur la citoyenneté des tion est devenue un enjeu « Noirfrançais », ces politique et démagogiminorités visibles qui ne souhaitent plus être reléque, beaucoup de Noirs de France estiment qu’ils guées à l’arrière-cour de seraient mieux traités la République, comme dans les pays anglophodans Moi aussi, le poème nes – la situation de leurs de Langston Hughes où « frères » vivant dans cet « le frère à la peau somespace leur paraissant bre » qui mangeait jusp l u s s u p p o rt a b l e … que-là à la cuisine se La France noire, Po u rt a n t , a v a n t l a révolte et hurle qu’il est trois siècles Révolution française et, lui aussi l’Amérique et de présences, sous dans une certaine mesure, la direction de Pascal que lorsque viendra du Blanchard, Sylvie pendant la période colomonde, il se mettra à Chalaye, Éric Deroo, table. La France ne peut niale, il valait mieux être Dominic Thomas et plus fermer les yeux face un Noir en France Mahamet Timera, éd. qu’ailleurs. On le vit avec à ces « sans-voix » qui La Découverte, 2011 l’arrivée massive des 360 pages, 59 euros sont présents sur tout le intellectuels noirs amériterritoire… Parions que La France noire deviencains à Paris, victimes dans leur pays de la ségrégation raciale. « Ce n’est dra vite un ouvrage de référence. La que depuis les années 1980 que ce clarté de son propos lui garantit une sentiment, cet attrait pour la France audience très large. Plusieurs pendécline, et qu’un Noir se dit plus libre, seurs et chercheurs de renom (Achille plus accepté et plus reconnu en Mbembe, Pap Ndiaye, Dominic Grande-Bretagne, aux États-Unis ou Thomas, Elikia M’Bokolo, Françoise à Johannesburg, alors que la citoyenVergès, François Durpaire…) y ont neté est désormais un droit pleinement apporté le fruit de leur expérience. acquis en France. » Le résultat est frappant, avec plus de Les présences de Noirs en France remontent à trois siècles. Trois siècles pendant lesquels les populations d’Afrique, de la Caraïbe, de l’océan Indien et des États-Unis ont contribué à 750 documents, photos, coupures de bâtir et à préserver la nation franpresse et iconographies qui matériaçaise. Le Noir a bien entendu changé lisent les apports irréfutables de ces de « statut » selon les époques : il « présences noires » qu’on ne trouest passé du stade d’affranchi à celui vera pas forcément dans les manuels de sujet colonial ; de celui d’indigène qui racontent l’histoire officielle de à celui de « tirailleur sénégalais ». Il la France… ●
Ce livre matérialise l’apport irréfutable des « présences noires ».
N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
147
Culture médias En vue ESSAI
Ennuyeuse frénésie LES AVOCATS ROLAND DUMAS ET JACQUES VERGÈS font feu de tout bois – attaques ad hominem comprises – pour appuyer leur thèse : Nicolas Sarkozy et Bernard-Henri Lévy seraient responsables de crimes contre l’humanité en Libye ! Entre autres, leur description des débuts de la rébellion à Benghazi laisse sans voix : les insurgés auraient été « stimulés » par « des tirs de snipers “inconnus” ». La gêne du lecteur face à ce pamphlet laisse place à l’ennui lors de la seconde partie du livre : quarante pages de juridisme pour affirmer que le président français pourrait être jugé… ● PIERRE BOISSELET
Sarkozy sous BHL, de Roland Dumas et Jacques Vergès, PierreGuillaume De Roux, 121 pages, 13,90 euros ■■■ MÉDIAS
DR
Camp de la mort
LA TRAGÉDIE A ÉTÉ OUBLIÉE des livres d’histoire. En 1916, alors que le froid de l’hiver décime leurs rangs, des milliers de « tirailleurs sénégalais » sont éloignés du front, vers le camp du Courneau, dans la région Aquitaine. Alors qu’ils doivent affronter des conditions d’accueil déplorables et une épidémie de pneumonie, plus d’un millier d’entre eux perdent la vie jusqu’à la fermeture du « camp de la misère », en 1917. Pouvait-on éviter le drame ? Le documentaire de Serge Simon retrace mois par mois leur histoire et révèle des liens troubles entre la médecine militaire et l’Institut Pasteur. ● JUSTINE SPIEGEL
Une pensée du Courneau, de Serge Simon, le 9 novembre sur France 3 Aquitaine et projection en avant-première à Pessac, au cinéma Jean-Eustache, le 2 novembre 2011 ■■■ N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
MÉDIAS
Il aurait dû être président
Un buste en bronze dans le jardin du Luxembourg (Paris), un documentaire sur son parcours, le Guyanais Gaston Monnerville, ancien président du Sénat français, sort enfin de l’oubli.
C
eux qui ont connu Monnerville se souviennent de cette querelle qui l’a opposé, en octobre 1962, au général de Gaulle, alors président de la République. Le désaccord est né du fait que le chef de l’État, sans passer par la voie constitutionnelle, avait décidé d’organiser un référendum dans l’idée de passer à un régime présidentiel. Pour Monnerville, membre du Parti radical de gauche et président du Sénat, c’était là une forfaiture, une violation de la Constitution, un véritable coup d’État. Il lui en a coûté sept ans de traversée du désert, entre mise au ban, LE GUYANAIS a osé tenir tête à de Gaulle. interdiction d’antenne, quolibets et caricatures aux relents racistes. en 1939 reste convaincu que, face à Ses adversaires refusaient d’accepter l’épreuve, l’apport des colonies est vital qu’un Guyanais tienne tête à l’homme pour la métropole. La guerre finie, le de l’appel du 18 juin 1940. Guyanais entre, en tant que sénateur L’histoire de Gaston Monnerville du Lot, au palais du Luxembourg, siège de ce qui s’appelle encore Conseil commence à Cayenne, où il est né en 1897 dans une famille de condition de la République, le futur Sénat. En modeste. Mais, très jeune, il apprend mars 1947, il est élu à la tête de cette qu’il faut se battre dans la vie pour souinstitution, qu’il dirigera pendant preslever la montagne des préjugés lorsque que vingt-deux ans. Monnerville meurt l’on est, comme on le dit à l’époque, en novembre 1991. « un homme de couleur ». Se battre, Le film d’André Bendjebbar et Alain Monnerville ne fait que cela, notamMaline retrace le parcours de cet ment en s’initiant au maniement de homme qui, selon certains témoins interviewés, serait devenu président de l’épée. Il décide aussi de vivre debout la République « s’il n’avait pas été métis et fait sienne cette devise inspirée de Cyrano de Bergerac : « Fais ce que et descendant d’esclaves ». Le docudois ». En 1912, Monnerville gagne mentaire est une suite de témoignages agrémentés de documents d’archives. la métropole et se retrouve dans un Il sera diffusé le 6 novembre à 22 heulycée à Toulouse. Six ans plus tard, res sur France 5, dans l’émission La il entre dans une loge maçonnique. Case du siècle, présentée par Fabrice Au terme de ses études de droit, il d’Almeida. ● devient avocat. Entre 1932 et 1946, il TSHITENGE LUBABU M.K. est député de la Guyane. Pendant la guerre, indésirable sous le régime pétainiste, il s’engage Gaston Monnerville, la mémoire dans la Résistance. Lui qui retrouvée, d’André Bendjebbar et Alain s’est rendu au Cameroun Maline,Taïnos Productions, 2011 ■■■ JEUNE AFRIQUE
HENRI MARTINIE/ROGER-VIOLLET
148
Culture médias CINÉMA
SANS OUBLIER
Universelle Anatolie FILM APRÈS FILM, le Turc Nuri Bilge Ceylan s’affirme comme l’un des plus grands cinéastes contemporains. Ancien photographe, il produit des images qui sont pour la plupart de véritables tableaux. Et ses récits, même quand ils racontent une simple enquête criminelle, touchent à l’universel. À l’instar d’un Kiarostami, il sait donner au moindre fait divers la dimension d’un conte philosophique. Ainsi reste-t-on hypnotisé
Sublime. Bouleversant. Magistral. Magnifique. Envoûtant. Libération
Télérama
Le Monde
Les Inrocks
Positif sitif
memento films présente
il était une fois en anatolie UN FILM DE
NURİ BİLGE CEYLAN
MUHAMMET UZUNER YILMAZ ERDOĞAN TANER BIRSEL AHMET MÜMTAZTAYLAN MÜMT TAYLAN TAYLAN FIRA FIRATTA FIRATTANIŞ TANIŞ NIŞ ERCAN KESAL ER EROL ERASLAN BURHAN YILDIZ MURAT MURAT KILIÇ ŞAFAK ŞAF KARALİ KARALİ EMRE ŞEN CANSU DEM DEMİİRC RCİ UĞUR ARSLANOĞLU N NİİHAN OKUTUCU KUB KUBİİLAY TUNÇER SALİ SALİH ÜNAL AZ AZİİZ İZZET BİÇ B ÇİCİ CELAL ACARALP DIRECTION ARTISTIQUE ARTISTIQUE DILEK YAPKUÖZ AYAZTUNA AY DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE PHOTO TOGRAPHIE GÖKHAN TIRYAKI MONTAGE MONTAGE BORA GÖKSINGÖL NUR NURİİ BİLGE CEYLAN ECRIT PAR ERCAN KESAL EBRU CEYLAN NURİ BİLGE CEYLAN CO-PRODUCTEURS ODUCTEURS MIRSAD PURIVATRA PURIVATRA EDA ARIKAN İBRAH AHİİM ŞAH ŞAHİİN MÜGE KOLAT KO MURAT RAT AKD AK AKDİİLEK NBCEYLAN PRODUIT ODUIT PAR ZEYNEP ÖZBATUR TUR ATAKAN ATA REALISE PAR PA NURİİ BİLGE CEYLAN VENTES INTERNATIONALES NUR INTERNA ZEYNOFILM DISTRIBUTION MEMENTO MEMENT FILMS
Il était une fois en Anatolie, de Nuri Bilge Ceylan (sortie à Paris le 2 novembre) ■ ■ ■
par les mésaventures du procureur, du policier, du médecin légiste et du criminel qui, dans ce film, parcourent ensemble la campagne anatolienne à la recherche du corps de l’homme tué par le dernier d’entre eux. Grand prix du dernier Festival de Cannes, Il était une fois en Anatolie, œuvre exigeante et magnifique, aurait aussi bien pu remporter la Palme d’or. ●
Du 3 au 9 novembre, le festival des Cinémas d’Afrique du pays d’Apt organise sa 9e édition. De nombreuses projections sont prévues (Les hommes libres, d’Ismaël Ferroukhi, Laïcité, Inch’Allah, de Nadia el-Fani, Skoonheid, d’Oliver Hermanus…), ainsi que des débats en présence des réalisateurs. Le 3 novembre, concert du Congolais Ray Lema à la salle des fêtes d’Apt. Riche actualité pour le plasticien camerounais Barthélémy Toguo: après une performance le 3 novembre à La Verrière (Fondation d’entreprise Hermès, à Bruxelles), ouverture de son exposition «The Well Water » dans le même lieu jusqu’au 17 décembre. Il participe aussi, du 16 novembre au 24 juin, à l’expo collective « J’ai deux amours », à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (Paris).
RENAUD DE ROCHEBRUNE
ALBUM
De plus en plus visibles
SAMUEL NJA KWA
CE N’EST PAS UN TRÈS JOLI LIVRE : la mise en page ne met pas en valeur les photos, et les CV qui les accompagnent sont pour le moins lapidaires. Il n’empêche, Minorité visible cinéma invisible est un livre nécessaire signé du photographe camerounais Samuel Nja Kwa. En soixante portraits, il présente soixante personnalités du théâtre et du cinéma ayant pour point commun d’être originaires d’Afrique ou des Antilles. Certains sont très connus, d’autres beaucoup moins. Grâce à Nja Kwa, aucun ne sera oublié. ● NICOLAS MICHEL
Minorité visible cinéma invisible, de Samuel Nja Kwa, éditions Dagan, 158 pages, 35 euros ■■■
MUSIQUE MUS
Lui et les autres L MUNTU VALDO a joué avec les meilleurs. Les anciens – Ali Farka Touré, Manu Dibango, Tony Allen – et aussi les nouveaux – Lokua Kanza, Richard Bona, Keziah Jones… À présent, le créateur du sawa blues – du nom de la communauté ethnique du Cameroun dont il est originaire – prend du temps pour lui. Son deuxième album, Th The One & The Many, est un mélange de toutes ses influences : percussions sawas, bruits de la forêt, jazz, rhythm and blues, bossa-nova… si Guitariste, harmoniciste et chanteur, Muntu Valdo a enregistré chez lui la plupart des chansons. Le résultat, un album tout en douceur qui s’écoute par une après-midi pluvieuse, avec un bon livre. ● MALIKA GROGA-BADA The One & The Many, de Muntu Valdo, Warner Jazz, sortie le 7 novembre JEUNE AFRIQUE
■■■
Du 2 au 6 novembre, la ville d’Édimbourg (Royaume-Uni) accueille son 6e festival de cinéma Africa in Motion. Thème de cette année « Children andYouth in Africa », avec la projection de films animés et de longs métrages pour les enfants. En février 2012, l’écrivain camerounais Gaston-Paul Effa publiera aux éditions Actes Sud Je la voulais lointaine, récit du parcours d’un homme ayant voulu laisser derrière lui l’influence de ses origines… Pour fêter le quarantième anniversaire de sa fondation, le légendaire groupe malgache Mahaleo entreprend une tournée en France. Premier concert de cet ensemble mythique prévu le 19 novembre à Savigny-leTemple (Région parisienne). N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
149
Culture médias EN KIOSQUE | La revue
C’est le siècle des femmes Ð Le numéro 17 du mensuel est en vente depuis le 27 octobre
T
ROIS FEMMES LAURÉATES du prix Nobel de la paix 2011. Une autre réélue dès le premier tour à la tête de l’Argentine. Une autre encore, la chancelière allemande, dont dépend pour une bonne part la survie de l’euro. En ce début de siècle, nombre de femmes accèdent à des postes, à des niveaux de responsabilité dont leurs mères ou leurs grands-mères n’auraient même pas osé rêver. L’égalité est-elle pour autant acquise ? Non, bien sûr, et certains cas extrêmes, comme celui de l’Arabie saoudite, à laquelle la géographe Sylvie Brunel consacre un article dans lequel elle compare la situation des Saoudiennes à celle des Noirs d’Afrique du Sud au temps de l’apartheid, viennent le rappeler. Mais même dans les pays les plus démocratiques, des différences demeurent. Dans la loi parfois, dans les faits toujours ou presque : niveau des salaires, garde des enfants, répartition des tâches ménagères… Il reste beaucoup à faire, insiste Annie Sugier, la présidente de la Ligue du droit international des femmes, dont une longue interview ouvre le dossier de ce numéro de La revue.
Dans les pays du Printemps arabe, l’évolution semble encourageante. Mais là encore, certains problèmes demeurent, et si les femmes de Tunisie ont fait un grand pas vers l’égalité des droits en manifestant aux côtés des hommes, la situation est loin d’être aussi facile en Égypte ou au Yémen. Les progrès viendront-ils avec le développement économique ? Certains défendent cette thèse, expliquant qu’une femme qui gagne sa vie par son travail est plus encline à prendre son destin en main. Juliette Morillot a mené l’enquête auprès des Sud-Coréennes, et le bilan semble mitigé. Quant aux jeunes Chinoises qu’a rencontrées N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
NO 17 – NOVEMBRE 2011 – 4,90 €
Premier mensuel généraliste de langue française
larevue.info
150
POLITIQUES ÉCONOMIES SOCIÉTÉS CULTURES
É ALAIN JUPP Le phénoiixte dr la de
G20
SARKOZY JOUE SON VA-TOUT GRÈCE-TURQUIE
LA CIGALE ET LA FOURMI HISTOIRE
LES JUIFS DE TUNISIE DOCUMENT
ORAN, 1949. LE VRAI DÉBUT DE LA GUERRE D’ALGÉRIE NOUVEA
U
ART DE VIVRE
ESCAPADE DANS LE BEAUJOLAIS
Nous y sommes : lassées d’attendre que les hommes leur concèdent l’égalité, les femmes se lèvent dans le monde entier pour la conquérir.
DOSSIER DE 27 PAGES Algérie 500 DA • Allemagne 5,50 € • Belgique 5,50 € • Canada 7,95 $ CAN • DOM 5 € • États-Unis 7,95 $ US • Espagne 5,50 € • Finlande 5,50 € • Italie 5,50 € • Maroc 40 DH • Portugal 5,50 € • Royaume-Uni 5 £ • Suisse 7,50 FS • Tunisie 9 DT • Zone CFA 3 000 F CFA
M 09597 - 17 - F: 4,90 E
3:HIKTPJ=\UY^UX:?a@a@b@r@k;
LA REVUE, novembre 2011, 164 pages, 4,90 euros (3 000 francs dans la zone CFA).
Clara Arnaud, elles n’ont qu’un désir: échapper au mariage et à la maternité pour faire carrière, loin des rêves de leurs parents et des espoirs que la société plaçait en elles. En conclusion de ce grand dossier de 27 pages, le psychanalyste Gérard Haddad évoque l’impact qu’aura eu sur les hommes cette révolution féministe qu’il qualifie, reprenant la formule de son mentorYeshayahou Leibowitz, de « plus grande révolution qu’ait connue l’humanité depuis le Néolithique ». Invoquant Lacan et Paul Claudel, Gérard Haddad s’interroge: l’émancipation des femmes doit-elle fatalement provoquer l’effacement des hommes et le déclin des pères ? L’auteur ne le pense pas,
mais met les hommes en garde : si l’admiration des femmes leur était, hier, garantie au nom des principes de la société patriarcale, ils devront désormais la mériter grâce à leurs qualités physiques, intellectuelles et morales. En cette période agitée pour la vie politique française et alors que François Hollande, le candidat socialiste, distance Nicolas Sarkozy sondage après sondage, La revue s’est penchée sur l’itinéraire d’un autre dirigeant de l’UMP : Alain Juppé. Porté aux nues avant de subir une infamante condamnation et de s’exiler au Canada, l’ancien protégé de Jacques Chirac fait aujourd’hui figure de recours dans l’hypothèse où l’actuel président ne serait pas candidat en 2012. Scénario aujourd’hui improbable, mais auquel certains à droite, à commencer par le principal intéressé, veulent croire malgré tout. En attendant la nouvelle rubrique « Sciences », prévue pour le prochain numéro de La revue, le professeur Bertran Auvert, chercheur à l’Inserm, revient sur les dernières études franco-sud africaines consacrées au rôle de la circoncision dans la prévention du sida. Les résultats de cette étude sont sans appel : si la circoncision ne doit pas être considérée comme une protection à toute épreuve et ne peut venir qu’en complément des précautions habituelles, les statistiques prouvent son impact. Sur la population étudiée, le taux de contamination est réduit de 76 % pour les hommes circoncis. ● OLIVIER MARBOT
À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO : ÉCONOMIES : LA CIGALE GRECQUE ET LA FOURMI TURQUE Pourquoi l’une s’effondre pendant que l’autre accumule les succès INTERVIEW : BERTRAN AUVERT, CHERCHEUR À L’INSERM « L’épidémie de sida peut être fortement ralentie » JEUNE AFRIQUE
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES ÉCONOMIQUES
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE Union - Discipline - Travail
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL
N° 177/2011
TRAVAUX DE CONSTRUCTION D’UN PONT SUR LA MARAHOUE ET DE RENFORCEMENT DE VOIES URBAINES DANS LA VILLE DE BOUAFLE EN CÔTE D’IVOIRE Le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire a obtenu un prêt auprès de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour financer la construction d’un pont sur la Marahoué dans le département de Bouaflé. Ce pont dénommé « pont de Bouaflé » est situé à la sortie de la ville de Bouaflé sur l’axe Yamoussoukro-BouafléDaloa-Man. Le renforcement concerne 6 km de route à l’intérieur de la ville. L’ouvrage existant sera réhabilité dans la cadre de ce projet. Le Ministère des Infrastructures Economiques, agissant au nom du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, a, par délégation de maîtrise d’ouvrage, chargé l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE) de la mise en œuvre du projet. Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), agissant au nom du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, lance le présent appel d’offres pour la sélection d’entreprises pour la réalisation des travaux. Cette consultation est ouverte à toutes les entreprises expérimentées dans ce type de projet pour autant qu’elles satisfassent aux dispositions du présent appel d’offres. Les travaux projetés sont en deux (02) lots distincts : Lot 1 : Travaux de construction du Pont de Bouaflé et de la réhabilitation de l’ouvrage existant. Il comprend toutes les fournitures et mises en œuvre nécessaires à la complète construction de l'ouvrage et ses accès, à la réhabilitation de l’ouvrage existant, notamment : - la construction de l’ouvrage, - la construction de la chaussée sur le tablier du pont et des routes d’accès à l’ouvrage, - la réhabilitation de l’ouvrage existant. Les caractéristiques principales de l’ouvrage sont indiquées comme suit :
Appel d’offres
Caractéristiques principales Géométrie
Longueur: 124 m ; 4 travées indépendantes de 31 m.
Section transversale
Le tablier assure les deux (2) sens de circulation. Il comporte une partie roulable de 7,50 m de largeur et deux trottoirs de 1,25 m de largeur utile ; le profil transversal est à double pente de 3 %.
Structure du tablier
Le tablier est en béton précontraint dans le sens longitudinal et en béton armé dans le sens transversal. Chaque travée comporte 3 poutres isostatiques de 31,00 mètres de portée.
Piles
Le tablier repose sur 3 piles intermédiaires constituées d’un chevêtre en béton armé de 9,00 m de longueur, 1,82 m de largeur et 1,25 m d’épaisseur.
Fondation de culées
Chaque culée (C1, C5) repose sur 2 viroles havées de 1,90 m de diamètre et seront exécutées par havage jusqu’à la côte d’arrêt de cette virole.
Fondations des piles
Chaque pile (Pile II à Pile IV) repose sur une semelle superficielle de dimension 09.40x2.80x1.60. Les piles intermédiaires sont constituées de deux futs de 1.2 m de diamètre chacun.
Lot 2 : le renforcement en béton bitumineux de 6 km de routes urbaines à l’intérieur de la ville de Bouaflé. Les entreprises souhaitant concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres dans les bureaux de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), Secrétariat de la Direction des Marchés et Contrats à l’adresse suivante : Ville : Abidjan ; Pays : Côte d’Ivoire - Avenue Terrasson de Fougères au Plateau Immeuble AGEROUTE 3ème étage - Adresse : 08 BP 2604 ABIDJAN 08 Tel: (225) 20 25 10 00/ 20 25 10 02 - Fax : (225) 20 32 28 95 - e-mail : ageroute@ageroute.ci / info@ageroute.ci. Les délais d’exécution des travaux sont fixés comme suit : Lot 1 : quatorze (14) mois ; Lot 2 : Huit (08) mois. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les soumissionnaires à l’adresse ci-dessus mentionnée et moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cent mille francs CFA (200 000 FCFA), ou de sa contre-valeur dans une monnaie convertible. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 06 décembre 2011 à 10 h 00 TU et être accompagnées de garanties de soumission d’un montant de : lot 1 : soixante-dix millions de Francs CFA (70.000.000 de Francs CFA) ; lot 2 : trente millions de Francs CFA (30 000 000 de Francs CFA) ; ou de leurs contre-valeurs dans une monnaie convertible. Toutefois, les offres peuvent être déposées en séance publique d’ouverture des plis, avant les opérations d’ouverture. La période de validité des offres devra être de cent quatre-vingt (180) jours à compter de la date limite de remise des offres. La période de validité de la garantie de soumission devra être de 28 jours suivant l’expiration de la période de validité des offres. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 06 décembre 2011 à 10 h 30 TU dans la salle de conférences de l’Agence de Gestion des routes (AGEROUTE). Les exigences en matière de qualifications sont : (a) Avoir été évalué apte à réaliser les travaux conformément aux critères techniques de l’annexe n°17 du dossier d’appel d’offres du RPAO. (b) Avoir un minimum de chiffres d’affaires annuel moyen des activités de construction de cinq milliards (5 000 000 000 FCFA) de francs CFA pour le lot 1 et trois milliards (3 000 000 000 FCFA) de francs CFA pour le lot 2, qui correspond au total des paiements mandatés reçus pour les marchés en cours d’exécution ou achevés au cours des cinq dernières années (2006 à 2010). (c) Avoir accès à des financements tels que des avoirs liquides (attestation de solde), lignes de crédit bancaire, autres que l’avance de démarrage éventuelle, à hauteur de 300 000 000 FCFA pour le lot 1 et 100 000 000 FCFA pour le lot 2. Les résultats du présent appel d’offres seront affichés dans les locaux de l’AGEROUTE et seront publiés dans le bulletin officiel des marchés publics de la République de Côte d’Ivoire. Le présent appel d’offres est régi par le décret n°2009-259 du 06-08-2009 portant Code des Marchés Publics de la République de Côte d’Ivoire et ses textes d’application.
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Société APIX s.a.
Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public (AGETIP)
Avis d’Appel d’Offres International Financement : Gouvernement du Sénégal/Banque Mondiale/Agence Française de Développement Référence : ID No du projet - P087304-Projet d’autoroute à péage Dakar Diamniadio
RELANCE
JEUNE AFRIQUE
• F CFA 2 000 000 000 (deux milliards de francs CFA) pour le lot 3 ; • F CFA 12 000 000 000 (douze milliards de francs CFA) pour les lots 1 et 2 groupés ; • F CFA 8 000 000 000 (huit milliards de francs CFA) pour les lots 1 et 3 groupés ou lots 2 et 3 groupés ; • F CFA 14 000 000 000 (quatorze milliards de francs CFA) pour les lots 1, 2 et 3 groupés. Chacun de ces chiffres d’affaires doit être certifiées par un expert comptable agrée. (b) justifier d’un montant minimum de liquidités et/ou facilités de crédit net d’autres engagements contractuels de : • F CFA 1 200 000 000 (un milliard deux cent millions de Francs CFA) pour chacun les lots 1 et 2 ; • F CFA 400 000 000 (quatre cent millions de francs CFA) pour le lot 3 ; • F CFA 2 400 000 000 (deux milliards quatre cent millions de Francs CFA) pour les lots 1 et 2 groupés ; • F CFA 1 600 000 000 (un milliard six cent millions de francs CFA) pour les lots 1 et 3 groupés ou lots 2 et 3 groupés ; • F CFA 2 800 000 000 (deux milliards huit cent millions de francs CFA) pour les lots 1, 2 et 3 groupés. (c) avoir une expérience d'entrepreneur principal de travaux correspondant au moins à deux travaux de même nature et de même complexité que ceux spécifiés dans le présent appel d’offres pendant les cinq dernières années avec une valeur minimum de : • pour le lot 1 ou 2 : F CFA 2 200 000 000 • pour le lot 3 : F CFA 600 000 000 • pour les lots 1 et 2 groupés : F CFA 4 400 000 000 • pour les lots 1 et 3 groupés ou les lots 2 et 3 groupés : FCFA 2 800 000 000 • pour les 3 lots groupés : F CFA 5 000 000 000 qui ont été exécutés de manière satisfaisante ; (d) disposer du personnel clé (voir dossier d’appel d’offres) ; et (e) disposer du matériel nécessaire (voir dossier d’appel d’offres). 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse ci-dessus mentionnée contre un paiement non remboursable de F CFA 200 000. La méthode de paiement sera cash ou chèque de banque. Le Dossier d’Appel d’Offres sera remis en mains propres. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessus au plus tard le 20 décembre 2011 à 15 H 00 mn. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne ou à distance à la même adresse le même jour à 15 H 00 mn. Les offres devront être valides pour une période de cent vingt jours et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de : • pour le lot 1 : F CFA 70 000 000 (soixante dix millions francs CFA) • pour le lot 2 : F CFA 70 000 000 (soixante dix millions francs CFA) • pour le lot 3 : F CFA 20 000 000 (vingt millions francs CFA) Le Directeur Général N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Appel d’offres
1. Cet avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés lancé par APIX et paru le 26 juin 2009 dans Development business en ligne et dans DGMarket et le 04 Janvier 2011 dans le journal « LE SOLEIL ». 2. Le Gouvernement du Sénégal a obtenu un crédit complémentaire de l’Agence Internationale pour le Développement (IDA) et de l’Agence Française de Développement (AFD) pour financer le coût du Projet d’autoroute à péage Dakar/Diamniadio. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre des travaux de viabilisation secondaire de la zone de recasement Keur Massar/Tivaouane Peulh. Le Gouvernement du Sénégal invite, par le présent Avis d’Appel d’Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la réalisation des travaux de viabilisation secondaire de la zone de recasement. L’AGETIP sollicite des offres sous pli fermé de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour exécuter les travaux de viabilisation secondaire regroupés en un ou plusieurs marchés, et comportent trois lots indivisibles à savoir : • Lot 1 : Terrassements – Voiries, comprenant les travaux de terrassement et de construction de 14 505 mètres linéaires de voirie ; • Lot 2 : Assainissement Eaux Usées – Adduction Eau Potable, comprenant les travaux de construction de 12 305 mètres linéaires de réseau d’eaux usées et les travaux de construction de 15 250 mètres linéaires de réseau d’adduction eau potable ; • Lot 3 : Réseau électrique, comprenant les travaux de construction de 54 090 mètres linéaires de réseau d’alimentation électrique. Le délai d’exécution de chaque lot est fixé comme suit : • dix à douze mois calendaires pour le lot 1 ; • huit à dix mois calendaires pour le lot 2 ; • huit à dix mois calendaires pour le lot 3. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives pour la passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA », Edition de Mai 2004, révisée en Octobre 2006 et en Mai 2010 et ouverte à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives. 4. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Agence d’Exécution des Travaux d’intérêt Public contre le sous-emploi (AGETIP), Bld Djily Mbaye x Béranger Ferraud – Tél : (221) 33 839 02 02 – Fax : (221) 33 821 04 78 – B.P. 143 Dakar (Sénégal) – E-mail : edgnimassou@agetip.sn – hdiouf@agetip.sn – mdiarra@agetip.sn – agetip@agetip.sn, et y prendre connaissance des documents d’Appel d’offres de 8 H 30 mn à 15 H 30 mn. 5. Les exigences en matière de qualifications sont : (a) Avoir effectué des travaux de construction d'un montant financier moyen annuel, pendant les trois dernières années, au moins égal à : • F CFA 6 000 000 000 (six milliards de francs CFA) pour chacun des lots 1 et 2 ;
Appel d’offres No : 112/11 Date : 30 octobre 2011
154
Annonces classées
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) Institut des Hautes Etudes et de la Recherche Islamique Ahmed Baba (IHERI-AB)
AVIS D’APPEL D’OFFRES N° MLI/015 • 11 684
Appel d’offres
Equipements et matériaux pour la conservation physique et numérique des manuscrits (Biens) dans le cadre du projet MLI/015 financé sur des ressources des Gouvernements du Grand-duché de Luxembourg et de la République du Mali Tâche : T2/A3, T2/A10 - Catégorie : A Cet avis est lancé par l’Agence luxembourgeoise pour la Coopération au Développement (LuxDev), pour le compte du projet MLI/015 - MDT recevant un appui financier des gouvernements de la République du Mali et du Grandduché de Luxembourg. 1) Identification et financement du projet a) Intitulé : MLI/015 – Manuscrits de Tombouctou b) Numéro : MLI/015 • 11 684 c) Source de financement : Le Gouvernement du Mali et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg comme défini dans le Protocole de Projet n°MLI/015 du 06 avril 2009. d) Situation du financement : Approuvé 2) Identification du marché a) Type de marché : Biens b) Objet : Acquisition d’équipements et matériaux pour la conservation physique et numérique des manuscrits c) Nombre de lots : Deux (02) Lot 1 : Equipement pour la numérisation Lot 2 : Equipement et matériaux pour la conservation physique des manuscrits d) Groupement de lots : Oui 3) Critères d'éligibilité et d'évaluation a) Origine : pas de restriction b) Éligibilité : les entreprises qui satisfont aux critères inclus dans la Déclaration sur l’honneur et dans les clauses déontologiques de la Réglementation Générale c) Évaluation : l’offre administrativement conforme et techniquement substantiellement conforme la moins-disante sera déclarée attributaire d) Variantes : aucune variante ne sera prise en compte 4) Lieux et délais a) Localisation du Projet : Tombouctou, Mali b) Lieu d’exécution : Institut des Hautes Etudes et de la Recherche Islamique Ahmed Baba (IHERI-AB) – Tombouctou, Mali c) Délai d’exécution : Lot 1 : 90 jours – Lot 2 : 180 jours d) Délai de validité des offres : 90 jours à compter de la date limite pour la réception des offres 5) Définitions a) Pouvoir adjudicateur : LuxDev b) Autorité Contractante : LuxDev, agissant au nom et pour le compte du projet MLI/015 c) Bénéficiaire : Institut des Hautes Etudes et de la Recherche Islamique Ahmed Baba (IHERI-AB) d) Superviseur : Conseiller Technique Principal du Projet MLI/015 e) Bailleur de fonds : Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg f) Représentant du bailleur de fonds : LuxDev 6) Dossier d'Appel d'offres a) Type : Ouvert b) Conditions d'acquisition : le dossier d’appel d’offres peut être acquis sur simple demande à : Programme de Coopération Mali – Luxembourg Coordination Administrative et Financière Porte 286, rue 258 – Daoudabougou – Bamako, MALI Tel : +223 20 20 73 66 - Fax : +223 20 20 73 64 E-mail : maluxproc@gmail.com Le dossier sera envoyé exclusivement par e-mail. N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Les soumissionnaires intéressés sont priés de préciser avec leur demande les informations suivantes : entreprise/société, adresse géographique précise, numéros de téléphone et fax (le cas échéant), le nom de la personne de contact et son contact (téléphone, e-mail) ainsi que l’e-mail officiel de l’entreprise/la société. c) Consultation du dossier : le dossier d’appel d’offres peut être consulté à l’adresse indiquée ci-dessus. d) Notifications et communications écrites, à envoyer au : Programme de Coopération Mali - Luxembourg Antenne de Bamako Porte 286, rue 258 – Daoudabougou – Bamako, MALI Fax : +223 20 20 73 64 ; E-mail : maluxproc@gmail.com Toute communication concernant cet appel d’offres devra rappeler en objet le numéro de référence indiqué au point 1.b e) Date limite pour les demandes d’informations complémentaires : 14 jours avant la date limite de réception des offres f) Date limite pour la fourniture d’explications aux soumissionnaires : 8 jours avant la date limite de réception des offres 7) Langue, monnaie, réception et ouverture des Soumissions a) Langue : Français b) Monnaie : XOF (Franc CFA) c) Adresse pour la réception et l’ouverture : 1 original et 4 copies, à envoyer au : Programme de Coopération Mali – Luxembourg Coordination Administrative et Financière Antenne de Bamako Porte 286, rue 258 – Daoudabougou - Bamako, MALI Tel : +223 20 20 73 66 - Fax : +223 20 20 73 64 d) Date et heure limite pour la réception : 28 novembre 2011 à 10 h 00 heure locale e) Date et heure pour la séance publique d'ouverture : 28 novembre 2011 à 10 h 30 heure locale 8) Cautionnement et Garanties a) De soumission : 2 % du montant de l’offre b) De bonne exécution : 10 % du montant du marché c) Autres : voir DAO 9) Paiements Tous les paiements éligibles dans le cadre du présent marché seront effectués par LuxDev pour le compte du projet MLI/015. 10) Réunion d’information et/ou Visite des lieux Il n’est pas prévu de visite des lieux. 11) Prestations complémentaires ou additionnelles Le présent marché ne prévoit pas d’acquisition de biens complémentaires ou additionnels. En cas d’acquisition de biens complémentaires ou additionnels (non prévue initialement), leur valeur sera limitée à maximum 50 % du montant du marché initial. 12) Renseignements complémentaires Les items demandés dans le lot 2 font recours à la manipulation de produits chimiques. LuxDev est attaché au respect de l’environnement. Aussi, les soumissionnaires sont invités à proposer des équipements respectant au mieux l’environnement et à préciser tant que possible les effets éventuels desdits équipements et produits sur l’environnement et les mesures à prendre en compte pour les mitiger. JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
155
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres Ouvert pour la souscription d’une police Maladie et Prévoyance décès de l’ensemble de son personnel réparti dans les dix-huit (18) Etats membres. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre une somme non remboursable de Cinq Cent Mille (500 000) FCFA, soit Sept Cent Soixante Deux Euros Vingt Cinq Centimes (762,25 €) à partir du 31/10/2011 au Département Ingénierie et Prospective – ASECNA – BP 8163 Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), à la Délégation à Paris – ASECNA – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou auprès de toutes les Représentations de l’ASECNA dans les Etats membres. La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) à Dakar, BP 8163, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 1er décembre 2011 à 11 heures GMT. L’ouverture des plis en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour à partir de 12 heures GMT. Le Directeur Général
RÉPUBLIQUE DU BÉNIN MINISTÈRE DE LA SANTÉ
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT POUR L’AUDIT DU PROJET PALU-ALAFIA (SUBVENTION SÉRIE 7 BEN-708-G07-M) FINANCÉ PAR LE FONDS MONDIAL 1. Catholic Relief Services – USCCB (CRS) représenté par le Représentant Résident du Bénin vous invite à soumettre une offre pour l’audit des comptes du projet Palu Alafia (SUBVENTION SERIE 7 BEN-708-G07-M) pour la période juillet 2010 à juillet 2013 1. 2. Les documents ci-dessous qui vous permettront de préparer vos offres vous seront envoyés sur simple demande par courriel a l’adresse suivante : benin@crs.org a. Annexe I : Instructions aux Soumissionnaires b. Annexe II : Conditions Générales de CRS c. Annexe III : Termes de Référence (TDR) Round7 d. Annexe IV : Modèle de Soumission de l’Offre e. Annexe V : Devis Quantitatif et Estimatif (Offre Financière) f. Annexe VI : Fiche de Présentation du Cabinet g. Annexe VII : Directive du Fonds Mondiale pour les Audits Annuels h. Annexe VIII : Code Ethique et de Moralisation i. Annexe IX : Modèle du Contrat 3. Votre offre, colisée conformément aux instructions contenues dans les TDR, doit être déposée à la Représentation de Catholic Relief Services au Bénin, au plus tard le 25 novembre 2011 à 11 h 00 mn précises heure locale. 1
4. Pour toutes informations complémentaires, les potentiels soumissionnaires peuvent contacter CRS à l’adresse suivante : Catholic Relief Services-USCCB Bénin-Togo Program - Les Cocotiers Cotonou - Benin@crs.org 01 B.P. 518 RP Cotonou - Bénin Tel: +229 21 303 673/ 303 945 - Fax: +229 21 303 483 Cependant, tout retard dans la transmission de ces informations ne pourrait en aucun cas constituer un motif de report de la date de soumission de l’offre. 5. L'ouverture des offres aura lieu le 28 novembre 2011 à 11 h 30, heure locale dans les locaux de la Représentation de Catholic Relief Services (CRS) au Bénin. 6. Les soumissionnaires qui le souhaitent peuvent assister ou se faire représenter à la séance d'ouverture des offres. 7. Les soumissionnaires resteront engagés vis-à-vis de CRS jusqu’à l’adjudication définitive et la signature du contrat avec CRS. 8. Le soumissionnaire qui sera retenu à la suite de cet appel d’offre international signera avec CRS le contrat CRS-fournisseur contenu à l’annexe IX du présent dossier d’appel d’offre. Christophe Droeven Représentant Résident
Attention : conditions particulières dans les TDR
JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Appel d’offres
CATHOLIC RELIEF SERVICE/UNITED STATES CONFERENCE OF CATHOLIC BISHOPS (CRS)
156
Annonces classées RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE Avis d’Appel d’Offres International N° 10/2011/D.G.TRSM.I RELATIF À L’ACQUISITION DE PIÈCES DE RECHANGE POUR UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE DE CAMERA La Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique lance un appel d’offres international pour l’acquisition des pièces de rechange pour système de surveillance par caméra. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offres à l’adresse suivante : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE BASE MILITAIRE BAB-SAADOUN 1005 EL OMRANE - TUNIS - TUNISIE Contre paiement de la somme de vingt cinq (25) dinars libellé au nom de Monsieur le Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale, par chèque ou par mandat postal (CCP N° 17001000000006168224). Les offres doivent parvenir sous plis fermés par la poste en recommandé ou par rapide poste et anonyme portant la mention « À NE PAS OUVRIR APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 10/2011 ACQUISITION DE PIÈCES DE RECHANGE POUR UN SYSTÈME DE SURVEILLANCE DE CAMÉRA » comportant seulement la caution de soumissions, les pièces administratives, l’offre technique et l’offre financière et ce au plus tard le 13 Décembre 2011 (Le cachet du bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique faisant foi).
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL Appel d’offres
N° SCB/ATF 2008/FRT 01/2011
POUR L’ACQUISITION DE MATÉRIELS D’IRRIGATION ET DE DRAINAGE par la Société d’Etudes et de Développement de la Culture Bananière (S.C.B)
La SCB envisage d’attribuer un marché de fournitures pour l’acquisition de matériels d’irrigation et de drainage financés par le programme d’assistance technique et financière au secteur bananier (ATF 2008) de l’Union Européenne. Ce marché est divisé en quatre (4) lots : • Lot 1 : fourniture simple de 65 ha de matériels d’irrigation • Lot 2 : fourniture simple de 7 motopompes polder de surface et accessoires • Lot 3 : fourniture, installation et mise en service de 9 électropompes immergées de drainage et accessoires • Lot 4 : fourniture, installation et mise en service de 6 électropompes d’irrigation et accessoires Le dossier d’appel d’offres ainsi que le détail du présent avis de marché peuvent être obtenus gratuitement auprès du cabinet : BMH inter ABIDJAN-PLATEAU 29, blvd Clozel 06 BP 1971 Abidjan 06, CÔTE D’IVOIRE Tél : 00 225 20 21 32 48/92 - Fax: 00 225 20 21 34 08 Mail : info@bmhinter.com / tkouassi@bmhinter.com La date limite de remise des offres est fixée au 30 décembre 2011 à 10 h 00. Toute offre reçue après la date limite ne sera pas prise en considération. N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
157
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL N°: SCB/ATF 2008/FRT 02/2011
POUR L’ACQUISITION DE MATÉRIELS DE CÂBLE WAY par la Société d’Etudes et de Développement de la Culture Bananière (S.C.B)
La SCB envisage d’attribuer un marché de fournitures pour l’acquisition de matériels de câble way, financés par le programme d’assistance technique et financière au secteur bananier (ATF 2008) de l’Union Européenne. Ce marché est divisé en deux (2) lots : • Lot 1 : fourniture simple de 100 ha complet de matériels de câble way • Lot 2 : fourniture simple matériel pour optimisation réseau câble way Le dossier d’appel d’offres ainsi que le détail du présent avis de marché peuvent être obtenus gratuitement au siège du Cabinet : BMH inter PLATEAU 29, blvd Clozel 06 BP 1971 Abidjan 06 CÔTE D’IVOIRE Tél : 00 225 20 21 32 48/92 - Fax: 00 225 20 21 34 08 Mail : info@bmhinter.com / tkouassi@bmhinter.com La date limite de remise des offres est fixée au 30 décembre 2011 à 10 h 00. Toute offre reçue après la date limite ne sera pas prise en considération. NB : Il y a une dérogation à la règle d’origine (sous clause suspensive).
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT LOCAL N° CDBCI/ATF 2008/FRT 04/2011
toutes nos annonces
POUR L’ACQUISITION DE MATÉRIELS DE CÂBLE WAY par la Compagnie de Bananes de Côte d’Ivoire (CDBCI) La CDBCI envisage d’attribuer un marché de fournitures pour l’acquisition de 90 ha de matériels de câble way et parking sur station, financés par le programme d’assistance technique et financière au secteur bananier (ATF 2008) de l’Union Européenne. Ce marché n’est pas divisé en lots Le dossier d’appel d’offres ainsi que le détail du présent avis de marché peuvent être obtenus gratuitement au siège du Cabinet :
sur le site :
BMH inter PLATEAU 29, blvd Clozel 06 BP 1971 Abidjan 06 CÔTE D’IVOIRE Tél : 00 225 20 21 32 48/92 - Fax: 00 225 20 21 34 08 Mail : info@bmhinter.com /tkouassi@bmhinter.com
www.jeuneafrique.com
La date limite de remise des offres est fixée au 30 décembre 2011 à 10 h 00. Toute offre reçue après la date limite ne sera pas prise en considération. NB : Il y a une dérogation à la règle d’origine (sous clause suspensive).
JEUNE AFRIQUE
N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Appel d’offres
Retrouvez
158
Annonces classées CODER Compagnie des Énergies Renouvelables BP 12 334 LIBREVILLE GABON
Appel d’offre international Aménagement hydroélectrique des Chutes de l’Impératrice Aménagement hydroélectrique des Chutes de Fe2 Dans le cadre de la réalisation en concession de deux aménagements hydroélectriques au fil de l’eau au Gabon, la CODER, lance un appel d’offre international pour la fourniture des matériels hydromécaniques et électriques suivants : Lot n° 1 Aménagement des Chutes de l’Impératrice : en tranche ferme 4 ensembles groupes hydroélectriques comprenant chacun 1 turbine Kaplan de 14 MW, 1 alternateur, contrôle commande, BOP et en tranches conditionnelles 2 groupes hydroélectriques identiques supplémentaires. Lot n°2 Aménagement des Chutes de Fe2 : en tranche ferme 3 ensembles groupes hydroélectriques comprenant chacun 1 turbine Francis de 12 MW, 1 alternateur, contrôle commande, BOP. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir les modalités d’obtention du dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite auprès de notre maître d’œuvre SEDEP à l’adresse email suivante : ao@sedep-gabon.com Les offres en français uniquement devront être déposées à : IMAD 16 rue Alphonse de Neuville 75017 Paris, France ; le 16 janvier 2012 avant 18 heures contre récépissé selon la procédure prévue dans le dossier de consultation. La soumission des offres par voie électronique n’est pas autorisée. Les soumissions remises hors délais seront rejetées.
Manifestation d’intérêt - Divers
Des informations complémentaires sur les projets sont disponibles sur www.coder-gabon.com
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) SERVICE DE CONSULTANTS Don IDA H 435-DRC AVIS À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT NATIONAL CHARGÉ D’EFFECTUER UNE ENQUÊTE SUR L’IMPACT SOCIAL DU PLAN SOCIAL MIS EN ŒUVRE EN FAVEUR DES PARTANTS VOLONTAIRES DE LA REGIDESO « QUE SONT-ILS DEVENUS » (T+ 6MOIS) Publication du 30 octobre 2011
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo « RDC » a reçu un don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour le financement du Projet d’Alimentation en Eau Potable en Milieu Urbain (PEMU), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements au titre d’un Contrat pour une mission d’enquête sur l’impact social du plan social mis en ?uvre en faveur des partants volontaires de la REGIDESO « Que sont-ils devenus » (T+ 6mois). Les services comprennent notamment les tâches suivantes : Piloter une enquête « que sont-ils devenus ? » auprès des « partants volontaires » de la REGIDESO à « T » + six mois environ, « T » étant le jour du départ de l’entreprise en vue d’évaluer la réinsertion professionnelle du plan d’optimisation du personnel de la REGIDESO. Plus précisément, le Consultant national devra faire l’inventaire des activités créées à l’issue du Conseil et Appui à la Réinsertion Professionnelle « CARP », le niveau de revenus générés par chacune d’elles, les difficultés rencontrées. Les résultats obtenus devront être comparés à ceux de la population des partants volontaires n’ayant pas bénéficiée du programme de réinsertion professionnelle. La population ciblée par l’enquête est duelle, il conviendrait en effet de voir (i) un échantillon représentatif des « partants volontaires » (164 au total), n’ayant pas souhaité entrer dans le processus « CARP », (ii) un échantillon des « partants volontaires » qui ont bénéficié du processus « CARP », en ayant suivi les différentes étapes (bilans d’orientation, informations sur les secteurs porteurs, formation à l’entrepreneuriat, formations sur les activités choisies, et suivi accompagnement). Les personnes ayant opté pour le « CARP », seront sorties du dispositif depuis environ trois mois et devraient avoir débuté leurs activités. L’enquête sera construite de façon à identifier les parcours socio-économiques de chacune de ces deux populations six mois après leur départ effectif de la REGIDESO, identifier et analyser les facteurs de succès et d’échecs, comparer les deux populations et faire apparaître l’impact du dispositif de réinsertion professionnelle. Les Universités congolaises ou des cabinets de consultant nationaux seront appelés à effectuer la mission à Kinshasa et dans les principales Provinces des bénéficiaires de la N° 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Composante réinsertion professionnelle du plan social de la REGIDESO. Les Provinces concernées sont les suivantes : Bandundu ; Bas-Congo ; Equateur ; Kasaï Occidental ; Kasaï Oriental ; Katanga ; Kinshasa ; Nord Kivu ; Provinciale Orientale ; SudKivu/Maniema. La mission a une durée de 2 mois et démarrera fin 2011. Le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat « COPIREP » invite les Universités Congolaises ou des cabinets de consultant nationaux admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus à manifester leur intérêt. Les candidats nationaux intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel-clé, etc). Les candidats nationaux intéressés peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Un titulaire de contrat sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, édition courante. Les candidats nationaux intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous du lundi au vendredi de 09 heures à 16 heures. Les manifestations d’intérêt rédigées en français doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 14 novembre 2011. Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises du Portefeuille de l’Etat « COPIREP » Secrétariat Exécutif / Cellule de Passation des Marchés: Immeuble SOFIDE, Croisement des av. Lemarinel et Kisangani, n°9-11 Kinshasa / Gombe – République Démocratique du Congo Tél.: + 243 15 10 10 00 – Site Web : www.copirep.org E-mail : copirep@copirep.org et cpm@copirep.org ILUNGA ILUNKAMBA Secrétaire Exécutif JEUNE AFRIQUE
te à i v n i s u vo
caf.org c p c . w ww
re 2011 b m e v o 3/4 n
ion itatio O à l’invit OUFIAN
S d’Ataout de la CCIB n Préside
© Anton Balazh - © bloomua - Fotolia.com
e l a r é ou n n o t o é C g
Vous & nous
Le courrier des lecteurs
poupe et qui s’est décerné un brevet de virginité, la plupart doivent leur position à Mouammar Kaddafi. ●
Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
TRÉSOR-GILBERT RAMAZANI, Hamm, Allemagne
Spécial Kaddafi. Vous êtes très nombreux à nous avoir écrit au lendemain de la mort de Mouammar Kaddafi. Comme depuis les débuts de l’intervention de l’Otan en Libye, vos avis sont très partagés.
Kaddafi, comme Guevara, Sankara, Allende… Ils l’ont eu. Le Guide libyen est mort, les armes à la main, en combattant l’impérialisme et ses suppôts. Le peuple libyen avait-il faim ? Était-il matériellement dépourvu ? Non. Il avait simplement besoin, semble-t-il, d’une démocratie aux normes occidentales. Oui, pour moi, Kaddafi était non seulement anti-impérialiste, mais aussi africaniste, avec un réel don du partage. Comme tout humain, il a sûrement commis des erreurs. Mais, à l’instar d’Ernesto Che Guevara, de Salvador Allende et de Thomas Sankara, Mouammar Kaddafi est mort en martyr. Reposez en paix, cher Guide. ● GNAHORÉ DOUADJI, Paris, France
Morte la bête, mort le venin ? Je cite mot pour mot le colonel Kaddafi, qui déclarait il y a dix ans : « J’aime les foules et je les crains en même temps. Elles sont attendries dans leurs joies et féroces dans leurs colères. C’est la foule qui a guillotiné Danton et Robespierre. » Mon Dieu, comme il avait vu juste ! Danser en tournant et en retournant le cadavre du « Guide » tant redouté… Lui cracher
FRANÇOIS LENOIR/REUTERS
L’EX-LEADER LIBYEN au 3e sommet EuropeUnion africaine, le 29 novembre 2010.
dessus et s’asseoir à même le sol pour le prendre en photo… Un spectacle d’un autre âge. Alors ces vainqueurs sont-ils différents du défunt despote ? Le liquider de manière aussi expéditive n’est-il pas la preuve que tout est fait pour que combines, contrats mafieux, collabos, courtisans et financements occultes restent sous le boisseau ? Même l’Afrique subsaharienne et l’Union africaine (UA), qui ont bien profité de la générosité de la Jamahiriya, sont restées muettes. Morte la bête, mort le venin ? Le monde n’est pas si naïf. Il ne peut pas faire semblant d’ignorer qu’au sein du Conseil national de transition (CNT), qui a le vent en
J’ai honte Pour le continent africain, j’ai honte. Pour ses dirigeants, je suis peiné. Mouammar Kaddafi a certes été un dictateur, mais il fut aussi l’un des grands de ce continent, et cela mérite le respect. Ils se félicitent tous de sa mort, ceux qui se posent en « grandes puissances » et en « défenseurs de la justice universelle ». À croire que Kaddafi, lui, n’avait pas droit à cette justice-là… Je suis donc reconnaissant à mon président, Alassane Dramane Ouattara, de m’avoir épargné cette souffrance qui me ronge aujourd’hui, en protégeant Laurent Gbagbo, alors même qu’il avait sa vie entre ses mains. « La perte d’un ennemi ne compense pas celle d’un ami », affirmait Abraham Lincoln, seizième président des États-Unis, qui, à la tête d’une grande puissance, avait du respect pour nos valeurs africaines. ● TOUNGARA BALLA, Abidjan, Côte d’Ivoire
Afrique cherche doyen ! L’image du corps inerte de Mouammar Kaddafi est passée en boucle sur les chaînes de télévision du monde entier, suivie, quelques heures plus tard, des hypothèses sur les causes de sa mort. Qu’il ait été « achevé », après avoir été grièvement blessé, par des insurgés du Conseil national de transition (CNT), des Mirage français ou un drone américain, le parcours de
AVIS DE RECHERCHE DEPUIS LE 8 AVRIL 2011, la famille et les amis de Melvin Tchamba Ngassam, 34 ans, ingénieur camerounais des eaux, forêts et chasse, sont sans nouvelles de lui. Arrivé à PointeNoire (Congo-Brazzaville) en septembre 2010 pour le compte de son employeur, la société camerounaise Geospatial Technology Group, l’intéressé a disparu alors qu’il intervenait N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
dans la région de Zanaga. Toute personne qui aurait des renseignements sur lui est priée de les communiquer aux numéros de téléphone et adresses e-mail suivants : 00237 74 26 14 92 ; 00237 75 11 80 40 ; 00237 94 78 08 48 ; 00237 79 24 54 61 ; kamnangkomguepi@yahoo.fr ; gustavetcha@yahoo.fr ; ndzanaabanda@yahoo.fr ●
DR
160
MELVIN TCHAMBA NGASSAM est porté disparu depuis plus de six mois. JEUNE AFRIQUE
Vous nous
ce personnage, qui a outrageusement défié l’Occident, est terminé. Selon ceux qui l’ont vaincu, Kaddafi est victime de ses quarante-deux années de dictature, faites d’abus et de violations des droits de l’homme. Certes, ses tombeurs ont eu raison de le faire choir. Après plusieurs décennies, ils auront finalement aidé le peuple libyen à s’affranchir de son joug. Mieux vaut tard que jamais. Et nous osons croire que cette nouvelle machine à broyer les oppresseurs et les pourfendeurs des droits de l’homme ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Elle devra sceller le sort de ceux qui rêvent encore de record de longévité au pouvoir, ou caressent l’ambition de passer le relais à leurs descendants. Le Guide a été traîné dans la poussière par ceux qu’il considérait comme des « rats ». Le « roi des rois », le doyen des chefs d’État africains, a bu le calice jusqu’à la lie. Il laisse une place vacante, héritée de ses devanciers Houphouët-Boigny, Gnassingbé Eyadéma et Omar Bongo. L’Afrique cherche son doyen. Mais, attention : s’éterniser au pouvoir porte malheur. ● CHARLES MUSABYIMANA, Abidjan, Côte d’Ivoire
Petite une pour la mort de Kaddafi Fervent lecteur et collectionneur de numéros de Jeune Afrique, je reviens régulièrement sur vos unes, qui, souvent, mettent avantageusement en exergue l’événement du moment. Seulement, sur celle de la semaine MONDE ARABE LE PRINTEMPS du 23 au DES MÉDIAS 29 octobre, marquée par la J.A. N 2650, mort de Kaddafi, du 23 au on se retrouve 29 octobre 2011. avec une timide petite photo du dictateur, parmi d’autres, le titre principal évoquant un tout autre sujet. Certes, je n’attendais pas de votre magazine qu’il publie les photos choquantes de son visage maculé de sang ou de sa dépouille exhibée au public. Mais il me semble que la fin du règne du « roi des rois d’Afrique » méritait mieux. Avec un grand titre et une photo du défunt FRANCE PRÉSIDENTIELLE 2012 QUI ACHÈVERA LA FRANÇAFRIQUE ?
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2650 • du 23 au 29 octobre 2011
ÉGYPTE LES NOUVEAUX MAÎTRES DU CAIRE
KADDAFI MORT D’UN TYRAN
jeuneafrique.com
TUNISIE PRÉSIDENT, PREMIER MINISTRE, FAITES VOS JEUX…
INVESTIR RWANDA2012
Doing Business in Africa
GUIDE INVESTIR RWANDA
Supplément de 76 pages
Chaînes de télé, radios, journaux, internet… Enquête sur un paysage en ébullition.
ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT
France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €
Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
O
JEUNE AFRIQUE
(pourquoi pas prise de son vivant), votre numéro aurait marqué l’événement comme il se doit. ●
DIAGNOSTIC Pr Edmond Bertrand
IMAD SALAMI, Rabat, Maroc
Réponse Vous avez tout à fait raison. La mort de Kaddafi est l’un des événements qui marquera durablement l’histoire africaine. Elle est cependant arrivée au moment où nous mettions sous presse, et il nous était impossible de refaire la une. ● La rédaction
Gloire au Guide ! Qu’ont éprouvé les chefs d’État africains en fonction à la vue de ces images horrifiantes et désolantes du grand Guide libyen, lâchement assassiné par des gens peu avertis. N’en déplaise aux impérialistes avides de pétrole, Mouammar Kaddafi restera à jamais dans la mémoire des vrais Africains comme un panafricaniste convaincu et convaincant, qui s’est battu corps et âme pour la cause du continent noir ! Quelle est donc cette démocratie (occidentale) qui, s’implantant dans un pays (africain), ne cause que désolation et mort d’hommes, puis engendre création de comités de justice et de réconciliation, présentation de chefs d’État et d’élites africaines devant la Cour pénale internationale ? Africain(e)s, réveillez-vous ! Prenez position contre un système qui vous maintient à la remorque d’un Occident rusé et impitoyable. Gloire à Kaddafi ! En attendant d’expérimenter l’aprèsKaddafi… ● JOSEPH DIEDHIOU, Dakar, Sénégal
Combattre pour Mouammar Français d’origine camerounaise et antillaise, incarcéré dans une prison de la région parisienne, je garde un œil sur l’actualité du continent grâce à J.A. Je n’ai pas de sympathie pour les dictateurs, mais il est indispensable que la communauté internationale s’abstienne de toute ingérence dans les affaires africaines. Je fais partie de cette frange d’Africains qui seraient allés combattre pour Kaddafi, même gratuitement, juste pour barrer la voie à l’impérialisme. ● SLY, Meaux, France
Drépanocytose
D
ES MILLIONS D’AFRICAINS (environ 20 %) sont atteints de drépanocytose (DPC), l’affection génétique la plus répandue au monde. Mais il aura fallu attendre 2006 pour qu’elle soit classée maladie prioritaire par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Or seuls 5 % des homozygotes (DPC transmise par les deux parents) atteignent l’âge de 5 ans en Afrique, contre 40 % en Europe (où la maladie est plutôt rare) ! Si on peut en traiter les formes graves par des transfusions programmées, de l’hydroxyurée ou des greffes de moelle, onéreuses et difficiles à mettre en œuvre, ces méthodes restent peu utilisées en Afrique. La prévention est, en principe, à la portée de tous: une recherche de DPC avant toute grossesse éventuelle permet d’éviter les conceptions entre porteurs de l’anomalie génétique. Une simple prise de sang, peu coûteuse, suffit. Cette précaution étant rarement prise, les grossesses à risque sont nombreuses. La DPC résulte d’une mutation chromosomique conduisant à la formation d’une hémoglobine S anormale à la place de l’hémoglobine A normale qui transporte l’oxygène (d’où une anémie et des complications vasculaires graves). On attend beaucoup de la thérapie génique qui transformera un DPC en sujet normal. Mais je crains qu’un apartheid technologique et financier n’empêche les populations les plus atteintes d’en bénéficier rapidement. Une note d’espoir vient cependant de l’ouverture, en janvier 2010, à Bamako, du Centre de référence du professeur Dapa Diallo. ● N o 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
161
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
162
Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed
Tiroirs-caisses ambulants
RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)
E
lle s’appelle Eyenga. Quarante ans, mariée, quatre enfants. Elle est arrivée en France au milieu des années 1980 pour rejoindre son fiancé, un homme dont elle ne connaissait le visage qu’à travers des photos. Dans son pays, grâce à son diplôme d’infirmière de niveau bac +3, elle travaillait dans une clinique. En France, son parchemin n’est pas reconnu. On la rabaisse au rang d’aide-soignante. Elle serre les dents et s’inscrit à un concours d’admission dans une école d’infirmières. Reçue, elle reprend à zéro ce qu’elle savait déjà. Au bout de trois ans, tout en travaillant comme aide-soignante, elle décroche avec brio un nouveau diplôme. Le même. La voilà, bien malgré elle, bac +6 ! Un jour, nostalgique du soleil, Eyenga décide d’aller passer ses vacances au pays natal. Dix ans d’absence, c’est long. Entre-temps, elle a obtenu la nationalité française. Elle se rend à l’ambassade de son pays d’origine, où la double nationalité n’existe pas, pour demander un visa. Malgré la moue et les regards dédaigneux du personnel, le visa lui est accordé. Pour effectuer le voyage, ses économies et le soutien de son mari ne suffisent pas. Eyenga sollicite un prêt auprès d’un organisme financier, à un taux d’intérêt exorbitant. Peu importe : avoir de quoi satisfaire tout le monde au pays est une obligation. Deux valises d’effets personnels, plus deux autres remplies de cadeaux. Accompagnée de deux de ses enfants, la jeune femme prend un vol Air France. C’est très cher, mais c’est sans escale. Depuis son arrivée dans la capitale de son pays, Eyenga est l’objet de toutes les attentions. Les visiteurs affluent et n’oublient pas, au moment de repartir, de lui demander un peu d’argent pour payer la course en taxi ou résoudre un problème urgent. Eyenga donne, redonne. Mais personne ne l’invite : tout est à sens unique. Grâce à elle, sa famille peut manger au moins deux fois par jour. Au bout de trois semaines, plus un sou. Choqués, les siens lui demandent pour quelle raison elle a effectué son voyage. Elle répond : « J’étais venue vous voir et vous présenter mes enfants. Vous me manquiez. » On lui répond : « Tu as mal agi. L’argent que tu as dépensé pour les billets et tout le reste, tu aurais dû nous l’envoyer. Nous, pour te voir, ce n’est pas compliqué : tes photos sont là. »
Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Cécile Sow (à Dakar), Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●
COMMUNICATION ET PUBLICITÉ
DIFCOM
AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION
S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com
Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES Directeur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Sophie Arnould et Myriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES Directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Nisrine Batata REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES
Eyenga a fini de me raconter son histoire, jurant qu’elle n’irait plus jamais dans son pays, où les gens n’ont plus de cœur. J’en profite pour lui raconter la mienne. Arrivé à Kinshasa après de longues années d’absence, mes pas me conduisent à la radiotélévision nationale, où j’ai fourbi mes premières armes. Un ancien collègue me reconnaît. Il tombe dans mes bras, place sa tête sur mon épaule, fond en larmes, apparemment ému de me revoir pour la première fois depuis deux décennies. Je le laisse pleurer. Ensuite, je vais visiter les studios de la télévision, tous chargés de souvenirs. Au moment où je m’apprête à quitter les lieux, l’ancien accourt. Il me dit : « Tu ne partiras pas si tu ne me donnes pas 50 dollars ! » Les larmes ont un prix. ●
MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16.
N 2651-2652 • DU 30 OCTOBRE AU 12 NOVEMBRE 2011
Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion
o
JEUNE AFRIQUE
TUNISIE SAPCOM, Mourad LARBI avec M. ABOUDI (direction commerciale). 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 000 000 d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25
Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon; contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: OCTOBRE 2011. ISSN 1950-1285.
June, TwentyFirst.
RC B 326 981 156 photo : Eric Feferberg / AFP / Getty Images