SÉNÉGAL WADEÀ L’HEURE DES COMPTES
jeuneafrique.com
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2662 • du 15 au 21 janvier 2012
DOSSIER ÉNERGIE QUE LA LUMIÈRE SOIT
RD CONGO AVEC TSHISEKEDI DANS SON FIEF DE LIMETE
RWANDA AFFAIRE HABYARIMANA: ENQUÊTE SUR UN COUP DE THÉÂTRE
Spécial 20 pages
Exclusif
TUNISIE
La véritable
histoire du 14 janvier Un an après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, les circonstances et les secrets de sa fuite enfin révélés.
Cet exemplaire vous est offert et ne peut être vendu.
| Not for sale.
3
Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 14 JANVIER 2012
Mauvaise manière
N
OS REGARDS SONT BRAQUÉS sur le Nigeria : avec ses 160 millions d’habitants, c’est le septième pays le plus peuplé du monde, et le plus peuplé d’Afrique. C’est aussi le premier exportateur de pétrole du continent africain et sa deuxième économie (après l’Afrique du Sud). Fin décembre 2011, il avait été secoué par de sanglants affrontements religieux entre extrémistes : musulmans (du Nord) et chrétiens (du Sud). Son président, Goodluck Jonathan, et sa ministre des Finances, Ngozi Okonjo-Iweala, ont estimé néanmoins possible – et opportun – de supprimer, le 1er janvier 2012, la subvention de près de 8 milliards de dollars par an – 5 % du PIB, quatre fois le budget de la santé – sur le prix de l’essence. Ils l’ont supprimée, brusquement et totalement, sans préparation ni mesures d’accompagnement. Du jour au lendemain, le litre d’essence est passé de 65 nairas (0,30 euro) à 140 nairas (0,66 euro) : ce plus que doublement a fait flamber non seulement les prix des transports en commun, mais également ceux des produits de consommation courante. ■
Les Nigérians voyaient dans le bas prix du litre d’essence le principal avantage que la majorité d’entre eux tirait du fait que leur pays soit un grand exportateur de pétrole. Ils se sont donc révoltés contre la suppression complète et sans explication de cet avantage ; ils ont accusé les dirigeants politiques et économiques de leur pays, réputés corrompus, de continuer à les pressurer et de s’enrichir aux dépens des plus pauvres. Les syndicats de consommateurs les plus importants ont pris la tête du mouvement, et les heurts avec les services de sécurité ont occasionné des pertes humaines. La crise a enflé de jour en jour au point que les syndicats des travailleurs du pétrole ont décidé de se joindre à la grève : le monde risque de se voir privé d’une partie des 2 millions de barils par jour exportés par le pays. ■
La situation décrite ci-dessus appelle des réflexions qui dépassent le cas du Nigeria, s’appliquent à tous les pays et, par conséquent, nous concernent tous. JEUNE AFRIQUE
1) Ce que le président nigérian et sa ministre des Finances se sont résolus à faire n’est, en soi, ni déraisonnable ni injustifié. Cela leur a été fortement recommandé par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale : apôtres permanents de l’orthodoxie financière, ces deux institutions ne l’exigent toutefois que des pays pauvres ou émergents, laissant aux nations développées (Europe, Amérique du Nord, Japon) toute latitude pour gérer leurs finances à leur guise… Des économistes réputés, tels le Dr Jeffrey D. Sachs, ont fait valoir, de leur côté, que les 8 milliards de dollars affectés chaque année à subventionner le prix de l’essence étaient excessifs et pourraient être mieux utilisés. Mais les conseilleurs ne sont jamais les payeurs. En outre, dans le cas présent, ce n’est pas le fait d’avoir touché à la subvention qui fait le plus de problème. ■
C’est tout d’abord le moment choisi, le premier jour de l’année : comme cadeau du nouvel an, il y a mieux, et comme plaisanterie de mauvais goût, on ne pouvait trouver pire. Les attentats sanglants à connotation religieuse survenus à la fin de 2011 n’avaient pas été prévus au moment où le pouvoir a décidé de ne plus subventionner l’essence à partir de début janvier. Certes, mais n’était-il pas impératif de surseoir à l’application de la décision dès lors que les circonstances la rendaient inopportune ? C’est ensuite la brutalité et l’ampleur de la mesure: d’un trait de plume, on supprime complètement un avantage auquel les Nigérians s’étaient habitués depuis des années, comme à une drogue, sans se soucier le moins du monde des conséquences sur la vie quotidienne des gens. Comment des dirigeants vivant au sein de leur peuple peuvent-ils se montrer si étrangers à ses préoccupations, si insensibles aux conséquences sociales de leur décision? Comment ont-ils pu avoir l’outrecuidance de penser qu’une telle mesure avait une chance sérieuse de ne pas se heurter à une réaction de rejet ? ■
2) Dans beaucoup d’autres pays – africains ou non –, à l’instigation du même FMI et de la même Banque N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
4
Ce que je crois mondiale, d’autres dirigeants ont cru pouvoir supprimer d’un coup les subventions sur le prix du pain, du riz ou du sucre. Chaque fois, la population s’est révoltée : manifestations violentes, émeutes, affrontements meurtriers. Et au bout de quelques jours d’hésitation, immanquablement, le pouvoir a été contraint d’annuler la mesure de suppression, de revenir piteusement en arrière. Les dirigeants nigérians ont sans aucun doute pensé à ces précédents bien connus de tous. Mais l’essence n’a pas dû leur paraître aussi vitale que le pain, le riz ou le sucre. Ils sont en train d’apprendre qu’elle est, dans la vie quotidienne des gens, presque aussi importante. ■
3) De culture anglo-saxonne, le président nigérian et sa ministre des Finances ne peuvent ignorer qu’un autre grand pays pratique en faveur de sa population – comme le Nigeria – la politique de l’essence à bon marché. Ce pays, les États-Unis, ne subventionne pas le carburant consommé par ses citoyens. Mais, ce qui revient presque au même, il refuse obstinément de faire comme la plupart des pays du monde : le taxer afin d’en tirer des ressources pour le budget de l’État fédéral. Or, comme tout le monde le sait désormais, ce budget est en grave déséquilibre et le surendettement de l’État qui en résulte lui a fait perdre sa notation dite « triple A ». Il suffirait d’une petite taxe de 10 % ou 20 % sur la consommation de pétrole pour désendetter l’État
américain en deux ou trois ans. Et pourtant, aucun président des États-Unis et aucun Congrès ne s’y risque, car leur opinion publique est trop attachée au pétrole bon marché pour l’accepter. Et, s’agissant des États-Unis, jamais le FMI ne s’est hasardé à seulement suggérer une telle mesure… ■
Les observations ci-dessus me conduisent à une double conclusion : • Le FMI et la Banque mondiale ne prêchent la vertu financière qu’aux pays sous-développés ou émergents et n’imposent des réformes douloureuses qu’aux nations dont ils pensent que les populations sont taillables et corvéables à merci. S’ils avaient été courageux et impartiaux, ils n’auraient pas laissé, sans jamais leur faire d’observation, les ÉtatsUnis et l’Europe vivre au-dessus de leurs moyens et à la charge du reste du monde. • Quand on a octroyé un avantage acquis à une population et qu’on l’a laissée s’y habituer, on ne peut pas le lui enlever d’un coup, même si c’est son intérêt le plus évident. Comme dans toute entreprise de désintoxication, il convient de procéder progressivement, avec la plus grande douceur. Dans le cas du Nigeria, il fallait étaler la suppression de la subvention sur dix ans, de manière que les Nigérians puissent la supporter et continuer de jouir un tant soit peu des avantages qu’elle était censée leur apporter. ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì La vie ne vaut rien. Mais rien ne vaut la vie. André Malraux Ì Il y a les peuples grands par le nombre de leurs habitants comme les Chinois, les peuples grands par les moyens techniques de leur armée comme les Américains, les peuples grands par leur culture et leur histoire comme les Français. Ahmadou Kourouma Ì L’expérience est une lanterne attachée dans notre dos, qui n’éclaire que le chemin parcouru. Confucius Ì Si le fruit sur l’arbre lui est inaccessible, le singe dit qu’il est pourri. Maxime africaine N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Ì La violence n’est pas un moyen parmi d’autres d’atteindre la fin, mais le choix délibéré d’atteindre la fin par n’importe quel moyen. Jean-Paul Sartre Ì L’avantage d’être intelligent, c’est qu’on peut toujours faire l’imbécile, alors que l’inverse est totalement impossible. Woody Allen Ì Les formules qui semblent avoir perdu tout leur sens à force d’avoir été répétées trop souvent sont celles qui contiennent le plus de vérité. Nadine Gordimer Ì L’habitude, ce confort mortel. François Mitterrand
Ì La couleur de la peau, ça veut rien dire, tous les Blancs que je connais, ils sont rouges. Les Nouvelles Brèves de comptoir. Ì Avec les femmes, il faudrait que les paroles soient d’autant plus respectueuses que les gestes le deviennent de moins en moins. Tristan Bernard Ì Les malheurs qui ne nous tuent pas nous grandissent. Louis Pauwels Ì Je me suis souvent demandé ce qui peut bien différencier une bonne grippe d’une mauvaise. Pierre Dac JEUNE AFRIQUE
6
Éditorial
Marwane Ben Yahmed
Pauvre Sénégal
U
n président sortant, âgé de 85 ans, qui explique qu’il est en pleine forme et que les gènes familiaux, apparemment à la limite de la mutation, prolongent la vie des siens au-delà de 100 ans, repoussant ainsi ad vitam aeternam la question de sa succession. Abdoulaye Wade est aussi persuadé, comme nombre de ses pairs me direz-vous, qu’il est le seul à pouvoir diriger son pays – le Sénégal – et que ceux qui briguent sa succession ne sont que roupie de sansonnet… Desopposantsquetoutoppose,maisquisesontrassembléssous la bannière « Tout sauf Wade » et dont les ersatz de programme se résument à trois « idées »: taper sur le chef de l’État, dans un réflexe devenu pavlovien, énumérer les problèmes auxquels sont confrontés les Sénégalais (au cas où cela leur aurait échappé) et verser dans la démagogie la plus cynique en promettant de les régler en un tournemain. Comment? Mystère… Un chanteur, véritable star mondiale, qui annonce sa candidature à quelques semaines du scrutin présidentiel (prévu le 26 février), dont l’aura médiatique internationale est mille fois supérieure au crédit que lui accordent les Sénégalais pour diriger leur pays… Une société « civile » et des mouvements « citoyens » dont on finit par se demander en quoi ils diffèrent des politiques… Curieux champ de bataille où se déroule une guerre d’ego et d’ambitions permanente. Étranges combattants qui incitent leurs troupes à la violence, multiplient les allers-retours au sein des différentes factions en présence et aiment par-dessus tout à distiller rumeurs ou attaques personnelles nauséabondes. C’est un peu la ruée vers l’or (le pouvoir) en plein Far West. Tous les coups sont permis.
(Lire aussi pp. 24-31.) N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
32 RD CONGO DANS L’ANTRE DU SPHINX Dans le quartier de Limete, où Étienne Tshisekedi vit retranché, le vieil opposant reçoit, consulte, mais ne s’exprime pas. Rencontre.
PHOTOS DE COUVERTURES : ABD RABBO/SIPA ; HAMILTON/REA
Dernier avatar de ce règlement de comptes à O.K. Corral à la sauce arachide, l’affaire Barthélémy Dias. Voilà un éminent cadre du Parti socialiste (PS) inculpé d’homicide volontaire et écroué à la prison de Rebeuss. Il prétend avoir tué un homme, un « nervi » du PDS, en « état de légitime défense ». La scène a pourtant été filmée et circule sur internet. On y voit notre cowboy des temps modernes, en jeans et blouson de cuir, Ray-Ban sur le nez et flingue au poing, tirer tranquillement une douzaine de coups de feu sur une petite foule de jeunes du parti présidentiel, excités certes, mais apparemment sans armes et postés à plus d’une centaine de mètres de la mairie dirigée par Dias. Ses collègues du PS, mais aussi la quasi-totalité des opposants, vocifèrent toujours que c’est encore un coup de Wade et que la place de Dias n’est pas en prison… Consternant! Difficile de ne pas craindre des dérapages dans ces conditions, surtout après le verdict, prévu à la fin de ce mois, du Conseil constitutionnel sur la validité (ou non) de la candidature de Wade. On pourra toujours se rassurer en imaginant que les confréries et les marabouts sauront apaiser les tensions, en se souvenant que l’armée est bel et bien républicaine et en espérant que la majorité silencieuse, qui doit observer, médusée, ces joutes d’un autre âge, saura raison garder. Quant à faire rêver les Sénégalais, ça, c’est une autre histoire… ●
10
RWANDA CHRONIQUE D’UN FIASCO JUDICIAIRE L’enquête menée par les juges Trévidic et Poux sur l’attentat contre Habyarimana révèle le contraire de ce que soutenait la France depuis dix-sept ans…
03 08
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
10
L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
10 14 15 16 18 19 19 20 22
France-Rwanda Chronique d’un fiasco judiciaire Ali Khamenei Ayatollah au long cours Portia Simpson-Miller Bye-bye England Libye Alerte sur tous les fronts Tourisme Le Gabon fait ses gammes Sénégal Habré aux abris Beauté Hanaa, les feux du glamour Algérie Fin d’un tabou ? Tour du monde
24
G RA N D A N G L E
24
Sénégal Wade à l’heure des comptes
32
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
32 34
RD Congo Dans l’antre du Sphinx de Limete Kiosque Au Nigeria, Boko Haram a le dos large
JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
59 SÉNÉGAL Wade à l’heure des comptes Le vrai bilan politique, économique et social du candidat à sa propre succession.
24
37
AFRIQUE DU SUD AF L’ANC L’ANC, CENT ANS AP APRÈS Au pouvoir depuis 1994, le Congrès national africain a fêté, début janvier, son centième anniversaire. Une longévité exceptionnelle pour le plus vieux parti d’Afrique.
GRAND ANGLE
40
94
TUNISIE DÉMOCRATIE, AN I EXCLUSIF LA VÉRITABLE HISTOIRE DU 14 JANVIER Sur la base de plusieurs témoignages d’acteurs directs, J.A. a pu reconstituer la chronologie de la fuite de Ben Ali et des siens.
35 37
Guinée-Bissau Deux hommes (forts) pour le prix d’un Afrique du Sud ANC : cent ans… Et après ?
40
MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
40 42 50
Tunisie Démocratie, an I Exclusif La véritable histoire du 14 janvier Portfolio Variations tunisiennes
52
EUROPE, AMÉR I Q U E S, A SIE
52 55 56 57 58
France Pour qui votent-ils? Tribune Haïti a échappé au pire Parcours Mamedy Doucara, athlète photographe Chine Transhumance de masse Turquie Alliance tactique
59
LE PLUS DE J E U N E A FR I Q U E
59
CAN 2012 Trois semaines en ballon
94
ÉCON OMIE
94 97
Acquisitions Grandes manœuvres dans les banques Interview Sanusi Lamido Sanusi, gouverneur de la Banque centrale du Nigeria
JEUNE AFRIQUE
CAN 2012 TROIS SEMAINES EN BALLON Tout sur la Coupe d’Afrique des nations, qui se tient du 21 janvier au 12 février au Gabon et en Guinée équatoriale. Spécial 20 pages
ACQUISITIONS GRANDES MANŒUVRES DANS LES BANQUES Poussés hors de leurs marchés domestiques par la crise, les établissements européens, américains, chinois et qataris se renforcent en Afrique.
100 101 102 103 104 105 106 106 122 122 125 126 137 137 138
Télécoms Deux opérateurs sur trois aux mains d’Alger Mines ArcelorMittal sous tension Banque Direction Niamey pour Thierno Sy Énergies renouvelables Nizar Tazni se met au vert Tunisie Pour SFBT, le succès coule de source Baromètre L E D O SSIER Énergie Que la lumière soit ! C U LT U RE & M ÉD IA S Histoire Jérusalem, les soupirs de la sainte Autobiographie Omar Ibn Said, un très subtil libre penseur La semaine culturelle de Jeune Afrique VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
7
8
Centrafrique Coup de balai…
CAMEROUN FIÈVRE AUX FRONTIÈRES
… et gros lifting
S
ANS DOUTE le plus vétuste d’Afrique (construite il y a quarante-cinq ans, l’aérogare n’a jamais été rénovée), l’aéroport international de Bangui-Mpoko devrait enfin sortir de sa léthargie. Un plan d’agrandissement et de modernisation de 16 millions d’euros a reçu l’aval de l’Agence française de développement, qui a promis d’y contribuer à hauteur de 6 millions, la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) étant censée prêter les 10 millions restants. Théodore Jousso, le ministre centrafricain chargé de l’Aviation civile, négocie par ailleurs avec la compagnie d’assurance française Axa l’établissement d’une ligne mensuelle Lyon-BanguiMoroni destinée à transporter les membres des diasporas centrafricaine et comorienne. La Centrafrique n’est pour l’instant reliée à l’Europe que par un seul vol Air France hebdomadaire. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
VINCENT FOURNIER/J.A.
A
U TERME D’UN AUDIT DE UN AN, le président centrafricain François Bozizé a, le 11 janvier, dissous les conseils d’administration d’une trentaine d’entreprises, agences et offices publics (lire aussi p. 101). « Dans un souci de transparence, de bonne gestion et de moralisation des comportements », explique Firmin Feindiro, ministre de la Justice et porte-parole du gouvernement. Ces sociétés censées contribuer au développement du pays ont été en réalité « un moyen FIRMIN FEINDIRO, ministre de la Justice d’enrichissement de leur chef avec et porte-parole du gouvernement. la complicité de leur conseil d’administration ». La plupart ont dû être renflouées par l’État, et certaines, comme CentraPalm, Socatel ou la Société d’État de gestion des abattoirs, sont même au bord de la liquidation. Plus de 140 administrateurs se retrouvent ainsi sur la sellette. Et certains patrons sont déjà sous les verrous, comme le directeur général de la Société centrafricaine de stockage des produits pétroliers, soupçonné d’avoir détourné 2 milliards de F CFA (un peu plus de 3 millions d’euros). Dans l’immédiat, un Conseil spécial de surveillance et de redressement des entreprises et offices publics créé le 9 janvier par Bozizé (qui le préside) fait office de conseil d’administration et gère les fonds de ces entreprises. ●
La secte islamiste Boko Haram n’est pas seule à inquiéter les autorités camerounaises, qui, début janvier, ont déployé près de six cents militaires le long de la frontière (2000 km) avec le Nigeria. Dans la même zone septentrionale, elles redoutent que les quelques milliers de militaires tchadiens chassés de l’armée, fin décembre, à l’issue d’une opération d’« évaluation et de maîtrise des effectifs » se transforment en « coupeurs de route » et soient à l’origine d’une réapparition du grand banditisme dans le Grand Nord. LE MOT QUI FAIT ESPÉRER
OFFICIEUX
Un nombre croissant de pays africains sont favorables au retour du Maroc au sein de l’Union africaine, qu’il a quittée en 1984. Saad Eddine El Othmani, le nouveau chef de la diplomatie chérifienne, y réfléchit de son côté. Une délégation « officieuse » se rendra d’ailleurs à AddisAbeba à l’occasion du prochain sommet de l’UA (29-30 janvier).
BOURSE NOUVEAU DG À LIBREVILLE
Le conseil d’administration de la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC) a, le 9 janvier, nommé Pascal Houangni au poste de directeur général. L’annonce devrait en être faite après validation du dossier par la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale (Cosumaf). Également convoité par la Guinée équatoriale, le poste revientdoncauGabon,actionnaire désormais majoritaire : il a apporté 2 milliards de JEUNE AFRIQUE
9
Politique, économie, culture & société F CFA (3 millions d’euros) sur les 3 milliards récemment injectés dans la BVMAC. Houangni était jusqu’ici directeur du marché central. Il succède à Willy Ontsia, un autre Gabonais, qui fut remercié en 2009 pour avoir agressé l’un de ses collaborateurs.
Maroc Cabinet fantôme LA BOMBE A ÉTÉ LÂCHÉE par le député socialiste Abdelhamid Jmahri (opposition) : « Aucun membre du cabinet Benkirane n’exerce encore ses prérogatives. Les ministres sortants continuent de signer les décisions, mais elles sont antidatées. » La réalité est plus nuancée. Nommé le 3 janvier, le gouvernement sera investi après un vote de confiance du Parlement. « Nous mettons la dernière touche au projet », précise Mustapha El Khalfi, son porte-parole. En attendant, les affaires courantes sont expédiées par le nouveau cabinet : Mustafa Ramid (Justice) a contresigné la grâce royale collective (306 personnes concernées) du 11 janvier, et Lahcen Daoudi (Enseignement supérieur) vient de débloquer le versement des bourses universitaires. Pour les décisions plus politiques, il faudra attendre un peu. ●
GABON BELINGA, C’EST FINI
C’est par le biais d’un arrêté conjointement signé par Magloire Ngambia, le ministre de l’Économie, et Alexandre Barro Chambrier, son collègue des Mines (fac-similé ci-dessous), que, le 1er décembre, le gouvernement a suspendu la
te termes de la convention an annexée au décret portant at attribution d’une concession minière valable pour si le fer à la Comibel, en attendant l’abrogation dudit décret ». Tout est donc à refaire en vue de l’exploitation du gisement de fer Belinga (Ogooué-Ivindo). CÔTE D’IVOIRE SARKOZY, OUATTARA ET… ALY COULIBALY Contrairement à la rumeur, la visite d’État d’Alassane Ouattara
JEUNE AFRIQUE
AFFAIRE HABYARIMANA ARROSEURS ARROSÉS ?
Après la présentation du rapport des experts français concernant l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion de l’ancien président Juvénal Habyarimana, les avocats des mis en examen rwandais (parmi lesquels des officiers supérieurs et un ministre) n’excluentpasdeporterplainte pour « tentative d’escroquerie au jugement en bande organisée » contre ceux qui ont sciemment désinformé JeanLouis Bruguière à l’époque où il était chargé de l’instruction. Me Maingain devrait se rendre à Kigali début février pour s’entretenir avec ses clients de cette éventualité – qui, selon toute vraisemblance, ne se concrétisera pas avant qu’ils aient bénéficié d’un non-lieu. On imagine difficilement que la présidence rwandaise puisse ne pas être consultée. (Lire aussi pp. 10-12.)
IL SE RENDRA EN AFRIQUE AVANT LA PRÉSIDENTIELLE
Hollande évite le pré carré
VINCENT FOURNIER/J.A.
convention minière liant l’État gabonais à la Compagnie minière de Belinga (Comibel), filiale à 75 % de la société chinoise Cmec, signant ainsi l’arrêt de mort du plus gros projet minier du pays. « Il a été constaté que, depuis le 12 décembre 2007, date d’attribution du titre minier d’exploitation jusqu’à ce jour, Comibel n’a fourni aucun rapport d’activité, preuve de l’absence d’activité sur le terrain », relève le texte. La compagnie n’ayant pas respecté ses engagements, « il est décidé de suspendre les
en France ne sera pas une nouvelle fois reportée. Pour son vieil ami ivoirien, Nicolas Sarkozy mettra sa campagne électorale en veilleuse. Le 26 janvier, il le recevra à l’Élysée pour un entretien suivi d’un dîner d’État. À cette occasion, les deux hommes signeront un nouvel accord de « partenariat défense » : entre 250 et 300 soldats français maintenus à Abidjan, pas de clauses secrètes, etc. Un mois et demi après cette visite, Jean-Marc Simon, l’ambassadeur de France à Abidjan, partira à la retraite et sera
remplacé par Georges Serre, ex-ambassadeur à Kinshasa et à Yaoundé. De son côté, Aly Coulibaly, ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris, rentrera sans doute au pays. Élu député lors des législatives de décembre, il pourrait faire partie du prochain gouvernement.
Avant et pendant la campagne pour la primaire socialiste, François Hollande s’était rendu en Algérie (décembre 2010) et en Tunisie (mai 2011). S’il compte aller de nouveau en Afrique d’ici à la présidentielle d’avril, il garde le secret sur sa destination. Selon son entourage, il pourrait chercher à se démarquer de ses rivaux et montrer sa volonté d’en finir avec la Françafrique en se rendant dans un pays non francophone. Ses proches multiplient eux aussi les contacts. Après le Sénégal, Kader Arif, responsable du pôle coopération et développement de sa campagne, pourrait se rendre au Mali, au Niger, au Ghana, en Afrique du Sud, au Maroc ou en Tunisie. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
10
La semaine de Jeune Afrique
FRANCE-RWANDA
Chronique
d’un fiasco judiciaire
Les conclusions du rapport commandé par les juges Trévidic et Poux révèlent que l’attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana en 1994 a été perpétré par des extrémistes de son propre camp. Le contraire de ce que soutenait la France depuis dix-sept ans…
FRANÇOIS SOUDAN
I
l n’est pire manipulation que celles dont les racines plongent dans le déni de réalité et la volonté d’échapper à ses propres responsabilités. En livrant le 10 janvier les conclusions de leur enquête, menée conjointement avec un groupe d’experts, sur l’origine du tir de missiles qui, le 6 avril 1994, a abattu le Falcon 50 du président rwandais Juvénal Habyarimana, les juges Nathalie Poux et Marc Trévidic ont sonné le glas d’un mensonge judiciaire exclusivement français. Nulle part ailleurs qu’en France, en effet, la thèse révisionniste et l’hypothèse monstrueuse d’un génocide voulu et
Menant son enquête à charge, Bruguière ne s’était jamais rendu sur les lieux.
déclenché par le chef d’un mouvement de libération contre sa propre communauté n’a été, depuis dix-sept ans, prise au sérieux. Pourtant sévères, parfois, vis-à-vis du pouvoir en place à Kigali et critiques quant à ses méthodes de gouvernance, les responsables, universitaires, journalistes et ONG belges, américains, britanniques ou autres n’ont pratiquement jamais envisagé une explication différente au génocide de 1994 que celle démontrée par tous les travaux de recherche effectués sur cette époque: l’élimination planifiée de la minorité tutsie par un pouvoir hutu extrémiste, pour qui la signature par le président Habyarimana des accords d’Arusha représentait le dernier obstacle avant la solution finale. Cet égarement coupable et cette passion manipulée ont une cause précise : le rôle pour le moins ambigu, confinant parfois à l’aveuglement volontaire, joué par les chefs militaires et les dirigeants politiques français des années 1990 avant, pendant et après le génocide des Tutsis du Rwanda. FAUSSE BOÎTE NOIRE. De cette responsabilité, du refus très français de regarder en face sa propre histoire, surtout lorsqu’elle concerne la part d’ombre
QUATORZE ANNÉES D’ENQUÊTE 6 avril 1994 Le Falcon 50 transportant le président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est abattu à Kigali. Trois Français sont à bord : les deux pilotes et un mécaniciennavigant. Le génocide commence N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
(800 000 morts, selon l’ONU, en trois mois). 31 août 1997 Sylvie Minaberry, la fille du copilote français, dépose une plainte contre X avec constitution de partie civile au tribunal de grande instance de Paris.
27 mars 1998 Le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière est désigné pour ouvrir une information judiciaire concernant l’attentat. Novembre 2006 Jean-Louis Bruguière délivre des mandats d’arrêt internationaux contre neuf proches du gouvernement
rwandais. Kigali rompt ses relations diplomatiques avec la France. Juin 2007 Marc Trévidic et Philippe Coirre reprennent l’enquête laissée par Jean-Louis Bruguière, mis en disponibilité à sa demande pour se JEUNE AFRIQUE
L’événement
STEVE TERRILL/AFP
11
prise par l’armée dans les répressions coloniales et postcoloniales en Afrique, et de la nécessité de défendre l’honneur de deux gouvernements et de deux présidents successifs, de droite et de gauche, est née l’incroyable enquête du juge Jean-Louis Bruguière. Une enquête entièrement menée à charge, sans jamais se rendre sur les lieux pour y effectuer la moindre expertise, sans aucun contact avec la partie incriminée et qui a abouti, en novembre 2006, à l’émission de mandats d’arrêt contre neuf hauts dirigeants rwandais, puis à la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali.
porter candidat aux élections législatives en France. 9 novembre 2008 Rose Kabuye, la chef du protocole du président rwandais Paul Kagamé, est arrêtée à l’aéroport de Francfort (Allemagne) en exécution du mandat d’arrêt international. Elle JEUNE AFRIQUE
LE JUGE FRANÇAIS MARC TRÉVIDIC dans les environs de Kigali, le 16 septembre 2010.
acceptera son extradition vers Paris. 29 novembre 2009 La France et le Rwanda annoncent la reprise de leurs relations diplomatiques. 11-18 septembre 2010 Les juges Marc Trévidic et
Les détails de ce désastre judiciaire, sur lequel Jeune Afrique s’honore d’avoir avec constance attiré l’attention de ses lecteurs depuis dix ans, apparaissent désormais comme une évidence. Faux témoignages de repentis, faux comptes rendus d’interception de messages radio, fausse boîte noire d’avion, faux timing des événements, laissant entendre que les troupes rebelles du Front patriotique rwandais avaient déclenché leur offensive dans le Nord quelques heures avant l’attentat du 6 avril, etc. En concluant de manière irréfutable que l’origine des tirs qui ont abattu le Falcon 50 provenait du camp militaire de Kanombe alors ● ● ●
Nathalie Poux se rendent à Kigali avec un groupe d’experts pour identifier l’origine des tirs de missile contre le Falcon 50. 5-15 décembre 2010 Six des suspects encore recherchés rencontrent, au Burundi,Trévidic et Poux. Ils sont mis en examen, ce qui a pour effet de lever les
mandats d’arrêt internationaux qui pesaient sur eux. 10 janvier 2012 Les conclusions de l’expertise commandée par les juges français sont présentées aux parties civiles. Elles invalident la piste jusque-là suivie par l’enquête française. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
La semaine de J.A. L’événement étroitement contrôlé par les forces régulières rwandaises et les miliciens Interahamwes, et non pas de la colline de Masaka, où auraient pu s’infiltrer les Tutsis de l’armée populaire de Paul Kagamé, les juges Poux et Trévidic ont réduit à néant l’ultime argument d’une fiction nauséabonde. En arrièreplan en effet se dessinent les thèses négationnistes du « génocide d’autodéfense », du « génocide spontané » et du « double génocide » encore agitées par une poignée d’intellectuels et de journalistes
français – le dernier carré des extrémistes hutus en exil continuant, lui, de nier purement et simplement l’existence même d’un génocide.
●●●
Ü LES DÉBRIS DE L’AVION à bord duquel le président Juvénal Habyarimana a trouvé la mort, un mois et demi après l’attentat du 6 avril 1994.
REUTERS
12
KAMIKAZES. Reste enfin à élucider l’identité et la provenance des missiles. Pour Jean-Louis Bruguière et ses partisans, la messe est dite une fois pour toutes : il s’agissait de SA-16 provenant d’un lot en service au sein de la rébellion tutsie, laquelle selon eux aurait bien pu glisser quelques guérilleros kamikazes à l’intérieur même du vaste camp de Kanombe,aussiimprobablequecelapuisseparaître. Le problème est que nul n’a vu ces fameux lanceurs de missiles, si ce n’est un officier hutu de l’armée rwandaise à qui ces pseudo-preuves auraient été remises vingt jours après l’attentat par des civils fuyant les combats. Cet officier les aurait par la suite remises à des collègues de l’armée zaïroise, lesquels les auraient finalement et définitivement égarées… Tout indique donc que l’instruction ouverte par le juge Bruguière puis manifestement contredite par ses successeurs depuis 2008 s’achèvera à terme sur un non-lieu général. Un nouveau chapitre, enfin positif, s’ouvrira alors entre Paris et Kigali, même si rien ne sera plus jamais comme avant 1994. Il restera alors à la France et à tous ceux, ministres et officiers généraux, qui eurent à connaître du génocide rwandais, à exorciser les démons du passé. Après tout, l’autocritique n’a jamais été synonyme de déshonneur, bien au contraire. ●
Me Philippe Meilhac, l’avocat de la famille Habyarimana, laissant entrevoir des mois de procédure supplémentaires. Après l’obtention d’un possible nonS’appuyant sur les conclusions des experts, les avocats des lieu pour les accusés, l’enquête française Rwandais mis en examen espèrent un non-lieu pour leurs clients. devrait donc repartir sur de nouvelles bases et explorer de nouvelles pistes. Elle e l’émission de mandats d’arderniers pourraient même porter plainte dispose pour cela d’un élément établi par rêt internationaux contre des pour « tentative d’escroquerie au jugement le nouveau rapport d’expertise : la nature proches du président Paul en bande organisée » contre ceux qui, par de l’arme du crime, un lance-missiles Kagaméàlaquasi-disculpation soviétique SA-16, qui ne peut des mêmes personnes… Les conclusions être utilisé qu’après des dizaines Qui, à l’époque, était capable du rapport commandé par le juge Marc d’heures d’entraînement. Selon d’utiliser l’arme du crime : Trévidic aboutissent à un revirement total. Me Meilhac, aucun membre des un lance-missiles SA-16 ? En établissant que le missile qui a ex-FAR n’avait bénéficié d’une abattu le Falcon 50 du président Juvénal telle formation – ce que conteste Habyarimana le 6 avril 1994 a été tiré leurs « faux témoignages, ont enfumé » la partie adverse. Pour elle, les tireurs depuis le camp de Kanombe, le rapport l’instruction du juge Jean-Louis Bruguière, pourraient aussi être des mercenaires désigne une place forte tenue par les menacent leurs avocats. étrangers recrutés par les commandiloyalistes hutus des ex-Forces armées taires de l’attentat. La liste des suspects rwandaises (FAR), et met indirectement NOUVELLE PISTE. On n’en est pas potentiels s’en trouve en tout cas réduite. hors de cause ceux qui, hier encore, étaient encore là : Marc Trévidic a laissé trois « Il me paraîtrait logique que l’on cherche traqués. « Notre priorité est désormais mois aux avocats des parties civiles maintenant à savoir qui avait bénéficié d’obtenir un non-lieu », clame Me Léon(dont Agathe Habyarimana, la veuve de d’une telle formation parmi ceux qui se Lef Forster, l’avocat, avec Me Bernard l’ancien président) pour réclamer une trouvaient à Kigali au moment de l’attenMaingain, des sept Rwandais encore mis contre-expertise. « Nous demanderons, tat », souligne Me Maingain. ● en examen. S’ils étaient innocentés, ces a minima, des compléments », avertit PIERRE BOISSELET
Virage à 180 degrés
D
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Always Caring for You
La semaine de J.A. Les gens
Ali Khamenei Ayatollah au long cours
ses provocations, qui a proféré cette menace, mais Ali Khamenei, l’homme le plus puissant de la République islamique, concentrant des pouvoirs religieux et politiques exorbitants, dont celui de chef suprême des forces armées. Artisan de la diplomatie iranienne, il dirige indirectement les principales institutions du pays, de la justice à l’éducation en passant par les services de renLe Guide suprême de la seignements, à travers un réseau de fidèles partageant son hostilité République islamique à l’Occident et un clergé acquis à d’Iran menace de fermer le ses convictions. Lui seul pourrait détroit d’Ormuz, par lequel ordonner le blocage du détroit transite plus du tiers du d’Ormuz, ce qui déclencherait un conflit armé aux conséquences pétrole transporté par voie imprévisibles pour la région, voire maritime dans le monde. au-delà. Convaincu de la « couardise » du Grand Satan américain, l’ayatollah Ali Khamenei ne craint uide suprême de la République islamique pas une confrontation militaire. d’Iran depuis vingtLa persistance des bruits de trois ans, l’ayatollah Ali bottes dans le golfe Persique Khamenei, 72 ans, n’a pas dirigé ne semble pas en tout cas avoir EN PRIÈRE au mausolée de l’imam Reza, à Mashhad, détourné le Guide suprême de la la grande prière du vendredi précuisine interne : les législatives de cédant les obsèques de Mostafa dans le nord-est du pays. Ahmadi Roshan, scientifique iramars 2012. Premier scrutin depuis Bruxelles prennent très au sérieux la nien mort le 11 janvier à Téhéran dans une la présidentielle controversée de 2009, attaque à la bombe magnétique contre menace : l’éventualité de la fermeture Ali Khamenei redoute un retour de la la voiture qu’il conduisait. Cela ne l’a pas de ce détroit ferait s’envoler les cours du contestation dans la rue à l’occasion de empêché d’accuser la CIA et le Mossad pétrole à quelque 200 dollars le baril. Une ces élections. Car même à Téhéran, le d’être derrière le quatrième assassinat très mauvaise nouvelle en cette période Printemps arabe a bouleversé la donne. ciblé, depuis janvier 2010, d’universitaires de crise financière. Autre source d’inquiétude: les ambitions impliqués dans le programme nucléaire démesurées du président Mahmoud iranien, principale source de préoccupaPANIQUE. Autre mauvaise nouvelle, les Ahmadinejad, qui manœuvre en coution des puissances occidentales. Pasdaran, gardiens de la révolution, s’y lisses pour dépouiller le clergé de ses Une semaine auparavant, l’ayatollah préparent en testant de nouveaux mislarges prérogatives. Coup de sang de Khamenei avait menacé de fermer le siles sol-mer et air-mer de fabrication Khamenei, qui réplique que l’institudétroit d’Ormuz, par lequel transitent locale. Les États-Unis ont aussitôt pris tion présidentielle est devenue super35 % du pétrole transporté par voie mariune mesure préventive en dépêchant flue, donc inutile pour la conduite de time dans le monde, si l’Union euroun porte-avions de la Ve flotte non loin la révolution. Ces propos, tenus en péenne (UE) mettait en œuvre son projet du détroit d’Ormuz. Moscou n’a pas octobre 2011, au plus fort des tensions d’embargo sur l’or noir iranien. Une décimanqué de réagir à travers le secrétaire entre Ahmadinejad et l’élite cléricale, ont du Conseil de sécurité russe, Nikolaï sion prise par l’Europe après l’annonce montré que le Guide suprême a choisi de la mise en route du site industriel Patrouchev, qui a fait part d’un sérieux son camp, celui des ayatollahs, au détride Fordow (à 150 km au sud-ouest de risque d’escalade militaire. Pourquoi une ment de celui qui avait été, jusque-là, Téhéran) pour enrichir de l’uranium telle panique ? Ce n’est pas le président son protégé. ● à 20 %. Washington, Paris, Londres et Mahmoud Ahmadinejad, connu pour CHERIF OUAZANI
G
HANDOUT/REUTERS
14
NOMINATIONS
❘
RIGOBERT SONG FOOTBALL L’ex-international camerounais a été nommé, le 7 janvier, manageur général de l’équipe nationale de football, les Lions indomptables N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
❘
ELIZABETH KUTEESA INTERPOL L’ex-patronne de la police criminelle ougandaise a été nommée, le 10 janvier, directrice de la coordination des bureaux centraux et régionaux d’Interpol JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
15
IMEN BAHROUN
Portia Simpson-Miller Bye-bye England
Harcelée à plusieurs reprises par le régime Ben Ali, cette journaliste tunisienne a été nommée, le 7 janvier, directrice de la deuxième chaîne de télévision publique, ElWataniya 2. C’est la première fois qu’une femme occupe ce poste.
La nouvelle chef de l’exécutif jamaïcain veut rompre avec la couronne britannique, quitter le Commonwealth et instaurer la république.
MALICK NOËL SECK
J
« ’
JEUNE AFRIQUE
MARIE VILLACÈQUE
Condamné en appel à un an de prison (dont quatre mois ferme) pour outrage à magistrat, le secrétaire général de Convergence socialiste, affilié au Parti socialiste sénégalais, a été gracié le 11 janvier par le président Abdoulaye Wade.
Le 11 janvier, et en attendant une mission dans l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy, celle que l’on surnomme « la nouvelle Rachida Dati » a été nommée secrétaire nationale de l’UMP chargée du développement urbain.
HICHEM ; APA ; DR
SALIMA SAA
EN BAISSE
KHULUBUSE ZUMA Accusé d’avoir organisé la faillite de son entreprise Aurora Empowerment Systems, le neveu du président sud-africain a été condamné à payer plus de 10 millions de rands (970000 euros) à d’anciens fournisseurs. SONY MUSIC BRASIL Pour avoir édité, en 1997, une chanson de l’humoriste-politicien Francisco « Tiririca » Silva incitant au racisme anti-Noirs, la maison de disques a été condamnée à verser 656000 dollars à des ONG de défense des droits de l’homme. ANNE LAUVERGEON L’ex-patronne d’Areva a vu le versement de ses indemnités de départ (1,5 million d’euros) conditionné aux conclusions d’une enquête sur l’acquisition controversée de la société canadienne Uramin pour 2,5 milliards de dollars. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
DR ; ISSEI KATO/REUTERS
GILBERT BELLAMY/REUTERS
aime la reine, c’est une personne merveilleuse. » Ce gentil compliment lancé par la nouvelle chef de l’exécutif jamaïcain à l’adresse d’Élisabeth II d’Angleterre pourrait laisser croire à une relation sans nuage entre les deux pays. Erreur. Depuis sa nomination comme Première ministre, après l’écrasante victoire de sa formation, le Parti national du peuple, aux législatives du 29 décembre, Portia SimpsonMiller envisage tout simplement de rompre avec la couronne britannique et de faire sortir son pays du Commonwealth. Dans son discours d’investiture, elle a exprimé le souhait que la Jamaïque, cinquante ans après son indépendance, devienne une République – la reine d’Angleterre y est actuellement représentée par un gouverneur général. « Nous allons lancer le processus de notre détachement », a-t-elle promis. À quelques mois du 60e anniversaire du couronnement de la souveraine – et du voyage sur l’île du prince Harry –, la nouvelle tombe mal. Née en 1945 à Wood Hall, en Jamaïque, la très populaire Portia Simpson-Miller a été la première femme à avoir occupé la fonction de Premier ministre, pendant dix-sept mois entre 2006 et 2007, avant de céder sa place à Bruce Golding, du Parti travailliste. À cette époque, elle figurait d’ailleurs à la 81e place du classement Forbes des femmes les plus influentes du monde. Aujourd’hui, elle reprend les rênes du pays dans une situation économique plus que difficile : la dette atteint 18,6 milliards de dollars, soit 130 % du PIB, tandis que 43 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Face à une criminalité en constante progression, les autorités souhaitent Ü Lors de LA CÉRÉMONIE pouvoir appliquer la D’INVESTITURE, le 5 janvier, peine de mort sans que à Kingston. la justice britannique y mette son veto en appel – ce qu’elle fait dans la plupart des cas. Simpson-Miller est donc favorable à l’organisation d’un référendum, qu’elle devrait remporter aisément. Apparemment, la reine ne s’y opposera pas. « La question du chef de l’État de la Jamaïque est entièrement entre les mains du gouvernement et du peuple jamaïcains », a fait savoir l’un de ses porte-parole. ●
La semaine de J.A. Décryptage
16
domicile plutôt que de le transférer à RÉCONCILIONS », La Haye. proclame cette Le gouvernement affiche, à Tripoli. doit aussi faire face à toutes sortes de rumeurs, dont Libya al-Ahrar, la chaîne de télévision officieuse de la révolution, s’est fait une spécialité. Le 11 janvier, le Premier ministre a demandé à la banque centrale et au ministère des Finances de démentir une fausse information faisant état du versement imminent de 1000 dollars mensuels à chaque Libyen. Le 7 janvier, comme pour sonner la fin de la récréation, Souleimane Ali al-Saheli, le ministre de l’Éducation, a annoncé la reprise immédiate des cours dans toutes les écoles du pays. Attendue depuis le mois de novembre, c’est la première mesure symbolique du gouvernement transitoire, qui s’est fait fort d’expurger manuels et programmes de toute référence au régime de Kaddafi. ð « AUJOURD’HUI,
STR/REUTERS
NOUS NOUS
Libye Alerte sur tous les fronts Confronté à la contestation de la rue et à la défiance des milices, le gouvernement s’active pour désamorcer les problèmes. Il a fort à faire…
L
e Premier ministre, Abdurrahim el-Keib, est un homme pressé. Pendant que le président Mustapha Abdeljalil fait une excursion à Ghadamès, à la frontière algéro-tunisienne, ou se montre aux côtés du chef de l’État soudanais Omar elBéchir, Keib enchaîne les réunions. Car, depuis la mi-décembre, des jeunes en colère occupent les centres-villes. Partie de Benghazi, la contestation a essaimé à Tripoli, Zawiya et Sebha. Les « indignés » libyens veulent remettre la révolution sur les rails, écarter les collaborateurs de l’ancien régime et associer les jeunes et les femmes aux prises de décision. Accusé d’avoir trop frayé avec le système Kaddafi, Taher Sharkas, le
RÉINSERTION. Le deuxième objectif du pouvoir libyen est de récupérer les armes en circulation. Un vaste programme de réinsertion des combattants rebelles a été lancé le 10 janvier. Au choix, ceux-ci ministre de l’Économie, a démissionné peuvent intégrer soit le ministère de la Défense, soit celui de l’Intérieur, ou bien le 24 décembre. Depuis, le gouvernement retourner à la vie civile. Stages de lans’active tous azimuts, signant notamment gues, retour sur les bancs de l’université, de nombreuses conventions de partefinancement de projets, indemnités de nariat avec les Nations unies et l’ONG formation, tout est prévu pour que les guérilleros abandonnent Dernière rumeur en date : leurs kalachnikovs. Pour qu’ils le versement de 1 000 dollars puissent faire entendre leur voix de manière pacifique, le goumensuels à chaque Libyen ! vernement s’attelle à son troisième chantier, la préparation Transparency International. Ali Humaida des futures législatives. À peine présenté, Ashour, le ministre de la Justice, a même le projet de loi électorale suscite déjà la réussi à obtenir un délai (le 23 janvier) polémique. L’un de ses articles, qui interauprès de la Cour pénale internationale dit aux binationaux de se porter candidats, pour statuer sur le cas Seif el-Islam : les est notamment sujet à controverse. ● Libyens veulent juger le fils Kaddafi à YOUSSEF AÏT AKDIM
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
24 JANVIER Biyouna ! est à l’affiche du Théâtre Marigny, à Paris, jusqu’au 31 mars. L’artiste algérienne al se produit pour po la première fois en solo en France. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
25-29
JANVIER Forum économique annuel de Davos (Suisse). On s’attend à une affluence record : 30 à 40 chefs d’État ou de gouvernement, 200 ministres et plus de 1 000 chefs d’entreprise.
29-30
JANVIER Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, où sera élu le président de la Commission de l’UA. Nkosazana Dlamini-Zuma et Jean Ping sont en lice. JEUNE AFRIQUE
Abonnez-vous à JEUNE AFRIQUE 44 nos simples + 4 nos doubles + 3 hors-séries
Plus de
40%
de réduction !* Toute l’actualité africaine chaque semaine chez vous ou sur votre lieu de travail.
web www.laboutiquejeuneafrique.com
✂
Indiquez le code : PJA0112
COM&COM - Groupe Jeune Afrique 20, Avenue Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson - France
BULLETIN D’ABONNEMENT
✓ ❒ Oui, je m’abonne à Jeune Afrique JE CHOISIS MA FORMULE
Je coche l’abonnement de mon choix. Pour les offres 1 an et 2 ans, je recevrai chaque année les trois hors-série à paraître : L’état de l’Afrique, Les 200 premières banques africaines et Les 500 premières entreprises africaines.
Zone
Formule
France métropolitaine Europe Maghreb / CFA USA / Canada Reste du monde
1 an
2 ans
(22 N° + 2 N° doubles)
(44 N° + 4 N° doubles + 3 hors-série)
(88 N° + 8 N° doubles + 6 hors-série)
❒ 69 €
❒ 135 €
❒ 235 €
❒ 89 €
❒ 159 €
❒ 295 €
❒ 99 €
❒ 179 €
❒ 335 €
❒ 109 €
❒ 209 €
❒ 389 €
❒ 119 €
❒ 229 €
❒ 439 €
6 mois
J’INDIQUE MES COORDONNÉES
JE JOINS MON RÈGLEMENT PAR
❒ Mme
❒ Chèque bancaire à l’ordre de SIFIJA
❒ Mlle ❒ M.
Nom __________________________________________________
❒ Carte bancaire n°
Prénom _______________________________________________
aaah
Société ________________________________________________
❒ Visa
❒ Mastercard
❒ Amex
Date de validité hhhh
_______________________________________________________
Notez les 3 derniers chiffres au dos de votre carte,
Code postal _____________ Ville _________________________ Pays ____________________ Tél.__________________________ Email _________________________________________________
PJA0112
Adresse _______________________________________________
près de la signature hhh ❒ Je souhaite recevoir une facture acquittée. Date et signature :
* Tarif France métropolitaine. Offres valables jusqu’au 31/12/2012. Conformément à la loi informatique et liberté (art.34) vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant auprès du Groupe Jeune Afrique.
PJA0112.indd 1
11/01/12 17:59
La semaine de J.A. Décryptage
Tourisme Le Gabon fait ses gammes Hôtels de luxe, lodges… Le pays, qui se dote de nouvelles infrastructures, mise sur la beauté de ses parcs nationaux. Et espère attirer 100 000 visiteurs par an d’ici à 2020.
S
ixhôtelsetlodgeshautdegamme à Libreville et dans cinq parcs nationaux du Gabon, soit une capacitétotalede 140 chambres. Tels sont les principaux termes du protocole d’accord conclu le 11 janvier dans la capitale gabonaise entre les autorités du pays et le groupe Amanresorts, après un peu plus de un an de négociation. Basé à Singapour, cet hôtelier spécialisé dans le luxe est déjà implanté dans quinze pays. Sa présence africaine se limitait jusqu’ici à un hôtel au Maroc. En Afrique du Sud, le groupe est en négociation pour développer un site touristique, mais pour l’instant rien de concret n’a été arrêté. SITES HISTORIQUES. Grâce à ce pro-
jet, le Gabon, où le tourisme est un secteur encore en gestation, compte attirer 100 000 visiteurs par an dans le moyen et LE DESSIN DE LA SEMAINE
AFP
18
ALI BONGO ONDIMBA, le 11 janvier, lors de la signature du contrat avec le groupe hôtelier Amanresorts.
haut de gamme à l’horizon 2020. Une première phase, couvrant les cinq prochaines années et représentant un investissement d’au moins 60 millions de dollars (47 millions d’euros), a démarré avec la signature de cet accord par la construction de deux hôtels de luxe, l’un à Libreville (30 suites) et l’autre (30 pavillons) sur le site historique du Phare de Ngombe (une presqu’île à proximité de Libreville), dans le parc national de Pongara. S’y ajoutera un camp de tentes haut de gamme dans le parc de Loango (sud du pays). « Le concept, explique Lee White, le directeur général de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), est de faire venir des touristes pour une dizaine de jours et de
Moir • Sydney Morning Herald • Australie
leur permettre de visiter deux à trois sites archéologiques et historiques. » Les hôtels seront gérés par une filiale locale, Luxury Green Resorts, conjointement détenue par Amanresorts et le Fonds gabonais d’investissements stratégiques, créé en août 2011 et notamment financé par un prélèvement annuel sur 10 % des revenus pétroliers. L’an dernier, ceux-ci ont atteint 8,8 milliards de dollars (6,9 milliards d’euros), contre 6,7 milliards de dollars en 2010 (5,2 milliards d’euros). Pour l’heure, les parts de chacun des partenaires dans Luxury Green Resorts n’ont pas encore été fixées, mais, selon l’ANPN, le Gabon devrait être majoritaire. ● STÉPHANE BALLONG
LE MOT CHOISI
TRICHERIES Le verdict de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) sur les élections présidentielle et législatives du 28 novembre est sans appel. Les évêques ont « noté des cas de tricheries avérées et vraisemblablement planifiées », « un climat de terreur entretenu et exploité à dessein pour bourrer les urnes ». De quoi « remettre en question la crédibilité des résultats publiés ». Et de conclure, à l’issue d’une assemblée plénière qui s’est tenue du 9 au 11 janvier à Kinshasa: « C’est une honte pour notre pays. » N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
«
ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
ALEXI LUBOMIRSKI FOR LANCÔME@2012
Beauté Hanaa, les feux du glamour COUPE À LA GAR ÇONNE, yeux en amande, Hanaa Ben Abdesslem, 22 ans, est le nouveau visage des cosmétiques de la maison Lancôme. Devant l’objectif du photographe Mario Testino, la nouvelle égérie de la marque est à l’affiche de la collection printemps-été 2012, « Roseraie des délices ». Née à Nabeul, à une soixantaine de kilomètres de Tunis, cette étudiante en ingénierie de 1,80 m s’est fait remarquer en 2007 dans Mission Fashion, une célèbre émission libanaise. Depuis, elle a défilé pour Chanel, Hermès, Jean Paul Gaultier, Givenchy, et parraine l’association Esmaani, qui vient en aide aux enfants sourds-muets. ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE
La malnutrition est un motif de honte nationale. En dépit de la croissance impressionnante de notre PIB, elle se situe à un niveau inacceptable. » MANMOHAN SINGH Premier ministre de l’Inde
« Je me demande pourquoi la France a cessé d’être le ciment de l’Europe. Son devoir est de recomposer l’unité européenne, pas de servir de roue de secours à l’Allemagne. » ROMANO PRODI Ancien président du Conseil italien et de la Commission européenne
« Le gouvernement syrien assassine ses propres citoyens. La situation s’aggrave et conduit à une guerre civile, à une guerre de religions et de communautés. Cela doit cesser. » RECEP TAYYIP ERDOGAN Premier ministre turc
« Que vaut-il mieux ? Une usine Renault au Maroc ou six mille travailleurs immigrés de plus dans une usine Renault en France ? » LIONNEL LUCA Député français (UMP), évoquant la nouvelle usine du constructeur français, qui produira des Dacia dans les environs de Tanger
« Je sais que ce n’est pas très
rappeur de dire cela, mais je n’ai pas acheté de nouvelle voiture ni de bijoux depuis près de deux ans. » KANYE WEST Rappeur américain N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
LUCAS JACKSON/REUTERS
d’extradition; or, en attendant, les victimes meurent. » Contre toute attente, ce sont les États-Unis qui pourraient mettre un peu de baume au cœur aux défenseurs des droits de l’homme. En votant une aide de 50 millions de dollars (39 millions d’euros) au Sénégal à la fin de 2011, les deux chambres du Congrès se sont dites préoccupées par le fait que Habré n’avait toujours pas été extradé. Elles ont demandé à Hillary Clinton de les informer, avant le 6 février, des dispositions prises « en faveur de sa traduction en justice ». Mieux – et cela, Dakar a préféré le passer sous silence –, la secrétaire d’État américaineapersonnellement écrit au président Wade, en novembre dernier, pour lui demander de juger ou d’extrader cet hôte décidément devenu très encombrant. ●
UN PHOTO/EVAN SCHNEIDER
Sénégal Habré aux abris LE 11 JANVIER, la cour d’appel de Dakar a, pour la troisième fois, rejeté la demande d’extradition de Hissène Habré formulée par la Belgique. Qu’à cela ne tienne, c’est un vice de forme qui a été prétexté, font valoir les défenseurs des victimes de l’ex-dictateur tchadien. Bruxelles (qui, en coulisses, affirme avoir bien joint les pièces qui lui étaient demandées…) va donc pouvoir présenter une nouvelle demande à l’encontre de l’ancien président, accusé de crimes contre l’humanité et installé à Dakar depuis sa chute, en 1990. « Il s’agit d’un jugement purement technique, pas d’un refus définitif », insiste Reed Brody, conseiller juridique de l’ONG Human Rights Watch, qui dénonce toutefois « une énième mesure dilatoire. » « Le Sénégal, accuset-il, joue avec les demandes
19
La semaine de J.A. Décryptage
20
JEUNEAFRIQUE.COM
Algérie Fin d’un tabou ? Et si Abdelaziz Bouteflika renonçait à briguer un quatrième mandat, en 2014 ? C’est la première fois que la question est posée publiquement, et par le Premier ministre.
VIDÉO
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
Retrouvez l’analyse de Patrick Smith, rédacteur en chef de The Africa Report, sur le Nigeria : « Boko Haram a basculé dans la violence après l’élection de 2007 »
SONDAGE Comment jugez-vous la candidature de Youssou Ndour à la présidentielle sénégalaise ?*
1
2
* SONDAGE RÉALISÉ SUR JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 9 ET LE 12 JANVIER 2012. 643 VOTES
3
1. C’est un choix logique pour un artiste engagé 51 % 2. L’art et la politique ne doivent pas être mélangés 21,78 % 3. Il est dans son droit, mais fragilise l’opposition 27,22 %
À LIRE AUSSI : Révolution égyptienne : matraquez, vous êtes filmés ! Remaniement en Côte d’Ivoire : Guillaume Soro sur la sellette N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
LE CHEF DE L’ÉTAT et Ahmed Ouyahia (à dr.), à Alger, en septembre 2010.
«
U
n quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika servirait-il les intérêts de l’Algérie ? » s’est interrogé Ahmed Ouyahia le 7 janvier, en pleine conférence de presse, alors qu’un journaliste lui demandait si sa formation politique, le Rassemblement national démocratique (RND), soutiendrait la candidature du président sortant en 2014. Certes, il ne s’exprimait pas en tant que Premier ministre, mais en sa qualité de secrétaire général du RND, au lendemain de son conseil national. Il n’empêche : jamais la question de « l’après-Boutef » n’avait été évoquée de manière si directe, qui plus est par le chef d’un parti dont le soutien n’a jamais fait défaut au président Bouteflika depuis son retour aux affaires.
REVIREMENT. Ce débat intervient alors que le conseil national du RND milite pour un régime semi-présidentiel et pour la limitation à deux du nombre des mandats, dans le cadre de la prochaine révision constitutionnelle. Un revirement complet : en 2008, le RND avait fait campagne pour la levée de cette disposition
afin de permettre au même Bouteflika de briguer un troisième mandat. Ouyahia, cependant, ne renie rien. Pour lui, la personnalité et le passé d’Abdelaziz Bouteflika avaient fait de lui « un refuge dans une conjoncture particulière, où l’Algérie souffrait du terrorisme », et le processus des réformes « exigeait son maintien au pouvoir ». JUMEAUX. Le Premier ministre, qui
n’est pas réputé pour parler à la légère, n’aurait pas fait une telle déclaration sans avoir préalablement abordé la question avec le principal intéressé, qui, à la fin de son mandat, le 7 mai 2014, aura 77 ans, 2 mois et 5 jours, selon sa biographie officielle. S’agissant de ses propres ambitions présidentielles, Ahmed Ouyahia a botté en touche en affirmant que « la question n’est pas à l’ordre du jour ». Sur le plan politique, ses propos témoignent du fossé qui sépare les frères jumeaux du courant nationaliste, le FLN et le RND. Il y a quelques semaines, Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général de l’ancien parti unique, avait solennellement annoncé que sa formation comptait investir Abdelaziz Bouteflika pour le scrutin de 2014. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Tour du monde SUISSE
L’homme qui en savait trop
GREG BAKER/AP/SIPA
22
LE VICE-AMIRAL VAN BUSKIRK sur la base navale américaine de Yokosuka, au Japon. CHINE - ÉTATS-UNIS
Toutes griffes dehors
L
E FÉROCE DRAGON, tous crocs et griffes dehors, figurant sur le timbre mis en circulation à l’occasion du nouvel an lunaire ne fait pas l’unanimité. Pour les Chinois, le dragon est une créature zodiacale mythique censée les protéger des forces négatives. Pour le reste du monde, il renvoie une image agressive et menaçante. Or la Chine a justement, le 6 janvier, clairement mis en garde les États-Unis contre toute tentation de « montrer leurs muscles » en Asie. Selon Chine nouvelle, l’agence de presse officielle, « un excès de militarisme américain dans la région ferait l’effet d’un taureau dans un magasin de porcelaine et risquerait de mettre en danger la paix régionale ». L’avertissement constituait une réponse à Barack Obama, qui, la veille, avait présenté la nouvelle stratégie de défense de son pays. Reflet du programme d’austérité imposé au Pentagone, celle-ci prévoit d’importantes réductions budgétaires et un sensible allègement de la présence militaire américaine partout dans le monde. Sauf dans la région Asie-Pacifique, jugée « cruciale » par la Maison Blanche. ● AFGHANISTAN
Nouvelles exactions PASSE UNE BONNE JOURNÉE, mon pote. » C’est ce que déclare, sur une vidéo apparemment authentique postée sur YouTube et divers autres sites, un marine américain après avoir uriné sur le cadavre d’un taliban afghan. Quatre soldats d’élite en uniforme sont impliqués. Leur N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
hiérarchie a, le 11 janvier, promis de diligenter une enquête – ce qu’elle fera, à n’en pas douter. Mais ces exactions soldatesques ne risquent pas d’atténuer l’animosité de la population envers les troupes de la coalition. Ni de faciliter les négociations qui semblent s’amorcer avec les talibans.
DÉLIT D’INITIÉ ? « Non, je n’étais pas au courant, je n’ai jamais menti mais suis incapable de le prouver », répond Philipp Hildebrand, président de la Banque nationale suisse (BNS). C’est bien dommage. Il est en effet établi que son épouse a, le 15 août, deux jours avant que la BNS n’abaisse le taux de change du franc suisse, acheté 500 000 dollars qui ont dû lui rapporter une jolie plus-value. L’opération a de surcroît été réalisée à partir du compte de son banquier central de mari. Celui-ci a fini par démissionner, le 10 janvier. LE CHIFFRE QUI ÉCLAIRE
292752
EUROS : C’EST LE MONTANT brut de la liste civile – ce salaire des rois – allouée annuellement à Juan Carlos d’Espagne. Alors que son gendre, Iñaki Urdangarin, est impliqué dans un scandale de corruption, le souverain s’est résolu à jouer la transparence en rendant public le budget de la maison royale (8,43 millions d’euros). ÉTATS-UNIS
Back to Chicago SECRÉTAIRE GÉNÉRAL de la Maison Blanche depuis un an, il était le plus proche collaborateur du président. William Daley (63 ans) a démissionné le 9 janvier pour raisons familiales – mais il s’était vu, dit-on, retirer depuis peu certaines de ses prérogatives. Il sera remplacé par Jack Lew, actuel directeur du budget. Membre d’une illustre famille de Chicago, le fief électoral d’Obama (son père puis son frère en furent maires), il avait été secrétaire au Commerce dans l’administration Clinton. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Olivier Hoslet • Maxppp
GUANTÁNAMO
Les oubliés du camp Delta BARACK OBAMA AVAIT PROMIS de le fermer, mais 171 terroristes islamistes présumés y restent illégalement détenus. Le 11 janvier, pour le dixième anniversaire de l’ouverture par l’administration Bush du camp de Guantánamo, des manifestations de protestation ont eu lieu dans le monde entier, comme ici, à Bruxelles.
FRANCE
Super-Guéant a encore frappé CLAUDE GUÉANT est content. Les associations de défense des sanspapiers, beaucoup moins. Présentant le 10 janvier le bilan de son action, le ministre français de l’Intérieur a révélé que 32 912 étrangers en situation irrégulière avaient été expulsés en 2011, soit une augmentation de 17,5 % par rapport à l’année précédente et nettement plus que l’objectif fixé (28 000). MALAISIE
Opposant blanchi CINQ CENTS RINGGITS (125 euros) par foyer modeste, 100 ringgits par enfant scolarisé, 200 pour les étudiants… Sans parler d’une JEUNE AFRIQUE
sensible augmentation (entre 7 % et 13 %) pour les fonctionnaires… À un an des législatives, le gouvernement malaisien n’en finit plus de distribuer des cadeaux. Cela suffira-t-il pour conserver la majorité face à l’opposant Anwar Ibrahim, blanchi par la Haute Cour le 9 janvier d’une accusation de sodomie qui aurait pu lui valoir vingt ans de réclusion ? CORÉE DU NORD
Trop bon, ce Kim SON PRÉNOM SIGNIFIE « bonté ». Mais Kim Jong-un, le nouveau maître de Pyongyang, a-t-il vraiment bon cœur? Pour son anniversaire, le 8 janvier, il a annoncé qu’un certain nombre de prisonniers allaient être amnistiés le 1er février. Pour rendre hommage à son père défunt et célébrer les cent ans de la naissance de son grand-père, Kim Il-sung, en avril… Selon une ONG
sud-coréenne, 200000 prisonniers politiques seraient actuellement détenus dans des camps de travail. ROYAUME-UNI
Poker écossais LES INDÉPENDANTISTES du Scottish National Party ayant remporté la majorité absolue des sièges au Parlement écossais en mai, Alex Salmond, leur leader, envisageait d’organiser dans deux ou trois ans un référendum consultatif : oui ou non, les Écossais souhaitent-ils rester dans le Royaume-Uni ? Convaincu que l’aspiration indépendantiste est encore légèrement minoritaire – ce que les sondages semblent confirmer –, David Cameron, le Premier ministre britannique, tente de le prendre de vitesse en organisant son propre référendum, contraignant celui-là, dans dix-huit mois. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
23
24
Grand angle
SÉNÉGAL
Wade à l’heure
Le chef de l’État vise un troisième mandat à l’élection présidentielle de février prochain, plaçant le pays sous haute tension. Son obstination, envers et contre tout, est à l’image de ses douze années de pouvoir. La volonté de réformes est indéniable, la méthode à marche forcée plus critiquable. RÉMI CARAYOL,
D
envoyé spécial
ans vingt ans, que restera-t-il d’Abdoulaye Wade ? Le monument de la Renaissance africaine, raillent ses opposants. C’est une blague, mais elle est loin d’être innocente. À bien des égards, l’édifice inauguré en grande pompe en avril 2010 en présence du gratin continental symbolise les deux faces de l’ère « Gorgui » : des idées et du
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
volontarisme, l’ambition de laisser des traces, des rêves de grandeur, la quête de nouveaux bailleurs… Mais aussi une totale opacité sur le financement, une réalisation qui ne profite, pour l’heure, en rien aux Sénégalais, et un culte de la personnalité qui frise parfois le ridicule. Cette statue de bronze mettant en scène un homme, une femme et un enfant regardant vers la lointaine Amérique du Nord est, selon la légende, sortie tout droit de l’imagination de Wade. C’est lui qui a trouvé un mode de financement original (et JEUNE AFRIQUE
Grand angle ð L’INVESTITURE DU PRÉSIDENT CANDIDAT par le Parti démocratique sénégalais (PDS), le 23 décembre, à Dakar.
celui qui fut le premier de ses six Premiers ministres, Moustapha Niasse. S’arrêter sur ce seul symbole serait réducteur. En douze ans, Wade a considérablement modifié le visage du Sénégal. Les chiffres parlent pour lui : entre 2000 et 2010, le taux de croissance (+ 4 %) a été supérieur à celui de la décennie précédente, l’inflation a été maîtrisée, les recettes budgétaires ont augmenté… Des milliers d’écoles ont été construites. Le pays comptait 220 collèges et 48 lycées en 2000, il y en a respectivement 749 et 134 aujourd’hui. De nombreux dispensaires ont également été ouverts, le taux de mortalité infantile a baissé, l’accès à l’eau potable augmenté. Le pays a diversifié ses partenaires financiers. En précurseur, Wade s’est tourné vers les nouveaux riches arabes et asiatiques. Il a également fait de l’agriculture une priorité, via la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana).
AHOUNOU/APANEWS
AU PINACLE EN 2000. Et il y a tous ces grands travaux censés faire passer le pays dans le troisième millénaire : la corniche à Dakar et les hôtels de luxe qui vont avec, le port de Dakar façonné à la sauce Dubaï, l’aéroport Blaise-Diagne, l’autoroute, les nombreuses routes secondaires… Incontestablement – et même ses opposants en conviennent –, Wade s’est donné les moyens de faire du Sénégal un hub régional. « C’est un visionnaire et un homme de conviction », dit de lui un de ses anciens collaborateurs passé à l’opposition. Mais à Dakar comme ailleurs en Afrique, c’est toujours le même refrain : « Le bitume, ça ne se mange pas. » Si dans les campagnes Wade jouit encore d’une certaine popularité, dans la capitale (plus de 3 millions d’habitants, le quart de la population du pays) il polarise la déception. Le chômage reste élevé et la débrouille constitue toujours la règle. Ceux qui l’avaient porté au pinacle en 2000 étaient pour la plupart de jeunes électeurs en quête d’espoir… et de travail. Beaucoup sont restés à quai. Les innombrables délestages n’ont fait qu’exacerber la colère. Aujourd’hui, Wade ne peut plus se présenter Il jouit d’une certaine popularité comme le candidat du Sopi (« changement », dans les campagnes, mais en wolof). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la polarise les critiques à Dakar. coalition de partis qui le soutient a, en septembre dernier, troqué le nom d’Alliance Sopi pour toujours (AST) pour celui, moins romantique, de Forces alliées 2012 (FAL)… Mais le principal grief est ailleurs: « Wade a sapé les fondements de la République. » Ce n’est pas n’importe quel adversaire politique qui s’exprime. Il s’agit d’Aminata Tall, 62 ans, dont trente passés
des comptes décrié) et qui s’est tourné vers un pays jusque-là ignoré (la peu recommandable Corée du Nord) pour la construire. Mais aujourd’hui, elle ne cesse d’alimenter la polémique. Les touristes l’ignorent. Les Dakarois, au mieux, s’en moquent, au pire, la vomissent. « N’y avait-il pas mieux à faire dans un pays où l’on manque de tout ? » se désole Yayah Manè, un vendeur d’objets d’art qui la contemple chaque jour depuis son étal situé dans le quartier de Ouakam. La rumeur parle de malfaçons. Elle ignore en revanche que dans la boutique située au pied de la statue, en bas des 198 marches, les futurs visiteurs pourront se procurer un livre vendu 30 euros : Les Mathématiques de l’analyse économique moderne, signé Abdoulaye Wade… « Nous avons là l’exemple parfait de la mégalomanie de Wade », persifle l’un de ses principaux opposants, JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
25
26
Grand angle
Sénégal
aux côtés de « Gorgui ». Celle qui fut plusieurs fois ministre puis secrétaire générale de la présidence a rompu avec fracas en avril 2011. Aujourd’hui, à l’instar des Idrissa Seck, Macky Sall et autres cadres d’un Parti démocratique sénégalais (PDS) en pleine déliquescence, elle ne reconnaît plus l’opposant qui l’avait séduite. C’était alors « un homme ouvert au dialogue, à l’écoute de ses collaborateurs, qui avait une haute idée de l’être humain et était soucieux d’une justice ». Mais le pouvoir « l’a grisé », accuset-elle. « Il n’écoute plus que ceux qui vont dans son sens. Pour lui, l’homme est devenu une chose à manipuler » et la politique « un art de la ruse ».
souvent que de chemise et en faisant de la réforme constitutionnelle un exercice semestriel, le président a contribué à désacraliser sa fonction. Pour nombre d’observateurs, la candidature du chanteur Youssou Ndour est l’expression de ce phénomène
Si le scrutin conduit à des affrontements, son bilan sera définitivement entaché.
SCANDALES. Au Palais, on ne compte plus les intrigues, les disgrâces, alors que les « cadeaux » quotidiens offerts aux visiteurs alimentent la gazette. « Wade, accuse un proche, pense que tout s’achète. Il dit que les Sénégalais ne croient en rien si ce n’est à l’argent. » Aujourd’hui, il incarne ce Sénégal coupé en deux : d’un côté la corniche, ses villas, ses milliardaires ; de l’autre la banlieue et ses habitants, qui peinent à survivre entre insécurité et inondations. Mais il n’est pas seul responsable. « Il a hérité d’une situation dramatique après quarante ans de socialisme », plaide Amadou Sall, son porte-parole. Certes, mais les électeurs ont du mal à se souvenir de ce qu’était le pays il y a douze ans. Et ne retiennent que les scandales à répétition. Tout le monde se rappelle par exemple l’affaire Segura, du nom de ce représentant du Fonds monétaire international (FMI) qui s’était vu remettre, le jour de son départ, une somme rondelette (87 millions de F CFA, environ 132700 euros) dans une mystérieuse valise. Comme du temps d’Abdou Diouf, la justice a été utilisée à des fins politiques – les magistrats s’en plaignent régulièrement. Les institutions ont été ébranlées, dénonce le juriste Babacar Gueye (lire interview). En changeant de ministres aussi
CASAMANCE, UN ÉCHEC RETENTISSANT C’EST L’ÉCHEC LE PLUS CUISANT, et Wade le reconnaît lui-même : le processus de paix en Casamance reste au point mort. « J’avais dit à l’époque qu’il y en avait pour quelques mois pour résoudre le problème. Je le croyais. Malheureusement, ça n’a pas été le cas », a-t-il admis sur RFI début janvier, avant d’attribuer la responsabilité de l’échec à Salif Sadio, un des chefs de la branche armée de la rébellion. Mais pour nombre d’acteurs de ce conflit vieux de vingt-neuf ans, le président porte lui aussi une part de responsabilité. La stratégie adoptée en 2000 – diviser le mouvement en envoyant des émissaires afin de mener des négociations en coulisses, et écarter les pays voisins, la Gambie et la Guinée-Bissau, des pourparlers – est un échec. Les attaques mortelles contre les postes militaires se multiplient (plus de 20 soldats ont été tués entre décembre 2010 et mars 2011), les pillages aussi, et le marasme économique perdure. Face à la recrudescence des violences, Wade a dû se résoudre à demander l’aide des voisins bissau-guinéen et gambien. Un peu tard. ● R.C. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
– « Tout le monde se croit capable de diriger le pays », regrette le journaliste Cheikh Fadel Barro, leader du mouvement de jeunes Y’en a marre. Sa supposée volonté de transmettre le pouvoir en héritage à son fils a été plus mal perçue encore. Si son entourage (à commencer par le principal intéressé, Karim Wade) nie ce projet de « dévolution monarchique du pouvoir », tous ceux qui l’ont quitté ces derniers temps, Cheikh Tidiane Gadio, son ministre des Affaires étrangères de 2000 à 2009, et Aminata Tall en tête, en sont convaincus. « Wade se croit supérieur. Et le seul à même de continuer son œuvre, à ses yeux, est son fils », regrette un de ses collaborateurs. « UN BATTANT ». Les Américains le présentent,
dans leurs câbles diplomatiques (révélés par WikiLeaks), en véritable mégalo. Ils ne sont pas les seuls. « Tout doit tourner autour de sa personne », peste Moustapha Niasse. « Wade est hanté par Senghor. Son objectif absolu, c’est de rester dans l’Histoire », analyse le politologue Babacar Justin Ndiaye. Il « se considère comme étant de la même race que les grands chefs d’État africains tels que Julius Nyerere ou Nelson Mandela », jugeait un diplomate américain en avril 2008. Son plus grand rêve ? Obtenir le prix Nobel de la paix… Les Américains l’ont dépeint comme un Machiavel des temps modernes, un homme qui « use de tous les moyens possibles pour rester en place », comme l’a montré sa tentative (avortée) de changer le mode d’élection en juin dernier. « Diouf était un technocrate froid. Wade, c’est l’indigène qui accède au pouvoir : il se fiche des institutions. C’est un voyou, un voyou génial », assène en écho un observateur de la vie politique qui l’a régulièrement côtoyé ces dernières années. À ce titre, le PDS lui ressemble furieusement : c’est un parti prêt à tout pour gagner. Un de ses cadres le reconnaît sans vergogne : « S’il n’y avait pas de contrôle, évidemment que nous bourrerions les urnes. » Wade n’a que faire de ces critiques. Au contraire, elles le font avancer. « C’est un battant », dit de lui Cheikh Diallo, qui s’occupa de sa communication lors de sa campagne victorieuse en 2007 et se dit aujourd’hui impressionné par l’énergie qu’il dépense, à bientôt 86 ans. « Il adore être en campagne. » Est-ce pour vivre une dernière montée d’adrénaline qu’il a décidé de se représenter, après avoir juré le contraire ? Ou ne fait-il JEUNE AFRIQUE
Wade à l’heure des comptes que céder aux pressions de ces proches qui, selon plusieurs habitués du Palais, craignent de voir s’envoler leurs privilèges en cas d’alternance ou, pis, d’avoir affaire à la justice ? Malgré les discours rassurants de son entourage, selon lequel « le Sénégal ne peut pas tomber dans la guerre civile », il n’ignore pourtant pas les risques. « Sa candidature est un danger pour le pays, tous les signes avant-coureurs de la Côte d’Ivoire sont réunis. Quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel [sur la validité de sa candidature, NDLR], elle risque de plonger le pays dans la crise : si la candidature est invalidée, la majorité présidentielle se retrouve sans candidat ; si elle est validée, les risques d’affrontements sont
réels », répète Gadio à travers le monde depuis plusieurs mois. S’il ne se trompe pas, alors le bilan de Wade sera définitivement entaché. Les succès engrangés ces douze dernières années pourraient s’envoler en fumée en quelques jours. Tout dépend, à vrai dire, de la validation ou non de sa candidature par le Conseil constitutionnel – verdict attendu fin janvier; des heurts qui pourraient en découler de part et d’autre; de la transparence du scrutin présidentiel, dont le premier tour est fixé au 26 février. Bref, de l’état dans lequel il laissera la démocratie, cette fierté sénégalaise dont il a hérité il y a douze ans après sa victoire triomphale sur Abdou Diouf. C’était le temps de l’espoir. ●
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
ð « JE VOTERAI POUR QUE WADE DÉGAGE », Alioune Thiaw, 37 ans.
Les déçus du Sopi
En 2000, ils croyaient au changement en votant Wade. Depuis, l’espoir a laissé place à la colère.
E
n 2000, Alioune Thiaw avait 25 ans. Pour la première fois, cet étudiant se rendait aux urnes. Pour voter Abdoulaye Wade évidemment, comme une bonne partie des électeurs de sa génération. « C’est grâce à lui que j’ai décidé de remplir mon devoir de citoyen, assure-t-il. Et tous mes amis aussi. Sous [Abdou] Diouf, nous n’avions pas d’avenir. Notre seul espoir, c’était le changement. » C’est à cette jeunesse désireuse d’en finir avec quarante ans de socialisme que l’opposant historique avait dû la victoire. Mais cette même jeunesse, légèrement défraîchie, pourrait lui coûter sa réélection cette année. Car de ce premier vote, Alioune en parle avec nostalgie et colère. Aujourd’hui comptable dans une entreprise dakaroise, JEUNE AFRIQUE
vivant au Point E, un quartier relativement aisé de Dakar, il se dit « plus que déçu » par les douze années du Sopi (« le changement », en wolof ). « Le pays va mal, peste-t-il. Les étudiants ne trouvent pas de boulot, les prix ne cessent d’augmenter, on ne compte plus les coupures d’électricité, et les embouteillages nous pourrissent la vie. Il est où, le développement ? » « GÉNÉRATION Y’EN A MARRE ». Un peu plus d’un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle du 26 février, Alioune ne sait pas encore vers qui ira son choix. Mais il votera pour que Wade « dégage ». Un temps, il a pensé s’abstenir, comme en 2007. Puis il a été convaincu par le discours du mouvement Y’en a marre, qui défend une nouvelle
citoyenneté et a prôné l’inscription sur les listes électorales. Comme lui, les leaders de Y’en a marre ont la trentaine révolue. Comme lui, ils ont voté Wade en 2000. « Nous faisons partie de cette génération qui a découvert la politique avec Wade. La première fois que j’ai voté, c’était en 2000, explique le rappeur Thiat. Douze ans après, on a l’impression de revivre la même chose. Au lieu de créer un nouveau système politique, Wade n’a fait que reproduire celui mis en place par les socialistes. » Thiat et les autres animateurs de Y’en a marre sont devenus les porte-parole des jeunes désœuvrés. Certains, ceux qui ont bénéficié des programmes gouvernementaux, ne tarissent pas d’éloges sur le président sortant. C’est le cas de Khady Sène, 42 ans, qui a profité d’un prêt de l’Ofejban (Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue) pour ouvrir un atelier de couture à Pikine, situé à une heure de route du Plateau, le centre de la capitale. « Je lui dois beaucoup, je ne regrette pas mon vote en 2000. C’est le meilleur », dit-elle. Mais ils sont rares dans ce cas. Plus nombreux sont ceux qui, comme Moustapha Da Silva, 35 ans, regrettent un peu plus chaque jour d’avoir cru en Wade. « C’était mon premier vote. Quand il a gagné, j’étais tellement heureux… Je pensais que tout allait changer », raconte cet ancien militaire qui croupit au chômage depuis plusieurs années, dans sa lointaine banlieue de Guédiawaye. S’il n’attend pas grand-chose des autres candidats, Moustapha sait qu’il ne votera pas pour Wade: « Je me suis déjà fait avoir une fois. » ● RÉMI CARAYOL N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
27
Grand angle
Sénégal
QUESTIONS À | Babacar Gueye
Professeur de droit constitutionnel à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, juriste
« Wade n’a pas respecté la Constitution » JEUNE AFRIQUE : Quel regard portez-vous sur le bilan de Wade en matière de démocratie ? BABACAR GUEYE : Ce qui reste avant tout, c’est l’instabilité gouvernementale. Wade a eu six Premiers ministres, Abdou Diouf, en vingt ans, n’en avait eu que trois. Sans compter les incessants remaniements ministériels. Un ministre a été démis deux jours après avoir été nommé ! En outre, les gouvernements pléthoriques ont provoqué de nombreux chevauchements de missions et un certain flou quant au rôle de chacun. Enfin, je constate que Wade a fait du ministère de l’Intérieur, chargé des élections, un ministère très politique, alors qu’il était habituellement dirigé par un homme neutre. Et les nombreuses modifications de la Constitution, étaient-elles justifiées ? Il y en a eu 17 en huit ans. En moyenne, une tous les six mois ! Ce n’est pas une nouveauté : Diouf et Senghor l’avaient modifiée chacun une vingtaine de fois. Mais c’est trop. Certaines de ces modifications ne répondaient pas à une nécessité pour la République, mais à un besoin partisan. L’exemple le plus flagrant concerne le mandat du président de l’Assemblée nationale, passé de cinq à un an pour se débarrasser de Macky Sall [en 2008, NDLR]. Et comment expliquer qu’en 2001 on ait réduit le mandat présidentiel de sept à cinq ans, avant d’y revenir en 2008 ? Comment expliquer la création, en 2008, d’un poste de viceprésident, qui n’a jamais été pourvu depuis ? Le président n’a pas respecté la Constitution et, avec Wade, on a assisté à une banalisation des institutions. Le président Wade n’a-t-il pas également modifié le rapport de la République avec les confréries religieuses ? Oui, et c’est très grave. Après avoir été élu en 2000, il s’est rendu à Touba [le cœur du pouvoir mouride], où il a été filmé à genoux devant le khalife général assis dans son fauteuil. Cela a donné l’image très négative – et nouvelle – d’une République s’abaissant devant la religion. Puis il a proclamé son appartenance à cette confrérie et a lancé des menaces contre les chrétiens. Tout cela a créé la zizanie au sein des confessions, les dressant les unes contre les autres. Mais en matière de libertés publiques, Wade a été très libéral : la presse, par exemple, en a largement profité… C’est exact. La presse et l’opinion sont libres, mais la justice n’est pas encore totalement indépendante. ● Propos recueillis à Dakar par RÉMI CARAYOL N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
AHOUNOU/APANEWS
28
Président sans frontières Le chef de l’État s’est impliqué dans de nombreuses crises africaines : Côte d’Ivoire, Niger, Guinée, Madagascar, Darfour… Avec des fortunes diverses.
PHILIPPE PERDRIX
A
u-delà de ses frontières, Wade fait également du Wade. Rien de surprenant, à ceci près que la diplomatie est un art subtil qui tolère difficilement la fanfaronnade. Or, en près de douze années de pouvoir, le chef de l’État sénégalais s’est surtout fait remarquer par des « coups ». Parfois opportuns et courageux, souvent brouillons et velléitaires. Sa magie du verbe, il a voulu l’éprouver une première fois en Côte d’Ivoire après la tentative de coup d’État en septembre 2002. Mais Laurent Gbagbo ne veut pas de cette médiation. À juste titre, serait-on tenté de dire. En janvier 2001, « Gorgui » avait lancé à la cantonade : « Un Burkinabè souffre plus de racisme en Côte d’Ivoire qu’un Noir en Europe. » Ce n’était pas forcément faux, mais il est difficile après un tel coup d’éclat d’offrir ses services. Finalement, Wade choisit son camp : il accorde au chef rebelle Guillaume Soro un passeport diplomatique, et, plus récemment, il a ouvertement affiché son soutien au candidat Alassane Ouattara, reçu à Dakar le 4 novembre 2010, avant le second tour de la présidentielle. « Ces épisodes ont mis Gbagbo en furie. Entre les deux hommes, il y a toujours eu une bagarre pour le leadership », résume un haut diplomate ouest-africain. Avant d’ajouter : « Le problème, avec Wade, c’est qu’il a toujours voulu donner des leçons de démocratie, qu’il a toujours joué en solo et que cela a compliqué les choses. » Exemples : la Guinée, Madagascar et le Niger. « PAPA ». En décembre 2008, il soutient le
coup d’État de Dadis Camara à Conakry. Toutes les capitales sont alors en phase : à la mort de Lansana Conté, mieux vaut ce jeune capitaine que le chaos. Mais, rapidement, les choses se gâtent. Le président sénégalais insiste malgré tout et rend visite JEUNE AFRIQUE
Wade à l’heure des comptes
HO ; SEYLLOU/AFP ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; MORTEZA NIKOUBAZL/REUTERS ; IDRISSA SOUMARE
vedette, mais Wade s’est réellement investi dans le conflit du Darfour et aura tout fait pour favoriser le rapprochement entre N’Djamena et Khartoum. Et puis il y a surtout la Mauritanie, sa plus grande réussite puisqu’il est parvenu à convaincre l’opposition de participer à la présidentielle de juillet 2009, remportée par l’ex-putschiste Mohamed Ould Abdelaziz, qui avait entre-temps accepté de tomber l’uniforme, selon les termes de l’accord de Dakar signé un mois plus tôt. Belle manœuvre.
De g. à dr., avec ANDRY RAJOELINA (Dakar, mai 2009), MOUSSA DADIS CAMARA (Conakry, septembre 2009), ALASSANE OUATTARA (Dakar, mai 2011), MUSTAPHA ABDELJALIL (Benghazi, juin 2011) et MAHMOUD AHMADINEJAD (Téhéran, octobre 2009).
à quatre reprises à celui qui l’appelle « papa ». Le 12 septembre 2009, on le retrouve à la tribune lors d’un meeting à la gloire de Dadis. Le 28 septembre, la soldatesque guinéenne s’acharne sur les opposants. Bilan, plus de 150 morts. Wade est discrédité. Et c’est son « rival » burkinabè Blaise Compaoré qui récupère la médiation conduisant à la présidentielle de novembre 2010. En mars 2009, pour résoudre l’interminable crise politique dans laquelle s’enlise Madagascar, il invite chez lui les deux rivaux, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, « pour aboutir à une paix durable ». La Francophonie et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) mènent pourtant déjà des médiations… Aujourd’hui, la crise se prolonge. JEUNE AFRIQUE
LA SURPRISE BENGHAZI. Wade est
aussi un séducteur. Il est ainsi parvenu à développer des relations avec les ÉtatsUnis, l’Inde, la Chine, l’Iran, les pays du Golfe… et ce sans trop froisser la France. Ce n’est pas rien. Cette « diplomatie de la souveraineté », selon l’expression de son ancien ministre des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, a été un succès. Et il serait sans doute excessif de considérer que ce déploiement tous azimuts répondait à une seule obsession : obtenir le prix Nobel de la paix, comme l’affirment les diplomates américains en poste à Dakar dans leurs câbles révélés par WikiLeaks. Wade aime aussi rendre service. De la libération de l’otage française en Iran, Clotilde Reiss, obtenue par une discrète médiation suggérée par Paris puis médiatisée avec tambour et trompette, jusqu’au plan de paix israélo-palestinien, mis sur la table en 2008 malgré le refus de Tel-Aviv, Wade ne doute de rien. Et, adepte du contrepied, ne recule devant rien. Kaddafi devait le considérer comme un allié. Finalement, il aura été le premier chef d’État africain à reconnaître les insurgés libyens du Conseil national de transition (CNT), le 27 mai, avant
Début 2010, Mamadou Tandja, isolé et désavoué par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), veut jouer les prolongations au pouvoir. Bravache, de retour d’un sommet Kaddafi le considérait comme un de l’Union africaine, le allié. Il sera pourtant le premier à président sénégalais reconnaître les insurgés libyens. fait escale à Niamey le 2 février. Deux semaines de s’envoler pour Benghazi, le 9 juin. plus tard, son homologue nigérien est « Ce fut une grande surprise », assure renversé… Décidément, Wade porte notre diplomate ouest-africain. « Par la poisse. cet alignement sur la coalition, il espéMais il peut aussi offrir des solutions. rait une bienveillance occidentale sur Cela a été le cas en 2006, lorsqu’il a son ticket et son minimum bloquant largement contribué à la rencontreà 25 % devant lui assurer la victoire à surprise entre le Tchadien Déby Itno et la présidentielle », ose un responsable le Soudanais El-Béchir lors de l’investipolitique sénégalais. Si tel était le calcul, ture du premier, le 8 août. Mouammar c’est loupé… ● Kaddafi lui avait, ce jour-là, volé la N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
29
Sénégal 8
Une croissance erratique
Croissance du produit intérieur brut (PIB, %)
7
Les grands chantiers d’un président
6
Durant son dernier 5 mandat, Abdou Diouf était parvenu à 4 stabiliser la création 3 de richesse. Les amortisseurs de 2 l’État fonctionnaient 1 pour atténuer les 0 mauvaises récoltes agricoles ou les – 1 éventuelles secousses –2 extérieures. Sous Wade, les chocs sont – 3 plus violents. 1990 91 92 93 94 95 96 97 98 99 2000 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11
Infrastructures, énergie, agriculture… Abdoulaye Wade a multiplié les plans, les projets, les programmes. Effets d’annonce ? Pas seulement. La circulation à Dakar s’est améliorée et la production d’électricité et de céréales a augmenté.
DR; F. LAFITE
Grand angle
SOURCES : FMI ET BANQUE MONDIALE
De réelles avancées sociales 2000 2011 Population (millions)
12,8 9,4 FOTOLIA
30
les Malgré une augmentation sensible de la population, les progrès en matière de santé et d’éducation, déjà perceptibles sous Diouf, sont notables. En revanche, la pauvreté reste importante en dépit d’une progression du produit intérieur brut (PIB) par habitant. Cela pose la question des inégalités.
Espérance de vie à la naissance (années)
53,3
59,3
+
Taux de mortalité (des moins de 5 ans pour 1 000 naissances)
Dépenses publiques de santé (en % du PIB)
5,7
139 93
2,6
Économie: mention passable Routes, aéroport, production agricole, défi énergétique… Pas de doute, le chef de l’État a été ambitieux pour son pays. De quoi avoir le tournis et s’interroger sur le coût de certains projets.
le chantier de l’époque Wade: de l’audace dans l’ingénierie financière et une vision pour son pays. LES BONS PLANS DE WADE
MICHAEL PAURON
C
omme souvent chez Wade, la vision est juste et les projets lancés sont nécessaires. Problème, la logistique et les finances ont parfois du mal à suivre. Et au final, le bilan laisse un goût d’inachevé. Avec à la clé une question pour les électeurs : faut-il poursuivre ? INFRASTRUCTURES : POUR QUI ?
Autoroute à péage, aéroport international, corniche… Dakar est un chantier permanent.Cesseulsprojetssontévaluésà plusde1milliardd’euros…«Bienpluscher que ce que l’on peut voir ailleurs », estime ainsi Abdou Diop, expert-comptable dans un cabinet international marocain. Pour N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
lui, si le président Abdoulaye Wade s’est attaqué à juste raison à la mobilité urbaine dakaroise, « on peut se poser la question des priorités ». Ainsi les banlieues surpeuplées ne bénéficient-elles guère de la fluidité gagnée entre l’aéroport et le centre-ville. La transparence des appels d’offres est aussi pointée du doigt. L’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), gérée par le fils du président et ministre d’État, Karim Wade, et à l’origine de l’aménagement de la corniche avec sa quatre-voies, cristallise ainsi les critiques des détracteurs de Wade. En ce qui concerne l’aéroport international Blaise-Diagne, son financement hors budget de l’État restera comme
L’agriculture, qui fait vivre 60 % des Sénégalais, ne parvient pas à nourrir l’ensemble de la population. Les importations de produits alimentaires plombent la balance commerciale (– 16,5 % du PIB en 2011). À juste titre, Wade a voulu s’attaquer à cette situation, qui n’est d’ailleurs par propre au Sénégal. Mais qui se souvient du plan Reva, ou Retour des émigrés vers l’agriculture, lancé en 2006, lors de son premier mandat ? Les 60 millions de dollars ont donné peu de résultats. Après les émeutes de la faim en 2008, il lance la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana) pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2012. L’enveloppe est cette fois supérieure à 524 millions d’euros. Quatre ans plus tard, le pays importe encore les quatre cinquièmes de sa consommation de riz, JEUNE AFRIQUE
Wade à l’heure des comptes
les Taux d'alphabétisation des adultes (% de la population de plus de 15 ans)
L’AÉROPORT INTERNATIONAL BLAISEDIAGNE La livraison, initialement prévue pour la fin de 2011, a été repoussée à 2012. Cet aéroport aux abords de la capitale, qui ne devrait pas entrer en service avant 2014, doit permettre de multiplier par deux le trafic fret-passagers. L’ambition : faire de Dakar un hub. Une ambition à 350 millions d’euros.
+
Taux de scolarisation dans le primaire (% de la classe d’âge)
49,7
L’AUTOROUTE À PÉAGE Pour 580 millions d’euros, cette liaison doit relier la capitale à Diamniadio (et sa zone industrielle) en 2013 et à l’aéroport Blaise-Diagne en 2014. C’est bien vu, mais coûteux pour l’État. L’AGENCE NATIONALE POUR L’ORGANISATION DE LA CONFÉRENCE ISLAMIQUE (ANOCI) Dirigée par le fils du chef de l’État, Karim Wade, cette agence dotée d’un budget de 500 millions d’euros a certes défrayé
Dépenses publiques d'éducation (en % du PIB)
83,7
Produit intérieur brut (PIB) par habitant (dollars, 2000)
5,7 453
37,3 59
la chronique mais a bel et bien changé la physionomie de Dakar dans la foulée du sommet de l’OCI, en mars 2008. La route de la corniche et la construction d’hôtels de luxe ne sont plus de simples maquettes.
APA
LA GRANDE OFFENSIVE AGRICOLE POUR LA NOURRITURE ET L’ABONDANCE (GOANA) L’objectif est de parvenir à l’autosuffisance alimentaire en 2012. Nous en sommes encore loin,
malgré un budget de 524 millions d’euros annoncé en 2008.
539
les
-
Population vivant sous le seuil de pauvreté (%)
33,5 26,3
3,7 1 $ /jour
Jaber, en passant par la Société africaine de mais, selon les autorités, la production raffinage (SAR) reprise par Saudi Binladin locale de céréales a été multipliée par Group… Wade est souvent accusé d’avoir deux. La tendance est donc impulsée. bradé les fleurons du pays. « Ces privati« En fait, Wade a été trop ambitieux, sations ont manqué de transparence et explique l’économiste Moubarack Lô, d’encadrement », accuse Abdou Diop, un proche de Macky Sall, candidat à la présidentielle. Il est possible que le pays qui pointe les défaillances de Suneor. parvienne à l’autosuffisance alimentaire, Sur une production de 500 000 tonnes mais pas avant 2020. » Le plan Takkal, d’arachides en 2011, la société n’en a quant à lui, a redressé le secteur énergétique. Les À plusieurs reprises, le Fonds émeutes, en 2011, contre les monétaire international a tiré délestages ont pressé l’État la sonnette d’alarme. d’élaborer une nouvelle feuille de route. Facture : 1 milliard d’euros. Cela a déjà permis raffiné que 150 000 t et importe de l’huile d’augmenter la capacité de production de soja. Cela est vrai. Mais il est vrai égaélectrique et d’assurer l’alimentation lement que la Sonacos était exsangue et du réseau à Dakar. Et, cette semaine, le que la filière devait être restructurée. Pour gouvernement signe un contrat avec le ICS, le tableau est également mitigé. Les coréen Kepco pour la construction d’une Indiens absorbent la quasi-intégralité de nouvelle centrale. la production alors que le pays a besoin d’engrais. Mais ils ont comblé les dettes PRIVATISATIONS À PARFAIRE d’ICS et réinvesti dans l’outil productif. Les Industries chimiques du Sénégal Enfin, la SAR, à l’arrêt en 2006 pendant (ICS) recapitalisées par les Indiens d’Iffco, neuf mois, n’est pas encore sortie d’affaire. la Sonacos (devenue Suneor) rachetée L’un des actionnaires, le français Total, ne par Advens, du Franco-Sénégalais Abbas cachait pas son scepticisme dès le départ, JEUNE AFRIQUE
1,25 $ / jour
SOURCES : FMI, BANQUE MONDIALE, PNUD
PLAN TAKKAL Avec une enveloppe de 1 milliard d’euros, il s’agit de combler le déficit énergétique du pays. Lancé en février 2011, il doit s’étaler jusqu’en 2014. Le défi, en passe d’être relevé, est à la hauteur du financement : gigantesque.
refusant de participer au programme d’investissements. En comparaison, toutes ces privatisations font pâle figure par rapport à celle de Sonatel, dans les années 1990, première entreprise du pays, devenue leader de la sous-région dans la téléphonie. TROUS DANS LES FINANCES
« Il y a eu de bonnes années, et d’autres catastrophiques », résume Moubarack Lô. Le volontarisme du chef de l’État, qui a déséquilibré les comptes pour financer ses ambitions pour le Sénégal, est en cause. Résultat : les dépenses publiques sont passées de 20 % à 28 % du PIB en douze ans. « La masse salariale a été multipliée par deux, précise l’économiste. Le PIB et la pauvreté ont pratiquement stagné, ce qui veut dire que les dépenses n’ont pas été productives. » À plusieurs reprises, le Fonds monétaire international (FMI) a tiré la sonnette d’alarme. Néanmoins, « depuis deux ans, il semble que nous soyons revenus à une gestion plus orthodoxe », estime l’économiste. « La gestion des finances publiques s'est améliorée », a récemment tranché le FMI. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
31
32
Afrique subsaharienne
RD CONGO
Dans l’antre du
Sphinx
Depuis qu’il a « prêté serment », le 23 décembre, Étienne Tshisekedi se tait. Dans le quartier de Limete, où il vit retranché, le vieil opposant reçoit, consulte, mais ne s’exprime pas. Question de stratégie pour celui qui s’est proclamé président à l’issue de l’élection du 28 novembre. Rencontre.
TSHITENGE LUBABU M.K.,
A
envoyé spécial à Kinshasa
venue des Pétunias, quartier de Limete, à Kinshasa. C’est là qu’habite Étienne Tshisekedi, leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Là aussi que le vieil opposant (79 ans) s’est proclamé « président élu », le 9 décembre, et qu’il a « prêté serment », le 23. Quelques maisons avec jardins, des arbres sur le bord des routes et une succession de dos d’âne et de nids-de-poule. À quelques mètres de là, un pick-up de la légion nationale d’intervention, une unité de la police, monte la garde. Des policiers armés sont assis sous un arbre… Il faut présenter une pièce d’identité pour aller plus loin. La résidence d’Étienne Tshisekedi n’a rien d’un palais. Des murs blancs surmontés de barbelés, un grand portail noir et une trentaine de militants venus soutenir leur champion… C’est « une zone où aucun soldat, aucun policier n’a le droit de s’aventurer », explique un habitué des lieux. À l’entrée, un grand poster annonce « S.E. Étienne Tshisekedi wa Mulumba Président ». Dans la cour, des collaborateurs s’affairent. Deux 4x4, un Land Cruiser Prado et un Nissan. Il faut contourner la villa pour trouver Tshisekedi. Vêtu d’une chemisette beige et d’un pantalon marron clair, sandales aux pieds, il s’entretient avec des visiteurs. Sa femme, Marthe, est à côté de lui. Sur une table basse trône un petit transistor. Aucune garde pour assurer la sécurité ou protéger le leader de l’UDPS. On lui donne N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
du monsieur le président, mais sans solennité… L’ambiance est décontractée. Depuis qu’il a contesté les résultats officiels de l’élection du 28 novembre (qui lui donnaient 32,3 % dessuffrages,contre48,9%pourleprésidentsortant, Joseph Kabila), le Sphinx de Limete est devenu avare desaparole.Iln’accordeplusd’interviewsàlapresse et évoque « des raisons stratégiques ». Tout juste accepte-t-il de dire ce qu’il lit en ce moment (un ouvrage sur l’Université Lovanium, dans laquelle il a été étudiant) et de raconter qu’il écoute chaque jour Radio France Internationale (« et Radio Okapi », selon un membre de sa famille). Inutile d’insister pouraborderd’autresthèmes.Pourquoicemutisme? «Ilneparlerapasavantquelacommunautéinternationale, dont les représentants continuent d’arriver à Kinshasa, ne se prononce sur les dernières élections », explique Joseph Olenghankoy, dirigeant des Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus, opposition), qui le fréquente.
LE LEADER DE L’UNION POUR LA DÉMOCRATIE ET LE
(UDPS) entouré de ses militants, juste avant sa « prestation de serment », à Kinshasa. PROGRÈS SOCIAL
EXERCICE DU POUVOIR. Tshisekedi a déjà reçu la visite des ambassadeurs des États-Unis et de Grande-BretagneenposteàKinshasa.BanKi-moon, le secrétaire général de l’ONU, Jacob Zuma, le président sud-africain, Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), et Johnny Carson, sous-secrétaire d’État américain chargé des Affaires africaines, l’ont tous appelé – la plupart pour lui demander de ne pas faire descendre les Congolais dans la rue. Jacob Zuma, lui, a insisté JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
AFP
33
sur les actions violentes menées en Afrique du Sud par des Congolais se réclamant du chef de l’UDPS. Au quotidien, Tshisekedi a un emploi du temps précis. Le matin, il travaille dans son bureau et lit les rapports et les dossiers que lui ont préparés ses collaborateurs. « Cela porte sur le recouvrement de l’exercice du pouvoir, confie son conseiller politique, Valentin Mubake. Autrement dit, la maîtrise de l’armée, de la police et des forces de sécurité. Il est également question de notre programme de gouvernement et du fonctionnement des institutions issues des élections, et de l’insécurité que le pouvoir est en train de créer à travers le pays. » En fin de journée, Tshisekedi reçoit. Autour de lui: Valentin Mubake, mais aussi Albert Moleka, son directeur de cabinet, Jacquemin Shabani, le secrétaire général de l’UDPS, l’ancien occupant de ce même poste, Alexis Mutanda, Samy Badibanga, son conseiller spécial, et, bien sûr, son fils, Félix Tshisekedi. Autres personnes influentes, sa femme et Marcel Mbayo, un ami de longue date. AMBIGUËS. À Limete, la logique de l’affrontement
n’est pas à l’ordre du jour. Il n’est pas non plus question de former un gouvernement ou de nommer des ambassadeurs. « La priorité reste le rétablissement delavéritédesurnes,martèleAlbertMoleka.Étienne Tshisekedi ne demande pas qu’on le soutienne, JEUNE AFRIQUE
Pour l’instant, il n’est pas question de former un gouvernement.
lui ou son parti, mais que l’on soutienne le peuple congolais qui a clairement exprimé sa volonté de changement. » Ducôtédesautresformationspolitiquesdel’opposition, surtout celles qui ont soutenu Tshisekedi dès le départ, le ton reste ferme. Pour Diomi Ndongala, président de Démocratie chrétienne (DC), « Tshisekedi s’est fixé un timing. Il attend, prend tout le monde à témoin, avant d’envisager des solutions personnelles ». Au risque, peut-être, de se faire oublier. À moins qu’il attende les résultats des élections législatives, organisées le même jour que la présidentielle, et un rééquilibrage politique? « Non, réplique-t-on dans son entourage. Les résultats des législatives seront encore pires, et on peut déjà dire qu’ils ne compteront pas. » Désormais sous la surveillance de la police à Limete, Tshisekedi n’a pas de contacts avec Vital Kamerhe, bien que celui-ci l’ait reconnu comme vainqueur du scrutin. Encore moins avec Kengo wa Dondo, le président du Sénat, qui était également candidat le 28 novembre, et dont les prises de position lui ont semblé plus qu’ambiguës. À Kinshasa, certains reprochent à Kengo d’avoir félicité Joseph Kabila pour sa réélection et le soupçonnent de négocier un rapprochement avec le chef de l’État. Mais les prochesdeTshisekedisontconvaincusd’unechose: il récupérera sa « victoire ». ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Afrique subsaharienne KIOSQUE | New York Times • États-Unis
Au Nigeria, Boko Haram a le dos large Les violences se sont multipliées ces dernières semaines, et la secte est à chaque fois montrée du doigt. La situation, pourtant, est plus complexe qu’il n’y paraît.
D
EPUIS LE MOIS DE MAI et l’arrivée au pouvoir de Goodluck Jonathan, un chrétien originaire de l’État méridional du Delta, les membres de la secte islamiste Boko Haram, implantée dans le Nord-Est, ont été tenus pour responsables de la plupart des violences commises au Nigeria. Pourtant, il n’y a aucune preuve de l’existence même de Boko Haram en tant que groupe formellement structuré et idéologiquement cohérent. Les éléments dont nous disposons montrent même que si le noyau originel est toujours actif, des gangs criminels utilisent désormais le nom de Boko Haram. Les États-Unis ne doivent pas se laisser entraîner dans « la guerre contre la terreur » – réelle ou supposée – qui laisserait croire qu’ils ont pris position en faveur d’un chef d’État chrétien. S’en mêler risquerait de monter les musulmans nigérians contre nous, sans pour autant régler aucun des problèmes qui alimentent l’instabilité.
Depuis qu’en août le général Carter F. Ham, commandant de l’Africom, a prévenu que Boko Haram avait des liens avec Al-Qaïda, la menace s’est encore accrue. Le QG des Nations unies à Abuja a été attaqué, et, de manière assez simpliste, Boko Haram est systématiquement accusé. Un homme qui prétend être son porte-parole – mais que personne n’a pu rencontrer – a publié des communiqués revendiquant les attaques. Étonnamment, le gouvernement nigérian et les médias internationaux s’en sont contentés. […] À sa création, en 2002, et jusqu’à ce que la classe politique commence à l’instrumentaliser, Boko Haram était un mouvement pacifique. Ce n’est qu’à la mort de son leader MohammedYusuf, tué pendant sa détention en 2009, qu’il s’est tourné vers la violence. Pour se venger, ses membres s’en sont pris à
EMMANUEL WOLE/AFP
34
GOODLUCK JONATHAN (au centre, avec un chapeau), le 31 décembre, devant une église de Madalla attaquée quelques jours plus tôt.
des policiers, à des militaires et à des hommes politiques – tous musulmans. Et en 2009 déjà, il était clair, comme ça l’est encore aujourd’hui, que le problème prend ses racines dans la pauvreté. Des personnalités influentes de Maiduguri, ville d’origine de Boko Haram, plaident depuis le mois de juin pour que Goodluck Jonathan n’ait pas uniquement recours à la manière forte. En vain. L’armée et la police répondent
Dans le Nord, les gens ont plus peur de l’armée que des islamistes.
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
aux attaques par un usage immodéré de la force, et, dans le Nord, beaucoup de Nigérians craignent plus les forces de sécurité que Boko Haram. Dans le même temps, des organisations criminelles ont commencé à utiliser son nom. Un communiqué des services de sécurité nigérians publié le 30 novembre 2011 affirme que des membres de quatre « syndicats du crime » font aujourd’hui partie de Boko Haram.Trois de ces quatre « syndicats » sont dirigés par des Sudistes. Fin
décembre, c’est un chrétien originaire du Sud, mais vêtu à la musulmane, qui a été arrêté alors qu’il mettait le feu à une église dans le Delta. Au Nigeria, les apparences sont parfois trompeuses. Rien de tout cela n’excuse Boko Haram et le meurtre d’innocents, mais cela soulève un certain nombre de questions et montre combien la réalité est complexe. […] Goodluck Jonathan n’aide pas. Le soir du 31 décembre, il a déclaré l’état d’urgence dans plusieurs régions du Nord, en y augmentant de fait la présence militaire. Le 1er janvier, il a annoncé la suppression des subventions pétrolières – décision qui a entraîné le doublement des prix du carburant dans un pays où 90 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Depuis que les militaires ont quitté le pouvoir, en 1999, beaucoup ont utilisé les tensions ethniques, régionales ou religieuses pour servir leurs propres intérêts. Mais ce que veulent les musulmans du Nord, et finalement tous les Nigérians, c’est que l’on tente enfin de régler leurs problèmes (sécurité et niveau de vie), au lieu de les aggraver. ● JEAN HERSKOVITS Professeure d'histoire à l'Université d'État de New York JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
GUINÉE-BISSAU
Deux hommes (forts) pour le prix d’un Le putsch manqué du 26 décembre et la mort du président Sanhá, le 9 janvier, ouvrent un boulevard au Premier ministre, Carlos Gomes Junior, et à son allié, le chef d’état-major António Indjai.
I
l est fréquent qu’un putsch ait lieu dans les heures qui suivent la mort du chef de l’État. L’inverse est plus rare. C’est ce qui est arrivé en GuinéeBissau. Hospitalisé en France depuis plusieurs semaines, le président Malam Bacai Sanhá, pilier du puissant Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), s’est éteint à l’âge de 64 ans à Paris, le 9 janvier, quinze jours après une tentative de coup d’État sur laquelle ses services étaient restés étonnamment discrets. Les deux événements sont-ils liés ? Vincent Foucher, analyste chargé de la Guinée-Bissau au sein de l’ONG International Crisis Group (ICG), ne le pense pas. « Sanhá était hors jeu depuis plusieurs semaines », note-t-il. Sa maladie l’avait affaibli et ses absences répétées avaient ouvert un boulevard à son Premier ministre, Carlos Gomes Junior, avec qui ses rapports étaient houleux. « Sanhá s’est toujours présenté comme l’homme du dialogue, expliquait un observateur avant même que le décès du président ne soit connu, alors que Gomes a une ligne plus radicale. Le putsch manqué JEUNE AFRIQUE
du 26 décembre a renforcé ce dernier. » Aujourd’hui, Gomes et le chef d’étatmajor, le général António Indjai, ont fait le vide autour d’eux. Trois semaines après l’attaque avortée du siège de l’étatmajor de l’armée bissau-guinéenne par un groupe de soldats, le contre-amiral José Américo Bubo Na Tchuto, le très influent chef de la marine accusé d’en être le cerveau (et principal rival d’Indjai), est toujours détenu à Mansoa. À l’écart de la capitale, située 60 km plus au sud. À l’écart aussi des 25 autres militaires arrêtés à la suite de ce coup de force et qui sont incarcérés, eux, à Bissau. Soumis au silence, Na Tchuto ne peut répéter ce qu’il avait eu le temps de glisser à la presse peu avant son arrestation – à savoir qu’il n’avait rien à voir avec tout cela. NARCO-ÉTAT. Le Premier ministre a pro-
fité de la chasse aux mutins pour écarter ses rivaux au sein du parti majoritaire. Accusés d’avoir participé à la tentative de putsch, deux députés connus pour leur opposition à Gomes se sont, selon les autorités, « enfuis dans la nature ». Les informations autour de cette attaque étant
rares, et les luttes d’influence au sein de l’armée particulièrement mouvantes, les observateurs se perdent en conjectures. S’agissait-il d’une tentative de coup d’État visant à assassiner le chef d’étatmajor et le Premier ministre, ainsi que l’a affirmé le gouvernement? Ou assiste-t-on, dans ce pays qualifié par les États-Unis de « premier narco-État » d’Afrique, à un règlement de comptes sur fond de trafic de cocaïne? « Difficile à dire, admet Vincent Foucher. La seule certitude que nous avons, c’est que l’axe constitué par le chef d’état-major et le Premier ministre l’a emporté. » Selon l’analyste, « nous avons assisté à un 1er avril à l’envers ». Le 1er avril 2010, Indjai, alors chef d’étatmajor adjoint, avait fait mettre aux arrêts le chef d’état-major de l’époque, le général José Zamora Induta, ainsi que le Premier ministre, qui était déjà Carlos Gomes Junior. « Cette fois, au lieu de se faire bousculer, les autorités politiques et militaires ont triomphé. » Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette prise d’armes, parmi lesquelles l’opposition présumée des mutins à la réforme de l’armée. Initiée par la communauté internationale, mise en œuvre par le gouvernement et soutenue par l’Angola, très influent à Bissau (c’est la seule force militaire étrangère ayant un pied dans le pays), celle-ci doit ● ● ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
35
Afrique subsaharienne QUI APRÈS SANHÁ ? APRÈS AVOIR FAIT LE MÉNAGE au sein du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), majoritaire dans le pays, Carlos Gomes Junior visera-t-il la succession de Sanhá, élu en 2009? « C’est possible, estime un observateur. Compte tenu de la Constitution, plus parlementaire que présidentielle, il pourrait considérer comme plus sûr de conserver son poste de Premier ministre. » Il pourrait alors pousser la candidature d’un homme à lui, comme le président de l’Assemblée nationale, Raimundo Pereira. Depuis la mort de Sanhá, c’est lui qui, conformément à la Constitution, et malgré l’avis de l’opposition, qui ne lui fait pas confiance, assure l’intérim jusqu’à la présidentielle. Une tâche qu’il avait déjà accomplie en 2009, après l’assassinat de João Bernardo Vieira. ● R.C.
aboutir à une véritable purge, les effectifs devant passer de 12000 hommes à environ 3 000. Objectif : réduire le poids d’une institution qui, depuis l’indépendance, en 1974, reste le véritable socle du pouvoir politique et le pilier du trafic de cocaïne. Mais, dans l’armée, cette perspective ne fait pas l’unanimité. Na Tchuto, un officier apprécié dans les rangs et qui fut accusé une première fois de tentative de coup d’État en 2008 avant d’être blanchi et réintégré, est présenté comme un farouche opposant à la réforme. Gomes et Indjai ●●●
VINCENT FOURNIER/J.A.
36
! L’ANCIEN CHEF DE L’ÉTAT, à Paris, en mai 2009.
ont au contraire la réputation d’y être favorables – tout comme l’y était le président Sanhá. LISTE NOIRE. Ces derniers temps, des
lois sur la réforme de l’armée ont été adoptées. Le gouvernement a versé une première contribution de 500 000 dollars au fonds devant financer la démobilisation. Dans son dernier rapport, qui date du mois d’octobre 2011, le représentant des Nations unies à Bissau parlait de « signes encourageants ». Na Tchuto a-t-il voulu freiner le processus ? « Malgré ces
quelques avancées, il n’y a encore rien de concret », relativise un observateur de la vie politique bissau-guinéenne, qui ne croit pas à cette hypothèse. À Bissau, un autre scénario est avancé: la pomme de discorde entre Na Tchuto et Indjai ne serait pas la réforme mais le trafic de drogue. Depuis plusieurs années, Na Tchuto est soupçonné d’être l’une des chevilles ouvrières du trafic de cocaïne. En avril 2010, les États-Unis l’ont placé sur la liste noire des trafiquants. Mais, ces derniers temps, les rumeurs sur une possible implication d’Indjai dans ce trafic se font de plus en plus insistantes. Les deux hommes étaient-ils en concurrence ? Quelques jours après le coup de force, le Parti de la rénovation sociale (PRS), principale formation de l’opposition, affirmait que « la vraie cause des événements du 26 décembre réside dans l’atterrissage d’un avion plein de cocaïne aux abords de Mansoa avec la complicité du gouvernement ». Quoi qu’il en soit, pour beaucoup d’analystes, le raffermissement de l’alliance entre le chef d’état-major et le Premier ministre n’est pas un mauvais signe, au moment où le pays entre dans une nouvelle période de turbulences électorales. « Longtemps, les BissauGuinéens ont comparé leur pays au chaos somalien, explique Vincent Foucher. Aujourd’hui, on se dirige vers un régime ferme, à l’image de la Guinée équatoriale. » Est-ce un progrès ? Certains le pensent. ● RÉMI CARAYOL
Coulisses MALI VIVE LE PLASTIQUE BIO ! Après le Gabon, le Togo ou le Rwanda, le Mali se met à l’heure du sac plastique biodégradable. Le 6 janvier, les députés ont voté presque à l’unanimité l’interdiction des sacs plastique traditionnels. La mesure entrera en vigueur le 1er avril. Les associations de défense de l’environnement sont ravies, pas les N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
commerçants : les sacs conformes à la nouvelle loi coûtent en moyenne 30 % plus cher. NIGER SCÈNE DE CRIME À Niamey, les premiers éléments de l’enquête sur l’incendie qui a détruit le ministère de la Justice et soixante années d’archives, dans la nuit du 2 au 3 janvier, laissent peu de place au doute. L’hypothèse d’un court-circuit est exclue
(la Nigelec, la société nationale d’électricité, a rendu ses conclusions le 10 janvier), et c’est la piste criminelle qui est désormais privilégiée. Le Niger a fait appel a des experts français pour l’aider dans ses investigations. KENYA EN TOUTE IMPUNITÉ Coups, viols, arrestations arbitraires… Dans le nord-est du Kenya,
l’armée ne fait pas dans la dentelle, selon Human Rights Watch (HRW). L’ONG a affirmé, le 12 janvier, qu’elle avait recensé plusieurs cas de violences contre les réfugiés somaliens ou contre les Kényans d’ethnie somalie – des abus perpétrés en toute impunité, en dépit des promesses d’enquête, et très fréquents depuis que le Kenya a décidé de donner la chasse aux insurgés islamistes, en Somalie, en octobre. JEUNE AFRIQUE
ALEXANDER JOE/AFP
37
AFRIQUE DU SUD
100 ans… Et après?
Au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, le Congrès national africain a fêté, début janvier, son centième anniversaire. Une longévité exceptionnelle pour le plus vieux parti d’Afrique, miné pourtant par des divisions et des scandales depuis le départ de Mandela.
PIERRE BOISSELET,
«
A
envoyé spécial
mandla ! » s’exc l a m e Ja c o b Zuma. « Awethu! » lui répond la foule. (« Le pouvoir! », « À nous! »). Le 8 janvier, c’est avec un vieux slogan de la lutte contre l’apartheid que le chef de l’État et président du Congrès national africain (ANC) a une nouvelle fois galvanisé les masses,danslestadebondédeMangaung (autrefois appelé Bloemfontein). Ce jour-là, la plus ancienne JEUNE AFRIQUE
organisation politique du continent fêtait ses 100 ans. Entre l’ANC et les Sud-Africains,lesdécenniesdecombat ont forgé un lien unique dont la force se confirme élection après élection depuis l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela, en 1994. Fondé le 8 janvier 1912 à Bloemfontein, le Congrès national des natifs sud-africains (SANNC, le premier nom de l’ANC) est une réponse directe à la création, deux ans plus tôt, de l’Union de l’Afrique
! LE 8 JANVIER, PRÈS DE 100 000 PERSONNES ont assisté aux célébrations, à Mangaung (Bloemfontein).
du Sud, qui consacrait le rassemblement de tous les Blancs après la guerre entre les Anglais et les Boers. Pendant plus de quatre-vingts ans, le parcours des leaders du parti, ignorés et méprisés, puis traqués et emprisonnés, s’est confondu avec l’histoire tragique des Noirs d’Afrique du Sud. CLANDESTINITÉ. Mais l’ANC n’est
plus le mouvement qui luttait dans la clandestinité ou l’exil. Il est au pouvoir depuis près de dix-huit ans, et son bilan est bien loin des espoirs immenses nés avec la fin de l’apartheid. « Après son élection, Mandela nous avait dit : “Tout ne peut pas changer d’un jour à l’autre. S’il vous plaît, essayez d’être patients”, se souvient Paul Mashatile, ministre de la Culture et président de l’ANC dans la province du Gauteng, qui englobe Pretoria et Johannesburg. Maintenant, les gens commencent à nous dire: “On vous a donné assez de temps comme ça.” » À la place d’un régime raciste et liberticide, l’ANC a réussi à bâtir une démocratie où les droits des minorités sont respectés. En 1999, N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Afrique subsaharienne Enquête le rigide Thabo Mbeki remplace l’icône Mandela à la tête de l’État, mais est rapidement accusé d’autoritarisme au sein du parti. L’actuel président,JacobZuma,luiasuccédé avec des promesses de changement pour les pauvres, les sans-emploi et les syndicats, mais les problèmes persistent. Dans la première puissance du continent, plus de 25 % de la population active est encore au chômage. Depuis 1994, les inégalités sociales se sont accrues, et des émeutes secouent régulièrement les bidonvilles. PETITE BOURGEOISIE. En 1955, la
Charte de la liberté, texte fondateur de l’ANC, annonçait pourtant des réformes ambitieuses. Le monument qui se dresse en son honneur à Soweto depuis 2005 témoigne du culte que le parti continue de lui vouer. Outre l’avènement d’une démocratie multiraciale, la charte prévoyait le transfert au peuple « des richesses du sous-sol, des banques et des monopoles industriels », ainsi que la « redistribution » des terres. Le parti, autrefois adepte d’un lobbying trop poli, avait fini par se convertir aux actions de masse sous l’impulsion de la Ligue de la jeunesse, cofondée par un jeune hommetéméraire,NelsonMandela, qui écrivait dans un article resté célèbre (« La liberté au cours de nos vies ») : « La réalisation de la charteestinconcevable[…]sansque ces monopoles soient détruits et la richesse nationale du pays donnée au peuple. » En1961, c’estaveccet objectif que Mandela met fin au pacifisme de l’ANC en créant sa branche armée, Umkhonto we Sizwe. Mais, une fois arrivé au pouvoir, après vingt-sept années passées en prison, il adoptera un tout autre programme. Mandela, désormais, a d’autres priorités. Il lui faut redresser une économie en plein naufrage, éviter le bain de sang et apaiser les peurs blanches. Aujourd’hui, le président de la Ligue de la jeunesse de l’ANC, Julius Malema, très populaire parmi les jeunes et les chômeurs, a retrouvé la rhétorique des années 1950, et son programme – nationalisation des N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
L’ANC, de l’ombre à la lumière
DRUM SOCIAL HISTORIES/BAILEYS AFRICAN HISTORY ARCHIVE/AMO/SIPA
38
mines, saisie des grandes exploitations agricoles – rappelle la Charte delaliberté.Quantàsonmotd’ordre («Lalibertééconomiqueaucoursde nos vies »), il s’inspire directement de celui du jeune Mandela. Mais ses excès verbaux lui ont valu, en novembre dernier, une exclusion du parti (décision contre laquelle il a fait appel), qui peine à masquer les profondes divisions de l’ANC. « Le parti a toujours été dirigé par la petite bourgeoisie noire qui défendait ses intérêts de classe, analyse Dale McKinley, auteur de The ANC and the Liberation Struggle: A Critical Political Biography. Ses leadersn’ontadoptéundiscoursradical que pour séduire les masses. » « Ce n’est pas un manque de volonté mais c’est vrai: nous n’avons pas pu transformer l’économie et faire en sorte que notre peuple soit mieux représenté, reconnaît Essop Pahad, ministre à la Présidence de 1999 à 2008. Mais il faut rappeler les circonstances de notre arrivée au pouvoir: les économies soviétiques s’étaient effondrées et la mondialisation du capitalisme a créé un environnementtrèshostileauxpolitiques progressistes. » L’Afrique du Sud a aussi assisté à l’effondrement de son voisin zimbabwéen, qui, en appliquant brutalement les recettes simplistes prônées par Malema, a démontréqu’unsimpletransfert ● ● ●
1912
Création, dans une église de Bloemfontein, du Congrès national des natifs sud-africains, l’ancêtre de l’ANC. Le révérend John Dube (au centre, sur la photo) en prend la tête. L’année suivante, le Natives Land Act interdit aux Noirs de posséder des terres en dehors des zones qui leur sont assignées (7 % du territoire).
1948
Le Parti national arrive au pouvoir et fait voter les lois ségrégationnistes d’apartheid.
1955
Adoption de la Charte de la liberté, qui sera l’un des textes fondateurs de l’ANC.
1961
L’ANC est interdit en avril. En décembre, Nelson Mandela forme Umkhonto we Sizwe, la branche armée du parti qui mène des actes de sabotage.
1964
Arrêté en 1962, Mandela est condamné à la prison à vie.
1967
Exilé, Oliver Tambo, compagnon de route de Mandela (il a créé avec lui la Ligue de la jeunesse de l’ANC en 1944), prend la tête du parti.
JEUNE AFRIQUE
DAVID BRAUCHLI/AP/SIPA
ANC : 100 ans... Et après ?
Février 1990
REUTERS/RADU SIGHETI
Légalisation de l’ANC. Détenu depuis vingt-sept ans, Mandela est libéré. Les lois d’apartheid sont abolies en juin 1991. Le mois suivant, Mandela prend la tête de l’ANC.
de la propriété des terres et des entreprises ne suffisait pas. Jusqu’à maintenant, l’ANC a privilégié une autre voie: développer les qualifications et agir sur les fondements de la croissance économique. Le gouvernement affirme que 93 % des ménages ont accès à l’eau potable, contre 62 % en 1994; 84 % d’entre eux ont désormais l’électricité, contre 36 % en 1994. Un système de protection sociale a étémissurpiedetbénéficieàprèsde 15millionsdeSud-Africains.Enfin,le systèmeéducatif,sciemmentlaminé par le régime d’apartheid, enregistre de lents progrès. La proportion de titulaires du baccalauréat est passée de 21 % à 26 % entre 2002 et 2010, et celle des diplômés du supérieur, de 9 % à 11 %. Mais les Sud-Africains auront-ils la patience de soutenir l’ANC jusqu’à ce que ces efforts portent leurs fruits?
●●●
MALVERSATIONS. À première vue,
1994
L’ANC remporte les premières élections au suffrage universel jamais organisées en Afrique du Sud. Nelson Mandela est élu président et succède à Frederik De Klerk.
JEUNE AFRIQUE
le parti reste vigoureux. « L’ANC a maintenant 1 027 389 membres », s’est enthousiasmé Zuma dans le stadedeMangaung.C’est400000de plus qu’en 2007, mais, pour Essop Pahad, c’est surtout un énorme défi. « Nous avons sous-estimé le changement que représente le fait d’être au pouvoir, explique-t-il. Les gens n’adhèrent plus en étant prêts à sacrifier leur vie: ils le font en
pensant que cela va leur permettre de s’enrichir. » Lesréussitesspectaculairesdecertainsvétéransnesontpasétrangères à cette idée. L’ancien syndicaliste Cyril Ramaphosa, secrétaire général de l’ANC après sa légalisation en 1990, figure au dernier classement Forbes des hommes les plus riches d’Afrique (avec 275 millions de dollars). Après avoir passé treize ans en prison aux côtés de Mandela à Robben Island, le ministre du Logement, Tokyo Sexwale, a bâti le groupe Mvelaphanda, dont les activités s’étendent de la finance aux mines, jusqu’en RD Congo et en Angola. Et si les plus grandes fortunes du pays restent aux mains des Blancs, la politique du Black Economic Empowerment (discrimination positive) a permis l’émergence d’une classe de grands propriétaires, qui conjuguent souvent fortune et influence politique. Comme un symbole, ce sont des accusations de corruption qui ont failli coûter à Jacob Zuma le fauteuil présidentiel lors des élections de 2009. « C’est au début des années 1990, quand beaucoup d’anciens combattants sans le sou ont commencé à rentrer d’exil, que la corruption a commencé à s’enraciner au sein de l’ANC », observe Heidi Holland, journaliste et auteure de 100 Years of Struggle, Mandela’s ANC. Aujourd’hui, il ne se passe plusunesemainesansqu’uneaffaire de malversation fasse la une des journaux, dessinant l’image d’une classe politique corrompue. Ce n’est pas sans conséquences. L’ANC perd lentement mais sûrement des électeurs. Lors du scrutin municipal de mai, mis à part dans le KwaZulu-Natal, la région de Jacob Zuma, le parti est partout en perte devitesse.En2014,lagénérationdes bornfree,quin’ajamaisconnul’apartheid, votera pour la première fois, et elle est sans doute moins sensible aux anciens faits d’armes de l’ANC. Le parti est à la croisée des chemins. En décembre, son avenir (et celui de son président, qui arrivera au terme de son mandat) se jouera lors d’un congrès décisif à Mangaung. Là où il avait débuté, il y a un siècle, son long chemin vers la liberté. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
39
Maghreb & Moyen-Orient
40
TUNISIE
Démocra Un an après la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali, l’euphorie et l’union sacrée ont cédé la place à l’inquiétude et à l’agitation permanente. Pourtant, les acquis de la révolution sont déjà considérables et de nature à nourrir l’espoir. MARWANE BEN YAHMED
I
PHOTOS : CHRISTOPHE ENA/AP
l est au moins un sentiment suscité par la Tunisie et qui fédère amis et ennemis, fils et filles du pays comme étrangers, c’est l’inquiétude. Il en est ainsi depuis un an et la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali, dont J.A. vous propose en exclusivité une minutieuse reconstitution. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, au lieu de s’atténuer, cette inquiétude, nourrie par les mille et une informations ou rumeurs qui circulent quotidiennement dans les médias, sur internet ou dans la rue, ne fait que grandir. Chaque geste ou déclaration des principaux acteurs de la transition est scruté à la loupe, puis commenté et, surtout, critiqué. Tel ministre n’aurait pas les compétences requises, tel autre ne serait pas blanc comme neige, le Premier ministre, Hamadi Jebali, serait extrêmement malade, les droits des femmes seraient menacés, tout comme les Juifs du pays… Le président de la République, Moncef Marzouki, dont le franc-parler et le caractère spontané, pour ne pas dire impétueux, ne sont un secret pour personne, multiplie les déclarations controversées (sur la colonisation française, lors de sa visite à Paris, sur le Front islamique du salut, que les autorités d’Alger auraient dû laisser remporter les élections, enjanvier1992,pours’éviterdesmorts Ì Avenue inutiles, etc.). Il en va de même pour Habib-Bourguiba, SOUS LES FENÊTRES le chef du gouvernement, dont on se DU MINISTÈRE DE souvient de la « sortie » sur la marche L’INTÉRIEUR, du pays vers le « sixième califat ». C’est le 14 janvier 2011. le grand bazar, tout le monde dit ce qui lui passe par la tête, découvre laborieusement son nouveau rôle, doute, voit partout des complots, peine à trier le bon grain de l’ivraie. La machine à fantasmes marche à plein régime. Et les interrogations demeurent légion. Quid des relations au sein de la « troïka » – les islamistes d’Ennahdha, le Congrès pour la République (CPR) de Marzouki et Ettakatol de Mustapha Ben Jaafar – qui dirige le pays ? C’est un peu le triangle des Bermudes tunisien. L’opposition? Idem. L’agitation sociale ● ● ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
tie, an I
JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
41
Maghreb Moyen-Orient Tunisie ● ● ● et son cortège de manifestations, de sit-in et de tomates jetées à la face des dirigeants politiques ? Plus personne ne s’en étonne. De Bizerte à Tataouine, pas facile d’être chef aujourd’hui, quand tout le monde est devenu « révolutionnaire ». Ainsi va la Tunisie, éclaireur sans carte ni boussole sur les routes escarpées et labyrinthiques de la démocratie… Pourtant,depuisle14janvier2011,quedechemin parcouru! Cahin-caha, certes, mais tout de même. L’euphorie et l’union sacrée passées, les Tunisiens ont fait un choix difficile – et unique parmi les pays arabes qui leur ont emboîté le pas – mais logique: celui de tout reprendre de zéro, sans violence, pour repenser le système politique et l’expurger de ses brebis galeuses, expliquer sa démarche, convaincre, rassurer, montrer une voie, refonder la justice, la policeetl’administrationsansparalyserlepays,gérer les affaires courantes, trouver de l’argent… Et donc élire une Constituante chargée d’écrire ce nouveau chapitre à partir de rien, ou presque, puisque même ce qui fonctionnait avant le 14 janvier était à jeter aux orties. L’organisation d’un scrutin transparent et pluraliste – une première dans l’histoire du pays – et la constitution d’un échiquier politique passé en quelques mois du trou noir à la constellation étaient
Exclusif
deux gageures que le gouvernement provisoire et l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dirigée par Kamel Jendoubi, ont réussies avec brio. Revers de la médaille de cette quête forcément plus longue qu’espéré, tout est provisoire,intérimaire,éphémère.Lesdirigeants–de Mohamed Ghannouchi à notre troïka, en passant par Béji Caïd Essebsi – sont en CDD courte durée, interdits de se projeter sur le long terme, fragiles et sans cesse contestés. Et pourtant, tout le monde se bat pour devenir chef. Allez comprendre… Libertéd’expression,démocratie,pluralisme,lutte anticorruption sont de vrais acquis de la révolution. La Tunisie de 2011 et de 2012, véritable laboratoire au sein duquel tout le monde s’agite et cogite, n’a plus rien à voir avec le pays rongé de l’intérieur et sclérosé de Ben Ali. Sauf sur un point, essentiel, principal détonateur de la révolte, l’envers du décor du « miracle tunisien » jadis vanté: le chômage, la pauvreté et l’absence de perspectives pour une proportion effarante de la population. En particulier dans les régions d’où la fronde est partie, entre Gafsa, Kasserine et Sidi Bouzid. Pour eux, ces oubliés de la République devenus ceux de la révolution, rien n’a changé un an après. Et là, en revanche, il y a réellement de quoi s’inquiéter… ●
La véritable histoire du 14 janvier
Sur la base de plusieurs auditions et témoignages d’acteurs directs, J.A. a pu reconstituer la chronologie de la fuite de Ben Ali et des siens. ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis
U
n an après la fuite précipitée de l’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali, il paraît de plus en plus incontestable que c’est le peuple tunisien qui l’a poussé dehors. Mais cette journée mémorable du 14 janvier 2011 n’a pas encore révélé tous ses secrets. Au fur et à mesure que les témoins s’expriment, des morceaux de vérité surgissent, mais aussi des soupçons de complot et de désinformation, une amnésie souvent feinte, des contradictions, ou tout simplement des faits qui prouvent que les concours de circonstances ont eux aussi joué un rôle. S’appuyant sur plus d’une vingtaine d’auditions d’anciens responsables et à la lumière d’une enquête auprès de plusieurs acteurs directs, Jeune Afrique reconstitue ici les temps forts de cette journée clé qui fit basculer la Tunisie, N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
ONS ABID
42
arabe. marquant le début du Printemps arabe Tout a commencé par une coïncidence anecdotique. Le 17 décembre 2010, au moment où Mohamed Bouazizi, un
marchand ambulant, s’immolait par le feu dans la ville rurale de Sidi Bouzid (centre de la Tunisie) et déclenchait le mouvement de contestation, Ben Ali et son épouse, Leïla Trabelsi, ainsi que leurs enfants s’apprêtaient à embarquer à bord de l’avion présidentiel pour aller passer les vacances de fin d’année en Malaisie. Ben Ali avait promis à son fils Mohamed, alors âgé de 6 ans, de l’y emmener. Mais à la dernière minute, le voyage est reporté de quelques jours. Non pas à la suite de l’acte tragique de Bouazizi, mais parce l’ac que Leïla ne s’était pas encore remise qu d’une opération de chirurgie esthétique d’ pratiquée dans la clinique aménagée pr au sein même du palais présidentiel de Sidi Dhrif, à Sidi Bou Saïd. La Malaisie Si étant trop lointaine pour un retour en ét cas d’urgence, c’est vers Dubaï, l’une ca des destinations préférées des Trabelsi, de à cinq heures de vol de Tunis, que l’avion présidentiel, un Airbus A340, acquis en pr 2009 pour 300 millions de dollars payés 20 par l’État, s’envole, le 23 décembre. La pa situation sécuritaire allant en s’aggrasi vant, le séjour est écourté de vingt-quatre va heures. De retour le 28 décembre, Ben Ali, mécontent qu’on ait ainsi gâché les vacances de son fils, prononce ce jour-là JEUNE AFRIQUE
La véritable histoire du 14 janvier sans indication de sa fonction. » Seriati soutiendra que l’enquête aussitôt engagée au sein de la sécurité présidentielle n’a rien donné. C’était probablement une intox, comme il y en aura bien d’autres dans les cercles du pouvoir pendant les jours qui suivront.
HICHEM
13 janvier. La révolte ayant atteint les
le premier des deux discours musclés qui vont attiser un peu plus la révolte. Laquelle gronde dans le centre et le sud du pays, avant de s’étendre ensuite au nord, pour finalement le « balayer », le 14 janvier. 9-10 janvier. À la première réunion de coordination entre les hauts responsables des forces de l’ordre de l’intérieur (police et garde nationale) et de l’armée, le général Ali Seriati, chef de la sécurité présidentielle depuis onze ans, joue le rôle central que lui confère sa proximité avec le chef de l’État. Le général Rachid Ammar, chef d’état-major de l’armée de terre, prend dès le lendemain des dispositions pour éviter la confusion des rôles entre les opérations de maintien de l’ordre dévolues au ministère de l’Intérieur et la protection des institutions de l’État et des édifices publics, qui revient à l’armée. Se fondant sur les règles traditionnelles de l’armée républicaine, il adresse, le 10 janvier, un « télégramme administratif » aux unités militaires pour leur signifier « l’interdiction de l’usage des armes à feu, sauf accord direct du commandement ». Une copie est adressée à Ben Ali. Ammar prend ainsi les devants. « Je n’ai pas reçu l’ordre de tirer pour que j’aie à dire non », déclarera-t-il.
43
de la capitale] pour demander la chute du régime. J’ai faxé copie de ce document au directeur général de la sûreté nationale et au chef d’état-major de l’armée de terre. Ma conclusion: la journée de ce vendredi va être difficile. » Ben Ali ordonne alors qu’on ne divulgue pas le nombre de morts. Plus tard, le chef de l’État demande à Seriati de le rejoindre à nouveau dans son bureau, au palais de Carthage, pour prendre les dispositions conservatoires
faubourgs de la capitale, Seriati discute avec Ben Ali de la situation sécuritaire : « Je l’ai informé que la situation était délicate et que les On dénombre 28 morts en vingtforces de sécurité n’étaient quatre heures, dont 6 au Kram, plus en mesure de la contrôà 3 km du palais de Carthage… ler. » Vers 19 heures, Ben Ali prévient Seriati que « Belhassen Trabelsi [le frère de Leïla, afin d’assurer la sécurité du palais présiNDLR] signale une tentative d’attaque dentiel. Seriati: « Je lui ai présenté un plan contre son domicile du côté de La Soukra d’urgence pour assurer son évacuation par des individus non identifiés ». Seriati et celle de sa famille du palais de Sidi envoie une patrouille sur les lieux, laquelle Dhrif [où le couple présidentiel réside] ou n’y trouve personne. Ben Ali: « Renforcez du palais de Carthage en cas d’attaques. la protection des domiciles des membres Trois hypothèses: l’évacuation par mer ou de la famille Trabelsi. » À 21 heures, Seriati par hélicoptère en direction du palais de appelle Rachid Ammar : « Positionnez Hammamet [à 60 km au sud de Tunis], ou des unités militaires autour du palais par avion présidentiel vers un endroit sûr, présidentiel, en coordination avec la garde qui était, selon moi, l’aéroport d’Enfidha [à présidentielle. » 150 km au sud de Tunis]. Mais il ne m’est pas venu à l’esprit que cela pourrait être 14 janvier, au matin. Ce jour-là, Ben Ali à l’étranger, Ben Ali m’ayant alors semblé joue à quitte ou double. La veille au soir, exclure cette possibilité. » dans son troisième discours depuis le début des événements, il a fait de nouVers 10 heures. Ben Ali à Seriati : « J’ai velles promesses afin de se maintenir au été informé par des membres de la famille pouvoir jusqu’en 2014. Une manifestation, Trabelsi que des agents des services de à l’appel notamment de l’Union générale sécurité habillés en civils étaient en train tunisienne du travail (UGTT) et des avode guider certains manifestants vers leurs cats, est prévue dans la capitale. Le matin, maisons. Vérifiez. » Seriati au général dans le bureau de Ben Ali, Seriati fait son Ammar : « Multipliez les patrouilles ● ● ● rapport des événements des dernières vingt-quatre heures. Le nombre de tués par balle s’élève à 28, dont 8 dans la capitale et ses environs (on dénombre 6 morts au Kram, à 3 km du palais présidentiel de Carthage). « Je l’informe également d’un document publié sur internet indiquant qu’un certain nombre d’internautes prévoyaient des rassemblements et des sit-in sur l’avenue Bourguiba [principale artère
12 janvier. Ben Ali à Seriati : « J’ai reçu
JEUNE AFRIQUE
HICHEM
des informations émanant de soi-disant services spéciaux britanniques selon lesquelles il y aurait une taupe au sein de la présidence, sans identification et N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Maghreb Moyen-Orient Tunisie
44
TRIBUNE
Opinions & édiitoriaux éditoriaux
Puisse la raison l’emporter
VINCENT FOURNIER/J.A.
I SOUHAYR BELHASSEN Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)
LY ATOUT JUSTE UN AN, Ben Ali et son clan étaient renversés. Les Tunisiens obtenaient leur première grande victoire depuis l’indépendance et libéraient par la même occasion de formidables énergies. Le citoyen, l’individu libre faisait irruption dans l’espace public, bien décidé à donner naissance à une véritable démocratie! Nombreux furent les observateurs qui exprimèrent des doutes quant à la capacité du pays à se reconstruire. Certaines craintes pouvaient être légitimes : la Tunisie passait brutalement d’un régime autocratique à une transition issue d’une révolution populaire.
Mais lesTunisiens et lesTunisiennes ont fait montre d’une grande maturité et, le 23 octobre, huit mois après la fin du régime Ben Ali, ils trempaient avec fierté et émotion leur index dans l’encre bleue et élisaient les membres de l’Assemblée constituante. Les premières élections libres et démocratiques depuis cinquante-cinq ans ! Le résultat : la victoire du parti Ennahdha. Ce sont les islamistes, principales victimes de la répression du régime Ben Ali, qui se sont imposés par les urnes, leur mouvement ayant poursuivi sur le terrain, notamment dans les régions et les quartiers populaires, sa mobilisation et son soutien aux plus défavorisés. Leur victoire, bien qu’attendue, a toutefois surpris par son ampleur. Le mouvement de protestation qui a conduit à la révolution a aussi débouché sur l’émergence d’un courant fondamentalement démocratique, lequel tente de poser les principes et de jeter les bases d’une société arabe moderne. Ce mouvement démocratique qui s’est lancé avec enthousiasme dans la révolution et qui l’a portée et nourrie a sous-estimé l’intérêt d’une partie de la population pour Ennahdha. Le projet de société du parti islamiste doit-il inquiéter ? Beaucoup s’interrogent. Est-ce que laTunisie va refermer sa parenthèse réformiste ouverte dès la fin du XIXe siècle en adoptant une autre philosophie politique, un autre projet de société? Jusqu’à il y a peu, le parti Ennahdha faisait assaut de promesses démocratiques que les faits sont en train de démentir. Car depuis le 23 octobre, ses cadres et dirigeants
ont adopté des positions qui menacent des acquis importants. Ainsi, Souad Abderrahim, élue à l’Assemblée constituante, a défrayé la chronique en accusant les femmes célibataires d’être « une infamie ». D’autres dirigeants ou membres d’Ennahdha ont remis en question la loi sur l’adoption plénière d’enfants, laquelle existe enTunisie depuis 1958, ce qui en fait une exception dans le monde arabo-musulman. Il est également significatif que le premier dirigeant du monde arabe reçu par Ennahdha soit Ismaïl Haniyeh, le dirigeant du Hamas palestinien. Les quelque 2 000 militants du parti au pouvoir qui l’ont accueilli ont scandé, entre autres, des slogans antisémites. Pis, les autorités n’ont à ce jour pas condamné les actions violentes des salafistes lors de projections de films
Les craintes ne sont pas seulement celles d’une « élite occidentalisée ».
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
qu’ils jugeaient sacrilèges, contre les synagogues et les maisons closes, ainsi qu’à l’intérieur même des universités. Enfin, les salafistes ont été jusqu’à imposer leur loi dans le village de Sejnane (nord-ouest de la Tunisie). Ces comportements et le silence du gouvernement suscitent, dans une grande partie de l’opinion, de vives inquiétudes. Et ces craintes ne sont pas le propre d’une « élite occidentalisée ». Elles se diffusent dans toute la société, profondément façonnée, qu’on le veuille ou non, par plus d’un demi-siècle de modernisation. Une chose est certaine, c’est que leur mobilisation pour dénoncer ces propos et ces actes montre que lesTunisiens ont été, jusqu’à présent, réactifs et modérés. Si l’année qui vient de s’écouler a laissé entrevoir des déchirures, des tâtonnements et des désaccords, elle a aussi et avant tout montré que, chez ce peuple dont la détermination et la force ont explosé à la face du monde à la fin de l’année 2010, la raison finissait toujours par l’emporter. On sait que la chute d’un dictateur ne suffit pas à fonder une société démocratique. Il faut installer les principes de liberté, d’égalité, de légitimité et de respect de l’autre. Sans quoi, une dictature peut en remplacer une autre. Il faut espérer que le peuple tunisien, qui a su faire preuve de courage, y échappera. ● JEUNE AFRIQUE
La véritable histoire du 14 janvier 15 heures-15 h 30. Ben Ali prend avec l’armée les dispositions nécessaires pour instaurer la loi martiale. L’état d’urgence est décrété avec effet à partir de 17 heures. Ben Ali à Seriati (en français) : « Ce n’est plus notre affaire, c’est l’affaire de l’armée. » Au même moment, Ben Ali ordonne au général Ammar de se rendre au ministère de l’Intérieur pour y prendre la conduite des opérations de maintien de l’ordre. Le général Ahmed Chabir, directeur général de la sécurité militaire, est chargé d’assurer l’intérim du général Ammar à la tête de la salle d’opérations de l’armée de terre et de coordonner les opérations des unités de l’armée participant au maintien de l’ordre.
militaires dans les zones résidentielles où habitent les familles Trabelsi et Ben Ali. » Réponse d’Ammar: « L’armée protège les institutions de l’État, rien d’autre. » ●●●
Peu avant midi. Ahmed Friaa, ministre de l’Intérieur, alerte Seriati : « Le nombre de manifestants devant le ministère ne cesse d’augmenter, et certains essaient de s’accrocher aux fenêtres. Que faire ? » Seriati demande à Ammar de rapprocher trois blindés, qui étaient postés en retrait, de la place d’Afrique, non loin du ministère de l’Intérieur et du siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir).
Mehdi Ben Gaied (fiancé de Halima Ben Ali) raconte: « Seriati parlait au téléphone quand il s’est mis à crier: “Sortez! Sortez!” Ben Ali ouvre alors la porte de son bureau, ensortavecsonépouse,Leïla,etdemande: “Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ?” Seriati: “Sortez! Sortez! Et vous avec eux.” Ben Ali : “Pourquoi, que se passe-t-il ? Je t’avais dit que je ne partais pas avec eux.” Seriati: “Sortez maintenant, et on discutera après. Accompagnez-les comme d’habitude à l’aéroport et on discutera après.” Ben Ali : “Que se passe-t-il, Ali ?” Seriati : “Monsieur le président, il y a une frégate qui tire des obus en direction du palais.” Ben Ali : “Essayons au moins de passer
12 h 14. Seriati à Rachid Ammar : « Ben
Ali m’a dit avoir reçu une information de source étrangère selon laquelle Rached Ghannouchi [le leader en exil du mouvement Ennahdha] allait rentrer au pays et s’inquiète à ce propos que l’aéroport ne figure pas dans les points protégés [par l’armée]. »
Ben Ali et de Leïla, à Seriati: « Oncle Ali, les Trabelsi nous submergent [au palais de Sidi Dhrif]. Il y en a que je n’ai jamais vus de ma vie. Pourriez-vous leur trouver un avionpourqu’ilss’enaillent[àl’étranger]?» Seriati demande combien ils sont. Vingtsept, précise Halima. Il répond: « Je vais voir, mais le mieux est de voir avec papa. » 13 h 30-14 heures. « Balle au canon » [ce
qui signifie « apprêtez-vous pour tirer »]. C’est l’ordre donné aux forces de police faisant face à la manifestation qui se déroule sous leurs fenêtres et sur l’avenue Bourguiba depuis le matin. Ahmed Friaa, au ministère de l’Intérieur, appelle Seriati : « C’est foutu, ça dégénère », dit-il en français. Seriati appelle aussitôt Ben Ali pour l’informer de ce développement. Ordre de Ben Ali transmis par Seriati à Friaa : « Empêchez les manifestants de pénétrer dans le ministère de l’Intérieur. Il faut tenir bon [en français]. » 14h50. Ayant eu vent de la présence d’une
trentainedemembresdelafamilleTrabelsi à l’aéroport, le colonel Samir Tarhouni, patron de la brigade antiterroriste (BAT), décide de s’y rendre avec une douzaine de ses hommes pour les empêcher de fuir. Informé par Seriati et par un homme de sécurité présent à l’aéroport, Ben Ali s’écrie en français : « C’est très grave ! » JEUNE AFRIQUE
FACEBOOK.COM/TOUWENSSA
Vers 13 heures-13h30. Halima, la fille de
Ben Ali à nouveau à Seriati : « Vu la situation, j’ai aussi décidé d’envoyer les membres de ma famille faire la omra [petit pèlerinage de La Mecque]. J’ai donné instruction au chef du protocole, Mohsen Rhaiem, de préparer le voyage. Prenez de votre côté les dispositions qui sont de votre ressort… Vous allez tous les deux accompagner la famille dans ce voyage. » 16h15. Seriati: « Au moment où le cortège
de Leïla Trabelsi et sa famille venant du palais de Sidi Dhrif arrivait au palais de Carthage en vue du départ vers l’aéroport, j’ai pris ma mallette et me suis dirigé vers le bureau du président. J’ai alors été informé par téléphone par la salle d’opérations de la sécurité présidentielle qu’un hélicoptère s’approchait de l’espace du palais et que deux frégates de la garde nationale avaient mis le cap sur le port du palais présidentiel. On m’a dit que quelque 5 000 personnes venant du Kram se dirigeaient vers la présidence… »
par le palais de Sidi Bou Saïd [Sidi Dhrif], et après, on les accompagne.” Seriati : “Sortons maintenant !” Nous sommes donc sortis précipitamment, poursuit Ben Gaied, et nous nous sommes dirigés vers le convoi. Seriati a dit : “Suivez-moi, suivez-moi.” Et il a pris la direction de l’aéroport.Surlechemin,sonAudiaheurté une Polo grise, mais il ne s’est pas arrêté, roulant à toute allure, à tel point que Ben Ali a demandé à Leïla, qui conduisait la Lincoln [Ben Gaied s’y trouvait] de ne pas aller trop vite. Le convoi s’est arrêté devant la porte en fer de la caserne d’El-Aouina, et Seriati s’est mis à klaxonner, puis est descendu pour frapper à la porte avec ses deux mains jusqu’à ce qu’on nous ouvre, et N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
45
Maghreb Moyen-Orient Tunisie 16 H 45. Taïeb Lajimi, chef d’état-major de l’armée de l’air, à Grira : « Seriati vient de m’informer qu’ils arrivent pour utiliser l’avion présidentiel et demande qu’on lui facilite l’entrée de la base. » Grira : « Qu’il entre ! » Le général Chabir est également informé. 16 h 53-16 h 55. Grira à Lajimi : « Un héli-
coptère de l’antiterroriste va frapper le président Ben Ali, ordonnez-lui tout de suite de s’éloigner. La présidence a des instructions pour vous tirer dessus. Éloignez l’hélicoptère immédiatement. » Lajimi : « Je n’ai pas d’hélicoptère de l’antiterroriste en sortie. Ben Ali à Mohamed Ghannouchi : Mais on va faire atterrir tous « Qu’est-ce que c’est que ça ? les appareils en vol. » En Démentez ce que vous avez dit ! » fait, quatre hélicoptères de l’armée ont atterri à la base d’El-Aouina entre 16 heures et 16 h 55, père ! Sinon, je vous tue un à un ! » Seriati, qui allait embarquer aussi : « Madame, ramenant de Bizerte (à 60 km au nord de madame, monsieur le président, montez, Tunis) des hommes de l’unité spéciale de arrêtons tout cela… » Ben Ali: « Que faire? l’armée de terre appelés en renfort sur Est-ce qu’on va laisser le pays à son sort ? ordre urgent de Ridha Grira, seul habilité Tu restes jusqu’à mon retour. Je vais les à autoriser les vols militaires et dont la accompagner et revenir. » Selon Rhaiem: mission a été portée à la connaissance « Seriati a répondu : “Ne revenez que de Seriati à 15 h 48 par Lajimi. À 16 h 55, lorsque je vous aurai appelé, monsieur au moment où l’un des hélicoptères en le président.” » provenance de Bizerte se posait sur le tarmac, le convoi présidentiel venait de péné16 h 43. Ridha Grira, ministre de la trer dans la base d’El-Aouina par l’entrée Défense, à Ammar, à propos de la donnant sur la route de La Marsa. Il était « rébellion » des hommes de Tarhouni composé de douze ou treize véhicules, qui retiennent les familles Trabelsi et Ben dont l’un était conduit par Leïla avec, Ali au salon d’honneur de l’aéroport de à ses côtés, Ben Ali, son fils Mohamed, sa fille Halima et le fiancé de cette derTunis : « Le chef de l’État m’a dit qu’il y a nière, Mehdi Ben Gaied. Le convoi s’arrête des infiltrés intégristes qui opèrent pour les terroristes. Le président demande pendant trois minutes devant le salon qu’on les élimine, qu’on leur tire dessus à balles réelles si nécessaire. » Ammar à Grira: « Un instant, un instant, que je mette le haut-parleur de mon portable pour qu’Ahmed Friaa, qui est à côté de moi, puisse t’entendre lui aussi. » À nouveau, Grira insiste pour que l’on intervienne afin de libérer les Trabelsi retenus dans le salon d’honneur de l’aéroport par des éléments de la BAT et dit à Ammar : « Éliminez-les ! Ceux qui sont à l’aéroport, il faut que nous les tuions ! Frappez ! » Ammar : « Nous allons gérer ça. Nous savons comment opérer. Mais ce sont là des hommes armés. L’aéroport est plein de monde, il risque d’y avoir beaucoup de victimes. » Grira, lors de son audition par la justice : « Je n’ai pas reçu de telles instructions du chef de l’État, et je n’ai pas transmis de telles instructions. […] Je ne me souviens pas avoir dit cela. »
FETHI BELAID/AFP
le convoi a pu entrer. » Seriati au pied de la passerelle : « Vous allez partir avec eux, monsieur le président. » Ben Ali : « Non ! Non ! Je ne vais pas partir, je vais rester ici. » Ben Ali se dirige vers Leïla et le groupe des Trabelsi qui se trouvaient dans le hangar. « Nous t’aimons, se sont-ils mis à lui dire, ne nous abandonne pas. » Halima, qui ne porte guère les Trabelsi dans son cœur, s’adresse à un agent de sécurité : « Donnez-moi votre arme que je les tue ! » Leïla ayant fait signe à son cousin Seif Trabelsi de monter à bord de l’avion, Halima s’écrie : « Lâchez mon
d’honneur de la base. Seul Seriati descend, et la trentaine d’hommes de la sécurité présidentielle s’éjectent de leurs estafettes pour former un barrage, armes automatiques au poing. Voyant l’hélicoptère des forces spéciales de l’armée non loin de là, Seriati, téléphone à l’oreille, fait signe au convoi de poursuivre son chemin pour entrer à l’intérieur du hangar de l’avion présidentiel, qui n’était pas encore prêt pour l’envol. Entre-temps, Lajimi à Grira: « Le convoi est là, et Ben Ali aussi. » En fait, depuis le début de l’après-midi, la centrale de la sécurité militaire et le général Lajimi, à son bureau au ministère et en contact continu avec Grira, étaient tenus informés par téléphone des moindres détails de ce qui se passait à la base, y compris de l’arrivée à 16 h 30 de l’équipage de l’avion présidentiel. Pendant que les préparatifs du vol se poursuivent, Seriati appelle Rachid Ammar pour s’informer des derniers développements de la « rébellion » à l’aéroport. Ammar (en français) : « C’est bien une mutinerie de la police et de la
HICHEM
46
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
La véritable histoire du 14 janvier garde nationale. » Seriati : « Sécurisez la tour de contrôle. » Le colonel Elyes Zellag, l’un des adjoints de Seriati, venait de téléphoner à Tarhouni, le chef « rebelle » de la BAT, qui fut son ancien collègue à la garde présidentielle, pour savoir ce qui se passait à l’aéroport. Il rapporte alors à Ben Ali ce que lui a dit Tarhouni : « Elyes […], si tu es un homme, rejoins-nous, nous tenons les Trabelsi. » Le chef de la BAT, qui a déjà reçu dans l’après-midi des renforts de sa propre unité et le ralliement de la brigade nationale d’intervention rapide (Bnir) de la police, reçoit, pendant l’arrivée du convoi présidentiel à l’aéroport, le soutien de l’unité spéciale de la garde nationale (USGN), qui opérait dans le périmètre de sécurité du palais de Carthage. Au total, 170 hommes appartenant aux trois unités d’élite du ministère de l’Intérieur sont en « rébellion » à l’aéroport civil de Tunis-Carthage, contigu à la base militaire d’El-Aouina et partageant les mêmes pistes.
à Elyes Zellag, de la sécurité présidentielle, pour retourner au palais avec Rhaiem et les hommes de la sécurité, tout en recommandant qu’ils y aillent par petits groupes. Un quart d’heure après le décollage, Ben Ali appelle Seriati par le téléphone satellitaire installé à bord de l’avion pour s’assurer que toutes les dispositions ont été prises avec les autorités saoudiennes pour leur accueil à l’aéroport de Djeddah. Seriati lui passe Rhaiem, qui lui confirme que toutes les dispositions ont bien été prises. Ben Ali demande alors à Seriati d’attendre sa fille Ghazoua Zarrouk et sa famille. Ceux-ci arrivent dans le salon d’honneur dix minutes plus
carburant s’achève à 17 h 30. Le général Lajimi à Grira : « Le président et son fils sont montés à bord de l’avion présidentiel. » Grira : « L’avion est encore là ? Il n’a pas décollé? Vite! Vite! Qu’ils fassent vite [en français]. » L’Airbus roule sur le tarmac, escorté par des véhicules de la sécurité présidentielle jusqu’au bout de la piste de décollage. L’avion décolle à 17 h 47. Le général Lajimi à Grira : « L’avion présidentiel a décollé avec Ben Ali à bord. » Grira: « Suivez l’avion avec le radar jusqu’à ce qu’il quitte l’espace aérien tunisien, et tenez-moi informé de sa destination. » Le plan de vol, déposé à 17 h 10 auprès de la salle d’opérations de l’armée de l’air, prévoyait une liaison Tunis-Djeddah. Il y a à bord, outre le couple présidentiel, leur fils Mohamed, leur fille Halima et son fiancé Mehdi Ben Gaied, ainsi que l’équipage et le personnel de service. L’appareil survole Sousse, Monastir, Sfax. À 18 h 16, l’avion fait plusieurs tours au-dessus de l’aéroport de Djerba pendant huit minutes, le temps d’obtenir l’autorisation de passage par l’espace aérien libyen, accordée par Mouammar Kaddafi, puis survole l’Égypte et atterrit à Djeddah. Alors que l’Airbus venait de décoller, Seriati, accompagné de Rhaiem, entre dans le salon de la base d’El-Aouina. Devant un café-crème, il se laisse aller aux supputations. « Reviendra-t-il ? Je ne le pense pas. » Il donne le feu vert JEUNE AFRIQUE
HICHEM
17 h 37-17 h 47. L’approvisionnement en
tard. Sur ordre de Ben Ali, Seriati doit leur procurer un avion qui les acheminera avec les autres Trabelsi à Djerba, d’où ils partiraient pour la Libye. Vers 18 heures, Seriati téléphone à Lajimi. « J’ai besoin d’un avion C-130. » Lajimi : « Pour quelle mission ? » Seriati : « Pour qu’il aille à Djerba. » Lajimi à Grira : « Ali Seriati se trouve dans notre salon d’honneur [à la base d’El-Aouina] et demande un C-130.
Il y a un groupe de personnes avec lui. Il a besoin d’un avion pour aller à Djerba. » Grira ne fait pas d’objection et donne son accord, avant de se reprendre : « Que fait Seriati là-bas ? Pourquoi n’est-il pas parti avec le président ? » Cinq minutes après, Grira à Lajimi : « Demande à un responsable, qui doit être accompagné d’un homme armé, d’arrêter Ali Seriati et de lui retirer son arme et son téléphone portable. Faites-le après le départ de la sécurité présidentielle du salon d’honneur pour éviter un bain de sang. » Grira ajoute : « Seriati est en train de comploter. » Il est 18 h 30 quand un colonel de l’armée de l’air s’avance et invite Seriati à lui remettre son arme et son téléphone portable. Seriati : « Pourquoi ? Que se passe-t-il ? » L’officier : « J’ai reçu ordre de vous arrêter. » Seriati rend son arme et son portable immédiatement. « Dois-je comprendre que je suis prisonnier ? » Le colonel : « Ce sont les ordres. » Seriati : « Faites votre travail, mon fils. » Seriati déclarera que le colonel est revenu dix minutes après pour lui dire : « Le général Lajimi vous demande si vous voulez partir à l’étranger », et qu’il a répondu : « Non, rien ne m’oblige à quitter le pays. » Grira : « Mes instructions se sont limitées à arrêter l’intéressé, à l’isoler et à lui enlever son arme et ses téléphones mobiles. » Gardé dans le salon d’honneur, Seriati suit à la télévision la cérémonie pendant laquelle le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, prend les fonctions de président de la République. Sur son deusi xième téléphone portable, qu’il avait xi conservé, il reçoit un appel de Rhaiem co l’informant que le ministre d’État chef l’ du cabinet présidentiel [Abdelaziz Ben Dhia] vient d’annoncer que le travail allait Dh reprendre normalement le lendemain. re Seriati : « Je suis en état d’arrestation. » Se La ligne est alors coupée. Un officier arrive et lui demande de lui remettre ar son second téléphone. Il est 19 heures, so et Seriati est remis par l’armée de l’air à la ssécurité militaire. Le dimanche 16 janvier, vers ve 16 heures, Seriati est transféré au tribunal de première instance de Tunis, tr où un juge lui annonce qu’il est accusé de « complot contre la sûreté de l’État » et délivre un mandat d’arrêt contre lui. Cinq agents civils de la présidence arrêtés après lui pour complicité seront relâchés. Seriati restera en prison, poursuivi avec plusieurs hauts responsables des services de sécurité dans l’affaire des martyrs de la révolution. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
47
Maghreb Moyen-Orient Tunisie
48
assurer l’intérim du chef de l’État en vertu de l’article 56 relatif à l’absence provisoire du président. Avant de quitter la primature, il appelle Grira, qui lui confirme le départ de Ben Ali. Au palais, Fouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, et Abdallah Kallel, président de la Chambre des conseillers, sont déjà là. Ghannouchi propose, pour commencer, de recourir à l’article 56 sur l’intérim provisoire et, s’adressant à Mebazaa, lui dit : « Vous, Si Fouad, serez président de la République demain », en vertu de l’article 57, relatif cette fois à l’absence définitive du président. Ce qui sera fait. Après avoir enregistré sa déclaration pour la télévision, Ghannouchi reçoit
« OK. » Fin de la communication. Ghannouchi trouve l’appel curieux et essaie de joindre Ben Ali. Le standardiste de la présidence répond qu’il n’est pas là. Il demande Seriati, mais c’est le même Sik Salem qui répond : « Je vous ai dit qu’ils sont sortis, ils sont sortis, ils ont tous pris la fuite. Le président a quitté le pays, Seriati est parti avec lui [c’est ce qu’il croyait, n’ayant pas réussi à le joindre], ils sont tous sortis et je suis resté seul au palais. » Sik Salem demande à nouveau à Ghannouchi de prendre ses responsabilités. Le Premier ministre consulte la procédure constitutionnelle et rappelle Sik Salem pour l’en informer. Sik Salem : « Je vais vous envoyer une voiture qui vous conduira au palais. » En attendant, Ghannouchi se met à rédiger le mot qu’il va prononcer pour annoncer qu’il va N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
reviens le 15 janvier. » Ghannouchi : « On nous a invités au palais de Carthage et nous avons lu ce communiqué. » Ben Ali: « Démentez! » Ghannouchi: « Je vous passe le président de la Chambre des conseillers. » Kallel tente de rassurer Ben Ali : « Quand vous reviendrez, nous vous accueillerons à l’aéroport, monsieur le président. » 19 h 30. Tarhouni livre le groupe des Trabelsi et des Ben Ali à l’armée, non sans avoir obtenu que la télévision vienne filmer le transfert. Les « otages libérés » rejoignent un autre petit groupe de Trabelsi à la base d’El-Aouina. 19 h 37. Grira à Ammar : « Êtes-vous
avec moi ? Parlez d’homme à homme. » Ammar : « Avec vous. » Grira : « Kallel dit qu’il y a un complot contre lui, Ghannouchi et Mebazaa, et que vous êtes derrière ce complot. Ils sont prisonniers au palais de Carthage. » Ammar : « Laissezmoi tranquille, par Dieu ! Qu’ai-je donc fait pour que chaque fois que quelqu’un a un mal de tête il mette en cause Rachid Ammar ? » Grira : « Avant d’entrer au palais de Carthage, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi m’a demandé si j’avais confiance en l’armée. Je lui ai répondu : “L’armée, c’est moi.” Je suis resté en contact avec lui quand il est arrivé au palais afin de m’assurer que tout allait bien. À un certain moment, il a passé le téléphone à Abdallah Kallel, qui m’a demandé si j’avais Ab confiance en l’armée, car il avait le sentico ment qu’il y avait un complot. Après cela, me j’ai contacté le général Ammar pour savoir qu quelle était sa position. Il est possible qu’il ait résumé ce que nous nous sommes dit, ai mais ma je ne me souviens pas précisément du contenu de notre échange. » Ammar : « J’ai ensuite pu contacter Kallel pour lui dire qu’il n’était pas prisonnier de l’armée di ou de qui que ce soit et qu’il était libre de quitter [le palais présidentiel] à tout moment. » mo
HICHEM
APRÈS 18 HEURES. Mohamed Ghannouchi, au palais du gouvernement de la Casbah, reçoit un appel d’un monsieur qui se présente comme étant Sami Sik Salem: « Prenez vos responsabilités, monsieur le Premier ministre. Il nous faut éviter un bain de sang. Prenez la présidence, prenez la présidence. » Ghannouchi, qui n’a jamais entendu parler de son interlocuteur, lequel est le numéro trois de la sécurité présidentielle, nie être au courant du départ de Ben Ali et répond: « En cas de vacance à la présidence, c’est le président de la Chambre des députés qui est habilité à assurer l’intérim. » Sik Salem : « Et qui d’autre? » Ghannouchi: « Le président de la Chambre des conseillers. » Sik Salem :
un appel de Be Ben Ali, d dontt on iignore quii el d l’a informé, sur le numéro d’un membre de la sécurité : « Qu’est-ce que tu as fait ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Démentez ce quevousavezdit,publiezuncommuniqué pour démentir ! » Ghannouchi : « Vous êtes parti sans prévenir alors qu’on est dans des circonstances extraordinaires. » Ben Ali : « J’accompagne la famille et je
20h20. Le général Ammar reçoit sur son 20
portable un appel de Ben Ali : « C’est le président. Quelle est la situation dans le pays ? Est-ce que vous la contrôlez ? Pourrai-je revenir ce soir ou pas? » Général Ammar : « Je ne peux rien vous dire pour l’instant, monsieur le président. La situation n’est pas claire. » Ben Ali : « Alors je vous rappellerai demain, mon général. » Ben Ali ne rappellera pas. ● JEUNE AFRIQUE
La véritable histoire du 14 janvier
TRIBUNE
Opiniions & édiitoriaux
Yes, we can!
DR
D RADHI MEDDEB Présidentfondateur de l’association Action et Développement solidaire
EPUIS LE 14 JANVIER 2011, le parcours, sans retour en arrière possible, des Tunisiens a été remarquable. Les changements survenus sont incommensurables : départ du dictateur et de sa mafia, libéralisation de la vie politique et associative, de la presse, de l’internet, organisation des premières élections libres et transparentes. Autant de réalisations que personne ne se serait jamais risqué à imaginer. Avec une démarche exceptionnelle de maturité et de responsabilité, le peuple tunisien s’est révélé patriote, généreux et solidaire, aussi bien avec les plus démunis qu’avec ses frères libyens, malmenés par une guerre longue et meurtrière. Mais les résistances au changement sont multiples et puissantes ; les groupes de pression liés à l’ancien régime refusent de céder de leur pouvoir, les avantages matériels qu’ils en tirent étant substantiels. Un changement effectif et profond ne peut de toute façon s’opérer que dans la durée; la rupture avec l’ordre passé, ses hommes et ses méthodes n’est pas totalement consommée. Et le peuple tunisien comprend d’ailleurs mal que la justice transitoire n’ait pas encore déterminé ce qui s’est réellement passé à tous les niveaux – politique, économique, juridique et sécuritaire – et fait en sorte que la nouvelle République se dote des institutions et des contre-pouvoirs qui la prémunissent contre de tels égarements. Mais une telle justice transitoire doit d’abord avoir une vocation pédagogique; elle ne doit en aucun cas consacrer la terreur ou la rancune, et doit permettre à la collectivité de faire son deuil des turpitudes du passé et de construire l’avenir en toute sécurité. L’héritage est lourd en termes de mauvaise gouvernance et de mépris de la dignité humaine et des valeurs universelles, mais les facteurs qui ont déclenché le soulèvement et contraint le dictateur à la fuite ont pour noms chômage, déséquilibre régional, mauvaise redistribution des fruits de la croissance et inadéquation des produits de l’éducation et de la formation aux besoins de la société en capital humain. Ces raisons-là n’ont pas trouvé un début de réponse depuis un an. Le chômage a explosé, l’insécurité est récurrente et l’investissement est en panne. Nous découvrons, à l’occasion de statistiques enfin libérées de
l’omerta, la profondeur du désarroi social, de la pauvreté et de l’exclusion. Action et Développement solidaire, une association née au lendemain de la révolution et inspirée par ses objectifs, a cherché dès le départ à identifier les transformations politiques, économiques, sociales et sociétales que la grande majorité de la population réclame avec force. Le modèle de développement qu’elle déroule dans un ouvrage publié récemment – Ensemble, construisons laTunisie de demain, modernité, solidarité et performance – se veut plus inclusif, plus solidaire et plus performant, en mesure de permettre l’épanouissement de tous les citoyens, sans exception, dans le respect de leurs diversités sociales et culturelles, de refuser toute discrimination et de faire que laTunisie soit une nation indépendante et prospère qui compte à l’échelle régionale et internationale. Ce programme
La justice transitoire ne doit pas consacrer la terreur et la rancune.
Ensemble, construisons la Tunisie de demain, modernité, solidarité et performance, éditions Simpact, Tunis, octobre 2011. Disponible auprès de www.keetab.tn JEUNE AFRIQUE
se décline systématiquement entre le court terme, en réponse aux exigences légitimes des populations, et le long terme, celui des réformes structurelles et multiples que l’ancien régime avait occultées. Le modèle de développement qui permettra à la Tunisie de relever les multiples défis ne peut qu’être social et solidaire. Il devra libérer les énergies, rompre avec les situations de rente, favoriser l’inclusion et la participation de toutes les populations dans la proximité administrative, politique et économique, consacrer les libertés d’entreprise, d’expression, de communication, d’association, de conscience et de culte. La solidarité, dans ses multiples dimensions, sociale, régionale et intergénérationnelle, mais aussi la durabilité, l’ouverture culturelle et économique et la quête de modernité et d’efficacité seront ses moteurs permanents et les garants de sa réussite. Nous sommes capables de mettre en œuvre ce modèle. LaTunisie a un immense potentiel et des fondamentaux solides. Ses jeunes sont un véritable vivier d’énergies et de compétences. Et son peuple a redoublé de vigilance pour se prémunir contre les dérives de l’enfermement, de la régression, du libéralisme débridé ou de la remise en question de nos acquis sociétaux. Le pessimisme est une humeur, l’optimisme une volonté. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
49
50
Maghreb Moyen-Orient Tunisie
PORTFOLIO
Variations tunisiennes Reportage photo : ONS ABID – Texte : TAREK MOUSSA
"À Sidi Bouzid, LES JEUNES DIPLÔMÉS
CHÔMEURS ne désarment pas et poursuivent leur combat à travers les réseaux sociaux. Malgré un horizon pour le moment bouché, nombre de cybermilitants, mesurant le chemin déjà parcouru, refusent de céder à la sinistrose ambiante.
! Ci-dessus, AFRICA CELEBRATES DEMOCRACY, premier grand concert postrévolution, organisé par la Fondation Mo Ibrahim, le 11 novembre 2011, à la coupole d’El-Menzah, à Tunis. " Le 5 janvier 2012, au même endroit, LES ISLAMISTES DE TOUTES OBÉDIENCES
réservaient un accueil triomphal à Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas et chef du gouvernement palestinien à Gaza. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
51
Ü Hélas prévisible, LA CHUTE DU NOMBRE DE TOURISTES OCCIDENTAUX a aggravé un peu plus la situation économique. Ici, l’amphithéâtre romain d’El-Jem, dans le gouvernorat de Mahdia, à environ 190 km au sud de Tunis. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, ce site accueille chaque année le Festival international de musique symphonique d’El-Jem.
À Bir Mallouli, sur la route entre Sfax et Sidi Bouzid, les villageois ont spontanément créé une LIGUE DE DÉFENSE DE LA RÉVOLUTION, signe que les populations de l’intérieur restent vigilantes.
Ì JOUR DE MARCHÉ À OULED HAFOUZ, non loin de Sidi Bouzid. Si les uns gardent le sourire, d’autres ne sont visiblement pas très détendus… JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Europe, Amériques, Asie
FRANCE
qui
Pour votent-ils
Les minorités dites visibles constituent un réservoir de suffrages considérable encore largement inexploité par les partis de gouvernement. Hélas, incapables de parler d’une seule voix, elles auront bien du mal à peser sur le prochain scrutin présidentiel.
JUSTINE SPIEGEL et CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
S
Évaluations (en l’absence de statistiques officielles)
rançais d’or igi de F s n n llions d’élec i m t
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Dont 60 % à 70 % de Maghrébins
ENTRE 4 % ET DU CORPS ÉLECTORAL
5%
scrutin en mobilisant toutes les forces sur le terrain. Moins de trois mois après sa création, le MAF, qui annonce l’ouverture de bureaux à Londres et à Hambourg, revendique 10 000 adhérents et 4 millions d’électeurs potentiels. Cadres supérieurs ou éboueurs, Marocains ou Gabonais, tous ont leur place au sein du mouvement, estime sa présidente, « parce que, dans notre société, ce sont les plus vulnérables ».
ine frica e a u rs e
angléedansuntailleurnoir,chignon impeccable, Calixthe Beyala se tient droite sur sa chaise. Elle qui se définit comme une intellectuelle engagée a lancé, en novembre 2011 à Lille (nord de la France), son « lobby noir », le Mouvement des AfricainsFrançais (MAF). Pour, dit-elle, « apprendre aux Africains-Français à se réapproprier certaines valeurs », mais aussi « faire prendre conscience aux minorités qu’elles sont une puissance électorale ». Il n’existe pas en France de statistiques officielles concernant les minorités dites visibles. Mais, à en croire le Conseil représentatif des associations noires (Cran), le nombre des Français d’origine maghrébine et subsaharienne oscillerait entre 2 millions et 4 millions. Autant de voix à conquérir pour les candidats à la présidentielle, en avril et mai prochains. Depuis une dizaine d’années, de nombreuses associations multiplient les initiatives visant à valoriser la parole noire ou maghrébine. Citons le Conseil représentatif des AfricainsFrançais de France (créé en 1996), le Collectif Égalité (1998), le Cran (2005), Africagora (1999) ou le Club Efficience (2008). « À la différence d’autres réseaux, nous ne sommes pas un mouvement de réaction prompt à porter plainte sous n’importe quel prétexte, justifie Beyala. Nous sommes un mouvement de réflexion et de construction. » Déjà, lors de la présidentielle de 2007, la romancière était aux avant-postes avec son Club Élite, aujourd’hui disparu. Avec le MAF, son objectif demeure inchangé : peser sur le
3 mi l Soi lio t2
52
ÉLITISME. Sauf que, sur le terrain, les minorités visibles ont le plus grand mal à s’unir et à parler d’une seule voix. Différences culturelles ou historiques alimentent les divergences de points de vue entre, par exemple, ultramarins et Français d’origine subsaharienne. « La République est plus ou moins parvenue à gommer chez les premiers la JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
ALEXA BRUNET/TRANSIT/PICTURETANK
53
conscience d’appartenir à la communauté noire, analyse Elikia M’Bokolo, historien et chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales. Elle a persuadé les habitants des DOM-TOM qu’ils n’avaient rien à voir avec les Français d’origine subsaharienne, ce qui a aussi contribué à éloigner les deux groupes. » Le MAF coexiste ainsi avec le Club Efficience, un collectif de cadres supérieurs d’origine subsaharienne, le Collectifdom, qui réunit essentiellement des ultramarins, le Conseil représentatif des associations noires et quelques autres, alors qu’ensemble ils seraient à la fois plus forts, plus audibles et… plus visibles. Pour le Cran, la multiplication des clubs, pour la plupart élitistes et jouant la carte du réseau, constitue une première étape vers la constitution d’un vote noir. Après avoir frappé les esprits, en JEUNE AFRIQUE
! AU COURS D’UNE
2007, avec ses statistiques ethniques mettant en évidence la puissance électorale de la communauté, le Cran enfourche cette année un nouveau cheval de bataille : le vote obligatoire, comme en Belgique, au Brésil, en Bolivie ou en Australie. « Il ne s’agit pas seulement d’encourager le vote des Noirs ni celui des plus défavorisés, mais celui de l’ensemble des citoyens », confie Louis-Georges Tin, le nouveau Ensemble, ils seraient président de l’association. à la fois plus forts Pas sûr cependant que le Cran et plus… visibles. parvienne à fédérer grand monde autour de ses idées. Outre les rivalités qui l’opposent au Collectifdom, d’incessantes luttes intestines ont terni son image. Sans même parler des poursuites pour malversations financières qui pourraient bientôt être engagées contre MANIFESTATION SPORTIVE
organisée par l’association Multipassions, à Marseille, en 2006.
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Europe, Amériques, Asie
jeune afrique .com
ð Retrouvez l’interview
d’Abderrahmane Dahmane
Dogad Dogoui, qui reconnaît quand même que les deux tiers des membres de son business club sont plutôt classés à gauche. Tin et lui s’interdisent de donner la moindre consigne de vote, contrairement à Beyala, qui, elle, prévoit de rencontrer les principaux candidats afin d’examiner leurs propositions. Elle devrait annoncer son choix lors d’un grand rassemblement qu’elle organisera à Paris en avril. Pour Hakim El Karoui, consultant chez Roland Berger Strategy et ex-président du Club XXIe siècle, un réseau visant à valoriser les réussites issues de la diversité, DÉCOMPLEXÉ. « Il faut d’abord être une cette initiative n’est qu’un moyen parmi puissance économique avant d’aspirer à beaucoup d’autres de se faire remarquer. être une force politique », plaide pour sa « Plus ces discours médiatiques sont caripart Dogad Dogoui, fondateur d’Africacaturaux, tranchés ou hostiles, plus ils sont gora, une « plateforme d’opportunités ». Entre 2008 et 2010, il fut membre du Cercle entendus, commente-t-il. Mais leur impact de la diversité républicaine au sein de sur le scrutin est nul. » l’UMP. S’il s’en est détaché, c’est parce que Ancien conseiller à la diversité de « Le plus important, la question de la diversité n’est toujours pas Nicolas Sarkozy, Abderrahmane Dahmane c’est le choix de prise en compte sérieusement par le parti promet à ce dernier une véritable déroute candidats pour majoritaire. Pour ce lobbyiste décomplexé auprès des Maghrébins. « Il n’a pas resles législatives. » qui revendique 3 000 adhérents, cadres pecté ses promesses de discrimination YAZID SABEG et chefs d’entreprise dans trente villes de positive à la française, dit-il. De plus, les débats sur l’identité nationale et sur l’Hexagone et d’outre-mer, aucune orgal’islam l’ont définitivement discrédité. » En 2007, nisation ne peut peser sur l’échiquier politique sans indépendance financière. « C’est le seul Dahmane avait coordonné les réseaux d’influence moyen d’être pris au sérieux, argumente-t-il. chargés de capter le « vote beur ». Or ceux-ci Tant que les organisations et associations qui seraient actuellement en pourparlers avec les défendent les minorités resteront dépendantes socialistes… financièrement de l’État ou des partis politiques, elles leur seront redevables. » Idée partagée par ESBROUFE. Les initiatives des différents Calixthe Beyala, qui jure n’avoir besoin réseaux constituent le socle d’une prise d’aucune subvention pour financer son de conscience politique de la question noire. « Il y a des réflexes minoritaires de mouvement : « les cotisations suffisent… » De Lozès à Tin, en passant par Dogoui personnes discriminées, assure l’homme et Beyala, les figures emblématiques qui d’affaires Yazid Sabeg, ancien commissaire militent et agissent localement sont nomà la diversité et à l’égalité des chances. Les breuses. Mais leur volonté d’imposer leur raisons qui les poussent vers tel ou tel polileadership est si forte qu’elle empêche les tique sont très rationnelles et dépendent minorités de constituer une force capable de la prise en compte par ces derniers de peser sur les élections. « Les Noirs prédes questions liées à la discrimination et fèrent souvent monter sur les épaules les à l’égalité de traitement. » uns des autres pour se faire voir plutôt Mais les minorités ont tout intérêt à que d’affronter l’adversité au coude-àrejoindre des partis de gouvernement, coude », souligne Elikia M’Bokolo, qui car c’est à partir de là qu’elles pourront évoque volontiers le Guyanais Gaston effectivement changer les choses. Tant que Monnerville. « Avant d’être le président des formations comme le PS et l’UMP ne du Sénat [de 1958 à 1968, NDLR], il se prendront pas en compte le problème, il leur sera difficile de mobiliser les électeurs. considérait comme le représentant de Et d’écarter ces prophétesses et prophètes tous les Noirs de France, explique l’historien. Aujourd’hui, ceux qui parviennent au noirs qui essaient à l’esbroufe de tirer parti sommet, à l’exemple de Rachida Dati ou de de la situation. Car, comme le dit Sabeg, « Inciter Rama Yade, ne souhaitent pas représenter « la manifestation de la diversité dans les Africains-Français leur communauté et préfèrent jouer leur l’expression des partis politiques, notamà se réapproprier carte personnelle. » ment dans le choix de leurs candidats certaines valeurs. » À qui iront les voix des minorités ? aux législatives, est en définitive le plus « Chacun est libre de ses choix », explique important ». ● CALIXTHE BEYALA JACQUES TORREGANO POUR J.A.
Patrick Lozès, son ancien président, par ailleurs candidat à la présidentielle. Une démarche que Calixthe Beyala observe d’un œil fort critique. « Se présenter dès maintenant à la présidence, c’est comme poser la toiture d’une maison avant d’en avoir creusé les fondations. Il faut faire les choses dans l’ordre, encourager les Africains-Français à s’inscrire sur les listes électorales, puis tenter d’enlever des sièges de député, de maire et de conseiller, puis… aviser. »
BRUNO LEVY POUR J.A.
54
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
TRIBUNE
Op pinions & éditoriau ux
Haïti a échappé au pire
DR
L JEAN-MARIE THÉODAT Géographe, enseignant à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à l’École normale supérieure de Port-au-Prince
E CHAOS ATTENDU NE S’EST PAS PRODUIT. Peu à peu, Port-au-Prince reprend visage humain. Ses habitants recommencent à aller au cinéma, à chanter, à lire et à créer. La capitale haïtienne a toujours été extrêmement gaie. Profondément ancrés dans la culture locale, l’optimisme et l’appétit de vivre ont certes été profondément éprouvés par le séisme, mais n’ont pas disparu. Les critiques contre la lenteur de la reconstruction sont nécessaires pour aller de l’avant, mais il faut faire l’effort de voir les Haïtiens à hauteur d’homme, non avec un regard méprisant venu d’en haut – qui est souvent celui de la presse internationale. C’est à ce prix qu’il est possible de mieux comprendre la situation du pays. Deux ans après le tremblement de terre, il est beaucoup trop tôt pour dresser un bilan de la reconstruction. D’abord, à cause de l’ampleur de la catastrophe, qui a fait 300 000 morts et réduit en poussière 75 % de Port-auPrince et 80 % de Léogâne. Elle a jeté à la rue 1,5 million de personnes, contraintes de vivre dans des abris provisoires, sous des bâches écrasées de soleil. Alors que 80 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, comment ces deux villes pourraient-elles être déjà reconstruites ?
reproche à de jeunes gens leur engagement civique et fraternel. Si les ONG n’avaient pas été là, la situation aurait été pire, mais il est évident que ce n’est pas avec elles seules que nous reconstruirons notre pays. Les Haïtiens n’ont d’ailleurs pas attendu leur arrivée pour commencer à déblayer les décombres. Lorsque je traverse Port-au-Prince, je vois un peuple courageux, qui a pris en main son destin, qui travaille huit heures par jour pour un maigre salaire et qui, armé de burins et de marteaux, s’acharne à démolir des édifices en ruine. Enfin, j’estime que l’action de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti, dont le mandat a pris fin en octobre, a été globalement positive. Mais il était temps que cette instance internationale passe le relais au pouvoir haïtien.
Je ne connais pas de pays qui se soit relevé uniquement à coups de dollars.
Ensuite, parce que la communauté internationale, qui a décaissé 5 milliards de dollars sur les 10 milliards promis, a ses propres difficultés. Les États européens, et notamment la France, l’un de nos principaux partenaires économiques, financiers et culturels, sont confrontés à une crise de leur dette souveraine. Nous ne pourrons donc plus compter à l’avenir sur la seule générosité internationale. La tâche sera longue et difficile. Le chemin parcouru est certes insuffisant, mais aurions-nous pu aller plus vite avec nos pauvres moyens ? À force de présenter Haïti à la fois comme un État effondré et comme le champ d’action par excellence des organisations non gouvernementales, on a eu tendance à attendre de ces dernières qu’elles fassent des miracles. Or je ne connais pas de pays qui se soit relevé uniquement à coups de dollars. Je ne donne pas non plus dans la chorale ingrate qui JEUNE AFRIQUE
Donnons du temps au président Martelly. Ne disposant d’une majorité ni à l’Assemblée des députés ni au Sénat, il lui a fallu quatre mois pour former un gouvernement.Tous les membres de la haute administration, dans les directions générales ou les cabinets techniques, n’ont pas encore été nommés. Il serait donc, là encore, prématuré de dresser un bilan et de condamner un gouvernement qui n’en est qu’à ses balbutiements. Michel Martelly a eu le courage de s’engager et de faire des promesses. Il faut lui donner une chance de les tenir. Pour l’instant, les décisions prises vont dans la bonne direction. La moitié des 10 000 tonnes de gravats qui encombraient Port-au-Prince ont été déblayés, et l’épidémie de choléra a été jugulée. Sur le plan éducatif, un programme de scolarisation de 200 000 enfants a été engagé. Le président n’a peut-être pas tous les moyens de ses ambitions, mais les Haïtiens ont enfin l’impression que quelqu’un au Palais se penche sur leurs problèmes. Le pessimisme est dans l’air du temps. Mais je n’ai jamais cru qu’Haïti soit victime d’une malédiction. Il paraît parfois avoir été ramené au Moyen Âge, il faudra être patient, mais les Haïtiens croient profondément que leur avenir sera meilleur. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
55
56
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
! C’EST APRÈS UNE BLESSURE que le taekwondoïste s’est dédoublé pour laisser parler son âme d’artiste.
Mamedy Doucara Athlète photographe Champion du monde de taekwondo, ce Français d’origine malienne s’est reconverti avec succès dans le portrait d’art.
M
AMEDY DOUCARA cache son appréhension sous un flot de paroles. « Vous me posez des questions, ou je vous dis tout? Ça y est, ça a commencé? Bon… » Puis il se tient coi, les mains croisées sur la table, immobile, comme à l’affût, dans une chaise trop petite pour son mètre quatre-vingt-huit. Passé les premières minutes de tension, le taekwondoïste se livre, sans retenue, révélant les deux Mamedy Doucara qui cohabitent en lui. Il y a d’une part l’athlète français de haut niveau, champion du monde de taekwondo en 2001, neuf fois champion de France de la discipline, qui alterne entraînements et compétitions à un rythme soutenu. De l’autre, il y a Mamedy le photographe malien, dont le studio s’appelle Kelebara (« guerrier » en bambara) et qui fige dans l’instant, selon son inspiration, sportifs de haut niveau et anonymes. Chez les
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
deux, cependant, la même manière de se lancer à corps perdu dans leur passion. Sa première vie commence vraiment il y a onze ans, lorsqu’à 20 ans il participe aux championnats du monde de taekwondo à Jeju, en Corée du Sud, terre d’origine de l’art martial. Le junior entré quelques mois auparavant dans l’équipe de France comme sparringpartner – partenaire d’entraînement – s’impose en finale, devenant le second Français de l’histoire de la discipline à remporter le titre. Pour le champion, c’est d’abord la récompense de son père, son premier supporteur, grâce à qui il a mis les pieds sur un tatami. « Il entraînait dans un club de Vitry-sur-Seine et je me suis mis au taekwondo pour passer du temps avec lui », confesse Doucara. Fonctionnaire de police originaire du Mali,Thieman Doucara pratique les arts
martiaux depuis de longues années. Ses six enfants ont eu droit à des cours, mais Mamedy est le seul pour qui cela est devenu plus qu’un passe-temps. Entre le père et son fils aîné, la relation est fusionnelle, et c’est les mains tremblantes et les yeux embués que le taekwondoïste se souvient de la fierté de son père lors de son sacre. « Ce championnat du monde était l’une des seules compétitions où il ne m’avait pas accompagné. On s’est téléphoné juste après, et il m’a dit: “Je savais bien que tu le serais un jour.” Ça valait toutes les félicitations du monde. » À l’euphorie succède vite la pression. Le jeune champion, qui se sent scruté, ne veut pas décevoir. « J’avais le sentiment que le moindre de mes mouvements était observé, décortiqué, analysé. Aussi me suis-je fait une promesse : ne jamais perdre en France ! » raconte-t-il en riant. Une promesse qu’il tiendra, peu ou prou… Pourtant, en 2005, sa vie prend un tournant imprévu. Immobilisé pendant dix mois par une rupture des ligaments JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Désormais, il préfère rester discret sur ses honoraires, mais ils ont bien changé depuis ce « premier job » de 2007. « Ça dépend vraiment du travail, de la mise en scène, mais cela reste abordable dans le milieu, je ne suis pas encore un grand photographe », explique-t-il en riant. Peut-être bien. Mais son travail est suffisamment remarquable pour être sollicité de plus en plus souvent par la presse. La liste des personnalités à être passées devant son objectif ne cesse de s’allonger : les Experts (l’équipe de France de handball), Diego Maradona, Samir Nasri, Yannick Noah, Jonah Lomu… « Maintenant, il n’y a plus de Mamedy Doucara taekwondoïste et de Mamedy Doucara photographe. Les deux ne font qu’un, et je pense que ça, c’est imprimé dans la tête des gens », explique le fondateur de Kelebara Pictures. Tout comme, pour lui, il n’y a pas de différence entre le sportif tricolore et le Français d’origine malienne. « Là aussi, il n’y a qu’une seule et même personne. Je suis français et malien, les deux ne s’opposent pas, ils se complètent. » ● MALIKA GROGA-BADA Photo : MAMEDY DOUCARA JEUNE AFRIQUE
CHINE
Transhumance de masse Le 23 janvier s’ouvre l’année du Dragon. L’occasion pour 250 millions de salariés de prendre la route des vacances. Souvent pour la seule fois de l’année.
STRINGER CHINA/REUTERS
croisés du genou, Mamedy Doucara s’ennuie ferme. Pis, l’arrêt forcé le fait gamberger. « Il n’y a pas d’âge de retraite au taekwondo. Je me suis demandé: “Tu fais quoi si tu es blessé de façon irréversible ?” » Pour « tuer le temps », il assiste un ami photographe, Lamine Sy, qui lui apprend les rudiments du métier. Doucara se prend au jeu, s’achète un appareil photo numérique « un soir, en surfant sur le net ». Cérémonies familiales et moments de vie sont photographiés avec de plus en plus d’audace, au fur et à mesure qu’il gagne en assurance. Les photos circulent, entre amis et collègues de l’équipe de France. Le matériel et la technique, eux, se perfectionnent. Puis, un jour, vient la première commande professionnelle : « La fédération m’a proposé de réaliser l’affiche du championnat de France, en 2007, j’étais excité et heureux. Mon premier cachet : 500 euros… J’étais gentil, à l’époque », s’amuse-t-il.
57
! PRÉPARATION DU DÉFILÉ DU NOUVEL AN à Wenzhou, dans le Zhejiang (sud de Shanghai).
L
e compte à rebours a commencé. En voiture, en bus, en train ou en avion, au moins 250 millions de Chinois s’apprêtent à prendre la route pour rentrer dans leur ville natale. « Je suis très excitée, confie He Aixiu, une jeune femme accompagnée de son bébé de 3 mois. Pour la première fois depuis sa naissance, je retourne chez mes parents, dans le Jiangsu. C’était compliqué d’avoir des billets et d’arriver jusqu’au train, mais ça valait le coup. » Le 23 janvier, la Chine entrera dans l’année du Dragon. Ici, le nouvel an lunaire est synonyme de grandes vacances: écoles fermées, entreprises tournant au ralenti… « Nous avons dix jours de congés par an, explique une jeune femme qui travaille comme femme de ménage à Pékin. Pas question de perdre une minute pour voir ma famille restée au village. » L’industrie du voyage est évidemment la grande bénéficiaire de cette énorme transhumance. « Dans les jours précédents, nous travaillons vraiment beaucoup, commente Wei La Guo, directeur général adjoint de l’agence de voyages CITS. En ce moment, par exemple, nous nous occupons de trente ou quarante
groupes de touristes. Certaines agences à Pékin ont jusqu’à cinq mille clients en une semaine. » Plus leur niveau de vie augmente, plus lesChinoisvoyagent.Etilsnesecontentent plus de rendre visite à leur famille, ils découvrent le vaste monde. En Chine, les sites touristiques affichent complet depuis des mois. Mais à l’étranger aussi, de Phuket à Bali, ils débarquent en foule, alléchés par les offres « spécial nouvel an ». On estime que le nombre des vacanciers augmentera cette année de 10 %. Un record. « Nous sommes mobilisés douze heures par jour, explique Xian Feng, un responsable de la gare de l’Ouest, à Pékin. Il faut vérifier les billets, contenir la foule… Et le nombre de trains a été considérablement augmenté: il en part cinq par heure. » Les autorités pensaient avoir trouvé la parade en proposant aux voyageurs d’acheter leur billet par internet afin d’éviter bousculades et files d’attente. Mais la foule est décidément trop nombreuse, les serveurs informatiques ont explosé. Pour tous les Chinois amenés à se déplacer, c’est donc un mois de galère qui commence. Comme d’habitude, en somme. ● STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Europe, Amériques, Asie e u ro p é e n n e s, d e s personnalités réputées pour leur indépendance sont à leur tour arrêtées pour des motifs obscurs. Entre l’AKP qui s’empare des leviers du pouvoir et une armée soucieuse de préserver ses acquis, les points d’accord ne manquent pas : écraser l’opposition kurde, qualifiée de « terroriste » (y compris celle du parti BDP, représenté au Parlement) ; faire taire les démocrates (comme l’éditeur Ragip Zarakolu, détenu dans une prison de haute sécurité) ; refuser toute reconnaissance du génocide arménien ou toute concession sur Chypre. Les réformes et le processus d’adhésion à l’Union européenne, dont l’AKP s’était servi pour asseoir sa légitimité en 2002, sont au point mort et ont toutes les chances d’y rester.
! LE GÉNÉRAL ILKER BASBUG (au centre), escorté par les forces de sécurité après un interrogatoire, à Istanbul, le 5 janvier.
BERK ÖZKAN/AA/SIPA
58
TURQUIE
Alliance tactique
L’arrestation de l’ancien chef d’état-major le confirme : l’armée, garante de l’orthodoxie kémaliste, est affaiblie. Et désormais contrainte de composer avec le gouvernement AKP.
N
eufansaprèssonaccessionau gouvernement, le Parti de la justice et du développement (AKP) savoure sa revanche. Il est parvenu à affaiblir l’armée au point de la contraindre à partager le pouvoir. Mais le mouvement de Recep Tayyip Erdogan a le triomphe discret : l’ennemi a de beaux restes, et il s’agit désormais de pactiser avec lui. Sans état d’âme. L’AKP revient de loin. Soupçonné d’islamisme rampant, le parti a échappé à sept coups d’État depuis 2002 et frôlé l’interdiction en 2008. Mais il a patiemment tissé sa toile, plaçant ses hommes aux postes clés, s’assurant le contrôle de la police, noyautant une bonne partie de l’administration, déjouant les complots d’autant plus facilement que l’étatmajor était divisé. Aujourd’hui, 10 % des généraux sont sur le banc des accusés, et, avec eux, des dizaines d’officiers, hommes de main et notables (avocats, journalistes, etc.) censés être leurs relais dans la société civile. Conforté par ses succès économiques (7,5 % de croissance en 2011) N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
MAIN DANS LA MAIN. « Alors que la
situation sécuritaire se détériore énormément dans le Sud-Est, on voit bien que le gouvernement et l’armée travaillent main dans la main pour décimer l’opposition kurde », confirme un analyste politique. De fait, lorsque le général Özel, l’actuel chef d’état-major, s’est dit opposé à l’utilisation de la langue kurde dans l’enseignement public et s’est fait traiter de vulgaire « caporal » par le leader du BDP, Erdogan a ardemment pris sa défense. « L’armée n’attache pas d’importance aux personnes, pas plus à Basbug qu’à un
et électoraux (49,9 % aux législatives de juin), l’AKP se sent désormais suffisamment fort pour frapper l’adversaire au cœur. Le mouvement s’est accéléré ces derniers jours : inculpation du général Kenan Evren, 94 ans, l’un des seuls survivants de la junte de 1980 ; perquisition au siège du conglomérat Oyak, symbole de la puissance Les réformes demandées par financière de l’armée, et l’Union européenne sont au point placement en détention de plusieurs employés soupmort. Et risquent bien d’y rester. çonnés de destruction de autre, souligne un sociologue stamboupreuves ; surtout, arrestation, le 5 janliote. Elle se bat pour que sa ligne prévale. vier, du général Ilker Basbug. L’ancien Voyant que, désormais, l’AKP reprend à chef d’état-major (2008-2010) est accusé d’avoir été à l’origine de la création de son compte son idéologie nationaliste et militariste, elle le laisse faire, en tâchant quarante-deux sites internet de propade préserver son prestige fortement gande s’inscrivant dans un vaste « plan écorné. » Son prestige, sans doute, mais antiréactionnaire » destiné à renverser aussi ses intérêts économiques et les le gouvernement. prérogatives politiques qu’elle exerce au ARRESTATIONS EN SÉRIE. Mais les sein du Conseil de sécurité nationale, ce qui rend peu probable l’établissement putschistes ne sont plus seuls dans le d’une nouvelle Constitution garantissant collimateur d’une justice désormais de vraies libertés publiques. ● largement acquise à l’AKP. Au grand dam JOSÉPHINE DEDET des démocrates turcs et des institutions JEUNE AFRIQUE
59
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Va y avoir du sport TRIBUNE André Ayew, attaquant de la sélection ghanéenne PRATIQUE Calendrier, fiches techniques, palmarès PORTRAITS Entraîneurs et joueurs dans les starting-blocks
CAN 2012
Trois semaines en ballon
ISSOUF SANOGO ; ABDELHAK SENNA/AFP ; JEAN-PAUL THOMAS/ICON SPORT
De grandes équipes éliminées, quelques petits nouveaux, des outsiders… Du coup d’envoi en Guinée équatoriale, le 21 janvier, au match final au Gabon, le 12 février, la 28e Coupe d’Afrique des nations promet un jeu plus ouvert que jamais.
JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Le Plus de Jeune Afrique
61
Prélude
Marwane Ben Yahmed
L’art du rebond
L
EGRANDRENDEZVOUSdufootball africain va fêter sa dernière édition… des années paires, pour ne plus doublonner avec la Coupe du monde. Qu’importe le flacon, ces petits arrangements avec le calendrier qui aboutiront à deux Coupes d’Afrique des nations (CAN) d’affilée, pourvu qu’on ait l’ivresse !
du bréviaire sportif continental. Et nos dirigeants (chefs d’État, présidents de fédération ou ministres des Sports), par goût, calculs politiciens ou volonté de préserver privilèges, rentes de situation et membres de leurs clans, aiment à se mêler de tout dans le sport roi, du choix des hommes à la tactique à employer. Même si leur expérience en la matière se borne généralement à l’observation assoupie de matchs de Premier League, une bière ou un jus de fruit à la main… Pas facile pour un sélectionneur, dans ces conditions, de bien travailler. N’est-ce pas, Henri Michel ?
L’édition 2012, qui se déroulera chez les « frères ennemis » du Gabon et de Guinée équatoriale, en tout cas, promet. D’une part, parce que le plateau proposé est inédit: des cadors éjectés de leur piédestal (Cameroun, Nigeria, Égypte…), des invités-surprises (Libye, Botswana, Niger…) et une pléiade Mais les temps changent. Un exemple, d’équipes qui ont, peu ou prou, les mêmes un seul, mais ô combien révélateur et prochances de l’emporter (Ghana, Sénégal, metteur : le temps des « sorciers blancs », Maroc, Côte d’Ivoire…). Bref, suspense garanti et specLe temps des « sorciers blancs », tacle – j’en prends le pari – jusqu’ici érigés en panacée assuré. D’autre part, parce (fort onéreuse), est révolu. que les stars – les vraies, pas celles dont le statut en club est à des années-lumière de ce qu’elles jusqu’ici érigés en panacée (fort onéreuse) démontrent en sélection – actuelles ou en pour les patients africains, semble révolu. devenir seront là. Amara Traoré (Sénégal), François Zahoui (Côte d’Ivoire), Harouna Doula (Niger), Il y aura toujours des esprits chagrins Mohamed Abdallah (Soudan), Sami pour seriner qu’en matière de football il Trabelsi (Tunisie), Lito Vidigal (Angola), y a mieux qu’une Coupe d’Afrique des Stan Tshosane (Botswana) : des sélectionnations pour vibrer devant son petit écran. neurs africains à la tête d’équipes africaines, Désorganisation, impréparation, travail enfin, comme l’appelait de ses vœux dans tactique sommaire, relations humaines ces colonnes, à l’occasion de la Coupe conflictuelles et, surtout, liaisons dangedu monde sud-africaine, le très sage et reuses entre sport et politique… La litanie expérimenté ex-président de l’Olympique des lacunes ou des griefs attribués au contide Marseille Pape Diouf (voir sa tribune nent est un véritable serpent de mer. Et ce intitulée « Faire confiance aux entraîneurs n’est pas, entre autres, le grand « footoir » africains » dans notre spécial Mondial camerounais, excusez la lapalissade, qui 2010). Cela ne garantit évidemment rien, contredira les sceptiques. en termes de performances comme de Raison, sérieux, vision, formation, travail spectacle, mais c’est un signe fort : le footsur le long terme sont, il est vrai, autant de ball africain, lui aussi, fait sa révolution. ● notions jusqu’ici le plus souvent bannies
jeune afrique .com JEUNE AFRIQUE
CAN 2012 Va y avoir du sport
p. 62
PAYS ORGANISATEURS Objectif : faire bonne figure p. 66 INFRASTRUCTURES Préparatifs à quatre mains p. 67 PRATIQUE Le calendrier des 32 matchs Fiches techniques des équipes
p. 70 p. 72
TRIBUNE André Ayew, attaquant de l’équipe du Ghana p. 74
AFRIQUE DU NORD Contre toute attente p. 79 ITINÉRAIRES CROISÉS Les courageux Éléphants et les Lions trop gâtés p. 82 MÉDIAS Des images à prix d’or p. 84 PORTRAITS Joueurs et entraîneurs dans les starting-blocks p. 86
ð Retrouvez toute l’actualité de la CAN sur jeuneafrique.com N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
62
Le Plus de Jeune Afrique
r i o v a y Va CAN 2012
Deux pays organisateurs, quatre favoris, quelques nouveaux venus, une multitude d’outsiders et autant de grands absents… La Coupe d’Afrique des nations, du 21 janvier au 12 février, aura un parfum bien particulier. ALEXIS BILLEBAULT , envoyé spécial
L
amémoirecollectivel’apeut-êtreoublié. Le temps qui défile et les compétitions qui s’enchaînent ont contribué à embouteiller les esprits, mais l’Histoire retiendra que c’est en Afrique que, pour la première fois, l’organisation d’un grand tournoi a été répartie entre deux pays. C’était en janvier-février 2000 au Ghana et au Nigeria, désignés en urgence un an plus tôt en raison de la défaillance du Zimbabwe, incapable d’assumer le cahier des charges imposé par la Confédération africaine de football. L’Afrique devançait ainsi l’Europe, qui s’apprêtait à l’été 2000 à inaugurer, avec l’Euro coorganisé par la Belgique et les Pays-Bas, une mode aujourd’hui bien installée dans les mœurs. Douze ans plus tard, le Gabon et la Guinée équatoriale s’apprêtent à accueillir le gratin continental. Ou ce qu’il en reste. L’épreuve des qualifications a emporté quelques édifices déjà vacillants depuis 2010. Et le 21 janvier, au moment où la Guinée équatoriale disputera N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
face à la Libye un match d’ouverture plus exotique qu’alléchant, ’allé ha on se souviendra iend que lles principaux ri ip éliminés pèsent dix-neuf titres et les présents seulement huit. L’Égypte (lire p. 80), la sélection la plus couronnée – sept titres – et qui avait raflé la mise lors des trois dernières Coupes d’Afrique des nations (CAN), est, avec le Cameroun – quatre titres (lire p. 82) – et le Nigeria – deux –, la grande absente de cette édition. L’Algérie (lire p. 80) et l’Afrique du Sud, tombées sur plus forts qu’elles, complètent la liste des anciens vainqueurs recalés, avec la RD Congo (deux titres), le Congo et l’Éthiopie – ce qui, dans ces trois derniers cas, n’a surpris personne.
MBOMA VOTE MAROC. L’éclipse – sans doute
Après huit ans de règne nord-africain, va-t-on assister au retour des Subsahariens ?
momentanée – de ces gros bras a considérablement réduit la liste des favoris. Patrick Mboma (41 ans), deux fois champion d’Afrique avec le Cameroun (2000 et 2002), a la sienne, qui devrait être universellement partagée. « Je pense que le vainqueur est à choisir entre la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Maroc et le Ghana », assure l’ancien Lion, dont l’objectivité est renforcée par l’absence de son pays. En poussant un peu plus sa réflexion, il fait même du Maroc son candidat le plus sérieux au titre. « Eric Gerets [lire p. 86, NDLR] a beaucoup apporté aux Lions de l’Atlas. Il a su leur donner un style offensif, il dispose d’excellents joueurs [évoluant] en Europe, mais aussi au Maroc. C’est une sélection certes en construction, mais déjà bien organisée et JEUNE AFRIQUE
t r o p s u d convaincante. » En cela, Mboma va à rebours des avis Car sii le M Maroc est is lles plus lu autorisés. ri é C st effectiff ti vement cité ponctuellement comme un possible lauréat, ce sont la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Ghana qui recueillent le maximum de suffrages. Cette foi dans le retour d’un pays subsaharien au sommet du continent après huit ans de domination nord-africaine (Tunisie en 2004, Égypte en 2006, 2008 et 2010) n’est pas farfelue. La Côte d’Ivoire (lire p. 82), qui finira peut-être par gagner autre chose que les concours de pronostics, dispose toujours d’autant d’individualités (Kolo et Yaya Touré, Kalou, Drogba, Doumbia, Gervinho), dont les ego sont parfois difficilement compatibles. Le Sénégal, dont l’armada offensive (P. Cissé, Sow, Niang, Ba, D. N’Doye) rappelle furieusement celle des Éléphants, semble enfin avoir digéré le début des années 2000. Il a bouclé les qualifications invaincu, en éliminant au passage le Cameroun. Le coach sénégalais « Amara Traoré [lire p. 90] a su redonner un élan à la sélection, mais cette équipe ne me semble pas assez équilibrée. Un peu comme la Côte d’Ivoire », fait remarquer Mboma. Et il y a le Ghana, finaliste de la CAN 2010 en Angola et quart de finaliste, la même année, du Mondial sud-africain. L’équipe est moins riche en individualités, mais son impact collectif est supérieur à celui de ses trois principaux rivaux. Derrière la bande des quatre se bouscule toute une meute d’outsiders plus ou moins égaux devant JEUNE AFRIQUE
! Flambant neuf, LE STADE DE L’AMITIÉ-SINOGABONAISE, À LIBREVILLE, accueillera la finale.
l’épreuve des pronostics. On y retrouve la Tunisie (lire pp. 78-79), (lir 78-79) revenue de d très ès loin loi après rè un début déb de qualifications catastrophique, la Zambie, qui déçoit rarement en phase finale, le Burkina Faso du trio Pitroipa-Kaboré-Alain Traoré (lire p. 90). Ou encore le Mali, qui a récupéré le milieu de terrain du FC Barcelone Seydou Keita (lire p. 87) mais perdu en chemin Frédéric Kanouté (retraite internationale) et Mahamadou Diarra, chômeur de luxe depuis son départ de Monaco en juin. CHALLENGEURS ET BÉOTIENS. Le Gabon (lire
Des recalés de poids Égypte 7 fois victorieuse Cameroun 4 fois vainqueur Nigeria 2 fois vainqueur soit
13
titres
8
contre pour l’ensemble des pays qualifiés
pp. 66-67) peut également postuler à ce club des potentiels empêcheurs de tourner en rond, où la Guinée(quiafaitchuterleNigeria)etéventuellement l’Angola ont leur place. Et sans en faire des épouvantails, la Libye, qualifiée malgré les événements que l’on sait, et le Soudan, boosté par les bons résultats d’Al-Hilal et d’Al-Merreikh sur la scène continentale, seront également à prendre au sérieux. Mais la CAN est également faite pour découvrir de nouvelles têtes. Celle de la Guinée équatoriale (lire pp. 66-67), que personne, à part les ÉquatoGuinéens eux-mêmes, ne semble croire capable d’un bon résultat, mais aussi celles du Niger (lire p. 84) et du Botswana (lire p. 82), les autres béotiens du plateau. Trois sélections au vécu infime et sans notoriété, qui n’ambitionnent rien d’autre que de se faire une place dans la hiérarchie africaine. Pour elles, ce sera déjà beaucoup. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
SIA KAMBOU/AFP
63
GABON NUMÉRIQUE L’ANINF connecte les Gabonais entre eux et au reste du monde
L’
MESSAGE
Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF) a été créée en janvier 2011 pour bâtir le « Gabon des services », l’un des trois piliers du plan d’action du président Ali Bongo Ondimba, le « Gabon émergent », avec le « Gabon industriel » et le « Gabon vert ». Elle doit permettre de faire du pays un acteur économique et social incontournable dans le secteur africain des TIC. L’agence fusionne dans cette tâche deux entités créées en 2010 : l’Agence Nationale de l’Informatique (ANI) et l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC). Placée sous la tutelle technique du ministre chargé de l’Économie numérique, elle est dirigée par M. Alex Bernard Bongo Ondimba.
TOUTE L’ÉQUIPE DE L’ANINF.
Coordonner l’effort national Les missions colossales de l’ANINF concernent aussi bien les télécommunications que l’audiovisuel et l’informatique. Son rôle principal : créer et gérer les infrastructures et les ressources nationales de transport et de connectivité communes à ces trois secteurs. Pour garantir la cohérence du système national, c’est elle qui valide tous les projets de l’économie numérique. L’agence établit un lien entre l’administration et les citoyens en rendant disponible les services administratifs en ligne (e-learning, télémédecine, e-governement…). Dans le secteur des télécommunications, elle élabore le plan national des fréquences radioélectriques, une tâche anciennement dévolue à l’Agence de régulation des télécommunications (ARTEL).
« Le Gabon numérique » Les missions de l’ANINF sont notifiées dans le détail à travers un plan opérationnel sectoriel 2011-2016 conçu autour de six axes stratégiques : AXE 1 : mise en place d’un cadre institutionnel AXE 2 : création d’un cadre juridique de la société de l’information AXE 3 : construction et opération de l’infrastructure numérique AXE 4 : normalisation et informatisation des grands registres unifiés de l’Etat
et des secteurs sociaux dans la société de l’information, du savoir et de la connaissance
La mise en application de ces axes se fait à travers 19 programmes, eux-mêmes décomposés en quarante projets.
MISE EN PLACE DES NOC/NDC.
Le « backbone » gabonais, colonne vertébrale numérique C’est la priorité de l’ANINF. Dans le cadre de la construction et de la gestion de l’infrastructure numérique, il s’agit de réaliser la colonne vertébrale terrestre du réseau de fibre optique national. Ce maillage de l’ensemble du pays, qui s’étendra sur près de 2555 Km, avec 2013 Km de câble enterré et 542 Km de câble sous-marin, permettra à toutes les localités du Gabon d’être desservies par le réseau haut débit. Une fois achevée, l’infrastructure fera du pays un point nodal des TIC dans la sous-région. De quoi lui garantir une place de leader dans ce secteur, en Afrique, ainsi que dans ses applications socio-économiques. Il est déjà classé huitième sur le continent et premier au sein de la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale ), sur l’indice de développement des TIC publié en 2010 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’agence des Nations unies pour les TIC.
ZOOM sur… Tous les projets menés ou coordonnés par l’ANINF ne sont pas au même stade d’avancement. Tour d’horizon de ceux qui sont aujourd’hui les plus avancés.
LE DATACENTER L’ANINF gère directement le projet Datacenter (centres de traitement de données). Ces plateformes de gestion permettent pour des administrations ou des grandes entreprises, sous stricte surveillance, de stocker, sauvegarder, traiter et transmettre rapidement de vastes quantités de données informatiques. Il permettra par exemple de recevoir les données du projet Plan National Géomatique, que l’ANINF a récupéré en décembre dernier des mains du directeur général du Budget, ainsi que l’ensemble des applications à caractère transversal de l’administration gabonaise.
LE PROJET WIMAX Le projet WiMax vise à doter l’administration gabonaise d’un réseau d’accès sans fil haut débit qui interconnecte l’ensemble des sites de l’administration, mais aussi qui permette la mise en place d’un réseau de téléphonie interne dans lequel tous les agents de l’Etat pourront
ANTENNE WIMAX.
communiquer gratuitement entre eux. Le WiMax sera disponible dès le début de l’année à Libreville et Franceville, les deux villes qui accueillent les rencontres de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 (CAN), et dans le reste du pays après la compétition.
« GABON ON LINE » Le projet Gabon On Line (GOL) vise à offrir une vitrine internet à l’ensemble des ministères du Gabon et à créer un portail gouvernemental. Des services en ligne seront proposés à la population, aux entreprises et aux personnels de l’Etat. Il s’agit en un mot de créer un lien direct entre l’Etat et ses administrés. Le projet est structuré autour de trois composantes : un portail de la République gabonaise, un intranet administratif et une plateforme de vidéoconférence et de présentation interactive.
GEDU@LIGNE : L’E-EDUCATION GABONAISE L’ANINF mène également des projets en partenariat avec différents ministères. « Gedu@ligne » (Gabon éducation en ligne) est l’un d’eux. Il offre au système éducatif gabonais d’intégrer des technologies de l’information et de la communication. Il a été adopté en novembre dernier dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’ Éducation et les responsables éducation de Microsoft Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest. Il proposera notamment la publication des données administratives, des absences, des notes, des emplois du temps, des annuaires ou encore un espace de messagerie et de travail collaboratif grâce à la solution Live@Edu.
A GENCE N ATIONALE DES I NFRASTRUCTURES N UMÉRIQUES ET DES F RÉQUENCES
Cours Pasteur (Immeuble de la Solde) • B.P. 798 • Libreville, Gabon Tél.: + 241 79 52 77 • www.aninf.ga
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
AXE 5 : mise en place de l’e-gouvernement AXE 6 : accompagnement du secteur productif
Le Plus de J.A.
CAN 2012
GWENDOLINE LE GOFF/PANORAMIC
66
QUALIFIÉS D’OFFICE
Objectif: faire bonne figure Le Gabon semble mieux outillé que la Guinée équatoriale pour nourrir quelques ambitions dans la compétition. Pour les deux pays hôtes, le défi est de taille. Ils doivent sauver l’honneur.
E
n des temps pas si anciens, l’annonce de la démission du sélectionneur de la Guinée équatoriale n’aurait pas éveillé le moindre intérêt au-delà des frontières de l’ancienne colonie espagnole. Seulement, le petit État pétrolier coorganise la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avec le Gabon, et le nom de l’intéressé – Henri Michel – a largement favorisé la propagation d’une information qui s’est finalement confirmée. Deux raisons qui ont suffi à faire basculer la Guinée équatoriale dans le camp des pays médiatiquement très observés. Et à lui faire vivre une crise dont on mesurera, peut-être, les effets à très court terme. Car Henri Michel (64 ans) a, en définitive, claqué la porte le 21 décembre dernier, deux mois après avoir déjà envisagé de quitter Malabo, lassé d’une situation qu’il jugeait « trop compliquée ». Et l’influencede TeodoroObiangNguema,l’omniprésent chef de l’État équato-guinéen, N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
qui l’avait rattrapé par la manche à deux mois et demi du coup d’envoi de la CAN, n’a cette fois-ci servi à rien. «Quandjesuisarrivéendécembre2010, j’étais face à une page blanche », a souvent rappelé Henri Michel. La situation n’a pas évolué comme il l’aurait souhaité, et les griefs qu’il a portés sur la place
LE NZALANG NACIONAL a joué plusieurs rencontres amicales en France (ici contre Nice en juillet).
publique proliféraient. Il s’était notamment plaint d’avoir à trouver lui-même des stages et des matchs amicaux, le plus souvent en France et en Espagne, et de voir certaines personnes gravitant autour du Nzalang Nacional tenter de lui imposer des choix, tout en constatant l’emprise néfaste de quelques joueurs « qui prennent l’équipe en otage »… En outre, le championnat national n’est qu’une chimère. Le Français, qui a exploré l’Afrique sous toutes ses coutures depuis deux
LA LASSITUDE DE MICHEL LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES AU QUOTIDIEN, l’ingérence récurrente du pouvoir politique et une sélection « prise en otage » par quelques joueurs: les raisons qui ont poussé Henri Michel à démissionner le 21 décembre sont les mêmes que celles qui l’avaient déjà incité à tirer sa révérence deux mois plus tôt. La première fois, le chef de l’État,Teodoro Obiang Nguema, lui avait demandé de rester, et Michel avait accepté. Son remplaçant, Gilson Paulo, le troisième Brésilien à diriger le Nzalang Nacional après Antonio Dumas (2003) et Jordan de Freitas (2006), est, comme ses deux compatriotes, un parfait inconnu du grand public. Le CV de ce sexagénaire (62 ans) qui va vivre lors de cette Coupe d’Afrique des nations sa première expérience sur le continent fait la part belle à son ancien statut de directeur du centre de formation de Vasco da Gama, un des meilleurs clubs du Brésil. ● A.BI. JEUNE AFRIQUE
Trois semaines en ballon décennies, est tombé de haut : « Je savais que ce serait difficile, mais pas à ce point. La Guinée équatoriale n’a pas un gros réservoir de joueurs, et depuis que je suis arrivé avec mon staff, nous avons multiplié les essais. » Michel a beaucoup testé, piochant parmi des joueurs locaux et une multitude d’expatriés (ou de naturalisés) dénichés en France, en Espagne, en Belgique, au Brésil, au Venezuela ou en Iran, mais toujours dans des divisions inférieures. La Guinée équatoriale a gagné quelques matchs amicaux. Résultat : Michel a dû passer une bonne partie de son temps à tempérer les ardeurs d’une opinion publique convaincue qu’un sacre continental n’est plus un fantasme. « Si on passe le premier tour, ce sera déjà bien, car nous venons de très loin. Il faut voir plus loin que cette CAN et préparer l’avenir », ressassait-il avant son premier faux départ. Pas sûr que le Brésilien Gilson Paulo, nommé le 2 janvier pour le remplacer (lire encadré), ait le temps de faire de la Guinée équatoriale une bête de concours…
qui ne correspondrait pas aux caractéristiques de ses joueurs. « Nous avons obtenu des résultats intéressants ces derniers mois. L’équipe encaisse peu de buts et, surtout, une véritable ossature s’est dégagée dans un groupe sain et uni où l’ambiance est constructive », rétorque le successeur d’Alain Giresse, en omettant pudiquement d’évoquer la haine que se vouent deux de ses attaquants, le
67
capitaine Daniel Cousin (lire p. 90) et Éric Mouloungui. Sans star – même si Pierre-Émerick Aubameyang (Saint-Étienne) ou Bruno Ecuele Manga (Lorient) jouissent d’une honnête réputation en France –, les Panthères n’ignorent pas qu’évoluer à domicile ne suffit pas forcément pour exister dans une compétition. ● ALEXIS BILLEBAULT
INFRASTRUCTURES
Préparatifs à quatre mains
Stades, hôtels, espaces publics… Les coorganisateurs de cette 28e CAN ont mis les bouchées doubles pour accueillir les équipes, leur encadrement, les supporteurs et les médias.
d’un tirage au sort délicat (il est dans le groupe C avec le Maroc, le Niger et la Tunisie), le Gabon semble nettement plus capable que son coorganisateur de jouer un rôle lors de cette CAN. Et ce même si lors de ses trois précédentes apparitions en phase finale (1994, 2000 et 2010) il n’a jamais passé l’épreuve du premier tour. Cependant, comme son voisin équatoguinéen, le pays n’a pas su s’épargner une mini-crise au cœur de l’automne – mais dans un style plus feutré –, dont le principal acteur fut Gernot Rohr (58 ans), le sélectionneur allemand des Panthères. « J’ai été victime d’une campagne médiatique orchestrée par un personnage [un président de club de Division 1 gabonaise, NDLR] qui voulait ma tête », rappelle-t-il. Le nom de son successeur, le champion du monde français Lionel Charbonnier, était même sorti dans la presse fin octobre, jusqu’à ce qu’Ali Bongo Ondimba, relayé par le ministre des Sports et le président de la fédération, siffle la fin de la récréation. Ce qui n’empêche pas la presse et une partie des supporteurs de contester les choix de Gernot Rohr, coupable à leurs yeux d’avoir opté pour un système de jeu JEUNE AFRIQUE
SIA KAMBOU/AFP
ROHR CHAHUTÉ. Malgré les perfidies
D
ALI BONGO ONDIMBA AU STADE DE LIBREVILLE pour le match d’inauguration, le 10 novembre.
CAN jouée dans deux pays. Avec, cette fois, une coorganisation confiée à des États voisins, ce qui a pour avantage de réduire les difficultés de transport. Des initiatives ont été prises par le Gabon et la Guinée équatoriale pour simplifier les déplacements des supporteurs Un visa unique, valable dans et des médias. Outre les les deux États, a été instauré avions affrétés pour la pour simplifier les déplacements. circonstance, un visa unique, valable dans les 12 février, la finale de cette 28e édition. deux pays, a été instauré afin de perAprès le Ghana et le Nigeria en 2000, mettreauxvisiteursdecirculerlibrement de part et d’autre de la frontière pendant la Confédération africaine de football (CAF) renouvelle l’expérience d’une toute la durée de la compétition. ● ● ●
eux grands stades flambant neufs, l’un de 35 000 places et l’autre de 40 000. Le premier accueillera à Bata, le 21 janvier, le match d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui opposera la Guinée équatoriale à la Libye. Le second, de l’autre côté de la frontière, à Libreville, abritera, le
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
68
Le Plus de J.A.
CAN 2012 CAMEROUN
Malabo GUINÉE ÉQUATORIALE
Bata GUINÉE ÉQUATORIALE
Libreville
Stad Stade Enko Enkoantoma 35 000 places GABON
15 200 places pl Océan Atlantique
Franceville
Stade de l’Amitié-Sino-Gabonaise 40 000 places
CONGO
Stade de la Rénovation 22 000 places
100 km
C’est surtout en matière d’infrastructures que les États, tous deux producteurs de pétrole et profitant de la bonne tenue des cours de l’or noir, ont mis le paquet pour être à la hauteur de cet événement qu’ils organisent pour la première fois. En Guinée équatoriale, le stade Enkoantoma de Bata (la plus grande ville du pays) a été agrandi l’an dernier (par le groupe français Bouygues) pour porter sa capacité de 22 000 à 35 000 places. Il accueillera les matchs du groupe A (Guinée équatoriale, Libye, Sénégal, Zambie). Une deuxième enceinte d’un peu plus de 15 000 places a été bâtie à Malabo, la capitale, sur l’île de Bioko. C’est sur sa pelouse que s’affronteront les équipes du groupe B (Angola, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Soudan). Quatre nouveaux terrains d’entraînement viennent en outre étoffer le parc des infrastructures sportives du pays. ●●●
FACTURES INÉGALES. Difficile de
connaître le montant exact de tous ces investissements. Le chiffre de 10 à 15 milliards de F CFA (15,2 à 22,8 millions d’euros) évoqué un temps par Ruslan Obiang Nsue, président du Comité d’organisation de la CAN (Cocan) pour la Guinée équatoriale, semble bien dérisoire. Car, au Gabon, qui s’est également doté de quatre nouveaux terrains, les autorités estiment à quelque 370 millions d’euros la somme totale injectée dans la construction des équipements destinés à cette CAN. Le stade de l’Amitié-Sino-Gabonaise de Libreville, où jouera le groupe C (Gabon, Maroc, Niger, Tunisie), construit par Shanghai Construction Group, « est N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
un cadeau du gouvernement chinois », selon Henri Ohayon, le directeur général de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT) gabonaise. Il n’en aura pas moins coûté aux autorités locales 37 millions d’euros en travaux de finition (éclairage, pelouse, etc.). Le stade de Franceville (22 000 places), où les équipes du groupe D (Botswana, Ghana, Guinée, Mali) disputeront la compétition, représente quant à lui un investissement de 76,2 millions d’euros.
Si la facture semble moindre en Guinée équatoriale, c’est notamment parce que le pays, qui a accueilli le sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) à l’été 2011 à Malabo, a déjà massivement investi ces dernières années dans le développement des infrastructures routières et hôtelières. Ses principaux chantiers pour l’accueil de la CAN se sont concentrés sur l’extension et la construction des complexes sportifs. Au Gabon, en revanche, les investissements ont aussi porté sur les routes, le transport urbain et les infrastructures d’hébergement, particulièrement insuffisantes. Pour renforcer son parc hôtelier, le pays a ainsi dû construire ou rénover huit établissements – la réfection de l’hôtel Leconi Palace, à Franceville, mobilisant à elle seule près de 13 millions d’euros. Au-delà de la CAN, le Gabon s’est d’ailleurs engagé dans une politique de développement de ses infrastructures à laquelle il compte consacrer plus de 8,5 milliards d’euros sur cinq ans. Pendant ce temps, du côté de Malabo, après l’accueil du sommet de l’UA en 2011 et de la CAN en 2012, on est déjà candidat à l’organisation des Jeux de la Francophonie en 2017. ● STÉPHANE BALLONG
Rendez-vous… dès 2013 Pour éviter la collision avec le Mondial, le tournoi aura bientôt lieu les années impaires. L’an prochain, c’est l’Afrique du Sud qui l’organisera.
L
a 29 e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ne se fera pas attendre deux ans. La Confédérationafricainedefootball(CAF) a en effet décidé de décaler le calendrier de la compétition, qui se tiendra les années impaires à partir de 2013. En outre, compte tenu de la révolution en Libye, la CAF a confirmé en septembre que cette dernière, qui devait accueillir l’édition 2013, organisera finalement la CAN 2017. L’Afrique du Sud (qui remplacera aussi la Libye pour le Championnat d’Afrique des nations en 2014) a été désignée comme pays hôte de la CAN 2013. En tant que pays organisateur, elle est qualifiée d’office pour la compétition de l’an prochain, dont les éliminatoires se feront selon un système
exceptionnellement accéléré. La phase de poules est supprimée et remplacée par deux tours de matchs aller-retour à élimination directe. Les quatre équipes les plus mal classées par la Fifa au moment du tirage au sort devaient disputerd’abordunerencontrepréliminaire éliminatoire. São Tomé e Príncipe et le Lesotho s’affrontent les 15 et 22 janvier. Quant aux Seychelles, elles bénéficient du forfait du Swaziland et sont donc déjà assurées de passer au premier tour, qui opposera, entre février et juin, 28 sélections ne jouant pas la CAN 2012. Les 14 équipes qualifiées à la suite de ce premier tour et les 16 équipes de la CAN 2012 disputeront les matchs du second tour de qualification en septembre et octobre, après tirage au sort. ● CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE
PUBLI-INFORMATION
Photo de famille de l’équipe CNSE.
Le Capitaine et Président de l’équipe CNSE, Parfait Kouassi, entre sur le terrain.
CAN 2012,
la vague orange déferle sur Malabo
Avec le CNSE, les supporters des Éléphants assurent l’ambiance et la victoire.
Le coach CNSE, Jean-Louis Billon lors du match de gala FIF Gouvernement le 5 janvier 2012.
« Les fans du CNSE sont prêts à pousser les Ivoiriens jusqu’au titre. »
Cérémonie du lundi 29 novembre 2011, au Ministère des Sports, remise de la récompense d’un million de F CFA à deux Ivoiriens, nouveaux champions d’Afrique de Boxe par le Président de la CNSE (à droite) Parfait Kouassi.
Le CNSE est une institution étatique placée sous la tutelle du Ministère des Sport et des Loisirs. Elle a été créée en 1984, à l’occasion de la CAN organisée en Côte d’Ivoire, par le Président Félix Houphouët Boigny. Ses dirigeants sont nommés par leur ministère de tutelle, dont M. Philippe Legré est actuellement en charge. Mobilisation des supporters, promotion des sélections nationales et organisation des voyages de supporters à l’étranger sont ses principales missions.
150 supporters Ivoiriens sont arrivés à Malabo, en Guinée équatoriale, avec le Comité national de soutien aux Éléphants (CNSE). Ils ont la ferme intention de porter leur équipe de Côte d’Ivoire jusqu’à la victoire finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2012, organisée conjointement par la Guinée équatoriale et le Gabon du 21 janvier au 12 février. Aux côtés du traditionnel et bruyant comité mixte d’animation, 25 supporters heureux détenteurs de la nouvelle « carte nationale de supporter » ont été tirés au sort, début janvier, pour faire partie de l’aventure. Cette carte est une nouveauté lancée en novembre dernier sous la présidence de M. Parfait Kouassi. Le Dr Parfait Kouassi est revenu aux affaires avec un seul défi en tête : toujours mieux faire ! Vice-président sous la mandature de Jean-Louis Billon (2008 à 2010), le PDG du groupe pharmaceutique GOMCI/DPCI est revenu aux affaires en juin 2011. Trois types de cartes - Ivoire (2 000 FCFA), Gold (10 000) et Platinum (100 000) donnant accès à des offres promotionnelles, dans des magasins, ont été mises à disposition du public. Ce sont les premières au monde destinées à une sélection nationale et non pas à des clubs. Les recettes tirées de leur vente permettent au CNSE de fonctionner. L’institution étatique se finance également grâce à ses partenaires, tels qu’Orange Côte d’Ivoire Telecom, et, exceptionnellement, grâce à des subventions de l’État, telles que celle de 700 millions de F CFA octroyé pour la CAN 2012. Mais la mission du CNSE est bien de mobiliser les supporters ivoiriens autour de 33 fédérations sportives nationales. S’il est interdit de manquer le rendez-vous de la CAN, autour du sport le plus populaire au monde, le CNSE se prépare déjà à soutenir les siens lors des JO 2012 ou de l’Afrobasket 2013. Cette année, il a déjà supporté les Éléphants à l’occasion du double championnat d’Afrique des Nations de boxe, à Abidjan, de l’Afrobasket féminin organisé au Mali ou encore des Jeux Africains de Maputo, au Mozambique. La volonté du CNSE, c’est également de jouer sa partition dans la relance économique post-crise et la restauration de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire. Cela, encore plus aux côtés de la sélection de football, dont les joueurs ont toujours lutté à leur niveau pour une Côte d’Ivoire unie. Son Excellence Alassane Ouattara, Président de Côte d’Ivoire est titulaire de la première carte nationale de supporter des Éléphants. Rue des Jardins, 2 Plateaux 29 BP 925 Abidjan 29 - Côte d’Ivoire Tél. : + 225 22 41 43 24 - Fax : +225 22 41 43 64 Email cnse@hotmail.com www.cnseci.com
70
Le Plus de J.A.
CAN 2012
Progra
Le calendrier d GROUPE A (à Bata) GUINÉE ÉQUATORIALE LIBYE SÉNÉGAL ZAMBIE Match Guinée équatoriale-Libye Sénégal-Zambie Libye-Zambie Guinée équatoriale-Sénégal Guinée équatoriale-Zambie Libye-Sénégal
Date 21 jan. 21 jan. 25 jan. 25 jan. 29 jan. 29 jan.
Heure* 19 h 30 22 h 17 h 20 h 19 h 19 h
Lieu Bata Bata Bata Bata Malabo Bata
Quart de finale e1 4 février 17 h à Bata a
Vainqueur Quart Vainqueur Qu
1er Groupe A 2e Groupe B
Fin
12 fé 20 Libre
* HEURE LOCALE
GROUPE B (à Malabo)
Demi-finale 2
8 février 20 h à Libreville
ANGOLA BURKINA FASO CÔTE D’IVOIRE SOUDAN Match Côte d’Ivoire-Soudan Burkina Faso-Angola Soudan-Angola Côte d’Ivoire-Burkina Faso Soudan-Burkina Faso Côte d’Ivoire-Angola
Date Heure* 22 jan. 17 h 22 jan. 20 h 26 jan. 17 h 26 jan. 20 h 30 jan. 19 h 30 jan. 19 h
Vainqueur Quart Vainqueur Qu
Lieu Malabo Malabo Malabo Malabo Bata Malabo
1er Groupe B 2e Groupe A
Match de c
(pour la 3 11 février 20
Quart de finale 2 4 février 20 h à Malabo
Perdant De Perdant De
* HEURE LOCALE
PALMARÈS : LES 27 FINALES Égypte-Éthiopie 4-0 L’Égypte remporte le tournoi final devant le Soudan et l’Éthiopie Ì 1962 Éthiopie-Égypte 4-2 (prolong.) Ì 1963 Ghana-Soudan 3-0 Ì 1957 Ì 1959
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Ghana-Tunisie 3-2 (prolong.) RD Congo - Ghana 1-0 Ì 1970 Soudan-Ghana 1-0 Ì 1972 Congo-Mali 3-2 Ì 1974 Zaïre-Zambie 2-0 (rejouée) Ì 1965
Ì 1968
Le Maroc remporte le tournoi final devant la Guinée et le Nigeria Ì 1978 Ghana-Ouganda 2-0 Ì 1980 Nigeria-Algérie 3-0 Ì 1982 Ghana-Libye t.a.b.* Ì 1976
JEUNE AFRIQUE
Trois semaines en ballon
amme
des 32 matchs GROUPE D (à Franceville) BOTSWANA GHANA GUINÉE MALI
Demi-finale 1
8 février 17 h à Bata
de finale 1 uart de finale 4
Quart de finale 4
5 février 20 h à Franceville
1er Groupe D 2e Groupe C
nale
évrier 0h eville
Match Ghana-Botswana Mali-Guinée Botswana-Guinée Ghana-Mali Botswana-Mali Ghana-Guinée
Date 24 jan. 24 jan. 28 jan. 28 jan. 1er fév. 1er fév.
Heure* 17 h 20 h 17 h 20 h 19 h 19 h
Lieu Franceville Franceville Franceville Franceville Libreville Franceville * HEURE LOCALE
GROUPE C (à Libreville) GABON MAROC NIGER TUNISIE
de finale 2 uart de finale 3
classement
3e place) 0 h à Malabo
1 Groupe C 2e Groupe D er
Quart de finale 3
5 février 17 h à Libreville
emi-finale 1 emi-finale 2
Match Gabon-Niger Maroc-Tunisie Niger-Tunisie Gabon-Maroc Gabon-Tunisie Niger-Maroc
Date Heure* 23 jan. 17 h 23 jan. 20 h 27 jan. 17 h 27 jan. 20 h 31 jan. 19 h 31 jan. 19 h
Lieu Libreville Libreville Libreville Libreville Franceville Libreville * HEURE LOCALE
Cameroun-Nigeria 3-1 Égypte-Cameroun t.a.b.* Ì 1988 Cameroun-Nigeria 1-0 Ì 1990 Algérie-Nigeria 1-0 Ì 1992 Côte d’Ivoire-Ghana t.a.b.* Ì 1984
Ì 1986
JEUNE AFRIQUE
Nigeria-Zambie 2-1 Afrique du Sud-Tunisie 2-0 Ì 1998 Égypte-Afrique du Sud 2-0 Ì 2000 Cameroun-Nigeria t.a.b.* Ì 2002 Cameroun-Sénégal t.a.b.* Ì 1994
Ì 1996
2004 Tunisie-Maroc 2-1 2006 Égypte-Côte d’Ivoire t.a.b.* Ì 2008 Égypte-Cameroun 1-0 Ì 2010 Égypte-Ghana 1-0 Ì
Ì
* t.a.b. : victoire aux tirs au but
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
71
72
Le Plus de J.A.
CAN 2012
Revue d’effectifs GROUPE A
GUINÉE ÉQUATORIALE
Les Verts
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
AmaraTraoré (Sénégal) Points forts Une défense solide, un milieu de terrain puissant et des attaquants de classe internationale ; des qualifications quasi parfaites ; la personnalité deTraoré Points faibles Les gardiens de but ; un statut de favori à assumer
BURKINA FASO
CÔTE D’IVOIRE
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Le Nzalang Nacional
Gilson Paulo (Brésil) Points forts Jouer à domicile ; quelques résultats encourageants en 2011 Points faibles Pas d’expérience du haut niveau ; pas de championnat national ; la pression médiatique et populaire ; la démission du sélectionneur Henri Michel à un mois de la CAN
LIBYE
(avant la révolution)
Marcos Paqueta (Brésil) Points forts La dynamique née du contexte particulier ; quelques joueurs d’expérience (Aboud, Saad, Shibani) ; une défense solide Points faibles Le manque de compétition des joueurs évoluant en Libye ; beaucoup de joueurs qui découvriront la CAN
SÉNÉGAL
ZAMBIE
Les Lions de la Teranga
Les Chipolopolos
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Hervé Renard (France) Coupe de la Cosafa 1997, 1998 et 2006 ; Coupe de la Cecafa 1984, 1991 et 2006 Points forts Une solide expérience de la CAN, avec Mweene, Chamanga, Kalaba, Musundo, Chris et Félix Katongo ; un style de jeu offensif Points faibles Peu de joueurs évoluant en Europe ; des tensions entre gouvernement et fédération Ì Palmarès
GROUPE B
ANGOLA
Les Palancas negras Ì Sélectionneur
Lito Vidigal (Angola) Ì Palmarès Coupe de la Cosafa 1999, 2001 et 2004 Points forts Trois participations à la CAN et une au Mondial depuis 2006 ; des cadres (Kali, Macanga, Love, Flavio, Gilberto) expérimentés ; une défense difficile à bouger Points faibles Pas de star ; peu de joueurs évoluant dans de grands championnats ; une génération vieillissante
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Les Étalons
Paulo Duarte (Portugal) Points forts Une génération (B. Koné, A. Traoré, Kaboré, Pitroipa) prometteuse ; Dagano, meilleur buteur de l’histoire de la sélection ; un jeu offensif et efficace Points faibles La forte dépendance à quelques joueurs ; une qualification sans réelle adversité (Namibie, Gambie)
Les Éléphants François Zahoui (Côte d’Ivoire) Ì Palmarès CAN 1992 Points forts Un secteur offensif parmi les meilleurs du monde ; des joueurs expérimentés ; une année 2011 parfaitement négociée Points faibles Des tensions entre certaines stars ; la pression pesant sur une génération surdouée mais qui n’a jamais rien gagné
SOUDAN
Les Faucons de Jediane Ì Sélectionneur
Mohamed Abdallah Mazda (Soudan) Ì Palmarès CAN 1970 ; Coupe de la Cecafa 1980, 2006 et 2007 Points forts Des joueurs habitués aux grandes compétitions (avec Al-Hilal ou Al-Merreikh) ; un groupe qui se connaît bien ; une défense solide Points faibles Le souvenir d’une CAN 2008 désastreuse ; beaucoup de joueurs évoluant dans le (faible) championnat local JEUNE AFRIQUE
Trois semaines en ballon
GROUPE C
GABON
MAROC
NIGER
TUNISIE
Les Panthères
Les Lions de l’Atlas
Le Mena
Les Aigles de Carthage
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Gernot Rohr (Allemagne) Points forts Jouer à domicile ; des individualités (P.-É. Aubameyang, Mouloungui) ; le retour au pays de certains cadres (Cousin, Nguema) avant la CAN Points faibles La pression populaire ; un sélectionneur contesté ; les tensions entre Cousin et Mouloungui
Eric Gerets (Belgique) Ì Palmarès CAN 1976 Points forts Le jeu offensif prôné par Gerets ; l’alliance de cadres (Hadji, Chamakh, Kharja) et de jeunes (Boussoufa, Belhanda) ; l’organisation, professionnelle Points faibles Une équipe encore en construction ; le risque de tensions entre locaux et « européens » ; la pression populaire et médiatique
Harouna Doula Gabde (Niger) Points forts La qualification face à l’Égypte et à l’Afrique du Sud ; une équipe compacte ; un gardien (Kassaly) et un attaquant (Maazou) capables d’être décisifs Points faibles Une inexpérience totale à ce niveau ; un effectif limité en qualité et en quantité ; des résultats incertains loin de Niamey
SamiTrabelsi (Tunisie) CAN 2004 Points forts Une qualification presque miraculeuse ; de belles individualités (Jemaa, Haggui, Chedli, Chermiti) ; un jeu offensif Points faibles Le manque de compétition des joueurs évoluant en Tunisie ; l’inexpérience de plusieurs d’entre eux à ce niveau
Ì Palmarès
GROUPE D
BOTSWANA
GHANA
GUINÉE
MALI
Les Zèbres
Les Black Stars
Le Syli national
Les Aigles
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
Ì Sélectionneur
StanleyTshosane (Botswana) Points forts La qualification acquise dès mars 2011 ; une équipe difficile à jouer, solide défensivement Points faibles Peu de joueurs évoluant à l’étranger ; un faible rendement offensif ; une sélection très dépendante de quelques cadres (Mompati, Selolwane, Ramatlhakwane)
JEUNE AFRIQUE
Goran Stevanovic (Serbie) Ì Palmarès CAN 1963, 1965, 1978 et 1982 Points forts Le potentiel athlétique ; une nouvelle génération (A. Ayew, Inkoom, Annan) qui a su s’imposer aux côtés des cadres (Paintsil, J. Mensah, Gyan, Muntari) Points faibles La retraite internationale de Boateng (à 24 ans) ; la pression populaire
Michel Dussuyer (France) Points forts La qualification face au Nigeria ; une équipe mêlant expérience (Dian Bobo Baldé, Kalabane, Mansaré, Feindouno) et jeunesse (Conté, Diallo, Karamoko Cissé) ; une attaque efficace Points faibles Aucun joueur évoluant dans un grand club européen ; des problèmes de concentration
Alain Giresse (France) Points forts Le retour de Seydou Keita ; de jeunes joueurs prometteurs (Sidy Koné) ; la puissance athlétique de l’effectif Points faibles L’absence d’Adama Coulibaly (blessé) et de Mahamadou Diarra (sans club) ; les difficultés à remplacer le buteur Kanouté (retraite internationale en 2010)
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
73
Le Plus de J.A.
74
CAN 2012
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux éditoriaux
D’où je viens
PATRICE AÏM/ICON SPORT
J ANDRÉ AYEW Attaquant de l’équipe nationale du Ghana et de l’Olympique de Marseille
E VEUX GAGNER la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avec le Ghana.Troisièmes de l’épreuve en 2008, finalistes en 2010, quarts de finalistes de la Coupe du monde 2010, nous sommes très attendus au pays. Presque condamnés à l’emporter. Nous sommes également l’équipe star du moment en Afrique. L’Égypte, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, des sélections qui ont de plus grands joueurs que nous, n’ont pas réussi à endosser le rôle. Mais ça va être très compliqué. Toutes les équipes vont jouer leur vie contre nous… La victoire au Mondial des moins de 20 ans, en octobre 2009, reste le plus beau souvenir de ma carrière, ma plus grande fierté. J’étais capitaine de cette bande de copains. J’espère vivre ça avec l’équipe A. Dois-je être satisfait de ce que j’ai déjà accompli à 22 ans ? Je me tromperais. À 22 ans, Messi était déjà le meilleur joueur du monde. Je veux progresser ; tous les jours, je ne pense qu’à ça. Je franchis des étapes. En décembre, j’ai reçu le prix de meilleur joueur africain de l’année de la BBC, et j’étais dans la liste des trois nominés pour le Ballon d’or 2011 de la Confédération africaine de football (CAF) avec Seydou Keita et Yaya Touré (finalement lauréat). En 2010, j’étais seulement dans les dix. Je rêve d’obtenir ce trophée un jour, comme les trois joueurs que j’ai pour modèles – mon père, Abedi Pelé, George Weah et Samuel Eto’o –, qui ont tout fait pour gagner mais ont aussi œuvré pour l’image du continent. Enfant, je pouvais passer des heures à regarder des cassettes de Weah. Joueur, je l’ai croisé plusieurs fois et il a toujours eu des bons conseils pour moi.
Je suis né dans le nord de la France, j’ai beaucoup bougé dans les valises de mon père, en Europe, en Afrique. Toutes ces cultures m’ont ouvert l’esprit. Mais c’est au Ghana que j’ai forgé mon caractère. À 11 ans, je jouais sur des terrains en terre contre des gaillards plus âgés que moi, plus costauds. J’ai vite su que, techniquement, je pourrais faire la différence. Mais aussi qu’il faudrait encaisser les coups, ne pas céder physiquement – j’étais gringalet, je ne savais pas si j’allais grandir, m’épaissir, dans quelles proportions. Mon frère Jordan, qui évolue à l’Olympique de Marseille (OM) avec moi, voulait devenir pilote de formule 1. Moi, j’ai toujours voulu être footballeur, à part peut-être un court moment où je me voyais docteur. En France comme au Ghana, sur les terrains comme en dehors, j’ai toujours eu l’étiquette « fils d’Abedi Pelé ». Dans les rues
Je suis né dans le nord de la France, j’ai bougé dans les valises de mon père. Mais c’est au Ghana que j’ai forgé mon caractère.
Je suis rentré au Ghana pour les fêtes de fin d’année. J’y vais tous les six mois environ. Je retourne manger les meilleurs plats de ma mère, à Accra, à base de fufu et de riz. Je mélange l’anglais et le français avec la famille, je parle un peu le tchi, l’akan avec certains amis. Ma fille Inaya (« la grâce », chez les musulmans) n’a que 3 mois, mais, quand elle sera plus grande, je lui montrerai le village de ma mère, celui de mon père (Tamale, dans le nord du pays), tous les endroits où j’ai grandi, par petites touches. Je lui apprendrai les valeurs du Ghana, le partage, le courage aussi. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
d’Accra, tout le monde me reconnaissait. Tu ne sais jamais si les amitiés sont vraies ou fausses. Je m’en suis accommodé. En tout cas, j’ai toujours été conscient du chemin à parcourir. Quand je suis arrivé au centre de formation de l’OM à 14 ans, mon seul désir était de réussir. Les trois premiers mois ont été difficiles. La moitié de mon argent de poche est passée dans le téléphone. Loin de la famille, des copains, avec un climat différent, une grosse concurrence entre jeunes, une autre mentalité à apprivoiser, les cours… Je me suis accroché, j’ai bossé. Et en signant mon premier contrat pro, à 17 ans, je me suis cru arrivé. Dire que j’ai « pris le melon » me semble un peu fort, mais je suis tombé dans la facilité. Jusqu’à ce que je comprenne que le plus dur n’était pas de devenir un bon footballeur, mais de le rester. J’ai eu un passage mitigé à Lorient, puis une immense désillusion à mon retour à Marseille, à l’été 2009. Je suis mis à l’écart du groupe pro. Ce qui restera toujours dans un coin de ma tête… Arles-Avignon, en Ligue 2, et le soutien de mes proches ont été mon salut. Aujourd’hui, je sais d’où je viens. ● Propos recueillis à Marseille par MATHIEU GRÉGOIRE JEUNE AFRIQUE
EN ROUTE POUR LA CAN 2012 UNIO N
TRAVAIL
ICE ST JU
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN Le Gabon se prépare depuis quatre ans, conjointement avec la Guinée équatoriale, à accueillir la 28e Coupe d’Afrique des Nations de l’histoire. Il est aujourd’hui prêt pour le rendez-vous, grâce au travail des sept commissions qui composent son comité d’organisation.
COMMUNIQUÉ
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) revient en Afrique centrale
Des infrastructures d’accueil rénovées
Organisée du 21 janvier au 12 février prochain au Gabon et en Guinée équatoriale, c’est la première fois depuis 1972, au Cameroun, que la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) revient en Afrique centrale. Sa réalisation était donc un défi que le Comité d’organisation gabonais de l’événement (COCAN Gabon) s’est attelé à relever depuis 2008. Après quatre ans de travail, sous la responsabilité directe de la présidence de la République, le pays est fin prêt pour accueillir sur son sol les amoureux du ballon rond. Après le Ghana et le Nigeria, en 2000, c’est la deuxième fois qu’une phase finale de la CAN est organisée par deux pays. Ces derniers ont instauré un visa commun pour faciliter le déplacement des participants durant la compétition. Les matchs se déroulent dans quatre villes : Libreville et Franceville, au Gabon, et Bata et Malabo, en Guinée équatoriale. Sept commissions se sont partagé le travail au Gabon : Accueil et protocole, Hébergement et restauration, Communication et marketing, Santé, Sécurité, Transport et logistique et Compétition. Les Comités d’organisation des deux pays se sont réunis deux fois par mois, ainsi qu’au siège de la Confédération africaine de football (CAF), au Caire, pour mener leur mission à bien.
Pour accueillir l’Afrique du football avec des infrastructures rénovées, le COCAN a travaillé main dans la main avec l’Agence nationale des grands travaux (ANGT). L’organisme, créé en 2010, a pour mission d’assister l’État gabonais dans la programmation des grands travaux et d’assurer leur contrôle technique et financier. À Libreville, les trois échangeurs visant à fluidifier la circulation ont été livrés avant la CAN, tout comme le Centre hospitalier universitaire de Libreville. Sur le plan de l’accueil des officiels et des spectateurs, six résidences pour les joueurs, deux hôtels pour les médias et trois hôtels pour les invités ont été construits ou rénovés à Libreville et Franceville. Moanda, Bongoville et Ngouoni se sont aussi parées de leurs plus beaux atours pour accueillir des spectateurs dans leurs établissements hôteliers ou dans des maisons d’hôtes. Près de 6 500 chambres d’hôtels ont été identifiées au total ainsi que 2 400 chez l’habitant. Un centre d’appel, pour réguler le flux des réservations hôtelières, a été mis en place.
Des enfants d’une maison d’Accueil de libreville avec GAGUIE.
LES MATCHS SE DÉROULENT A LIBREVILLE ET FRANCEVILLE, AU GABON, ET BATA ET MALABO, EN GUINÉE ÉQUATORIALE.
Les volontaires
« chevilles ouvrières de l’événement » Le Cocan Gabon a recruté depuis le mois de juin plus de mille volontaires, répartis entre Libreville (600) et Franceville (400), après avoir reçu plus de 3 000 candidatures. Les trois quarts des volontaires sont des étudiants. Leur rôle : « Accueillir les spectateurs et assister les commissions – media, transport, hébergement… - dans leurs fonctions. Selon leur assignation, les volontaires ont reçu une formation dont ils pourront se prévaloir à l’avenir », explique Emmelyne Ravier, consultante sur ce programme. On les verra dans les stades, pour aider les spectateurs à s’orienter – alors que les places seront numérotées pour la première fois au Gabon – mais aussi en dehors des terrains sportifs, dans les gares ou les hôtels. « Ce sont vraiment les chevilles ouvrières de l’événement », assure Emmelyne Ravier. Ils seront défrayés en plus de leur joie d’avoir pris part à la plus grande compétition sportive africaine. COMMUNIQUÉ
Gauthier Letoundji, 26 ans, fonctionnaire et volontaire « Je suis volontaire recruteur depuis juin dernier et je serai chef d’équipe superviseur durant la compétition. Ce qui m’a motivé le plus pour participer au programme des volontaires était de participer à la CAN de l’intérieur. Il faut se souvenir qu’il y a encore quelques mois, beaucoup de personnes étaient pessimistes quant à sa bonne organisation, alors j’ai voulu contribuer à sa réussite. Je suis fier de cela. Je suis aussi heureux de m’être fait de nombreux amis. Enfin, je n’imaginais pas à quel point l’expérience que j’allais acquérir allait être si importante. »
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
Le stade Omnisport Omar Bongo de libreville.
Le stade d’entrainement de Nzeng Ayong de Libreville dédié aux Arbitres CAF.
Des stades flambant neufs Le stade de l’amitié de libreville
Il accueille le Groupe C de la CAN : Gabon - Niger – Maroc - Tunisie C’est ce stade, construit dans le quartier d’Angondjé, à Libreville, qui accueillera la finale de la CAN le 12 février 2012. Il sera dans la foulée le théâtre de la cérémonie de clôture mise en œuvre par la Commission accueil et protocole du COCAN. Avec ses 40 000 places, il a été édifié en 22 mois dans le cadre de la coopération sino-gabonaise. Son immense structure métallique, qui symbolise le pont d’amitié entre le Gabon et la Chine, est désormais la plus grande d’Afrique avec 320 mètres de longueur. Le stade a accueilli sa première rencontre le 10 novembre 2011, un match de prestige entre le Gabon et le Brésil (0-2), avant d’être inauguré officiellement deux semaines plus tard par le président Ali Bongo Ondimba. La cérémonie d’inauguration a été suivie d’un match opposant les sélections de moins de 20 ans du Gabon et de la Chine (2-2).
Le stade de Franceville
Il accueille le Groupe D de la CAN : Ghana – Botswana – Mali - Guinée Le stade de la Rénovation a été réhabilité pour passer de10 000 à 20 000 places. De quoi faire de Franceville, chef-lieu de la province du Haut-Ogooué, dans le sud-est du Gabon, le deuxième site gabonais de la CAN 2012 . Les travaux ont été confiés à la première entreprise gabonaise de BTP, SOCOBA EDTPL, alors qu’une société serbe spécialisée dans les constructions métalliques a été chargée d’en réaliser la couverture. Le stade dispose de six loges de haut de gamme contre 21 au stade de l’Amitié.
SUR LE PLAN SPORTIF, SIX STADES D’ENTRAÎNEMENTS ET SURTOUT DEUX STADES DE COMPÉTITION ONT ÉTÉ CONSTRUITS OU RÉHABILITÉS.
L’équipe nationale du Gabon.
COMMUNIQUÉ
LE GABON ACCUEILLE LA FÊTE DU FOOTBALL AFRICAIN
Santé et lutte contre le dopage Pour gérer la couverture sanitaire des acteurs officiels, 495 secouristes ont été formés, quarante médecins ont reçu des spécialisations à la médecine d’urgence et 45 autres à la médecine du sport, dont le contrôle anti-dopage, indique le Professeur Romain Tchoua, président de la Commission Santé. À signaler qu’un hôpital médico-chirurgical mobile est installé à Franceville. À Libreville, le nouveau CHU, construit dans le quartier d’Angondjé, près du stade de l’Amitié, fait partie du dispositif de sécurité de la capitale. Les soignants disposent pour remplir leur mission de quatorze ambulances et, nouveauté gabonaise, de deux hélicoptères médicalisés. « C’est une première dans l’histoire de la CAN, s’était réjoui en mai dernier le chef d’une délégation de la CAF, Kabelé Camara, lors de la présentation des appareils. Cela deviendra certainement une exigence de la CAF dans les années à venir, car j’entends le proposer au président Issa Hayatou ».
495 SECOURISTES ONT ÉTÉ FORMÉS, QUARANTE MÉDECINS ONT REÇU DES SPÉCIALISATIONS À LA MÉDECINE D’URGENCE ET 45 AUTRES À LA MÉDECINE DU SPORT,
Gaguie
mascotte de la CAN 2012 « Nous avons 22 millions d’hectares de forêt à protéger » Né le16 septembre 2011 au bout du crayon de l’artiste équato-guinéen Emilion Ndong, le gorille Gaguié a été ainsi baptisé en l’honneur de ses deux terres nourricières : « Ga » pour Gabon et « Guié » pour Guinée Équatoriale. Il succède à Palanquinha, l’antilope noire mascotte de la CAN 2010 en Angola. Pourquoi vous a-t-on choisit pour symboliser cette 28e CAN ? On m’a choisi car les deux pays organisateurs souhaitent mettre en avant la problématique de la préservation du bassin du Congo, qui est le deuxième puits de carbone au monde après l’Amazonie. Le Président Ali Bongo Ondimba a dit à plusieurs reprises vouloir mettre en place une économie basée sur la protection de notre
écosystème, mais aussi sur son développement durable, par l’industrialisation de la filière bois, l’agriculture et l’écotourisme. C’est le sens du projet « Gabon Vert », l’un des trois piliers de la stratégie « Gabon émergent », avec le « Gabon des services » et le « Gabon industriel ». Rien qu’au Gabon, nous disposons tout de même de 22 millions d’hectares de forêt, d’un million de terres agricoles exploitables, de treize parcs nationaux et de 800 kilomètres de littoral ! Le Gabon consacre déjà11 % de ce territoire à la création de parcs nationaux pour lutter contre le réchauffement climatique. La CAN est justement une occasion de montrer votre beau pays à la planète… Un magnifique pays que j’ai sillonné pen-
dant un mois, en novembre dernier, avec ma caravane, grâce à l’initiative de la Commission communication et marketing du COCAN. Nous sommes allés dans douze villes, à la rencontre des Gabonais, pour leur montrer que la CAN est l’affaire de tous. Nous avons voyagé à travers la savane, la mangrove, la côte sableuse et la montagne, de Lambaréné à Mouila, Tchibanga, Oyem, en passant par Port-Gentil et Bongoville. Un régal ! Que pensez-vous des chances du Gabon dans son groupe, aux côtés de la Tunisie, du Maroc et du Niger ? Tous les spécialistes estiment que c’est une CAN ouverte où chaque équipe aura sa chance. Face à leur public, je suis sûr que les forces des Panthères seront décuplées ! COMMUNIQUÉ - DIFCOM/FC - PHOTOS : DR
AFP PHOTO/STR
79
AFRIQUE DU NORD
Contre toute attente Les Libyens, en plein conflit armé, ont dû jouer plusieurs matchs en terrain neutre. Quant aux Tunisiens, ils avaient mal commencé les qualifications. Des difficultés que les deux équipes phares des révolutions arabes ont surmontées pour accéder à la phase finale.
L
e tirage au sort ne l’avait pas à s’exiler pour la suite des qualifications, à expédiée dans le groupe de quaBamako d’abord (3-0 face aux Comores, lification le plus relevé du lot. le 28 mars), au Caire ensuite (1-0 face au Puisque le destin avait placé sur Mozambique, le 3 septembre). soncheminleMozambiqueetlesComores – au pedigree guère impressionnant –, SI LOIN DE TRIPOLI. « Sincèrement, leur rien n’interdisait à la sélection nationale qualification relève de l’exploit, assure le libyenne de s’inventer un destin équatoFranco-Algérien Nordine Sam, qui a joué rial pour l’hiver 2011-2012, même si son cinq mois pour le club d’Al-Nasr Benghazi. troisième adversaire, la Zambie, fait parDéjà, la Libye n’est pas une place forte du tie depuis deux décennies des équipes qui comptent « Tant que le colonel Kaddafi était en Afrique. Dans les pas de au pouvoir, [les internationaux] cette dernière, vite érigée n’osaient pas trop en parler. » en favorite du groupe C, les Libyens avaient d’ailleurs NORDINE SAM, ancien joueur d’Al-Nasr Benghazi confirmé leur statut de candidats à la qualification grâce aux quatre football africain, même si, comme c’est le points obtenus lors des deux premiers cas par exemple au Soudan, les joueurs matchs, disputés à l’automne 2010 (0-0 ont l’habitude de jouer ensemble dans les au Mozambique, 1-0 face à la Zambie meilleurs clubs du pays. Mais se qualifier à Tripoli). en disputant ses deux derniers matchs à Et puis l’onde de choc tunisienne s’est domicile sur terrain neutre, et au total cinq propagée aux portes de Tripoli, après [hors du pays] sans en perdre un seul, c’est avoir emporté le régime de l’Égyptien une vraie performance. » Hosni Moubarak. C’était en février 2011. Reparti en France pour régler quelques Juste après un match amical remporté affairespersonnellesjusteavantledébutde contre le Bénin (3-2). Les joueurs libyens l’insurrection,NordineSamn’aensuitepas ignoraient qu’ils venaient de disputer leur pu revenir en Libye. Pendant ses vacances dernière rencontre à domicile et que la forcées en France, puis lors de son bref révolution partie de Benghazi les obligerait séjour à Constantine – qu’il a quitté fin JEUNE AFRIQUE
! Le 3 septembre (victoire 1-0 sur le Mozambique), CEUX QUE L’ON SURNOMMAIT « LES VERTS » ARBORENT UN NOUVEAU MAILLOT.
décembre pour migrer au Koweït –, il a continué à communiquer avec certains de ses coéquipiers d’Al-Nasr, internationaux libyens. « Tant que le colonel Kaddafi était au pouvoir, ils n’osaient pas trop en parler. Je sais que certains joueurs de la sélection étaient favorables au régime. Ils savaient que Kaddafi assurait aux meilleurs d’entre eux un bon salaire [pouvant dépasser 770 000 euros par an, NDLR] et des avantages en nature, poursuit-il. Maintenant qu’il est mort, ils disent tous sur leur [mur] Facebook qu’ils étaient hostiles au colonel. C’est de bonne guerre… » Si le pays a changé d’ère, l’équipe nationale libyenne est toujours aussi énigmatique. Claudio Gentile, champion du monde avec l’Italie en 1982 et né à Tripoli, s’est proposé pour en devenir le sélectionneur. Mais le Brésilien Marcos Paqueta est resté en poste, préparant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) avec une majorité de joueurs qui n’ont eu que les matchs de la sélection pour se maintenir en condition, faute de championnat national. Mais les Libyens ont prouvé qu’ils pouvaient s’adapter à toutes les situations. DERNIÈRE MINUTE. Les Tunisiens appartiennent eux aussi à la catégorie des miraculés. Et ils le savent. Les vainqueurs de la CAN 2004 ont vu l’année 2011 défiler dans la quasi-certitude que l’édition 2012 se jouerait sans eux, mais avec les Zèbres botswanais, la « sensation » du groupe K en particulier et des qualifications en général (lire p. 82). L’équipe d’Afrique australe avait N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Le Plus de J.A.
80
CAN 2012 Marchand. Le Togo, d’abord suspendu par la CAF [Confédération africaine de football] après l’attentat de Cabinda et son forfait à la CAN 2010 en Angola, a été réintroduit dans notre groupe. Nous avons joué notre premier match contre le Botswana (0-1), à Tunis, le 1er juillet 2010, avec des joueurs qui venaient pour la plupart de reprendre l’entraînement. Le match retour a eu lieu en semaine et, entre-temps, nous avions reçu le Malawi (2-2) en plein ramadan. » TRÈS INQUIETS. Quand il a été bom-
bardé sélectionneur de l’équipe A, Trabelsi revenait du Championnat d’Afrique des nations (Chan), organisé au Soudan en février 2011. L’équipe de Tunisie A’ a
FETHI BELAID/AFP
en effet validé son billet dès le 26 mars dernier, par la grâce d’une victoire au Tchad. Les Aigles de Carthage reviennent de loin. Ils ont attendu la dernière journée et la visite de Togolais démobilisés (2-0, le 8 octobre) pour devancer le Malawi et s’installer à la deuxième place, effaçant d’un trait de plume les dégâts causés par un début de qualifications raté. SamiTrabelsi(43ans)asuccédéenmars dernier à la tête de la sélection au Français Bertrand Marchand, qui n’avait pas survécu à une défaite au Botswana (0-1, le 17 novembre 2010) et à un total de points – 7 en 5 matchs – assez éloigné des aspirations originelles. « Il faut comprendre pourquoi nous avons mal débuté, tient à souligner Trabelsi, qui était l’adjoint de
remporté la compétition, alors que le pays connaissait les événements que l’on sait. « Je pense qu’il y a un lien entre ce qui s’est passé en Tunisie et l’équipe nationale, reprend-il. Quand nous étions au Soudan, les joueurs étaient forcément très inquiets. Cela a motivé le groupe, alors que nous n’avions pas eu de vraie préparation. Cette envie d’aller à la CAN 2012 est le prolongement de notre victoire au Chan. Les joueurs, dont certains ont joué pour l’équipe A’ et pour l’équipe A, voulaient absolument se qualifier, pour le peuple tunisien qui aime tant le football. J’ai d’ailleurs souvent remarqué que les internationaux qui évoluent à l’étranger, et qui pour certains sont nés en France ou en Suisse, par exemple, étaient au moins aussi concernés que les ! SAMI autresparlasituationen TRABELSI a Tunisie. » remplacé Bertrand Au moment de comMarchand, poser sa liste de vingtlimogé après trois joueurs pour la le mauvais CAN, le sélectionneur départ des des Aigles a surtout Aigles de Carthage. pioché dans le championnat local, alors que celui-ci a été mis plusieurs mois en veilleuse. « La première division a repris d’avril à juillet, et la saison 2011-2012 a recommencé en novembre. En plus, il y a eu les matchs de coupes d’Afrique et ceux de la sélection. Les Aigles ne sont pas en manque de compétition », rassure Trabelsi. La Tunisie, escortée d’un statut d’outsider pour la phase finale, revient de tellement loin qu’elle pourrait bien être tentée de prolonger le plaisir… ● ALEXIS BILLEBAULT
Égypte-Algérie, deux poids lourds hors jeu En 2010, les Pharaons et les Fennecs avaient brillé. Des souvenirs de gloire qui semblent aujourd’hui lointains.
I
l y a deux ans, l’Égypte s’apprêtait à rapporter au Caire sa troisième Coupe d’Afrique des nations (CAN) consécutive, la septième de son histoire. L’Algérie, elle, n’en finissait plus de savourer son retour parmi l’élite africaine après six ans d’absence et, surtout, sa qualification pour la Coupe du monde 2010, obtenue lors d’un match de barrage homérique à Omdurman (Soudan) contre les Pharaons (1-0). Vingt-quatre mois plus tard, les souvenirs se sont évaporés et les deux N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
sélections nord-africaines se retrouvent face à leurs interrogations. L’Égypte, plombée par un début de qualifications calamiteux, n’a jamais réussi à rétablir une situation très vite compromise. La révolution a interrompu le championnat – où évoluent la majorité des internationaux –, et Hassan Shehata, le sélectionneur aux trois titres, a démissionné après un match nul contre l’Afrique du Sud (0-0), synonyme de quasi-élimination. L’Américain Bob Bradley l’a
remplacé cet automne, avec pour chantier principal le renouvellement, à terme, d’une génération vieillissante (El-Hadary, Gomaa, Hassan). L’Algérie, quant à elle, a été victime de son inefficacité offensive chronique et de son instabilité technique. Depuis la Coupe du monde, Rabah Saadane et Abdelhak Benchikha ont démissionné, et Vahid Halilhodzic, arrivé en juillet dernier, n’a pas réussi à rattraper les points perdus. Les Fennecs, vont tenter de se qualifier pour la CAN 2013 et la Coupe du monde 2014. Compte tenu de ce qu’ils ont montré ces derniers mois avec Halilhodzic, le rêve est à nouveau permis… ● A.BI. JEUNE AFRIQUE
82
Le Plus de J.A.
CAN 2012
ITINÉRAIRES CROISÉS
Les courageux Éléphants et les Lions trop gâtés Les uns ont gagné leur place au sein de l’élite. Les autres ont tout gâché. Retour sur l’année 2011 des Ivoiriens, qualifiés, et des Camerounais, éliminés.
E
n l’absence des poids lourds que sont l’Égypte, le Cameroun, le Nigeria et l’Algérie, les Éléphants ivoiriens font office de grands favoris à la veille du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012. Pour gagner leur place dans cette compétition continentale, les joueurs se sont concentrés sur leur métier, tandis que leur patrie était déchirée entre les partisans de l’ex-chef de l’État Laurent Gbagbo et ceux de l’actuel, Alassane Dramane Ouattara (ADO), autour des résultats de la présidentielle du 28 novembre 2010. Une situation qui avait contraint la Confédérationafricainedefootball(CAF)à délocaliser à Accra le match des Éléphants contre les Écureuils du Bénin (2-1 pour les Ivoiriens), le 27 mars, qui comptait pour les éliminatoires de la CAN. « Les joueurs ont vécu difficilement cette période, confie un membre du staff de l’équipe nationale. Mais ils étaient toujours de cœur avec leurs compatriotes, et le meilleur cadeau au peuple ivoirien a été la qualification avant le terme des éliminatoires. » Le changement de pouvoir à Abidjan n’a finalement pas eu d’incidence sur l’équipe. DeGbagbo à Ouattara, le rite s’est perpétué pour Didier Drogba (lire p. 87) et ses partenaires: à la veille de chaque grand match,
ils sont reçus en audience par le président de la République. Le 7 octobre, avant sa dernière rencontre de qualification pour la CAN 2012, disputée à Abidjan contre le Burundi (et remportée 2-1), l’équipe nationale s’est rendue au palais présidentiel. Didier Drogba a remis le brassard de capitaine et un maillot floqué « ADO » au chef de l’État. Lequel a confié une mission à « ses nouveaux partenaires » : celle de remporter la Coupe d’Afrique, comme en 1992 ; il était alors Premier ministre. Dans cette entreprise, le premier adversaire des Éléphants sera le manque d’esprit d’équipe et l’ego surdimensionné de quelques joueurs, dont certains se détestent cordialement. COMA. Un mal qui frappe aussi le vestiaire
camerounais. Les Lions indomptables, qu’oncroyaitenconvalescence,ontplongé
LE BOTSWANA AVANT TOUT LE MONDE LES ZÈBRES SONT, avec les Nigériens, les qualifiés que l’on n’attendait pas. Premiers à avoir décroché leur billet pour la phase finale – leur première –, ils ont laissé un souvenir amer à Bertrand Marchand, l’ancien sélectionneur d’uneTunisie qu’ils ont battue deux fois (par 1 but à 0) : « Ce n’est pas une équipe très spectaculaire. Mais elle défend très bien, joue en contre et possède quelques joueurs capables de faire la différence. » Coaché par un local, StanleyTshosane, le Botswana, ne comptait aux dernières nouvelles aucun international évoluant en Europe. Si quelquesuns jouent en Afrique du Sud, la plupart figurent dans les principaux clubs (Township Rollers, Botswana Defence Force XI, Gaborone United) du championnat national. ● A.BI. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
dans un profond coma au fil de l’année écoulée. Non contente de regarder la CAN à la télé, après son élimination dans un groupe pourtant à sa portée (Sénégal, RD Congo, Maurice), la sélection enchaîne les scandales. Le dernier en date est le refus des joueurs de se rendre en Algérie pour un match amical, à la mi-novembre, au prétexte du non-paiement d’une « prime de présence ». Les membres de la sélection multiplient les reproches envers leurs dirigeants. « On nous traite comme des enfants », confie un joueur, qui accuse : « À Marrakech, les chambres n’avaient pas été payées par la fédération. En pleine nuit, la direction de l’hôtel nous a demandé de les libérer. » Fini, donc, l’époque où les Lions inspiraient crainte et respect. Premier visé par les sanctions de la fédération camerounaise (Fecafoot) : Samuel Eto’o, 30 ans, l’un des footballeurs les mieux payés au monde – il joue depuis juillet dans le championnat russe, pour le club d’Anji Makhatchkala (Daguestan), où son salaire net dépasse 20 millions d’euros par an. L’attaquant camerounais, chef de la contestation, a été suspendu de la sélection pour 15 matchs. Une sanction que le comité exécutif de la Fecafoot a réduite, le 6 janvier, à huit mois de suspension (soit 4 matchs), qui le tiennent hors de l’équipe nationale jusqu’au 31 août. Tout de même. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
Somagec GE, bâtir l’avenir
Construire, agrandir, moderniser les infrastructures essentielles que sont les routes, les ports et les aéroports pour encourager le développement économique, mieux relier les hommes et favoriser leurs échanges, voilà les défis que Somagec GE est fière de relever pour contribuer à bâtir l'Afrique du futur. Son engagement en Guinée Equatoriale traduit cette volonté de favoriser le développement humain, le bien-être et la prospérité des citoyens.
Innovation - Confiance - Sécurité - Rentabilité
Edificio Ureca, Calle Parque de Africa - BP 405 Malabo - Guinea Ecuatorial Tel: +240 333 09 92 75/76/77 Fax: +240 333 09 92 71/74/79 www.somagecge.net - contact@somagecge.net
Créateur de développement
Le Plus de J.A.
CAN 2012
CHRISTOPHE CALAIS/PRESSE SPORTS
84
MÉDIAS
Des images à prix d’or Après une flambée il y a quatre ans, le montant des droits télévisés reste stable. Mais excessif, pour de nombreux pays.
I
drissAkkiaimelesballonsquitournent rond. Le patron du secteur Afrique de Sportfive, mandataire exclusif de la Confédération africaine de football (CAF) pour la vente des droits télévisés de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, assure que « ce sera la plus belle de toutes les CAN. C’est la vitrine du football africain, et la CAF a mis de gros moyens techniques pour que ce soit un produit de très haut niveau ». Un produit qu’Akki sait vendre malgré la crise, qui n’épargne pas l’Afrique. Même à ceux qui s’inquiètent du montant des droits de retransmission, inaccessible pour la plupart des pays du continent, il jure: « Tout le monde va voir la CAN! » Cela reste à prouver… Il y a deux ans, des chiffres, jamais démentis – en tout cas par la CAF, toujours très discrète –, avaient circulé: 1,5 million d’eurosavaitétéréclaméauxchaînesnationales subsahariennes (hors Nigeria) par LC2-Afnex,lasociétéduBéninoisChristian Lagnidé, détentrice des droits de diffusion
de l’allure, avec le Ghana, quadruple vainqueur et finaliste 2010, la Côte d’Ivoire, le Maroc et la Tunisie. Résultat: si les droits ne se sont, cette année, pas envolés, ils n’ont pas baissé pour autant. Al-Jazira a maintenu ses prix : pour 10 matchs sur les 32 au programme, ce sera 10 millions de dollars (plus de 7,8 millions d’euros). Cettefois,AbdelkaderBouazza,le responsable des droits spor! Dans tifs de la Société nationale la régie de radiodiffusion et de téléD’AL-JAZIRA vision (SNRT) marocaine, a SPORTS. accepté la proposition qatarie. « Nous avons donné notre accord de principe à Al-Jazira pour dix matchs à ce tarif, ceux de la sélection nationale, plus le match d’ouverture et la finale. On n’a pas voulu priver les Marocains de cet événement important. » Les dirigeants tunisiens ont quant à eux été très clairs sur les raisons de leur refus: « Nous n’avons pas voulu payer 7 millions d’euros pour dix matchs. C’est un prix excessif, hors de portée pour nous, surtout dans la situation actuelle de notre pays. » PAS D’ACCORD GLOBAL. Du côté de
AL-JAZIRA … tandis que demande aux les subsahariennes chaînes d’Afrique du paieront à Nord 7,8 millions LC2-AFNEX d’euros pour 1 million d’euros 10 matchs… pour toute la CAN
pour la zone, tandis que les pays d’Afrique du Nord étaient priés de s’acquitter de 1 million de dollars (près de 700000 euros, à l’époque) par match auprès de la chaîne qatarie Al-Jazira. Le Maroc et la Tunisie avaient dit non; l’Algérie, elle, n’avait pas voulu priver ses téléspectateurs des matchs des Fennecs. Au sud, le Nigeria avait réglé 3,5 millions d’euros, le Togo d’Adebayor avait refusé. En 2012, les choses n’ont pas vraiment évolué. Malgré l’absence de plusieurs grandes équipes, la 28e CAN devrait avoir
l’Afrique subsaharienne, les négociations engagées en juillet 2011 entre l’Union africainederadiodiffusion(UAR)etLC2-Afnex pour tenter de trouver un accord global (hormis pour l’Afrique du Sud, qui a acquis les droits de son côté, et le Swaziland) ont échoué. Selon le Réseau de l’audiovisuel public d’Afrique francophone (Rapaf ), qui regroupe une vingtaine de télévisions affiliées à l’UAR, des accords bilatéraux ont finalement été négociés entre la société de Christian Lagnidé et les pays qualifiés (Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire) sur la base de 1 million d’euros pour l’ensemble des matchsdelaCAN2012–ledoubleavecceux de la CAN 2013. Qualifié pour la première fois de son histoire, le Niger, classé parmi les dix pays les plus pauvres du monde, a fait un très, très gros effort pour bénéficier des retransmissions. ● GÉRARD MARCOUT
NIGER, UN QUALIFIÉ SURPRISE UNE ÉQUIPE QUI ÉLIMINE l’Afrique du Sud et l’Égypte est à prendre au sérieux. Le Gabon, laTunisie et le Maroc, adversaires du Niger au premier tour, sont prévenus. Redevenu sélectionneur après un premier passage à ce poste au début des années 2000, Harouna Doula sera épaulé, le temps du tournoi, par le Français Rolland Courbis, ancien entraîneur de Marseille et de Bordeaux. Il s’appuie sur un groupe d’illustres inconnus – à part Moussa Maazou (lire p. XX), sous contrat avec le N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
CSKA Moscou (Russie) – éparpillés en Afrique (Niger, RD Congo, Cameroun, Burkina Faso, Maroc,Tunisie, Algérie, Afrique du Sud), en Asie (Koweït,Thaïlande) et en Europe (France, Suède, Belgique). Mais le Mena, qui doit sa première qualification pour une phase finale à son impeccable parcours (3 victoires) dans son stade du Général-Seyni-Kountché, à Niamey, a souffert à l’extérieur (3 défaites). Et sur terrain neutre, ça donne A.BI. quoi ? ● JEUNE AFRIQUE
Somagec GE, expert en développement
Maîtriser la mer Spécialiste de l'aménagement portuaire, Somagec GE a mis son savoir-faire au service de la Guinée Équatoriale, sur l'île de Malabo, pour faire de son port un des plus modernes de l'Afrique de l'Ouest. En 2012, le nouveau projet du port de Corisco s’inscrira dans le cadre du développement de cette île et de son désenclavement. L’objectif est de recevoir des bateaux de marchandises ainsi que des bateaux de plaisance.
Façonner la terre Apporter le bien-être aux Équato-Guinéens, c'est avant tout doter le territoire d'infrastructures urbaines. À Bata, tout le système d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement des eaux usées a bénéficié de l'expertise de Somagec GE : dotée d'un réseau de distribution et d'une station d'épuration, toute la ville s'est transformée, améliorant les conditions de vie des habitants, préalable nécessaire au développement économique.
Apprivoiser le ciel Les compétences de Somagec GE apportent aussi à la Guinée Equatoriale les infrastructures dont sa particularité géographique a besoin. Pour relier les îles au continent, l'avion est le moyen le plus rapide et le plus moderne. À Corisco, un nouvel aérogare avec sa tour de contrôle a été inauguré en octobre 2011, après celui d'Annobon, et l'agrandissement du tarmac présidentiel de l'aéroport de Malabo.
Avec un effectif de 5000 employés, dont 1400 expatriés seulement, Somagec GE c'est aussi une équipe de techniciens motivés et expérimentés qui transmet son savoir. En construisant les infrastructures de demain, Somagec GE met toute son expertise pour participer à la prospérité, et poursuivre le développement économique et humain de l'Afrique, le continent émergent du XXIe siècle.
Innovation - Confiance - Sécurité - Rentabilité
Créateur de développement
Le Plus de J.A.
86
CAN 2012
PORTRAITS
Dans les starting-blocks Depuis le banc de touche ou sur le terrain, ils auront à cœur de réussir leur tournoi pour remporter la coupe ou faire honneur à leur maillot. À moins d’une semaine du coup d’envoi, zoom sur quelques acteurs de ce sommet continental.
Adel Chedli
Milieu de terrain de l’équipe de Tunisie, 35 ans
DENIS BALIBOUSE/REUTERS
IL AVAIT DIT « oui » à Sami Trabelsi, qui encadrait alors l’équipe A’, pour dépanner la sélection des joueurs locaux au Championnat d’Afrique des nations (Chan),organiséauSoudanenfévrier2011. Car, six mois plus tôt, Adel Chedli avait décidé de venir jouer pour la première fois de sa vie dans son pays d’origine, à l’Étoile sportive du Sahel (Sousse), lui qui est né en France et y a effectué l’essentiel de sa carrière (Saint-Étienne, Sochaux, Istres) entre quelques escapades en Suisse, en Allemagne et aux Émirats arabes unis. Une décision prise « pour être près de [son] père, après le décès de [sa] mère », survenu au printemps 2010, expliquet-il. On connaît la suite: les Tunisiens ont remporté le Chan alors que leur pays était en pleine révolution, Trabelsi a succédé à Bert Bertrand Marchand à la tête des Aigles de Ca Carthage, et Chedli, seul joueur à avoir remporté la Coupe d’Afrique des nations remp (en 20 2004) et le Chan, a accepté de rejouer pour l’équipe A, trois ans après sa dernière sélection. ● sélect ALEXIS BILLEBAULT
Eric Gerets
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
N S/ JB V ST E V E
RIEN N’EST VRAIMENT SIMPLE pour lui depuis qu’il a pris les rênes de la sélection marocaine, à l’automne 2010: l’impatience des médias et de l’opinion publique du royaume, pour qui une défaite – surtout face au voisin algérien (1-0, le 27 mars à Annaba, en Algérie) – prend des proportions incroyables, les rumeurs qui l’ont envoyé un jour à Lyon, le lendemain en Turquie et le surlendemain à Marseille, ou encore les états d’âme d’Adel Taarabt, parti en claquant la porte la veille du match retour face aux Fennecs (4-0, le 4 juin à Marrakech)…
NEWS
Sélectionneur de l’équipe du Maroc, 57 ans
Pourtant, Po le Lion de Rekem a rempli sa mission. Le Belge a qualifié les Lions m de l’Atlas pour la CAN en leur imposant un style de jeu offensif. Et – ce sont les joueurs qui l’assurent – la rigueur et le joue pr professionnalisme ont succédé à l’àpe peu-près et à l’amateurisme ambiants. L’an L’ancien entraîneur de l’Olympique de Marseille et de Galatasaray (Istanbul), qui Mars a sign signé un contrat de quatre ans avec le Maroc, vise à court terme une qualification Maro pour la Coupe du monde 2014, au Brésil. À mo moins qu’une CAN ratée ne vienne tout remettre en question. ● reme A.BI. JEUNE AFRIQUE
Trois semaines en ballon
87
Seydou Keita
LE JOUEUR DU FC BARCELONE est un vieil habitué de la CAN. Au Gabon et en Guinée équatoriale, il disputera la cinquième de sa carrière. Mais cela aurait pu ne jamais être le cas. Car après la CAN 2010, en Angola, que les Aigles avaient quittée à l’issue du premier tour, le milieu de terrain s’était mis en réserve de la sélection « pour convenance personnelle ». Finalement, après plusieurs discussions avec Alain Giresse, le sélectionneur de l’équipe malienne, « la sentinelle » a accepté de revenir jouer pour son pays au mois de septembre dernier. Premier Malien à porter le maillot du Barça, Seydou Keita n’y est pas titulaire à part entière. Mais Pep Guardiola, l’entraîneur du club catalan, l’apprécie beaucoup. Un sentiment qu’il partage avec Giresse, trop heureux d’avoir récupéré avant la CAN l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du Mali. ●
FABRICE COFFRINI/AFP
MATTEO CIAMBELLI/SIPA
Milieu de terrain de l’équipe du Mali, 32 ans
François Zahoui
A.BI.
Sélectionneur de l’équipe de Côte d’Ivoire, 50 ans
Didier Drogba
LA SUPERSTAR ivoirienne, qui joue depuis 2004 à Chelsea, en Premier League anglaise, pourrait arriver très diminuée à la CAN 2012. L’état de santé de Didier Drogba inquiète ses compatriotes depuis que son club londonien l’a mis au repos pour cause de blessure lors de son match du 2 janvier contre Wolverhampton. Une inquiétude d’autant plus vive que cette CAN est perçue comme celle de sa consécration. Après avoir conduit les Éléphants lors de deux phases finales de Mondial (Allemagne 2006 et Afrique du Sud 2010) et trois CAN (Égypte 2006, Ghana 2008 et Angola 2010), Drogba affiche toujours un palmarès international vierge. À 33 ans, l’attaquant vedette et capitaine de l’équipe nationale (qu’il a rejointe en 2002) a donc à cœur de ramener le trophée sur les bords de la lagune Ébrié. Son plus grand handicap : sa trop grande influence sur l’équipe nationale suscite parfois des frustrations chez ses coéquipiers, qui lèvent alors le pied. ● BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE
JMAB/VMAB/WENN.COM/SIPA
Attaquant de l’équipe de Côte d’Ivoire, 33 ans
CE TOURNOI PANAFRICAIN sera sans conteste le baptême du feu de François Zahoui en tant que sélectionneur des Éléphants. Sous l’autorité d’Augustin Sidi Diallo, le président de la fédération (et vrai patron de l’équipe nationale), l’entraîneur ivoirien a pour mission de remporter le trophée. Pour atteindre cet objectif, il devra remettre de l’ordre et de la discipline dans le vestiaire, où les ego de certaines stars sont parfois difficilement compatibles. Une mission délicate pour cet ancien milieu offensif qui fut le premier international africain à évoluer dans le championnat professionnel italien, au début de la décennie 1980 (à l’Ascoli Calcio 1898). Zahoui a succédé en août 2010 au célèbre Suédois Sven-Göran Eriksson. Son salaire mensuel avoisine les 10 millions de F CFA (plus de 15 000 euros) : une grande première pour un sélectionneur africain, mais un émolument modeste face aux 300 000 euros mensuels de son prédécesseur. ● B.M. (lire la suite page 90)
●●●
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
TELECOM
Fournisseur d’accès internet par satellite Leader en Afrique centrale TOUJOURS AU SERVICE DU CLIENT, LES ÉQUIPES D’IG TELECOM SE SONT PARTICULIÈREMENT MOBILISÉES POUR LA CAN 2012…
IG Telecom poursuit son expansion IG Telecom (Internet Gabon Telecom) a été créée en 1996 par Alain Ba Oumar, son actuel Président-directeur général. Fournisseur d’accès internet d’abord dirigé
vers le grand public, l’entreprise axe six ans plus tard sa stratégie en direction des entreprises et des administrations. En s’appuyant essentiellement sur des solutions
MESSAGE
d’accès par satellite, elle développe des services à valeur ajoutée comme la voix sur IP, la vidéoconférence ou encore les systèmes de suivi par GPS. Aujourd’hui leader de ce marché, avec environ 65 % des parts, IG Telecom vise de nouveau le grand public, via la fibre optique et les boucles locales radio (3G et 4G).
… COMME FAUSTHER DOÉ, CHEF DES ÉQUIPES DE DÉPLOIEMENT DES SITES VSAT À LIBREVILLE POUR LA CAN (À GAUCHE) ET L’ÉQUIPE TECHNIQUE (À DROITE, DEVANT LE SIÈGE).
Internet par satellite
Un leader technologique pour le grand public IG Telecom vise désormais la réintroduction sur le marché d’une offre grand public, de type 3G ou 4G, en plus de ses solutions VSAT. Sa stratégie inclue trois grandes composantes : • La consolidation des services VSAT et le leadership technologique régional ; • L’introduction des solutions basées sur la fibre optique ACE (Africa Coast to Europe) et les réseaux sans fil 4 G ; • La poursuite du développement sur les marchés de la sous-région. Sa structure financière s’appuie sur plus de 200 contrats commerciaux stables de moyen et long terme. Ses partenaires financiers incluent des institutions financières internationales telles que BICIG (BNP Paribas), BGFIBANK, l’OPIC (US Government Overseas Private Investment Corporation) ou encore la banque d’investissement Barclays. Pour mener ses objectifs à bien, IG Telecom est prête à s’allier à des partenaires qui partageraient ses ambitions d’expansion régionale et sa stratégie de développement.
À la conquête de l’Afrique centrale IG Telecom a exporté son savoir-faire pour la première fois, en 2006, au Congo Brazzaville. Sa volonté d’expansion régionale est l’une des raisons qui l’ont poussée dernièrement à se restructurer en profondeur. Elle a ainsi obtenu la certification ISO 9001, version 2008, en janvier 2010, et élargi sa gamme de services de télécommunications à valeur ajoutée. Le marché régional visé par IG Telecom dans le cadre de son développement futur comprend principalement les neuf pays d’Afrique centrale (Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique, RDC, Tchad, Sao Tome et Principe), mais l’entreprise garde un œil sur d’éventuelles opportunités de développement en Afrique de l’Ouest.
Ils font confiance à IG Telecom Parmi ses clients, IG Telecom compte SOGARA, Total Gabon, SINOPEC ou encore Shell, dans le secteur des hydrocarbures. Dans les services, la SEEG (Société d’énergie et d’eau du Gabon), GETMA, l’hôpital de BONGOLO, dans le sud du pays, ou Bechtel lui font confiance. Air France, SETRAG (groupe ERAMET) et ADL, dans les transports, l’ont choisie. IG Telecom a signé récemment un contrat pour participer aux côtés de la coréenne SAMSUNG et de la chinoise ZTE à l’élaboration du Réseau de l’Administration Gabonaise (RAG), tandis qu’un autre projet est en cours de déploiement avec le Chemin de fer Congo-Océan pour interconnecter par satellite les gares du pays.
Ì BIO EXPRESS Alain Ba Oumar, la fibre américaine Alain Ba Oumar a fondé Internet Gabon Telecom en 1996 pour en faire aujourd’hui la première entreprise privée de transmission de données et le premier opérateur satellite dans la sous région. Diplômé en mathématiques de l’université d’Aix-Marseille, en France (1985), il décroche en 1988 B.S. en statistique mathématique (1988) de l’American University of Washington DC. Il s’installe aux États-Unis, où il travaille d’abord pour la société RMS Technologies, en ingénierie des télécommunications. Il est ensuite analyste principal dans un projet de cette société pour le compte de la Federal Aviation Administration, l’autorité de l’aviation civile américaine, avant de rejoindre le Gabon, en 1994, pour créer Transtech International, une entreprise de services informatiques, avant de lancer IG Telecom. Il garde néanmoins un pied aux États-Unis, où son entreprise dispose de son propre hub de réception satellite (iDirect Technologies).
TELECOM B.P : 826 - Libreville - Tél.: +241-72-97-97 B.P : 745 - Port-Gentil - Tél.: +241-56-01-75 GABON - info@igtelecom.net
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
IG Telecom a lancé la première offre d’accès à Internet haut débit au Gabon grâce à la solution VSAT (Very Small Apendicture Terminal). Cette technologie fait toute la différence entre IG Telecom et ses concurrents. Avec une simple parabole, le Web est disponible sur l’ensemble du territoire, par-delà les obstacles géographiques. IG Telecom est propriétaire depuis septembre 2006 de sa propre plateforme de satellite (iDirect Technologies), aux États-Unis, et loue d’importantes capacités aux opérateurs de satellites. Cela lui permet de servir ses clients où qu’ils soient en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. C’est le premier opérateur VSAT dans la zone CEMAC avec plus de 500 sites installés.
Le Plus de J.A.
90
●●●
CAN 2012
(suite de la page 87)
Michel Dussuyer
LA GUINÉE EST DEVENUE le terrain d’expression favori de ce Français, devenu entraîneur à la fin de sa carrière – honnête – de gardien de but. Michel Dussuyer avait déjà dirigé le Syli national de 2002 à 2004, disputant la CAN 2004 en Tunisie. Il est revenu en juin 2010, après une courte expérience en 2006 en Côte d’Ivoire en tant qu’adjoint d’Henri Michel (alors
sélectionneur des Éléphants), puis une autre, au Bénin, cette fois-ci en tant que numéro un. Et comme lors de son premier passage sur le banc guinéen, le Cannois a qualifié son équipe pour le grand raout continental en se payant le luxe d’éliminer le Nigeria, un géant dont l’absence en Guinée équatoriale et au Gabon ne passera pas inaperçue. Le discret et mesuré Dussuyer ne dispose pourtant pas d’un effectif impressionnant. Ce qui rehausse un peu plus la performance accomplie lors des qualifications. ● ALEXIS BILLEBAULT
Daniel Cousin
Attaquant de l’équipe du Gabon, 34 ans
Alain Traoré
Milieu de terrain de l’équipe du Burkina Faso, 23 ans
IL AURAIT PU REJOINDRE l’Angleterre et le grand Manchester United à l’adolescence, mais c’est à l’AJ Auxerre qu’Alain Traoré se construit une certaine notoriété. Ce milieu offensif ni très grand ni très puissant fréquente depuis 2005 l’un des meilleurs clubs formateurs français, mais son éclosion ne remonte qu’à l’automne 2010. « Il est doué, mais ne faisait pas tous les efforts » nécessaires, se rappelle Jean Fernandez, son ancien entraîneur en Bourgogne, qui l’avait fait débuter en Ligue 1 en août 2006. « Je me suis parfois laissé aller », admet le joueur. Actuel meilleur buteur de son club, Alain Traoré affiche la même efficacité avec les Étalons burkinabè, qu’il a largement aidés à se qualifier pour la CAN 2012 en inscrivant quatre de leurs treize buts. Le natif de Bobo-Dioulasso est, avec Charles Kaboré (Marseille) et Jonathan Pitroipa (Rennes), l’un des éléments clés du dispositif de Paulo Duarte, le sélectionneur portugais du Burkina Faso. ● A.BI.
PR
ES
SE
SP
OR
TS
IL A FAIT LE CHOIX de la sagesse. Daniel Cousin tient absolument à disputer la CAN 2012 dans son pays, et, pour mettre toutes les chances de son côté, il a décidé de revenir jouer au FC Sapins, l’un des nombreux clubs de Libreville, pour trois mois. « Après la fin de mon contrat à Larissa [en Grèce, NDLR], j’ai eu des offres, explique-t-il. Mais j’espérais mieux, et finalement, plus rien n’est venu. Alors j’ai accepté la proposition du FC Sapins. Cela me permet de jouer, mais aussi de m’adapter à la chaleur et aux terrains en vue de la CAN. » Le capitaine des Panthères, qui a effectué l’essentiel de son parcours en Europe (Lens, Le Mans, Hull City, Glasgow Rangers, Larissa, entre autres) va disputer, à 34 ans, sa seconde phase finale de CAN, après celle de 2000. Cousin, qui, après le tournoi, espère signer un dernier contrat en Europe, n’a pas encore donné d’indications sur la suite de sa carrière internationale. ● A.BI.
PIERRE ANDRIEU/AFP
J.-B. AUTISSIER/PANORAMIC
Sélectionneur de l’équipe de Guinée, 52 ans
Amara Traoré
Sélectionneur de l’équipe du Sénégal, 46 ans
THIERRY BRETON /ICON SPORT
DEPUIS LE QUART DE FINALE de la Coupe du monde 2002 perdu face à la Turquie (1-0), les Lions de la Teranga naviguaient en eaux troubles, voyant d’autres sélections les devancer. En deux ans, Amara Traoré a largement contribué à leur renouveau. L’ancien attaquant international, plutôt bien coté dans un championnat de France qu’il a fréquenté pendant près de quinze ans (Gueugnon, Metz, Bastia, Le Mans, Châteauroux), a naturellement glissé vers la N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
carrière d’entraîneur. D’abord cosélectionneur du Sénégal en 2005-2006 (avec une demifinale de CAN, en Égypte), il a porté l’ASC la Linguère de Saint-Louis, le club de sa ville natale, jusqu’au titre de champion du Sénégal en 2009. Rigoureux et exigeant, Traoré a atteint son premier objectif en qualifiant les Lions pour la CAN 2012. Il se projette déjà : « À moyen terme, avec la CAN 2013 et la Coupe du monde 2014, il va y avoir des challenges très intéressants… » ● A.BI. JEUNE AFRIQUE
Trois semaines en ballon
André Ayew
IL Y A PRESQUE TRENTE ANS, Abedi Pelé remportait en Libye la dernière Coupe d’Afrique des nations des Black Stars. Imiter son père est l’objectif d’André Ayew, appelé en sélection par Claude Le Roy en 2007. À 22 ans, il en est aujourd’hui l’un des cadres. C’est aussi le cas à Marseille, où l’attaquant est devenu un des joueurs les plus cotés du championnat de France. Le Bayern Munich (Allemagne) a même proposé, en vain, 10 millions d’euros pour s’offrir ses services. Avec le Ghana, André Ayew a déjà remporté la CAN junior et la Coupe du monde des moins de 20 ans en 2009, disputé la finale de la CAN 2010 en Angola et atteint les quarts de finale de la Coupe du monde la même année. Et si 2012
PATRICE AÏM/ICON SPORT
Attaquant de l’équipe du Ghana, 22 ans
marquait la fin de la pénurie de titres pour les Black Stars ? ● A.BI.
Narcisse Ekanga
TE EU I/R AF OU IL RB
sur l’éligibilité de certains joueurs. La Fédération internationale de football association (Fifa) a moins de doutes : Ekanga a participé, en novembre dernier, à l’une des deux rencontres qualificatives pour la Coupe du monde 2014 contre Madagascar (les Équato-Guinéens sont sortis victorieux sur l’ensemble des deux matchs), et l’organisation n’y a rien trouvé à redire. ●
LA
NÉ À DOUALA, international camerounais en moins de 17 ans, moins de 20 ans, puis en équipe A’, le milieu de terrain offensif Narcisse Ekanga va bien – sauf surprise de dernière minute – disputer la CAN 2012… mais avec la Guinée équatoriale. En effet, Ekanga, qui joue au Tout-Puissant Mazembe de Lubumbashi (RD Congo), a été naturalisé il y a quelques mois. Une habitude prise par les autorités de Malabo et si répandue qu’Henri Michel, l’ex-sélectionneur du Nzalang Nacional (lire p. XX), s’était publiquement interrogé
RS
Milieu de terrain de l’équipe de Guinée équatoriale, 24 ans
A.BI.
Moussa Maazou
Attaquant de l’équipe du Niger, 23 ans
BELGA /ICON SPORT
L’ATTAQUANT VEDETTE du Mena ne doute de rien. Et surtout pas de lui. Moussa Maazou a déclaré qu’il n’avait rien à envier aux joueurs du FC Barcelone ou du Real Madrid. Pour l’instant, il a rejoint Moscou et le CSKA, depuis que les Belges de Zulte Waregem (où il était prêté) l’ont prié de vider son casier, lassés de son comportement et l’on de ses performances, assez éloignées du niveau qu’il claironne avoir. Depuis qu’il officie en Europe, l’ancien buteur de l’AS FAN avoir a emprunté emprun des voies sinueuses. Convaincant à Lokeren (Belgique) et même à Monaco, très discret au CSKA Moscou, fantomatique à Bordeaux – où il trouva le moyen de se fâcher avec les supporteurs –, Maazou Ma n’est ’e pas étranger à la première qualification du Niger pour une phase finale de CAN. Il a notamment inscrit le but de la victoire face à l’Égypte (1-0), en octobre 2010. Malgré ses sautes d’humeur, il reste l’atout offensif numéro un de sa sélection. ● A.BI. JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
91
Inspirer la future génération de héros du football. Nous sommes BHP Billiton, société leader dans l’exploitation de ressources naturelles. Depuis 150 ans, nous participons au développement de l’industrie, des communautés et des économies dans le monde entier et contribuons à leur essor.
www.bhpbilliton.com
Nos valeurs d’intégrité, de respect et de performance sont au cœur de notre société; et sont des valeurs également incarnées dans l’esprit du football. Ce sont ces valeurs et notre approche de développement durable qui nous distinguent des autres. Nous croyons pouvoir apporter une contribution significative aux communautés et à l’environnement où nous opérons et influencer positivement la vie des gens.
La Coupe d’Afrique des Nations 2012 constituera une source d’inspiration pour les jeunes Gabonais qui verront leurs héros du football arriver sur le terrain et concourir pour la gloire dans le sport favori du pays. BHP Billiton est fier de compter parmi les Supporters majeurs du COCAN pour la Coupe d’Afrique des Nations 2012, et c’est avec grand plaisir que nous démontrons notre engagement continu au Gabon.
94
Économie
INTERVIEW
Sanusi Lamido Sanusi
Gouverneur de la Banque centrale du Nigeria
ACQUISITIONS
Grandes manœuvres dans les
banques
Poussés hors de leurs marchés domestiques par la crise de la dette, les établissements européens, américains, mais aussi chinois et qataris multiplient les initiatives pour se renforcer en Afrique. Le point sur leurs stratégies. STÉPHANE BALLONG
L
’
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Afrique n’a jamais autant suscité l’intérêtdesbanquesinternationales. Avec la crise de la dette en Europe et larécessionquiguetteleséconomies développées, le continent au milliard d’habitants et à la croissance
économique de 5,8 % en 2012 (prévision) devient une destination privilégiée des investissements étrangers. Et donc une terre d’opportunités pour les établissements financiers mondiaux. Au Maroc, 2012 démarre sur les chapeaux de roues. La cession annoncée par la Société nationale d’investissement (SNI) de 10 % à 20 % de ses parts dans le capital d’Attijariwafa Bank, d’ici à fin mars, aiguise l’appétit des établissements du Golfe, en quête de nouveaux marchés à fort rendement. Pour l’instant, ni Attijariwafa ni la SNI ne souhaitent communiquer sur les discussions en cours, mais le nom de Qatar National Bank (QNB) revient avec insistance. Surtout que le qatari a tenté en vain, l’an passé, un rapprochement avec le JEUNE AFRIQUE
JEUNE AFRIQUE
Thierno Sy Administrateur
TUNISIE
directeur général de BIA-Niger
BRITANNIQUES À L’AFFÛT. Pour l’instant, ce sont
surtout les établissements européens qui convoitent le Sud du Sahara. Alors qu’ils suppriment massivement des postes chez eux (près de 60000 emplois dans le secteur européen en 2011), ces groupes, surtout britanniques, multiplient les initiatives pour renforcer leur présence en Afrique. Ainsi Barclays, qui a racheté 56 % du sud-africain Absa Bank en 2005 pour 2,1 milliards d’euros, a délocalisé fin 2011 sa direction Afrique de Dubaï à Johannesburg. Sa consœur HSBC, qui a tenté l’an dernier, sans succès, de prendre le contrôle du sud-africain Nedbank, est toujours en quête d’un partenaire stratégique en Afrique. « HSBC est bien implanté en Asie-Pacifique etvisedésormaislefinancementducommerceentre l’Afrique et l’Asie », explique Paul-Harry Aithnard, directeur recherche du groupe Ecobank. Idem du côté de Standard Chartered. « Nous sommes à l’affût de toutes les opportunités d’acquisitions qui pourraient se présenter en Afrique », a indiqué en décembre Diana Layfield, directrice Afrique de Standard Chartered. Déjà présent dans seize pays africains, notamment dans l’est du continent, le groupe, qui réalise environ 10 % de ses bénéfices en Afrique, met désormais le cap à l’ouest. Dans son viseur: le Nigeria et le Ghana, où il possède déjà des filiales locales et entend profiter de leurs taux de croissance respectifs de 6,6 % et 7,3 %. Le
Pour SFBT, le succès coule de source
groupe cible aussi l’Angola, autre pays producteur de pétrole. Credit suisse aussi fait parler de lui. Le groupe a ouvert sa première filiale africaine à Johannesburg début 2011. Quelques mois plus tard, en juillet, Credit suisse a été la principale banque d’affaires à monter l’acquisition du manufacturier sud-africain Defy Appliances par le turc Arçelik Group. Montant de l’opération: 225 millions d’euros. LesAméricainsnesontpasenreste.Ennovembre, la banque d’affaires JP Morgan a ainsi ouvert ● ● ●
DR
QUATRE PATRONS À L’OFFENSIVE
N. BEHRING/WORLD ECONOMIC FORUM
marocain BMCE Bank. « L’arrivée d’un établissement qatari à son capital apporterait une bouffée d’oxygène à Attijariwafa, confronté à un problème de liquidités sur son marché national. La crise mondiale a provoqué une baisse des investissements directs étrangers et des transferts des Marocains résidant à l’étranger », explique Hanane Rahali, analyste financier chez CFG Group au Maroc. Attijariwafa réaliserait une belle affaire si cette opération se confirmait: QNB vient d’annoncer un bénéfice net de 1,6 milliard d’euros en 2011 (+ 32 % parrapportà2010).Etenplusdepouvoirdévelopper des produits financiers alternatifs (islamiques), la banque qatarie serait bien placée pour le financement des grands projets d’infrastructures dans le royaume chérifien et du commerce sans cesse croissant entre les deux pays. Car si, pour l’instant, la valeur de leurs échanges ne dépasse guère les 45 millions d’euros, ce montant est appelé à croître au cours des prochaines années : entre novembre et janvier, l’émir du Qatar, Hamad Ibn Khalifa Al Thani, s’est rendu à deux reprises au Maroc et a conclu avec le royaume plusieurs accords, notamment dans le tourisme. Par ailleurs, une entrée au capital d’Attijariwafa permettrait à QNB de prendre indirectement pied en Afrique subsaharienne, où le groupe marocain possède une dizaine de filiales.
DR
FADI AL-ASSAAD/REUTERS
! Le nom de QATAR NATIONAL BANK (ici à Doha) revient avec insistance pour la reprise de 15 % à 20 % du capital du marocain Attijariwafa Bank.
DÉCIDEURS
R. STEINEGGER/WORLD ECONOMIC FORUM
TÉLÉCOMS
Deux opérateurs sur trois aux mains d’Alger
ALI SHAREEF AL-EMADI QATAR NATIONAL BANK Qatar National Bank est déjà présent directement en Libye, en Mauritanie, au Soudan et enTunisie. Son PDG négocie actuellement une prise de participation de 10 % à 20 % dans le capital du marocain Attijariwafa Bank. JIANG JIANQING ICBC Après voir déboursé 3,8 milliards d’euros pour racheter 20 % du capital du sud-africain Standard Bank en 2008, le patron d’Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) vient d’ouvrir un bureau de représentation au Cap pour rayonner en Afrique subsaharienne. DIANA LAYFIELD STANDARD CHARTERED Très présent dans l’est du continent (Kenya,Tanzanie, Botswana…), le groupe britannique a nommé en mai dernier Diana Layfield directrice générale Afrique pour piloter la stratégie et trouver de nouvelles opportunités à l’Ouest (notamment au Nigeria). MARIA RAMOS BARCLAYS AFRICA La banque anglaise, qui a repris 56 % du sud-africain Absa en 2005 pour 2,1 milliards d’euros, vient, pour conquérir de nouveaux marchés, de nommer Maria Ramos à la tête de la direction Afrique, dont le siège a été déplacé de Dubaï à Johannesburg. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
95
Entreprises marchés une filiale spécialisée dans la couverture de change en Afrique du Sud. « Nous voulons vraiment développer notre activité de trésorerie et de services aux entreprises à travers toute l’Afrique, mais aussi préparer la voie pour notre activité de banque d’investissement. C’est maintenant qu’il faut être présent pour un retour sur investissement dans les cinq à dix ans à venir », a indiqué John Coulter, patron Afrique de JP Morgan, au Financial Times. La banque est par ailleurs en négociation pour ouvrir des bureaux de représentation au Kenya et au Ghana au cours du premier trimestre. Le chinois Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) vient aussi d’ouvrir un bureau de représentation en Afrique du Sud, au Cap. Selon les analystes, celui-ci devrait servir de base pour une nouvelle stratégie africaine du groupe, qui a déboursé 3,8 milliards d’euros pour racheter 20 % de StandardBank,premièrebanqueafricaine,en2008. Mais si l’engouement est bien réel, Paul-Harry Aithnard estime que « ces groupes étrangers avanceront de manière prudente, en s’appuyant sur les acteurs locaux, qui connaissent mieux les marchés ●●●
africains ». De fait, le renforcement de la présence des banques mondiales en Afrique peut être considéré comme une opportunité pour les groupes africains. Ils pourront ainsi bénéficier de financements additionnels pour participer à certaines syndications qui jusque-là étaient hors de leurs moyens. Peuvent notamment tirer profit de cette nouvelle configuration : les banques nigérianes (First Bank of Nigeria, United Bank for Africa…), qui viennent de sortir d’une réforme qui a conduit à leur recapitalisation. Le groupe Ecobank (basé au Togo), fort de sa présence dans 30 pays africains, s’estime aussi incontournable. Il ne faut toutefois pas écarter la menace que les groupes internationaux soient les seuls à profiter de la croissance en Afrique. Ce cas de figure « ne surgira réellement que si, au bout des cinq prochaines années, les banques africaines ne deviennent pas plus robustes et n’améliorent pas leur gestion du risque en vue de dominer l’activité de banque de détail », indique un banquier ouest-africain. C’est, d’après les spécialistes, un élément crucial pour le développement des économies africaines. ●
L’engouement des banques internationales est bien réel, mais elles avancent avec prudence.
Repli stratégique des groupes français en Côte d’Ivoire, où il se lance aussi dans le mobile banking. Tout en se renforçant sur les mêmes marchés, BNP Paribas s’est retiré de la Mauritanie et de Madagascar. Crédit agricole s’est quant à lui recentré depuis deux ans sur la banque de détail en Europe et dans es établissements le Bassin méditerranéen. Il a ainsi cédé à Attijariwafa Bank, français réduisent la en 2010, cinq de ses filiales voilure en Afrique. subsahariennes (Congo, Côte Commencée avec la d’Ivoire, Cameroun, Gabon crise financière de 2008, cette et Sénégal). La banque vient tendance se renforcera en aussi de se désengager de 2012, avec la crise des dettes ! Seul BPCE, qui négocie pour la prise de contrôle de BANQUE ATLANTIQUE CÔTE D’IVOIRE, a conservé ses ambitions africaines. sa filiale sud-africaine, et de souveraines en Europe, qui nombreux analystes la soupoblige les banques, notamçonnent de vouloir quitter l’Algérie et la ment hexagonales, à renforcer leurs fonds Il faut dire que les banques françaises Tunisie. propres et à économiser 235 milliards ont déjà perdu de leur emprise au sud Exception à cette tendance : Banque du Sahara au cours des cinq dernières d’euros d’ici à 2013. années. Dans les états-majors des groupes, populaire Caisse d’épargne (BPCE) nourrit Ainsi, BNP Paribas, Société générale on préfère parler de réorganisation strades ambitions d’expansion au sud du et Crédit agricole, qui ont longtemps tégique. Celle-ci consiste notamment à Sahara. Après être sorti du Crédit indusdominé le financement du commerce se renforcer sur les principaux marchés triel et commercial (CIC) au Maroc, il a des matières premières et des produits de – Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun – et à repris en juillet 75 % de la Banque malbase entre l’Afrique et l’Europe, réduiront gache de l’océan Indien (BMOI) et 19,4 % concentrer les efforts sur les activités les cette activité. En outre, « on s’attend à plus rentables. Ainsi, Société générale a de la Banque nationale du développece que les établissements français, qui gelé ses acquisitions en Afrique francoment agricole (BNDA), au Mali. BPCE jusque-là dominaient le financement est actuellement en négociation pour la phone, mais a annoncé en juin 2010 un du commerce intrarégional, cèdent du plan stratégique visant à ouvrir 90 agences prise de contrôle de Banque Atlantique terrain aux banques locales », affirme-td’ici à 2015, principalement au Sénégal et Côte d’Ivoire (Baci). ● S.B. on dans les milieux bancaires africains.
Acteurs historiques en Afrique, BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole se désengagent peu à peu.
L
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
NABIL ZORKOT POUR J.A.
96
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés INTERVIEW
Sanusi Lamido Sanusi
G OUVERNEUR
DE LA
BANQUE
CENTRALE DU
97
NIGERIA
« Les investisseurs étrangers sont très mal informés sur le Nigeria » Le garant des équilibres financiers nationaux soutient la décision gouvernementale de ne plus subventionner les carburants. À 50 ans, deux ans et demi après son entrée en fonction, il trace les grandes lignes de son action et détaille les défis à venir.
S
je suis devenu gouverneur, en 2009, la priorité était de maintenir l’économie à flot. Les prix du pétrole s’étaient effondrés, passant de 147dollarslebarilàmoinsde40dollars, et notre production pétrolière était descendue de 2,3 millions de barils par jour à moins de 1 million. Dans le même temps, la capitalisation boursière avait baissé de 17 %, la moitié du secteur bancaire était déliquescente.Etlesbanquescontinuaient de prêter. Si l’État n’avait pas agi, notamment grâce à des incitations fiscales, elles n’auraient pas pu tenir le coup. J’ai donc accepté une diminution des réserves, mais seulement jusqu’au redémarrage de l’économie. Aujourd’hui, alors que les prix sont revenus à de bons niveaux et quenotreproductions’eststabilisée, nous sommes revenus à plus de rigueur pour tenir notre
INT UN DE AK INL EY E/R EU TE RS
JEUNE AFRIQUE
Dansunpaysmarquéparlesconflits religieux,oùlamajoritédesquelque 160 millions d’habitants vit avec moins de 2 dollars par jour et où le sentiment de corruption des élites estsiélevé,laradicalitédelamesure a exacerbé les tensions. « Être aux affaires n’est pas un concours de popularité », répond Sanusi Lamido Sanusi, sensible aux objectifs des autorités. D’autant que cette politique menée à la hussarde n’est pas pour lui déplaire. Arrivé à la tête de la Banque centrale en juin 2009, il a réformé le système bancaire à un train d’enfer, renflouant huit banques, limogeant autant de patrons et de nombreux salariés. L’institutionqu’ildirige n’est pas là pour créer des emplois, répète-t-il souvent,maisunenvironnement propice au développement économique. Dans cette interview,
JEUNE AFRIQUE: Dans quel état se trouve l’économie du Nigeria? Et quelle a été votre action depuis votre nomination? SANUSI LAMIDO SANUSI: Quand
AK
olidarité sans faille. Le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria soutient à 100 % la décision de supprimer les subventions aux carburants prise par le président de la République, Goodluck Jonathan, et la ministre des Finances, Ngozi Okonjo-Iweala, et effective depuis le1er janvier.Pourcetinconditionnel de la discipline budgétaire, chargé de veiller aux grands équilibres financiers nationaux, le gouvernement n’a pas eu le choix. Le pays, qui compte parmi les premiers producteurs d’Afrique (2,4 millions de barils/jour), manque de raffineries. « Au cours des onze premiers mois de 2011, le Nigeria a utilisé 16 milliardsdedollars[12milliardsd’euros, NDLR] de ses réserves de change pour importer du pétrole raffiné; la moitié de cette somme a été payée par des banques aux importateurs et l’autre moitié par le Trésor sous forme de subventions. C’est insoutenable », a expliqué Sanusi Lamido Sanusi à l’agence Reuters. Avec cette décision, le gouvernement compte économiser 4,8 milliardsd’eurosdès2012,etlesinvestir notammentdans laconstruction de raffineries. En supprimant des subventions qui profitent d’abord aux classes aisées, il veut aussi mettre fin à ce qu’il appelle le « cartel » des importateurs. Mais la mesure a presque doublé le prix du litre d’essence, passé de 0,31 à 0,57 euro. Et allumé la mèche de l’inflation, déclenchant des grèves générales durement réprimées.
réalisée avant la décision gouvernementale, Sanusi Lamido Sanusi fait le point sur les défis qui attendent le Nigeria. ● J.-M.M.
98
Entreprises marchés objectif de stabilité des prix. Pour cela, nous cherchons à piloter l’évolution des taux de change, l’une des rareschosesdontnousayonslamaîtrise. On ne peut pas contrôler les prix de l’alimentation, de l’énergie, mais les taux de change, si. La situation économique internationale est préoccupante. L’Afrique et le Nigeria en particulier vont-ils réussir à éviter la récession ?
Tout le monde va ressentir, d’une manière ou d’une autre, les effets de la crise en Occident. Selon moi, l’impact sur l’Afrique ne sera pas de la même ampleur qu’en 2008, lors de l’éclatement des bulles spéculatives sur les matières premières et immobilières. La crise européenne va plutôt ralentir la croissance du continent africain, mais pas le faire entrer en récession. Quant au prix du pétrole, il est à un niveau élevé mais raisonnable [111 dollars le baril en moyenne en 2011]. Je ne crois pas à un effondrement des cours. De plus, le Nigeria a résolu une partie de ses problèmes de production: nous ne souffrirons pas à nouveau de la conjonction d’une baisse des cours et d’une diminution de la production.
En août 2011, vous avez nationalisé trois banques menacées de faillite. L’effet salvateur a-t-il touché l’ensemble du secteur ?
Je n’ai jamais aimé ce mot de « nationalisation » pour qualifier ce que nous avons fait. Je préfère dire que ces trois banques [Afribank, Spring Bank et Bank PHB] ont été recapitalisées par le fonds public
Amcon [Asset Management Corporation of Nigeria]. Nous avons choisi de monter à leur capital car nous étions convaincus qu’elles ne parviendraient pas à remplir dans les temps impartis les critères mis en place pour assurer la stabilité du système bancaire. Pour protéger les intérêts des épargnants et des salariés et garder la confiance des marchés, mieux valait agir vite plutôtquedelaisserplanerl’incertitude sur notre capacité à le faire. Même si, pour cela, les actionnaires de la banque, responsables de sa situation critique, doivent tout perdre. Aujourd’hui, êtes-vous serein concernant la santé des établissements nigérians ?
Au final, la Banque centrale a dû prendre la main sur huit des dix banques qui étaient sous-capitalisées, en plaçant à leur tête de nouvelles équipes. Chacune d’entre elles a fait un véritable nettoyage. Contrairement aux directions précédentes, elles n’avaient aucun intérêt à cacher les pertes. Elles ont sorti les dettes les plus mauvaises des bilans [en les transférant au fonds Amcon], dénoncé la fraude, restauré les comptes et reconnu les pertes réelles. À l’issue de ces opérations, nous avons obtenu des banques fiables et restructurées. Aujourd’hui, je ne crains plus de mauvaises surprises. Vous avez supprimé la durée minimale pour les investissements étrangers, qui était fixée à un an. Ne craignez-vous pas une fuite de capitaux ?
LA FIN DES SUBVENTIONS APPLAUDIE L’INFORMATION ÉTAIT PASSÉE INAPERÇUE, mais elle alimentera la polémique sur les agences de notation. Le 29 décembre, Standard & Poor’s (S&P) relevait la perspective du Nigeria (noté B+/B) de « stable » à « positive ». « Le gouvernement, sous la présidence de Goodluck Jonathan, a engagé plusieurs réformes importantes et resserre sa politique fiscale et monétaire », a justifié l’agence. Cerise sur le gâteau: les autorités « prévoient de supprimer une subvention sur le carburant… Il s’agit de l’une des réformes importantes promues par le président ». Une politique encouragée par le FMI. L’arrêt des subventions avait été envisagé par l’ancien président Obasanjo, mais il s’était heurté aux syndicats. Ngozi Okonjo-Iweala, la ministre des Finances, est donc passée à l’acte, avec l’aval des agences de notation, du FMI et de la Banque mondiale (dont elle était directrice générale jusqu’en juillet). S&P avait pourtant prévenu que le Nigeria était affecté par « des tensions politiques internes ». On connaît la suite. ● J.-M.M. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Tous les banquiers centraux se préoccupent comme moi de l’« argent chaud » [les investissements instables qui ressortent rapidement des pays]. Il faut, bien sûr, trouver un moyen de retenir les investisseurs, mais il faut d’abord les attirer. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte l’image du pays. Aujourd’hui, les investisseurs étrangers sont très mal informés sur le Nigeria. À chaque élection, ils ont peur… Le risque de voir leur argent bloqué pendant douze mois était un frein important. Il fallait le lever, à partir du moment où nous avions suffisamment de réserves pour faire face à d’éventuelles fuites de capitaux sans faire perdre de la valeur à notre monnaie. Avec plusieurs réformes en cours, dont une loi sur l’industrie pétrolière, quel message lance l’État aux acteurs économiques ?
Nous voulons, dans l’ordre, restructurer nos institutions et les infrastructures, puis réorienter l’argent public et celui du système bancaire vers l’économie réelle, et non vers les grands projets immobiliers ou l’investissement en Bourse. Ainsi, nous favorisons le développement pour le plus grand nombre, mais aussi la stabilité de JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés ð UN MANIFESTANT DÉNONÇANT L’ENVOLÉE
DU PRIX DE L’ESSENCE
PIUS UTOMI EKPEI/AFP
à Lagos, le 9 janvier.
notre système financier. Nous ne voulons plus jeter sans discernement de l’argent public dans les infrastructures, mais bien les planifier et les gérer, en nous appuyant sur des partenariats public-privé (PPP), avec l’aide d’institutions financières internationales et de compagnies privées. Le soutien financier à l’agriculture est une autre priorité. Pourquoi ?
Nous sommes partis d’un constat : alors que l’agriculture représente 42 % du PIB nigérian, seul 1,4 % des crédits bancaires va à ce secteur. Notre PIB croit d’environ 7 % chaque année depuis dix ans. Dans le domaine agricole, cette progression n’est due qu’à l’extension des surfaces cultivées et du nombre d’agriculteurs. La productivité, elle, n’a pas augmenté. La croissance pourrait être à deux chiffres si nous améliorions nos techniques agricoles, mettions à disposition des semences et engrais performants, rendions les marchés plus accessibles… Et, surtout, si les cultivateurs avaient accès à des prêts. Il y a là un levier de croissance exceptionnel pour le Nigeria. Les banques ne veulent pas prêter aux agriculteurs par peur du risque et par méconnaissance du secteur. Pour changer cela, nous JEUNE AFRIQUE
avons créé un système incitatif d’aide aux prêts agricoles, baptisé Nirsal ; les prêts sont garantis par des subventions de la Banque centrale et appuyés par des experts. Si on regarde le travail des gouvernements qui ont un bon bilan en Afrique, comme au Ghana ou en
des désaccords. Quand elle était à la Banque mondiale, nous ne partagions pas les mêmes idées à propos des taxes sur le change, par exemple. Maintenant qu’elle n’est plus à Washington, je pense que nous réussirons à nous accorder sur la plupart des sujets, ce qui ne nous empêchera pas de continuer à nous dire franchement les choses. Il y a toujours une tension naturelle entre les autorités monétaires et fiscales… En mai dernier, vous avez affirmé la nécessité de protéger l’industrie nigériane. N’est-ce pas en contradiction avec les options libérales prises par le gouvernement ?
Protéger l’économie nationale n’implique pas forcément d’instaurer des barrières douanières ou des quotas. Il y a d’autres voies. Les responsables économiques africains doivent être pragmatiques et défendre leurs intérêts. C’est ce que les Chinois ont toujours fait. Et ils se débrouillent bien ! Au lieu d’écouter les Occidentaux prêcher le libre-échange, nous ferions mieux de nous inspirer de ce qu’ils font, en particulier dans le domaine
Nous favoriserons le développement pour le plus grand nombre, mais aussi la stabilité financière. Tanzanie, l’agriculture a toujours été au centre de leurs préoccupations. Il était logique que le Nigeria fasse de même. Quelles sont vos relations avec Ngozi Okonjo-Iweala, l’ancienne directrice générale de la Banque mondiale, aujourd’hui ministre des Finances ?
Ngozi est, selon moi, le meilleur ministre des Finances que nous ayons eu [elle a déjà occupé ce poste de 2003 à 2006 avant de le reprendre en juillet dernier]. S’il y a quelqu’un qui peut, à cette fonction, nous aider à résoudre nos problèmes, c’est bien elle. Elle a l’expérience, la motivation, l’intelligence et l’intégrité nécessaires. Nous nous respectons, mais cela ne nous empêche pas d’avoir
agricole. Quand ils jugent un sujet stratégique, ils n’hésitent pas à subventionner. Mais qu’on ne s’y trompe pas : fournir une réelle protection à l’économie nationale, pour moi, c’est d’abord mettre en place des infrastructures publiques efficaces, permettant le développement. Comment le producteur nigérian de textile peut-il résister face à la concurrence asiatique alors qu’il n’a pas d’accès permanent à l’électricité ou que les routes sont mauvaises ? Il faut rendre nos infrastructures suffisamment efficaces pour que les Chinois eux-mêmes viennent installer leurs industries chez nous ! C’est cela, le « protectionnisme » que je défends. ● Propos recueillis à Abuja par NICHOLAS NORBROOK N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
99
Entreprises marchés
100
ð L’État pourrait débourser entre 1,6 milliard et 2,3 milliards d’euros pour acquérir DJEZZY.
OUSSAMA AYOUB/TOROMORO/MAXPPP
obligatoirement un obstacle à leur compétitivité », relève Abderrafiq Khenifsa, directeur de l’hebdomadaire algérien IT Mag, spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication. BIENTÔT LA 3G. Pour Karim
Deux opérateurs sur trois aux mains d’Alger Décidé à préempter Djezzy, l’État est parvenu à un accord avec le russe Vimpelcom pour acquérir 51 % de son capital. Déjà actionnaire d’Algérie Télécom, il contrôle désormais 78 % du marché.
F
aut-il y voir une victoire du nationalisme économique voulu par le Premier ministre Ahmed Ouyahia ? Le 9 janvier, le ministère algérien des Finances a annoncé la conclusion d’un accord avec le russe Vimpelcom prévoyant l’acquisition par l’État d’une participation de 51 % dans l’opérateur Djezzy, « sous réserve d’un prix acceptable ». Selon les estimations des observateurs, Alger, déjà propriétaire d’Algérie Télécom, pourrait débourser entre 2 milliards et 3 milliards de dollars (entre 1,6 milliard et 2,3 milliards d’euros) pour conclure l’opération via un fonds d’investissement – peut-être le Fonds national d’investissement, créé en 2008. Le nouveau propriétaire de Djezzy a donc finalement cédé face à la détermination d’Alger à faire jouer son droit de préemption depuis la vente sans autorisation de l’opérateur par l’égyptien Orascom. En contrepartie, Vimpelcom aurait obtenu la garantie de conserver la gestion opérationnelle et de continuer à consolider les activités de l’entreprise dans son bilan. Une N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Leaders publics, outsider privé
requête peu étonnante, au vu des résultats financiers affichés par le leader du marché algérien : un chiffre d’affaires d’environ 1,3 milliard d’euros en 2011, pour une marge Ebitda (indicateur proche de la marge brute d’exploitation) de 59 %, ce qui est tout bonnement exceptionnel. De son côté, l’État, avec Algérie Télécom (11 millions d’abonnés en 2011) et Djezzy (17 millions) dans son escarcelle, contrôle 78 % du marché de la téléphonie. L’outsider Wataniya (8 millions d’abonnés) doit se sentir esseulé. « Même si on peut ne pas adhérer à cette stratégie, cela ne devrait rien changer en matière de gouvernance. D’ailleurs, des pays comme la Chine ont prouvé que la présence de l’État au capital de plusieurs opérateurs en même temps ne constitue pas ALGÉRIE TÉLÉCOM
Actionnariat Chiffre d’affaires 2010 (en euros) Nombre d’abonnés 2011
É TAT (100 %)
JULIEN CLÉMENÇOT
DJEZZY
EN
PASSE D ’ ÊTRE ACHETÉ
PAR L ’É TAT
(51 %)
WATANIYA
Q TEL (80 %)
585 MILLIONS
1,35 MILLIARD
348 MILLIONS
11 MILLIONS
17 MILLIONS
8 MILLIONS JEUNE AFRIQUE
SOURCES : OPÉRATEURS, JEUNE AFRIQUE
TÉLÉCOMS
Abdelmoula, patron de la société de conseil OnMarket, les pouvoirs publics devront néanmoins faire la preuve de leur neutralité dans la régulation du secteur : « Ils pourraient être tentés d’arbitrer en faveur de leurs propres intérêts », craint-il. Une hypothèse que n’exclut pas non plus Guillaume Touchard, du cabinet de conseil Sofrecom (France Télécom). En outre, si l’investissement apparaît judicieux à moyen terme, le consultant français estime qu’entrer dans le capital de l’opérateur au moment où il va devoir financer, s’il obtient une licence comme c’est désormais probable, le déploiement d’un réseau 3G (haut débit mobile) peut peser sur la profitabilité à court terme de l’entreprise. De fait, tout porte à croire que c’est bien le conflit entre Djezzy et Alger qui a ralenti ces derniers mois l’arrivée de la 3G. Elle est maintenant attendue pour le premier semestre. Une évolution décisive pour relancer un marché des télécoms peu dynamique. Mais, pour l’heure, le véritable gagnant est sans conteste l’Égyptien Naguib Sawiris. Actionnaire à 20 % de Vimpelcom, l’ancien propriétaire de Djezzy, voué aux gémonies par le gouvernement d’Ahmed Ouyahia, se sera finalement tiré à très bon compte du guêpier algérien. ●
Coulisses
Arcelor Mittal sous tension Bilan contrasté en Afrique pour le sidérurgiste.
L
e conflit qui oppose l’indien ArcelorMittal à l’État algérien à propos du complexe d’Annaba ressemble à une partie de poker. Chacun veut faire assumer à l’autre l’investissement d’urgence de 120 millions de dollars (94 millions d’euros) nécessaire pour réhabiliter les installations d’ArcelorMittal Annaba, leur filiale commune (le groupe indien détient 70 % du capital, la société publique algérienne Sider 30 %). Dernier épisode : la fausse mise en cessation de paiement de la filiale, annoncée le 8 janvier par des syndicalistes et des cadres du site d’El-Hadjar, alors que les négociations étaient au point mort avec la Banque extérieure d’Algérie pour un prêt de 143 millions d’euros. Le lendemain, le groupe réfutait cette annonce et réaffirmait sa volonté de rester dans le pays. INDEMNITÉS. Situation tout aussi
tendue au Sénégal. Lassées d’attendre le démarrage de la mine de la Falémé, les autorités ont saisi la cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris. Reprochant à ArcelorMittal de ne pas avoir investi les 2,2 milliards de dollars annoncés en 2007, elles réclameraient 700 millions de dollars d’indemnités. Le sidérurgiste sauve la face au Liberia. Il y a investi 800 millions de dollarspourl’exploitation,lancéeen juin, de la mine de Yekepa. Celle-ci livrera 4 millions de tonnes de fer par an. De quoi nourrir les hautsfourneaux et la santé financière du groupe, qui a enregistré 3,26 milliards de dollars de résultat net sur les neuf premiers mois de 2011. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
marchés
101
ENTREPRISES PUBLIQUES COUP DE TORCHON À BANGUI La menace planait depuis deux ans. Le président centrafricain, François Bozizé (photo), est passé à l’acte le 11 janvier : « Tous les conseils d’administration des entreprises publiques centrafricaines ont échoué, c’est pourquoi ils ont été dissous. » Neuf sociétés d’État, huit offices publics, huit agences et quatre fonds sont touchés. La gestion de plus de 140 administrateurs – un conseil d’administration compte en moyenne cinq personnes – est ainsi remise en question. La veille, le chef de l’État avait présidé la première réunion du Conseil spécial de surveillance et de redressement des entreprises et offices publics
S
M
S
VINCENT FOURNIER/J.A.
MINES
Entreprises
(CSSREOP), créé le 9 janvier. « Aucune société ne produit de bons résultats. […] J’ai décidé de prendre le taureau par les cornes », a-t-il martelé. Les comptes des entreprises sont bloqués. Le CSSREOP les auditera toutes, entendra leurs administrateurs et leurs directeurs généraux. Les sociétés qui ne pourront être redressées seront fermées ou privatisées. Et leurs dirigeants limogés. ●
• AÉRIEN Déficitaire depuis 5 ans, le marocain Jet4you s’allie à Jetairfly, filiale de TUI Belgium • ÉNERGIE Au 2 trimestre, le Maroc lancera un appel d’offres international pour 5 parcs éoliens de 850 MW • MINES Le sud-africain Exxaro e
a fait une offre d’achat de 272,5 M€ pour African Iron, impliqué dans un projet de mine de fer à Mayoko (Congo). • TÉLÉCOMS Eaton Towers, spécialiste des réseaux, a obtenu un financement de 30 M$ pour se développer au Ghana
FERROVIAIRE COUP DE FOUET POUR SITARAIL La filiale de Bolloré Africa Logistics (BAL) consacrée au transport ferroviaire entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso veut relancer ses opérations après une année difficile. En 2011, Sitarail a perdu 25 % de son chiffre d’affaires, estimé à 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros). La crise ivoirienne avait obligé la société à suspendre ses activités. Pour lui donner une nouvelle impulsion, BAL a prévu un plan d’investissement de 230 milliards de F CFA. ● DISTRIBUTION COUP DE MAÎTRE SUD-AFRICAIN Dans sa dernière étude sur les 250 plus grands distributeurs dans le monde, publiée le 16 janvier, le cabinet Deloitte confirme le dynamisme de la région Afrique-Moyen-Orient. Sur la période 2005-2010, sa croissance (15,4 %) a dépassé celle de toutes les autres
zones géographiques. Parmi les distributeurs du continent figurant dans le classement, huit sud-africains, dont Shoprite (10,28 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2010), Massmart (7,6 milliards) et Pick’n Pay (7,14 milliards de dollars). ● AÉRIEN COUP D’ENVOI DES ACHATS GROUPÉS Neuf compagnies du continent ont signé, le 11 janvier, un accord pour acheter en commun leur carburant afin de réduire leurs coûts d’exploitation. Pour 2012, elles prévoient de commander 700 millions de litres de kérosène pour 1,5 milliard de dollars (près de 1,2 milliard d’euros). Parmi elles, des leaders comme Kenya Airways et Ethiopian Airlines, mais aussi des transporteurs plus modestes (Precision Air, Rwandair, LAM). C’est la première étape d’un projet qui s’étendra aux 32 membres de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa). ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Décideurs BANQUE
Direction Niamey pour Thierno Sy Le Sénégalais a pris en décembre la tête de BIA-Niger. Sa mission : donner un nouveau souffle au deuxième établissement financier du pays, dont Coris Bank a racheté 35 %.
P
our la Banque internationale pour l’Afrique au Niger (BIA-Niger), c’est l’espoir d’une renaissance. Pour Thierno Seydou Nourou Sy, son nouvel administrateur directeur général depuis décembre, c’est une marche supplémentaire gravie dans une longue carrière de banquier. La deuxième banque du Niger – 191 millions d’euros de total de bilan fin 2010 pour 12 millions de produit net bancaire – en avait bien besoin. « Elle était autrefois la première banque du pays, place qu’elle a perdue il y a quelques années en faveur de Sonibank, explique le tout nouveau patron, âgé de 50 ans. Elle commençait même à être rattrapée par Ecobank et Bank of Africa. » En cause : la décision il y a quelques années de l’actionnaire principal, Fortis (racheté depuis par BNP Paribas), de céder son activité de banque de détail en Afrique, portée par la filiale Belgolaise. Depuis, BIA-Niger était un peu en déshérence, sauvé toutefois par un management qui aura su rester fidèle au poste. En juillet dernier, après plusieurs années de négociations avec divers repreneurs, c’est finalement le groupe bancaire burkinabè Coris Bank International qui décroche les 35 % détenus par BNP Paribas. L’un de ses dirigeants, Thierno Sy, se retrouvealorsàlatêtedelapremière filialedugroupehorsBurkinaFaso… Le banquier, formé en France, au Conservatoire national des arts et métiers ainsi qu’à l’Université Paris-Descartes, y voit un nouveau challenge. « J’ai rejoint Coris Bank N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
DJIBO TAGAZA POUR J.A.
102
Il avait quitté fin 2009 Attijariwafa Bank POUR REJOINDRE LE GROUPE BURKINABÈ DIRIGÉ PAR IDRISSA NASSA.
pour répondre à l’ambition de bâtir un groupe régional », souligne ce Sénégalais, ancien dirigeant de la Banque internationale pour le Mali (BIM) et ancien secrétaire général de CBAO au Sénégal, qui a quitté fin 2009 le groupe Attijariwafa Bank pour rejoindre la banque détenue et dirigée par Idrissa Nassa. La première mission du nouveau « patron » est claire : depuis juillet, date à laquelle il a mis les pieds à Niamey, en observateur, puis à partir du 2 décembre, en tant que dirigeant, il œuvre à remettre BIA-Niger sur pied. DÉTAIL. L’établissement, qui
compte quinze agences – huit à Niamey et sept dans les grandes villes du pays –, devrait en créer de nouvelles dans la capitale et en dehors. « Tout en maintenant notre position sur les clients Corporate, notamment chinois et français, l’administration, les organismes internationaux et les ONG, nous allons mettre l’accent sur la banque de détail, aller vers les particuliers en proposant notamment des produits innovants », souligne Thierno Sy. En tête, le modèle de
191
millions d’euros de total de bilan (2010)
12
millions d’euros de produit net bancaire (2010)
15
agences
la maison mère, Coris Bank : grâce à un dynamisme affirmé sur le segment des PME et des fonctionnaires et cadres du privé, la banque burkinabè est devenue en quelques années la deuxième du pays. Parmi ses annonces commerciales marquantes, la gratuité des frais de compte pour les salariés, en 2010, a marqué les esprits. À ses côtés, le nouveau patron de BIA-Niger pourra compter sur deux adjoints et un secrétaire général, récemment nommés, mais qui figuraient déjà dans l’ancienne équipe dirigeante de la banque nigérienne. « Nous conservons les équipes en place et procédons seulement à une réorganisation, se réjouit Thierno Sy. Le seul nouveau venu sera au niveau de l’audit des risques et des finances, poste qui sera tenu par quelqu’un venu de Coris. » À Niamey, l’échiquier est en place pour la reconquête commerciale. Au-delà, Thierno Sy continue à garder un œil sur les évolutions futures de Coris Bank. Candidat à la privatisation des banques togolaises, le groupe compte aussi s’installer bientôt en Côte d’Ivoire et au Bénin, en partant de zéro. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
Décideurs ð ÂGÉ DE 34 ANS, le fondateur d’Outsourcing Call Center a su diversifier ses activités.
OCC
et thermique destiné aux professionnels (installateurs, architectes, agriculteurs…), l’homme d’affaires franco-tunisien vient de créer Helios Africa, un joint-venture consacré au Moyen-Orient et au continent. « Nous ouvrons des bureaux à Tunis, en Mauritanie, en Afrique du Sud et bientôt à Dubaï », détaille-t-il. Dotée d’un stock de 10 millions d’euros, l’entreprise a identifié des opportunités en Arabie saoudite, au Mali, au Gabon, au Ghana et en Libye. Son partenaire, bien placé en Europe, lui apportera son savoir-faire et de solides références internationales.
ÉNERGIES RENOUVELABLES
Nizar Tazni se met au vert
SUCCÈS. Nizar Tazni ne se lance
Après avoir créé plusieurs centres d’appels dans son pays d’origine, le Franco-Tunisien se lance dans le photovoltaïque au Moyen-Orient et sur le continent.
L
es milieux d’affaires tunisiens l’avaient découvert au milieu des années 2000 en tant qu’expert de la relation client. Nizar Tazni, 34 ans, fondateur d’Outsourcing Call Center (OCC), mise désormais sur les énergies renouvelables. En partenariat avec Helios strategia, un concepteur et distributeur français de matériel photovoltaïque
103
la TVA due. À la fin, le retard atteignait 30 millions d’euros », regrette Nizar Tazni. Une faillite dont il a fait les frais. « Quand l’activité a cessé, ma plateforme d’appels a arrêté de fonctionner pendant trois mois », rappellet-il. Après avoir compté jusqu’à 900 postes équivalent temps plein, OCC a fondu de moitié, pour un CA d’environ 5 millions d’euros. « Nous avons aussi perdu un important client après la révolution », explique-t-il. Mais pas de revers de fortune pour Nizar Tazni. Depuis plusieurs années, il s’est diversifié en créant une société française d’installation d’équipements photovoltaïques, ISO ENR, pour le marché européen (10 millions d’euros de CA). Son nouveau centre d’appels, situé à Sidi Bouzid, ouvert mi-décembre, lui est presque entièrement consacré. En outre, le jeune patron a investi le secteur de l’immobilier « écolo » en Tunisie, notamment à Bizerte,
pas dans l’inconnu : c’est (en partie) grâce aux énergies renouvelables que ses centres d’appels ont connu le succès. Il a été le principal prestataire des opérations de télémarketing d’AEER « Nous ouvrons des bureaux à Lauben, un Tunis, en Mauritanie, en Afrique des plus du Sud et bientôt à Dubaï. » importants installateurs français de pompes à chaleur, où il va construire 2 000 bungaliquidé en 2009. « C’est un énorme lows destinés à la location. Pour gâchis. Il réalisait un chiffre d’afNizar Tazni, le vert de l’écologie faires (CA) de 100 millions d’euros est aussi celui de l’argent. Soit, et employait plus de 1 000 perselon lui, un chiffre d’affaires total sonnes. Tout ça parce que l’État de 100 millions d’euros. ● français ne reversait pas à temps JULIEN CLÉMENÇOT
ON EN PARLE
KADI FADIKA-COULIBALY SGI HUDSON & CIE Elle prend la direction générale de la société de Bourse SGI Hudson & Cie, présente à la BRVM (Abidjan). Titulaire d’une maîtrise en économie et d’un MBA en finance, elle y était responsable du marché des capitaux.
ANDREW WALLER CARLSON WAGONLIT TRAVEL Le nouveau président de CWT pour la région Emea (Europe, Moyen-Orient, Afrique) et de Global Partners Network était auparavant responsable de CWT pour le Royaume-Uni, l’Irlande et la Méditerranée. DR
MOMAR NGUER TOTAL Il a été nommé directeur Afrique - Moyen-Orient du Supply & Marketing. Diplômé de l’Essec, 55 ans, Momar Nguer a rejoint le groupe en 1984. Il en était le directeur aviation depuis 2007. JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Marchés financiers
104
HICHEM
! Le groupe contrôle environ 85 % du marché de la bière dans le pays.
TUNISIE
Pour SFBT, le succès coule de source Ultradominatrice dans le secteur des boissons, l’entreprise enregistre des résultats records. Une valeur à suivre sur la place de Tunis.
L
a Société frigorifique et brasserie de Tunis (SFBT) n’est pas à un paradoxe près. Elle a beau avoir atteint un chiffre d’affaires de 554 millions de dinars (284,8 millions d’euros) en 2010 et être une des plus importantes entreprises privées du pays, leader sur le secteur des boissons, sa notoriété est quasi nulle. Même aujourd’hui, un an après la révolution, alors que ses revenus devraient bondir d’environ 8 % et son résultat net atteindre 70 millions de dinars, selon le cabinet d’analyse financière AlphaMena. Certes, la SFBT a connu quelques incidents, comme le blocage de la production de son usine de Bab Saadoun au mois de novembre, mais, selon la direction, la situation s’est normalisée depuis. Pour 2012, les voyants seraient donc tous au vert. Pas question cependant pour Moustapha Abdelmoula, directeur général adjoint, de se montrer trop optimiste. Notamment en raison de la nouvelle donne politique, N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
bien que, pour l’heure, le discours des islamistes d’Ennahdha « soit plutôt rassurant ». Reste que religion et alcool faisant rarement bon ménage, la SFBT, premier producteur de bière du pays, préfère se montrer prudente. D’ailleurs, elle n’a pas encore reçu les autorisations administratives nécessaires à la création – annoncée fin 2011 – de 58 plateformes de distribution de ses produits. Pourtant, ces installations pourraient générer environ 650 emplois. La création d’une unité de production de bouteilles en plastique PET à Gabès
a en revanche débuté, avec une première tranche d’investissements de 40 millions de dinars. Élaborée en partenariat avec le groupe Castel, son actionnaire de référence propriétaire de 49 % du capital, l’usine pourrait créer 900 emplois. D’autres réalisations concernant le transport, le tri et le recyclage des déchets sont également prévues à moyen terme. Au-delà des nouveaux impératifs écologiques, ces projets illustrent le potentiel du marché tunisien, notamment dans le secteur des eaux minérales, qui, depuis une décennie, connaît une progression annuelle à deux chiffres. La consommation atteint désormais près de 100 litres par an et par personne, selon les autorités tunisiennes. Celle des jus de fruits est aussi en forte augmentation, même si le chiffre d’affaires reste encore limité. Il a tout de même bondi de 23 % entre 2009 et 2010 et approché les 6 millions de dinars. Et si les exportations de bière vers la Libye se sont effondrées, la consommation locale a plus que compensé ce manque à gagner. Sur les neuf premiers mois de 2011, la SFBT a enregistré une hausse des ventes de plus de 30 %. MONOPOLE. Il faut dire que l’entre-
prise jouit d’un quasi-monopole. En Tunisie, elle contrôle environ 85 % du marché de la bière, 90 % de celui des sodas, entre 40 % et 50 % de celui de l’eau minérale. Chaque année, elle investit d’ailleurs entre 3,4 et 3,8 millions de dinars en
SABMILLER-CASTEL, LE RAPPROCHEMENT ? SOUVENT ÉVOQUÉE PAR LE PASSÉ, l’acquisition des activités africaines du français Castel par SABMiller serait de nouveau envisagée par le groupe anglo-saxon. Estimée à 4,7 milliards d’euros, cette opération réunirait les deux principaux brasseurs du continent. Castel s’est refusé à tout commentaire, préférant saluer la mise en place d’une direction unique pour les deux groupes au Nigeria et en Angola. Cette mesure renforce l’alliance nouée en 2001, qui a vu l’entreprise française prendre 38 % de la filiale africaine de SABMiller et cette dernière acquérir 20 % des activités bières et boissons non alcoolisées de Castel J.C. sur le continent. ● JEUNE AFRIQUE
Baromètre publicité pour maintenir son leadership, d’après Sigma Conseil. « Nous ne sommes pas d’affreux tueurs qui empêchent l’émergence de concurrents », plaide cependant Moustapha Abdelmoula. Selon le directeur général adjoint, si d’autres sociétés ne parviennent pas à s’installer durablement, c’est avant tout en raison du niveau de taxes imposé par l’État. Elles représentent presque les trois quarts du prix d’une bière, mais aussi 47,5 % de celui d’un soda. De fait, la part qui revient à l’entreprise est très limitée. Seule une société implantée de longue date comme la SFBT, fondée en 1925, peut selon lui conserver suffisamment de rentabilité. « Ni Pepsi-Cola, malgré trois tentatives, ni Turborg n’ont réussi en Tunisie. Et Heineken, qui a investi près de 50 millions d’euros
« En raison du niveau des taxes, aucune autre société ne peut s’installer durablement. » MOUSTAPHA ABDELMOULA
depuis son arrivée [en 2007, NDLR] perd de l’argent chaque année », affirme Moustapha Abdelmoula. Confortablement installée sur son marché, la SFBT fait sans surprise figure de valeur refuge sur la Bourse de Tunis. Et même si les étrangers ne peuvent acheter ses actions parce que leur part du capital, pour les brasseries comme pour les banques, ne peut dépasser 50 %, son titre a grimpé de 15 % au dernier trimestre 2011. Il faut dire qu’en approchant des 5 % son rendement net par action est des plus attractifs. La seule faiblesse de l’entreprise pourrait être l’âge du capitaine, Mohamed Bousbia, son PDG étant presque octogénaire. Un patron emblématique, ancien vice-gouverneur de la Banque centrale tunisienne, dont on dit qu’il gère la maison à l’ancienne, de manière très centralisée. « Ne craignez rien, rassure néanmoins Moustapha Abdelmoula, tout est déjà prévu. » ●
Marchés financiers
Timide reprise de la BRVM VALEURS
SECTEUR
COURS au 11 janvier (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de 2012 (en %)
Sonatel
TÉLÉCOMS
238,56
+ 4,17
BANQUE
0,07 313 72,6 82,83 120,42 74,43
+ 2,7 + 0,62 + 0,11 – 1,36 – 1,41 – 2,5
72,52 28,63 99,24
–5 – 6,25 – 7,14
Ecobank Solibra Unilever CI Onatel Sitab SAPH SGBCI PalmCI SOGB
BOISSONS CONSUMER TÉLÉCOMS AGRO - INDUSTRIE AGRO - INDUSTRIE BANQUE AGRO - INDUSTRIE AGRO - INDUSTRIE
LA BRVM REMONTE très légèrement la pente. Après avoir repris son cycle baissier en novembre 2011, la place financière commence l’année en petite forme, avec une hausse modeste de ses deux indices phares (BRVM 10 et BRVM Composite) de 2,2 % et 1,5 % respectivement au 11 janvier. Sonatel, la principale capitalisation de la Place, reprend un peu de force après une année 2011 difficile. La société, qui avait atteint
un plus haut en début d’année à environ 359 dollars, avait vu son cours régresser jusqu’à toucher un plus bas, fin 2011, à 210 dollars. Ecobank, malgré sa politique active de croissance externe, ne convainc pas non plus les marchés. Enfin, les valeurs agro-industrielles (SAPH, SOGB, PalmCI) débutent 2012 dans le rouge, mais elles connaissaient depuis 2010 une envolée très importante de leurs cours. ●
Valeur en vue NESTLÉ CI Retour à la croissance BOURSE Abidjan • CA 1ER SEM. 2011 57,7 millions d’euros (– 31,6 %) COURS 48 000 F CFA (11.1.2012) • OBJECTIF 29 000 F CFA
LEADER SUR LE MARCHÉ IVOIRIEN, Nestlé voit la concurrence s’accroître : de la part de Gallina Blanca (Jumbo et Mamita) sur les produits culinaires, de Niscafé etArocafé sur le café, de ChocodiChocopunch sur le chocolat, et de Bonnet rouge,Top Lait et Bridel sur les laits infantiles. En 2011, en raison de la crise ivoirienne, le chiffre d’affaires a baissé de 15 % et l’ebitda de 20 %. En 2012, l’amélioration de la situation sécuritaire et le retour à la normale dans le pays devraient permettre aux revenus d’augmenter de 20 %. La tendance devrait se poursuivre en 2013 François Adjitin avec une hausse de 15 %. Priorités du management : Analyste chez SGI une politique marketing agressive en réponse à la Hudson & Cie compétition déloyale ; la réorganisation et le renforcement des équipes de vente avec des canaux spécialisés ; l’augmentation de l’offre ; l’optimisation du portefeuille de produits grâce à une plus grande adaptation au marché africain ; la lutte contre la contrefaçon et les importations illégales via un partenariat signé avec les douanes ivoiriennes. » ●
JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
105
106
Dossier
Énergie INFRASTRUCTURES
soit!
Que la lumière Les besoins sont énormes, mais des solutions existent. Partout sur le continent, les réalisations se concrétisent. Florilège.
MICHAEL PAURON
E
seulement peuvent s’éclairer par simple presst-il nécessaire de rappeler les besoins criants du continent en sion d’un interrupteur. Que dire en outre des entreprises qui doivent ajouter à leurs charges matière d’énergie, et en particulier d’électricité ? Non que les choses de fonctionnement de coûteux moyens de pron’avancent pas, même lentement, duction ? De quoi par exemple grever l’économie mais la demande galope plus vite sénégalaise de quelque 100 milliards de F CFA que l’offre. Les routes se construisent – des auto(152 millions d’euros) par an. Le Sénégal a même routes, même ! –, les malls frôlé le cataclysme social en juin dernier, tant la popupoussent comme des chamLe continent dans son pignons : jamais l’Afrique n’a lation était fatiguée d’être ensemble ne produit privée d’un service qu’elle accueilli autant d’investissepas plus d’électricité ments… Et pourtant, la tâche paie pourtant une fortune. Le que la seule Allemagne. plan Takkal, lancé en février reste immense. Sa capacité par le ministre de l’Énergie, installée de 114 gigawatts équivaut à celle de l’Allemagne. Différence de Karim Wade, et qui mobilise près de 1 milliard d’euros, est déjà vigoureusement contesté, car taille : la première compte 1 milliard d’habijugé coûteux et de trop court terme. tants, quand la seconde en abrite 82 millions… L’Afrique du Sud et l’Égypte représentent à elles IL Y A CEPENDANT DES RAISONS D’ESPÉRER. Le seules 65 % de ce total. Alors que le continent devrait dépenser annuelMaghreb mise ainsi sur les énergies renouvelables. lement 40 milliards de dollars (31 milliards Le Maroc et l’Algérie viennent ainsi d’intégrer d’euros) pour le secteur, seuls 11,6 milliards l’ambitieux plan Desertec. Objectif : produire de dollars y sont consacrés. Les délestages sont de l’électricité via l’énergie solaire, en exporter monnaie courante et l’électricité reste un objectif une partie en Europe, tout en s’approvisionnant très lointain pour les ruraux : 12 % d’entre eux au passage. Si les énergies renouvelables sont souvent décriées, ce modèle de développement énergétique est défendu par nombre d’instituMAGHREB : DESERTEC, UN GÉANT VENU tions, dont la Banque africaine de développement D’EUROPE (BAD). L’argument repose sur un principe simple : LANCÉ PAR LES ALLEMANDS, le projet Desertec prévoit les pays qui ne possèdent pas d’hydrocarbures l’installation de grandes centrales solaires en Afrique du Nord et (Sénégal, Maroc, Côte d’Ivoire, Guinée, etc.) ont au Moyen-Orient, dont une partie de la production répondrait à tout intérêt à décorréler leur économie du cours 15 % des besoins énergétiques de l’Europe d’ici à 2050. Le coût du brent (aujourd’hui au-dessus de 100 dollars). du projet est estimé à 400 milliards d’euros. La centrale à Pour les autres, l’utilisation efficace de leurs resconcentration de Ouarzazate, qui verra le jour cette année au sources (notamment du gaz issu des champs de Maroc, est la première concrétisation de ce projet démesuré. ● pétrole) doit enfin devenir une réalité. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Neuf des plus grands chantiers africains
7
Éthiopie Partage des eaux
2
1
3 4
1
Algérie Centrale hybride à Hassi R’mel La centrale solaire-gaz de Hassi R’mel – un investissement de 350 millions d’euros – est la deuxième du genre au monde. Mise en service le 13 juillet, construite par New Energy Algeria et l’espagnol Abener, elle a une capacité de 120 MW à partir de gaz et de 30 MW à partir d’énergie solaire. Elle s’intègre dans le Plan solaire de 2 000 MW de l’Algérie. ●
2
Maroc Un pas de plus sous le soleil Avec l’octroi, fin novembre 2011, d’un prêt de 297 millions de dollars (219 millions d’euros) par la Banque mondiale, le royaume fait un pas de plus dans son Plan solaire initié en 2009 (2 000 MW en 2020). D’une superficie de 3 040 ha et d’une capacité finale de 500 MW, la centrale à concentration de Ouarzazate devrait voir posée sa première pierre durant ce trimestre. ● JEUNE AFRIQUE
6 5
7
3
Burkina Faso Le plus grand parc solaire d’Afrique de l’Ouest Le Burkina Faso est entré dans l’Histoire avec le lancement du plus grand parc solaire d’Afrique de l’Ouest. D’un coût estimé à 90 millions de dollars (70,7 millions d’euros), le projet a reçu fin novembre le soutien de l’Union européenne pour un montant de 35 millions de dollars. Le parc de Zagtouli comptera 96 000 panneaux photovoltaïques sur 35 ha. ●
4
Côte d’Ivoire Peut-être la fin des délestages La centrale thermique d’Azito connaîtra d’ici à 2013 un renforcement de sa capacité de 150 MW (contrat attribué au coréen Hyundai allié à l’américain General Electric) et atteindra au total 450 MW grâce à trois turbines à gaz. L’investissement, de 308 millions d’euros, sera assuré par la
8 9
8
Kenya Nairobi mise sur la géothermie
potentiel de 1 200 MW, cette usine n’atteint actuellement que 1 000 MW. ● Société financière internationale (SFI, Banque mondiale) d’une part et par les partenaires d’Azito Énergie, l’entreprise qui opère l’usine, d’autre part. Azito III devrait permettre d’alimenter aussi le Burkina Faso et le Mali. ●
5
Nigeria Pleine puissance Le gouvernement nigérian s’est engagé à investir 1,5 milliard de nairas (7 millions d’euros) pour réparer l’unité 6 de la centrale thermique d’Egbin, dans la banlieue de Lagos. Malgré son
La dispute entre l’Égypte et l’Éthiopie pour le partage des eaux du Nil bleu n’a pas freiné Addis-Abeba : le barrage du Millénaire, l’un des dix plus importants au monde, sera édifié. D’une puissance de 5 250 MW et d’un coût de 3,35 milliards d’euros, long de 5 km et haut de 50 m, il a vu sa construction démarrer en avril 2011. La production devrait débuter en 2014. ●
6
Tchad Dans les temps ! Première pierre posée en mars 2011, équipements reçus en juillet, démarrage des essais en janvier 2012… La centrale thermique de 60 MW (à laquelle s’ajoutent une boucle de 90 kV à N’Djamena et des réseaux de distribution) a été livrée dans les délais. D’un coût de 145 millions d’euros, l’usine sera « renforcée au fur et à mesure de l’extension de la ville », a indiqué le directeur général de la Société nationale d’électricité, Abakar Moussa. ●
Déjà premier producteur d’énergie géothermique d’Afrique avec 210 MW, le Kenya, avec un potentiel de 7 000 MW, compte atteindre quelque 5 000 MW d’ici à 2030. Nairobi et la Geothermal Development Company (publique) estiment que 20 milliards de dollars (15,7 milliards d’euros) sont nécessaires. ●
9
RD Congo Inga attend son troisième barrage Inga III, troisième barrage – au potentiel de 5000 MW – du projet Grand Inga, sera l’un des plus larges édifices hydroélectriques d’Afrique. Son financement, estimé entre 8 et 10 milliards de dollars (7,8 milliards d’euros), n’est pas bouclé, mais un protocole d’accord a été signé en novembre 2011 avec l’Afrique du Sud et la société Eskom. Le pays veut débuter les travaux en 2014. ● N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
107
Dossier Énergie INTERVIEW
Guy-Amédée Ajanohoun
C OMMISSAIRE
DE L ’UEMOA
« L’UEMOA n’est pas compétitive » Face à la pénurie chronique dont souffrent les pays de la sous-région, l’Union économique et monétaire ouest-africaine a lancé en 2010 un programme d’investissements sur vingt ans. Le responsable du département du développement de l’entreprise, des télécommunications et de l’énergie en dévoile les grands axes.
JEUNE AFRIQUE : Dans quel contexte s’inscrit l’Initiative régionale pour l’énergie durable (Ired) menée par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ? GUY-AMÉDÉE AJANOHOUN :
Depuis le début des années 2000, dans la plupart des pays de la sousrégion (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, SénégaletTogo),lesdélestagesélectriques se sont nettement accentués, avec des conséquences sur l’économie et la vie quotidienne, ainsi qu’une perte de croissance de 1,5 % en moyenne sur 2005-2008. À l’exception de la Côte d’Ivoire, la sous-région souffre d’un déficit structurel en électricité. De surcroît, lekilowattheure(kWh)–à100FCFA (0,15 euro) – y est le plus cher du continent, parce que 66 % du « mix » énergétique de la sous-région est constitué de centrales thermiques au fioul. Notre espace économique n’étant pas compétitif, il n’attire pas les investissements étrangers. Quels sont les objectifs clés du programme de l’Ired ?
À l’horizon 2030, il s’agit de ramener le kWh à 30 F CFA, de porter le taux d’accès à l’énergie à 80 % (contre 17 % actuellement), et de hisser la part des énergies renouvelables de l’Union de 36 % N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
aujourd’hui – grâce aux barrages hydrauliques – à 66 % du mix, afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Quels seront les moyens mis en œuvre ?
L’Ired va inciter les États de l’UEMOA à s’orienter vers des projets de centrales solaires photovoltaïques et thermiques à concentration. Chacun verra son
UEMOA
108
qui devrait, à terme, être porté à 500 milliards de F CFA. En 2012, notre mission de sensibilisation à l’étranger nous permettra de solliciter les bailleurs de fonds institutionnels (Banque africaine de développement, Agence française de développement , Banque européenne d’investissement, etc.) pour boucler le FDE. Par ailleurs, les États de l’UEMOA n’étant plus en mesure d’investir assez pour réhabiliter les infrastructures existantes, l’Ired entreprend d’attirer les entreprises de l’énergie du secteur privé. À cet effet, la Banque ouestafricaine de développement (BOAD) a lancé une étude pour la constitution d’un fonds dédié. Il pourrait être doté de 1 000 milliards de F CFA, grâce à des financements concessionnels [à des taux d’intérêt très attractifs].
À l’horizon 2030, il faudra porter le taux d’accès à l’énergie à 80 %, contre 17 % actuellement. projet financé à hauteur de 15 à 25 milliards de dollars [de 11,7 à 19,6 milliards d’euros, NDLR]. Pour 2010-2012, nous avions défini un plan d’urgence leur permettant de mener des programmes d’investissement dans des installations conventionnelles de production d’électricité (fioul ou gaz) ou d’interconnexions. D’où viendront ces financements?
Ils seront alloués par le Fonds de développement de l’énergie (FDE), provisionné à hauteur de 250 milliards de F CFA (381 millions d’euros) par l’UEMOA et
Quand pourront démarrer les premiers projets de centrales solaires ?
Nous avons d’ores et déjà lancé un appel à manifestation d’intérêt pour la réalisation d’estimations du gisement solaire disponible dans chaque pays. Les soumissionnaires retenus seront connus dans le courant du premier trimestre. Propos recueillis par IDIR ZEBBOUDJ JEUNE AFRIQUE
Le spécialiste mondial de la gestion de l’énergie La première marque française de solutions, produits et services électriques. Parce que l’installation électrique d’un bâtiment doit être appréhendée dans son ensemble pour en garantir l’efficacité énergétique, Schneider Electric vous apporte les solutions pour économiser jusqu’à 30% sur votre facture d’électricité sur les bâtiments résidentiels, tertiaires ou industriels. Avec un portefeuille d’offre unique sur le marché, de la distribution d’énergie à la vidéosurveillance, en passant par les automatismes, le contrôle et même le photovoltaïque, vous bénéficiez, avec Schneider Electric, de solutions intégrées pour mesurer, piloter et optimiser votre installation.
Découvrez également : Solutions résidentielles : domotique, solaire, appareillages décoratifs, etc... Solutions pour l’industrie : automates, commandes, contrôles moteurs etc...
30 % Jusqu’à
d’économies sur votre facture énergétique ?
www.schneider-electric.com
Dossier Énergie Mais aujourd’hui, les dirigeants de la société chantent ses louanges. Preuve de la haute technicité sudafricaine, la vitrine est plutôt avantageuse. Les 1 200 employés sont, selon un responsable du site, « en grande majorité des Sud-Africains recrutés au niveau bac, formés en interne durant sept ans, requalifiés toutes les six semaines, puis envoyés aux États-Unis ou en Grande-Bretagne pour laisser la place aux nouveaux ». NIC BOTHMA/CORBIS
110
REPORTAGE
AU CAP, les surfeurs ne prêtent plus attention à l’installation.
Koeberg, l’exception nucléaire
L’unique centrale du continent est située en Afrique du Sud. Contestée à ses débuts, elle fait maintenant la fierté du pays.
L
’
endroit est splendide. À gauche, l’océan Indien, Table Mountain, le massif montagneux qui surplombe la coquette cité du Cap, et Robben Island, où Nelson Mandela fut détenu durant dix-huit ans. À droite, l’océan Atlantique à perte de vue… Koeberg aurait pu être une plage magnifique, fréquentée par les familles du Cap. C’est l’un des lieux les plus sécurisés d’Afrique. Des contrôles à chaque porte, une carte électromagnétique avec code PIN par visiteur, des détecteurs à infrarouges: le fronton du principal bâtiment a beau souhaiter la bienvenue en afrikaans (« Welkom ») et en zoulou (« Siyanamukela »), il est difficile de se sentir à l’aise dans la seule et unique centrale nucléaire du continent. Koeberg – deux réacteurs de 900 MW chacun qui fournissent 6 % de l’électricité du pays –, c’est la fierté de l’Afrique du Sud. C’est aussi un pan de son histoire. Son acte de naissance date de 1975, lorsque la France et l’Afrique du Sud de l’apartheid signent, malgré le tollé, un accord de coopération N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
en matière d’énergie nucléaire. Les travaux débutent l’année suivante. Le site n’a pas été choisi au hasard. Certes, il y a les explications techniques : l’eau, indispensable pour une centrale nucléaire (pompée dans la mer, elle permet de refroidir certains composants du bâtiment des réacteurs), n’y manque pas. Mais il existe aussi une raison politique : Le Cap est, à l’époque, considéré comme une zone de repli potentielle pour les Blancs, « au cas où… » Cette centrale devait assurer son autonomie énergétique. En 1982,d’ailleurs,labranchearméede l’ANC a tenté de saboter le site – en vain. Le premier réacteur entre en activité en 1984, le second en 1985. À ses débuts, la centrale était contestée. Le nucléaire civil coûtait alors plus cher que le charbon, et fournissait moins d’emplois. Au sein même d’Eskom, la compagnie sud-africaine de production et de distribution d’électricité (la plus importante du continent), qui pilote la centrale de Koeberg en collaboration avec trois firmes françaises, Areva, Alstom et EDF, le nucléaire n’avait pas bonne presse.
SUÉE FROIDE. Dans la salle de contrôle, atteinte après moult barrages, les visages sont effectivement jeunes. En son for intérieur, le visiteur s’en inquiète. Le décor – boutons, graphiques, écrans, une zone bleue et une zone rouge à ne surtout pas franchir – et les bâtiments traversés pour y accéder – des turbines, et encore des turbines, dans un brouhaha assourdissant – jouent certainement un rôle dans cette suée froide passagère. La précision du guide aussi : les déchets radioactifs produits depuis vingt-sept ans sont stockés ici, dans de grandes cuves en béton. Comme partout dans le monde, on ne sait qu’en faire… Mais « pas d’inquiétude » : ici, les incidents sont rares, affirme-t-il. En 2005 et 2006, la centrale avait cependant subi plusieurs avaries qui avaient plongé la région dans le noir. Plus récemment, en septembre 2010,
Les déchets radioactifs sont stockés sur place dans des cuves en béton depuis vingt-sept ans. 91 employés ont été contaminés au cobalt 58 après un incident. Pas de quoi freiner les autorités. D’ici à 2030, le pays devrait se doter de six nouvelles centrales nucléaires. Un appel d’offres qui pourrait se chiffrer à 100 milliards d’euros. Le programme, abandonné en 2008, a été relancé fin 2010. Les besoins énergétiques de l’Afrique du Sud sont en effet colossaux. Actuellement, le pays consomme 50 % de l’électricité produite sur le continent. ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE
Dossier Énergie
112
ð Inaugurée en 2010, la ferme de MELLOUSSA EST SITUÉE À UNE TRENTAINE DE KILOMÈTRES DE TANGER.
cabinet de conseil Roland Berger. En revanche, Nareva n’a pas les compétences pour les construire. » Le vainqueur devrait être connu à la mi-mars.
ABDELHAK SENNA/AFP
JOLI COUP. Candidat malheureux
ÉOLIEN
Le Maroc fait tourner les têtes Le royaume a fait du développement des parcs éoliens une priorité. À côté des acteurs locaux, de grands noms de l’énergie se manifestent.
L’
éolien connaît un second souffle au Maroc. Eu égard à une capacité considérable, estimée à 25 000 mégawatts (MW), le royaume en a fait une priorité, au même titre que le solaire. Le Programme énergie éolienne prévoit de porter la puissance installée des quelque 300 MW actuels (à travers trois parcs) à 2 000 MW à l’aube de la prochaine décennie. Un premier appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’une tranche initiale de 150 MW à Taza est lancé fin 2010 par l’Office national de l’électricité (ONE). Un franc succès : près d’une trentaine de consortiums internationaux répondent présent. En février dernier, l’ONE effectue un tamisage préalable en sélectionnant sept prétendants à la victoire finale. Dans ce peloton de tête, le régional de l’étape se nomme Nareva, la filiale énergie du holding royal Omnium nord-africain (ONA). À ce stade sont également sur les rangs le japonais Mitsui, les allemands N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Enercon et Siemens, l’italien Enel, le français EDF et l’américain AES. Tous des poids lourds mondiaux de l’énergie! Après un nouvel écrémage en octobre dernier, Enercon, Siemens et AES se désistent. Un revirement stratégique ? « Je n’en suis pas sûr pour les autres, mais Siemens a fait savoir qu’il préférait se retirer pour pouvoir travailler avec le futur lauréat en tant que fournisseur d’éoliennes », indique Mohammed El Khalfi, chef du projet Taza au sein de l’ONE. INVESTISSEUR. Pour espérer
l’emporter face aux trois autres concurrents en lice, Nareva a une nouvelle fois formé un ticket avec International Power, filiale du franco-belge GDF Suez, comme il l’a fait sur un appel d’offres antérieur au programme portant sur le futur parc de Tarfaya. « Nareva se positionne en développeur-investisseur et participe à l’exploitation et à la maintenance des centrales, explique Martin Videlaine, directeur du bureau casablancais du
Objectif
Porter la puissance installée du pays de 300 MW à 2 000 MW en 2020
à l’appel d’offres de Taza, le français Theolia a déjà d’autres projets. Cet acteur « historique » de l’éolien au Maroc a réalisé un joli coup, à l’occasion des Assises de l’énergie organisées en mai à Oujda, en signant une convention de partenariat avec l’ONE. Concrètement, l’opération consistera en la rénovation et l’extension de capacité du parc éolien de Koudia Al Baida. Sa puissance sera ainsi portée de 50 à 300 MW. Dans le cadre de ce partenariat, Theolia et l’ONE s’uniront pour la réalisation des études et l’élaboration des appels d’offres (turbines, financements). Par ailleurs, l’ONE pourrait prendre une participation de 20 % dans la future société exploitant ce parc, dont les travaux devraient débuter cette année. Fady Khallouf, directeur général de Theolia, estime qu’« un certain nombre d’acteurs ont été surpris par cet accord, mais nous sommes les rares à être présents au Maroc depuis le début des années 2000. Et en plus de notre expertise, nous travaillons avec humilité et discrétion ». Commentaire de Marc Videlaine: « C’est l’illustration qu’au Maroc il est possible de discuter discrètementavecl’ONEetleministère de l’Énergie pour les convaincre de réaliserunparcéolienendehorsdes appels d’offres. Ce qui a fait grincer
Mitsui, Enercon, Siemens, Enel, EDF… Les poids lourds mondiaux s’intéressaient au projet de Taza. quelquesdents…»Lemarchémarocain se montre résolument attractif : début janvier, l’ONE a lancé un nouvel appel d’offres pour quatre autres projets. La bataille ne fait que commencer. ● IDIR ZEBBOUDJ JEUNE AFRIQUE
Dossier MAGHREB
Lumière sur le solaire thermique Tombée dans l’oubli au milieu des années 1980, cette technique rentre en grâce au Maroc et en Algérie.
D
’
ici à 2050, les technologies solaires pourraient fournir 20 % de la production mondiale d’électricité, selon l’Agence internationale de l’énergie. Si le photovoltaïque en fait partie, une autre technologie pourrait s’avérer pertinente dans les pays arides: le solaire thermique à concentration (concentrating solar power, CSP). Son principe? Concentrer l’énergie radiative du soleil à l’aide de miroirs pourproduirelavapeurd’eaunécessaire à la rotation de turboalternateurs. Testé en Europe dans les années 1970, le CSP est tombé dans l’oubli la décennie suivante, victime
d’un prix du baril redevenu bon marché. Mais son retour en grâce semble se profiler au Maghreb. « Le CSP constitue la priorité des priorités », assène Badis Derradji, PDG de New Energy Algeria (Neal). Le gouvernementalgérienprojetted’installer7000MWdecapacitésolaired’ici à 2030. Et le Maroc envisage, lui, de se doter d’une capacité de 2000 MW pour 2020. Or le CSP devrait jouer un rôle central car, contrairement à une centrale photovoltaïque, une unité de ce type permet une production différée d’électricité par stockage de vapeur, à même de se substituer aux énergies fossiles en période de pointe.
7mégawatts 000 C’est l’objectif de l’Algérie pour 2030
En conséquence, chaque pays compte un site expérimental couplantgazetsolaire:auMaroc,lacentrale thermique d’Aïn Beni Mathar (470 MW, dont 20 MW en solaire) a été mise en service en 2010, tandis que celle de Hassi R’mel (150 MW, dont 30 MW en solaire), en Algérie, a été inaugurée en mai dernier. Le financement de tels projets représente un défi. « Chaque mégawatt installé coûte entre 5 et 6 millions d’euros»,confirmeLaurentBelouze, chef de projet des financements ENR chez Natixis. Mais la confiance semble de mise: via son Fonds pour les technologies propres, la Banque mondiale a provisionné une ligne de crédits de 750 millions de dollars (590 millions d’euros) consacrés aux CSP dans les pays du Maghreb. ● IDIR ZEBBOUDJ
113
116
Dossier Énergie HYDROÉLECTRICITÉ
À la poursuite de l’or bleu Le potentiel fluvial est insuffisamment exploité, mais de nouveaux projets se profilent.
A
vec la présence de fleuves majeurs comme le Nil, le Niger, le Congo, le Sénégal, le Limpopo ou encore le Zambèze, le continent recèle 10 % du potentiel hydroélectrique mondial, mais ses 1 272 grands barrages ne suffisent pas. Dans son rapport 2011 sur le « développement dans le monde », la Banque mondiale se déclare favorable à un déploiement hydroélectrique majeur en Afrique. Une position tout à fait d’actualité, le secteur de l’électricité, l’un des plus prisés des bailleurs de fonds, étant investi par les entreprises étrangères. Dans la
même logique, en juillet dernier, le Fonds de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole pour le développement international et les partenaires financiers du Niger ont accordé à Niamey un prêt de 180 millions d’euros pour soutenir la construction du premier barrage hydroélectrique du pays, à Kandadji, à l’ouest de la capitale. MARCHÉ RÉGIONAL. Un mois auparavant, l’Agence française de développement et l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal signaient une convention de 1,4 million d’euros destinée à finaliser les études du barrage
10 % C’est la part du continent dans le potentiel hydroélectrique mondial
hydroélectrique de Gouina, au Mali. Afin d’accroître ce potentiel énergétique, un protocole d’accord a été adopté en mars dernier dans le cadre de la Conférence sur l’énergie hydroélectrique à Addis-Abeba. Les États africains se sont prononcés en faveur de la mise en place d’un marché régional libéralisé de cette énergie, de l’investissement dans la création de bassins hydroélectriques régionaux et de l’implication du secteur privé dans ces projets. « Le choix des infrastructures dépendra de l’évolution des différentes demandes », nuance Bruno Barbier, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Les organisations environnementales sont de plus en plus convaincues qu’il existe des solutions autres que les grands barrages, parmi lesquelles les énergies solaire, éolienne, géothermique ou de biomasse. ● CATHERINE MAIRET
Avec Broadcrown, bénéficiez d’une expertise mondiale et d’une compréhension locale Broadcrown compte parmi les leaders indépendants de la construction de solutions énergétiques complètes dont la gamme s’étend de 6kVA jusqu’à +30MVA. Nous avons plus de 30 ans d’expérience et sommes réputés pour toujours fournir la meilleure solution énergétique – sans compromis. Nous distribuons une large gamme de systèmes standards et sur mesure, allant de petits groupes électrogènes de secours jusqu’aux grands projets énergétiques clés en main.
• énergie en continu ou en secours • production d’énergie pour utilisation constante • destinés à l’industrie du pétrole et du gaz • applications marines • énergie critique y compris systèmes à onduleurs • applications à gaz et cogénération • pour les sociétés de location Tous les produits Broadcrown sont conçus et fabriqués dans nos usines au Royaume Uni. Tout produit est couvert par une garantie mondiale.
B:A?E@G C=9B? <=C:9 Lorsque vous nous contactez, vos interlocuteurs sont des personnes conviviales qui sont à votre écoute pour répondre à vos besoins. Pour de plus amples détails sur tous nos produits, services et bureaux internationaux, veuillez visiter www.broadcrown.com Broadcrown Ltd (Siège Social du groupe) Airfield Industrial Estate, Hixon, Stafford, Staffordshire ST18 0PF, Angleterre tel: +44 1 889 272200 fax: +44 1 889 272220 email: info@broadcrown.co.uk
GUY-GERVAIS KITINA/AFP
117
27 janvier 2010, au CongoBrazzaville : le président DENIS SASSOU NGUESSO visite Imboulou.
PRODUCTION
Une conquête chinoise
La compétition fait rage entre industriels du secteur énergétique. Si les groupes historiques sont toujours là, ils doivent maintenant faire face à la montée des entreprises asiatiques.
F
in décembre, en Côte d’Ivoire, c’est un contrat de 308 millions d’euros qu’a remporté le duo composé du coréen Hyundai et de l’américain General Electric. Objectif : réaliser l’extension de la centrale d’Azito pour atteindre une puissance de 450 MW (300 MW aujourd’hui). Une bataille gagnée aux dépens du français Alstom, partenaire d’Azito Énergie, l’entreprise qui gère le site. Ce qui semble une anecdote n’en est pas vraiment une : la compétition entre industriels du secteur énergétique est de plus en plus âpre. Si les groupes internationaux historiques sont toujours là (Mitsubishi, Alstom, Siemens, General Electric), ils doivent, comme dans d’autres secteurs, faire face à la montée des asiatiques, Chine en tête. En matière de chantiers hydrauliques, déjà, ces derniers sont devenus incontournables. Sinohydro a ainsi construit au Ghana le barrage de Bui, dont la retenue d’eau a été inaugurée en juin dernier. Le groupe chinois a par ailleurs signé il y a un peu moins de un an un accord de principe à Kinshasa avec JEUNE AFRIQUE
Sicomines (composé d’un consortium chinois et de Gécamines) pour la construction de la centrale hydroélectrique de Busanga (240 MW), située sur la rivière Lualaba, dans le Haut-Katanga, à 65 km de Kolwezi. Montant du deal : 660 millions de dollars. CRITIQUES. Au Congo-Brazzaville,
China Machinery Engineering Corporation (CMEC) s’est chargé de la centrale d’Imboulou, inaugurée au printemps dernier. D’un coût global de 170 milliards de F CFA (259 millions d’euros), sa capacité atteint 120 MW… Du Sénégal à l’Éthiopie, en passant par le Gabon ou la RD Congo, Pékin truste la plupart des projets hydrauliques du continent. Mais le géant chinois cristallise les critiques. À Brazzaville, si l’on soutient qu’un niveau exceptionnellement bas de la rivière Lualaba empêche de monter à pleine puissance, d’aucuns mettent en doute la qualité des équipements. En outre, beaucoup de projets signés n’ont encore pas vu le jour. « Un de mes clients est ainsi coincé, explique un industriel. Après
avoir signé un accord donnant l’exclusivité d’un barrage à une firme chinoise, en échange d’un financement, il n’ose toujours pas, au bout de trois ans, monter un dossier auprès d’un autre organisme au risque de perdre trois nouvelles années. » RÉFÉRENCE. Les firmes occi-
dentales résistent malgré tout. Outre en Côte d’Ivoire, le fabricant français de turbines Alstom est présent au Ghana (centrale de Bui), en Guinée ou encore au Nigeria (centrale électrique de Port Harcourt). De son côté, General Electric a signé en septembre son
Les firmes occidentales tels Alstom, Siemens ou General Electric résistent malgré tout. plus gros contrat avec l’Égypte. La firme et son partenaire Sepco III sont retenus pour l’extension de Gizeh Nord et de Banha. Montant de l’opération : 300 millions de dollars. L’accord comprend six turbines, qui ajouteront 2,25 GW de capacité électrique, soit 10 % de la production du pays, afin de répondre à une demande qui a crû de 13 % entre 2009 et 2010. General Electric s’intéresse aussi à l’Afrique de l’Ouest. Présent à Port Harcourt, N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
118
Dossier Énergie au Nigeria, dans les services à destination du secteur pétrole et gaz, le groupe a décidé d’installer un centre de maintenance des turbines à gaz ainsi qu’un centre de formation et a pour ce faire investi 1 million de dollars depuis 2009. « L’expansion de General Electric illustre son engagement de s’investir au Nigeria et sur le continent africain », déclarait en décembre Jay Wileman, président de GE Energy pour l’Afrique subsaharienne, lors de la visite d’une délégation nigériane conduite par James Olotu, directeur général et chef exécutif de l’électricien Niger Delta Power Holding Company (NDPHC).
Siemens AG. Et d’afficher d’ambitieux objectifs: 3 milliards de dollars de nouvelles commandes en 2012, toutes sections confondues (énergie, services, santé). Fer de lance du groupe, les énergies renouvelables. L’Algérie, qui représente 70 millions d’euros de son chiffre d’affaires en 2010, est son plus gros marché du secteur. Siemens veut créer 500 nouveaux emplois verts et investir 200 millions de dollars
FER DE LANCE. L’allemand
Siemens mise lui aussi sur la croissance africaine. « Nous regardons de plus en plus les régions à forte croissance comme l’Afrique », déclare Peter Löscher, PDG de
en nouant des partenariats avec des entreprises africaines. Et il y a de quoi. Selon la directrice générale de Bank of Industry (Nigeria), Evelyn Oputu, citée par oilprice .com, les investissements dans les énergies renouvelables en Afrique ont atteint 3,6 milliards de dollars en 2011, contre 750 millions en 2004, et pourraient être de 57 milliards de dollars en 2020. ● MICHAEL PAURON
VERGNET SA, LE CHAMPION DU RENOUVELABLE LE GROUPE FRANÇAIS s’est fait une spécialité des fermes éoliennes en Afrique. Déjà, 142 générateurs d’une puissance totale de 136 MW sur le continent, en Mauritanie, au Nigeria, en Éthiopie, en Érythrée et au Kenya. Le champ d’Ashegoda cumule à lui seul 120 MW via 120 éoliennes. Sur ce projet de 294 millions de dollars (contrat signé avec Ethiopian Electric Power Corporation), 30 MW sont à ce jour destinés au réseau national. Vergnet œuvre aussi dans le solaire photovoltaïque de petite taille (décentralisé). Parmi ses clients : l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement (BAD), Onatel (Burkina Faso), Alcatel… Le parc installé par la M.P. société de Marc Vergnet atteint une puissance de 1,3 MW crête. ●
Power Solutions l’énergie sur mesure
L’ingénierie proactive pour des applications spécifiques RÉACTIVITÉ, CRÉATIVITÉ, ADAPTABILITÉ…
Energy Solutions Provider
Votre besoin en énergie impose le respect de critères précis et spécifiques ? Le département ingénierie de SDMO vous apporte l’offre Power Solutions : votre projet sur-mesure ! Télécommunications, agencements militaires, groupes de secours en milieu hospitalier, centrales de production d’énergie en milieu hostile, zone ATEX… Les installations les plus audacieuses réalisées aux quatre coins du monde sont la preuve d’une expérience technologique, garantie de votre réussite.
www.sdmo.com Tel. +33 (0)2 98 41 41 41 - Fax +33 (0)298 41 63 07 - SDMO Industries - 12 bis rue de la villeneuve CS 92 848 - 29 228 Brest Cedex 2 - France
Dossier PORTRAITS
Patrons sous tension
Maroc, Tunisie, Côte d’Ivoire, Sénégal : gros plan sur quatre dirigeants pris entre soubresauts politiques, crise de confiance et défi de la continuité énergétique.
Ali Fassi Fihri
DEPUIS SON ARRIVÉE à la tête de l’Office national de l’électricité (ONE) en 2008, Ali Fassi Fihri s’efforce d’améliorer la gestion d’un office miné par les crises internes et fragilisé financièrement. Ses priorités ? Relancer sa dynamique de production et sa distribution, prévoir les besoins en ressources énergétiques et doter l’ONE d’un plan stratégique de développement. Côté énergies renouvelables, l’Office compte valoriser le potentiel éolien du pays, qui est le plus gros importateur de combustibles du continent. Un projet de 300 MW à Tarfaya a ainsi été lancé en 2008, pour une mise en service en 2012. Afin de porter sa production d’électricité éolienne à 2000 MW d’ici à 2020, le royaume va investir environ 3,5 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros) dans le projet. ● FANNY REY
Seydina Kane
Ousmane Diarra
Malgré les nombreuses difficultés, le directeur général de la Société nationale d’électricité du Sénégal reste confiant.
À LA SUITE DE LA NOMINATION de Marcel Zadi Kessy à la tête du Conseil économique et social en mai dernier, Ousmane Diarra est devenu président du conseil d’administration de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Administrateur de la CIE depuis 1990, Ousmane Diarra « ambitionne modestement de marcher dans le sillage » de son illustre prédécesseur, qui en a fait un leader africain. Il va pour cela devoir regagner la confiance des consommateurs après la flambée des factures d’électricité sur fond de crise postélectorale et remettre en état les équipements sans interrompre l’exploitation. Sont notamment prévues l’extension de la centrale thermique d’Azito et la construction de la quatrième centrale thermique de Vridi. ● F.R.
Ridha Ben Mosbah
HICHEM
Le PDG de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz fait face à un accroissement annuel de la demande de 7 %.
L’ANCIEN MINISTRE du Commerce et de l’Artisanat accède à la présidence de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) en mars dernier, dans un contexte de transition inconfortable, à la suite des événements ayant accompagné la révolution du 14 janvier. Face à une croissance annuelle de la demande d’électricité d’environ 7 %, la Steg mise sur le développement de son parc de production d’électricité. Outre la centrale à cycle combiné de Ghannouch, d’une puissance de 416 MW, mise en service en juin dernier, la Steg installera chaque année 400 MW supplémentaires entre 2013 et 2015. Par ailleurs, les deux centrales éoliennes en cours de montage dans la région de Bizerte devraient être mises en service en septembre prochain. ● F.R. JEUNE AFRIQUE
CIE
Après la flambée des factures, le président du conseil d’administration de la Compagnie ivoirienne d’électricité doit rassurer les consommateurs.
TENSIONS DE TRÉSORERIE, factures impayées, délestages à répétition… Depuis sa nomination en décembre 2008 à la tête de la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec), Seydina Kane œuvre à trouver des solutions et à rétablir la confiance d’une clientèle échaudée au point de saccager certaines de ses agences en juin dernier. Car si l’aide d’Ecobank et de la Banque mondiale devrait permettre la remise à niveau du réseau de distribution, la fourniture en énergie reste insuffisante et les délestages sont toujours d’actualité. Et ce, malgré l’approvisionnement en combustibles réalisé grâce au plan Takkal de février 2011. Mais Seydina Kane se veut rassurant : « La Senelec est dans une dynamique d’amélioration continue de la qualité de ses services. » ● F.R.
SEYLLOU DIALLO/AFP
JOËLLE VASSORT
Le directeur général de l’Office national de l’électricité au Maroc compte valoriser le potentiel éolien du royaume.
119
Dossier Énergie
TRIBUNE
Opinion ns & éditoriau ux
Bientôt incontournables, les énergies renouvelables?
S DR
120
KARIM MEGHERBI Président de Hélios Énergie
ANS ÉLECTRICITÉ fiable et bon marché, pas de véritable développement du continent. Or le taux d’électrification de l’Afrique subsaharienne, d’environ 30 % début 2009, selon le rapport annuel 2011 de l’Agence internationale de l’énergie, est le plus faible au monde, avec moins de 15 % dans les zones rurales et 60 % dans les zones urbaines. Sur place, les grandes industries sont le plus souvent contraintes d’investir dans leurs propres sources de production d’électricité, ce qui limite leur compétitivité et ralentit l’augmentation de leurs capacités de production. Cela freine aussi l’investissement des petites et moyennes entreprises, pour lesquelles l’électricité est très chère, d’un accès difficile, et d’une faible qualité qui accélère la dégradation du matériel. En outre, l’absence d’électricité entraîne une perte de productivité, diminue la création d’emplois, affecte le quotidien des populations, voire diminue leur espérance de vie en compliquant les interventions médicales dans les zones isolées.
Face à cette situation, les États se sont organisés en pools électriques régionaux pour mettre en place des stratégies à horizon 2030. Le développement des interconnexions et des grandes centrales hydrauliques ou thermiques performantes, notamment à gaz à cycles combinés, contribue ainsi avec succès à la baisse du coût moyen de production du kilowattheure – en particulier lorsque ces centrales utilisent des ressources naturelles disponibles localement – et à une large diffusion de cette électricité. En parallèle, les pays étendent et améliorent leurs réseaux de distribution et leurs capacités de gestion commerciale.
retardant la mise en place de solutions pérennes. Les achats d’hydrocarbures pèsent sur les balances de paiement et absorbent une partie parfois importante du budget des États, fragilisant les économies. Surtout au regard d’une croissance de la demande en électricité supérieure à 10 % par an dans la plupart des pays africains et d’une grande volatilité des prix des hydrocarbures. Les opérateurs électriques du continent, redynamisés par la prospection pétrolière et gazière ainsi que par un potentiel de marché croissant, investissent encore essentiellement dans les énergies conventionnelles. Or celles qui sont renouvelables, tels le solaire ou l’éolien, pourraient compléter cette stratégie en jouant un rôle stabilisateur. Car leurs coûts de production ont le mérite d’être stables sur le long terme et décorrélés des prix des hydrocarbures, et de grandes capacités peuvent être déployées dans un délai très court et de façon décentralisée. Prendre en compte les facteurs temps et espace dans la planification énergétique reviendrait à associer à ces sources d’énergies renou-
Les coûts de production de ressources comme le solaire ou l’éolien ont le mérite d’être stables sur le long terme.
Alors que ces initiatives portent leurs fruits, la situation reste critique dans de nombreux pays et les délestages ne semblent pas diminuer. La raison de ce bilan mitigé?Tout d’abord, le temps requis pour le développement de ces infrastructures, souvent supérieur à dix ans. Les installations temporaires et coûteuses, comme les centrales diesel ou au fioul, deviennent alors des réponses de moyen terme N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
velables une valeur qui les rendrait incontournables dans la plupart des pays du continent, où des taux de pénétration supérieurs à 20 % pourraient être imaginés dès aujourd’hui. Compte tenu de la compétitivité croissante de ces technologies, l’Afrique fait face à une opportunité historique et unique : utiliser les énergies renouvelables de façon opportune et rentable pour en faire le socle de son développement. Cette tâche requiert une grande prudence, car ces technologies, dont l’utilisation industrielle reste récente, sont encore en plein développement. Mais c’est justement là que réside la possibilité de former un cercle vertueux: contribuer à l’électrification du continent tout en générant des gains économiques et sociaux à travers la création d’emplois et le respect de l’environnement. ● JEUNE AFRIQUE
La Communauté Électrique du Bénin (CEB) Dès les premières années de l’accession à la souveraineté internationale du Togo et du Bénin, les plus Hautes Autorités des deux pays ont entrepris des actions communes pour le développement et l’exploitation de leurs ressources énergétiques. C’est dans ce contexte que la CEB a été créée le 27 juillet 1968 par l’accord international instituant le code Bénino-Togolais de l’électricité. La CEB, organisme international à caractère public a démarré ses activités en 1973. En décembre 2008 elle s’est dotée d’un capital social de 26,350 milliards de F CFA. En 2010, son chiffre d’affaires est de 100 milliards de F CFA et l’énergie totale vendue est de 1 816 GWh.
Missions : La principale mission de la CEB est de fournir de l’énergie électrique en quantité, en qualité et à moindre coût aux deux États dans un esprit d’équité environnementale et sociale. Selon le code Bénino-Togolais de l’électricité, les missions de la CEB consistent à :
■ Réaliser et exploiter des installations de transport d’énergie électrique sur l’ensemble des territoires des deux États ; ■ Conclure des accords relatifs à l’importation ou à l’exportation de l’énergie électrique avec les pays voisins aux deux États ; ■ Conclure des accords de transit avec les pays voisins aux deux États ; ■ Assurer, grâce à son centre de formation professionnelle et de perfectionnement, la sélection, la formation et le perfectionnement au profit des entreprises des deux pays ; ■ Planifier la production et le transport de l’énergie électrique en liaison avec les ministères en charge de l’énergie électrique pour les besoins des deux États.
BIENTÔT 45 ANS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE AU TOGO ET AU BÉNIN
Ouvrages exploités et entretenus par la CEB sur les territoires du Togo et du Bénin. INFRASTRUCTURES DE PRODUCTION DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE Au Togo : Une centrale hydroélectrique implantée à Nangbéto en 1987 d’une capacité de 2x32,5 MW avec une production moyenne annuelle de 170 GWh; Une centrale thermique de 20 MW implantée à Lomé-Port en 1998 avec un productible annuel moyen de 150 GWh. Au Bénin : Une centrale thermique de 20 MW implantée à CotonouVèdoko en 1998 avec un productible annuel moyen de 150 GWh. INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE Au Togo: 565 km de ligne de transport 161 kV et une capacité de transformation de 452,5 MVA répartis sur 9 postes ; 276 km de ligne de 34,5 kV pour l’électrification rurale par câble de garde isolé.
Siège social : Rue de la Kozah, BP : 1368 Lomé TOGO Tél. : (+228) 221 61 32 /221 57 95 Fax : (+228) 221 37 64 Email : dg@cebnet.org
Au Bénin : 16 km de ligne 330 kV, 560 km de ligne de transport de 161 kV et une capacité de transformation de 774,5 MVA répartis sur 11 postes.
PUBLI-INFORMATION
■ Réaliser et exploiter des installations de production d’énergie électrique pour les deux États ;
122
Culture & médias
HISTOIRE
Les
soupirs de
Spécialiste de Staline, le biographe britannique Simon Sebag Montefiore s’est intéressé à l’histoire de Jérusalem, « cité à la fois céleste et terrestre » qui concentre toute l’histoire du monde. Captivant ! LAURENT DE SAINT PÉRIER
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
B
londecommelessables,alanguiesur son lit de rocs et de broussailles, elle resplendit sous le soleil d’Orient. Le cuivre et l’argent font étinceler ses courbes, et elle arbore comme une reine le plus magnifique diadème
d’or et de turquoise. Du monde entier, des foules viennent la contempler et l’implorer. Pour elle, on s’exalte et on se lamente, on se dispute et on se rassemble. Elle est la tentation et la rédemption, elle est tous les contraires réunis. Parfois pieuse, parfois pécheresse, toujours sainte, le cœur du monde bat avec le sien. Combien de rois ont vécu et sont morts pour ses faveurs ? Combien de prophètes l’ont chantée ou maudite ? Combien de peuples ont tenté de la conquérir ou de l’anéantir, sans jamais vraiment y parvenir ? Dans son sein, des boyaux insondables cacheraient les plus puissantes reliques de l’Histoire : l’Arche d’Alliance, le sceau de Salomon, le SaintGraal, les trésors des Templiers… Les uns, Israélites, JEUNE AFRIQUE
Culture médias
la
sainte
l’ont baptisée « Salem a fondé » (Yerushalayim), les autres, Arabes, l’appellent « la sainte » (Al-Qods). En Occident, elle est Jérusalem. Le chandelier du Temple, la croix du Golgotha, le Dôme du Rocher : ses images sont vénérées dans des millions de foyers juifs, chrétiens et musulmans. Elle a enfanté les trois monothéismes, mais engendré les plus violents schismes. Elle devait unir les hommes : elle reste une pomme de discorde au banquet des nations. Tant de fois moribonde, tant de fois ressuscitée, parée selon les siècles des plus splendides atours ou vêtue de haillons, elle doit présider à la fin des temps. Quel peut être son âge ? Elle refuse encore de le dévoiler, mais ses généalogistes la disent conçue il y a au moins sept JEUNE AFRIQUE
RAFAEL BEN-ARI/CHAM/NEWSCOM/SIPA
ð MÈRE DES TROIS MONOTHÉISMES, Jérusalem a enfanté les plus violents schismes. Ici, le Dôme du Rocher, troisième lieu saint de l’islam.
mille deux cents ans. La vénérable aux charmes toujours renouvelés a trouvé un biographe à la hauteur de son mythe. Simon Sebag Montefiore, l’historien britannique à succès des tsars blancs et des tsars rouges (Catherin the Great and Potemkin, Le Jeune Staline), a dirigé son regard vers le sud et l’histoire d’une ville dont il fait vibrer le souffle divin et dévoile les mille métamorphoses. Jérusalem, biographie : un bloc qui semble tiré des carrières d’Hérode, mais dont chacune des 674 pages est ciselée comme une frise délicate. « L’histoire de Jérusalem est l’histoire du monde », décrète la quatrième de couverture. Et Montefiore finit par nous persuader que la cité sacrée est le nombril de l’univers autour duquel gravitent les empires proches et lointains, déchus et triomphants, dans un tourbillon temporel vertigineux. Pour lui faire un bel enfant, Montefiore force parfois un peu l’Histoire et ne cache pas qu’un de ses ancêtres, le richissime Moses Montefiore, a été un bienfaiteur de la cité. Protégeant les Juifs, en très bons termes avec les Ottomans, celui-ci avait été aux temps modernes « le premier Juif à se rendre sur le mont du Temple ». Mais, malgré ses origines familiales, Simon Montefiore montre un grand souci d’impartialité, et il s’est adressé à des historiens de référence aussi bien juifs qu’arabes pour enrichir et valider son texte. VIOLENCE. L’épopée débute comme un péplum macabre, avec la destruction de la ville dirigée par le futur empereur romain, Titus, en l’an 70 de notre ère. Pour Montefiore, cet événement a décidé « de l’avenir du judaïsme et du christianisme, […] voire, en se propulsant six siècles dans le futur, de la forme que prendrait l’islam ». La tragédie concentre les grands traits de l’histoire hiérosolymitaine: l’ineptie des occupants et l’indomptabilité des habitants, la ferveur religieuse et la débauche la plus sauvage, la volonté de résister et celle d’annihiler. Elle culmine dans un déchaînement de violence qui n’a cessé de se répéter au cours des siècles, ressuscité par le style riche et évocateur de l’historien : « Tout autour des murs se déroulaient des scènes semblables à l’enfer sur terre. Des milliers de cadavres se putréfiaient sous le soleil. La puanteur était insupportable. Des meutes de chiens et de chacals se gorgeaient de chair humaine. » Pour la seconde fois détruit, le Temple, bâti par Salomon vers 970 avant notre ère pour abriter l’Arche d’Alliance, ne sera jamais reconstruit. Soixante ans plus tard, dans sa volonté d’effacer toute trace du judaïsme et de son cœur, l’empereur Hadrien, « l’un des pires monstres de l’histoire juive », fait de la Judée la Palestine, rebaptise Jérusalem Aelia Capitolina et interdit aux Juifs N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
123
124
Culture médias de l’approcher sous peine de mort. Mais la cité martyre habite désormais les cœurs et les imaginations, elle est devenue un mythe céleste vénéré aux quatre points cardinaux par le peuple de Yahvé, errant et dispersé. Ses bourreaux ont fait de la martyre un idéal immortel. Pendant deux mille ans, Jérusalem échappera au gouvernement des Juifs, jusqu’à ce qu’ils la reconquièrent par les armes en 1967, date choisie par Montefiore pour clore sa saga : « Le corpus central de ce livre se termine en 1967, parce que la guerre des Six Jours a pour l’essentiel accouché de la situation que nous connaissons aujourd’hui, et qu’elle constitue une conclusion majeure. » Après le prologue apocalyptique, le biographe revient sur les origines de la ville et met en scène les grands actes de son destin : Jérusalem la judaïque devient païenne, chrétienne, musulmane, croisée, mamelouke puis ottomane avant de se soumettre aux empires coloniaux et de devenir le cœur du sionisme contemporain. Sa vie se confond avec celle des hommes illustres qui y ont vécu ou s’en sont approchés, et Montefiore excelle dans l’évocation de ces personnages, membres soumis ou rebelles d’un corps en perpétuelle convulsion.
jusqu’à nos jours, de David, le jeune pasteur devenu le parangon du bon roi, à Moshe Dayan, le ministre de la Défense israélien, vainqueur des armées arabes lors de la guerre des Six Jours en 1967, en passant par Alexandre, Saladin, Soliman et Bonaparte, pour ne citer que les plus grands. Il y a les souverains bâtisseurs, comme Salomon, qui consacre à Yahvé un temple digne de sa splendeur, sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin, qui couvre la ville d’édifices grandioses, et le calife Abd al-Malik, qui l’orne du Dôme du Rocher, « un nouvel Éden ». Il y a aussi les destructeurs : en 587 avant notre ère, Nabuchodonosor II le Babylonien rase le premier Temple avant que Titus se charge de détruire le second.
Jérusalem, biographie. de Simon Sebag Montefiore, CalmannLévy, 674 pages, 26,90 euros
PROPHÈTES. La cité de Dieu est celle des prophètes
qui l’ont sanctifiée. C’est d’abord Abraham, le « père des peuples », à qui Dieu ordonne de sacrifier son fils Isaac sur le mont Moria, là où sera bâti le temple de Yahvé. Puis Isaïe, « le premier à imaginer la vie au-delà de la destruction du Temple, dans une Jérusalem mythique » qui annonce le Jugement dernier et la venue du Messie. Pour 1 milliard de chrétiens, celui-ci a été crucifié comme un esclave en l’an 33 sur une colline hors les murs : le Golgotha. « Pourtant, il ne se présentait pas comme le Messie, et mettait l’accent sur la Shema, la prière juive de base au Dieu unique, et sur l’amour de son prochain : il était très juif », rappelle Montefiore. Six siècles plus tard, Mohammed, le prophète des musulmans, effectue depuis le mont du Temple son ascension au Ciel et fait de Jérusalem la première qibla, direction de la prière. La « biographie » de Montefiore est aussi le livre des rois et des conquérants qui s’y sont pressés
SCANDINAVIE. Et au fil des pages, Jérusalem semble davantage concentrer la violence des hommes qu’abriter la paix de Dieu. Que dire des pieux croisés qui, lors de la prise de la ville en 1099, « tranchèrent têtes, pieds et mains, se glorifiant des fontaines de sang infidèle qui les aspergeait » ? Régicides, fratricides, parricides, infanticides : les pires crimes deviennent justes pour s’arroger le contrôle de la ville. Prostitution, débauche et inceste : Jérusalem n’a pas à rougir de Sodome et Gomorrhe, comme si Dieu et le diable s’y donnaient régulièrement rendez-vous. Et dès sa naissance elle semble tout entière tendue vers un seul destin, être le théâtre de l’apocalypse, que l’on attend en conclusion cathartique. Mais l’épilogue, après un bref rappel de l’histoire de la ville depuis 1967, s’achève dans l’atmosphère apaisée du soleil qui se lève et baigne de sa lumière le mur des Lamentations, le Saint-Sépulcre et le Haram al-Sharif, vers lesquels leurs humbles gardiens vont rendre le premier hommage au Dieu unique. Aujourd’hui, la cité de Dieu reste une obsession douloureuse pour plus de 2 milliards de chrétiens, 1,5 milliard de musulmans et 13,5 millions de juifs. Né en 1939 à Jérusalem, l’écrivain Amos Oz a un jour proposé de « démonter les Lieux saints pierre par pierre et les transporter en Scandinavie pendant un siècle, pour ne les rendre qu’une fois que tout le monde aura appris à vivre ensemble à Jérusalem ». ●
LES MURS DES LAMENTATIONS SES DIZAINES DE MONUMENTS, ses vieilles demeures et ses remparts intacts font de Jérusalem un exemple remarquable de l’architecture ancienne du Proche-Orient autant qu’un symbole de l’histoire humaine. Inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco, elle est l’unique site de la liste à n’être associé à aucun nom d’État. En 1947, les Nations unies l’avaient définie comme un « corpus separatum sous régime international spécial », mais, en 1980, Israël en a fait sa capitale, et les Palestiniens la considèrent toujours comme la leur. Les accords de paix esquissés entre les voisins ennemis ont toujours reporté N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
la question de son statut aux négociations finales. Sur le terrain, les Israéliens mènent une politique de conquête active en encerclant la ville arabe de colonies et en rachetant des maisons au cœur de la vieille cité. Depuis 2004, la « barrière de sécurité » érigée par l’État hébreu autour de la Cisjordanie ne l’a pas épargnée : un mur en béton de huit mètres de haut divise désormais ses quartiers arabes. Ville sainte de trois religions, Jérusalem pourrait-elle devenir un jour la seule ville au monde capitale de deux États ? ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
Culture médias
125
AUTOBIOGRAPHIE
Un très subtil libre penseur
B
rut et sans fioritures. « The Life of Omar Ibn Said, Written by Himself » reste à ce jour le seul témoignage d’un esclave africain écrit en arabe. Né au Sénégal vers 1770, capturé à l’âge de 37 ans, la vie de cet homme qui devint une célébrité en Caroline du Nord suscite autant d’indignation que d’admiration. Musulman, Omar Ibn Said maîtrisait parfaitement l’arabe, appris au cours de « vingt-cinq années d’études », une exception dans A Muslim un monde où les esclaves n’avaient pas American Slave: The Life of Omar accès à l’éducation… Son manuscrit Ibn Said, d’une quinzaine de pages vient de faire Wisconsin Studies l’objet d’une nouvelle traduction et d’un in Autobiography, nouveau commentaire sous la direction traduit et édité d’Ala Alryyes, professeur à Yale. par Ala Alryyes, 222 pages, Propriété du général James Owen 19,95 dollars (frère de John, gouverneur de Caroline du Nord), Ibn Said écrit son récit en 1831 à la demande des membres de l’American Colonization Association, un groupe FIN LETTRÉ, cet esclave a glissé dans son récit des versets du Coran critiques envers ses « propriétaires ». qui encourage les propriétaires à libérer leurs esclaves. Après plusieurs citations du Coran, Omar Ibn Said détaille son Il y passe « seize jours et nuits » avant sa condition sous le nez de ses propriéhistoire avec une simplicité désarmante. d’être conduit chez les Owen, dans une taires et, avec la sourate « Al-Mulk », il « Je suis né dans le Fouta-Toro, entre les famille qu’il qualifie de bonne. « Tout semble même leur refuser tout droit sur deux rivières [Sénégal et Gambie, NDLR]. ce qu’ils mangent, je le mange, et tout lui. Un brin provocateur, ce musulman J’ai étudié dans le Boundou et le Fouta. » ce qu’ils portent, ils me le donnent une converti au christianisme pointe aussi Omar serait donc aujourd’hui sénégafois usé », écrit-il. les similitudes des deux religions en lais, s’il n’avait rencontré « l’homme présentant côte à côte les versets de la chrétien » : « [Après mes études] je suis SUBVERSIF. Selon Alryyes, l’auteur a sourate « Al Fatiha » et le « Notre Père »… retourné chez moi pendant six ans avant subtilement inséré des éléments subLa vie d’Omar Ibn Said n’est pas le qu’une armée n’envahisse seul témoignage d’esclave connu, bien notre pays. Ils ont tué beauqu’il soit unique en son genre puisque « Ils m’ont capturé, et m’ont coup de gens. Ils m’ont capécrit en arabe. D’autres autobiographies vendu à un chrétien qui m’a turé, et m’ont vendu à un évoquent de l’intérieur l’histoire de la emmené dans un grand bateau. » chrétien qui m’a emmené traite négrière, comme celle de Frederick dans un grand bateau. » Douglass (La Vie de Frederick Douglass, Un mois et demi de voyage et Omar Ibn versifs dans son récit. Lesquels étaient esclave américain, écrite par lui-même), Said découvre la ville de Charleston, lequel devint un abolitionniste célèbre. passés inaperçus en 1925 lors d’un travail aux États-Unis, où il est de nouveau Omar Ibn Said, lui, est mort en 1863, réalisé par J. Franklin Jameson, fondateur vendu à « un petit homme mauvais, un an avant la vague de libération de l’American Historical Association. infidèle, qui n’avait pas peur d’Allah ». qui a suivi la campagne militaire du Dans son analyse, ce dernier n’a pas saisi Maltraité, il décide de s’enfuir, marche général Sherman, en pleine guerre de l’importance des versets coraniques de pendant un mois et se retrouve en prison, Sécession. ● l’introduction. Pour Alryyes, l’utilisation « capturé par des hommes à cheval ». MICHAEL PAURON de l’arabe a permis à Omar de critiquer JEUNE AFRIQUE
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
NORTH CAROLINA COLLECTION, UNIVERSITY OF NORTH CAROLINA AT CHAPEL HILL
Omar Ibn Said est l’auteur, en 1831, de l’unique témoignage d’un esclave américain rédigé en arabe. Traduit en 1925, égaré, retrouvé en 1995, son manuscrit fait l’objet d’une nouvelle édition commentée.
Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
ROMAN
Complainte copte MA MAGDA,bourgeoisecopte du Caire, passe son temps à se plaindre de la montée des salafistes, à envisager d’émigrer aux États-Unis et à se languir du jambon de porc, désormais introuvable. Absorbée par toutes ces récriminations, il lui reste juste assez de temps pour préparer le mariage princier de son fils et pour aider les habitants chrétiens – qui ne le méritent pas – du bidonville 4 et demi. Pour quelqu’un qui ne connaît rien des chrétiens d’Égypte, ce roman est une bonne entrée en matière, qui donnera cependant au lecteur une vision mélodramatique de la « question copte. » ● TONY GAMAL GABRIEL Quartier 4 et demi, de Fabienne Le Houérou, Encre d’Orient, 182 pages, 18 euros ■■■
DOCUMENTAIRE
Un printemps avorté DIFFICILE DE NE PAS ÊTRE ému face aux images de la « révolution verte » qui a mis en difficulté le régime iranien en 2009. Ce soulèvement populaire à l’occasion de l’élection présidentielle préfigurait d’une certaine manière le Printemps arabe, comme le souligne le titre du film. Mais, en mélangeant sans subtilité cinéma d’animation et témoignages, le réalisateur ne réussit pas à proposer un documentaire convaincant. D’autant que les événements relatés ont déjà l’air, hélas, de dater terriblement. Depuis, la « révolution » iranienne a été reprise en main par les dirigeants les plus autoritaires, dont le « guide » Khamenei, peu enclin à laisser s’exprimer la rue ou à respecter les choix démocratiques… ● RENAUD DE ROCHEBRUNE
Le Printemps de Téhéran : l’histoire d’une révolution 2.0, d’Ali Samadi d’ Ahadi Aha (sortie à Paris le 18 janvier) ■■■ N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
VINCENT FOURNIER/J.A.
126
MUSIQUE
La djongo attitude
Le musicien burkinabè Bil Aka Kora a produit son dernier album, Yaaba, avec la complicité de son « père spirituel », Ray Lema.
I
les sit-in se succédaient. Il passait l y a peu, Bilgo Akaramata Kora, alors le plus clair de son temps à jouer dit « Bil Aka Kora », était à Paris dans l’orchestre de l’université. Jusqu’à pour assurer la promotion de ce qu’il vienne à bout de sa bourse son dernier album, Yaaba (« les d’études, au cours de sa deuxième ancêtres »), produit par son propre label (Djongo Diffusion), mais arrangé année. Mais ce qui a décidé de sa caret mixé par le compositeur d’origine rière, c’est sa participation, en 1997, congolaise Ray Lema. Né en 1971, le aux concours nationaux de musique, musicien burkinabè n’est pas du genre au cours desquels il a remporté le prix à s’économiser. Dans les onze morde la chanson moderne. Son premier ceaux de Yaaba, le djongo, ce rythme album, Douatou, est sorti dans la foulée, en décembre 1998. débordant d’énergie typique de l’ethnie kassena, dans le sud du Burkina Depuis, Bil Aka Kora ne cesse de Faso, se mêle aux autres sonorités se produire un peu partout dans le constitutives de son univers musical : monde, alternant concerts et rencontres. La plus marquante a sans jazz, blues, reggae… « Au départ, il ne s’agissait pas, pour moi, de faire de la doute été celle de Ray Lema, son « père spirituel, dont la simplicité et l’humamusique de fusion, déclare l’artiste. Tout ce qu’on écoutait, c’était de la nité sont telles qu’il parvient à extraire musique anglo-saxonne. C’est en parle meilleur que chaque musicien porte ticipant aux concours nationaux de en lui ». Un exemple qu’il revenmusique que j’ai cherché à acquérir ma dique volontiers. À Ouagadougou, le Burkinabè a de son côté créé une propre identité. J’ai alors eu recours aux rythmes de mon terroir. structure qui permet Aujourd’hui, c’est une de travailler de façon musique à part entière, professionnelle avec un dans laquelle chacun collectif de musiciens se peut se reconnaître. » consacrant à la recherche Dans les années artistique. Pour 2012, il a 1990, Bil Aka Kora était deux ambitions: sortir un étudiant en mathémaalbum acoustique et en tiques à l’université de enregistrer un autre avec Yaaba, de Bil Ouagadougou, à une un big band danois. ● Aka Kora, Djongo Diffusion Label époque où les grèves et TSHITENGE LUBABU M.K. Afrique
■■■
JEUNE AFRIQUE
Culture médias REPORTAGE
Fantômette en Libye
SANS OUBLIER
Un taxi pour Benghazi, de Marie-Lys Lubrano, Éditions Jacob-Duvernet, 296 pages, 19,90 euros ■ ■ ■
JOURNALISTEFREELANCE,embarquée en pleine insurrection libyenne à défaut d’avoir couvert la chute de Moubarak, Lubrano raconte deux mois passés aux côtés des rebelles de la Cyrénaïque. De combats en fuites, d’hôpitaux en fous rires, l’auteure déroule des kilomètres de dialogues et sa fascination pour les jeunes combattants en armes. Témoignage bavard mettant en scène le choc des cultures, ce récit tient moins du reportage que du pot-pourri de clichés, comme celui-ci : « Les six millions d’habitants que compte le pays se divisent essentiellement en trois grandes familles kabyles. » Mais bien sûr… ● YOUSSEF AÏT AKDIM
« L’encre est ma demeure » sera le thème du festival Étonnants Voyageurs qui se tiendra en Haïti du 1er au 4 février. Au programme, rencontres, lectures et projections en présence de nombreux invités tels qu’Alain Mabanckou, J.M.G. Le Clézio, Dany Laferrière, LyonelTrouillot, Frankétienne, Louis-Philippe Dalembert, etc. La voix comorienne Nawal présentera son album Caresse de l’âme lors d’un concert, le 21 janvier, auxTrois Baudets (Paris).
CINÉMA
« À TE GARDER, on ne gagne rien, à t’éliminer on ne perd rien. » Le cinéaste cambodgien Rithy Panh a demandé à Duch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, de répéter devant sa caméra cette « maxime » des Khmers rouges qui permettait de justifier l’éradication des « contre-révolutionnaires » dans le camp-prison de Tuol Sleng, connu sous le nom de code « S-21 ». Des 12 380 adultes et enfants passés par ce centre de torture, seule une poignée a survécu. Qu’en disait leur bourreau, juste avant d’être condamné à trente ans de réclusion en juillet 2010 ? Il erre entre demande de pardon et déni, arguant qu’il ne faisait qu’un « travail de police ». Ce documentaire est une nouvelle étape
DR
Testament d’un génocidaire
dans l’œuvre cinématographique radicale et monumentale de Rithy Panh pour témoigner, sans jamais verser dans le pathos, de ce que fut l’extermination d’un quart de la population cambodgienne par le régime khmer rouge entre 1975 et 1979. ●
RENAUD DE ROCHEBRUNE
Duch, le maître des forges de l’enfer, de Rithy Panh (sortie à Paris le 18 janvier)
■■■
ESSAI
Un « new deal » culturel EN CAS DE VICTOIRE du candidat socialiste à l’élection présidentielle française de 2012, les prétendants au poste de ministre de la Culture seront nombreux. Olivier Poivre d’Arvor, actuel patron de la radio France Culture, ne cache pas ses ambitions. Et il les exprime dans un petit livre-programme rouge et noir. Son idée-force : lancer un new deal à la française basé sur ce secteur culturel qui fait la réputation et une bonne partie de la richesse de l’Hexagone. Dans le foisonnement de ses propositions, Culture, état on retiendra notamment un appel clair en d’urgence, faveur des femmes et de la diversité. À propos d’Olivier de cette dernière, il écrit : « La France serait Poivre bien inspirée […] de se faire représenter par ce d’Arvor, qui n’est plus l’expression d’une minorité en Tchou, 154 pages, France mais bien une véritable composante 10 euros nationale. » ● NICOLAS MICHEL ■■■
JEUNE AFRIQUE
Le nouvel album des Maliens Amadou & Mariam, Folila (« la musique », en bambara), sortira le 26 mars. L’ancien chanteur du groupe de rock français Noir Désir, Bertrand Cantat, est présent sur 4 des 13 titres du disque. Du 27 février au 24 juin, la Fondation Blachère (France) présente une exposition intitulée « Boxe ! Boxe ! » autour des peintres Bruce Clarke et Baye-Dam Cissé, qui créeront chacun une grande fresque à l’occasion d’une résidence à Apt. À la trace, le nouveau polar du Sud-Africain Deon Meyer, sortira le 2 février en France aux éditions du Seuil. Le nouveau film du réalisateur belgeThierry Michel sortira en salles, en France, le 4 avril 2012. L’Affaire Chebeya, un crime d’État ? est une tragicomédie politique sur le crime d’un militant des droits de l’homme à Kinshasa. Ce sont 130 auteurs qui seront invités au Maghreb des livres, les 11 et 12 février, à l’Hôtel de Ville de Paris, pour une édition consacrée aux lettres marocaines. N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
127
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
Sous le parrainage de la Banque mondiale, à travers World rld Bank Graduate Scholarship Program, le Joint Japan / Wo et celui du Ministère français des Affaires étrangères et européennes
le CERDI organise le Programme de formation en Gestion de la Politique Economique (GPE)
Appel à candidatures pour la session 2012-2013 Master d'une durée de 14 mois • Formation de 11 mois au CERDI, articulée en modules spécifiques consacrés à l'analyse et à la conception des politiques économiques dans le cadre spécifique des pays en développement et dans le contexte de la mondialisation • Stage de 3 mois dans des institutions internationales ou régionales, administrations, banques, cellules d’analyse de politique économique… Organisé à l'intention des économistes des pays en développement • Diplômés de l'enseignement supérieur, niveau Master 1 / maîtrise es sciences économiques exigé • Agés de moins de 40 ans, présentant au minimum 5 années d'expérience professionnelle dans la gestion des politiques économiques et dans l'étude des questions de développement Admissibilité sur dossier • Formulaire CERDI disponible par téléchargement à partir de : www.cerdi.org ou de www.ferdi.fr • Envoi du dossier au CERDI avant le 29 février 2012 par courrier postal Possibilité de bourse accordée par la Banque mondiale (JJ/WBGSProgram) • Formulaire JJ/WBGSProgram 2012 disponible par téléchargement à partir de : www.worldbank.org/wbi/scholarships (lien sur www.cerdi.org et www.ferdi.fr) • Envoi du dossier à la Banque mondiale avant le 31 mars 2012, sous condition de présenter une attestation d'admissibilité du CERDI Programme GPE (CERDI/FERDI) 65, boulevard François-Mitterrand 63000 Clermont-Ferrand (France) Téléphone : +33 (0)4.73.17.75.30 - Télécopie : +33 (0)4.73.17.75.38 Contacts : Pierre Massat, Chargé de mission (pierre.massat@ferdi.fr) Philippe Messéant, Administrateur (philippe.messeant@ferdi.fr) Sites internet : www.cerdi.org et www.ferdi.fr
w w w. s a i 2 0 0 0 . o r g Formation
COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management ® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft ® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE Studentclub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
info@sai2000.org N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Recrutement - Formation
Jhpiego, an affiliate of Johns Hopkins University, is recruiting for
multiple positions for upcoming health programs within West Africa and throughout Africa, including Chief of Party and other high-level positions based in Ghana and Benin. For more information on these positions, how to apply to them, or future opportunities in the West Africa please visit: www.jhpiego.org/careers.
CABINET MAYORO WADE Services d’Audit, de Conseil et de Transactions Support
Votre partenaire au Sénégal et dans les pays de l’UEMOA
Nous vous accompagnons dans votre développement local et régional : • Une expertise pointue servie par des professionnels nationaux et régionaux d’envergure internationale ; • Le bénéfice, à la fois, de la proximité et de l’international ; • Banking – Entertainment – Industrie – Commerce – Services – NTIC – Assurances – Projets de développement – ONG 47-53, Rue Carnot - BP 1686 – DAKAR Tél. +221 33 823 68 68 / +221 33 823 97 77 Fax. : +221 33823 85 79 / +221 33 821 63 37 email : cabmwade@orange.sn JEUNE AFRIQUE
N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
130
Annonces classées AVIS DE VACANCE DE POSTE
ADMINISTRATEURS INDEPENDANTS (2 POSTES)
Recrutement
SHELTER-AFRIQUE est une institution régionale de financement de l’habitat créée par les gouvernements africains et la Banque africaine de développement, avec mission d’investir dans la promotion immobilière et l’aménagement urbain dans les pays africains. L’actuel capital-actions est détenu par 43 pays africains, la Banque africaine de développement (BAD) et la Société africaine de réassurance (AFRICA-RE). Dans la perspective de renforcer sa gouvernance d’entreprise, l’Institution, dont le Siège est basé à Nairobi, Kenya, se propose de pourvoir à deux postes vacants au Conseil d’administration par le recrutement de candidats ressortissants de ses pays membres. Ci-après les termes de référence des administrateurs indépendants: 1. Participer activement aux réunions des comités et du Conseil et aux délibérations afférentes comme tout autre administrateur; 2. Assurer l’expertise technique, financière et toute autre prestation indépendante au Conseil; 3. Réduire les conflits potentiels entre la Direction générale et les intérêts plus larges de la Société et des actionnaires; 4. Mettre à contribution leur expérience et savoir-faire dans la prise de décisions par le Conseil; 5. Diriger certains comités du Conseil; 6. Les administrateurs indépendants serviront pour un mandat de 3 ans renouvelable une seule fois. Qualifications et expérience minimum: 1. Les candidats potentiels doivent justifier d’au moins cinq ans d’expérience en tant qu’administrateur d’un conseil d’administration d’une organisation locale ou internationale: L’administrateur chargé de l’analyse d’investissement et de la construction et du financement immobilier, devrait avoir des qualifications et une expérience en analyse d’investissement et financement de construction et de projets. Il/elle doit détenir une Maîtrise en gestion des entreprises (MBA) ou tout autre diplôme supérieur en gestion des affaires avec au moins 10 ans d’expérience professionnelle. L’administrateur chargé de la gestion des risques et de l’audit devrait avoir une vaste expérience en gestion des risques et en audit. Il/elle devrait justifier d’une expérience de 10 ans au moins au sein d’un cabinet d’audit ou à un poste de Chargé de gestion des risques ou d’audit interne dans une institution de renom. 2. Les administrateurs indépendants n’entretiennent aucune relation matérielle avec l’Institution outre leur qualité d’administrateur. Pour plus d'informations, veuillez consulter le site Web. REMUNERATION: Shelter-Afrique offre une rémunération compétitive et attrayante aux administrateurs indépendants, y compris les frais de voyage et autres coûts afférents, ainsi des jetons de présence et indemnités journalières de subsistance durant les réunions du Conseil et de ses comités. CANDIDATURES: Les candidats sont invités à transmettre une lettre de motivation illustrant leur éligibilité par rapport aux qualifications, accompagnée d’un curriculum vitae détaillé, ainsi que les noms et adresses de références, au courriel: jobs@shelterafrique.org et/ou à Shelter-Afrique Center Longonot Road Upper Hill PO Box 41479 00100, Nairobi Kenya. Les candidats devraient indiquer le poste sollicité comme objet de leurs soumissions par courriel. La date butoir pour la soumission des candidatures est fixée au 7 février 2012. Seuls les candidats présélectionnés remplissant les conditions susvisées seront contractés. Pour plus d'informations, visitez notre site Web: http://www.shelterafrique.org.
N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
131
MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION ET DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE COMMISSION NATIONALE DES TIPPEE
AVIS DE MANIFESTATION D'INTÉRÊT
N° AMI/001-2012/CNT
MISSION D’ASSISTANCE TECHNIQUE DANS LA CONCEPTION ET L’ÉVALUATION DE L’APPEL D’OFFRE POUR LA CONSTRUCTION DE LA PHASE 1 DU BACKBONE NATIONAL DANS LE CADRE DU PROJET CENTRAL AFRICAN BACKBONE (CAB) – COMPOSANTE GABONAISE
JEUNE AFRIQUE
N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement Gabonais a reçu un Fonds de Préparation de Projet (PPA) de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) en vue de financer le coût de participation au Consortium ACE et pour financer des études préalables nécessaires. Il a l'intention d'utiliser une partie de ce prêt pour effectuer des paiements autorisés au titre des marchés relatifs à des services de conseils. Le projet CAB Gabon fait partie du programme régional CAB (dorsale fibre optique en Afrique Centrale), qui vise à contribuer à augmenter l'extension géographique des réseaux large bande et à réduire des coûts de services de communications en Afrique Centrale. Le Gabon a des coûts élevés de connectivité internationale. Ce contexte couplé à un manque d'infrastructure nationale en matière de fibre optique a créé un environnement difficile pour la disponibilité et l’extension de services de l'Internet et d’autres applications de télécommunications sur l’ensemble du territoire. Ces facteurs limitent le potentiel du Gabon à créer des emplois supplémentaires, à augmenter la production de biens et services divers, et à développer un système de commerce compétitif avec le reste du monde. La Phase 1 du Backbone National qui fait l’objet du présent avis envisage de déployer la fibre optique sur deux types de parcours. L’un emprunterait la voie ferroviaire du Transgabonais, de Libreville à Franceville et l’autre, les tronçons routiers Lekoni / Koula-Moutou en passant par Franceville, Moanda et Lastourville, et Franceville / Lekoko en direction de la frontière pour rejoindre le projet de fibre optique du Congo qui aboutit à la ville de Mayoko. L’objectif de cette assistance est de doter le Gouvernement du Gabon des documents d’appels d’offres liés à la construction proprement dite de la Phase 1 du Backbone National et de l’assister dans le processus d’évaluation des réponses à cet appel d’offre. Les services de Cabinet de Conseil vont couvrir : A. Réunion de lancement et de collecte d’information B. Analyse de la documentation sur les clauses de sauvegarde environnementales et sociales C. Audit des études de parcours de la fibre D. Détermination de la stratégie d’appel d’offres pour le Backbone national E. Rédaction du Dossier d’Appel d’Offre pour la Phase 1 du Backbone National F. Assistance dans le processus d’appel d’offres et Evaluation des offres techniques et financières Les Cabinets de Conseil (Bureaux d’études, Cabinets d’Ingénierie, …) internationaux et nationaux intéressés et éligibles, sont invités à manifester leur intérêt, en faisant acte de candidature et en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services décrits ci-dessus (brochures, références en contrats analogues, expérience dans les conditions semblables, disponibilité des qualifications requises, …). Ces informations doivent être fournies au moyen du dossier suivant : - Lettre de candidature ; - Fiche de présentation du Cabinet de conseil (domaine d’expertise et ressource du Consultant, brochure, plaquette, site web, …) ; - Expérience générale du candidat durant les cinq (5) dernières années ; - Références récentes (trois dernières années) et pertinence en missions similaires, équivalentes ou de même complexité technique avec mention obligatoire des données suivantes : libellé des missions, pays, période d’exécution, état des réalisations) ; - Etat des personnels clés et appui disponibles (qualifications nécessaires à la réalisation de la mission) ; - Curriculum vitae du personnel clé proposé. A l’issue de la manifestation d’intérêt, il sera établi une liste restreinte de six (06) bureaux qui seront consultés, en vue de la sélection définitive du prestataire sur la base de l’appréciation de la Qualification de Consultant (QC) et ce, conformément aux procédures définies dans les Directives ‘’ Sélection & Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale – Mai 2004 – Version Révisée Octobre 2006 ’’. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires sur demande écrite à l’adresse ci-après : Commission Nationale des TIPPEE B.P. 22 Libreville – Gabon ou par téléphone au n° (241) 76.58.30, ou par Fax au N° (241) 76.58.31 aux heures suivantes : de 8 h 00 à 15 h 00 (heure locale GMT+1) ou par courrier électronique à : tippeegabon@inet.ga Les plis porteront la mention suivante : « Manifestation d’intérêt pour la réalisation de la Mission d’Assistance Technique dans la conception et l’évaluation de l’appel d’offre pour la construction de la Phase 1 du BACKBONE national dans le cadre du projet CENTRAL AFRICAN BACKBONE (CAB) ». Les dossiers de manifestations d’intérêt seront présentés en français et en trois (03) exemplaires (un original et deux copies) et doivent parvenir par voie postale (normale, recommandée, ou rapide) ou par dépôt direct au plus tard le 14 février 2012 à 15h00 (heure locale GMT + 1) à l’adresse suivante: Commission Nationale des TIPPEE, Quartier Glass Immeuble Volvo (2ème étage) - B.P. : 22 Libreville – Gabon.
132
Annonces classées RÉPUBLIQUE GABONAISE - MINISTÈRE DES TRANSPORTS AGENCE NATIONALE DES GRANDS TRAVAUX
AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT Visa de conformité juridique : Date de lancement : 23 décembre 2011 Appel à manifestation d’intérêt : N°OBS 50110 Nom du projet : Etude des ports nationaux et développement du port de Mayumba Source de financement : Budget de l’Etat Gabonais
Manifestation d’intérêt
1. OBJET Par le présent appel à manifestation d’intérêt, le Ministère des Transports en tant que Maître de l’Ouvrage et l’Agence nationale des Grands Travaux (ANGT) en tant que Maître d’Ouvrage Délégué se proposent d’arrêter une liste restreinte des bureaux d’études qualifiés qui seront appelés à soumissionner pour la réalisation de l’étude ci-dessous indiquée qui vise à : • Elaborer un Schéma Directeur de Développement des ports du Gabon ; • Identifier les sites potentiels et déterminer la faisabilité d’un nouveau port en eaux profondes ; • Déterminer la faisabilité de l’expansion des ports existants ; • Développer des plans d’aménagement pour chaque option de développement des ports ; • Réaliser l’analyse économique pour le programme retenu ; • Planifier la phase de construction. 2. PARTICIPATION Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse aux bureaux d’études nationaux et internationaux qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n°001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant code des marchés publics à savoir : • Les personnes physiques ou morales en état de liquidation judiciaire et les personnes physiques dont la faillite personnelle a été prononcée ; • Toute personne physique ou morale condamnée pour infraction à une disposition du code pénal ou du code général des impôts prévoyant l’interdiction d’obtenir de telles commandes ; • Toute Entreprise qui à la suite de la soumission d’informations inexactes ou d’un manquement grave à ses obligations contractuelles, et après avoir été invitée au préalable à présenter ses observations par écrit, est temporairement exclue de la passation des marchés par décision motivée de la Direction Générale des Marchés Publics ; • Les Entreprises dans lesquelles la personne responsable des marchés ou de la commission d’évaluation des offres possède des intérêts financiers personnels de quelque nature que ce soit ; • Les Entreprises affiliées à toute personne (physique ou morale) ayant contribuée à préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres ou de consultation. 3. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent comprendre les éléments suivants : • une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études faisant apparaître son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que le candidat a l’intention de soumissionner à l’appel d’offre s’il est présélectionné ; • les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal de la société. Ces documents comprenant les statuts, l’agrément de commerce ou la fiche circuit de création du bureau d’études, permettront d’identifier l’activité principale du bureau d’études ; • une attestation de non faillite délivrée par le tribunal compétent du lieu du siège social du bureau d’études et datant de moins de trois (3) mois ; • une attestation d’imposition prouvant que la société est à jour de ses obligations fiscales au titre de l’année 2010 (applicable aux candidats nationaux) ; • une attestation CNSS du troisième trimestre 2011 (applicable aux candidats nationaux) ; • une description du bureau d’études, notamment les moyens matériels et humains qu’il compte mettre en œuvre pour la réalisation de la mission (organigramme, liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives, cursus, ancienneté et type de contrat liant chaque agent au bureau d’études. Joindre les CV signés des intéressés) ; • les références générales et spécifiques du bureau d’études dans le domaine concerné par l’appel à manifestation d’intérêt notamment le dernier rapport d’activité annuelle accompagné des renseignements généraux, les brochures et les références concernant l’exécution des contrats analogues, les expériences antérieures pertinentes dans les conditions semblables (joindre les attestations de bonne fin d’exécution). Pour ce
N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
faire, le candidat devra indiquer, pour chaque contrat similaire exécuté dans les mêmes conditions au cours des dix dernières années : 1. Le nom et l’adresse du client ; 2. La valeur financière approximative du contrat en Francs CFA. Les bureaux d’études peuvent s’associer et présenter une candidature unique. Pour cela, ils doivent présenter un accord de groupement entre bureaux. Cet accord doit préciser le statut juridique, le chef de file du groupe, le rôle et les titres de chaque membre. Chaque membre doit, par ailleurs, produire les pièces demandées ci-dessus. En cas de sous-traitance, le candidat devra fournir la liste du ou des sous-traitants dont il demande l’agréement. 4. MODALITÉ DE PRÉSENTATION DES DOSSIERS DE CANDIDATURE Les dossiers de candidature de manifestation d’intérêt ainsi que toutes les correspondances seront rédigés en langue française. Les documents complémentaires et les imprimés fournis par le Candidat peuvent être rédigés dans une autre langue à condition d’être accompagnés d’une traduction en français. Ils doivent être présentés dans une enveloppe fermée en un (1) original et 4 copies. L’enveloppe extérieure devra porter impérativement la seule et unique mention suivante : APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N°OBS 50110 ÉTUDE DES PORTS NATIONAUX ET DÉVELOPPEMENT DU PORT DE MAYUMBA NE PAS OUVRIR AVANT LE 06/02/2012 À 11 HEURES 5. CRITÈRES DE SÉLECTION Les critères de sélection des candidatures sont les suivants : • le candidat doit justifier de son aptitude à réaliser les prestations dans le domaine concerné par le projet ; • le candidat doit justifier d’une expérience d’au moins 10 ans dans les prestations similaires (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; il doit avoir l’expérience et les compétences dans les études similaires et pouvoir réaliser 75 % de l’étude à Libreville avec un effectif minimum de 20 % d’employés gabonais. Le délai prévisionnel d’exécution est de six mois ; • le candidat doit justifier des moyens matériels, techniques adéquats et d’un personnel clé en adéquation avec la mission (indiquer l’expérience minimum) ; • le candidat doit justifier d’une capacité financière lui permettant de démarrer l’exécution des prestations dès la notification du marché (joindre les documents attestant l’accès à des financements tels que des avoirs liquides, lignes de crédits, etc.) ; • le candidat ne doit pas avoir d’antécédent de non exécution. Le soumissionnaire doit établir qu’il a exécuté et achevé tous les marchés obtenus pendant les 10 dernières années et qu’il n’a pas de litiges qui lui sont imputables en cous avec l’Administration. 6. DATE DE CLÔTURE ET LIEU DE DÉPÔT DES CANDIDATURES Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent être adressés à l’adresse suivante, au plus tard le lundi 6 février 2012 à 10 heures (heure locale). Agence Nationale des Grands Travaux B.P : 23765 Libreville-Gabon 1er étage de l’Immeuble du bord de mer sise à coté de l’ancien gouvernorat Direction des contrats - 00241 07 99 96 42 7. OUVERTURE DES PLIS Les plis seront ouverts par la commission d’évaluation des offres le lundi 6 février 2012 à 11 heures (heure locale) dans la salle de réunion de l’Agence Nationale des Grands Travaux sise au 1er étage de l’immeuble du Bord de Mer sis à coté de l’ancien gouvernorat. 8. INVITATION À SOUMISSIONNER Les Consultant retenus à l’issue de la présélection recevront par la suite une lettre d’invitation à soumissionner. Le Directeur Général des Marchés Publics, Commissaire Général, Jean Félix SOCKAT Le Directeur Général de l’ANGT, Henri OHAYON Le Ministre des Transports, Julien NKOGHE BEKALE
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
133
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL LIMITÉ AUX ENTREPRISES DES PAYS MEMBRES DE LA BID N°001/OMH N° du prêt BID : 2MLI 113 et 2MLI 114 Les travaux prévus dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de 180 jours. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux de l’Office Malien de l’Habitat situés dans la cour du Ministère de l’Equipement et des Transports du Mali sis à Darsalam, BP : E24, Tél. : 20 23 24 81 – Bamako, les jours ouvrables de 7 h 30 à 16 heures. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats à l’adresse mentionnée ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cent mille (200 000) F CFA. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le jeudi 1er mars 2012, à 10 h 00 et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à : - 50 000 000 FCFA pour les Lots 1 et 2. - 250 000 000 FCFA pour le Lot 3. Les offres demeureront valides pour une durée de 90 jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au jeudi 1er mars 2012. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le jeudi 1er mars 2012, à 10 h 00 dans la Salle de Conférence de l’Office Malien de l’Habitat. La visite du site du projet, pour avoir un aperçu des difficultés liées au terrain, est obligatoire. Une attestation de visite, visée par le Coordinateur du projet sera délivrée aux personnes ayant visité le site et devra obligatoirement être jointe à la soumission. Bamako, le 16 janvier 2012 Le Directeur Général
RÉPUBLIQUE DU CONGO CONSEIL NATIONAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA (CNLS) SECRÉTARIAT EXECUTIF PERMANENT (SEP)
PROJET DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA ET DE SANTÉ (PLVSS) - Financement : (IDA H 494-CG/Gouvernement)
AVIS DE SOLLICITATION A MANIFESTATION D’INTÉRÊT (CI n° 04/2011/PLSS) « Recrutement d’un Consultant Individuel International chargé d’appuyer le SEP/CNLS à faire l’évaluation du Projet de Lutte contre le Sida et de Santé (PLVSS) » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu de l’Association Internationale de Développement (IDA), un financement supplémentaire (DON H 494- CG) cofinancé par le Gouvernement congolais pour la poursuite du Projet de Lutte contre le VIH/SIDA et de Santé (PLVSS-Don H082-COB), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit financement pour financer les services de consultant ci-après : Recrutement du Consultant Individuel International chargé d’appuyer le SEP/CNLS à faire l’évaluation du projet de Lutte contre le Sida et de Santé (PLVSS). 2. L’objectif général de l’évaluation externe du PLVSS est de fournir une appréciation externe et indépendante de la performance globale du projet et de formuler au Gouvernement du Congo, aux partenaires, aux bailleurs de fonds et à toutes les autres parties prenantes, un ensemble d'analyses et de recommandations visant à renforcer la réponse nationale au VIH et au Sida au Congo. La durée de la mission est 44 jours. 3. L’Expert international sera le responsable de la conduite et des résultats de l’évaluation vis-à-vis du SEP/CNLS et sera appuyé par un consultant national. 4. Le SEP/CNLS invite les candidats intéressés à fournir des CV contenant des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : (i) les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de référence technique vérifiable en matière d’évaluation finale d’un projet (ii) l’adresse complète du consultant (lieu de résidence, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, E-mail). (NB : Les bureaux d’études pourront proposer leur consultant individuel, mais l’expérience du bureau ne sera pas prise en compte et le marché sera signé avec la personne proposée). 5. Le consultant individuel international devra répondre au profil suivant : • Diplôme universitaire en santé publique (DES en Santé Publique, Master en SuiviJEUNE AFRIQUE
Evaluation des programmes de santé ou en épidémiologie) ; • Justifier d’une expérience pertinente dans la gestion des programmes de la lutte contre le VIH et le Sida dans les pays en développement ; • Expérience d’au moins 5 ans dans la conduite des évaluations des projets Santé en général, et/ou de lutte contre le VIH et le Sida en particulier ; • Une connaissance de la situation épidémiologique et du contexte de la réponse au VIH de la république du Congo est un atout ; • Avoir de bonnes capacités de rédaction et de synthèse en français ; • Avoir des capacités à respecter les délais et à travailler sous-pression et dans un environnement multiculturel ; • Maîtrise de l’outil informatique (Word, Excel, Powerpoint). 6. Sur cette base, un consultant individuel sera sélectionné conformément aux dispositions du Chapitre V des Directives de la Banque « Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des prêts de la BIRD et des crédits et dons de l’AID de Octobre 2006 Les consultants individuels intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-après, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00 ou consulter le site web du SEP/CNLS à l’adresse suivante : www.cnls-congobrazza.org. 7. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le lundi 30 janvier 2012 à 12 h 30. Secrétariat Exécutif Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida (SEP/CNLS) - Rue des Anciens Enfants de Troupe, non loin du CEG NGANGA Edouard - BP : 2459 Brazzaville - Tél. : (242) 06 624 70 00 / 06 644 75 07 E-mail : « recrutementconsultants_sepcnls@yahoo.fr ». La Secrétaire Exécutive Dr Marie Francke PURUEHNCE N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Appel d’offres - Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement de la République du Mali a obtenu de la Banque Islamique de Développement (BID) deux (2) prêts (prêt concessionnel 2MLI 113 et prêt Istisna’a 2MLI 114) destinés à financer des travaux de viabilisation (adduction en eau potable, électrification et éclairage public, voirie et drainage des eaux pluviales) du site des 1552 logements sociaux à Bamako de la tranche 2011 – 2012. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce prêt soit utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché issu du présent Appel d’Offres International. Le présent appel d’offres international s'adresse aux soumissionnaires des pays membres de la BID et éligibles tels que définit dans les « Directives pour la passation des marchés financés par la Banque Islamique de Développement », à présenter leurs offres sous pli fermé pour les travaux ci-dessous cités. Les travaux s’inscrivent dans le cadre du programme de réalisation de 1 552 logements sociaux à Bamako et sont repartis en trois lots distincts : Lot N°1 : Adduction en eau potable du site des 1552 logements sociaux de Bamako, tranche 2011 – 2012. Lot N°2 : Electrification – éclairage public du site des 1552 logements sociaux de Bamako, tranche 2011 – 2012. Lot N°3 : Voirie et drainage des eaux pluviales du site des 1552 logements sociaux de Bamako, tranche 2011 – 2012. Chaque candidat peut soumissionner pour tous les lots mais ne peut être attributaire que de deux lots au maximum. Le Groupement d'Entreprise étrangère avec une entreprise malienne est souhaité.
134
Annonces classées BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT AGENCE TEMPORAIRE DE RELOCALISATION DÉPARTEMENT DES SERVICES GÉNÉRAUX ET DES ACHATS
Division des Achats institutionnels Fax : + (216) 71 835 249 / e-mail : tender@afdb.org
AVIS D’APPEL D’OFFRES
POUR LA CONCEPTION, LA FOURNITURE ET LE MONTAGE DE HANGARS DE STOCKAGE Réf BAD/AOI/CGSP/2012/0005 1) La Banque africaine de développement (BAD) invite, par le présent Avis d’appel d’offres, les sociétés éligibles à présenter leurs offres sous pli fermé, pour un marché clefs-en-main de conception, fourniture et montage de hangars de stockage. Le processus d’acquisition se déroulera suivant les règles et procédures de la Banque Africaine de développement régissant les acquisitions de biens, travaux et services pour l’usage interne de La Banque. 2) Les travaux à éxécuter sont regroupés en un seul lot et se composent des prestations suivantes à réaliser sur le terrain de la BAD dans la commune de la Riviera-Cocody à Abidjan en Côte d’Ivoire : (i) conception-réalisation de hangars modulaires préfabriqués d’un volume de 4.000 m2 ; (ii) travaux de génie civil, voiries et réseaux divers (VRD) ; (iii) fourniture et livraison d’équipements et matériels de manutention, archivage et stockage.
Appel d’offres
3) Sont éligibles, les entreprises ou groupements d'entreprises constitués conformément à la législation d’un pays membre de la BAD. Les soumissionnaires intéressés, remplissant les conditions d’éligibilité peuvent obtenir le dossier complet d’appel d’offres sur le site web de la Banque à l’adresse suivante : http//www.afdb.org/en/about-us/corporate-procurement/procurement-notices/current-solicitations ou en adressant leur demande par écrit à l’Agence Temporaire de Relocalisation de la Banque sise Angle des 3 Rues : Avenue du Ghana, Pierre de Coubertin et Hedi Nouira - B.P. 323, 1002 Tunis Belvédère Tunisie ; Fax : (216) 71 835 249 ou à l’adresse électronique suivante : tender@afdb.org. 4) Le Dossier d’appel d’offres pourra être expedié aux candidats, sur demande écrite aux adresses mentionnées ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de cent dollars américains (US$ 100) ou l'équivalent dans une monnaie librement convertible pour couvrir les frais de reproduction et d'expédition du dossier. 5) Une visite du site des travaux aura lieu le 26 janvier 2012 à partir de 10 h 00 GMT sur le terrain de la BAD dans la commune de la Riviera-Cocody à Abidjan en Côte d'Ivoire. Cette visite sera suivie de la conférence avant-soumission. 6) Toutes les offres doivent étre reçues sous pli fermé en cinq exemplaires (1 original + 4 copies) à l’adresse ci-dessous indiquée au plus tard le 27 février 2012 à 15 h 00 (heure de Tunis) ; elles doivent être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de dix mille dollars américains (US$ 10.000) ou l'équivalent dans une monnaie librement convertible : Adresse de livraison : Banque Africaine de Développement Département des Services Généraux et des Achats Division des Achats Institutionnels lmmeuble EPI, Bloc B, 2eme étage - Bureau 2A2 15, Rue de Syrie - B.P. 323 1002,Tunis Belvédère, Tunisie 7) Les offres doivent être valides durant une période de 126 jours suivant la date limite de dépôt des offres. 8) Une ouverture publique des offres, en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y participer, aura lieu le 27 février 2012 à 15 h 30 dans les locaux de Ia BAD à l'Agence Temporaire de Relocalisation de la Banque à Tunis, Tunisie, à l‘adresse précitée. L’ouverture publique vise à enregistrer les offres soumises à l'heure et à la date prescrites ci-dessus. Toute offre reçue aprés la date et l’heure limites de dépôt des offres sera rejetée.
N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
135
FOURNITURE ET INSTALLATION DU MATÉRIEL INFORMATIQUE ET BUREAUTIQUE Société APIX s.a.
Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public (AGETIP)
Avis d’Appel d’Offres International Financement : Gouvernement du Sénégal/Banque Mondiale/Agence Française de Développement Référence : ID No du projet - P087304-Projet d’autoroute à péage Dakar Diamniadio
APPEL D’OFFRES N° 121/11 RELATIF À LA CONSTRUCTION DE LA STATION D’ÉPURATION ET DE LA STATION DE POMPAGE DE LA ZONE DE RECASEMENT KEUR MASSAR/TIVAOUANE PEULH
AVIS DE REPORT Il est porté à la connaissance des entreprises ayant retiré le dossier que la date de dépôt initialement prévue le mercredi 18 janvier 2012 à 15 heures est reportée au jeudi 2 février 2012 à 15 heures. Par conséquent, l’ouverture des plis initialement prévue mercredi 18 janvier 2012 à 15 heures est reportée au jeudi 2 février 2012 à 15 heures. Le Directeur Général
• Service première classe, partout en Afrique. Pro-Export • Travail avec les clients africains depuis plus de 12 ans • Pièces de rechange, Support Technique; Piston et Turbine • Pratt & Whitney Canada, Dehavilland et Bombardier • Cessna, Piper, Beechcraft, Lycoming, Continental • Échange standard pour Hartzell, MacCauley, Dowty • Achat et vente d’avions. Pilote convoyeur. 5900 Route de l’Aéroport, St-Hubert, Québec, CANADA www.aviationzenith.com Transport Canada # 24-11 Tel : 001.450.926.9007 Email : avion@aviationzenith.com
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com JEUNE AFRIQUE
1. L'Unite de Gestion des Projets du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (UGP MS-FMSTP) du Ministère de la Santé du Togo voudrait procéder à l’acquisition du matériel informatique et bureautique conformément aux lots decrits ci-dessous : - Lot N °1 : Fourniture et installation des Ordinateurs Desktop, des Onduleurs et accessoires - Lot N °2 : Fourniture et installation des ordinateurs portables et accessoires, des imprimantes et du ROUTEUR WIFI TP LINK 54 MBPS. -Lot N°3 : Fourniture et installation des Vidéo projecteurs, des Scanners, des Photocopieurs, d’un Appareil Photo, d’un appareil à relier et d’un Appareil Fax Les quantités et les caractéristiques techniques de chaque matériel à acquérir sont precisées dans le Dossier d'Appel d’Offres. La livraison du matériel se fera directement sur les sites précisés dans le Dossier d’Appel d’Offres. 2. Les sociétés intéressées à concourir, peuvent obtenir des informations complémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres au secrétariat de l’UGP MSFMSTP Adresse : 01 BP : 1023 Lomé, Tél : (+228) 22 20 38 14, E-mail : secretariat.ugpms@ugpms.tg 3. Les offres doivent être déposées au Secrétariat de l’UGP MS-FMSTP, sis dans l’immeuble qui abritait précédemment la Direction des Affaires Juridiques de TOGOTELECOM situé entre le Camp des Sapeurs Pompiers et la Direction Générale de la Société des Postes du Togo (SPT) à Nyékonakpoè à Lomé, au plus tard le mardi 14 février 2012 à 15 heures précises, Temps Universel (TU). L’ouverture des offres se fera le même jour à 15 heures 45 minutes TU dans la salle de réunion du Ministère de la Santé en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents. 4. Le présent avis et le Dossier d’Appel d’offres peuvent être consultés dans leur integralité sur le site dgMarket. La Coordonnatrice, Dr Antoinette AWAGA
RÉPUBLIQUE TOGOLAISE SÉLECTION D’UN AGENT D’APPROV|SIONNEMENT EN MÉDICAMENTS ET AUTRES PRODUITS MÉDICAUX DES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA ET LE PALUDISME
AVIS D’APPEL À PROPOSITIONS INTERNATIONAL N° DP 015/2012/Rd8&9/UGP MS- FMSTP
1. L’Unité de Gestion de Projets du Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (UGP MS-FMSTP) du Ministère de la Santé du Togo voudrait procéder à la sélection d’un agent d’approvisionnement en médicaments et autres produits médicaux des programmes de lutte contre le VIH/SIDA et le paludisme ; 2. L’agent retenu sera chargé de l’approvisionnement des médicaments antirétroviraux (ARV), des médicaments antipaludiques, des médicaments contre les Infections Opportunistes (IO) et les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), des produits de laboratoire VIH (réactifs, consommables, etc.), des produits de laboratoire Paludisme et des moustiquaires imprégnées d’insecticides de longue durée ; 3. L’agent d’approvisionnement sera recruté pour une période d’un (1) an renouvelable ; 4. Le présent appel à propositions s’adresse aux organisations internationales, aux centrales d’achat de médicaments et à toutes autres structures disposant des capacités techniques et financières pour accomplir la mission. Elles doivent fournir des preuves documentaires attestant leurs capacités techniques a exécuter les services décrits ci-dessus : brochures et références concernant l’exécution de travaux analogues, expérience antérieure pertinente dans des conditions semblables, disponibilité de ressources humaines qualifiées ; 5. Les potentiels soumissionnaires peuvent obtenir des informations complémentaires et examiner la Demande de Propositions au secrétariat de l’UGP MS-FMSTP. Adresse : 01 BP : 1023 Lomé, Tél : (228) 22 20 38 14, E-mail : secretariat.ugpms@ugpms.tg 6. Les offres doivent être déposées au Secrétariat de l’UGP MS-FMSTP, sis dans l’immeubIe qui abritait précédemment la Direction des Affaires Juridiques de TOGOTELECOM situé entre le Camp des Sapeurs Pompiers et la Direction Générale de la Société des Postes du Togo (SPT) à Nyékonakpoè à Lomé, au plus tard le mardi 07 février 2012 à 15 heures précises, Temps Universel (TU). L’ouverture des plis se fera le même jour à 15 heures 45 minutes TU dans Ia salle de réunion du Ministère de la Santé en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents ; 7. Le présent avis et le Dossier d’AppeI d’offres peuvent être consultés dans leur integralité sur le site dgMarket. Lomé, le 12 janvier 2012, La Coordonnatrice, Dr Antoinette AWAGA N° 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
Appel d’offres - Divers
AVIATION GÉNÉRALE Pièces et Service
AVIS D’APPEL D’0FFRES INTERNATIONAL N° AOI 014/2012/Rd8&9/UGP MS-FMSTP
RETROUVEZ CHAQUE LUNDI
JEUNE AFRIQUE SUR VOTRE IPAD !
> Achetez Jeune Afrique où vous voulez, quand vous voulez ! > Retrouvez la version intégrale du magazine sur votre IPAD > Bénéficiez d’un tarif préférentiel > Ayez accès à tous les anciens numéros de Jeune Afrique
Pour y accéder, TÉLÉCHARGEZ l’application Zinio sur l’AppStore.
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
TONY KARUMBA/AFP
cercle d’amis. Je l’ai fait pour le postscriptum intitulé « Jeannette, tais-toi » (J.A. no 2657, du 11 au 17 décembre), de Fawzia Zouari, féministe percutante qui m’impressionne toujours. ●
Vivement les télécoms ! DANS VOTRE ÉDITION no 2661, mon attention s’est portée sur le dossier consacré aux perspectives économiques en 2012. Si les ressources minières attirent toujours du monde, les télécoms sont encore le secteur à explorer et l’un des plus attrayants. Dans mon pays, le Cameroun, tout le monde s’interroge ainsi sur la stratégie du gouvernement pour l’attribution des nouvelles licences de téléphonie 3G. Selon la rumeur, Airtel devrait être le seul opérateur à s’en voir accorder une. Une telle décision ferait planer des soupçons de corruption. L’accroissement du nombre d’opérateurs aura sans doute des effets bénéfiques pour les consommateurs, qui espèrent voir le duopole MTNOrange disparaître. Les grandes réalisations sont censées avoir débuté. Dans le secteur des télécoms, toujours rien à l’horizon… On attend ! ● HUGUES MBALA, Douala, Cameroun
Hilarant « Post-scriptum » JE PRENDS TOUJOURS PLAISIR, quand je parviens à la fin de mon Noseweek [mensuel sud-africain, NDLR], à lire les souvenirs cyniques de cet iconoclaste de Harold Strachan. De même, je savoure chaque semaine le « Post-scriptum » de Jeune Afrique, très souvent hilarant. Si je trouve l’un d’eux particulièrement intéressant, je m’amuse à le traduire en anglais, en essayant de garder le ton de l’article, et je le fais passer à un petit JEUNE AFRIQUE
IAN TOFIELD, Johannesburg, Afrique du Sud
Sarkozy et les Turcs ET BIS REPETITA pour les « Arméniens de France »… Une loi mémorielle de plus en guise de cadeau de Noël… Plutôt que de laisser la question du génocide arménien aux historiens et aux chercheurs, les députés français, grands « restaurateurs » de l’Histoire, surtout celle des autres nations, ont adopté, à quelques mois de la présidentielle de 2012, la loi 2 sur le génocide arménien. Un génocide qui ne concerne pourtant pas la France, ni de près ni de loin, et qu’elle reconnaît déjà dans la loi 1, votée en 2001 !
Comme pour le génocide juif, les organisations arméniennes de France pourront ainsi porter plainte contre tous ceux qui contesteront le génocide arménien, reconnu par la loi française. Une démarche judiciaire qui ouvrira la voie, tôt ou tard, à indemnisation des « Arméniens de France » et d’Arménie par la Turquie. Un sacré coup de poignard dans le dos qu’aura réservé Nicolas Sarkozy aux Turcs. Ce n’est pas aux politiques de dicter la vérité historique ! La France est le seul pays à légiférer en la matière. Et le génocide rwandais, alors ? Une exception française ? ● ALI DARHLAL, Talence, France
Idrissa Seck dans J.A. J’AI LU DANS J.A. no 26592660 votre entretien avec l’ancien Premier ministre du Sénégal Idrissa Seck, un homme qui compte pour la présidentielle de 2012. J’ai été réjoui par le ton de l’intéressé et plus ahuri encore par la liberté de langage que s’accorde celui qui, longtemps, fut le fils spirituel du président Abdoulaye Wade. ● CHRISTIAN SCHNYDER, Neuchâtel, Suisse
Carnet de voyage J’AI RÉCEMMENT EFFECTUÉ UN SÉJOUR À POINTE-NOIRE, au Congo. J’en suis revenu étonné et enrichi. En particulier ce jour de décembre à l’aéroport… Par les vitres de la salle d’embarquement, je photographie un Boeing 737 au repos sur le tarmac. Un monsieur congolais m’accoste, exhibant son badge. « Je suis de la sécurité, me dit-il, il est strictement interdit de prendre des photos. Si j’avais été en uniforme, je confisquais votre appareil. » J’ose lui demander pourquoi, et très sérieusement il m’explique que mes photos pourraient nuire aux intérêts du Congo. Le pays serait-il encore en guerre ? « N’insistez pas ! » Le dialogue s’arrête là, car il est évident qu’on ne s’oppose pas à une raison d’État. Intérieurement, cependant, je pense à tous ces satellites qui, du ciel, peuvent visualiser une boîte d’allumettes… Sécurité ? Quel paradoxe, ton nom. Vers Hinda (Sud-Ouest), la route est neuve, belle et sûre. Peu après le péage, un policier stoppe notre voiture pour contrôle. Problème, le permis du conducteur n’est pas conforme. Hop, le policier prend le volant et gare l’auto à la fourrière jouxtant le commissariat proche, vaste parking improbable où s’entassent, serrés et sans ordre – sinon chronologique –, tous les véhicules verbalisés. Pour repartir, on voit très vite combien notre peine sera alourdie ! Suivent deux longues heures de palabres compliquées, tour à tour vaines et incertaines. Rien n’est clair. Jusqu’au moment où nous comprenons, enfin, qu’il faut faire la queue sur place pour payer une contravention de 38 000 F CFA [58 euros, NDLR]. Est-ce tout ? Non, car il faut maintenant engager une âpre discussion avec deux policiers pour obtenir un reçu légal. La tension policière est vive, le propos hostile, voire menaçant, le risque physique palpable. Sécurité ? J’invoque ton nom. ● PHILIPPE MORELLEC, visiteur français au Congo-Brazzaville N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
137
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
138
Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION
Kinoiseries
Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)
K
INSHASA. Hier, l’on disait Kin la Belle. Aujourd’hui, une telle affirmation relèverait de l’hérésie. Oui, Kin n’est plus belle. Les plus malins et tous les nostalgiques, dont je suis, parlent de « Kin la Poubelle ». Une poubelle à ciel ouvert, qui provoque un haut-le-cœur, désoriente, avec ses ruelles tortueuses qui dégagent des odeurs pestilentielles. Ses rues lépreuses et cahoteuses qui ont oublié depuis longtemps la signification du mot bitume. Pis, je ne reconnais plus les lieux où j’ai passé ma jeunesse. À la place ? Des eaux stagnantes. Des millions de sacs plastique solidement accrochés à la terre. Des égouts éventrés. Des nids de moustiques. Des taudis sordides. Bien entendu, personne ne voit rien. Comme si autorités et administrés, complices, vouaient un culte à la déesse Insalubrité.
Dans cette ville bruyante où la débrouille – le fameux article 15, fruit de malice populaire – est un mode de vie, de nouveaux métiers sont apparus. Vendeur d’eau. Vendeur de « sandwichs » ambulant, un sac plastique en main contenant des saucisses, de la mayonnaise, du ketchup, un autre rempli de pain, le tout trimballé à travers la ville, sous une température proche de 30 °C. Si ce n’est pas une ode à l’intoxication alimentaire, dites-moi ce que c’est! Interdire ce type de commerce ? Facile à dire : qui se chargera, après, de nourrir le petit gars qui se débrouille pour le salut de sa famille ? Au cas où vous ne le sauriez pas, Kinshasa compte des millions de gueux, de sans-toit, de sans-emploi, de sans-espoir, de sans-je-ne-sais-plusquoi. Des damnés de la terre qui meurent d’envie de se retrouver, ne serait-ce qu’un instant, un seul, dans votre 4x4 rutilant. Mais je le sais, cher frère-en-Kin, vous avez réussi grâce à votre habileté à toucher des dessous-de-table, à ne pas payer le moindre impôt, à surfacturer les prestations commandées par les services de l’État. Jamais au grand jamais vous ne laisserez ces loques humaines gâcher vos jours arrosés de bière, de champagne et de sexe. Chacun pour soi, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Et Dieu, s’il existe, reconnaîtra les siens. Les siens ? Ceux qui roulent en 4x4, évidemment ! Quelle surprise ! La principale artère de la ville, le boulevard du 30-Juin, dans le nord de la capitale, a été réaménagée. Ce boulevard est divisé en plusieurs voies. Des feux de signalisation trônent audessus des têtes. Des passages piétons existent désormais. Des « séparateurs » attachés à l’aide de câbles divisent le boulevard en deux. Vitesse maximale : 60 km/h. En réalité, le boulevard du 30-Juin est devenu un haut lieu de la formule 1, avec ses Vettel, Hamilton, Alonso et j’en passe. Chaque conducteur est pressé d’arriver le premier au paradis, en enfer, ou nulle part, en violant les droits du piéton. Résultat : celui-ci doit toujours prendre ses jambes à son cou et faire marche arrière alors qu’il se trouve déjà sur le passage clouté ! Le chauffard, ignare du code de la route, va jusqu’à agonir d’injures le pauvre piéton. Pauvre ? Pas sûr. Il a trouvé une solution : ignorer les passages piétons et traverser le boulevard à n’importe quel endroit en enjambant les séparateurs ! Ainsi va Kin la Folle, déroutante à l’excès. ●
Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Pierre-François Naudé, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Fanny Rey, Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable ventes au numéro : Philippe Blanc ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Dhouha Boistuaud ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●
COMMUNICATION ET PUBLICITÉ
DIFCOM
AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION
S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com
Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES : Directeur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Sophie Arnould et Myriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES : Directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad LARBI avec M. ABOUDI (direction commerciale). 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT
S.C.A. au capital de 15 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25
Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon; contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: À PARUTION. ISSN 1950-1285.
N o 2662 • DU 15 AU 21 JANVIER 2012
JEUNE AFRIQUE
Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.