Ja 2718 du 10 au 16 fevrier 2013

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QUE FAIRE DES ISLAMISTES? Par Béchir Ben Yahmed

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • n° 2718 • du 10 au 16 février 2013

RD CONGO DANS L’ENFER DES GANGS

jeuneafrique.com

MALI UN PAYS SOUS TUTELLE (PROVISOIRE)

RÉINVENTER LA

CÔTE D’IVOIRE Peut-elle redevenir un modèle?

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Copyright : Jean Gaumy / Magnum Photos

Avec le soutien de


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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 9 FÉVRIER

Que faire des islamistes?

L

ATUNISIEETL’ÉGYPTEsontdenouveauaucœur de l’actualité : elles avaient donné le départ du « Printemps arabe », qui, lors de son éclosion au début de 2011, avait suscité d’immenses espoirs, et vivent depuis des destins parallèles. ■

S’étant libérées de leurs dictatures, qui paraissaient inexpugnables, elles ont, tout naturellement, installé au pouvoir, par le vote de leurs citoyens, les principales victimes des autocrates déboulonnés : les islamistes. Héritiers inattendus de l’autorité, ces islamistes ont pris en main les destinées des deux pays. En Tunisie, leur parti, créé il y a trente ans, porte le nom d’Ennahdha ; en Égypte, on les appelle « Frères musulmans »; née en 1928, leur confrérie s’est donné, il y a peu, une vitrine politique (Parti de la liberté et de la justice). Ici et là, ils ont promis intégrité, bonne gouvernance et respect des règles démocratiques. Ici et là, ils exercent l’essentiel du pouvoir depuis un temps suffisamment long pour qu’on puisse porter un jugement qualifié sur leur action. ■

Ce qu’on observe en février 2013 nourrit la plus grande inquiétude : les deux pays qu’ils gouvernent sont en crise politique ouverte. Les manifestations se succèdent, avec leur lot de morts et de blessés ; en Tunisie, on en est même arrivé à des expéditions punitives menées par des milices proches d’Ennahdha et à l’assassinat d’un dirigeant politique, favorisé par un islamisme débridé (lire pp. 10-13). Dans les deux pays, la situation sociale est préoccupante, la sécurité n’est pas assurée, la justice n’est pas bien rendue et l’économie souffre de mauvaise gestion. L’observateur le plus indulgent est donc obligé de constater que les islamistes de Tunisie et d’Égypte ont, en quelques mois, dilapidé le préjugé favorable dont ils bénéficiaient au départ. Leur performance est calamiteuse et montre qu’ils ne sont ni capables ni dignes d’exercer le pouvoir dans un pays moyennement évolué. Ils n’ont ni stratège ni fédérateur ; leur seul horizon est d’occuper le pouvoir et de s’y maintenir. De l’islam, ils donnent une piètre image. JEUNE AFRIQUE

Que faire d’eux? Quelle attitude adopter à leur égard? Il nous faut répondre le plus clairement possible à ces questions qu’on se pose de plus en plus, en Tunisie et en Égypte, mais tout autant chez les partenaires africains, européens, américains et asiatiques des deux pays. À ceux qui me font l’honneur de me lire et de prendre en considération mon point de vue, je soumets, ci-dessous, mon analyse et quelques éléments de doctrine. ■

Les«Frèresmusulmans»d’Égypteetles«Nahdhaoui» de Tunisie sont encore, pour la plupart d’entre eux, à un niveau d’évolution politique inframoderne et infradémocratique. Ils se disent démocrates et modérés par simple habileté tactique, pour se faire admettre des modernistes et des démocrates de leur pays et de l’extérieur. En fait, ils n’ont guère évolué : islamistes ils étaient, islamistes ils demeurent : tournés vers le passé et plus fidèles à leurs formations respectives qu’à leur pays ; la discipline de parti prévaut chez eux sur l’intérêt national comme sur les accords avec d’éventuels partenaires. Leur proximité avec les salafistes leur importe davantage que leurs liens avec les modernistes ; islamiser la société dans laquelle ils vivent est pour eux plus important que de procéder à une lecture éclairée de l’islam. Leurs soutiens moyen-orientaux – auxquels ils sont inféodés – sont les intégristes wahhabites du Qatar et d’Arabie saoudite. ■

À l’évidence, ils ne sont pas plus proches aujourd’hui de la démocratie qu’ils ne l’étaient il y a une génération. Mais ils ont retenu qu’elle pouvait leur servir d’instrument de conquête de ce pouvoir… qu’ils ont entrepris de noyauter, en Tunisie comme en Égypte, un pan après l’autre. Ils ont commencé par le civil et visent le militaire. Nul ne les a entendus condamner ni le salafisme ni même le jihadisme. Ils ont été prompts, en revanche, à critiquer la France pour son intervention au Mali, et qui veut s’en donner la peine relève aisément leurs propos antisémites. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


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Ce que je crois Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, et Mohamed Morsi, président élu d’Égypte, se sont fait une spécialité du double langage, de l’hypocrisie et de la duplicité propres à tromper les gens… Et d’ailleurs, sont-ils les chefs ou bien les suiveurs de leurs troupes ? De tout cela, qui est patent, je conclus pour ma part que ces islamistes-là n’ont rien appris et rien oublié, sont nuisibles et même dangereux, incapables de gouverner un pays au XXIe siècle. Sous leur férule – et tant qu’elle durera –, la Tunisie et l’Égypte seront en sérieuse régression. ■

Que faire d’eux ? La réponse à cette question découle du constat que je viens d’esquisser. Ni en Tunisie ni en Égypte – ni ailleurs – les islamistes ne sont majoritaires dans l’opinion. Ils recueillent entre 20 % et 30 % des voix et ne sont au pouvoir qu’à la faveur des divisions qui minent leurs concurrents et grâce à l’appoint de satellites politiques qui ont accepté, contre des miettes, d’être leurs « compagnons de route », de leur servir de caution. Il faut convaincre ces démocrates de leur erreur, et de la nécessité de quitter, sans plus tarder, le navire islamiste. Pour déloger les islamistes du pouvoir, il faut et il suffit de les isoler en détachant d’eux leurs alliés démocrates, de s’unir contre eux pour les ramener à leur condition de minoritaires.

Les Européens l’ont fait, hier, avec les communistes, le font aujourd’hui avec l’extrême droite. J’ajoute que les islamistes comptent parmi eux des démocrates et des modérés que le salafisme rebute et qu’attire une lecture moderne de l’islam. Il faut les détacher des passéistes, les attirer dans le camp démocrate et ainsi affaiblir les islamistes les plus rigoristes. ■

Les partenaires extérieurs de la Tunisie, de l’Égypte, le camp des démocrates euro-américains devraient, de leur côté, se souvenir de l’erreur qu’ils ont faite en soutenant trop longtemps, sans leur faire de remontrances, les dictatures africaines et arabes. Nous les voyons aujourd’hui prodiguer un soutien presque inconditionnel aux islamistes : ils devraient garder leurs distances, éviter toute connivence avec eux, n’accepter ni leur double langage ni, a fortiori, les libertés qu’ils prennent avec les règles de la démocratie. Les islamistes tunisiens et égyptiens ne sont pas de bonne compagnie ! ■

En les réprimant à outrance avec la complicité passive des grandes démocraties, les dictateurs d’hier ont renforcé les islamistes. Il me paraît nécessaire aujourd’hui – et salutaire – de les écarter du pouvoir, car ils y constituent un facteur de désordre. Et d’isoler les non-démocrates et les passéistes d’entre eux derrière un cordon sanitaire jusqu’à ce qu’ils évoluent et se tournent vers la modernité. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Bonheur, je te reconnus au bruit que tu as fait en partant. Jacques Prévert Ì L’intelligence ? C’est la chose du monde la mieux partagée. La volonté, ça, c’est plus rare. François Mitterrand Ì Le temps serait venu de faire valoir les idées de la femme aux dépens de celles de l’homme, dont la faillite se consomme assez tumultueusement aujourd’hui. André Breton Ì La dictature, c’est « ferme ta gueule », et la démocratie, c’est « cause toujours ». Woody Allen N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Ì Tu peux insulter le chien, mais reconnais que ses dents sont blanches. Proverbe africain Ì Adam est le seul homme qui, quand il disait quelque chose d’épatant, était sûr que personne ne l’avait dit avant lui. Mark Twain Ì On voit pas beaucoup de cimetières, par rapport au nombre de gens qui sont morts depuis que la terre existe. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Être mécontent de soi est une faiblesse. Être trop content de soi est une sottise. Mme de Sablé

Ì Un homme combattra plus pour ses intérêts que pour ses droits. Napoléon Bonaparte Ì Tout dans la vie est une question de savoir-rire. Le rire, c’est ma thérapie. L’amour, l’amitié, c’est surtout rire avec l’autre, c’est rire que de s’aimer. Arletty Ì Il est plus facile de résister au premier de ses désirs qu’à tous ceux qui le suivent. Benjamin Franklin Ì L’intellectuel est quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. Winston Churchill JEUNE AFRIQUE



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Éditorial François Soudan

Serval et nous

C

OMME UNE BOUFFÉE D’HARMATTAN en saison sèche, le Mali sort de la une des médias presque aussi vite qu’il y est entré. Relégué en pages intérieures des organes de presse, quasi disparu des journaux télévisés. Point d’orgue d’une séquence euphorique au cours de laquelle les forces françaises auront tenu le rôle, inédit pour elles en Afrique, d’armée de libération, la visite grave et jubilatoire de François Hollande en terre malienne a marqué la fin de la première phase, réussie, de l’opération Serval. Que le septième président de la Ve République paraphrase son fondateur en se laissant aller à un « Tombouctou outragé, Tombouctou brisé, Tombouctou martyrisé, mais Tombouctou libéré », nul n’aurait trouvé à y redire. C’était le temps de l’allégresse.

Ces remarques de bonne foi et qui portent aussi bien sur le fond que sur la forme nous interpellent d’autant plus que la ligne éditoriale de J.A. a toujours été cohérente dans sa condamnation absolue du terrorisme islamiste – qu’il soit physique, culturel ou sociétal. Mais sans doute n’avons-nous pas été assez clairs quant au problème de fond soulevé par ce qu’il faut bien appeler par son nom : une intervention étrangère sur le sol africain. Ce constat est simple. On ne peut pas, on ne doit pas applaudir à l’opérationServal sans ajouter aussitôtqu’ellemet ànu l’incapacité de l’Afrique à prendre en main son destin, cinquante-trois ans après les indépendances. Cette mise sous tutelle consentie d’un pays comme le Mali était salvatrice. Elle est aussi un cinglant procès-verbal d’échec pour tous ceux qui croient en l’autodétermination du continent. Serval, comme Janus, a un double visage: une guerre nécessaire et un pis-aller. Il était, croyons-nous, de notre devoir de le dire. Quitte à être les seuls. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

TUNISIE CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE L’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd plonge le pays dans une crise politique grave.

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SÉNÉGAL ENTRETIEN AVEC AMINATA TOURÉ Jamais Habré n’avait paru aussi près de se retrouver devant un juge. Jamais autant de politiques n’avaient eu à s’expliquer sur leur patrimoine… Rencontre avec une ministre de la Justice bien décidée à en découdre.

3 8 PHOTOS DE COUVERTURES : SIDALI DJARBOUB/AP/SIPA ; FOTOLIA ; CHOKRI MAHJOUB/ZUMA/REA

Ce moment-là passé, place au brouillard de la guerre. Bienvenue dans la zone grise et infiniment moins lisible des bisbilles politico-militaires bamakoises et de la chasse aux résidus terroristes dans leur Tora Bora de l’Adrar des Ifoghas. Place aussi aux reproches, formulés à l’encontre de J.A., par ceux que notre couverture des événements et nos choix éditoriaux dérangent ou agacent. L’état-major français de Serval et celui de l’armée malienne n’ont pas apprécié la publication de deux photos chocs, celle d’un légionnaire au masque de mort et celle d’un vieil homme maltraité par un soldat. « Images biaisées du conflit, volonté de dénigrer », ont-ils répété à nos envoyés spéciaux, avant de les boycotter… puis de se raviser. Des lecteurs maliens vont plus loin : ils accusent nos titres et nos analyses de véhiculer « des positions complaisantes à l’égard des groupes jihadistes » et ajoutent: « De la part d’un journal panafricain, c’est inacceptable. » Avec infiniment plus de sérénité, le professeur Marc Gentilini, président honoraire de l’Académie de médecine et de la Croix-Rouge, « ancien médecin de Gao, Kidal, Tessalit et Menaka », nous écrit que « l’engagement de l’armée française au Mali, réfléchi et attendu par beaucoup de démocrates dans ce pays, en France et dans le monde, mérite mieux » qu’un cliché « caricatural », aussi signifiant soit-il.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Tunisie Chronique d’une mort annoncée France Christiane Taubira, à cœur vaillant rien d’impossible Mahamat Idriss Déby Itno Un homme discret Centrafrique Bozizé rebondit Smartphones Microsoft entre au paradis Pétrole Trafics helvétiques Maroc Royal soutien Mali Un pays sous tutelle… provisoire Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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Arnaques, crimes et internet

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Sénégal Interview d’Aminata Touré, ministre de la Justice JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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Arnaques, crimes et INTERNET

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CINÉMA NADIR MOKNÈCHE Le cinéaste algérien évoque son dernier film, Goodbye Morocco. Un polar efficace, avec en toile de fond l’évocation de sujets sociétaux tabous : homosexualité, relations interreligieuses, racisme…

En Afrique, comme ailleurs, le web attire des truands excités par des gains faciles et peu risqués. Enquête.

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ALGÉRIE JEU DE MASSACRE Abdelaziz Belkhadem évincé de la direction du FLN, Ahmed Ouyahia « démissionné » de celle du RND, la course à la succession d’Abdelaziz Bouteflika n’a jamais été aussi indécise.

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Rwanda À la diète Géographie Cartes aux trésors Cameroun Paul Biya en VRP de luxe RD Congo Gangs of Kin

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

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Algérie Jeu de massacre Libye En attendant la Constitution Tribune Démocratie clé en main Mauritanie Qui veut la peau de Bouamatou ? Syrie L’énigme Khatib

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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États-Unis La grande régularisation ? France Yamina Benguigui, sans protocole Parcours Biniam Simon, si loin, si proche Chine Baby blues Espagne Tout fout le camp

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LE PLUS DE J E U N E A FR I Q U E

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Côte d’Ivoire Peut-elle redevenir un modèle ?

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L SPÉCIA S E G 30 PA

CÔTE D’IVOIRE • Panorama En avant, marche • Politique Chacun cherche sa voie • Économie La relance, oui mais… • Université Nouveaux campus et vieux démons

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JEUNE AFRIQUE

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ÉCONOMIE LE MAGHREB RACHÈTE L’EUROPE À la faveur de la crise au nord de la Méditerranée, de plus en plus d’entreprises tunisiennes et marocaines s’implantent en France, en Belgique, en Espagne… Et ça ne fait que commencer.

ÉC O N O M IE Acquisitions Le Maghreb rachète l’Europe Interview Jean-Claude Gandur, président d’Addax & Oryx Group Mali Une guerre, et ça repart Algérie L’avenir est dans le pré Commerce Le plus africain des Japonais Communication Un conseiller de marque Matières premières Quelques hypothèses pour 2013 Baromètre C U LT U RE & M ÉD IA S Cinéma Interview de Nadir Moknèche Musique Sur les pas de Ramsès Littérature Rendez-vous à Brazzaville Télévision Demi-succès en série La semaine culturelle de Jeune Afrique

VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Djibouti Drones américains SDF

CÔTE D’IVOIRE BENOÎT XVI À YAMOUSSOUKRO ?

SIPA USA/SIPA

! Un MQ-9 Reaper.

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epuis qu’un drone américain s’est à demi écrasé à l’atterrissage sur la piste de l’aéroport international d’Ambouli, le 14 décembre, paralysant tout trafic aérien pendant de longues heures, les autorités djiboutiennes ne décolèrent pas. L’armée américaine, qui abrite dans sa base du camp Lemonnier à Djibouti une douzaine de drones Predator et Reaper, les utilise régulièrement pour des opérations d’élimination ciblées de chefs d’Al-Qaïda au Yémen voisin – sans jamais prendre la peine de solliciter la moindre autorisation de la part des Djiboutiens, ni même de les informer. Déjà passablement agacé par cette situation, le président Ismaïl Omar Guelleh a jugé qu’il s’agissait là de l’incident de trop : les drones US n’ont donc plus le droit d’utiliser la piste d’Ambouli. Vent de panique au Pentagone, incapable désormais de faire voler son « arme fatale » depuis Djibouti. Numéro deux du bureau des affaires africaines du département d’État, Donald Yamamoto a donc été dépêché en urgence à Addis-Abeba, le 27 janvier, pour y rencontrer le président Guelleh en marge du sommet de l’Union africaine. Dans un souci d’apaisement, ce dernier a proposé une solution de remplacement : la piste de Chabelley, à une dizaine de kilomètres de Djibouti-Ville. Problème: cet aérodrome est déjà utilisé par… l’armée française, qui l’a construit pour servir de piste de secours à ses propres appareils et qui se montre très réticente quant à la perspective d’y accueillir l’armada des drones US. « Nous connaissons les Américains: au bout d’un mois, ils considéreront Chabelley comme leur propriété », soupire un officier français. Un laborieux accord tripartite francoaméricano-djiboutien est tout de même en cours d’élaboration. En attendant, les Predator restent cloués au sol. ●

La bataille de Baladweyne

L

affaire est passée inaperçue, mais le contingent djiboutien de huit cents hommes qui contrôle la ville somalienne de Baladweyne, dans la région de Hiiran, pour le compte de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) a connu le 31 janvier son premier vrai baptême du feu. Attaqués de quatre côtés par un demi-millier de Shebab (combattants islamistes) lourdement armés, les soldats djiboutiens – formés au camp d’Ali-Ouné par des instructeurs américains – ont repoussé avec succès les assaillants, tuant vingt-deux d’entre eux, dont leur émir. Un soldat djiboutien et trois supplétifs somaliens sont morts au cours de la bataille. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Benoît XVI se rendra-t-il à Yamoussoukro pour inaugurer l’hôpital Saint-Joseph de Moscati ? Invité par le président Alassane Ouattara lors de sa visite au Saint-Siège, le 16 novembre 2012, le pape aurait affirmé y réfléchir très favorablement. Bâti sur un terrain de 150 ha appartenant au Vatican, cet établissement de santé de 200 lits sera achevé avant la fin de l’année. JeanPaulIIenavaitposélapremière pierrelorsdelaconsécrationde la basilique de Yamoussoukro, en septembre 1990, mais les travaux n’ont réellement démarré qu’en août 2009. ÉDITION LE MAROC À LA LOUPE

Pouvoirs, la revue que publient à Paris les éditions du Seuil, prépare un numéro consacré au Maroc et, plus spécifiquement, à la réforme constitutionnelle de 2011. Parmi les auteurs : le prince et chercheur Hicham Ben Abdallah ; les politologues Khadija Mohsen-Finan, Youssef Belal et Myriam Catusse; le journaliste et ex-patron de TelQuel Ahmed Benchemsi ; et l’économisteFouadAbdelmoumni. Parution prévue en avril. RD CONGO LA GÉCAMINES FLIRTE EN CHINE

Président de la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi rentre d’un voyage « fructueux » en Chine, où il envisage de nouer divers partenariats financiers et commerciaux. « J’ai rencontré, explique-t-il, les dirigeants des huit plus grands acheteurs de cuivre, d’étain et de cobalt, parmi lesquels Yunnan Copper, Yunnan Tin et Minmetals, mais aussi ceux de la China Development Bank et du China-Africa Development Fund. » Les marchés financiers occidentaux restant déprimés, le patron de l’entreprise publique congolaise compte JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société LE CHIFFRE

20 à 40 tonnes La quantité de cocaïne destinée à l’Europe transitant par l’Afrique de l’Ouest. Le bénéfice est d’environ 900 millions de dollars. L’ampleur de ce trafic a poussé Kofi Annan à mettre en place fin janvier à Accra une Commission sur l’impact du trafic de drogue sur la gouvernance, la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest.

manifestement sur la Chine pour financer son plan de reprise en main des projets miniers au Katanga.

d’identité et fouilles de véhiculesdanslesruesdelacapitale – surtout la nuit, bien sûr.

TCHAD BOKO HARAM, LA MENACE

FRANCE LES AMIS DE LABO POUVAIENT DÉRAPER… « Ce sont des potes de cité qui se sont cotisés pour payer le voyage de Labo jusqu’à Tombouctou », affirme une source proche des services français à propos des quatre jeunes gens interpellés le 5 février dans la région parisienne. Comme Jeune Afrique l’a révélé en novembre 2012 (no 2705), Cédric Labo Ngoyi Bungenda, 27 ans, ce Français originaire de RD Congo arrêté à Niamey le 7 août précédent, a aussitôt été rapatrié en France, mis en examen et

De source diplomatique, quelque cinq cents membres de Boko Haram, la secte islamistenigériane,auraientréussi à s’infiltrer à N’Djamena. En octobre 2012, les mesures de sécuritéavaientétérenforcéesà l’aéroportinternationalHassanDjamous, la secte ayant lancé des menaces afin de dissuader le Tchad d’intervenir dans le Nord-Mali. Depuis qu’un contingent de 1800 hommes soutient les forces françaises de l’opération Serval, le Groupement mobile d’intervention de la police (Gmip) multiplie patrouilles, contrôles

incarcéré. Après plusieurs mois d’enquête, la police française a identifié le lieu de rassemblement de son petit groupe: une mosquée salafiste de L’Haÿ-les-Roses, près de Paris. Les amis de Labo, dont un Malien et deux Franco-Congolais, avaient renoncé au voyage de Tombouctou, mais envisageaient des attentats en France. « Apparemment, des attentats sur des lieux symboliques, sans tuer de gens, précise notre source. Mais ça pouvait déraper très vite. »

BÉNIN-FRANCE CASSE-TÊTE PROTOCOLAIRE

La visite à Paris (5-8 février) de Boni Yayi, le président béninois, a été quelque peu agitée. Entre l’actuel ambassadeur, Albert Agossou, vraisemblablement sur le départ, etsontrèsprobablesuccesseur, Jules-Armand Aniambossou, également proche conseiller du chef de l’État, la communication a parfois été compliquée : rendez-vous qui se chevauchent,audiencesimprovisées,ordresetcontre-ordres… Dans l’entourage présidentiel, onaffirmequelavisiteamalgré tout été un succès. Boni Yayi a notamment pu rencontrer son homologueFrançoisHollande,

le Premier ministre Jean-Marc Airault, ainsi que les ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et du Redressement productif. RD CONGO LOBBYING À WASHINGTON

En tournée aux États-Unis du 3 au 9 février, Augustin Matata Ponyo, le Premier ministre congolais, estime avoir été entendu par les Occidentaux etlesbailleursdefonds.Devant les ambassadeurs américain, français, britannique et russe aux Nations unies, il a qualifié d’« agression caractérisée » du Rwanda la rébellion du Mouvement du 23-Mars dans l’est de son pays. À Washington, Matata Ponyo a plaidé auprès de Christine Lagarde, la patronne du Fonds monétaire international (rencontrée à deux reprises) pour le déblocage d’un prêt de 225 millions de dollars gelé en décembre 2012. L’institution avait souhaité sanctionner le manque de transparence de certains contrats conclus par l’entreprise publique G écamines… S elon un conseiller du Premier ministre, Lagarde est disposée à « étudier le dossier » et à « dépasser le problème ». Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale, souhaite quant à lui continuer à appuyer la RDC.

AP/SIPA

Sawiris contre l’État algérien Qui sont les arbitres?

JEUNE AFRIQUE

LE CENTRE INTERNATIONAL pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), dont le siège est à Washington, a la lourde tâche d’arbitrer le litige opposant l’État algérien à l’Égyptien Naguib Sawiris (ci-contre), fondateur d’Orascom. Ce dernier réclame en effet 5 milliards de dollars en dédommagement du « harcèlement » dont il estime avoir été victime à partir de 2008 jusqu’à la vente d’Orascom Telecom Algérie (OTA) au russe Vimpelcom. Représenté par le cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, Sawiris a désigné comme arbitre Albert Jan van den Berg. Défendue pour sa part par le cabinet Shearman and Sterling, l’Algérie vient de choisir le sien, la Française Brigitte Stern, 71 ans. Un ténor : professeure de droit à l’université Panthéon-Sorbonne et à l’Institut des hautes études internationales, à Genève, Stern est aussi directrice du Centre d’études et de recherche en droit international (Cerdin), à Paris, et vice-présidente du tribunal administratif de l’ONU. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


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La semaine de Jeune Afrique

TUNISIE

Chronique

d’une mort

annoncée N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

L’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd plonge le pays dans une crise politique grave. Le parti islamiste est accusé de porter la responsabilité morale de ce crime, pendant que la troïka au pouvoir implose… JEUNE AFRIQUE


L’événement Cet assassinat a pétrifié le pays. « Quelle catastrophe nous attend ? » se demandent les uns avec terreur. D’autres tentent de se rassurer : « La Tunisie doit s’en sortir. Vivre à genoux, la peur au ventre, ce n’est pas vivre ! » Mais très vite, cette stupeur s’est muée en colère et a fait place à une mobilisation générale, bien plus importante que celle de la révolution du 14 janvier 2011, qui avait vu la chute de Ben Ali. C’est dire l’impact de cette mise à mort annoncée. LYNCHAGE. Car Chokri Belaïd se savait menacé.

Le président Moncef Marzouki l’avait personnellement averti qu’il était une cible, avait-il confié à des proches. Les services de renseignements – qui ont les opposants à l’œil – et le ministère

RACHED GHANNOUCHI, président d’Ennahdha

ONS ABID

« Tous les hommes politiques sont menacés de mort. Il faut que les Tunisiens resserrent les rangs. »

FRIDA DAHMANI,

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à Tunis

l fallait être en Tunisie, le 6 février, pour comprendre l’émotion et l’affliction d’un peuple. Incrédules, yeux rougis, gorge serrée, des dizaines de milliers de Tunisiens sont immédiatement descendus dans la rue en apprenant la mort de Chokri Belaïd. Le secrétaire général d’El-Watad (le Mouvement des patriotes démocrates, MDP) a été abattu par deux inconnus à 8 heures du matin alors qu’il sortait de son domicile situé dans le quartier résidentiel d’El-Menzah VI, à Tunis. Aux dires de plusieurs témoins, les assassins, cachés au pied de l’immeuble, ont attendu qu’il monte dans son véhicule pour lui tirer dessus à bout portant avant de s’enfuir en Vespa. JEUNE AFRIQUE

! TUNIS, LE 7 FÉVRIER. Hommage des Tunisiens à Chokri Belaïd, devant son domicile, là où il a été abattu la veille.

de l’Intérieur, que Belaïd avait alerté sur son cas, ont été à tout le moins défaillants. Quant à la sécurité présidentielle, elle a confirmé que le chef du MDP figurait en tête d’une liste de personnalités à abattre. Il n’a pourtant bénéficié d’aucune protection rapprochée. L’accusant de fomenter des troubles, d’être complice de puissances étrangères et de vouloir nuire à la révolution sans jamais en apporter le moindre commencement de preuve, les islamistes avaient maintes fois jeté son nom en pâture. Ali Larayedh, le ministre de l’Intérieur, avait même assuré que le leader du Front populaire – une alliance de partis de gauche – était à l’origine de la grève générale de Siliana de novembre 2012. Or pendant que les forces de l’ordre tiraient à coup de chevrotine sur les manifestants, Belaïd se trouvait au Maroc. Un imam de Zarzis avait lancé un véritable appel au meurtre. Quelques jours avant son assassinat, l’opposant avait échappé à plusieurs tentatives de lynchage, les dernières à Tunis et au Kef (Nord-Ouest), où des salafistes et des islamistes étaient parvenus une nouvelle fois à empêcher la tenue de l’un de ses meetings, le 2 février. Mais Belaïd ne renonçait jamais. « Ils peuvent me tuer, ils ne me feront jamais taire. Je préfère mourir pour mes idées que de lassitude ou de vieillesse », disait-il. La veille de sa mort, il projetait, avec d’autres partis et des membres de la société civile, de structurer la lutte contre la violence politique. Mettantengardecontrelesdérivesd’Ennahdha, ● ● ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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La semaine de J.A. L’événement

FETHI BELAID/AFP

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JEBALI PREND SES DISTANCES

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amadi Jebali a pris tout le monde de court, y compris son propre parti, dont il est le secrétaire général. Le chef de l’exécutif a en effet annoncé la mise en place d’un gouvernement restreint de technocrates indépendants et fait pression sur l’Assemblée nationale constituante (ANC) pour qu’elle fixe rapidement la date des prochaines élections. Au soir de l’assassinat de Chokri Belaïd, Jebali, que cet événement aurait pu affaiblir, a donc lancé un message fédérateur sans rien révéler sur sa nouvelle équipe ni sur son entrée en fonction. Quelle sera la marge de manœuvre de cet exécutif dirigé tout de même par un N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

leader d’Ennahdha? se demandent les Tunisiens. N’est-il pas utopique de vouloir organiser des élections aussi vite alors que la rédaction de la Constitution est loin d’être achevée et qu’elle n’a pas tranché sur le type de régime politique à adopter? Assumant l’entière responsabilité de cette décision, faute d’avoir obtenu ces dernières semaines un consensus pour remanier son gouvernement, Jebali se démarque. Il n’obtempère plus aux oukases de Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, ni à ceux du Conseil consultatif du parti. Il fait cavalier seul: sa prise de distance vis-à-vis de son parti pourrait le fragiliser,

il avait souligné qu’en demandant la libération des agresseurs de Lotfi Nagdh (un militant du parti d’opposition Nida Tounes, décédé en octobre 2012 après avoir été molesté par des membres de la Ligue de protection de la révolution) le parti islamiste au pouvoir légitimait la violence politique. ●●●

mais, s’il recueille l’approbation de l’opinion et l’adhésion partielle de l’opposition, son passage en force lui conférera une stature nationale. Aurait-il suivi les conseils de Hamed Karoui, ancien Premier ministre de Ben Ali, dont il est proche? Quoi qu’il en soit, son annonce laisse présager la dissolution de la troïka au pouvoir, composée des islamistes, d’Ettakatol et du Congrès pour la République (CPR). Si, pour Ennahdha, l’échec de son gouvernement est un camouflet, les deux autres formations auront du mal à retrouver leur crédibilité après avoir noué cette alliance contre-nature. ● F.D.

ROBE D’AVOCAT. Avec son franc-parler, Belaïd

aura été une figure controversée. À un ami qui lui reprochait son intransigeance, il confiait : « Je m’aperçois que le monde de la compétition politique m’est complètement étranger. J’ai mené ma campagne électorale comme un militant du temps de la fac. Il va falloir que je pense à mon image, mais cela sera difficile : je suis né militant et je mourrai militant. » Cet avocat de 48 ans issu des couches populaires avait bénéficié de l’ascenseur social qu’offrait le système éducatif et découvert à l’université le militantisme de l’extrême gauche. Parcours classique pour un étudiant de sa génération. Cet opposant à Ben Ali a été aussi le défenseur de nombreux islamistes et salafistes, dont il ne partageait pourtant aucune des convictions. Durant la révolution, c’est drapé dans sa robe d’avocat qu’il avait manifesté, rejoignant ensuite la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, qui a encadré la transition démocratique jusqu’aux élections du 23 octobre 2011. Pour ce démocrate convaincu, la différence entre islamistes et progressistes tenait en une phrase : « Nous les avons inclus dans notre programme; ils nous ont exclus du leur. » N’hésitant pas à dénoncer les dérives d’Ennahdha, il avait conquis une large audience populaire. Mais les auteurs de son JEUNE AFRIQUE


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assassinat sont peut-être à chercher ailleurs. Des proches confient que Belaïd était sur le point de boucler des dossiers de corruption éclaboussant certains dirigeants, et qu’il comptait en dévoiler la teneur le 15 février. Ce qui est certain, c’est que cet homme très bien informé dérangeait. INCOMPÉTENCE. L’exécution de Chokri Belaïd a

révélé la profondeur du malaise des Tunisiens. Des dizaines de milliers de personnes de tous bords, de tous âges et de toutes origines sociales sont descendues dans la rue, dans tout le pays, pour exprimer leur ressentiment face à un gouvernement qui, comme l’assène Radhi Meddeb, une figure de la société civile, « érige l’incompétence en système ». Elles étaient encore plus nombreuses à participer aux obsèques du défunt, le 8 février. Cet acte sanglant est aussi le révélateur d’une série d’erreurs politiques. Celles d’Ennahdha qui, pour sa première année de gouvernance, s’est comportée en boulimique du pouvoir et a cautionné une violence faussement révolutionnaire. Celles de l’opposition, qui n’a cessé de tergiverser, et celles d’une l’Assemblée nationale constituante (ANC) incapable de dépasser ses clivages partisans pour adopter une Constitution. Dans tous les cas, l’absence de consensus paralyse un pays en pleine confusion. De toute évidence, Ennahdha ploie sous sa propre complexité. La formation s’est fissurée : seuls 20 % à 25 % de ses 89 élus à l’ANC soutiendraient le Premier ministre, Hamadi Jebali. Et son Majlis el-Choura (Conseil consultatif), plus puissant que l’ANC mais renfermé sur son idéologie, a conduit la Tunisie dans une impasse. Il a ainsi fait échouer toutes les négociations visant à opérer un remaniement ministériel, refusé de céder des ministères régaliens et de reconnaître ses erreurs. Tout au contraire, la formation islamiste a systématiquement parachuté ses hommes – qu’ils soient compétents ou non – aux postes clés des institutions et des services publics, affaiblissant ainsi l’autorité de l’État. Sous la férule de Rached Ghannouchi, le Conseil consultatif dicte les orientations du pays qu’une ANC sans envergure entérine. En parallèle, une savante orchestration de la violence politique a fini par susciter la discorde entre islamistes et progressistes. Les ligues de protection de la révolution – des milices légitimées par un statut d’association – ont pris le relais des salafistes. La mort de Chokri Belaïd dévoile tous les paradoxes d’une situation complexe. Le gouvernement, isolé, traite ceux qui l’ont élu en ennemis. Il a fait lancer des gaz lacrymogènes sur la foule qui accompagnait le catafalque du défunt. Les manifestants ne s’y trompent pas, la Tunisie est divisée. JEUNE AFRIQUE

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ASSASSINÉS, EUX AUSSI… DANS SON HISTOIRE contemporaine, le pays n’a jamais connu d’assassinats politiques perpétrés par desTunisiens contre desTunisiens sur le sol national. Farhat Hached (photo 1), fondateur de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et figure de proue du mouvement national tunisien, tombe, le 5 décembre 1952, sous les balles de la Main rouge, une organisation armée liée aux services secrets français. Neuf mois plus tard, Hédi Chaker (photo 2), l’un des fondateurs du Néo-Destour et dirigeant d’un courant clandestin de résistance, connaît le même sort. Compagnon de route de Bourguiba devenu son plus farouche ennemi, Salah Ben Youssef (photo 3) a été éliminé à Francfort en 1961 sur ordre du « Combattant suprême ». Inhumé au Caire, il a été réhabilité en 1987. Sa mort est considérée comme un crime d’État. ● F.D.

Pour le pouvoir, il y a « eux » et « nous ». Alors qu’il est évident que le meurtre de Belaïd affaiblit Ennahdha, tous la désignent comme le responsable moral de cet assassinat. Une crise sans précédent et l’absence de volonté politique font imploser la troïka gouvernementale, et passer ses autres membres, les partis Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), pour les dindons de la farce. Mais cette tragédie a aussi eu pour effet immédiat de souder l’opposition. Réactives et constructives, les principales formations ont constitué un large front et tracé, en quelques heures, une feuille

LE PÈRE DE CHOKRI BELAÏD

« Bourguiba n’a pas tué mon fils, Ben Ali n’a pas tué mon fils, Rached Ghannouchi l’a fait! » de route avec pour seul objectif le salut du pays. Elles sont rejointes par les centrales patronales et par toutes les organisations syndicales, qui ont décrété une grève générale le 8 février. L’appel à la mobilisation de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a été largement suivi. Poussée dans ses retranchements, Ennahdha n’a pourtant pas dit son dernier mot : au moment des funérailles, elle organisait une contre-manifestation devant l’Assemblée nationale constituante, et les ligues de protection de la révolution saccageaient les abords du cimetière. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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! LES OBSÈQUES du leader du Mouvement des patriotes démocrates, au cimetière El-Jellaz, près de Tunis, le 8 février.


La semaine de J.A. Les gens

! EN JUILLET 2012.

Christiane Taubira À cœur vaillant rien d’impossible Cible privilégiée de l’opposition à ses débuts en tant que garde des Sceaux, la ministre française s’est imposée lors des débats sur le mariage pour tous qui ont enfiévré l’Assemblée nationale.

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aris, le 7 février, au Palais Bourbon. Il est 18 h 30. « Et ce n’est pas fini ! lance Christiane Taubira à Christian Jacob, le chef du groupe UMP à l’Assemblée nationale. J’en ai encore pour vous ! » En cette fin d’après-midi, comme les dix jours précédents, la ministre de la Justice a montré aux députés de l’opposition qu’elle ne leur céderait rien lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. La réforme, historique, est l’une des promesses de campagne phares de François Hollande. La garde des Sceaux est chargée de défendre le texte avec Dominique Bertinotti, la ministre de la Famille, qu’elle a reléguée au rôle de figurante. Siégeant jour et nuit, le nez plongé dans la Constitution et le code civil. Ne répondant que lorsqu’elle l’estime nécessaire et provoquant la colère de l’opposition quand elle garde

le silence face à quelques-uns des 5 000 amendements déposés. Taubira impose son rythme et en impose. « Elle connaît le projet de loi par cœur et a toujours la citation qu’il faut au bon moment », observe l’assistante parlementaire d’un député écologiste. ROSES. Suivis en direct sur internet, ses moindres faits et gestes sont aussitôt commentés sur les réseaux sociaux et par les médias français, soudain atteints de « Taubiramania ». « Christiane, écriventils, remet untel à sa place », « est prise d’un fou rire », « pousse un coup de gueule » ou « fait une bourde » : sa moindre sortie est disséquée, savourée. Des militants promariage gay ont déjà récolté près de 10 000 euros pour lui offrir des roses à la Saint-Valentin… Les députés du Parti socialiste – dont elle n’est pas membre, étant issue du Parti radical de gauche – succombent eux

JEAN-MICHEL SICOT/DIVERGENCE

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aussi. « Elle donne un sens à ce que nous faisons et nous rassemble dans une œuvre collective », s’ébaubit Razzy Hammadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis. À 61 ans, Christiane Taubira, divorcée et mère de quatre enfants, passe pour la révélation du moment. Un point de vue que nuance Serge Bilé, journaliste et écrivain franco-ivoirien, qui la connaît depuis 1994. « Cette femme au caractère bien trempé est exactement la même depuis vingt ans. Ce qui a changé, c’est le regard des gens et le fait qu’elle passe sur toutes les chaînes nationales. C’est enfin une reconnaissance de son talent, de son verbe et de son combat, mais aux Antilles et en Afrique, elle est une star depuis longtemps ! » En effet, celle qui a été députée de Guyane pendant dix-neuf ans n’en est pas à son premier grand combat politique. En 2001, c’est elle qui fait voter la loi qualifiant l’esclavage de crime contre l’humanité. Elle encore qui, contre vents et marées, se présente à l’élection présidentielle de 2002 et recueille, en plus de ses 2,32 %, les reproches amers de beaucoup de socialistes, qui l’accusent d’avoir fait perdre Lionel Jospin. Elle qui, depuis qu’elle a été nommée par François Hollande en mai 2012, a connu des débuts difficiles et a été la cible favorite de l’UMP. Elle à qui ses adversaires ne cessent de reprocher son passé de militante indépendantiste. « J’en ai vu d’autres », semble dire aujourd’hui le sourire qui ne la quitte que rarement, malgré la fatigue. Et c’est peutêtre ce recul qui lui permet aujourd’hui une telle liberté de ton. Ainsi déclarait-elle le 29 janvier à la tribune de l’Assemblée, dans un discours fleuve, prononcé sans notes et déjà considéré comme historique : « Vous pouvez continuer à refuser de regarder autour de vous, à refuser de tolérer la présence, y compris près de vous, peut-être dans vos familles, de couples homosexuels… » L’opposition en est restée, un instant, bouche bée. ● HABY NIAKATE

NOMINATIONS

GILLES HUBERSON FRANCE Depuis le 6 février, le conseiller des Affaires étrangères est à la tête de la nouvelle mission Mali-Sahel (MMS) du Quai d’Orsay. Il coordonnera l’action du ministère sur les plans politique, diplomatique et sécuritaire. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

MARTIAL DE PAUL ICKOUNGA CONGO-BRAZZAVILLE Sur décision du président congolais Denis Sassou Nguesso, l’ancien ministre de Pascal Lissouba a été nommé commissaire de l’Union africaine chargé des ressources humaines, de la science et de la technologie. JEUNE AFRIQUE


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EN HAUSSE

MOHAMED SABER ARAB

Mahamat Idriss Déby Itno Monsieur Discret

Le ministre égyptien de la Culture a démissionné pour protester contre les brutalités policières. Il aurait pris sa décision après avoir vu des images montrant un manifestant dénudé et battu devant le palais présidentiel au Caire.

Le fils du président tchadien a été nommé commandant en second des Forces armées de son pays au Mali. Mais il en est le chef officieux.

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YAAKOV AMIDROR Selon le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre Benyamin Netanyahou, la poursuite de la construction dans les colonies fait perdre des soutiens à Israël: « Il est impossible de l’expliquer à la communauté internationale. »

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e n’est pas un fils à papa. Il est poli et respectueux », dit l’un de ses anciens tuteurs. « Sur le terrain, il fait l’effort de ne pas apparaître comme le vrai chef pour ne vexer personne », précise un reporter qui l’a croisé à Kidal il y a peu. Mahamat Idriss Déby Itno, 29 ans, est un homme discret. Au téléphone, il répond par des phrases courtes. « Vous êtes toujours à Aguelhok ? – Je suis en mouvement. » Puis, d’un ton amusé : « Mais vous êtes bien curieux ! »… Jusqu’à sa nomination, fin janvier, au poste de commandant en second des Forces armées tchadiennes en intervention au Mali (Fatim), le benjamin des généraux tchadiens était moins connu que son frère, Zakaria Idriss Déby Itno, directeur adjoint du cabinet civil à la présidence. Mais son père a toujours veillé sur lui. C’est la mère du chef de l’État qui l’a élevé. D’où son surnom : Mahamat Kaka – kaka signifiant « grand-mère » en arabe tchadien. Le jeune homme a d’abord suivi les cours du Groupement des écoles militaires interarmées du Tchad. Puis il s’est inscrit en France, au lycée militaire d’Aix-en-Provence – où il n’est resté que trois mois. Dès son retour au pays, son père l’a versé dans la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE), la garde présidentielle.

YAO NOËL

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Cet ancien de Jeune Afrique, ex-président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire, est devenu le conseiller spécial, chef du service de communication du Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, le 4 février. EN BAISSE

MARCEL DESAILLY L’ancien footballeur de l’équipe de France, consultant pour Canal+ à l’occasion de la CAN, a giflé un journaliste algérien à Durban après que celui-ci, frustré de se voir refuser une interview, lui a dit: « T’as pas la classe Marcel, c’est Zizou qui l’a. »

COUP DOUBLE. Un fait d’armes ? Am-Dam, en mai 2009. Le jeune officier a participé à la victoire finale contre les rebelles de Timane Erdimi, dans l’est du Tchad. Dès 2010, il a reçu, au sein de la DGSSIE, le commandement de l’escadron blindé et des gardes du corps. Un poste de confiance. Aujourd’hui, dans le Nord-Mali, il est sous les ordres du général Oumar Bikomo, le chef des Fatim. Mais il téléphone à son père tous les jours. « Avec Mahamat au front, Idriss fait coup double, explique un familier du chef de l’État. Il montre qu’il s’implique personnellement dans cette affaire, et il donne à son fils la chance de s’aguerrir au contact des militaires français. » ●

PAOLO BERLUSCONI Dans une vidéo rendue publique par le quotidien Corriere della Sera, le frère cadet de Silvio Berlusconi déclare – lors d’une réunion du parti Popolo della Libertà – que Mario Balotelli, attaquant du Milan AC, est « le petit nègre de la famille ».

CHRISTOPHE BOISBOUVIER

Chassé du pouvoir en 1986 et rentré à Haïti en 2011 après 25 ans d’exil en France, l’ancien dictateur ne s’est pas présenté à son audience au tribunal de Port-au-Prince, le 7 février. Elle tombait le jour du 27e anniversaire de sa chute.

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! LE GÉNÉRAL, à Kidal (Mali), le 4 février.

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JEAN-CLAUDE DUVALIER

JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. Décryptage

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Centrafrique Bozizé rebondit Affaibli par une rébellion il y a encore quelques semaines, le président reprend la main. Et impose ses hommes à des postes clés dans le nouveau gouvernement d’union nationale.

LE DESSIN DE LA SEMAINE

Dieudonné Tokofeïssé, ancien directeur de cabinet du ministre sortant Albert Besse, secondera Tiangaye aux Finances. FAÏENCE. Au sein de la nouvelle équipe, où on se regarde en chiens de faïence, le président s’est constitué une véritable garde rapprochée. Ainsi, le colonel Anicet Parfait Mbaye, l’un des vice-Premiers ministres, fait partie des militaires qui l’avaient aidé à prendre le pouvoir en 2003. Chargé du développement des Transports dans le gouvernement sortant, il s’occupe à présent des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Francophonie. Quant à l’ancien Premier ministre, Énoch Dérant Lakoué, désormais ministre d’État chargé de l’Économie, du Plan et de la Coopération, réputé très proche du président congolais Sassou Nguesso, il est originaire de Bossangoa (Nord-Ouest), comme Bozizé. « Depuis les accords de Libreville, le président a repris du poil de la bête, commente un diplomate en poste à Bangui. On l’a sans doute sous-estimé et trop vite enterré. » ● BEN CURTIS/AP/SIPA

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orti grand vainqueur du gouvernement d’union n a t i o na l e f o r m é l e 3 février, François Bozizé a envoyé un message clair à ceux qui le croyaient affaibli par les accords de Libreville, signés le 11 janvier : le chef, c’est lui. Contre toute attente, le président centrafricain semble avoir pris l’ascendant sur Nicolas Tiangaye, son ex-opposant et désormais Premier ministre et ministre des Finances. Ainsi, la liste gouvernementale qu’il a publiée avec la bénédiction du médiateur congolais Denis Sassou Nguesso diffère-t-elle de celle que lui avait soumise Tiangaye deux jours plus tôt. Ce dernier souhaitait à l’origine constituer une équipe de 24 membres ; le nouveau gouvernement en compte finalement 33, dont 13 sont acquis à la majorité présidentielle. Deux postes de vicePremier ministre, 1 poste de ministre d’État et 7 postes de ministres délé! LE CHEF DE L’ÉTAT centrafricain au palais gués ont également été créés. présidentiel, à Bangui, le 8 janvier. Habilement, Bozizé a placé des proches à des portefeuilles stratégiques, avec rang de ministre délégué. chargé de surveiller de près Michel Ainsi, à la Défense, le général Antoine Dotodjia, le ministre en titre et par ailleurs Gambi (ex-chef de la diplomatie) sera leader de la Séléka (coalition rebelle).

VINCENT DUHEM

Clement • National Post • Canada IRAN UN PETIT TOUR ET PUIS S’EN VA…

THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

L’IRAN A ENVOYÉ, fin janvier, un singe faire une pirouette à 120 km d’altitude. Fort de cet exploit, le président Mahmoud Ahmadinejad a annoncé vouloir prendre la relève pour être le premier Iranien à conquérir l’espace. Un défi risqué: les experts qui ont comparé les photos du singe avant et après son odyssée en ont conclu qu’il ne pouvait s’agir de la même bête, celle-ci ayant dû trépasser au cours de l’expérience… N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

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FRANÇOIS SOUDAN

Pétrole Trafics helvétiques C’EST UNE AFFAIRE qui fait grand bruit. Un rapport publié le 3 février par La Déclaration de Berne, une ONG helvète, met en évidence des liens étroits unissant la société de négoce Trafigura, basée en Suisse, à des personnalités proches du pouvoir angolais. Le général Leopoldino Fragoso do Nascimento, alias « Dino », se retrouve ainsi, à travers un écheveau de sociétés offshore (Suisse, Singapour, Bahamas, îles Vierges britanniques), dans l’actionnariat de DTS Holdings, une entreprise détenue en partie par une filiale de Trafigura. Or DTS Holdings a signé avec Luanda, en 2009, un contrat d’échange (pétrole brut contre carburant) estimé fin 2011 à 2,5 milliards d’euros. Ce type de montage, complexe et bien souvent destiné à sortir illégalement des devises du pays, est dans le collimateur des États-Unis et de l’Union européenne, qui souhaitent légiférer afin que les sociétés installées sur leur territoire fassent preuve de plus de transparence. La Suisse apparaît une fois de plus comme le centre névralgique des détournements de l’argent du pétrole africain. En octobre 2012 déjà, le Nigeria s’est tourné vers les autorités helvétiques pour l’aider à enquêter sur une longue liste de petites sociétés nigérianes liées à d’importantes firmes de négoce suisses. Contacté par Jeune Afrique, l’Office fédéral de la justice indique avoir ouvert « une enquête préliminaire sur la recevabilité de cette demande » et attendre « des éléments de précision de la part du Nigeria ». Abuja estime à 5,2 milliards d’euros les sommes détournées entre 2009 et 2011. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE

COURTESY OF REAL WORLD

la Cofimer, avant de rejoindre le groupe Paribas (au sein duquel il pilote les banques d’investissement américaines AG Becker et Warburg)etd’occuperunpostede senioradvisorchezMerrillLynch. Proche des grands banquiers et financiers français et américains de la fin du siècle dernier – Jacques de Fouchier, Jacques Friedmann, Antoine Riboud, John Whitehead… – Hervé Pinet était un excellent spécialiste de l’Asie orientale, en particulier du Japon, et un bon connaisseur de l’Afrique centrale. Devenu consultant international, on lui doit nombre de notes et documents économiques, ainsi que quatre ouvrages, tous édités aux éditions du Jaguar, que dirige Danielle Ben Yahmed: La Liberté de l’irrévérence, La Joie d’entreprendre, À propos de la vie et du monde et Souvenirs indiscrets, le dernier, paru en 2006. ●

J’ai appris à jouer dans une caserne de Tripoli avec Ibrahim Ag Alhabib, le guitariste de Tinariwen. Puis nous avons combattu ensemble. Notre chef était Iyad Ag Ghali. Je n’arrive pas à croire qu’il soit aujourd’hui à la tête d’Ansar Eddine. » MOUSSA AG KEYNA Chanteur et guitariste du groupe Toumast

« Soyez optimistes. Cela fait quatre-vingt-dix ans que j’applique cette méthode et, croyez-moi, ce n’est pas mal. » SHIMON PÉRÈS Président d’Israël

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Tous les hommes sont égaux parce qu’ils ont le signe de Dieu. Dans une vingtaine de pays, l’homosexualité est un délit. Je souhaite que nous nous battions contre cela. » MGR VINCENZO PAGLIA Président du Conseil pontifical pour la famille

« On frappera autant sur les tigres que sur les mouches. » XI JINPING Secrétaire général du PCC et futur président de la Chine (annonçant une guerre totale contre la corruption)

« Je suis atterrée par le déferlement de haine à l’encontre des personnalités sur les réseaux sociaux. Tout le monde peut “zapper”, “liker”, “deliker”, vomir et condamner à mort n’importe qui avec son smartphone. » LOU DOILLON Chanteuse et actrice française N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

ALESSANDRA TARANTINO/AP/ TARANTINO/AP/SIPA

HERVÉ PINET

Disparition Hervé Pinet: banquier sans frontières

AMI DE JEUNE AFRIQUE et de son fondateur, Béchir Ben Yahmed, le banquier globe-trotterHervéPinetestdécédéàParis, le 4 février, à l’âge de 86 ans. Ce Français citoyen du monde aura mené, des années 1950 jusqu’à sa retraite en 2005, une riche carrière d’entrepreneur et de financier sur les cinq continents. Chargé de mission à la Caisse centrale de la France d’Outremer en 1949 alors qu’il n’a pas encore 30 ans, il entre ensuite chez Rothschild Frères, puis à

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La semaine de J.A. Décryptage JEUNEAFRIQUE.COM

VIDÉO

Maurice Kouakou Bandaman, ministre ivoirien de la Culture : « Abidjan doit renouer avec son destin de ville cosmopolite mop »

Maroc Royal soutien

Mohammed VI approuve sans réserve l’intervention française au Mali. Et rappelle que la menace terroriste pèse sur l’ensemble de la région.

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INFOGRAPHIE REDOUANE IBAAKILI/MAP

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! ABDELILAH BENKIRANE, le chef du gouvernement marocain, a lu le discours du souverain lors du sommet de l’Organisation de la coopération islamique, au Caire.

Tunisie : la carte des mausolées profanés

DIAPORAMA

Les dessins ultraréalistes de Kelvin Okafor, jeune prodige d’origine nigériane

À LIRE AUSSI Sénégal : la véritable histoire du Français mort en Casamance N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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ohammed VI n’était pas présent, mais son message a été entendu. Lu par Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement marocain, il s’adressait aux participants au 12e sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui s’est tenu au Caire les 6 et 7 février. Exprimant un soutien sans faille à l’intervention française au Mali et un rejet tout aussi franc du terrorisme, le roi a exhorté les pays de la Oumma à « mobiliser [leurs] ressources naturelles et humaines » et à cesser « d’imputer [leurs] difficultés à des facteurs externes ». Il a ensuite longuement détaillé la position marocaine sur la guerre au Mali, notant que « c’est en réponse à l’appel d’urgence des autorités de Bamako, et face à la poussée de groupes terroristes armés qui voulaient contrôler le pays tout entier et soumettre ses populations, que s’est déclenchée l’intervention rapide et efficace des forces françaises, accompagnées des forces maliennes et africaines ». Le souverain s’est félicité que cette « position ferme » ait permis de stopper la conquête jihadiste du Sud-Mali puis de commencer à libérer le Nord « avec ses cités anciennes,

ses populations musulmanes et ses monuments religieux », citant en exemple « la ville de Tombouctou, l’une des plus prestigieuses de la civilisation islamique ». « Il n’est pas question seulement du Mali, mais d’un danger qui s’étend à tous les pays de la région, ébranle leur stabilité et met à mal leur unité. Ce problème appelle une solution globale conçue dans le cadre de la légalité internationale », a également souligné Mohammed VI. POLISARIO. Au même moment, Tièman

Hubert Coulibaly, le ministre malien des Affaires étrangères, de passage à Paris, a salué la coopération marocaine dans une interview au journal en ligne AtlasInfo. « Le Maroc a été présent à nos côtés dès les premières heures de la crise. Il a été le premier pays dont nous avons reçu une aide humanitaire », a expliqué le ministre. Les autorités de Bamako échangent des renseignements avec Rabat, notamment sur la présence, parmi les jihadistes, de «jeunesSahraouisdescampsdeTindouf». L’existence de cette « filière Polisario » avait été révélée dans nos colonnes dès octobre 2012 (voir J.A. no 2703-2704). ● YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE



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La semaine de J.A. Décryptage

Mali Un pays sous tutelle… provisoire Officiellement, Paris et Bamako travaillent main dans la main. Mais sur le terrain rien ne se fait sans l’aval des Français. C’est à peine si les soldats maliens participent à la reconquête du Nord.

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urieuse, cette impression. Comme si on s’était servi un verre du vin que l’on avait oublié quelques jours plus tôt sur l’étagère parce qu’il n’était pas bon, et qu’en fait de piquette il s’avérait être d’excellente facture. Surprenant. Un peu grisant aussi. Il ne s’agit pas seulement de cette marée de drapeaux français qui ornent (plus au Sud qu’au Nord, où l’on redoute encore un retour des jihadistes) les maisons et les pare-brise des voitures. Il ne s’agit pas non plus de ces nuées d’enfants qui, au passage des convois français sur la route de Gao (d’immenses colonnes de chars d’assaut et de tanks), saluent les « libérateurs » aux cris de « Français, Français ! » ou encore de « Mali, Mali ! ». Non, c’est plus que cela. Quelques images et des faits, qui rappellent que le pays est sous tutelle depuis le 11 janvier. Une tutelle provisoire et consentie, qui n’a rien à voir avec le néocolonialisme dénoncé à petite dose en France, mais une tutelle tout de même.

TONTONS. La scène se déroule le 2 février, lors de la visite de François Hollande au Mali. Alors que le chef de l’État français répond aux journalistes dans les jardins de la résidence de France, Dioncounda Traoré, le président malien par intérim, l’attend patiemment sur la place de l’Indépendance. Un peu seul et sous un soleil de plomb, comme un simple préfet de département. Il lui rendra hommage quelques minutes plus tard : « Hollande, le grand homme du grand moment », clamera-til. Dans la foule, une femme porte haut une pancarte tout droit sortie d’une autre époque : « Merci à Papa Hollande et aux tontons Le Drian et Fabius », les ministres de la Défense et des Affaires étrangères, qui ont accompagné le président. Enthousiasmée, une collaboratrice de Hollande ira récupérer la pancarte après le bain de foule des deux N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

présidents. Aujourd’hui, elle se trouve peut-être dans son bureau de l’Élysée. PRESSIONS AMICALES. Plus tôt dans la journée, Hollande avait été accueilli par Traoré à Sévaré, le verrou que les jihadistes n’ont pas réussi à prendre grâce à l’intervention de l’armée française. C’est à bord d’un Transall de cette même armée qu’ils se sont rendus encore plus au nord, à Tombouctou. Depuis quelques semaines, les deux hommes ne se quittent plus. « Ils se sont toujours concertés, mais là, ils se parlent tous les jours », affirme un conseiller de Traoré. Ce dernier est-il pour autant sous influence ? S’est-il fait imposer par Hollande la date butoir du 31 juillet pour l’organisation du scrutin présidentiel ? À l’origine, la feuille de route prévoyait l’élection en décembre. Mais, lors du dernier sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Traoré lui-même a plaidé pour juillet. Dans son entourage, on pense qu’il est pressé de passer la main, mais on admet que les pressions amicales de Paris ont peut-être joué un rôle. L’agenda électoral a d’ailleurs été au

[l’ex-Premier ministre contraint à la démission en décembre, NDLR]. » Un de ses proches assure cependant que Traoré sait imposer son veto quand il le faut. Ce fut le cas lorsque les Français ont insisté, avec Dans la foule, on acclame « Papa Hollande » avec des pancartes tout les Burkinabè, pour discuter avec l’aile dissidente d’Ansar droit sorties d’une autre époque. Eddine, le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). cœur du déjeuner de travail organisé à Sur le plan militaire aussi, la tutelle est Bamako le 2 février et qui a réuni, outre flagrante. Il y a d’un côté les discours de les deux présidents, les principaux leaders façade : « L’armée malienne est souvepolitiques maliens. À cette occasion, les raine, nous ne faisons rien sans son aval. » Français ont fait comprendre qu’ils suiEt il y a la réalité. Sur le plan stratégique, vraient de très près le processus électoral. c’est Paris qui décide. Depuis le début des « Dire que Traoré est un vassal de opérations, l’état-major malien ne fait Hollande est faux, estime un ancien que suivre. Cette emprise se manifeste ministre d’Amadou Toumani Touré, jusque dans les détails les plus insignile chef de l’État malien renversé le fiants. Lors d’une réunion de coordina22 mars 2012. Mais il lui est difficile de tion entre les deux armées, il a ainsi été lui dire non. Sans l’intervention franquestion de savoir avec quels médias çaise, Traoré aurait peut-être connu le travailler. « Les Maliens nous ont demandé même sort que Cheick Modibo Diarra si nous comptions travailler avec tel ou JEUNE AFRIQUE


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! LE PRÉSIDENT FRANÇOIS HOLLANDE accueilli dans la liesse à Bamako, le 2 février.

dansleSud.«L’arméemaliennefonctionne à deux vitesses, explique un commandant françaischargédecoordonnerlesmissions des différentes armées présentes dans le pays. Il y a un petit noyau efficace, mais la plupart des soldats ne sont pas en mesure de se battre. »

GEORGE HENTON/DEMOTIX/CORBIS

IMPUISSANCE. CesontlesFrançaisquiont

tel journal, témoigne un militaire français. Pour un titre, ils étaient réticents. Mais ils nous ont dit : “Si vous travaillez avec eux, alors nous aussi.” » Pour se déplacer dans le pays, c’est à l’armée malienne qu’il convient de demander l’autorisation, mais rien ne se fait sans l’armée française. « Nous ne pouvons pas assurer votre sécurité », explique, contrit, un officier malien. Aujourd’hui, pour se rendre à Gao, le seul moyen est de suivre un convoi français.

Sur le terrain, quelques Maliens se battentauxcôtésdesFrançais.Ceux-làsont « opérationnels et efficaces », estime un officier français, qui assure que ce sont eux qui se trouvent en tête des offensives. Mais ils sont rares. Des sources concordantes estiment à moins de 2 000 le nombre de soldats maliens participant à la reconquête. Les autres – combien au juste ? 5000? Personne ne semble le savoir – sont en formation ou tuent le temps dans les cabanons des check-points disséminés

repris Gao et Tombouctou fin janvier. Eux encore qui ont lancé l’assaut sur Kidal le 3 février. Cette dernière prise (tout comme celle de Tessalit le 8 février) a souligné l’impuissancemalienne.Nonseulementles soldats du cru n’ont pas participé à l’offensive, mais, pour seconder ses troupes, la France a fait appel aux Tchadiens. Pendant plus d’une semaine, les Maliens ont été éloignés du théâtre des opérations. « On comprend », glisse simplement un officier malien. « La France compte sur le MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad] pour récupérer ses otages, expliqueunconseillerdeTraoré.C’estpour cela qu’elle a agi sans l’armée malienne. C’est compréhensible. Mais il est vrai que ça passe très mal auprès de l’opinion. » Pour beaucoup de Maliens, cette soumission sonne comme un premier avertissement. « C’est la seule chose qui nous a choqués, souffle un député du Nord. Mais ce n’est pas pour autant que la France est perçue comme une puissance d’occupation. » Côté français d'ailleurs, on fait remarquer qu’on ne s’occupe « que de la reconquête du territoire ». Une fois les zones libérées, leur sécurisation est assurée par les forces maliennes et ouest-africaines, « avec une certaine efficacité ». À Gao, ce sont les Maliens et les Nigériens qui fouillent les quartiers et traquent les derniers jihadistes. ● RÉMI CARAYOL, envoyé spécial

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

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FÉVRIER Audience de confirmation des charges, à la Cour pénale internationale de La Haye. Les juges décideront si le dossier de l’accusation est assez solide pour organiser le procès de Laurent Gbagbo. JEUNE AFRIQUE

20-23

FÉVRIER Sommet Afrique-Amérique du Sud, à Malabo. Au menu, le renforcement de la coopération, avec le Brésil en fer de lance : ses entreprises sont implantées dans plus de vingt pays africains.

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FÉVRIER - 2 MARS Au Burkina, 23e Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco) : 101 films sont en lice, dont 20 longs-métrages, 20 courts-métrages, 17 documentaires et 8 séries télévisées. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


La semaine de J.A. Tour du monde présidentielle du 21 avril. Lino César Oviedo Silva, 69 ans, a trouvé la mort le 2 février dans un accident d’hélicoptère près de Concepción, alors qu’il revenait d’un meeting électoral. En 1989, il s’était rendu immensément populaire en renversant le dictateur Alfredo Stroessner, mais, sept ans plus tard, il avait été accusé d’avoir fomenté un putsch, emprisonné, puis contraint à l’exil. Il n’en était rentré qu’en 2004. GERO BRELOER/AP/SIPA

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! ANNETTE SCHAVAN, ministre de l’Éducation : jusqu’à quand ? ALLEMAGNE

Angela et les plagiaires

S

ale affaire pour Angela Merkel à sept mois des élections législatives. Le 5 février, l’université de Düsseldorf a annoncé avoir retiré à Annette Schavan le titre de docteur en philosophie qu’elle lui avait décerné en 1980 pour une thèse intitulée Personne et conscience. Motif ? Plagiat « systématique et délibéré ». L’intéressée n’est peutêtre pas un poids lourd de la politique allemande, mais elle n’en siège pas moins au gouvernement, où elle détient le portefeuille de l’Éducation et de la Recherche, et passe pour être l’amie intime de la chancelière. « C’est comme si le ministre des Finances cachait son argent en Suisse ! » ironise le quotidien Bild. Schavan se défend bec et ongles et, sans préjuger de son avenir politique (le soutien de Merkel ne lui fait, pour l’instant, pas défaut), annonce qu’elle va porter plainte contre son ancienne université. Curieusement, elle est, après Karl-Theodor zu Guttenberg, le ministre de la Défense acculé à la démission en mars 2011, le second membre du gouvernement accusé ou convaincu de plagiat. ● ESPACE

La Corée du Sud, aussi Avec le lancement réussi de sa fusée Naro, le 30 janvier, puis la mise en orbite d’un satellite chargé de recueillir des données sur les radiations cosmiques, la Corée du Sud a rattrapé son retard sur son frère ennemi du Nord, qui, le 12 décembre 2012, avait mis sur orbite un satellite d’observation terrestre. Coup sur coup, N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

les deux pays rejoignent donc le club très fermé des pays ayant réussi à mettre un objet sur orbite. À savoir: les États-Unis, la France, la Russie, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni, l’Inde, Israël et l’Iran. PARAGUAY

Crash d’un candidat

ANCIEN CHEF d’état-major des forces armées paraguayennes, il était candidat de l’Union nationale des citoyens éthiques (droite) à la

LE CHIFFRE

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LE NOMBRE DE vice-présidents que c o m p t e d é s o r m a i s l ’ U M P. Conséquence du peu loyal combat CopéFillon pour le leadership du principal parti de l’opposition française, les postes clés ont en effet été doublés – un copéiste, un filloniste –, et tous les courants et sous-courants représentés au sein de la nouvelle direction. Dans l’attente, bien sûr, d’un nouveau vote des militants, en septembre. CUBA

Fidel, le retour

SA PRÉCÉDENTE apparition publique remontait au 21 octobre, dans un hôtel de La Havane en compagnie d’Elias Jaua, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères. Le 3 février, Fidel Castro, le pas hésitant – il a quand même 86 ans –, a tenu à aller voter aux élections législatives, qui devraient déboucher sur la réélection de Raúl, son frère, à la tête de l’État. Depuis 2006, il avait pourtant l’habitude de voter à son domicile. Une manière pour le Père de la révolution de rassurer ses compatriotes sur son état de santé ? FOOTBALL

Le scandale qui fait pschitt PATRON d’Europol, l’organisme européen de lutte contre la criminalité, Rob Wainwright a le sens de la mise en scène. Le 4 février, il a annoncé qu’au terme de « la plus grande enquête JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

TOBY MELVILLE • Reuters

ROYAUME-UNI

Voici Rex, l’homme bionique AU MUSÉE DES SCIENCES DE LONDRES, le 5 février, le psychologue suisse Bertolt Mayer, qui, lui-même amputé de la main gauche, porte une prothèse très haut de gamme, examine le nommé Rex, qui, selon ses créateurs britanniques, est le robot le plus perfectionné jamais réalisé. De très grande taille (près de 2 m), il dispose d’organes artificiels et de membres capables de reproduire tous les mouvements humains.

de tous les temps » un tentaculaire « réseau criminel » basé à Singapour avait été démantelé. Et que celui-ci avait, entre 2008 et 2011, réussi à truquer des centaines de matchs de football, dans le monde entier. Vérification faite, il apparaît que l’escroquerie, qui ne concerne que des matchs de seconde zone, n’a au total rapporté que 8 millions d’euros. Pour 425 suspects identifiés. Faites le compte. ÉTATS-UNIS

La malédiction du sniper ANCIEN DES NAVY SEALS, Chris Kyle fut de 1999 à 2009 le tueur le plus redoutable de l’armée américaine en Irak. À Ramadi, les insurgés l’avaient surnommé « le diable » et mis sa tête à prix. Dans American Sniper, son autobiographie parue le 3 janvier, il revendique 255 victimes. Le Pentagone ne JEUNE AFRIQUE

lui en accorde que 160, mais ne chipotons pas. Le 2 février, Kyle (38 ans) a été abattu dans un stand de tir près de Fort Worth, au Texas, par un ancien marine atteint d’un syndrome de stress post-traumatique. Justice immanente ? ROYAUME-UNI

Royale dépouille sous un parking  A HORSE! A HORSE! My kingdom for a horse! » fait dire William Shakespeare au dernier roi Plantagenêt dans Richard III. Le cheval ne vint pas et Richard III fut tué à la bataille de Bosworth contre Henry Tudor, le futur Henry VII, en 1485. Plus de cinq siècles plus tard, la royale dépouille vient d’être retrouvée. Grâce aux tests ADN pratiqués sur une descendante établie au Canada, les archéologues de l’université de Leicester ont pu confirmer, le 4 février, ce que l’on

soupçonnait : le squelette découvert en septembre 2012 sous un parking est bien celui de Richard III. Il sera inhumé dans la cathédrale de la ville. CAMBODGE

Sihanouk incinéré ANONYMES VENUS des quatre coins du Cambodge, membres de la famille royale, représentants des pouvoirs publics, invités, soldats, représentants des minorités ethniques… Ils étaient des milliers, le 4 février, à défiler devant le crématorium du Veal Men, à Phnom Penh, où tous les souverains khmers sont incinérés, afin de rendre un dernier hommage à Norodom Sihanouk, alias « Monseigneur Papa », le père de l’indépendance du Cambodge décédé le 15 octobre 2012. Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre français, était le seul représentant des pays européens présent. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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E

© OILIVER/JA

lle fêtera cette année ses quinze ans d’existence. La Bourse Régionale desValeurs Mobilières (BRVM), place boursière commune aux huit pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), a démarré ses activités le 16 septembre 1998, en même temps que son alter-ego, le Dépositaire Central –Banque de Règlement (DC/BR). Le DC/BR assure la conservation des titres et leur circulation, le dénouement des transactions et la gestion du fonds de garantie du marché boursier. Un backoffice qui permet à la BRVM de réaliser ses opérations en toute sécurité.

MARCHÉS FINANCIERS

La BRVM vise leTop 5 africain

PUBLI INFORMATION

Après bientôt 15 ans d’existence, la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), qui anime le marché financier de l’UEMOA, veut changer de dimension.

Siège de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières, à Abidjan.

Edoh Kossi AMENOUNVE, Directeur Général de la BRVM.

Très forte progression depuis 1998 La fin de l’année 2012 permet de dresser en quelques données significatives le bilan de la BRVM depuis le démarrage de ses activités. À commencer par l’évolution du « poids » de la place boursière, sa capitalisation boursière, qui mesure la valeur totale des entreprises qui y sont cotées. Elle est passée de 1 018,9 milliards de F CFA en 1998 à 4 031 milliards de F CFA à la fin décembre 2012, soit une progression de plus de 295 %. En ce qui concerne les obligations, la capitalisation de ce marché a progressé de 83 milliards de FCFA en 1999 à 831,81 milliards de F CFA au 31 décembre 2012, soit une progression supérieure à 900 %. Au titre des indices, mesure statistique des performances des sociétés cotées, les progressions sont tout aussi bonnes. Du 16 septembre 1998 au 31 décembre 2012, le BRVM 10, calculé sur les dix capitalisations les plus significatives, a progressé de 101,03 à 184,04 points (+82 %) et le BRVM Composite, qui prend en compte toutes les valeurs cotées, est passé de 100,56 à 166,58 (+65 %). En termes de levée de ressources, le Marché Financier Régional de l’UEMOA a permis de mobiliser plus de 2 700 milliards de F CFA en près de quinze ans, à travers 240 opérations. Ces montants ont notamment permis de financer des projets d’infrastructures, comme le troisième pont d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, l’interconnexion électrique entre le nord du Togo et le nord du Bénin, ou encore les ports d’Abidjan et de Dakar. Des banques, des entreprises ont aussi trouvé de nouvelles ressources pour financer leur croissance.


Le marché financier est un levier indispensable pour mobiliser des financements à long terme. Opérationnelle dès cette année, la cotation en continu est l’un des moyens qui permettra d’améliorer davantage les performances de la BRVM.

des bourses africaines. En effet, la Bourse Régionale occupe actuellement la 7e place en termes de capitalisation boursière − sur un total de 23 places boursières sur le continent − après des bourses telles que celles de l’Afrique du Sud, du Nigéria et de l’Égypte. Technologiquement, la BRVM et le DC/BR disposent de solides atouts pour relever les défis qui s’annoncent. C’est la seule bourse véritablement régionale avec une cotation électronique centralisée et un système de dénouement des transactions automatisé couvrant huit pays. L’année 2013 sera ainsi, pour la BRVM, celle du passage à la cotation en continu, de la création d’un mécanisme d’accès pour

BOURSE RÉGIONALE DES VALEURS MOBILIÈRES 18, rue Joseph Anoma (Rue des Banques) 01 BP 3802 - Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 20 32 66 85 / 20 32 66 86 Fax : (+225) 20 32 66 84

www.brvm.org

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MLENTION.

Le Marché Financier Régional de l’UEMOA a permis de mobiliser plus de 2 700 milliards de FCFA en quinze ans, qui ont financé des projets régionaux d’infrastructures comme l’interconnexion électrique entre le nord du Togo et le nord du Bénin, ou encore les ports d’Abidjan et de Dakar.

© NABIL ZORKOT

« C’est bien, mais c’est insuffisant (…)». Aux commandes depuis le 1er octobre 2012, Edoh Kossi AMENOUNVE, Directeur Général de la BRVM, reconnaît les bonnes performances de la Bourse Régionale mais connaît au moins aussi bien les moyens de les améliorer. L’UEMOA compte huit pays, mais sa place boursière ne cote que 37 entreprises, soit moins de cinq par pays. Maintenant que la BRVM a montré sa fiabilité et sa capacité à gérer le Marché Financier Régional, il est plus que temps de l’utiliser pleinement comme outil moderne de financement du développement économique et d’accélération de la croissance au sein de l’UEMOA. « (…) il faut grandir. Accueillir davantage d’entreprises, d’investisseurs régionaux et internationaux, d’emprunteurs ». Le Directeur Général a pour objectif de positionner la BRVM dans le Top 5

les PME/PMI ainsi que les entreprises à fort potentiel de croissance et de bien d’autres innovations. 2013 verra également le développement des opérations du DC/BR. Au plan de la promotion, « il faudra aller audevant des entreprises, des banques, des investisseurs, des États et du grand public, pour les inviter à utiliser pleinement cet outil moderne que constitue la bourse ». La BRVM a défini à cet effet un plan d’actions à court et moyen terme. Les chantiers sont nombreux, mais ils répondent à la nécessité pour les entreprises et les économies de l’UEMOA, promises à une forte croissance dans les années à venir, de disposer de nouveaux moyens de financement, particulièrement pour les opérations à long terme comme les infrastructures (routes, centrales électriques, usines, etc.). Les marchés boursiers étant un levier indispensable dans ce domaine. Sur la base de cette vocation, la BRVM entend jouer pleinement son rôle.

© ÉRICK AHOUNOU/JA

Une nouvelle dynamique


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Grand angle

arnaques, crimes ET

internet En Afrique, comme ailleurs, le web attire des truands excités par des gains faciles et peu risqués. Enquête sur un univers sans frontières, où les lois sont floues, la langue obscure et les individus pas très Net.

MATHIEU OLIVIER illustrations : PLASTICBIONIC/COSTUME 3 PIÈCES

C

haque seconde dans le monde, 18 personnes sont victimes d’une escroquerie sur internet. Ils seront plus de 1,5 million à la fin de cette journée, soit l’équivalent de la population du Gabon. Cette année, quelque 550 millions de victimes perdront au total, comme ce fut le cas en 2011, la bagatelle de 110 milliards de dollars (83,3 milliards d’euros). Ce qui représente plus que le produit intérieur brut (PIB) du Maroc. L’Afrique n’est pas étrangère au phénomène. Bien qu’en retard en termes de connexion internet, le continent est montré du doigt, notamment par le FBI, qui a placé, en 2010, trois pays africains parmi les dix premières sources de cyberarnaques. Les « heureux élus » : le Nigeria (3e), le Ghana (7e), et le Cameroun (9e), dont le nom de domaine « .cm » fait partie, selon un rapport publié en 2011 par la société de sécurité informatique McAfee, des cinq noms les plus « risqués » de la planète. Seul pays africain à se hisser sur ce triste podium, le Nigeria s’est même fait un nom dans le milieu. La spécialité locale, « l’arnaque à la nigériane », est aujourd’hui célèbre. Elle se présente généralement sous la forme d’un e-mail dans lequel une personne affirme posséder une importante somme d’argent, en général plusieurs millions de dollars, sous forme d’héritage ou de fonds à placer à l’étranger. « Ayant eu l’opportunité d’occuper un portefeuille de secrétaire d’État en Angola, j’ai eu à attribuer un contrat d’irrigation à une société portugaise et j’ai reçu en compensation la somme de 22 millions de dollars », est-il ainsi expliqué dans cette arnaque qui s’appuie sur le contexte angolais. Avant de détailler : « Mais j’ai dû quitter mon pays pour me réfugier au Bénin à cause des problèmes politiques. » L’arnaqueur À LA NIGÉRIANE.

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Le continent est montré du doigt par le FBI, notamment le Nigeria, le Ghana et le Cameroun.



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Grand angle demande alors de l’aide pour effectuer un transfert d’argent. En échange, il offre un pourcentage sur la somme en question. Un « partenariat gagnant-gagnant », qui pousse la victime à accepter d’avancer les montants destinés à couvrir les frais (imaginaires) de notaire, avant que le transfert ne soit effectif. Lequel, bien entendu, ne le sera jamais.

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OPPORTUNITÉ ÉNORME. Une arnaque à la nigériane jugée en 2010 aux États-Unis a rapporté à son auteur 20 000 dollars en moyenne par victime. Ce qui reste évidemment bien loin des sommets : en Côte d’Ivoire, de mémoire de policier, le record atteindrait 800 000 euros. « L’opportunité est énorme », explique le directeur

de l’informatique et des traces technologiques au sein de la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) d’Abidjan, Stéphane Konan : « Un braquage de banque rapporte en moyenne 15 000 euros en Côte d’Ivoire. Une arnaque sur De mémoire de policier internet, avec un investisivoirien, le vol record sur le sement de 3 euros, peut web atteindrait 800 000 euros. également faire gagner 15 000 euros. Le choix est vite fait. En plus, les risques sont beaucoup moins importants. » Les législations, au mieux balbutiantes, ont laissé ces pratiques prendre de l’ampleur rapidement. D’abord spécialité du Nigeria, l’arnaque s’est étendue, en particulier à la Côte d’Ivoire.

REPORTAGE

24 heures dans la vie d’un brouteur Il dépense le gain de ses larcins en hôtels, filles et fringues. Sans scrupules, il se rêve en Robin des Bois 2.0…

S

ur internet, il est Vincent, jeune cadre dynamique vivant dans le sud de la France. Mais l’arnaqueur se présente aussi parfois sous les traits de Virginie, jeune femme au visage lisse de mannequin pour catalogue. C’est un « brouteur », selon l’appellation ivoirienne. Au total, il possède six faux profils sur les réseaux sociaux, et douze adresses e-mail. Son pseudonyme – qu’il tient à garder confidentiel – est une contraction de son prénom et du mot alcool, car il « aime l’excès ». Le phénomène sévit depuis une dizaine d’années, faisant des victimes principalement en Europe, et plus particulièrement en France, en Suisse et en Belgique. Il opère dans un cybercafé du quartier de Yopougon, à Abidjan, le soir et les week-ends, depuis une pièce ventilée où de simples panneaux en bois séparent les postes. Pour éviter d’être retrouvé, il n’utilise jamais son ordinateur personnel. Il se connecte uniquement en navigation privée et utilise les adresses IP d’autres pays. Ce samedi après-midi, il discute par e-mail avec Marthe, une grand-mère qui vit en France. Elle vient justement de lui envoyer une photo d’elle avec ses petits-enfants. La technique du brouteur est rodée : en lui écrivant des mots doux, il est parvenu à lui extorquer 500 euros. Il N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

bénéficie aussi de complicités dans une agence de transfert d’argent. « Je lui ai dit que j’en avais besoin pour dormir à l’hôtel. Au début, elle m’a dit : “Non, on ne se connaît pas assez.” Puis, au bout de cinq jours, elle a craqué. Je lui ai promis qu’on se verrait après. » Il a tout dépensé en vêtements et en soirées arrosées. Et leur relation continue.

larcins peuvent lui rapporter de 200 à 20 000 euros. BIENFAITEUR. À quelques rues du cyber-

café, il retrouve ses compères du Net dans un maquis. Les brouteurs s’assemblent en « gouvernements » ou en « familles ». Sa famille compte quatre membres, qui « se réunissent souvent, échangent des idées, se soutiennent en cas de problème ». Sur THÉRAPEUTE. Quand on lui demande la vieille table basse en bois, les bouteilles s’il a des états d’âme, le brouteur répond de bière s’entassent et les paquets de qu’il est une sorte de thérapeute. « Les cigarettes se vident. « On aime la belle gens veulent lire ce qu’on leur écrit. Ils vie, on dort tous les soirs à l’hôtel, quand refusent de voir qu’il s’agit on veut une fille on paie, sans doute d’une escrol’argent doit être dépensé Par e-mail, querie. Les Européens se quand on l’a, pas la peine il extorque de sentent seuls et ont besoin d’attendre demain ! » frime d’être réconfortés. » Mais un convive en pointant le l’argent à une l’homme est aussi un fauscroco de son polo vert bougrand-mère saire. Histoire d’authentifier teille. Sur le bar, une chaîne française. des vies virtuelles, il peut hi-fi passe le morceau d’un créer des confirmations de chanteur de coupé-décalé billets d’avion bidon ou de faux passequi scande les noms de célèbres brouports, et reproduire des ordres de virement teurs. « On nous considère comme des imaginaires. Des documents qu’il facture bienfaiteurs. On gagne plein d’argent entre 100 et 150 euros à ses collègues. et on le distribue facilement autour de À 23 ans, il a déjà cinq ans d’expérience nous », déclare l’un des jeunes. Son voisin dans ces magouilles. Tout a commencé montre son caleçon, le briquet posé à lorsqu’un escroc nigérian lui a demandé côté de lui et la bière qu’il tient : « Tout ça, c’est les Blancs qui paient. » « C’est de traduire un e-mail. Depuis, ce prola dette coloniale », conclut un autre. ● grammateur, surdoué en informatique, AURÉLIE FONTAINE, à Abidjan a appris toutes sortes de combines. Ses JEUNE AFRIQUE


Arnaques, crimes et internet estiment ainsi que, pour l’année 2012, 90 % des arnaques recensées sur internet émanant de leur pays ciblaient le Vieux Continent. En revanche, les cas de cybercriminalité à caractère politique ne sont pas encore légion. Les groupes de pirates « L’Afrique noire développe marocains tels que Team Evil ou, plus récemment, une véritable culture Moroccan Ghosts, font ainsi de l’escroquerie en ligne. » partie des exceptions en OBSERVATOIRE FRANÇAIS DE LA DÉLINQUANCE s’attaquant aux sites de jeux de hasard en ligne et à des sites israéliens pour des raisons religieuses et politiques. Ils visent aussi des sites espagnols en prétextant lutter pour la libération des enclaves de Ceuta et Melilla. Tout au plus sont-ils imités ● ● ●

! LES BROUTEURS possèdent plusieurs faux profils, y compris féminins.

KAMBOU SIA POUR J.A.

Abidjan est aujourd’hui considéré comme sa capitale. Mais c’est toute l’Afrique de l’Ouest – et l’Afrique centrale à moindre échelle – qui est pointée. Certes, elle reste loin derrière l’Europe de l’Est, où les pirates informatiques se sont spécialisés dans les attaques de grande envergure, extrêmement lucratives. La région est toutefois la principale origine des arnaques visant les pays européens francophones, à savoir la France, la Belgique et la Suisse. Le dernier rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) français affirme même que « l’Afrique noire […] développe une véritable culture de l’escroquerie en ligne ». Ce sont surtout les biens et les personnes qui sont visés. Les services de police ivoiriens

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Grand angle ● ● ● dans leur démarche dite « hacktiviste » par des pirates camerounais qui ont pris pour cibles les sites du Premier ministre, du ministère des Domaines et des Affaires foncières (2008), ou du Parti des démocrates camerounais (2011). Mais le phénomène reste peu fréquent.

« J’AI UNE VIDÉO PORNO DE TOI ». Le chantage à

la vidéo, en revanche, s’est développé avec l’explosion des réseaux sociaux, Facebook en tête. La victime idéale en est souvent un fervent adepte. En mal de relations (de toute sorte), elle est de préférence prête à exposer des éléments de sa vie privée. Photos, vidéos de strip-tease, les « hameçonnés »

peuvent aller très loin. Ce qui les pousse, une fois soumis au chantage, à certaines extrémités. Voire au suicide, comme ce jeune Breton (France) prénommé Gauthier qui s’est donné la mort en octobre 2012, à l’âge de 18 ans, après avoir Au Nigeria, les escrocs de la Toile été piégé par une paradent dans de splendides prétendue jeune fille. villas, cigare à la bouche. Au fil de leur conve rsati on , le jeune homme avait fini par accepter de se dévêtir. Seulement, de l’autre côté de la caméra, ce n’était pas une jeune fille qui le regardait, mais un « brouteur », autrement dit un maître chanteur.

LA RIPOSTE IVOIRIENNE

KAMBOU SIA POUR J.A.

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! LA PLATEFORME DE LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ (PLCC), EN CÔTE D’IVOIRE, ne compte qu’une quarantaine de membres.

À

première vue, le combat est déséquilibré. D’un côté les innombrables arnaqueurs cachés dans les cybercafés, de l’autre une équipe de quarante policiers seulement, membres de la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) de Côte d’Ivoire. « Nous avons mis en place un dispositif qui permet de recueillir toutes les plaintes, qu’elles viennent de France, du Canada ou des ÉtatsUnis, et nous tenons une permanence vingtquatre heures sur vingtquatre pour recueillir le N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

maximum d’informations », explique Stéphane Konan, le directeur de l’informatique et des traces technologiques au sein de la PLCC. Mais l’heure n’est pas à l’opération de grande envergure. Créé en 2009, ce service n’a réellement démarré qu’en 2011, à la fin de la crise postélectorale, et se cantonne essentiellement au recueil de statistiques et à la diffusion d’informations sur une page Facebook et un site internet. Après une année de fonctionnement, ces fins limiers du web estiment avoir obtenu un tableau

« assez précis » de la cybercriminalité en Côte d’Ivoire, à 90 % tournée vers l’Europe. Axées sur les biens et les personnes, en particulier à travers la technique du chantage à la vidéo, les arnaques vont faire l’objet d’une loi au début de l’année. Objectif : alourdir les sanctions, amendes ou peines de prison, trop faibles actuellement pour freiner les arnaqueurs. La future législation entend aussi agir auprès des opérateurs de téléphonie, des fournisseurs d’accès internet, mais également

des organismes de transfert de fonds. L’une des mesures phares de cette nouvelle loi devrait également faire grand bruit dans les cybercafés d’Abidjan : pour pouvoir se connecter, chaque client aurait à décliner son identité auprès du patron de l’établissement. Celui-ci serait alors tenu de transmettre en temps réel ces informations à la PLCC. Un coup dur porté à la principale arme des « brouteurs » ivoiriens : l’anonymat. Reste à s’assurer de l’application de ce système. ● MATHIEU OLIVIER JEUNE AFRIQUE


Arnaques, crimes et internet En menaçant Gauthier de diffuser l’enregistrement s’il ne lui versait pas de l’argent régulièrement, l’arnaqueur a poussé le jeune homme à bout. « J’ai une vidéo porno de toi. Si tu ne me donnes pas 200 euros, je vais détruire ta vie. » Le jeune Français n’a pas supporté : il s’est pendu à son domicile. L’enquête, ouverte par le parquet de Brest, mènerait pour le moment en Côte d’Ivoire, jusqu’à un cybercafé d’Abidjan. Mais à partir de là, tout se complique. En théorie, le parquet français peut émettre une commission rogatoire internationale, afin de demander à la police ivoirienne d’enquêter sur place et d’aboutir, si arrestation il y a, à un jugement en France. Seulement, en 2012, aucun cas de ce genre n’a été signalé. Manque de volonté, semble-t-il, côté français. Si les pays d’Europe n’exercent pas de pression diplomatique particulière, une solution africaine pourrait émerger. Le Nigeria a adopté, le 27 novembre 2012, une loi définissant les infractions et les sanctions relatives à la cybercriminalité, et la Côte d’Ivoire s’apprête à faire de même cette année. Neuf pays se sont réunis en septembre 2012 à Dakar afin de travailler à l’harmonisation des législations, tandis que des discussions sont en cours à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). CRIME ORGANISÉ. Le sujet, bien qu’il

paraisse secondaire, est pourtant de taille. À l’échelle de l’Afrique du Sud, pays le plus connecté du continent, les pertes globales s’élèvent à 3,7 milliards de rands chaque année (329 millions d’euros). Surtout, les risques encourus sont encore trop faibles pour contrebalancer les gains. Une véritable criminalité organisée semble ainsi émerger. Au Nigeria, des hommes d’affaires n’hésitent plus à se revendiquer arnaqueurs, paradant dans de splendides villas, cigares cubains à la bouche, habillés de boubous outrageusement ornés. Se disant marginalisés, ils expliquent faire carrière où ils peuvent. Avec succès. L’argent facile, c’est aussi ce que recherchent les adolescents qui gravitent autour des cybercafés d’Abidjan. Chaque classe d’âge peut y trouver sa place, des plus jeunes, chargés de l’hameçonnage, aux plus expérimentés, qui achèvent le travail de chantage, plus technique. Pour l’instant, internet remplit efficacement leurs poches. En 2011 en Côte d’Ivoire, plus de 14 milliards de F CFA (21 millions d’euros environ) auraient été extorqués pour 914 dénonciations et seulement 6 personnes condamnées par la justice. Avec la Toile, les escrocs ont trouvé un nouveau terrain de jeu. ● JEUNE AFRIQUE

un arsenal bien garni FAUX BANQUIER Un e-mail vous demande de cliquer sur

un lien pour confirmer les noms d’utilisateur et mot de passe de votre compte. Vous êtes alors redirigé vers une fausse plateforme. Les ennuis commencent.

LOTERIE BIDON Vous avez gagné le gros lot, vous annonce un

e-mail. Pour toucher votre dû, vous devez verser un acompte ou encore dévoiler vos coordonnées bancaires. Inutile de préciser la suite. Surtout si vous n’avez jamais fait la démarche de jouer…

OPÉRATION HÉRITAGE Contacté par un riche héritier, vous

devez verser un acompte et dévoiler vos coordonnées bancaires pour obtenir le versement d’une somme d’argent à mettre à l’abri… laquelle n’existe pas.

MADE IN LAGOS Vous recevez un e-mail d’une personne se présentant comme un opposant politique. Elle vous demande de l’aider à réaliser un transfert d’argent ou à sortir de son pays. Chimère! Entre-temps, il aura fallu régler des frais de dossier ou payer des intermédiaires… FAUSSE PETITE ANNONCE Un acheteur obtient

l’expédition de l’objet qu’il dit vouloir acquérir. Au passage, il récupère les coordonnées bancaires du vendeur. Ou un faux vendeur encaisse le paiement d’un objet, mais ne le livre jamais.

VIDÉO PIRATE Des arnaqueurs profitent de la détresse affective

d’une victime et la poussent à simuler un acte sexuel ou à s’exhiber devant une webcam. L’acte enregistré, le chantage commence.

LES « FAUX DE L’AMOUR » Sous un profil fictif, le

« brouteur » prétend aimer sa future victime et gagne son affection. Mais une série d’ennuis lui arrivent: perte de carte

de crédit, vol de papiers d’identité, etc. L’amoureux, ou l’amoureuse, transi(e) vole au secours de la personne aimée et perd ainsi son argent. ● M.O.

Quelques règles de prudence… Pour éviter de se faire rouler sur internet, voici les précautions élémentaires à prendre. 1 Protéger ses comptes personnels (e-mails, Facebook, Twitter…) avec des mots de passe différents. Ne pas utiliser sa date de naissance. 2 Lorsqu’un e-mail émanant d’un d’inconnu sollicite une participation à une transaction financière, ne jamais répondre. 3 Veiller à ce qu’aucune image compromettante de soi ne circule sur la Toile. Elle est impossible à effacer et expose au chantage.

4 Sur les sites de vente, privilégier

le règlement sécurisé proposé (Paypal sur Ebay, par exemple) et se renseigner sur les garanties en cas de litige. Une règle d’or: toujours se méfier des offres trop alléchantes. 5 Ne jamais communiquer ses coordonnées bancaires par e-mail. Privilégier les sites officiels (banques, administrations, etc.) et les services de paiement cryptés. 6 Surveiller l’accès des enfants à internet en installant un dispositif de contrôle parental. ● JEAN-SÉBASTIEN JOSSET N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Grand angle

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PORTRAITS

cyberescrocs de haut vol

L’Algérien Hamza Bendelladj piratait des banques, tandis que le Nigérian Adewale Taiwo s’était spécialisé dans l’usurpation d’identité…

DR

Bendelladj, celui qui narguait le FBI LORSQU’IL EST ARRÊTÉ à Bangkok le 6 janvier (J.A. n° 2715 du 20 au 26 janvier), rien n’indique que Hamza Bendelladj voit sa vie de rêve se terminer. La police thaïlandaisevientpourtantdeluipasserles menottes sur la base d’un mandat d’arrêt délivré par une cour de justice de l’État de Géorgie, après avoir découvert dans ses bagages un téléphone satellitaire, deux ordinateurs portables et des disques durs. Mais il garde le sourire. Hamza Bendelladj, informaticien de 24 ans, était dans le collimateur du FBI depuis trois longues années. Son crime : N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

avoir fait fortune sur le dos de banques américaines en piratant leur système informatique. Formé à l’université de Bab-Ezzouar à Alger, il avoue avoir commencé ses activités criminelles à l’âge de 20 ans, contournant les services de sécurité informatique des établissements bancaires. Une performance technique certes, mais peu en accord avec la justice outre-Atlantique. VIE DE LUXE. Hamza Bendelladj estime

avoir détourné 10 millions de dollars (7,5 millions d’euros) environ par transaction piratée. « Quand on lui a demandé ce qu’il avait fait de cet argent, il a dit qu’il l’avait dépensé en voyages, dans une vie

de luxe avec vols en première classe et séjours dans des palaces », a indiqué à la presse le chef de la police de l’immigration thaïlandaise, Phanu Kerdlabppol. Cetraindeviesembledésormaiscompromis.Cependant,sadéchéanceluiaapporté une certaine notoriété chez les internautes algériens. Sur Facebook, loin de condamnersoncomportement,lescommentateurs ont tendance à le glorifier, faisant du jeune hacker une « fierté pour l’Algérie ». Certains le comparent même à un Robin des Bois des temps modernes. D’autres enfin lui imaginent un avenir: non dans une prison, mais dans un bureau du FBI… comme spécialiste de la sécurité informatique. ● MATHIEU OLIVIER JEUNE AFRIQUE


Arnaques, crimes et internet

DESSINE-MOI UN « YAHOO YAHOO »

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Taiwo ou la règle du double je DIPLÔMÉ EN CHIMIE de l’université de Lagos en 2004, Adewale Taiwo a opté pourunereconversion numérique. Après la faculté, il crée son double virtuel, Fred Brown, originaire du Lancashire, en Grande-Bretagne, où il n’a jamais mis les pieds. Aussitôt, le Nigérian « développe son personnage ». Son objectif : pousser des employés de banque peu scrupuleux à « partager » les coordonnées bancaires de leurs clients en utilisant une messagerie instantanée ne laissant pas de traces. Ceux qui répondent aux sirènes de Fred Brown sont invités à rejoindre bankfraude@yahoogroups.com, qui affiche clairement sa philosophie. « Ce groupe est destiné à des individus qui ne cherchent pas un travail réglo, mais plutôt à faire du cash. Il vous apprendra à voler les banques et vous initiera au vol d’identité », explique Misha Glenny, dans son livre Cyberarnaque, comment les hackers piratent vos cartes bancaires. Ayant obtenu les identifiants d’un client, Fred Brown met en place des virements vers son propre compte. Procédant de préférence par petites sommes, pour ne pas éveiller l’attention de la banque ou de la victime. COUVERTURE. En 2005, Adewale Taiwo déménageàManchesterafind’intégrerson université. Il obtient haut la main une maîtrise en génie chimique l’année suivante. Il est alors embauché au sein de Grimley SmithAssociates.Unecouverturetoutàfait respectable. Il est pourtant déjà l’un des piliers du réseau DarkMarket, un forum mondial qui invite ses 2 500 membres à « partager » des informations bancaires confidentielles. Arrêté en 2008, il est condamné à cinq ans de prison en janvier 2009 par la justice britannique pour avoir détourné 1 million de dollars environ (710000 euros). On serait pourtant encore bien loin du compte, les enquêteurs évoquant un montant plusieurs fois supérieur. Relâché, il a été expulsé vers le Nigeria en avril 2011. ● M.O. JEUNE AFRIQUE

«

V

ATE FAIRE FOUTRE. “C’est ce qu’on appelle recevoir un mail.” […] –TOI AUSSI. “C’est ce qu’on appelle envoyer un mail…” » Voilà comment Augustine, un adolescent de Lagos, initie son camarade Idowu au web, dans la nouvelle que Sefi Atta a récemment consacrée aux « YahooYahoo » – du nom de la célèbre messagerie électronique. « J’ai réalisé qu’ils font le même métier que moi: vendre des histoires », confie la romancière nigériane, qui, sur une centaine de pages, donne la parole à deux lycéens s’essayant à la « fraude 419 », l’arnaque sur internet. Leurs histoires, elles s’adressent aux Occidentaux, victimes expiatoires de leurs propres vices. Idowu, le narrateur, détaille: « Ceux qui envoyaient de l’argent après avoir reçu nos lettres de supplication évacuaient

[…] la culpabilité de leur vie luxueuse, ou bien ils avaient des préjugés contre les Africains et ils pensaient que nous étions tous désespérément dans le besoin. Ceux qui envoyaient de l’argent pour recevoir les gains de la loterie étaient de toute évidence avides, et quiconque répondait aux lettres de transfert de fonds ne pouvait qu’être terriblement corrompu. » « Tu ne les roules pas.Tu leur dis juste exactement ce qu’ils veulent entendre », confirme Augustine, arguant d’une revanche sur l’esclavage et l’impérialisme économique. « Ils peuvent être perçus comme des Robin des Bois par leur entourage », admet Sefi Atta, qui voit davantage en eux des entrepreneurs: « Les habitants de Lagos sont fondamentalement bosseurs et créatifs… jusque dans leurs démarches criminelles. »

De fait, l’appât du gain, dans un pays où l’honnêteté ne paie pas toujours, reste bien entendu l’unique mobile desYahooYahoo, qu’ils soient prosateurs émérites… ou non. « Je reçois des spams d’arnaque tous les jours et je les supprime sans même les lire jusqu’au bout, témoigne l’auteure, qui vit aux États-Unis. Leur grammaire est tellement mauvaise! » ● FABIEN MOLLON

« Yahoo Yahoo », in Nouvelles du pays, de Sefi Atta, traduit de l’anglais (Nigeria) par Charlotte Woillez, Actes Sud, novembre 2012, 368 p., 23 euros

Le Deep Web en eaux troubles COMPARABLE À UN IMMENSE iceberg, internet a sa partie immergée. Appelé Deep Web (« internet profond »), il comprend les pages accessibles en ligne mais non répertoriées par les moteurs de recherche classiques (Google,Yahoo, Ping, etc.). Pour y accéder, il faut s’équiper de

logiciels, commeTOR, qui décryptent des adresses obtenues au préalable sur le Net. Puis naviguer par rebond. Dans ce Deep Web, 550 fois plus vaste que l’internet dit de surface, on trouve de tout. Il y a les contenus non référencés pour des questions de confidentialité, mais

il y a aussi les sites conçus pour ne pas être visibles. Les dissidents syriens diffusent ainsi anonymement des informations. Mais c’est aussi un lieu propice à la criminalité. Trafiquants d’armes, dealers et pédophiles y prospèrent. ● JEAN-SÉBASTIEN JOSSET N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Afrique subsaharienne

SÉNÉGAL

Aminata

Touré

« Les Africains doivent être jugés en Afrique » Jamais Habré n’avait paru aussi près de se retrouver devant un juge. Jamais autant de politiques n’avaient eu à s’expliquer sur leur patrimoine… Rencontre avec une ministre de la Justice bien décidée à en découdre. Propos recueillis à Dakar par

L

MEHDI BA

aluttecontrel’impunitéestsonleitmotiv. En neuf mois, la ministre de la Justice de Macky Sall a concrétisé l’ouverture officielle, après des années d’atermoiements, de la procédure judiciaire initiée au Sénégal contre l’ancien président tchadien Hissène Habré. À 50 ans, Aminata Touré défend bec et ongles l’opportunité des enquêtes qui ont amené une ribambelle de poids lourds de l’ère Wade à s’expliquer sur l’état – jugé un peu trop florissant depuis leur passage aux affaires – de leur patrimoine. Ancienne militante étudiante, passée par la Ligue communiste des travailleurs avant de rejoindre le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), puis le cabinet de Macky Sall en 2010, elle entend bien incarner la rupture de gouvernance promise par le chef de l’État. JEUNE AFRIQUE : Le tribunal spécial chargé de juger Hissène Habré a démarré ses activités. Les chambres africaines extraordinaires ont été inaugurées le 8 février. Treize ans après le dépôt des premières plaintes, la procédure est donc enfin sur les rails ? AMINATA TOURÉ: Nousavionsdonnénotreparole

que ce procès, dont on parle depuis si longtemps, se tiendrait dans un délai raisonnable. C’est une date historique aussi bien pour la justice internationale

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

GUILLAUME BASSINET POUR J.A.

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que pour la justice africaine. L’enjeu était de montrer que l’Afrique est capable, en 2013, de tenir un procès de ce type conformément aux standards internationaux. Comment cette procédure se déroulera-t-elle ?

L’instruction va commencer, avec la collecte de preuves et des témoignages. Cette première phase est évaluée à dix-sept mois. Une fois que des éléments suffisamment solides auront été réunis, ils seront transmis à la chambre d’accusation, comme dans une procédure pénale classique.

L’État sénégalais a longtemps paru traîner les pieds. Qu’est-ce qui explique la différence d’approche constatée depuis l’arrivée au pouvoir de Macky Sall ?

C’est une question de volonté politique, tout simplement. On ne pouvait pas parler de lutte contre l’impunité au Sénégal et ne pas tenir nos engagements concernant ce procès. D’autant que la Cour internationale de justice nous a clairement JEUNE AFRIQUE


fait injonction, en juillet 2012, de juger M. Habré ou de l’extrader. Nous estimons que les Africains doivent être jugés en Afrique. Un tel procès aura un caractère à la fois historique et pédagogique. L’avocat français de Hissène Habré a adressé une lettre au chef de l’État dénonçant un « déni de justice »…

Me François Serres aura toute latitude pour faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure. Ne faisons pas jeûne avant carême ! Je le renvoie à la décision rendue en juillet 2012 par la Cour internationale de justice, que j’ai déjà évoquée.

Au Sénégal, l’actualité est aussi rythmée par les auditions d’ex-responsables du régime Wade. Comprenez-vous que le gouvernement soit soupçonné de vouloir régler ses comptes avec la précédente administration ?

Non. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, en mars 2012, la question de l’impunité des crimes économiques s’est tout de suite posée, JEUNE AFRIQUE

! AVANT QUE MACKY SALL ARRIVE AU POUVOIR et qu’elle devienne une ministre phare de son gouvernement, Aminata Touré avait été sa directrice de cabinet.

de nombreux scandales ayant été relayés par les médias. Nous avons d’ailleurs trouvé une kyrielle d’audits qui avaient été commandités auprès de l’Inspection générale d’État ou de la Cour des comptes par le gouvernement précédent. Certains étaient assortis d’une recommandation suggérant au ministre de la Justice de transmettre le dossier au Parquet, ce qui n’avait pas été fait. Ma première action a donc été de transmettre ces dossiers au procureur de la République du tribunal régional de Dakar. Par ailleurs, les organismes compétents ont continué de pratiquer des audits tout au long de l’année 2012. Mais vous avez aussi désigné une juridiction spéciale, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei)…

Nous avons seulement rétabli cette cour, mise en place par une loi datant de 1981. L’enrichissement illicite s’entend comme l’accumulation de biens ou d’avoirsnon justifiables parles revenus de l’individu. L’action de la Crei vise les personnes politiquement N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


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Afrique subsaharienne exposées, qui ont occupé des charges publiques. Le législateur établit que toute personne arborant un train de vie sans commune mesure avec ses ressources peut être amenée devant cette cour. La personne mise en cause a alors un mois pour justifier que ses biens ont été acquis de manière licite : c’est ce qu’on appelle la mise en demeure. Fauted’explicationsconvaincantes,elleestinculpée, et le parquet transmet son dossier à la commission d’instruction de la Crei. Pourquoi avoir déposé une plainte en France contre dix personnalités sénégalaises, dont Karim Wade, plutôt que d’avoir sollicité une entraide judiciaire avec Paris dans le cadre d’une procédure instruite au Sénégal ?

de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao)…

Il se trouve que le procureur spécial de la Crei estime que les personnes auditionnées doivent rester sur le sol sénégalais. Même s’il ne s’agit pour l’instant que de simples témoins, on peut demander, dans le cadre d’une procédure, qu’ils restent à la disposition de l’enquête. La cour de la Cedeao tranchera le 22 février.

Nous parlons d’audits chiffrés. Il ne s’agit pas d’arrière-pensées politiciennes.

Nous avons des raisons d’estimer que le fruit de certaines activités délictuelles a trouvé refuge à Paris. La justice française a donc ouvert une information judiciaire à la suite de la plainte que nous avons déposée. Nos deux pays sont signataires de la Convention des Nations unies contre la corruption, et la France permet la constitution de partie civile. À nos yeux, c’était une opportunité à saisir. Notre objectif, à terme, est de recouvrer les biens mal acquis. Toutes les voies permettant de l’atteindre méritent d’être explorées. Les personnalités du Parti démocratique sénégalais (PDS) visées par ces différentes procédures estiment que leurs droits ont été violés, notamment parce qu’on les a empêchés de quitter le Sénégal. Ils ont saisi la Cour de justice

Cette traque des biens mal acquis ne risque-t-elle pas, ainsi que le craint le mouvement Y’en a marre, de détourner le gouvernement des « priorités exprimées par les Sénégalais » ?

Ce que veulent les Sénégalais, c’est que leur argent leur soit restitué. Pendant tant d’années, ils ont vécu une terrible frustration face à des malversations manifestes, sans parler de l’arrogance qui les accompagnait. Bien sûr, ce n’est pas leur unique préoccupation, et c’est pour cela que nous avons adopté depuis dix mois diverses mesures destinées à améliorer leur quotidien. Mais il y a, sur la question de l’argent public détourné, une demande très forte. Quant à l’effervescence autour de ce dossier, d’où vient-elle? Certains ont manifestement intérêt à dépeindre cette affaire comme une foire d’empoigne, guidée par des arrière-pensées politiciennes. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit, nous parlons d’audits chiffrés. ●

POUR HISSÈNE HABRÉ, LE COMPTE À REBOURS A COMMENCÉ

S

i on coffre Hissène Habré, c’est un Ouakamois qu’on coffrera! » Youssou Ndoye, chef coutumier de Ouakam et conseiller supérieur de la communauté léboue, ne tarit pas d’éloges sur l’ancien président tchadien: « C’est le Bon Dieu qui nous a donné Hissène comme parent. » « S’ils veulent l’extraire de chez lui pour qu’il se rende à son procès, ils devront d’abord tuer toute la population de Ouakam, nous avait avertis Jules Sambou, le président du Collectif africain de soutien à Habré (CASHabré). Il a fait beaucoup de choses ici. Pour laTabaski ou la Korité, il aide les familles N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

démunies. »Youssou Ndoye confirme la prodigalité de ce « bon musulman » réfugié depuis 1990 au Sénégal, où il se partage entre sa villa

des Almadies et sa résidence de Ouakam. « Il aide les gens à payer leurs frais d’hôpital. La saison dernière, il a donné 2 ou 3 millions de

F CFA [entre 3000 et 4500 euros] à l’Union sportive de Ouakam, notre club de foot. » Devant le mutisme de l’accusé et de ses avocats, le CAS-Habré relaie, tant bien que mal, la thèse d’un complot, fustigeant pêle-mêle un « matraquage médiatique », la contribution de l’actuel président tchadien au financement du procès ou encore le rôle des ONG, accusées de « faire du business ». Jules Sambou rencontre régulièrement Hissène Habré. À l’en croire, ce dernier « est très serein. Il sait qu’il n’a rien à voir avec ce qui lui est reproché dans la presse. Il laisse tout entre M.B. les mains de Dieu ». ● JEUNE AFRIQUE


YOUTUBE

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! DANS UNE INTERVIEW EN JANVIER, le président Kagamé a reconnu que la situation était « inconfortable ».

RWANDA

À la diète Accusé, malgré ses protestations, de soutenir les rebelles en RD Congo et lâché par plusieurs bailleurs de fonds, Kigali revoit ses ambitions budgétaires à la baisse.

L

e 1er février, à l’occasion d’une visite de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, l’Allemagne a décidédedébloquerunepartiedesonaide au Rwanda, suspendue depuis six mois. Pour Kigali, c’est un joli succès diplomatique. Mais il en faudra plus pour sortir de la crise budgétaire, et les 7 millions d’euros obtenus seront affectés à des programmes de développement plutôt qu’au budget de l’État, comme prévu initialement. Depuis juillet 2012 et le rapport du grouped’expertsdel’ONUsurlaRDCongo, quiaccuseKigalidesoutenirlesrebellesdu M23, de nombreux donateurs (la Banque africainededéveloppement,lesÉtats-Unis, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède ou encore l’Union européenne) ont suspendu leur aide budgétaire au Rwanda. Pour Kigali, le manque à gagner est estimé à 177 millions d’euros, et ses démentis réitérés n’ont pour l’instant rien changé. Le gouvernement rwandais va donc devoir se serrer la ceinture, d’autant que le budget présenté au Parlement en juin 2012 devait être financé à plus de 40 % par des ressources externes. Dans l’immédiat, le ministère des Finances a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2013, de 7,8 % à 6,3 %. « En tablant sur JEUNE AFRIQUE

une reprise du soutien des donateurs au premier semestre, nos projections donnent une croissance d’environ 7,5 % en 2013, indique Mitra Farahbaksh, la représentante du Fonds monétaire international (FMI) au Rwanda. Mais une suspension sur tout 2013 aurait de lourdes conséquences. Les plus pauvres seraient frappés très durement. » Dans son édition du 12 janvier, l’hebdomadaire britannique The Economist faisait état de premiers signaux inquiétants. La pénurie de devises, affirme-t-il, aurait, pour la première fois depuis 1994, provoqué l’émergence d’un marché noir des changes. Les primes des docteurs et infirmières, représentant jusqu’à 40 % de leurs revenus, ont été supprimées. Un constat

Le compte n’y est pas FOND AGICIRO d’euros 8,2 millions

BUDGET DE L’ÉTAT d’euros 1520 millions

MANQUE À GAGNER d’euros 177 millions

alarmiste que conteste le député Abbas Mukama, vice-président de la commission du Budget. « C’est inexact, s’insurge-t-il. Nous n’avons pas de problème de réserves de change, et la décision sur les primes des médecinsn’étaitpasliéeaumanqued’aide, mais à notre politique de rationalisation de l’argent public. » « Pour l’instant, je n’ai pas ressenti de ralentissement, confirme une jeune entrepreneuse, dont la société exporte sur tout le continent et qui se dit rassurée par la relative stabilité du franc rwandais. Notre monnaie n’a perdu que 3 % par rapport au dollar en un an. » La situation est « inconfortable », a reconnu le président Paul Kagamé dans une interview accordée fin janvier à la chaîne de télévision américaine CNN. « Mais nous avons traversé des situations bien pires », répète-t-on dans les cercles dirigeants. Les Rwandais (y compris ceux de l’étranger) sont appelés à contribuer au fonds de développement Agaciro (« dignité », en kinyarwanda), un fonds souverain lancé en août 2012 et qui doit servir à financer des projets d’utilité publique. Jusque-là, quelque 7 milliards de francs rwandais (8,2 millions d’euros) ont été récoltés. Au ministère des Finances, on planche depuis janvier sur une révision du budget de l’État, qui devrait acter des coupes, des reports d’investissements et un gel des embauches. À moins que le soutien des bailleurs de fonds reprenne très rapidement. ● PIERRE BOISSELET N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Afrique subsaharienne GÉOGRAPHIE

Cartes aux trésors Connaître son territoire dans les moindres recoins de ses courbes de niveau, c’est essentiel. Pourtant, en Afrique, les données disponibles remontent souvent aux années 1960.

C

de l’Institut géographique du Burkina : « La cartographie a occupé une place de choix sous l’administration coloniale, qui a élaboré des cartes pour se donner une vision synoptique de l’Afrique et planifier ses investissements. Au Burkina, elle n’a pas perdu sa place, comme en témoigne la création d’un service de cartographie dans la direction du patrimoine foncier de l’époque. Cependant, les moyens financiers n’ont pas permis de poursuivre le travail. »

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ombien de fois nous l’a-t-on seriné, ce refrain relatif aux frontières africaines « héritées de la colonisation » et tracées « au cordeau » sans respect pour les découpages ancestraux et les populations installées ici et là, qu’elles soient nomades ou sédentaires ? Aujourd’hui encore, pour de nombreux analystes, le conflit malien reposerait sur la fracture entre le sud et le nord d’un pays créé d’une manière par trop artificielle. Et plus généralement, à l’échelle du continent, le tracé des frontières – cette transmutation de l’Histoire en géographie – est régulièrement mis en accusation dans toutes sortes de conflits : Éthiopie-Érythrée, MarocAlgérie, Tanzanie-Malawi, Soudan-SoudanduSud… S’agissant d’intégrité ter r itor iale et de postes-frontières, pas besoin de faire un dessin. Les hommes politiques sont convaincus de l’importance majeure de la cartographie. Mais dès que l’on aborde la question du développement, rares sont ceux qui mentionnent la nécessité de connaître son pays dans les moindres recoins de ses courbes de niveau. « L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), créé en 1940, a cartographié les colonies françaises, explique Christophe Dekeyne, directeur commercial à l’IGN France international (IGNFI). Mais, depuis les années 1960, personne n’a entretenu cette cartographie. Cela coûte cher, et la dimensiontransversaledecetteactivitéfait qu’elle n’entre dans aucune ligne de programme. Pourtant, le manque de données est tel qu’il a posé problème aux bailleurs defondseux-mêmes.»Unpointdevueque confirme Claude Obin Tapsoba, directeur FR

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! IMAGE SATELLITE ET CARTE D’OCCUPATION DES SOLS dans la région de Berberati en Centrafrique. ENTACHÉES D’ERREURS. À long terme,

ce manque d’attention pour les données géographiques coûte cher à l’État. « Comme vous le savez, l’information géographique est au début des actions de développement d’une nation, poursuit Tapsoba. Elle facilite les grandes

orientations de l’aménagement du territoire. Elle contribue aussi à la prévention et à l’organisation des secours, en cas de catastrophes, et autres interventions humanitaires… » Des données anciennes, voire entachées d’erreurs, des échelles inadaptées, des changements non signalés ont pour conséquence des pertes financières sur toutes sortes de projets, qu’il s’agisse des infrastructures de transport, de l’exploitation minière, de la maîtrise de l’eau, de la régulation urbaine, etc. Et abandonner à des entreprises privées le soin de cartographier les espaces qu’ils vont exploiter, c’est partiellement renoncer à maîtriser son chez-soi. Au milieu des années 2000, les mentalités ont commencé à changer, et le Sénégal a montré la voie. « En 2004-2005, avec le financement de l’Union européenne, on a pu actualiser les 27 feuilles qui couvrent le pays, raconte Ibrahima Ndiaye, ingénieur au sein de la Direction des travaux géographiques et cartographiques (DTGC), à Dakar. » L’IGNFI a remporté l’appel d’offres pour réaliser la cartographie du pays au 1/200 000e. « C’est un projet très structurant si on le rapporte, par exemple, au prix au kilomètre carré de la construction d’une route, à l’accessibilité aux écoles ou aux hôpitaux, explique Éric Broussouloux, directeur régional de l’IGNFI. En outre, pour les politiques, c’est assez porteur sur le plan de la communication… » Le projet a fait des émules. Dans la foulée, le Burkina a réalisé la cartographie du pays au 1/200 000e. L’investissement ? À peine moins que pour l’achat de, disons, quatre grosses voitures de luxe : 1,25 million d’euros pour les 34 feuilles couvrant les 274 000 km2 du territoire. Un accord du même type a été signé avec l’Institut géographique du Mali, en octobre 2012. Aujourd’hui, l’IGNFI peut ainsi mettre en avant une vingtaine de projets à travers toute l’Afrique, avec un chiffre d’affaires oscillant entre 12 et 15 millions d’euros. « La carte au 1/200 000 e, c’est un premier niveau d’information, un peu JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

SUR UNE VINGTAINE DE PROJETS SUR LE

CONTINENT,

comme ici au Sénégal.

synthétique, précise Dominique Janjou, directeur pour l’Afrique occidentale et le Maghreb du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). On utilise une échelle de plus haute précision dans des zones d’intérêt particulier. » Le BRGM, qui travaille lui aussi beaucoup sur le continent, peut notamment offrir des informations précieuses sur le sous-sol des pays grâce à la géophysique aéroportée, réalisée par avion… BALBUTIANTE. Mais le retard accumulé est tel qu’au niveau national la cartographie reste pour l’heure souvent balbutiante. Au Sénégal, il s’agit aujourd’hui de réaliser des cartes au 1/50 000e, notamment pour couvrir les berges du fleuve Sénégal ainsi que la grande et la petite côte. « Le choix s’est porté sur ces zones parce qu’elles doivent subir beaucoup de mutations avec le développement du tourisme au bord de mer et de l’agriculture le long du fleuve, explique Ibrahima Ndiaye. C’est essentiel pour la compagnie sucrière sénégalaise comme pour la production de riz… Nous sommes donc en train de cartographier 30 000 km2 le long du fleuve avec la coopération japonaise. » JEUNE AFRIQUE

De même, le pays a lancé, avec l’IGNFI, la elle, moins connue. Et pourtant ! Ce n’est création de bases de données concernant qu’avec une connaissance très détaillée six grandes villes et les zones inondables de la répartition des terres qu’un État de deux départements de la région de peut lever l’impôt foncier. Les enjeux sont Dakar. Le Burkina ne devrait pas tarder à énormes… Mais tout le monde ne voit pas suivre l’exemple : « La carte au 1/50 000e d’un très bon œil les projets de cadastres. « Au début, les hommes politiques sont devrait couvrir l’ensemble du territoire pour constituer la carte de référence pour très enthousiastes, confie un spécialiste la planification du développement, mais qui tient à rester anonyme. Mais quand ils elle n’est réalisée qu’à 40 %, confie Claude se rendent compte que l’on va savoir qui Obin Tapsoba. Et nos villes ne sont pas est propriétaire de quoi, ils disent stop ! » encore dotées de plans, à l’exception de Transparence, planification, gestion Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. » des ressources, les trésors que recèlent De nos jours, la cartographie ne se les cartes sont innombrables. « Il reste résume plus à dessiner des routes, des cependant beaucoup à faire pour amener les institutions et les populations à s’approfrontières et des courbes de niveau, mais bien à compiler des milliers d’informaprier les bénéfices des cartes, souligne tions indispensables à la maîtrise Claude Obin Tapsoba. Notamment des richesses d’un territoire. faire en sorte que l’information Seuls Qu’une carte géologique soit géographique pénètre toute utile pour la prospection la sphère décisionnelle du continent minière ou pétrolière, et que les outils que nul ne l’ignore, et que nous offrons soient sont cartographiés au 1/25 000e (c’est-à-dire à une le BRGM travaille adoptés par les poliéchelle très précise), contre avec Total au Congo tiques pour orienter presque 90 % pour l’Europe ou avec Tata Steel en les grands projets et et 100 % pour les pays Côte d’Ivoire ne saurait programmes qu’ils soude l’ex-URSS surprendre. L’importance haitent conduire. » ● des relevés cadastraux est, NICOLAS MICHEL

2,5 %

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

CHRISTOPHE GRATEAU/IGN FRANCE INTERNATIONAL

! L’IGN TRAVAILLE

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Afrique subsaharienne Stéphane Fouks (Havas Worldwide, exEuro RSCG), Patricia Balme (PB Com International) ou Hervé Bourges… Moins connue, mais aperçue elle aussi au Meurice, Clara Gaymard, la présidente de General Electric France, chargée de soigner les relations du groupe américain avec les gouvernements étrangers. On ignore pour l’instant le montant des contrats engrangés, mais la délégation se félicite déjà de la belle opération de communication réalisée.

CAMEROUN

Paul Biya en VRP de luxe

En visite à Paris, le chef de l’État a tenté de convaincre les investisseurs, mais n’a pas pu éviter les sujets qui fâchent.

WITT/SIPA

40

! À L’ÉLYSÉE, LE 30 JANVIER, à l’issue d’une rencontre avec François Hollande.

S

a visite en France était calée depuis des mois… Arrivé à Paris le 28 janvier, le président camerounais s’est fait le VRP de son programme dit des grandes réalisations. Accompagné d’une douzaine de ministres, Paul Biya a tenté de convaincre les investisseurs de venir dans son pays.

Le 4 février, les salons de l’hôtel Meurice, où il était descendu, ont vu défiler bon nombre d’entrepreneurs (pour la plupart des habitués du palais d’Etoudi), dont Guillaume Giscard d’Estaing, le patron de Sofema, ou Yannick Morillon, à la tête du groupe Geocoton. Également reçus, des communicants bien en cour tels que

FEUILLETON. Avant tout cela bien sûr, Paul Biya avait rencontré son homologue François Hollande – un entretien de trois quarts d’heure organisé le 30 janvier à l’Élysée. Ils ont parlé de coopération et de développement, et le premier n’a pas échappé au sujet qui fâche : le sort de Michel Thierry Atangana, un FrancoCamerounais de 48 ans emprisonné depuisquinzeansauCameroun.Hollande souhaite trouver une issue à cette affaire. Le 26 novembre 2012, il avait dépêché à Yaoundé son ambassadeur pour les droits de l’homme, François Zimeray. À Paris, il a remis à son invité camerounais une copie de la lettre qu’il a envoyée au reclus de Yaoundé. Car, condamné en octobre 2012 à une nouvelle peine de vingt ans de prison ferme, Atangana s’est pourvu en cassation, et Paul Biya pourrait user de la grâce présidentielle pour mettre fin à ce feuilleton politico-judiciaire qui brouille l’image de son pays auprès des investisseurs. ● GEORGES DOUGUELI

Coulisses MALAWI À SAISIR ! Puisqu’on vous dit que c’est une affaire ! Le 20 février, la présidente du Malawi, Joyce Banda, mettra en vente son jet Falcon pour 10 millions d’euros. L’appareil a quinze ans, peut transporter quatorze personnes et est en parfait état, affirme le gouvernement. Surtout, il symbolise les dérives de l’ancien président, Bingu wa Mutharika. Son achat il y a cinq ans avait fait N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

scandale, et la GrandeBretagne, principal pays donateur, avait réduit son aide au Malawi. AFRIQUE DU SUD COUP DE FILET Dix-neuf personnes ont été interpellées dans la province du Limpopo, dans le nord du pays, et ont comparu devant un juge le 7 février. Pretoria les soupçonne d’être des rebelles congolais qui complotaient contre le président Joseph Kabila.

Ils auraient, selon le parquet sud-africain, promis des droits miniers en RD Congo en échange d’armes et de formations militaires. Ils ont été piégés par des policiers qui se sont fait passer pour des mercenaires. BÉNIN C’EST BALLOT… Les cambrioleurs avaient tout prévu. Enfin presque ! Ils ne s’attendaient pas à ce que le coffre-fort

de la direction générale du Trésor et de la comptabilité publique leur résiste, dans la nuit du 4 au 5 février. Ils se sont donc rabattus sur des cantines qui contenaient plus de 200 millions de F CFA (305 000 euros), destinés au paiement de pensions de retraite, mais ont omis de neutraliser les caméras de vidéo surveillance… Moins d’une semaine plus tard, dix personnes ont été interpellées. JEUNE AFRIQUE


JUNIOR D. KANNAH

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! AUTREFOIS CANTONNÉS DANS LES QUARTIERS PÉRIPHÉRIQUES, ils sévissent maintenant partout dans Kinshasa.

RD CONGO

Gangs of Kin

Tant pis si, pour un téléphone ou quelques billets, ils doivent sortir la machette. Violents et sans états d'âme, les Kuluna sèment la terreur dans les rues de la capitale. TRÉSOR KIBANGULA,

D

envoyé spécial

anslesruesdeKinshasa, ils sont là. Toujours en bande, armés et dangereux. Pour un peu d’argent, un téléphone ou quelques bijoux, ils sortent un bâton, un couteau, parfois une machette. Ici, on les appelle les « Kuluna ». « Il y a des quartiers, comme Ngaba, Yolo-Sud ou Yolo-Nord, où l’on n’ose plus aller, ni le jour ni la nuit », explique Pitchen, un étudiant kinois. Lui a été victime en décembre dernier de l’une de ces bandes de brigands qui

JEUNE AFRIQUE

terrorisent la capitale congolaise. Il évoque une agression « d’une violence inouïe », au milieu de la place de la Victoire. « Ils ont surgi de partout, se souvient-il. Je n’ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait. Ils m’ont poignardé dans le dos et m’ont arraché ma montre avant de s’en aller tranquillement. » Un récit parmi des milliers d’autres. « Chaque jour, on reçoit unecentainedeplaintes»,confirme, assis sur une vieille chaise en bois qui grince, Paul Bilonda, officier de

police judiciaire dans le quartier de Lualaba, près du centre-ville. Sur son bureau, des procès-verbaux, de lapaperassequis’entasse,desstylos, une règle… Mais pas de machine à écrire et encore moins d’ordinateur. Le « sous-ciat », entendez sous-commissariat, n’en a pas les moyens. Dehors, quelques agents en uniforme, fatigués par la chaleur, se laissent tomber sur un banc. Ils viennent d’essayer d’arrêter des Kuluna et rentrent tout juste de mission, à pied. « Pas facile de travailler dans ces conditions », murmure l’un d’eux, désabusé. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Afrique subsaharienne Reportage Cet après-midi-là, le soleil luit férocement sur Kinshasa. Nous avons rendez-vous avec des Kuluna qui ont accepté de nous parler. Ils appartiennent à la bande des Lions. Ils arrivent par petits groupes de deux, trois, cinq. Bientôt, tout le « staff » est en place. Ils ont entre 12 et 25 ans et revendiquent une hiérarchie quasi

des rues, les Kuluna ont pour la plupart un toit et une famille. Pour minimiser les risques de se faire arrêter, ils s’imposent certaines règles. La première ? Ne jamais s’attaquer aux habitants de leur « secteur ». En retour, ceux-ci s’abstiennent de les dénoncer. « Nous vivons avec eux, se justifie James, le plus jeune de la bande. Ce sont

se justifient-ils. Ce sont des prostituées. Nous ne faisons que les corriger. » Une « correction » qui peut aller jusqu’au viol. Une jeune fille de 16 ans nous raconte ainsi avoir été agressée l’an dernier. « Ils m’avaient arraché mes habits, puis ils s’amusaient à introduire, à tour de rôle, un doigt dans mon sexe. »

! Dans le quartier de Matete. LES KULUNA SONT SOUVENT JEUNES

et attaquent toujours en bande.

BATAILLE RANGÉE. Les Lions sont

BAUDOUIN MOUANDA

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militaire. Il y a le « maréchal », le chef. Plus loin, le « général », reconnaissable au cobra qu’il s’est fait tatouer sur l’avant-bras droit. Bruno, surnommé « 600 camouflages » pour son habileté à échapper à la police, est l’un des rares à accepter de donner son prénom. « Mes amis ne diront pas un mot avant de savoir si nous ne sommes pas piégés », explique-t-il en lingala. Le gang surveille le moindre de nos gestes. « Pas de photo, pas d’enregistreur », ajoute un autre, méfiant. Avant de poursuivre : « Nous sommes aujourd’hui ce que nous sommes parce que l’État nous a abandonnés. Chaque jour qui passe, nous voyons les riches devenir plus riches et les pauvres devenir plus pauvres. Que faire lorsqu’on galère ? Que faire lorsqu’on croise des gens qui se la coulent douce ? » « Kobotola ! » répondent en criant ses compagnons d’armes. « Extorquer ! » Bruno et ses amis sont convaincus que « c’est tout ce qui leur reste pour survivre » – même si, contrairement aux « shegués », les enfants N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

nos pères, nos mères, nos sœurs et nos frères. Tant que nous ne les dérangerons pas, pourquoi nous dénonceraient-ils ? » VIOL. Mais malheur à ceux qui ne sont pas de leur quartier. « Nous frappons à la machette seulement en cas de résistance, tient à préciser le “général” de la bande. Seulement quand la personne interceptée refuse de nous remettre calmement ce que nous lui demandons. » Les victimes sont souvent des passants qui ont laissé transparaître un quelconque signe de richesse. « Une poche de pantalon qui paraît remplie de billets de banque, un smartphone décroché dans la rue ou encore des bijoux autour du cou… Tout cela suffit pour qu’on attaque le propriétaire », explique James avec indifférence. Parfois, les Kuluna agressent aussi des jeunes femmes qu’ils jugent trop « légèrement vêtues » et qui se sont aventurées seules sur leur territoire. « Mais c’est une réponse à une provocation,

Kuluna

est un mot dérivé du portugais coluna. Selon Roger Mazanza, auteur du Parler kinois, l‘expression a été « importée d’Angola par des Congolais qui avaient observé que, dans ce pays, les militaires marchaient en colonne »

sans scrupule, mais ne se hasarderaient pas hors du quartier de Lualaba, ni même d’ailleurs de l’autre côté de l’avenue où nous les avons rencontrés. Là commence le territoire d’une bande rivale, les Suajamas. Parfois, pour des broutilles et la bière aidant, ils se livrent à de véritables batailles rangées dans les rues de Kinshasa. Les Lions ne s’entendent pas davantage avec les Jamaïque, les Banzoyi (« abeilles », en lingala), les Arabes et les Staff Somalie – des gangs qui comptent tous entre 10 et 30 membres et qui, armés de machettes, de couteaux ou de pierres, s’affrontent le long des avenues résidentielles, obligeant les riverains à se terrer des heures durant dans leurs maisons. « Nous sommes confrontés à une insécurité permanente avec ces groupuscules criminels qui se sont imposés dans nos quartiers et dans nos vies », déplore Hyacinthe Kamango, instituteur dans une école primaire du quartier. Alors qu’il ne touchait que les quartiers périphériques il y a quelques années (et notamment celui de la Cité), le phénomène a aujourd’hui gagné toute la capitale, jusqu’àLaGombe.Etcemalgréplusieurs initiatives mises en place par les autorités pour tenter de l’éradiquer. En 2008, lorsqu’il est nommé ministre de la Justice, Luzolo Bambi fait de la « traque des opérateurs de la criminalité urbaine » l’une de ses priorités. La lutte anti-Kuluna est lancée. L’homme de la « tolérance zéro » joue sur l’effet psychologique de la sanction, en instaurant le « transfert croisé » des délinquants condamnés : le Kuluna arrêté est jugé en audience foraine, là où il a commis son forfait, puis, lorsqu’il a été condamné, il est transféré vers une JEUNE AFRIQUE


JUNIOR D. KANNAH/AFP

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prison située à l’intérieur du pays. « Pendant cette période, nous avons constaté une baisse de la petite criminalité, affirme le commandant Guylain Sangwa, chargé notamment de la lutte contre les Kuluna à la police provinciale de Kinshasa. Leurs complices ne pouvaient plus tenter de les faire libérer par la corruption ou les aider à s’évader. » Mais Luzolo Bambi est éjecté du gouvernement en avril 2012, et son successeur renonce à poursuivre la même politique. Retour à la case départ donc. « Aujourd’hui, vous pouvez arrêter un Kuluna. Le lendemain, vous le transférez au parquet. Deux jours plus tard, il

vous revient après avoir commis un autre forfait dans la rue », regrette un officier de police, convaincu que, « si la justice faisait bien son travail, le phénomène serait déjà éradiqué ». En attendant, André Kimbuta, le gouverneur de Kinshasa, tente une autre approche et propose aux Kuluna qui renonceraient à la délinquance une formation, aux frais de la ville, à l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). « C’est toujours mieux de gagner sa vie à la sueur de son front », se réjouit Kem’s, un ancien Kuluna d’une vingtaine d’années devenu cantonnier.

! L'alcool et la drogue aidant, LES AFFRONTEMENTS ENTRE GANGS

RIVAUX sont fréquents.

En juillet dernier, le gouvernement a décidé de créer une brigade spéciale anti-Kuluna. Officiellement, elle sera composée de 1 000 hommes placés sous le commandement du colonel Eyala, mais, dans les salons climatisés des institutions de la République, on ne s’est pas encore mis d’accord sur les modalités de leur déploiement. « Dans six mois, on ne parlera plus des Kuluna », promet pourtant Guylain Sangwa. Cette brigade, aussi spéciale soit-elle, pourra-t-elle réussir là où les 522 sous-commissariats et 324 postes de police de Kinshasa ont échoué ? Rien n’est moins sûr. ●

DES BRAS COSTAUDS, PAS CHERS ET PARFOIS BIEN PRATIQUES… PARCE QU’ILS PRATIQUENT SOUVENT des arts martiaux et qu’ils sont costauds (ce sont des pomba, dit-on en lingala), les Kuluna sont aussi des bras que l’on peut facilement louer – et les hommes politiques JEUNE AFRIQUE

congolais ne s’en sont pas privés. Lors des campagnes électorales de 2006 et 2011, plusieurs candidats ont fait appel à leurs services, moyennant quelques billets de banque. On les a vus accompagner leurs champions dans des

meetings, leur servir de gardes du corps mais aussi monter en première ligne lors d’échauffourées entre militants. « [À ces moments-là], nous avons évité de les poursuivre pour ne pas être taxés d’étouffer la liberté

d’expression », avait reconnu Luzolo Bambi, ministre de la Justice de 2008 à 2012. Aujourd’hui, des Kuluna continuent de bénéficier de la protection de certains décideurs politiques et judiciaires. ● T.K. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Orange-Côte d’Ivoire Telecom

L’ENTREPRISE CITOYENNE Numéro un des Telecommunications mobiles, fixes et de l’accès à Internet, le groupe s’engage aussi au quotidien aux côtés de ses salariés et de la population.

Mamadou Bamba, Directeur Général d’Orange-Côte d’Ivoire Telecom.

La révolution numérique en marche

T

out le monde connaît la face visible du carré et de l’esperluette Orange-Côte d’Ivoire Telecom. Ils représentent le premier opérateur de Telecommunications en Côte d’Ivoire, dans tous les domaines : clientèle, offre commerciale, réseau de distribution, technique et innovation. Il est aussi le numéro un car l’entreprise fédère les activités de Côte d’Ivoire Telecom (CIT), l’opérateur historique, en charge de la fourniture de services de téléphonie fixe ainsi que des services Internet haut débit, de vente de capacités, de trafic et de location d’infrastructures et celles d’Orange Côte d’Ivoire (OCI), qui a démarré l’exploitation de son réseau mobile en 1996 sous la marque Ivoiris. Le groupe emploie plus de 1 300 personnes en direct. Il dispose du plus important réseau de distribution commerciale avec près de120 boutiques et un réseau de partenaires exclusifs. Plus de 50 000 détaillants proposent ses produits sur l’ensemble du territoire.

Sous la houlette de Mamadou Bamba, Directeur Général d’Orange-Côte d’Ivoire Telecom depuis 2010 et grâce à des investissements de l’ordre de 20 % du chiffre d’affaires annuel, le groupe est premier sur tous les segments : la téléphonie mobile, avec plus de 6.5 millions de clients – face à cinq concurrents dans un pays qui présente l’un des taux de pénétration le plus élevé en Afrique subsaharienne (plus de 80 %) –, la téléphonie fixe, l’accès à Internet (ADSL) ou mobile (Wimax et Hotspots Wifi). Premier opérateur à lancer la 3G+ dans le pays et premier opérateur à accueillir l’atterrissement du câble ACE (12,5 Gbps de bande passante Internet), le groupe investit largement dans la connexion haut débit de la Côte d’Ivoire. Actif essentiel du réseau haut-débit de France Telecom-Orange, ACE est un ambitieux projet qui contribue au développement en Afrique d’un réseau mondial de haute qualité et sécurité. Avec SAT 3 et ACE, Côte d’Ivoire Telecom se positionne comme le Hub Internet de la Côte d’Ivoire et de la sous-région. Le soutien du Groupe au sport est aussi légendairement connu et apprécié des populations qui vibrent au rythme des différentes CAN, compétitions de la CAF,... que le Groupe sponsorise.

Un groupe responsable La face moins connue du carré et de l’esperluette Orange-Côte d’Ivoire Telecom – quoique les résultats obtenus les portent souvent sur le devant de la scène – se trouve dans l’engagement citoyen de l’entreprise au service de ses salariés, de ses clients et des populations. Le groupe s’est manifesté de façon très efficace dans des circonstances

PUBLI-INFORMATION

• 3G+ en Côte d’Ivoire depuis le 4 avril 2012 • 42 Mbps

3G+ Stéphane Richard, PDG d’Orange-France Telecom, a remis le prix des ITN Awards 2012 à Orange-Côte d’Ivoire Telecom.


Pour communiquer comme vous aimez

www.orange.ci www.citelecom.ci www.aviso.ci

ORANGE-CÔTE D’IVOIRE TELECOM Immeuble le Quartz, Boulevard V. Giscard d’Estaing 11 BP 202 Abidjan11, Côte d’Ivoire

L’école primaire d’Ahokoi a été construite par la Fondation Orange-Côte d’Ivoire Telecom dans le cadre du “Projet Village”.

particulières pour la Côte d’Ivoire, à l’époque de la crise sociopolitique de 2011. L’entreprise a déployé une chaîne de soutien médical et psychologique 24h/24 pour ses salariés et manifesté sa solidarité à la population entière grâce à des « bonus-solidarité » afin de leur permettre de s’entraider. Enfin, pour accompagner la reprise, Orange-Côte d’Ivoire Telecom a réussi à mobiliser des investissements et son personnel pour la remise en service rapide des 60 % du réseau rendus indisponibles du fait de saccages et permis à tous les abonnés de continuer de rester en contact avec leurs proches. Ces efforts de remise en service ont été reconnus aux ITN Awards 2012. L’engagement citoyen de l’ensemble du groupe Orange-Côte d’Ivoire Telecom répond à des orientations générales telles que la reconnaissance, la valorisation, l’accompagnement des employés mais également la sécurité de l’information, la transparence et la qualité de service rendue à ses clients. En marge, et ce, depuis plusieurs années, le groupe s’attelle à rendre accessibles au plus grand nombre les bénéfices du monde numérique, tout en réalisant des innovations au service d’une nouvelle éco-citoyenneté. Si les deux premiers domaines font appel à des méthodes « traditionnelles », mais pas exemptes d’innovation comme une culture d’entreprise et une culture de relation-client spécifiques, les deux autres reflètent une image d’entreprise citoyenne et font partie de ce que l’on nomme la Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE).

Un groupe à l’écoute de la société Dans l’objectif de rendre les bénéfices du numérique accessibles à tous, Orange-Côte d’Ivoire Telecom a notamment développé des solutions originales avec Ekophone (près de 500 points d’accès au téléphone en zone rurale) et Orange Money pour les opérations financières à partir du mobile Orange. Les156 stations solaires Oryx déployées dans le pays participent à la réduction de l’empreinte environnementale d’Orange-Côte d’Ivoire Telecom, de même que sa politique d’achats responsables et plusieurs méthodes de travail adaptées (économies d’énergie, promotion des gestes verts et l’e-learning qui permet de réduire les déplacements et la consommation de papier). Enfin, le groupe soutient des initiatives dans le domaine de l’éducation (projet E-education avec des solutions de télé-enseignement pour les universités), et du développement économique, à l’exemple du Pejedec (Programme d’accès à l’emploi des jeunes), en partenariat avec la Banque mondiale. Dans ce cadre, Orange a offert, en 2012, 140 stages à de jeunes ivoiriens.

Ekophone, près de 500 points d’accès de téléphonie en zone rurale.

« Projet village » : 3 engagements par village Avec la création, dès 2006, de la Fondation Orange-Côte d’Ivoire Telecom, le groupe s’est engagé au service de la santé, de l’éducation et de la culture. Marc Rennard, Président du Conseil d’Administration de la Fondation Orange-Côte d’Ivoire Telecom, a lancé en juillet 2012, le programme phare nommé « Projet Village » qui vise à équiper progressivement les villages ivoiriens d’un point d’eau, d’un centre de santé et d’une école. La phase pilote a démarré dans cinq villages pour un coût global de 650 millions de F CFA. « Les efforts de la Fondation sont très appréciés par le Gouvernement » a même souligné le Ministre des PTIC, M. Bruno KONE, lors de sa visite en janvier 2013 à l’opérateur de Telecommunication. Ce projet sera déployé dans d’autres filiales d’Afrique et au-delà. En développant les technologies numériques au service de l’emploi, de la productivité des entreprises, mais aussi des populations, et en intégrant ses actions dans une volonté globale de favoriser le développement socio-économique du pays dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la culture, Orange Côte d’Ivoire Teleom s’inscrit pleinement dans le paysage économique ivoirien et participe à l’avènement de compétences clés. Au-delà de la vision économique, le groupe Orange-Côte d’Ivoire Telecom participe pleinement, preuves à l’appui, et en toute responsabilité à faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à horizon 2020.


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Maghreb & Moyen-Orient

Jeu de massacre ALGÉRIE


Maghreb Moyen-Orient Abdelaziz Belkhadem évincé de la direction du FLN, Ahmed Ouyahia « démissionné » de celle du RND, la course à la succession d’Abdelaziz Bouteflika n’a jamais été aussi indécise. MARWANE BEN YAHMED

D

! À UN AN DE L’ÉLECTION l’échiquier politique algérien ressemble à un champ de ruines.

PRÉSIDENTIELLE,

NEW PRESS/SIPA PRESS/BILLELZ/ALBERT FACELLY/DIVERGENCE/ONU

un extrême, l’autre… Avant, on respectait le chef, quel qu’il fût et quoi qu’on pût lui reprocher. Aujourd’hui, on « redresse » à tout va. Même un CV long comme le bras ne prémunit en rien contre un coup de Jarnac. Les têtes tombent, les unes après les autres. Parmi les trois anciens ténors de l’ex-alliance présidentielle, deux ont déjà rendu les armes, Ahmed Ouyahia, du Rassemblement national démocratique (RND), et Abdelaziz Belkhadem, du Front de libération nationale (FLN). Le premier n’a pas attendu qu’on le mette à la porte et a préféré démissionner. Le second a tout tenté pour sauver son scalp, mais il a tout de même été évincé. Reste le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas), qui ne se porte guère mieux, miné par les dissensions, les échecs électoraux et les affaires. Son chef, Bouguerra Soltani, qui affronte depuis de longues années une fronde interne jusqu’ici maîtrisée, pourrait bien être le prochain sur la liste des « redressés », comme on dit en Algérie. Ailleurs dans l’opposition, les leaders d’antan, longtemps indéboulonnables, quittent également le champ de bataille. Ainsi de Hocine Aït Ahmed ou de Saïd Sadi, qui ont passé la main, laissant à leurs fragiles héritiers le soin de porter sur leurs épaules le fardeau que représentent des partis historiquement importants mais au poids électoral déjà faible du temps des illustres anciens. À un peu plus de un an d’une présidentielle censée être capitale, compte tenu du départ probable de celui qui « tient la baraque » depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika, mais aussi d’un environnement extérieur aux antipodes de ce qu’il était il y a seulement deux ans, avant le déclenchement du Printemps arabe, c’est un champ de ruines qui tient lieu d’échiquier politique. Miser ne serait-ce que 1 dinar sur l’identité non pas des têtes d’affiche mais simplement sur celle des futurs candidats, c’est déjà prendre un risque énorme… LA GRANDE DISCRÈTE. Et puis il y a l’« effet In

Amenas », qui a ramené sur le devant de la scène une institution militaire qui, depuis la première réélection de « Boutef », en 2004, avait appris à se faire discrète. Jadis omnipotente, sous l’effet conjugué de son rôle historique et de l’influence d’un certain nombre de généraux, depuis disparus ou mis à la retraite, elle n’incarne plus ce centre névralgique du pouvoir qui décide tout et tout seul. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne joue aucun rôle. Surtout s’agissant de l’un N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Maghreb Moyen-Orient des derniers « janviéristes »* encore en activité, le général Mohamed Mediène, alias Toufik, patron du tout-puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS), en poste depuis… septembre 1990. Quelle sera l’attitude de l’armée lors de la présidentielle d’avril 2014 ? Tentera-t-elle d’imposer un candidat ou, au contraire, laissera-telle les politiques se débrouiller entre eux? L’armée algérienne n’est pas une entité homogène adepte de la pensée unique. Si certains comptent sans doute peser sur la succession de Bouteflika, la plupart des « jeunes » officiers entendent rester dans leur rôle, c’est-à-dire dans les casernes.

CHERIF OUAZANI

* Du nom de ceux qui ont décidé l’interruption du processus électoral en janvier 1992, comme Khaled Nezzar, Mohamed et Smaïn Lamari ou Abdelmalek Guenaïzia N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

KARIM DJAAD

Pourquoi et comment Belkhadem est tombé «

PAS D’IMPLICATION. Abdelaziz Bouteflika, face

à un tel vide et devant la résurgence de la menace terroriste, qui pourrait par ailleurs inciter à plus de clémence les pays occidentaux qui ne goûtent guère les chefs d’État qui s’accrochent au pouvoir, décidera-t-il de poursuivre sa mission, ne serait-ce que pour quelques mois? D’après nos informations, bien que son cerveau soit l’un des plus insondables du continent et qu’il ne se confie qu’à un cercle de plus en plus restreint de personnes, le président observe attentivement les querelles intestines au sein de « son » parti, le FLN, comme au sein du RND. Mais il ne s’implique nullement, ni pour sauver l’un de ses ex-soldats, ni, au contraire, pour l’enfoncer un peu plus. Il n’envisagerait pas non plus, en dépit des rumeurs persistantes, de prolonger son séjour à El-Mouradia. À ceux qui réclamaient, dans un réflexe quasi pavlovien, un quatrième mandat à la fin d’un discours prononcé à Sétif en mai 2012, alors qu’il venait tout juste d’expliquer que sa génération était arrivée au bout de son chemin, il a répondu, en les priant de se taire: « Longue vie à ceux qui connaissent leurs limites… » Un message sibyllin, certes, mais tout de même. Ceux qui le côtoient savent qu’il n’a pas prononcé ces paroles en l’air. Comme ils peuvent imaginer qu’il ne souhaite pas non plus, car ce ne serait même pas dans son intérêt, annoncer son départ avant l’heure. Reste que les Algériens attendent du changement. À leur manière, avec une infinie patience, pour ne pas dire avec résignation, ce qui n’est pas sans surprendre tous ceux, et ils sont nombreux, qui pensaient naïvement que l’Algérie suivrait le chemin emprunté par la Tunisie, l’Égypte ou la Libye. L’évolution des révolutions nord-africaines ne les incite d’ailleurs pas à secouer plus que de raison le palmier algérien… Ils se posent cependant nombre de questions et ont du mal à comprendre le jeu de massacre auquel se livre subitement leur classe politique. Seule certitude, désormais : la succession de Bouteflika ressemble de plus en plus au triangle des Bermudes… ●

et

Débarqués du FLN : et de quatre !

Abdelhamid Mehri, en 1996, pour avoir pactisé avec les islamistes sous l’égide de la communauté chrétienne Sant’Egidio

Boualem Benhamouda,

en 2001, pour avoir soutenu trop mollement la candidature de Bouteflika à la présidentielle de 1999

Ali Benflis,

En 2004, pour s’être présenté face à Bouteflika à la présidentielle de 2004

Abdelaziz Belkhadem,

En 2013, pour ne pas avoir su fédérer l’ensemble du parti et pour ses penchants islamistes

J

’ai été trahi par les miens… » Une heure après le vote de confiance qui l’a destitué, le 31 janvier, de son poste de secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem est encore sous le choc. Devant sa garde rapprochée, il explique que cette trahison est venue de ses proches, ceux-là mêmes qu’il a installés au comité central, instance suprême du parti, et qui devaient lui assurer la victoire ce jour-là, à l’hôtel Riadh de Sidi Fredj, sur le littoral ouest d’Alger. Ayant refusé de démissionner, comme le réclamaient ses opposants, Belkhadem a opté pour un vote de confiance tant il était convaincu d’obtenir la majorité. Sauf que 160 membres du comité central ne l’ont pas suivi, contre 156 votes favorables. Belkhadem, 67 ans, quitte donc la direction du parti comme il y avait été propulsé, par le biais d’un « mouvement de redressement ». En huit ans, il a pourtant tout conquis: le FLN, le premier ministère, qu’il dirige entre mai 2006 et juin 2008, et surtout la confiance du président, qui en fera même son représentant personnel au sein du gouvernement. Une fois à la tête du FLN, cet ancien instituteur de langue arabe place ses hommes dans toutes les instances du parti, écarte ses rivaux sans ménagement, s’entoure d’hommes d’affaires à la réputation douteuse et affiche ouvertement son ambition de succéder à Bouteflika. Trop ambitieux, Belkhadem? « Il s’est écarté des principes du FLN, s’est inspiré du programme d’un parti islamiste soudanais, a imposé des femmes et des hommes étrangers à notre formation politique et introduit la culture de la chkara [« sac d’argent », NDLR], commente El Hadi Khaldi, ex-ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels. Il a mis le FLN au service de ses ambitions personnelles et se voyait déjà au palais d’El-Mouradia. » Belkhadem a transformé le FLN en zaouia (« confrérie ») dont il était devenu le chef, persifle de son côté le sénateur Salah Goudjil, ennemijurédel’ex-secrétairegénéral,quiauramené pendant plus de deux ans, aux côtés de pontes du parti, de ministres, de députés et de sénateurs, une guerre larvée pour « dégager » Belkhadem. Tenace, celui-ci s’est accroché, se prévalant de la protection du chef de l’État. « Il a vainement attendu un geste, uncoupdefil,unmessagedeBouteflika,nousconfie un dirigeant du FLN. Il espérait en faire une carte pour se maintenir. » Le message de Bouteflika est arrivé le 9 janvier, quand huit ministres FLN somment Belkhadem, dans un communiqué pesé et soupeséparlaprésidence,desedémettre,l’accusant d’utiliser « les moyens de l’État pour assouvir ses ambitions politiques ». JEUNE AFRIQUE


BILLELZ

Bouhara, l’homme du consensus?

M

ême si la bataille de procédures autour de la succession de Belkhadem est loin d’être terminée, un homme tient la corde pour diriger le FLN jusqu’à la présidentielle de 2014 : Abderrazak Bouhara. Bien avant la destitution de Belkhadem, son nom était déjà sur toutes les lèvres. De lui, on dit qu’il est ami avec le patron des services secrets, le général-major Mohamed Mediène, qu’il est proche du président Bouteflika, qui l’a nommé sénateur dans le tiers présidentiel, qu’il est respecté par ses pairs au sein du FLN, qu’il ne nourrit pas d’ambitions présidentielles et que son avenir politique est derrière lui… Sur le papier donc, Bouhara, 79 ans, a le profil idéal pour prendre la direction de l’ex-parti unique. Ancien combattant durant la guerre de libération nationale,ex-lieutenant-coloneldel’armée,ministre de la Santé dans les années 1980, Bouhara est un cacique du FLN, où il siège comme membre permanent du comité central. En outre, l’homme, qui se présente comme un « rassembleur », est un opposant notoire à Belkhadem, qu’il accusait d’avoir « dénaturé l’identité » du parti. Autant d’atouts qui le placent en pole position pour assurer la succession ou l’intérim du secrétaire général déchu. « Le prochain secrétaire général du FLN sera Abderrazak Bouhara, décrète un ancien ministre. JEUNE AFRIQUE

! AMARA BENYOUNES, président du Mouvement populaire algérien (MPA).

Il a la confiance des décideurs, il a vocation à apaiser les tensions, à fédérer tous les courants pour sortir le parti de la crise qui le mine depuis deux ans. » Le prochain congrès du parti étant programmé, sauf imprévu, pour 2015, la mission du nouveau patron du FLN consiste à faire taire les ambitions présidentielles à l’intérieur du parti et à mettre celui-ci au service du futur candidat du « consensus » qui aura à succéder à Bouteflika.

Ahmed Ouyahia est-il fini ?

J

eudi 3 janvier 2013. Ahmed Ouyahia, secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), est au siège du parti, sur les hauteurs d’Alger. Seul dans son bureau, il relit pour la dernière fois la lettre qu’il a rédigée la veille. Dans cette longue missive, qui sera rendue publique le jour même, il y a un mot qui lui fait très mal : « démission ». Onze ans après avoir pris la direction du RND, créé en février 1997, Ouyahia, 61 ans, accepte, la mort dans l’âme, de rendre son tablier, victime d’une fronde interne amorcée dès mai 2012 par des membres du parti qui contestent autant son leadership que sa gestion. « Il pensait survivre à cette fronde, avoue aujourd’hui l’un de ses anciens collaborateurs. Mais il a été surpris par la fulgurance du raid N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


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Maghreb Moyen-Orient lancé contre lui. » Surpris, Ouyahia? Pas vraiment, nuance un ancien ministre, qui a longtemps travaillé avec lui dans les années 1990. « Dès lors que la fronde a été orchestrée par Yahia Guidoum, réputé proche des militaires, et qu’Ahmed Ouyahia a perdu, en septembre 2012, son poste de Premier ministre, il était évident que son avenir à la direction du RND était scellé. Bouteflika l’a largué sans frais, et l’armée ne le voyait plus comme un successeur potentiel du président. Mais, contrairement à Belkhadem, Ouyahia est un homme discipliné. Il a préféré donner l’image d’un homme qui part de son plein gré plutôt que d’être chassé. » Quid de l’avenir politique d’Ouyahia ? Peut-il revenir dans quelques mois à la direction du RND ? A-t-il tiré un trait sur ses ambitions présidentielles ? Compte-t-il s’expliquer sur son départ précipité ? « Pour le moment, il prend du recul, déclare l’un de ses proches, qui ne souhaite pas être cité. Il ne veut pas parler et il ne parlera pas avant longtemps. » « Il est toujours membre du RND, acquiesce un proche de Guidoum, mais il est exclu qu’il revienne à la direction du parti. »

Quelle tête de file pour les islamistes?

P

lus fort que jamais dans les pays du Printemps arabe, le courant fondamentaliste, composé d’une force principale, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, de Bouguerra Soltani), d’obédience Frères musulmans, et de quelques « forces supplétives », notamment Ennahda et El-Islah, enregistre un surprenant recul en Algérie. Miné par des dissidences internes, le MSP, troisième force politique de la législature sortante, a subi une déroute aux législatives de mai 2012. Une débâcle confirmée quelques mois plus tard lors des municipales et des sénatoriales. Ces malheurs électoraux ont valu à Soltani d’être sur la sellette. D’aucuns lui promettent le même sort que ses anciens partenaires au sein de l’Alliance présidentielle, Abdelaziz Belkhadem du FLN et Ahmed Ouyahia du RND. Mais qu’il soit débarqué ou non, il est peu probable qu’il maintienne ses ambitions présidentielles pour 2014. De jeunes loups du MSP pointent déjà leur museau. Deux cadres en vue ont en effet décidé de claquer la porte du parti pour créer le leur : Abdelmadjid Menasra, ancien ministre de l’Industrie, qui a fondé le Front du changement, et Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, qui a lancé son Rassemblement Espoir de l’Algérie, dont le sigle en arabe, Taj, signifie « couronne ». Menasra et Ghoul devraient être de la partie dans la pêche aux voix islamistes. Vedette montante des Frères, Abderrazak Mokri, chef du groupe parlementaire, refuse de quitter le parti et compte sur l’investiture du MSP. La quatrième personnalité issue N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

! AMAR GHOUL (lunettes noires), leader du Rassemblement Espoir de l’Algérie (Taj).

du courant islamiste à briguer la succession de Bouteflika est un éternel candidat malheureux : Abdallah Djaballah, qui mise sur sa constance. « Contrairement aux autres dirigeants islamistes, je ne me suis jamais allié au pouvoir », répète-t-il à l’envi pour obtenir les suffrages des fondamentalistes. Mais cet argument ne suffira peut-être pas à faire oublier sa fâcheuse manie de confondre les finances des partis qu’il a eu à diriger avec sa cagnotte personnelle.

À qui profite la redistribution des cartes?

L

a « neutralisation » de Belkhadem et d’Ouyahia, deux personnalités parmi les plus citées pour la succession de Bouteflika en 2014, a créé une situation inédite : les deux principales forces politiques du pays, le FLN et le RND, ont été totalement « désamorcées », selon la formule d’un membre du bureau politique de l’ancien parti unique. « Le pouvoir, dit-il, s’est arrangé pour annihiler toute possibilité d’avoir un candidat investi par le FLN ou par le RND. Du coup, ces deux redoutables machines électorales seraient à la disposition d’un mystérieux candidat, non encore déclaré. » Qui donc sera l’heureux élu du système ? Nul n’est en mesure de le dire. L’élite dirigeante ne s’étant jamais renouvelée, aucun jeune leader (entendre issu de la génération postindépendance) ne s’impose sur l’échiquier politique. En annonçant, le 4 septembre 2012, la liste des membres de son gouvernement, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait eu cette mystérieuse formule : « Les dirigeants de l’Algérie de demain se trouvent parmi l’équipe appelée à diriger aujourd’hui l’exécutif. » Si sa feuille de route JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

MOH ALI/NEW PRESS/SIPA PRESS

Même les micropartis de création récente sont touchés par le syndrome de la fronde interne.

comprendl’organisationdelaprésidentiellede2014, ce qui écarte l’éventualité qu’il s’y présente, rien n’interdit à Sellal de démissionner quelques mois avant l’échéance pour se lancer dans la course à El-Mouradia. « Peu probable », selon son entourage. Il reste deux noms : Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, président de Taj (lire p. 50), et Amara Benyounes, ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et de la Ville, président du Mouvement populaire algérien (MPA). De nouvelle génération, agréées à la faveur des réformes politiques amorcées après le Printemps arabe, ces deux formations sont devenues, en quelques mois, respectivement les quatrième et troisième forces politiques du pays. Et si le MPA a affronté le suffrage universel–unepercéeauxlégislativesdoubléed’une nette confirmation lors des municipales –, Taj n’a même pas eu besoin de battre campagne. Agréé après les législatives, il a vampirisé les autres partis pourrevendiquerprèsd’unequarantainededéputés qui ont rejoint ses rangs. Dédaigneux, il a refusé de se jeter à l’eau pour les municipales. Alors, Sellal, Benyounes ou Ghoul? À moins que le système ne jette son dévolu sur un jeune général, héros anonyme de la guerre contre le terrorisme, et vende l’idée à l’opinion publique au nom de la sacro-sainte stabilité du pays « que l’on ne saurait remettre en question ».

Quel leader pour l’opposition?

C

ette instabilité ne concerne pas uniquement les formations de la majorité. Les partis de l’oppositionsontégalementfrappésparlesyndrome du « redressement », terme générique désignant les coups d’État scientifiques, ou vivent une succession JEUNE AFRIQUE

agitée. Ce n’est pas le cas du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui a connu une passation apaisée. Après vingt ans de présidence, son fondateur, Saïd Sadi, a passé le témoin lors du congrèsdefévrier2012.Maissonsuccesseur,Mohsin Bellabes, manque manifestement de charisme, et le RCD a sombré dans l’anonymat. En revanche, le retraitdeHocineAïtAhmed,personnalitéhistorique du mouvement national et fondateur du Front des forces socialistes (FFS), doyen de l’opposition (il a été créé en 1963), a provoqué un véritable séisme dans les structures du parti. Aucune personnalité parmi l’élite du FFS ne fait consensus. Résultat: des rivalités haineuses, des ambitions qui se heurtent violemment et des déchirures. Peu contestée, la trotskiste Louisa Hanoune, à la tête du Parti des travailleurs (PT), première force d’opposition dans le Parlement depuis la création du parti, en 1990, devrait elle aussi passer la main. Même les micropartis n’ayant que quelques mois d’existence sont touchés par le syndrome de la contestation interne. Autant le système cherche une alternative à Bouteflika en 2014, autant l’opposition manque de leader charismatique.

Et Bouteflika?

À Qui pèse quoi Classement des principaux partis en fonction de leur poids dans la représentation nationale (en nombre de députés, sur 462)

208

FLN

RND

64

FFS

27

PT

24

Taj, qui revendique 40 députés, ne fait pas partie de cette liste car, n’ayant pas participé aux législatives du 10 mai 2012 (il n’existait pas encore), il ne peut constituer un groupe parlementaire. Les élus qu’il revendique sont le produit de la transhumance politique, qui n’est pas interdite en Algérie

Sétif, le 8 mai 2012, lors de sa dernière sortie publique, Abdelaziz Bouteflika a clairement annoncé la fin de la mission historique de sa génération. Pourtant, des voix de plus en plus nombreuses lui suggèrent de briguer un quatrième mandat. « Personne ne peut vous remplacer », insistent certains de ses collaborateurs, qui arguent de la « fragilité de l’Algérie ». Il est peu probable que l’homme ait encore l’énergie de battre campagne. On le dit également gagné par une profonde lassitude. Son état de santé, fragile, explique ses longues périodes d’absence. « Une thérapie assez lourde qui épuise le patient », assure un ami de la famille. Selon les témoignages de ses récents visiteurs, le président a une voix presque inaudible, et « l’interlocuteur a intérêt à disposer d’une bonne ouïe s’il veut entretenir la conversation ». Autrefois boulimique en matière de dossiers à traiter, Bouteflika délègue de plus en plus. Il se fait représenter dans les sommets et conférences. Le Conseil des ministres ne se réunit plus que deux ou trois fois par an, alors que son rythme « normal » devrait être hebdomadaire. Quant aux visites dans l’Algérie profonde dont il était si friand, c’est désormais son Premier ministre qui s’en charge. Les prédécesseurs de Sellal (Benbitour, Benflis, Ouyahia ou Belkhadem) n’avaient pas eu droit à un tel « privilège ». Cela dit, peu de voix invoquent l’état de santé du président comme un cas d’empêchement. L’opinion semble s’être faite à l’idée que son « Aziz » n’est pas éternel. Raison de plus pour s’interroger sur la suite, quel qu’en soit le terme... ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Maghreb Moyen-Orient LIBYE

En attendant la Constitution Au terme d’un imbroglio qui aura duré plusieurs mois, le Congrès général national annonce que les membres de la commission constituante seront élus. Ce qui promet des débats animés.

A

près des mois d’hésitation, le Parlement libyen a finalement tranché : la Constituante sera élue directement par le peuple. L’annonce a été faite le 6 février, à l’issue d’une réunion extraordinaire du Congrès général national (CGN). « La décision a été prise après le vote d’une majorité de 87 voix sur 97 députés présents lors de la session plénière », a déclaré Omar Hmidan, porteparole de l’Assemblée. « Le CGN formera aussi une commission chargée de restructurer la Commission électorale pour superviser l’élection de la commission constituante », a-t-il ajouté. Aujourd’hui, le Parlement compte théoriquement 200 députés, mais, en plus de l’absentéisme régulier et du fait que 11 députés ont vu leur élection invalidée par la Haute Instance pour l’application des critères de transparence et de patriotisme, il apparaît que de nombreux élus se sont fait porter pâles dans l’attente d’une décision judiciaire pouvant invalider la procédure de l’élection directe.

COLÈRE. Il y a quelques semaines, le président du CGN, Mohamed el-Megaryef, avait nommé un comité de dialogue chargé de recueillir les opinions des différentes régions du pays. Mais le mécontentement grandissant à l’égard des parlementaires, qui continuent d’occuper des chambres d’hôtel au Rixos à plus de 200 euros la nuit, les a obligés à accélérer le pas. Qu’on en juge par les circonstances dans lesquelles le CGN s’est réuni le 6 février. Les plénières ordinaires du Parlement se tiennent généralement le dimanche et le jeudi, mais, lors de la précédente séance, le 3 février, les élus se sont retrouvés face à une situation insolite. La salle du congrès a été envahie par des mutilés et des blessés de guerre (certains armés) venus protester contre la négligence du gouvernement transitoire. Par faiblesse ou par compassion, les autorités ne les ont pas délogés. Et les députés se sont résignés à se réunir sous une tente dressée à la hâte dans le N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

jardin de l’hôtel Rixos, sur la route de l’aéroport de Tripoli. Sur le fond, l’imbroglio autour de la Constituante remonte à l’été dernier. Deux jours à peine avant la tenue des législatives, le Conseil national de transition (CNT) avait modifié la déclaration

Transition : un calendrier heurté • 23 octobre 2011

Le président du CNT, Mustapha Abdeljalil, proclame la libération de la Libye à Benghazi

• 24 novembre 2011

Prestation de serment du gouvernement Abderrahim el-Keib, Premier ministre élu par le CNT le 31 octobre

• Février 2012

Le CNT et le gouvernement adoptent les lois électorales et nomment une Haute Commission nationale des élections

• 7 juillet 2012

Élections législatives et installation du Congrès général national (CGN), chargé d’élire le gouvernement

• 4 octobre 2012

Le Premier ministre Mustapha Abouchagour échoue à former son gouvernement

• 3 novembre 2012

Le nouveau Premier ministre Ali Zeidan nomme un gouvernement de transition

• 6 février 2013

Le Parlement décide que les 60 membres de la Constituante seront élus par le peuple

constitutionnelle d’août 2011, qui prévoyait que la Constituante soit nommée. Les 200 sièges du Parlement sont répartis comme suit : 100 pour la Tripolitaine (Ouest), 60 pour la Cyrénaïque (Est) et 40 pour le Fezzan (Sud). Sous la pression des fédéralistes de la Cyrénaïque qui menaçaient alors de faire dérailler le scrutin, notamment à Benghazi, le CNT avait modifié la feuille de route pour laisser la

place à un scrutin direct. La « commission des soixante », comme l’appellent les Libyens, en référence directe aux soixante pères fondateurs qui avaient rédigé la Constitution de 1951, doit garantir une représentation à parts égales des trois provinces, avec vingt membres chacune. En 1951, les constituants avaient dessiné un État fédéral avec de larges compétences dévolues aux provinces par le roi Idriss. Selon le calendrier idéal de la transition, la Constituante aurait dû être mise en place au début de septembre 2012. Mais le débat sur les modalités a été long et pénible. Pour les fédéralistes et tous ceux qui jugent que la Cyrénaïque est défavorisée, l’élection restait le seul moyen de préserver une représentation équitable. Or, depuis la « révision » de juillet, certains ont voulu revenir à la désignation en avançant toute une série d’arguments : le coût et le retard que causeraient de nouvelles élections, l’idée que la nomination permettrait un choix de personnalités qualifiées et aussi le fait que le texte devra, in fine, être validé par un référendum, ce qui assure une forme de démocratie directe. Mais, dans le climat d’instabilité et de méfiance, aggravé par la détérioration de la situation sécuritaire à Benghazi, l’élection de la Constituante devenait un nœud de crispation. POUVOIRS. Les défis de la construction

étatique sont immenses en Libye, un pays plombé par un passif dictatorial écrasant mais aussi par l’inexpérience et la précipitation des nouvelles élites politiques, qui les préparent bien mal à répondre aux attentes de la population. Seule institution élue de manière démocratique depuis la révolution, le Parlement est de plus en plus critiqué pour sa lenteur et ses divisions. « Le Congrès n’a pas tenu sa promesse de respecter le calendrier de transition, ce qui nourrit les frustrations de la rue », déplore Mahmoud Shammam, l’un des membres du CNT, très remonté contre les élus. Au début de janvier, l’Alliance des forces nationales (AFN), premier groupe du Congrès avec 39 élus, a brièvement boycotté les travaux parlementaires pour en dénoncer la lenteur. En attendant, le président de l’AFN, Mahmoud Jibril, affûte ses arguments pour la future mêlée constitutionnelle. Face aux conservateurs du Parti de la justice et de la construction (PJC), il plaide pour une Constitution dotant la Libye d’institutions fortes pour mener à bien JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

MAJDI ELNAKUA/DEMOTIX/CORBIS

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! LES PARLEMENTAIRES peinent à convaincre les citoyens, qui ne ratent pas une occasion d’exprimer leur mécontentement.

le développement du pays. L’AFN, dont la présence au Congrès minore en réalité sa puissance électorale, s’estime incontournable pour voter la Constitution. Le texte adopté par le Parlement doit être validé par une majorité des deux tiers au suffrage universel direct. LIGNES DE FRACTURE. Les fédéralistes ne sont pas les seuls à faire entendre leur voix, car le texte constitutionnel devra trancher, pour quelque temps du moins, des questions essentielles, qui vont du système de gouvernement à la langue officielle du pays, en passant par le statut des minorités, la protection juridique des femmes (au moment où la Cour suprême vient de faire sauter les derniers verrous de la polygamie) et plus généralement la question de la source de la loi. Sous Kaddafi, la charia était déjà la source de la législation, et les déclarations du CNT, sous la présidence du très pieux Mustapha Abdeljalil, semblaient avoir tranché la question. Référence obligée JEUNE AFRIQUE

La société est traversée par des lignes de fracture, notamment entre conservateurs etmodérés.Récemment,lesfemmesélues au CGN ont aussi créé un groupe pour peser sur le débat public. Les Amazighs, très actifs depuis le déclenchement de la révolution, réclament l’officialisation de leur langue. Présent lors de leur congrès, le président du Le rejet du pouvoir fort est tel CGN a dit son souhait que la qu’on peut craindre un excès Constitution la reconnaisse. Une fois encore, Megaryef continue de parlementarisme. à agir comme un véritable chef Même Mahmoud Jibril, que l’on présente d’État. Un indice : la délégation libyenne à tort comme un laïc, évacue la question au congrès extraordinaire de l’Organisaen déclarant que la référence à l’islam ne tion de la coopération islamique (OCI) fait pas débat. était présidée par Salah el-Makhzoum, D’autres questions risquent d’appadeuxième vice-président du CGN. Après raître au moment de la rédaction du texte. quarante-deux ans de pouvoir kaddafiste, Lors des négociations pour former un le rejet du pouvoir fort est tel qu’on peut gouvernement, Mustapha Abouchagour craindre un excès du parlementarisme. À (qui y a finalement renoncé) et Ali Zeidan l’approche du deuxième anniversaire du ont été systématiquement démarchés soulèvement contre Kaddafi, la révolution par divers groupes d’intérêts régionaux, avance à petits pas. ● ethniques: Amazighs, Touaregs, Toubous. YOUSSEF AÏT AKDIM dans la quasi-totalité des Constitutions de la région, la charia n’emporte pas pour autant les mêmes conséquences partout. Beaucoup de Libyens y sont attachés pour des motifs identitaires, et, si elle restait cantonnée au domaine du statut personnel, la charia ferait l’unanimité.

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Maghreb Moyen-Orient

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Démocratie clé en main

U GUY LARDEYRET Président de l’Institut pour la démocratie courriel : ideev@wanadoo.fr

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N VENT DE LIBERTÉ souffle sur l’Égypte et la Tunisie mais, on le constate chaque jour, le chemin vers la démocratie est semé d’embûches, notamment lorsqu’il s’agit de se doter d’une Constitution. Or il serait possible d’épargner aux pays concernés de longs errements en les faisant bénéficier de l’expérience acquise par tous ceux qui les ont devancés. Les démocraties en gestation doivent pouvoir accéder d’emblée à la technologie politique la plus sûre, car, si tous les peuples aspirent à la démocratie, les bonnes solutions ont également valeur universelle.

vers le tout-État en installant un garde-fou juridique : le préambule constitutionnel, qui définit le rôle de la puissance publique. Mais le débat politique n’en est pas moins indispensable pour fixer la dose optimale d’intervention étatique. Une fois mis en place cet ordre juridique supérieur, c’est au pouvoir exécutif, sous le contrôle permanent des élus nationaux, qu’il appartient de mener l’action publique, qui ne saurait en aucun cas s’incarner dans une seule personne. La difficulté est d’ouvrir la voie à une bipolarité de la vie publique en permettant l’émergence d’authentiques partis politiques capables de transcender les clivages sociaux traditionnels – et l’obsession des partisans d’une cause unique – afin de dégager une majorité dans la population. Indissociable de cette logique, le scrutin majoritaire garantit du même coup l’émergence d’une opposition homogène capable d’assumer la relève. Tel est le système simple, clair et éprouvé qui

La convocation d’une Assemblée constituante, option qui se justifiait au XVIIIe siècle car on écrivait alors sur une page vierge, n’est plus de mise aujourd’hui. En effet, les règles de la démocratie ne relèvent pas d’un rapport de force électoral, mais de la nature de l’homme et des choses. Si le peuple est spontanément démocrate, les élites politiques doivent cependant disposer d’un certain savoir-faire pour Le scrutin majoritaire garantit donner forme juridique à ces règles. l’émergence d’une opposition Si les pays d’Europe de l’Est homogène capable d’assumer la relève. avaient disposé de ce viatique il y a vingt ans, ils n’auraient pas adopté la pire des solutions. L’élection fait la supériorité du modèle démocratique du président de la République au suffrage – qu’il suffit d’adapter aux particularismes universel a instauré une dyarchie à la tête de du pays considéré, fruits de son histoire et l’État, tandis que le choix de la proportionnelle de sa géographie. a entraîné la constitution de coalitions parlementaires hétéroclites. L’incurie gouverneLe meilleur moyen d’y parvenir est d’insmentale qui en a résulté a entraîné une taurer en premier lieu une démocratie de désaffection des citoyens pour la chose proximité. En effet, pour les électeurs, il est publique. Les pays arabes ne doivent pas plus facile de faire un choix pour ou contre reproduire les mêmes erreurs. les sortants au niveau local. À condition d’être Après deux siècles de tâtonnements, nous convaincant, il est donc possible de hâter la savons maintenant comment une démocratie marche des pays arabes sur la voie de la moderne peut fonctionner dans de bonnes démocratie. Il incombe aux hommes policonditions. Au-delà de l’énoncé de grands tiques, à l’échelon le plus élevé, de se saisir principes, la mécanique institutionnelle peut du dossier et de prendre une initiative en se résumer à quelques axiomes. ayant à l’esprit l’ensemble des pays arabes, même si tous ne sont pas immédiatement La démocratie commence là où s’arrête le concernés. Au lieu de flatter leur amourpouvoir politique. Il est d’abord possible de propre, nous pouvons offrir aux nouveaux garantir l’exercice des libertés à la condition membres du club le vade-mecum indispende se prémunir contre le risque d’une dérive sable en guise de cadeau de bienvenue. ●

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient MAURITANIE

Qui veut la peau de Bouamatou?

Trois sociétés liées au groupe appartenant au célèbre homme d’affaires ont reçu des avis de redressement fiscal d’un montant total estimé à 10,3 millions d’euros.

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DR

n exil à Marrakech, Mauritania Airways, dont il au Maroc, depuis n’a pourtant été que l’éphé2010, Mohamed mère président du conseil Ould Bouamatou, d’administration. BSA n’en le patron mauritanien le détient d’ailleurs que 39 % des plus célèbre – et le plus parts, aux côtés de Tunisair, puissant –, est dans le colmajoritaire (51 %), et de l’État limateur de la Direction mauritanien (10 %). générale des impôts (DGI) de son pays. Trois sociétés GUERRE DES COUSINS. Hasard de calendrier ? liées à l’immense groupe du même nom, Bouamatou Toujoursest-ilqu’àNouakchott SA (BSA), ont reçu des avis oncroitassisteràunenouvelle de redressement fiscal guerre des cousins. Issus de la mêmetribu,lesOuledBesbah, d’un montant total estimé Mohamed Ould Abdelaziz et à 4,3 milliards d’ouguiyas (10,3 millions d’euros). Du le richissime Mohamed Ould jamais vu, selon la presse Bouamatou ont pourtant été locale, qui a aussitôt volé très proches. Ce dernier a au secours de Bouamatou, été l’un des missi dominici l’ancien instituteur devenu d’« Aziz » en France, chargé milliardaire, dont l’entoude faire avaliser par Paris le putsch d’août 2008. Proche rage ne cesse de dénoncer de l’ex-secrétaire général de depuis l’« acharnement » dont il serait victime. Rien la présidence Claude Guéant et de l’avocat Robert Bourgi, que de très normal, répond la DGI, qui se prévaut d’une Bouamatou a aussi généreusement et ouvertement aidé logique implacable : celui qui fait le plus de chiffre Aziz avant la présidentielle de d’affaires est celui qui paie juillet 2009. Un indispensable soutien financier… qui n’a pas le plus d’impôts. MOHAMED OULD BOUAMATOU en 2008. Son entourage dénonce Tout a commencé à la fin été payé en retour. Furieux, aujourd’hui « l’acharnement » dont il serait victime. du mois de novembre 2012, Bouamatou s’est exilé en 2010 quand la DGI notifie à au Maroc, où il vit encore avec BSA Ciment (fabrication et emballage banque privée du pays, fondée par sesproches,refusanttoujoursdes’exprimer de ciment) un redressement estimé dans la presse. Ce qui ne l’empêche nulBouamatou en 1995. Bénéficiant des à quelque 1,5 milliard d’ouguiyas. lement de critiquer sévèrement le régime dépôts de l’État, qu’elle prête au secteur Bouamatou y détient 35 % du capital, d’Azizenprivé.«Destractations,dépassant privé actif (agriculture, pêche…), elle le reste (65 %) appartenant au groupe le cadre tribal, sont en cours afin de trouver est vite devenue l’une des plus actives français Vicat. Lequel aurait directement du pays. La DGI lui réclame négocié afin de ramener la somme due à 1,5 milliard d’ouguiyas. Le Il avait apporté son soutien 1,1 milliard d’ouguiyas. Mattel – premier 23 janvier, le gouverneur financier à « Aziz », qui n’a opérateur GSM du pays, créé en 2000 de la Banque centrale de par Bouamatou avec Tunisie Télécom, Mauritanie (BCM) a ordonné pas renvoyé l’ascenseur. majoritaire, et un autre actionnaire privé aux entreprises publiques mauritanien – est également visé. Mais, unesolutionauxproblèmesrencontréspar de retirer leurs avoirs de la GBM. Et un au terme d’un arrangement entre son Bouamatou»,confiel’undesesfidèlesamis. virement de 400 millions d’ouguiyas, directeur général et la DGI, la société s’acToujours est-il que BSA a saisi la justice: le destiné à la Fondation Bouamatou quitte de 1 milliard d’ouguiyas, au lieu du 4 février, deux plaintes ont été déposées, (lutte contre la cécité), a été bloqué. l’une contre la BCM, l’autre contre son 1,3 milliard initialement réclamé. Arrive Enfin, le vice-président du groupe BSA, directeur des marchés et liquidités. ● ensuite le tour de la fameuse Générale de Mohamed Ould Debagh, a été écroué le banque de Mauritanie (GBM), première JUSTINE SPIEGEL 6 février après la mise en liquidation de JEUNE AFRIQUE

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Maghreb Moyen-Orient se disant prêt à discuter avec le viceprésident Farouk al-Chareh, qui avait exprimé des positions conciliatrices en décembre. « Moaz al-Khatib prend le régime à son propre piège, l’ouverture politique proposée par Damas reposant justement sur l’absence de tout interlocuteur crédible, de toute alternative sérieuse. Il pose des conditions, engage le dialogue avec les alliés du régime et contourne la question de Bachar en envisageant d’autres interlocuteurs au sein du pouvoir », commente Harling.

SYRIE

L’énigme Khatib

Le chef de l’opposition se déclare prêt, sous certaines conditions, à négocier avec le régime. Contre l’avis de ses camarades.

I

nitiative personnelle ou discrètement concertée ? Leurre ou réelle ouverture ? En se déclarant prêt, le 30 janvier, à négocier sous certaines conditions avec le régime contesté, Moaz al-Khatib, chef de la Coalition nationale syrienne (CN), a pris de court la plupart des membres de cette plateforme qui regroupe depuis novembre 2012 une majorité de l’opposition. Sa plus importante composante, le Conseil national syrien (CNS), a rappelé son immuable position de principe : le refus catégorique de tout dialogue avec Damas. Il a également mis au pied du mur Bachar al-Assad, qui avait appelé, le 7 janvier, à un « dialogue national ». « L’opposition a longtemps fait l’impasse sur la politique, permettant au régime d’en faire autant. Mais récemment, le régime a exploité cette lacune en offrant sa vision d’une solution politique qui, bien qu’irréaliste, lui donnait l’occasion de reprendre l’initiative politique », analyse Peter Harling de l’International Crisis Group. En renvoyant la balle dans le camp du régime, cet ingénieur, ancien imam de la Grande Mosquée de Damas, cherche-t-il vraiment à tendre la main à l’ennemi ?

STRATÉGIE. Damas semble en effet déso-

TOBIAS HASE/DPA/ABACAPRESS.COM

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! MOAZ AL-KHATIB, patron de la Coalition nationale.

Ou à prouver à la communauté internationale l’autisme du régime et l’impossibilité d’une solution politique ? Ou encore à diviser le clan au pouvoir ? Le 4 février, Khatib faisait un pas de plus,

rienté, ne sachant trop quoi répondre entre le « pourquoi pas ? » d’un fonctionnaire cité par le site Al Monitor et le refus exprimé dans le quotidien proche du pouvoir Al-Watan, qui y voit une offre insuffisante arrivée avec « deux ans de retard ». C’est vers Moscou et Téhéran qu’il faut maintenant regarder, ces alliés de Damas étant probablement les seuls à pouvoir amener le régime baasiste à négocier. La rencontre inédite entre le chef de la CN et les ministres des Affaires étrangères russe et iranien les 1er et 2 février replace en effet la stratégie de Khatib dans une démarche à grande échelle. Et, le 28 janvier à Paris, l’échec de la coalition à obtenir des Amis de la Syrie des armes l’avait probablement convaincu de tenter cette initiative politique sans précédent. Sans suite ? ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

Coulisses ARABIE SAOUDITE DRONES DE GUERRE Une enquête du New York Times confirme l’existence, en Arabie saoudite, d’une base de la CIA à partir de laquelle les drones de l’Oncle Sam vont bombarder au Yémen des cibles d’Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa). Construite en 2011, l’installation a été utilisée pour la première fois lors de l’exécution d’Anwar al-Awlaqi, imam d’origine yéménite né aux États-Unis devenu N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

l’idéologue d’Aqpa. Depuis le début de 2012, les drones américains ont frappé cinq fois le Yémen, y tuant au moins 24 personnes. DUBAÏ CAPOTE MINUTE SOS Condoms. La nouvelle application Apple proposée par la célèbre marque de préservatifs Durex aux habitants de Dubaï fait un buzz mondial. Fonctionnant à partir d’un système de géolocalisation, ce service

propose à ses utilisateurs de leur apporter en tout lieu l’indispensable capuchon de latex, de 16 heures à 4 heures. La discrétion des livraisons est garantie, effectuée par coursiers grimés en livreurs de pizzas, touristes ou encore policiers. MAROC DÉPUTÉ PUDIBOND Il y a quelques semaines, le député islamiste marocain Abdelaziz Aftati faisait un esclandre dans

un avion d’Egyptair à cause d’un baiser pendant la diffusion du film Spiderman, s’attirant le sarcasme de l’intellectuel égyptien Saad Eddine Ibrahim, qui a détaillé l’incident dans une tribune de presse. Rebelote au Maroc, puisque l’élu du Parti de la justice et du développement (PJD) s’est indigné qu’on lui propose de l’alcool sur un vol intérieur. Aftati, qui a le goût de l’exagération, s’est dit « violemment agressé par une hôtesse qui l’a forcé à boire ». JEUNE AFRIQUE


JOHN MOORE/GETTY IMAGES

Europe, Amériques, Asie

ÉTATS-UNIS

! PENDANT UNE CÉRÉMONIE DE NATURALISATION le 28 janvier à Newark, New Jersey.

La grande

régularisation? Depuis la réélection de Barack Obama, un vent de libéralisme souffle sur Washington. L’occasion est donc belle de réformer la loi sur l’immigration et d’octroyer un statut aux millions d’étrangers, latinos pour la plupart, en situation irrégulière.

JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York

L

a réforme de l’immigration va-t-elle enfin voir le jour aux États-Unis ? La situation n’a jamais été aussi favorable. En 2007, le président George W. Bush avait tenté de passer en force et avait dû capituler. Son successeur a semble-t-il retenu la leçon. Habituellement fertile en polémiques et en controverses, le sujet donne lieu cette fois à un très exceptionnel exercice d’unanimisme, au moins de « bipartisanisme ». Quatre sénateurs républicains et quatre démocrates ont ainsi présenté conjointement un plan de refonte totale avalisé dans ses grandes lignes par Barack Obama dans un discours prononcé fin janvier dans le Nevada. « EUX » ET « NOUS ». Une réforme est à portée

de la main, a estimé le président, qui a beaucoup à se faire pardonner, puisqu’il s’agissait d’une promesse de sa campagne de… 2008. « Beaucoup de gens ont tendance à aborder la question de l’immigration sur le mode du “nous” contre “eux”. Ils oublient qu’avant d’être “nous” la plupart ont d’abord été “eux” », a-t-il ajouté. Même la Chambre des représentants, ce bastion de l’intransigeance républicaine, a son propre groupe de travail bipartisan, qui compte dans ses rangs un extrémiste du Tea Party. Ce groupe est censé dévoiler son plan avant le discours présidentiel sur l’état de l’Union, le 12 février. Comme le dit un représentant

démocrate, « depuis la réélection d’Obama, nous avons enfin des partenaires avec lesquels discuter ». Quelques points font déjà consensus, comme le renforcement de la lutte contre l’embauche de clandestins, l’identification, puis l’expulsion, des personnes ne disposant que d’un visa périmé, et surtout – c’est le cœur de la réforme – l’octroi d’un statut aux quelque 11 millions d’étrangers (dont une écrasante majorité de Latinos) établis illégalement aux États-Unis. Obama a déjà fait savoir qu’il fallait ouvrir un chemin vers la naturalisation : carte verte, puis citoyenneté, au terme d’un processus dont la durée reste à déterminer. C’est la principale divergence avec les républicains, qui posent comme préalable à toute régularisation le renforcement de la protection des frontières. Sénateur de Floride et grand espoir du Grand Old Party pour la présidentielle de 2016, Marco Rubio, qui est d’origine cubaine, se montre par exemple très en pointe sur ce dossier. Avant d’envisager une quelconque régularisation, il exige qu’une autorité indépendante certifie que les frontières sont mieux protégées. Celles-ci n’ont pourtant jamais été aussi hermétiques que depuis qu’Obama est à la Maison Blanche. Le nombre des drones et des patrouilles de police surveillant la frontière mexicaine a en effet beaucoup augmenté. Celui des expulsions aussi : 400 000 par an depuis 2009, c’est

D’où viennent-ils ? du Mexique (6,5 millions)

58%

11

millions d’illégaux Autres

11%

23%

d’Asie

(Chine, Philippines, Inde et Corée du Sud), soit

1,3 million de personnes

d’Amérique latine et d’Amérique centrale (Salvador, Guatemala et Honduras),

soit 2,6 millions de personnes

OPTIMISME À JACKSON HEIGHTS

B

iographies de Donald Trump en espagnol, échoppes vendant de volumineux gâteaux à la crème, drapeaux du Mexique, de la Colombie et de l’Équateur… Jackson Heights, dans le quartier du Queens, à NewYork, est très majoritairement latino. 60 % de ses habitants sont d’ailleurs nés hors des ÉtatsUnis. La moitié d’entre eux n’ont, semble-t-il, pas de papiers. Depuis le discours d’Obama dans le Nevada, un vent d’optimisme souffle à Jackson Heights. En particulier dans les locaux de Make the Road, une association de défense des immigrés dont le siège est situé sous la ligne 7 du N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

métro. Ici, on parle plus volontiers espagnol qu’anglais… « Je suis convaincue que la réforme de l’immigration sera adoptée d’ici au mois d’août, confie la jeune Yvette Ramirez, l’une des coordinatrices de l’association, qui est d’origine bolivienne. Il est temps qu’Obama traduise ses promesses en actes. Nous l’attendons au tournant, mais je n’ai jamais été aussi optimiste. » « C’est grâce aux Latinos qu’il a été élu », rappelle sa copine Fatima, mère de famille d’origine équatorienne.Toutes deux conviennent que la conjoncture est favorable,

mais qu’il ne faut « surtout pas relâcher la pression ». « En 2007, nous y avons cru, et aucune réforme n’a jamais vu le jour », regretteYvette. Les jeunes femmes attendent impatiemment la grande marche des Latinos, qui doit avoir lieu le 10 avril à Washington pour faire pression en faveur de l’adoption de la réforme. « Dans trop de familles, la situation est inextricable. Certains membres sont américains, d’autres clandestins. Nous voulons une régularisation », explique leur collègue Natalia. Comme au printemps 2006, lors des grandes marches des

sans-papiers, il y aura beaucoup de monde. Make the Road a pour sa part prévu d’affréter cinquante cars. Signe de l’optimisme général, de plus en plus de voix se hasardent à demander la régularisation des homosexuels étrangers en couple avec des Américains, alors que, comme le rappelleYvette, les Latinos sont plutôt conservateurs en matière de mœurs. La jeune femme n’exclut nullement qu’ils finissent par voter pour les républicains, si ces derniers continuent de lâcher du lest. Reste à savoir s’ils le feront dès 2016 ● J.-É.B. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie un record. Depuis sa réélection, Obama paraît libéré et ne recherche plus le compromis à tout prix. Il a menacé de présenter son propre projet de loi si l’adoption de celui du Congrès traînait en longueur. Il souhaite que tout soit bouclé avant l’été, ou, dans le pire des cas, d’ici à la fin de l’année. Il ne veut surtout pas rééditer l’erreur de Bush, qui, à peine réélu en 2004, avait préféré s’engager dans la modernisation de l’assurance santé plutôt que dans la réforme de l’immigration – et avait dilapidé dans l’aventure son capital politique. Les parlementaires ont eux aussi tiré les leçons de leur échec de 2007. Ils ont annoncé leur intention de présenter leurs textes en commission avant de les soumettre au Congrès, ce que, à l’époque, ils avaient négligé de faire. sexuel – autre pomme de discorde, puisque la Maison Blanche, à la différence des républicains, est favorable à la régularisation des conjoints étrangers d’Américains de même sexe –, le climat politique sur ce dossier de l’immigration a changé avec une rapidité stupéfiante. Comme si, après les excès du Tea Party, les États-Unis étaient en pleine embellie libérale. Les partisans de la ligne dure, tels que Jan Brewer, l’inflexible gouverneure de l’Arizona, ou Joe Arpaio, l’ancien shérif de Phoenix (Arizona), qui se vantait d’avoir arrêté des centaines de clandestins, sont devenus inaudibles. Tant mieux pour les « Dreamers », ces étudiants sans papiers arrivés très jeunes aux États-Unis qui demandent aujourd’hui la régularisation de leur situation. Jose Antonio Vargas, journaliste vedette d’origine philippine, a ainsi fait la couverture de Time en annonçant haut et fort qu’il était un clandestin. Quant à la Mexicaine Benita Veliz, 27 ans, elle a pris la parole lors de la convention démocrate, en août 2012, pour évoquer sa condition de sans-papiers. Bien sûr, Vargas et Veliz risquent l’expulsion. SURVIE. Mais l’événement majeur a été la défaite

de Mitt Romney, qui a enfin fait comprendre aux républicains qu’une élection présidentielle ne pouvait plus être remportée sans les voix de la communauté latino, qui représentera un tiers de la population américaine en 2050. Or celle-ci a voté très majoritairement (71 %) pour Obama, notamment dans les swing States (États clés) comme le Nevada ou le Colorado. Pour régler la question, Romney pariait sur « l’autoexpulsion » des immigrés clandestins. À l’inverse, Obama a, au cours de l’été 2012, partiellement donné satisfaction aux « Dreamers » en sursoyant à l’expulsion des immigrants arrivés dans le pays avant l’âge de 15 ans, sans toutefois régulariser leur situation. Cette demi-mesure a contribué JEUNE AFRIQUE

ISAAC BREKKEN/AP/SIPA

INAUDIBLES. Comme pour le mariage homo-

BARACK OBAMA

PRONONÇANT SON à sa réélection. Les républicains les plus en vue DISCOURS SUR LA RÉFORME pour 2016, Rubio mais aussi Bobby Jindal, le DE L’IMMIGRATION à gouverneur de la Louisiane, qui est d’origine Las Vegas, Nevada, indienne, ont bien compris que le vote latino le 29 janvier. était désormais une question de survie. Pour le Parti républicain, et, accessoirement, pour leurs propres ambitions politiques. Autre élément favorable à l’adoption de la réforme : l’arrivée de clandestins en provenance du Mexique (six sur dix sont originaires de ce pays) a commencé de décroître en 2011, après quatre décennies Au Sénat, démocrates de hausse continue. La crise et républicains économique aux États-Unis et travaillent ensemble. le renforcement des contrôles à la frontière sont passés par là… Le texte sur l’immigration a donc les meilleures chances de voir le jour. Pour autant, tout n’est pas soudainement devenu rose à Washington. Le projet de loi sur le gun control, priorité de la présidence Obama, est quant à lui fort mal embarqué. Le bipartisanisme a ses limites… ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Europe, Amériques, Asie FRANCE

Yamina Benguigui, sans protocole On lui promettait un échec rapide. Et cuisant. Pourtant, après des débuts un peu hésitants, la ministre de la Francophonie a fini par trouver sa place dans l’équipe de François Hollande.

L

ors de notre première rencontre, en août 2012, Yamina Benguigui ne s’était à aucun moment séparée des petites fiches blanches qu’elle avait soigneusement disposées sur la table bassedesonvastebureauduQuaid’Orsay. Nous étions à la veille du sommet de la Francophonie,àKinshasa,leplusimportant rendez-vous de sa jeune carrière ministérielle. Légèrement tétanisée, elle soupesait chaque mot et ne finissait pas toujours ses phrases… À 55 ans, la réalisatrice, qui fit ses premiers pas en politique en 2008 en tant qu’adjointe de Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a certes l’habitude d’être sous le feu des projecteurs. Mais pas de porter la voix de la France sur des sujets aussi délicats. La femme qui nous a reçus fin janvier n’est plus tout à fait la même. Plus à l’aise, elle a laissé ses notes dans un tiroir. A-t-elle gagné en expérience? Ou est-elle simplement dans son élément lorsqu’elle parle d’elle-même? Avec ses talons aiguilles et sa taille de guêpe,ellea,aumoinspourl’instant,réussi à faire taire ceux qui lui prédisaient un échecrapidedanslemondeultracodédela diplomatie. Elle ne joue pas un rôle de tout premierplan,maiselleasutrouversaplace dansl’équipedeFrançoisHollande,avecses

propres armes – l’empathie, la séduction, le souci d’accorder à tous la considération de la France – et sur un terrain qu’elle affectionne: l’Afrique. « Je suis venue avec ma culture africaine, je la mets en avant, je la revendique », explique-t-elle, avant de tendre une photo d’elle au côté de Nelson Mandela (elle a produit un documentaire sur sa visite à Paris). « MA SŒUR ». En huit mois, elle s’est rendue à dix reprises sur le continent – la grande majorité de ses déplacements à l’étranger –, et pas seulement dans les pays francophones. Elle s’est entretenue avec plusieurs chefs d’État (Joseph Kabila, MoncefMarzouki,AlassaneOuattara,Blaise Compaoré, Boni Yayi, etc.) et, chaque fois, a tenté d’instaurer avec eux un rapport de confiance(certainsl’appellent«masœur»), a parfois prodigué quelques conseils, souvent promis de transmettre un message: un mécontentement vis-à-vis d’un ambassadeur, une invitation adressée à François Hollande, le souhait d’être reçu à Paris… Pour rompre avec la Françafrique, le président français a remplacé le ministère de la Coopération par celui du Développement, confié au discret Pascal Canfin, un écologiste qui goûte peu les relations personnelles avec les dirigeants

FÉMINISTES DE TOUS LES PAYS… YAMINA BENGUIGUI n’a pas laissé la cause des femmes à la porte de son ministère. Partout où elle se rend, elle met un point d’honneur à rencontrer des femmes d’influence pour les convaincre d’en devenir les ambassadrices. Car, estime la ministre, la situation des femmes se dégrade dans l’espace francophone. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Depuis la révolution, lesTunisiennes voient s’envoler de nombreux acquis, tandis que les Congolaises du Nord-Kivu sont victimes de viols systématiques. Grâce à la Francophonie,Yamina Benguigui espère donc donner aux femmes davantage de visibilité. Un Forum mondial des femmes francophones

sera organisé en mars, à Paris, avec le soutien de Michelle Bachelet, la directrice d’ONU Femmes. La question est prise très au sérieux à l’Élysée et au Quai d’Orsay. Safia Otokoré, conseillère au ministère de l’Économie, devrait ainsi être chargée d’une mission sur les droits des femmes dans les zones à risques en C.J.Y. Afrique. ●

JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/DIVERGENCE POUR LE MONDE

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! ARRIVÉE AU CONSEIL DES MINISTRES à l’Élysée, en juin 2012.

africains. Interdiction ayant été faite aux conseillers de traiter avec les chefs d’État, les ministres sont ses seuls porte-parole en Afrique. Et Yamina Benguigui, nommée représentante personnelle du président pour la Francophonie en juin (en même temps qu’on lui retirait le portefeuille des Français de l’étranger), a su occuper une partie de cet espace. À la mort du président ghanéen John Atta Mills, fin juillet 2012, c’est à elle que Hollande demande d’aller aux funérailles. « Il y avait de nombreux chefs d’État, certains étaient mécontents, beaucoup m’ont accordé un entretien. » Rebelote un mois plus tard pour les obsèques de Mélès Zenawi,lePremierministreéthiopien,puis lors de l’investiture du président ghanéen, John Dramani Mahama. Mais c’est en RD Congo, pays hôte du sommet de la Francophonie, au mois d’octobre, que, sans trop se soucier du protocole,ellesejetteàl’eau.Onimaginela surprisedeRaymondTshibanda,leministre congolais des Affaires étrangères, quand, lors de leur première rencontre à Paris, elle lui propose de « faire mahrna ». « Ça vient de ma grand-mère kabyle, explique JEUNE AFRIQUE


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Bio express 9 avril 1957 Naissance à Lille (Nord) 4 février 1998 Sortie du documentaire Mémoires d’immigrés. L’héritage maghrébin 11 janvier 2006 Sortie du documentaire Le Plafond de verre consacré aux discriminations à l’embauche 16 mars 2008 Élue conseillère de Paris 16 mai 2012 Nommée ministre déléguée à la Francophonie

la ministre. On ouvre une parenthèse et on se dit tout ce qu’on a sur le cœur, même si c’est désagréable. Ensuite, on reprend la discussion où on l’avait laissée. » Quand Yamina Benguigui débarque à Kinshasa, la RD Congo fait planer un doute sur la tenue du sommet. La ministre abienl’intentiondes’entreteniravecleplus grand nombre possible de responsables. Fût-ce au milieu de la nuit. « J’ai rencontré le président Joseph Kabila pendant une heure et demie, sans témoin, pour le convaincre de ne pas annuler le sommet, raconte-t-elle. Je lui ai dit : “En France, on ne vous entend jamais. Vous avez une bonneallure,vousvousexprimezbien,parlez!” Le soir même, il a fait une allocution d’une heure à la télévision. Son entourage était bluffé. » À l’inverse, Hollande prendra pendant le sommet ostensiblement ses distances avec son hôte. « C’est vrai que ça s’est passé moyennement, dit-elle. Mais sa seule présence était déjà importante. Le pire a été évité. » RAPPROCHEMENT. Son parti pris pour

Kinshasa lui vaut le mépris du Rwanda? Elle s’en félicite. « Aux Nations unies, lors de la réunion sur les Grands Lacs, elle a évoqué un soutien extérieur aux rebelles JEUNE AFRIQUE

du Mouvement du 23-Mars [M23]. Paul Kagamé, le président rwandais, a alors quitté la salle », assure un conseiller. « Les présidentsnesontpastenusparleprotocole de rester dans une salle lorsqu’un ministre s’exprime », commente-t-on à Kigali. Elle s’est rendue à deux reprises en Algérie, le pays de son père (un militant nationaliste), avant et pendant la visite de Hollande, en décembre. « Je connaissais

algérien. Yamina Benguigui est loin, bien sûr, de jouer le rôle d’un Claude Guéant, le « Monsieur Afrique » de Nicolas Sarkozy. ElleévitelessujetsoùFabiusestenpremière ligne.Etlecabinetdecedernierconserveun droit de veto sur tout ce qu’elle entreprend. « Mais certainschefs d’État demandent à la voir personnellement, car elle a l’oreille de Hollande»,assure-t-ondanssonentourage. Dans celui de Paul Biya, on ne dément pas qu’elle a pu jouer un rôle dans la venue du président cameCertains chefs d’État demandent rounais à l’Élysée, en janvier. à la voir. Parce qu’elle passe «Elleasurtoutl’oreilledeValérie pour avoir l’oreille de Hollande. Trierweiler, la première dame », nuance une autre source. Abdelaziz Bouteflika avant qu’il devienne Les deux femmes se connaissaient avant la présidentielle et sont restées en président », se souvient-elle. A-t-elle joué un rôle dans le rapprochement entre les contact. Elles figurent l’une et l’autre parmi deux pays ? « Les Algériens n’apprécient les signataires d’une tribune publiée dans pas particulièrement Laurent Fabius, le LeMondepourdénoncerles«ravages»des ministre des Affaires étrangères, confie rebelles du M23. « Nous avions envisagé que Valérie Trierweiler accompagne la une bonne source. Mais avec elle, le courant passe bien. Elle a passé beaucoup ministre lorsde sa visite dansle Nord-Kivu, de temps avec Abdelkader Messahel, le la province où opère le M23, confie un ministre chargé des Affaires maghrébines membre de son cabinet. Cela n’a pas pu se et africaines. » « Sa visite était une bonne faire pour des raisons de sécurité. » Yamina chose, mais celles d’autres représentants Benguigui n’a pas réussi ce coup-là. ● de Hollande ont été plus importantes », PIERRE BOISSELET tempère un cadre du parti présidentiel avec CLARISSE JUOMPAN YAKAM N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

! « VOUS COMMENCEZ PAR VOUS AUTOCENSURER, puis vous devenez une marionnette du régime », raconte le journaliste en exil.

Biniam Simon Si loin, si proche Depuis Paris, cet Érythréen nargue le gouvernement d’Asmara en enregistrant des bulletins de nouvelles pour Radio Erena, unique radio indépendante du pays.

É

rythrée, 1993. Tout est à faire dans ce petit pays de la Corne de l’Afrique qui vient d’arracher son indépendance au voisin éthiopien après trente années d’hostilités. Tout, y compris mettre en place des médias. Biniam Simon, 41 ans aujourd’hui, sera de ceux qui ont vu naître à Asmara, la capitale, la toute première télévision nationale, Eri-TV. Dans un petit studio du 13e arrondissement parisien, il évoque l’excitation et la fébrilité qui prévalaient à l’époque, malgré les indices déjà présents de la censure à venir. « Nous avons été brièvement formés par une agence canadienne, After Scene, mais nous étions coupés de tout contact avec le monde extérieur et ne savions pas vraiment comment faire notre métier. Les corrections apportées à nos textes par le ministère de l’Information nous semblaient honnêtes… »

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Ses collègues et lui ont déchanté quelques années plus tard lorsque, en 2001, la dictature d’Issayas Afewerki – au pouvoir depuis 1993, il conserve sa mainmise sur le pays – envoie les journalistes en prison par centaines. « Vous commencez par vous autocensurer pour éviter les foudres du régime, en faisant bien attention de ne pas commettre d’impairs. Puis vous devenez une marionnette du régime », dit-il. Par chance, Biniam Simon se trouvait au Japon pour une formation lors de la seconde rafle contre les médias, en 2006. Le journaliste préféré du dictateur, Temesghen Debesai, venait de prendre la fuite, à l’instar d’autres reporters connus du pays, et Afewerki voulait savoir qui orchestrait ces exfiltrations. Simon, qui présentait alors le journal du soir en Érythrée, savait qu’il serait

le prochain sur la liste s’il remettait les pieds au pays. La mort dans l’âme, il contacta le responsable de l’époque de la section Afrique de Reporters sans frontières (RSF), Léonard Vincent, pour lui demander de l’aide. Le Français monta un scénario rocambolesque pour permettre la fuite de son confrère. Et après plusieurs semaines à se cacher dans l’appartement d’un journaliste de RSF àTokyo, Simon obtint un statut de réfugié en France. Avec une seule idée en tête : pratiquer un journalisme indépendant. Son métier est tout ce qu’il lui reste : il n’a ni femme ni enfant et a dû laisser ses parents derrière lui. C’est en 2009, avec RSF, qu’il a fondé Radio Erena. Ses fonds proviennent essentiellement des programmes d’aide de l’ONG et ne permettent de réaliser qu’un seul bulletin en langue tigrigna, enregistré tous les jours à 11 heures puis retransmis via le satellite Arabsat. La programmation est complétée par des reportages acheminés via internet par des correspondants postés un peu partout dans JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Installé dans un appartement de banlieue, le quadragénaire effectue sept jours sur sept le long trajet de RER jusqu’au studio de la radio. Mais le plus ardu pour lui fut de s’approprier la langue de Molière. « C’est vraiment très difficile de refaire sa vie ailleurs. Mais le plus lourd dans tout ça est d’apprendre le français, et avec la radio je n’ai pas le temps », souffle le journaliste en se versant une tasse de café tiède dans la cuisine du studio. Une cuisine habitée, avec ses pièces d’artisanat et ses photos de proches accrochées au mur. Biniam Simon et son compatriote Amanuel Ghirmai s’y retrouvent tous les jours. Le journaliste ignore l’ampleur exacte de son audience, mais il a eu plusieurs fois la preuve de la confiance qu’inspirait Radio Erena aux Érythréens. Notamment lors des événements du 21 janvier, alors que des soldats mutins avaient encerclé le ministère de l’Information à Asmara. « Les Érythréens écoutent clandestinement Radio Erena, et c’est tout naturellement qu’ils se sont tournés vers elle pour s’informer », raconte Léonard Vincent. En septembre, Asmara a brouillé le signal. Le rétablissement, fragile, n’est venu qu’à la mi-janvier. Ce n’était pas le premier sabotage mené par la dictature, qui a juré de mettre la radio hors circuit. « La vie ne se passe pas toujours comme on l’avait prévu, mais si je peux continuer à informer mes concitoyens, alors ce sera déjà ça de pris », dit Biniam Simon. ●

CHINE

Baby blues La politique de l’enfant unique a des effets démographiques et économiques catastrophiques. Va-t-elle être abrogée ?

A

vec 1,354 milliard d’habitants, la Chine reste le pays le plus peuplé du monde, mais, à en croire le Bureau national des statistiques (BNS), sa population en âge de travailler a décliné en chiffres absolus en 2012. Pour la première fois depuis des décennies. C’était prévisible, ce pays vieillit et le déséquilibre entre générations se creuse. La sinologue Isabelle Attané* explique qu’« à l’horizon 2050, la main-d’œuvre de la Chine, celle qui fait aujourd’hui la force de son économie, aura été amputée de 160 millions d’actifs ». En 1982, les plus de 60 ans ne représentaient que 5 % de la population. Le chiffre a été de 14,3 % l’an dernier (194 millions de personnes). Ce vieillissement inquiète les autorités, qui envisagent de modifier la politique de l’enfant unique mise en place en 1979. D’autant que les scandales d’avortements forcés, désormais très médiatisés, ont tendance à se multiplier. Pourtant, la loi de l’enfant unique ne concerne plus dans la pratique que 40 % de la population. Très strictement appliquée dans les milieux urbains et pour les fonctionnaires,tenusdemontrerl’exemple,elle l’est avec une certaine souplesse dans les campagnes,oùlescontrôlessontaléatoires et les arrangements avec les autorités

locales fréquents. Les couples ruraux sont en outre depuis longtemps autorisés à avoir un second enfant si le premier est une fille. Les minorités ethniques ne sont quant à elles soumises à aucune limitation. AMENDE. Si, comme elle l’a annoncé

à plusieurs reprises, la Commission de la population nationale et du planning familial autorise dans les mois à venir les couples urbains à avoir un second enfant (mêmedanslecasoùl’undesdeuxparents n’est pas lui-même enfant unique), cela ne devrait pas changer grand-chose. En cas de seconde naissance, il est en effet déjà possible de s’acquitter d’une amende pour ne pas être inquiété. Ce serait néanmoins un premier pas vers une réforme plus radicale. À en croire le think tank China Development Research Foundation, les autorités auraient déjà pris la décision d’étendre l’autorisation d’avoir deux enfantsàl’ensembledelapopulationavant 2015, mais aussi d’abroger l’ensemble des mesures de contrôle des naissances avant 2020. ● JULIETTE MORILLOT * Auteure d’Au pays des enfants rares. La Chine vers une catastrophe démographique, Fayard, 19,30 euros

ZHOU GUOQIANG

le monde, mais aussi en Érythrée. « J’ai eu beaucoup de chance, ce qui n’a pas été le cas de plusieurs collègues. Mais ce que je ressens n’est pas tant un sentiment de culpabilité que de devoir: ici, nous parlons d’eux sans arrêt, nous sommes leur voix. Je ne les oublierai pas. » Un dévouement journalistique confirmé par Léonard Vincent. « Biniam a choisi de quitter une vie confortable, mais le fait qu’il ait été le visage du régime à la télévision s’est avéré un vrai cas de conscience pour lui. Sa soif de vérité n’en est sans doute que plus forte aujourd’hui. »

LAURENCE HALLÉ Photo BRUNO LEVY pour J.A. JEUNE AFRIQUE

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! SCÈNE DE LA VIE VILLAGEOISE dans le Hubei (Centre). N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Europe, Amériques, Asie institution dans ce pays est-elle épargnée par la corruption ? » commente Juan Carlos Jiménez, de l’université San Pablo CEU à Madrid. De fait, les scandales se multiplient et ne sont nullement l’apanage de la droite. Des responsables socialistes sont mis en examen en Andalousie, des nationalistes catalans convaincus de corruption. DÉTOURNEMENT. Et puis il y a le procès

JUAN CARLOS ROJAS/AP/SIPA

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! JUAN CARLOS (à dr.) RECEVANT MARIANO RAJOY, le chef du gouvernement, le 23 janvier au palais de la Zarzuela, à Madrid. ESPAGNE

Tout fout le camp Un Premier ministre et son parti accusés par la presse de financement illégal… Une opposition pas toujours à l’abri de tout soupçon… Une monarchie de plus en plus discréditée…

L

e gouvernement de Mariano Rajoy résistera-t-il à la tourmente dans laquelle il est plongé ? Les principaux dirigeants du Parti populaire (PP) sont en effet accusés par le quotidien El Mundo d’avoir, vingt ans durant, reçu chaque mois des mains de Luis Bárcenas, leur trésorier, des enveloppes contenant entre 5 000 et 15 000 euros en liquide destinés à compléter leurs salaires. Ces revenus n’étaient bien sûr pas déclarés. La corruption n’est certes pas un phénomène nouveau en Espagne. Avec le boom immobilier des années 2000, elle a même eu tendance à se généraliser. Mais cette fois, alors que la crise économique s’éternise et que le taux de chômage avoisine 26 %, le scandale est énorme. Le31janvier,latensionmonted’uncran. Le quotidien El País publie des documents N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

semblant attester que Rajoy, pourtant réputé pour son intégrité et jusqu’ici épargné par les accusations, aurait perçu entre 1997 et 2008 quelque 25 000 euros annuelsnondéclarés. L’intéressé s’étrangle d’indignation (« Tout est faux, je n’ai jamais reçu d’argent noir »), promet de rendre publics sa déclaration fiscale et l’état de son patrimoine… Cela n’empêche pas l’opposition socialiste d’exiger sa démission. Une pétition en ce sens a déjà recueilli plus de 840 000 signatures. Cinq jours plus tard, coup de théâtre : le quotidien en ligne ABC souligne de graves incohérences dans les documents publiés par El País. « Il y a une volonté de détruire le PP, et en particulier le chef du gouvernement », accuse Bárcenas. « La question que se posent désormais les Espagnols est la suivante : quelle

encoursdepuis2011d’IñakiUrdangarin,le gendredeJuanCarlosIer.Ancienchampion olympiquedehandball,l’épouxdel’infante Cristina est soupçonné d’avoir détourné 5,8 millions d’euros d’argent public, versés par les autorités régionales des Baléares et de Valence à l’Institut Noos, qu’il présidait, pour organiser des événements sportifs. Il doit être à nouveau entendu par un magistrat le 23 février et pourrait être condamné à une peine de prison. « La justice est la même pour tous », a tranché le roi, qui, sur le site internet de la famille, a fait supprimer la page réservée à son gendre. Celui-ci est désormais interdit de toute manifestation officielle. Mais Juan Carlos lui-même n’est pas épargné par une sensible baisse de sa popularité. Selon un sondage publié début janvier par El Mundo, seuls 50 % des Espagnols jugent son bilan « bon » (43,5 %) ou « très bon » (6,6 %). Un an auparavant, ils étaient 76,4 %. En avril 2012, sa participation à une chasse à l’éléphant au Botswana, alors qu’il présidait l’ONG WWF, puis son rapatriement d’urgence, à grands frais, après l’accident dont il avait été victime à cette occasion, avaient choqué. D’autant qu’il est vite apparu que le safari avait été organisé par Corinna zu Sayn-Wittgenstein, son « amie intime ». Sa réputation de coureur de jupons a beau être solidement établie, trop, c’est trop ! Monté sur le trône en 1975 après que le caudillo Francisco Franco eut décidé de restaurer la monarchie, le Bourbon (c’est un lointain descendant de Louis XIV) vient de fêter ses 75 ans et a déjà subi plusieurs opérations. Quarante-cinq pour cent des Espagnols souhaitent qu’il abdique en faveur de Felipe, son fils. José Apezarena Armiño, le biographe de ce dernier, n’y croit pas une seconde. « Tant qu’il aura la force de continuer, Juan Carlos n’abdiquera pas, estime-t-il. Et pour que la monarchie tombe, il faudrait que le PP et le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n’en veuillent plus, ce qui n’est pas le cas. » ● MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE


LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA En avant marche

65

POLITIQUE Majorité, opposition: chacun cherche sa voie ÉCONOMIE La relance, oui mais… UNIVERSITÉ Nouveaux campus et vieux démons

CÔTE D’IVOIRE

Peut-elle redevenir

NABIL ZORKOT

un modèle?

JEUNE AFRIQUE

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013



Le Plus de Jeune Afrique

LE PLUS

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de Jeune Afrique

CÔTE D’IVOIRE

Peut-elle redevenir

un modèle?

Prélude

Marwane Ben Yahmed

Réinventer la Côte d’Ivoire

D

E QUOI LA CÔTE D’IVOIRE a-tcoupe aux lèvres, mais le dialogue engagé elle le plus besoin aujourd’hui ? depuis la nomination de Daniel Kablan Ré-con-ci-lia-tion ! nous dit-on. Duncan au poste de Premier ministre Pourtant, cet horizon, qu’il ne représente déjà une avancée, même si suffit pas de décréter ou de réclamer sans elle demeure timide. en définir les contours, ne peut qu’être lointain, dans un pays qui a vécu une telle Côté économie, Alassane Ouattara n’a crise et qui, depuis la mort d’Houphouët, besoin de personne pour développer un s’est perdu dans les limbes de la haine, pays qui, malgré ce qu’il a subi, demeure la de l’exclusion et du communautarisme. première puissance de la région. Il maîtrise Plus de dix-huit mois après l’investiture ce dossier mieux que quiconque. Et se d’Alassane Ouattara, nous en sommes trouve considérablement aidé dans cette toujours au même point : la réconciliamission par son chef du gouvernement, tion ne concerne que ceux qui le veulent autre spécialiste en la matière, qu’il aurait bien, parce qu’ils ont compris qu’ils y ont d’ailleurs voulu à ses côtés plus tôt. intérêt et parce qu’ils veulent tourner la Une relance indispensable mais pas sufpage sans se préoccuper de son contenu, fisante. A fortiori si la croissance ne profite avancer, étudier, travailler. Les plus radipas à tous et si les tensions communautaires caux des deux camps, eux, n’ont que deux et les déséquilibres politiques persistent. idées en tête : asseoir leur domination Il est aberrant de penser que ceux qui ont pour les uns (et se prémunir du retour de soutenu Laurent Gbagbo – simples partisans leurs adversaires), se venger pour les autres. Le reste est Il y a loin de la coupe aux lèvres, affaire de temps, de volonté, mais le dialogue qui vient de mais aussi d’équité. Élargir s’engager est déjà une avancée. (ou protéger) des assassins ou les responsables de la ou électeurs – n’ont qu’à raser les murs et tragédie qu’a représentée la crise postélectorale ne peut constituer un préalable expier ce choix ad vitam æternam. Comme et encore moins le socle d’un dialogue il est illusoire d’imaginer qu’un pouvoir fécond. Comparer la Côte d’Ivoire de 2013 fragile et qui revient de loin pouvait se permettre, alors même qu’il creusait ses à l’Afrique du Sud de 1994 n’a aucun sens. Il ne s’agit pas de la même histoire, et fondations, de faire preuve de mansuétude encore moins des mêmes enjeux. à l’égard de ceux qu’il suspectait de vouloir précipiter sa chute. Sa survie mais aussi En revanche, ce qui devient impérieux la stabilité du pays étaient en jeu. Il est cependant temps, désormais, de passer à pour la Côte d’Ivoire, c’est la justice et la démocratie. Justice pour juger rapidement, une nouvelle phase. définitivement et dans de bonnes condiLa Côte d’Ivoire, il faut la réinventer. En tions les présumés coupables, embastillés s’inspirant de ce qui en faisait la vitrine de depuis de très longs mois sans procès. l’Afrique de l’Ouest et un modèle dans les Afin de sanctionner ceux qui ont comannées 1980. En veillant, aussi, à bannir les mis de réels crimes ou délits, mais, aussi, comportements qui ont abouti à sa desde relâcher ceux à qui rien ne peut être cente aux enfers. En réfléchissant, enfin, reproché, dans le respect du droit et des au projet – économique, social, politique lois en vigueur. Démocratie parce qu’un ou diplomatique – qui devra être élaboré pays ne peut de nos jours réellement pour renouer avec son glorieux passé. Et, progresser sans opposition, sans débats pour cela, il faudra la contribution de tous et sans contre-pouvoirs. Il y a loin de la les Ivoiriens. ● JEUNE AFRIQUE

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PANORAMA En avant marche

p. 68

INTERVIEW Rinaldo Depagne, d’International Crisis Group p. 73 GOUVERNEMENT Daniel Kablan Duncan (DKD) décodé p. 74 POLITIQUE Majorité, opposition : chacun cherche sa voie p. 77 RÉFORME DE L’ARMÉE Les FRCI, des forces un peu trop spéciales p. 84 ÉCONOMIE La relance, oui mais… p. 88 Macroéconomie, investissements et actualité par secteurs : agroalimentaire, énergie, mines, services

TÉLÉVISION Génération ados

p. 112

UNIVERSITÉ Nouveaux campus et vieux démons

p. 114

TENDANCE Luxe, calme et volutes au Rooftop p. 117 Cécile Fakhoury révèle l’art contemporain p. 118


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Le Plus de Jeune Afrique

PANORAMA

En avant marche Le chef de l’État, Alassane Ouattara, mène au pas de charge la reconstruction d’un pays gravement marqué par une décennie de crise. Pour quels résultats? PASCAL AIRAULT

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

F

aut-il se réjouir des progrèsaccomplis par l’exécutif ivoirien en matière économique ou se désoler des remous sécuritaires et de l’enlisement de la réconciliation? Éternelle question de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine… D’autant qu’Abidjan cultive à merveille les paradoxes. Deux ans après la fin de la sanglante crise postélectorale, le président ivoirien a accompli quelques miracles. Il a restauré les services de base (eau, électricité, santé), remis l’État sur pied, relancé JEUNE AFRIQUE


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encore été réalisées, les hommes d’affaires multiplient les déplacements, la Banque africaine de développement (BAD) a annoncé son retour à Abidjan. Et les patrons ne pensent plus, comme il y a dix ans, à s’exiler au Ghana voisin ou au Sénégal. L’embellie est également perceptible du côté des indicateurs macroéconomiques (lire pp. 88-89). En juin 2012, le pays a atteint le point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), ce qui a permis de réduire la dette extérieure de plus de 64 %, soit de plus de 8 milliards d’euros. Les ressources de l’État pourront dorénavant être consacrées au développement. Après une année de récession en 2011, la Côte d’Ivoire a également renoué avec une croissance de plus de 8 % en 2012. Même progression prévue cette année. Les autorités ont réussi la réforme de la stratégique filière du cacao (lire pp. 94-95), relancé les projets miniers, pétroliers, gaziers, et organisé la montée en puissance du secteur énergétique pour les prochaines années (lire pp. 102-103). Ces réformes n’ont toutefois pas encore eu l’effet escompté sur des populations qui dénoncent l’augmentation du prix des céréales, de la viande, de la bouteille de gaz. Les Ivoiriens se plaignent aussi que « l’argent ne circule pas ». À l’occasion des vœux de fin d’année, le président leur a rétorqué que « l’argent travaille ». Il martèle aussi régulièrement que son ambition « est de faire de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020 un pays émergent, une nation réconciliée avec elle-même et avec les autres nations. Une Côte d’Ivoire rassemblée autour des valeurs républicaines ». ISSOUF SANOGO/AFP

AILE DURE. Mais si le pays a fait d’incontestables

la machine économique et renoué avec le monde. Ses amis l’appellent d’ailleurs Magellan. Depuis la sortie de son bunker du Golf Hôtel, en avril 2011, il a fait plusieurs fois le tour de la planète et serré la main des plus grands (Sarkozy, Hollande, Obama, Merkel, Netanyahou, Hu Jintao, Benoît XVI…). Des voyages qui visent à restaurer l’image de la Côte d’Ivoire et à « ramener de l’argent au pays ». Pour Alassane Dramane Ouattara (ADO), la diplomatie moderne est autant économique que politique. PROGRESSION. Sur le plan intérieur, les délestages

se font de plus en plus rares, les villes sont beaucoup plus propres, les universités ont été réhabilitées, le réseau routier est en cours de réfection et d’extension, les fonctionnaires sont au travail, et 2013 a été décrétée « année de la santé ». Si les promesses d’investissements privés n’ont pas JEUNE AFRIQUE

LE PRÉSIDENT, arpentant le campus de l’université de Cocody (à Abidjan) lors de sa réouverture officielle, le 3 septembre.

Aux Ivoiriens se plaignant que « l’argent ne circule pas », Ouattara rétorque que « l’argent travaille ».

progrès, le pari est encore loin d’être gagné. Et l’opposition de dénoncer le manque d’indépendance de la justice, l’affairisme et la corruption, les atteintes aux droits de l’homme. « La confiance n’est toujours pas rétablie entre le président Ouattara et son opposition, entre lui et les populations qui n’ont pas voté pour lui, entre lui et son armée, sa gendarmerie, entre lui et toutes les composantes des FRCI [Forces républicaines de Côte d’Ivoire, NDLR], qu’il a mises en place et qui n’arrêtent pas d’attaquer son régime, de le harceler au point de l’obliger à être ministre de la Défense », explique Mamadou Koulibaly, ancien président de l’Assemblée nationale, qui a créé sa formation politique, Liberté et Démocratie pour la République (Lider). Si le dialogue avec l’opposition a repris, le Front populaire ivoirien (FPI, lire pp. 78-79) refuse toujours de reconnaître la victoire électorale de Ouattara et de participer aux prochains scrutins. « Tout dépend de la volonté politique du gouvernement », a indiqué son président par intérim, Sylvain Miaka Ouretto, le 4 février, en précisant les conditions posées par le parti pour sa participation aux élections locales : « une loi d’amnistie pour que tous ceux de nos compatriotes qui ● ● ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

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28 novembre 2010

Second tour de la présidentielle opposant Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, déclaré vainqueur (54 % des voix). Résultat invalidé, le 3 décembre, par le Conseil constitutionnel, qui proclame Gbagbo élu.

Janvier-avril 2011

Affrontements entre les forces pro-Gbagbo et les fidèles d’Alassane Ouattara. Arrestation de Laurent et Simone Gbagbo le 11 avril.

SIA KAMBOU/AFP

! ALASSANE OUATTARA dans ses bureaux de la présidence (à Abidjan). ● ● ● sont en prison puissent retrouver la liberté et que tous ceux qui vivent en exil puissent rentrer, parce que c’est parmi eux qu’il y a nos candidats ». En fait, les plus modérés du parti ne parviennent pas à se libérer d’une aile dure en exil qui rêve de reprendre le pouvoir par tous les moyens. Et si le FPI continue de demander la libération de Laurent Gbagbo, emprisonné à La Haye dans l’attente d’un éventuel procès devant la Cour pénale internationale (CPI), on ne voit pas comment les choses pourraient s’arranger.

FAR WEST. Des militaires pro-Gbagbo en exil

déstabilisent par ailleurs régulièrement le pays en tentant de rallier tous les mécontents de la soldatesque officielle et informelle, et en profitant de la circulation des armes sur tout le territoire (lire p. 84). La réponse des autorités est musclée. Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent des arrestations arbitraires orchestrées par la Direction de la surveillance du territoire et la police militaire. Sur le plan judiciaire, elles déplorent aussi les détentions sans base juridique solide de citoyens et d’hommes politiques, parfois dans des lieux tenus secrets. Dans le pays, en particulier dans l’Ouest, sévissent, selon l’ONU, près de

4 mai 2011

Fin de la bataille d’Abidjan. Le Conseil constitutionnel proclame Alassane Dramane Ouattara président. Il est investi le 21 mai.

23 mai 2011

Guillaume Soro (Forces nouvelles) est reconduit en tant que Premier ministre, fonction qu’il occupait depuis le 6 décembre 2010 auprès de Ouattara, et forme son quatrième gouvernement le 1er juin.

1er décembre 2011

Élections législatives. Le RDR d’Alassane Ouattara remporte la majorité des sièges à l’Assemblée nationale.

13 mars 2012

Guillaume Soro, élu président de l’Assemblée nationale, est remplacé à la primature par Jeannot Ahoussou-Kouadio.

26 juin 2012

Le pays atteint le point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), ce qui lui permet de réduire sa dette de 64,2 % (soit plus de 8 milliards d’euros).

21 novembre 2012

Daniel Kablan Duncan est nommé Premier ministre.

17 janvier 2013

Arrestation au Ghana de Charles Blé Goudé, leader des Jeunes Patriotes.

18000 Dozos, chasseurs traditionnels qui adaptent la loi selon leurs intérêts. Un far west où toutes les tensions intercommunautaires ressurgissent. Pour International Crisis Group (ICG), le président Ouattara doit constituer un appareil de défense et de sécurité qui ne soit pas à la solde d’un pouvoir ou d’un clan, mais au service de la République. « Sans cette réforme cruciale, les forces armées resteront l’élément déstabilisateur qu’elles sont depuis le coup d’État de décembre 1999 », explique l’ONG dans son dernier rapport en appelant les autorités « à sortir du piège tendu par les éléments les plus radicaux du camp Gbagbo, qui [les] poussent à répondre […] par une répression indiscriminée qui n’a jusqu’à présent rien réglé ». Des gestes d’apaisement, notamment la libération de certains caciques de l’ancien régime – disons les moins marqués par les événements liés à la crise postélectorale –, pourraient favoriser la réconciliation. Ouattara en est bien conscient. Une vague d’amnistie et de grâce est dans l’air du temps. Mais, en retour, les autorités attendent la reconnaissance de leur pouvoir, la fin des opérations de déstabilisation, et invitent l’opposition à jouer sa partition démocratique dans un climat apaisé. ●

FIN DE MISSION POUR BANNY

C

harles Konan Banny ne demandera pas à prolonger son mandat de président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) qui prend fin en juillet (lire p. 82). Mais il remplira sa mission jusqu’au bout. Du 11 au 13 février, il participe à la conférence sur N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

l’impunité et la justice équitable en Côte d’Ivoire, l’un de ses chevaux de bataille. En janvier, il a procédé au lancement des commissions locales de la CDVR chargées de prendre les dépositions des victimes de la crise politico-militaire et de sensibiliser à la réconciliation. Ses équipes

travaillent déjà à la rédaction d’un rapport qui fera un bilan de la réconciliation nationale et recommandera au chef de l’État un cadre d’action. Si l’ancien Premier ministre n’est pas parvenu à restaurer pleinement la cohésion sociale entre les Ivoiriens, il n’est pas le seul fautif. Son institution a

manqué de financement et a pâti des crispations du dialogue politique national, des exactions extérieures et de la partialité du système judiciaire. Il rêvait aussi d’associer Laurent Gbagbo à la réconciliation, mais n’a pas reçu le feu vert pour le rencontrer à La Haye. ● P.A. JEUNE AFRIQUE




Peut-elle redevenir un modèle ? COHÉSION

Rinaldo Depagne «Les extrémistes sont en perte de vitesse»

ROBBIE COREY-BOULET/AP/SIPA

Observateur attentif de la crise ivoirienne, l’analyste d’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique de l’Ouest évalue les progrès réalisés, mais aussi les freins qui, pour le moment, hypothèquent les conditions d’une véritable normalisation.

! Parmi les urgences : faire la lumière sur l’attaque meurtrière, le 20 juillet 2012, du CAMP DE DÉPLACÉS DE NAHIBLY, PRÈS DE DUÉKOUÉ (Ouest), réduit en cendres. JEUNE AFRIQUE : Dix-huit mois après l’investiture d’Alassane Ouattara, quel est votre regard sur l’évolution du pays? RINALDO DEPAGNE : La situation de la

Côte d’Ivoire reste fragile, en dépit d’une nette amélioration. Depuis son installation au pouvoir, le régime du président Ouattara a bénéficié de l’aide financière de la communauté internationale et fait du redressement économique son principal remède à la crise. Il a obtenu de bons résultats et a apporté au pays une croissance vigoureuse, estimée par le FMI à quelque 8,5 % en 2012. Bien que nécessaire, la relance de l’économie ne réglera pas à elle seule une crise profondément politique et sociale. De graves problèmes subsistent au sein d’une armée toujours très divisée, ainsi que dans l’extrême ouest du pays, où demeurent de très fortes tensions communautaires. Il ne faut donc surtout pas négliger de corriger les déséquilibres JEUNE AFRIQUE

politiques, ethniques, fonciers et institutionnels qui ont marqué le pays pendant deux décennies. Pourquoi le dialogue politique peine-t-il à avancer ?

Le dialogue entre le pouvoir et le Front populaire ivoirien [FPI, NDLR] a d’abord été gelé. Le FPI a choisi l’isole-

septembre et octobre 2012, de projets de déstabilisation orchestrés depuis le Ghana a totalement paralysé le dialogue. Il a convaincu les durs de l’autre bord de la nécessité de maintenir une position répressive à l’égard de l’ensemble des représentants de l’ancien régime, modérés ou non. Depuis le mois de décembre, le pouvoir et le FPI ont renoué avec le dialogue direct. Pour le premier, il y a un intérêt en termes d’image extérieure et de crédibilité démocratique, mais aussi un calcul politique : marginaliser l’aile dure du parti de Laurent Gbagbo. De son côté, l’aile modérée du FPI a pris conscience qu’elle devait réintégrer le jeu politique, car en se tenant à l’écart elle laissait le champ libre à tous les extrémistes qui prônent la violence. Ces extrémistes sont aujourd’hui en perte de vitesse. Quelles mesures pourront renforcer la cohésion sociale ?

Une justice impartiale est l’élément crucial du renforcement de la cohésion sociale. La partialité actuelle laisse perdurer au sein de l’électorat de Laurent Gbagbo, et bien au-delà, le sentiment d’une « justice des vainqueurs » et d’une humiliation supplémentaire. Deux mesures sont urgentes. En premier lieu, il est nécessaire d’apporter des suites judiciaires non sélectives aux conclusions du rapport de la Commission nationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme rendu public au mois d’août 2012. Par ailleurs, il faut qu’une enquête sérieuse permette d’établir les

La partialité actuelle laisse perdurer le sentiment de « justice des vainqueurs ». ment en ne prenant pas part aux législatives de décembre 2011 et en posant des conditions irréalistes à son retour effectif dans le jeu politique. Son aile modérée n’arrivait pas à se démarquer d’une branche dure en exil, qui nourrissait l’espoir d’une reconquête militaire du pouvoir. La révélation, en juin,

faitsetd’arrêterlescoupablesdeladestruction, en juillet 2012, du camp de Nahibly. Difficile de parler de réconciliation dans la région de Duékoué, ville martyre, tant que la réduction en cendres de ce camp de 5 000 déplacés et la mort brutale d’au moins 13 personnes resteront impunies. ● Propos recueillis par ABDEL PITROIPA N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire de F CFA (plus de 6,5 milliards d’euros) pour financer le Plan national de développement du pays jusqu’en 2015. Depuis, pas une semaine ne passe sans Proche de longue date du chef de l’État, le Premier ministre, qu’il aille inaugurer un pont ou une route. Chaque semaine aussi, il reçoit Daniel Kablan Duncan, a les coudées plus franches que son des investisseurs, banquiers ou patrons prédécesseur. de groupes miniers. Très pris par ces inaugurations et ces audiences, il a l a le débit rapide, l’œil rieur et l’inconfié son cabinet à un technocrate du Jeannot Ahoussou-Kouadio à la tête du telligence vive. Son discours est même profil, Théophile Ahoua N’doli, précédent gouvernement, le chef de sobre, carré, technique. Grand, le l’État devait continuer à superviser l’écoun ancien de la Banque centrale des crâne largement dégarni, Daniel nomie. Sans compter que l’ex-Premier États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et Kablan Duncan (DKD) a plus le profil ministre n’avait pas assez de poigne pour ministre du Développement industriel d’un commis de l’État que d’un policontrôler son équipe. « Les ministres de 1996 à 1999. Un « dircab » qui a ses tique. Bien que vice-président du Parti passaient au-dessus de sa tête pour venir réseaux à Paris, en particulier au sein démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, du Trésor et de l’Agence française de me parler de leurs problèmes, confiait lire p. 77), Kablan Duncan ne semble développement (AFD). d’ailleurs pas nourrir d’ambition poliEn janvier, DKD s’est Aucune ambition politique consacré à la relance du tique particulière et assure ne pas vouloir personnelle. Énorme avantage, dialogue avec l’opposition briguer la magistrature suprême en 2015. pour qui veut travailler en paix. (lire pp. 78-79), un dossier Énorme avantage. On devrait le laisser important pour que le pays travailler en paix et il ne se mêlera pas à retrouve son label de « démocratie ». Il la guerre de succession qui fait déjà rage récemment Alassane Ouattara à l’un de souhaite aussi s’impliquer sur le chandans les coulisses du pouvoir. Toujours ses visiteurs. Avec le nouveau Premier tier de la réconciliation, qui, selon lui, d’humeur égale, il aime positiver et se ministre, ce n’est pas le cas. » « est l’affaire de tous ». Un autre de ses montre disponible à l’égard de la presse. Dès sa prise de fonctions, ce dernier Cela fait partie du job, même s’il reproche est allé à Paris, début décembre, à la défis étant de lutter contre l’inflation alors que les prix à la consommation aux journalistes de rarement parler des rencontre des bailleurs de fonds. Jugé trains qui partent à l’heure. convaincant, il a obtenu 4 300 milliards ont beaucoup augmenté, au grand dam Nommé chef du gouvernement le 21 novembre 2012, après avoir tout fait pour briser l’isolement du pays à la tête des Affaires étrangères, Kablan Duncan, 69 ans, n’a pas mis beaucoup de temps à retrouver ses marques à la primature – qu’il a déjà occupée de 1993 à 1999, sous la présidence de Henri Konan Bédié. Originaire de Ouellé (centre du pays), à la fois proche du chef de l’État et de son allié dans la coalition au pouvoir, Konan Bédié, DKD jouit d’une bonne image auprès de la communauté internationale – il parle anglais couramment et a des notions d’espagnol ainsi que d’allemand. Convivial, après les séances de travail, il aime aussi converser avec ses interlocuteurs autour d’une coupe de champagne. GOUVERNEMENT

DKD décodé

I

CONVAINCANT. Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui souhaite se concentrer sur les questions internationales et la sécurité intérieure, lui a confié une feuille de route très large – dialogue politique avec l’opposition, réconciliation nationale, reconstruction, relance économique – et compte sur lui pour aller jusqu’à la fin de son mandat, en 2015. Pendant les huit mois de l’avocat N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

ISSOUF SANOGO/AFP

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! L’EX-CHEF DE LA DIPLOMATIE à sa sortie du palais présidentiel, le 21 novembre.

JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ? de la population. Autant de questions sur lesquelles l’impatience des Ivoiriens est aussi forte que leurs attentes sont grandes. Le gouvernement devra donc y répondre très rapidement. MAIN DANS LA MAIN. Pour ce faire, le chef de l’État a une confiance aveugle en son Premier ministre, libéral comme lui. En retour, le chef du gouvernement lui rend compte très régulièrement et le consulte sur toutes les décisions importantes à prendre. Ils préparent ensemble chaque Conseil des ministres, généralement le mardi. « Il est compétent, réactif et connaît mes méthodes de travail », confie le chef de l’État. « Nous avons des convergences de vue en matière de développement socioéconomique, et ça va beaucoup plus vite quand vous comprenez ce que souhaite votre patron », précise DKD de son côté. Un patron qui a toujours voulu l’associer à sa carrière. Kablan Duncan est un technocrate qui, comme lui, a fait ses armes à la BCEAO. Leur rencontre remonte à 1975 : ADO est alors directeur des études de la banque, basé à Paris, lui est chef des études à Abidjan. En 1990, quand ADO est nommé Premier ministre par

Houphouët, il appelle DKD à ses côtés et en fait son superministre (Économie, Finances, Plan, Commerce et Industrie). Ils travaillent alors main dans la main pour redresser et ouvrir l’économie, relancer la coopération avec les bailleurs de fonds, préparer la dévaluation du franc CFA… « Nous avons pensé beaucoup de projets de développement dans les années 1990, confie Daniel Kablan Duncan. Mais ils n’ont tout simplement pas pu voir le jour pendant les dix années de crise politico-militaire. » À la mort de Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993, Henri Konan Bédié, dauphin constitutionnel en tant que président de l’Assemblée nationale, propose à Kablan Duncan de prendre la tête du gouvernement. Il accepte (et y restera six ans) après avoir obtenu l’approbation de son ami, Alassane Ouattara. Lors de la passation des charges, il rend un hommage appuyé à son prédécesseur, dont il admire la maîtrise des dossiers et l’autorité naturelle. « Le changement est toujours source de progrès et d’imagination », lui répond celui qui entame alors une longue traversée du désert. ● PASCAL AIRAULT

En quelques dates… 30 juin 1943 Naît à Ouellé (Centre) en pays Nzima 1974 Entre à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest 1986 Devient directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale ivoirienne Nov. 1990 Est nommé ministre délégué auprès du Premier ministre, Alassane Ouattara, chargé de l’Économie, des Finances, du Plan, du Commerce et de l’Industrie Déc. 1993 - Déc. 1999 Sous la présidence de Konan Bédié, succède à Ouattara en tant que chef du gouvernement. Il est également chargé du portefeuille de l’Économie et des Finances, puis du Plan et du Développement Juin 2011 Prend la tête de la diplomatie ivoirienne 21 novembre 2012 Redevient Premier ministre

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Peut-elle redevenir un modèle ? MAJORITÉ

Âge ingrat pour les houphouétistes À quelques semaines de son congrès, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, l’autre poids lourd de la coalition présidentielle, semble avant tout vouloir maintenir le statu quo.

F

aiseur de roi lors du second tour de la présidentielle de 2010 grâce à son soutien à Alassane Dramane Ouattara, candidat du Rassemblement des républicains (RDR) – son allié au sein de la coalition du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) –, le PartidémocratiquedeCôted’Ivoire(PDCI) doit tenir son congrès en mars. Même si certains de ses membres regrettent ouvertement de ne pas être mieux associés à la gestion du pouvoir, le grand raout de la plus vieille formation politique du pays ne devrait donner lieu à aucune grande surprise ni être l’occasion d’une véritable transformation. Tout d’abord parce que le chef du parti, l’ex-président Henri Konan Bédié, 78 ans, pourrait bien se succéder à lui-même, après une réforme des statuts pour faire sauter le verrou de la limite d’âge, qui est de 75 ans. C’est le principal cheval de bataille des partisans du consensus, qui sont en train de s’activer pour faire en sorte que la formation ne sorte pas déchirée de ce congrès. « Pourquoi vouloir changer le président Bédié, alors qu’il est la personnalité la plus consensuelle du PDCI ? » confie un baron du parti acquis à la cause de l’ex-chef de l’État, aux commandes de la formation depuis le décès de son fondateur, Félix Houphouët-Boigny, en 1993. Le PDCI confirmerait alors son image de vieux parti fonctionnant sur la base de la gérontocratie – la moyenne d’âge de ses dirigeants oscillant autour de 60 ans. FRINGANT. Cependant, le congrès

pourrait être l’occasion pour l’ancien Premier ministre Charles Konan Banny, 70 ans, actuel président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR, lire p. 70), qui ne cache pas ses ambitions présidentielles, de se porter candidat à la direction du parti. L’ex-gouverneur de la Banque centrale JEUNE AFRIQUE

des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’envisage pas de poursuivre sa mission à la CDVR, et la présidence du PDCI constituerait pour lui une rampe de lancement pour briguer la magistrature suprême. ! PYRAMIDE DES ÂGES EN QUATRE « B » : Bédié, Banny, Billon et Bertin (de haut en bas et de g. à dr.).

En tout cas, le passage de flambeau à une génération plus jeune n’aura pas lieu. Le scénario d’une refonte des textes pour permettre à Henri Konan Bédié de rempiler n’enchante d’ailleurs pas son filleul, Konan Kouakou Bertin (KKB), le fringant quadragénaire actuellement président de la jeunesse du PDCI – « le seul parti au monde qui ne tire pas les leçons de ce qui lui arrive », râlait Kouakou Bertin l’an dernier, quand certains envisageaient d’aller aux élections locales sans voir la nécessité de tenir le congrès au préalable. Depuis plusieurs mois, soutenu par certains caciques – qui n’élèvent cependant pas la voix –, KKB milite de façon isolée pour un changement au niveau de l’étatmajor du parti. Sans être entendu pour le moment. On notera toutefois l’appel du pied fait à Jean-Louis Billon, 48 ans, le ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, pour qu’il rejoigne le parti et se voie confier une responsabilité au sein de sa haute direction. En attendant, le PDCI s’estime mal récompensé de son alliance avec le RDR du président Ouattara, lequel a pourtant nommé pour Premier ministre un vice-président du PDCI, Daniel Kablan Duncan. Certains apprécient peu la dissolution du précédent gouvernement et la façon dont Jeannot Kouadio Ahoussou (également membre du PDCI) a été limogé. Pendant que d’autres, espérant toujours plus, multiplient les critiques contre l’exécutif. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

Le PDCI est

2e parti

le du pays par sa représentation à l’Assemblée nationale, avec

76 sièges sur 255 aux législatives de 2011, le RDR en comptant 122

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Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

! Le Premier ministre (cravate rouge) accueillant, dans son bureau, LES LEADERS DU FPI : (de g. à d.) Danon Djedje, Sylvain Miaka Ouretto, son président par intérim, et Michel Amani N’Guessan. OPPOSITION

Sans Gbagbo, le FPI cherche sa voie Deux ans après la crise postélectorale, le Front populaire ivoirien est revenu à la table des négociations.

I

ls étaient nombreux les journalistes qui, le 18 janvier, patientaient dans la cour de la primature. Et pour cause : après un an et demi de relations houleuses, le Front populaire ivoirien (FPI) et le pouvoir, représenté par le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, entamaient leur « dialogue direct ». L’initiative vient-elle de Laurent Gbagbo ? « Non », selon Sylvain Miaka Ouretto, président

par intérim du parti fondé par l’ex-chef d’État ivoirien, incarcéré à La Haye (PaysBas) depuis novembre 2011. « Il refuse de s’immiscer dans la marche du parti ou de donner des directives », assuret-il. Réclamé par le FPI et longtemps différé par les autorités, ce dialogue se présente sous les meilleurs auspices. Même l’arrestation au Ghana, le 17 janvier, puis le transfert en Côte d’Ivoire

de Charles Blé Goudé, fervent partisan du président déchu, n’a pas entamé « la bonne volonté du FPI ». DÉCAPITÉ. « Alors qu’on parle d’apai-

sement, cette arrestation nous semble étrange, reconnaît Sylvain Miaka Ouretto. Mais nous ne nous laisserons pas détourner de notre volonté d’aller à la paix et à la réconciliation. » Décision guidée par l’instinct de survie ? Certainement. Car depuis la fin de la crise postélectorale, le FPI, décapité, a du mal à se restructurer. Inculpée – entre autres – de génocide,

SIA KAMBOU/AFP

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Peut-elle redevenir un modèle ? l’ex-première dame, Simone Ehivet Gbagbo, est détenue à Odienné (NordOuest) depuis avril 2011. Michel Gbagbo, le fils de l’ancien chef de l’État, Pascal Affi N’Guessan, l’ex-président du FPI, et AboudramaneSangaré,sonvice-président, sont sous le coup d’un mandat d’arrêt pour crimes économiques ou atteinte à la sûreté de l’État. Ils sont incarcérés à Bouna (Nord-Est) pour les deux premiers et à Katiola (Centre) pour le dernier. Quant au secrétaire général du parti, Laurent Akoun, il purge une peine de six mois de prison à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) pour troubles à l’ordre public, tandis que son adjoint, Alphonse Douati, attend son procès pour atteinte à la sûreté de l’État dans la même prison. « Nos camarades sont détenus dans des

« Laurent Gbagbo refuse de s’immiscer dans la marche du parti. » SYLVAIN MIAKA OURETTO, président par intérim du FPI

conditions intolérables, leurs avoirs leur ont été confisqués, et leurs familles se trouvent dans les pires difficultés. On ne pourra pas aller à la réconciliation tant que les questions liées à la justice et à l’État de droit ne seront pas réglées », argumente Sylvain Miaka Ouretto. Alassane Ouattara sera-t-il réceptif à ces préalables ? Du côté du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), allié du Rassemblement des républicains (RDR) au sein de la coalition présidentielle, on s’interdit de commenter les exigences du FPI et la réaction du chef de l’État, mais on reconnaît que la mort du FPI ne profiterait à personne. Peu ou prou, un Ivoirien sur deux a voté pour Gbagbo en 2010, et la disparition de ce parti ne serait pas de nature à apaiser le climat politique. Premier signe d’accalmie, Daniel Kablan Duncan a promis une aide financière à l’opposition afin qu’elle s’organise pour les prochaines élections municipales et régionales (initialement prévues le 24 février, elles ont été reportées). Après avoir boycotté les législatives de décembre 2011 pour protester contre le « harcèlement du régime d’Alassane Ouattara », le FPI a bien l’intention de mettre à profit ces prochains scrutins pour démontrer qu’il est toujours l’un des principaux partis politiques du pays. ● MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE

TRIBUNE

Opiniions & éditoriauxx

HENRIETTE LAGOU Ancienne ministre de la Famille, présidente du Renouveau pour la paix et la concorde (RPC)

À chacun sa place

V

OILÀ PRESQUE VINGT ANS que le père de l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny, est décédé, et ses « enfants » n’arrivent toujours pas à assumer l’héritage colossal et ô combien complexe qu’il leur a légué. Ce qui devrait être un havre de paix et de concorde est aujourd’hui un capharnaüm d’intérêts sociopolitiques antagonistes, parfois neutralisants et destructeurs. La Côte d’Ivoire est malade à la fois de ses élites mal inspirées et intéressées ; de sa jeunesse intrépide et mal formée, proie logique d’aînés aux ambitions démesurées ; de sa population de plus en plus pauvre et désargentée, dont le quotidien ressemble plus à une survie qu’à une vie ; et, enfin, de sa « démocratie » aux relents tribalo-affairistes et sectaires, avec pour chef d’orchestre le dieu jacobin qui fait et défait les carrières. Comment sommes-nous arrivés à cette situation ? À l’image d’un avion au décollage chaotique, la Côte d’Ivoire portait en elle les germes de sa déshérence actuelle, qui trouve ses fondements dans son accession à l’indépendance, le 7 août 1960. Avec une population très peu éduquée, elle avait un gros handicap, d’où son appel aux élites africaines, particulièrement des pays voisins, pour instruire ses enfants et gérer son administration. Une prise de conscience de sa jeunesse nouvellement instruite déboucha sur des émeutes entraînant le départ précipité de ses hôtes, dont le grand tort avait été de se sentir plus ivoiriens que les nationaux. La suite est encore plus dramatique. Chute des cours des matières premières, dettes abyssales, dépenses publiques non maîtrisées, ajustement structurel raté avec son cortège de privatisations à tout va, héritiers aux appétits féroces, armée moyennement formée, etc. Pourtant, la Côte d’Ivoire est un pays riche et prospère, en dépit de son acceptation comme pays pauvre très endetté (PPTE).

Cerise sur le gâteau, le remaniement ministériel de novembre, qui aurait pu sortir le pays de son inertie politique en rassemblant tous les courants dans une synergie d’actions en faveur de la réconciliation vraie, est venu doucher les espoirs du vivre-ensemble. Les Ivoiriens sont fatigués et aspirent à vivre dans la quiétude. Un espoir demeure, si et seulement si nous nous inscrivons dans cette triple solution qui s’offre à nous : circonscrire l’appétit vorace des élites politiques à travers une vraie démocratie; instaurer un véritable climat de paix, gage de tout développement harmonieux par une vraie politique sécuritaire et sociale ; informatiser totalement l’administration et procéder à une réelle réforme économique de son système de gestion publique en permettant l’épuration de sa dette intérieure, ce qui donnera un véritable coup de pouce au PIB. Les volontés ne manquent pas. Il suffit de donner à chacun sa place et sa chance dans cette Côte d’Ivoire nouvelle. Son avenir en dépend. Asseyonsnous et discutons sans faux-fuyants. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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(e)

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TRIBUNE

Op pin nions & éditoriaux

Comment relever le défi de la réconciliation

DR

L PR TCHÉTCHÉ N’GUESSAN Directeur honoraire du Centre ivoirien de recherches économiques et sociales (Cires) et ancien administrateur de la BAD

A CÔTE D’IVOIRE s’est fixé pour objectif de devenir un pays émergent à l’horizon 2020. Cette ambition ne peut aboutir que si les tensions politiques qui persistent actuellement ne dégénèrent pas en conflits destructeurs. Raison pour laquelle, parmi de nombreuses options, la réconciliation me semble s’imposer comme le chantier le plus important pour l’avenir du pays. L’enjeu n’a pas échappé aux autorités ivoiriennes. D’où la création d’une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), par une ordonnance du 13 juillet 2011. Étant donné que le temps qui lui est imparti est de deux ans, les Ivoiriens et les amis de la Côte d’Ivoire s’interrogent et s’inquiètent. Le pays sera-t-il réconcilié à l’échéance ? La principale clé pour réussir, et qui fait pour l’instant défaut, est, selon moi, la méthode de convergence. J’entends, par ce concept, une démarche inclusive, ordonnée et séquentielle, dont les étapes successives, si elles sont respectées, se renforcent mutuellement pour faire converger le pays vers la réconciliation. Quelles sont ces étapes dans la quête de la réconciliation en Côte d’Ivoire ? Je ne retiendrai ici que les trois plus importantes. La première porte sur la formation d’une tierce partie (TP). Cet ensemble de personnes dont la vocation est de travailler pour réconcilier les belligérants est formé d’une première composante, issue des deux camps en conflit, dite tierce partie intérieure (TPI), et d’une autre, extérieure au conflit, dite tierce partie extérieure (TPE). LaTPI s’accorde pour obtenir la cessation des hostilités et la définition des principes de la réconciliation (elle ne peut être efficace que si elle compte parmi ses membres les leaders des protagonistes – c’était le cas de Nelson Mandela et de Frederik De Klerk en Afrique du Sud). Pour sa part, laTPE se charge d’affiner ces principes et de les appliquer. Cette étape est-elle honorée en Côte d’Ivoire? Ici, ce qui m’apparaît comme laTPI est le Cadre permanent de dialogue (CPD), la CDVR représentant, elle, laTPE. Or il y a lieu de s’inquiéter, car comment la CDVR peut-elle être efficace alors que la création du CPD lui est postérieure

et que les principes de la réconciliation, en discussion au sein de cette instance, ne sont pas encore définis ? Deuxième étape incontournable: la cessation des hostilités, à savoir les agressions militaires et physiques, bien entendu, mais aussi les privations de liberté, les attaques verbales, les répressions d’ordre professionnel, économique et financier, etc. Pendant et après la transition, aucun des belligérants ne doit poser d’acte en rapport avec le conflit et qui ouvre de nouvelles blessures. Qu’est-ce que l’on constate en Côte d’Ivoire ? Alors que la CDVR est en activité, toutes formes d’hostilité se poursuivent, ouvrant chaque jour de nouvelles blessures. L’accord sur les instruments de la réconciliation, c’est-à-dire sur les vérités à mettre au jour, sur les justices à actionner, etc., constitue à mon sens une troisième étape majeure. En l’occurrence, si l’on s’en tient à la probléma-

Il faut une démarche inclusive, ordonnée, dont les étapes successives se renforcent les unes les autres si elles sont respectées. Or, à ma connaissance, ce n’est pas le cas.

Gouvernance collégiale de banque centrale et politique monétaire, Tchétché N’Guessan, éditions L’Harmattan février 2008, 282 pages, 26,50 euros

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tique judiciaire, durant une transition, la tierce partie tient à sa disposition la justice pénale et la justice de réconciliation. Or je pense que, pour des crimes de masse, la justice pénale est inappropriée. C’est la justice de réconciliation qui devrait tenir le premier rôle, à condition qu’elle ne juge que les prévenus qui avouent leurs crimes et s’en repentent. Les autres doivent être traduits devant la justice pénale. En Côte d’Ivoire, ces différentes justices sontelles mises à contribution de manière articulée? À ma connaissance, non. Les autorités judiciaires pratiquent la justice pénale comme si le pays n’était pas en transition vers la réconciliation. Pour que cette dernière réussisse, je ne saurais donc trop recommander l’utilisation de la méthode de convergence. ● JEUNE AFRIQUE


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Pour le mener à bien, le chef de l’État ivoirien a fait appel aux compétences de la France et de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Deux officiers supérieurs français sont à pied d’œuvre, l’un aux côtés du président Ouattara, l’autre au sein du cabinet du Comment faire d’unités hétérogènes et insubordonnées un corps Premier ministre. organisé au service de la République ? Orchestrée par le chef En août, Alassane Ouattara a créé un de l’État, la réforme de l’armée est cruciale. Et prendra du temps. CNS composé de 18 membres, parmi lesquels le Premier Ministre, les ministres epuis mai 2012, le président (CNS), qui ne respectent pas toujours des Affaires étrangères, de l’Intérieur, des ivoirien s’est octroyé le portela chaîne de commandement et font Finances et de la Justice, le chef d’étatfeuille de la Défense, secondé régulièrement preuve de manque de major des armées, le commandant supépar un ministre délégué, discipline et de cohésion. » rieur de la gendarmerie nationale et le Paul Koffi Koffi. À l’origine de cette directeur général de la police nationale. Les objectifs sont de réunifier et fordécision, la volonté de mettre fin à la mer les troupes. Il y a un important Présidées par le chef de l’État, les réunions zizanie dans les rangs de la Grande travail à faire avec les anciens chefs de hebdomadaires du CNS permettent de Muette en prenant à bras-le-corps guerre, dont la plupart sont, à l’origine, prendre des décisions rapides sur l’avanl’indispensable réforme de l’armée. des caporaux propulsés au grade cée de la réforme ou celle du plan Confronté à la crise postélectorale, de commandant. D’autant désarmement,démobilisation, Les FRCI Alassane Ouattara a été porté au pouvoir que ce sont leurs unités, réinsertion (DDR, lire p. 86) comptent par les Forces républicaines de Côte et de faire le point sur la les mieux armées, qui d’Ivoire (FRCI), un rassemblement de situation sécuritaire. assurent aujourd’hui la groupes armés essentiellement issus de stabilité intérieure. Il dont l’ex-rébellion et de quelques ralliés de faut leur (ré)apprendre MENACES. « Nous avons l’armée fidèle à Laurent Gbagbo. Créées l’organisation, l’obéisaffaire à une menace anciens combattants en mars 2011, les FRCI ont absorbé, sance à la hiérarchie, venant de l’extérieur, des Forces nouvelles (FN), une fois la victoire acquise, le gros des l’éthique, le respect des notamment des frontières ex-rébellion troupes loyalistes de l’armée de terre, droits de l’homme… Des ouest et est. Nous menons de l’air, de la marine et de la gendarprincipes élémentaires que des opérations conjointes avec merie. Hétérogènes, elles comptent certains d’entre eux et de leurs les forces onusiennes et l’armée aujourd’hui quelque 40 000 hommes hommes ont perdus dans la rébellion. libérienne, explique Paul Koffi Koffi. Des (dont 16 000 gendarmes). « Nous avons exercices similaires seront bientôt menés Un chantier au long cours, loin d’être en réalité deux armées, explique un une sinécure au regard du faible niveau avec l’armée ghanéenne pour contrer les membre du Conseil national de sécurité d’instruction des troupes. déstabilisateurs. L’autre menace, au niveau intérieur celle-là, émane des jeunes démobilisés. Là encore, nous sommes en train Ü PATROUILLE DES FRCI au cours d’une opération de surveillance, de tout faire pour réussir le plan DDR. » début août 2012, à Bingerville (près d’Abidjan). Parallèlement s’amorce une réflexion approfondie sur la politique de la défense nationale, le concept d’emploi des forces armées et la loi de programmation militaire, une meilleure planification dans l’organisation et la gestion des moyens et des effectifs. Sans oublier la remise à plat des capacités opérationnelles. Le pays va par ailleurs s’équiper (avions, hélicoptères, navires…) pour lutter contre le terrorisme, le narcotrafic et la piraterie maritime. Le besoin de financement de la réforme de l’armée sera très lourd, entre 100 et 150 millions d’euros. « Je veux une armée loyaliste, très professionnelle, pour répondre aux défis intérieurs, mais aussi capable de se projeter dans les opérations de maintien de la paix », conclut le président Ouattara. ● DÉFENSE

Des forces un peu trop spéciales

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40 000 hommes

ISSOUF SANOGO/AFP

9 000

PASCAL AIRAULT N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Somagec GE, bâtir l’avenir Aménagement du paséo de Malabo

Construction du port et de l’aéroport d’Annobon

Maîtriser la mer Depuis sa création en 2005, Somagec GE a mené de front plusieurs chantiers portuaires à Malabo, Bata, Kogo, Corisco et d’Annobon...

Système d’approvisionnement en eau potable à Bata

Façonner la terre Somagec construit des routes, mais aussi des systèmes d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement des eaux usées…

Réalisation de l’aéroport et du tarmac de Corisco

Apprivoiser le ciel Somagec GE a réalisé l’extension de l’aéroport de Malabo et doté Bata, Annobon et Corisco d’infrastructures aéroportuaires modernes…

Construire, agrandir, moderniser les infrastructures essentielles que sont les routes, les ports et les aéroports pour encourager le développement économique, mieux relier les hommes et favoriser leurs échanges, voilà les défis que Somagec GE est fière de relever pour contribuer à bâtir l’Afrique du futur. Son engagement en Guinée Equatoriale traduit cette volonté de favoriser le développement humain, le bien-être et la prospérité des citoyens.

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Créateur de développement


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire RETOUR À LA VIE CIVILE

Ceux qui choisissent de rendre les armes C’est un défi sécuritaire mais aussi social : désarmer et réinsérer les ex-combattants. Et pour l’instant, ça marche… fonctionnement, les résultats sont extrêmement mitigés. Il n’y a pratiquement pas eu de désarmement. » Au moment du lancement du plan, à Anyama, un total de 2 000 hommes, après un test psychologique et une visite médicale les ayant déclarés « aptes », devaient intégrer le corps des gardes pénitentiaires. Une avancée notable, mais un chiffre qui est encore bien timide face à cet immense corps que sont les anciens soldats désœuvrés. On estime régulièrement qu’entre 50 000 et 100 000 combattants (ex-rebelles, miliciens, mercenaires, chasseurs traditionnels dozos) opèrent encore sur le territoire, confronté à des exactions quotidiennes – vols et ventes d’armes illicites, trafics en tous genres, racket, attaques armées… UN

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ATTAQUES. Pour être sûr de n’oublier personne, l’ADDR travaille en étroite (CNS, lire p. 84), l’ADDR est venue remcollaboration avec l’Institut national de la statistique (INS), qui effectue en placer toutes les structures qui avaient la même vocation. À sa tête, Fidèle amont un travail de recensement région par région. Mais ce processus d’identiSarassoro, un civil qui était jusqu’alors représentant du Programme des Nations fication qui se veut irréprochable a fait unies pour le développement (Pnud) en l’objet de critiques. Ainsi, la sélection RD Congo. des 2 000 ex-combattants candidats à la réinsertion (seul chiffre communiqué pour l’instant par l’ADDR) TEMPS PERDU. Le grand projet de désarmement serait en fait la chasse garSelon les estimations, était jusqu’à présent un dée d’anciens comzones serpent de mer. Depuis (commandants de zone) qui vendraient 2007, nombre d’orgales futures charges. De nismes aux intitulés faux vétérans auraient aussi volontaristes ainsi été indûment que peu suivis d’effet – ex-rebelles, « réintégrés ». se sont succédé ou miliciens, mercenaires… – Pour répondre à ces chevauchés. Le dernier sévissent encore en date, le Programme attaques, le directeur de sur le territoire national de réinsertion l’ADDR organise des touret de réhabilitation comnées dans le pays, contrôle les munautaire, a été refondu dans listes établies et fait patienter les l’ADDR. « Toutes ces entités faisaient demandeurs en leur faisant allouer des maison commune et chambre à part. Il dons de subsistance. Comme ce samedi s’était installé une espèce de cacopho19 janvier à Ferkessédougou (Nord), où nie et de rivalité entre elles, déplorait les anciens combattants ont reçu des Emmanuel Noubissié, chargé principal vivres et une enveloppe globale de 1 mildes opérations de la Banque mondiale lion de F CFA (plus de 1 500 euros) à se à Abidjan, sur les ondes d’Onuci FM, en partager. En attendant de se désarmer, août. Résultat, après plusieurs années de il faut manger. ● ABDEL PITROIPA

! DÉPÔT VOLONTAIRE D’ARMES encadré par l’Onuci, à Abobo (nord d’Abidjan, février 2012).

L

e 22 octobre 2012 au matin, à Anyama, dans la grande banlieue d’Abidjan, des centaines d’hommes en tenue militaire sont sagement alignés, en une longue file indienne, à l’entrée du camp de l’ex-3e bataillon d’infanterie. Ils ne viennent pas s’engager, bien au contraire. Ils sont là pour en finir avec leur statut de soldats de circonstance. Une fois entrés, les futurs anciens combattants se font inscrire et sont reçus par des agents, auxquels ils remettent leurs attributs guerriers (bottes, treillis, sacs, etc.) et, avant toute chose, ils rendent leurs armes. Ce dépouillement achevé, on leur remet un kit d’entrée dans la vie civile : une carte de démobilisation et un survêtement pour remplacer leurs anciens « habits ». Pour mieux symboliser l’enterrement d’une vie désormais révolue, les effets abandonnés sont aussitôt détruits par le feu. Tel était le cérémonial, maintes fois répété depuis, de la vaste opération lancée ce jour d’octobre par l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration des ex-combattants (ADDR). Créée le 8 août 2012 et placée sous la tutelle du Conseil national de sécurité N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

entre 50 000 et 100 000 combattants

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ÉCONOMIE

La relance, oui mais…

Sur les bords de la lagune Ébrié, à Yamoussoukro ou à San Pedro, la reprise est là. Et plus forte que prévue. Pourtant, si le pays a retrouvé la confiance des bailleurs de fonds, celle des investisseurs privés reste mitigée.

C

hristine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), n’est-elle pas sortie de son rôle en déclarant, le 8 janvier, que la « réconciliation » des Ivoiriens était un « préalable » à « un nouveaumiracleéconomique»?Pourquoi la gardienne des grands équilibres macroéconomiques de la planète s’est-elle ainsi immiscée dans la politique intérieure de la Côte d’Ivoire? Parce qu’il y va de la vigueur et de la pérennité de la renaissance de la première économie d’Afrique de l’Ouest francophone. La reprise est là, à Abidjan, comme à San Pedro ou à Yamoussoukro. Et elle est plus forte que prévu, puisque le FMI a révisé la croissance à la hausse pour 2012, de 8,1 % à 8,6 %. « Les investisseurs reviennent, se félicite Maximilien Lemaire, président de la Chambre de commerce européenne à Abidjan. Dans l’immobilier comme dans l’agroalimentaire, ils ont élaboré des devis en 2012 qu’ils entendent concrétiser en 2013. » Deux autres signes annoncent une résilience. La Côte d’Ivoire est le seul pays africain non pétrolier à disposer d’une balance commerciale systématiquement N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

excédentaire. Et la Banque africaine de développement (BAD), qui avait émigré à Tunis pour éviter la guerre civile, a lancé un appel d’offres en décembre pour la réhabilitationdesesancienslocauxd’Abidjan, où elle entend réinstaller son siège.

elle peut compter sur deux points supplémentaires. On peut donc dire que ces 6 % de croissance sont une base qu’elle peut améliorer sans grande difficulté. » C’est en bonne voie. L’équipe Ouattara a fait preuve de rigueur dans la conduite de son budget. Les recettes, notamment douanières, « UNE CHANCE INOUÏE ». Il faut dire rentrent mieux que prévu, et les dépenses que les atouts de ce pays sont impressionsontsouscontrôle.L’inflationdemeuresage, nants : du fer à l’ouest, une trentaine de autourde2%.Desréformesemblématiques sites aurifères dans le centre et à l’est (lire sont en cours, comme celle de la filière café-cacao, bien partie pour L’unique pays africain non pétrolier redonner au petit planteurla rémunérationdontilavaitété doté d’une balance commerciale spolié (lire pp. 94-95). systématiquement excédentaire. Par ailleurs, les bailleurs de fonds ont montré un p. 104), des réserves d’hydrocarbures au soutien sans faille à la Côte d’Ivoire. Ils large des côtes qui pourraient changer la lui ont remis les trois quarts de sa dette, Côte d’Ivoire en petit Angola, des cultures qui désormais ne dépasse guère les 3 mild’exportations bien réparties sur le terriliards d’euros. « Avant ces annulations toire, depuis le coton jusqu’au cacao en de dette, le budget de la Côte d’Ivoire passant par la noix de cajou (lire p. 96), était consacré pour un tiers aux salaires l’hévéa et le palmiste. des fonctionnaires, pour un tiers au rem« La Côte d’Ivoire a une chance inouïe, boursement de la dette et pour un tiers au estime un expert africain. S’il y a la paix, fonctionnement et aux investissements, elle est assurée d’une croissance de 4 %. explique Gérald Collange, directeur de Si, en plus, sa gouvernance est “normale”, l’Agence française de développement JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ?

(AFD) à Abidjan. Maintenant, il est porteur d’avenir, car le premier tiers est toujours consacré aux salaires, mais le deuxième est réservé au fonctionnement et le troisième aux investissements. » MANNE. Réunis début décembre 2012

passant du stade extensif à l’organisation de filières agroalimentaires cohérentes, car le secteur manufacturier est incapable d’accueillir les 400000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année. » Les infrastructures sont en piteux état. Hors d’Abidjan, bien des routes ne méritent plus ce nom. La politique de

la Banque mondiale du point de vue du climat des affaires (classement « Doing Business » 2013), et le 130e rang sur les 176 pays passés au crible par l’ONG Transparency International du point de vue de la perception de la corruption.

à Paris, les bailleurs ont en outre promis EXASPÉRATION. Autant dire que le de contribuer pour 6,5 milliards d’euros pays n’inspire pas encore une grande Infrastructures à la réussite du plan national de déveconfiance aux investisseurs privés, qui économiques loppement 2012-2015 présenté par le connaissent les aléas de sa justice et de président Ouattara, qui n’en espérait l’application de son droit foncier. Or Autres que 3 milliards, pour atteindre une ces investisseurs sont absolument secteurs 25,8 croissance annuelle de 10 % à indispensables à la réussite du Commerce 18,8 0,7 partir de 2014 et accéder au rang plan 2012-2015. Celui-ci repose de pays émergent en 2020. sur un apport d’argent public PTIC Investissements 1,9 C’est bien, mais cette manne de 6,7 milliards d’euros, mais publics 2013-2015 Transport 2 n’y suffira pas. En effet, les surtout sur un autre apport de (En %) Économie 3,5 risques que doit affronter 9,7 milliards de fonds privés. et finance Montant global milliards la Côte d’Ivoire sont redouPour l’instant, le compte n’y 7,9 Mines, 5 de F CFA, 4 169,1 Santé pétrole, milliards tables. Dix années de conflits est pas. Et il n’y sera pas si les soit 6,36 d'euros énergie à répétition ont mis à mal son attaques de commissariats ou système éducatif : son taux de de casernes reprennent pour 11,5 11,6 Éducation, Agriculture scolarisation est devenu l’un des faire entendre l’exaspération formation et halieutique 1,6 plus bas d’Afrique. On peut donc des partisans de Laurent Gbagbo et recherche 9,7 scientifique se faire du souci sur les qualificamaintenus au ban de leur pays. Construction, Industrie, PME assainissement, tions, voire sur les qualités civiques Donc, pas d’investissements privés et artisanat urbanisme des jeunes Ivoiriens. sans apaisement, et pas d’apaisement et logement sans réconciliation entre les anciens Pour éviter la persistance d’un chômage SOURCE : MEMPD/DGPLP ennemis. C’est le poids de cette équamassif et une situation sociale explosive, il faudrait que l’agriculture devienne une subvention de l’électricité, dont profitent tion éminemment politique sur la croispriorité, car « 70 % de la population en vit », indûment les catégories aisées, a privé le sance ivoirienne que Christine Lagarde rappelle Gérald Collange. « Elle assure réseau de 1,5 milliard d’euros d’investisa voulu rappeler aux dirigeants du pays. 60 % des exportations et 30 % du PIB du sements en cinq ans. Mais le plus grave Cautériser les plaies de la guerre civile – pays, poursuit-il. Elle sera décisive pour est ailleurs. La Côte d’Ivoire occupe la et le plus vite possible – est un impératif relever le défi de la création d’emplois, en 177e place sur les 185 pays analysés par économique. ● ALAIN FAUJAS JEUNE AFRIQUE

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! LA COMMUNE DU PLATEAU, À ABIDJAN, le plus important quartier d’affaires du pays.

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Peut-elle redevenir un modèle ? ZOOM

Kaba Nialé, une ministre au mérite Première femme à la tête du stratégique portefeuille des Finances, la statisticienne est une habituée des arcanes du pouvoir.

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gouvernement, qui, à l’époque, n’est autre que… Daniel Kablan Duncan. Déjà.En 2000, elle devient directrice de cabinet adjointe de Mamadou Koulibaly, alors ministre de l’Économie et des Finances. Elle occupe ensuite la fonction de directrice de cabinet de Moussa Dosso, le ministre de l’Artisanat entre 2003 et 2005. Un parcours qui devait logiquement la mener à la tête d’un ministère. Ce sera chose faite le 1er juin 2011, date à laquelle elle intègre le premier gouvernement d’Alassane Ouattara en tant que ministre de la Promotion du logement.

ABIDJAN.NET

est avec une grande sérénité et en arborant ce large sourire qui la caractérise que Kaba Nialé, ministre PREMIÈRE CLASSE. Le chef chargée de l’Économie et des de l’État lui-même ne tarit Finances auprès du Premier d’ailleurs pas d’éloges sur ministre, Daniel Kablan celle qui le « pratique » Duncan, a reçu la Française depuis le début des années Christine Lagarde, directrice 1990, quand il était Premier générale du Fonds monéministre du président Félix taire international (FMI), le Houphouët-Boigny. « Kaba 7 janvier, à Abidjan. Car il Nialé est une économiste de en faut plus pour imprespremière classe, assure-t-il. sionner cette quinquagéElle a travaillé à la Banque naire originaire de Bouko, mondiale, elle a géré des dans l’est du pays, première programmes structurels très femme nommée à ce poste importants, elle a participé depuis l’indépendance, en à la rédaction de mon pro1960. Sa présence à la tête gramme de gouvernement. de ce portefeuille stratégique J’ai une totale confiance en n’est pas le fruit du hasard. elle. » Des compliments qui Statisticienne de forman’empêchent pas Kaba Nialé tion, Kaba Nialé fréquente de redoubler d’efforts pour les arcanes de l’économie mener à bien sa mission ivoirienne depuis deux de relance de l’économie décennies. ivoirienne. Cette économiste émérite Ses plus grands chantiers ? est même parfois compaD’abord, la poursuite des rée à Ngozi Okonjo-Iweala, actions pour améliorer la ! Le chef de l’État a « UNE TOTALE CONFIANCE EN ELLE ». ministre nigériane des gouvernance. Sur ce plan-là, Finances et ancienne directrice généKaba Nialé a démarré sa carrière par elle aura beaucoup à faire pour inverrale de la Banque mondiale. Même si, l’enseignement, en dispensant des cours ser la tendance : dans l’édition 2012 de pour le moment, ce n’est pas le même de macroéconomie à l’École nationale l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance gabarit en termes de carrière. Après africaine, la Côte d’Ivoire se place en supérieure de statistique et d’économie une maîtrise en sciences économiques appliquée (Ensea), à Abidjan, avant effet bon dernier en Afrique de l’Ouest obtenue à l’université de Cocody en et 46e au niveau africain (sur 1989, Kaba Nialé est partie poursuivre 52 pays classés). C’est une économiste reconnue, ses études à Paris, où elle a décroché Deuxième défi, et de parfois comparée à son homologue taille : la structuration de successivement un diplôme d’ingénieur au Centre européen de formala dette intérieure, dont les nigériane, Ngozi Okonjo-Iweala. tion des statisticiens économistes des stocks à la fin de juin 2012 pays en développement (CESD) et un étaient estimés à quelque diplôme d’études approfondies en écode travailler à la primature, entre 1991 3,5 milliards d’euros. Ce qui repréet 1996, sur les questions fiscales et sente, selon le FMI, 75 % des stocks de nomie internationale et économie du budgétaires. De 1996 à 2000, elle est la sous-région. ● développement à l’université Paris-1 chef de cabinet adjointe du chef de BAUDELAIRE MIEU Panthéon-Sorbonne. JEUNE AFRIQUE

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! UNITÉ DE PRODUCTION D’HUILE DE PALME de Sania (groupe Sifca) à Abidjan.

INDUSTRIALISATION

Cette année ou jamais

Plan national, schéma directeur… Tout le monde est d’accord, tout est là. Sauf les usines. Et il y a désormais urgence, dans toutes les filières, à gagner en valeur ajoutée. La transformation, c’est maintenant.

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otée du tissu industriel le plus avancé et le plus diversifié de l’Union économique et monétaire des États de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), la Côte d’Ivoire doit cependant rattraper le retard accumulé pendant dix ans de conflit, qui ont fragilisé et ralenti le développement du tissu industriel national. Ce dernier est dominé par les secteurs agroalimentaire (33 %) et chimique (28,5 %), suivis de ceux de l’énergie (8,9 %) et de l’eau (8 %), puis de diverses industries (métaux de construction, bois, textile, etc.). Le programme d’industrialisation engagé par Alassane Ouattara depuis le printemps 2011 vise à faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent d’ici à 2020. Pour accompagner le mouvement, une batterie de réformes, un schéma directeur du développement industriel et un nouveau code des investissements ont été concoctés. ZONES SPÉCIALISÉES. Pour déconges-

tionner les trois grandes zones industrielles du pays, concentrées à Abidjan, l’État va créer de nouvelles zones spécialisées (électromécanique, chimie, textile, bois…) réparties dans différentes régions et, en amont, s’active déjà à relancer les N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

projets énergétiques (lire pp. 102-103), sans lesquels le développement des activités industrielles serait compromis. Un autre grand challenge est d’accroître, par des politiques incitatives, le volume d’investissements dans la transformation des matièrespremières agricoles. « Laprioritédugouvernementestdedoperlatransformation locale des matières premières agricoles car il faut passer de 30 % à 50 % à l’horizon 2020 », explique Sangafowa Coulibaly,leministredel’Agriculture.Dans la filière cacao (lire pp. 94-95), dont le pays

est le premier producteur mondial, avec en moyenne 1,3 million de tonnes par an, environ 30 % des récoltes sont transformées localement en produits semi-finis (beurre, liqueur…) et seulement 1,5 % en produits finis (chocolat). Le café n’est guère mieux loti (5 % à 10 % de produits transformés); quant au caoutchouc naturel, dont le pays est le premier producteur africain, sur 231000 t récoltées, à peine 2 % sont manufacturées. Idem pour le coton (2 %) et un peu mieux pour l’anacarde (6 %, lire p. 96), essentiellement cultivés dans le nord du pays. Le défi est donc de taille, mais les pouvoirs publics sont optimistes et espèrent suivre l’exemple des dragons du Sud-Est asiatique. ● BAUDELAIRE MIEU

NOUVELLES DESSERTES DANS L’AIR Après avoir lancé son premier vol AbidjanDakar le 12 novembre 2012, Air Côte d’Ivoire dessert aujourd’hui neuf destinations dans la sous-région. En attendant le lancement de vols domestiques au premier semestre 2013, la compagnie devrait ouvrir des lignes vers Ouagadougou (Burkina),Yaoundé (Cameroun) et

Pointe-Noire (Congo) dès ce mois de février. Équipé de deux Airbus A319, le transporteur compte renforcer sa flotte d’ici à la fin de l’année et poursuit sa capitalisation. Après avoir mobilisé 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros) – sur les 25 milliards prévus – au démarrage de ses activités, il envisage de passer

à 12,5 milliards de F CFA, notamment avec l’apport de 6 milliards de l’État ivoirien (actionnaire majoritaire avec 65 % des parts), ainsi que ceux d’Air France (20 % des parts) et du Fonds Aga Khan pour le développement économique (15 %), qui devraient apporter respectivement 3 milliards et 1 milliard B.M. de F CFA. ● JEUNE AFRIQUE



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! LA TRÈS NETTE AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES FÈVES est l’un des premiers effets observés à mi-parcours de la campagne en cours (ici à Abengourou, dans l’est du pays).

CACAO

Fini l’anarchie

Le tout-libéral ayant fait long feu, la récolte des fèves est désormais régie par un système de prix minimum garanti. Les planteurs apparaissent déjà comme les grands gagnants de la réforme.

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e 3 octobre, une nouvelle page se tournait dans l’histoire longue et mouvementée du cacao ivoirien. En même temps que s’ouvrait officiellement la campagne 2012-2013 démarrait sur le terrain la réforme de la filière, annoncée depuis un an par le gouvernement. Douze ans après avoir été imposée au pays par les bailleurs de fonds, la libéralisation de la filière a donc fait long feu en Côte d’Ivoire. « Le système a été un échec. Chacun faisait

période, qualifiée d’« anarchique » par l’ensemble du secteur, en demandant aux pouvoirs publics de se réengager dans une filière qui contribue à hauteur de 15 % au PIB Le secteur devait faire face au ivoirien, représente 40 % vieillissement des vergers et, des recettes d’exportation donc, à la chute des rendements. et donne plus ou moins directement du travail à un cinquième de la population. « L’objectif directeur de la coopérative Ecookim. La Banque mondiale et le Fonds monétaire de cette réforme est de répondre au international (FMI) ont sifflé la fin de cette double défi de la transparence et de la ce qu’il voulait car il n’y avait plus de politique sectorielle digne de ce nom », explique Mamadou Bamba, planteur et

LES BROYEURS DÉPRIMÉS?

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remier producteur mondial devant le Ghana et l’Indonésie, la Côte d’Ivoire est aussi le principal broyeur de cacao, devant les Pays-Bas, depuis 2010. Elle transforme chaque année quelque 530 000 tonnes de fèves, soit un bon tiers de sa production. Une part que le N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

gouvernement souhaiterait faire passer à 50 % d’ici à 2015. Il vient pourtant de prendre coup sur coup deux décisions susceptibles de freiner cette dynamique. Après avoir supprimé, en septembre, l’allègement fiscal des broyeurs, qui était en vigueur depuis vingt ans,

il a mis en place, en novembre, une taxe de 14,6 % sur les exportations de produits semi-finis, jusqu’alors exonérées de charges. « Les pouvoirs publics sont en train d’abolir toutes les incitations existantes pour la transformation », a regretté

Jos de Loor, directeur général de Cargill. Le géant américain n’a pas tardé à réagir en annonçant le gel de ses projets d’extension en Côte d’Ivoire pour se tourner vers l’Indonésie, où il inaugurera une usine de broyage début 2014. ● O.C. JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ?

TROISIÈME VOIE. Entre l’ancien système

PRODUCTION

(CCC), nouvel organisme unique et paritaire de gestion de la filière, vient de constater dans une note interne « le respect des prix versés aux planteurs dans les zones de production ».

EXPORTATIONS

BONS PLANTS. Disposant dorénavant

Premier producteur, premier exportateur (Campagne sept. 2011-sept. 2012)

1 475 787 tonnes (– 2,31 %) SOURCES : CCC-ICCO

bonne gouvernance dans la gestion du secteur, tout en assurant une meilleure rémunération aux producteurs », précise Adama Touré, agroéconomiste te à la Banque mondiale.

administré de la Caisse de stabilisation 1 431 976 tonnes (Caistab) et le tout libéral, la Côte d’Ivoire soit 40 % des recettes d’exportation tente de développer une troisième oisième voie vo intermédiaire. Contrairement trairement à celui du et 15 % du PIB du pays Ghana voisin, l’État État ivoirien n’achète pas la production pour la commercialiser, mais a mis en place, depuis janvier, un système de vente anticipée par enchères portant sur Depuis janvier, une vente anticipée 70 % des volumes en cours par enchères est ouverte chaque de récolte (1,3 million de jour à une cinquantaine d’acheteurs. tonnes attendues). Il est ouvert à une cinquantaine d’acheteurs locaux et internationaux, qui 725 F CFA le kilo de fèves (ou 1 105 euros chaque jour s’engagent sur des tonnages la tonne), soit entre 50 % et 60 % du prix et un prix à l’export dont la moyenne CAF (coût, assurance, fret), comme s’y sert de base au calcul du tarif minimum était engagé Alassane Ouattara. À migaranti versé au planteur. Annoncé la campagne, le système semble avoir fait veille de la campagne, celui-ci a été fixé à ses preuves, puisque le Conseil café-cacao

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Congo Brazzaville +243 997 234255

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Gabon +241 740 621

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Cote d’Ivoire +225 213 40538

Kenya +254 203 861971

Nigeria +234 146 13854

Senegal +225 058 53604

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Ethiopia +251 911 512520

Guinea Conakry +224 69506599

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MEDIA FOR MOBILE PEOPLE

d’un revenu régulier qui leur donne un peu de visibilité, ces derniers apparaissent déjà comme les grands bénéficiaires de la réforme. « Ils vont enfin pouvoir investir dans la qualité de leur production en réhabilitant les plantations », estime un négociant. Une bonne nouvelle pour le secteur, confronté au vieillissement de son verger et donc à la chute des rendements, « trois fois inférieurs aujourd’hui à ceux de l’Indonésie », selon la Banque mondiale. Et le CCC observe déjà « une très nette amélioration de la qualité des fèves ». Le gouvernement est donc en passe de gagner son pari, en assainissant une filière ivoirienne qui représente 35 % du marché mondial. ● OLIVIER CASLIN

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Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

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SUCCESS-STORY

Cajou, la pépite inattendue

OLAM

À peine cultivé il y a dix ans, l’anacarde vient de se hisser sur le podium des produits agricoles d’exportation du pays, derrière le cacao et le latex.

! L’essor spectaculaire de la filière commence à attirer les groupes étrangers, tel OLAM, qui a ouvert sa seconde unité de transformation à Bouaké.

LE SINGAPOURIEN

L

ongtemps planté dans le nord de la Côte d’Ivoire pour combattre l’avancée du désert, l’anacardier pourrait bien servir aujourd’hui à lutter contre la pauvreté dans la partie la plus déshéritée du pays. Non plus avec son bois, largement utilisé depuis les années 1960, mais grâce à sa noix de cajou qui, en une décennie, s’est imposée comme une alternative viable au coton, culture de rente traditionnelle de la région. « L’anacarde peut jouer dans le Nord un rôle identique à celui du cacao dans le reste du pays », estime Massogbé Touré Diabaté, patronne de la Société ivoirienne de traitement d’anacarde (Sita).

En moins de dix ans, la noix de cajou a pris une place non négligeable dans l’agriculture ivoirienne. Le pays en est devenu le deuxième producteur mondial derrière l’Inde, avec 430 000 tonnes récoltées en 2012 (soit 18 % des volumes mondiaux), et le premier exportateur de la planète. Les 390 000 t expédiées l’an dernier (à 98 % vers l’Inde) ont rapporté plus de 225 millions d’euros au pays et renforcé la position de l’anacarde sur le podium des grands produits agricoles d’exportation, derrière le cacao et le caoutchouc, mais devant le café. « Un résultat d’autant plus remarquable que

l’essor de la filière s’est produit durant une période de crise, dans une partie du pays qui était coupée des grands centres de décisions et des ports », rappelle un expert de la Banque mondiale. NOUVELLE STAR. S’appuyant sur un verger relativement jeune, l’avenir de l’anacarde ivoirien et de ses 320 000 planteurs semble donc prometteur en Côte d’Ivoire. Après des années d’indifférence, les pouvoirs publics semblent enfin avoir pris conscience du potentiel de ce nouveau produit star et affichent « une vraie volonté de soutenir la filière », apprécie Massogbé Touré Diabaté. En plus de la qualité des noix, pour l’instant inférieure aux productions béninoises ou bissau-guinéennes, le gouvernement a fait de la transformation locale sa priorité. La Côte d’Ivoire a beau être le premier transformateur de la filière en Afrique de l’Ouest, l’activité ne concerne pas plus de 6 % des volumes produits. « Nous avons l’ambition d’en transformer 50 % à l’horizon 2015 », a déclaré Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre de l’Agriculture, qui pour atteindre ce résultat compte sur le secteur privé. En plus des entreprises nationales, comme Sita, qui transforme 1 500 t par an, le pays peut s’appuyer sur la présence du singapourien Olam, qui, après avoir ouvert à Bouaké sa seconde unité de transformation en février 2012, dispose d’une capacité de 40 000 t. D’autres projets pourraient voir le jour très rapidement, initiés par des acteurs locaux, comme Sifca, ou étrangers, comme l’indien Rajkumar Impex ou le groupe Aga Khan. L’enjeu est de taille pour le pays. Car, outre la valeur ajoutée créée, la transformation locale d’un tiers de la production pourrait, selon la Banque mondiale, générer plus de 40 000 nouveaux emplois. ● OLIVIER CASLIN

DES PRODUITS À LA NOIX…

Q

ue peut-on tirer de l’anacarde ? La Côte d’Ivoire en produit beaucoup, mais transforme peu et, surtout, ne consomme aucune de ses deux composantes comestibles : l’amande et la pomme de cajou. Dégustée crue ou grillée et salée,

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l’amande peut être broyée pour entrer dans la composition de plats et de desserts, ou pressée, pour extraire une huile appréciée des gastronomes… et aussi utilisée dans les cosmétiques ou dans la fabrication de pâte à papier. De la pomme peuvent être

tirés du vin, du sirop et des jus, ainsi que des gelées et des confitures. La coque, elle, sert de combustible, tandis que le baume qu’elle contient possède des propriétés médicinales et peut contribuer à produire des encres, des vernis protecteurs, des adhésifs et

des insecticides. L’anacarde est également utilisé dans la fabrication de plaquettes de freins et d’isolants. Enfin, la pellicule qui entoure la noix sert de complément à la nourriture animale. L’Inde et le Brésil fabriquent l’ensemble de ces sousproduits. ● O.C. JEUNE AFRIQUE


BANQUE ATLANTIQUE CÔTE D’IVOIRE - IMMEUBLE ATLANTIQUE - AVENUE NOGUES PLATEAU 04 BP 1036 ABIDJAN 04 – TEL : +225 20 31 59 50 - FAX : +225 20 31 59 51 - www.banqueatlantique.net


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Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

ENTREPRENEURIAT

Suzanne et la chocolaterie Pistache, koutoukou, whisky… Avec ses spécialités 100 % locales et plus de 140 parfums, la Maison du chocolat ivoirien a totalement envoûté les palais abidjanais.

«

H

ippolyte!Prendslacommande de la dame ! » Suzanne Daher est un maître chocolatier de choc. Et lorsqu’elle reçoit dans sa Maison du chocolat ivoirien, elle a toujours un œil – et même souvent les deux – sur ses employés. Tel un radar, elle veille en silence, puis lance tout à coup : « Dépêche-toi de servir la damelà ! Tu es en retard ! » Et le serveur de N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

s’exécuter, un peu confus. Impétueuse, passionnée, perfectionniste : tout chez cette artisane du chocolat est une affaire de caractère. FÉERIQUE. Il y a d’abord sa boutique,

féerique, où une dizaine de petites mains s’affairent quotidiennement. Vendeuses, emballeuses, apprenties… L’équipe, une trentaine de personnes, est quasi exclusivement féminine. « Les femmes sont plus

tenaces. Ce sont des battantes ! » affirme Suzanne Daher. Sur les rayons, plus de 140 parfums différents se côtoient : du traditionnel chocolat noir aux plus originaux, à base de whisky, koutoukou (un alcool traditionnel), coco-pistache, café ou flocons de maïs. Autre spécialité : le kamasutra, un chocolat (très) chaud au… gingembre. « Tout est fait maison, sans produits conservateurs ni arômes artificiels », tient à préciser la maîtresse JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ?

PHOTOS : OLIVIER POUR J.A.

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"! CÔTÉ BOUTIQUE ET CÔTÉ ATELIER, « maître » Daher conçoit et supervise tout.

des lieux. Il y en a pour tous les goûts. Et de toute façon, « neuf personnes sur dix aiment le chocolat… la dixième ment ! » sourit-elle, citant l’artiste américain John G. Tullius. Dans le salon de thé attenant qu’elle a imaginé, tout est de bois blanc. « J’ai voulu que le salon, comme le chocolat, qui est un formidable antidépresseur, apporte une sensation de quiétude », explique Suzanne Daher. Impossible d’échapper aux grandes cloches de verre recelant les célèbres cookies qui font aussi la réputation de Suzanne dans tout Abidjan. Le mobilier XVIIIe siècle et les photos en noir et blanc qui ornent les murs finissent de donner au lieu un charme délicieusement suranné. JEUNE AFRIQUE

crée de nouveaux parfums, innove sur les Quadra hyperactive, mère de deux filles, Suzanne Daher n’a pas toujours été formes. Si, la première année, la clientèle dans le chocolat. Professeure de français, a été majoritairement étrangère, elle est elle a décidé un jour de tout plaquer pour dorénavant à 80 % ivoirienne. Le fruit se reconvertir. « À la trentaine, j’ai pris un d’un long travail de « conversion » des virage de dingue ! » s’exclame-t-elle. Elle consommateurs locaux au chocolat made a commencé par prendre des cours sur in Côte d’Ivoire. Une fierté pour Suzanne le chocolat à Bruxelles, puis à Beyrouth. Daher : « Il a fallu faire accepter aux gens Une fois rentrée en Côte d’Ivoire, c’est qu’ils pouvaient acheter du chocolat dans sa propre cuisine qu’elle se lance et ivoirien, leur montrer qu’il y avait ici un commence à travailler durant de longues véritable savoir-faire. » heures de la masse de cacao. Parallèlement, elle rencontre des DIMENSION. Pourtant, cette terre d’Éburplanteurs de cacao pour comprendre nie qu’elle aime tant ne l’a pas toujours l’intégralité de la filière. « Beaucoup de épargnée. En 2011, lors de la crise postplanteurs connaissent la valeur de leurs électorale, son magasin a été pillé et fèves mais ne savent rien du processus de presque réduit à néant. Émue, elle se transformation pour obtenir du chocolat, souvient : « Nous avons redémarré vingt constate-t-elle. C’est quelque chose qui jours après. Pour la reconstruction, les m’a bouleversée et m’a donné une rage gens étaient en rang pour nous donner de intérieure. Je ne trouvais pas normal que l’argent. C’était extraordinaire ! » Afin de le premier pays producteur de cacao donner une autre dimension à sa maison, n’ait pas de véritable production de chocolat ! » Parmi les si délicieux plaisirs Elle travaille d’ailleurs proposés, le kamasutra, un chocolat désormais avec beau(très) chaud au gingembre. coup de producteurs et s’évertue à rappeler leur importance pour le pays. « À qui la Suzanne Daher prépare l’ouverture d’un Côte d’Ivoire doit-elle en grande partie atelier de 800 m2 pour y offrir un service sa notoriété ? Qui l’a fait exister ? Les de formation et exposer l’histoire des planteurs de cacao ! » planteurs de cacao. « Nous sommes à un En 2006, poussée par un ami, elle ouvre tournant. Nous allons faire de grandes enfin sa chocolaterie, qui produit désorchoses ! » espère-t-elle. Avant d’ouvrir mais près de huit tonnes de chocolat par peut-être, un jour, comme elle en rêve, des succursales à l’étranger, au Ghana, an. S’impliquant à chaque étape de la en France ou encore aux États-Unis. ● fabrication, Suzanne Daher choisit elleHABY NIAKATE, envoyée spéciale même ses fèves et, en véritable artiste, N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Le groupe SOCOCÉ

La Société commerciale du Centre-Ouest (SOCOCÉ) a vu le jour en 1969. Elle exerçait des activités traditionnelles de commerce de gros et demi-gros. Son propriétaire, Yasser Ezzedine, donne une impulsion décisive à son développement lorsqu’il décide de transférer le siège à Abidjan en 1991. Il diversifie les activités et se lance dans le commerce de détail avec le « Club Sococé », sur 1 500 m2. D’autres suivront dans la pays avant l’ouverture, en 1996, de l’Espace Latrille (20 000 m2). En 2002, Yasser Ezzedine prend le contrôle de CDCI, dont il fait la première entreprise de distribution en Côte d’Ivoire, avec plus de 100 magasins.

PUBLI-INFORMATION

Avec près de 2 000 employés, le Groupe SOCOCÉ est aujourd’hui le numéro un de la distribution en Côte d’Ivoire.

SOCOPRIX

SOCOPAG

SCI LES ROSIERS

LE PREMIER MAGASIN1/2 GROS À ABIDJAN

TRANSFORMATION DE PRODUITS AGRICOLES

PROMOTION IMMOBILIÈRE ET CONSTRUCTION

Premier magasin à proposer le concept de vente en 1/2 gros à Abidjan, SOCOPRIX touche une vaste clientèle allant du petit commerçant au restaurateur, en passant par le particulier pour ses « courses du mois ». SOCOPRIX renouvelle sans cesse et propose une gamme de produits très larges : • Alimentation • Vaisselle • Parfumerie • Bureautique • et un espace entièrement dédié aux produits SAMSUNG.

SOCOPAG (Société d’usinage et d’ensachage de produits agricoles), créée en1990 est une société d’achat de café, cacao (plus de 30 000 tonnes par récolte) et d’autres produits agricoles. SOCOPAG effectue le ramassage, l’usinage et le conditionnement afin d’obtenir des produits prêts à l’export, revendus localement à des sociétés exportatrices. La société emploie une dizaine de salariés et une importante main d’œuvre temporaire.

Depuis sa création en 1995, la Société de construction immobilière SCI LES ROSIERS a réalisé et livré plusieurs programmes immobiliers à Abidjan, représentant près de 5 000 logements. Elle construit : • des logements économiques évolutifs • des villas (moyen et grand standing) • des cités sécurisées, équipées d’espaces verts et de terrains de sport, d’écoles, de commerce de proximité et de parking.

SOCOPRIX COMMERCE GÉNÉRAL Rue des Carrossiers, Zone 3 05 BP 1734 Abidjan 01 – Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 36 63 Fax : (+225) 21 24 60 01

SOCOPAG Rue des Carrossiers, Zone 3 05 BP 1734 Abidjan 01 – Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 91 61 Fax : (+225) 21 24 51 61

Élue meilleur promoteur immobilier en 1999, la SCI LES ROSIERS se distingue par l’audace de ses architectures, la qualité de ses services et des matériaux. Le dynamisme et l’expertise de son personnel apportent un véritable renouveau dans le domaine de la promotion immobilière. SCI LES ROSIERS Rue Pierre et Marie Curie te d’Ivoire 18 BP 1511 Abidjan 18 – Côte Tél. : (+225) 21 25 63 25 Fax : (+225) 21 24 60 01 www.lesrosiers.com


Le groupe SOCOCÉ « Ce que nous avons fait en Côte d’Ivoire s’adapte facilement en Afrique de l’Ouest »

Avec King Cash, Yasser Ezzedine, Président-directeur général du groupe CDCI, a créé le leader ivoirien de la distribution moderne de proximité. En moins de dix ans, il a ouvert près de cent supermarchés sur l’ensemble du territoire… Et ne compte pas s’en tenir là.

Comment expliquez-vous le succès de King Cash ? Jusqu’où irez-vous ? Yasser Ezzedine : King Cash est présent aussi bien à Abidjan que dans tout le pays. C’est le premier réseau de commerce moderne en Côte d’Ivoire. Un supermarché King Cash est proche de la population, capable de satisfaire à ses besoins avec des produits locaux et de première nécessité. Il est aussi capable de répondre à ses aspirations en lui proposant des marques internationales à bon prix. Nous allons continuer à développer le réseau dans tout le pays et même dans la sous-région. C’est un modèle tout à fait adapté aux consommateurs d’Afrique de l’Ouest.

Qu’est-ce qui vous rend si confiant ? Yasser Ezzedine : Il reste beaucoup à faire dans notre secteur. La distribution moderne représente seulement 20 % du commerce, elle peut encore progresser, comme cela s’est produit ailleurs. À Varsovie, en Pologne, par exemple, il y avait à peine trois supermarchés en 1995... Et 200 dix ans plus tard ! Prenez l’espace Latrille. Quand nous l’avons ouvert, en1996, c’était le premier centre commercial intégré de toute l’Afrique, à l’exception de l’Égypte et de l’Afrique du Sud. Il est toujours le premier en Afrique de l’Ouest, mais il y a aujourd’hui une demande de plus en plus grande des consommateurs dans chaque capitale. Ce que nous avons fait en Côte d’Ivoire peut facilement s’adapter dans d’autres pays.

CENTRE COMMERCIAL CLUB SOCOCÉ

CDCI

ESPACE LATRILLE

NOUS DISTRIBUONS PARTOUT EN CÔTE D’IVOIRE

Depuis son ouverture en novembre 1996, le premier centre commercial intégré d’Afrique de l’Ouest est installé sur une superficie de 20 000 m2. Il accueille : • l’hypermarché SOCOCÉ (3 000 m2 de surface de vente) • 30 boutiques et services • des banques • une cafeteria, un salon de thé, un bar, une garderie • une salle polyvalente (cinéma et spectacles) • 700 places de parking • un espace indépendant de 1 800 m2 accueille les enseignes GIFI, CELIO et ETAM Lingerie. CENTRE COMMERCIAL SOCOCÉ Espace Latrille – Cocody 2 Plateaux – Abidjan 01 BP 3556 Abidjan 01 – Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 22 41 92 88 Fax : (+225) 22 41 92 68

Depuis son entrée dans le groupe SOCOCÉ en 2002, la Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire (CDCI) n’a cessé de se développer. Le nombre de salariés est passé de 300 à1 500 et le chiffre d’affaires dépasse aujourd’hui les100 milliards de F CFA. Avec trois enseignes : • CDCI Gros • CDCI 1/2 Gros • King Cash La CDCI gère plus de100 magasins répartis sur l’ensemble du pays et améliore chaque jour son rapport qualité prix. Son vaste réseau de supermarchés King Cash présente une offre adaptée de produits locaux et de marques internationales à petits prix. CDCI Boulevard du Port 01 BP 1271 Abidjan 01 Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 54 65 Fax : (+225) 21 24 31 43 www.cdci.ci


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire ÉNERGIE

Le courant va passer

Stratégie calée, tarifs négociés, financements trouvés et chantiers de court et de moyen termes engagés… Le pays devrait produire plus d’électricité, à moindre coût, dès cette année.

«

M

oi, je ne dors pas sur les dossiers! » tonne Adama Toungara, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Des propos peu flatteurs pour ses prédécesseurs, mais que ce proche du président ivoirien assume parfaitement. En arrivant au pouvoir, en avril 2011, les nouvelles autorités ont trouvé un secteur en crise, après dix années pendant lesquelles il n’avait pas bénéficié de réels investissements, laissant les centrales électriques et les lignes à haute tension sans grand entretien ni réhabilitation. Une négligence qui s’est forcément traduite par des délestages intempestifs et des pertes énergétiques (de près de 30 %) dus aux branchements illicites et aux problèmes techniques récurrents. Alassane Ouattara a d’emblée mis la pression sur son ministre, n’hésitant pas à lui rappeler régulièrement le nom des projets qu’il souhaitait voir mis en œuvre rapidement. Ce qui a valu à Toungara de se faire appeler affectueusement par ses camarades du gouvernement « Monsieur Azito », du nom de la centrale abidjanaise dont la puissance doit être sérieusement revue à la hausse (lire p. 103). Car si elle espère développer son économie et accéder au statut de

pays émergent dans huit ans, la Côte d’Ivoire n’a pas d’autre choix que de trouver rapidement les moyens de fournir l’électricité nécessaire pour répondre aux besoins – présents et futurs – à un prix raisonnable. PRIX. Actuellement, 70 % de la produc-

tion nationale d’électricité est d’origine thermique et générée par des sociétés privées, qui la revendent à l’État. Son coût est donc établi à partir de celui du gaz naturel, indexé sur le prix du brut et le dollar. Or, quand les cours de l’or noir flambent, la facture s’enflamme elle aussi – d’où le déficit record de 150 milliards de F CFA (228,6 millions d’euros) enregistré en 2011.

NABIL ZORKOT

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études comparatives avec ce qui se fait dans les autres pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. » Après plusieurs mois de discussions, l’État et les privés se sont entendus sur un nouveau mécanisme, qui s’équilibre économiquement. De son côté, la Compagnie ivoirienne d’électricité Abidjan se dit désormais capable (CIE) a relevé de 10 % son de faire face à une augmentation tarif industriel, augmenté le prix de l’énergie expordes besoins de 10 % par an. tée et amélioré le taux de recouvrement des factures – en particuPour restaurer l’équilibre financier, l’État a choisi d’actionner plusieurs lier dans le nord du pays, où beaucoup leviers. Il a renégocié le prix de cession étaient restées impayées pendant la du gaz avec les sociétés productrices crise sociopolitique. (Foxtrot, CNR, Afren) qui alimentent MIX. Parallèlement, les autorités ont les centrales. « Cela n’a pas été facile, précise Toungara. J’ai fait auditer le coût préparé un plan stratégique de dévelopde production du gaz et commandé des pement du secteur de l’électricité, qui court jusqu’en 2030, articulé autour de 66 projets. Le coût global de ces investissements est estimé à 4 000 milliards MAILLAGE CHINOIS de F CFA, dont 90 % seront financés Le pays affiche certes étendre le réseau et 1 000 km de lignes et par le privé. Deux tiers sont consacrés un faible taux mettre un terme à ces l’électrification de 500 à l’augmentation de la production et d’électrification (33 %), disparités, l’État vient localités d’ici à 2015. le tiers restant à la modernisation du mais présente surtout d’engager un plan Un projet qui va réseau de transport et de distribution d’énormes disparités. d’électrification contribuer à la (lire encadré). Alors que les grandes portant sur 2 200 réalisation de la Ce plan prévoit une montée en puisvilles et certaines villages de moins de boucle est du pays, sance, dans le mix énergétique, de l’hyrégions – comme celle 500 habitants et a désenclaver la région draulique, dont la part doit passer de 30 % de Gagnoa, à signé un contrat de de Bouna et renforcer à 45 % d’ici à 2020, auquel s’ajouteront 5 % l’Ouest –, sont bien 410 milliards de F CFA l’alimentation de d’autres sources renouvelables (essencouvertes, le taux tiellement le solaire). Ce qui permettra (625 millions d’euros) l’Ouest en doublant la d’électrification est d’à avec China National ligne San Pedro-Man. de réduire la part du thermique à 50 % peine 3 % dans la Electric Engineering et, ainsi, d’alléger la facture de gaz. Préparant l’arrivée des région de Bouna, à Co. (Cneec) pour la grands projets miniers La puissance installée actuelle, qui est l’Est. Pour rapidement construction de P.A. de 1321 MW, doit être augmentée de plus (lire p. 105). ●

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


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ð LA CENTRALE DE TAABO (210 MW), sur le fleuve Bandama, dans le Sud-Est.

de 80 % (1100 MW supplémentaires) d’ici à 2018 et doublée d’ici à 2020. En attendant, le pays est « en mesure de faire face à une augmentation des besoins de plus de 10 % par an, pour répondre à l’essor industriel et

à l’électrification du pays », précise Toungara. Le secteur minier, en plein développement (lire p. 104), sera l’un des plus gros consommateurs à satisfaire puisque, selon les projections, il exigera 500 MW à lui seul en 2020. La

croissance de la demande des pays de la sous-région est également forte. La Côte d’Ivoire y exporte actuellement 17 % de sa production et, à ce rythme, devrait y exporter 350 MW dans cinq ans. Au fur et à mesure de l’interconnexion de son réseau avec celui de ses voisins, le pays fournit de l’électricité au Ghana (depuis 1984), au Mali (1996), au Burkina Faso (2001) et, désormais, au Togo et au Bénin via l’établissement commun aux deux États, la Communauté électrique du Bénin (CEB). La construction de la ligne d’interconnexion avec les autres pays de la sous-région doit démarrer en 2013, pour une mise en service prévue en 2016. « Nous voulons devenir la tête de pont de la bourse de l’énergie dans la sousrégion », conclut Toungara. Bourse qui permettra aux partenaires ouest-africains d’organiser, entre eux, la vente et l’achat de l’électricité. ● PASCAL AIRAULT

Course contre la montre des opérateurs Entre l’extension des capacités des centrales ou le début des travaux du barrage de Soubré, Le trimestre s’annonce chargé.

L

e 9 janvier, le Premier ministre ivoirien, Daniel Kablan Duncan, a signé l’accord de prêt entre son gouvernement et la banque publique China Exim Bank pour lancer l’aménagement du complexe hydroélectrique de Soubré, un ouvrage essentiel pour le développement de la production nationale d’électricité. Et force est de constater que les choses ne traînent pas, puisque la construction du barrage commence dès ce mois de février, pour une mise en production prévue en 2018. Le coût total du projet est estimé à 331 milliards de F CFA (environ 505 millions d’euros), financés à 15 % par la Côte d’Ivoire et à 85 % par la Chine. Doté d’une puissance installée de 275 MW pour une production de 1 100 gigawattheures (GWh) par an, le complexe augmentera considérablement la capacité du pays, avec le quadruple avantage de produire une énergie renouvelable, à un coût moindre au kilowattheure comparé JEUNE AFRIQUE

au thermique, de rééquilibrer le mix énergétique et, donc, de faire face à l’évolution croissante de la consommation nationale. Parmi les autres projets en cours, Azito Énergie SA s’est vu accorder un prêt de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), SFI (groupe Banque mondiale) et Proparco – filiale de l’Agence française de développement (AFD) – pour la mise en service, en 2015, d’un cycle de production électrique combiné sur le

Toujours sur le site de Vridi, les négociations engagées avec le britannique Aggreko ont permis, dès juillet, le maintien de la location de la centrale de 70 MW et l’installation de 30 MW supplémentaires, complétés par la signature d’un contrat, en décembre, entre l’État et le groupe écossais pour l’installation de 10 MW d’ici au mois de mars. Ce qui portera la capacité contractuelle d’Aggreko à 110 MW et la puissance globale du site à 200 MW. Quant à la centrale de la Compagnie ivoirienne Miracle ! En panne depuis 2005, de production d’électricité la troisième turbine de la centrale (Ciprel), au sud-est d’Abide Vridi reprend du service. djan, elle gagnera 220 MW de puissance grâce à la mise site de la centrale d’Azito, en périphérie en place d’une cinquième turbine à gaz et d’Abidjan. Un investissement global de d’une turbine à vapeur (un investissement 210 milliards de F CFA, qui permettra global de 178 milliards de F CFA), qui de porter la puissance du complexe de seront opérationnelles entre 2014 et 2015. 296 MW à 436 MW. Enfin, des protocoles d’accord ont été signés avec plusieurs promoteurs SUPPLÉMENTS THERMIQUES. La puisprivés – Star Énergie, Mimran Petrocisance de la centrale thermique de Vridi, à ContourGlobal – pour la construction de Abidjan, est aussi revue à la hausse, avec centrales thermiques à cycle combiné, la réhabilitation de la turbine à gaz n° 3 ainsi que pour l’actualisation des études (Tag3, 21 MW). En panne depuis fin 2005, de faisabilité sur les sites hydroélectriques elle reprend enfin du service ce mois-ci. pouvant être équipés. ● P.A. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

NABIL ZORKOT

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SUR LE SITE AURIFÈRE DE BONIKRO (Centre), exploité par l’australien Newcrest Mining.

MINES

Des recettes en or massif

des Mines, on assure que cette taxe règle une injustice fiscale dans le secteur. En outre, un certain nombre de compagnies attendent toujours, pour relancer leurs investissements dans l’exploration, que le ministère renouvelle leurs permis arrivés à expiration. Elles espèrent obtenir satisfaction avant la fin du premier semestre, et ce d’autant plus que le chef de l’État a signé par décret présidentiel une vingtaine de nouveaux permis de recherche et d’exploration au dernier trimestre de 2012.

La production aurifère nationale a triplé en deux ans. Et ce n’est qu’un début.

PERMIS. En attendant, l’État a introduit

une nouvelle réforme dans le secteur de l’or, consistant à prélever une taxe sur le profit additionnel. Problème : le taux fixé ne semble pas rencontrer l’assentiment N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

des professionnels des mines. En septembre 2012, l’État a décidé de prélever jusqu’à 19 % des profits supérieurs à un coût indicatif de production de 615 dollars l’once. « Le taux de cette taxe n’est pas rassurant pour le secteur aurifère. Nous craignons que certaines compagnies minières mettent fin à leurs opérations en Côte d’Ivoire. Mais nous avons bon espoir, car les discussions se poursuivent », confie Nouho Koné, le président du GPMCI. Du côté du ministère

Des filons de plus en plus rentables (production nationale, en tonnes)

OR 5,07 2010

12,35

14,89

2011

MANGANÈSE

275 494

2012

20,10

2013*

500 000

49 944 2011

2012

2013* * Prévisions

SOURCE : MINISTÈRE DES MINES

C

estl’unedesréformesphares du quinquennat d’Alassane Ouattara. Et l’État, qui a mis à contribution de nombreux experts, prend le temps de peaufiner ce projet. Le nouveau code minier – puisque c’est de cela qu’il s’agit – aura ainsi été au cœur des discussions entre les techniciens de l’État et le Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire (GPMCI) jusqu’à la fin de 2012. À présent, la cellule économique de la présidence continue ses réflexions sur la première mouture concoctée par Adama Toungara, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie. Objectif, selon ce dernier : soumettre la nouvelle réglementation aux députés avant le mois de mars. L’ancien code, qui date de 1995, est caduc et ne répond plus aux réalités du secteur. Le président souhaite saisir cette occasion pour doter le pays du meilleur texte d’Afrique de l’Ouest.

HYPERACTIFS. Côté exploitation, les juniors Endeavour Mining et Occidental Gold ont obtenu en août l’autorisation de lancer leurs mines d’or respectives à Agbaou (Centre) et à Sissengué (Nord). Elles rejoignent ainsi les trois producteurs d’or du pays, le sud-africain Randgold Resources à Tongon (Nord), l’australien Newcrest Mining à Bonikro (Centre) et le canadien La Mancha à Ity (Ouest), qui ont extrait environ 15 tonnes en 2012, contre 9 t en 2011. Dans le manganèse, seul autre minerai exploité industriellement en Côte d’Ivoire, l’indien Dharni Sampda, qui opère les mines de la région du Gontougo (Est), a quant à lui exporté 117 539 t en 2012, contre un peu plus de 57 768 t l’année précédente. ● BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

VINCENT FOURNIER/J.A.

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! Cœur du site, LE TERMINAL À CONTENEURS, concédé au groupe Bolloré depuis 2004.

TRANSPORT ET LOGISTIQUE

Abidjan voit plus grand

Les activités du port sont reparties à la hausse et les opérateurs relancent les investissements, en attendant de savoir qui réalisera et exploitera le second terminal.

T

emps clair et mer calme sur les rives de la lagune Ébrié. Pour le Port autonome d’Abidjan (PAA), 2012 aura été l’année du renouveau après la crise postélectorale de 2011 qui avait mis ses dockers au chômage. Fini l’époque où ces derniers guettaient, inquiets, l’arrivée des navires par le canal Vridi. Sur les quais, les grues chargent et déchargent les cargos dans un ballet incessant. Selon les estimations d’octobre 2012, l’activité portuaire devait culminer à 24 millions de tonnes pour 2012, alors que les prévisions tablaient sur 19 millions, et pas moins de 600000 conteneurs équivalent vingt pieds (EVP, environ 38,5 m3) auraient transité par Abidjan, contre 540 000 en 2010. Une croissance irriguée par le redémarrage de l’économie nationale, mais aussi par la demande des pays enclavés de l’hinterland (Mali, Burkina Faso), qui utilisent à nouveau le corridor ivoirien pour leurs importations (engrais, riz) et leurs exportations (coton). « Les activités qui étaient parties à Lomé, Tema ou Dakar pour le Mali sont en train de revenir à Abidjan », indiquait au cours du dernier trimestre 2012 la directrice de la coopération internationale du PAA, Okou Coulibaly D. Gon. De quoi faire souffler un vent d’optimisme. En 2013, Abidjan espère ainsi assurer la manutention de 1,5 million N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

d’examen. Le français Necotrans et le suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) figurent aussi parmi les prétendants. Le vainqueur du contrat devrait être connu au mois de mars. Évalué entre 400 millions et 500 millions d’euros, ce chantier sera achevé en 2015. À terme, la nouvelle infrastructure permettra de traiter 2 millions d’EVP.

de conteneurs grâce aux investissements réalisés par les opérateurs. Après avoir obtenu sa concession à la faveur d’un accord de gré à gré, le groupe Bolloré aurait notamment injecté 70 milliards HUB. Autre aménagement stratégique de F CFA (environ 107 millions d’euros) planifié par le PAA: l’élargissement et l’apentre 2004 et 2013 pour mettre à niveau profondissement du canal de Vridi, reliant les infrastructures portuaires. Un effort la lagune à l’océan. Le principal bailleur suffisant pour faire taire les du projet est la Banque ouestcritiques au sein du gouverTrafic en 2012 africaine de développement (selon les dernières estimations nement Ouattara. (BOAD), avec un prêt de du PAA, en octobre) 35 millions d’euros accordé RÊVES DE BAL . D’autant le 12 décembre 2012. Le port que l’opérateur a accepté ivoirien pourra ainsi accueilfin 2012, après quelques lir des navires de 350 m de discussions et sans doute long et 15,5 m de tirant d’eau quelques contreparties, une (contre 11,5 m actuellement), baisse de ses tarifs. Un esprit quelles que soient les condimillions de tonnes de coopération qui ouvre la tions de marée. + 43 % voie à de nouveaux investis« Notre objectif est de faire par rapport à 2011 sements de la part du groupe d’Abidjan un hub à mi-che(année tronquée) min entre les grandes lignes français, qui pourrait être l’un et + 4 % comparé à 2010 des principaux artisans de la maritimes au nord et au sud transformation du port. Parmi du continent africain par ses projets, pour lesquels il a annoncé l’accroissement du trafic de conteneurs avoir prévu une enveloppe de 230 millions de transbordement et de transit et par la fidélisation des armateurs », confirme le d’euros pour les cinq prochaines années, le groupe prépare la création de deux pladirecteur général du port, Hien Sié. Preuve teformes logistiques, l’une pour les prode l’attractivité retrouvée du PAA: l’ouverduits pétroliers, l’autre pour les produits ture, il y a quelques semaines, d’une ligne miniers. Bolloré Africa Logistics (BAL) est Anvers (Belgique)-Abidjan par le groupe également candidat à la réalisation et à NMT Shipping, spécialiste européen du l’exploitation du second terminal à contetransport de véhicules roulants. ● neurs, dont l’appel d’offres est en cours JULIEN CLÉMENÇOT

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JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ?

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FINANCE

Banques cherchent clients

A

vec 23 établissements, la Côte d’Ivoire possède le réseau bancaire le plus dense de l’Union économique et monétaire des États de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA). Pourtant, le nombre de comptes ouverts ne dépasse pas les 3 millions… « Le taux de bancarisation hors microfinance est de 10 % [soit deux fois moins qu’au Nigeria ou au Togo, NDLR]. Mais nous ne perdons pas espoir, assure un banquier de la place. C’est un problème de culture, que nous nous efforçons de régler. Notre objectif est d’atteindre le niveau de bancarisation du Nigeria ou de l’Afrique australe, et nous y parviendrons. » Certes. Mais quand ? PROXIMITÉ. Les banques se sont toutes mobilisées pour accompagner la relance économique, mais les clients ne sont pas au rendez-vous. Selon les dernières statistiques de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI), entre janvier et fin octobre 2012 les ressources des institutions bancaires ont augmenté de 682 milliards de F CFA (1 milliard d’euros). Une progression appréciable par rapport aux 3000 milliards de F CFA difficilement

NABIL ZORKOT

Alors que les privés revoient leur stratégie pour changer les mentalités, l’État doit trancher sur l’avenir des groupes publics.

Leader en part de marché, LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE BANQUES EN CÔTE D’IVOIRE (groupe Société générale) dispose de plus de soixante agences dans le pays.

atteints un an plus tôt. Mais le secteur peut mieux faire et mobiliser plus de 10 000 milliards de F CFA. Pour cela, plusieurs banques ont revu leur stratégie de développement en l’axant sur des programmes de proximité. Des agences ouvrent à tous les coins de rue pour capter la moindre ressource financière. FUSION. Avant la fin du premier semestre,

le secteur public doit par ailleurs faire sa mue. L’État prévoit en effet d’engager sa réforme, qui passera par la restructuration ou la privatisation des cinq établissements publics que sont la Banque nationale d’investissement (BNI), la Banque pour le financement de l’agriculture (BFA), la Caisse nationale de crédit et d’épargne (CNCE), la Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) et Versus Bank. « Seule la BNI tire son épingle du jeu et peut rivaliser avec la Société générale ou Ecobank. Les autres banques publiques tentent de se stabiliser. Des réflexions sont en cours

Abidjan, pour Servair e d n o m u d Le goût des normes respectueux c’est d’être tés locales. des spécifici et es al n io enne, internat auration aéri rs de la rest ie ét m es d t Le goû et collective. on publique ti ra au st re de la ndre e pour répo ût du servic go le r, sû en Et bi es passagers otidiennes d qu s te n y. te at aux phouët-Boign nal Félix-Hou io at rn te In t de l’Aéropor

pour trouver une meilleure formule de privatisation », affirme Jean-Luc Ruelle, directeur Afrique francophone du cabinet deconseilKPMG.Poidslourddesbanques publiques avec 304 milliards de F CFA de ressources à la fin d’octobre 2012, la BNI fusionnera avec la CNCE pour donner naissance à un grand pôle bancaire public qui financera le développement du pays. Quant à la BHCI, elle sera recapitalisée pour accompagner la politique de logements sociaux mise en œuvre par le chef de l’État, Alassane Ouattara. Versus Bank, ancienne filiale du groupe L’Aiglon (repris par l’État en 2009), repassera sous contrôle privé. Enfin, la BFA, plombée par des dettes douteuses et non recouvrables, sera mise en liquidation. « C’est la stratégie qui a été retenue pour le moment. Un appel d’offres a été lancé pour recruter un cabinet d’audit qui fera une évaluation financière de ces banques », explique une source proche du dossier. ● BAUDELAIRE MIEU

Le g o ût du m o nde

www.servair.fr



Peut-elle redevenir un modèle ? E-COMMERCE

Un (business) plan à suivre

S’inspirant du succès d’eBay, deux anciens cadres des télécoms lancent eezydeel.ci, le premier site d’annonces créé par des Ivoiriens pour les Ivoiriens.

I

l a le surnom d’un jeune patron de la Silicon Valley. Pourtant c’est à Abidjan que Djack – de son vrai nom Djakaridja Ouattara – a créé sa startup. Cet entrepreneur de 40 ans a lancé, en novembre, le site eezydeel.ci (pour easy deal). Le concept est simple et connu: « Le site référence des petites annonces venues de tout le pays, par commune et par zone de communes », explique Djack, avant d’ajouter que toute ressemblance avec ses aînés, l’américain eBay ou le français Leboncoin, s’arrête là. SIMPLISSIME. Costume gris, lunettes

carrées, le patron geek – même s’il se défend de l’être – dégaine son argumentaire. « Au-delà du site, nous misons sur le mobile et les SMS. » Et d’enchaîner la démonstration, portable et ordinateur à l’appui, pour prouver que le service est opérationnel et qu’il suffit d’avoir un téléphone mobile pour acheter ou vendre. « L’interface du site est simplissime et l’utilisateur n’a qu’à envoyer un SMS au numéro unique mis en place en indiquant soit la description du bien ou service qu’il souhaite vendre, soit le numéro de l’annonce qui l’intéresse. » Sitôt dit sitôt fait.

que Djakaridja Ouattara, cadre dans un grand groupe chinois, a passé plus de treize ans dans le secteur des télécoms. ASSOCIÉS.Etilaembarquédansl’aventure

Aboubakar Coulibaly, l’ancien directeur marketing de MTN Côte d’Ivoire. Les deux associés financent leur projet sur fonds propres à hauteur de 40000 euros, dont 15000 ont déjà été investis dans le développement web et dont 25000 sont prévus pour la communication. Avec un taux de pénétration du mobile de 70 % en 2012 et 14 millions d’utilisateurs de téléphone portablesur22millionsd’habitants,lepays a en effet le bon profil pour nourrir leurs espoirs. Avec 14 millions d’utilisateurs de Maisons, voitures, chausportable dans le pays, la start-up sures, aliments pour bétail, devrait vite se faire une clientèle. cours de conduite, organisation de mariage… Sur les petites annonces. Côté pécuniaire, eeZydeel, on achète et on vend déjà de « cela ne coûte que le prix d’un texto, soit tout. Mais il faudra du temps pour que 100 F CFA » (15 centimes d’euros), dont le site décolle vraiment. Son équivalent une partie revient à l’éditeur du site, eeZy français, leboncoin.fr, créé en 2006, a mis Mobile Solutions. Le reste des revenus cinq ans: il pèse désormais 400 millions d’euros et affiche 20 millions d’annonces, sera assuré à long terme par la publicité. Quant aux risques d’arnaques, l’entredont 500 000 nouvelles postées chaque preneur estime que, entre le paiement jour. Loin, très loin des 4 000 annonces du texto et la campagne d’identification d’eeZydeel. En attendant, Djack planche des abonnés au mobile en cours depuis déjà sur les possibles déclinaisons du site plusieurs mois dans le pays, il serait assez sur papier, dans les pays voisins, et sur aisé de retrouver les fraudeurs. S’il sait les meilleurs moyens de monnayer son si bien vendre son business model, c’est audience. ● HABY NIAKATE Et un SMS confirme au vendeur que son annonce est en ligne ou, s’il s’agit d’un acheteur, lui donne les coordonnées du vendeur.Àeuxdes’entendresurlesmodalitésdelatransaction.L’utilisationdumobile permet de contourner les écueils habituels des sites d’e-commerce sur le continent (faible taux de bancarisation, défiance envers internet, etc.), eeZydeel n’étant, au final, qu’un simple support centralisant

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Société Nationale d’Opérations Pétrolières de la Côte d’Ivoire

Produire l’énergie d’une nation forte de prestigieuses compagnies internationales à l’instar de Tullow Oil, CNR, TOTAL, LUKOIL, ANADARKO etc. LES ACTIVITÉS DE PETROCI ✔ Exploration et Production d’hydrocarbures ✔ Industrie du Gaz ✔ Pétrochimie et produits pétroliers ✔ Distribution de produits pétroliers ✔ Importante participation dans l’industrie de raffinage (SIR) – Distribution – Stockage

Pour réaliser son objectif de « PRODUIRE L’ÉNERGIE D’UNE NATION FORTE » La Société Nationale d’Opérations Pétrolières, Pétroci, s’est dotée d’une technologie de pointe, d’installations ultra modernes, d’équipements de dernière génération et s’est entourée d’ingénieurs spécialisés et de techniciens hautement qualifiés. À PETROCI nous cultivons la tradition de l’EXCELLENCE depuis plus de 35 ans avec le même souci de DYNAMISME, d’INNOVATION et de RECHERCHE dans le domaine du PÉTROLE et de ses dérivés.

Fer de lance de la politique énergétique ivoirienne, Pétroci assure, depuis octobre 1975, l’exploration et l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz de Côte d’Ivoire, en partenariat avec

LES VALEURS DE PETROCI Excellence ● Solidarité ● Respect ● Professionnalisme ● Responsabilité ● Intégrité, rythment le quotidien des équipes Petroci. L’ENGAGEMENT DE PÉTROCI Pétroci, est assurément l’une des 1ères entreprises de Côte d’ivoire par son chiffre d’affaires, sa présence dans tous les maillons de l’économie ivoirienne, sa contribution au développement économique de la Côte d’Ivoire. Grâce aux efforts conjugués des agents de l’entreprise, du Gouvernement et des Ivoiriens, Pétroci a gravi d’importantes marches dans l’accomplissement de sa mission.

Nous bâtissons une économie


De l’Exploration à la Production en passant par les activités connexes telles que le transport des hydrocarbures, une véritable économie pétrolière intégrée se met progressivement en place, concourant ainsi au développement de la Côte d’Ivoire. Pétroci peut véritablement aujourd’hui ambitionner de « produire l’énergie

d’une nation forte ». Une nation forte de ses performances et progrès économiques. Une telle position ne peut s’obtenir sans une participation accrue dans diverses activités sociales traduisant à la fois sa vocation d’entreprise citoyenne contribuant de manière significative à l’amélioration du quotidien de nos populations.

C’est à cet effet et avec pour objectif d’amplifier le rôle sociétal de notre entreprise, et ce dans le but de faire profiter les retombées du pétrole à chaque Ivoirien que Petroci a créé une Fondation qui se veut le creuset où toutes les ressources possibles seront mobilisées pour contribuer efficacement au développement humain de notre pays. ■

PORTAIT DE DANIEL GNANGNI Nommé à la tête de la Direction Générale de Petroci le 17 décembre 2010, M. Daniel Gnangni a été installé le 22 avril 2011 par le Ministre Adama Toungara (premier Directeur Général de Petroci). M. Gnangni est ingénieur diplômé en Génie géologique de l’Ecole polytechnique de Montréal (Canada). Il fût successivement Chef du Service Géologie, Chef de projet chargé de la promotion des Blocs pétroliers, Directeur de l’Exploitation, Conseiller Technique chargé de l’Exploitation et de la promotion des Blocs pétroliers et Consultant à Petroci. Ce parcours professionnel s’est également enrichi

de plusieurs stages chez : ● Schlumberg France et Gabon (1978 -1980) ● Phillips Petroleum Company aux États Unis (1982-1984) ● École Nationale d’Administration publique du Québec au Canada (1988). ● Il a également occupé les fonctions de Directeur de Cabinet du Ministre des Mines et de l’Énergie (1987 -1993) Né en 1950 à Grand-Lahou, M. Daniel Gnangni est marié et père de 4 enfants. Outre ses nombreuses affiliations dans plusieurs associations scientifiques ivoiriennes et interna-

tionales, le nouveau Directeur Général de Petroci a été successivement élévé au grade de Commandeur de l’Ordre du Mérite des Mines en 1989 et grade du Commandeur de l’Ordre du Mérite des Postes et Télécommunications (1992).

pétrolière FORTE, INTÉGRÉE et DIVERSIFIÉE www.petroci.ci

COMMUNIQUÉ - DIFCOM C.C.

Nous vous transmettons le meilleur depuis toujours.


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

OLIVIER POUR J.A.

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TÉLÉVISION

Génération ados

Depuis 2010, la série Teenager cartonne. Alors que la diffusion de la deuxième saison vient d’être lancée sur la RTI, rencontre avec son producteur, le Franco-Camerounais Jean-Hubert Nankam.

I

l nous parle d’un temps que les plus de 20 ans ne peuvent plus connaître. Et pourtant, à 50 ans, Jean-Hubert Nankam en a fait sa spécialité. Après la sitcom à succès Class’A (la série des 18-25 ans), le patron de Martika Production est devenu, il y a trois ans, l’heureux producteur de la série télévisée Teenager. Installé en Côte d’Ivoire depuis près de quinze ans, le Franco-Camerounais s’impose comme l’improbable et meilleur allié des adolescents ivoiriens. « En regardant la série, les ados sont face à eux-mêmes », déclare-t-il. Véritable plongée dans le monde des jeunes de 10 à 17 ans, Teenager aborde, à travers des épisodes de vingt-six minutes, des thèmes tels que l’amour, le sport et internet, mais aussi la sexualité – et notamment l’homosexualité –, la drogue ou le travail des enfants. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Diffusée depuis 2010 sur la chaîne publique Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI 1), puis par des chaînes sénégalaise, béninoise, gabonaise, camerounaise et sur TV5, la première saison se concentrait surtout sur la vie des ados à l’école. La deuxième, diffusée depuis le 8 décembre 2012 (le samedi à midi), innove davantage. « Nous nous sommes

pour alimenter le scénario. Néanmoins, il privilégie une approche quasi sociologique : « L’adolescent africain est un adolescent comme les autres ! Il passe beaucoup de temps devant les écrans et a accès aux films du monde entier. Il observe les autres ados et est tenté de les copier à tous les niveaux, même lorsqu’ils sont en pleine crise… » FACEBOOK. Et Jean-Hubert Nankam

a visé juste puisque, après seulement une saison en 2010-2011, son « bébé » audiovisuel est devenu un phénomène de société. Même s’il n’existe pas de chiffres d’audience, son succès est aisément perceptible. Notamment parce que son principal sponsor, Orange Côte d’Ivoire, et son diffuseur, la Amours, cours, sport, internet… RTI 1, lui assurent une puisC’est une véritable plongée sante force de frappe. En dans le monde des 10-17 ans. mai 2012, Teenager a même reçu le prix de l’Organisaintéressés à ces moments, entre l’école tion internationale de la francophonie et la maison, où ils sont entre eux, où ils de la meilleure série télé, lors du 28e se projettent dans des mondes que nous festival Vues d’Afrique, au Canada. Une ne pouvons imaginer », explique Jeandistinction qui a valu aux membres de Hubert Nankam. Père de deux enfants l’équipe de production d’être reçus en – aujourd’hui adultes –, le producteur n’a décembre par la première dame du pays, Dominique Ouattara. pas hésité à utiliser ses propres souvenirs JEUNE AFRIQUE


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PHOTOS : MARTIKA PRODUCTION

Peut-elle redevenir un modèle ?

Page de gauche: quelques jours avant la programmation des nouveaux épisodes, la RTI organisait UN PLATEAU SPÉCIAL SUR LA SÉRIE CULTE, avec son producteur (à la table, devant l’écran) et ses acteurs. Page de droite : filles et garçons, pendant un tournage.

Quelques jours plus tôt était enregistrée, à l’hôtel Ivotel d’Abidjan, l’émission de lancement de la saison 2. Au-delà de ce coup d’envoi en grande pompe, l’équipe tente de créer une communauté autour de Teenager, via un site internet et une page Facebook où les adolescents peuvent suivre l’actualité des acteurs, connaître les nouvelles tendances en matière de mode, débattre, se confier… JEUNE AFRIQUE

SPONSORS. En producteur expérimenté,

Jean-Hubert Nankam a compris qu’aujourd’hui les séries télé ne se suffisent plus à elles-mêmes. Tout réside désormais dans la capacité à décliner le concept et à attirer les sponsors. D’ailleurs, le jour du lancement de la saison 2, un cadre de Coca-Cola était présent dans la salle, intéressé par le potentiel marketing de Teenager auprès des jeunes.

Pour cette deuxième édition, 1700 ados se sont inscrits au casting (ils étaient 300 pour la première). Au final, une soixantaine d’entre eux ont été sélectionnés, dont une trentaine de figurants occasionnels. Après une formation express de quinze jours, ces apprentis ont aussitôt effectué leurs premiers pas d’acteurs, les tournages se déroulant pendant les vacances scolaires. Jean-Hubert Nankam assure: « Ils tournent des situations qu’ils vivent au jour le jour, donc il ne faut pas dénaturer leur jeu. Nous leur avons juste expliqué comment se tenir devant une caméra, c’est suffisant. » Une spontanéité précieuse, mais qui peut être menacée par une starification rapide et difficile à gérer. Le producteur, qui avoue avoir écarté certains acteurs de la première saison à cause de leur comportement, tient à impliquer les parents, lesquels peuvent librement retirer leurs enfants de la série, notamment en cas de chute des résultats scolaires. « J’ai besoin de m’assurer que les enfants ne jouent pas aux agneaux quand ils sont sur le plateau et deviennent des loups dès qu’ils rentrent à la maison », explique JeanHubert Nankam. Histoire de rappeler, en bon père de séries, qu’il y a des limites à ne pas dépasser. ● HABY NIAKATE N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013


Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire

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ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Nouveau campus et vieux démons Après plus de un an, l’université de Cocody, la plus grande du pays, a rouvert ses portes en septembre 2012.

P

assées les vacances de Noël, la reprise des cours, en janvier, s’est faite dans le calme. Pourtant, bien que n’étant plus sous le diktat de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) – le puissant syndicat qui avait mis en coupe réglée le campus universitaire depuis une décennie –, les vieux démons de la violence ont ressurgi sur le campus de Cocody en décembre. Des étudiants, acculés par une avalanche de difficultés liées à leurs conditions d’études, ont manifesté bruyamment, obligeant les forces de sécurité à intervenir. De peur de voir la situation basculer à nouveau dans la violence, les autorités universitaires ont rapidement organisé des rencontres avec les représentants des étudiants et réussi à circonscrire l’incident.

NABIL ZORKOT POUR J.A.

LOOK. Dans la très chic commune de Cocody (dans l’est d’Abidjan), sur l’artère principale de l’université – renommée université Félix-Houphouët-Boigny –, une foule impressionnante d’étudiants presse le pas pour rejoindre les amphithéâtres telle une nuée de besogneuses

fourmis. L’environnement est assaini, d’équipements dans les amphis, déficit les quartiers précaires qui avaient élu en sanitaires, problèmes de restauradomicile sur le campus ayant été rasés. tion, dessertes en transports collectifs Les routes sont bitumées et les espaces insuffisantes… « Nous ne demandons verts bien entretenus. Les bâtiments sont pas à être choyés, nous voulons juste le rénovés, certains sont neufs. Les amphis minimum pour étudier, explique Josiane et salles de cours ont été climatisés et Kouakou, étudiante à l’unité de formasonorisés… tion et de recherche (UFR) de sciences Un tout nouveau look qui fait dire aux économiques. Certains amphis ne sont Ivoiriens qu’ils ont une université highpas climatisés et il y fait trop chaud, tech qui n’a rien à envier à ses consœurs d’autres manquent de sonorisation… » occidentales. Lors d’une visite sur le campus en sepL’établissement est prévu tembre, l’ambassadeur de pour accueillir 30 000 étudiants. France en Côte d’Ivoire, Ils sont environ 62 000. Georges Serre, est lui aussi tombé sous le charme de ce « petit » bijou bâti sur 200 ha. Si étendu Car les cours ont repris en octobre 2012 qu’il est même prévu de mettre en sersans que tous les travaux aient été achevés. vice un réseau de transport par autobus Résultat, depuis leur rentrée académique officielle, les étudiants partagent donc le entre les amphis pour faciliter la vie aux étudiants – le groupe français Bolloré campus avec les ouvriers et ont souvent a offert quatre autobus électriques à vu leurs cours annulés ou reportés faute de salle. Il faut dire que les effectifs, envil’État ivoirien. ron 62 000 étudiants, débordent encore MINIMUM. Ce décorum n’occulte cepenlargement la capacité d’accueil de l’étadant pas les problèmes qui continuent de blissement, prévu pour 30000 élèves. Les miner le quotidien estudiantin : manque résidences étudiantes ne sont pas encore opérationnelles, et le seul restaurant universitaire en activité sur les cinq que compte Abidjan ne sert que 3 000 repas. Au ministère de l’Enseignement supérieur, une oreille attentive est accordée aux problèmes des cinq universités publiques qui, toutes, ont été fermées pendant la crise de 2011, ont rouvert en septembre 2012, mais sont encore en chantier. « Nous demandons juste un peu de patience aux étudiants. Tout rentrera dans l’ordre au fur et à mesure que les travaux seront achevés », assure Ibrahima Bacongo, le ministre de l’Enseignement supérieur. Pour les autorités, l’université est un passage obligatoire pour la renaissance de la Côte d’Ivoire, et l’État n’a donc pas lésiné sur les moyens – plus de 120 milliards de F CFA (183 millions d’euros) – pour remettre à niveau les campus. ● BAUDELAIRE MIEU ð Soleil au zénith, interclasse et JOUR TRANQUILLE À L’UNIVERSITÉ HOUPHOUËT-BOIGNY (le 29 janvier).

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JEUNE AFRIQUE




NABIL ZORKOT

Peut-elle redevenir un modèle ?

TENDANCE

Luxe, calme et volutes

Atmosphère boisée, service avenant et SPÉCIALITÉS À BOIRE OU À FUMER.

qui, de New York à Singapour, ont fleuri dans les métropoles les plus branchées – business et culture – de la planète, le Rooftop d’Abidjan veut être le nouveau sanctuaire du cigare. Et un paradis pour ostentatoire et respire l’opulence et ses amateurs. Ses quelque 300 m2 offrent le confort. « Nous n’avons pas choisi un bar ouvert, trois terrasses, deux lounge le décor par hasard, explique Fabrice privés, un salon semi-privé, sans oublier, Sawegon, le promoteur. Nous voulions évidemment, la cave à cigares. Cohiba, créer un lieu à la fois haut de gamme et Behike, Montecristo… De quoi goûter branché, où les gens peuvent venir à la une large gamme de spécialités made sortie du travail ou plus tard le soir, entre in Cuba, entre autres. « Je suis ravi de pouvoir venir dans un tel endroit, qui me permet Ces 300 m2 de confort s’articulent de me relaxer et, aussi, de en un vaste lounge, trois terrasses recevoir mes partenaires et des salons semi-privés ou privés. d’affaires pour échanger sur certains dossiers », confie le amis, pour passer le temps. Surtout, il patron d’une prospère petite entreprise fallait créer un environnement apaides technologies de l’information. sant, où le client peut prendre le temps Pour ceux qui seraient tentés par ce d’apprécier un cigare, c’est-à-dire entre nouveau lieu de détente, attention tout trente minutes et deux heures. » de même : les simples curieux ou clients de passage risquent d’être déçus et de SANCTUAIRE . Un club à cigares – le trouver porte close s’ils tardent car, à Club Zino – existait déjà dans le quartier moyen ou à long terme, Fabrice Sawegon administratif et d’affaires du Plateau, et envisage de faire du Rooftop un club a maintenant été transféré au-dessus de privé, avec accès exclusif sur carte de la boutique de luxe Zino, dans le quartier membre. Une décision qu’il prendra, si des Deux-Plateaux. Mais le Rooftop a un nécessaire, pour préserver le caractère style bien à lui. Car, à l’instar des étaintimiste du bar. ● blissements fondés sur le même concept BAUDELAIRE MIEU

Après New York, Paris, Melbourne et Singapour, le concept rooftop a gagné Abidjan. Ouvert fin 2012, le très sélect bar à cigares ne désemplit pas.

Q

uartier de la Riviera-2, dans la commune de Cocody, vers 20 heures, devant l’immeuble de la résidence Paul. Des vigiles tout de noir vêtus guident un petit flot de clients vers l’ascenseur. Destination : troisième étage. Celui du Rooftop, le nouveau bar à cigares, où d’affriolantes serveuses accueillent les nouveaux venus avec un grand sourire, avant de les faire s’installer confortablement et de leur proposer les spécialités, à boire et à fumer, de la maison. La capitale économique ivoirienne raffole de nouveauté et ne boude pas son plaisir. Trois mois après son ouverture, la « terrasse sur le toit », spécialité new-yorkaise, a fait son entrée dans les mœurs du ToutAbidjan. Qu’il soit midi ou tard dans la nuit, décideurs, artistes, intellectuels et jet-setteurs choisissent d’y prendre une pause, du temps et un peu de hauteur. Ambiance boisée, musique sélecte, murs tapissés de photographies et de tableaux cotés, camaïeu de fauteuils Chesterfield, bar à whiskys, à champagnes et à vins rares, tout est JEUNE AFRIQUE

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire ! Dans sa galerie du boulevard Latrille, à Cocody, LORS DE L’INSTALLATION DES ŒUVRES DE CHEIKH NDIAYE (exposées du 1er février au 16 mars). JEUNE AFRIQUE: D’où vient votre intérêt pour l’art contemporain ? CÉCILE FAKHOURY : Pour l’art en géné-

ral, il vient évidemment de ma famille et de mon éducation. Très jeune, je passais beaucoup de temps dans la galerie de mes parents, je les accompagnais dans les musées, les ateliers… Mais en grandissant, j’ai pris conscience que, au-delà de l’art moderne que présentaient mes parents, ce qui m’attirait était l’art d’aujourd’hui, celui qui nous parle de nos sociétés. J’avais une quinzaine d’années quand j’ai commencé à m’y intéresser et j’ai été vite fascinée par cette vision singulière qu’ont les artistes contemporains sur leur société. J’ai commencé toute seule à visiter des expositions d’art contemporain, puis à trouver des stages. C’est une passion qui m’est très personnelle. Mon père a une galerie d’art moderne et sa spécialité est différente de la mienne en bien des points. Nous n’avons pas la même manière de travailler. Pourquoi avoir choisi Abidjan ?

NABIL ZORKOT

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ART CONTEMPORAIN

Cécile Fakhoury « Une aventure collective et sans frontières » Depuis l’inauguration de son espace, en septembre, la galeriste lance déjà une troisième exposition. Un nouveau coup de maître.

F

ille de galeristes parisiens, Cécile Fakhoury a grandi dans un quotidien baigné d’art. Plus tard, en même temps qu’elle menait à bien son cursus estudiantin – un master en économie et des études d’histoire de l’art, puis un 3e cycle en commerce de l’art contemporain à l’Institut d’études supérieures des arts (IESA), à Paris –, la jeune femme a continué, de musées en expositions et jusque dans leurs ateliers, à aller à la rencontre des artistes. Tout en N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

enchaînant les stages dans des galeries ou des salles des ventes, notamment chez David Zwirner, à New York, Chantal Crousel ou Sotheby’s à Paris. Mais c’est à Abidjan, où elle venait régulièrement depuis dix ans, que la trentenaire, bellefille de l’architecte ivoiro-libanais Pierre Fakhoury, a choisi de se poser et d’ouvrir sa propre galerie : 600 m2 répartis en deux espaces (intérieur et extérieur) zen et épurés, entièrement consacrés à la création contemporaine.

Cela fait dix ans que je voyage en Afrique et que je connais la Côte d’Ivoire. Je me suis installée à Abidjan pour des raisons personnelles et pour monter mon projet – y ouvrir la première galerie d’art contemporain – parce que c’est l’une des scènes culturelles les plus fortes, les plus actives d’Afrique. Mon objectif est de donner plus de visibilité aux artistes et de participer à la création d’un véritable marché de l’art contemporain, en Côte d’Ivoire et sur le continent. Même s’il ne se développera pas du jour au lendemain. Compte tenu de la situation de crise qu’a connue le pays, je pense qu’il faudra attendre au moins cinq ans pour que s’installe vraiment l’intérêt pour l’art contemporain de la part du grand public, des professionnels et des acheteurs, ivoiriens et étrangers, et pour que l’on puisse parler d’un vrai démarrage du marché. Mais, déjà, on sent un dynamisme incroyable à Abidjan. Outre l’inauguration de ma galerie, la Fondation Charles Donwahi pour l’art contemporain a rouvert avec, elle aussi, de nouveaux projets. Et, projet après projet, je suis persuadée qu’on est en train de construire quelque chose de grand. C’est une aventure collective, qui, bien sûr, passe par les artistes africains, JEUNE AFRIQUE


Peut-elle redevenir un modèle ? mais pas seulement. Et j’insiste vraiment sur le fait que ma galerie n’est pas une galerie d’art contemporain africain, mais une galerie d’art contemporain en Afrique. Pourtant, votre programmation 20122013 est pour le moment exclusivement africaine…

Parce que mes artistes étaient intéressants et avaient des propositions précises au moment de notre rencontre. Mais je consacre beaucoup de temps à la découverte,àvoyagerpourrencontrerlesartistes, et il y en aura aussi d’autres continents – du Moyen-Orient, d’Europe, des ÉtatsUnis… – dans les futures programmations. Et qui sont « vos » artistes ?

L’exposition inaugurale, « Aujourd’hui je travaille avec mon petit-fils Aboudia », du 15 septembre au 17 novembre 2012, a permis de présenter une série de toiles réalisées en collaboration par Frédéric Bruly-Bouabré [89 ans, grand maître et doyen de l’art contemporain ivoirien, NDLR] et Aboudia [29 ans, dont les œuvres

se vendent actuellement entre 2 000 et 10000 euros sur le marché international]. Une façon de donner le ton de la galerie, dont les expositions seront à la fois personnelles et collectives. Après l’« Appel de Lilian », la nouvelle série de l’œuvre du photographe ivoirien Paul Sika [de début décembre 2012 à mijanvier], c’est l’artiste sénégalais Cheikh Ndiaye qui a désormais investi la galerie, je dirais presque en « maître » des lieux.

Ferez-vous aussi une place aux peintres et plasticiens dont les œuvres ne sont pas encore cotées ?

Ma programmation est ouverte à tous. Mon rôle de galeriste est de promouvoir des talents déjà reconnus localement pour leurdonnerunedimensioninternationale, mais aussi de découvrir et donner de la notoriété à de jeunes artistes en les aidant à travailler et à réaliser de bonnes expositions. Pas seulement dans ma galerie. Je

Je veux participer à la création d’un vrai marché de l’art contemporain sur le continent. Cheikh a fait l’École nationale des beauxarts de Dakar, puis celle de Lyon, et vit désormais à Berlin, où il a installé son atelier, mais je l’ai rencontré à Dakar. Il m’a proposé une série de tableaux et une installation, qu’il a créée dans la galerie. C’est ce qu’on appelle, en art contemporain, une œuvre in situ, qui prend en compte le lieu où elle est installée.

veux d’ailleurs faire voyager les expositions au-delà des frontières de la Côte d’Ivoire et du continent. D’autre part, que ce soit auprès de mes confrères, dans les salons internationaux, sur internet, etc., je mets en lumière des artistes dont l’œuvre ou le projet en cours m’intéresse, sans qu’ils soient forcément exposés chez moi. ● Propos recueillis à Abidjan par BAUDELAIRE MIEU

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CÔTE D’IVOIRE Les leaders de l’électricité et de l’eau au service de la croissance SIÈGES DE CIE (À GAUCHE) ET DE SODECI, À ABIDJAN.

CIE, CIPREL et SODECI, leaders historiques de la production et de la distribution d’eau et d’électricité se mobilisent pour soutenir le développement économique et social du pays.

PUBLI INFORMATION

A

cteurs des premiers programmes de privatisation des services publics ivoiriens, les sociétés CIE, CIPREL et SODECI sont encore aujourd’hui des maillons essentiels de la vitalité économique de la Côte d’Ivoire. Leurs personnels et leurs stratégies sont mobilisés pour un objectif : participer pleinement, par leur détermination et leur performance, à la dynamique économique du pays, qui entend rejoindre les rangs des nations émergentes à l’horizon 2020. CIE (Compagnie ivoirienne d’électricité) a la charge exclusive de la distribution et du transport d’énergie électrique sur l’ensemble du territoire de Côte d’Ivoire avec plus d’un million de clients desservis à fin 2012 contre moins de 500 000 vingt ans plus tôt. De plus, CIE exploite les 5 barrages hydro-électriques du pays, soit environ 600 MW de capacité ainsi qu’une centrale thermique à gaz d’une capacité de 100 MW. Des producteurs indépendants

complètent la capacité de production électrique, avec notamment, CIPREL (Compagnie ivoirienne de production d’électricité), leader de la production d’électricité dans le pays.

SODECI, professionnel de l’eau potable et de l’assainissement

Enfin, SODECI (Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire), qui a la responsabilité exclusive de la production et la distribution d’eau potable dans les zones urbaines en Côte d’Ivoire, compte plus de 700 000 clients. SODECI est également chargée de l’exploitation et de l’entretien des ouvrages d’assainissement de la ville d’Abidjan, où elle compte 367 000 clients. De plus, l’État de Côte d’Ivoire a récemment chargé la SODECI de la réhabilitation du parc

de pompes à motricité humaine disséminées sur le territoire (environ 17 000 pompes). Les trois sociétés font partie du groupe Finagestion, qui dispose également d’une participation majoritaire au Sénégal dans la Sénégalaise des Eaux. Le groupe Finagestion a favorisé l’actionnariat salarié, si bien qu’aujourd’hui les collaborateurs de CIE et SODECI en sont actionnaires à hauteur de 9,5 %. Des actionnaires privés – principalement ivoiriens et sénégalais – soutiennent également les sociétés du

VUE AÉRIENNE DE LA CENTRALE ÉLECTRIQUE CIPREL.


CIE au cœur du pôle énergétique régional

La Côte d’Ivoire, qui exporte depuis 1984 son électricité vers les pays voisins, est le pôle d’exportation d’énergie électrique le plus important en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui,des lignes d’interconnexion à haute tension la relient au Ghana,au Togo, au Bénin,au Burkina Faso et,depuis 2012, au Mali.Elles permettent à la CIE – et donc à la Côte d’Ivoire – d’exporter de l’électricité vers ces pays. De nouvelles lignes à haute tension sont en projet vers la Guinée, via le Liberia et la Sierra Leone.

SOCECI PRODUIT ET DISTRIBUE L’EAU POTABLE DANS LES ZONES URBAINES.

Avec la mise en œuvre progressive du West African Power Pool (WAPP) au sein des quinze pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le rôle de pôle énergétique régional de la Côte d’Ivoire prendra une nouvelle dimension. CIE, qui gère déjà un réseau de transport d’électricité de 4 500 km de lignes à haute tension, sera un maillon essentiel de la gestion de ce système régional. Elle pourra ainsi mettre à profit son expertise dans l’exportation d’énergie électrique pour accompagner le développement de la région. Aujourd’hui, les 3 600 collaborateurs de la CIE œuvrent sans relâche pour l’exploitation et la maintenance des ouvrages ainsi qu’à l’amélioration de la performance et de la qualité de service, malgré un

réseau de transport et de distribution en insuffisance de capacité. Les mesures prises notamment par le Ministère des Mines du Pétrole et de l’Énergie permettront d’obtenir les financements pour faciliter l’accès à l’électricité, réhabiliter et renforcer les ouvrages de transport et de distribution. Par ailleurs, la capacité de production du pays doit passer de 1 420 MW aujourd’hui à 2 400 MW d’ici à 2020. Cette puissance supplémentaire permettra de soutenir la croissance ivoirienne et répondra à l’augmentation des besoins des pays interconnectés, qui appuient en grande partie leur politique énergétique sur l’importation d’une électricité moins coûteuse et stable en provenance de Côte d’Ivoire.

CIPREL accroît sa production

Premier opérateur privé chargé d’assurer une partie de la production d’électricité de Côte d’Ivoire, CIPREL a été créée en 1994 pour construire et exploiter une centrale thermique située dans la zone industrielle de Vridi,à Abidjan.Caractéristique notoire de ce site, il est équipé de cinq turbines à gaz qui utilisent comme combustible le gaz naturel extrait au large des côtes ivoiriennes, ce qui permet de produire une électricité propre tout en valorisant une ressource naturelle nationale. La capacité de production de l’ensemble atteint 321 MW. En 2012, CIPREL a lancé un investissement de 177 milliards de F CFA pour moderniser les équipements existants et augmenter sa capacité de production avec la mise en service d’une nouvelle turbine à gaz et d’une turbine à vapeur. Ce projet ambitieux constitue un véritable facteur de progrès et de lutte contre le réchauffement climatique. Lorsqu’il sera achevé, la CIPREL disposera d’une puissance complémentaire de 222 MW, dont 111 MW sans consommation additionnelle de gaz naturel grâce à la turbine à vapeur. Il permettra en outre d’éviter le rejet de 500 000 tonnes de CO2 par an dans l’atmosphère. Le parc de production de CIPREL atteindra ainsi une capacité de 432 MW début 2014, puis une capacité totale de 543 MW en 2015 et contribuera à une augmentation de 15 % de la puissance installée du secteur au service de besoins en constante augmentation de la Côte d’Ivoire et de la sous-région.

SODECI Avenue Christiani Treichville 01 BP 1843 Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 23 30 00 Fax : (+ 225) 21 24 20 33

www.sodeci.ci

CIE 1 avenue Christiani Treichville - 01 BP 6923 Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 23 33 00 Fax : (+225) 21 23 63 22

www.cie.ci

CIPREL Rue des Textiles, Zone industrielle de Vridi, Port-Bouet - 01 BP 4039 Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+ 225) 21 23 63 62 Fax : (+ 225) 21 27 21 83 contact@ciprel.ci

CIE

Compagnie ivoirienne d’électricité • Effectifs 3 600 personnes • 1 555 000 clients – 95 points d’accueil • Longueur du réseau (transport et distribution) 40 578 km • Puissance installée : 1 420 MW • Exportation 16 % des ventes (Ghana, Togo, Bénin, Burkina Faso, Mali)

SODECI

Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire • Effectifs 1 736 personnes • 707 873 clients (eau potable) • 367 255 clients (assainissement) • 199 966 milliers de m3 d’eau produite • 807 localités desservies

CIPREL

Compagnie ivoirienne de production d’électricité • Production 24 milliards de kWh depuis 1994 • 30 % de la production d’électricité ivoirienne • Puissance installée : 321 MW • Puissance en 2015 : 543 MW

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

groupe. Elles ont en commun une gestion à la hauteur des standards internationaux de performance et de qualité, comme en témoignent les certifications validant leurs démarches qualité (ISO 9001), environnementales (ISO 14001) et de sécurité (OHSAS 18001). SODECI a d’ailleurs été la première entreprise africaine de service public à obtenir la certification ISO 9001, en février 2001.


Économie

OUTSOURCIA

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INTERVIEW

Jean-Claude Gandur

Président d’Addax & Oryx Group

ACQUISITIONS

Le Maghreb rachè

On était plutôt habitués à l’inverse. À la faveur de la crise au nord de la Méditerranée, de plus en plus d’entreprises tunisiennes et marocaines s’implantent en France, en Belgique, en Espagne… Et ça ne fait que commencer. JULIEN CLÉMENÇOT

A

«

lors que Total ferme des raffineries en France, je rêverais qu’il soit remplacé par des entreprises maghrébines », expliquait Arnaud Montebourg en décembre 2012, lors d’une conférence à Paris. Le ministre français du Redressement productif peut garder espoir. Plus un trimestre ne se passe sans qu’une entreprise marocaine ou tunisienne n’investisse sur les marchés européens.

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Mi-janvier, c’est Jet Alu, coté à Casablanca, qui a annoncé le rachat d’une PME française spécialisée dans les travaux de menuiserie métallique. « Depuis deux ans, son état-major était à la recherche d’une opportunité », explique Hassan Laaziri, directeur général de CDG Capital, un capital-investisseur marocain détenteur de 10 % de Jet Alu. Une acquisition faite à bon prix : 110 000 euros. L’entreprise Leblanc, dont le chiffre d’affaires atteignait 10,7 millions d’euros en 2011, avait été placée en redressement judiciaire. La tendance n’est certes pas nouvelle : dès 1993, le tunisien Coficab implantait une de ses usines de fabrication de câbles automobiles au Portugal, avant d’en ouvrir une autre en 2005 en Roumanie et de transférer une partie de ses activités de recherche et développement en Allemagne. Mais la crise en Europe et les problèmes de trésorerie d’un nombre croissant d’entreprises du Nord ont clairement stimulé l’intérêt des PME maghrébines. JEUNE AFRIQUE


MALI

Une guerre, et ça repart

ALGÉRIE

L’avenir est dans le pré

DÉCIDEURS

Masafumi Sugano

Directeur Afrique au Meti

MATIÈRES PREMIÈRES

Quelques hypothèses pour 2013

! Le centre d’appels OUTSOURCIA est notamment présent à Casablanca, au Maroc (à g.), et à Évreux, en France (à dr.).

vous avez des difficultés à comprendre le marché européen, estime-t-il. Quant aux entreprises du Nord, elles ont des problèmes de compétitivité. » Racheter une entreprise en Europe, c’est aussi la possibilitédepasserdustatutdesous-traitantaurang de fournisseur direct de grands donneurs d’ordre. « L’acquisition de Solaufil, en 2009, nous a offert la possibilité de détenir une marque, Mecafilter, très connue en France, et de vendre directement nos filtres à air à une dizaine de constructeurs automobiles, ce qui était impossible avec une marque tunisienne, reconnaît Amine Ben Ayed, PDG de Misfat. Aujourd’hui, nous exportons nos produits dans 80 pays. » Devenu financièrement plus solide, Misfat peut désormais accorder davantage de moyens à l’innovation. Un cercle vertueux qui lui a permis de déposer trois nouveaux brevets en 2012.

te l’Europe La nouvelle génération de patrons a complètement intégré la logique de la mondialisation. JEUNE AFRIQUE

« Avec la crise, c’est les soldes! » lance Badreddine Ouali,PDGdeVermeg.Fournisseurdelogicielspour la Banque de France et Société générale, la PME tunisienne s’est offert 24,45 % des actions du belge Business Solutions Builders (BSB) pour 5 millions d’euros. Avec la possibilité d’en prendre le contrôle d’ici à février 2014. Coté sur le marché alternatif de la Bourse de Bruxelles, BSB réalise pourtant un chiffre d’affaires deux fois plus important (35 millions d’euros) que son nouvel acquéreur. Pour Badreddine Ouali, c’est l’occasion de se rapprocher de ses clients européens tout en intégrant une activité complémentaire : BSB est spécialisé dans les logiciels bancaires commerciaux, quand Vermeg est concentré sur les services informatiques decontrôle et degestion.«Commenous nesommes pasconcurrents,c’estunmariagegagnant-gagnant», explique le patron tunisien, persuadé que les rapprochements entre compagnies européennes et maghrébinessontnaturels.«Sivousn’êtesqu’auSud,

BRUNO LÉVY POUR J.A.

À ARMES ÉGALES. Trèssouvent,l’investissementen

Europe est aussi motivé par une stratégie défensive. C’est le cas pour les centres d’appels marocains Outsourcia et Intelcia. « Nous avons été confrontés à des clients qui voulaient une offre française. En étant au Maroc, on ne couvrait pas l’intégralité des demandes. Pour se battre à armes égales, le moyen le plus simple était d’acquérir une entreprise, As-Com, qui jouissait d’une bonne notoriété. Offrir un service global nous permet en outre de protéger nos investissements marocains en faisant en sorte que certains contrats ne soient pas captés par d’autres destinations », explique Youssef Chraïbi, fondateur d’Outsourcia, qui envisage désormais une implantation en Espagne. À 36 ans, ce Marocain assume pleinement ses ambitions européennes. Et porte, avec d’autres comme Amine Ben Ayed et Badreddine Ouali, tous nés après 1960, un véritable changement culturel par rapport à leurs aînés, plus complexés vis-à-vis de leurshomologueseuropéens.FormésauxÉtats-Unis ou en France, ces jeunes patrons ont pleinement intégré la logique de la mondialisation, et leur détermination est indispensable pour surpasser les entraves à la réalisation de ce type de projets. Premièredecesdifficultés,lecontrôledeschanges exercé par les pays maghrébins (la sortie de devises est limitée 1,4 million d’euros en Tunisie et à 4,4 millions d’euros au Maroc), explique l’avocat Alain Malek, associé chez Norton Rose. Si cet obstacle peut être contourné ou négocié en Tunisie ou au Maroc, il est à de très rares exceptions près insurmontable en Algérie. « Nous avons des devises, mais nous ne pouvons pas les sortir du pays », déplorait Issad Rebrab, patron du groupe agroalimentaire N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Entreprises marchés

Parce qu’ils sont prêts à créer des emplois, les entrepreneurs maghrébins ont bonne presse dans l’Hexagone.

Cevital, en décembre 2012. Autre frein souvent mis enavantparlespatrons,lesnombreusestracasseries administratives imposées par l’Union européenne, notammentpourobtenirdestitresdeséjourpourles expatriés maghrébins. « Lors de la venue du Premier ministre français au Maroc, nous avons soulevé ce problème et il a répondu qu’une procédure simplifiée était à l’étude », indique Youssef Chraïbi. CASSE-TÊTE. Mais la véritable difficulté tient au

fait de reprendre une entreprise de faible taille ou en perte de vitesse: un vrai casse-tête si le carnet de commandes est vide. Sur un marché mature comme la France, conquérir de nouveaux clients est plus difficile que sur une zone en fort développement. Enfin, « il est décisif de motiver le personnel autour du projet de reprise », estime Slim Zeghal, patron d’Altea Packaging. Incapable de jouer les premiers rôles sur le marché français, l’homme d’affaires tunisien a finalement décidé de céder en 2011 l’entreprise Roland Emballage, acquise quatre ans plus tôt, pour se concentrer avec succès

au développement d’Altea Packaging en Afrique et au Moyen-Orient. Pour réussir, les entreprises doivent souvent repenser leur organisation. « Nous avons totalement décomposé notre chaîne de valeur pour tirer le meilleur parti de chaque implantation », explique Amine Ben Ayed, de Misfat. Si les opérations de saisie ou la comptabilité ont été transférées au sud, la production de Solaufil est restée en France en raison du surcoût qu’aurait impliqué son acheminement depuis la Tunisie. Au final, dix salariés ont même été embauchés sur le site français. Parce qu’ils sont prêts à créer des emplois, les entrepreneurs maghrébins ont bonne presse dans l’Hexagone. À Évreux (nord-ouest de Paris), le Conseil général de l’Eure s’est plié en quatre pour accueillir Outsourcia et revitaliser un bassin d’emplois sinistré par le départ du laboratoire britannique GlaxoSmithKline. Quant à la ville du Mans, célèbre pour ses rillettes de porc, elle souhaiterait voir s’implanter sur son territoire un spécialiste maghrébin du… halal. Les temps changent. ●

Mohamed Horani «Aller au nord est devenu une obligation» DG

INTERVIEW

L’ancien patron des patrons marocains analyse la poussée des entreprises du royaume sur le Vieux Continent.

P

résident de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) de 2009 à 2012, Mohamed Horani, 59 ans, est le fondateur de Hightech Payment Systems (HPS), un éditeur de solutions de paiement vendues dans 70 pays. HPS a racheté en 2010 le français ACP-Qualife. JEUNE AFRIQUE: La colocalisation prônée par Paris passe-t-elle par l’implantation des entreprises maghrébines en Europe ? MOHAMED HORANI : Je le

pense. Dans notre cas, nous voulions être plus proches de nos clients européens. C’est une démarche comparable à celle d’une entreprise européenne s’installant à Casablanca pour viser les marchés maghrébins ou N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

ouest-africains. Que l’initiateur du projet vienne du Sud ou du Nord, cette approche offre en plus le choix de la localisation des ressources en fonction de leur coût. Un conseiller juridique revient par exemple plus cher à Casablanca. Les patronats européens mènent régulièrement des missions de prospection au sud de la Méditerranée. Pourquoi l’inverse n’est-il pas vrai ?

DR

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Cela reste des aventures individuelles pour la simple raison que peu d’entreprises marocaines sont capables de mener ces projets. Si la coopération entre Paris et Rabat n’intègre pas encore cette tendance, c’est aussi parce qu’un certain nombre de responsables publics marocains privilégient toujours les investissements étrangers faits au Maroc, au détriment de ceux réalisés par nos entreprises hors de nos frontières. Ce calcul, qui s’attache d’abord à préserver l’équilibre de la balance

DE

H IGHTECH P AYMENT S YSTEMS

des paiements, n’est pas pertinent. Notre implantation à Dubaï en 2002 a coûté 500 000 dollars [475 000 euros à l’époque, NDLR] et ce sont des millions qui sont chaque année rapatriés au Maroc. Est-ce la fin du complexe des patrons maghrébins par rapport à leurs homologues européens ?

S’il y avait un complexe, il n’existe plus, notamment parce que certaines entreprises marocaines connaissent de vrais succès en Europe. Non seulement nos patrons voient que c’est possible, mais ils s’aperçoivent que c’est une obligation. Le Maroc a fait le choix de s’ouvrir à la concurrence mondiale en signant des accords de libre-échange avec les ÉtatsUnis, les pays arabes, l’Union européenne et bientôt le Canada. Cette prise de conscience correspond aussi à l’émergence d’une nouvelle génération de chefs d’entreprise en phase avec les objectifs du Maroc, qui depuis dix ans donne la priorité à son développement économique. ●

Propos recueillis par J.C. JEUNE AFRIQUE


Votre Banque d’Investissement de choix pour le développement de l’Afrique 2012 a été une nouvelle année florissante pour Ecobank Capital*. Malgré une conjoncture économique difficile, nous avons mobilisé l’équivalent de plus de 2,2 milliards de dollars US pour le compte de gouvernements et de clients institutionnels dans 11 pays d’Afrique.

Nous voudrions remercier tous nos clients et nos partenaires pour leur soutien et la confiance manifestée à notre endroit. Nous vous souhaitons une bonne et heureuse année et espérons raffermir ces liens existants en 2013.

Côte d’Ivoire

Togo

Gabon Togo

Société Ivorienne

ETI/PIC

Oil Palm ETI/PIC Gabon

de Raffinage

Programme annuel d’approvisionnement en pétrole brut Arrangeur US$ 360 millions

Cameroun/ Côte d’Ivoire IHS Holdings

Souscription d’actions Co-Chef de file US$ 250 millions

Financement du Subscription de développement Agreement plantations de palmier à huile Adviser Arrangeur US$250 US$ 228 million millions

Financement d’infrastructures de télécommunications Arrangeur US$ 204 millions

Senégal

Ghana

RDC/Congo

Nigéria

Etat du Sénégal

Volta River Authority

Orion Oil Ltd

Oando

Émission obligataire 6,7 % 2012–2019

Prêt à moyen terme

Pré-financement de pétrole brut

Prêt syndiqué pour la construction d’un débarcadère

Co-Chef de file US$ 176 millions

* Dénomination sociale : Ecobank Development Corporation

ecobank.com

Arrangeur US$ 150 millions

Contact : Ehouman Kassi Email : ekassi@ecobank.com

Arrangeur US$ 100 millions

Co-Arrangeur US$ 77 millions


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Entreprises marchés INTERVIEW

Jean-Claude Gandur

P RÉSIDENT D ’A DDAX & O RYX G ROUP

« Nous allons investir 300 millions d’euros sur cinq ans » GPL, lubrifiant, bitume… AOG se déploie dans les dérivés pétroliers pour bâtir l’une des plus importantes plateformes de distribution de produits énergétiques du continent. Son patron a reçu Jeune Afrique au siège du groupe, à Genève.

D

ans le hall d’accueil du siège genevois d’Adda & Oryx Group (AOG), en Suisse, les revues d’art et des salles de ventes (Drouot, Pelham Galleries…) font de la concurrence aux magazines d’actualité. Reflet des passions du fondateur et patron d’AOG, JeanClaude Gandur. Discret depuis la vente de sa société Addax Petroleum pour 5 milliards d’euros au chinois Sinopec, en 2009, il dit avoir « consacré du temps à ses fondations et à ses collections ». Devenu milliardaire, il semblait prendre le chemin de la retraite. Fin 2011, la cession d’une autre de ses sociétés, Oryx Energies, distributeur de produits pétroliers, paraissait même bien entamée… « Lorsque la vente a échoué, je me suis retrouvé à diriger de nouveau Oryx Energies, et j’ai acquis une seconde jeunesse… Je ne sais pas quand j’arrêterai », dit aujourd’hui cet homme de bientôt 64 ans. Sa nouvelle lubie ? Bâtir l’une des plus importantes plateformes de distribution de produits énergétiques d’Afrique. Car le continent reste bel et bien le fil rouge de la vie professionnelle de Jean-Claude Gandur. Celui qui a passé les plus jeunes années de sa vie en Égypte s’est vu confier les marchés africains dès le début de sa carrière, au sein de l’entreprise de négoce international Philipp Brothers. Puis, lorsqu’il crée le groupe AOG en 1987, il se positionne dans l’exploration et la production pétrolières dans plusieurs pays africains : le Nigeria, le Cameroun, le Gabon… Pendant l’entretien, des amis lui envoient des messages… pour qu’il leur réserve des actions, alors qu’il vient d’annoncer la prochaine introduction en Bourse d’Oryx Petroleum, la nouvelle société d’exploration pétrolière qu’il a montée. Le « nez » de l’homme d’affaires est légendaire – mais quoi de plus naturel pour ce natif de Grasse, la « capitale des parfums », dans le sud-est de la France ? Renommées également ses collections d’antiquités égyptiennes : elles font d’ailleurs la une du magazine anglophone des collectionneurs d’art, Apollo, posé sur son bureau sobre et presque rangé. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE : Vous annoncez vouloir faire d’Oryx Energies l’une des plus importantes plateformes de distribution d’Afrique, alors qu’il y a un an vous étiez en passe de vendre. Que s’est-il passé ? JEAN-CLAUDE GANDUR: En 2009, je me suis dit :

profitons de la dynamique de la vente de l’amont pour vendre l’aval et le négoce. Mais quand les négociations ont échoué avec ECP [Emerging Capital Partners, NDLR], je n’avais plus qu’une seule chose à faire : revenir à mes premières amours. Après discussions avec le management, tout en gardant à l’esprit la perception que j’ai de l’évolution du secteur pétrolier, il était évident que nous ne serions plus jamais une société de trading international. Nous avions raté le train, les cartes

Pourquoi ne pas passer d’une activité de négoce à un segment orienté vers la clientèle et le marketing? se sont vraiment distribuées entre 2002 et 2005, avec les grandes modifications et la globalisation des marchés. Par contre, nous disposions d’actifs de distribution en Afrique. Alors pourquoi ne pas redéployer nos activités vers des dérivés pétroliers plus technologiques, comme le GPL [gaz de pétrole liquéfié], le lubrifiant, le bitume et les produits liquides, et passer d’un segment orienté vers le négoce à un segment clientèle et marketing ? En quoi consiste exactement votre nouveau projet industriel ?

Nous allons investir 400 millions de dollars [près de 300 millions d’euros] sur cinq ans dans les infrastructures pétrolières pour l’Afrique. Dans six mois, un terminal de stockage de produits liquides [gasoil et fuel principalement] d’une capacité de 220 000 m3 ouvrira à Las Palmas [îles Canaries, Espagne]. C’est un investissement de 70 millions de dollars. C’est la première plateforme multiproduits à trois jours de mer de Dakar, six jours JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés viendront s’approvisionner nos filiales du Liberia et de Sierra Leone. En outre, nous augmenterons nos activités dans les lubrifiants, avec nos usines au Togo et en Tanzanie, pour les distribuer sous notre marque dans nos stations-service, mais aussi à destination de sociétés pétrolières tierces qui les commercialisent sous leur propre nom. Enfin, il y a le bitume. Nous sommes actuellement très petits, mais l’Afrique est le meilleur continent pour développer cette activité, d’autant qu’il y a peu d’acteurs. Quels sont vos objectifs à terme dans la vente de GPL ?

Nous faisons actuellement 150 000 tonnes de GPL par an, et nous projetons d’en distribuer 450 000 d’ici à six ans. Notre expérience montre que l’expansion est rapide. En Tanzanie, nous faisions 100 t par mois, nous en commercialisons maintenant 3 000. Dès que les gens s’habituent, ils ne reviennent plus en arrière, et il y a de nouveaux adeptes chaque jour. Le GPL est une énergie moderne et bon marché par rapport aux autres produits – quand ceux-ci ne sont pas subventionnés, évidemment.

MELANIE FREY/JDD/SIPA

Vous avez vendu Addax Petroleum à des Chinois, des acteurs désormais incontournables. Comment les avez-vous rencontrés et comment se sont déroulées les négociations ?

! À bientôt 64 ans, le milliardaire est aussi renommé en tant que COLLECTIONNEUR D’ART.

d’Abidjan, sept jours de Lagos. Nous assurerons à l’Afrique de l’Ouest des produits sur mesure. Nos clients seront principalement des miniers et des industriels. Nous déploierons une grande partie des 330 millions de dollars restants dans le GPL. Nous avions commencé cette activité il y a quelques années, au Bénin et en Tanzanie. Dans ce dernier pays, nous allons doubler nos capacités alors que nous sommes déjà le deuxième distributeur de produits pétroliers, avec 30 % de part de marché. Et nous avons un grand projet en Afrique australe : nous espérons pouvoir annoncer d’ici à deux ou trois semaines une très grosse acquisition. Nous sommes par ailleurs en train de construire une sphère de stockage en Guinée, où JEUNE AFRIQUE

Avec 1,5 milliard d’euros, Jean-Claude Gandur est classé

634

e

fortune mondiale par le magazine Forbes

La négociation a été rapide et professionnelle. Credit Suisse est venu me voir, m’indiquant que Sinopec était intéressé par ma société. Je n’avais jamais travaillé avec les Chinois. Nous avons négocié le prix, et entre-temps les Coréens sont arrivés dans la course. Il y a eu un processus d’appel d’offres qui a pris fin en juin. Les Chinois ont été les mieux-disants. Le 15 août, soit quatre mois après le début des négociations, tout était réglé, dans un silence absolu. Quel regard portez-vous sur les méthodes chinoises, si décriées en Afrique, notamment en termes d’emploi local ?

Peut-être avons-nous un peu plus l’habitude de l’Afrique que la Chine. Ils travaillent avec leurs méthodes, chacun fait selon ses traditions. Mais aujourd’hui, nous avons un flirt très poussé avec toutes les sociétés chinoises qui travaillent en Afrique : lubrifiants, mines, approvisionnements de produits liquides… J’ai des équipes à Pékin en permanence, et nous allons embaucher des traducteurs. On s’adapte. Votre projet de production de biocarburant à Makeni, en Sierra Leone, a été vivement critiqué…

Nous avons fait les choses tellement en accord avec les règles les plus dures des organismes internationaux qu’un combat des ONG contre nous serait perdu d’avance. Elles ne trouveront

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Entreprises marchés

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pas un centime de corruption, et pas une recommandation non respectée. Pour commencer, nous n’achetons pas les terres, mais nous les louons, au tarif préconisé par la Banque mondiale. Nous ne sommes pas passés par le gouvernement central : nous avons négocié avec les chefs traditionnels, leurs avocats et les ONG. Nous avons monté un modèle qui répond en tout point aux recommandations de la FAO [Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture] et de l’ONU sur la nourriture et l’éthique des affaires en Afrique. Nous utiliserons 10 000 ha, donc même pas 0,5 % des terres disponibles pour l’agriculture commerciale en Sierra Leone. Nous avons dû nous engager à créer un programme d’agriculture vivrière, qui est déjà mis en place sur 2 000 ha et s’étendra sur 5 000 ha à terme. Les payAOG Energy sans utilisent notre matériel, Addax Bioenergy nous avons construit une Biocarburants école d’agriculture… C’est Oryx Energies un accompagnement dont Stockage et distribution de produits pétroliers je suis fier. Et depuis, il n’y a Oryx Petroleum plus de pénurie de riz dans Exploration et cette région.

canne à sucre et de production de bioéthanol se fera en novembre. Avez-vous d’autres projets dans ce secteur ?

1 400 employés

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implantations africaines

Vous communiquez beaucoup sur l’emploi local. Vos équipes reflètent-elles vos affirmations ?

AOG Real Estate Investissements immobiliers

production pétrolière

Quand débutera la production ?

Malgré le dépassement de notre budget initial – qui était de 250 millions d’euros – de quelques dizaines de millions d’euros, nous sommes dans les temps : la première campagne de coupe de la

Nous allons d’abord mettre en route le projet sierra-léonais et communiquer davantage sur ce modèle. Ensuite, nous étudierons cinq autres projets de taille identique, à l’est et à l’ouest. C’est nécessaire pour arriver à une taille critique qui nous permette d’être un acteur de poids dans le bioéthanol. Les pays visés pourraient être le Mozambique, le Congo, le Ghana ou encore la Côte d’Ivoire.

Le groupe refuse de communiquer son chiffre d’affaires

Cela ne sert à rien de construire une usine ultramoderne et de ne pas mettre Investissement un seul Africain dedans. Les en capital élites existent partout en Afrique. Notre responsable de l’expansion du GPL est un Ivoirien, basé ici, à Genève. Pour moi, les expatriés ne sont pas que des Blancs en Afrique. Il n’y a pas de frontières. Notre patron pour l’Afrique de l’Ouest est sénégalais. Au moins 80 % des directeurs de nos filiales sont africains. Tout le monde peut faire comme nous. ●

AOG Capital Investment

Propos recueillis à Genève par MICHAEL PAURON

AOG INVEST

! CE TERMINAL DE STOCKAGE DE PRODUITS LIQUIDES, à Las Palmas (îles Canaries, Espagne), ouvrira d’ici à six mois. Il sera à trois jours de mer de Dakar, six jours d’Abidjan et sept jours de Lagos.

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JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés MALI

Une guerre, et ça repart

En amenant avec elle diplomates et journalistes, l’intervention militaire favorise la relance de l’économie. Le retour de l’aide internationale devrait en outre permettre de préserver la croissance malienne.

militaires et les journalistes céderont leur place dans les hôtels aux hommes d’affaires, aux missions économiques ou encore aux touristes », juge le patron d’Azalaï. En clair, l’économie ne redécollera réellement que lorsque le pays aura retrouvé une stabilité politique et sécuritaire. Déjà, la reconquête rapide des principales villes du Nord ouvre de bonnes perspectives de retour à la normale.

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

« CLÉ EN OR ». Tiéna Coulibaly, le

À

Bamako, l’activité reprend. Certes, la situation est encore fragile, mais l’opération Serval, déclenchée le 11 janvier par la France pour débarrasser le nord du Mali des groupes islamistes armés, a un impact positif sur l’économie du pays. Le secteur touristique, l’un des plus touchés par la crise politico-militaire, en est le premier bénéficiaire : « Le mouvement des militaires, des journalistes et des diplomates dans la capitale permet de remplir hôtels et restaurants et de doper un peu plus le commerce local », indique Mossadeck Bally, patron de la chaîne hôtelière Azalaï. FERMETURE. Leader de l’activité

sur le plan national avec trois établissements, le groupe hôtelier tourne actuellement à près de 90 % de remplissage, un taux qui, au plus fort de la crise, atteignait à peine 15 %. Alors contraint, comme ses concurrents, de recourir à la fermeture d’hôtels (deux sur trois) et au chômage technique JEUNE AFRIQUE

(80 salariés), Azalaï a depuis le début de l’année rappelé tous ses collaborateurs. « Nous avons rouvert un hôtel le 15 janvier et nous nous apprêtons à faire de même pour le troisième établissement, courant février », affirme Mossadeck Bally, qui estime le manque à gagner subi par son groupe depuis le début de la crise, en mars 2012, à 3,7 milliards de F CFA (5,6 millions d’euros, soit une baisse de 60 % de ses revenus). Houd Baby, PDG du groupe agroalimentaire Moulins du Sahel, constate lui aussi une certaine amélioration. « Avec la fermeture des frontières, les produits subventionnés importés d’Algérie tels que les farines, le lait ou encore les pâtes, écoulés à des prix bas dans le nord du pays, ont pratiquement disparu. Résultat : nos produits sont désormais facilement distribués à Mopti et à Sévaré, ce qui permet d’augmenter nos volumes de ventes », soutient-il. Reste que cette pseudo-embellie n’est pour l’heure pas pérenne. « Elle ne le sera que lorsque les

! L’HÔTEL SALAM (groupe Azalaï), à Bamako, le 7 février.

ministre malien de l’Économie, des Finances et du Budget, assure que le récent retour du Fonds monétaire international (FMI) devrait donner confiance aux investisseurs étrangers. L’institution a en effet annoncé, le 28 janvier, l’octroi d’un prêt de 13,7 millions d’euros au Mali pour aider le pays à préserver sa croissance et sa stabilité macroéconomique. « Pour nous, il s’agit là d’une clé en or », indique le ministre. Car depuis, ajoutet-il, « les principaux bailleurs, qui avaient également suspendu leur aide, décident de revenir ». La Banque mondiale annonce ainsi un appui budgétaire de 37 millions d’euros (contre 22 millions initialement prévus), et l’Union européenne un programme de

Le secteur touristique est le premier bénéficiaire de ce début d’embellie.

– 1,5 % C’est, selon la Banque mondiale, la récession qu’a connue le Mali en 2012

quelque 250 millions d’euros. Cette manne inespérée devrait aider l’État à financer la remise en état des infrastructures, ce qui permettra de relancer le secteur du BTP, qui a vu son activité baisser de 20 % depuis le début de la crise. Dans une note publiée fin janvier, la Banque mondiale estime que si le dynamisme des secteurs agricole et aurifère, qui ont permis au Mali de limiter jusqu’ici la casse, se poursuit, « le taux de croissance économique pourrait retrouver son niveau tendanciel de 5 % en 2013 ». Une performance qui sera nettement meilleure que le recul de 1,5 % enregistré en 2012. ● STÉPHANE BALLONG N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Entreprises marchés ! LES EXPLOITATIONS SE MÉCANISENT peu à peu (ici à Djelfa).

OMAR SEFOUANE/ELPHOTOGRAPHE.COM

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ALGÉRIE

L’avenir est dans le pré

AUTOSUFFISANCE. Des sommes

Pour réduire ses importations, Alger encourage la population à travailler la terre. Désenclavement, irrigation, subventions… Rien n’est oublié pour dynamiser le secteur agricole.

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etrouver l’esprit pionnier. C’est le vœu du ministre de l’Agriculture, Rachid Benaïssa, qui a exhorté en décembre 2012 les exploitants du pays à dynamiser leur production et à faire des émules chez leurs compatriotes. Ces dernières années, l’État a grandement désenclavé les villages en construisant des routes et en apportant les services de base (électricité, eau potable, téléphone…). Près de 400 000 logements ruraux ont été réalisés et attribués en vue de fixer les populations. Début février, le ministre s’est même rendu dans le sud-ouest du pays en vue d’accroître le développement rural de cette région: « Les wilayasduSud[Adrar,Tamanrasset, Tindouf et Béchar, NDLR] sont en mesure de satisfaire les besoins alimentaires des populations locales et de contribuer à l’amélioration d’un tiers de la sécurité alimentaire de tout le pays », a-t-il déclaré. Pour ce faire, une enveloppe complémentaire de 80 milliards de dinars N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

(756 millions d’euros) a été débloquée pour la période 2012-2014 afin d’améliorer le potentiel productif de la région. L’agriculture emploie environ 13 millions de personnes dans le pays, ce qui représente 35 % de la population algérienne. Plus de 90 % des terres sont en mode de gestion privée. La réforme de la loi foncière a permis de libérer l’esprit d’initiative et de favoriser le recours aux crédits. Sur 8,5 millions d’hectares

de surface agricole utile, 6 millions appartiennent au privé, avec 850 000 exploitations reconnues. Fort de ses recettes énergétiques, le gouvernement a engagé ces dix dernières années une politique très volontariste pour le développement et la modernisation des fermes. L’objectif est notamment de réduire la dépendance à l’égard des importations et donc de diminuer la facture alimentaire, qui a encore représenté 6,8 milliards d’euros en 2012, après un montant de 7,6 milliards en 2011, d’après les chiffres des douanes. À cela il faut ajouter l’enveloppe consacrée aux subventions des produits (céréales, lait et pain), nécessaires à la paix sociale. Pour 2013, l’État prévoit de dépenser 1,3 milliard d’euros.

22 milliards d’euros C’est la valeur de la production agricole en 2012

qui pourraient être économisées si le pays atteignait l’autosuffisance. Il est sur la bonne voie puisque les paysans algériens couvrent aujourd’hui 72 % des besoins alimentaires, alors qu’ils n’en assuraient que 25 % au milieu des années 2000. La production nationale augmente de près de 7 % par an. Depuis l’amnistie accordée aux terroristes islamistes, en 2006, de nombreux fellahs (travailleurs agricoles) ont opéré un retour à la terre, abandonnée durant la décennie 1990. Cette démarche est encouragée par l’État, qui ne lésine pas sur les moyens et accorde notamment des subventions de

LE PRIVÉ EN EMBUSCADE PORTÉS PAR LA DYNAMISATION du secteur agricole, les plus grands groupes algériens investissent dans l’amont. Depuis quelques années, Cevital, premier groupe privé en termes de chiffre d’affaires, a acquis, via sa filiale Ceviagro, plusieurs concessions agricoles

dans le nord et le sud du pays et y produit des fraises, des tomates et des agrumes, pour le marché local comme pour l’exportation. De son côté, le groupe Benamor, numéro un dans la production de conserves de tomates et de pâtes alimentaires, développe des projets dans la production de

tomates industrielles et de céréales avec des agriculteurs de l’est du pays. De nombreux chefs d’entreprise achètent de petits terrains agricoles dans les Hauts Plateaux et le Grand Sud pour les exploiter et préparer l’après-pétrole. Mais l’État ne cède pas facilement ses terres… ● AMIR RABAH, à Alger JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

Retrouvez toute l’actualité économique et financière du continent sur economie.jeuneafrique.com

BARRAGES. En témoigne le lan-

cement, mi-décembre 2012, du premier tracteur de marque américaine Massey Ferguson made in Algeria, construit par l’Entreprise des tracteurs agricoles (Etrag), près de Constantine. Au départ, la capacité productive du site sera de 3500 tracteurs par an et passera à 5 000 unités dans cinq ans. De plus, chaque foire agricole voit de nouvelles demandes en matériels de culture, de récolte, de stockage, avec des besoins spécifiques pour les secteurs des céréales, des fourrages, des fruits et légumes… Afin de réduire la contrainte des aléas climatiques, les autorités misent aussi sur l’irrigation, les engrais et les semences certifiées. Elles ont engagé un grand programme de construction de barrages qui doit porter leur nombre à 90 en 2020, contre 65 actuellement. Une progression de 50 % des surfaces irriguées est attendue d’ici à 2014. Toutefois, le système peut encore être amélioré. « Les aides sont trop ciblées, notamment sur le lait et les céréales, dont les prix sont déjà subventionnés, déplore un consultant. D’autres produits frais et les viandes le sont moins. Elles vont aussi prioritairement aux grands exploitants. » Au niveau de la rentabilité, le système fonctionne à perte. Au fur et à mesure des échéances électorales, les fellahs ne remboursent plus leurs crédits. Près de 32 000 d’entre eux ont vu leur dette effacée lors du troisième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, conformément à l’un de ses engagementsdecampagne.Unemesure qu’ils comptent bien voir appliquée de nouveau lors de la prochaine présidentielle, en 2014. ● PASCAL AIRAULT, avec RYADH BENLAHRECH JEUNE AFRIQUE

GUINÉE ÉQUATORIALE SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SE RETIRE LE FRANÇAIS SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a engagé depuis plusieurs mois son retrait de Guinée équatoriale, où le groupe détient 52,24 % de la Société générale de banques en Guinée équatoriale (SGBGE). Deuxième sur son marché, l’établissement affichait fin 2011 un total de bilan de 443 millions d’euros. D’après nos informations, Oragroup, holding de tête du réseau Orabank, a regardé de très près le dossier, avant de se concentrer sur l’acquisition (réalisée fin 2012) du groupe ouestafricain Banque régionale de solidarité (BRS). Selon plusieurs sources, une banque marocaine est en position de force pour emporter les parts de la Société générale dans la SGBGE. Il pourrait s’agir d’Attijariwafa Bank, numéro un au Maroc et qui attend son agrément en Guinée équatoriale depuis au moins deux ans. Contactée à ce sujet, la Société générale a expliqué avoir « reçu des expressions d’intérêt sur la SGBGE de la part d’institutions financières internationales », sans plus de précisions. ●

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30 % à 50 % du prix des machines et des équipements fabriqués totalement ou partiellement en Algérie. Si les exploitations restent encore morcelées, peu mécanisées et avec des taux de rendement assez faibles en comparaison des grandes zones de production (Brésil, Europe, États-Unis), la modernisation est en marche.

• ASSURANCES Ecobank a finalisé la cession au britannique Old Mutual

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du nigérian Oceanic Life, sa filiale d’assurance-vie acquise avec Oceanic Bank • BOURSE L’introduction à Alger d’une partie du capital de l’entreprise agroalimentaire NCA Rouiba a été officiellement autorisée

• AUTO Après avoir quitté la Libye en juillet 2011, le français Renault effectue son retour à travers un nouveau contrat de distribution

• BANQUE Bank of Africa a obtenu l’agrément des autorités togolaises et devrait ainsi ouvrir la 16e banque de son réseau courant 2013

MAROC COUP D’ENVOI DU PARC ÉOLIEN L’énergéticien français GDF Suez va commencer la construction du parc éolien deTarfaya, pour une mise en service complète prévue fin 2014. Ce projet de 300 MW représentera alors environ 40 % de la capacité éolienne totale du pays. Le Maroc vise un objectif de 42 % de capacités électriques installées fonctionnant à partir de sources renouvelables d’ici à 2020. ● CÔTE D’IVOIRE LOUIS DREYFUS INVESTIT DANS LE RIZ À l’occasion de son séjour en Côte d’Ivoire les 30 et 31 janvier, Margarita Louis-Dreyfus, présidente et principale actionnaire du groupe de

négoce de matières premières Louis Dreyfus, a signé un accord pour la mise à disposition de 100 000 à 200 000 ha de terres. À la clé, un investissement de 44 millions d’euros pour cultiver et produire 300 000 tonnes de riz par an. ● TUNISIE COLAS RAIL RÉALISERA LE RFR Associé à l’allemand Siemens et au tunisien Somatra-Get, le français Colas Rail a remporté le contrat de réalisation des deux premières lignes du réseau ferroviaire rapide (RFR) deTunis. Le montant total du contrat s’élève à 145 millions d’euros, dont 86 millions pour Colas Rail. Les travaux, qui doivent démarrer au plus tôt à la mi-2014, se dérouleront sur une durée de quatre ans. ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Décideurs COMMERCE

Le plus africain des Japonais

Directeur Afrique au ministère nippon de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, Masafumi Sugano pousse les groupes de Tokyo à investir sur le continent. Histoire de regagner le terrain conquis par les Chinois.

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géde35ans,Masafumi Sugano pilote depuis Tokyo la direction Afrique du célèbre Meti, le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Nommé en juillet 2012, il a fort à faire. L’Afrique ne représente que 1,8 % des échanges extérieurs japonais : en 2012, les investissements directs du pays du Soleil-Levant sur le continent n’ont atteint que 13,6 milliards d’euros, sur les 750 milliards déployés par les groupes japonais dans le monde entier. C’est grâce au réseau d’informations économiques du Meti que le Japon a bâti sa puissance industrielle après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, ge ep chacune de ses agences repère dans chaque pays les meilleurs segments à l’export, déniche les innovations et les transmet aux entreprises japonaises. Grâce à lui, les keiretsu su (grands conglomérats) comme Toyota, Mitsubishi ou Panasonic ont pu gagner des parts de marché partout dans le monde. RECUL. « Nos entreprises

ont été très présentes en Afrique jusque dans les années 1980, quand notre industrie était compétitive sur les coûts, explique Masafumi Sugano. Mais

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nous avons depuis perdu beaucoup de terrain, notamment face aux Chinois, qui ont pris le segment du bas de gamme. Aujourd’hui, la plupart des grandes sogo shosha [maisons de commerce, NDLR] se sont détournées de l’Afrique subsaharienne et, dans une moindre mesure, du Maghreb, pour se concentrer sur des marchés à plus haute valeur ajoutée. Le Japon reste actif en Afrique, mais principalement via ses programmes d’aide [3,7 milliards d’euros par an]. » Exemple frappant de ce recul : la Côte d’Ivoire. « Enfant, j’ai vécu trois ans à Abidjan, de 1984 à 1987, quand mon père était expatrié pour le fabricant d’électronique Sharp. À l’époque, on pouvait compter 26 sociétés japonaises dans la pi qu ivoirienne. capitale économique Aujourd’hui, elles ne sont plus que deux », observe-t-il avec regret. La désaffection des sociétés nippones sur le continent, Masafumi Sugano l’explique au ssi pa r l e u r aversion au risque politique. Depuis la prise d’otages d’In Amenas,

le 16 janvier en Algérie, qui a entraîné la mort de dix Japonais, les groupes de Tokyo sont encore plus réticents qu’avant à investir dans le nord et l’ouest du continent. « La situation au Sahel, au Maghreb, mais aussi au Nigeria a mis un frein aux plans d’expansion », reconnaît Masafumi Sugano. INVERSER LA TENDANCE. Ce

polyglotte qui a étudié en Italie, aux États-Unis et au Royaume-Uni croit toutefois pouvoir inverser

« Dans les années 1980, on pouvait compter 26 sociétés nippones à Abidjan, contre deux aujourd’hui. »

Bio express • Né en 1977 • 1984-1987 Vit à Abidjan, Abidja expatrié avec sa famille • 1990-1995 Études secondaires à secondair (Italie) Milan (Itali Bachelor • 1999 Bac d’économi d’économie à Harvard (États-Un (États-Unis) • 2002 Entre au Meti comme comm conseiller conseille économique économiqu • 2006 MBA à Cambridge (Royaume(Royaume-Uni) Premier • 2010 Premie secrétaire secrétair d’ambassade à d’ambassa Johannesburg Johannesb • Depuis ju juillet 2012 Direct Directeur Afrique aau Meti

la tendance. « Nous gardons des positions importantes en Égypte et en Algérie, notamment dans l’automobile et la construction, et en Angola dans le pétrole, précise-t-il. Au Kenya et en Tanzanie, les sociétés japonaises reviennent, dans l’électronique notamment. Enfin, l’Afrique du Sud reste notre premier pays africain d’implantation, avec 126 sociétés nippones actuellement présentes là-bas. » Et l’ancien premier secrétaire d’ambassade à Johannesburg de rappeler les deux dernières grandes opérations japonaises dans la nation Arc-en-Ciel : les rachats de Dimension Data par le géant des télécoms NTT (pour 2,3 milliards d’euros) en 2010 et de Freeworld Coatings par l’industriel Kansai Paint (pour 200 millions d’euros) en 2011. Selon Masafumi Sugano, l’acquisition du distributeur automobile et pharmaceutique français CFAO par Toyota Tsusho Corporation (TTC), finalisée fin 2012, serait un signe positif pour la présence japonaise en Afrique francophone. « Nos cadres ont presque déserté cette région depuis des années, en raison de la forte concurrence des groupes européens et libanais. La meilleure manière d’y revenir était de s’associer avec l’un d’entre eux, estime-t-il. D’autres rapprochements similaires devraient suivre dans l’avenir, notamment en Afrique de l’Ouest. » ● CHRISTOPHE LE BEC

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JEUNE AFRIQUE


Décideurs COMMUNICATION

Un conseiller de marque Le Marocain Dia-Eddine Ezzaoudi, nouveau patron d’Ogilvy Africa pour la zone francophone, a pour principal client Airtel. Depuis onze ans, ce réseau télécoms est le fil rouge de sa carrière.

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explique-t-il. J’ai travaillé sur cette marque, sur les rebrandings, sur les acquisitions dans de nouveaux pays… » En 2010, lors de la revente à Bharti de l’ex-Celtel, devenu Zain entre-temps, ZK Advertising perd son principal et presque unique client. Sentant venir le changement, Dia-Eddine Ezzaoudi s’éloigne… pour mieux revenir aujourd’hui.

! SON PARCOURS l’a mené en Tanzanie, en Afrique du Sud et aujourd’hui en RD Congo.

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lus que quelques jours et Dia-Eddine Ezzaoudi, 38 ans, prendra ses quartiers à Kinshasa. L’homme de communication vient d’être recruté par Ogilvy Africa au poste de patron Afrique francophone : « business unit director francophone Africa », dans le jargon de la jeune agence de communication panafricaine née en 2010 de l’alliance capitalistique entre le kényan Scan Group et l’agence internationale Ogilvy. Dans son périmètre, six pays allant de la RD Congo au Burkina Faso. Et un client essentiel : l’opérateur de téléphonie Bharti Airtel. « Principal client d’Ogilvy Africa, Airtel souhaitait disposer dans les pays francophones où il est présent d’un relais en matière de communication », souligne celui qui a été formé à la fin des années 1990 au sein de l’école Art’Com Sup, à Casablanca. Depuis 2002, la vie professionnelle de Dia-Eddine Ezzaoudi est intrinsèquement liée à Celtel et Zain, les marques qui ont précédé Airtel avant le rachat du réseau par l’indien Bharti, en 2010. À l’époque, il quitte le Maroc, où il travaille

pour l’agence McCann, pour la Tanzanie. Il y gère le compte CocaCola, avant de récupérer le contrat Celtel dont il s’occupera, en tant que patron de la petite agence ZK Advertising, à Johannesburg, jusqu’en 2010. « Pour moi, tout cela est un mouvement unique,

Six pays dans son périmètre Burkina Faso, Congo, Gabon, Niger, RD Congo, Tchad

AFFINITÉ. « L’intérêt est que la marque Airtel est tournée vers le consommateur et le terrain africain, comme l’était Celtel », se réjouit celui qui entend participer au renforcement des liens entre Airtel et les jeunes, notamment via les réseaux sociaux. « Au-delà du travail médias classique, il faut créer une affinité au jour le jour avec le consommateur », dit-il. Le Marocain pourra s’appuyer sur une dizaine de collaborateurs par pays et compter sur la plate-forme d’Ocean Ogilvy, une agence affiliée à Ogilvy née en Côte d’Ivoire. Il entend également élargir son portefeuille. « Ogilvy Africa compte déjà d’autres clients, notamment Nestlé », précise-t-il. ● FRÉDÉRIC MAURY

ABDOULAYE MBODJI AÉROPORT BLAISE-DIAGNE L’ex-secrétaire général du ministère sénégalais des Infrastructures et desTransports prend la direction du futur aéroport international BlaiseDiagne de Diass, en remplacement d’Abdoul Mamadou Wane. JEUNE AFRIQUE

TAYEB ALAOUI EXCELIA Le nouveau DG de la filiale d’Addoha spécialisée dans l’immobilier touristique vient de Comanav Voyage. Le groupe marocain a aussi nommé Abdelkhalek Torres directeur central commercial et marketing.

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ON EN PARLE

TOM TUDOR LIQUID TELECOM Nouveau directeur marketing de l’opérateur privé d’infrastructures télécoms actif en Afrique australe et en Afrique de l’Est, il était jusqu’alors responsable du marketing de Gateway Communications. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Finance MATIÈRES PREMIÈRES

Quelques hypothèses pour 2013 Comment vont évoluer les cours internationaux cette année ? Cette question est cruciale pour de nombreux pays africains tournés vers les mines, les hydrocarbures ou l’agriculture.

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alentissement économique en Europe, inquiétude budgétaire aux États-Unis, niveau de la demande chinoise, comportement des producteurs, risques géopolitiques… Autant d’éléments qui vont peser sur les cours internationaux des matières premières en 2013. « Ils sont déjà à un niveau élevé mais, par rapport à l’année 2012, nous anticipons un léger reflux », souligne Philippe Chalmin, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et président de Cyclope, une société d’études spécialisée dans les matières premières. Sans jouer les Nostradamus, revue de détail des principales orientations à retenir pour cette année. OR VALEUR REFUGE ?

Produit notamment en Afrique du Sud, en Mauritanie, au Mali et en RD Congo, l’or est attendu en hausse (plus de 2 000 dollars l’once en 2013, soit 1 475 euros) par 80 % des dirigeants de sociétés aurifères interrogés par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers. Mais Philippe Chalmin ne partage pas l’avis des producteurs : « Nous tablons sur une baisse de 4 % du prix moyen de l’once d’or en 2013 par rapport à 2012, malgré l’intérêt des particuliers asiatiques et des banques centrales et la faiblesse des taux d’intérêt américains. L’or est déjà cher, nous ne le voyons pas à 2 000 dollars l’once, car nous prévoyons une reprise économique aux ÉtatsUnis et une croissance en Chine de 9 %. » Suivant ce scénario, le statut de valeur refuge du métal jaune perd de sa superbe. PÉTROLE MARCHÉ NERVEUX

L’or noir, actuellement autour des 117 dollars le baril de brent

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Des prix déjà élevés

(Évolution des cours depuis un an)

9 000

Cuivre ($/t)

8 000

7 000

1 800

mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. fév. 2012 2013

Or ($/once)

1 700 1 600 1 500 1 400

SOURCES : LME, BLOOMBERG, DAILY BOURSE

134

130 125 120 115 110 105 100 95 90 85

mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. fév. 2012 2013

Pétrole ($/baril de brent)

100 dollars. Le pétrole est abondant dans le monde, et le marché reste bien approvisionné. » Paul-Harry Aithnard, directeur de la recherche du groupe panafricain Ecobank, voit également l’or noir à ce niveau : « Selon nos estimations, le pétrole devrait se stabiliser autour de 100 dollars cette année. La croissance de la demande sera plus faible que les années précédentes, en raison du ralentissement en Europe et d’une croissance américaine qui ne dépassera probablement pas 2 %. » Toutefois, il faut préciser que le marché du pétrole reste particulièrement nerveux. Les opérateurs sont en effet à l’affût de la moindre nouvelle négative pouvant affecter les cours. « Au niveau des risques pesant sur l’offre, nous surveillons attentivement les aléas géopolitiques, les découvertes de grands gisements, les accidents opérationnels sur les sites pétroliers et les sources alternatives d’énergie comme le développement du gaz de schiste aux États-Unis », explique Paul-Harry Aithnard. CUIVRE DOUTES À LONG TERME

mars avril mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. fév. 2012 2013

et très important pour l’Algérie, l’Angola, la Libye ou encore le Nigeria, devrait voir son cours diminuer légèrement, comme le prévoit Philippe Chalmin : « En l’absence de crise géopolitique majeure, nous pensons que le baril de brent évoluera autour des

Les experts anticipent UN LÉGER REFLUX

des cours par rapport à 2012.

Très dépendant de la demande chinoise, le cours du cuivre devrait se maintenir, sans toutefois atteindre les niveaux connus en 2010, année qui l’avait vu franchir le seuil record des 10 000 dollars la tonne. Léopold Michallet, analyste au sein de la société de gestion parisienne Prim’ Finance, explique : « L’offre de cuivre est en déficit, d’après plusieurs organismes internationaux. La production a du mal à suivre, en raison de teneurs en minerai plus faibles, de l’augmentation des coûts de production et de la multiplication des grèves. De l’autre côté, la demande chinoise reste JEUNE AFRIQUE


Baromètre forte, soutenue par les grands projets de transports ferroviaires et de réseaux électriques. Ces éléments soutiendront les cours du cuivre à court terme, tout comme la reprise économique aux États-Unis. » Et de poursuivre son analyse : « Pour le second semestre, la tendance est plus incertaine. Le ralentissement en Europe, conjugué aux problèmes des finances publiques américaines, peut freiner et infléchir les prix du cuivre. » FER DÉBOUCHÉS CHINOIS

Nécessaire à la fabrication de l’acier, le minerai de fer est très présent en Afrique (Congo, G a b o n , G u i n é e, L i b e r i a ) . Malheureusement, le continent joue un rôle faible dans la formation des prix, contrairement à la Chine : « Le cours du fer devrait progresser de 9 % en raison de la demande chinoise, qui représente 60 % des importations mondiales », note Philippe Chalmin. À court terme, l’agence de notation Fitch Ratings estime que la flambée du cours du fer observée depuis début décembre 2012 (+ 30 %) va s’interrompre en raison de la faiblesse du marché de l’acier, son principal débouché.

Folle envolée nigériane VALEUR

SECTEUR

COURS au 7 février (en euros)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

United Bank for Africa

BANQUE

0,04

+ 68,93

Stanbic IBTC Lafarge Wapco First Bank of Nigeria Nestlé Nigeria Nigerian Breweries Dangote Cement Guaranty Trust Bank Guinness Nigeria Zenith Bank

BANQUE

0,07 0,35 0,09 3,93 0,79 0,67 0,12 1,40 0,10

+ 43,36 + 26,77 + 25,32 + 18,57 + 13,27 + 11,24 + 8,78 + 8,01 + 7,75

CIMENT BANQUE CONSOMMATION BIÈRE CIMENT BANQUE BIÈRE BANQUE

AVEC UNE ENVOLÉE de 18,31 % depuis le début de l’année, l’indice principal de la Bourse de Lagos continue sa course folle, après une progression spectaculaire de 35,5 % sur l’ensemble de 2012. Les 30 plus grandes capitalisations de la place nigériane avaient même bondi de 44,65 % l’année dernière. Même si l’année 2013 devrait être encore meilleure pour la première économie d’Afrique de l’Ouest, le rebond

spectaculaire enregistré depuis le milieu de l’année 2012 porte les valorisations boursières à des niveaux globalement élevés. Les valeurs bancaires, notamment, semblaient montrer début février quelques premiers signes d’essoufflement: il faut dire que plusieurs d’entre elles, dont First Bank, Access Bank et United Bank for Africa, ont vu leur cours progresser de plus de 75 % depuis le début de l’année 2012. ●

Valeur en vue NIGERIAN BREWERIES C’est le moment de céder

BLÉ, CACAO… ALÉAS MÉTÉO

Les prix des principales matières premières agricoles (blé, maïs, soja) vont varier en fonction de la pluie et du beau temps, comme à l’accoutumée. Aux États-Unis et en Russie, les semis de blé d’hiver sont d’ores et déjà dans une situation critique, ce qui risque de ne pas faire les affaires des deux plus gros importateurs mondiaux que sont l’Algérie et l’Égypte. Enfin, pour le cacao, cher au premier producteur mondial, la Côte d’Ivoire, « nous attendons une augmentation de 5 % des prix, en raison d’un déficit probable de l’offre causé par de fortes pluies en Afrique de l’Ouest », conclut Philippe Chalmin. C’est l’un des rares produits sur lequel la Chine n’a pas d’influence. ●

Finance

LA PERFORMANCE BOURSIÈRE de Nigerian Breweries sur les douze derniers mois nous amène à abaisser notre recommandation à “vendre”. En effet, nous notons une décorrélation flagrante entre le prix de l’action et le potentiel de croissance du groupe. Plusieurs éléments ont affecté l’expansion du marché de la bière en 2012 : le retrait partiel des subventions publiques sur l’essence, l’inflation prolongée et la dernière saison des pluies, plus forte que par le passé. Nous anticipons donc une chute de la croissance Andy Gboka de la demande vers un taux à un chiffre, contre 12 % Analyste chez Exotix en moyenne entre 2007 et 2011. Combiné à la mise en service de capacités additionnelles dans l’industrie, cela devrait entraîner un excès de capacité dans l’ensemble du secteur, avec des taux d’utilisation audessous de 70 %. Cette situation pourrait perdurer sur une partie de 2013, mettant sous pression les marges opérationnelles entre 2012 et 2014. De plus, les charges financières liées à l’endettement du groupe devraient tirer davantage vers le bas la croissance des bénéfices. » ● BOURSE

CA 2012 (ESTIMÉ)

COURS (7.2.2013)

OBJECTIF

Lagos

1,3 milliard d’euros (+ 12,9 %)

166,51 nairas

115 nairas

RYADH BENLAHRECH JEUNE AFRIQUE

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Culture & médias

Nadir Moknèche CINÉMA

« Avoir été censuré en Algérie a été très douloureux » Six ans après Délice Paloma, ce réalisateur déterminé revient avec Goodbye Morocco. Un polar efficace, avec en toile de fond l’évocation de sujets sociétaux tabous : homosexualité, relations interreligieuses, racisme… Propos recueillis par

N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

RENAUD DE ROCHEBRUNE

N

adirMoknècheseveutavanttout un cinéaste algérien, tournant pour ses compatriotes. Même si ses films, dès Le Harem de Mme Osmane, en 2000, ont rencontré un vaste public et un immense succès critique bien au-delà du Maghreb, en particulier en Europe. Mais voilà : n’ayant pas obtenu de visa d’exploitation pour Délice Paloma en Algérie en 2007, il s’est éloigné du pays de son enfance. Et il a choisi de tourner au Maroc son dernier film. Goodbye Morocco est un bon polar, efficace du début jusqu’à la fin. Il en possède tous les JEUNE AFRIQUE


Culture médias des ouvriers sénégalais clandestins, et où on a découvert un site archéologique dont les trésors suscitent bien des convoitises. Très bien filmé, bien interprété, en particulier par Lubna Azabal (Dounia) et surtout, dans le rôle de l’homme à tout faire de celle-ci, par Faouzi Bensaïdi, étonnant de justesse, Goodbye Morocco ne se contente cependant pas d’être un polar. Homme pondéré au look d’enfant sage mais aussi réalisateur déterminé, Nadir Moknèche a peutêtre quitté l’Algérie mais pas ses sujets sociétaux de prédilection. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avoir attendu six ans après Délice Paloma pour tourner de nouveau ? NADIR MOKNÈCHE : J’ai été très marqué par

l’interdiction d’exploitation de Délice Paloma en Algérie. Il ne s’agissait pas du marché principal du film, mais je suis toujours parti de l’idée, depuis Le Harem de Mme Osmane, que, même si je veux faire des films accessibles à tous, je tourne d’abord pour les Algériens. Avant, je me disais que j’aurais peut-être affaire un jour à la censure, mais je n’imaginais pas l’effet que cela me ferait, à quel point ce serait douloureux. Du coup, depuis la fin du tournage de Délice Paloma en août 2006, je ne suis plus rentré en Algérie. Il y a comme une cassure. Définitive ?

Je ne sais pas. J’ai été éduqué dans l’Algérie postcoloniale, celle de l’indépendance, avec l’idée qu’il faut se battre et faire des choses pour son pays et son évolution… et mon pays ne le veut pas. J’en suis là.

VINCENT FOURNIER/J.A.

Pourquoi Délice Paloma a-t-il été censuré et pas vos films précédents ?

! DÈS LE HAREM DE MME OSMANE, ce cinéaste déterminé a rencontré un vaste public et un succès critique.

JEUNE AFRIQUE

ingrédients. Un cadavre encombrant, jeté à la mer, mais qui réapparaît – celui de Gabriel, un immigré du sud du Sahara qui a payé de sa vie sa tentative de vol d’un objet d’art préislamique qui devait lui permettre de financer son départ vers l’autre rive de la Méditerranée. Une femme fatale – Dounia, une Marocaine très émancipée qui a rompu avec son mari pour vivre avec un architecte européen et qui veut à tout prix quitter son pays avec lui et son fils, resté sous la garde de son époux et qu’elle envisage donc d’enlever. Des affaires louches – notamment autour de tout ce qui touche au chantier d’un complexe immobilier de luxe où Dounia s’occupe du personnel, essentiellement

Que Délice Paloma ait été interdit et pas Viva Laldjérie en a surpris beaucoup. Mais c’est parce que les gens imaginent que le plus problématique, ce sont les scènes de sexe. En fait cela ne fait problème que pour les islamistes. Si Délice Paloma a été interdit, alors qu’il n’y a pas de scène de nu, c’est parce qu’on parle de corruption. Dans une scène, on se moque un peu d’un ministre des Droits de l’homme et de la Solidarité nationale corrompu, et cela n’est pas passé. Il semblerait qu’on touche là au cœur du système. Le cinéma, même de fiction, fait-il si peur ?

C’est en effet surprenant, mais le cinéma, en Algérie, fait plus peur, par exemple, qu’un article de presse ou un essai. On pourrait imaginer que la parole d’un intellectuel ou d’un journaliste apparaisse dangereuse. Mais un film !

Dans Goodbye Morocco, vous abordez des sujets plus ou moins tabous au Maghreb : la corruption, l’adultère, les liaisons interreligieuses, ● ● ● N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Culture médias ! LUBNA AZABAL dans Goodbye Morocco.

LES FILMS DU LOSANGE

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Filmographie

2000 Le Harem de Mme Osmane

2004 Viva Laldjérie

2007 Délice Paloma

2013 Goodbye Morocco (sortie le 13 février) N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

l’homosexualité, la présence chrétienne avant l’arrivée de l’islam, les départs de clandestins vers l’Europe…

●●●

Que ces sujets puissent être considérés comme tabous n’a pas de sens ! Imaginez qu’à Paris on débat de la loi sur le mariage pour tous alors qu’au Maghreb il ne faudrait pas parler d’une liaison ni d’un mariage entre une musulmane et un chrétien non converti ! C’est aberrant. Pour la période préislamique, je m’y intéresse depuis toujours. Cette période, surtout celle d’avant 312, dont je parle dans le film, est passée sous silence dans les pays du Maghreb. Mais elle est très riche et très importante. Je ne vois pas pourquoi notre histoire, surtout en Algérie, devrait en être amputée. Quant aux harraga, il me suffit de penser que, si j’avais été obligé de rester en Algérie, je serais sans doute devenu l’un d’entre eux pour être désireux d’en parler. Vous évoquez également la question des migrants noirs…

J’ai été frappé ces dernières années par la façon dont les pays du Maghreb traitent les immigrés africains. Les Algériens les expulsent au Maroc et vice versa. Les Maghrébins se plaignent d’être mal reçus en Europe et ils font la même chose avec des Africains. Est-ce qu’il y a un rapport avec ce qu’a été autrefois l’esclavage des Noirs par les Arabes ? Sur le tournage de Goodbye Morocco, on faisait manger à part les Sénégalais qui jouent dans le film. C’est l’un d’entre eux qui est venu me le faire remarquer et il a fallu que j’intervienne auprès du régisseur pour qu’on mange tous ensemble dans la même cantine… Pourquoi avoir choisi, s’agissant de l’homosexualité, d’évoquer une liaison entre un Européen et un Nigérian ? À Tanger, en général, ce genre de liaison avec les Européens concerne plutôt, dit-on, les Maghrébins…

Mais justement, je voulais éviter le cliché. De

plus, le scénario y incitait. Je tenais à ce que le personnage du Nigérian, le seul qui n’est pas sénégalais parmi les ouvriers et qui ne parle pas le wolof, le seul aussi qui est chrétien, soit différent jusqu’au bout. Ce qui explique que c’est lui qui va vivre un martyre et être tué. Car il est doublement étranger – ni maghrébin ni sénégalais – et il peut disparaître sans qu’on s’en inquiète tout de suite. Dans ce film comme dans tous les précédents, vous vous préoccupez beaucoup de la condition féminine. Est-ce lié à votre histoire personnelle ?

Cela est venu tout seul au cours de l’écriture du scénario. Ce n’était pas une volonté délibérée dès le départ. On peut toujours chercher des raisons pour expliquer un choix. Il est vrai que j’ai perdu mon père très tôt, à l’âge de 3 ans, et que j’ai été élevé par une femme seule, qui a choisi de ne pas retourner chez son père et de ne pas se remarier comme l’aurait voulu la tradition. Cela m’a évidemment marqué. D’ailleurs je me suis rendu compte récemment que je n’avais jamais dit autour de moi avant l’âge de 14 ans que je n’avais plus de père, de peur sans doute de paraître vulnérable. Pour mes amis, mon père était toujours en mission… Mais de toute façon, le problème de la femme est obsessionnel au Maghreb, et c’est de pire en pire. On a reculé par rapport à la situation des années 1960. Regardez ce qui se passe en Tunisie ou, plus encore, en Égypte. On voit resurgir une sorte de peur viscérale de la femme.

Vous avez été acteur avant de réaliser des films. Jamais de regret à ce sujet ?

C’est un concours de circonstances qui m’a amené à réaliser. Mais j’aime bien faire des images et raconter une histoire. Ce que je trouve jouissif. Le cinéma m’a fait beaucoup de bien, m’a guidé dans la vie, m’a changé. Beaucoup plus que la littérature. Je lui suis redevable de beaucoup de choses. Donc aucune raison de regretter quoi que ce soit. ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

Sur les pas de Ramsès

Figure emblématique du hip-hop malien, le leader de Tata Pound se met en scène dans un portrait musical où il apparaît comme un formidable acteur.

S

avoixpuissanteenvahitl’espace. d’intérêt que s’il est engagé, s’il incite à Ramsès Damarifa apparaît au un changement de mentalité et surtout milieu des spectateurs, sur un s’il parle au plus grand nombre. » rap décoiffant, « Vert, jaune, Ramsès (un clin d’œil au groupe I Am, rouge », à la gloire du drapeau malien. Il dont les membres ont des pseudonymes vient d’interrompre Soumaoro, qui raconempruntésàl’Égypteancienne)sesouvient tait l’histoire du roi forgeron, dont ils sont que le succès s’est invité dès le premier album de Tata Pound, enregistré à Dakar tous deux des descendants. Mis en scène par François Ha Van, Plus fort que mon en 2000, grâce au titre « Confrontation ». Le père met en lumière les liens profonds et rappeur y exhortait les politiques à s’unir, parfois conflictuels qui se nouent entre malgré leurs différends, pour éviter au l’histoire ancienne du Mali et les aspirapays de sombrer dans le chaos. Sa plus tions des jeunes chanteurs d’aujourd’hui. Les protaDes textes en bambara ou en gonistes défendent chacun mandingue, des instruments son point de vue sur ce que traditionnels pour un rap africain. doit être une mélodie, quels instruments utiliser… puis finissent par s’accorder et créer une changrande réussite? « Être parvenu à fédérer son en duo, entre tradition et modernité. plusieurs générations autour de chanInitiée par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, sons souvent interdites de diffusion sur les cofondateur de la troupe franco-malienne antennespubliques»,assure-t-il.Lestextes BlonBa, cette pièce est aussi et avant tout la de Ramsès disent la fierté et rappellent au biographie musicale de Ramsès Damarifa. peuple malien son histoire; ils épinglent À 36 ans, cette figure du hip-hop malien les faux patriotes coupables de détournese produit dans les stades et rassemble ments de deniers publics, rendent homen moyenne 25000 spectateurs à chaque mage à ceux qui quittent leur pays à bord concert. À son compteur, six albums avec d’embarcations de fortune et y reviennent son groupe Tata Pound, un en solo et un en avion pour construire des hôpitaux. deuxième en préparation. En ces périodes de troubles, ils revêtent Sur scène, sa vie est à peine romancée, et l’on découvre comment Sidy Soumaoro – son vrai nom – s’est inspiré de la musique de son père, Idrissa Soumaoro, chanteur à succès, compagnon de route de Salif Keita et de Mory Kanté et par ailleurs professeur de chant d’Amadou et Mariam. S’il enflamme aujourd’hui Bamako de son rapsingulier,RamsèsDamarifarevendique des influences américaines (Tupac Shakur, B.G. [Baby Gangsta]…), jamaïcaine (Bob Marley) ou française (I Am). Euphorique à ses débuts, en 1996, cet originaire de Ouéléssébougou (à environ 80 km de Bamako) a longtemps imité ses idoles avant de créer un style plus personnel, où les instruments traditionnels habillent judicieusement ses textes en bambara ou en mandingue, donnant à son rap une coloration africaine. « J’ai atteint son but, se vante-t-il. Ce genre musical n’a JEUNE AFRIQUE

un accent particulier. Le rappeur se dit honoré que « Vert, jaune, rouge » soit l’un des titres les plus écoutés au Mali depuis la visite de François Hollande à Bamako. UN LOOK SAGE. Loin de lui pourtant le désirdefairesienlevocabulaireguerrierde certains de ses homologues. Il n’a d’ailleurs rien de l’image caricaturale que l’on peut se faire des rappeurs. Pas torturé pour un sou, ce diplômé de l’enseignement supérieur – comme les deux autres membres de Tata Pound (Dixon et Djo Dama) – décrit une enfance studieuse, dans une fratrie de neuf enfants. En jeans et baskets, imposant par son 1,94 m, il affiche un look plutôt sage, sans tatouages ni autre fioriture. De la panoplie bling-bling, ce célibataire, père d’une petite fille de 6 ans, ne retient que les chaînes extravagantes dont il se pare pour les besoins du spectacle. Après le succès de la comédie Bama Saba (avec Lassy King Massassy et Amkoullel) en 2010, récemment diffusée sur TV5, et la tournée actuelle de Plus fort que mon père, Ramsès Damarifa avoue envisager de persévérer dans cette voie et de devenir un acteur accompli, menant de front les deux carrières. Il est d’ailleurs l’un des principaux acteurs de la dernière création théâtrale de BlonBa, Dieu ne dort pas, créée à Bamako en 2012 et qui sera jouée à Paris en mai. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

* Plus fort que mon père, de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, mise en scène de François Ha Van, jusqu’au 17 février au Théâtre d’Ivry (région parisienne).

ð RAMSÈS DAMARIFA revendique un répertoire engagé. N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

DAVID MERLE

MUSIQUE

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Culture médias

140

plus sérieux et des plus adaptés à la réalité du terrain. Le Congolais Emmanuel Dongala et l’Algérien Boualem Sansal se retrouveront notamment pour évoquer Le festival Étonnants Voyageurs se tiendra du 13 au 17 février dans le rôle des écrivains face à la censure. Pour ceux qui ne pourraient pas profiter la capitale congolaise. L’occasion de promouvoir de nouvelles plumes. de ces cinq jours à Brazzaville « capitale littéraire », le festival innove en publiant un recueil de nouvelles – L’Afrique qui vient – manifestation dans un pays et préfère u fond, c’est le propre d’un réunissant 26 auteurs du continent. Des la concevoir en collaboration avec les voyageur : ne s’arrêter nulle acteurs culturels locaux. Sur le papier, textes bien entendu inégaux – la nouvelle part, ne s’immobiliser qu’à l’heure de la mort. Et le festival est loin d’être un genre facile – mais qui c’est déjà réussi : 90 invités venus de 23 Étonnants Voyageurs, dont la déclinaison permettentdedécouvrircertainsauteurset pays, 120 rencontres, 16 films, 4 exposid’enredécouvrird’autres.Entoutesubjectiafricaine a lieu à Brazzaville (Congo) du tions… Et il va sans dire que le festival, 13 au 17 février, se tient bien droit sur ses né à Saint-Malo (France), ne se limite pas vité, on conseillera la lecture d’En arrivant au monde du livre : la peinàBudapest,delaZimbabwéenne deux jambes (en l’occurrence les directure, la musique, le cinéma, teurs Michel Le Bris et Alain Mabanckou). NoViolet Bulawayo, lauréate du le théâtre seront tour à tour Longtemps, cette grande fête de la « littéCaine Prize en 2011. « C’est ça convoqués pour célébrer la rature monde » fut associée aux eucalyptus l’ennui avec les goyaves ; tous culture comme il se doit. du Palais de la culture, sur la rive du Niger, ces pépins constipent si on en mange trop. Et quand arrive le àBamako.Cetteépoqueestrévolue.«Nous moment de déféquer, on a très avons suivi les événements au Mali le cœur GOYAVES « Je rêve d’une belle navré, confie Michel Le Bris. Tant de liens fête : parce que la littérature mal, comme si on essayait d’acnous rattachent à ce pays, tant d’amitiés se est une fête, affirme Le Bris. coucher d’un pays », écrit-elle sont nouées dans toutes les villes où nous Une manière de se maintenir avecuneverveenthousiasmante. debout. Mais à l’instant où sommes allés depuis lacréation du festival. La relève littéraire africaine L’Afrique qui j’écris, je ne puis qu’espéN’oublions pas que celui-ci se déployait s’annonce, et c’est ce que souvient. Anthologie. rer : nous avons fait tout ce dans dix villes maliennes. La décision de haitent mettre en avant les Hoëbeke, 330 renonceràpoursuivrel’aventureaétéprise, que nous pouvions. La suite organisateurs. « Avec Alain pages, 20 euros. à contrecœur, il y a bien des mois. Compte appartient aux Brazzavillois. » Mabanckou, nous avions le tenu du non-respect de ses engagements Il y aura donc des concerts (le Malien sentiment qu’un cycle s’était achevé au par le pouvoir malien, il était illusoire d’esAmkoullel, notamment), des projections Mali et qu’il fallait maintenant engager pérer trouver un financement. » (Sur la planche, de Leïla Kilani, Nairobi une autre aventure : dire l’Afrique nouLe Mali, c’est fini, mais vive le Congo ! Half Life, de David Tosh Gitonga), des velle en train de naître, qui surgit sur la Pourquoi ce choix ? « Parce qu’Alain ateliers et des rencontres dans les écoles. scène du monde, soutient Le Bris. Une Mabanckou », répond simplement Le Mais fête ne rimant pas forcément avec nouvelle génération déboule, avec une Bris, qui refuse de « parachuter » sa insouciance, certains débats seront des folle énergie ! » ● NICOLAS MICHEL LITTÉRATURE

Rendez-vous à Brazzaville

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Très populaires auprès des téléspectateurs de la sous-région, les sitcoms burkinabè peinent pourtant à être rentables.

E

lles ont conquis le petit écran et le cœur des téléspectateurs burkinabè. En une décennie, les séries « made in Faso » sont devenues omniprésentes dans la grille de programmes de la télévision nationale (RTB), mettant fin au règne des telenovelas. Au-delà d’une consommation locale, elles s’inscrivent dans le paysage audiovisuel de la sous-région. Et au-delà, grâce à TV5, qui diffuse actuellement jusqu’à six d’entre elles. C’est à partir de l’an 2000 qu’est élaborée la recette désormais éprouvée du succès. Au fil de leurs péripéties, des personnages placés dans des situations comiques gagnent l’affection du public. Proche de la réalité, les épisodes se déroulent dans les quartiers populaires de Ouagadougou (Kadi Jolie) ou de Bobo-Dioulasso (Au royaume d’Abou, Les Bobodioufs). Depuis, les protagonistes de ces sitcoms et leurs répliques sont devenus cultes d’Abidjan à Libreville. Mais surtout, ce succès populaire a galvanisé un secteur balbutiant, si bien que plus d’une quinzaine de séries ont suivi, avec en moyenne deux nouvelles productions chaque année. « Ce qui explique ce boom, c’est que les Africains, comme tous les peuples, ont JEUNE AFRIQUE

(7 600 euros) par épisode. « Quand on est autonome sur le plan logistique, il ne reste plus qu’à trouver l’argent pour gérer les comédiens », explique Aminata Diallo-Glez, alias Kadi Jolie, le sobriquet affectueux que lui donnent ses compatriotes depuis la série éponyme qui l’a révélée, en 1999. Passée derrière la caméra, elle a créé sa propre structure, Jovial’ Productions. Super Flics, sa série policière lancée en 2008, est diffusée sur TV5 et le sera dans les 26 pays d’Afrique du réseau de Canal France International (CFI), à partir de mars. Mais après une seconde saison, l’actrice-productrice envisage de jeter l’éponge,commenombredesesconfrères. La cause, les difficultés grandissantes de rentabilité. « Nous finissons toujours chaque tournage avec des problèmes de découvert bancaire, mais nous continuons par passion », soupire-t-elle pour évoquer le maintien fragile de l’activité. DÉFICIT. « Un producteur peut se retrou-

ver avec 15 000 à 40 000 euros de déficit », constate Adama Roamba, qui vient de terminer la saison 3 de Célibatorium, du nom de ces habitations individuelles, besoin d’avoir des héros à leur image », « entrer-coucher », réunies dans une analyse Toussaint Tiendrébéogo, pionmême cour. Et même si la demande des nier du genre au Burkina, aujourd’hui fans est au rendez-vous, il jure que cette livraison achevée dans la douleur sera spécialiste des politiques et industries culturelles à l’Organisation internationale la dernière. Ces dernières années, il a de la francophonie (OIF). En 1998, alors vu se tarir les guichets traditionnels de producteur, il convainc Dani Kouyaté de financement (OIF, Union européenne et réaliser À nous la vie, la toute première ministère des Affaires étrangères français), inadaptés à un volume grandissant. série burkinabè « en réaction à Hélène Les subventions, qui avoisinaient les 60 000 euros, Un dynamisme en trompe-l’œil, ont diminué de moitié des aides moindres… ou des deux tiers. Dans le la fin d’une période bénie ? même temps, les télévisions nationales et les partenaires et les garçons », admet-il en riant. La privés locaux n’ont pas vraiment pallié sitcom qui raconte le quotidien d’une le manque à gagner. « Ils accordent tout bande d’étudiants de diverses nationaau plus 1 million de francs CFA chacun, lités africaines reçoit en 1999 un prix au regrette le réalisateur. Je crains que nous ne soyons en train de sortir de l’âge d’or Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) des productions télévisuelles. » Illusion d’une période bénie, selon et ouvre la voie à ce qui deviendra un véritable phénomène de société. Toussaint Tiendrébéogo, pour qui ce dynamisme a toujours été en trompel’œil : « Les opérateurs ne restent pas PASSION. Un chemin que ne tarderont pas à emprunter une dizaine d’opéralongtemps. Les nouveaux entrants proteurs favorisés par l’avènement progressif duisent des efforts pendant un temps, puis du numérique. Accessible, la nouvelle s’essoufflent, et d’autres leur succèdent. technologie permet une réduction Voilà ce que cache la constance de la de 30 % à 40 % des coûts de producproduction. » ● ABDEL PITROIPA, tion, ramenés à 5 millions de F CFA envoyé spécial à Ouagadougou N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Culture médias En vue

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■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

SPECTACLE

Au commencement était la danse  UN BALLET NÈGRE SANS NÈGRE.Voilàquiprésenterait en cinq mots La Création du monde, premier spectacle de

danse dit d’inspiration nègre, créé en 1923 pour les Ballets suédois par Darius Milhaud (musique), Blaise Cendrars

(livret),FernandLéger(décors) et Jean Börlin (chorégraphie). C’est à cette pièce et au regard que l’Occident porte sur

l’Afrique que s’est attaqué le Congolais (RD Congo) Faustin Linyekula. Avec subtilité et intelligence, il propose une lecture décontextualisée de la « création du monde », qu’il oppose ensuite à la version haute en couleur du ballet de 1923 reconstituée en 2000 par les Britanniques Millicent Hodson et Kenneth Archer. S’entrechoquent alors deux visions, l’une, contemporaine, qui dessine une humanité en devenir confrontée à l’altérité et l’autre, fantasmagorique, d’une Afrique mythique et exotique. ●

MATHIEU ROUSSEAU

SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

La Création du monde 1923-2012, de Faustin Linyekula avec les Ballets de Lorraine, du 12 au 14 février à l’Opéra de Lille ■■■

! L’AFRIQUE EXOTIQUE du ballet de 1923.

TUNISIE

Femmes d’exception

L’une est partie, l’autre est toujours restée, deux femmes narrent leur lien fusionnel avec leur pays.

L’énigme du retour

Sur tous les fronts

Tn, une destination en forme de gourmandise ; une poignée de caramels dont on guette l’explosion des arômes en bouche. Un amour de tn, de Dora Latiri, est le récit d’une reconstruction où il est d’abord question de lignes porteuses d’une architecture intérieure reliant l’ici et l’ailleurs. Le texte de cette enseignante de littérature à l’université de Brighton est émaillé de photographies qui saisissent ce que la mémoire enfouit, ce que formule la pensée de manière fugace et qui rend les souvenirs persistants. Entre exil et bannissement, rencontres et familiers disparus, l’auteure réinvente un équilibre teinté de nostalgie, de crainte et d’espérance. « J’aime mon pays et j’en suis partie », tout est dit, tout peut commencer. ●

Enfant, on lui avait dit que son père, l’opposant Azzedine Hazgui, était en France alors qu’il était en prison. Dans son imaginaire, elle a assimilé les geôles d’Ennadour à Paris ; longtemps elle a détesté la capitale française et la politique. Avec Valérie Urman, Dalila Ben Mbarek Msaddek revient sur un parcours atypique et révolutionnaire. Avocate, elle préfère prendre l’ascenseur social et mordre la vie à pleines dents jusqu’au 8 janvier 2011. Les exactions commises à Thala la plongent dans une réalité qu’elle n’a plus quittée. La paisible mère de famille devient militante, met sa carrière entre parenthèses et fonde un mouvement citoyen, Doustourna. Elle se mobilise contre l’émergence des fondamentalistes religieux et est sur tous les fronts pour défendre la démocratie. « J’aurais pu m’en aller, partir vivre ailleurs. Je ne l’ai pas fait », avoue Dalila Ben Mbarek Msaddek. Elle a préféré se battre. ●

FRIDA DAHMANI

Un amour de tn, de Dora Latiri, Éditions Elyzad, 120 pages, 13,90 euros, 11,900 dinars tunisiens ■■■ N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

F.D.

Je prendrai les armes s’il le faut… de Dalila Ben Mbarek Msaddek avec Valérie Urman, Presses de la Renaissance, 220 pages, 17 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE


Culture médias CINÉMA

Des bulles à la toile

À

l’occasion du 40e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui s’est tenu du 31 janvier au 3 février, les fans d’Aya de Yopougon, l’héroïne éponyme de la série conçue par la FrancoIvoirienne Marguerite Abouet et dessinée par Clément Oubrerie, ont pu assister à la projection en avant-première de l’adaptation cinématographique de la célèbre BD. Publiés entre 2005 et 2010, les six tomes de cette fresque originale nous plongent au cœur de la vie d’un quartier populaire d’Abidjan à la fin des années 1970, à travers les aventures d’une jeune femme de 19 ans qui rêve de devenir médecin, de sa famille et de ses amis. Chronique du quotidien, légère et profonde à la fois – récompensée du prix du meilleur premier album en 2006 à Angoulême – Aya décrit avec finesse et humour la société ivoirienne, en abordant, en creux, de grandes thématiques comme le travail, l’amitié, le mariage, l’homosexualité. Une réussite qui repose avant tout sur des personnages et un langage hauts en couleur. Le pari d’animer les deux premiers tomes de ce petit chefd’œuvre de la BD n’était pas une mince affaire, mais il a été largement tenu par Autochenille Production – fondée par Joann Sfar, Antoine Delesvaux et Clément Oubrerie, à qui l’on doit l’adaptation du Chat du rabbin –, tant au niveau du choix de la technique d’animation, image par image avec insertion de publicités originales de l’époque, que par le choix de la bande-son et des acteurs qui prêtent leurs voix aux personnages. Aïssa Maïga et Jacky Ido, entre autres, restituent au plus près l’esprit des dialogues originaux. Une adaptation fort réussie qui rencontrera certainement un franc succès lors de sa sortie en salle fin juillet. ● JEAN-SÉBASTIEN JOSSET, envoyé spécial

Aya de Yopougon, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, sortie le 24 juillet

■■■

Ce mois-ci, zoom sur la télévision…

ÉCRAN TOTAL ivoirienne*

3h06

le temps moyen passé chaque jour devant le petit écran.

LE PAYSAGE AUDIOVISUEL : 95 % de la population âgée de 15 ans et plus regarde la télévision tous les jours

LE LEADER : Les deux chaînes publiques, concurrentes et complémentaires, RTI 1 et RTI 2, plus jeunes et axées sur le divertissement LES PROGRAMMES QUI PLAISENT : Les JT de 13 h et 20 h sur RTI 1, et les telenovelas diffusées avant 20 h *Étude Africascope 2012 réalisée auprès d’un échantillon de 1 158 individus de 15 ans ou plus résidant à Abidjan

JEUNE AFRIQUE

Et il est comment le dernier…

… MODIANO

C

urieux attelage, se dit-on au moment où l’on se rend compte, après quelques pages, que c’est l’affaire Ben Barka qui a inspiré le dernier Modiano. Après tout, ce dernier n’a jamais montré un intérêt particulier pour le Maroc, et sa période de prédilection est plutôt celle de l’Occupation. Puis on se rend compte que « l’affaire » n’est pour Modiano qu’un prétexte. Elle a tout pour le séduire: du flou, du gris, du mouvant… Des personnages insaisissables. Rien que du vulgaire et du subalterne, disait de Gaulle. Le narrateur (on ne saura rien de lui sinon qu’il s’appelle Jean) connaît un certain Aghamouri, habitant au pavillon du Maroc à la Cité universitaire de Paris. Ce prétendu étudiant travaille en réalité pour les services secrets marocains. Il fréquente des truands bien français (Marciano, Chastagnier, Georges B. dit Rochard…) dont l’un gère des lieux louches au Maroc. Il y a aussi une certaine Dannie, rencontrée grâce à Aghamouri. Le narrateur s’éprend de cette jeune femme aux identités multiples et dont on comprend que c’est elle qui aurait tué, « par accident », l’homme politique que les truands ont enlevé. Si même Modiano a une théorie sur l’affaire Ben Barka, on n’est pas près de sortir de l’auberge… L’auberge, justement, ou plutôt l’Unic Hôtel, donne une certaine unité de lieu à l’histoire – s’il y en a une. C’est là que le narrateur entrevoit les protagonistes, de temps à autre, la nuit de préférence ou les matins blêmes. Il se retrouve parfois quai de Gesvres, à répondre aux questions d’un inspecteur de police qui enquête sur un meurtre – ou peut-être sur

autre chose. Le récit se déroule au rythme des souvenirs, des doutes et des repentirs comme une hallucination agitant mollement une purée de pois. On ne sait pas où on va, mais on suit, fasciné, Modiano parce qu’il y a la fameuse « petite musique », parce que nous sommes des najas et que c’est lui qui fait susurrer la flûte. On ne comprend rien mais on hoche la tête. On marche, on lit, on rêve.

L’Herbe des nuits, de Patrick Modiano, Gallimard, 178 pages, 16,90 euros ■ ■ ■

Et puis tout s’écroule. Les fétus de paille auxquels le lecteur croyait s’accrocher, imaginant une histoire, une intrigue, Ben Barka expliqué aux ectoplasmes, eh bien ces fétus filent au fil de l’eau. Il n’y a plus rien, aucune certitude. Le narrateur assène à Dannie: « Tu n’es pas née à Casablanca, comme tu me l’avais dit […]. Tu es née à Paris pendant la guerre, deux ans avant moi. » Et c’est ainsi que le Maroc s’efface, tout doucement, et va rejoindre dans la pénombre les autres lieux mi-réels, mi-imaginaires, qui obsèdent Modiano et qui constituent le décor évanescent de ses récits. Celui-ci ne détonne pas dans la série. Vous qui aimez Modiano depuis Mathusalem, vous adorerez ce livre. Les autres passeront leur chemin. ● FOUAD LAROUI N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) Commission des Forêts d’Afrique Centrale - (COMIFAC)

Banque Africaine de Développement (BAD)

Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo Unité de Gestion du Programme (UGP)

Appel d’offres - Manifestation d’intérêt

MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 01/UGP/COMIFAC/CEEAC/FAD/13 EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE RESTREINTE DES ONGs POUR LA MISSION D’ÉLABORATION DES PLANS DE DÉVELOPPEMENT LOCAL DANS LES ZONES COMMUNAUTAIRES DES PAYSAGES DU (PACEBCo)

1°) La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) a obtenu un Don auprès du Fonds Africain de Développement (FAD) en différentes monnaies afin de couvrir le coût du Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce Don pour financer le contrat à conclure dans le cadre d’une mission d’élaboration des plans de développement local dans les zones communautaires des paysages du programme. 2°) Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : (i) Elaborer une feuille de route et un calendrier d’élaboration des plans de développement local, (ii) Rédiger les plans de développement des entités administratives qui comprennent les zones communautaires des paysages concernés (iii) Organiser en collaboration avec l’UGP les ateliers de concertation des parties prenantes et de validation, (iv) Produire les rapports définitifs de fin mission. 3°) Le Programme d’Appui à la Conservation des Ecosystèmes du Bassin du Congo (PACEBCo) invite par conséquent les ONGs à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les ONGs intéressées doivent produire les informations sur leur capacité et expérience techniques et logistiques démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, qualifications et disponibilités, etc…). 4°) Les expressions d’intérêt devront être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 22 février 2013 à 15 heures et porter expressément la mention : « MANIFESTATION D’INTÉRÊT EN VUE DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE LISTE

RESTREINTE DES ONGs POUR LA MISSION D’ÉLABORATION DES PLANS DE DÉVELOPPMENET LOCAL DANS LES ZONES COMMUNAUTAIRES DU PACEBCo » : 5°) Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement (Edition Mai 2008), qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par une ONG n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 6°) Les ONGs intéressées peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivants : de 9 heures à 15 heures, heures locales. A l’attention de : Monsieur le Secrétaire Général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale, Représentée par l’Unité de Gestion du Programme PACEBCo. B.P. 35133 Bastos, Yaoundé - Cameroun Tél : (+237) 22 20 48 01/22 20 48 02. Fax : (+237) 22 20 48 03. Courriel : info@pacebco-ceeac.org, bihini.won.musiti@pacebco-ceeac.org, Site Internet : www.pacebco-ceeac.org Yaoundé le 5 février 2013 POUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CEEAC BIHINI WON wa MUSITI Coordonnateur Régional du PACEBCo

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE - OFFICE NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT DE LA RIZICULTURE

PROJET D’AMÉNAGEMENT HYDRO-AGRICOLES DANS LES RÉGIONS DU HAUT SASSANDRA ET DU FROMAGER - PHASE II RÉPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE Union-Discipline-Travail

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT N° T 10./2013

1. Le Gouvernement de la République de Côte d'Ivoire a reçu un financement ISTISNA’A de la Banque Islamique de Développement (BID) en différentes monnaies équivalant à 10,47 Millions de Dinars Islamiques (15,79 Millions US$) pour contribuer au financement du coût du Projet d’Aménagements Hydro-Agricoles dans les Régions du Haut Sassandra et du Fromager – Phase II et a l'intention d'allouer une partie de ce financement aux contrats pour lesquels le présent Appel d’Offres est publié. AUTORITÉ CONTRACTANTE 2. Le présent Appel d’Offres International est lancé par le Ministère de l’Agriculture de la République de Côte d’Ivoire. OBJET, ALLOTISSEMENT ET DÉLAI D’EXÉCUTION 3. Le présent Appel d’offres a pour objet la construction de trois (3) barrages en terre de retenue d’eau et l’aménagement de trois cent trente deux (332) ha nets de terres en aval dans les départements de Daloa et de Vavoua. Les travaux, objet du présent appel d’offres, sont répartis en deux (2) lots qui comprennent : Lot n°1 : Travaux de construction de deux (2) barrages en terre de retenue d’eau de Babadou et Gnah, et l’aménagement de 169 ha nets de terres en aval ; Lot n°2 : Travaux de construction d’un (1) barrage en terre de retenue d’eau de Drouplé et l’aménagement de 163 ha nets de terres en aval. 4. Le délai maximum d’exécution des travaux est de dix huit (18) mois hors saison de pluies pour chaque lot à compter de la date de notification de l’ordre de service de démarrage. 5. Les Soumissionnaires intéressés sont autorisés à présenter, selon leur choix, une offre pour au moins un lot. CONDITIONS DE PARTICIPATION 6. Le présent appel d’offres International s’adresse à égalité de conditions aux entreprises des Pays Membres de la Banque Islamique de Développement expérimentées dans ce type de travaux. CAUTIONNEMENTS PROVISOIRES 7. Les soumissionnaires devront joindre à leurs offres, un cautionnement provisoire établi exclusivement par une banque, agréée par le Ministère chargé de l’Economie et des Finances. Ce cautionnement provisoire est fixé à : - Soixante Cinq Millions (65 000 000) de Francs CFA pour le Lot 1 ; - Cinquante Cinq Millions (55 000 000) de Francs CFA pour le Lot 2. Le cautionnement provisoire devra rester valable au moins vingt huit (28) jours après la période de validité des offres. FINANCEMENT 8. Les marchés issus de cet appel d’offres sont financés comme suit : - Banque Islamique de Développement (BID– Accord ISTISNAA 2IVC 0019) : 100% HTVA - Etat de Côte d’Ivoire : 100% TVA (taux= 18%) et tout dépassement du montant de l’estimation initiale du coût des travaux en HTVA Imputation Budgétaire : N° 837 9502 30 221

N° 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT

DÉLAI DE VALIDITÉ DES OFFRES 9. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pendant un délai de Cent Quatre Vingt (180) jours, à compter de la date limite de remise de ces offres. CONSULTATION ET ACQUISITION DU DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le dossier d’appel d’offres peut être consulté tous les jours ouvrables de 7h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30 du lundi au vendredi à l’adresse suivante : Office National de Développement de la Riziculture (ONDR) Abidjan Plateau, Angle Rue Paris Village, Avenue Botreau Roussel - 01 BP 147 ABIDJAN 01 Tél. : (225) 20-22-50-61 / 20-22-80-00 poste 127 - Fax: (225) 20-22-80-01 Pour plus d’informations s’adresser à l’Unité d’Exécution du Projet à Daloa : B.P 139 Daloa - Tel : (225) 32 78 80 82/ 02 24 89 23 - Fax : (225) 32 78 80 83 - E-mail : pamhahsf@yahoo.fr Les Soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’Offres complet (comprenant les deux lots) contre paiement d’une somme non remboursable de Cinq Cent mille (500 000 F) francs CFA. REMISE DES PLIS 10. Toutes les offres doivent être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le Mercredi 20 Mars 2013 à 12 heures au 1er étage de l’Office National de Développement de la Riziculture, situé à Abidjan Plateau, Angle Rue Paris Village, Avenue Botreau Roussel, 01 BP 147 ABIDJAN 01 ou à la Commission d’Ouverture des plis et de Jugement des Offres (COJO) le Jeudi 21 Mars 2013 au plus tard à 09 heures dans la salle de Conférence de la préfecture de Daloa. Elles seront présentées sous double enveloppe fermée et dans le strict respect des prescriptions du règlement particulier d’appel d’offres. OUVERTURE DES PLIS 11. L’ouverture des plis s’effectuera par la Commission d’Ouverture des plis et de Jugement des Offres (COJO) en séance publique le Jeudi 21 Mars 2013 à 09 heures 30 minutes dans la salle de conférence de la préfecture de Daloa AFFICHAGE DES RÉSULTATS 12. Les résultats du présent appel d’offres seront publiés dans le bulletin officiel des marchés publics et affichés dans les locaux de la Direction Régionale des Marchés Publics à Daloa ainsi qu’au siège de l’ONDR à Abidjan - Plateau. DROITS D'ENREGISTREMENT 13. Les marchés issus du présent appel d'offres seront soumis aux formalités de timbres et d'enregistrement aux frais du titulaire. LÉGISLATION RÉGISSANT LE MARCHÉ 14. Le présent appel d'offres est soumis aux lois et règlements en vigueur en Côte d'Ivoire, notamment au décret n°2009-259 du 06 Août 2009 portant CODE DES MARCHÉS PUBLICS et ses textes d’application.

JEUNE AFRIQUE


MINISTÈRE DES TRANSPORTS --------------PORT AUTONOME D’ABIDJAN Une Référence Internationale

RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE UNION - DISCIPLINE - TRAVAIL

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N°T 16 /2013 LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION DU MÔLE DU PORT DE PÊCHE

ARTICLE 1 : AUTORITÉ CONTRACTANTE Le présent appel d’offres international est lancé par le PORT AUTONOME D'ABIDJAN. ARTICLE 2 : OBJET Le présent appel d’offres international a pour objet les travaux de construction du môle du port de pêche. ARTICLE 3 : NATURE DU MARCHÉ ET ALLOTISSEMENT Le marché sera passé sur prix unitaire. Les travaux, objet du présent appel d‘offres, seront exécutés en lot unique. LOT

DÉSIGNATION

DÉLAI MAXI

LOT Unique

Travaux de construction du môle du port de pêche

dix huit (18) mois

ARTICLE 5 : CAUTIONNEMENT PROVISOIRE Les soumissionnaires devront joindre à leurs offres, un cautionnement provisoire établi par une banque, un organisme financier ou un tiers agréé par le Ministère de l’Économie et des Finances. Ce cautionnement provisoire est fixé à cent cinquante millions (150 000 000) de francs CFA. ARTICLE 6 : FINANCEMENT Les travaux sont financés sur le Budget du Port Autonome d’Abidjan, ligne 233 810. ARTICLE 7 : DÉLAI DE VALIDITÉ DES OFFRES Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pendant un délai de 120 jours, à compter de la date limite de remise de ces offres. ARTICLE 8 : DOSSIER D’APPEL D’OFFRES Le dossier d’appel d’offres peut être retiré a l’adresse suivante : DIRECTION GÉNÉRALE DU PORT AUTONOME D’ABIDJIAN, DIRECTION DES MARCHÉS Zone portuaire, Boulevard du Havre

JEUNE AFRIQUE

ARTICLE 9 : REMISE DES PLIS Les offres seront déposées au plus tard le 19 mars 2013 avant 9 heures 00 minutes à la salle de Conférence de la Direction des Participations et de la Privatisation, Tour Administrative C, 14ème étage, Plateau. Elles seront présentées sous double enveloppe fermée et dans le strict respect des prescriptions du règlement particulier d’appel d’offres. ARTICLE 10 : OUVERTURE DES PLIS L'ouverture des plis s'effectuera par la Commission d'Ouverture des plis et de Jugement des Offres (COJO) en séance publique le 19 mars 2013 à 9 heures 30 minutes à la salle de Conférence de la Direction des Participations et de la Privatisation, Tour Administrative C, 14ème étage. Plateau. ARTICLE 11 : PUBLICATION ET AFFICHAGE DES RÉSULTATS Les résultats du présent appel d’offres seront publiés dans le Bulletin Officiel des Marchés Publics de la République de Côte d’Ivoire et affichés à l’adresse suivante : DIRECTION GÉNÉRALE DU PORT AUTONOME D’ABIDJIAN, DIRECTION DES MARCHÉS Zone portuaire, Boulevard du Havre 22, rue des piroguiers - Boîte Postal V 85 - ABIDJAN Tél. : (225) 21 23 80 11/85 30 ARTICLE 12 : DROITS D'ENREGISTREMENT ET DE REDEVANCE DE RÉGULATION Le(s) marché(s) issu(s) du présent appel d'offres sera(seront) soumis aux formalités de timbres d‘enregistrement et de redevance de régulation (0,5% du montant hors taxe) aux frais du titulaire du marché. ARTICLE 13 : LÉGISLATION RÉGISSANT LE MARCHÉ Le présent appel d‘offres est soumis aux lois et règlements en vigueur en Côte d’Ivoire, notamment au décret n°2009259 du 06 août 2009 portant CODE DES MARCHÉS PUBLICS et ses textes d’application.

N° 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Appel d’offres

ARTICLE 4 : CONDITIONS DE PARTICIPATION Le présent appel d’offres est ouvert à toutes personnes physiques ou morales aptes à réaliser dans les conditions requises les travaux, objet du présent appel d’offres, pour autant qu‘elles satisfassent aux conditions et règlements en vigueur en Côte d’Ivoire.

22, rue des piroguiers - Boite Postal V 85 - ABIDJAN Tél. : (225) 21 23 80 11/85 30 Contre paiement d’une somme forfaitaire non remboursable de Cinq cent mille (500 000) francs CFA.


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Annonces classées

www.sai2000.org

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL

COURS INTENSIFS D’ANGLAIS

L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance un Appel d’Offres Ouvert pour la réhabilitation du système de production et de distribution de l’énergie électrique, du réseau de télécommande et l’amélioration de la protection foudre des bâtiments techniques et administratifs de l’aéroport d’Abidjan (Côte d’Ivoire).

École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access

Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Deux Cent Mille (200 000) FCFA, soit Trois Cent Quatre Euros Quatre Vingt Dix Centimes (304,90 €) à partir du 04 février 2013 au Département Ingénierie et Prospective de l’ASECNA à Dakar, BP 8163 Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal), à la Délégation de l’ASECNA à Paris – 75, Rue de la Boétie 75008 Paris Cedex 08 (France) ou à la Représentation de l’ASECNA auprès de la République de Côte d’Ivoire.

• Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922

La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) à Dakar, BP 8163, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 21 mars 2013 à 11 heures, heure locale (GMT). Aucune offre arrivée hors délai ne sera acceptée. L’ouverture des offres en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour (21 mars 2013) à 12 heures, heure locale (GMT).

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Une première banque commerciale au Nigéria est en cours d'exécution des initiatives stratégiques afin de consolider sa position de leader sur le marché et de tirer parti de la croissance émergente envisagées dans les économies en développement à travers l'Afrique subsaharienne. En conformité avec cette conduite, la Banque étend ses activités en Afrique subsaharienne - dans les pays anglophones et francophones, et a commencé à acquérir des participations importantes dans quelques-unes des principales institutions financières en République démocratique du Congo (RDC), au Sénégal, la Gambie, le Ghana et la Sierra-Leone. Pour son acquisition en RDC, la Banque est désireux de recruter un directeur général français(e) (connaissances et aptitudes en anglais est également désireux) avec des compétences reconnues en leadership, son expérience et ses connaissances techniques, ainsi que des antécédents solides de succès et de réussite. Relevant du conseil d'administration, le candidat retenu aura la responsabilité des opérations du P & L entiers au Congo, et de superviser la mise en œuvre et la gestion des opérations quotidiens de la Banque. Les responsabilités spécifiques incluent : • Assurer un leadership et une orientation stratégiques à toute l'équipe et superviser toutes les activités de la Banque. • Mettre en place des actuels et des objectifs à long terme, des plans et des politiques de la Banque, conformément aux directives et approuvé par le conseil d'administration. • L'exercice des responsabilités de gestion au cours de la Banque d'exécuter ses obligations statutaires pour les parties prenantes. • Planifier et exécuter une stratégie de marché pénétrante qui va propulser les différents services de la Banque et des produits offerts à la tête de l'industrie. • Instituer un cadre de fonctionnement / plans d'action définis avec des objectifs, des cibles et la responsabilité de contribuer à la réalisation des services de la Banque et des stratégies d’opérations. • Veiller à la mise en œuvre des normes de service forte, un excellent service à la clientèle et d'assurer la correction de toute perception négative de services de la Banque dans la région. JEUNE AFRIQUE

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N° 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Recrutement

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Recrutement - Formation

Concours de Recrutement au « Master en Développement » (Promotion 2013-2015) L’Université Senghor lance, pour la rentrée 2013, un concours d’entrée au programme du Master en Développement dans 9 spécialités : Management de Projets ; Gouvernance & Management Public ; Gestion du Patrimoine Culturel ; Gestion des Industries Culturelles ; Communication et Médias, Gestion de l’Environnement ; Gestion des Aires Protégées, Santé Internationale et Politiques Nutritionnelles. Conditions d'admission et Dossier de candidature • Être âgé de moins de 36 ans, le 1er septembre 2013 ; • Être titulaire d’une licence ou d’un diplôme équivalent et faire état d’une expérience professionnelle pertinente d’un an au minimum ; • Réussir les 3 étapes du concours d’entrée au Master en Développement : examen du dossier de candidature rempli obligatoirement en ligne sur le site de l’Université ; épreuve écrite et entretien oral avec un représentant de l’Université. Les dossiers de candidature doivent être remplis obligatoirement en ligne sur le site Internet de l’Université Senghor : www.usenghor-francophonie.org, avant le jeudi 7 mars 2013. Modalités pratiques À l’issue du concours de recrutement, l’Université Senghor offre aux candidats définitivement admis, âgés de moins de 36 ans au 1er septembre 2013, 120 bourses couvrant les frais de vie à Alexandrie (hébergement à Alexandrie, repas du midi, assurance médicale, transport à l’Université) et les frais de stage. Les candidats boursiers de l’Université Senghor auront uniquement à s’acquitter d’un droit d’inscription de 500 €. Par ailleurs, l’Université Senghor inscrira des candidats admissibles supplémentaires n’ayant pas été classés pour l’obtention d’une bourse mais qui sont en mesure d’assumer les droits d’inscription ainsi que les frais de vie qui se montent à 2500 €, pour l’année académique 2013-2014, couvrant l’hébergement à Alexandrie, les repas du midi, une assurance médicale, les transports à l’Université. Les étudiants non-boursiers de l’Université Senghor devront en outre, assurer la totalité de leurs frais de stage. Les frais de scolarité sont gratuits pour tous les étudiants inscrits à l’Université Senghor. Pour tout renseignement, contactez : Université Senghor - Concours de Recrutement 1, Place Ahmed Orabi El Mancheya - B.P. 21111 415 Alexandrie – Égypte Téléphone : + (203) 48 43 374 - Télécopieur : + (203) 48 43 479 Courriel : concoursderecrutement@usenghor-francophonie.org www.usenghor-francophonie.org

APPEL DE CANDIDATURES POUR LE RECRUTEMENT DE JEUNES DIPLÔMES La Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC), est une institution financière internationale commune aux quinze (15) états membres de la CEDEAO, basée à Lomé, en République Togolaise. Dans le cadre du lancement de son programme de jeunes diplômés, la BIDC souhaite recruter des jeunes diplômés des universités et grandes écoles de la sous-région ouest africaine et de la diaspora. CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ Peuvent postuler à ce programme, les candidats ressortissants des pays membres de la CEDEAO remplissant les conditions suivantes : • être âgés de 30 ans au plus lors du recrutement ; • être titulaire d’un diplôme d’études supérieures de type bac +5 (MASTER, DESS) ou un diplôme équivalent en adéquation avec les opérations de la Banque, notamment les finances, la gestion des risques, les infrastructures, le secteur privé, le secteur public, l’audit, gestion passif/actif, conseils juridiques ou dans tout autre domaine d’études pertinent pour les opérations de la Banque ; Le détail de cet avis de recrutement est disponible sur le site internet de la Banque http://www.bidc-ebid.org/ Les dossiers de candidatures doivent être envoyés ou déposés par lettre ou courrier électronique au plus tard le 29 mars 2013 à l’adresse suivante : BANQUE D’INVESTISSEMENT ET DE DÉVELOPPEPENT DE LA CEDEAO (BIDC) Département de l’administration et des ressources humaines Programme de recrutement des jeunes diplômés 128, Bd. du 13 janvier BP 2704 Lomé – Togo _ E-mail : recrutement@bidc-ebid.org N.B. : Seuls les candidats présélectionnés seront convoqués pour les tests. La BIDC se réserve le droit de ne donner aucune suite au présent avis de recrutement.

Invites Applications for Visiting Scientist for the CCAFS West Africa Regional Program The CGIAR Research Program for Climate Change, Agriculture and Food Security (CCAFS) based at ICRISAT seeks applications for a Visiting Scientist for its West Africa Regional Program to be based at ICRISAT, Bamako – Mali. The position is for a period of two years. CCAFS is a new major collaborative endeavor involving the Consultative Group on International Agricultural Research and the Earth System Science Partnership, research communities, and their respective partners, whose major research objective is aimed at mitigating the additional threats posed by a changing climate to achieve food security, enhance livelihoods and improve environmental management in the developing world. CCAFS, with its respective partners, brings together the world's best talent in agricultural science, development research, climate science and Earth System science (www.ccafs.cgiar.org), whose initial focus is on three regions – East Africa, West Africa and the Indo Gangetic Plains- to carry out its research. The Job: The Visiting Scientist, under the direct supervision of the CCAFS Regional Program Leader (RPL), will be a member of the ICRISAT multi-disciplinary team. His/Her duties and responsibilities will include (but not limited to) to assist the RPL in: • Analyzing household surveys in 5 CCAFS pilot sites in West Africa (Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger and Senegal) and publishing results in peer-reviewed international journals; • Conducting reviews and synthesis of knowledge and contributing to CCAFS strategic research portfolio within his/her areas of expertise; • Assist in reviewing and editing of CCAFS reports and projects outputs; • Contribute to CCAFS promotion through strategic communications and outreach • Other responsibilities as may arise in the course of time. The Person: Qualifications and skills Applicants must have a PhD in socioeconomics/farming systems or related discipline (agricultural economics) and should have advanced skills in one or more of the following areas: household surveys, data collection and analysis, econometric analysis. Furthermore, applicants should have: N° 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

• At least 2 years post PhD experience (with emphasis on quantitative socio-economic survey, analysis of livelihood systems, etc.); • Field experience in conducting quantitative and qualitative household survey and data collection and analysis in developing countries (using participatory research tools and methods); • Experience working with complex household data sets from developing countries containing data on household food security, assets, agriculture, etc., and using household survey data for econometric and statistical analyses; • excellent writing and communication skills in both French and English; • Excellent publication record in peer-reviewed journals relevant to the job; • Fluency in spoken and written French and English is essential; • Strong statistical skills, knowledge of computer applications and software for data management and analysis; • Experience in working with a wide range of stakeholders and interest to work in interdisciplinary team; • Experience in mainstreaming and/or advocating on climate change gender-related issues would be an advantage. For more details on CCAFS and ICRISAT please visit our websites at http://www.ccafs.cgiar.org and www.icrisat.org Application : Applicants should address a cover letter explaining their interest in the position, what they can bring to the job, an up-to-date resume with the names and addresses (including telephone and email) of three referees who are knowledgeable about the candidate’s professional qualifications and work experience. Email your application to b.belemgoabga@cgiar.org by 20 February 2013. The position title and reference number: Visiting Scientist - VS/CCAFS/WA/2013 should be clearly marked on the subject line of the application. Only short listed candidates will be contacted. ICRISAT is an equal opportunity employer and encourages gender and nationality diversities

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ANNONCE LÉGALE Premier fonds sous régional de capital-investissement dont l’activité a couvert les 8 pays de l’UEMOA, le fonds CAURIS INVESTISSEMENT, Société Anonyme avec Conseil d’Administration au capital de 2.000.000.000 F CFA, inscrite au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) du Togo sous le numéro 1995 B 2665, Etablissement Financier suivant Agrément n° T 0075 Q de la Commission Bancaire de l’UMOA, ayant son siège social au 68, avenue de la libération (Immeuble BOAD), B.P. 1172 Lomé (TOGO), Téléphone : (228) 22 22 69 40, Télécopie : (228) 22 22 59 64, a été constitué en 1995 à l’initiative et sous le parrainage de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour une durée de vie initiale de 20 années. La volonté de structurer le fonds CAURIS INVESTISSEMEN SA sous gestion de Cauris Management conformément aux standards internationaux a conduit le Conseil d’Administration du fonds en sa session du 03 mars 2004, sur proposition de la société de gestion Cauris Management S.A., à approuver le Plan Stratégique 2004-2010 qui prévoyait notamment la réduction de la durée de vie de 20 ans à 16 ans conduisant ainsi à la dissolution anticipée du fonds CAURIS INVESTISSEMENT avec l’arrêté des comptes de l’exercice 2010. Il ressort des seize (16) années d’activités du fonds CAURIS INVESTISSEMENT, société en liquidation, le bilan ci-après : - 30 PME/PMI financées au sein de l’UEMOA ; - 2 210 emplois directs créés ou sauvegardés ; - Un montant total remboursé aux Investisseurs/actionnaires de 12 312 millions de FCFA, soit un multiple de 2,46 et TRI net de 6,7 % ; - 2 nouveaux fonds levés par Cauris Management, en 2006 et 2010 pour un montant global de 50 milliards F CFA pour continuer à soutenir les PME/PMI de la sous région ouest africaine. Un plan de clôture a été adopté par l’Assemblée Générale des actionnaires le 30 avril 2010 et transmis à la Commission Bancaire de l’UMOA le 31 mai 2010. En date du 27 mai 2011, une demande volontaire de retrait d’agrément a été adressée au Ministre de l’Economie et des Finances du Togo conformément à la règlementation bancaire en vigueur. Aussi, en date du 07 février 2012, et faisant suite à la Décision n° 606/CB/C du 13 décembre 2011 de la Commission Bancaire de l’UMOA donnant un avis favorable à la demande volontaire de retrait d’agrément du 27 mai 2011, le Ministre de l’Economie et des Finances du Togo a pris l’arrêté n° 016/MET/SG/DE portant retrait d’agrément et mise en liquidation du fonds CAURIS INVESTISSEMENT SA.

Aux fins d’inventaire et d’apurement du passif, tous les créanciers ou ayants droits des créanciers du fonds CAURIS INVESTISSEMENT SA, société en liquidation, sont priés de bien vouloir produire formellement leurs créances, documents justificatifs y joints, dans un délai de trente (30) jours à compter de la présente annonce légale. Les productions de créances et toutes autres notifications doivent être faites à l’adresse du Liquidateur unique ci-dessus indiqué. Le dépôt des actes et pièces relatifs à la liquidation sera effectué, en annexe du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) au greffe du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Lomé. La présente annonce légale est faite à toutes fins que de droit conformément aux dispositions de l’article 9 de la Circulaire n° 0072011/CB/C du 04 Janvier 2004 de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de l’ article 266 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique. Pour le fonds CAURIS INVESTISSEMENT SA, société en liquidation ; LE LIQUIDATEUR UNIQUE AQUEREBURU & PARTNERS

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com JEUNE AFRIQUE

SHIELDAFRICA 2013 Pour la première fois en Afrique Sub-saharienne, un événement réuni décideurs et professionnels en matière de Sécurité Intérieure et de Défense. Le Salon International de la Défense et de la Sécurité Intérieure se tiendra à Abidjan - Côte d'Ivoire les 28, 29 & 30 Mai 2013 sur le thème : les trafics d’êtres humains Accès étant strictement réservé aux professionnels et aux invités institutionnels. Contact (exposants/presse/invités) F. Eskin +22508760072 fabienne@competences-sarl.com (Afrique) C. Philippe-Jolivel +33618333348 cpj@competences-sarl.com (hors-Afrique) www.shieldafrica.com N° 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

Annonce légale - Divers

Par arrêté n° 006/MEF/CAB/SG/DE en date du 16 Janvier 2013 portant nomination du liquidateur de l’établissement financier « CAURIS INVESTISSEMENT », le Ministre de l’Economie et des Finances du Togo a nommé la Société Civile et Professionnelle AQUEREBURU & PARTNERS, société d’Avocats, Juridique et Fiscal, sise au 777, Avenue Kleber DADJO (Immeuble ALICE), B.P. : 8989 Lomé – TOGO, Tél. : (00228) 22 21 05 05, Télécopie (00228) 22 22 01 58, E-mail : scpaquereb@gmail.com, agissant poursuites et diligences de son Gérant, Maître AQUEREBURU Coffi Alexis, Avocat à la Cour, liquidateur unique de la société CAURIS INVESTISSEMENT S.A., avec les pouvoirs les plus étendus pour représenter la société en liquidation, procéder aux opérations de liquidation et parvenir à la clôture de ces dernières dans un délai de 04 mois.


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Intervention La France hors la loi ? APRÈS LE DÉCLEN CHEMENT de la guerre au Mali, interrogé sur le sort qu’il entendait réserver aux terroristes, le président français, François Hollande, a déclaré : « Nous allons les éliminer. » L’histoire retiendra cette réponse belliqueuse, très surprenante de la part d’un chef d’État défendant « normalement » des valeurs nobles et humanistes. Car de qui parle-t-on exactement ?

Certes, il s’agit de jihadistes « étrangers » et de Touaregs intégristes – pas tous les Touaregs – aux desseins abominables. Certes, leur progression vers le Sud devenait inquiétante. Mais ne s’agit-il pas malgré tout d’êtres humains ? Cette intervention militaire, eu égard à ses risques de « dégâts collatéraux » et une grave crise humanitaire, sans parler des exactions interethniques, interpelle légitimement quant à sa légalité. En effet,

malgré les tractations onusiennes de la France et des pays de la Cedeao, malgré l’appel pressant du président malien (en réalité dicté par les responsables français) en faveur de cette intervention, il manque le feu vert de l’ONU. De ce fait, la France se met hors la loi. Elle renoue avec les méthodes de la Françafr ique, pour tant décriées par le candidat François Hollande. La liesse populaire observée lors de sa visite récente au Mali ne

Hors-série En attendant les 500 LECTEUR ET ADMIRATEUR de Jeune Afrique, je m’interroge sur la date de sortie de votre prochain hors-série consacré au classement des 500 meilleures entreprises africaines. À ma connaissance, la dernière publication est le no 29 de la treizième édition parue il y a déjà plus de un an. Vu la sortie du hors-série no 31 (quatorzième édition, classement banques et assurances, fin 2012), nous sommes en attente du top 500 des entreprises. Paraîtra-t-il finalement et à quelle période ? Ma seconde préoccupation est la suivante : en parcourant le dernier classement des entreprises, c’est-àdire le hors-série no 29, j’ai observé que la société Royal Bafokeng Platinum, classée 357e, présente un chiffre d’affaires (316 968 000 dollars) inférieur au résultat net (476 370 000 dollars). Comment et pourquoi son chiffre d’affaires est-il inférieur à son résultat ? N’y a-t-il pas une erreur quelque part ? ● JEAN-PIERRE CHAPPAZ, Douala, Cameroun

Réponse : Alors qu’il paraissait jusqu’à présent en décembre, le hors-série des 500 a en effet été décalé, comme vous l’avez très justement remarqué. Des raisons de calendrier éditorial expliquent ce changement de date. Nous sommes actuellement en train de boucler la prochaine édition, la ! LE HORS-SÉRIE DE J.A. NO 29, édition 2012. quatorzième du genre, qui paraîtra au cours de la seconde quinzaine du mois de février. La quinzième édition devrait également paraître à la même période en 2014. Sur le second point que vous soulevez (les chiffres financiers de Royal Bafokeng Platinum), je vous confirme que les données publiées dans le hors-série sont exactes. Il arrive parfois, en effet, que les profits (résultat net) soient supérieurs au chiffre d’affaires, et ce pour plusieurs raisons : la cession d’une activité, par exemple, qui n’est pas comptabilisée au niveau du chiffre d’affaires ; ou la survenue d’autres éléments exceptionnels, par exemple des réévaluations comptables. Ce fut le cas en 2010 (période à laquelle se réfèrent les chiffres que vous citez) : cette année-là, Royal Bafokeng a réévalué les titres qu’il détenait dans Bafokeng Rasimone Platinum Mine, générant un gain exceptionnel (purement comptable). Pour cette raison, en 2010, le résultat net de Bafokeng Platinum a été supérieur à son chiffre d’affaires. ● FRÉDÉRIC MAURY, responsable du pôle Économie N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

devrait pas faire oublier les risques d’enlisement. ● SAMI ABDENNADER, Boulogne, France

NDLR : L’intervention fran-

çaise se fonde légalement sur deux lettres du président malien adressées l’une au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, l’autre au président français François Hollande. De plus, dans une déclaration adoptée à l’unanimité le 10 janvier 2012, le Conseil de sécurité a appelé ses 15 États membres à « aider les forces de défense et de sécurité maliennes à réduire la menace représentée par les organisations terroristes et les groupes affiliés ».

Chokri Belaïd (1) Rachid Sfar choqué ON NE TROUVE PAS les mots pour qualifier le crime odieux qui vient d’être commis contre un militant de la liberté et de la démocratie, Chokri Belaïd, assassiné ce 6 février. Nos condoléances à tous les vrais démocrates et humanistes de la Tunisie endeuillée et meurtrie. Nos condoléances à la famille de celui qui est déjà un martyr de la liberté d’expression constamment menacée. Nous partageons profondément la douleur de la grande majorité des Tunisiens et nous serons tous unis et déterminés pour barrer la route à ceux qui veulent tuer la liberté naissante et la démocratie balbutiante dans notre pays. ● RACHID SFAR, ancien Premier ministre tunisien

Chokri Belaïd (2) Transition en échec J’attendais un événement dramatique, qui deviendrait en même temps un moment de vérité. Les JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Indispensable amende honorable J’AI LU AVEC BEAUCOUP d’intérêt le courriel de mon compatriote Jean-Pierre Eale Ikabe sur la mauvaise prestation de l’équipe congolaise lors de la CAN (J.A. no 2717, du 3 au 9 février 2013). Il a raison de demander à nos « fauves » de faire amende honorable pour avoir échoué, mais exiger qu’ils remboursent les primes perçues est un peu excessif. Au vu des buts ratés par nos attaquants, on peut considérer que la chance n’a pas été au rendez-vous. Les fauves n’ont pas démérité, sachant qu’ils ont plusieurs fois été absents de la CAN à cause de l’incompétence des anciens sélectionneurs. Claude Le Roy, lui, a su relever le défi de nous qualifier. En revanche, je souhaite comme lui la démission non pas du staff technique des Léopards foot, mais de la Fédération congolaise de football association (Fecofa), qui se maintient malgré les échecs répétés. S’il fallait noter tous ceux qui accompagnent notre équipe, j’attribuerais un 6/10 au staff technique (ils ne sont pas responsables des buts manqués), 5/10 aux joueurs, 8/10 aux supporteurs, et 10/10 au gouvernement pour avoir débloqué les moyens nécessaires. ● OSCAR NGIMBI NIATI, Kinshasa, RD Congo Sabri Lamouchi doit partir L’ÉLIMINATION DE LA CÔTE D’IVOIRE en quart de final de la CAN 2013 tient surtout à la suffisance du coach Sabri Lamouchi, qui a pris de haut l’actuelle équipe du Nigeria. Bien sûr, cette dernière n’est plus celle de grands noms tels que Okocha, Amokachi, Yekini, Babayaro… Mais, même affaibli, un aigle reste un aigle, donc redoutable. De plus, les footballeurs ivoiriens, très individualistes, évoluant souvent à l’étranger, ont malheureusement oublié que la CAN regorge de talents tensions innombrables et l’effondrement de plusieurs garde-fous l’ont rendu presque inéluctable. L’assassinat d’une figure comme Chokri Belaïd a révélé la terrible vérité, celle de l’échec du type de transition démocratique voulu par Ennahdah et de l’impasse politique dans laquelle nous a menés le véhicule brinquebalant de la troïka. Reste deux voies: soit le soulèvement des Tunisiens, la dissolution de l’ANC et une transition nouvelle sur d’autres bases, soit l’intervention de l’armée pour éviter le chaos. ● FETHI BENSLAMA, psychanalyste, Paris, France JEUNE AFRIQUE

Presse « Thiof Magazine » toujours en kiosque J’AI LU avec intérêt votre articlesurlapressepeople en Afrique de l’Ouest (J.A. n o 2715, du 20 au 26 janvier 2013). Dans le cas spécifique de la presse sénégalaise, il n’est pas exact de dire : « À Dakar,Satellite,IcôneMagazine et Facedakar sont les seuls survivantsdelaboulimiedepeople qui s’est abattue sur le Sénégal au début des années 2000. » Bien au contraire, Thiof Magazine, qui leur a ouvert la voie, reste dans les kiosques. Il est le seul dans son segment à afficher plus de dix ans de

REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

Les leçons de la CAN 2013

! Supporteurs Congolais à Port Elisabeth (Afrique du Sud), le 20 janvier 2013.

cachés. Que cette défaite serve donc de leçon à tous ceux qui s’imaginent qu’il suffit d’être donné favori pour remporter un match. Qu’il est humiliant, pour un gros éléphant, de se faire terrasser par un aigle ! Toute ma sympathie cependant à Gervinho (Gervais Yao Kouassi), Yaya Touré et Emmanuel Éboué. Quant à leur coach Sabri Lamouchi, il devrait partir après cette piètre performance. ● ARCHÉDUC THÉODORE, N’Djamena, Tchad

Quid des sélectionneurs locaux? TRÈS PEU EXPÉRIMENTÉ, Sabri Lamouchi n’a pas fait mieux que son prédécesseur François Zahoui. Lui au moins nous avait menés en finale lors de la 28e édition, au Gabon et en Guinée équatoriale. Rendez-nous donc notre François Zahoui national. Comme Stéphane Keshi, du Nigeria, il a prouvé qu’on peut aussi réussir avec des sélectionneurs locaux, à condition, évidemment, de leur faire confiance... Nos équipes nationales ne doivent pas être des laboratoires pour des apprentis sélectionneurs. ● IBRAHIMA MEITE, Évry, France parution assidue. Vendu dans laplupartdespayslimitrophes, il apparaît comme une sorte d’incubateur: les responsables des magazines people sénégalais y sont souvent passés. ● SOULEYMANE THIAM, Thiof Magazine, Dakar, Sénégal

Drones Suspect ! LA FRANCE AURAIT recommandél’utilisation de drones pour mieux détecter les mouvements des troupes rebelles dans l’est de la RD Congo. Curieux, car ces mouvements ne se limitent pas à la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda : ils sont présents

partoutenRDCongo.Pourquoi l’envoidedronesprèsdelaseule frontière rwandaise? Ne seraitce pas un moyen d’espionner Kigali?Dansquellemesuredes drones peuvent-ils contribuer au retour ou au maintien de la paix? Quelles seront les limites de leur champ d’action ? Le problème du Congo, c’est la mauvaise gouvernance, avec pour corollaire l’absence de forces armées disciplinées et structurées.L’ONUferaitmieux de nous aider en ce sens plutôt qued’envoyer,àdescoûtsexorbitants, des drones sans utilité pour la population. ● JEANNOT GAKUBA SHYAKA, Kinshasa, RD Congo N o 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Nom de la personne Fouad Laroui

DIRECTION

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

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A SE PASSE SUR ALARABIYA, la chaîne satellitaire, la semaine dernière. On nous annonce une interview avec Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan. Le voici en direct de Davos – belles images de neige, de chalets et de ciel bleu. L’interview commence. Surprise : elle ne se déroule ni en français ni en anglais mais en arabe. Ghosn s’exprime parfaitement dans cette langue, avec un bel accent libanais, et n’a aucun problème pour énoncer les termes techniques dont il a besoin dans la langue de Jâhiz. Ce n’est que rarement qu’il sème son propos d’anglicismes du genre « cash-flow ».

Évidemment, je savais, comme tout le monde, que le patron de Renault-Nissan était d’origine libanaise, mais généralement on se contente de nous dire qu’il est né au Brésil, ce qui est exact, et rapidement on insiste sur son parcours exemplaire : maths sup/maths spé à Paris, Polytechnique, les Mines, etc. Comme dit la chanson, « tout cela fait d’excellents Français ». Mais le fait est que sa langue maternelle, qu’il manie avec brio, est celle de milliers de jeunes dans les cités et les banlieues, des jeunes parfois découragés d’avance et qui croient que leur origine « ethnique » les condamne à l’échec. Évidemment, tout le monde ne peut pas faire X-Mines, et Ghosn, qui est passé chez les jésuites de Notre-Dame de Jamhour, évite généralement de se déguiser en qamis salafiste ; mais enfin, pour ceux qui veulent faire un effort, le fait est que Carlos est un rebeu. Comme eux. Carlos est un rebeu ! L’homme le mieux payé de France (un salaire frisant les 10 millions d’euros par an…) est des nôtres ! Que ne le dit-on pas plus souvent à Bondy ou à Montreuil : à part footballeur et braqueur de banques, il y a d’autres façons de s’enrichir énormément pour un rebeu, le travail acharné, par exemple, s’ajoutant à quelques dons du Ciel. Pardon pour le cliché ! Je sais bien qu’ils sont des centaines de milliers de Français d’origine arabe qui s’en tirent bien par le travail et le talent, j’en connais personnellement des dizaines. Mais ils sont invisibles. Vivant heureux, ils vivent cachés. On les rencontre par hasard. Carlos, lui, est tout ce qu’il y a de visible. Eh bien, montrons-le davantage, mais pas dans les road-shows où il éblouit les analystes financiers en français ou en anglais : non, montrons-le s’exprimant en arabe dialectal, et s’il pouvait ajouter de temps en temps un « zaâma » ou un « ouallah », ce serait tout bénef. Certains p’tits gars de banlieue commenceraient peut-être à s’intéresser au cours de maths. Et d’abord, prononçons correctement son nom. Ghosn, ça se prononce Rossn et ça veut dire « rameau », « branche » ou « éclosion » en arabe. Ça n’a rien à voir avec « gone », fût-il le gone du Chaâba de l’ami Begag. Rossn est un symbole de vie, de vigueur et d’espoir. Qu’on se le dise ! ● N 2718 • DU 10 AU 16 FÉVRIER 2013

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Carlos est un rebeu!

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