Ja 2732 du 19 au 25 mai 2013

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maLI GAGNER LA PAIX

dossIER fINaNcE Spécial 22 pages jeuneafrique.com

Hebdomadaire international indépendant • 53e année • no 2732 • du 19 au 25 mai 2013 de Je

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sYRIE COMMENT ÉVITER LE PIRE

INTERVIEW

kagamé dRoIT daNs sEs boTTEs

Le chef de l’État rwandais

par Béchir Ben Yahmed

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Spécial 18 pages

Union africaine

ans

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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

Samedi 18 mai

Vers un « été syrien »…

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amais secrétaire d’état américain ne s’était assigné le rôle que John Kerry a choisi de jouer depuis qu’il a succédé, en janvier dernier, à Hillary clinton : elle était une grande voyageuse ; lui s’est fait… ambassadeur itinérant des États-Unis. depuis quatre mois, son bureau à Washington est inoccupé ; lui est dans l’avion affecté au secrétaire d’état, sautant de capitale en capitale et d’un continent à l’autre. sans doute parce que depuis sa réélection il est un président différent, Barack Obama lui a donné une latitude qu’il avait refusée à Hillary clinton. Le nouveau secrétaire d’état en a largement usé, et a concentré son action sur le moyen-Orient pour faire revivre le processus de paix israélo-palestinien et, depuis le début de mai, pour éteindre l’incendie syrien qui menace d’embraser le Liban, la Jordanie et même la turquie. n

Le risque de déstabilisation de toute la région est apparu aux américains si grave et si pressant que John Kerry a été autorisé à inverser la politique suivie par Washington depuis deux ans. « Il faut que Bachar al-Assad s’en aille », martelait mois après mois Hillary clinton ; et d’ajouter : « Les Russes doivent être tenus à l’écart et cesser d’aider le régime syrien allié de l’Iran. » son successeur s’est envolé la semaine dernière pour moscou et, parlant directement avec Vladimir Poutine, lui a tenu un langage différent : « Causons de la Syrie, monsieur le Président ! Il est urgent de conjuguer nos efforts pour empêcher la guerre civile qui y fait rage de déborder du pays et d’échapper à notre contrôle. Cherchons la solution politique qui nous permette de prendre la situation en main. » de leur entretien est sortie l’idée d’une conférence internationale sur la Syrie qui se tiendra en juin, à Genève. Poutine, qui n’attendait que ce retour en grâce, a dû se dire « patience et longueur de temps font plus que force ni que rage… » il se rengorge en constatant que « l’effet Poutine » joue à plein : depuis son retour à la présidence, les dirigeants du monde, qu’ils soient occidentaux, chinois ou onusiens, se succèdent à moscou. n jeune afrique

Pourquoi le régime syrien, personnifié par Bachar al-assad, résiste-t-il encore à l’assaut lancé contre lui ? À l’exemple des tunisiens, des égyptiens et des Libyens, qui ont été à l’origine du Printemps arabe, une majorité de syriens s’est soulevée à partir du 15 mars 2011 contre la dictature de la famille assad et l’accaparement du pouvoir depuis un demi-siècle par la minorité alaouite (12 % des 22 millions d’habitants). elle a bénéficié du soutien politique et financier de l’Occident dans son ensemble et même, dans une deuxième phase, de l’appui militaire de la plupart des pays arabes et de la turquie. comme l’avaient fait avant eux les tunisiens, les égyptiens et les Libyens, les insurgés syriens ont, d’emblée, exigé le départ de leur dictateur et la chute de son régime, proclamant qu’ils ne se contenteraient pas de moins. Les leaders des grandes puissances occidentales, étatsUnis, royaume-Uni, France et allemagne, ont formulé la même exigence dès le mois d’août 2011, l’ont érigée en nécessité morale et en impératif politique. ils ont même eu l’imprudence – comme nous, du reste – de croire que la chute du régime était assurée et de l’annoncer comme proche. devenu guerre civile en 2012, le soulèvement vient d’entrer dans son 27e mois, a fait près de cent mille morts, de 1 à 2 millions de personnes déplacées ; il menace de se propager au Liban et en Jordanie : fragiles et peu peuplés – 4 millions d’habitants pour le premier, 6 millions pour le second –, ces deux pays risquent d’être submergés par le flot de réfugiés. n

Le dictateur, lui, est toujours en place ; sa mafia et son système ont subi des pertes et des dégâts qui les ont ébranlés. mais ils continuent de « tenir ». Pourquoi Bachar al-assad n’a-t-il subi ni le sort de Ben ali, ni celui de moubarak, ni celui de Kaddafi ? Pourquoi est-il toujours dans son palais à damas, à la tête d’un régime et d’une armée poussés dans leurs derniers retranchements, mais qui disposent encore des moyens de tenir ? Ben ali a perdu le pouvoir parce que l’armée tunisienne, dont il est issu mais qu’il a négligée, a rechigné à sortir de son rôle pour se muer en instrument de répression n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


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Ce que je crois et de défense du régime ; Moubarak a été carrément abandonné par l’establishment militaire de son pays et par l’allié américain : ils ont jugé qu’il était devenu encombrant. Quant à Kaddafi, lui et sa famille ayant tout accaparé, ils ont ligué contre eux les Libyens et le reste du monde, lassés par leur nombrilisme et leurs foucades. Encadrée par des officiers alaouites, mais composée en grande majorité de sunnites, l’armée syrienne aurait dû se disloquer. Elle a enregistré de nombreuses défections, mais continue de remplir sa fonction de rempart du régime. En outre, ce dernier n’a perdu aucun de ses trois alliés: la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais. Ils ont serré les rangs, payé le prix, financé et protégé un régime dont la disparition les aurait mis à découvert. n

Mais c’est la division de ses adversaires, leur incapacité à inspirer le minimum de confiance à leurs soutiens extérieurs et les menaces que charrie la perspective de leur victoire qui ont décidé les Américains à refuser de les armer et à rechercher une solution autre que la chute pure et simple de la maison Assad. Inexorablement, la guerre civile syrienne s’est internationalisée et « islamicisée » : côté gouvernement, plusieurs centaines de combattants iraniens et autant du Hezbollah libanais ; côté rébellion, des jihadistes maghrébins, irakiens et même… plusieurs dizaines d’Européens.

Mais les plus actifs et les plus féroces des rebelles, vrai fer de lance de l’insurrection, sont les quelque trois mille hommes de la Jabhat al-Nosra qui se réclament ouvertement d’Al-Qaïda et annoncent que, la victoire venue, ils formeront un pouvoir jihadiste. Horrifiés, les Américains ont appuyé de toutes leurs forces sur le frein et décidé, en toute hâte, de rechercher une « solution politique ». n

Cette solution est facile à deviner et à décrire : « élu » en mai 2007 pour un mandat de sept ans, Bachar alAssad n’a plus qu’une année à tenir pour être en mesure d’affirmer qu’il n’a pas été chassé du pouvoir. Il n’en demande pas plus. La conférence convoquée par les Russes et les Américains parrainera une « solution politique transitoire », fondée sur le départ programmé de Bachar, au terme de son mandat. Le pouvoir exécutif sera confié pour un an à un gouvernement de coalition sous la présidence d’un chef de gouvernement de consensus, avec un Bachar al-Assad qui ne serait alors qu’un président doté de pouvoirs très limités… Et on chargerait l’ONU de constituer et d’installer dans le pays une « force de maintien de la paix »… C’est « l’été syrien » que nous prépare le nouvel axe américano-russe. S’il y parvient, ce sera un exploit qui évitera à la Syrie la dislocation, et à la région un bain de sang… l

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Comprendre, c’est pardonner. Madame de Staël u L’honnêteté est la meilleure des lignes de conduite – lorsqu’il y a de l’argent à la clé. Mark Twain u Un vrai chef ne paraît pas martial. Qui sait se battre ne s’emporte pas. Qui saura vaincre évitera d’affronter. Qui saura manier les hommes s’abaissera… Lao Tseu u Les gens intelligents et les imbéciles ont en commun de se croire intelligents et de prendre les autres pour des imbéciles. Romain Guilleaumes n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

u Le renard trouve toujours des raisons pour étrangler la brebis. Proverbe africain u La caractéristique des mauvais romanciers est qu’ils savent d’avance ce qu’ils vont raconter. Jean Dutourd

u Je préfère être une femme : nous pouvons pleurer, nous portons de jolis vêtements et nous sommes sauvées en premier, en cas de naufrage. Gilda Radner

u Travaille pour ton monde comme si tu devais vivre éternellement ; travaille pour ta vie dernière comme si tu devais mourir demain. Hadith de Mohammed, prophète de l’islam

u Il faut par tous les moyens éviter les mots : menaces, plaintes, justification, récits, reformulations, tentatives de vaincre dans une dispute, supplications… Éviter les mots ! Nassim Nicholas Taleb

u Le ski nautique, faut pas tomber, sinon t’es trempé. Les Nouvelles Brèves de comptoir

u Être d’accord avec soi-même, je ne connais pas meilleur bulletin de santé ! François Mitterrand jeune afrique


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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

PhoTos de CouverTures : ÉDITION AFRIQUE CENTRALE : VINCENT FOURNIER POUR J.A. ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT : JOEllE VAssORT/MAXPPP ÉDITION INTERNATIONALE : VINCENT FOURNIER POUR J.A.

Foutez la paix à Madiba!

L

es images, celles d’une icône prise en otage par ses « héritiers », sont pathétiques. Filmé fin avril par la télévision nationale au côté d’un Jacob Zuma goguenard, le malheureux Nelson Mandela semble agacé par cette énième opération de récupération, mais déjà ailleurs. L’homme, aujourd’hui au crépuscule de sa vie, est certainement ce que l’Afrique, mais aussi le monde, a produit de mieux en termes de dirigeant. Une légende vivante, et elles ne sont pas légion, qui finira bien, hélas ! par nous quitter, trahie par des poumons qui n’ont que trop souffert de son incarcération à Robben Island. Ou tout simplement parce que toute vie, aussi héroïque fûtelle, a un terme. C’est ainsi, et mieux vaut s’y préparer. De la meilleure des manières…

AP/SIPA

Mandela mérite donc mieux que d’être transformé en vulgaire relique dont on pense capter la grâce par une simple photo, voire par un contact furtif. Ou d’être transformé, comme c’est le cas depuis plus d’une décennie, en produit dérivé à la Disney. Tout le monde – y compris au sein de sa famille – use et abuse de son aura. Des polos frappés du nombre « 46664 », son numéro de matricule lorsqu’il était prisonnier, des mugs, des sacs à main, des bijoux, une émission de téléréalité intitulée Being Mandela et mettant en scène ses petites-filles, et, maintenant, des bouteilles de vin à son effigie produites, entre autres, par sa fille Makaziwe… Le mauvais goût le dispute au cynisme. Car il n’est ici pas question de rendre hommage au père de la nation Arc-en-Ciel, ni même de mener une action caritative. Non, seuls comptent la récupération politique et l’argent. L’« esprit Mandela », ce socle de valeurs communes qui devrait guider l’Afrique du Sud, son exemple, son héritage (galvaudé par ses successeurs), est aux antipodes de ce détestable cirque monté autour de lui. C’est cet esprit, dont ils sont les dépositaires, que les Sud-Africains devraient s’appliquer à entretenir et à perpétuer… l

p Jacob Zuma et Nelson Mandela, le 29 avril à Johannesburg. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

10 ConFérenCe de Bruxelles Mali année zéro Règlement de la question touarègue, préparation de l’élection présidentielle, reconstruction du pays… Ces sujets ont été abordés à la réunion des donateurs.

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rwanda enTreTien aveC Paul KagaMé RD Congo, France, opposition, gouvernance, CPI… Le chef de l’État s’explique. 3 8

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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l a seM a in e d e j eu n e a F riq u e

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Conférence de Bruxelles Mali année zéro roger Milla Lion insupportable dominique strauss-Kahn Sage comme une image Tchad Brochette de tortionnaires sur le gril Passeport universel Libres comme l’air Mode Le racisme, c’est tendance Tweet Foncièrement débile Tour du monde

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g ra n d a n g l e

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union africaine Qu’as-tu fait de tes 50 ans ?

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a F riq u e su Bsa h a rien n e

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interview Paul Kagamé, chef de l’État rwandais gabon Le prix du sang Comores Une affaire de famille sénégal Du balai ! Kenya Profil bas jeune afrique


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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grand angLe

union afric aine

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Tirant les leçons de ses échecs passés, l’organisation semble miser sur le développement économique pour favoriser la cohésion du continent.

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Maroc benkirane-chabat à couteaux tirés Entre le Premier ministre et le patron de l’Istiqlal, les scènes de ménage se multiplient.

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Maroc Benkirane-Chabat à couteaux tirés tribune Tunisie : pourquoi le projet de Constitution doit être revu Mauritanie Interview de Mohamed Lemine Ould Dadde, ex-commissaire mauritanien aux droits de l’homme algérie La vie sans lui israël Bouclier ou passoire ?

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europe, aMéri q u e s, a s i e

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états-unis La fusée Hillary sur orbite Franc e Contre son camp 3 que stions à Bernard Caïazzo, vice-président de la Ligue de football professionnel pakistan Douce revanche parc ours Safia Lebdi, Verte de rage prote c tionnisme Surchauffe dans le solaire tribune Diversité culturelle : continuons le combat !

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Le pLus de Jeu n e a Fr i q u e

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Japon « Ohayo Afurika »

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Maghreb & M oye n - o r i e n t

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dossier Finance Interview, enquêtes, analyses, portrait… 22 page s pour mieux saisir les enjeux du secteur.

états-unis La Fusée hiLLary sur orbite L’ancienne secrétaire d’État songe très sérieusement à briguer la Maison Blanche en 2016. Son principal handicap ? L’affaire de l’attaque du consulat à Benghazi.

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FestivaL de cannes seuL au soMMet Le Tchadien MahamatSaleh Haroun est l’unique réalisateur africain sélectionné.

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Japon bonJour L’aFrique La 5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique se déroule à Yokohama du 1er au 3 juin.

éc o n o M ie industrie Des zones pour transformer l’Afrique Le s indisc re ts Mine s ENRC s’accroche à la ceinture de cuivre éthiopie L’incontournable Mohammed Al Amoudi rd congo Deogratias Mutombo, made in BCC émissions obligataire s Pourquoi la dette africaine attire baromètre d o ssier Financ e c u Lt u re & M éd ia s Fe stival de canne s Mahamat-Saleh Haroun, seul au sommet Littérature Le prince et le dictateur théâtre Interview de Fadhel Jaïbi, dramaturge tunisien be au livre Notre histoire de l’Afrique La se maine c ulture lle de Je une afrique vous & nous Le c ourrie r de s le c te urs post-sc riptum n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Mali un missi dominici nommé Tiébilé Dramé

ANTITERRORISME CONSEIllER fRANçAIS à TuNIS

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le retour des communicants

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i, pour faire campagne, certains candidats à la présidentielle du mois de juillet préfèrent se fier à leurs sympathisants, d’autres s’attachent les services de professionnels de la communication. Modibo Sidibé a ainsi fait appel à l’un de ses proches, l’Ivoirien Jil-Alexandre N’Dia, et à Weblogy, son agence. À l’étranger, c’est la CEIS, une compagnie parisienne de conseil et de stratégie, qui est chargée de gérer son image. Du côté de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), le candidat Dramane Dembélé conserve à ses côtés Spirit McCann Erickson, la franchise malienne du géant américain, qui, en 2012, avait fait la campagne de Dioncounda Traoré. Soumaïla Cissé devrait quant à lui conserver son équipe de DFA Communication, la plus grosse agence du Mali, mais perd l’appui des Ivoiriens de Voodoo, qui travaillent désormais pour Ibrahim Boubacar Keïta. Le candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM) bénéficie aussi des bons conseils de Havas pour sa communication internationale. l

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AHMED OUOBA/AFP

est officiel depuis le 13 mai : Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), est le conseiller spécial de Dioncounda Traoré, le président de la transition. Sa mission : « engager les contacts nécessaires avec les groupes armés du Nord » pour que les élections puissent se tenir en juillet sur l’ensemble du territoire. Quels groupes ? Ceux qui tiennent encore Kidal – le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA) –, mais aussi le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), qui sévit dans la p Tiébilé Dramé, le nouveau conseiller spécial du président Dioncounda Traoré. région de Tombouctou, et les milices d’autodéfense Gandakoye et Gandaïso, dans celle de Gao. Dans un courrier adressé à la même date à Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, Traoré insiste sur le fait que son conseiller est le « point focal » de toutes les initiatives en faveur de la paix dans le Nord. Autant dire que toutes celles qui évitent le palais de Koulouba ne seront pas vues d’un bon œil. Cette nomination, qui n’était pas jouée d’avance, a nécessité trois longues semaines de tractations entre Traoré et Dramé. Outre le fait qu’il n’était pas sûr d’avoir les coudées franches pour assumer ses nouvelles fonctions, le nouveau conseiller est le candidat de son parti à la présidentielle du mois de juillet. Et il entend le rester. l

En visite à Tunis le 14 mai, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, a annoncé une « intensification des échanges d’informations sécuritaires avec plusieurs pays de la région, dont l’Algérie et la Tunisie ». Fin connaisseur du monde arabe et spécialiste de la lutte antiterroriste (c’est un ancien de la DGSE, le service de renseignements extérieurs), le très discret Alain Chouet était du voyage. Selon des sources proches de l’ambassade de France, il jouera à l’avenir auprès des autorités tunisiennes un rôle de conseiller. LE CHIFFRE

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le nombre des piqûres infligées par des scorpions à des humains, chaque année, au Maroc. Selon le Centre antipoison et de pharmacovigilance, c’est la première cause d’intoxication dans le royaume. 10 % seulement des piqûres s’enveniment. Et 0,1 % d’entre elles sont mortelles, notamment chez les enfants.

DE DAkAR à ADDIS EN ATTENDANT ObAMA

La Maison Blanche n’a pas encore confirmé l’information, mais les services américains sur le continent se préparent à accueillir un visiteur « de très haut niveau » à Dakar et à Addis-Abeba, fin juin. Le forum de l’Agoa (accords économiques entre les États-Unis et certains pays d’Afrique) est en effet prévu dans la capitale éthiopienne du 27 juin au 1er juillet. Il ne réunit d’ordinaire que des ministres du Commerce et des Affaires étrangères, mais jeune afrique


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Politique, économie, culture & société il pourrait cette fois bénéficier de la présence du président Barack Obama, et, du même coup, attirer à Addis d’autres chefs d’État. Une escale sénégalaise est d’ores et déjà prévue pour la personnalité américaine, quelle qu’elle soit, qui participera au forum de l’Agoa. Lors du conseil des ministres du 16 mai, le président Macky Sall a clairement évoqué une prochaine visite d’Obama. CENTRAFRIQUE CommENT soRTIR dE l’ImpAssE ?

Reçu à N’Djamena (14 mai), à Libreville (15 mai) et à Malabo (17 mai), Michel Djotodia, le président de la transition en Centrafrique, a demandé l’aide de ses pairs. Idriss Déby Itno, le président tchadien, a insisté auprès de lui sur l’urgence de convaincre les miliciens de la Séléka de déposer les armes, ainsi que sur la sécurisation des biens et des personnes, avec le concours de la force de maintien de la paix en Centrafrique (Micopax), dont les effectifs vont être portés

Guinée Alpha Condé, vRp La perspective des législatives du 30 juin n’empêche pas le président condé de continuer à « vendre » avec assiduité la destination Guinée aux investisseurs. Du 1er au 4 juin, il se rendra ainsi à Yokohama et à tokyo pour le 5e sommet afrique-Japon (ticad), puis, du 14 au 19 juin, à Londres. À l’invitation de David cameron, le premier ministre britannique, alpha condé participera ticiper à une réunion du G8 consacrée à la « révolution de la transparence », en particulier dans le domaine des industries extractives. il assistera également au défilé militaire (« trooping the colour ») à l’occasion de l’anniversaire officiel de la reine, le 15 juin. chaleureux, le message que lui a adressé cameron (fac-similé ci-dessus) se termine par cette note d’un réalisme très anglo-saxon : « J’ai appris avec plaisir que vous avez annoncé pour le 30 juin la tenue des élections législatives guinéennes. Des élections libres, équitables et paisibles sont importantes pour achever la transition de la Guinée vers la démocratie, ainsi que pour le climat des investissements. » l

à 2 000 hommes. Les chefs d’État africains sollicitent par ailleurs le soutien financier de l’Afrique du Sud, et celui, militaire, de la France pour sécuriser la capitale. « On réfléchit à cette demande, explique un diplomate français. C’est important que l’Afrique du Sud s’implique

dans le processus. » Pour sa part, la communauté internationale souhaite que Djotodia se penche rapidement sur le problème des réfugiés, laisse des observateurs des droits de l’homme se déployer dans le pays et ouvre son gouvernement à toutes les composantes de l’opposition.

François Hollande, John Kerry (le secrétaire d’État américain) et dilma rousseff (la présidente brésilienne) seront les guest-stars de la célébration du 50e anniversaire de l’Union africaine, le 25 mai à addis-abeba. « l’Ua veut ainsi nous remercier de notre action au Mali », explique un diplomate français. il n’était pas prévu en effet que le président d’une ancienne puissance coloniale soit invité à cette célébration. À addis, Hollande devrait rendre hommage aux pères fondateurs de l’organisation et évoquer les relations que la France souhaite instaurer avec ses partenaires africains, dans le droit fil de ses discours de dakar et de Kinshasa. il prévoit aussi de rencontrer le Premier ministre éthiopien, actuel président de l’Ua, et plusieurs autres chefs d’État. l jeune afrique

HeLVio romero/afP

Union africaine Hollande, Kerry et Rousseff en guest-stars

p Dilma rousseff, la chef de l’État brésilien.

AlGÉRIE sAïd vERRoUIllE l’INFo Conseiller spécial auprès de la présidence algérienne, saïd Bouteflika, qui ne quitte guère le chevet de son président de frère, hospitalisé au val-deGrâce à paris depuis le 27 avril, verrouille hermétiquement la communication. le 7 mai, il a demandé à Benamar Zerhouni, un conseiller à la présidence, de publier un communiqué officiel rassurant. Quatre jours plus tard, il a réitéré la requête auprès d’Abdelmalek sellal, le premier ministre, en lui suggérant de préciser que le chef de l’État « continue de suivre quotidiennement les dossiers et questions d’intérêt national ». Quant à Rachid Bougherbal, le très prolixe cardiologue du président, il a reçu l’instruction ferme de ne plus répondre aux sollicitations des journalistes. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


la semaine de Jeune afrique

ConférenCe de Bruxelles

Mali année zéro

Règlement de la question touarègue, préparation de l’élection présidentielle, reconstruction du pays, composition de la future Minusma… Tous ces sujets ont été abordés lors de la réunion des donateurs, qui s’est tenue dans la capitale belge. PasCal airault,

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envoyé spécial à Bruxelles

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omment amener les Touaregs,quin’ontjamais subi le joug de personne, à laisser librement circuler nos voyageurs, négociantsouautres,etdeplus àlesprotégeraubesoin?Aurait-onpourcelarecours à la voie des armes? » se demandait l’abbé Charles Loyer en 1863*. Cent cinquante ans plus tard, les participants à la Conférence des donateurs pour le Mali, qui s’est tenue à Bruxelles le 15 mai, se sont posélamêmequestionàpropos del’organisationde l’élection présidentielle malienne, dont l’échéance est fixée au 28 juillet. À l’extrême nord du pays, la France tient l’aéroport de Kidal, mais les hommes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), présents dans la région, s’opposent à tout retour de l’armée malienne. « Il faut les désarmer », insiste Tiéman Hubert Coulibaly, le ministre des Affaires n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

Thierry Charlier/aFP

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étrangères. « Nous demandons aux troupes du MNLA de quitter Kidal avant le scrutin, renchérit Mohamed Bazoum, son homologue nigérien. Ce n’est d’ailleurs pas leur fief. Ils s’y sont installés à la faveur de l’intervention franco-tchadienne qui a libéré l’extrême Nord. » roMantique. Le mouvement aux visées autono-

* Ancien curé de Laghouat, auteur des Touaregs (1863).

mistes, voire indépendantistes, ne l’entend pas de cetteoreille.Dansunelettreouverteadresséelaveille de la conférence à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, les responsables du MNLA fustigent l’échec de la sécurisation des villes, menacent de riposter si l’armée venait à attaquer leurs positions et proposent de « créer une entité Azawad ». « Nous voulons gérer notre sécurité, notre diplomatie et notre économie », précise l’un des négociateurs du MNLA auprès de Blaise Compaoré, le médiateur ouest-africain. Car, la situation étant bloquée, le président burkinabè a été sollicité une jeune afrique


nouvelle fois. Qui assurera la sécurité du scrutin dans la région ? Faut-il engager des discussions politiques avant de désarmer le MNLA ? À Paris, à Washington et dans les capitales africaines, on ne s’est pas encore mis d’accord. Les Français veulent à tout prix éviter l’usage des armes. Le président François Hollande prône un retour rapide de l’administration dans tout le territoire. Mais, pour la région de Kidal, il l’envisage sous la supervision des forces françaises et africaines, craignant des représailles si l’armée malienne s’y déploie. Le MNLA, allié aux jihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), est accusé d’avoir exécuté une quarantaine de soldats maliens à Aguelhok en février 2012 – ce qu’il nie. « Les Français ont un cas de conscience avec les Touaregs », s’agace un diplomate ouest-africain, pour qui les intellectuels de l’Hexagone gardent une vision romantique des hommes bleus, datant de la Coloniale. Parce qu’ils ont lâché Kaddafi durant jeune afrique

p Dioncounda Traoré et François Hollande, à Bruxelles, le 15 mai. Au second plan, José Manuel Barroso.

la guerre de Libye, facilité la libération de certains otages et donné des renseignements dans le cadre de l’opération Serval, les Touaregs bénéficient de l’indulgence des autorités françaises. Ils peuvent aussi compter sur le soutien discret de Mohamed Ould Abdelaziz, le président mauritanien, qui avait persuadé l’ex-président français Nicolas Sarkozy qu’on devait s’appuyer sur eux pour se débarrasser d’Aqmi. Ces dernières semaines, des émissaires des Nations unies sont allés à leur rencontre. Le MNLA prétend qu’on lui a promis « une large autonomie ». Dans ce jeu de poker menteur, difficile de savoir qui dit vrai… « frère ». Si la question touarègue est loin d’être réglée, le financement de la feuille de route (élection, réforme de l’armée, reconstruction) est acquis. Les participants à la conférence de Bruxelles ont promis une aide de 3,2 milliards d’euros. C’est plus qu’il n’en faut pour le gouvernement, qui a besoin n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


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la semaine de J.a. l’événement de 388 millions d’euros par an pour boucler les budgets de 2013 et 2014. « Cette journée en tous points historique va au-delà de nos espérances », a souligné Dioncounda Traoré, le président de la transition, saluant au passage « l’ami, le frère » François Hollande. Le coût du scrutin présidentiel est connu: 64 milliards de F CFA (97 millions d’euros), dont quelque 25 milliards à la charge du gouvernement malien. La tenue du premier tour, le 28 juillet, est, elle, plus hypothétique. Hollande et Traoré tiennent au respect de ce calendrier, mais le pari sera Pierre difficile à tenir. D’ici là, Moscovici les autorités devront Ministre de acheminer l’ensemble Hélène l’Économie du matériel électoral, Le Gal former les personnels Conseillère et distribuer la carte biométrique Nina, Afrique servant à l’identification et au vote. Sur le plan militaire, les nouvelles sont plutôt bonnes. « Nous sommes en passe de gagner cette guerre frontale, même si un conflit asymétrique tend à se développer », explique Moussa Faki Mahamat, le ministre tchadien des Affaires étrangères, évoquant les derniers attentats-suicides. Pour parer à toute menace, Mahamadou Issoufou, le président nigérien, dont les troupes sont positionnées à Ménaka, Ansongo et Gao, appelle le Conseil de sécurité à donner un mandat offensif à la Mission intégrée des Nations unies de stabilisation du Mali (Minusma), qui doit prendre, en juillet, le relais de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma). Le Tchad revendique la direction militaire de cette force, avance le nom du général Oumar Bikimo, et se dit prête à engager 2 000 Casques bleus, soit le principal contingent. Mais le Nigeria, au nom de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), souhaite aussi

en prendre la tête. « Les Tchadiens méritent de diriger la Minusma, estime François Lonsény Fall, le chef de la diplomatie guinéenne. Ils ont fait leurs preuves sur le terrain. » (les principaux membres Déjà, les premiers contingents mauritaniens de de la délégation française cette force de maintien de la paix sont entrés dans à la conférence) le Nord-Mali. À terme, ils devraient être 1 800. La Côte d’Ivoire, la Guinée, le Maroc, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, le Tchad et le Togo ont également manifesté leur souhait d’y participer. Paul Jean-Ortiz La France, Conseiller qui entame diplomatique un retrait progressif de ses troupes, conserPascal Canfin Benoît Puga Laurent vera une garnison Ministre du Chef d’état-major Fabius de 1 000 hommes Développement du président Ministre à la fin 2013. Coût des Affaires annuel : entre 300 étrangères et 400 millions d’euros. Un effort qui doit aller de pair avec un renforcement du contrôle des frontières, alors que la menace jihadiste se répand en Tunisie, en Libye et dans le Sinaï égyptien. Reste à régler le cas du capitaine Amadou Haya Sanogo. « L’ex-chef de la junte ne doit plus être une menace au processus de sortie de crise. Je suis prêt à l’accueillir au Bénin », indique le président Thomas Boni Yayi. Un exil doré au Gabon ou au Nigeria pourrait aussi lui être proposé. Quant à ses proches, ils pourraient se voir gratifier de postes d’attachés militaires.

Hollande en force à bruxelles

Prodi fera-t-il des Prodiges ? Romano PRodi, l’envoyé sPécial de Ban Ki-moon pour le sahel, soumettra en juin aux membres du conseil de sécurité de l’onU un ambitieux plan décennal de développement pour la région, reposant sur cinq piliers : agriculture et agro-industrie, infrastructures, éducation, santé et accès à l’électricité. l’ancien président du conseil italien, qui suggère que le suivi de ce plan soit assuré par la Banque africaine de développement (Bad), propose n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

un nouveau concept d’aide liée, permettant aux pays donateurs de confier à leurs entreprises la réalisation des projets auxquels ils ont consenti. ces derniers mois, Prodi a multiplié les rencontres avec chercheurs et décideurs africains, européens, américains, chinois et arabes. le 13 mai, il s’est rendu à djeddah (arabie saoudite) pour assister à la réunion du Groupe de contact de l’organisation de la conférence islamique (oci) P.a. sur le mali. l

rébellions. En attendant la restructuration de

l’armée, les autorités doivent s’atteler à favoriser le retour des déplacés et réfugiés (entre 400000 et 500000 personnes), engager la réconciliation nationale, lutter contre la corruption… « Nous n’en avons pas terminé », a expliqué Hollande avant de citer les grandes lignes d’une sortie de crise durable : développement,dialoguepolitique,démocratie.Son homologue nigérien appelle de son côté à évaluer les différents accords passés avec les Touaregs pour mettre fin aux rébellions à répétition. L’État malien s’engagequantàluisurlavoiedeladécentralisation. « Nous transférerons 30 % des ressources budgétaires aux collectivités territoriales, précise Tiéman Coulibaly. Ce processus nécessite parallèlement une mise à niveau des compétences locales pour assurer la bonne gestion de ces fonds. » Enfin, la dimension régionale du conflit ne devra pas être occultée. Pierre Buyoya, l’envoyé spécial de l’Union africaine pour le Sahel, et Romano Prodi, celui de Ban Ki-moon, plaident pour la mise en œuvre d’un vaste plan régional alliant sécurité et développement. « Quand on éteint un incendie, il reste des braises sous la cendre. Il faut veiller à ce que le feu ne reprenne pas », a conclu Faure Gnassingbé, le président togolais. l jeune afrique



la semaine de J.a. les gens

roger Milla lion insupportable À 61 ans, le monstre sacré du football camerounais ne mâche pas ses mots contre les « ennemis du pays ». Comprendre : les étrangers susceptibles d’entraîner l’équipe nationale. Le dérapage de trop ?

À

la gloire de Roger Milla, il ne manquequelastatue.Unjour, peut-être, son pays reconnaissant lui en érigera-t-il une à Yaoundé, sa ville natale. En Afrique, personne n’a oublié ses coups de patte magiques, lors de la Coupe du monde de 1990 en Italie, qui ont décomplexé tout un continent.Arrivéauboutd’unelonguecarrière, il bichonne aujourd’hui ses trophées entre deux voyages au bout du monde depuis qu’il a été nommé ambassadeur itinérant du football camerounais, en 2000. Ambassadeur, mais pas diplomate pour un sou. Le vieux lion, 61 ans, manie sa langue avec moins d’habileté qu’il n’usait de ses jambes. Colérique, grognon, polémiste à la dent dure, il est coutumier de l’esclandre. Le dernier en date a été provoqué par ces mots parus le 13 mai dans une interview donnée au quotidien camerounais Le Messager : « Dites à cet entraîneur qui s’apprête à débarquer au Cameroun de rebrousser chemin, sinon nous allons le tabasser avant de le refouler chez lui. Nous ne pouvons pas accepter ces ennemis du pays. » « raciste ». Par « ennemis du pays »,

Roger Milla vise indifféremment les Français Raymond Domenech et Antoine Kombouaré et l’Allemand Volker Finke, les trois entraîneurs retenus par la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), à l’issue d’un appel à candidature international, pour remplacer le sélectionneur camerounais Jean-Paul Akono, ancien coéquipier et ami de Milla, en poste depuis quelques mois. Sitôt publiés et repris, les propos suscitent l’indignation. Milla va trop loin, il a « dérapé », tancent plusieurs anciens entraîneurs de la sélection qui ont essuyé, chacunenleurtemps,samauvaisehumeur

N. Le Gouic/FeP/PaNoramic

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p L’icône du ballon rond vise indifféremment Domenech, Kombouaré et Finke.

légendaire. Le Français Pierre Lechantre, vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations en 2000 avec les Lions indomptables, le qualifie de « xénophobe » et de « raciste ». Sur le web, une querelle oppose soutiens et détracteurs. Les premiers pardonnent tout à « Roger’s » et considèrent

Barcelone et à l’Inter Milan, mais jamais rien à l’équipe du Cameroun », avait-il lâché. L’intéressé répliqua sans égards ni hauteur. Craignant que l’incendie ne se propage dans le vestiaire, la Fecafoot tenta de relativiser: « Les coups de gueule de Milla, on en a l’habitude, ça n’émeut plus personne. » Trop tard, colérique, grognon, il est coutumier le groupe avait implosé et la Coupe du monde fut un de l’esclandre. « Faites-le taire! » désastre. Sa dernière sortie ne va supplient ses détracteurs. pas améliorer son image. que l’icône du football africain reste intou« À vrai dire, ses propos visaient moins les chable quoi qu’elle dise. Les autres lui entraîneurs étrangers que les dirigeants reprochent son manque de sang-froid, de la fédération », plaide un journaliste sportif. Ces dernières années, Roger Milla ses raccourcis provocateurs, ses phrases simplistes et dangereuses… « Par pitié, est parti en guerre contre la Fecafoot. Il a faites-le taire ! » pourrait-on résumer. créé un Comité citoyen pour le redresEn 2010 déjà, à quelques jours de la sement du football camerounais, mais Coupe du monde en Afrique du Sud, il ses outrances sonnent comme un aveu s’en était pris à l’autre star du football d’impuissance face à Mohammed Iya, à camerounais, Samuel Eto’o, capitaine la tête de la structure depuis 1998. l GeorGes DouGueli de la sélection. « Il a apporté beaucoup à

NoMiNatioNs

Bert Koenders MinusMa Chef de l’opération onusienne en Côte d’Ivoire, ce Néerlandais de 54 ans a été désigné par le secrétaire général, Ban Ki-moon, pour prendre la tête de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali. N o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

CédriC Pastour aiGLe aZur Le 15 mai, ce Français de 48 ans a été nommé directeur général de la compagnie aérienne hexagonale, qui dessert notamment Alger, Bamako, Paris et Tunis. Il succède à Meziane Idjerouidène. jeuNe aFrique


En haussE

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Ridha KhadeR

L

a date a-t-elle été choisie par hasard ? Deux ans jour pour jour après avoir été mis en cause par Nafissatou Diallo pour agression sexuelle dans une suite d’hôtel new-yorkaise, et alors que les premières images (torrides) d’un film d’Abel Ferrara inspiré de cette histoire ont été présentées au Marché du film de Cannes, Dominique Strauss-Kahn fait de nouveau parler de lui. L’ex-patron du Fonds monétaire international (FMI) s’est rendu à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, pour assister à l’inauguration d’une banque locale, la National Credit Bank (NCB), le 14 mai. Unehistoiredebusiness,maissurtoutd’amitié.«Dominique est l’un de nos amis », confie Thierry Leyne à J.A. « Il connaît bien l’Afrique, s’est passionné pour le dossier et nous a conseillés », poursuit cet homme d’affaires franco-israélien (cofondateur de la NCB, dont il est actionnaire avec plusieurs investisseurs sud-soudanais de la diaspora, il partage son temps entre Tel-Aviv, Monaco, Luxembourg et la Roumanie). DSK, qui aspire désormais à une vie tranquille, a refusé tout entretien médiatique lors de son séjour. Mais, en octobre dernier, il avait confié à l’hebdomadaire français Le Point vouloir « s’investir dans de grands projets internationaux » ainsi que dans « la réalisation de choses importantes qui pourraient vraiment contribuer à changer la vie des gens, dans des endroits du monde qui ont besoin d’aide ». Ses activités de consultant auprès des grandes entreprises pourraient prendre le dessus sur ses prestations de conférencier,quel’ons’arrachejusqu’àl’universitéprivéedeMarrakech, où il était le 8 mai. Fin 2012, il a créé une structure, Parnasse, pour développer cette activité. Ce métier devrait l’amener plus souvent encore en Afrique. Du Sénégal, en février 2008, à l’Algérie, fin 2010, celui qui était alors patron du FMI avait visité quinze pays du continent. De quoi soigner son carnet d’adresses. l Frédéric Maury

DR

Ce boulanger natif de Kairouan (Tunisie) a reçu le Grand Prix de la meilleure baguette artisanale de Paris. Outre une prime de 4000 euros, il a gagné le privilège de fournir l’Élysée pendant un an, à compter du 13 mai. JéRôme efong nzolo Élu, le 14 mai, « arbitre de l’année » par les joueurs de la première division belge de football pour la quatrième fois de sa carrière, ce BelgoGabonais de 38 ans devient le deuxième meilleur arbitre de tous les temps en Belgique.

panoRaMIC

Deux ans après l’affaire du Sofitel de New York, l’ex-patron du FMI refait surface. En Afrique, et dans le rôle de consultant.

google Le 1er mai, au grand dam de la diplomatie israélienne, le moteur de recherche américain, dont la déclinaison palestinienne affichait jusque-là « Google territoires palestiniens », a rebaptisé celle-ci « Google Palestine ». En baissE

Benyamin netanyahou

DR

dominique strauss-Kahn sage comme une image

Le Premier ministre israélien a été épinglé par la télévision nationale, le 10 mai, pour avoir fait installer une chambre à coucher dans l’avion qui le transportait aux funérailles de MargaretThatcher à Londres, en avril. Montant : 98 500 euros. moRad aBid

DR

q L’ancien ministre français, à Djouba, le 14 mai.

Directeur général de l’Agence du partenariat pour le progrès (dotée par les États-Unis de 700 millions de dollars), ce Marocain de 48 ans a été limogé après qu’un audit a relevé des dysfonctionnements dans sa gouvernance.

Bol Manas/afp

sIMon MaIna/afp

SuSan Soila

jeune afrique

Cette Kényane de 50 ans, directrice adjointe de l’ONG AmboseliTrust for Elephants, a été arrêtée, le 12 mai, en possession illégale de 19 kg d’ivoire, d’une valeur estimée à 22 300 dollars. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


la semaine de J.a. décryptage DDS. Bien que confondu par de nombreux témoins et classé, dès 1992, parmi « les tortionnaires les plus redoutés [pour] leur cruauté, leur sadisme et leur inhumanité » par une commission d’enquête nationale, Djibrinen’avaitjamaisétéinquiété.Jusqu’à récemment, il travaillait encore au sein de la police. Mais, il y a quelques semaines, le vent a tourné: avec une douzaine d’autres anciens tortionnaires présumés, il a été subitement mis à l’écart.

AlAin Keler/SygmA/CorbiS

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p Le dictateur en 1983, sept ans avant sa chute.

Tchad Brochette de tortionnaires sur le gril Une vague d’arrestations frappe d’anciens cadres de la Direction de la documentation et de la sécurité, qui fut l’instrument de répression du régime de Hissène Habré.

E

n se battant depuis des années pour que Hissène Habré soit jugé par une juridiction internationale, les défenseurs des victimes de son régime avaient un objectif secret : que cela incite les autorités tchadiennes, longtemps réticentes, à poursuivre les tortionnaires restés au pays après la chute du dictateur en 1990 et qui, bien souvent, ont continué à occuper des postes à responsabilité dans la police ou l’Administration. Ce pari est en passe d’être gagné : alors que plus rien ne s’oppose à un procès de Habré au Sénégal, la justice tchadienne a exhumé des plaintes déposées en 2000 par

plusieurs victimes, ciblant des dizaines de cadres de la terrible Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), l’instrument de répression du régime Habré. « Nous avons décidé de marquer le coup, indique Jean-Bernard Padaré, le ministre de la Justice. Il n’y avait pas de raison qu’à Dakar la procédure avance et qu’ici rien ne se passe. Ces gens doivent eux aussi être jugés. » sadismE. Ouverte en 2001, l’instruction

traînait en longueur. Ce 14 mai, surprise : on a appris l’arrestation de Mahamat Djibrine, alias El Djonto, qui occupa plusieurs fonctions éminentes au sein de la

« cErvEaux ». Son arrestation n’était qu’une mise en bouche. Deux jours plus tard, une vingtaine d’anciens membres de la DDS ont été convoqués par le juge, et huit d’entre eux placés sous mandat de dépôt. Le même jour, le Tchad a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de cinq figures en exil du régime Habré. Trois d’entre elles ont joué un rôle crucial à la DDS : Guihini Koreï, un neveu du dictateur déchu, qui se trouverait entre le Togo et le Bénin, en fut le directeur (il a notamment été au cœur de la répression contre les Zaghawas en 1989) ; Bandoum Bandjim, qui vit en France, était à la tête du service chargé d’exploiter les informations (voir son interview dans J.A. no 2729-2730) ; Abakar Torbo, que les autorités situent « quelque part en Afrique de l’Ouest », dirigea le service qui décidait du sort des détenus. Les deux autres personnes recherchées n’ont pas officié à la DDS. Mahamat Nouri, qui se trouve en France, était l’un des « cerveaux » du régime. Après avoir rallié le président Idriss Déby Itno en 1990, il avait rejoint la rébellion et mené l’offensive sur N’Djamena en 2008. Quant à Bichara Idriss Haggar, un opposant exilé au Canada, il est seulement connu pour avoir dirigé l’École nationale d’administration et de magistrature de 1984 à 1989. Selon une source judiciaire, d’autres arrestations suivront. Objectif : qu’un procès ait lieu à N’Djamena avant celui rémi carayol de Dakar. l

à suivrE la sEmainE prochainE

24

mai -1 er juin 12 Festival Mawazine Rythmes du monde, à Rabat. Une pléiade d’artistes (de Rihanna auxTambours de Brazza en passant par Cheb Mami…) sont attendus. e

n o 2732 • du 19 Au 25 mAi 2013

27-31

mai Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD), à Marrakech. Thème choisi : les transformations structurelles en Afrique.

5

juin Remise du prix Houphouët-Boigny au président François Hollande, au siège de l’Unesco, à Paris, en présence d’une dizaine de chefs d’État africains. jeune Afrique



Ils ont dIt

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la semaine de J.a. décryptage

« Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. »

Passeport universel libres comme l’air Quel point commun entre lula da Silva, l’ancien président du Brésil, tiken Jah Fakoly, le reggaeman ivoirien, et Anzoumane Sissoko, le défenseur des sans-papiers en France ? Aucun, a priori. le 23 mai cependant, au siège de l’unesco, à paris, ces personnalités seront les premiers récipiendaires d’un titre de transport insolite: le passeport de citoyenneté universelle. « c’est un grand honneur, se réjouit Albert tévoédjrè, le médiateur de la République du Bénin, qui figure parmi les heureux élus. Je ne suis que l’un des millions de militants qui se battent pour le droit et le respect de la personne humaine. » Attribué par l’association organisation pour une citoyenneté universelle (ocu, cofondée notamment par emmaüs international), ce passeport garantit à ses détenteurs le droit de circuler et de s’installer partout dans le monde, conformément à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. en principe seulement. car dans les faits, un seul État reconnaît ce passeport : l’Équateur. en europe, l’idée même d’une libre circulation mondiale a du mal à passer.

Vincent foUrnier/J.A.

Le pape François (citant saint Jean Chrysostome, le 16 mai, au Vatican)

« Dans les mosquées, il n’y a rien, à part des corans et des vieux tapis. Dans les églises, vous trouvez tout. » MiCHeL DJoToDia Président autoproclamé de la Centrafrique (à propos du pillage des édifices chrétiens dans son pays)

« Kaddafi m’avait proposé d’organiser

la Coupe du monde 2010 dans tous les pays africains, avec une finale en Afrique du Sud. »

JosepH BLaTTer Président de la Fifa

« il faut rétablir la vérité sur les migrations, explique Stéphane melchiorri, responsable des actions politiques chez emmaüs. contrairement à ce que croient certains États, elles ne freinent pas le développement des pays. il est temps que les nations unies organisent une conférence mondiale sur le sujet. » en attendant, cent passeports seront remis dans les prochains mois à des personnalités politiques ou appartenant au monde des arts et de la culture. le passeport numéro un sera attribué – à titre posthume – à l’un des plus fervents militants des droits de l’homme : Stéphane Hessel, décédé le 27 février dernier. l

« Les bikinis sont les bienvenus en Égypte, et on sert toujours de l’alcool. » HisHaM ZaaZoU Ministre égyptien du Tourisme

Karen arMsTronG Historienne britannique, spécialiste des religions

n o 2732 • dU 19 AU 25 mAi 2013

MalIka GroGa-Bada

Mise au point Ulf Andersen/epicUreAns

« Il m’arrive de penser que l’islamophobie en Occident est aussi dangereuse que le fondamentalisme musulman. »

Suite à la parution, dans J.A. no 2731, de notre enquête sur la « libyan connection » de nicolas Sarkozy, l’homme d’affaires franco-marocain Richard Attias nous fait savoir que, contrairement à ce que nous avons écrit, ni lui ni son épouse cécilia (ex-Sarkozy) n’ont jamais rencontré Seif elislam Kaddafi, fils du dictateur défunt, à tripoli ou ailleurs. JeUne AfriqUe


Un groupe multi-métiers, une présence panafricaine Créé en 1995, SAHAM GROUP, acteur de référence dans les secteurs de l’Assurance, de l’Offshoring, de la Santé et de l’Immobilier au Maroc, poursuit activement sa stratégie d’expansion à l’international.

• Assurances

• Immobilier

Le groupe s’est implanté au Liban et dans 17 pays d’Afrique sub-saharienne, se hissant en trois ans au premier rang des compagnies d’assurances du continent, hors Afrique du Sud, avec les marques CNIA SAADA, COLINA et LIA Insurance. Leader de l’assistance au Maroc, sa filiale ISAAF Assistance couvre un réseau de 600 sites d’intervention.

Fort de son expérience dans la promotion immobilière au Maroc, SAHAM GROUP a racheté la société ivoirienne BATIM AFRICA, avec pour ambition de couvrir la région.

• Offshoring Pionnier dans les métiers de l’offshoring, SAHAM GROUP gère 8 centres de contact et propose à ses clients internationaux des services d’assistance technique, de relations clients, de télémarketing, de back office, d’annuaire…

• Santé L’acquisition en 2011 d’une industrie pharmaceutique permet à SAHAM GROUP de lancer son pôle santé. Objectif : la production et la distribution de médicaments – notamment les génériques – aussi bien au Maroc qu’en Afrique.

• Partenariats stratégiques Pour renforcer son expertise et consolider sa croissance internationale, SAHAM GROUP s’appuie sur des partenariats stratégiques, aussi bien capitalistiques que commerciaux, avec des opérateurs de premier plan tels que Bertelsmann, Mondial Assistance, CEGEDIM, Sanam Holding, la Société financière internationale (SFI) et Abraaj Capital.

Saham group en chiffres • Un chiffre d’affaires de 900 millions de dollars en 2012

• 5 900 collaborateurs • 34 filiales dans 19 pays

Recherchant les synergies entre ses filiales, soucieux de pérenniser des emplois qualifiés, SAHAM GROUP mise sur la qualité, l’innovation et la formation pour répondre aux exigences de ses clients, et apporter sa contribution au développement économique et social du continent. www.sahamgroup.com


La semaine de J.A. Décryptage JEUNEAFRIQUE.COM

INFOGRAPHIE

Une sécurité pas très Net Le classement des pays où la cybercriminalité est la plus forte

INTERVIEW

Fally Ipupa, artiste congolais : « Les dirigeants doivent ramener la paix une fois pour toutes au Kivu »

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SONDAGE

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*Sondage réalisé sur jeuneafrique.com du 13 au 16 mai 2013, auprès de 843 internautes.

2

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À l’occasion du sacre du Paris Saint-Germain, J.A. vous a demandé de choisir le joueur africain qui a le plus marqué l’histoire du club*. Les trois premiers cités sont: 1. George Weah 67 % 2. Mustapha Dahleb 10 % 3. Jay-Jay Okocha 8%

À LIRE AUSSI Mali : En Italie, des leaders du MNLA se forment à la négociation

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Mode Le racisme, c’est tendance L’ESCLAVAGE EST SO GLA MOUR… À preuve : le monde de la mode y fait de plus en plus référence. Il y a eu, mi-2012, les baskets de la marque allemande Adidas surmontées d’un bracelet de cheville relié à la chaussure par une chaîne. Puis, début 2013, l’espagnol Mango, qui vend sur son site web des bracelets « style esclave ». Sans oublier d’autres poncifs racistes du genre : les Africaines-Américaines, qui, selon le magazine français Elle, sont devenues stylées car ayant « intégré tous les codes blancs », ou le mannequin blanc peint en noir pour incarner « l’African Queen » de la revue Numéro. Il y a dorénavant la série de photos « Be My Slave » (« sois mon esclave ») du magazine pakistanais Diva, mettant en scène une Blanche et un enfant déguisé en esclave, qui lui tient Une des photos de la série « Be My Slave », son sac, son parapluie ou sa parue dans le magazine pakistanais Diva. tasse de thé, quand il ne dort pas à même le sol, quasi nu. Dégradant ? Raciste ? Aamna Aqeel, la son pays. « Le gamin présent sur les phophotographe pakistanaise à l’origine du tos travaillait dans un garage et cherchait shooting, s’en défend. Elle ne comprend un autre job », a-t-elle même renchéri. pas la polémique. Elle voulait juste « créer La grande âme… ● un débat » sur le travail des enfants dans HABY NIAKATE

Tweet Foncièrement débile  LES CASSEURS SONT SÛREMENT des descendants d’esclaves, ils ont des excuses. #Taubira va leur donner une compensation ! » a tweeté le 13 mai Jean-Sébastien Vialatte, un député UMP français. Il réagissait ainsi aux violences survenues le soir même à Paris, alors que le PSG était censé fêter sa victoire en championnat de France sur la place du Trocadéro. Quel est le lien entre ces « casseurs », les « descendants d’esclaves » et Christiane Taubira, la ministre française de la Justice ? Aucun. Mais à l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, le 10 mai, cette dernière avait prôné « une politique foncière » en faveur des descendants d’esclaves, en

outre-mer, visant à réparer « les confiscations de terres ». Une démarche sans doute insupportable aux yeux de l’auteur du fameux tweet, qui s’est empressé, après quelques minutes seulement, de l’effacer. Trop tard… Face au torrent de réactions indignées qu’il s’est attirées sur les réseaux sociaux, l’élu a présenté de plates excuses le lendemain en qualifiant son amalgame d’« énorme connerie ». La Fondation du mémorial de la traite des Noirs a, quant à elle, décidé de porter plainte contre le député pour « injures publiques, diffamation et incitation à la haine raciale ». D’autres associations, comme SOS Racisme, envisagent de lui emboîter le pas. ● H.N. JEUNE AFRIQUE

AAMNA AQEEL

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L’énergie dont le monde a besoin. La sécurité que le monde exige. Chez ExxonMobil, nous nous appliquons à produire une énergie sûre, de façon responsable grâce aux technologies de pointe, au respect de normes rigoureuses et à un engagement scrupuleux des meilleures pratiques en matière de système de gestion de la sécurité. Chaque décision que nous prenons est guidée par notre système de gestion de l’intégrité des opérations (Operations Integrity Management System, OIMS). Il est composé de 11 éléments distincts qui analysent et réduisent les risques en matière de sécurité, de sûreté, de santé et de risque potentiel sur l’environnement, les personnes et les communautés au sein desquelles nous opérons dans le monde. Nous reconnaissons les risques potentiels liés à nos activités et avons fait des progrès significatifs pour les maitriser. Nous n’aurons de cesse de poursuivre l’objectif de zéro accident, tel est notre engagement. En savoir plus sur notre travail sur exxonmobil.com


La semaine de J.A. Tour du monde mitraillé deux embarcations au nord de Luçon, à 170 milles marins de la côte orientale de Taiwan, dans une zone revendiquée par les deux pays. Ma Ying-jeou, le président taïwanais, a exigé des excuses et l’ouverture d’une enquête. Sous peine de représailles.

BULGARIE

Ubu roi à Sofia

S

ITUATION INEXTRICABLE en Bulgarie après les législatives anticipées du 12 mai. À l’issue d’un scrutin validé par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le GERB, le très conservateur parti de l’ancien Premier ministre Boïko Borissov renversé par la rue au mois de février (les manifestants dénonçaient notamment la corruption de son régime), l’a emporté d’un souffle sur le Parti socialiste (PSB, ex-communiste), mais sans obtenir – il s’en faut de beaucoup – la majorité absolue des suffrages et des sièges. Comme le GERB est assez unanimement détesté, aucune formation n’a la moindre intention de l’aider à constituer un gouvernement minoritaire. Pour tenter de sortir de l’impasse, Borissov demande à présent l’organisation d’une nouvelle consultation, ce qu’il a bien peu de chances d’obtenir. Le vainqueur d’une élection réclamant l’annulation des résultats, il n’y a vraiment qu’à Sofia qu’on voit ça ! Pendant ce temps, la Bulgarie, déjà pays le plus pauvre de l’Union européenne, continue de s’enfoncer dans la crise. ●

ÉTATS-UNIS

Malédiction familiale

MALCOLM SHABAZZ ÉTAIT le petit-fils de Malcolm Little, alias Malcolm X, alias El-Hajj Malek el-Shabazz, le célèbre militant de la cause des Africains-Américains assassiné en 1965. Le jeune homme a toujours eu les pires difficultés à s’adapter socialement. À 12 ans, il fut condamné à quatre ans de réclusion dans un centre pour mineurs pour avoir mis le feu au domicile d’une de ses grands-mères – laquelle ne survécut pas à ses brûlures. Le 9 mai, il a trouvé la mort dans un bar d’un quartier touristique de Mexico. S’est-il jeté par la fenêtre ? A-t-il été battu à mort par des employés de l’établissement, à qui il devait une grosse somme d’argent ? L’enquête devrait finir par l’établir. LE CHIFFRE

VALENTINA PETROVA/AP/SIPA

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Boïko Borissov : vainqueur et pas content, il réclame l’annulation du scrutin. BRÉSIL

Les juges pour le mariage gay LE CONSEIL NATIONAL de justice (CNJ), que dirige Joaquim Barbosa, le célèbre président (noir) de la Cour suprême, a, le 14 mai, quelque peu forcé la main aux membres du Congrès brésilien, qui, depuis des mois, examinent un projet de légalisation du mariage gay. Les tribunaux publics ont désormais l’obligation d’enregistrer ce type d’unions. N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Et les parlementaires ont été fermement invités à accélérer leurs travaux. TAIWAN-PHILIPPINES

Le ton monte

 UN HOMME EST MORT, les Taïwanais méritent notre compassion, pas nos excuses. » Cette déclaration du porte-parole des gardes-côtes philippins après la mort d’un pêcheur taïwanais de 65 ans a été fort mal reçue à Taipei et à Pékin. Le 9 mai, un navire de patrouille philippin aurait en effet

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LE NOMBRE D’ENFANTS dont Ed Houben (43 ans), prolifique donneur de sperme néerlandais, est le père biologique. Un record du monde, paraît-il. Après leur naissance, les bambins sont confiés à des couples, homosexuels ou non, incapables de procréer. Le géniteur fou, qui a eu sa première relation sexuelle à l’âge de 34 ans, rêve aujourd’hui de fonder sa propre famille. CHINE

Ballon d’essai antinippon LE 8 MAI DANS Le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste, deux universitaires ont estimé que le moment était venu de régler le « problème non résolu » des îles Ryukyu. Soumis pendant des siècles à la double JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Stringer China • Reuters

CHINE

Happening à Qingdao M. WANG (ce n’est pas son vrai nom) est riche, très riche. Il est aussi terriblement exigeant avec ses fournisseurs. Maserati, l’illustrissime constructeur automobile italien, vient de l’apprendre à ses dépens. Mécontent du concessionnaire de la firme dans la ville de Qingdao (est de la Chine), M. Wang a chargé quatre gros bras de détruire à coups de masse le luxueux véhicule pour l’achat duquel il avait récemment déboursé 325 000 euros. Et fait filmer cet étrange happening. À toutes fins utiles.

domination des Chinois et des Japonais, l’archipel a été annexé par les seconds en 1879, puis administré par les États-Unis de 1945 à 1972. Il fait aujourd’hui partie de la préfecture d’Okinawa. Soixantedix pour cent des forces américaines présentes au Japon y sont stationnées. Le 9 mai, les autorités japonaises ont officiellement fait savoir qu’elles « ne toléreraient pas de telles revendications [d’appartenance territoriale] s’il apparaissait qu’elles représentent la position du gouvernement chinois ». GUATEMALA

La vengeance des Ixiles ALORS QU’IL ÉVOQUAIT les réparations dues aux victimes du terrible général Efraín Ríos Montt, le juge a perdu connaissance en pleine audience, le 13 mai, et a dû être hospitalisé ! Trois jours plus tôt, l’ancien dictateur (86 ans) JEUNE AFRIQUE

avait été condamné à… quatre-vingts ans de réclusion : cinquante pour génocide, trente pour crimes de guerre. C’est durant son mandat (1982-1983) que 1771 Indiens ixiles (une ethnie maya) ont été massacrés dans le nord du pays. Ils étaient soupçonnés de soutenir les guérillas de gauche. PHILIPPINES

« Noynoy » sans complexe CINQUANTEDEUX MILLIONS de Philippins étaient appelés aux urnes le 13 mai pour le début des élections parlementaires et locales. Pour le président Benigno « Noynoy » Aquino et sa politique de réformes, le scrutin constituait un véritable référendum de mi-mandat. Son succès ne fait aucun doute. Trois ans après son arrivée, il reste en effet extraordinairement populaire grâce à l’efficacité de la lutte qu’il a engagée contre la corruption et la pauvreté.

Les Philippines ont aujourd’hui l’un des taux de croissance les plus élevés de la région (+ 6,6 % en 2012). CHILI

Bachelet et le tsunami APRÈS SON RETOUR au Chili et l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle du 17 novembre, l’ancienne chef de l’État Michelle Bachelet, pour laquelle 54 % de ses compatriotes ont de nouveau l’intention de voter, pourrait avoir des comptes à rendre à la justice. Une plainte déposée par l’avocat Raúl Meza, un militant de Rénovation nationale, un parti membre de l’actuelle coalition gouvernementale, a en effet été jugée recevable par un tribunal de Santiago. Bachelet devra répondre de l’accusation de mauvaise gestion lors du tsunami du 27 février 2010. N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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Grand angle

UNION AFRICAINE

Qu’as-tu fait de tes

Tirant les leçons de ses échecs passés, l’organisation semble désormais miser sur le développement économique pour favoriser la cohésion du continent. CHRISTOPHE BOISBOUVIER

L

e 30 janvier 2011 est un jour à oublier dans l’histoire du continent. Ce dimanche-là, l’Union africaine (UA) ouvre son seizième sommet à AddisAbeba. Deux semaines plus tôt, le peuple tunisien s’est libéré du joug de Ben Ali. Mais ce jour-là, personne ne monte à la tribune pour saluer les enfants de Sidi Bouzid et de Tunis. L’Égypte fait sa révolution en direct, mais tout le monde se tait. Le Printemps arabe ? Circulez, il n’y a rien à voir ! Dans les couloirs du sommet, la délégation de Tunis, conduite par Radhouane Nouicer, est même obligée de répéter sur tous les tons que la « révolution du jasmin » ne présente aucune menace pour les pays voisins. La cacophonie de l’UA sur la Libye ? « C’est le résultat de ce silence assourdissant sur la Tunisie », affirme le Sénégalais Pape Ibrahima Kane, d’Open Society, la fondation créée par l’Américain George N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Soros et basée à Nairobi. « Officiellement, l’Union africaine est portée par les peuples, explique-t-il. Mais, cinquante ans après sa naissance, je suis désolé de dire que les peuples n’ont rien à voir avec tout cela. Quand la révolution a éclaté en Libye, beaucoup de chefs d’État africains ont mis la tête dans le sable. Après, ils se sont étonnés que l’Otan vienne s’occuper des problèmes à leur place. Mais la nature a horreur du vide ! » L’Union africaine totalement déconnectée de sa base ? Le réquisitoire est sévère. Et la réforme de la grande maison d’Addis-Abeba, en 1999-2002, n’a pas été si vaine, loin de là. L’un des effets de cette mue, c’est l’accent mis sur le développement économique. On ne le sait pas beaucoup, mais tous les six mois, à la veille de chaque sommet, plusieurs chefs d’État et de gouvernement africains (Afrique du Sud, Algérie, Égypte, Éthiopie, Nigeria, Sénégal, etc.) se réunissent pour écouter le rapport d’Ibrahim Hassane Mayaki, ex-Premier ministre nigérien, sur les dernières avancées du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), basé à Midrand, en Afrique du Sud. L’électricité, les routes… Jacob Zuma, Goodluck Jonathan, Macky Sall et les autres passent tout au crible, région par région, pour suivre les efforts de ●●● désenclavement.

SEAN GALLUP/AFP

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Grand angle

ð Inauguré en

janvier 2012, le nouveau siège offert par la Chine à l’Union africaine a coûté 200 millions de dollars pour la partie achevée et livrée de l’ouvrage, en attendant les bâtiments annexes en cours de construction… Ce complexe immobilier suscite une controverse alimentée par ceux qui crient au loup chinois dans la bergerie africaine. Reste qu’il faudra trouver des ressources pour l’entretenir.

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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Grand angle Union africaine ● ● ● « Nous sommes 1 milliard d’Africains, mais, en 2011, seuls 16 millions d’entre nous ont voyagé d’un pays du continent à un autre, regrette Pape Ibrahima Kane. Tant que le visa coûtera 50000 F CFA [76 euros] et que la libre circulation des personnes sera entravée, il n’y aura pas de marché commun de l’Afrique.Heureusement,laCedeao[laCommunauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] et surtout la Communauté de l’Afrique de l’Est montrent la voie. » Aujourd’hui, grâce à un système de compensations entre États, un transporteur du port de Mombasa qui livre des marchandises à Kigali règle toutes ses taxes douanières au point de départ et ne paie plus rien en route. Cela dit, à l’échelle du continent, l’intégration reste un vœu pieux. Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’UA, a raison de se fixer comme objectif… l’an 2063!

CASQUES BLANCS. Autre effet de la grande mutation entre l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et l’UA: les conflits sont mieux gérés. Fini les querelles de légitimité. Depuis la décision d’Alger de juillet 1999 condamnant les changements anticonstitutionnels de gouvernement, les candidats putschistes savent que leur entreprise est semée d’embûches. Avec le Conseil de paix et de sécurité (CPS), mis en place en 2004, l’UA s’est dotée

Tant que la libre circulation des personnes sera entravée, il n’y aura pas de marché commun de l’Afrique.

Une institution en mouvement

1960

Février 1966

Kwame Nkrumah, premier président du Ghana et panafricaniste convaincu (il a participé à la création de l’OUA et rêvait de former un gouvernement central africain), est renversé par un coup d’État militaire.

d’un instrument capable d’ouvrir un dialogue ou d’envoyer une mission de paix dans un pays en conflit. Au Darfour, les « casques blancs » ont réussi, avec l’aide de l’ONU, à séparer les belligérants. En Somalie, les armées ougandaise et burundaise ont payé le prix du sang pour contenir avec succès la menace jihadiste. Dans l’est de la RD Congo, un premier contingent de soldats tanzaniens vient de débarquer à Goma. Au CPS, la rotation entre États est la règle, mais le commissaire à la paix et à la sécurité, lui, ne bouge pas. Depuis 2004, le poste est occupé par un diplomate algérien – en l’occurrence, aujourd’hui, le chevronné Ramtane Lamamra. Pour Alger, le bénéfice politique n’est pas mince. En dépit de ces efforts, il faut bien dire que, dixneuf ans après le drame rwandais, l’Afrique n’est toujours pas en mesure de régler elle-même ses conflits les plus graves. Lors du sommet de janvier 2013 à Addis-Abeba, le président en exercice de l’Union, le Béninois Boni Yayi, et beaucoup de ses pairs ont vivement remercié la France pour son intervention militaire dans le Nord-Mali. À l’exception notable du Tchad, aucun pays africain n’a été en mesure de déployer des unités offensives face aux jihadistes. En juillet, c’est l’ONU qui doit prendre la relève. Et l’Union africaine? « Franchement, jusqu’à présent, elle n’a pas beaucoup brillé dans la crise malienne, lâche une figure politique de Bamako. Au point qu’on se demande si elle a tiré les leçons de son échec en Libye. »

1970

Juin 1974

Démission du secrétaire général de l’OUA, Nzo Ekangaki, éclaboussé par la révélation dans Jeune Afrique d’un scandale l’impliquant aux côtés de la Lonrho, une firme rhodésienne alors sous embargo. Le président Ahidjo usera de son influence pour faire nommer un autre Camerounais à sa place.

Janvier 1976

L’Angola tout juste indépendant et en pleine guerre civile divise l’OUA.

Houphouët Boigny (à g.) et Haïle Sélassié

Mai 1963

Création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à Addis-Abeba. « C’est un grand pas en avant, déclare le Sénégalais Léopold Sédar Senghor. Nous n’avons pas le droit d’échouer. »

SOURCE : THE AFRICA REPORT N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Septembre 1967

L’OUA condamne les volontés sécessionnistes du Biafra, dans le sud-est du Nigeria.

(De g. à dr.) Holden Roberto, Agostinho Neto et Jonas Savimbi

Vingt-deux pays reconnaissent le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola), vingt-deux reconnaissent l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) et deux reconnaissent le FNLA (Front national de libération de l’Angola).

Juillet 1979

Les dirigeants de l’OUA s’impliquent dans la résolution de la crise du Sahara occidental, dont l’Espagne s’est retirée trois ans plus tôt. Ils proposent un cessez-le-feu entre les troupes marocaines et le Front Polisario ainsi qu’un référendum d’autodétermination. Le Maroc refuse et se retire de l’organisation, en 1984 quand celle-ci décide de reconnaître la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

1980

Avril 1980

Sommet économique extraordinaire à Lagos. L’OUA propose d’accélérer l’intégration régionale et la création d’un marché commun africain.

Avril 1980

Indépendance du Zimbabwe. Avec l’arrivée au pouvoir de Robert Mugabe, les adversaires de l’apartheid, en Afrique du Sud, prennent l’avantage. JEUNE AFRIQUE


Qu’as-tu fait de tes 50 ans ? L’ennemi de tous est à l’intérieur de l’UA. C’est la pauvreté.

ÉLAN. « Ce qui manque le plus à l’UA, c’est un

leader », disent beaucoup de familiers du Centre de conférences d’Addis-Abeba. « Malgré tous ses défauts, Kaddafi avait réussi à donner l’impulsion aux changements institutionnels, remarque PaulSimon Handy. Il n’obtenait jamais ce qu’il voulait, mais il faisait bouger les autres. Regardez la FAA: le jour où Kaddafi a proposé à ses pairs de créer une armée africaine, tout le monde a pris peur et, tout de suite, plusieurs chefs d’État ont lancé l’idée de cette force pour contrer son projet. » Évidemment, beaucoup regrettent le temps où Kwame Nkrumah, le panafricaniste, enflammait ses auditoires avec le projet des « États-Unis d’Afrique ». « Mais les temps ont changé, poursuit Paul-Simon Handy. Au temps du colonialisme et de l’apartheid, il était possible de

1990

Février 1990

Janvier 1986

Yoweri Museveni s’empare du pouvoir en Ouganda. Certains dirigeants affirment que l’OUA est devenue « un syndicat de dictateurs ».

Novembre 1987

Le sommet de l’OUA est consacré à la lutte contre la crise de la dette étrangère de l’Afrique, qui s’élève à l’époque à 200 milliards de dollars. L’Initiative pays pauvres très endettés (PPTE) sera lancée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale en 1996. JEUNE AFRIQUE

La chute du mur de Berlin, en novembre 1989, a des répercussions jusque sur le continent africain. En pleine transition démocratique, le Bénin adopte une nouvelle Constitution et autorise le multipartisme. Vingt pays feront de même. Jacques Pelletier, ministre de la Coopération de François Mitterrand, déclare : « Le vent du changement a secoué les cocotiers. »

Avril 1994

L’attentat contre l’avion du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana est le prétexte au déclenchement du génocide des Tutsis (800 000 morts).

Frederik de Klerk et Nelson Mandela

Avril 1994

Premières élections libres d’Afrique du Sud. Nelson Mandela est élu à la magistrature suprême et le Congrès national africain (ANC) remporte les législatives.

Juillet 1999

Les chefs d’État et de gouvernement de l’OUA se retrouvent à Alger pour des pourparlers de paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée. Le conflit frontalier qui les oppose a fait plus de 100 000 morts.

faire l’unité de l’Afrique contre ces deux ennemis extérieurs. Aujourd’hui, l’ennemi commun est à l’intérieur de l’UA. C’est la pauvreté. » De 2003 à 2008, le premier président de la Commission de l’UA, l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré, a su donner un élan à la nouvelle organisation continentale. Sans pour autant parvenir à imposer ses vues. En 2005, par exemple, lors de la bataille pour la succession de Gnassingbé Eyadéma, au Togo, il s’est opposé à la solution dynastique défendue par le Nigérian Olusegun Obasanjo et le Gabonais Omar Bongo Ondimba. Écœuré, fatigué, Konaré est parti sans solliciter un second mandat, et les chefs d’État se sontempressésdenommeràsaplaceunex-ministre des Affaires étrangères, le Gabonais Jean Ping, qui ne pouvait nécessairement plus leur parler d’égal à égal. Aujourd’hui, Nkosazana Dlamini-Zuma est confrontée au même défi. Que peut la présidente de la Commission face au syndicat des chefs d’État? Si ceux-ci l’empêchent d’exister, il reste une dernière chance aux panafricanistes : une entente entre les quatre ou cinq poids lourds du continent. Une sorte de G4 ou de G5. « Pour réaliser le rêve de Nkrumah, il faut des valeursetdeshommesquiportentcesvaleurs,confie à Jeune Afrique le président nigérien, Mahamadou Issoufou. Comme dans une centrale nucléaire, il faut une masse critique afin de provoquer une réaction en chaîne. » ●

2000

Juillet 2001

Lors du sommet de Lusaka, l’OUA approuve la décision prise à Syrte (Libye) cinq mois plus tôt et crée l’Union africaine. Le lancement du Nepad (Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique) est également confirmé.

9 juillet 2002

Lancement officiel de l’UA à Durban, en Afrique du Sud.

2004

Inauguration du Parlement panafricain en Afrique du Sud et du Conseil de paix et de sécurité à Addis-Abeba.

Juillet 2007

Débats houleux, lors du sommet d’Accra, autour de la création d’un gouvernement africain et des États-Unis d’Afrique.

Janvier 2011

Les dirigeants de l’UA se réunissent à Addis-Abeba. Un vent de révolte souffle déjà sur le Maghreb ; il emportera les présidents Ben Ali (Tunisie), Moubarak (Égypte) et Kaddafi (Libye).

Juillet 2012

La Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma devient la première femme à présider la Commission de l’UA. Elle a été élue face au Gabonais Jean Ping. N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

AFP ; REUTERS

« Une partie de la résolution 2100 du Conseil de sécurité retire certaines attributions de l’UA et les transfère à l’ONU seule. Il y a certaines questions que nous aurions examinées différemment », lâche l’ex-ministre sud-africaine des Affaires étrangères avec amertume. De son propre aveu, la Force africaine en attente (FAA), que l’UA doit lancer en 2015, rencontre encore beaucoup de « problèmes » (voir interview p. 33). Pronostic du Camerounais PaulSimon Handy, directeur de recherches à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria : « Dans les dix prochaines années, l’Afrique aura encore besoin de ses partenaires occidentaux. »

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Grand angle Union africaine histoire

La longue marche vers l’unité Il a fallu la détermination de plusieurs grands leaders pour que le panafricanisme prenne une forme institutionnelle. Mais l’accouchement s’est fait dans la douleur.

arCHiVeS j.a.

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p Mai 1963. Kwame Nkrumah (à g.) et Haïlé Sélassié à Addis-Abeba pour écrire un nouveau chapitre de l’histoire africaine.

L

e 22 mai 1963, fin d’après-midi à Addis-Abeba, capitale de l’Éthiopie. Une trentaine de chefs d’État et de gouvernement du continent, des plus illustres aux moins connus, sont réunis dans l’hémicycle de l’Africa Hall, siège de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. L’un d’eux est absent : Hassan II, roi du Maroc, qui a refusé de se retrouver en face de Moktar Ould Daddah, le président de la Mauritanie, un territoire que le royaume chérifien revendique. Autre absent, le président du Togo, Nicolas Grunitzky, qui n’est pas reconnu par ses pairs depuis l’assassinat de Sylvanus Olympio. Un livre, qui ne pouvait bien tomber, circule dans les couloirs : Africa Must Unite, écrit par le président ghanéen Kwame Nkrumah. Hérault de l’unité politique de l’Afrique, il est convaincu que de cette union « pourrait émerger une Afrique unie, grande et puissante, dans laquelle les frontières territoriales, qui sont des reliques du n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

colonialisme, deviendront obsolètes et superflues, pour être au service d’une complète et totale mobilisation de la planification économique. » Cette union, Nkrumah la conçoit sous la forme d’un gouvernement continental. Processus. À la tribune, un homme de

71 ans, petit, le corps frêle, la barbe poivre et sel en collier, prononce le discours d’ouverture de la conférence au sommet des chefs d’État et de gouvernement africains et malgache. C’est Haïlé Sélassié, empereur d’Éthiopie. Une de ses phrases retient l’attention de ses hôtes : « Cette conférence ne peut pas se terminer sans l’adoption d’une charte africaine unique. Nous ne pouvons nous séparer sans créer uneseuleorganisationafricainepossédant ses attributs. » Trois jours et une dizaine d’heures de discours plus tard, le 25 mai, la charte créant l’Organisation de l’unité africaine (OUA), initiée par l’Éthiopie, est adoptée. Pari gagné pour Haïlé Sélassié,

qui, très patient, a réussi à concilier les différents points de vue pour obtenir un consensus historique : l’unité, oui, mais pas de gouvernement continental. L’adoption par les chefs d’État et de gouvernement de la charte portant sur les fonts baptismaux l’Organisation de l’unité africaine est l’aboutissement d’un long processus. Dans toutes les parties du continent, différents leaders sont persuadés que l’avenir de l’Afrique passe par la mise en commun de toutes les forces. En Afrique du Nord, dès 1945, des partis nationalistes du Maroc et de la Tunisie mettent l’accent sur la constitution d’un grand Maghreb. Cette initiative prend forme en 1958 lorsque le Maroc et la Tunisie, auxquels s’ajoute le Front de libération nationale (FLN) algérien, se mettent d’accord pour lancer le processus. Mais l’idée sera combattue par l’Égypte, qui redoute la naissance d’une fédération maghrébine. En 1960, Habib Bourguiba se prononce en faveur d’une fusion entre jeune afrique


qu’as-tu fait de tes 50 ans ? la Tunisie et l’Algérie. Pour lui, cela peut à deux crises majeures : la sécession du La crise congolaise touche et divise contribuer à résoudre l’équation algél’Afrique. D’un côté, ceux qui décident Katanga, menée par Moïse Tshombe, avec rienne. Une fois de plus, cela se limite le soutien des Belges, et l’intervention de de reconnaître la République des au niveau des bonnes intentions. l’armée belge au Congo. Cela va conduire lumumbistes. Ce sera le groupe dit « de Casablanca », comprenant le Ghana, En Afrique subsaharienne, les mêmes à la première mission de maintien de la l’Égypte, la Guinée, le Mali, le Maroc préoccupations sont partagées. Ainsi, en paix de l’Organisation des Nations unies et le Gouvernement provisoire de la novembre 1958, Nkrumah République algérienne (GPRA). L’autre annonce l’union de son Le problème de nkrumah, c’est groupe, dit « de Monrovia », considère pays, indépendant depuis que ses pairs le soupçonnent que le seul gouvernement légitime au un an, avec la Guinée, qui d’avoir des visées hégémoniques. Congo est à Léopoldville. Mais avant vient à peine d’accéder à la souveraineté internationale. d’en arriver à ce déchirement, il se tient, Le leader ghanéen, s’inscrivant dans la (ONU), qui envoie des casques bleus au en octobre 1960, à Abidjan, une confélongue tradition panafricaniste venue Congo, et à la destitution de Lumumba, rence de pays francophones « modérés » des États-Unis, avait déjà organisé, en avant son assassinat au Katanga en janconvoquée par Houphouët-Boigny. Il avril 1958, à Accra, la première confévier 1961. Les partisans de Lumumba cherche à constituer un groupe qui rence des États africains indépendants. gagnent Stanleyville (Kisangani), où ils puisse mener une médiation entre la Malheureusement pour lui, aucun des créent une « République populaire du France et le GPRA. En décembre, les chefs d’État invités ne fera le déplacement. Congo » dirigée par Antoine Gizenga, mêmes pays se retrouvent à Brazzaville Il récidive en décembre de la même année ancien vice-Premier ministre dans le où ils fondent l’Union africaine et malgouvernement Lumumba. avec la tenue de la première conférence gache (UAM), comprenant la plupart l l l des peuples africains. Cette fois, il préfère inviter les membres de la société civile. DoCument : quanD azikiwe s’en prenait à nkrumah C’est ainsi qu’il commence à semer ses idées sur l’unité du continent. Mais le Dans un texte paru le projetaient. Le Monrovia. Et le groupe de problème de Nkrumah, c’est que ses pairs, 18 mai 1961 dans le West Dr Nkrumah soutient que Casablanca ne compte qui le soupçonnent d’avoir des visées African Pilot de Lagos, le panafricanisme ne que cinq États. La vérité, hégémoniques, ne lui font pas confiance. dont il est le fondateur, représente rien s’il ne c’est que le Dr Nkrumah Crise. Au cours de la même période,

Barthélemy Boganda, leader de l’Oubangui-Chari, l’actuelle République centrafricaine, prône la création d’une entité politique, les États-Unis de l’Afrique latine, qui doit regrouper tous les territoires colonisés par la France, la Belgique et le Portugal. En Afrique de l’Ouest, le président du Liberia, William Tubman, lance pour sa part l’idée d’une entité baptisée les États associés d’Afrique. En 1960, dix-sept pays du continent deviennent indépendants. Kwame Nkrumah, jouissant du prestige d’être le président de la première colonie à avoir accédé à l’indépendance au sud du Sahara, voit là l’occasion de prêcher la bonne nouvelle du panafricanisme malgré l’échec de son union avec la Guinée et, ensuite, avec le Mali de Modibo Keïta, lequel avait précédemment formé une fédération avec le Sénégal avant de divorcer de façon spectaculaire. C’est dans ce contexte d’échecs répétés des tentatives de fusion au niveau des États qu’éclate la crise congolaise. À Léopoldville (Kinshasa, aujourd’hui), le premier gouvernement congolais, dirigé par Patrice Lumumba, doit faire face, une semaine seulement après l’indépendance, le 30 juin 1960, jeune afrique

Nnamdi Azikiwe, qui sera deux ans plus tard le premier président du Nigeria, conteste la vision panafricaine de Kwame Nkrumah.

l’

idéal serait un Parlement unique pour toute l’Afrique. Mais, à la différence du Dr Nkrumah, nous ne tenterons pas de réaliser l’irréalisable. La plupart du temps, le leader ghanéen tient des propos sensés. Mais lorsqu’il commet des erreurs, elles sont monumentales. Nous le savons grand défenseur de l’unité africaine, mais cela ne veut pas dire qu’il a toujours raison dans sa conception des affaires africaines. Le Dr Nkrumah a lancé l’autre jour une violente attaque contre la Conférence de Monrovia. Il n’y assistait pas parce que ni lui ni son groupe minoritaire n’étaient en mesure d’imposer leur volonté comme ils le

franchit pas les frontières artificielles imposées par le colonialisme. Le Ghana est uni à la Guinée. Or, ces deux pays n’ont toujours ni Parlement ni monnaie en commun. Le Ghana est très différent de la Guinée et cette prétendue union n’est qu’un chiffon de papier. Il n’a pas réussi à rallier à ses idées les Ashanti, qui forment pourtant un peuple important du Ghana. Certes, la loi sur la détention préventive a suscité une unité artificielle. Mais sans sa police et ses formations paramilitaires, le Dr Nkrumah sait qu’il aura à faire face un jour ou l’autre à la révolte. Et voilà l’homme qui, aux yeux du monde, prêche l’unité! Le Dr Nkrumah préfère penser que les États de Monrovia ne représentent pas la majorité des États africains. Il y en avait pourtant vingt et un à

veut être à la tête de n’importe quel mouvement, ou, s’il ne peut pas, il reste en marge parce qu’il faut toujours qu’il commande. Cet homme, c’est le Messie. Ce n’est pas un individu qui suit les troupes en marche pour ramasser leurs déchets. Il est nécessaire de dire au Dr Nkrumah que la poursuite obstinée de ses ambitions territoriales ne le conduira nulle part. Son but véritable est d’avaler le petitTogo et de mâchonner quelques bribes de la Côte d’Ivoire. Ce verbiage sur un Parlement africain et une Afrique sans frontières n’est qu’un camouflage destiné à masquer ses aspirations. Quelle que soit l’admiration que nous éprouvons pour le leader ghanéen, il est de notre devoir de lui lancer cet avertissement, afin qu’il renonce à la poursuite de principes fallacieux. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Grand angle Union africaine

ENTRETIEN

l l l des anciennes colonies françaises. Dans la déclaration finale, ils affirment leur opposition à toute union politique avec des institutions intégrées. En réalité, c’est le rejet par Houphouët-Boigny des idées de Nkrumah. En janvier 1961, le Maroc organise à son tour une conférence à Casablanca, pour répondre à l’UAM, qui soutient l’indépendance de la Mauritanie. Cinq pays s’y retrouvent, plus le GPRA. Sur plusieurs sujets, les amis du Maroc ne partagent pas le même point de vue. N’empêche, ils publient une charte de Casablanca, qui sera ratifiée plus tard au Caire. La charte institue un comité politique, un comité économique, un comité culturel et un haut commandement à la défense. Aussitôt après, en mai, le groupe de Monrovia, auquel l’Éthiopie s’est jointe, se réunit à son tour dans la capitale libérienne. Il y a affluence. Bien entendu, la question de l’unité africaine est abordée.

sidiki Kaba

Président d’honneur de la Fédération internationale des droits de l’homme

« L’ua doit soutenir les populations, pas les chefs d’État. » Quel bilan dressez-vous de l’état des droits de l’homme sur le continent, cinquante ans après la création de l’organisation de l’union africaine (oua) ?

Il est mitigé. Avant les indépendances, les premiers dirigeants africains avaient mis en avant la lutte pour les droits des peuples. Sur ce plan, c’est un succès. Le continentestaujourd’huitotalementdécolonisé. Mais lorsqu’il a fallu appliquer les libertés revendiquées contre les colonisateurs, certains ont affirmé que les droits étaient un luxe ou une notion importée. Dans ce domaine, il faut progresser, même s’il y a eu des avancées. Comment l’union africaine (ua) pourraitelle empêcher les violations des droits de l’homme ?

Elle doit mieux anticiper des situations de conflits. L’organisation devrait ensuite mettre en place une armée africaine dotée de moyens propres. Le problème, c’est que nos institutions manquent de pouvoirs et de ressources.

justice internationale, le syndicat des chefs d’État africains a fait bloc au détriment des populations civiles. Cela est choquant. L’UA doit soutenir les populations qui luttent pour leurs droits plutôt que les chefs d’État qui les répriment. Le Mali organisait des élections crédibles, les droits y étaient respectés. Cela n’a pas empêché son effondrement. Les droits de l’homme sont-ils le seul critère à prendre en compte ?

Il faut pointer du doigt ces démocraties qui n’en ont que l’apparence. La bonne gouvernance ou l’utilisation des fonds de l’État au service des populations sont également nécessaires. Au Mali, la gestion consensuelle du président Amadou Toumani Touré a masqué des dérives. L’État a échoué dans ses missions régaliennes, la décentralisation n’a pas permis d’intégrer les populations du Nord, la corruption s’est aggravée et le crime transfrontalier s’est développé.

Vision. C’est à Monrovia que la déci-

L’avez-vous suffisamment dénoncé ?

L’ua a-t-elle raison de soutenir le président soudanais omar el-béchir, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPi) ?

La tragédie du Soudan a montré son incapacité à réagir. Elle a abouti à l’éclatement du plus grand État d’Afrique. Lorsque la communauté internationale a saisi la

Nos communiqués l’attestent. Nous avons dit qu’il fallait éteindre l’incendie dès les premières crises dans le Nord. En même temps, il fallait soutenir le processus en cours pour que les Maliens se dotent d’un président démocratiquement élu. Il n’a manqué que trois semaines. l Propos recueillis par Pierre boisseLeT

fidH

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n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

sion de rassembler tout le monde afin de discuter est prise. Le groupe de Casablanca est invité à une rencontre à Lagos, en janvier 1962. Il s’ensuit un certain nombre de péripéties. En fin de compte, la réunion se tient. Dixneuf pays sont présents. C’est à Lagos qu’est adoptée et ratifiée une charte de l’Organisation des États africains et malgache sur la base d’un projet initié parTubman.Maisellen’estpasrendue publique dans l’espoir que le groupe de Casablanca y adhère. Haïlé Sélassié prend les choses en main en convoquantunsommetàAddis-Abeba.C’est le déclic : le groupe de Casablanca se lézarde. Si l’empereur d’Éthiopie a pris cette initiative, c’est parce que, depuis longtemps, en dépit des divisions, il réfléchissait à la meilleure façon de réaliser l’unité africaine. Ayant observé le mode de fonctionnement de l’ONU, de la Ligue arabe et de l’Organisation des États américains (OEA), il s’inspire de cette dernière qui ne préconise ni la fédération ni la confédération des États. Pour Haïlé Sélassié, l’organisation continentale doit être un cadre de concertation et de consultation. C’est cette vision, avec des amendements, qui triomphe à Addis-Abeba le 25 mai 1963. l TshiTenge Lubabu M.K. jeune afrique


Qu’as-tu fait de tes 50 ans ?

TribunE

Opinions & éditoriaux

Souvenirs d’un ancien combattant

u EdEM Kodjo L’ancien Premier ministre togolais a été secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) de 1978 à 1983

nion africaine. Unité africaine. cela représente beaucoup de choses. c’est cette volonté tirée du panafricanisme, né loin du continent mais qui est devenu une idéologie exaltante pour la construction d’une afrique unie, la libération de l’être africain dans toutes ses dimensions. Vue ainsi, l’unité africaine est une vraie mystique que nous avons appliquée avant d’avoir, par la suite, la chance de l’incarner. elle n’est toujours pas construite. J’ai le sentiment, quand j’observe tout ce qui se fait aujourd’hui, qu’on tricote autour, qu’on ne va pas directement au cœur du sujet. c’est à se demander combien de siècles il faudra au continent africain pour qu’il s’affirme de manière plus unitaire. on en est encore loin, et cela me désespère parfois. L’unité africaine, c’est, pour moi, des souvenirs palpitants. Je sais que je n’aurai plus jamais les mêmes émotions. Quand on a le sentiment de servir le continent africain et qu’on a été, comme moi, élevé dans une sorte de culte de l’afrique, qui représente à mes yeux presque une personne physique, presque une mère, quand on vous met au sommet pour vous en occuper, c’est avec beaucoup de détermination que vous passez à l’action. en 1979, déjà, nous nous sommes battus pour que le continent se dote d’une charte africaine des droits de l’homme et des peuples. c’est l’une de mes plus grandes satisfactions. il y a eu le grand souffle du Plan d’action de Lagos sur les communautés économiques régionales. ce texte, qui a été adopté dans l’allégresse en 1980, détermine une conception de l’économie africaine selon laquelle l’afrique doit essayer de produire ce qu’elle consomme, consommer ce qu’elle produit, cesser de consommer ce qu’elle ne produit pas et de produire ce qu’elle ne consomme pas. ce texte fondamental est, jusqu’à ce jour, une référence. Mais cette bonne vision, qui ne demandait qu’à être amplifiée, a été contrée par la Banque mondiale.

en chef et j’en ai tiré des conclusions. Deux ans plus tard, tous les chefs d’état ont approuvé cette admission. cette affaire date de février 1982. nous sommes en 2013, et rien n’a évolué. Confrontée à de nombreux problèmes, l’Union africaine est souvent obligée de se tourner vers l’extérieur pour chercher des solutions. est-ce encore normal cinquante ans après sa création? non. Prenons le cas le plus récent, celui du Mali. on recherchait peut-être une dizaine de milliers de soldats, bien entraînés. nous n’avons pas été capables de les trouver. il a fallu qu’un état non africain vienne résoudre le problème à notre place. Heureusement qu’il y a eu lestchadiens pour laver notre honte. cet épisode montre bien les limites de la construction de l’unité africaine et de l’Union africaine. Je suis de ceux qui estiment qu’il y a des progrès à faire. Pourquoi ne pas instaurer un fédéralisme régional et avoir, ainsi, des entités qui tiennent debout? Je sais que ce ne sera pas facile.

Ce n’est pas moi qui ai reconnu la RASD. Je n’étais que le comptable.

La crise du Sahara occidental a été un moment difficile pour moi. Pourtant, ce qui paraissait évident pour tout le monde ne l’était plus. À partir du moment où le nombre d’états requis pour l’admission d’une entité comme état membre est largement dépassé – il y avait 40 voix pour et 12 contre –, les choses étaient claires. ce n’est pas moi qui ai reconnu la république arabe sahraouie démocratique (raSD). J’étais simplement le comptable jeune afrique

Mais on ne demande pas aux états actuels de disparaître. Une fédération comporte un état fédéral et des états fédérés, avec des gouvernements. cela dit, l’organisation continentale ne doit pas être perçue uniquement de manière négative, comme c’est souvent le cas. elle a réalisé beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne la libération des peuples qui étaient encore colonisés, la paix et la sécurité, la démocratie, la gouvernance, les élections.tout cela est positif. ce qui est négatif, c’est la permanence de certains principes comme, par exemple, le fameux principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. conséquence: nous avons une souveraineté juxtaposée qui ne facilite pas l’action. nous autres intellectuels, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et la bouche fermée face à ce qui se passe. nous répétons, au fil des années, que les choses ne marchent pas, mais nous ne bougeons toujours pas ! cela va-t-il durer cent ans ? Je voudrais qu’on me dise si mes arrièrepetits-enfants trouveront une afrique respectable, une afrique digne, une afrique solide qui puisse avoir son mot à dire sur le plan international. nous ne sommes pas seuls au monde. l Propos recueillis par T.L.M.K. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Grand angle Union africaine Présidence

un nouveau départ? Depuis son arrivée à la tête de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma tente d’imprimer sa marque. Avec déjà quelques résultats.

I

l n’y a qu’une façon de réussir son entrée en fonction comme président de la Commission de l’Union africaine : marcher sur la pointe des pieds, ménager 54 patrons pour la plupart susceptibles et trouver le moyen de se mettre 800 fonctionnaires dans la poche. Depuis qu’elle a pris place dans son bureau au 18e étage du siège futuriste de l’UA (lire interview) en octobre 2012, Nkosazana Dlamini-Zuma a fait un parcours sans faute. Vus de l’intérieur, les changements de style et de méthode se font par petites touches. Elle a démarré en douceur, écoutant et observant assez longtemps pour prendre la mesure de sa fonction. Elle a d’abord rencontré les salariés de l’organisation. Désormais, les départements n’agiront plus individuellement. La nouvelle présidente exige plus de concertation. Selon Emmanuel Agbor, interprètetraducteurcamerounaisàlaCourafricaine de justice et des droits de l’homme – un organe de l’Union africaine basé à Arusha, en Tanzanie –, « pour la première fois lors d’un sommet, les interprètes embauchés pour le sommet ont été payés vingt-quatre heures après leur arrivée à Addis-Abeba, alors qu’avant ils percevaient leurs émoluments avec six mois de retard ». Autre nouveauté, l’organisation d’un séminaire réunissant commissaires et directeurs, fin novembre dans la ville de Debre Zeit, à 50 km au sud d’Addis-Abeba. Des réunions de management hebdomadaire sont désormais obligatoires dans chaque direction. Quand on travaille au sein du cabinet de la présidente, on se lève tôt et on travaille tard. Les journées s’étendent de 8 heures à 23 heures. ouverture. Depuis le début de la crise

malienne, une permanence est assurée pendant le congé de fin de semaine. « Si nous continuons comme ça, les actions n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

CHESNOT/SIPA

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p L’ancienne ministre sud-africaine des Affaires étrangères a été élue présidente de la Commission de l’UA le 16 juillet 2012.

seront mieux coordonnées et nous constituerons enfin une équipe », se réjouit le directeur de cabinet, le Burkinabè JeanBaptiste Natama, un des rares francophones du 18e étage. Ce dernier chapeaute une équipe qui œuvre dans l’ombre pour organiser l’agenda de la présidente et lui

préparer ses interventions publiques. Il y a également le casse-tête des entretiens téléphoniques à organiser avec des chefs d’État dont l’agenda est compliqué. Au plus fort de la crise au Mali et du conflit en Centrafrique, Dlamini-Zuma a beaucoup parlé avec le Tchadien Idriss Déby Itno… jeune afrique


Qu’as-tu fait de tes 50 ans ? C’est encore cette équipe qui planifie ses déplacements, effectués généralement par vols commerciaux. Soncabinetestàl’ouvragemaisreste incomplet,enattentedelanomination d’un porte-parole, d’un conseiller chargé des affaires diplomatiques, d’undeuxièmechargédelacommunication et de la culture et d’un troisième qui devrait travailler sur les questions de sécurité et de défense. La présidente ne se presse pas. « Elle souhaite s’entourer de collaborateurs issus de toutes les régions du continent pour diversifier les apports », explique un membre de son entourage. En attendant, elle peut compter sur la dizaine de personnes exceptionnellement mises à sa disposition et financées par Pretoria – dont des officiers de sécurité chargés de la protéger. soLiDE. Vu de l’extérieur, pas

grand-chose n’a changé. Il n’y a pas eu de révolution. L’UA est toujours ce « lutteur aux poings liés » décrit par l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio. L’organisation n’est pas parvenue à intervenir rapidement au Mali. Le 11 janvier, au téléphone avec le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, Dlamini-Zuma, qui a fait du panafricanisme et de la renaissance africaine les maîtres mots desonmandat,n’apaseud’autrechoix que d’avaliser la décision française d’intervenir dans le Nord-Mali, après la prise de la ville de Konna par les jihadistes. Un sentiment d’impuissance exacerbé par les lenteurs et les atermoiementsdesdécideursafricains sur le meilleur moyen d’intervenir. En attendant de réformer l’UA, cette femme de tête va devoir, à l’instar de ses prédécesseurs, travailler avec 54 patrons, 54 chefs d’État qui ont pris l’habitude, individuellement ou collectivement, de convoquer, de sermonner et de réprimander ses prédécesseurs. « Cela ne va pas être facile de la déstabiliser, tempère un diplomate. Elle est trop marquée par l’histoire de l’apartheid pour accepter un rôle de faire-valoir », tranche-t-il. Soutenue par la puissante Afrique du Sud, elle a les moyens de donner à l’UA une influence et un rayonnement inédits. l GEorGEs DoUGUELi, envoyé spécial jeune afrique

interview

nkosazana Dlamini-Zuma

« L’Afrique ne peut plus attendre que l’initiative vienne de l’extérieur. » Pour celle qui préside à la destinée de l’UA, les Africains doivent désormais se prendre davantage en main. Tant sur le plan économique que sur celui de la sécurité. D’ici à cinquante ans, l’Afrique aura-t-elle aboli ses frontières ?

Je suis tout à fait certaine que, d’ici à 2063, il y aura une libre circulation des personnes sur le continent. La libre circulation des personnes, en plus de celle des biens et des capitaux, est cruciale. Nous devons avoir la possibilité de rallier Le Cap au Caire par la route et Dakar à Djibouti par le rail. Le fait d’être sans frontières n’a aucune valeur si l’on est incapable de circuler d’un pays à un autre. Comment l’Union africaine (UA) peut-elle faire en sorte que la reprise économique actuelle se pérennise ?

Je pense que l’UA doit agir comme un catalyseur. L’UA doit travailler avec les États membres, trouver les partenariats à l’intérieur comme à l’extérieur du continent. Nous avons des partenariats en Europe et c’est une bonne chose, ils doivent continuer. Mais il y a d’autres partenaires possiblesdanslesAmériqueseten Asie. Avec la Banque africaine de développement [BAD] et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies [CEA], nous devons faire un audit du continent pour voir quelles sont les compétences dont nous avons besoin pour mettre en œuvre les priorités. La renaissance africaine est un processus et non un événement. Il fallait commencer par la libération, car un peuple opprimé ne peut pas renaître. Maintenant, la libération doit avoir lieu du point de vue du développement, du développement durable et de la modernisation.

en place ces grandes initiatives est que nous pensions pouvoir le faire au travers de l’aide. Aucun pays ne peut avoir comme base du développement l’aide des donateurs. Elle est bienvenue, mais elle doit contribuer à ce que nous faisons déjà. Nous ne pouvons pas attendre que l’initiative vienne de l’extérieur. Nos mentalités doivent changer. Comment l’Afrique peut-elle régler ses propres crises de sécurité sans avoir besoin d’interventions extérieures, comme ce fut le cas en Libye ou au Mali?

Nous devons d’abord nous intéresser aux raisons de ces crises. Si nous réglons réellementleproblèmedudéveloppement inclusif et de la démocratie participative, ces crises seront moins nombreuses. La distribution équitable des richesses, la démocratie participative et un développement économique inclusif seront les clés d’une paix et d’une stabilité durables.

Nous devons réfléchir à des moyens de réponse rapide aux crises.

Qu’en est-il de la libération de la dépendance à l’aide ?

C’est très important. Prenez les documents fondamentaux, comme le plan d’action de Lagos. L’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas pu mettre

Il nous faut aussi réfléchir à ce que nous pouvons faire à court terme, en tant qu’Africains, pour pouvoir apporter une réponse rapide à ces crises. Dans mon discours d’ouverture du sommet [de janvier], j’ai effectivement dit que nous devons prêter attention à cette question, car les problèmes de la force en attente, qui sera opérationnelle d’ici à 2015, n’aident pas à régler les difficultés que nous avons actuellement. Au moment où nous célébrons le 50e anniversaire [de la création de l’Organisation de l’unité africaine], nous devrions réfléchir à cela. l Propos recueillis par ELissA Jobson et PArsELELo KAntAi, The Africa Report n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Afrique subsaharienne

InTervIew

Paul Kagamé

« Le Rwanda n’a pas été fait pour moi »

RD Congo, France, opposition, gouvernance, CPI… L’homme fort de Kigali s’explique. Tout en laissant ouvert le débat sur son retrait (ou non) du pouvoir en 2017.

Propos recueillis par

I

frAnÇOIS SOuDAn

l est un livre que Paul Kagamé, 55 ans, donne à lire à ses visiteurs tant il reflète, selon lui, la véritable image de son pays. Rédigé par deux Américaines enthousiastes, Rwanda, Inc. décrit la success-story de ce petit État de 11 millions d’habitants où une « gouvernance exemplaire », inspirée par un « leader visionnaire », a fait jaillir un modèle de réussite économique et sociale sur les cendres du génocide. Ce cliché n’en est pas un, certes. Célébrée par les bailleurs de fonds, portée aux nues par une poignée d’investisseurs américains pour qui bonnes affaires rime avec bonnes actions, médiatisée par Bill Clinton et Tony Blair, l’expérience rwandaise fascine tous les visiteurs – en particulier africains – du pays des Mille Collines. Mais ce pays qui, en moins de vingt ans, a basculé de la francophonie à l’anglophonie, langue de la mondialisation, est avec autant de régularité accusé d’être un « État garnison » à la politique extérieure agressive, dirigé d’une main de fer par un PDG autoritaire. Ce revers de la médaille, qui a valu au Rwanda une suspension de l’aide internationale en 2012 pour son intervention supposée en RD Congo (mais qui ne l’a pas empêché d’être élu pour deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU), Paul Kagamé souhaite l’effacer. Joueur de tennis émérite, fan de l’équipe de football d’Arsenal et de son entraîneur français, Arsène Wenger, le manager général de « Rwanda, Inc. » a longuement reçu J.A. une matinée pluvieuse de mai, à Kigali.

jeune AfrIque : Les derniers mois ont été difficiles pour vous : accusations d’ingérence chez votre voisin congolais, suspension d’une partie de l’aide étrangère, rapports critiques d’OnG… n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

quelles leçons en avez-vous tirées maintenant que le gros de l’orage semble passé ? PAuL KAGAmé: Peu de chose en réalité. Ce n’est

pas la première fois que le Rwanda rencontre ce genre d’incompréhension à propos de la situation dans l’est de la RD Congo, et ce n’est pas la première fois que l’aide est suspendue à cause de cela. Les Rwandais ont appris à faire face à ces périodes difficiles. Les sanctions dont vous parlez ont été prises a priori, sur la base d’un projet de rapport de soi-disant experts de l’ONU, dont le Rwanda n’avait même pas été informé et sur la foi de rumeurs et d’allégations anonymes. Certes, les problèmes du Congo nous concernent dans la mesure où il abrite depuis dix-neuf ans une force armée revancharde issue du génocide de 1994 et qui n’a pas renoncé à « finir le travail ». Mais il appartient au gouvernement congolais et à la communauté internationale de les résoudre. Tout se passe comme si, ayant échoué, ils estimaient que le Rwanda devait payer pour cet échec. Nous ne l’acceptons pas. Comment expliquez-vous que très peu de gens vous croient lorsque vous démentez toute interférence en rD Congo ?

Rwanda, Inc., de Patricia Crisafulli et Andrea Redmond, Palgrave Macmillan, NewYork, 2012

Pourquoi a-t-on décidé de ne pas nous croire, alors que tout le monde s’accorde à reconnaître que les problèmes du Congo sont des problèmes fondamentalement congolais ? Qu’ils touchent à la gouvernance, à la citoyenneté, à l’identité de ce pays ? Pourquoi aussi peu de gens nous croient, alors que chacun se rend compte que la mission des Nations unies, qui était censée aider à rebâtir un État, ne sert manifestement à rien ? Pourquoi, depuis des années, la perception du Rwanda se base-t-elle non sur des faits vérifiés mais sur des communiqués de presse mensongers qui émanent d’ONG ou d’associations manipulées et qui sont complaisamment repris par les médias occidentaux ? Cette coordination antirwandaise, nous l’avons vue à l’œuvre lorsqu’il s’est agi de nous empêcher d’être élus au Conseil de sécurité des Nations unies. Elle a échoué, bien sûr, mais je n’ai aucun doute: elle est prête à nuire de nouveau. l l l jeune afRique


Vincent fournier/j.a.

u À Kigali, le 10 mai dernier.


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Afrique subsaharienne Rwanda En réalité, le Rwanda pose problème pour lll deux raisons. La première est d’ordre psychologique et historique. La communauté internationale n’a su ni prévenir ni arrêter le génocide des Tutsis, encore moins gérer ses conséquences. D’où un lourd sentiment de culpabilité. Pour l’alléger, il faut que le Rwanda soit en permanence coupable de quelque chose. Phénomène classique: on soulage sa mauvaise conscience en attaquant. La seconde raison touche au rapport de l’Afrique avec le monde: de par son histoire spécifique, le Rwanda est en tête du combat pour une Afrique digne, libre, maîtresse de sa destinée et de ses ressources. Cela ne plaît pas à tous, c’est une évidence : « Ramenons-les à leur petit niveau », se disent-ils… À en juger par la vivacité de votre réaction, vous avez perçu ces accusations comme un affront personnel…

Les Rwandais dans leur ensemble l’ont perçu ainsi. Nous ne sommes pas responsables des problèmes des autres, et ceux qui rêvent de nous rayer de la carte doivent savoir que chaque injustice nous rend plus forts.

Une force panafricaine de 3 000 hommes, dotée d’un mandat robuste, est en voie de constitution sous l’égide de l’ONU afin d’en finir avec les groupes rebelles de l’est du Congo. Est-ce enfin la bonne solution ?

Je crains que cela n’ait aucun sens, mais laissons-les essayer : le Rwanda ne s’y oppose pas, même si je sais à l’avance que cela ne résoudra rien. La solution doit être politique, parce que le problème est politique. En quoi une brigade d’intervention équipée de drones de surveillance est-elle un remède au déficit de gouvernance, d’infrastructures, d’institutions et d’administration dont sont victimes les populations ? Ce n’est ni le bon diagnostic ni le bon médicament. C’est tout simplement ridicule. Reconnaissez pourtant qu’il est difficile de croire que les rebelles du M23 ne sont pas proches de vous…

Difficile pour qui ? Pour ceux qui ont décidé d’ignorer les faits, de publier des rapports biaisés et de ne pas nous écouter. Le M23 n’est pas mon affaire, c’est l’affaire du gouvernement congolais. Et puis, pourquoi cette obsession du M23 ? Il y a beaucoup d’autres groupes rebelles au Congo qui, apparemment, n’intéressent personne. La suspension de l’aide étrangère vous a-t-elle pris de court ?

Non, nous ne sommes pas naïfs. Nous savons très bien que l’aide dépend du bon vouloir de qui la donne ou la retire, pour des raisons qui lui appartiennent. Nous avons protesté, mais nous avons pris acte. Se plaindre est inutile. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

Va-t-elle bientôt revenir ?

Elle est en train de revenir peu à peu. L’aide est appréciable, bien sûr, d’autant que nous savons sur quels critères objectifs nous la méritons. Mais son utilisation comme moyen de contrôle politique est quelque chose que nous refusons. Notre combat quotidien est donc de réunir, étape après étape, les conditions qui nous permettront d’en faire l’économie. Pour l’instant, 40 % de votre budget est alimenté par cette aide extérieure qu’il vous est arrivé de qualifier de « poison ». Comment être indépendant dans ce contexte ?

La vraie indépendance est un processus graduel. D’un côté, l’aide nous est précieuse ; de l’autre, ceux qui nous l’accordent souhaitent que nous ne puissions pas nous en passer. C’est une contradiction que nous ne parviendrons à surmonter que par le travail, la détermination et une vision claire de nos intérêts, donc de nos objectifs. Comprenez-moi bien : je suis tout à fait partisan d’un contrôle strict de l’utilisation de l’aide par les bailleurs de fonds. Vérifier qu’il n’y ait ni gaspillage ni corruption est la moindre des choses, et je crois qu’en ce domaine le Rwanda est exemplaire. Nous pouvons rendre compte de chaque dollar dépensé et nous le faisons. Mais quand les donneurs d’aide veulent se transformer en donneurs de leçons et décider à la place du peuple de l’identité de ses leaders ou de son avenir, il y a problème. Les raisons qui ont présidé à la suspension de l’aide au Rwanda en 2012 n’avaient aucun rapport avec ce à quoi cette aide est destinée : le développement économique et social.

Kinshasa doit d’abord balayer devant sa porte. Ce n’est pas le travail qui manque… L’emprunt international que vous avez lancé en avril dernier a été immédiatement souscrit audelà de vos espérances, en dépit d’un contexte qui n’était pas favorable. Comment expliquezvous ce succès ?

L’élection au premier tour du Rwanda comme membre non permanent du Conseil de sécurité, malgré une campagne hostile, représentait déjà une première victoire. Cette souscription, tout comme la réussite du fonds Agaciro, levé auprès de notre propre population, en est une seconde. Les investisseurs privés et le monde de la finance nous jugent sans œillères sur ce que nous sommes réellement : un pays fiable, sérieux, en phase réelle de décollage, bankable. Ce n’est pas si fréquent. jeune afrique


Marc Hofer/aP/SIPa

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C’est « l’effet Kagamé », a dit votre ami Tony Blair…

Si « effet Kagamé » il y a, c’est parce que les Rwandais croient en Kagamé. Et s’ils croient en lui, ce n’est pas parce qu’il est Kagamé, mais à cause de tout ce qu’ils ont accompli ensemble et qui a changé leur vie. Votre pouvoir repose sur un parti ultradominant, le Front patriotique rwandais (FPR), qui est aussi un acteur économique majeur puisque ses fonds d’investissement pèsent plusieurs centaines de millions de dollars. Est-il sain qu’un mouvement politique soit à ce point impliqué dans les affaires?

La dernière élection américaine a coûté 2 milliards de dollars [1,5 milliard d’euros], récoltés auprès de donateurs privés, au point que les cyniques affirment que le vainqueur a été celui qui a réuni le plus d’argent. Est-ce sain ? En Europe, partis et candidats doivent souvent mendier auprès des contributeurs pour survivre. Est-ce raisonnable ? Êtes-vous sûr que ce système ne suscite ni obligation ni dépendance, contraires à la transparence et à la démocratie ? Le problème des rapports entre l’argent et la politique n’est pas soluble dans les idées simples, et notre histoire, au FPR, est singulière. Dès le premier jour de notre lutte de libération, nous avons considéré comme cruciale notre indépendance financière. Personne, si ce n’est les patriotes rwandais, ne peut dire qu’il a financé notre combat. La guerre finie, nous nous étions préparés à assumer une période d’autosuffisance : nous savions que les caisses de l’État avaient été pillées et que l’aide internationale ne viendrait pas du jour au lendemain. Pendant quatre ans environ, c’est l’argent que le FPR avait placé hors du pays qui a permis de faire fonctionner l’État rwandais, de prendre soin des rescapés du génocide et d’importer l’essentiel: sucre, sel, savon, carburant, etc. Depuis quinze ans, la finalité de ces jeune Afrique

p Le colonel Sultani Makenga, chef des rebelles du M23, à Bunagana (NordKivu), en juillet 2012.

fonds a changé. Ils sont investis dans les secteurs stratégiques comme les télécommunications et les infrastructures afin de stimuler le secteur privé. Comment faites-vous pour éviter les conflits d’intérêts dans l’attribution des marchés publics entre les sociétés contrôlées par le FPR et les autres ?

Le plus souvent, le FPR investit dans des activités qui, au départ, n’intéressent pas le secteur privé, mais que nous jugeons essentielles. Pour le reste, les sociétés contrôlées par le parti obéissent aux mêmes règles que les autres : elles paient leurs impôts, elles sont régulièrement auditées et les appels d’offres auxquels elles soumissionnent sont parfaitement transparents. Si ce n’était pas le cas, le Rwanda ne serait pas le quatrième pays africain au classement « Doing Business ». Pensez-vous avoir éradiqué la corruption ?

Dans une large mesure, oui. La plupart des Rwandais ont désormais intégré une culture de la responsabilité qui a transformé leur mentalité. L’éducation a joué un rôle important, tout comme les mesures très strictes que nous avons prises pour lutter contre ce phénomène. Où que vous soyez, quel que soit le poste que vous occupez, l’impunité n’existe pas au Rwanda. En ce domaine comme dans tous les autres, le leadership doit être absolument exemplaire. Autre problème : la croissance démographique. Avec plus de 400 habitants au km2, le Rwanda est au bord de l’asphyxie. Y a-t-il une solution ?

C’est à la fois un formidable défi et une formidable opportunité. Si, en quinze ans, la courbe de croissance de notre population est passée de près de 10 % par an à moins de 3 %, ce n’est pas en usant de la coercition, totalement improductive dans n o 2732 • du 19 Au 25 mAi 2013


Afrique subsaharienne Rwanda notre culture, mais en combinant la pédagogie et la persuasion. Le message est simple : adaptez la taille de votre famille à vos ressources, ne faites que les enfants que vous pourrez nourrir, soigner, éduquer. Près de 70 % des Rwandais ont moins de 30 ans… À condition d’investir massivement dans la santé, l’emploi et l’éducation, ce n’est pas un handicap, c’est une chance.

puisque le HCR a annoncé l’expiration de leur statut. Soutenus par Kinshasa, qui estime que les conditions de sécurité et de dignité ne sont pas réunies pour leur retour au Rwanda, certains d’entre eux ont protesté contre cette décision. Qu’en dites-vous ?

En quoi le gouvernement congolais est‑il qualifié pour porter un jugement sur la situation interne du Rwanda ? Pourquoi parle‑t‑il au nom de ces réfugiés? Kinshasa devrait d’abord balayer devant sa porte, et je crois que le travail n’y manque pas. Pour le reste, la fin du statut de réfugié rwandais démontre que les conditions qui ont présidé à son existence sont obsolètes. Mais nous ne forçons personne à revenir.

Le mandat du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie, va bientôt expirer. Quel bilan tirez-vous de cette juridiction ?

Très négatif, très critique. Non pas sur l’institution en tant que telle, mais sur ce qu’elle a produit et sur les influences qui se sont exercées vis‑à‑vis d’elle. Je préfère ne pas m’étendre sur ce sujet. Il y a quelques mois, lors d’un passage à Bruxelles, vous avez déclaré que tous vos opposants en exil pouvaient rentrer au Rwanda. Pensezvous réellement que Faustin Twagiramungu, Paul Rusesabagina, Emmanuel Habyarimana et d’autres, qui vous qualifient de dictateur, ne risquent pas d’être poursuivis en justice à leur arrivée à Kigali ?

J’ai effectivement dit qu’ils pouvaient revenir et que les conditions étaient réunies pour cela. La suite les concerne, eux et la justice rwandaise.

Je suppose que votre position hostile à la Cour pénale internationale (CPI) n’a pas varié…

Absolument. Il ne s’agit pas là de justice, mais d’un instrument au service d’intérêts à la fois extra‑africains et désireux de contrôler l’Afrique. q Au cours de l’entretien, à Urugwiro Village, siège de la présidence. « Personne en Occident n’a le crédit pour nous juger, le peuple rwandais et moi. »

Vous donnez donc raison au nouveau président kényan, Uhuru Kenyatta, qui demande à l’ONU de faire cesser les poursuites de la CPI à son encontre ?

Sans aucun doute. La CPI a tenté d’influencer le résultat de l’élection présidentielle, en vain. Le scrutin a été démocratique, de vrais progrès ont été accomplis sur la voie de la réconciliation. Ces poursuites n’ont plus aucun sens.

Depuis votre première visite officielle en France, en septembre 2011, rien n’a bougé dans les relations entre les deux pays. La coopération est en panne. Pourquoi ?

Vincent fournier/j.a.

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Donc si la justice a quelque chose à leur reprocher, ils sont susceptibles d’être inculpés, comme l’a été Victoire Ingabire ?

Tout à fait. Je ne vois pas sur quelles bases juri‑ diques fonder leur immunité, encore moins leur impunité.

L’histoire entre le Rwanda et la France a connu tant de péripéties négatives que le simple fait qu’il n’y ait pas de nouvelles est déjà une bonne nouvelle. Nous sommes ouverts à toute forme de coopération avec Paris, mais, à tout prendre, je préfère encore qu’il ne se passe rien plutôt qu’une énième régression. Vous avez soutenu l’intervention française au Mali. C’était un geste envers François Hollande ?

C’était un geste en faveur du peuple malien. Nous n’avons pas soutenu la France, l’ancien maître colonial, en tant que telle. Nous avons soutenu l’action. Et nous aurions soutenu toute autre intervention capable d’éviter le pire au Mali.

Êtes-vous prêt à négocier avec eux ?

Négocier quoi ? Ce qu’ils veulent tient en un mot : le pouvoir. Je ne le leur donnerai pas, en tout cas pas en dehors des voies légales prévues pour y parvenir. Il n’y a rien à négocier. Dans un peu plus de un mois, il n’y aura officiellement plus de réfugiés rwandais à l’étranger, n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

Selon la Constitution, que vous vous êtes engagé à respecter, votre actuel et dernier mandat prendra fin en 2017. Pourtant, à lire les journaux qui vous sont proches, une campagne semble déjà s’amorcer en faveur de votre maintien à la tête de l’État. Allez-vous revenir sur votre décision ? jeune afrique


Vincent fournier/j.a.

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Premier élément : rien dans ce que j’ai dit ou fait jusqu’ici n’indique que je suis passé d’une position à une autre. Deuxième élément : le débat dont vous vous faites l’écho, je l’encourage. Y compris sur le fait de savoir si la porte du maintien de ma contribution sous sa forme actuelle doit rester fermée – ce que je souhaite – ou être ouverte. Mon opinion, qui est celle de tous les Rwandais, est que le changement est nécessaire car il s’inscrit dans la dynamique de gouvernance que nous avons choisie. Mais il doit obéir à deux conditions : la poursuite du progrès dans tous les domaines et la sécurité nationale. Que je reste ou pas, il s’agit là d’impératifs absolus. En d’autres termes, si l’intérêt du Rwanda le commande à vos yeux, vous rempilerez en 2017?

Ni moi ni personne n’en est arrivé à cette conclusion. Le Rwanda d’aujourd’hui n’a pas été fait pour moi. Je dis simplement aux Rwandais : « Débattez, réfléchissez, faites des propositions en tenant compte des trois axes que je vous suggère : changement, progrès, sécurité. À vous de trouver l’articulation entre eux. » En imaginant que vous soyez candidat à votre succession, vous savez ce que l’on dira : Kagamé s’accroche au pouvoir, Kagamé manipule…

… Kagamé est un autocrate, etc. Je sais tout cela. Qu’y a-t-il de nouveau ? J’ai beau dire que le pouvoir pour le pouvoir ne m’intéresse pas, des ONG répètent ce genre de choses depuis les premiers jours de mon premier mandat. Que voulez-vous que cela fasse aux Rwandais ?

« Personne en Occident, avez-vous dit un jour, n’a le droit ni le crédit moral de porter quelque accusation que ce soit contre moi et le peuple rwandais. » N’est-ce pas présomptueux ? jeune afrique

p Vue du centre de Kigali, en mai. La capitale s’enorgueillit d’être la plus sûre d’Afrique pour les expatriés.

Non. Et ce que je dis vaut pour l’Afrique tout entière. Tant que l’Occident prétendra nous juger à partir de ses propres critères et de ses intérêts, tant qu’il prétendra nous dicter jusqu’à nos propres volontés, tant qu’il estimera que son mode de vie est le seul acceptable, ses accusations n’auront aucun fondement. Prenez l’une d’entre elles, sans doute la plus courante dans les pseudo-rapports d’ONG : « Les Rwandais ne sont pas libres. » Mais qui est allé poser la question aux Rwandais ? Transparency International et l’institut de sondage Gallup ont eu l’honnêteté de le faire ici, à Kigali. Réponse : 90 % des sondés disent avoir confiance dans leurs institutions. Fait-on aussi massivement confiance aux institutions dans

Entre la France et le Rwanda, pas de nouvelles vaut mieux que de mauvaises nouvelles. une dictature ? J’en doute. Comment peut-on soutenir qu’un pays qui se classe au troisième rang africain sur l’index de liberté économique du Wall Street Journal et qui est l’un des très rares sur le continent où la croissance s’accompagne d’une vraie réduction de la pauvreté – 1,5 million de Rwandais en sont sortis ces six dernières années – n’est pas un pays libre ? Les critiques ne s’adressent pas aux Rwandais. Elles s’adressent à vous. Rarement chef d’État aura suscité des réactions aussi extrêmes et contrastées…

Cela ne m’empêche pas de vivre et ne changera rien à l’heure de ma mort. Si vous voulez tout savoir, je dors très bien la nuit. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Afrique subsaharienne

Célia lEBUR/aFP

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p Manifestation le 11 mai, à Libreville. Depuis janvier, 24 assassinats de ce genre ont été perpétrés. Gabon

générale jusque sur les réseaux sociaux. Le comble de l’horreur a été atteint avec la découverte du corps affreusement mutilé de la jeune Yollye Babaghéla, retrouvé le Jamais encore la rue ne s’était ainsi mobilisée contre 20 janvier à Libreville. Sept adolescentes les crimes rituels. Les hommes politiques sont montrés du doigt. ont par la suite connu un sort similaire. Enquête sur une horreur devenue quasi hebdomadaire. Le 17 mars, le corps sans vie de la petite AstrideAtsameaétéretrouvésuruneplage ibreville, le 11 mai dernier. Dans avec [ses] convictions personnelles et les de la capitale. Elle n’avait que 7 ans. La la capitale gabonaise, le fond de valeurs morales et sociétales auxquelles police a saisi des glacières dont le contenu l’air est humide, comme le veut la [elle] adhère. » Un peu plus tard, c’est le serait destiné à approvisionner l’écœurant saison, et étrangement anxiogène. chef de l’État, Ali Bongo Ondimba, qui marché dit des « pièces détachées ». Mais Ce matin-là, la population est descendue promet que « les barbares ne l’emportece trafic d’organes n’est pas destiné à dans la rue pour manifester sa colère quelque malade en attente contre les crimes rituels, cette horreur de greffe : les organes (lanLa police a saisi des glacières dont devenue quasi hebdomadaire. Depuis gues, yeux, cœurs, oreilles et l’écœurant contenu était destiné des mois, les morts se succèdent et la sexes…) servent à élaborer au marché des « pièces détachées ». presse locale ne cache rien à ses lecteurs des fétiches et, même s’il est du martyre des victimes. L’Association de impossible de le prouver, lutte contre les crimes rituels (ALCR) a ront pas ». « Il n’y aura pour les assassins, la rue gabonaise est convaincue que les recensé 24 assassinats depuis janvier 2013, comme pour les commanditaires, aucune instigateursdececommercemacabresont pour la plupart perpétrés dans la région forme de clémence, poursuit-il. Nous issus du marigot politique et des beaux de Libreville. devons bouter l’impunité hors de nos bureaux de la haute fonction publique. Entête de cortège,ce11mai,lapremière mentalités et hors de notre pays. » Ce serait le prix à payer pour accéder au dame, Sylvia Bongo, « parce qu[’elle] veu[t] sommet. « Dans l’imaginaire collectif, exprimer [sa] révolte, [sa] compassion et mutiLé. Longtemps niés, souvent relapouvoir et sorcellerie sont synonymes, [sa] solidarité, mais aussi parce qu[’elle] explique l’anthropologue Joseph Tonda, tivisés, timidement réprimés, les crimes veu[t] pouvoir être en parfaite adéquation rituels ont fini par susciter une indignation professeur à l’université Omar-Bongo de

Le prix du sang

L

n o 2732 • dU 19 aU 25 mai 2013

jEUnE aFRiqUE


Afrique subsaharienne Libreville. Il y a cette idée que, pour être puissant, il faut posséder un organe de plus, notamment dans le ventre. Comme si on ne pouvait exercer le pouvoir sans l’existence et la mise en activité de cet organe. » Dans ce procès en sorcellerie, les hommes politiques sont donc pointés du doigt. Dans leurs prêches, les nouvelles Églises évangélistes entretiennent les amalgames, assimilant sans nuance sorcellerie, satanisme et ordres initiatiques. Même les francs-maçons en ont fait les frais. « En 2009, lorsque la vidéo de l’intronisation du chef de l’État comme grand maître de la Grande Loge du Gabon a été diffusée, j’ai eu beaucoup de mal à expliquer à mes enfants que nous n’y buvions pas de sang humain », soupire un cadre d’Airtel Gabon que sa famille a, à cette occasion, découvert en tablier maçonnique.

à se retrouver devant la justice, regrette Elvis Ebang Ondo de l’ALCR. « D’ailleurs, aucun commanditaire n’a jusqu’à présent été jugé. » Elvis Ebang Ondo, dont le propre fils a été assassiné (son corps mutilé a été retrouvé sur la plage de Libreville), a participé à la création de l’ALCR en 2005. Il dénonce un manque de volonté politique et affirme que les prédateurs en col blanc agissent en toute impunité, protégés qu’ils sont par le mur de la puissance et de l’argent. Le vrai chantier, renchérit l’avocate Paulette Oyane Ondo, « c’est la modernisation

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de tout l’appareil judiciaire ». « Il faut lui donner plus d’indépendance, créer une vraie police scientifique et former des enquêteurs spécialisés, préconise-t-elle. Alors qu’ailleurs la police scientifique peut prélever l’ADN pour confondre un criminel, au Gabon nous ne sommes même pas capables de relever des empreintes digitales. » Reste que les crimes rituels continueront d’endeuiller le Gabon aussi longtemps que certains seront convaincus que l’ascenseur social passe par l’étage du féticheur. l GeorGes DouGueli, envoyé spécial

Au GAbon, mAis pAs seulement

nouveaux. Ils existaient déjà quand Omar Bongo Ondimba régnait sur le Gabon et ils ne sont même pas le seul fait des hommes politiques. Mais ils se sont multipliés ces derniers mois à mesure que le nouveau chef de l’État mettait de l’ordre dans le système hérité de son père, taillant dans les prébendes et dans certains des privilèges indus. Désormais, les places sont chères et, pour les courtisans, tous les moyens sont bons pour faire partie de l’entourage présidentiel. Le fétichisme est devenu l’indispensable ingrédient des intrigues de cour. Le catalyseur réel ou fantasmé des promotions et les disgrâces via les gangas, qui sont tout à la fois voyants, soignants et féticheurs. Amulettes, talismans et poudres de perlimpinpin, disent-ils, auraient le pouvoir de forcer le destin en favorisant une nomination à un poste juteux en influant sur l’issue d’une élection législative ou municipale ou en jetant un mauvais sort à un ennemi. Rien n’est prouvé, mais, au pays de l’iboga, les croyances ont la peau dure. Pour exorciser ses démons, le Gabon envisage d’adapter son code pénal et de créer, ainsi que le souhaitent les associations de familles des victimes, « une infraction relative aux crimes à but fétichiste ». Le chef de l’État a évoqué la possibilité d’alourdir les sanctions encourues pour ne retenir, dans le cas de crimes rituels, que l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de remise de peine. Un vœu pieux ? Rares sont les suspects jeune afrique

Johan Bävman/aP/SIPa

impunité. Les crimes rituels ne sont pas

p En Tanzanie, plus de 70 albinos ont été tués depuis 2000.

L

es crimes rituels ne sont pas une spécificité gabonaise. En janvier 2013, le Cameroun est sous le choc d’une série d’assassinats survenus au quartier Mimboman, àYaoundé. Une dizaine de victimes, toutes de sexe féminin et âgées de 15 à 25 ans, sont recensées. La police soupçonne un trafic d’organes entre le Cameroun et le Gabon voisin. Sous la pression de la presse, une enquête est ouverte. Elle débouchera sur plusieurs arrestations. Au Burundi, ce sont les

albinos qui sont pris pour cible. En cinq ans, une vingtaine d’entre eux ont été tués. Même chose enTanzanie, où les meurtres rituels sont en recrudescence, selon Navi Pillay, la hautcommissaire des Nations unies aux droits de l’homme : depuis 2000, 72 meurtres de ce genre ont été recensés, mais seuls cinq ont abouti à des poursuites judiciaires. Les mutilations se font le plus souvent à vif, parce que leurs auteurs sont convaincus que l’organe prélevé sera plus puissant si la victime

hurle pendant l’attaque… Autre exemple : le Ghana, où, pendant des années, des enfants handicapés, soupçonnés d’être des sorciers, ont été « sacrifiés ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’un quart des morts d’enfants survenues au Ghana dans les années 1990 étaient des infanticides rituels. L’ONG AfriKids a travaillé pendant près d’une décennie à l’éducation et à la sensibilisation des populations. Elle a annoncé, début mai, la fin des crimes rituels G.D. au Ghana. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


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Afrique subsaharienne Comores

Une affaire de famille Chez les Abdallah, il y a le père, l’ex-président disparu en 1989. Mais, depuis vingt ans, ce sont ses fils qui s’invitent sur le devant de la scène politique. L’un d’eux vient d’être inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État.

A

u bout du fil, Salim Ahmed Abdallah ne décolère pas. Il parle vite, se répète. Cela ne lui ressemble pas: dans la fratrie, il a la réputation d’être celui qui garde son calme. C’est pour cela que la famille en a fait son porte-parole après la mort violente, en 1989, du patriarche, Ahmed Abdérémane Abdallah. « Comprenez-moi, s’excuse-t-il. Mon frère est en prison et ma famille est accusée à tort. » Depuis que les autorités ont annoncé avoir déjoué une tentative de coup d’État le 20 avril, les descendants du « père de l’indépendance comorienne » – l’un des hommes les plus puissants de l’archipel durant la seconde moitié du XXe siècle, qui domina le secteur de l’import-export et qui présida aux destinées du pays de 1978 à 1989 – sont à nouveau dans la tourmente. Dans la liste de la quinzaine de présumés comploteurs arrêtés les 20 et 21 avril et inculpés le 11 mai d’atteinte à la sûreté de l’État, on trouve des mercenaires africains, des sous-officiers de l’armée comorienne et Mahmoud Ahmed Abdallah. Dans un premier temps, les enquêteurs ont fait du troisième fils de la prestigieuse lignée le « cerveau » de cette opération. Mais au fil des investigations, le doute s’est installé. « Il n’est pas impossible que Mahmoud

n’ait rien à voir avec ça », confie une source sécuritaire. mercenAires. C’est aussi ce que pense

Salim, mais il ne le dira pas publiquement. Son rôle, c’est de défendre « l’institution Abdallah ». « Ce que je demande, c’est que la justice passe. Je ne défends pas Mahmoud, mais je veux dire que cela n’a rien à voir avec la famille. Je dénonce l’instrumentalisation de la justice: à travers lui, c’est toute la famille qui est visée », croit-il. « Il faut comprendre son inquiétude, explique un bon connaisseur de la maison. Les Abdallah ont toujours été un bloc soudé. Le père était un vrai patriarche, il a bâti sa lignée de manière pyramidale. Chacun des neuf enfants [cinq garçons très présents, quatre filles très discrètes]

La série débute moins de trois ans après l’assassinat, dans des conditions qui restent floues, du patriarche en présence du mercenaire Bob Denard. Le 26 septembre 1992, les deux cadets (des jumeaux), Cheikh et ce n’est pas la première fois que Abdérémane, tentent de des membres du clan, très soudés, renverser le président Saïd Mohamed Djohar. « Je leur sont impliqués dans un putsch. ai dit de faire attention, mais ils ne m’ont pas écouté », confiera plus doit rester à sa place. Et il suffit que l’un tard Salim. Les jumeaux, des enfants gâtés d’eux soit en danger pour que toute la qui obtenaient tout ce qu’ils voulaient du fratrie se sente menacée. » Il y a une autre père, sont de jeunes sous-officiers formés explication à l’irritation de Salim: ce n’est au Maroc. Mais leur tentative échoue. Ils pas la première fois que des membres du sont arrêtés et condamnés à la peine de clan sont impliqués dans un coup d’État. mort, vite transformée en peine de prison à perpétuité. À l’insU de son plein grÉ ? Second coup, le 28 septembre 1995. Le rôLe de Certes, c’est Bob Denard qui le mène, qui nie tout, connaît dans les années 1980. mais en arrière-plan on retrouve le clan MahMoud ahMed bien en revanche le Mahmoud connaît Abdallah. Depuis trois ans, Salim se bat abdaLLah dans la Français Patrick Klein, aussi l’un des soussur deux fronts : il veut savoir qui a tué tentative de putsch un ex-mercenaire de officiers impliqués, son père. Il a, à ce titre, porté plainte en déjouée le 20 avril reste bob denard que les le capitaine amdjad France et aux Comores, et il tente d’obtenir flou. Plusieurs des enquêteurs ahmed djaé, déjà la libération de ses frères. À Paris, on lui mercenaires arrêtés ce soupçonnent d’être le compromis dans fait comprendre que la solution est de jour-là l’ont cité comme commanditaire. « bien le coup d’État de 2000. faire déguerpir Djohar. Les démons qui le devant être le principal sûr qu’il le connaît! Selon un proche conseillent à l’Élysée le dirigent alors vers bénéficiaire de s’exclame son frère, du dossier, « soit un certain Bob Denard, dont les Abdallah l’assassinat d’Ikililou Salim. Nous tous, nous Mahmoud a été très sont persuadés qu’il a sinon tué leur père, dhoinine. Selon eux, connaissons les naïf, soit son nom a été du moins organisé sa mise à mort. Choix c’est lui qui aurait alors mercenaires. Ils cité à son insu ». cornélien. « J’ai fait comprendre à ma été placé à la tête du passaient souvent à la au juge qui l’a inculpé, famille que l’affaire me gênait, disait Salim pays. Mais aucun ne l’a maison quand ils il a parlé d’un en 2007. Ma famille a répondu: “Même s’il rencontré. Mahmoud, étaient aux Comores », « malentendu ». l r.c.

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jeune afrique


Afrique subsaharienne Sénégal

du balai! Les commerçants ambulants ont été chassés du centre de Dakar, le 11 mai, et redirigés vers des sites de recasement.

t Le patriarche, Ahmed Abdérémane Abdallah (ici en 1987), était l’un des hommes les plus puissants de l’archipel.

faut composer avec le diable, l’essentiel est de les sauver.” » L’opération Eskaziestunsuccès.Djoharestécarté. Les jumeaux sont libérés. Denard a rempli ce qu’il appellera sa « dette d’honneur envers la famille ». L’année suivante, le clan retire sa plainte en France… Cette histoire n’a pas refroidi certaines ardeurs. Le 21 mars 2000, les autorités annoncent avoir déjoué un coup d’État contre le président Azali Assoumani. Abdérémane (l’un des jumeaux) et Mahmoud, arrêtés en compagnied’unFrançaisetd’unsousofficier, sont présentés comme les responsables. Ils seront emprisonnés pendantplusieursmois,puisrelâchés. Mahmoud, la cinquantaine, est le troisième fils de la lignée. Le plus discret. « Un solitaire », dit un proche. Il a fait un peu de politique aux côtés du président Mohamed Taki dans les années 1990. Il en fait toujours, mais timidement. Sa principale activité, c’est de faire fructifier la rente familiale. rentes. Depuis cette dernière mésa-

venture, la famille semblait s’être calmée. Les observateurs se demandent quel intérêt un de ses membres pourrait avoir à faire tomber Dhoinine, tant les liens sont étroits avec le président. Cheikh, qui occupe le poste jeune afrique

d’attaché de défense à l’ambassade des Comores à Paris, est un proche du président. Abdérémane est l’un des députés les plus en vue de l’actuelle majorité. Élu en 2009, il préside la commission des relations extérieures à l’Assemblée nationale. Salim, le mandataire,nefaitpasdepolitique–il n’en a jamais fait. À 61 ans, il préside le conseil d’administration de la Banque centrale des Comores. Il consacre son temps au patrimoine familial et tente de sauver ce qui peut l’être. Le business des Abdallah n’est en effet plus aussi florissant. Après la crise séparatiste qui a éclaté à Anjouan il y a seize ans, la famille a stoppé ses activités commerciales et vit, depuis, de ses rentes. Quant à l’aîné, Nassuf, 66 ans, le chef de famille, il continue de mener une carrière politique bien terne si on la compare à celle de son père. Celui-ci l’avait bombardé à la viceprésidence de l’Assemblée nationale dans les années 1980, mais Nassuf n’en a pas profité. Il a été ambassadeur (en Afrique du Sud), conseiller du président de l’île d’Anjouan, Mohamed Bacar, mais a toujours échoué aux élections (en 2006 à la présidentielle, et en 2010 à l’élection insulaire). Aujourd’hui, il est conseiller… du président Dhoinine. l rémi Carayol

Hervé NaboN/Sygma/CorbiS

i

l a tenu parole. En avril, le maire de Dakar, Khalifa Sall (Parti socialiste), avait annoncé son intention de déplacer sans délai vers des sites de recasement provisoire les marchandsambulantsquiencombrentlestrottoirsdes grandes avenues du Plateau, le centre-ville de la capitale. Premiers visés, les « tabliers » (vendeurs détenant un étal), estimés à quelque 5000 pour la zone Dakar-Plateau. « Nous n’avons aucun intérêt à ce que les tabliers et les ambulants sortent de Dakar, car ce sont des acteurs économiques, avait déclarél’élu.Maisl’occupation de lavoiepublique est irrégulière. C’est à ce problème qu’il faut trouver une solution. » Dans la nuit du 10 au 11 mai, les forces de l’ordre ont donc lancé une vaste opération de démantèlement des étals sauvages dont la prolifération anarchique rendait difficile la circulation des piétons comme des véhicules.

sous la Cendre. Le « désencombrement » des hauts lieux que sont le marché Sandaga, l’avenue Peytavin et l’avenue Ponty est, à Dakar, un sujet sensible. Souhaitée par les habitants et par les commerçants ayant pignon sur rue, cette perspective se heurte à l’hostilité des syndicats d’« ambulants ». En novembre 2007, une précédente opération d’envergure, menée par l’État, s’était traduite par de violents affrontements avec les forces de l’ordre. Cette fois, le démantèlement a bénéficié d’un relatif consensus. « Depuis son élection en 2009, le maire a favorisé un processus deconcertation»,expliqueAdamaSow,secrétaire général de la Synergie des marchands ambulants pour le développement. Une commission réunit en effet les agents de la mairie et les représentants des marchands. Un site de recasement définitif a été défini dans ce cadre, mais le chantier s’est retrouvé bloqué faute de l’acquittement par les commerçants d’un ticket d’entrée unitaire de près de 300 000 F CFA (457 euros). Pour Saër Tambedou, président de l’Association des jeunes marchands ambulants débrouillards, qui a lancé le mot d’ordre « Touche pas à ma table ! », le feu couve : « Nos membres ne peuvent pas verser une telle somme pour un chantier qui durera encore plusieurs mois. Les lieux proposés sont trop étroits pour les 5000 commerçants recensés. Nous en appelons au président de la République pour apporter sa contribution à une solution durable, sinon les affrontements risquent d’être pires qu’en 2007. » l mehdi Ba, à Dakar n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Afrique subsaharienne

Coulisses

Kenya

Profil bas

nomination

PiuS uTomi eKPei/afP

D

evant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, le 14 mai, William Ruto, le tout nouveau vice-président kényan, a promis de coopérer pleinement avec les juges. « Le président du Kenya [Uhuru Kenyatta, également poursuivi pour crimes contre l’humanité] et moi-même croyons dans le règne de la loi ; nous croyons que la vérité et la justice doivent être trouvées. » Il s’agissait là d’une audience technique destinée à préparer le procès de Ruto, mis en cause dans les violences postélectorales de 2007 (plus de 1 000 morts) – un procès initialement prévu en mai mais dont l’ouverture a été reportée sine die et auquel Ruto espère ne pas être tenu d’assister de bout en bout. l

nigEria ils n’ont qu’à biEn sE tEnir Peu importe si, de par leur brutalité, les forces de sécurité nigérianes ont été accusées d’alimenter un cycle de la violence dans le nord du pays. Le président Goodluck Jonathan a décidé de frapper un grand coup! Le 15 mai, une vaste opération militaire a été lancée dans les États de Yobe, Borno et Adamawa contre les islamistes de Boko Haram. La veille, l’état d’urgence avait été décrété. Près de 2000 soldats ont été déployés rien que dans l’État de Borno; Abuja a également annoncé l’envoi de renforts aériens. L’offensive visait, selon un communiqué de l’armée, « à débarrasser […] la nation des bases terroristes ». Depuis 2009, les attentats perpétrés par Boko Haram et les affrontements qui ont opposé la secte à l’armée ont fait plus de 3 600 morts, principalement dans le nord et le centre du Nigeria. Pour Goodluck Jonathan, le groupuscule « représente une très sérieuse menace pour l’intégrité du territoire ».

EnvironnEmEnt miam-miam

dr

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I

l aime se décrire comme un ami de longue date de l’Afrique. Le 7 mai, Claude Vaillant, avocat spécialisé en droit immobilier à Paris, a été nommé comme juge arbitre au Centre d’arbitrage du Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam, l’organisation patronale camerounaise). Cette instance privée siégeant à Douala est destinée au règlement des différends contractuels opposant les entreprises. Claude Vaillant exerce déjà les mêmes fonctions au sein de la Chambre arbitrale internationale de Paris. Il se dit fier d’avoir ainsi l’occasion d’approfondir ses liens avec le continent. l

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

Les insectes, c’est tout bénef ! Concluant une étude publiée le 13 mai, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a dit vouloir encourager la consommation de quelques-unes des 1 900 espèces comestibles. Les insectes se reproduisent rapidement, présentent une teneur élevée en protéines, utilisent moins d’eau que le bétail et produisent surtout beaucoup moins de gaz à effet de serre ! En Afrique, en Amérique latine et en Asie, plus de 2 milliards de personnes sont déjà entomophages.

KEnya Pas fous ! Le 12 mai, près de 40 patients de l’unique hôpital psychiatrique public du Kenya (l’hôpital Mathari, à Nairobi) se sont fait la belle. Ils sont parvenus à maîtriser leurs gardes et

ont escaladé le mur d’enceinte. Plusieurs d’entre eux se plaignaient de la mauvaise qualité des médicaments et des soins qu’ils recevaient. En 2011, la chaîne américaine CNN avait diffusé un documentaire sur l’établissement, intitulé « Enfermés et oubliés ». L’équipe de tournage avait découvert, lors d’une visite, un patient confiné dans une cellule avec un cadavre.

togo D’accorD, Pas D’accorD Cette fois, c’est la bonne, promet le gouvernement togolais. Le 15 mai, la présidente de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Angèle Dola Aguigah, a annoncé que les législatives, plusieurs fois repoussées depuis octobre 2012, se tiendraient la première semaine de juillet. L’opposition a immédiatement protesté en demandant la tenue d’un dialogue préalable. jeune afrique


CommUniqUé

ONUSIDA | Rapport spécial

CoMMent l’afriQue a inVersé le Cours de l’éPidéMie de sida

Célébration de 50 ans d’unité afriCaine

Sommet de l’Union africaine | mai 2013


ONUSIDA | Rapport spécial

CoMMent l’afriQue a inVersé le Cours de l’éPidéMie de sida

U

n proverbe africain nous enseigne : « Si tu veux aller vite, avance seul, mais si tu veux aller loin, avance avec d’autres ». L’épidémie de sida a menacé d’avoir raison de l’Afrique, mais au lieu de cela, l’Afrique et le monde se sont unis pour vaincre le sida, en allant beaucoup plus loin que ce que la plupart des observateurs croyait possible. Aujourd’hui, le nombre de nouvelles infections diminue, des millions de personnes reçoivent des traitements, le nombre d’enfants qui naissent séropositifs au VIH se réduit et l’Afrique investit plus que jamais dans la riposte contre le sida – et dans l’avenir du continent.

2

antirétroviral qui leur sauve la vie à travers l’Afrique – exploit que beaucoup considéraient comme impossible. Bien que des traitements sûrs et efficaces contre le VIH aient été développés au milieu des années 1990, leur coût annuel très élevé de 10 000 dollars par personne les a placés hors de portée de la plupart des populations d’Afrique pendant des années. Aujourd’hui, le prix des médicaments est tombé à environ 100 dollars (par personne et par an) et les infrastructures de santé nécessaires à la mise en œuvre des traitements ont été simplifiées et renforcées, ce qui permet chaque année à un nombre croissant de personnes de suivre plus longtemps et en meilleure santé le cours d’une vie plus productive. Au sein de la société civile, des organisations religieuses, du secteur privé ainsi qu’au sein des gouvernements, la force directrice visionnaire de beaucoup d’Africains s’est révélé être un facteur déterminant de cette réussite.

Plus de 7 millions de personnes ont accès à un traitement contre le ViH en afrique.

La diminution des nouvelles infections chaque année constitue l’un des principaux signes de ce retournement de tendance. Leur nombre se situe aujourd’hui un tiers au-dessous du pic de 1998 grâce aux méthodes de prévention que les Africains ont été les premiers à mettre en œuvre. Dès les premiers jours de l’épidémie, les pays ont lancé, les uns après les autres, des campagnes d’éducation et de sensibilisation ainsi que des programmes de distribution de préservatifs. Plus tard, la recherche clinique réalisée au Kenya, en Afrique du Sud et en Ouganda a montré que la circoncision masculine médicale volontaire pouvait jouer un rôle significatif dans la réduction du risque d’infection à VIH chez les hommes. L’Afrique du Sud a aussi abrité le premier essai visant à prouver qu’un microbicide pouvait protéger les femmes de l’infection.

L’un des signes les plus marquants des avancées contre l’épidémie reste le nombre croissant de nourrissons qui naissent sans VIH. Le Plan Mondial pour éliminer les nouvelles infections à VIH chez les enfants à l'horizon 2015 et maintenir leurs mères en vie lancé par l’ONUSIDA et ses partenaires a été adopté avec détermination par de nombreux dirigeants africains. Le Kenya a pratiquement divisé par deux le nombre de nouvelles infections chez les enfants entre 2009 et 2011 et le Botswana a pratiquement éliminé la transmission mère-enfant. De la Déclaration d’Abuja de 2001 à la Déclaration de Gaborone de 2005 puis à la Feuille de Route de 2012, l’Union africaine a manifesté depuis longtemps sa solidarité avec force à l’égard des dizaines de millions de personnes affectées par le VIH en Afrique

Aujourd’hui, plus de 7 millions de personnes ont accès à un traitement

Les gouvernements africains réduisent également leur dépendance vis-à-vis des

ONUSIDA Rapport spécial

fonds des donateurs pour financer ces efforts. Les fonds domestiques alloués à la riposte au VIH en Afrique ont presque doublé entre 2008 et 2011. Au Kenya, au Lesotho, au Nigéria, en Afrique du Sud, au Swaziland et au Zimbabwe, les pouvoirs publics ont fait la preuve de l’engagement véritable de leur élan directeur en s’assurant que l’insuffisance des ressources soit comblée grâce à des fonds publics nationaux. Cette tendance sera déterminante pour faire basculer le poids de la dépendance. Alors que les économies africaines croissent, les investissements publics envers la protection sociale doivent également s’accroître. Il est désormais temps de mobiliser les meilleurs éléments africains pour assurer un avenir durable à la riposte contre le sida. Pour cela, il faut galvaniser tous les secteurs, des économistes spécialistes des financements à long terme, aux organismes régulateurs ainsi qu’au secteur privé pour la production de médicaments afin de s’assurer d’une Afrique où la gouvernance est transparente et participative. Cela signifie également prendre en compte des questions telles que les violences basées sur le genre et de permettre aux jeunes, en particulier les jeunes filles, de reprendre leur pouvoir afin qu’ils aient accès à l’enseignement et puissent vivre leur sexualité de façon responsable. L’Afrique peut encore plus pour protéger et promouvoir les droits humains ainsi que pour s’assurer que l’accès universel signifie bien que toute personne a accès aux services et que personne n’est exclu. Il reste encore fort à faire pour atteindre l’objectif de zéro nouvelle infection à VIH, zéro discrimination et zéro décès liés au sida. Toutefois, l’Afrique désormais unie avance à une allure toujours plus vive pour mettre fin à l’épidémie.


CommUniqUé

ONUSIDA | Rapport spécial

tendanCes Pour l’afriQue Les dépenses domestiques pour la riposte au sida sont en augmentation

Stopper les nouvelles infections à VIH chez les enfants et maintenir leurs mères en vie

Dépenses domestiques, 2005-2011

En 2011, l’onUSiDA et ses partenaires ont lancé un Plan mondial pour éliminer les nouvelles infections à ViH chez les enfants d’ici à 2015 et maintenir leurs mères en vie.

Milliards de dollars US

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Le Plan se focalise sur les 22 pays ayant le chiffre estimé le plus élevé de femmes enceintes vivant avec le ViH. Sur les 22 pays, 21 se situent en Afrique. 0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Le nombre de personnes sous traitement contre le VIH est en augmentation Thérapie antirétrovirale, 2005-2012

Pourcentage de femmes enceintes suivant des traitements antirétroviraux afin de prévenir la transmission mère-enfant dans les pays d’Afrique, 2011-2012

Millions

8

Si ces efforts sont élargis et maintenus, il sera possible de voir naître une génération sans ViH.

0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Les nouvelles infections à VIH et les décès dus au sida sont en diminution 2,5

0 – 50%

Afrique du Sud Botswana Ghana Gambie Maurice Mozambique Namibie Sao Tomé-etPrincipe Seychelles Swaziland Rép-Unie de Tanzanie Zambie Zimbabwe

Algérie Angola Bénin Burkina Faso Congo Djibouti Égypte Érythrée Éthiopie Gabon Guinée Guinée Bissau Guinée équatoriale Madagascar Mali Maroc Mauritanie Niger Nigéria Rép centrafricaine Rép dém du Congo Sénégal Somalie Soudan Soudan du Sud Tchad Tunisie

50% – 75%

2,0 Millions

≥ 75%

1,5 1,0 0,5 0,0 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Nouvelles infections à VIH

Décès liés au sida

Estimations basses et hautes

Estimations basses et hautes

Plan Mondial des pays prioritaires (en italique) sur la base des estimations préliminaires de 2012.

Burundi Cameroun Cap-Vert Côte d’Ivoire Kenya Lesotho Libéria Malawi Ouganda Rwanda Sierra Leone Togo

Les données pour les Comores et la Libye sont en cours d'analyse. Pour les pays où la prévalence du VIH chez l'adulte est de moins de 1%, la couverture estimée de medicaments antirétroviraux pour prévenir de la transmission à l'enfant connait une incertitude plus large que les pays à forte prévalence du VIH. unaids.org

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ONUSIDA | Rapport spécial

nous PouVons CHanger le Monde Lors du Sommet de l’Union africaine de mai 2013, qui célèbre le 50ème anniversaire de l’Organisation de l’Unité africaine, une nouvelle commission sera créée pour étudier la question du VIH et de la santé mondiale dans le débat sur l’après-2015. La Commission ONUSIDA / Lancet – De la riposte contre le sida au développement de systèmes de santé pérennes sera co-présidée par la Présidente du Malawi, Mme Joyce Banda, la Présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Nkosazana Dlamini Zuma, et le Directeur de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, M. Peter Piot.

une vision qui ne s’accompagne pas d’action n’est qu’un rêve. une action qui ne découle pas d’une vision n’est que du temps perdu. une vision suivie d’action peut changer le monde. Nelson Mandela Le rythme des progrès s’accélère en Afrique et cela n’est nulle part aussi visible qu’au niveau de la riposte contre le sida. Avec les jeunes Africains à la tête de la révolution de la prévention, le nombre de personnes qui meurent du sida diminue tout comme celui des nouvelles infections à VIH. L’espoir est immense que l’Afrique puisse, d’ici quelques années, voir naître une génération sans sida. Cela a nécessité de profonds changements dans la manière dont nous travaillons ensemble. Il a fallu le courage immense et 4

ONUSIDA Rapport spécial

la passion des dirigeants ainsi que l’action de tous les secteurs. Il a fallu que l’Afrique s’unisse. Je ne vais pas prétendre que les choses ont été faciles – mais elles ont eu lieu. Nous avons maintenant une vision commune – zéro nouvelle infection à VIH, zéro discrimination et zéro décès lié au sida. Aujourd’hui, l’Union africaine a approuvé une nouvelle feuille de route pour accélérer les progrès de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme – grâce à une responsabilité partagée et une solidarité mondiale. Au vu de l’histoire exceptionnelle de la riposte contre le sida en Afrique – concernant la galvanisation du soutien politique et la mobilisation des ressources et des communautés – la feuille de route considère qu’il faut exploiter la voie ouverte par la riposte contre le sida pour conduire les luttes contre la tuberculose, le paludisme et d’autres maladies qui affectent le continent, et pour lesquelles il faut trouver des solutions africaines. Le leadership s’est révélé être l’ingrédient magique indispensable bien que trop souvent insaisissable. C’est « l’innovation par la rupture » qui a fait évoluer de façon irrévocable le cours du sida et nous pouvons maintenant aller beaucoup plus loin. En ce qui concerne nos objectifs pour l’avenir, je suis confiant car je crois que la force directrice de l’Afrique peut guider l’amélioration de la santé à l’échelle mondiale. La riposte contre le sida nous a enseigné des choses importantes dans cinq domaines :

1. Placer les personnes au centre de l’action Au final, la riposte contre le sida n’est pas une question de maladie, c’est une question de personnes. Le succès nous a appris que l’engagement au profit de la sécurité humaine doit conduire notre travail mais aussi qu’il doit promouvoir plus largement un développement durable. Le sida affecte tellement d’aspects de la vie d’une personne que l’on ne peut le traiter

Michel Sidibé Directeur exécutif de l'ONUSIDA

de façon isolée. Cela nécessite une approche globale et participative. À cet égard, la riposte contre le sida ouvre la voie à un mouvement en faveur de la santé mondiale qui vise à tirer ces maladies et affections individuelles de leur isolement et à mettre en place une prise en charge sanitaire intégrée. Au Malawi, un nombre toujours croissant de centres fournissent des services de santé intégrés pour les questions de sexualité, de reproduction et de prise en charge du VIH. Au Rwanda, l’introduction d’une prise en charge de base du VIH a entraîné une augmentation de l’utilisation plus générale des services de santé. Une approche centrée sur les personnes signifie aussi une démocratisation des solutions aux problèmes et des opportunités de redistribution. En d’autres termes, cela n’a pas de sens d’avoir les services de santé les plus complets qui fournissent les médicaments les plus avancés, si les personnes n’y ont pas accès ou sont interdites d’accès à ces services. Pour relever ce défi, il a fallu cibler l’action sur les femmes et les filles ainsi que sur les populations vulnérables et, en particulier, de prendre conscience de leurs réalités et d’y faire face. L’Afrique du Sud offre l’une des illustrations les plus prometteuses de la puissance de l’approche centrée sur les personnes. Ce pays a opéré une rupture fondamentale par rapport à sa riposte antérieure. Les pouvoirs publics ont considérablement augmenté les ressources intérieures allouées à la riposte, négocié une réduction de 50 % du prix


CommUniqUé

ONUSIDA | Rapport spécial des antirétroviraux, augmenté de 75 % le nombre de personnes mises sous traitement au cours des deux dernières années et engagé la plus importante campagne de dépistage au niveau mondial – laquelle offre aussi des services de prise en charge de la tension artérielle, du diabète et de la tuberculose, et d’autres services intégrés.

seulement amélioré l’appropriation et la coordination de chaque pays, mais aussi rassemblé les parties prenantes par le biais d’informations et de résultats concrets, afin de trouver de meilleures solutions pour toucher un plus grand nombre de personnes avec les services les plus efficaces.

2. Mobiliser les cultures et les communautés

Les mechanismes de la gouvernance mondiale actuels ont été concus pour une époque différente. Elle ne peut pas inspirer ni soutenir notre avenir, mais elle nous offre une possibilité de rupture et de reconstruction d’un nouveau modèle pour faire progresser la santé mondiale. J’ai lancé un appel pour la création de trois institutions mondiales – l’une chargée d’élaborer des normes, une autre chargée de mobiliser et de canaliser les financements, et une dernière chargée de la défense des droits et de la responsabilisation. Simplifier et rationaliser l’architecture de la riposte contre le sida permettra non seulement de mieux naviguer, mais également d’améliorer la responsabilisation.

Le sida prospère à cause de la stigmatisation. Il se propage là où les individus sont marginalisés et lorsque la société force un groupe de personnes à vivre dans la honte ou dans l’ombre. La riposte contre le sida a mis en évidence le lien incontestable qui existe entre la protection et la promotion des droits de l’homme, l’accès aux services, aux soins et à la santé positive, et les résultats en termes de développement. La solution ne peut toutefois pas être fabriquée et imposée depuis l’extérieur. Au lieu de dévaloriser les cultures qui sont minées par la stigmatisation, la riposte contre le sida doit viser à renforcer les systèmes communautaires afin qu’ils puissent eux-mêmes orchestrer leur propre changement. En promouvant les droits de l’homme et en supprimant les lois et les politiques punitives, nous pouvons faire plier l’épidémie et mettre un terme à la stigmatisation. Par voie de conséquence, cela permettra d’avancer en direction de beaucoup d’autres objectifs de développement. En d’autres termes, la connaissance des droits de l’homme entraîne la « création d’une demande » de santé. La santé est le but mais les droits de l’homme sont le moteur.

3. Simplifier l’architecture de la riposte et renforcer la responsabilisation La riposte contre le sida inclut l’un des mécanismes de responsabilisation les plus puissants de tous ceux que nécessitent les défis d’échelle mondiale. La riposte mondiale contre le sida a investi dans des mécanismes de surveillance, de suivi et d’évaluation axés sur les résultats, transparents et multipartites à l’échelon national. Cela a non

4. Partager la responsabilité et être solidaire L’objectif zéro impose de s’engager à assumer une responsabilité partagée. C’est pourquoi de plus en plus de pays investissent leurs propres ressources dans la lutte contre l’épidémie de sida à l’intérieur de leurs propres frontières. En 2012, pour la toute première fois, les investissements domestiques ont dépassé les financements mondiaux. Pour l’avenir, nous devons continuer de consolider ces efforts tout en maintenant l’aide internationale. Comme je l’ai souvent répété : « Le problème n’est pas de payer aujourd’hui ou plus tard. Soit nous payons aujourd’hui, soit nous paierons jusqu’à la fin de nos jours ». Les pays à revenu faible ou intermédiaire ont fait les efforts nécessaires pour fournir des soins à leur population et partager la responsabilité de l’investissement dans la lutte contre l’épidémie. Parallèlement, à l’échelle régionale, une coordination et un effort directeur plus importants ont conduit à de nouvelles formes de coopération au développement et de

gouvernance, offrant des alternatives à la relation traditionnelle donateur-bénéficiaire.

5. élever la santé au statut de force de transformation sociale La riposte contre le sida a mis en évidence le rôle de la santé en tant que force de transformation sociale. Aujourd’hui, nous devons aller plus loin parce que la santé devient de plus en plus un outil de politique étrangère – la diplomatie de la santé – et un véhicule pour promouvoir la santé mondiale et le développement dans le monde entier. La pérennité de la santé mondiale peut être remise en question si les pays ne continuent pas d’innover et de repenser les solutions de soins de santé. Dans de nombreux endroits, le traitement contre le VIH est effectivement devenu le seul cadre de mise en œuvre à large échelle de soins pour les affections chroniques. Par nécessité, des professionnels de santé ont été formés, des systèmes d’enregistrement ont été élaborés et des équipes ont été constituées et coordonnées. Ces pays, qui sont dotés d’infrastructures de santé plus solides qu’avant, sont désormais mieux armés pour gérer d’autres maladies complexes et chroniques.

une vision suivie d’action À l’heure où nous nous retournons sur les 50 années de l’unité africaine que nous célébrons aujourd’hui, nous devons continuer de discuter de notre avenir. L’Afrique offre une vision unique de ce qui est possible. L’impulsion et la force de direction de l’Afrique ont le pouvoir de rassembler les peuples, à travers des frontières et des maladies, afin de continuer d’améliorer les résultats dans le domaine de la santé au profit de tous. Si le mouvement mondial de lutte contre le sida nous a appris quelque chose, c’est bien que la solidarité entre les peuples attachés à la justice est plus puissante que la concurrence entre des causes isolées. Si nous avons l’ambition d’atteindre « l’objectif zéro », nous devons oser nous centrer sur les personnes et pas sur une maladie. Nous devons oser défendre l’égalité dans le domaine de la santé. Nous devons oser promouvoir la justice sociale. Nous devons oser élaborer des solutions durables et une architecture qui amélioreront fondamentalement la vie des personnes. Nous devons oser la rupture. unaids.org

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ONUSIDA | Rapport spécial Le moment est venu pour l’Afrique de montrer la voie afin de trouver des solutions durables à ce défi sur le plan de la santé et du développement. Goodluck Jonathan Président du Nigéria

« Les dirigeants de l’Afrique doivent pouvoir définir clairement ce qu’ils attendent de cette nouvelle relation sud-sud. Elle ne peut certainement pas être la réplique des rapports classiques nord-sud. Et il appartient aux dirigeants africains de décider. Les responsables africains doivent se placer dans une perspective à long terme, qui peut servir de base aux relations avec ces partenaires. »

Nous espérons que la résolution que nous allons adopter au terme de ce débat, traduira l’engagement du conseil de sécurité à contribuer de façon complémentaire et déterminer à l’effort de lutte contre le sida.

Donald Kaberuka Président de la Banque africaine de développement

Ali Bongo ondimba Président du Gabon

Aucun pays, aucun individu, aucune entreprise ni aucune entité ne peut gagner ce combat seul. Une fois que le leadership et l’engagement sont là, dans un pays ou dans une communauté, les résultats commencent à être visibles.

Il est rare désormais de voir un bébé séropositif dans notre dispensaire. Si c’est le cas, ce n’est pas bon car cela signifie que nous ne faisons pas correctement notre travail.

En l’espace d’une décennie à peine, j’ai pu voir des pays passer du désespoir à la conviction que nous pouvons mettre un terme à cette épidémie.

Le sida a enlevé la vie à des millions de nos frères et sœurs et rendu orphelins des millions de nos enfants. Cette épidémie a aussi transformé l’Afrique du Sud – à certains égards pour le meilleur. Le sida s’est révélé être un facteur de changement qui nous a aidés à surmonter notre douloureux passé en unissant toutes les ethnies, classes sociales et communautés contre notre ennemi commun.

mahehloa Pitso Conseillère, Lesotho

Joyce Banda Présidente du Malawi

Jacob Zuma Président de l’Afrique du Sud

Paul Kagame Président du Rwanda

Profil L’ONUSIDA s’est entretenu avec Janet Aligba, une coiffeuse et mère de six enfants. Elle vit dans un village proche d’Abuja (Nigéria) et nous a parlé de ce qui compte dans sa vie.

où habitez-vous ? One-Man Village, derrière la stationservice d’Adehi, Territoire de la capitale fédérale, au Nigéria.

introduction J’ai 38 ans et je suis coiffeuse. Je fais aussi du bénévolat pour l’Hôpital national à Abuja. Je suis une mère qui élève seule ses six enfants – toutes des filles.

Quelle est la chose la plus importante pour vous, et pourquoi ? Pour moi, le plus important ce sont mes enfants, qui me comblent de joie. J’aurais 6

ONUSIDA Rapport spécial

été très solitaire sans eux et ils sont ma raison de vivre.

Quand avez-vous commencé le traitement contre le ViH ? J’ai débuté le traitement en 2005. Lorsque j’ai découvert que j’étais séropositive, j’ai refusé d’y croire et je ne suis pas allée à l’hôpital. Ensuite, j’ai commencé à me sentir mal et ma santé s’est détériorée – et c’est alors que j’ai demandé à me faire soigner.

Que diriez-vous aux autres au sujet du traitement ? Je dirais aux gens que mieux vaut tard que jamais. Allez faire le dépistage et prenez un traitement à temps. Aujourd’hui je suis sous traitement et je

mène une vie heureuse, normale. Je peux manger de tout. Mes enfants sont tous séronégatifs. Prenez votre vie en main.

Quel est le tweet que vous pourriez envoyer au monde ? Allez au dispensaire si vous avez des rapports sexuels non protégés. Ce n’est que lorsque vous saurez que vous pourrez vous prendre en charge.


CommUniqUé

ONUSIDA | Rapport spécial

Calendrieret PrinCiPales étaPes 1981 – Les premiers cas de déficience immunitaire sont identifiés 1982 – Définition du sida 1983 – Le ViH est identifié comme étant la cause du sida

les PreMières daMes d’afriQue Militent Pour une génération sans sida

d’être une force directrice au niveau du continent tout entier dans les domaines de la santé publique et de la riposte au sida. Au début de cette année, l’OPDAS a célébré son dixième anniversaire et Penehupifo Pohamba, Présidente de l’OPDAS et Première dame de Namibie (photographiée en haut à gauche avec l’ex-présidente de l’OPDAS Azeb Mesfin), a déclaré que l’organisation commémorait l’histoire de toute une décennie, au cours de laquelle des millions de vies avaient été perdues, des familles détruites et des nations bouleversées. Elle a cependant ajouté : « C’est une célébration d’espoir en faveur d’une nouvelle ère et d’une nouvelle génération qui sera libérée du virus chez les nouveau-nés ».

L’Organisation des Premières Dames d’Afrique contre le VIH et le Sida (OPDAS) est un partenaire crucial de l’ONUSIDA pour la riposte au sida en Afrique. Ses membres ont œuvré sans relâche pour que leur influence donne des résultats concrets et pour agir contre le sida, améliorant la vie des femmes, des jeunes et des enfants.

Les membres de l’OPDAS plaident pour des programmes visant à éliminer les nouvelles infections à VIH parmi les enfants, combattre les violences basées sur le genre, émanciper les femmes, améliorer l’accès aux services de traitement, de soins et de soutien liés au VIH et mobiliser des ressources pour la riposte contre le sida sur le continent.

L’OPDAS a été créée en 2002 par 37 Premières Dames d’Afrique en tant que voix collective pour les personnes les plus vulnérables du continent, qui vivent avec le VIH ou sont affectées par l’épidémie. Depuis son établissement, le groupe a grandi et comprend plus de 40 Premières Dames, évoluant d’un forum d’idées à une institution capable

Les Premières Dames d’Afrique, en collaboration avec leurs partenaires nationaux, ont lancé de nombreuses campagnes à fort impact, notamment ‘FLAME’ qui a débuté en 2011 dans neuf pays pour promouvoir la quasiélimination des nouvelles infections à VIH chez les enfants et le maintien de leurs mères en vie.

1984 – 1,9 million de personnes vivent avec le ViH en Afrique

1985 – Première Conférence internationale sur le sida Autorisation du premier test de diagnostic du sida Lancement de la première riposte nationale au sida en ouganda

1986 – Lancement par l’omS du programme de lutte contre le sida 3 millions de personnes vivent avec le ViH en Afrique 110 000 personnes décèdent du sida cette année-là

1987 – Fondation en ouganda de la première organisation africaine d’aide contre le sida (TASo) Approbation de la première thérapie antirétrovirale pour le sida 1990 – 1,2 million de personnes au total sont décédées du sida en Afrique

1993 – on estime à 10 millions le nombre des personnes vivant avec le ViH en Afrique

Suite à la page suivante unaids.org

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CommUniqUé

ONUSIDA | Rapport spécial

1996 – Création de l’onUSiDA

2006 – Les états membres de l’onU

1998 – Les nouvelles infections en Afrique

s’engagent à réaliser l’Accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et à l’appui concernant le ViH Le

atteignent un pic de 2,7 millions par an La Campagne d’action pour les traitements (TAC) est établie en Afrique du Sud

2000 – Tenue de la Conférence internationale sur

financement domestique pour le sida en Afrique totalise USD 1,15 milliard Près de 1,3 millions personnes ont accès aux ARV en Afrique

le sida à Durban (Afrique du Sud) 20 millions de personnes vivent avec le ViH en Afrique Le coût de la thérapie antirétrovirale est de USD 10 000 par personne et par an Un total de 9,3 millions de personnes sont mortes du sida en Afrique Les objectifs du millénaire pour le développement appellent à inverser l’épidémie de sida d’ici à 2015. Le Conseil de Sécurité des nations Unies organise la première session sur le sida

infection à ViH, zéro discrimination et zéro décès lié au sida

2001 – L’Union africaine (UA) estime que le sida

2011 – Les états membres de l’onU s’engagent en

représente une situation d’urgence et établit AiDS Watch Africa Toute première session extraordinaire de l’Assemblée générale des nations Unies sur le sida Annonce de l’Accord sur les ADPiC pour soutenir la santé publique

2002 – Création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

2003 – 100 000 personnes ont accès à la thérapie antirétrovirale en Afrique L’UA s’engage à former un partenariat avec les nations Unies, les compagnies pharmaceutiques et d’autres pour améliorer l’accès aux ARV L’omS et l’onUSiDA lancent 3 x 5 – 3 millions de personnes sous traitement d’ici à 2005 Lancement du Plan présidentiel américain d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR)

2005 – Des essais menés en Afrique révèlent que la circoncision masculine est un outil efficace pour la prévention du ViH L’UA s’engage en faveur de l’accès universel à la prévention, au traitement et à l’appui concernant le ViH

2007 – Les décès liés au sida commencent à décliner en Afrique

2009 – Le taux des nouvelles infections à ViH s’est stabilisé ou a diminué de plus de 25% dans au moins 34 pays en Afrique (2001-2009)

2010 – nouvelle vision de l’onUSiDA : zéro nouvelle

faveur de la Déclaration politique sur le ViH et le sida qui comprend des cibles assorties de délais L’onUSiDA et ses partenaires lancent le Plan Mondial pour éliminer les nouvelles infections à VIH chez les enfants à l'horizon 2015 et maintenir leurs mères en vie Une nouvelle étude révèle que les ARV réduisent la transmission du ViH de 96% chez les couples sérodifférents Le financement domestique pour le sida en Afrique totalise USD 3,7 milliard 11 pays de l'Afrique signalent une réduction de 50% des nouvelles infections à ViH depuis 2001 Le nombre des enfants nouvellement infectés par le ViH chute de 24% en Afrique entre 2009 et 2011 Le nombre des personnes mortes du sida en Afrique est inférieur de 32% à celui de 2005

2012 – L’UA approuve une feuille de route sur la responsabilité partagée pour le ViH Le coût de la thérapie antirétrovirale est désormais d’environ USD 100 seulement par personne et par année

2013 – 7,1 millions de personnes ont accès à la thérapie antirétrovirale à travers l’Afrique et 873 000 femmes ont accès au traitement pour prévenir la transmission mère-enfant.


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aic presse

Maroc

p « Ton élection m’a ôté le sommeil », lance le chef du gouvernement à son « allié ». Réponse de l’intéressé : « Moi, je dors très bien ! »

Benkirane-chabat

à couteaux tirés Entre le Premier ministre et le patron de l’Istiqlal, les scènes de ménage se multiplient. Mais le divorce, suspendu à un arbitrage royal, n’est pas encore prononcé. Youssef aït akdiM

jeune afrique

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Maghreb Moyen-Orient Maroc

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«

L

Et si la menace de retrait n’était qu’un nouvel épisode du bras de fer entre les deux hommes politiques ? Un jeu où tous les coups sont permis, même le bluff ? Depuis son OPA réussie sur le vieux parti nationaliste, Chabat n’a cessé de se présenter en challengeur du Premier ministre. Officiellement alliés – le PJD dirige la coalition au pouvoir, l’Istiqlal étant la deuxième force au Parlement –, ces deux-là sont en compétition pour le bon mot, les en compétition, les deux faveurs de l’opinion et des médias, hommes se disputent dont ils sont devenus de bons les faveurs de l’opinion. clients. Au sein de la majorité, l’Istiqlal version Chabat détonne. C’est le parti qui critique le plus le gouvernement, bien plus sévèrement que le Rassemblement national des indépendants (RNI), le Parti Authenticité et Modernité (PAM) ou l’Union socialiste des q Hamid Chabat a forces populaires (USFP), les trois formations gardé les réflexes du d’opposition.

syndicaliste qui frappe fort avant de s’asseoir à la table des négociations. Ici, lors de la fête du Travail, le 1er mai dernier, à Rabat.

dueL. Mieux, Chabat ne sous-traite pas le travail

et n’hésite pas à mouiller la chemise pour défier le chef du gouvernement. « Benkirane est un amuseur public doublé d’un éradicateur qui cherche

aic presse

e mariage est un duo ou un duel », écrivait le poète français Émile Augier. Au Maroc, le couple singulier que composent les deux bêtes politiques du moment – le Premier ministre Abdelilah Benkirane, chef du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), et son « allié » istiqlalien Hamid Chabat – tourne au choc des ego. En faisant adopter, le 11 mai, le retrait du gouvernement par le conseil national du parti, le patron de l’Istiqlal a tenté un véritable coup de poker. « Chabat se comporte en épouse offensée. Il quitte le domicile conjugal mais laisse la porte ouverte pour des réconciliations », ironise un membre du PJD. Élu en septembre 2012 à la tête du vieux parti nationaliste, Chabat émettait depuis des mois des signaux inquiétants. Mais, pour l’instant, rien n’est définitif. Le roi, depuis la France où il était en vacances, a demandé au zaïm istiqlalien de temporiser. Si le retrait du deuxième partenaire de la majorité gouvernementale peut déboucher sur une crise institutionnelle, voire des élections anticipées, il n’est pas encore prononcé.

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

jeune afrique


benkirane-chabat à couteaux tirés

Scénarios de sortie de crise À court terme, un remaniement minimum est l’hypothèse la plus plausible. Avant un retour devant les électeurs ?

P

rès d’une semaine après l’annonce du retrait de la deuxième composante de la majorité, le gouvernement affiche une continuité à toute épreuve. « Depuis lundi [13 mai], c’est business as usual », explique un cabinard. Abdelilah Benkirane n’a rien modifié à son calendrier. L’absence momentanée du roi a certes fait retomber la poussière soulevée par Chabat lorsqu’il a annoncé qu’il claquait la porte du gouvernement. Qu’elles soient proches ou dans quelques mois, des législatives anticipées se profilent. Côté PJD, les dirigeants se sont toujours dits prêts à remettre en jeu leur(s) mandat(s). Lors des législatives partielles, consécutives aux contentieux ayant marqué les élections de novembre 2011, les islamistes ont montré que leur expérience du pouvoir n’a pas encore émoussé leur popularité. Fort de ce capital sympathie, Benkirane a d’ailleurs traité avec dédain les assauts de son « partenaire particulier », même s’il sait qu’aucune majorité viable n’est envisageable, en l’état, sans l’Istiqlal. Si ce dernier devait basculer dans l’opposition (voir infographie), les partis d’opposition totaliseraient une courte majorité à la Chambre des représentants, de quoi bloquer le travail législatif. À court terme, un remaniement minimum est le scénario le plus plausible. Il permettrait de faire

« inélégance ». Si le syndicaliste clame depuis

bluff. Tous ces changements à

la marge ne permettront que de retarder la véritable échéance: la dissolution de la chambre basse du Parlement et la convocation de législatives anticipées. S’appuyant sur la popularité de son chef, le PJD, qui totalise 107 sièges sur 395, peut encore espérer accroître le nombre de ses députés. Cela est d’autant plus tentant que les autres partis, opposition et Istiqlal compris, ne semblent pas aussi enthousiastes à l’idée de rejouer la partie. La difficulté du bluff, au poker, c’est qu’il peut être « payé » par le joueur adverse. Puisque l’Istiqlal invoque l’arbitrage royal, Benkirane attend son tour de parole, compte ses jetons et soupèse mentalement le pari de Chabat. Faites vos jeux! Rien ne va plus ! l Y.a.a.

é

Source : chambre deS repréSentantS, mai 2013

(en nombre de sièges)*

total : 395

o s it i o n

jeune afrique

entrer au gouvernement quelques proches de Hamid Chabat, voire le zaïm de l’Istiqlal lui-même. La crise actuelle offrirait l’opportunité d’un changement plus profond, en resserrant le cabinet, en augmentant le nombre de femmes, etc. Par ailleurs, certains ministres istiqlaliens pourraient rester en place en gelant leur qualité partisane : on pense à Nizar Baraka, l’argentier du royaume, qui est apprécié en haut lieu, et à Youssef Amrani, un diplomate chevronné, qui sert de doublure à l’actuel ministre des Affaires étrangères, Saadeddine El Othmani.

composition de la chambre des représentants

op p

le premier jour son insatisfaction, c’est aussi pour marquer une rupture avec l’héritage de son prédécesseur, Abbas El Fassi. Dénonçant la méthode solitaire de l’actuel chef du gouvernement, il rendait public, en janvier, un mémorandum listant une série de revendications : remaniement, représentation accrue des femmes et des Sahraouis dans le gouvernement, meilleure concertation au sein de la majorité. Première « inélégance » (dixit un proche de Benkirane), ce texte au ton hypercritique a été remis au chef du gouvernement au moment même où il était présenté à la presse. Rebelote, fin mars, à propos de la stratégie économique de la majorité. La situation est cocasse, puisque le premier responsable de cette l l l

Majorit

à faire taire les voix dissonantes », déclarait-il récemment à TelQuel. « Benkirane n’a connu que le militantisme islamiste. Il n’a l’habitude ni du dialogue ni du compromis », répétait-il encore à l’hebdomadaire français L’Express. Voilà pour le décor. « Ton élection m’a ôté le sommeil », aurait confié le Premier ministre à son nouveau compagnon de la majorité dès le mois de septembre 2012. Réponse de l’intéressé : « Moi, je dors très bien ! » Des crises d’insomnie, Abdelilah Benkirane risque d’en connaître encore. Pourtant, il ne semble pas subir l’usure du pouvoir. Toujours populaire (66 % d’opinions favorables, selon deux sondages publiés à la fin mars par La Vie économique et L’Économiste), le chef du gouvernement peine à gérer l’opposition interne d’un prétendant un peu populiste, un peu grande gueule. Comme lui. Mais là où Benkirane s’impose une certaine retenue qui sied à ses fonctions, son compère ne se fixe aucune limite. En joueur de poker offensif, voire agressif, il vient de jouer son va-tout. Toujours secrétaire général de l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), Chabat a gardé les réflexes du syndicaliste qui frappe fort avant de s’asseoir à la table des négociations. Auprès de ses camarades de la majorité, une ligne jaune a été franchie le 1er mai. Attaque personnelle contre un ministre accusé d’alcoolisme, puis tir groupé contre la moitié du gouvernement ; ça flingue dans tous les sens. « Nous ne nous laisserons pas entraîner dans une polémique stérile. Si Chabat veut partir, nous ne le retiendrons pas », commente un membre de la majorité, visiblement agacé par ce chantage. Élu après la formation du gouvernement, le patron de l’Istiqlal est le seul chef d’un parti de la majorité à ne pas être ministre, Mohand Laenser (Mouvement populaire) ayant hérité du portefeuille de l’Intérieur et Nabil Benabdallah (Parti du progrès et du socialisme) de celui de l’Habitat. Ces derniers ont d’ailleurs tenté – en vain – de désamorcer la crise des ego.

pjD : 107 Mp : 33 pps/FFD : 20 istiqlal : 60 rni : 54 paM : 48 UsFp : 38

UC : 23 Groupement Centre : 5 Groupement travailliste: 4 Groupement de l’avenir: 3

* L’opposition – RNI, PAM et USFP – dispose de 140 sièges. Avec l’Istiqlal, elle en totaliserait 200, soit une courte majorité n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Maghreb Moyen-Orient Maroc

Samuel aranda/CorbiS

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politique n’est autre que Nizar Baraka, un ministre istiqlalien. Gendre d’Abbas El Fassi, un temps pressenti pour succéder à son beau-père à la tête du hizb (« parti »), Baraka est l’archétype du technocrate, donc un rival, qui plus est membre du clan El Fassi, que Chabat veut extirper du parti. Le remaniementdemandé,commelamenacederetrait, procède de la même logique : remplacer Baraka et les autres ministres istiqlaliens, tous choisis par Abbas El Fassi à la fin de 2011, par des hommes à lui. À l’exception d’Abdessamad Qaiouh, un notable qui l’a soutenu mais qui n’occupe que le portefeuille très périphérique de l’Artisanat, tous entretiennent des relations distantes avec leur secrétaire général. lll

Dragons. Sitôt connue la décision du conseil

national de l’Istiqlal, la crise gouvernementale a été circonscrite par Mohammed VI. Le communiqué du 11 mai faisait explicitement référence à l’article 42 de la Constitution, lequel dispose notamment que le roi est « garant de la pérennité et de la continuité de l’État et arbitre suprême entre ses institutions ». Message reçu: l’agence officielle MAP publiait le soir même un communiqué, curieusement placé dans la rubrique « activités royales ». On y lit que le roi « a contacté par téléphone le secrétaire général du parti, M. Hamid Chabat, […] et l’a exhorté à maintenir les ministres du [parti de l’Istiqlal] au sein de l’actuel gouvernement dans le souci de préserver le fonctionnement normal du gouvernement ». n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

p Abdelilah Benkirane lors d’un meeting du PJD, le 20 septembre 2012, à Tanger.

Le coup de fil royal sonne la fin de la récréation après un conseil national du parti particulièrement houleux. Un cador istiqlalien reconnaît que la décision de retrait a été adoptée « dans une ambiance d’assemblée générale étudiante ». La question n’était pas inscrite à l’ordre du jour, elle a été posée parmi les points divers. D’ailleurs, il n’y a pas eu de vote à proprement parler, plutôt une acclamation. Ce mouvement d’humeur, habilement suscité par le zaïm, lui donne les moyens de négocier en situation de force. Mais pas sûr que Benkirane se laisse impressionner. Le Premier ministre a d’abord laissé fuiter des photos d’une fête de famille pour souligner sa sérénité, avant de publier un communiqué rappelant que « toute déclaration d’un membre [du PJD] après un conseil national à propos de la décision [istiqhouleux, le roi a sonné lalienne] doit être lue comme la fin de la récréation. une opinion personnelle et n’engage pas le parti ». Depuis, motus et bouche cousue. Selon ses proches, Benkirane est furieux, d’autant qu’il jure n’avoir reçu aucune demande officielle et détaillée de la part de Chabat pour un éventuel remaniement. « Je ne vois qu’une issue à cette crise politique. Si Chabat et Benkirane se rabibochent, ça ne durera pas. Des élections anticipées ne nous font pas peur », met en garde un dirigeant du PJD. Dans un étang, il n’y a pas de place pour deux dragons. Duel en vue. l jeune afrique


Maghreb Moyen-Orient

TribuNe

Opinions & éditoriaux

ONG de défense des droits humains

Tunisie: pourquoi le projet de Constitution doit être revu

L

a dernière version du projet de Constitution tunisienne défend de nombreux droits fondamentaux, qu’ils soient civils, politiques, sociaux, économiques ou culturels, et comprend des améliorations par rapport aux textes précédents. Cependant, elle contient aussi plusieurs articles incompatibles avec les obligations de la tunisie en termes de droits humains qui découlent des traités internationaux, et qui pourraient compromettre la protection de ces droits. L’article 21, qui énonce que « les conventions internationales dûment ratifiées par le parlement ont un statut supérieur à la loi et inférieur à la Constitution », crée le risque que la Constitution soit utilisée pour passer outre ou amoindrir la protection de certains droits fondamentaux garantis par certains traités que latunisie a ratifiés.

Les autres dispositions suscitant l’inquiétude sont : l le préambule, qui fait reposer les fondements de la Constitution sur « les principes des droits humains universels en concordance avec les spécificités culturelles du peuple tunisien ». Cette phrase donne une marge de manœuvre aux législateurs et aux juges pour s’éloigner des normes internationales relatives aux droits fondamentaux ;

Certains articles sont en contradiction avec les conventions internationales. l l’article 5, qui déclare que « l’État garantit la liberté de croyance et de culte religieux », mais ne mentionne pas la liberté de pensée et de conscience, y compris le droit de changer de religion ou de devenir athée. Les droits humains seraient mieux protégés par une garantie explicite de la liberté de pensée et de conscience ; l une définition insuffisante des limites acceptables à imposer à la liberté d’expression, d’assemblée et d’association : plusieurs articles […] définissent la portée de la liberté d’expression, d’assemblée et d’association en permettant au corps législatif d’adopter des lois qui restreignent ces droits, mais sans présenter clairement les limites des restrictions ; l une disposition discriminatoire qui prévoit que seul(e) un(e) musulman(e) peut devenir président(e) de la république. Cette disposition contredit l’article 6, selon lequel « tous les citoyens jeune afrique

sont égaux en droits et en devoirs devant la loi, sans aucune discrimination ». en outre, le projet de Constitution continue à restreindre l’égale protection de la loi aux seuls citoyens detunisie. L’assemblée constituante devrait […] inclure une clause générale introduisant directement dans la loi tunisienne les droits humains tels que définis par les traités internationaux ratifiés par latunisie. […] L’assemblée devrait aussi inclure une clause énonçant que les droits et libertés exposés dans la Constitution engagent le corps législatif, l’exécutif, la justice et tous les organes d’État. elle devrait inclure une proclamation de la liberté de religion, de pensée et de conscience, et affirmer que celle-ci englobe la liberté de changer de religion ou de croyance, de pratiquer en public et en privé n’importe quelle religion à travers le culte, l’accomplissement de rites ou les coutumes, ou encore le droit de ne pratiquer aucune religion. elle devrait affirmer clairement que la mention de l’islam comme religion d’État ou bien les références à l’islam dans le préambule ne doivent pas être interprétées de façon à aller à l’encontre des droits et des libertés exposés dans la Constitution ou des conventions internationales sur les droits humains ratifiées par la tunisie, ni ne devraient déboucher sur une discrimination visant les adeptes d’autres religions ou les non-croyants ; elle devrait inclure une clause générale énonçant que les droits et libertés proclamés par la Constitution ne peuvent être restreints que lorsque ces restrictions sont permises par le droit international. Elle devrait proclamer que tous les citoyens et toutes les personnes présentes sur le territoire ou soumises à la juridiction tunisienne jouissent d’une égalité devant la loi, sans discrimination d’aucune sorte, que ce soit par rapport à l’origine ethnique, à la couleur de peau, au sexe, à la langue, à la religion, aux opinions politiques ou autres, à l’origine nationale ou sociale, au statut de propriété, de naissance ou à tout autre statut. La Constitution devrait enfin inclure une disposition précisant que les femmes et les hommes sont reconnus comme égaux, qu’ils ont droit à la pleine égalité dans la loi et dans les pratiques, ainsi qu’à des opportunités égales dans tous les domaines de la vie, notamment sans aucune limite dans les sphères civique, culturelle, économique, politique et sociale. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Maghreb Moyen-Orient Mauritanie

Mohamed Lemine ould dadde « j’ai été victime d’une machination » Condamné à trois ans de prison ferme et à une lourde amende pour détournement de fonds, l’ex-commissaire aux droits de l’homme, finalement libéré sous caution, continue de clamer son innocence. Et de dénoncer les alliances tribales.

L

e 26 décembre 2012, il sortait de la prison civile de Nouakchott libre, mais gravement malade. Aujourd’hui, Mohamed Lemine Ould Dadde, 45 ans, va beaucoup mieux et prépare un livre. Accusé d’avoir détourné dans l’exercice de ses fonctions 271 millions d’ouguiyas (770 000 euros), l’ancien commissaire mauritanien aux droits de l’homme, qui avait rang de ministre, a été limogé en août 2010, puis incarcéré dans la foulée, en septembre. Mais il ne sera jugé qu’en juin 2012. Condamné à trois ans de prison ferme et à une amende de 76 millions d’ouguiyas, il a fait appel, avant d’être finalement libéré sous caution. Ancien président de l’organisation Conscience et Résistance, ce noble Maure de la tribu des Tagounanet, proche de la « gauche élitiste » mauritanienne, n’a jamais cessé de clamer son innocence. Et se bat pour obtenir son acquittement. Pour sa première interview depuis son arrestation, le militant antiesclavagiste a reçu J.A. dans son appartement parisien, où il habite lorsqu’il n’est pas à Nouakchott.

jeune Afrique : Avez-vous été victime d’une machination ? MohAMed LeMine ouLd dAdde: Oui.

Ce qui m’est arrivé a été orchestré par la vieille garde, qui rejette l’idée d’un changement en Mauritanie. Je suis arrivé au gouvernement au moment où le pays souffrait de trois grands maux: l’esclavage et ses séquelles [exclusion des Haratines], le passif humanitaire [retour des déportés négro-mauritaniens] et la pauvreté. Or le gouvernement auquel j’ai participé a pris son courage à deux mains pour en finir avec ces maux. Lorsque je dirigeais le Commissariat aux droits de l’homme, je suis intervenu dans toutes les régions du pays pour venir en aide concrètement aux populations et, surtout, leur redonner espoir. Ils ont voulu briser l’image d’un n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

ministre honnête, mais ils ont échoué. Je suis intègre et je le resterai. À qui faites-vous précisément allusion ?

À ceux qui jouaient le rôle d’intermédiaires politiques et dont le régime actuel a décidé de se passer. Je peux apporter la preuve que tout ce qui m’a été reproché n’est que pure invention. Le rapport censé m’incriminer est truffé d’erreurs. L’inspecteur qui l’a rédigé s’est permis d’évaluer lui-même les prix du marché, alors qu’une liste des tarifs avait déjà été fixée par son institution, l’Inspection générale d’État [IGE]. À aucun moment nous ne les avons dépassés. Vous n’avez commis aucune erreur de gestion ?

Non, aucune. On m’a reproché de connaître un fournisseur sur les soixantequinze du Commissariat. C’était un simple parent. De toute façon, ce n’est pas moi qui accordais les marchés.

Ensuite, je pense que les juges, qui sont des fonctionnaires, ne sont eux-mêmes pas convaincus d’être indépendants. Craignant les affectations administratives, ils cherchent à plaire à ceux qui peuvent les leur éviter. Les présidents de cours devraient être élus par un collège électoral. Ils cesseraient ainsi de s’autocensurer. Près de deux mois après votre libération, vous avez été reçu par le président Mohamed ould Abdelaziz. que vous êtesvous dit ?

Je garderai ça pour moi.

Vous êtes actuellement en liberté provisoire. Y aura-t-il un nouveau procès ?

C’est à la justice de décider. Mais j’aimerais être acquitté, car je suis innocent. Encore une fois, je peux le prouver. dès les années 1990, vous militiez au sein de l’union des forces démocratiques (ufd, ex-rfd) d’Ahmed ould daddah. Pourquoi avez-vous fait campagne contre

Je n’appartiens à aucun parti; je me positionne en fonction d’un programme. Avez-vous été bien traité en prison ?

Les conditions d’incarcération sont difficiles, surtout pour un détenu politique. Je ne parle pas du confort matériel, je peux m’en passer. Mais on a cherché à me briser le moral en me maintenant à l’isolement pendant plus de neuf mois. Hormis deux visites par semaine, j’étais seul. Vous êtes resté plus de vingt mois derrière les barreaux avant d’être enfin jugé. Vos avocats n’ont cessé de dénoncer votre « détention arbitraire ». La justice mauritanienne serait-elle aux ordres ?

S’agissant de l’illégalité de ma détention, j’ai mandaté mes avocats pour qu’ils portent plainte contre le procureur.

vos anciens compagnons en soutenant Sidi ould Cheikh Abdallahi au second tour de la présidentielle de 2007 ?

Entre les deux tours, il y a eu un malentendu entre l’organisation que je dirigeais à l’époque, Conscience et Résistance, et Ahmed Ould Daddah. Par conséquent, j’ai appelé personnellement à voter Sidi Ould Cheikh Abdallahi au second tour. Êtes-vous toujours en contact avec Ahmed ould daddah ?

Je ne suis pas en contact régulier avec lui, mais il est comme un père pour moi. J’ai beaucoup d’estime et de considération pour lui, comme pour les autres personnalités politiques du pays. Jeune afrique


Maghreb Moyen-Orient pays démocratique, toutes les institutions ont été mises en place pour que le changement de régime passe par les urnes, et non par un coup d’État militaire ou sous la pression de la rue. Faites-vous allusion au slogan « Aziz dégage ! » scandé par la COD ?

Je pense que cela ne peut pas tenir lieu de programme. Les hommes politiques devraient s’efforcer de redonner aux Mauritaniens confiance en leurs institutions plutôt que de les diaboliser. Il faut cesser de rejeter en bloc tout ce qui est entrepris.

BRUNO LEVY pOUR J.A.

Justement, la COD conteste la légitimité de la Ceni…

p À son domicile parisien, le 14 mai. Pourquoi avez-vous accepté, en septembre 2008, le poste que vous a proposé « Aziz » ?

Parce qu’on m’offrait la possibilité d’atteindre des objectifs pour lesquels je me suis toujours battu, qui plus est au sein d’un gouvernement qui a réalisé des avancées significatives sur les grandes questions nationales. À quand remonte votre première rencontre avec le président Aziz ?

Je le connaissais avant 2008. Nous avions des échanges fructueux sur l’avenir du pays.

visant à la formation d’un gouvernement d’union nationale ?

Lors de la présidentielle de 2009, malgré la mise en place d’un tel gouvernement, les protagonistes n’ont pas reconnu le résultat du scrutin. Plutôt que de réitérer l’expérience, mieux vaut renforcer la Ceni [Commission électorale nationale indépendante] pour organiser des élections libres et transparentes. Comment rétablir le dialogue entre majorité et opposition ?

En démocratie, le seul juge, ce sont les urnes. Qu’ils aillent aux élections et que le meilleur gagne.

Soutenez-vous un parti politique ?

Je n’appartiens à aucun parti, ni de la majorité ni de l’opposition. Je suis une personnalité politique nationale qui se positionne par rapport à un programme. En 2009, Aziz a été élu sur la base d’un programme et non pas d’alliances tribales. Ceux qui proposeront des solutions concrètes pour la stabilité et le développement du pays me retrouveront à leurs côtés. Aziz a-t-il eu raison de décliner la proposition du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, jeune afrique

Mais la Coordination de l’opposition démocratique (COD) menace de boycotter les élections législatives et municipales, qui devraient se tenir en octobre 2013…

J’ai toujours été contre le boycott. Quand l’UFD a refusé de participer aux élections législatives et municipales en 1994, j’étais parmi ceux qui s’y étaient opposés. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé, avec des amis, à créer le mouvement clandestin Conscience et Résistance. Quand on ne peut pas aller aux élections, rien ne sert de créer un parti politique! En Mauritanie, un

Quel que soit leur bord, les hommes politiques ne doivent pas faire passer leurs différends personnels avant leurs divergences idéologiques. Nous devons parler concrètement de politique. La Mauritanie devait-elle participer à l’opération Serval (au Mali) ?

La Mauritanie ne doit jamais sortir de son contexte régional. Elle n’est pas membre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao]. Et l’Union africaine [UA] n’a pas mandaté ses membres pour qu’ils interviennent. Elle devait d’abord, comme elle l’a fait, sécuriser ses frontières. En outre, elle se doit de bien accueillir les réfugiés maliens. Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, a confirmé que la Mauritanie était prête à participer à la future opération de maintien de la paix de l’ONU. Doit-elle s’engager ?

Oui, la Mauritanie doit y aller. Mais tout en continuant à renforcer la sécurité de ses frontières. Le pays ne doit pas devenir une pépinière du jihadisme dans la région. Avez-vous servi d’intermédiaire en vue d’une négociation entre Aziz et le député français Noël Mamère, après que celuici a présenté le président comme le « parrain d’un trafic de drogue » ?

Pas du tout. Ce ne sont que des rumeurs.

Serez-vous candidat à l’élection présidentielle de 2014 ?

La question ne se pose pas. L’échéance présidentielle n’est pas d’actualité. l

Propos recueillis par JUStiNe SPiegeL n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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t Abdelaziz Bouteflika, le 12 février 2009, à Alger. Algérie

tonnes annuelles) dans le cadre de la relance du secteur. Mais ni l’ébullition sociale ni le dynaÉbullition sociale, dynamisme économique, effervescence politique… misme économique du pays « sans lui » ne détonnent autant que l’emballement Le pays semble moins paralysé par l’absence du président de la scène politique. À un an de l’élection que ne le prétendent de nombreux observateurs. présidentielle d’avril 2014, une échéance cruciale censée consacrer le passage de témoin générationnel, une telle effervesrois semaines après l’évacualogements provoque émeutes et coupures cence pourrait paraître normale. Pas en tion, le 27 avril, du président d’axes routiers. Une polémique opposant Abdelaziz Bouteflika vers avocats et magistrats a totalement paraAlgérie,oùl’augusteabsentconcentreentre l’hôpital militaire parisien du lysé une justice qui ne brille guère par sa ses mains des pouvoirs exorbitants, jouit Val-de-Grâce à la suite d’un mini-AVC, d’une incontestable popularité et exerce célérité. Quant à la tenue des examens de le patient « récupère et se tient informé une influence considéfin d’année dans les cycles des affaires importantes de la nation », rable sur la vie politique. Si primaire et secondaire, elle des congrès assure son Premier ministre, Abdelmalek est menacée par la multiplisonabsencen’apaspermis à foison Sellal. Si la question de la santé du chef cation de conflits entre les auxdeuxpremièresforma• Mouvement de la société enseignants et leur tutelle. de l’État monopolise les titres de la presse tions du pays, le Front de pour la paix (MSP, Frères quotidienne, elle semble n’avoir, en libération nationale (FLN, musulmans): 4 mai revanche, aucune prise sur le quotidien paradoxe. L’absence pour ancien parti unique) et le • Front des forces socialistes des Algériens. Pas de trêve sur un front cause de convalescence du Rassemblement national (FFS): 23 mai social en constante ébullition, marqué démocratique (RND), président Bouteflika n’a • Parti du renouveau algérien notamment par un débrayage des corps pas calmé le front social et de sortir de la crise qui (PRA): 30 mai médical et paramédical qui a paralysé les a contraint leur direca, paradoxalement, donné • Rassemblement national des un coup de fouet à la vie hôpitaux. La sémantique contestataire tion – Ahmed Ouyahia indépendants (RND): juin s’est du coup enrichie d’un nouveau slopour le RND et Abdelaziz économique. Au cours de • Réunion du comité central gan : « Ni Parnet ni Zmirli [nom de deux ces trois dernières semaines, Belkhadem pour le FLN, du Front de libération établissements hospitaliers de la capitale], le gouvernement a annoncé dans l’ordre chronolonationale (FLN) devant le lancement de trois grands tous au Val-de-Grâce ! » gique – à la démission, désigner un nouveau secrétaire général: date elle n’a pas empêché le Danslesuddupays,secouéparl’attaque projets de développement non fixée terroriste contre le complexe gazier de d’un montant dépassant courant islamiste de se Tiguentourine, le 16 janvier, les chômeurs, 20 milliards de dollars réorganiser. À peine élu, de Tamanrasset à Ouargla et de Béchar à (15,4 milliards d’euros) : construction de le 4 mai, le nouveau patron des Frères El Oued, poursuivent leur mouvement de 300 000 logements, d’une mégacentrale musulmans du Mouvement de la société protestation. Dans le Nord, la situation électrique à Alger et de quatre cimenteries pourlapaix(MSP),AbderrezakMokri(voir J.A. no 2731), entamait des discussions avec géantes dans les Hauts Plateaux (pour n’est guère plus reluisante. La moindre une production totale de 17 millions de les dirigeants des petites formations se opération d’attribution de nouveaux

La vie sans lui

T

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jeune afrique

Zohra Bensemra/reuters

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Coulisses

aït ahmed fait ses adieux. Les

démocrates ne sont pas en reste. Si Amara Benyounes,chefduMouvementpopulaire algérien (MPA, quatrième force politique à la chambre basse du Parlement), a décidé de reporter la tenue du congrès du parti, le Frontdesforcessocialistes(FFS,deHocine Aït Ahmed), doyen des partis d’opposition, organise ses assises du 23 au 25 mai. Un rendez-vous déterminant, car à son ordre du jour figure un point essentiel: la désignation du successeur d’Aït Ahmed. Plus qu’une simple alternance, la succession du président-fondateur du FFS devrait consacrer le changement de ligne du parti, qui a décidé d’abandonner la politique de boycott systématique des échéances électorales pour participer activement à la vie parlementaire.Unvirageà180degrésquia provoqué une hémorragie chez les jeunes cadresetmilitantsduFFS,lesquels,àl’image de Karim Tabou (ex-secrétaire national du parti) ou de Samir Bouakouir, sont tentés de quitter le parti pour créer le leur. Autre formation à tenir ses assises en l’absence de Bouteflika : le Parti du renouveau algérien (PRA). Membre de la coalition gouvernementale au début des années 2000 avant de rejoindre les rangs de l’opposition en 2004, il a annoncé la tenue d’un congrès extraordinaire les 30 et 31 mai. Quant au Parti des travailleurs (PT, trotskiste), il ne devrait pas tenir d’assises nationales avant 2014, pour investir, ou non, son candidat. Louisa Hanoune, sa secrétaire générale, n’en a pas moins multiplié les déclarations tonitruantes sur la nécessité de juger pour « haute trahison » les ex-ministres Chakib Khelil, Hamid Temmar et Abdellatif Benachenhou (tous considérés comme proches du cercle présidentiel), le premier pour corruption et les deux autres pour mal-gouvernance. Ébullition sociale, dynamisme économique, effervescence politique. Assurément, l’Algérie semble moins paralysée par l’absence du président que ne le prétendent de nombreux observateurs. La vie sans lui a plongé le pays dans l’aprèsBouteflika. Avant l’heure… l Cherif Ouazani jeune afrique

syrie écœurante révOlutiOn La séquence macabre dure moins de trente secondes, mais elle a déjà été visionnée plus de 1 million de fois sur YouTube. On y voit un rebelle syrien fendre à coups de couteau le thorax du cadavre d’un soldat pour en arracher le cœur et le foie, qu’il brandit devant la caméra en clamant « je jure devant Dieu que nous allons manger vos cœurs et vos foies, vous soldats de Bachar le chien », avant de porter le cœur à sa bouche. Clap final. Les sceptiques de la révolution y voient la preuve de la barbarie des insurgés, quand les partisans de l’opposition s’indignent d’un tel emballement médiatique alors que les photos du massacre commis par les loyalistes quelques jours auparavant à Banyas ont été à peine relayées. Commandant de la brigade Omar al-Farouk, le rebelle, Khaled al-Hamad, a été identifié par Human Rights Watch. Au Time, il a justifié son geste par la découverte sur le téléphone de la victime de vidéos de femmes nues humiliées. « Le coupable sera puni sévèrement », a promis le commandement rebelle. l

u Délai de livraison via les tunnels : quatre heures.

p Gaza OpératiOn « pOulet frit » Les frites sont molles, les nuggets froids, mais Ibrahim se lèche les babines : le goût y est ! Commandé quatre heures auparavant par Khalil Efrangi, le cerveau du trafic, au Kentucky Fried Chicken (KFC) d’El Arish, en Égypte, son menu est arrivé pile à l’heure pour le dîner dans son appartement de Gaza après avoir transité par l’un des tunnels qui relient l’Égypte à l’enclave palestinienne.

éGypte Être une femme Remarques obscènes, propositions de nuits tarifées, gestes déplacés, regards visqueux : pour la chaîne ONTV, l’acteur Walid Hammam s’est promené dans Le Caire grimé en femme pour tenter de vivre le quotidien sordide de ses compatriotes féminines, victimes de harcèlement systématique dès

WISSAM NASSAR/The NeW YoRk TIMeS-ReDUX-ReA

réclamant du courant fondamentaliste en vue de réunir la famille islamiste sous une seule bannière dans la perspective de la prochaineprésidentielle.AbderrezakMokri aainsinotammentrencontréAbdelmadjid Menasra, président du Front du changement (FC, organisation dissidente des Frères musulmans).

Maghreb & Moyen-Orient

qu’elles se risquent dehors. L’expérience a été tentée avec et sans le voile. Surprenante conclusion de l’acteur : la femme voilée est celle qui subit le harcèlement le plus agressif…

arabie saOudite Jihadistes recyclés Destinés à gérer le retour des ex-détenus de Guantánamo, les camps saoudiens de réinsertion de jihadistes se modernisent. Les pensionnaires y bénéficient d’un suivi psychologique, de cours d’arts et de sport, et de leçons de théologie. Le téléphone est accessible 24 h/24, et ceux qui sont jugés aptes peuvent poursuivre le programme hors des murs et bénéficier d’une allocation de 700 dollars mensuels (539 euros). Satisfaits par les résultats (positifs à 90 %), les Saoudiens envisagent de créer un nouveau centre tout confort (piscine, sauna). n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Mati Milstein/UPi/MaXPPP

Israël

Bouclier ou pas Opérationnel depuis 2011, le système Dôme de fer est censé neutraliser les roquettes en plein vol. Mais certaines voix se sont élevées pour dénoncer son coût exorbitant et mettre en doute son efficacité.

À

peine descendu d’Air Force One pour sa première visite en Israël le mois dernier, Barack Obama s’est vu proposer d’inspecter l’une des batteries de missiles d’Iron Dome [littéralement : le « dôme de fer »], installée à son intention à l’aéroport Ben-Gourion. Si un produit devait résumer la haute technologie militaire israélienne, c’est bien ce système de n o 2732 • dU 19 aU 25 Mai 2013

John reed

défense aérien ultrasophistiqué. Le Dôme de fer a protégé le pays des roquettes Qassam et Grad tirées par le Hamas depuis la bande de Gaza lors des huit jours de l’opération Pilier de défense, lancée par l’État hébreu en novembre 2012. Selon le ministre israélien de la Défense, le taux de réussite de ce dispositif a été de 80 % pendant toute la durée de l’offensive, qui a fait 170 morts côté palestinien et 6 côté israélien.

Conçu pour intercepter les roquettes de courte portée, Iron Dome est à la fois le plus petit et le plus connu des composants du système de défense aérien israélien, lequel comprend plusieurs niveaux, car il a été développé pour détruire tout type de missile, quelle que soit sa portée, y compris donc ceux tirés depuis l’Iran. controverse. Pourtant, le mythe

Iron Dome, savamment entretenu en Israël, a été passablement écorné. De nombreuses voix se sont récemment élevées pour mettre en doute son rapport efficacité-prix et jeUne afriqUe


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d’euros) à la construction du système et injecté une rallonge de 680 millions de dollars, sont un client potentiel. La Corée du Sud, l’Inde, Singapour et la Pologne auraient fait part de leur intérêt ou envisageraient de l’acquérir. « critiques infondées ».

soire? sa précision. Ces doutes sont venus alimenter une remise en question plus large du bien-fondé de la politique israélienne de défense et de sécurité dans une région instable agitée par de multiples conflits et soulèvements populaires. Pour l’instant, ces critiques sont l’apanage d’un petit nombre de voix discordantes, pour la plupart hors de l’État hébreu. Mais si la controverse s’étendait, cela pourrait porter atteinte à l’ambition israélienne de faire de son Iron Dome un produit d’exportation lucratif. Les ÉtatsUnis, qui ont contribué à hauteur de 200 millions de dollars (154 millions jeune Afrique

p Tir d’un missile Tamir dans le sud d’Israël, le 19 novembre 2012, lors de l’opération Pilier de défense.

pour la paix, a déclaré le Premier ministre, Benyamin Netanyahou, mais nous nous préparons aussi à toute autre éventualité. » De tous ces systèmes, Iron Dome est celui qui essuie le plus de critiques. Des experts en balistique ont examiné attentivement des séquences de vidéos amateur tournées pendant l’opération Pilier de défense et les ont analysées à la lumière des informations publiquement accessibles sur les tirs de

L’entreprise publique qui a développé Iron Dome, Rafael Advanced Defense Systems, tire une grande fierté de l’efficacité de son nouveau système. Lorsque Yossi Horowitz, directeur selon des experts en marketing et développement commercial, nous balistique, le taux de reçoit, il s’empresse de réussite est très inférieur nous faire une simulation. aux 80 % affichés. En quelques clics sur son ordinateur, il fait bouger l’une des six ailettes latérales avant roquettes sur le sud d’Israël. D’après du missile Tamir qui permettent leurs calculs, le taux de réussite du système Iron Dome serait très de le diriger vers la roquette visée. Au moment de l’impact, le Tamir inférieur aux 80 % affichés officielen fait exploser l’ogive afin de la lement. Le ministère israélien de la neutraliser. Quand elle parle de Défense rétorque que les critiques son système, l’entreprise Rafael mettant en doute l’efficacité du sysen vante non seulement l’efficatème sont infondées et s’appuient cité, mais aussi le rapport coûtsur de fausses informations. Selon efficacité. Les moteurs électriques des responsables du ministère, elles utilisés pour activer les ailettes sont d’ailleurs très peu nombreuses sont fabriqués par le marchand de et reposent sur des vidéos amateur jouets américain Toys R Us. « Ils ne publiées sur YouTube, réalisées sont pas chers et cela nous suffit », pour la plupart à partir de téléphones mobiles. explique Horowitz avec un sourire. L’entreprise Rafael travaille égale précédent patriot. Selon le lement à contrer les menaces plus ministère, le problème de ceux qui lointaines. Dans le hall de la firme, à côté du missile Tamir, trône le remettent en question l’efficacité du système, c’est qu’ils n’ont pas Stunner, un composant d’un autre accès aux informations classifiées système antimissile baptisé David’s Sling [littéralement : « la fronde de qui en décrivent le fonctionnement. David »], qui devrait être déployé « L’État d’Israël est le premier pays fin 2014. Développé conjointement au monde à s’être doté d’un sysavec l’américain Raytheon, spéciatèmedeprotectionquiintercepteles lisé dans l’armement et l’aérosparoquettes de courte portée, explique tiale, il a été conçu pour intercepter le ministère. Les responsables des les missiles de moyenne portée services de sécurité sont tout à que pourraient tirer le Hezbollah fait satisfaits des résultats obtenus ou l’un des groupes armés syriens. jusque-là et vont commander la En février, Israël a également testé mise en place de nouvelles batteries Arrow 3, qui sera le composant le antimissiles de type Iron Dome. » plus avancé technologiquement de En face, les critiques sont tout aussi son bouclier antiaérien. Il pourra catégoriques. Certains rappellent atteindre tout missile de croisière le précédent des Patriot, censés tiré depuis des milliers de kilodétruire en plein vol les Scud tirés par l’Irak sur l’État hébreu lors de la mètres et l’intercepter avant qu’il première guerre du Golfe, en 1991. ne pénètre dans l’atmosphère. Ces missiles avaient d’abord été « Israël garde la main tendue n o 2732 • du 19 Au 25 mAi 2013


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Maghreb Moyen-Orient Israël vantés pour leur précision, avant que leur très faible efficacité n’éclate au grand jour. Et les détracteurs d’Iron Dome d’enfoncer le clou : en plus des milliards de dollars que cela coûte aux contribuables israéliens et américains, des vies sont en jeu. « Si Netanyahou provoque une guerre avec l’Iran, Israël sera la cible de tirs de roquettes depuis Gaza, mais aussi depuis le Liban, au nord, avec le Hezbollah, avertit Theodore Postol, le physicien qui avait mis en lumière les insuffisances des missiles Patriot. Si on dit aux gens que cesystèmelesprotège,denombreux Israéliens pourraient se dispenser d’aller se réfugier dans un abri, et le nombre de victimes pourrait alors sérieusement augmenter. »

Missile d’interception Tamir

laser. La défense antimissile a une

longue histoire. Israël a commencé à développer le système Arrow avec les Américains dès la fin des années 1980. Comme l’explique un responsable de l’industrie israélienne de la défense, le principe de base était d’« essayer de toucher une balle avec une autre balle ». Le gouvernement et le Congrès américains soutiennent aujourd’hui encore le programme Arrow à hauteur de 150 millions de dollars par an. Mais certains analystes sont convaincus qu’un système comme Iron Dome est inutilement onéreux, précisément parce qu’il a recours à un missile pour abattre un autre missile. Ils soutiennent que les systèmes à laser de défense aérienne, comme le système Adam, en cours de développement par Lockheed Martin, peuvent détruire des missiles en pleine course pour un coût nettement inférieur. « Le problème qui va bientôt se poser à Israël – et donc aux États-Unis, qui financent massivement ce système – est que le coût des actuels missiles d’interceptionestplusieursfoissupérieurà celui des roquettes », explique Peter Singer, spécialiste des questions de sécurité et de défense pour le think tank Brookings Institution de Washington. Rafael refuse de discuter dans le détail le coût de son système, se contentant de rappeler qu’un Tamir d’Iron Dome coûte moinsde100000dollars.Pouréviter n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

1

2

Radar de détection et pistage (détection de tirs hostiles et transmission des données à l’ordinateur central)

Ordinateur central (calcule la trajectoire de la roquette et fixe le point d'impact)

AUTRES SYSTÈMES DE DÉFENSE AÉRIENS La Fronde de David Construit par Rafael et Raytheon Cibles : missiles de moyenne portée Opérationnel fin 2014

de gaspiller des missiles, le système est par ailleurs conçu pour anticiper la trajectoire des roquettes et n’intercepter que celles qui vont frapper des zones habitées. Après avoir remporté l’appel d’offres pour développer Iron Dome en 2007, Rafael s’est plié à des contraintes budgétaires rigou-

Un Tamir coûte 100000 dollars environ, contre quelques centaines de dollars pour une roquette… reuses imposées par son client, le ministère de la Défense. Outre l’achat de moteurs bon marché, plusieurs mesures ont été prises pour réduire les coûts. Ainsi a-t-on construit le moteur principal des missiles en aluminium et fait en sorte que le radar ne s’enclenche

Arrow 2 Construit par Israel Aerospace Industries, Boeing Cibles : missiles de croisière Opérationnel depuis 2000

qu’au moment crucial, juste avant que le missile n’intercepte la roquette ennemie. Des responsables israéliens de la Défense indiquent que le pays travaille aussi sur un système antimissile à laser. Mais, selon eux, l’État hébreu doit pouvoir se défendre sans attendre que celuici soit au point, et il le fait avec ce qui demeure le meilleur bouclier antimissile actuellement disponible. « Le laser à haute énergie est une arme d’avenir, reconnaît un haut responsable du ministère. En attendant, le système Iron Dome est la meilleure solution et, à vrai dire, c’est la seule. » Rafael refuse de commenter ces observations qui compromettent l’avenir de son système fétiche et persiste à défendre son efficacité. Un responsable de l’industrie de jeune afrique


SYSTÈME DE DÉFENSE AÉRIEN DÔME DE FER Développé par Rafael Advanced Defense Systems Cibles : roquettes de courte portée, obus de mortier ou d’artillerie Opérationnel depuis 2011

3

Cinq batteries antimissiles (interception et neutralisation des roquettes)

Arrow 3 Construit par IAI, Boeing Cibles : missiles de croisière hors de l’atmosphère En cours de développement

la défense rappelle que, sur les 1 500 roquettes tirées depuis Gaza en novembre dernier, environ 500 visaient des villes, mais pas plus d’unecentainelesonteffectivement atteintes. « Si le taux de réussite [du système antimissile] était de seulement 5 % à 10 % [comme le prétendent ses détracteurs], alors où sont passées les autres roquettes? » s’interroge-t-il. Avocats et détracteurs du système Iron Dome sont cependant d’accord sur une chose: pour l’État hébreu, les enjeux d’un bouclier antimissile sont considérables. Comme le rappelle Uzi Rubin, fondateur du programme israélien antimissile, « quiconque choisira d’engager la guerre avec l’Iran devra comprendre que ce ne sera pas une partie de plaisir ». l © Financial Times et Jeune Afrique 2013 Tous droits réservés jeune afrique

Jeune Afrique, 50 ans Une histoire de l’Afrique Fondé en octobre 1960 par Béchir Ben Yahmed (aujourd’hui encore à la tête du Groupe qui édite l’hebdomadaire), Jeune Afrique a vécu et accompagné les indépendances africaines au nord comme au sud du Sahara. À en feuilleter la collection (plus de 2 500 numéros), c’est toute l’histoire de l’Afrique contemporaine qui se déroule.

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Europe, Amériques, Asie

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ÉTATS-UNIS

La fusée Hillary

KEVIN LAMARQUE/REUTERS

sur orbite L’ancienne secrétaire d’État songe très sérieusement à briguer la Maison Blanche en 2016. Son principal handicap? L’embarrassante affaire de l’attaque du consulat à Benghazi, dont les républicains veulent faire un nouveau Watergate.

JEAN-ÉRIC BOULIN,

H

à New York

illary Clinton sera-t-elle candidate à l’élection présidentielle de 2016 ? À un peu plus de neuf cents jours de la première primaire démocrate, dans l’État de l’Iowa, les spéculations vont bon train. L’intéressée entretient le suspense, mais de nombreux signes plaident en faveur de cette hypothèse. L’un de ses conseillers n’en fait pas N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

mystère : il y a davantage de chances qu’elle y aille que le contraire. Il se risque même à un pronostic chiffré : 75 % contre 25 %. Mme Clinton, qui, à en croire les sondages, est aujourd’hui la femme la plus populaire du pays, a une conscience aiguë de sa place dans l’Histoire. Peut-elle résister à l’envie de devenir la première femme à diriger la première puissance mondiale ? Une chose est sûre. Si elle décidait de se présenter, Hillary Clinton, 65 ans, l’emporterait sans coup férir. Selon un récent sondage de la Quinnipiac University, elle battrait à plate couture ses deux adversaires républicains les plus probables : Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride et frère cadet de qui vous savez, et Marco Rubio, actuel sénateur de ce même État. Vingt-quatre ans après, un nouveau duel Clinton-Bush n’est donc pas à exclure en 2016. JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie en 1992 ? Mais elle fera ce qu’il faut pour ne pas disparaître des écrans radars jusqu’aux élections de la mi-mandat, en novembre 2014, puisque c’est semble-t-il à cette date qu’elle a l’intention d’annoncer sa décision. Début avril à New York, lors du sommet annuel des femmes, elle a ainsi évoqué les combats futurs de son pays en ce qui concerne les droits des femmes. « C’est ainsi que l’Amérique devra diriger », a-t-elle répété. Elle a aussi posté sur internet une vidéo pour annoncer, dans un style très présidentiel, son soutien au mariage homosexuel. « SUPER PAC ». Hillary, qui n’a plus de fonction

Quant aux primaires démocrates, l’entrée en lice de Clinton simplifierait la situation. À en croire un conseiller du vice-président Joe Biden, celui-ci y regarderait à deux fois avant d’affronter l’ancienne secrétaire d’État, même s’il n’exclut pas complètement cette éventualité. En revanche, Andrew Cuomo, l’ambitieux gouverneur de l’État de New York, a fait savoir qu’il jetterait l’éponge… D’autant que nombre d’observateurs sont convaincus que Barack Obama a déjà adoubé Clinton. Au début de l’année, il a donné en sa compagnie une interview au cours de laquelle il a multiplié les amabilités : « Quoi qu’elle choisisse de faire, Hillary restera à l’avenir un leader… » Manifestement, les tensions de 2008 ne sont plus qu’un vieux souvenir. Pour l’instant, l’intéressée affirme vouloir prendre du recul. N’est-elle pas sous les feux de la rampe depuis l’élection de Bill, son mari, JEUNE AFRIQUE

Entourée de ses collaborateurs, lors de son départ du secrétariat d’État, le 1er février.

officielle – avant d’être secrétaire d’État, elle fut sénatrice de l’État de New York de 2001 à 2009 –, n’est pas pour autant redevenue une citoyenne comme les autres. À Washington, elle a constitué autour d’elle une équipe de six personnes et ouvert un site internet qui compile sesprincipalesinterventionsdepuis qu’elle a quitté le département d’État, le 1er février. Surtout, un « super PAC » (political action committee, un comité de financement aux capacités quasi illimitées) vient d’être créé par plusieurs de ses amis. Son nom est à lui seul tout un programme : Ready for Hillary. Selon son directeur, les gros donateurs démocrates n ’a t t e n d e n t qu’un signe d’elle pour se mettre en ordre de bataille. De son côté, elle s’emploie à constituer un trésor de guerre. Elle vient de signer un contrat avec Harry Walker, une agence de communication très cotée spécialisée dans les discours de personnalités, qui représente entre autres Dick Cheney, Ehoud Barak et… Bill Clinton. Le 24 avril, elle a prononcé un discours grassement rémunéré (une personnalité de son calibre touche entre 150 000 et 300 000 dollars – entre 115 500 et 231 000 euros – pour une prestation de ce type) devant le Conseil national de l’habitat, à Dallas. Dans le passé, il lui est arrivé d’empocher jusqu’à 750 000 dollars pour un seul discours ! Elle a aussi touché un à-valoir de 4 millions de dollars pour le livre qu’elle prépare sur ses années au département d’État. C’est deux fois moins que pour son précédent ouvrage, Mon histoire (2003), dans lequel elle évoquait la torride et pathétique affaire Monica Lewinsky, dans laquelle son mari eut la faiblesse de se laisser N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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Europe, Amériques, Asie piéger. Au total, la fortune du couple Clinton est estimée à 14 millions de dollars. Mais le principal argument en faveur d’une candidature de Hillary reste sa popularité. En dépit d’un bilan contrasté au département d’État (lire encadré), 67 % des Américains jugent favorablement son action. Elle est pour l’instant plus ou moins épargnée par le scandale provoqué par l’attaque lancée en septembre 2012 contre le consulat américain de Benghazi. Celui-là même qui avait fait capoter la candidature de Susan Rice à sa succession. C’est comme ça: exception faite des ultraconservateurs les plus bornés, ses compatriotes l’adorent. Sans doute parce qu’elle leur ressemble. Grosse travailleuse, c’est une intellectuelle pointue (elle est notamment diplômée de Yale) qui a su rester accessible. En 2012, en marge du sommet des Amériques à Carthagène, en Colombie, elle avait été surprise par un photographe alors que, visiblement éméchée, elle dansait avec des membres de son staff dans un bar. Le cliché avait fait la une de tous les tabloïds… On l’aime aussi pour sa capacité de rebond, comme après l’affaire Lewinsky. Elle pourrait reprendre à son compte le surnom dont son mari fut longtemps affublé : Comeback Kid. Ses convictions progressistes en font aussi la chouchoute des jeunes. Personne n’a oublié qu’en 1994 elle avait tenté de faire adopter un ambitieux plan de création d’une assurance maladie universelle, malheureusement rejeté par le Congrès.

AFP PHOTO/STR

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Carthagène (Colombie), avril 2012. Moment de détente pour le chef de la diplomatie des États-Unis, en marge du sommet des Amériques.

THROMBOSE. Deux facteurs pourraient néanmoins influer négativement sur sa décision. D’abord, son âge : elle aura 69 ans en 2016. Ensuite, son état de santé : à la fin de l’année dernière, complètement surmenée, elle avait dû être hospitalisée pour une thrombose, un caillot de sang dans la tête. Et puis, on ne sait si la crainte de rouvrir d’anciennes blessures – de l’affaire Lewinsky au scandale Whitewater (opérations immobilières suspectes entreprises en 1992 par le

couple Clinton) – est susceptible de la faire reculer. D’autant qu’elle risque de traîner longtemps l’affaire de Benghazi comme un boulet. Peut-être aussi voudra-t-elle préserver Chelsea, sa fille unique, qui s’est mariée en 2010 et dont l’embauche, l’année suivante, comme « correspondante spéciale » par la chaîne NBC avait fait jaser. Quant à Bill, qui aura 70 ans en 2016, il n’est manifestement pas au mieux de sa forme. On peut douter qu’il ait la force de soutenir son épouse aussi énergiquement qu’il le fit en 2012 pour Obama. Mais le chemin qui mène à la présidentielle est encore long. On ne peut exclure un effondrement prématuré de Hillary, comme lors des primaires démocrates face à Obama, en 2008. Et puis, qui sait si les Américains ne finiront pas par se lasser ? Il est en effet très rare qu’un parti reste au pouvoir pendant douze longues années… Même si, contre toute attente, Mme Clinton venait à renoncer, l’Amérique n’en aurait pas forcément fini avec la dynastie. La jeune Chelsea ne vient-elle pas d’avouer publiquement son désir de se lancer un jour en politique ? ●

BEN LADEN, KADDAFI… ET LE RESTE ELLE A PARCOURU PLUS de 1 million de kilomètres et visité 112 pays : Hillary Clinton aura sans nul doute beaucoup de choses à raconter dans le livre – son cinquième – qu’elle prépare sur ses années au secrétariat d’État – sortie prévue au cours de l’été 2014. L’élimination d’Oussama Ben Laden, le renversement de Mouammar Kaddafi et son N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

action en faveur des droits des femmes devraient en constituer les morceaux de bravoure. Mais Hillary devra aussi s’expliquer sur son rôle lors de l’attaque du consulat à Benghazi, qui, le 11 septembre 2012, coûta la vie à quatre Américains, parmi lesquels l’ambassadeur Christopher Stevens. Les républicains, qui dirigent l’une des

commissions chargées d’enquêter sur l’affaire, accusent la Maison Blanche d’avoir, dans un premier temps, tenté d’occulter la nature terroriste de l’attaque.Très remontés, ils promettent un nouveau Watergate, ce qui serait évidemment de nature à hypothéquer les chances de Hillary en 2016. On imagine que cette dernière s’efforcera aussi

de répondre aux critiques concernant l’excessive centralisation de la politique étrangère américaine autour de la Maison Blanche et, par ailleurs, le refus d’Obama de livrer des armes aux rebelles syriens. Encore que le dernier mot à ce sujet ne soit sans doute pas dit : le président est, paraît-il, « en pleine réflexion ». ● J.-É.B. JEUNE AFRIQUE



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Europe, Amériques, Asie fortes,lesspectateursmoinsnombreux,les recettes moins importantes, et les rentrées fiscales aussi. Nous estimons qu’entre 5 000 emplois (directs) et 25 000 emplois La taxe à 75 % sur la tranche des revenus supérieure à 1 million d’euros (indirects) sont ainsi menacés », reprend Louvel. L’obstination du gouvernement est par an sera finalement payée non par les footballeurs mais par les clubs d’autant plus surprenante que la mesure pros. Qui s’estiment lésés par rapport à leurs rivaux européens. ne devrait rapporter qu’entre 210 millions et 500 millions d’euros. « Un joueur ou rançois Hollande voit le nombre un entraîneur qui gagne plus de desespartisansseréduirecomme 1 million par an est aujourd’hui peau de chagrin. Et ce n’est sans taxé à hauteur de 45 %, dit doute pas dans les vestiaires des encore l’international malien. Quelqu’un qui a ce niveau de clubs professionnels de football qu’il va pouvoir chercher de nouveaux soutiens. revenus injecte beaucoup « Les footballeurs votent majoritairement d’argent dans l’économie, à droite, commente Cédric Kanté, l’interviadesopérationsquisont national malien du FC Sochaux. Et je ne soumises à la TVA. Si ces pense pas que la taxe à 75 % soit de nature gens partent à l’étranger, à inverser la tendance. Même si ce ne sont lecoûtfinalserabiensupépas les joueurs qui paieront, l’ensemble rieur à ce qu’apportera la du football pro est concerné. Il y a un nouvelle taxe. Et c’est un très mauvais signal donné aux consensus pour dire que cette mesure investisseurs étrangers. » sera économiquement inefficace. » Le projet de taxer plus lourdement Président de l’Union nationale des footballes revenus supérieurs à 1 million leurs professionnels d’euros par an était une promesse électorale du candidat Hollande. À (UNFP), Philippe Piat l’origine, cet impôt devait être acquitté n’est pas sorti très rassuré par les salariés concernés. Mais de sa dernière rencontre avec Valérie Fourneyron, le 29 décembre 2012, le Conseil la ministre des Sports. constitutionnel a retoqué le dispositif. Les principaux acteurs « Quand je lui ai demandé du foot français s’en sont si elle préférait voir les réjouis. Ils avaient tort. Car footballeurspayerleurs le 28 mars le chef de l’État impôts et dépenser en a rendu publique une leur argent à l’étrannouvelle version : ce sont ger, elle m’a répondu d’un club (Troyes) où aucun salaire ne désormais les entreprises versant des que c’était une question d’image. Vu salaires supérieurs à 1 million d’euros qui dépasse 30000 euros par mois, se montre comme ça, il va en effet être difficile de seront appelées à payer la taxe, pendant solidaire: « Si les grosses équipes perdent s’entendre, grince le syndicaliste. Cette deux ans (en principe). Et le foot profesleurs meilleurs joueurs, nous en subirons loi ne devait pas concerner les PME, sionnel français est en ébullition. le contrecoup car moins de spectateurs autrement dit les entreprises de moins Président de l’Union patronale des viendront au stade. Un club formateur de 500 salariés dont le chiffre d’affaires est clubs professionnels de football (UCPF) comme le nôtre risque de voir partir ses inférieur à 500 millions d’euros. Or aucun et du Havre Athletic Club (Ligue 2), Jeanjeunes plus vite que prévu, sans espoir club de foot n’arrive à ce chiffre. Et puis Pierre Louvel a été l’un des premiers à il y a encore beaucoup dégainer. « C’est une catastrophe à double de flou. Faudra-t-il intéÉquipes moins fortes, spectateurs effet, explique-t-il. Alors que le déficit grer les primes de résulmoins nombreux, recettes cumulé des clubs pros atteint 100 miltats ? La taxe sera-t-elle lions d’euros, cette nouvelle taxe va coûter calculée sur le salaire – et rentrées fiscales – en baisse… au total entre 82 millions et 100 millions net ou sur le brut ? Sur supplémentaires. Soit entre 12 millions et d’un retour sur investissement. » l’année civile, sachant que les contrats 15 millions par an pour des clubs comme Hollande semble pourtant résolu à des joueurs vont du 1er juillet au 30 juin? » Marseille ou Lyon. Seuls le Paris SG et aller jusqu’au bout. « Essentiellement Autant de questions que Jeune Afrique Monaco pourront s’en acquitter sans propar dogmatisme, pour ne pas déplaire à aurait aimé poser à Valérie Fourneyron blème. Les autres devront se séparer de une partie de son électorat, mais il n’a pas et à Pierre Moscovici, son collègue des leurs meilleurs joueurs. Cela nuira à leur Finances. Mais ni l’un ni l’autre n’ont mesuré les conséquences de sa décision », compétitivité face à leurs rivaux euroestime Kanté. « Il y aura un impact sur donné suite à nos demandes d’interview. ● péens. » Même Daniel Masoni, président tous les clubs. Les équipes seront moins ALEXIS BILLEBAULT FRANCE

Contre son camp

F

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie 3 queStiOnS à

BernArD CAÏAZZO

Président du comité de surveillance de l’AS Saint-Étienne et vice-président de la Ligue de football professionnel

« nous sommes les pigeons du système! »

car c’est un non-sens économique! Le gouvernement fait preuve de dogmatisme en faisant croire qu’il faut prendre aux riches. Or seuls le Paris Saint-Germain et Monaco, les deux clubs les plus riches de France, pourront faire face au coût de cette mesure. C’est une folie. Seuls des gens qui ne connaissent rien au football peuvent penser qu’il est possible de verser aux joueurs des salaires de 10000 euros

par mois, comme en Albanie ou en Bulgarie! Craignez-vous des dépôts de bilan ?

Oui, dès cet été. Le foot français est déjà endetté. Depuis deux ans, ses charges ont augmenté de 100 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 1 milliard. En 2010, le droit à l’image collective (DIC) a été supprimé, ce qui lui a coûté 60 millions. Le foot français paie déjà chaque année 650 millions d’euros d’impôts. C’est le pigeon du système. Artistes et chefs d’entreprise pourront refaire

leurs contrats. Pas nous, car dans le foot on ne signe que des CDD ! Valérie fourneyron, la ministre des Sports, soutient la mesure sans réserve…

Quand de gros contribuables seront partis et qu’ils n’injecteront plus d’argent dans l’économie du pays, que plus aucun grand joueur ne viendra en France, que des clubs auront déposé le bilan et que des milliers d’emplois auront été détruits, il ne faudra pas se plaindre. Mme Fourneyron ne jure que par le sport amateur, alors

pressport

jeune Afrique : Le monde du football professionnel est très remonté contre ce projet de taxation à 75 %… BernArD CAÏAZZO : Oui,

que le foot pro amène du bonheur aux gens. Mais on ne va pas en rester là. J’espère que le bon sens finira par prévaloir. l Propos recueillis par A.B.

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Europe, Amériques, Asie PAKISTAN

Douce revanche En 1999, le très conservateur Nawaz Sharif avait été chassé du pouvoir par les militaires, dans des circonstances humiliantes. Après les législatives du 11 mai, il est assuré de redevenir Premier ministre.

A

vec 127 sièges sur 272, la LiguemusulmaneduPakistan Nawaz (PML-N, selon son sigle anglais) a remporté les élections législatives du 11 mai, mais sans obtenir la majorité absolue. Le grand parti conservateur est néanmoins assuré de diriger la coalition qui gouvernera le pays au cours des cinq prochaines années. Cette victoire est une sacrée revanche pour Nawaz Sharif (63 ans), son chef, qui, après une interminable traversée du désert – quatorze ans ! –, va accéder à la primature pour la troisième fois. Entré en politique il y a trente ans, il avait été chassé du pouvoir par les militaires en 1999 dans des circonstances aussi rocambolesques qu’humiliantes. Il a connu la prison, l’exil, l’interdiction d’exercer des mandats politiques… Ironie de l’histoire, son retour survient au moment précis où le général

Pervez Musharraf, l’homme qui l’avait déposé et placé en résidence surveillée, est lui-même rattrapé par la justice et confiné dans sa maison d’Islamabad ! Au-delà du cas personnel de Sharif, ce scrutin législatif est une victoire de la démocratie au Pakistan. L’histoire de ce pays né de la partition, dans des cir-

participation au vote a été très importante, en dépit de la menace des talibans. Ces derniers, qui avaient décrété la consultation « non islamique », ont fait régner la terreur pendant la campagne et multiplié les attentats: 150 morts au total. Ils avaient promis de s’en prendre physiquement aux Pakistanais qui tenteraient d’accomplir leur devoir électoral, mais ces derniers ne se sont pas laissé impressionner. Selon la commission électorale, ils ont été 60 % à voter. C’est le taux le plus élevé depuis les premières élections, en 1977 ! SCANDALES. Le scrutin a également

été marqué par la percée de l’ex-star du cricket Imran Khan, très populaire chez les jeunes,etparl’effondrement du Parti du peuple pakisPour les talibans, le scrutin était tanais (PPP), la formation « non islamique ». Raison pour du clan Bhutto, qui paie sa laquelle ils ont semé la terreur. gestion catastrophique et la multiplication des scanconstances tragiques, de l’Empire des dales de corruption et de népotisme. Le Indes britannique est en effet jalonnée PPP reste toutefois dominant dans son fief du Sind, l’une des quatre provinces de coups d’État: trois depuis 1947. C’est la constitutives du Pakistan. première fois qu’un gouvernement civil va passer le relais à un autre gouvernement Reste à savoir si l’« ethnicisation » du civil au terme normal de son mandat. Ce vote dénoncée par certains analystes ne succès est d’autant plus probant que la risque pas, à terme, de mettre à mal la

Ü Le chef de file du PML-N dans sa ferme près de Lahore, le 13 mai.

ROBERTO SCHMIDT/AFP

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

POURPARLERS. Mais il lui faudra aussi

convaincre les États-Unis, son principal bailleur de fonds, de sa détermination à combattre les talibans. Pendant la campagne, il a suggéré d’ouvrir des pourparlers de paix. Il aura du mal à conserver ce cap, sauf si les Américains admettent la nécessité de trouver un terrain d’entente avec les insurgésislamistesafind’assurerlasécurité de la région après le retrait d’Afghanistan des forces de l’Otan, en 2014. Mais c’est de ses relations avec les militaires que, pour l’essentiel, dépendra la longévité au pouvoir de Nawaz Sharif. Or celui-ci n’a jamais fait mystère de sa position. Pour lui, « le chef de l’armée travaille sous l’autorité du gouvernement fédéral et applique sa politique fédérale ». Ailleurs, cela paraîtrait une évidence. Mais au Pakistan, cette exigence passe mal auprès de l’état-major, qui a toujours disposé de prérogatives exorbitantes en matière de défense et de politique étrangère. ● TIRTHANKAR CHANDA JEUNE AFRIQUE

« Ils ont voté pour un sauveur! » Le scrutin législatif du 11 mai a-t-il été démocratique ? Oui et non, répond l’islamologue Mariam Abou Zahab*. JEUNE AFRIQUE : La victoire de Nawaz Sharif est-elle une bonne nouvelle pour la démocratie ? MARIAM ABOU ZAHAB : Oui,

dans la mesure où les Pakistanais se sont déplacés en nombre, malgré les violences qui ont marqué la campagne et les menaces d’attentat le jour du scrutin. Non, puisque les élections n’ont p a s é t é v ra i m e nt libres et équitables. Seuls la Ligue musulmane de Nawaz Sharif [PML-N] et le Tehreek-e-Insaf [P TI, Mouvement pakistanais pour la justice] d’Imran Khan ont en effet pu faire vraiment campagne. Les partis de la coalition sortante [PPP-ANPMQM] en ont été empêchés par les menaces des talibans. Comment s’explique le rejet massif du PPP ?

Par la corruption et l’incapacité du gouvernement à résoudre les problèmes économiques : inflation, chômage, coupures d’électricité et de gaz… Au Pendjab, le vote en faveur de la PML-N et du PTI est largement un vote anti-PPP. Celui-ci est devenu un parti sindhi [le Sind est la province la plus méridionale du pays], ce qui ne signifie pas qu’il soit définitivement marginalisé. La cohabitation entre le président Zardari et son Premier ministre s’annonce tendue !

Nawaz Sharif a déclaré qu’il ne ferait rien pour contraindre le président à démissionner avant la fin de son mandat. Mais, au vu du résultat des élections, plusieurs hauts responsables du PPP ont déjà démissionné de leurs fonctions.

des militaires. Sharif aura-t-il les mains libres en ce domaine ?

L’armée essaiera probablement de ralentir le processus de rapprochement avec l’Inde. Et elle continuera de conduire la politique afghane,

DR

cohésion de la fédération. Le danger est d’autant plus réel que Nawaz Sharif est pour sa part originaire du Pendjab, la province la plus peuplée et la plus riche du pays, qu’il dirigea naguère avant d’en confier les rênes à son frère. L’homme fort du Pendjab, comme on le surnomme, en est bien conscient, raison pour laquelle il a invité, dès l’annonce de sa victoire, « tous les partis à s’asseoir autour d’une table pour tenter de résoudre les problèmes du pays ». Ces problèmes sont nombreux, mais l’état de l’économie est sans nul doute le plus grave. Partisan de l’économie de marché, Sharif jouit d’une réputation de bon gestionnaire. Héritier d’une famille d’industriels qui a fait sa fortune dans l’acier, il connaît aussi bien le monde du travail que celui des affaires. Mais la tâche qui l’attend est herculéenne, le pays étant au bord de la banqueroute. Les réserves de change n’ont jamais été aussi maigres et ne permettent plus de financer qu’un mois et demi d’importations. Le nouveau Premier ministre va devoir lancer un vaste programme de construction d’infrastructures,notammentdescentralesélectriques pour remédier à la grave crise énergétique, et engager une vaste réforme afin d’élargir l’assiette de l’impôt, qui n’est plus aujourd’hui payé que par 1 % de la population. C’est à cette condition qu’il pourra négocieravecleFMIl’octroid’unenouvelle aide de plusieurs milliards de dollars.

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avec le consentement du gouvernement. Mais les militaires, qui se sont tenus en retrait des élections, conservent des intérêts économiques considérables. Or l’amélioration de la situation économique passe par l’apaisement des tensions avec les pays voisins. Quelle lecture faites-vous de la large mobilisation des femmes, des minorités et des transsexuels dans la campagne électorale ?

Les transsexuels, qui ont été reconnus comme le troisième sexe par la Cour suprême en 2011, ont présenté plusieurs candidats et fait campagne sans problème. Les candidats des minorités ont bénéficié d’une couverture médiatique importante. Quant aux femmes, celles de la classe moyenne urbaine se sont mobilisées en faveur d’Imran Khan en raison de son charisme et de ses promesses de changement. Comme d’habitude, les Pakistanais ont voté pour un sauveur ! ● Propos recueillis par T.C. * Professeur à l’Institut national des langues

La politique étrangère est traditionnellement la chasse gardée

et civilisations orientales (Inalco), à Paris, spécialiste de l’Asie du Sud. N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013


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parcours | D’ici et d’ailleurs

safia Lebdi Verte de rage Le militantisme est-il soluble dans la politique ? pour cette fille d’immigrés algériens engagée auprès d’Europe Écologie-Les Verts et Femen pratiquante, la réponse est oui.

S

ixans déjà que la militante de ni putes ni soumises (nPns) s’est émancipée de l’étiquette de fille de banlieue. après l’épopée de ce mouvement féministe dans les années 1990, élue en 2010 chez les Verts, elle devient, à la surprise générale, conseillère régionale d’europe écologieles Verts (eelV) en Île-de-France. étrangère à la politique politicienne, elle est mal acceptée, y compris au sein de son propre parti, ses détracteurs critiquant son manque d’expérience. Pourtant, safia, le terrain, elle connaît ! elle l’a arpenté lorsqu’elle était engagée au sein de nPns, avant de quitter l’association en 2007, après l’entrée de Fadela amara au gouvernement sarkozy. « il n’y avait plus à nPns la marge de liberté suffisante, dit-elle. l’association s’alignait sur le gouvernement sans jamais critiquer la politique de sarkozy. » Critique, elle souhaite le rester. à propos de l’affaire Cahuzac, la jeune femme se rallie à la position de Cécile duflot, ministre du logement, et de Pascal durand, secrétaire national d’eelV : « Cahuzac était chargé de la répression des fraudes. juste pour ça, il doit disparaître du paysage politique. C’est la République qui a été attaquée. Hollande devrait également être sanctionné, car il est le garant de la République. » la femme politique est toujours militante. la preuve : elle a installé en 2012 à la Goutte-d’Or (Paris) l’antenne française des Femen, ce mouvement féministe ultraradical né en ukraine. Ayant grandi dans la banlieue de Clermont-Ferrand, où la violence et la religion se côtoyaient, safia est habituée à naviguer entre banlieue bourgeoise et monde des cités. la mixité sociale, elle connaît aussi. la politique ? « C’est un peu comme partout, si tu n’as pas les bons codes d’entrée, les débuts sont

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

p « La politique, c’est un peu comme partout, si tu n’as pas les bons codes, les débuts sont difficiles », confie la conseillère régionale d’Île-de-France.

toujours difficiles. alors pourquoi les Verts ? Parce qu’ils m’ont donné carte blanche pour établir un vrai programme basé sur l’information, la prévention et l’éducation populaire. » très vite, elle s’est vu proposer la politique de la ville. Ce qu’elle a refusé. elle sait depuis longtemps à quel point les subventions sont insuffisantes pour changer les infrastructures et intégrer les plus précaires. Pour elle, l’ascension sociale ne passe pas par là. la culture l’intéresse plus, car elle connaît le goût prononcé des jeunes pour le spectacle. « l’un des seuls passe-temps, en banlieue, c’est de pirater les films venus

des états-unis ! » elle endosse donc le poste de présidente de la Commission du film d’Île-de-France. sa rencontre avec le réalisateur michel Gondry (L’Écume des jours), en 2011, est déterminante. séduit par l’enthousiasme de la jeune élue, l’homme accepte d’implanter son concept d’usine de films amateurs destiné aux jeunes dans la ville d’aubervilliers : « quand j’ai constaté la force qu’elle avait pour rapprocher des gens issus de milieux complètement différents, j’ai vite saisi ce que je pouvais faire avec safia. On se rejoint sur l’idée que chacun doit avoir ses chances, sans a priori d’origine jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

Si l’opération nécessite la réhabilitation du lieu, son coût reste peu élevé et devrait, selon Safia Lebdi, toucher environ 200000 jeunes. Mais son engagement ne s’arrête pas là. Pasionaria des droits des femmes en France, « où l’on s’endort », elle a réussi à convaincre les Femen de venir y manifester. « Ma liberté, c’est de parler des droits de la femme. De tous ses droits. La force des Femen ? C’est de parler de leur sexualité et de leur nudité en en faisant une arme contre la marchandisation des corps. Comment contrôler une économie, si ce n’est en luttant avec ce qui nous appartient ? » Pour elle, la religion, qui ne traite pas hommes et femmes à égalité, et la mondialisation marchande ont fait alliance pour aliéner le genre féminin. Comment explique-t-elle cette rage combattante ? « Tout mon engagement personnel vient du fait que j’ai dû me libérer d’un double carcan : religieux et banlieusard. Je garde néanmoins en mémoire le lieu d’où je viens, et une période violente de ma vie où j’ai pu voir mon petit ami victime d’une agression au couteau, où les descentes de police étaient fréquentes à la maison parce que mes frères étaient dealers. » Aujourd’hui, elle reste une fille d’immigrés et elle en est même plutôt fière. « Je peux dire que je suis une femme heureuse, avec un compagnon que j’ai choisi. Je vis dans un appartement parisien de 50 m2, dans un quartier agréable. Mais lorsque mes nièces me disent que je suis un exemple, je sais que je dois continuer la lutte. Ne serait-ce que pour leur donner la chance de vivre la vie qu’elles auront choisie. » l Karine claeren Photo : Vincent fournier pour J.A. jeune AFrique

PROTECTIONNISME

surchauffe dans le solaire Lasse du dumping des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques, la Commission européenne envisage de taxer leurs exportations. Problème : il est sans doute déjà trop tard.

a

lors qu’elle connaît un déclin industriel sans précédent, l’Union européenne durcit le ton contre la Chine. Le 8 mai, Karel De Gucht, le commissaire au Commerce, a proposé aux États membres de taxer de 47 % en moyenne les importations de panneaux solaires chinois. Une mesure temporaire qui vise à protéger les industriels du secteur contre le dumping effréné des entreprises chinoises, qui vendent leurs panneaux 45 % moins cher que leurs concurrents. Parties de zéro il y a quelques années, elles contrôlent aujourd’hui 68 % du marché mondial et 80 % du marché européen, où elles exportent pour 21 milliards d’euros de panneaux solaires. Résultat : les entreprises du Vieux Continent font faillite ou périclitent. Le français Photowatt a été placé en redressement judiciaire en 2011 avant d’être sauvé par EDF, et les sociétés allemandes ont été frappées de plein fouet : Q-Cells a déposé le bilan, Bosch se retire du secteur, SolarWorld est endetté.

des produits importés, comme les tubes sans soudure du français Vallourec. Et plusieurs industriels européens (installateurs de panneaux photovoltaïques, exportateurs allemands de machinesoutils utilisées dans leur production, etc.) redoutent de faire les frais de cette guerre commerciale. Berlin et Paris préconisent donc une « solution politique » avec Pékin. Il est sans doute trop tard. Après avoir laminé ses concurrents et, à coups de rabais, provoqué une surproduction dont elle est elle-même victime (Suntech,

enquête. Premier à dénon-

cerlesventesàpertechinoises, SolarWorldaobtenuauxÉtatsUnis l’instauration d’une surtaxe allant jusqu’à 250 %. Prenant la tête d’un groupe d’industriels européens, il a ensuite déposé plainte devant la Commission de Bruxelles, p Usine de panneaux solaires à Ganyu, dans la province du Jiangsu (Est). provoquant l’ouverture d’une enquête. C’est sur la base de cette enquête que De Gucht a réagi. son champion, a fait faillite en mars), la Sa décision marque un tournant dans Chine s’attelle à restructurer le secteur. l’approche jusque-là très libérale de la Elle a racheté deux sociétés, une amériCommission, qui privilégiait les consomcaine et une allemande, en pointe dans la mateurs (donc les prix bas) et tente désorfabrication d’un nouvel alliage appelé à remplacer le silicium dans la fabrication mais de défendre l’industrie européenne. Mais déjà, Pékin menace de lancer à des panneaux. l son tour une enquête antidumping sur Joséphine DeDet n o 2732 • du 19 Au 25 mAi 2013

Si wei/AFP

sociale ou géographique. Elle, qui a réussi à quitter la banlieue, souhaite offrir à d’autres ce qu’elle n’a pas reçu plus jeune. » Ce projet devrait donc voir le jour dès 2014. Au cœur d’une friche industrielle, l’ancienne manufacture d’allumettes Seita de la rue Henri-Barbusse deviendra un lieu d’éducation à l’image pour les filles et les garçons des quartiers, avec pour objectif de « décloisonner les espaces urbains ».

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Europe, Amériques, Asie

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TRiBunE

Opinions & éditoriaux

Diversité culturelle: continuons le combat!

dr

C ROGER DEHAYBE Administrateur général honoraire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie

est auterme d’une longue bataille politique et diplomatique que, le 20 octobre 2005, fut adoptée à l’unesco la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette date est considérée par beaucoup comme un tournant dans la mondialisation culturelle. enfin, la culture échappait aux lois du marché ! enfin, les États pouvaient, en toute légitimité, soutenir leurs créateurs ! enfin, les expressions culturelles les plus fragiles allaient être sauvées ! en dépit de fortes pressions, la communauté internationale fit preuve de courage et trancha. Ceux qui étaient présents ce jour-là se souviennent d’un grand moment de joie, d’émotion, mais surtout d’espoir que ce texte puisse constituer une réponse forte aux dangers d’une mondialisation non maîtrisée susceptible de provoquer une uniformisation de la culture – et de la pensée. De plus, si chacun s’accorde à établir un lien entre diversité culturelle et développement économique, le fait de promouvoir la diversité par une convention permettant de soutenir les industries culturelles du sud constituait aussi le choix d’une autre forme de lutte contre la pauvreté.

en place, il fonctionne et subventionne des projets. alors, tout va bien ? Nous parlons bien ici des besoins de 132 pays en développement, de la sauvegarde de 6 000 langues en danger, de milliers de cultures et de traditions, bref, de la préservation de la diversité à l’échelle mondiale. Pour relever l’ensemble de ces défis, le fonds dispose aujourd’hui de 4,5 millions d’euros. en trois ans, il a permis de soutenir 61 projets dans 40 pays. À titre de comparaison, le Fonds pour l’environnement mondial dispose pour la période 2011-2014 de 3,3 milliards d’euros. Contrairement à certaines rumeurs, la convention n’avait pas pour unique objectif de résister à l’offensive nord-américaine, mais entendait mettre en place une forme de « démocratie culturelle » à l’échelle mondiale. refusant la hiérarchie

Soutenir les industries culturelles du Sud, c’est lutter contre la pauvreté.

Certes, à elle seule, la convention ne peut suffire. D’autres dangers menacent, notamment, ou principalement, la tentation des États de céder au chantage classique « agriculture contre culture » et de conclure des accords bilatéraux incluant des dispositions en matière de culture contournant la convention. C’est un tel « accord de libreéchange » incluant la culture que l’union européenne envisage de conclure avec les États-unis, ce qui porterait un coup fatal au concept d’exception culturelle, qui, jusqu’à présent, assurait à ses productions audiovisuelles une protection minimale. si la convention permet aux États de soutenir leurs diversités, encore faut-il qu’ils disposent d’un minimum de moyens pour aider leurs créateurs et développer leurs entreprises culturelles. en 2005, cette situation n’avait pas échappé aux « militants » de la convention, raison pour laquelle celle-ci avait prévu la création d’un Fonds international pour la diversité culturelle alimenté par des contributions volontaires. Ce fonds a été mis n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

des cultures, elle se proposait de donner une chance à chacune. mais si des moyens considérables ne sont pas rapidement dégagés pour aider les États qui en ont un urgent besoin – tous sont situés dans le sud –, seuls les pays les plus riches toucheront les fruits du combat engagé. La bataille pour la diversité culturelle engagée à Cotonou, le 15 juin 2001, par la conférence des ministres francophones de la Culture a permis, cinq ans durant, la tenue d’un formidable débat sur les cultures, les langues, la diversité et les dangers de la mondialisation. mais, rappelons-le, l’adoption de la convention et la mise sur pied d’un fonds aux moyens trop limités ne suffisent pas à faire face aux enjeux. On peut craindre notamment que l’accord général sur le commerce des services (aGCs), si dangereux pour la culture et l’éducation, ne soit relancé par le nouveau directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OmC). s’il est nécessaire de s’opposer à l’inclusion de la culture dans les accords de libre-échange, il ne l’est pas moins de promouvoir une forte mobilisation pour aider ces États qui, en sauvant l’histoire et la richesse culturelle de leurs peuples, contribuent, eux qui sont si pauvres, à enrichir l’humanité. l jeune afrique


LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA Tokyo a la cote

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ÉCHANGES Le privé se mobilise CAMPUS Asian Pacific University: l’université de l’ouverture PORTRAIT Les deux amours du Béninois Zomahoun Rufin

o y a h O a k i r u f A

ns qui volutio é s e D sur le si. e Tokyo ain aus Afrique d l’ ic r r f le u a a t jo n n 3 juin. er tio * Bon contine u 1 au interna d le e , a c e n m g e a n r h e Confé el cha à Yoko L’archip de la 5 icad V, r T u la œ , c e u au e l’Afriq seront ment d e p p lo déve

JEUNE AFRIQUE

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CALLIGRAPHIE : MIE TANAKA

JAPON



Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude Claude Leblanc

La métamorphose incite les consommateurs à desserrer les cordons de la bourse et les entreprises à reprendre les investissements. Un état d’esprit totalement différent règne dans l’archipel, l’espoir cédant peu à peu la place à la confiance (shinrai). Cependant, si les indices économiques semblent passer progressivement au vert, le chemin à parcourir est encore semé d’obstacles. Sur le plan diplomatique, les nuages ont tendance à s’accumuler. Entre l’attitude agressive de la Corée du Nord et les tensions avec Pékin autour des îles Senkaku, situées au sud d’Okinawa, les marges de manœuvre de Tokyo en Asie sont limitées. Le Japon a donc besoin de dépasser le détroit de Malacca. La récente tournée du Premier ministre Shinzo Abe en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et en Turquie, début mai, ainsi que l’organisation de la cinquième Ticad, du 1er au 3 juin, doivent montrer que Tokyo est en mesure de prendre des initiatives et de se démarquer en adoptant une approche différente de ses concurrents, notamment vis-à-vis de l’Afrique.

Malgré ces moments tragiques – le tsunami du 11 mars 2011 a causé la mort de 15 776 personnes et la disparition de 4 225 autres –, il y a un point qui rapproche les Japonais et les Africains : l’espoir (kibo). Le terme a fait sa réapparition dans l’archipel au cours des semaines qui ont suivi la tragédie du Les responsables japonais jouent gros, mais ils savent que l’absence d’ini11 mars. Comme si la population, adepte de la méthode Coué, voulait se tiatives et le repli sur soi ne permettront convaincre que le plus dur était passé. La crise Si les indices économiques sont liée à la situation au sein repassés au vert, le chemin est de la centrale nucléaire encore semé d’obstacles. de Fukushima Dai-ichi a permis de montrer que les Japonais, en affirmant leur désir de pas à leur pays de tourner définitivement changer la politique énergétique du la page des deux décennies perdues, pays, n’étaient pas forcément des moucomme on les qualifie volontiers dans les tons. Rien n’est pourtant réglé dans ce médias. Nul doute qu’il faudra écouter domaine, mais chacun est persuadé que avec attention les messages qui seront rien ne sera plus tout à fait comme avant. délivrés à Yokohama début juin lors Sur le plan économique, l’espoir est du sommet Japon-Afrique. Le pays du aussi de retour après deux décennies Soleil-Levant change, et il aimerait bien de crise. La détermination du nouveau que le reste du monde soit sensible à gouvernement à sortir de la récession son évolution. ● JEUNE AFRIQUE

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PANORAMA Tokyo a la cote

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TRIBUNE Fumio Kishida, ministre des Affaires étrangères p. 84 ÉCHANGES Le privé se mobilise p. 87 INTERVIEW Fumiko Hayashi, maire deYokohama

p. 91

INDUSTRIE Une expérience de haut vol

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TECHNOLOGIE Ces PMI à la base du savoir-faire nippon p. 93

C. L.

D

EPUIS LA DERNIÈRE Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), qui s’est tenue à Yokohama en mai 2008, bien des choses ont changé. Le continent africain, même s’il est toujours sujet à l’instabilité, est désormais associé à des termes bien plus positifs que par le passé. Le réveil de l’Afrique, c’est celui de sa croissance, qui tire l’économie mondiale. Au Japon aussi, les cinq années qui se sont écoulées ont été riches en événements : un séisme politique en août 2009 avec la perte historique du pouvoir par le Parti libéral-démocrate (PLD), une terrible catastrophe naturelle en mars 2011 suivie d’un accident nucléaire, et un nouveau bouleversement électoral, en décembre 2012, avec la reprise en main du pays par le PLD.

TRIBUNE Akihiko Tanaka, président de l’Agence japonaise de coopération internationale p. 95 CAMPUS L’université de l’ouverture

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TENDANCE Populaire et conquérante

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PORTRAIT Les deux amours de Zomahoun Rufin p. 102


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Le Plus de Jeune Afrique

PANORAMA

Tokyo a la L’archipel s’apprête à accueillir, du 1er au 3 juin, la 5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad). Vingt ans après sa création, le sommet s’annonce sous les meilleurs auspices avec la relance soutenue de l’économie nippone. CLAUDE LEBLANC,

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envoyé spécial

«

L

’avenir de la croissance économique du Japon dépend de notre courage et de notre volonté d’affronter sans hésitation les mers agitées de la concurrence internationale. » C’est en ces termes que le Premier ministre, Shinzo Abe, a justifié la politique de relance destinée à sortir son pays de deux décennies de marasme. Les Japonais n’en attendaient pas moins après avoir massivement voté en faveur du JEUNE AFRIQUE


Ohayo Afurika ð Début mai, l’indice Nikkei atteignait son plus haut niveau depuis 2008, effaçant cinq années de crise.

lustre à une économie nationale durablement fragilisée. Il a notamment misé sur une rallonge budgétaire – 10,3 trillions de yens (90 milliards d’euros) au titre de l’année fiscale 2012 –, mais aussi sur des mesures structurelles en faveur de la croissance. L’objectif du nouveau gouvernement est de ramener la confiance chez les consommateurs et les entreprises, qui, depuis plusieurs années, broyaient du noir.

cote Parti libéral-démocrate (PLD) lors des élections générales du 16 décembre dernier. La récession dans laquelle le Japon semblait inexorablement s’enfoncer était devenue le sujet prioritaire pour l’opinion publique, bien plus important que la crise nucléaire liée à l’accident de la centrale de Fukushima Dai-ichi. Dans tous les sondages, la nécessité de redonner des couleurs à l’économie dominait nettement les autres questions. Et, dans ce domaine, le PLD a fait la différence avec des propositions audacieuses visant à rendre son JEUNE AFRIQUE

BLOOMBERG/GETTY IMAGES

RÉVOLUTIONNAIRE. Pour parvenir à ses fins,

Shinzo Abe a également choisi de bouleverser la très prudente politique monétaire du pays. En nommant l’un de ses proches, Haruhiko Kuroda, à la tête de la Banque du Japon, il a ainsi marqué son approche à contre-courant qui consiste à financer massivement la dette publique par la planche à billets. La Banque du Japon va racheter une partie de cette dette, investir 1 000 milliards de yens dans des actions pour faire augmenter les cours et soutenir le marché immobilier. Désormais connue sous le sobriquet d’« Abenomics », en référence à la « Reaganomics » du président américain Reagan, cette politique iconoclaste, qui tranche radicalement avec celles menées en Europe, commence à porter ses fruits. La Bourse de Tokyo a repris des couleurs puisqu’en l’espace de quatre mois l’indice Nikkei a gagné plus de 40 %. Dans le même temps, le yen, qui s’était apprécié depuis 2008 de 50 % par rapport au dollar, a vu son taux de change baisser de 20 % face à la devise américaine. De bonnes nouvelles pour les entreprises japonaises, qui semblent prêtes à jouer le jeu puisque plusieurs d’entre elles, dont le géant de l’automobile Toyota, ont annoncé leur intention d’augmenter sensiblement les bonus de leurs salariés (traditionnellement versés en juillet et décembre) dès l’été 2013. Si les Japonais disposent de meilleurs revenus, ils seront tentés de dépenser plus, dépenses d’autant plus augmentées que les mesures du gouvernement devraient générer une inflation de 2 %. Les consommateurs japonais avaient depuis longtemps tendance à limiter leurs achats dans la perspective d’une baisse continue des prix liée à la déflation. Avec une cote de popularité qui flirte avec les 70 %, Shinzo Abe a déjà réussi à ramener la confiance chez les industriels, notamment les PME, qui constituent la base de l’économie japonaise. « Jusqu’à présent, il n’était question que des faibles coûts de production en Chine, ce qui nous poussait à délocaliser. Désormais, la baisse du yen change radicalement la donne », N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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Le Plus de J.A. estime Yasushi Nakatsuji, PDG de Daiki Metal, une PME implantée à Osaka. De nombreuses sociétés ont fait savoir qu’elles allaient réviser à la hausse leurs objectifs de production. Reste à savoir si cela permettra au Japon de tourner la page de ces deux décennies marquées par un effondrement de son économie et de son modèle social. Dans un pays où, au début des années 1980, plus de 90 % de la population affirmaient appartenir à la classe 900 moyenne (churyu), la montée en millions puissance de la précarité, dont les de dollars travailleurs pauvres (wakingu poa) de 2003 à 2007 sont la partie émergée, a fragilisé l’égalitarisme qui servait de ciment à l’ensemble de la société et contribué à réduire la demande des ménages. Le vieillissement de la population (23 % des Japonais ont plus de 65 ans) est aussi un frein à la consommation traditionnelle. Les besoins sont différents et demandent une adaptation très claire de l’offre. C’est d’autant plus important que la tendance va se renforcer et se traduire par une réduction de la population. Le 27 mars, les autorités ont publié les projections démographiques pour 2040. À cette date, il est prévu que la population japonaise s’établira à 107 276 000 habitants, soit une baisse d’environ 20 millions de personnes par rapport à 2010. IMAGINATION. Il est donc indispensable que les autorités tiennent également compte de ces éléments pour mettre en œuvre une politique de relance à plus long terme. Faute de quoi la dette

publique, déjà énorme (plus de 200 % du PIB), aura explosé et obligera le Japon à la financer sur les marchés extérieurs à un taux bien plus élevé qu’aujourd’hui. Une telle perspective devrait faire réfléchir les autorités, qui ont aussi 1,8 milliard à gérer la transition énergétique. de dollars Depuis l’accident de la centrale de 2008 de Fukushima Dai-ichi, 90 % des à 2012 Japonais ne veulent plus entendre parler de l’énergie nucléaire, ainsi que Une aide le montrent les diverses études d’opinion réabilatérale lisées ces deux dernières années. Aujourd’hui, multipliée 52 réacteurs sur les 54 que le Japon possède sont par deux à l’arrêt. Malgré le désir des autorités de relancer Malgré ses difficultés d’autres centrales, chacun sait que le pays doit financières, le Japon a trouver d’autres solutions sans avoir, comme il le doublé son aide publique fait depuis plus de deux ans, à importer en grandes au développement (APD) quantités pétrole et charbon. La dépendance à à destination de l’Afrique, l’égard des énergies fossiles importées accentue passée d’une moyenne le déficit commercial et peut compromettre annuelle de 900 millions la relance. de dollars (693 millions Face à tous ces problèmes accumulés au fil des d’euros) de 2003 à 2007 années, les autorités doivent faire preuve d’imaà plus de 1,8 milliard de gination. Le Japon est une sorte de laboratoire dollars de 2008 à 2012, à ciel ouvert où l’on tente de soigner les maux dont 1,8 milliard en 2012, soit 17,2 % du total de d’une société postindustrielle. Les remèdes qui son APD y seront élaborés devraient être analysés car, une fois de plus, les Japonais affrontent des problèmes auxquels la plupart des autres nations industrialisées seront un jour ou l’autre confrontées. Le premier défi, celui de la relance économique, est le plus ardu et le plus ambitieux. Shinzo Abe le sait bien. Désormais, les regards du monde entier sont tournés vers lui. ● SOURCE : MOFA

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DIPLOMATIE : ENTRE DEUX MONDES

F

in novembre 2002, un rapport intitulé « Fondements pour une stratégie diplomatique du Japon au XXIe siècle » est remis à Jun’ichiro Koizumi, Premier ministre de l’époque. « Pour conduire une diplomatie, une nation a besoin de formuler une stratégie claire. Force est de reconnaître que le Japon ne dispose pas d’une telle stratégie. La plupart du temps, il se contente de mesurettes », peut-on y lire en guise d’introduction. Il faut dire que le pays du Soleil-Levant n’a jamais vraiment eu à se préoccuper de sa politique étrangère puisque, depuis la fin de la N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Seconde Guerre mondiale, elle est calquée sur celle des États-Unis. L’archipel est « le porte-avions insubmersible » de l’Amérique, avait même affirmé en 1982 Yasuhiro Nakasone, alors Premier ministre, à l’apogée de la confrontation Est-Ouest. Dès lors, la fin de la guerre froide et l’éclatement de l’Union soviétique sont synonymes pourTokyo d’une forte déconvenue, ces deux événements s’accompagnant d’un désengagement des États-Unis en Asie. À peu près à la même époque, l’éclatement de la bulle qui lui avait permis de dominer l’économie mondiale au cours de la décennie

précédente plonge le pays dans la crise. La remise en question est brutale et, dans les milieux politiques, on est pour le moins déboussolé. Certains, comme Ichiro Ozawa, l’un des politiciens les plus influents, souhaitent que le Japon devienne « un pays comme les autres » (futsu no kuni) et s’affranchisse de l’influence américaine. C’est la mode du Nyua datsubei (« revenir en Asie, abandonner l’Amérique »). Mais très vite, les limites de cette politique sont atteintes face à Pékin, dont la montée en puissance sur le plan économique se traduit également par une volonté de retrouver son influence sur

l’ensemble de l’Asie, de Jakarta à Séoul. La Chine « constitue le point crucial des relations extérieures du Japon en ce début du XXIe siècle », est-il écrit dans le rapport de novembre 2002. Dix ans plus tard,Tokyo n’a toujours pas réussi à établir des relations normales avec son voisin chinois et à prendre totalement ses distances vis-à-vis de Washington. Seule initiative d’envergure, la mise en place de la première Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad, lire p. 88) en 1993, mais dont la portée se situe bien loin de sa sphère d’influence naturelle ● C.L. JEUNE AFRIQUE



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Le Plus de J.A.

Tribune

Opinions & éditoriaux

Par

FuMio KiSHiDA, ministre japonais des Affaires étrangères

« Main dans la main avec

L

e Gouvernement Japonais organise du 1er au 3 juin prochain la 5e Conférence internationale detokyo sur le développement de l’afrique (ticad v), à Yokohama. principal forum international pour le développement de l’afrique, cette rencontre est organisée conjointement avec les différentes organisations internationales (l’onu, la Banque mondiale, etc.) ou encore la Commission de l’union africaine, et réunit à l’invitation du premier ministre japonais les chefs d’État et de gouvernement africains. Durant ce sommet, les participants discuteront de la mise en place de moyens permettant de promouvoir le développement économique de l’afrique et de lutter contre la pauvreté et les conflits sur le continent. Cette 5e édition marquera les vingt ans du processus, qui se déroule tous les cinq ans depuis son lancement en 1993.

Le renforcement des relations économiques entre le Japon et une afrique en plein essor est mutuellement bénéfique. Les pays africains sont heureux d’accueillir sur leur sol les entreprises japonaises, dont la présence est synonyme de création d’emplois et de transfert de technologie. ils souhaitent réaliser un développement économique similaire à celui qu’ont connu en mars, le pays a le Japon et les autres pays asiatiques grâce au développement du secteur alloué 45 millions industriel, à commencer par celui d’euros pour la paix de l’industrie manufacturière. De et la stabilité sur leur côté, les industriels japonais, le continent. qui s’intéressent à un marché africain de plus de 1 milliard de consommateurs, sont désireux de s’implanter sur le continent pour y développer des opportunités commerciales. Faire en sorte que l’afrique puisse exprimer pleinement son potentiel pour favoriser sa croissance et sa prospérité bénéficie au Japon ainsi qu’à l’ensemble de la communauté internationale. aider le continent africain est un devoir qui incombe naturellement à tout membre responsable de la communauté internationale. Conscients de son potentiel de développement, les pays émergents augmentent leur aide à l’afrique et les pays européens renforcent leurs liens avec le continent. Dans ce contexte, depuis 1993, le processus de laticad a toujours affirmé ses propres principes directeurs: le respect du principe d’appropriation par l’afrique, le développement des partenariats avec les pays africains ainsi que le respect n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

des engagements pris. Ces derniers ont valu au Japon la confiance des autres nations, grâce à ses efforts constants en faveur de l’établissement d’un programme de développement et de mécanismes de résolution des conflits gérés en propre par l’afrique, de la promotion de la coopération sudsud, de la coopération entre les secteurs public et privé en afrique, ainsi que grâce à la réalisation de ses engagements pris lors de la ticad iv pour doubler son aide publique au développement à l’afrique et soutenir le doublement des investissements directs. Je me suis rendu en Éthiopie en mars dernier pour participer à la réunion ministérielle préparatoire de laticad v, que je copréside, afin d’y débattre des questions importantes et des résultats auxquels elle doit aspirer. Cette réunion – qui a rassemblé plus de 1 000 participants issus de 52 pays, dont les représentants de 46 gouvernements, ainsi que 84 organisations internationales et régionales du secteur privé et de la société civile – a permis des échanges passionnés. De nombreux représentants africains ont exprimé leur résolution de faire en sorte que la croissance actuelle ne soit pas temporaire, et d’en améliorer la qualité pour qu’elle débouche sur une prospérité durable. J’ai ainsi été le témoin d’une afrique dynamique et sûre d’elle. Convaincu qu’en joignant nos efforts à ceux des pays africains nous apporterons de nouveau croissance et prospérité au Japon ainsi qu’au reste de la communauté internationale, j’ai par ailleurs proposé lors de la réunion d’organiser la ticad v autour du thème « main dans la main avec une afrique plus dynamique ». ma proposition a été approuvée par l’ensemble des participants. en choisissant ce thème, nous montrons notre volonté affirmée de réaliser un plus grand développement de l’afrique. L’adoption au niveau ministériel des grandes lignes du document final (Déclaration deYokohama 2013 et plan d’action de Yokohama 2013-2017), qui précise les orientations concrètes pour réaliser cet objectif, représente d’ailleurs une grande réussite. mon opinion est qu’il faut que laticad v soit l’occasion de stimuler l’espoir en afrique pour qu’il rayonne sur toutes les populations locales. Je souhaite étudier avec nos partenaires africains les moyens pour renforcer la croissance en afrique et les solutions pour éviter les écueils qui peuvent la ralentir. pour la rédaction de ce document final, j’ai consulté nos partenaires africains ainsi que les représentants des organisations internationales, jeune afrique


Ohayo Afurika

une Afrique plus dynamique »

ToSHifumi KiTamura/afP

sûre et pacifique où chacun puisse vivre en toute confiance, etc. Afin de regrouper l’ensemble de ces éléments sous une même ligne directrice, j’ai ensuite proposé les trois mesures suivantes.Tout d’abord, il convient de soutenir les propres initiatives de l’Afrique, comme l’agenda pour le développement du continent promu par l’Union africaine. Il faut ensuite encourager davantage l’intégration des femmes et des jeunes pour assurer le présent et l’avenir du continent. Enfin, par-dessus tout, il faut inculquer et mettre en pratique un principe de sécurité des populations. En d’autres termes, libérer les individus de la peur et du besoin pour qu’ils puissent développer pleinement leur potentiel. Pour le Japon, c’est ce concept de sécurité des populations qui doit constituer un élément essentiel pour soutenir la vision de l’agenda pour le développement après 2015.

p Le chef de la diplomatie japonaise, en avril, à Tokyo.

jeune afrique

du milieu industriel et de la société civile. Ensuite, j’ai tenu compte de leurs souhaits et de leurs attentes afin de déterminer les éléments essentiels pour accélérer la croissance en Afrique: réalisation d’une économie reposant sur le secteur privé en vue d’accroître le commerce et les investissements, établissement d’un environnement économique comprenant un système juridique permettant cet essor, aménagement des infrastructures pour soutenir la croissance, promotion des cursus menant à l’emploi comme l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, développement agricole pour garantir la sécurité alimentaire et améliorer les conditions de vie des populations rurales, renforcement de la capacité à surmonter des fléaux comme la sécheresse, mesures pour répondre au changement climatique et prévenir les catastrophes naturelles, pour améliorer la nutrition et le système sanitaire afin d’allonger l’espérance de vie, renforcement de l’enseignement primaire, création d’une société

Une croissance économique durable en Afrique ne peut pas être réalisée sans la paix et la stabilité, qui en sont les fondements. La prise d’otages, parmi lesquels des Japonais, qui a eu lieu en Algérie, ainsi que la crise dans le nord du Mali et dans le Sahel démontrent de nouveau que les conflits, l’instabilité et le terrorisme constituent des obstacles majeurs au développement et à la croissance. La France et le reste de la communauté internationale soutiennent déjà les efforts africains dans la lutte contre le terrorisme. Avec une même détermination, j’ai annoncé en mars dernier que le Japon allouait 550 millions de dollars [plus de 420 millions d’euros, NDLR] en faveur de la paix et de la stabilité en Afrique. Pour permettre au continent de connaître un nouvel essor, il est essentiel que la communauté internationale soit unie pour y soutenir les actions en faveur de la paix et de la stabilité. Conformément à ces orientations, les acteurs publics et privés japonais vont poursuivre ensemble leur coopération en faveur de l’Afrique. Lors du grand séisme de 2011 dans l’est du Japon, de nombreux pays africains nous ont apporté leur aide et fait parvenir des messages de soutien chaleureux, témoignant ainsi de la profonde amitié qui nous lie. Nous devons renforcer cette relation « main dans la main » qui existe entre le Japon et l’Afrique, pour que cette dernière réalise son développement économique. En tant que ministre japonais des Affaires étrangères, je ferai tout mon possible pour que la Ticad V soit un succès. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Créée en 1974, la JICA est un organisme chargé de la mise en œuvre de la coopération bilatérale, dont l’objectif est de réaliser un développement inclusif et dynamique.

La JICA possède un vaste réseau de bureaux à l’étranger et intervient dans de nombreux domaines : développement économique, infrastructures, énergie et mines, eau, agriculture, pêche, santé, éducation, gouvernance, soutien aux pays en situation de post-conflit...

Les différents dispositifs d’aide de la JICA : dons, prêts concessionnels, coopération technique, envoi de volontaires JOCV, lui permettent de répondre aux besoins et aux situations spécifiques à chaque pays et à chaque population. Santé maternelle (Maroc)

Formation (Sénégal)

© Kenshiro Imamura/JICA

© Shinichi Kuno/JICA

JICA

Afriqu du Sud, Angola, Afrique Bénin, Botswana, Burkina Bén Faso, Burundi, Cameroun, Fas Côte d’Ivoire, Djibouti, Côt Égy Égypte, Éthiopie, Gabon, Ghana, Kenya, Liberia, Gha Madagascar, Mad Malawi, Mali, Maroc, Mar Mozambique, Namibie, Nam Niger, Nigeria, Ouganda, Oug RDC, Rwanda, Sénégal, Sén Sierra Leone, Soudan, Sou Soudan du Sud, Tanzanie, Tan Tunisie, Zambie, Zimbabwe. Zim

La JICA à vos côtés ! Les 34 bureaux de représentation de la JICA en Afrique couvrent les 54 pays du continent.

Reconstruction du pays (Soudan du Sud) © Shinichi Kuno/JICA

Infrastructures (Côte d’Ivoire) © D.R.

Formation de la police (RDC)

DIFCOM - F.C.

RECHERCHE

© D.R.

COMMUNIQUÉ

Une Afrique plus dynamique !


Ohayo Afurika

Getty ImaGes

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p Rassemblement One for All contre la pauvreté, en 2008, àYokohama, lors de laTicad IV. business

Le privé se mobilise Les entreprises japonaises redoublent d’intérêt pour le continent. En misant toujours sur les ressources humaines, elles comptent développer leurs marchés dans nombre de secteurs.

jeune aFrIque

à la formation des individus. Il ne s’agit pas de donner simplement de l’argent ou de construire telle ou telle infrastructure, nous estimons qu’il faut avant tout donner aux individus les moyens de se prendre en charge afin qu’ils puissent ensuite contribuer au développement de l’économie locale », assure Kazuo Kaneko. COMPÉTENCES. Lesecteurdel’automobile

a été particulièrement ciblé ces dernières années en ce qui concerne la formation de techniciens,enraisondel’implantationdes

Échanges commerciaux en 2012 (en milliards d’euros) importations

exportations

7,44 6,35

source : moFa

à

une centaine de mètres de Kabuki-za, temple du théâtre kabuki à Tokyo, qui a rouvert ses portes en grande pompe le 2 avril après trois ans de travaux, se trouvelesiègedelaHida(OverseasHuman Resources and Industry Development Association) dans un bâtiment qui n’a rien de remarquable, si ce n’est son minuscule ascenseur. La Hida pourrait pourtant prétendre à une meilleure mise en valeur compte tenu de son ancienneté et du travail qu’elle accomplit depuis plus de cinquante ans dans les pays en voie de développement. Kazuo Kaneko, qui la dirige actuellement, en est conscient. « Depuis 1959, nous avons formé plus de 358 000 personnes, dont, en Afrique, 9 797 personnes originaires de 52 pays », explique-t-il en se référant à des colonnes de chiffres. Un résultat modeste « mais en forte augmentation », précise-t-il. Financé en partie par le ministère de l’Économie et de l’Industrie, son organisme est la parfaite illustration de la façon dont le Japon envisage d’aider l’Afrique, comme il l’a fait dans un premier temps en Asie. « Nous accordons une place centrale

constructeurs en Afrique, comme Nissan en Égypte, Honda au Nigeria ou Toyota en Afrique du Sud. L’accent est désormais mis sur la création et la gestion d’entreprises: « En 2011, 86,4 % des personnes que nous avons formées l’ont été dans ce domaine », confirme le patron de la Hida. Même son de cloche dans les entreprises japonaises implantées sur le continent. Les dirigeants de Toyota Tsusho, dont le rachat de CFAO, l’an passé, n’est pas passé inaperçu, soulignent l’importance à leurs yeux de mettre en valeur les ressources humaines locales. « On ne peut pas imaginer se développer sans s’appuyer sur leurs compétences », expliquent-ils en substance. Une attitude qui ne devrait pas changer à l’avenir puisque les sociétés japonaises manifestent un intérêt de plus en plus fort à l’égard de l’Afrique. Une enquête menée auprès des 333 entreprises nippones installées dans 24 pays africains et publiée en janvier par l’Organisationjaponaisepourlecommerce extérieur (Jetro) montre que ces dernières sont particulièrement optimistes sur les perspectivescommercialesdeleurimplantation. Elles sont 67,3 % à estimer que l l l n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013


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DAVID GOLDBLATT/SOUTH-REA

Taisei, Nishimatsu Construction et Hazama, acteurs de premier plan dans le BTP, mettent à disposition leur savoirfaire pour la construction d’autoroutes.

Chaîne de montage chez Toyota à Durban, en Afrique du Sud.

les prochaines années seront propices motivations nippones. Sojitz, maison de à leurs affaires. En Afrique du Nord, où l’on commerce née de la fusion de Nichimen en recense 127, le pourcentage est encore et Nissho Iwai, est très active en Angola, plus élevé (71,4 %). Le Printemps arabe n’a, au Nigeria et au Gabon dans le domaine semble-t-il, pas entamé l’enthousiasme de l’extraction, tandis que Mitsui se révèle nippon. Et quand le Jetro leur demande impliqué dans l’un des champs de gaz les dans quelle partie du continent ces sociéplus prometteurs du Mozambique. Voilà tés entendent renforcer leur présence, des exemples, parmi d’autres, de l’intérêt c’est l’Afrique de l’Ouest qui arrive en tête des entreprises japonaises qui ont aussi des réponses (62,5 %) devant l’Afrique du besoin des matières premières africaines: Nord (60,4 %), l’émergence d’une classe 85 % du platine utilisé au Japon, en parmoyenne étant l’argument le plus souticulier dans l’industrie automobile, est importé d’Afrique. C’est également le cas vent avancé (83,3 %) pour justifier de leurs investissements. En 2011, les pour 67 % du manganèse. exportations japonaises en Afrique Les sociétés japonaises partisubsaharienne ont augmenté cipent par ailleurs à l’établis333 sement d’infrastructures, qui de 23 % par rapport à 2010, entreprises atteignant un montant de permettent que les resnippones 10,7 milliards de dollars sources nécessaires au sont implantées (8,2 milliards d’euros). pays puissent soit trandans 24 pays L’importance grandissiter, soit être exploitées. du continent sante de l’Afrique en termes En Algérie, Itochu et IHI de ressources naturelles construisent un complexe de ga n’est pas non plus absente des gaz naturel, tandis que Kajima, SO

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CONCURRENCE. Les Japonais sont conscients des efforts à fournir et de la concurrence qu’ils doivent affronter, surtout celle venue de Chine ou de Corée du Sud. En 2000, les exportations japonaises vers l’Afrique étaient équivalentes à celles de la Chine. Onze ans plus tard, cette dernière exporte près de cinq fois plus que les entreprises nippones. Face aux coréens Samsung ou LG, qui contrôlent déjà 60 % du marché des téléviseurs sur le continent, les producteurs japonais ne baissent pas pour autant les bras. Toshiba est présent en Égypte avec une usine. Panasonic et Sony ont manifesté leur volonté d’investir pour améliorer leurs ventes en Afrique de l’Ouest, et notamment au Nigeria. La tenue de la 5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad, lire encadré ci-dessous), du 1er au 3 juin à Yokohama, devrait confirmer cette tendance. Ce sera aussi l’occasion de sensibiliser davantage l’opinion publique japonaise aux sujets africains. La publication fin avril de Shin Gendai Afurika Nyumon (« nouvelle introduction à l’Afrique contemporaine »), de Makoto Katsumata, dans la prestigieuse collection « Shinsho » (équivalent de « Que sais-je ? ») chez Iwanami Shoten et, surtout, sa quatrième place en termes de ventes dans sa catégorie montrent que les Japonais sont déjà réceptifs. ● CLAUDE LEBLANC

LA TICAD V PAR LE MENU

«

J

e voudrais juste faire remarquer que les investissements directs en Afrique ont dépassé en 2007 les sommes fournies au titre de l’aide publique au développement. Ce changement traduit le fait que l’on croit désormais davantage dans les chances du continent et dans ses opportunités économiques », confie Makoto Ito, ambassadeur pour la 5e Conférence internationale deTokyo sur le N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

développement de l’Afrique (Ticad V), qui se tiendra du 1er au 3 juin àYokohama. « Néanmoins, l’instabilité politique et la violence auxquelles le continent est encore confronté doivent être traitées pour qu’il parvienne à profiter de tous ses atouts », ajoute-t-il. En deux phrases, le diplomate japonais résume les deux points sur lesquels les participants plancheront (en 2008, ils étaient plus de 3 000, dont 41 chefs

d’État et de gouvernement du continent). Sur le plan économique, le Japon entend mettre l’accent sur la nécessité pour les pays africains de prendre davantage en main leur développement. Il s’agit de confirmer les efforts entrepris depuis laTicad IV, en 2008. Les engagements alors pris par le Japon ont été atteints, voire dépassés. Les tragiques événements sur le site gazier algérien d’In Amenas au cours desquels dix Japonais

ont trouvé la mort ont modifié en partie l’ordre du jour, en plaçant parmi les sujets prioritaires la question de la stabilité et de la sécurité. Sans garantie en la matière, il sera bien difficile pour les Japonais de s’engager davantage. Début 2013, dans une étude réalisée par l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro), 88 % des entreprises nippones implantées en Afrique exprimaient leur inquiétude à cet égard. ● C.L. JEUNE AFRIQUE



TICAD V

COMMUNIQUÉ COMMUN

5e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique 13 Yokohama, 1er au 3 juin 2013

Renforcer les partenariats entre l’Afrique et le Japon

L

a cinquième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD V), se tient à Yokohama, du 1er au 3 juin prochains. À cette occasion, le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie et l’Organisation du commerce extérieur du Japon (JETRO, Japan External Trade Organization) organisent la Foire africaine 2013 et le Carrefour de l’Afrique. La TICAD V et ces manifestations officielles ont ensemble l’objectif de renforcer les relations d’affaires entre l’Afrique et le Japon.

Foire africaine 2013, 30 mai au 2 juin La Foire africaine 2013 est un événement complet, réunissant une exposition professionnelle, des spectacles et des points de vente. Avec 49 pays africains participants, sur un total de 54, l’édition 2013 atteint une envergure jamais égalée. Sous le slogan « Découvrez et sentez la brillance de l’Afrique», une grande variété de thèmes de rencontres et de dialogue s’ajoutera à l’exposition et aux points de vente de produits africains. Plusieurs projets lancés par le JETRO, qui ont prouvé leur efficacité en termes d’exportation de produits d’Afrique vers le Japon, seront également présentés. En complément, des séminaires de réflexion, ainsi que des spectacles de musique et de danse organisés par 20 pays, seront proposés sur la scène. Au cœur de la salle, la Zone des entreprises japonaises présentera des produits et des

technologies développés pour l’Afrique par 70 entreprises japonaises, ouvertes aux partenariats avec les participants pour se lancer sur les marchés africains.

Carrefour de l’Afrique, 31 mai Le programme du Carrefour de l’Afrique découpe la journée en trois temps. Des officiels africains et japonais, ainsi que des personnalités clés du monde des affaires, participeront le matin à un grand débat sur l’intensification des relations économiques entre l’Afrique et le Japon. Sous les thèmes « L’investissement en Afrique » et « Comment développer le marché africain », les deux séances de l’après-midi proposeront aux entreprises japonaises de s’informer sur les perspectives économiques de l’Afrique et de discuter de leurs implications sur l’environnement des affaires. Le JETRO organisera également des séminaires d’investissement spécifiques sur certains pays africains, à leur demande. « Je vous souhaite, par avance, la bienvenue aux manifestations organisées à l’occasion de la TICAD V. J’espère que le dispositif exceptionnel mis en place permettra à tous les participants, venus d’Afrique comme du Japon, de mieux se connaître et d’établir des relations d’affaires durables et fructueuses. » Shintaro Matoba, Directeur de la division Afrique et Moyen-Orient, Département de recherche international du JETRO.

Foire africaine et Carrefour de l’Afrique en 2008.

Japan External Trade Organization Tél. : +81-3-3582-5180 Fax : +81-3-3587-2485 ARK MORI BUILDING 6F 12-32 AKASAKA 1-CHOME, MINATO-KU, TOKYO 107-6006 JAPAN

www.jetro.go.jp DIFCOM - F.C.


Ohayo Afurika

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COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

Fumiko Hayashi, maire de Yokohama « Il faut savoir partager notre expérience du développement » Première femme à diriger la deuxième ville du pays, l’ex-businesswoman revient sur les liens entre l’Afrique et sa cité, qui accueille la Ticad depuis 2008.

É

JEUNE AFRIQUE:Yokohama accueille pour la deuxième fois la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), du 1er au 3 juin. Qu’est-ce qui rapproche votre ville du continent africain? FUMIKO HAYASHI: Je citerai d’abord un

point historique. Hideyo Noguchi, à qui l’on doit d’avoir découvert l’agent pathogène de la syphilis, a beaucoup travaillé en Afrique. Il y est décédé de la fièvre jaune,

ð L’ancienne dirigeante de BMW Tokyo et de Nissan Tokyo est entrée en politique en 2009.

MAIRIE DE YOKOHAMA

lue maire de Yokohama en 2009, Fumiko Hayashi, 67 ans, est une femme de caractère. Cette entrepreneuse a travaillé pendant de nombreuses années dans le secteur automobile, réputé plutôt masculin. Elle a dirigé tour à tour BMW Tokyo et Nissan Tokyo, deux des principaux distributeurs devoituresdansl’archipel, maiségalement lachaînedesupermarchésDaiei.Désignée par le magazine Forbes comme l’une des femmes les plus influentes du monde dans son classement de 2006, il était naturel qu’elle s’intéresse à la politique. Profitant de la démission-surprise de son prédécesseur, Hiroshi Nakada, cette habitante de longue date de Yokohama est parvenue à convaincre les électeurs, devenant la première femme à diriger une cité de cette importance au Japon.

la Ticad. Nous avons mis en place le projet « une école-un pays ». Chaque établissement choisit un pays africain et développe des activités pour sensibiliser les enfants à la vie et à la culture dans cet État. C’est trèsimportantdetravailleraveclesenfants, car nous voulons en faire des citoyens du monde, ouverts sur d’autres horizons. Nous nous adressons également aux adultes en réalisant une opération de sensibilisationbaptisée«unestation-unpays» sur l’ensemble de notre réseau métropolitain. Les usagers découvrent dans chaque station des informations variées sur les 54 États du continent africain. Ce travail

De nombreuses entreprises de l’agglomération travaillent déjà en Afrique. sur laquelle il menait des recherches. C’est àYokohamaqu’ilavaitimplantésoncentre de recherches. On peut aujourd’hui le visiter et en apprendre plus sur ce personnage et son rapport à l’Afrique. C’est une première manière pour nos concitoyens d’appréhender le continent. Nous faisons aussi en sorte d’intéresser la population aux sujets africains en organisant différentes opérations en amont de JEUNE AFRIQUE

d’information est d’autant plus important que Yokohama était, il y a encore cent cinquanteans,untoutpetitvillage.Àmesyeux, ilestnécessairequenoussachionspartager notre expérience du développement. Ce qui a été fait jusqu’à présent était insuffisant?

En effet, et j’aimerais que nous mettions en œuvre un partenariat plus constructif

avec l’Afrique. La ville de Yokohama s’est investie depuis quelque temps dans les questions environnementales. Notre expérience en la matière peut être partagée et il est évident que les pays africains sont demandeurs.PendantlaTicad,nousallons d’ailleursorganiserplusieursprésentations sur le sujet, notamment la Future Initiative City et le Smart City Project, à travers lesquels nous agissons concrètement sur la consommation d’énergie. Nous sommes également la seule ville du Japon à avoir institué une taxe verte grâce à laquelle nous entretenons et développons notre patrimoine environnemental. En tant qu’ancienne chef d’entreprise, vous devez être sensible au volet économique d’une rencontre comme la Ticad.

Bien sûr. De nombreuses entreprises qui sont implantées à Yokohama travaillent déjà en Afrique. C’est le cas par exemple de JGC, dont 10 salariés ont péri lors de l’attaque en janvier contre le site gazier d’In Amenas, en Algérie. Malgré cet incident, nous souhaitons améliorer la connaissance des marchés. Nous organiserons des séminaires en ce sens et ferons en sorte d’y associer davantage les femmes. Un point crucial à mes yeux. ● Propos recueillis par CLAUDE LEBLANC N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013


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KOICHI NAKAMURA/AP/SIPA

Ü Un ingénieur de Boeing présente la nouvelle batterie qui équipera les 787.

INDUSTRIE

Une expérience de haut vol Conception des ailes, des freins, de la carlingue… La contribution des firmes japonaises au développement du Boeing 787 illustre leur retour au premier plan dans l’aéronautique. Avec déjà de nouveaux projets.

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ans le domaine de l’aéronautique, les Japonais ont acquis une solide réputation grâce au fameux chasseur Zéro fabriqué par Mitsubishi à la fin des années 1930. Sa fiabilité et sa maniabilité avaient permis d’assurer pendant des mois la maîtrise du ciel aux aviateurs nippons. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les forces d’occupation américaines, ayant interdit au Japon de posséder des appareils, ont démantelé les sociétés spécialisées dans l’aéronautique et obligé les universités nippones à ne plus enseigner les disciplines susceptibles d’être utilisées dans l’aviation. La signature du traité de San Francisco en septembre 1951, qui s’est traduit par la fin de l’occupation américaine en avril 1952, a eu pour conséquence quasi immédiate le vote d’une loi-cadre sur la reconstitution d’une industrie aéronautique nationale. En l’espace de quelques années, les Japonais sont parvenus à recréer un secteur digne de ce nom. À la fin des années 1950, au moment où la croissance battait son plein, les autorités, sous l’impulsion de la société Shinmeiwa, ont commencé à réfléchir au lancement d’un projet de fabrication d’un appareil civil baptisé YS-11. Celui-ci devait devenir un des symboles de la capacité du Japon à innover dans un secteur jugé stratégique. En décidant de transporter la flamme olympique des Jeux de Tokyo en 1964 N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

à bord du YS-11, les autorités nippones ont vu l’opportunité de prouver au reste du monde toute la fiabilité du made in Japan. Au même moment était inaugurée la première ligne de Shinkansen, train à grande vitesse, entre Tokyo et Osaka.

des sept années nécessaires à sa mise en service. On a ainsi vu fleurir dans plusieurs magazines japonais l’expression « made with Japan » en lieu et place du célèbre « made in Japan ». Une évolution sémantique qui a son importance et traduit un changement dans les mentalités des deux côtés du Pacifique. Dans le projet du 787, SYMBOLE. Fierté nationale, le YS-11 n’a cependant pas eu le succès commerles entreprises japonaises sont loin d’être cial escompté. Malgré 82 commandes de simples figurantes. Leur contribution venues de l’étranger, la production de ce au niveau de la conception des ailes, des moyen-courrier s’est limitée à 182 appafreins ou encore de la carlingue illustre reils en raison de son coût plus élevé que l’importance de la collaboration dans la moyenne internationale. Les Japonais cette opération industrielle. ont abandonné la production du YS-11 en Même si les nouveaux appareils ont été 1974, mais ils ont poursuivi leurs travaux cloués au sol plusieurs mois début 2013 en de recherche dans l’aéronautique. raison d’une défaillance de batteries, le 787 illustre le retour au premier plan de l’industrie aéronauLes ingénieurs ont prouvé tique japonaise, l’incitant leur maîtrise dans le domaine à envisager d’autres développements dans le secteur. des matériaux composites. Au moment où le projet 787 Par ailleurs, les industriels japonais ont prenait son envol, Mitsubishi lançait l’idée démontréaufildesdécenniesleurmaîtrise d’un appareil moyen-courrier rappelant le dans le domaine des matériaux compoYS-11. Avec le MRJ (Mitsubishi Regional sites, ce qui leur permet aujourd’hui de Jet), l’entreprise japonaise, qui a contribué jouer un rôle important dans la construcau 787, espère remettre au goût du jour tion et le développement du dernier-né de le made in Japan dans le secteur aérola famille Boeing: le 787. La participation nautique. La compagnie ANA, pionnière de sociétés nippones dans la fabrication de dans l’exploitation du 787, a déjà passé commande de plusieurs MRJ. Celui-ci cet appareil a donné lieu à une campagne sera opérationnel, en principe, fin 2013. ● de publicité intéressante et originale de la part de l’avionneur américain tout au long CLAUDE LEBLANC JEUNE AFRIQUE


Ohayo Afurika TECHNOLOGIE

Ces PMI à la base du savoir-faire nippon Littéralement « usines de quartier », les machikoba jouent un rôle majeur dans l’économie, avec une capacité d’innovation hors du commun.

JEUNE AFRIQUE

devançant la question. En dehors de la ventilation, le silence règne, y compris à l’étage où, sous une bâche bleue, nous attend le projet auquel Material et plusieurs autres entreprises de l’arrondissement ont contribué. Le ralentissement économique du pays a été préjudiciable aux machikoba ces dernières années et, plutôt que d’attendre le réveil des grandes entreprises nippones, certaines de ces PME ont décidé de prendre les devants et de se lancer dans une campagne de promotion de leur savoir-faire. SIMPLICITÉ. « Nous avons

beaucoup réfléchi au produit que nous pourrions proposer. Et puis, il y a eu le succès du roman La Fusée de Shitamachi, de Jun Ikeido [publié en France en novembre 2012 par Books Éditions, NDLR]. L’auteur y racontait le combat mené par une machikoba comme les nôtres, dans le contexte d’une économie mondialisée. Pas question de construire une fusée. Mais nous avons décidé de construire quelque chose de remarquable : un bobsleigh. Nous l’avons baptisé le “bobsleigh de Shitamachi” en référence au livre », raconte Satoshi Kosugi en découvrant le bolide noir. « C’est un concentré de technologie et de savoir-faire, tout en étant un objet extrêmement simple », ajoute Emiko Hosogai. L’idée est de faire de ce bobsleigh le symbole de la capacité technologique des machikoba, notamment à l’étranger. À moins d’un an des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, en Russie, le bobsleigh de Shitamachi pourrait bien aider les PME japonaises à remporter une nouvelle course et à mieux faire connaître leurs quartiers. ● C.L. CLAUDE LEBLANC/J.A.

T

okyo. Capitale du Japon. Mégaleurs clients à bon port. Ils sont obligés pole dont on présente toujours d’appeler l’entreprise où ils doivent se les mêmes images : Shibuya et rendre pour être guidés à distance », son carrefour où des centaines de persourit M. Kosugi. Il nous accompagne sonnes se croisent, Shinjuku avec ses jusqu’à Material, une machikoba qui se gratte-ciel, Akihabara et sa population distingue des autres par le style moderne de jeunes habillés comme des personde son architecture. Spécialisée dans la nages de mangas ou de films d’animation. métallurgie et le façonnage de précision, Pourtant, la principale cité de l’archipel l’entreprise est dirigée par une femme : est aussi l’un des poumons industriels Emiko Hosogai. du pays, et pas seulement parce que les grandes entreprises y ont implanté leur siège social. À Tokyo, certains quartiers ont conservé une intense activité de production à proximité du centre de la capitale, dans cette partie que l’on a baptisée « Shitamachi », c’est-à-dire « la ville basse », située à l’est du palais impérial, où vivait le petit peuple. C’est le cas notamment de l’arrondissement d’Ota. Au milieu des petites rues bordées de maisons individuelles, on trouve des bâtiments de un ou deux étages qui ressemblent davantage à des entrepôts qu’à des usines. Bienvenue dans l’empire des machikoba ou « usines de quartier », ces PME à partir desquelles le Japon a construit sa renommée économique au fil des décennies. Leurs noms sont inconnus du grand public, mais elles sont les meilleurs indicateurs de la santé du pays. « Si les machikoba s’enrhument, c’est l’ensemble du pays qui est malade », rappelle Satoshi Kosugi, chargé de la pro Satoshi Kosugi, dans motion des activités industrielles les locaux de Material. de l’arrondissement d’Ota. « C’est La PME a participé à la dans ces petites entreprises que fabrication du « bobsleigh se concentrent l’innovation et le de Shitamachi », dont le nom en japonais (à dr.) travail de précision dont le Japon est inscrit sur le fuselage. est si fier », ajoute-t-il en montrant du doigt plusieurs bâtiments dont les façades se ressemblent toutes. Avant de pénétrer dans l’atelier, on se déchausse pour enfiler des pantoufles. DISCRÉTION. Ici, pas de signes extérieurs Quelques employés s’affairent autour de réussite. C’est à peine si le nom de de deux grandes machines dont il est l’entreprise est visible. « Les chauffeurs difficile de deviner la fonction. « Elles de taxi qui ne connaissent pas le quartier servent à produire de petites pièces se cassent souvent la tête pour amener en carbone », explique Mme Hosogai,

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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L’Association Sasakawa pour l’Afrique et le Fonds Sasakawa pour l’Afrique de formation à la vulgarisation s’engagent pour

Nourrir l’avenir

Depuis plus de 25 ans, les programmes de l’Association Sasakawa pour l’Afrique (la SAA) ont changé la vie de millions d’agriculteurs africains. Soutenue par la Nippon Foundation, la SAA appuie les petits producteurs agricoles et les formateurs qui sont à leur contact direct (les vulgarisateurs) dans l’objectif d’accroître la production de denrées alimentaires sur l’ensemble du continent. Dans les quatre pays où elle concentre plus particulièrement ses efforts (Éthiopie, Mali, Nigeria et Ouganda), la SAA fait la promotion du concept de chaîne de valeur, associant aussi bien les agricultrices pauvres en ressources que les exploitants agricoles qui s’orientent visiblement sur les marchés. En parallèle, la SAA veille à élargir ses sources de dons et développe des relations avec plusieurs organisations du secteur privé. En parallèle, le Fonds Sasakawa pour l’Afrique de formation à la vulgarisation (SAFE) participe à l’accroissement des connaissances des professionnels de la vulgarisation. Plus de 4 000 professionnels de la vulgarisation en milieu de carrière ont ainsi bénéficié de ses programmes spécialement adaptés, auxquels sont étroitement associés 17 universités et collèges dans neuf pays africains.

SAA et SAFE

Nourrir l’avenir Les fondateurs Ryoichi Sasakawa Norman E Borlaug Jimmy Carter, ancien président des États-Unis

www.saa-tokyo.org Tokyo: Sasakawa Africa Association, 4th Floor, The Nippon Foundation Building, 1-2-2, Akasaka, Minato-ku, Tokyo 107-0052, Japon. e: miyamoto@saa-safe.org Addis Abeba: Sasakawa Africa Association, Gurd Sholla, Daminarof Building, 4th Floor, Bole Sub-City, Kebele 13, P.O. Box 24135, Code 1000, Addis Abeba, Éthiopie. e: JRwelamira@saa-safe.org Genève: D@G – Dialogues Geneva care of BHF, 7-9, Chemin de Balexert, 1219 Châtelaine, Genève, Suisse. e: jeanfreymond@gmail.com


Ohayo Afurika

TRIBUNE

Op pin nions & éditoriaux

AKIHIKO TANAKA Président de l’Agence japonaise de coopération internationale (Japan International Cooperation Agency, Jica)

Nouvelle frontière

L

AFRIQUE CONCENTRE l’attention du monde entier, qui a pu observer le rythme soutenu de la croissance économique de ce continent au cours de la dernière décennie. Alors que la demande mondiale en ressources naturelles et produits de base continue d’augmenter, l’Afrique apparaît comme une nouvelle frontière pour les investisseurs étrangers. L’attention particulière que lui porte le Japon ne se limite pas aux seuls enjeux du développement : le continent africain, dont les marchés et potentiels d’investissements sont en pleine expansion, regorge désormais d’opportunités d’affaires. Il ne faut cependant pas sous-estimer les obstacles que l’Afrique doit surmonter dans sa croissance. La pauvreté, les inégalités, le chômage, les risques naturels et les menaces transnationales telles que les conflits frontaliers ou le terrorisme – en particulier dans le Sahel – continuent de la fragiliser. Pour le Japon, la stabilité en Afrique reste un enjeu fondamental non seulement pour ce continent, mais aussi pour la communauté internationale, qui aspire à ce que les populations vivent en sécurité, à l’abri de la peur et du besoin. La cinquième Conférence internationale deTokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad V), qui se tiendra àYokohama du 1er au 3 juin, se concentrera sur la croissance inclusive du continent africain et la résilience de sa population aux risques naturels pour poursuivre l’objectif d’« expansion économique accélérée » énoncé dans le plan d’action deYokohama lors de laTicad IV. Au cours des visites que j’ai effectuées depuis un an dans différents pays d’Afrique subsaharienne, notamment francophone, j’ai été impressionné par les multiples promesses de ce continent, la richesse de ses ressources naturelles, son potentiel agricole – qui pourrait s’avérer crucial pour satisfaire à la demande mondiale –, mais aussi par sa jeunesse en tant que source dynamique de maind’œuvre qualifiée, qui sont autant d’atouts pour accélérer encore son développement. Je suis également fortement confiant dans la détermination des principaux dirigeants africains à vouloir transformer ce continent afin qu’il devienne un nouveau pôle de croissance pour l’économie mondiale.

Nous collaborons activement avec le privé pour l’accès aux services de base.

En tant qu’institution spécialisée offrant un éventail complet de mesures d’aide, et conformément à sa vision d’un « développement inclusif et dynamique », l’Agence japonaise de coopération JEUNE AFRIQUE

internationale (Jica) entend intensifier la mise en place de solutions qui permettront de relever les défis du développement avec ses partenaires en Afrique, à travers les divers mécanismes que sont la coopération technique, les dons, les prêts d’APD [aide publique au développement, NDLR] et le financement des investissements du secteur privé, mais aussi de nouvelles pratiques, dites « synnovatives ». Par « synnovation », on désigne des approches et solutions innovantes, menées conjointement avec des partenaires internationaux, via des méthodes interactives et dynamiques. Notre réseau de 34 bureaux sur ce continent (dont un tiers basé dans des pays francophones) est aussi un atout précieux pour entretenir des liens étroits avec nos partenaires africains et promouvoir ces synnovations. Ces bureaux peuvent servir de plateformes pour faciliter la collaboration entre les acteurs du développement, la société

civile, les universitaires et le secteur privé. Ces approches et ce réseau permettent aux actions de coopération de la Jica de couvrir des domaines très divers – infrastructures socio-économiques, bonne gouvernance, développement des institutions, des ressources humaines, de l’agriculture, de l’emploi, etc. – pour favoriser une croissance inclusive et durable en Afrique. En vue de renforcer le rôle de l’entreprise dans la dynamique de développement, la Jica a voulu collaborer plus activement ces dernières années avec le secteur privé, notamment avec les entreprises opérant à la base de la pyramide sociale (selon le concept « Base of the Pyramid », BOP), qui contribuent à réduire la pauvreté en fournissant des services et produits essentiels aux plus démunis, tout en générant des bénéfices. Cette collaboration doit permettre d’améliorer l’accès des plus pauvres aux différents services de base grâce aux approches innovantes du secteur privé (qui viendront compléter l’offre publique) et de renforcer la sécurité humaine. À l’occasion du vingtième anniversaire du partenariat Afrique-Japon mis en œuvre dans le cadre du processus de laTicad, j’espère sincèrement que la prochaine conférence de Yokohama, en juin, constituera une étape majeure dans l’instauration d’un développement durable et inclusif sur le continent africain, en collaboration avec tous nos partenaires. ● N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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COMMUNIQUÉ

Main dans la main

avec une Afrique plus dynamique

Message de son Excellence Ahmed Araita Ali, Ambassadeur de Djibouti au Japon

Depuis l’adoption de la déclaration de Tokyo sur le développement de l’Afrique lors du Premier TICAD en 1993, la coopération entre le Japon et notre continent s’intensifie d’année en année. Tous les 5 ans, la TICAD sert de « feuille de route » au développement de cette coopération. Dès les années 90, le Japon a su investir dans l’avenir de l’Afrique, à l’époque ou les partenaires classiques ne cachaient pas leur scepticisme, voire

Culture du riz Nérika à Djibouti

même leur pessimisme sur les chances de décollage économique de nos pays. Aujourd’hui 20 ans après, le partenariat entre le Japon et l’Afrique est à la hauteur des enjeux du développement, de la modernisation et de la mondialisation. Ce partenariat a pour socle l’amitié historique qui lie nos peuples et pour principes les valeurs universelles de paix et de solidarité. La coopération bilatérale entre Djibouti et le Japon est exemplaire de ce désir réciproque de se développer dans la paix et la sécurité.

Une vision chère également à notre Président de la République Monsieur Ismail Omar Guelleh qui a fait de la paix, une pierre angulaire du développement régional. La présence des forces d’autodéfense japonaises à Djibouti illustre à merveille l’esprit pacifique du Japon qui veut que le continent africain se développe dans la sécurité et la stabilité. De ce point de vue, l’aide japonaise à nos pays, fondée sur le pragmatisme et l’appropriation des savoirs-faire est d’une grande efficacité.

Le Président de la République Ismail Omar Guelleh et l’Empereur Akihito Hirohito.

Volontaire de Jika au Collège de Fukuzawa.

DIFCOM - F.C. / PHOTOS : © ABOU / FOTOLIA

A

Yokohama cette année, notre continent et le Japon fêteront un double anniversaire, les 50 ans de l’UA et les 20 ans de la TICAD.


Ohayo Afurika

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CAMPUS

L’université de l’ouverture Dans la cité thermale de Beppu, l’Asia Pacific University met tous ses étudiants dans le même bain : celui de l’international.

L

orsque vous dites à un Japonais que vous vous rendez à Beppu, sur l’île de Kyushu, dans le sud de l’archipel, sa première réflexion sera de vous demander si vous avez l’intention d’y prendre un bain. En effet, avec plus de 3 000 sources d’eau chaude, la ville est l’une des principales destinations pour les amateurs de thermes. Chaque année, ils sont plus de 12 millions à y faire le déplacement pour profiter à la fois de son climat agréable et de son atmosphère enjouée. La cité portuaire est habituée au mélange de populations et c’est peut-être une des raisons pour laquelle l’université de Ritsumeikan a décidé d’y créer son campus international, baptisé « Asia Pacific University », désormais plus connu par son acronyme « APU ». Les dirigeants de l’université de Ritsumeikan, implantée à Kyoto depuis la fin du XIXe siècle, souhaitaient s’ouvrir davantage sur le monde. L’île de Kyushu

était à leurs yeux l’endroit le mieux adapté. Historiquement, elle est le lieu par lequel ont perduré les échanges avec le reste du monde durant les deux siècles de fermeture du pays (période dite du Sakoku). Géographiquement, elle est plus proche de l’Asie continentale, où se concentre désormais une grande partie de l’activité économique mondiale. INTÉGRATION. Malgré son

Située sur une colline avec une vue magnifique sur la baie, à une trentaine de minutes du centre de Beppu, l’APU est une petite ville à elle seule au sein de laquelle tout est fait pour que les étudiants, en particulier ceux venus de loin, se sentent à l’aise. À 300 mètres des bâtiments d’enseignement, une résidence a été construite pour accueillir les nouveaux arrivants, qui vont se familiariser avec le savoir-vivre à la japonaise en étant pris en charge par des étudiants nippons. Ceux-ci découvrant

Le nombre d’élèves originaires d’Afrique augmente. Ils sont une quarantaine cette année.

nom, l’APU n’est cependant pas une université réservée aux Asiatiques, rappelle d’emblée Masumi Sakurai, responsable des relations publiques de l’établissement. Ce que confirme Eugene Wanyama, un Kényan, ancien d’APU, qui est devenu l’un des responsables des admissions. « L’objectif est d’attirer de plus en plus d’Africains pour les former et leur donner une approche plus pragmatique de la gestion des affaires », résume-t-il.

également une nouvelle culture par la même occasion. « Nous mettons beaucoup l’accent sur l’ouverture aux autres », assure Eugene Wanyama, qui accompagne l’intégration des étudiants étrangers, en particulier ceux originaires d’Afrique. Depuis l’ouverture de l’APU, en 2000, le nombre d’élèves en provenance du continent ● ● ●

CLAUDE LEBLANC/J.A.

Ü Le campus, qui accueille plus de 5 000 étudiants, est une véritable ville dans la ville.

JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de J.A.

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● ● ● africain augmente chaque année. En 2012-2013, ils sont une quarantaine, pour la plupart venus d’Afrique de l’Est ou d’Afrique australe. « C’est logique. Ceux qui sont passés chez nous encouragent leurs camarades à faire de même. Comme l’APU avait établi des contacts préalables au Kenya et au Botswana, il est normal que les candidats de ces pays soient encore les plus nombreux, poursuit Eugene Wanyama. Mais, depuis quelques années, on voit d’autres nationalités représentées, comme les Ghanéens, les Marocains ou les Maliens. » Ils trouvent dans cette université les outils pédagogiques qui leur permettent de s’épanouir et de bénéficier d’une formation qui leur sera utile sur le marché du travail. La plupart des étudiants africains retournent dans leur pays pour prendre des responsabilités au sein de l’administration ou pour se lancer dans la création

d’entreprises, les formations étant cenétabli par le Nihon Keizai Shinbun, le trées autour de quatre cursus principaux: principal quotidien économique du pays, environnement et développement ; hosau terme d’une enquête menée auprès pitalité et tourisme ; relations internatiodes entreprises. « Elles sont de plus en nales et paix ; culture, société et médias. plus nombreuses à participer aux entreCertains diplômés tentent toutefois leur tiens d’embauche que nous organisons chance auprès de sociétés japonaises désireuses de Son approche pédagogique vaut recruter des collaborateurs à l’APU de figurer parmi les trois ouverts sur le monde. EMBAUCHE. « Après trois

meilleurs établissements du pays.

années passées ici, je ne vois plus les choses de la même façon. J’ai découvert l’importance de l’autre et la nécessité d’y faire attention », confie Joseph Quarshie, un étudiant kényan désireux d’appliquer dans son pays les préceptes acquis lors de sa formation. Cette approche pédagogique vaut à l’APU de figurer parmi les trois meilleures universités du Japon dans un classement

Nakatsue a le Cameroun dans la peau

MAXPPP

La petite localité avait hébergé les Lions indomptables lors de la Coupe du monde de 2002. Elle leur voue depuis un véritable culte.

Lors d’un match amical contre l’équipe du Japon, fin 2003, les villageois soutenaient la sélection nationale camerounaise.

A

«

u départ, on rêvait de pouvoir accueillir les Argentins ou les Anglais. Je dois dire que je n’avais jamais entendu parler du Cameroun. Quand on m’a informé que finalement le village recevrait les footballeurs de ce pays, j’ai regardé sur une carte, en commençant par l’Amérique centrale », reconnaîthumblementYasumuSakamoto. À 82 ans, l’ancien maire de Nakatsue, bourgade de 1 300 âmes au cœur de la préfecture d’Oita, à Kyushu, est aujourd’hui N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

incollable sur le Cameroun, comme le reste de la population qui a noué avec les Lions indomptables une histoire d’amour indéfectible lors de la Coupe du monde de football de 2002. Dans cette région connue pour ses mines d’or, aujourd’hui fermées, le souvenir de ces quelques semaines est soigneusement entretenu. Dans le restaurant du coin, on peut déguster un bento composé aux couleurs camerounaises. Dans la boutique de souvenirs, les touristes de passage trouvent aussi bien des

chaque année », souligne Masumi Sakurai. « Nissan a recruté un étudiant malien qui est devenu aujourd’hui le représentant de la marque en Inde », ajoute Eugene Wanyama. Preuve qu’à Beppu certains réussissent à se mettre dans le bain sans aller à la source thermale. « Le bain d’eau chaude reste une épreuve difficile pour nos étudiants », s’amuse Eugene Wanyama. ● CLAUDE LEBLANC

tee-shirts rappelant le passage des Lions indomptables que des biscuits au wasabi dans des emballages frappés du drapeau camerounais. Le centre sportif, qui a servi de camp de base à Samuel Eto’o et à ses coéquipiers, conserve de nombreuses traces de leur passage, et la colline au sommet duquel il se trouve a été rebaptisée « Colline Cameroun».«Toutlevillages’estrangéderrière l’équipe. Nous sommes devenus plus camerounaisquelesCamerounais,affirme M. Sakamoto. C’est encore aujourd’hui très fort. Nous avons mis en place des échanges avec un village camerounais avec lequel nous entretenons des relations régulières. » L’arrivée des footballeurs à Nakatsue a permis au village de sortir de l’anonymat. « Les médias du monde entier ontparlédenous.NousledevonsauxLions indomptables », ajoute Yasumu Sakamoto. À tel point qu’en novembre 2003, lors d’un matchamicalentreleJaponetleCameroun à Oita, tout le village a fait le déplacement. « Ça a fait toute une histoire. La plupart des habitants sont âgés. Leurs enfants ne voulaientpasqu’ilsfassentledéplacement. Mais ils n’ont pas réussi à les faire changer d’avis. Et dans les tribunes du stade d’Oita, il y avait 1000 supporteurs du Cameroun. C’était nous », rappelle fièrement l’ancien maire. Sur sa carte de visite, il y a un petit message où le mot « forever » (« à jamais ») estinscritenlettrescapitalessousundessin symbolisant l’union entre le Cameroun et Nakatsue. ● C.L. JEUNE AFRIQUE


COMMUNIQUÉ

la Banque Internationale Leader en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient

L

a Standard Chartered est une banque internationale de premier plan, dont plus de 90% des revenus et profits proviennent de l’Asie, l’Afrique et du Moyen-Orient. Jouissant d’un profil unique en Afrique, la banque a célébré son 150e anniversaire de la première société africaine cette année.

Enrichie d’une longue tradition historique, la Standard Chartered en Afrique a une “ forte réputation ” notamment avec une expérience indiscutable ainsi que de

Christopher Knight, Chief Executive Officer, Japon.

Diana Layfield, Chief Executive Officer, Africa Region

connaissances avérées des réalités locales. Profil de la Standard Chartered

L’Afrique a toujours été au centre de la Standard Chartered. La Banque opère

Basée au Royaume-Uni, la

dans toutes les régions du continent, couvrant l’Ouest, l’Est et l’Afrique du Sud à

Banque dispose de 1700 bureaux

travers 37 pays – dont 16 sur la base d’une présence effective et 22 sur la base

sur 68 marchés, le Groupe ayant

des transactions. Aucune autre banque que la Standard Chartered ne peut se valoir d’une telle histoire ni présence en Afrique. Notre profil en Afrique a une expansion considérable. En 2012, l’Afrique représentait 8% des revenus du Groupe et avait alors enregistré des revenus sur 5 ans combiné à un taux de croissance annuel de 15 %. Les intérêts en Afrique, un marché émergent, prenant de l’ampleur. De nombreux investisseurs et entreprises mondiales, y compris celles en provenance du Japon,

89 000 employés L’Afrique représente une partie essentielle de l’Intention Stratégique du Groupe de la Banque L’Afrique a célébré son 150e anniversaire de notre première entreprise africaine cette année La Banque compte plus

sont en rapport avec l’Afrique à travers la Standard Chartered. La Banque représente

de 180 agences avec plus de

un véritable réseau, avec une culture de collaboration transfrontalière. Notre

7000 employés à travers l’Afrique

présence au Japon, dont une histoire de plus de 130 ans, permet aux investisseurs

La Banque est installée dans

japonais de pénétrer en Afrique, un pays où la Banque met en place des solutions

toutes les régions du continent,

aux problèmes de fonds pour les clients en rapport avec l’Afrique, de part la gestion

couvrant l’Ouest, l’Est et l’Afrique du

de la trésorerie et des marchés financiers jusqu’aux conseils de M&A.

Sud à travers 37 pays – dont 16 sur une base de présence effective et 22 sur la base des transactions

Le Japon et l’Afrique ont depuis longtemps établi de solides relations sur le plan

Aucune autre banque que la

politique et du commerce bilatéral. Les sociétés japonaises sont intéressées

Standard Chartered ne jouit d’une telle

par le potentiel de l’Afrique - ressources naturelles, produits de consommation

histoire ni d’une telle présence

et investissements d’infrastructures. Mais la distance géographique et la non

en Afrique

connaissance des marchés africains constituent un obstacle pour beaucoup d’investisseurs. C’est la raison pour laquelle établir un partenariat avec une banque succès. Jouissant d’un solide réseau en Afrique et d’une connaissance approfondie des réalités locales de chaque pays, la Standard Chartered est la seule banque commerciale en mesure de soutenir véritablement le corridor commercial JaponAfrique et est le partenaire idéal pouvant favoriser la promotion des affaires des entreprises japonaises en Afrique. ■

Japan 21/F Sanno Park Tower 2-11-1 Nagata-cho, Chiyoda-ku, Tokyo 100-6155 JAPAN Africa 4 Sandown Valley Crescent 5/F, 4 Sandown, Johannesburg 2196, SOUTH AFRICA

DIFCOM - F.C.

internationale comme la Standard Chartered devient impérativement la clé du


Le Plus de J.A.

JACEK LAGOWSKI/GAZETA/AGENCE VU

100

Dans le quartier branché de Harajuku, àTokyo, le cosplay est de rigueur. TENDANCE

victimes d’attaque. Qui aurait osé s’en prendre à Captain Tsubasa, ce champion de foot qui fait rêver les jeunes Irakiens? Instrument d’influence majeur de l’archipel à l’étranger, S’ilestévidentquelespersonnagesd’animationcommeDoraemonontjouéunrôle sa culture pop est haute en couleur. Mangas, jeux vidéo, indéniable dans l’amélioration de l’image cuisine… Le monde entier en est fan. du Japon en Asie du Sud-Est où, pendant de longues années, le passé impérialiste et algréunevolontéaffichéede Affaires étrangères organise chaque année guerrier des Japonais avait suscité la haine, s’affranchir de l’influence un Prix international du manga. En 2013, la culture populaire est aussi un énorme américaine, la diplomatie pour la première fois, un Africain a été marché dont les potentialités n’ont pas japonaiseresteencorehésirécompensé pour son album. Il s’agit du encore été totalement explorées. tante (lire p. 82). La crise économique a En France, la part du manga représente Burkinabè Boureima Nabaloum, auteur eu pour effet de réduire sensiblement les de l’ouvrage Les Dix Rites de l’initiation. environ 40 % du secteur de la bande desenveloppes destinées à l’aide au dévelopsinée, soit 12,5 millions d’exemplaires pement, même si l’Afrique a pu bénéficier CAPTAIN TSUBASA. Aujourd’hui,lerésulvendus. Le succès de la Japan Expo, rend’une relative stabilité dans les sommes tat est concluant. Si l’on en croit le sondage dez-vous annuel des amateurs de culture débloquées. L’insuffisance de moyens internationalréaliséchaqueannéeparBBC populaire japonaise, qui attire chaque financiers et la relative faiblesse de son World Service sur la perception des États année plus de 200000 visiteurs, explique influence diplomatique ont donc poussé aussi pourquoi les acteurs les autorités japonaises à utiliser une autre nippons sont de plus en plus En 2013, pour la première fois, arme, celle de la culture populaire: manprésents dans l’Hexagone. un Africain est primé au gas, films d’animation, jeux vidéo, cuisine, En 2009, Shueisha, le prinPrix international du manga. littérature, etc. Une initiative lancée dès cipal éditeur de mangas au 2002 par le Premier ministre de l’époque, Japon, a ainsi racheté son Jun’ichiroKoizumi.Ils’agissaitderenforcer dans le monde, le Japon figure au premier homologue français, Kazé, afin d’avoir ou de promouvoir la présence des biens rang des pays dont l’influence est ressentie un accès direct au marché et de mener sa culturels nippons dans le monde, afin comme la plus positive. Aujourd’hui, les propre politique de développement. Cela qu’ils contribuent à donner une image personnages de mangas ou de films d’anipermettra-t-il de stabiliser les ventes de mation sont devenus les ambassadeurs mangas, qui commencent à baisser? En positive du pays. Au sein du ministère de l’Économie et de l’Industrie, il existe du Japon. En Irak, où Tokyo avait déployé 2012, elles ont reculé de 5,6 % en France, le désormais un département chargé de des troupes chargées de la logistique, les deuxième marché après le Japon. Difficile la promotion de l’industrie du contenu camions ravitailleurs arboraient les visages encore de l’affirmer, mais il est évident (kontentsu sangyo) et le ministère des de héros de mangas. Ils n’ont jamais été que les maisons d’édition japonaises

Populaire et conquérante

M

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

JEUNE AFRIQUE


Ohayo Afurika

ENGOUEMENT. « Dans les pays du Golfe, lespersonnagesissusdesfilmsd’animation et les mangas ont la cote », assure Naho Yamada, responsable des droits à l’international chez Kodansha (lire ci-contre). L’éditeur, numéro deux du secteur, suit avec attention l’évolution des modes dans cette partie du monde et constate que tout ce qui est relatif au Japon et à sa culture populaire suscite l’engouement, comme l’illustre l’exposition, à l’espace Al-Riwaq de Doha, au printemps 2012, de l’artiste Takashi Murakami, considéré comme le chef de file du néo-pop art japonais. Du côté africain, « il y a des frémissements », remarque Naho Yamada, en particulier au Maghreb. « Nous n’avons pas reçu assez de demandes relatives à la cession de licences pour que nous mettions sur pied un département chargé de l’Afrique, mais nous sommes persuadés que le continent africain sera à l’avenir un point d’appui important », poursuit-elle. Pour l’instant, les lecteurs algériens ou marocains se contentent des éditions françaises, mais chez Kodansha, on imagine déjà des albums en arabe et plus adaptés aux goûts locaux. En attendant, le gouvernement japonais accompagne le mouvement. Dans son discours à la King Abdulaziz University, prononcé le 1er mai à l’occasion de sa visite officielle en Arabie saoudite, le Premier ministre Shinzo Abe a rappelé sa volonté d’ouvrir, comme à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, les écoles japonaises locales aux enfants de la région. « Imaginez ces jeunes enfants, qui sont nos futurs dirigeants, en train d’étudier côte à côte. Imaginez-les souriant et riant, en train de pratiquer des activités extrascolaires, comme le sport et la culture, pour lesquelleslesécolesjaponaises sont réputées. Ceci est une vision de notre avenir », a-t-il déclaré. La culture reste un instrument d’influence de première importance pour le Japon. ● CLAUDE LEBLANC

Des exportations survitaminées L’un des leaders de l’édition, Kodansha, lance des séries d’animation. Sa cible: les marchés émergents.

L

e bâtiment de vingt-six étages est impressionnant. Il l’est encore plus lorsqu’on apprend qu’il abrite une maison d’édition. Publiant aussi bien de la littérature que des magazines, Kodansha est le numéro deux du secteur du manga au Japon. Dans ce domaine, l’éditeur occupe un rôle de premier plan au Japon depuis la fin des années 1950 et en Occident depuis les années 1980, quand les jeunes Européens et Américains découvrent les personnages imaginés par les mangaka japonais. En entreprise avisée et consciente de la volatilité de la demande sur les marchés européens, Kodansha a chargé Yoshiaki Koga, en 2010, de trouver de nouveaux débouchés. Le 23 décembre dernier, le premier épisode de la série animée Suraj : The Rising Star a été diffusé à la télévision indienne. « Il ne s’agit pas d’une animation japonaise, mais de l’adaptation du manga Kyojin no Hoshi (L’Étoile des Giants, de Noboru

Kawasaki), qui a connu un immense succès dans l’archipel à la fin des années 1960 », explique M. Koga. « Au Japon, l’histoire était celle d’un joueur de baseball, nous l’avons modifiée pour faire du héros un champion de cricket. Nous avons devancé les attentes du public », ajoute-t-il. Les vingt-six premiers épisodes ayant connu un énorme succès, la série va se poursuivre en Inde. LIGNE DE MIRE. « C’est dans cette voie

que nous devons continuer à travailler », estime Yoshiaki Koga, qui vient de publier le récit de son expérience indienne chez… Kodansha. D’autres marchés émergents, dans lesquels les besoins en programmes de divertissement ne cessent d’augmenter, sont déjà dans la ligne de mire de l’éditeur. « Nous commençons maintenant, car nous savons que Rome ne s’est pas construite en un jour », conclut Yoshiaki Koga, dont le bureau est situé au 21e étage, pas loin du sommet. ● C.L.

Ü Pour s’adapter au marché indien, le cricket a remplacé le base-ball dans Suraj.

KODANSHA INC. -TMS ENTERTAINMENT

commencent à tourner leurs regards vers les pays émergents, le Moyen-Orient et l’Afrique.

101

Basée à l’aéroport international de Tokyo-Haneda, l’UHHA est une « Université pluridisciplinaire internationale », véritable plate-forme d’échange, de savoir et d’enseignement supérieur ouverte aux étudiants japonais et du monde entier.

http://uhha.net/


Le Plus de J.A. Portrait

Les deux amours de Zomahoun Rufin

Star du petit écran, écrivain et mécène, l’ambassadeur du Bénin à Tokyo s’est épris de l’archipel, qui le lui rend bien et auquel il fait découvrir l’âme africaine. Histoire de passions partagées.

«

Q

uand je fais le bilan de toutes ces années, mon cœur est beaucoup plus attaché à cette partie du monde [l’Asie, NDLR], surtout au Japon, qu’aux autres régions de la planète. » Installé dans son bureau de l’ambassade du Bénin à Tokyo, Son Excellence Zomahoun D. C. Rufin ne cache pas son émotion d’être aujourd’hui le représentant de son pays dans l’archipel, avec lequel il entretient une véritable histoire d’amour. Arrivé au Japon en mars 1994 après six années passées en Chine, où il est devenu

« le premier sinologue africain du sud du Sahara », l’homme est fier de son parcours au pays du Soleil-Levant. BEST-SELLER. En 1998, il est repéré

dans un restaurant de ramen (nouilles en bouillon) par un membre du staff de Takeshi Kitano. Celui que l’on connaît dans le reste du monde comme le réalisateur de Sonatine (1993) et de Hana-Bi (1997) est avant tout célèbre au Japon pour ses émissions de télévision. Grâce à lui, Zomahoun Rufin obtient le statut de talento, c’est-à-dire de star du petit q Le diplomate à Koenji, quartier populaire de l’ouest de la capitale.

Jérémie SOUTeYrAT

102

n O 2732 • dU 19 AU 25 mAi 2013

écran. Invité régulier de l’émission Koko ga Hen da yo Nihonjin (« ils sont bizarres ces Japonais ») sur la chaîne TBS, il ne veut pas pour autant se satisfaire de cette notoriété. En 1999, il publie Zomahon no Hon (« le livre de Zomahoun »), dans lequel il raconte son histoire, celles de son pays et de son continent d’origine. « Je voulais lutter contre l’ignorance des Japonais à l’égard de l’Afrique, confie-t-il. Après une étude comparative des manuels scolaires en Chine, au Japon et au Bénin, j’avais pu constater que les ouvrages japonais présentent de façon assez précise l’ensemble des pays d’Asie, d’Europe ou d’Amérique, mais que le continent africain était réduit à une ou deux pages. » Sa liberté de ton et sa manière de s’adresser à eux séduisent les lecteurs nippons. Son livre est un bestseller. « J’aurais pu m’acheter une maison sur la Côte d’Azur, à Ginza ou à Aoyama, les deux quartiers chics de Tokyo. J’ai préféré construire des écoles primaires dans mon pays », explique celui dont les revenus se sont soudain comptés en dizaines de millions de yens. Soucieux de lutter contre « la déshumanisation du monde dont la mondialisation est responsable », comme il le rappelle dans un second livre lui aussi classé en tête des ventes, Zomahoun Rufin poursuit sa lutte contre l’injustice et la misère. Il implante des puits dans les régions qui en ont besoin, il veut aussi développer les échanges entre l’Afrique et le Japon. En 2004, il fonde l’ONG Ife (« amour », en yoruba), dont l’un des premiers objectifs est la création d’une école de japonais à Cotonou, « la seule de toute l’Afrique subsaharienne ». Animée par une vingtaine d’enseignants japonais volontaires, elle a déjà formé quelque 1200 étudiants à la langue et à la civilisation nippones. Grâce à Ife, une trentaine d’entre eux poursuivent leurscursusdansdesuniversitésjaponaises. Désormais représentant officiel de son pays, Zomahoun Rufin incarne on ne peut mieux, à la veille de la Ticad V, ce dynamisme qui permettra aux Japonais de « découvrir le vrai monde et de voir qu’il ne se résume pas à l’Asie, l’Europe ou l’Amérique ». l CLaudE LEBLaNC JeUne AfriqUe


COMMUNIQUÉ

La BAD et le Japon

partenaires pour le développement du secteur privé en Afrique

L

e Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) et le Japon collaborent depuis 2005 pour le développement du secteur privé africain, grâce à l’Initiative d’assistance renforcée au secteur privé (EPSA).

Ce partenariat a pris une nouvelle dimension en octobre 2012 avec l’ouverture d’un bureau de représentation de la BAD à Tokyo, l’ambition affirmée de la première institution financière du continent étant de servir de pont entre l’Asie et l’Afrique.

EPSA a été lancée par la Banque et le gouvernement du Japon (GOJ) lors du Sommet du G8 de Gleneagles en 2005. Le gouvernement du Japon, à travers son agence bilatérale de développement , l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), a accordé trois lignes de crédit à la Banque pour des prêts, au travers du guichet du secteur privé de la BAD, ainsi que des cofinancements pour des projets d’infrastructures publiques dans le cadre de la Facilité de cofinancement accéléré pour l’Afrique (ACFA). Par ailleurs, des dons ont été accordés au Fonds pour l’assistance au secteur privé africain (FAPA). En 2011, plus d’un milliard de dollars ont ainsi été affectés comme suit : • Des Prêts non-souverains à hauteur de $ 500, 000,000 pour le développement d’infrastructures régionales (en Afrique de l’Est, au Nigeria et au Sénégal) ; des PME et du secteur financier (à travers la Banque de développement d’Afrique de l’Ouest (BOAD)) ; des banques commerciales et des entreprises de créditbail qui ciblent le secteur de la santé ; de l’agriculture ; de l’énergie propre (en Ouganda) et de la microfinance (en Tanzanie).

• Des dons d’assistance technique et de renforcement des capacités pour les bénéficiaires publics et privés de la Banque à hauteur de $ 34, 060,000 à travers le Fonds d’assistance au secteur privé africain (FAPA), un fonds spécial thématique multi-bailleurs. 42 dons ont été approuvés pour des projets visant le renforcement de l’environnement des affaires, l’amélioration des infrastructures économiques, l’expansion des systèmes financiers et l’accès au financement pour les micro, petites et moyennes entreprises et l’amélioration du commerce. La seconde phase d’EPSA (EPSA2) sera similaire à la première en terme de montant. Trois projets, parmi lesquels un projet de transmission et de distribution électrique au Cap-Vert et la construction du pont de Kazungula qui relie la Zambie au Botswana sur le fleuve Zambèze, ont déjà été programmés.

AFRICAN DEVELOPMENT BANK GROUP

External Representation Office for Asia NBF Hibiya Building 7F, 1-1-7, Uchisaiwai-cho, Chiyoda-ku, Tokyo

DIFCOM - F.C. / PHOTOS : D.R. - FOTOLIA

• Des cofinancements dans le cadre de la Facilité de cofinancement accéléré pour l’Afrique (ACFA) à hauteur de $ 484, 286,40 pour des projets d’infrastructures régionales dont la réhabilitation des routes et autoroutes principales suivantes : Sénégal-Mali, Mozambique-Malawi, Tanzanie-Kenya et Cameroun-Nigeria. À noter également le renforcement des réseaux de distribution et de transmission électriques au Cameroun, au Cap-Vert, en Tanzanie, en Ouganda et entre les pays suivants : Burundi-Rwanda-Ouganda-Kenya-RDC.


104

Économie

indiscrets

Maghreb, RD Congo, Côte d’Ivoire…

INDUSTRIE

Des zones pour tra À l’instar des dragons asiatiques, les pays africains multiplient les créations de zones économiques spéciales pour développer leur industrie. Une stratégie qui a déjà été expérimentée sur le continent… avec un succès mitigé. STéphaNE BaLLoNg

«

L

a clé de notre industrialisation ! » C’est ainsi que Mekonnen Manyazewal, le ministre éthiopien de l’Industrie, a qualifié en mars la première zone économique spéciale (ZES) que le pays s’apprête à inaugurer vers la fin juillet. Bole Lemi Industrial Zone est aménagée près d’Addis-Abeba, sur 156 ha, pour un coût de 49 millions de dollars (38 millions d’euros). Son n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

objectifesthautementstratégique:d’unepart,attirer, grâce à des avantages fiscaux, des manufacturiers des secteurs agricole, pharmaceutique et textile dont les produits à valeur ajoutée seront destinés à l’exportation; et d’autre part, créer des emplois. D’après le ministre, des sociétés sud-coréennes et chinoises ont pris contact avec le gouvernement. Le fabricant chinois de chaussures Huajian Group s’est quant à lui déjà installé dans la zone industrielle de Dukem, un autre parc détaxé en construction près d’Addis-Abeba. Il entend y investir jusqu’à 2 milliards de dollars dans de nouvelles usines dans les prochaines années. En 2011, l’enthousiasme était le même lors de l’inauguration, en grande pompe, de la ZES de Nkok, près de Libreville, au Gabon. Et là aussi, les attentes sont grandes: « Pour la première phase, qui couvre 1126 ha répartis entre zones industrielle, jeune afrIque


ENRC s’accroche à la ceinture de cuivre

décideurs

Mohammed Al Amoudi

Première fortune d’Éthiopie

émissions obligataires

Pourquoi la dette africaine attire

nsformer l’Afrique commerciale et résidentielle, 62 clients ont à ce jour confirmé leur présence. Mis bout à bout, leurs projets représentent 1,7 milliard de dollars d’investissements directs étrangers [IDE] », affirme Gagan Gupta, son directeur général. À la clé, la création de 9000 emplois directs. DÉLOCALISATION. Institutions internationales et analystes sont de plus en plus nombreux à estimer que le développement de cadres favorables au secteur manufacturier léger (intensif en travail), en favorisant une délocalisation de certaines activités de l’Asie vers l’Afrique, est une piste très prometteuse pour l’industrialisation du continent. Les dragons asiatiques (la Chine, la Corée du Sud ou encore Singapour), qui proposent aujourd’hui leurs expertises aux pays africains, se sont eux-mêmes industrialisésenattirantlesfirmesoccidentalesdans jeune afrique

p Le chinois Huajian Group s’est déjà installé dans la zone industrielle de Dukem, en cours d’aménagement en Éthiopie.

des ZES installées sur leurs territoires. L’Éthiopie et le Gabon ne sont pas les seuls à se lancer dans cette politique. Le Congo, Djibouti, la RD Congo, la Tanzanie, le Nigeria, le Sénégal et bien d’autres travaillent sur des projets similaires. Reste que ces zones ne sont en réalité pas une nouveauté en Afrique. Dans les années 1980, lorsque le modèle économique de ces pays, basé sur l’exportation des matières premières, a montré ses limites avec l’effondrement des cours, les États africains ont été nombreux à créer ce type de zones franches, avec pour objectif de diversifier leurs économies. En 2009, on en dénombrait ainsi une centaine sur l’ensemble du continent, selon le secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO). Pour quel bilan? Plutôt décevant. L’île Maurice (lire interview p. 106) et le Maroc, avec sa zone l l l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

105

JENNY VAUGHAN/AFP

mines


Entreprises marchés interview

quelques zones détaxées

Isabelle Ramdoo

Économiste mauricienne

« La perte de compétitivité est la rançon du succès » Quelles sont les raisons de la réussite de la zone franche de Maurice ? Et pourquoi s’essouffle-t-elle aujourd’hui ? tout comme plus tard l’Agoa aux États-Unis. quel a été l’impact de cette stratégie sur l’économie du pays?

c

hargée de mission à l’European Centre for Development Policy Management (ECDPM), à Maastricht (Pays-Bas), Isabelle Ramdoo a été économiste au ministère mauricien du Développement économique de 2000 à 2006. jeune Afrique: comment expliquez-vous le succès de la zone franche mauricienne? isABeLLe rAMDOO: Il y a eu un

ensembledefacteurs.D’abordl’arrivée, dans les années 1980, d’un gouvernement qui a une vision et une vraie politique industrielle. Ensuite, nous avons saisi l’aubaine qu’offrait l’adoption à cette même époque de l’accord multifibre mettant en place des quotas pour les gros pays exportateursdetextilecommeHong Kong, Taïwan et la Chine, qui, pour contourner ce dispositif, sont allés s’installer dans des zones franches à l’étranger. Les nouveaux dirigeants, qui ont notamment ciblé la filière textile, ont alors mis en place des incitations pour attirer ces investisseurs et ont fait valoir le fait que l’accordACP-UEdeLoménousdonnait un accès au marché européen, n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

Judith den hollander

106

Dans les années 1971, lorsque nousavonsessayéleszonesfranches de substitution aux importations, comme la plupart des pays africains,Mauricecomptaitneufusines employant634personnes.Quandles nouveauxdirigeantsontmisenplace unezonefranched’exportation,nous sommespassésà113usinesen1980, avec21000emplois.Cequireprésentait près de 4,6 % du PIB. Et en 2000, lorsque cette politique a atteint son apogée, il y avait 518 usines, plus de 90000 employés, et la zone franche représentait alors 11,4 % du PIB. Mais depuis, le succès mauricien s’est essoufflé. Pourquoi?

Nous avons perdu en compétitivité, c’est l’un des inconvénients du succès de la zone franche, parce qu’avec la diversification et la création de richesse le coût de la main-d’œuvre s’est accru et nous avons commencé à délocaliser à Madagascar. Ainsi, en 2011, l’île ne comptait plus qu’un peu plus de 300 entreprises, pour près de 56000 emplois. Il faut ajouter que la zone franche mauricienne n’est jamais vraiment montée en gamme danslaproductiondetextile.Quand nous avons commencé à perdre en compétitivité, nous aurions dû négocier un virage pour aller vers des produits à plus grande valeur ajoutée. À l’image de la Corée du Sud ou de la Chine, qui sont passées du textile à la production d’automobiles. l Propos recueillis par s.B.

MAROC Tanger Free Zone Informatique, automobile, aéronautique, textile, mécanique, etc. Plus de 600 M€ 522 50 000

SÉNÉGAL Zone franche de Mbao Manufacture légère, agroalimentaire, cuir, etc. NC 14 10 000

TOGO Zones franches de Lomé Cosmétiques, assemblage, agro-industrie, matériaux de construction, etc.

ZES intégrée de Dakar

NC

Manufacture légère, distribution

61 + 24 en cours d’installation

620 M€

12 000

l l l franche de Tanger, font figure d’exceptions. Après une tentative sans succès dans les années 1970, Tanger Free Zone a en effet réussi à s’imposer comme l’un des plus importants pôles d’activités du Maghreb à partir de 1993. Plus de 500 entreprises y sont actuellement implantées et y emploient plus de 50000 personnes. Le pays vient même de lancer une nouvelle zone franche, Tanger Automotive City, spécialisée dans l’industrie automobile, près de l’usine Renault inaugurée début 2012. Son objectif: attirer les fournisseurs étrangers du constructeur français.

échecs. Mais en dehors de ces deux pays, les autres

économies qui ont opté pour ce modèle se sont très peu diversifiées et leur tissu industriel est toujours quasi inexistant. En Afrique de l’Ouest, le cas du Sénégal est le plus patent. « À 15 km de Dakar, la zone franche de Mbao, la plus ancienne au sud du Sahara,apparaîtmêmecommel’archétypedel’échec en la matière », écrit le CSAO dans une récente étude réaliséeenpartenariatavecl’Organisationdecoopération et de développement économiques (OCDE). D’après l’organisme, les activités menées dans cette zone ne présentent qu’une très faible valeur ajoutée. Résultat: une quinzaine d’entreprises seulement s’y sont installées et à peine un millier d’emplois ont été créés. En 2007, le pays a tenté de rectifier le tir en mettant en place, avec l’appui de la Jebel Ali Free Zone Authority de Dubaï, un nouveau projet de ZES jeune afrIque


107

TUNISIE

ÉTHIOPIE Zone industrielle de Dukem

Pôle de compétitivité de Bizerte

Fabrication de chaussures, traitement du cuir, etc.

Parc d’activités économiques de Zarzis

195 M€

Données non communiquées

80* 20 000* Bole Lemi Industrial Zone Textile, cuir, pharmacie, agro-industrie

CONGO

38 M€

ZES d’Oyo-Ollombo Industrie pétrolière et agroalimentaire, transformation du bois

gagner créé par les avantages fiscaux accordés aux entreprises. Ce qui est bien évidemment difficile lorsqu’on cible notamment les marchés nationaux, quisontengénéralrestreints»,expliquel’économiste mauricienne Isabelle Ramdoo, qui souligne aussi le manque de spécialisation sectorielle de la plupart des zones franches africaines. Pourtant, soutient Gregor Binkert, vice-président Afrique de la Banque mondiale, « regrouper les entreprises d’un même secteurdansunmême endroit,àl’instardelaSilicon Valley aux États-Unis, permet d’être beaucoup plus compétitif, de favoriser l’innovation et de faciliter la diffusion de l’information ». tigre. Gregor Binkert assure qu’« il ne s’agit pas

NC GABON

MAURICE

ZES de Nkok Transformation du bois, de manganèse, industrie pétrolière, etc. 1 300 M€

Zone franche industrielle de Maurice Textile, manufacture légère NC

62*

62*

9 000*

9 000*

près du nouvel aéroport Blaise-Diagne. Montant de l’investissement: 800 millions de dollars, avec pour objectif la création de 40 000 emplois après cinq ans d’activité (et 100000 emplois indirects). Mais depuis, le projet peine à avancer. Au Togo, si la zone franche, créée en 1990, représente aujourd’hui la moitié des emplois du secteur secondaire, avec une dizaine de milliers de salariés, ce chiffre reste encore loin des 100000 emplois visés à terme. Principale raison de l’échec de la première génération de ZES, leur modèle basé sur la substitution des importations. « L’objectif d’une zone franche est avant tout d’augmenter les exportations pour créer plus de richesses et compenser le manque à

* Objectifs Zones en projet Zones existantes Activités IDE Investissement initial Sociétés Emplois

aujourd’hui de reprendre les expériences des années 1970 ou du début des années 1980, qui ont notamment été confrontées à un manque de productivité. Cette nouvelle génération de zones de production [en Afrique subsaharienne] sera différente, avec notamment une ouverture sur le marché des exportations ». Ainsi, au Gabon, où la zone de Nkok est notamment spécialisée dans la transformation du bois et du manganèse (elle accueille aussi l’industrie pétrolière), Gagan Gupta indique que, « selon les produits, le marché sera local, régional ou international ». Outrelaspécialisationetlesmarchésd’exportation se posent aussi les questions des infrastructures et de l’environnement des affaires. Dans ces derniers domaines, Gregor Binkert se dit optimiste: « À Nkok, une centrale à gaz a été construite et est presque entièrement dévolue à la zone. Des installations ont été mises en place pour le traitement des eaux usées. Enfin, une route, un chemin de fer et une voie fluviale permettent de relier directement la ZES au port d’Owendo. Ce sont là des facteurs clés pour convaincre les investisseurs. » Quand à l’Éthiopie, classée 127e sur 185 pays par le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, elle a bénéficié d’un appui financier de 10 millions de dollars de la Sociétéfinancièreinternational(SFI)pouraméliorer son climat des affaires. Un élément important pour ce pays qui se rêve en « tigre africain ». l

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Entreprises marchés

Les indiscrets Côte d’IvoIre ramzI omaïs veut sa tour

RD Congo

VINCENT FOURNIER/J.A.

Orrick se démène pour Inga

A

ssocié chargé de l’Afrique au cabinet Orrick, Pascal Agboyibor (photo) n’a pas ménagé sa peine pour relancer le projet de mégabarrage d’Inga, en RD Congo. L’avocat d’affaires et ses équipes ont fait venir à Paris, les 16 et 17 mai, près d’une centaine de personnes. Les ministres congolais et sud-africain de l’Énergie, les partenaires techniques EDF et AECOM ainsi que les dirigeants des trois groupements présélectionnés pour la construction du

barrage hydroélectrique d’Inga 3 – China Three Gorges Corporation, les coréens Daewoo et Posco et le canadien SNCLavalin –, et enfin le tandem espagnol constitué de ACS et Eurofinsa. Objectif : s’assurer de l’engagement de l’Afrique du Sud et commencer à draguer les bailleurs. L’Agence française de développement (AFD), la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) étaient en effet elles aussi autour de la table… l

NSIA-ECP

Négociations au sommet

C

estlesujetsurlequelseconcentre actuellement l’attention du microcosme financier africain. Certains analystes estiment même que ce sera l’opération de l’année: il s’agit du retrait prochain du capital-investisseur américain Emerging Capital Partners (ECP) du groupe NSIA, le leader subsaharien de la banque-assurance, qu’il détient à 26 %. L’opération pourrait dépasser les 100 millions de dollars (environ 75 millions d’euros). C’est en tout cas le montant indiqué par ECP dans un document de présentation envoyé à tous les grands financiers actifs en Afrique. Si pour l’instant aucune négociation n’a été ouverte, il faut cependant dire que tous les fonds d’investissements actifs dans la région sont dans les starting-blocks, attendant une nouvelle valorisation indépendante

n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

du groupe ivoirien demandée à la banque d’affaires Lazard. Le rapport est attendu avant la fin de ce mois, ce qui ouvrira le bal des pourparlers. Alors que les analystes assurent que Jean Kacou Diagou (photo) n’a pas les moyens de reprendre les parts d’ECP, le patron de NSIA pourrait ouvrir le capital de son groupe en Bourse. Une chose est certaine : d’âpres discussions se profilent entre les deux actionnaires. l

Patron de l’hôtel Tiama dans le quartier d’affaires du Plateau, à Abidjan, Ramzi Omaïs souhaite construire une tour de 20 étages sur un terrain attenant. Évalué à 100 millions de dollars (environ 75 millions d’euros), le projet inclura dix niveaux destinés à accueillir des bureaux et dix autres réservés à un hôtel de luxe. À la recherche de financements, l’homme d’affaires est cornaqué par Olivier Bouygues, dont le groupe devrait logiquement participer au chantier. L’homme d’affaires français a en tout cas ouvert à Ramzi Omaïs les portes de Proparco. Une rencontre est prévue, le 22 mai, avec la filiale de l’Agence française de développement (AFD) dévolue au secteur privé, pour parler financements. maghreb Les ambItIons de sLIm othmanI

VINCENT FOURNIER/J.A.

108

Slim Othmani fait la navette entre l’Algérie et les pays voisins. Le patron de NCA Rouiba, une société spécialisée dans la production de jus de fruits, peaufine en effet ses projets d’investissement en Libye et au Maroc. À Tripoli, l’affaire est déjà bien avancée puisque Slim Othmani devrait travailler avec la société locale Jafara, qui opère dans le même secteur d’activité que NCA Rouiba et qui compte avec elle un actionnaire commun, le fonds d’investissement Africinvest. Au Maroc, les détails du plan restent secrets. Bloqué par le contrôle des changes algérien, Slim Othmani déposera des dossiers d’autorisation auprès de la Banque d’Algérie pour investir en dehors du pays. jeune afrIque


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2E ÉDITION


Entreprises marchés Kolwezi

RTR (2010)

DEZITA (2011)

BOSS, SMKK (2009)

Opérateur frontalier

RD CONGO

Ceinture de cuivre

AFRICO & COMIDE (2010)

Gisements (date d’acquisition) Raffinerie (date d’acquisition)

RD CONGO

Lubumbashi

ZAMBIE CHAMBISHI (2010) 0 km

50 km

Réseau électrique

ZAMBIE

Sakania

Ville

FRONTIER (2012) LONSHI (2012)

SOURCE : ENRC

110

MINES

ENRC s’accroche à la ceinture de cuivre

L’un d’eux, sir Paul Judge, reproche à Mashkevitch d’entraver la bonne marche des audits externes anticorruption. Cette situation est loin de plaire à la City. Le 2 mai, le Serious Fraud Office (SFO, la « police » antiCoté à Londres, le groupe s’est constitué un empire entre la RD Congo corruption britannique) s’est résolu et la Zambie. Alors que les autorités britanniques enquêtent sur les à lancer une enquête criminelle sur conditions d’obtention de ces actifs, il cherche à préserver ses biens. lesacquisitionsafricainesdugroupe. Uneinvestigationquiarriveaumauoté à Londres et intégré à Ceux-ci ont été rachetés, entre 2009 vaismomentpourleminierkazakh, l’indice FTSE 100 depuis et 2012, à des sociétés immatricudont les résultats se sont dégradés 2007, Eurasian Natural lées aux îles Vierges britanniques au second semestre 2012: malgré Resources Corporation et soupçonnées d’appartenir à Dan un chiffre d’affaires de 2,3 milliards (ENRC) est sur la sellette pour des Gertler. Cet homme d’affaires israéd’euros, il a pour la première fois questions de transparence contraclien controversé, proche de Joseph affiché une perte de 960 millions tuelle en Afrique et de gouvernance. Kabila, aurait acheté les gisements à d’euros, principalement due aux Créé au lendemain de la dislocadesprixdérisoires–souventà5%de déboires de sa filiale de fer en Asie tion de l’URSS, ENRC a été lancé leur valeur, selon Global Witness –, centrale. Du coup, le cours du titre à par trois oligarques – Alexander avantdelesrevendreàENRCautarif Londres joue au yoyo depuis février, Mashkevitch, Alijan Ibragimov et du marché. Certains de ces actifs avec une capitalisation boursière Patokh Chodiev – autour d’actifs (RTR et Africo & Comide) avaient qui a fondu de 80 % par rapport à miniers au Kazakhstan, lors des priété confisqués par Kinshasa au son plus haut niveau. Les trois vatisations de 1994 à 1996. D’abord canadien First Quantum. En Danscecontexte,mêmemal oligarques fondateurs présentdansleferrochrome(destiné Zambie, la firme est soupacquis, les actifs congolais ALEXANDER à la fabrication d’acier inoxydable), çonnée d’avoir surpayé et zambiens apparaissent MASHKEVITCH dont il est le principal producteur l’acquisition en 2010 de la comme l’un des meilleurs mondial, ENRC a étendu ses actiraffinerie de cuivre et de atouts d’ENRC pour sortir ALIJAN IBRAGIMOV vités au fer et à l’aluminium en Asie cobalt Chambishi… pour la tête de l’eau. Car les acquiPATOKH CHODIEV centrale, avant de cibler les réserves permettre aux trois fondateurs sitions contestées ont permis congolaisesetzambiennesdecuivre d’ENRC, qui étaient propriéà la firme de se constituer un pour équilibrer son portefeuille de taires de la société vendeuse, de « empire » du cuivre prometteur, minerais. Ce sont aujourd’hui ces réaliseruneplus-valuesubstantielle. alors que les prix du minerai rouge dernières acquisitions qui posent restent élevés, contrairement à problème. DÉBOIRES ASIATIQUES. Dans le ceux du chrome et de l’aluminium. Depuis deux ans, les ONG Global même temps, les relations entre le « Nous disposons de six gisements WitnessetPubliezcequevouspayez trio (qui détient 44 % des actions de au Katanga, non loin de la frontière zambienne, diversement riches en demandent des éclaircissements l’entreprise) et certains membres cuivre et en cobalt », se félicitait sur les conditions d’obtention des britanniques du conseil d’admiactifsminiersd’ENRCenRDCongo. en février James Bethel, directeur nistration n’ont cessé de se tendre.

C

N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

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des opérations d’ENRC en Afrique. « Nous avons notre propre compagnie de transport, qui nous permet d’évacuer notre minerai en Zambie jusqu’à la raffinerie de Chambishi, laquelle peut traiter 200000 tonnes et bénéficie de la stabilité du réseau électriquezambien»,ajoutaitl’ingénieur sud-africain. D’après ENRC, les réserves connuessurl’ensembledesesmines congolaises sont de 8,8 millions de tonnes de cuivre et de 91 000 t de cobalt. Pour le moment, seul le gisement de Boss Mining est en production, avec une capacité de 40000 t de cuivre par an. Celui de Frontier,dontledémarrageestprévu en juillet 2013, devrait produire annuellement 85 000 t de cuivre. Quant aux autres gisements, leur mise en exploitation dépendra de leur approvisionnement en électricité, alors que la firme s’est engagée dans la construction de centrales. BYE BYE LONDON? Les trois fondateurs cherchent donc à tout prix à s’épargner les investigations britanniques. Début mai, Alexander Mashkevitch et ses alliés ont annoncé vouloir racheter la totalité d’ENRC pour sortir de la cotation londonienne. Leurs chances d’y parvenir sont élevées : les actionnaires non kazakhs seraient prêts à leur vendre leurs parts, et ils sont soutenus par les banques publiques russes Sberbank et VTB, ainsi que par l’État kazakh. Daniel BalintKurti,responsabledeGlobalWitness en RD Congo, est inquiet: « Il y a un risque qu’ENRC s’enregistre sur une place financière moins regardante que Londres [comme Singapour ou Hong Kong], ce qui devrait entraver l’enquête britannique. » Pendant ce temps, en RD Congo, les activités d’ENRC ne sont guère affectées par ces atermoiements. Et les autorités du pays continuent de soutenir la compagnie. « ENRC est une entreprise capable de développer de grands gisements, tout comme Dan Gertler, qui est un investisseur de long terme », estimait récemment Albert Yuma Mulimbi, président de la société publique Gécamines. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE

ÉNERGIE LE FMI PART EN GUERRE CONTRE LES SUBVENTIONS Dans un rapport sur les perspectives de croissance régionales en Afrique subsaharienne, le Fonds monétaire international (FMI) mène la charge contre les subventions énergétiques – financées par les États –, jugées coûteuses, mal ciblées et négatives pour la croissance économique. L’institution estime notamment que 44 % des subventions finissent dans les poches du cinquième le plus riche de la population et seulement 7,8 % dans celles des plus pauvres. D’autre part, l’organisation constate que ces subsides représentent plus de 3 % du PIB en Afrique subsaharienne – un montant équivalent aux dépenses publiques de santé – et sont un frein aux dépenses d’investissement prioritaires.Au Cameroun, les subventions énergétiques sur la période 2009-2012 ont ainsi coûté 944 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros), dont seulement 333 milliards avaient été budgétés. Le FMI recommande une disparition progressive de ces aides, accompagnée d’une stratégie de communication de vaste portée et de la mise en place de mesures destinées à protéger les populations les plus vulnérables. ●

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• FINANCE L’impact-investisseur néerlandais XSML vient d’apporter un prêt

de 500 000 $ au congolais Starz-kin • TÉLÉCOMS Le taux de pénétration

mobile au Sénégal a atteint 94,24 % en 2012, soit près de 11 millions d’abonnés

• ÉLECTRICITÉ Le saoudien Acwa Power a procédé au lancement de la première phase du projet de la centrale solaire de Ouarzazate, d’une puissance de 160 MW • AGROALIMENTAIRE Le nigérian Dangote, qui avait prévu de construire une raffinerie de sucre en Algérie, a finalement annulé son projet

CÔTE D’IVOIRE GUOJI VEUT INVESTIR DANS LE LOGEMENT Après les marocains Addoha et Alliances, l’américain ABD ou encore l’ivoirien Opes Holding, la frénésie autour des projets immobiliers sociaux continue en Côte d’Ivoire. En visite à Abidjan, Xu Mingzheng, directeur général du groupe chinois Henan Guoji Construction Group, a annoncé la construction de 10 000 logements sociaux, soit un investissement de 1 milliard de dollars (environ 750 millions d’euros) d’ici à 2015. Le groupe chinois veut aussi construire 1 000 logements haut de gamme.

NIGERIA UBA ANNONCE DES RÉSULTATS RECORD Après une année 2011 très difficile, United Bank for Africa (UBA) a publié des résultats pour 2012 en très nette

progression. Le groupe bancaire nigérian, présent dans 19 pays africains, a vu son produit net bancaire bondir de 28,7 % à 153,1 milliards de nairas (740 millions d’euros), tandis que son résultat net passait au vert, de 6,8 milliards de nairas de pertes en 2011 à 54,8 milliards de nairas de profits en 2012.

ÉGYPTE S&P PASSE LE PAYS EN CATÉGORIE SPÉCULATIVE L’agence de notation Standard & Poor’s a inscrit l’Égypte en catégorie spéculative, en abaissant la note souveraine du pays d’un cran, de B– à CCC+, invoquant l’échec du gouvernement à répondre aux impératifs budgétaires. La note spéculative CCC+ est attribuée par l’agence à des émetteurs de qualité médiocre, présentant un réel risque de non-remboursement. N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

111


Décideurs ÉTHIOPIE

L’incontournable Mohammed Al Amoudi Enrichi dans le BTP et le secteur pétrolier en Arabie saoudite, le cheikh n’a pas oublié son pays natal. Hôtellerie, mines, industrie et désormais agriculture… À Addis-Abeba, aucun secteur ne lui échappe.

D

ans les milieux d’affaires éthiopiens, une blague circule sur le cheikh Mohammed Al Amoudi : « En Éthiopie, on ne fait pas de privatisations. Seulement desal-amoudisations!»Cethomme d’affaires de 68 ans, de nationalité saoudienne mais né en Éthiopie, est « le milliardaire noir » le plus riche du monde, d’après le magazine Forbes, avec un patrimoine de 13,5 milliards de dollars (10,5 milliards d’euros), et, évidemment, la première fortune d’Éthiopie. Dans une économie dominée par les entreprises d’État, il est de très loin le premier employeur individuel. Depuis la chute du régime communiste en 1991 et la prise de pouvoir du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), il a investi plus de 2 milliards de dollars dans le pays, selon son entourage. Mohammed Al Amoudi est présent dans presque tous les secteurs, de l’hôtellerie (le Sheraton d’Addis-Abeba) aux mines d’or, dont il contrôle l’essentiel de la production nationale, en passant par l’immobilier (même si nombre d’Addis-Abébiens s’exaspèrent de le voir laisser certains de ses terrains en jachère) ou l’industrie (usines de pneus, de textile, la plus grande cimenterie du pays ainsi qu’une aciérie à 600 millions de dollars). « En Éthiopie, ses décisions semblent aussi guidées par la volonté d’investir chez les siens. Il a par exemple installé son aciérie dans le nord de la région Amhara, où il est né. D’autres localisations semblaient plus pertinentes. Mais il sait peut-être des choses que N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

JACK MIKRUT

112

j’ignore », indique Henok Assefa, manageur du cabinet de conseil Precise Consult International. Très discret dans les médias (il n’accorde presque jamais d’interviews et ses entreprises, non cotées, communiquent rarement sur leurs résultats), Mohammed Al Amoudi est un acteur mondial. D’après l’histoire officielle, il a fait fortune en 1988: un contrat de 30 milliards de dollars pour la construction d’un complexe de stockage pétrolier en Arabie saoudite, le pays où il a émigré à l’âge de 19 ans. Depuis, il est devenu un investisseur majeur dans le raffinage en Suède et au Maroc et détient des participations dans des blocs pétroliers en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Congo et en Angola. Il emploie quelque 40000 personnes à travers le monde, selon son site internet. FAVORITISME ? Mohammed

Al Amoudi se tourne aujourd’hui massivementverslesecteuragricole. Le4avril,ilarachetétroisentreprises publiques pour 60 millions de dollars et il prévoit d’exploiter, à terme, quelque 300 000 ha. « Le cheikh prévoit d’investir 2,5 milliards de dollars dans ce seul secteur », assure Zemedeneh Negatu, responsable

Profil • 68 ans • Né en Éthiopie, de père yéménite et de mère éthiopienne • De nationalité saoudienne, il réside entre Djeddah et Addis-Abeba • Sa fortune est évaluée à 10,5 milliards d’euros • Quatre holdings: - Corral Group - ABV Rock Group - Midroc Europe - Midroc Ethiopia

du cabinet Ernst & Young Ethiopia, qui conseille certaines de ses entreprises. « L’objectif, poursuit-il, c’est d’exporter pour 1 milliard de dollars par an de produits agricoles d’ici à six ou sept ans, principalement sur les marchés du Moyen-Orient, auxquelsilafacilementaccès.Maisil veutconserver40%delaproduction pour le marché local. » L’extraordinaire influence de Mohammed Al Amoudi dans l’économie éthiopienne n’est pas sans susciter quelques interrogations sur ses liens avec le parti au pouvoir. Haile Assegide, à la tête de plusieurs de ses entreprises éthiopiennes, est d’ailleurs l’ancien ministre d’État chargé des Infrastructures. En janvier 2008, un télégramme diplomatique américain révélé par WikiLeaks remarquait que « quasiment toutes les entreprises d’une importance monétaire ou stratégiquesignificativeprivatiséesdepuis 1994 sont passées [sous le contrôle] d’Al Amoudi ». « Il admirait l’ancien Premier ministre, c’est sûr, confirme Henok Assefa. Mais bénéficie-t-il de favoritisme? Je ne sais pas. Dans la plupart des privatisations, il a fait la seuleoffre.Aucuninvestisseuréthiopien ne peut rivaliser avec lui. » ● PIERRE BOISSELET, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


Décideurs

Junior D.Kannah pour J.a.

t À 48 ans, il devient le treizième gouverneur de la BCC.

RD CONGO

Deogratias Mutombo, made in BCC

C’est un pur produit de la banque centrale du Congo qui a été choisi pour prendre la suite de Jean-Claude Masangu à la tête de l’institution. Portrait d’un homme discret.

I

ln’yaurapasune17e annéepour Jean-ClaudeMasanguMulongo à la tête de la Banque centrale du Congo (BCC, à Kinshasa). Le gouverneur, installé en 1997 par feu Laurent-Désiré Kabila, a été remplacé le 14 mai par Deogratias MutomboMwanaNyembo,unhaut cadre de la BCC. « C’est Masangu lui-même qui lui a fait gravir les échelons au sein de l’institution », confieunancienprocheduprésident Joseph Kabila. Commesonmentor–etcommele chefdel’État–,DeogratiasMutombo est originaire du Katanga. « Un

élément qui a pu être déterminant danslechoix,quandonsaitcombien de candidats, aussi compétents les uns que les autres, se bousculaient au portillon », soutient une source. Le nouveau patron de la BCC n’est pourtant affilié à aucun parti. C’est un homme discret que peu de personnes connaissent dans la sphère politique congolaise. HérITIEr. À 48 ans, ce natif de Kongolo, au bord de la rivière Lualaba, est un « enfant de la banque ». À peine diplômé en scienceséconomiques àl’université

de Kinshasa en 1991, il est engagé à la BCC comme chef de bureau à la direction de change. En 2008, il est promu directeur, avant de devenir responsable des opérations bancaires et des marchés à partir de 2010, poste qu’il a occupé jusqu’à sa nouvellenomination.Héritierd’une politique monétaire qui semble désormais garantir la stabilité du franccongolais(aupremiertrimestre 2013, le compte général de l’État a affichéunexcédentde16,3milliards defrancscongolais,soit13,5millions d’euros, avec un taux d’inflation établi à 2,7 %), Deogratias Mutombo devra s’inscrire dans le prolongement de la dynamique enclenchée parsonprédécesseur.Maisplusieurs défis restent à relever. D’entrée de jeu, il devra accélérer l’opération de bancarisation de la paiedesfonctionnairesetpoursuivre le processus de la « dédollarisation » de l’économie congolaise. L’autre grand chantier qui l’attend est la modernisation de la BCC, un programme financé notamment par la Banque mondiale et la coopération allemande à traverslabanqueKFW. Une étape de taille a été franchie, fin avril, avec l’acquisition du logiciel Isys-Ceri, destiné à améliorer la centrale des risques. Autant de projets que le treizième gouverneur de l’institut d’émission de la RD Congo se doit de mener à bon port. l Trésor KIbangula

Ehouman Kassi ECoBanK Jusque-là directeur de la banque d’investissement d’Ecobank, cet Ivoirien, diplômé de l’Insead, devient le responsable banque de détail du groupe panafricain pour l’Afrique de l’Est, poste basé à Nairobi. jeune afrique

alan ClarK saBmillEr Le nouveau PDG du brasseur sud-africain était précédemment directeur des opérations du groupe. Il succède au président exécutif, Graham Mackay, atteint d’une tumeur au cerveau.

Dr

Dr

Tom STocKill

on En parlE

mustapha FErFara sGBV Le directeur de la Bourse d’Alger a démissionné après avoir passé cinq ans à sa tête. Ce diplômé de l’École supérieure de banque avait lancé un vaste plan de modernisation de la SGBV au second semestre 2011. n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

113


Finance Japon et aux États-Unis. La rareté relative des émissions de la part des marchés émergents a créé un enthousiasme sans précédent pour des actifs de plus en plus risqués. « Il faut aussi tenir compte d’un effet automatique. Les fonds qui suivent un indice regroupant des obligations de pays émergents investissent automatiquement dans toutes les nouvelles émissions incluses dans cet indice », explique Sergei Strigo, responsable dette émergente chez la société de gestion d’actifs Amundi, à Londres. Pour certains analystes, si l’on peut comprendre que des pays riches en ressources naturelles comme le Nigeria, l’Angola ou la

ÉMISSIONS OBLIGATAIRES

Pourquoi la dette africaine attire Même les pays les plus fragiles connaissent le succès sur les marchés internationaux. La raison ? Les investisseurs cherchent une alternative à la faiblesse des taux servis par les pays développés.

À

l’exception de l’Afrique du Sud, les pays subsahariens ont été totalement absents des marchés financiers internationaux jusqu’en 2007. Depuis, neuf d’entre eux ont émis environ 6 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros) d’eurobonds, ces fameux emprunts internationaux libellés en dollars. Sur les derniers mois, la tendance s’est clairement accentuée. Le Rwanda a levé 400 millions de dollars à un taux légèrement inférieur à 7 %, une émission qui a attiré 3 milliards de dollars de souscriptions; la Tanzanie, 600 millions de dollars, pour 2,5 milliards de dollars de promesses. Quelques mois plus tôt, la Zambie récoltait 750 millions de dollars, avec encore plus de succès. Le Nigeria et le Ghana viennent d’annoncer qu’ils s’apprêtaient à émettre 1 milliard de dollars

de dette chacun d’ici à la fin de l’année. D’après les analystes, le Cameroun, l’Angola, la Tanzanie et le Kenya pourraient également se lancer, tandis que l’Afrique du Sud, la Namibie, le Sénégal et la Zambie pourraient procéder à une nouvelle émission dans un avenir proche. Dans une note parue début mai, l’agence de notation Standard & Poor’s estime que la faiblesse des coûts de financement à l’international pourrait encourager les États africains à émettre des eurobonds.

« Les États ne devraient pas se reposer sur les émissions d’eurobonds pour se financer. » SErgEI STrIgO, responsable dette émergente chez Amundi

ENTHOUSIASME. Le succès de ces

émissions obligataires s’explique d’abord par le contexte international : les investisseurs en quête de rendement cherchent une alternative à la faiblesse des taux servis par les pays développés. Les rendements des émissions européennes sont au plus bas, souvent inférieurs à 2 %. Même chose au

6 milliards de dollars émis en sept ans (émissions obligataires*, en millions de dollars) 1 800 1 600 1 400 1 200

Ghana

800

400

Gabon

750

500

Nigeria

500

1 000

Tanzanie Angola

Sénégal

Rwanda

500

Sénégal

400

200**

2007

n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

600

1 000

200 0

Namibie

** Les titres de l’émission obligataire de 2009 ont été échangés avec ceux de l’émission de 2011

1 000

600

Zambie

* En Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud

750

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Source : Standard & Poor’S

114

Zambie attirent les investisseurs du fait de la relative sécurité de leur approvisionnement en devises, le succès d’une émission obligataire d’un pays comme le Rwanda, dont les entrées en devises sont fortement dépendantes de l’aide internationale et des transferts des migrants, est plus difficile à justifier. Un analyste cité par le Financial Times observe même que le marché est « fou » et estime que « les investisseurs sont prêts à prêter à n’importe qui ». Certains directeurs de fonds s’inquiètent que la brusque poussée de la demande pour les émissions obligataires émergentes autorise des pays à faible solvabilité à emprunter à des taux sans rapport avec les risques encourus. Cela d’autant plus que le risque pris par les investisseurs est relativement faible, dans la mesure où les obligations africaines ne représentent qu’une part infime de leur portefeuille. Mais pour le Fonds monétaire international (FMI), ces émissions successives sont une reconnaissance du fort potentiel de rendement de l’Afrique subsaharienne, lié « à l’abondance des ressources naturelles, à l’amélioration des jeune afrIque


Baromètre politiques macroéconomiques et à de bonnes perspectives de développement ». Selon Gabriel Fal, président de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, à Abidjan), les investisseurs se rendraient également compte que la gestion de la dette par les pays africains est plus vertueuse que dans les années 1980 et 1990 : « Le risque de crédit est meilleur et la transparence dans la gestion des fonds publics s’est grandement améliorée. » eFFeT De RaReTé. La mode

pourrait malgré tout ne pas durer. Sergei Strigo récuse ainsi l’idée selon laquelle l’appétit des investisseurs pour la dette africaine serait insatiable : « Si on assiste à une augmentation de la cadence des émissions obligataires africaines, les investisseurs ne seront pas nécessairement au rendez-vous. Pour l’instant, ces émissions internationales bénéficient d’un effet de rareté, mais si un pays comme le Rwanda commence à faire appel aux marchés plusieurs fois par an, il ne trouvera plus preneur. Il ne faut pas non plus oublier que la dette africaine est une nouvelle classe d’actifs qui n’a pas été testée sur le long terme, qui n’a pas encore d’historique, au contraire des dettes des grands pays émergents comme le Brésil. Une chose est sûre: les pays africains ne devraient pas se reposer uniquement sur des émissions d’eurobonds pour se financer », prévient-il. Le niveau d’endettement moyen au sud du Sahara, s’il se situe en deçà de 40 % en moyenne, augmente depuis la crise financière, notamment parce que les deux tiers des pays subsahariens ont mené des politiques de relance budgétaire. « Il reste une marge de manœuvre budgétaire, mais moins qu’en 2008-2009 », affirme Roger Nord, directeur au département Afrique du FMI. Faire appel aux marchés reste bien plus onéreux que de solliciter les bailleurs : dans des pays au budget fragile, cette réalité ne semble pas éternellement contournable. l

Finance

Réconciliations nigérianes valeur

secteur

cours au 15 mai (en euros)

Évolution depuis le début de l’année (en %)

uBa

banque

0,04

+ 92,52

lafarge Wapco Dangote cement stanbic iBtc Holdings nestlé nigeria FBn Holdings nigerian Breweries Guaranty trust Bank Zenith Bank Guinness nigeria

ciment

0,46 0,88 0,07 4,60 0,09 0,84 0,13 0,11 1,34

+ 62,31 + 40,52 + 36,91 + 35,00 + 20,87 + 17,69 + 15,65 + 11,08 0

ciment banque agroalimentaire banque bière banque banque bière

La Bourse du Nigeria poursuit sa spectaculaire progression. au 15 mai, l’indice principal enregistrait une hausse de 29,05 % depuis le début de l’année. Les 30 premières capitalisations du marché s’envolent quant à elles de 29,5 %. united Bank for africa (uBa) se réconcilie avec les investisseurs et, à la faveur de résultats financiers spectaculaires, a quasiment doublé son cours depuis le début de l’année. Juste derrière, les deux

principaux cimentiers du pays profitent d’un engouement presque jamais vu. alors qu’il évoluait en dessous de son cours d’introduction jusqu’à fin 2012, dangote Cement est désormais choyé par les épargnants. il faut dire que le cimentier a vu ses profits croître de 24 % en 2012, sur fond d’augmentation spectaculaire des capacités. Le Nigeria est d’ailleurs depuis quelques mois autosuffisant en ciment. l

Valeur en vue FlouR Mills NigeRia Des perspectives limitées Depuis le Début De 2013, le cours de Flour Mills Nigeria a augmenté de 26,1 %. Nous pensons présentement que le titre offre un potentiel de croissance limité alors que les risques d’exécution restent élevés. les recettes au troisième trimestre 20122013 ont été affectées par la fin des importations de ciment, tandis que les inondations ont touché la plupart des entreprises du groupe en limitant la distribution de ses produits ainsi que la production de certains autres. le chiffre d’affaires dans les engrais a chuté de 45,2 %. Nous Binta Cisse avons des inquiétudes sur unicem, d’autant que le fabricant Drave de ciment est déficitaire et cherche à doubler sa capacité Analyste chez Exotix de production d’ici à 2017. Nous restons positifs sur l’activité alimentaire. le groupe a fait un bon choix en investissant dans des produits alimentaires à plus forte marge et en atténuant sa dépendance à l’égard du prix des matières premières avec ses investissements dans thai Farm (une société de transformation de manioc) et dans des fermes de sucre, de maïs et de riz. » l BouRse

Ca 2013 pRéVu

CouRs (15/05/13)

oBJeCTiF

Nigeria

1,35 milliard d’euros (+ 7,2 %)

85,65 nairas

80,31 nairas

NiColas TeisseReNC jeune afrique

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

115


Dossier

Éric Legouhy/BoA

116

Finance

expansion régionale

Au Nord, tous !

portrait

Le tsunami Sanusi

p Le Marocain a pris les rênes de la filiale africaine de BMCE Bank en 2011. n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

jeune afrIque


chinafrique

Ces banques qui œuvrent dans l’ombre

maroc

Au cœur de la salle des marchés

private equity

I&P invente l’investissement sociétal

bourse

Place aux petites entreprises

interView

Mohamed Bennani

« Le modèle des banques marocaines mérite d’être adapté au sud du Sahara »

Alors que les résultats de Bank of Africa sont positifs, le PDG du groupe fixe le cap : s’implanter dans les économies africaines, séduire le grand public et développer une véritable stratégie de banque universelle.

Propos recueillis par

d

frédériC MAury

iscret, Mohamed Bennani l’avait été jusqu’à présent. Le patron du groupe Bank of Africa (BOA), nommé PDG en janvier 2011, entre dans la lumière médiatique en accordant à Jeune Afrique son premier entretien depuis sa prise de fonctions. Le moment est propice: BOA est à présent le premier contributeur aux bénéfices du marocain BMCE Bank, son actionnaire majoritaire (68,55 % des parts). En trois ans, le produit net bancaire a bondi de 77 %, les profits de 62 %, le nombre de comptes a doublé et celui des agences a progressé de 71 %. Les fonds propres, très modestes il y a quelques années, dépassent désormais les 450 millions d’euros. Pour le groupe bancaire panafricain, beaucoup de choses se jouent maintenant. Le succès futur de BOA dépendra en effet de sa capacité à développer enfin une véritable stratégie de banque universelle: bancariser, fidéliser le grand public d’un côté, servir au mieux les entreprises de l’autre. Les plans sont là. Reste à faire adhérer les 4 900 collaborateurs à ce nouveau modèle tout droit inspiré des banques marocaines, grâce auxquelles une personne sur deux dispose aujourd’hui d’un compte dans le royaume, contre une sur quatre il y a dix ans. Développements au Cameroun, au Nigeria ou en Guinée équatoriale, maîtrise des risques, retrait des banques françaises, panafricanisme… Mohamed Bennani nous a reçu dans les locaux parisiens du groupe, à deux pas de la place Vendôme. jeune afrique

jeune Afrique : Vous êtes à la tête de Bank of Africa depuis deux ans maintenant. quelle a été votre priorité durant cette période ? MohAMed BennAni: Avant d’en prendre la tête,

je connaissais Bank of Africa depuis 2008, année où j’ai été nommé administrateur. Je le suis également pour la plupart de ses filiales depuis 2010. Aussi avais-je conscience des points forts et des faiblesses du groupe. Et nous avions les idées claires sur les actions à entreprendre rapidement, des quick wins, et sur les plans à mettre en place, pour assurer dans de bonnes conditions la transposition du modèle de banque universelle de BMCE Bank. des exemples pratiques ?

Nous avons adapté et précisé la politique de collecte et de rémunération des dépôts à terme, ce qui s’est traduit rapidement par une baisse des charges. Nous avons spécialisé les réseaux en distinguant des équipes consacrées à la banque de détail et d’autres aux entreprises. Nous avons enrichi la palette des produits destinés aux particuliers et ouvert des centres d’affaires pour les entreprises.

J’avais conscience des points forts et des faiblesses du groupe. Ce fut un changement dans la continuité ou dans la rupture ?

Les deux à la fois. La continuité car quelque chose de solide a été construit avec des équipes engagées de qualité. Il a surtout fallu leur apprendre à travailler ensemble. Nous avions également un système informatique performant, mais perfectible, notamment sur le plan de la sécurité. Nous disposions également d’un fonds de commerce riche et diversifié, qu’il faut entretenir et développer, ainsi que d’une présence panafricaine à la fois dans les n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

117


Dossier Finance pays francophones et dans les pays anglophones, dans l’ouest comme dans l’est de l’Afrique. Le changement a principalement porté sur la mise en place d’un business model axé sur le développement de la banque de détail et de proximité et sur le renforcement de la corporate bank, avec une nouvelle approche de la relation avec la clientèle et de la gestion du risque. De nouvelles pratiques commerciales et managériales ont été instaurées.

Sylvain Cherkaoui pour J.a.

118

En prenant les commandes du groupe, avez-vous eu de mauvaises surprises ?

Non, pas vraiment, car avant d’acquérir en 2008 une participation au capital de BOA Group, une due diligence [un audit] a été menée. En outre, un cadre de BMCE Bank y a été détaché à partir de juin 2008 en tant que directeur général adjoint.

p Le siège de la filiale sénégalaise.

Globalement, les équipes sont restées stables ?

Il n’y a pas eu de changement au niveau des directions, mais les structures centrales vont être complétées prochainement et des cadres marocains viennent occuper certains postes. Je suis très satisfait des équipes. Mon objectif est surtout de les faire adhérer à un certain modèle de groupe, centré sur la bancarisation.

Pourquoi BOA n’est-il pas présent dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ?

NousrecherchonsuneopportunitéauCameroun depuisplusdequatreans,sanssuccès.Nousdéposons début mai [entretien réalisé le 30 avril, NDLR] une demandedelicenceauprèsdesautoritésmonétaires. Notre maison mère BMCE Bank y est présente, elle, depuis 2000 via sa filiale BMCE Capital. Et elle est au Congo depuis 2004, via la Congolaise de banque.

Depuis l’année dernière, toutes les filiales du groupe sont dotées de programmes triennaux. Quelles en sont les grandes lignes ?

Ils visent le développement de la banque de détail – à travers l’extension du réseau –, l’ouverture massive de comptes, la fidélisation des clients, une palette de produits de plus en plus riche et variée, une qualité de service sans cesse améliorée, la formation et la motivation financière des collaborateurs… Ainsi que le développement du portefeuille des crédits aux particuliers et aux entreprises. Jusqu’à présent, les fonds étaient investis dans des bons du Trésor. Nous voulons insuffler une culture du risque et d’intermédiation de crédit. Enfin, nous visons une meilleure maîtrise des charges et la professionnalisation de la fonction recouvrement. Une banque doit-elle être aux deux ou trois premiers rangs dans les pays où elle opère ?

Nous avons une stratégie différente qui ne vise ni le classement ni la part de marché. La banque, ce n’est pas une question de compétition, car l’objectif premier est d’avoir un établissement solide. Nous ne sommes pas dans la course à la taille. À de rares exceptions près, comme Madagascar ou le Bénin, BOA fait rarement partie du trio de tête…

Nous sommes deuxième au Niger et au Burkina Faso. Ce n’est pas la place sur le podium qui nous intéresse, mais plutôt la taille critique par rapport au potentiel d’un marché donné. Raison pour laquelle nous allons à l’avenir nous développer plus rapidement au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

Ghana, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie. Quant aux grands financements, nous y participons par le biais de la syndication [prêt consenti par un groupement de plusieurs établissements] entre les différentes banques du groupe.

BOA en chiffres (au 31/12/2012) 450 millions d’euros

de fonds propres

4,38 milliards d’euros de total de bilan

300,8 millions d’euros de produit net bancaire

56,2 millions d’euros de résultat net

1,43 million de comptes

370 agences 4 900 collaborateurs 16 pays

Pourquoi cette banque congolaise ne rejoint-elle pas BOA ?

Parce que BMCE n’en est qu’un actionnaire minoritaire et que les autres actionnaires ont leur propre stratégie de développement. Ils nous accompagnent d’ailleurs au Cameroun. Allez-vous racheter la filiale de Société générale en Guinée équatoriale ?

Au moment où je vous parle, nous sommes d’accord sur 90 % des points.

De manière générale, êtes-vous satisfait de la politique d’implantation de BOA ?

Très satisfait, en raison de la présence du groupe aussi bien dans les zones francophones qu’anglophones, à l’est comme à l’ouest. Lorsque nous nous sommes implantés au Ghana, il a été très facile de constituer des équipes grâce à notre présence plus ancienne dans d’autres pays anglophones. Vous vous êtes implanté dans des petits pays. Était-ce une bonne idée ?

Dans un pays comme Djibouti, il est difficile de faire fonctionner notre business model, mais c’est la porte vers l’Éthiopie. Chaque cas est unique.

Allez-vous acquérir la filiale de BNP Paribas aux lll Comores ? jeune afrIque


Axé sur les activités locales Connecté au reste du monde Engagé plus que jamais

Rester au sommet n’est pas juste une question de temps. C’est une question d’engagement permanent. Cet engagement nous l’avons démontré en étant présent aux côtés de nos clients au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en République Démocratique du Congo, au Gabon et au Sénégal où nous offrons aux entreprises, institutions et gouvernements que nous servons, l’élan nécessaire pour atteindre leurs objectifs. Nous l’avons fait pendant quatre décennies et aujourd’hui, nous restons plus que jamais déterminés à tenir nos promesses.

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120

Dossier Finance l l l Nous étions sur le point de le faire, mais l’accord n’a finalement pas été possible. C’est un pays intéressant pour la clientèle de la diaspora en France.

Confirmez-vous l’introduction en Bourse du groupe BOA ? Où ?

Le sujet est régulièrement évoqué lors de nos conseils d’administration. Ce sera fait quand nous aurons atteint une certaine taille à l’échelle du continent et terminé de mettre de l’ordre dans nos participations. Le choix de la place ou des places sera fait le moment venu.

Vous continuerez donc à vous installer dans des petits pays ?

C’est possible. Mais notre volonté est d’abord de nous implanter dans des pays à forte population, où notre business model de banque universelle peut beaucoup apporter.

Comment analysez-vous le retrait des banques françaises et la montée des banques africaines, notamment marocaines et nigérianes ?

Donc, après le Cameroun, le Nigeria ?

Pourquoi pas. Nous y étudions des dossiers.

Les banques françaises sont toujours là et sont encore leaders sur certains marchés. En réalité, si certains groupes se sont retirés, partiellement ou totalement, c’est plutôt lié à une réglementation européenne de plus en plus stricte sur une zone encore considérée comme à risques… Les banques nigérianes, elles, ont été agressives ces dernières années, mais la nouvelle réglementation de la Banque centrale du Nigeria sur les fonds propres les oblige à revoir leur stratégie. Elles ont encore beaucoup à faire chez elles, en particulier dans la banque de détail. Quant aux banques marocaines – grâce notamment aux bonnes initiatives de Bank Al-Maghrib, la banque centrale du Maroc –, elles sont plus rigoureuses dans la gestion des risques et ont acquis un réel savoir-faire dans le financement de projets et la gestion de fonds d’investissement, mais également en matière de bancarisation. Leur modèle mérite d’être exporté et adapté aux pays subsahariens.

Le panafricanisme reste votre stratégie ?

Oui, cela ne changera pas. Nous avons un homme à la tête du groupe, le président Othman Benjelloun, qui a une véritable passion africaine. Depuis deux ans, l’agence de notation Fitch souligne le niveau insuffisant des fonds propres de certaines de vos filiales et la concentration des risques. N’est-ce pas le problème des banques subsahariennes en général ?

Fitch se réfère à BOA Niger où, effectivement, nousétionsassezjustesenmatièredefondspropres. Mais les choses changent. Une augmentation de capital a été décidée il y a quelques jours. Ailleurs, nous respectons les ratios réglementaires, mais nous nous fixons aussi des ratios internes qui se rapprochent des normes internationales. D’ailleurs, notre plan 2013-2015 prévoit une augmentation de capital de la majorité des filiales bancaires pour une enveloppe globale de plus de 80 millions d’euros. En ce qui concerne la concentration des risques, nous respectons les ratios réglementaires dans chaque pays. Cela étant, ce phénomène est général et atteint toute la profession en raison du nombre limité de clients utilisant des crédits importants.

Comment les banques africaines peuvent-elles enfin atteindre les niveaux de bancarisation que connaît le Maroc par exemple ?

Vous approuvez donc la volonté d’un nombre croissant d’autorités de contrôle d’augmenter le capital requis ?

L’apport des actionnaires constitue à peine 10 % à 12 % des risques que prennent les établissements bancaires, le complément étant principalement constitué par les dépôts de leurs clients, qui leur font confiance. Il est donc normal que ce métier soit régulé et contrôlé pour protéger leurs intérêts, mais également pour assurer la pérennité du système bancaire et donc du financement de l’économie.

Seriez-vous prêt à accueillir de nouveaux partenaires au capital de BOA ?

Nous sommes très satisfaits de notre actionnariat actuel mais, compte tenu de nos ambitions de croissance, interne comme externe, à l’échelle du continent, d’autres investisseurs pourraient être appelés à participer au développement de notre groupe. n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

p Le groupe multiplie les initiatives pour bancariser la population.

C’est un travail à plusieurs: les administrations, les banques centrales, les banques, les entreprises privées et publiques. Au Maroc, le développement pr du logement économique – et son financement par les établissements bancaires, avec l’appui des autorités et grâce à l’adaptation de certains ra ratios réglementaires – a été déterminant pour la ban bancarisation des citoyens. L’Europe, premier partenaire de l’Afrique, est en crise. La Chine a ralenti en 2012. Le ressentez-vous?

Oui. Et cela confirme le fait que l’Afrique et les Africains doivent compter davantage sur eux-mêmes et avoir confiance chacun dans leur pays et dans leur avenir. Les grands groupes privés nationaux devraient constituer le moteur de l’investissement. Au Maroc, les autorités, les banques et les opérateurs économiques sont réellement disposés et préparés à accompagner le développement et l’essor de notre continent à travers l’investissement, les échanges commerciaux, la formation et le partage de leur savoir-faire et de leur expérience. l jeune afrIque


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TRUTH WELL TOLD


Dossier

122

Expansion régionalE

Au Nord, tous!

Après les marocains et les nigérians, les groupes sud-africains partent à la conquête des marchés subsahariens à fort potentiel. Une voie déjà défrichée par le premier d’entre eux, Standard Bank.

E

intensité de la concurrence, notamment dans les pays francophones, et les bas taux de bancarisation sont autant d’éléments qui rendent attractives les perspectives de rentabilité », explique Laureen Kouassi Olsson, directrice d’investissement chez Amethis Finance. classE moyEnnE. Mais ce n’est

pas tout. D’après le cabinet de conseil Bain & Company, la montée en puissance de la classe moyenne (au Nigeria, par exemple, elle comptera 20 millions de ménages supplémentairesen2030)etledéveloppement du commerce régional (qui devrait progresser de 25 % par an d’ici à 2014, contre 15 % par an jusqu’àprésent)offrentdenouvelles

q Le numéro un de la nation Arc-en-Ciel s’est lancé à l’assaut de l’Afrique de l’Ouest dès 1999.

opportunités aux établissements bancaires. De quoi attiser l’intérêt des groupes africains basés sur les marchés plus matures que sont le Maroc et, plus récemment, l’Afrique du Sud. « Après avoir tenté, en vain, de se développer sur les marchés émergents situés hors du continent [Standard Bank a mis un terme à ses ambitions au Brésil, en Argentine, en Russie et en Turquie, NDLR], les banques sud-africaines ont finalement compris que le continent est devenu un véritable relais de croissance»,expliqueCyrilleNkontchou, associé gérant d’Enko Capital. Cela n’a donc guère été une surprise lorsque, en mars dernier, le quatrième acteur de la

NaashoN Zalk/BloomBerg via getty images

n matière d’activité bancaire, les régions occidentale et centrale du continent sont bel et bien des terreaux fertiles : Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD) chargée du secteur privé, l’affirme dans une étude qu’elle s’apprête à publier. D’après cette enquête, à paraître dans la revue de l’institution, ces deux régions offrent les rentabilités les plus élevées de toute l’Afrique, avec des taux respectifs de 28,3 % et 23,8 %, soit près du double des chiffres enregistrés en Afrique du Nord (12,7 %) et en Afrique du Sud (12,5 %). « Même si l’environnementréglementaireresteperfectible dans la plupart de ces États, la faible

n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

jeune afrIque


DES CIBLES COMMUNES: L’AFRIQUE CENTRALE ET L’AFRIQUE DE L’OUEST nation Arc-en-Ciel, Nedbank, a annoncé son intention de convertir en actions le prêt de 213 millions d’euros qu’il avait accordé en novembre 2011 à Ecobank Transnational Incorporated (ETI), basé au Togo. Cette opération lui permettra de détenir 20 % du groupe panafricain présent dans trente-deux pays du continent, accroissant ainsi son influence au sud du Sahara. Installé dans seulement cinq pays d’Afrique australe (hors Afrique du Sud), Nedbank est déterminé à avancer ses pions dans la région. L’établissement – qui a vu son profit augmenter de 21,4 % en 2012 pour atteindre 7,5 milliards de rands (670 millions d’euros) – entend porter, dans les trois à quatre prochaines années, le nombre de ses implantations à une dizaine.

Total de bilan 2011 des principaux établissements en phase d’expansion

Maroc Attijariwafa Bank – 30,8 milliards € Banque populaire – 21,3 milliards € BMCE Bank – 18,7 milliards €

Nigeria First Bank of N. – 13,4 milliards € UBA Group – 9,1 milliards € GT Bank – 7,6 milliards €

acquisitions. Il sera alors encore

bien loin du leader sud-africain, Standard Bank. Implanté dans l’est et le sud du continent depuis plusieurs décennies, le groupe a commencé son offensive en Afrique de l’Ouest dès 1999 avec l’acquisition au Ghana de 93 % d’Union Mortgage Bank (rebaptisé Stanbic Bank Ghana). Une présence qu’il a étendue à la Côte d’Ivoire, avec l’ouverture d’un bureau de représentation en 2001, puis au Nigeria, via la prise de contrôle d’IBTC Chartered Bank en 2007. Pour Standard Bank, dont 12,3 % des profits proviennent aujourd’hui de ses filiales situées hors d’Afrique du Sud, il s’agit désormais de renforcer ses positions dans les pays en forte croissance économique. L’Afrique de l’Ouest, notamment le Nigeria et le Ghana, est également la principale cible de FirstRand. Le sud-africain a conclu en 2012, pour 750 millions de rands, l’acquisition de Merchant Bank Ghana, mais n’a pas eu de succès au Nigeria, le plus important marché de la sous-région avec plus de 160 millions d’habitants. Il y a obtenu un agrément pour mener son activité de banque d’investissement, mais a échoué dans sa tentative d’acquisition de Sterling Bank. Sizwe Nxasana, son PDG, jeune afrique

Afrique du Sud Standard Bank – 141,5 milliards € Absa – 74,6 milliards € Nedbank – 61,5 milliards € FirstRand – 58,5 milliards €

source : Jeune Afrique spéciAl finAnce

ne désespère cependant pas de trouver de nouvelles opportunités sur ce marché. Jusqu’où les banques sud-africaines sont-elles prêtes à aller dans leur expansion subsaharienne ? « Elles ont certes la plus importante puissance financière du continent et une expertise pouvant leur permettre de se démarquer de la concurrence, mais elles sont encore très frileuses quand il s’agit de prendre des risques », explique le patron d’un intermédiaire boursier à Abidjan. De fait, plutôt qu’une expansion généralisée, elles choisissent surtout de s’implanter sur les marchés à fort potentiel. D’ailleurs, Bain & Company affirme que « les grands gagnants du secteur bancaire africain ne seront pas ceux qui s’implanteront dans un grand nombre de pays mais ceux qui détiendront le leadership sur au

moins quatre marchés clés (parmi lesquels le Nigeria et le Ghana) ». Une stratégie bien différente de celle des établissements marocains, qui se sont largement déployés dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.

« Les grands gagnants seront ceux qui détiendront le leadership sur au moins quatre marchés clés. » Bain & company

Attijariwafa Bank, le plus offensif des groupes chérifiens, a ainsi réalisé une dizaine d’acquisitions au cours des cinq dernières années et n’entend pas s’arrêter là. Son patron, Mohamed El Kettani, a récemment indiquéàJeune Afrique qu’ilcompte investir près de 1 milliard de dollars (plus de 750 millions d’euros) l l l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Nabil Zorkot pour J.a.

124

montée en puissance. Le groupe Banque populaire, le numéro deux marocain, n’est pas en reste. En acquérant, l’an dernier, 50 % de l’ivoirien Atlantic Financial Group (groupe Banque Atlantique), il a indirectement pris pied dans sept pays d’Afrique de l’Ouest. « Avant de lancer une nouvelle phase d’expansion, notamment en Afrique centrale, nous nous attelons à la mise en place de synergies commerciales entre les deux groupes », n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

expliqueSouleymaneDiarrassouba, le directeur général d’Atlantic Bank International, le nouveau holding de tête né du rapprochement entre les deux établissements. « Aujourd’hui, c’est la montée en puissance des banques sudafricaines et marocaines dans le reste du continent qui retient l’attention, mais il ne faut pas oublier les nigérianes [qui représentent 70 % des actifs de l’ensemble du secteur en Afrique de l’Ouest] », rappelle un analyste d’un fonds d’investissement basé à Londres.

p Les nouveaux venus devront concurrencer les Marocains, dont Banque populaire, qui détient 50 % de l’ivoirien Banque Atlantique.

Des marchés très attractifs 30 25

28,3 23,8

Rentabilité moyenne des fonds propres des banques par région (ou pays)

20 15

13,9

10

12,7

12,5

Afrique du Nord

Afrique du Sud (pays)

5 0

Afrique centrale

Afrique de l’Ouest

Afrique de l’Est

source : « secteur privé & développemeNt » (proparco)

sur cinq ans pour poursuivre son expansion subsaharienne. Aujourd’hui présent dans vingtdeux pays, le groupe, qui vient de racheter la Banque internationale pour l’Afrique au Togo (BIA-Togo) pour environ 16 millions d’euros, a désormais dans son viseur les pays anglophones et lusophones comme l’Angola. Du côté de BMCE Bank, l’heure est au développement au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), via sa filiale Bank of Africa (BOA) déjà présente dans quatorze pays subsahariens. En 2012, 51,4 % du résultat net de la banque dirigée par Othman Benjelloun (soit 40,6 millions d’euros) ont été réalisés hors du Maroc. lll

Stoppées dans leur expansion par la crise qui a secoué le secteur dans leur pays, ces dernières, désormais assainies (lire p. 126), repartent progressivement à la conquête des marchés de la région. Certes, United Bank for Africa (UBA), implanté dans 19 pays, ralentit son expansion, et Access Bank cède plusieurs de ses filiales (dont celle de Côte d’Ivoire). Mais GT Bank, l’un des groupes nigérians qui montent, a annoncé son intention de se développer en Afrique de l’Est (Kenya, Rwanda, Tanzanie et Ouganda) dès cette année et, à partir de 2016, dans certains pays d’Afrique francophone comme le Cameroun. Il est déjà présent dans six pays de la région, dont la Côte d’Ivoire. De son côté, First Bank of Nigeria, le leader national, qui a racheté la Banque internationale de créditenRDCongoen2011,n’exclut pas de nouvelles acquisitions en Afrique de l’Ouest. Son directeur général, Stephen Olabisi Onasanya, a ainsi déclaré dans la presse locale: « Notre stratégie est avant tout de dominer notre marché domestique et ensuite de nous déployer dans quelques pays ouest-africains. » Tout comme les Sud-Africains. l stéphane Ballong jeune afrIque



Dossier Finance à nationaliser trois établissements menacés de faillite (Afribank, Spring Bank et Bank PHB), histoire de les aider à remplir dans les temps impartis les critères mis en place pour assurer la stabilité du système bancaire. De bons résultats qui lui ont valu de multiples distinctions. Cet inconditionnel de la discipline budgétaire sera coup sur coup désigné « meilleur gouverneur de banque centrale au monde » par The Banker en 2010 et personnalité africaine de l’année par le magazine américain Forbes en 2011.

Portrait

Le tsunami Sanusi À un an de la fin de son mandat, le gouverneur de la Banque centrale du nigeria a annoncé qu’il ne se représenterait pas. Retour sur le parcours de celui qui a redressé le plus important secteur bancaire d’Afrique de l’Ouest.

I

l est connu pour ses positions tranchées, comme l’ont rappelé ses récentes déclarations sur le néocolonialisme chinois en Afrique. Mi-mars, Sanusi Lamido Sanusi s’en était pris aux méthodes « impérialistes » de la Chine sur le continent, plaidant pour une réflexion économique intransigeante. L’intransigeance, c’est bien ce qui caractérise ce Nigérian de 51 ans qui n’a pas hésité à s’attaquer aux puissants banquiers du pays ni à prendre des positions impopulaires, soutenant notamment la décision gouvernementale, début 2012, de ne plus subventionner les carburants. Alors que son mandat s’achève en juin 2014, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, qui a d’ores et déjà annoncé qu’il n’en briguera pas un second, restera dans les annales comme celui qui a permis au secteur bancaire du pays de se relever. dIscIplIne. À son entrée en fonc-

tion, il y a quatre ans, les banques du pays traversaient une crise provoquée par d’énormes créances douteuses – 40 % de leurs prêts ayant été accordés au mépris des règles usuelles de gestion des risques à des courtiers et à des particuliers. En août 2009, un audit général du secteur ayant mis à nu la toxicité du système, Lamido Sanusi entame une véritable croisade anticorruption ainsi qu’une opération de sauvetage des 24 banques au bord du gouffre. Pour leur permettre n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

soutIen aux agrIculteurs.

Jérôme Favre/BloomBerg via getty images

126

p Il a été directeur de la gestion des risques pour United Bank for Africa puis First Bank of Nigeria.

d’échapper à la faillite, Afribank, Intercontinental Bank, Union Bank of Nigeria, Oceanic Bank et FinBank seront ainsi renflouées avec 600 milliards de nairas (2,6 milliards d’euros). Huit directeurs généraux seront limogés, voire poursuivis en justice pour avoir placé leurs établissements en difficulté à la suite de l’octroi de prêts allant contre des règles prudentielles en place. « Obtenir des condamnations à l’encontre de ces individus riches et puissants a envoyé un signal fort à travers le pays : celui de la fin du temps de la corruption », déclarait-il alors au mensuel économique The Banker. Un traitement de choc qui a payé : en septembre 2009, Sanusi Lamido Sanusi était en mesure d’affirmer que 15 des 24 banques nigérianes survivraient à cette purge. Même s’il a été amené deux ans plus tard

profil • Né le 31 juillet 1961 • Diplômé en économie de l’université AhmaduBello de Zaria (Nigeria) en 1981 • Enseigne l’économie dans la même université de 1983 à 1985 • Débute sa carrière bancaire en 1985 chez Icon Limited (Merchant Bankers) • Nommé gouverneur de la Banque centrale du Nigeria le 3 juin 2009

Mais ce fils de diplomate ne s’est pas uniquement focalisé sur le redressement du secteur bancaire. « Il est essentiel pour le développement et pour la stabilité du système financier de prêter à l’économie réelle », indiquait-il à The Africa Report début 2012. Face aux résultats décevants du pays en matière d’agriculture, il met en place un programme d’assistance technique et de partage des risques agricoles, baptisé Nirsal (Nigerian Incentive-based Risk Sharing System for Agricultural Lending), lancé en novembre 2011. Objectif : encourager les banques à prêter aux agriculteurs. Et la mesure commence à porter ses fruits. « Il y a quatre ans, le secteur agricole représentait moins de 1 % du portefeuille des banques ; l’an dernier, cette proportion est passée à 4 %. Nous avons débloqué plus de 300 milliards de nairas pour l’agriculture, mais nous pouvons faire mieux », indiquait-il en janvier dernier. À un an de sa sortie de scène, ce dirigeant aussi réservé que déterminé peut notamment se targuer d’avoir stabilisé le cadre macroéconomique du pays avec un taux d’inflation inférieur à 10 %, mais aussi d’avoir créé un fonds de microfinance doté de 1,3 milliard de dollars (1 milliard d’euros) ou encore d’avoir élaboré une « stratégie nationale d’inclusion financière » pour atteindre un taux de bancarisation de 80 %. l Fanny rey Jeune aFrique


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La transformation

LA TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE EST AU CŒUR DE LA STRATÉGIE À DIX ANS DE LA BAD.

PUBLI-INFORMATION

L’Afrique à l’heure de la transformation économique Pour maintenir une croissance à haut niveau qui puisse bénéficier à l’ensemble de la population et permettre de réduire significativement la pauvreté, le chômage des jeunes et l’inégalité entre les sexes, le continent doit définir son propre modèle de développement. Capitaliser sur les efforts entrepris depuis une décennie ne suffira pas. Il faut, dès maintenant, bâtir les nouvelles politiques et structures qui favoriseront la création d’emplois.

■ L’Afrique est aujourd’hui en mesure de relever de nouveaux défis économiques. La tâche est immense, mais les perspectives sont exaltantes. Il faut donner plus de place à l’industrie et à l’entreprise, tout en les dotant des moyens de créer davantage de richesses et d’emplois, mais aussi dompter les perspectives d’une croissance irréfléchie, nuisible à l’environnement et qui ne profiterait qu’à un petit nombre. ■ L’Afrique doit saisir cette chance et montrer au monde qu’elle est capable d’inventer et de mettre en place un modèle de développement innovant, à la mesure des défis qu’elle doit relever. La tâche est d’autant plus ardue, qu’elle doit faire face à des handicaps qui sont certainement plus importants et plus nombreux que ceux qu’ont connus d’autres régions par le passé : infrastructures insuffisantes, déficit d’éducation, ou encore faiblesse de l’intégration régionale. ■ Pour prendre en compte toutes ces ambitions et décider des grandes orientations qui soutiendront ses actions et sa stratégie dans les années à venir, le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) a placé l’année 2013 sous le thème de « La transformation structurelle de l’Afrique ». Au cœur des réflexions et des publications du Groupe de la BAD, cette thématique a également fait l’objet de débats et de concertation avec tous les partenaires de l’institution.

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Lutter contre la pa uvre

té En dépit de sa cro issance économiqu e soutenue, l’Afriqu e ne parvient pas à stopper la progress ion de la pauvreté. Depuis 2000, le PI B par habitant a progressé de 3,2 % par an sur le continent. Mais la hausse est de seulement 1,7 % po ur les plus pauvre s.

Les politiques économiques africaines se décident aujourd’hui

PUBLI-INFORMATION

Au sortir d’une décennie de forte croissance, les conditions sont réunies pour donner une nouvelle impulsion au développement de l’Afrique. ■ Toutes les prévisions convergent : l’Afrique est, avec l’Asie, le moteur du développement économique de la prochaine décennie. Pour le continent, il s’agit d’une situation inédite. Pour les pays africains, elle représente une opportunité exceptionnelle de combattre définitivement la pauvreté et de converger avec le reste du monde. Si de nombreux obstacles doivent être surmontés sur ces nouveaux chemins de la croissance, les perspectives sont impressionnantes : en 2040, l’Afrique disposera de la plus importante – et la plus jeune – population active au monde : près de 1,2 milliard de personnes. Une chance unique de prendre une nouvelle part dans la distribution de richesses mondiales. ■ Pour la saisir, l’emploi des Africains en âge de travailler constitue l’objectif majeur que tous doivent s’accorder à atteindre. Leurs conditions de vie devront leur permettre de s’épanouir, d’éduquer leurs enfants et de subvenir aux besoins de leur propre famille. Au même moment, la proportion de la population africaine dépendante sera plus élevée sur le continent

que dans aucune autre région émergente. C’est dès aujourd’hui que ces futurs emplois doivent être créés. ■ La vitalité économique qu’affiche le continent depuis plus d’une décennie permet d’affirmer que les conditions sont réunies pour relever les nouveaux défis qui s’imposent. Grâce à la diversification de ses marchés et de ses partenaires internationaux, l’Afrique vit une croissance ininterrompue depuis 1995, en accélération depuis 2010. Le paysage économique africain s’est radicalement transformé. L’absence de ressources naturelles dans un pays n’est pas, automatiquement, synonyme de pauvreté. A l’inverse, l’abondance de ressources naturelles n’est pas non plus toujours un passeport pour la prospérité. ■ Ces métamorphoses sont, incontestablement, le résultat de l’important travail de réformes en profondeur entrepris par les gouvernements africains. Ceux-ci ont réduit leur endettement de manière drastique, Ils ont géré et orienté leurs ressources budgétaires et mis en place les fondamentaux d’une croissance basée sur les matières premières et le commerce extérieur. Il leur faut maintenant créer les conditions d’une croissance durable, créatrice de richesses et d’emplois, capables de respecter deux conditions : • réduire les inégalités – une croissance inclusive, • respecter l’environnement – unecroissanceverte.

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Accélérer la croi ssance

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La transformation

Parce qu’elle s’acc ompagne d’une augmentation de la population dépendante, la prog ression de la population active en Afrique fixe un impératif de dévelop pement immédiat : la croissance écon omique doit être plu s rapide que la croiss ance démographiqu e.

Les défis de la transformation économique Il appartient aux pouvoirs publics africains de définir des politiques économiques volontaristes et de les mener sur le long terme à l’échelon national, régional et continental. ■ Pour s’attaquer à la pauvreté, au chômage des jeunes et aux inégalités entre les sexes, et créer aujourd’hui les emplois qui permettront l’épanouissement de sa population active, l’Afrique doit définir et piloter elle-même son programme de développement économique. Individuellement et collectivement, les pays africains doivent tirer le meilleur parti des matières premières, minières et agricoles, dont le continent est richement doté – tout comme des cours élevés de ces ressources à l’échelle mondiale. Cette création de plus-value résultera de politiques économiques d’envergure, visant une industrialisation massive du continent. ■ L’industrie agroalimentaire est déjà l’un des secteurs manufacturiers les plus avancés en Afrique. La plupart des pays ont une industrie de transformation des matières premières primaires mais, le plus souvent, celle-ci souffre de l’insuffisance de la production agricole locale et d’un manque d’investissements et de débouchés. La

transformation des hydrocarbures et des produits miniers constitue une autre voie prometteuse. Par la création de valeur ajoutée et l’établissement de liens avec d’autres secteurs, notamment l’énergie et les transports, cette activité est fortement créatrice d’emploi et de richesses. Ses bénéfices ne seront pas seulement pécuniaires, vu que développer une industrie moderne et porteuse a aussi des retombées positives sur les capacités technologiques et commerciales. ■ Les pouvoirs publics africains ont un rôle fondamental à tenir dans la définition et la mise en place de ce modèle de développement. Il leur faudra naviguer avec adresse entre interventionnisme et appui à l’économie et à l’industrie. Des politiques interventionnistes sont nécessaires, par exemple celles qui visent à restreindre l’exportation de produits bruts. En complément, une politique économique et industrielle résolue et audacieuse est essentielle. Elle doit tout à la fois veiller aux capacités des entreprises locales, promulguer le cadre réglementaire favorable aux investissements et aux exportations et développer les compétences humaines et les capacités financières et technologiques sur plusieurs générations. ■ Pour toutes ces raisons, une politique économique et industrielle innovante ne peut, à l’évidence, être portée par un seul ministère, ni par un seul État. Elle nécessite la mobilisation et la coordination de toutes les composantes du pays, de l’éducation au commerce, en passant par la finance et l’industrie. Elle ne peut se concevoir, ni réussir, en dehors d’un contexte régional, sinon continental. L’Afrique recèle un potentiel commercial immense. Il y a, encore aujourd’hui, beaucoup trop de matières premières qui quittent le continent, pour y revenir plus tard – et plus chères – sous forme de produits finis.

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La BAD, la Comm ission de l’Union africaine et la Com mission économique des Nations Unies po ur l’Afrique coordonn ent leurs efforts pour mieux appuye r la transformation socio-économiqu e de l’Afrique. Ils sont également co nvenus de renforc er leur collaboration pour appuyer la réalisation de ce tte vision.

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Coordination avec et les Nations Unil’UA es

Les infrastructures, le capital humain, le développement durable et la régionalisation font partie des priorités de réflexion et d’action de la Banque africaine de développement.

50 km, a transformé la vie de plus d’un million de personnes. En Afrique de l’Ouest, le projet routier d’intégration régionale nommé Corridor BamakoDakar par le Sud, long de 800 km, a réduit de 200 km la distance entre les deux villes et simplifié la circulation des personnes et des biens. Les infrastructures scolaires, de santé et d’accès à l’eau, ont été améliorées le long du tronçon.

■ Une politique de développement économique, aussi inventive soit-elle, ne saurait être efficace sans être accompagnée d’une accélération des investissements. Ceux-ci doivent participer à la modernisation, l’industrialisation et à la diversification de secteurs prioritaires pour la croissance, comme l’agriculture – qui représente le plus important potentiel de création d’emplois. Ils doivent également contribuer à l’essor de toutes les activités liées au développement économique, à l’instar des infrastructures et de l’éducation.

■ Investir dans les infrastructures constitue la priorité numéro un en Afrique. La production d’électricité, les moyens de transport et même les réseaux de télécommunications ne sont pas, aujourd’hui, à la hauteur de ce qui est nécessaire pour concrétiser l’industrialisation des matières premières agricoles et minières du continent. Dans ce domaine, la volonté politique de chacun des États est bien réelle. Mais est-elle véritablement suivie d’effet ? La transformation économique et structurelle de l’Afrique doit s’exercer dès ce niveau et dès à présent. Il appartient aux États de définir de nouveaux cadres institutionnels pour faciliter la mise en œuvre des projets d’infrastructures et de s’accorder entre eux, à l’échelon régional, pour que ces cadres institutionnels soient applicables et capables de mener à bien les grands projets et leurs financements. Ainsi, il sera possible de relier les hommes, de faciliter la circulation des marchandises et même de lutter contre la pauvreté en améliorant l’accès à l’eau, à l’assainissement, à la santé et à l’éducation.

■ La bonne gouvernance, une politique socioéconomique favorable et déterminée, une vision de développement à long terme : lorsque ces trois conditions sont réunies, les résultats ne se font pas attendre. Les exemples se multiplient à travers le continent, du Sénégal à la Tanzanie, du Niger à la République démocratique du Congo. Le Cap-Vert a vu son revenu par habitant passer de 175 dollars à 3 500 dollars en trente ans ; 95 % de sa population a accès à l’électricité. Au Kenya, l’autoroute Nairobi-Thika, construite sur

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La BAD s’engage pour la transformation structurelle de l’Afrique


Dossier Finance

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Lubumbashi par TMB », affirme, de son côté, Oliver Meisenberg. Né en RD Congo, ce dernier sait de quoi il parle : avant de diriger la TMB, il a été, entre 2005 et 2008, le directeur général et l’architecte de ProCredit au Congo. « Comme je voulais m’adresser à la masse, c’était à moi de m’adapter au milieu, explique Robert Levy, actionnaire avec sa famille à 95 %. J’ai donc proposé une formule très simple : il suffisait d’une pièce d’identité et d’un dépôt minimum – qui n’est plus nécessaire aujourd’hui – pour ouvrir un compte. Au début, l’argent tombait facilement. »

TMB

transforMation. Très vite, la

p Le siège, à Lubumbashi. RD Congo

Trust Merchant Bank ou l’histoire d’un pionnier En neuf ans d’existence, la première banque de détail congolaise est parvenue à monter le plus grand réseau du pays.

M

i-mai, en ouvrant son agence au Katanga (Kasaï-Occidental), la Trust Merchant Bank (TMB) a mis la dernière main à son projet d’expansion géographique, entamé en 2009. Elle devient du même coup la seule banque présente dans chacune des onze provinces congolaises. Fondée en 2004, la TMB, qui affiche un total de bilan de 295 millions d’euros, est déjà la quatrième banque du pays. Surtout, elle se targue de posséder le premier réseau de l’État, soit 65 agences et guichets. Résultat, sur les 2 à 2,5 millions de comptes en banque de RD Congo, elle en détient quelque 400000, devançant ses deux principales concurrentes dans la banque de détail, ProCredit, filiale locale d’une banque allemande, et la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac). La TMB, forte d’un résultat net de 872 000 euros, est née à Lubumbashi, au Katanga, sous jeune afrique

l’impulsion de Robert Levy. Âgé d’à peine plus de 30 ans, il se lance dans l’aventure au lendemain de la guerre civile, après avoir été agent de change pendant dix ans. Une expérience qui lui a ouvert les yeux sur le potentiel de l’activité bancaire en RD Congo: « Avant notre arrivée, le métier de banque de détail était ignoré. Les établissements s’adressaient seulement aux entreprises et aux personnes fortunées. Que les gens ne puissent pas avoir de compte bancaire me révoltait ! » C’est ainsi que, lorsque la Banque centrale baisse ses exigences de fonds propres à 1,5 million de dollars (1,19 million d’euros), il emprunte de l’argent à son père et demande un agrément, accordé fin 2003. « On a avancé comme des cow-boys et on a fondé la première vraie banque de détail de RD Congo », s’enthousiasme Robert Levy.«Larévolutiondusecteurbancaire congolais était portée depuis Kinshasa par ProCredit et depuis

TMBproposesesservicesauxentreprises, dont beaucoup sont actives dans le secteur minier, ainsi qu’aux petites structures. Les actionnaires réinjectent tous les dividendes dans la banque. « Sans cette précaution, nous n’aurions pas pu financer le plan de transformation qui a permis à TMB de survivre quand la crise de 2008 a stoppé net l’économie du Katanga », explique Oliver Meisenberg. À l’époque, présente seulement dans la région minière, la banque est obligée de repenser sa stratégie. « J’atteignais mes limites », reconnaît Robert Levy. C’est alors qu’il décide de s’associer à Oliver Meisenberg. Ensemble, ils restructurent la banque, forment le personnel et, surtout, optent pour une diversification géographique. Ils espèrent ainsi multiplier le réseau par cinq en trois ans. « Cette approche entraîne des charges d’exploitationélevées,maislesbénéfices

« avant notre arrivée, les établissements s’adressaient seulement aux gens fortunés. » robert levy, fondateur de TMB

l’emportent largement », estime son fondateur. Aujourd’hui, il désire consolider ses implantations tout en continuant son expansion le long des couloirs économiques, telle la ligne de cheminde fer entre Kamina etIlebo,surlefleuveCongo.Et,pourquoi pas, sortir des frontières du pays… l nicolas teisserenc n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


132

Dossier Chinafrique

Ces banques qui œuvrent dans l’ombre

Les établissements chinois, de plus en plus actifs, appuient l’offensive économique de l’empire du Milieu sur le continent. Politique ou commercial, à chacun son rôle.

C

ela fait plus de dix ans qu’il dirige la Banque centrale de Chine, et Zhou Xiaochuan a toujours cru au partenariat sino-africain: « Notre pays est prêt à jouer un rôle encore plus actif, notamment dans le secteur financier, expliquait récemment le gouverneur de cette institution à un hebdomadaire de Shanghai. La coopération entre la Chine et l’Afrique doit permettre de réduire la pauvreté de cette dernière et d’alléger le fardeau de la dette. » Passant sous silence la véritable OPA (offre publique d’achat) menée par son pays sur le continent… Et dans cette offensive économique, les banques chinoises sont en tête. Lors de sa première tournée africaine, en mars, le président Xi Jinping était escorté par plusieurs banquiers. De passage en Tanzanie, il a annoncé le déblocage d’un prêt au continent de 20 milliards de dollars [15,2 milliards d’euros] sur trois ans. Le président a également signé un accord pour la construction d’une zone industrielle et d’un port d’une valeur totale de 10 milliards de dollars. Afflux de liquidités. Mais

qui finance ? Ces dix dernières années, l’empire du Milieu a investi plus de 75 milliards de dollars en Afrique, soit presque autant que les États-Unis. Sur cette somme, seul 1,1 milliard est considéré comme une aide au développement. Le reste consiste en lignes de crédit censées permettre à ses entreprises d’investir sur le continent. « Nous continuerons à offrir l’aide nécessaire aux Africains sans contrepartie politique », a cependant tenu n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

à préciser le nouveau président chinois, en réponse aux accusations de néocolonialisme et à l’inquiétude des Occidentaux face à cet afflux de liquidités. Et dans cette affaire, les rôles sont bien répartis : à China Exim Bank, les projets politiques. Placée sous la tutelle directe de Pékin, celle-ci est considérée comme le bras financier du gouvernement chinois – dans un rapport, l’agence de notation Fitch estime à 67,2 milliards de dollars les prêts que la banque chinoise d’importexport a accordés à l’Afrique entre 2001 et 2010, soit davantage que la Banque mondiale et ses 54,7 milliards de dollars. Elle est déjà à l’origine de 92 % des investissements financiers dans les infrastructures africaines entre 2001 et 2007. Autre « banque politique » : la China Development Bank. Elle a créé et financé le Fonds de développement Chine-Afrique qui, en cinq ans, a déjà lancé plus de soixante projets pour trente pays africains. Les activités de ce fonds, dont les investissements dépassent les 2 milliards de

u L’agence Fitch estime à 67,2 milliards de dollars les prêts accordés par China Exim Bank à l’Afrique entre 2001 et 2011.

dollars, couvrent les domaines de l’agriculture, des infrastructures, de l’industrie manufacturière, des parcs économiques et commerciaux et de l’exploitation des ressources minérales. PArtenAriAts. De leur côté, les

en AttendAnt les liCenCes CoMMerCiAles Les étabLissements bancaires du continent sont eux aussi bien présents en chine. ainsi, ecobank, First bank ou bmce bank ont toutes des bureaux de représentation à Pékin, première étape indispensable pour obtenir une licence commerciale afin d’exercer dans l’empire du milieu. Pour l’heure, aucune n’en a décroché, mais leur présence en son cœur contribue à la vitalité des échanges sino-africains. l s.l.B.

banques commerciales ne sont pas en reste. Elles financent les entreprises et les commerçants chinois, très présents sur le continent. « Au moment où les sociétés sortent du pays, elles pensent tout d’abord à Bank of China », explique ainsi Qiu Zhikun, directeur général de la succursale de la banque à Johannesburg. L’établissement opère depuis plusieurs années en Afrique du Sud et en Zambie et s’installe progressivement au Kenya, en Angola, à Maurice et au Nigeria. En outre, Bank of China prévoit de lancer progressivement – sur cinq ans environ – des comptoirs commerciaux au Ghana, au Kenya, en Ouganda, en Égypte, au Maroc et au Cameroun, afin de constituer un réseau d’institutions couvrant l’ensemble du continent. L’objectif est de fournir des services financiers aux entreprises chinoises. Industrial and Commercial Bank of China (ICBC), premier établissement mondial en termes de capitalisation boursière, est également très actif. En 2008, il a racheté 20 % jeune afrIque


ImagInechIna/corbIs

Finance

des actions de Standard Bank en Afrique du Sud, pour 5,5 milliards de dollars. Depuis, il a accordé l’équivalent de 7 milliards de

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dollars de prêts au continent et a largement renforcé la compétitivité des entreprises à capitaux chinois dans les pays africains.

Mais les relations entre la Chine et l’Afrique se traduisent aussi par des partenariats bancaires. La filiale tanzanienne d’Ecobank a ainsi signé un accord avec Bank of China pour soutenir les investissements entre l’Asie et le continent. Elle devrait également offrir en Tanzanie un service de trading du yuan, la monnaie chinoise, au moment où les échanges commerciaux entre les deux pays atteignent 2,5 milliards de dollars. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la première étape africaine de Xi Jinping était Dodoma : selon un rapport de Standard Chartered Bank, le montant des règlements transfrontaliers Chine-Afrique en yuans s’est élevé à 5,7 milliards de dollars l’an dernier. La banque sud-africaine prévoit que, d’ici à 2015, 20 % des importations et des exportations de la Chine sur le continent seront payées en devises chinoises. l SébaStien Le beLzic, à Pékin

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Définition et conduite de la politique monétaire

Émission de la monnaie

Conduite de la politique de change

Promotion de la stabilité financière

Gestion des réserves officielles de change

Promotion des systèmes de paiement et de règlement

La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) est la Banque Centrale de la CEMAC, pilier de la coopération monétaire, fleuron et socle de l’intégration dans la CEMAC.

Communiqué

La BEAC est la Banque centrale commune des six États qui constituent la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad.

semble des pays de l’UMAC et en garantit la stabilité. Sans préjudice de cet objectif, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Chargée à ce titre de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de Les 22 et 23 novembre 1972, furent signés à Brazzaville au change, de gérer les réserves officielles de change des ÉtatsCongo les accords de coopération monétaire, qui portèrent membres, de veiller au bon fonctionnement des systèmes la BEAC sur les fonds baptismaux. de paiement et de promouvoir la stabilité Précieux héritage de leurs liens 1972-2012 : Quarante ans au financière, la BEAC est un organe essenhistoriques et privilégiés noués tiel de l’intégration économique en Afrique service de l’Afrique Centrale Centrale. avant les indépendances, la BEAC témoigne de la ferme volonté des États membres de poursuivre une coopération monétaire Grâce, d’une part, à l’esprit de solidarité et de discipline mutuellement bénéfique, pilier de l’intégration dans la de ses États membres et, d’autre part, à la capacité d’adapsous-région de l’Afrique Centrale. Ce, au service de leurs tation à son environnement en perpétuel mouvement, la Peuples respectifs. BEAC continue de donner satisfaction à tous les acteurs du développement économique et social des États de la La BEAC est un établissement public international afri- CEMAC. Son efficacité, son indépendance et son autorité cain régi par ses statuts, la Convention instituant l’Union sont le gage de la confiance des populations et des entreMonétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) ainsi que la prises, africaines ou internationales, en la monnaie émise Convention de coopération monétaire passée entre la par la BEAC. En effet, le franc de la Coopération FinanFrance et les États membres de l’UMAC. cière en Afrique Centrale (franc CFA) est l’une des monnaies africaines les plus stables depuis les indépendances, La BEAC émet la monnaie unique, le franc CFA, ayant du fait, en particulier, d’une politique monétaire rigoureuse cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’en- et clairvoyante.

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Banque des États de l’Afrique Centrale


Dossier Finance

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la définition de la politique de la banque, son modèle organisationnel, ses organes de gouvernance, les profils souhaités », souligne son président, Protais Ayangma Amang.

Cameroun

Les établissements publics créent la controverse Appréhensions du secteur privé en matière de gouvernance, réserves des bailleurs de fonds… La création de banques destinées au financement des pme et de l’agriculture soulève des réticences.

Crédits poLitiques. Le proces-

t Protais Ayangma Amang est le président du mouvement Entreprises du Cameroun (E.Cam).

dr

L

e décret présidentiel nommant les dirigeants de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises (BC-PME) est déjà signé, assure une source proche de la présidence. Mais sa publication attend le feu vert de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Le régulateur vient de réclamer des « informations supplémentaires » aux autorités camerounaises, informations dont il se garde bien d’indiquer la teneur. Quant au dossier de la Cameroon Rural Financial Corporation (Carfic), la banque publique agricole en gestation, il vient tout juste d’atterrir sur son bureau. Le capital des deux institutions – de 10 milliards de F CFA chacune, soit 15,25 millions d’euros – a été entièrement libéré, d’après Alamine Ousmane Mey, le ministre des Finances. Et la BC-PME a tenu le 21 mars son assemblée générale,

suivie d’un conseil d’administration, entre autres pour adopter les statuts et sélectionner les candidats aux principaux postes. Ce qui ne manque pas de susciter des appréhensions. Certes, le mouvement patronal Entreprises du Cameroun (E.Cam), consulté, a proposé trois noms, dont l’un pourrait être retenu au sein du conseil d’administration. « Mais nous n’avons pas été associés à ce qui nous paraît le plus important :

80 % des sociétés du pays sont des PME

diAgnostiC du Fmi Auterme de sa mission au Cameroun, du 29 avril au 14 mai, le Fonds monétaire international (FmI) a souligné que le secteur financier du pays était « handicapé par un certain nombre de petites banques qui devraient faire l’objet sans délai d’une procédure de règlement ». Il a jeune afrique

encouragé les autorités à prendre rapidement des mesures, en coopération avec la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), afin de « protéger les déposants tout en limitant le coût budgétaire de ces mesures ». De leur côté, les autorités sont encouragées à accélérer

les réformes pour améliorer le climat du crédit. Principal signal positif: la nouvelle base de données pour l’évaluation de la solvabilité, qui devrait être mise à disposition des banques et établissements de microfinance en juin. l o.m.

sus de désignation des dirigeants est loin de rassurer. « Notre crainte est que cet outil extrêmement important soit confié à des mains inexpertes ou inexpérimentées, poursuit Protais Ayangma. Nous regrettons par exemple que le conseil d’administration ne compte qu’un seul membre issu du secteur privé ! Tous les autres sont des fonctionnaires représentant leur administration. » En filigrane, la peur de voir resurgir les « crédits politiques », basés sur des considérations autres que financières, qui ont conduit à la faillite le Crédit agricole du Cameroun ou encore le Fonds de garantie des petites et moyennes entreprises (Fogape). Pour l’étude des dossiers de crédit, Mathieu Mandeng, président de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Apeccam), plaide pour une alliance entre des spécialistes des domaines d’intervention de ces établissements et des banquiers de métier. À cela, poursuit-il, doivent s’ajouter les ingrédients de bonne gouvernance arrêtés notamment par le régulateur. De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) émet des réserves, mettant les autorités en garde contre « la création d’institutions financières spécialisées car, par définition, elles font intervenir des portefeuilles de prêts sectoriels vulnérables et peu diversifiés ». Une inquiétude que ne partagent pas les milieux d’affaires. « Le FMI est, comme souvent, opposé à toute initiative qui n’entre pas dans ses schémas classiques, proteste Protais Ayangma. La création de ces banques s’est imposée comme une nécessité absolue devant le refus ou l’incapacité du secteur bancaire classique de financer ces secteurs vitaux de notre économie. » Un soutien inespéré pour le gouvernement. l omer mBAdi, à Yaoundé n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Dossier Finance enseignement

Ici, on mise sur la bancarisation

Sur fond de mutations du secteur, le centre de formation de la profession bancaire apprend comment répondre à ses besoins.

L

économie du savoir est l’un des éléments clés du développement du continent. Et les banques sont un levier indispensable pour l’accompagner. Tel est le postulat qui a conduit le Centre de formation de la profession bancaire (CFPB) à miser sur l’Afrique. Cette école basée en France propose des programmes dans 20 pays du Maghreb et d’Afrique subsaharienne francophone. Si le CFPB est présent sur le continent depuis plus de quarante ans, la demande s’est accélérée ces dernierstemps.«Chaqueannée,un millier d’élèves bénéficient de nos formations africaines et ce chiffre est en progression constante », indique François-Xavier Noir, directeur du développement de l’international et de l’outre-mer. De fait, les banques du continent connaissent un besoin croissant de ressources humaines bien formées. « En termes d’offres et de services, elles se rapprochent des standards internationaux, explique Jean Bosco Rwelinyange, directeur des ressources humaines de la Cogebanque au Rwanda. Pour répondre à cette demande, les banques doivent mobiliser localement. L’Afrique reste cependant une zone spécifique, où le taux de bancarisation ne dépasse pas les 10 % dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le défi consiste donc à attirer de nouveaux clients et à mieux satisfaire leurs attentes. « L’un des moyens d’élargir l’accessibilité financière étant la microfinance, nous avons commencé à travailler sur des programmes diplômants en lien avec les associations professionnelles de ce n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

chau cuong lê

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domaine et les institutions », indique François-Xavier Noir. LisibiLité. Au-delà de ces spécifici-

tés – auxquelles on pourrait ajouter l’explosion du mobile banking –, le centre, dont l’activité africaine représente 15 % du chiffre d’affaires (d’environ 40 millions d’euros en 2012), propose des formations ouvertesauxétudiantsetauxprofessionnels dans la plupart des métiers de la banque, de l’enseignement de base à l’expertise. « Le CFPB

p L’activité africaine du centre représente 15 % de son chiffre d’affaires.

organise également des séminaires sur les grandes problématiques de formation de la profession, précise François-Xavier Noir. Notre démarche pédagogique repose sur des mises en situation professionnelle dans le cadre d’ateliers construits autour de cas pratiques. » La gamme de diplômes du CFPB dans le continent se concentre notamment sur la préparation au brevet bancaire-brevet professionnel banque (BP-BB), accessible avec un CAP banque ou un certificat d’aptitude bancaire. « Il est destiné à de nouvelles recrues ou à des collaborateurs plus expérimentés cherchant à approfondir leurs connaissances et à affiner leurs compétences », explique le directeur du développement de l’international. « Il existe d’autres centres de formation bancaire de bonne qualité au Rwanda ou ailleurs en Afrique, témoigne Jean Bosco Rwelinyange, qui a envoyé une quarantaine de cadres au CFPB. Mais l’expérience et l’expertise de ce dernier nous ont convaincus. » L’association peut aussi s’appuyer sur sa dimension panafricaine pour séduire les étudiants. « Nos diplômes sont homogènes, avance François-Xavier Noir. C’est un élément important parce que les étudiants obtiennent le même brevet au Sénégal, au Mali ou en Côte d’Ivoire. Cela offre aux banques une bonne lisibilité des diplômes et aux étudiants une mobilité dans l’ensemble de la zone. » l brice tahouk

Quatre niveaux d’apprentissage Proposés dans 20 pays, les différents cursus sont accessibles en formation initiale ou continue. Technicien

• Diplôme maîtrise et gestion des risques de crédit entreprises (Afrique): développement des connaissances techniques

Technicien suPérieur

• cycle responsable point de vente: formation courte et opérationnelle sur la performance commerciale et la conduite d’équipe

• Diplôme maîtrise et gestion des risques de crédit entreprises (Afrique): pour renforcer le rôle d’intermédiation des banques auprès des PME en assurant le suivi de la maîtrise des risques • certificat de conseiller commercial de banque: à orientation commerciale (chargés de clientèle)

encADremenT

• institut technique de banque à l’international: prise de responsabilité d’unité ou de centre de profit

exPerTise

• certificat marchés financiers: pour les responsables bancaires et financiers • master chargé d’affaires entreprises (version internationale) jeune afrIque




Dossier Finance

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Stratégie

Byblos s’aventure en terre africaine La banque libanaise cherche à se développer à l’étranger en s’implantant sur des marchés à risques. Après la RD Congo et le Soudan, elle lorgne désormais la Libye.

jeune afrique

Jamal Saidi/ReuTeRS

L

esfinancierslibanaiss’expatrient depuis longtemps, mais les banques, elles, se risquent peu hors des frontières. Étant donné son instabilité politique et les flambées de violence qui secouent le pays, plusieurs banques libanaises ont envisagé de diversifier leurs opérations à l’étranger. À commencer par Byblos Bank. Au cours de la dernière décennie, la troisième institution financière du pays a notamment jeté son dévolu sur le Soudan, l’Irak et, plus récemment, la RD Congo. Selon Sami Haddad, son président-directeur général, cela découle de la surexposition de Byblos au marché intérieur. Alors que le choix de ces marchés risqués peut sembler surprenant, l’ex-ministre libanais de l’Économie souligne que c’est précisément ce qui les rend attractifs. « Il s’agit de pays largement sous-bancarisés. Nous implanter dans des marchés isolés nous permet de nous diversifier et de faire des bénéfices. Mais nous avançons encore prudemment. » De fait, les opérations africaines demeurent limitées. Sur un total de bilan de 16,9 milliards de dollars (12,87 milliards d’euros) au cours du dernier trimestre de 2012, seuls 240 millions de dollars proviennent des filiales africaines – essentiellement du Soudan. La RD Congo, elle, ne pèse que 20 millions de dollars des avoirs de Byblos, mais cela devrait s’améliorer. En 2010, cette dernière y avait acquis une participation de deux tiers dans Solidaire Banque internationale. Familiarisée avec le pays, elle cherche à accélérer ses opérations et prête plus activement. « C’est encore un très petit marché pour nous. Mais nous allons bientôt commencer à y démultiplier notre bilan », note Sami Haddad. Par ailleurs, le Ghana et l’Angola sont envisagés, et la banque lorgne aussi

la Libye, étant donné sa manne pétrolière et son potentiel économique à long terme. En outre, forte du succès de ses trois filiales en Irak, Byblos compte en ouvrir deux autres cette année dans ce pays. « C’est l’une de nos opérations les plus rentables », souligne-t-il.

p La salle des marchés de l’institution financière, à Beyrouth.

DifficuLtés. Reste que le développement sur des marchés à risques n’est pas sans difficultés.

La note b1 accordée à l’établissement témoigne de l’inquiétude de Moody’s. L’une de ses principales opérations à l’étranger, en Syrie, a ainsi tourné au désastre. La guerre civile dans laquelle le pays s’enlise a mis KO l’économie et le secteur bancaire. Les principales banques libanaises qui s’y sont développées y sont d’autant plus actives. « Nous continuons malgré tout à envisager d’un bon œil la diversification géographique, car elle

limite la dépendance au risque souverain du Liban. Dans ces pays, les profits doivent être évalués à la lumière des risques politiques et de l’environnement opérationnel », soulignait Moody’s dans sa dernière évaluation de Byblos Bank. La note B1 accordée à la banque, bien en deçà de sa cote de crédit, est stable, mais témoigne d’une inquiétude à l’égard des marchés à risques où elle opère. « Les opérations régionales de Byblos Bank, notamment en Syrie, exacerbent les risques encourus », indique l’agence de notation. « Nous avons été durement frappés en Syrie ; nos opérations s’y sont effondrées, reconnaît Sami Haddad. Nous faisons de grosses provisions, ne prenons plus de dépôts et n’accordons plus de prêts. » De fait, près d’un tiers des prêts effectués n’ont pas été remboursés, et ce ratio devrait s’aggraver avec la prolongation du conflit. l Robin WiggLesWoRth © Financial Times et Jeune Afrique 2013 Tous droits réservés n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013



Dossier Finance

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téléphonie

Et si les établissements bancaires tiraient enfin leur épingle du jeu?

Sylvain Cherkaoui Pour J.a.

Succès pour les opérateurs, le mobile banking suscite la convoitise. Pour profiter de cette manne, les institutions veulent offrir plus qu’un soutien logistique et imaginent leurs propres solutions.

Q

uand on leur parle du développement fulgurant du mobile banking, les banquiers africains esquissent un sourire en demiteinte. Mais il faut les comprendre. Jusqu’à présent, ils n’ont ramassé que les miettes de ce merveilleux gâteau. Au Kenya, premier pays du continent à avoir expérimenté dès 2007 le paiement sur mobile avec le système M-Pesa, c’est l’opérateur Safaricom qui accumule les profits et se voit auréolé du prestige lié à la très belle réussite de l’opération : M-Pesa compte aujourd’hui plus de 14 millions d’utilisateurs. En Afrique francophone, ce sont Orange Money, MTN Mobile Money et Airtel Money qui mènent la danse, soit des services lancés par des opérateurs téléphoniques. « Ils ont été précurseurs et ont imposé leurs jeune afrique

produits aux banquiers », reconnaît sans détour Daouda Coulibaly, directeur général de la Société ivoirienne de banque (SIB). Freins. Aujourd’hui, les banques

p À Dakar, Manko s’appuie sur Yoban’tel, un service de m-paiement déployé par SGBS.

sont présentes dans le mobile banking essentiellement en partenariat avec des opérateurs télécoms

Jusqu’à présent cantonnées dans le rôle de partenaire, elles veulent leur part du gâteau. – qui ont tendance à multiplier les accords avec celles-ci. Société générale s’est associée à Telma à Madagascar et à MTN en Côte d’Ivoire. Orange Money s’appuie sur la Bicis, filiale de BNP Paribas, et, tout récemment, Ecobank et Airtel ont lancé un partenariat dans quatorze pays africains. Ces

alliances sont surtout le fruit des exigences réglementaires. Si, au Kenya, Safaricom a pu développer M-Pesa sans être adossé à une banque, il en est allé autrement dans la plupart des autres États du continent, où les opérateurs ne peuvent se lancer en solo. « La BCEAO [Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR] a imposé dès le départ que l’émission de monnaie électronique soit gérée par les banques ou par des établissements spécialisés agréés », explique Alfa Barry, qui est à la tête du département marketing de Bank of Africa. Elles se portent garantes devant la banque centrale et s’assurent de la liquidité des fonds. Chaque euro virtuel créé voit son équivalent déposé par l’opérateur sur un compte bancaire associé. Ce rôle réglementaire, bien qu’il ait sans doute bridé le développement du m-banking, qui n’a atteint nulle part les niveaux du Kenya et du Somaliland, a tout de même permis aux banques d’entrer dans le circuit. Après avoir assisté au succès de M-Pesa, elles y ont vu une activité rémunératrice, et un bon moyen de se former à ce nouvel outil. réseau étendu. Car les banques

aimeraient tenir enfin le premier rôle. Selon les pays, les taux de bancarisation en Afrique oscillent entre 5 % et 10 % de la population. À l’inverse, avec plus de 545 millions de téléphones portables en 2013, 64 % de sa population a accès au réseau mobile. C’est la région qui connaît « la plus forte croissance de l’usage du téléphone mobile dans le monde », selon l’International Telecommunications Union. « Le calcul est très simple », sourit Laurence Lallemand, spécialiste du mobile banking chez Société générale. Daouda Coulibaly renchérit : « Nous avons passé une première phase d’observation. Maintenant, il n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


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Dossier Finance faut nous lancer. Si l’on reste dans la logique actuelle, ces gens ne seront jamais nos clients. » universel. La première – et la seule pour l’instant – à être sortie du bois est Société générale, qui a lancé en 2010 au Sénégal sa propre solution, baptisée Yoban’tel. « Nous apportons le côté universel, explique Laurence Lallemand. Et notre expertise bancaire nous permet d’offrir d’autres services aux clients. » Depuis deux mois, ces derniers peuvent par exemple retirer de l’argent mobile (à l’aide d’un code secret qu’ils devront communiquer en plus de leur numéro de téléphone portable) aux distributeurs automatiques de billets de la banque. Il est également possible de recevoir de l’argent sur son compte depuis l’Europe ou encore de payer sa facture d’eau à la Sénégalaise des eaux. « Nous travaillonsaveclesgrandesentreprises

pour développer ces services. Dans le futur, on pourra verser un salaire sur un mobile, par exemple », poursuit Laurence Lallemand. Si les banques détiennent le sérieux atout de maîtriser ces produits, les opérateurs ont compris depuis longtemps l’intérêt de développer les services financiers mobiles. Orange Money a déjà son propre système de distributeurs automatiques et propose le paiement de factures, quand M-Pesa offre microépargne, microcrédit et microassurance à ses clients. Pour reprendre la main, les banques africaines aimeraient faire passer le mobile banking du m-paiementàlam-finance.Contrats d’assurance, produits d’épargne… Tous ces outils classiques disponibles dans les agences bancaires pourraient demain être proposés à un public beaucoup plus large grâce au mobile. Société générale vient d’ailleursd’ouvrirdanslequartierde

Pikine, à Dakar, la première agence Manko, un nouveau concept bancaire avec des produits simplifiés à destination des particuliers, des microentrepreneurs et des très petites entreprises, intégralement accessibles par téléphone portable. Les banques parviendront-elles à

les banques aimeraient faire passer le mobile banking du m-paiement au m-financement. imposer leurs solutions ou devrontelles rester les partenaires financiers des opérateurs ? « Si nous étions certains qu’un modèle est meilleur que l’autre, nous ne pratiquerions pas les deux », explique Laurence Lallemand. « Lancer nos propres solutions génère beaucoup plus de coûts, mais c’est important stratégiquement.Lemobileestsansdoutela banque de demain », conclut-elle. l sébastien Dumoulin

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Siège Social : Rue Alfred Marche ● Libreville, Gabon ● RCCM : 2005 B 04382 ● NIF : 790 381 / R N° Statistique : 90 381 L ● Tél. : (+241) 76 24 29 - Fax : (+241) 74 26 99 ● Site Web : www.bgd-gabon.com

© DIFCOM / CC - Paris 16

Propriétaire d’une PME de nettoyage


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Dossier

MicroFiNANcE

PlaNet Finance creuse son sillon

Formation, microcrédit, bonne gouvernance : en moins de dix ans, cette organisation de solidarité internationale a fait du continent l’une de ses principales sources de revenus.

E

lle s’invite désormais dans le top 100 des ONG internationales. En 2013, PlaNet Finance est l’une des rares françaises, avec Handicap international, à voir son nom apparaître dans le classement du magazine suisse The Global Journal. Voilà qui ne manquera pas d’agacer les nombreux détracteurs de l’organisation dirigée par Jacques Attali, ex-sherpa de François Mitterrand, et souvent décriée pour sa communication outrancière. D’autant que, à l’heure où les bailleurs de fonds se montrent plus frileux et où les financements sont revus à la baisse, le groupe s’en sort plutôt bien en Afrique subsaharienne. Contrairement à d’autres régions, où l’activité ralentit, ses revenus devraient y progresser de 20 % en 2013 par rapport à l’an dernier. En soi, rien d’étonnant, la zone étant, selon le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP) – le pôle de ressources de la Banque mondiale –, la région du monde où le pourcentage d’adultes n’ayant pas accès aux services financiers formels est le plus élevé : 88 %, contre 78 % en Asie du Sud, 60 % en Amérique latine et 8 % dans les pays de l’Organisation de coopération et n o 2732 • du 19 au 25 MaI 2013

de développement économiques (OCDE). Et PlaNet Finance a vite mesuré l’ampleur des besoins. Avec 45 projets réalisés depuis 2004, et une vingtaine en cours, le groupe a fait du continent l’une de ses terres de prédilection. Présent dans 16 pays, il y réalise 45 % de ses activités, soit 4,5 millions d’euros sur 10 au total. Parmi ses missions, PlaNet Finance assiste et forme des acteurs de la microfinance. « À certaines exceptions près, tel le Sénégal qui compte plusieurs masters sur le sujet, la formation dans ce domaine fait toujours défaut en Afrique, d’autant que, avec la naissance de services comme le mobile banking, denouveauxbesoinsapparaissent», explique Clémence Doumenc Aidara, directrice régionale Afrique

unE asCEnsion sénégalaisE Logée dans L’entité Microcred, l’activité de microcrédit de Planet Finance représentait, fin mars, un encours total de 78 millions d’euros pour 177320 clients. au sénégal, Microcred s’affiche désormais comme le quatrième acteur du secteur, avec plus de 81000 clients sur 1,6 million de personnes ayant accès au microcrédit (13 % M.C. de la population). l

de l’Ouest, Afrique centrale et océan Indien du groupe. Dans ce vaste chantier, PlaNet Finance travaille avec 42 institutions de microfinance partenaires, soit 2,2 millions de membres ou clients. Parmi les 6 000 employés de ces institutions, 250 ont été formés par l’organisation l’an dernier. Celle-ci s’appuie également sur ce réseau pour enseigner les bases de la finance et de la gestion aux microentrepreneurs. Par ailleurs, le groupe développe au Bénin, avec Sanofi, l’accès aux services d’assurance santé pour les membres des institutions de microfinance. ProfEssionnalisation. Planet

Finance tente également d’agir auprès des gouvernements, sans le soutien desquels la filière a peu de chances de s’épanouir. Le Sénégal a ainsi su mobiliser les bailleurs de fonds et faire émerger le secteur depuis plusieurs années. Et la Côte d’Ivoire aimerait en faire autant. Son gouvernement finance d’ailleurs un projet d’assistance technique mené par PlaNet Finance auprès de son ministère de l’Économie. « En Côte d’Ivoire, la demande est très forte et les besoins en maind’œuvre qualifiée sont importants, confirme Clémence Doumenc Aidara. L’activité repart, la population a envie d’entreprendre. Une loi visant à aider le secteur doit prochainement passer en Conseil des ministres. » Reste que, sans une « bonne gouvernance », ces efforts pour le professionnaliser risquent d’être vains. PlaNet Finance a donc diffusé un guide sur la transparence financière et tente de faire connaître ces principes au sein des instituts de microfinance qui émergent au Sénégal, au Bénin, au Burkina Faso et au Mali. Une initiative louable, mais encore trop peu relayée par les instances régionales, comme en témoigne le retard pris par le régulateur du secteur dans la sous-région, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), pour faire naître une centrale des risques. Et endiguer le surendettement des populations. l MarjoriE CEssaC jeune afrIque


Résultats consolidés au 31 décembre 2012

12

• 1ère banque au Maroc • Leader Panafricain de la Banque, de la Finance et de l’Assurance • Une large présence à travers 22 pays, en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient.

Total bilan

Total crédits

Nombre de clients

(USD Mds)

(USD Mds)

(en millions)

TCAM

*

% : 11,7

40,7

% * : 15,8 TCAM

43,6

2012

2007

2011

2012

Produit Net Bancaire

Résultat Net Consolidé

(USD Mds)

(USD millions)

* : 14,2 TCAM

%

% * : 14,1 TCAM 628,3

2,0

1,9

2007

2011

2012

Réseau % * : 18,2 TCAM

629,1

2 882

2 352

325,8 1 247

1,0

2007

6,2

3,3

14,1

2011

%

5,5

27,3

25,1

2007

* : 13,4 TCAM

29,3

2011

2012

2007

2011

2012

2007

2011

2012

1er acteur de la Banque d’Investissement et des activités de marché

*

Activités de marché

Intermédiation Boursière

Gestion d’Actifs

Custody

Volume Change et Obligataire de 173,3 milliards de dollars

Volume Marché Central 2,4 milliards de dollars Part de marché 30,4 %

Encours sous gestion de 8,6 milliards de dollars Part de marché 30,0 %

Encours d’Actifs en conservation de 52,0 milliards de dollars Part de marché 35,0 %

TCAM : Taux de Croissance Annuel Moyen 2007-2012 au 31 décembre 2012 : 1USD=8,439

Attijariwafa bank société anonyme au capital de 2 012 430 860 MAD - Siège social : 2, boulevard Moulay Youssef, Casablanca. Agréée en qualité d’établissement de crédit par arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 2269-03 du 22 décembre 2003 tel que modifié et complété - RC 333.

www.attijariwafabank.com


Dossier Finance Maroc

Au cœur de la salle des marchés Opérationnelle depuis plus de trois mois, la structure se consacre essentiellement à la gestion des risques financiers de l’Office chérifien des phosphates.

A

près cinq ans de test – compte tenu de la complexité du projet – et un investissement de 10 millions de dirhams (895200 euros environ), la salle des marchés de l’Office chérifien des phosphates (OCP) a démarré ses activitésdébut février. Une première pour une entreprise non financière au Maroc. Situé au siège du groupe, à Casablanca, ce service regroupe un front office, qui traite avec les marchés financiers ; un middle office, chargé, entre autres, des contrôlesquotidiensetpériodiques; et un back office, qui comptabilise les opérations au jour le jour. Pour le moment, l’équipe compte une douzaine d’employés marocains, et s’étoffera selon les besoins et l’évolution des activités. Lors du recrutement, l’OCP a choisi des collaborateurs compétents dans la finance, et des spécialistes des marchés financiers locaux et internationaux, notamment la City, à Londres. Cette salle des marchés a vocation à gérer les risques financiers actuels et futurs du groupe. « L’objectif est de sécuriser nos flux de trésorerie et d’améliorer nos performances financières dans le respect des règles de prudence que nous avons définies par ailleurs », déclare Mohamed ElHajjouji,directeurexécutif chargé du pôle financier et des supports de gestion de l’OCP, précisant que la salle des marchés d’une entreprise n’a pas la même fonction que celle d’une banque, dont la finalité est de maximiser ses profits. Les risques financiers encourus par l’OCP sont majoritairement de change, car son activité est réalisée à 90 % à l’export. « Une variation du dirham

n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

ocp

146

de 10 centimes par rapport au dollar impacte notre résultat net de 500 millions de dirhams lors d’une année normale », précise Mohamed El Hajjouji. Les risques financiers peuvent aussi concerner les taux d’intérêt, en raison des placements et emprunts réalisés par le groupe.

p C’est la première fois qu’une entreprise non financière se dote d’un tel service au Maroc.

« notre règle de base est la sécurisation du capital, d’où notre gestion très prudente. » MohAMEd El hAjjouji, directeur exécutif

EnjEux colossAux. Grâce à une application bancaire nommée cash pooling, la salle des marchés comptabilise, centralise et arrête les positions financières de l’ensemble du groupe. Cela lui offre une visibilité sur ses encours, tout en lui permettant de les gérer de façon dynamique et optimale. « Cette entité est l’unique interface avec les marchés pour toutes les unités du groupe. C’est elle qui négocie les flux en dirhams et en devises étrangères, ainsi que les placements et les financements », explique le directeur exécutif. Et de poursuivre : « 100 dirhams de flux d’exploitation entraînent 900 dirhams de flux financiers. Les flux globaux générés par notre

activité sont ainsi multipliés par neuf. Sur un chiffre d’affaires annuel de 60 milliards de dirhams, cela représente pratiquement 600 milliards de dirhams. » C’est dire les enjeux colossaux qu’ont à gérer les employés de cette salle. Sur les marchés, ils n’investissent pas sur les actions et n’interviennent pas à la Bourse de Casablanca. Ils se concentrent sur les obligations souveraines notées AAA ou assimilées, c’est-à-dire sur des titres de créance d’institutions financières de premier niveau. « Notre règle de base est la sécurisation du capital, d’où notre gestion très prudente », assure Mohamed El Hajjouji. Cela dit, l’univers d’investissement sera élargi si la réglementation des produits financiers au Maroc évolue. Enfin, cette salle des marchés est soumise à des procédures de contrôle interne de trois niveaux. Le premier, d’ordre organisationnel, implique le middle office ; le deuxième est informatique, avec des verrouillages automatiques ; le troisièmereposesurlesconventions signées avec les contreparties, qui indiquent les interdits et les limites financières à ne pas franchir. Et cela en conformité avec les meilleurs standards internationaux. l RyAdh BEnlAhREch jeune afrIque


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LA BOAD, 40 ANS AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DE LA ZONE UEMOA

Christian ADOVELANDE, Président de la BOAD

Christian ADOVELANDE, Président de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD), revient sur ses 2 années à la tête de l’Institution sous-régionale M. ADOVELANDE, cela fait un peu plus de deux ans que vous avez été nommé Président de la BOAD. Quel bilan faites-vous de ces deux années passées à la tête de l’Institution sous-régionale qu’est la BOAD ? En février 2011, quand je prenais service, la BOAD déployait ses activités sur la base d’un Plan stratégique, conçu pour la période 2009-2013 et validé aussi bien par les organes délibérants de l’institution que par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). Mon action s’est prioritairement ainsi inscrite dans le sens de la recherche d’une exploitation ambitieuse du potentiel de ce Plan quinquennal. Du point de vue qualitatif, la Banque ambitionnait notamment de : i) se positionner comme un instrument stratégique des Etats, en matière de financement de l’agriculture, des infrastructures et de l’environnement, ii) constituer un partenaire de choix pour les entreprises et un leader régional en matière de financements innovants, (iii) promouvoir les partenariats et vulgariser les structures et instruments du marché financier, iv) dynamiser la mobilisation de ressources, tant concessionnelles que de marché, iv) mettre davantage à

COMMUNIQUÉ

niveau ses procédures, son organisation et son mode de gouvernance. Au plan quantitatif, il s’agissait notamment de tripler, à l’horizon 2013, en le portant au moins à 100 milliards FCFA le volume des financements concessionnels annuellement mis en place jusqu’au démarrage de la mise en œuvre du Plan. Il s’agissait parallèlement de doubler au moins le volume annuel des interventions globales de la Banque, lesquelles étaient de l’ordre de 99 milliards à fin 2008. Le contexte dans lequel j’ai pris service était par ailleurs marqué par deux défis majeurs : l’insécurité alimentaire, le déficit énergétique. A fin 2012, le niveau d’activité de la Banque (en dehors des concours d’un guichet spécial dénommé Fonds de Développement Energie) a été de 433,3 milliards FCFA, contre 279 milliards FCFA en 2011 (+55,4%) et 251,5 milliards FCFA en 2010. En matière d’énergie, la Banque a octroyé des financements directs d’un montant de 130,7 milliards FCFA sur la période 2011-2012. Ces financements ont été complétés par ceux mis en place grâce aux ressources du Fonds de Développement Energie (FDE), promu dans le cadre de l’Initiative Régionale pour l’Energie Durable (IRED). Le FDE a consenti sur les deux années des concours d’un montant global de 81,6 milliards FCFA.


En matière de sécurité alimentaire, le programme ordinaire de la Banque a permis de soutenir 28 opérations en faveur du secteur agricole pour un montant total de 105,2 milliards FCFA. En outre, la Banque a pris une part active aux travaux d’un Comité ad hoc de Haut niveau sur la sécurité alimentaire, présidé par le Chef de l’Etat du Niger. Lesdits travaux ont donné lieu à l’élaboration d’un document cadre portant « situation de l’agriculture de l’Union et perspectives pour la réalisation de la sécurité alimentaire et du développement agricole durable », lequel a été validé par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union en juin 2012. Par ailleurs, la Banque est avancée dans la mise en place d’un système d’assurance récolte dans les pays de l’Union. Ce nouveau produit devrait contribuer à une stabilisation, voire un accroissement des revenus agricoles, de même qu’à une facilitation de l’accès des paysans au crédit agricole et à la promotion de l’entrepreneuriat agricole. Dans le domaine de l’environnement, quelques initiatives importantes sont notamment : (i) la mise en place, au siège de la Banque à Lomé, d’un Centre de collaboration régional pour la promotion de projets éligibles au ‘’Mécanisme pour un développement propre (MDP)’’, en partenariat avec le Secrétariat Exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), (ii) la contribution à la création d’un Fonds Carbone pour l’Afrique, en partenariat avec CDC Climat et PROPARCO, (iii) la participation, en tant que membre, aux activités du Conseil d’Administration du Fonds Vert mondial, (iv) l’accréditation de la Banque, en mai 2011, comme Entité Régionale d’implémentation du Fonds d’Adaptation aux Changements Climatiques. L’institution poursuit les diligences pour une accréditation similaire au Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM). Nous nous intéressons par ailleurs à la promotion des PPP dans notre zone, afin de favoriser le financement d’investissements structurants. Encouragée en cela par une demande des hautes autorités de l’Union, la BOAD a pris l’initiative de créer en son sein une cellule chargée de la promotion des PPP dans l’UEMOA. Les interventions de cette cellule devraient couvrir l’identification, la réalisation d’études, le montage et la promotion de projets PPP. En outre, la Banque a activement participé à l’élaboration de la phase 2 du Programme Economique Régional, qui couvre la période 2012-2016. Une table ronde y relative a été organisée à Abidjan les 02 et 03 juillet 2012. Après avoir été désignée Chef de file des bailleurs de fonds dans le cadre de la table ronde, la BOAD contribue actuellement aux diligences visant la mise en place d’un Fonds Fiduciaire MultiDonateurs, lequel s’inscrit dans la stratégie de financement du PER II. La période a également été marquée par le lancement officiel des activités de la Caisse régionale de refinancement hypothécaire (CRRH), de même que celles de BOAD-Titrisation. Des démarches sont en cours en vue de la mise en place d’un fonds pour le développement des services financiers. Enfin, conformément à une demande reçue du Conseil des Ministres, la BOAD, avec l’appui de la BCEAO, conduit des diligences visant la restructuration du Groupe de la Banque Régionale de Solidarité (BRS).

En matière de mobilisation de ressources, les actions en cours concernent notamment un projet de demande de notation en vue d’un accès aux ressources du marché financier international, la préparation d’une nouvelle augmentation de capital et l’ouverture du capital de la Banque à de nouveaux actionnaires. Sur ce dernier point, je voudrais indiquer l’entrée imminente du Royaume du Maroc dans le capital de la Banque. Au regard de l’axe 5 du Plan stratégique en cours, de nouveaux outils de gestion ont été développés et sont en cours de déploiement au sein de la Banque. Il s’agit notamment d’un Schéma Directeur Informatique (SDI) dont les quatre grandes composantes (ERP, applications support, sécurité du système d’information, gouvernance) connaissent un début de mise en œuvre depuis 2012. En vue de renforcer le pilotage stratégique de la Banque et de l’adapter aux défis d’un environnement en mutation, des réflexions ont été engagées pour l’élaboration d’un nouveau plan stratégique, qui couvrira la période 2014-2018. Enfin, en ce qui concerne le personnel, une politique de rajeunissement de la Banque se poursuit. Le processus de réalisation d’une cité BOAD au profit du personnel enregistre en outre une évolution conséquente depuis 2012.

“ Pour la période 2014-2016, les prévisions de financement de la BOAD sont de l’ordre de 1288 milliards FCFA “

Quelles sont, suite à votre conseil d'administration tenu en mars à Abidjan, les grandes priorités au titre de l'année 2013 ? Quelles sont les perspectives d’engagements financiers pour la BOAD ? Pour quels projets et avec quels objectifs ? En termes de perspectives pour l’année 2013, l’agriculture, l’énergie et les infrastructures continueront d’être des domaines d’intervention prioritaires pour la Banque. A cet égard, la Banque prévoit pour l’année, des financements à moyen et long terme de l’ordre de 415 milliards FCFA. Au-delà de 2013, nos prévisions de financement ressortent à 1288 milliards FCFA pour la période 2014-2016. En ce qui concerne le projet de création d’une cellule régionale de promotion des partenariats public-privé, au sein de la Banque, il est prévu que le lancement des activités de cette cellule dans le courant de l’année 2013. S’agissant du projet d’augmentation de capital, il fera l’objet d’un examen par les organes délibérants en juin. Son aboutissement devrait permettre à la BOAD de renforcer sa structure financière ainsi que sa capacité d’endettement. Quant au projet de demande de notation internationale, en vue d’un accès au marché financier international, il reste d’actualité et pourrait enregistrer une évolution significative cette même année. Du reste, l’année 2013 sera marquée par le renouvellement du Plan stratégique quinquennal, sur la base d’une évaluation du Plan en cours de finition. Enfin, l’année 2013 sera celle du quarantenaire de la BOAD. Cette commémoration sera placée sous le signe de la réflexion sur les conditions d’amélioration du rôle de la Banque dans le financement des besoins de développement de la zone UEMOA.

B.P. : 1172 Lomé TOGO - Tél.: +228 22 21 59 06 / +228 22 21 42 44 - Fax : +228 22 21 52 67 / 22 21 72 69 - site web : www : www.boad.org - E-mail : boadsiege@boad.org


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Dossier Finance Private equity

i&P invente l’investissement sociétal

Connue pour financer les entrepreneurs, la société investisseurs & Partenaires veut aller encore plus loin et cible désormais les très petites entreprises.

L

a société de gestion présidée par Jean-MichelSeverino,ex-dirigeant de l’Agence française de développement (AFD), s’est déjà fait un nom dans l’impact investing, une solution pour financer les activités économiques dont les répercussions sont censées être immédiates sur la population locale (lire l’encadré). Avec le fonds I&P Afrique Entrepreneurs (IPAE), un véhicule de financement qui vient d’être clôturé avec 54 millions d’euros au compteur, I&P a déjà réalisé 11 millions d’euros d’investissements dans une trentaine d’entreprises, pour un rendement moyen attendu d’environ 10 %. Mais I&P veut approcher les plus petites structures, celles dont les besoins vont de 50000 à 300000 euros. Pour cela, la société est en train d’insuffler une seconde vie à I&P Développement (IPDEV), son tout premier fonds, lancé en 2002 et fort de 11 millions d’euros. Une levée de 20 millions d’euros vient d’être approuvée par le conseil d’administration d’I&P. « Le projet est clair dans ses finalités et dans ses structures, mais le travail de levée de capitaux vient à peine de commencer », révèle Jean-Michel Severino. L’une des particularités de ce véhicule réside dans son montage : IPDEV doit être relayé par des structures locales. Certaines sont déjà sur pied ou en passe de l’être. Ces fonds seront abondés simultanément par IPDEV et par des partenaires de la zone. Ainsi, au Burkina Faso, un véhicule en cours de finalisation bénéficiera de 1,5 million d’euros du holding IPDEV et a reçu la même somme

u Jean-Michel Severino est le président d’I&P.

d’investisseurs privés burkinabè. Au Niger, la structure locale, baptisée Sinergi, a déjà investi dans une dizaine de PME des tickets de 45 000 euros en moyenne. Et d’autres projets sont à l’étude, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. « Chacun de ces fonds sera géré par une équipe de professionnels locaux. Nous faisons tout le travail de montage juridique, la structuration de l’équipe, nous apportons une partie du capital et puis nous cherchons les investisseurs locaux », résume JeanMichel Severino. RentabiLités Limitées. Un modèle

qui ne va pas sans quelques contraintes.

PRemieRs investissements, PRemièRes soRties Déployé àtravers cinq bureaux en afrique (abidjan, Dakar, accra, Douala et antananarivo) en onze ans, I&p a investi dans trente sociétés, dont sept institutions de microfinance, dans une douzaine de pays africains (Cameroun, n o 2732 • du 19 au 25 MaI 2013

Côte d’Ivoire, Mali…). les entreprises accompagnées par I&p emploient 1 400 salariés permanents.tout récemment, l’investisseur en fonds propres a revendu à Danone sa participation dans

la laiterie du berger, au sénégal. Cette pMe, qui emploie 135 personnes, se fournit en lait frais auprès de 800 fermiers locaux et le distribue dans quelque 6 000 points de vente à des consommateurs n.t. modestes. l

Pour ce segment, les rentabilités attendues sont plus basses, de l’ordre de 2 % à 4 %. « Il ne s’agit pas d’investissement philanthropique, mais plutôt sociétal. On cherche à préserver le patrimoine dans une logique de contribution au développement. Les investisseurs doivent être patients et déterminés », précise encore le directeur d’I&P. Les contributeurs sont d’abord des investisseurs privés, puis des fondations et des fonds RSE (responsabilité sociale des entreprises) de grandes entreprises. « La rentabilité proposée est trop faible pour les bailleurs de fonds traditionnels », remarque non sans malice Jean-Michel Severino. D’autre part, le fonds se destine vraiment à l’aide à la création : « Nous visons des entreprises très jeunes qui sortent à peine de l’informel. Les rentabilités sont nécessairement plus faibles et les activités plus risquées », poursuit-il. Pour fonctionner et couvrir des coûts de montage très élevés, le fonds souhaite obtenir des subventions : il faut compter entre 300 000 et 400 000 euros pour un fonds de 3 à 5 millions d’euros. Le président d’I&P évalue les besoins en subventions à 7 millions d’euros. Et compte sur l’aide des bailleurs de fonds… l nicoLas teisseRenc jeune afrIque


AFRICAN EXPORT-IMPORT BANK BANQUE AFRICAINE D’IMPORT-EXPORT

LA BANQUE DU FINANCEMENT DU COMMERCE

DE L’AFRIQUE Etant la première Institution en matière #! 01,&,%!-!,$ #" commerce en Afrique, Afreximbank offre les programmes suivants:

! Programme de Ligne de Crédit ! Programme de Syndication ! Programme d’achat d’effets de commerce ! )(+3(&--! #! *(/01,&,%!-!,$ #! 4"$"(' 0."2 01,&,%1!(' ! Programme de Financement Direct ! Programme de Financement de Projets ! Programme de prêts adossés à des actifs ! Programme d’achat de créances / Programme d’escompte ! Programme de Risques Spéciaux ! Programme pays ! Programme de Financement du Carbone ! Programme d’Investissements Bancaires ! Programme de prêts adossés à des Agences de Credit à l’Exportation

SIÈGE

AGENCE D’ABUJA

AGENCE D’HARARE

72(B) El Maahad El Eshteraky St. Heliopolis, Cairo 11341, Egypt P.O. Box 613 Heliopolis Cairo 11341, Egypt Tel: +20 2 24564100/1/2/3

No. 2 Gnassingbe Eyadema Street Asokoro Garki, Abuja Nigeria Tel: +234-94620606

Eastgate Building 3rd Floor Gold Bridge (North Wing) Gold Bridge 2nd Street Harare-Zimbabwe Tel: +263-4-700904

W W W. A F R E X I M B A N K . C O M


LA CARTE DE VISITE DE LA BCDC, BANQUE DE RÉFÉRENCE AU CŒUR DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE

La BCDC est la banque de référence en République démocratique du Congo depuis 1909, avec un total de bilan au 31/12/2012 équivalent à USD 526,3 millions et une contribution au financement de l’économie à hauteur de USD 333 millions. La BCDC est le banquier et le conseiller financier de clients de qualité : grandes entreprises congolaises et internationales, institutionnels, PME/PMI, commerçants et professionnels actifs dans le secteur formel de l’économie, ainsi que les particuliers, agents d’entreprises et de l’Etat. Pour répondre avec efficience aux besoins des différents segments de la clientèle, la BCDC est commercialement organisée en quatre métiers : • • • •

Corporate & Investment Banking Financial Institutions & Banks Retail Banking Private Banking

Au 31 décembre 2012, la banque emploie 505 collaborateurs sous contrat d’emploi, un capital humain de qualité capable de répondre au développement de la clientèle. La BCDC entretient et développe un réseau performant de 22 agences réparties sur le territoire de la RDC pour accompagner ses clients dans les zones de croissance économique. La banque pratique une gouvernance d’entreprise de qualité, stricte et rigoureuse afin d’assurer l’équilibre entre la dynamique de l’esprit d’entreprise et la maîtrise des risques et du contrôle. Grâce à la confiance continue de la Clientèle et à l’attention permanente portée par le management à la qualité de gestion, la BCDC passe le cap des 10 millions de dollars de bénéfice net en 2012, une première dans le secteur bancaire congolais. Cette rentabilité s’affirme plus que jamais comme un gage de solidité

« La Banque Commerciale Du Congo est prête pour demain. Ses ambitions sortent renforcées d’un exercice 2012 qui fut capital par les décisions qui ont pu être prises à cet effet. •

La confirmation d’un actionnariat stable et solide,

le renforcement de la gouvernance par l’arrivée de nouveaux administrateurs,

un comité de direction composé d’experts de haut niveau,

une organisation commerciale forte et adaptée aux nouveaux besoins du marché,

la conception et le lancement de produits performants,

un leadership sur le marché des grandes entreprises et des institutionnels, •

une démarche de qualité renforcée par le lancement de la BCDC Banking Academy pour faire émerger les talents, •

str une structure financière saine et une ren rentabilité récurrente… … ains ainsi sont résumés quelques-uns des pri principaux atouts de la BCDC, une banque de haut niveau au service du dévelop développement économique de la RDC. »

Yves Cuypers, président du comité de direction

et de pérennité.

www.bcdc.cd La BCDC soutient une démarche éthique qui recouvre un ensemble de valeurs essentielles : INTÉGRITÉ • LOYAUTÉ • OBJECTIVITÉ • CONFIDENTIALITÉ • FRANCHISE • HONNÊTETÉ • TRANSPARENCE


Dossier Finance

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Tribune

Opinions & éditoriaux

Pourquoi investir dans le secteur bancaire au sud du Sahara

dr

a Julien lefilleur Directeur régional de Proparco (filiale de l’Agence française de développement, AFD) pour l’Afrique de l’Ouest

lors que le secteur financier africain enregistre d’excellentes performances depuis une dizaine d’années, il continue d’inspirer la méfiance aux investisseurs extérieurs, qui se sont peu intéressés au continent jusque-là. si l’environnement africain est plus difficile qu’un autre, les risques qu’il présente sont vraisemblablement surévalués et doivent dans tous les cas être appréciés à la lumière des performances réelles du secteur bancaire. or ces performances sont très bonnes. le niveau de retour sur fonds propres (return on equity, roe) en afrique a atteint près de 20 % en moyenne sur la période 2007-2012, contre moins de 10 % en europe. sur le continent, les niveaux de rentabilité sont parmi les plus élevés au monde. les filiales africaines des grands groupes bancaires figurent souvent parmi les plus rentables, certains pays – en particulier ceux qui paraissent les plus risqués (congo, Guinée, Madagascar,tchad…) – ayant même affiché des niveaux de roe supérieurs à 25 %-30 % plusieurs années consécutives. Ces données ne suffisent pourtant pas à convaincre un investisseur extérieur. en effet, si les performances moyennes sont excellentes, l’instabilité sociopolitique demeure un frein important pour celui qui souhaite être en mesure d’anticiper les risques afin de les contrôler. or l’environnement africain est imprévisible et les crises y sont souvent de grande ampleur. cependant, là encore, les chiffres sont rassurants. Prenons 2007-2010 pour référence : des troubles sérieux ont agité de nombreux pays durant cette période, mais ils n’ont finalement eu que très peu d’impact sur la rentabilité des secteurs bancaires à moyen terme : république centrafricaine (roe moyen de 21 % sur cette période),tchad (24 %), Djibouti (41 %), Érythrée (10 %), Guinée (22 %), Kenya (20 %), Madagascar (25 %), Mali (14 %), Mauritanie (3 %), niger (15 %), nigeria (2 %), soudan (13 %). les deux exemples les plus récents en afrique de l’ouest, le Mali et la côte d’ivoire, sont également parlants. leurs secteurs bancaires respectifs ont affiché d’excellents niveaux de rentabilité dès 2012, alors que le premier était en pleine crise et que la seconde en était sortie seulement un an auparavant.

jeune afrique

Mais le secteur bancaire africain, en plus d’être très rentable, présente l’avantage d’offrir un réel potentiel de croissance. Hors afrique du sud, le total des actifs bancaires du continent est inférieur à 300 milliards de dollars [environ 230 milliards d’euros, nDlr], ce qui est près de dix fois moins que la taille de bilan de la première banque chinoise. Même en tenant compte des différences de PiB, le secteur financier africain semble très peu développé, avec un taux de bancarisation inférieur à 20 % – de loin le plus bas au monde –, un taux de pénétration d’environ 30 % – plus de deux fois inférieur à la moyenne des pays en développement – et un volume des crédits au secteur privé qui n’excède pas 20 % du PiB. une forte proportion de l’activité économique échappe donc aux banques locales. la plupart des établissements africains sont en effet très petits, peu efficients car incapables de générer des rendements d’échelle et peu innovants. Dans ce contexte, de nombreux États, suivant l’exemple du nigeria, ont annoncé des augmentations du capital minimum réglementaire en vue de renforcer les capacités des banques, notamment au sein de l’union économique et monétaire ouest-africaine (ueMoa), de la communauté économique et monétaire de l’afrique centrale (cemac), ainsi qu’au Ghana, au Kenya… le secteur devrait ainsi continuer à se consolider et à croître rapidement. les pers-

Les niveaux de rentabilité y sont parmi les plus élevés au monde. pectives de développement sont multiples : des segments de marché entiers restent à explorer (crédit immobilier, financement agricole, monétique). et la plupart des financements importants échappent encore au secteur bancaire local (infrastructures, mines et hydrocarbures, commerce international). Par ailleurs, les synergies avec les autres acteurs sont insuffisamment exploitées (marchés boursiers, fonds d’investissement, fonds de garantie, assurance, microfinance). enfin, l’afrique anglophone et l’afrique francophone demeurent totalement déconnectées. Pour un investisseur patient et capable de diversifier géographiquement ses actifs, il apparaît ainsi plus que probable que le secteur bancaire africain demeurera un débouché très porteur ces prochaines années. l

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Dossier Finance bourse

Place aux petites entreprises De Nairobi à Accra, les places financières veulent doper la croissance en créant des compartiments aux conditions d’entrée assouplies.

ThomAs mukoyA/ReuTeRs

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t

icket d’entrée élevé, processus administratif complexe, nouvelles réglementations contraignantes… Faire son entrée en Bourse peut tourner au cauchemar pour les petites sociétés africaines. Afin de rendre cette perspective plus attrayante, certaines places boursières mettent en place des compartiments ciblant spécifiquement les PME. Fin janvier, la Bourse de Nairobi (Nairobi Securities Exchange, NSE), qui possède un marché alternatif (Alternative Investment Market, AIM) depuis 2000, a lancé le Growth Enterprise Market Segment (Gems), compartiment dévolu à la croissance des entreprises avec des exigences encore assouplies pour y entrer. « Il a fallu du temps. La question était de savoir comment développer un tel marché sans nécessairement réduire les garanties dont bénéficient les investisseurs », indique Donald Ouma, directeur des marchés et du développement de nouveaux produits à la NSE. En outre, il précise que la Bourse kényane s’était inspirée de ce qui avait été fait à Johannesburg pour son AltX (marché destiné aux PME), à la n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

p Le Nairobi Securities Exchange a mis en place le Growth Enterprise Market Segment.

Bourse égyptienne et à la Bourse de Dar es-Salaam, en Tanzanie. Jusqu’à présent, huit sociétés d’intermédiation boursière ont été désignées à la NSE pour attirer les petites entreprises vers ce nouveau compartiment et les guider à travers les différents processus de cotation. « Nous ciblons cinq entreprises supplémentaires cette année », précise DonaldOuma.Alorsquelessociétés cotées sur le marché principal de la NSE doivent justifier d’au moins

La Bourse kényane s’est inspirée des Places tanzanienne et sudafricaine pour lancer son marché. 1,14 million de dollars d’actifs (environ 880 000 euros), les entreprises candidates,elles,doiventseulement attester de douze mois de fonds de roulement pour être cotées sur ce nouveau marché. Les autres prérequis ont également été assouplis. En mars 2013, c’était au tour d’Accra de mettre en place un compartiment consacré aux PME – le marché alternatif du Ghana (GAX). La Banque africaine de développement (BAD) a accordé à la Bourse du Ghana (GSE) 600000 dollars sur

un fonds de 1,1 million de dollars permettant aux sociétés intéressées par une cotation de payer les services consultatifs nécessaires pour entrer en Bourse. « Cet argent, les entreprises le reversent au terme de l’introduction en Bourse », explique Ekow Afedzie, le directeur général adjoint de la GSE. Les sommes requises sont quatre fois moins élevées pour le GAX que pour la cotation principale – à 520000 dollars. Quant aux frais annuels d’inscription, de 1 040 dollars, ils sont fixes et non pas proportionnels à la capitalisation de la société. En outre, touteslesentreprisescandidatesàla cotation doivent trouver un garant pour souscrire les capitaux qu’elles veulent lever. Au Kenya, Donald Ouma espère que les nouvelles réglementations – qui exigent que 35 % du capital des sociétés exploitant des ressources naturelles soient détenus par un actionnaire local – contribuent à attirer les entreprises vers le Gems. « Des sociétés de prospection dans les industries extractives non bénéficiaires peuvent s’y positionner », indique-t-il, en précisant que ces dernières peuvent être des filiales de compagnies étrangères. trésorerie. La Bourse de Jo’burg,

elle, procède différemment pour attirer les sociétés d’exportation. En janvier, elle a annoncé qu’elle permettrait aux entreprises toujours en phase de prospection d’être cotées. Connues comme les « sociétés d’acquisition à vocation spécifique » ou cash shells (Spac), ellessontcourantessurdesmarchés comme celui de Londres, où des sociétés minières ou pétrolières sont cotées afin de lever des fonds pour leurs opérations. Selon la nouvelle réglementation du JSE pour les Spac, les entreprises souhaitant être cotées sur le marché principal doivent déjà avoir levé 56 millions de dollars, ce seuil tombant à 50 millions de rands (4,2 millions d’euros) pour l’AltX. Les sociétés doivent également achever l’acquisition d’un « actif viable » dans les deux ans suivant leur cotation. l Gemma Ware, envoyée spéciale The Africa Report jeune afrIque


Standard Bank

Une banque internationale

Une stratégie locale au service de l’économie Congolaise

2013

Alors que Standard Bank RDC accompagne depuis ses débuts les plus grands protagonistes de l’économie congolaise dans la mégalopole kinoise riche de ses 13 millions d’habitants, notre institution est bien entendu présente dans le reste du pays où nous déployons de nouvelles ressources. Nous sommes établis tant dans la vibrante province du Bas Congo que dans la riche région aurifère du Kivu ou dans celle, cuprifère, du Katanga. Notre arrivée remonte au siècle dernier, au cours duquel le groupe a fait ses premiers pas en terre congolaise pendant quelques décennies durant, avant d’y revenir définitivement au début des années 90.

DR

est une année phare pour la filiale congolaise du Groupe Standard Bank : nous fêtons les 20 années de présence ininterrompue au service des entreprises congolaises et de l’économie de cet immense pays. Il s’agit en effet de 20 années de présence sur le territoire de la RDC, et bien entendu autant d’années consenties à y servir diverses industries, y compris l’industrie minière, secteur stratégique pour l’économie congolaise pour les décennies à venir.

DIFCOM/DF - PHOTO : MERWELENE VAN DER MERWE SAUF MENTION.

STANDARD BANK RDC S.A.R.L 12, AVENUE DE LA MONGALA - P.Q. BOX 16297 KINSHASA 1 RÉPUBLIQUE DÉMOCRATQUE DU CONGO www.standardbank.com / info@standardbank.cd

De ses débuts modestes dans la Province du Eastern Cape en Afrique du Sud, à la plus grande institution bancaire en Afrique, le Groupe Standard Bank ba est es aujourd’hui une banque Internationale dotée d’une stratégie locale. d’

▲ Éric Mbo Mboma, CEO de d la Standard Bank en République Démocratique du Congo

Les provinces minières de la RDC et notre groupe ont cela de commun que leur essor est étroitement lié au secteur des mines ; Standard Bank a fondé sa prospérité sur le soutien à l’industrie minière, tandis que celle-ci demeure le principal levier de développement de ces régions de la RDC. Nous avons ainsi développé une expertise fine et des ressources inégalées à travers le continent africain dans ce secteur de l’économie mondiale. Ainsi, tant au cœur du Katanga que dans le Kivu ou dans la province orientale, Standard Bank est actuellement impliquée dans le financement de projets miniers parmi les plus importants. Forts de l’appui de nos experts basés à Londres, Johannesburg, New-York, Pékin, Shanghai, Singapour, Kinshasa ou Lubumbashi,

nous nous sommes assurés une position stratégique dans le financement du secteur minier et des infrastructures. Cette empreinte globale nous permet d’offrir des solutions sur mesure et répondant aux besoins complexes et variés des opérateurs miniers. Un engagement d’envergure globale et qui s’inscrit dans la durée : voilà ce qui fait de Standard Bank un acteur de choix et un partenaire pour l’économie congolaise.

Nous No sommes particulièrement fiers du soutien que nous apportons aux opérateurs so économiques présents en République éc Démocratique du Congo ; à travers cette Dé action nous contribuons chaque jour ac au développement national, mieux encore, nous entendons investir en dans da son avenir.

Continuons d’unir nos efforts pour relever le défi congolais et construire un avenir des plus radieux.


L’accueil des banques a été positif et remarquable dès sa création. L’actionnariat est passé d’une trentaine de banques commerciales à la création en juillet 2010, à 45 banques commerciales en janvier 2013 et 3 institutionnelles, la BOAD, la BIDC et SHELTER AFRIQUE.

Trois questions à M. Christian AGOSSA DG de la CRRH Bientôt un an d’activités opérationnelles, que pouvez-vous nous dire des résultats de la CRRH-UEMOA et de l’accueil fait par les banques à cette nouvelle Institution ? La CRRH-UEMOA a été créée pour offrir aux établissements de crédit de l’UEMOA, la possibilité d’avoir des ressources longues pour le refinancement des prêts hypothécaires consentis à leurs clients.

Quant au bilan opérationnel, il est satisfaisant et surtout prometteur. A la fin du mois de janvier 2013 et dans un intervalle d’environ 6 mois, la CRRH-UEMOA a mobilisé un montant de 31,6 milliards de FCFA pour le refinancement de prêts à l’habitat en faveur de 18 banques de l’Union sur des maturités allant de 10 à 12 ans. Depuis le 5 mars 2013, les titres des deux émissions de la CRRH-UEMOA sont admis au refinancement aux guichets de la Banque Centrale. L’introduction des obligations de la CRRHUEMOA à la cote de la BRVM est annoncée pour les prochains jours. En quoi est-elle importante pour l’Institution et ses activités ? Tout émetteur du marché financier régional faisant appel public à l’épargne est tenu de procéder à l’introduction des obligations à la cote de la BRVM trois mois après la clôture de l’émission. C’est donc d’abord par respect à cette règle que nous procédons à l’introduction des obligations de cette seconde émission comme nous l’avions fait pour la 1ère émission en septembre 2012.

La CRRH-UEMOA se doit d’observer la plus grande transparence dans ses opérations pour conserver la confiance de ses souscripteurs et préserver un accès privilégié au marché financier à des taux compétitifs. Les règles de l’appel public à l’épargne permettent d’assurer cette transparence. Enfin, nous mobilisons des ressources longues et l’inscription à la cote de la BRVM assure une liquidité permanente des titres à nos souscripteurs en plus d’autres facilités obtenues à cet effet, notamment le refinancement au guichet de la BCEAO qui est effectif depuis le 5 mars 2013 pour les deux émissions. Quel impact pourront attendre les populations d’une cotation de ces obligations ? La cotation est le signe que la CRRH-UEMOA, une institution jeune, s’inscrit néanmoins dans la durée. C’est aussi le signe que les avantages qu’elle a commencé à apporter aux populations de l’Union, qu’elles soient investisseurs ou acquéreurs de logements, sont appelés à durer. Les titres CRRH-UEMOA apparaissent comme de bons placements pour des particuliers qui ont souscrit aux deux émissions. La cotation leur offre une solution permanente de valorisation et de liquidité.


Dossier Finance

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KenyA

LA SFI investit dans la finance islamique

BAD

L

BAD

p Assemblée générale annuelle, Arusha, mai 2012.

Voici venu le temps des repositionnements

Nouvelle stratégie décennale et retour à Abidjan… L’année 2013 marque un tournant pour la Banque africaine de développement.

C

hangements en vue à la Banque africaine de développement (BAD). Adoptée début mai, sa nouvelle orientation stratégique doit mettre l’accent sur le développement des infrastructures, l’intégration économique régionale et le secteur privé. Après une décennie de forte croissance pour le continent, les dix prochaines années seront « déterminantes », a expliqué Donald Kaberuka, le président de la BAD. Le bailleur de fonds entend faire de la transformation économiqueducontinentla«pierreangulaire » de sa stratégie 2013-2022. Pour son président, « ce document reflète la vision de l’Afrique pour elle-même. Laquelle peut faire de ce continent, en l’espace d’une génération, le pôle de croissance mondiale que nous savons qu’il peut être et qu’il veut devenir ». Concrètement, outre le développement des infrastructures et du secteur privé, elle se concentrera sur les compétences et la technologie, l’intégration économique régionale, mais aussi sur la gouvernance et la responsabilisation. Objectif : « Parvenir à une croissance inclusive, partagée par tous les citoyens, de tous âges, sexes et régions, et tenant compte des États fragiles, où jeune afrique

vivent200millionsd’âmes»,résume Donald Kaberuka. Ce qui passe par un recours accru aux partenariats public-privé, aux cofinancements et aux instruments d’atténuation des risques, afin d’attirer de nouveaux investisseurs. Déménagement. Autre transition majeure : le retour de la BAD à Abidjan, après dix années passées à Tunis en raison de l’insécurité en Côte d’Ivoire. Annoncé depuis la fin de la crise, ce retour se précise et ses modalités seront entérinées lors des prochaines assemblées annuelles de la BAD, du 23 au 27 mai, au Maroc. « Nous ne sommes plus dans une phase de projet, mais dans la mise en œuvre de quelque chose qui a été préparé. La feuille de route sera entérinée à Marrakech par le conseil des gouverneurs », a déclaré Youssouf Ouédraogo, l’ex-Premier ministre burkinabè, conseiller spécial de Kaberuka. Un premier groupe de salariés retournera à Abidjan d’ici à la fin de l’année, dans un bâtiment mis à disposition par le gouvernement. Tunis, où la BAD compte quelque 2 000 employés, devrait continuer à jouer un rôle important pour l’institution, mais celui-ci n’est pas encore précisé. l Fanny Rey

a Société financière internationale (IFC) a annoncé début avril avoir investi 5 millions de dollars (3,84 millions d’euros) dans Gulf African Bank, l’une des deux banques kényanes spécialisées dans la finance islamique. Il s’agit de son premier investissement dans un établissement « charia-compatible » au sud du Sahara. La filiale de la Banque mondiale dévolue au privé a ainsi franchi une étape dans sa stratégie de soutien au secteur financier subsaharien. Cette transaction, qui valorise l’établissement à 2,6 milliards de shillings (23,55 millions d’euros), porte sur 16 % du capital. En outre, l’IFC va mettre 3 millions de dollars (2,3 millions d’euros) de ligne de crédit commerciale à la disposition de Gulf African Bank dans le cadre du « Global Trade Finance Program ». l AngolA

2000

Le nombre d’employés de l’organisation panafricaine, à Tunis

Une Bourse en 2015

a

près dix ans d’attente, la Bourse angolaise devrait démarrer ses activités en 2015. Le deuxième plus gros producteur pétrolier africain en attend une capitalisation minimale de 11 milliards de dollars – 8,37 milliards d’euros, 10 % du PIB du pays – dans les dix-huit premiers mois, ce qui en ferait la sixième place du continent. Les principales banques du pays – dont Banco Angolano de Investimentos – et des opérateurs de téléphonie mobile (Unitel et Movicel), entre autres, seraient sur les rangs. l n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Dossier Finance Sénégal

Entre microfinance et banque traditionnelle

D

ébut mai, le groupe Société générale a lancé Manko, un nouveau concept bancaire situé à mi-chemin entre la microfinance et la banque traditionnelle. Cible : la population aux revenus modestes mais réguliers, sans accès au système traditionnel de microfinance. Cette filiale à 100 % de la banque française a signé une convention avec la Société générale de banques au Sénégal (SGBS, filiale à 63,28 % du groupe), ce qui lui permet de distribuer des produits et services bancaires adaptés aux publics visés. Pour la première fois dans le pays, paiements, crédits, épargne et autres transferts d’argent seront tous réalisables via un téléphone portable. Manko s’appuie pour cela sur Yoban’tel, service de paiement sur mobile (voir pp. 141-142) déployé par plusieurs filiales de Société générale, dont la SGBS. l

algérie

Carton plein pour la souscription NCA Rouiba

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a cotation d’une sixième société à la Bourse d’Alger se précise. Des souscriptions privées ont permis de clôturer l’opération le 8 mai, vingt-quatre heures avant son terme. La mise en Bourse de 36,9 % du capital de NCA Rouiba doit compenser la sortie de son capital social du fonds d’investissement Africinvest. L’opération vise

à lever 849 195 200 dinars (8,1 millions d’euros). Si certains actionnaires sont des particuliers issus de régions éloignées du sud du pays, Slim Othmani (président du comité d’administration de NCA) a déploré le peu d’empressement des acteurs institutionnels publics algériens à prendre des parts dans le capital de la société. l

TuniSie

Une augmentation de capital en bonne voie

A

lors que la Banque de Tunisie a annoncé le 29 avril son intention de faire monter son capital à 150 millions de dinars tunisiens (68,945 millions d’euros) – soit une augmentation de 37,5 millions de dinars tunisiens –, le titre, très sollicité sur la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT), a connu une envolée la semaine suivante. Il a notamment terminé en tête des meilleures performances le 6 mai avec 53 852 actions échangées à 12,38 dinars de moyenne, en hausse de 3,98 %. l n o 2732 • du 19 au 25 maI 2013

jeune afrIque


Financial Institutions

Banques africaines, mettez-nous à l‘épreuve! Le partenaire incontournable des institutions financières Le saviez-vous? Commerzbank est la banque leader pour la clientèle des particuliers et des entreprises en Allemagne, l‘économie la plus importante et à la croissance la plus rapide parmi les trois premiers pays exportateurs mondiaux. Le sens de la relation client de Commerzbank conjugué à l‘orientation de ses activités vers les institutions financières lui a permis de développer un réseau conséquent de correspondants comprenant plus de 600 comptes pour les institutions financières africaines. Nous sommes votre partenaire pour les services financiers à l‘échelle mondiale. www.fi.commerzbank.com fi.africa@commerzbank.com

Addis Ababa | Cairo | Johannesburg | Lagos | Luanda | Tripoli


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Culture & médias

CINÉMA

Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun est, cette année, le seul représentant de l’Afrique sélectionné à Cannes. En espérant que son Grigris envoûte la Croisette et les jurés du festival ! RENAUD DE ROCHEBRUNE,

envoyé spécial à Cannes

ð Sur le tournage, au Tchad, pays natal du cinéaste.


Culture médias

FRANK VERDIER/PILI FILMS

À

Certes. Mais même lorsque l’on a déjà acquis Cannes, ce mercredi 22 mai, le réalisateur tchadien Mahamatune réputation internationale et que l’on refuse de Saleh Haroun montera les perdre son temps à « colloquer », il demeure difficile célèbres vingt-quatre marches d’enchaîner les films. Si Grigris a vu le jour, deux projets plus avancés n’ont pu être menés à terme. du Palais des festivals de Cannes pour aller présenter son TRAGÉDIE. Le premier évoquait les « déguerpisnouveau film, Grigris, l’une des vingt œuvres en compétition cette année. Ce n’est que la seconde sements » à N’Djamena, ces destructions d’habifois depuis 1997 – seize ans ! – qu’un film du sud tations dans les quartiers populaires ayant pour du Sahara fait partie de la shortlist des prétendants objectif de construire des bâtiments neufs le long à la Palme d’or. Parmi eux, excusez du peu, des de larges avenues. « Il s’est avéré impossible de pointures comme Roman Polanski, James Gray, filmer les expulsions et les démolitions en direct, les frères Coen ou Jia Zhangke. comme a pu le faire en Chine Jia Zhangke en tourLe Tchadien est pourtant placide quand on le nant Still Life, alors même qu’on faisait disparaître rencontre, peu avant l’heure de gloire. Certes, cet des villages entiers sous les eaux du barrage des homme, à l’occasion farouche, voire rebelle, affiche Trois Gorges. Or je ne voulais pas me contenter de le plus souvent un tempérament zen derrière un reconstitutions. Les images auraient perdu toute regard de chat vif et malicieux. Mais une autre leur force. Une tragédie comme la destruction de raison explique sa placidité : il avait déjà partivotre maison, ce n’est pas quelque chose qu’on cipé à la compétition en 2010, treize ans après le peut demander aux gens de rejouer, il faut le Burkinabè Idrissa Ouedraogo. Un coup d’essai qui voir en vrai. » Pour l’autre projet, African Fiasco, fut un coup de maître, puisqu’il avait inspiré de l’affaire du Probo alors obtenu le prix du jury pour Koala et du déversement de « Il y a chez nous Un homme qui crie, devenant ainsi ses déchets toxiques à Abidjan, une forme de l’un des quatre seuls cinéastes du « j’ai rencontré des problèmes culture de continent primés depuis la création de production et, au bout de du festival, il y a soixante-six ans. deux ans, après des avancées l’exclusion dans « L’excitation ne peut pas être la et des reculs, j’ai perdu l’envie laquelle il faudrait même la seconde fois, confie-t-il. de poursuivre ». cesser de se Cette année, je suis très confiant, Que faire alors ? « On risque très serein, pas du tout inquiet. » complaire. » de se retrouver vite dans une Ne ressent-il pas néanmoins une sorte de désert quand des proresponsabilité particulière à être seul pour repréjets ne fonctionnent pas. C’est très cruel : on vous senter son continent? « On finit malheureusement oublie très vite, même si vous avez été primé à par s’habituer à cette situation, qui se répète Cannes. Il est donc vital, surtout pour un réalidans bien des festivals. C’est triste. Et j’ai du mal sateur africain, de ne pas rater l’occasion de faire à l’expliquer. Je constate que, lorsqu’on observe son métier dès que c’est possible. » Haroun avait le parcours des grands réalisateurs africains, depuis assez longtemps à l’esprit une histoire qu’il c’est toujours pareil : à un moment donné, ils voulait raconter: celle de trafiquants tchadiens qui ne produisent plus et deviennent invisibles. On vont chercher de l’essence au Cameroun avant de traverser, chargés de récipients, en se laissant pourrait parler d’une sorte de désertion. Le seul qui a tenu jusqu’au bout, qui a tourné jusqu’à sa dériver sur le fleuve Chari, puis d’introduire leur mort, c’est Sembène Ousmane. Un exemple. » cargaison dans N’Djamena par les égouts. Mais il manquait un déclic. Il restait notamment à UNIVERSEL. Il est vrai, ajoute Haroun, que « quand imaginer le personnage principal. on vient d’un continent qui ne finance pas ses C’est à Ouagadougou, à l’occasion du Fespaco propres films, pour travailler sur la durée, il faut 2011 où il était venu présenter Un homme qui pouvoir écrire, être auteur et pas seulement réacrie, que Haroun a fait la rencontre décisive. « À lisateur, et surtout ne pas se contenter, comme la fin du festival, la grande chorégraphe Irène Tassembédo m’a invité à assister à un spectacle tant le font, de passer son temps à bavarder dans des colloques. » Et il poursuit : « Si, dès le début, de danse. J’ai alors vu apparaître sur scène un on pense qu’en Afrique on a un public spécial et bonhomme, les cheveux décolorés en blond, que notre cinéma doit donc l’être aussi, alors on handicapé, une démarche très particulière et ne recherche plus l’universel et on se met comune façon unique de défier les lois de la gravité. plètement hors jeu. Il y a chez nous une forme de Dès que je l’ai aperçu sur scène dans cette nuit africaine, je me suis dit : voilà mon personnage ! culture de l’exclusion, de la marge, dans laquelle il faudrait cesser de se complaire si on veut changer D’autant que, même s’il n’était pas comédien, il le cours des choses. » avait une belle présence, et aussi quelque chose N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

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Culture médias Cinéma

LES FILMS DU LOSANGE

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L’acteur-danseur burkinabè Souleymane Démé, personnage principal de Grigris.

d’immédiatement photogénique. » Il précise : « Quand j’ai trouvé ce danseur, Souleymane Démé, j’ai pensé qu’il me permettrait peut-être sinon de renouveler ou de transcender ce qu’on appelle le cinéma de genre, en l’occurrence le polar, du moins d’en transgresser les codes. Grâce à cette rencontre, j’ai pu m’orienter plutôt vers un drame social autour d’un danseur qui doit abandonner ses rêves, ce qui correspond mieux à ce que je peux et veux faire. » NUMÉRIQUE. Ce flirt, même timide, avec le cinéma

de genre marque à coup sûr une nouvelle étape dans le cheminement du réalisateur, qui nous avait habitués à un cinéma très sobre évoquant des tragédies intimes dans des films-fables aux images épurées et aux personnages très retenus. Ce film a aussi pour particularité d’être le premier tourné en numérique. De quoi surprendre ceux qui connaissent Haroun et l’ont maintes fois entendu pourfendre cette technique. S’est-il renié? « D’abord, quand j’affirmais que j’étais contre le numérique, c’était par rapport à ce qu’on disait partout en Afrique, où l’on affirmait que l’on pourrait produire plus facilement et révéler des talents grâce à cela. Mais ce n’est pas la technique qui engendre la qualité ! Si l’on n’a rien à dire d’intéressant, rien d’original à tourner, peu importe que le film soit en 35 mm ou en numérique ! Par ailleurs, s’il est vrai que j’aime tourner en 35 mm, ce format est en train de disparaître et je n’y suis pas attaché au point de vouloir mourir avec ! » Enfin, la caméra numérique, plus légère et plus maniable, était adaptée à un film qui emprunte N O 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

VOIR AUSSI la vie et l’œuvre de Haroun en vidéo, sur jeuneafrique.com

parfois au reportage. Pour Haroun, il ne s’agit pas d’un aller sans retour et il ne s’interdit pas de tourner de nouveau en 35 mm à l’avenir. Cet avenir, il ne l’évoque guère. Pas seulement parce qu’il ne sait pas comment son nouveau film sera accueilli à Cannes et, fin août, dans les salles. Bien qu’ayant quelques idées de scénarios, il ignore encore ce qu’il réalisera après Grigris. Mais une expérience nouvelle le tente : changer de décor et de sujet, quitter l’Afrique et tourner en France, avec des acteurs français. ●

MAUVAISE RÉCOLTE LA PRÉSENCE de MahamatSaleh Haroun à Cannes est bien la seule raison de se réjouir. Le Tchadien sera en effet le seul Africain ayant tourné en Afrique en compétition, puisque le Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche présentera un film français par sa production comme par son sujet. Aucun autre film venu du sud ou du nord du Sahara n’est en lice dans les catégories importantes. Plus inquiétant peut-être, cette absence est tout aussi criante dans les sélections qui entendent annoncer l’avenir, notamment celles réservées aux premiers films, comme la

Semaine de la critique, ou celles consacrées aux courtsmétrages. Si, en 2012, un seul film africain – Après la bataille, de l’Égyptien Nasrallah – était en compétition officielle, on trouvait en revanche – entre Les Chevaux de Dieu, du Marocain Nabil Ayouch, et La Pirogue, du Sénégalais MoussaTouré – nombre de films du continent dans les sélections parallèles. Cette année, Né quelque part, de Mohamed Hamidi, et C’est eux les chiens, de Hicham Lasri, apparaissent dans des programmes marginaux. 2013: mauvais cru ou symptôme R.R. inquiétant? ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

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Littérature

le prince et le dictateur Le romancier Andrea Camilleri revient avec jubilation sur les rocambolesques tribulations d’un Éthiopien en Italie fasciste.

jeune afrique

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i signori dello zolfo di michelle curcuruto

E

t si se moquer, au fond, était la meilleure des armes ? Au cinéma, même si quelques voix chagrines protestent systématiquement, tout peut prêter à rire. Et même le pire : le racisme, le fascisme, voire le nazisme si l’on se souvient, par exemple, des films Le Dictateur (Charlie Chaplin, 1940) et La vie est belle (Roberto Benigni, 1997). En littérature, c’est un peu plus rare. D’où l’intérêt de signaler la parution du nouveau livre de l’Italien Andrea Camilleri, Le Neveu du Négus. Âgé de 87 ans, cet auteur de polars, inventeur d’une langue bien à lui qui a su séduire au-delà des frontières de son pays, s’attaque avec humour à l’Italie de Benito Mussolini, une époque marquée par « une véritable stupidité collective à mi-chemin entre la farce et la tragédie ». Composé selon un mode essentiellement épistolaire – on y trouve des lettres, des p Brhané Silassié (costume noir), le neveu du Négus qui a inspiré l’écrivain. fragments de dialogues, des articles de journaux, des télégrammes –, son roman ministère fasciste des Affaires étrangères Grhané Solassié, amateur insatiable de est un régal d’humour et de dérision. Au y voit l’occasion d’un rapprochement costumes, de chaussures et de femmes, commencement, il y a une histoire vraie: la diplomatique sur la question du tracé s’en donne à cœur joie et profite de la présenceàCaltanissetta(Sicile),entre1929 et 1932, du prince éthiopien des frontières avec la Somalie. situation jusqu’à plus soif. Brhané Silassié, neveu du « Son Excellence le chef du gouvernement pense que DUCE. Mais le plus hilarant, dans l’histoire, négusHaïléSélassié,venuétuce jeune homme jouerait à c’est sans doute l’aveuglement volontaire dier à l’École des mines. Dans merveille le rôle d’intermédes autorités – ou plutôt de tous les petits une note, Camilleri rapporte diaire auprès du Négus dans cheffaillons morts de trouille anticipant ainsi : « Pendant les années l’établissement d’un tracé les humeurs du Duce. Ministère, commisqu’il vécut à Caltanissetta, le commun, pacifique et défisariat, préfecture, parti, université, jourprince avait été un personnitif des susdites frontières. » naux, cercle des nobles, évêché, Camilleri nage. Grand, élégant, il aimait En conséquence de quoi : « Il montre une société gangrenée par le culte la belle vie, et comme l’argent envoyé par le gouvernement souhaite que, dans la mesure du chef, soumise à l’arbitraire de décisions éthiopien ne suffisait jamais, il du possible, on satisfasse tous absurdes et contradictoires, abrutie par ses désirs afin que ne soit pas une propagande répétitive, une société se couvrit de dettes. Une belle Le Neveu démentie la magnanimité qu’un petit grain de sable venu d’Abyssinie jeune fille de Caltanissetta, du Négus, va finir par faire dérailler… innée que nous ont transAnnabella, fille du pasteur Andrea Camilleri, Fayard, 252 pages, mise nos glorieux ancêtres les La réalité, bien sûr, est plus provaudois et poète bien connu 17 euros Romains. » C’est là mettre le saïque : rêvant de revanche depuis la Calogero, chez qui le prince doigt dans un bien dangereux défaite d’Adoua en 1896, l’Italie préparera habita un certain temps, engrenage… Percevant tous les bénéfices dès 1930-1931 une seconde invasion tomba éperdument amoureuse de lui. » qu’il pourra tirer de l’attention qu’il susde l’Éthiopie qui aura lieu entre 1935 C’est pour l’essentiel la trame autour de cite, manipulant avec aisance ceux qui, et 1936. Mais le pays du Négus, à l’instar laquelle l’auteur a joyeusement brodé. « stupides comme des ânes », se croient du Liberia, ne sera jamais colonisé. l Nous sommes en 1929. Informé de la « malins comme des renards », le prince NiColas MiChEl présence du neveu du Négus en Italie, le


Culture médias ThéâTre

fadhel jaïbi « dans les mosquées, on cache les armes de l’oppression de demain » Radical, le dramaturge tunisien évoque sans langue de bois son nouveau spectacle, Tsunami, un flot tourmenté en prise directe avec la Tunisie postrévolutionnaire.

A

près Corps otages (2006), où il décortiquait quatre décennies d’amnésie collective et d’échec des forces progressistes dissidentes, et Amnesia (2010), qui anticipait la chute d’un dictateur, le dramaturge tunisien Fadhel Jaïbi, figure phare du théâtre contemporain arabe, met en scène Tsunami, signé de sa complice, à la ville comme à la scène, Jalila Baccar. Les fondateurs de la compagnie Familia Production bouclent ainsi une trilogie dominée par les questions mémorielles, en fouillant au plus profond des bouleversements révolutionnaires. Artiste citoyen interpellé par les scissions d’une société tunisienne en perte de repères et craignant que la révolution ne se termine en « bain de sang », Fadhel Jaïbi se revendique d’un « théâtre élitaire pour tous ». Dans Tsunami, Hayet, avocate militante des droits de l’homme, et Amina, jeune islamiste, ne seront plus jamais les mêmes après le grand chambardement dont l’issue demeure incertaine. Fadhel Jaïbi convoque l’« Homo tunisianus » et l’appelle à se pencher sur son passé et son devenir car « un pays sans mémoire ne sait où il va ». Les 23, 24 et 25 mai, Tsunami déferle sur la scène du Théâtre national de Chaillot, à Paris. jeune Afrique: Pourquoi Chaillot, Paris, la france ? fAdhel jAïbi : Didier Deschamps, le

directeur du Théâtre national de Chaillot, a eu un coup de cœur pour mon travail, et cette première clôt la résidence de trois ans qu’il m’a proposée. Cinq stages, depuis 2011, m’ont permis de mettre sur pied Tsunami et d’aller au bout d’un projet de trilogie théâtrale. n O 2732 • du 19 Au 25 mAi 2013

depuis la révolution tunisienne, vous avez été singulièrement silencieux…

Nous avons été rares parce que nous ne savions que dire. On ne peut pas être au cœur d’un bouleversement et dire les choses : il faut laisser décanter. Nous sommes encore dans la déferlante et pas encore les rescapés d’une tourmente. S’exprimer sur l’anecdotique, l’anodin, l’événementiel et le ponctuel n’a aucun

Avec Tsunami, vous interpellez le spectateur sur les bouleversements radicaux vécus par la Tunisie depuis 2011.

La révolution est un retournement total. Tsunami,c’estcepointnoirdestructeurqui apparaît à l’horizon, grandit et s’abat brutalement, un raz-de-marée qui emporte touslesrepères,balaiecorpsetesprit.Nous avons ainsi été propulsés dans une brèche ouverte sur un avenir incertain. Nous sommes toujours dans l’œil du cyclone. La première déferlante de la révolution a décomposé l’ensemble des repères, les suivantes risquent de tout balayer.

Au fil de vos spectacles, vous avez inventé l’Homo tunisianus. A-t-il évolué ?

La capacité des Homo tunisianus à affirmer, conclure et donner des leçons laisse à la fois admiratif et perplexe. En un rien de temps, tous sont devenus experts, mais bien peu ont choisi des prises de position citoyennes, risquées. De quoi demain sera-t-il fait ? Vers où le combat nous mène-t-il ? Vers un chaos insurmontable, nous rejetant dans le plus insondable des précipices, ou vers un avenir de concorde et de paix dans un monde moins injuste et moins laid ? Dans Tsunami, lieu de chambardement de soi, l’Homo tunisianus découvre sa propre schizophrénie, de la plus ordinaire à la plus pathologique, de l’autisme le plus inquiétant à la négation de soi par fusion dans la Oumma, la nation, la tribu, dépositaire de l’ordre et de la vérité, au risque de perdre le peu de libre arbitre qui l’a poussé dans la rue et lui a permis de chasser le dictateur. Ons Abid pOur j.A.

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intérêt, l’art est une métaphore qui se sert du réel et le transcende. Il a donc fallu décrypter les signes émis par l’espace politique, économique, social et culturel sur les enjeux, les rapports de force, les luttes de terrain, sur la fatuité des uns, la mégalomanie des autres, l’aventurisme et la mainmise de l’idéologie, religieuse avant tout, présentée comme une arme de destruction massive.

dans ces circonstances, quel est le rôle du théâtre et de l’art en général ?

Plus que jamais, l’art doit s’engager,

jeune Afrique


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DR

p « Notre souci essentiel est d’être lucides, implacables, indépendants », affirme le créateur de la trilogie Corps otages (2006), Amnesia (2010) et Tsunami (2013).

alerter et résister. Pour ce nouveau spectacle,nousavonsdûconcilierartetcitoyenneté.Notresouciessentielestd’êtrelucides, implacables, indépendants. Nous avons beaucoup travaillé sur la langue, et l’image du corps s’est imposée. Il n’existe pas de théâtre sans corps aliéné ou souverain. Il n’y a pas de liberté sans celle du corps et de la parole débarrassée de la langue

le monde se prétendant musulman, cela veut dire qu’il n’y a pas de place pour les non-musulmans. Qui peut affirmer être athée aujourd’hui sans être lynché ? Qui peut prétendre que la religion procède du privé et qu’on n’a ni à s’affirmer, ni à se justifier, ni à se défendre ? Qui peut affirmer être laïque sans passer pour un athée ? Qui peut dire « je ne rentre pas dans ce

Nous défendons un théâtre amoral qui s’attaque aux interdits et aux tabous. de bois et des poncifs du politiquement et du moralement corrects. Le théâtre est un miroir qui renvoie aux questions d’intelligence, de culture, d’aliénation. Nous défendons un théâtre amoral qui s’attaqueauxinterditsetauxtabous.Ilserait trop facile de faire de l’artiste un démiurge: nous sommes aussi dans la mêlée. Pourquoi êtes-vous aussi critique face à votre famille naturelle, celle des progressistes ?

Le spectacle est le lieu de confrontation des deux visages de la société, de ces deux rêves opposés qui peuvent accoucher d’un horrible cauchemar. La question de la laïcité est un drame pour l’opposition. Elle ne propose pas, ne produit pas, ne fait pas d’inventaire. Elle résiste et se définit contre. Elle s’oppose à l’islamisme sans déterminer l’islam qu’elle défend. Tout jeune afrique

jeu du musulman/pas musulman… » ? Je suis pour une Tunisie libre, républicaine, démocratique et moderniste dont la laïcité serait le ciment. Mais qui aurait un programme politique dont les fondements seraient la culture et l’éducation. Les islamistes initient l’embrigadement des citoyens dès leurs premiers pas. Que se passe-t-il dans les écoles, les universités ? Dans les mosquées, on cache les armes de l’oppression de demain. On est passé du prêche à la menace armée. Tsunami est-il une métaphore de la Tunisie actuelle ?

Je ne suis pas prophète, mais je possède des clés de lecture et je suis dans l’exercice permanent de la vigilance. Tsunami est alarmiste à dessein, car on ne peut établir de constat sans l’assortir de mises en garde. Face à la menace

d’hégémonie idéologique religieuse, le spectacle évoque la confusion des sens, la difficulté à voir clair, la vanité de ceux qu’un formidable appétit, assorti d’arrogance et de suffisance, dévore. Sur scène, une femme revenue de tout parce que sa révolution lui a été confisquée rencontre une jeune fille islamiste révoltée parce qu’on lui vole son islam. C’est une allégorie de la Tunisie. À quel type de société sommes-nous confrontés aujourd’hui ? Notre histoire annonce un schisme, un pays coupé en deux. Que vont faire les islamistes ? Que va-t-on faire des progressistes ? Est-ce le combat des Horaces contre les Curiaces ? Plus que jamais les lois de la cité doivent être mobilisées face à celles d’une religion bafouée, instrumentalisée, hégémonique et meurtrière… La société civile contre ceux qui veulent gouverner selon la loi divine… Antigone contre Créon, mais à l’envers. Pour disséquer la confusion, vous recherchez plus de dépouillement…

Je suis de moins en moins dans un théâtre d’analyse et de plus en plus dans un théâtre d’atmosphère. Il importe moins de parler des événements que de leur impact. Le spectacle est monté comme une succession de flashs. Mon souci est de dire le vacarme du monde de la manière la plus épurée. L’art, c’est la forme. Sans beauté, sans rythme et sans émotion, les meilleures idées prennent l’eau. l Propos recueillis à Tunis par Frida dahmani n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013


Culture médias BEAU LIVRE

Notre histoire de l’Afrique Publié aux Éditions de La Martinière, un album revient sur l’aventure de votre hebdomadaire depuis sa création en 1960 par Béchir Ben Yahmed jusqu’à aujourd’hui.

Vincent fournier

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I

l fallait un certain culot pour se lancer dans pareille aventure. Pour prétendre résumer plus de cinquante ans d’histoire en quelques dizaines de dates et d’images. Réduire un demisiècle d’efforts à moins de trois cents pages. C’est pourtant ce que j’ai cru pouvoir tenter, davantage par inconscience que par prétention, lorsque les Éditions de La Martinière m’ont proposé de consacrer un livre à Jeune Afrique – un hebdomadaire que je connaissais un peu pour en avoir dirigé la rédaction dans les années 1970, et en être resté un fidèle lecteur. Les Éditions de La Martinière comptent parmi les plus grands producteurs mondiaux de ce qu’on appelle les beaux livres : albums photographiques somptueux, monographies de peintres, gros ouvrages iconographiques… À leur riche catalogue figure une collection dédiée aux grandes entreprises de presse, aux journaux qui ont, d’une manière ou d’une autre, marqué leur époque. Un volume y avait été consacré par exemple au quotidien Libération, n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

un autre à l’hebdomadaire L’Express, un troisième au mensuel Actuel. Rien de très étonnant, donc, à ce qu’ils aient songé un jour à y inclure ce magazine vraiment pas comme les autres qu’est Jeune Afrique. En acceptant de m’y consacrer, je ne mesurais pas bien l’ampleur de la tâche.

On y trouve aussi les témoignages inédits de ceux qui ont partagé la vie de Jeune Afrique. Jeune Afrique, 50 ans, une histoire de l’Afrique, de Jean-Louis Gouraud et Dominique Mataillet, Éditions de La Martinière 290 pages, 39,90 euros

Heureusement, l’excellent Dominique Mataillet, qui collabore à Jeune Afrique depuis plus de vingt ans, est venu à ma rescousse. Cinquante années de parution régulière, cela représente plus de deux mille cinq cents numéros, qu’il faudrait compulser et relire en partie. Je ne dis rien du poids (quelques quintaux de papier), non : je parle du contenu, d’une incroyable richesse. D’abord parce que la période couverte fut elle-même d’une extraordinaire effervescence : la guerre d’Algérie, les indépendances, la création de l’Organisation de l’unité africaine. Ensuite parce que toutes ces grandes causes mobilisèrent de grands esprits, dont on retrouve la signature dès les premiers numéros de Jeune Afrique, qui a commencé par s’appeler Afrique Action : le premier numéro date du 17 octobre 1960. Sa couverture, naturellement, figure dans l’album que viennent de publier les Éditions de La Martinière. Suivie de quelques centaines d’autres: de quoi survoler l’histoire de l’Afrique (et du monde) jeune afrique


Jeune afrique, 50 ans, une histoire de l’afrique

de 1960 à 2010. Et même au-delà : la dernière couverture reproduite date du 26 mars 2011 et montre le nouveau président de la Guinée, Alpha Condé. Découpé en cinq grands chapitres – un par décennie –, l’ouvrage s’ouvre, à tout seigneur tout honneur, sur un texte-confession dans lequel le fondateur de Jeune Afrique, Béchir Ben Yahmed, s’explique pour la première fois sur les circonstances de la création de son journal, sur ses objectifs, ses combats – et ses résultats. témoignages. Ces cinq décennies sont

présentées chacune par une personnalité ayant marqué l’histoire de J.A. (Jean Daniel, Amin Maalouf ) ou l’Histoire tout court (Abdou Diouf, Lakhdar Brahimi). Elles sont suivies par les portfolios de photographes devenus célèbres après avoir fait leurs premiers pas à Jeune Afrique: Abbas, Guy Le Querrec, Pascal Maître, etc. Entre les deux, la reproduction des principales couvertures de la décennie et de quelques articles marquants de collaborateurs éminents aussi différents que Kateb Yacine, Frantz Fanon, Aimé Césaire, Fouad Laroui ou Stéphane Hessel. On y trouve aussi le témoignage inédit de ceux qui ont, à un moment ou à un autre, partagé la vie de Jeune Afrique : Guy Sitbon, Jean Lacouture, Jean Ziegler ou Hervé Bourges. Ainsi que, bien sûr, ces grandes plumes du journalisme africain que furent Siradiou Diallo, Sennen Andriamirado (et d’autres). Ce beau livre s’achève sur des textes de l’équipe actuelle : François Soudan, Marwane et Amir Ben Yahmed. Parmi les nombreuses pépites que recèle ce bel hommage à l’hebdomadaire, qui conserve, un demi-siècle après sa création, une place et une influence intactes en Afrique, au nord comme au sud du Sahara, et ailleurs dans le monde, il y a un petit texte, discret mais très révélateur, d’une personne qui a toujours répugné à se mettre en avant, mais qui a joué pourtant, et joue encore, un rôle essentiel dans le Groupe Jeune Afrique : Danielle Ben Yahmed, l’épouse de Béchir et la mère d’Amir et de Marwane. l Jean-Louis gouraud jeune afrique

CÔTE D’IVOIRE INTERVIEW : SORO CONTRE-ATTAQUE

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2610 • du 16 au 22 janvier 2011

www.jeuneafrique.com

p Des dizaines de couvertures sélectionnées pour raconter les bonheurs et les malheurs du continent. TUNISIE

FUITE ET FIN L’ex-président Zine el-Abidine Ben Ali lors de son discours à la nation, le 13 janvier, veille de sa chute.

s page ial 12 spéc

ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Culture médias En vue

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n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

Musique

Homme-orchestre D’une piste à l’autre, d’un univers à l’autre. Dans Voyage & Friends, Manuel Wandji ose tout et ne se refuse rien: ni les influences hip-hop, ni la beatbox (pour « today Obama », il a débauché Kenny Muhammad, « l’orchestre humain »), ni le didjeridoo. percussionniste reconnu, né à nancy d’un père camerounais et d’une mère française, il mixe sons ethniques et groove urbain. Wandji n’aime rien tant que le métissage, et cela s’entend. l Anne KAppès-GrAnGé

PhiliPPe Monges

Voyages & Friends, de Manuel Wandji, CD et DVD, coédition Buda Musique-RFI, 16 euros nnn Photo

l’ogive et le narguilé

p Saint-Georges-de-la-Mine, construit par les Portugais en 1482 au Ghana. histoire

l’esclavage en cartes et en images

Un atlas exhaustif et un sobre album photographique racontent à leur manière, complémentaire, le commerce des êtres humains.

D

irel’esclavage,exprimerl’horreur de la traite. nombreux sont les ouvrages qui reviennent sur ce « passé qui ne passe pas », le plus souvent au travers de la question polémique des « réparations ». Dans le fouillis de la production éditoriale, certains livres se distinguent par leur pertinence. C’est le cas de la nouvelle édition de l’Atlas des esclavages. De l’Antiquité à nos jours, de Marcel Dorigny et Bernard Gainot. refusant de se focaliser sur la traite entre l’afrique, l’europe et les États-unis, les auteurs décortiquent la question en cartes et graphiques, de l’antiquité méditerranéenne aux persistances actuelles, pour offrir un panorama quasi exhaustif – et terrifiant de précision. la traite dans l’océan indien, les royaumes négriers en afrique, les ports européens impliqués,

Les aLbuMs opposant des photos du beyrouth d’avant et d’après-guerre foisonnent. L’album de samer Mohdad adopte un angle plus original en présentant la cité « sept fois détruite, sept fois reconstruite » en quatre périodes, du paysage urbain ravagé par la guerre à la ville apaisée où l’on fume le narguilé, où l’on palabre dans les cafés, mais où parfois pointe l’ogive d’une roquette rPG. Des textes racontant ses retours chez lui font la transition et apportent aux images le verbe et la vie. l

les affranchissements et les abolitions : tout est résumé là, preuve par preuve. ladémarcheduphotographephilippe Monges est tout autre : il photographie les lieux de l’esclavage. les architectures militaires, les bâtiments du pouvoir, les paysages de la résistance et du marronnage, au Ghana, au sénégal, en Guadeloupe, en Haïti, mais aussi à nantes, Marseille ou Bordeaux, et jusqu’au fort de Joux, dans le Doubs, où périt toussaint-louverture. avec des images sobres, souvent vides d’âme humaine, Monges laisse libre cours à l’imagination de chacun. le silence s’impose : l’atmosphère des lieux reste imprégnée d’une histoire pesante, indigeste, et de nombreux détails rappellent que l’opulence des uns avait pour prix la vie des autres. avait ? l

rallier la capitale sénégalaise à paris en courant… une démarche, mise au service d’un récit à hauteur d’homme, que l’on doit à pierre Cherruau, journaliste-écrivain. On s’attarde longtemps sur la terre de senghor, mais on arrive à destination, sans ennui, au fil d’une aventure qui n’essouffle que le coureur. l

nicolAs MicHel

AbDel pitroipA

Atlas des esclavages. De l’Antiquité à nos jours, de Marcel Dorigny et Bernard Gainot, Autrement, 79 pages, 17 euros nnn Mémwa, de Philippe Monges, Trans Photographic Press, 128 pages, 35 euros nnn

De Dakar à Paris. Un voyage à petites foulées, de Pierre Cherruau, Calmann-Lévy, 300 pages, 18,50 euros nnn

n o 2732 • du 19 au 25 Mai 2013

lAurent De sAint périer

Beyrouth mutations, de Samer Mohdad, Actes Sud, 224 pages, 35 euros

nnn

Livre

Dakar-paris

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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

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N° 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013


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SHELTER-AFRIQUE est une Institution régionale de financement de l’habitat créée par les gouvernements africains et la Banque africaine de développement, en vue d’investir dans la promotion de l’habitat et de l’aménagement urbain dans les pays africains. Elle compte actuellement comme actionnaires, 44 pays africains, la Banque africaine de développement et la Société africaine de réassurance. L’institution se propose de pourvoir au poste de Chef d’Equipe – Services juridiques, basé au Siège à Nairobi, Kenya. Objectif général Responsable devant le Directeur des Affaires institutionnelles & Secrétariat, le Chef d’équipe est chargé et responsable de toutes les questions juridiques de la Société, de l’enregistrement de tous les prêts et décharges hypothécaires afférentes, et s’assure que toute la documentation soit exacte et complète avant de la soumettre à la signature et à l’enregistrement. Fonctions & responsabilités principales • Analyser tous les documents liés aux décharges, y compris les lettres de décharge, les résiliations, les accusés de réception, directives et enregistrements, pour s’assurer qu’ils sont exacts, et que toutes les conditions sont remplies avant de les transmettre aux signataires autorisés pour signature. • Assister la direction générale dans l’interprétation et l’application des Statuts, règles et règlements de la Société tel qu’il peut être requis de temps à autres. • Donner des conseils et avis juridiques à la direction générale, aux divers départements et aux comités créés de temps à autres par la direction générale. • Rédiger les accords de prêts et élaborer la documentation connexe, et s’assurer que les prêts de la Société soient couverts de garanties adéquates.

Qualifications & expérience maximum : • Diplôme de Maitrise en Droit commercial, avec spécialisation en Droit foncier, Banque ou Investissements ; ou une combinaison d’un Master en Gestion d’entreprises (MBA) ou en Sciences économiques avec une Licence en Droit ; • Posséder une licence valable de pratique judiciaire, ou être un avocat de la Haute Cour dans l’un des pays membres de Shelter-Afrique. • Justifier d’au moins 12 ans de pratique judiciaire, dont 7 ans devraient avoir été passées dans un environnement de gestion de projets commerciaux ou résidentiels. • Bonne connaissance des opérations hypothécaires et aptitude à rédiger, comprendre et interpréter les documents de garantie en général. • Parler couramment l’Anglais ou le Français avec une bonne connaissance pratique de l’autre langue. Termes de l’offre : Shelter-Afrique offre des traitements et avantages sociaux compétitifs, ainsi qu’un environnement de travail collégial. Le mandat du titulaire du poste est de trois ans, avec possibilité de renouvellement pour un mandat similaire. Candidatures : Des candidats sont invités à envoyer une lettre de motivation illustrant qu’ils remplissent les conditions requises quant aux qualifications connexes, ainsi qu’un curriculum vitae avec les noms et adresses de trois références à jobs@shelterafrique.org Les candidats devraient spécifier le titre du poste comme l’objet de leurs soumissions par courriel. La date butoir pour la soumission des candidatures est fixée au 18 juin 2013. Seuls les candidats présélectionnés ayant rempli les conditions susvisées, seront contactés. Pour de plus amples informations sur le poste et sur Shelter-Afrique, veuillez bien visiter notre cyber-site : http://www.shelterafrique.org

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The candidate will support the identifying increasing try Directors, Management Unit (CMUs) and Sector Unit successful (SMUs) staff and with development partners as CCD well asinRECs (ECOWASopportunities and UEMOA) andfor other regional instithe poverty impacts of the ongoing regional integration program and projects and possible innovations that would assure efficiency, cost tutions, think tanks and civil society. effectiveness and speed of delivery. The Snr Operations Officer will also support the CCD to coordinate closely with other West Africa Country Directors, Country Management Unit (CMUs) and Sector Management Unit (SMUs) staff and with development partners as well as RECs Duties and Accountabilities:The Snr. Operations Officer will report to the West Africa Coordinating CD and work closely with the Regional Integration department staff based in Wash(ECOWAS and UEMOA) and other regional institutions, think tanks and civil society. ington and the West Africa CDs. Duties and Accountabilities:The Snr. Operations Officer will report to the West Africa Coordinating CD and work closely with the Regional A. Program Development: (i) Assist Africa CCD to work closely TTLs, West Africa CMUs and SMUs staff, CDs, governments and development partners to identify transformaIntegration department staff West based in Washington and with, the West Africa CDs. tiveA. regional integration opportunities, approaches instrument. (ii)Assist CCDclosely in coordinating the West Africa Implementation Action Plan staff, of the CDs, West Africa Regional Integration Program Development : (i) Assistand West Africa CCD to the work with, TTLs, West Africa CMUs and SMUs governments and development partners to identify transformative regional integration opportunities, approaches and instrument. (ii)Assist the CCD in Assistance Strategy.(iii)Prepare briefs for the CCD on a variety of issues related to the regional context and program in the sub region and assist with coordination of analytical work related coordinating the West Africa Implementation Action Plan of the West Africa Regional Integration Assistance Strategy.(iii)Prepare briefs for the to regional integration, including thoserelated related totoimplementation and and policyprogram dialogue. in the sub region and assist with coordination of analytical work related CCD on a variety of issues the regionalissues context to regional integration, including those related to implementation issues and policy dialogue. B. Coordination of Portfolio Management and Implementation Support: (i) Support CCD in overall coordination among CDs, CMU and SMU staff and project teams to ensure effecCoordination of Portfolio Management and Implementation Support. (i) Support CCD in overall coordination among CDs, CMU and tiveB. implementation of regional integration programs and timely production of deliverables.(ii) Represent CCD in reviews of Project Concept notes (PCDs) Project Appraisal Documents (PADS. SMU staff and project teams to ensure effective implementation of regional integration programs and timely production of deliverables.(ii) Initiating Memorandums project supervision reports, and other reports includingProject economic sector workDocuments for consistency(PADS. with the Regional Integration Strategy and(IMs), CASs.(iii)Assist CCD Represent CCD (IMs), in reviews of Project Concept notes (PCDs) Appraisal Initiating Memorandums project supervision reports, and other reports including economic sector work for consistency with the Regional Integration Strategy and in identifying cross-cutting portfolio issues and work closely with CMUs and coordinating CDs, sector leaders and AFTOS in addressing them. CASs.(iii)Assist CCD in identifying cross-cutting portfolio issues and work closely with CMUs and coordinating CDs, sector leaders and AFTOS Selection Criteria:The Snr Operations Officer requires excellent oral and written communication skills; the ability to respond to shifting work priorities and deliver high quality work on time in addressing them. andSelectionCriteria ability and capacity to :The negotiate resolve differences opinion/conflicts constructively. need to be self-motivated and possess superior interpersonal skillswork involving Snrand Operations Officerofrequires excellent oral andCandidates written communication skills; the ability to respond to shifting priorities and deliver high quality work on time and ability and capacity to negotiate and resolve differences of opinion/conflicts constructively. teamwork and collaboration with development partners with professionals of other disciplines and other departments. In addition, the following criteria need to be met: ( I ) Master’s degree Candidates need to be self-motivated and possess superior interpersonal skills involving teamwork and collaboration with development in economics, publicprofessionals policy, business administration, engineering, orother other discipline applicableIntoaddition, the duties the and responsibilities of theneed position; of relevant experience partners with of other disciplines and departments. following criteria to (Il) beMinimum met: ( I8)years ,.74;9*7 degree in economics, public policy, business administration, engineering, or other discipline applicable to the duties and responsibilities of the position; (Il) in one or more professional disciplines ideally related to infrastructure sectors, natural resource management, donor coordination; ( III ) Knowledge of the donor architecture, frameworks Minimum 8 years of relevant experience in one or more professional disciplines ideally related to infrastructure sectors, natural resource andmanagement, priorities for supporting integration( in Africa; ( IV ) of Experience in setting up portfolioframeworks monitoring systems, quality assurance systems, and/or monitoring and evaluation donorregional coordination; IIIWest ) Knowledge the donor architecture, and priorities for supporting regional integration in West Africa; ( IV ) Experience in setting up portfolio monitoring systems, quality assurance systems, and/or monitoring and evaluation systems. systems. Knowledge and/or experience in the application of results-based approaches at project, program, and national/regional levels; Knowledge and/or experience in the application of results-based approaches at project, program, and national/regional levels; For the FULL job description and selection criteria for this vacancy, qualified candidates are requested to visit and submit an electronic application at the World Bank careers website: For the FULL job description and selection criteria for this vacancy, qualified candidates are requested to visit and submit an electronic www.worldbank.org/careers. Once on the site, Click on > Current Job Openings > Job Family >Operational Services>Job type >Professional & Technical> Location >Abuja, application at the World Bank careers website:www.worldbank.org/careers. Once on the site, Click on > Current Job Openings > Job Family >Operational typeBank >Professional & Technical> Location >Abuja, Nigeria> Jobculture number >131134. background. The World Bank Group is Nigeria> Job numberServices>Job >131134. The World Group is committed to achieving diversity in terms of gender, nationality, and educational Individuals with disabilicommitted to achieving diversity in terms of gender, nationality, culture and educational background. Individuals with disabilities are equally tiesencouraged are equally encouraged to apply. Only shortlisted candidates will be contacted. Closing date is May 26, 2013. to apply. Only shortlisted candidates will be contacted. Closing date is May 26, 2013.

N° 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Formation - Recrutement

Snr. Operations Officer (Regional Integration)

JEUNE AFRIQUE

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Appel d’offres - Recrutement

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Annonces classées

Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires Organization for the Harmonization of Business Law in Africa Organizacion para la Armonizacion en Africa de la Legislacion Empresarial Organização para a Harmonização em Africa do Direito dos Negocios SECRETARIAT PERMANENT

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL

N° AOI/001/2013/SP/OHADA relative à l’étude sur l’impact économique de l’OHADA Date de lancement : 20 mai 2013 - Date de clôture : 21 juin 2013 Financement : BUDGET OHADA 2013

Le Secrétariat Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) lance un Appel d’Offres International en vue de la sélection d’un consultant chargé de conduire l’étude sur l’impact économique de l’OHADA. Contre le versement d’une somme non remboursable de deux cent mille (200 000) francs CFA, soit environ trois cent cinq (305) euros, payable par chèque certifié, transfert bancaire ou en espèces à la Direction Financière et Comptable du Secrétariat Permanent de l’OHADA, le dossier d’appel d’offres (DAO) pourra être retiré à l’adresse suivante : Secrétariat Permanent de l’OHADA, Immeuble OHADA, quartier Hippodrome, face MINREX, B.P 10071 Yaoundé – Cameroun Tél. : (+237) 22 21 09 05 / fax: (+237) 22 21 67 45, courriel : secretariat@ohada.org A leur demande, le Secrétariat Permanent pourra expédier, par courrier express contre paiement d’une somme forfaitaire de cent mille (100.000) francs CFA, soit environ cent cinquante trois (153) euros, pour les frais d’envoi, le DAO aux soumissionnaires intéressés. La date limite de remise des offres au Secrétariat Permanent de l’OHADA à Yaoundé, est fixée au vendredi 21 juin 2013 à 13 heures GMT. L’ouverture des offres en séance publique, devant les soumissionnaires qui le désirent ou leurs représentants, aura lieu le même jour à 15 heures GMT. Le Secrétaire Permanent N° 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Nos offres d’emploi Directeur Projet (H/F) 80K€ (Réf. JO-036295)

Gabon - CDI - Services Informatiques

Contrôleur de Gestion Senior (H/F) 55K€ (Réf. JO-036447)

Cameroun - CDI - Industrie

Directeur Général (H/F) 110K€ (Réf. JO-026009)

République Démocratique du Congo - CDI - BTP

Directeur Financier (H/F) 100K€ (Réf. JO-036022)

Afrique Centrale - CDI - Banque

Directeur de Maintenance (H/F) 90K€ (Réf. JO-023469)

Angola - CDI - Agro-industrie

Directeur Juridique (H/F) 90K€ (Réf. JO-023143) Maroc - CDI - Finances

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JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/2013/D.G.TRSM.I

Les offres de la semaine de Michael Page Africa Le spécialiste du recrutement sur l’Afrique Banque de détail

pour l’acquisition d’équipements faisceaux hertziens numériques

Directeur(trice) des Risques

La Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique lance un appel d’offre international pour l’acquisition d’équipements faisceaux hertziens numériques. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offres à l’adresse suivante :

LE CAIRE (EGYPTE) %(# $ '"& !) Réf. : QHED 600969 Distribution Grande Consommation

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE 1068 - Cité EL ROMMANA BAB SAADOUN B.P. 81 Contre le paiement de la somme de vingt cinq (25) dinars libellé au nom de Monsieur le régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale, par chèque ou par mandat postal (CCP N° 17001000000006168224). Les offres doivent parvenir sous plis fermés par la poste en recommandé ou par rapide poste ou déposées directement au bureau d’ordre de la Direction portant la mention « à ne pas ouvrir Appel d’offres international N° 01/2013/D.G.TRSM.I pour l’acquisition d’équipements faisceaux hertziens numériques » comportant la caution de soumission, les pièces administratives, l’offre technique et l’offre financière et ce au plus tard le 15 Juin 2013. (Le cachet du bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique faisant foi).

Directeur(trice) Commercial(e) DOUALA (CAMEROUN) %(# $ "& !) Réf. : QFKE 600928 Retrouvez les détails de ces postes et postulez en ligne sur www.michaelpageafrica.com

Africa

Dans le cadre de l'exécution de l'exercice fiscal 2012-2013, l’Electricité d’Haïti (EDH) lance un appel d'offres pour « l’acquisition de fournitures de lignes électriques de transmission et de distribution ». Ces fournitures sont réparties en huit (8) lots et constituées de Quincaillerie, outils et équipements, conducteurs et câbles, poteaux bois, poteaux béton, transformateurs & bushing, matériels de sécurité, matériels de transmission et de distribution. La participation à la concurrence est ouverte aux personnes physiques nationales et internationales dotées de la capacité juridique et aux personnes morales nationales et internationales régulièrement constituées, les personnes morales nationales devant être en règle avec le fisc. (Quitus, patente, carte d’immatriculation fiscale, moniteur). Les personnes morales internationales doivent fournir l’adresse légale dans le pays ou la firme est constituée, l’année de constitution et les statuts de la firme. Le dossier complet dudit appel d'offres peut être consulté gratuitement à l’EDH ou il peut être également retiré contre le paiement, par chèque de direction émis à l’ordre de l’EDH, d'une somme forfaitaire et non remboursable de six mille gourdes (6. 000.00 gdes). Le soumissionnaire peut soumissionner pour un (1) lot, deux (2) lots, trois (3) lots, ..., ou les huit (8) lots et peut être attributaire d’un lot, deux lots jusqu’à un maximum de quatre (4) lots. Les offres, présentées conformément aux instructions aux soumissionnaires et accompagnées d'une garantie de soumission de deux pour cent (2%) du montant total de la soumission devront parvenir ou être remises sous plis cachetés au plus tard le 28 juin 2013 à dix heures am (10:00 H), date et heure limites du dépôt des offres à l’adresse suivante : Electricité d’Haïti - Direction de Planification Commission Spécialisée des Marchés Publics Angle rue Charéron et Boulevard Harry Truman - Port-au-Prince, Haïti Téléphone : (509) 2811-0246 / 2812 -1244 L'ouverture des plis en séance publique interviendra le même jour à dix heures trente am (10:30 H) à l’adresse ci-dessus de l’EDH, en présence des soumissionnaires ou de leurs mandataires désirant y participer. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai maximum de quatre-vingt-dix (90) jours, à compter de la date prévue pour le dépôt des offres. L’EDH se réserve le droit de ne donner aucune suite au présent appel d'offres. Fait à Port-au-Prince le 14 juin 2013 Andress APPOLON, Directrice Générale JEUNE AFRIQUE

N° 2732 • DU 19 AU 25 MAI 2013

Recrutement - Appel d’offres

AVIS D'APPEL D'OFFRES OUVERT INTERNATIONAL N° : DAOI 0024 - Pour l’acquisition de fournitures de lignes électriques de transmission et de distribution


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Annonces classées

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT POUR LE RECRUTEMENT DE CONSULTANTS (Firme) APPUI À LA CRÉATION DES OUTILS POUR L’OPÉRATIONNALISATION DU SYSTÈME D’INFORMATION SUR L’EAU DE LA CEEAC (SIE) Secteur : Eau - N° Don : IPPF-NEPAD - N° du Projet : P-Z1-E00-001 1. La Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale, en sigle CEEAC, a reçu un don de la Facilité pour la Préparation des Infrastructures (IPPF-NEPAD), gérée par la Banque Africaine de Développement, pour exécuter le Projet de Mise en œuvre de la Politique Régionale de l’Eau et à l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce don pour financer le contrat relatif à « L’ Appui à la création des outils pour l’opérationnalisation du Système d’Information sur l’Eau de la CEEAC (SIE) ».

Divers - Manifestation d’intérêt

2. Les services prévus au titre de ce marché comprennent : i. Créer, développer et rendre fonctionnelle la base de données du SIE ; ii. Compléter l’audit des données existantes sur l’eau du territoire géographique de la CEEAC ; iii. Développer les domaines fondamentaux et les applications thématiques du SIE ; iv. Développer les modules de diffusion des informations vers les cibles : public, décideurs, usagers de l’eau, chercheurs et domaine de l’éducation ; v. Créer et développer le portail SIE sur le site WEB de la CEEAC (www.ceeac-eccas.org); vi. Elaborer les modèles de protocole d’échange de données entre les acteurs du SIE (Secrétariat général de la CEEAC, Etats membres, institutions régionales et internationales), ainsi que les formats d’échange de ces données ; vii. Elaborer le programme de renforcement des capacités des acteurs SIE pour la gestion des bases de données sur l’eau et le SIE. Le Secrétariat général de la CEEAC invite les Consultants intéressés à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Lesdits Consultants doivent produire les informations sur leur capacité et expérience dans le secteur de l’eau démontrant

qu’ils sont qualifiés pour les prestations attendues (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans au moins deux missions comparables, disponibilité de personnel qualifié, meilleure connaissance de la Région Afrique centrale, etc.). Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 3. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’Utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement (édition de Mai 2008, révisé en juillet 2012), qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 4. Les Consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous. 5. Les expressions d’intérêt doivent être déposées, sous pli fermé, à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 16 juin 2013 à 12 heures précises locales et porter expressément la mention : « Avis à Manifestation d’Intérêt Appui à la création des outils pour l’opérationnalisation du Système d’Information sur l’Eau de la CEEAC » Attention : Monsieur le Secrétaire Général Secrétariat Général de la CEEAC Haut de Gué Gué - B.P. 2112 - Libreville - République Gabonaise Tél : (+241) 01 44 47 31 Courriel : secretariat@ceeac-eccas.org; Dawile_fr@yahoo.fr avec copie à : jplibebele@yahoo.fr

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Israël – i24news, la voix de Tel-Aviv Après FrAnce 24, Al-Jazira, Africa 24, Vox Africa, ou encore Al-Qarra, voici une nouvelle chaîne internationale d’information – encore une ! – qui prétend cibler l’Afrique et le Moyen-Orient… nous n’en pouvons déjà

plus de toutes ces chaînes qui nous assomment quotidiennement des mêmes informations, la plupart du temps des mêmes images, qu’elles achètent toutes aux mêmes agences et traitent toutes de la même façon. La valeur ajoutée cette fois ? elle est pour « ceux qui détestent Israël », assène-t-on dans votre article

n o 2732 • Du 19 au 25 mai 2013

ses adversaires, trop nombreux, ce n’était rien qu’une utopie, une de plus. Finalement, le 25 mai 1963, sous le haut patronage de l’empereur Haïlé sélassié ier, les sages pères des indépendances trouvèrent un compromis, une sorte « d’unité tout en diversité ». la charte de l’OuA rassemblait de nobles principes, tels que la libération totale du continent, l’éradication du racisme, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. Aujourd’hui, l’on a tendance à juger l’OuA exclusivement à l’aune de ses échecs. Or se replacer dans le contexte de l’époque met en évidence deux réussites indéniables : l’indépendance sur l’ensemble du continent (l’Afrique s’est élargie à 54 pays libres et souverains) et l’effondrement de l’« ordre blanc » en Afrique australe. il y a, certes, un lourd passif : la pauvreté, l’instabilité récurrente, les conflits identitaires. et, bien sûr,

LALA HAIdArA, Bamako, Mali

réponse : Votre agacement prouve au

Jubilé D’un anniversaire l’autre Après le cinquAntenAire des indépendances, voici venu celui de l’unité. il y a cinquante ans, en effet, une trentaine de leaders africains jetaient à Addis-Abeba les bases de l’Organisation de l’unité africaine (OuA). c’était la période la plus romantique de l’histoire africaine, la vague des indépendances autorisant tous les espoirs. Des visionnaires, Kwame nkrumah en tête, avaient alors ranimé le rêve panafricaniste. le Ghanéen rêvait des « États-unis d’Afrique », avait un plan presque impérial et utopique : il voulait une constitution, une monnaie et un gouvernement uniques, un marché commun, une politique commune de défense, une citoyenneté africaine. ses aspirations tenaient en une formule : « Africa must unite! » pour ses amis – sékou touré, Modibo Keïta, Gamal Abdel nasser, Julius nyerere –, ces États-unis d’Afrique figuraient en priorité l’accomplissement de la conscience africaine. pour

« i24 news, la voix de Tel-Aviv » (J.A. no 2729-2730, du 28 avril au 11 mai). Léger… Frank Melloul est-il en « mission »? et pour qui? Les fonds sont privés, dit-on, pour ne pas dépendre, comme les autres, « d’agendas gouvernementaux ». comme si cela constituait une assurance d’indépendance… Un point que votre journaliste n’a pas jugé utile de soulever, livrant un article, finalement peu critique, qui n’apporte rien. Tout au plus s’apparente-t-il à un bon communiqué de presse. l

une routine qui a fait de l’OuA un médiocre « syndicat de chefs d’État ». Mais l’espoir a toujours été là. et, à l’aube du nouveau millénaire, une nouvelle génération de leaders africains s’est ralliée aux exigences de la mondialisation. Ainsi est née l’union africaine (uA) à Durban (Afrique du sud), en 2002, version moderne de l’OuA. cette fois, l’acte constitutif, qui met en avant l’intégration politique et économique du continent, la bonne gouvernance, la protection des droits des hommes et des peuples, témoigne de la volonté d’avancer sur la voie de l’unité. les défis accumulés sont majeurs, les pièges à venir, légion. Mais, sans la cohérence, la solidarité, la dévotion, la vision à long terme, rien n’est possible. il faut espérer, certes, mais aussi travailler, jour après jour, pour la grandeur de l’Afrique et pour le rêve panafricain des pionniers. l dr VIoreL cruceAnu, Bacau, Roumanie

moins que vous nous lisez avec attention ; nous vous en remercions. Il revient toutefois aux responsables de la chaîne d’apporter des réponses aux questions que vous soulevez, en particulier celles qui ont trait à la stratégie et aux moyens engagés. comme vous l’avez sans doute noté, i24news n’a pas encore été lancée: il nous a donc fallu aller à l’essentiel. Vos critiques seront certainement plus légitimes dans quelques semaines. l LA rédAcTIon

Madagascar ravalomanana a tout gâché

p J.A. no 2731, du 12 au 18 mai 2013.

KInOcOngOLAIs (congolais de Kinshasa), je m’autorise à intervenir dans le débat sur Madagascar. en permettant à son épouse, Lalao, de se présenter à la prochaine élection présidentielle, Marc ravalomanana se doutait bien que l’ancien président Didier ratsiraka trouverait lui aussi le moyen de se présenter, question d’échapper aux représailles en cas de victoire du clan rival. Bien qu’elle n’ait pas séjourné dans le pays plus de six mois avant de se présenter, comme l’exige la loi, Lalao ravalomanana a vu sa Jeune afrique


Vous nous

candidature validée par la commission électorale, comme celle de Ratsiraka. Un parfait imbroglio se construit au vu et au su de tous, la confiance entre belligérants étant définitivement rompue, si tant est qu’elle ait existé un jour. Marc Ravalomanana a tout gâché, mais lequel des deux est le plus à blâmer ? l KaKel MbuMb, Lubumbashi, RD Congo

Rectificatif Contrairement à ce qui est indiqué en page 13 de notre édition datée du 12 au 18 mai (J.A. no 2731), la photo illustrant l’article consacré à Francis Dooh Collins n’est pas celle de l’intéressé. Il s’agit en réalité de son frère Albert Dooh Collins. Toutes nos excuses aux concernés, ainsi qu’à nos lecteurs, pour cette méprise. l la RédactiOn

Religion les chrétiens d’Orient en péril J’aimerais attirer votre attention sur la situation tragique que vivent les chrétiens d’Orient, une des communautés religieuses les plus anciennes de la région, dépositaire d’une culture deux fois millénaire dont la disparition semble aujourd’hui aussi inéluctable que proche. Une disparition par l’émigration qui a vraiment pris forme avec l’exode de milliers de chrétiens de Palestine : ceux-ci représentaient 30 % de la population en 1948 lors de la création d’israël, contre moins de 2 % aujourd’hui. au Liban, la guerre de 1975-1990 et ses pires aspects confessionnels ont fait fuir par milliers les jeunes chrétiens, scénario réédité en irak depuis l’invasion américaine de 2003 et les exactions

Forum Addhope La Fondation Sinopec-Addax Petroleum lance le «Forum Addhope». Objectif : offrir une plate-forme de dialogue et d’échange aux ONG, secteur public, secteur privé et milieu universitaire sur les enjeux du développement économique et social. Date : 23 mai 2013 Lieu : Genève (Suisse) La Fondation Sinopec-Addax Petroleum s’engage en faveur du développement communautaire durable. Son but premier est de soutenir les communautés défavorisées en renforçant leurs capacités et leur autonomie. À ces fins, la Fondation soutient des projets de santé, d’éducation et d’environnement, principalement en Afrique, au Moyen-Orient et en Chine. Pour plus d’informations : www.addhopefoundation.org

communautaires qui les ont fait fuir par centaines de milliers. en Égypte, la révolution de 2011 a indirectement activé les violences contre les Coptes, lesquels se sentent aujourd’hui menacés par les Frères musulmans et les salafistes : ils seraient plus de 100 000 à avoir pris le chemin de l’exode, et plus encore s’y prépareraient. et ils fuient aujourd’hui la syrie, pris entre le marteau du régime et l’enclume d’une insurrection de plus en plus jihadiste… La présence chrétienne en Orient était pourtant un trait de la richesse sociale et culturelle de la région. sa disparition annoncerait une triste uniformisation et, sans doute, celle des autres minorités qui la peuplent. l MaROun Haddad, Beyrouth, Liban

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Hebdomadaire international politique, économie, culture

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Post-scriptum Fawzia Zouari

Fondé à tunis le 17 oct. 1960 par béchir ben Yahmed (53e année) édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com direCtion directeur de la publication : BécHir Ben YAHmeD (bby@jeuneafrique.com) directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

La tentation de l’homme

rédaCtion

L

e mois dernier, un pays du Golfe – dont je tairai le nom par charité musulmane – a expulsé trois hommes natifs d’un émirat voisin au motif qu’ils sont… trop beaux. Trois gars surpris en flagrant délit de joliesse, voyez le danger ! J’avais déjà connaissance de crimes bien insolites, mais celui-là ! si l’on devait redéfinir la législation selon les critères des princes arabes, il faudrait considérer comme un délit le fait pour un homme de naître avec un physique d’Apollon, traiter les dons juans de kamikazes et ajouter une mention aux formulaires de demandes de visa : « Beaux gosses non admis. »

Bien sûr, notre réaction immédiate à nous, les filles, a été de dire : « oh, oui ! envoyez ces chérubins par ici, nous leur offrirons mieux qu’une carte de séjour : la carte du cœur, et plus si affinités. » Avant d’ajouter, à l’adresse des autorités du Golfe: « À l’avenir, vous n’aurez qu’à voiler ces garçons, et l’affaire sera réglée! en plus, pour un peuple dont la religion proclame “Allah est beau et aime la beauté”, vous commettez là un péché. Certains pourraient même vous accuser de pratiquer une sélection raciale à l’envers : en obligeant vos femmes à ne fréquenter que des moches, vous ne rendez pas service à la race arabe. » Car il va de soi que l’affaire concerne davantage les femmes que les hommes. Ces derniers paniquent à l’idée que leur moins-quemoitié cède à la tentation. Ce n’est un secret pour personne que les femmes sont considérées dans cette région du monde comme des objets sexuels et que la gestion de la cité wahhabite tourne autour d’un objectif suprême : le contrôle de la libido féminine. Mais était-il vraiment utile d’expulser ces beaux étalons ? Comment auraient-ils pu accéder à des femmes-citadelles, interdites de mixité ? Plus que du charme, il leur aurait fallu un passe-montagne. À moins que ces dames, rompues à la ruse, n’aient plus d’un tour dans leur abaya, à l’instar de leur supposée ancêtre shéhérazade. ruser n’est pas un destin et shéhérazade est une ordure. mais la gent féminine n’a pas d’autre recours dans des pays où nulle liberté ne lui est concédée. Vous pouvez répliquer que les hommes ont donc raison de ne pas faire confiance à un deuxième sexe dont le Prophète lui-même a pointé la « fourberie immense ». Je vous répondrai qu’il n’y a qu’à mettre ces filles à l’essai et à cesser de faire croire à la terre entière qu’elles sont prêtes à se ruer sur le moindre mâle. Bon, c’est vrai, je veux bien trouver des circonstances atténuantes à ces frères arabes. Je connais des pays européens où certains maires expulseraient volontiers les beaux mecs pour ne pas avoir à les marier officiellement à des partenaires du même sexe. Tiens! et si la mesure prise par les autorités du Golfe concernait les hommes entre eux ? Je veux dire qu’il se pourrait que certains gardiens de la vertu, inquiets pour leur propre vertu, ne voient aucun inconvénient à expulser les mignons, de crainte de succomber à leur tour. dans ce cas, j’avoue, les autorités en question n’ont pas d’autre issue : elles ne vont quand même pas légaliser le mariage pour tous ! l

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n o 2732 • du 19 au 25 mai 2013

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Et le gagnant est… Ecobank est fier de présenter le prix Sembène Ousmane au FESPACO La Fondation Ecobank a eu l’honneur de remettre le prix Sembène Ousmane à la dernière édition du FESPACO. Le prix, un magnifique buste du père du cinéma africain, récompense un film qui présente une image positive de l’Afrique. Cette année, le trophée a été décerné à “Toiles d’Araignées” d’Ibrahima Touré. La Fondation Ecobank a été ravie de son parrainage au plus prestigieux festival du cinéma et de la télévision d’Afrique. En tant que fondation de la banque panafricaine, il nous tient à cœur de promouvoir ce festival panafricain du cinéma.

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