Ja 2734 du 2 au 8 juin 2013

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Lus Le pAfrique

L’âgesse age de s

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de Je

o Cong

cOngO L’âge de sagesse Spécial 20 pages

Hebdomadaire international indépendant • 53e année • no 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeuneafrique.com

Tunisie recherche constitution désespérément niger-Tchad Les nouVeLLes ciBLes d’aL-qaïda

maghreb

À quoi joue

le Qatar? édition internationale et maghreb & moyen-orient

France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

Samedi 1 er juin

Le salut est de l’autre côté

F

«

aites l’inverse de ce que vous étiez en train de faire et vous serez sur la bonne voie. » La langue arabe, ceux qui la pratiquent le savent, a une forme encore plus ramassée, plus percutante pour cette recommandation devenue adage : « Ce n’est que lorsque vous aurez fait le contraire que vous serez sur la bonne voie. » On dit cela à quelqu’un qui, visiblement et sans s’en rendre compte, se trompe du tout au tout. Il a un objectif, mais, pour l’atteindre, il fait le contraire de ce qu’il devrait faire et s’éloigne de son but au lieu de s’en rapprocher. n

Aussi étonnant que cela paraisse, c’est dans le domaine politique que ce cas est le plus fréquent : on y rencontre très souvent des dirigeants de haut niveau, enferrés dans une politique totalement erronée et qui les conduit au désastre. Tout le monde le voit, quelques-uns le leur disent. Eux sont aveuglés, font la sourde oreille et persévèrent dans l’erreur jusqu’à la chute finale. On pense généralement que ce sont les régimes dictatoriaux et leurs chefs qui sont dans ce cas de figure, raison pour laquelle, incapables de s’amender ou de sécréter des contre-pouvoirs, ils finissent presque toujours mal. Mon propos dans cette livraison de Ce que je crois est de montrer, exemples à l’appui, dont certains très récents, qu’il arrive aux régimes dictatoriaux, plus souvent qu’on ne le pense, de s’amender, de se corriger et de bien finir. n

La plupart d’entre nous pensent que la Seconde Guerre mondiale s’est conclue par la victoire des démocraties et l’écrasement des dictatures. C’est faux, car l’un des deux grands vainqueurs de cette guerre a été Staline, qui personnifiait la dictature au sens plein du terme. Un autre grand dictateur européen, le général Franco, a très habilement tiré son épingle du jeu. Il est mort dans son lit, en novembre 1975, trente ans après la fin de la guerre. jeune afrique

Sa dictature a donc été interminable, mais il s’est payé le luxe d’organiser une succession dont il savait pertinemment qu’elle mettrait un terme à la dictature qu’il avait instaurée en 1939 sur les cendres de l’une des plus atroces guerres civiles de l’Histoire. Est-il faux de soutenir que Franco a été le chef d’une longue et abjecte dictature, mais qu’il a su lui signifier son congé trente-cinq ans après l’avoir créée ? Voilà, en tout cas, un dictateur qui n’a pas mal fini et que ses compatriotes, souvent même ceux de gauche, ne rejettent pas. n

Plus près de nous, en Afrique du Sud, Frederik De Klerk. En tant que Premier ministre et chef du Parti national, il est le continuateur et l’héritier d’un système d’oppression raciale – instauré dès 1948 – de la majorité de la population sud-africaine par une minorité blanche. Mais, en 1991, il a compris que le temps était venu d’y mettre un terme et a eu le grand courage de s’y résoudre. Il a négocié avec Nelson Mandela la transmission du pouvoir, que lui et les siens détenaient, à ceux qu’ils ont sortis de prison pour en faire leurs successeurs et les nouveaux dirigeants du pays. Grâce à la manière dont ce pouvoir a été reçu par Nelson Mandela et ses collègues de l’African National Congress (ANC) et à la façon dont ils l’ont exercé par la suite, ce transfert est considéré par tous les observateurs comme un modèle de passage de la dictature à la démocratie. Encore une dictature qui finit par le haut et s’en sort bien. n

La Chine est un cas différent : le Parti communiste y a conquis le pouvoir en 1949 et, avec Mao Zedong et Zhou Enlai, l’a exercé pendant plus d’un quart de siècle – jusqu’à leur mort – sous une forme dictatoriale, dans un pays fermé sur lui-même. Le successeur de Mao et de Zhou Enlai, Deng Xiaoping, qui est un de leurs camarades, a réussi, à partir de 1978, l’exploit de maintenir le pouvoir entre les mains du Parti communiste, qui le détient n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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Ce que je crois encore à ce jour. Mais en faisant, sur presque tous les plans, le contraire de ce qui avait été professé et accompli du temps de Mao. La Chine s’est ouverte au monde, l’économie étatique a été remplacée par l’économie « socialiste » de marché, nom choisi pour masquer une forme de capitalisme. En quarante ans, sous une dictature aménagée, modernisée, humanisée et pour tout dire transformée, la Chine a repris sa place d’empire du Milieu perdue il y a deux siècles. En 1820, le PIB de la Chine représentait, en effet, le tiers du PIB mondial. En 1960, cette part n’était plus que de 4 %. Elle est remontée aujourd’hui à près de 20 %, et l’on pense que l’économie chinoise redeviendra la première du monde d’ici à 2020. n

Nous vient encore d’Asie un dernier exemple de dictature qui se transforme à l’initiative du sommet de l’État pour finir bien. Cet exemple est celui du Myanmar (ex-Birmanie) : il est tout récent et tout aussi inattendu que les précédents. Dirigé depuis des décennies par une caste militaire incompétente qui l’a isolé du monde et maintenu en état d’arriération, ce pays de 64 millions d’habitants faisait, jusqu’à une époque récente, le désespoir de la communauté internationale – et de l’ONU –, qui n’avait d’yeux que pour l’opposante et Prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi.

Il y a un peu plus de deux ans, la caste militaire a placé à sa tête le général Thein Sein et lui a confié le pouvoir exécutif. Celui-ci n’a pas tardé à comprendre qu’il était urgent de mettre un terme à la « démocratie disciplinée » de ses prédécesseurs et de faire tout bonnement le contraire de ce qu’ils faisaient. En quelques mois, il a démantelé les institutions de la dictature l’une après l’autre et engagé le Myanmar pas à pas dans la voie qui le ramène vers la démocratie. n

Parce qu’il s’est résolu, sans crier gare, à faire le contraire de ce que ses prédécesseurs et collègues ont cru bon pour le pays pendant des décennies, le général Thein Sein a chaussé les bottes d’un Gorbatchev birman et en a acquis l’aura. Considéré comme un grand réformateur et comme le sauveur de son pays, reçu en grande pompe à Washington, il vient d’être honoré d’un tête-à-tête dans le Bureau ovale par le président Barack Obama. Le Myanmar n’est pas encore redevenu une démocratie, mais il en a pris le chemin. Son général-président a montré, à son tour, qu’il peut arriver à une dictature de faire amende honorable et de se corriger. Pour emprunter « la bonne voie », il suffit à son chef du moment, s’il en a l’idée, les moyens et le courage, « de faire le contraire de ce qu’il avait fait jusque-là ou de ce que ses prédécesseurs avaient cru bon de faire ». l

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Les procès finissent toujours par celui de la justice. André Frossard u Voulez-vous faire valoir une opinion ? Adressez-vous aux femmes : elles les reçoivent aisément parce qu’elles sont ignorantes ; elles les répandent facilement parce qu’elles sont légères ; elles les soutiennent longtemps parce qu’elles sont têtues. Suzanne Necker u L’argent donne tout ce qui semble aux autres le bonheur. Henri de Régnier u En politique, une absurdité n’est pas un obstacle. Napoléon Bonaparte n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

u Beau projet et drap neuf rétrécissent à l’usage. Proverbe scandinave

u Moi, je lis au lit, je peux pas lire si j’ai pas de lit. Les Nouvelles Brèves de comptoir

u Nous sommes les enfants de notre enfance, attachés à elle par une longe invisible, comme une chèvre à son pieu. Frédéric Dard

u On peut survivre à la balle qui vous pénètre dans les pieds, jamais à celle qui vous frappe dans le cœur. Ahmadou Kourouma

u Rien n’est plus rare que la véritable bonté ; ceux mêmes qui croient en avoir n’ont d’ordinaire que de la complaisance ou de la faiblesse. François de La Rochefoucauld u Son whisky était si extraordinaire que, quand il en buvait, il parlait écossais. Mark Twain

u L’existence sociale des hommes détermine leur pensée. Mao Zedong u Chaque fois que vous voulez épouser un homme, allez donc déjeuner avec son ex-épouse. Shelley Winters u Le courage consiste à supporter la honte. Patrick Besson jeune afrique


La quintessence de l’automobile. À son plus haut niveau. La nouvelle classe E.

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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

pHoToS De CouverTureS : ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT : JON BERKELEY ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE : ViNcENt FOuRNiER/J.A. ; BERtRAND LANGLOiS/AFP ÉDITION CONGO : BAuDOuiN MOuANDA

De Sarkozy à Hollande

Les chefs d’État et ministres africains n’ont guère goûté ce qui sonnait à leurs oreilles comme une convocation. Peut-être est-ce la goutte d’eau qui devrait faire déborder le vase de leur susceptibilité, déjà mise à mal par leur incapacité à régler seuls la question malienne. Car, évidemment, tout ceci a été concocté à l’Élysée, sans consultation aucune. Même les principaux intéressés (Mali, niger, Tchad…) ont appris cette initiative comme le commun des mortels. Une fausse bonne idée, mal préparée et mal vendue, cela ne vous rappelle rien ? C’est exactement de la même manière que sarkozy avait tué dans l’œuf son projet d’Union pour la Méditerranée. de sarkozy à Hollande, certains réflexes pavloviens demeurent. Pendant ce temps, malgré le miroir déformant que représente la crise malienne dans laquelle la France joue un rôle de premier plan, l’afrique observe avec de plus en plus d’attention les nouveaux horizons qui s’offrent à elle… l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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niGer-TCHaD De nouvelleS CiBleS pour al-qaïDa Victimes de la chute de Kaddafi, puis acteurs de l’intervention au Mali, les présidents Issoufou et Déby Itno sont dans le collimateur des jihadistes.

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C SPÉ IAL

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AINE

BaD la SaGa De la CroiSSanCe wEn dix ans, le PIB du continent a doublé. Un motif de satisfaction pour les partenaires de la Banque africaine de développement, réunis à Marrakech du 27 au 31 mai.

U NIO

Hollande a beau répéter que le passé est révolu, que la Françafrique est morte et qu’il convient d’instaurer entre son pays et le continent un véritable partenariat « gagnant-gagnant », son comportement et ses maladresses ne sont pas sans rappeler ceux de son prédécesseur, nicolas sarkozy. la forme cassante en moins. Première erreur : perpétuer cette tradition surannée et forcément équivoque des sommets afrique-France. Malgré de poussifs efforts pour draper de vertu ce rendez-vous d’un autre âge – comme proposer la coprésidence à l’Égypte post-Moubarak de Mohamed Morsi –, personne n’est dupe. la France défend son ex-pré carré et une zone d’influence qui se réduit comme peau de chagrin sous les assauts répétés des Chinois, des américains, des Brésiliens, des Turcs, des autres européens, etc. il se peut que sa préoccupation africaine soit sincère. en annonçant, le 25 mai, à addis, qu’il organiserait, les 6 et 7 décembre, « un sommet pour la paix et la sécurité en afrique » à Paris, sans doute pensait-il bien faire et renouveler, à la faveur de cette thématique très à la mode, un exercice qui ne confinait pas vraiment à la rupture annoncée. las, il s’est pris les pieds dans le tapis.

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A F RI

C

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rançois Hollande découvre encore l’afrique, mais il a visiblement pris goût à cette terre si légère où on l’accueille à bras ouverts et où l’on chante ses louanges. C’est humain, me direz-vous : ce décorum n’est pas pour déplaire à un explorateur hors pair des abysses de l’impopularité sur son propre sol, moqué ou dénigré comme aucun président français avant lui, un an à peine après son élection. Voici donc notre savorgnan de Brazza des temps modernes : libérateur du septentrion malien, chef de guerre récipiendaire du prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix (si, si…), unique chef d’État européen présent à addis-abeba pour le cinquantenaire de l’Union africaine, proconsul au sahel où il dicte sa loi, impose une date pour l’élection présidentielle malienne et « autorise » le Mouvement national de libération de l’azawad (Mnla) à interdire Kidal à l’armée nationale, comme si Bamako devait laisser Paris lui expliquer ce qui est bon et ce qui ne l’est pas…

union afriCaine le SYnDroMe Malien Incapables de sauver Bamako sans l’aide de la France, les dirigeants réunis à Addis-Abeba ont annoncé la création d’une force de réaction rapide.

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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l a SeM a in e D e j eu n e a f riq u e

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BaD La saga de la croissance Saadi Kaddafi Wanted Karim lahidji Juste cause Humeur Les aventures d’Amina-la-Femen Maroc Principe de précaution Gastronomie Des vessies pour des lanternes france-afrique « Maman Valérie » Centrafrique Interview de Sylvain Ndoutingaï, ancien numéro deux du régime Bozizé Tour du monde

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G ra n D a n G l e

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afrique du nord À quoi joue le Qatar ?

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a f riq u e Su BSa H a rien n e

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niger-Tchad Les nouvelles cibles d’Al-Qaïda interview John Dramani Mahama, président du Ghana jeune afrique


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs grand angLe

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aFriqUe dU nord À quoi joue le qatar ? Maniant pressions et chéquier, l’émirat cherche à peser sur la politique régionale…

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tUnisie reCherChe ConstitUtion désespérément Objet d’interminables discussions, le projet de loi fondamentale, qui en est à sa troisième version, ne fait toujours pas l’unanimité.

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sUède Un modèLe en miettes Après une semaine d’émeutes à Stockholm, l’image du paradis social-démocrate en a pris un sacré coup.

Le pLus

de Jeune Afrique

spécia l 20 pag es

L’âge de sagesse

Congo

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Congo L’âge de sagesse Après quinze ans de paix, le temps des passions politiques semble révolu. Du social à la sécurité régionale, place aux vrais défis.

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Crime Itinéraire d’un Nigérian à la dérive Union africaine Le syndrome malien

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maghreb & m oye n - o r i e n t

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tunisie Recherche Constitution désespérément maroc Bataille cathodique iran Chacun pour soi et le Guide pour tous

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eUrope, amér i q U e s, a s i e

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suède Un modèle en miettes allemagne La tueuse brune devant ses juges paradis fiscaux L’enfer pour les tricheurs ? parcours Bertin Nahum, la précision chirurgicale Football Bras de fer en Ligue 1 Chine Jack Ma, empereur du Net

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Le pLUs de JeU n e a Fr i q U e

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Congo L’âge de sagesse

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éCon omie

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subventions Pourquoi il faut s’en débarrasser

jeune afrique

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dossier agriCULtUre spécial 12 pages Tour d’horizon des enjeux économiques d’un secteur en proie au doute.

Les indiscrets mine Tongon, la pépite ivoirienne de Randgold btp Interview de Song Dongsheng, président de Sinohydro Cameroun Au nom du mentor Finance Lies Kerrar parie sur Alger bourse Mac SA sur tous les fronts baromètre d o ssier ag riC U Lt U re sécurité alimentaire Moisson de doutes C U Lt U re & m éd ia s Cinéma Kechiche en or musique Femme de conscience exposition Inoxydable icône La semaine culturelle de Jeune afrique Kiosque La revue voUs & noUs Le courrier des lecteurs post-scriptum n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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AfRIquE-fRAnCE qui Hollande a-t-il vu à Addis?

Ismaïl Omar Guelleh, les présidents sénégalais, sud-soudanais et djiboutien; Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien, et Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU. En revanche, c’est par téléphone que, trois jours plus tard, il a évoqué le dossier syrien avec l’Égyptien Mohamed Morsi. (Lire aussi pp. 40-43.) l

BERTRAND LANGLOIS/AFP

L’Élysée corrige le tir

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u Arrivée dans la capitale éthiopienne, le 25 mai.

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nvité aux festivités du cinquantenaire de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, le 25 mai, et contraint de patienter plusieurs heures durant au Millenium Hall en raison d’une organisation chaotique, François Hollande a multiplié les apartés avec ses pairs: Hailemariam Desalegn, le Premier ministre éthiopien; Nkosazana DlaminiZuma, la présidente de la Commission de l’UA; Goodluck Jonathan, le chef de l’État nigérian (avec lequel il a parlé de la sécurité au Sahel); Macky Sall, Salvar Kiir et

ALGÉRIE CAnAdIEns pERquIsItIonnÉs

Dans le cadre de diverses enquêtes en cours sur des affaires de corruption présumée, les bureaux en Algérie de la société d’ingénierie canadienne SNC-Lavalin ont été perquisitionnés (ce que les dirigeants de cette entreprise confirment, sans vouloir n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

as de sommet AfriqueFrance au sens classique du terme, donc, en décembre à Paris, mais un sommet consacré à la paix, à la sécurité, à l’économie, au développement, à l’environnement et au changement climatique. Sentant poindre les critiques sur le retour de la Françafrique, les stratèges de l’Élysée ont corrigé le tir. « Cette rencontre n’aura rien à voir avec ce qui s’est fait dans le passé, explique un proche du président. Nous souhaitons organiser des séances de travail et de débat sur des thèmes précis, un peu comme au G20. » Au cours des prochains mois, les ministres africains chargés de ces dossiers seront associés à la préparation. Sur la question particulière du climat,

préciser la date de l’opération). La justice soupçonne les Canadiens d’avoir sollicité les services d’un intermédiaire, le Franco-Algérien Farid Bedjaoui, pour obtenir plusieurs contrats, notamment la construction pour 1,2 milliard de dollars d’une centrale électrique à Hadjret Ennous, près de Tipaza, à l’ouest d’Alger.

cette réflexion devrait contribuer à la préparation de la conférence mondiale que la France a proposé d’accueillir au Bourget (banlieue parisienne) en 2015. l

Après le discours de dakar, celui de l’unesco

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éjeuner au sommet à l’Élysée, le 5 juin. Autour de François Hollande sont attendus huit chefs d’État africains : le Béninois Thomas Boni Yayi, le Burkinabè Blaise Compaoré, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Malien Dioncounda Traoré, le Mauritanien Mohamed Abdelaziz, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Sénégalais Macky Sall et le Tchadien Idriss Déby Itno. Une heure plus tard, au siège de l’Unesco, le prix Félix-Houphouët-Boigny sera remis au président français pour son action en faveur de la paix au Mali. S’y exprimeront, bien sûr, les deux « protecteurs » du prix Houphouët, l’Ivoirien Henri Konan Bédié et le Sénégalais Abdou Diouf, mais aussi Alassane Ouattara, au nom de la Cedeao, et François Hollande, qui fera, dit-on à Paris, un discours « long et substantiel » sur sa politique africaine. Vers un « Dakar bis » ? l

LE CHIFFRE

11,5 %

des Africains fument, a révélé le dr Luis G. sambo, directeur régional de l’oMs pour l’Afrique, lors de la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai. Chez les jeunes, la proportion atteint 18 %.

BuRundI Y ALLER (En CEntRAfRIquE) ou pAs

Au mois de mai, Denis Sassou Nguesso, le président congolais,avaitdépêchéàBujumbura Basile Ikouébé, son ministre des Affaires étrangères, pour discuter avec le président Nkurunziza de l’éventuelle participation de cinq cents soldats burundais à la force jeune afrique


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Politique, économie, culture & société

GHANA Les défis éNerGétiques de MAHAMA

Les délestages électriques récurrents dont souffrent les Ghanéens – conséquence de l’endommagement du gazoduc qui, venant du Nigeria, alimentelescentralesthermiques du pays – ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir, a confié à Jeune Afrique le président John Dramani Mahama, lors de son récent passage à Paris (27-29 mai). Il est prévu de doubler la capacité de production électrique d’ici à 2016 pour la porter à 5 000 mégawatts. Dans cette perspective, l’exploitation du champ d’hydrocarbures de Jubilee va être optimisée, notamment avec la mise en service du complexe d’Atuabo, dans l’Ouest, dont la construction s’achèvera à la fin de l’année. Par ailleurs, la capacité de production de la centrale hydroélectrique de Bui va être augmentée. Enfin, il est fortement question de développer les énergies solaire et éolienne, en dépit de leur coût. Les dirigeants des groupes Total, jeune afrique

rwanda un sommet, deux refus Double no De Kigali en marge du dernier sommet de l’union africaine, à addis-abeba. le premier concerne la suggestion du président tanzanien Jakaya Kikwete de négocier avec les rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDlR), qualifiés de « terroristes » par le Rwanda. ibuka, l’influente organisation de survivants du génocide, n’hésite pas à parler d’« insulte » et somme Kikwete de se rétracter sous peine de « saboter » par avance l’action de la force d’intervention rapide en cours d’installation dans l’est de la RD Congo – laquelle force est dirigée par un général… tanzanien. entre le Rwanda et son voisin de l’est, soupçonné depuis toujours de sympathie pour l’opposition, les relations sont désormais glaciales. autre refus: celui qui a répondu à la proposition de François Hollande d’organiser un sommet sur la sécurité en afrique, le 7 décembre, à Paris. Commentaire d’un proche collaborateur de Paul Kagamé: « Ceux qui estiment avoir encore besoin de la protection de l’ancien maître colonial se rendront à cette convocation. Ce n’est pas notre cas. » l

Tecniq et Dassault Systèmes, que Mahama a rencontrés à Paris, sont apparemment désireux d’investir dans le secteur de l’énergie au Ghana. (Lire aussi pp. 36-37.)

NiGer Après AGAdez, uN ALGérieN recHercHé L’enquête sur le double attentat du 23 mai à Agadez a permis

Algérie-france une hospitalisation qui fait débat La question posée Le 28 mai à l’assemblée nationale par marion maréchal-Le pen, du Front national, à propos du coût pour letrésor français du séjour du président abdelaziz Bouteflika à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, puis au centre de repos des invalides, a fait bondir les autorités algériennes. « nous payons rubis sur l’ongle, sur le budget de la présidence », indique-t-on au palais d’el-mouradia. en algérie, la controverse concerne davantage le choix d’un hôpital français pour accueillir le chef de l’état, alors qu’on ne cesse d’exiger de l’ancienne puissance coloniale des excuses pour les exactions naguère commises par son armée. « au Val-de-Grâce, les conditions de sécurité sont optimales », explique la même source, sans autres précisions. l

LahcËne aBIB / SIGnaTUReS

de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), déployée en Centrafrique (où le Congo vient pour sa part de dépêcher deux cents hommes supplémentaires). Bujumbura avait promis d’examiner la question. Or, après la rencontre Sassou-Nkurunziza en marge du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, il apparaît que le Burundi n’est pas convaincu de la pertinence d’une présence militaire en Centrafrique. D’autant que son armée, composée d’une vingtainedemilliersd’hommes,est déjà présente en Somalie et à Haïti.Etqu’elleestcenséeparticiper à la sécurisation des élections de 2015. Sassou se rendra à Bujumbura à la mi-juin pour une visite de quarantehuit heures. Parviendra-t-il à convaincre son hôte?

p l’hôpital militaire du Val-de-grâce, à Paris.

d’identifier le propriétaire de la voiture utilisée par les assaillants pour pénétrer dans la base militaire où vingt-quatre soldats ont été tués. il s’agit d’un Algérien dont les initiales sont M.e. il aurait passé quelques jours dans la ville avant l’attaque et aurait notamment été aperçu en train de prier dans la mosquée de la caserne. « On a récupéré un de ses téléphones. il a passé des appels vers l’Algérie et le Niger », indique une source militaire. Aux dernières nouvelles, l’homme aurait été aperçu par les services de renseignements algériens dans la région de tamanrasset. par ailleurs, les autorités sont à la recherche d’un 4x4 qui pourrait être chargé d’explosifs. il semble en effet que trois véhicules étaient censés participer à l’opération, mais que l’un d’eux a été contraint de faire demi-tour à la suite d’un problème technique. « On ignore quelle était sa cible », indique notre source. L’enquête est menée par la police, la gendarmerie et la sécurité intérieure, avec l’appui technique de la france et des états-unis. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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La semaine de Jeune afrique

Banque afriCaine de déveLoppement

La saga de la En dix ans, le PIB du continent a doublé. Un motif de satisfaction pour les dirigeants, actionnaires et partenaires de la BAD, réunis à Marrakech du 27 au 31 mai. Leur objectif: maintenir le cap. Et réussir le retour de l’institution à Abidjan. frédériC maury,

C

envoyé spécial à Marrakech

estdanscequirestedelapalmeraie de Marrakech, où hôtels de luxe et golfs ont fini de dévorer l’espace naguère occupé par les arbres, que se sont réunis, du 27 au 31 mai, quelque 2 500 délégués. Ministres, journalistes et tout ce que l’Afrique compte de banquiers, de financiers et de décideurs économiques se sont retrouvés dans la « ville ocre » pour la grand-messe annuelle de la Banque africaine de développement (BAD). La transformation structurelle du continent – thème officiel de la réunion – a alimenté l’essentiel des nombreux débats, tous de qualité et ouverts au public. Mais un sujet plus officieux a été abordé lors des discussions à huis clos – et dans les couloirs : le retour de la BAD à Abidjan, son siège d’origine, que, pour des raisons de sécurité, l’institution panafricaine avait quitté en 2003 au profit de Tunis. Ce point a été réglé dans la matinée du 30 mai, danslesecretd’unConseildesgouverneurs,l’organe suprême de la BAD, composé de ministres et de hauts responsables des institutions économiques et financières des États membres. « Quelques pays ont émis des réserves, admet un témoin, mais il n’y avait rien de rédhibitoire. » La décision a été prise par consensus, a précisé Albert Toikeusse Mabri, gouverneur de la BAD pour la Côte d’Ivoire et ministre du Plan et du Développement. surprise. Les 1800 employés de Tunis devraient

idéalement regagner la capitale économique ivoirienne en novembre 2014, pour le cinquantenaire de l’institution, mais le processus pourrait perdurer jusqu’en 2015. En attendant que les travaux du siège abidjanais soient achevés au début de l’année prochaine, un immeuble de vingt-six étages accueillera dès ce mois d’octobre les quelques centaines d’employés chargés d’assurer la transition. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Précisant que la Côte d’Ivoire investissait 100 millions de dollars (soit près de 77 millions d’euros) dans cette relocalisation, Albert Toikeusse Mabri a appelé l’ensemble des médias présents à relayer cette nouvelle et balayé d’un revers de main la question de l’insécurité. Même si elle ne constitue pas une surprise, l’approbation définitive de ce plan de retour est une excellente nouvelle pour le gouvernement ivoirien, dont plusieurs responsables avaient fait le déplacement à Marrakech : Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre, Nialé Kaba, la ministre déléguée à l’Économie, et Patrick Achi, le ministre des Infrastructures. jeune afrique


L’événement

croissance

Hassan Ouazzani pOur J.a.

vue ce qui est désormais le leitmotiv des grandes institutions de développement du continent : la création d’emplois, l’éducation, les infrastructures, la meilleure gestion des ressources naturelles. « Cette saga de la croissance est très fragile, nous devons l’inscrire dans la durée, a répété Mo Ibrahim, le magnat anglo-soudanais. Où nos jeunes vont-ils trouver un emploi? Leurs formations correspondent-elles aux besoins du marché du travail dedemain?»Uneinquiétudepalpable,alorsqu’une ère de forte hausse du cours des matières premières, et notamment du pétrole, semble toucher à sa fin. « Nous avons déjà connu des booms sans lendemain », a averti Paul Kagamé, dont la clairvoyance en matière économique a été unanimement saluée et dont le pays devrait accueillir les prochaines Assemblées annuelles de la BAD.

Reste la question de l’avenir du siège de Tunis (lire l’interview p. 12). « Ce sujet ne relève pas du Conseil des gouverneurs mais de la direction de la BAD », a confié Albert Toikeusse Mabri à J.A. La capitale tunisienne pourrait devenir un centre régional important à l’instar de Nairobi et Pretoria. Et elle coorganisera avec Abidjan les festivités du cinquantenaire de la BAD. Un anniversaire qui devrait se dérouler dans la même atmosphère, dynamique et constructive, qui a marqué ces Assemblées de Marrakech. « On n’a jamais vu un pays doubler son PIB en dix ans. C’est pourtant ce qu’a fait l’Afrique », s’est réjoui Donald Kaberuka, le président de la BAD, sans perdre de jeune afrique

p L’un des débats, réunissant Komla Dumor, le modérateur, Donald Kaberuka, Paul Kagamé, Pravin Gordhan et Mo Ibrahim (de g. à dr.), le 29 mai.

critiques feutrées. Outre le président rwandais, d’autres chefs d’État africains avaient fait le déplacement, comme le Gabonais Ali Bongo Ondimba. Ce qui n’a pas empêché les critiques –certesfeutrées–defuseràl’endroitderesponsables politiques manquant de vision ou de conviction. À quoi bon fixer des objectifs à long terme pour tout le continent si les personnes censées mener les réformes n’y adhèrent pas réellement ? « Nous avons un sérieux problème de leadership », a insisté Mo Ibrahim, tout en se félicitant de l’émergence d’une véritable société civile, capable de surveiller et d’évaluer la gouvernance de ses dirigeants, et éventuellement de les sanctionner. Sans surprise, le cas des pays riches en ressources naturelles dans lesquels la corruption ou le manque de compétences favorisent l’évasion de dizaines de milliards de dollars de capitaux par an a été mis sur la table. Sans bien sûr les nommer… Un rapport rendu public dans le cadre des Assemblées, et réalisé avec l’ONG américaine Global FinancialIntegrity, arappeléquelecontinent aurait perdu jusqu’à 1 400 milliards de dollars de capitaux, sortis pour l’essentiel de manière illicite, au cours de ces trente dernières années. Soit à peu près l’équivalent du PIB de l’Afrique aujourd’hui. Un constat qui devrait inciter les Africains à prendre davantage leur avenir en main. Ce que Pravin Gordhan, le ministre sud-africain des Finances, a résumé d’une formule lors d’un débat intitulé « Est-ce l’heure de l’Afrique ? » : « Cette heure n’est pas encore arrivée. Nous devons aller de l’avant, donner le meilleur de nous-mêmes ! » l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Le grandinvité

La semaine de J.A. L’événement

donald Kaberuka « Les états n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts »

de l’économie

Le président de la Banque africaine de développement est le premier invité du nouveau rendez-vous mensuel organisé par Jeune Afrique et RFI.

À

l’issue des Assemblées de Marrakech, Donald Kaberuka commente l’actualité économique du continent. Et donne sa vision des débats du moment : du retour de la BAD à Abidjan au manque de leadership en Afrique, en passant par la présence chinoise. Extraits. L’avenir du siège de Tunis

« Le siège officiel de la Banque africaine de développement se trouve à Abidjan, et il était tout à fait normal que, aussitôt les conditions réunies, nous envisagions d’y retourner. La Tunisie, ou Tunis, reste et restera l’Agence temporaire de relocalisation [l’appellation officielle du siège de Tunis]. Nous devons aussi y installer un Centre régional d’opérations pour l’Afrique du Nord [comme il en existe déjà à Nairobi et à Pretoria]. Logiquement, Tunis devrait rester un centre important pour la Banque. » Le retour à Abidjan « La décision définitive du retour a été prise à Marrakech. […] Nos premières équipes devraient partir pour Abidjan d’ici à la fin de l’année. Suivront, au cours du premier semestre 2014, le conseil d’administration et la présidence, dont moimême. Cette opération pourrait se poursuivre jusqu’en 2015. » Le conflit immobilier avec Georges Ouegnin, un facteur de blocage ? « Je ne veux pas me prononcer sur un contentieux en cours [il porte sur des arriérés de loyers et des travaux réalisés dans un bien

hassan ouazzani pour j.a.

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• DONALD KABERUKA. 61 ans, ancien ministre des Finances et de la Planification économique du Rwanda, élu en juillet 2005 à la tête de la BAD. Son deuxième mandat expire en septembre 2015 • La BAD. L’un des premiers financiers du continent: 199 opérations approuvées en 2012 pour 6,53 milliards de dollars (5 milliards d’euros)

que l’ancien directeur du protocole du président Houphouët-Boigny louait à la BAD]. Mais je pense que tout concourt à ce que notre retour à Abidjan se fasse sans entraves judiciaires ou physiques. » Une croissance sans recul de la pauvreté « Le recul de la pauvreté sur le continent n’est pas proportionnel à l’essor de nos taux de croissance. Il fut un temps où les journalistes parlaient d’une “Afrique perdue”. Cette époque me semble révolue, mais nous sommes encore confrontés à

d’énormesproblèmes:Étatsfragiles, démographie galopante… Ce n’est pas de 6 % de croissance dont nous avons besoin, mais de 7 % pendant deux décennies pour voir la pauvreté vraiment régresser. » Le manque de leadership en Afrique « Je ne soutiens pas l’idée selon laquelle l’Afrique souffrirait d’un manque de leadership. Ce manque existe partout. Se focaliser sur le continent n’aboutit qu’à complexer les Africains. Ce problème se pose dans certains de nos pays comme dans certains pays européens, asiatiques ou au sein de la gouvernance mondiale. » Colonialiste, la Chine ?

RetRouvez l’intégralité de l’interview sur jeuneafrique.com

« Les États n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. Il appartient à l’Afrique de défendre les siens. » l

Éco d’ici, éco d’ailleurs, tous les premiers samedis du mois sur rfi à 12 h 10* n 2734 • du 2 au 8 juin 2013 o

Propos recueillis à Marrakech par FrédériC MAUry (J.A.) eT FrédériC GArAT (rFi)

* heure de Paris, 10 h 10 TU jeune afrique



la semaine de J.a. les gens

DPA/ABACAPRESS.COM

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p Plusieurs pays dont le Zimbabwe, où il s’était rendu en 2010 (photo), ont proposé d’accueillir l’ancien footballeur. Mais cela n’a jamais abouti.

saadi Kaddafi Wanted Les récents attentats au Niger ont réveillé une vieille querelle entre Tripoli et Niamey au sujet du fils du « Guide » défunt. Les Libyens veulent le récupérer. Hors de question pour les Nigériens.

E

n s’attaquant, kalach à la main et ceinture d’explosifs à la taille, à une caserne militaire et à une mine d’uranium dans le nord du Niger, le 23 mai, les jihadistes n’ont pas semé que sang (35 morts) et terreur. Indirectement, ils ont réveillé une querelle qui oppose depuis vingt mois Niamey à Tripoli, et qui a pour nom Saadi Kaddafi. Accusée par Mahamadou Issoufou, le président nigérien, d’être incapable de freiner l’implantation de groupes islamistes armés dans ses régions méridionales (lire pp. 32-35), la Libye a riposté en deux temps, le 27 mai, par la voix d’Ali Zeidan, son Premier ministre. Primo : ce ne sont que balivernes. Secundo : rendez-nous le troisième fils de Mouammar Kaddafi avant de nous donner des leçons. « Nous souhaitons que les individus se trouvant actuellement au Niger, que ce soit Saadi Kaddafi ou Abdallah Mansour [responsable des médias sous le régime

du “Guide”], soient remis le plus rapidement possible », a déclaré Ali Zeidan, manifestement irrité. sur lE tapis. Ce n’est pas la première

fois que Tripoli exige l’extradition de Saadi Kaddafi, 40 ans, qui s’était réfugié au Niger en septembre 2011, cinq semaines avant la mort de son père, et y a depuis obtenu l’asile. « C’est un point de blocage récurrent. Dès qu’il y a des tensions entre les deux pays, cette question est remise sur le tapis », note un diplomate en poste à Niamey. La dernière demande remontait à décembre 2012, lors de la venue d’Ali Zeidan dans la capitale nigérienne. Depuis le début, la réponse de Niamey n’a pas varié. Le Niger se dit prêt à livrer le fils Kaddafi à la Cour pénale internationale – qui ne s’intéresse pas à lui mais à son frère aîné, Seif el-Islam, en attente d’un procès en Libye –, mais refuse de le confier aux

Libyens. « Nous remettrons Saadi Kaddafi à un gouvernement doté d’une justice indépendante et impartiale », répètent les autorités. Plusieurs pays ont proposé d’accueillir celui qui est recherché par Interpol pour avoir notamment commandé « des unités militaires soupçonnées d’avoir participé à la répression » en 2011 : l’Afrique du Sud, le Venezuela, le Zimbabwe, l’Ouganda, Oman (où s’est récemment réfugiée une partie de sa famille)… Mais cela n’a jamais abouti. À la présidence, pourtant, on se passerait bien d’un hôte aussi encombrant. « Nous sommes nombreux à penser qu’il faut s’en débarrasser, même si d’autres estiment qu’on doit le garder », confie un proche d’Issoufou. à carrEau. Saadi Kaddafi, lui, serait

d’accord pour partir… pour une destination plus clinquante. On raconte que l’ancien footballeur, plus réputé pour son sens de la fête que pour la qualité de ses passes, s’ennuie ferme à Niamey. « Au début, se souvient un diplomate, on le voyait parfois, le soir, dans les rares boîtes de nuit de la ville. » C’est moins fréquent aujourd’hui : depuis une sortie médiatique frondeuse en février 2012 (il avait bafoué les règles de discrétion qui lui sont imposées en déclarant à une télévision arabe qu’un soulèvement populaire était imminent en Libye), Saadi Kaddafi est soumis à un régime très strict. « Ses mouvements sont limités, il n’est autorisé à sortir de sa résidence que si nous le jugeons nécessaire et il ne reçoit pas qui il veut », explique un officier. La maison que l’État a mise à sa disposition, située au bord du fleuve Niger, dans l’enceinte sécurisée du Conseil de l’Entente, est surveillée en permanence par un escadron de la gendarmerie. Un temps, les autorités lui ont même confisqué téléphones et ordinateurs. « Depuis, il se tient à carreau. Il a compris qu’il valait mieux se taire », s’amuse un proche du président. l rémi carayol

NomiNatioNs

Anne PAugAm AFD Le 29 mai, cette inspectrice générale des Finances a été nommée directrice générale de l’Agence française de développement. Première femme à occuper ce poste, elle prend ses fonctions le 3 juin. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

mAme mADior Boye onu Cette magistrate – et ancienne Première ministre du Sénégal – a été désignée par l’Union africaine chef de mission des observateurs électoraux des Nations unies en Guinée équatoriale. jeune afrique


en hAusse

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mia Couto

karim lahidji Juste cause

erhan arik - fidh

le succès de la Révolution islamique en 1979, Lahidji continue son combat et condamne la vague d’exécutions d’officiers et de responsables de l’ancien régime après des simup À 73 ans, il succède lacres de procès. Il devient à la Tunisienne Souhayr l’un des hommes à abattre Belhassen. pour le pouvoir théocratique et bascule, en 1981, dans la clandestinité. La police secrète pille sa maison, confisque ses papiers et arrête son fils, âgé de 15 ans. En mars 1982, Karim Lahidji est exfiltré et s’installe en France. Sa femme et ses deux enfants l’y retrouvent six mois plus tard. C’est là qu’il crée, en compagnie d’autres exilés iraniens, la LDDHI, qui s’attelle à dénoncer les abus du régime khomeiniste. Depuis 1997, il avait été élu cinq fois de suite vice-président de la FIDH avant d’accéder à la tête de l’organisation. l Youssef Aït Akdim jeune afrique

dr dr Bfa/SiPaUSa/SiPa

Désireuse d’assumer ses formes, la star du R’n’B n’a pas permis que l’on amincisse sa silhouette sur les photos de la dernière campagne de publicité H&M. La marque de vêtements suédoise a fini par accepter de publier les clichés originaux. en bAisse

Jean-Rémy Pendy Bouyiki

dr

police secrète. Après

Avec 191 points au classement de l’UCI AfricaTour, le coureur cycliste marocain de 31 ans est le numéro un du circuit continental. Il devance son compatriote Essaïd Abelouache (135 points) et le Français Yohann Gène (130 points). BeyonCé knowles

L’ancien ministre d’Omar Bongo Ondimba a été entendu par la justice et incarcéré le 29 mai à Libreville. Il serait impliqué dans une affaire de piratage d’eau et d’électricité ayant causé un préjudice de 35 millions de F CFA (53360 euros) à la société SEEG. Ziad takieddine

anTOniOL anTOine/SiPa

A

bdol Karim Lahidji a été élu président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) lors du congrès de l’organisation, qui s’est tenu à Istanbul du 23 au 27 mai. Cet avocat iranien de 73 ans succède à la Tunisienne Souhayr Belhassen, qui aura passé six ans à la tête de la Fédération et en devient la présidente d’honneur. La Marocaine Amina Bouayach a, elle, été élue secrétaire générale. Karim Lahidji vit depuis 1982 à Paris, où il est l’une des figures de proue des exilés iraniens en tant que président de la Ligue iranienne de défense des droits de l’homme (LDDHI). Ses premiers engagements remontent à l’époque de ses études à la faculté de droit de Téhéran. Il est alors arrêté et détenu à deux reprises. Dès l’obtention de sa licence, il crée le Groupe des avocats progressistes. Au début des années 1970, Lahidji établit ses premiers contacts avec des organisations en Europe, dont Amnesty International et la FIDH. Il est aussi l’un des artisans de la ratification par le régime du chah, en 1975, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Mais son rôle de défenseur de détenus politiques lui vaut d’être attaqué par la police et grièvement blessé en 1978.

adil Jelloul

Le businessman franco-libanais a été placé en garde à vue le 30 mai. Il est soupçonné d’avoir voulu fuir la France en achetant un passeport diplomatique de la République dominicaine, alors qu’il est sous contrôle judiciaire dans le cadre de l’affaire Karachi. mohammed iya

MaBOUP

L’avocat iranien, en exil à Paris depuis trente ans, est le nouveau président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme.

L’écrivain mozambicain a remporté, le 27 mai, le prix Camões. Dotée de 100000 euros, cette récompense créée par le Portugal et le Brésil distingue un auteur dont l’œuvre a enrichi le patrimoine littéraire et linguistique lusophone.

Accusé de mauvaise gestion en tant que directeur de l’entreprise parapublique Sodecoton, le président de la Fédération camerounaise de football a été empêché de quitter le territoire national alors qu’il tentait de prendre l’avion, le 27 mai. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


la semaine de J.A. Décryptage

Humeur les aventures d’Amina-la-Femen

A

Par Frida Dahmani, à Tunis

mina montre ses seins (en mars), Amina a disparu (juste après), Amina va à Kairouan, fait des graffitis, va en prison (19 mai)… En Tunisie, les aventures d’Amina-la-Femen font toujours la une des médias. La jeune femme est inculpée pour détention de bombe lacrymogène et pour avoir tagué « Femen » sur le mur du cimetière de Kairouan, un acte assimilé à de la dégradation de bien public. D’autres, dont le groupe Zwewla de Gabès, ont commislemêmedélitsanspourautantdevenir des vedettes. Mais le soutien que le mouvement international Femen a apporté à Amina (le 29 mai, deux Françaises et une Allemande ont manifesté seins nus devant le palais de justice de Tunis pour protester contre son incarcération) a encore plus médiatisé l’affaire. Et vaut désormais à la jeunefemmed’êtreinculpéepouroutrages aux bonnes mœurs en bande organisée, ce qui n’avait pas été immédiatement le cas après la diffusion, sur Facebook, de photos où elle dévoilait sa poitrine. Pourquoi un tel intérêt pour cette suffragette de 19 ans, dont le principal exploit a été d’exhiber ses seins pour revendiquer l’égalité hommes-femmes ? Amina Sboui est une énigme. Atypique, avec ses cheveux courts oxygénés et son regard opaque. Le ton monocorde le Dessin De lA semAine

sur lequel elle débite ses arguments de manière mécanique suscite une certaine gêne. Même ses proches divergent à son sujet. Sa mère la qualifie de dépressive chronique. Son père estime que « par ses actes démesurés elle défend ses idées ». exAltée ? Est-elle une coquille vide, que l’on aurait instrumentalisée en lui soufflant un discours féministe primaire et sans originalité ? Une militante de la cause des femmes ? Ou juste une exaltée ? Sans doute un peu tout cela, malgré elle. Mais elle est surtout un agent

provocateur salutaire, car en quoi ses seins nus sont-ils plus choquants que les propos haineux des extrémistes ? Amina n’en a pas moins ligué une majorité contre elle: les modernistes la désapprouvent, estimant que ses excès sont contre-productifs et portent atteinte aux Tunisiennes, menacées par la poussée de l’islamisme. Pour eux, la lutte des femmes est un combat citoyen fondé sur des idées, des prises de position et de paroles. Prétendre que les provocations d’Amina peuvent nuire au statut des Tunisiennes est toutefois très exagéré. Elle n’a pas fait d’émulesenTunisie.Sonactionn’estqu’un épiphénomène, révélateur du malaise d’une société. On retiendra la surenchère des médias et leur propension à créer de fausses égéries. Car, finalement, peut-on être bien sérieux quand on a 19 ans ? l

Anis Mili/ReuteRs

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p L’une des trois Femen venues d’Europe pour soutenir Amina Sboui, àTunis, le 29 mai.

Glez ÉGYPTE SALES CARACTÈRES

Voulait-il laisser une marque dans l’Histoire ? un touriste chinois de 15 ans a écrit – en sept caractères – « Ding Jinhao est passé par là » sur un bas-relief du temple d’amenhotep iii, à louxor. Ce graffiti sacrilège a suscité une tempête d’indignation sur le réseau social Weibo, les internautes chinois évoquant une « honte nationale » et dénonçant les mauvaises manières des jeunes « nouveaux riches ». les parents de ce gamin mal élevé ont dû présenter leurs excuses à leurs compatriotes… et à l’Égypte. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeune afrique


ils oNt dit

JEUNE AFRIqUE

MAHAMADOU ISSOUFOU Chef de l’État nigérien

« Mon peuple a toujours besoin de moi. Et quand le peuple a besoin de vous, ce n’est pas le moment, quel que soit votre âge, de tirer votre révérence. » ROBERT MUGABE Président du Zimbabwe

« Je ne pense pas que la situation du pays soit la faute de Hollande. Personne ne pourrait faire mieux à sa place. Il arrive, le match est pourri, les balles sont pourries, le court est pourri, les arbitres sont corrompus, et le public a envie qu’il paume. » YANNICK NOAH Chanteur et ex-tennisman français

« Quand on voit un Jean-François

ALICE NKOM Avocate camerounaise, défenseur de la cause homosexuelle en Afrique (qui a assisté au premier mariage gay à Montpellier, le 29 mai)

R/J .A.

Copé, entre autres personnalités, défiler aux côtés des antimariage pour tous, c’est un traumatisme, ça plombe notre combat. »

NIE

Que diriezvous d’un bon petit plat à base de cheveux, de glandes de castor, d’insectes et de goudron de houille, le tout emballé avec soin dans une vessie de poisson ? Présenté ainsi, voilà un repas qui risque d’en refroidir plus d’un. Pourtant, si l’on en croit le blog Word of Mouth du quotidien britannique The Guardian, tous ces ingrédients entrent dans la composition de produits que nous consommons souvent. La cochenille (Dactylopius coccus), par exemple, est un petit insecte qui sert à fabriquer le colorant rouge vif (e120) que l’on avale lorsqu’on mâchouille une fraise Tagada ou des merguez grillées… Ça, c’est pour le rouge. Pour le jaune, on utilisera plutôt le goudron de houille, qui sert à fabriquer la tartrazine (e102), laquelle sert d’ersatz de safran (moins cher), notamment en Algérie, mais qui peut provoquer des troubles de l’attention chez l’enfant. Pour le goût de la glace à la vanille ou à la fraise, rien de tel qu’une dose de castoréum, une odorante sécrétion produite par les glandes sexuelles du castor que l’on nommera plutôt « ingrédient alimentaire », histoire de noyer le poisson. s’agissant de poissons, sachez que la vessie de ces derniers permet de fabriquer l’ichtyocolle servant à clarifier la bière. Pis : si vous mangez du pain industriel (comme ceux des hamburgers de Mcdo), vous êtes… anthropophage. Car sous le vocable e920 (L-Cystéine) se cache un additif fabriqué à partir d’acides aminés contenus dans les cheveux humains récoltés, notamment, chez barbiers et coiffeurs chinois. l Nicolas Michel

président, et je me demande encore par quel mécanisme germe l’idée de s’incruster au pouvoir. »

UR

Gastronomie des vessies pour des lanternes

« Voilà deux ans que je suis

TF O

Youssef aït akdiM

ELIZARDO SANCHEZ Dissident cubain

CEN

« retourné » et contraint de surveiller des membres du Front Polisario. rafaa est connu des services français pour « son appartenance à la mouvance jihadiste internationale »; d’après eux, il aurait été « chargé de relayer la communication d’Al-Qaïda, ce qui lui permet[tait] de rentrer encontactavecdehautscadres de cette organisation ». Mais la CedH estime que l’impératif de protection contre la torture doit prévaloir « quels que soient les agissements de la personne concernée, aussi indésirables et dangereux soient-ils ». La Cour de strasbourg cite des rapports du Comité des nations unies contre la torture et du département d’état américain accréditant la persistance au Maroc de mauvais traitements contre les détenus accusés de terrorisme. l

« Cuba est un paradis pour les capitalistes, qui y trouvent une maind’œuvre docile obligée d’accepter des salaires de misère et un syndicat inféodé à l’État. »

VIN

LA Cour euroPéenne des droits de l’homme (CedH) a demandé, le 30 mai, à la France de ne pas extrader rachid rafaa vers le Maroc, arguant qu’il risque d’y être torturé. Cette décision constitue une première pour le royaume chérifien. Cet informaticien de 37 ans, qui était en situation irrégulière, a été arrêté en France fin 2009. en 2011, sa demande d’asile a été rejetée et son extradition vers le Maroc décidée. rabat, qui lui prête des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’accuse de « constitution de bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes ». de son côté, rafaa soutient qu’il est un militant de la cause sahraouie et que les services secrets marocains, après l’avoir espionné,l’ontarrêté,détenuet torturé « pendant vingt jours ». Toujours selon lui, il aurait été

JOsE GOITIA

Maroc Principe de précaution

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La semaine de j.A. décryptage

France-Afrique « Maman Valérie »

jeuneAFrique.coM

U.N.

Après sa visite au Mali, la compagne du président Hollande a plaidé la cause des femmes victimes de violences dans l’est de la RD Congo. Démarche diplomatique d’un côté, plus personnelle de l’autre.

?

SONDAGE

Qui souhaiteriez-vous voir succéder un jour à Abdelaziz Bouteflika ? Votez sur le site de Jeune Afrique

LE TWEET

@alainlobog

PHILIPPE WOJAZER/AFP

« Le faux débat africain sur la CPI m’intrigue. Milosevic n’est pas africain. C’est bien un Européen. » Alain Lobognon,

ministre ivoirien de la Promotion de la jeunesse, des Sports et des Loisirs

p Valérie Trierweiler auprès d’une adolescente prise en charge par une association caritative, à Kinshasa, en octobre 2012.

L

RéTRO

L’Attentat, film du Libanais Ziad Doueiri, a été interdit de diffusion dans les pays arabes.

DR

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Retour en images sur les censures cinématographiques les plus célèbres.

À LiRE AuSSi Poésie : quand l’Afrique débarque à Paris pour la 7e Coupe du monde de slam

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

ongtemps elle s’est cherchée dans son rôle de première dame. Désormais plus à l’aise, Valérie Trierweiler semble avoir jeté son dévolu sur l’Afrique. Tout part d’un séjour à Kinshasa, en octobre 2012, à l’occasion du sommet de la Francophonie. La compagne de François Hollande, qui s’y rend avec le président français, rencontre les jeunes filles des rues victimes de violences. Leurs récits la bouleversent. « Un choc », confie Patrice Biancone, son chef de cabinet. Un « choc » qui lui révèle la cause qu’elle défendra. Ce 30 mai, à Genève, lors d’une session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la première dame a tout fait pour persuader les ambassadeurs de l’urgence d’adopter une résolution visant à mettre fin aux atrocités commises à l’égard des femmes dans l’est de la RD Congo. Objectif de l’ambassadrice de la fondation France Libertés : l’extension du mandat de la future brigade d’intervention à la protection de ces populations vulnérables.

Déjà, fin 2012, elle avait cosigné une tribune dans Le Monde dénonçant l’utilisation du viol comme arme de guerre dans les deux Kivus. Et, en avril 2013, envoyé quatre médecins à Bukavu auprès du Dr Denis Mukwege, qui « répare » les victimes de violences sexuelles. Cette cause, Trierweiler dit avoir toujours voulu la plaider du temps de ses activités de journaliste, à titre personnel. Ce qui ne l’empêche pas de servir la diplomatie française. Sa « visite humanitaire » au Mali du 15 au 17 mai « a permis de montrer que notre intervention n’est pas que militaire », souffle une source proche de l’Élysée. À Gao, « maman Valérie » (son surnom local) a annoncé l’octroi de 500 000 euros d’aide alimentaire et de 150 000 euros destinés à l’achat de médicaments. Une opération de communication concertée avec le Quai d’Orsay et pour laquelle elle a été briefée par les conseillers Afrique de l’Élysée : Hélène Le Gal et son adjoint, Thomas Melonio. l AbdeL PitroiPA jeune afrique



La semaine de J.A. Décryptage

Sylvain ndoutingaï Ancien numéro deux du régime Bozizé « j’ai refusé de rejoindre la Séléka »

S

oupçonné d’avoir voulu renverser le régime de François Bozizé, Sylvain Ndoutingaï, 41 ans, avait été limogé de son poste de ministre des Finances en juin 2012. Longtemps numéro deux du pays, le neveu de l’ancien président centrafricain, qui vit en exil dans la région parisienne, sort du silence.

est apocalyptique. La rébellion Séléka a choisi de répondre par les armes aux souffrances des Centrafricains, ce qui ne fait qu’aggraver les choses. Les nouvelles autorités ne contrôlent pas le pays, qui est en proie à l’anarchie. La sécurité des personnes n’est pas assurée, les risques de conflits interethniques et interreligieux sont réels. Et puis, quel est le programme politique du gouvernement de transition? Pour ma part, je n’ai aucun lien avec la Séléka, ni avec Firmin Findiro [ancien proche de Ndoutingaï, l’ex-ministre de la Justice fait aujourd’hui partie de l’entourage de Michel Djotodia, le président de la transition]. S’il est avec elle, c’est son droit : aucun pacte ne nous lie. Des membres de la rébellion m’ont demandé de les rejoindre, mais j’ai refusé. À Bangui, ma maison a d’ailleurs été pillée. que s’est-il passé en juin 2012, lorsque l’ex-président Bozizé vous a limogé ? avez-vous eu l’intention de le renverser?

Je n’ai jamais pensé provoquer un coup de force contre François Bozizé. J’estime que la RCA est un État démocratique. Si j’avais eu des ambitions présidentielles,

VINCENT FOURNIER/J.A.

jeune afrique : Comment jugez-vous la situation à Bangui et quels sont vos rapports avec le nouveau pouvoir ? SYLVain nDOuTinGaÏ : La situation

p Il fut l’homme fort de Bangui avant de tomber en disgrâce en 2012.

j’aurais attendu les élections. Je suis toujours resté fidèle aux principes qui m’ont amené à combattre les rebelles du MLC de Jean-Pierre Bemba, en 2003, aux côtés de Bozizé. Quand il m’a limogé, je lui ai dit que jamais je ne lui nuirais. Je pense que mon ascension a gêné certains intérêts et que je me suis fait des ennemis dans son entourage proche. On m’a torturé moralement (mes chauffeurs et mon cuisinier ont été arrêtés) pour que je commette des erreurs. J’ai donc choisi de quitter la Centrafrique. Êtes-vous en contact avec Bozizé ?

Je lui ai parlé au téléphone tout récemment. Je voulais qu’il n’oublie pas que je lui ai toujours été fidèle. J’ai constaté qu’il n’a pas encore pris conscience de ce

qui est arrivé à notre pays et des erreurs qu’il a commises. Je lui ai dit qu’il vivait dans un monde irréel. Il était surpris et m’a dit qu’on l’avait persuadé que je soutenais la Séléka. Vous vivez en région parisienne. avezvous encore un avenir politique en rCa?

Cela fait près de neuf mois que je suis en France. Je me rends au Burkina épisodiquement, car ma famille y réside. Contrairement à ce qui a été dit, je n’ai jamais séjourné au Maroc. À l’avenir, je souhaite participer à l’effort de redressement national. Mais, pour le moment, les nouvelles autorités refusent de réunir toutes les forces vives et mènent une chasse aux sorcières. Je le regrette. l Propos recueillis à Paris par VinCenT Duhem

à SuiVre La Semaine prOChaine

REVELLI-BEAUMONT/SIPA

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n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

8 juin Premier tour de l’élection du président du Conseil français du culte musulman, le second étant prévu le 23 juin. Créé en 2003, le CFCM est aujourd’hui dirigé par Mohammed Moussaoui.

10-13

juin Ier Congrès africain sur l’huile de palme, à Abidjan. Un enjeu crucial pour le continent: plusieurs pays, dont la France, menacent de surtaxer cette huile, qu’ils jugent mauvaise pour la santé et l’environnement.

17-18

juin Sommet du G8, à Lough Erne (Irlande du Nord). Au programme : la conjoncture mondiale, la politique monétaire, la lutte contre les paradis fiscaux… jeune afrique


VIENT DE PARAÎTRE

Jeune Afrique, 50 ans Une histoire de l’Afrique aux Éditions de La Martinière

288 PAGES ( 1,6 KG ) FORMAT : 21 X 28 ,90 0 PRIX FRANCE : 39,90

€ TTC

Fondé en octobre 1960 par Béchir Ben Yahmed (aujourd’hui encore à la tête du Groupe qui édite l’hebdomadaire), Jeune Afrique a vécu et accompagné les indépendances africaines au nord comme au sud du Sahara. À en feuilleter la collection (plus de 2 500 numéros), c’est toute l’histoire de l’Afrique contemporaine qui se déroule. Couvertures emblématiques, textes historiques, inédits, témoignages de collaborateurs éminents ou de compagnons de route, portfolios des photographes et illustrateurs de renom qui ont participé à l’aventure… Ouvrage dirigé par Jean-Louis Gouraud et Dominique Mataillet. Avec la collaboration de Lakhdar Brahimi, Jean Daniel, Abdou Diouf, Amin Maalouf et François Soudan, ainsi que des journalistes de Jeune Afrique.

CONTACT : 50ans@jeuneafrique.com om


La semaine de J.A. Tour du monde FRANCE

BRÉSIL

Magistrats dans la tourmente

L

La vérité, pas la justice

e premier se nomme Pierre Estoup. En 2008, il était l’un des trois juges du tribunal arbitral qui rendit une décision favorable à Bernard Tapie dans le litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais à propos de la revente de l’équipementier sportif Adidas quinze ans p Le juge Jean-Michel Gentil : liaison auparavant. Un vrai dangereuse. jackpot pour l’homme d’affaires : 403 millions d’euros ! Mais le 29 mai, à l’issue d’une garde à vue médicalisée (il a 86 ans), Estoup a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Les enquêteurs le soupçonnent d’entretenir depuis longtemps avec Tapie et son avocat, Me Maurice Lantourne, des liens qui pourraient avoir faussé l’arbitrage rendu en sa faveur. Le second est Jean-Michel Gentil, l’intraitable magistrat qui, en mars, n’hésita pas à mettre Nicolas Sarkozy (et quelques autres) en examen pour abus de faiblesse sur la personne de la milliardaire Liliane Bettencourt. Or le quotidien Le Parisien du 30 mai soutient que Sophie Gromb, l’un des médecins chargés par le juge de statuer sur l’état de santé de la milliardaire, était l’une de ses amies : elle était témoin à son mariage, en 2007 ! La cour d’appel de Bordeaux statuera le 6 juin sur plusieurs demandes d’annulation des mises en examen prononcées dans l’affaire Bettencourt. Dont celle de l’ancien président. l

MALAISIE

Razak s’énerve

rEconDUit DE JUstEssE Dans ses fonctions à l’issue des élections du 5 mai, najib razak, le premier ministre malaisien, a lancé un avertissement sans ambiguïté aux milliers de personnes qui manifestent contre la fraude électorale. Le 23, puis le 29 mai, n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

PATRICK BERNARD ; JEAN-PAul GuIllOTEAu/EXPRESS-REA/AfP

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la police a multiplié les descentes dans les rédactions de journaux proches de l’opposition et procédé à de nombreuses arrestations. parmi les interpellés, beaucoup d’étudiants activistes et plusieurs leaders de l’opposition, parmi lesquels le parlementaire tian chua. au lendemain du scrutin, ce dernier avait dénoncé « l’élection la plus sale de toute l’histoire du pays ».

Un an après sa création par la présidente Dilma rousseff, la commission de la vérité a, le 21 mai, révélé l’existence au temps de la dictature (1964-1985) de centres de torture dans certaines universités, mais aussi d’une structure d’état chargée de coordonner la répression. Elle a aussi suggéré au gouvernement de réviser la loi d’amnistie générale de 1979, qui interdit de juger les auteurs de ces violations des droits de l’homme. José Eduardo cardozo, le ministre de la Justice, s’y est opposé. BIRMANIE

Deux enfants, et basta convaincUEs que la croissance de la population musulmane, de 10 % plus élevée que celle des bouddhistes, menace l’identité nationale, les autorités de la province d’arakan viennent d’imposer aux musulmans une limite de deux enfants par famille. après des mois d’un silence très critiqué face aux violences entre bouddhistes et rohyngias musulmans dans l’ouest de la Birmanie, aung san suu Kyi s’est enfin – prudemment – exprimée à ce sujet. « si c’est vrai, c’est illégal », a-t-elle indiqué. au cours des derniers mois, les violences interreligieuses ont fait plusieurs centaines de morts et plus de 125 000 déplacés. GUATEMALA

Ex-président extradé

accUsé D’avoir DétoUrné 70 millions de dollars de fonds publics à l’époque où il présidait le Guatemala (2000-2004), alfonso portillo est devenu le 24 mai le premier ex-chef d’état latino-américain à être extradé vers les états-Unis. cette somme aurait été déposée sur des comptes ouverts à Miami (Floride) aux noms de sa fille et de son ex-épouse, puis blanchie via des banques américaines et européennes. Devant un tribunal new-yorkais, portillo a plaidé non coupable. il risque jusqu’à vingt ans de réclusion. jeune afrique


Arrêt SUr ImAge

LUnAe PArrACho • Reuters

AmAZonIE

Sur le sentier de la guerre (des images) AVEC LEuRs ARCs Et LEuRs FLÈCHEs, ils ne font pas vraiment peur, mais peu importe : si ces Indiens d’Amazonie ont déclaré la guerre aux autorités brésiliennes, c’est seulement celle des images. Hostiles à la construction du barrage de belo monte, dans l’État de Para, dont ils redoutent les conséquences sur leur cadre de vie, ils tentent, comme ils peuvent, d’alerter l’opinion en occupant symboliquement le chantier.

LE CHIFFRE

70 millions

LE nombRE dE boutEILLEs de vin de bordeaux importées, et, il faut bien le supposer, bues par les Chinois en 2012. Cela représente environ 10 % de la production. Comment dit-on « à votre santé » en mandarin? VEnEZuELA

Le journaliste par qui le scandale arrive À LA Suite de L’enregiStre ment puiS de la diffusion par un député d’opposition d’une conversation téléphonique entre mario Silva, journaliste à VtV, une chaîne de télévision publique, et Aramis palacio, un agent jeune afrique

de renseignements cubain, le procureur de Caracas a ordonné l’ouverture d’une enquête. Silva – dont l’émission a été supprimée – y accuse en effet diosdado Cabello, le président de l’Assemblée nationale, de corruption et de conspiration. Le vice-président Jorge Arreaza, gendre de Hugo Chávez, et Cilia Flores, l’épouse du président maduro, sont également mis en cause. CoRÉE du noRd

Chaud et froid

Le 24 mAi, un émiSSAire spécial a remisàXiJinping,leprésidentchinois, une lettre l’informant de l’intention de la Corée du nord de revenir à la table des négociations.pyongyangaensuiteproposé une rencontre à Séoul, qui a décliné, puis, le 28 mai, invité les ingénieurs sud-coréens expulséslorsdelacriseduprintempsàrevenir dans la zone économique de Kaesong. Volontéd’apaisement?Voire.Carle30mai, lerodongShinmun,l’organeduparticommuniste, s’est montré moins conciliant:

« nous resserrerons notre emprise sur le précieux sabre nucléaire et ne suivrons pas l’exemple des pays qui, y ayant renoncé, furent ensuite victimes d’agressions. » ÉtAts-unIs

Un républicain au FBI nommé À LA tête du FBi juste avant les attentats du 11 septembre 2001, robert mueller quittera ses fonctions en septembre. pour le remplacer, Barack obama aurait, à en croire le New York Times, choisi un républicain bon teint, James Comey (52 ans), qui fut le numéro deux du ministère de la Justice au temps de george W. Bush (20032005), puis vice-président du groupe Lockheed martin (défense et sécurité), puis directeur juridique d’un fonds spéculatif (Bridgewater Associates). il enseigne aujourd’hui à l’université Columbia, à new York, et siège au conseil d’administration de la banque HSBC, à Londres. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Grand angle

AfriqUe DU NorD

À quoi joue

le qatar?

Maniant pressions et gros chèques, l’émirat cherche à peser sur la politique régionale en surfant sur son soutien au Printemps arabe. Une omniprésence qui le rend de moins en moins populaire.

LAUreNt De SAiNt Périer

D

ébut mars, le Nil a failli en tomber de son lit: le Qatar serait sur le point de racheter les pyramides et le canal de Suez, symboles égyptiens par excellence! « Combien d’accusations infondées porte-t-on contre nous ? » s’insurge Hamad Ibn Jassem, le puissant Premier ministre et ministre des Affaires étrangèresdumicro-État,contraintdedémentir.Uneanecdote révélatrice des fantasmes et des soupçons qu’éveille l’émirat gazier en Afrique du Nord. Hyperactif et hypermédiatisé, le Qatar, soutien inconditionnel des révolutions, s’est immiscé dans tous les rouages politiques, économiques et sociaux des pays concernés. Omniprésent, il se voit prêter toutes les intentions. « Les Qataris apprennent la communication. Leur image leur a échappé », analyse Mohammed El Oifi, maître de conférences à Sciences-Po Paris et spécialiste de la chaîne qatarie Al-Jazira. L’assassinat, le 6 février, du Tunisien Chokri Belaïd, leader du Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU)? « Nous n’excluons pas l’implication d’un État de la monarchie du Golfe [sic] », suggère Mohamed Jmour, numéro deux du PPDU, le 2 avril. En Mauritanie, nombre de médias ont vu l’ombre de l’émirat derrière les tirs qui ont blessé le président Ould Abdelaziz en octobre 2012. « L’assassinat politique n’est pas dans la culture du Golfe », objecte le chercheur Naoufel Brahimi El Mili. Des soupçons d’ingérence inspirés par le comportement même de la monarchie multimilliardaire. Enivré par « ses » victoires révolutionnaires en Égypte, en Tunisie et en Libye, l’émir, Hamad Ibn Khalifa Al Thani, a pu s’y croire en terrain conquis. Rien n’est pourtant moins vrai. Dès novembre 2011, le représentant de la Libye révolutionnaire aux Nations unies, Abderrahmane Chalgham, tempêtait : « La Libye ne sera pas un émirat dirigé par le calife du Qatar! » Et quand, à Tunis, les autorités déroulaient le tapis rouge au souverain, en janvier 2012, l’avenue Bourguiba grondait « Dégage ! ». Il en faut pourtant plus pour refroidir les ardeurs qataries. En témoignent les déclarations de l’émir, en visite officielle en Mauritanie en 2012, incitant Mohamed Ould Abdelaziz à se rapprocher du parti d’opposition islamiste Tawassul et brandissant la menace d’une révolution. Ou l’avertissement adressé à deux reprises – fin 2011 puis début 2013 – par Hamad Ibn Jassem aux autorités algériennes hermétiques à sa politique syrienne : « Votre tour viendra ! » Cette arrogance lll agace et, du Caire à Tunis, les drapeaux du Qatar flambent. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


P FA RO UK BATIC HE /AF

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FETHI BELAID /AFP

ABDELHAK SENNA/AFP

1

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t L’hyperactif émir Hamad Ibn Khalifa Al Thani avec l’Algérien Abdelaziz Bouteflika (1), le Libyen Mustapha Abdeljalil (2), le Marocain Mohammed VI (3), le Tunisien Moncef Marzouki (4) et le Mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz (5).

R /A FP


Grand angle Afrique du Nord Tissés bien avant les événements de Sidi Bouzid, les réseaux de l’émirat lui ont permis de se réserver les meilleures places aux banquets des révolutions. Ami de Kaddafi, entretenant des relations cordiales avec Ben Ali et Moubarak, Hamad Ibn Khalifa Al Thani n’en accueillait pas moins leurs opposants. On pouvait ainsi croiser à Doha Youssef al-Qaradawi, le prédicateur star d’Al-Jazira, d’origine égyptienne; le religieux libyen Ali Sallabi (lire p. 30) ; ou encore le gendre du Tunisien Rached Ghannouchi (leader du parti islamiste Ennahdha), Rafik Abdessalem, qui dirigeait le département des recherches au centre d’études d’Al-Jazira avant de rentrer en Tunisie et d’y occuper le poste de ministre des Affaires étrangères (de fin 2011 à mars 2013). Pas de quoi rassurer Alger et Nouakchott, capitales épargnées par le Printemps arabe : l’émir n’offre-t-il pas asile à l’Algérien Abassi Madani, cofondateur du Front islamique du salut (FIS), ainsi qu’à l’ancien président mauritanien Maaouiya Ould Taya, chassé du pouvoir par l’actuel chef de l’État ? Car Sa Majesté n’accorde pas droit de cité aux seuls militants de l’islam politique. Des figures des régimes déchus ont également trouvé refuge – au

lll

Grâce à ses réseaux, Doha s’est réservé les meilleures places aux banquets des révolutions.

moins un temps – sur ses terres, comme le Libyen Moussa Koussa, ancien chef des renseignements et ministre des Affaires étrangères du « Guide », ou le Tunisien Sakhr el-Materi, gendre de Ben Ali. Le paradoxe n’effraie pas l’émirat: ce paradis fiscal, où nombre de figures des régimes déchus ont placé leur fortune, a vu son procureur général, Ali Ibn Fetais al-Marri, chargé par les Nations unies de coordonner les enquêtes sur les fonds détournés par les dirigeants arabes renversés. paralyser. «CeuxquiconsidèrentleQatarcomme

q Dans les rues de Gaza pendant la visite du chef d’État qatari, en octobre 2012.

LEVINE/SIPA

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un État-nation traditionnel ne pourront que se tromper », explique Mohammed El Oifi. Petit et faiblementpeuplé,l’émiratdoit,pourexister,s’imposer à l’extérieur. Et le Printemps arabe lui en a apporté l’occasion sur un plateau: il a paralysé les derniers grands de la diplomatie régionale, Égypte et Syrie, alors que l’Irak déchiré n’a plus guère de poids et que l’Arabie saoudite reste empêtrée dans ses problèmes de succession. La Ligue arabe est ainsi tombée sous l’emprise qatarie. Les caisses de l’Égypte sont à sec? L’émirat y déverse quelques milliards de dollars. La zone grise du Sahel, déstabilisée par la guerre libyenne, a vu débarquer ses convois humanitaires. Et, fin 2012, Hamad Ibn Khalifa Al Thani est allé se faire acclamer à Gaza, déserté par les chefs d’État arabes depuis 2007. De quoi confirmer, pour certains, le soupçon d’un agenda impérialiste caché. C’est la thèse des journalistes Jacques-Marie Bourget et Nicolas Beau dans Le Vilain Petit Qatar (lire p. 29): le Printemps arabe ne serait que l’aboutissement d’un grand projet panarabe à teinte islamiste fomenté par Doha. Plus mesuré, Naoufel Brahimi El Mili (lire p. 30) considère plutôt le petit émirat comme le bras agissant d’une Amérique qui a vu dans les révolutions l’occasion d’édifier le « Grand MoyenOrient » démocratique que George W. Bush avait échoué à imposer. Mais pour Mohammed El Oifi, l’activisme qatari ne s’inscrit pas dans une stratégie préméditée : « La seule obsession de ce petit État coincé entre Iran et Arabie saoudite est d’agir pour exister et d’exister pour survivre. » Emportée par son instinct de survie, la machine qatarie ne finiraitelle pas par échapper au contrôle de ses pilotes? l

J’ai peur que le Qatar ne soit atteint par la folie des grandeurs. Ce petit émirat ne vaut pas un quartier de notre Libye.

Toute personne qui manquera de respect envers [le Qatar] devra assumer ses responsabilités.

Abderrahmane Chalgham, ancien ministre des Affaires étrangères de Kaddafi devenu représentant du Conseil national de transition libyen à l’ONU, en novembre 2011

Moncef Marzouki, président tunisien, en avril 2013

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jeune afrique


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hichem

p Le 15 avril 2013, à Tunis, l’organisation Qatar Charity remet les clés de leur maison à 26 familles démunies. stratégie

La loi du plus riche Œuvres de charité, investissements, soutien à des partis islamistes : le petit État gazier est un adepte de la diplomatie du dollar. Égypte

exit l’Arabie saoudite ?

Pour les Frères musulmans au pouvoir en Égypte, le Qatar est un précieux allié. les sommes que l’émirat a injectées ou promet d’injecter en disent long : 5 milliards de dollars (près de 4 milliards d’euros) de prêt et 18 milliards d’investissements sur cinq ans. Ce soutien indéfectible n’est pas sans indisposer l’arabie saoudite. l’alliée historique de l’ex-président Hosni moubarak n’a jamais caché son hostilité aux Frères musulmans, bien qu’elle les ait soutenus par le passé contre le régime de nasser. riyad « souhaiterait voir les Frères échouer dans leur gestion des affaires de l’État,

mais s’ils échouent, se pose la question de la survie de l’État égyptien », résume michael Hanna, du think-tank américain The Century Foundation. Pour robert springborg, professeur à l’école navale américaine, « l’arabie saoudite n’a pas en Égypte d’engagements financiers [similaires à ceux du Qatar] et ses investisseurs privés ont dû faire face à des difficultés avec le nouveau gouvernement, ce qui peut avoir un impact négatif sur d’éventuels futurs investissements. et malgré les tentatives de mohamed morsi d’améliorer les relations – il a réservé à riyad sa première visite à l’étranger, en juillet 2012 –, les États du Golfe, sous l’influence de l’arabie saoudite et à l’exception du Qatar, considèrent les

Frères musulmans comme une menace sécuritaire », résume-t-il, citant l’arrestation,findécembre,auxÉmiratsarabesunis d’une dizaine d’Égyptiens soupçonnés de collecter des financements et de recruter de nouveaux membres pour la confrérie. tunisie

L’arme de la charité

mulTinaTionale HumaniTaire, Qatar Charity a, depuis 2012, les coudées franches en Tunisie. la chute de Ben ali a en effet permis la levée de l’embargo sur les associations à vocation religieuse. mais surtout, l’organisation cadre avec la vision d’ennahdha : le parti islamiste, au pouvoir depuis octobre 2011, est favorable au désengagement de l’État sur les questions sociales. Qatar Charity a alloué 7,5 millions d’euros à la Tunisie à travers trois structures, Tunisia Charity (dirigée par abdelmonem Daïmi, frère d’imed Daïmi, ex-directeur de cabinet du président moncef l l l

Mon Qatar Qatar, ton argent inonde ma terre… Mon Qatar, verse-moi plus encore pour me satisfaire !

Les soulèvements du monde arabe ont été sinon orchestrés, du moins encouragés, voire pilotés depuis le Qatar.

Mon Qatar chéri, chanson parodique de l’humoriste égyptien Bassem Youssef

Naoufel Brahimi El Mili, professeur à Sciences-Po, Naouf in Le Printemps arabe: une manipulation?

jeune afrique

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Grand angle Afrique du Nord Marzouki), Marhama (conduite par Mohsen Jendoubi, membre du conseil consultatif d’Ennahdha) et l’Association tunisienne de coopération et de communication sociale (présidée par Mohamed Néjib Karoui, fils de l’ancien Premier ministre Hamed Karoui, lire p. 31). Prévuepourlesdeuxprochainesannées, cette enveloppe est alimentée par la zakat (aumône obligatoire, l’un des piliers de l’islam). Outre les activités humanitaires classiques (aide alimentaire et assistance aux démunis), elle financera des projets de développement, notamment la réhabilitation d’infrastructures, le réaménagement de terres agricoles ou la construction de logements sociaux, d’écoles et de structures sanitaires. Cependant, en l’absence de lois sur le financement des associations et sur leurs interactions avec les partis politiques, la société civile tunisienne s’inquiètedel’éventuelimpactidéologique des actions de bienfaisance qataries.

lll

Maroc

Partenaires économiques

FOrt dE sEs liENs avecl’Arabiesaoudite et les Émirats arabes unis, le royaume chérifien ne montre qu’un empressement limité vis-à-vis du Qatar, dont le seul véritable canal d’influence à rabat est économique. la dernière visite de l’émir, en novembre 2011, a d’ailleurs été l’occasion de le renforcer. À la clé, un fonds d’investissement touristique de 2 milliards d’euros, Wessal Capital – plus concret que la proposition de rejoindre le Conseil de coopération du Golfe faite au Maroc en plein Printemps arabe et écartée avec tact. QuelavisitedeHamadibnKhalifaAlthani précède de quelques heures le triomphe du Parti de la justice et du développement (PJd, islamiste) aux élections législatives n’est peut-être qu’un hasard. Même si l’on

ABDELHAK SENNA/AFP

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a beaucoup glosé sur la connivence entre doha et les islamistes et souligné que les leaders de cette formation étaient souvent invités sur les plateaux d’Al-Jazira. Pour avoir accueilli opposants et indépendantistes sahraouis, la chaîne a d’ailleurs entretenu des relations fluctuantes avec rabat. En 2006, c’est depuis le Maroc qu’elle lance son journal maghrébin. Mais en juin 2008, Al-Jazira s’embourbe dans la couverture des émeutes de sidi ifni. Elle annonce des morts, ne publie pas le démenti des autorités, s’entête. Excédé, rabat finit par révoquer son autorisation d’émettre et poursuit le chef du bureau, Hassan rachidi. « Même protégée par la diplomatie qatarie, Al-Jazira avait manqué de professionnalisme. il fallait marquer notre souveraineté, dans le respect de nos lois », souligne un responsable qui a géré le dossier. tout au long de la crise pourtant, les relations d’État à État ont été préservées. Libye

Le temps de la défiance

lE dÉMENti Est vENu du PrEMiEr MiNistrE libyen lui-même. « le Qatar

p Dans les bureaux marocains d’Al-Jazira, le 29 octobre 2010, jour de la suspension des activités de la chaîne par les autorités du royaume.

u Le 10 mai 2013, à Benghazi (Libye), les manifestants accusant le Qatar d’ingérence dans la politique libyenne brûlent une effigie de l’émir.

[n’est] impliqué dans aucune tentative pour déstabiliser la libye », a déclaré Ali Zeidan le 19 mai. dix jours plus tôt, des drapeaux qataris avaient été brûlés à Benghazi et à tobrouk par des manifestants accusant l’émirat de soutenir les milices qui assiégeaient les ministères de la Justice et des Affaires étrangères. Premier pays arabe à reconnaître le Conseil national de transition (CNt) durant le soulèvement contre Mouammar Kaddafi, le Qatar n’est plus en odeur de sainteté dans la nouvelle libye. Même la place d’Alger, à tripoli, brièvement rebaptisée place du Qatar, a repris son nom initial. l’ex-Premier ministre de

La révolution tunisienne doit beaucoup au Qatar et à son émir.

Les Américains et leurs vils serviteurs qataris ont libéré les Tunisiens de leur indépendance.

Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste tunisien Ennahdha, dans une interview au quotidien qatari Al Arab, en mai 2012

Mezri Haddad, écrivain tunisien et ancien ambassadeur de Ben Ali auprès de l’Unesco, en novembre 2012

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jeune afrique


À quoi joue le Qatar ?

esam al-fetori/reuters

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la révolution Mahmoud Jibril confiait récemment, agacé, que les Qataris avaient empêché le désarmement des brigades révolutionnaires après la prise de Tripoli, en août 2011. Son camarade Ali Tarhouni, chargé des questions financières et pétrolières au sein de la rébellion, rapporte ainsi les propos du chef d’état-major qatari à l’automne 2011 : « Pourquoi voulezvous une armée ? Cela ne vous apportera que des coups d’État. » Une remarque qui prend tout son sens quand on sait que l’émirat a soutenu des milices, de la Cyrénaïque à Tripoli, avec une nette préférence pour les anciens cadres du Groupe islamiquecombattantlibyen.Omniprésent sur Al-Jazira en 2011, l’un des chefs de ce mouvement islamiste, Abdelhakim Belhaj, a tenté sa chance aux législatives de 2012 avec son parti El-Watan. Sans succès. Il arrive que Doha mise (beaucoup d’argent) sur un cheval perdant. Mauritanie

Fausse polémique?

LA LIGnE DOhAnOUAkChOTT estelle encombrée ? « non », affirment en chœur les Mauritaniens proches de l’émirat. D’autres, pourtant, l’assurent : l l l jeune afrique

QatarothèQue

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as moins de six ouvrages sur la petite péninsule sont parus dans les premiers mois de l’année : deux enquêtes de journalistes, deux travaux de chercheurs et deux recueils d’articles. Dans Qatar, les secrets du coffre-fort, les journalistes Christian Chesnot (France Inter) et Georges Malbrunot (Le Figaro) dévoilent les coulisses de la puissance qatarie, ses rouages et ses principaux artisans : une initiation aux arcanes de l’émirat. Avec Le Vilain Petit Qatar, Nicolas Beau (Le Canard enchaîné, bakchich.info) et Jacques-Marie Bourget livrent un pamphlet frisant la satire, qui dénonce les petites

manœuvres et le grand projet obscurantiste d’un émir bigot. Une enquête versant parfois dans le sensationnalisme au détriment de la rigueur. Deux universitaires proposent un exposé plus global. Nabil Ennasri professe le souci de dépassionner le sujet, mais L’Énigme du Qatar tend parfois vers une démonstration très inspirée par la « Vision 2030 » de l’émir, avec ce qu’il faut de bémols pour échapper à l’accusation de partialité. L’essai de Mehdi Lazar, Le Qatar aujourd’hui, passe, lui, le pays au crible des sciences humaines, sans jugement. Une synthèse factuelle un peu plate. Deux intéressantes compilations d’articles

de spécialistes, Qatar : les nouveaux maîtres du jeu (éd. Demopolis) et Qatar : jusqu’où ? (éd. L’Harmattan) permettent, enfin, d’entrer dans les détails de cet émiratmonde : finances, médias, stratégie agricole, sport, diplomatie, etc. l L.S.P.

Qatar, les secrets du coffre-fort, de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, éd. Michel Lafon, 304 pages, 17,95 euros L’Énigme du Qatar, de Nabil Ennasri, éd. Armand Colin, 220 pages, 19 euros Qatar : les nouveaux maîtres du jeu, ouvrage collectif, éd. Demopolis, 208 pages, 20 euros n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Grand angle Afrique du Nord ils sonT en première ligne l l l Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani n’aurait pas digéré un échange un peu vif avec le président mauritanien Ould Abdelaziz, survenu lors de sa visite en janvier 2012. Le général n’aurait pas apprécié que l’émir tente de lui imposer ses vues sur la politique intérieure (prônant une ouverture aux opposants islamistes) et le conflit syrien (Doha a pris parti pour la rébellion). « Le Qatar est le seul pays du Golfe à avoir maintenu un ambassadeur [en Mauritanie] malgré les choix diplomatiques de Nouakchott au Moyen-Orient (sur le conflit Irak-Koweït ou sur Israël, par exemple) », rappelle Dah Ould Abdi, responsable en Mauritanie de la société d’investissement Qatari Diar. La coopération entre les deux pays se joue tant sur le plan judiciaire – les tribunaux qataris employant des magistrats mauritaniens – que sur le plan religieux, le prédicateur star de Doha, Youssef al-Qaradawi, ayant été accueilli par son homologue mauritanien Cheikh Mohamed el-Hacen Ould Dedew, directeur du centre de formation des oulémas. Impliqué dans les secteurs financier (Qatar National Bank) et minier (en association avec la société Sphere), l’émirat est aussi partenaire du français Total sur le champ pétrolier de Taoudenni. Qatari Diar a de son côté acquis en 2006 pour 2,5 millions de dollars un terrain sur le littoral, non loin de l’aéroport de Nouakchott, où un complexe touristique doit voir le jour. Enfin, la fondation QatarMauritanie a financé, sous l’égide de Cheikha Mozah – l’une des épouses de l’émir –, un hôpital à Boutilimit, des écoles et cinq centres de formation. l

algérie

« Un mur entre Tunis et alger »

DANS SON OuvrAGE Le Printemps arabe : une manipulation ? (éd. Max Milo), paru fin 2012, Naoufel Brahimi El Mili, professeur à Sciences-Po Paris, envisage le Qatar comme un relais régional des États-unis. L’émirat œuvrerait pour concrétiser la vision américaine de « Grand Moyen-Orient » esquissée par George W. Bush et revisitée par Barack Obama. Le docteur en sciences politiques confie à Jeune Afrique son analyse des rapports entre l’émirat et la république algérienne, épargnée par les révolutions de 2011. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeUne afriqUe : que pensent les décideurs algériens du qatar ? naoUfel Brahimi el mili : Certains

disent qu’il faut le ménager, d’autres préfèrent le négliger. Car l’Algérie est riche et n’a pas besoin de l’argent qatari : c’est la limite de l’émirat dans la république. Mais en haut lieu, on ne sous-estime pas son pouvoir de nuisance – pouvoir que les diplomates qataris ont rappelé à leurs homologues algériens en leur répétant, au Maroc puis en Égypte, alors qu’ils s’opposaient sur la question syrienne : « votre tour viendra. » Cela peut inquiéter les Algériens, par ailleurs très anxieux de ce qui se passe à leurs frontières malienne et libyenne. Comment cette menace se manifestet-elle ?

Pendant la prise d’otages de la raffinerie d’In Amenas, à qui Al-Jazira a donné la parole ? À Abassi Madani [l’un des fondateurs du Front islamique du salut (FIS) algérien, exilé à Doha], qui répétait à l’envi que le peuple était choqué de l’autorisation donnée à la France de survoler le territoire. De même, la chaîne avait été la seule à couvrir une manifestation d’Ali Belhadj [ancien numéro deux du FIS] qui n’a rassemblé qu’une quarantaine de personnes dont, selon moi, une bonne moitié d’indicateurs. un non-événement. C’est le type de choses que les Qataris pratiquent en Algérie… quel est leur objectif ?

Le Qatar fait tout pour que Tunis ne se tourne pas vers Alger. L’Algérie, qui vient de prêter 5 milliards de dollars [3,9 milliards d’euros] au FMI [Fonds monétaire international], a les moyens d’aider la Tunisie voisine. Mais jusqu’à présent, le pouvoir tunisien ne lui a rien demandé. Le Qatar et Ennahdha sont en train d’installer un firewall. Pour moi, la seule façon pour qu’Alger – qui traverse un grand moment de solitude diplomatique – soit pris au sérieux au niveau régional, c’est de faire un plan Marshall pour la Tunisie. Et l’Algérie, qui reçoit 80 000 ouvriers chinois, pourrait très bien ouvrir sa porte à 50 000 travailleurs tunisiens. Cela signifierait le retour d’Alger sur les radars régionaux, ce dont les Qataris ne veulent en aucun cas. l YoUssef aïT akdim, frida dahmani, à Tunis, laUrenT de sainT périer, TonY gamal gaBriel, au Caire, et miChael paUron

DR

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Ali Sallabi, Libye

Influent religieux

Installé à Doha après des études de théologie en Arabie saoudite et au Soudan, ce cheikh charismatique, natif de Benghazi, a été le principal convoyeur d’armes qataries à destination de certains rebelles libyens, dont les troupes d’un certain Ismaïl Sallabi, son frère, et celles d’Abdelhakim Belhaj. C’est d’ailleurs en parrainant les négociations entre les jihadistes libyens et Seif el-Islam Kaddafi, qui avaient conduit à la libération, en 2010, de 170 islamistes, dont Belhaj, qu’Ali Sallabi est devenu célèbre.

Khairat el-Shater, Égypte

Facilitateur

Le numéro deux des Frères musulmans serait l’un des principaux interlocuteurs de l’émirat en Égypte. En mars 2012, sur invitation du Qatar, le richissime homme d’affaires s’est rendu à Doha pour rencontrer l’émir, Hamad Ibn Khalifa AlThani, et discuter de l’aide promise au Caire, selon le quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm. Et en octobre, son intervention aurait permis d’accélérer le versement d’un prêt qatari de plusieurs millions de dollars, selon le site d’information anglophone Ahram Online. jeune afrique


À quoi joue le Qatar ? Mohamed Néjib Karoui, Tunisie

Homme de réseaux

Aic pRess

Président de l’Association tunisienne de coopération et de communication sociale, le quinquagénaire a lié celle-ci, en janvier 2012, à l’organisation humanitaire Qatar Charity (lire p. 27). Avec pour père Hamed Karoui, Premier ministre de Ben Ali, et pour oncle Ahmed Ben Salah, figure de l’ère bourguibienne, ce professeur agrégé en médecine d’urgence est un familier des arcanes du pouvoir. Malgré ses critiques à l’égard de l’islam politique en Tunisie, il est ami depuis l’université avec le nahdhaoui Hamadi Jebali, ancien chef du gouvernement.

Yassir Zenagui, Maroc

DR

Lors de la visite de Mohammed VI dans le Golfe, en octobre 2012, Yassir Zenagui, 42 ans, était bien en vue. En tant que ministre duTourisme (en 2010 et 2011), puis conseiller du roi, cet ex-banquier a pu suivre, en contact direct avec l’émir, la participation de Qatar Investment Authority au fonds Wessal Capital pour le développement touristique du Maroc. À ce jour, le principal investissement de l’émirat est le projet de complexe hôtelier de luxe d’Al Houara, près de Tanger, pour 1,2 milliard de dollars (930 millions d’euros).

Khadidja Benguenna, Algérie

Figure de proue

Présentatrice du journal de 20 heures de la télévision nationale entre 1986 et 1992, Khadidja Benguenna, 48 ans, fait partie de ces dizaines de journalistes algériens qui ont rejoint Al-Jazira durant les années 1990 pour fuir la terreur islamiste. Vedette de la chaîne qatarie, elle a été classée en 2007 par le magazine Forbes parmi les dix femmes les plus influentes dans le monde arabe. Sa réussite, son engagement en faveur de la démocratie et des droits des femmes suscitent admiration et fierté chez ses compatriotes.

joseph bARRAk/AFp

DR

« Monsieur Économie »

Dah Ould Abdi, Mauritanie

levine/sipa

Représentant de luxe

jeune afrique

Ex-ministre mauritanien des Affaires étrangères, Dah Ould Abdi, 63 ans, entretient des liens étroits avec le Qatar depuis 2004. Après son départ des Nations unies, où il était ambassadeur, et sa rencontre avec Hamad Ibn Jassem, Premier ministre de l’émirat, il séjourne un an à Doha avant de revenir à Nouakchott en tant que représentant de la société d’investissement Qatari Diar, poste qu’il occupe toujours. Bien qu’il ne se considère pas comme un conseiller, il a l’oreille de Hamad Ibn Jassem et de l’émir, notamment sur les questions subsahariennes. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Afrique subsaharienne

NIger-TchAD

Les nouvelles cibles d’Al-Qaïda Victimes collatérales de la chute de Kaddafi, puis acteurs de l’intervention militaire au Mali, les présidents Issoufou et Déby Itno sont plus que jamais dans le collimateur des jihadistes.

rémI cArAyoL

S

ilence dans les rangs des officiels nigériens. On évite, désormais, d’accuser publiquement la Libye d’héberger les groupes terroristes de la région. Même en « off », la réserve est de mise. « Ce n’est pas le moment d’envenimer la situation. On veut calmer le jeu », explique un diplomate nigérien. Ces dernières semaines, ce proche du président

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Mahamadou Issoufou n’a cessé d’alerter sur la menace qui se constitue dans le sud de la Libye, une zone de non-droit décrite par de nombreux experts comme « le nouveau sanctuaire des jihadistes ». Mais depuis quelques jours, il fait profil bas. Le ton entre les deux voisins est monté trop haut, trop vite. La première anicroche a eu lieu le 26 mai à Addis-Abeba, trois jours après le double attentat d’Arlit et d’Agadez (35 morts, dont une majorité de soldats et une dizaine de jihadistes) qui a été jeune afrique


Afrique subsaharienne

TUNIS

ALGER

MER MÉDITERRANÉE

TUNISIE TRIPOLI

Derna Benghazi

300 km

Djebel Akhdar

LIBYE ALGÉRIE Djanet

Oubari Sebha Mourzouk

Ghat

Koufra

Menace Aqmi

Tamanrasset Passe de Salvador

MALI Arlit

Kidal

Tombouctou

NIGER Agadez

Gao

NIAMEY

BAMAKO

TCHAD

Menace Boko Haram

NIGERIA Mouvements de repli des jihadistes

Mouvements des chefs jihadistes

Zones jihadistes

Attentats du 23 mai

l’attaque qui a été menée par les kamikazes contre une garnison de l’armée, Issoufou pointe une nouvelle fois du doigt la Libye, d’où, dit-il, seraient venus les assaillants. Ces attaques, accuset-il, confirment que « la Libye continue d’être une source de déstabilisation pour les pays du Sahel ». Rien de neuf : il le répète depuis la chute de Mouammar Kaddafi. Quelques heures plus tard, le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, en visite à Bruxelles, contre-attaque. Rien ne prouve que les auteurs de ce double attentat venaient de Libye, se défend-il, avant d’assurer que son pays « n’est pas un foyer de terrorisme ».

APA News

ArsenAl. Vaine défense. Personne ne doute,

revendiqué, à quelques heures d’intervalle, par le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) puis par Les Signataires par le sang, le groupe de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. Dans le huis clos des chefs d’État et de gouvernement du sommet de l’Union africaine, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum, a dénoncé l’incapacité de Tripoli à contrôler ses frontières méridionales. Le lendemain, nouvelle passe d’armes. À Agadez, où il est venu constater l’extrême violence de jeune afrique

p Le président nigérien Mahamadou Issoufou s’est rendu, le 28 mai, à Agadez, dans l’un des camps militaires visés par les jihadistes.

aujourd’hui, de la présence dans le Sud libyen d’un grand nombre de groupes jihadistes armés. « Il est difficile de dire qui s’y trouve, et où. Mais il est certain que des groupes s’y sont reconstitués », estime Mathieu Pellerin, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales. Outre une bonne partie de l’arsenal que Kaddafi s’était constitué avant sa chute, et de nombreux camps d’entraînement qui ont servi de base pendant des années aux rebelles touaregs nigériens et maliens armés par le « Guide », on y croise des Soudanais, des Égyptiens, des Tunisiens, des Libyens évidemment, et certainement aussi des Algériens, des Nigériens, des Maliens… Depuis que les autorités algériennes ont bouclé leur frontière n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Afrique subsaharienne avec le Mali, quelques jours après le début de l’opération Serval lancée par la France, la Libye – via le nord du Niger et notamment la passe de Salvador, un passage obligé (mais extrêmement difficile à surveiller) qui se situe à la jonction des frontières nigérienne, algérienne et libyenne – est leur seul refuge. AQMI. Le plus dur est de franchir la passe. Pour ce

faire, les jihadistes ont déjoué l’étroite surveillance aérienne menée dans la zone par les Algériens, les Nigériens, les Français et les Américains à l’aide d’avions de reconnaissance et de drones. « Ils forment de petits convois de un, deux ou trois pick-up pour ne pas être repérés. Certains se déplacent même à dos de chameau, confie le ministre nigérien de la Défense, Mahamadou Karidjo. Malgré tous nos efforts, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Il est très difficile de surveiller un territoire aussi vaste et des frontières aussi poreuses. » De fait, la présence en Libye des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ne fait plus guère de doute. Les liens de ce groupe avec les jihadistes libyens sont anciens. Deux des figures d’Aqmi, Abou Zeid (donné pour mort par le Tchad et la France) et Mokhtar Belmokhtar (dont la mort, annoncée par N’Djamena, reste à confirmer), avaient été aperçues dans la province du Fezzan en 2011. Belmokhtar s’y était même installé un temps, près d’Oubari, dans le Sud-Ouest, peut-être dans l’optique de s’y constituer une base de repli. Tous les observateurs remarquent que le double attentat d’Arlit et d’Agadez porte sa signature. « C’est le même procédé qu’à In Amenas », indique une source sécuritaire française. Revendiqué par Belmokhtar, l’assaut meurtrier du site gazier algérien, le 16 janvier, « aurait été totalement impossible sans une coordination étroite avec les cellules jihadistes libyennes », notait il y a quelques semaines un expert dans ces mêmes colonnes.

p Idriss Déby Itno, le chef de l’État tchadien (à dr.), s’adresse aux soldats qui vont intervenir au Nord-Mali, le 24 janvier 2013.

retour à l’envoyeur S’agit-il d’une ripoSte des autorités libyennes aux accusations récurrentes de niamey? Fin mai, des centaines de ressortissants d’afrique de l’ouest (entre 800 et 1500 selon les sources) qualifiés de clandestins partripoli, et parmi lesquels figurent une majorité de nigériens, ont été refoulés de libye. entassés dans des camions, ils ont été envoyés au niger. « nous avons été tenaillés par la soif et la faim, il y a eu deux morts durant le n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

voyage qui a duré une semaine à travers le désert, a témoigné un immigrant lors de son arrivée à agadez. nous avons tout laissé en libye, on nous a tout confisqué. » un autre camion transportant des immigrés tchadiens aurait pris la route dutchad. Selon un représentant de l’organisation internationale pour les migrations (oiM) cité par rFi, les refoulements de ce type sont fréquents depuis le début de r.c. cette année. l

En revanche, la présence d’éléments du Mujao est moins certaine. Les services de renseignements occidentaux situent leurs points de chute au Niger, en Algérie, peut-être même au Tchad et au Soudan (sans compter ceux qui se terrent au Mali), mais pas en Libye. Les spécialistes rappellent en outre que les liens entre le Mujao et Aqmi sont ténus. Sur place, si l’on en croit les informateurs des autorités nigériennes qui vivent dans cette zone – des Touaregs et des Toubous principalement –, c’est un paradis sur terre pour les troupes de l’internationale jihadiste. « Le Sud libyen est un territoire où règne l’anarchie, contrôlé par des milices touarègues, touboues et arabes », glisse une source sécuritaire nigérienne. Ces milices n’ont rien d’islamiste et ne voient pas d’un très bon œil cette arrivée massive susceptible de faire capoter leurs trafics de cigarettes, de drogue et d’armes. Mais elles ne veulent pas d’une confrontation avec ces nouveaux venus redoutablement armés. Les jihadistes, qui bénéficient de complicités jusqu’à Tripoli, y font donc ce qu’ils veulent. Ils s’y procurent des armes, pour la plupart issues de l’arsenal de l’armée kaddafiste, et réinvestissent les camps d’entraînement laissés à l’abandon depuis la chute du « Guide ». Les services de renseignements nigériens situent le gros des troupes de cette nébuleuse dans les régions de Sebha et d’Oubari. Mais leur QG se trouverait bien plus au nord, au bord de la mer Méditerranée, dans la région de Benghazi. Rien jeune afrique


Les nouvelles cibles d’al-Qaïda En Vérité

Opinions & éditoriaux François Soudan

Wild Wild South

BOUREIMA HAMA/AFP

I

de surprenant : les ramifications entre le Sud et la côte est, où l’on trouve de nombreux groupes jihadistes, sont connues. Coopération. À Niamey, on est ainsi persuadé

que le double attentat du 23 mai a été fomenté à Derna, l’ancienne capitale de la province de Cyrénaïque située à l’est de Benghazi, bien loin d’Arlit et d’Agadez. Une dizaine de jours avant l’offensive éclair, combattants de retour du Mali et jihadistes libyens s’y seraient réunis pour identifier les cibles à atteindre tant au Niger qu’au Tchad. Ordre aurait été donné d’attaquer les intérêts des deux pays les plus impliqués dans l’intervention armée au Mali, en partie responsables de leur débandade. Au Niger, où l’enquête sur les attentats progresse dans le plus grand secret, voilà plusieurs mois que l’on tente de se rapprocher de Tripoli. Niamey souhaiterait notamment mettre en place des patrouilles mixtes avec la Libye, à l’instar de ce qui se fait depuis quelques mois au sud, avec le Nigeria. Mais il n’y a rien à faire. « On n’a pas de contacts. Il n’y a pas d’autorité en Libye », déplore un diplomate. Selon lui, le temps presse. « On savait qu’il y aurait un risque un jour. Mais on ne pensait pas qu’il se matérialiserait si vite. On n’imaginait pas que les jihadistes pourraient se reconstituer aussi rapidement. Et cela n’aurait jamais été possible s’ils n’avaient pu bénéficier d’un tel sanctuaire. » l jeune afrique

driss déby itno et MahaMadou issoufou ont beau n’avoir que peu de chose en commun, tant dans leurs itinéraires respectifs que dans leurs styles de gouvernance et leurs personnalités propres, ce qui les unit en cette mi-2013 est plus fort que ce qui les sépare.tous deux sont intervenus au Mali aux côtés de la france, tous deux sont devenus depuis la cible des jihadistes d’aqmi, tous deux considèrent la Libye postrévolutionnaire comme la source de leurs maux et tous deux rappellent à l’envi, sur le mode du « je vous avais prévenu », les avertissements qu’ils avaient lancés à l’époque quant aux conséquences néfastes pour la région de la chute de Mouammar Kaddafi. rendons au président tchadien ce qui lui appartient: il a été le premier, dès mars 2011, à formuler de telles mises en garde dans une interview à J.a., rejoint deux mois plus tard par son homologue nigérien lors du sommet du G8 à deauville. bon communicant, Mahamadou issoufou est parvenu à faire oublier qu’il était allé plus loin encore que son voisin dans la défense d’un dictateur dont il souhaitait le maintien en Libye (voir J.A. no 2636) et dont il héberge aujourd’hui encore une poignée de proches.

Depuis, l’un et l’autre éprouvent à l’égard du nouveau pouvoir libyen une défiance qui ne se dément pas. ainsi idriss déby itno, qui se demandait lors d’un entretien avec J.a., en juillet 2012, si « l’autorité centrale libyenne exist[ait] vraiment », n’a toujours pas mis les pieds à tripoli depuis la révolution. début mai, n’djamena et niamey ont dénoncé au même moment la présence supposée de groupes terroristes dans le « sud incontrôlé » de la Libye, suscitant de la part de cette dernière une réplique immédiate. si l’on en croit le Premier ministre ali Zeidan, le niger serait devenu un havre pour kaddafistes revanchards et le tchad manipulerait les toubous libyens du fezzan dans leur lutte fratricide contre les tribus ould souleymane et Guedadfa. reste que le mêmeali Zeidan n’est pas crédible quand il soutient contre toute évidence que le sud est « sous contrôle » (de qui, puisque les seules forces présentes sur place sont les katibas de miliciens venues de Zeitan et qui ne dépendent que d’elles-mêmes?), pas plus qu’il ne l’a été quand il a démenti avec vigueur que les terroristes d’in amenas en algérie provenaient de Libye. si le niger a subi de plein fouet la vengeance d’aqmi depuis sa nouvelle matrice libyenne, il est donc tout à fait probable que letchad figure en tête de liste des objectifs jihadistes. depuis l’incursion en 2004, entre Kanem et tibesti, d’une colonne de ce qui s’appelait alors le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, l’armée tchadienne n’a eu à intercepter que des convois de trafiquants à travers le sahara. Mais désormais, tout a changé. Le contingent tchadien a joué un rôle crucial dans la libération du nord-Mali, notamment lors de la sanglante bataille de la vallée d’amettetaï en février, et plus encore qu’issoufou, déby itno est aujourd’hui l’homme à abattre sur les réseaux sociaux de l’internet « qaïdiste ». entre deux foyers infectieux, celui d’aqmi dans le nord et celui de boko haram dans le sud, n’djamena retient son souffle. l

Entre Aqmi et Boko Haram, N’Djamena retient son souffle.

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Afrique subsaharienne interview

john Dramani Mahama « Le Ghana n’est pas la base arrière des pro-Gbagbo » À l’issue de son tête-à-tête avec François Hollande, le chef de l’État s’est confié à J.A., abordant aussi bien les questions de sécurité régionale que les rapports avec son voisin ivoirien.

L

oin de la rhétorique anticoloniale d’un Jerry Rawlings, l’ancien chef d’ÉtatetpèreduCongrèsdémocratiquenational,lenouveauprésident ghanéen se veut résolument moderne, pragmatique et ami des grandes puissances. Pour sa première visite officielle enEurope,JohnDramaniMahama,54ans, a préféré la France à l’ancienne puissance coloniale britannique. Un déplacement de trois jours effectué entre le sommet de l’Union africaine d’Addis-Abeba et celui de la Ticad à Tokyo. Courtois, souriant, précis, il a souligné la nécessité pour les dirigeants africainsdereprendreenmainlesquestions desécurité,parléd’unerelationnouvelleet prometteuseaveclevoisinivoirienetvendu le modèle démocratique et économique ghanéen. On en oublierait presque que son avenir politique est toujours suspendu à la décision de la Cour suprême, devant laquelle le candidat de l’opposition, Nana Akufo-Addo (Nouveau Parti patriotique), conteste avec ardeur les résultats de la présidentielle de décembre 2012. jeune afrique: Vous avez applaudi l’intervention française au Mali. n’est-ce pas un aveu d’impuissance des États ouest-africains? john DraMani MahaMa : Face à la

menace de déstabilisation de toute la région, la Cedeao avait un plan d’intervention, mais nous n’avons pas été en mesure de nous mobiliser à temps. Ces dernières décennies, nos États ont négligé les questions sécuritaires, réduit leursbudgets militaires et n’ont pas renouvelé les équipements de l’armée. Nous avons salué l’intervention française qui a évité le pire et nous a offert un cadre pour nous y joindre. Le Mali a réveillé nos consciences. Les Africains doivent mettre en œuvre rapidement la force africaine en attente. La sécurité est une question prioritaire. Sans elle, aucun développement économique n’est possible. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

quelle sera votre contribution à la future Minusma?

Nous avons déjà une compagnie de 120 ingénieurs qui construit des ponts, fournit de la logistique… Nous avons une longue expérience du maintien de la paix. Notrecontributionvamonterenpuissance. existe-t-il une menace islamiste au Ghana?

LePrintempsarabeamodifiélasituation sécuritaire au nord du Sahara. Certains groupes veulent se servir du Sud algérien et du Sud libyen comme base arrière pour conquérir le Sahel. Le Mali, le Tchad, le Niger… sont directement menacés. Pour l’instant, le Ghana n’est pas visé directement, mais nous gardons les yeux ouverts. Nouspartageonsnosrenseignementsavec nos voisins, particulièrement le Nigeria et la Côte d’Ivoire, et veillons à ce qu’il n’y ait pas d’infiltration de groupes terroristes ni de radicalisation de nos communautés. La meilleure façon de procéder est de continueràdécentraliseretàredistribuerlefruit de notre prospérité aux populations afin

base arrière pour la déstabilisation de nos voisins. Je suis en contact régulier avec le président Ouattara. Ma position est très claire. On expulse les ressortissants ivoiriens sur la base de preuves concrètes de leur implication dans des opérations de subversion. Ce fut le cas récemment pour deuxd’entreeux[lecommandantJean-Noël Abéhi, ex-patron de l’escadron blindé de la gendarmerie, et Jean-Yves Dibopieu, ancien secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire]. Une vidéo, qui devait être diffusée à la télévision nationale, les montre en train de faire un discours de prise de pouvoir. Quant à Charles Blé Goudé, nous avons exécuté un mandat d’arrêt international qui nous a été remis. Laurent Gbagbo comparaît devant la CPi. est-ce une justice raciste?

LetempsestvenudedébattredelaCPIet desonrôleenAfrique.Certainsconsidèrent que c’est une justice raciste. Ce n’est pas ma position, et le Ghana reconnaît cette juridiction. Son rôle est important pour lutter contre l’impunité de génocidaires et prévenir les crimes. Mais elle devrait davantage prendre en compte ce qui se passe dans nos pays. Prenons l’exemple du Kenya. Des personnalités [entre autres, le président Kenyatta] sont accusées. Cinq ans plus tard, il y a eu une élection libre et transparente qui a porté Kenyatta au pouvoir. Cela traduit le choix du peuple. Sur cette base, la CPI doit réexaminer son affaire.

Le temps est venu de débattre de la CPI et de son rôle en Afrique. de ne pas créer les conditions de pauvreté propicesaurecrutementdejihadistes.Plus de 8 % de nos ressources sont redistribuées aux quelque 200 districts du pays pour qu’ils puissent assurer les services de base. L’année dernière, les autorités ivoiriennes dénonçaient la lenteur de la justice ghanéenne retardant l’extradition de proGbagbo présents sur votre sol. Depuis votre élection, vous semblez coopérer pleinement avec abidjan. quelle est votre politique?

Tout réfugié au Ghana est le bienvenu aussi longtemps qu’il vit en paixet respecte nos lois. Notre pays ne doit pas servir de

agriculture, mines, hydrocarbures… Les économies ivoirienne et ghanéenne présentent un profil similaire. Êtes-vous rivaux ou partenaires?

Notre relation est bonne. Il n’y a pas de raison de nous considérer comme rivaux. Nous exportons les mêmes matières premières [bois, or, cacao, hydrocarbures]. L’histoire coloniale a bien sûr érigé une barrière linguistique, même si certaines de nos populations partagent l’akan, et établi les frontières de nos pays. Cependant, nous pourrions ne former qu’un même peuple. Nous créons actuellement les conditions d’un meilleur partenariat. Je suis pour que l’on instaure, par exemple, jeune afrique


Vincent fournier/J.A.

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p Au cours de l’entretien, dans sa suite de l’hôtel Intercontinental, à Paris, le 28 mai.

une zone de libre-échange afin d’accroître notre commerce et partager nos différents services. Pourriez-vous régler votre différend portant sur la frontière maritime, en créant une zone d’exploitation conjointe?

Les deux pays respectaient cette ligne de partage jusqu’à récemment. Ce sont les découvertespétrolièresghanéennesquiont mis sur le devant de la scène ce différend. Nous avons actuellement une commission bilatérale qui tente de résoudre cette question. Quant à l’exploitation en commun, nous n’avons pour l’instant aucune preuve quelesnappesserejoignent.Sionnetrouve pas de solution, on pourra s’en remettre à l’arbitrage international. Je vous rassure. Il n’y aura jamais de guerre du pétrole entre nos deux pays. Vous avez été particulièrement marqué par la période des « Lost Decades ». Pourquoi le Ghana a-t-il réussi à se sortir de l’instabilité politique plus rapidement que d’autres?

Nous avions touché le fond, le seul moyen était de remonter la pente. Dans les années 1970, il n’y avait pas assez de nourriture, pas assez de ressources énergétiques. L’année charnière est 1982. Nous jeune afrique

avonsadoptéunenouvelleConstitutionqui nous a permis de rétablir la gouvernance démocratique. Depuis, nous n’avons pas connu de retour en arrière, notre croissance n’a cessé de progresser et atteint aujourd’hui une moyenne de 8 % par an. Le pétrole est devenu en 2012 votre deuxième produit d’exportation. Pourtant, sa production est toujours moins importante qu’espéré. Pourquoi?

Aujourd’hui,laproductionémaneseulement du champ Jubilee. S’il n’a pas atteint son potentiel maximal, c’est parce que les installations de traitement du gaz n’ont pas encore toutes été mises en place. Quand ce sera le cas, nous espérons atteindre une production de 120000 barils par jour. Dix autres champs ont récemment été découverts. Nous négocions actuellement les contrats d’exploitation. Le futur n’a jamais été aussi prometteur. Grâce à cette nouvelle manne, nous avons l’opportunité de transformer notre nation. D’ici à cinq ou dix ans, le Ghana sera devenu un pays à revenu moyen. Ne craignez-vous pas une sorte de malédiction pétrolière?

Non. Nous sommes un pays stable et démocratique où les gens sont libres de

s’exprimer, où la société civile est forte, où les médias sont dynamiques. Nous avons mis en place une législation transparente en la matière. Tous les ans, les ministres doivent rendre des comptes devant le Parlement et expliquer comment ils ont utilisé l’argent du pétrole. Ce sont des garde-fous. Vous vous définissez comme un homme de gauche. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement?

En vivant en Afrique, on ne peut pas être un pur capitaliste. Avec toute cette pauvreté, il n’y a pas d’autre option que la social-démocratie. Le marché ne peut pas tout déterminer, toute croissance doit être répartie équitablement et se traduire par des créations d’emplois. C’est l’ambition de mon mandat. Au Ghana, l’homosexualité demeure réprimée par la loi. Pourquoi?

IlyaauGhanaetenAfriqueunehostilité culturelle assez importante à l’encontre de l’homosexualité. Nous devons respecter l’opinion des gens, ne pas leur imposer une pratique qui va à l’encontre de leur croyance et de leur culture. l Propos recueillis par PAscAL AirAuLt et ViNceNt Duhem n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Afrique subsaharienne Crime

itinéraire d’un Nigérian à la dérive

Comment un enfant si poli et si timide a-t-il pu se transformer en un tueur fanatisé ? C’est la question que se pose toute l’Angleterre après le meurtre sanglant commis par Michael Adebolajo.

«

A

rrêtezdedirequeMichael Adebolajo est d’origine nigériane, parce que rien ne le lie au pays de ses parents ! » s’emporte Faith Ibi Chukwu depuis Lagos. « Ce boucher n’est pas nigérian, je refuse de le reconnaître comme tel », s’offusque un autre Nigérian. On serait tenté de croire qu’en guerre contre les terroristes de Boko Haram, le Nigeria ne se sentirait pas concerné par le drame qui s’est joué, le 22 mai, à Woolwich, dans la banlieue est de Londres. Pourtant, sur les réseaux sociaux, étudiants, journalistes et militants déversent leur trop-plein d’horreur et de frustration devant l’acte odieux perpétré par Michael Adebolajo. Né de parents nigérians, cet islamiste radical de 28 ans a froidement assassiné Lee Rigby, un militaire de 25 ans. En début d’après-midi ce 22 mai, Adebolajo et son acolyte, Michael Adebowale, 22 ans, ont percuté Rigby, qui marchaitsurletrottoird’uneruetranquille. Ils sont ensuite descendus du véhicule, l’ont poignardé à plusieurs reprises en criant : « Allah Akbar », avant de tirer son corps au milieu de la chaussée et de tenter de le décapiter à coup de hachoir. Les

passants étaient tétanisés. Quelques-uns ont fini par sortir de leur léthargie pour appeler les secours. Le plus téméraire des badauds s’est servi de son téléphone portable pour filmer la scène. Et c’est devant l’objectif du journaliste de circonstance que Michael Adebolajo, bonnet vissé sur la tête, mains poisseuses de sang, a justifié son geste durant ce qui semble être une éternité. « Je l’ai tué parce qu’il a assassiné des musulmans, explique-t-il dans un anglais impeccable. J’en ai marre des gens

désormais la une des tabloïds anglais ? Qui lui a enseigné ce discours de parfait jihadiste ? Il ne reste rien du garçon poli et attachant qu’ont connu ses amis de lycée ni de la foi chrétienne qui l’animait. Né en décembre 1984 à Lambeth, un quartier du sud de Londres, Michael était pourtant un garçon sans histoires. Ses parents, nigérians, se sont installés en Grande-Bretagne au début des années 1980, et sont parfaitement intégrés. Le père, Anthony, est infirmier dans un hôpital psychiatrique ; sa mère, travailleuse sociale et c’est après son entrée à chrétienne fervente, ne rate l’université de Greenwich qu’il se jamais l’office du dimanche, rapproche des milieux radicaux. selon d’anciens voisins cités par le Daily Telegraph. La qui tuent des musulmans en Afghanistan, famille a peu de rapports avec le Nigeria, ils n’ont rien à faire là-bas. » « Vraiment pour ne pas dire aucun. désolé que des femmes aient assisté à ça, mais c’est ce que nos femmes voient rAdicAlisé. Mais tout s’est gâté en tous les jours », continue Adebolajo, avant 2003. Adebolajo a 19 ans, et il traîne avec de menacer les Britanniques. « Vous ne un gang de Nigérians. Son quotidien ? serez jamais en sécurité. Chassez votre Rapines, agressions au couteau et usage de drogues. Pour l’éloigner des ennuis, la gouvernement, il ne se préoccupe pas de vous », a-t-il ajouté. famille déménage à Saxilby, à trois heures Qu’est-il arrivé à l’adolescent soude la capitale britannique. Ce sera peine riant – et timide – dont les photos font perdue. Un an plus tard, il revient dans

q En 2007, à Londres, il manifeste avec les fondamentalistes d’Al-Muhajirun après l’arrestation de présumés terroristes.

John Clare/naTIonal PICTUreS/MaXPPP

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la capitale et s’inscrit à l’université de Greenwich, en sociologie. C’est à ce moment-là qu’il se rapproche des milieux radicaux. Et en la matière, la Grande-Bretagne n’est pas à plaindre. Le « Londonistan », comme on surnomme le réseau d’organisations extrémistes musulmanes, protégé par la sacro-sainte liberté d’expression, prospère. Ses ténors sont Omar Bakri Mohammed et Anjem Choudary, qui multiplient les prêches violents et accueillent à bras ouverts les apprentis jihadistes. Les deux hommes sont même soupçonnés d’avoir organisé des filières à destination du Pakistan, de l’Afghanistan et de l’Irak. Mais ils reconnaissent à peine avoir coaché le nouveau converti. Pourtant, c’est au sein d’Al-Muhajirun, fondé par Bakri Mohammed, que Michael Adebolajo se plonge dans l’islam, s’abreuvant des préceptes du Syrien Bakri Mohammed et se renseignant sur la meilleure façon de servir Allah. Bakri Mohammed est finalement expulsé de Grande-Bretagne en 2010. Mais il est déjà accusé d’avoir expliqué à ses disciples que décapiter les infidèles est conforme aux principes élémentaires du Coran. Cela explique-t-il le geste de Michael Adebolajo? Sûrement. Car en 2010 déjà, il avait entrepris de se rendre dans un vivier de jihadistes. En novembre de cette année-là, il avait été interpellé sur l’île de Pate, au large du Kenya. Point de passage par excellence vers la Somalie… et les Shebab. RepéRé. À présent, les services secrets britanniques, le MI5, doivent s’expliquer devant le Premier ministre – et les Britanniques – sur leur supposée passivité face à un jihadiste en devenir. Expliquer pourquoi ils l’ont considéré comme peu dangereux, alors qu’il avait déjà été repéré dans des manifestations hostiles à l’intervention de l’Otan en Irak et en Afghanistan. Et se prononcer sur les témoignages de son beau-frère et de l’un de ses amis d’enfance, convertis comme lui, qui prétendent que le MI5 a tenté, sans succès, de l’utiliser pour infiltrer les filières terroristes. Quant à Michael, peut-être devra-t-il expliquer à sa famille comment lui, le garçon si poli et si gentil, qui manifestait l’envie de travailler dans le social, a pu commettre un acte d’une telle barbarie à quelques mètres seulement d’une école primaire. l Malika GRoGa-Bada jeune afrique

Afrique subsaharienne

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Rebecca blackwell/aP/SIPa

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p Un camp de réfugiés ivoiriens près de Solo, au Liberia.

côte d’ivoire pArtir, revenir Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a indiqué le 27 mai que, sur les 250000 Ivoiriens qui ont fui leur pays lors de la crise postélectorale de 2010-2011, 80000 sont encore expatriés dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, dont 61000 au Liberia. Il annonce la reprise des rapatriements, qu’il avait suspendus mi-2012 après des violences dans plusieurs localités des régions frontalières de l’ouest et de l’est de la Côte d’Ivoire ainsi qu’à Abidjan, et précise que « 10000 réfugiés rentreront avant le début de la saison des pluies fin juin ».Au cours des quatre premiers mois de 2013, le HCR a organisé le retour de 7300 réfugiés dans le cadre du programme de « rapatriement librement consenti » lancé à partir du Liberia. Sur la même période, une centaine d’autres ont été rapatriés, principalement depuis leTogo, mais aussi le Bénin, le Ghana, la Guinée, le Cameroun, l’Algérie et même la Thaïlande. l

Brésil-Afrique le cAdeAu de dilmA En marge du sommet de l’Union africaine, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a annoncé la création, par son pays, d’une agence internationale de commerce et de coopération Afrique-Amérique latine, ainsi que l’annulation ou la renégociation de la dette de douze pays d’Afrique subsaharienne, pour un montant global de plus de 900 millions de dollars (693 millions d’euros). Parmi les heureux bénéficiaires, le Congo-Brazzaville (348 millions de dollars), le Sénégal (113,4 millions) et la Côte d’Ivoire (4,2 millions) voient leurs dettes annulées. Celles de la RD Congo (352,6 millions) et de laTanzanie (237 millions) vont être renégociées.

Burundi dépôt d’Armes Après l’amendement, en janvier, de la loi sur les armes légères et de petit calibre, une deuxième

campagne de désarmement des civils a été lancée le 28 mai au Burundi. Lors de la première du genre, en octobre 2009, quelque 16000 grenades, 2700 fusils et 5000 engins explosifs avaient été déposés.

KenyA députés vorAces On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Les députés kényans viennent de reprendre à leur compte ce vieil adage en votant le 28 mai, à une très large majorité, un texte qui annule la récente baisse de leur salaire. Imposée le 1er mars par la Commission des salaires et rémunérations, une agence gouvernementale indépendante, elle prévoyait une réduction de 40 % de leur traitement, qui serait passé de 851 000 shillings kényans (7 500 euros) à 531 000 shillings. Une attitude jugée indigne par la population, dont le salaire minimum est de 9 800 shillings. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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Le syndrome E Laver l’affront, à tout prix… Incapables de sauver Bamako sans l’aide de la France, les dirigeants réunis à Addis-Abeba, du 25 au 27 mai, ont annoncé la création d’une force de réaction rapide. La sécurité du continent, disent-ils, c’est leur affaire! n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

AnnE KAppès-GrAnGé,

envoyée spéciale

lle n’en laisse rien paraître, mais Nkosazana DlaminiZuma est contrariée. « Très contrariée même », souffle un ministre ouest-africain des Affaires étrangères. Dans les couloirs de l’Union africaine (UA), la présidente de la Commission tente de faire bonne figure, « mais le Mali lui reste en travers de la gorge »,

poursuit notre interlocuteur. À l’en croire, Dlamini-Zuma n’avait déjà pas apprécié que le dossier s’invite au sommet du mois de janvier et, depuis, rien ne s’est arrangé. Elle ne digère pas que l’UA et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) doivent laisser la main aux Nations unies (la force de maintien de la paix déployée sur le terrain passera sous mandat onusien le jeune afrique


Coulisses tic, tac… Trois minutes, pas une de plus ! C’est le temps qui était imparti aux chefs d’État et de gouvernement qui souhaitaient prendre la parole devant leurs pairs le 25 mai : un compte à rebours électronique géant égrainait les secondes, et les micros étaient automatiquement coupés une fois les trois minutes écoulées. Le Premier ministre algérien et le président égyptien en ont fait l’amère expérience, et ils ne sont pas les seuls ! D’autres ont préféré accélérer le débit (c’est le cas du Guinéen Alpha Condé) et écourter les remerciements d’usage… Mais aucun n’a apprécié d’être ainsi contraint à la synthèse. Plusieurs ministres s’en sont plaints auprès de la Commission.

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À Addis-Abeba, où l’on célébrait fin mai le 50e anniversaire de l’UA, ils ont été nombreux à partager son agacement. « C’est une honte pour nous d’être obligés d’applaudir la France, a reconnu le chef de l’État guinéen, Alpha Condé. Nous sommes reconnaissants à François Hollande, mais nous avons été un peu humiliés que l’Afrique n’ait pu résoudre elle-même ce problème. » Annonçant, le 27 mai, la création prochaine d’une force de réaction rapide, Ramtane l l l

Le fLop ! Récriminations aussi après les cérémonies du cinquantenaire. « Shame on us! C’était très mal organisé », râle un ministre d’Afrique de l’Ouest. Au Millenium Hall, les discours se sont succédé, interminables… Les milliers de personnes venues assister au spectacle ont donc quitté la salle. Lassés « d’être confinés » dans l’espace VIP (la formule est celle d’un président d’Afrique centrale), les chefs d’État sont eux aussi partis les uns après les autres. John Kerry, le secrétaire d’État américain, a renoncé à prononcer son discours et filé à l’anglaise… Quant à François Hollande, quand il a finalement pu prendre la parole, aux alentours de 21 heures, il avait en face de lui moins d’une demi-douzaine de présidents.

siMON MaiNa/aFP

1er juillet) et que les Casques bleus soient placés sous l’autorité de Bert Koenders, un Néerlandais jusqu’à présent à la tête de la Mission des Nations unies en Côte d’Ivoire. Surtout, elle enrage que l’Afrique n’ait pu se dispenser de l’intervention de la France. « Un psy dirait que le Mali, c’est son traumatisme originel, commente, narquois, un diplomate panafricain. Pour elle dont le discours est si volontiers antioccidental, ça a surtout été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. »

Tiksa Negeri/reUTers

t La traditionnelle photo de famille rassemblant les chefs d’État et de gouvernement du continent et leurs invités, le 25 mai à Addis-Abeba.

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p François Hollande. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Ému aux larmes

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Invité à s’exprimer au Millenium Hall, le 25 mai, Kenneth Kaunda, 89 ans, est le dernier des pères fondateurs de l’OUA encore en vie. Mais rapidement, c’est à son épouse décédée en septembre 2012 que l’ancien président zambien, visiblement très ému, a voulu rendre hommage, avant d’entonner a capella une chanson en son honneur.

l l l Lamamra, commissaire à la paix et à la sécurité de l’UA, n’a pas dit autre chose : « L’Afrique aurait pu faire mieux. Elle aurait pu agir plus vite pour faire en sorte que l’intervention française ne soit pas indispensable. Il est dommage que cinquante ans après les indépendances notre sécurité dépende toujours autant d’un partenaire étranger. »

Meng Chenguang/neWSCOM/SIPa

p Kenneth Kaunda. Persona non grata Pour la première fois, associations, bailleurs et pays partenaires n’étaient pas les bienvenus dans les couloirs de l’UA. Rares sont ceux qui ont réussi à obtenir la précieuse accréditation qui leur permettait d’entrer dans le bâtiment, et beaucoup ont râlé! « C’est une décision de Dlamini-Zuma, qui prétend que l’Union européenne [UE] ne nous autorise pas forcément à assister à ses travaux. Mais l’UE, elle, ne mendie pas chaque année des centaines de millions d’euros à ses partenaires, fulmine un employé d’une agence de l’ONU qui avait l’habitude d’arpenter les couloirs de l’organisation. C’est une grave erreur de communication et cela va laisser des traces! » sur tous les fronts Fort du soutien de l’Afrique australe, de l’Algérie et de plusieurs pays anglophones d’Afrique de l’Ouest, qui avaient obtenu que la question d’un référendum d’autodétermination soit inscrite à l’ordre du jour, Mohamed Abdelaziz, le président sahraoui, était omniprésent! Dans les médias (il a multiplié les interviews), dans la grande salle de conférences de l’UA (le 25 mai, on l’a vu alpaguer – et ne plus lâcher, pendant de longues minutes – John Kerry, le secrétaire d’État américain) et sur le parvis du Millenium Hall où il a accueilli, avec force effusion, un François Hollande bien embarrassé. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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déculottée. En attendant la FAA, la

Force africaine en attente, voici donc la Caric, la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises. La seconde enterret-elle la première? « Pas du tout, proteste le généralSékoubaKonaté,l’ancienprésident de la Transition guinéenne aujourd’hui à la tête de la FAA. Mais combien de temps allions-nous attendre ? Depuis combien d’années parlons-nous de cette force sans que rien ne se fasse ? Pendant ce temps, il y a encore des coups d’État. » « La FAA devait être prête en 2015, explique Ramtane Lamamra, mais on n’est pas sûrs que ce soit le cas. Sa mise en place demande du temps, de l’expertise, des hommes et du matériel. Ce doit

« Ce que l’on veut, martèle un membre de la Commission de l’UA, c’est ne plus dépendre de l’étranger, ni militairement, ni financièrement. » Sur ce dernier volet, beaucoup reste à faire. « Rendez-vous compte, poursuit notre source. La mission de l’Union africaine en Somalie, l’Amisom, est financée à 100 % par des bailleurs étrangers, et il y en a quand même pour 500 millions de dollars par an ! » Pis : en 2012, les États membres n’ont contribué qu’àhauteurde5%aubudget-programme de l’organisation. En 2013, leur participation est tombée à 3,3 % – tout le reste est pris en charge par ceux que l’on appelle ici pudiquement « les partenaires ». Difficile, dans ces conditions, de parler d’indépendance. Difficile aussi de dire leur fait à ceux qui, à Paris, Bruxelles ou Washington, mettent de trop près leur nez dans les affaires du continent. ambitions. Le problème est ancien et,

avant qu’il ne laisse la place à DlaminiZuma, Jean Ping avait chargé Olusegun Obasanjo de trouver des financements alternatifs. Le 27 mai, l’ancien président nigérian a présenté ses conclusions à huis clos. Il Pretoria avait à cœur de faire préconise la création, d’ici oublier ses revers centrafricains à 2015, d’une taxe de 10 dolet la mort de ses soldats. lars sur les billets d’avion et d’une taxe de 2 dollars être l’outil parfait, mais on ne peut pas sur les séjours hôteliers, pour un revenu attendre qu’il soit prêt à l’emploi. D’où espéré de 763 millions de dollars par an. la Caric, qui sera une force provisoire et « Avec une telle somme, confie un foncimmédiatement opérationnelle. » tionnaire en poste à Addis, on aurait enfin L’idée est née à Pretoria où, non content les moyens de nos ambitions. Y compris sur le plan sécuritaire ! Il faut que nous de laver l’affront malien, on espère bien puissions agir quand la maison brûle. » faire oublier la déculottée centrafricaine et la quinzaine de soldats tués par les Sauf que si les dirigeants présents dans rebelles de la Séléka, le 23 mars, entre la capitale éthiopienne ont adopté le les villes de Bangui et Damara. rapport d’Obasanjo, en dépit Le 28 mai, l’Afrique du Sud, des réticences de pays qui, La Force l’Éthiopie et l’Ouganda comme la Tunisie ou les africaine s’étaient déjà portés volonSeychelles, craignent pour en attente (FAA) taires, et Jacob Zuma a leurs revenus touristiques, devrait à terme compter chargé Sékouba Konaté de ils sont convenus de le ren32 500 démarcher les présidents voyer « pour amélioration » éléments, civils angolais, équato-guinéen devant leurs ministres des et militaires et congolais (Brazzaville). Finances. Le Tchadien Idriss Quelles seront les modalités Déby Itno l’a regretté: « Si nous, de leur contribution ? « Cela reste chefs d’État, refusons de trancher, à définir, reconnaît un fonctionnaire du que feront nos ministres qui n’ont pas Conseil de paix et de sécurité. Mais ce nos prérogatives ? » Bonne question. Les que nous attendons, ce sont surtout des tergiversations de ces dernières années hommes et des armes. Cela ne devrait pas ne permettent pas d’y répondre. Pas plus poser de problème. Lors des discussions qu’elles ne permettent d’espérer que la à huis clos, vingt-cinq délégations nous force de réaction rapide sera rapidement ont apporté leur soutien. » opérationnelle. l jeune afrique


Coulisses

SIMON MAINA/AFP

t L’ex-ministre sud-africaine des Affaires étrangères et le Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn, le 27 mai.

Pas d’état de grâce Arrivée en juillet dernier à la tête de la Commission de l’UA, Nkosazana-Dlamini Zuma essuie déjà des critiques.

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est un petit déjeuner comme le Sheraton d’Addis-Abeba sait en mitonner pendant les sommets de l’Union africaine (UA). On y voit passer ministres, diplomates, journalistes, anciens secrétaires généraux de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA)… En janvier, lors de la précédente grand-messe continentale, le même décor garni de croissants et de café au lait résonnait de commentaires positifs sur les premiers pas de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’UA. L’énergie déployée lors de la conquête du pouvoir, sa compétence, sa capacité d’écoute… Mais fin mai, lors du 21e sommet, l’état de grâce paraissait terminé. Dlamini-Zuma a dû présenter ses excuses aux délégations des pays membres pour les ratés de l’organisation du sommet (lire « Coulisses » p. 41), et a eu bien du mal à faire oublier les ambitions hégémoniques de son pays, l’Afrique du Sud. Le reproche le plus fréquent vise le fameux shadow cabinet, composé d’une trentaine de personnes, majoritairement des Sud-Africains, directement payées par Pretoria (voir J.A. no 2733). Ce sont eux qui exercent la réalité du pouvoir. « Je ne suis pas contre l’existence des cabinets fantômes lorsque les conseillers qui le composent veillent à la bonne application de la politique menée par la présidence de la Commission, confie un ancien patron de l’organisation. Mais les choses vont de travers lorsque leurs champs d’action débordent sur ceux des commissaires élus jeune afrique

parlesÉtatsmembres.»Pournerienarranger, Dlamini-Zuma a relégué au second plan son directeur de cabinet, le Burkinabè Jean-Baptiste Natama, au bénéfice de Baso Sangqu, ancien ambassadeur de l’Afrique du Sud aux Nations unies. C’est Sangqu qui accompagne Zuma dans les huis clos, et Natama est loin d’avoir la même marge de manœuvre qu’avait le Nigérian John K. Shinkaiye, qui épaulait Jean Ping. Les mêmes Sud-Africains ont tenté d’écarter le directeur du département paix et sécurité, le Mauritanien El-Ghassim Wane, l’indispensable lieutenant du commissaire Ramtane Lamamra. Ils se sont heurtés à une opposition catégorique de ce dernier, qui a mis sa démission dans la balance. AbsenCes. Les absences de Dlamini-

Zuma font également le miel de ses détracteurs, francophones mais aussi anglophones. Elle se rend au moins une fois par mois en Afrique du Sud. « Elle reste un membre actif du Congrès national africain [ANC]; elle assiste régulièrement à ses meetings », explique Paul-Simon Handy, directeur de recherche à l’Institut d’études de sécurité (ISS), à Pretoria. Cabinet parallèle mais aussi immixtion des ambassades d’Afrique du Sud accréditées dans les pays où Dlamini-Zuma voyage (les diplomates sud-africains exigent un traitement de chef d’État), occasionnant des embarras protocolaires… « Tout n’est pas perdu, tempère l’un de ses prédécesseurs. Elle peut encore rattraper ses maladresses ». l GeorGes DouGueli, envoyé spécial

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Aux Abonnés Absents Edem Kodjo, Amara Essy, Salim Ahmed Salim, Jean Ping… Ils étaient tous là, les anciens secrétaires généraux de l’OUA et l’ancien président de la Commission de l’UA. Seul le Malien Alpha Oumar Konaré, décidément très discret ces derniers mois, n’a pas répondu à l’invitation. « On sait qu’il ne veut pas parler, mais on pensait qu’il viendrait tout de même pour les cinquante ans de l’UA… Ce n’est que quelques jours avant le début du sommet que l’on a appris qu’il ne serait pas là », soupire une fonctionnaire de la Commission. sAns illusions François Hollande le sait, c’est au Premier ministre éthiopien qu’il doit d’avoir été invité à Addis-Abeba. « On ne se fait pas d’illusions, reconnaît un diplomate français. On est bien conscients que si cela n’avait tenu qu’à Nkosazana Dlamini-Zuma, on ne serait pas là et John Kerry non plus! » cubA, oui, mAis pAs lA syrie L’UA n’a pas eu un mot sur la situation en Syrie. En revanche, dans le communiqué final, les chefs d’État et de gouvernement ont réitéré l’appel à mettre fin à l’embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis contre Cuba, une mesure « injustifiable imposée au peuple cubain ». luttes d’influence L’adoption des statuts du Fonds monétaire africain (FMA) est bloquée depuis plusieurs mois en raison de désaccords au sujet de la répartition du capital. Les grands pays que sont l’Algérie, l’Égypte et l’Afrique du Sud exigent un droit de veto. La question pourrait être tranchée lors d’une conférence extraordinaire des ministres des Finances de l’UA prévue entre octobre et novembre prochains à Addis-Abeba. en kiosque Ancien secrétaire général de l’OUA, Edem Kodjo a profité du sommet pour faire sa promo et présenter son dernier livre : Panafricanisme et Renaissance africaine, paru aux éditions Graines de pensées. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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maghreb & moyen-Orient

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Recherche Constitu Objet d’interminables discussions, le projet de loi fondamentale, qui en est à sa troisième version, ne fait toujours pas l’unanimité. FRida dahmani

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n pas en avant, deux pas en arrière. Celafait presquedix-huit moisque les élus tunisiens tricotent et détricotentleprojetdeConstitution.Au début de mai, deux initiatives de dialogue national, l’une lancée par le président Moncef Marzouki, l’autre par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), ont planché sur la troisième mouture de la loi fondamentale, parvenant à arracher au forceps un consensus autour des questions litigieuses, parmi lesquelles la garantie des droits fondamentaux, comme le droit de grève ou la liberté de conscience. La satisfaction générale fut de courte durée. De retour à l’hémicycle du Bardo, les représentants d’Ennahdha, parti majoritaire, et le groupe parlementaire Wafa,

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se sont retranchés derrière la souveraineté de la Constituante pour rejeter les accords conclus lors des dialogues nationaux et que leurs formations avaient pourtant avalisés, maintenant leurs restrictions en matière de droit du travail et de libertés, dont celle de conscience. Le régime politique mixte et l’élargissement des prérogatives du chef de l’État sont les seuls points adoptés par le dialogue national que le groupe parlementaire islamiste a retenus. Levée de boucliers chez les démocrates, qui se sont immédiatement insurgés contre ces revirements. Même le très courtois Fadhel Moussa, constitutionnaliste et député d’Al-Massar (gauche), est sorti de ses gonds: « On s’attendait à la consécration de la liberté de conscience, à la levée de la clause générale de restriction par la loi des droits et libertés, du droit de grève et du droit syndical. On a eu droit à des formules alambiquées restreignant le champ des libertés. » Soutenus par l’UGTT, mais aussi par les syndicats des patrons, des avocats et des magistrats, les démocrates ont mené une telle campagne que jeune afrique


t Le président Moncef Marzouki à l’Assemblée nationale constituante (ANC), en décembre 2011, à Tunis.

tion désespérément la Commission de coordination et de rédaction de la Constitution a opéré un prudent recul en adoptant, le 28 mai, les recommandations des dialogues nationaux. islamisation laRvée. Le sentiment général est

que la Constituante s’enlise dans de vains débats. « Par exemple, cantonner la culture au seul référent national est absurde, déplore Fadhel Moussa. Ce n’est pas parce que nous apprécions une pizza que nous renions pour autant le couscous. » D’anciens hommes politiques s’inquiètent également de l’orientation idéologique qu’Ennahdha cherche à donner à la loi fondamentale. Mustapha Filali, vétéran de la Constitution de 1959, va jusqu’à déclarer qu’« il ne fallait pas courir le risque d’une Constituante », tandis que Mansour Moalla, ancien ministre de l’Économie et des Finances, juge le projet de Constitution « décevant » sur le plan de la protection des libertés, s’inquiète des tentatives d’islamisation larvées et regrette que l’organisation des pouvoirs publics ne soit pas plus transparente. jeune afrique

Lors de la publication de la dernière version en date de la Constitution, le juriste Rafaa Ben Achour a d’ailleurs déploré l’absence d’une Cour constitutionnelle, car « cela confère au législateur une compétence discrétionnaire pour réglementer une liberté ou un droit, ou pour organiser une institution déterminée ». L’inquiétude des démocrates a été confortée par les déclarations de Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, qui a assuré, le 24 mai, qu’« il est nécessaire de trouver les mots qu’il faut pour que la Constitution soit à la fois moderne et inspirée de la charia ». Cette contradiction est au cœur de l’article 136, lequel pourrait préparer le terrain à l’avènement d’un État islamique (lire encadré p. 46). Face à ce risque, les forces démocratiques, au premier rang desquelles l’UGTT, maintiennent la pression pour obtenir la reformulation des articles 2 et 136, puis faire en sorte que les articles 1 et 2, qui définissent l’État tunisien, soient inaliénables. Mais cette polémique ne doit pas masquer les réelles avancées que comporte le troisième projet n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Maghreb Moyen-orient de loi fondamentale. Parmi les points positifs, Mahmoud el-May, du Groupe démocratique de l’ANC, relève « l’équilibre entre notre identité et un État séculier, l’inscription de l’universalité des droits de l’homme et de l’égalité entre hommes et femmes, la décentralisation et la gestion régionale participative, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, des médias et de l’instance électorale ». Il n’en reste pas moins que ces avancées pourraient être compromises par les restrictions et imperfections encore contenues dans le texte. Dans tous les cas, rien n’est joué. Le projet devra être présenté en plénière au plus tard le 17 juin, ratifié, article après article, par 50 % des députés, puis adopté par deux tiers d’entre eux. Revue de détail des principales pierres d’achoppement. l

Préambule Assez LoNG, il fait désormais figurer les droits humains universels à côté des spécificités tunisiennes, mais sana Ben Achour, juriste et membre de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), note que « le préambule conditionne les droits humains aux spécificités culturelles du peuple tunisien sans pour autant définir celles-ci ; on passe ainsi de l’universel au spécifique en laissant place aux interprétations. Un texte de référence comme une Constitution doit être extrêmement précis pour permettre la mise en place d’un dispositif juridictionnel ». Mohamed Gahbiche, élu de l’Alliance démocratique, déplore que les droits économiques et sociaux ne soient pas cités dans le préambule. Pour Farhat Horchani, professeur agrégé en droit, « malgré de nombreux points positifs, les lacunes sont nombreuses, comme l’absence de toute référence aux conventions internationales. Nous ne pouvons pas ne pas respecter les conventions internationales au prétexte que la Constitution du pays ne les respecterait pas ».

Nature du régime LA TUNIsIe esT ToUjoURs UNe RÉPUBLIqUe, mais la crainte d’un retour à la dictature a eu d’abord pour conséquence une réduction

significative des prérogatives du chef de l’État. « sur la nature du régime, nous ne ferons aucune concession », avait assuré sahbi Attig, chef du groupe ennahdha à l’ANC, qui soutenait bec et ongles un régime parlementaire. Mais le dialogue national a opté pour un régime mixte avec un partage des pouvoirs entre le chef de l’exécutif et un président élu au suffrage universel direct, lequel aura la haute main sur la politique étrangère et la défense. « Il n’y a pas un contre-pouvoir pour équilibrer cette double gouvernance, regrette Lobna jeribi, élue d’ettakatol [majorité]. Le président n’est ni arbitre ni décideur ; il a juste un droit de veto juridique, même si la diplomatie et la défense sont de son ressort. » « La Tunisie a toujours eu un régime présidentiel avec ses avantages et ses inconvénients, renchérit Mansour Moalla. Mais un pouvoir bicéphale ne peut que provoquer des blocages, comme ce fut le cas lors de la désignation du gouverneur de la Banque centrale, en 2012. »

Séparation des pouvoirs Les INsTANCes De RÉGULATIoN des médias et du pouvoir judiciaire, et celle veillant à la défense des droits de l’homme – dont les membres seront élus par les députés – doivent permettre la mise en œuvre des principes de la démocratie, mais, pour certains, l’indépendance de ces instances est sujette à caution. on avait initialement annoncé la mise en place d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et d’une Cour constitutionnelle, mais ennahdha a fait en sorte que « des interventions dans le cours de la justice selon la loi » soient possibles, sans pour autant définir les référents. L’exécutif peut ainsi s’ingérer dans le cours de la justice. La composition de la Cour constitutionnelle, où siégeaient des magistrats élus et forts de vingt années d’expérience, a été revue pour que puissent y être admis des juristes d’horizons divers. « Le texte relatif au pouvoir judiciaire comporte des points positifs, comme l’immunité accordée au juge, la compétence exigée, la réglementation des mutations et la possibilité de demander des comptes aux juges », reconnaît Néji Baccouche,

p Manifestation pour la tolérance et le pluralisme, en septembre 2011, à Tunis.

État DeS loiS ou État De Droit ?

«L

a Tunisie est un État libre, indépendant et souverain : sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la République. » L’article 1er de la Constitution de 1959 a été reconduit tel quel. Sa formulation ambiguë permet de relier la religion, la langue et le régime aussi n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

bien au pays qu’à l’État. Cependant, en rupture avec l’article 1er, l’article 136, qui définit les champs irrévocables, dispose que l’islam en tant que religion d’État est inaliénable. Or, selon l’article 2, « l’État séculier est fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la supériorité des

lois ». Ces énoncés créent une confusion entre un État des lois et un État de droit, et laissent entendre que les lois pourraient prévaloir sur la Constitution. Autrement dit, l’État pourrait être obligé de se conformer aux lois religieuses. « Les innombrables références aux “principes immuables

de l’islam” permettent d’introduire la charia comme référent ; il y aurait lieu de substituer à cette expression “les directives générales de l’islam” afin que les lois ne soient pas conditionnées », explique le député Mohamed Gahbiche. l F.D. jeune afrique


Johann RoUSSELoT/SIGnaTURES

Tunisie

professeur de droit. Et Lobna Jeribi d’ajouter que la Cour constitutionnelle est aussi un recours pour les citoyens et définit les responsabilités du gouvernement à l’égard de la nation.

Décentralisation Coût de la rédaction du projet de Constitution

45 millions d’euros soit l’équivalent de 6 000 créations d’emploi, ou de la construction d’un hôpital universitaire, ou de 20 km d’autoroute

 LE bon sEns a prévaLu dans l’organisation des pouvoirs locaux; une décentralisation effective ainsi que la participation citoyenne aux prises de décisions et une gestion autonome donneront un nouveau souffle aux régions », observe Mohamed Gahbiche. Mais radhi Meddeb, président de l’association action et Développement solidaire (aDs), note un recul en matière de droits économiques et sociaux. « Deux des instances qui devaient être constitutionnalisées, relatives à la gouvernance et au développement durable, ont disparu du projet. Il n’est plus fait référence au Conseil économique et social, alors que la logique des évolutions législatives comparées aurait exigé qu’il soit inscrit en tant que deuxième chambre constitutionnelle et transformé en Conseil économique, social et environnemental. »

Droits et libertés Très aTTEnDu sur CE poInT, le projet de loi fondamentale n’est pas, au premier abord, jeune afrique

liberticide, mais des oublis et des impasses ont semé une certaine confusion. parmi les droits fondamentaux, celui du travail n’évoque toujours pas le droit à un salaire équitable. En revanche, il ne conditionne plus le droit de grève, comme énoncé initialement. Mais c’est en matière de libertés, notamment religieuse, que les critiques sont les plus sévères. L’article 5 portant sur la liberté de culte dispose que « l’état est protecteur de la religion » et non des religions, et précise qu’il « protège le sacré ». Le principe de la liberté de conscience, tel qu’il est consacré par l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, est contourné. on lui a substitué le flou qui entoure la liberté de croyance. « Le refus d’inscrire la liberté de conscience dans ce projet de Constitution vient conforter l’idée d’une application progressive des commandements de la charia, telle que la condamnation de l’apostat à la peine capitale, s’inquiète Chokri Yaïche, élu de l’anC et militant de nida Tounes. La focalisation sur le choix du régime politique nous a fait oublier la confusion et les contradictions en matière de libertés et de droits. »

Statut de la femme La fEMME n’EsT pLus CoMpLéMEnTaIrE DE L’hoMME et assume les mêmes responsabilités. Mais ses acquis n’en sont pas moins menacés, puisque le texte ne constitutionnalise pas le code du statut personnel (Csp) et conditionne les droits accordés aux Tunisiennes à ce que prévoit la loi. Il suffirait donc d’abroger le Csp ou de modifier les lois pour que les droits des femmes soient amoindris ou écornés. « Qu’il n’y ait absolument aucune référence au code du statut personnel, alors que certaines voix s’élèvent pour remettre en question la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), pourtant ratifiée par la Tunisie, est un recul », analyse hafidha Chekir, professeure de droit public.

Exclusion nE pEuT êTrE présIDEnT DE La répubLIQuE qu’un citoyen musulman âgé de moins de 75 ans. L’article 72, qui fixe les conditions d’éligibilité à la magistrature suprême, est en contradiction avec le principe de « l’égalité entre les citoyens », affirmée dans le préambule. En outre, les binationaux désireux de se présenter à l’élection présidentielle devront renoncer à leur seconde nationalité. Ces deux restrictions ne sont pas applicables au chef du gouvernement. pour Mouna Dridi, constitutionnaliste, l’instauration d’une limite d’âge pour accéder à la présidence peut être interprétée comme la volonté d’empêcher une partie des Tunisiens de participer à la vie démocratique. l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Maghreb Moyen-Orient

p Sur le plateau du talk-show Moubacharatan Maakoum, le 1er mai.

dr

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Maroc

Bataille cathodique Les passes d’armes entre les islamistes au gouvernement et la chaîne de télévision 2M traduisent un véritable choc des valeurs. Pendant ce temps, le secteur patine.

M

ercredi 1er mai 2013. Sur le plateau du talk-show politique de la deuxième chaîne – Moubacharatan Maakoum (« En direct avec vous ») –, Mustapha El Khalfi est invité à débattre du Sahara occidental, juste après le vote de la résolution 2099 prolongeant le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Depuis quelques années,cetancienjournalisteestdevenula coqueluchedesmédias.À40ans,ilapparaît régulièrementsurlesplateauxdetélévision. Plus régulièrement encore depuis qu’il est devenu ministre de la Communication, en janvier 2012. Costume-cravate bleu électrique, le porte-parole du gouvernement islamiste égrène ses talking points. Plus que le langage technocratique qu’affecte El Khalfi, beaucoup de téléspectateurs relèvent d’abord la disparition de sa barbe, élément incontournable du dress code PJD (Parti de la justice et du développement). Le benjamin du gouvernement a-t-il changé de look ? Faut-il y voir un signalpolitique?Laquestionluiseramême posée lors du point de presse hebdomadaire qui suit le conseil de gouvernement du 9 mai. Dénégations de l’intéressé, sa barbe, certes taillée, n’a pas disparu sous l’effet d’un rasage intégral. Simplement, la maquilleuse de 2M a eu la main lourde. « Le plus important, c’est que ma mère a apprécié»,glisse,dansunsourire,ElKhalfi. Si son protégé garde le sens de l’humour, le chef du gouvernement, Abdelilah n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Benkirane, ne se donne plus la peine de cacher son agacement vis-à-vis de 2M, la chaîne de télé préférée des Marocains. Depuis son arrivée à la primature, il n’a cessé de tancer la chaîne et ses dirigeants, qu’il juge hostiles à son parti. Pis, il refuse plusieurs fois – et avec ostentation – d’accorder des entretiens aux journalistes de la chaîne de Casablanca au motif que ses verbatims sont coupés, et son propos ainsi détourné. « Les responsables de 2M disent qu’ils ne peuvent pas faire autrement, mais nous n’avons pas ce genre de problèmes avec Al Oula [première chaîne de télévision publique, généraliste] », rouspète un proche du Premier ministre.

top 5 des meilleures audiences sur 2M

(avril, en millions de téléspectateurs) Houb Fi Mahabi Arrih (feuilleton turc) 4,04

Journal télévisé

(présentateur J. Abderdane) 3,51

Al Khayt Al Abyad

(magazine de société) 3,76

Samhini

(feuilleton turc) 3,47

Akhtar Al Moujrimine (magazine de société) 3,6

Lors de la fameuse émission spéciale de juin 2012, pour expliquer la hausse des prix du carburant, Benkirane a d’ailleurs marqué sa préférence. C’était la première fois qu’un chef du gouvernement occupait (presque)toutl’écran,endirectsurlesdeux grandeschaînesgénéralistes.Tournéedans un hôtel de Rabat, l’émission se révèle une démonstration d’autorité du chef du gouvernement,impatientetsusceptible.Le « Benkishow », popularisé par Twitter, fera date;3300000téléspectateursenmoyenne suivent l’interview. Un record. Les plus attentifs noteront d’ailleurs qu’Abdelilah Benkirane réserve ses regards les plus courroucés au présentateur vedette de 2M, Jamaa Goulahsen, pendant que sa consœurd’AlOula,FatimaBaroudi,souriait obligeamment à chacune des saillies du leader islamiste. Lutte de pouvoir. Pour expliquer la relation difficile entre le PJD et 2M, il faut remonter dans le temps. La deuxième chaîne, créée en 1989, traîne la réputation d’être proche du pouvoir royal. Créée par la volonté de Hassan II, gérée par son holding ONA avant d’être rachetée par l’État en 1996, 2M n’a jamais quitté le giron du Palais. Sa directrice de l’information, la pugnace Samira Sitail, qui a fait toute sa carrière dans la chaîne, assume son amitié avec Fouad Ali El Himma, l’ami et jeune afrique


Maghreb Moyen-Orient régler des comptes avec des adversaires politiques. Nous refusons d’entrer dans ce jeu-là », s’étrangle le patron d’une société de production. En réalité, la télé n’est plus seulement une affaire de gros sous, elle est devenue d’abord et avant tout un terrain de luttes de pouvoirs.

p Chaîne préférée des Marocains, 2M est représentative d’une élite que le projet de société des islamistes inquiète.

conseiller de Mohammed VI. Sur le plan politique, elle ne cache pas son hostilité à l’islamisme, qui le lui rend bien. Avec Samira Sitail, le PJD s’est trouvé sa tête de Turc. Sur le plateau de Tout le monde en parle, juste après les attentats du 16 mai 2003, Sitail dénonce la rhétorique du PJD. Début 2005, l’affaire dite du tsunami révèle un véritable choc des valeurs. Un édito du journalAttajdid faitlelienentreletourisme sexuel, la catastrophe et le châtiment divin. 2M se saisit du sujet, cloue au pilori le journal officieux du PJD. « 2M est représentatif d’une élite marocaine que le projet de sociétédes islamistes inquiète. La victoire du PJD aux législatives de 2011 a été vécue dans ces milieux comme un cauchemar », explique un journaliste de la chaîne. Programmé de longue date, le clash entre la chaîne et le gouvernement PJD éclate dès le printemps 2012. Le feuilleton des cahiers des charges des deux chaînes de télévision Al Oula et 2M tourne au bras de fer entre « conservateurs

et modernistes ». Mustapha El Khalfi veut remanier les obligations de service public des deux chaînes, met son nez dans les grilles des programmes, proclame la transparence pour les marchés de production déléguée.L’exception2Msemblemenacée, ce qui déclenche une réaction virulente des professionnels et d’une certaine élite, plutôt francophone, plutôt libérale. En première ligne, les patrons de la chaîne tirent sur leur ministre de tutelle. Toute une économie, un « système », est déstabilisée. Faute de commandes, les sociétés de production se mettent au chômage technique. Depuis plus d’un an, ellesontdûrevoirleursprojetsenattendant les nouvelles règles. Ainsi, les émissions pour le mois de ramadan, un mois d’ordinaire faste pour la télévision marocaine, viennent à peine d’être lancées. « Sous couvert de rationalisation et de transparence, ces nouveaux cahiers des charges n’ont fait que du tort au secteur. La réforme est une usine à gaz bureaucratique pour

Hassan Ouazzani pOur J.a.

Dégâts. Les cahiers des charges ont

constitué la première crise du cabinet Benkirane. Sous pression, El Khalfi s’était alors drapé dans sa légitimité constitutionnelle, faisant planer la menace d’une démission. Finalement, le roi est intervenu comme médiateur, demandant aux uns et aux autres de calmer le jeu. Une commission mise en place pour réécrire les cahiers des charges n’est intervenue qu’à la marge. La bourrasque est passée, le ministre est toujours à son bureau de Rabat, mais les dégâts sont durables. Victimes expiatoires de ce bras de fer, le président et le directeur général de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), Ahmed El Ghazali et Nawfel Raghay, ont été débarqués sans ménagement par Mohammed VI. On leur a reproché d’avoir approuvé la première versiondescahiersdescharges.«Ilsontfait leur travail. La Haca n’avait pas à juger de l’opportunité politique de ces documents ni à agir comme un frein. Elle a travaillé en tant qu’autorité indépendante et respectueuse des institutions. Est-ce un tort? » s’interroge un haut fonctionnaire. Depuis un an, la Haca se fait discrète. On ne parle plus de l’attribution de chaînes privées, sujet gelé en 2008 par la compétition entre Mounir Majidi et Fouad Ali El Himma, deux hommes forts du pouvoir. Ce dossier était pourtant sur le bureau de Ghazali avant son limogeage, tout comme le plan pour basculer vers la télévision numérique terrestre (TNT), au plus tard en juin 2015. En 2012, le taux d’équipement des ménages en récepteurs TNT était de 4,2 %. Le risque, c’est qu’avec l’extinction de la diffusion hertzienne, les Marocains basculenttotalementsurlatélévisionsatellitaire. Et là, la concurrence ne se joue plus entre Rabat et Casa. l Youssef Aït AkDim

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Maghreb Moyen-orient Iran

chacun pour soi et le guide pour tous Bien que les huit candidats restés en lice soient des fidèles d’Ali Khamenei, la présidentielle du 14 juin n’est pas dépourvue d’enjeux.

À

en croire les quotidiens français, la présidentielle iranienne du 14 juin se résumera à turban blanc contre blanc turban. Les candidatures de dernière minute de l’ex-président Hachemi Rafsandjani et du bras droit du président sortant Esfandiar Rahim Mashaïe avaient donné un peu de couleurs à la campagne. Mais, le 22 mai, le Conseil constitutionnel a disqualifié le « séditieux » Rafsandjani, soutenu par une partie des réformateurs, et a exclu le « déviant » Mashaïe. L’éviction des deux outsiders ne laissant en lice que huit fidèles du Guide, les jeux seraient déjà faits et les élections sans enjeu. « Contrairement à ce que disent les médias occidentaux, différentes sensibilités politiques sont représentées, nuance Hamed Nematollahi, de l’agence de presse semi-officielle Mehr. Les candidatures de Mohamad-Reza Aref, ex-vice-président du réformateurKhatami,etdeHassanRohani, modéréprochedeRafsandjani,lemontrent clairement. » Chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), Karim Pakzad détaille les différentes mouvances qui animent le camp conservateur. Les nationalistes d’Ahmadinejad écartés, trois tendances s’affrontent. La branche radicale et très conservatrice des Usulgarayan, les « principalistes », dont le champion, Saïd Jalili, aurait les faveurs

du Guide; une branche principaliste plus modérée avec le conseiller du Guide pour les Affaires étrangères Ali Akbar Velayati et l’ex-président du Parlement Haddad Adel; enfin, la tendance centriste d’Aref et de Rohani, qui pourraient recueillir les suffrages des réformateurs. reconfiguration. Malgré ces nuances,

la soumission totale des huit candidats au Guide confère une teinte monochrome à la campagne. Mais c’est ce qui amène Karim Pakzad à déclarer que « l’Iran n’a en fait jamais vécu de présidentielle aussi importante. Avec des présidents de gauche, du centre et du camp réformateur, il y a toujours eu un contre-pouvoir à celui du Guide. Il n’y en aura plus à l’issue de cette élection. C’est une reconfiguration profonde de l’exécutif, alors même que le régime est en perte de crédibilité et que les tensions sociales s’aggravent sur fond de crise économique aiguë ». Emploi et pouvoir d’achat restent en effet la priorité des

p Le successeur de l’ayatollah Khomeiny, en mars 2011.

nationale et la flambée des prix de l’essence, de l’eau, de l’électricité et de la nourriture. Auparavant chiffrés à 100 milliards de dollars par an (77,5 milliards d’euros), les revenus du pétrole ont été divisés par deux, et la soixantaine de milliards qui dort à l’étranger est impossible à rapatrier. Pour y faire face, les conservateurs déclarent vouloir développer une « économie de la résistance » qui a fait ses preuves : trouver des partenaires alternatifs (Chine et Inde), contourner les sanctions bancaires par le troc, recourir au marché noir, etc. Plus que le résultat, c’est le Pour Clément Therme, déroulement du scrutin qui sera chercheur associé à l’École des hautes études en sciences crucial pour l’avenir du régime. sociales (EHESS), « en insistant Iraniens, confirme Hamed Nematollahi : sur la crise économique, le régime veut « Les campagnes des candidats révèlent montrer au peuple qu’il est conscient sans ambiguïté que la situation éconode ses problèmes et s’en préoccupe. Un mique est ce qui préoccupe le plus les bon moyen de mobiliser les électeurs ». Iraniens. Ils cherchent quelqu’un qui Car le grand enjeu de cette élection sera saura réduire l’effet des sanctions. » la participation, qui donnera la mesure Appliquées par les États-Unis et l’Union de la crédibilité et de la légitimité d’une européenne pour forcer l’Iran à renoncer République islamique encore jeune, isolée à son programme nucléaire, ces sanctions à l’extérieur, fissurée par la contestation de ont provoqué la fonte des réserves, une 2009 et minée par la rivalité Khameneidépréciation dramatique de la monnaie Ahmadinejad du précédent mandat.

uniS danS L’adverSité « Alors que les IrAnIens entendent se multiplier les menaces d’attaques et de durcissement des sanctions, cette élection est aussi une question d’honneur national », insiste Hamed nematollahi, de l’agence de presse semin o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

officielle Mehr. le sentiment patriotique du vieux peuple iranien est puissant. Mashaïe, le candidat invalidé d’Ahmadinejad, avait été fustigé pour avoir prôné la primauté de la nation sur l’islam. Ce nationalisme atavique n’en reste pas moins un atout

pour les conservateurs, qui brandissent les menaces externes pour fédérer. Comme en syrie, Khamenei prétend incarner la résistance à l’ordre impérial américain: voter contre lui ou s’abstenir reviendrait à trahir la cause de la nation. en retour, montrer à la

communauté internationale que les Iraniens sont unis autour du Guide donnerait aux revendications diplomatiques du régime le poids d’une exigence démocratique sans rapport avec la stratégie fanatique d’une caste religieuse si souvent dénoncée. l L.S.P. jeune afrique


Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

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Si les fonctionnaires et les fidèles du régime iront voter massivement, la plupart des réformateurs ont annoncé une position abstentionniste. Aux législatives de 2012, la participation, forte dans les zones rurales, avait été très faible dans les villes, moins conservatrices, notamment à Téhéran (25 % selon l’opposition). Le taux officiel global de 64 % avait alors été dénoncé comme un nouveau produit de « l’ingénierie électorale » du régime, qui l’aurait indûment gonflé. Pour contrôler les chiffres, le pouvoir cherche à imposer son emprise sur tous les canaux de communication: médias, internet, téléphonie mobile. Le 29 mai, le gouvernement a ainsi pris des mesures plus strictes pour la supervision des journalistes étrangers. L’annonce, le 30 mai, de la levée par Washington de l’embargo sur les ventes d’ordinateurs et de portables est-elle une contre-mesure ? partiCipation. Plus que son résultat,

c’est donc le déroulement de ce scrutin qui sera crucial pour l’avenir du régime. Ne laissant concourir que ses partisans, Khamenei s’assure déjà l’unification du prochain exécutif sous sa suzeraineté. Une participation importante au scrutin, réelle ou fabriquée, donnera à son régime une légitimité démocratique précieuse pour s’affirmer à la table des négociations internationales. Confortera-t-elle le Guide dans son apparent radicalisme ? « Khamenei n’est pas aveuglé par les dogmes, il peut faire preuve de souplesse », explique Pakzad. Voire engager de réelles réformes intérieures et accepter, sous sa houlette toute-puissante, quelques compromis avec l’Occident. l Laurent de Saint périer jeune afrique

« Je dis aux gens honorables, aux moudjahidine, aux héros : comme je vous ai toujours promis la victoire, je vous en promets une nouvelle. » Le 25 mai, Hassan Nasrallah, chef charismatique du Hezbollah libanais, a reconnu pour la première fois la participation de sa branche paramilitaire à la guerre civile syrienne aux côtés des troupes de Bachar al-Assad. Au nombre de trois à quatre mille, selon le ministre français des Affaires étrangères, les combattants chiites étaient en première ligne de l’assaut sur la ville d’Al-Qusayr, où ils sont tombés par dizaines. Le lendemain de la harangue, deux roquettes Grad s’abattaient sur Chiyah, fief hezbollahi en banlieue de Beyrouth, faisant quatre blessés. L’Armée syrienne libre a promis au Hezbollah de le « pourchasser même en enfer ». À Tripoli, ville du Nord, la bataille a fait rage entre milices sunnites et alaouites (confession d’Assad).Trente morts. À Ersal, sur la frontière, trois soldats ont été tués à un poste de contrôle. l

Égypte-Éthiopie Un long fleUve… agitÉ « L’Égypte est un don du Nil », selon Hérodote. Aujourd’hui encore, 70 % de ses eaux sont accaparées par l’Égypte et le Soudan, aux termes d’un traité datant de 1959. Or l’Éthiopie et les quatre autres pays en amont du Nil veulent une part plus équitable de ces ressources hydrauliques. Addis-Abeba a commencé à détourner le cours du Nil Bleu, l’affluent majeur du fleuve, pour construire un mégabarrage. Baptisé Renaissance, il ferait de l’Éthiopie le premier producteur d’électricité du continent.

libye loi de dÉsolation La démission, le 28 mai, du président du Congrès général national, Mohamed el-Megaryef, souligne les effets désastreux de la loi d’isolation politique. Première

victime d’un texte destiné à écarter les ex-kaddafistes, ce vieil opposant au régime du « Guide » avait pourtant fait défection en 1980 de son poste d’ambassadeur en Inde. « Une nation qui n’apprécie pas ceux qui se sont sacrifiés pour elle renie son histoire », a-t-il déclaré en guise d’adieux.

q arabie saoUdite bas les masqUes

En ordonnant la saisie et l’interdiction des masques de Guy Fawkes, Mohamed Ibn Nayef, ministre saoudien de l’Intérieur, a suivi l’exemple des autorités émiraties et bahreïnies, qui les ont également bannis. Popularisés par le film V pour vendetta, ces masques représentant l’anarchiste anglais Guy Fawkes sont devenus des symboles universels. Ils sont portés tant par les militants d’Anonymous que par les jeunes contestataires du Golfe.

MOHAMMED AL-SHAIKH/Afp

HO NEw/REutERS

liban Contagion syrienne

p Manifestation contre le régime, le 1er mars, à Bahreïn. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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europe, amériques, asie

sUÈde

Un modèle

Après une semaine d’émeutes à Stockholm et ailleurs, l’image du paradis social-démocrate, temple de la tolérance et archétype de l’intégration des populations immigrées, en a pris un sacré coup. Joséphine dedeT

T

olérance, pacifisme, aide au développement, écologie… Dans l’imaginaire mondial,laSuèdeétaitlaquintessence de la social-démocratie, un parangon de vertu, un havre pour les réfugiés politiques, un modèle d’intégration. Une semaine d’émeutes (19-26 mai) a suffi à écorner cette pieuse image. Et à déciller les yeux des Suédois. Les premiers troubles ont éclaté à Husby, une cité-dortoir de Stockholm. Voitures incendiées, écoles et boutiques détruites, policiers caillassés… Les jeunes de cette banlieue défavorisée de 12 000 habitants – dont 80 % sont d’origine étrangère – ont violemment exprimé leur colère face à l’exclusion dont ils se disent victimes. Les émeutes se sont propagées à d’autres banlieues de la capitale, puis à Malmö, la troisième ville du pays, Uppsala, Örebro et Linköping. Les incendies étaient provoqués pour attirer les forces de l’ordre et leur jeter des pierres, exutoire à toute une série d’humiliations quotidiennes : contrôles d’identité « au faciès », fouilles à la recherche de drogue, injures racistes. Tout a commencé le 13 mai, lorsqu’un homme de 69 ans, retranché chez lui avec une machette, a été abattu par la police. « S’il avait été suédois, les flics ne l’auraient pas descendu », grogne un gamin du quartier. Furieux de constater qu’aucune enquête sur les circonstances de sa mort n’avait été diligentée, les habitants de Husby sont descendus dans la rue.

FaiTs divers. Ces émeutes sont moins graves que celles qui avaient embrasé les banlieues françaises en 2005, et les villes britanniques de Londres, Birmingham, Liverpool, Manchester ou Bristol en 2011. Mais le point de départ est identique : un tragique fait divers, un quartier pauvre, une intervention policière jugée excessive. À Clichy-sous-Bois, dans la banlieue parisienne, deux adolescents qui voulaient échapper à un contrôle s’étaient cachés dans un générateur EDF et étaient morts électrocutés. À Tottenham (Londres), un père de famille d’origine n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

en miettes

antillaise soupçonné d’être un dealer avait été abattu au cours d’une fusillade. Scénario du même genre dans une banlieue d’Amsterdam, aux Pays-Bas, en 2007. À l’époque, la Suède avait fait preuve de condescendance à l’égard de ses voisins européens. Elle s’enorgueillissait de n’avoir pas de passé colonial, donc de n’avoir rien à se reprocher, et de mener une politique d’intégration ambitieuse et généreuse. Le pays a accueilli ses premiers immigrés, scandinaves pour la plupart, dans les années 1950. Dix ans plus tard, Grecs, Yougoslaves et Italiens affluent : la croissance est forte, les usines automobiles (Volvo, Saab, Scania) réclament de la main-d’œuvre, le pleinemploi réjouit les cœurs et remplit les portefeuilles. Olof Palme, le Premier ministre social-démocrate, marque les années 1970-1980 de sa patte progressiste. Se tenant à distance des États-Unis et de l’URSS pendant la guerre froide, il se pose en tiers-mondiste, condamne l’apartheid et la guerre du Vietnam, promeut l’aide au développement et la coopération. La Suède devient la terre d’accueil de tous les persécutés de la planète : victimes des dictatures d’Amérique latine, du conflit de l’Ogaden (1977), de la révolution islamique en Iran (1979), des crimes de Saddam Hussein, des guerres de Yougoslavie (années 1990), et aujourd’hui Afghans, Somaliens, Irakiens ou Syriens fuyant leurs dangereuses contrées natales. En l’espace de trente ans, la Suède s’est muée en société multiculturelle : 15 % de ses 9,5 millions d’habitants sont des immigrés. C’est plus qu’en France (8,4 %) ou que chez ses voisins scandinaves (lire encadré p. 54). Parmi les 44 pays industrialisés répertoriés par l’ONU, elle est, proportionnellement à sa population, le deuxième pays d’accueil des demandeurs d’asile. En 2012, elle en a accueilli 44 000 – un record. Au total, plus de 80000 personnes originaires de 170 pays émigrent en Suède chaque année. D’énormes efforts ont été faits pour intégrer les nouveaux venus. Tous bénéficient de cours de langue suédoise, d’allocations sociales et d’une formation professionnelle en adéquation avec le marché du travail. Depuis 1975, ils votent aux élections locales. Enfin, pour ne pas être coupés de leurs racines, leurs enfants reçoivent des cours de leur langue maternelle.

AFTONBLADET BILD/BESTIMAGE

q Violents affrontements à Tentsa, dans la banlieue de la capitale, le 24 mai.

malaise latent. Les sans-papiers ne sont pas

laissés pour compte. Depuis la loi sur l’immigration adoptée en 2011 par le gouvernement de centre droit, ils ont accès aux soins et leurs enfants sont scolarisés. Lorsque, dans le cadre du regroupement familial, des immigrés sont dans l’incapacité de l l l N O 2734 • Du 2 Au 8 juIN 2013

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europe, amériques, asie suède

JONATHAN NACKSTRAND/Afp

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présenter leurs papiers d’identité, il existe le recours à des tests ADN. Hélas,ilyal’enversdudécor.Cemalaiselatentque les Suédois ont préféré jusqu’ici ignorer, alors que des émeutes ont déjà eu lieu à Malmö, en 2008, et à Rinkeby (banlieue de Stockholm), en 2010. Malgré une reprise économique à faire pâlir d’envie toute l’Europe, l’État providence a réduit la voilure. Les crédits alloués à la politique d’intégration en sont les premières victimes. De tous les pays de l’OCDE, la Suède est celui qui, en quinze ans, a connu la plus forte hausse des inégalités. « Une fracture sociale de plus en plus flagrante s’est installée dans la société, confirme Frédérique Harry, maître de conférences à la Sorbonne et spécialiste de la Suède. Depuis vingt ans, l’État conduit une politique de dérégulation et s’engage de moins en moins dans la lutte contre les inégalités. » Celles-ci ont un impact sur le chômage (ilfrappe16%delapopulationactivenéeàl’étranger, contre 6 % pour les natifs de Suède), sur le logement (ces personnes sont littéralement parquées dans les banlieues) et sur le système éducatif (seuls 30 % des élèves des villes et quartiers défavorisés ont des notes suffisantes pour entrer au lycée, contre 90 % de ceux qui étudient dans le centre de Stockholm). Une présentatrice vedette de la télévision d’origine somalienne ou un acteur libanais à succès (Fares Fares) ne suffisent pas à occulter la réalité : des populations reléguées dans le petit commerce et peu présentes dans les PME, ou dont les recruteurs mettent les CV en dessous de la pile à la seule vue de leur patronyme. lll

sabir. L’envers du décor, c’est aussi ces bonnes intentions qui n’ont pas porté leurs fruits. Le vote des étrangers ? Désabusés, ces derniers boudent les scrutins. Aux élections de 2010, ils n’ont été que 35 % à voter, contre 80 % des Suédois de souche. Le maintien de cours de la langue d’origine ? Ils ont n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

p Rassemblement contre les violences policières et le vandalisme le 22 mai à Husby, ville de banlieue majoritairement peuplée d’immigrés.

entretenulecommunautarismeetgénéralisél’usage d’un sabir suédois dévalorisant sur le marché du travail. À cela s’ajoute un racisme latent, dont les intéressés ne sont pas dupes. Lorsque, ces derniers jours, ils se sont plaints d’avoir été traités de « sales nègres » et de « singes » par des membres des forces de l’ordre, la hiérarchie policière leur a conseillé de porter plainte. Une belle hypocrisie quand on sait que les hommes des brigades antiémeutes dissimulent souvent le matricule figurant sur leur casque sous un bout de scotch. En toute illégalité. Grands vainqueurs de ces troubles, les Démocrates de Suède, un parti d’extrême droite, caracolent en troisième position dans les sondages. Après avoir obtenu 5,7 % des voix et 20 députés aux législatives de 2010, ils pourraient doubler leur score en 2014 et se retrouver en position d’arbitre. « Nous devenons peu à peu comme les autres pays », reconnaît Aje Carlbom, anthropologue à l’université de Malmö. L’aveu que le « modèle » suédois a vécu. Et que rien ne sera plus comme avant. l

Contagion sCanDinave En 2011, lEs diatribEs contre les « non-blancs » proférées par leur compatriote anders behring breivik, l’auteur de la tuerie d’Utoya, avaient horrifié les norvégiens. Et pourtant. selon un sondage réalisé la même année, 53,7 % d’entre eux souhaitaient « mettre fin » à l’immigration, 48,7 % estimaient que l’intégration « fonctionne mal » et 83,5 % imputaient cet échec aux immigrés qui « ne font pas assez d’efforts ». dans une

norvège qui compte 12,2 % d’étrangers, le populiste Parti du progrès ne cesse de progresser, témoignant d’une hostilité croissante à l’égard des non-Européens. au danemark, où 10,1 % de la population est d’origine étrangère, le gouvernement libéral-conservateur allié à l’extrême droite a durci la législation en 2010 afin de privilégier les « mieux intégrés » au détriment des J.D. demandeurs d’asile. l jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

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ALLEMAGNE

la tueuse brune devant ses juges Avec ses amis de la NSU, une cellule néonazie, beate Zschäpe était en guerre contre les étrangers. Pourquoi a-t-il fallu onze ans pour la neutraliser ?

C

proteCtions ? « Mes clients attendent

la justice, sans esprit de vengeance, explique Me Mehmet Daimagüler, avocat de deux familles de victimes. Mais ils ne croient pas que tous ceux qui devraient l’être soient sur le banc des accusés. Ils ne croient pas qu’un groupuscule ait pu sévir pendant quatorze ans dans la clandestinité sans avoir bénéficié de protections. » L’Allemagne est en pleine introspection. Chacun s’efforce d’évaluer la responsabilité des autorités et, en premier lieu, de la police, qui, plutôt que d’enquêter dans les milieux d’extrême droite, a longtemps privilégié la piste du crime organisé, du trafic de drogue et de la mafia turque. Pour évoquer cette sinistre affaire, la presse parle souvent jeune afrique

Johannes simon/Getty imaGes

est dans un contexte tendu que, le 14 mai, devant le tribunal de grande instance de Munich,s’estouvertleprocès delacellulenéonazieNSU(pour«clandestiniténationale-socialiste»)responsablede l’assassinat de dix personnes – dont neuf d’origine étrangère – entre 2000 et 2007. Quatre-vingt-quatre jours d’audience, 600 témoins, 62 avocats, 86 parties civiles… On se croirait revenu au temps des grands procès d’après-guerre, comme celui de la bande à Baader, en 1977. Tous les regards sont braqués sur Beate Zschäpe, 38 ans, la seule survivante du trio de tueurs. Originaire d’Iéna, dans l’ex-RDA, elle appartient à la mouvance néonazie depuis l’adolescence. Outre les meurtres dont elle est accusée, elle a participé à une quinzaine de braquages de banques. Le 8 novembre 2011, elle s’est rendue à la police après avoir incendié l’appartement qui lui servait de planque. Depuis, elle se mure dans le silence. Uwe Mundlos et Uwe Böhnhardt, ses deux complices, s’étaient donné la mort quatre jours auparavant. Quatre personnes soupçonnées de les avoir aidés sont jugées pour complicité.

p L’accusée arrivant au tribunal de grande instance de Munich, le 15 mai.

Parmi les victimes, huit Turcs 9 septembre 2000 Enver Simsek, fleuriste 13 juin 2001 Abdurrahim Özüdogru, tailleur 27 juin 2001 Süleyman Tasköprü, épicier 29 août 2001 Habil Kiliç, épicier

25 février 2004 Mehmet Turgut, gérant d’un kebab

4 avril 2006 Mehmet Kubasik, buraliste

9 juin 2005 Ismail Yasar, gérant d’un kebab

6 avril 2006 Halit Yozgat, gérant d’un café internet

15 juin 2005 Theodoros Boulgarides, d’origine grecque, serrurier

25 avril 2007 Michèle Kiesewetter, policière

de « meurtres döner », allusion pas très subtile au döner kebab turc. « Pendant dix ans, mes clients n’ont pas eu le droit d’être des victimes. Sous l’effet de ce qu’il faut bien appeler une forme de racisme institutionnel, ils étaient présentés comme des accusés », s’indigne Me Daimagüler. Incapables de repérer et de neutraliser la cellule néonazie, les services de renseignementssonteuxaussi visés.L’andernier, leur chef a été contraint de démissionner. Le pays découvre avec stupéfaction le rôle trouble joué par les informateurs infiltrés dans les mouvements d’extrême droite. Beaucoup étaient notoirement des sympathisants de ceux qu’ils étaient chargés de surveiller ! « Il est désormais clair que la dangerosité de la cellule terroriste était perceptible dès 1998, soit deux ans avant

le début de la série de meurtres », estime Hans-Christian Ströbele, un élu vert qui a participé à la commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur ce fiasco. Le parcours des accusés, tous nés dans l’ex-Allemagne de l’Est, va également être passé au crible par le tribunal. Enfance difficile, traumatisme de la chute du mur de Berlin, résurgence du néonazisme lors de la réunification… Combien sont-ils à nourrir une telle haine de l’étranger ? « Ces jeunes gens ont pu développer leur phobie, il y avait un terreau pour cela, analyse Bernd Wagner, spécialiste des mouvements d’extrême droite. La société allemande doit entamer une réflexion de fond sur ce phénomène. » l Gwénaëlle Deboutte, à Berlin n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Europe, Amériques, Asie PARADIS FISCAUX

l’enfer pour les tricheurs? Fraude et évasion fiscales font perdre chaque année 1 270 milliards d’euros aux États-Unis. Et 1 000 milliards d’euros aux pays de l’Union européenne. Tous paraissent enfin résolus à réagir.

S

ale temps pour les fraudeurs du fisc ! Et pas seulement pour Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre français du Budget, et son gros mensonge sur son compte bancaire dissimulé en Suisse. Ou pour les dix mille contribuables allemands réfugiés eux aussi dans la Confédération helvétique, et que le fisc de leur pays traque au moyen d’un fichier secret censé lui permettre de récupérer 500 millions d’euros. Le 22 mai, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se sont, à l’unanimité, donné six mois pour mettre en œuvre une batterie de mesures d’une sévérité accrue en matière fiscale. Il ne suffit plus désormais de poursuivre les fraudeurs. Il est essentiel de boucher les trous d’une législation fiscale qui autorise ce qu’il est convenu d’appeler « l’évasion fiscale ». En créant des structures aux noms passe-partout (trusts, fiducies, foundations, etc.) et en les domiciliant dans des pays (« offshore ») où actifs et bénéfices sont faiblement taxés, et où l’identité des propriétaires est efficacement dissimulée, riches particuliers et multinationales réussissent en effet à se soustraire à l’impôt. Des exemples ? Alors que le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés est de 33,3 % en France et de 12,5 % en Irlande, et que celui de l’impôt sur les sociétés américaines s’élève à 35 %, les bénéfices d’Apple, le géant de l’informatique et de la téléphonie, ne sont taxés qu’à 3 %, et ceux de Google, l’autre colosse du numérique, à 5 %. Ce qui est injuste et pénalisant en termes de compétitivité pour les entreprises à base nationale qui n’ont pas les moyens de s’offrir les conseils de spécialistes pour expatrier leur argent. En ces temps de lutte féroce contre les dettes et les déficits, même les gouvernements les plus favorables à la haute finance ont compris que la fraude et l’évasion fiscale amputaient sévèrement leurs recettes. L’Organisation de coopération et de développement n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

économiques (OCDE) évalue à 1 700 milliards de dollars (1 270 milliards d’euros) les bénéfices des sociétés qui ne sont pas rapatriés aux États-Unis ; et à 1 000 milliards d’euros les recettes fiscales dont sont privés les vingt-sept pays de l’Union européenne. Dans le seul Royaume-Uni, le trou dans les caisses de Sa Majesté est évalué à 14 milliards de livres (17 milliards d’euros). colère. Politiquement, il était impos-

sible pour les gouvernements d’ignorer la colère des contribuables lourdement taxés afin de redresser les comptes de l’État, alors que certains s’affranchissent allègrement de tout impôt. Lors du Forum économique mondial, à Davos, en janvier, l’exemple de Starbucks Coffee Company, qui ne verse pas un penny au Royaume-Uni, a fait sortir de ses gonds David Cameron. « Lorsqu’on voit certaines entreprises ne payer aucun impôt, c’est très mauvais pour la confiance », a estimé le Premier ministre britannique. À l’assaut donc ! L’OCDE s’est d’abord attaquée aux « paradis fiscaux », tels que Monaco, Andorre, les îles Vierges britanniques ou les Samoa. Ceux-ci se sont pliés de mauvaise grâce à ses injonctions en signant des conventions fiscales qui, de l’avis des experts, ne dissipaient guère leur opacité.

Benoît 0/ReA

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vigueur le 1er janvier 2014 et obligera toutes les institutions financières opérant aux États-Unis, mais basées à l’étranger, à communiquer au fisc américain les données personnelles, le montant des avoirs et le détail des transactions (à partir de 50 000 dollars) de leurs clients, qu’ils soient ou non américains. Faute de quoi, le fisc prélèvera à la source 30 % des revenus des actifs détenus aux États-Unis et infligera une pénalité de 40 % sur les avoirs dissimulés. Un « enfer » annoncé pour les resquilleurs, qui a Monaco, Andorre ou les Samoa séduit neuf pays européens ont dû se plier aux injonctions de – parmi lesquels le RoyaumeUni – désireux d’obtenir des l’ocDe. De très mauvaise grâce. Américains des informations sur leurs évadés fiscaux, par exemple Le rapport de force a basculé quand dans l’État du Delaware. L’initiative a les États-Unis sont à leur tour passés à impressionné la Suisse, qui s’est empresl’offensive. D’abord à petite échelle, en sée de s’y associer par crainte de voir le obligeant l’Union des banques suisses marché américain interdit à ses banques. (UBS) à lui communiquer les noms Le scandale Cahuzac et la publication, des Américains disposant de comptes en avril, de milliers d’anomalies fiscales chez elle. Puis, de façon massive, en dénichées par le collectif de journaux et adoptant en 2010, le Foreign Account d’ONG connu sous le nom d’Offshore Tax Compliance Act (Fatca), autreLeaks ont accéléré la prise de conscience ment dit la loi sur la conformité fiscale collective : la seule façon de mettre fin des comptes étrangers, qui entrera en jeune afrique


Europe, Amériques, Asie t L’entrée de la salle des coffres d’une banque luxembourgeoise.

obstinés, qui feignent d’en accepter le principe, mais demandent, avant de s’exécuter, que les banques du monde entier soient assujetties à cette obligation. Ce qu’on appelle une manœuvre dilatoire… Tel est le cas de la Suisse et de l’Autriche. Elles auront pourtant bien du mal à résister à l’assaut qui sera lancé de nouveau contre elles le 17 juin, lors du G8 de Lough Erne (Irlande du Nord), et surtout le 3 septembre, à Saint-Pétersbourg (Russie), à l’occasion de la réunion des chefs d’État et de gouvernement du G20. De Droite à gauche. La France n’a pas

à ces pratiques, en partie légales mais dommageables, est d’obliger les banques à tout dire sur les avoirs, les bénéfices et la gestion de leurs clients, sans les y contraindre par des procédures judiciaires trop lentes et trop lourdes.

Les uns après les autres, les paradis fiscaux sont en train d’accepter cet échange automatique de données. Singapour s’y est rallié, le Luxembourg aussi, quoique du bout des lèvres et avec force exceptions. Restent quelques récalcitrants

attendu pour publier une liste noire de dix-sept pays opaques, par lesquels ne pourra plus transiter son aide publique, sous quelque forme que ce soit. Parmi ces États « non coopératifs » figurent deux africains – le Botswana et le Liberia – et deux moyen-orientaux – les Émirats arabes unis et le Liban. « Les paradis fiscaux, c’est terminé », s’était écrié Nicolas Sarkozy, alors président de la République, en 2009. « Ceux qui pensaient échapper à l’impôt en se réfugiant dans des paradis fiscaux doivent comprendre que l’impunité est terminée », lui a répondu le 22 mai, comme en écho, François Hollande, son successeur à l’Élysée. Ils finiront peut-être par avoir raison. l alain Faujas

Les étudiants de 1ère année

Marché de l’art de l’IESA art&culture organisent Madagasc’art, une vente aux enchères caritative au prot de l’association Les Enfants du Soleil. Cette vente sera dirigée par maître Rémy le Fur et permettra de venir en aide aux enfants des rues, à Madagascar. Le montant total de la vente servira au nancement du programme « Le français pour tous ». Une vingtaine d’artistes, © Jonone, «For the children», 2013

dont JonOne, Grégos, Jérôme Mesnager ou encore Nasty et Oakone, s’associent au projet en créant des œuvres.

La vente se tiendra à la fondation Alliance Française, au 101 boulevard Raspail, Paris VIème,

le jeudi 6 juin 2013 à 19h30.

Les œuvres seront exposées deux jours avant la vente, ouverte au public sur entrée libre.

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parcours | D’ici et d’ailleurs

p Selon ce scientifique, « les obstacles les plus insurmontables sont ceux que l’on érige soi-même, dans sa tête ».

Bertin Nahum La précision chirurgicale Né au sénégal, fils de Béninois et orphelin très jeune, cet entrepreneur ambitieux révolutionne le monde de la chirurgie avec la haute technologie de ses robots spécialisés.

C

est une pièce sans fioritures. Une simple table, trois chaises et un bureau entre quatre murs de crépi blanc. Rien n’y rappelle que son occupant est l’un des créateurs les plus avant-gardistes de la planète. Enfin, si l’on en croit la revue canadienne Discovery Series, qui, en septembre 2012, plaçait Bertin Nahum, Français d’origine béninoise de 43 ans, parmi les « 10 entrepreneurs high-tech les plus révolutionnaires », juste derrière le défunt fondateur d’Apple, Steve Jobs, celui de Facebook, Mark Zuckerberg, et le réalisateur James Cameron (Avatar, Titanic…). « Rosa », l’invention à l’origine de cette consécration, est un robot d’assistance à la neurochirurgie. Avec son bras articulé, cet engin permet de positionner l’instrument du chirurgien dans l’axe

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

précis qui permettra d’atteindre une zone particulière du cerveau. Des gestes tels que le retrait d’une tumeur ou l’implantation d’électrodes, habituellement réalisés à main levée, peuvent désormais l’être avec plus de précision et de sécurité. Le robot, assemblé dans le petit atelier montpelliérain de Bertin Nahum, est vendu 300 000 euros l’unité et équipe aujourd’hui une vingtaine d’hôpitaux dans le monde (aux États-Unis, au Moyen-Orient ou en Chine). Parfaitement à l’aise devant les caméras qui affluent depuis cette consécration, Bertin Nahum affiche un large sourire et une sérénité déroutante. « Je ne veux surtout pas faire un récit larmoyant, explique-t-il. Mais disons que, du fait de mon histoire, je me suis bâti une carapace. » Né au Sénégal « par

hasard », avant d’arriver en France à l’âge de 1 an, Bertin Nahum a perdu très jeune ses deux parents béninois, qui tenaient une épicerie exotique à Lyon. Placé dans une « maison d’enfants » de la DDASS à l’âge de 8 ans, il a vu son pays d’origine pour la première fois à l’âge adulte, à l’heure de le faire découvrir à ses propres enfants. Ses origines béninoises sont donc « à la fois anecdotiques et essentielles ». Il ne les renie pas, bien sûr, mais ses racines ont été coupées et il refuse de les afficher en étendard. « J’ai sans doute déjà été victime de racisme, comme beaucoup de gens, mais je crois que les obstacles les plus insurmontables sont ceux qu’on érige soi-même, dans sa tête. » Il n’empêche que l’un d’eux, il en a la conviction, est à chercher dans le système scolaire français. « Je reviens de deux ans aux États-Unis, où j’ai implanté une filiale. J’ai pu voir la différence avec mes enfants. En France, on est excellent au niveau des connaissances académiques. Mais l’école ne vise en réalité jeune afrique


europe, amériques, asie

Bertin Nahum planche désormais sur un nouveau robot, destiné à la chirurgie de la colonne vertébrale. Et ces jours-ci l’atelier de Medtech tourne à plein régime avec des machines prêtes à être expédiées aux quatre coins de la planète… Mais pas en Afrique. « C’est une technologique chère. Il y a toutefois quelques hôpitaux suffisamment bien dotés qui pourraient l’acquérir. Mais ils sont trop rares pour que nous investissions sur le continent. » Jusqu’où ira Bertin Nahum, avec ses idées folles et son inébranlable confiance en lui? « Notre ambition, c’est de devenir leader mondial du secteur », affirme-t-il. Sans complexe. l

FOOTBALL

Bras de fer en ligue 1 Les autorités françaises veulent soumettre l’AS Monaco, propriété d’un milliardaire russe, au même régime fiscal que les autres clubs.

a

u Paris Saint-Germain, il y a Nasser Al-Khelaïfi, patron de Qatar Sports Investments (QSI). À l’AS Monaco, il y a Dmitri Rybolovlev, l’homme d’affaires russe qui vient de faire remonter le club en Ligue 1 après deux ans de purgatoire. Disposant désormais de moyens financiers quasi illimités, les deux clubs semblent promis à une domination totale sur le football français, pendant des années. Enfin, en principe. Cent dix-neuvième fortune mondiale (9,1 milliards d’euros), selon le magazine Forbes, Rybolovlev enflamme déjà le marché des transferts et recrute à tour de bras: les attaquants colombiens James Rodríguez (FC Porto, 45 millions d’euros) et Radamel Falcao (Atlético Madrid, 60 millions), le milieu portugais João Moutinho (FC Porto, 25 millions)… Et ce n’est qu’un début. Mais pour l’instant, l’oligarque ne recrute pas en Ligue 1. C’est qu’il a quelques comptes à régler avec le football français. Depuis une réunion du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP), le 21 mars, le torchon brûle entre les clubs professionnels et l’ASM. L’instance dirigée par Frédéric Thiriez s’est mis en tête de contraindre le club monégasque à installer son siège social en France à partir du 1er juin 2014, afin de le soumettre au même régime fiscal

et social que les autres. En vertu d’une ordonnance du 8 février 1869, un joueur étranger qui signe à l’ASM ne paie en effet pas d’impôt, alors qu’un joueur français est normalement imposé en France, mais bénéficie, comme l’étranger, d’un abattement de 20 % sur ses charges sociales. Déjà touchés par la suppression du droit à l’image collective (DIC), il y a trois ans, et la future taxe à 75 %, les clubs français veulent en finir avec les avantages accordés aux Monégasques. Certains présidents ont envisagé un boycott en 2013-2014. Patron de l’Olympique de Marseille, Vincent Labrune ne voit quant à lui dans l’ASM, sept fois champion de France, qu’un « club étranger ». iNdemNité. Au mois d’avril, Noël Le

Graët, président de la Fédération française de football, s’est rendu en Principauté pour rencontrer Rybolovlev et ses lieutenants. L’entrevue s’est mal passée, le Russe accusant le Français d’avoir tenté de monnayer une paix des braves en échange du versement d’une indemnité de 200 millions d’euros étalée sur cinq ans. Et le Français lui retournant l’accusation. À peine engagées, les négociations ont donc capoté, et Monaco a saisi le Conseil d’État pour faire annuler la décision du 21 mars. Verdict attendu le 20 juin. D’ici là, l’ASM aura sans doute dépensé quelques millions supplémentaires… l alexis BilleBault

q Dmitri Rybolovlev et sa petite amie au tournoi de tennis de Monte Carlo, en 2012.

Olivier Huitel/Crystal PiCtures

pas à former. Elle utilise l’enseignement pour sélectionner. C’est très différent. » Ancien élève « moyen » selon lui, mais diplômé de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon, il décide, en 2002, de quitter un confortable poste d’ingénieur roboticien pour fonder sa propre entreprise, Medtech, avec des idées un peu folles de création de robots. Il s’implante à Montpellier pour attirer plus facilement les compétences dont il aura besoin. « La fuite des cerveaux est d’ailleurs l’un des problèmes cruciaux en Afrique, analyse-t-il. Je n’aurais jamais pu développer cette entreprise sans les ressources humaines que l’on trouve ici. » La première création de Medtech est une machine d’assistance à la pose de prothèse de genou. Ses résultats sont encourageants, mais ne lui permettent pas de financer le développement de Rosa, qui est déjà son idée fixe. En 2006, il vend son premier robot à la société américaine Zimmer, leader de la chirurgie orthopédique. « La Direction de la surveillance du territoire [les anciens services des renseignements français] est venue me voir. Ils m’ont fait comprendre qu’ils n’étaient pas contents que l’on vende cette technologie aux Américains. Je leur ai dit qu’ils arrivaient un peu tard. J’avais cherché sans succès des financements en France. Mais je n’ai pas eu d’autres choix pour développer ma société. »

pierre Boisselet, envoyé spécial à Montpellier Photo : NaNda GoNzaGue jeune afrique

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Europe, Amériques, Asie colis livrés chaque jour en Chine sont des commandes passées sur l’un des sites de Jack Ma.

CHINE

Jack ma, empereur du net Le fondateur d’Alibaba, un géant du commerce en ligne, vient, à 48 ans, de prendre sa retraite. Il est à la tête d’une fortune estimée à 2,6 milliards d’euros.

O

n le compare souvent à Bill Gates ou à Steve Jobs. Lui préfère évoquer sa passion pour la pêche à la crevette ou les arts martiaux. Fondateur d’Alibaba, géant mondial du commerce en ligne, Jack Ma, qui, dans une autre vie, fut professeur d’anglais, vient de tirer sa révérence. À 48 ans, il quitte la direction générale du groupe qu’il a fondé en 1999, mais en conserve la présidence, fonction non opérationnelle. Le montant de sa fortune est estimé à 3,4 milliards de dollars (2,6 milliards d’euros). Comme Facebook en 2012, Alibaba sera prochainement coté en Bourse – aucune date n’a encore été fixée. Les spécialistes

valorisent d’ores et déjà le groupe entre 60 milliards et 100 milliards de dollars. À l’origine, l’objectif de Ma était simplement de permettre à des PME de vendre leurs produits ou de trouver des fournisseurs. Austère mais pratique, son site a grandi aussi vite que l’économie chinoise et s’est peu à peu imposé dans toutes les activités de sourcing. Il regroupe aujourd’hui plusieurs dizaines de millions de professionnels. En 2003, ses géniteurs lui ont donné un petit frère, Taobao (« chasse aux trésors » en mandarin), un site de vente entre particuliers, qui, en dix ans, s’est hissé au rang d’Amazon avec plus de 800 millions de produits et 500 millions d’utilisateurs. Dix des seize millions de q Pendant une conférence à Hong Kong, en mars 2012.

Vincent Yu/AP/SiPA

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symbOle. En 2005, pressentant le bon filon, l’américain Yahoo! a investi 1 milliard de dollars dans Alibaba. Sept ans plus tard, ce dernier a racheté la moitié de cette participation pour 7,6 milliards. Quel meilleur symbole de l’émergence des groupes chinois sur la scène internationale ? Car Alibaba n’est pas le seul géant de l’internet chinois (720 millions d’utilisateurs). Trois autres groupes – Tencent, Baidu et Sina – comptent aujourd’hui parmi les plus importantes capitalisations boursières de la planète. Google, Facebook, Twitter, eBay ou Amazon se sont tous cassé les dents en Chine. Les quatre géants locaux règnent sans partage sur leur marché, de plus en plus lucratif et diversifié. À preuve, Alibaba se lance désormais dans la téléphonie mobile, Tencent tente de conquérir le monde avec son application WeChat, Baidu met le cap sur l’Afrique et Sina reste la star incontestée du microblog, en Chine et bientôt dans toute l’Asie. « Tous les groupes de l’internet chinois cherchent à se diversifier, confirme John Kwan, analyste à Hong Kong. Le marché national reste leur priorité, mais ils regardent de plus en plus vers l’étranger, notamment l’Afrique et l’Asie du Sud-Est. Ils ont la technologie et le savoir-faire indispensables pour s’imposer sur les marchés émergents. » « On assiste à la naissance d’une société d’entrepreneurs dont une grande part est composée de jeunes Chinois partis étudier à l’étranger et qui reviennent parce que les financements sont disponibles en abondance dans leur pays », explique pour sa part le Français Alexis Bonhomme, chargé du développement international de Tencent. L’un de ces petits génies du Net deviendra-t-il un jour le nouveau Jack Ma ? Pourquoi pas. « L’homme qui a changé la vie des Chinois », comme l’écrivait récemment un quotidien américain, reste en effet un symbole. Liu Shiying, son biographe, qui le voit comme « un visionnaire », parle à son propos d’un « esprit pionnier au service des besoins populaires ». Le visionnaire va pouvoir à présent se consacrer à l’école de taï-chi-chuan qu’il vient de créer avec une autre légende chinoise, l’acteur Jackie Chan. l sébastien le belzic, à Pékin jeune afrique


Le pLus

de Jeune Afrique

Diplomatie Denis Sassou Nguesso, monsieur bons offices

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Carnet De route Escale à Dolisie mines Fer, potasse et compagnies littérature Brazza, c’est ma ville

t Le chef de l’État Denis Sassou Nguesso

L’âge de sagesse

Congo

jeune afrique

GEORGES GOBET/AFP

Après quinze années de paix, le temps des passions politiques semble enfin révolu. Du social à la sécurité régionale, place aux vrais défis.

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BR AZZAVILLE POINTE-NOIRE OLLOMBO

AÉROPORTS DU CONGO La référence en Afrique Centrale

Aéroport de Brazzaville Maya Maya

Aéroport de Pointe-Noire Agostinho-Neto

Aéroport d’Ollombo Denis Sassou Nguesso

AERCO accompagne l’État Congolais dans la mutation des infrastructures aéroportuaires et du transport aérien, avec le développement des services adaptés et de qualité pour faire des Aéroports Internationaux du Congo une référence en Afrique Centrale.

aerco-cg.com


Le Plus de Jeune Afrique

Le pLus

de Jeune Afrique

Diplomatie Denis Sassou Nguesso, monsieur bons offices

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Carnet De route Escale à Dolisie mines Fer, potasse et compagnies littérature Brazza, c’est ma ville

Prélude François Soudan

L’âge de sagesse

Congo

e

t si le congo ressemblait un peu au journal télévisé de son antenne nationale, à moins que ce ne soit l’inverse ? Diffusé depuis les studios high-tech de son nouveau siège évidemment construit par les chinois, le Jt vespéral de télé congo paraît désespérément figé dans le temps. lugubres comptes rendus d’audiences ministérielles aux images aussi ternes qu’interchangeables, suivi soporifique de la moindre tournée préfectorale et du plus insignifiant des colloques, cadrages et éclairages défectueux, montages aléatoires, décalages des bandes son, zoom obligé et complaisant sur le visage des personnalités… tout comme les présentateurs, pleins de bonne volonté et qui n’en peuvent mais, on étouffe, bouche bée, en quête d’un reportage de terrain dans lequel on ressentirait un peu de la vie quotidienne des congolais. la coquille est belle en somme, mais elle sonne creux.

impression qu’une fois le ruban coupé par les ciseaux présidentiels, la torpeur, la routine et les mauvaises habitudes réoccupent insidieusement le terrain ? entre réflexes bureaucratiques, ambitions personnelles, repli identitaire et culte du veau d’or, la classe politique congolaise, qu’elle soit du pouvoir d’aujourd’hui ou de celui d’hier, a mal vieilli. À quelques exceptions près, ministres et opposants sont des figures anciennes, vues et revues jusqu’à la lie sur les écrans, prêtes à tout pour ne pas rejoindre le cimetière des éléphants. À leur contact, par mimétisme sans doute, la génération suivante de responsables semble entrée en cure accélérée de sénescence. le décalage avec la modernisation du pays et les impatiences de sa population n’en est que plus grand. Denis Sassou Nguesso, qui a 2016 pour ligne d’horizon, doit donc savoir qu’un bilan, si flatteur soit-il, vaut aussi par la crédibilité de celles et ceux qui le portent et le défendent. les congolais ne jugeront leur président ni sur ses biens, ni sur ses villégiatures, encore moins sur la coupe

Aléatoire sans doute, l’analogie avec la situation qui prévaut au niveau national n’en est pas moins tentante. côté infrastructures, Un bilan, si flatteur soit-il, vaut les progrès accomplis sous l’impulsion aussi par la crédibilité de celles et du président sassou ceux qui le portent et le défendent. nguesso sont indéniables, tant à Brazzaville que dans les – au demeurant irréprochable – de ses régions où une politique volontariste costumes: ils n’en ont cure. ils le jugeront de municipalisation accélérée a porté sur l’emploi, sur la santé, sur l’éducation, ses fruits. le pays est en paix et en passe bref sur le social, mais aussi sur la qualité de parachever enfin la dorsale routière et l’intégrité de ses collaborateurs. or le reliant sa capitale politique à sa métropole congo ne manque ni de jeunes, ni de économique ce qui, ici, aura un goût femmes, ni de ressources humaines pour de revanche sur l’histoire. Partout, de réaliser cette nécessaire transfusion. ouesso à Kinkala, du mont Moungongo le sang neuf existe, il suffit simplement aux forêts de la likouala, on construit, on au mwene d’edou, mais aussi de tout et inaugure, on met en valeur et l’on s’efforce de partout au congo, de se rappeler cette de donner chaque jour un peu plus de petite phrase de son grand ami Jacques contenu au slogan historique du parti au chirac : « Un chef, c’est fait pour chefpouvoir : « tout pour le peuple, rien que fer. » en d’autres termes : pour trancher, pour le peuple. » Mais d’où vient cette y compris là où ça fait mal. l jeune afrique

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

GEORGES GOBET/AFP

« Tout pour le peuple! »

Après quinze années de paix, le temps des passions politiques semble enfin révolu. Du social à la sécurité régionale, place aux vrais défis.

jeune afrique

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

diplomatie denis Sassou Nguesso, monsieur bons offices p. 64 politique un consensus et des questions

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iNterview Émilienne raoul, ministre des Affaires sociales p. 71 carNet de route escale à dolisie

p. 74

football attention, les fauves sont lâchés p. 78 miNeS fer, potasse et compagnies

p. 84

port de poiNte-Noire investir pour mieux grandir p. 87 reNdez-vouS littÉraire brazza, c’est ma ville ambiaNce rhythm and blues chez faignond

p. 91

p. 95

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le plus de Jeune afrique

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DiploMatie

Monsieur bons DR

Médiateur dans la crise centrafricaine, sollicité par ses homologues des Grands Lacs pour y débloquer la situation sécuritaire, le président congolais, Denis Sassou Nguesso, semble avoir endossé l’habit de sage régional.


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TshiTenge Lubabu M.K.,

T

envoyé spécial

out le monde l’aura remarqué, la diplomatie congolaise s’est illustrée ces derniers mois en s’impliquant dans plusieurs dossiers concernant les pays de la région, en particulier celui de la Centrafrique et ceux de la République démocratique du Congo, dans ses rapports avec ses voisins rwandais et ougandais. II y a encore quelques années, c’est feu Omar Bongo Ondimba qui faisait office de « sage » vers lequel se tournaient tous ceux qui s’étaient embourbés dans des palabres sans fin. Tous les décideurs et acteurs politiques et économiques de l’Afrique centrale passaient alors par Libreville. Où l’ancien président gabonais avait la particularité, manne pétrolière aidant, d’« arroser » ses visiteurs de billets de banque. Aujourd’hui, même si ce n’est que pour quelques heures, tous passent, régulièrement, par Brazzaville. Le chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, dans les nouveaux habits de sage régional qu’il semble avoir endossés, suivrait-il la même logique qu’Omar Bongo Ondimba en son temps ? « Ce n’est pas du tout le même style, confie un habitué du sérail. Sassou veut bien contribuer à la résolution de crises compte tenu de sa longue expérience du pouvoir, mais il est loin d’être un distributeur automatique de billets. » désinTérêT. Une « longue expérience du pouvoir »

offices p Denis Sassou Nguesso accueillant Joseph Kabila et Paul Kagamé (de g. à dr.) à Oyo, le 24 mars.

qui n’explique pas, seule, la nouvelle aura diplomatique de Denis Sassou Nguesso. Celle-ci profite en effet de l’absence affichée en ce domaine, voire du désintérêt, de certains de ses homologues régionaux, qu’il s’agisse du Camerounais Paul Biya, de l’Équato-GuinéenTeodoroObiangNguemaoude l’Angolais José Eduardo dos Santos, qui sont de la même génération et partagent cette fameuse « longue expérience du pouvoir ». Quant au Gabonais Ali Bongo Ondimba, ses rapports avec le numéro un congolais ne sont pas des plus cordiaux. À 54 ans, dont moins de quatre en tant que chef de l’État, il semble attiré par des horizons plus internationaux, même s’il est le président en exercice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). La nature ayant horreur du vide, Sassou Nguesso ne rechigne pas à se rendre utile. Aussi bien au sein de la Cemac que de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), ou de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Dans le dossier centrafricain, le président congolais, médiateur de la crise, partage le premier rôle avec son homologue tchadien, Idriss Déby Itno. Mais ce dernier, selon certains observateurs, pourrait s’en désengager pour se concentrer sur le conflit au Mali et les nombreux problèmes de la région sahélo-saharienne. L’importante implication de Brazzaville pour tenter de stabiliser la Centrafrique passe notamment par le général Noël Léonard Essongo, chef d’état-major particulier du président qui l’a nommé, en janvier, conseiller spécial chargé de la défense et de la sécurité, et qui est son principal représentant à Bangui. LorsdelapremièreréunionduGroupeinternational de contact sur la République centrafricaine, organisée le n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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Le Plus de J.A. Congo 3 mai à Brazzaville, le Congo est devenu le premier contributeur du fonds de soutien à Bangui, avec 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros). Enfin, Denis Sassou Nguesso a dépêché son ministre des Affaires étrangères, Basile Ikouébé, à Bujumbura, pour demander au chef de l’État burundais, Pierre Nkurunziza, de mettre quelques centaines de soldats à la disposition de la Force multinationale de l’Afrique centrale (Fomac), chargée du maintien de la paix en Centrafrique par la CEEAC. Le président congolais a par ailleurs annoncé le 27 mai, à l’issue du sommet de l’Union africaine, l’envoi de 200 hommes à Bangui en plus des 150 qui s’y trouvent déjà pour renforcer la Mission de consolidation de la paix (Micopax) en Centrafrique. FaMiLiaL. Autre pays où le rôle et l’influence

de Sassou Nguesso ont pris un nouveau tour depuis quelques mois : la RD Congo. Les relations avec Kinshasa n’ont pourtant pas été simples ces dernières années. Pomme de discorde, la proximité communautaire entre le président congolais et les adversaires politiques lingalaphones des Kabila père et fils. En particulier les anciens « mobutistes » et Jean-Pierre Bemba, originaires de la province de l’Équateur (nord-ouest du pays). Vivant dans la suspicion permanente, les deux voisins ont vu leurs rapports se détériorer avec la présence au Congo-Brazzaville du chef tribal Odjani, de la milice Enyele de l’Équateur, arrêté en 2010 à Impfondo (Nord), et, surtout, du général Faustin Munene, accusé d’avoir envoyé un commando à Kinshasa pour assassiner Joseph Kabila et que son voisin de l’autre rive du fleuve a toujours refusé d’extrader. Ces tensions ont diminué depuis quelques mois après les visites de Kabila à Brazzaville et à Oyo, région natale de Sassou Nguesso, mais aussi grâce à celles de ce dernier à Kinshasa. Selon un fonctionnaire du ministère congolais des Affaires

concili

étrangères, « les querelles entre les deux pays sont d’ordre familial et ne peuvent en aucun cas nuire au bon voisinage ». Un avis qu’un diplomate kinois est loindepartager:«Lerapprochementdecesderniers temps a été imposé par les circonstances. C’est du vernis, car ça ne vient pas du cœur. » Il n’empêche, Denis Sassou Nguesso, quand il en a l’occasion, reçoit les leaders de l’opposition de RD Congo, d’Étienne Tshisekedi à Vital Kamerhe, qui le considèrent comme un potentiel médiateur e entre eux et le pouvoir. ation accéléré

2012 Visite 14 -15 novembre à Brazzaville mé ga Ka de Paul sation des pour la redynami rs pays leu tre en s relation Rencontre 24 -2 5 novembre mé à Kigali ga Ka et N DS tre en ite de travail 30 novembre Vis a as sh de DSN à Kin N reçoit 20 janvier 2013 DS azzaville Br à a bil Joseph Ka N reçoit Paul 16 -17 février DS Kagamé à Oyo e de l’accord24 février Signatur ns l’est de la da ix cadre sur la pa ba be -A dis Ad RDC, à it, à Oyo, Paul 24 mars DSN reço bila et Yoweri Ka Kagamé, Joseph agent à ng s’e i qu i, Museven paix de d appliquer l’accor

Brazza-KigaLi, La déTenTe cordiaLe

L

’un des succès de la diplomatie congolaise reste le rapprochement du pays avec le Rwanda. Depuis le début des années 1990 et après le génocide qui a provoqué l’exode de centaines de milliers de Rwandais, Kigali voyait d’un très mauvais œil l’installation sur le sol congolais de ses ressortissants, dont des membres des ex-Forces armées rwandaises. Certains d’entre eux ont même assuré la sécurité du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) pendant les troubles qui ont secoué le Congo au cours de

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

la même décennie. La détente n’est intervenue, progressivement, qu’à partir du début des années 2000 et semble désormais consacrée – la compagnie Rwandair assure ainsi des liaisons plurihebdomadaires entre Kigali et Brazzaville, et le Rwanda considère la capitale congolaise comme un hub pour ses exportations en zone Cemac. Selon un proche du président congolais, le point commun entre Sassou et Kagamé serait leur « nationalisme africain, hostile aux ingérences T.L.M.K. occidentales. » l

éphéMère. En termes de médiation juste-

ment, celle qu’a menée le président congolais entre, d’un côté, la RD Congo et, de l’autre, le Rwandaetl’Ouganda,estlaplussurprenante. Personne ne s’attendait à voir Joseph Kabila, Paul Kagamé et Yoweri Museveni réunis, fin mars, à Oyo autour de leur hôte congolais. D’autant qu’au même moment se poursuivaient à Kampala les pourparlers entre la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) et les représentants de Kinshasa. Avant ce mini-sommet d’Oyo, Sassou Nguesso et Kagamé s’étaient rendu visite. La rencontre entre les quatre chefs d’État a-t-elle servi à quelque chose ? Selon Brazzaville, son utilité saute aux yeux. Un proche de Kabila, qui y a assisté, se montre plus réservé: « Toute initiative de rapprochement est la bienvenue, mais sa portée réelle n’est pas prouvée. Le CongoBrazzaville se trouve trop loin du Nord-Kivu pour bien apprécier la situation. Et il n’a ni fourni de soldats à la brigade d’intervention créée par les Nations unies ni apporté de contribution financière. » Plus généralement, certains observateurs de la diplomatie congolaise relèvent aussi « le caractère parfois éphémère de certaines de ses actions, par manque de ressources humaines capables d’en assurer le suivi une fois la machine lancée, les services de la présidence et ceux des Affaires étrangères étant en outre souvent en concurrence ». Quoi qu’il en soit, les initiatives de Sassou Nguesso sont certainement dictées par une réelle (bonne) volonté de ramener la paix et la stabilité en Afrique centrale. Une volonté qui n’exclut pas non plus que, derrière ces efforts, pointe aussi un désird’hégémonie régionale de lapart du président, au moment où son pays, porté par un taux de croissance enviable (6,4 % en 2013, selon le Fonds monétaire international), commence à montrer des signes encourageants de décollage. Des infrastructures longtemps attendues qui se concrétisent, comme la RN 1 Pointe-Noire-Dolisie-Brazzaville (lire pp. 74-75), l’arrivée de nouveaux opérateurs, sur des projets notamment miniers (lire pp. 84-86), un club de foot local qui remporte une compétition continentale (lire pp. 78-80)… Et si le Congo se réveillait ? l jeune afrique


COMMUNIQUÉ

Le Port Autonome de Pointe-Noire passe la barre du demi-million de conteneurs par an LE PORT AUTONOME DE POINTE NOIRE

1/2 million de conteneurs par an

91,7 %

de croissance en terme de tonnage de marchandises de fin 2008 à fin 2012

DIFCOM - F.C. / PHOTOS : D.R.

Port Autonome de Pointe-Noire

Avenue de Bordeaux B.P. 711 - Pointe-Noire RÉPUBLIQUE DU CONGO Tél : +242 22 294 00 52 Tél : +242 22 294 00 13 E.mail : info@papn-cg.org Site : www.papn-cg.org

Pour conforter sa vocation de transit et de transbordement, le Port Autonome de Pointe-Noire réalise des investissements très importants dans le cadre du PIP. Ce qui lui a permis un accroissement très significatif de son trafic des conteneurs qui a franchi le cap du demimillion de conteneurs après 3 ans et demi de concession soit précisément 509 898 EVP en fin 2012. En effet, grâce au partenariat public – privé via la concession du terminal à conteneurs au groupe BOLLORÉ, en l’espace de 4 années, le trafic global (transbordement, transit et trafic local) des conteneurs est passé de 265 942 EVP (avec un tonnage de marchandises de 3 669 873 tonnes) en fin 2008 à 509 898 EVP en fin 2012 soit une croissance de 91,7 % en terme de tonnage de marchandises. Quant au seul trafic de transbordement, il a été de 196 094 EVP en 2008 contre 249 728 EVP en 2012 soit une croissance de 27,35 %. À compter du 1er mars 2013, les tarifs appliqués par le concessionnaire, conformément au contrat de concession, vont baisser et ce au bénéfice des acteurs économiques.


Le Plus de J.A. Congo Politique

Un consensus et des questions Un large accord a été trouvé sur le report sine die des élections locales. Le temps de réviser les listes, d’instaurer une carte électorale biométrique et, surtout, de remobiliser les électeurs.

l

a controverse entre le gouverMais la lutte n’est pas encore terminée, nement et la frange radicale de modère-t-il : « Nous avons gagné sur le l’opposition est loin d’être termipapier à Dolisie, il faut désormais que née. Elle a même pris de l’ampleur cela devienne effectif. » lorsque le premier a organisé, du 23 au Outre le renouvellement des élus locaux 26 mars, à Dolisie, une concertation poli(quelque 560 conseillers départementaux tique nationale à laquelle ont participé et 860 conseillers municipaux, qui auront quelque 400 représentants des partis polià élire les maires des communes, les prétiques, de la société civile, des confessions sidents des conseils départementaux et, religieuses, ainsi que des diplomates. Les débats ont notamment u Pierre Ngolo, porté sur le report des élections le secrétaire locales et la « méthodologie de général du Parti détermination du corps électocongolais du ral », c’est-à-dire une nouvelle travail (PCT, révision des listes électorales (la au pouvoir). dernière avait eu lieu l’an dernier, avant les législatives) et l’organisation préalable d’un recensement administratif spécial. Un consensus s’est dégagé sur tous les points : la révision du fichier électoral – et, en attendant qu’elle soit effective, le report, sine die, du scrutin local –, la transformation de la Commission nationale d’organisation des élections (Conel) en un organe permanent indépendant doté d’une autonomie administrative et financière, l’établissement de cartes d’électeur biométriques avec photo, ainsi que l’introduction progressive dans la législation de l’usage en tant que grands électeurs, les sénadu bulletin unique. Pour Bonaventure teurs), le principal enjeu de ces prochains Mbaya, de la Convergence citoyenne scrutins et de la modernisation qui va (opposition), il s’agit d’une victoire, donc les précéder sera de remobiliser parce que le pouvoir a accepté de tenir les 2 millions d’électeurs congolais. Les compte de « ces questions essentielles, locales de juin 2008 et les législatives de qui doivent permettre l’organisation juillet-août 2012 ont en effet été marquées d’élections libres et transparentes ». par des taux d’abstention particulièrement

élevés, de plus de 70 % (contre 30,6 % lors de la présidentielle de 2009). De son côté, le Collectif des partis de l’opposition congolaise, qui regroupe treize formations de l’opposition dite radicale, ne s’est pas rendu à Dolisie et a rejeté en bloc les conclusions de la rencontre. Estimant qu’outre les questions relatives au code électoral et à l’organisation des scrutins il était indispensable de débattre des maux qui, selon lui, gangrènent le pays, le collectif continue d’exiger avant toute chose que le président de la République convoque des « états généraux de la nation ». explosion. Un credo auquel refuse d’obéir la majorité présidentielle, qui estime qu’il n’y a pas lieu de le faire et que le pays n’est pas en crise. Selon Pierre Ngolo, le secrétaire général du Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir), « le radicalisme de certains, qui ne reconnaissent rien de ce qui est entrepris, peut conduire le Congoàl’explosion.LesCongolais devraient se détourner de cette voie ». Quant aux accusations de fraude électorale que les détracteurs du parti majoritaire formulent à son encontre, Pierre Ngolo répond que « le PCT gagne là où il le mérite et, là où il doit échouer, il échoue. Malheureusement, il est une opinion forte qui laisse penser qu’il serait un parti fraudeur. Mais le PCT n’a pas peur de la transparence, bien au contraire : il se bat pour la transparence, la bonne gouvernance et la démocratie ». l vincent fournier/J.A.

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Christian tsoUMoU, à Brazzaville

Une MajoritÉ très MarqUÉe Les éLeCTions locales de juin 2008 ont été largement remportées par le Parti congolais du travail (PCT) et ses alliés du Rassemblement de la majorité présidentielle (RMP), qui ont obtenu plus n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

de 80 % des sièges au sein des conseils départementaux et communaux. Lors des législatives de juilletaoût 2012, le PCT et ses alliés ont obtenu 117 sièges

sur 139 à l’Assemblée nationale (dont 89 pour le PCT), seuls 12 ayant été remportés par des indépendants et 7 par le principal parti d’opposition, l’Union

panafricaine pour la démocratie sociale (Upads,

de l’ancien président Pascal Lissouba), qui dispose par ailleurs de 4 sièges sur 72 au sénat. l CÉCile ManCiaUx jeune afrique


INTERVIEW

Mr OSSIE Wilfrid Albert, Directeur général de l’ARC En cette année 2013 l’ARC fête ses 40 ans d’existence. Comment se porte la société ? Mr OSSIE Wilfrid Albert : L’ARC se porte plutôt bien les efforts de renforcement de sa capacité et de sa solidité financière se poursuivent. L’ARC est une compagnie historique et fière de l’être dans le secteur des assurances tant dans la zone CIMA qu’au plan national. Il est cependant important de signaler que ce parcours n’a pas été sans embuche. L’ARC est en passe de sortie d’une phase de restructuration devant définitivement tourner la page d’une longue période de difficulté. Quand vous êtes nommé à la tête de l’ARC croyez vous aux réelles possibilités de la société à redevenir cette grande compagnie qui à longtemps fait la fierté du Congo. Mr O. W. A. : L’ARC a longtemps fait la fierté du Congo à plus d’un titre : • L’ARC a soutenu l’économie nationale ; • L’ARC a pleinement joué son rôle d’investisseur institutionnel à l’échelle nationale et internationale ;

• L’ARC a pleinement participé à la construction du secteur des Assurance en zone CIMA, etc. Aujourd’hui encore nous avons à être fier de la société au regard de son histoire riche et de ses acquis importants suffisamment diversifiés. Nous sommes d’autant plus confiants qu’il n’y aucun doute sur l’avenir prometteur de l’ARC vue le positionnement de leader qui est le sien sur le marché. Comment l’ARC s’est elle adaptée à la concurrence des compagnies d’assurance privées congolaises et étrangères ? Mr O. W. A. : La concurrence constitue un enjeu stratégique à double tranchant. Il faut dire que dans un premier temps la compagnie a eu du mal à faire face à la concurrence au moment où elle était déjà dans une phase de difficultés de gestion. Mais à présent, il est fort heureux de constater que l’ARC joue pleinement son rôle aux côtés des autres compagnies et participe efficacement au renforcement de l’industrie des assurances au Congo.

La solidité de l’ARC entant qu’entreprise d’État, est ce le seul fait de sa clientèle ou de l’implication de l’État ? Mr O. W. A. : Il ne faut pas oublier que l’ARC est une société commerciale qui a comme partenaire de premier rang sa clientèle à qui nous rendons hommage pour sa fidélité et son soutien sans cesse renouvelé. Quant à l’État, oui l’ARC est sa compagnie et à ce titre nous reconnaissons les efforts importants entrepris par le gouvernement pour appuyer le redressement de la société. Quelles sont les perspectives d’avenir de l’ARC ? Mr O. W. A. : Encourageantes et rassurantes, nous avons pour ambition d’améliorer notre service client dans le processus de souscription des contrats d’assurance et même dans le règlement des sinistres. Car la pérennité de l’ARC passe par un service client infaillible dans ce secteur hautement concurrentiel.

Mr OSSIE Wilfrid Albert

Directeur Général de l’ARC

Avenue du Camp - Brazzaville, République du Congo - Tél.: + 242 222 81 16 90 - E-mail : arc@arc-congo.cg - www.arc-congo.cg AGENCE DE BRAZZAVILLE : Avenue Amlicar Cabral - Tél.: + 242 222 81 53 89 AGENCE DE POINTE-NOIRE : n° 129, avenue Fayette Tchitembo - Tél.: + 242 81 40 67


COMMUNIQUÉ

La Congolaise de Banque

En huit ans d’existence, LCB est devenue un des fleurons du secteur bancaire congolais qui compte 10 banques. Elle repose son action sur les axes fondateurs de sa stratégie à savoir : • Développement du réseau commercial, • Elargissement de la gamme de produits, • Ambitieux plan d’investissement.

LCB Avenue Amilcar Cabral B.P : 2889 Brazzaville République du Congo www.lacongolaisedebanque.com

Nouveau siège régional de Pointe-Noire.

Premier réseau bancaire du Congo-Brazzaville

LCB poursuit sa politique de rapprochement de ses points de vente de sa clientèle. Avec 18 agences opérationnelles, LCB dispose désormais du premier réseau bancaire national et compte le développer davantage. En renforçants la proximité géographique, LCB peut à la fois développer des relations privilégiées avec sa clientèle et répondre de façon appropriée à leurs attentes. Cet investissement est un gage de croissance à moyen et long terme.

Vision d’investissement pérenne

LCB a lancé la réalisation d’un ambitieux plan d’investissement visant l’amélioration des conditions d’accueil et de service de sa clientèle, faisant ainsi dans un premier temps de son siège régional de PointeNoire, un cadre complètement rénové et moderne. Son ambition est de donner à son espace de travail une image conforme aux performances actuelles de la banque, porteuse elle-même d’une nouvelle identité.

Importante gamme de produits

LCB étoffe continuellement son offre de produits (monétiques, Crédits, Assurances,etc.). Ainsi, LCB s’apprête à compléter la gamme existante de ses produits avec la commercialisation imminente de la carte visa international, qui permettra de répondre à une attente particulière de sa clientèle.

LCB projette aussi de lancer prochainement une offre sous forme de package, associant plusieurs produits, afin de continuellement améliorer la satisfaction de sa clientèle.

Résultats en constante croissance

L’action conjuguée de ces initiatives a donné des résultats forts encourageants. L’encours des dépôts de la clientèle s’établit à 257 Milliards F CFA au 31 décembre 2012 contre 230,7 Milliards F CFA au 31 décembre 2011, soit une progression de 11 %. La progression du total de crédits accordés a été de 22,6% par rapport celle atteinte à fin décembre 2011. L’encours global crédits de la banque est de 135,6 Milliards F CFA contre 110,5 Milliards F CFA au 31 Décembre 2011. Le résultat net au 31 Décembre 2012 est arrêté à F CFA 7 012 millions, en augmentation de16 % par rapport à 2011 et le PNB de 19 675 millions de FCFA, en hausse de 16 % également. Ces performances s’expliquent par une conjonction de facteurs, (connaissance du marché, savoir-faire du capital humain, stratégie …) associée à la confiance renouvelée de la clientèle. LCB fait de l’écoute de sa clientèle et de sa réactivité un leitmotiv de son action commerciale.

DIFCOM - F.C. / PHOTOS : D.R.

F

iliale du groupe BMCE Bank, La Congolaise de Banque est une banque congolaise créée en 2004, au capital de 10 milliards de F CFA dont le siège est situé à Brazzaville, Avenue Amilcar CABRAL au centre-ville.


Le Plus de J.A. Congo

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Sont-ils misogynes ?

RepRésentativité

Ce sont eux en tout cas qui investissent les candidats. Quand nous rappelons aux leaders des partis que, selon la loi électorale, chaque liste doit comporter au moins 15 % de femmes pour les législatives et 20 % pour les locales, ils donnent la même réponse : « On ne les voit pas. » Ou encore : « Les femmes ne s’intéressent pas à la politique. » Mais que proposent-ils aux femmes pour qu’elles les rejoignent ?

Émilienne raoul « les hommes occupent toute la scène politique » Misogynie, manque de volonté des autorités, démotivation des militantes… la ministre des Affaires sociales explique pourquoi il y a si peu de candidates. Et comment y remédier.

Jeune Afrique : Comment le Centre de promotion de la femme en politique (CPfP), que vous présidez, s’est-il constitué ? et quelle est sa vocation ? Émilienne rAoul: Nous avons créé le

CPFP en 2002, mais avons eu beaucoup de mal à le faire reconnaître par le ministère de l’Intérieur en tant qu’association apolitique à cause, justement, du mot « politique » contenu dans sonnom.Nouspoursuivons trois objectifs: préparer les femmes à être candidates aux élections législatives et locales, tous les cinq ans ; renforcer les capacités de toutes les femmes occupant des postes à responsabilités en politique, dans l’administration et dans la société civile ; enfin, préparer les jeunes filles à la relève de la classe politique féminine actuelle.

jeune afrique

Dans ces conditions, de votre côté, que leur proposez-vous ?

Comment assurer la relève de ce qui est quasi inexistant ?

Les partis doivent mettre en place des stratégies pour intéresser les femmes, les retenir et les promouvoir. Elles ne sont pas destinées à être éternellement de simples membres, ou, au mieux, des trésorières ou des chargées des affaires sociales ! Elles aimeraient bien, elles aussi, siéger à

C’est vrai, nous avons très peu de femmes en politique. Pourtant, le Congo est signataire de conventions internationales selon lesquelles 30 % de femmes au moins doivent occuper des postes à responsabilités… Quand on est ministre,

Si nous voulons nous lancer dans l’arène, nous devons nous montrer fortes. il s’agit d’une nomination. Et dans l’administration ou les entreprises, on nomme des responsables sans tenir compte des sexes. En politique, c’est une autre affaire. Et c’est justement sur le plan électif que notre association focalise son effort de sensibilisation des femmes, afin qu’elles se portent candidates. Si nous voulons faire de la politique, nous devrons être fortes. Ce n’est pas facile, car, au Congo comme dans d’autres pays, les hommesoccupenttoute la scène politique et, malheureusement, tout dépend du b o n vou l o i r des chefs des partis.

l’Assemblée nationale ou dans les conseils locaux. Mais nous n’avons actuellement que 13 femmes, sur 139 députés, dans l’hémicycle… Beaucoup choisissent de militer dans tel ou tel parti, mais finissent toujours par en partir, déçues, parce que personne ne tient compte de leur présence. Pourquoi ne se présenteraient-elles pas en indépendantes ?

J’ai débuté comme indépendante et j’ai été élue. Mais ce statut n’assure aucun avenir en politique. elles pourraient créer un parti féminin…

La loi l’interdit.

quels changements espérez-vous lors des prochaines élections locales ? Baudouin Mouanda pour J.a.

m

embre du Conseil national de transition de 1998 à 2002 et veuve de l’ancien président Alfred Raoul – décédé en 1999 –, Émilienne Raoul, ex-professeure de géographie à l’université Marien-Ngouabi, s’est lancée dans la politique en 2002. Candidate indépendante aux élections législatives, élue députée à Mfilou, 7e arrondissement de Brazzaville, elle est nommée ministre la même année et est, depuis, de tous les gouvernements. À 68 ans, toujours indépendante, la ministre des Affaires sociales, de l’Action humanitaire et de la Solidarité poursuit, parallèlement à sa mission au sein de l’exécutif, son combat pour l’émergence d’une classe politique féminine.

La législation congolaise prévoit qu’il y ait 20 % de femmes sur les listes pour ces scrutins. Nous allons en demander la modification pour que le pourcentage passe à 30 %. Et nous nous battrons pour que ceux qui ne respectent pas la loi électorale soient sanctionnés par la non-validation des listes sur lesquelles ce minimum de 30 % ne sera pas atteint. L’alternance hommes-femmes doit être respectée sur ces mêmes listes. l Propos recueillis par TShiTenge lubAbu m.K. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale à bord de la flotte d’Ecair pour un voyage d’exception

E

n transit à Brazzaville pour Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, le président du Groupe de la Banque mondiale (BM), Jim Yong Kim est arrivé mercredi 22 mai 2013 à l’aéroport de Maya Maya à 05 : 55. Dr. Jim Yong Kim a quitté Paris à bord du LC 012, un vol direct effectué de nuit avec le « Fleuve Congo », un Boeing 757 de la

flotte d’ECAir. À l’atterrissage, Mme Fatima Beyina-Moussa, Directrice Générale de la Compagnie

Equatorial Congo Airlines a accueilli ce dernier dès sa descente de l’avion pour l’escorter auprès de Mr Gilbert Ondongo, ministre des Finances qui l’attendait avant une conférence de presse avec

les médias locaux. Dr. Jim Yong Kim qui a voyagé confortablement installé dans la classe affaires a exprimé sa satisfaction, en plus des services à bord qu’il a jugés comme étant impeccable, il a souligné le professionnalisme du personnel navigant. Il a conclu en disant que le voyage à bord de l’l’avio ion Fleuve Fl Congo d’ECAir d’E ’ECA CAir ir est une expér érie ience positive posi siti tive et l’un l’ des des vols vol ol les plus agréables qu’il a l’avion Congo expérience l’o ’occasio ion de prendre. prend ndre. Dr Jim Jim Yong Yong Kim Ki a tout tout particulièrement parti ticulilièr èrementt félicité félilici fé ci l’équipage du LC 012. eu l’occasion

DE GAUCHE À DROITE :

Mr Gilbert Ondongo Ministre d’État, Dr Jim Yong Kim président du Groupe de la Banque Mondiale, Fatima Béyina- Moussa directrice générale d’ECAir, Mr Jin-Yong Cai vice-président exécutif et directeur général de la Société Financière Internationale (SFI).

1004, avenue des Trois Martyrs, Batignolles - Brazzaville, République du Congo, Tél.: +242 06 508 2 440



Le Plus de J.A. Congo mise en service du tronçon, les autorités congolaises avaient annoncé qu’elles allaient confier la gestion des deux postes de péage – l’un à Pointe-Noire, l’autre à Dolisie – à une société privée. Depuis l’ouverture de la nationale qui la relie à Pointe-Noire, Apparemment, ce n’est pas encore le cas. la troisième ville du pays retrouve peu à peu son dynamisme Il était aussi prévu d’installer quelques et multiplie les projets. Elle attire même les touristes. stations-service le long de la route. Aucune n’a encore été construite. Pas nauguré fin décembre 2011, le tronde bretelles, non plus, pour accéder aux À la sortie de Pointe-Noire, avant de çon de la route nationale 1 qui relie s’engager sur la RN 1, surgissent un marlocalités situées le long du parcours. Pointe-Noire (Ponton) à Dolisie (Dol) ché coloré et très animé ainsi qu’une C’est dimanche. Le trafic est donc fluide facilite la circulation des personnes horde de véhicules, essentiellement et particulièrement calme. Les quelques et des marchandises, parallèlement à la des minibus et des taxis, garés de façon automobilistes présents se montrent pruligne du célèbre Chemin de fer Congoanarchique. Des « rabatteurs » donnent dents, pour ne pas se laisser surprendre de la voix pour attirer des passagers Océan (CFCO), jusqu’alors seule liaison par la configuration souvent sinueuse à destination de Dol ou des localités terrestre entre la capitale économique du de la route, taillée dans le massif du avoisinantes. L’un des taxis embarque Mayombe. Ici et là, sur les bas-côtés, des pays (1 million d’habitants) et le chef-lieu quatre personnes à l’arrière, deux à côté véhicules emboutis, parfois couchés sur du Niari (100000 habitants). Deux heures du chauffeur. Chacun paie 7 000 F CFA et demie de route suffisent désormais le dos, témoignent des nombreux carampour parcourir les 160 km qui les séparent. bolages causés par les chauffards, Une aubaine pour les nombreux usagers même si, à en croire le maire de Dol, avec sa terre rouge, sa et pour l’ensemble de la population de Pointe-Noire, « les accidents les la région, dont le quotidien s’en ressent. plus mortels, c’était au début ». verdure, son lac Bleu, devient « Dolisie nous approvisionne désormais Ponctuant également le paysage, la destination du week-end. tous les jours en produits vivriers, ce qui ne nombre de bidons sont alignés sur peut que contribuer à la baisse des prix. Et le bord de la route. « Ce sont ceux (10,70 euros), sans oublier un supplément des villageois. Ils vendent du carburant nous avons remarqué que les agriculteurs de contrebande, question de survie », sont de plus en plus actifs. Cette dynapour les bagages. Si un voyageur veut explique le chauffeur. mique conduira certainement à un recul louer seul une voiture, il devra débourser de l’exode rural, à condition toutefois qu’il 60 000 F CFA. Deux sociétés de transport y ait un accompagnement du ministère (Trans Route Congo, créée en 2011 et ciTÉ OUVRiÈRE. À 14h30, deux heures et demie très exactement après avoir quitté de l’Agriculture », commente le maire basée à Dolisie ; Ponton-Dol, basée à Pointe-Noire), avec huit bus à elles deux, Pointe-Noire, voici Dolisie. À l’entrée de Pointe-Noire, Roland Bouiti-Viaudo. assurent également la liaison entre les de la ville, un péage. Et toujours rien à Son homologue dolisien, Paul Adam Dibouilou, confirme : « Nous sommes deux villes. Tarif: 7000 F CFA par passager. débourser. Le policier, assis dans une cabine, se contente ici aussi d’ouvrir devenus le grenier de Pointe-Noire, d’où En quittant la cité océane pour la nous rapportons des produits manufactula barrière. nationale, passage obligé par un poste rés, de la quincaillerie, de la farine, etc. » La ville a beaucoup profité de la RN 1. de péage. Les automobilistes s’arrêtent Carrefour industriel jadis florissant, elle devant… et les policiers qui y sont affecOccasiOn. Ce dimanche matin, le tés se contentent d’actionner la barrière a connu des périodes de crise dans les départ de Pointe-Noire vers Dolisie était automatique : le passage est libre, perannées 1990, avec notamment la ferfixé à 10 heures. Pourtant, le chauffeur, meture de la Société congolaise de bois sonne ne paie rien. Pourtant, lors de la joint plusieurs fois par téléphone, ne q Le marché central, inauguré en 2011. donne plus signe de vie. Ses confrères, appelés à la rescousse, répondent l’un après l’autre qu’ils ne travaillent pas « le jour du Seigneur »… à moins que l’on ne loue leur véhicule pour l’aller et le retour – ce qui est abusif car ils n’auraient aucun mal à trouver des passagers pour le retour, les Congolais cherchant « une occasion » (c’est-à-dire un moyen de transport) de Dolisie à Pointe-Noire étant légion. Il est midi quand le portable sonne. Le chauffeur se dit prêt à venir, arguant pour justifier son grand retard que son mobile était déchargé et jurant la main sur le cœur que nous serons à Dolisie vers 14 heures. Carnet de route

Escale à Dolisie

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jeune afrique

Baudoin Mouanda pour J.a.

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dGGT

75

p Une partie de la RN1 a dû être taillée dans le massif du Mayombe.

Sibiti

Océan Atlantique

Kouilou

Dolisie

Pool

Madingou Kinkala

PointeNoire N1 déjà réalisée

100 km N1 en construction

(Socobois), qui a mis la moitié de sa population au chômage. Aujourd’hui, la ville prend un nouveau départ, s’équipe, se modernise et recommence à faire des projets. Et ils sont nombreux. « Une cimenterie doit démarrer ses activités d’ici à la fin du mois [de mai] et des usines abandonnées depuis des années, comme celle de la Fonderie du Congo, vont redémarrer leurs activités dans les trois prochains mois, souligne Paul Adam Dibouilou. La Société nouvelle des fers du Congo va aussi construire, entre autres, dans le cadre de ses engagements en faveur de la ville, une cité ouvrière et un lycée technique. Par ailleurs, le Conseil congolais des chargeurs a identifié un site où les propriétaires de tous les conteneurs routés sur Dolisie par rail et par route devront payer les taxes. Enfin, un autre projet important pour les Dolisiens : la construction de 5 000 logements, qui seront réalisés par une société équato-guinéenne. » La fréquentation des hôtels n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était il y a jeune afrique

BRAZZAVILLE

Voie ferrée

La Rn 1 en chiffres  Distance 545 km de Pointe-Noire à Brazzaville  Tronçon Pointe-Noire - Dolisie 160 km, livrés en décembre 2011  Tronçon Dolisie-Brazzaville 385 km, livraison prévue en décembre 2014  Coût global estimé 900 milliards de F CFA (1,4 milliard d’euros)  Maître d’œuvre Délégation générale des grands travaux (DGGT) du Congo  Constructeur China State Construction and Equipment Corporation (CSCEC)

encore deux ans. « Grâce à la route, nous faisons de bonnes affaires, se réjouit Amédée Kakou, le directeur du Grand Hôtel. Énormément de clients viennent de Pointe-Noire. Ce sont soit des familles, qui viennent passer quelques jours, soit des gens de Ponton ou même de

Brazzaville arrivés pour affaires, pour des colloques ou simplement pour se reposer. Ou encore pour assister aux matchs internationaux de l’AC Léopards (lire pp. 78-80), surtout depuis que l’équipe a la cote. Les Congolais comme les expatriés sont attirés par notre ville. » Celle-ci devient en effet la nouvelle destination de week-end des Ponténégrins, qui découvrent ou redécouvrent Dol, sa terre rouge, sa verdure, son lac Bleu et l’air pur des monts environnants, ses restaurants, la centaine de boutiques et le millier d’étals de son nouveau marché central… Ouvert en 2011, ce dernier fait partie des équipements réalisés dans le cadre de la « municipalisation accélérée » engagée par l’État dans les chefs-lieux du pays. La gare routière et l’aéroport Ngot-Nzoungou ont été modernisés, les réseaux d’eau et d’électricité réhabilités et densifiés. Ici, sauf rarissimes incidents et contrairement aux grandes villes que sont Brazzaville et Pointe-Noire, l’eau potable et l’électricité sont disponibles en permanence. L’envol que prend la ville devrait se confirmer, et son développement s’accélérer avec l’ouverture, l’an prochain, du tronçon de la RN1 entre Dolisie et Brazzaville. Comme le fait remarquer le maire de Pointe-Noire, « les gros camions n’ont pas attendu la fin des travaux pour l’emprunter » : ils commencent déjà à rallier la capitale à la ville côtière, en ne manquant pas de faire escale à Dolisie. l TshiTenge Lubabu M.K. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Brazzaville, une ville-symbole à vocation plurielle au cœur de lʼAfrique

Hugues Ngouélondélé, Député-Maire de Brazzaville, Vice-Président CGLU Afrique centrale et Vice-Président de lʼAssociation Internationale des Maires Francophones (AIMF).

Brazzaville, ville-capitale de la République du Congo connaît depuis lʼentame du 21e siècle une suite très soutenue dʼinitiatives et dʼactions à travers le périmètre urbain, toutes portées vers la rénovation de notre ville centenaire. Cité cosmopolite et terre dʼaccueil, dont lʼhospitalité et la convivialité légendaires des habitants se perpétuent depuis les temps immémoriaux, grâce aux liens osmotiques intergénérationnels. Brazzaville, depuis sa fondation, est une ville-symbole à vocation plurielle au cœur de lʼAfrique centrale, ville historique et culturelle qui assume désormais pleinement son rôle dʼantan, celui de carrefour de grandes rencontres internationales,

sur le questionnement des problématiques régionales ainsi que celles qui concernent plus généralement le précieux oekoumène de notre village planétaire. Aujourdʼhui, notre ville sʼaffirme de plus en plus comme un pôle fédérateur multifonctionnel de lʼémergence dans la région Afrique centrale. Avec la montée en puissance des opportunités économiques nouvelles au Congo dʼune part, et à travers lʼespace économique des pays de la Communauté Économique et Monétaire de lʼAfrique Centrale (CEMAC) et de la Communauté Économique des

Février 2013, la huitième session du Comité exécutif CGLUA (Cités et Gouvernements Locaux Unis dʼAfrique ) sʼest déroulée à Brazzaville

Mairie de Brazzaville

en présence du présid président Denis Sassou NʼGuesso.

PUBLI-INFORMATION

A ACTION SOCIALE ET SANITAIRE

Maquette de la nouvelle morgue.

Clinique municipale.

Hugues Ngouélondélé, Député-Maire de Brazzaville posant la première pierre pour la construction de la future morgue municipale.


Matériel dʼentretien des espaces verts.

Camion vidangeur.

Matériel de nettoyage des chaussées.

CONSTRUCTION - ENTRETIEN - EMBELLISSEMENT États de lʼAfrique Centrale (CEEAC) dʼautre part, la ville de Brazzaville est appelée à tenir aujourdʼhui et demain, un rôle incontournable du fait de sa position géostratégique idéale, dans la quête continentale de la construction de grands ensembles économiques, ferment de lʼédification du NEPAD. À cet égard, la volonté du Gouvernement congolais de restituer à notre pays, sa vocation naturelle dʼautrefois, celle de pays de transit, cristallise cette ambition pour Brazzaville, villecapitale de la République du Congo. Pour se hisser à la hauteur des enjeux de la modernité et de lʼémergence de notre pays dans le concert des nations, notre Gouvernement poursuit depuis des années, la mise en œuvre du projet programmatique : « Le Chemin dʼAvenir », initié par Son Excellence, le Président Denis Sassou NʼGuesso, dans sa déclinaison relative à la transformation qualitative des villes du Congo. Dans cette optique, Brazzaville est devenue un vaste chantier. Le Gouvernement de la République sʼ est engagé dans un vaste processus dʼaménagement de lʼespace public, et de construction

de chaussées neuves, de logements sociaux, ainsi que des édifices administratifs en conformité avec les normes prévalant dans les villes modernes.

Technicien de surface.

En synergie avec lʼaction gouvernementale, le Conseil municipal de notre Commune a inscrit la problématique de lʼassainissement et de la salubrité, comme axe prioritaire dans son plan dʼaction visant lʼamélioration du cadre général de vie de nos concitoyens. Pour relever ces défis, la Mairie de Brazzaville avec lʼappui de lʼÉtat, sʼest lancée dans un programme pluriannuel dʼacquisition dʼengins de travaux publics et autres outils adéquats, qui opèrent sur le théâtre de divers chantiers à travers notre agglomération. Par ailleurs, dans le cadre de la politique dʼembellissement de la ville, notre municipalité sʼest engagée depuis plusieurs années dans un programme dʼimplantation et de renouvellement dʼun parc mobilier polymorphe, à travers les avenues, ronds-points et autres jardins publics de la ville-capitale de la République du Congo. ■

Matériel dʼassainissement.

Camions-bennes.

Construction des tours jumelles (maquette).

Meeting international dʼathlétisme de Brazzaville.

Jet dʼeau de lʼaéroport.

Dossier réalisé par la Direction de la Communication de la Mairie de Brazzaville


Le Plus de J.A. Congo Football

Attention, les Fauves sont lâchés Le département du Niari et le Congo tout entier ont les yeux rivés sur les performances de l’AC Léopards, vainqueur de la Coupe de la Confédération fin 2012.

d

imanche 7 avril. Sous un soleil clément, Dolisie, le chef-lieu du Niari, est en pleine effervescence. Parée de vert et de blanc – les couleurs de l’équipe locale, l’Athletic Club Léopards –, la ville, toutes générations confondues, a rendez-vous au stade Denis Sassou Nguesso. La foule qui se dirige vers l’arène sportive charrie aussi en son sein nombre de supporteurs venus d’ailleurs : de Pointe-Noire, de Brazzaville, de Sibiti, de Mvouti, de Nkayi, et même de Kinshasa. Raison de cette affluence : le match retour des seizièmes de finale de la Ligue des champions de la Confédération africaine de football (CAF) 2013, entre les Fauves du Niari (surnom des Léopards de Dolisie) et les Kano Pillars du Nigeria. À l’aller, les Nigérians s’étaient imposés facilement : 4-1. Pour espérer continuer à rêver et faire rêver, le club dolisien doit marquer trois buts sans en encaisser un. Une gageure.

mettre le troisième durant la deuxième, sur penalty. » En réalité, c’est en seconde période que le club dolisien marque un deuxième but. Sur penalty. Le troisième, celui de la qualification pour le tour suivant, intervient dans les arrêts de jeu. Alors que certains spectateurs, n’y croyant plus, avaient déjà commencé à quitter le stade, Dolisie tout entier explose de joie. L’AC Léopards n’est pas un jeune club. Sexagénaire, c’est même l’un des plus anciens du Congo. Après être tombé dans les oubliettes, il vit depuis 2009 la période la plus glorieuse de son histoire. À l’origine de cette fulgurante renaissance,

un homme : Rémy Ayayos Ikounga, colonel de l’armée congolaise (lire portrait p. 80). « Après de nombreuses visites à Dolisie, où je suis né et où vit ma mère, institutrice à la retraite, j’ai décidé de faire quelque chose, il y a déjà bientôt cinq ans, raconte-t-il. Après la guerre de 1997, la ville était triste. Les gens se sentaient orphelins dans ce fief de l’ancien président Pascal Lissouba. Personne ne voulait plus rien faire, et la jeunesse n’avait plus de repères. Il n’y avait aucun centre d’intérêt susceptible de faire bouger les gens dans un sens ou dans un autre. » En 2006, lorsque la « municipalisation accélérée » (le programme engagé par

ET 3-0 ! Entièrement rénové en 2008 – et

doté, tout de même, de 3 000 sièges, de 5 tribunes et d’un terrain aux normes olympiques –, le petit stade municipal est bondé. Et l’ambiance festive. Des jeunes au corps peinturluré de vert et de blanc se déhanchent. Des chants montent des tribunes, répondant aux sirènes traînantes des vuvuzelas et aux rythmes des airs populaires sortant des haut-parleurs poussés à fond. Dans le brouhaha ambiant, une petite fanfare redouble de maestria. Dolisie croit au miracle et en son équipe, comme on peut le lire sur l’une des innombrables banderoles visibles dans les gradins : « Avec les Fauves rien n’est impossible. » Pourtant, à la mi-temps, l’AC Léopards n’a marqué qu’une fois. Et même si le compteur des Nigérians reste à zéro, l’inquiétude s’installe. Dans la tribune officielle (où les spectateurs sont assis sur des chaises de jardin), un homme confie à un voisin : « On a pourtant donné des consignes précises aux joueurs : ils devaient marquer deux buts en première période et n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Caf

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jeune afrique


l’âge de sagesse l’État pour moderniser, les uns après les autres, les départements du pays) est lancée à Dolisie, Rémy Ayayos Ikounga y achète une maison – où il vient désormais passer presque tous les week-ends (il vit et travaille à Brazzaville). Phénomène. En 2009, quelques jeunes

joueront une coupe continentale dans les cinq ans. « On m’a trouvé trop optimiste, à la limite naïf, se souvient le colonel. Moi, j’étais persuadé que nous pouvions aller très vite. Très jeune, je dirigeais déjà des équipes de minimes et de cadets en organisant des championnats. Je m’occupais aussi de vieilles gloires et soutenais financièrement beaucoup de joueurs à travers le pays. »

viennent voir le colonel pour lui parler de l’AC Léopards, alors à l’agonie. Les anciens responsables du club et les sages de la ville, convaincus qu’il Pour le moment, le budget peut prendre l’équipe en main, le du club se limite à la poche sollicitent à leur tour pour qu’il accepte la présidence du club. de son président. Ayayos Ikounga hésite, d’autant plus qu’il aide déjà, à Brazzaville, l’Étoile Stratégie du nouveau président : rasdu Congo, autre équipe mythique. « Ceux sembler tous les joueurs qu’il avait aidés qui sont venus me voir cherchaient unipar le passé, en recruter à Pointe-Noire, quement la survie de l’AC Léopards, sans à Brazzaville, à Kinshasa. Ces derniers autre ambition, mais j’étais confronté acceptent de s’installer à Dolisie, où ils à un choix cornélien », explique-t-il. sont logés par l’équipe. Dès la première Finalement, lors d’une assemblée généannée, en 2009, l’AC Léopards remporte rale, il dit oui et promet que les Fauves contre toute attente la Coupe du l l l

dans la Cour des grands

l’

année 2012 a été exceptionnelle pour l’AC Léopards, qui a remporté son championnat national et qui, surtout, a été sacré champion de la Coupe de la confédération 2012, le 25 novembre. C’est la première finale continentale et le premier titre africain de l’AC (doté de 660000 dollars – 514000 euros – pour le club et de 35000 dollars pour sa fédération), qui a permis aux Léopards de disputer la Supercoupe de la CAF 2013 et d’affronter, le 23 février, le vainqueur de la Ligue des champions de la CAF, le club égyptien d’Al-Ahly, contre lequel ils ont perdu, mais sans avoir à rougir (1-2). Qualifiés le 7 avril en seizièmes de finale de la Ligue des champions de la CAF 2013, les Léopards ont sorti les Algériens de l’ES sétifienne aux tirs au but (après une égalité parfaite sur les matchs aller et retour) le 4 mai. Ils sont désormais qualifiés pour la phase de poules de la compétition. Mais le tirage au sort du 14 mai les a placés dans un groupe difficile, le A. Ils devront en effet affronter les Orlando Pirates d’Afrique du Sud (20 juillet-14 septembre), ainsi que les clubs égyptiens d’Al-Ahly (17-31 août) et Zamalek (2 août20 septembre). l CéCile manCiaux

p 25 novembre 2012 : le club dolisien remporte son premier titre africain contre les Maliens du Djoliba. jeune afrique

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Le Plus de J.A. Congo l l l Congo et se classe deuxième du championnat national, un seul petit but le séparant du leader. Après une finale non jouée en 2010, les hommes d’Ayayos Ikounga remportent à nouveau la coupe nationale, en 2011, et se retrouvent en Coupe de la confédération. À Dolisie, comme dans le reste du Congo, la surprise laisse place à l’enthousiasme. La consécration arrive le 25 novembre 2012: les Fauves gagnent la Coupe de la confédération en remportant la finale contre

les Maliens du Djoliba AC. Depuis, ils enchaînent les performances (lire encadré p. 79). Ce succès n’est en rien dû au hasard. Rémy Ayayos Ikounga a renforcé l’équipe en allant recruter d’excellents éléments en RD Congo et au Cameroun, en rapatriant de Guinée équatoriale un entraîneur congolais, Benoît Kokolo – auquel a succédé, en novembre 2011, le Camerounais Joseph Marius Omog. Les joueurs ont des comptes bancaires,

sur lesquels sont virés leurs salaires et primes, ils disposent d’un bus pour leurs déplacements. De quoi se libérer de tout complexe d’infériorité par rapport aux grands clubs du continent. Par ailleurs, les victoires du TP Mazembe, le club de Lubumbashi (RD Congo), ont beaucoup aidé psychologiquement l’AC Léopards. Lorsqu’on lui pose une question sur le budget du club, Rémy Ayayos Ikounga répond avec une pointe de malice : « Chez nous, ce budget se limite à la poche du président, c’est-à-dire la mienne. » Avant d’ajouter : « C’est dommage, parce que je ne serai pas éternellement à la tête de l’AC Léopards. J’aimerais bien laisser un patrimoine à cette équipe, une bonne organisation, des acquis solides. Il n’est donc pas normal que ses moyens se limitent à ma poche. Beaucoup de formations disparaissent à cause de cela. »

réMy ayayos iKounga, officier eT Mécène

l

e président de l’AC Léopards, Rémy Ayayos Ikounga, est né à Dolisie en 1969. À l’âge de 11 ans, il entre à l’École militaire préparatoire des enfants de troupe Général-Leclerc, à Brazzaville. Après son baccalauréat, il part étudier à l’École d’application du service de santé des armées, aujourd’hui École du Val-de-Grâce, à Paris. À son retour au Congo, Rémy Ayayos Ikounga est nommé gestionnaire de l’hôpital militaire de Brazzaville, puis directeur de cabinet du chef du service des frontières de l’armée. Il est actuellement directeur de cabinet du domaine présidentiel, dirigé par Edgar Nguesso, le neveu du chef de l’État. Bon vivant, le colonel Ayayos Ikounga est sportif, s’adonne à la lecture ainsi qu’à la prière. Il se dit « fondamentalement optimiste, avec des qualités de meneur d’hommes ». Pourtant, quand son équipe gagne, sa joie ne dure pas plus de dix minutes après le match, dit-il. Il ne peut s’empêcher de penser sans cesse à ses responsabilités et à ce qui pourrait arriver s’il ne

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aura. En attendant, les succès du club

baudouin Mouanda pour j.a.

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parvenait pas à accomplir les tâches qui lui incombent en tant que président de l’AC Léopards. S’il a les moyens d’être à la fois un véritable mécène et un stratège pour le club, c’est d’abord parce qu’en tant qu’officier il est « privilégié, sans être riche ». Ensuite, il a noué « de solides relations » avec nombre de personnalités des milieux politique, économique et de la société civile,

notamment la famille Sassou Nguesso. « Je suis entré à l’École des cadets le même jour qu’Edgar Nguesso. Nous étions dans la même chambre à l’internat et sommes restés ensemble jusqu’au baccalauréat. Notre amitié est vieille de trente-trois ans. D’autres personnes qui m’aiment me soutiennent également… Et j’aimerais qu’il y en ait davantage. » l T.L.M.K.

dolisien étonnent au point que certains supporteurs n’hésitent pas à affirmer qu’« Ayayos a quelque chose », sousentendu : il a des pouvoirs surnaturels. L’intéressé éclate de rire, puis revient sur les raisons du succès : « Une aura métaphysique plane au-dessus de l’équipe mais, pour moi, la réussite vient avant tout du travail abattu. Les joueurs que je recrute coûtent cher, et je choisis les meilleurs. » Ce qui ne l’empêche pas de s’avouer étonné de recevoir régulièrement des coups de fil de gens qui lui prédisent l’issue du match, le nombre de buts… et que, souvent, ces prédictions se réalisent. « Quand je quitterai le monde du football, je prendrai le temps qu’il faut pour comprendre ce genre de phénomène. En attendant, je crois aux mânes des ancêtres. Avant chaque match, je vais me recueillir sur les tombes de mes grandsparents à Sibiti, à deux heures de route de Dolisie. Je suis convaincu qu’ils veillent sur moi. Je consulte aussi les sages du Niari. Mais je n’ai pas de recette miraculeuse. » Au-delà de son aspect purement sportif et, éventuellement, métaphysique, le phénomène AC Léopards a une dimension géopolitique. Le club est devenu un élément rassembleur, un motif de fierté pour les habitants des départements du Niari, de la Bouenza et de la Lékoumou (40 % de la population congolaise), à l’ouest de Brazzaville. Et, bien entendu, à Dolisie, le colonel Ayayos Ikounga est désormais roi. l TshiTenge Lubabu M.K. jeune afrique


Bolloré Africa Logistics, 1er opérateur portuaire et logistique au Congo

Congo Terminal, terminal à conteneurs en eau profonde porté aux standards internationaux, Expert en logistique de projets industriels, Bolloré Africa Logistics au Congo propose des solutions globales et sur mesure pour le compte de groupes internationaux des secteurs clés: Mining, Oil & Gas, Telecom, FMCG. BolloréAfrica Logistics, 1er réseau de logistique intégrée enAfrique avec des solutions logistiques multimodales Bolloré Africa Logistics Congo : Avenue de Loango BP 616 Pointe-Noire - République du Congo - Tél.: (242) 05 775 08 29 Congo Terminal : terminal à conteneurs BP 855 Pointe-Noire - République du Congo - Tél.: (242) 05 775 00 00 www.bollore-africa-logistics.com / www.congo-terminal.net


Total E&P Congo, un partenaire majeur dans le paysage économique congolais Total E&P Congo, filiale du groupe Total a produit 165 000 bbl/j en 2012, soit 60 % de la production nationale. Premier investisseur, employeur privé et opérateur pétrolier au Congo, la filiale assure son rôle de partenaire majeur dans le paysage économique congolais. représente un investissement d’ensemble de l’ordre de 10 milliards de dollars. La décision finale d’investissement de Moho Nord, prise le 22 mars dernier, permet à la filiale de lancer l’attribution des principaux contrats de construction. « Notre challenge est dorénavant de veiller au respect des délais de réalisation des installations pour assurer les mises en production de la phase 1bis en 2015 et de Moho Nord en 2016 » précise Babak Bagherzadeh, le directeur général de Total E&P Congo. La production conjointe de ces deux développements devrait atteindre140 000 barils équivalents pétrole par jour en 2017.

DIFCOM - F.C. PHOTOS : © VALLONI SITA

PUBLI-INFORMATIONS

Mrs. André Raphaël Loemba, Ministre des Hydrocarbures de la République du Congo et Babak Bagherzadeh, directeur général de Total E&P Congo, lors de la signature de la Décision Finale d’Investissement de Moho Nord, le 22 mars dernier à Brazzaville.

L

es activités de Total au Congo ont démarré en 1968 et ont conduit rapidement à la première découverte dans l’offshore conventionnel du champ d’Émeraude, mis en production en 1972. Créée dès 1969, la filiale a depuis construit et mis en production de multiples sites dans l’offshore conventionnel. La découverte en1998 de Moho-Bilondo par 700 mètres de profondeur d’eau a mis en évidence le premier gisement de l’offshore profond congolais. La mise en production de Moho Bilondo en avril 2008 a ainsi marqué un tournant dans l’histoire pétrolière du Congo. Tout en maintenant sa présence dans l’offshore conventionnel, Total E&P Congo s’oriente vers les perspectives prometteuses des très grands fonds, avec notamment, le projet de développement de Moho Nord, le défi majeur de Total E&P Congo. En effet, ce projet est à ce jour le plus grand jamais réalisé au Congo. Constitué de deux développements, Moho Phase 1 bis et Moho-Nord, situés à environ 75 km de Pointe-Noire, par des profondeurs d’eau de 450 à 1 200 mètres, il

Ce projet, bénéficiant de technologies innovantes jamais mises en œuvre au Congo, se posera comme une référence en matière de préservation de l’environnement, grâce notamment à l’absence de brûlage de gaz en fonctionnement normal et à la réinjection des eaux de production dans les réservoirs. Il sera développé en partenariat avec la SNPC et Chevron. La stratégie de Total reste ainsi fondée sur l’exploration active de nouveaux gisements dans les grands fonds, ainsi que sur l’optimisation et la pérennisation de l’intégrité de ses champs matures. Par ailleurs, Total E&P Congo est également opérateur du principal terminal pétrolier du Congo qui reçoit environ 270 000 barils par jour des différents sites pétroliers. Total E&P Congo inscrit aussi le développement durable au cœur de ses activités. L’entreprise met l’accent sur le respect de l’environnement et de la sécurité des hommes, appuie le développement socio-économique du Congo et agit fortement en matière de santé et d’éducation auprès de la population locale. Cet engagement volontaire et durable dans la société civile congolaise a permis de créer une relation de confiance entre Total E&P Congo et ses partenaires. ■


Avec Moho-Nord, 6%;45 +(< /%&>% ?,4@)?3" =%& "&>4>"3"&; 7:=-0-7:= $9 $,7"5%##"3"&; ,1%&%3:!9" $9 /%&>% "; 7:=" $"= %28"1;:@= 432:;:"9' "& 34;:.?" $" 1%&;"&9 5%145* 1 '2(3/!67 )%&8596!0 1 ,&7#62+&8&7/ ). /!00. (+6768!4.& 96+39 1 $(*&9655&8&7/ )&0 +353+!/(0 ".83!7&0 &/ &7/2&52&7&.2!39&0 1 -8(9!623/!67 )&0 !7#230/2.+/.2&0

TOTAL E&P CONGO. Société anonyme avec conseil d’Administration, Capital social: 17 200 000 US$ Avenue Raymond Poincaré, BP: 761, Pointe-Noire, République du Congo Tél.: (242) 22 294 60 00 - Fax: (242) 22 294 68 75. RCCM 01M751


Le Plus de J.A. Congo les réserves sont évaluées à quelque 2,6 milliards de tonnes, est développé par DMC Iron Congo, que contrôle depuis mars 2012 le sud-africain Exxaro. La Plusieurs grands gisements vont entrer prochainement production devrait démarrer en 2014, avec 2 millions de tonnes, et atteindre en production. Zoom sur les principaux opérateurs à terme 10 millions de tonnes par an. et les résultats attendus. Exxaro prévoit d’investir 320 millions de dollars (plus de 248 millions d’euros) i l’exploitation n’a pas comle plan d’exploitation, l’examen de la faidans l’exploitation du site. mencé côté fer, elle est immisabilité du chemin de fer et de la solution Il faudra en revanche attendre 2016 nente pour au moins deux portuaire, devrait bientôt être conclue. pour l’entrée en exploitation du giseprojets au développement Les ressources en minerai du site de ment de fer de Zanaga, situé à 350 km avancé. L’entrée en production du giseMayoko-Moussondji sont estimées à de Pointe-Noire, dans le département ment de fer de Mayoko-Moussondji, 767 millions de tonnes, celles d’hématite à de la Lékoumou. Ce projet est mené par dans le département du Niari (Ouest), plus de 100 millions de tonnes, que Congo la société Mining Project Development opéré par Congo Mining – une filiale Congo (MPD Congo), détenue de l’australien Equatorial Resources –, par le suisse Xstrata (51 %) et le Le développement de Zanaga est prévue pour décembre 2013. Une sud-africain Zanaga Iron Ore. va permettre de créer production de 300 000 tonnes de fer par Ce sont principalement les an est attendue dans un premier temps, questions d’infrastructures de plusieurs milliers d’emplois. pour s’établir ensuite à 2 millions, puis transport et portuaires qui condientre 5 et 10 millions de tonnes par an en Mining prévoit de traiter pour fabriquer tionnent la mise en production. Évalué à des produits en fer haut de gamme. pleine exploitation. L’évaluation de son 6 milliards de dollars, le développement Également situé dans le Niari, le proimpact environnemental et social est en de Zanaga inclut la construction de la jet de fer de Mayoko-Lékoumou, dont cours. L’étude de cadrage, qui comprend mine, de l’usine de traitement, du port IndustrIes extractIves

Fer, potasse et compagnies

s

q Forages sur le site de Mayoko-Moussondji, opéré par Congo Mining.

Equatorial rEsourcEs ltD

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jeune afrique


L’âge de sagesse

equatorial resources ltd

t La voie du Chemin de fer Congo-Océan réhabilitée par les miniers.

et des couloirs de transport. Il permettra d’engager plusieurs milliers de personnes dans les phases de construction et d’opération. L’étude de faisabilité, qui doit prendre fin d’ici à deux ans, sera suivie des travaux de construction. Les réserves sont estimées à 6,8 milliards de tonnes de minerai de fer (d’une teneur de 32 %). Toutefois, seule la moitié du gisement a été explorée pour l’instant, ce qui laisse présager une réévaluation

ultérieure du potentiel total. La production attendue est de plus de 45 millions de tonnes par an de minerai à partir de 2016. PÔLE AUSTRALIEN. Une autre zone,

la Sangha (Nord-Ouest) compte plusieurs gisements de fer en cours de développement. Dans l’ouest du département, près de Souanké, le projet du mont Nabemba est opéré par Congo

Productivité maximale L’exploitation de carrière est une industrie lourde qui requière un équipement résistant sur lequel on peut se fier. Avec sa gamme complémentaire de produits Komatsu et Sandvik, BIA fournit une solution globale d’équipements spécifiquement conçus pour les exploitations de carrières. Décapage, forage, chargement, transport, concassage, criblage sont autant d’applications pour

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Iron, filiale de l’australien Sundance Resources. Les travaux d’exploration ont été finalisés et le développement (avec un investissement estimé à 600 millions de dollars) est en cours, pour une entrée en exploitation annoncée en 2014. La production attendue est de 35 millions de tonnes par an, pour des réserves estimées à plus de 320 millions de tonnes. Congo Iron prévoit de construire quelque 40 km de voie ferrée pour relier ce site à celui de Mbalam, situé de l’autre côté de la frontière, au Cameroun. La filiale locale de Sundance y mène également le chantier de l’axe ferroviaire de plus de 500 km destiné à l’évacuation de ses minerais vers le futur terminal minéralier du port en eau profonde de Kribi (sud du Cameroun). Sundance a d’ailleurs signé un protocole d’accord pour partager avec Equatorial son infrastructure d’évacuation des minerais du projet opéré par la filiale de ce dernier, Congo Mining, à Badondo, dans l’ouest du département lll (près de la frontière gabonaise).

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Le Plus de J.A. Congo l l l Non loin de là, la mine d’Avima, développée par Core Mining Congo, filiale de l’australien Core Mining, devrait entrer en exploitation en 2015, avec une production attendue de 20 millions de tonnes par an.

ENGRAIS. Dans le Kouilou, c’est la potasse

qui a la palme. La taille et la localisation des gisements font du département un site de classe mondiale, et leur exploitation pourrait transformer le bassin congolais en l’une des plus grandes régions productrices de potasse. Deux projets sont en phase de développement. Le premier est conduit par Sintoukola Potash – filiale de l’australien Elemental Minerals, qui détient 93 % du capital de la société, à côté des congolais MGM (5 %) et Tanaka Resources (2 %) –, qui investit 1,85 milliard de dollars dans le développement de la mine, située à environ 60 km de Pointe-Noire. Le potentiel de production de Sintoukola est estimé à 2 millions de tonnes par an de chlorure de potassium (sur vingt-trois ans). L’étude de préfaisabilité, réalisée par le bureau international SRK Consulting, a été achevée en septembre dernier, et la mise en production devrait démarrer en 2016. Le minerai sera principalement utilisé pour fabriquer des engrais, mais pourra également intervenir dans l’élaboration de lessive et de savon, ainsi que dans le recyclage de l’aluminium. L’autre projet est celui de Mengo, situé à environ 15 km de Pointe-Noire et développé par MagMinerals Potasses Congo (MPC), contrôlé depuis juillet 2011 par le chinois Evergreen Industries. Le permis

d’exploitation de Mengo, octroyé en avril 2008 pour une durée de vingt-cinq ans (qui pourrait être prolongée de quinze années supplémentaires), couvre une superficie de 136 km2 : c’est l’un des plus importants gisements de potasse en phase de développement dans le monde. L’investissement total est estimé à près de 2 milliards de dollars, pour une production envisagée de 1,2 million

de tonnes par an de potasse. MPC a conclu en mars dernier un accord-cadre (pour un montant de 480 millions de dollars) par lequel il confie la construction de l’usine à la société d’ingénierie East China Engineering Science and Technology Co (Ecec), qui commence les travaux, pour une livraison prévue fin 2015. l MuRIEl DEVEY

PlANS D’éVAcuAtIoN

p

lusieurs schémas sont envisagés pour évacuer les minerais de fer produits dans l’ensemble du Congo. Dans une première phase, DMC Iron et Congo Mining utiliseront la voie du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) pour acheminer leurs productions depuis leurs sites d’exploitation de Mayoko, dans le département du Niari, vers le port en eau profonde de Pointe-Noire (lire p. 87). De Mbinda jusqu’à Dolisie, ils emprunteront l’ancienne voie ferrée que la Comilog a n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

abandonnée depuis qu’elle évacue directement son manganèse par le Gabon, puis, de Dolisie à PointeNoire, celle du Chemin de fer Congo-Océan. En contrepartie, les deux sociétés se sont engagées à remettre en état la voie de l’ex-Comilog et à adapter les structures ferroviaires du CFCO. Pour évacuer sa production vers Pointe-Noire, MPD Congo a quant à lui opté pour un pipeline. Une solution qui n’a toutefois pas la faveur de

l’État congolais. Ce dernier envisage plutôt d’acheminer l’ensemble des produits miniers du pays par un chemin de fer qui partirait de la Sangha (Nord-Ouest) pour rejoindre Pointe-Noire via Zanaga et Mayoko. Un choix qui aurait l’avantage de relier le Nord au Sud et de résoudre la question de la capacité de transport du CFCO. Celle-ci, même réajustée, ne pourra en effet dépasser 6 millions de tonnes par an alors que les productions de Mayoko à elles seules devraient

atteindre à terme quelque 20 millions de tonnes par an. Le bouclage du tracé et du financement de ce chemin de fer, dont la construction sera à la charge des miniers et de l’État congolais – avec le concours d’un partenaire financier extérieur –, est attendu pour la fin 2013. Les travaux doivent démarrer en 2014. En attendant sa construction, l’évacuation de la production des sites de Nabemba et de Badondo, dans la Sangha, se fera par le M.D. Cameroun. l jeune afrique


le plus de J.a. congo

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TransporT eT logisTique

investir pour mieux grandir La première phase de la modernisation du port de pointe-noire est presque achevée. À quelques kilomètres, à Pointe-Indienne, s’engage le chantier d’un hub minéralier.

point d’accueil. Sur les quais, dans les bassins, où s’activent notamment Boskalis, Socofran, Socotrans et Bouygues Énergies & Services (ex-ETDE), les travaux vont bon train. L’extension de la digue a été réalisée l’an dernier, les travaux de dragage d’approfondissement des accès nautiques sont achevés et le quai G4, prolongé de 270 m et doté d’un tirant d’eau de 15 m, a été mis en service en mars. Actuellement, toute l’attention se concentre sur « la reconstruction et l’extension du quai G1, qui sera livré en septembre, explique Jean-Jacques Mombo, le directeur chargé des études des travaux du PAPN. Débuteront alors les travaux sur les quais G2 et G3, qui devront être finalisés en mars 2014 ». Autres chantiers en cours, la réhabilitation des réseaux d’eau et d’électricité, qui sera terminée en août, et l’extension des terre-pleins du parc à conteneurs, dont l’achèvement est attendu pour juinjuillet 2014. Enfin, sur les six portiques prévus, deux ont déjà été livrés. Lorsque la dernière phase des travaux d’extension sera achevée, en 2033, jeune afrique

Bolloré AfricA logistics

a

fin de renforcer la position de Pointe-Noire comme principale porte d’entrée du bassin du Congo et première plateforme de transbordement d’Afrique centrale, le Port autonome de PointeNoire (PAPN) a engagé un programme d’investissements prioritaires (PIP) d’un montant de plus de 450 milliards de F CFA (près de 700 millions d’euros) pour reconstruire, étendre et moderniser les installations portuaires. Sur ce montant, quelque 370 milliards de F CFA sont à la charge de Congo Terminal, la société concessionnaire du terminal à conteneurs depuis décembre 2008, dont l’actionnaire majoritaire est Bolloré Africa Logistics (BAL), à côté de Socotrans, Samariti et Translo. Les 80 milliards de F CFA restants sont financés par le PAPN sur fonds propres, ainsi que par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC), l’Agence française de développement (AFD) et la Banque européenne d’investissement (BEI).

p Bolloré Africa Logistics (BAL) développe une plateforme portuaire dotée de 770 m de quais à 15 m de profondeur et de 32 ha de terre-pleins.

Congo Terminal disposera de 32 ha de terre-pleins (contre 17 ha auparavant) et de 1 500 m de quais, dont 770 m pour l’accueil des navires à très fort tirant d’eau (15 m, contre 13,2 m auparavant), capables de transporter plus de 7 000 conteneurs équivalent vingt pieds (EVP, unité représentant environ 38,5 m3). La structure deviendra ainsi le point d’accueil et de transbordement des navires trop lourds pour Douala

minérales (lire pp. 84-86), mais aussi d’autres matières premières (pétrole, bois). Le futur port sera construit à PointeIndienne, sur un site de 670 ha, à côté de la raffinerie de la Congolaise de raffinage (Coraf). Les travaux de déblayage et de terrassement ont déjà commencé et devraient être terminés en 2016. En attendant, un espace a été aménagé sur l’un des quais du PAPN pour décharger le minerai de fer qui sera prochainement produit à Mayoko, dans le Niari. La gestion du port minéralier l’extension de la digue sera assurée par un partenariat extérieure sur 300 m protège public-privé (PPP). Un protocole le bassin de l’ensablement. d’accord relatif à sa construction a été signé entre China Road & Bridge (Cameroun), Luanda (Angola) ou Matadi Corporation et la Délégation générale (RD Congo). Couplée au rétablissement des grands travaux (DGGT) du Congo en cours du corridor terrestre (ferroviaire en mars dernier. et routier, lire pp. 74-75) vers Brazzaville Dans la même zone, un port pétrolier est à l’étude, dont la construction a fait et Ouesso (chef-lieu du département de la Sangha), cette mise à niveau de ses l’objet d’un accord entre le gouvernement infrastructures permettra au Congo de congolais et le groupe chinois Shandong retrouver sa vocation de transit. Landbridge en mars 2012. Deux projets qui, avec ceux du PAPN, renforceront la dÉBlaYaGe. Grand port commercial, vocation de hub du pays et favoriseront Pointe-Noire va également devenir un l’intégration régionale, notamment via port minéralier, destiné en particulier au la fourniture de produits pétroliers. l stockage et à l’évacuation des ressources Muriel deveY n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Le Plus de J.A. Congo TéMoignAge

Opinions & éditoriaux Tshitenge LUBABU M.K.

Le port des miracles

l

es embarquements comme les débarquements aux beachs de brazzaville et de Kinshasa ne sont pas, loin s’en faut, de grands moments de quiétude. même lors d’une traversée d’à peine quelques minutes, il y a de l’électricité dans l’air. entre les voyageurs et les agents des diverses administrations sur les deux rives, c’est l’affrontement, pas de courtoisie. Les gens se hurlent allègrement dessus. Les voyageurs se plaignent d’être contrôlés plus qu’il ne faut, de payer des taxes aussi fantaisistes que celle dite de fouille, ou encore de devoir montrer leur carte de vaccination contre la fièvre jaune en sortant du pays. Dans cette ambiance où les nerfs sont à fleur de peau, une certaine catégorie de passagers semble pourtant tirer son épingle du jeu. Ils sont des dizaines à traverser quotidiennement le Pool malebo entre les deux capitales, et, d’une rive à l’autre, font passer toutes sortes de marchandises sans payer la moindre taxe. Leur particularité : ils sont paraplégiques, aveugles, malvoyants, sourds ou muets, et font partie d’une association reconnue à Kinshasa. Chaque jour, ces handicapés quittent le quai de la société commerciale des transports et des ports (sCtP) à bord du m/b Ibanda pour brazzaville. « C’est une pratique ancienne, qui remonte à l’époque de mobutu. Le gouvernement avait décidé de leur donner l’opportunité de se débrouiller en allant vendre des articles à brazzaville, plutôt que de les laisser mendier », explique un responsable de la Direction générale de migration du beach ngobila, à Kinshasa. Patrick mwanza muyala, la quarantaine, détenteur d’un graduat (licence) de l’Institut supérieur de commerce de Kinshasa, est malvoyant. Il gagne sa vie entre les deux rives du fleuve Congo « en se débrouillant, comme tout grand garçon, faute d’activités dignes de ce nom ». Il hésite, avant de poursuivre : « Je vends de petites choses comme des sodas, des biscuits, du savon ou de la quincaillerie, après m’être approvisionné auprès de gens venant de Kinshasa. mes clients, des Ouest-africains de brazzaville, prennent ma marchandise et je dois attendre quelques jours avant d’être payé. Cela ne me rapporte pas grand-chose, juste de quoi faire face à mes besoins quotidiens. » quand on lui demande s’il lui arrive de payer la douane, mwanza muyala répond de façon énigmatique: « On paie de façon indirecte, via les agents de la sCtP à Kin et ceux du port autonome de brazzaville et des ports secondaires. »

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sur les deux rives du fleuve Congo, on sait que les handicapés ne travaillent pas uniquement pour eux-mêmes. La plupart du temps, ils sont sollicités par des commerçants qui ne veulent pas payer la douane: de grandes quantités de marchandises attendent dans des conteneurs entreposés à brazzaville; les commanditaires contactent un handicapé et lui demandent s’il peut les faire passer à Kinshasa sans encombre moyennant une rémunération. Ce dernier fait alors appel à ses amis. en plusieurs voyages et en prenant soin de ne passer qu’un ou deux articles par traversée, ils vident q Le Beach, à Brazza.

patrick fort/afp

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le conteneur au nez et à la barbe de tous les employés des services travaillant sur les deux ports, lesquels, par compassion et par tradition, ne les contrôlent pas. et le tour est joué. selon la légende, un commerçant ouest-africain installé à Kin ayant fait passer sa marchandise depuis brazzaville sans problème (et donc sans taxe) a pu s’acheter deux voitures. Aucun d’entre eux ne paie pour traverser – seul le guide ou accompagnateur, le cas échéant, doit s’acquitter du coût d’un billet à moitié prix. Certes, quelques-uns s’en sortent plutôt bien. mais la très grande majorité vit dans la précarité, n’a aucun capital et se fait tout simplement exploiter par les commerçants fraudeurs. C’est pourquoi, selon la direction de la sCtP, les autorités des deux capitales se sont concertées pour mettre fin à cette tradition qui incite à l’exploitation et représente un manque à gagner pour les administrations fiscales. Il reviendra alors aux gouvernements d’organiser la prise en charge des personnes handicapées. Côté kinois, plusieurs mesures seraient déjà à l’étude. l jeune afrique


Publi-Information

Depuis 10 ans, Bouygues Energies & Services apporte l’électricité au Congo et diversifie ses activités Entreprise française historiquement présente en Afrique, Bouygues Energies & Services s’est implantée en 2001 au Congo (via le nom Sogeco, puis ETDE Congo). Avec la réalisation de grands projets au travers du pays, Bouygues Energies & Services Congo enregistre un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2012 et diversifie ses activités en important les savoir-faire européens du Groupe et en formant ses 350 collaborateurs (auxquels s’ajoutent environ 500 intérimaires au quotidien), dont plus de 90 % de congolais. Objectif : être un acteur global des énergies et des services auprès des autorités locales, des industriels et des clients tertiaires, en s’appuyant principalement sur le contenu local.

Livraison du Boulevard énergétique du Congo : un projet hors norme

Fin 2011, au terme de trois ans de travaux, Bouygues Energies & Services a livré le boulevard énergétique du Congo à la République, avec la compagnie ENI Congo. Aujourd’hui l’interconnexion des différentes sources énergétiques du pays est en place et l’alimentation de Brazzaville et de PointeNoire (60 % de la population) sécurisée. Jusqu’à 2 500 collaborateurs locaux ont été mobilisés et formés, avec l’exigence des standards pétroliers, pour réaliser ce chantier hors normes.

Densification des réseaux d’énergie et d’eau, au plus près des habitants

Bouygues Energies & Services Congo poursuit aujourd’hui le maillage électrique des deux mégalopoles, mais aussi sur l’ensemble du territoire. Objectif : accompagner le pays dans son ambition d’apporter l’électricité et l’éclairage pour renforcer la qualité du cadre de vie et de travail des congolais. Au fil

©mmmx - Fotolia

Bouygues Energies & Services accompagne les projets Oil & Gas des opérateurs privés.

2012, année de l’électricité au Congo. Ce projet gouvernemental, rendu possible avec le boulevard énergétique de Pointe Noire à Brazzaville, se poursuit avec le maillage électrique du pays. Les 800 collaborateurs d’ETDE Congo, rebaptisé Bouygues Energies & Services en 2013, y travaillent au quotidien. L’entreprise développe aussi ses autres activités dans le pays.

©Yves CHANOIT

Congo-Brazza

Le boulevard énergétique permet aujourd’hui de réaliser le maillage électrique du pays.

des années, Bouygues Energies & Services est aussi devenu un acteur important de la potabilisation et de l’adduction d’eau au Congo.

Des offres au service des opérateurs privés

L’entreprise assure aussi, pour des opérateurs privés comme Total, ENI ou des compagnies minières, des infrastructures de raccordement au réseau électrique national. Elle réalise actuellement le réseau reliant la centrale électrique du Congo au seul terminal pétrolier du pays (Djeno), exploité par Total. Avec des projets Oil & Gas en plein développement au Congo, Bouygues Energies et Services, en qualité d’opérateur global, accompagne aussi les grandes compagnies minières et pétrolières dans leur développement, notamment au travers du lancement de nouveaux champs pétroliers offshore et de gisements miniers qui rentreront en exploitation dans les prochaines années.

Une diversification des activités

Bouygues Energies & Services a importé et développé depuis plusieurs dizaines d’années son expertise en génie électrique, automatismes, instrumentation et infrastructures de transport d’électricité : son budget formation technique mais aussi en matière de sécurité a quadruplé en trois ans ! Bouygues Energies & Services a aussi développé son savoirfaire dans le secteur tertiaire, en travaux neufs, rénovation et exploitation, et entend par ailleurs s’appuyer sur son expérience européenne pour développer ses offres en matière de réseaux numériques et télécoms.



Le Plus de J.A. Congo

baudouin mouanda pour j.a.

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p La basilique Sainte-Anne-du-Congo, « symbole de la cité », selon Dongala. rendez-vous Littéraire

Brazza, c’est ma ville Tchichellé Tchivéla, Henri Lopes et Emmanuel Dongala. Trois écrivains congolais, réunis dans la capitale, se remémorent les émotions qu’elle leur a procurées.

I

l est rare de les croiser tous les trois ensemble. Et pourtant ils étaient là, à Brazzaville, réunis sous les hauts plafonds du Palais des congrès par la grâce du festival littéraire Étonnants Voyageurs, au mois de février. Trois pères fondateurs de la littérature congolaise. Trois mémoires vivantes de leur pays. Raide et élancé, Henri Lopes, l’ambassadeur du Congo à Paris depuis quinze ans, est, sur place, le plus connu d’entre eux. D’ailleurs, les étudiants se pressent autour de lui, qui pour être pris en photo, qui pour obtenir un autographe sur la brochure du festival ou sur un exemplaire défraîchi de son roman le plus célèbre, Le Pleurer-Rire. Plus discret, mais internationalement loué pour son magnifique Johnny Mad Dog, adapté au cinéma par Jean-Stéphane Sauvaire, Emmanuel Dongala répond aux jeune afrique

parlent, rassemblant leurs souvenirs ou bien ceux – on ne saura pas – des personnages qui habitent leurs livres. « CASE DE GAULLE ». Né en Centrafrique

salutations des uns et aux questions des autres avec une indéfectible patience et un sourire bienveillant. Moins connu mais appartenant à la même génération, venu spécialement de sa ville océane, Pointe-Noire, François Tchichellé Tchivéla savoure avec flegme le plaisir de se retrouver entre amis, sur la rive du Congo. Non pas « au cœur des ténèbres », comme l’aurait dit Joseph Conrad, mais « à quelques kilomètres de

Les romanciers soulignent aussi les souffrances d’une qui n’évolue guère. l’équateur, où brille l’astre le plus lumineux de notre univers », comme le dit Lopes. C’est de Brazzaville, cette ville somnolente et meurtrie, qu’ils nous

où son père était instituteur, citoyen du monde ayant voyagé à droite et à gauche, Emmanuel Dongala se considère avant tout comme un Brazzavillois : « Mes premiers souvenirs à Brazzaville remontent à mes 6 ans, dit-il. C’est ma ville, je la connais, je la sens, j’ai vu ses évolutions et ses changements. Je me souviens de la musique et de l’architecture coloniale… » La colonisation française, ces trois artistes l’ont connue et vécue. Ancien élève du lycée Savorgnan-deBrazza, François Tchichellé Tchivéla est une véritable encyclopédie qu’il faut ville prendre le temps d’écouter parler. Une telle mémoire vient peut-être, d’ailleurs, de méthodes d’apprentissage à l’ancienne : « À l’époque, on nous obligeait à apprendre par cœur tous les noms des gouverneurs de l’Afrique-Équatoriale l l l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


Le Plus de J.A. Congo

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Aldo Sperber/picturetAnk.com

Photo de groupe au bord du fleuve, d’Emmanuel Dongala, Actes Sud, 2010, 336 pages, 23,20 euros

p Dramaturge et chimiste, Emmanuel Dongala vit aux États-Unis.

française, l’AEF. » De son premier passage à Brazzaville en 1957, Tchivéla – qui deviendra plus tard médecin-colonel, ministre du Tourisme et de l’Environnement de Pascal Lissouba (1992-1995), puis préfet du Kouilou – se souvient avoir remarqué la largeur des artères, le bitumage des routes et la densité de la circulation qui tranchait avec celle de sa ville natale. « J’ai été logé à l’internat du lycée Savorgnan-de-Brazza, et là, j’ai découvert Brazzaville, raconte-t-il. Comme je l’avais pressenti, c’était une grande cité où toutes les ethnies représentatives du Congo se retrouvaient, mais aussi des gens venus des autres États de l’AEF, le Gabon, le Tchad, l’OubanguiChari… Tout se décidait ici, le gouverneur général Une vivait dans la fameuse enfant de “Case de Gaulle”, au bord Poto-Poto, du fleuve. » d’Henri Pour ces vétérans touLopes, Gallimard, jours verts, « un mythe 2012, gaullien très fort est 272 pages, attaché à cette ville », 17,50 euros comme le dit Emmanuel Dongala. « Je me souviens d’un meeting avec le général de Gaulle au stade Éboué… Je me souviens aussi du premier aéroport où l’on nous avait alignés pour l’accueillir », rappelle l’ambassadeur Lopes. « Même pendant la période marxiste, quand les relations avec la France étaient très mauvaises, les

Brazzavillois n’ont jamais déboulonné la statue de De Gaulle », ajoute Dongala. Si l’on oriente la discussion vers des territoires plus intimes, c’est évidemment la musique et la danse qui imposent, dans le sépia des souvenirs,

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PhiliPPe Guionie/M.Y.o.P.

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d’éclatantes vibrations de couleurs. « Brazzaville, c’était bien entendu la capitale des ambianceurs, souligne Tchivéla. Il y avait de grands bals en plein air et des dancings. J’allais danser Chez Faignond, à Poto-Poto (lire p. 95), et au bar Macédo, à Bacongo, les deux grands centres d’attraction de ceux qui aimaient la belle vie. » Henri Lopes confie que, pour sa part, il sortait peu. « Chez Faignond était un haut lieu de la rumba, mais aujourd’hui cela n’a plus rien à voir avec ce que c’était. Les danses que nous dansions, ils ne savent plus les danser, dit-il. Il y avait aussi le

p Henri Lopes, ambassadeur à Paris, lors du festival Étonnants Voyageurs (février). jeune afrique


L’âge de sagesse

Antonin BorgeAud pour J.A.

subi beaucoup de dommages pendant la guerre civile. C’est pour moi le symbole de la cité, même si je ne suis pas chrétien. Après la guerre, j’ai quitté Kinshasa et je suis rentré à pied dans la ville dévastée, entre les immeubles effondrés. Mais ce n’est qu’au moment où j’ai vu le trou dans la toiture de la basilique que j’ai compris la portée de la tragédie. » LUCIDITÉ. Des tragédies, Brazzaville en a connu d’autres, dont l’explosion de la caserne des blindés de Mpila, le 4 mars 2012, qui a réduit tout un quartier à néant. Les dégâts sont tels que la reconstruction prendra sans doute encore plusieurs années. Fins observateurs du réel, les romanciers ne se contentent pas de rappeler les ferveurs de leur adolescence. Ils pointent aussi les souffrances d’une ville qui n’évolue guère. « Pour reprendre à mon compte la formule de Pierre Messmer, Brazzaville est restée la même tout en ayant changé, déclare Tchichellé Tchivéla. Nos villes changent peu, c’est triste à constater et à reconnaître. Le président Denis Sassou Nguesso est le plus grand bâtisseur du pays, même s’il pourrait faire mieux avec l’argent dont il dispose. » Disparition des manguiers au profit des eucalyptus, faible mise en valeur des abords du fleuve, nids-depoule et embouteillages, multiplication des immeubles construits par les Chinois, tensions politiques… Chacun y va de sa critique, avec tendresse, avec lucidité. « Brazza p Pour Tchichellé Tchivéla, Brazza, c’était la capitale des ambianceurs. est une ville tranquille quand ça va bien, souligne Santé Tout Brazza et Chez Diallo, au faire un saut jusqu’au fleuve, Emmanuel Dongala. Après bord du fleuve. » dans sa partie la plus large qui la guerre, il y avait une forte fait 35 km, le Stanley Pool. » présence militaire, beauMÉANDRES. Ce fleuve qui sépare Mélancoliques, ces écricoup de tension, beaucoup Les Fleurs des Brazzaville de Kinshasa, ce fleuve auquel vains qui n’ont plus rien à d’insécurité. Aujourd’hui, ça Lantanas, de la cité a tendance à tourner le dos charprouver ? Non, sans doute va, on peut circuler sans trop TchichelléTchivéla, Présence africaine, rie dans les méandres de ses flots tourpas, mais ils savent aussi de problèmes et, malgré le 1997, 218 pages, mentés d’innombrables sédiments du qu’entre les espérances de contrôle des informations et 17,10 euros temps passé. Ils y ont appris à nager, l’indépendance et l’heure de la presse, il y a des espaces ils y ont vu mourir des amis, ils s’y sont présente, les eaux du fleuve de liberté qu’on parvient à se promenés en compagnie d’une amoun’ont pas charrié que des souvenirs. Il y a créer au cœur d’un régime très bonaparreuse, aux Cataractes, là où le Djoué se eu aussi bien des cadavres au ventre gontiste. » Quant à Henri Lopes, il affirme : déverse furieusement dans le Congo. « Le flé, comme ceux de la guerre civile (1997« Bien sûr, Brazzaville a parfois des aspects dimanche, raconte Lopes, nous sortions 1999). « Le monument de Brazzaville monstrueux – je pense aux embouteilde Brazzaville avec une préférence pour que j’aime bien, mais que Tchicaya U lages –, mais c’est ma ville, celle où j’ai la route du nord, qui conduit à de nomTam’si n’aimait pas, c’est la basilique vu des lumières pour la première fois. breux cours d’eau claire… Il y avait une Sainte-Anne-du-Congo, avec son toit en Elle me sera toujours chère, malgré ses paillote très modeste, on pouvait se baiforme de pirogue renversée et ses tuiles nids-de-poule. » l vertes, confie Emmanuel Dongala. Elle a gner. C’était parfois, aussi, l’occasion de NICoLAS MIChEL, envoyé spécial jeune afrique

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

93



t Ouvert en 1948 par Émile Joachim Faignond (au centre), l’établissement est très vite devenu incontournable. AmbiAnce

Rhythm and blues Temple de la rumba, du jazz et de la sape, le bar-dancing de Poto-Poto s’offre une nouvelle jeunesse.

l

générations de Brazzavillois et de Kinois arueMbakasàPoto-Poto,quartier ont fréquenté, l’entrée se fait désormais populaire de l’est de Brazzaville, par la rue Loango, une artère parallèle. est l’une des plus fréquentées Mais là où trônait l’établissement, tout de la capitale. C’est une artère commerçante, spécialisée dans le wax, où est en chantier. L’histoire se serait-elle les marchands, depuis des générations, arrêtée ? Pas tout à fait. sont originaires d’Afrique de l’Ouest, et les boutiques, bien fournies, collées BERCEAU DES BANTOUS. Londres les unes aux autres. Jusqu’à l’invite du a ses pubs, Paris ses terrasses de café petit immeuble du numéro 29, en lettres et Brazza ses bars-dancings. Le plus blanches sur panneau bleu: « Night-Club, célèbre et le plus populaire d’entre eux Espace Faignond, Nkolo Mboka. Tous les est sans nul doute Chez Faignond, l’un jours de 12 heures à l’aube. Jamais sans des tout premiers. Ouvert en 1948 par nous. » Pour en savoir plus, il Émile Joachim Faignond, un faut pousser une porte étroite métis franco-congolais alors et monter à l’étage. âgé de 30 ans (et décédé en À cette heure de l’après2009), l’établissement est midi, il y a peu de monde sur rapidement devenu le lieu la petite piste de danse. Au de rendez-vous de tous ceux plafond, un jeu de lumière qui comptent à Brazzaville et à tournoie. Quelques téléviseurs Kinshasa (alors Léopoldville). complètent le décor – pour Chanteurs, intellectuels, que les clients ne ratent pas les diplomates, hauts fonctionmatchs de football –, ainsi que naires, Congolais des deux des climatiseurs. Au bar, une rives, mais aussi – c’était Chez Faignond serveuse explique que la boîte inédit – colons du quartier par Clément de nuit a été prise en location européen… Pendant plus de Ossinondé, par un gérant « qui n’est pas vingt ans, Chez Faignond a Édilivre, 2012, de la famille Faignond ». Pour été le pôle d’attraction le plus 40 pages, 9,50 euros le bar-dancing, que plusieurs cosmopolite, le plus créatif jeune afrique

et le plus en vogue. « C’était un espace exceptionnel au cœur de Poto-Poto, où se retrouvait ce qu’il y avait de meilleur sur les deux rives du fleuve Congo. Il a pris de l’ampleur à la fin des années 1950, grâce à tous les orchestres de Kinshasa et de Brazzaville qui s’y produisaient », se souvient Philippe Ondzé, dit don Fernand, un septuagénaire de Poto-Poto. C’est d’ailleurs là qu’est né, le 15 août 1959, un an avant l’indépendance, le célèbre orchestre Les Bantous de la capitale. En 1972, Chez Faignond devient un espace fermé. « Les gens venaient pour vivre. Il y avait quelquefois des bagarres pour des histoires de femmes », poursuit Ondzé. Car il n’y avait pas que la musique et la danse dans cet éden des ambianceurs. « Le propriétaire était un bon footballeur. Il organisait des combats de boxe que nous allions suivre, en resquillant, comme pour les concerts, quand nous étions ados », raconte un quinquagénaire, qui, à l’époque, vivait à quelques pâtés de maisons du dancing. « Moi, j’ai continué à y aller jusqu’en 2012 », s’enthousiasme Ondzé. Les descendants d’Émile Joachim Faignond ont décidé de ranimer le monument. L’un des fils du fondateur vient d’engager des travaux pour donner un nouveau souffle à l’entreprise. Au programme : la construction d’un nouveau bar, qui proposera du karaoké, mais aussi d’un restaurant-snack et de quelques chambres d’hôte, dont au moins une suite. l TShiTENgE lUBABU M.K. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Baudouin Mouanda pour J.a.

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COMMUNIQUÉ

Congo Quatrième acteur de poids dans le secteur bancaire, Ecobank Congo a vu sa part de marché progresser notablement depuis son ouverture en 2008. Lazare Komi Noulekou, directeur général, explique qu’il compte affiner en 2013 sa stratégie de proximité en créant plus d’agences sur tout le territoire. Lazare Komi Noulekou, directeur général.

Q

uelle a été l’évolution des comptes d’Ecobank Congo Brazzaville en 2012 par rapport à 2011 ? Lazare Komi Noulekou : Par rapport à 2011, notre établissement a connu une bonne progression en 2012. En effet, le PNB et le résultat net avant impôt ont connu une croissance respective de 54% et 62%. Sur la même période, le total bilan connaît un taux de progression de 44% essentiellement porté par les dépôts de la clientèle, qui ont augmenté de 65% d’une année à l’autre. Ces performances nous positionnent à la quatrième place sur le marché local pour les crédits et les dépôts et nous permettent d’être un acteur incontournable du secteur bancaire. Rappelons que pour les trois années consécutives à savoir 2010, 2011, 2012, Ecobank Congo a obtenu le prix « The Banker Awards » à Londres. Ces performances ont été confirmées au niveau du groupe, qui a aussi obtenu le prix de la banque de l’année 2012 en Afrique pour la 2e année consécutive par le magazine anglais de la finance internationale Euromoney Institutional Investor PLC basé à Londres. Comment fonctionne votre nouveau type de compte bancaire crée en 2012 dédié aux immigrés africains ? L. K. N. : Sous la direction du groupe Ecobank, un nouveau produit dénommé Compte Diaspora a été mis en place pour les immigrés africains. Ce produit à l’avantage de catégoriser cette clientèle et de la gérer en réseau avec sa banque d’origine (filiale d’Ecobank). En dehors des avantages traditionnels, il offre celui de bénéficier des services de proximité dans son pays d’origine et permet donc à la diaspora

congolaise installée en Afrique de profiter de services du réseau Ecobank quelque soit son lieu de résidence. Un des volets de ce produit permet aujourd’hui aux étudiants congolais installés partout en Afrique de bénéficier de leur bourse par le système de domiciliation de leurs allocations.

Au Congo, le secteur pétrolier représente au moins 50 à 60 % du PIB national. Quel rôle un groupe bancaire de la taille d’Ecobank joue-t-il à travers sa filiale congolaise dans ce secteur stratégique de l’économie du pays ? L. K. N. : Le secteur pétrolier fait partie

Évolution de quelques grandeurs de 2009 à 2012


« Depuis sa création, la filiale Ecobank Congo à connu une progression exceptionnelle. Cette évolution repose sur un management de qualité de ses dirigeants qui ont une bonne lecture du marché. Ce dernier devient très compétitif avec la présence de dix banques. » compte d’une analyse basée sur la chaîne de valeur nous permet de dire que le secteur du transport de carburant pourrait augmenter de façon substantielle notre concours bancaire sur ce segment. Y-a-t-il un plan d’action qualité au sein d’Ecobank Congo-Brazza ? L. K. N. : Pour les années 2012 et 2013, le groupe Ecobank met l’accent aussi bien

sur la qualité de service que sur l’amélioration du délai d’exécution des tâches. Dans cette optique, Ecobank Congo a mis en place un service de qualité dans le souci de collecter et d’analyser les requêtes de la clientèle afin de répondre dans un délai raisonnable à son attente. Ainsi, notre stratégie commerciale répond principalement aux attentes de notre clientèle.

teur PME-PMI, où des gammes de produits répondant aux besoins de nos clients ont été conçues. Malgré les problèmes récurrents de ce segment de la clientèle, à savoir la particularité et le style de management, Ecobank Congo fait partie des banques qui ont pris en compte le financement de ce secteur contribuant ainsi de façon non négligeable à la croissance du PIB du pays.

Quel soin apportez-vous à l’amélioration de la formation des salariés ? L. K. N. : En matière de formation du personnel, le groupe Ecobank a mis en place pour l’ensemble des lignes de métier une série de formations annuelles dont le but est de rehausser le niveau des collaborateurs. En outre, Ecobank Congo approuve régulièrement en Conseil d’administration une série de formations dispensées localement par les cadres. Sur ce marché, Ecobank Congo est de loin l’un des établissements qui consacrent le plus de ressources à la formation du personnel, où une place assez importante est réservée aux nationaux méritants.

Quels sont vos objectifs pour l’année 2013 ? L. K. N. : Nous entamons une nouvelle phase d’expansion caractérisée par la création de six nouvelles agences à travers tout le pays et la construction d’un siège sociale de notre établissement à Brazzaville, conformément à la vision exprimée par les autorités congolaises pour l’amélioration du service de proximité ainsi que du taux de bancarisation.

Quelle est votre stratégie pour soutenir et financer l’activité des PME et PMI congolaises ou pour investir dans un projet structurant pour le développement économique du pays ? L. K. N. : Ecobank Congo intervient comme un acteur important dans le financement de l’ensemble des secteurs d’activité du pays, et plus particulièrement dans le sec-

Coordonnées : Ecobank Congo-Brazzaville Rond point City Center Immeuble A.R.C. 3ème étage, BP 2485 Brazzaville, CONGO

DIFCOM - F.C.

de notre marché cible et Ecobank Congo suit avec attention les interventions dans ce secteur, qui représente 25 % de nos concours bancaires, 20 % si nous tenons comptes des concours locaux. La prise en


Économie

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IndIscrets

Côte d’Ivoire, Mauritanie, Nigeria

Pourquoi il faut SubventionS

Peu ciblées, les mesures de contrôle des prix profitent trop souvent aux ménages aisés. Coûteuses, elles creusent les déficits. Les bailleurs de fonds appellent à les remplacer par des aides sociales directes.

A

ntoinette Sayeh et Masood Ahmed n’ont plus que ces mots à la bouche : réforme des subventions.Depuisquelquesmois, la directrice du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI) et, dans une moindre mesure, son alter ego pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale (qui supervise l’Afrique du Nord) sillonnent le continent pour prêcher ce qui est devenu la bonne parole des bailleurs de fonds. Jugées globaAlors que les subsides lement inefficaces, les subventions sur les produits alimentaires coûtent plus énergétiques et agricoles ont plombé les déficits de 3 milliards d’euros à l’État d’États qui, jusqu’à la crise financière de 2008, égyptien, des boulangers peu avaient largement amélioré leurs marges budscrupuleux vendaient, jusqu’à une gétaires. En Angola, les seules aides aux prix de réforme récente, le pain ou la l’électricité et de l’essence représenteraient 8 % farine subventionnée sur du PIB. Au Cameroun, celles accordées dans le FrédériC MAury

mahmoud khaled/demotix/corbis

le marché noir

secteur de l’énergie ont coûté 944 milliards de F CFA (1,4 milliard d’euros) en quatre ans, soit 7,3 % du PIB, au lieu des 333 milliards budgétés. Autant d’argent que les États pourraient investir dans la santé ou l’éducation. Mais la suppression de ces subsides est plus aisée à recommander qu’à mettre en œuvre. Comme d’autres pays avant lui, le Nigeria en a fait l’amère expérience l’année dernière. Confronté à une explosion du coût des subventions, passé de 1,3 % du PIB en 2006 à 4,7 % en 2011, le gouvernement avait décidé de répercuter la hausse des cours du pétrole sur les prix à la pompe, faisant grimper ceux-ci de 114 %. Après une semaine de quasi-insurrection, les autorités avaient dû faire en partie machine arrière: « Le Nigeria a augmenté les prix du carburant de 50 % l’an dernier, mais la subvention reste en place », résume Victor Lopes, économiste chez Standard Chartered. Dans le reste de


Mine

Tongon, la pépite ivoirienne de Randgold

interview

portrait

Président de Sinohydro

Président d’Afriland First Bank

Song Dongsheng

Jean Paulin Fonkoua

Bourse

Mac SA sur tous les fronts

99

s’en débarrasser l’Afrique, la situation n’est guère meilleure. Engluée depuis deux ans dans le marasme économique, la Tunisie a ainsi ajouté plusieurs produits à une liste de biens subventionnés déjà longue.

pauvres) mais les méthodes employées. Selon les évaluations du Fonds, les 20 % de ménages africains les plus riches sont en effet les premiersbénéficiaires des aides sur les produits énergétiques, dont ils touchent près de la moitié. « Pourquoi subventionner les riches? Mieux vaut élaborer, et ce n’est pas compliqué, des subventions qui s’adressent réellement à ceux pour qui c’est utile et mobiliser les importantes économies ainsi réalisées pour investir dans l’éducation, la santé, l’agriculture, la jeunesse, entre autres », soulignait récemment Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD), dans une interview à Jeune Afrique. L’essentiel des subventions en Afrique subsaharienne va ainsi au secteur de l l l

L’État camerounais ne versant pas à la Sonara les sommes dues au titre des aides sur l’essence, la société avait accumulé 335 millions d’euros d’arriérés fin 2012

ons Abid pour J.A.

vincent fournier/J.A.

vulnérables. « Étant donné la forte prévalence de la pauvreté dans de nombreux pays africains, analyse l’agence de notation Standard & Poor’s, des augmentations des prix des biens essentiels peuvent déclencher des troubles civils. Le plafonnement de ces prix via les subventions aide ainsi à maintenir la paix. » Ces aides ont en effet servi à limiter les conséquences de la flambée des prix internationaux, notamment sur les taux de pauvreté. Difficile d’oublier qu’entre janvier 2010 et décembre 2011 le prix du baril d’or noir (brent) a flambé de 37 %. Et qu’entremi-2010etmi-2012celuidubléaquasiment doublé. Des évolutions brutales, insupportables pour des populations vulnérables. D’ailleurs, ce que critique aujourd’hui le FMI – et avec lui l’immense majorité des bailleurs – n’est pas l’objectif de ces politiques (protéger les plus

Pour profiter du différentiel de prix, 12 millions de litres de lait subventionné auraient été illégalement exportés de Tunisie vers la Libye l’hiver dernier n o 2734 • du 2 Au 8 Juin 2013


Entreprises marchés l’électricité alors que « seuls 30 % des ménages sont connectés au réseau », estime le FMI… Autre problème pointé du doigt : les abus et détournements massifs. Au Nigeria, les subventions àl’essenceontainsidonnénaissanceàunvastetrafic avec les pays voisins, où les prix sont plus élevés. Ces pratiques, et d’autres, auraient coûté plus de 5 milliards d’euros à l’État entre 2009 et 2011, selon un rapport parlementaire. Et la première économie ouest-africaine est loin d’être la seule concernée. lll

les évolutions tardent. De fait, « plusieurs administrations africaines, comme celle du Maroc, semblent avoir des plans pour supprimer les subventions générales des prix [et favoriser des] dépenses d’aide sociale mieux ciblées sur les groupes les plus vulnérables », confirme Standard & Poor’s. Nizar Baraka, le ministre de l’Économie et des Finances du royaume chérifien, envisage ainsi de réactiver un système gelé depuis plus d’une décennie : réajuster à la hausse les prix des produits pétroliers dès que le baril franchit un certain seuil sur les marchés internationaux. La réforme de la Caisse de compensation, qui gère la politique de subventions et absorbe près de 20 % du budget national, est sur la liste du gouvernement. Mais en dehors de quelques aménagements l’an dernier, les évolutions tardent et, pendant ce temps, les comptes publics continuent de se détériorer, avec un déficit estimé à 7,1 % du PIB en 2012.

questions à

Pourtant, les lignes des réformes à mener sont claires : évaluer les bénéfices et les coûts des subventions, communiquer massivement sur le sujet, réduire les subventions de manière progressive en commençant par les moins sensibles politiquement etmettreenplacedesaidessocialesdirectespermettant de compenser la libéralisation des prix pour les populations les plus pauvres. La réussite de certains pays, comme le Brésil avec son programme Bolsa Família, montre le chemin. Brasília a mis un terme progressivement à sa politique de subventions en atténuant les conséquences les plus dommageables de cette évolution grâce à des bons d’essence et à des transferts sociaux. Le Kenya fut quant à lui avant-gardiste en élaborant, il y a une décennie, sa politique tarifaire évolutive dans le domaine de l’électricité : les clients consommant peu (a priori les moins aisés) paient beaucoup moins cher le kilowattheure. La réforme a permis de rétablir l’équilibre des sociétés exploitantes, d’augmenter les investissements et donc d’améliorer le service. Avec la baisse des prix du pétrole et la modération relative de ceux des denrées, les autorités africaines voient s’ouvrir une fenêtre pour commencer à substituer aux subventions un système d’aides sociales ciblées.LeGhanavientainsid’augmentersansheurt les prix des carburants, avec des hausses entre 15 % et 50 %. Le pire aujourd’hui serait que les décideurs attendent une nouvelle flambée des prix internationaux pour réformer à la va-vite et sous la contrainte. Avec le risque d’un embrasement social général. l

Patrick raleigh

Analyste crédit chez Standard & Poor’s

« il y a eu des réformes réussies » le collaborateur de l’équipe chargée de la notation des états africains pointe les faiblesses du système. général beaucoup plus faibles au sud du Sahara qu’au nord. On y trouve donc plus de ménages qui dépendent fortement des subventions, une un passé récent, peu de pays situation qui peut rendre les subsahariens ont autant gouvernements plus réticents dépensé en subventions pour à les supprimer. les produits énergétiques que l’Égypte et, dans une moindre les aides les plus contestées mesure, le Maroc et laTunisie. sont celles portant sur l’énerLa raison? Le contexte social gie. des pays ont-ils réussi à qui prévaut depuis le début les réformer sans déclencher du Printemps arabe et qui a de contestations d’ampleur? rendu les gouvernements plus La réforme des subventions enclins à répondre aux énergétiques n’est pas facile demandes populaires. En et peut donner lieu à une revanche, les revenus sont en opposition farouche, comme jeune afrique : les pays subsahariens et ceux du nord du continent font-ils face aux mêmes difficultés ? Patrick raleigh : Dans

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

on l’a vu au Nigeria en 2012. Mais il y a aussi eu des réussites, en Afrique comme ailleurs. Par exemple, au cours des deux dernières décennies, le Brésil et l’Ouganda ont coupé leurs subventions énergétiques sans subir de grandes perturbations sociales. les subventions peuvent aussi être vues comme un outil de politique économique permettant de promouvoir les investissements dans certaines activités…

Bien sûr ! Celles sur les engrais, très répandues,

dr

100

peuvent avoir pour conséquence directe d’améliorer les récoltes. Et certains États subventionnent le fioul industriel dans l’espoir de doper la croissance. Mais la question est de savoir si cela constitue le moyen le plus efficace de promouvoir l’activité économique, ce qui n’est pas du tout certain dans bien des cas. Pour nous, ce qui compte, c’est l’impact sur le PIB par habitant et sur la croissance économique, car il s’agit de facteurs importants dans la notation souveraine. l Propos recueillis par f.M. jeune afrique


Les indiscrets

Entreprises marchés

Air Côte d’Ivoire Le Fonds

JACky HAtHIrAmAnI, le nouvel Homme de renAult Au nIgerIA

Aga Khan va-t-il s’envoler?

ISSOUF SANOGO/AFP

q Akfed détient 15 % du capital de la jeune compagnie ivoirienne.

L

assemblée générale des actionnaires d’Air Côte d’Ivoire qui se tient ce 4 juin, à Abidjan, s’annonce déterminante pour l’avenir de la jeune compagnie. Le Fonds Aga Khan pour le développement économique (Akfed), qui possède 15 % du capital, devrait annoncer son intention de se retirer. Notamment pénalisé par les difficultés d’Air Mali (qu’il détient à 51 %), l’investisseur, qui s’était engagé pour un montant de 3,75 milliards de F CFA (5,7 millions d’euros), n’en a

jusqu’ici débloqué que 375 millions et ne compte pas verser le reste. Sa décision n’est certes pas définitive, mais elle a été signifiée aux autres actionnaires, l’État de Côte d’Ivoire (65 %) et la compagnie Air France (20 %). Plusieurs options sont d’ores et déjà à l’étude pour la reprise des parts d’Akfed. Deux institutions bancaires, la Banque ouestafricaine de développement (BOAD) et la Banque internationale de l’Afrique de l’Ouest (BIAO, filiale du groupe NSIA), ont manifesté leur intérêt. l

Après s’être allié avec Pernod Ricard dans les boissons alcoolisées et avec Carrefour dans les centres commerciaux (lire p. 105), Xavier Desjobert (photo) ne compte pas en rester là. Le directeur du développement de CFAO pense sérieusement à développer un véritable pôle agroalimentaire au sein du groupe de distribution spécialisée. Sous la houlette du président du directoire, Alain Viry, et du nouvel actionnaire japonais, TTC, l’ex-directeur international de Casino souhaite s’impliquer dans la structuration jeune afrique

dr

CFAO lOrgne l’AgrOAlimentAire

des filières de transformation alimentaire, notamment pour offrir dans les magasins Carrefour des produits locaux de qualité. PAs de sOuCi POur les tunisiens de mAuritAniA AirwAys

Mis en cause par l’ancien président du conseil d’administration de Mauritania Airways, le

Mauritanien Mohamed Ould Debagh, dans la faillite de la compagnie, les cadres de Tunisair qui l’ont gérée entre 2007 et 2010 sont soutenus par leur direction et coulent des jours tranquilles. L’ancien directeur général Moncef Badis est aujourd’hui à la retraite, et Ridha Jemaïl, qui lui a succédé, serait le représentantdeTunisairàAlger. Incarcéré pendant trois mois, Mohamed Debagh, proche de l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, a été libéré le 9 mai. Parti au Maroc, il comptait revenir à Nouakchott le 30 mai pour la suite de la procédure judiciaire.

renault change son fusil d’épaule au Nigeria. Début mai, Anne Renaud-Abboud, directrice commerciale Euromed-Afrique du constructeur automobile, a signé un contrat de distribution avec Jacky Hathiramani, directeur général du groupe diversifié dana (importation de produits alimentaires et de santé). Exit CFAO, jusqu’ici partenaire du français au Nigeria. La première enseigne estampillée Renault ouvrira ses portes à l’automne prochain à Abuja, la capitale fédérale. D’ici à quatre ans, la firme au losange ambitionne de vendre 2 500 voitures par an, soit 5 % du marché, contre 800 par an depuis 2010.

yérIm Sow CHerCHe un InveStISSeur Après avoir ouvert le capital des eaux minérales olgane au fonds African Agriculture Fund,Yérim Sow cherche à faire entrer un financier dans celui de Bridge Bank, basé à Abidjan et dont il détient 80 %. Des négociations se sont ouvertes en novembre 2012 avec la Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIo) pour 15 % des parts. Un autre acteur institutionnel, dont l’identité reste mystérieuse, serait en compétition avec BIO. Mais, selon une source interne, les négociations pourraient encore capoter, notamment en raison des conditions de sortie exigées par ces financiers. Ce ne sont pas de vaines menaces : en début d’année, Bridge Bank s’est déjà permis de refuser les avances du capitalinvestisseur eCP. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Entreprises marchés

Photos : oLiVier Pour j.a.

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p Dans la carrière (2 km de long sur 500 m de large), les ouvriers percent le sol pour y placer des charges explosives. Mine

Tongon, la pépite ivoirienne de Randgold L’exploitation du gisement aurifère a nécessité 310 millions d’euros d’investissements. Mais avec 6 tonnes d’or en 2012, la production est encore bien trop faible selon le patron du géant sud-africain.

R

endez-vous a été donné à l’aéroport d’Abidjan. La visite de la mine d’or de Tongon, à l’extrême nord de la Côte d’Ivoire, près de la frontière malienne, commence souvent par un voyage dans les airs. Un bimoteur d’une vingtaine de places appartenant au groupe Randgold assure la liaison en une heure vingt, ce qui évite un fastidieux trajet en voiture. À l’arrivée, les passagers sont confrontés au gigantisme du chantier étalé sur 325 km2. La piste d’atterrissage fait partie n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

des nombreuses infrastructures construites pour l’exploitation du gisement. À cela s’ajoutent 200 km de routes, dont celle reliant Tongon à la capitale régionale Korhogo, une ligne à haute tension et une usine. En tout, plus de 400 millions de dollars (environ 310 millions d’euros) d’investissements. En cette fin du mois d’avril, la direction du groupe sud-africain est réunie sur le site à l’occasion du conseil d’administration de la société Tongon SA, détenue à 89 % par Randgold et à 10 % par l’État

ivoirien. Mark Bristow, directeur général du géant minier, mène le débat. Le message est clair : le général n’est pas satisfait. Le cours de l’or, même s’il reste haut, est à la baisse. Les coûts opérationnels ont augmenté, entre autres à cause des coupures électriques et des trop nombreux arrêts de l’usine. Et la production 2012 – 6 tonnes d’or (environ la moitié de la production ivoirienne) – a reculé de 16 % par rapport à l’année précédente. Résultat: si la mine a généré 189 millions de dollars de profits, les investissements ne seront couverts qu’en 2015, avec un an de retard. Pour améliorer la productivité de l’usine,TongonSAaprévud’injecter 30 millions de dollars supplémentaires dans le site en 2013. pRession. « Les banques ne nous

financent pas en Côte d’Ivoire. C’est l’argent gagné au Mali que nous avonsinvesti»,s’agaceMarkBristow en aparté. Plus que tout, le patron jeune afrique


Entreprises marchés

La mine de Tongon s’étend sur 325 km2 à 55 km au sud de la frontière malienne

craint que le gouvernement ivoirien n’augmente la fiscalité du secteur à l’occasion de la révision du code minier,l’empêchantdeprofiterpleinement du potentiel de Tongon. « La part que l’État tire de l’activité minière n’est pas satisfaisante », confirme Abdramane Diabaté, directeur général des mines et de la géologie. Alors le Sud-Africain met la pression sur le gouvernement : « Le ministre des Mines [Adama Toungara] doit prendre conscience qu’en tant qu’investisseur, nous sommes un ambassadeur pour la Côte d’Ivoire. » Mais aussi sur ses équipes: « Chaque dollar compte. » Car la réussite du projet dépend avant tout des 1 200 ouvriers, dont 75 % de locaux, employés sur le site par Randgold et ses prestataires. Au bord de la carrière – 2 km de long et 500 m de large –, on est frappé par la démesure de la tâche. En deux ans et demi, les hommes ont déjà creusé à 60 m de profondeur. D’ici à sept ans, date prévue pour la fin jeune afrique

r i s q u e s. Les roches sont

alors apportées au concassage. D’immenses mâchoires les ramènent de 1 m à moins de 12 mm de longueur. Elles sont ensuite broyées par des billes de fer dans de grands tambours, avec de l’eau, expliqueLansinaCissé,responsable de la production. Transformée en pulpe, la roche subit alors un traitement chimique qui inquiète les défenseurs de l’environnement. Cyanure et chaux vive sont utilisés pour isoler l’or. « Rien n’est rejeté dans la nature. Nous récupérons les 15 000 litres d’eau utilisés chaque jour », précise Amourlaye Daouda, responsable hygiène, sécurité et environnement de la mine. Quant aux risques de rejet dans l’atmosphère, la direction assure filtrer les émanations toxiques.

p Le broyage avec des billes de fer transforme la roche en pulpe.

MALI GUINÉE

BURKINA FASO Korhogo

CÔTE D'IVOIRE LIBERIA

YAMOUSSOUKRO Abidjan

GHANA

de l’exploitation, ils seront encore descendus de 110 m. Au fond, on découvre un ballet permanent d’engins surdimensionnés. Chaotique en apparence, le chantier est en fait remarquablement organisé. « Avant de dynamiter le sol, nous connaissons grâce à des forages la teneur en or de chaque pan de terrain », explique Souleymane Dangouté, géologue. En moyenne, 2,5 grammes de minerai par tonne à Tongon. Pas de pépites à ramasser, mais d’infimes morceaux de métal jaunenoyésdanslapierre.Seulesles parcelles d’une teneur supérieure à 1,9 gramme sont envoyées à l’usine.

Golfe de Guinée 200 km

En bout de chaîne, l’usine produit une substance appelée « doré », pure à 95 %. Chaque semaine, le transporteur Brinks en emporte environ 200 kg vers l’Afrique du Sud, où elle est raffinée. Même limité, ce stock pourrait attiser les convoitises. Plutôt que de devenir un camp retranché, Tongon SA veille à entretenir de

la réussite du projet dépend avant tout des 1 200 ouvriers employés sur le site. bonnes relations avec les communautés voisines. La société a consacré l’an dernier 375 millions de F CFA (572000 euros) à des projets sur la santé, d’adduction d’eau, d’électrification et d’éducation. La somme représente environ 0,4 % de ses bénéfices. Si la paix sociale a un prix, il reste largement acceptable. l Julien Clémençot, envoyé spécial n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

103


Entreprises marchés BTP

Song Dongsheng

Président de Sinohydro

« Nous sommes dans une position de collaboration, pas de domination » Incontournable sur le continent, le géant chinois n’y relâche pas ses efforts. Il entend bien décrocher la réalisation du complexe hydroélectrique Grand Inga en RD Congo.

dire exactement ce que nous allons faire sur ce chantier [qui doit démarrer en octobre 2015] mais nous sommes confiants, nous y participerons. Le projet de grand inga est-il comparable à celui des Trois-gorges, le plus grand barrage hydroélectrique au monde, construit sur le Yangtsé en Chine ?

M

i-mai, à Paris. Song Dongsheng, 51 ans, président du géant chinois du BTP Sinohydro depuis à peine un an, est confiant. En lice pour la construction du complexe hydroélectrique Grand Inga (RD Congo), il est venu plaider sa cause auprès du gouvernement congolais et des bailleurs, réunis dans la capitale française autour du projet.Unebelleoccasion pour l’entreprise publique, créée en 1951 au lendemain de la révolution chinoise, de réaffirmer son intérêt pour le continent. Elle y a réalisé 2,8 milliards de dollars (2,1 milliardsd’euros)dechiffred’affairesen 2012 (sur un total de 20,1 milliards de dollars) et y emploie environ 50 000 salariés dans 30 pays. Du haut de ses trente-deux ans de maison, Song Dongsheng a aussi mis en avant l’appui apporté à son groupe par le gouvernement et les banques de l’empire du Milieu, un atout face aux consortiums concurrents, un coréo-canadien (Daewoo, Posco et SNC-Lavalin) et un espagnol (ACS Group, Eurofinsa et AEE). Il a répondu aux questions de Jeune Afrique. jeune afrique : À Paris, vous avez participé aux discussions sur le financement et la construction du barrage d’inga iii, sur le fleuve Congo. allez-vous réaliser cet ouvrage ? Song DongSheng : Ce projet

d’Inga est un rêve pour une société n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Grand Inga [composé de sept barrages] est plus coûteux et plus grand, en taille, que le complexe hydroélectrique des Trois-Gorges, où nous avons exécuté 60 % des travaux. Mais ce dernier était techniquement plus difficile à bâtir. Avec l’expertise que nous avons, la construction d’Inga ne nous posera pas de problème… La rD Congo estime à 8,5 milliards de dollars le montant nécessaire à la réalisation d’inga iii. De quels appuis disposez-vous auprès des banques ? Sinohydro

104

p Il a pris la tête de l’entreprise publique il y a un an à peine.

comme la nôtre. Je suis venu à Paris avec la ferme intention de décrocher le rôle de principal contributeur à la construction de ce grand barrage, pour laquelle un appel d’offres est en cours. Nous formons un groupement avec deux autres sociétés, China Three Gorges Corporation et China International Water & Electric Corporation [CWEC]. Pour le moment, nous ne connaissons pas le détail des différents lots du projet, entre la construction du barrage, des générateurs de courant et de la distribution de l’électricité. Il est encore tôt pour

L’afrique, première cible hors de Chine Chiffres 2012 pour le continent

2,1 Md€

de chiffre d’affaires, soit 50 % du total réalisé à l’étranger

50 000

salariés, soit 59 % des effectifs employés à l’étranger

Nous avons la chance d’être soutenus par les banques publiques chinoises, en particulier China Exim Bank qui nous suit depuis longtemps sur de nombreux projets. Nous avons d’ailleurs prouvé par le passé que nous sommes capables de proposer des conditions financières particulièrement attractives. Par exemple, pour permettre à la RD Congo d’être prête à temps pour accueillir le dernier sommet de la Francophonie [en octobre 2012], nous avons préfinancé – pour plusieurs dizaines de millions de dollars – et réalisé en dix mois la nouvelle piste de l’aéroport de Kinshasa. C’est du jamais vu dans le BTP ! quels pays visez-vous en priorité?

En Afrique francophone, en dehors de la RD Congo, nous nous positionnons sur les projets jeune afrique


Coulisses

Entreprises & marchés

105

de construction de trois ports en Mauritanie (port de pêche à Nouakchott, minéralier et pétrolier à Nouadhibou). En Côte d’Ivoire, nous bâtissons la centrale hydroélectrique de Soubré. Mais nous avons aussi d’importants projets de barrages et de routes en Algérie, au Cameroun, au Gabon et au Mali. D’ailleurs, dans ce dernier pays, où nous construisons le barrage de Félou, nous avons maintenu les cadences malgré les troubles politiques, alors que les autres groupes internationaux rapatriaient leurs équipes. Depuis le début des années 2000, la Chine a fortement poussé ses entreprises à venir en Afrique. À tel point qu’elles dominent aujourd’hui totalement certains secteurs, comme celui des travaux publics…

Nous ne sommes pas dans une position de domination, mais de collaboration. Chez Sinohydro, nous le prouvons d’ailleurs dans le domaine des ressources humaines, où nous insistons beaucoup sur les transferts de compétences et la formation. Et l’intérêt chinois a été bénéfique à l’Afrique, il a même poussé des groupes – notamment européens – à y revenir, pour nous empêcher de dominer les marchés… Justement, quels sont vos principaux concurrents sur le continent ? Des groupes comme le canadien SNC-Lavalin ?

Dans le domaine hydroélectrique, nous sommes clairement leaders, grâce à nos coûts bien inférieurs à ceux de nos concurrents occidentaux. En revanche, dans le domaine de la construction de routes et de bâtiments, nous nous heurtons notamment aux français Vinci et Bouygues, via sa filiale Colas. l Propos recueillis par ChRISTOPhE LE BEC jeune afrique

Distribution Carrefour et Cfao se marient Le français Carrefour et CFAO, passé en 2012 sous contrôle japonais, ont annoncé leur alliance pour s’implanter dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale: le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Ghana, le Nigeria, la RD Congo et le Sénégal. Le numéro deux mondial de la grande distribution et le groupe spécialisé dans la distribution automobile et pharmaceutique constitueront une société commune qui sera détenue à 45 % par Carrefour et à 55 % par CFAO. Avec cet accord, Carrefour part à la conquête de l’Afrique subsaharienne, au-delà de ses implantations enTunisie, au Maroc et en Égypte. CFAO, déjà présent dans 32 pays d’Afrique, signe quant à lui son retour dans la distribution alimentaire. Il développera les enseignes de son partenaire et ouvrira des centres commerciaux dans les pays concernés. Les travaux d’un premier hypermarché Carrefour commenceront dans quelques semaines à Abidjan, pour une ouverture prévue en 2015. l

S

M

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Marta NaSCIMENtO/rEa

Retrouvez toute l’actualité économique et financière du continent sur economie.jeuneafrique.com

• ÉNERGIE L’Éthiopie a détourné une partie du Nil pour construire le barrage Grand Renaissance, un projet de 3 200 M€ • PÉTROLE Le français Total a annoncé la vente à Sonangol d’une participation de 15 % dans un bloc au large de l’Angola • MINES Le français Areva a réaffirmé rester au Niger malgré l’attentat-suicide qui a visé sa mine d’uranium à Arlit • AIDE Le Fonds saoudien pour le développement a annoncé un prêt de 115 M€ à la Tunisie pour la construction de logements

fuite Des Capitaux L’afrique, Ce CréanCier De 1980 à 2009, les sorties nettes de capitaux de l’Afrique ont atteint entre 415 milliards et 975 milliards d’euros, estiment la Banque africaine de développement (BAD) et l’ONG américaine Global Financial Integrity. La fuite des ressources depuis trente ans, quasiment l’équivalent de son PIB, place le continent, contrairement aux idées reçues, dans une position de créancier net par rapport au reste du monde.

pib CroissanCe Confirmée En 2013, le PIB du continent devrait croître de 4,8 % en moyenne, puis de 5,3 % en 2014, prédit le rapport sur les « Perspectives économiques en Afrique », qui combine l’expertise de la BAD, de l’OCDE, du CEA et du Pnud, entre autres. Dans le top 10

continental figurent leTchad (7,9 % en 2013 et 11,5 % en 2014), la Côte d’Ivoire (8,9 % et 9,8 %) et la RD Congo (8,2 % et 9,4 %). Cette expansion africaine, qui s’appuie sur les matières premières, l’agriculture et une demande tirée par la consommation et les investissements, ne suffira cependant pas à réduire la pauvreté.

internet GooGLe miLite pour Le Wi-fi Google mène des projets de développement de réseaux internet sans fil en Afrique subsaharienne et en Asie, avec en ligne de mire la connexion de 1 milliard de personnes, notamment dans les zones rurales. Le wi-fi permettrait à Google de contourner les entreprises de télécoms avec lesquelles le groupe américain se dispute le contrôle de l’accès à internet. Le Kenya et l’Afrique du Sud seraient intéressés. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013


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Décideurs Cameroun

Au nom du mentor

À 52 ans, Jean Paulin Fonkoua remplace le fondateur Paul Kammogne Fokam à la présidence d’Afriland First Bank. Son objectif : maintenir l’établissement dans le peloton de tête.

J

ean Paulin Fonkoua a du mal à prononcer le nom de son prédécesseur. « Il n’est pas toujours facile de remplacer un baobab qui vous a formé », glisse celui qui a présidé, le 16 mai, sa première assemblée générale des actionnaires d’Afriland First Bank (AFB). Le remplaçant de Paul Kammogne Fokam à la présidence du conseil d’administration de la filiale camerounaise d’Afriland First Group n’est pourtant pas un étranger. Il est entré chez CCEI Bank, l’ancêtre d’AFB, il y a dix-huit ans. Depuis, cet informaticien de formation s’est imprégné des différents métiers de la banque grâce à ses missions dans les autres filiales du groupe, notamment celle de Guinée équatoriale, et a gravi les échelons. Il se voit ainsi nommé, en 2008, vice-président exécutif chargé de l’organisation, des

méthodes et des systèmes d’information au sein du holding du groupe, basé en Suisse. Son retour au Cameroun, à la tête d’AFB, intervient dans un contexte particulièrement difficile. Officiellement, Paul Kammogne Fokam a décidé de se retirer pour

conflits d’intérêts et d’ingérence dans la gestion de l’établissement. Tout en refusant d’établir un lien entre le rapport du régulateur et le départ de son prédécesseur, Jean Paulin Fonkoua concède qu’AFB restait la seule filiale en Afrique où Fokam assumait encore une responsabilité.

en dix-huit ans de maison, cet informaticien s’est formé aux différents métiers de la banque. « se consacrer au développement international du groupe et à ses travaux de recherche », expliquet-on à la tête de la banque. Mais en réalité, son départ est forcé. L’année dernière, un rapport de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a pointé des problèmes de gouvernance dans cette filiale et accusé Paul Kammogne Fokam, le fondateur du groupe, de

Profil • 52 ans • Informaticien de formation, diplômé de l’université de Yaoundé • Entré chez CCEI Bank (aujourd’hui Afriland First Bank) en septembre 1995 • Nommé vice-président exécutif du holding Afriland First Group (en Suisse) en 2008

de témoin entre les deux hommes avait commencé fin 2012. C’est Jean Paulin Fonkoua qui a par exemple présidé les conseils d’administration des 28 décembre 2012 et 30 avril 2013. « Au-delà des liens personnels fort anciens qu’il a tissés avec le fondateur du groupe, sa connaissance d’Afriland, dont il est l’architecte du système informatique, a énormément pesé dans sa désignation », explique un cadre de la maison. À 52 ans, l’ancien formateur de l’Agence pour la promotion de l’informatique et des technologies nouvelles (Apitech) se fixe désormais pour objectif de faire aussi bien que son mentor. « Le principal défi sera de se maintenir au moins au niveau où [Paul Kammogne Fokam] a laissé la banque, c’està-dire dans le peloton de tête », déclare-t-il. Plus ambitieux, le directeur général d’AFB, parle, lui, de la reconquête à brève échéance du leadership national dans les dépôts, que la banque détenait en 2010. Alphonse Nafack souligne la solidité financière de l’établissement : « Le total de bilan, qui n’était que de 570 milliards de F CFA [869 millions d’euros] en 2011, se situait à 660 milliards de F CFA en mars », indique-t-il. Et de préciser que les rapports d’AFB avec la Cobac se sont normalisés depuis que l’établissement s’est conformé aux règles prudentielles. l Omer mbadi, à Yaoundé

dr

• Président du conseil d’administration de la filiale camerounaise depuis fin 2012

architecte. De fait, le passage

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeune afrique


Décideurs

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Humilis

t Le PDG de Humilis est aussi président de l’Institut algérien de la gouvernance d’entreprise.

Bourse

Lies Kerrar parie sur Alger

Cet expert en finance s’apprête à lancer la première société d’intermédiation indépendante du pays. Il compte bien contribuer au décollage de la Place, plutôt moribonde.

L

a Bourse d’Alger a beau être moribonde, avec seulement trois sociétés cotées et une direction en pleine tourmente – son directeur général, Mustapha Ferfara, est démissionnaire –, Lies Kerrar veut toujours croire à son potentiel. « Le marché financier algérien doit être développé, car l’épargne est abondante en Algérie. Pour cela, il faut des intermédiaires en Bourse », affirme le PDG de Humilis Corporate Finance Advisory, un cabinet de conseil en ingénierie

financière situé en plein centre d’Alger, qu’il a créé en 2007 et qui emploie huit personnes. BeRcaiL. À 44 ans, cet expert en

finance diplômé de HEC Montréal et de l’université de Toronto vient de recevoir l’autorisation de la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob) pour créer une société d’intermédiation boursière. Dans les prochains mois, Humilis Investissement sera de fait le premier acteur indépendant du

genre en Algérie. Sur les sept que compte le pays aujourd’hui, six de ces sociétés sont adossées à des banques publiques et la septième à BNP Paribas El Djazaïr. Cedéveloppement,demêmeque les nouvelles introductions prévues à la Bourse d’Alger – la première cotation de NCA Rouiba est fixée au 3 juin –, devrait permettre à ce natif d’Alger, rentré au bercail en 2004 pour structurer les émissions obligataires d’entreprises telles qu’Air Algérie, Cevital ou encore Sonelgaz, de doper ses activités. Car pour l’instant, son chiffre d’affaires est modeste et oscille, selon les années, entre 300 000 euros et 1 million d’euros. « La Bourse d’Alger doit rapidement atteindre une taille critique. Et cela passe par des privatisations dans des secteurs représentatifs de notreéconomiecommel’énergie,les banquesoulestélécoms»,préconise celui qui est également membre du conseilexécutifettrésorierduForum des chefs d’entreprises (FCE) et qui plaide pour que le marché financier algérien soit conforme à la taille de sonéconomie.Si,entre2004et2006, le marché local a connu un certain dynamisme avec des émissions de prèsde2milliardsdedollars(1,5milliard d’euros), il est depuis tombé dans une profonde léthargie. l Ryadh BenLahRech, envoyé spécial

on en paRLe

ephraim turahirwa Bpr Nommé directeur général de la Banque populaire du Rwanda, cet ancien vice-gouverneur de la National Bank of Rwanda sera chargé de conforter la position concurrentielle de la première banque du pays en nombre de clients.

hassan el Basri mBn Directeur chargé de la gestion globale des risques chez le marocain Banque populaire, il a été élu pour deux ans président du Mediterranean Bank Network, une association destinée à promouvoir le commerce interrégional. dr

Karim Koundi deloitte Le nouveau directeur associé du cabinet d’audit et de conseil pour le secteur technologies, médias et télécoms en Afrique francophone, était auparavant directeur central des systèmes d’information chez TunisieTélécom. jeune afrique

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Finance Bourse

Mac SA sur tous les fronts

Très active sur la Place de Tunis, la société d’intermédiation cherche à s’étendre au sud du Sahara. tout en se lançant dans le capital-investissement avec ECP pour partenaire.

A

lors que l’économie tunisienne tourne au ralenti, Mac SA fait preuve d’une ardente activité à la Bourse nationale. La société d’intermédiation a piloté la moitié des introductions réalisées depuis le début de l’année, contribuant ainsi à l’animation de ce marché encore peu développé. Dernière opération en date, bouclée le 20 mai: l’émission d’environ 1,25 million d’actions nouvelles de Syphax Airlines, la jeune compagnie aérienne de Mohamed Frikha. L’homme d’affaires tunisien avait déjà introduit en Bourse Telnet, une autre de ses entreprises, en 2011. Menée conjointement avec Tunisie Valeurs, un autre courtier delaPlace,l’augmentationdecapital de Syphax Airlines de 25 millions de dinars (11,7 millions d’euros) « a finalement été un succès alors que l’opération était risquée. À cause du contexte et parce que la société est jeune et faiblement capitalisée, j’imaginais qu’elle ne serait pas clôturée»,affirmeKaisKriaa,ducabinet d’analyse financière AlphaMena. Interviewé au siège de Mac SA aux Bergesdulac(àTunis),MouradBen Chaabane,directeurgénéraladjoint de l’entreprise, est moins circonspect: « Certes, l’incertitude ralentit un peu l’appétit des investisseurs, mais toutes les sociétés cotées en Bourse sont en croissance, assure-til. La conjoncture est difficile mais je faislepariquel’onpeutaugmenterla capitalisation de la Bourse de Tunis de 30 % d’ici à la fin de l’année. » D’ailleurs, les prochaines semaines s’annoncent chargées pour l’intermédiaire, avec les introductions de la société de crédit Hannibal Lease, de la Société d’articles d’hygiène (SAH, qui commercialise la marque Lilas) et du groupe Délice-Danone. D’un montant de 130 millions de dinars chacune, les deux dernières opérations suscitent l’intérêt des investisseurs étrangers, n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

ONS ABID POUR J.A.

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assure Ben Chaabane. Mac SA est aussi sur les rangs pour l’entrée en Bourse de l’opérateur Tunisiana, mais voudrait s’associer avec deux ou trois autres partenaires. « C’est un ticket à 300 millions de dinars. La société gagne de l’argent, elle n’a pas de dettes, mais je ne vois pas de croissance ; pourtant, je pense qu’on pourra placer le titre sans aucun problème », confie le patron.

p Basée aux Berges du lac, l’entreprise a piloté la moitié des introductions réalisées depuis le début de l’année.

Agressivité. Pour l’analyste Kais

Kriaa, il n’y a pas de doute, « Mac SA est certainement l’acteur le plus actif sur le marché des émissions ». Et ce dynamisme porte ses fruits.

Mac sA, numéro deux du marché (chiffres 2011)

372

361,2

Part de marché en % Volume traité en millions €

21,6

Tunisie Valeurs

20,98

Mac SA

102,6 5,96 BNA Capitaux

Depuis 1997, « nous avons multiplié notre chiffre d’affaires par trente et le nombre de nos employés par quinze », souligne Mourad Ben Chaabane, tout en refusant de communiquer son chiffre d’affaires actuel. « Ce qui nous caractérise, c’est notre agressivité. Nous attirons beaucoup de fonds du Golfe et de pays en développement », explique le directeur général adjoint, qui possède 35 % du capital aux côtés du groupe koweïtien Kharafi (48 %). Mais ce qui fait la force de Mac SA, créé en 1993 et qui s’est hissé au fil des ans au deuxième rang des sociétés d’intermédiation avec 21 % de part de marché en 2011, c’est d’avoir réussi à diversifier son activité. La société intervient également dans la finance d’entreprises et la gestion d’actifs, avec l’une des premières sicav de la place. Des fonds de placements variés – dont un produit conforme à la charia – et un département d’analyse et de recherche complètent le profil. Mais ce n’est pas tout. Mac SA poursuit son développement en misant davantage sur les PME tunisiennes. Avec Emerging Capital jeune afrique


baromètre Partners (ECP, un capital-investisseur panafricain basé aux ÉtatsUnis), il vient ainsi de créer Jasmin Fund, qui sera initialement doté de 50 millions d’euros. Ce fonds généraliste – « ce qui est essentiel pour un fonds dédié à ce type d’entrepreneurs », explique ECP – prendra des participations minoritaires, pour 3 à 7 millions d’euros, afin d’accompagner des entreprises disposant d’un fort potentiel de croissance et d’un management de qualité. D’après Mourad Ben Chaabane, « six projets ont déjà été sélectionnés – cinq dans l’industrie et un dans les services. Nous avons par ailleurs suscité pas mal d’intérêt auprès des investisseurs du Golfe, européens et locaux ». Le premier closing est prévu pour septembre. « Cette initiative nous permet d’être encore plus proche du terrain, du tissu économique et des entrepreneurs », se félicite Nayel-Georges Vidal, directeur du bureau d’ECP à Tunis. Les deux partenaires ont déjàtravailléensemble.MacSAavait pilotélaprisedeparticipationd’ECP dans SAH – participation qui est sur le point d’être cédée en Bourse. AbidjAn. Désormais, l’appétit et l’ambition de l’intermédiaire tunisien dépassent les frontières. « Notre objectif est de devenir une société africaine, martèle Mourad Ben Chaabane. C’est là que je vois l’avenir: la croissance, selon moi, ne peut être trouvée que sur l’ensemble du continent. » Il est en pourparlers avec des partenaires dans plusieurs paysafricainspourcréerdessociétés d’intermédiation : « Notre département d’études a suffisamment d’expérience pouvant être exportée », assure-t-il. Sa première cible est la Bourse régionale de valeurs mobilières (BRVM) ouest-africaine, basée à Abidjan, en Côte d’Ivoire, où Mac SA n’exclut pas de créer une coentreprise avec « un réseau bancaire ou une société indépendante ». Le Maroc et l’Égypte sont aussi dans son viseur. La société tunisienne affirme que des projets pourraient se concrétiser avant la fin de l’année et être opérationnels dès 2014. l

Finance

Fin de hausse pour les brasseurs ? valeur

Delta Corporation

Bourse

Cours au 29 mai (en euros)

Évolution depuis le début de l'année (en %)

H arare

1,5

+ 45

3,3 39,7 0,5 426,9 0,8 224,5 6,6 107,8 1,4

+ 37,74 + 28,95 + 23,28 + 21,74 + 18,42 + 12,11 + 10,24 + 9,95 + 1,46

east african Breweries N airobi saBMiller J oHaNNesburg Zambian Breweries L usaka solibra a bidJaN nigerian Breweries L agos Brasseries du Maroc C asabLaNCa sFBt T uNis namibia Breweries W iNdHoek Guinness nigeria L agos Incroyable. après une spectaculaire année 2012, les principales capitalisations africaines du secteur de la bière continuent leur course folle. le kényan east african breweries a ainsi vu son cours s’envoler d’environ 40 %. certes, globalement, les fondamentaux des brasseurs restent bons, et même SFbT, dans un contexte tunisien tendu, continue d’accroître ses revenus (lire ci-

dessous), mais les valorisations semblent avoir atteint aujourd’hui des niveaux trop élevés, estiment les analystes. Premier signe d’un fléchissement à venir, Guinness nigeria a vu son cours stagner depuis le début de 2013 : positionnée sur un segment relativement haut de gamme (bière stout), la société a été la première à souffrir de la concurrence et du ralentissement de la demande. l

Valeur en vue SFbt Croissance à deux chiffres Malgré un contexte éconoMique morose et très incertain, et en dépit des augmentations de prix, la consommation des boissons alcoolisées ne s’est pas réduite en tunisie, comme en témoignent les résultats 2012 de SFBt. la forte croissance de son chiffre d’affaires (+ 21,6 % par rapport à 2011) est imputable à la progression des revenus des boissons gazeuses (+ 17,8 %), mais aussi des bières (+ 18,4 %). cette évolution est à l’origine du réajustement du prix de certains produits (+ 3,8 % ttc pour la bière) et des imen quantités vendues. Pour ce qui est de 2013, malgré les ben Ahmed nouvelles taxes imposées sur les boissons alcoolisées Analyste financière par le gouvernement dominé par les islamistes, SFBt chez AlphaMena entame une nouvelle année record. ce qui confirme encore une fois la très forte demande du marché local – en dépit des difficultés actuelles des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et des loisirs – ainsi que la force et la diversité de l’offre du leader tunisien des boissons. » l bOUrSe

CA 2012

COUrS (29.5.2013)

ObjeCtiF

Tunis

154,8 millions d’euros (+ 21,6 %)

14 dinars

22,7 dinars

StéphAnie Wenger, à Tunis jeune afrique

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Dossier

Trevor Snapp/BloomBerg/geTTy ImageS

110

p Champ de blé au Kenya. Si rien n’est fait pour améliorer la production agricole, le continent ne subviendra qu’à 13 % de ses besoins alimentaires en 2050.

Agriculture

interview

Jane Karuku

Présidente de l'Agra


cAmeroun

Biotropical porte ses fruits

lAbellisAtion

Dans la cour des grands

coton

Le Bénin reprend difficilement la main

Algérie

Fertial mise sur l’export

sÉCuRitÉ alimentaiRe

Moisson de doutes

Cinq ans après les émeutes de la faim, les déclarations de bonnes intentions n'ont pas été suivies d’effets. la situation en afrique aurait même plutôt empiré. Et les lignes de fracture sont nombreuses quant à la meilleure politique à adopter.

sÉbastien Dumoulin

É

gypte, Maroc, Cameroun, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal, Burkina Faso… C’était en 2008, et personne n’a oublié les « émeutes de la faim » provoquées par une inflation soudaine du prix des denrées de base. À l’époque, la communauté internationale comme les autorités politiques africaines juraient leurs grands dieux que la sécurité alimentaire serait désormais en tête de leurs priorités. En septembre 2009, le G20 de Pittsburgh (États-Unis) promettait 22 milliards de dollars (15 milliards d’euros) via le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire. Sur le continent, cette préoccupation remontait même à 2002 quand, après des années de déclin des investissements et de faible productivité agricole, la Commission de l’Union africaine avait lancé le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad). Les États s’engageaient à affecter 10 % de leurs budgets nationaux à l’agriculture, avec l’ambition d’atteindre un taux de croissance agricole de 6 % par an. À ce jour, une trentaine d’États africains ont signé ce pacte, dont, dernièrement, le Gabon (lire p. 129). De belles paroles… Car les résultats des politiques de sécurité alimentaire en Afrique sont largement décevants. « Il est préoccupant de constater que quatorze pays africains figurent encore aujourd’hui sur la Watch List de la FAO

[Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture], dont quatre qui ont enregistré des taux de croissance parmi les meilleurs, à savoir le Congo, le Niger, l’Éthiopie et le Mozambique », se désole Gilles Peltier, ex-directeur délégué de l’Agence française de développement (AFD) et, à ce titre, ancien membre du conseil de surveillance de l’African Agriculture Fund. sous-alimentation. Dans l’ensemble, la situa-

tion du continent a plutôt empiré. Dans son rapport 2012 sur « l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde », la FAO estime à 239 millions le nombre d’Africains sous-alimentés sur la période 2010-2012, soit 19 millions de plus que sur la période 2007-2009. Et la progression ne se fait pas seulement en valeur absolue. La prévalence de la sous-alimentation est passée de 22,6 % à 22,9 %. Si la situation en Afrique du Nord est restée stable (2,7 %) et relativement proche de celle des régions développées (1,4 %), il en va autrement de l’Afrique subsaharienne. Le nombre de personnes sous-alimentées y a sensiblement augmenté, de 216 millions à 234 millions. Pour atteindre en 2015 les Objectifs du millénaire pour le développement, il faudrait que leur nombre sur le continent diminue de moitié par rapport au début des années 1990 – soit sous la barre des 90 millions de personnes. On en est loin… Est-ce une question de volume d’investissements? Force est de constater que les engagements n’ont été que très partiellement tenus. Selon le Système régional d’analyse stratégique et de gestion des connaissances (Resakss, organisme de suivi du PDDAA), seuls cinq pays africains consacrent n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Dossier Agriculture au moins 10 % de leurs dépenses totales au secteur agricole: le Burkina Faso, l’Éthiopie, le Mali, le Niger et le Sénégal. « À l’exception de l’Éthiopie, aucune des dix plus grandes puissances agricoles en Afrique n’a atteint cet objectif », constatent les chercheurs du Resakss. Et seuls six pays ont dépassé les 6 % de croissance agricole: l’Angola, la Guinée, le Nigeria, l’Éthiopie, le Rwanda et le Mozambique. « En 2008, on estimait les besoins d’investissement à 8 milliards de dollars sur cinq ans, explique Gilles Peltier. Et nous sommes péniblement arrivés à 1,5 milliard. Cela ne suffit pas, et l’Afrique n’est pas du tout à l’abri d’une nouvelle crise. » « Il faut être prudent, car l’aspect qualitatif des investissements est au moins aussi important que les volumes, nuance Jean-Luc François, responsable de la division agriculture à l’AFD. Le Burkina Faso ou le Sénégal dépensent beaucoup en subventionnant énormément les engrais, mais est-ce une politique soutenable ? Sans doute pas. À l’inverse, le Kenya, qui investit relativement peu, a une agriculture très dynamique. »

lll

« mirage ». À ce point de la discussion, de nom-

breuses lignes de fracture apparaissent sur ce que les uns et les autres considèrent comme une politique agricole pertinente. Certains rêvent de reproduire en Afrique les grandes exploitations mécaniséesdeplusieursmilliersd’hectaresduBrésil ou d’Australie. « C’est un mirage, s’agace Jean-Luc François. En Afrique de l’Ouest notamment, ce n’est pas possible. Le véritable enjeu est d’intensifier la production des petites exploitations agricoles. » Ce débat sur la taille se mêle à celui sur la nature des productions à mettre en avant : vivrières pour la consommation locale ou d’exportation pour réduire le déficit commercial ? « Diminuer les importations pour être moins dépendant du marché n’est pas toujours la bonne voie à suivre, fait valoir Jean-Luc François. De nombreux pays ont des avantages comparatifs sur les cultures

Aliou MbAye/PAnAPress/MAxPPP

112

p Manifestation contre la vie chère à Dakar, en avril 2008.

14 pays sous surveillance Menacés d’insécurité alimentaire, ils sont sur la Watch List de la FAO : Congo, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Lesotho, Sénégal, Soudan, Soudan du Sud, Zimbabwe

PrODuire PLuS en POLLuanT mOinS En continuant sur la pente actuelle, « les systèmes de production agricole africains ne seront en mesure d’assurer que 13 % des besoins alimentaires du continent en 2050 », prévient le Montpellier Panel, un groupe d’experts internationaux, dans son rapport « intensification durable: un nouveau paradigme pour l’agriculture africaine », paru le 18 avril. Le défi est donc de produire plus, mais en limitant les impacts négatifs sur l’environnement et en faisant face aux changements n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

climatiques à venir. Pour cela, les auteurs de l’étude mettent en avant une triple intensification: écologique, en privilégiant des modes de culture sans labour ou moins gourmands en pesticides; génétique, en sélectionnant les semences les plus performantes, y compris les oGM; et socio-économique, avec un environnement de marché favorable. autant d'objectifs sur lesquels se concentre l’alliance pour une révolution verte en afrique (lire interview pp. 114-115). l S.D.

d’exportation tropicales. Et dans certaines zones comme l’Afrique du Nord, il faudra toujours acheter du blé. La course à l’autosuffisance serait suicidaire. » Cela étant dit, l’accent mis sur les cultures d’exportation pose question. « Ce sont ces cultures qui intéressent les investisseurs du Nord, pas la production d’œufs, de maïs ou de manioc. Du coup, en Zambie, les poussins de trois jours sont importés des Pays-Bas par cargo », regrette Gilles Peltier. Alors qu’il est difficile de conclure globalement sur la pertinence des choix effectués, il y a toutefois quelques exemples de stratégies unanimement salués. C’est le cas au Ghana, qui a su mobiliser ses petits producteurs sur des cultures d’exportation comme l’hévéa ou le cacao, avec des systèmes de financement qui fonctionnent bien. Autre réussite : la mise en valeur du fleuve Sénégal. « Le déficit commercial en riz a réellement diminué grâce à des investissements publics importants dans l’irrigation, un coup de fouet donné aux intrants et une politique aux frontières de taxation du riz brisure asiatique », résume Jean-Luc François. VOLaTiLiTÉ. Dernière mise en perspective dans

un débat qui n’en manque pas : la hausse de la production est-elle un objectif suffisant ? « Avec la distribution d’engrais et de semences, les cultures locales de maïs et de riz sont devenues plus productives. Mais attention, ce n’est pas parce que la production progresse que le problème de l’insécurité alimentaire est résolu. Le pouvoir d’achat des ménages reste trop faible », prévient Nicolas Bricas, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). En 2008, la crise était avant tout liée à l’envolée des prix. Pour faire face à cette volatilité, c’est autant la question du pouvoir d’achat – et donc du chômage – qui est posée. « Avec la croissance démographique, 300 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail en Afrique subsaharienne. Qui propose ces emplois ? » interroge Nicolas Bricas, qui plaide plus pour des politiques multisectorielles que pour d’hypothétiques révolutions vertes. l jeune afrique



Dossier interview

Jane Karuku

Présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique

« Seul le secteur privé pourra faire décoller la productivité »

De là à dire que les plans nationaux ont porté leurs fruits…

Il y a eu un élan avec des initiatives comme Grow Africa [une initiative conjointe des ministres de l’Agriculture de sept pays pour permettre aux petits exploitants agricoles de devenir des agriculteurs commerciaux], en plus de la mise en place de plans nationaux. En 2003, à Maputo, au Mozambique, les États de l’Union africaine se sont engagés à consacrer 10 % de leur PIB à l’agriculture, et cinq d’entre eux ont atteint ce seuil.

Depuis 2006, cette organisation indépendante basée à Nairobi affiche un double objectif : offrir un meilleur niveau de vie aux petits agriculteurs et assurer la sécurité alimentaire du continent.

quels sont les principaux défis auxquels est confrontée l’agriculture en afrique ?

phil moore pour j.a.

114

v

oiciunanquel’ex-directrice générale adjointe de Telkom Kenya a été nommée présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), fondée il y a sept ans grâce aux financements de la Fondation Rockefeller et de la Fondation Bill & Melinda Gates. Cette Kényane a auparavant occupé diverspostesliésausecteuragricole, notamment chez Farmers Choice et Cadbury, dont elle dirigeait les activités dans quatorze pays d’Afrique orientale et d’Afrique centrale. Pour Jeune Afrique, elle revient sur la mission que s’est assignée l’Agra. jeune afrique: quel est votre diagnostic sur la sécurité alimentaire cinq ans après les émeutes de la faim qui ont secoué le continent ? jane KaruKu : La situation a

incontestablement évolué. Le plus important, d’après moi, c’est que ce thème a fait son chemin en Afrique. n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

Les gouvernements se sont emparés du sujet et ont investi dans le secteur. Certes, ce n’est pas encore suffisant, mais c’est une évolution très positive. quels sont les pays qui font figure de bons élèves ?

Certains gouvernements ont mis en place des institutions ciblant spécifiquement les questions agricoles. C’est notamment le cas de l’Éthiopie, du Burkina – qui est très en pointe dans ce secteur –, du Malawi,delaTanzanie,duNigeriaet duGhana.Maislaquestioncentrale, c’est le financement. En dix ans, nous sommes passés de 13 milliards à environ 300 milliards de dollars [232 milliards d’euros] investis sur le continent, ce qui représente un bond phénoménal. Même le Mali, malgré la crise qu’il traverse, fait preuve de volontarisme pour attirer des investisseurs et développer son potentiel agricole.

p Cette Kényane a été nommée à la tête de l’Agra en avril 2012.

Les principaux défis sont l’accès aux marchés, qui garantit un revenu aux petits agriculteurs, l’adoption des nouvelles technologies, l’adaptation des équipements au stockage et un meilleur accès aux engrais, qui sont très chers. Et bien sûr la question du financement, même si certains pays ont mis en place des systèmes de partage des risques, comme le Kenya et le Nigeria. Comment l’agra contribue-t-elle à l’amélioration de la situation ?

Nous soutenons une centaine de projets, qui vont du développement de variétés de semences de meilleure qualité, notamment pour le maïs et le manioc, à l’amélioration de la fertilité du sol grâce à une gestion intégrée du sol et de l’eau, en passant par la modernisation des systèmes d’information sur les marchés et de stockage, ou la facilitation de l’accès au crédit pour les agriculteurs et les petits fournisseurs d’intrants. Pour l’approvisionnement en semences, l’Agra a mis en place un réseau de détaillants d’intrants agricoles afin de réduire la distance parcourue par les paysans pour s’approvisionner. Nous incitons par ailleurs les agriculteurs à se regrouper afin qu’ils puissent négocier les prix et écouler leur production sur les marchés. Reste jeune afrique


Agriculture à augmenter la valeur des subventions que nous accordons – en moyenne 80 millions de dollars par an – et à développer nos partenariats pour pouvoir mener à bien nos objectifs. Que proposez-vous en matière de formation ?

L’un de nos objectifs est de former des agronomes et de stimuler la recherche sur les semences. Dans le cadre du Programme des systèmes semenciers pour l’Afrique (Pass), nous avons noué des partenariats avec des universités dans plusieurs pays, qui ont débouché sur la mise en place de dix masters et de deux doctorats en recherche agronomique. Nous avons également fourni un soutien financier à l’Institut d’économie rurale, au Mali. Jusqu’à présent, nous avons contribué à la formation d’environ 800 étudiants, de l’enseignement technique jusqu’au doctorat.

vous facilitez également l’accès au crédit des petits agriculteurs…

L’Agra a mis en place des dispositifs de partage des risques afin de mettre à la disposition des petits exploitants agricoles et des PME agroalimentaires des prêts à taux privilégiés.Nousnoussommesainsi associés au Fonds international de développement agricole (Fida)

Les greniers de L’aFriQue Établie à Nairobi, au Kenya, l’alliance pour une révolution verte en afrique (agra) mène ses activités dans seize pays, mais se concentre plus particulièrement sur le Ghana, le Mali, le Mozambique, latanzanie et l’Éthiopie, considérés comme les greniers potentiels de l’afrique et susceptibles de pratiquer une agriculture plus intensive. D’ici à 2020, elle ambitionne de permettre à 20 millions de petits agriculteurs de doubler leurs revenus et de réduire l’insécurité alimentaire de moitié dans vingt pays. l F.r.

pour injecter 5 millions de dollars dans un fonds de garantie dans la banquekényaneEquityBank,cequi lui a permis de lever 50 millions de dollars qui ont bénéficié à quelque 50 000 agriculteurs sous forme de prêts directs. Le Programme pour le développement rural de diffusion desinnovationsettechniquesfinancières (Profit), signé en mai 2012, va permettre d’aller plus loin: l’objectif est de lever 100 millions de dollars d’ici à 2018. Les partenariats public-privé sontils la clé du succès ?

Quelle que soit leur taille, ce sont les acteurs du secteur privé qui sont à même de donner aux petits agriculteurs la perspective d’accéderauxmarchéspourécouler leurs produits. Eux seuls pourront faire décoller la productivité, du fait de leur expertise comme de leur avance technologique. l Propos recueillis par Fanny rey

115


Notre engagement pour l’Afrique – Le projet d’amélioration de la qualité des céréales

Le Développement Rural

N

estlé, le leader mondial de la nutrition, de la santé et du bien-être, veut s’assurer que ses activités ont un impact positif sur ses fournisseurs et sur les communautés qui vivent dans les zones où le Groupe opère. Le développement rural est l’une des trois #<7&<78-: !6" .":85- 4 7$"'87,-": #&6< créer de la valeur partagée. Les 2 autres sont la nutrition et l’eau. C’est l’approche choisie par l’Entreprise pour conduire ses affaires en s’assurant qu’elle crée de la valeur pour ses 4187&''47<": 347: 46::7 46 #<&,8 $": communautés qu’elle touche le long de sa chaine de valeur.

Partie intégrante de l’axe prioritaire qu’est le développement rural, la stratégie de Nestlé pour une agriculture durable est conçue pour garantir un approvisionnement continu en matières premières agricoles sûres, de grande qualité et pour aider les communautés rurales à accroître leurs revenus. PROJET D’AMELIORATION DE LA QUALITE DES CEREALES Objectifs: Réduction de l’impact négatif des mycotoxines et amélioration de la qualité de vie des communautés touchées. Formation des agriculteurs et contribution à un régime alimentaire plus sain pour les communautés locales Contribution à une meilleure santé des agriculteurs, donc baisse des dépenses de santé

COMMUNIQUÉ

Meilleur accès au marché des céréales de qualité Satisfaction de la demande grandissante de Nestlé en céréales de qualité. Réduction de la dépendance de Nestlé aux céréales importées.

La sécurité alimentaire, une priorité La réduction du niveau élevé de contamination en mycotoxines des céréales, fruits et noix secs produits en Afrique du Centre et de l’Ouest est une priorité pour le Groupe, qui a lancé un programme ciblé de formation des agriculteurs afin de pouvoir s’approvisionner localement en céréales qui répondent aux standards élevés du Groupe en matière de sécurité alimentaire et de qualité. La contamination en mycotoxines est répandue et causée par des champignons. Elle peut causer des problèmes immunitaires, un retard de croissance chez l’enfant et entrainer chez l’homme comme chez l’animal de sérieuses pathologies du foie.

fabrication de certains de ses produits comme GOLDEN MORN (Céréales pour petit-déjeuner vendus principalement au Nigeria) et CERELAC (Céréales pour jeunes enfants). Amélioration de la qualité des céréales Pour aider à lutter contre les mycotoxines, Le Bureau de Nestlé pour l’Afrique du Centre et de l’Ouest a lancé son Projet d’Amélioration de la Qualité des Graines en partenariat avec l’Institut International d’Agriculture Tropicale du Bénin en 2009. Le projet a pour objectif de réduire le niveau de contamination d’environ 60% au Ghana et au Nigeria. Pour cela, Nestlé utilise des stratégies de réduction des toxines, telles que la

Aujourd’hui, près de 30% des cultures céréalières de la région sont perdues à cause de cette contamination qui est causée par l’humidité et la chaleur qui caractérisent cette zone tropicale et équatoriale sans compter les mauvaises pratiques que l’on y retrouve en matière de séchage et de stockage. Les céréales et les légumes produits localement comme le maïs sont importants pour Nestlé, car elles sont des composantes importantes dans la

L’accès aux marchés et l’amélioration des opportunités de revenus pour les agriculteurs africains


“Le Projet d’Amélioration de la Qualité des Graines est unique en son genre, parce qu’il permet de contribuer à la sécurité alimentaire,mais aussi parce qu’il permet de promouvoir une alimentation plus saine. Des milliers d’agriculteurs sont formés et nos usines en Afrique du Centre et de l’Ouest peuvent à présent s’approvisionner localement en céréales. Nous sommes très engagés en Afrique et nous continuerons d’y investir”.

Les personnes illettrées ont reçu des supports graphiques sur lesquels il leur est facile de repérer les recommandations et les interdits.

De 2008 à 2009, Près de 10 000 agriculteurs ont été formés et ont pu produire des graines selon les normes Nestlé. En 2010, ce nombre est passé à 30 000.

Etienne Benet, Directeur Régional de Nestlé Afrique du Centre et de l’Ouest

sensibilisation aux bonnes pratiques agricoles et aux bonnes pratiques de stockage. Ces bonnes pratiques sont développées en partenariat avec des bureaux nationaux de vulgarisation et comprennent des ateliers de formation animés par des agronomes de Nestlé. Ces formations permettent aussi de sensibiliser les populations sur les dangers liés à la consommation de graines contaminées. Elles sont aussi l’occasion d’encourager les responsables de la vulgarisation, les détaillants, les transporteurs et les grossistes, en payant des prix premium pour les céréales sans mycotoxines. Impact du programme A ce jour, plus de 50 000 agriculteurs &'8 #6 2-'-,17"< $" 1" #<&;<433" de formation. Des campagnes de sensibilisation avec brochures, lettres d’information et dépliants, ont permis d’informer les populations sur les dangers liés à la consommation de graines contaminées.

Environ 150 million de personnes au Ghana et au Nigéria, précédemment exposées aux risques liés à la présence $+4*48&)7'" 0:&<8" $" 3(1&8&)7'"/ $4': leur alimentation, ont à présent accès à un régime plus sain. A une échelle plus large, le projet a attiré l’attention des autorités locales et de partenaires internationaux souhaitant collaborer avec Nestlé pour répliquer ce programme dans d’autres pays. Les prochaines étapes Nestlé prévoit d’étendre ce programme 4,' $" 8&619"< $+468<": #4(: 4=<7147': &% l’on retrouve une grande prévalence de contaminations en mycotoxine. Les supports de formation seront traduits en langues locales pour atteindre plus de personnes.

Présence en Afrique Nestlé est présente en Afrique depuis les années 1880. Le Groupe a ouvert son bureau régional pour l’Afrique du Centre et de l’Ouest en 2005 et il supervise l’ensemble de ses opérations dans les 22 pays qui constituent cette Région à partir d’Accra. Nestlé compte 7 usines dans cette Région et y emploie plus de 5 000 personnes. Des dizaines de milliers d’autres personnes y travaillent comme fournisseurs, distributeurs, transporteurs, ou autres de Nestlé. Au cours des cinq dernières années, la société a investi plus de 400 million de Dollars en Afrique du Centre et de l’Ouest. Parmi ces investissements, on compte une nouvelle usine MAGGI au Nigeria et une unité de fabrication de céréales infantiles au Ghana.

FAITS ET CHIFFRES CLES: Plus de 50 000 agriculteurs au Ghana et au Nigeria ont été formés pour réduire les niveaux de contamination en mycotoxine des céréales et des légumes. 100% du maïs utilisé par Nestlé au Nigeria et au Ghana vient d’un approvisionnement local 150 villages en Afrique de l’Ouest et du Centre -)3)'+"$3* &%(3 0.2#./44$ &$ 1$,*!) 02(. l’agriculture 20 transporteurs et 11 fournisseurs ont été formés sur la gestion des mycotoxines 60 Agents de Vulgarisation Agricole du Ministère Ghanéen de l’Alimentation et de l’Agriculture et du Ministère Nigérian de l’Agriculture et du Développement Rural ont été formés sur la gestion des mycotoxines.

100% du maïs utilisé

dans CERELAC et dans GOLDEN MORN provient de l’approvisionnement local en céréales que peut faire Nestlé grâce à son programme d’amélioration de la qualité des céréales en Afrique de l’Ouest et du Centre


Dossier

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Afrique du Sud

Les gagnants de la réforme agraire La redistribution des terres conduite depuis 1994 par le gouvernement peine à donner des résultats: moins de 8 % des terres arables ont changé de mains, et 80 % restent exploitées par des Blancs. Mais de belles réussites ont vu le jour, comme l’illustrent les parcours de ces fermiers émergents.

Sindi Sabela-Akpalu, manageuse de la coopérative Ikhwezi Farms

E

Ben Van niekerk pour j.a.

lle n’aurait jamais imaginé se lancer dans l’agriculture. Diplômée en sciences de l’éducation, Sindi Sabela-Akpalu était chef de projet pour la sécurité dans les écoles au ministère de l’Éducation. Un emploi qu’elle quitte après la naissance de sa fille. Mais elle souhaite se remettre au travail lorsque celle-ci grandit. « Je possédais un terrain de 8,5 ha, acheté avec mon mari dans l’optique d’y investir un jour. Je me suis dit: pourquoi ne pas essayer d’y faire pousser quelque chose ? » se souvient-elle. En 2006, avec quatre amies, elle fonde la coopérative Ikhwezi Farms, à l’est de Pretoria. « Nous n’avions alors aucune connaissance en agriculture, se souvient-elle. Nous avons assisté à des réunions de fermiers émergents [fermiers noirs ou métis qui se lancent dans l’agriculture commerciale], et nous avons

constaté que leur principal problème était l’accès au marché. » Avec ses collègues, Sindi commence à démarcher supermarchés, hôtels et vendeurs locaux. Leur plus gros succès : avoir réussi, en 2008, à convaincre Woolworths, une importante chaîne de supermarchés en Afrique du Sud, d’acheter leurs tomates, poivrons, haricots verts et épinards. « Il a fallu près de deux ans pour qu’ils acceptent de nous faire confiance. Mais nous avons continué à les relancer chaque semaine, jusqu’à ce qu’ils viennent nous voir. » ConsEils. Pas très loin de la ferme

d’Ikhwezi se trouve une grosse exploitation agricole dirigée par des Blancs, Qutom Farms, qui fournit la même chaîne et offre des conseils pratiques et un support technique à la coopérative. « Cela

q Acquises à partir de 2007, ses cinq serres couvrent désormais 7 400 m2.

nous a beaucoup aidées. Soutenir des fermiers émergents leur permet de recevoir des points BEE [Black Economic Empowerment, un programme de discrimination positive mis en place à partir de 2001 et qui oblige les entreprises à avoir des actionnaires ou partenaires noirs] », souligne Sindi. Il existe aussi de nombreux programmes qui permettent aux nouveaux fermiers de recevoir des aides. « Le problème, c’est qu’il faut se renseigner un peu partout et démarcher les gens, ce que certains fermiers émergents trouvent difficile. » Le ministère de l’Agriculture met un tracteur à sa disposition et lui accorde un prêt qui lui permet, à partir de 2007, d’acquérir ses serres. L’an dernier, le ministère du Commerce et de l’Industrie a financé un voyage aux États-Unis afin qu’elle puisse aborder la production de légumes avec des fermiers locaux. Et, en 2011, le ministère de l’Agriculture lui décerne le prix de « meilleure agricultrice de l’année ». Dans une région ravagée par le chômage, cette femme de 46 ans emploie désormais quatorze personnes à plein temps. La plupart sont séropositives. « Je voulais donner une chance à ces jeunes. Aujourd’hui, ils réalisent qu’ils peuventcontribueràlaréussited’un projet et ils bénéficient des bienfaits de la consommation quotidienne de légumes frais », indique-t-elle. L’an dernier, la coopérative a produit 867 tonnes de tomates. Motivée par ce succès, Sindi voit les choses en grand : « Depuis décembre, nous en avons cueilli 500 tonnes. Et la récolte est loin d’être terminée. » L’installation d’un système de chauffage est en projet et, depuis fin 2012, l’emballage des légumes se fait sur place. » l PatriCia Huon, à Johannesburg

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

jeune afrique


PatRIcIa Huon

Jan Zim, éleveur de vaches laitières

J

an est le fils d’un travailleur agricole qui, en 1989, acquiert 162 ha près de Harrismith, à 270 km au sud de Johannesburg, dans un ancien bantoustan – région réservée aux Noirs sous l’apartheid –, pour y élever des vaches laitières. Quand celui-ci décède, en 1999, Jan, alors chauffeur de taxi, prend la relève. « Mon père n’avait que sept vaches et n’utilisait aucune mécanisation. Après dix ans de travail, il n’avait pas fini de payer sa ferme », soupire l’homme de 46 ans. Il achète de nouvelles vaches, obtient un prêt de la Land Bank – une banque publique qui apporte des financements aux agriculteurs noirs – et devient pleinement propriétaire de l’exploitation. En 2004, Nestlé, qui possède une usine à Harrismith et soutient des fermiers émergents, lui propose d’acheter tout son lait et lui prête de l’argent pour l’achat d’un générateur, d’un réservoir à lait et d’une machine à traire. « Au début, je fournissais à peine 25 litres par jour », se souvient Jan Zim. Il possède désormais 42 bêtes et produit quotidiennement 520 litres de lait. l P.H.

Le partenaire de vos projets agricoles en Afrique et au Moyen-Orient

Gift Mafuleka, entrepreneur agricole

à

Jason LaRKIn/Panos-REa

31 ans, Gift a réalisé son rêve : il cultive du maïs et des légumes sur 342 ha à Bronkhorstspruit, à 50 km à l’est de la capitale. Diplômé en sciences agricoles à l’université de Pretoria en 2005, il est engagé par le géant McCain Foods comme chef de culture sur une ferme. Quand, quatre

ans plus tard, la société annonce son intention de quitter les lieux, le jeune homme approche le ministère du Développement rural et de la Réforme agraire qui, dans le cadre du programme de redistribution des terres, rachète l’exploitation et la loue à Gift. La compagnie minière Petmin aide l’entrepreneur à acheter du matériel agricole, McCain lui accorde un prêt sans intérêts et lui achète sa production. La ferme réalise désormais un chiffre d’affaires de 3 millions de rands (243000 euros). « Trop de gens se lancent dans l’agriculture sans réelle passion, souvent sans formation, en pensant réaliser de gros profits rapidement, dit lefermier,quiemploiedésormaisdixpersonnes–letripleenpériodederécolte.Le gouvernement les aide à démarrer puis, quand les fonds se tarissent, ils baissent les bras. » Si Gift ne gagne pour l’instant pas plus que lorsqu’il était employé, il a la satisfaction d’être son propre patron. l P.H.

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Dossier Agriculture Cameroun

Biotropical porte ses fruits Profitant de la demande exponentielle du marché européen, cette entreprise pionnière de la production bio a plus que doublé son chiffre d’affaires en cinq ans. Et compte bien faire école.

P

roduirebioauCameroun? À la fin des années 1980, l’idée pouvait sembler saugrenue. Trente ans après, elle a fait son chemin, comme l’illustre la réussite de Biotropical. En cinq ans, cette PME spécialisée dans la production et l’exportation de fruits tropicaux issus de l’agriculture biologique a multiplié son chiffre d’affaires par 2,3. Celui-ci était de 293 millions de F CFA (447 000 euros) en 2007 ; il est passé à 678 millions de F CFA en 2012, avec un bénéfice net de plus de 41 millions de F CFA. De bons résultats avec lesquels elle compte renouer après un accident de parcours l’an dernier, lorsqu’une plantation voisine a aspergé ses manguiers de pesticides… Il en faut plus pour décourager son fondateur, Jean-Pierre Imélé. « Quand j’ai fondé Biotropical, je voulais créer une grande entreprise qui produise et transforme des produits pour les exporter sur les marchés du monde, créer des emplois, améliorer le niveau de vie des producteurs », explique-t-il. C’était en 1988. Né en 1957, arrivé n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

en France à l’âge de 18 ans, ce jeune Camerounais fait des études d’agronomie, travaille dans une exploitation agricole, crée une société d’importation de fruits tropicaux bio, qu’il gère jusqu’en 2000. Très vite, il mesure les atouts qu’offre son pays d’origine – un environnement encore sain, des terres arables disponibles – et le potentiel de la filière, qui s’avère considérable: le marché français de l’agriculture biologique, par exemple, croît de 12 % par an entre 1999 et 2011. C’est d’ailleurs le Vieux Continent qui absorbe aujourd’hui les exportations de Biotropical. Celles-ci, certifiées par Ecocert, sont vendues pour les trois quarts sur le marché français, et pour le reste en Allemagne et en Italie. Les fruits sont commercialisés, frais ou transformés, dans les grands réseaux de magasins bio, comme Biocoop. Rôle social. À quand l’exporta-

tion vers les autres pays d’Afrique ? « Ce serait bien sûr l’idéal, d’autant que nous avons des demandes de produits au Sénégal, admet l’entrepreneur. Mais le commerce est

inexistant, les barrières sont multiples et inutiles. » En attendant, Biotropical a d’autres missions, sociales et économiques, sur le continent, comme mener à bien le développement du bio auprès des petits producteurs. Ils sont 80 à l’approvisionner en mangues, papayes, bananes et ananas. Presque tous sont propriétaires de plantations reculées, éloignées de toute pollution, localisées dans les provinces du littoral, de l’Ouest, du Sud et du Nord-Ouest. En 2011, 23 % des charges de Biotropical ont été consacrées à leur soutien, notamment pour les former aux techniques de base de l’agriculture biologique. « Dans ces zones, l’emploi salarié est rare, la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté », relève Planète d’entrepreneurs. Cette association, qui a réalisé en octobre 2012 une mission pour Biotropical, estime que « 77 % des ouvriers agricoles ont pu augmenter leurs revenus » depuis qu’ils travaillent pour cette société. Une prouesse même si, concluent les enquêteurs, « la relation entre Biotropical et ces producteurs reste à consolider, car leur situation de dépendance peut les mettre en difficulté si Biotropical n’est pas en mesure d’acheter ». La société se dit prête à relever le défi. « Le

la société consacre près du quart de ses charges au soutien des petits producteurs locaux. non-regroupement des petits producteurs en associations ou coopératives constitue une véritable entrave pour Biotropical dans son engagement à les sortir de la pauvreté », explique Jean-Pierre Imélé, qui s’engage pour les années à venir à « poursuivre cette structuration des petits producteurs en leur assurant un revenu fiable dans le temps et en les insérant dans le tissu économique national ». Un objectif social louable qui doit aussi permettre à l’entreprise d’augmenter son volume de production. l MaRjoRie cessac jeune afrique



Dossier Agriculture LabeLLisation

Dans la cour des grands L’Indication géographique protégée est un précieux sésame pour pénétrer les marchés européens. Trois produits africains, jusqu’ici confidentiels, en profitent déjà.

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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L

e poivre de Penja, parfumé et puissant, très recherché par les plus grands chefs, est produit par quelque 300 agriculteurs sur les reliefs volcaniques du sud du mont Koupé, au Cameroun. Sur les 70 tonnes récoltées chaque année, 16 tonnes seulement sont exportées. Le miel d’Oku, blanc et naturellement crémeux, avec des arômes de fleurs et d’agrumes, provient de la forêt protégée de Kilum-Ijim sur les flancs du mont Oku, au Cameroun également. Sept cents apiculteurs recueillent 20 tonnes seulement de ce miel jusqu’à présent inconnu en France. Le café Ziama-Macenta, un robusta aux caractéristiques proches de celles de l’arabica, est apprécié pour sa saveur acidulée, son intensité aromatique élevée et persistante. Cultivé en plantations agroforestières sur le mont Ziama, dans le sud-est de la Guinée, il n’est pas encore commercialisé en France. Trois produits rares mais très prisés, dont les horizons s’élargissent avec l’octroi de l’Indication géographique protégée (IGP), un label de qualité jusque-là réservé aux produits européens. Il s’étend aujourd’hui à seize pays africains membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) qui, avec l’Agence française de développement (AFD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), participe au Programme de renforcement des capacités commerciales (PRCC). Une première. Mais d’autres produits africains sont sur les rangs. « Parmi eux, l’échalote du pays dogon, au Mali, l’oignon violet de Galmi, au Niger, et la toile de Korhogo, en Côte d’Ivoire », détaille Cécé Kpohomou, responsable du programme IGP à l’OAPI.

t Le miel d’Oku, le café ZiamaMacenta et le poivre de Penja sont les tout premiers aliments africains officiellement reconnus.

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122

L’attribution de ces IGP résulte d’une démarche collective, entamée il y a cinq ans. Après le repérage des produits et l’évaluation de leurs qualités, un cahier des charges est dressé, et toute la filière, structurée. Puis le comité national des indications géographiques homologue les produits. Le miel d’Oku a ainsi été homologué en mai 2012, le poivre de Penja en décembre, et le café Ziama-Macenta le sera prochainement. Mais ce n’est que lorsque l’OAPI procédera à l’enregistrement de ces homologations – ce qui est imminent – que les producteurs acquerront le droit d’utilisation de l’IGP. EnjEux. Pour Cécé Kpohomou, les

retombées sont déjà palpables, en particulier depuis la présentation de ces produits au dernier Salon de l’agriculture à Paris, en février et mars 2013. Surtout pour le poivre de Penja. En réalité, l’engouement pour cette épice est allé grandissant depuis le début de la procédure de labellisation. « Tous les petits producteurs ont saisi les enjeux

À qui le tour ?

La pomme de terre du Fouta-Djalon (Guinée)

L’oignon violet de Galmi (Niger)

Le cacao

de Madagascar

Le piment

de Mamou (Guinée)

Le miel

du Goullmou (Burkina Faso)

L’échalote

du pays dogon (Mali)

et adhéré au projet », s’enthousiasme-t-il. Résultat : le prix bord champ (aux planteurs) au kilo a bondi de 2 500 F CFA à 8 000 F CFA (12,20 euros), et les agriculteurs comptent bien améliorer leur production et son taux d’exportation. Si le label IGP est aujourd’hui si convoité, c’est non seulement parce qu’il participe à la protection d’un patrimoine, mais aussi parce qu’il représente un véritable levier économique et un enjeu important pour la région. La garantie apportée à la qualité du produit permet de le vendre plus cher, sa distribution et son exportation sont améliorées – notamment vers l’Europe –, le bassin de production peut être développé et préservé à la fois, et l’IGP s’accompagne enfin d’assistance technique et de formations. En contrepartie, ce titre prestigieux suppose un effort de la part des producteurs, qui doivent maintenir la qualité tout en garantissant un volume à leurs acheteurs. Avec, à la clé, l’espoir de vendre leurs produits 40 % plus cher. l CLarissE juompan-Yakam jeune afrique



Dossier

124

Yannick TYlle/corbis

t L’industrie cotonnière assure un revenu à plus d’un tiers de la population du pays.

Coton

Le Bénin reprend difficilement la main Depuis qu’il a évincé l’homme d’affaires Patrice Talon, au printemps 2012, l’État cherche à réorganiser la première filière agricole du pays, qu’il a décidé de contrôler directement. Non sans difficulté. de paysans ayant mis en terre leurs plants de coton pour la campagne actuelle – qui a débuté en mai et s’achèvera en avril 2014 – s’interrogent sur l’approvisionnement en intrants (engrais, semences, produits phytosanitaires, etc.), essentiel pour les résultats de la filière. De fait, lors de la dernière campagne, celuici a connu de sérieux problèmes à la suite de la décision de l’État, en avril 2012, de rompre les contrats qui le liaient aux entreprises de

Le coton représente

40 %

des rentrées de devises et

90 %

des exportations agricoles

source : insae

N

«

ous n’avons pas d’herbicides alors que les premiers plants déjà en terre en ont besoin. Nous ne savons rien sur l’approvisionnement en intrants pour cette campagne. La télévision indique que les intrants sont disponibles mais ici, sur le terrain, nous ne voyons rien venir », constate Pascal Kassa, cotonculteur à Kotopounga, au nord-ouest de Cotonou. Comme lui, bon nombre

Patrice Talon. L’homme d’affaires a été placé en garde à vue en sa qualité de président du comité de gestion de la Centrale de sécurisation de paiement et de recouvrement (CSPR) pour mauvais usage de la subvention d’intrants allouée pour la campagne 2011-2012 (lire encadré). « Le vrai problème, c’est que depuis la mise à l’écart de Patrice Talon, la filière est désorganisée. C’est logique, celui-ci en détenait

ItINéraIre d’uN magNat déchu Né à Ouidah, à l’ouest de Cotonou, PatriceTalon a bâti un empire cotonnier dès le milieu des années 1980 en créant la Société de distribution intercontinentale (SDI), spécialisée dans l’importation d’intrants. À la suite de l’élection à la présidence de BoniYayi en 2006, il acquiert en août 2007 la division coton n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra), avec ses usines d’égrenage, et devient le « roi du coton ». Puis il crée en octobre 2008 la Société de développement du coton (Sodeco, dont il est actionnaire à 51 %), qui comprend quinze usines. Dès lors, Patrice Talon maîtrise l’ensemble

de la filière, de la production jusqu’à l’égrenage. Mais, en avril 2012, il est écarté, accusé de mauvaise gestion des 12 milliards de F CFA (18 millions d’euros) débloqués par l’État pour subventionner l’achat d’intrants pour la campagne cotonnière 2011-2012. En octobre dernier, il est soupçonné d’être à l’origine

d’une tentative d’assassinat par empoisonnement du président BoniYayi. Réfugié en France, il fait depuis l’objet d’une demande d’extradition. La justice française a demandé le 22 mai au gouvernement béninois un « complément d’information » pour f.V. se prononcer. l jeune afrique


le quasi-monopole, de la production à l’égrenage et au placement sur le marché international, depuis plus de vingt ans. Du jour au lendemain, l’État a dû mettre en place son propre système d’approvisionnement en intrants et de suivi des paysans », explique l’agroéconomiste Marcel Kouassi, spécialiste des questions liées à l’approvisionnement en intrants cotonniers au Bénin. Autre problème : depuis la mise à l’index du clan Talon, « des gens qui ne connaissaient rien à cette filière se sont découvert une vocation d’affairistes du coton en s’improvisant fournisseursd’intrants»,poursuit-il. De fait, leur pénurie lors de la dernière campagne a fait redouter une année blanche pour le coton. Et, mi-juin 2012, afin d’éviter un tel scénario, l’État avait été contraint de saisir au large de Cotonou un navire contenant des intrants commandés par Patrice Talon… Pris de court. Pour la campagne

en cours, le ministère de l’Agriculture a lancé en décembre des appels d’offres pour la fourniture d’intrants au profit de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra). La procédure a débouché en janvier sur la sélection de quinze entreprises, mais le gouvernement a finalement décidé de négocier directement avec des sociétés allemandes et maliennes. « Nous avons pris les devants pour ne pas être à nouveau pris de court. Les saisons passées, les entreprises sélectionnées avaient promis de livrer les intrants et nous avons attendu, en vain. Nous avons pris nos responsabilités pour éviter que cela ne se reproduise », se défend Issifou Kogui N’Douro, le ministre d’État chargé des Affaires présidentielles. En 2012-2013, le gouvernement, qui attendait une production de 600000 tonnes, avait été à plusieurs reprises obligé de revoir ses ambitions à la baisse – 226 000 tonnes seulement avaient été récoltées. Pour la prochaine campagne, le ministère de l’Agriculture table cette fois sur 500 000 tonnes. l Fiacre Vidjingninou, à Cotonou jeune afrique


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dossier agriculture Algérie

Fertial mise sur l’export Sept ans après sa création, la coentreprise algéro-espagnole, leader méditerranéen dans l’exportation d’ammoniac, a réalisé l’an dernier des résultats record.

L

Algérie, qui nourrit de grandes ambitions sur le marché des engrais et fertilisants, peut déjà compter sur la bonne santé de l’ancienne filiale publique d’Asmidal spécialisée dans les engrais. Privatisée en 2005 dans le cadre d’un partenariat avec le groupe espagnol Villar Mir, entré à 66 % dans son capital, la société, devenue Fertial, a enregistré en 2012 ses meilleurs résultats, avec plus de 245 000 tonnes d’engrais produits et écoulés rien qu’en Algérie, ainsi que 858 000 tonnes d’ammoniac – l’un des constituants des engrais –, essentiellement vendues à l’export. La production s’est accrue de 10 % en dix ans et le chiffre d’affaires a atteint 444 millions d’euros en 2012, contre 284 millions en 2010.

Chiffre d’affaires (en millions d’euros)

Taxe anTidumping. À l’origine

de ces bons résultats : les 220 millions de dollars (170 millions d’euros) d’investissements du groupe Villar Mir depuis 2005, dont une grosse moitié a servi à moderniser ses unités de production. Le groupe a aussi remboursé une dette de 200 millions de dollars dont la majeure partie provenait de la facture énergétique. En revanche, l’engagement de Villar Mir de créer une nouvelle unité de production

284 348 444 2010 2011 2012

d’ammoniac à Arzew, via sa filiale Fertiberia, et en partenariat avec le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach, n’a pas encore été tenu. « Une société a été créée en 2007 et une étude de faisabilité réalisée, mais nous attendons les décisions de Sonatrach », indique Jorge Requena Lavergne, directeur général de Fertial. Le groupe espagnol a de son côté trouvé en Algérie un marché national encore neuf et un coût de l’énergie concurrentiel. Le prix réduit du gaz a d’ailleurs valu jusqu’à l’an dernier au pays une taxe antidumping sur certains engrais, de la part de l’Union européenne. Sans réelles conséquences pour Fertial, qui n’exporte pas les engrais concernés. L’entreprise est tenue de fournir prioritairement le marché algérien, qui reste modéré en raison des habitudes culturelles des agriculteurs et du coût des engrais. Mais elle ne parvient pas encore à le satisfaire. Jorge Requena Lavergne explique que les engrais, du fait de leur caractère explosif, sont convoyés en Algérie par des escortes militaires, dont le nombre est limité. « Tant que cette situation durera, il sera difficile

d’écouler plus de 250 000 tonnes par an », regrette-t-il. Fertial estime cependant pouvoir augmenter sa production et veut se préparer à lutter contre la concurrence sur un marché appelé à croître. Aussi cherche-t-elle à développer sa notoriété et à capter l’intérêt des agriculteurs en les incitant à davantage utiliser les fertilisants, en les formant, en leur fournissant des conseils et des analyses gratuites. poTenTieL. Ces contraintes

n’empêchent pas l’entreprise et ses 1300 employés de figurer parmi les principaux exportateurs du pays, hors hydrocarbures. L’an dernier, 74 % de son chiffre d’affaires ont été réalisés à l’export – contre 56 % en 2009. Si Fertial a pour principal débouché l’Europe, elle est aussi présente au Maroc et en Tunisie, et vend depuis un an certains produits en Afrique du Sud, au Mozambique et au Kenya. « Ce sont des pays très intéressants, avec un fort potentiel, assure Jorge Requena Lavergne. Ils n’étaient pas encore représentatifs dans nos exportations en 2012, mais nous espérons qu’ils le seront en 2013. » l Saïd aïT HaTriT



Dossier

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tRibune

Opinions & éditoriaux

Pour une politique alimentaire et agricole euro-méditerranéenne

dr

L Jean-Louis Rastoin Directeur de la chaire Unesco en alimentations du monde du Centre international d’études supérieures en sciences agronomiques (Montpellier SupAgro)

es pays du sud et de l’est de la Méditerranée (psem) affrontent une insécurité alimentaire chronique due à une incapacité de l’offre à suivre une démographie galopante. Ce qui a conduit à des importations massives des produits de base (céréales, oléagineux, sucre) qui ont plombé les budgets nationaux via les caisses de compensation, dont le but est de maintenir les prix intérieurs stables. Cela a aussi engendré de nombreux effets pervers, dont le moindre n’est pas l’absence de priorité accordée par les gouvernements à l’agriculture et à l’agroalimentaire. La situation est aggravée par de nouvelles et lourdes contraintes, au premier rang desquelles la montée rapide d’une insécurité nutritionnelle, avec l’essor des maladies non transmissibles d’origine alimentaire (notamment l’obésité, les pathologies cardio-vasculaires et le diabète) lié à l’évolution des modes de vie et à l’absence de véritables politiques de santé. s’y ajoutent le changement climatique, avec une hausse des températures qui pourrait faire diminuer les rendements de 30 %, et la volatilité des marchés et des prix internationaux, qui complique la gestion des exploitations agricoles et des entreprises agroalimentaires et grève les finances publiques. sans compter que l’instabilité engendrée par la transition politique crée souvent un vide institutionnel sectoriel.

Cela passe par la mise en œuvre, en les adaptant à chaque pays, de mesures ayant prouvé leur efficacité en europe et dans de nombreux pays du monde : statut professionnel pour les agriculteurs, soutien au revenu des agriculteurs,

Les révolutions des pays arabes sont en partie dues à l’échec des politiques de développement rural.

Sur le plan agricole et agroalimentaire, l’union européenne (ue) absorbe 36 % des exportations des psem et fournit à ces pays 32 % de leurs besoins. On note cependant une érosion des parts de marché des exportateurs de l’ue dans les psem au profit des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et afrique du sud). de leur côté, les psem représentent 10 % des exportations et 7 % des importations extracommunautaires en produits agricoles et alimentaires. La réponse suggérée par l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) à ces multiples enjeux est la création d’une politique alimentaire et agricole commune euro-méditerranéenne (paacem) visant à améliorer la sécurité alimentaire quantitative et qualitative des populations concernées. Cette n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

politique serait construite dans le cadre d’un partenariat euro-méditerranéen, chacun des pays recherchant aujourd’hui, dans des accords bilatéraux, des espaces de développement. À cet effet, elle doit se fonder sur une augmentation et une amélioration de la production agricole et alimentaire dans chaque pays et sur un partenariat sud-sud (création d’un marché agricole commun) et euro-méditerranéen (contrats pluriannuels d’approvisionnement en produits alimentaires et coopération technique renforcée).

effort de recherche et développement, programme ambitieux de formation des agriculteurs, promotion par un label régional « terroirs méditerranéens », appui à l’organisation de filières agroalimentaires territorialisées, création d’un observatoire des marchés agricoles, information et éducation des consommateurs, création d’une agence méditerranéenne de sécurité alimentaire, mise en place d’une aide ciblée sur les ménages les plus pauvres…Toutes ces actions s’inscriront dans le cadre d’un modèle alternatif de consommation et de production alimentaire fondé sur les territoires méditerranéens et l’innovation technologique et organisationnelle. Les révolutions des pays arabes méditerranéens sont en partie dues à l’échec des politiques de développement rural et à la trop grande dépendance de ces pays à leur approvisionnement alimentaire. Or celle-ci ne fera que croître. Le moment est donc venu de changer de paradigme en matière de sécurité alimentaire et de coopération régionale, en abandonnant de coûteuses stratégies conformistes et en mettant le cap sur des systèmes alimentaires durables et responsables, au Nord comme au sud. l jeune afrique


Agriculture

MANIOC

Menace brune

D

es experts du manioc se sont réunis début mai à Bellagio, en Italie, afin de lancer un plan de lutte contre la striure brune, un mal qui gagne du terrain sur le continent depuis une dizaine d’années. Considérée comme une menace majeure pour la sécurité alimentaire, cette maladie se manifeste par une nécrose des tubercules. Longtemps circonscrite à la côte orientale, elle se propage rapidement via la mouche blanche – le virus a été signalé en RD Congo. Le manque à gagner pour les petits producteurs africains dépasserait les 75 millions d’euros par an. Les chercheurs craignent que la striure brune ne contamine le Nigeria, premier producteur mondial avec 10 millions de tonnes de manioc cultivées chaque année. l

GABON

Pacte national

J

ulien Nkoghé Békalé, le ministre gabonais de l’Agriculture, a ratifié, début mai, le pacte national du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine. « Le Gabon disposera désormais d’un plan d’action à court, moyen et long terme permettant de passer du statut de pays à vocation agricole au statut de pays agricole », a-t-il indiqué. Le Gabon devient ainsi le quatrième pays d’Afrique centrale à avoir signé cette initiative lancée en 2002 danslecadreduNouveauPartenariatpour

DR

En bref

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p Le ministre Julien Nkoghé Békalé.

le développement de l’Afrique (Nepad). Objectif : éradiquer la faim et réduire la pauvreté en consacrant au moins 10 % du budget national au développement de l’agriculture et en atteignant une croissance agricole annuelle de 6 %. l

CAMEROUN

Accord de formation

F

in avril, une convention a été signée entre le ministre camerounais de l’Agriculture et l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE, à Ouagadougou). Elle porte notamment sur la rénovation et l’extension de l’École pour la formation des spécialistes en équipements et aménagements ruraux (Efsear), à Kumba. Ce partenariat vise à former 1 000 ingénieurs et 500 cadres agricoles pour la sous-région d’ici à 2022. l


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Culture & médias

CINÉMA

Kechiche en


Culture médias

or

Trente-huit ans après l’Algérien Mohamed Lakhdar-Hamina, Abdellatif Kechiche remporte la prestigieuse Palme du Festival de Cannes avec La Vie d’Adèle. renAud de rochebrune et Férid boughedir, FridA dAhmAni, à Tunis

à Cannes, avec

t Le jury a attribué la récompense suprême au réalisateur franco-tunisien et à ses deux formidables actrices, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos.

Abdellatif Kechiche en quelques dates 1960 Naissance le 7 décembre à Tunis 1966 Arrivée avec sa famille en France, à Nice 2000 La Faute à Voltaire, Lion d’or du meilleur premier film à la Mostra de Venise 2004 L’Esquive, quatre césars

Éric Gaillard/reuters

2006 La Graine et le Mulet, Grand Prix du jury à Venise et quatre césars 2010 Vénus noire 2013 Palme d’or à Cannes pour La Vie d’Adèle jeune afrique

envoyés spéciaux

L

es habitués du Festival de Cannes peuvent en témoigner. Jamais, à la sortie de la projection d’un long-métrage en compétition, il n’est apparu aussi évident que c’est celuilà,etseulementcelui-là,quiméritelaPalme d’or. La Vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, le plus long des films présentés à Cannes cette année – près de trois heures retraçant un amour-passion entre deux jeunes femmes – a été projeté le 22 mai devant un public bouleversé, avant d’être très longuement applaudi. Certes, on a murmuré que le président du jury, Steven Spielberg, avait une préférence notamment pour Le Passé, de l’Iranien Asghar Farhadi, et émis des réserves face à un film si long, si « osé » – il comporte deux très longues scènes d’amour on ne peut plus explicites – et si peu… « américain », avec ses séquences qui prennent tout leur temps pour se déployer et l’absence quasi totale de scènes d’action. Mais l’évidence l’a emporté, et le Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche est devenu, le 26 mai, le second Africain,prèsdequaranteansaprèsl’AlgérienMohamed Lakhdar-Hamina pour sa Chronique des années de braise en 1975, à triompher sur la Croisette. « Aimer Librement ». Kechiche, après avoir marqué

un temps de silence pour dissiper l’émotion, a tenu à dédier cette récompense à « la belle jeunesse de France » et « à une autre jeunesse, par rapport à un acte qui s’est déroulé il n’y a pas si longtemps, la révolution tunisienne pour s’exprimer, vivre et aimer librement ». Alors que presque tous les commentateurs attribuaient déjà le prix à la France, où réside le plus souvent le cinéaste, dans le quartier parisien de Belleville, et où le film a été produit et réalisé, cette revendication manifeste de son attachement à la Tunisie a été très remarquée. À juste titre. Car l’itinéraire du cinéaste ne l’a jamais coupé de ses racines: « Je suis autant français que tunisien et autant tunisien que français », a-t-il insisté au lendemain de son triomphe sur les ondes d’une radio. Parti de Tunisie en 1966, à l’âge de 6 ans, pour rejoindre la rive nord de la Méditerranée, à Nice, où son père a été peintre en bâtiment, Kechiche a grandi dans un milieu ouvrier aux Moulins, au 1er étage du bâtiment 43, escalier 67, de cette cité HLM en bordure des collines qui entourent la capitale de la Côte d’Azur. Le petit Abdel, comme on l’appelle alors, rencontre là dès l’adolescence, ainsi qu’il l’a confié à Jeune Afrique, « le racisme, en tout cas l’oppression du regard ». Mais il a un atout: il sait très vite ce qu’il veut faire. Hacen, son ami de l’époque, en témoigne: « Moi, c’était le foot, l l l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Culture médias à vivre de petits larcins. En 1987, il est aux côtés de Jean-Claude Brialy et de Sandrine Bonnaire dans Les Innocents, d’André Téchiné. Il y incarne un gigolo pour homosexuels. Il retraverse bientôt la Grande Bleue pour aller tourner en Tunisie, à Sousse, dans le film du réalisateur engagé Nouri Bouzid, Bezness, qui dénonce les effets néfastes du tourisme sur la société locale. De nouveau un rôle de gigolo, dragueur, cette fois, de proies des deux sexes. désillusion. C’est lors de ce tournage qu’il

christophe l

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lui, c’était le théâtre sa passion, se souvient-il. Il ne parlait que de ça, et il rêvait déjà de faire du cinéma. » Abandonnant assez vite ses études après un bac raté, il suit des cours d’art dramatique au conservatoire d’Antibes – il y découvre l’œuvre de Marivaux, qui occupe une place de choix dans son premier grand succès, L’Esquive, et qui est plusieurs fois évoquée par l’héroïne de La Vie d’Adèle. Kechiche entame une carrière de comédien sur les planches et devant la caméra. Avec une certaine réussite, puisque, après avoir interprété de nombreux personnages au théâtre – notamment dans une pièce de Federico García Lorca dès 1978 –, il se retrouve au cinéma, tenant le premier rôle, en 1984, dans un long-métrage, qui passera hélas inaperçu, du Franco-Algérien Abdelkrim Bahloul, Le Thé à la menthe. Un film pionnier sur le parcours d’un jeune immigré en France, condamné lll

p Avant d’être réalisateur, Abdellatif Kechiche a joué dans Bezness, de Nouri Bouzid, en 1992. Il y interprétait un gigolo.

une cRoisette Moyen-oRientale

s

i l’Afrique était peu visible cette année à Cannes (voir J.A. nos 2732 et 2733), le Moyen-Orient, en revanche, proposait 7 films. Omar, le « thriller sentimental » du Palestinien Hany Abu-Assad évoquant la vie d’un jeune résistant, a obtenu le prix du jury de la sélection officielle Un certain regard. Deux films israéliens ont été projetés: Le Congrès, d’Ari Folman, moitié « réaliste » moitié science-fiction en bande dessinée (comme il y a deux ans pour Valse avec Bachir); et A Strange Course of Events, de Raphaël Nadjari, plus classique.Trois Iraniens n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

présentaient leur film: outre Le Passé, drame psychologique qui se déroule en France, d’Asghar Farhadi (prix d’interprétation féminine pour Bérénice Béjo), Les manuscrits ne brûlent pas, de Mohammad Rassoulof, dresse un réquisitoire impitoyable contre la police secrète du régime deTéhéran, quand L’Escale, de Kaveh Bakhtiari, évoque le sort tragique des exilés iraniens. Enfin, le Kurde d’Irak Hiner Saleem (My Sweet Pepper Land) nous entraîne dans une sorte de western proche-oriental dans un village perdu aux confins de l’Irak, R.R. de l’Iran et de laTurquie. l

rencontre une femme, sa partenaire dans le film, qui va désormais jouer un rôle majeur dans sa vie personnelle et professionnelle. La jeune actrice tuniso-française Ghalia Lacroix, native de Sidi Bou Saïd, deviendra en effet son épouse, la mère de ses deux enfants et sa collaboratrice dans ses futurs films. Avec elle, il décide de s’installer en Tunisie, qu’il veut faire connaître à leurs enfants, et il élit domicile à La Marsa, dans la banlieue de Tunis, où il écrit son premier long-métrage, La Faute à Voltaire. Mais ce retour au pays natal lui vaut aussi une désillusion, puisqu’il n’obtiendra pas le soutien de la commission d’aide à la production du ministère tunisien de la Culture. Se sentant rejeté, considéré comme « étranger » où qu’il soit, il retourne vivre en France, à jamais méfiant sinon envers la Tunisie, du moins envers les institutions. Sa décision de passer à la réalisation dans les années 1990 doit beaucoup à sa déception de ne se voir proposer que des rôles de délinquants, de victimes et de marginaux, des rôles de « beur » et non pas, dira-t-il, « de véritables personnages [lui permettant] d’exercer pleinement [s]on métier de comédien ». La Faute à Voltaire, tragicomédie sortie en 2000 sur les mésaventures d’un sans-papiers tunisien en France lui offre, après un bon accueil critique, sa première récompense : le prix de la meilleure première œuvre à la Mostra de Venise. S’enchaînent ensuite deux films – L’Esquive (2004) et La Graine et le Mulet (2006) – qui lui valent une pluie de césars. En 2010, Vénus noire – sur le destin tragique, à la fin du XIXe siècle, de la Sud-Africaine Saartjie Baartman, la Vénus hottentote exhibée telle une bête de foire en Angleterre et en France, puis obligée de se soumettre à des expériences scientifiques racistes destinées à « prouver » qu’elle représentait le chaînon manquant entre l’homme et le singe – recevra encore un bon accueil au festival de Venise et de la part de la critique. « Justice ». Par rapport à tous ces films évoquant

d’une manière ou d’une autre le destin d’émigrés se débattant comme ils peuvent dans des situations difficiles pour tenter de vivre dignement, La Vie d’Adèle paraît trancher et marquer une certaine rupture. Cette adaptation de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, de Julie jeune afrique


Kechiche en or

jul ie Ma ro h/É d.

Gl Én at

de tournage. Et demande aux acteurs, mais aussi aux équipes techniques, un engagement total (à tel point que Kechiche a pu être accusé de maltraiter les techniciens soumis à des conditions de travail extrêmes). C’est ce style particulier, et non une quelconque volonté de choquer le spectateur ou de sa satisfaire ses pulsions voyeuri ristes, qui explique la longueur peu commune et l’approche très pe réaliste des scènes sexuelles de ce ré film. Des scènes qui, évidemment, film dérangeront certains, à commendér cer par tous les conservateurs. Comme c’est déjà le cas en Tunisie, Com avan avant même qu’on ait pu prendre conn connaissance de l’œuvre en question. La fierté de voir un fils du pays tion obtenir une telle consécration sur la Crois Croisette l’a évidemment emporté, sur l’ l’instant, après l’annonce de la Palme Palme. Mais si la joie qu’elle a suscitée était sans mélange du côté de la mo mouvance laïque, ravie d’entendre l’auteur louer la révolution tunisienne et l’as l’aspiration à la liberté devant les camér caméras du monde entier, elle était pour le moins mitigée dans les milieux liés aux islamistes ou simplement sensibles à tout discours moralisant. Le ministr ministre de la Culture a, pour sa part, p La B.D. Le bleu est témoigné de ce mélange de fierté et de témoign une couleur chaude, gêne en se félicitant sans tarder de cette Palme de Julie Maroh d’or, tout en émettant immédiatement des réserves (Glénat), à l’origine sur l’opportunité de traiter un tel sujet. de La Vie d’Adèle. Le film sera-t-il programmé en Tunisie ? À en croire la réalisatrice radicale Nadia El Fani, c’est inimaginable.Avisquepartagentnombredeblogueurs tunisiens, comme cette femme affirmant péremptoirement: « Aucune chance qu’il passe en Tunisie, même interdit aux moins de 50 ans! » Kechiche luimême,quipenseque«touterévolutionestaussiune révolution sexuelle » mais que son film parle moins de l’homosexualité que de l’amour, dit Son film sera-t-il programmé vraiment espérer en Tunisie ? Beaucoup en doutent. que La Vie d’Adèle Mais Kechiche l’espère. soit projetée sur les écrans de son pays natal. Il se déclare même prêt, lui que l’on sait volontiers intransigeant, à discuter de quelques coupes, si cela devait suffire à désarmer les censeurs sans pour autant mutiler son œuvre. Le plus probable, de l’avis général: La Vie d’Adèle, en Tunisie comme dans les autres pays du Maghreb, sera certainement vue… mais plutôt grâce au piratage, qui permet désormais de contourner toutes les censures. l

Maroh, raconte en effet les étapes successiv successives d’une passion lesbienne, de sa genèse en forme de coup de foudre à l’insupportable séparation quelques années plus tard. Mais le film, plus complexe que peut le laisser croire son pitch, déploie presque tous les thèmes favoris de Kechiche : l’influence de l’origine sociale, la tolérance face à la différence, l’importance de l’éducation et de la transmission entre les générations, le refus de l’injustice (le prénom Adèle séduit d’autant plus le réalisateur qu’il se prononce comme « justice » en arabe), les mystères de l’amour. Par ailleurs, une fois de plus, Kechiche, déjà découvreur de Sara Forestier et de Hafsia Herzi, fait confiance pour le rôle principal à une actrice inconnue, Adèle Exarchopoulos, et démontre qu’il n’usurpe pas sa réputation de meilleur directeur d’acteur en activité. Quant à son style, néoréaliste, voire naturaliste, qui le fait souvent comparer à Pialat et même à Renoir, on le retrouve intact dans ce film. Kechiche est attentif aux petits détails de la vie quotidienne et explore jusqu’au bout les virtualités de chaque situation, sans jamais sacrifier la beauté des images (qui doit beaucoup à son opérateur et cadreur fétiche, le Tunisien Sofian El Fani). Ce qui implique un long temps jeune afrique

n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Gasandji par Gasandji

134

1992

« Mon arrivée en France »

1999

« Mon premier live avec un groupe de funk et une chorale de gospel, We Are One »

2001

« Ma rencontre avec Lokua Kanza et ma première démo »

2005

2007

« L’arrivée de ma fille »

2013

« La sortie de mon premier album » MUSIQUE

p Lors de la Nuit sans frontières à Saint-Ouen (près de Paris), le 14 avril.

femme de conscience

disque. Entre-temps, sa fille naît, en 2007 ; « le tournant le plus important de ma Auteure-compositrice-interprète, Gasandji livre un premier album vie », assure la jeune femme, qui décide de prendre son destin en main. « Après remarqué. Née en RD Congo, elle mélange habilement dans ses avoir enregistré mon album, j’ai pris le compositions l’Afrique, où elle est née, et l’Europe, où elle vit. train pour Londres, c’était en mars 2011. Je suis allée à la BBC et j’ai demandé une n prénom et tout un provoulais emporter quelque chose de lui. Il personne dont le nom figurait dans un gramme. Gasandji, ou « Celle adorait la musique. Je suis donc partie avec guide pour musiciens… » Le bluff foncqui éveille les consciences » en Otis Redding, Tabu Ley Rochereau et un tionne et le retour est immédiat : un mail pende, est née en RD Congo, a album de musique country. Je n’ai écouté le jour même l’invite à se produire en live grandi en partie au Gabon, où son père que ça pendant des années. » sur la radio la plus écoutée d’Angleterre. travaillait, et en France. Sa musique reflète Si le chef de famille était un mélomane S’ensuivent une série de nouvelles prece parcours entre le continent qu’elle a averti (et un ami de Pépé Ndombe), il mières parties, avec Amadou et Mariam quitté en 1992, à l’âge de 13 ans – « la fin de était surtout un ingénieur qui considérait ou Keziah Jones, dont elle emprunte l’enfance », confie-t-elle –, et l’Europe, où les diplômes comme l’unique sésame désormais l’un des guitaristes, le Togolais la danse hip-hop l’a d’abord happée (elle Amen Viana. de la réussite. « Je me suis engagée dans a accompagné notamment MC Solaar plusieurs cursus scolaires, afin de repousSur scène, avec ou sans sa guitare, elle et Princess Erika) avant qu’elle ne se ser au maximum le moment où j’allais retrouve la fluidité de la danseuse, susurre consacre à la musique. lui annoncer ma décision de vivre de la au public ses mots doux et laisse déborder Son univers est africain, mais teinté sans musique. » La réaction a été fraîche et la sa sensibilité. Moment de partage avec un complexe d’accents blues, jazz et pop. Ses brouille a duré plusieurs années, jusqu’à public qu’elle chérit et remercie chaque textes en lingala (« Teléma », « Lobiko »), son retour en Afrique en 2005 et une jour ou presque sur son blog comme si en français (« Le Temps », « Maman ne réconciliation qui se révélera libératrice. son adhésion était plus un don du ciel m’a pas dit »…) ou en anglais (« Help que le fruit de son talent. Son Me ») – « la langue s’impose en fonction BlUff. Son parcours musical album, intitulé… Gasandji, est déjà bien entamé grâce à des mots… » – respirent la mélancolie a déjà reçu le prix Coup de douce, l’espoir et l’amour (« Na Lingui sa rencontre en octobre 2001 cœur chanson française de Yo », « je t’aime » en lingala). Une fusion avec Lokua Kanza. L’artiste l’Académie Charles Cros. Et le musicale en partie inspirée de trois cascongolais l’aide à produire 5 juin, c’est à Paris, aux Trois settes dérobées à son père le jour de son sa première démo et l’invite Baudets, qu’elle fêtera la sortie départ pour l’Hexagone. « La situation de ce premier opus, bien parti à faire la première partie de devenait compliquée en RD Congo, et ses concerts. Quelques années pour faire d’elle une artiste Gasandji, mon père a choisi de m’envoyer étudier de plus sont nécessaires à la incontournable. l (Plus Loin Music/ Talent Édition RFI) au Pré-Saint-Gervais dans un internat. Je réalisation de son premier Michael PaUron

U

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jeune afrique

Vincent Fournier/J.A.

« Mon premier retour en Afrique pour retrouver mon père »


Culture médias EXPOSITION

inoxydable icône À l’occasion de la Saison sud-africaine en France, la mairie de Paris célèbre le parcours exemplaire de Mandela. Sans tomber dans l’hagiographie béate.

S

ur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, où les matchs du tournoi de tennis de RolandGarros sont diffusés en direct, le visiteur curieux remarquera un étrange bloc de métal gris. S’il prend le temps d’entrer dans cette chambre de moins de 5 m2, il apprendra qu’il s’agit là de la réplique de la cellule de Robben Island (Afrique du Sud), où Nelson Mandela passa dix-huit années de sa vie… Alors que la Saison sud-africaine vient tout juste d’être lancée en France, la mairie de Paris a choisi d’honorer le grand homme du XXe siècle en accueillant (jusqu’au 6 juillet) l’exposition « Nelson Mandela, de prisonnier à président », conçue par le musée de l’Apartheid pour les 90 ans de Madiba, en 2008. Vue par quelque 800 000 visiteurs, celle-ci a pour l’heure fait étape en Suède et devrait, après la France, être présentée au Luxembourg et, sans doute, au Canada. « Nous aimerions qu’elle voyage en Afrique, confie Christopher Till, le directeur du musée de l’Apartheid à Johannesburg, mais c’est une très importante exposition et nous rencontrons beaucoup de problèmes logistiques sur le continent. » Pédagogique au point d’en être parfois un peu trop scolaire, cette présentation du premier chef d’État noir d’Afrique du Sud a le mérite d’être quasi exhaustive sur son parcours exemplaire, riche en photos, vidéos, documents et œuvres diverses. Dont la maquette de la sculpture de Marco Cianfanelli représentant le profil de Madiba avec 50 piliers d’acier découpés au laser, où l’on retrouve l’idée de la multitude des combattants unis derrière l’homme charismatique, chef incorruptible et icône inoxydable.

saint, qu’il se voit seulement comme le chef d’un mouvement de libération, explique Till. Bien sûr, il demeure très respecté en Afrique du Sud, où tout le monde aime Tata Madiba. Sa crédibilité reste extrêmement puissante, notamment parce qu’il a montré qu’il ne pouvait pas être corrompu, qu’il n’était pas obsédé par le pouvoir et que son seul but était la libération du peuple. » Le visiteur attentif saura trouver ici et là dans l’exposition les bémols qu’il convient d’apporter pour brosser un portrait véritablement humain d’un héros qui prête malgré tout peu le flanc à la critique. Si Till rappelle la rencontre avec Kaddafi

Nelson Mandela, de prisonnier à président, jusqu’au 6 juillet, à l’Hôtel de Ville, Paris

ou à ses proches, une réaction un peu tardive à la pandémie due au VIH. Mais ces reproches sont bien légers au regard de ceux adressés, l’air de rien, à La-FrancePatrie-des-Droits-de-l’Homme et à son grand homme : « En 1960, Charles de Gaulle et Hendrik Verwoerd, l’architecte de l’apartheid, signent un pacte secret, dont les termes cette présentation du premier stipulent que l’Afrique du chef d’État noir d’afrique du Sud Sud et la Namibie fournia le mérite d’être quasi exhaustive. ront de l’uranium à la France en échange de technologie ou le scandale des achats d’armes qui nucléaire et de matériel militaire français. En 1965, la France est le plus grand fourentacha la fin du mandat de Mandela et la réputation de membres haut placés du nisseur d’armes de l’Afrique du Sud; cette Congrès national africain (ANC), l’expoindustrie emploie plus de 100000 salariés sition souligne aussi certaines tendances en France. » Certaines vérités sont bonnes autoritaires, une manière un peu naïve à dire, même longtemps après. l de faire confiance à ses collaborateurs nicolaS Michel

paS un Saint. L’hagiographie béate

pourrait avoir des relents de propagande politico-religieuse… Les concepteurs de l’exposition ont évité le piège. « Nous montrons comment est perçu Mandela chez lui et dans le monde, mais nous tenons à rappeler que luimême ne se considère pas comme un

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p En 1999, le monde dit au revoir à une icône… « Une icône ? répond Mandela gêné. Jamais de la vie ! » n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Culture médias En vue

JEUNESSE

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

Belle du ciel

Libre adaptation d’un conte angolais, l’album de Yuna Troël puise dans un héritage universel.

c

est une histoire à faire rêver les fillettes: le charmant Kia Toumba ne veut pas épouser d’autre fille que celle « du soleil et de la lune », mais il lui faudra bien des ruses, et surtout la précieuse aide de l’ingénieuse grenouille (on a toujours besoin de plus petit que soi !), pour parvenir à ses fins et séduire la belle. Pour réaliser cet album-jeunesse, Yuna Troël s’est librement inspirée d’un conte angolais que lui narrait son beau-père martiniquais à la recherche de ses racines africaines. « Réécrire un conte, c’est tenter de renouveler les imaginaires, de proposer un métissage comme l’envisage Édouard Glissant », explique la dessinatrice, qui n’a pas hésité à insérer une araignée des cieux « amie de Louise Bourgeois » et à puiser dans un héritage culturel universel pour décrire une Afrique – toujours fantasmée et encore bien mystérieuse, entre tradition et modernité… – ouverte sur le monde. l séveriNe Kodjo-GraNdvaux

La Fille du soleil et de la lune, deYuna Troël, Présence africaine, 36 pages, 16 euros n n n

ESSAI

TÉMOIGNAGE

Tueurs nés?

Gbagbo et la presse

De L’EnfancE dEs dic tat Eu r s, on attendait beaucoup. Trop, sans doute. explorer les années de formation et les traumatismes enfantins peut-il permettre de comprendre le surgissement de personnalités aussi terrifiantes – et indubitablement humaines – que celles de dictateurs comme Hitler, Mussolini, Amin Dada, Pol Pot, Bokassa ou Kaddafi ? Véronique Chalmet donne quelques pistes, mais son livre reste, au fond, une compilation rapide des rares informations, avérées ou pas, disponibles sur des hommes dont on connaît surtout les méfaits commis à l’âge adulte. Le sujet mériterait d’être creusé. l

DANS Notre histoire avec Laurent Gbagbo, Alafé Wakili revient sur les quinze dernières années de crise en Côte d’Ivoire. Au fil des pages, on découvre l’ascension professionnelle du journaliste, les jeux de pouvoir, les ressorts de la crise (l’ivoirité), les coups bas, les relations qu’il a nouées avec les différents hommes politiques du pays, dont l’ex-député Mamadou Ben Soumahoro, qu’il appelle affectueusement « Papa ». Le patron de L’intelligent d’Abidjan (proche de la présidence) y décrit aussi les réseaux d’influence, le jeu des premières dames, les rapports incestueux entre la presse et le pouvoir, les querelles partisanes, son expérience carcérale. l

Nicolas Michel

Pascal airaulT

L’Enfance des dictateurs, de Véronique Chalmet, Éditions Prisma, 170 pages, 17,95 euros nnn

Notre histoire avec Laurent Gbagbo. Regard sur quinze années de crise en Côte d’Ivoire, d’Alafé Wakili, L’Harmattan, 216 pages, 21 euros nnn

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Culture médias anaLYSE

niger: les 10 secrets de la junte LouéE pour avoir rESpEcté son engagement de remettre le pouvoir aux civils après avoir renversé, le 18 février 2010, le président mamadou tandja pour dérives autocratiques, la junte militaire dirigée par le général Salou Djibo n’en a pas moins ses parts d’ombre. Le journaliste et chercheur nigérien Seidik abba recoupe les témoignages des acteurs de la période de transition (2010-2011) et des documents de première main pour dévoiler quelques dossiers sulfureux. Des révélations et une plume alerte. l cherif ouazani

Niger : la junte militaire et ses dix affaires secrètes (2010-2011), de Seidik Abba, L’Harmattan, 112 pages, 12,50 euros nnn

cinéma

L’une voilée, l’autre pas La révoLution tunisienne ne pouvait laisser indifférent un cinéaste aussi engagé que nouri Bouzid. Mais il l’évoque surtout indirectement, et habilement, à travers le parcours de deux cousines, Zeineb et aïcha, deux jeunes femmes enflammées par les événements qui ont conduit au départ de Ben ali. L’une ne porte pas le voile, qu’elle juge incompatible avec sa volonté d’émancipation, l’autre si, qui croit ainsi pouvoir se protéger des hommes. Jusqu’à ce que la réalité se charge d’ébranler leurs deux certitudes. Car le voile, dans ce film, c’est aussi ce qui cache ou révèle les pensées et les actes de chacun, des femmes comme des hommes, dans une société où règne si souvent l’hypocrisie. Pour y échapper, restent le rêve, l’espoir, la résistance… l renaud de rochebrune

Millefeuille, de Nouri Bouzid (sortie en France le 5 juin) jeune afrique

nnn

Lu et approuvé alain mabanckou Écrivain franco-congolais

Le monde est une bLessure

r

etiré dANS L’îLe de Honshu, au Japon, Matabei s’éloigne du monde, goûtant les charmes paisibles de la contrée d’Atôra au nord-est de l’île. C’est bien à cet endroit que se trouve la pension de dame Hison, vieille courtisane qui offre à notre ermite le gîte et le couvert en échange de nuits d’amour. Matabei s’adapte peu à peu à sa nouvelle vie et fait la connaissance des pensionnaires. il contemple la nature, arpente montagnes et lacs, se plonge dans la méditation pour oublier le sourire d’une jeune fille qui le hante. L’auberge fourmille de personnages dignes d’un film d’Ozu: un soûlard indélicat qui raille la vieille servante, un couple d’amants, une jeune fille diaphane, le jeune commis et bien d’autres encore… Dans cette galerie de personnages, un semble attirer l’attention du nouveau pensionnaire : maître Osaki, le jardinier. C’est un homme discret qui vit dans l’atelier attenant à l’auberge. Matabei devient son disciple. Maître Osaki est avant tout un peintre d’éventails. il enseignera au nouveau venu l’art des haïkus, le secret des saisons et de la confection des estampes qui remontent aux temps anciens. Hubert Haddad nous dépeint ici un Japon éternel dans un contexte historique contemporain évoqué par touches subtiles. Ce n’est pas un roman sur le séisme de Kobe ou les guerres du XXe siècle. Ces grandes pages de l’histoire du Japon sont le prétexte de l’errance des personnages et de leur rencontre dans un lieu éternel retiré du monde et du temps. Pourtant, cette région sera le théâtre de diverses catastrophes nées de la

folie des humains. La pension connaîtra une période tragique, avec des amants retrouvés enlacés sous les décombres, la vieille dame Hison morte en kimono, tandis que le jardin et les éventails seront détruits. Matabei, dans ce champ de décombres, devient en quelque sorte le témoin d’un monde qui s’est effondré.

Le Peintre d’éventail, de Hubert Haddad, Zulma, 192 pages, 17 euros

Hubert Haddad a sans doute écrit là l’un de ses plus beaux livres, dont l’originalité et le ton marquent à jamais le lecteur. Le Peintre d’éventail est un vibrant hommage à la culture et à l’histoire japonaises contemporaines, mais aussi une virulente dénonciation de l’inconscience des hommes et de leurs actes devant la nature. Le constat est macabre : quand une catastrophe naturelle amplifiée par les explosions radioactives transforme le monde en un immense cimetière, ce sont des siècles de sagesse, de méditation et de célébration des ancêtres qui s’effacent du jour au lendemain. et c’est notre humanité qui est en jeu… l n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

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Culture médias kiosque

la revue

« al-andalus », mythe ou modèle de civilisation? le numéro 33 de La revue est en vente dans les kiosques depuis le 30 mai.

a

«

l-Andalus. » Le mot évoque une civilisation brillante, fondée sur la tolérance et l’harmonie, qui faisait cohabiter musulmans, juifs et chrétiens, Arabes, Berbères, Ibères romanisés et anciensWisigoths. L’Andalousie, ce sont des villes magnifiques, des palais somptueux, des bibliothèques… C’est un âge d’or, une époque où les savants et les artistes arabes éclairaient une Europe en plein obscurantisme médiéval. C’est à ces riches heures de l’Espagne musulmane que La revue consacre son dossier du mois de juin. Et si l’Andalousie s’apprête à recevoir les honneurs du Forum de Fès, organisé du 8 au 11 juin dans le cadre du Festival des musiques sacrées, c’est que, destination majeure des juifs et des musulmans chassés d’Espagne par la Reconquista, la capitale intellectuelle du Maroc a su recueillir et prolonger le meilleur de son héritage spirituel. Rien n’a encore été vraiment dévoilé des sulfureuses relations entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kaddafi. Et pour cause : tous ceux qui, du côté libyen, pourraient en parler sont sous les verrous. Tous sauf un, Béchir Salah, réfugié en Afrique australe et dont François Soudan retrace l’itinéraire dans ce numéro. Le maître deTripoli avait fait de ce banal apparatchik de la Jamahiriya son directeur de cabinet avant de le propulser à la tête du Libyan African Portfolio

u La revue n° 33, juin 2013, 148 pages, 4,90 euros en France (3 000 F CFA dans la zone CFA).

(LAP), fonds d’investissement doté de 8 milliards de dollars (6,16 milliards d’euros) et n’ayant de comptes à rendre qu’au « Guide » lui-même. L’ancien « caissier » de Kaddafi est aujourd’hui l’un des hommes les plus recherchés par Interpol. Pour avoir été un acteur clé du micmac franco-libyen, il a probablement beaucoup de choses à dire sur le financement de la campagne de Sarkozy en 2007. Jusqu’à quand se taira-t-il? Exceptionnellement riche et diversifié, ce numéro de La revue propose également des articles sur le Front al-Nosra et la rébellion syrienne, le nouveau visage de la diplomatie chinoise, l’horlogerie suisse, les imprimantes 3D et même les uniformes des hôtesses de l’air… Sans oublier un portfolio sur Istanbul à la fin de l’Empire ottoman et l’étonnante histoire de Jonathan Pollard, agent double emprisonné aux ÉtatsUnis depuis 1985 et dont Israël réclame en vain la libération. l Dominique mataillet

À lire aussi dans ce numéro de rompre le silence sur son passé et a accepté de raconter à Juliette Morillot cette aventure peu ordinaire. les « races » Humaines n’existent pas Alors que le Parlement français veut supprimer toute allusion à la « race » dans la législation, La revue donne la parole à André Langaney, biologiste et généticien, spécialiste des populations humaines et « J’étais goûteuse pour Hitler » Quand Margot Woelk est conduite à la Wolfsschanze, la « Tanière du loup », durant l’hiver 1941-1942, la jeune Allemande ignore quelle tâche l’attend au quartier général de Hitler. Très vite, on lui annonce la couleur : elle devra goûter les plats du Führer. Au risque d’y perdre la vie en cas de nourriture empoisonnée. Près de soixante-dix ans plus tard, elle a décidé n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

de leur évolution. C’est à cet universitaire connu pour son franc-parler que l’on doit en particulier l’exposition « Tous parents, tous différents » organisée au musée de l’Homme en 1992 et qui avait fait grand bruit à l’époque. tunisie : gouverner avec les islamistes Beaucoup se sont étonnés de l’alliance entre le président Moncef Marzouki, issu de la gauche laïque, et les islamistes d’Ennahdha. Dans son dernier livre, L’Invention d’une démocratie (La Découverte), le chef de l’État tunisien s’explique longuement sur ce compagnonnage. Pour lui, ce ne sont pas les laïques qui se sont convertis à l’islamisme, mais les islamistes qui se sont ralliés à la démocratie. jeune afrique



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AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT (AAOO) PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE TOGOLAISE

Appel d’offres

AAOO N° : 02/PR/UGP/2013 DU 27 MAI 2013 1. La Présidence de la République a obtenu des fonds du Budget de l’Etat Togolais, gestion 2013, afin de financer le projet Palais de Lomé et son parc, et a l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du Marché de Restauration, Restructuration et Aménagements de l’ancien Palais des gouverneurs et de son Parc à Lomé, TOGO. Achevé en 1905, l’ancien palais des gouverneurs et son parc seront restaurés et rénovés dans le respect du patrimoine historique.

3. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations à l’adresse email suivante palaisdelomecandidature@gmail.com et prendre connaissance des documents d’appel d’offres tous les jours ouvrables de 08h00 à 12h00 et de 15h00 à 17h00, à l’adresse mentionnée ci-après : Service Comptabilité Présidence de la République Togolaise Avenue de la Présidence (Quartier administratif) BP 382 Lomé - TOGO Tél 22 23 40 77/ 22 23 41 31/ 22 20 07 80

2. L’Unité de Gestion du Projet Palais de Lomé et son Parc (UGP Palais de Lomé et son Parc) agissant pour le compte de la Présidence de la République Togolaise, sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour la réalisation des travaux suivants : LOT 1 / Maçonnerie-sols-VRD Lot 1.1. Démolitions (bâtiments du Parc) Lot 1.2. Gros-œuvre - Déconstruction Lot 1.3.Traitement des façades Lot 1.4. Revêtements de sol Lot 1.5.VRD, y compris parc LOT 2 / Bois Lot 2.1 Charpente bois Lot 2.2 Claustras bois – Menuiserie bois Lot 2.3 Menuiseries bois anciennes LOT 3 / Métal Lot 3.1 Couverture Lot 3.2 Charpente métallique Lot 3.3 Garde-corps en fer forgé Lot 3.4 Serrurerie – Ferronnerie Lot 3.5 Châssis métalliques vitrés LOT 4 / Fluides Lot 4.1 Plomberie – Ventilation – Climatisation Lot 4.2 Courant Fort – Courant faible LOT 5 / Ascenseur Lot 5 Ascenseur LOT 6 / Faux-plafond staff – Cloisonnement – Isolation – Peinture Lot 6 Faux-plafond staff – Cloisonnement – Isolation – Peinture

4. Les exigences en matière de qualifications sont : - Les conditions légales de l’entreprise ; - La situation financière de l’entreprise ; - L’expérience de l’entreprise ; - La disponibilité, la qualification et l’expérience du personnel clé de l’entreprise - La disponibilité du matériel minimum requis pour l’exécution des travaux. Pour de plus amples informations, veuillez vous référer aux Données particulières du dossier d’appel d’offres.

Les variantes sont permises pour certains lots prédéfinis dans le Cahier des Clauses Techniques Particulières. Une entreprise ou un groupement d’entreprises peuvent soumissionner pour plusieurs lots. Le délai d’exécution des travaux est de : treize (13) mois. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres ouvert, tel que défini dans le Code des Marchés publics en vigueur au Togo et dans ses textes d’application, et ouvert à tous les candidats éligibles.

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5. Les candidats intéressés peuvent consulter gratuitement le dossier d’Appel d’offres complet ou le retirer à titre onéreux contre paiement d’une somme non remboursable de cent mille (100 000) francs CFA à l’adresse mentionnée ci-dessus. Le mode de paiement sera en espèces. Le Dossier d’Appel d’offres sera remis de main en main contre récépissé. 6. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 11 juillet 2013 à 09h00 précises heure locale. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission, d’un montant de : Lot 1 : dix millions (10 000 000) de francs CFA Lot 2 : deux millions (2 000 000) de francs CFA Lot 3 : deux millions quatre cent mille (2 400 000) francs CFA Lot 4 : cinq millions (5 000 000) de francs CFA Lot 5 : cent quatre vingt mille (180 000) francs CFA Lot 6 : deux cent soixante mille (260 000) francs CFA La garantie de la soumission doit être une garantie bancaire et sa durée de validité doit être de 90 jours à compter de la date limite de dépôt. 7. Les candidats resteront engagés par leur offre pendant une période de 90 jours à compter de la date limite du dépôt des offres comme spécifié au point 19.1 des IC et au DPAO. 8. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à l’ouverture des plis le 11 juillet 2013 à 10h00 précises (heure locale) dans la salle de réunion de l’ancien Palais de la Présidence de la République, à l’adresse mentionnée ci-dessus.

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AVIS D'APPEL D'OFFRES

ENERGIE DU MALI - SA Siège Social : Square Patrice Lumumba - Bamako Capital de 32 000 000 000 francs CFA Registre de Commerce : Ma Bko 2008 B 5376

AAO N° : 001/2013/EDM-SA/SOMAPEP-SA - Date : 24 mai 2013 1. Le Ministère de l’Énergie et de l’Eau a obtenu, de la Banque Islamique de Développement, un prêt pour le financement du renforcement de l’Alimentation en Eau Potable de la ville de Bamako. Une partie des sommes accordées au titre de ce projet sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de l’exécution des travaux objets du présent Appel d’Offres. 2. La Direction de la Société Énergie du Mali (EDM-SA), Maître d’ouvrage délégué, invite par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs Offres sous pli fermé pour les travaux de construction d’un château et la réalisation d’un réseau de distribution d’eau potable à Kalabancoro, Kabala et Tièbani. Les prestations sont réparties en deux lots : • Lot 2 Stockage : comprenant la construction d’un château d’eau de 2 000 m3, la fourniture et la pose de ses équipements hydrauliques, la mise en place de la télégestion du système château d’eau / pompes de refoulement, la construction de la clôture du site des ouvrages de stockage, la construction d’un local pour l’alimentation électrique du système de télégestion. • Lot 3 distribution : Comprenant la fourniture et la pose complète à Kalabancoro, Kabala et Tièbani d’un réseau de conduites fonte ductile et PVC d’une longueur totale de 66.7 km (y compris les conduites de raccordement des bornes fontaines), l’exécution de 50 bornes fontaines et leur raccordement au réseau de distribution, la réalisation de 500 branchements sociaux, la pose de 10 (dix) poteaux d’incendie (conformément à la législation en vigueur au Mali). 3. Les travaux prévus dans le cadre de ces marchés sont à réaliser dans un délai maximum de dix-huit (18) mois pour le lot 2 et douze (12) mois pour le lot 3 à partir de l’Ordre de Service de commencer les travaux.

5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande écrite, aux services mentionnés ci-dessus, moyennant le paiement d’un montant forfaitaire non remboursable de cent cinquante mille (150 000) Francs CFA. En cas de soumission pour les deux (2) lots, le soumissionnaire se doit de présenter une Offre pour chaque lot. Le soumissionnaire ne peut soumettre d’Offres pour une partie d’un lot ni pour les deux lots ensemble. 6. Toutes les Offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus à Bamako au plus tard le 30 Juillet 2013 à 10 heures 30 minutes précises et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant au moins égal à Vingt Millions (20 000 000) Francs CFA pour le lot 2 et Cent Millions (100 000 000) de francs CFA pour le lot 3. 7. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs Offres pendant cent vingt (120) jours à partir de la date d’ouverture des plis, fixée au 30 Juillet 2013 à partir de 10 heures 30 minutes précises, à la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable près de l’hôtel « les Colibris » en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture. 8. Les Offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit de l’ouverture des plis. Le Directeur Général EDM SA Tidiani KEITA

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N° 2734 • DU 02 AU 08 JUIN 2013

Appel d’offres

4. Les soumissionnaires intéressés, peuvent obtenir des informations supplémentaires et consulter les Dossiers d’Appel d’Offres dans les bureaux du Secrétariat de la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Tél. : + (223) 20 22 00 26 B.P. : 1528 Fax + (223) 20 22 02 00 (Direction de la Planification et des Investissements), bandia.cissoko@somapep.ml.


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Annonces classées République Démocratique du Congo

MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ÉLECTRICITÉ CEP-O / REGIDESO CELLULE D’EXECUTION DES PROJETS DE LA REGIE DE DISTRIBUTION D’EAU

AVIS D’APPEL D’OFFRES NATIONAL PROJET D’ALIMENTATION EN EAU POTABLE EN MILIEU URBAIN (PEMU) DON IDA N° H 435-ZR - AAOI N° 12/CEP-PEMU/COORD/AON/F/2013 ACQUISITION D’OUTILLAGE POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS A KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI

1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB le 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association internationale de développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché « ACQUISITION D’OUTILLAGE POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS A KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI ». 3. La Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEP-O/REGIDESO) sollicite des offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir les OUTILLAGES POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS A KINSHASA, MATADI ET LUBUMBASHI. 4. La passation du Marché sera conduite par appel d’offres national (AON) tel que défini dans les « Directives Passation des marchés de fournitures, de travaux et de services (autres que les services de consultants) par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID », et ouvert à tous les soumissionnaires des pays éligibles tels que définis dans ces Directives. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO (CEPO/REGIDESO) à l’adresse indiquée ci-dessous pendant les jours et heures ouvrables : de 8 h 30 à 16 h (heures locales).

Appel d’offres

6. Les exigences en matière de qualifications sont : chiffre d’affaires moyen annuel durant les trois dernières années équivalant à deux fois la valeur du marché envisagé, bilans certifiés des trois dernières années par un cabinet comptable ou commissaire au compte, réalisation d’au moins deux marchés de même nature et de valeur équivalente durant les trois dernières années (documentation à l’appui), preuve écrite que les fournitures qu’il propose remplissent les conditions d’utilisation (catalogues). 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 200 USD ou équivalent en francs congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou encore par versement ou par virement bancaire au compte n° « 80 9433 020 123 USD », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « ACQUISITION D’OUTILLAGE POUR POSE DES COMPTEURS DN 15 MM, 20 MM, 25 MM, 30 MM, 40 MM ET APPROPRIATION DES BRANCHEMENTS PARTICULIERS » auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 08/07/2013 à 11 h 00, heure locale. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. 9. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées.Les offres seront ouvertes le 08/07/2013 à 11 h 30, heure locale dans la salle des réunions de la CEP-O à l’adresse mentionnée ci-dessous en présence de représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant égal à 7.000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. 10. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : A l’attention de M. Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA, Coordonnateur National Cellule d’Exécution des Projets de la REGIDESO, CEP-O, Sise 22007, Route de Matadi, Binza – Ozone - Kinshasa / Ngaliema C/° Centre de Formation de la REGIDESO, B.P. 12599 Kinshasa I - République Démocratique du Congo Tél. : (+243) 81 50 47 6 91, (+243) 99 99 20 948 E-mail : cepo@regideso.cd ou cepo@regidesordc.com Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National N° 2734 • DU 02 AU 08 JUIN 2013

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MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION

AVIS D'APPEL D'OFFRES INTERNATIONAL Date : 24 Mai 2013 - Appel d'Offres N° : OO2/MEPATI/PACADEC/UCP-SPM Marché : Acquisition des équipements de topographie au profit de la Direction Générale du cadastre et de la Topographie.

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu un don du Fond africain de développement, en différentes monnaies pour financer le coût du projet ‘‘Appui institutionnel pour l’amélioration du climat des affaires et la diversification de l’économie (PACADEC). Il est prévu qu’une partie des Fonds de contrepartie (Gouvernement Congolais) accordés au titre de ce don soit utilisés pour effectuer les paiements prévus au titre du marché relatif à l’acquisition des équipements de topographie au profit de la Direction générale du cadastre et de la Topographie. 2. L’Unité de Coordination du projet (UCP) invite, par le présent Appel d’offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres technique et financière et sous pli fermé,pour l’acquisition des équipements de topographie au profit de la Direction générale du cadastre et de laTopographie.

4. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être obtenu au siège de l’UCP contre présentation d’une quittance de versement d’une somme non remboursable de Cent Cinquante Mille (150.000) FCFA.ou de sa contre-valeur dans une monnaie convertible. Le paiement se fera par versement d’espèces au compte spécial du projet. Pour les soumissionnaires non-résidents, ce montant devra être majoré d’un montant de deux cent mille (200 000) F CFA, pour l’envoi du Dossier d’Appel d’Offres par courrier rapide (e.i.DHL). Dans tous les cas, les frais occasionnés par ce paiement sont à la charge du soumissionnaire. 5. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des clauses administratives générales sont les dispositions du Code des Marchés Publics de la République du Congo (Décret n° 2009-156) portant Code des marchés publics, ainsi que ses textes d’application, tels qu’ils ont été publiés au journal officiel de la République du Congo, en date du 25 mai 2009.

LUX

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AVIS D’APPEL À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT BKF/019•13 222 Recrutement d’un bureau d’études chargé de mobiliser une expertise perlée au profit du PASF L’Agence luxembourgeoise pour la Coopération au Développement (Lux-Development) lance un Appel à manifestations d’intérêt pour le « recrutement d’un bureau d’études chargé de mobiliser une expertise perlée au profit du PASF » pour le compte du Ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) financé avec des fonds des Gouvernements du Burkina Faso, du Grand-Duché de Luxembourg et de la Suède. Les prestataires invités à manifester leur intérêt à fournir les services précités sont les bureaux d’études et de consultance de droit privé, légalement constitués (à l’exclusion des organisations non gouvernementales, des associations sans but lucratif et des opérateurs publics) et spécialisés dans le domaine de l’assistance technique. À titre indicatif, les prestataires intéressés devront démontrer leur capacité technique et leur expérience en assistance technique dans les domaines suivants : • • • •

analyse institutionnelle et organisationnelle ; finances publiques et fiscalité ; gestion des ressources forestières et adaptation aux changements climatiques ; planification et suivi-évaluation.

Le contrat est de type contrat-cadre avec des demandes de mobilisation distinctes pour chaque mission. Le début du contrat est prévu pour septembre 2013 avec une durée évaluée à trente six (36) mois. Les prestataires de services doivent être disponibles pour la période prévue et disposés à intervenir dans les différentes régions du Burkina Faso. Le budget maximum disponible pour le marché est estimé à cent huit millions (108 000 000) F CFA hors taxes.

6. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le jeudi 27 juin 2013 à 13 heures 30 (heure locale) et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant au moins égal à cinq millions trois cent mille (5 300 000) F CFA ou de sa contrevaleur dans une monnaie convertible.

Les prestataires de services intéressés sont invités à fournir la documentation nécessaire et suffisante pour répondre aux critères de sélection. Le dossier, incluant les critères de sélection et le formulaire de manifestation d’intérêt, est transmis sur simple demande à l’adresse indiquée ci-dessous.

7. Les plis seront ouverts en présence des soumissionnaires ou de leurs représentants qui souhaiteraient prendre part à l’ouverture,au plus tard le jeudi 27 juin 2013 à 14 heures 00 (heure locale), à l’adresse ci-dessous indiquée.

Les manifestations d’intérêt, en français exclusivement, doivent parvenir par courrier ou courriel le 28 juin 2013 à 10h00 (heure locale) au plus tard à l’adresse suivante :

Projet « PACADEC » Adresse : n° 05 et 06 de la rue Isaac Locko dans le secteur de Blanche Gomez - Brazzaville - République du Congo, Téléphone : (+242) 06 686 87 44/05-532 63 59, Email : pade.pacadec@yahoo.fr

Programme BKF/019, Immeuble SODIFA / Aile droite 3e étage, Av Kwamé N’Krumah, Parcelle 03, lot 1053, secteur 05 – Cité an IV A, Ouagadougou, Burkina Faso, Tél : +226 74 60 61 21, moumini.sanfo@luxdev.lu

Le Coordonnateur Bertille Chantal MAPOUATA JEUNE AFRIQUE

Les prestataires intéressés par cet Appel à manifestations d’intérêt peuvent aussi consulter le site www.luxdev.lu N° 2734 • DU 02 AU 08 JUIN 2013

Appel d’offres - Manifestation d’intérêt

3. Les soumissionnaires intéressés par l’appel d’offres peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres dans les bureaux du projet PADE/PACADEC sis aux n° 05 et 06 de la rue Isaac Locko dans le secteur de Blanche Gomez Brazzaville République du Congo, téléphone : (+242) 06 686 87 44/05-532 63 59, Adresse électronique : pade.pacadec@yahoo.fr

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RÉPUBLIQUE DU CONGO

PROJET D’APPUI INSTITUTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES ET LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE (PACADEC)

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Annonces classées AVIS D’APPEL PUBLIC À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° AO/2013/03/ARTP/DG/DEM Etude sur les modalités d'attribution des prochaines licences et autorisations au Sénégal (Internet, 4G, Opérateurs d'infrastructures)

Manifestation d’intérêt

1. Le présent appel public à manifestation d’intérêt fait suite à l’Avis général de Passation de Marchés de l’ARTP, paru dans le quotidien « Le Soleil » numéro 12824 du samedi 23 février 2013. 2. le Gouvernement du Sénégal a décidé de poursuivre le processus de libéralisation du secteur des télécommunications en attribuant une ou plusieurs nouvelles licences de télécommunications dont le (ou les) périmètre(s) sont à définir ; ceci dans le but d’assurer un développement plus harmonieux du secteur des télécommunications. Dans ce cadre, l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes a l’intention de s’attacher les services d’un consultant,pour l’accompagner dans le processus d’élaboration d’une stratégie de libéralisation plus accrue du secteur des télécommunications au Sénégal, avec pour objectif prioritaire, le développement dudit secteur au bénéfice des consommateurs et de l’économie nationale. Les services attendus du consultant comportent : • un diagnostic du secteur des télécommunications et une revue du cadre législatif et réglementaire en vigueur ; • un inventaire et traitement des principales questions annexes liées à l’ouverture plus accrue du secteur à la concurrence (leviers régulatoires, opérateurs d’infrastructures, infrastructures alternatives, infrastructures de l’Etat, etc.) ; • l’identification, la définition et la valorisation de différents scénarii de développement sectoriel ; • l’élaboration d’une stratégie de libéralisation plus accrue du secteur à la concurrence incluant une phase de consultation des acteurs ; • une description précise et détaillée du ou des contours des nouvelles licences à attribuer (y compris les licences 4 G). Le consultant recherché aura le profil d’un cabinet hautement qualifié en élaboration de stratégie et disposant d’une expérience avérée dans le secteur des télécommunications et plus particulièrement, en élaboration de stratégie d’attribution de nouvelles licences. Le consultant constituera une équipe pluridisciplinaire ayant une parfaite connaissance et de solides expériences dans le secteur des télécommunications, y compris dans les pays africains. 3. Les candidats intéressés sont invités à manifester leur intérêt pour la prestation des services décrits ci-dessus en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (la nature des activités du candidat et le nombre d’années d’expérience, les qualifications du candidat dans le domaine des prestations et notamment les références concernant l’exécution de marchés analogues, l’organisation technique et managériale du cabinet,les qualifications générales et le nombre de personnels professionnels). 4. Les candidats qui se seront manifestés seront évalués sur la base des critères ci-dessous : La capacité technique et professionnelle (70 points) : ce critère sera évalué sur la base des coefficients numériques suivants : Expérience générale (15 points) : le candidat doit justifier d’une expérience générale suffisante et

adéquate dans le domaine de la mission. Il doit prouver que le domaine de la mission est une partie intégrale de son centre d’activité principal, qu’il dispose d’un nombre d’années d’expérience suffisant (au minimum quinze (15) années) dans le domaine de la mission. Expérience spécifique dans les réalisations antérieures similaires au courant des 7 dernières années (55 points) : soit 10 points par projet similaire réalisé au courant des 7 dernières années à hauteur de 5 projets.Au-delà de 5 projets, 5 points supplémentaires sont alloués au soumissionnaire. Le candidat devra fournir une fiche descriptive complète pour chaque projet cité, précisant notamment, une description du projet, le budget, etc. Qualification du personnel permanent pour coordonner la mission notée sur quarante (30 points). Ce personnel doit comporter au minimum les qualifications et compétences suivantes : • Un chef de mission de profil économiste ou expert en stratégie :disposant d’au moins 10 ans d’expérience, ayant dirigé au moins 5 missions d’élaboration de stratégie de libéralisation de secteur des télécommunications et ayant participé à des projets d’attribution de licences de télécommunication, notamment, dans des pays africains. (15 points). • Un expert juriste :au moins diplômé en droit niveau 3° cycle avec une expérience confirmée,ayant participé au moins à 5 missions d’élaboration de stratégie de libéralisation d’un secteur des télécommunications. L’expert devra disposer d’une bonne connaissance de la réglementation des télécommunications dans la zone Uemoa de manière générale.Une connaissance de la réglementation sénégalaise des télécommunications serait fortement appréciée (08 points). • Un ingénieur en télécommunications : hautement qualifié avec une expérience d’au moins 10 ans, ayant participé au moins à la réalisation de 3 missions similaires. (07 points). Il est demandé aux candidats de fournir ces informations en ne dépassant pas 20 pages. Des candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. 5. Parmi les candidats ayant obtenu une note minimale de soixante-dix (70) points, une liste d’au moins trois (3) candidats présentant au mieux les aptitudes requises pour exécuter les prestations sera établie par l’Autorité contractante ; ces candidats présélectionnés seront ensuite invités à présenter leurs propositions techniques et financières et un candidat sera sélectionné selon la méthode de sélection sur la base de la qualité technique et du montant de la proposition (sélection qualité-coût). 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse suivante : etude_ac@artp.sn. 7. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-après au plus tard 17 Juillet 2013 : Commission des marchés Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes Résidence IMHOTEP – Liberté 6 extension VDN Tél : (221) 33 869 03 69 - Fax : (221) 33 869 03 70

AVIS D’APPEL PUBLIC À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° AO/2012/03/ARTP/DG/DEM

Audit des coûts des produits et services des opérateurs titulaires d’une licence de télécommunication au Sénégal (SONATEL, SENTEL GSM, EXPRESSO SÉNÉGAL) 1. Le présent appel public à manifestation d’intérêt fait suite à l’Avis général de Passation de Marchés, paru dans le journal le SOLEIL n° 12503 du 31 janvier 2012 2. Conformément à l’article 42 de la Loi N°2011-01 du 24 février 2011, portant Code des Télécommunications, les opérateurs titulaires de licence de télécommunication sont soumis annuellement à un audit des coûts de leurs produits et services, à leurs propres frais, effectué par un organisme désigné par l’ARTP. Ces missions d’audit,dont chacune fera l’objet d’une liste restreinte seront effectuées au titre du Marché de Services (Prestations Intellectuelles) N° AO/2012/03/ARTP/DG/DEM et concernent les trois (3) opérateurs suivants : SONATEL, Sentel GSM et Expresso Sénégal. 3. les prestations consistent pour chaque opérateur à effectuer : • l’évaluation de l’organisation du système d’information comptable particulièrement celle de la comptabilité analytique ; • l’évaluation de la complétude et la fiabilité du système de calcul des coûts, produits et résultats de chaque réseau et service ; • l’évaluation de la pertinence des règles d’affectation des coûts ; • l’évaluation de la cohérence avec les principes retenus par les textes réglementaires ; • l’évaluation du niveau des coûts, produits et résultats des services de chaque composante du réseau ; • l’évaluation du degré de séparation comptable entre les activités et des systèmes mis en place pour la facturation des prestations réciproques. • la formulation de recommandations visant l’amélioration de l’organisation de la comptabilité et particulièrement du système de calculs des coûts pour une bonne prise en charge des besoins de régulation. 4. Les candidats intéressés sont invités à manifester leur intérêt pour la prestation des services décrits ci-dessus en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (la nature des activités du candidat et le nombre d’années d’expérience, les qualifications du candidat dans le domaine des prestations et notamment les références concernant l’exécution de marchés analogues, l’organisation technique

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et managériale du cabinet, les qualifications générales et le nombre de personnels professionnels). Les candidats seront évalués sur un total de 100 points : • La nature des activités du candidat : 05 points ; • Nombre d’année d’expérience : 10 points ; • Qualifications du candidat dans le domaine des prestations : 30 points ; • Organisation technique et managériale du cabinet : 30 points ; • Qualification générale et le nombre de personnels professionnels : 25 points. Par ailleurs, le cabinet devra proposer des ressources humaines en nombre suffisant, au sein d’une équipe pluridisciplinaire disposant d’une expérience avérée pour ce type de mission. Il est demandé aux candidats de fournir ces informations en ne dépassant pas dix (10) pages. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. 5. Parmi les candidats ayant obtenu une note minimale de soixante-dix (70) points,une liste d’au moins trois (3) candidats, pour chaque mission présentant au mieux les aptitudes requises pour exécuter les prestations sera établie par l’Autorité contractante ; ces candidats présélectionnés seront ensuite invités à présenter leurs propositions techniques et financières et un candidat sera sélectionné selon la méthode de sélection sur la base de la qualité technique et du montant de la proposition (sélection qualité-coût). 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse suivante : etude_ac@artp.sn. 7. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-après au plus tard le 04 juillet 2013 : Commission des marchés Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes Résidence IMHOTEP – Liberté 6 extension VDN Tél : (221) 33 869 03 69 - Fax : (221) 33 869 03 70

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SÉLECTION D’UNE SOCIÉTÉ DE GESTION D’UN FONDS D’INVESTISSEMENT DÉDIÉ AU DÉVELOPPEMENT DES SERVICES FINANCIERS DANS L’UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT 1. La Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) a l’intention d’inviter les parties qualifiées à soumettre des manifestations d’intérêt pour fournir des services de gestion d’un fonds d’investissement destiné au développement des services financiers dans l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), qu’elle envisage de promouvoir avec ses partenaires.Les pays membres de l’UEMOA sont :le Bénin,le Burkina,la Cote d’Ivoire,la Guinée-Bissau,le Mali,le Niger,le Sénégal et le Togo. 2. Le dimensionnement du fonds est de l’ordre de 100 milliards de francs CFA, avec une hypothèse de deux (2) closings successifs de 50 milliards de francs CFA chacun. 3. Le fonds a pour objectifs : - d’accompagner dans leurs développements les banques, les établissements financiers et d’assurance de la zone UEMOA dans le respect des nouvelles exigences en fonds propres ; - d’effectuer des prises de participation dans la création de nouvelles institutions bancaires et financières ; - de participer à des opérations de fusion/acquisition et restructuration dans le secteur bancaire et financier de la zone UEMOA ; - d’accompagner le développement du marché financier régional à travers la promotion de services nouveaux,et de favoriser les services qui concourent au développement du système bancaire et à l’accès aux services financiers pour le plus grand nombre. 4. Les services attendus du gestionnaire du fonds sont notamment les suivants : - lever les fonds auprès d’investisseurs de qualité ; - générer un deal-flow de qualité ; - conduire des due-diligences sur le secteur financier de l’UEMOA ; - structurer un investissement et en négocier les termes ;

MINISTÈRE D’ÉTAT CHARGÉ DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES UNITÉ DE COORDINATION ET D’EXÉCUTION DES PROJETS

PROJET D’APPUI À LA GOUVERNANCE, D’ASSISTANCE TECHNIQUE ET RENFORCEMENT DE CAPACITÉS (EGTACB) DON IDA : H 7650-GN - DATE DE DÉBUT : 03 / 06 / 2013 - DATE LIMITE : 18 / 06 / 2013 POUR LE RECRUTEMENT D’UN DIRECTEUR ET DE QUATRE EXPERTS POUR LE SECRÉTARIAT TECHNIQUE DU FONDS SPÉCIAL D’INVESTISSEMENT 1. Cette sollicitation de manifestation d’intérêts fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés du projet ci-dessus publié dans le Development Business le 23 Janvier 2013. 2. Le Gouvernement de la République de Guinée a reçu un Don de la Banque Mondiale, d’un montant de 10 millions USD pour financer le coût du Projet d’Assistance Technique et de Renforcement des Capacités pour la Gouvernance Economique (EGTACB), et se propose d’utiliser une partie des ressources de ce don pour effectuer les paiements autorisés au titre des contrats devant être acquis dans le cadre de ce projet. L’Unité de Coordination et d’Exécution des projets (UCEP) se propose d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer les paiements au titre des services de consultants pour le recrutement du personnel du Secrétariat Technique du Fonds Spécial d’Investissement. Notamment : • (Un) Directeur du Secrétariat Technique du Fonds spécial d’Investissement ; • (Un) Expert en Agriculture et Développement Rural ; • (Un) Expert en Développement social ; • (Un) Expert en Infrastructures ; • (Un) Expert en Gestion Administrative et Financière Conformément aux dispositions du décret de création du Fonds Spécial d’Investissement,la mission de l’équipe recrutée sera chargée (1) Analyser,formuler évaluer et sélectionner des projets d’investissement éligibles au FSI (2) S’assurer que tous les projets que le Fonds se propose de financer sont préparés en conformité avec les bonnes pratiques et méthodologies en termes de rentabilité économique et sociale et environnementale (3) Faire en sorte que les projets soient d’excellente qualité et exécutable une fois inscrit dans le budget annuel de l’Etat. Description succincte des postes - Le Directeur du Secrétariat technique,coordonne les activités du Secrétariat technique et organise le travail des experts techniques pour l’atteinte des objectifs fixés

JEUNE AFRIQUE

- L’expert en Agriculture et Développement durable : Contribuera à la réflexion prospective et participera à la définition des politiques d’intervention du FSI dans le secteur agricole et le Développement rural ; - L’expert en Infrastructures : Contribuera à la réflexion prospective et participera à la définition des politiques d’intervention du FSI dans le domaine des infrastructures ; - L’expert en développement social :Contribuera à la réflexion prospective et participera à la définition des politiques d’intervention du FSI dans les secteurs sociaux (santé, éducation, développement communautaire) ; - L’expert en Gestion administrative et financière : Procéder à l’évaluation des coûts et risques fiduciaires des projets soumis au financement du FSI ; La description détaillée de chaque poste figure dans les Termes de références disponibles sur demande Les experts seront sélectionnés conformément aux procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de Janvier 2011. Les personnes intéressés par cette annonce peuvent obtenir des informations complémentaires du lundi au jeudi : de 9h à 16h et le vendredi : de 9h à 13h à l’adresse de l’UCEP mentionnée ci-dessous Les Consultants individuels intéressés, possédant les compétences et l’expérience pertinentes pour la mission concernée sont invités à manifester leur intérêt à offrir leurs services en faisant parvenir un dossier comprenant au moins : (1) une lettre de motivation, (1) curriculum vitae détaillé, (des) documents justifiants leurs qualifications et références professionnelles au plus tard le 18 Juin 2013 à 10 h à : l’Unité de Coordination et d’Exécution des Projets (UCEP) Immeuble « Air France ex Fria Base » 7ème étage Quartier Almamya, Commune de Kaloum Conakry Pour plus de précision contacter les numéros ci-après : (224) 664 43 50 41 / 657 52 75 47 / 631 34 34 16 Conakry le 27 Mai 2013 Le Coordonnateur de l’UCEP N° 2734 • DU 02 AU 08 JUIN 2013

Manifestation d’intérêt

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE TRAVAIL - JUSTICE – SOLIDARITÉ

- créer de la valeur dans les sociétés cibles ; - coordonner les co-investissements ; - réaliser des sorties et des rendements. 5. La Banque Ouest Africaine de Développement invite les sociétés de gestion de fonds d’investissement à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les candidats intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services requis (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité du personnel qualifié, etc.). 6. Une short-list de trois (3) sociétés de gestion sera établie en vue de la sélection, en accord avec les procédures définies dans les dispositions de la directive n°2007-004 en date du 26 février 2007 relative à la méthodologie de dépouillement des offres pour la sélection des consultants et prestataires de service de la BOAD. 7. Tout soumissionnaire accepte de facto le droit et la prérogative de la BOAD de n’avoir en aucun cas à justifier sa décision relative aux offres, ni à retourner les offres non retenues. 8. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous : Monsieur Christian N. D. AGOSSA, CONSEILLER FINANCIER DU PRÉSIDENT Banque Ouest africaine de Développement (BOAD) BP. 1172 - LOMÉ (TOGO). Email : cagossa@boad.org Tél : (228) 22 23 27 22 - Fax : (228) 22 23 27 42 et aux heures suivantes : de 7H30 à 13H et de 14H00 à 16H30 GMT. 9. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 14 juin 2013.


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Background The Africa Union Commission (AUC) is the key organ, playing a central role in the day-to-day management of the African Union.The Commission has implemented an ERP Solution by SAP AG and the version in use is ECC ERP 2005 (ECC 6.0, EHP5), constituting mainly Financial,Travel, Human Resources and Materials Management functions. Objectives of the assignments The primary goal of the project is to implement SAP E-Recruiting system that will provide an end to end online recruitment solution from application to final selection and hiring of the candidates. To this end, the African Union Commission seeks the services of SAP Certified Partner with at least Ten years’ proven experience to implement the solution and wish to invite Expression of Interest from eligible firms or consortium to provide the required services. Interested firms or consortium should submit the following documents along with signed and sealed letter of Expression of Interest: i. Detailed company profile with list of verifiable previous relevant experiences within the last five years, ii. Copies of registration certificates and business licenses, iii. Declaration of submitting a proposal in case of being shortlisted, iv. Audited Financial Statement for the past three years For Communication and Enquiry please contact Email: hussainu@africa-union.org; or Tel: +251-11551 7700, Ext 4304; Fax: +251-11-5517844. Submission of Expression of Interest One original and three copies of EOIs (in either English or French Language) must be received in one sealed envelope not later than Friday, 28 June 2013 at 1500hours local time.The envelope must be clearly labelled. Late bid would be rejected and return unopened. The address for submission is: The Chairperson of Tender Board; African Union Commission; Roosevelt Street, 3rd Floor Building C, Tender Box, P. O. Box 3243, Addis Ababa, Ethiopia Tel: +251 11-551-7700.

Divers - Manifestation d’intérêt

All EOIs received would be evaluated based on the company’s experience in similar assignment; valid registration certificates and sound financial performance. Bidding Document, including detail specifications would be sent to short listed firms or consortium that met our technical requirements for the final stage of the selection process.

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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Géographie Le Maroc reste africain J’ai été sidéré par la couverture de votre édition no 2731, datée du 12 au 18 mai, ainsi titrée : « Que cherche le Maroc en afrique? » Est-ce une provocation à france lA liByAn cOnnEctiOn DE SArkOzy jeuneafrique.com

Hebdomadaire international indépendant • 53e année • no 2731 • du 12 au 18 mai 2013

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p J.A. n° 2731, du 12 au 18 mai 2013.

l’adresse des lecteurs ou la simple manifestation d’une certaine ignorance ? Ne vous en déplaise, le Maroc fait bien partie de ce beau continent, et j’aimerais avoir une explication sur ce titre que je juge choquant. l AGbALAGbA WAtékou, Vosges, France

Réponse: Faisons un exercice. remplaçons « Maroc » par « royaume-Uni » et « afrique » par « Europe ». Jugeriez-vous encore que ce titre est provocateur ou manifeste une certaine ignorance? Que le Maroc soit africain – une évidence géographique – ne lui interdit pas d’entretenir des relations aveccecontinent.aucontraire. d’ailleurs, l’article que vous évoquez détaille, au-delà des slogans,leséchangespolitiques

et économiques entre le Maroc et d’autres pays africains, en particulier au sud du sahara. l LA RédAction

terrorisme Errances françaises LE 22 Mai à LoNdrEs, deux extrémistes convertis à l’islam assassinent un soldat britannique en pleine rue. Le 25 mai à Paris, un soldat français est blessé à coups de cutteràlanuqueparunmusulman fondamentaliste. Le 27 mai, les deux pays où se sont produits ces faits opèrent un étrange coup d’état à Bruxelles : sans tenir compte des vives réticences de leurs partenaires à voir des armes européennes tomber aux mains de semblables obscurantistes en syrie, ils forcent

natalité L’avance africaine Dans son « Ce que je Crois » du no 2728 (J.A. daté du 21 au 27 avril), Béchir Ben Yahmed, après avoir constaté que « le taux de fertilité des africains est le plus élevé au monde : 4,7 enfants par femme, contre 2,2 en asie », et qu’« il découle de ces taux très élevés que la population africaine franchira la barre des 2 milliards à l’horizon de 2050 », tire la conclusion suivante : « Les africains font trop d’enfants ». Dans j.a. no 2733, daté du 26 mai au 1er juin, BBY revient sur ces données, prenant à témoin les grands spécialistes de la démographie mondiale qui se demandent si, « à l’exception de l’afrique subsaharienne, où la croissance démographique est trop forte pour les capacités budgétaires des pays concernés, le monde n’a pas amorcé une phase trop rapide de stabilisation et de vieillissement de sa population ». quand je constate (comme beaucoup d’experts d’ailleurs) que presque rien n’est fait par les pays d’« afrique noire » pour l’éducation et la santé d’une population toujours en pleine croissance, je m’interroge : pourquoi les africains font-ils beaucoup d’enfants ? quelles sont les causes de l’augmentation significative de la natalité sur le « continent noir » ? est-ce le souhait de soumettre le destin (réussite scolaire et sociale) de leur progéniture à la volonté divine ou tout simplement un désir sexuel irrépressible exacerbé par le soleil ? Pendant les années 1980, dans une région du Congo-Brazzaville (la Bouenza) réputée pour son fort taux de natalité, un « vieux philosophe occasionnel » déclarait avec humour : « C’est l’ennui qui nous pousse à faire beaucoup d’enfants car, ici, en dehors de l’ambiance des bars dancing, la seule distraction est le passage du train une fois par jour… » avait-il raison ? l PAtRick tchicAyAt, Sevran, France n o 2734 • du 2 au 8 juin 2013

la décision des Vingt-sept de lever l’embargo sur les armes à destination de la rébellion, que l’on sait maintenant dominée par des bataillons jihadistes dont le plus puissant, le Front al-Nosra, se réclame d’al-Qaïda. tiens donc! Ne serait-ce pas al-QaïdaquelaFrancecombat au Mali, demandant un soutien accru de ses partenaires européens pour cette opération ? Pareille schizophrénie laisse songeur. il y a quelques semaines, en tunisie, les autorités ont arrêté un jihadiste qui, dans son élan, avait été réorienté vers le Mali: il voulait initialement se rendre en syrie. où va la France ? l PiERRE dEGoWE, New York, États-Unis

Révolution deux ans plus tard LE PriNtEMPs araBE a drainé avec lui les fondamentalistes, qui ont profité des révoltes – et non des révolutions – pour s’emparer du pouvoir. reste à savoir pour combiendetemps.Carlasituation économique alarmante, le chômage record et la paup é r i sat i o n d e s c la ss e s moyennes ont fini de révéler augrandjourleurslimites.seul point positif dans ce bilan catastrophique, la liberté de la presse,quiapermisdereléguer au second plan al-Jazira et les médias occidentaux, dont France 24. Le black-out observé par ces médias à propos du phénomène jihadiste tunisien a été stoppé par les médias nationaux eux-mêmes. désormais, comme dit Marine Le Pen, présidente du Front national (extrême droite française), « plus personne ne croit à la fable occidentale » qualifiant l’oppositionsyrienned’«armée de démocrates ». l FAthi tounAkti, Hammamlif, Tunisie jeune afrique


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dont Boubacar diallo telli, ce grand et brillant Africain qui a connu une fin tragique dans les geôles du camp Boiro à conakry. Pour la postérité et pour la jeune génération, vous auriez dû leur consacrer au moins une page. la seule intervention d’edem Kodjo (p. 31) ne suffit pas, d’autant que plusieurs autres secrétaires généraux sont encore en vie. cette remarque n’enlève cependant rien à la qualité de ce dossier. Bravo à tous ceux qui y ont participé. l

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p J.A. n° 2732, du 19 au 25 mai 2013.

UA Que sont les ex-SG devenus ? Fidèle lecteur de J.A., j’ai dévoré votre « Grand Angle » consacré à l’union africaine (J.A. no 2732, du 19 au 25 mai). À ma grande surprise, il n’y est pas fait mention des différents secrétaires généraux de l’Organisation de l’unité africaine (OuA),

10E ÉDITION ANNUELLE

LAmA BArry, Mali Yembéring, Guinée-Conakry

Vous avez raison, nous aurions pu vous parler également de William eteki Mboumoua, Salim Ahmed Salim, Amara essy, Alpha

réponse :

Oumar Konaré ou encore Jean Ping, toujours parmi nous. l LA rédAction

cPi Pour un retour aux fondamentaux POur AVOir lAncé un mandat d’arrêt (non exécutoire) contre le président soudanais Omar el-Béchir, la cour pénale internationale (cPi) a été accusée d’excès de zèle par nombre de pays africains. réunis à Addis-Abeba pour le cinquantenaire de l’union africaine, les ministres des Affaires étrangères du continent n’en ont pas pensé moins, invitant à transférer au Kenya les procès du président nouvellement élu, uhuru Kenyatta, et de son vice-président, William ruto. les

dirigeants africains font là preuve de défiance à l’égard de l’institution, rejoignant ainsi les états-unis, la chine et quelques autres états non signataires du Statut de rome, qui l’a créée. n’est-il pastemps, alors, de revenir aux fondamentaux ? comment ? en accordant aux justices nationales plus de confiance et de moyens, l’idée étant de leur permettre de juger, sur leurs propres territoires, les auteurs présumés de génocide, de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. la cPi ne serait alors qu’une cour complémentaire – comme stipulé dans le Statut –, une collaboration étroite avec les juridictions nationales ou régionales garantissantlanon-impunité. l Pierre iShemA, Ruzagiriza, Rwanda

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Fondé à tunis le 17 oct. 1960 par béchir ben Yahmed (53e année) édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com direCtion directeur de la publication : BécHir Ben YAHmeD (bby@jeuneafrique.com) directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Touche pas à ma citrouille!

rédaCtion directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) directeurs exécutifs : marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

A

ujourd’hui, on va parler d’un scandale de proportions bibliques, ou presque, qui concerne la province marocaine des doukkala. Plus précisément, on va parler de la plus belle production des doukkala. il ne s’agit pas de la femme du boulanger ni de la fille du facteur, non, il s’agit de la citrouille. oui, vous avez bien lu : la citrouille. Et cessez de ricaner, car il s’agit d’une grave affaire. or donc, pour ceux qui l’ignorent, la citrouille des doukkala est la meilleure au monde. un couscous sans cette merveille ne mérite pas le nom de couscous. depuis des temps immémoriaux, en tout cas depuis avant même le protectorat français, on cultivait ce beau fruit – car, vous le savez, il s’agit d’un fruit et non d’un légume.

rédaction en chef : claude leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), élise colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), laurent Giraud-coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Aldo de Silva, Dominique mataillet, renaud de rochebrune Secrétariat : chantal lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), tarek moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric maury (Économie), Jeanmichel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), cécile manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine clerc, Fabien mollon, ophélie négros rédaction : pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, ryadh Benlahrech, pierre Boisselet, rémi carayol, Julien clémençot, Frida Dahmani (à tunis), Georges Dougueli, malika Groga-Bada, trésor Kibangula, christophe le Bec, nicolas michel, Haby niakate, cherif ouazani, michael pauron, Abdel pitroipa, Fanny rey, laurent de Saint périer, tshitenge lubabu m.K. ; collaborateurs : edmond Bertrand, christophe Boisbouvier, patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times responsable de la communication : Vanessa ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) réaliSation

Mais – horreur et damnation –, depuis quelques années, des agriculteurs du coin ont commencé à introduire d’autres espèces que l’espèce traditionnelle, qui est grande, orange et succulente. Vendant leur âme au diable, ils introduisent des espèces venant de chez l’oncle Sam. Si vous ne voyez pas où cela nous mène, laissezmoi éclairer votre citrouille, ou plutôt votre lanterne. Le jour où toutes nos citrouilles seront devenues américaines, qui pourra les empêcher de réclamer une fin digne d’elles, c’està-dire de finir en citrouille de halloween ? Ce n’est pas la peine de dénoncer nos sorcières et nos voyantes comme un signe d’arriération si c’est pour introduire halloween et les j’noun américains dans notre culture. halloween, cette espèce de fête yankee à base de niaiserie généralisée et de déguisements terrifiants, a envahi la vieille Europe. Faut-il que nous autres Maghrébins, nous nous livrions pieds et poings liés à ces sottises ? Et d’ailleurs, elle est halal, la cucurbitacée américaine ? Qu’en pensent les oulémas ? de plus, qui nous dit que ces citrouilles venues d’ailleurs ne se transformeront pas en carrosse à minuit pour f… le camp à travers champs ? C’est bien la peine d’avoir investi de l’argent et de l’énergie pour voir le fruit de son travail disparaître au galop, à l’horizon, dès minuit ? En tout cas, ça n’arrivait jamais avec notre bonne vieille citrouille des doukkala. Au nom de tous les émigrés qui rentrent au pays et découvrent des changements aussi traumatisants, je proteste ! Nous voulons que le pays reste ce qu’il est dans nos souvenirs. C’est ce qui nous aide à supporter l’exil. Quand nous revenons dans les doukkala, nous voulons voir nos bonnes vieilles citrouilles arabo-berbères et non des potimarrons efféminés qui n’entendent que la langue de Shakespeare. je lance donc sur cette page un appel aux Maghrébins dignes de ce nom pour qu’ils se constituent en Association pour la sauvegarde de l’authentique citrouille des doukkala. Ne nous laissons pas faire ! Aujourd’hui la citrouille, demain les dattes, après-demain les pastèques ? C’est l’américanisation par l’estomac! C’est décidé, je me lance dans une grève de la faim, que je n’arrêterai que si on me sert un couscous à la citrouille des doukkala. La vraie, pas celle qui a envahi l’irak et l’Afghanistan. l

maquette : marc trenson (directeur artistique), christophe chauvin, Stéphanie creuzé, Julie eneau, Jean-philippe Gauthier, éric le mière, Valérie olivier ; révision : nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir pol ; fabrication : philippe martin (chef de service), christian Kasongo ; service photo : Dan torres (directrice photo), nathalie clavé, Vincent Fournier, claire Vattebled ; documentation : Anita corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence turenne, Angéline Veyret JeuneaFrique.Com direction éditoriale : élise colette ; chefs d’édition : pierre-François naudé, Frédéric maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, trésor Kibangula, mathieu olivier, Benjamin roger et nicolas teisserenc responsable web : Jean-marie miny ; studio : cristina Bautista, Jun Feng et maxime pierdet VenteS et abonnementS directeur marketing et diffusion : philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chef de produit : Dhouha Boistuaud, maty n’Dome ; abonnements : laetitia Banelle avec: Com&Com, Groupe Jeune afrique 18-20, avenue édouard-Herriot, 92350 le plessis-robinson. tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. e-mail : jeuneafrique@ cometcom.fr l

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président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : chantal Bouillet ; chef de studio : chrystel carrière ; gestion et recouvrement : pascaline Brémond ; service technique et administratif : carla de Sousa réGieS : direction de la publicité : laure nitkowski, avec catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de patricia malhaire ; annonces classées : Fabienne lefebvre avec Blandine Delporte, richelle Abihssira, assistées de Sylvie largillière Chargées de mission : nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata tandjan repréSentationS extérieureS maroC SiFiJa, nabila Berrada. centre commercial paranfa, Aïn Diab, casablanca. tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. tuniSie SapCom, mourad larbi. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 tunis. tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SoCiété internationale de FinanCement et d’inVeStiSSement

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Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique rouillon; contrôle de gestion: charlotte Visdeloup; finances, comptabilité: monique éverard et Fatiha maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique rouillon imprimeur Siep - FrAnce. commiSSion pAritAire: 1016c80822. DépÔt léGAl: à pArution. iSSn 1950-1285.

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