mandela et noUS par Béchir Ben Yahmed No 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013 • jeuneafrique.com
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Hebdomadaire international indépendant
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Der lignenière droit e Spécial 16 pages
côte d’ivoire bédié forever
Gabon
peut-il réussir? Ali Bongo Ondimba avait promis le changement lors de son élection en août 2009. bilan à mi-mandat.
édition INTERNATIONALE Et AfRIquE subsAhARIENNE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
> Banque de Financement et d’Investissement
À CETTE HEURE DEMAIN L’AFRIQUE AURA PRODUIT PLUS DE 8,8 MILLIONS DE BARILS DE PÉTROLE Et ce n’est rien par rapport à ce que le continent fera dans les vingt prochaines années. Tirer le meilleur du potentiel inexploité ne sera jamais une entreprise facile. Cela signifie s’assurer d’avoir les informations les plus importantes entre les mains des meilleures personnes. C’est pourquoi les personnes que nous recrutons sont des experts dévoués avec la connaissance et la compréhension bien en avance sur leur temps. Et après 150 ans sur ce continent, le temps est une chose pour laquelle nous sommes certains qu’il n’existe aucun substitut.
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Allant de l’Avant
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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com
Samedi 29 juin
Nelson Mandela
C’
était un extraterrestre, comme avant lui, au siècle dernier, le Mahatma Gandhi. Il a fait de son mieux, a été aussi loin que ses forces le lui ont permis. Mais il s’en va, à près de 95 ans, nous laissant, nous autres Terriens, à nos démons. Nelson Mandela : son long combat, qui aura été exemplaire, et la manière dont il a, trop brièvement, exercé le pouvoir sont l’essentiel du message qu’il nous laisse. Le complètent quelques phrases qui résument sa doctrine et que je crois opportun de rappeler pour montrer : • que Mandela exigeait beaucoup de lui-même et des autres, plaçait la barre très haut, • que de grandes affaires qui occupent en ce moment même nos dirigeants politiques auraient été déjà résolues si elles avaient bénéficié de l’effet Mandela… n
De ce qu’a énoncé Nelson Mandela, j’ai retenu sept règles-préceptes dont je pense que vous direz avec moi, après lecture, que les formuler est aisé. Mais que réussir à les mettre en pratique n’est pas à la portée de tout le monde. « 1) Vous ne pouvez pas obtenir un résultat si, au fond de vous-même, vous n’avez pas l’intime conviction qu’il se produira : la paix ne se réalise que si celui ou celle qui la veut y croit de toute son âme. Vous la gagnerez si vous en rêvez et n’abandonnez jamais. 2) Qui veut faire la paix doit savoir faire des compromis et accepter d’en faire. Il aura à prendre beaucoup de risques, y compris pour sa réputation et sa vie. 3) J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle nous vivrions tous ensemble, en harmonie et avec des chances aussi égales que possibles pour tous. Cet idéal, j’en ai fait le but de ma vie ; je l’ai jugé accessible et j’ai pensé que je pouvais contribuer à le réaliser. J’ai aussi accepté de courir le risque de mourir pour qu’il se réalise. 4) Le courage, ce n’est pas l’absence de peur, mais la capacité à la dominer. jeune afrique
L’homme brave n’est donc pas celui qui n’a pas peur, c’est celui qui triomphe de sa peur. 5) Lorsque j’ai franchi la porte de ma cellule, puis celle de la prison vers la liberté, je savais que si je ne laissais pas derrière moi l’amertume et la haine, je resterais à jamais leur prisonnier. 6) Les négociations pour la paix et la réconciliation sont en elles-mêmes une thérapie. Elles ne peuvent aboutir que si vous avez la volonté de regarder au plus profond de vous-même, dans les replis de votre âme pour en extirper les démons qui l’habitent. L’une des choses les plus importantes que j’ai apprises en négociant la paix est que si je ne me changeais pas moi-même, je ne pouvais pas changer mes interlocuteurs. Car ils sont des êtres humains, comme moi ; avec leur passé, leurs mythes, leurs blessures, leur soif de dignité. 7) Seuls les êtres libres sont à même de négocier et de prendre des engagements ; un prisonnier ne peut pas signer de contrat qui engage. » Ces sept règles-préceptes sont, en vérité, une simple et belle leçon de démocratie. n
Elle s’adresse à ceux, nombreux, qui, en ce moment même, se gargarisent du mot, disent pratiquer la chose, mais, en réalité, abusent du pouvoir qu’ils ont obtenu – ou usurpé – par les urnes pour faire ce qui leur paraît bon pour le pays qu’ils gouvernent ou, parfois, pour le parti dont ils ont fait leur instrument de pouvoir. C’est tout à fait le cas de ces « arrivistes du pouvoir » que sont les islamistes tunisiens et égyptiens, toujours aussi grisés de l’avoir vu tomber dans leur escarcelle, et qui montrent un peu plus chaque jour qu’ils ne sont ni dignes ni capables de l’exercer, même s’ils en ont (eu) formellement la légitimité. C’est, hélas, le cas, au moins en partie, de Recep Tayyip Erdogan lui-même. Premier ministre de Turquie et leader de l’AKP, il a montré, depuis un mois, que l’islamisme ne l’avait pas complètement quitté et que sa conception de la démocratie laissait à désirer. Les vrais démocrates, eux, savent que la démocratie n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Ce que je crois n’est pas seulement la loi de la majorité mais tout autant le respect des droits de la ou des minorités. Et ils veillent au respect de cette règle d’or, de la vraie démocratie. n
L’argument « j’ai gagné la dernière élection » ou « je suis élu » ne donne en effet pas le droit de faire ce qu’on veut ou croit bon de faire. Accuser les opposants d’être des « fauteurs de troubles », des « agents de l’étranger » ou « des terroristes », comme l’ont fait tour à tour les Kaddafi, Moubarak, Ben Ali et, en ce moment même, Assad, est une ficelle trop grossière pour qu’un Erdogan, qui se présente comme un authentique démocrate, puisse se permettre de l’utiliser sans dommage grave pour sa réputation et celle de son régime. Son excès d’autoritarisme a même compromis, pour un temps, les faibles chances d’adhésion de son pays à l’Union européenne. Le droit de vote et son exercice ne sont que l’un des attributs de la démocratie. Gagner une élection est une condition nécessaire, mais pas suffisante; cela n’autorise pas un homme, une équipe, un parti ou une coalition à décider de presque tout et à tout moment. n
Ces règles-préceptes, Nelson Mandela les a appris tout seul dans les prisons de l’apartheid dont il est sorti
en murmurant, pour lui-même mais en pensant à ses geôliers oppresseurs de son peuple : « Nous les surprendrons (en bien). » C’est l’héritage qu’il laisse, notamment à l’Afrique. Car la très grande majorité des présidents africains ont trop de pouvoirs et en abusent, n’ont pas assez de contrepouvoirs et oublient d’en tenir compte. Dans aucun pays africain, fût-il le plus « démocratique », les droits des minorités ne sont convenablement protégés. Parlant de leurs systèmes judiciaires, les gouvernants africains disent, par mimétisme démocratique ou par cynisme, « notre justice est indépendante » en sachant pertinemment qu’elle ne l’est vraiment dans aucun de leurs pays. n
L’un de ces pays, la République du Mali, est à la veille d’une élection présidentielle dont on espère qu’elle le sortira de la plus grave crise institutionnelle qu’il ait connue en un demi-siècle de vie indépendante. Le président que les Maliens éliront dans un mois ou six semaines sait que son pays a failli perdre son âme parce que ses dirigeants n’ont pas suffisamment respecté les droits des minorités et n’ont pas dialogué avec elles. Plus que ses pairs, il doit, par conséquent, se donner pour ardente obligation le respect le plus strict des règles-préceptes que Nelson Mandela nous a laissés en héritage. l
Humour, saillies et sagesse Institution française séculaire, porte d’entrée obligatoire pour accéder à l’enseignement supérieur : le baccalauréat. Des centaines de milliers de candidats le passent en ce moment même en France et dans les pays francophones. Alors, pour vous faire sourire, je vous propose, pendant quatre semaines, une sélection des perles du bac relevées par les examinateurs dans les copies de ces candidats au bac*. B.B.Y. – La Fontaine est une personne qui a vécu il y a plusieurs siècles et qui a raconté des histoires à dormir debout, c’est pourquoi on emploi l’expression les fables de La Fontaine. – S’il n’y avait pas eu Mai 68 on aurait gardé de Gaulle et il ne se serait pas réfugié à Londres. – Les gardes du Vatican sont Suisses, car le pape a des comptes secrets suisses et c’est plus facile pour les payer. – Dans la gamme des animaux seuls les poissons sont muets ce qui se comprend car ils avaleraient de l’eau et se noieraient.
– Les constructions des Grecs et des Romains n’étaient pas très solides, c’est pourquoi ils ne nous ont laissé que des ruines.
– Les Romains se servaient des chrétiens comme des réverbères pour éclairer les rues et mettre plus de sécurité dans la ville.
– Hitler avait beaucoup de fans : les nazis.
– Le miel résulte des excréments des abeilles qu’elles déposent sur leurs petits W.-C. appelés alvéoles.
– La décolonisation : Les colonisés en avaient marre qu’on leur disent tous les matins lève-toi, vas bosser ; surtout qu’il ne profitaient pas de leur travail, c’était le gros colon qui en profitait. – Une ligne droite devient perpendiculaire quand elle n’est plus parallèle.
– La France est habitée par les Français et les touristes. – Les Algériens voulaient leur indépendance car les Français ne les laissaient pas libres. Par exemple ils ne voulaient pas qu’ils mangent du couscous.
* Source Brèves de copies de bac, Éditions Chiflet & Cie n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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fOrUM inTernaTiOnaL DeS inveSTiSSeMenTS en CÔTe D’ivOire Le premier rendez-vous économique international pour les acteurs du renouveau ivoirien.
Partagez le nouvel élan économique de la Côte d’Ivoire Sous le haut patronage de Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire
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Éditorial
Marwane Ben Yahmed
PhOTOs de COuverTures : ÉDITION INTeRNATIONALe eT AFRIQUe SUBSAHARIeNNe : david ignaszewski ÉDITION MAGHReB & MOYeN-ORIeNT : wiTT/siPa ÉDITION CôTe D’IvOIRe : anTOnin BORgeaUd ÉDITION ALGÉRIe : FOTOLia
Où sont passés les Indignés africains ?
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e là où il nous observe, certainement un petit coin de paradis, stéphane Hessel doit jubiler ! Après les révoltes arabes, les manifestations anticrise en espagne, en italie, au Portugal, en Grèce, en Grande-bretagne ou en israël, les occupants de Wall street, les étudiants chiliens en colère, les grévistes algériens ou les contestataires du Xinjiang, voilà que mêmes les supposés futurs cadors de l’économie mondiale s’y mettent. les miracles turc et brésilien, dont on nous rebat les oreilles depuis plusieurs années, ne seraient-ils, en fin de compte, que des mirages ?
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MalI guerre eT PaIx Le 1er juillet, la Minusma succède à la Misma. Simple… mais seulement en apparence.
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L’ami Hessel, qui nous exhortait, peu de temps avant d’entreprendre son dernier voyage, à l’indignation, a été pris au mot. sans doute au-delà de ses espérances… ni Dieu ni maîtres, de la finance ou de la politique. Aucun carcan, fût-il religieux, identitaire ou idéologique. la fin des blancs-seings accordés aux dirigeants et de la résignation passive. un peu partout dans le monde, les règles changent et les verrous sautent. Et l’Afrique subsaharienne dans tout ça ? nous aurions tort de considérer qu’elle serait immunisée contre ce « virus » dont on ne mesure pas encore tous les effets. les arguments brandis jusqu’ici par certains pour s’en convaincre ? un faible niveau général d’éducation, des pouvoirs forts et autoritaires, une connexion limitée avec le monde extérieur, des réseaux sociaux peu utilisés, le développement insuffisant des classes moyennes, etc. Autant de paramètres réels, mais qui, eux aussi, évoluent plus vite qu’on ne le pensait. surtout, la question n’est plus celle de la prise de conscience, déjà effective, mais celle du passage à l’acte. les Africains, comme tous les autres, réclament plus de libertés, plus de droits, plus de justice, une meilleure répartition des richesses, moins de privilèges indus, une solidarité plus grande, des dirigeants vertueux et en phase avec leurs réalités, des actes en adéquation avec les discours. ils ont peur, aussi, de l’avenir et des extrémismes que ce sentiment, hélas ! renforce. Ils sont peu nombreux, pour l’instant, ceux qui se mobilisent au sud du sahara pour s’insurger contre la perte de valeurs d’un monde dont ils ne veulent pas, contre les abus de dirigeants indélicats, voire incompétents, ou pour exprimer leur ras-le-bol, quelles qu’en soient les motivations profondes (injustice sociale, sentiment d’exclusion, aspirations démocratiques, etc.). Mais cela commence toujours ainsi… l n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
CôTe d’IvOIre BédIé fOrever Immuable président du PDCI, celui que l’on surnomme le sphinx de Daoukro reste impassible malgré le vent de contestation qui souffle dans les rangs de son propre parti.
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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Mali Guerre et paix séraphine Mukantabana Tous les chemins mènent à Kigali rafael Correa Chávez bis ? Tunisie Rachid Ammar vide son paquetage Palestine The Crooner unesco Roses des sables afrique du sud Ramlakan, avec Madiba jusqu’au bout Tour du monde
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gabon À marche forcée
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Côte d’Ivoire Bédié forever ? Centrafrique Confidences de Martin Ziguélé
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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs grAnd AngLe
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gAbon peut-il réussir ? Ali Bongo Ondimba avait promis le changement lors de son élection en août 2009. Bilan à mi-mandat.
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ALgérie dernière Ligne droite Dix mois avant la présidentielle, les partis semblent loin d’être prêts. En attendant, on tergiverse.
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Libye LA ChAsse Au trésor La fortune considérable amassée par Kaddafi a aiguisé bien des appétits et mobilisé une multitude d’intervenants. Enquête sur une traque qui donne le tournis.
éConomie « nous revenons de Loin » Après avoir subi des pertes colossales en 2011, Royal Air Maroc relève la tête. Driss Benhima, son PDG, espère atteindre l’équilibre financier à la fin de l’année.
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Aérien Interview de Driss Benhima, PDG de la RAM Les indiscrets djibouti Addis rit, Djibouti aussi Côte d’ivoire Aéria pilote le redécollage d’Abidjan marketing Princesse Tatie, nouvelle star de Somdiaa Finance Patrick Mestrallet, directeur général d’Oragroup, de défi en défi bourse Casablanca peine à se relancer baromètre
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Lettre ouverte de la Conférence épiscopale centrafricaine Angola Dans l’ombre du père
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mAghreb & m oye n - o r i e n t
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Libye La chasse au trésor tunisie Quatre hommes de devoir maroc Moha l’Africain Qatar Tel père, quel fils ?
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europe, Amér i Q u e s, A s i e
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C u Lt u re & méd iA s
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brésil Porquê ? Chine Phobie lactée Parcours Aïcha Redouane et Habib Yammine, le rythme et la mélodie thaïlande Bling-bling, ces moines ! immigration Ce qu’elle rapporte, ce qu’elle coûte
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musique Passi simple Johannesburg La ruée vers l’art La semaine culturelle de Jeune Afrique édition Paris arabe Kiosque La revue
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Algérie Dernière ligne droite
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vous & nous Le courrier des lecteurs post-scriptum n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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BDeAC le torchon brûle 61 000 euros) que le conseil d’administration, dont il est le président, lui a attribuée – ce qui constitue un fait sans précédent dans l’histoire de la banque – ; et, surtout, la « gabonisation » excessive des postes à responsabilités. Huit divisions sur douze, plus les présidences de l’assemblée générale des actionnaires et du comité d’audit sont détenues par le Gabon. En poste depuis trois ans, Adandé ne fait donc pas, c’est le moins qu’on puisse dire, l’unanimité. l
Christophe petit tesson/MAXppp
C’
est désormais la guerre ouverte entre le Gabonais Michaël Adandé, président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC), et le Centrafricain André Nzapayéké, son vice-président. Sur fond d’accusations réciproques de mauvaise gestion, les deux hommes ne se parlent plus et se critiquent à tout propos. Une situation qui inquiète le personnel de la banque régionale, dont le siège est à Brazzaville. Dans une lettre adressée au comité d’audit en date du 7 juin et signée du nom de Thierry Mangout, un pseudonyme collectif, des cadres de la banque déplorent « le climat délétère fait d’intrigues et de coups tordus » qui, selon eux, y règne. Autres reproches fréquemment entendus dans les couloirs de la banque : les trop nombreuses missions de Michaël Adandé, qui passerait « rarement plus de dix jours d’affilée à Brazzaville » ; la confortable prime de bilan 2012 (quatre mois de salaire, soit environ 40 millions de F CFA ; u Michaël Adandé, président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC).
BURKINA DIeNDéRé RetRoUve le NoRD
On ne l’avait pas vu dans le Nord-Mali depuis avril 2012, quand il était allé libérer des otages occidentaux en plein désert. Gilbert Diendéré, le très discret chef d’état-major particulier (et homme des opérations spéciales) de Blaise Compaoré – il fait également office de patron des renseignements du Burkina Faso –, n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
Paris ? Véronique Rieffel (37 ans), sa directrice depuis huit ans, prendra en septembre la direction de l’Institut français d’Alexandrie, en Égypte. Créé à l’initiative de Daniel Vaillant et de Bertrand Delanoë (PS), l’ICI avait acquis ces dernières années une importante visibilité grâce à une programmation culturelle audacieuse. Mais l’ouverture à la fin de l’année d’un lieu flambant neuf au 56, rue Stephenson, dans ce même arrondissement, sera un casse-tête pour la mairie socialiste. La cohabitation entre un lieu de culte appartenant à la mosquée de Paris (mais géré par le recteur Mohamed Salah Hamza) et un espace ouvert sur les cultures du monde arabo-musulman risque d’être difficile et de mécontenter aussi bien les laïcs que les croyants. Dans la perspective des élections municipales de 2014, le remplaçant (ou la remplaçante) de Véronique Rieffel va hériter d’une situation potentiellement explosive.
est réapparu à Kidal le 23 juin, lors de la première visite de la commission technique mixte de sécurité mise en place par les accords de Ouagadougou. Il y était encore trois jours plus tard pour le deuxième round des négociations, qui se révèlent plus difficiles que prévu. La commission, qui est composée de treize personnes,apourmissiondecréer « dans les meilleurs délais » les
conditions d’un cessez-lefeu dans le Nord (notamment le casernement des groupes rebelles). Diendéré y représente le président du Burkina Faso en sa qualité de médiateur. FRANCe IslAm oU CUltURes D’IslAm ?
Quel avenir pour l’Institut des cultures d’islam (ICI), dans le 18 e arrondissement de
FootBAll le ReAl mADRID, Cet été eN AlgéRIe ? Désormais coaché par Carlo Ancelotti et Zinédine Zidane, le Real madrid se rendra-t-il en Algérie pendant le mois de ramadan, en juillet-août, pour disputer un match de gala à l’invitation de mobilis ? À en croire un représentant de l’opérateur téléphonique algérien, le contrat a été signé, mais ni la date ni le lieu de la rencontre n’ont encore été fixés. Ils le seront en fonction des disponibilités de l’équipe espagnole (qui sera aux états-Unis, en stage de préparation, du 27 juillet au 10 août). À madrid, le service de presse du Real affirme n’être au courant de rien.
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Politique, économie, culture & société
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LE CHIFFRE
attaques de pirates recensées dans le golfe de Guinée en 2012. Deux cent sept membres d’équipage ont été pris en otages. Et cinq ont été tués.
TUNISIE HollaNDE NE cHômEra paS
Emploi du temps chargé pour François Hollande lors de sa première visite officielle en Tunisie, les 4 et 5 juillet. Accompagné d’une dizaine de ministres et d’une quarantaine de chefs d’entreprise, il séjournera avec Valérie Trierweiler, sa compagne, à l’hôtel Golden Tulip de Gammarth. À l’Assemblée nationale, le chef de l’État français prononcera un discours à l’adresse de la nation tunisienne, puis il aura des entretiens avec le président Moncef Marzouki, le Premier ministre Ali Larayedh et le président de l’Assemblée, Mustapha Ben Jaafar. On s’attend à ce que des accords soient signés dans de nombreux domaines: réforme
administrative, francophonie, conversion de la dette, énergie renouvelable, etc. Hollande rencontrera également des représentants de la communauté française, de la société civile, de l’opposition et du patronat tunisiens. FraNcopHoNIE FaIrE la paIx, oUI, maIS EN FraNçaIS !
Sortant de sa réserve habituelle, Abdou Diouf, le secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), a officiellement demandé à tous les chefs d’État membres de l’organisation de faire l’impossible pour envoyer des troupes au profit de la Minusma, la mission onusienne qui doit se déployer au Mali à partir du 1er juillet. Il s’agit, préciset-il dans sa missive datée du 3 juin, d’agir en faveur de la paix dans ce pays, mais aussi, et surtout, de « renforcer la participation de personnels francophones aux opérations de paix, en particulier dans notre espace francophone ». TÉlÉSUD DÉbUT DE la FIN ?
Les signes de détresse se multiplient à Télésud. Depuis le mois d’avril, la chaîne de la rue Cognacq-Jay, à Paris, a rompu
UNESco Sprint final Dans un peu plus Detrois mois (les 15 et 16 octobre), le conseil exécutif aura à décider de l’identité du futur directeur général de l’unesco, dont le siège est à paris.trois candidats sont en lice. la Bulgare irina Bokova, favorite du scrutin, qui brigue un second mandat de quatre ans; rachad Farah, l’ambassadeur de Djibouti à paris, soutenu par l’union africaine et la ligue arabe (qui, ensemble, disposent de 20 voix sur 58 au conseil); et un postulant de dernière minute, l’universitaire franco-libanais Joseph maïla, présenté par le liban. la candidature de ce dernier, ancien directeur du « pôle religions » puis de la prospective au ministère français des affaires étrangères, écarté il y a quelques mois par laurent Fabius, a irrité le ministre de la Défense français, qui ne se cache pas d’avoir fait le choix de Bokova. une discrète démarche a ainsi été faite auprès du président libanais michel sleiman afin qu’il retire son soutien à maïla – en vain. en attendant, les candidats battent campagne, le plus actif étant sans doute rachad Farah. après avoir sillonné l’afrique, le moyen-orient, l’amérique latine et les Caraïbes, il vient de s’embarquer pour une longue tournée des capitales asiatiques. l
son contrat de diffusion avec l’opérateur satellitaire Hot Bird. Elle n’est plus accessible que par internet et à travers les bouquets de télévision qui reprennent gratuitement son signal. L’entreprise a cédé le quart de la surface locative de ses bureaux, et Bernard Volker, son patron (qui fut chef du service de politique étrangère de TF1 jusqu’en 2007) a accepté de réduire son salaire de 15 %. À cela s’ajoute la mise à l’écart de Danyèle Palazzo-Gauthier. Proche de
Pascaline Bongo Ondimba, la propriétaire exclusive de la chaîne, cette avocate parisienne avait la haute main sur la gestion financière de l’entreprise. Elle n’intervient plus aujourd’hui que sur les questions juridiques. Le retrait de Palazzo-Gauthier pourrait préfigurer celui de Pascaline. Conseillée par Étienne Mougeotte, la présidence gabonaise souhaite en effet faire de Télésud, à terme, une filiale de Gabon Télévision.
Françafrique Que cherche Guéant à Bangui?
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surveillance. » De fait, l’ex-bras droit de nicolas sarkozy a voyagé en jet privé avec Laurent Foucher, un collaborateur du groupe pétrolier français Maurel et Prom. Le gabon a-t-il facilité le contact ? en décembre 2012, le président ali Bongo Ondimba a reçu guéant à Libreville. et le 14 juin, il a invité Djotodia à un sommet de la Communauté économique et monétaire de l’afrique centrale (Cemac), au gabon. Le numéro un centrafricain en a profité pour rencontrer discrètement de nombreux hommes d’affaires… l
ANTONIOL ANTOINE/SIPA
« Je n’ai rien signé avec M. guéant, il n’est venu ici qu’en transit », a déclaré Michel Djotodia lors du Conseil des ministres du 27 juin, à Bangui. La veille, l’ancien ministre français de l’intérieur avait quand même été reçu par le nouvel homme fort de la Centrafrique. Quel contrat convoite-t-il ? « Derrière guéant, il y a des intérêts pétroliers et diamantifères, analyse un ancien ministre centrafricain. il peut négocier de nouveaux permis en échange d’une assistance sécuritaire à Djotodia, qui cherche à acquérir du matériel d’écoute et de
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la semaine de Jeune afrique
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Guerre et paix Le 1er juillet, la Minusma succède à la Misma. En pratique, les 6 000 hommes de la seconde seront versés dans la première. Simple… mais seulement en apparence. RéMI CaRayol
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lfaudras’yfaire.Àcompterdu1er juillet,onne pourra plus parler de la Misma qu’au passé. Après six mois d’une existence aussi brève que laborieuse, la Mission internationale de soutien au Mali, composée de troupes ouest-africaines et tchadiennes placées sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), et contrainte d’entrer en action plus vite que prévu, à la mi-janvier, pour riposter à l’offensive surprise des groupes jeune afrique
L’événement affaire », souffle le chef d’état-major particulier d’un chef d’État. Une chose est acquise: le 1er juillet, en dehors des célébrations qui marqueront le passage de témoin entre la Cedeao et l’ONU, les Maliens ne verront rien de très spectaculaire. Pas plus ce jour-là que les suivants il ne faudra s’attendre à voir débarquer, à l’aéroport de Bamako ou dans les rues de Gao, une horde de soldats venus du sud du continent ou de la lointaine Asie. « Sur le terrain, rien ne changera vraiment au début, si ce n’est l’uniforme de nos hommes », indique un officier ouest-africain chargé de superviser labascule. Les quelque 6085 éléments qui composent la Misma, état-major compris, troqueront simplement le béret de leur pays pour le béret bleu des Nations unies. Tous ou presque seront intégrés à la Minusma. « Quand on parle de déploiement, on exagère, poursuit le chef d’étatmajorparticulier. Ce sera plutôtde lareconversion. » À la fin de cette année, la Minusma, dont la naissance remonte au 25 avril mais dont le « déploiement » n’a été validé par le Conseil de sécurité que le 25 juin, comptera 12640 éléments armés (11200 soldats et 1 440 policiers) ainsi qu’une petite composante civile. Si la chaîne de commandement est connue, les troupes arriveront au compte-gouttes. « Au début, on espérait qu’elles seraient là pour la présidentielle [prévue le 28 juillet], mais cela semble irréaliste. La plupart arriveront plus tard », indique un officier malien. Les seuls renforts à attendre dans les prochaines semaines viendront des pays de la Cedeao participant déjà à la Misma.
ISSOUF SANOGO/AFp
contraintes. La plupart ont envoyé 500 à 600
jihadistes occupant le Nord-Mali, laissera la place à la Minusma : la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali. L’acronyme y gagne deux lettres, et la force six milliers d’hommes et de femmes d’ici à la fin de 2013. Pour le reste, c’est le flou le plus total. À New York, au siège de l’ONU, comme à l’hôtel Laico de Bamako, où les premiers éléments civils de la Minusma ont installé leurs quartiers provisoires, les fonctionnaires internationaux s’excuseraient presque de leur mutisme. « Nous n’avons pas tous les détails, dit l’un d’eux. En bref, hormis que 6000 hommes de la Misma intégreront la Minusma et les aides qu’ont promises certains pays, on ne sait pas grand-chose. » Même son de cloche du côté des militaires de la région. « On ne sait presque rien. Pas très bien engagée, cette jeune afrique
p Le général Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major de l’armée ivoirienne, passe en revue des troupes en partance pour le Mali, le 2 mai à Abidjan.
hommes ces derniers mois. Or les normes de l’ONU imposent des bataillons de 850 hommes. Il leur faudra donc combler la différence – le Burkina Faso, qui compte 500 soldats, a d’ores et déjà annoncé l’envoi de 490 hommes supplémentaires (350 soldats et 140 gendarmes). Il leur est aussi demandé de se conformer aux règles onusiennes en termes d’équipement et de formation (un point sur lequel les Tchadiens font l’objet d’une attention particulière à New York). Fini les pick-up transportant une dizaine d’hommes et les soldats mal équipés. « On nousdemandedesvéhiculesdetransportdetroupes plus modernes, un certain nombre d’armes… C’est très contraignant », explique un officier nigérien. Pour y arriver dans le délai imparti (quatre mois maximum), les experts onusiens ont conseillé aux États de la Cedeao de solliciter de l’aide bilatérale. Tout cela peut sembler bien long alors que l’on en parle depuis des mois, mais il n’y a là rien d’anormal, expliquent les experts. À New York, on admet tout de même qu’au Mali les choses se font peut-être plus lentement qu’ailleurs. « La majorité des troupes se trouveront au Nord, confie un membre du département des opérations de maintien de la paix. Cela demande un gros travail en amont pour mettre en placelogistiqueetapprovisionnement,puiss’assurer n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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la semaine de j.a. mali De la misma à la minusma
la Minusma s’installe dans les bâtiments existants à Gao ou Tombouctou. Nous voulons que l’ONU amène elle-même ses matériels. » TCHADIENS On est donc loin du compte. En attendant, la 2 000 hommes France veille au grain. Elle compte aujourd’hui rupture. Par ailleurs, la 3 200 hommes au Mali, et il devrait en rester un liste des pays qui particimillier à la fin de l’année. Ceux-là « stationneront le peront à cette force n’est toujours pas arrêtée. La temps nécessaire », a indiqué Jean-Yves Le Drian, le Mauritanie, d’autres États ministre français de la Défense. Car si les Casques du continent et quelques pays bleus pourront « recourir à tous les moyens néceseuropéens se sont portés saires pour assurer la protection des civils », il 300 km reviendra à la force française de mener les opécandidats, mais rien Tessalit d’officiel ni de définitif rations antiterroristes, en toute autonomie BURKINABÈ pour l’heure. Pékin a vis-à-vis du commandement de la 500 hommes Aguelhok proposé d’envoyer un Minusma.«Nous contingent « global » de interviendrons BÉNINOIS Kidal 500 hommes, qui face à un dan650 hommes NIGÉRIANS ger particupourrait inclure Tombouctou SÉNÉGALAIS lier, mais ce des troupes de 1 200 hommes 500 hommes Goundam Gao sera à nous combat. Si cet Gossi Ménaka envoi est dedécideravec Léré Nara Ansongo Douentza confirmé, l’on quelles capacités », précise Gérard Diabaly Araud, ambassadeur et représentant perpourra parler Koro d’une rupture manent de la France à l’ONU, selon qui « un historique : s’il arrangement technique est en cours de BAMAKO s’agit de la trenfinalisation » sur ce point. TOGOLAIS NIGÉRIENS tième opération Même si, selon un officier de la 500 hommes 675 hommes onusienne à laquelle Misma, « la partie est en passe d’être la Chine participe, c’est la pregagnée », ce soutien français est jugé Principales mière fois que le pays affecte indispensable par tous les protagonistes, et notampositions une unité des forces de sécurité ment par Ban Ki-moon, le secrétaire général des françaises à une mission de maintien de la paix. Nations unies, qui ne manque pas une occasion QG civil Même les bases de la Minusma restent à définir. de rappeler que cette opération de maintien de la QG militaire* A priori, le commandement des forces s’installera paix (la quinzième en cours dans le monde et la * (non confirmé) à Bamako et il y aura au moins un PC tactique troisième par l’importance de ses effectifs) dans dans le Nord – peut-être deux –, certainement à un contexte de guerre asymétrique est inédite et De 6085 hommes en juillet, Gao et Tombouctou. Mais, le 25 juin, Ibrahima extrêmement risquée. À Bamako, nombreux sont l’effectif devrait passer à ceux qui craignent une recrudescence des attentats Dahirou Dembélé, le chef d’état-major de l’armée 12640 hommes d’ici à la fin de 2013 (hors France). malienne, a prévenu : « Nous ne voulons pas que durant la campagne électorale. l quelesmoyenssuivront.D’autantquelesconditions climatiques sont extrêmement difficiles. » À Kidal, en ce moment, il fait plus de 50 °C.
Source : j.a.
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Défilé Du 14 juillet : sur les champs, et avec les honneurs
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n 14 Juillet sous le signe de l’intervention internationale au Mali. C’est le spectacle auquel devrait assister le public lors du traditionnel défilé militaire sur les Champs-Élysées, à Paris. Le défilé à pied sera ainsi ouvert par un officier malien, dont le nom est tenu secret (mais qui ne sera pas le capitaine Sanogo!), à la tête d’un détachement de 60 soldats. Suivra la présentation des troupes de douze pays africains (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Liberia, Niger,
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Nigeria, Sierra Leone,Tchad, Togo, Sénégal) ayant participé aux opérations au titre de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma). Défileront ensuite des Casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui prennent le relais de la Misma le 1er juillet. Pour clore ce volet africain, un hommage sera rendu au général Barrera, excommandant des forces terrestres de Serval, à l’amiral Rogel, chef d’État-major de la
marine, et aux soldats des six régiments français engagés au Mali. Au total, quelque 420 militaires africains et français battront le pavé parisien.Tous sont attendus dans la capitale française à partir du 6 juillet pour les répétitions générales. À la tribune d’honneur, le président François Hollande devrait être entouré de plusieurs personnalités, dont Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, DioncoundaTraoré, le président malien de la transition, Ibrahima Dahirou
Dembélé, son chef d’étatmajor, ainsi que de plusieurs ministres de la Défense du continent. La dernière grande revue de soldats africains à Paris remonte au 14 juillet 2010. À l’époque, Nicolas Sarkozy avait convié les troupes de quatorze anciennes colonies à l’occasion du cinquantenaire de leur indépendance. Une initiative qui n’avait pas fait l’unanimité : Laurent Gbagbo, notamment, avait décliné l’invitation. l pascal airault jeune afrique
La semaine de J.a. Les gens
séraphine Mukantabana tous les chemins mènent à Kigali La ministre rwandaise chargée des Réfugiés s’efforce de convaincre les Hutus qui se sont exilés après le génocide de rentrer au pays. Qui, mieux qu’elle, pourrait les rassurer ?
D
epuis le 30 juin, il n’y a officiellement plus de réfugiés rwandais, seulement une diaspora ordinaire d’un pays comme les autres. Décidée par le HautCommissariat pour les réfugiés de l’ONU, l’expiration de ce statut sous lequel vivaient plusieurs dizaines de milliers de Rwandais – hutus dans leur quasi-totalité – exilés depuis le génocide de 1994, est à la fois un signe positif fort, le HCR jugeant que les conditions de leur retour sont désormais toutes réunies, et une source d’anxiété pour bon nombre d’entre eux. Les informer et les rassurer : telle est la tâche que s’est fixée Séraphine Mukantabana, 52 ans, la ministre rwandaise chargée des Réfugiés et de la Gestion des catastrophes, qui s’emploie depuis plusieurs semaines à rendre visite auxcommunautésexpatriéesdans tous les pays d’Afrique centrale et orientale – à l’exception d’un seul : la RD Congo, dont le goup Elle-même n’a regagné le Rwanda qu’en août 2011, avec beaucoup d’appréhension. vernement, pour des raisons qui tiennent plus à la politique qu’à des considérations humanitaires, refuse les camps de réfugiés hutus de l’est de de reconnaître les conclusions du HCR. la RD Congo. S’ensuivent de longs mois d’errance, à pied ou en pirogue, à travers tétanisés. Séraphine Mukantabana un pays dévasté par la guerre. Avec son expose d’autant mieux les arguments desmari et ses enfants, elle se fixe un temps tinés à convaincre ses compatriotes qu’elle à Kisangani, puis à Kinshasa où Agathe a elle-même partagé leur sort pendant Habyarimana, la veuve du président assasdix-sept ans. Cette diplômée en sciences siné, lui remet une lettre de recommande l’éducation, militante associative et dation. En avril 1997, Séraphine s’installe épouse d’un proche de la famille de l’exà Brazzaville. Elle y restera jusqu’en 2011. président Habyarimana a en effet fui Kigali La ministre de Paul Kagamé ne s’en cache pas : longtemps, elle a vu en lui avec sa famille en mai 1994 pour rejoindre
un ennemi, même si elle n’a pris aucune part au génocide. Figure de proue de la communauté rwandaise du Congo (15 000 membres en 1998, 8 400 aujourd’hui), elle a ainsi entretenu des relations avec la direction politique des Forces démocratiques de libération du Rwanda, les rebelles hutus du Kivu, avant de les rompre en 2002. Deux ans plus tard, elle accepte, la peur au ventre, de participer à une visite de découverte au Rwanda sous la protection du HCR. « J’étais persuadéedemerendredansunpayspolicieretquetouslesHutusavaientété chassés de Kigali », raconte dans un sourire celle qui a attendu le 5 août 2011 pour faire son retour définitif. Ce genre d’histoires, elle les entend encore aujourd’hui, de la bouchederéfugiéstétanisésàl’idée de ce qui les attend. « Je leur raconte mon itinéraire, je leur explique que les gacaca, les tribunaux traditionnels, sont désormais fermés et que personne n’est arrêté sans motif juridiquement valable. Je leur dis surtout que la réalité n’a rien à voir avec leurs fantasmes. » Nommée ministre le 25 février, Séraphine Mukantabana a fort à faire avec des préjugés dont l’origine est plus complexe qu’on ne le pense : nombre d’exilés sont en effet dissuadés de rentrer au Rwanda par leurs propres parents restés sur place, lesquels entretiennent leur paranoïa pour éviter qu’ils ne reviennent réclamer terres et biens accaparés en leur absence. Mille collines, mille petites ruses… l Vincent Fournier/J.A.
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François souDan
noMinations
Abdou NAmbA CAmERouN Ce haut fonctionnaire du ministère de l’Agriculture a été nommé, le 25 juin, directeur général de la Société de développement du coton (Sodecoton). Son prédécesseur, Mohammed Iya, est inculpé pour malversations. n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
PAtRiCk NyAmvumbA RWANdA Cet ancien chef de la Mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (Minuad) a été promu chef d’état-major des armées et général quatre étoiles, le 23 juin, par le président, Paul Kagamé. jeune afrique
En haussE
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NouRi BousahmeiN
Rafael Correa Chávez bis?
Ce Berbère de 52 ans a été élu, le 25 juin, président de l’Assemblée nationale libyenne, la plus haute autorité du pays. Une première pour cette communauté persécutée sous le régime de Mouammar Kaddafi.
Déjà en froid avec les États-Unis, le président de l’Équateur pourrait aggraver son cas en accordant l’asile à Edward Snowden, le « traître » de la NSA.
aBidiNe GuiNdo
n
q Une nouvelle icône de l’anti-impérialisme.
La présidence malienne a annoncé, le 26 juin, la libération de ce colonel, ancien aide de camp d’AmadouToumani Touré, le chef de l’État déchu. Il a passé près de un an en détention pour tentative de contre-coup d’État. ChaRles eNdeRliN Le journaliste de France Télévisions, 67 ans, a remporté le 26 juin son procès en diffamation contre Philippe Karsenty. Ce dernier l’accusait d’avoir truqué un reportage sur la mort du jeune Palestinien Mohamed al-Durah, diffusé en 2000.
MAHMUD TURKIA/AFP. DR
ouveau pied de nez d’un dirigeant de l’Amérique latine bolivarienne à son grand voisin du Nord. L’Équateur, qui accueille déjà en son ambassade de Londres Julian Assange, le patron de WikiLeaks, doit désormais se décider à accorder ou non l’asile politique à Edward Snowden. L’ancien consultant de la National Security Agency (NSA) a fui Hong Kong, où il résidait, après avoir révélé le programme secret de surveillance des données électroniques (Prism). Il était toujours retenu, le 28 juin, à l’aéroport international de Moscou (lire p. 24). Le président Rafael Correa, qui suit personnellement le dossier, veut en faire une arme dans le bras de fer idéologique qui l’oppose aux Américains. Réélu triomphalement en février, fort d’une confortable majorité pour son parti Alianza País, Correa se positionne de plus en plus comme un leader de la région. « Accorder l’asile à M. Snowden ne serait pas une bonne chose pour les relations entre les deux pays », a mis en garde Patrick Ventrell, porte-parole adjoint du département d’État. Fernando Alvarado, son homologue du gouvernement équatorien, a répliqué en proposant de renoncer aux 23 millions de dollars par an (près de 18 millions d’euros) de préférences douanières dont bénéficient les exportations équatoriennes aux États-Unis. Washington pourrait en profiter pour financer des formations aux droits de l’homme afin « d’éviter les atteintes à la vie privée et la torture », a-t-il persiflé. Docteur en économie de l’université de l’Illinois, le président Correa, 50 ans, sait pourtant que 40 % des exportations de l’Équateur sont destinées aux États-Unis. Mais depuis le décès du président vénézuélien Hugo Chávez, la place de premier chantre de l’anti-impéralisme américain est à prendre… l YoussEf aït akdim
En baissE
Claude Pivi Ancien poids lourd de la junte de Moussa Dadis Camara, le ministre guinéen chargé de la sécurité présidentielle a été inculpé, le 27 juin, pour son rôle présumé dans le massacre du 28 septembre 2009, au stade de Conakry. hassaN dahiR aweys En Somalie, l’ancien chef de l’Union des tribunaux islamiques a été arrêté, le 26 juin, par les autorités régionales du centre du pays. Il figure sur la liste des terroristes recherchés par les États-Unis depuis 2001.
EDUARDo SAnTIllAn/AP/SIPA
Le Français, 65 ans, a quitté le 20 juin son poste d’entraîneur de l’équipe nationale de football de RD Congo. Après un match nul contre le Cameroun, les Léopards sont hors course pour la Coupe du monde 2014 au Brésil. jeune afrique
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DR. MUSTAFA ABDI/AFP
Claude le Roy
La semaine de J.a. décryptage
tunisie rachid ammar vide son paquetage Critiqué par certains responsables politiques peut-être un peu inquiets de sa popularité, le chef d’état-major a annoncé sa démission à la télévision. Et fait des révélations chocs.
L
a Grande Muette porte bien son Cette dernière chicane ressemble fort nom, mais quand le haut comà un prétexte. Depuis quelque temps, en coulisses, le sérail ne ménage pas mandement militaire s’exprime, ses critiques à l’égard d’une institution cela fait l’effet d’une bombe. Pendant trois heures le 24 juin, sur la chaîne Ettounsiya – qui fait le plus d’audience –, le général Rachid Ammar, chef d’étatmajor interarmes, a annoncé son départ à la retraite, faisant au passage de nombreuses révélations. Du jamais vu ou presque : il ne s’était exprimé qu’une seule fois, et très brièvement, après la révolution de 2011 au cours de laquelle il a joué un rôle de premier plan bien que parfois exagéré par les médias. Si beaucoup se demandent quelle mouche l’a piqué, les mieux informés savaient que certains responsables politiques le poussaient vers la sortie. « Les coups de poignard dans le dos sont venus de tous côtés », confie cet homme de 65 ans, ordinairement taiseux. Pourtant, depuis la chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011, l’armée n’a pas failli. Toujours sur la brèche, elle a peu ou prou réussi à maîtriser la situation sécuritaire, notamment aux frontières, dont celles de la poudrière libyenne. On p Sur la chaîne Ettounsiya, le 24 juin. lui impute néanmoins l’échec de l’opération dans le Jebel Chaambi militaire sans doute trop populaire à ses (Centre-Ouest), où elle a subi des pertes yeux. À l’instar de Rached Ghannouchi, (7 morts) sans parvenir à démanteler le le président d’Ennahdha, confiant aux réseau de jihadistes qui en avaient fait salafistes : « L’armée n’est pas entre nos mains. » Le général Ammar a donc choisi une base d’entraînement.
de s’adresser aux Tunisiens pour tirer un bilan de son action, mettant en garde contre le risque de déstabilisation que court le pays, dévoilant les rouages des groupuscules extrémistes qui entretiennent des liens avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et expliquant le revers du Chaambi par la défaillance des services de renseignements. réquisitoire. Poussant plus loin les confidences, il affirme avoir refusé la présidence de la République au lendemain de la révolution. Et révèle que, peu après l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, le 6 février dernier, l’idée de former un gouvernement de technocrates, lancée par Hamadi Jebali, venait en réalité de lui. Bref, Ammar s’en va, mais règle ses comptes en public. « C’est un réquisitoire contre la gestion de la troïka au pouvoir », souligne Mohsen Marzouk, membre du bureau politique de Nida Tounes. Si Houcine Abassi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) demande à Rachid Ammar de revenir sur sa démission « dans l’intérêt du pays », ni le gouvernement ni l’Assemblée nationale constituante n’ont réagi. Mais beaucoup estiment que son départ à la retraite annonce peut-être un début de carrière politique. l hichem
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Frida dahmani, à Tunis
à suivre La semaine prochaine
12 juillet 49e Festival international de Carthage (jusqu’au 17 août). Sur la scène duThéâtre romain se produiront Majda Roumi, Manu Dibango, Salif Keita, Cheb Khaled, les Chœurs de l’Armée rouge… n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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juillet À Brazzaville, 9e édition du Fespam (Festival panafricain de musique), duquel J.A. est partenaire. Au menu, des concerts, un marché de la musique et le concours de beauté Miss Fespam.
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juillet 15e anniversaire du statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI), chargée de juger les plus hauts responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. jeune afrique
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eMManuel daOu Bakary
jeuneaFrique.Com
Balkis Press/aBaCaPress.COM
VIDÉO
Dramane Dembélé, candidat de l’Adema à la présidentielle malienne : « Les politiques doivent éviter de se déconsidérer moralement aux yeux de l’armée. »
TWITTOSPHÈRE
p Lors de la finale d’Arab Idol, près de Beyrouth (Liban), le 22 juin.
Palestine the Crooner Vainqueur d’un télé-crochet panarabe, Mohamed Assaf est devenu une star. Ce qui ne plaît guère au Hamas…
F
eux d’artifice, concert de klaxons, processions de voitures, les Gazaouis ont fêté, dans la nuit du 22 au 23 juin, la victoire de Mohamed Assaf lors de la finale du télé-crochet Arab Idol, diffusée depuis Beyrouth par la chaîne saoudienne MBC. Né en Libye avant d’échouer dans un camp de réfugiés de la bande de Gaza, ce jeune homme de 23 ans est devenu le symbole d’un peuple marqué par l’exil et les frustrations. Exerçant jusqu’ici ses talents dans l’animation de mariages, il avait déjà eu maille à partir avec le Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans qui contrôle la région… et pour qui la musique doit respecter les canons de la morale islamique. Assaf s’est d’ailleurs heurté à de nombreux obstacles pour quitter le territoire par la ville de Rafah afin de rejoindre les studios de l’émission. Arrivé en retard au Caire, il trouve le portail fermé, mais réussit à escalader le mur d’enceinte. Sans ticket pour les auditions, il improvise une chanson a jeune afrique
cappella devant les autres concurrents. L’un d’eux, un Palestinien, est séduit et lui cède sa place. « La roquette ». Dès le début du
concours, Mohamed « la roquette » (surnom dont il a hérité durant l’émission) se fait remarquer par sa prestance, son sourire et l’ampleur de sa tessiture. Pour sa dernière prestation, il choisit d’interpréter Alli al-Kofiya (« Brandis le keffieh »), un chant patriotique palestinien. Comme il fallait s’y attendre, son triomphe est le prétexte à toutes les récupérations politiques. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a encouragé publiquement le chanteur et lui a fait remettre un passeport diplomatique. L’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNWRA) l’a nommé ambassadeur de la jeunesse dans la région. La compagnie nationale de téléphone a bradé le coût des appels de soutien. Après avoir hésité, les responsables du Hamas ont officiellement accueilli Assaf à Gaza le 25 juin, le félicitant « pour cette performance exceptionnelle » mais rappelant, tout de même, leurs « réserves quant au programme lui-même. » l YousseF aït akdim
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RÉSEAUX SOCIAUX
Scrutin présidentiel au Mali: Facebook,
Twitter… nouveaux terrains de campagne
À lIRE AUSSI Hadj 2013. Attention : pour les pèlerins maghrébins, les places seront chères ! n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
la semaine de J.a. Décryptage
unesco roses des sables
similitudes que la cité ocre présente avec Tombouctou, Gao et Djenné, ses sœurs sahéliennes du Mali également classées, témoignent de la puissance politique et culturelle de la dynastie songhaï qui a régné sur le Sahara aux XVe et XVIe siècles.
L’organisation onusienne a inscrit quatre nouvelles régions africaines sur sa liste du patrimoine mondial, dont pour la première fois un site nigérien.
éléphants. Autre splendeur d’Afrique
bruno morandi/hemis.fr
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p L’architecture en terre de la mosquée d’Agadez (Niger) date du XVIe siècle.
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umausoléedeGaooùilrepose, le grand empereur songhaï Askia Mohamed avait pleuré, l’an dernier, la destruction par les fous d’Allah des marabouts vénérés de Tombouctou. Réuni à Phnom Penh, au Cambodge, du 16 au 27 juin, le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco lui a offert une consolation en classant sur le Dessin De la semaine
sa prestigieuse liste la ville d’Agadez, « porte du désert » qu’il avait conquise en 1515. Située au cœur du Niger, la ville de « banco » (argile mêlée de paille) « a développé jusqu’à aujourd’hui sa tradition culturelle, commerciale et artisanale, et offre des exemples particulièrement sophistiqués d’architecture en terre », lit-on sur le site de l’organisation. Les
à avoir obtenu ce label d’excellence, l’erg du Namib semble le reflet austral du Sahara avec ses dunes de sable comme un immense océan cuivré moutonnant au bord de l’Atlantique. Sous l’effet des courants marins froids, il se couvre régulièrement d’un épais brouillard qui y façonne des cours d’eau et des lacs éphémères. Ce phénomène climatique rare a permis le développement d’un écosystème unique en son genre. Considéré comme le plus ancien désert du monde (55 millions d’années), il subit aussi les variations de température les plus extrêmes (de 10 à 50 °C). Le comité a également décidé l’extension de deux biens naturels déjà classés. Le parc du mont Kenya voit ainsi sa zone de protection totale étendue de 20 000 ha pour y intégrer la voie de migration des éléphants vers l’écosystème du SomaliMassaï. Plus au sud, le parc sud-africain du Drakensberg s’est vu adjoindre le parc national de Sehlabathebe, au Lesotho, pour former le bien transfrontalier de Maloti-Drakensberg, « un bassin versant d’une beauté spectaculaire qui abrite une faune et une flore d’une grande importance scientifique ». l laurent De saint périer
Glez
SÉNÉGAL ALLEZ-Y, MACKY, BArACK VOUS ÉCOUTE !
Alors que l’affaire des écoutes et le programme de surveillance Prism altèrent l’image d’obama à l’étranger, le président américain était en visite à Dakar. un séjour loin d’être de tout repos pour les forces de sécurité sénégalaises, qui ont dû multiplier les patrouilles afin de rassurer des Américains qui ne badinent pas avec la sécurité. Moins obamaniaques qu’il y a quatre ans, les sénégalais ont grogné, plusieurs axes routiers ayant été interdits à la circulation… n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
jeune afrique
Cacao, café, oléagineux...
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au cœur de la stratégie de développement économique
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Résolument tournée vers l’avenir, la Côte d’Ivoire consacre d’importants investissements à consolider ses productions Un pays émergent à l’horizon 2020
agricoles clés, atteindre l’autosuffisance alimentaire et tirer le meilleur parti de son potentiel industriel.
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Accélérer la croissance pour doubler le revenu national d’ici à 2020 et réduire la pauvreté
COMMUNIQUÉ
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acao, café, caoutchouc, coton, huile de palme, noix de cajou… La Côte d’Ivoire regorge de matières premières agricoles. Elles reflètent à leur manière le développement économique du pays. La richesse de la terre et la variété des climats expliquent l’essentiel du « miracle ivoirien » des années 1960 à 1980. Les acquis du demisiècle écoulé se traduisent en chiffres éloquents dans le cacao, le café ainsi que la production de manioc, d’igname et de banane plantain, pour lesquels le pays est autosuffisant. En 2012, la production agricole fournit les deux tiers des emplois, contribue pour plus de 25 % à la formation de la richesse nationale (le Produit intérieur brut, PIB). Elle représente près de 70 % des recettes d’exportation. L’industrie ivoirienne s’est en grande partie développée grâce à la transformation de produits agricoles comme le cacao, le coton ou encore le sucre.
Renforcer la compétitivité Ce potentiel exceptionnel place évidemment l’agriculture au cœur de la stratégie économique qui vise à faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à part entière d’ici à 2020. Il ne s’agit pas d’un
vœu pieux, mais d’une démarche fondée sur des politiques concrètes énoncées dans le Plan national de développement (PND), qui couvre la période 2012-2015 et a reçu le soutien des agences financières africaines et internationales. Au total, plus de 20 milliards de dollars seront consacrés à des investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé. Il s’agit de renforcer la compétitivité du pays dans tous les domaines et de parvenir à une création de richesses et d’emplois qui bénéficient à l’ensemble de la population dans tous les domaines de sa vie quotidienne. Les objectifs fixés par le gouvernement sont de générer une croissance suffisante pour doubler le revenu national d’ici à 2020 et réduire de moitié le taux de pauvreté par rapport à son niveau de 1990, ce qui revient à le ramener à 16 % de la population (48,9 % en 2008).
Augmenter les rendements et la qualité Dans ce cadre, l’agriculture ivoirienne bénéficie du Programme national d’investissement agricole (PNIA), qui lui consacre 2 000 milliards de F CFA (près de 4 milliards de dollars) d’ici à 2015. Cela représente au moins 10 % du budget national chaque année. Auparavant, cette proportion était inférieure à 2 %. Les projets envisagés dans le PNIA ont pour objectif d’augmenter le rendement et la qualité de toutes les productions agricoles afin d’en faire baisser les coûts et de les rendre plus accessibles pour les ménages ivoiriens. Le PNIA adopte une démarche
© Camille Millerand
© Falonne
LE NOUVEL « OR BLANC IVOIRIEN » La Côte d ’I voire possède de nombreux atouts pour développer son agriculture. Les terres arables représentent 75 % du territoire national. La moitié de la population est paysanne, riche d’une très ancienne tradition agricole. La diversification de la production agricole est favorisée par les quatre types de climats que connaît le pays. Tous les espoirs se portent, depuis les années 1990, sur le coton, la noix de cajou, l’huile de palme et enfin l’hévéa, surnommé le nouvel « or blanc ivoirien ».
participative, impliquant les organisations professionnelles agricoles, le secteur privé, les partenaires techniques et financiers, la société civile et les ONG. L’autosuffisance alimentaire fait partie des priorités de ce programme. Car aujourd’hui le pays dépend encore d’importations qui représentent plus de 50 % de sa consommation de riz, 60 % pour les produits maraîchers, 98 % pour le lait et les produits laitiers, 56 % pour la viande et les abats, 80 % pour les produits de la mer. Chacune de ces filières fait l’objet d’un plan spécifique de développement, à l’image de celui qui concerne la riziculture (lire l’encadré page suivante). Dans l’ensemble, la distribution de meilleures semences, la construction d’espaces de stockage ainsi que la rénovation des routes et des infrastructures d’irrigation font partie des moyens de porter la croissance du secteur à 8,9 % par an.
Les réformes portent leurs fruits Le PNIA concerne aussi le cacao, dont le pays est le premier exportateur mondial, avec 35 % d’un total de 4 millions de tonnes produites par an dans le monde. La productivité moyenne actuelle est de 400 kilos par hectare et le gouvernement souhaite la multiplier par cinq pour atteindre 2 tonnes à l’hectare dans le cadre du PNIA. Mais en premier lieu, il s’est attaqué à la réforme de la filière. Dix ans de libéralisation inefficace et injuste avaient fini par décourager des planteurs de moins en moins bien rémunérés. Dès 2012, l’État est revenu au centre du dispositif avec un prix minimum garanti et des ventes anticipées pour que les cacaoculteurs soient moins dépendants des cours internationaux. La qualité de la production s’est améliorée et le niveau de vie des 800 000 producteurs a progressé. Le même principe de garantir des prix planchers aux fermiers se met en place dans le coton et la noix de cajou grâce à la constitution de l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (Areca). Dans le premier cas, il s’agit de reconstruire un
LA CÔTE D’IVOIRE EN PREMIÈRE POSITION Cacao Hévéa Noix de cajou Huile de palme
PRODUCTION ANNUELLE 1,4 million de tonnes de fèves 250 000 tonnes de caoutchouc naturel 450 000 tonnes de noix brutes 370 000 tonnes
POSITION N° 1 mondial N° 1 africain 2e mondial 5e mondial
secteur dévasté, dont la production a été divisée par trois entre 2002 et 2008. Elle reviendra à 400 000 tonnes cette année. Quant à la filière de la noix de cajou, dont la Côte d’Ivoire est le deuxième producteur mondial avec 450 000 tonnes en 2012, elle voit sa rentabilité ternie par la baisse des prix liée à la crise économique mondiale. Pour compenser cette situation, le gouvernement s’est fixé l’objectif de transformer en Côte d’Ivoire la moitié de la production d’ici à 2015 et la totalité d’ici à 2020, à comparer avec quelque 3 % aujourd’hui.
Tirer parti du potentiel industriel Pour tous les produits agricoles, le gouvernement met l’accent sur le développement de l’agro-industrie afin de créer davantage d’emplois et de valeur ajoutée au lieu d’exporter des produits bruts. Dans le cacao, la transformation des produits sur place devra atteindre 35 % à 50 % de la production de fèves en 2015. La capacité nationale de transformation atteint 400 000 tonnes aujourd’hui. Elle approche celle des Pays-Bas, premier transformateur mondial (430 000 tonnes). De même, le café devra afficher de 20 % à 30 % de transformation sur place, contre moins de 10 % en 2012, pour une production de 100 000 tonnes. D’autres
investissements devront concerner la production de caoutchouc naturel, le coton et le sucre, dont la fabrication locale ne représente encore que 26 % de la demande régionale. De grandes entreprises africaines et internationales s’impliquent déjà dans le développement de l’agriculture de la Côte d’Ivoire et de ses industries agro-alimentaires. De nombreux projets ont été définis par le gouvernement pour les y inciter. C’est notamment le cas des programmes de développement des filières coton, noix de cajou et riz, ou encore de la création à Abidjan d’un Agropole à vocation régionale. Le géant américain Mondelez International, plus connu par ses marques (Cadbury, Lu, Milka…), vient ainsi de décider d’investir 100 millions de dollars pour aider les producteurs de cacao ivoiriens à doubler leur productivité dans les dix ans. Il rejoint de nombreuses multinationales qui misent sur le dynamisme économique de la Côte d’Ivoire et de la région à laquelle elle appartient.
EXPORTATEUR DE RIZ DÈS 2016 Un effort particulier a été engagé en faveur de la riziculture sur la période 2012-2020. L’objectif est de satisfaire la consommation nationale en riz blanchi de bonne qualité. Elle est estimée à 1,5 million de tonnes, pour une production de 600 000 tonnes par an. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire importe donc plus de 50 % de cette denrée qui constitue la base de la nourriture de sa population et n’a guère de moyens de contrôler les prix. Dès 2016, avec une production locale de 1,9 million de tonnes, la Côte d’Ivoire redeviendra exportateur de riz, position perdue dans les années 1970.
DIFCOM/FC - PHOTOS : SUIVANT MENTION.
COMMUNIQUÉ
©
N. Zo rk ot
Développer l’industrie pour créer plus d’emplois et augmenter la valeur des exportations
Ils ont dIt
De Robben Island à l’hôpital de Pretoria, Vejay Ramlakan, le médecin personnel de Mandela, n’a jamais vraiment quitté son chevet.
l
DANIEL COHN-BENDIT Député européen (évoquant la répression des manifestations qui ont fleuri dans toute la Turquie depuis la fin mai)
ors de son dernier discours en tant que chef du service de santé de l’armée sud-africaine, le 28 mars, Vejay Ramlakan s’était vanté de son bilan. « Notre flotte de véhicules médicaux a été entièrement remplacée », avait-il notamment affirmé. Une ambulance de cette flotte « neuve » est pourtant tombée en panne au plus mauvais moment : dans la nuit du 7 au 8 juin, alors qu’elle transportait Nelson Mandela au Mediclinic Heart Hospital de Pretoria. Plus de quarante minutes ont ainsi été perdues, selon la journaliste Debora Patta, qui a révélé l’affaire. « L’armée veut tout contrôler. L’ennui, c’est qu’elle s’y prend mal », confie-t-elle à J.A.
« La jeunesse a besoin de vivre, nous ne pouvons pas l’envoyer dormir juste après la prière du soir. » ABDELMALEK SELLAL Premier ministre de l’Algérie
compte-gouttes. Nul ne sait où Ramlakan se trouvait cette
ABDOULAYE ADEWAL Défenseur central de l’Atar Club de Kidal, réfugié à Bamako
« Ma mère est chrétienne, mon père, musulman. J’ai moimême été au petit séminaire. Je suis musulman, pas islamiste. La Centrafrique est laïque et le restera. » MICHEL DJOTODIA Président de la transition en RCA
« Depuis 1994, les Blancs n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour essayer de mieux nous comprendre. Il y a onze langues officielles dans le pays. Pourquoi n’apprennent-ils ls pas au moins une langue africaine ? » THABISO SEKGALA Photographe sud-africain dr
u L’exchirurgien-chef de l’armée sud-africaine.
« Gamin, j’ai appris à jouer au foot devant Iyad Ag Ghali [chef du groupe islamiste Ansar Eddine]. Je n’aurais jamais cru qu’un jour il me chasserait de ma terre juste parce que je cours derrière un ballon. »
JON HrUSA/POOL/AP/SIPA
pIerre BoIsselet
JÉrÔME MArS/Jdd/SIPA
« Le miracle du Bosphore ? Rendezvous dans un demisiècle ! La Turquie n’intégrera pas l’Union européenne. C’est réglé, fini. Il faut voir quel type de partenariat privilégié on peut développer. »
Afrique du sud Avec madiba jusqu’au bout
nuit-là. Mais compte tenu de ses fonctions – il a été promu, en avril, chef de la Planification stratégique – et de sa proximité avec Madiba, il a été forcément informé. Pendant des années, ce médecin militaire de 55 ans, né dans une famille indienne de Durban, a veillé sur la santé de Mandela. Ancien membre de la branche armée de l’ANC, il est devenu le médecin officieux des détenus de Robben Island après avoir été incarcéré avec eux, en 1987. À partir de 1992, il veille personnellement sur Mandela, puis est nommé chirurgien-chef de l’armée en 2005. Lors d’une précédente hospitalisation de l’ancien président, en 2011, c’est lui qui donnait de ses nouvelles à la presse – au compte-gouttes. Si l’identité des autres membres de l’équipe médicale de Madiba est tenue secrète, Ramlakan a, lui, repris du service auprès de son vieil ami. On l’a vu se rendre plusieurs fois au Mediclinic Heart Hospital. Et il a limogé Shaun Van Heerden, qui fut le garde du corps de Mandela pendant près de dix ans, car il le soupçonnait de parler aux médias. Vexé, Van Heerden a accusé Ramlakan d’isoler son illustre patient en interdisant les visites de ses anciens compagnons. « Parfois, ses médecins venaient dans la chambre de Mandela tard le soir pour lui faire dédicacer son livre », s’est indigné le garde du corps. Tenu par le secret médical, le secret d’État ou simplement embarrassé, Ramlakan a décidé de ne pas répondre. l
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jeune afrique
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La semaine de J.A. Tour du monde
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TAIWAN
PHiliPPe lOPeZ
Virus mutant
p Portrait d’Edward Snowden dans une rue de Hong Kong, le 18 juin. D’ASSANGE À SNOWDEN
LE CHIFFRE
Les nouveaux dissidents
A
u temps de la guerre froide, les dissidents venaient de l’est et, persécutés par les régimes communistes, se réfugiaient à l’Ouest à la première occasion. Ils ont désormais tendance à faire le chemin inverse. Après l’Australien Julian Assange, cofondateur de WikiLeaks, terré depuis un an à l’ambassade d’Équateur à Londres, c’est au tour de l’Américain Edward Snowden, l’homme qui a révélé aux Terriens incrédules l’ampleur des programmes d’espionnage des communications mis en place par la National Security Agency (NSA), d’être traqué par les dirigeants de son pays et de chercher asile ailleurs. D’abord à Hong Kong, où il a bénéficié de la discrète mais ferme protection des responsables chinois, puis à Moscou, où, son passeport ayant été annulé, il est bloqué depuis plusieurs jours dans la zone de transit de l’aéroport Cheremetievo. Snowden a demandé l’asile politique en Équateur. Celui-ci devrait finir par le lui accorder. En attendant, Cuba et le Venezuela se proposent de l’accueillir. Dépités, les États-Unis menacent la Chine et la Russie de « représailles ». Cette guerre froide à fronts renversés n’attend plus que son John le Carré. L’Espion qui venait d’Hawaii, bon titre, non ? l ITALIE
Verdict « violent » pour Berlusconi Pour des déLits divers (corruption, fraude fiscale, faux en bilan, etc.), silvio Berlusconi a déjà été dans le passé condamné à un total de onze ans et cinq mois de réclusion. Grâce à d’habiles subterfuges juridiques, il a toujours échappé à l’exécution de n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
Les autorités taiwanaises ont, le 22 juin, annoncé que, pour la première fois au monde, un cas de grippe aviaire H6N1 avait été diagnostiqué chez unêtrehumain(enl’occurrence,unejeune femme de 20 ans), alors que la maladie ne frappe habituellement que les oiseaux. La malade est aujourd’hui guérie grâce à un traitement au tamiflu. elle n’aurait pas voyagé récemment et n’aurait eu aucun contact avec des volatiles. Faut-il donc croire à une mutation du virus H6N1, jusqu’ici jugé faiblement pathogène ?
ses peines. Qu’en sera-t-il cette fois ? Le 24 juin, le tribunal de Milan, qui l’a reconnu coupable d’abus de pouvoir et de prostitution de mineure sur la personne de Karima el-Mahroug, alias ruby, l’a condamné en première instance à sept ans d’emprisonnement et à une interdiction à vie d’exercer un mandat public. dénonçant un verdict « violent », l’ancien président du Conseil, bientôt 77 ans, a juré de se battre jusqu’au bout : appel, cassation… Ça promet !
24,55 milliards d’euros
LE MONTANT DE LA première fortune de France, selon le magazine Capital. Celle-ci est détenue par Gérard Mulliez, patron d’un groupe de grande distribution (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin, Boulanger, Kiabi), et sa famille. Actionnaire majoritaire de LVMH, Bernard Arnault perd son leadership en raison de l’endettement très important de son groupe. Avec 18 milliards d’euros, il n’occupe plus que la quatrième place du classement, derrière Liliane Bettencourt (L’Oréal) et les familles Dumas, Puech et Guerrand (Hermès). CUBA
On n’arrête plus le progrès! Les autorités oNt, le 4 juin, élargi l’accès à internet en ouvrant, dans l’île, 118 « salles de navigation ». reste qu’à ce jour, seule une petite partie de la population (15 %) est connectée. Les foyers devraient néanmoins être autorisés à accéder à internet à la fin de l’année prochaine – avec vingt ans de retard sur le reste du monde. Les télécommunications de Cuba (etecsa) ont annoncé qu’elles fourniraient les accès. elles envisagent également de mettre en place le wifi dans les hôtels et les centres d’affaires. jeune afrique
ARRÊT SUR IMAGE
GAROFEANU LAURENTIU • Barcroft Media/ABACA
ÉTATS-UNIS
Randy et la tigresse À MA DROITE, RANDY MILLER, 45 ANS, qui collabora il y a quelques années à Gladiator, célèbre blockbuster avec Russell Crowe. À ma gauche, Eden, tigresse de près de 200 kg qui semble devoir ne faire qu’une bouchée du blondinet. En fait, non, ces deux-là batifolent et s’amusent. « Elle arrive sur moi si vite et elle frappe si fort qu’elle est très convaincante », commente l’intrépide dresseur. Puisse le fauve conserver longtemps cette humeur badine !
SINGAPOUR
Pollution record
À SINGAPOUR, L’INDICE Pollution Standards Index (PSI) était de 401 le 21 juin, alors que le seuil de dangerosité est de 300. Le gouvernement a aussitôt fait fermer les écoles et incité les habitants à rester chez eux. L’épais brouillard qui recouvre l’île-État s’étend à la Malaisie. Il provient des fumées provoquées par des feux de forêts sur l’île indonésienne de Sumatra. Dans un premier temps, Jakarta a estimé que Singapour devait « arrêter de se plaindre comme un enfant ». Mais le 25 juin, le président Yudhoyono a fini par admettre sa responsabilité et par présenter ses excuses. AUSTRALIE
Bye-bye Julia
JULIA GILL ARD, la Première ministre travailliste, a été désavouée le 26 juin par les parlementaires de son parti, qui, à l’issue d’un vote JEUNE AFRIQUE
de confiance, lui ont préféré Kevin Rudd, son prédécesseur à la tête du gouvernement (2007-2010), par 57 voix contre 45. Ce dernier reprend donc les rênes jusqu’aux élections législatives du 14 septembre, pour lesquelles les travaillistes ne partent pas favoris face aux libéraux de Tony Abbott. Première femme à avoir dirigé le gouvernement australien, Gillard a souvent été confrontée au sexisme et à la misogynie de la classe politique locale. ÉTATS-UNIS - MEXIQUE
Frontière sous haute surveillance D’UN CÔTÉ, BARACK Obama s’apprête à régulariser 11 millions de sans-papiers dans le cadre de sa réforme de l’immigration. De l’autre, les sénateurs ont, le 24 juin, décidé de renforcer l’étanchéité de la frontière avec le Mexique (3200 km). Le nombre des agents fédéraux va passer de 18 000 à 38 000,
des centaines de kilomètres de hautes clôtures antipiétons vont être construites, et 3,2 milliards de dollars consacrés à l’achat d’équipements de détection et de surveillance (caméras, radars, drones, hélicoptères, navires, détecteurs de mouvements thermiques, etc.). CHINE
Une prof très spatiale LE 20 JUIN, 60 MILLIONS de jeunes Chinois ont assisté en direct depuis le module spatial Tiangong, à 340 km au-dessus de la Terre, à un cours de physique sur l’apesanteur donné par la taïkonaute Wang Yaping. Deuxième Chinoise à aller dans l’espace, celle-ci a ensuite répondu aux questions de 330 élèves, lycéens et étudiants pékinois. Avant de conclure sur une note hautement patriotique : « Nous espérons que vous travaillerez bien à l’école afin de contribuer au rêve chinois. » N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Grand angle
GABON
JOAN BARDELETTI POUR J.A., TIPHAINE SAINT-CRIQ POUR J.A., DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A., LAURENT SAZY/DIVERGENCE, TOTAL, DR
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À MARCHE
FORCEE Après des années de torpeur, le pays bouge. Problème : les autorités ne prennent pas toujours la peine de consulter ni d’informer clairement les Gabonais sur les réformes en cours. Alors parfois, ça coince… Enquête réalisée par
E
ALAIN FAUJAS,
envoyé spécial
n Afrique, les Gabonais traînent une réputation d’enfants gâtés. Et c’est un peu vrai qu’ils mènent un train de vie que l’on ne connaît guère ailleurs au sud du Sahara. Par exemple, on les dit troisièmes consommateurs de champagne du continent, derrière les Nigérians et les Sud-Africains – ceux-ci étant bien plus nombreux. Les Gabonais sont aussi considérés par leurs frères continentaux comme tous complices des turpitudes, des magouilles et de la gabegie en vigueur à la fin du long règne d’Omar Bongo Odimba. C’était peut-être vrai ; cela ne l’est plus. Incontestablement, les choses bougent dans ce qui a longtemps ●●● été une sorte de petit émirat pétrolier.
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JEUNE AFRIQUE
Grand angle Gabon
CELIA LEBUR/AFP
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Ce ne sont pas seulement les indices macroéconomiques qui le disent, bien que la plupart soient au vert et qu’ils ouvrent des perspectives « brillantes », selon le rapport publié en février par le Fonds monétaire international (FMI). La croissance est installée sur une trajectoire de 6 % par an (voir infographie p. 30), quasiment sans inflation (3 %). Le budget de l’État n’est en déficit que depuis un an. Les banques sont saines. Le pétrole continue de couler à flots (lire encadré p. 31) et le manganèse à bien se vendre, même si le FMI prévient que « la principale menace qui plane sur l’économie est celle d’une baisse des cours [de ces produits], qui représentent environ 90 % des exportations de biens ». Ce n’est pas non plus le plan Gabon émergent qui prouve que le pays se met en marche, malgré ses 12 milliards de dollars annoncés (environ 9 milliards d’euros) et ses déclinaisons en Gabon vert (valorisation durable de l’environnement) ou Gabon bleu (gestion raisonnée des ressources halieutiques), concoctées par des cabinets de conseil, tels que McKinsey, venus de loin pour planifier le décollage du pays d’ici à 2025. lll
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p Le 20 mars, le chef de l’État (à dr.) et son conseiller Hervé Patrick Opiangah (à g.) se sont rendus à l’université OmarBongo, paralysée par une grève pendant trois mois.
« Il se passe quelque chose ici », confirme Zouera Youssoufou, représentante résidente de la Banque mondiale. « La volonté de changement est incontestable », renchérit Gagan Gupta, directeur général d’Olam Gabon, filiale du géant singapourien de l’agroalimentaire. « L’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba [ABO] a suscité un élan », acquiesce François Parmantier, directeur régional de l’Agence française de développement (AFD). JEUNES LOUPS. Arrivé au pouvoir en
Ali Bongo Ondimba a rompu avec les méthodes de son père. Objectif : moderniser. Mot d’ordre : vite.
octobre 2009, ABO a rompu avec les méthodes de son père. Il a remplacé les anciens cadres par des jeunes loups revenus de France, des États-Unis et du reste de l’Afrique. Il a choisi de recourir aux consultants étrangers et opté pour la création d’agences parapubliques, afin de secouer la torpeur administrative. Objectifs : moderniser, équiper, développer. Mot d’ordre : vite. La filière bois y est passée la première. Il fallait illustrer l’ambition du nouveau président de ne plus exporter des produits bruts, mais de les transformer pour que cette valeur ajoutée se traduise par des emplois. « Après la loi forestière de 2001, nous avions dix ans jeune afrique
pour transformer sur place 75 % de notre production, explique Gérard Moussu, secrétaire général de l’Union des forestiers industriels du Gabon et aménagistes (Ufiga). En 2009, le secteur atteignait à peine le taux de 35 %. Le pouvoir a donc tapé du poing sur la table et interdit les exportations de grumes. Il n’y avait pas d’autre solution si l’on voulait en finir avec les magouilles. Mais cela a fait des dégâts parce que nos coûts en ont été renchéris et nos ventes réduites. On ne passe pas comme ça de l’abattage à la fabrication de portes ! Aujourd’hui, nous ne gagnons pas notre vie… » Autre domaine chamboulé : celui des procédures. « Sous la précédente présidence, les entreprises n’avaient aucune confiance dans l’administration et exigeaient de se faire payer avant l’ouverture d’un chantier. Il était nécessaire de faire des faux pour couvrir ces pratiques, précise Rick Tsouck-Iboundé, économiste à la Banque mondiale. Les autorités ont remis d’aplomb le processus grâce aux agences qui étudient, contrôlent et paient. Signe d’une réelle évolution des mentalités, les pouvoirs publics corrigent leurs erreurs: ils ont restauré l’échangeur routier défectueux de la zone des Charbonnages [à Libreville], où ils avaient sousestimé les marécages. La volonté de bien faire est évidente. Et ça, c’est nouveau. » zéro débat. Las, dans ce fourmillement de réformes, le facteur humain semble dangereusement oublié. La dégradation du système éducatif est spectaculaire et empêche le Gabon de disposer des techniciens dont il a besoin pour transformer sur place ses minerais, ses hydrocarbures et son bois. On déplore 37 % de redoublements à l’école primaire. Seulement 8 % des jeunes Gabonais se tournent vers la formation professionnelle. Et alors que l’industrie manque d’électromécaniciens et de conducteurs d’engins, la loi interdit aux entreprises de recruter plus de 10 % de personnels étrangers. Plus grave: les Gabonais ne communiquent pas entre eux. Le pouvoir estime que tout va bien, l’opposition que tout va mal. « Tant que les Gabonais ne discuteront pas de leur l l l
dr
À marche forcée
un bulldozer nommé oyaya Venu du privé, le patron du Fonds d’entretien routier est un homme pressé qui s’accommode mal des lourdeurs administratives.
d
e ses responsabilités chez Dragages Gabon (groupe Bouygues) et au sein des compagnies pétrolières ExxonMobil et Shell, il a gardé une pugnacité qui détonne dans un univers administratif plutôt somnolent. Landry Patrick Oyaya, 48 ans, ingénieur des travaux publics et directeur général du Fonds d’entretien routier deuxième génération depuis février 2012, ne tient pas en place. Il téléphone tout en montrant la vidéo qui simule la construction de la future route Omboué - PortGentil (lire encadré ci dessous). Il déploie une carte pour prouver que toutes les liaisons routières vers les capitales régionales sont lancées. Vers Franceville? « En cours. » Vers Makokou? « En cours. » Vers la zone économique spéciale de Nkok ? « Nous avons mis trois entreprises sur ce chantier pour aller plus vite. » Plus vite, toujours plus vite. Pour cela, il faut trouver « le pognon » et
« gérer la complexité », dit-il. Landry Patrick Oyaya se félicite de la simplification qui a permis d’accélérer le financement des routes. « Avant, raconte-t-il, il fallait aller au ministère, à la banque, au contrôle, au Trésor. Désormais, l’entreprise se concentre sur son boulot et c’est nous qui discutons avec le Trésor. Il n’y a plus de parcours du combattant, et nous ne mettons pas plus de trois mois pour payer les travaux. » On sent ce bulldozer lancé à toute allure agacé par les procédures comptables publiques qui entravent son élan. Heureusement, avec Magloire Ngambia, le superministre de la Promotion des investissements, des Travaux publics, des Transports, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire, ils se comprennent. « Nous venons tous les deux du privé », souligne-t-il avec un sourire qui éclaire son visage crispé par l’urgence. l
LibreviLLe - Port-GentiL : enfin Par La route ! Çay est: le chantier de la liaison routière Libreville-yombi-MandjiOmboué-Port-Gentil a commencé. China Road & Bridge Corporation est à pied d’œuvre pour construire les 93 km manquants entre Omboué et Port-Gentil, où des marécages obligent à ériger les quatrième et cinquième ponts les plus longs jeune afrique
d’afrique (respectivement 7 km et 5 km). Coût estimé de cette infrastructure: 17 milliards de F CFa (25,9 millions d’euros), dont 10 milliards ont déjà été apportés par China exim Bank (à 75 %) et l’État gabonais (25 %). Manquent 7 milliards pour l’instant… qui ne devraient pas trop longtemps faire défaut, la
livraison de l’ouvrage étant prévue pour 2018. Malgré un important détour par le sud pour éviter réserves, parcs nationaux et mangroves, les Gabonais se réjouissent à la perspective de se rendre en voiture de la capitale politique à la capitale économique, et plus seulement en bateau ou en avion. enfin! l n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Grand angle Gabon ● ● ● économie et de l’État de droit, il sera compliqué de réussir l’émergence du pays, dénonce Dieudonné Minlama Mintogo, président de l’Observatoire national de la démocratie. Les plans Gabon vert ou Gabon bleu n’ont jamais été débattus sur la place publique et je ne sais pas ce qu’ils veulent dire. C’est bien de réformer, mais cela nécessiterait un consensus fort. Les Gabonais ne regarderont pas les choses en face tant qu’ils ne se parleront pas. »
Marc Ona Essangui, l’imprécateur Il est de tous les combats environnementaux, de toutes les luttes sociales. Et tire à boulets rouges sur le gouvernement. Mais parfois, trop de critique tue la critique.
O
CARCASSE. De fait, la pédagogie a été inexistante. Et à Libreville tout le monde râle contre les innombrables chantiers qui encombrent la ville et dont on ne voit pas toujours la fin. La distribution de l’eau et de l’électricité est aléatoire, les embouteillages sont insupportables. Lancée en grande pompe il y a deux ans, la zone économique spéciale de Nkok (180 millions d’euros d’investissement) peut compter sur 62 entreprises… dont une seule est vraiment en activité (dans le secteur du bois). La carcasse d’une deuxième société (métallurgie) sort de terre. Quant aux 30 km de route vers Libreville, ils sont toujours en travaux. Les trains ne s’arrêtent pas à Nkok, les barges ne peuvent pas encore y accoster. Qui a prévenu les Gabonais de cette période inévitable et forcément difficile à vivre? Qui a expliqué qu’il fallait refaire de fond en comble l’assainissement d’une capitale à la géologie difficile, ayant poussé sans plan d’urbanisme? ● ● ●
n ne peut qu’être frappé par l’énergie qui émane de Marc Ona Essangui, 50 ans, vétéran des luttes socio-environnementales. L’homme est impliqué dans de multiples organisations : Publish What You Pay, le conseil mondial de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie), le mouvement Ça suffit comme ça, qui a récemment tenu un Forum des indignés du Gabon pour contrer le New York Forum Africa réuni du 14 au 16 juin à Libreville… Le handicap que lui a infligé la poliomyélite contractée dans son enfance rend encore plus impressionnants son combat contre l’atteinte à la forêt de
l’Ivindo et son prix Goldman 2009 pour l’environnement. Société, écologie, urbanisme… Il est sur tous les fronts pour traquer abus, arnaques et crimes en tous genres. IL FLINGUE. Société civile il
est, société civile il reste. Et pas question de mettre le pied en politique, en tout cas pas de manière formelle. « Je partage les points de vue de l’opposition, dit-il, mais je n’ai aucune ambition électorale. Je veux seulement que le Gabon fonctionne comme une république et que tout soit transparent. » Un peu comme Jean-Luc Mélenchon, le tribun de la gauche française,
Quand le fils dépasse le père, c’est plus sur le plan économique… Croissance (en %) Omar Bongo Ondimba Au pouvoir de 1967 jusqu’à sa mort, en juin 2009
8 6 4 2 0 -2
Ali Bongo Ondimba * Prévisions
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35
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Au pouvoir depuis octobre 2009
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Investissements (en % du PIB)
30 25 20
* Prévisions
15 2006
10000 8000 6000 4000 2000 0
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PIB/habitant (en euros)
* Prévisions
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2007
2008
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SOURCES : FMI, PNUD
JEUNE AFRIQUE
À marche forcée
il flingue. « Depuis l’avènement des Bongo, il y a plus de quarante ans, le Gabon n’a jamais fonctionné comme une démocratie, grince-t-il. Soixante-dix ans de pétrole et regardez l’état des routes, la pauvreté jusqu’aux portes du palais présidentiel, la justice aux ordres, le manque d’eau, le groupe Olam qui bousille la mangrove à Port-Gentil, des élèves à 100 par classe, des chantiers qui ne se terminent jamais, les assassinats rituels… »
Vincent FOurnier/J.A.
crI De rAGe. Imprécateur
… que social
dans l’âme, Marc O na Essangui ne trouve pas la moindre excuse au pouvoir actuel, qu’il exècre plus encore que celui du père, Omar Bongo Ondimba. Les articles nuancés de la presse internationale sur son pays ? « Des publireportages! Ça me fait mal que des journaux
Du pétrole, encore et encore ?
O
Ali Bongo Ondimba
Omar Bongo Ondimba
4,8% (2005)
66,6% (2000)
jeune afrique
dirigés par des Africains encouragent les dictateurs ! » Le satellite qui surveille la forêt et l’interdiction de l’exportation de bois non transformé ? « Du bidon ! » La rencontre d’Ali Bongo Ondimba avec les étudiants de l’université Omar-Bongo, paralysée par une grève pendant trois mois? « De la com! » Sa propre condamnation pour diffamation à l’encontre du chef de cabinet du président, qu’il accuse de collusion avec Olam ? « Je n’ai pas besoin de preuves pour l’affirmer ! » Et quand il passe à côté d’un arbre déplumé par des élagueurs peu consciencieux, il a un nouveau cri de rage : « Et en plus ils massacrent les arbres ! » Peut-être faudrait-il, pour l’efficacité de ses combats à venir, lui rappeler le mot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. » l
Seuil de pauvreté
Taux d’emploi des plus de 25 ans
4,8% (2012)
68,2% (2011)
n saura dans les prochains mois si le Gabon peut devenir un petit Angola. Le temps que la plateforme pétrolière Ocean Rig Olympia explore les grands fonds, à 2 000 m sous la mer et à 50 km au large d’Iguéla, sur le permis de recherche Diaba, l’un des plus prometteurs des 42 blocs délimités. Loin sous la croûte de sel qui tapisse le fond du golfe de Guinée, les trépans cherchent la preuve d’une similitude géologique avec les profondeurs brésiliennes, où un eldorado pétrolier a été découvert dans les années 2000. Il y a des centaines de millions d’années, Afrique et Amérique latine étaient un même continent. De là à
espérer des gisements comparables, il n’y a qu’un pas, que les plus optimistes franchissent allègrement. Les 150 millions d’euros que coûteront ces forages seront répartis entreTotal Gabon (42,5 %), Marathon Upstream Gabon (21,25 %), Compagnie Gabon Diaba (21,25 %) et l’État (15 %). Si les recherches se révélaient vaines, le gouvernement comme les citoyens pourraient se faire du souci. « D’ici à 2020, la production gabonaise d’hydrocarbures sera divisée par deux, sauf nouvelle découverte », explique un expert. Le gouvernement aura-t-il alors les moyens budgétaires de ses ambitions ? l n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Grand angle Gabon ● ● ● Quiaalertéàtempslespetitsforestiersqu’ils n’auraient plus le droit d’exporter du bois brut? Qui a annoncé les embarras de la circulation qui résulteraient de la construction d’échangeurs routiers? Ministres et communicants se sont contentésd’annoncerdeslendemainsradieux…
À LA HUSSARDE. Alain, membre éminent d’un
cabinet ministériel, plaide la patience : « Le Gabon est comparable à une femme enceinte qui voit son corps déformé, mais qui retrouvera santé et beauté après son accouchement », argumente-t-il. Certes, il y avait tout à faire après des années de torpeur et de facilité. Mais quand un gouvernement entreprend de rattraper un tel retard, la méthode à la hussarde est une redoutable tentation à laquelle la jeune équipe du président ABO semble avoir succombé après l’expérience de la Coupe d’Afrique des nations 2012, sauvée du naufrage grâce au recours aux agences, qui ont court-circuité les administrations somnolentes. Si ces structures, dont la principale est l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), permettent d’aller plus vite, elles déresponsabilisent les services compétents et doublonnent souvent avec ceux-ci. Leur fonctionnement est mal compris du public comme des cadres des ministères. Il serait aberrant que cette dichotomie perdure. Les bailleurs de fonds (FMI, Banque mondiale, Banque africaine de développement ou AFD) se demandent avec une certaine inquiétude comment ces agences et leurs consultants, Bechtel en tête, parviendront à communiquer leur dynamisme aux fonctionnaires dépités d’avoir été laissés de côté.
La pédagogie est inexistante. Ministres et communicants se contentent d’annoncer un avenir radieux.
Ü Plateforme pétrolière au large de Port-Gentil. L’or noir continuera-t-il de doper l’économie sur le long terme ? De nouveaux forages le diront.
Dernière illustration de ces couacs entre le pouvoiretsesadministrés:débutjuin,leschauffeurs de taxi de Libreville ont fait trois jours de grève contre le « racket » des gendarmes qui leur infligent des amendes jugées arbitraires. Le Premier ministre, Raymond Ndong Sima (lire interview p. 33), analyse le cercle vicieux qui a quasiment paralysé la capitale le 3 juin: « Nos villes ont connu une croissance vertigineuse, les transports en commun n’ont pas suivi. Nous avons recours à des voitures individuelles privées, mais celles-ci sont parfois dans un état tel qu’elles ne devraient pas rouler. Leurs conducteurs n’ont souvent ni certificat médical, ni permis de conduire, ni permis de séjour. Il est normal que les gendarmes sanctionnent ces infractions, mais pas qu’ils mettent l’argent dans leur poche. Interdire l’informel est impossible, le laisser passer les bornes aussi. » CORRUPTION. Un beau cas d’école dont le gouvernement aurait pu profiter pour ouvrir un débat public, au lieu de laisser les parties s’invectiver et contraindre les usagers à marcher des heures pour regagner leur domicile. Cela aurait pu être l’occasion de poser la question de transports vraiment collectifs et de leur financement, de discuter d’une mise à niveau progressive des taxis et de leurs conducteurs, d’analyser les procédures d’immigration, de traiter la corruption au sein des forces de l’ordre… Quand le Gabon parlera-t-il enfin à luimême ? Quand les Gabonais, gouvernants et gouvernés, regarderont-ils enfin les choses en face et, surtout, ensemble ? ●
DUFOUR MARCO/TOTAL
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JEUNE AFRIQUE
À marche forcée 3 queStiOnS à
raYMOnD nDOnG SiMa
Olivier ThOmas/Divergence
Premier ministre
« Les gens râlent? C’est normal! » restructuration de la filière bois, manque de main-d’œuvre qualifiée, toute-puissance des agences… Le chef du gouvernement répond aux critiques. Ces précautions coûtent de l’argent. Avant, on coupait à 500 m de la rive de l’Ogooué et on poussait les grumes sident, Ali Bongo Ondimba, a voulu jusqu’au fleuve en direction de Portmettre fin à la non-transformation de Gentil, sans se soucier de la reproducnos matières premières. Cela nous a tion de la forêt. On ne payait que le conduits à arrêter les exportations de permis de couper. Après un siècle de grumes et donc à ralentir les coupes n’importe quoi en matière d’exploitade bois, afin de pouvoir franchir les tion forestière, il est normal que cerétapes d’une industrialisation du sec- tains soient mécontents de ces teur. Pour fabriquer du lamellé-collé, contraintes. il faut maîtriser le rabotage et le séchage. Pour produire du contrepla- que faire pour que le système éduqué, il faut connaître la technique du catif fournisse aux entreprises les déroulage. Cela prendra du temps techniciens dont elles ont besoin ? Les entreprises préfèrent râler contre pour que la réforme produise ses cette pénurie, alors que nous les avons effets. La politique d’aménagement fores- prévenues que nous étions prêts à tier que nous avons mise en place leur donner un lycée ou une école suppose que l’on ne coupe pas avant pour former des spécialistes, des d’avoir étudié la parcelle à exploiter. conducteurs de bulldozer par exemple. jeune afrique : Comment jugez-vous le mécontentement des forestiers ? raYMOnD nDOnG SiMa : Le pré-
jeune afrique
Pas de réponse. Ils préfèrent réclamer la permission de faire venir des Burkinabè ou des Maliens. La multiplication des agences n’entrave-t-elle pas l’action du gouvernement ?
Le principe est que les ministères conçoivent les politiques et que les agences les exécutent. Le ministère de l’Agriculture définit les normes de semences, mais c’est une agence qui dit comment il faut les arroser. La répartition des tâches est délicate, et je comprends que certains estiment que l’on dépouille les ministères. Mais cette dualité n’est pas mauvaise et nous a permis, grâce à l’Agence nationale des grands travaux, de réussir la Coupe d’Afrique des nations pour laquelle nous avions pris du retard. l n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Afrique subsaharienne
CÔTE D’IVOIRE
BÉDIÉ FOREVER? Immuable président du PDCI, celui que l’on surnomme le sphinx de Daoukro reste impassible malgré le vent de contestation qui souffle dans les rangs de son propre parti.
PASCAL AIRAULT
À
79 ans, Henri Konan Bédié n’est pas encore disposé à passer la main. Cela fait pourtant près de vingt ans qu’il est à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Une longévité que d’aucuns remettent en question, comme Kouadio Konan Bertin, le leader des jeunes de la formation, qui a lancé la guerre de succession. Autre problème pour Bédié, les élections locales du 21 avril ont accentué les dissensions avec le Rassemblement des républicains (RDR) du président Alassane Ouattara, pour lequel il avait appelé à voter lors du second tour de la présidentielle de 2010. Des cadres du PDCI s’estiment, à tort ou à raison, lésés dans le partage du pouvoir. Celui qui succéda à Félix Houphouët-Boigny en 1993 semble donc engagé dans une partie serrée pour assurer son maintien à la tête du PDCI lors du prochain congrès, en octobre. Théoriquement, son âge lui interdit de postuler. Mais, prétextant que les accords de Marcoussis avaient supprimé la limite d’âge pour être candidat à la présidentielle de 2010, Henri Konan Bédié prépare une modification des statuts de sa formation. À la manœuvre: son neveu, Niamien N’goran, délégué départemental, et Moïse Koumoué Koffi, chargé de la commission des statuts. Tout doit être finalisé lors d’une réunion qui se tiendra en juillet dans son fief de Daoukro, en pays baoulé, dans le centre-est de la Côte d’Ivoire. Si le choix du prochain leader du PDCI importe tant, c’est qu’il conditionne la stratégie à mettre en œuvre dans le cadre de la présidentielle de 2015, pour laquelle N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
Ì L’ancien chef de l’État à son domicile parisien, le 11 juin dernier.
ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.
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Alassane Ouattara a d’ores et déjà annoncé sa candidature. Avec la reconduction de Bédié, fidèle allié de l’actuel président, une candidature PDCI est en effet incertaine, le « sphinx de Daoukro » pouvant choisir de s’effacer face au candidat RDR. Pour Kouadio Konan Bertin, fer de lance de l’opposition interne à Henri Konan Bédié, c’est impensable. Il a trouvé un allié de circonstance en la personne du secrétaire général du parti, Alphonse Djédjé Mady, dont le poste pourrait disparaître si les réformes souhaitées par Bédié étaient appliquées. Difficile à accepter pour celui qui est en fonction depuis 2002. Comme Bertin, il est de ceux qui estiment que le PDCI n’est pas suffisamment remercié dans le cadre de l’alliance politique ayant amené Ouattara au pouvoir et qui refusent de ne pas présenter de candidat en 2015. DENTS LONGUES. D’autres jeunes loups lorgnent
la belle machine PDCI, qu’ils aimeraient rénover afin d’en faire un tremplin pour accéder un jour au fauteuil présidentiel. Il y a ceux qui ne se déclareront pas pour l’instant et visent probablement 2020, comme l’ambitieux Patrick Achi, ministre des Infrastructures économiques, ou l’avocat Jeannot Ahoussou-Kouadio, ancien Premier ministre, aujourd’hui ministre sans portefeuille rattaché à la présidence. Il faut également compter avec Jean-Louis Billon, le ministre du Commerce, qui a songé un temps prendre une très haute fonction dans les instances du parti, et ne pas oublier Charles Konan Banny. À 70 ans, l’ancien Premier ministre devenu président de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation rêve de se présenter à la présidentielle de 2015. Il y voit sa dernière chance de briguer la magistrature suprême. Les prétendants au trône du PDCI oseront-ils déboulonner Bédié ? Rien n’est moins sûr. « Qui se risquera à endosser le rôle du parricide en tuant le successeur d’Houphouët ? interroge un analyste politique. La plupart ne bougeront pas car Bédié reste un faiseur de rois à qui ils doivent beaucoup. » Si Henri Konan Bédié est réélu, scénario pour l’instant le plus vraisemblable, certains pourraient faire scission, comme en 1994 lorsque Djéni Kobina avait quitté le navire pour fonder le RDR, emmenant au passage une partie des troupes. « Banny et Kouadio Konan Bertin vont créer leur parti et chercher à nouer une alliance avec le Front populaire ivoirien [FPI, parti de Laurent Gbagbo] », croit savoir le même analyste. Un autre bon connaisseur de la vie politique du pays relativise : « Dans ce pays, c’est celui qui tient la bourse qui commande. Tant que Banny ne mettra pas la main à la poche, personne ne le suivra. » N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Afrique subsaharienne Côte d’Ivoire Bédié connaît bien les problèmes de succession pour avoir lui-même, ouvertement et trop tôt, brigué la place d’Houphouët-Boigny. Le père de l’indépendance, malgré l’affection qu’il lui portait, a jalonné son parcours d’obstacles. D’abord en entretenant la concurrence avec Philippe Yacé, l’ex-président de l’Assemblée nationale, puis en ôtant à Bédié le titre de dauphin constitutionnel lorsque celui-ci prit la tête de cette même Assemblée et, enfin, en faisant appel à Alassane
Ouattara pour gouverner. « Dans le groupe akan dont je suis issu, avait lâché Houphouët-Boigny en 1985, du vivant du chef, que ce soit au niveau d’une région ou d’une famille, personne ne doit connaître le nom de son remplaçant*. » Nul doute que le discret Henri Konan Bédié a retenu les leçons du « Vieux ». ● * Dans Félix Houphouët-Boigny: la fin et la suite, Frédéric Grah Mel, éd. Cerap-Karthala.
Henri Konan Bédié « Je ne vous donnerai pas la date de mon départ ! » Ses relations avec le pouvoir, les grands chantiers du quinquennat, sa succession… Rencontre avec un monument de la politique ivoirienne. JEUNE AFRIQUE : Quel bilan faites-vous de ces deux premières années de présidence Ouattara ? HENRI KONAN BÉDIÉ : Le président
Ouattara et son gouvernement travaillent bien. Le dialogue entre le gouvernement et l’opposition se poursuit, même si le Front populaire ivoirien [FPI] n’est pas toujours au rendez-vous. Les élections législatives, municipales et régionales se sont globalement déroulées dans le calme, hormis quelques cas isolés de violences. La reprise des activités est visible, le pays est en chantier, le président se déplace à l’étranger et trouve des investisseurs. Les affaires ont repris. Le FPI estime que votre alliance politique avec le président Ouattara est « contre nature »…
En politique, chacun contracte ses alliances en fonction de ses intérêts. Mes relations avec Alassane Ouattara sont bonnes. Le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui nous réunit [le PDCI et le RDR] est toujours aussi solide, même si nous avons parfois des divergences de vues. À chaque fois, nous nous attachons cependant à dialoguer pour trouver des solutions. Les juges de la CPI estiment que les preuves rassemblées contre Laurent Gbagbo sont insuffisantes pour la tenue d’un procès. Qu’en pensez-vous ?
C’est choquant. La crise postélectorale
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a provoqué la mort de plus de 3 000 personnes. De quelles preuves supplémentaires ont-ils besoin ? Mais laissons la justice suivre son cours. Les partisans de Gbagbo affirment que sans sa participation au processus de réconciliation du pays, celle-ci est impossible…
La réconciliation ne doit pas exclure le travail de la justice. Pour une bonne réconciliation, il faut traduire devant les tribunaux les auteurs de délits et de crimes crapuleux.
Êtes-vous favorable aux naturalisations?
Je suis favorable à la naturalisation des personnes présentes depuis longtemps sur le territoire ivoirien, mais les conditions d’octroi de la nationalité devront être clairement fixées par la loi. Les autorités prévoient ainsi de ne naturaliser que les personnes nées avant 1961 en Côte d’Ivoire. Les élections municipales d’avril dernier ont donné lieu à de sévères empoignades entre les cadres du PDCI et ceux du RDR. Ce genre d’attitude n’est-il pas préjudi-
La CPI dispose de preuves suffisantes pour juger Laurent Gbagbo. Le président Ouattara vient de lancer deux grands chantiers, à savoir ceux de l’identité nationale et du foncier rural. Êtes-vous favorable à une modification de la loi foncière votée en 1998 sous votre présidence ?
Tous les pays du monde font la différence entre leurs citoyens et les étrangers qui vivent chez eux. La loi sur le foncier rural a été votée en 1998 à l’unanimité. Elle est toujours d’actualité, car elle garantit les droits des autochtones sur leur terre tout en permettant de sécuriser les activités des travailleurs étrangers. Elle doit donc s’appliquer, même si quelques amendements peuvent paraître nécessaires.
ciable pour les rapports entre les deux formations ?
Nousavonseffectivementconstaté,alors que j’avais donné des consignes de retenue aux candidats, de chaudes empoignades. Je regrette que certains militants ne se soient pas maîtrisés durant la campagne. Nous prendrons des mesures pour que cela ne se reproduise pas. Certains cadres du RDR estiment qu’ils n’ont plus besoin du PDCI pour gouverner. Qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas la position d’Alassane Ouattara, la seule qui compte. C’est encore le fait de partisans excités qui portent préjudice à leur parti.
JEUNE AFRIQUE
SIA KAMBOU/AFP
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p Avec Alassane Ouattara (à g.), en novembre 2012, à Abidjan. L’alliance entre les deux hommes reste solide. Êtes-vous candidat à votre propre succession à la tête du parti ?
Lecongrèsseréuniraenoctobre,c’estlui qui décidera. Si les militants me réclament, je me mettrai à la disposition du parti.
Le président de la jeunesse du PDCI, Kouadio Konan Bertin, souhaite un renouvellement générationnel. Il s’en prend par ailleurs au RDR, suggérant de s’allier avec le FPI…
Ses déclarations montrent qu’il cherche à se positionner avant le congrès, mais en réalité c’est un soldat perdu.
Le secrétaire général du PDCI, Djédjé Mady, a déclaré qu’il serait aux manettes pour l’organisation du congrès. Qu’en pensez-vous ?
Les règlements du parti sont clairs. C’est le bureau politique, et non le secrétaire général,quiorganiselecongrès.Leschoses se dérouleront conformément à nos statuts. Je lui ai écrit pour le lui rappeler. On prête à Charles Konan Banny, l’ancien Premier ministre, l’ambition de prendre la tête du PDCI. Est-ce compatible avec son poste de président de la Commission Dialogue,Vérité et Réconciliation (CDVR)?
Oui. Il reste un militant du parti. Au besoin, vous savez, on peut démissionner d’un poste pour poursuivre ses ambitions. Le moment venu, nous verrons. Comment jugez-vous son action à la tête de la CDVR ? jeune afrique
Il faut lui laisser le temps. Deux années ne suffisent pas à réconcilier une nation. Cette guerre de succession avant l’heure vous énerve-t-elle ?
Non. Cela signifie que notre formation est démocratique, mais je veille à ce que les choses se déroulent dans le bon ordre et dans l’intérêt supérieur du parti.
Encarté au PDCI, Jean-Louis Billon s’est présenté aux régionales sous la bannière du RDR contre un candidat PDCI. Fait-il toujours partie de la grande famille PDCiste ?
Il est très fidèle au parti, toujours à jour de ses cotisations, et il participe régulièrement à nos réunions. Du moins autant que son agenda de ministre le lui permet. Donc vous autorisez la transhumance politique au sein des autres partis houphouétistes…
Dans ce cas précis, Jean-Louis Billon m’avait informé de sa décision.
Huit ans après le lancement du RHDP, vous n’êtes pas encore parvenu à en faire un grand parti unique. Est-ce toujours l’objectif ?
Oui.LeRHDPapermisdesedébarrasser d’un tyran, Laurent Gbagbo. Par conséquent, il mérite d’être renforcé. Il faut que les membres du RHDP se voient et dialoguent. Je vais créer une commission afin d’étudier les changements à adopter en vue de créer un grand parti houphouétiste.
Mais ces décisions seront du ressort des formationsquilecomposent.Ilestpossible que la question soit posée lors du congrès du PDCI en octobre. En 2015, le RHDP devra-t-il soutenir un candidat unique à la présidentielle ?
Ce n’est pas à moi de prendre cette décision. Le congrès du PDCI décidera si nousdevonsprésenterounonuncandidat. La Constitution vous interdit d’être candidat. Avez-vous envie de briguer un nouveau mandat présidentiel ?
Les constitutions ne sont pas écrites pour l’éternité. Mais j’ai 79 ans et je ne crois pas que ce soit une bonne chose que je brigue un nouveau mandat. Un jour, il faudra penser à votre succession au sein du PDCI. Avez-vous fait votre choix ?
Un jour, comme vous dites, je partirai. Les hommes de valeur ne manquent pas au sein du PDCI, je cherche actuellement celui qui pourra me succéder. Quand ?
Vous voulez la date de ma mort ?
Non, celle de votre retrait de la vie politique…
Je ne vous donnerai pas la date. Aussi longtemps que je serai en bonne santé, je serai attaché à la bonne conduite des affaires du parti et à rendre service à mon pays. l Propos recueillis par PAsCAL AIRAULt n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
Afrique subsaharienne
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CONFIDENCES
La Centrafrique et moi SIA KAMBOU/AFP
Les exactions ne sont pas tolérables, mais il faut laisser leur chance aux autorités de la transition, selon l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé. ð À Bangui, le 7 janvier.
C
’
était il y a à peine plus de trois mois.Le24mars,leshommes de la coalition rebelle Séléka mettaient François Bozizé en déroute et Michel Djotodia lui succédait à la tête de l’État. Depuis, Bangui a souvent paru sur le point de sombrer dans le chaos. Mais jamais Martin Ziguélé n’a regretté le président déchu. « Pour mon parti, le MLPC [Mouvement de libération du peuple centrafricain], un coup d’État n’est jamais une bonne nouvelle, insiste l’ancien Premier ministre, candidat malheureux aux présidentielles de 2005 et 2011. Nous l’avions dit en 2003, quand Bozizé avait pris le pouvoir, et nous le disons encore aujourd’hui. Il a joué avec le feu. Il a refusé l’application des accords de Libreville. Il est responsable de ce qui est arrivé. Nous aurions préféré que le changement se fasse par les urnes plutôt que par les armes, mais nous ne pleurerons pas sur lui. »
Martin Ziguélé, 56 ans, refuse de dire s’il briguera la magistrature suprême lors des élections qui seront organisées au terme des dix-huit mois de transition. Ce sera à son parti d’en décider, explique-t-il, « parce que le MLPC est structuré et que l’on ne se lève pas le matin en se proclamant candidat ». D’ailleurs, « chaque chose en son temps. Il est bien trop tôt pour en parler. L’important aujourd’hui, c’est la survie des Centrafricains ». CHAOS. Et les rapports en provenance de
Bangui sont alarmants. Insécurité, pillages, exactions… Les autorités de la transition peinent à contrôler les troupes qui les ont portées au pouvoir. La situation n’est pas meilleuredanslerestedupays,menacépar endroitsdepénuriesalimentaires.«Celava mieux qu’il y a quelques semaines, affirme Martin Ziguélé, mais le pays est dans une situation très difficile. Tous les jours des
actes de violence sont perpétrés. Ce sont souvent des actes isolés, qui sont le fait d’hommes ou de femmes mal éduqués, mais si l’on n’agit pas, ce sera de pire en pire. Il faut que le gouvernement fasse davantage. » Pense-t-il que le président Djotodia a pris la mesure de la gravité de la situation ? « Il est à Bangui, il vit les choses en direct et rien ne permet de douter de sa volonté de trouver une solution. » Comprend-il que ce genre de propos puisse être interprété comme un soutien à la Séléka ? « Moi, je soutiens la transition, parce que je veux accompagner la Centrafrique dans sa marche vers la démocratie. Nous avons tous intérêt à ce que le gouvernement réussisse à restaurer la paix et la sécurité. » Y parvenir sera une gageure. Le 2 juin, le ministre de la Sécurité publique, le général Noureddine Adam, ne s’est-il pas fait braquer à Notre-Dame-d’Afrique par des
LETTRE OUVERTE DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE CENTRAFRICAINE
Pleure, ô pays bien-aimé Excellence, Monsieur le Président de la transition, chef de l’État,
N
ous ne venons pas en présomptueux donneurs de leçons. Nous ne faisons que relayer les interrogations de nos frères et sœurs en butte à des problèmes de toutes sortes, ainsi que les inquiétudes quant à notre avenir en tant que nation. « Du jamais vu! » Voilà les mots qui disent le sentiment général du peuple face au déferlement des éléments de la Séléka. Jamais on n’a connu sur notre terre un conflit aussi grave dans son ampleur et dans N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
sa durée. Jamais aucun trouble militaro-politique ne s’était disséminé avec autant de violence et d’impact sur notre territoire. Jamais une rébellion n’avait drainé une aussi forte présence de combattants étrangers. Jamais une crise ne nous avait fait courir un aussi grave risque de conflit religieux et d’implosion du tissu social. On n’a pas fini de dresser le bilan en termes de pertes de vies humaines, de viols, de pillages, de villages incendiés, de destructions de champs, de violations et de spoliations de
domiciles privés, de familles illégalement expropriées de leurs maisons désormais occupées de manière indue par un homme fort ou une bande armée… Le tissu social a été complètement déchiré. Le peuple a été soumis à un énorme traumatisme dont les conséquences sont manifestes dans les cas de suicides et de dépressions. Sur le plan économique aussi, jamais une crise n’avait engendré une destruction aussi systématique et programmée de ce qui restait du faible tissu
industriel et économique du pays. Les banques, les stations essence et beaucoup d’usines ont été pillées. Des sociétés forestières ont été mises en faillite, le bois est désormais abattu de manière anarchique, des espèces protégées sont braconnées par des réseaux autorisés, des élevages et des cultures ont été pillés… Des éléments de la Séléka ont mis en place une régie parallèle qui échappe au contrôle de l’État. Sur le plan politico-administratif, le peuple n’a jamais JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
PATRICK FORT/AFP
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Les patrouilles de la Séléka sont toujours omniprésentes dans les rues de la capitale (ici le 2 avril).
membres de la Séléka qui ne l’avaient pas reconnu? « Il ne suffit pas de faire le constat du problème ou de condamner les exactions. Il faut agir! »
compris l’obstination avec laquelle les combattants de la coalition Séléka ont détruit les archives de l’administration et des collectivités locales. Que se cache-t-il derrière cette volonté de destruction et d’annihilation de la mémoire nationale? Pourquoi s’être acharné sur les représentants du gouvernement et sur les agents de l’État en mission dans les écoles ou les hôpitaux? Sur le plan sécuritaire et militaire, l’armée nationale et républicaine a cédé le pas à un
Agir donc, mais vite. Le 24 juin, trois mois jour pour jour après la chute de Bozizé, il a suffi de quelques coups de feu et d’une présence militaire renforcée dans
agrégat de factions en mal de cohésion, manquant d’éthique et de déontologie professionnelles. Ces éléments continuent de se comporter en rebelles. Ils ne répondent qu’à leur « chef militaire » et refusent de déposer les armes. Même si un début de sécurisation est perceptible à Bangui, il n’en va pas de même dans l’arrièrepays. Les populations sont à la merci des hommes de la Séléka, pourtant supposés assurer leur sécurité. La vie des Centrafricains n’a plus
les rues de la capitale pour qu’un vent de panique ferme écoles et administrations et vide le centre-ville. ●
aucun prix. Les combattants armés sont pour la plupart des étrangers ; ils peuvent impunément tuer, violer, piller, saccager, incendier des maisons, des greniers, des villages entiers… Sur le plan religieux et cultuel, l’ardeur et la détermination avec lesquelles les lieux de culte chrétiens ont été saccagés ont ébranlé les fondements de notre cohésion sociale. L’unité du peuple centrafricain est mise à rude épreuve.
ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
Au regard de tant de drames, d’humiliations et de mépris, le peuple a besoin d’être rassuré. À cet effet, nous devons nous mettre au service de la vérité, et cela veut dire que toute la lumière doit être faite sur les responsabilités des uns et des autres dans les pillages, les viols, les tueries, les exactions que le peuple a subis. Il faut donc rompre avec la logique de l’impunité et envisager la réparation des torts. La reconstruction d’une paix durable est à ce prix.
Extraits d’une lettre adressée à Michel Djotodia par: Édouard Mathos, président de la Conférence épiscopale centrafricaine (Ceca); Albert Vanbuel, vice-président de la Ceca; Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui; Nestor-Désiré Nongo-Aziagbia, évêque de Bossangoa; Juan José Aguirre Munoz, évêque de Bangassou; Peter Marzinkowski, évêque d’Alindao; Guerrino Perin, évêque de M’Baïki; Dennis Kofi Agbenyadzi, évêque de Berbérati; Armando Gianni, évêque de Bouar; Cyr-NestorYapaupa, évêque coadjuteur d’Alindao. JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne AngolA
Dans l’ombre du père Jusque-là discrète, l’ascension de José Filomeno de Sousa dos Santos, fils du chef de l’État, s’est accélérée avec sa nomination à la tête du fonds souverain du pays.
I
l vient de passer de l’ombre à la lumière. Du statut de discret membre de la famille présidentielle à celui de personnalitépublique.Le21juin,José Filomeno de Sousa dos Santos, 35 ans, a été officiellement nommé à la tête du fonds souverain de l’Angola, lancé en octobre 2012 et doté de 5 milliards de dollars. Une grande (et première) responsabilité publique pour le fils de José Eduardo dos Santos, lui-même à la tête du pays depuis trente-trois ans. À Luanda, la nouvelle n’a pas provoqué beaucoup de réactions. Ni dans la presse ni dans la rue. Et pour cause : l’arrivée de « Zénu » – le surnom de José Filomeno – à la tête du Fundo soberano de Angola n’a surpris personne. « Cette nomination n’est qu’une confirmation, commente un membre de la société civile angolaise. Dans les faits, le fils du chef de l’État avait déjà plus ou moins le contrôle du fonds d’investissement. » Explication : le fonds
Pedro nicodemos
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p À 35 ans, il va gérer 5 milliards de dollars.
était dirigé par un ancien conseiller économique du président dos Santos, Armando Manuel, épaulé par deux administrateurs: José Filomeno et Hugo Gonçalves, un excadre de la Standard Bank Angola. Mais en mai dernier Manuel a été propulsé à l’influent poste de ministre des Finances. Depuis, la place à la tête du fonds était officiellement vacante, mais beaucoup
pensaient que la voie était toute tracée pour le fils du président. « Cette nomination confirme, s’il était nécessaire, l’emprise de la famille dos Santos sur le pays, mais elle est surtout le début d’une manœuvre visant à en faire le successeur du président », affirme l’activiste anticorruption Rafael Marques. « L’objectif de José Eduardo dos Santos
LES ENFANTS DU PRÉSIDENT
Isabel,
dite « la princesse » Née en 1973 à Bakou, elle est le fruit du premier mariage de José Eduardo dos Santos, avec Tatiana Koukanova, rencontrée alors qu’il étudiait dans l’ex-URSS. Début 2013, le magazine Forbes l’a classée première femme africaine milliardaire, dressant la liste de ses nombreuses sociétés en Angola et au Portugal. Comme son père, elle n’accorde quasiment jamais d’interview.
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José Filomeno,
dit « Zénu »
Welwitschia,
dite « Tchizé » C’est la plus expansive de la famille, aimant se faire prendre en photo. « Tchizé » est la fille de dos Santos et de Maria Luísa Abrantes, qui dirige la puissante Agence nationale pour l’investissement privé. Formée aux États-Unis, elle est à la tête d’une des chaînes de la télévision publique (TPA 2) et de deux magazines people. Élue députée en 2008 et 2012, elle n’a jamais vraiment siégé.
José Paulino,
dit « Coreon Du » C’est l’artiste de la famille, plus connu sous son nom de chanteur : « Coreon Du ». José Paulino Eduardo dos Santos, l’autre fils de Maria Luísa Abrantes, se pose en promoteur du kuduro, une musique mêlant rap, électro et rythmes africains. Petit frère de « Tchizé », il dirige avec elle la société de production audiovisuelle Semba Comunicação, qui conçoit publicités et programmes pour la télévision publique. « Coreon Du » a notamment créé plusieurs émissions de téléréalité et de nombreux spectacles musicaux ou de mode.
Eduane Danilo, Joseana et Eduardo Breno Lemos Ce sont les trois enfants issus du dernier mariage du président angolais avec Ana Paula Cristóvão de Lemos, une ancienne hôtesse de l’air, aujourd’hui première dame du pays.
jeune afrique
est de donner une visibilité à son fils en le présentant comme un gestionnaire des ressources du pays disposant de contacts à l’étranger. À terme, il s’agit de prouver qu’il est compétent pour gérer l’Angola », renchérit Justino Pinto de Andrade, économiste et membre d’un petit parti d’opposition. « Viendra ensuite le temps de nommer José Filomeno ministre, glisse encore un observateur du monde politique. Et Zénu sera bientôt considéré comme apte à prendre la suite de son père. » Une perspective qui contredit ceux qui voyaient en Manuel Vicente, l’ancien puissant patron de la compagnie nationale de pétrole (Sonangol) devenu vice-président du pays, le successeur de l’actuel chef de l’État. Pour l’instant, le jeune dos Santos est inconnu du grand public. « On ne sait rien de lui, excepté le fait qu’il est le “fils de” », note Siona Casimiro, rédacteur en chef du quotidien O Apostolado. Marié et père de trois filles, José Filomeno est un homme réservé. Sa mère, une diplomate angolaise,rencontresonpèrelorsqueceluici n’est encore que ministre des Relations extérieures du président Agostinho Neto. Zénupassesonenfanceetunepartiedeson adolescence à Luanda, puis suit sa mère au gré de ses affectations. Il étudie la finance et la gestion à l’université de Westminster avant de devenir trader à Londres. SUCCESSION. Au début des années 2000,
il décide de rentrer à Luanda. « J’ai suivi ma mère quand j’étais jeune, nous avaitil expliqué en février dernier. Mais je n’ai jamais pensé vivre ailleurs qu’en Angola. » De retour au pays, il travaille dans les assurances, le transport et la banque, notamment au sein de l’établissement privé Kwanza Invest, dont il est membre du conseil d’administration. Interrogé sur sa nomination au poste d’administrateur du fonds souverain, il avait mis en avant sa formation et son expérience, avant d’insister sur son engagement à « le gérer de manière transparente et rationnelle ». « C’est ma mission et elle me satisfait amplement. Je n’ai pas d’ambition politique », avait-il assuré, affirmant n’avoir jamais abordé avec son père la question de sa succession. Peu loquace sur ses relations avec ce dernier comme avec ses frères et sœurs, il avait fini par confier : « Quand nous sommes en famille, nous ne parlons pas de nos activités professionnelles. Nous prenons des nouvelles des uns et des autres, de nos enfants. » l EStEllE MaUSSION, à Luanda jeune afrique
Afrique subsaharienne
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Bénédicte deSRUS/SiPA
Coulisses
p « Dénonciation » d’homosexuels à la une du New Vision, journal ougandais.
HoMoPHobie de PiRe en PiRe C’est l’histoire de David Kato, défenseur des minorités sexuelles, battu à mort en janvier 2011 à Kampala après qu’un tabloïd a publié son nom et sa photo, appelant ses lecteurs à « pendre » les homosexuels. C’est l’histoire de Fanny Ann Eddy, assassinée en 2004 en Sierra Leone à cause de son orientation sexuelle. C’est l’histoire de cet autre Sierra-Léonais, battu et fouetté à son domicile, le mois dernier, après qu’un journal local a révélé son homosexualité. Des histoires tragiques mais fréquentes en Afrique, écrit l’ONG Amnesty International dans un rapport publié le 25 juin. Dans trente-huit pays du continent, l’homosexualité est encore considérée comme un crime. En Ouganda, au Liberia et au Nigeria, les Parlements réfléchissent au moyen de durcir leur appareil législatif. Et bien souvent, poursuit Amnesty, « les leaders politiques s’en prennent à l’homosexualité pour faire oublier leur piètre bilan en matière de droits de l’homme, [pour faire oublier] les discriminations et les violences contre les femmes, la corruption et l’absence de liberté de la presse ». l
Rwanda Pouvait-il ne Pas savoiR ? Sale temps pour Paul Barril. Le 26 juin, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire après une plainte de plusieurs ONG qui accusent cet ex-officier de la gendarmerie française de « complicité de génocide » pour un contrat d’assistance militaire passé avec Kigali en 1994. Barril ne pouvait « ignorer les conséquences d’un tel accord », estiment les plaignants.
Mali Mea culPa De quoi s’excuse-t-il ? Difficile à dire. Mais le 26 juin, lors d’une cérémonie de réconciliation entre factions militaires rivales à Bamako, « le capitaine Sanogo
[auteur du putsch de mars 2012 contre le président Amadou ToumaniTouré] a demandé pardon au peuple malien », selon le porte-parole de l’armée.
Golfe de Guinée À l’aboRdaGe ! Parce que les actes de piraterie sont désormais plus nombreux au large de l’Afrique de l’Ouest que dans le golfe d’Aden et que les pays de la zone y perdent chaque année près de 2 milliards de dollars, treize chefs d’État se sont réunis àYaoundé les 24 et 25 juin dans le cadre d’un sommet sur la sécurité maritime. Ils ont entre autres décidé de la création d’un centre régional de coordination de la lutte contre la piraterie, qui sera basé au Cameroun. n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
maghreb & moyen-orient
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LibyE
LA ChAssE Au trEsor Le recouvrement de la fortune considérable amassée par Kaddafi a aiguisé bien des appétits et mobilisé une multitude d’intervenants. Au point que Tripoli a toutes les peines du monde à s’y retrouver. Enquête sur une traque qui donne le tournis.
chef de la sécurité du Congrès national africain (ANC), et de Jackie Mphafudi, un homme d’affaires proche du parti au pouvoir, deux émissaires libyens dûment mandatés ont même réussi à être reçus par Jacob Zuma en personne. Mais en juin une seconde équipe libyenne, tout aussi mandatée, a débarqué en accusant la première d’être un ramassis d’imposteurs. Les nouveaux venus sont malins. Ils se sont associés au marchand d’armes sud-africain Johan Erasmus. Et leur discours est imparable : « Si vous nous rendez l’argent, nous vous achèterons des armes »…
ChristophE boisbouviEr et AAbLA JounAïDi
D
AchtAr MohAMed
es criminels en cavale, d’anciens espions, des marchands d’armes… Dans la course au trésor du colonel Kaddafi, on trouve de tout. Dernier terrain de chasse, l’Afrique du Sud. Le « Guide » y a sans doute caché plusieurs milliards de dollars. D’autant que son ami Jacob Zuma, le président sud-africain, lui a rendu visite en pleine guerre, en juin 2011. Officiellement, il s’agit surtout de biens immobiliers – l’hôtel Michelangelo Towers à Johannesburg, le Kruger Park Lodge dans la célèbre réserve animalière. En réalité, beaucoup d’actifs sont dissimulés dans une demi-douzaine de banques. C’est pourquoi des « consultants » de tout poil se bousculent à Johannesburg. En avril dernier, par l’entremise de Tito Maleka,
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q Béchir el-Akari, directeur des contentieux d’État au ministère libyen de la Justice.
toiLE CompLExE. Quel est le montant total du trésor de Kaddafi – avoirs étatiques et personnels confondus ? Entre 60 et 200 milliards de dollars, selon les sources. Les sommes investies par des fonds souverains comme la Libyan Investment Authority (LIA) et le Libyan African Portfolio (LAP) sont plus faciles à tracer et à récupérer que les sommes placées à droite et à gauche sous des prête-noms ou derrière des sociétés écrans. Mais en fouillant dans les comptes du LAP, que dirigeait le sulfureux Béchir Salah, les nouveaux dirigeants libyens ont découvert, effarés, qu’il y avait quelque six cents filiales, avec chacune un compte en banque! Surtout, de nombreux pays rechignent à rendre l’argent. « Les plus récalcitrants sont en Afrique, confie un avocat d’affaires américain qui conseille le gouvernement libyen. Mais avec son secret bancaire, la Suisse n’est pas beaucoup plus coopérative. » Outre la Suisse, l’eurodéputée portugaise Ana Gomes, rapporteuse sur la Libye au Parlement européen, pointe les pays du Golfe. « La Ligue arabe et l’Union européenne [UE] doivent faire pression sur les différents pays qui refusent lll de collaborer », dit-elle. jeune afrique
witt/sipa
p Nombre d’actifs sont dissimulés dans une demi-douzaine d’établissements bancaires.
maghreb moyen-orient Libye
Zintan Media Office/Xinhua Press/cOrbis
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Aux États-Unis ou dans les pays de l’UE, les comptes sont a priori plus transparents et les fonds plus accessibles. Ainsi l’Italie a-t-elle rendu, en novembre 2012, plus de 1 milliard de dollars placés chez UniCredit et Finmeccanica. Mais attention aux banques ! « Allez retrouver l’argent que la LIA a investi dans un fonds qui l’a versé dans un autre fonds. C’est une toile complexe ! » lance l’avocat américain. « D’autant que beaucoup d’établissements bancaires soi-disant honnêtes savent très bien faire le mort », ajoute Éric Vernier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), à Paris. « Ils savent qu’ils ont de l’argent libyen mais ne disent rien. C’est comme l’assureur de votre grand-oncle qui “oublie” de vous prévenir que votre aïeul est mort en laissant un joli contrat d’assurance vie. » Quelles sommes ont déjà été récupérées ? Entre 5 et 10 milliards, selon les sources. Le montant exact n’est pas connu, car le nouveau gouvernement d’Ali Zeidan est très divisé. « Il aurait dû charger un procureur de centraliser toutes les activités de recouvrement, mais il ne l’a pas fait, regrette l’avocat américain. Du coup, la LIA et les ministères… Chacun essaie de récupérer des avoirs à l’étranger et met des bâtons dans les roues de son voisin. Il y a même des types qui travaillent en free-lance, parfois avec un mandat, et à qui on promet 10 % sur les sommes récupérées. Des chasseurs de primes, quoi ! » À Tripoli, un homme à poigne essaie de mettre un peu d’ordre dans ce grand bazar. Dès la fin de 2011, le juriste Béchir el-Akari a pris la direction des contentieux d’État au ministère de la Justice. Son lll
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p Seif el-Islam Kaddafi est actuellement détenu à Zeitan, à 180 km au sud-ouest de Tripoli.
« Beaucoup de banques soi-disant honnêtes savent très bien faire le mort. » éric Vernier, chercheur associé à l’Iris
meilleur ami n’était autre que Mustapha Abdeljalil, l’ex-magistrat devenu président du Conseil national de transition (CNT). Les gouvernements passent, Akari reste. « Aujourd’hui, le Premier ministre prend le temps de nous écouter, confie-t-il à J.A. Officiellement, il n’y a pas d’autre administration chargée du dossier. Mais, dans les faits, certains services agissent de façon illégale grâce à des mandats qui leur ont été accordés. Je le signale au gouvernement et lui dis que cela ne peut que parasiter notre travail et nuire à notre crédibilité. » compétition. Pour franchir tous les obstacles comptables et juridiques à travers le monde, Akari et ses collègues libyens s’attachent les services de sociétés internationales. « On ne veut pas d’un seul prestataire. Il faut de la souplesse », précise Akari. Lloyd’s, KPMG, Ernst & Young, PwC, DLA Piper… Les plus grosses sociétés de conseil sont présentes à Tripoli. Entre elles, la compétition est féroce. Chacune met en avant ses vieilles gloires, qui sont censées avoir le bras long. Ainsi DLA Piper a-t-elle recruté l’ex-sénateur américain Tom Daschle – un proche de Barack Obama –, et l’ex-président du gouvernement espagnol José María Aznar. Pour les dossiers ultrasensibles, des cabinets plus discrets sont actionnés. « Sur certaines affaires ponctuelles, des petites sociétés peuvent être très performantes », glisse Akari. Surtout si d’anciens sécurocrates américains offrent leurs services et leurs réseaux. Cohen Group, qui a « signé » avec Tripoli, n’est autre que la société de l’ex-secrétaire américain à la Défense William Cohen. Eren Law Firm a dépêché en Libye un ancien diplomate jeune afrique
la chasse au trésor
une affaire politique. En Tunisie, le rapatrie-
ment des biens du clan Ben Ali-Trabelsi est une nécessité économique. En Libye – un pays plus riche et moins peuplé –, le retour des dollars du clan Kaddafi est moins vital. C’est d’abord une affaire politique. Chaque fois qu’une partie du butin rentre au pays, Ali Zeidan espère marquer des points dans l’opinion. Surtout, le régime peut se dire que c’est autant d’argent en moins pour les rescapés du clan. « Le gouvernement libyen suit avec inquiétude la cavale de certains membres de l’ancien régime, souligne l’eurodéputée Ana Gomes. Il sait que ces personnes peuvent mobiliser des fonds pour mener des opérations de déstabilisation en Libye. » Hannibal en Algérie, Saadi au Niger, Mohamed et Aïcha à Oman… Les enfants du « Guide » qui ont
montant total des avoirs de Kaddafi entre
60 200 milliards et
de dollars
échappé à la mort ou à l’arrestation ne cachent pas leur volonté de revanche et ont encore quelques amis et moyens. « Quand un membre du clan vient chez nous, il arrive en jet privé », confie un diplomate installé dans la région du Golfe. Y a-t-il un « trésorier » qui gère les fonds et les distribue ? « Non. S’il n’y a qu’un seul montage et qu’il est démantelé, il n’y a plus rien après, explique Éric Vernier. La famille a intérêt à atomiser les circuits. » Béchir Salah est-il « atomisé » ? Pas si sûr (lire encadré). Le clan peut aussi compter sur les fonctionnaires libyens qui se sont sali les mains sous l’ancien régime et sont restés à Tripoli. « Avec eux, je doute qu’on connaisse la vérité des comptes, lance l’avocat américain. Et je crois que les Libyens ne récupéreront plus grand-chose. Le gros du trésor risque de leur échapper. » l
montant récupéré entre
5 10 milliards et
de dollars
u L’hôtel Michelangelo Towers, à Sandton, dans la banlieue de Johannesburg, en Afrique du Sud.
DR
américain, Victor Comras. Et Command Global Services, une société sous contrat avec le bureau de Béchir el-Akari, est animé par Charles Seidel, un ancien officier arabophone de la CIA, qui, entre 2002 et 2005, a dirigé successivement les bureaux de l’agence américaine à Bagdad et à Amman. Dans sa tâche de recouvrement des actifs libyens, il est secondé par Haig Melkessetian, le patron arabophone d’une société de sécurité privée qui travaille avec le FBI. Comme dans les bons thrillers, la chasse au trésor n’est pas sans risques. Mieux vaut se protéger… Dans cette traque, l’aide de quelques prisonniers se révèle précieuse. Seif el-Islam Kaddafi, l’ex-dauphin présumé, Abdallah Senoussi, l’ancien chef des services de renseignements, et Baghdadi Mahmoudi, l’ex-Premier ministre, ont intérêt à parler pour adoucir leur vie derrière les barreaux. « Bien sûr, ce sont des sources d’informations », reconnaît Akari. Qui a révélé, il y a six mois, le nom des banques et des propriétaires de comptes sur lesquels était caché le magot sud-africain? Sans doute l’un des trois. Si Tripoli refuse de livrer les deux premiers à la Cour pénale internationale (CPI), c’estnotammentpourcontinueràexploiterlefilon…
tranquille Comme BéChir Salah
l
a scène se passe le 2 juin au Michelangelo, un hôtel de luxe de Sandton, près de Johannesburg. Un Libyen rencontre Béchir Salah dans l’ascenseur : « Où en est le mandat d’arrêt international lancé contre vous ? – Rien de nouveau. » Depuis qu’il a été exfiltré de France par Nicolas Sarkozy, trois jours avant la défaite de celui-ci, le 3 mai 2012, l’ex-trésorier du jeune afrique
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colonel Kaddafi circule allègrement d’un palace sud-africain à un autre. Mieux, il a accès aux carrés VIP. En janvier, il a assisté aux cérémonies du centenaire du Congrès national africain (ANC), à Mangaung. En mars, il s’est glissé dans les coulisses du sommet des Brics, à Durban. Les députés d’opposition de l’Alliance démocratique ont
beau interpeller le gouvernement de Jacob Zuma sur son cas, rien n’y fait. Béchir Salah est visiblement protégé. Officiellement, depuis mars 2012, la Libye réclame son extradition pour « fraude ». D’où la notice rouge diffusée par Interpol contre lui. Mais ce mandat d’arrêt international ne suffit pas. Pretoria exige en plus
une demande formelle des Libyens. Or, pour l’instant, ceux-ci n’ont rien transmis. Sont-ils vraiment pressés de récupérer le fugitif ? Pas sûr. Récemment, Salah a rencontré à deux reprises des émissaires deTripoli chargés de traquer les avoirs de Kaddafi. En échange de sa coopération, nul doute qu’il a négocié quelque chose… l C.B. et a.J. n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Maghreb Moyen-Orient Tunisie
Quatre hommes de devoir Fragilisée par l’assassinat de Chokri Belaïd, la troïka avait accepté, en mars, de céder les portefeuilles régaliens à des indépendants. Lesquels se sont acquittés de leur tâche avec des fortunes diverses.
L
es trois balles qui ont abattu Chokri Belaïd, le 6 février, ont également fauché le gouvernement de Hamadi Jebali, obligeant la troïka au pouvoir – Ennahdha, le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol – à élargir ses consultations pour composer un nouvel exécutif. Sollicités, les partis d’opposition ont joué la prudence en s’abstenant d’intégrer le gouvernement, mais ils ont fermement exigé, et obtenu, avec l’appui de la société civile et des médias, la nomination de personnalités indépendantes à la tête des ministères de souveraineté. Lotfi Ben Jeddou, à l’Intérieur, Rachid Sabbagh, à la Défense, Nadhir Ben Ammou, à la Justice, et Othman Jarandi, aux Affaires étrangères (lire encadré), ont ainsi dû gérer le legs de leurs prédécesseurs, mais aussi faire face à une série d’événements qui ont exacerbé les tensions dans le pays. Sans expérience ministérielle, ces hommes du consensus, juristes de formation, à l’exception d’Othman Jarandi, diplomate de carrière, ont accepté une mission précise et limitée dans le temps : conduire la Tunisie, selon leurs attributions, à des élections législatives et présidentielle. Dès leur prise de fonctions, ils ont réaffirmé leur indépendance et se sont engagés à contribuer au retour de
p Lotfi Ben Jeddou (Intérieur).
la sécurité et à la relance économique, deux priorités sur lesquelles toutes les formations politiques s’accordent. Dans les faits, ils ont connu des fortunes diverses même s’ils travaillent de concert et évitent toute surexposition médiatique. patates chaudes. À l’Intérieur, l’ancien
procureur de Kasserine, qui a mené de main de maître les poursuites dans le dossier des blessés de la révolution, s’est attelé à remettre de l’ordre dans la maison : il a revu l’organigramme, procédé à des remplacements et muté les responsables de la sécurité de l’aéroport de Tunis-Carthage après la révélation par les médias de l’existence d’une officine de l’ombre. Ben Jeddou se démène, améliore la communication de son ministère et semble être partout. La rue s’apaise, mais tous les mercredis, à midi, sous ses fenêtres, des citoyens manifestent aux cris de : « Qui a tué Chokri ? ».
p Rachid Sabbagh (Défense).
Épineuse, l’affaire Chokri Belaïd est l’une des patates chaudes héritées d’Ali Laarayedh, aujourd’hui chef du gouvernement. Le dossier est instruit par la justice, mais c’est la brigade criminelle, relevant du ministère de l’Intérieur, qui mène l’enquête. Sans être parvenue à des
Fini La dipLomatie ostentatoire « Publicité ne rime pas forcément avec efficacité », explique Othman Jarandi. Diplomate de carrière, le successeur de rafik Abdessalem pratique une politique étrangère beaucoup moins ostentatoire mais n’en est pas moins très actif. celui à qui il incombe de rassurer n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
les partenaires et les investisseurs étrangers n’a pas opéré de chambar dement au sein des Affaires étrangères et tient, pour garantir la neutralité du ministère, à ce que les promotions soient assurées en interne. le statut de la tunisie comme partenaire privilégié de l’union
européenne a permis au chef de la diplomatie de pouvoir travailler à « redonner au pays la place qui lui revient sur l’échiquier mondial ». enfin, Jarandi doit aussi résoudre le problème des prisonniers tunisiens en Syrie – tout en estimant « que la reprise des relations entre les deux
pays n’est pas à l’ordre du jour » – et dénouer le dossier complexe des tunisiens disparus en italie. Sa mission serait tout à fait accomplie s’il parvenait, à travers les circuits diplomatiques, à obtenir la restitution des biens mal acquis détenus à l’étranger F.d. par le clan ben Ali. l jeune afrique
p Othman Jarandi (Affaires étrangères).
p Nadhir Ben Ammou (Justice).
résultats tangibles. Si la justice s’en tient à son devoir de réserve, Ben Jeddou se veut rassurant, arguant que les investigations avancent. Le scénario est reconstitué, reste à mettre la main sur les exécutants et à remonter aux donneurs d’ordre. Le ministre a les coudées franches, même s’il est très vite recadré quand il assène que « le gouvernement algérien craignait l’exportation de la révolution tunisienne en raison de la présence de mouvements islamistes dans le sud de son territoire ». C’est également Ben Jeddou qui est en première ligne pour juguler la menace salafiste. Sa décision d’interdire, au début jeune afrique
ONS ABID, HICHEM, NICOLAS FAUQUé/www.IMAgESDEtUNISIE.COM
Maghreb Moyen-Orient de mai, le congrès d’Ansar al-Charia prévu à Kairouan fera date. À l’écoute des revendications syndicales, le ministre augmente de 80 dinars (37 euros) la prime de risque des hommes sur le terrain. « C’est un pondéré; il se fait respecter et sait motiver, mais il ne connaît pas encore tous les rouages internes », estime un syndicaliste des forces de l’ordre. intérim. La découverte de camps
d’entraînement jihadistes dans le Jebel Chaambi et la traque meurtrière qui s’est ensuivie ont mis au jour les défaillances des services de renseignements et souligné la nécessité de la mise en place d’une cellule antiterroriste. Le ministre de l’Intérieur pose clairement l’alternative : « Soit nous les laissons proliférer, recruter et faire ce qu’ils veulent tranquillement au Jebel Chaambi, soit nous les combattons. » Ben Jeddou devient alors un élément pivot sollicité par la Défense et la Justice. Mais la coopération avec cette dernière ne coule pas de source, les salafistes arrêtés pour violences bénéficiant souvent de sentences assez clémentes. Les assaillants de l’ambassade américaine en septembre 2012 n’ont ainsi écopé que de peines avec sursis. S’il ne pipe mot sur l’affaire des Femen ou sur la condamnation du rappeur Weld El 15, Nadhir Ben Ammou a commenté la note de l’ambassade américaine désapprouvant le jugement rendu dans le procès des salafistes. « Il s’agit d’une opinion et non d’une ingérence », a-t-il assuré pour apaiser une partie de l’opinion, tout en concédant que « l’État n’est pas satisfait de ce procès et fera appel ». Selon un avocat, « le ministre a changé, mais le parquet tel que l’a imposé Noureddine Bhiri, son prédécesseur, n’a pas bougé. Il ne faut pas s’étonner des jugements qui sèment le doute sur l’impartialité de la justice. Ben Ammou assure une transition qui ressemble davantage à un intérim ». Si la justice se montre particulièrement sévère avec les artistes et les jeunes, Nadhir Ben Ammou la laisse suivre son cours, mais travaille d’arrache-pied au
Budgets 2013
Ministère de l’Intérieur
1,071 milliard d’euros Ministère de la Justice
1,880 milliard d’euros Ministère de la Défense
616 millions d’euros
Ministère des Affaires étrangères
87,5 millions d’euros
lancement d’une consultation nationale pour la réformer, soulignant qu’une telle réforme « nécessite une révolution dans les mentalités ». Et d’ajouter, en bon professeur de droit, qu’il faut commencer par « définir ce que l’on entend par indépendance de la justice, afin de déterminer le rôle de chacun ». Autre dossier suivi de près par Ben Ammou, la surpopulation carcérale, le nombre de détenus étant passé de 19 000 à 23 700 entre mars et juin. fermeté. À l’instar de la Justice, la
Défense est aussi sur la sellette. En état d’alerte depuis la révolution, l’armée s’est enlisée dans une improbable chasse aux jihadistes dans le Jebel Chaambi. Rachid Sabbagh, ministre de la Défense et, à ce titre, membre du Conseil de sécurité nationale, a maintenu l’état d’urgence. Mais « on ne peut pas continuer comme ça, a-t-il averti. Il n’y aura plus de tolérance envers ceux qui enfreignent la loi. S’il le faut, nous n’hésiterons pas à faire usage de laforce».Chargédesécuriserlesfrontières, il a été reçu, en mai, au Pentagone, qui lui a proposé une aide accrue, et travaille en étroite coopération avec son homologue algérien. Les revers et les pertes humaines essuyés par l’armée ont valu à celle-ci la sympathie de la population, mais aussi les critiques de certains courants politiques. En guise de réponse à ces derniers, l’ancien magistrat a lancé une campagne de sensibilisation valorisant les forces armées et leurs référentiels républicains et patriotiques. Mais avec le brusque départ à la retraite du très populaire chef d’étatmajor Rachid Ammar, le ministre de la Défense se retrouve confronté à un défi supplémentaire : prévenir les tentatives de déstabilisation de l’armée et veiller à préserver sa neutralité face aux tentatives d’ingérence. l frida dahmani, à Tunis n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Maghreb Moyen-Orient Maroc
Moha l’africain Diplomate chevronné, le nouveau « Monsieur Afrique » du royaume s’est vu confier une feuille de route aussi simple qu’ambitieuse.
L
Nguema a chassé du pouvoir son oncle, le sanguinaire Macías Nguema, et quitté le giron soviétique pour se rapprocher de la France. Le royaume, allié des Occidentaux, assure sa garde présidentielle et détache un contingent militaire pour assurer la stabilité du pays. Promu quatre ans plus tard chargé d’affaires au Gabon, Moha Ouali Tagma estaccueilliàbrasouvertsparOmarBongo Ondimba, qui entretient des relations étroites avec son « frère » Hassan II. Les deux chefs d’État collaborent militairement et politiquement avec les Français
es murs de son bureau sont ornés berbère. Son père, militaire, a participé de photos du roi Hassan II posant aux campagnes de libération de l’Europe avec Omar Bongo Ondimba et occupée par l’Allemagne nazie (Corse, Abdou Diouf et de celles de son île d’Elbe, Provence, Alsace…). Le jeune successeur,MohammedVI,avecAliBongo Moha est élevé dans l’idéal de la liberté Ondimba et Abdoulaye Wade. Un hérinourri des récits de la Seconde Guerre tage que Moha Ouali Tagma entend faire mondiale. Il fréquente le très fructifier. Nommé en mars directeur des réputé collège d’Azrou. Il y il peut s’appuyer sur une équipe affaires africaines, il s’est d’ailleurs vu reçoit une éducation francode 30 cadres et un réseau de confier une feuille de route aussi simple phile dans un établissement qu’ambitieuse. « L’Afrique est une priorité créé par les Français pour four18 ambassades au sud du sahara. pour le Maroc », lui a indiqué son ministre nir au royaume ses généraux, de tutelle, Saadeddine El Othmani, avant préfets et autres grands commis de l’État. dans le pré carré francophone. En 1989, il qu’il ne rejoigne le siège du ministère des Puis il décroche une licence en sciences rejoint la mission permanente du Maroc Affaires étrangères et de la Coopération, politiques à l’université de Fès, avant de à Genève afin de préparer la conférence avenue Franklin-Roosevelt à Rabat. rejoindrel’Écolenationaled’administration de Marrakech, qui a lieu en 1994 et qui Ce diplomate chevronné, qui a roulé sa de Rabat (ENA). aboutit peu après à la création de l’Orgabosse durant trente ans en Afrique et en De solides diplômes qui lui permettent nisation mondiale du commerce (OMC), Europe, peut s’appuyer sur une équipe de d’intégrer le ministère des Affaires étranet négocie l’adhésion du Maroc. 30cadresetunréseaude18ambassadesau gères en 1981. Après deux années passées sudduSahara.Depuissonarrivée,sonstaff au siège, il est nommé chef d’un nouveau cinq années à Dakar. Après un retour n’a pas eu de répit. Ouali Tagma a d’abord bureau à Malabo. Le président Obiang au siège à Rabat, il fait ses valises en 2003 participé à la préparation du pour Dakar. Mohammed VI a q Moha Ouali Tagma dans son bureau, le 18 juin, à Rabat. périple de Mohammed VI, succédé à Hassan II et multiplie les voyages au sud du Sahara. qu’il a accompagné fin mars L’ambassadeur l’accueille cinq au Sénégal, en Côte d’Ivoire et fois au Sénégal. M6 et le préau Gabon. Il s’est ensuite rendu en mai à Addis-Abeba pour rensident Abdoulaye Wade nouent contrerlesdélégationsprésentes un partenariat d’exception dont en marge du cinquantenaire de Air Sénégal International, filiale l’Union africaine (UA), puis est de la Royal Air Maroc, est l’une retourné à Dakar pour la comdes concrétisations phares. En mission mixte de coopération remerciement pour ses bons sénégalo-marocaine. Il devrait et loyaux services, le président enchaîner sur plusieurs voyages sénégalais et son épouse offrien Afrique de l’Ouest (Mali, ront à Moha Ouali Tagma un dîner d’adieu à leur domicile Niger, Côte d’Ivoire) au mois de juillet. Au menu des discusparticulier.En2008,ilestnommé sions: les relations bilatérales, la à l’ambassade de Varsovie, où questionduSahara,lerèglement il cherchera à développer les de la crise malienne. Et, bien relations entre le royaume et les sûr, la coopération économique, pays de l’Est et à sensibiliser les les investissements, l’implantafrères Kaczynski, alors au poution des entreprises marocaines. voir,audossierdel’Unionpourla « L’Afrique est le continent qui Méditerranée. Pour Moha l’Afriva tirer la croissance mondiale cain,ledialogueentreEuropéens dans les prochaines décennies, et Nord-Africains dans le cadre insiste-t-il. Là-bas se joue une de cette union ne peut que partie de notre avenir. » profiter au Sahel et à l’Afrique Né en 1954 à Aïn Leuh, petit subsahariennesur lesplansécovillage du Moyen-Atlas, Ouali nomique et sécuritaire. l PascaL airauLt, envoyé spécial Tagma est issu d’une tribu HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
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JeUNe AfRIqUe
Maghreb Moyen-Orient Qatar
tel père, quel fils? Le cheikh Hamad a transmis les rênes du pouvoir à Tamim, que l’on dit moins fougueux. Mais le nouvel émir n’a donné que peu d’indices sur sa vision de la politique extérieure du pays.
S
erait-ce le sacre d’un nouveau printemps ? Le 25 juin, Hamad Ibn Khalifa Al Thani s’est détrôné lui-même pour laisser la place à la jeune génération, celle de son fils Tamim, héritier désigné depuis 2003. Premier chef d’État arabe à quitter le pouvoir volontairement depuis la démission, très temporaire, de l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, en 1967, l’émir sortant a déclaré, lors du discours à la nation prononcé ce jour-là : « Le temps est venu d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire de notre nation, où une nouvelle génération s’avance pour assumer les responsabilités. […] Je déclare transmettre les rênes du pouvoir au cheikh Tamim Ibn Hamad Al Thani, qui est, j’en suis sûr, à la hauteur de cette responsabilité. » Confisquant le pouvoir à son père en 1995, Hamad Ibn Khalifa était devenu le plus jeune monarque du Golfe. Dix-huit ans plus tard, il donne de son propre chef le même avantage à son fils. La fougue de l’ambitieux émir Hamad avait fait d’un Qatar anonyme l’un des États les plus influents de la région et le pays le plus riche de la planète. Le dynamisme de Tamim ne sera pas un luxe pour stabiliser la monarchie dans ses nouvelles conquêtes, tout en menant à bien les objectifs de développement fixés par son père. Faisant à demi-mot l’éloge de son rejeton, Hamad a rendu hommage à la jeunesse qatarie « capable de s’adapter à l’esprit de son temps, profondément et pleinement consciente de ses exigences ».
MonSieur Sport. Né en 1980, Tamim appartient en effet à la génération révolutionnaire des blogueurs Slim Amamou de Tunisie, Wael Ghonim d’Égypte ou Razan Ghazzawi de Syrie. À celle aussi de son compatriote Mohamed al-Ajami, un poète condamné à quinze ans de prison n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
FETHI BELAID/AFP
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p Tamim Ibn Hamad Al Thani, le 16 juillet 2012, à Tunis.
en février pour avoir déclamé ces vers dauphin en 2003, le plus jeune membre jugés trop subversifs : « Nous sommes du Comité international olympique (CIO). tous la Tunisie face à une élite répressive. » Président du comité olympique du pays, Parmi les motifs de la condamnation, la il a développé les infrastructures sportives « diffamation du prince héritier » qu’était du Qatar, hébergé de grandes rencontres alors Tamim. Le nouvel émir aura-t-il internationales et remporté sa première un geste magnanime pour prouver à grande bataille en 2010 en décrochant l’insolent que la jeune élite l’organisation du Mondial de Bio express de son pays est plus compréfootball 2022. hensive ? Si dans son premier Ces trois dernières années, 1980 Naissance discours de chef d’État il a l’émir et lui-même ont posé à Doha insisté, comme l’a toujours sur la voie royale les jalons fait son père, sur l’impératif de son accession au trône. 1998 Diplômé du développement humain, Des dossiers de première de l’École militaire l’idée des droits de l’homme importance lui sont confiés, de Sandhurst n’a pas été évoquée. Loin de comme celui du dialogue avec (Royaume-Uni) prononcer une profession de le méfiant voisin saoudien, et 2000 Président foi révolutionnaire, le fils du des membres de sa clientèle du Comité national cheikh Hamad a déclaré qu’il sont petit à petit placés à des olympique suivrait pieusement la voie de postes clés dans tous les secson père. teurs. En 2011, deux proches 2002 Membre du viennent ainsi encadrer en tant Cette voie, Tamim la maîComité international trise parfaitement pour l’avoir que vice-Premiers ministres le olympique arpentée depuis dix ans en tant très puissant chef du gouverque prince héritier. Deuxième nement et ministre des Affaires 2003 Désigné fils de la deuxième épouse de étrangères, Hamad Ibn Jassem. prince héritier Hamad, il a été soigneusement Alter ego de son cousin, l’ex2006 Organise choisi par son père après que émir, « HBJ » a d’ailleurs perdu les Jeux asiatiques celui-ci a écarté les deux pretoutes ses attributions gouvermiers héritiers désignés, l’un nementales le 26 juin lors de la 2010 Décroche trop noceur, l’autre trop bigot. formation du nouveau cabinet. l’organisation du C’est d’abord dans le domaine Redoutable politique, homme Mondial de football sportif que le prince de la jeudes négociations difficiles et 2022 nesse qatarie se forge sa popusecrètes, on a pu craindre à larité nationale et sa notoriété Doha que son ambition ne le 2011-2012 internationale en devenant, pousse un jour à tenter quelque Rachète le Paris dès sa désignation comme coup d’État contre son cousin, Saint-Germain jeune afrique
comme l’avait fait celui-ci contre son père et prédécesseur Khalifa, et ce dernier contre son cousin Ahmed, premier chef d’État du Qatar indépendant. Préparée de longue date, la succession est apparue pour beaucoup comme accélérée. Hamad avait annoncé depuis longtemps qu’il abdiquerait, mais les observateurs ne l’envisageaient pas si rapidement. Acteur majeur de la guerre syrienne, très impliqué dans les pays postrévolutionnaires d’Afrique du Nord, menacé par le conflit entre l’Occident et l’Iran voisin, Doha aurait pu attendre le règlement de ces dossiers sensibles pour assurer une transition sereine. Toutes sortes d’hypothèses ont été avancées pour expliquer cette apparente précipitation : pressions américaines, volonté de se démarquer des gérontocraties voisines, problèmes de santé de l’émir, etc. Les soucis de santé de Hamad ne datent pas d’hier et on voit mal Obama, qui a eu tant de mal à dire à Assad de partir, prendre son téléphone pour intimer un tel ordre à son allié. Le politologue libanais Ghassan Salamé déclarait il y a peu que l’émir envisageait cette passation depuis trois ans. L’effet de surprise n’est donc pas un effet de crise, et l’organisation de la succession, au moment où le Qatar traverse une conjoncture compliquée sur le plan international, laisse penser que l’émirpère et son cousin HBJ continueront en coulisses à veiller aux affaires, assurant une transition en douceur du pouvoir. Consensus. Lors de son premier
discours d’émir, Tamim a donné peu d’indices sur sa vision de la politique extérieure qatarie, outre le rappel omniprésent qu’il marcherait dans les pas de son père. Toutefois, plus homme de consensus qu’homme de coups à l’image de Hamad, on peut s’attendre, sinon à un désengagement important, du moins à une modération des positions internationales de l’émirat qui suscitent des critiques croissantes. Posé et réfléchi, il aura sur le plan domestique plus de scrupules que son père à brusquer une opinion très conservatrice pour imposer ses projets d’avenir. Tamim, l’émir normal ? On a dit que l’hyperactivité de son père était née de sa frustration face au manque total de notoriété de son État. Le bruit insensé que l’émirat fait aujourd’hui sur toutes les scènes pourrait, inversement, inciter le nouveau souverain à la modération. l Laurent de saint Périer jeune afrique
Maghreb & Moyen-Orient
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jOSePH eid/afP
Coulisses
liban « Ma patriE a toujours raison » L’assaut de l’armée contre la milice du cheikh salafiste Ahmed al-Assir, les 23 et 24 juin dans la banlieue de Saïda, a rappelé aux Libanais les dures heures de la guerre civile. Le prédicateur radical sunnite, ennemi juré du Hezbollah chiite et du président Assad, avait fait de ce quartier mixte le bastion de sa milice. Depuis mars 2012, il multipliait les déclarations sectaires et les appels à l’autodéfense. Il avait donné aux membres du Hezbollah habitant son fief jusqu’au 24 juin pour faire leurs bagages. Mais dès la veille, des éléments de sa milice ouvraient le feu sur un barrage de l’armée, entraînant sa riposte déterminée. Après une trentaine d’heures de combats féroces qui ont fait seize morts dans les rangs des militaires et des dizaines dans ceux de la milice, la troupe a pu investir le quartier. Mais le cheikh reste introuvable. On le pense réfugié dans un camp palestinien voisin, peut-être en Syrie rebelle. Ou dans le Nord, à Tripoli la sunnite, déguisé en femme… l
Média Et al Huffington fut Première incursion en Afrique de la multinationale du web, Al Huffington Post Maghreb a été lancé le 25 juin àTunis. Fruit de l’association d’Arianna Huffington avec l’entrepreneur et blogueur tunisien Farès Mabrouk et la journaliste Alix Etournaud, le site sera dirigé par le Franco-Algérien Kader Abderrahim (ex-TV5). À terme, il y aura trois rédactions (Tunisie, Algérie, Maroc) composées chacune de six à huit rédacteurs.
algériE tErMinator à oran Reconverti dans l’écologie, Arnold Schwarzenegger, qui préside l’ONG R20, s’est rendu à Oran le 25 juin. Accueilli comme la star qu’il n’a jamais cessé d’être, l’ex-gouverneur de la Californie veut « rendre la lutte contre le changement
climatique plus sexy ». Un joli coup de com pour son hôte, le ministre de l’Environnement Amara Benyounes. Même si le discours de Schwarzy peut dérouter: « Il ne faut pas culpabiliser les conducteurs de grosses cylindrées. J’ai gardé mes Hummer, mais ils roulent à l’hydrogène et au biocarburant. »
israël frEnkEl, lE rEtour Jacob Frenkel, 70 ans, a été nommé le 23 juin gouverneur de la Banque centrale d’Israël en remplacement de Stanley Fischer. Docteur en économie, ex-cadre dirigeant d’AIG, Merrill Lynch et JP Morgan, Frenkel, qui avait déjà occupé ce même poste à deux reprises entre 1991 et 2000, s’est forgé au fil des ans une incontestable stature internationale, laquelle ne sera pas de trop pour succéder à Stanley Fischer, artisan de la stabilité économique du pays. n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Europe, Amériques, Asie
BRÉSIL
Porquê? Parti d’un banal problème de coût des transports en commun, un formidable mouvement de contestation sociale ébranle jusqu’aux fondements du système politique.
Europe, Amériques, Asie aLain Faujas
Q
ue les « Indignés » manifestent en masse à Athènes, Lisbonne ou Madrid, rien que de très normal de la part de populations saignées à blanc par la crise et le chômage. Mais qu’une augmentation de quelques centimes du prix du ticket de bus à São Paulo ait pu mettre le feu aux principales villes du Brésil laisse perplexe. Et pas seulement les syndicats, totalement dépassés par les événements, ou la présidente Dilma Rousseff, dont le chef de cabinet, Gilberto Carvalho, avoue qu’il « n’arrive pas à comprendre » ce gigantesque mouvement de protestation inédit depuis un quart de siècle. Le miracle brésilien réalisé par l’ancien président Lula n’était-il donc qu’un trompe-l’œil ? São Paulo, 11 juin. Cinq mille personnes défilent sur l’avenue Paulista pour dénoncer l’augmentation de 7 % du ticket de bus. Le surlendemain, une nouvelle manifestation est réprimée brutalement. Aldo Rebelo, le ministre des Sports, déclare que le gouvernement appliquera une « tolérance zéro » à l’égard des manifestants. La colère gagne alors Rio de Janeiro, Porto Alegre et Natal. Elle culmine le 20 juin, quand 1 million de personnes pas du tout apaisées par la baisse des tarifs des transports en commun tout juste décidée manifestent dans treize grandes villes.
p Rio de Janeiro, 24 juin. Manifestants et policiers face à face.
Felipe Dana/ap/Sipa
Libre passage. D’abord très précises, les reven-
dications se multiplient et se brouillent. Les transports focalisent les critiques : trains délabrés, bus bondés, embouteillages monstres… Dix mille nouvelles voitures viennent chaque jour grossir le flot de la circulation. Les Brésiliens mettent, en moyenne, entre deux et trois heures pour se rendre chaque matin à leur travail. Né lors du Forum social de Porto Alegre, en 2005, et partisan de la gratuité des transports, le Movimento Passe Livre (Mouvement libre passage, MPL) exige que « le budget du Mondial 2014 de football soit réorienté vers les services publics ». Les pancartes brandies par les foules demandent « moins de stades, plus d’écoles ». La facture des infrastructures à bâtir pour accueillir la compétition est estimée à 11 milliards d’euros, soit « 8 000 écoles, 39 000 bus scolaires ou 28 000 terrains de sport », selon les calculs du MPL. Les protestataires haussent encore le ton et s’attaquent à la corruption, ce mal brésilien endémique. Ils visent aussi bien le président du Sénat, accusé de malversations, que les députés, qui se préparent à voter la loi « PEC 37 ». Celle-ci dépouille les juges de leurs pouvoirs d’enquête sur la corruption du monde politique… Bientôt, c’est le système politique tout entier qui est mis en accusation. Sur les pancartes, on voit apparaître des slogans réclamant « une l l l n o 2738 • Du 30 juin au 6 juillet 2013
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Croissance : les montagnes russes (en %) 7,5
6,1 5,2
2,7 0,9 – 0,7
2007 08 09 10 11 12
Eraldo PErEs/aP/sIPa
Inflation : l’envolée (en %) 6,50 4,46 2007 l l l autre Constitution ». Tout le monde a en tête le scandale dit du mensalão (« mensualité »). On sait que José Dirceu, un des pontes du Parti des travailleurs (PT, au pouvoir), dans le but de neutraliser les petits partis que le système électoral a multipliés et qui paralysent le travail législatif, avait imaginé un étrange système de versement à leurs élus de pots-de-vin mensuels. Il purge une peine de onze ans de réclusion.
p Brasília, 24 juin. Devant maires et gouverneurs, la présidente, Dilma Rousseff, annonce une réforme constitutionnelle.
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Certes, le revenu moyen par habitant est passé de 7 522 dollars en 2003 à 11 800 dollars en 2011, mais la petite classe moyenne ne dispose que d’un revenu mensuel inférieur à 500 euros. La croissance, qui était de 7,5 % en 2010, est retombée à 0,9 % en 2012, tandis que l’inflation remontait à 6,5 %. L’augmentation des prix alimentaires a été supérieure à 20 %. InfrasTrucTures. Perte de compétitivité,
Trouble. La vérité est que le trouble de la popu-
lation est extrême. Selon le périodique Época, 75 % des personnes interrogées approuvent les manifestations, même si 67 % demeurent favorables à l’organisation du Mondial. Le quotidien Folha de S.Paulo a publié un sondage qui dresse le portrait des protestataires : 63 % ont moins de 35 ans, 78 % sont diplômés et 72 % n’ont aucune affiliation politique. Mais depuis le 26 juin, les habitants de deux favelas de Rio sont à leur tour entrés dans la danse. Cela n’a pas empêché certains ministres d’insinuer que les casseurs étaient des enfants gâtés issus de la classe moyenne. Le sens des événements en cours, qui ne sont pas sans rappeler Mai 68 en France, va bien audelà de cette explication simpliste. Car ce qui frappe, c’est à la fois le silence assourdissant de l’opposition et l’embourgeoisement du PT. La classe politique dans son ensemble apparaît décrédibilisée, coupée des réalités, engourdie par les prouesses économiques des années 2000. Devenu la « ferme du monde » et une inépuisable réserve de matières premières (fer, maïs, sucre) destinées notamment à la Chine, le Brésil est aujourd’hui la sixième puissance économique mondiale. Mais il ne se classe que 85e sur 186 pays si l’on prend en compte l’indice de développement humain des Nations unies. Les programmes sociaux (Bolsa Família, par exemple) lancés sous la présidence Lula ont permis de sortir de l’extrême misère une quarantaine de millions de personnes, mais il en reste 50 millions !
2012
Le Brésil est aujourd’hui la e
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économie mondiale, derrière la France, qu’il pourrait cependant dépasser en 2015, mais devant le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie et l’Espagne. Il n’occupe en revanche que le e rang,
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sur 186 pays, si l’on prend en compte l’indice de développement humain des Nations unies
mouvements anarchiques des capitaux, retour au dirigisme et au protectionnisme découragent les investisseurs et privent le Brésil des fonds dont il a besoin pour corriger son énorme déficit en matière d’infrastructures. Ancienne « guérilléra » au temps de la dictature militaire, Dilma Rousseff a beaucoup tâtonné face à cette explosion populaire qui lui a fait annuler son voyage officiel au Japon, du 26 au 28 juin. Elle a commencé par dire qu’elle écoutait « ces voix en faveur du changement ». Puis qu’il était normal que « les exigences de la population changent au fur et à mesure que nous augmentons la richesse, l’accès à l’emploi et à l’éducation ». Elle a reçu les responsables des manifestations, promis « un grand pacte pour améliorer les services publics ». Enfin, le 24 juin, elle a annoncé que 50 milliards de réaux (17 milliards d’euros) allaient être investis dans les transports et a renouvelé sa proposition de consacrer les futures recettes du pétrole offshore à l’éducation et au renforcement du système de santé. Surtout, la présidente a lancé l’idée d’une réforme constitutionnelle qui pourrait passer par un référendum. Cela suffira-t-il à dissuader les contestataires de réclamer l’arrivée à la tête du pays de Joaquim Barbosa, le premier président noir de la Cour suprême, ou l’écologiste Marina Silva, de Réseau durable ? La chance de Rousseff est que, faute de relais politique, le mouvement de protestation risque, à la longue, de s’essouffler. Comme ceux des Indignés d’Athènes, de Lisbonne et Madrid. l jEunE afrIquE
Europe, Amériques, Asie de ruptures de stocks, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont ainsi été contraintes d’imposer des quotas à l’exportation. Aux Pays-Bas, la valeur des exportations de lait en poudre vers la Chine est passée en trois ans de 190 millions à 520 millions d’euros. L’explosion de la demande chinoise a fait bondir les prix et provoqué un début de rationnement : trois paquets par acheteur, pas davantage. D’autres pays européens, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, pourraient suivre cet exemple, tandis qu’un marché parallèle se développe. Plutôt qu’un sac griffé, les touristes chinois ramènent désormais presque aussi volontiers de leur voyage en France une ou deux boîtes de lait en poudre ! Au cours de deux derniers mois, les douanes chinoises ont arrêté 900 personnes en possession d’une quantité de lait en poudre supérieure à la norme autorisée. Au total, près de 9 tonnes ont ainsi été saisies.
CHINE
Phobie lactée Depuis le scandale du lait contaminé à la mélamine, en 2008, la population n’a plus confiance dans la production locale. Et tente de s’approvisionner à l’étranger. Par tous les moyens.
EugEnE HosHiko/AP/siPA
TEnsions. Mais c’est entre la Chine et Hong Kong que le trafic est le plus impressionnant. Chaque matin, plusieurs milliers de personnes passent la frontière les bras chargés de boîtes de lait. Certains recommencent l’opération plusieurs fois par jour. Les supermarchés proches de la frontière sont dévalisés, et la pénurie guette, provoquant entre p Scène de rue, à Shanghai, au mois de mars. mamans hong-kongaises et chinoises des tensions auxquelles le gouvernement n Chine, le lait pour enfants mères de famille qui ne peuvent faire a dû mettre le holà. Il a aussi imposé vaut de l’or. Dans les superautrement font encore confiance aux des quotas drastiques et emprisonné marchés de Pékin, les boîtes marques chinoises. des trafiquants. Certains commerçants sont toutes munies d’un antiLe gouvernement avait promis de refusent même de vendre aux Chinois. vol, voire mises à l’abri derrière une faire le ménage, mais il a échoué : les Les autorités tentent de réagir. À vitrine. Comme les produits de luxe scandales se multiplient, et le volume Canton, par exemple, une banque du qu’elles sont devenues. Mais seules les des produits laitiers importés a quadrulait a vu le jour. Les mères viennent y marques étrangères importées sont ainsi plé depuis 2008. La valeur des aliments vendre leur lait, dont les qualités nutriconvoitées. Craignant les contrefaçons, tives sont évidemment de nombreux consommateurs préfèrent supérieures à celles de Dans les supermarchés de Pékin, d’ailleurs s’approvisionner directement la poudre importée. Mais les boîtes de lait en poudre venu à l’étranger. Pourquoi cette folie lactée ? c’est une goutte d’eau – ou Pour l’essentiel, à cause du scande lait – dans la mer. La d’ailleurs sont munies d’antivols ! dale du lait à la mélamine, en 2008. À situation semble bel et l’époque, plus de 300 000 enfants étaient pour bébés vendus chaque année dans bien désespérée. Sur internet, les forums tombés malades. Et six d’entre eux, au le pays avoisine quant à elle 30 milliards regorgent de messages angoissés. On moins, étaient morts. La mélamine est de dollars (22,8 milliards d’euros). s’échange les bonnes filières et les un produit chimique qui, introduit dans Dans une Chine où rien n’est trop bonnes marques étrangères… on appelle le lait, est censé lui donner davantage beau pour protéger son enfant unique, à l’aide les expatriés de la famille… Il ne de consistance et faire monter artifiles parents ne font même plus confiance fait aucun doute que le scandale du lait ciellement le niveau de protéines. Mais à leur supermarché et profitent de leurs contaminé à la mélamine laissera des il provoque aussi des calculs rénaux voyages à l’étranger – de plus en plus traces pendant de longues, très longues qui peuvent être fatals chez un bambin fréquents – pour dévaliser les rayons années. l sébasTiEn LE bELzic, à Pékin de quelques mois. Depuis, seules les des commerçants locaux. Menacés
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Après un concert au musée Dar Batha de Fès, où la Marocaine a chanté pour la première fois en tamazight.
Aïcha Redouane et Habib Yammine Le rythme et la mélodie Elle vient du Maroc, il vient du Liban, ils se sont rencontrés en France grâce à leur passion commune pour la musique classique arabe. Ils y consacrent leur vie.
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LLE EST NÉE À AÏT ATTAB, dans le Moyen-Atlas marocain, en 1962. Il est né à Zikrite, près du mont Liban, en 1956. Ils se sont rencontrés en 1986, au Centre d’étude des musiques et danses du Mashreq et du Maghreb de Paris (Cemudamm). « Contrairement à la musique occidentale, qui est harmonique, la musique arabe est mélodico-rythmique, affirme Habib Yammine. Alors la première fois que nous nous sommes vus, nous avons parlé mélodie et rythme, chacun apportant sa sensibilité. Ensuite, ça s’est étendu aux sentiments… » Facile à dire vingtsept ans après, bien sûr, mais ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Bien que séparés à l’origine par toute une Méditerranée, ils ont tous deux été bercés par les chants de la tradition arabe. « Tout
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ce que ma grand-mère m’a transmis de poésie amazigh est demeuré dans ma mémoire, raconte Aïcha Redouane. Et la relation avec elle est restée très forte jusqu’à son décès, en 2009, moment où elle est devenue encore plus spirituelle. C’est elle qui m’a appris à chanter et elle était très fière de venir me voir lors de mon premier concert à Casablanca. Je me souviens d’elle, assise au premier rang avec sa djellaba blanche… » HabibYammine, lui, a commencé de façon plus traditionnelle, au conservatoire de Beyrouth, sur un violon. C’était en 1973, et il a abandonné sept ans plus tard, se rendant compte que ses goûts le portaient plutôt vers l’esthétique des maqâm arabes. « En réfléchissant, j’ai compris que j’avais en moi une autre
connaissance qui me venait de la poésie traditionnelle libanaise, explique-t-il. Dans mon entourage familial, il y avait beaucoup de poètes amateur s. Notamment le “maître caché” Abdou Yacoub, qui tressait des paniers avec mon grand-père tout en récitant des poèmes… Cette poésie-là est chantée, elle sort avec une mélodie et un rythme. » Fin 1977, la guerre pousse Habib Yammine à rejoindre la France pour y entreprendre des études de musicologie. Aïcha Redouane y est déjà installée depuis dix ans. En 1968, elle a suivi ses parents en Ardèche, àVals-les-Bains, où son père a trouvé du travail auxTissages de soieries réunis (TSR). Sa grand-mère, qui l’avait élevée durant les cinq premières années de sa vie, lui manque beaucoup, bien qu’elle lui rende visite chaque été. Mais aujourd’hui, alors qu’elle vient pour la première fois de chanter en tamazight dans son propre pays, pas question d’évoquer des JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Un temps étudiante en architecture à Grenoble, elle chante dans les fêtes, pour des amis, et écoute tout, jazz, rock, classique. Encouragée à poursuivre dans cette voie, elle rejoint le Cemudamm à Paris et se voit proposer une place de soliste au sein de l’ensemble Ziryab, avec HabibYammine, qui enseigne les percussions tout en poursuivant ses recherches en ethnomusicologie. En 1991, tous deux fondent Al-Adwâr sur le modèle du takht charqî, ensemble de musique savante orientale. Le couple, sans enfants, se donne totalement à sa passion des maqâm, entre concerts et recherches formelles. Ensemble, ils mènent pendant six ans un travail de fond sur les 78 tours enregistrés par les maîtres de l’art vocal, au début du XXe siècle, de l’Égypte à la Syrie. Aïcha Redouane étudie les psalmodies coraniques, Habib Yammine approfondit ses recherches sur les répertoires rythmiques et la fabrication de tambours sur cadre. Enseignants, installés à Saint-Denis dans une maison « qui permet de faire de la musique sans gêner », ils consacrent plusieurs CD à la reprise du répertoire savant proche-oriental, empruntant à la poétesse soufie d’Irak Rabia al-Adawiyya, au poète égyptien Ibn al-Farid, à Ibn Arabi. Pour Habib, Aïcha est « ferme, entière, impossible à bouger d’un cheveu quand elle a une conviction et en même temps très, très sensible, angoissée ». Elle se voit comme une « corde offerte aux vibrations du monde ». D’eux, elle déclare : « On tombe toujours d’accord sur les poèmes, parce que nous sommes habités par les mêmes textes. Nos disputes portent sur des détails anodins concernant le comportement de l’autre. » Quelques dissonances n’empêchent pas l’harmonie. ●
THAÏLANDE
Bling-bling, ces moines! Un nouveau scandale en témoigne : nombre de religieux bouddhistes sont très loin de pratiquer l’ascèse et le dénuement.
S
candale dans la très bouddhiste Thaïlande ! Une vidéo publiée sur YouTube et visionnée des milliers de fois montre un groupe de trois moines voyageant dans un luxueux jet privé. Hormis l’obligatoire robe safran, ils arborent la parfaite panoplie du jet-setteur bling-bling : bagages Louis Vuitton, casque sans fil et lunettes Ray-Ban Aviator. Leur hiérarchie s’en est émue. Ces comportements, estimet-elle, vont « à l’encontre des idéaux de dénuement de la doctrine », ce qui n’est pas douteux. Mais les fidèles en sont, selon elle, largement responsables. « Gâter les bonzes en leur offrant des cadeaux luxueux, des voitures de sport, des montres ou des gadgets high-tech est une incitation au vice », a ainsi estimé, à la télévision, un représentant de l’Office national du bouddhisme. De fait, le vol en question avait été affrété par un fidèle pour transporter les moines de Bangkok à leur temple de Khantitham, dans le nord-est du pays. L’affaire était déjà embarrassante. Elle l’est davantage encore depuis que, le 19 juin, des photos de Luang Pu Nenkham, l’un des moines, en galante compagnie ont commencé à faire le tour du web. Officiellement chargé de traquer sur internet toute injure à la nation, à la
monarchie ou à la religion, Songkran Achariyasap a jugé que « la limite de la tolérance » avait été largement dépassée et a aussitôt ordonné l’ouverture d’une enquête sur les relations et les possessions immobilières du moine. Luang Pu Nenkham vivrait en effet sur terrain offert par des fidèles qui souhaitaient qu’il y construise un temple… EXCLUSIONS. Symptôme de la grave crise morale que traverse le bouddhisme thaïlandais depuis la fin des années 1990, ce scandale est loin d’être le premier. En 2012, 300 moines et novices – sur plus de 61 000 que compte le pays – ont été réprimandés ou exclus de la vie monastique pour consommation d’alcool, affaires de mœurs, escroquerie, pédophilie, trafic de drogue et jeux d’argent. Résultat : la population, pourtant bouddhiste à 95 %, se détourne de plus en plus de son clergé. Le supérieur du temple de Khantitham ne s’est pas encore prononcé sur cette malheureuse affaire pour la simple raison… qu’il est en voyage en France ! En attendant son retour – en jet privé ? –, la page d’accueil du site web du temple rappelle que « le détachement des biens matériels demeure au cœur de la vocation de ceux qui prêchent la doctrine ». ● JULIETTE MORILLOT
DR
souvenirs douloureux. En Ardèche, elle a découvert d’autres couleurs, d’autres langues. « J’ai toujours chanté, mais en France j’ai entendu tous les styles de musique, dont la chanson arabe par l’intermédiaire de mon père, dit-elle. Il écoutait la radio attentivement, je l’imitais et il m’a fait découvrir la beauté profonde de la musique classique arabe. »
NICOLAS MICHEL, envoyé spécial à Fès Photo : WILLY VAINQUEUR pour J.A. JEUNE AFRIQUE
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Le moine Luang Pu Nenkham, son avion privé, ses Ray-Ban, son sac Vuitton. N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
Europe, Amériques, Asie IMMIGRATION
Ce qu’elle rapporte, ce qu’elle coûte Le dernier rapport de l’OCDE est formel : l’impact fiscal et budgétaire net des populations migrantes est globalement proche de zéro. Avec de notables différences d’un pays à l’autre.
A
lors que, confrontée à la crise et au chômage, l’Europe continue de s’interroger sur le coût de l’immigration pour ses finances publiques, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) lui apporte quelques éléments de réponse dans son rapport annuel (« Perspectives des migrations internationales 2013 ») publié à la mi-juin. Ledit rapport tord le cou à une idée reçue : « L’impact fiscal et budgétaire net de l’immigration, y lit-on, est proche de zéro dans l’ensemble de la zone OCDE. » Ce diagnostic se fonde sur « l’étude la plus complète jamais réalisée sur la question », explique l’un de ses auteurs, Thomas Liebig, administrateur à la division des migrations internationales de l’organisation. L’immigration ne comblera pas les déficits budgétaires des États, mais elle peut aider à les réduire. « En général, les immigrés versent davantage sous forme d’impôts et de cotisations qu’ils ne perçoivent sous forme de prestations », constatent les experts, qui établissent ce solde positif à 3 283 euros par ménage, en moyenne, dans les trente-quatre pays membres de l’organisation. RETRAITES. Bien sûr, les situations varient considérablement d’un pays à l’autre. « L’âge de la population immigrée et l’ancienneté des flux migratoires ont une incidence prépondérante sur la situation fiscale et budgétaire des pays », indique Liebig. Avec une contribution estimée à près de 2 % de leurs PIB respectifs, ce sont la Suisse et le Luxembourg qui tirent le plus grand profit de leurs immigrés, majoritairement jeunes et actifs. À l’autre bout du classement, la France et l’Allemagne affichent un solde négatif: respectivement, – 0,52 %
et – 1,13 % du PIB. À cause du poids considérable des retraites versées aux immigrés arrivés dans les décennies précédentes. Si l’OCDE confirme que la contribution nette fiscale des immigrés reste inférieure à celle des autochtones, « ce n’est pas parce qu’ils dépendent davantage des prestations sociales, mais, pour l’essentiel, parce qu’ils sont moins bien rémunérés et qu’ils cotisent donc moins », assure Liebig.
Grâce à leurs travaux, lui et ses collègues espèrent contribuer à changer la perception que les opinions publiques ont de l’immigration. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, plus de 50 % des personnes interrogées sont en effet convaincues que les migrants perçoivent plus qu’ils ne versent. « Il est urgent de rétablir la vérité alors que les pays développés vont devoir accueillir davantage d’immigrés ne seraitce que pour des raisons démographiques liées au vieillissement de leurs populations. Alors, En général, les étrangers autant s’y préparer. » paient davantage d’impôts En recul depuis le déclenqu’ils ne touchent de prestations. chement de la crise de 2007, les flux migratoires vers DÉMOGRAPHIE. La priorité donnée les pays développés se sont légèrement depuis vingt ans aux travailleurs hauteaccrus depuis deux ans : + 1 % en 2011, ment qualifiés devrait « permettre aux + 2 % en 2012. Et l’immigration a contribué immigrés arrivés récemment d’avoir à hauteur de 40 % à la croissance démoune contribution budgétaire supérieure graphique de la zone OCDE depuis une à celle des générations précédentes », décennie. Les économies du Nord n’ont estime le rapport. « Si les politiques pas vraiment le choix. Sans immigration, menées au cours des cinquante dernières « le nombre des entrées sur le marché du années ont un impact budgétaire aussi travail dans les pays de l’OCDE pourrait neutre, imaginez ce que pourrait apporêtre en 2020 inférieur de 30 % à celui des ter à l’avenir une meilleure gestion des sorties », rappelle l’étude. ● migrations », renchérit Liebig. OLIVIER CASLIN
Suisse : 14 549 Luxembourg : 9 178 Italie : 9 148 États-Unis : 8 274 Espagne : 7 496 Belgique : 5 560 Royaume-Uni : 3 029
Contribution nette des ménages immigrés
Suède : 896
Moyenne 2007-2009, en euros
France : – 1 451 Allemagne : – 5 633 N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
Moyenne OCDE : 3 283
SOURCE : OCDE
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JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
POLITIQUE Dans l’œil du cyclone INTERVIEW Issad Rebrab, PDG de Cevital REPORTAGE Révolution à l’envers dans les Aurès PORTRAITS Des jeunes qui font bien l’humour
Dernière ligne droite Plus que dix mois avant la présidentielle, prévue en avril 2014. Désorganisés, les partis semblent loin d’être prêts. Et les Algériens, qu’en pensent-ils et qu’attendent-ils ?
JEUNE AFRIQUE
N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
ALGÉRIE
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de Jeune Afrique
ALGÉRIE
Dernière ligne droite
Prélude
Marwane Ben Yahmed
Qui veut devenir capitaine?
Q
UEL’ÉLECTIONPRÉSIDENTIELLE a-t-elle besoin, quelles relations veut-on inssoitanticipéeousedéroule,comme taurer avec les autres nations maghrébines, prévu, en avril 2014, le futur locaafricaines et du reste du monde, comment taired’El-Mouradiavahériterd’une redonner confiance à une population paracharge et d’une mission titanesques. Certes, doxalement très attachée à son pays mais très méfiante vis-à-vis de ses dirigeants ? le poste n’a jamais été une sinécure. Ni Boudiaf, ni Zéroual, ni Bouteflika lui-même Quelle place pour les plus jeunes et pour ne se sont assis dans un fauteuil confortable, les femmes, les grands laissés-pour-compte à une époque où l’Algérie, en proie à la de ce demi-siècle d’indépendance? La liste violence terroriste et aux affres de la guerre est longue… civile, était à genoux. Ce qui attend le prochain élu est pourtant de nature à rebuter Une fois ce projet global défini, il resles plus téméraires ou les plus ambitieux tera à accomplir le plus difficile : changer, des politiques. s’adapter, penser différemment, s’ouvrir sans Succéder à Abdelaziz Bouteflika n’est déjà pour autant se renier. Avec les moyens du pas chose aisée : quatorze ans de pouvoir bord, sans toutefois jeter le bébé avec l’eau (record de longévité dans le pays), le retour du bain. En veillant à préserver de fragiles de la paix, de vastes et nombreux chantiers équilibres. En pensant aussi, en matière d’infrastructuresengagés,l’imagedel’Algérie d’éducation, de santé ou d’industrialisation sur la scène internationale restaurée, une mainmise évidente Pour parvenir à bon port, sur l’ensemble des rouages le navire Algérie a besoin d’un cap du système et une influence et d’un équipage renouvelé. à nulle autre pareille depuis Boumédiène, mais aussi une popularité que seuls quelques contempteurs par exemple, qu’on ne recueillera les fruits acides ont remise en question… Pour son des indispensables réformes que bien des successeur, la comparaison avec le chef de années plus tard, au bout d’un chemin semé l’État sera difficile à soutenir. d’embûches. Préparer l’avenir, donc, tout en répondant à l’urgence. En politique, court Là n’est pourtant pas le plus délicat. et long termes ne font jamais bon ménage… Car ce dont a besoin l’Algérie aujourd’hui, Il faudra pourtant se préoccuper des deux, c’est d’une redéfinition totale de son projet en permanence. politique, économique et social. Un navire, Les pesanteurs et l’extraordinaire force aussi robuste et puissant soit-il, a besoin d’inertie de ce géant indolent du Maghreb d’un cap et d’une feuille de route pour parne manqueront pas de compliquer cette venir à bon port. Sans parler d’un équipage gageure. Sans compter la résistance dans renouveléquin’hésiteraitpluséternellement laquelle entreront tous ceux qui n’ont guère entre bâbord et tribord et opterait pour la intérêt à cette indispensable remise à plat, ligne droite, cessant de perdre son temps ces privilégiés officiels ou ces roitelets de à écoper pour se décider enfin à colmater l’économie souterraine qui ne se laisseront les brèches. point retirer leurs prébendes sans coup férir. Cela revient à se débarrasser des nomLa voie la plus facile pour le prochain breux carcans, a priori hérités du passé, président ? Ne rien remettre en question, pour déterminer ce que l’on souhaite faire offrir quelques mesures cosmétiques en se de l’Algérie dans l’avenir. Et donc se poser les disant qu’après tout la fin du pétrole n’est pas pour demain et que l’Algérie a traversé bonnes questions: quels sont ses atouts, ses faiblesses, dans quel environnement veut-on bien d’autres épreuves. Mais cette voie serait, évoluer, de quelles réformes l’économie in fine, celle d’un naufrage collectif. ● JEUNE AFRIQUE
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POLITIQUE Dans l’œil du cyclone
INSTITUTIONS Justice présumée coupable
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p. 64
INTERVIEW Issad Rebrab PDG-fondateur de Cevital p. 65
ENTREPRISE Soummam y va plein pot p. 67 REPORTAGE Révolution à l’envers dans les Aurès p. 68 TRIBUNE Flics, générales, juges… mais pas citoyennes par Sihem Bensouyah p. 71 FOOT Elles la jouent comme Beckham p. 72 TRIBUNE Générations BD par Ameziane Ferhani
p. 71
PORTRAITS Des jeunes qui font bien l’humour p. 74
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Le Plus de Jeune Afrique
POLITIQUE
Dans l’œil du cyclone À moins de un an de la présidentielle, aucun candidat d’envergure ne s’est encore déclaré. Au sein des états-majors des différents partis, on tergiverse. CHERIF OUAZANI,
L
envoyé spécial
a célébration du cinquantenaire de l’indépendance du pays, qui s’achève le 4 juillet 2013, a été particulièrement éprouvante avec la disparition de trois anciens chefs d’État (Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Ali Kafi) et un accident vasculaire cérébral qui a durablement éloigné du pays l’actuel président. Le mystère s’épaissit autour de l’élection présidentielle prévue en avril 2014. Les images d’Abdelaziz Bouteflika N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
convalescent diffusées le 12 juin ont montré un homme affaibli et suscité bien des interrogations quant à sa capacité à achever la dernière année de son mandat. Cependant, même l’éventualité d’un scrutin anticipé ne parvient pas à faire sortir la classe politique de sa léthargie, à l’exception des partis islamistes, qui redoublent d’énergie pour unifier leurs rangs. QUERELLES BYZANTINES. À la suite de dissensions
internes, les deux premières forces du pays, le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), ont remercié leurs secrétaires généraux. Ahmed Ouyahia, qui a jeté l’éponge le 3 janvier, et Abdelaziz Belkhadem, son homologue du FLN, destitué le 31 janvier, tous deux anciens chefs du gouvernement, faisaient JEUNE AFRIQUE
Dernière ligne droite Ce qui change la donne…
second semestre 2013, réplique le député Djelloul Djoudi, numéro deux du parti. Tout cela était prévu et n’a rien à voir avec la maladie du président ni avec la vie interne des autres partis. » Le 24 juin, Louisa Hanoune a demandé que soient réunies « toutes les conditions requises » pour garantir « l’intégrité et la transparence de la prochaine élection présidentielle de manière que celle-ci marque le début d’une ère nouvelle ».
10 mai 2012 Élections législatives 3 septembre Abdelmalek Sellal est nommé Premier ministre 29 novembre Élections municipales et régionales 29 décembre Élections au Conseil de la nation (Sénat) 3 janvier 2013 Ahmed Ouyahia quitte le secrétariat général du RND 31 janvier Abdelaziz Belkhadem est destitué du secrétariat général du FLN
4 mai Abderrazak Mokri devient président du MSP
encore l’an dernier figure de candidats potentiels au cas où Abdelaziz Bouteflika ne briguerait pas un quatrième mandat. Décapités, les deux partis naviguent à vue. Atomisées par des querelles byzantines, les principales formations du courant démocratique, le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), se remettent péniblement du départ de leurs fondateurs respectifs, Hocine Aït Ahmed, 86 ans, et Saïd Sadi, 65 ans. Quant aux trotskistes du Parti des travailleurs (PT), seuls à avoir réussi à maintenir leur cohésion, ils se montrent encore indécis face à l’échéance électorale. Se lanceront-ils dans la « bataille d’El-Mouradia » en investissant une troisième fois (après 2004 et 2009) Louisa Hanoune, leur secrétaire générale ? « La question sera tranchée par notre conseil national, prévu au JEUNE AFRIQUE
Les Algériens semblent plongés dans l’attente.
S. CAKMAK/ANZENBERGER/ASK IMAGES
27 avril Abdelaziz Bouteflika est hospitalisé (accident vasculaire cérébral) puis transféré en France
KYRIELLE. Restent les islamistes. Où en sont-ils aujourd’hui? Depuis la dissolution, en mars 1992, du Front islamique du salut (FIS), le courant a pour locomotive le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, d’obédience Frères musulmans). Il se compose de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV, coalition du MSP et de deux petites formations, Ennahda et El-Islah) ainsi que d’une kyrielle de petits partis qui doivent leur existence à des personnalités politiques dissidentes. Parmi elles, le Front du changement d’Abdelmajid Menasra, ancien ministre de l’Industrie, le Front de la justice et du développement d’Abdallah Djaballah, rival malheureux de Bouteflika à deux reprises, et le Rassemblement Espoir de l’Algérie (TAJ). Ce dernier, dirigé par un transfuge du MSP, Amar Ghoul, l’inamovible ministre des Travaux publics, est le seul parti islamiste se revendiquant ouvertement d’Abdelaziz Bouteflika. Le MSP a longtemps accepté de faire partie de la coalition gouvernementale, jusqu’à ce que les révolutionsduPrintempsarabeamènentaupouvoir des mouvements islamistes en Tunisie, au Maroc et en Égypte, certes avec des contrepoids politiques. Le MSP quitte alors l’Alliance présidentielle (formée avec le FLN et le RND). Un virage stratégique conforté par un renouvellement de direction, Bouguerra Soltani laissant sa place de président à Abderrazak Mokri. Celui-ci, élu le 4 mai, incarne le changement de cap et affiche son ambition: unifier et réhabiliter le courant islamiste pour en faire « la seule alternative possible au système en place », selonlaformuled’undéputédesFrèresmusulmans. Pour ce faire, au moment où tous les regards sont rivés sur l’Institution nationale des Invalides, l’hôpital militaire parisien où Bouteflika est en convalescence, Mokri multiplie les rencontres, sillonne le pays et tente de fédérer, autour de lui, le courant fondamentaliste. Une gageure. Mais, face à la torpeur générale, ce déploiement d’efforts constitue une exception au sein d’une classe politique figée dans l’attente d’un signal de départ qui ne vient pas. Le signal ? Que le système identifie « un candidat du consensus », que Bouteflika fasse part publiquement de ses intentions ou qu’une personnalité d’envergure – par exemple les anciens Premiers ministres Ali Benflis, Ahmed Ouyahia ou Mouloud Hamrouche – annonce officiellement sa candidature. Pour l’heure, c’est le brouillard le plus complet. ● N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Le Plus de J.A. Algérie INSTITUTIONS
Une justice présumée coupable Instructions à géométrie variable, machine administrative grippée, tribunaux saturés… Les griefs des citoyens envers l’État se concentrent sur l’appareil judiciaire.
L
es uns lui reprochent sa lenteur dans les dossiers sensibles impliquantdespersonnalitéspolitiques (Sonatrach, autoroute est-ouest, affaire Khalifa, etc.), les autres sa rigidité. Laxiste à l’égard des puissants et impitoyable envers le simple citoyen, l’appareil judiciaire algérien est unanimement critiqué. Nourrissant de plus en plus la défiance des gouvernés envers leurs gouvernants, l’ensemble du circuit – du magistrat au gardien de prison – est gangrené par la corruption. Sans parler des instructions interminables, des détentions préventives à rallonge, d’une présomption d’innocence malmenée et des verdicts qui surprennent soit par leur clémence soit par leur sévérité. « Nos juges affichent une hostilité manifeste à l’égard du justiciable, soupire Me Miloud Brahimi, ténor du barreau d’Alger et ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme. Notre problème c’est qu’ici le magistrat est moins juge que justicier. La différence entre les deux ? Le premier applique la loi, le second sa loi. » FAUSSAIRES. Ces dysfonctionnements
sont-ils imputables aux seuls magistrats? « Non, répond Benyoucef Mellouk, un ancien haut fonctionnaire du ministère. Notre justice traîne un péché originel. À l’indépendance du pays, en 1962, l’appareil judiciaire a perdu l’ensemble de ses magistrats, substituts, greffiers et huissiers, tous français, qui ont choisi la valise plutôt que le cercueil. Pour continuer à dire le droit “au nom du peuple algérien”, le pouvoir a recruté des individus ayant falsifié leur diplôme, menti sur leur passé pour s’inventer une respectabilité révolutionnaire. Comment voulez-vous qu’une justice incarnée par des faussaires soit au-dessus de tout soupçon quand elle prétend appliquer la loi ? » Nadia, 38 ans, juge assesseur à la cour d’appel d’une wilaya des Hauts Plateaux, défend sa corporation. « Les magistrats ne sont pas tous des ripoux, ils font leur travail avec les moyens du bord, c’est-àdire avec assez peu. Nous croulons sous les dossiers, et notre travail au quotidien N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
révèle les carences de la formation que nous avons reçue. Quant à l’administration judiciaire, elle est noyée sous la bureaucratie. » Promesse électorale du président Abdelaziz Bouteflika, la réforme du sys-
accélérer le rythme de la lourde machine administrative. Pas plus que la formation et la mise à niveau du personnel. Désormais, des centaines de magistrats bénéficient chaque année de cycles de perfectionnement et de spécialisation en cybercriminalité ou en délinquance financière, en « Ici, le magistrat est moins juge partie grâce à la coopéraque justicier. Le premier applique tion avec les États-Unis et la la loi, le second sa loi. » France.«Cerenouvellement MAÎTRE MILOUD BRAHIMI, avocat des infrastructures et ces formations spécialisées sont tème judiciaire s’est surtout illustrée par la inopérants pour résoudre un problème modernisation des installations, notamd’ordre culturel, déplore Nadia. Il s’agit ment avec des palais de justice et des de changer les mentalités, que le citoyen tribunaux refaits à neuf et l’introduction ne dise plus “tous pourris” et que le juge des technologies de l’information et de la cesse de considérer systématiquement le communication (casier judiciaire accesjusticiable comme hautement suspect. » sible sur internet, par exemple). Un coup Ce ne serait alors plus une réforme, mais de jeune, certes, mais qui n’a pas réussi à une révolution. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
Dernière ligne droite SECTEUR PRIVÉ
Issad Rebrab « Nous pourrions construire une industrie compétitive grâce à notre jeunesse. »
BRUNO LEVY POUR JA
Dépendance aux hydrocarbures, bureaucratie, défiance à l’égard des entreprises… Le patron de Cevital dénonce les blocages qui freinent le développement du pays.
Ì Le PDG du géant de l’agroalimentaire.
F
ondateur et PDG de Cevital, premier groupe privé du pays, spécialisé dans l’agroalimentaire (3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 13 000 salariés), Issad Rebrab est de plus en plus exaspéré par les blocages qui empêchent les entreprises privées algériennes de créer des emplois. Un besoin pourtant urgent, compte tenu de la croissance démographique particulièrement rapide du pays. Surtout, il est convaincu que les industriels pourraient faire des prouesses
JEUNE AFRIQUE
si on les laissait investir plus facilement dans une Europe en crise et dans une Afrique subsaharienne riche en terres et en eau. JEUNE AFRIQUE : Comment va l’Algérie ? ISSAD REBRAB : Elle pourrait aller
beaucoup mieux si elle ne dépendait pas autant des hydrocarbures, qui représentent 97 % des exportations. Cela ne peut plus durer. Le gouverneur de la Banque centrale a lancé un avertissement, le 12 juin, car nos exportations de
pétrole régressent de 8,86 % en volume et de 5,7 % en valeur sous l’effet du ralentissement de la conjoncture mondiale, soit une contraction de 14 % en 2013 par rapport à 2012… Alors que le secteur privé est confronté à différents blocages. Quels sont-ils ?
L’un des principaux obstacles à l’investissement réside dans le manque de transparence et la difficulté d’accès au marché foncier industriel. Autre frein, celui des autorisations requises par le N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Le Plus de J.A. Algérie Conseil national d’investissement pour tout montant supérieur à 15 millions d’euros. C’est aberrant : il faut demander la permission pour créer des emplois et de la richesse – et ce n’est pas sûr qu’on vous l’accorde – alors que si l’on ne veut pas aller dans le mur dans les prochaines années, le pays a trois défis majeurs à relever.
production dans une Europe en crise. De telles occasions ne se présentent qu’une fois tous les cent ans ! Enfin, nous pourrions construire une industrie compétitive grâce à notre jeunesse et au nouveau concept industriel, qui suppose une taille critique, l’intégration des nouvelles technologies, etc., tout en utilisant nos avantages par rapport à nos marchés limitrophes, européen et africain.
Une gestion rigoureuse… 8,4
INFLATION (en %) CROISSANCE (en %)
5
4,5
4
Lesquels ?
3,4
3,4
3,3
2,6
2012
SOURCE : FMI
Le premier défi est celui de l’emploi. D’ici à 2020, nous compterons 10 millions de chômeurs supplémentaires. Si nous ne créons pas au moins 1 million de postes par an, nous serons confrontés à une crise sociale aiguë. Deuxième défi : les Algériens sont 38 millions aujourd’hui. Notre croissance démographique, de 850 000 âmes par an, sera bientôt de 1 million ! En 2025, soit dans douze ans à peine, notre population atteindra les 50 millions. Nous allons consommer toujours plus d’hydrocarbures et d’électricité à base d’énergies fossiles. Et nous exporterons moins de pétrole et de gaz, alors que la facture de nos importations ne cessera d’augmenter. Si nous ne créons pas de nouvelles richesses grâce à nos entreprises privées, nous risquons la cessation de paiements… Comme dans les années 1980, quand nous n’étions que 25 millions d’habitants ! Troisième défi, celui de la sécurité alimentaire. Nos pays du Maghreb, si arides, ne peuvent produire certaines denrées, comme le sucre, qui exige de grandes quantités d’eau. Pour obtenir 1 kg de sucre de canne, il faut 2,25 m3 d’eau, qui coûtent le double du kilo de sucre. Depuis 2005, les prix des produits alimentaires sont de plus en plus élevés, en raison de la démographie
2013
2014 Estimations
2015
… mais qui ne parvient pas à sortir du tout-pétrole
4%
Part de l’industrie locale dans le PIB
98 %
des recettes en devises proviennent du gaz et du pétrole
SOURCE : FCE
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les Algériens 35 kg, les Européens entre 40 et 45 kg et les Américains 50 kg… La marge de progression de la Chine, qui s’est mise au Coca-Cola, au chocolat et autres sucreries, est énorme. Sa consommation s’alignera bientôt sur celle de l’Europe. Quelle stratégie adopter ?
Un grand nombre de pays africains tels que le Soudan, l’Éthiopie, la Tanzanie ou le Mozambique, qui possèdent beaucoup de terres arables et d’eau, nous
Pour créer des emplois, il faut obtenir une autorisation… C’est aberrant ! mondiale en constante augmentation, mais aussi parce que les Chinois, les Indiens, les Indonésiens, les Brésiliens et les Mexicains, qui représentent plus de la moitié de la population de la planète, ont connu une forte progression de leur pouvoir d’achat ces dix dernières années et qu’ils consomment plus. Il y a dix ans, les Chinois consommaient 5 kg de sucre par an et par habitant, aujourd’hui, ils en consomment 12 kg, N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
ont offert des terres en concession pour des périodes allant de quarante-cinq à quatre-vingt-dix ans. Il faut permettre à nos opérateurs économiques d’investir dans ces pays pour contribuer à assurer notre sécurité alimentaire, au lieu de placer nos excédents financiers à des taux négatifs dans des bons du Trésor américain. Il faut aussi donner à nos opérateurs l’opportunité d’acheter des unités de
Pourquoi êtes-vous si certain de la forte compétitivité potentielle de l’Algérie ?
C’est l’expérience de Cevital. Nous avons connu une croissance à deux chiffres pendant les douze dernières années, soit 34 % en moyenne par an. Dans tous les produits industriels, tels le sucre blanc, les huiles végétales et le verre plat, nous avons fait passer le pays du stade d’importateur à celui d’exportateur, et nous comptons y parvenir pour d’autres produits. Nos avantages comparatifs sont nombreux : main-d’œuvre compétitive, logistique, matières premières et marchés de proximité porteurs… Par ailleurs, en plus du marché national, nous avons des débouchés en Europe et en Afrique. Les mentalités évoluent-elles ?
Sincèrement, pas à la vitesse souhaitable pour faire face aux défis pressants du pays. Nous avons un Premier ministre [Abdelmalek Sellal] pragmatique, compréhensif et qui veut faire avancer les choses. Certains membres du gouvernement sont pour l’économie de marché et d’autres sont contre. Nous sommes face à un système méfiant, qui crée un malaise et fait fuir les responsabilités. La bureaucratie qu’il engendre inhibe la créativité. Ce qui risque, encore une fois, de nous mener droit dans le mur. Il est absolument nécessaire d’instaurer la confiance entre tous les Algériens. Ces embûches ne vous empêcheront-elles pas de poursuivre votre développement dans l’agroalimentaire au sud du Sahara ?
On ne nous donne pas d’autorisations pour transférer des devises afin d’investir à l’étranger. Toutefois, c’est surtout notre expertise qui est recherchée en Afrique. Et puis notre crédibilité et nos résultats sont tels que nous n’avons aucun problème pour trouver les fonds dont nous avons besoin. ●
Propos recueillis par ALAIN FAUJAS JEUNE AFRIQUE
Dernière ligne droite ENTREPRISE
Soummam y va plein pot Premier producteur national de yaourts, le groupe de Lounis Hamitouche a inauguré sa dernière usine en juin. Son pari : en faire l’un des plus gros complexes de fabrication laitière du continent.
non loin du site de l’entreprise mère, et bâtie sur un terrain de 17 hectares, la nouvelle usine a été mise en service en juin. Avec trois lignes spécialisées, elle produira, outre du yaourt, du lait UHT (ultra haute température) en emballage Tetra Pak, ainsi qu’une gamme complète de nouvelles spécialités laitières, gardées jalousement secrètes pour ne pas alerter la concurrence.
OMAR SEFOUANE POUR J.A.
GOURMAND. Soummam se développe
sur trois axes majeurs : la collecte de lait frais (incluant sa production, son transfert vers l’usine et sa transformation), la fabrication du yaourt (qui reste son principal produit) et le lancement de nouvelles recettes. Le groupe propose une gamme d’une trentaine de produits. L’entreprise s’est lancée dans la collecte de lait pour réduire sa dépendance envers le marché du lait en poudre, volatil et particulièrement gourmand en devises. Au cours de l’année 2012, les Algériens ont dépensé plus de 700 millions de dollars en importations de lait, d’où l’importance de ce défi. En quatre ans, Soummam a tissé son propre réseau : 120 millions de litres ont été collectés auprès de 4 400 éleveurs conventionnés et 32 centres établis dans le norddupays,26camions-citernesassurant le transfert vers l’usine… Aujourd’hui ce lait frais de vache entre à 40 % dans la composition des produits Soummam, et Hamitouche annonce qu’il n’aura plus à recourir à l’importation de lait en poudre Les produits de la marque sont, depuis peu, commercialisés en Libye. d’ici à 2015. Vingt ans après ses débuts dans le secuand Lounis Hamitouche quitte la laiterie Soummam est à la tête d’une teur, ce fils de paysan à qui beaucoup préen 1969 son village natal, sur société qui emploie 1 200 personnes et disaient d’être écrasé par son concurrent, les hauteurs du Djurdjura (en occupe une confortable position de leale géant français Danone, dit réaliser « un Kabylie), pour tenter sa chance der, avec 45 % de part de marché, dans un chiffre d’affaires avec tellement de zéros en ville, il a 23 ans et 50 dinars (moins secteur où la concurrence est féroce. Le que [nous risquons] d’en avoir le tournis ». de 50 centimes d’euro) en poche. En business tourne tellement bien qu’en mai Il est loin, très loin, le temps où le jeune faisant du stop pour rejoindre Alger, il dernier Lounis Hamitouche a annoncé Lounis quittait son village avec 50 dinars fait la connaissance d’un routier, qui lui la création d’une nouvelle usine dans la en poche… offre un voyage gratuit et son premier job wilaya (préfecture) de Béjaïa, à 200 km Aujourd’hui, entre 5 et 6 millions de comme chauffeur. Sur les routes cahoà l’est d’Alger. « Tout simplement la plus pots de yaourt et de produits laitiers teuses du Sud algérien, Lounis galère divers sortent chaque jour pendant quelques années, économise Dans un secteur où la concurrence de ses usines. Vendus aux pour acquérir un camion, puis quatre. quatrecoinsdupays,ilssont, est féroce, la société détient Jusqu’à ce que son sens aigu des affaires depuis peu, commerciali45 % de part de marché. le pousse à explorer d’autres domaines. sés sur le marché libyen, qui Le jeune homme deviendra tour à tour absorbe d’ores et déjà 10 % maquignon, vendeur de tissus et… fabrigrande d’Afrique, dit-il fièrement. Ce prode la production du groupe. Un dévelopquant de yaourts. jet créera un millier d’emplois directs. » pement à l’export que Soummam compte Nous sommes en 1993, et la petite Coût de l’investissement : 800 millions accélérer grâce aux capacités de son site fabrique, montée avec des machines de dinars (environ 7,5 millions d’euros), d’Akbou, en prospectant de nouveaux d’occasion, fait déjà travailler 20 perdont 50 % sur fonds propres. Implantée marchés en Afrique subsaharienne. ● sonnes. Aujourd’hui, le fondateur de dans la petite ville industrielle d’Akbou, AREZKI SAÏD, à Alger
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Ì Les Balcons de Ghoufi abritent des maisons troglodytes qui dateraient du début des invasions arabes, vers l’an 680. REPORTAGE
Chez les oubliés de la révolution Berceau de l’insurrection indépendantiste, les Aurès semblent à l’abandon. Pourtant, le territoire bénéficie d’un patrimoine naturel hors du commun.
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undi 1er novembre 1954. L’autocar Berliet GLC qui relie Biskra à Arris, dans le massif des Aurès (est du pays), s’arrête net dans les gorges de Tighanimine, où un barrage a été dressé par un commando de maquisards du Front de libération nationale (FLN). Hadj Sadok, caïd d’un village voisin et ancien capitaine de l’armée française, descend du bus avant d’essuyer une rafale. Guy Monnerot, 23 ans, instituteur, est touché à la poitrine ; sa femme Jeanine, 21 ans, grièvement blessée. Il est 10 heures du matin. L’acte fondateur qui a déclenché la guerre N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
pour l’indépendance de l’Algérie vient de s’achever dans le sang. Près de soixante ans plus tard, le temps semble s’être figé à Tighanimine (« les roseaux », en berbère). Le site ressemble à un décor de western de Sergio Leone. Le bitume de la route – la seule – qui relie Biskra à Batna, la capitale des Aurès (435 km au sud-est d’Alger), n’a pas été refait depuis des lustres. Sur ce lieu hautement symbolique de l’insurrection de 1954, les autorités ont érigé un monument en forme d’obélisque à la gloire des martyrs de la révolution, qui, selon le FLN, a fait 1,5 million de morts.
C’est au pied de cette stèle, dont le portail en fer demeure éternellement clos, que Mourad, 22 ans, a installé son commerce ambulant, une petite fourgonnette d’occasion payée par son frère 320 000 dinars (environ 3 000 euros). Originaire du village de Taghit, Mourad vend des sandwichs, des boissons chaudes et fraîches, et des cigarettes à l’unité. « En choisissant de m’installer ici, je pensais bien gagner ma vie avec les touristes et les voyageurs qui y font escale, dit-il. Mais la guerre, la révolution, les maquisards, tout cela est vieux et n’intéresse presque plus personne. C’est à JEUNE AFRIQUE
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peine si j’arrive à gagner 10000 dinars par mois, un peu plus de la moitié du smig [fixé à 18 000 dinars]. Ici, comme dans presque tous les autres villages alentour, nous sommes des laissés-pour-compte. » BAKCHICH. Mourad a déposé des
demandes de subventions à l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Ansej), mais ses dossiers sont restés dans les tiroirs de l’administration. « Si tu n’as pas de piston ou si tu ne verses pas une tchipa [bakchich] à un responsable à Arris ou à Batna, tu n’obtiens rien, explique le jeune homme. Alors pour chercher du travail les jeunes partent pour Oran, Annaba ou Alger. Nous avons fait la révolution, mais l’indépendance est passée ici sans s’arrêter. » À Tkout, à 80 km de Batna, ceinturé par une chaîne de montagnes et devenu commune mixte dès 1913, JEUNE AFRIQUE
pays des Chaouis [habitants des Aurès] a enfanté beaucoup d’hommes de pouvoir, notamment dans l’armée. Les anciens ministres de la Défense Khaled Nezzar et Liamine Zéroual, pour ne citer qu’eux, sont de Batna. Qu’ont-ils apporté aux Chaouis ? Rien. Et on fume l’araâr en attendant des Nombre d’hommes de pouvoir jours meilleurs, sachant sont originaires du pays des qu’on n’attend plus rien ». Chaouis. Que lui ont-ils apporté ? Ghafour, 30 ans, militant des droits de l’homme, regrette étrangères, notamment Al-Jazira, sirotent lui aussi cette amnésie : « Le premier des cafés froids à longueur de journée en martyr a été tué en 1954, le dernier a fumant l’araâr [« genièvre »], très répandu bouclé la boucle en 1962, observe-t-il. dans la région. « À Tkout et dans tous les C’est dire le lourd tribut que les hommes villages des Aurès, il n’y a pas de travail, et les femmes ont payé à la patrie. Leurs confirme Lyes, gérant d’un café. Le pire est enfants n’ont rien obtenu en retour de qu’il n’y a même pas d’espoir d’en trouver. ces sacrifices. » Les gens d’Alger nous ont simplement S’il n’y avait que ça… Depuis 2005, oubliés. » Pourtant, poursuit Lyes, « le Tkout détient un triste palmarès. Celui du
l’État n’a pas investi et les entreprises privées sont inexistantes. Pas d’usines, pas de petites fabriques pour absorber le chômage. Résultat : dans les cafés du village, des cohortes de jeunes désœuvrés tuent le temps en regardant des chaînes
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nombre de tailleurs de pierre emportés par la silicose, une maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation des poussières dégagées par la roche. On ignore l’origine de cette tradition de taillage et de polissage. Toujours est-il que ce village a vu naître une légion d’artisans qui exercent leur talent aux quatre coins du pays. Si les compétences de ces derniers font la fortune des marchands de pierres, elles ne rapportent souvent que des maux à ces tailleurs, jeunes pour la plupart, qui travaillent sans masque de protection et ne bénéficient d’aucune couverture sociale. Certes, la mairie de Tkout ainsi que de généreux bienfaiteurs tentent de soulager le calvaire des malades en fournissant les bouteilles d’oxygène indispensables à leur survie, mais ces aides sont loin d’enrayer la spirale des décès – une centaine à Tkout, selon des statistiques non officielles. Le jour de notre passage, Salah Lounissi, un autre tailleur de pierre, mourait. Il avait 34 ans.
Pourtant, au sud du village, un site naturel d’une beauté à couper le souffle, les Balcons de Ghoufi, pourrait apporter richesse et prospérité aux habitants de la région, pour peu qu’il soit un minimum mis en valeur afin d’accueillir des touristes,
les autochtones avaient construit des maisons troglodytes dans les rocheuses, dont un bon nombre existent encore aujourd’hui. Complètement déserté par les familles au début des années 1990, le site reste un splendide musée naturel qui aurait dû être classé patrimoine mondial de l’Unesco, « Si on confiait la gestion du site àl’instardesruinesromaines à des promoteurs sérieux, de Timgad ou de la Casbah on créerait beaucoup d’emplois. » d’Alger, et bénéficier ainsi d’enveloppes financières HOUDA MOHAND, guide touristique pour garantir sa pérennité. étrangers ou algériens. De profondes crevasses façonnées par le temps, sur plu« MAGASINS BOUTEFLIKA ». Pour réhasieurs dizaines de kilomètres, comme biliter les gorges de Ghoufi, les autorités ont aménagé des esplanades, qui autant de répliques en miniature du Grand Canyon d’Arizona… Si la présence s’ouvrent sur trois balcons vertigineux, et des circuits pédestres pour permettre humaine dans les falaises et les oasis des aux visiteurs d’accéder aux habitations gorges de Ghoufi ne peut être datée avec exactitude, la légende locale rapporte que troglodytes, qui, hélas, tombent en ruine. des familles y ont édifié de petits villages, Dans le cadre d’un programme national autour de vergers et de palmeraies, depuis intitulé « Emplois jeunes » et ironiqueles débuts des invasions arabes, vers ment rebaptisé Mahalate Bouteflika l’an 680. Pour se protéger des envahisseurs, (« les magasins Bouteflika »), la mairie de Ghassira, dont dépend Ghoufi, a distribué en 2011 des locaux commerciaux à des habitants de la commune. Mais sur la vingtaine d’échoppes construites grâce aux fonds gouvernementaux, seules six ont ouvert et vendent des objets traditionnels (géodes, tapis, bijoux, etc.). Houda Mohand, dont le père a été tué par l’armée française en 1955, fait partie de ces bénéficiaires. Guide touristique depuis quelquesdizainesd’années,cethommeàla dégaine de Klaus Kinski connaît les gorges dansleursmoindresrecoins.«Lestouristes étrangers ne viennent presque plus ici parce que la région est dépourvue d’infrastructureshôtelières,regretteMohand.Etla grande majorité des Algériens ne respecte pas les lieux, quand ils ne les vandalisent pas et ne pillent pas ces maisons cente Dépourvue d’infrastructures touristiques, la région semble figée. naires.Sionpouvaitconfierlagestiondece site à des promoteurs sérieux, étrangers de préférence, construire des hôtels, des gîtes, AUTANT DE MARTYRS QUE D’HABITANTS des restaurants, proposer des circuits de là où sont encore LES AURÈS auraient à 2 000 m, il n’y a randonnée, on créerait alors des centaines payé le prix fort pas une seule famille exposées deux d’emplois, et on engrangerait des millions durant les sept qui ne compte au carcasses d’avions de dollars par an. » moins un maquisard. de l’armée française années et demie de Ghafour opine. Les deux seuls hôtels du guerre qui ont mis fin Certaines localités abattus en 1959 lors coin, l’un à Ghoufi et l’autre à Mchounene, ont autant de martyrs d’une mémorable à cent trente années ontfermé.«Regardezlespaysages,lesoleil, d’occupation dans leurs cimetières bataille, une plaque les nuages : ce sont les mêmes à Ghoufi française en Algérie. qu’elles comptent en marbre égrène les que dans le Colorado, maugrée Ghafour. d’habitants. noms des 390 morts Dans cette région où Pourquoi les Américains mettent-ils en se côtoient rocaille À l’intérieur du de la guerre valeur leur patrimoine quand chez nous du désert et massifs carré des martyrs d’indépendance. ● on le laisse en ruine ? » ● de cèdres culminant
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du village de Tkout,
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FARID ALILAT, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
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TRIBUNE
Opinionss & éditoriaux
Flics, générales, juges… mais pas citoyennes
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C SIHEM BENSOUYAH Consultante et chef d’entreprise
hez les Algériens, pour exprimer son affection à un bébé, un parent, un ami ou un amour, on dit souvent « n’mout alik » (« je mourrais pour toi »), quand d’autres disent « je t’aime » ou, à l’extrême, « je t’aime à en mourir ». Infinitif et soupçon de conditionnel, alors que dans « n’mout alik », on est dans le définitif, l’impératif du sentiment. L’amour et la menace exprimés en même temps. Le sentiment algérien entier et violent. L’association du beau et de l’affreux. Suivez mon regard. Dans ce bled, mon bled, une femme a été promue au grade de général. Modèle unique en son genre dans le monde arabo-musulman, comme le nombre significatif de femmes officiers supérieurs dans l’armée algérienne, dignes héritières des combattantes de l’Armée de libération nationale. Pourtant, dans ce même bled, quand passé le coucher du soleil elle ose (et elles osent) occuper la rue ou tout autre lieu public, la gent féminine s’expose aux « attentions particulières » des petits voyous et des flics des barrages routiers, les uns et les autres lui contestant le droit d’être hors des maisons aux heures réservées aux hommes. Flics et voyous d’autant plus « attentionnés » lorsqu’ils soupçonnent ces femmes d’appartenir à la mouvance « sexy libérées ». Elles sont alors souvent la cible d’élégances diverses: crachats, violences verbales quand elles ne sont pas physiques.
Dans le pays d’Assia Djebbar, où de sublimes textes ont chanté et chantent encore si magnifiquement l’amour et la beauté des femmes, ces dernières ont besoin d’un tuteur pour pouvoir se marier. Mineures à vie, donc. Dans ce pays où la femme est candidate à la présidentielle, souvent ministre, majoritaire sur les bancs des universités, dans les métiers de la santé et de l’éducation, les amendements de 2005 au code de la famille (tout petit cadeau offert par le président Bouteflika pour acheter le silence de ces associations si actives, bruyantes et dérangeantes) ont permis aux Algériennes de pouvoir enfin juridiquement revendiquer l’attribution du logement familial dans le cas d’un divorce avec enfants. Entre 1984 et 2005,
Pourquoi ce pays continue-t-il d’avoir peur de libérer ses femmes ?
Pourtant dans ce bled, le plus souvent et dans les affaires de tous genres, le juge est… une femme. Largement majoritaires dans les professions de la magistrature et du droit, elles sont présidentes de cours et juges à la Cour suprême. Mais dans ce même bled où elle est aussi simple flic, commissaire divisionnaire ou membre des brigades spéciales (depuis la décennie noire du terrorisme islamiste), une femme battue par son mari ne peut pas toujours espérer être protégée par les forces de l’ordre. Car le code de la famille, labellisé à 90 % par la charia malékite et promulgué par le FLN en 1984, ne considère pas que le fait de battre sa femme soit un délit. La loi de mon Algérie ne protégera donc pas forcément Mme la commissaire ou Mme la générale si par malheur son mari devient violent. À moins qu’il ne l’envoie à l’hôpital et mette sa vie en danger. L’Algérie est une république, ne l’oublions pas ! JEUNE AFRIQUE
elles étaient jetées à la rue avec enfants et sans bagages. Mais le plus grand drame de mon Algérie, ce sont ces femmes défavorisées, très nombreuses, trop nombreuses hélas, soumises à des emplois difficiles, parfois non déclarés, souvent « responsables » de la survie de la famille et trimant pour entretenir mari, fils, voire jeunes frères inactifs. L’Algérie dit à ces filles: « N’mout alik. » Elle les a tant aimées. Elle a favorisé leur éducation et leur émancipation professionnelle au point qu’elles sont parvenues à conquérir des niveaux de responsabilité rarement égalés dans un pays arabo-musulman à telle échelle. Mais comme en Algérie on est avant tout algérien, l’Algérie a exprimé son amour à ses filles en les maintenant « sous menace légale », sous « code de la famille ». Pourquoi l’Algérie devrait-elle continuer d’avoir peur de libérer ses femmes ? Pourquoi n’ouvrirait-elle pas enfin ce débat dans le cadre des projets d’une Algérie meilleure de l’aprèsBouteflika ? Des réformes justes et sur mesure sont possibles qui ne froisseraient ni la sensibilité conservatrice des uns, ni l’islamisme politique des autres, ni les intérêts des hommes au pouvoir. Ne pourrait-on par exemple instaurer des régimes multiples en matière de mariage et d’héritage pour laisser aux futurs époux et aux pères la liberté de choisir entre le régime de la loi malékite et celui d’une loi civile ? La croyance des uns et la liberté des autres seraient enfin respectées. Et la dignité de la femme algérienne enfin restaurée. ● N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Elles la jouent comme Beckham Une ligue nationale, quatre fois plus de licenciées qu’il y a trois ans, des supporteurs enthousiastes… Les footballeuses ne cessent de marquer des points.
À
35 ans, Nassiba Laghouati au sein de la FAF. Trois ans plus tard, leur Kashi Djamel. D’autant que les clubs (en bas à droite sur la photo) nombre a été multiplié par quatre. C’est reçoivent aussi des subventions des coln’est pas près de raccrocher dire l’enthousiasme que soulève le ballon lectivités locales et des pouvoirs publics. » les crampons. Joueuse et rond auprès de la gente féminine, mais Alors que la première ligue nationale entraîneuse d’Affak Relizane, équipe aussi auprès des familles. » de football féminin a vu officiellement de football féminin, qui a remporté les le jour ce 24 juin à Alger, 87 entraîneurs, deux derniers championnats nationaux, MERVEILLES. Soutenus financièrement dont 57 femmes, ont été formés par la cette boule d’énergie possède un palmapar la Fédération, qui consacre chaque Fédération l’an dernier. Se situant à la année une enveloppe de 60 millions de rès à faire pâlir d’envie un profession74e place au classement Fifa 2012, l’équipe dinars (près de 570 000 euros, dont un n’a pas autant brillé que la sélection nel de Ligue 1. Évoluant sur les terrains depuis vingt ans, Nassiba a remporté quatorze Coupes d’Algérie et treize championnats. Originaire de Bab el-Oued et issue d’une famille de douze frères et sœurs, cette diplômée en sciences politiques ne jure que par le ballon rond. « J’ai commencé à jouer à l’âge de 5 ans avec les garçons de mon quartier. Mon père m’appelait “gnina” [lapin] parce que je courais partout, dit-elle. Mes parents et mes frères m’ont toujours encouragée et j’espère que tous les Algériens feront la même chose avec leurs filles. » Nassiba fait partie des 3 000 licenciées recensées par la Fédération algérienne de football (FAF). Si la pratique de ce sport demeure marginale dans sa version féminine L’équipe d’Affak Relizane détient la Coupe d’Algérie depuis 2010. (relativement au nombre d’hommes, qui s’élève à 1,7 million), il tiers de sponsoring versé par l’opérateur masculine sur le plan international. suscite cependant un engouement croistéléphonique Nedjma), les clubs sont Mais les homologues féminines des sant. « La finale de la Coupe nationale tenus de développer la pratique du footjoueurs Karim Ziani, Rafik Djebbour féminine que nous avons remportée le ball féminin en créant des sections pour et Karim Braham Chaouch ont tout de 26 avril dernier s’est jouée devant des miljeunes filles. « La FAF prend en charge même déjà remporté la Coupe arabe, liers de spectateurs dans la ville de Blida, tous les frais de déplacement des clubs en 2006, au Caire, et décroché la troipourtant réputée conservasième place des Jeux africains de Maputo, trice, raconte Nassiba. Toutes en 2011. Elles sont en train de disputer « À Blida, ville conservatrice, les filles jouaient avec un mailles éliminatoires de la CAN 2014, qui se les filles ont joué en short lot, un short et sans foulard. » déroulera en Namibie. N’ayant plus l’âge et sans foulard. » Lancé en 2009, le championd’y participer, Nassiba a fait une croix sur NASSIBA LAGHOUATI, joueuse et entraîneuse nat national senior féminin la sélection nationale mais rêve de voir était disputé cette année par ses compatriotes galvaniser les stades. douze clubs venant de toutes les régions qui jouent à l’extérieur. En contrepartie, « Si on leur en donne les moyens, dit-elle, nous exigeons que les chefs d’équipe les footballeuses feront des merveilles en du pays. « Pourtant, en 2010, nous ne encouragent les adolescentes à faire de Algérie et aux quatre coins du monde. » ● comptions que 744 licenciées, explique Kashi Djamel, chargé du football féminin la formation et de la compétition, précise FARID ALILAT N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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TRIBUNE
Opiniions & édiitoriaux
Générations BD
É AMEZIANE FERHANI Responsable des pages Arts & Lettres au quotidien El Watan
crire un livre sur la bande dessinée algérienne, j’y avais pensé plusieurs fois. Il a fallu qu’une éditrice, Dalila Nadjem, également commissaire du Festival international de la bande dessinée d’Alger, me le propose pour que cette velléité se transforme en projet, puis en rêve et en cauchemar à la fois. Rêve de transmettre ma vieille passion pour le 9e art et de rendre hommage à ces merveilleux et courageux créateurs que j’ai parfois accompagnés dans leurs aventures individuelles ou collectives. Cauchemar de ne pas disposer de véritables archives culturelles, si ce n’est quelques références, tel l’ouvrage de mon confrère Lazhari Labter (Panorama de la bande dessinée algérienne 1969-20 09, Lazhari Labter Éditions, 2008), et de devoir faire un travail de reconstitution parfois fastidieux. Mais ce qui m’a passionné dans cette entreprise c’est de proposer un parcours de la bande dessinée qui s’intègre dans l’histoire culturelle du pays et d’établir des passerelles avec les autres disciplines.
Pour qui contemple l’histoire de notre BD, deux constats sautent aux yeux. Le premier est qu’elle est la seule à être née après l’indépendance, si l’on considère que les premières planches publiées furent celles de Mohamed Zebda, dit Aram, Naar, une sirène à Sidi Ferruch, dans les pages de l’hebdomadaire Algérie Actualités, en 1967, et le premier album paru celui de Slim, Moustache et les frères Belkacem, en 1968. Avant ces deux créations fondatrices, on peut citer quelques précurseurs, surtout dessinateurs de presse, Ismaïl Aït Djafer et Saïd Zanoun, et l’enlumineur Omar Racim, au début du XXe siècle, dans une publication de l’émir Khaled. La deuxième particularité de notre BD, dans ses contenus et ses formes, est d’être intimement liée à l’histoire postindépendance du pays et à son évolution sociopolitique. Une sorte de miroir, évidemment déformant, mais tellement représentatif.
Pour créer une bande dessinée nationale, ils disposèrent du soutien de certains titres de presse, puis de celui, décisif, de la revue M’Quidech (1969-1974), formidable tremplin de diffusion mais aussi école et pépinière. L’arrêt brutal de cette revue, même si ces pionniers ne renoncèrent pas, ouvrit une première période de désespoir. Dans les années 1980, le Festival de BD de Bordj el-Kiffan, près d’Alger, prit le relais, organisant les premiers échanges internationaux, ce qui valut aux auteurs algériens une reconnaissance internationale. La fin de ce festival et le début d’une ère d’instabilité et de violence amenèrent les bédéistes à s’engager dans la lutte contre l’intégrisme, notamment à travers les journaux satiriques comme El Manchar (« La Scie »). D’autres, exilés, se manifestèrent dans les journaux et revues à l’étranger, tandis que le dessin de presse prenait son essor avec la naissance des journaux indépendants. Les années 2000 marquent l’arrivée d’une nouvelle génération, née et élevée durant la tragédie nationale, entrée en BD via les dessins animés, essentiellement asiatiques, diffusés par la télévision algérienne et dont l’audience a été amplifiée par l’arrivée massive des paraboles.
De Naar, une sirène à Sidi Ferruch aux mangas des années 2000.
50 ans de BD algérienne. Et l’aventure continue, Éditions Dalimen, Alger, 2012 257 pages, 4 000 DA
La génération des pionniers mérite une reconnaissance appuyée tant son engagement et sa persévérance furent admirables face aux adversités, souvent cruelles, parfois tragiques, comme la décennie noire, au cours de laquelle certains perdirent la vie et où la plupart des autres durent soit s’exiler soit cesser de publier. JEUNE AFRIQUE
Il n’est donc pas étonnant que les premiers jeunes auteurs à se manifester furent les « dz-mangas », créant une maison d’édition et une revue, Laabstore. Mais c’est avec la création du Festival international de la BD d’Alger, en 2007, que cette dynamique a pris de l’ampleur, rendant hommage aux pionniers (dont plusieurs demeurent créatifs) et accompagnant l’éclosion de jeunes talents à travers des cycles de formation menés par des bédéistes européens. Deux promotions ont ainsi vu le jour et une troisième est en formation, préparant, comme les précédentes, ses premières publications. Par leur audace et leur fraîcheur, les nouveaux bédéistes, dont beaucoup de jeunes femmes (proportionnellement plus nombreuses que leurs consœurs européennes), ont inspiré le sous-titre de mon ouvrage: « Et l’aventure continue »… Une aventure qui incarne l’immense potentiel artistique qui couve en Algérie et commence à se montrer. ● N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Ils font bien l’humour
Youcef Zarouta Sourire en coin
Jeunes, beaux et ambitieux, ces quatre comiques font rire des millions d’internautes… À quand la scène ?
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l tire sur tout ce qui bouge… ou presque. Depuis ses débuts sur le Net, cet Algérois de 23 ans licencié en gestion a transformé le domicile de ses parents en studio de cinéma : parodies de pubs, courts détournements de films. En deux ans, les vidéos labellisées « 100 % Zarouta » obtiennent une audience cumulée de 6 millions de vues. « Avant j’étais hittiste [chômeur, « qui tient les murs »], aujourd’hui je passe à la télé, dit-il. Ce n’est que du bonheur… » Fan de Hassan Terro (héros comique d’un célèbre film des années 1960), Youcef s’impose, tout de même, des limites. Il prend soin de ne pas rire de la politique, de la religion et du sexe. « Pour n’avoir de problèmes ni avec la police, ni avec les imams, ni avec les pères de famille. » ●
ls n’étaient pas encore nés quand Fellag faisait se tordre de rire ses compatriotes avec les sketchs Cocktail Khorotov et Babor Australia. C’était la fin des années 1980, l’Algérie sortait de trente années de parti unique et découvrait la liberté d’expression. Vingt ans et une décennie de terrorisme plus tard, cette nouvelle génération d’humoristes s’apprête à prendre la relève. Et elle se révèle du meilleur cru. Certes, ils n’ont, à leur âge, ni la carrière ni la carrure de leurs aînés Fellag, Biyouna ou Athmane Ariouet, mais ces quatre « nouvelles stars » à peine sorties de l’adolescence n’en comptent pas moins des centaines de milliers de fans. Leur terrain de jeu ? Les réseaux sociaux, la radio et les télévisions privées. Leur public ? Des jeunes de 15 à 30 ans accros à YouTube, Facebook et Twitter. Leur langue ? Un mélange d’arabe dialectal, de français et de kabyle. Une « novlangue » avec laquelle ils raillent les travers de la société algérienne, moquent et parodient les hommes politiques, parlent ouvertement de corruption et, prudemment, de sexe ou de religion. Dans un pays où les rares salles de spectacle qui existaient ont fermé, les nouveaux Fellag investissent la toile et commencent à séduire un public plus large. ● FARID ALILAT
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icencié en management de l’École des hautes études commerciales d’Alger, Nadir Kechout, 24 ans, ne se destinait pas à l’art du divertissement. Mais à force de regarder les émissions de Laurent Ruquier sur France 2, de suivre les chroniques assassines de Nicolas Bedos ou d’écouter les billets vachards de Stéphane Guillon, il a N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
fini par se prendre au jeu. C’est un concours lancé en 2012 sur Chaîne III, radio nationale en langue française, qui lui a mis le pied à l’étrier. Repéré par deux animateurs, Nadir est engagé pour livrer, à l’aube, deux chroniques corrosives par semaine (Les Chroniquess de Nadir). Scène, télé, cinéma… Nadir attend les propositions. ●
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Nadir Kechout Réveil malin
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Adel Kitch Le don de la farce
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ntre un séminaire sur la littérature du Tiers Monde et un cours de phonologie à l’université de Bouzareah (en banlieue ouest d’Alger), où il prépare une licence de français, Adel Benmeddour, alias Adel Kitch, 19 ans, passe son temps dans sa chambre à monter des vidéos et à interpréter ses textes potaches, écrits avec le concours de son frère, sous l’œil bienveillant de leur mère. Le beau gosse aux yeux verts puise ses thèmes – les vacances, la drague, l’amour, internet, le tabac – dans le quotidien des jeunes gens. Résultat : abondamment partagés sur YouTube, ses sketchs ont été vus par plus de 100 000 personnes en moins de deux ans. Un début prometteur pour cet étudiant qui a commencé à composer ses gags à l’âge des premiers émois adolescents. Le show qu’il a donné en décembre 2012 au théâtre de Constantine l’a définitivement convaincu de faire carrière dans le spectacle. Aspirant à décrocher un rôle ou à remonter sur les planches, Kitch est en train d’achever l’écriture d’un scénario. ●
Anes Tina Insolent, va !
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vantdedeveniramuseurpublic,AnesBouzeghoub, alias Anes Tina, 23 ans, s’est d’abord consacré à ses études comme l’exigeaient ses parents. Titulaire d’un master en management et d’une licence en sciences commerciales, le jeune homme – actuellement agent commercial – peut désormais s’adonner à sa passion : mettre en ligne ses sketchs. Publiée mi-avril, sa parodie d’un discours de Hitler étrillant les Algériens en arabe dialectal a été vue par quelque 700 000 internautes en deux mois et continue de faire le buzz. « Une vraie rampe de lancement », concède cet inconditionnel d’Athmane Ariouet. Ses vidéos ont séduit les responsables d’une télévision privée, qui lui ont confié un rôle dans une sitcom en 2012. Mais l’expérience s’arrête rapidement : Anes est jugé trop piquant pour la chaîne. À quelque chose malheur est bon. Il vient de signer un contrat avec l’opérateur téléphonique Nedjma pour faire la promotion de la marque. Un petit pas vers son rêve : se produire sur scène. ● JEUNE AFRIQUE
N O 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Économie
IndIscrets
Cameroun, Mali, Maroc, Côte d’Ivoire, Algérie
AfrIque de l’est
Addis rit, Djibouti aussi
Aérien
Driss Benhima, PDG de Royal Air Maroc
«Nous revenons de loin»
Après avoir subi des pertes colossales en 2011, la compagnie relève la tête. Son dirigeant espère atteindre l’équilibre financier à la fin de l’année.
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jeune afrique
Marketing
Princesse Tatie, nouvelle star de Somdiaa
portrait
Bourse
Patrick Mestrallet
Directeur général d’Oragroup
Casablanca peine à se relancer
de départs volontaires, réduction des coûts, désengagement des métiers ne relevant pas directement de l’aérien… La potion est amère. Mais les premiers résultats se font sentir, avec un retour à l’équilibre prévu pour la fin de 2013. Rencontré au Salon international de l’aéronautique et de l’espace, au Bourget, près de Paris, Driss Benhima, 59 ans, polytechnicien boulimique de travail, nous livre son analyse des bouleversements du secteur et les perspectives qu’il envisage pour sa compagnie.
hassan ouazzani pour j.a.
jeune Afrique : qu’êtes-vous venu faire au salon du Bourget ? Driss BenhimA : D’abord promouvoir la filière
Propos recueillis par
Christophe Le BeC
à
la tête de la compagnie depuis 2006, le PDG de Royal Air Maroc (RAM) est en plein milieu d’une manœuvre complexe : redresser une entreprise qui partait en piqué. Confronté à des pertes de 1,7 milliard de dirhams (155,7 millions d’euros) en 2011, le transporteur poursuit sa restructuration entamée il y a deux ans. Plan jeune afrique
p Le polytechnicien de 59 ans dirige l’entreprise depuis près de sept ans.
aéronautique marocaine, dans laquelle la RAM a joué un rôle de pionnière. Ma compagnie a créé deux coentreprises dans le domaine de la maintenance d’avions. La première, créée il y a plus de dix ans avec le français Snecma, est active dans l’entretien des moteurs ; son chiffre d’affaires n’a cessé de croître. La seconde, Aerotechnic Industries (ATI), réalise la maintenance des habitacles de Boeing 737 NG et d’Airbus A320. Elle a été fondée plus récemment, en 2009, avec Air France Industries. Nous y avons transféré l’ensemble des équipes de la RAM de ce secteur, qui étaient jusqu’alors sous-employées. Aujourd’hui, grâce à la force commerciale d’Air France combinée avec la productivité marocaine, ATI ne chôme jamais. Et dans le domaine de la peinture d’avions, nous sommes en train de finaliser un troisième partenariat, encore confidentiel, avec une autre société française, leader de ce secteur. Là encore, cette opération nous permettra d’externaliser une activité déficitaire, exclusivement tournée vers les appareils de la RAM, pour en faire une coentreprise rentable. Désormais, les avions africains, européens et même asiatiques viennent à Casablanca, devenu un pôle de maintenance ! Ces externalisations font partie du plan de restructuration, qui prévoit aussi un rajeunissement de votre flotte. Avez-vous conclu à ce salon l’achat de nouveaux appareils ?
Nous prévoyons de doubler notre flotte de long-courriers, de 5 à 10 appareils, et de nous équiper d’une dizaine de moyen-courriers de 100 sièges. Mais contrairement à ce que le grand public peut croire, on ne vient pas au Bourget pour faire ses emplettes ! Quand elle achète des avions, la RAM, compagnie publique, procède par appel d’offres. Nous avons pris contact avec tous les constructeurs, européens et américains, mais aussi chinois. lll n o 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Entreprises marchés Des résultats d’exploitation redressés 800
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sources : rAM, Jeune Afrique
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Résultat d’exploitation (en millions de dirhams, éch. de gauche)
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Nombre de passagers (en millions, éch. de droite)
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l l l Pour faire des économies d’exploitation, la RAM a décidé de conserver moins de types d’avions différents et s’est séparée de ses Airbus. Boeing est-il donc le favori pour vos prochains achats ?
Nous avons choisi d’utiliser des appareils de même type : des Boeing 737 et 747 sur les long-courriers et moyen-courriers, et des ATR pour les plus petites capacités. À l’avenir, nous continuerons de privilégier un seul constructeur par catégorie d’avion. Pour les long-courriers, Boeing dispose d’un avantage sur Airbus puisque nos équipes sont habituées à ses procédures. Mais nous ne nous interdisons pas de changer, si cela nous permet de réaliser des économies considérables. Nous assistons à une véritable révolution aéronautique. Les nouveaux modèles d’avion, avec leurs habitacles en matériaux composites et leurs moteurs ultraéconomiques, sont révolutionnaires. Ils ont rendu obsolètes les anciens modèles. C’est vrai pour l’A350 d’Airbus et le Dreamliner de Boeing comme pour les plus petits modèles de 100 places de Bombardier et d’Embraer, que nous étudions attentivement. Si l’industrie aéronautique a le vent en poupe, les compagnies aériennes, elles, souffrent. Comment l’expliquez-vous ?
Toutes les compagnies vivent des temps difficiles… Sauf celles qui ont un puits de pétrole derrière chacun de leurs avions ! La libéralisation a été violente, en particulier au Maroc. Au moins, dans les télécoms, il y a un régulateur qui ne laisse pas entrer n’importe qui [sur le marché] ! En plus de la concurrence sauvage, nous subissons l’explosion du prix du carburant et l’augmentation des taxes aéroportuaires en Europe. Nous devons aussi nous conformer aux règles de protection des passagers, qui pèsent uniquement sur les n o 2738 • du 30 Juin Au 6 Juillet 2013
compagnies. La diminution drastique des quotas accordés au Maroc [par l’Arabie saoudite] pour le pèlerinage à La Mecque illustre bien ce point : nous avons dû rembourser les pèlerins éconduits, mais supporter seuls les frais que nous avions engagés pour ce voyage ! Dans ce contexte morose, quel est l’état des finances de la RAM? Votre résultat d’exploitation est de nouveau positif, mais votre résultat net reste déficitaire de 43,3 millions de dirhams en 2012.
Nous revenons de loin. La RAM est passée d’une situation semi-monopolistique confortable à une mise en concurrence débridée. Nous avons fait un effort d’adaptation impressionnant pour comprimer nos coûts d’exploitation tout en améliorant notre qualité de service et en étendant notre réseau. L’augmentation de 7,1 % de notre chiffre d’affaires et la baisse de nos charges [de 4,8 %] prouvent que nous sommes sur la bonne voie. Nous sommes soutenus par notre actionnaire, l’État, qui a clarifié ses attentes en matière de service public. Il a notamment mis en place un mécanisme de soutien financier pour les lignes intérieures déficitaires. L’adhésion du personnel est également essentielle. Pas moins d’un tiers des salariés ont accepté de quitter la compagnie pour aller vers des activités externalisées ou pour se lancer dans d’autres projets. Quels objectifs financiers vous êtes-vous fixés ?
Nous visons l’équilibre à la fin de 2013 et nous continuons notre restructuration, notamment avec l’achat d’une vingtaine d’avions d’ici à quatre ans. Un effectif allégé 1 974 départs entre juin 2011 et octobre 2012, dans le cadre du plan de restructuration, sur un total de 5 352 employés fin 2010 L’Afrique*, pour la RAM, c’est : 16 % du trafic (+ 6 % en 2012), 21 % du chiffre d’affaires * hors Maroc source : rAM
L’offensive des compagnies low cost au Maroc est intensive (lire p. 79). Comment la RAM peutelle résister ?
Nous faisons face à une véritable invasion. Les compagnies à bas coûts ont débarqué avec des prix cassés. Certaines d’entre elles ont carrément détruit le marché, en continuant de voler malgré les pertes. Nous n’avons eu d’autre choix que de recentrer nos vols vers les destinations non touristiques, principalement Casablanca et Rabat. Mais aujourd’hui, les compagnies low cost ont réduit la voilure en direction des villes touristiques… et changent de cible : elles s’attaquent à la clientèle marocaine de Casa et de Rabat. C’est une menace extrêmement sérieuse, j’espère que notre personnel en est conscient. Quelle est la rentabilité de votre réseau africain, qui compte 29 destinations hors du Maroc ?
En Afrique, nos destinations les plus intéressantes sont les petits pays mal desservis et enclavés. La Gambie en est un exemple emblématique : grâce à nos fréquences quotidiennes vers Banjul, nous offrons aux passagers de ce pays les meilleures liaisons vers l’Europe et l’Amérique du Jeune Afrique
Entreprises marchés Nord via notre hub de Casablanca. Et demain, avec l’ouverture de vols vers le Brésil, ils pourront même rallier l’Amérique du Sud ! L’Afrique de l’Ouest, où la RAM est très présente, est peu ouverte à la concurrence. Pensez-vous que les gouvernements vont libéraliser le marché ?
Les États de cette région doivent changer d’approche. Ils ont le choix entre ouvrir l’accès au secteur aérien ou protéger leur compagnie nationale. Dans l’intérêt de leur population, ils doivent opter pour la première solution. L’exemple
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de la RAM prouve que l’ouverture des marchés ne rime pas forcément avec la disparition de la compagnie nationale, à condition que cette dernière s’adapte pour encaisser les chocs. À l’inverse, les conséquences des choix du Sénégal sont à méditer : Karim Wade [ministre d’État chargé des Transports aériens de 2009 à 2012] a réussi le double et triste exploit de créer une compagnie nationale deux fois plus petite qu’Air Sénégal International [ancienne filiale de la RAM] et de diminuer de 47 % le trafic vers l’aéroport de Dakar ! l
t Avec 18 lignes, EasyJet dessert largement le royaume chérifien.
La libéralisation du secteur au Maroc et en Égypte a attiré une nuée de transporteurs à bas prix. Un exemple qui inquiète Tunisair et Air Algérie.
L
es compagnies à bas prix desservent le Maroc et l’Égypte depuis le milieu des années 2000, à la faveur des accords de libéralisation Open Sky conclus avec l’Union européenne (UE) et les pays arabes. Dans le royaume chérifien, elles se sont ruées vers les destinations touristiques (dont Marrakech et Agadir), avant de prendre d’assaut les capitales économique et politique. En 2004, année de signature de l’accord avec l’UE, on comptait 22 transporteurs aériens dans le pays. Six ans plus tard, ils étaient 44, dont 18 compagnies low cost assurant 35 % des vols. En tête de l’offensive, Ryanair (42 lignes vers le Maroc), suivi de Jetairfly (35), d’EasyJet (18), et de jEunE afRIquE
l’émirati Air Arabia (13). Résultat : L’ouverture… la confortable part de marché de Nombre de Royal Air Maroc (RAM) a fondu compagnies comme neige au soleil, passant présentes au Maroc de 62 % en 2003 à moins de 50 % aujourd’hui, malgré les baisses 44 de prix consenties. Pourtant, la stratégie agressive 22 des transporteurs low cost n’est 2004 2010 pas toujours rentable. D’après des spécialistes du secteur, avec les dif… et ses ficultés du tourisme consécutives conséquences au Printemps arabe, Air Arabia, Part de marché de la RAM Jetairfly et même EasyJet auraient perdu de l’argent sur certaines destinations 47 % marocaines, ce qui aurait 62 % tempéré leurs ardeurs. Une situation qui fait dire à Driss 2003 2010 Benhima qu’elles ont « détruit (souRcE : couR dEs le marché ». comPTEs, 2010)
La situation est moins dramatique pour Egyptair, dont les hubs du Caire et d’Alexandrie ont été exclus de l’accord Open Sky signé avec l’UE en 2006. Seules les destinations touristiques délaissées par le transporteur national sont desservies par des concurrents à bas prix, dont Air Arabia, EasyJet et Jetairfly. Au vu de l’expérience difficile de la RAM et d’Egyptair, la Tunisie et l’Algérie ne sont pas pressées d’accueillir les transporteurs low cost. Fin 2011, elles ont toutes deux suspendu sine die leurs négociations avec l’UE, estimant que Tunisair et Air Algérie n’étaient pas encore prêts. l C.L.B. n o 2738 • du 30 juIn au 6 juIllET 2013
Pascal sITTlER/REa
Pourquoi le low-cost fait peur
Entreprises marchés
Les indiscrets
Téléphonie Retards
AbrAAj soigne steriphArmA
à l’allumage
Abraaj Capital devrait finaliser début juillet son entrée au tour de table (à hauteur de 20 %) du laboratoire marocain steripharma, dirigé par mohamed Amal el bouri. Le laboratoire, qui fabrique et exporte des génériques, souhaite financer un projet de développement industriel nécessitant une dizaine de millions d’euros. dr
A
u Cameroun, Viettel, qui a emporté fin 2012 la troisième licence de téléphonie mobile, ne lancera ses activités commerciales qu’en fin d’année. Après une enquête commandée à la Direction générale de la rechercheextérieure(DGRE)–lesservices secrets –, Paul Biya a approuvé par décret la convention de concession et le cahier des charges. Les concurrents, Bharti et Maroc Télécom, n’ont pas tenté grandchose pour s’y opposer. Mais le management a du mal à se mettre en place. Jules Kenmy, un proche de l’homme d’affaires Baba Danpoulo (qui possède un tiers du capital de Viettel Cameroun), a bien été nommé directeur général adjoint. En revanche, les directeurs généraux vietnamiens se sont succédé, le dernier ayant été remercié parce qu’il ne maîtrisait ni le français ni l’anglais. Un nouveau, Vu Khanh Duy, a pris ses fonctions il y a une dizaine de jours.
p Avant le Cameroun, Viettel s’était déjà implanté au mozambique.
Au Mali, Planor, la société du Burkinabè Apollinaire Compaoré, n’a pu verser avant la mi-mai le deuxième et dernier paiement (de 34 millions d’euros) nécessaire à l’attribution définitive de la troisièmelicence.Troismoissupplémentaires lui ont été accordés pour convaincre les banquiers, la mésentente avec son ex-associé malien, Cesse Kome, ayant visiblement poussé Compaoré à avancer seul dans ce dossier. l
Côte d’Ivoire
Une privatisation ultraconseillée
P
ricewaterhouseCoopers (PWC) a démarré début juin l’étude stratégique de la privatisation des cinq banques publiques que sont la Banque nationale d’investissement (BNI), la Caisse nationale des caisses d’épargne (CNCE), la Banque pour le financement de l’agriculture (BFA), Versus Bank et la Banque pour l’habitat en Côte d’Ivoire (BHCI, photo). La mission a commencé dans un contexte lourd, marqué par le
SIA KAMBOU/AfP
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retrait en tant que conseil auprès de l’État de Phoenix Capital Management, présidé par Michel Abrogoua, au profit de la société française Iota de Jean-Charles Charki, le gendre de Claude Guéant. La multiplication du nombre d’intervenants dans le processus crée une cacophonie qui pourrait nuire à l’efficacité de l’opération. Le cabinet conseil Roland Berger avait déjà réalisé une première étude (en 2012) dont les recommandations sont toujours sur la table de Kaba Nialé, la ministre de l’Économie et des Finances. Par ailleurs, dans le dossier de la sortie de l’État des capitaux de la Société ivoirienne de banques (SIB) et de la Banque internationale de l’Afrique de l’Ouest (BIAO), la société Hudson appartenant à Jean-Luc Bédié a sollicité mi-juin le cabinet Deloitte, dirigé localement par Marc Wabi, pour l’accompagner. l
LA ComiLog jugée en FrAnCe Après un accident mortel entre une rame de voyageurs et l’un de ses trains en 1991 au Congo-brazzaville, la Comilog avait licencié 955 salariés sans indemnités. L’affaire a rebondi le 20 juin. La cour d’appel de paris a reconnu les juridictions françaises compétentes pour statuer sur une demande d’indemnisation des licenciés déposée en 2007. « C’est comme nier l’indépendance du Congo », estime hugues schmitt, de la maison mère eramet, qui précise que des indemnités ont déjà été versées dans ce pays en 2003. L’affaire sera examinée en juin 2014.
sAipem quitte Le sud mouillé dans l’affaire de corruption dite de sonatrach ii, l’italien saipem, dirigé par umberto Vergine, va quitter l’Algérie dans un avenir proche, le temps de finaliser ses dernières poses de pipelines. À hassi messaoud (à 800 km au sud d’Alger), saipem, détenu à 43 % par eni, ne dispose plus d’équipement ni de personnel, car tous ses projets ont été gelés, selon une source du milieu pétrolier. sonatrach, examine déjà les partenaires potentiels susceptibles de remplacer saipem, tout en se refusant à tout commentaire. jeune afrique
Entreprises marchés 27,2 % du PIB, contre 24,6 % l’année précédente. L’afflux massif, ces dernières années, de capitaux chinois, indiens, brésiliens ou turcs dans le portuaireetleferroviaireapermisau stock d’IDE d’atteindre 988 millions de dollars (753,5 millions d’euros) l’an passé, alors qu’il était inférieur à 15 millions en 2005.
Afrique de l’est
Addis rit, Djibouti aussi
VINCENT FOURNIER/J.A.
Malgré sa pauvreté en ressources naturelles, le petit pays connaît un fort essor économique. En se positionnant comme une plateforme régionale de distribution, il profite du boom de l’Éthiopie voisine.
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ous les experts économiques travaillant sur la Corne de l’Afrique s’accordent à penser que Djibouti a de la chance. Outre une situation géographique privilégiée – porte d’entrée de l’Afrique et à proximité immédiate de l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde –, la petite République profite du boom de son voisinéthiopien, devenu la quatrième économie subsaharienne. Résultat, grâce à son port, et malgré la crise financière de 2008, Djibouti affiche depuis dix ans un taux de croissance moyen de 4,5 %, dans la foulée de l’augmentation des échanges commerciaux dans la région. Avec, selon le Fonds monétaire international (FMI), une hausse du PIB de 4,8 %, 2012 a confirmé la tendance, et le rythme devrait s’accélérer puisque les experts du Fonds, en mission dans le pays en mai dernier, prévoient une croissance de 5 % en 2013 et de 6 % minimum pour les jeune afrique
p À l’image
de DP World, deux années suivantes. « La hausse les capitaux annuelle du PIB pourrait atteindre dubaïotes sont deux chiffres d’ici à 2020 pour être omniprésents en phase avec les objectifs du goudans l’activité portuaire. vernement : faire de Djibouti un pays émergent en 2035 », assure un conseiller du ministère de l’Économie et des Finances. Depuis 2003 et l’injection massive de capitaux dubaïotes dans les transports et la logistique, le volume des investissements directs étrangers (IDE) dans ce secteur d’activité suffit amplement à expliquer ces bons résultats. « Comme tous les pays, Djibouti doit s’appuyer sur ses points forts pour assurer son développement économique », insiste Zemedeneh Negatu, représentant du cabinet d’audit Ernst & Young Le stock des pour l’Afrique de l’Est. Sans autres investissements directs étrangers ressourcesnaturellesàexploiterdans l’immédiat que sa géographie, le dans le pays en 2012 pays joue à fond la carte de plateformesous-régionalededistribution. Avec succès, puisque, d’après les statistiquesdelaBanquecentraledu pays, en 2012 les IDE ont représenté
988 millions
de dollars
STABILITÉ. Pourséduirelesinvestisseursprivés,Djiboutipeuts’appuyer sur sa stabilité politique au cœur d’une région troublée, ainsi que sur un taux de conversion fixe entre le franc djiboutien et le dollar américain qui permet de contenir l’inflation,préoccupantedansunpaysoù, selon le FMI, 42 % de la population vit en situation d’extrême pauvreté. La hausse de l’indice des prix à la consommation a pu être ramenée à 3,7 % l’an dernier, contre 5,1 % en 2011, sous l’effet notamment d’une baisse en valeur des denrées alimentaires importées, conjuguée à celle des volumes d’importation de gazole destinés à alimenter la centrale thermique de la capitale. Djibouti en a profité pour ramener sa balance commerciale, structurellement déficitaire, de – 14,1 % en 2011 à –12,3 % l’année dernière. La diminution des recettes fiscales liées aux importations de carburant a certes plombé les finances de l’État, mais la politique prudente du gouvernement en matière de dépense publique et l’amélioration du recouvrement des impôts ont permis de contenir le déficit budgétaire à 2,7 %. Le FMI, qui attend du pays de meilleurs résultats en la matière, demande un élargissement de l’assiette fiscale et l’élimination des dernières poches d’exonération. L’équilibredubudgetdevraitdonner les moyens aux pouvoirs publics de s’attaquerefficacementàlapauvreté et au chômage, lutte classée au rang de priorité aussi bien par l’institution que par Zemedeneh Negatu : « L’augmentation attendue de la croissance et des volumes d’investissements doit donner l’occasion au gouvernement d’améliorer le niveau de vie de la population. Il y a urgence. » l OLIvIer CASLIn, envoyé spécial n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Entreprises marchés
Côte d’IvoIre
Aéria pilote le redécollage d’Abidjan
Modernisation du terminal, extension des aires de stationnement des appareils : pour accompagner la reprise du trafic à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny, le concessionnaire multiplie les chantiers.
T
reize ans qu’Abidjan n’avait pas connu une telle affluence. En mars, le trafic de l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny a, pour la première fois depuis le coup d’État du général Gueï, fin 1999, dépassé le cap du million de passagerssurdouzemois.Lahausse se confirme au deuxième trimestre 2013 avec une croissance moyenne de 25 % par rapport à 2012 en avril et en mai. Aux visites de la diaspora ivoirienne est venu s’ajouter le ballet incessant des hommes d’affaires. Conséquence du redémarrage économique du pays, les compagnies qui avaient rayé Abidjan de leur carte au plus fort de la crise s’y pressent désormais. Après Brussels Airlines et South African Airways, c’est au tour d’Egyptair de reprendre, le 1er juillet, ses liaisons vers la Côte d’Ivoire. Une vingtaine de transporteurs desservent l’aéroport pour des vols internationaux, en attendant l’inauguration des vols intérieurs d’Air Côte d’Ivoire, en novembre. « Nous visons 2 millions de passagers d’ici à quatre ans », annonce Gilles Darriau, directeur général d’Aéria, la société chargée de la gestion et du développement de l’aéroport, dont le contrat a été reconduit pour vingt ans en 2009. n o 2738 • du 30 juin Au 6 juillet 2013
Pour accompagner l’essor du trafic, l’entreprise, contrôlée par le groupe français Egis et l’aéroport de Marseille, a prévu quatre plans quinquennaux d’investissements qui doivent mener, à terme, à la construction d’une ville aéroportuaire (projet Aérocité) et d’une seconde piste d’atterrissage.
p Au mois d’octobre, les zones d’accueil des passagers entameront un lifting.
boudoir ViP. Dès le mois d’oc-
tobre, le terminal entamera un lifting des zones d’accueil des passagers. La note devrait atteindre 1 à 2 milliards de F CFA (entre 1,5 et 3 millions d’euros). « L’aéroport Félix-Houphouët-Boigny [dans sa configuration actuelle] a été conçu au milieu des années 1990. Depuis, les attentes de la clientèle ont beaucoup évolué », rappelle Gilles Darriau. Le chantier permettra notamment de créer un espace commercial après les contrôles de sécurité et de réaménager la zone consacrée à la restauration ainsi que le salon des passagers de classe affaires. Deux fumoirs et un boudoir VIP contribueront également à améliorer le service. Unemodernisationmenéeaupas de charge, car un nouveau chantier s’annonce. « Nous devons être prêts à accueillir l’A380 d’Air France en avril 2014 », explique le directeur général. La venue du géant des airs
+ 25 % La hausse moyenne de fréquentation en avril et mai 2013 par rapport à 2012
oblige à élargir les bretelles de circulation et l’aire de stationnement des avions, des travaux qui n’étaient pas prévus avant 2017. « Leur coût, en cours d’évaluation, devrait osciller entre 4 et 7 milliards de F CFA car le sol est une véritable éponge », poursuit Darriau. L’enveloppe comprendra aussi la réfection des deux carrousels de livraison des bagages, indispensable pour servir dans les temps les 500 passagers transportés par l’A380. Aéria ne pourra digérer ces investissements que grâce à l’augmentation de son chiffre d’affaires. Pour 2013, celui-ci devrait atteindre 15 milliards de F CFA (+ 12 % par rapport à 2012), dont il faut retrancher 5 milliards reversés à l’État au titre de la concession. Cette tendance ascendante pourrait être mise à mal en cas de crash d’Air Côte d’Ivoire, qui a fait d’Abidjan son hub. Mais pour l’heure, l’horizon reste dégagé. En janvier, un audit de sécurité a donné des résultatsencourageants.Aériapense pouvoir décrocher en 2014 la certificationdel’Organisationdel’aviation civile internationale (Oaci), puis de la FAA américaine. À la clé, la possibilité de desservir les États-Unis par des vols directs et le renforcement de sa position régionale. l Julien ClémençoT, envoyé spécial jeune Afrique
Zorkot/AndiA.fr
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Entreprises marchés Marketing
Princesse Tatie, tie, nouvelle star de Somdiaa Après le Cameroun, le Tchad, le Congo, la Centrafrique et la Côte d’Ivoire, le groupe agro-industriel vend désormais son sucre au Gabon sous une marque panafricaine. Un pari sur le long terme.
D
epuis le 24 mai, le Gabon compte une nouvelle marque. Le sucre Princesse Tatie, du groupe Somdiaa, a en effet pris place sur les étals des marchés et les rayons des épiceries et des supermarchés. L’aboutissement de plus de six ans de réflexion pour le groupe agro-industriel des familles Vilgrain et Castel, spécialisé dans la farine et le sucre. « Nous avons lancé ce projet fin 2006. Nous voulions une marque commune dans tous les pays où nous opérons », se souvient Lorraine Vilgrain, directrice du développement de Somdiaa. Après les Camerounais et les Tchadiens (2009), les Congolais (2010), les Centrafricains (2012) et, depuis quelques semaines, les Ivoiriens, c’est donc au tour des consommateurs gabonais de s’habituer à Princesse Tatie. Une straté gi e mûrement réfléchie. « Avant, nos produits sucriers n’avaient pour marque que le nom de l’entreprise : Sosucam au Cameroun, par exemple, explique Lorraine Vilgrain. Nous voulions d’une part que la marque reflète l’idée de production locale et d’autre part qu’elle évoque un produit de base, d’un coût acceptable et destiné à tous les consommateurs. » Pour l’aider à définir un nom, ainsi qu’un visuel qui l’accompagne,Somdiaafaitappelàl’agence camerounaise MW Marketing Services – le groupe choisira par la suite une autre agence de ce pays, n o 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
MHK, pour le lancement commercial. Près de un an est nécessaire pour arrêter un choix (lire ci-dessous). Avec l’aide de la société française Horus, la marque est testée auprès de groupes de femmes dans les trois pays où Somdiaa est alors implanté. Le nom est adopté, mais le visuel recalé. Quelques mois plus tard, un nouveau design est choisi. Moins coloré, plus épuré, il orne aujourd’hui tous les conditionnements, des anciens, les sacs de 25 ou 50 kg, aux nouveaux: paquets de 1 kg, Doypack (emballages refermables en plastique souple), dosettes, bûchettes.
« nous voulons fidéliser le consommateur et maintenir nos parts de marché. » lorraine Vilgrain, directrice du développement
plan méDias. « Pour des produits
comme la farine, le sucre ou même l’huile alimentaire courante, tant
le logo à la loupe La forme ovale encadre désormais également les logos des sociétés sucrières du groupe Princesse, un « côté enchanté » pour faire rêver
Tatie pour le côté familier, « la confiance, le respect », explique Lorraine Vilgrain
La femme africaine pour identifier le produit au continent La couleur bleue : une première version du logo, plus colorée, n’a pas passé la barre des tests consommateurs
qu’on vend en gros volumes, on n’a pas besoin de marque. Mais lorsqu’on propose de plus petits contenants, outre le fait que cela permet d’asseoir une position commerciale, développer une marque peut permettre de réaliser davantage de marge » en pratiquant des prix plus élevés, explique DiaEddine Ezzaoudi, patron Afrique francophone chez Ogilvy Africa. Augmenter les prix ? Sujet pour l’instant hors de propos dans une activité où ceux-ci restent généralement encadrés. « Nous cherchons plutôt à fidéliser le consommateur et à maintenir nos parts de marché, déjà importantes, alors que la croissance naturelle des ventes de sucre est de 3 % à 5 % par an selon les pays », affirme Lorraine Vilgrain. Mais une marque ne suffit pas. Il faut communiquer. En Côte d’Ivoire, 160 millions de F CFA (244 000 euros) ont ainsi été engagés pour le mois et demi qu’a duré le lancement, confié à l’agence Voodoo. « Dans tous les pays, nous avons d’abord communiqué en jeune afrique
coulisses
Entreprises & marchés
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i dent ité. La stratégie de Somdiaa reste une exception dans la zone. « Adopter une marque pour un produit comme celui-ci, c’est parier sur l’émergence d’une véritable classe de consommateurs en Afrique. Cela ne portera pas ses fruits tout de suite, mais, lorsque des hypermarchés ou des supermarchés fleuriront dans cette zone, une marque déjà assise et considérée comme locale en récoltera sans doute les fruits », estime un patron du secteur des biens de consommation. Développer une identité panafricaine peut présenter de réels avantages, à condition de respecter quelques règles. « Il faut que la marque soit cohérente d’un pays à l’autre, que son image ne soit pas totalement différente quand on passe les frontières », note DiaEddine Ezzaoudi, qui a travaillé il y a une dizaine d’années au développement de l’une des toutes premièresmarquescontinentales, l’opérateur de téléphonie Celtel. La force de frappe de Princesse Tatie est bien moindre. Mais, à son rythme, Somdiaa – qui a réalisé, en 2012, un chiffre d’affaires de 341,1 millions d’euros dans le sucre – entend inscrire durablement la marque dans l’esprit des consommateurs africains. l Frédéric Maury jeune afrique
InvestIssements PomPe AfrIque
Évolution des flux d’IDE en Afrique
+5%
C’est une première dans l’Histoire. Évolution En 2012, les pays en développement des flux d’IDE en 2012 ont reçu plus d’investissements dans le monde directs étrangers (IDE) que les pays développés, selon le rapport annuel de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), publié le 26 juin. Dans un contexte global morose, où les flux financiers internationaux en direction des nations les plus riches ont chuté de 32 % (42 % pour l’Europe), l’Afrique est le seul continent qui connaît une progression (+ 5 %) avec un total de 50 milliards de dollars (38 milliards d’euros). C’est de l’Afrique du Nord que vient la bonne surprise. Après une période de déclin liée aux événements du Printemps arabe, la Tunisie et l’Égypte voient leur capital de confiance restauré. Au sud du Sahara, le Mozambique – qui réalise l’exploit de devancer son voisin sud-africain en attirant 5,2 milliards de dollars d’IDE –, la RD Congo et la Mauritanie se situent en haut du palmarès des progressions les plus importantes. l source : cnuced
interne pour présenter la marque à nos employés et qu’ils se l’approprient, précise la directrice du développement. Ensuite, nous avons fait un plan médias classique, affichage, radio, presse écrite et, surtout, un volet animations de terrain avec une action spécifique envers les grossistes et leurs partenaires : information, distribution d’objets marketing. » Somdiaa estime qu’aujourd’hui la marque est bien installée dans les premiers pays où elle a été lancée. En Centrafrique et surtout en Côte d’Ivoire et au Gabon – trois implantations que le groupe a récupérées en 2011 après l’entrée à son capital de la famille Castel –, le processus n’en est qu’à ses débuts.
– 18 %
S
•BtP eiffage remporte le contrat pour l’agrandissement du terminal à conteneurs du port de Lomé • dette PuBlique Le Sénégal veut lancer un nouvel emprunt obligataire international pour 500 M$ • logeMent La BEI
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de l’habitat • agroaliMentaire Le britannique actis investit dans
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prête 15 M€ à Shelter afrique, une institution panafricaine de financement edita Food industries, leader de la boulangerie industrielle en Égypte
mAroc AvAlAnche d’Accords bAncAIres Attijariwafa Bank et BMCE Bank multiplient les alliances internationales. Les deux géants marocains ont signé des mémorandums d’entente pour faciliter les investissements chinois dans le royaume et dans le reste de l’Afrique. BMCE coopérera avec la Chambre de commerce et d’industrie chinoise pour l’Afrique. De son côté, Attijariwafa s’est entendue avec Bank of China. La première banque marocaine s’est aussi rapprochée de Qatar National Bank, notamment pour accompagner les qataris sur le continent africain.
côte d’IvoIre bolloré rePrend l’InItIAtIve Bolloré Africa Logistics, qui finalise les négociations avec l’État ivoirien sur la concession du deuxième terminal à conteneurs du port d’Abidjan, poursuit ses investissements dans le pays. Le
groupe français dit vouloir engager plus de 20 millions d’euros dans la création d’un hub de services pour l’industrie pétrolière offshore. Il se positionne aussi sur le projet de liaison ferroviaire (fret et passagers) entre la Côte d’Ivoire, le Niger et le Bénin, estimé à 1,5 milliard d’euros.
AfrIque légers fonds souverAIns AfrIcAIns Malgré quinze nouveaux venus ces deux dernières années, seuls 3 % des 68 fonds recensés par l’Institut mondial des fonds souverains sont africains. Le total mondial des sommes collectées par les États a presque doublé en dix ans pour dépasser 5473 milliards de dollars (4200 milliards d’euros) fin juin 2013. Les fonds norvégiens, chinois et moyen-orientaux dominent le classement, où l’algérien (14e, doté de 77,2 milliards de dollars) et le libyen (17e, avec 65 milliards de dollars) sont les premiers africains. n o 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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bio express 1981-1986 Professeur de finance, responsable des concours puis des formations extérieures à l’Edhec (Lille, France) 1986 Responsable des secteurs du bois, du cuir et des jouets à l’Institut du développement industriel (IDI), capital-investisseur français 1987 Conseiller du ministre djiboutien de l’Économie 1988 Participe à la création du fonds d’investissement Fiaro, à Madagascar 1992-1997 Conseiller chargé du secteur privé auprès du président de la BOAD
Finance
Patrick Mestrallet, de défi en défi Ingénieur devenu banquier, Parisien installé en Afrique, le directeur général d’Oragroup finalise l’une des plus importantes opérations de sa riche carrière.
«
P
our réussir dans la banque, il faut de l’organisation, de la rigueur et du bon sens. Mais pour se démarquer et aller plus vite que la concurrence, il faut ajouter à tout cela de l’intuition et de l’audace. » En cette maxime, Patrick Mestrallet, bientôt 62 ans, croit dur comme fer. Et jusqu’ici, avec raison. Autour de Financial Bank, l’établissement de taille moyenne racheté en 2009 par le capital-investisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP) puis rebaptisé Oragroup en 2011, il est en train de bâtir un groupe régional. Les autorités bancaires de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA) doivent examiner le 28 juin le dossier de sa dernière acquisition, celle de la Banque régionale de solidarité (BRS). Elles devraient donner leur feu vert. Patrick Mestrallet deviendra alors le patron d’un des principaux réseaux bancaires d’Afrique occidentale francophone, présent dans douze pays (contre six actuellement). Unjolicouppourl’administrateur directeur général d’Oragroup, qui, pour mieux orchestrer la stratégie d’ensemble, a renoncé en début d’année au poste de directeur général de la filiale togolaise (la plus importante du groupe) qu’il occupait en parallèle. « Patrick Mestrallet auneconnaissanceremarquablede
A dirigé successivement Bank of Africa Côte d’Ivoire, CBAO, Cobaci (groupe Banque Atlantique), Banque Atlantique Togo puis Financial Bank (aujourd’hui Oragroup)
DR
Depuis 1997
l’UEMOA, une bonne compréhensiondesmarchésdecettezoneetest capable de monter des opérations hors pair », souligne Vincent Le Guennou, co-PDG d’ECP et président du conseil d’administration d’Oragroup. fabuleuses années. Affable, le rire facile, le Parisien – il est né à Montmartre, dans le 18e arrondissement – s’est passionné très jeune pour l’Afrique. Dernier d’une fratrie entièrement formée dans les grandes écoles françaises, il est lui-même ingénieur diplômé de Supélec et docteur en finance de l’université Paris-Dauphine. Il aurait pu marcher sur les traces de son frère Gérard, 64 ans, polytechnicien et énarque, qui dirige actuellement le groupe énergétique français GDF Suez, ou pourquoi pas sur celles de Michel, 66 ans,
Le grandinvité de l’économie samedi 6 juillet, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, issad Rebrab, PDG de Cevital, le premier groupe privé algérien, décrypte les enjeux de l’économie africaine. Retrouvez l’essentiel de cet entretien dans Jeune Afrique daté du 7 juillet. Retrouvez les moments forts de cette interview sur www.jeuneafrique.com et sur www.rfi.fr
*heure de Paris, 10 h 10 TU
Décideurs
jeune afrique
vincent fournier/j.a.
on en parle
dr
Arnold EkpE AfricAn dEvElopmEnt corp. L’ex-directeur général d’Ecobank, administrateur du fonds souverain nigérian, entre au conseil de surveillance de l’investisseur spécialisé dans les services financiers, présent en Afrique de l’Ouest via Union Bank of Nigeria.
AbdErAhmAnE n’diAyE GénérAlE dE bAnquE dE mAuritAniE Il a été nommé président du conseil d’administration de la plus importante banque d’affaires mauritanienne après la démission de Mohamed Ould Bouamatou, qui l’avait fondée en 1995.
dr
et son client, se souvient-il. J’ai suivi ensuite le remarquable travail qu’il a mené à Dakar en faisant de CBAO [Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale] la première banque du Sénégal et l’une des principales d’Afrique de l’Ouest, damant le pion à ses concurrents internationaux. » Car chez BOA Côte d’Ivoire, le banquier fait une autre rencontre. Il compte parmi ses clients les Grands Moulins d’Abidjan, propriété du groupe Mimran (qui détient aussi les Grands Moulins de Dakar et la Compagnie sucrière sénégalaise). « Nous avions de bons rapports, explique le Français. Lorsque JeanClaude Mimran cherchait un direcgoût. De retour en France, il teur pour sa banque [CBAO], ses enseignera la finance à l’École des directeurs généraux lui ont proposé hautes études commermon nom. » Après ciales (Edhec), à Lille, un aller-retour entre « il connaît Abidjan et Monaco dans le Nord. Il entre très bien ensuite à l’Institut du pour rencontrer l’UeMoa développement indusl’homme d’affaires triel (IDI, un pionnier du franco-sénégalais, et sait Patrick Mestrallet capital-investissement monter des dans l’Hexagone, ciblant entameunenouvelle opérations les PME), où il est resétape de sa carrière ponsable des secteurs – la plus connue – hors pair. » du bois, des jouets et du à la tête de CBAO. Vincent le gUennoU, président d’Oragroup cuir. Avant que le goût Il multipliera par de l’Afrique le reprenne. quatre le total de En 1987, il devient conseiller du bilan, le produit net bancaire et ministre djiboutien de l’Éconoles bénéfices de l’établissement. mie. Depuis, il n’a plus quitté le continent, jouant des rôles de prebénéficiaires. Son nouveau défi mier plan dans quatre banques est sans doute plus vaste encore. et deux fonds d’investissement Car si le rachat de BRS va permettre (Fiaro, à Madagascar, en 1988, et, à Oragroup de prendre pied sur quelques années plus tard, Cauris deux de ses marchés cibles (la Côte d’Ivoire et le Sénégal), cette Investissement, à Lomé). Un parcours riche, construit aussi banque est loin d’être une pépite grâce à une succession de rend’or. L’assureur ivoirien NSIA, qui s’y contres professionnelles. Comme est intéressé avant de se retirer, avait celle avec Paul Derreumaux, l’exestimé qu’il faudrait au minimum PDG de Bank of Africa (BOA), qu’il 107millionsd’eurospourlaremettre a connu au conseil d’administrasur les rails. « Lorsque notre actiontion de Cauris et qui lui propose naire majoritaire [ECP] a racheté de rejoindre son groupe. De 1997 à Financial Bank, beaucoup étaient 2001, Mestrallet passe donc quatre sceptiques. Mais nous avons réussi ans à Abidjan en tant que direcà redresser l’établissement. Cela teur général adjoint de BOA Côte fait partie de notre savoir-faire », d’Ivoire. C’est à cette époque qu’il rappelle Patrick Mestrallet. Toutes croise Vincent Le Guennou. Le futur les filiales d’Oragroup sont en effet dirigeant d’ECP est alors directeur bénéficiaires. Et la filiale togolaise central des finances et de la gestion est « passée de 4 % à 12 % de part de la Compagnie ivoirienne d’élecde marché en deux ans ». Un point tricité. « Notre relation était celle de plus pour le banquier. l qui peut exister entre un banquier stéphane ballong diplômé de l’École nationale supérieure de l’électronique et de ses applications (Ensea), qui a dirigé plusieurs sociétés avant de prendre sa retraite. Mais c’était sans compter sur sa rencontre, à 25 ans à peine, avec le continent. Dans le cadre de son service militaire, Patrick Mestrallet est professeur coopérant à Mondoukou, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire. « Le lycée du village ouvrait ses classes de première et de terminale. Mon épouse et moi y avons passé deux fabuleuses années, se souvient-il. Et depuis, je ne m’en suis pas remis. »
AbdErrAfiE ZouitEn onmt Le numéro deux de la Royal Air Maroc devient directeur général de l’Office national marocain du tourisme. Diplômé de HEC, à Paris, il a réalisé l’essentiel de sa carrière au sein de la compagnie aérienne nationale. n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Finance
AlexAndre dUPeYrOn
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Bourse
p Aucune introduction n’est, pour l’heure, prévue en 2013.
Casablanca peine à se relancer
Jugée trop chère et manquant de liquidité, la Place marocaine n’est plus considérée comme un « marché émergent » par le fournisseur d’indices MSCI. Un déclassement qui pourrait, paradoxalement, lui profiter.
L
apériodedevachesmaigres semble interminable à la Bourse de Casablanca : l’indice Masi, qui mesure laperformanceglobaledumarché,a chuté d’environ 5 % depuis le début de l’année, après avoir enregistré un recul de plus de 15 % en 2012. La Place marocaine souffre d’un manque chronique de liquidité et peine à attirer les investisseurs. Les raisons ? Elles sont multiples. Parmi elles figurent les promesses non tenues de la fusion entre les deux holdings royaux, la Société nationale d’investissement (SNI) et l’Omnium nord-africain (ONA). En 2010, ONA a été absorbé par SNI et les actions des deux groupes ont été retirées du marché. Un coup dur pour la Bourse de Casablanca. « Cette opération a été peu profitable en termes de capitalisation boursière et de volume, ce qui ne permet pas d’attirer les investisseursétrangers»,analyseKaisKriaa, n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
directeur de la recherche au sein du cabinet indépendant tunisien AlphaMena. Les dirigeants de l’époque avaient promis de compenser cette perte en capital flottant (titres potentiellement négociables sur le marché) par l’introduction de neuf filiales matures du nouveau holding, mais, plus de trois ans après l’opération, les investisseurs attendent toujours. Quatre d’entre elles ont été cédées (partiellement ou totalement), mais sans passer par la Bourse. Long terme. Avec la crise internationale, les introductions ont été réduites à la portion congrue. En 2012, ce type d’opérations n’a généréque26,6millionsdedirhams (2,4 millions d’euros), contre 3,9 milliards de dirhams en 2008. Et aucune introduction n’est pour l’instant prévue en 2013, alors que la Bourse de Tunis devrait, de son côté, en enregistrer une dizaine.
Sur une pente glissante Évolution entre 2008 et 2012
Volume quotidien moyen
- 59,7 % Volume généré par les introductions
- 99 ,3 %
SOUrce : rAPPOrt AnnUel 2012 de lA BOUrSe de cASABlAncA
Résultat : la part de capital flottant à Casablanca atteignait 23,03 % l’an passé, au lieu des 25,99 % enregistrés en 2008. Deux autres raisons expliquent le manque de liquidité de la Place casablancaise.D’abord,lafaibleproportion d’investisseurs particuliers susceptibles d’y réaliser des opérations. « Le marché est largement dominé par les investisseurs de long terme, comme les sociétés d’assurances et les caisses de retraite. Ce facteur freine les échanges et donc la liquidité », confirme Sébastien Hénin, gérant de portefeuilles pour la région Afrique du Nord et MoyenOrient chez The National Investor, une banque d’affaires basée aux Émirats arabes unis. Casablanca pâtit également de sa cherté. « La valorisation du marché actions reste trop élevée, estime Sebastian Kahlfeld, gérant de fonds sur les actions émergentes chez Deutsche Asset & Wealth Management (filiale de Deutsche Bank). Nous ne détenons pas de valeurs marocaines dans notre fonds phare, DWS Invest Africa. » Dans sa dernière revue trimestrielle, jeune afrique
baromètre parue fin mars, Sogécapital Bourse, la filiale marocaine d’intermédiation boursière du groupe français Société générale, classe Casablanca deuxième Bourse arabe la plus chère, après celle de Tunis. Dernière illustration des difficultés de la Place marocaine: le 11 juin, le fournisseur d’indices MSCI a annoncé qu’elle ne figurerait plus dans son indice « marchés émergents » (MSCI Emerging Markets) à partir du mois de novembre. Casablanca sera reclassé dans l’indice « frontière » (MSCI Frontier Markets). Il faut dire que le volume moyen échangé quotidiennement sur le marché central a fondu, de 325 millions de dirhams en 2008 à 131 millions en 2012. En avril, il est même tombé à 86 millions de dirhams, soit un volume équivalent à la Bourse de Tunis, pourtant bien plus petite. cible prioritaire. Dès lors,
faut-il craindre une sortie massive de capitaux étrangers, qui rendrait le marché encore plus atone ? Sébastien Hénin relativise : « Le Maroc a un poids négligeable dans l’indiceMSCIEmergingMarkets.De fait, Casablanca n’est pas une cible prioritaire des gérants de fonds. » Le reclassement du Maroc en pays « frontière » peut même être considéré comme positif, selon Sebastian Kahlfeld. « Certes, les investissements dans les marchés frontières sont beaucoup moins importants que dans les marchés émergents, mais le Maroc aura un public plus large dans son nouveau groupe puisque la majorité des pays [qui y figurent] ont des marchés d’actions moins développés », explique-t-il. Le royaume sera en effet le troisième pays du MCSI Frontier Markets (qui attire quelque 10 milliards de dollars d’actifs sous gestion),derrièreleKoweïtetleNigeria, avec un poids de 7 % et une dizaine de valeurs intégrées à l’indice. « Les gérants suivant cette classe d’actifs ne pourront pas ignorer ce pays », ajoute Sébastien Hénin. Mais en attendant novembre, la Bourse de Casablanca n’est pas encore sortie de sa torpeur. l
Finance
les télécoms d’un extrême à l’autre valeur
Bourse
Cours au 27 juin (en euros)
Évolution depuis le début de l’année (en %)
onatel
BRVM
91,3
+ 33,1
safaricom
N aiRoBi
0,1
+ 31,7
sonatel
BRVM
29
+ 31
telkom
J ohaNNesBuRg
1,5
– 1,5
Mtn
J ohaNNesBuRg
15,5
– 2,3
C asaBlaNCa
8,9
– 6,2
l e C aiRe
0,5
– 6,5
J ohaNNesBuRg
9,4
– 15,5
telecom egypt
l e C aiRe
1,4
– 18,4
Mobinil
l e C aiRe
11
– 34,3
Maroc télécom orascom tel. Holding vodacom
Tandis que les valeurs télécoms d’afrique de l’Ouest (la sénégalaise sonatel et la burkinabè Onatel) et d’afrique de l’est (le kényan safaricom) s’envolent en Bourse, les autres grandes capitalisations du secteur souffrent. en Égypte, l’année 2012 a encore été difficile pour Mobinil, filiale du français Orange, qui a
enregistré une perte de près de 28 millions d’euros. Mais c’est peu comparé à l’effondrement des performances financières du sud-africainTelkom. l’opérateur public a annoncé une perte proche de 1 milliard d’euros pour l’année dernière, la plus importante jamais enregistrée par un groupe coté sud-africain (hors secteur minier). l
Valeur en vue Safaricom Bientôt la plus grande banque du Kenya ? Safaricom a connu un exercice 20122013 solide, mais la performance très forte de l’action (+ 31,7 % depuis le début de l’année) signifie que son potentiel de hausse est désormais limité. Bien que les télécoms restent le cœur de métier de l’opérateur kényan, nous croyons que l’avenir réside dans les services bancaires mobiles. La contribution de m-Pesa aux revenus passera, selon nous, de 18 % actuellement à 31,3 % en 2018. m-Shwari devrait bientôt également devenir une success-story. ce service bancaire dématérialisé offert via m-Pesa pourrait devenir binta cisse une menace majeure pour les banques de détail du drave pays. D’autres produits tels que la micro-assurance Analyste chez Exotix sont également en préparation. Safaricom devrait par ailleurs être en mesure de maintenir son leadership dans la voix grâce à une meilleure couverture réseau et à la qualité des appels, et étant donné qu’une nouvelle guerre des prix semble peu probable car la précédente n’a pas fonctionné. » l boUrSe
ca 2012-2013
coUrS (26.6.2013)
obJectif
Nairobi
1,1 milliard d’euros (+ 16,2 %)
6,65 shillings kényans
7,76 shillings kényans
ryadh benlahrech jeune afrique
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Culture & médias
MUSIQUE
Passi simple
Rappeur, producteur, homme d’affaires… l’artiste francocongolais multiplie les casquettes. Il sort un nouvel album solo ainsi qu’un livre coécrit avec son frère. Haby NIakatE
H
«
« soleil, pas très cérébral », il cultive aussi son côté lover dans un zouk très sensuel (« Sent U ») ou plus afro-idéaliste dans « Bantou Life » ou « La Dignité du peuple », consacré au Printemps arabe. « L’engagement pour l’Afrique est une mode, avance-t-il, mais pour moi c’est une ligne que je suis depuis longtemps. » Passi est l’un des premiers rappeurs à avoir intégré des sonorités africaines. Avec Bisso Na Bisso, le groupe franco-congolais qu’il a cofondé en 1998, il a écoulé 200000 exemplaires de l’album Racines. Flairant le créneau, il a créé dès le début de cette aventure collective son propre label, Issap Productions. Ce qui lui a permis d’autoproduire Ère Afrique.
e y ! Té m a ! Té m a [“mate”, en verlan] qui va entrer ! » Les deux jeunes serveurs de ce bistrot parisien situé près de la place de la Bastille trépignent. Franchira-t-il le seuil ou s’est-il RagE. Celui qui « considère le rap comme une sorte arrêté là par hasard? À l’extérieur, Passi, téléphone de journalisme de rue » publie également un livre, en main, fait durer sa conversation… et l’attente des Explication de textes, coécrit avec son frère Steeve. garçonsdecafé,quiobserventetépientsesmoindres À 40 ans, il revient sur ses chansons phares. « J’ai mouvements. Flanqué de deux attachées de presse voulu en quelque sorte enlever la musique, pour pour la promotion de son quatrième album solo, Ère que l’on puisse lire ce qui était véritablement écrit Afrique, Passi finit par entrer et s’installe dans ces textes. » L’artiste y trouve aussi confortablement au fond d’un canapé. l’occasion de donner son avis, d’analyser « Mon nouvel album est un hommage en plus que trois couplets des phénoà la musique africaine et à sa diversité », mènes de société. « Cela fait des années déclare tout de go le Franco-Congolais. que les rappeurs sont au top des ventes, L’argumentaire est rodé. « Chaque morqu’ils ont révolutionné la musique franceau est un duo, explique-t-il. J’aime les çaise. Pourtant, ils souffrent encore de collaborations car elles permettent de nombreux clichés, dit-il. On leur donne voyager,grâceauxdifférentsrythmes,lanrarement la parole. » gues et voix. » Au total: 17 artistes invités L’exercice aurait pu être scolaire si pour presque autant de pays musicalePassi Balende, de son nom complet, n’y avait pas insufflé de nombreux élémenttraversés.«AvecMeiway,c’estlavibe Explication de textes, ivoirienne, avec le doyen Manu Dibango ments autobiographiques. De quoi comde Passi, avec [qu’il appelle papa] on est au Cameroun, prendre, entre autres, pourquoi ce natif Steeve Balende, avec Fally Ipupa au Congo, avec Naby et de Brazzaville n’a jamais coupé les ponts Éditions Fetjaine, Moussier Tombola au Sénégal. » Et s’il avec le continent. Issu d’une famille plu330 pages, tôtaisée–unemèreprofesseured’anglais revendique d’entrée de jeu un album 16,90 euros n o 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
u Ce natif de Brazzaville a décidé d’investir au Congo.
Culture médias etunpèreadministrateurdesantéàl’hôpitalgénéral de Brazzaville –, il voit son univers changer radicalement lorsque la famille débarque en France. À 7 ans, avec ses six frères et sœurs, il découvre la banlieue parisienne… et le rap, qui très vite « contamine [s]es cahiers, [s]a tête et [s]es fringues ». Dès 1989, tout en préparant son baccalauréat, il fonde avec des amis (dont Stomy Bugsy) le Ministère A.M.E.R. Un groupe qui, à l’instar de NTM et d’IAM, inondera de ses sons et de ses rimes pleines de rage les cités et les banlieues françaises. En 1997, lorsqu’il se lance en solo, avec Les Tentations, les sons se font plus groovy, plus ensoleillés aussi. L’album se vendra à plus de 450000 exemplaires, poussé par les tubes « Je zappe et je mate » et « 79 à 99/30 ans chrono ». Ses albums suivants (Genèse sorti en 2000, Odyssée en 2004, Révolution et Évolution en 2007), remarqués, auront néanmoins moins de succès.
Vincent Fournier/J.A.
yaourt. Rappeur,producteur,aujourd’huiécrivain:
tant de casquettes qui ne suffisent toujours pas à l’artiste, qui a décidé de s’investir davantage dans son pays d’origine. Et ne lui parlez surtout pas de politique! Même s’il a été un temps ambassadeur de bonne volonté du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) au Congo, il rêve désormais de business… « L’Afrique, ce n’est pas la savane et les huttes. Il y a un véritable dynamisme, notammentéconomique», dit-il. Il vient d’ailleurs de signer un partenariat avec la compagnie aérienne congolaise ECAir et leur a réalisé une campagne Ère Afrique, de pub. de Passi (Issap Un rappeur homme Productions/Idol) d’affaires? Après tout, rien de plus attendu. Des stars américaines comme Jay-Z ou P. Diddy sont bien à la tête de véritables empires. Le Congolais assume, lui aussi. « J’ai parfois une approche très marketing sur certains projets. J’en suis fier. Je pourrais vendre du yaourt s’il le fallait », plaisante-t-il. Et des idées, il en a des milliers: ouvrir une école de formation audiovisuelle au Congo ou encore tourner un court, puis un long-métrage. « Travailler en Afrique, c’est entrer dans un autre système, certes. Mais tous ceux qui rentrent actuellement au pays, Blancs, Noirs, Africains ou non, lorsqu’ils ont un bon filon, s’éclatent beaucoup plus qu’en Europe. Il y a une chaleur, une ambiance qu’on ne retrouve plus ici, dans les rues de Paris. » En voilà donc un pour qui l’« ère Afrique » ne se limitera manifestement pas qu’à un idéal musical… Au point d’y retourner luimême, définitivement? Il répond, dans un français mâtiné d’un fort accent lingala et dans un éclat de rire: « J’y pense. Et je sais que je ne passerai pas mes vieux jours ici, ça, c’est sûr… » l n o 2738 • du 30 Juin Au 6 Juillet 2013
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Culture médias Johannesburg des musées, des collectifs d’artistes, une foire d’art contemporain, des galeries comme Afronova, Momo, Goodman, Read, Stevenson qui envoient leurs plasticiens à l’étranger pour partiÀ l’occasion de la saison de l’Afrique du Sud en France, ciper à des rencontres internationales. » une exposition brosse le portrait de la ville la plus peuplée Et elle ajoute : « L’année dernière, un du pays à travers les regards variés d’une cinquantaine d’artistes. musée a ouvert au sein de l’université du Witwatersrand respectant tous les estuntableaunoirsurlequel, standards internationaux, avec un beau du mal à s’y retrouver. De l’argentique bâtiment, de belles collections… Il y a des minutieusement collées, des en noir et blanc aux couleurs parfois fibres végétales dessinent le collectionneurs sud-africains et même trop réelles du numérique, observer les plan d’une ville – comme si des compagnies, comme la Standard mutations du pays à travers l’objectif la nature venait reprendre ses droits, longBank ou la SABC, qui constituent des colde David Goldblatt, véritable père de la temps bafoués par les desseins humains. photographie sud-africaine, ou à travers lections et exposent dans leurs locaux. » A Garden Carpet For Johannesburg (2012) celui des jeunes photographes du Market Ce n’est pas encore l’eldorado, mais c’est est une œuvre du plasticien sud-africain Photo Workshop que sont Matthew Kay, déjà beaucoup. Gerhard Marx présentée par la Maison Dahlia Maubane et quelques autres. Cette effervescence créative, relarouge (Paris) jusqu’au 22 septembre, à S’interroger sur la persistance du rejet tive comparée à celles de villes comme l’occasion de l’exposition collective « My Londres,NewYorkoumême Joburg ». Dans le catalogue, imprimé de Joburg : un cas exceptionnel sur le Paris, a pour particularité manière fort originale comme un « guide d’être fraîchement modelée continent avec ses musées, ses de la scène artistique » de la capitale par l’Histoire. « Il y a là une du Gauteng, Marx s’exprime ainsi : « J’ai vraie scène, qui a toute sa collectifs d’artistes, ses galeries… collecté ces végétaux dans des interstices place dans le monde de l’art, de Johannesburg : sur des trottoirs, des des homosexuels avec la série Faces and poursuit Paula Aisemberg. Mais si les terrains vagues ou laissés à l’abandon, Phases de la militante lesbienne Zanele artistes voyagent, leur ancrage dans des réalités qui sont les leurs demeure fort. en ramassant aussi des déchets et des Muholi ou avec le travail délicat de Paul Ils sont directement politiques, s’expriEmmanuel sur l’identité masculine… mauvaises herbes. […] A Garden Carpet ment sur des sujets de société, sur l’état nous parle des zones où le plan perd de Autant de possibilités à grappiller en de leur ville. » son emprise sur l’espace physique qu’il déambulant que d’envies à écouter tant décrit, tandis que l’acte incarné, pédestre, L’un des plus grands mérites de l’expoles propositions des artistes sont riches de la collection, contredit la vision désinsition « My Joburg » est sans doute de et variées. parvenir à expliquer la ville grâce à un carnée que présente le plan. » Voilà le bon viatique pour se lancer à subtil dialogue entre les œuvres, sans verdialogue. Et si la ville née d’une ruée l’assaut d’une exposition qui, elle-même, ser dans la facilité des clichés plombants vers l’or en 1886 était aujourd’hui le tente de brosser le portrait d’une ville sur l’apartheid ou les difficultés d’une théâtre d’une ruée vers l’art – situation jeune démocratie. Les commissaires ont complexe à travers les regards variés exceptionnelle sur un continent qui a plutôt tendance à exporter ses talents réussi à brosser un portrait contemd’une cinquantaine d’artistes. Plusieurs qu’à les garder précieusement ? « Il possibilités s’offrent au visiteur, selon porain qui raconte y a véritablement un terroir propice, qu’il est plus ou moins aventureux. Suivre explique Paula Aisemberg, la comles sentiers battus ou se perdre par les chemins de traverse d’une cité où la voimissaire de l’exposition, dans la mesure où l’on trouve à ture domine et où le piéton peut avoir JOHANNESBURG
la ruée vers l’art
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u Spade, la pelle plaquée or de Robin Rhode (2007).
Culture médias d’une main-d’œuvre exploitée. À sa manière, le plasticien Robin Rhode vient opportunément le rappeler avec Spade, une pelle recouverte d’or pur plantée dans du charbon. Comme souvent, ceux qui creusaient n’étaient pas ceux qui empochaient…
de bouteille de bière Heineken (intitulé Autoportrait) en tesson de bouteille de bière… en or (Mined). D’autres s’intéressent au métal précieux d’une autre manière, comme le photographe Santu Mofokeng, qui, à travers sa série Radiant Landscapes, explora la question de la pollution provoquée par les drainages mouton. Des années d’exploitation miniers acides (DMA), des écoulements minière ont modelé la géographie toxiques provoqués par l’oxydation de la superficielle et souterraine de la ville, pyrite de fer, une des conséquences négaet continuent aujourd’hui tives de l’extraction minière d’en dessiner le paysage. De qui a transformé le sous-sol 1899 à 1939, un énorme terril de Joburg en gruyère. composé de roche réduite en De rue en rue, Willem Boshoff invite pour sa part poudre s’est progressivement à une « marche druidique » élevé jusqu’à 50 m de haut. Contenant plus de 5 millions en exposant les cannes qui de tonnes de déchets miniers l’aidèrent à avancer le long de Main Reef Road – il a traités chimiquement, il fut été gravement atteint par le baptisé Top Star et accueilsaturnisme –, en observant lit dans les années 1960 un les interactions entre les cinéma drive-in. Puis, au hommes, le paysage urbain milieu des années 2000, l’affiet la nature. Son œuvre nage des méthodes d’extrac« My Joburg », jusqu’au Tipping the Scale oppose sur tion permettant d’en extraire 22 septembre à une balance une crotte de des résidus d’or, il fut de noula Maison rouge veau creusé… De toute cette mouton et deux pépites de (Paris) pyrite polie, connue sous le histoire, qui est aussi celle des vocable « or des fous ». Un tensions entre possédants et point de vue sur la condition humaine, laissés-pour-compte, William Kentridge entre simplicité des lois naturelles et propose une synthèse stupéfiante avec un film dessiné – caractéristique de l’enfolie des ambitions ? Oui, un point de vue comme un autre. Sortant de l’exposemble de son œuvre – intitulé Other sition, chacun aura très certainement Faces. Mais il n’est pas le seul à suivre la piste de l’or! Avec une certaine ironie et l’impression de mieux connaître la ville, un goût de la provocation, Kendell mais personne n’aura emprunté le même itinéraire. Sans doute le plaisir d’une telle Geers joue de la pierre philopromenade vaut-il tout l’or du monde. l sophale artistique en transnicolas michel formant un tesson roBin rhode
aussi plus de un siècle d’existence. Ainsi, une fois passé l’inévitable portrait de Nelson Mandela par David Goldblatt, les artistes Dorothee Kreutzfeldt et Bettina Malcomess projettent d’entrée le visiteur dans la réalité économique qui présida à la naissance de « Jozi ». Une photographie sidérante montre ainsi des dizaines d’ouvriers et de contremaîtres africains, européens et asiatiques venus par ticiper à l’exploitation de l’or contenu dans les roches d u Wi t wat e r s ra n d . « Plus de 40 % de tout le minerai d’or jamais extrait dans l’histoire du monde provient de ces gisements », est-il affirmé dans le guide-catalogue. Cette extraction se fit bien entendu aux dépens
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Culture médias En vue
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
n n n Réussi
n n n Excellent
CINÉMA
Avatar Toujours en mêlanT images réalistes et animation, ari Folman (Valse avec Bachir) confirme son talent et son attrait pour les sujets dérangeants. Il raconte comment une actrice américaine célèbre mais sur le déclin et désargentée se trouve obligée de « vendre » son identité cinématographique : on la scanne intégralement afin de créer un alias, son avatar numérique, qui jouera désormais à sa place… y compris dans les genres de films où elle refusait de tourner jusque-là, puisque, par contrat, elle n’a plus son mot à dire. science-fiction, pacte faustien à la mode virtuelle ou simple prévision quelque peu effrayante ? l RenAud de RochebRune dr
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Le Congrès, d’Ari Folman (sortie à Paris le 3 juillet)
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ENQUÊTE
Méfiez-vous des faux amis!
LA ChINE EsT-ELLE un partenaire nocif ? L’anthropologue franco-sénégalais Tidiane N’Diaye l’affirme. son « enquête historique », allant des premières interactions méconnues entre l’empire du Milieu et l’Afrique aux développements les plus récents, offre une démonstration convaincante. Tout en reconnaissant le rôle historique de la Chine dans le décollage économique du continent, il exhorte les Africains à la vigilance vis-à-vis de ce nouvel « ami », « monstre affamé ». On ne peut qu’être d’accord. Mais Tidiane N’Diaye n’a curieusement pas le même esprit critique à l’égard de l’Occident. En frisant l’essentialisme, certaines sentences mettent mal à l’aise. l
BEAU LIVRE
l’Algérie en selle
Coordonné par l’ancien directeur de la rédaction de J.A. JeanLouis Gouraud, un ouvrage retrace l’histoire du cheval algérien.
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st-il « barbe » (c’est-à-dire berbère) ou arabe ? « les deux, mon général ! » avait dit abdelkader au général Daumas, auteur d’un ouvrage sur Les Chevaux du Sahara, auquel l’émir avait tant apporté. en algérie, la question de l’identité traverse le domaine équestre avec d’étranges échos d’anthropologie politique. Ce livre porte témoignage sur un patrimoine sauvegardé, car, dans ce pays, le cheval a bien failli disparaître dans le tohu-bohu des révolutions agraires ou autres. s’il a survécu, c’est moins le fait des institutions d’État, qui ont connu de terribles moments de désorganisation, que grâce à la ténacité d’une société rurale millénaire qui a mis tout son savoir-faire et son honneur à perpétuer un élevage de prestige. la magnifique collection de photographies qui nous est offerte ne trompe pas : les trognes de ces hommes des hauts plateaux, domaine des tribus hilaliennes, sont bien enracinées dans le paysage – on est loin ici des petits marquis et des crinolines qui égayent ailleurs le monde équestre. le texte de ce beau livre traite avec science et art des grands dossiers pertinents sur le sujet : origine et histoire mouvementée de ce cheval algérien, structure d’élevage depuis la légendaire jumenterie de Tiaret (Chaou-Chaoua) jusqu’à la petite production domestique et aux manifestations publiques (concours, courses et fameuses fantasias). le livre comprend en outre un important dossier artistique avec les reconstitutions de Hocine Ziani, peintre d’histoire dans l’algérie contemporaine, et des contributions dans des tonalités bien à part de quelques remarquables photographes : leila Boutamine ould ali et nadjib rahmani. le cheval algérien a eu chaud, voici de quoi plaider en faveur de sa promotion comme produit d’avenir. l
PieRRe boisselet
FRAnçois Pouillon
Le Jaune et le Noir. Enquête historique, deTidiane N’Diaye, Gallimard, 192 pages, 18,50 euros n n n
Le Cheval algérien, coordonné par Jean-Louis Gouraud, photographies de Pascal Barrier, textes de Claire Veillère, ministère algérien de l’Agriculture, 128 pages nnn
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jeune afrique
Culture médias EXPOSITION
TÉLÉVISION
au creux de la vague
architectes du soudan du sud
LA jEuNE GALErIE Cécile Fakhoury propose une exposition consacrée à huit vidéastes originaires des quatre coins du monde, sur la thématique des « Mécaniques des fluides ». une exhortation à l’évasion. L’Américain Allan Sekula (The Lottery of the Sea) met en lumière les effets de la globalisation maritime qui relie l’Afrique, l’Europe, les Amériques, l’Asie et l’Océanie. La Marocaine Bouchra Khalili s’intéresse aux trajectoires singulières de l’émigration à travers la Méditerranée. La mer, force surnaturelle, souvent indomptable, qui fait chavirer les bateaux des pêcheurs impuissants, sert de trame à l’artiste finlandaise Eija-Liisa Ahtila (Fishermen). Ce projet artistique, mis en musique par la critique d’art française Marie Muracciole, fait ressortir, au final, l’ambivalence de l’exil. l
En 2011, après plus de cinquante années de guerre meurtrière, un nouvel État africain voyait le jour dans un climat tendu.
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e 9 juillet 2013, le 193e membre des Nations unies fêtera ses deux ans d’existence. Ce jourlà, la chaîne franco-allemande Arte diffusera Fabrique d’un État, un documentaire fouillé signé Florence Martin-Kessler et Anne poiret sur la création du soudan du sud, après plus de cinquante ans de guerre et plus de 2 millions de morts. les deux réalisatrices ont choisi de suivre le viceprésident Riek Machar et lise Grande, la numéro deux de la mission de l’ONu, qui tentent, conjointement, de mettre en place à partir de rien, ou presque, les « 19 fonctions essentielles de survie de l’État ». une liste établie par les experts onusiens qui comprend, entre autres, la mise en place d’un trésor public et d’une politique monétaire, la formation de la police et le maintien de l’ordre, etc.
entre les experts blancs soulignant leur expérience au Kosovo ou au Timor oriental et les hommes politiques soudanais passés sans transition de la lutte armée à la conduite de l’État, les tensions sont sourdes, inavouées, avivées par les tensions frontalières toujours intenses. « Qui est aux commandes ? » demande à un moment Riek Machar. la réponse n’est pas évidente, le point de vue des experts façonnés par le « prêt-à-penser » des démocraties libérales ne pouvant réellement prendre en compte le vécu et le ressenti d’hommes et de femmes façonnés par une idéologie et une économie de guerre. un film équilibré qui ne s’autorise aucune simplification et laisse imaginer qu’il y aura encore beaucoup de larmes semblables à celles du secrétaire d’État à la culture, Jok Madut Jok, découragé. l Nicolas Michel
« Mécaniques des fluides », jusqu’au 27 juillet, à la Galerie Cécile Fakhoury (Abidjan) nnn
ESSAI
Bleus à l’âme
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Fabrique d’un État, de Florence Martin-Kessler et Anne Poiret, mardi 9 juillet à 23 h 30 sur Arte
Baudelaire Mieu, à Abidjan
Depuis plus De cinquante ans, les insurrections se multiplient. D’abord silencieuse, la colère des hommes bleus est devenue très médiatique avant que le mythe se brouille, les descendants de ces peuples nomades goûtant à l’argent de la drogue et cohabitant avec les jihadistes. sans eux, toutefois, pas de paix durable dans la région. Dans cet ouvrage, le journalisteMériadecRaffray,officierderéservede l’armée de terre française, revient sur l’origine des Touaregs, leurs liens historiques avec les militaires de l’Hexagone, les différentes rébellions armées qui considèrent que les frontières établies après les indépendances sont illégitimes et leurs relations aux jihadistes. l
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Pascal airault
jeune afrique
Touaregs. La révolte des hommes bleus. 1857-2013, de Mériadec Raffray, Economica, 100 pages, 23 euros nnn n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Culture médias la libraire. Notre clientèle est surtout constituée d’étrangers, d’anciens professeurs qui nous ont connu il y a longtemps, à l’époque de leur splendeur, et de la nôtre… »
ÉDITION
Paris arabe À l’heure du multimédia, les librairies spécialisées de la capitale française peinent à se maintenir à flot, mais demeurent des refuges de culture savante. Promenade au cœur du Quartier latin.
débat. « Il faut rendre hommage à
nos doyens : Samuelian, Geuthner, Maisonneuve », raconte Hachem Mouawieh, un Libanais lui aussi chassé de son pays par la guerre et qui, depuis, tient la librairie Avicenne, institution sise face au campus de Jussieu. « Mais nous nous enorgueillissions d’être la première librairie arabisante de Paris, ouverte en 1980 : il fallait alors se distancier d’un orientalisme très critiqué par Edward Saïd », poursuit-il. Chez Hachem, l’histoire, la culture et la politique semblent se donner un rendez-vous quotidien, et la petite boutique reste un phare de l’élite arabe de Paris. Ce jour-là, Hala al-Abdallah, réalisatrice syrienne très engagée pour la révolution dans son pays se lance dans un vif débat avec un client tunisien grisonnant, gauchiste obnubilé par l’hydre jihadiste. Le Libanais reprend: « Dans les années 1980, c’était la guerre à Beyrouth, et Paris était l’asile d’une foule de journalistes et d’intellectuels arabes. Nous pouvions alors vendre jusqu’à un tiers des exemplaires d’un titre arabe, et nous avons lancé ici des gens comme p Hachem Mouawieh, le directeur de la librairie Avicenne. Elias Khoury ou Alaa El Aswany. Mais avec l’arrivée des nouveaux médias du Golfe endéplaiseàM.deSorbon, une ambiance recueillie, à peine troublée et de l’internet dans les années 1990, le Quartier latin a toujours par le murmure de quelques pages tourbeaucoup de monde s’en est allé hélas ! » été le havre parisien des nées. Une petite dame, cheveux blancs et D’autres s’en sont allés, qui faisaient lettres arabes. Moins attiré bésicles, apparaît derrière un empilement tourner les fonds de commerce. Constat par la Grande Mosquée et l’Institut du de livres, un énorme tome sous le bras : général dans le quartier universitaire, les monde arabe (IMA) que par les écoles, « Mon père, Hrand Samuelian, a créé clients désertent les rayons des libraifacultés et maisons d’édition qui y pulla librairie en 1930. Arménien, il était ries, une à une supplantées par des boululent, de nombreuses librairies ont arrivé en France en 1919, après avoir tiques de grandes marques textiles. Les ouvert leurs portes au cœur de la rive fui les massacres turcs. La librairie est étudiants, qui fournissaient le gros du gauche, là où le père de l’orientalisme, contingent, se contentent Silvestre de Sacy, fondait il y a deux siècles désormais d’articles glanés Sur les rayons, des livres anciens sa Société asiatique. Averroès, Avicenne, sur la Toile et vont complédévolus à un Orient vaste, L’Harmattan, Albouraq, leurs noms sont ter leurs recherches dans autant d’invitations au voyage et leurs les bibliothèques. Ceux qui qui s’étend du Mali au Japon. histoires se confondent souvent avec aiment les livres ont pris celles de l’intelligentsia arabe de Paris, telle qu’elle était il y a cinquante ans : l’habitude de les commander sur intercelles aussi des guerres et des dictatures des éditions anciennes toutes dévolues net quand ils ne les téléchargent pas sur qui ont poussé tant d’artistes et de penà l’Orient. » Un Orient vaste, qui s’étend tablette. Il y a quelques mois, la librairie seurs vers la capitale française. du Mali au Japon: dans les bibliothèques, Avicenne, qui gérait deux boutiques, l’une Au 51 de la rue Monsieur-le-Prince, beaucoup d’Arménie, des cours d’arabe, pour le fonds en arabe et l’autre pour le une enseigne : « Librairie orientale, des récits d’orientalistes et d’explorafonds en français, a été obligée d’en fermer H. Samuelian ». Derrière la vitrine sobre, teurs, parmi lesquels Dans les ténèbres une. Mais les libraires arabes du Quartier les dorures des vieux livres scintillent de l’Afrique, de H. M. Stanley, en édition latin ont plus que le commerce chevillé sur les rayons. Dans la boutique, des originale. « Hélas, les collectionneurs sont à l’âme, ils ont la passion. l de moins en moins nombreux, regrette odeurs de poussière et de vieux cuirs, LaureNt de SaiNt Perier Vincent Fournier/J.A.
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Culture médias kiosque
la revue
les nouveaux ploutocrates le numéro 34 du mensuel La revue est en vente dans les kiosques depuis le 27 juin.
L
a revue consacre la une de son numéro 34 aux nouveaux ploutocrates, ces patrons, banquiers, politiciens parmi les plus puissants et les plus fortunés de la planète. Ploutocrates ? en europe et en France, le terme est clairement péjoratif, fleure bon les années 1930 et la dénonciation du « mur de l’argent » ou des « 200 familles », que ce soit par les dirigeants communistes d’avant guerre ou par les extrémistes des ligues antisémites. aujourd’hui, le terme désignerait plutôt une élite ultrafortunée et mondialisée, partout chez elle, et qui a su s’enrichir avec l’informatique et internet. en 2011, Joseph stiglitz, Prix nobel d’économie, publiait un article intitulé « Du 1 %, par le 1 %, pour le 1 % », dans lequel il dénonçait une société américaine sclérosée où l’égalité des chances est un leurre, où les cercles du pouvoir sont cadenassés et où un membre de la classe moyenne n’a plus aucune chance d’accéder au sommet de la pyramide, qu’elle soit politique ou économique. olivier Marbot nous explique qui sont vraiment ces ploutocrates et pourquoi le système qui leur a permis d’émerger est en train de se désintégrer. L’élection du nouveau président réformateur Hassan rohani changera-t-elle la donne en Iran ? en attendant les premiers éléments de réponse, vous pourrez découvrir dans ce numéro double un ensemble complet sur l’Iran d’aujourd’hui. Urbanisation, démographie, éducation, minorités, etc., vous y trouverez tous les chiffres importants de cette société largement méconnue. azadeh Kian,
u La revue n° 34, juillet-août 2013, 148 pages, 4,90 euros en France (3 000 FCFA dans la zone CFA)
professeure de sociologie à l’université Paris-Diderot, répond également aux questions de Juliette Morillot et de stéphane Marchand sur la nature réelle du régime et sur ses évolutions possibles. achraf Meddeb, architecte tunisienne, nous livre, elle, un témoignage inédit et sans œillères sur cet Iran du quotidien. au cœur des tensions internationales et de la politique étrangère iranienne, la guerre civile syrienne n’en finit plus d’embarrasser Barack obama. Face à un conflit inextricable, le président américain, privé de relais fiables sur le terrain, se refuse à tout engagement militaire direct contre les forces d’assad, alors même que la « ligne rouge » de l’utilisation d’armes chimiques a été franchie depuis longtemps. résultat, selon François soudan, les occidentaux restent largement spectateurs d’une tragédie dont personne ne perçoit l’issue. l Jihâd Gillon
À lire aussi dans ce numéro pirouettes de 007, dépeint en sociologue et en historien les rigidités de la société britannique.
Les antihéros de John Le Carré Tout en présentant le nouveau livre du maître du roman d’espionnage, inédit en français, Nicolas Michel revient sur la carrière d’un auteur qui, loin des jeune afrique
ennahdha, éCheC sur toute La Ligne Les islamistes ont confisqué la révolution de 2011 et fait la preuve de leur incapacité à gérer le pays. Telle est l’idée défendue par Lotfi Maktouf dans Sauver la Tunisie. Dominique Mataillet a puisé dans le livre les éléments d’explication de l’auteur.
redouble d’efforts. Juliette Morillot retrace les étapes de la lutte contre la pandémie d’un pays qui propose à ses habitants la trithérapie la moins chère du monde.
sida en afrique du sud, Combats gagnants Face au sida, l’Afrique du Sud n o 2738 • du 30 juin au 6 juiLLet 2013
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ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
RÉPUBLIQUE GABONAISE MINISTÈRE DE LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, DES TRAVAUX PUBLICS, DES TRANSPORTS, DE L’HABITAT, ET DU TOURISME, CHARGÉ DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
AGENCE NATIONALE DES GRANDS TRAVAUX
AVIS DE CONCOURS
Avis de concours
Date de lancement : 01 Juillet 2013 - Concours : N° 13TLT02-002 Nom du projet : Aménagement du Bord de Mer - Source de financement : Budget de l’Etat gabonais 1. OBJET Le Ministère de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de l’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire en tant que Maître d’Ouvrage et l’Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT) en tant que Maître d’Ouvrage Délégué se proposent de lancer un concours d’idées dans le cadre de la réalisation d’un plan pour l’aménagement urbain et paysager du bord de mer. Le concours porte sur deux lots : • Lot 1 : Aménagement urbain et paysager du bord de mer de Libreville • Lot 2 : Aménagement de la Façade Maritime du Champ Triomphal. Les résultats de ce concours devraient conduire au développement puis à la réalisation d’espaces publics. Son objectif est de créer un front de mer plus attrayant, plus sûr, plus propre et plus vert pour les résidents et les visiteurs. Les bénéfices attendus de cette amélioration des espaces publics seront d’améliorer l’image de la ville et de fournir un meilleur environnement où vivre, travailler et se divertir. Les effets subséquents doivent être ceux d’un développement emblématique avec de fortes retombées économiques et sociales. Les objectifs généraux de la compétition sont les suivants : • Améliorer de façon significative la qualité du Bord de Mer et des espaces publics adjacents • Rétablir l'équilibre entre les piétons et les véhicules avec une priorité pour les espaces piétons, • Créer une ville plus attrayante, plus sûre et plus propre avec ses espaces de grande qualité ainsi qu’une scène de rue attractive et épurée. • Veiller à ce que toute modification de l’environnement public tienne compte de son importance historique et culturelle. • Développer et améliorer l’infrastructure existante / tracer des routes et des espaces publics, qui structurent l’aménagement de la Ville. • Compléter et améliorer l’environnement naturel de la ville. • Réduire l’encombrement visuel. • Créer une corniche de front de mer emblématique. • Proposer un concept avec une palette de matériaux et du mobilier urbain en accord avec les différents quartiers de la ville. • Identifier les différentes zones d’activité du secteur, les connexions, les passerelles, points d’entrée et monuments principaux. • Améliorer la liaison entre le Bord de Mer et le reste de la ville. • Revigorer le front de mer et le transformer en une destination internationale. • Susciter une renaissance de Libreville en célébrant son passé et en créant une nouvelle confiance en son avenir. 2. PARTICIPATION Le présent concours s’adresse aux Bureaux d’études nationaux ou internationaux qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 74 du décret n° 254/PR/MEEDD du 19 juin 2012 portant Code des Marchés Publics, à savoir : ✓ qui n'ont pas souscrit les déclarations prévues par les lois et règlements en vigueur ou ne se sont pas acquittés des droits, taxes, impôts, cotisations sociales, contributions, redevances ou prélèvements de quelque nature que ce soit, à l'exception des entreprises nouvellement créés. Lorsque les entreprises se prévalent d'une dérogation en matière douanière et/ou fiscale, elles sont tenues d'en apporter la preuve ; ✓ qui sont en état de liquidation judiciaire ou de faillite ; Le Secrétaire Général, du Ministère de la Promotion des Investissements, des Travaux Publics, des Transports, de l’Habitat et du tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire Antoine MENIE M’EYI N° 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
✓ qui sont frappés de l'une des interdictions ou déchéances prévues par les textes en vigueur ;· ✓ qui sont affiliés aux consultants ayant contribué à préparer tout ou partie des dossiers d'appel d'offres ou de consultation ; ✓ dans lesquels la Personne Responsable du Marché ou l'un des membres de la cellule de passation et de suivi des marchés, de la Commission d'Evaluation des Offres, de la Direction Générale des Marchés Publics ou de l'autorité chargée d'approuver le marché possède des intérêts financiers ou personnels de quelque nature que ce soit ; ✓ qui auront été reconnus coupables d'infraction à la réglementation des marchés publics ou qui auront été exclus des procédures de passation des marchés par décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive. Les incapacités et exclusions frappent également les membres des groupements et les sous-traitants. Les inscriptions seront exclusivement faites au travers du site internet suivant : ao.angt-gabon.com et nécessiteront la signature d’un accord de confidentialité. Suite à la confirmation de l’inscription, un email contenant un identifiant et un mot de passe d’accès à l’espace candidat sera envoyé. La présentation et la règlementation du concours et les annexes seront téléchargeables via l’espace candidat. 3. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les détails sur le dossier de candidature sont disponibles sur le site internet du concours : ao.angt-gabon.com, à la section 6.11 du document de présentation du concours. Pour la phase 1 du concours, le dossier devra comporter en plus du dossier administratif, une proposition technique et financière présentant des idées de concept suivant les termes complets du concours qui sont disponibles dans l’espace candidat du site internet. NB : Les dossiers doivent être en langue Française et Anglaise. 4. CRITÈRES DE QUALIFICATION Les critères de qualification sont précisés à la section 6.14 du document de présentation du concours. Un jury d’évaluation des propositions sera formé à l’issue de la phase 1 du concours afin de procéder à l’évaluation anonyme des dossiers candidats sur la base des concepts présentés. Les 5 meilleures propositions de chaque lot seront retenues pour concourir à la phase 2 du concours sous réserve de la validité de leur dossier administratif. 5. DATES LIMITES DE DÉPÔT, D’OUVERTURE ET DE CLÔTURE DES DOSSIERS ET LIEU DE DÉPÔT DES CANDIDATURES Les dossiers des candidats doivent être déposés, suivant les règles définies dans le concours sur le site internet pour les copies électroniques, ao.angt-gabon.com Et pour les documents physiques au plus tard le 14 Août 2013 à 10 heures (GMT+1). : Secrétariat du Concours du Bord de Mer Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT) - B.P. : 23765 Libreville, Gabon 1er étage de l’Immeuble du bord de mer (À côté de l’ancien Gouvernorat) Les enveloppes extérieures devront obligatoirement porter la mention suivante : « Concours N° 13TLT02-002 Aménagement Urbain et Paysager du Bord de Mer » Le Directeur Général de l’Agence Nationale des Grands Travaux J.B. DUTTON
P. Directeur Général des Marchés Publics PI: Directeur Général Adjoint 1, Suzette NZAMBA-MAVIOGA JEUNE AFRIQUE
MINISTÈRE DE L’INDUSTRIE, DU COMMERCE ET DE L’ARTISANAT -----------------SECRÉTARIAT GÉNÉRAL --------------PERSONNE RESPONSABLE DES MARCHÉS
BURKINA FASO UNITÉ PROGRÈS JUSTICE
OUAGADOUGOU, LE 24 JUIN N°2013/13-145/MICA/SG/PRM
AVIS DE PRÉ QUALIFICATION AVIS DE PRÉ QUALIFICATION POUR LE RECRUTEMENT D’UN PARTENAIRE TECHNIQUE DE RÉFÉRENCE POUR L’EXPLOITATION ET LA GESTION DE L’ABATTOIR FRIGORIFIQUE DE OUAGADOUGOU (AFO) CRÉDIT : N°4195-BUR - ID NO. P081567 Contexte et justification La filière bétail/viande est une des filières ciblées dans le cadre de l’exécution du Programme d’Appui aux Filières Agro-Sylvo-Pastorales (PAFASP) financé par la Banque Mondiale. Pour booster cette filière, le Gouvernement entend centrer ses efforts dans le renforcement des capacités des acteurs et dans la mise aux normes, l’exploitation et la gestion optimales des infrastructures de transformation et de commercialisation pour permettre à la filière de jouer pleinement son rôle de moteur de développement du sous-secteur de l’élevage et partant d’accroître la compétitivité des filières Agro-Sylvo-Pastorales sur les marchés nationaux, sous-régionaux et internationaux en vue de soutenir une croissance durable et équitable. Objectif de la mission L’Abattoir Frigorifique de Ouagadougou (AFO) est une infrastructure marchande placée sous la tutelle technique et de gestion du Ministère de ‘l’Industrie, du Commerce, et de l’Artisanat (MICA). Cet important outil a été conçu pour avoir une vocation internationale et permettre ainsi d’accroître de manière significative l’exportation de la viande burkinabé vers les pays étrangers et offrir à la population de Ouagadougou de la viande saine et de qualité.
Le présent avis est un appel à candidature pour le recrutement d’un partenaire technique de référence en vue de la passation d’une convention d’exploitation et de gestion privée de l’AFO. Il vise spécialement les professionnels de la viande, d’envergure internationale, d’Afrique ou d’ailleurs, justifiant d’une expérience confirmée dans l’exploitation et la gestion d’abattoirs modernes de grande capacité et l’exportation de la viande. Mandat du partenaire technique de référence - Contribuer à la mise aux normes (internationales) de l’AFO ; - Assurer l’approvisionnement convenable de la ville de Ouagadougou en viande saine et de qualité ; - Assurer l’exportation de la viande burkinabè dans les marchés sous régionaux et internationaux ; - Assurer un management et une gestion modernes de l’entreprise et des infrastructures ; - Améliorer le professionnalisme des bouchers (grossistes, semi grossistes, détaillants). Critères de pré qualification La Personne Responsable des Marchés (PRM) du Ministère de l’Industrie, du Commerce, et de l’Artisanat (MICA) invite les postulants qualifiés (candidats exerçant en sociétés ou en groupements) à manifester leur intérêt. Les candidats intéressés devront produire toutes informations ou tous documents mettant en valeur leurs garanties professionnelles et financières ainsi que leur aptitude à assurer l’exécution et la continuité des prestations exigées. Ils devront satisfaire aux conditions suivantes : JEUNE AFRIQUE
NB : Pour ce qui est du matériel et du personnel, les candidats pré qualifiés prennent l’engagement de satisfaire la liste établie par l’autorité délégante. Les candidats intéressés devront joindre obligatoirement les justificatifs des références fournies. Les candidats peuvent s’associer pour soumissionner afin de renforcer leurs compétences. Une liste restreinte sera établie à l’issue de l’avis de pré-qualification et les prestataires retenus seront invités à faire des propositions techniques et financières sur la base d’un dossier qui sera élaboré à cet effet. Dépôt des dossiers Les dossiers de pré qualification, rédigés en langue française en quatre exemplaires (un original et trois copies marquées comme telles) devront être déposés sous pli fermé au Secrétariat de la Personne Responsable des Marchés publics du Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (PRM/MICA), 01 BP 365 Ouagadougou 01, Email : prmmcpea@yahoo.fr, Tél. : +226 50 32 48 28 au plus tard le 14 août 2013 à 09 heures 00 TU. Les plis comporteront la mention « avis de pré-qualification pour le recrutement d’un partenaire technique de référence en vue de la passation d’une convention d’exploitation et de gestion privée de l’AFO ». Les envois des dossiers par courrier électronique ne sont pas recevables. L’ouverture des plis interviendra le même jour à partir de 09 heures TU dans la salle de conférence du Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat en présence des soumissionnaires qui souhaiteront y participer. Les investisseurs intéressés par le projet pourront obtenir des informations complémentaires auprès de la Personne Responsable des Marchés publics du Ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (PRM/MICPA), 01 BP 365 Ouagadougou 01, Email : prmmcpea@yahoo.fr, Tél. : +226 50 32 48 28 L’Administration se réserve le droit de ne donner suite à tout ou à une partie du présent avis de pré-qualification. La Personne Responsable des Marchés Président de la Commission d’Attribution des Marchés Toro ZOURI. N° 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
Avis de Pré qualification
Avec une capacité théorique de production de 20 000 tonnes de viande par an, l’AFO ne fonctionne actuellement qu’à 40% de ses capacités (la capacité pourrait être portée à 40 000 tonnes/an). Afin de lui permettre de remplir pleinement sa fonction, le Gouvernement burkinabé a décidé, avec l’appui de ses partenaires Techniques et Financiers, de remettre à niveau l’AFO et surtout d’en faire un véritable levier pour accroître l’exportation de la viande burkinabé dans les marchés sous régionaux et internationaux.
- fournir une lettre de soumission ; - présenter l’entreprise en faisant ressortir notamment ses domaines de compétences, son statut juridique, la localisation, la personne à contacter, le téléphone, et l’adresse e-mail ; - avoir au moins une référence de prestations antérieures de même nature ou similaires exécutées ; - disposer d’une capacité de financement minimum de 2 500 000 000 FCFA (lignes de crédit, liquidités, avoirs non grevés) pour réaliser les travaux d’investissement ; - avoir un chiffre d’affaires annuel moyen de 1 200 000 000 FCFA sur les trois (3) dernières années dans la gestion et l’exploitation d’abattoirs ; - disposer de moyens humains surtout dans les positions-clés (en tenant compte du personnel existant actuellement à l’AFO) et matériels pour exécuter ce type de prestation ; - fournir toutes informations jugées pertinentes.
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Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Crédit n° 5063-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 12/MEFPPPI-CAB/PRCTG II/13 « Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation de soixante (60) informaticiens du Ministère de l’Economie, des Finances, du Plan, du Portefeuille Public et de l’Intégration (MEFPPPI) répartis en six (06) groupes de dix (10) informaticiens en conduite de projets d’informatisation, analyse et conception (Gestion de projets informatiques et qualité, merise, conception orientée objet et UML) » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit (Crédit n° 5063-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit crédit pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international pour la formation de soixante (60) informaticiens du MEFPPPI répartis en six (06) groupes de dix (10) informaticiens en conduite de projets d'informatisation, analyse et conception (Gestion de projets informatiques et qualité, merise, conception orientée objet et UML. 2. L’objectif de la mission est d’assurer une formation de base à soixante (60) informaticiens du Ministère de l’Economie, des Finances, du Plan, du Portefeuille Public et de l’Intégration en conduite de projets d’informatisation, analyse et conception (Gestion des projets informatiques et qualité, merise, conception orientée objet et UML). La durée de la mission est estimée à quarante (40) jours ouvrables repartis ainsi qu’il suit : (i) gestion de projet informatique et qualité (5 Jours) : 02 groupes de 10 personnes ; (ii) MERISE (5 Jours) : 02 groupes de 10 personnes ; Conception orientée objet et UML (10 Jours) : 02 groupes de 10 personnes. Néanmoins, le Consultant peut proposer une estimation des charges différente en fonction du syllabus qu’il propose. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services.
Manifestation d’intérêt
Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du
représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - le Consultant devra être titulaire d’un diplôme BAC+5 dans le domaine de la gestion des projets informatiques ; - la certification en gestion de projet (PMP ou autre) ou une certification en qualité (ISO 9000) serait un atout ; - les expériences pratiques dans le domaine concerné par la formation sont fortement souhaitées 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, mardi 23 juillet 2013 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITE D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 27 juin 2013 Le Coordonnateur pi Jean François EKANDJA
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Crédit n° 5063-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 13/MEFPPPI/PRCTG/13 « Recrutement d'un Consultant individuel international pour la conception et la mise en place d’un système Hotline des marchés publics au profit de l’ARMP» 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063-CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d'un Consultant individuel international pour la conception et la mise en place d’un système Hotline des marchés publics au profit de l’ARMP. 2. L’objectif de la mission est de concevoir et de mettre en place un système Hotline pour la passation des marchés publics au profit de l’ARMP. De façon spécifique il s’agira de (i) faire une revue organisationnelle et technique d’installation et d’opérationnalisation du service Hotline ; (ii) rédiger un manuel de procédures de mise en œuvre de la Hotline; (iii) proposer les matériels, les logiciels et autres supports nécessaires à l’opérationnalisation de la Hotline et en établir les caractéristiques techniques ; (iv) assurer la formation du personnel tant sur le manuel de procédures que sur la mise en œuvre du système Hotline. La durée de la mission est de cent vingt (120) jours y compris la soumission du rapport final. Cette durée est détaillée ainsi qu’il suit : (i) 25 jours- revue organisationnelle et technique d’installation et d’opérationnalisation du service Hotline ; (ii) 15 jours – détermination de la liste des matériels, des logiciels et des autres supports nécessaires à l’opérationnalisation de la Hotline ainsi que des spécifications techniques ; (iii) 10 jours- rédaction du manuel de procédures de mise en œuvre de la Hotline ; (vi) 20 jours- formation du personnel tant sur le manuel de procédures que sur la mise en œuvre du système Hotline ; (v) 25 jours – installation et mise en service du système Hotline. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ;
N° 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
• les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - être titulaire d’un diplôme d’ingénieur en télécommunication, et/ou en informatique (Bac+ 5 minimum), ayant une expérience d’au moins dix (10) ans dans la conception et la mise en place des systèmes Hotline ; - une connaissance en organisation serait un atout ; - une connaissance parfaite de la langue française. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, mardi 23 juillet 2013 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITE D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 27 mai 2013 Le Coordonnateur pi Jean François EKANDJA
JEUNE AFRIQUE
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The Africa Rice Center (AfricaRice, exWARDA) wishes to recruit: ‘ An Agronomist (Field Fellow) based in Cotonou, Benin This invitation for applications follows the general procurement notice AfDB43-04/12 for a multinational CGIAR Project on Support to Agricultural Research for Development of Strategic Crops in Africa funded by the African Development Bank and published in UN Development Business online on 27 April, 2012. Further details can be obtained from the AfricaRice website at: www.AfricaRice.org
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Pyramis Audit et Conseil, cabinet international d’audit, d’expertise comptable et de conseil dont le siège se trouve à Bamako (République du Mali), recrute pour une multinationale du secteur pétrolier quatre (04) cadres de direction pour des postes basés au Mali : 1- Un (01) business development manager : • Etre titulaire d’un diplôme de niveau Bac +5 (MBA, Ecole de Commerce) en marketing, management, administration • Disposer d’au moins sept (07) années d’expérience professionnelle pertinente acquise auprès d’entreprises intervenants dans le secteur minier, pétrolier ou agroalimentaire en Afrique de l’ouest 2- Un (01) Finance manager : • Etre titulaire d’un diplôme de niveau Bac +5 (MBA, École de Commerce, DSCG) en audit, finance, gestion, comptabilité • Disposer d’au moins cinq (05) années d’expérience professionnelle pertinente acquise auprès d’entreprises intervenants dans le secteur minier, pétrolier, agroalimentaire en Afrique de l’ouest 3- Un (01) auditeur et Un (01) Contrôleur de Gestion : • Etre titulaire d’un diplôme de niveau Bac +5 (MBA, École de commerce, DSCG) en audit, finance, gestion, comptabilité • Disposer d’au moins cinq (05) années d’expérience professionnelle pertinente acquise auprès d’un cabinet d’audit de renom Les candidats intéressés doivent envoyer un CV accompagné d’une lettre de motivation précisant leurs prétentions salariales au plus tard le 17 juillet 2013 à l’adresse e-mail : contact@pyramis-ac.com
RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE RÉCEPTION DES OFFRES DE L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/2013/D.G.TRSM.I RELATIF À L’ACQUISITION D’ÉQUIPEMENTS FAISCEAUX HERTZIENS NUMÉRIQUES
Le Ministère de la Défense Nationale informe les soumissionnaires intéressés par l’appel d’offres international n° 01/2013/D.G.TRSM.I que la date limite de réception des offres prévue initialement le 15/06/2013 est reportée au 15/07/2013.
JEUNE AFRIQUE
Republic of Mauritius
MAURITIUS AFRICA SCHOLARSHIPS The Government of Mauritius is offering scholarships to 50 students from African states for full time undergraduate studies at any public or private tertiary education institution duly registered with the Tertiary Education Commission. The scholarship will cover a grant of up to approx. Euro 2,456 per academic year for the duration of the programme to each student to cover costs of university fees and charges, economy class airfare from and to the country of origin of the student by the most economical route at the start and end of the studies, and a monthly stipend for subsistence allowance. In order to be eligible for the scholarship, students should have obtained a conditional offer in a course at undergraduate degree level at a tertiary education institution in Mauritius. The duration of the award will be up to four years and the age limit for eligibility should be 25 years. Applications shall be made through the Ministry of Education of the country of the applicant on the prescribed format with the necessary supporting documents by 15 July 2013. The detailed guidelines and application form for the scholarships are available at: www.studymauritius.info/MauritiusAfricaScholarships.aspx N° 2738 • DU 30 JUIN AU 6 JUILLET 2013
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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Alors que mon pAys célèbre, en ce 4 juillet, le 19e anniversaire de sa libération, me revient à la mémoire le jour où « radio machette » avait tout dit. le 3 avril 1994. en cet après-midi de pâques, l’animateur à la voix de possédé sur la radio libre des mille collines (rTlm) livre des noms à la vindicte populaire. une chanson ponctue son propos d’un refrain aux paroles sibyllines. « Je parle à ceux qui savent entendre », susurre bikindi, le troubadour du génocide à venir. les notes de sa cithare s’égrènent gentiment en emportant les messages de haine dans leur sillage. et moi, j’écoute, entre fascination p Faustin Kagamé. et horreur, le chant de cet artiste qui a mis son talent au service de la mort. ma sombre rêverie est coupée par la voix éraillée de noël Hitimana, l’animateur de rTlm. prenant de l’élan, il tonne : « et maintenant, les Tutsis du Fpr, […] ils veulent prendre le pouvoir ! mes informateurs au Fpr me l’ont dit. Ils vont faire une “petite chose” [autour des] 3, 4, 5 et 6 avril. Il y aura ensuite l’attaque “simusiga”, celle qui n’épargne plus personne. » puis, en français cette fois, Hitimana poursuit, ostentatoire et solennel : « que [les gens du] Fpr entendent. Devant l’histoire du monde, […] devant le peuple et l’humanité entière… un jour, ils devront expliquer comment les Tutsis, ces enfants du pays, […] ils les ont précipités dans la mort. un jour ils l’expliqueront ! le sang se verse, mais, après, il ne se ramasse plus ! » Dans la soirée du 6 avril, trois jours plus tard, l’avion du président Habyarimana est abattu par un missile. c’est la « petite chose ». l’armée et le peuple se lèvent à l’unisson. c’est l’attaque simusiga, celle qui n’épargne plus personne. on invoque la colère spontanée du peuple rendu fou par la mort de son président. bilan: près de un million de morts en trois mois. Telle est la généalogie d’une machination inaugurée sur radio rTlm trois jours avant l’attentat et qui donna le signal du génocide. une machination au cours de laquelle les promoteurs n’ont pas hésité à instrumentaliser la justice française pour attribuer la responsabilité de leur crime aux victimes rwandaises. la vérité traverse le feu dans l’âtre et en sort sans brûlure. (proverbe du rwanda.) l Faustin KagaMé, Kigali, Rwanda
vincent fouRnieR/j.a.
Rwanda « Radio Machette » avait tout dit
Précision Question allemande Permettezmoi d’apporter un rectificatif à votre article intitulé « est-elle imbattable ? » (J.A. no 2737). Si Angela merkel remporte les élections le 22 septembre prochain, elle ne sera pas le premier chef d’État européen réélu depuis le début de la crise. en effet, bien que le système politique allemand dans l’exécutif accorde la primauté au chancelier, la fonction suprême, certes honorifique outre-rhin, est celle de président de la république, actuellement occupée par Joachim Gauck. l Jean-JacQues Buricand, Lyon, France
aide Le grand piège en couPAnt l’Aide publique au pays qui l’utilise le mieux (le rwanda), les européens ont mis à nu la dimension essentiellement politique de celle-ci : une carotte pour acheter la docilité des dirigeants qui la reçoivent. en Asie du Sud-est, aucun pays n’est sorti de la pauvreté grâce à l’aide. les Africains devraient en tirer des leçons et les mettre en pratique. l FéLicien r. BiKuMu Kigali, Rwanda
Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique SOUTH AFRICA ANC boss Mantashe plans Zuma’s victoryy
SIERRA LEONE trial History put on in elections
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AFRICA in N° 46 • DEC EMBER
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Samir Dilou • Michel Sidibé
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Dlamini-Zuma: no peace without development
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Key data and analysis to guide you through the political and economic year ahead
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U S T- S E P N° 43 • AUG
SOUTH AFRICA Zuma’s struggle votes in Eastern to win Cape
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World wakes up to Mali crisis
2 0 12 N° 45 • NOVEMBER
THE AFRICA REPORT
NIGERIA 10 characte sure to meetrs you’re
54 country profiles
NIGERIA Ruling party barons challenge Jonathan
SOUTH AFRICA Union boss Vavi on the revolt politics of the worker
MAURITIUS Smart policies to weather the financial storm
AFRICAN UNION win marks Dlamini-Zuma shift power and policy
PAULO NOVAIS/EPA/MAXP
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ent Nigerian presid n Goodluck Jonatha ent
terror with developm
➜ on fighting Revolution ➜ on the Green diplomacy ➜ on the new
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GROUPE JEUNE AFRIQUE
n Publié par le Groupe Jeune Afrique depuis 2005, The Africa Report s’est imposé comme le magazine anglophone de référence dédié au continent. n C’est aujourd’hui l’outil essentiel pour anticiper les évolutions politiques et économiques des marchés africains. n Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.
Vous nous
Coopération L’épouvantail chinois Amnesty InternA tIonAl a récemment pointé le traitement que les entreprises étrangères, en particulier chinoises, réservent à leurs salariés sur le continent. Parmi les « victimes », les artisans mineurs de rD Congo – enfants compris –, qui travaillent dans des conditions difficiles pour des salaires anormalement bas. les Chinois bafouent impunément le code du travail, les autorités congolaises se contentant de balayer d’un revers de main les affirmations de l’organisation, qualifiée d’antichinoise. Au Ghana, en revanche, heureusement, on est plus courageux. les Chinois qui ne respectent pas la législation sur le travail, par exemple en exploitant illégalement les mines d’or, sont vite rappelés à l’ordre et peuvent même être expulsés desdites mines. loin de nous tout sentiment antichinois, mais nous souhaitons avoir des partenaires sérieux, appréciant, dans l’ordre, les Congolais, la rD Congo, son sol et, enfin, son sous-sol. l
vous n’êtes pas lu par des amateurs, et avez le sens de l’autocritique. Alors, souffrez que je vous le dise : votre petit jeu de mots dans l’entrefilet « Du vent dans les voiles » (p. 20 du no 2736) ne cadre pas avec votre rigueur habituelle. laissez donc cela à des journaux comme Le Canard enchaîné. l
RigoBeRt MAnkene MfuLA,
Bamako, Mali
PieRRe gAnCeL, Sénégal, Dakar
Mali soyez équitables ! Je vous sAis gRé de tout ce que vous faites pour l’Afrique dans le domaine de l’information. C’est une fierté pour nous autres, Africains. Je tiens cependant à vous interpeller sur votre couverture de l’élection présidentielle au Mali. vous avez eu tendance à ne mettre en avant que trois candidats: iBk (que j’estime), soumaïla Cissé et Modibo sidibé. or il y en a d’autres, comme soumana sacko et Moussa Mara, très appréciés chez nous et à qui vous devriez également donner la parole au nom de l’équité. l nouhouM A. BoCouM
Londres, Royaume-Uni
Réponse Régal Je dévore J.A. en stAGe à DAkAr, je dévore quotidiennement votre magazine à l’heure du déjeuner. De l’édito de Béchir Ben yahmed aux dossiers économiques en passant par les sujets d’actualité, J.A. donne une vision globale de l’Afrique. Félicitations pour votre approche différente. merci aussi pour vos sujets culturels, qui se démarquent tout autant du mainstream (au passage, grand fan de nina simone, je vais découvrir le roman de Gilles leroy)! enfin, le courrier des lecteurs démontre que jeune afrique
votre interpellation est compréhensible mais Jeune Afrique, vous en conviendrez, n’est pas soumis aux mêmes règles qu’un média de service public en temps de campagne électorale. Je ne saurais par ailleurs trop vous conseiller d’aller visiter notre site jeuneafrique.com, très consulté : vous y trouverez des interviews de Moussa Mara, de tiébilé Dramé et de Dramane Dembélé. D’autres suivront, d’ici au 28 juillet, à la fois dans l’hebdo et sur le web. l
Bios Diallo rend hommage à Aimé Césaire Au bout du petit matin, le limbe des justes restera* Arbre, tu t’appelles Aimé Le dard nimbé à travers feuillages Par-delà monts et rivières Voix des sans-voix sur les traces de l’Histoire faite rouilles De mépris d’injures et de séquelles Ton nom Césaire s’est fixé à la colline, limbe des justes Ton ombre, jour de longs barbelés et bosse du monde Est l’épée des manchots Tu m’en as fait la confidence Un jour de novembre 2002 À Fort-de-France, l’oreille collée au Lamentin À toi, vieux baobab, avec mon amulette d’un continent / blessé J’ai conté les vergetures d’une Afrique timorée Os d’une terre dont tu humes encore les effluves / depuis ton île Eia, toi le pied de ceux qui pansent leur plaie sur la raie / du soleil Te voilà la tête dans le murmure de l’écorce Comme pour une prière sur l’amère canne du divorce La Caraïbe, toujours sur le volcan L’Afrique, toujours essorée par des conflits Fissures de ton cœur rebelle Sur chacune des lignes de ton œuvre verdure de sang Éructent des sagaies de tribunaux Eia, on ne demande pas à une femme sans enfants / de pleurer son aîné Car sans droits de l’homme point de justice Ton encre le rappelle sans cesse aux grottes à éventer Césaire, par bravade dans chaque creux de tombe / de l’horrible Tu remis à l’humanité ses brûlures toilettées Sculptas l’insulte chiotte du monde en vers Avec toi, ancre volcanique Je relis, au bout du petit matin L’astre de la fierté fondamentale l Bios Diallo, Ziguinchor, Sénégal, le 13 février 2005 * J’ai rencontré Césaire le 28 novembre 2002 à Fort-deFrance, le poème a été écrit à Ziguinchor le 13 février 2005, et Aimé est mort le 17 avril 2008. Pas une ride à sa pensée !
fRAnçois souDAn n O 2738 • du 30 juin au 6 juillet 2013
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Post-scriptum Séverine Kodjo-Grandvaux
Hebdomadaire international politique, économie, culture Fondé à tunis le 17 oct. 1960 par béchir ben Yahmed (53e année) édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com direCtion
L’art a un prix? Chut!
U
n record pour une œuvre d’art baga guinée: plus de 2,3 millions d’euros. Le 19 juin, les organisateurs de la vente aux enchères « art africain et océanien & collection Jolika » (christie’s) avaient le sourire. Le majestueux serpent « bansonyi » de près de 2 m de hauteur est parti pour le double de son estimation. peu avant, une statuette dogon kambarie évaluée entre 30000 et 50000 euros a trouvé acquéreur pour plus de 600000 euros. et que dire de la figure de faîtage cérémonielle biwat (papouasienouvelle-guinée) qui, avec 2,5 millions d’euros, a atteint des sommes jusque-là inégalées pour l’art océanien. de quoi donner le tournis…
Les arts traditionnels sont à la mode. Les ventes se multiplient et les riches collectionneurs – occidentaux pour la plupart – s’en donnent à cœur joie. Si vous n’avez pas la chance de posséder un héritage bien – ou mal – acquis ni d’avoir fait fortune dans les affaires, comme l’on dit pudiquement, vous devrez vous contenter d’aller errer parmi les collections exposées dans les musées – occidentaux, là encore. pas si mal, me direz-vous, quand on a la chance d’habiter paris et de pouvoir se rendre au quai branly. écrin de luxe voulu par le président chirac et inauguré en 2006, le musée des arts et civilisations d’afrique, d’asie, d’océanie et des amériques (c’est son nom!) possède des pièces tout à fait exceptionnelles et organise bien souvent d’attrayantes expositions. La dernière en date n’échappe pas à la règle. Les œuvres présentées sont remarquables de beauté. et – risquez-vous de me faire remarquer après le succès de la vente christie’s – valent aujourd’hui une fortune. L’argent! il n’y a que ça qui vous intéresse… parlons-en! Le sujet s’y prête puisqu’il est question de charles ratton, expert, marchand et collectionneur notamment d’art traditionnel africain. de ce proche des surréalistes et de la revue Présence africaine, né en 1897 et mort en 1986, l’on apprendra son rôle majeur dans la diffusion de l’art dit alors primitif. Lui qui n’a jamais foulé le sol africain a cherché, nous explique-t-on, à imposer un regard nouveau sur cet art, privilégiant une dimension esthétique (ce qui ne l’a pas empêché de rabattre le sexe en érection d’une statue d’un guerrier pour ne pas offenser les esprits puritains de l’époque!). Mais d’argent, finalement, il ne sera pas question, ou si peu. car, nous a répondu Maureen Murphy, conseillère scientifique de la manifestation, il est « difficile de connaître la valeur des œuvres de ratton, car il avait des carnets de comptes codés ». allons donc! Au final, le musée du quai Branly propose une rétrospective consacrée à un marchand… dont l’activité marchande demeurerait secrète. cela ne rassurera pas ceux qui s’inquiétaient déjà d’une certaine proximité qu’entretient l’établissement avec le marché de l’art. comme, par exemple, lorsque la marchande d’art Hélène Leloup a vendu pour le musée (grâce au mécénat d’un assureur) une statue djennenkée pour la modique somme de 4 millions d’euros. cette pièce était le clou de l’exposition « dogon », dont la commissaire n’était autre qu’Hélène Leloup… J’allais oublier: lors de la vente christie’s, une magnifique tête de reliquaire fang a été adjugée à 337 000 euros. devinez à qui elle a appartenu? À un certain charles ratton! l
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n O 2738 • dU 30 jUin aU 6 jUillet 2013
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