Ja 2748 du 8 au 14 septembre 2013

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Ali bongo ondimbA l’interview vérité jeuneafrique.com

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Hebdomadaire international indépendant • 53 année • n 2748 • du 8 au 14 septembre 2013 e

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sénégAl aminata touré : une militante à la primature

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Rena MALI ître!

Spécial 14 pages

frAppes en syrie • comment assad compte tenir • hollande, d’une guerre à l’autre

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le roi

opposant Éducation, culture, médias… Plus que jamais, M6 multiplie les initiatives, mais aussi les critiques à l’encontre de son gouvernement. Dans sa ligne de mire : le conservatisme et la « salafisation » des esprits. édition internationale France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285



Éditorial

marwane Ben Yahmed

Pouvoir à durée (in)déterminée

«

M

ieux vaut partir cinq ans trop tôt que cinq minutes trop tard », disait le général de Gaulle. Les chefs d’État africains, mais aussi les autres acteurs politiques du continent, opposants au long cours compris, peuvent toujours méditer ce précepte. ce n’est pas nouveau : sous nos cieux, l’accession au pouvoir comme la manière de le quitter sont le plus souvent régies par l’arbitraire, les rapports de force et l’argent. Finir ses jours sous les ors d’un palais n’est pas le fantasme des seuls monarques. Le continent change ? c’est vrai, notamment en afrique de l’Ouest et en afrique anglophone, où les alternances se sont multipliées ces dernières années (Bénin, Ghana, sénégal, niger, côte d’ivoire, Zambie, cap-vert, Guinée, são tomé, Botswana, etc.). attention cependant, le vent tourne vite, et la supposée vigilance des grandes puissances, qui disent veiller au grain, est surtout fonction de leurs intérêts.

Les toutes prochaines années en diront beaucoup sur nos « démocraties », mais aussi sur la capacité de nos chefs à savoir s’arrêter à temps, a fortiori quand ce sont leurs constitutions, et non leur longévité au pouvoir, sans parler de leur état de santé, qui les y obligent. premiers de cordée, le Burkinabè Blaise compaoré et le Burundais pierre nkurunziza, dont le dernier mandat s’achève dès 2015. Leur choix pourrait d’ailleurs influer sur celui de leurs homologues également concernés : Joseph Kabila, Denis sassou nguesso et thomas Boni Yayi en 2016, ou paul Kagamé l’année suivante. Les scénarios sont connus d’avance. courtisans, plumitifs, intellectuels, parti présidentiel ou alliés, et associations de masse appelleront le chef de l’État à jouer les prolongations. pour achever ses chantiers si prometteurs ou pour accompagner quelque temps encore des populations qui ne sauraient être abandonnées à leur sort dans des circonstances si préoccupantes. pour conserver leurs privilèges, conseillers, ministres, amis, parents et autres thuriféraires ne manqueront pas de lui seriner que le pays a encore besoin de lui. ceux, plus audacieux, qui auront l’outrecuidance de tenter de le persuader qu’il est temps de passer la main seront le plus souvent écartés comme des malpropres. Les avocats du diable oublient qu’aucun président n’est irremplaçable, trahissant au passage le legs d’un nelson Mandela qu’ils ne se privent pourtant pas de citer à l’envi, et, surtout, ne se rendent même pas compte que leurs discours ne portent plus au sein de populations de plus en plus lucides et vigilantes. Les règles sont faites pour être respectées et la démocratie ne peut s’épanouir – et s’enraciner – que lorsque le pouvoir politique est librement et régulièrement transmis. puissent ces dirigeants éclairés faire le bon choix… l

jeune afrique

3 PHOTOs de COuverTures : ÉDITIoN ÉDITIoN ÉDITIoN ÉDITIoN

INTErNATIoNALE ET MAGHrEB & MoyEN-orIENT : Carlos alvarez/Getty IMaGes AfrIQUE DE L'oUEST : Joe Penney / reuters AfrIQUE CENTrALE : soPhIe lIedot/JBvneWs SÉNÉGAL : sylvaIn CherkaouI Pour J.a.

Vous retrouverez Ce que je crois de Béchir Ben Yahmed à la fin de ce mois de septembre. 6

Confidentiel

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l a sem a in e d e j eu n e a f riq u e

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france Général Hollande Hassan Cheikh mohamoud « Monsieur Baraka » Oumar Tatam ly Carré et discret Thierry Tanoh Directeur général d’Ecobank israël Ariel Sharon, le mort-vivant Tunisie Dur, dur d’être jeune et jolie affaire Omar raddad L’ADN va-t-il parler ? france-afrique Les lambris, c’est fini médias Al Qarra, patatras ! Tour du monde

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g ra n d a n g l e

inTerview exClusive

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ali Bongo Ondimba

Quatre ans après son élection, le chef de l’État répond sans détour aux grandes questions du moment.

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a f riq u e su Bsa H a rien n e

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sénégal Aminata Touré, une forte tête à la primature Cameroun Aminatou Ahidjo veut tourner la page Burkina faso Ici aussi, y’en a marre Kenya Sus à la CPI

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m ag H reB & m OY en - O rien T

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maroc Un opposant nommé Mohammed VI Palestine Hamas à la masse israël Buji le conquérant Tunisie Vol au-dessus d’un nid de faucons n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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C’est la génération qui monte. Financiers, avocats, industriels ou entrepreneurs, tous âgés de moins de 45 ans, ils dessinent l’avenir économique du continent.

séNégaL ForTe TêTe Nommée Premier ministre le 1er septembre, Aminata Touré est passée des bras du trotskisme à ceux du libéralisme façon Macky Sall, sans rien renier de ses idéaux. Portrait.

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dossier agro-iNdusTrie uN poTeNTieL eN JaCHÈre L’Afrique peine à se doter de filières performantes pour que ses matières premières agricoles deviennent des produits finis.

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Frappes eN syrie assad CoNTre zorro Il ne suffira pas de quelques raids aériens limités pour annihiler les capacités de nuisance du maître de Damas. De quel arsenal celui-ci dispose-t-il encore ?

maroC uN opposaNT Nommé moHammed Vi Éducation, culture, médias… Plus que jamais, le roi multiplie les initiatives, mais aussi les critiques à l’encontre de son gouvernement. Dans sa ligne de mire : le conservatisme et la « salafisation » des esprits.

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europe, am é r i q u e s, as i e

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Frappes en syrie Assad contre Zorro indonésie Un chevalier blanc chasse l’autre parcours Mehdi Ben Attia, une fantastique identité Vatican Le choix de François états-unis Obama bis

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Le pLus de Je u N e a Fr i q u e

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mali Renaître !

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afrique francophone Les 25 leaders de demain Les indiscrets TiC Ory Okolloh, Africaine 2.0 assurances Ambiance de fin de règne chez Chanas Baromètre

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de Jeune Afrique

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Renaître!

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maLi reNaîTre ! Investi le 4 septembre, IBK l’a juré devant la nation : plus rien ne sera jamais comme avant. Du rêve aux réalités, le plus dur commence…

d o ssier agro-industrie C u LT u re & m éd ia s Cinéma Interview de Laïla Marrakchi, réalisatrice marocaine photographie Made in Kin La semaine culturelle de Jeune afrique essai L’Orient dans le sang V o u s & No u s Le courrier des lecteurs post-scriptum

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TUNISIE LES FrèrES SE réorgaNISENT

vincent fournier/j.a.

q l’ancien ministre congolais de la défense.

Congo-Brazza Lekoundzou entendu dans l’affaire du Beach

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ilier du gouvernement congolais sous Sassou 1 et Sassou 2 (il a été ministre pendant près de quinze ans) et ancien secrétaire général du parti au pouvoir, Justin Lekoundzou a reçu le 3 septembre la visite inopinée des enquêteurs français chargés de l’affaire dite des disparus du Beach de Brazzaville. Dans son appartement de la proche banlieue parisienne, où il se soigne depuis plusieurs années, Lekoundzou a été interrogé et entendu en tant que simple témoin, son nom n’étant pas cité dans la procédure. Motif : il était à l’époque des faits (mai 1999) ministre à la présidence chargé de la Défense nationale. Jugée au Congo depuis 2005, l’affaire a récemment été relancée, en France, par la mise en examen de Norbert Dabira, l’ancien inspecteur général des forces armées congolaises. l

Le coup du balancier

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es majorités changent, les ambassadeurs aussi, avec un temps de retard. Après avoir passé près de quatre années en poste à Brazzaville, Jean-François Valette, plutôt proche de l’UMP, est remplacé par décret en date du 30 août par Jacques Maillard, de sensibilité plutôt à gauche. Diplomate de carrière, sinisant et ancien ambassadeur à Maurice, ce dernier a travaillé dans les années 1990 au sein des cabinets d’Alain Vivien (socialiste) et de Jean-Claude Gayssot (communiste). Surtout, il a été chargé de mission auprès du Premier ministre de l’époque, un certain Michel Rocard. Maillard, qui aura à « gérer » la délicate perspective de l’élection présidentielle congolaise de 2016, pourra toujours bénéficier des conseils de ce dernier. Familier du circuit des conférences africaines, Rocard connaît bien le Congo et son président, Denis Sassou Nguesso – lequel l’a encore reçu fin juillet à Brazzaville. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Aprèsleurdébâcleégyptienne, les Frères musulmans tentent de se réorganiser. Selon des sources diplomatiques tunisiennes, une réunion secrète des chefs de la confrérie s’est tenue début août à Francfort, en Allemagne, au cours de laquelle le Tunisien Rached Ghannouchi, qui est tenu en grande estime par ses « frères » étrangers, a été choisi comme leader pour la Mauritanie, l’Algérie et la Tunisie. LE CHIFFRE

190 milliards de F CFa (soit 290 millions d’euros) : c’est le montant des sommes qui transitent annuellement par les tontines, selon une enquête du ministère camerounais des Finances. Celles-ci sont préférées aux banques par 58 % des Camerounais, car les placements y sont très rémunérateurs et l’accès au crédit moins contraignant.

CaMEroUN BoN aNNIvErSaIrE

La Lettre de la réunification : c’est le titre du beau livre à paraître le 12 septembre chez un éditeur suisse, à l’initiative de la présidence du Cameroun afin de célébrer le cinquantenaire de la réunification du pays – des festivités sont prévues en octobre dans la ville anglophone de Buéa (SudOuest). L’ouvrage est réalisé sous la direction d’Oswald Baboke, conseiller technique à la présidence. Photos et documents inédits à l’appui, l’ouvrage évoque en 550 pages les coulisses de l’Histoire, le rôle des acteurs et les péripéties de la marche du pays vers la réunification, le 1er octobre 1961, des parties anglophone et francophone du pays. Prix : 50 000 F CFA (76 euros). jeune afrique


Retrouvez notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques, en page 95.

Politique, économie, culture & société

madagascar Ratsiraka fait le mort… Depuis qu’à la mi-août son nom a été retiré par la Cour électorale spéciale de la liste des candidats à l’élection présidentielle, il est resté muet. et il n’est apparemment pas près de rompre le silence. l’ancien président Didier Ratsiraka, qui a peu apprécié les pressions exercées ces derniers mois par la communauté internationale, se refuse pourtant à « mettre de l’huile sur le feu », dit-on dans son entourage. et comme il a décidé de ne soutenir aucun autre candidat, il n’a « aucune raison de parler ». en fait, il est convaincu que le prochain scrutin (25 octobre et 20 décembre) sera une nouvelle fois repoussé. « organiser des élections en pleine saison des pluies est irréaliste, glisse un de ses confidents. en cette période, certains villages sont inaccessibles. impossible d’y acheminer ne serait-ce que les bulletins de vote. » l

FRANCE Du NouvEAu pouR lEs « biENs mAl ACquis »

La commission des finances de l’Assemblée nationale française examinera le 11 septembre un projet de loi relatif à la fraude fiscale et à la grande délinquance financière qui risque de relancer l’affaire dite des biens mal acquis. Et beaucoup d’autres. L’article 1er du texte accorde en effet aux associations de lutte contre la corruption le droit de se constituer partie civile pour des faits de corruption

et de trafic d’influence impliquant un agent public d’un État étranger ou d’une organisation internationale. Ce qui revient à graver dans le marbre une jurisprudence du 9 novembre 2010, quand la cour de cassation avait autorisé la justice à se saisir des plaintes déposées en 2008 par les ONG Sherpa et Transparency International France contre les présidents Omar B ong o O ndimba (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville)

… et Rajoelina joue la montre anDRy Rajoelina, de son côté, fait languir ses partisans. Depuis la décision de la Cour électorale spéciale d’invalider sa candidature (comme celle de Ratsiraka), le président de la transition n’a donné aucune consigne de vote. s’il compte plusieurs de ses proches parmi les trente-trois candidats autorisés à se présenter, il ne devrait en soutenir aucun – du moins publiquement. « il attendra certainement le second tour pour se positionner », glisse un conseiller. si le candidat du tGV, son parti, est edgard Razafindravahy (un homme d’affaires qu’il a placé à la tête de la capitale en 2009), le président semble avoir un penchant pour celui qui fut un fidèle ministre des Finances pendant la majeure partie de la transition : Hery Rajaonarimampianina. C’est ce dernier, qui jouit d’une bonne image dans la communauté internationale, qui « a le plus de chances de l’emporter », juge-t-on dans l’entourage de Rajoelina. l

et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale). Auparavant, ces associations ne pouvaient arguer d’un quelconque préjudice pour se constituer partie civile dans ce genre de procès. pHoTo poDoR à pARis

Du 2 octobre au 1er décembre, le Comptoir général (80, quai de Jemmapes, 75010 Paris) accueillera une exposition consacrée au travail du photographe sénégalais Oumar Ly (70 ans). Son titre ? « Portraits

Lancée en mai 2013 par le parquet de nanterre, l’enquête pour blanchiment de capitaux visant les biens en France d’un certain nombre de hauts responsables algériens progresse à grands pas. Deux immeubles et un appartement que Farid Bedjaoui, un homme d’affaires impliqué dans le scandale Sonatrach, possède dans le 16e arrondissement de Paris ont été perquisitionnés par des policiers français et italiens et mis sous scellés. Les comptes bancaires de Bedjaoui, contre qui p Farid Bedjaoui, un proche de deux mandats d’arrêt internationaux ont été l’ancien ministre Chakib Khelil. lancés, ont été bloqués dans la foulée. Les enquêteurs français, qui ont reçu d’importants documents du Luxembourg, où sont domiciliées certaines sociétés du businessman, ont par ailleurs découvert l’existence d’une villa à Ramatuelle, près de Saint-Tropez, dont la vente a été bloquée in extremis. Selon nos informations, une équipe d’enquêteurs du pôle judiciaire du parquet de nanterre se rendra prochainement à alger pour tenter d’obtenir la collaboration des autorités. l jeune afrique

dr

scandale sonatrach sur la piste de bedjaoui

de brousse, 1963-1978 ». Celui que l’on surnomme parfois le Malick Sidibé du Sénégal reconstituera à cette occasion le Thioffy Studio, c’est-à-dire son propre studio à Podor, la ville où il vit. Les visiteurs pourront s’y faire tirer le portrait par le maître en échange de 25 euros (sur réservation). sYRiE CombiEN DE jiHADisTEs éTRANgERs ? la présence en syrie de jihadistes étrangers inquiète les services de renseignements occidentaux, même si le nombre et l’influence de ces derniers sont délibérément gonflés par le régime de bachar al-Assad. Deux spécialistes du terrorisme, Thomas Hegghammer, qui travaille au ministère norvégien de la Défense, et Aaron Y. Zelin, du Washington institute for Near East policy (Winep), ont récemment passé au crible près de 800 sources documentaires. leur conclusion ? originaires d’une soixantaine de pays, les jihadistes sunnites étrangers seraient entre 3 000 et 5 000. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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La semaine de Jeune afrique

FranCe

Général Hollande On le croyait débonnaire, et on l’attendait plutôt en politique intérieure. Surprise: du Mali à la Syrie, le président s’est coulé dans les habits du chef de guerre. Histoire d’une métamorphose.

François soudan

C

était le 4 septembre, sous un chaud soleil de fin d’été, au milieu des ruines calcinées d’Oradour-sur-Glane, graine brûlante sur le long chapelet de ces villages martyrs qui sont autant de symboles de la barbarie humaine : My Lai, Deir Yassin, Halabja, Sakiet Sidi Youssef, Thiaroye et, depuis le 21 août, ceux qui parsèment la n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

plaine de la Ghouta, à l’est de Damas. À l’issue d’une cérémonie cathartique scénarisée à l’extrême, au cours de laquelle il a étreint avec fougue son homologue allemand Joachim Gauck, François Hollande prend la parole. On le sent à la fois tétanisé et exalté, grave et transporté, comme s’il vivait un moment d’Histoire, sans savoir encore s’il sera à la hauteur du rôle qu’il s’est donné. Puis il se redresse, droit dans ses bottes, le menton relevé. Notre présence en ces lieux, dit-il, est une promesse, « promesse de refuser l’inacceptable partout où il se produit. Près jeune afrique


L’événement lointain. Ce Hollande-là, ses collaborateurs l’ont découvert, stupéfaits, en janvier dernier lorsqu’il s’est agi d’envoyer dans le ciel malien les Rafale de Saint-Dizier et les Mirage de N’Djamena. Martial, penché sur les cartes et les photos satellite montrant l’avancée des colonnes jihadistes sur Bamako, briefé en accéléré par une multitude de fiches de synthèse sur les mouvements touaregs, les katibas d’Aqmi, l’effondrement de l’armée régulière et la déliquescence du personnel politique malien, il prend en monarque républicain le pari solitaire et risqué d’intervenir. Un coup d’audace, une thérapie de choc pour cet adepte de l’acupuncture et des médecines douces quand il s’agit de gouverner la France. Mais un coup de maître. conte de fées. La récompense de cet engage-

KENZO TRIBOUILLARD/AFP

ment au Mali, François Hollande l’a déjà savourée dans les rues de Tombouctou, comme Nicolas Sarkozy il y a deux ans sur la place Al-Tahrir de Benghazi. Certes, pas plus qu’à son prédécesseur ce poker gagnant ne rapporte à l’actuel chef de l’État le moindre gain durable dans les enquêtes d’opinion auprès des Français, que la crise a rendu isolationnistes, mais rien ne vaut, quand on cherche à laisser une trace dans l’Histoire, cette foule qui vous acclame et, à travers vous, la France. Il y a là une émotion, une jouissance personnelles qui vous font oublier un instant que votre pays va mal et que votre popularité est en berne. Ce sentiment d’avoir enfin les coudées franches et d’être un point fixe quand tout est flou n’a pas de prix. Le 19 septembre, François Hollande devrait goûter à Bamako, où il sera l’hôte du président élu Ibrahim Boubacar Keïta, aux ultimes douceurs de son conte de fées malien. À moins que, d’ici là, il ne soit à nouveau entré en guerre contre un adversaire autrement plus coriace, organisé et soutenu que les p Avec son Premier bandes du narcojihadiste Belmokhtar : Bachar alministre et ses Assad. Cela fait près de trois semaines maintenant ministres des Affaires que le président français s’y prépare. À l’instar de étrangères, de la Sarkozy face à Kaddafi – et à cette différence près Défense et de qu’il n’a, lui, jamais dîné avec le diable –, Hollande l’Intérieur, à l’Élysée, le 28 août. a pris la tête de l’« opération punition » du dictateur syrien, et sa détermination en ce domaine ne fait aucun doute. Comme l’affaire malienne, celle qui s’annonce est loin d’être gagnée d’avance, plus imprévisible encore dans ses conséquences et beaucoup moins évidente à expliquer au peuple on le sent à la fois tétanisé français tant les intérêts et exalté, grave et transporté. stratégiques immédiats Puis il se redresse, plein de la France apparaissent d’assurance, le menton relevé. ici peu concernés, tant les objectifs revendiqués d’une telle action (faire en sorte que l’emploi d’une arme de destruction massive ne se banalise) semblent aléatoires. Mais pour François Hollande comme pour son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius,

de chez nous, loin d’ici ». Singulière dissociation : du Mali à la Syrie, d’une guerre à l’autre, le « président pépère » se mue en procureur intraitable et le « capitaine de pédalo » devient général d’armée. Jamais la France n’avait fait avant lui l’expérience d’une telle schizophrénie au sommet de l’État. On attendait beaucoup de François Hollande en politique intérieure, à commencer par ce qu’il se fasse churchillien face à l’ampleur de la crise, et bien peu du même en politique étrangère tant il semblait sur ce point s’inspirer de Léon Blum. Seize mois plus tard, c’est l’inverse qui s’est produit et c’est à fronts renversés qu’il convient désormais de décrypter l’hôte de l’Élysée. Nicolas Sarkozy se voulait transgresseur, voire brutal, au-dedans comme au-dehors. François Hollande, lui, peut soupeser pendant des semaines un arbitrage sur le marché du travail, le mariage pour tous ou le conflit qui oppose deux de ses ministres les plus emblématiques, et décider en une heure d’engager son armée dans un conflit jeune afrique

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La semaine de J.A. L’événement certainement le plus acéré des faucons de son entourage, il ne s’agit pas ici de realpolitik, il s’agit avant tout de morale universelle, au risque d’apparaître bien arrogant dans un monde devenu multipolaire. Une sorte de devoir impératif et quasi messianique qui impose, au nom d’une certaine idée de la France, de débarrasser l’humanité d’un criminel de guerre. Plus prosaïquement, le fait d’être le seul à vouloir agir ainsi, en tête à tête avec le chef de la première puissance mondiale dont le leadership militaire lui est indispensable, mais dont les procrastinations l’exaspèrent, renforce chez Hollande l’impression de jouer enfin dans le carré VIP des grands de la planète. Personne, pas même lui, n’aurait cru à ce miracle lorsqu’un jour de mars 2011 le député de la Corrèze annonça sa candidature à l’Élysée.

sur une carte de la syrie, il indique du doigt les cibles à frapper.

Ceux qui l’ont vu, lors d’un récent conseil restreint de défense, indiquer lui-même du doigt sur une carte de la Syrie les cibles à frapper ont été sidérés par une transformation qui n’avait rien d’une posture. Est-ce bien le même homme ? « On ne fait président que lorsqu’on a été élu président. Et encore, il peut y avoir des exceptions », confiait-il à Jeune Afrique en 2011 peu après son entrée en campagne. Si certains nourrissent toujours bien des hésitations sur le Hollande du dedans, équilibriste au point d’en donner le tournis, aucun ne devrait plus en avoir sur le Hollande du dehors. En chef de guerre, le politicien culbuto de jadis, tant brocardé par ses adversaires, au surnom ravageur et injuste d’un flan caramélisé, ne fait pas président. Il est président. Pour le meilleur et pour le pire. l

Bachar et asma au pays des Bisounours Pendant que François Hollande et Barack Obama brandissent la menace d’une intervention, le raïs syrien, son épouse et leur clan affectent de rester zen.

visibles d’inquiétude », indique le journaliste français Georges Malbrunot, qui l’a interviewé pour Le Figaro le 2 septembre. Assad affecte la normalité. Ponctualité exemplaire, hospitalité levantine : il a accueilli le journaliste sous le porche de la maison qui lui sert de bureau, dans les hauts quartiers de Damas, près du palais présidentiel. Tous ceux qui l’ont interviewé récemment le décrivent comme « très calme ». Le même flegme qu’affectait déjà son père face aux diatribes d’un Saddam ou aux excentricités d’un Kaddafi. Le style et l’apparence font assurément partie de la guerre des nerfs qui se joue entre Assad et Obama.

afp

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p Asma al-Assad (à g.) dans un orphelinat de Damas, le 4 août.

enacé d’une « punition » militaire par une coalition internationale aux contours encore incertains, Bachar al-Assad croit à sa baraka. « Les Occidentaux bluffent ! », c’est l’intime conviction du raïs et du petit cercle fermé au sein duquel il choisit ses conseillers, explique Ayman Abdel Nour au New York Times. Ancien condisciple de fac d’Assad, Nour est devenu l’un de ses plus féroces critiques depuis qu’il a créé le site

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web All4Syria. Ce chrétien syriaque, exmembre du parti Baas, faisait pourtant partie du club autoproclamé des jeunes réformateurs dont s’était entouré le lionceau au début des années 2000. Début août, des tirs de mortiers ont échoué à proximité du convoi présidentiel, au moment où Assad quittait son palais pour se rendre à la prière de l’Aïd. De quoi rendre nerveux ses Moukhabarat et autres services de sécurité. Le président, lui, ne « montrait pas de signes

surréaliste. Sur le site de partage de photos Instagram, la présidence syrienne semble ignorer le conflit qui déchire le pays. Comme si les pertes civiles et les destructions se passaient sur une autre planète. Ouvert fin juillet, le compte Instagram regorge d’images surréalistes occultant la guerre : bain de foule à Damas, tournée des popotes en tenue civile, rencontres avec des dignitaires religieux, visites à des centres de vacances de scouts… Asma, l’épouse de Bachar, reste l’atout charme du régime. On la voit sourire à des enfants, s’agenouiller pour parler à une jeune femme en fauteuil roulant ou servir des repas à des orphelins, un bracelet high-tech au poignet, qui permet de mesurer les mouvements, le sommeil et les repas. Elle fait attention à sa ligne, ça c’est un scoop ! l Youssef aït akdiM jeune afrique


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fOrUM inTernaTiOnaL DeS inveSTiSSeMenTS en CÔTe D’ivOire Le premier rendez-vous économique international pour les acteurs du renouveau ivoirien.

Partagez le nouvel élan économique de la Côte d’Ivoire Sous le haut patronage de Monsieur Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d’Ivoire


La semaine de J.A. Les gens

hassan cheikh Mohamoud « Monsieur baraka »

hors du système clanique cher aux seigneurs de la guerre. Après avoir fait ses preuves dans la société civile, Hassan Cheikh Mohamoud fonde, en 2011, le Parti pour la paix et le développement. Entré au Parlement en août 2012, il brigue la magistrature suprême un mois plus tard et bat au second tour Charif Cheikh Ahmed, le président de la transition. Une anecdote illustre bien l’état d’esprit du nouveau dirigeant. Peu après son élection, des chefs de clans viennent le voir pour solliciter ses faveurs avec un attaché-case contenant 200 000 dollars. Tranquillement, il leur conseille d’aller déposer cette somme à la Banque centrale afin qu’elle soit intégrée au budget de l’État. Une première !

Déjà visé par un attentat en 2012, le président somalien a réchappé de justesse, le 3 septembre, à une nouvelle attaque.

creDo. Le président a défini ses priorités:

stuart priCe/afp

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p Il est attendu le 16 septembre à Bruxelles pour une conférence des donateurs.

D

ans la vie de Hassan Cheikh Mohamoud, le mois de septembre a une résonance particulière. Il y a un an, le 10 septembre 2012, il était élu président de la Somalie par le Parlement. Quarantehuit heures plus tard, il échappait à un attentat des islamistes Shebab dans un hôtel de Mogadiscio. Et il y a quelques jours, le 3 septembre, il est sorti indemne d’une attaque à l’arme lourde contre son convoi, à une centaine de kilomètres de la capitale. Miraculé une fois de plus, il se rendra le 16 septembre à Bruxelles pour une importante conférence de bailleurs de fonds organisée par l’Union européenne (UE) afin de soutenir la reconstruction et la stabilisation de la Somalie. Jusqu’à son élection, Hassan Cheikh Mohamoud, 58 ans en novembre, n’était pas à proprement parler un homme

politique. Plutôt un acteur de la société civile. Formé à l’université nationale, d’où il sort avec un diplôme d’ingénieur technique en 1981, il commence une carrière d’enseignant, avant de se rendre en Inde pour un troisième cycle à l’université de Bhopal. Revenu au pays, il intègre le ministère de l’Éducation nationale, où il dirige un programme de formation piloté par l’Unesco. attaché-case. À la chute du gouvernement de Siad Barré, en 1991, l’universitaire reste, malgré la guerre et le chaos. Il devient consultant auprès d’ONG et d’agences onusiennes ; s’implique, avec le soutien de la Croix-Rouge, dans la réouverture d’écoles et crée l’Institut somalien de gestion et d’administration (Simad), qui deviendra une université. Contrairement à la plupart de ses compatriotes, il évolue

lutte contre l’impunité et la corruption, restauration de l’État de droit, tolérance zéro face aux auteurs de viols et d’assassinats ciblés… Il croit fermement que son pays est sorti du gouffre, grâce, surtout, au travail accompli par les armées burundaise et ougandaise dans le cadre de la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), et à celui des troupes éthiopiennes et kényanes. Pour Hassan Cheikh Mohamoud, le temps est à la reconstruction. C’est pourquoi il ne cesse d’appeler ses compatriotes ayant quitté le pays à revenir. Écouté par la communauté internationale – le magazine Time l’a classé parmi les cent personnalités les plus influentes en 2013 –, il a déjà participé à une conférence des bailleurs à Londres, en mai. Celle de Bruxelles, le 16 septembre, est cruciale. Elle doit, selon Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, déboucher sur la mise en place d’un « plan triennal susceptible d’apporter la paix, la sécurité et le développement à l’ensemble de la population somalienne ». Pour donner corps au credo de Hassan CheikhMohamoud:lesSomaliensdoivent être les acteurs de leur propre destin. l tshitenge Lubabu M.K.

noMinations

Guillaume lapo Centrafrique Nommé inspecteur général des armées le 3 septembre, l’ex-chef d’état-major de François Bozizé est le deuxième haut gradé du régime déchu chargé d’importantes responsabilités par les autorités de la transition. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

mohamed Jaham al Kuwari qatar Le diplomate, qui représentait l’émirat à Paris depuis dix ans, a été nommé, à 55 ans, ambassadeur aux États-Unis, pays qu’il connaît bien pour y avoir fait une partie de ses études. jeune afrique


En haussE

13

dAmA drAmAni

Oumar Tatam Ly Carré et discret aFP

Le nouveau Premier ministre malien est un technocrate qui a fait l’essentiel de sa carrière à la BCEAO.

Ce député togolais de 69 ans, membre de l’Union pour la République (Unir, au pouvoir), a été élu président de l’Assemblée nationale le 2 septembre. Il succède à Abass Bonfoh, qui a occupé le poste pendant huit ans. CArson Huey-you

C

Dr

LupitA nyong’o L’actrice kényane donne la réplique à Brad Pitt dans 12 Years a Slave, du réalisateur britannique Steve McQueen, originaire de l’île de Grenade. Le film, qui traite de l’esclavage aux États-Unis, a été projeté en avant-première le 30 août. En baissE

AdAmA LAwAni

Dr

sOLiTaiRE. Entré à la BCEAO en 1994, Tatam Ly en a gravi

les échelons jusqu’à être nommé, en 2008, directeur national pour le Mali. Il a ensuite rejoint Dakar comme conseiller spécial du gouverneur de la banque. « Il avait plusieurs atouts, analyse un proche d’IBK. C’est un homme neuf, qui n’a pas de passé politique et n’a pas pris part à la gestion des deux dernières décennies. Il est compétent et rigoureux, ce qui rassurera les bailleurs du Mali. C’est aussi l’un des artisans du projet présidentiel. » Selon une source qui le connaît bien, Tatam Ly « a toujours eu l’ambition d’occuper un fauteuil de ministre ou même celui de Premier ministre. Mais son tempérament solitaire et introverti pourrait lui jouer des tours ». l MEhdi ba, envoyé spécial à Bamako

À 11 ans, ce jeune métis américain s’apprête à faire sa rentrée à l’université. Le préadolescent, qui joue du piano, parle chinois et veut devenir physicien, est le plus jeune étudiant jamais admis à l’université chrétienne duTexas.

Dr

est finalement un technicien qu’a choisi Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le chef de l’État malien, pour diriger son gouvernement (lire pp. 61-82). Après un bref passage à la présidence lors du premier mandat d’Alpha Oumar Konaré, Oumar Tatam Ly, 49 ans, a fait l’essentiel de sa carrière à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). « Il est très pointu mais aussi très discret, fuyant les médias », résume un journaliste économique à qui le nouveau Premier ministre avait même refusé de donner sa carte de visite. « Il est carré, studieux et bosseur. Mais il n’est pas très sociable, confirme un proche de la famille Ly. Il a du mal à communiquer. » Au Mali, la notoriété de ce rejeton d’une famille peule, que tous ses amis surnomment Thierno, est bien moindre que celle de son père, l’écrivain Ibrahima Ly. Ce pionnier de la lutte démocratique avait payé d’une incarcération à la prison de Taoudenit son engagement contre la dictature de Moussa Traoré (1968-1991). Quant à sa mère, Madina Tall Ly, elle fut longtemps ambassadrice à Paris sous Konaré (1992-2002), après avoir été sa directrice de campagne. Son adjoint à ce poste ? Un certain IBK…

La directrice commerciale de BéninTélécoms, âgée de 33 ans, a été placée sous mandat de dépôt puis incarcérée fin août. Elle est accusée de faux, usage de faux et détournement de plus de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). george H. BusH

aFP

q Le 6 septembre, au lendemain de sa nomination.

Le service de presse de l’ancien président américain, âgé de 89 ans, a envoyé par erreur, le 1er septembre, un communiqué de condoléances pour la mort de Nelson Mandela, l’ex-chef de l’État sud-africain.

rEa

EmmanuEl DaOu Bakary

Boris BoiLLon

jeune afrique

L’ancien ambassadeur de France en Irak et enTunisie, 43 ans, a été interpellé fin juillet en possession de 350000 euros et 40000 dollars en liquide au moment de monter dans un train Paris-Bruxelles, a révélé Mediapart le 30 août. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


Le grandinvité

La semaine de J.a. Décryptage

Thierry Tanoh « Ecobank sortira grandi de cette épreuve »

de l’économie

accusé de mauvaise gouvernance, le directeur général de la banque panafricaine nie en bloc. et recentre le débat sur la stratégie du groupe.

T

roisième invité de la grande interview réalisée conjointement par Jeune Afrique et RFI, Thierry Tanoh, devenu directeur général d’Ecobank en janvier, s’explique sur la crise que traverse le groupe depuis le mois de juillet. Laurence Do Rego, la directrice financière suspendue début août, l’accuse, entre autres, de tentatives de manipulations comptables et de s’être octroyé un bonus sans autorisation. Combatif mais isolé au sein d’un management largement choisi par son prédécesseur, l’Ivoirien veut passer le cap pour se concentrer à nouveau sur la croissance d’une institution dont le total de bilan atteint 20 milliards de dollars (15 milliards d’euros) et qui emploie 18 500 personnes. Crise au sommet

« Lorsqu’il y a un changement à la tête d’une grande institution, la transition n’est pas toujours facile. Dans le cadre d’une restructuration que je voulais faire au niveau du management, une des personnes avec qui je travaille a fait un certain nombre d’allégations ; je les nie en bloc. Nos revenus connaissent une croissance organique [hors acquisitions] de l’ordre de 23 %. Nos dépôts sont en hausse, nos profits aussi et le cours de l’action a fortement grimpé jusqu’au début de cette affaire. La situation est difficile, mais notre groupe en sortira grandi. » 1,14 million de dollars « Ce bonus a été approuvé par le comité de gouvernance du conseil d’administration. Vu la polémique qu’il a suscitée et dans l’intérêt d’Ecobank, j’ai décidé de renoncer à ce bonus et de n’en toucher aucun au titre de l’année 2012. »

bruno levy pour J.A.

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• Thierry Tanoh est né le 21 avril 1962. Diplômé de harvard (États-Unis), il a travaillé dix-huit ans à la Société financière internationale, jusqu’à accéder en 2008 au poste de vice-président pour l’afrique subsaharienne, l’amérique latine, les Caraïbes et l’europe de l’ouest. il a rejoint le groupe panafricain ecobank, présent dans 34 pays, en juillet 2012, et en a pris la direction générale en janvier 2013.

Manipulation des comptes ? « C’est tout à fait impossible. Je n’ai aucun intérêt à changer les résultats d’une banque. Je suis parti d’une institution internationale [la Société financière internationale, filiale de la Banque mondiale] pour rejoindre un groupe panafricain, dirigé par des Africains et qui sera la fierté de l’Afrique. La dernière chose que je ferais serait de manipuler les comptes. Je suis venu pour œuvrer dans la transparence et mettre en place les procédures nécessaires pour qu’une banque de ce niveau réponde aux normes internationales. »

Démission « Il n’en a jamais été question. » Trois piliers stratégiques « Le cabinet de conseil McKinsey nous aide à ériger les trois piliers de notre stratégie. Un : se doter d’outils permettant de mesurer la qualité des services offerts à nos clients. Deux : devenir l’employeur de référence afin d’attirer les meilleurs talents, les garder, les former, leur offrir des promotions. Et le troisième aspect, fondamental, c’est le retour sur investissement pour les actionnaires, qui se sont longtemps plaint de la baisse du cours en Bourse d’Ecobank. » Perspectives ivoiriennes

RetRouvez l’intégralité de l’interview sur jeuneafrique.com

« La clé pour la Côte d’Ivoire, c’est de travailler et de démontrer aux investisseurs qu’une bonne gouvernance est en place. » l

Éco d’ici, éco d’ailleurs, tous les premiers samedis du mois sur rfi à 12 h 10* n 2748 • du 8 au 14 septembre 2013 o

Propos recueillis par fréDériC Maury (J.a.) et fréDériC garaT (rfi)

* heure de Paris, 10 h 10 TU jeune afrique



La semaine de J.a. Décryptage t Installation de l’artiste israélien Noam Braslavsky, représentant l’ex-champion de la droite nationaliste.

LEVINE/SIPA

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israël ariel sharon, le mort-vivant

Sheva, après avoir procédé à une série d’examens au scanner. Bien qu’en principe les rabbins s’opposent à l’euthanasie, le maintien en vie de l’ancienne figure de la droite nationaliste n’est pas lié à des motifs religieux. Il résulte de la volonté de ses deux fils, intimement convaincus que son état n’est pas irréversible. Dans une biographie consacrée à son père – parue en 2011 – Gilad, le cadet, évoque « une décision instinctive et dictée par l’amour filial qui, par la suite, s’est révélée médicalement justifiée ». Il poursuit : « Quand il est éveillé, il me regarde et, à ma demande, il bouge les doigts… Je suis certain qu’il m’entend. »

huis cLos. Cet acharnement thérapeutique qui dépasse de loin celui qui maintint artificiellement en vie d’autres Plongé dans le coma depuis son accident cérébral en 2006, dirigeants (du Yougoslave Tito à l’Algérien l’ancien Premier ministre vient de subir une intervention chirurgicale Boumédiène en passant par l’Espagnol à l’estomac. Objectif : continuer à le nourrir grâce à une sonde. Franco) coûte près de 300 000 euros par an, dont la moitié est prise en charge Sept ans et demi après avoir été vicpar le gouvernement israélien. Il nécesopération, prévue de longue time d’un accident vasculaire cérébral date, a duré quatre-vingt-dix site en outre le déploiement permanent foudroyant, « Arik » Sharon, 85 ans, se minutes et s’est déroulée sans d’agents de sécurité du Shabak, chargés trouve toujours dans le coma même si encombre. Le 3 septembre, de veiller à l’entrée de la chambre comme les spécialistes préfèrent parler d’« état c’est en ces termes laconiques que la devant un mausolée. Un dispositif lourd, direction de l’hôpital Tel Hashomer, dans complété par des caméras la banlieue de Tel-Aviv, a rendu compte de surveillance, que l’enLe gisant est entouré d’agents de la gastrostomie pratiquée sur son tourage de Sharon a finade sécurité du shabak plus célèbre patient : Ariel Sharon. Par lement renoncé à mettre voix nasale, les médecins ont introduit en place dans le ranch des et de caméras de surveillance. dans son tube digestif une sonde perSycomores, la résidence mettant d’instiller des liquides nutritifs de conscience minimal ». « Le patient est, familiale située en plein désert du Néguev. essentiels à sa survie. L’ancien Premier dans une certaine mesure, “enfermé” : À l’hôpital Tel Hashomer, une myriade d’infirmières, de médecins, ainsi que les ministre israélien, naguère obèse mais il comprend et répond avec son cerdont le poids avoisinerait aujourd’hui veau, mais ne peut activer ses muscles. proches d’« Arik », tous acteurs de ce huis les 50 kg, a ensuite été placé quelques Cependant, les chances de le sortir de clos tragique, continuent de se relayer heures en soins intensifs, avant d’être son lit sont très minces », expliquait fin jour et nuit à son chevet. Pour combien janvier le professeur Alon Friedman, ramené dans sa chambre, dans le service de temps encore ? l de réhabilitation respiratoire. neurologue à l’hôpital Soroka de Beer MaxiMe Perez, à Jérusalem

L

à suivre La seMaine Prochaine

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septembre Il y a cinquante ans, en 1963, Ahmed Ben Bella (1916-2012) était élu premier président de l’Algérie indépendante. En 1965, il était renversé par Houari Boumédiène. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

16-18

septembre Législatives au Rwanda. Face au Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir), trois formations sont en lice : le Parti social-démocrate, le Parti libéral et le PS-Imberakuri.

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septembre À la Halle Saint Pierre (Paris), l’exposition « Raw Vision, 25 ans d’art brut » met à l’honneur le Black American Folk Art (Sam Doyle, Sister Gertrude Morgan…). jeune afrique


ils onT DiT

« Nous allons donc bombarder la Syrie parce que la Syrie bombarde la Syrie ? C’est moi qui suis idiote ? »

Dérives. À l’origine de ces

tracasseries, une mesure de précaution prise en mai, destinée à empêcher les jeunes de rejoindre les jihadistes en Syrie. Elle ne visait pas spécifiquementlesfemmes,maisl’absence d’instructions écrites a favorisé ces dérives. dans le flot des retours de vacances, plus de distinguo entre les destinations: des centaines de jeunes femmes (jolies de préférence) ont été confrontées à la vraiefausse directive. Beaucoup dénoncent une discrimination sexiste,uneatteinteauxlibertés et l’instauration progressive d’un nouvel ordre moral. l FriDa Dahmani, à Tunis

affaire omar raddad l’aDn va-t-il parler? En 1998, Omar raddad était gracié par le président Jacques chirac à la demande du roi Hassan ii. Le jardinier marocain venait de passer sept ans à la prison de muret (sud de la France) après sa condamnation à dix-huit ans de détention pour le meurtre, en 1991, de ghislaine marchal, une riche veuve dont il était l’employé. gracié, mais pas blanchi, il n’a cessé de clamer son innocence. aujourd’hui, l’espoir renaît. me Sylvie noachovitch, l’avocate de raddad, avait demandé que soient pratiqués de nouveaux tests adn afin de tenter d’identifier le ou les coupables. En ce début septembre, la ministre française de la Justice a transmis sa demande au procureur de la république. Les résultats pourraient être confrontés au Fichier national des empreintes génétiques, qui recense les empreintes des personnes condamnées. mais la prudence est de mise : alors qu’il est établi depuis 2001 que l’adn de raddad n’était pas mêlé au sang de la victime (utilisé pour tracer le désormais célèbre « Omar m’a tuer » sur les portes de la scène du crime), les premiers examens réalisés en 2011 se sont révélés infructueux, faute d’échantillons suffisants. aujourd’hui âgé de 50 ans, raddad vit à toulon, dans le sud de la France. Selon son avocate, il est dépressif au point d’être « handicapé à 80 % » et se trouve dans l’incapacité de travailler. « Son seul but dans la vie est d’obtenir sa réhabilitation », conclut me noachovitch. l Clarisse Juompan-Yakam jeune afrique

SARAH PALIN Ex-candidate républicaine à la vice-présidence des États-Unis

« La colonisation a apporté du malheur, du drame, mais aussi une richesse, et on peut se l’approprier, pour raconter autre chose. » REDA KATEB Comédien franco-algérien (et petit-neveu du poète Kateb Yacine)

« Je ne veux pas renvoyer l’image du gendre idéal. » SAMIR NASRI Footballeur français

« Je vis comme un pauvre qui a les moyens. » AZZEDINE ALAÏA Couturier franco-tunisien

« Avec Emine, nous sommes tombés amoureux au premier regard. Et notre amour dure toujours. » RECEP TAYYIP ERDOGAN Premier ministre turc (évoquant sa rencontre avec sa femme, il y a trente-cinq ans)

HAMMI/SIPA

août, les témoignages émanant de voyageuses se rendant en algérie, au maroc, en turquie ou en Syrie se multiplient.

J. Scott APPlewHIte/AP/SIPA

Tunisie Dur, dur d’être jeune et jolie LES drOitS des tunisiennes en prennent encore un coup: lesserviceschargésducontrôle aux frontières exigent désormais que les femmes de moins de 35 ans produisent une autorisation paternelle ou maritale pour quitter le pays. « ce sont les ordres », se justifie-t-on à l’aéroport de tunis-carthage. « il n’existe aucune loi ou circulaire en ce sens », rétorque abdessatar Ben moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, tandis que le ministère de l’intérieur dément avoir donné de telles instructions. il n’empêche : après la chef d’entreprise Sana ghenima, première à avoir dénoncé cette pratique en avril, ou la blogueuse Jolanare, qui a narré les conditions ubuesques de son départ pour casablanca fin

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n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


La semaine de J.A. Décryptage

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France-Afrique les lambris, c’est fini

patriCK KoVariK/afp

Fermeture de représentations diplomatiques, réduction des effectifs, vente de terrains et de bâtiments : le Quai d’Orsay a décidé de se serrer la ceinture. Triste époque…

p Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, à Paris, le 29 août.

A

u Quai d’Orsay, on préfère parler de « modernisation ». Mais le « plan d’adaptation » annoncé le 29 août par Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, lors de son discours de clôture de la conférence des ambassadeurs, et qui certes ne concerne pas que l’Afrique, va de fait réduire la présence française sur le continent. le Dessin De lA semAine

Des représentations diplomatiques déjà sans ambassadeur en Gambie, au Malawi, à São Tomé e Príncipe et en Sierra Leone devront fermer leurs portes, tandis que les effectifs seront réduits dans les ambassades du Cap-Vert, de la GuinéeBissau, de l’Érythrée, du Liberia et de la Zambie, où ils sont déjà modestes. Les activités concernées seront confiées aux ambassades des « pays voisins » indique le

Quai d’Orsay, qui annonce a contrario un renforcement de sa présence en Éthiopie (siège de l’Union africaine), au Mali et en Afrique du Sud. Au total, le ministère des Affaires étrangères prévoit de supprimer 600 postes dans l’ensemble de son réseau diplomatique (le troisième le plus étendu au monde, derrière les États-Unis et la Chine) pour arriver à 14 200 employés d’ici à 2015. Si les ambassades d’Afrique francophone sont épargnées par cette première vague de réduction des effectifs, leur riche patrimoine hérité de la colonisation sera en revanche mis à contribution avec la vente de plusieurs terrains et biens immobiliers. À Libreville, les bâtiments qui abritent la chancellerie, le consulat, la trésorerie et le service économique vont tous être cédés (avec une option d’achat pourl’Étatgabonais).Leursservicesseront regroupés dans un seul immeuble, qui doit être érigé dans le vaste parc de la résidence de l’ambassadeur d’ici à 2017. La résidence du Cap, en Afrique du Sud, doit aussi être vendue, de même que d’autres biens à Brazzaville et Antananarivo. Le produit de ces ventes devrait financer en partie la rénovation et la sécurisation d’autres ambassades, chantier estimé à 20 millions d’euros entre 2014 et 2017. Ce sera notamment le cas de la représentation française à Tripoli, sérieusement endommagée par un attentat en avril. l Pierre Boisselet

Glez

zimbabwe mugabe mouse

Un parc àthème près des chutes Victoria ? c’est Walter mzembi, le ministre dutourisme, qui l’a annoncé : pour 300 millions de dollars, l’État veut construire un complexe comparable à un « Disneyland en afrique », qui comprendra attractions familiales, casinos, hôtels… ainsi qu’une zone de libre-échange. histoire de faire oublier (aux touristes) l’effondrement économique du pays et les multiples réélections contestées de l’octogénaire robert mugabe. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

jeune afrique


©YOURI LENQUETTE_noJA

GUINÉE

CI-CONTRE : > Le président

Alpha Condé devant le palais Sekhoutoureya à Conakry.

PUBLI-INFORMATION

DES LÉGISLATIVES LIBRES, TRANSPARENTES ET CRÉDIBLES

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE

Vingt-neuf mois après lʼélection du professeur Alpha Condé à la présidence de la République, le 7 novembre 2010, la Guinée installe une nouvelle Assemblée nationale, au lendemain du scrutin législatif inclusif du 24 septembre 2013. Toutes les principales formations politiques guinéennes prennent part à la compétition, après la tenue dʼun dialogue politique. Celui-ci ayant permis la fixation dʼune date pour des élections législatives largement suivies par la communauté internationale. La participation électorale enregistre 2495 candidatures dont 1672 (et 173 candidats pour lʼuninominal), représentant 22 partis politiques, ont été validées par la Cour suprême pour 114 sièges de députés, 38 au scrutin uninominal (représentant les 33 préfectures et les 5 communes de la ville de Conakry) et 76 à la proportionnelle sur une liste nationale. Une nouvelle voie sʼouvre, depuis lʼélection présidentielle du 7 novembre 2010, la plus démocratique jamais organisée en Guinée, depuis lʼaccession du pays à lʼindépendance, le 2 octobre 1958. Celle-ci a ouvert la nouvelle période démocratique en République de Guinée. Ce scrutin présidentiel a connu lʼélection du candidat Alpha Condé, perçu par les Guinéens comme celui incarnant le plus le changement voulu par le peuple de Guinée.


UN ACCORD POUR UN SCRUTIN INCLUSIF Le dialogue inter-guinéen a conduit à un accord politique global entre les principaux responsables politiques engagés dans le processus électoral.

A

près de longues discussions et négociations politiques entamées depuis plusieurs mois entre lʼopposition et la majorité politique, le dialogue inter guinéen a conduit à un accord politique global entre les principaux responsables politiques engagés dans le processus électoral. Lʼannonce a été faite, le 2 juillet 2013, par le facilitateur international, Saïd Djinnit, envoyé spécial du secrétaire général de lʼOrganisation des Nations unies (Onu) en Afrique de lʼOuest. Le 3 juillet 2013 au soir, le document a été signé par les parties en présence, sous le contrôle du collège des facilitateurs, composé de deux personnalités guinéennes désignées par la mouvance présidentielle et lʼopposition politique, ainsi que de lʼenvoyé spécial de Ban Ki-Moon. Lʼaccord prévoit les modalités de lʼorganisation des élections législatives dans les 84 jours suivant la signature du document. Pour la première fois, la mouvance présidentielle et lʼopposition ont finalisé une entente sur les questions relatives au choix de lʼopérateur technique (Waymark), le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), lʼorganisation du vote des Guinéens de lʼExtérieur et le chronogramme électoral. Grâce au collège des facilitateurs et la totale disponibilité de la partie gouvernementale, des points de convergence ont été trouvés par rapport aux principales revendications de lʼopposition : la gestion du contrat de lʼopérateur technique sud-africain (Waymark) et le vote des Guinéens de lʼEtranger.

DE HAUT EN BAS :

PUBLI-INFORMATION

> DE DROITE À GAUCHE : Yaya Kane, directeur

des opérations électorales de la Ceni, le docteur Salim Cissé, responsable de la coalition RPG Arc-en-ciel.

> Said Djinnit, représentant du secrétaire général de lʼOnu, Ban Ki Moon.

Les trois personnalités ‒ Aboubacar Somparé (ancien président de lʼAssemblée nationale), Salifou Sylla (ex-ministre de la Justice) et Saïd Djinnit (Onu) ‒ ont obtenu de la partie gouvernementale le vote de la diaspora guinéenne. Du côté de lʼopposition guinéenne également, des efforts ont été accomplis, en acceptant, avec des garanties supplémentaires, le maintien de lʼopérateur électoral Waymark, notamment la limitation de son rôle à lʼenrôlement des électeurs au compte des législatives du 24 septembre 2013. Avec un encadrement dʼexperts internationaux gage de la transparence du scrutin. Ainsi, les parties signataires se sont engagées a tout mettre en œuvre pour créer et maintenir un environnement de paix et de sécurité dans le cadre de lʼorganisation des élections législatives, et au-delà de celles-ci, de façon pérenne, pour favoriser la cohésion sociale, lʼunité nationale, et le développement social et économique du pays. À son tour, le gouvernement guinéen sʼest engagé à diligenter les enquêtes judiciaires sur les violences qui ont marqué les manifestations politiques de rue organisées par lʼopposition. Et à tirer toutes les conséquences de ces enquêtes conformément aux principes de lʼÉtat de droit et de la lutte contre lʼimpunité. Cet accord politique met fin à deux ans de conflits parfois violents qui ont fait près dʼune cinquantaine de morts, des blessés, ainsi que des dégâts matériels importants.


RÉPUBLIQUE DE GUINÉE

CI-CONTRE, DE GAUCHE À DROITE : > Le docteur Saliou Bela Diallo, leader du parti Hafia, Aboubacar Sylla, porte-parole du Collectif de lʼopposition ADP, Hadja Nantou Chérif Konaté, coordinatrice générale du RPG, Said Djinnit, représentant le secrétaire général de lʼOnu, Salif Sylla, ancien ministre de la Justice, Diakagbè Kaba, secrétaire général adjoint du gouvernement, El Hadj Aboubacar Somparé, ancien président de lʼAssemblée nationale, Alousseny Makanera de la coordination RPG Arc-en- ciel.

DES EFFORTS POUR UN DIALOGUE FRANC « Je suis un président démocratiquement élu, je nʼaccepterai jamais que sous mon mandat, soient organisées des élections qui ne soient pas transparentes et démocratiques.» ALPHA CONDÉ, PRÉSIDENT DE LA GUINÉE

A

u sortir dʼune élection présidentielle organisée dans des conditions difficiles, après lʼaccord de Ouagadougou du 21 janvier 2010, le cinquième chef de lʼÉtat de lʼhistoire de la Guinée, le professeur Alpha Condé avait promis : « Je suis un président démocratiquement élu, je nʼaccepterai jamais que sous mon mandat, soient organisées des élections qui ne soient pas transparentes et démocratiques. » Cet engagement a été renouvelé le 15 novembre 2011, devant les leaders politiques guinéens au palais Sèkhoutouréya. Le président de la République a rassuré les leaders de lʼopposition sur la bonne foi de son gouvernement à aller vers un dialogue franc et sincère. Au sortir de la rencontre avec les leaders des partis politiques présents, le président Alpha Condé a décidé de mettre en place un comité de dialogue, dont les modalités sont fixées par le ministère de lʼAdministration du territoire et de la Décentralisation.

CI-DESSOUS :

Le président Alpha Condé recevant lʼopposition au Palais Sekhoutoureya, ici serrant la main à Zalikatou Diallo, représentante du Parti de lʼEspoir pour le Développement National (PEDN).

Cʼest le point de départ dʼun dialogue souvent inachevé. À cause des manifestations de rue organisées par lʼopposition, parfois émaillées de violences avec des morts, des blessés et des dégâts matériels. Le 27 août 2012, les forces de lʼordre ont empêché une manifestation de rue à lʼappel dʼune partie de lʼopposition, à cause du caractère violent et non pacifique, prôné par les organisateurs, que prenait le mouvement de contestation. Bilan, des dizaines de blessés, dont 20 gendarmes. Pour éviter tout dérapage, le président Alpha Condé a aussitôt instruit son ministre de lʼAdministration du territoire et de la Décentralisation, de rencontrer les partis politiques, pour mieux encadrer les manifestations politiques en Guinée. Cʼétait le 12 septembre 2012, à Conakry. Le chef de lʼÉtat nʼa pas manqué de signaler que « la liberté de manifester implique indubitablement la responsabilité du respect de la loi. Il nʼa jamais été de la volonté du gouvernement dʼempêcher délibérément lʼexercice des libertés publiques ».


RÉPUBLIQUE DE GUINÉE

LÉGISLATIVES DU 24 SEPTEMBRE 2013 Des élections législatives inclusives, transparentes et apaisées, dont les résultats seront acceptés de tous.

CI-DESSOUS :

Représentants du ministère de lʼadministration du territoire et de la décentralisation.

L

e 24 septembre 2013, les Guinéens seront de nouveau aux urnes pour le scrutin législatif. Dans une déclaration, lʼopposition républicaine, constituée suite à lʼarrivée de nouvelles alliances politiques en son sein, déclare prendre « acte de la convocation, par le président de la République, du corps électoral le 24 septembre 2013, en application des dispositions dudit accord.

Elle espère que, dans les meilleurs délais, toutes les conditions politiques, techniques, financières et sécuritaires seront réunies afin de conférer à cette ultime échéance tout le succès quʼen attend le peuple de Guinée ». Elle promet également de respecter les « engagements pris pour faciliter sa mise en œuvre dans toutes ses dimensions (Accord) en vue de la tenue dʼélections législatives inclusives, transparentes et apaisées, dont les résultats seront acceptés de tous ».

De la transition au pouvoir légitime Depuis le 21 décembre 2010, date de son investiture, le président de la République, Alpha Condé, premier chef de lʼÉtat guinéen démocratiquement élu, a toujours prôné le respect de lʼÉtat de droit. Sʼexprimant pour la première fois après sa victoire, il déclare vouloir être le président de la réconciliation nationale, tendant la main à son adversaire du second tour, le candidat de lʼUnion

la réconciliation nationale et des progrès pour tous (…) Il est temps de nous unir pour faire face aux nombreux défis auxquels est confronté le pays.(…) Cela ne sera possible que dans une atmosphère de calme et avec la coopération de tous les Guinéens », a-t-il déclaré à la presse. Mais le candidat Cellou Dalein Diallo, décline lʼoffre. La crise politique qui intervient en ouverture du quinquennat du président Alpha Condé, tire son origine de là ; les soubresauts de la présidentielle de 2010. Si le second tour de la présidentielle sʼest déroulé dans le calme, il nʼen a pas été de même pour les jours suivant la proclamation des résultats provisoires par la Ceni. Dès lʼannonce de la victoire du candidat de lʼAlliance Arc-en-ciel et en dépit dʼun appel « au calme et à la retenue », des incidents se produisent entre les partisans de lʼUfdg et les forces de lʼordre dans plusieurs fiefs de Cellou Dalein Diallo à Conakry. Plus de quatre mois ont séparé le premier et le second tour de la présidentielle. Durant cette période, la tension nʼavait cessé de croître, surtout que le scrutin a été reporté pour permettre à chaque camp de corriger les dysfonctionnements du système. Devant dʼabord se tenir quinze jours (le 4 août 2010) après la proclamation des résultats définitifs du premier tour, il a fallu trois mois pour quʼil soit annoncé pour le 19 septembre. Après une visite à Conakry des présidents burkinabè (Blaise Compaoré) et sénégalais de lʼépoque (Me Abdoulaye Wade). Reportée sine die, la date du 24 octobre avait été retenue, avant dʼêtre également annulée à quarante-huit heures du rendez-vous. La tension était alors palpable chez les militants et sympathisants des deux camps, impatients dʼen finir avec ces différents rebondissements. Pour conclure avec ce feuilleton, le gouvernement de transition fait appel à lʼOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) pour rassurer les deux camps en lice sur la question de la Ceni. Dʼoù, la désignation du général malien, Siaka Toumani Sangaré, pour diriger lʼinstitution guinéenne en charge de lʼorganisation des élections. Cʼest la résultante dʼune rupture de confiance entre Guinéens pour conduire le processus électoral. Situation qui ne date pas des tergiversations pour lʼorganisation des élections législatives en cours. La crise devient aiguë à la Ceni avec le décès de son président, Ben Sékou Sylla. Dʼabord, mis hors jeu pour des raisons de santé, il est hospitalisé en France en mars 2012, avant de décéder le 14 septembre de la même année. Il a néanmoins pu rentrer à Conakry, à quelques jours du premier tour de la présidentielle, le 27 juin 2010, dont il avait dʼailleurs proclamé les résultats provisoires, juste avant de repartir en France. Depuis lors, la Commission nationale électorale indépendante continue à assumer son rôle de principale institution chargée dʼorganiser et de superviser les élections en République de Guinée…

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MENTION.

PUBLI-INFORMATION

des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo. « Je suis le président du changement au bénéfice de tous, de


La semaine de J.A. Décryptage

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PhiliPPe CeCCaldi/al Qarra _no Ja

jeuneafrIQue.com

p Plateau de l’émission In Question.

médias al Qarra, patatras! Trois ans après son lancement, la chaîne consacrée au continent africain est en liquidation judiciaire. La fin d’une belle aventure.

jeune afrique

LE TWEET Bernard PIVOT @bernardpivot1

Contrairement à la rentrée scolaire, la rentrée littéraire commence par les examens et la distribution des prix.

réaliser des profits. » L’avocat chargé de la liquidation judiciaire confirme que « son niveau de développement était trop faible ».

Journaliste français, membre de l’académie Goncourt

amertume. Pour la cinquantaine de salariés (journalistes et techniciens), la pilule est amère : « Nous avons subi des retards de salaires à partir d’avril, mais les problèmes financiers ont débuté dès la fin de 2012 », raconte l’un des licenciés pour motif économique. « La gestion a été hasardeuse, la direction a signé des contrats à durée indéterminée alors que la situation était tendue », poursuit le journaliste. De fait, la chaîne avait vu les choses en grand : elle comptait attirer les cadres de toutes nationalités intéressés par l’Afrique en multipliant les canaux de diffusion et les versions linguistiques (français, arabe, anglais, espagnol, portugais). Un actionnaire qui a perdu des millions d’euros, des salariés au chômage… Ainsi se clôt l’aventure d’Al Qarra. Pourtant, le potentiel d’un média audiovisuel consacré à l’Afrique est réel et l’offre est loin d’être pléthorique. Le concept existe, reste à savoir si une nouvelle version verra le jour… l

RÉTRO

aFP

I

mpitoyable milieu des médias, où la survie est difficile et la pérennité un exploit… Le 25 juillet, à la demande de Pierre Fauque, son président, Al Qarra TV s’est déclarée en cessation de paiement au tribunal de commerce de Paris. La diffusion des émissions par satellite et sur internet en Afrique comme en France – où la chaîne est basée depuis son lancement, en juin 2010 – a cessé le 29 juillet, et la liquidation judiciaire a débuté le 8 août. Les raisons de cet échec sont hélas classiques dans le secteur : des difficultés financières. « Notre actionnaire ne nous a pas laissé le temps de nous développer et d’atteindre l’équilibre », regrette le Tunisien Najib Gouiaa, directeur général de feu Al Qarra. Cet actionnaire n’est autre qu’Al Qarra Holding Luxembourg, cogéré par Gulf Merchant Bank, une banque d’affaires installée à Dubaï, le reste du montage financier demeurant inconnu. « La chaîne a englouti le capital ainsi que les prêts apportés par l’actionnaire, explique une source proche de ce dernier. L’investissement a été infructueux, les promesses et les prévisions du management n’ont pas été tenues. La chaîne n’a jamais réussi à

INFOGRAPHIE

Gouvernements africains : où sont les femmes ? Un état des lieux décevant.

Il y a vingt ans, le 13 septembre 1993, Yasser Arafat et Itzhak Rabin signaient les accords d’Oslo. Retour sur deux décennies d’espoirs et, surtout, d’échecs israélopalestiniens.

À LIRE AussI Eto’o, Gervinho, Aubameyang, Boudebouz… Les gros transferts africains du mercato.

ryadh Benlahrech n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


La semaine de J.A. Tour du monde FRANCE

CHINE

À Marseille, scène de la vie quotidienne

Sale temps pour les « mouches » LaLuttecontrelacorruptionengagée par le gouvernement chinois, qui a promis de démasquer « tigres » (hauts fonctionnaires) et « mouches » (leurs collègues de rang subalterne) indélicats, prend un tour dramatique. Selon un communiqué de Xinhua, l’agence de presse officielle, rapidement retiré de la circulation, un dénommé Yu Qizi, membre du Parti communiste de Wenzhou, est mort noyé, en avril, au cours d’un interrogatoire destiné à lui faire avouer des faits présumés de corruption. Ses six tortionnaires ont été à leur tour arrêtés et inculpés.

D

eux tueurs juchés sur des motos de grosse cylindrée… Trois coups de feu tirés presque à bout portant sur une voiture de location… Fils du directeur sportif de l’Olympique de Marseille, Adrien Anigo, 30 ans, a été abattu par des inconnus le 5 septembre en plein après-midi. « La rue a aspiré mon fils », avait sobrement commenté son père, en 2011. Délinquant notoire membre du « gang des bijouteries », Adrien avait été arrêté en 2007 après une série de braquages dans la région marseillaise, incarcéré, puis libéré en 2010 à la suite d’une erreur de procédure. José Anigo n’est lui-même pas un enfant de chœur. Au début de l’année, la publication du compte rendu d’écoutes téléphoniques ordonnées dans le cadre d’une information judiciaire avait révélé l’étroitesse de ses liens avec un certain Richard Deruda, un ami d’enfance fiché au grand banditisme… L’assassinat de son fils est le quinzième règlement de comptes sanglant recensé dans la région marseillaise depuis le début de l’année. l

Le chiffre

11 NOMbRE DE CENTIMèTREs gagnés par les Européens de sexe masculin en un peu plus de un siècle, selon une étude rendue publique le 2 septembre par un chercheur de l’université d’Essex (Royaume-Uni). Leur taille moyenne était de 1,66 m dans les années 1870, contre 1,77 m en 1980. bRÉsIL

Dilma et les grandes oreilles ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AfP

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p Après l’assassinat du fils du directeur sportif de l’OM, le 5 septembre.

AsIE DU sUD-EsT

Maquereaux radioactifs C’eSt DÉSoRMaiS MuNieS de petits compteurs Geiger que les ménagères sud-coréennes font leurs courses à la poissonnerie. « aucun risque au-dessous d’un seuil de radioactivité de 0,3 », peut-on lire sur un cageot de n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

maquereaux dans un marché de Séoul. trois cents tonnes d’eau hautement radioactive provenant de la centrale nucléaire endommagée de Fukushima se sont en effet déversées dans l’océan Pacifique au cours des derniers jours. Le 3 septembre, Shinzo abe, le Premier ministre japonais, a annoncé que 360 millions d’euros allaient être investis à titre exceptionnel pour tenter de résoudre le problème.

GLobo tV, la chaîne de télévision brésilienne, a, le 1er septembre, provoqué un petit séisme diplomatique en accusant les États-unis d’avoir en 2012 espionné les communications entre la présidente Dilma Rousseff et enrique Peña Nieto, son alter ego mexicain, qui n’était à l’époque que candidat à la magistrature suprême. La chaîne s’appuie sur des documents en provenance des services secrets américains. Dès le lendemain, brasília et México ont demandé des explications officielles à Washington. ARGENTINE

Cachottier, va!

CaRLoS MeNeM, 83 aNS, ne quitte plus le banc des accusés. en juin, il avait été reconnu coupable de trafic d’armes au profit de la Croatie et de l’Équateur à l’époque (1989-1999) où jeune afrique


Arrêt Sur iMAge

Alexey Kudenko • Host Photo Agency via Getty Images/AFP

SOMMET DU G20

Chaude ambiance à Saint-Pétersbourg Sûr de lui, dominateur et presque amusé, Vladimir Poutine accueille un Barack Obama manifestement préoccupé, évasif, absent, le 5 septembre au palais Constantin, à Saint-Pétersbourg. Officiellement consacré aux questions économiques, le sommet du G20 a donné lieu à un rude affrontement à propos de la Syrie. Treize pays participants se sont opposés à toute opération militaire américano-française contre les forces de Bachar al-Assad.

il présidait aux destinées de l’Argentine. Le 2 septembre, il a de nouveau comparu devant un tribunal, qui l’accuse d’avoir falsifié sa déclaration de patrimoine. En 2000, il aurait omis de mentionner l’existence de quatre comptes en banque (dont un au Liechtenstein), deux propriétés, deux avions, deux véhicules et d’un paquet d’actions dans des entreprises de télécoms. Il risque six ans de prison. IMMIGRATION

Coup de filet à Kuala Lumpur HuIt mILLE IntErpELLAtIons, le 1er septembre en malaisie, lors d’un coup de filet contre les immigrés clandestins. selon Ahmad Zahid Hamidi, le ministre de l’Intérieur, 2 433 personnes (pour l’essentiel des ouvriers du bâtiment et du secteur agricole) sont menacées d’expulsion. Il y a dix ans, le jeune afrique

gouvernement combattait le travail illégal par des châtiments corporels et de fortes amendes. Aujourd’hui, il offre une amnistie à 1,3 million de clandestins à condition qu’ils régularisent leur situation ou repartent d’où ils viennent. Les clandestins interpellés avaient semble-t-il rompu ce pacte d’amnistie. TURQUIE

Procès des « postmodernes » Après LE procès ErgEnEkon, le 5 août (17 condamnations à perpétuité, dont celle d’Ilker Basbug, chef d’état-major de 2008 à 2010), celui des auteurs du putsch de 1997 s’est ouvert le 2 septembre. parmi les 103 accusés, le chef d’état-major de l’époque et son adjoint, le général Bir, qui avait qualifié ce « coup d’État postmoderne » de « processus d’ajustement de la démocratie ». sous

la pression de l’armée et de l’establishment laïc, necmettin Erbakan, le premier ministre islamiste, avait démissionné. seize ans plus tard, recep tayyip Erdogan, son successeur et héritier spirituel, solde ces vieux comptes. CHILI

Autocritique à la Moneda À L’ApprocHE de la célébration du 40e anniversaire du coup d’État du général Augusto pinochet, le 11 septembre 1973, tous les candidats à la présidentielle du 17 novembre se croient obligés de prendre publiquement position. c’est le président sebastián piñera qui, le 31 août, a ouvert le feu en dénonçant les crimes de l’ex-junte militaire (au moins 40 000 victimes) et en regrettant les graves erreurs de la droite, sa famille politique. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Grand angle

LUDOVIC/REA

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Grand angle

Grande IntervIew

ali Bongo Ondimba

« La seule chose qui compte, ce sont les résultats »

Bilan, réformes, opposition, pouvoir, critiques, crimes rituels, Mali, islamisme, François Hollande… Quatre ans après son élection, le chef de l’État répond sans détour aux grandes questions du moment.

Propos recueillis à Libreville par

e t « La dernière chose à faire est de penser à la prochaine élection », assure le chef de l’État. jeune afrique

Marwane Ben YahMed

n octobre prochain, Ali Bongo Ondimba(ABO)fêterasesquatreans à la tête du Gabon. Quatre années de réformes au pas de charge, pas toujours comprises ou digérées, pour réveiller un pays profondément endormi, vautré dans le relatif confort autorisé par la manne pétrolière et la politique politicienne. Car ici, il n’y a guère d’affrontements doctrinaires ou de débats de fond. La vie politique s’est longtemps résumée à un jeu de chaises musicales, un grand marché de troc où l’on s’échangeait postes, prébendes et privilèges et où l’on claquait la porte du parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), pour rejoindre le camp d’en face dès lors que son statut social, et donc son portefeuille, était touché. Héritier présumé d’un système mis en place par son emblématique père, Ali Bongo Ondimba a surpris tous ceux qui s’attendaient à ce qu’il maintienne les us et coutumes d’un pouvoir qui, sur la fin, brillait surtout par l’extraordinaire force d’inertie qui maintenait les grands équilibres ethniques et régionaux et interdisait toute dynamique

de changement. Ses premiers pas ? Une série de coups de pied dans la fourmilière. Sévères remises en question de positions jusqu’ici gravées dans le marbre, mises à l’écart de ténors, audits lancés, rigueur instaurée, impératifs et objectifs concrets fixés, arrivée d’une nouvelle génération au pouvoir : la belle endormie gabonaise a été réveillée à coup de gifles… « Ali », lui, a une vision pour son pays, élaborée et déclinée à travers le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE): industrialisation, diversification d’uneéconomietropdépendantedesseulesmatières premières – par ailleurs pas ou peu transformées localement –, développement durable, lancement de très nombreux chantiers destinés à rattraper un retard criant en matière d’infrastructures, rédaction de feuilles de route sectorielles détaillées, création d’agences pour épauler (et surveiller) les ministères. Reste la question essentielle du degré de réalisation de ce plan et de son efficacité. Car le Gabon reste le Gabon: un pays gâté par la nature où le goût du travail cède souvent la place au culte de l’argent facile. Un petit émirat tropical où tout le monde se connaît, où les batailles se livrent en coulisses et n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Grand angle Grande interview où le mot « changement » ressemble à une menace pour les nantis. Chassez le naturel, et il revient au galop… Ali Bongo Ondimba n’est peut-être pas suffisamment allé au bout de sa démarche de rupture, de crainte certainement que le cocotier ainsi secoué ne finisse par s’effondrer. Il est aujourd’hui au milieu du gué et il lui reste un peu moins d’une moitié de mandat pour trouver un second souffle et tenir ses nombreuses promesses. ABO a pris volontairement du recul, depuis un an, confrontant le gouvernement Ndong Sima à ses responsabilités. C’est peu dire qu’il est déçu. Il semble donc peu probable que le Premier ministre s’éternise à son poste. Reste à trouver l’oiseau rare pour le remplacer : un Fang d’Oyem, selon toute vraisemblance, un homme (ou une femme, rêvons un peu) compétent et de devoir qui ne se mette pas en tête de devenir calife à la place du calife. Le chef de l’État ne le sait que trop bien : les Gabonais n’ont cure des querelles partisanes des dirigeants politiques. Ils veulent du concret, du pouvoir d’achat, des classes pour accueillir leurs

routières, vitales sur le plan économique. Notre développement repose sur trois piliers: l’industrie, le développement durable, notion sur laquelle nous sommes pionniers en Afrique, et les services. L’objectif global étant le passage d’une économie de rente pétrolière à une économie diversifiée. D’où notre souci, pas toujours compris bien que cela ressemble à une évidence, d’inciter – pour ne pas dire obliger – à plus de transformations locales. Dans un pays comme le nôtre, les réformes prennent beaucoup de temps. Nous sommes sur la bonne voie, même si, il faut le reconnaître, nous avons rencontré de nombreuses difficultés et nous sommes parfois trompés. Je l’assume : mieux vaut agir, quitte à échouer, que de ne rien faire. Nous avons sous-estimé un certain nombre de paramètres ou d’écueils, n’avons pas toujours pris les bonnes décisions. Mais nous l’avons toujours fait en notre âme et conscience, pour l’intérêt général. Et aujourd’hui, nous savons parfaitement ce qui doit être corrigé.

q Lors de l’entretien, à Libreville, au Palais du bord de mer.

quels sont, par exemple, les chantiers qu’il vous reste à achever ?

Desirey Minkoh pour J.A.

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enfants dans des conditions décentes, pouvoir être soignés, se déplacer sans y laisser le quart de leur salaire, manger à leur faim, pouvoir se loger. Car ce n’est pas parce qu’il n’a plus d’opposants de poids face à lui que la présidentielle de 2016 sera une sinécure. « Ali » s’est créé beaucoup d’ennemis, y compris dans son propre camp, parmi tous ceux qui ne goûtent guère d’avoir été mis de côté et qui regrettent la légendaire prodigalité de son père. À l’inverse, s’il atteint ses objectifs, il aura un boulevard devant lui… Jeune Afrique : Les attentes des Gabonais sont importantes, à la mesure des promesses qui leur ont été faites pendant la campagne de 2009. Vous êtes déjà à mi-mandat. quel bilan tirez-vous de cette période ? ALi BonGo : Nous avons répondu en grande

partie à la problématique des infrastructures n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

En matière de logement, il est évident que je ne suis pas satisfait : nous avons pris beaucoup de retard par rapport aux engagements formulés pendant la campagne présidentielle (5000 unités construites par an). Mais nous sommes en train de le rattraper. La santé est l’un des secteurs pour lesquels nous devons également poursuivre nos efforts et nos investissements. La mise en place de la CNAMGS – l’assurance-maladie – a représenté une véritable avancée. Mais si construire des hôpitaux, c’est bien, encore faut-il qu’ils soient bien gérés, avec un personnel soignant en nombre suffisant et bien formé. Sur l’éducation et la formation professionnelle, nous avons là aussi consenti d’importants investissements en matière d’infrastructures, mais nous nous heurtons à la même difficulté : les ressources humaines et le nombre largement insuffisant d’enseignants disponibles ou en voie de l’être. En résumé, nous progressons, dans de nombreux domaines. Mais nous sommes loin de nos objectifs, j’en ai conscience. Le plus difficile est cependant derrière nous : faire évoluer les mentalités, mettre fin à l’inertie qui frappait le pays et lancer les nombreux chantiers et réformes que nous souhaitions mettre en œuvre. Pensez-vous disposer des ressources nécessaires autour de vous pour mener à bien vos projets ?

C’est là le défi de n’importe quel dirigeant. Aujourd’hui, l’important est d’identifier les compétences, qu’elles se trouvent chez vous ou ailleurs. La seule chose qui compte, ce sont les résultats. on vous reproche justement d’avoir trop recours à des étrangers, africains ou non… jeune afrique


GABON PRESIDENTIAL PRESS OFFICE/AFP

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Si des non-Gabonais peuvent m’aider à faire en sorte que les Gabonais soient plus heureux, je ne vois pas bien où est le problème. Nous n’allons d’ailleurs pas chercher à l’extérieur ce que nous pourrions trouver sur place. Soyons modestes : nous n’avons pas la science infuse et avons parfois besoin, surtout dans cette phase de rupture et de réformes urgentes, de nous faire assister, à condition bien sûr qu’il y ait transfert de compétences. Votre arrivée au pouvoir a coïncidé avec une sévère remise en cause des pratiques en vigueur par le passé, des baronnies et des nombreux privilèges. De quoi susciter des vocations d’opposants. Certains pensent même que la menace pour la présidentielle de 2016 vient désormais de votre propre camp…

Ce n’est pas nouveau. La vie politique du Gabon a toujours été ainsi: ceux qui perdent leurs situations et avantages basculent dans l’opposition jusqu’à ce qu’ils les récupèrent. Malheureusement, ces funambules de la politique n’ont pas compris que les temps ont changé.

L’opposition gabonaise s’est considérablement affaiblie depuis le décès de Pierre Mamboundou et la maladie d’André Mba Obame. Sans parler de son absence à l’Assemblée nationale à la suite du boycott des législatives du 17 décembre 2011. Peut-elle se renforcer, selon vous, d’ici à 2016 ?

L’opposition ne peut pas se réduire à une ou deux personnes. Une chose est sûre, la politique de la chaise vide ne paie jamais : c’était une erreur de ne pas siéger à l’Assemblée. J’espère que la leçon a été retenue. Mais ce n’est pas parce qu’elle y est absente qu’on ne l’entend pas… Et c’est tant mieux : nombre de Gabonaises et de Gabonais ont un point de vue différent du mien. Il faut bien que quelqu’un les représente. Les principaux reproches que vos opposants formulent concernent la démocratie, la gouvernance jeune afrique

p Infrastructures, emploi, éducation, santé… ABO sera-t-il à la hauteur des attentes des Gabonais ?

ou la corruption. Que leur répondez-vous ?

Ils font leur travail. Mais encore faut-il que ces reproches soient étayés. Je ne reviendrai pas sur le curriculum vitæ de certains de ces opposants, qui ont visiblement la mémoire courte. Quand j’entends leurs cris d’orfraie sur les thèmes que vous venez d’évoquer, alors qu’eux-mêmes à une certaine époque, quand ils étaient au pouvoir, se comportaient comme des dictateurs et des brigands sans foi ni loi, je souris. Cela m’étonne d’ailleurs qu’on les écoute encore. Tout pays a besoin d’une opposition vigoureuse, active et responsable. Si la nôtre pouvait enfin devenir force de propositions et faire part aux Gabonais de ses projets pour le pays, ce serait parfait… Les attaques au ras des pâquerettes, les insultes ou l’invective ne peuvent suffire.

Les funambules de la politique n’ont pas compris que les temps ont changé… Une partie de la société civile, souvent virulente à votre égard, est en pleine ébullition. On assiste à une véritable guerre des chefs et à la contestation de son héraut, Marc Ona Essangui. Voilà qui doit vous arranger…

On ne récolte que ce que l’on a semé. J’ai cru comprendre qu’il lui était reproché de dépasser la sphère qui devrait être la sienne, la société civile, donc, pour faire de la politique. Ce que j’ai d’ailleurs toujours dénoncé, car ce n’était pas sain. Nous l’avons toujours invité, lui et quelques autres, à franchir clairement le pas au lieu de se réfugier derrière ce voile bien commode. Comment envisagez-vous le prochain scrutin, les élections locales prévues en novembre ?

Sereinement. Nous avons reçu l’ensemble de la classe politique pour discuter de ce scrutin, n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


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Grand angle Grande Interview et déterminer ensemble ce qu’il convenait de mettre en place pour en garantir la transparence et la réussite. J’ai créé des commissions pour travailler à l’application d’un certain nombre de revendications et de recommandations. La plupart ont été retenues, d’autres pas, mais cela s’est fait dans la discussion. Êtes-vous confiant pour votre parti, le PDG ?

Je dispose d’un parti qui fonctionne très bien et qui est prêt à relever ce défi, donc oui. Le PDG a tenu son 10e congrès en avril. De grandes réformes ont été annoncées. On a même entendu parler d’un changement de dénomination, à l’image de ce que le président togolais Faure Gnassingbé a fait avec son parti, lui aussi historique et hérité de son père. Il n’en a finalement rien été. Il était urgent d’attendre ?

Ce sont vos confrères qui ont parlé de cela mais pas nous. Il n’en a même jamais été question. Une seulechoseétaitàl’ordredujour:amenerdavantage de démocratie au sein de l’appareil. C’est ce qui a été fait. Et les instances dirigeantes du parti ont été renouvelées de manière importante.

Ces échecs seraient-ils de nature à remettre en cause la mission de Ndong Sima ?

Plusieurs caciques du parti, véritables barons sous votre père, comme Paul Toungui, Jean Ping ou Idriss Ngari, n’ont pas été reconduits dans leurs fonctions, notamment au sein du bureau politique. N’est-ce pas périlleux, car susceptible de créer des tensions internes, voire des dissidences ?

On parle également de tensions entre les membres de votre cabinet et le Premier ministre. Votre porte-parole a fait une sortie assez remarquée contre lui, expliquant que s’il n’était pas content, personne ne le retenait…

Avant,lescandidatsétaientcooptésparlesommet du parti. Aujourd’hui, ils sont désignés par la base. Aucun dirigeant ne peut considérer qu’il occupe ses fonctions ad vitam æternam. Et à l’issue de ce congrès, vous n’avez pas entendu de claquements de porte, que je sache. En quoi concrètement le PDG a-t-il changé sous votre présidence ?

Je ne me pose pas la question en ces termes. Avec ou sans moi, le PDG devait évoluer : nouvelles générations, nouvelles élites, autres idées ou méthodes. Lors des élections législatives, nous avons renouvelé près de 50 % de nos candidats. Ce mouvement s’est donc naturellement poursuivi au niveau des instances dirigeantes du parti. Vous avez nommé un nouveau Premier ministre, Raymond Ndong Sima, en février 2012. Êtes-vous satisfait de son action et de son gouvernement ?

Ce gouvernement a réussi un certain nombre de missions, comme l’amélioration des équilibres macroéconomiques, la réforme du secteur bois ou la construction de structures sanitaires. D’autres beaucoup moins, nous en avons parlé. Les Gabonais attendent des réponses claires du gouvernement sur la sécurité, l’eau, l’emploi, l’éducation ou la santé. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Ma réflexion est en cours…

Le porte-parole auquel vous faites allusion a certainement traduit le mécontentement qui est le mien par rapport à un certain nombre de domaines dans lesquels je trouve l’action du gouvernement lente ou inefficace. Mais il ne peut y avoir de tensions. Le Premier ministre est là pour appliquer le programme sur lequel le président a été élu. Si le président n’est pas content, ce Premier ministre ne reste pas, point. Maintenant, entre les équipes qui travaillent, celles du président, du Premier ministre ou du gouvernement, il peut exister des divergences. Il n’y a rien de fondamentalement grave en cela. Comprenez-vous les Gabonais qui pensent que les politiques, de quelque bord qu’ils soient, ne représentent qu’une caste de privilégiés qui n’ont qu’une idée en tête : se disputer un gâteau qu’ils ne partageront jamais avec la population ?

Il est difficile de ne pas comprendre ce point de vue. Les sujets de dispute ou les débats sont souvent assez éloignés des préoccupations de la population. Elle n’arrive plus à suivre les carrières des uns et des autres, véritables girouettes, un jour au parti au pouvoir, le lendemain dans l’opposition, et qui multiplient ainsi les allersretours en fonction de leurs intérêts personnels. Nos politiques oublient trop souvent, en outre, jeune afrique


Ali Bongo Ondimba de nouveaux horizons ne signifie en rien abandonner ceux avec qui nous travaillons déjà depuis longtemps. La France elle-même diversifie ses partenaires en Afrique, au-delà de son ancien pré carré francophone.

SAUL LOEB/AFP

En février dernier, le Gabon a été exclu de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (Itie) pour non-respect du rythme de publication des rapports. Que s’est-il réellement passé ?

que si la critique est nécessaire, elle ne peut être suffisante. Encore faut-il présenter une alternative, des propositions concrètes, un projet. Nous observons donc – et c’est un phénomène qui ne concerne pas uniquement le Gabon – une forte abstention, le développement d’une vraie lassitude, pour ne pas dire défiance, vis-à-vis du monde politique, au profit d’une société civile plus dynamique et concrète. Quelles sont les conséquences de la crise européenne, et plus globalement du ralentissement de la croissance mondiale sur l’économie gabonaise ?

Jusqu’à présent, nous avons été relativement épargnés par la crise économique. Mais si celleci perdure… L’Europe n’est pas sortie d’affaire, la Chine ou les autres pays émergents achètent moins, notamment sur le plan minier ou pétrolier, l’investissement direct étranger fléchit. Raison de plus, même si ce contexte ne facilite pas les choses, pour accélérer nos réformes et diversifier notre économie mais aussi nos partenaires. Notamment en développant une coopération Sud-Sud, comme nous le faisons avec des pays d’Asie, mais aussi d’autres plus proches de nous, comme le Maroc. Cette quête de nouveaux débouchés n’est-elle pas de nature à froisser vos partenaires historiques, en particulier la France, qui ne doit pas voir d’un très bon œil l’arrivée de concurrents de poids ?

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où règne une compétition acharnée. Aucune situation n’est acquise. Nous avons certes un partenaire traditionnel, la France, avec lequel nous nous entendons très bien. Mais s’ouvrir à jeune afrique

p Avec le président américain Barack Obama, le 27 mars 2012, à Séoul.

C’est le fruit du mauvais travail de quelques-uns de nos responsables. Il ne s’agit en aucun cas d’une volonté délibérée du Gabon de se soustraire à ses obligations. D’autant plus que c’est nous qui, à l’époque, sommes allés vers l’Itie, alors que rien ne nous y obligeait. Aujourd’hui, nous sommes en train de revoir ce dossier pour corriger ce qui doit l’être. Je ne vous cache pas que ce fut un épisode extrêmement désagréable, qui a donné une mauvaise perception du Gabon, comme si nous avions voulu déguiser ou camoufler quelque chose. Selon vous, la crise malienne a-t-elle définitivement pris fin avec l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta, le 11 août ?

C’est en tout cas un pas extrêmement important, une grande victoire pour la démocratie, alors que beaucoup de sceptiques pensaient une élection au Mali impossible dans ces circonstances. Ce n’est que la première pierre d’un édifice qui sera long à reconstruire. Mais Ibrahim Boubacar Keïta, largement élu, légitime, soutenu par sa population et par la communauté internationale, a toutes les cartes en main pour réussir. Ce qui est arrivé au Mali peut-il se reproduire ailleurs sur le continent ?

Ibrahim Boubacar Keïta a toutes les cartes en main pour réussir. Malheureusement, oui. Il faut être vigilant. Les chefs d’État africains doivent se concerter davantage et se soutenir. Lors de l’interview que vous nous avez accordée l’année dernière (voir J.A. no 2695), à propos de l’arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie ou en Égypte, vous déclariez qu’il fallait leur laisser une chance et les juger une fois leur apprentissage achevé. Comment analysez-vous les crises égyptienne et tunisienne ?

Loin de moi l’idée de vouloir donner des leçons à qui que ce soit, d’autant qu’il s’agit de situations pour le moins complexes, qu’on a tendance à

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Grand angle Grande Interview caricaturer. Et bien malin qui pourra prédire l’avenir des révolutions en Afrique du Nord. Je sais en revanche qu’un an, en politique, c’est court. Toutes ces années dans l’opposition, en prison ou en exil, ne prédisposent pas à diriger un État. L’important, dans les phases que traversent ces pays, c’est donc la concertation, le dialogue et l’union nationale, seuls viatiques pour régler des problèmes de fond, politiques mais surtout économiques et sociaux, avec efficacité et équité.

notamment le financement de l’institution et des ordres du jour kilométriques lors des sommets, qui ne permettaient pas de traiter les points importants sauf à les survoler… Un an après l’élection de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission, les choses ont-elles évolué dans le sens que vous souhaitiez ?

Mme Zuma connaît notre point de vue. Elle a fait le tour de la boutique, comme on dit, et a écouté de nombreux chefs d’État, qui ont exprimé ce désir de changement. Je crois que nous sommes tous d’accord pour lui laisser une année de grâce.

L’islam politique a-t-il encore un avenir ?

La religion ne devrait pas être utilisée en politique, elle doit être un élément consensuel et non pas un facteur de divisions. Et chacun devrait être libre de son rapport à la religion. Mais pour en revenir à votre question, je n’ai pas de boule de cristal. Je constate juste que les partis en question ont remporté les élections. Même s’ils ne jouissent plus du même soutien qu’à l’époque, et s’ils ont pu décevoir, je ne vois aucune raison qui les pousserait hors de la scène politique. Dans cette même interview, vous disiez attendre des réformes de l’Union africaine. Vous évoquiez

L’arrivée au pouvoir de François Hollande, en mai 2012, a-t-elle modifié la relation entre la France et le Gabon ?

Les relations que nous entretenons avec la République française sont anciennes, solides, et ne dépendent pas des hommes. Chacun y amène son style, mais le plus important c’est qu’elles bénéficient à nos populations respectives. C’est dans cet esprit que François Hollande et moi travaillons.

q Ici avec son père, Omar, à l’issu d’un Conseil des ministres, le 28 avril 2005.

Les relations personnelles permettent de se dire les choses plus franchement, parfois d’obtenir plus. Hollande n’est pas Sarkozy, dont vous étiez plus proche…

Une relation, cela se construit. Il faut prendre le temps de se connaître. Vous vous connaissez mieux aujourd’hui ?

Bien sûr, et les choses se passent très bien.

Il y a quand même quelques nuages entre la France et le Gabon : vos opposants misent beaucoup sur Paris pour faire pression sur vous. Il y a aussi l’affaire dite des biens mal acquis…

Cela n’est pas du fait de François Hollande. Nos opposants ont toujours écrit aux présidents français, avec des fortunes diverses. Cela veut bien dire qu’il y a encore, malheureusement, des compatriotes qui n’ont pas compris que les choses ont changé. Aujourd’hui, les questions gabonaises se traitent au Gabon. Et ce sont les Gabonais qui mettent le bulletin dans l’urne. Concernant l’affaire des biens mal acquis, où en est la procédure actuellement ?

Catherine et Bernard desjeux

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C’est un sujet pour lequel j’ai déjà indiqué l’intérêt qu’il suscitait chez moi : proche du néant. Nous avons tous autre chose à faire. Y compris ces pauvres juges, qui se mêlent de questions qui ne les regardent pas puisqu’elles concernent les Gabonais. Vous avez pourtant changé d’avocats pour suivre ce dossier. Preuve que vous vous en préoccupez malgré tout…

Nous n’avons pas changé d’avocats, nous avons

jeune afrique


Ali Bongo Ondimba Êtes-vous toujours autant comparé à votre père ?

Ça ne s’arrêtera jamais…

Cela vous gêne ?

Non. Je ne serai jamais Omar Bongo Ondimba et je ne cherche pas à l’être. Je m’inspire de son œuvre, de ce qu’il a fait. Mais autres temps, autres mœurs. Il faut aujourd’hui s’adapter et faire les choses différemment. S’il vous observait de là où il est, que penserait-il?

PATRICK FORT/AFP

Il me dirait de travailler encore plus. Il a toujours estimé que je devais travailler beaucoup plus.

complété le dispositif de ceux qui gèrent la procédure. Je continue de dire que c’est une affaire qui, personnellement, ne me concerne pas. Sauf à inventer un nouveau délit, celui de patronyme… Des crimes rituels particulièrement odieux se sont multipliés ces derniers mois, suscitant une vive inquiétude au sein de la population. Comment expliquez-vous ce phénomène et comment y mettre fin ?

Nous avons tous été choqués par l’atrocité des crimes commis. Cela a créé une psychose que nous pouvons aisément comprendre. Donc, nous mettons tous les moyens en œuvre pour combattre la criminalité, toute la criminalité. Cela signifie plus de moyens d’investigation, y compris en ayant recours aux techniques modernes de la police scientifique, mais aussi au niveau de la justice. Il faut traduire puis juger les auteurs et mettre hors d’état de nuire les coupables. C’est simple à dire comme cela, mais cela n’a pas été suffisamment fait. Nos tribunaux sont engorgés, nos prisons surpeuplées, les délais entre arrestations et jugements trop longs. Nous sommes en train de remédier à tout cela, notamment en faisant appel à des experts internationaux. Attention cependant à l’instrumentalisation politique de ces crimes, qui frise l’inconscience. Quatre ans après votre élection, qu’avez-vous appris sur l’exercice du pouvoir ?

Il faut s’armer de patience, ce qui n’est pas forcément ma qualité première [rires]… On apprend que les choses ne vont jamais aussi vite qu’on le souhaiterait. Pour le reste, on ne peut pas dire que j’ai fait de véritable découverte : j’étais à bonne école. jeune afrique

p André Mba Obame, en janvier 2013. L’opposant, très affaibli, annonçant son grand retour, sans cesse repoussé.

Vos relations avec votre sœur Pascaline sont l’objet de rumeurs depuis votre élection. Elles seraient froides, pour ne pas dire plus…

Comme vous dites, ce sont des rumeurs. On veut inventer une espèce de Dallas gabonais, cela doit faire vendre. Il n’y a rien de tout cela.

Votre directeur de cabinet, Maixent Accrombessi, est attaqué par vos opposants, notamment par André Mba Obame et d’ex-figures de l’ancien système. Comment le vivez-vous ?

La seule chose qui m’importe est qu’il fasse ce que j’attends de lui. Ceux qui lui crient dessus ne sont pas ses patrons.

La présidentielle de 2009 avait été marquée par un net repli identitaire. En résumé, les candidats fangs face à vous. Pensez-vous que la situation a évolué ?

Oui, nécessairement. D’abord parce qu’un certain nombre de mes compatriotes ne me connaissaient pas et avaient à l’époque des a priori sur moi. Lorsque vous êtes dans l’incertitude,

Je ne cherche pas à être comme mon père. Autre temps, autres mœurs: il faut s’adapter. généralement, vous vous repliez vers quelque chose que vous pensez connaître. Un parti, une religion, une ethnie. C’est ce que certains ont fait. Aujourd’hui, les choses se passeraient différemment. Comment envisagez-vous la présidentielle de 2016, à laquelle personne ne doute que vous serez candidat ?

Je vais vous répondre ce que mon père aurait dit : la dernière chose à faire est de penser à la prochaine élection. Ma priorité c’est de faire mon travail et de remplir mes engagements, avant de penser à 2016. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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afrique subsaharienne

sénégal

Forte tête Le procès de Hissène Habré, c’est en partie grâce à elle. Même chose pour la traque des biens mal acquis. nommée premier ministre le 1er septembre, aminata touré est passée des bras du trotskisme à ceux du libéralisme façon Macky Sall, sans rien renier de ses idéaux. Portrait.

rémi Carayol

E

lle, une « dame de fer » ? La presse, qui abuse du cliché, en a décidé ainsi, mais c’est presque lui faire injure. Quand la propagande soviétique utilisait pour la première fois ce terme à propos de feu Margaret Thatcher, Aminata Touré n’avait que 14 ans, mais depuis Kaolack, où elle a passé une partie de son adolescence, nul doute qu’elle vomissait déjà la ligne économique libérale dont la Britannique était à l’époque le héraut naissant. Quatorze ans. L’âge des premiers émois et, pour celle que les Sénégalais surnomment Mimi, des premiers flirts avec le trotskisme. Un ami de son père (médecin) et de sa mère (sage-femme), qui fréquentaitalorsdemanièreoccasionnellelamaison familiale, se souvient d’une fille déjà « très politisée, brillante et aux idées claires ». Après Abdoul Mbaye, le banquier sans aspérités qu’il avait nommé en avril 2012 et qu’il a démis le 1er septembre, le président Macky Sall a donc choisi,

pouroccuperlaprimature,unprofildiamétralement opposé. Une femme de caractère, que la polémique n’effraie pas et « qui ne fait pas dans les rondeurs », selon l’expression de l’une de ses connaissances. Aminata Touré, 50 ans, trois enfants et deux divorces, n’est pas vraiment ce que l’on appelle une pasionaria: trop rigoureuse pour faire preuve de populisme quand le besoin s’en fait sentir, trop méthodique pour tomber dans le piège de la simplification. Ceux qui l’ont croisée chez Macky Sall, juste après l’annonce de sa victoire en avril 2012, se souviennent d’une femme à la fois distante et chaleureuse, souriante et mesurée, qui, par sa simple présence, imposait la retenue. sans prEndrE dE gants. Elle est de ceux,

place aux technocrates Exit les banquiers Abdoul Mbaye (Premier ministre) et Amadou Kane (Économie et Finances). Place aux hauts fonctionnaires dans un gouvernement qui compte 32 membres et dont la liste a été élaborée dans les grandes largeurs par le chef de l’État.

Mouhamadou Makhtar Cissé, 46 ans Ministre délégué au Budget. Précédemment directeur général des douanes

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Amadou Bâ, 51 ans Ministre de l’Économie et des Finances. Précédemment directeur général des impôts et domaines

Papa Abdoulaye Seck,

55 ans Ministre de l’Agriculture. Précédemment directeur général du centre du riz pour l’Afrique (un centre de recherche panafricain)

plutôt rares ces temps-ci, pour qui les idées ne sont pas une posture ni les valeurs une variante. Certes, Trotsky ne fait plus partie de son vocabulaire. Elle admet elle-même qu’« avec l’âge, on devient conservateur ». Certes, elle est aujourd’hui la première collaboratrice d’un président qui revendique son appartenance à la famille libérale, et son féminisme viscéralsembles’êtreéteintaumomentdecomposer son gouvernement (sur trente-deux membres, on compte seulement cinq femmes). Mais les droits de l’homme continuent de représenter l’alpha et l’oméga de son engagement. Le quatorzième Premier ministre du Sénégal indépendant (la deuxième femme après Mame Madior Boye, qui régenta le Building administratif durant dix-neuf mois en 2001 et 2002) n’est pas du genre à renier ses idéaux, et encore moins à se laisser marcher sur les pieds. Les Sénégalais l’ont découvert après sa nomination au ministère de la Justice en avril 2012, au lendemain de l’alternance. Quand, il y a sept mois, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) remet en question les l l l jeune afrique


Sylvain Cherkaoui pour j.a.

u À Dakar, en juillet 2012. Elle est la deuxième femme à prendre la tête du gouvernement au Sénégal.


afrique subsaharienne sénégal procédures engagées par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), et notamment l’interdiction de sortie du territoire infligée à plusieurs ténors de l’ancienne majorité, elle ne plie pas. Au lieu de faire amende honorable, elle exige de l’administration que cette interdiction prenne rapidement une forme légale, et elle réaffirme sans prendre de gants la souveraineté de son pays en matière de justice. lll

Divergences. Et quand, en mai 2013, Amnesty International publie un rapport accablant qui ne correspond pas à l’idée qu’elle se fait de la situation desdroitsdel’hommeauSénégal,elles’enoffusque, dénonce « l’amalgame » dont aurait fait preuve son auteur, Seydi Gassama, et écrit à l’ONG pour s’en plaindre. Aujourd’hui, le même Gassama ne lui en tient pas rigueur : « En dépit de nos divergences, les actes qu’elle a posés me semblent importants. De tous les ministres, c’est la seule qui peut se targuer d’avoir obtenu des résultats. » Les poursuites contre Hissène Habré ? C’est elle. Bien sûr, c’est le président qui lui a demandé de relancer une procédure qui traînait en longueur et qui avait fini par entacher la réputation de Dakar. « Mais sans son abnégation, nous ne serions pas allés aussi vite », indique un membre des Chambres africaines extraordinaires, qui ont vu le jour cinq mois après l’arrivée de Touré à la Justice, et qui ont pour mission de juger les crimes commis sous la férule de l’ancien dictateur tchadien. « Elle a fait preuve d’une grande détermination, se réjouit Reed Brody, l’homme qui suit le dossier pour l’ONG Human Rights Watch (HRW). C’est une

Bye-bye Youssou

Youri Lenquette/JerrYcom

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Dix-sept mois et puis s’en va. Youssou Ndour, le roi du mbalax, n’est plus membre du gouvernement. Même s’il poursuivra sa collaboration avec Macky Sall en tant que ministreconseiller à la présidence, « You » retrouvera avec plaisir ses premières amours : la scène, qu’il a très peu fréquentée lorsqu’il était ministre, et avec elle un peu de liberté. Constat d’échec ? Oui et non. « Il n’était pas fait pour ce rôle, il n’était pas dans son élément », admet un proche. Lors du dernier remaniement, il avait déjà perdu la Culture (son dada) et n’avait conservé que le Tourisme, où son bilan est très maigre.

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« mimi » est allée jusqu’à laisser la justice poursuivre oumar sarr, son ex-époux, le père de sa première fille.

vraie militante, qui allie l’élégance sénégalaise à l’efficacité américaine. Elle a ses convictions, sans se réfugier derrière la langue de bois. » Brody est sous le charme. On le serait à moins : « Dans l’affaire Habré, on a immédiatement senti la différence. Auparavant, les gens du ministère de la Justice étaient très méfiants quand ils me voyaient arriver, ils semblaient maudire ma venue. Elle a eu les moyens de faire avancer le dossier et a tout de suite pris contact avec l’Union africaine. » Elle a aussi fait jouer les réseaux qu’elle s’est constitués entre 1995 et 2012, lorsqu’elle officiait en tant qu’experte des Nations unies au Burkina et en Côte d’Ivoire, puis à New York, quand elle a pris la tête du département droits humains du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). Touré a également joué un rôle majeur dans la traque aux biens mal acquis lancée au lendemain de la victoire de Sall. Là encore, il s’agissait d’une directive du président. Mais elle est allée plus loin. Qui aurait parié, en avril 2012, que Karim Wade serait arrêté un an plus tard, et que nombre d’autres « intouchables » seraient condamnés à attendre le jour où les limiers viendraient les cueillir dans leur villa afin qu’ils s’expliquent sur leur fortune ? Qui aurait pensé que Touré irait jusqu’à laisser la justice poursuivre son ex-époux, le père de sa première fille qui suit des études à l’université Yale, Oumar Sarr(aujourd’huicoordinateurdupartid’Abdoulaye Wade) ? « Lorsqu’on administre la justice, on le fait avec froideur. Parfois aussi avec déchirement », confiait-elle à J.A. l’année dernière. patrimoine. Ce n’est pas tout. En l’espace

de dix-sept mois, Touré a mis en prison plus de policiers et de gendarmes accusés de violences que jamais auparavant. Elle a résisté aux pressions des confréries lorsque le puissant marabout Cheikh Béthio Thioune a été placé sous mandat de dépôt en 2012. Elle a enfin lancé une réforme du code pénal qui prévoit de rendre inéligibles pendant dix ans les personnes condamnées pour détournement de deniers publics. « La bonne gouvernance est un préalable à toute politique de développement efficace », a coutume de dire celle qui a divulgué son patrimoine (estimé à 777 millions de F CFA, soit 1,185 million d’euros) sans y être obligée lors de sa nomination au sein du gouvernement. «Elleveuttoujoursobtenirdesrésultats, elle est très exigeante », souligne un ami. Quitte, parfois, à flirter avec la ligne rouge. Dans la traque aux biens mal acquis, la procédure n’a pas toujours été exemplaire, et la médiatisation à outrance des gardes à vue a réduit à néant la présomption d’innocence. Certains magistrats s’en sont jeune afrique


Forte tête Elle pouvait se le permettre. En dépit du fait qu’elle est l’une des rares à lui dire ce qu’elle pense, Aminata Touré a la confiance du président. C’est pour cela qu’il l’a choisie, pour sa popularité également, mais aussi en réponse à un calcul politicien: à l’approche des élections locales, il lui fallait un lieutenant plus politique que Mbaye. Leur première rencontre remonte au milieu des années 1980 et a pour théâtre la clandestinité imposée aux mouvances gauchistes. Elle est furtive: Macky, alors étudiant, milite à And-Jëf (Parti africain pour la démocratie et le socialisme) de Landing Savané, avant de rallier le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade. « Mimi », elle, a rejoint la Ligue communiste des travailleurs, qui fusionnera bientôt avec le Mouvement pour le socialisme et l’unité de Mamadou Dia. Elle est déjà considérée comme « une grande puissance intellectuelle », et c’est pour cela que Savané fera d’elle sa directrice de campagne lors de la présidentielle de 1993.

AlAin GuizArd/news pictures

gauchistes. Puis ils se retrouvent à la fin des

émus. Sur le cas Habré aussi, elle est allée vite en besogne – trop vite, jugent les partisans du Tchadien, qui dénoncent une procédure irrespectueuse des droits de la défense. Et lorsque, en mai dernier, elle invite la presse à assister à la remise d’un chèque à son collègue du Budget (1 milliard de F CFA recouvré dans le cadre de cette même traque), certains ministres y voient une soif de reconnaissance suspecte. « Elle outrepasse ses fonctions, elle se prend pour le PM! » se désole l’un d’eux. Ce « PM » venu de la société civile, qu’elle n’a jamais apprécié et à qui elle ne s’est jamais vraiment soumise.

p Avec le président Macky Sall, en mars. Elle est l’une des rares personnes à lui dire ce qu’elle pense.

années 1990, quand le PDS, dont Sall est devenu un cadre, se rapproche des mouvements d’extrême gauche pour faire tomber le Parti socialiste. « C’est là qu’ils ont vraiment travaillé ensemble, indique un proche du président. Depuis, ils ne se sont jamais perdus de vue malgré l’exil américain de “Mimi”. » Quand, en 2011, Sall cherche des cadres pour l’aider à conquérir le pouvoir, il se tourne vers sa cadette d’un an. Elle accepte, prend une disponibilité et devient sa directrice de cabinet. « C’est elle qui a coordonné sa campagne. Elle a aussi participé à la rédaction du programme de Macky », précise la même source. Avant son retour au pays, les gauchistes pensaient qu’elle était toujours des leurs, mais ils ne furent pas surprispourautant.«AuSénégal,celafaitlongtemps quel’idéologienecompteplus.Àl’APR[Alliancepour la République] comme au PDS, beaucoup viennent de chez nous », remarque Landing Savané. À un ami militant qui s’étonnait, quelques mois avant l’élection, de la croiser dans le salon de Macky Sall, elle avait rétorqué, avec ce demi-sourire qui laisse perplexe ses interlocuteurs : « Les trotskistes ont une grande capacité d’adaptation. » l

sépaRation à l’amiable « Ce n’est pas un divorCe », assure un ami commun de Macky sall et d’abdoul Mbaye. si le président s’est séparé de son premier ministre, ce n’est pas parce qu’il n’en était pas content, indique notre source. Certes, Mbaye a commis des erreurs de communication. son équipe a été passive sur certains dossiers, et son nom pourrait être cité jeune afrique

lors du futur procès de Hissène Habré (en tant que banquier, il eut à encaisser une partie des fonds du tchadien en 1990). À ce titre, il était la cible privilégiée de l’opposition. Mais « Macky estime qu’il a fait un travail immense ». entre les deux, le contrat était clair : le pM savait qu’il était là pour une période transitoire. nommé en avril 2012 pour rassurer les

bailleurs de fonds et les alliés politiques, Mbaye n’était identifié à aucun parti et ne correspond plus à la priorité du moment : les élections municipales qui approchent (premier semestre 2014). « dans cette perspective, il fallait un premier ministre plus politique, prêt à aller au charbon », indique un collaborateur R.c. du président. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Afrique subsaharienne Cameroun

aminatou ahidjo veut tourner la page la fille du premier président, mort en exil à Dakar en 1989, a accepté de rentrer au pays et de rallier le parti au pouvoir. Au grand dam de sa mère…

E

lle se garde de toute apparition publique et rejette les demandes d’interview les unes après les autres. Mais Aminatou Ahidjo, la benjamine du premier président camerounais, Ahmadou Ahidjo, décédé et enterré à Dakar en 1989, est au centre de toutes les conversations. À l’âge de 47 ans, elle intrigue pour avoir osé se désolidariser de sa propre famille, toujours en exil au Sénégal, pour revenir au pays et rejoindre le camp « ennemi ». Au grand désespoir de sa mère, Germaine, qu’elle ne voit plus depuis 2008. L’entourage de celle-ci la dit dévastée par cette attitude, elle qui est en désaccord avec le président Biya sur les conditions du rapatriement de la dépouille de son défunt mari. Germaine demande sa réhabilitation ainsi qu’« un retour dans l’honneur et la dignité, et à l’initiative de l’État camerounais ». Yaoundé répond que c’est une affaire de famille.

sa suffisance, elle qui n’a jamais daigné s’abaisser à lui demander la moindre faveur, et apaiser les tensions avec le Nord, après les arrestations de plusieurs de ses figures, dont Marafa Hamidou Yaya et Iya Mohammed, dans le cadre de l’opération Épervier. Pauvre fille seule au milieu d’intrigants ? Peut-être pas tant que ça. Méthodique, elle a constitué une

béninois Émile Derlin Zinsou – tous deux l’auraient encouragée à rentrer –, Aminatou a choisi d’ignorer les critiques. Elle veut oublier qu’en 1983 le régime Biya lui a retiré ses pièces d’identité camerounaises alors qu’elle s’apprêtait à intégrer une université suisse. Les services d’immigration l’avaient alors convoquée pour l’informer de l’envoi, par Yaoundé, d’une circulaire indiquant que les documents en sa possession n’étaient pas valides – circulaire que Berne avait choisi d’ignorer. choyéE. Ceux qui ont

partagé son exil dakarois la décrivent parfois comme psychologiquement fragile. Ils affirment que cette « benjamine choyée », très ébranlée par la mort de son père, n’a pas su saisir les opportunités offertes par d’anciens amis de celui-ci, notamment quand elle affirmait vouloir suivre des études de journalisme. Proches d’Ahidjo, les journalistes Hervé Bourges et Philippe Decraene s’étaient proposé t r a h i s o n. Aminatou de l’épauler au début des Ahidjo estime sans doute années 1990. Abdou Diouf, qu’il est temps de passer alors président du Sénégal, à autre chose. Elle dit vouavait quant à lui mis à sa disposition sa cellule de comloir « porter l’image de munication. En vain. Les l’union, de la concorde et de la réconciliation natioplus sévères prétendent que nales ». Elle – qui n’a aucun cette infatigable voyageuse poids sur la scène politique a épuisé toutes ses cartes, camerounaise – se propose elle qui a bénéficié du soude battre campagne pour tien d’Houphouët-Boigny, p Entre son père et sa sœur aînée, en 1974. Aminatou est le Rassemblement démod’Omar Bongo Ondimba parfois décrite comme « fragile » par ses proches. cratique du peuple cameou de Kaddafi sur des prorounais (RDPC, au pouvoir) jets tous plus onéreux les dans les trois régions du Nord et faire équipe, présenté un document de trauns que les autres, et toujours trop vite des apparitions ponctuelles dans le vail détaillé précisant les contours de abandonnés : création d’une galerie la proposition faite au RDPC. Montant reste du pays avant les législatives du d’art, ouverture d’une parfumerie… À 30 septembre. Alors que les uns crient de la facture : 400 millions de francs CFA sa décharge, ils conviennent qu’elle est, de tous les enfants, celle qui a le à la trahison, d’autres hurlent à la mani(610 000 euros) pour ses prestations. pulation d’un « esprit faible ». Biya aurait S outenue par s on demi-frère plus difficilement vécu les malheurs trouvé le moyen de faire d’une pierre Mohamadou Ahidjo Badjika, ambasde la famille. l deux coups: punir Germaine Ahidjo pour sadeur itinérant, et par l’ancien président clarissE Juompan-yakam dr

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p Les deux cofondateurs du mouvement : Smockey et Sams’k Le Jah, le 25 août à Ouaga. Burkina Faso

ici aussi, y’en a marre Leur collectif, ils l’ont appelé le Balai citoyen. Comme leurs aînés sénégalais, ils sont musiciens. et disent non à la mal-gouvernance.

À

peine deux mois d’existence et une renommée qui ne cesse de grandir au Burkina Faso. Pas une manifestation de l’opposition, pas une marche syndicale, pas un mouvement de grogne étudiante auquel il ne soit associé. Inspiré par l’exemple sénégalais des Y’en a marre, le Balai citoyen est déterminé à se faire entendre. À la tête de ce mouvement, deux musiciens – comme au Sénégal. Le premier est un rappeur : Serge Martin Bambara, plus connu sous son nom de scène, Smockey. Le second donne plutôt dans le reggae : Sama Karim, surnommé Sams’k Le Jah. Ensemble, ils ont choisi un emblème – un poing levé et la brosse d’un balai. « Le balai, explique Smockey,

c’est la propreté, le nettoyage de la malgouvernance sans se salir les mains. » populaire. Le collectif a été lancé en juin en marge de la grande manifestation contre la création d’un Sénat. Des milliers de manifestants étaient rassemblés pour l’occasion place de la Nation, en plein centre de Ouagadougou. Une tribune exceptionnelle et un premier test d’adhésion populaire. Aujourd’hui, le collectif s’est doté d’une coordination nationale, de plusieurs porte-parole et d’une charte. Il se veut toujours apolitique, mais son objectif, lui, ne l’est pas du tout. « Ce que nous voulons dans l’immédiat, poursuit Smockey, c’est la suppression du Sénat et le maintien en l’état de l’article 37 de la Constitution. »

Comme beaucoup, il se dit convaincu qu’une seconde Chambre serait trop coûteuse et permettrait de faire sauter le verrou qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels – et qui empêche Blaise Compaoré de se représenter. Deux mois après sa création, le Balai citoyen compte un « club » (au moins 60 personnes) dans chaque quartier de la capitale et dans la plupart des grandes villes du pays. Et comme leurs grands frères sénégalais, qui s’étaient opposés à un troisième mandat d’Abdoulaye Wade, Smockey et Sams’k Le Jah sont connus pour leurs textes engagés et sont très populaires parmi les jeunes. Des membres de Y’en a marre, qu’ils ont rencontrés en juin, les cofondateurs du Balai citoyen disent qu’ils les inspirent, mais qu’ils ne veulent « pas faire du copier-coller. Ici au Faso, les réalités sont fondamentalement différentes. Nous voulons aussi nous inscrire dans la durée. Nous continuerons d’exister pour contrôler ceux qui nous contrôlent ». l abdel pitroipa


Coulisses

Afrique subsaharienne

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Kenya

sus à la CPi Les députés ont approuvé le 5 septembre un texte demandant le retrait du statut de Rome.

ContrE-fEu. Sans doute n’est-ce là

qu’un contre-feu médiatique, puisque selon le porte-parole de la CPI « un retrait ne peut prendre effet qu’un an après le dépôt auprès du secrétaire général de l’organisation des Nations unies, et ce retrait ne peut avoir d’influence sur les poursuites et les enquêtes en cours ». Reste que la manœuvre contribue à affaiblir une fois de plus la Cour, alors même que plusieurs témoins, inquiets, se sont récemment rétractés dans les procédures concernant les deux têtes de l’exécutif. Quelques jours à peine après l’élection de Kenyatta, la CPI avait déjà dû renoncer à poursuivre Francis Kirimi Muthaura, ancien directeur de la fonction publique, à la suite de la défection de nombreux témoins. l niColas MiChEl jeune afrique

XaVier bourGois/afp

E

n février 2009, le Parlement kényan avait rejeté un projet de loi visant à mettre en place un tribunal pour juger les responsables des violences consécutives à l’élection de décembre 2007 (1300 morts). C’est ce qui avait amené Kofi Annan à confier à la Cour pénale internationale (CPI) les noms de personnalités soupçonnées de crimes contre l’humanité. Quatre ans plus tard, la coalition au pouvoir à l’époque a laissé la place à un président élu, Uhuru Kenyatta, et à un vice-président, William Ruto, appelés à comparaître à La Haye respectivementles12novembreet10septembre. Du coup, le chef de la majorité au Parlement, Aden Duale, a déposé une motion pour que le pays se retire de la CPI, jugée à la botte d’un Occident néocolonial. « Nous voulons que les Kényans soient comme ces millions de personnes qui ne sont pas liées par la CPI. […] L’Inde, la Chine, les États-Unis n’ont pas encore ratifié le traité », a-t-il déclaré. Le 5 septembre, letexteaétéapprouvéparunemajorité de députés.

p Jeunes éléments de la Séléka posant le 25 juillet dans une caserne improvisée dans un quartier de Bangui.

ceNtraFrique préseNtez arMes ! Ce n’est pas parce qu’elle est menée sur la base du volontariat qu’elle ne donnera rien. Josué Binoua, le tout nouveau ministre de la Sécurité, s’est voulu confiant en lançant, le 4 septembre à Bangui, une opération de désarmement de la Séléka (l’ancienne coalition rebelle aujourd’hui au pouvoir). Des armes lourdes et légères ont même été récoltées dès le premier jour, a assuré Josué Binoua, un ancien proche du président déchu, François Bozizé. Sont concernés tous les éléments qui ne résident pas dans l’une des six casernes autorisées installées dans la capitale centrafricaine. « Aucun citoyen centrafricain, aucun étranger […] ne peut porter une arme s’il ne possède pas une autorisation expresse », a insisté le ministre, assurant vouloir veiller à la « quiétude de la population ». Il aura fort à faire… l

Madagascar chaises Musicales Léger remaniement gouvernemental, le 4 septembre, à Madagascar. Un remaniement sans grande surprise, puisque quatre ministres candidats à l’élection présidentielle devaient quitter leur poste, ainsi que le prévoit le code électoral. Les personnes qui leur ont succédé sont issues des mêmes camps politiques.

Nigeria au bord de l’iMplosioN Mauvaise nouvelle pour le People’s Democratic Party (PDP) au pouvoir au Nigeria. Cinquante-sept de ses députés de la chambre basse ont prêté allégeance, début septembre, à une nouvelle plateforme baptisée Nouveau PDP. Une

vingtaine de sénateurs et sept gouverneurs les ont déjà ralliés. Les dissidents estiment que la direction du PDP était de plus en plus éloignée de la base et qu’ils n’étaient pas suffisamment consultés. Parmi eux, plusieurs personnalités du nord du pays, tandis que le chef de l’État est, lui, originaire du Sud.

rd coNgo Faux départ Les consultations nationales qui devaient s’ouvrir le 4 septembre ont été repoussées au 7 septembre. Raison invoquée : un problème d’agenda pour le chef de l’État, qui devait au même moment se rendre à Kampala pour assister à un sommet extraordinaire de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


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Maghreb & Moyen-Orient

MarOc

Un opposant nommé

Mohammed VI Éducation, culture, médias… Plus que jamais, le roi multiplie les initiatives, mais aussi les critiques à l’encontre de son gouvernement. Dans sa ligne de mire : le conservatisme et la « salafisation » des esprits.

À la veille de son cinquantième anniversaire, le souverain a remis la réforme de l’enseignement uvertement critiqué pour la au centre de l’agenda politique, adressant des grâce qu’il a accordée – avant critiques directes à la gestion de ce dossier par de l’annuler – fin juillet, à Daniel le gouvernement Benkirane. Dans son discours, Mohammed VI relève que « les gouvernements Galván Viña, un pédophile successifs se sont attachés à mettre en œuvre espagnol condamné à trente les recommandations de la charte nationale de ans de réclusion, le roi a prol’éducation et de la formation [adoptée en 1999], noncé, le 20 août, une adresse à la nation très politique, suivie d’une réception remarquée de surtout le gouvernement précédent [dirigé par Abbas El Fassi, octobre 2007-janvier 2012], qui dizaine d’artistes de tous genres, à qui ont été a déployé les moyens et les potenremis des wissams alaouites. Les tialités nécessaires pour mener à écoliers, eux, feront leur rentrée le La réforme de bonne fin le Plan d’urgence éla11 septembre. Une nouvelle année l’enseignement boré en 2008, dont il n’a, d’ailleurs, sur les bancs pour environ 6,5 milentamé la réalisation qu’au cours lions d’élèves de l’enseignement est revenue des trois dernières années de son primaire et secondaire. L’actuel au centre mandat ». Après avoir délivré ce ministre de l’Éducation nationale, de l’agenda satisfecit pour le pilotage de la Mohamed Louafa, accomplit donc sa seconde rentrée. Et certainement sa réforme de l’enseignement, mené politique. notamment par son ancien conseildernière. En rupture de ban avec son parti, l’Istiqlal, après avoir refusé d’obtempérer ler feu Meziane Belfkih, Mohammed VI relève une rupture fâcheuse, imputable directement au à la décision de retrait du gouvernement, il est, gouvernement Benkirane : « Pis encore, sans avoir depuis le 9 juillet, un ministre sans couverture impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a politique. Pour lui, les nuages s’amoncellent remis en cause des composantes essentielles de depuis le diagnostic sévère du roi. Après la rentrée des classes suivra, du 13 au 22 septembre, la ce plan, portant notamment sur la rénovation des rentrée culturelle avec le festival L’Boulevard à cursus pédagogiques, le programme du préscolaire et les lycées d’excellence. […] Le gouvernement Casablanca, un événement underground plombé ces dernières années par des problèmes de actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés dans les secteurs de l’éducation et de financement. Le 21 août, son directeur, Mohamed “Momo” Merhari, recevait un wissam alaouite la formation, d’autant qu’il s’agit d’un chantier des mains de Mohammed VI. Il y a quatre ans, déterminant s’étendant sur plusieurs décennies. » l’association EAC, qui produit L’Boulevard, Au moment où le gouvernement dirigé par obtenait un chèque de 2 millions de dirhams les islamistes du Parti de la justice et du l l l (180 000 euros). Le roi s’est d’ailleurs enquis des investissements réalisés par l’association, qui a u Dans son discours du 20 août, le souverain a relevé créé à Casablanca un studio d’enregistrement une rupture fâcheuse dans la mise en œuvre du Plan ouvert aux jeunes talents. d’urgence adopté en 2008. YOussef aït akDIM

O

n o 2748 • dU 8 aU 14 septembre 2013


Carlos alvarez/aFP


maghreb moyen-orient maroc

cabinet karim chakor architecte

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développement (PJD) défend la légitimité par le mandat du peuple, une antienne affûtée par la polémique sur la destitution du président égyptien Mohamed Morsi, qualifiée de « coup d’État contre la légitimité » jusque dans les salons rbatis, le roi laisse entendre qu’il y a des domaines dans lesquels les priorités et les orientations ne doivent pas osciller au gré des résultats des urnes. Arbitre du jeu institutionnel, Mohammed VI interprète la Constitution de 2011 comme lui donnant une forme particulière de prééminence sur les autres acteurs politiques, y compris le gouvernement et le Parlement. Même s’il n’y a pas de doctrine à ce sujet, le raisonnement qui sous-tend le discours est totalement en phase avec la pratique du pouvoir depuis quatorze ans. Au Palais, et à son armée de l’ombre de conseillers, la stratégie et les grandes orientations de réforme, aux ministres l’exécution de plans concoctés pour la plupart par des cabinets conseil en stratégie. lll

recadrage. Pour le roi, qui s’inscrit dans le

temps long de son pouvoir, la réforme est un effort d’accumulation. Le gouvernement actuel ne peut donc, selon la doctrine en cours d’élaboration au Palais, effacer d’un geste tout ce qui a été fait par ses prédécesseurs. Un argument central du discours du 20 août : « En effet, il n’est pas raisonnable que tous les cinq ans chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l’impasse sur les plans antérieurs, alors qu’il ne pourra pas exécuter le sien intégralement au vu de la courte durée de son mandat. » Au-delà du jeu électoral, il y a un échelon de décision stratégique auquel le roi ne souhaite pas renoncer. Pas pour toutes les questions, ni tous les secteurs : « Le secteur de l’éducation ne doit pas être enserré dans un n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

p Maquette du futur Musée national d’art moderne et d’art contemporain, à Rabat.

Éducation une si longue rÉforme

Octobre 1999

Adoption de la Charte nationale d’éducation et de formation

Juin 2005

Premier bilan relevant la lenteur et les ratés de la réforme

Septembre 2006 Mise en place du Conseil supérieur de l’enseignement (CSE)

Septembre 2008

Adoption d’un programme d’urgence 2009-2012

Août 2013

Nomination d’Omar Azziman présidentdélégué du CSE. Il succède au conseiller royal Abdelaziz Meziane Belfkih, décédé en mai 2010

cadre politique stricto sensu, pas plus que sa gestion ne doit être l’objet de surenchères ou de rivalités politiciennes. » Ce recadrage s’appuie sur la Constitution de 2011, laquelle accorde, selon la formule du constitutionnaliste Baudoin Dupret, « de larges prérogatives au chef du gouvernement sans réduire celles du roi ». Ce dernier ne doit pas être partout, mais revendique le pouvoir de donner les grandes orientations, d’évaluer et de corriger. Publiquement s’il le faut. frictions. C’est au nom d’autres grandes orienta-

tions que l’entourage royal s’était employé à tailler en pièces les projets de cahiers des charges de l’audiovisuel public poussés par le ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi. Alors même qu’il ne faisait qu’exercer ses prérogatives, ce qui nous a été confirmé par un de ses prédécesseurs, El Khalfi a bousculé le statu quo et semblé menacer l’équilibre linguistique et les choix éditoriaux de la deuxième chaîne nationale, 2M, largement vue comme un contre-pouvoir aux islamistes. C’est parce qu’ils n’ont pas montré d’ardeur à contrer le texte d’un ministre islamiste que les deux têtes de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca) ont été remerciées par le roi. Le message, martial, a bien été entendu à Rabat : une autorité de régulation, aussi indépendante soit-elle, ne doit pas seulement respecter la légalité des formes. Il ne suffit pas d’être légaliste, encore faut-il s’assurer d’interpréter efficacement et durablement les orientations du Palais. Les exemples abondent de frictions autour du modèle de société entre les islamistes et les élites plus ou moins proches du Palais. Que l’on songe à Mawazine, gigantesque festival signé du Palais, placé sous l’étroite supervision de Mounir Majidi, jeune afrique


un opposant nommé Mohammed Vi président de Maroc Cultures, l’association qui l’organise. Depuis deux ans, le festival se tient au nez et à la barbedugouvernementPJD.N’était-cepasAbdelilah Benkirane qui avait dénoncé la présence d’Elton John, l’une des stars préférées de Mohammed VI? On pourrait penser que le PJD s’est assagi depuis son entrée au gouvernement. Mais les rancœurs sont tenaces: ministre des Relations avec le Parlement et la société civile, Habib Choubani dénonçait, en mai 2012, « un festival de l’État [comprenez “du Palais”, NDLR] comme il y a eu un projet de parti de l’État ». Tous les forts en gueule islamistes continuent d’ailleurs de se faire les crocs sur Mawazine, victime aussi de son incroyable succès d’audience. exit « l’art ProPre ». En juin dernier, Benkirane

et ses amis ont pareillement snobé le festival Gnaoua d’Essaouira, un rassemblement musical extrêmement populaire qui renoue avec une

tradition mystique, jugée avec mépris par les orthodoxes. Rien de pareil du côté du roi, qui a reçu et remis des décorations à une pléthore d’artistes: le rappeur Bigg, le peintre Fouad Bellamine, le chanteur Abdelwahab Doukkali, les réalisateurs Farida Belyazid et Noureddine Lakhmari, les humoristes Saïd nombre d’islamistes Naciri et Hassan El Fad, le milicontinuent de se faire tant culturel « Momo » Merhari, les jeunes groupes H-Kayne, Fnaïre ou les crocs sur le festival Mazagan. Un hommage posthume Mawazine. a été rendu à des artistes disparus, dont l’acteur Benbrahim ou le peintre Miloud Labied. Un contraste saisissant entre les premières déclarations des islamistes au lendemain des élections de 2011 – le fameux « art propre » que le député Najib Boulif appelait de ses vœux – et les encouragements appuyés de Mohammed VI. l

questions à Mehdi qotbi* Président de la Fondation nationale des musées

« Mohammed Vi apporte un soutien décisif aux arts et à la culture » Pour l’artiste peintre, l’attention particulière du roi marque un tournant qui incite à l’optimisme.

que pendant des années les pro­ grammes gouvernementaux n’ont pas placé la culture au cœur de leurs priorités : le budget alloué à la culture est dérisoire, le système éducatif n’initie pas à l’art, les bibliothèques et les musées ne sont pas attrayants. Mais aujourd’hui, cette impression cède la place à une certitude nouvelle et très optimiste. Nous assistons à un tournant dans la vie culturelle grâce à l’attention particulière qu’ac­ corde Sa Majesté le roi Mohammed VI à la culture. Le discours royal à l’occasion de la fête du Trône est là pour en témoigner, et de nombreux chantiers ont été lancés. Le nouveau musée d’Art contemporain est en cours d’achèvement, la Bibliothèque nationale du royaume existe déjà. D’autres projets sont en état de ges­ tation, comme le nouveau Conser­ vatoire national de musique et de

jeune afrique

danse… Nous vivons une vraie révo­ lution culturelle ! CORENTIN FOHLEN/FEDEPHOTO POuR JA

jeune afrique : que fait le gouvernement pour promouvoir la culture, la formation aux arts ? Mehdi qotbi : J’ai l’impression

quel rôle joue la fondation nationale des musées, que vous présidez ?

Née d’une volonté royale, la fon­ dation veut rompre avec une notion très classique et conservatrice du musée pour en faire un espace plus démocratique, plus ouvert au public. Nous élaborons une stratégie pour la modernisation et l’amélioration de la gestion des musées au Maroc. Par ailleurs, nous développons des par­ tenariats à l’international, avec le Louvre, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) ou encore la direction des Musées de France. Y a-t-il une empreinte particulière du roi en matière culturelle ?

Nous avons la chance inouïe d’avoir un roi artiste. Beaucoup de projets n’ont vu le jour que grâce à son soutien. C’est pour nous une inépuisable source de motivation.

que répondez-vous à ceux qui pensent que la culture est en danger du fait de la percée de mouvements islamistes ?

Je répondrai tout simplement que la culture humaniste et universelle est justement le meilleur rempart contre l’extrémisme. Nous ferons de l’art notre mouvement de résistance pour ins­ taurer une culture de respect, de tolé­ rance et de paix. l Propos recueillis par Y.a.a.

* Dernier ouvrage paru : Couleurs et Écritures, quarante ans de peinture, éditions Art Point. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Maghreb Moyen-Orient Palestine

Hamas à la masse Pris au piège de ses contradictions, le mouvement islamiste est écartelé entre la solidarité sunnite, qui lui dicte de rompre avec l’Iran et la Syrie, et la nécessité stratégique de conserver des alliés de poids.

«

L

’hiver islamiste » des commentateurs occidentaux aura été la saison faste du Hamas,cemouvementpolitico-militaire palestinien issu des Frères musulmans qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007. À Tunis, au Caire, à Rabat, la confrérie et consorts triomphaient, abreuvés de pétrodollars qataris, plébiscités par les électeurs. Ses combattants insurgés allaientbientôtfairemordrelapoussièreau SyrienBacharal-Assad,etl’ordreislamique ne tarderait plus à s’imposer irrévocablement au monde arabe. L’euphorie du Mouvement de la résistance islamique (Harakat al-Muqawama al-Islamiya, Hamas) n’a pas duré. Bachar tient toujours Damas d’une poigne d’acier, l’émir Hamad du Qatar a cédé la place à son fils Tamim, beaucoup plus réservé, et Mohamed Morsi, le président égyptien, voisin et frère en convictions, a été chassé par l’armée à l’issue d’une mobilisation populaire massive. Sous le feu roulant des médias au Caire, le Hamas y est aujourd’hui accusé de former des escadrons de la mort à la solde des proMorsi et d’organiser le terrorisme dans le Sinaï. Une des deux charges qui pèsent sur le président destitué porte d’ailleurs sur ses liens avec le parti palestinien lors d’attaques contre la police égyptienne avant 2011. « Le Hamas est plus menacé qu’il ne l’a jamais été. À Gaza même, sa popularité est en berne, et, comme le Fatah en Cisjordanie d’ailleurs, il a de plus en

plus de mal à contrôler son territoire », explique Ziad Majed, politologue libanais spécialiste du Moyen-Orient. Signes de nervosité, le gouvernement gazaoui a durci ces derniers mois l’application de l’ordre moral islamique et a interdit, le 25 juillet, la chaîne saoudienne Al-Arabiya et l’agence palestinienne Maan basée en Cisjordanie, toutes deux accusées de propager des mensonges : la raison tacite en serait leur couverture des tensions entre le Hamas et le nouveau pouvoir égyptien. « axe de résistance ». Organisation

diasporiqueauxcentresdedécisionéclatés entre Le Caire, Doha, Beyrouth et hier Damas, le Hamas n’est autonome que dans la mince bande de Gaza, où il gouverne. Encore y est-il soumis au blocus asphyxiant d’Israël, aggravé depuis que l’armée égyptienne a dynamité 80 % des tunnels et bloqué le passage de Rafah, point d’entrée vital pour son approvisionnement par le Sinaï. Ne disposant pas d’importantes ressources politiques, financières et militaires propres, le Hamas dépend de la volonté, bonne ou mauvaise, de ses divers parrains et hôtes. Et l’humeur de ces derniers est particulièrement changeante ces derniers temps. Lié stratégiquement et idéologiquement à l’Iran des mollahs, à la Syrie d’Assad et au Hezbollah libanais avant les bouleversements de 2011, le Hamas constituait un segment important de « l’axe de la résistance»àIsraëletàl’hégémonieaméricaine.

p Affiches de soutien à Mohamed Morsi et aux Frères musulmans égyptiens, à Gaza.

Mais les révolutions arabes, qui ont dégénéré en affrontement chiites-sunnites en Syrie, ont brisé l’unité du front et placé le Hamas au pied du mur. « Alors que les sunnites étaient pris pour cible en Syrie et que l’armée avait bombardé dès 2011 des camps palestiniens, Khaled Mechaal [chef politique du mouvement depuis 2004] ne pouvait rester à Damas, où il était installé depuis 2001 », rappelle Majed. En février 2012, Mechaal rompait les liens avec Assad et délocalisait la branche damascène à Doha, misant à tort, avec le maître des lieux et les chancelleries occidentales, sur une chute imminente du tyran syrien. « Mechaal a d’abord tenté de dissocier la politique d’Assad de l’appartenance du Hamas à “l’axe de la résistance” en se rendant à Téhéran et en tentant

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Maghreb Moyen-Orient

de s’accorder avec le Hezbollah sur une position commune et neutre », précise Majed. Une position difficile à tenir dans le maelströmsyrien.L’engagementduHamas contre Assad est devenu évident le 31 mai, quand Youssef al-Qaradawi, prêcheur Frère musulman et vedette d’Al-Jazira, qualifie le Hezbollah de « parti de Satan » à l’antenne, en présence de Mechaal. émissaires. En Syrie, la mobilisation

anti-Assad du mouvement serait même allée plus loin. Selon nos informations, sa milice a pris une part active à la défense de Qussayr, poche stratégique reprise en mai par le régime aux rebelles, usant contre le Hezbollah, venu en renfort d’Assad, des méthodes meurtrières que la mouvance politico-militaire libanaise lui avait ellemême enseignées. Le Hamas est également soupçonné d’avoir livré, fin 2012, le camp palestinien de Yarmouk, à Damas, aux forces rebelles, ainsi que l’une de ses bases d’entraînement proche de la capitale syrienne. Un parti pris inacceptable pour une importante fraction du mouvement. Selon le journal Al-Quds al-Arabi, la direction des brigades Ezzeddine al-Qassam, branche armée du Hamas, a envoyé début juin une lettre à Mechaal rappelant son attachement à l’alliance avec le Hezbollah et l’Iran. À Gaza, le puissant Mahmoud alZahar, faucon du mouvement, exprimait la même position, tandis qu’à Beyrouth, où le Hamas a dû évacuer ses bureaux situés dans une zone sous contrôle hezbollahi, l’influent membre du bureau politique jeune afrique

MoussaAbouMarzoukrencontraitlesecrétaire général du Hezbollah pour tenter de renouer les liens distendus. Fin juillet, le site israélien DEBKAfile citait une source iranienne selon laquelle une délégation du Hamas était à Téhéran pour réaffirmer son alliance stratégique avec la République islamique. « Le Hamas envoie des émissaires partout pour se laisser des portes ouvertes, commente Ziad Majed, et l’alliance avec Téhéran reste cruciale en cas de retournement des puissances du Golfe qui soutiennent aujourd’hui le groupe palestinien. » Car si le Qatar est prodigue de son argent, une bonne partie du financement du Hamas et surtout ses armes venaient d’Iran. Un approvisionnement qui a cessé depuis plusieurs mois et placé les maîtres de Gaza

dans une situation militaire critique, la riposte à l’opération israélienne Pilier de défense en novembre 2012 ayant épuisé ses arsenaux. Faut-il voir dans ce tiraillement entre DohaetTéhéranlesprémicesd’unerupture interne? Pour Paul Khalifeh, rédacteur en chefdujournallibanaisL’Hebdo Magazine, les choses sont plus nuancées: « Diverses tendances coexistent, de Mahmoud alZahar, l’ex-ministre des Affaires étrangères, fidèle aux alliances traditionnelles avec l’Iran et le Hezbollah, à Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre de Gaza, qui est le plus proche des Frères musulmans et du Qatar. Mechaal, qui a mis du temps à rejoindre le parti du Golfe, tente maintenant de faire la difficile synthèse entre ces courants. » Écartelé entre la solidarité sunnite et frériste qui lui dicte de rompre avec ses anciens complices et la nécessité stratégique de conserver un allié de poids, le Hamas fait face à un dilemme comparable àceluiduHezbollah,quiseditmouvement national libanais de résistance à Israël mais qui se voit obligé, par ses jeux d’alliances, d’aller guerroyer contre ses « frères arabes » en Syrie. Dirigées contre les raïs, « têtes » et « chefs » des États arabes, les révolutions finissent par révéler les contradictions de tous les mouvements politiques qui influencentlarégiondepuisdesdécennies. Gauchistes,résistants,fréristesoulibéraux: tous les systèmes sont remis en question, augurant un renouveau du monde arabe bien plus profond que ne le laissait penser l’expulsiondequelquestyrans.Prisaupiège de ses alliances, le Hamas chercherait à se rapprocherdufrèreennemicisjordanien,le Fatah, ou pourrait, au contraire, être tenté de se radicaliser davantage. l Laurent de saint Périer

« tamarrod Gaza ! » Le bLocage des passages frontaliers avec le sinaï n’a pas empêché le vent de la révolte égyptienne contre les Frères musulmans de s’engouffrer dans la mince bande côtière, contrôlée d’une main de fer par le Hamas depuis 2007. Le mouvement pacifiste, qui appelle à manifester

le 11 novembre contre le « gang criminel », est une nouvelle traduction de l’impopularité croissante du parti islamiste parmi les Palestiniens de gaza. sur leur page Facebook, laquelle comptait près de 51000 abonnés le 4 septembre, les rebelles demandent la fin du gouvernement islamiste, qui, à les en

croire, s’adonne « aux meurtres, à la torture, à la corruption et aux trafics […] au nom de la religion, de la nation et de la résistance ». Naturellement, le Hamas y a vu la main du caire putschiste ou celle du Fatah rival de Mahmoud abbas et cherche à réprimer, trahissant son anxiété en son propre L.s.P. royaume. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Maghreb Moyen-orient et je n’ai pas de talent particulier, mais je sais comment agir dans le bon sens. » Ancien officier des renseignements militaires et avocat de formation, Buji Figure emblématique de la gauche, Itzhak Herzog a annoncé sa – son diminutif – fait son apparition sur la candidature à la primaire du Parti travailliste prévue pour novembre. scène politique en 1999, au titre de secrétaire général du gouvernement d’Ehoud l porte en lui l’héritage de son père, Barak. Quatre ans plus tard, il est élu pour prIorIté à la paIx. L’actuel numéro Haïm, président de l’État d’Israël de la première fois à la Knesset, qu’il n’a deux des travaillistes reproche à 1983 à 1993, et revendique le « style depuis jamais abandonnée. Très actif au Yachimovich de faire « cavalier seul ». À politique » de Barack Obama, Tony sein du groupe travailliste, Itzhak Herzog trop s’être focalisée sur des problémaBlair et David Cameron. À 53 ans, le tiques socio-économiques, à trop vouloir prend la tête de plusieurs commissions député Itzhak Herzog vient d’annonéviter les querelles intestines, elle en parlementaires et gagne logiquement la cer sa candidature à la confiance de ses proches. primaire du Parti travailEntre 2005 et 2011, il se voit liste qui doit se tenir le confier quatre ministères, 21 novembre. Deux ans dont celui des Affaires après l’avoir défiée une sociales dans le gouverpremière fois, il souhaite nement d’Ehoud Olmert. détrôner la décevante Comme ses prédécesShelly Yachimovich, qui, seurs, Herzog ambitionne en dépit des immenses de ressusciter la formaespoirs placés en elle, n’a tion emblématique de la décroché que 15 mangauche israélienne, sur dats à la Knesset lors le déclin depuis l’assassides élections législanat d’Itzhak Rabin. « J’ai tives de janvier. « Shelly l’expérience et un esprit ne constitue pas une d’équipe », aime-t-il rapalternative au gouverpeler à chaque réunion nement de Netanyahou. publique. Mais pour être p S’adressant à la foule lors d’une manifestation devant la Knesset, Malheureusement, elle l’homme providentiel, il le 17 juin, à Jérusalem. ne ramènera pas notre lui faudra d’abord ramener formation au pouvoir. Nous avons besoin aurait oublié l’engagement historique du le calme et la stabilité dans les rangs d’un nouveau leadership », affirme parti pour la paix avec les Palestiniens. travaillistes. Sa victoire à la primaire de Herzog, qui peut se targuer du soutien « Notre voix est aujourd’hui inaudible sur novembre en ferait le septième leader du de deux ténors du parti : Eitan Cabel et cette question, même auprès de l’opinion, parti en l’espace de douze ans. l Erel Margalit. regrette Herzog. Je ne suis pas une star MaxIMe perez, à Jérusalem Israël

Buji le conquérant

I

Nir AloN/ZUMA-rEA

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Coulisses Algérie Une mAnne en sUrsis Selon le rapport annuel de la Banque d'Algérie (BA), les réserves de change atteignaient 144,65 milliards d’euros fin décembre 2012. Essentiellement tirée de l’exportation des hydrocarbures, cette manne, a prévenu le gouverneur de la BA, ne couvrirait que 36,5 mois d'importations de biens et services. Conséquence : l’équilibre budgétaire est n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

tributaire des prix du brut, qui ne doivent pas descendre en dessous de 110 dollars le baril.

égypte ConstitUtion bis La présidence égyptienne a annoncé, le 1er septembre, la mise en place d'un comité constitutionnel composé de cinquante membres issus de la classe politique et de la société civile. Ce comité, où ne figurent que deux

islamistes – le Frère dissident Kamel al-Helbawi et le salafiste du parti Al-Nour Bassam al-Zarqa –, disposera de soixante jours pour amender la Constitution de 2012. Le nouveau texte sera ensuite soumis à un référendum.

libye KidnAppée poUr son bien… Après dix mois de détention, Anoud Senoussi, fille d'Abdallah Senoussi, ex-bras droit de Kaddafi, a

été enlevée le 2 septembre à sa sortie de prison. En représailles, des membres de sa tribu, les Megarha, à Sebha, ont menacé de couper les grandes canalisations d'eau qui irriguent laTripolitaine. Trois jours plus tard, le Comité suprême de sécurité, un corps paramilitaire d'élite, revendiquait l'enlèvement au nom de la « sécurité » d'Anoud. Maintenue au secret àTripoli, elle pourrait être déportée en Égypte ou en Mauritanie. jeune afrique


hichem

Maghreb Moyen-Orient

TunisiE

p Réunion du conseil consultatif, le 21 février, à Tunis. Au centre, le modéré Hamadi Jebali, secrétaire général du parti, entouré de Rached Ghannouchi (à sa g.) et de Fethi Ayadi, président dudit conseil.

Vol au-dessus

d’un nid de faucons

Traversée par plusieurs courants, l’instance décisionnelle d’Ennahdha – le Majlis el-Choura – est aujourd’hui dominée par l’aile dure, qui entérine par son vote les orientations du parti. Voyage au cœur d’une institution aussi secrète qu’influente. jeune afrique

Frida dahmani, à Tunis

E

n juillet 2012, Ennahdha organisait au Kram, dans la banlieue de Tunis, son 9e congrès, le premier horsde laclandestinité, mais dont elle a tenu à distance les médias. Les débats ayant eu lieu à huis clos, l’élection de Rached Ghannouchi à la tête du parti et celle d’un bureau politique similaire au précédent par les 1103 délégués laissaient à penser que la formation islamiste maintiendrait le cap, plutôt modéré, adopté depuis son arrivée au pouvoir. Mais c’était compter sans l’instance clé d’Ennahdha, le Majlis el-Choura, ou conseil consultatif, également élu à cette occasion et qui n’a de « consultatif » que le nom, puisque c’est lui qui détient le pouvoir réel, contrôlant et rappelant à l’ordre le bureau politique ou le président quand ils transgressent ses décisions. Si le Majlis est souverain, il n’en est pas moins un espace de débats. Une particularité qui tient entre autres à son mode de désignation : cent de ses membres sont élus, qui cooptent ensuite cinquante militants pour l l l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Thierry Bresillon/imagesdeTunisie.com

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compléter le cercle de déliles pistes ; ils réservent dans deux bération. « Entre congressistes, hôtels, puis finissent par se réunir la lutte est rude. Certains se prédans un troisième. C’est curieux, parent à ce scrutin pendant des car Fethi Ayadi, le président du mois. Tous aspirent à siéger au sein Majlis, fait toujours une déclarade la Choura », explique Néjib, qui tion finale, même brève », s’étonne n’a recueilli que six voix. Bien que une journaliste de Shems FM. De la teneur des débats soit toujours ses années de clandestinité, le confidentielle et chaque leader mouvement a conservé le goût du adossé à son pré carré, les orientasecret et de la discipline, mais « il tions d’Ennahdha sont établies par lui faut aussi le temps de se concerl’adoption de motions ter sereinement et de Les voix à travers un processus se coordonner avec démocratique. le bureau politique », pondérées, Mais la Choura plaide un militant. La comme celle situation actuelle est néglige une donne du cheikh importantedelasociété telle que la Choura a tunisienne en n’accordélégué ses pouvoirs à abdelfattah dantque11%dessièges un comité, le « groupe Mourou, ont aux femmes, alors que 21 », chargé de suivre été réduites le groupe d’Ennahdha à les développements de l’ANC affiche une parité la crise. Il n’est en effet au silence. parfaite. Abdellatif pas question, malgré Mekki, ministre de la Santé et les pesanteurs de l’appareil, de organisateur du congrès de 2012, confier les destinées du parti à un le reconnaît : « Les impératifs de la seul homme. Cette collégialité, clandestinité ont limité la particiqui apporte une cohésion entre pation des femmes aux instances les différents courants, est aussi un dirigeantes, et le règlement intéhéritage des années de répression, rieur impose certaines conditions quand le mouvement pouvait être d’ancienneté et de responsabilités déstabilisé par l’arrestation de l’un locales ; mais tout cela va changer de ses chefs, et explique en paret la femme gagnera légitimement tie l’attachement d’Ennahdha au son rang dans le Majlis. » régime parlementaire. Les turbulences que traverse le pays ont conduit la Choura à se coudées franches. Il n’emréunir fréquemment, le plus soupêche.Leconseilconsultatifn’opère vent secrètement. « Ils brouillent pas de manière traditionnelle. Il est lll

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

p Habib Ellouze : « Dans les régions où il fait chaud, les clitoris sont trop grands et gênent l’époux. […] L’excision est une opération esthétique pour la femme. »

Les modérés Abdelfattah Mourou Zied Doulatli Rafik Abdessalem Samir Dilou Hamadi Jebali Fethi Ayadi Abdelhamid Jelassi Les radicaux Sadok Chourou Habib Ellouze Ameur Larayedh Sahbi Atig Habib Kheder Abdelkarim Harouni Hichem Larayedh (fils d’Ali Larayedh)

même aux antipodes du Majlis elChoura tel qu’on l’entend dans le monde arabo-musulman et dont « le principe consistait à conseiller le calife, qui ne se sentait pas du tout engagé à suivre ce conseil », explique la politologue tuniso-allemande Khadija Wöhler-Khalfallah. Or la Choura d’Ennahdha s’est muée en instance décisionnelle. Sesmembresnesontpasdesimples conseillers et entérinent par leur vote les orientations de leur formation et, partant, celle du pays, puisque leur parti est au pouvoir. Le Majlis a les coudées franches et n’hésite pas à interpeller vertement l’exécutif, voire à le désavouer, comme il l’a fait avec l’ex-Premier ministre Hamadi Jebali, pourtant secrétaire général du parti, lorsque celui-ci, après l’assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février, a souhaité constituer un gouvernement de technocrates. Aussi le refus de l’Assemblée nationale constituante (ANC) de constitutionnaliser une Choura de crainte qu’elle ne soit tentée d’outrepasser ses prérogatives n’est-il pas étonnant. Parlement suprême de la formation islamiste, la Choura est naturellement traversée par plusieurs courants. Les légitimités s’y côtoient et s’affrontent. Toutes les différences s’expriment, mais jamais rien ne filtre. Les opérations de lobbying renforcent tantôt un jeune afrique


vol au-dessus d’un nid de faucons

vEnt DE paniquE. L’autre ligne de fracture est celle qui sépare modérés et radicaux. Les plus ultras, comme Sadok Chourou et Habib Ellouze, sont très écoutés. Le Majlis est leur tribune, même si leurs propositions ne sont pas toujours retenues. Ils n’en ont pas moins obtenu que le conseil réfute les accusations de terrorisme portées contre Ansar el-Charia, comme ils se sont opposés à la démission du gouvernement Larayedh et à la dissolution de l’ANC. Des voix modérées, comme celle du cheikh Abdelfattah Mourou, ont été marginalisées, voire réduites au silence. Dans les deux camps, les jeunes cherchent de plus en plus à se faire entendre, tandis que Sahbi Atig, chef du groupe parlementaire d’Ennahdha à l’ANC, prend ses instructions aussi bien auprès du Majlis que de Rached Ghannouchi. Face à la fronde générale contre le gouvernement, la Choura semble aujourd’hui engagée dans une fuite en avant, attestée par les nominations récentes, comme si de rien n’était, de Hamza Hamza, l’un de ses membres, à la tête de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (Oaca) et d’Abdelmajid Ezzar à la présidence de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap). Cette accélération du noyautage de l’administration, bien que parée des habits de la « légitimité », trahit un peu plus l’ambition hégémonique des islamistes, ainsi que leur panique à l’idée de devoir céder le pouvoir à un gouvernement non partisan. l jeune afrique

Chourou, l’imprécateur Ses vingt années de captivité sous Ben Ali lui ont valu un certain capital de sympathie. Qu’il a su mettre à profit.

E

n janvier 2012, au plus fort des mouvements sociaux, Sadok Chourou, 61 ans, élu de la circonscription de Ben Arous, avait suscité un tollé en citant des versets du Coran prônant que les fauteurs de troubles « soient exécutés, ou crucifiés, ou que leur soient coupées la main et la jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés de la terre ». Tenant de la ligne dure au sein d’Ennahdha, ce faucon influent – il a recueilli 731 voix sur 943 lors de la dernière élection du Majlis el-Choura, en juillet 2012 – ne s’en est pas moins illustré par son absentéisme à l’Assemblée nationale constituante (ANC). Ses vingt années de captivité sous Ben Ali, dont treize en isolement, lui ont valu un certain capital de sympathie. Éprouvé par la détention, ce docteur en chimie, ancien enseignant à la faculté de médecine de Tunis, cultive une allure ascétique conforme à son

« purisme ». Militant de la première heure, il intègre l’Uniongénéraletunisienne du travail (UGTT) avant de rejoindre, à l’âge de 28 ans, le Mouvement de la tendance islamique (MTI, future Ennahdha), dont il grimpe un à un les échelons jusqu’à en prendre la présidence après l’arrestation, en 1987, de Rached

lourde répression s’abat sur les islamistes. Condamné à mort pour complot contre l’État,Chourouvoitsapeine commuée en réclusion à perpétuité. Il ne sera libéré qu’en 2008, mais ses interventions médiatiques lui valent un retour à la case prison pendant deux ans. La chute de Ben Ali sonne pour lui l’heure de

proche des salafistes, il déplore qu’ansar el-Charia ait été classé parmi les organisations terroristes. Ghannouchi. À la libération de ce dernier, gracié par Ben Ali en 1988, il refuse de lui céder les rênes, arguant qu’il revient au Congrès de l’élire. rêvE. En 1987, Chourou

affirme avoir vu le Prophète en rêve, qui lui aurait annoncé que « le mouvement aura le pouvoir dans quatre ans ». Mais la tentative de coup d’État de 1991 se solde par un échec. Une

la revanche, qu’il ne veut laisser passer à aucun prix. Proche des mouvements salafistes, ce natif de Midoune, à Djerba, assure que « le peuple est musulman et veut être gouverné selon la charia », juge inutile de hisser les couleurs nationales lors des commémorationsrépublicaines et déplore le classement d’Ansar el-Charia parmi les organisations terroristes. l F.D.

p Sadok Chourou juge inutile d’accrocher à son balcon le drapeau national à l’occasion des commémorations républicaines.

hichem

courant, tantôt un autre, si bien que les positions du conseil ne sont pas une réelle synthèse de ce qui se joue en interne. Entre certains, les rapports sont tendus. Ainsi du clan des « exilés », forts de leurs carnets d’adresses et de leur faculté à lever des fonds, et de celui des « nationaux », restés au pays et emprisonnés. La composition de la Choura est un peu la revanche de ces derniers, qui ont par exemple déploré que les sommes collectées pour soutenir les familles des prisonniers ne soient pas toujours parvenues à leurs destinataires.

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europe, amériques, asie

frappes en syrie

assad contre

Zorro Il ne suffira pas de quelques raids aériens limités pour annihiler les capacités de nuisance du maître de Damas. De quel arsenal celui-ci dispose-t-il encore ?

Laurent toucharD*

D

éclarations plus ou moins bellicistes à Washington et à Paris… Atermoiements parlementaires à Londres… Mises en garde à Moscou… Dans la crise syrienne, la vraie-fausse détermination des autorités françaises, largement liée à des considérations de politique intérieure, étonne. Mais pas plus que la soudaine prudence de Barack Obama, finalement revigoré par une décision « ferme a minima » du Congrès américain, ou que l’incroyable revirement de Vladimir Poutine, désormais prêt à agir si des preuves « concluantes » lui sont fournies. * Historien spécialisé dans les questions militaires et le terrorisme. Animateur du blog Défense sur jeuneafrique.com. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Les raisons de cette agitation diplomatique sont connues: le massacre perpétré au moyen d’armes chimiques par une unité de l’armée syrienne dans la Ghouta, non loin de Damas; et la question de savoir si les pays occidentaux doivent infliger aux forces de Bachar al-Assad une « punition », avec quelle force et quels objectifs. En revanche, personne ne conteste, bien sûr, la nécessité de dissuader le régime syrien de recourir à nouveau à des substances chimiques. Et de le convaincre de mettre un terme à la guerre totale qu’il a déclenchée contre ses opposants. Par rapport à 2011, à l’aube de l’insurrection, les forces gouvernementales sont indiscutablement affaiblies. À cause des défections dans leurs rangs (certains avancent le chiffre de cent mille déserteurs),despertesenhommesetenmatérielsqu’elles ont subies, et du manque de pièces de rechange auquel elles sont confrontées. En outre, le régime n’utilise pas tous les moyens dont il dispose. Bachar al-Assad doute de la loyauté de certaines unités, qui, du coup, restent cantonnées dans leurs casernes. Quinzecentsofficierssunnitesontmêmeétéarrêtés. Seules sont engagées les unités commandées par des officiers à la fidélité éprouvée. jeune afrique


Ho/afp

53

L’armée de l’air n’a pas été épargnée par les désertions. Nombre des appareils dont elle dispose sont en outre dépourvus de toute capacité d’attaque au sol. Ces intercepteurs sont donc inopérants contre les opposants, tandis qu’en combat aérien ils sont désormais dépassés. Selon toute apparence, ils ne pèseraient pas bien lourd face à une armada étrangère. Pourtant, en dépit de ces lacunes, l’aviation reste l’une des pièces maîtresses du régime. Du moins pour l’instant. Car viendra sans doute le momentoùlaplupartdesesappareilsneserontplus en mesure de voler. Soit par manque de moyens, soit parce que les insurgés se seront dotés d’armes antiaériennes. Cibles. Même dans l’hypothèse où seul un tiers

des moyens dont disposait le régime en 2011 seraient actuellement opérationnels, cela représenterait encore beaucoup de cibles potentielles ! En détruire une quantité significative afin de « punir » Assad autrement que symboliquement demanderait du temps. Beaucoup plus encore si l’objectif était de contribuer à son renversement. Point positif, en revanche, dans la perspective d’une intervention : la question des dommages jeune afrique

p Bachar al-Assad au milieu de troupes loyalistes à Daraya, non loin de Damas, le 1er août. Ce cliché a naturellement été diffusé par l’agence de presse officielle.

collatéraux se poserait avec moins d’acuité que lors d’autres conflits. Les forces du régime ont en effet chassé la plupart des habitants des zones urbaines reconquises ou contestées. On recense au moins 1,1 million de déplacés à l’intérieur du pays – compte non tenu de ceux qui l’ont quitté. Mais cet avantage a perdu de son importance. Pour décourager d’éventuelles frappes, les pro-Assad recourent en effet de plus en plus fréquemment aux « boucliers humains ». Concernant la neutralisation des vecteurs aériens d’armeschimiques,latâcheestrelativementsimple: les bases aériennes ne risquent pas de s’envoler ! Mais c’est une autre paire de manches s’agissant des pièces d’artillerie automotrices ou mobiles, ou des lanceurs mobiles de missiles balistiques. Détruire ces derniers implique de les repérer avant qu’ils n’aient eu le temps de tirer leur charge mortelle. Ce qui pourrait nécessiter d’accroître les effectifs des forces spéciales déjà présentes, clandestinement, dans la région. De concert avec des unités d’élite, elles pourraient aussi être chargées de sécuriser les installations chimiques. Des frappes aériennes n’élimineraient pas totalement la capacité de nuisance des forces de l l l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


ITALIE

Base de Sigonella

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TURQUIE

Athènes

GRÈCE MALTE

Sous-marin nucléaire d’attaque (Royal Navy)

Base de La Sude

Frégate lance-missiles française Chevalier-Paul

Mer Méditerranée

Base d’Incirlik

Chasseurs bombardiers

Base russe de Tartous

CHYPRE

6 Typhoon de la RAF

Base d’Akrotiri

l’invincible IRAN armada

SYRIE

LIBAN

Damas

IRAK

5 destroyers US ISRAËL classe Arleigh Burke F-16

JORD. LIBYE Mer Rouge

ÉGYPTE

Aviation saoudienne F-15S et Tornado

DJIBOUTI

600 km

Bachar al-Assad. D’autant que le commandement de ces dernières est aujourd’hui beaucoup moins centralisé qu’en 2011. Pour trois raisons essentielles. D’abord, la fragmentation du terrain contrôlé. Ensuite, le compartimentage qu’implique le combat en zone urbaine (rues, pâtés de maisons, quartiers). Enfin, la « milicisation » des unités loyalistes par l’intégration de divers groupes paramilitaires : forces nationales de défense, shabiha, etc. lll

« milicisation ». Or les milices ne sont pas répu-

tées pour leur discipline. Dans le cadre d’une guerre conventionnelle, c’est un handicap. Dans le cadre d’unaffrontementdissymétrique,voirehybride,cela présente deux avantages. 1. Les milices peuvent se passer de hauts dirigeants ou d’officiers généraux pour combattre. Si ces derniers sont éliminés, la lutte peut se poursuivre sous le commandement de petits chefs locaux. 2. L’état-major ne peut être accusé de crimes commis par des groupes qui, en théorie, échappent à son contrôle. La « milicisation » est donc bien pratique, comme en témoigne le drame survenu dans la plaine de la Ghouta. Les interceptions électroniques de communications syriennes semblent démontrer que l’ordre n’a pas été donné en haut lieu de tirer des roquettes à tête chimique. Il s’agirait de l’initiative individuelle d’un officier convaincu d’accomplir son devoir en tuant un maximum d’adversaires…

ARABIE SAOUDITE

le régime doute de la loyauté de certaines unités et les cantonne dans leurs casernes.

2 porte-avions US: – le Nimitz – le Harry S. Truman et leur groupe aéronaval

K.

Golfe Persique

Q.

F-16

Rafale

E.A.U.

Reste que, même si Assad et ses généraux n’ont pas donné l’ordre fatal, ils ont créé les conditions de la tragédie. En transformant l’armée en un agglomérat de milices impitoyables. Et en inoculant le virus du terrorisme à toute une frange de l’opposition par la multiplication des massacres. Ils ont transformé la lutte contre une insurrection populaire en une guerre civile. Expulser la population des villes par le feu, le fer et les neurotoxiques est assimilable à un nettoyage ethnique. Amener des membres d’une communauté confessionnelle à se livrer à des massacres, c’est engendrer un monstre hideux. Peu importe que tous les Alaouites, tous les Druzes, tous les chiites et tous les chrétiens ne soutiennent pas le régime. Peu importe que les sunnites ne soient pas tous des jihadistes fanatiques. C’est ce que beaucoup retiendront : Assad n’a pas simplement tué son peuple, il a assassiné toute une nation. Un interminable assassinat qui se prolongera bien au-delà d’une hypothétique intervention limitée. D’ailleurs, la guerre civile survivra à Assad et à ses généraux. La meilleure arme du dictateur, ce n’est pas son armée « milicisée ». Ni ce qui lui reste de chars, de pièces d’artillerie et d’avions. Ni ses munitions chimiques ou ses missiles balistiques. Ni ses alliés russes, chinois et iraniens. Non, son arme de destruction ultime, c’est la haine qu’il a fabriquée et a réussi à instiller à son peuple. l

les russes bluffent-ils ?

É

nigme stratégique: Bachar al-Assad dispose-t-il de missiles antiaériens S-300 très performants achetés à Moscou? Un tel système de défense rendrait beaucoup plus risquée une frappe aérienne occidentale. Le contrat portant sur l’acquisition de quatre batteries S-300 (comprenant n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

144 missiles), version russe du Patriot américain, a été signé en 2010, livraison prévue en 2014. Problème: fin mai, Assad affirmait que « la Syrie [avait] reçu une première cargaison de missiles russes ». Et que « le reste de la cargaison [arriverait] prochainement ». Affirmation nuancée par

Vladimir Poutine, le 4 septembre: « Nous avons fourni certains composants, mais nos livraisons sont pour l’instant suspendues. » Le raid israélien dans la région de Lattaquié, début juillet, a prouvé que, si le système était déjà en place, il n’était pas encore opérationnel. Le 3 septembre, le tir d’un

missile de croisière israélien à partir de la Méditerranée centrale visait-il à tester les défenses syriennes? « Damas possède-t-il les S-300? Nous n’en savons rien, concède Peter Harling, de l’International Crisis Group. Le bluff est un élément important de la tactique russe. » l laurent de saint Périer jeune afrique


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Les rois de séGou


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Europe, Amériques, Asie INDONÉSIE

Un chevalier blanc chasse l’autre En 2004, Susilo Bambang Yudhoyono avait été le premier président démocratiquement élu de l’histoire du pays. Qui lui succédera l’an prochain ? chantre de la lutte anticorruption, Joko Widodo, le très populaire gouverneur de Jakarta, paraît tenir la corde.

P

resque chaque jeudi depuis six ans, Maria Katarina Sumarsih (61 ans) prend position devant le palais présidentiel, à Jakarta, en compagnie de victimes de violations des droits de l’homme. Elle pleure la perte de son fils, exécuté par l’armée indonésienne avec une douzaine d’étudiants protestataires. Dans les années chaotiques qui ont suivi l’éviction du président Suharto (1967-1998), ces jeunes gens manifestaient pour exiger l’adoption de réformes politiques et économiques… Bien que politiquement engagée, Maria Katarina ne se rendra pas aux urnes lors des élections législatives et présidentielle de l’an prochain. « Depuis que mon fils a été exécuté, je n’ai plus jamais voté. Les partis politiques ont pour seul but de favoriser leurs propres intérêts, en oubliant complètement ceux du peuple, explique-t-elle. Telle qu’elle existe aujourd’hui, la démocratie indonésienne est une pure fiction. » L’enjeu est de taille pour le plus grand pays musulman du monde. En 2014, Susilo Bambang Yudhoyono, alias SBY, achèvera son second mandat présidentiel. Conformément à la Constitution, il devra alors quitter le pouvoir. Son élection en 2004 – la première au suffrage universel direct – avait marqué le début d’une nouvelle ère après les turbulences de l’après-Suharto (instabilité gouvernementale, difficultés financières, violences intercommunautaires). À l’époque, certains se montraient néanmoins fort pessimistes. À les en croire, une déstabilisation, voire une balkanisation du pays était inévitable. Ils se trompaient. Depuis dix ans, la démocratie a fait d’indiscutables progrès. Et le climat des affaires s’est beaucoup amélioré, même si ces avancées restent fragiles et qu’une petite élite très soudée continue d’accaparer les rênes du pouvoir.

désormais trouver la bonne personne pour continuer le travail. » Plus facile à dire qu’à faire. À un an de l’élection, les candidats déclarés sont en effet loin de déchaîner l’enthousiasme. Représentant du Golkar, l’ancien parti de Suharto, Aburizal Bakrie est l’un d’eux. C’est un homme d’affaires controversé, dont la famille est actuellement engagée dans un impitoyable bras de fer avec Nat

Rothschild, l’héritier de la célèbre famille de banquiers, pour le contrôle d’une société minière. Il aura notamment face à lui Prabowo Subianto, un ex-général des forces spéciales qui se trouve être le gendre du dictateur défunt. Pour espérer être élu, chacun devra composer avec un système électoral très particulier. Seuls en effet les partis ayant obtenu 25 % des suffrages et 20 % des

controversé. « La prochaine élection

est importante, souligne le vice-président Boediono. Dix ans durant, l’Indonésie a été dirigée par le même président. Il faut n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

jeune afrique


Europe, Amériques, Asie sièges au Parlement lors des législatives d’avril 2014 seront autorisés à présenter un candidat à la présidentielle du mois de juillet suivant. Un processus presque aussi complexe que celui en vigueur aux États-Unis ! Il existe d’ailleurs un autre point commun entre les deux pays : le poids démesuré de l’argent dans la campagne électorale, qui favorise évidemment les candidats les plus riches. Prabowo Subianto est ainsi subventionné par son frère, Hashim Djojohadikusumo, le magnat du pétrole et du gaz. Compte tenu des risques de manipulation, celuici devra débourser près de 30 millions de dollars (22,8 millions d’euros) pour dépêcher des observateurs dans les quelque 500 000 bureaux de vote, dispersés dans

jeune afrique

sondages. Seule exception : Joko

afp

t Joko Widodo avec l’instrument que lui a offert Robert Trujillo, le bassiste du groupe de hard rock américain Metallica.

des milliers d’îles. Et presque autant en cas de second tour. Avec la location de panneaux publicitaires, la réalisation et la diffusion de spots télévisés et l’indemnisation des bénévoles, une campagne peut facilement coûter plusieurs centaines de millions de dollars. On comprend que seuls les partis disposant de moyens financiers considérables peuvent tirer leur épingle du jeu. C’est le cas du Parti démocrate (de SBY), du Golkar et du Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P), que dirige Megawati Sukarnoputri, la fille de Sukarno, le père de l’indépendance. Pour l’essentiel, la présidentielle est donc la chasse gardée de l’élite.

celui du PDI-P. Sera-ce une nouvelle fois le cas ? Il faudrait pour cela que Megawati Sukarnoputri accepte de faire une croix sur ses propres ambitions, ce qui n’est pas encore assuré. impasse. Pour compenser tant soit peu

les espoirs déçus du Printemps arabe, l’Indonésie est souvent présentée par les leaders occidentaux, Barack Obama et David Cameron en tête, comme le bon élève qui est parvenu à concilier islam, démocratie et développement économique. De fait, les Indonésiens disposent de la liberté, pas si fréquente dans le monde musulman et en Asie du Sud-Est, de dire ce qu’ils pensent, de lire ce qu’ils veulent et de vaquer à leurs affaires sans entraves. Mais tout n’est pas parfait pour autant, comme l’explique le coréalisateur anonyme de L’Acte de tuer, un documentaire consacré au massacre de militants d’extrême gauche dans les années 1960. « Les groupes qui avaient le pouvoir à l’époque sont toujours là, estime-t-il. La presse est plus libre, mais l’économie et le pouvoir politique restent

Widodo (52 ans), ancien maire de Solo (une petite ville dans le centre de l’île de Java) et actuel gouverneur de Jakarta. Plus qu’à l’argent, celui que ses partisans surnomment Jokowi doit son élection, en septembre 2012, à son incroyable popularité. Sa parfaite maîtrise des médias et des réseaux sociaux lui a permis de toucher un vaste électorat, las des potsla moitié de la population vit avec de-vin, des inondations à moins de 2 dollars par jour. répétition et des embouteillages inextricables, ces Comment la convaincre de voter ? fléaux qui empoisonnent la vie quotidienne dans la capitale. sous leur contrôle. » Bref, le processus Pourrait-il être tenté d’en faire autant de réforme est « dans une impasse ». à l’échelon national ? Ce n’est pas exclu, Conclusion : « Ce n’est plus le même une majorité d’Indonésiens aspirant à conducteur aux commandes, mais le train une justice équitable et à une réduction va toujours dans la même direction. » de la corruption et des inégalités – près L’an prochain, le conducteur va encore de la moitié d’entre eux vit avec moins changer, ce qui ne devrait pas provoquer de 2 dollars par jour. de débordements populaires majeurs, Pour l’heure, Jokowi élude toute quescontrairement à l’habitude dans beaution à ce sujet et promet de se consacrer coup d’autres démocraties émergentes. entièrement à l’amélioration des condi« Les membres de l’élite politique indotions de vie des 12 millions d’habitants nésienne sont bons perdants, commente de Jakarta. Mais de nombreux sondages Wijayanto, directeur général de l’Institut le placent en tête des intentions de vote de politique publique Paramadina, un pour la présidentielle. Tout semble indithink tank islamique dont le siège est à quer qu’il a le potentiel pour l’emporJakarta. S’ils échouent à une élection, ter. « Comme SBY en 2003, il apparaît ils attendent la prochaine et n’essaient comme un chevalier blanc, comme le pas de s’emparer du pouvoir par la force symbole d’une Indonésie meilleure, comme en Égypte, au Pakistan ou en d’une autre façon de faire de la poliThaïlande. » L’abstention pourrait, en tique », commente Marcus Mietzner, revanche, jouer les trouble-fête. La de l’Australian National University, qui baisse de la participation lors des trois ne doute pas une seconde de sa victoire derniers scrutins nationaux traduit sans l’an prochain. Reste que, pour se lancer doute la grande lassitude des électeurs dans la course présidentielle, Jokowi indonésiens. l Ben Bland aura besoin de l’appui d’un parti. À Solo © Financial Times et Jeune Afrique 2013. comme à Jakarta, il avait bénéficié de Tous droits réservés. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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parcours | D’ici et d’ailleurs

p « C’est une folie fréquente, ces gens qui disent : “Si je n’étais pas arabe, ce serait mieux” », constate le cinéaste.

Mehdi Ben attia une fantastique identité ce réalisateur d’origine tunisienne bouscule les codeset glorifie les rencontres improbables dans des films très personnels.

L

a démarche NONchaLaNTe et discrète malgré l’imposante stature, mehdi Ben attia sourit comme s’il venait d’être tiré d’une douce rêverie. Il dit ne pas trop aimer parler de lui, mais sous la surface flegmatique l’intelligence du propos révèle un esprit fin et une vraie vision du monde, évidente dans ses films. À la terrasse d’un café, le réalisateur tunisien prend le soleil et se confie. Il vient de sortir, le jour de son quarante-cinquième anniversaire, son second long-métrage, Je ne suis pas mort. Un film qu’il porte depuis longtemps, un drame à la limite du fantastique sur l’identité. Natif de Tunis, aîné d’une fratrie de trois, Ben attia fréquente le lycée français de La marsa. Bon élève, un peu timide, il ne rêve que d’une chose : faire du cinéma. Notamment depuis que ses parents ont acheté un magnétoscope qui lui permet de se « structurer l’esprit » avec les films du vidéoclub. elle vient de là, cette cinéphilie classique et variée qui le nourrit encore aujourd’hui.

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Pour son « épanouissement personnel », mehdi Ben attia souhaite se rendre en France. « Il n’était pas question de dire à mes parents qu’ils devaient me payer des études de cinéma, se souvientil. ce n’était pas une perspective réaliste. » armé d’un bac B, « celui de l’élève moyen en tout et pas trop bosseur », il traversera donc la méditerranée pour étudier l’économie. « Il n’a jamais été question de vivre ailleurs », avoue-t-il. Pour rester en France, tous les moyens sont bons. Le premier: de longues études. « au bout de quatre années, j’avais changé. Je n’avais plus d’accent, j’avais presque perdu ma langue maternelle, je m’habillais comme un Parisien modèle… Il me semblait que pour devenir un bon Français il me fallait me dépouiller de mon identité passée. » Personnellement, il ne ressent pas le racisme. « Le discours sur les arabes, les musulmans, l’intégration en général est très souvent agressif, peu généreux. mais je n’ai jamais vraiment souffert de discrimination. même si chercher un appartement a toujours

été un sale quart d’heure à passer, comme faire la queue à 5 heures du matin pour renouveler des papiers face à des fonctionnaires désagréables… Je sais bien que j’habite à Paris, que je suis cinéaste, que ce n’est pas la même chose pour tous. mais personne ne m’a jamais insulté. Je connais des gens qui se font contrôler assez souvent! c’est une question de gueule: si j’avais eu la peau plus brune et les cheveux plus bouclés, ç’aurait été différent. » À son grand étonnement comme à celui de sa famille, il réussit à intégrer Science-Po tout en fréquentant assidûment la cinémathèque. « d’un coup, j’avais l’air plus sérieux! raconte celui qui, à l’époque, pense devenir journaliste. J’avais une vision vague du métier, qui consistait pour moi à écrire des articles où je donnerais mon avis, ce qui me paraissait très bien. mais c’est surtout écrire que je voulais. » Stages, piges, Ben attia tente même de s’inscrire en thèse, sans aller plus loin que la formulation du sujet. « Il fallait travailler, alors… » Il préfère écrire des scénarios de courts-métrages avec des amis, pour voir. c’est celui qu’il rédige avec Zina modiano, En face, qui accroche un projeune afrique


Europe, Amériques, Asie

Photo : youri lenquette pour J.A. jeune afrique

VATICAN

le choix de François

Le nouveau secrétaire d’État se nomme Pietro Parolin. C’est un Italien de Vénétie, diplomate chevronné et excellent connaisseur de la curie romaine. Des atouts précieux par les temps qui courent !

m

gr Pietro Parolin a été il y a trente ans à l’Académie pontificale nommé le 31 août secréecclésiastique, « l’école des nonces ». taire d’État du SaintEn 1986, il est envoyé au Nigeria, où il Siège, ce qui fait de lui le s’investit beaucoup dans le dialogue avec « Premier ministre » ou le « bras droit » du les musulmans, puis, de 1989 à 1992, au Mexique, avant de rejoindre le cardinal pape. C’est le poste le plus élevé au sein de la curie romaine, le gouvernement Tauran à la section pour les relations avec les États, cette sorte de ministère de l’Église. Après son élection, en mars, François a souhaité prendre son temps des Affaires étrangères. Il apprend beauavant de désigner le successeur du carcoup auprès de ce grand spécialiste de dinal Tarcisio Bertone. Et c’est vers un l’islam, aujourd’hui chargé du dialogue homme de Benoît XVI qu’il s’est finaleinterreligieux. ment tourné. C’est en effet ce dernier qui, le 12 septembre « un homme loyal, aimable, 2009,aordonnéévêquePietro mesuré et discret », dit de lui Parolin. Quelques mois auparavant, il l’avait nommé nonce mgr tauran, son ancien supérieur. apostolique au Venezuela, En 2002, Jean-Paul II le nomme sousposte ultrasensible compte tenu des relasecrétaire (équivalent de vice-ministre), tions difficiles que l’Église entretient avec le régime chaviste. fonctionqu’iloccuperaseptannéesdurant « C’est un excellent choix. Parolin est un et qui l’amènera à travailler sur les rapports bon prêtre et un homme loyal, aimable, avec la Chine communiste, le Vietnam et discret et très mesuré en toutes choses », Israël. À l’heure où plane la menace d’un confiait le cardinal français Jean-Louis conflit international en Syrie, le solide Tauran peu après sa nomination. Son relabagage diplomatique de ce polyglotte – il tivement jeune âge – il a 58 ans – devrait parle italien, espagnol, anglais et français – en outre lui permettre de « soutenir un est un atout majeur. l marie Villacèque rythme de travail très intense ». Mgr Parolin est le plus jeune secrétaire d’État depuis le cardinal Eugenio Pacelli, le futur Pie XII, en 1930. réFormes. L’une de ses pre-

mières tâches sera de prendre connaissance des conclusions des huit cardinaux chargés de réformer la Curie. On sait que, depuis 2006, la gestion de cette dernière par Mgr Bertone fut loin de faire l’unanimité. Il est vrai qu’au côté de Benoît XVI, ce dernier dut affronter bien des tempêtes : des scandales de pédophilie à l’affaire des fuites (Vatileaks), en passant par les errements financiers de certains responsables de l’administration vaticane. Originaire de Schiavon, en Vénétie, Mgr Parolin est entré

Tran Van Minh/aP/SiPa

ducteur français, puis un producteur tunisien. « On a eu plus de financement que je n’en ai jamais eu pour un long-métrage! » Cette adaptation d’une nouvelle du XIXe siècle dans laTunisie contemporaine agit comme un véritable tremplin. « Rétrospectivement, je vois ça comme la chance du débutant, mais je me suis enfin senti légitime. » Ensuite, Ben Attia doit s’accrocher pour tourner ses propres longsmétrages. Avec deux projets, Le Fil et Je ne suis pas mort, il travaille sur la première saison de la série H (Canal+) et pour le réalisateur français André Téchiné. Le Fil sera son premier film, remarqué, sur la question de l’homosexualité. La production de Je ne suis pas mort s’avère plus compliquée. Le côté fantastique du film, où un Occidental se réveille dans le corps d’un jeune Maghrébin, n’est pourtant qu’un dispositif pour donner à voir la réalité différemment. « Le surnaturel permet de renouveler les approches. On a tellement répété la même chose sur les problèmes d’intégration, genre “on est des victimes”, “c’est difficile”, sans rendre compte du réel. » Je ne suis pas mort aborde ainsi le thème de l’identité avec un décalage pertinent. « C’est le point de tension qui m’intéresse: Yacine ne supporte pas d’être arabe, alors que c’est ce qui le rend plus sympa aux yeux des autres. Ça leur fait plaisir de voir un jeune homme de l’immigration avoir de l’ambition et faire des études brillantes. Lui, ça le rend malade d’avoir l’air sympa ! Il vit une haine de soi, socialement construite, qu’il ne parvient pas à dépasser. C’est une folie fréquente, ces gens qui disent: “Si je n’étais pas arabe, ce serait mieux.” Mais c’est absurde! » Aujourd’hui, Ben Attia s’attelle à son prochain film, sur laTunisie, avec la ferme intention de le tourner là-bas. « C’est le portrait d’une femme, d’une ville, d’une société. Je fais du cinéma pour pouvoir organiser la rencontre entre les classes sociales, les générations. Dans tous mes films, il y a cette rencontre entre des personnes qui ne sont pas forcément faites pour se croiser, qui peut basculer sur le terrain de l’intime. » l clémence lebatteux

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p Mgr Pietro Parolin. À 58 ans, il devient le plus jeune secrétaire d’État depuis Eugenio Pacelli, le futur Pie XII, en 1930. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

obama bis

Cory Booker est jeune (44 ans), noir, brillant et ambitieux. Sauf accident, il devrait être élu prochainement sénateur du New Jersey. Ça ne vous rappelle rien ?

C

est la nouvelle star démocrate. À la mi-août, Cory Booker (44 ans), le maire noirdeNewark,afacilement remporté la primaire de son parti dans le New Jersey. Et on ne voit plus désormais ce qui pourrait l’empêcher d’être élu en octobre sénateur de cet État (le détenteur du siège est récemment décédé). Depuis plus de quarante ans, jamais le NewJerseyn’aéluunsénateurrépublicain! Très charismatique et omniprésent dans les médias, Booker pourrait même s’imposer à brève échéance comme un candidat sérieux à la présidentielle. Normal, son modèle en politique n’est autre que Barack Obama. Quoi qu’il en soit, les deux hommes ont au moins un point commun: leur trajectoire météorique. Venant d’un milieu plutôt aisé, Booker est diplômé de l’école de droit de l’université Yale. En 1997, il devient responsable associatif à Newark, l’une des villes les plus déshéritées des États-Unis, et se signale par sa défense acharnée des droits des locataires les plus pauvres. Élu maire en 2006, il fait des miracles et paie de sa personne, n’hésitant pas à participer la nuit à des patrouilles de police. En 2012, il va plus loin et, au grand dam de ses gardes du corps, pénètre dans une maison en flammes pour sauver une habitante. Bref, il se donne un mal de chien pour paraître proche de ses administrés, mais n’omet pas de soigner son image de personnalité d’envergure nationale. Il compte 1 million de suiveurs sur Twitter et a beaucoup d’amis célèbres comme Oprah Winfrey ou Mark Zuckerberg, le fondateur

JOHN MOORE/AFP

60

p Au cours d’une cérémonie officielle à Newark, ville dont Cory Booker est maire. En attendant mieux ?

de Facebook, qui a récemment fait don de 100 millions de dollars (76 millions d’euros) aux écoles de Newark. Grâce à ses réseaux, Booker est aussi un prodige de la levée de fonds. Lors de la campagne de la primaire dans le New Jersey, il a dépensé deux fois plus que ses concurrents. Et il est aujourd’hui l’un des orateurs les plus demandés du circuit américain. Depuis cinq ans, il a gagné la bagatelle de 1,3 million de dollars. GAY. La nouvelle star de la politique américaine est l’un des premiers leaders noirs à se déclarer en faveur du mariage gay. À ses yeux, ce combat est comparable à celui des Africains-Américains pour la conquête de leurs droits civiques. Comme on ne lui connaît pas de liaison féminine, le bruit court qu’il serait homosexuel. Jusqu’ici, il s’est abstenu de commenter la rumeur pour ne pas prêter le flanc aux attaques homophobes. Mais son adversaire républicain n’a évidemment pas ses scrupules et fait son miel d’une interview dans laquelle Booker déclarait apprécier manucures et pédicures… Mais le maire de Newark traîne aussi derrière lui un certain nombre de

casseroles. Fondu d’internet et de réseaux sociaux – il en est, dit-on, à plus de 30 000 tweets! –, il a lancé en 2012, grâce à l’appui d’amis investisseurs, un site de partage de vidéos en ligne. Las, la start-up n’a jamais décollé et a déjà commencé à licencier. Elle cherche aujourd’hui un repreneur, puisque Booker, dont le rôle dans cette aventure n’a jamais été très clair, devra abandonner toute activité privée s’il est élu sénateur. Avec sa street credibility et son anticonformisme, Booker est bien décidé à faire bouger les lignes, à faire souffler un vent de fraîcheur sur cette institution passablement compassée qu’est le Sénat – à ce jour, elle ne compte aucun élu démocrate noir. Mais il pourrait trouver sur sa route un autre jeune loup du New Jersey, le gouverneur républicain Chris Christie, célèbre à la fois pour son embonpoint et pour son ambition : c’est un adversaire à ne pas négliger en vue de la prochaine présidentielle. Les deux hommes sont des pragmatiques et ont de l’estime l’un pour l’autre. S’achemine-t-on vers un match 100 % New Jersey en 2016? Ce serait assez drôle. l JeAn-ÉriC Boulin, à New York


Le pLus

de Jeune Afrique

politique Va-t-il changer le Mali?

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interview Tiébilé Dramé, président du Parena réconciliation Le Nord, un cœur à reconquérir reconstruction Donnant-gagnant

MALI

DAOU BAkAry EmmAnUEl pOUr J.A.

Renaître!

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n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


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Le Plus de Jeune Afrique

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Le pLus

de Jeune Afrique

Prélude

MALI

Renaître!

François Soudan

Condamné à réussir

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jeune afrique

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

politique Va-t-il changer le Mali ? p. 64 interView tiébilé Dramé, président du parena

p. 67

transition Complots et trahisons p. 72

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était un pari fou, a dit, armée gangrenée par l’indiscipline : le 2 septembre, Dioncounda l’inventaire de deux décennies de maltraoré, président à éclipses gouvernance longtemps masquée par d’une transition chaotique une démocratie laxiste est connu. un conclue sur un happy end inespéré. fou? concentré vient d’en être fourni, sous Le seul possible en tout cas, car imaginer forme de legs empoisonné, par l’aberl’inverse c’était avoir le choix du diable, rante promotion du capitaine putschiste entre un Mali livré aux jihadistes ou un amadou Haya Sanogo au grade de généMali aux bottes d’une junte erratique. ral de corps d’armée. Mis devant le fait avec, dans l’un ou l’autre cas, le chaos accompli par son prédécesseur, qui ne en prime. on rendra donc à César, en l’a pas consulté, iBK a désormais tous l’occurrence à françois Hollande, ce les moyens d’inverser ce bien mauvais qui lui revient : sans son intervention, signal. Ce sera sans doute sa première on parlerait aujourd’hui du Mali à la épreuve. rubrique nécrologique. De quoi passer l’éponge, Au lendemain de son investiture, aux yeux de la majorité des Maliens, sur le fait IBK sera, face à l’immensité de la établi que la date de tâche à accomplir, un homme seul. l’élection présidentielle et celle de l’investiture solennelle du chef de l’état ont été fixées Il faudra au nouveau chef de l’état par le même Hollande en fonction de se montrer fort, à la fois décideur et ses propres critères et agenda. pour une arbitre, suffisamment souple à l’égard fois que l’ancienne puissance coloniale des touaregs pour leur expliquer les devient libératrice, il serait malvenu de bienfaits d’une décentralisation tout gâcher l’euphorie ambiante. en faisant preuve de fermeté afin qu’ils renoncent à leurs rêves d’autonomie et Mais au lendemain du 19 septembre, au drapeau de l’azawad. quand les lampions se seront éteints, il va lui falloir remporter, début 2014 ibrahim Boubacar Keïta (iBK) sera, face au plus tard, des élections législatives à l’immensité de la tâche, un homme transparentes et négocier la réduction seul. Le plébiscite dont il a bénéficié lui progressive de la présence des bérets confère certes une marge de manœuvre bleus de la Minusma, avant qu’elle ne considérable, mais il l’oblige aussi : les froisse le nationalisme à fleur de peau 77,6 % d’électeurs maliens qui lui ont des Maliens. donné leurs voix attendent tout de lui, il devra voyager pour réinstaller le Mali espèrent qu’il va tout résoudre et lui sur la scène internationale et être présent interdisent en quelque sorte d’échouer. à Bamako, attentif au moindre détail. Si l’opération Serval a redonné au Mali Sans oublier qu’à l’issue de son mandat, sa souveraineté et le processus électoen 2018, c’est sur ses résultats dans la ral sa dignité, aucun des problèmes, lutte contre la pauvreté, qui touche six aucune des dynamiques négatives qui Maliens sur dix, qu’il sera avant tout jugé. ont conduit ce grand pays au bord du gouffre n’ont encore été résolus, ni même Cela fait vingt ans que l’ancien abordés. premier ministre se prépare à monter Culture de l’impunité, corruption de la sur le ring. À lui de démontrer que ses fonction publique, tensions ethniques et compatriotes ont eu raison de tout miser régionales, système judiciaire délétère, sur lui. l

réConCiliation le nord, un cœur à reconquérir

reConstruCtion Donnant-gagnant DéCryptage Deux ans de perdus !

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le Plus de Jeune afrique

POlItIquE

Va-t-il changer Élu le 11 août, Ibrahim Boubacar Keïta a prêté serment le 4 septembre. Il doit maintenant passer à l’action. Dossiers prioritaires : sécurité, corruption, élections. PIErrE-FraNçOIs NauDé,

envoyé spécial

D

eséquipementsflambantneufssur huit hectares. Un investissement de près de 9 millions d’euros, financé à 90 % par le Japon, et une capacité de stockage de 45 tonnes… Six mois après son inauguration, le marché central aux poissons de Bamako, sur la route de l’aéroport, reste désespérément vide. « Le budget de démarrage vient seulement d’être accordé, et il faut encore construire les installations pour la vente au détail », explique Seydou Coulibaly, son directeur. Le projet est un peu à l’image du Mali. Un pays choyé depuis vingt ans par les bailleurs internationaux. Mais qui peine à décoller. POIGNE. En ce sens, la tâche du nouveau président,

Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), est immense. Élu avec un score qu’il qualifie lui-même de « quasiplébiscite » (77,6 % des suffrages exprimés), il a pourtant peu communiqué sur son programme – contrairement à son rival malheureux, Soumaïla Cissé –, préférant parler d’honneur, de bonheur, de dignité retrouvée… « Il est plus en symbiose avec ce qu’attendaient les Maliens. Ils ont voté pour un homme à poigne, le plus à même de les sortir de la crise. En réalité, la vraie transition débute maintenant»,expliqueMahamadouCamara,porteparole d’IBK pendant la campagne. Comment ce dernier va-t-il procéder ? Par où commencer ? Le nouveau chef de l’État n’a jusque-là donné aucune indication claire sur les premières mesures qu’il allait prendre. « Nous devons d’abord faire l’audit des dossiers brûlants dont nous allons hériter, afin de déterminer les priorités », explique Soumeylou Boubèye Maïga, l’un des principaux architectes de la campagne d’IBK, qu’il conseille aussi dans le domaine sécuritaire – homme du Nord, il a été directeur de la sécurité d’État, ministre des Forces n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

jeune afrique


Renaître !

le Mali?

armées dans le gouvernement de Mandé Sidibé (2000-2002), puis des Affaires étrangères dans celui de Mariam Kaïdama Cissé (2011-2012). « Dans un premier temps, on jugera plus l’homme sur son style que sur ses mesures, ajoute-t-il. Personne n’attend de miracle ! »

t Discours du nouveau président, le 4 septembre, au Centre international de conférences de Bamako.

APPÉTIT. Tout le monde s’accorde cependant sur

emmanuel daou bakary pour J.a.

un point: la stabilisation du Nord à travers les prochaines négociations avec les groupes rebelles (lire pp. 76-77) et la gestion d’une armée démoralisée constituent les premières urgences. D’autant que l’ex-junte qui a chassé l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars 2012 a placé des hommes à tous les niveaux, y compris dans l’attribution des marchés publics. « Ils n’ont plus de problèmes d’argent », grince un ex-conseiller présidentiel. Mais en cédant à l’appétit des putschistes pour les biens et les honneurs, les Premiers ministres de la transition (lire pp. 72-73) ont aussi réussi à les couper de leur base anarchogauchisante regroupée autour de la Coordination des organisations patriotiques du Mali (Copam). « L’armée n’est pas un vrai problème. La junte ne pèse plus rien politiquement », assure Soumeylou Boubèye Maïga. Est-ce à dire que l’ex-capitaine Amadou Haya Sanogo, nommé général quatre étoiles par le président de la transition Dioncounda Traoré le 14 août, se tiendra tranquille ? « Il reste un soldat de la République, répond l’un de ses proches, le général Moussa Sinko Coulibaly. Il sera en retrait, mais pas à la retraite. Il pourrait accepter des missions ponctuelles, mais sans s’éloigner du Mali. » Quelles que soient ses intentions, Sanogo n’a en tout cas pas intérêt à poser trop de problèmes au nouveau venu. « Ce qu’un président a fait par décret, un autre peut le défaire », prévient un conseiller d’IBK. Et même si Sanogo pense encore au pouvoir, « il devra le conquérir par la voie politique », tranche Boubèye Maïga.

jeune afrique

rÉsIsTAnces. Pour le président, une autre mission

sera particulièrement délicate: le redressement de l’économie et la lutte contre la corruption. « Au Mali, la mauvaise gestion peut réduire de 50 % le budget de l’État, qui est déjà très faible ! » s’alarme Sidi Sosso Diarra, l’ancien vérificateur général, qui regrette amèrement que son successeur ait presque abandonné la pratique de l’autosaisine. « Il travaille n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Le Plus de J.A. Mali sur commande », fustige-t-il. « IBK veut instaurer la culturedelasanction, répondMahamadouCamara. Les textes existent: il faut laisser la justice travailler, et même lui demander de travailler ! » Dans l’entourage du président, on assure que « des mesures impopulaires » vont être prises rapidement, notamment contre le racket policier et les comportements amoraux en tout genre qui gangrènent l’administration : vente de diplômes et de documents, non-respect des règles d’urbanisme et d’assainissement, etc. Un certain nombre de robinets devraient être fermés et, à n’en pas douter, les résistances seront nombreuses… IBK bénéficie néanmoins d’un avantage certain pour remettre de l’ordre dans la maison Mali : son score, qui lui confère un mandat particulièrement net.

emmanuel daou bakary pour J.a.

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TRANSHUMANCE. Encore faut-il transformer

l’essai lors des prochaines législatives en obtenant une majorité confortable (un défi pour son parti, le Rassemblement pour le Mali, très mal implanté), tout en limitant la gigantesque vague de transhumance qui s’amorce. IBK lui-même souhaite qu’une « opposition forte » voie enfin le jour au Mali. La recomposition politique en cours, qui ne s’achèvera qu’après les législatives – dont la date n’est pas fixée, même si le gouvernement de la transition sortant souhaitait qu’elles se tiennent fin octobre-début novembre –, déterminera en grande partie le style de gouvernance ainsi que la marge de manœuvre d’IBK. « Les effets pervers de la transhumance peuvent être limités par l’intégrité des hommes qui seront acceptés dans la mouvance présidentielle », relativise Moumouni Soumano, directeur du Centre malien pour le dialogue interpartis et la démocratie. Qui ajoute : « Et même si Soumana Sacko, Modibo

p Parmi les invités-suprise, l’ancien président Moussa Traoré, renversé par Amadou Toumani Touré en 1991. Sa présence n’est pas passée inaperçue.

19 septembre Une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement seront présents à la cérémonie d’investiture

Sidibé voire Soumaïla Cissé se rapprochent d’IBK, ils garderont une certaine indépendance. » Une chose est sûre : IBK a prévenu qu’il ne ferait pas un gouvernement d’union nationale… mais d’unité nationale. « Ce n’est pas un partage du gâteau », a-t-il répété. « Il n’y a pas d’accord politique avec d’autres partis pour l’instant, mais la tendance est à la création d’un mouvement plus vaste, sur la base du RPM, après les législatives », précise Mahamadou Camara. Le « consensus mou » tant reproché à ATT – et si ancré dans la société malienne – ne sera-t-il plus qu’un mauvais souvenir ? l

pUTSCHiSTES à RECASER

C

omment gérer l’ex-junte ? La question s’est posée à tous les présidents élus à la suite d’un coup d’État militaire et d’une période de transition. Ibrahim Boubacar Keïta pourra demander des conseils à ses amis socialistes, Alpha Condé, en Guinée, et Mahamadou Issoufou, au Niger, qui ont su faire oublier les putschistes sans se les aliéner. Mais la donne malienne n’est pas tout à fait comparable, note un proche du nouveau président : « Ici, les putschistes n’ont pas rendu d’eux-mêmes le pouvoir aux n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

civils. La communauté internationale a dû leur forcer la main. » IBK devra commencer par régler le cas Amadou Haya Sanogo, leader de la junte. Promu général quatre étoiles le 14 août, celui qui n’était, avant sa prise de pouvoir, qu’un capitaine sans grand avenir est promis à une retraite confortable et peut-être à une nomination dans une ambassade lointaine. Mais rien ne dit qu’il se soumettra à ce plan. S’il ne dispose plus du soutien d’une junte minée par les divisions, et s’il a

perdu en popularité en profitant de la transition pour faire des affaires, il reste une épine dans le pied d’IBK. « C’est le cas le plus compliqué, le reste ne devrait être qu’une formalité », veut croire un diplomate en poste à Bamako. Le reste, c’est la vingtaine d’autres cadres de l’ex-junte. Des sous-officiers pour la plupart qui, comme Sanogo, se sont retranchés ces derniers mois au camp militaire de Kati, à une quinzaine de kilomètres de la capitale. Le Comité militaire de suivi de la réforme des

forces de défense et de sécurité, créé en début d’année, étant voué à disparaître (Sanogo n’en est déjà plus le patron), il faudra les caser ailleurs. « La difficulté sera de ne pas trop en décevoir, souligne un proche du président. Car même s’ils ont perdu de leur pouvoir, ils ont surfé sur le mécontentement des troupes pour justifier leur coup d’État, et les maux qu’ils dénonçaient – la corruption, le manque de moyens, l’absence de considération – n’ont pas disparu. » RéMi CARAyol Loin de là. l jeune afrique


Renaître ! INTERVIEW

Tiébilé Dramé « Le nouveau président doit dialoguer, dialoguer et encore dialoguer » Pour l’ex-ministre des Affaires étrangères, IBK n’a d’autre choix que la concertation s’il veut ramener la paix dans le Nord et en finir avec les maux qui ont poussé le Mali au bord du gouffre.

Bio express 1955 Naissance à Nioro du Sahel 1981 Exil en France puis au Royaume-Uni jusqu’à la chute de Moussa Traoré

P

jeune afrique

1991 De retour au Mali, nommé ministre des Affaires étrangères 1995 Fonde le Parti pour la renaissance nationale (Parena) 1996 Nommé ministre des Zones arides dans le gouvernement d’IBK

Vincent Fournier/J.A.

résident du Parti pour la renaissance nationale (Parena), Tiébilé Dramé a été l’un des premiers hommes politiques maliens à dénoncer le coup d’État du 22 mars 2012 et à exiger le retour des militaires dans les casernes. Depuis, son rejet épidermique de la junte, proportionnel à sa volonté de voir le pays revenir à la démocratie, l’a conduit à participer au Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République (FDR, antiputsch), à prendre la vice-présidence de la Coalition pour le Mali (CPM, un regroupement de formations politiques et de la société civile) et à s’impliquer dans les tentatives de résolution de la crise dans le Nord – une région à surveiller « comme le lait sur le feu », déclaraitil à la tribune de la CPM, lors de son lancement, fin juillet 2012. Nommé en mai 2013 conseiller spécial du président de la transition, Dioncounda Traoré, il est chargé d’engager des contacts avec les groupes armés du Nord et, à ce titre, a été le négociateur du préaccord avec la rébellion touarègue, signé le 18 juin à Ouagadougou (lire pp. 76-77). Candidat à l’élection présidentielle des 28 juillet et 11 août pour le Parena, Tiébilé Dramé a finalement jeté l’éponge, le 17 juillet, après avoir – en vain – déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle, estimant que l’organisation du scrutin était précipitée et que les conditions d’une élection régulière n’étaient pas réunies. À 58 ans, l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Alpha Oumar Konaré apparaît aujourd’hui comme l’une des principales figures de l’opposition, avec laquelle le nouveau chef de l’État, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), devra composer. Sans qu’il soit pour autant question de consensus.

2002 et 2007 Candidat à l’élection présidentielle Jeune AfrIque : Jugeant le processus électoral bâclé, vous vous êtes retiré de la course à la présidentielle. A posteriori, vos craintes étaient-elles justifiées ? TIéBILé DrAmé : Un scrutin de sortie

de crise requérait la participation la plus large. Le taux de participation de 47 % [49 % au premier tour et 45,8 % au second], dont tout le monde se félicite, aurait été beaucoup plus élevé si les déplacés internes, les réfugiés, les Maliens de l’extérieur, les 350 000 nouveaux majeurs et des centaines de villages à l’intérieur du pays avaient pu voter, et si des milliers de citoyens n’avaient pas erré pendant des heures

à la recherche de leur nom ou de leur bureau de vote. Un délai de deux à trois mois de plus aurait permis de mieux faire, et le Nord aurait été plus stabilisé. Vous reconnaissez cependant la victoire d’Ibrahim Boubacar Keïta ?

Je suis un républicain respectueux de la Constitution, et c’est en son nom que j’ai été en première ligne contre le coup d’État du 22 mars 2012. Notre Constitution dispose que les décisions de la Cour constitutionnelle sont sans appel et s’imposent à tous. Je m’en tiens donc à l’arrêt de la Cour, qui a validé les opérations électorales et proclamé IBK président de la République. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Le Plus de J.A. Mali Vous avez reproché au ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, d’être devenu « directeur général des élections au Mali ». Pensez-vous que la France a trop interféré dans les affaires du pays ?

J’ai été parmi les premiers au Mali à applaudir la salutaire intervention française qui a libéré notre pays de la barbarie. Je le redis : les Maliens seront éternellement reconnaissants à la France du sang versé pour leur liberté. Ces liens sont et resteront plus forts que les incompréhensions d’un moment. Mais la force de ces liens n’autorise pas nos amis français à parler ou à décider à notre place.

Fin août, les habitants de Gao ont manifesté contre le retour d’exilés qu’ils accusent d’avoir été complices du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et ont évoqué la résurgence du péril islamiste. Partagez-vous cette crainte ?

Gao, ses habitants et sa région ont beaucoup souffert de l’occupation islamiste. Les forces vives de cette ville se sont dressées contre les occupants au moment où il n’y avait ni État ni armée. Elles ont raison de rester vigilantes, car le retour effectif de l’État et de ses services prendra du temps. L’éradication complète de la menace islamiste, elle aussi, sera longue. D’autant que certaines communautés de la région de Gao avaient rallié le Mujao pour se rebeller contre certaines erreurs de gouvernance commises ces dernières années. Les sympathies manifestées par certains de nos compatriotes à l’endroit du Mujao nous imposent d’élaborer une stratégie nationale autonome de lutte contre le terrorisme, laquelle doit allier dialogue, doigté et fermeté.

Faut-il s’inquiéter du rapprochement entre le Mujao et le groupe du terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar ?

Il ne faut pas oublier que le Mujao est sorti des entrailles d’Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique] et que si le chef jihadiste Abou Zeid sévissait à Tombouctou pendant l’occupation, Gao, contrôlée par le Mujao, était le terrain de prédilection de Belmokhtar. Il y avait une très forte gémellité entre ces groupes. Leurs retrouvailles sont donc dans l’ordre des choses. Que penser du rapprochement entre le Mouvement national de libération de l’Azawad, le Haut Conseil pour l’unité n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

de l’Azawad et le Mouvement arabe de l’Azawad ?

Je souhaite que ce rapprochement soit le prélude à une véritable unité d’action positive pour réaffirmer la « malianité » des régions du Nord et leur engagement à préserver l’unité et la cohésion nationales. Si c’est le cas, ces mouvements devraient prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux tensions ainsi qu’aux affrontements sanglants et destructeurs entre tribus arabes et touarègues le long de notre frontière avec l’Algérie. Que devra faire IBK pour régler le problème du Nord ?

Premièrement dialoguer, deuxièmement dialoguer et troisièmement dialoguer. Le nouveau président pourrait commencer par tenir un forum des communautés du Nord afin de permettre aux populations de ces régions de discuter des conditions de leur cohabitation, de leur réconciliation, ainsi que de leurs relations avec l’État central. Ensuite, il faudra reprendre le chemin de Ouagadougou et terminer ce processus en organisant des assises

nationales sur le Nord, qui valideront les points d’accord trouvés avec les groupes armés et engageront, de ce fait, toutes les forces vives de la nation. Selon l’accord de Ouagadougou, les négociations avec les mouvements armés touaregs sont censées se tenir dans les soixante jours suivant la présidentielle. La position plutôt stricte d’IBK à l’égard de la rébellion ne risque-t-elle pas de fragiliser le processus ?

Il faut que ces pourparlers permettent de résoudre, sur une base définitive, la crise du Nord. Ils ne devraient donc pas concerner les seuls rebelles touaregs, mais tous les groupes armés du Nord. Quant à la position d’IBK, il est vrai que certains propos de campagne ont donné l’impression d’une ligne dure, allant dans le sens d’une opinion qui s’est radicalisée au fil du temps. Maintenant que la campagne électorale est terminée, il faut faire avec les réalités. Le nouveau président s’est dit ouvert au dialogue. Il me semble que c’est la voie de la raison. Autre problème majeur : l’armée. L’excapitaine Amadou Haya Sanogo et les jeune afrique


Renaître ! t Avec les leaders touaregs, le 8 juin, à Ouagadougou. Conseiller spécial du président de la transition, Tiébilé Dramé était chargé de négocier avec la rébellion.

AHMED OUOBA/AFP

du pays à vouloir « venir de leurs mains assemblées boucher les trous de la jarre percée », pour citer le roi Ghézo… Le problème est que cet unanimisme trompeur des dernières années nous a justement menés au fond de l’abîme. Sans nécessairement partager la responsabilité de l’exécutif, le président de la République pourrait en revanche, en tant que garant de la cohésion nationale, prendre l’initiative de consultations sur les questions essentielles que sont les négociations de paix, la réconciliation nationale, la refondation de l’armée, de notre système d’éducation et de formation, la reconstruction d’institutions solides, ainsi que la mise au point d’un mécanisme électoral performant et fiable.

cadres de l’ex-junte ont-ils gardé de l’influence ?

Ils ont tiré toutes les ficelles tout au long de la transition qui vient de s’achever. On saura bientôt s’ils conserveront la même influence, et si le principe républicain de soumission du militaire à l’autorité politique civile sera de pure forme. La rébellion et le coup d’État ont provoqué l’effondrement de l’armée. Alors oui, aujourd’hui, il est essentiel de reconstruire celle-ci, de fonder une nouvelle armée nationale, républicaine et professionnelle. Et c’est un chantier immense. Le nouveau président s’est engagé à le faire, et je souhaite qu’il réussisse. Même si les galons distribués récemment ne sont pas des indicateurs du bon chemin qu’il faut prendre pour la refondation de l’armée. Vous voulez parler de la promotion de Sanogo, principal artisan du coup d’État, au grade de général quatre étoiles par le gouvernement de transition, le 13 août…

Oui. Cette promotion est une prime au coup d’État. Ce n’est pas un bon exemple pour les jeunes générations de militaires. Ceux qui l’ont promu, tout comme ceux jeune afrique

qui observent un silence assourdissant sur cette promotion, n’ont pas rendu service au Mali. Ni à la démocratie. Comment votre parti, le Parena, se situera-t-il sur le nouvel échiquier politique ?

Le Parena appartient au camp qui s’est opposé au coup d’État et qui n’a pas gagné

Le gouvernement de la transition voulait accélérer l’organisation des législatives afin qu’elles se tiennent le 27 octobre et le 17 novembre. Est-ce envisageable?

Pour bien organiser les législatives, dans un climat apaisé, on fera difficilement l’économie du temps qui nous a été refusé pour la présidentielle. Le nouveau président est un homme politique qui a gagné et perdu des élections au cours des vingt dernières années. Il connaît l’importance du dialogue comme celle d’un climat politique apaisé, surtout quand le pays est dans la situation que nous connais-

La promotion de Sanogo au grade de général? C’est une prime au coup d’État! l’élection présidentielle. Nous souhaitons bonne chance au nouveau président dans la mise en œuvre de son programme et l’accomplissement de ses missions. Nous l’accompagnerons de nos critiques et suggestions, s’il nous écoute.

sons. Or, dans un dialogue fécond avec les partis politiques, il doit être possible de s’entendre sur les correctifs à apporter aux faiblesses reconnues par tous, ainsi qu’à celles qui ont été mises en évidence lors de l’élection présidentielle.

Le fameux consensus à la malienne, tant reproché à l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT), est-il définitivement obsolète ?

Selon vous, ATT doit-il revenir au Mali ?

L’immensité des défis, la fragilité de la situation et les urgences de toute nature auraient dû, a priori, conduire tous les fils

Il me semble qu’il doit apporter sa contribution à la nouvelle phase qui s’ouvre et préparer son retour. Un retour qui doit, bien entendu, faire l’objet de discussions avec les nouvelles autorités. l Propos recueillis par FrAnçoiS SoudAn n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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RÉPUBLIQUE DU MALI

Ministère de l’Économie et de l’Action humanitaire

u Ministre de l’Économie et de l’Action humanitaire du gouvernement de transition, Mamadou Namory Traoré a fait un état des lieux précis dans les camps de déplacés, à Tombouctou et à Gao. Ici dans les magasins de l’OPAM.

De l’économie à l’humanitaire

Des actions concrètes pour la sortie de crise

L

es réunions à Paris, Bruxelles ou Washington ont convaincu la communauté internationale du sérieux du Mali à reprendre en main son destin. En même temps, à Kidal, Gao ou Tombouctou, il a fallu gérer de nombreuses urgences pour redonner espoir à la population et rebâtir la Nation.

PUBLI-INFORMATION

En mai 2013, la conférence « Ensemble pour le Renouveau du Mali » a réuni à Bruxelles les représentants de 108 pays, dont 13 chefs d’États et de gouvernements, et de nombreuses personnalités représentant les institutions régionales et internationales, les collectivités locales, le secteur privé et la diaspora, ainsi que la société civile, en particulier les femmes. Sur la base du Plan pour la relance durable (PRED) élaboré et présenté par le gouvernement de transition, 56 bailleurs bilatéraux et multilatéraux se sont engagés à fournir une assistance de 3,290 milliards d’euros pour les deux ans à venir.


Ce montant d’une exceptionnelle importance traduit l’attachement de la communauté internationale au rétablissement du Mali. En même temps, il reflète le travail et le sérieux consacré par les autorités de transition à la préparation des négociations. Les travaux ont été conduits par la Cellule technique du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP), adopté en 2002 à l’issue d’un vaste processus participatif. La préparation de la conférence de Bruxelles s’est notamment appuyée sur l’organisation de plusieurs rencontres en France, en Belgique et aux États-Unis avec le plus grand nombre des acteurs du développement du Mali. Le PRED 2013-2014 fait ressortir à la fois des enjeux de très court terme et les bases d’un développement équilibré du territoire. Douze domaines prioritaires ont été définis, parmi lesquels les urgences humanitaires, l’organisation d’élections libres et transparentes, l’intervention des services de l’État sur l’ensemble du territoire. Au delà des actions immédiates, le PRED détaille également les orientations cruciales pour relever durablement l’économie, comme la décentralisation, la justice et la lutte anti-corruption, l’appui au secteur privé, le renforcement de l’agriculture, l’investissement en infrastructures, l’emploi des jeunes ou encore l’éducation et la promotion de la place des femmes. Le PRED accorde aussi une attention particulière à la consolidation du cadre macroéconomique et à la poursuite de la réforme des finances publiques. En plus des 12 priorités, le gouvernement entend proposer aux donateurs de financer d’autres volets non moins importants, comme : la croissance démographique, les mines, la formation professionnelle, l’urbanisme et la participation à la problématique régionale et sous-régionale qui sera développée par la Banque africaine de développement (BAD).

L’action humanitaire, un choix politique Au Mali, l’action humanitaire est sous le feu des projecteurs à cause des conséquences des événements de mars 2012 et de l’occupation des deux-tiers du territoire par les djihadistes, les narcotrafiquants et les rebelles. Mais en réalité, la solidarité est inscrite depuis longtemps dans la société malienne. Lorsque la case d’un impotent s’écroule, les jeunes du village dans un élan de générosité et d’entraide s’organisent pour reconstruire l’habitat détruit. Il en va de même dans toutes les autres situations de détresse. Dès avril 2012, le Mali a constitué le Ministère de l’Action humanitaire, de la Solidarité et des Personnes âgées. Un acte symbolique permettant de mieux mesurer l’importance de l’humanitaire dans les priorités du moment et du rôle qu’il peut jouer dans l’évolution socio-économique du pays. L’avènement du Ministère de l’Économie et de l’Action humanitaire en juin 2013 a amplifié le phénomène : un choix politique fort traduisant la nécessité d’accroître les moyens stratégiques pour la prise en charge de 342 000 déplacés et d’offrir de bonnes perspectives à 175 000 réfugiés. Le ministre Mamadou Namory Traoré a visité les camps de déplacés de Niamana et de Niamakoro. Il a ainsi pu mesurer

les besoins en termes d’appui alimentaire et de prise en charge médicale, mais aussi et surtout le désir ardent d’un retour au bercail. Le ministre s’est également rendu à Tombouctou et à Gao. Ses entretiens avec les autorités locales, les ONG, la société civile, la chambre de commerce et d’industrie, les populations et les personnes déplacées ont permis de faire un état des lieux précis et de connaître les véritables attentes. Les populations et les autorités ont affirmé que leurs priorités étaient de bénéficier d’une fourniture d’électricité 24 heures sur 24, que la route Douentza - Tombouctou soit remise en état au plus tôt et que les banques soient de nouveau opérationnelles. De fait, elles le sont dans tout le Nord depuis fin août, notamment à Gao, Tombouctou et Kidal.

Une réponse stratégique aux besoins des populations Pour parer aux plus grands besoins, le Ministère de l’Économie et de l’Action humanitaire a fait don à toutes les régions et au district de Bamako de denrées alimentaires (745 tonnes de riz, 255 tonnes de mil, 335 tonnes de sucre, notamment). Pour répondre aux attentes des régions de Kidal, Gao et Tombouctou, le Ministère a offert 500 millions de F CFA, à travers un protocole avec Énergie du Mali qui fournira l’électricité gratuitement pendant trois mois. Cette mesure constitue une véritable réponse stratégique à la situation du Nord : elle améliore la sécurité dans les grandes villes, elle permet à l’administration de retrouver ses performances et elle est indispensable pour une relance des activités économiques. Le soutien aux déplacés et affectées par la crise se poursuit. La réponse alimentaire comprend 1 500 tonnes de maïs, 1 030 tonnes de riz, 160 tonnes de sucre, 17 tonnes de viande en conserve. Le Ministère a également distribué 7 000 nattes, 8 000 couvertures, 1 800 moustiquaires, 3 700 casseroles, assiettes et couverts en plastique, ainsi que des vêtements femme, enfant et des pièces de tissus Bazin par milliers. Témoin de la place prépondérante accordée à l’Action humanitaire, le Mali a célébré pour la première fois la Journée mondiale de l’Aide l’humanitaire, le 19 août dernier. Il a placé cette célébration sous le thème : « Le monde a besoin de plus de reconnaissance à l’Action humanitaire ». Pour le Ministère de l’Économie et de l’Action humanitaire, la priorité est désormais le retour des déplacés dans leurs résidences habituelles. Des simulations ont fait ressortir que 38 milliards de F CFA sont nécessaires pour couvrir l’opération. Afin de conférer un caractère participatif à la gestion des actions et mériter, à nouveau, la confiance de la communauté internationale, le Ministère a mis en place une commission interministérielle chargée d’établir une véritable synergie avec tous les intervenants. La tâche est immense, mais le Mali garde foi en la tradition de partage de sa société pour apaiser la souffrance de ses populations. Le challenge peut être relevé. ■

▼ Le Mali a célébré pour la première fois la Journée mondiale de l’Aide humanitaire, le 19 août dernier.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

Mériter la confiance des partenaires internationaux


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Le Plus de J.A. Mali TRANSITION

Complots et trahisons Du putsch de mars 2012 à l’élection d’IBK, que de péripéties ! Un chef d’État a frôlé la mort, le pays est passé à deux doigts de la dictature militaire… Retour sur dix-sept mois de chaos.

D

es législatives cruciales pour l’avenir du pays doivent encore avoir lieu, mais la page qui s’est ouverte avec le coup d’État de mars 2012 semble s’être définitivement refermée avec l’élection à la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), le 11 août 2013. Le Mali revient de loin. Pas seulement du fait de l’agression touarègue et jihadiste dans le Nord. Le putsch luimême aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus désastreuses sur la stabilité du pays s’il avait abouti à la mise en place d’une transition militaire dont le succès était plus qu’incertain. HARCÈLEMENT. Selon la plupart des

témoignages, le 22 mars 2012, les mutins prennent le pouvoir un peu par hasard et ne savent qu’en faire. Même si IBK apparaît déjà comme un recours tant il est populaire dans les casernes, impossible pour lui d’entamer une carrière de dictateur… « Il a toujours voulu le pouvoir, mais de manière démocratique et pacifique », explique l’un de ses proches collaborateurs. Même lorsque le capitaine Amadou Haya Sanogo, dans la nuit du 21 au 22 mars, le harcèle au téléphone, IBK tient bon et ne décroche pas. Mieux : dès le lendemain, il condamne clairement le coup d’État.

Les militaires tentent alors d’imposer leur propre style avec la proclamation d’une loi fondamentale, le 26 mars. Sanogo assume lui-même la fonction de chef de l’État, avant de reculer et de rétablir la Constitution, le 1er avril, devant les menaces d’embargo diplomatique et financier de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Aurait-il lâché si facilement du lest si les militaires avaient été mieux préparés ? Rien n’est moins sûr. Et la communauté internationale aurait vraisemblablement eu beaucoup plus de mal à rétablir un semblant d’ordre constitutionnel. « Sanogo est arrivé au bon endroit au bon moment. Ce n’était ni le plus populaire ni le plus charismatique, il était juste le plus gradé. Le coup d’État était spontané, même si, après, on a appris qu’une “petite chose” avait été organisée… » confie Yamoussa Camara, nommé ministre de la Défense du deuxième gouvernement de Cheick Modibo Diara, en août 2012, et reconduit dans ses fonctions dans celui de Diango Cissoko, en décembre. Ce général proche des putschistes fait référence à deux sous-officiers de l’ex-junte, le major Djinama Fomba et l’adjudant-chef Seyba Diarra, qui ont été, selon plusieurs sources, les cerveaux de la révolte.

u Le président par intérim, Dioncounda Traoré, le 12 avril 2012, lors de sa prise de fonctions.

Il n’est pas interdit non plus de penser qu’on a frôlé l’instauration d’une dictature militaire avec la tentative d’assassinat du président de la transition, le 21 mai 2012. Ce jour-là, une foule de manifestants en colère se dirige sur le palais de Koulouba. Objectif: protester contre la reconduction au poste de président de Dioncounda

CoMMENT DiANgo A suPPLANTé MoDibo

N

ommé Premier ministre le 17 avril 2012, Cheick Modibo Diarra a formé un gouvernement réduit surtout composé de techniciens et de militaires. « Les partis ont alors organisé le blocage de l’exécutif. Quand ils ont finalement été intégrés, en août, leurs ministres faisaient toujours passer leur intérêt avant celui de la nation », regrette le frère et ancien conseiller spécial du Premier ministre, l’ex-vérificateur n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

général Sidi Sosso Diarra. Pour ce dernier, l’une des principales erreurs du gouvernement a été d’accepter de travailler avec Diango Cissoko, d’abord médiateur entre la junte et DioncoundaTraoré juste après son agression du 21 mai. Cissoko recommandera notamment aux militaires d’envoyer trois émissaires faire allégeance au président lors de sa convalescence à Paris, en

juillet 2012. Pendant ce temps, l’absence de DioncoundaTraoré fait penser à Cheick Modibo Diarra qu’il peut s’affranchir du capitaine Amadou Haya Sanogo. Il se croit plus fort, n’informe plus Kati. Avec son style peu subtil, il s’attire aussi le courroux de nombreux chefs d’États de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Mais c’est Cissoko qui lui portera le coup de grâce, en

conseillant au président de s’en séparer avant les concertations nationales prévues en décembre – et qui n’auront jamais lieu. Le 10 décembre, Sanogo se charge de faire passer le message en convoquant Diarra en pleine nuit à Kati, où le chef du gouvernement est menacé physiquement. Le médiateur Cissoko a su se rendre indispensable. Il est aussitôt nommé Premier P.-F.N. ministre. l jeune afrique


Renaître !

Lire l’interview de Yamoussa Camara, ex-ministre de la Défense : « Sanogo ne veut plus jouer aucun rôle »

Damonzon/Demotix/Corbis

Traoré. De fait, les frappes de l’opération Serval commencent dès le lendemain, le 11 janvier. Mais pour bien saisir le contexte et les enjeux de l’intervention française, il faut considérer en détail la chronologie des événements au tournant de l’année 20122013. Les 9 et 10 janvier, en pleine offensive jihadiste, des groupes proputschistes manifestent violemment à Bamako et à Kati contre Dioncounda Traoré, dont ils réclament le départ. Ils protestent en particulier contre sa récente décision d’annuler l’organisation de concertations nationales avec les différents partis et contre la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l’ONU du 20 décembre 2012, qui autorise le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma). Des écoutes françaises prouveraient la collusion de certains manifestants proches de la junte avec les jihadistes, dont l’offensive aurait pu fournir un Coulibaly, l’ex-ministre des Affaires étranprétexte à l’instauration d’un régime militaire de type comité de salut public. gères. Les responsables de la junte, eux, Des mouvements antiputsch regroupés avancent tous la même explication: « Les dans le Front uni pour la sauvegarde de gardes ont été débordés et n’ont pas voulu tirer sur la foule… » la démocratie et de la République (FDR) vont jusqu’à accuser IBK d’être complice COLLUSION. Ce n’est pas la seule fois de ce qui est, selon eux, une évidente tenoù Dioncounda Traoré l’aura échappé tative de coup d’État. « Il est vrai que des belle. Le 10 janvier 2013 au soir, alors que responsables du RPM [Rassemblement l’armée malienne subit une lourde défaite pour le Mali, le parti de Keïta] faisaient face aux jihadistes à Konna (au centre du partie des manifestants, mais c’était contre l’avis d’IBK qui, bien qu’il se sentît trahi pays), la résidence du président à Bamako par Dioncounda après l’annulation des concertations nationales, Sentant que « c’est la fin », savait qu’il y aurait des infiltrations dioncounda passe des coups et des manipulations, témoigne de fil pour appeler à l’aide. Mahamadou Camara, son porteparole de campagne. Nous avons est envahie par des militaires menaçants, mal communiqué, nous ne pensions pas qui prétextent un renforcement de sa que ces accusations pourraient se propasécurité pour le mettre aux arrêts. Sentant ger! » IBK ne se démarquera vraiment des manifestants que le 12 janvier. Trop tard : que « c’est la fin », celui-ci passe alors des le mal est fait. Le nouveau chef de l’État coups de fil pour appeler à l’aide. Informé devra redoubler d’efforts pour regagner la de la situation, Christian Rouyer, l’ambassadeur de France à Bamako, prévient confiance d’opposants qui le considèrent Paris. « Cette nuit-là, Rouyer a déjoué le comme « le président de la junte ». l coup d’État », assure un collaborateur de PIerre-FraNçOIS NaUdé

Traoré (investi le 12 avril) au-delà des quarante jours d’intérim constitutionnel pour engager une transition d’un an, selon le souhait de la Cedeao, qui prévoit aussi l’envoi de troupes étrangères pour sécuriser les organes de la transition. Alors que le dispositif renforcé instauré par Tiéfing Konaté, le ministre de la Sécurité intérieure, a été démobilisé – vraisemblablement à la suite d’un contrordre venu du camp militaire de Kati, quartier général de la junte –, aucun policier ni gendarme n’est visible dans Bamako. Les militaires en faction au palais, dont certains sont hilares, ne tireront même pas un coup de semonce pour protéger le président. Qui est lynché et laissé pour mort. En convalescence à l’hôtel PullmanMontparnasse, à Paris, après avoir été évacué en France le 23 mai, Dioncounda Traoré confie à ses proches qu’il est persuadé que Sanogo (qu’il nommera pourtant plus tard général quatre étoiles) est responsable de son agression. « Il y a bien eu complot, mais mené par qui ? » fait mine de s’interroger Tiéman Hubert jeune afrique

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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RÉPUBLIQUE DU MALI

Ministère des Finances

t Abdel Karim Konaté, ministre des Finances du gouvernement de transition. .

L’état des Finances du Mali

Les efforts du gouvernement ont porté leurs fruits

L

a reprise de la coopération avec les partenaires techniques et financiers laisse présager des lendemains meilleurs. L’adoption de la Feuille de Route par le Gouvernement de la Transition en janvier 2013 et l’organisation de l’élection présidentielle y sont pour beaucoup.

PUBLI-INFORMATION

Au lendemain du coup d’État du 22 mars 2012, les finances maliennes ont connu une chute vertigineuse. Tous les partenaires techniques et financiers ont suspendu leurs aides, tant l’appui budgétaire global que sectoriel. Avec pour conséquence un manque à gagner de plus de 600 milliards de F CFA qui a imposé une réduction drastique du budget national. De plus, les hypothèses macroéconomiques qui avaient servi à élaborer la loi de Finances de 2012 ont dû être révisées à la baisse. Alors que la croissance économique était annoncée en hausse et devait passer de 5,3 % à 5,5 %, la crise institutionnelle et l’occupation d’une large partie du territoire ont plongé le Mali dans une récession sans précédent.


Pour faire face à la situation et éviter la déroute, le ministère des Finances a pris des dispositions tournant essentiellement autour de l’effort interne. L’une des premières décisions a consisté à redynamiser le recouvrement des recettes. Les actions entreprises ont permis à l’ensemble des services de l’assiette fiscale (Trésor, Douanes, Impôts, Domaines) de réaliser 100 % de leurs recettes. En parallèle, le ministère a procédé à la régularisation budgétaire en allouant les crédits en fonction de la trésorerie. L’ajustement des dépenses en fonction des disponibilités a été imposé à l’État et à tous ses services. La mise en œuvre de ces mesures a permis de maîtriser de façon importante la situation des instances de paiements. Afin d’éviter l’arrêt de la machine budgétaire, l’État a recentré ses efforts sur le paiement prioritaire de ses dépenses sensibles : salaires, pensions et bourses ; dépenses de souveraineté, de sécurité et militaires ; subvention des intrants agricoles (engrais et semences) et dépenses électorales. Parallèlement, l’État faisait le nécessaire pour maintenir des relations de confiance avec les opérateurs économiques. Mais la morosité a persisté. C’est dans ce climat que la loi des Finances 2013 a été votée en décembre 2012. Compte tenu de la persistance de la double crise sécuritaire et politique, cette loi des Finances avait été élaborée sur des bases prudentes avec en toile de fond la contraction de l’activité économique et la suspension de l’aide au développement des principaux partenaires techniques et financiers.

Reprise progressive de la coopération L’adoption en janvier de la Feuille de Route de la Transition a permis de desserrer quelque peu l’étau. Le Mali a progressivement renoué avec la communauté internationale. La reprise de la coopération financière avec les partenaires techniques à travers des annonces d’appui budgétaire et la levée de la suspension de financements extérieurs des projets de développement ont rendu nécessaire la modification de la Loi des Finances. La loi rectificative, tout en restant dans un canevas macroéconomique réaliste, a apporté des modifications au niveau des recettes, des dépenses et du déficit budgétaire. Dans le budget rectifié, les recettes passent de 1 007,080 milliards de F CFA à 1 433,036 milliards de F CFA. Cette progression de 42,30 % s’explique par l’évolution des ressources provenant de l’extérieur, les fonds de concours aux armées et à l’aide humanitaire, les emprunts intérieurs, les dividendes des sociétés minières, etc. Quant aux dépenses, elles passent de 1 057,257 milliards de F CFA à 1 464,596 milliards de F CFA soit un taux

de progression de 38,53 %. Les modifications dues au retour des partenaires ont impacté positivement les secteurs de l’agriculture, des mines, de l’hydraulique et des industries, de l’urbanisme et des travaux publics, ainsi que la dette extérieure. Enfin le déficit budgétaire diminue, de 50,177 milliards de F CFA à 31,560 milliards de F CFA. Ce déficit sera financé par les ressources provenant de l’aide extérieure.

Des rapports sans nuages avec le FMI À sa nomination en juin 2013, le ministre des Finances Abdel Karim Konaté a eu à gérer un épisode assez sensible avec le Fonds Monétaire International (FMI). Cette institution financière avait soulevé des interrogations, parmi lesquelles : l’avenir du respect des procédures budgétaires, un projet de réseau national de sécurité que le Gouvernement s’apprêterait à signer avec l’entreprise chinoise ZTE ; un accord de prêt que le Gouvernement envisagerait avec EximBank de Chine pour l’achat de 600 camions au profit d’opérateurs économiques maliens ; la vente d’une partie du patrimoine immobilier de l’État situé dans le centre de la ville de Bamako. Ces questions ont été reprises par le Groupe de suivi budgétaire, une composante de la société civile, sous forme d’interpellation du ministre des Finances. Le ministre des Finances Abdel Karim Konaté a donné les apaisements nécessaires. Le projet d’installation d’une fibre pour la communication de l’armée malienne est encore au stade d’examen par les services techniques concernés et aucune décision n’a été prise quant à la signature d’un accord de prêt pour sa réalisation. Le Gouvernement n’a jamais envisagé la vente de certains immeubles de l’État. Quant à l’achat de 600 véhicules pour les commerçants, une suite défavorable a été réservée à cette requête du secteur privé par le Gouvernement qui, conformément à sa politique de désengagement de certaines activités, ne saurait envisager l’achat de camions destinés aux transporteurs privés. Enfin, en ce qui concerne la situation des dépenses extrabudgétaires réalisées pendant la période de transition, il faut noter que toutes les dépenses depuis les événements du 22 mars 2012 se font dans le cadre des inscriptions du budget 2013. De cette date à maintenant, il n’y a donc pas de dépenses extrabudgétaires. Sur le programme économique et financier, le Représentant Résident du FMI ne manque aucune occasion de saluer les efforts du Gouvernement pour la maîtrise de la stabilité macroéconomique pendant la crise ; cette performance est soutenue par un programme dit de facilité rapide de crédit pour un an. Deux décaissements ont été effectués à ce jour dans le cadre de ce programme. Une mission du FMI est attendue dès ce mois de septembre 2013 pour effectuer les négociations sur la formulation d’un programme triennal. ■

▼ L’État a fait le nécessaire pour maintenir des relations de confiance avec les opérateurs économiques.

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Rigueur budgétaire face à la crise


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Le Plus de J.A. Mali RÉCONCILIATION

Le Nord, un cœur à reconquérir Les jihadistes ont été chassés, mais les causes de la crise sont loin d’être résolues. Absence de services publics, dissensions entre les communautés nomades, défiance des populations… Le retour à l’unité s’annonce difficile.

E

n finir avec le cercle vicieux de la vengeance dans le nord du Mali. C’est de cette mission, fondamentale pour la stabilisation du pays, que la Commission Dialogue et Réconciliation (CDR) est investie. Créée en avril, elle est aujourd’hui opérationnelle, après quatre mois essentiellement consacrés à la formation de ses trentetrois membres. En juillet et août, elle a commencé à sensibiliser les autorités de chaque région à l’importance de son action : « Nous sommes fin prêts et n’attendons plus que les orientations concrètes du nouveau chef de l’État », assure son président, Mohamed Salia Sokona. Le défi est de taille. Le 26 août, des jeunes de Gao ont manifesté contre le retour des membres de la communauté arabe dans la ville. Une liste de collaborateurs présumés du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) circule sur le Net – « Je l’ai reçue d’une adresse basée en Arabie saoudite », assure un conseiller ministériel à Bamako. Le risque de règlements de comptes à grande échelle est bien

réel. « Les populations craignent une nouvelle infiltration des islamistes, mais la psychose est aussi entretenue par ceux qui ont pillé les maisons des réfugiés ou qui les occupent », explique une source sécuritaire malienne. LYNCHAGES. La situation est aggravée

par le manque de confiance dans la justice, largement corrompue, et dans l’armée. Pour éviter les lynchages, certains leaders arabes « souhaitent par exemple que les réfugiés des camps de Mbera, en Mauritanie, retournent d’abord dans leurs zones traditionnelles, comme Foum Elba, El Orch, Arawane, Boudjebeha ou Achourate, dans la région de Taoudeni », explique Moulaye Ali Haïdara, chef de la fraction Chorfa, une tribu arabe de Tombouctou. Pour apaiser les tensions sur le long terme, « il faut aussi que le problème identitaire soit réglé par une politique de représentativité adéquate, sinon nous allons nous retrouver avec des populations nomades représentées par des députés sédentaires qui ignorent complètement leurs problèmes », avertit un notable du Nord.

« La condition sine qua non à la stabilité est la réconciliation entre les communautés nomades, ajoute un haut gradé de l’armée malienne. Surtout entre les tribus touarègues [celle des Ifoghas, dirigée par Intalla Ag Attaher, l’aménokal de Kidal, et celle des Imghad, du colonel loyaliste El Hadj Ag Gamou]. Il y a aussi des tribus arabes qui se font la guerre

NéGoCiAtioNS à HAut riSquE

L’

accord préliminaire signé le 18 juin à Ouagadougou entre les mouvements armés touaregs et Bamako fixe la reprise des négociations à soixante jours après la mise en place du nouveau gouvernement. Le 11 août, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a affirmé qu’il n’attendrait pas cette date. Les discussions seront conduites par le médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), le n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

président burkinabè Blaise Comparé, et par Goodluck Jonathan, son homologue nigérian. La Mission des Nations unies au Mali (Minusma) chapeautera l’ensemble du processus et jouera un rôle de facilitateur en mettant ses avions à la disposition des parties concernées. Si les autorités militaires sont unanimes pour dire qu’il n’y a rien à négocier, IBK ne s’est pas prononcé sur ce dossier pendant la

campagne. Une source diplomatique à Bamako assure que « le nouveau chef de l’État est conscient de l’importance de discuter avec les rebelles touaregs ». Ces derniers réclament « une large autonomie fédérale à travers un statut juridique et politique de l’Azawad », selon Moussa Ag Assarid, représentant du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) en Europe. « C’est exclu, mais on peut parler d’une décentralisation

renforcée par la déconcentration de l’État », répond Soumeylou Boubèye Maïga, ancien ministre des Affaires étrangères et l’une des éminences grises de la campagne d’IBK. Les « assises du Nord » que propose le président pourraient alors être élargies à l’ensemble du territoire. « Ce qui est sûr, explique un diplomate africain en poste à Bamako, c’est que les débats porteront sur les manières de développer l’Azawad. » l B.A. jeune afrique


Renaître !

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Tamanrasset ALGÉRIE Kidal

400 km

Bourem Tombouctou

Kayes BAMAKO

Niono

Gao

Mopti

Ségou

Sortie de l’ornière Priorité au désenclavement, avec la construction d’une route entre Gao et Kidal.

BaBa ahmed, à Bamako

rémi Carayol

Rebecca blackwell/aP/SIPa

l’opération Serval a chassé les islamistes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’administration malienne tente un retour en force dans le Nord. Une commission de suivi du redéploiement de l’administration a été créée en début d’année par le ministère de l’Administration territoriale. « Tous les gouverneurs et une grande partie des préfets sont désormais en place », affirme Abdoulaye Mamadou Diarra, président de ladite commission. Leur mission première : s’assurer que des services de base de qualité (santé, éducation, justice…) soient établis. Un échec dans ce domaine ne ferait que redonner du souffle à l’irrédentisme ou à l’islamisme. l

p Des femmes brandissant le drapeau de l’Azawad, le 27 juillet, à Kidal.

[les Kounta, dirigés par Baba Ould Sidi El Moctar, et les Lemhar, de Mohamed Ould Mataly]. Enfin, parallèlement, il faut que les communautés touarègues et arabes qui se partagent le désert continuent de se rapprocher. » La signature d’un éventuel accord de paix entre Bamako et les rebelles (lire encadré) devra constituer la clé de voûte d’un équilibre complexe, « en facilitant la réconciliation entre les nomades et la communauté songhaïe, qui peuple les grandes villes du Nord », poursuit l’officier. Sans un accord global solide, la stabilité restera précaire dans cette région minée par les trafics d’armes et de stupéfiants. La CDR est confrontée à un problème si délicat qu’aucun président malien n’a réussi à le régler depuis l’indépendance. « En 1958, les représentants de Charles de Gaulle et de Modibo Keïta nous avaient convaincus que chacun de nous y gagnerait au moins le tiers de ce qu’il possédait. En clair, que celui qui avait trois chameaux en aurait quatre, etc. Mais cinquante ans plus tard, on en est toujours au même stade jeune afrique

i

brahim Boubacar Keïta n’en fait pas mystère : « L’urgence absolue dans le Nord, c’est le désenclavement. » Pour le nouveau président, la première chose à faire c’est de construire une route viable entre Gao et Kidal, puis « un aérodrome digne de ce nom » à Kidal. Selon un proche d’IBK, « signer un accord de paix sans permettre au Nord d’être relié au Sud ne servirait à rien. Pour deux raisons : le développement économique ne sera pas possible sans ces routes, et c’est le seul moyen de mettre fin aux trafics entre Kidal, Gao et l’Algérie ». Sur ce point, IBK devrait trouver des oreilles attentives, car le désenclavement du Nord est aussi la priorité de l’un de ses principaux bailleurs, l’Union européenne (UE), qui entend relancer dès que possible la construction d’un autre tronçon stratégique : l’axe Niono-Tombouctou. Le chantier, colossal (plus de 500 km de bitume pour un montant de 160 millions d’euros alloués par l’UE), avait démarré en janvier 2012. Mais à peine lancés, les travaux ont été interrompus par l’avancée des groupes armés indépendantistes et jihadistes. Consciente que sa construction serait un signal fort envoyé aux populations, Bruxelles souhaite que la route soit opérationnelle en 2015 ou 2016. Autres projets de l’UE (qui pourraient être financés par le prochain Fonds européen de développement): l’aménagement de l’axe Bourem-Kidal et la construction d’une route reliant Gao et Kidal à la frontière algérienne. « Cela permettrait de les connecter à Tamanrasset, puisquel’Algérie est en train de relier cette ville à la frontière », explique un diplomate européen. l

de développement », expliquait Intalla Ag Attaher le 28 juillet. Une critique à laquelle Bamako répond régulièrement – en « off » – que les Touaregs sont aussi responsables de la situation. De fait, les détournements de fonds et les vols de voitures d’ONG ou d’autres matériels sont récurrents dans la région de Kidal. redéploiement. Reste que, depuis que

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


République du Mali

Ministère de la Défense et des Anciens combattants

p Les exercices en commun développent la cohésion indispensable.

t Le Général Yamoussa Camara, ministre de la Défense et des Anciens combattants du gouvernement de transition.

Une mission de long terme

Construire une armée professionnelle et républicaine

A

u sortir de la crise, le gouvernement s’est attelé à reconstituer les forces de défense de la Nation. Un travail considérable qui impose d’agir sur tous les leviers : la ressource humaine, le matériel, le financier et même le politique.

publi-iNFORMaTiON

l’armée malienne occupe le devant de l’actualité nationale et internationale depuis l’assassinat d’une centaine de soldats en janvier 2012 dans la localité d’aguelhoc. Mais il y a eu aussi la remise en cause du système par de jeunes officiers, en mars 2012. et la résurgence d’une rébellion armée qui sévissait dans le nord du pays depuis longtemps. Ce contexte défavorable et la mauvaise gouvernance sécuritaire ont fait le lit de divers groupes armés et favorisé le retour de l’irrédentisme targui. À ce tableau humain, brossé à grands traits, il faut ajouter la vétusté du matériel et des équipements et le manque criant de ressources humaines de qualité, certainement imputables à un manque de vision prospective. la défense de la Nation en a été profondément affectée.


Notre ambition est désormais de bâtir une armée républicaine, professionnelle et démocratique, ouverte à tous les citoyens aptes qui en font la demande, dans la limite des places ouvertes. Sous des prétextes divers a été pratiquée par le passé une sorte de discrimination positive qui a fortement nui à la cohésion des forces et doit être bannie à jamais. S’il est vrai qu’une armée républicaine doit être aux ordres du pouvoir politique légal, cela passe forcément par une claire définition des rôles. Concrètement, si le politique définit la stratégie d’ensemble, il doit s’interdire de s’immiscer dans la gestion quotidienne des unités. Seule une armée unie et solidaire est capable de relever les nombreux et complexes défis qu’affronte notre pays. Entamée depuis peu, la refondation de notre outil de défense est en marche. L’armée malienne s’attèle avec courage et détermination à résoudre ses contradictions internes, sous la haute autorité de sa nouvelle hiérarchie. Le Président de la République par intérim s’est inscrit dans une logique d’amnistie qui est la bienvenue. Le ministère de la Défense s’y emploie avec conviction. Pour autant, la volonté d’apaisement n’est pas à confondre avec les mesures disciplinaires qu’imposent les écarts de conduite inacceptables. Les procédures judiciaires sont du domaine des Cours et Tribunaux, dont nous respecterons scrupuleusement les décisions. Dans l’intérêt supérieur de l’institution militaire, le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le Général Yamoussa Camara, doit rester en mesure d’exercer un pouvoir disciplinaire sur les hommes placés sous son autorité.

Le bataillon Waraba est déjà déployé dans le Nord L’invasion terroriste a révélé le déficit capacitaire de notre outil de défense : manque d’équipements adaptés, absence de volonté des hommes, elle-même due à l’insuffisance de la formation des personnels et de l’entraînement des unités. Certes, le matériel est déterminant dans l’issue d’une guerre. Mais la ressource humaine l’est tout autant. Notre armée dispose de cadres bien formés dans les grandes écoles militaires occidentales, asiatiques et africaines, mais la valeur d’une armée n’est pas une somme de compétences individuelles : il faut savoir les mettre en cohérence dans le cadre d’une synergie d’actions. Seuls l’entraînement et les exercices en commun développent les réflexes et la cohésion indispensables au succès des manœuvres. La reconstruction de l’armée a débuté avec l’appui de la Mission européenne de formation militaire au Mali (EUTM-Mali). Sur les quatre à cinq bataillons concernés pour une durée initiale de quinze mois, le premier baptisé « Waraba » (lion en bambara) est aujourd’hui déployé à Anéfis, Kidal et Tessalit. Le deuxième bataillon est en cours d’entraînement. Cette formation se fait au profit de tous les corps et services. Elle comprend des exercices physiques d’entraînement au combat, des exercices techniques et tactiques, le déminage, le renseignement, le maintien de l’ordre ainsi que le processus d’enquête judiciaire

pour renforcer les capacités des forces de sécurité. Ces opérations permettent aussi de cultiver l’esprit de solidarité, d’assistance et d’entraide indispensables. En plus de cette assistance européenne, l’armée malienne reconstitue progressivement ses effectifs : 4 000 jeunes de toutes les couches sociales et ethniques suivent une formation de base dans plusieurs centres (Koutiala, San, Kayes, Markala). Nous avons également pu procéder à l’acquisition de quelques moyens roulants (4x4, véhicules d’allègement, etc.). Chacun de nos soldats déployés sur le terrain dispose du minimum indispensable, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Maillage territorial et équipement des troupes En considération de l’urgence, nos perspectives s’inscrivent dans le court terme. Les effectifs devraient permettre un meilleur maillage territorial conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire d’ici à l’horizon 2018. Ces effectifs incluent les volumes, les équipements, la redéfinition de la carte militaire et nos prévisions sont raisonnables et réalistes : elles tiennent bien entendu compte des capacités de financement du pays. Au regard de l’ampleur de la crise et de la configuration même du territoire, des efforts vont être déployés en vue de l’acquisition de matériels et d’équipements majeurs avec des pays partenaires et toutes les bonnes volontés convaincues que la solution du terrorisme dans la bande sahélosaharienne est collégiale. Nous ambitionnons d’assainir les rangs de l’armée où l’on ne toléra plus aucune liberté par rapport au statut et au règlement. Il s’agit de bannir l’impunité, l’injustice, de faire la promotion du mérite et de sanctionner la faute. Les actes d’indiscipline seront sanctionnés conformément au règlement et au statut en vigueur. Pour construire une armée dans la rigueur, il faut en premier lieu moraliser le recrutement. Les critères d’aptitude physique et morale doivent être mis en avant. L’armée ne sera plus jamais un réceptacle d’inadaptés sociaux et d’oisifs en quête d’emploi. Le parrainage n’aura plus droit de cité, pour les promotions dans le grade et dans l’accès aux postes. Chaque cadre sera récompensé en fonction de son seul mérite. Notre souci à court terme est de faire en sorte que le soldat malien n’apparaisse plus comme un kamikaze ou une tête brûlée. Des efforts immenses ont été entrepris pour l’acquisition d’équipements individuels comme les gilets pare-balles et les casques balistiques, ainsi que l’amélioration des rations alimentaires individuelles. Le chantier est immense et tout est prioritaire. Il faut hiérarchiser ces priorités tout en étant réaliste : tout cela ne peut avancer qu’au rythme des capacités et des possibilités de l’État. Nous avons bon espoir que le Mali en a conscience, tout le monde se disant « Plus jamais ça ». Pour se sortir du guêpier, l’engagement des plus hautes autorités est indispensable. ■

q La reconstruction de l’armée du Mali a débuté en avril au camp d’entraînement de Koulikoro.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR

Les axes forts de la refondation


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Le Plus de J.A. Mali RECONSTRUCTION

Donnant-gagnant Préalable à l’octroi d’une aide internationale substantielle, un plan de relance a été adopté en mai. Comment a-t-il été élaboré? Que prévoit-il? Et à quoi engage-t-il le nouveau gouvernement?

«

L

’originalité de l’approche adoptée à la veille de la conférence des donateurs [à Bruxelles, en mai], c’est la volonté d’avancer parallèlement sur tous les fronts, au lieu de décomposer par séquences les priorités. » Pour Pierre Duquesne, ambassadeur chargé des questions économiques de reconstruction et de développement au ministère français des Affaires étrangères, la réussite de cette conférence doit beaucoup à cette ambition novatrice. Plutôt que d’appréhender successivement l’option militaire et sécuritaire, les urgences humanitaires puis les questions de relance économique et de développement, le choix a été fait de combler, dans un même élan, l’ensemble des failles qui ont conduit à l’éclatement de la crise, en 2012. Si Pierre Duquesne a œuvré en toute discrétion, son rôle est aujourd’hui largement salué à Bamako. De l’Union européenne (UE) à la Banque africaine de développement (BAD) en passant par les autorités maliennes de transition, on ne tarit pas d’éloges sur l’habileté pédagogique de ce diplomate dont l’expertise

en matière de reconstruction s’est forgée, depuis 2008, en Afghanistan, en Palestine, au Pakistan, au Liban et en Haïti. Lorsqu’il entre en piste, en janvier 2013, quelques jours après le déclenchement de l’opération Serval, cela fait près de un an que les bailleurs de fonds ont suspendu leur aide au régime issu du coup d’État du 22 mars 2012. Le premier préalable est le retour à la légalité institutionnelle, ce qui conduit les autorités maliennes à adopter, le 29 janvier, une « feuille de route » prévoyant d’organiser l’élection présidentielle au plus tard en juillet. La coopération peut donc reprendre. PÈLERIN. Le principe d’une conférence

des donateurs est entériné en février, lors d’une réunion informelle des ministres européens du Développement, à Dublin. La France, qui en sera la cheville ouvrière, souhaite l’organiser en étroite collaboration avec Bruxelles. Dès lors, Duquesne prend son bâton de pèlerin. En liaison permanente avec Bamako, accompagné de représentantsdel’UE,ilparcourtlemonde à la rencontre des gouvernements et partenaires techniques et financiers dont il

caRENcEs Et URgENcEs

d

ifficile de distinguer priorités et chantiers secondaires tant les besoins du Mali sont énormes. Éducation, santé, eau et assainissement, énergie, sécurité alimentaire… Autant de domaines où les insuffisances hypothèquent la relance économique. Les grands bailleurs sont déjà engagés dans des chantiers d’infrastructures, mais au-delà des carences en services de base, « la vraie nécessité, c’est de n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

relancer l’économie afin de créer de la croissance et de lutter efficacement contre la pauvreté », explique Cédric Merel, chargé des infrastructures à la délégation de l’Union européenne au Mali. « Le pays a besoin d’une politique monétaire incitative, ajoute un diplomate européen. L’économie n’est pas drainée par le crédit, notamment agricole, et ce n’est pas à la microfinance d’assumer ce rôle. » À la Banque africaine de

développement (BAD), « on s’efforce de soutenir les populations et la relance de l’économie », explique Hélène N’Garnim-Ganga, sa représentante résidente au Mali. Elle précise que l’institution a décaissé un appui budgétaire d’urgence en 2013, afin de « donner une bouffée d’oxygène à l’économie, tout en tentant d’apurer la dette intérieure, car le secteur privé a beaucoup souffert de la récession ». l M.B.

espère la contribution. « Il ne voulait pas une table ronde au sens technocratique, mais une conférence au sommet, raconte Émile Jeannée, chef des opérations de coopération de l’UE à Bamako. Avec lui, nous avons rencontré les principaux ministres maliens afin de les inciter à définir leur vision politique pour la relance du pays. » Pour Duquesne, la conférence prévue à Bruxelles ne saurait en effet se confondre avec un Téléthon. « On ne peut pas aller au-devant des donateurs sans stratégie de développement, fait valoir le diplomate. Ce n’est pas de la compassion qu’ils financent. » En concertation avec la partie malienne, l’idée est retenue de produire un document synthétique, au contenu plus politiquequetechnique,présentantunevision stratégique pour la période 2013-2014. Si Duquesne joue un rôle de catalyseur et de conseiller, la rédaction est le fait du gouvernement malien de transition. « Il fallait aller vite, précise Yves Gaymard, chef du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France à Bamako. La session de printemps du FMI [Fonds monétaire international] et de la Banque mondiale devait se tenir à Washington fin avril, et nous souhaitions leur imprimatur. » Pierre Duquesne confirme : « J’ai suggéré aux conseils des deux institutions de consulter le document lors de ces réunions. Ils ont rendu des conclusions qui représentaient une forme d’aval. » À Bamako, un quintet est à la manœuvre pour parachever la rédaction de ce qui deviendra le Plan pour la relance durable jeune afrique


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dr

p La conférence des donateurs, le 15 mai, à Bruxelles.

du Mali (Pred): Tiéna Coulibaly, ministre de l’Économie, Mamadou Namory Traoré, ministre de la Fonction publique, Macky Traoré, directeur Europe du ministère des Affaires étrangères, Mamadou Dembélé, coordinateur de la structure d’harmonisa­ tion de l’aide, et Sékouba Diarra, coordina­ teur du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.«Nosprincipalespréoccupations portaient sur la reconstruction des infra­ structuresdétruitesdans le Nord, sur une réforme en profondeur de la gou­ vernance malienne et sur une décentralisation digne de ce nom », pré­ cise Mamadou Namory Traoré. Le Pred, défini pour une durée de deux ans (2013­2014), est articulé autour de douze théma­ Commission tiques prioritaires: assu­ européenne rer la paix, la sécurité et l’intervention de l’État sur l’ensemble du terri­ toire;répondreauxurgenceshumanitaires; organiser des élections crédibles et trans­ parentes; approfondir la décentralisation et engager la réforme de l’État; garantir le bon fonctionnement de la justice et la lutte anticorruption; conforter la réforme des finances publiques; relancer l’écono­ mie; relever le défi de l’éducation; garantir l’accès à des services sanitaires de qualité; soutenir les projets culturels; promouvoir la place des femmes dans tous les secteurs; et,enfin,intégrerlevoletenvironnemental.

524 M€

jeune afrique

Après un dernier feed-back des bailleurs de fonds traditionnels du Mali lors d’une réunion préliminaire le 3 mai, à Paris, l’ultime version du Pred sera achevée à quelques jours de la conférence des dona­ teurs. Et à Bruxelles, les promesses de dons dépasseront les attentes: pour un besoin de financement estimé à 1,96 milliard d’euros, 3,25 milliards seront finalement réunis. Reste tout de même pour le budget

président, on se veut prudent. « Je ne peux rien vous dire pour l’instant, élude Amadou Sangaré, son porte­parole de campagne. Nous aurons à faire un état des lieux des différents engagements pris sous la transition, et notre équipe prendra contact avec les bailleurs de Bruxelles pour éclaircir la nature des financements promis. » Un diplomate européen familier du dossier considère quant à lui qu’IBK devra se conformer au s’il entend récol­ Les 5 premiers contributeurs Pred ter la manne promise. Sur un total de 3,25 milliards d’€ promis Mais il en relativise l’aspect contraignant : « La nouvelle équipe a sa propre vision, mais 280 M€ 240 M€ 235 M€ le Pred est un cadre stra­ tégique général relative­ ment consensuel. Cela ne devrait pas poser de problème d’assurer la Banque France Banque États-Unis continuité de l’État sur mondiale africaine de cette question. » développement Quant à la gestion de ces fonds, les donateurs interne malien à financer 25 % du plan, la veulent transparente, comme l’indi­ dont le coût total est estimé à 4,34 milliards quait Pascal Canfin, le ministre français d’euros. À Bamako, on s’efforce désormais délégué au Développement, à la veille de s’y retrouver dans cette manne, qui de la conférence de Bruxelles : « C’est inclut des projets déjà engagés mais non très bien de mobiliser la communauté décaissés, des financements additionnels, internationale, mais encore faut­il que des prêts concessionnels, des aides bud­ l’aide soit engagée au bénéfice des projets gétaires, des dons en nature… des populations et ne fasse pas l’objet de détournements ou d’une mauvaise MANNE. La nouvelle équipe sera­t­elle gouvernance, comme cela a pu être le liée par le Pred? Dans l’entourage d’Ibra­ cas dans le passé. » l him Boubacar Keïta (IBK), le nouveau MEhdi BA, envoyé spécial

480 M€

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Le Plus de J.A. Mali DécryptAge

Opinions & éditoriaux Alain Faujas

Deux années de perdues!

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u sortir de la crise politique et sécuritaire, qui a provoqué le déplacement de plus de 400 000 Maliens et, selon le Fonds monétaire international, une récession de 1,5 % du piB, la « relance durable » est à l’ordre du jour. aide alimentaire aux réfugiés, sécurisation des frontières, emploi, assainissement, énergie… toutes ces problématiques doivent être traitées en urgence pour éviter que l’appauvrissement des Maliens ne s’aggrave. en 2012, ils étaient 42,7 % à vivre au-dessous du seuil de pauvreté, contre 41,7 % un an plus tôt. au classement de l’indice de développement humain 2013, le pays a reculé d’une place (il est désormais 182e sur les 186 États répertoriés).

Mais tout n’est pas sinistre dans ce panorama économique. le taux de croissance devrait s’élever à 5,4 % cette année sous les influences conjuguées du retour des investissements publics, de la reprise de l’aide internationale et d’un effet de rattrapage. tandis que le taux d’inflation demeurera sage, avec un recul de 5,3 % à 2,9 % entre 2012 et 2013. Grâce à des pluies abondantes, la campagne agricole a été exceptionnelle cette année. alors que les récoltes de céréales 2011-2012 avaient atteint 5,7 millions de tonnes, les moissons 2012-2013 se sont élevées à 9,3 millions de tonnes. et l’on a collecté pas moins de 480 000 t de coton-graine, contre 100 000 t deux ans plus tôt, ce qui constitue une performance. le front agricole a tenu.

les besoins du pays sont pourtant colossaux. sous la poussée démographique (3,2 % par an), la population passera de 14,5 millions en 2012 à 23 millions en 2025 et à 41 millions en 2050 – autant d’habitants qu’il faudra nourrir, éduquer, soigner, transporter et employer, dans un contexte d’exode rural. Pour y parvenir, l’agriculture est incontournable, car le Mali est le pays du sahel qui dispose des plus importants atouts dans ce domaine. cela suppose que le monde rural améliore sa productivité. « du fait de la fragilité du milieu et des risques environnementaux, l’augmentation des rendements passera dans les années à venir par des investissements en termes d’aménagements et d’infrastructures rurales, de recherche, de formation et de conseil, d’innovations techniques », notent pierre Jacquemot et serge Michailof, chercheurs associés à l’institut de relations internationales et stratégiques (iris), dans un rapport publié en mai.

En 2025, il faudra nourrir, éduquer et soigner 23 millions de Maliens.

Dernière bonne surprise, « on a constaté que l’administration faisait preuve d’une solidité appréciable dans ces temps difficiles, et le maintien des grands équilibres budgétaires a été assuré », commente un observateur. la résilience de l’économie s’explique également par le maintien des transferts des expatriés et par l’assistance des oNG et collectivités locales étrangères, qui ont apporté aux mairies maliennes une compensation à la perte de l’aide internationale, suspendue après le coup d’État. celle-ci est en train d’être relancée. en mai, à Bruxelles, 3,25 milliards d’euros ont été promis au Mali en deux ans, dans le cadre du plan pour la relance durable. Beaucoup plus que les 2 milliards espérés. Mais si l’on retire à ces 3,25 milliards les fonds consacrés à la sécurité et les budgets déjà promis avant la crise, et si l’on considère que ces versements seront inévitablement étalés sur trois ou quatre ans, « ce n’est pas si extraordinaire qu’il n’y paraît », reconnaît le représentant d’un bailleur de fonds. en fait, on a juste perdu deux années. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

ils rappellent que la surface des terres irriguées dans le périmètre de l’office du Niger représente 100000 ha, répartis entre la production de riz (500 000 t par an) et de sucre, le maraîchage et l’élevage. quelque 500 000 personnes en vivent. l’eau disponible pourrait permettre de porter cette superficie à 250 000 ha, à condition de préserver la place de l’agriculture familiale dans ce développement. deuxième chantier : l’énergie. Énergie du Mali est en faillite virtuelle, portée à bout de bras par l’État. incapable de répondre à une demande qui croît de 10 % par an (alors que, selon la Banque africaine de développement, seuls 32 % des Maliens disposent de l’électricité), l’opérateur ne parvient pas à empêcher les fréquentes coupures de courant. et puis, il y a l’eau. dans certains quartiers de Bamako qui ont poussé anarchiquement, on dénombre une seule borne-fontaine pour 2 000 habitants. or, l’absence d’eau potable provoque de graves maladies. il faudrait construire plusieurs stations de pompage et de traitement de l’eau, comme celle de Kabala. pour un coût global de près de 150 millions d’euros, cette station devrait entrer en service en 2017 et, enfin, apporter une eau saine à 1 million d’habitants de la capitale. la renaissance du Mali est à la fois un défi économique, financier, social et humain. l jeune afrique


RÉPUBLIQUE DU MALI

Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire

De la libération à l’élection

Le Mali est à nouveau en ordre de marche

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ès les premières villes libérées, l’administration malienne s’est remise au travail dans les régions et les localités, en dépit de nombreuses difficultés pratiques. Une opération indispensable pour restaurer la souveraineté nationale. Et pour réussir, contre toute attente, le pari de l’élection présidentielle dans les délais impartis.

PUBLI-INFORMATION

De mémoire de Malien, l’intégrité de l’État n’a jamais été aussi menacée qu’en 2012. Après la chute des principales villes, les agents de l’État et des collectivités territoriales ont dû quitter le nord du pays en janvier pour leur sécurité. Dans les trois régions du Nord, ainsi qu’une grande partie de la région de Mopti et un cercle de la région de Ségou, les séparatistes et les groupes islamistes ont détruit les infrastructures de base (bâtiments administratifs, écoles, centres de santé) et fait en sorte d’anéantir tous les symboles de l’État. Certains ont été jusqu’à mettre aux enchères la résidence du gouverneur de la région de Gao, une bâtisse coloniale qu’ils avaient préalablement saccagée et pillée. Finalement, les islamistes l’ont transformée en base militaire lorsqu’ils ont chassé les combattants touaregs de la ville. >


RÉPUBLIQUE DU MALI

Ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire

▼ Malgré la crise, l’État malien a réussi à équiper 25 000 bureaux de vote pour que le scrutin présidentiel se tienne dans les délais prévus.

Rétablir l’État sur l’ensemble du territoire

Force de conviction et fonds d’urgence

Après l’intervention des armées malienne, française (opération Serval), tchadienne et ouest-africaines, le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire (MATDAT) a vite compris que l’opération militaire n’aurait aucun effet durable sur les populations sans la présence des représentants de l’État. Sans eux, à commencer par les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets, les actions humanitaires d’urgence ainsi que toute relance de l’économie ne seraient pas possibles. Leur présence sur le terrain est aussi un gage de normalité pour les déplacés internes et les réfugiés qui souhaitent retourner chez eux. Aussi, dès les jours qui ont suivi la libération de Tombouctou et Gao, l’appareil de l’État s’est mobilisé. En reprenant leurs postes, les trois gouverneurs des régions du Nord et les 17 préfets, ainsi que ceux de trois cercles de la région de Mopti et un de la région de Ségou ont permis le retour de la confiance, un suivi des actions d’urgence et une reprise des activités de développement. Le retour des représentants de l’État dans 75 arrondissements et des élus communaux de 119 communes a complété le dispositif.

À ceux qui lui opposaient la quasi-inexistence d’infrastructures de base nécessaires au fonctionnement de l’Etat et l’insécurité dans certaines zones, le ministre de l’Administration territoriale, le général Moussa Sinko Coulibaly a répondu que le retour de l’administration au plus tôt était un signe fort du rétablissement de la souveraineté nationale. Il a convaincu tous les agents de rejoindre leurs postes dans les villes et localités libérées. Ceci, tout en étant conscient des problèmes qu’ils doivent affronter (pas d’électricité, d’eau, de locaux, de mobiliers, de moyens de communication, d’archives…). L’investissement nécessaire est estimé à 101,22 milliards de FCFA et si des partenaires techniques et financiers se sont déjà manifestés, les contributions et les délais ne sont pas encore définis. Le ministère a débloqué des fonds d’urgence pour du matériel informatique, des moyens roulants et des consommables de bureau. Une prime de 250 000 FCFA a été accordée à tous les agents qui ont repris leur place et les arriérés des fonctionnaires des collectivités territoriales ont été pris en charge par le budget national. Tous ont relevé le défi de remettre sur pied une administration qui, à force d’occupation, de destructions et de combats, parfois à mains nues, semble n’avoir jamais existé dans certaines parties du pays. À Gao, les quatre préfets et le gouverneur sont à l’œuvre et ils ont piloté l’élection présidentielle. À Tombouctou, le redéploiement de l’administration régionale est une réalité et tous les préfets sont en place. De même dans la région de Mopti, jadis occupée par les jihadistes. À Kidal, le gouverneur ainsi que les préfets et sous-préfets sont à la capitale régionale et attendent une sécurité renforcée pour rejoindre leurs circonscriptions. Les services déconcentrés de l’État ne sont pas en reste. Les directeurs régionaux et tous les responsables locaux sont déjà de retour dans les localités où l’administration est présente. Chacun dans son domaine tente avec les moyens en sa possession de réaffirmer la présence du Mali. La dynamique est là et se consolide chaque jour. Reste à la maintenir et à la soutenir. L’objectif, chacun en convient, est qu’à terme l’année 2012 ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Et sûrement pas celui de l’année où l’État a failli disparaître à jamais.

p De nombreux bâtiments administratifs ont été détruits mais l’administration s’est remise au travail rapidement. Ici la douane de Gao.

PUBLI-INFORMATION


Faire voter les réfugiés

Le ministère en première ligne

Tout au long de ce processus, le général Moussa Sinko Coulibaly a fait montre d’une détermination sans faille. « Même certains cadres du ministère ont douté qu’il réussisse. En particulier lorsque le président de la CENI a émis des doutes sur la capacité du pays à organiser le scrutin dans les délais annoncés », se souvient un cadre du ministère. «Maisilétaittellementconvaincuqueles élections constituent la solution à la crise institutionnelle, qu’au bout du compte tout le monde s’est dit qu’il faut y aller ! » Début juillet, le ministre n’a pas hésité à s’engager publiquement devant un parterre de partenaires techniques et financiers et d’ambassadeurs des pays représentés au Mali : « Rien n’empêche aujourd’hui d’organiser l’élection et nous allons le faire. Si nous réussissons tant mieux. Si nous échouons j’en assume toute la responsabilité ». La machine ne devait plus s’arrêter. Trente six candidats ont déposé des dossiers – témoin, s’il en était besoin, de la confiance des politiciens dans le processus mis en place par le ministère. Le 28 juillet, date finalement retenue pour le premier tour, à 8 heures du matin, les 25 000 bureaux de vote ont ouvert, donnant aux 6 829 696 inscrits, la possibilité d’accomplir leur devoir de citoyen. Au total, 51,54 % des inscrits se sont exprimés – un score jamais atteint depuis l’instauration de la démocratie dans le pays. Deux semaines plus tard, le 11 août, Ibrahim Boubacar Keita est élu Président de la République avec 77,61 % des voix et son adversaire, Soumaila Cissé, reconnaît aussitôt sa défaite. Une nouvelle page de l’histoire du Mali s’ouvre. Elle porte la marque d’un jeune ministre qui fait désormais l’unanimité tant sur le plan national qu’international. ■

Le Mali vient de réussir ce que beaucoup de pays avant lui n’ont pas pu réaliser : la participation au processus électoral des compatriotes réfugiés dans les pays voisins. Le HCR a recensé 75 882 Maliens en Mauritanie, 50 000 au Niger, 49 164 au Burkina Faso et 1 500 en Algérie. Même si tous ne sont pas électeurs, les autorités de la Transition et le ministère de l’Administration territoriale ont tenu à les associer aux deux tours de l’élection présidentielle. Dans cet objectif, une mission du ministère de l’Administration territoriale, du ministère des Affaires étrangères et de la Délégation générale aux élections (DGE) s’est rendue dans les trois principaux pays d’accueil afin d’obtenir leur autorisation. En juin, des accords tripartites ont été signés entre le Mali, le HCR et les trois pays d’accueil permettant aux missions diplomatiques du Mali de localiser les électeurs potentiels, de les inscrire sur les listes électorales et de rechercher leurs cartes NINA dans leurs communes d’enrôlement. Ainsi ont été localisées 867 personnes au Niger, 932 au Burkina Faso et 8 409 en Mauritanie. Tous n’ont pas eu leur carte NINA à temps pour le premier tour. Mais entre les deux tours l’appui de la Mission de stabilisation de l’ONU au Mali (Minusma) a permis d’acheminer plus de 2 000 cartes à leurs propriétaires en Mauritanie. Au deuxième tour, 3 039 Maliens ont voté en Mauritanie, 724 au Niger et un peu plus de 300 au Burkina Faso.

▼ Le Général Moussa Sinko Coulibaly, Ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire du gouvernement de transition.

DIFCOM/DF - PHOTOS : ÉMILIE RÉGNIER POUR JA SAUF MENTION.

Dans ces circonstances, l’organisation d’un scrutin national représentait un défi immense. D’autant plus qu’aux contraintes logistiques s’en ajoutaient d’autres tout autant épineuses, comme la nécessité d’établir un consensus autour du fichier électoral et celle de réunir des moyens financiers dont le pays ne dispose pas. Il fallait enfin une volonté politique capable de s’imposer à tous ceux – et ils étaient nombreux – qui pensaient : « C’est impossible » ! Autant de conditions que le ministère de l’Administration territoriale, organisateur des élections depuis l’avènement de la démocratie au Mali en 1991, s’est attaché à réunir. En dépit des difficultés, un consensus autour du fichier électoral a finalement été obtenu. Pour y parvenir, le Général Moussa Sinko Coulibaly a remis sur pied le cadre de concertation créé en 2002. Il est composé de représentants des partis politiques, de l’administration, de la Commission électorale (CENI), de la Délégation générale aux élections (DGE) et de la société civile. Sa mission est de s’entendre autour de la matière électorale (fichier, dates des scrutins, relecture des textes législatifs et réglementaires…). Le premier tour de la présidentielle a été fixé au 7 juillet 2013, puis la question du type du fichier électoral a été réglée. La classe politique ayant relevé des insuffisances du Ficher électoral consensuel (FEC) a opté pour un fichier biométrique établi sur la base du Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC) de 2009. Plus moderne et très solide, ce fichier a cependant ses limites : il ne gère pas les personnes ayant atteint l’âge de la majorité depuis sa réalisation. De dialogue en concertation, la classe politique a accepté les arguments du ministère : les nouveaux majeurs attendront les échéances futures pour voter. Ce chapitre clos, il fallait mobiliser la communauté nationale et internationale pour lever les fonds nécessaires à l’organisation de l’élection. La fabrication et la distribution de la carte biométrique de l’électeur (carte NINA), la formation des 125 000 agents électoraux et celle des agents de l’État impliqués dans le processus électoral, l’équipements de 25 000 bureaux de vote (urnes, isoloirs, bulletins de vote, encre indélébile…) se chiffrent à des dizaines de milliards de FCFA. Malgré la crise, l’État malien a apporté 25 milliards de FCFA. Le complément a été recherché auprès des partenaires techniques et financiers. Un Projet d’appui au processus électoral du Mali (PAPEM) a été créé et placé sous la houlette du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

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L’incroyable défi du scrutin présidentiel


économie Afrique frAncophone omar sefou sefouane pour J.a.

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LES

LEadErS C’est la génération qui monte. Financiers, avocats, industriels ou entrepreneurs, tous âgés de moins de 45 ans, ils dessinent l’avenir économique du continent.

Dossier réalisé par StéphAne BAllong, ryAdh BenlArech, olivier cASlin, Julien clémençot, chriStophe le Bec, frédéric mAury, fAnny rey, nicolAS teiSSerenc, omer mBAdi, à Yaoundé, et BAudelAire mieu, à Abidjan n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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lssontlesAfricainsdedemain.Francophones, ces 25 hommes et femmes, 12 Subsahariens pour13Maghrébins,bâtissentàleurmanière le paysage économique d’un continent en devenir, sur quelques valeurs communes : l’entrepreneuriat, le panafricanisme, des pratiques modernes, l’innovation, la compétition. Quoi de plus enthousiasmant pour la génération de jeunes diplômés qui, bientôt, leur emboîtera le pas que ce banquier ivoirien devenu patron au Kenya, ce financier algérien opérant depuis Londres, cet assureur marocain actif dans une dizaine de pays subsahariens, ce leader maghrébin de l’offshoring parti à l’assaut du Vieux Continent ? Débarrassés de tout complexe, ils ont tous, ou presque, entre 35 et 45 ans (l’âge limite que nous jeune afrique


IndIscrets

décIdeurs

Ory Okolloh Responsable des investissements

en Afrique d’Omidyar Network

AssurAnces

Ambiance de fin de règne chez Chanas

abdelhak senna

olivier pour J.A.

Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali

de demain avons fixé pour cette liste). D’une certaine manière, l’âge idéal dans le monde des affaires africain, un juste équilibre entre dynamisme, formation de qualité et expérience. Combien sont-ils pour autant, au-delà de ceux que nous vous présentons, à disposer des mêmes atouts sans avoir réussi à briser ce plafond de verre qui, comme il sépare les femmes des plus hautes responsabilités, empêche nombre de quadras de percer ? Ici, J.A. peut donner un conseil à tous ces Africains sortis des meilleures écoles qui sont de plus en plus nombreux à revenir sur le continent pour y tenter leur chance. Choisissez de développer votre propre entreprise ou prenez le risque de travailler pour des groupes locaux ! Les multinationales, malgré l’africanisation en cours dans leurs filiales jeune afrique

continentales, ne sont pas forcément les meilleurs employeurs – notre liste le souligne – pour atteindre le top niveau à 45 ans. Autre satisfaction : opérant dans des secteurs variés (financiers, avocats, industriels, consultants, technophiles), ils ne sont que huit à être des héritiers. Des « fils de » dont la présence dans notre liste est par essence contestable, mais dans un continent où les entreprises familiales restent le modèle ultradominant, huit, est-ce beaucoup ? N’est-ce pas plutôt une preuve supplémentaire de la relève qui s’annonce dans le monde des affaires? Une relève à laquelle quelques patrons prévoyants ont d’ores et déjà donné leur chance. Reste à faire de même pour toutes celles et ceux qui n’apparaissent pas dans les pages qui suivent. l Frédéric Maury n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Entreprises marchés

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Maroc

MohaMed hassan Bensalah

Maroc

Ismaïl Douiri

PDG de Holmarcom, 43 ans

tunISIe

safia haChiCha Directrice de Swicorp, 36 ans SOn PaSSaGe au cabinet du ministre tunisien des Finances, après la révolution, a propulsé en pleine lumière cette diplômée en finance de l’université George-Washington (aux États-unis). C’est notamment elle qui a coordonné la participation de son pays aux « réunions de printemps » du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale en avril 2011, puis au G8 de Deauville, en mai de la même année. après la victoire électorale des islamistes, Safia Hachicha a réintégré la société d’investissement Swicorp, dont elle est désormais directrice. elle travaille actuellement sur une levée de fonds de 50 millions d’euros destinés au secteur touristique en tunisie. l

erick ahounou

Pur ProduIt de la fabrique franco-américaine des élites, le directeur adjoint de la première banque marocaine a un cv bien rempli. cet ingénieur cumule son diplôme de Polytechnique, obtenu en 1990, avec un MBa de la Harvard Business School. après un court passage chez le géant du nucléaire américain Westinghouse, il se reconvertit dans la finance en intégrant Morgan Stanley puis, très rapidement, McKinsey. Sa carrière fait un bond en 2004 lorsque ce fils de bonne famille – son père, également polytechnicien, est un ancien ministre, tandis que sa mère tient l’une des plus grandes librairies de rabat – rejoint la première banque marocaine en tant que directeur de la stratégie. Il grimpe rapidement les échelons et devient directeur adjoint de l’établissement en 2008. aujourd’hui, il prône un développement plus diversifié du royaume, fondé sur l’entrepreneuriat. un domaine qu’il connaît bien : il a monté en 2000 dial technologies, une start-up dans l’internet mobile. l

Sénégal

côte d’IvoIre

Responsable de Google pour l’Afrique francophone, 40 ans

Directeur général de SIB, 42 ans

Tidjane deMe Sur le COntInent, tidjane Deme est l’un des rares à mesurer le potentiel des pays francophones en matière d’innovation technologique. toujours entre deux avions, il parcourt depuis quatre ans le continent au profit de Google, le géant américain de l’internet, à la recherche d’initiatives à soutenir. Devenu un interlocuteur privilégié pour les technophiles, les opérateurs télécoms et les gouvernements, cet ancien consultant surdiplômé – École polytechnique française, Imperial College london – martèle que l’adoption à grande échelle d’internet ne pourra se faire sans la production de contenus locaux. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Directeur adjoint d’Attijariwafa Bank, 43 ans

fouad mazouz

Il n’avaIt que 23 ans lorsqu’il a pris les rênes du conglomérat familial en 1993, après la mort de son père. Depuis, il a insufflé une nouvelle dynamique au groupe, déjà présent dans l’agro-industrie, l’immobilier et la distribution, en élargissant ses activités à la finance et au transport. Il a par exemple lancé en 2009, avec plusieurs partenaires dont le milliardaire Othman Benjelloun (patron du groupe BMCe Bank), la compagnie low cost air arabia Maroc. Fort d’une présence solide en afrique du nord, le groupe Holmarcom, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 358 millions d’euros (près de 4 milliards de dirhams) en 2012, met désormais le cap sur le reste du continent. Il vient ainsi de prendre une participation majoritaire dans la société sénégalaise de promotion immobilière Peacock Investments et est sur le point de lancer un projet de près de 3 000 logements dans la commune de Diamniadio, à 30 km de Dakar. l

daouda CouliBaly PreMIer SuBSaHarIen à diriger une filiale du groupe marocain attijariwafa Bank, Daouda Coulibaly, nommé en 2012, espère faire de la Société ivoirienne de banque (SIB) un acteur incontournable dans la reconstruction du pays. Ce diplômé de HeC Paris a créé, avec d’autres anciens élèves de la prestigieuse école de commerce, une association pour promouvoir et faciliter l’insertion professionnelle des nouveaux diplômés ivoiriens et africains afin de créer un vivier de manageurs. l jeune afrique


Entreprises marchés SénéGAL

MAroC

Fondateur de Jokkolabs, 43 ans

Secrétaire général de Saham Finances, 38 ans

kAriM Sy

Mehdi TAzi

elise fitte duval pour J.a.

il a Travaillé PenDanT près de vingt ans en europe et en amérique du nord dans le secteur du logiciel libre avant de lancer, en 2010, le projet qui lui tient le plus à cœur. Jokkolabs est un espace de travail partagé (ou « coworking ») dont le nom est issu des termes wolofs joxko (« donne-lui ») et jotko (« rejoins-le »). il accueille dans le quartier liberté de Dakar une cinquantaine de travailleurs indépendants du secteur des nouvelles technologies. avec ce lieu, qu’il décrit comme « une expérience sur le potentiel des nouveaux modes de travail dans un pays où les moins de 20 ans représentent près de la moitié de la population », Karim sy entend participer à « l’éveil économique de l’afrique » avec pour maîtres mots le savoir et la créativité. « le continent a démontré sa capacité à s’approprier les technologies qui sont l’un des piliers de la nouvelle économie, notamment avec la révolution du mobile et de l’internet. les Tic [technologies de l’information et de la communication] vont devenir le cœur de l’économie », prédit-il. l

à 38 ans, il affiche un parcours impressionnant, bien digne d’un membre de l’élite marocaine. ingénieur diplômé de Télécom sudParis en 1999, Mehdi Tazi décroche un MBa à l’insead cinq ans plus tard, avant de cofonder Outsourcia (avec Youssef chraïbi, lire p. 90)… sa rencontre avec Moulay hafid elalamy scelle son avenir. le patron de saham, fidèle à sa méthode, lui laisse sa chance et Mehdi Tazi prend la tête de la société d’assistance du groupe, isaaf assistance. Deux ans plus tard, c’est la destinée de cnia saada, premier assureur indépendant du royaume, qu’il prend en main. aujourd’hui numéro deux de saham finances (qui regroupe, entre autres, colina et cnia saada), premier assureur panafricain par le nombre de pays, il sera très certainement le grand patron du secteur dans quelques années. à suivre… l

CAMeroUn

AchA Leke

Directeur du bureau de McKinsey à Lagos, 40 ans

Analyste impliqué

dr

S

es analyses font autorité dans le monde africain des affaires. Ce fils de médecins camerounais réputés dirige le bureau nigérian – qu’il a ouvert en 2010 – de l’un des leaders mondiaux du conseil, McKinsey. Coauteur du rapport « L’heure des lions : l’Afrique à l’aube d’une croissance pérenne », fort remarqué à sa sortie, en juin 2010, Acha Leke ne cesse de contribuer aux productions du McKinsey Global Institute sur l’Afrique. Signe de son influence, le Forum économique mondial l’a classé, en 2008, parmi ses Young Global Leaders. Ce diplômé en génie électrique de l’université américaine de Stanford croit en l’avenir du continent : il a participé à la création, en 2004, de l’African Leadership Academy, une institution basée en Afrique du Sud dont le but est de former les dirigeants africains de demain. Une manière, en somme, d’assurer sa propre relève. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Entreprises marchés MaroC

Côte d’IvoIre

Directrice générale de Sothema, 38 ans

Cofondateur et directeur général d’ES Partners, 38 ans

EllE N’EST pAS ENCOrE quadragénaire mais a déjà la certitude de succéder à son père, Omar Tazi, pdG du laboratoire marocain Sothema (qui a réalisé 1 milliard de dirhams, soit près de 90 millions d’euros, de chiffre d’affaires en 2012). Celle que l’on a surnommée la pilule du lendemain pour avoir lancé le Norlevo dans le royaume en 2008 a fait ses armes dans les affaires réglementaires puis au marketing du groupe, avant d’en être nommée directrice générale et pharmacienne responsable en 1999. depuis, elle a fait de la « préférence nationale » son cheval de bataille tout en misant sur le développement à l’international face à l’étroitesse du marché marocain. l

Éric Kacou

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lamia Tazi

Surdiplômé (Wharton School, Harvard, HEC montréal), ce natif d’Abidjan est considéré comme l’un des artisans de la reconstruction de l’économie rwandaise après le génocide, pour avoir piloté le plan gouvernemental rwanda National innovation and Competitiveness program. Ancien directeur chargé du marketing et de la stratégie au sein du cabinet de conseil américain OTF Group, il a fondé en 2011 Entrepreneurial Solutions partners (ES partners), dont l’une des missions est le conseil en stratégie de développement et de financement auprès des leaders et des entrepreneurs africains. l

MaroC

Sofiane lahmar

Associé chez Development Partners International, 37 ans

kalpesh lathigRa pouR J.a.

Étoile montante du « private equity »

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es études en France et aux États-Unis ne le prédestinaient pas forcément à une carrière africaine, mais ce Francoalgérien est l’une des étoiles montantes du private equity sur le continent. ancien spécialiste des opérations de fusion-acquisition au sein de la banque d’affaires américaine JP Morgan, il a rejoint development Partners International (dPI) en avril 2010 et participe à la gestion d’un portefeuille de plus de 300 millions d’euros. Pour lui, « le capital-investissement permet d’allier une approche commerciale et un fort impact sur le développement, car il participe au renforcement du secteur privé, seul moyen pour que les africains s’approprient le développement de l’afrique ».

Khalid Khairane

Directeur du projet de ligne à grande vitesse à l’ONCF, 45 ans OriGiNAirE d’OujdA et diplômé de la prestigieuse école mohammadia d’ingénieurs (Emi), Khalid Khairane n’est pas devenu patron du projet du TGV marocain (le premier du genre sur le continent) par hasard. C’est lui qui a dirigé avec succès la construction de la liaison fret et passager jusqu’au port de Tanger med. dynamique mais diplomate, il joue désormais le rôle de chef d’orchestre d’un chantier exposé, dont la première tranche est évaluée à 1,8 milliard d’euros. Constamment en contact avec les différents sous-traitants, il a mis un point d’honneur à favoriser les entreprises marocaines sur les appels d’offres de la construction de la ligne. S’il parvient à terminer les travaux – pharaoniques – dans les temps, il devrait accéder aux plus hautes fonctions, soit à l’Office national des chemins de fer (ONCF), soit au sein de grandes entreprises marocaines du BTp. l

MaroC

YouSSef chraibi

Président d’Outsourcia, 38 ans uN ENTrEprENEurNé : Youssef Chraïbi cofonde en France sa première société, marketo.com, en 1999, alors qu’il est encore étudiant à HEC paris, âgé de 24 ans. deux ans plus tard, Vivendi universal la lui rachète. il récidive en 2003 au maroc, son pays natal, avec Outsourcia. Cette société figure aujourd’hui parmi les leaders locaux du secteur de l’offshoring et a même entamé en 2010 son développement en France, notamment avec la reprise d’As-com. désormais, Chraïbi veut contribuer au rayonnement de la filière, qui emploie 45000 personnes au maroc, via l’Association marocaine de la relation client dont il est devenu le président en 2010. l

DR

algÉrIe

Jeune afRique


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Côte d’IvoIre

Janine Diagou Directrice générale du pôle banque du groupe NSIA, 40 ans

« J’avais une certaine pression »

P

eut-on incarner l’Afrique de demain quand on est héritier ? Fille du président de NSIA, Jeanine Diagou est le numéro deux du groupe ivoirien et semble bien placée pour succéder à son père. Mais elle insiste : elle a travaillé dur pour mériter sa place. Jeune Afrique : Pouvez-vous revenir sur votre arrivée au sein du groupe en 1999? Janine Diagou : Je travaillais encore

Qu’est-ce qui vous a motivée ?

Le challenge. Mon père m’a aussi fait comprendre que j’apprendrais certainement plus et que les possibilités seraient beaucoup plus nombreuses dans une société jeune et en pleine expansion que dans une filiale de multinationale. Et il avait raison. Même si les premières années ont été difficiles à assumer. Je ne voulais évidemment pas être perçue comme « la fille de »… J’avais quand même une certaine pression sur les épaules. Vous êtes ensuite devenue directrice financière de différentes entités du groupe, puis vous avez intégré le holding pour vous charger de son développement stratégique avant de prendre, fin 2011, vos fonctions actuelles. Cette évolution était-elle planifiée ?

Non,je necroispasqu’ill’avaitorganisée ni vraiment prévue. Il ne m’a jamais rien promis et, croyez-moi, il ne m’a pas facilité la tâche non plus. Je pense que c’est par Jeune Afrique

olivier pour J.A.

chez Mobile Côte d’Ivoire quand mon père m’a proposé de me faire entrer comme simple auditrice dans le nouveau département d’audit qu’il était en train de créer au sein du groupe. Il me demandait de diviser mon salaire par deux. Je n’étais pas très emballée au début, d’autant que je ne connaissais pas le secteur de l’assurance. Il a donc fallu travailler dur pour démontrer que je méritais ma place.

Je ne voulais pas être perçue comme « la fille de »…

de témoin au sein d’une famille peut être une très bonne chose pour une société, qui peut ainsi s’inscrire dans la durée. Les opérateurs économiques africains et occidentaux peuvent être rassurés quant à la pérennité de notre groupe, de sa stratégie et de son développement.

mon travail que j’ai gagné sa confiance. D’ailleurs, dans le cadre professionnel, je continue de garder mes distances. Il nous arrive de nous opposer sur certains positionnements concernant la stratégie. Il voudrait aller plus vite dans l’expansion du groupe dans la sous-région par exemple, quand je préfère d’abord consolider les acquis.Nousnousvouvoyonsetje l’appelle toujours « monsieur le président ».

Beaucoup d’entreprises familiales opaques, mal gérées, mal structurées, pénalisent les économies africaines. Ne faut-il pas plutôt opter pour des gestionnaires extérieurs ?

Êtes-vous déjà tous les deux dans une logique de succession ?

Non, nous n’en sommes pas encore à cette étape. Je ne veux surtout pas être parasitée par ce genre de considérations, même si je trouve que le passage

Non, ce n’est absolument pas mon opinion. De nombreuses entreprises familiales marchent très bien. Il faut adopter des règles de bonne gouvernance identiques à celles des autres sociétés pour éviter des collusions d’intérêts entre les sphères familiales et professionnelles. Chez NSIA, nous suivons un code de déontologie inspiré des normes internationales, et je peux vous assurer que les administrateurs du groupe suivent de très près ce qui s’y passe. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013


Entreprises marchés

JEan-marc savi dE Tové Associé chez Cauris Management, 40 ans

Afro-optimiste invétéré

C

e financier togolais se définit comme « un afro-optimiste invétéré ». Il dit croire fermement à l’énorme potentiel entrepreneurial de l’Afrique francophone. « Pour l’instant on n’a touché que la surface de ce potentiel, mais le déclic qui devrait permettre d’aller plus vite dans ces pays et de rattraper le retard sur les anglophones ne saurait tarder, car un nombre sans cesse croissant de personnes prennent conscience de ce fait », explique-t-il. en 2011, Savi de tové a quitté la puissante agence de développement Commonwealth development Corporation (CdC), basée à Londres, pour rejoindre à Abidjan la société de capital-investissement ouest-africaine Cauris Management, qui a par exemple cofinancé l’expansion régionale du groupe malien Azalaï Hotels. Sa devise : apporter aux entreprises de la région – notamment aux PMe – du capital mais aussi les bonnes pratiques de gouvernance indispensables à leur croissance et à leur émergence.

SénégAL

Bagoré BaThily Directeur général et fondateur de la Laiterie du Berger, 38 ans en quelques Années, le Franco-sénégalais Bagoré Bathily est devenu une star de l’entrepreneuriat social. Après une expérience en Mauritanie, ce vétérinaire formé en Belgique a eu l’idée de créer une filière lait au sénégal, où 90 % du précieux liquide est importé. lancé en 2006 grâce au fonds d’investissement I&P, la laiterie du Berger décolle trois ans plus tard avec le soutien de Danone, aujourd’hui entré dans son capital. Chaque jour, l’entreprise écoule 7 tonnes de produits laitiers, principalement à Dakar, et collecte sa matière première, à un bon prix, auprès de 800 éleveurs. l

MAroC

Hicham Naciri Associé du cabinet Allen & Overy, 44 ans réPuté dISCret, voire réservé, Hicham naciri est pourtant l’un des avocats stars du Maroc. Formé à l’université de Montpellier, inscrit aux barreaux de Casablanca et de Paris, ce fils d’un ancien ministre de la Justice est le portedrapeau d’une nouvelle génération de juristes, davantage tournée vers le conseil que vers les litiges commerciaux. Associé au cabinet Allen & overy depuis fin 2011, il s’est auparavant fait un prénom en étant pendant près d’une décennie le partenaire local de la firme française gide Loyrette nouel. l

Côte d’IvoIre

Ehouman Kassi

Directeur général d’Ecobank Kenya, 41 ans Alors que le leadership du groupe bancaire panafricain traverse une zone de turbulences, l’ancien directeur de la filiale de banque d’affaires, nommé à la tête d’ecobank Kenya en milieu d’année, doit maintenir le cap. les objectifs de l’Ivoirien : accélérer l’implantation de l’établissement dans un pays où la concurrence est rude et, au-delà, assurer son rayonnement en Afrique de l’est. Malgré sa présence dans trente-deux pays du continent, le groupe demeure faiblement implanté dans cette région. l

ecobank

togo

mark chilvers pour J.a.

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Entreprises marchés Maroc

Maroc

Directeur général de Taqa en Afrique du Nord, 38 ans

Gérante chez Rothschild

aPRès avoiR DébuTé sa carrière comme analyste financier aux états-unis en 1998, il rentre au maroc en 2002 et rejoint Jorf lasfar energy Company (JleC) en tant que chargé du développement, puis directeur financier. À la suite du rachat, en 2007, de la société par le puissant groupe émirati Taqa, majid iraqi devient directeur général de Taqa en afrique du nord et président du directoire de JleC, qui fournit aujourd’hui près de la moitié de l’énergie du royaume chérifien. l

Zineb AbbAd el AndAloussi

taqa

MAjid irAqi

Dans les semaines qui viennent, cette marocaine deviendra le symbole du retour en force de Rothschild en afrique. la banque d’affaires dirigée par David de Rothschild, l’une des plus importantes au monde dans le conseil financier, avait un peu délaissé le continent depuisledépartdelionelZinsou,sonex-patron afrique. entrée dans la prestigieuse maison en 1999, deux ans après être sortie diplômée de Centrale Paris, Zineb abbad el andaloussi a évolué au côté de Zinsou et participé à quelques deals de première importance, dont l’entrée de France Télécom dans le capital de l’opérateur marocain méditel. Ce sera désormais à cette quadra, bien qu’elle ne soit que gérante et pas associée, de pousser les pions de Rothschild aux côtés des multinationales actives en afrique et des groupes régionaux. l

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Entreprises marchés

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Côte d’ivoire

sébastien kaDio-MoRokRo olivier pour J.A.

Directeur général de Pétro Ivoire, 33 ans nouVelle généRation, nouvelles méthodes. en prenant le relais de son père à la tête de pétro ivoire (en 2010, après deux années à ses côtés en tant que directeur général adjoint), sébastien Kadio-Morokro, diplômé en monnaie et finance, a ouvert la porte aux fonds d’investissement. cette stratégie a notamment permis à l’entreprise, qui table sur un chiffre d’affaires de plus de 106 millions d’euros en 2013, de financer son développement sur le marché du gaz domestique, d’abord en côte d’ivoire puis dans la sous-région. Dernière évolution du tour de table : l’arrivée, en juillet, du fonds amethis finance, qui a pris 39 % des parts sociales de la société. l Algérie

MAroC

saaD sefRioui Directeur général délégué d’Addoha, 31 ans il n’est pas seuleMent le neveu d’anas sefrioui, fondateur du numéro un de la promotion immobilière au Maroc, il est aussi et surtout l’un de ses plus proches conseillers. À 31 ans, ce diplômé en droit des affaires de l’université panthéon-assas (paris) et en administration des affaires de Hec Montréal est l’un des artisans de l’expansion panafricaine du groupe, entamée en 2012, un an après son arrivée. il est aussi très actif dans la vie publique : élu en 2009 à la tête de la fédération des entreprises d’artisanat, il est nommé, deux ans plus tard, membre du conseil économique et social par le roi Mohammed Vi. l

Malik RebRab

Côte d’ivoire

Directeur des pôles Agro-industrie et Industrie chez Cevital, 42 ans

Vice-président de Sifca, 38 ans

Descinqenfantsd’issad Rebrab, fondateur et président du premier groupe privé algérien (2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012), c’est lui qui a le rôle le plus important. Malik Rebrab dirige les deux pôles qui concentrent l’essentiel des investissements et de l’activité de cevital : l’agro-industrie et l’industrie. son influence au sein du groupe devrait encore croître avec l’expansion internationale et le retrait progressif de son père. l

alassane DouMbia alassane DouMbia appartient au cercle fermé des manageurs qui montent en côte d’ivoire. et tout porte à croire qu’il pourrait prendre les rênes de sifca dans quelques années. Depuis son entrée dans le puissant groupe agro-industriel en 2005, en qualité de directeur des projets et des financements, il a rapidement gravi les échelons pour se hisser, en janvier, à la vice-présidence. certes, son ascension doit beaucoup à des concours de circonstances, notamment à la disparition tragique de son père adoptif, Yves lambelin (président de sifca), pendant la crise postélectorale de 2011 et à la nomination de Jean-louis billon au gouvernement en novembre 2012. Mais la compétence de cet ancien cadre d’archer Daniels Midland (aDM) ne fait pas l’ombre d’un doute. l

CAMeroun

Cyrille Nkontchou Associé fondateur d’Enko Capital, 45 ans

vincent fournier/J.A.

instAllé à JohAnnesburg, le Camerounais Cyrille nkontchou est de toutes les conventions économiques sur le continent. Formé à sciences-Po (France) puis à harvard (états-unis) et nommé Young global leader au Forum économique mondial en 2006, il y prêche la nécessité de développer les places financières subsahariennes. ses avis sont appréciés dans les conseils d’administration. en la matière, ce grand gaillard affable, fin analyste et facile d’accès, a de l’expérience : ancien responsable de la recherche sur l’Afrique subsaharienne chez Merrill lynch, à londres, il a créé la société d’intermédiation boursière liquid Africa en 2000 en Afrique du sud, puis le fonds d’investissement enko Capital en 2008. l n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

jeune afrique


Entreprises marchés

Les indiscrets

Bière Les Brasseries du

L

NicoLas Eyidi pour J.a.

Cameroun changent de tête

échéance a, semble-t-il, été longtemps retardée. Mais cette fois, c’est la bonne. André Siaka, 64 ans, tirera sa révérence en décembre, après vingtcinq années au poste de directeur général des Brasseries du Cameroun, détenues à 51 % par Castel. Pour prendre le relais, c’est à Francis Batista que le groupe hexagonal a fait appel. Ce Français, qui est déjà arrivé au Cameroun, était jusque-là directeur général adjoint des Brasseries Star Madagascar, également filiale de Castel. Il devrait officiellement prendre ses fonctions en février 2014. l

Les banques libanaises prospectent en Côte d’Ivoire. Adnan Kassar, le patron de Fransabank, s’est ainsi rendu début août à Abidjan pour rencontrer Alassane Dramane Ouattara en personne. C’est en effet la présidence qui supervise la privatisation des cinq banques publiques (Versus Bank, Caisse nationale des caisses d’épargne, Banque nationale d’investissement, Banque pour le financement de l’agriculture, Banque de l’habitat de Côte d’Ivoire), mais le banquier a aussi essayé de trouver des accords avec des groupes privés locaux. Son compatriote Bank of Beirut, dirigé par Salim G. Sfeir, avait déjà envisagé une implantation il y a quelques années et scrute lui aussi attentivement le marché ivoirien en quête d’opportunités, qu’il s’agisse de prises de participation dans des établissements privés ou de rachat de banques publiques en cours de privatisation. énergie Bouygues veut douBler la mise

Jean-Philippe Trin (photo), le PDG de Bouygues Énergies & Service jeune afrique

GiLLEs roLLE/rEa

Banque les liBanais intéressés par la Côte d’ivoire

(filiale de Bouygues Construction), et Claude Queyranne, son directeur pour l’Afrique, veulent donner un coup d’accélérateur à leurs activités sur le continent. Leur objectif : porter le chiffre d’affaires à 250 millions d’euros d’ici à 2016 (il était de 130 millions en 2012). Pour ce faire, ils s’activent pour relancer, par exemple, la filiale sénégalaise tombée en sommeil depuis quelques années.

Mali DerreuMaux passe à l’iMMobilier Encore président d’une poignée de filiales de Bank of Africa, qu’il a fondé et dirigé jusqu’à fin 2010, Paul Derreumaux lâche peu à peu ses dernières responsabilités au sein du groupe désormais détenu par le marocain BMCE Bank et piloté par Mohamed Bennani. Avec sa nouvelle entreprise Lawrence Immo, il ne jure désormais que par l’immobilier, notamment le logement intermédiaire. À Bamako, il vient de faire sortir de terre douze maisons et en prévoit 70 de plus à destination des cadres supérieurs et de la diaspora aisée. Avant d’attaquer le marché ivoirien.

sénégal Matforce bientôt en bourse Le patron de la Compagnie sahélienne d’industries Matforce, un groupe sénégalais actif notamment dans la production d’énergie, a fait son choix. Mamadou Sow entend coter dans les prochains mois entre 10 % et 20 % du capital de sa société à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan. Matforce rachète en ce moment les 10 % détenus par le fonds Aureos Capital. Mamadou Sow préfère désormais financer son développement sur le marché financier régional. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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DR

p Pendant deux ans, elle a mis ses compétences au service de la multinationale californienne. TIC

Ory Okolloh, Africaine 2.0 À 36 ans, elle a créé un logiciel utilisé dans le monde entier et dirigé la stratégie subsaharienne de Google. Cette Kényane poursuit son aventure en rejoignant la fondation omidyar Network.

D

ar es-Salaam, Tanzanie, mardi 2 juillet. À l’hôtel Serena, l’ex-président américain George W. Bush et sa femme ont réuni plusieurs épouses de chefs d’État du continent et Michelle Obama, la première dame des États-Unis, afin d’échanger vues et analyses sur le rôle de la femme en Afrique. Dans cet entre-soi présidentiel et diplomatique, l’une des intervenantes détonne, avec son style décontracté et sa volumineuse chevelure. Mais sur scène, Ory Okolloh captive son auditoire. Elle parle avec aisance du « pouvoir et [de] l’impact d’internet » mais aussi des « nouvelles technologies qui favorisent la méritocratie ». Elle en est la preuve. Forte de son militantisme, de ses brillantes études de droit à Harvard et de sa maîtrise des arcanes de l’internet, la Kényane est considérée, à 36 ans, comme l’une des femmes les plus influentes du continent. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Basée à Johannesburg, elle vient de rejoindre la fondation américaine Omidyar Network, établie par Pierre Omidyar (le créateur du site d’enchères en ligne eBay), et qui a investi plus de 17 millions de dollars (environ 13 millions d’euros) en Afrique depuis 2008. En tant que responsable des investissements sur le continent, Ory Okolloh est chargée d’identifier des initiatives visant à améliorer la transparence gouvernementale – notamment grâce aux nouvelles technologies, considérées par Omidyar Network commeunlevierdedéveloppement et de croissance. Diplomatie privée. Mais ces

deux dernières années, c’est pour le compte du géant américain Google qu’elle a sillonné le continent, à la rencontre des chefs d’État et des acteurs locaux de l’innovation. Pense-t-elle que l’entreprise, qui martèle que ses produits « changent le monde », changera l’Afrique ?

15 %

de la population du continent seulement avaient accès à internet en 2012 (souRce : Banque monDiale)

Ory Okolloh s’esclaffe et nuance : « Pour moi, ce qui compte, c’est d’avoir un impact positif à grande échelle sur le continent. » En tant que directrice de la stratégie du groupe pour la zone subsaharienne, elle a notamment piloté les relations avec les gouvernements et œuvré au développement de l’internet. Entre diplomatie privée, développement et business, elle incarne cette « nouvelle Afrique » innovante, engagée, ultraconnectée et globalisée. Toutcommenceen2007.Installée sur la côte est des États-Unis, Ory Okolloh décline « un salaire à six chiffres » dans un cabinet d’avocats pour se consacrer à ses deux passions : l’Afrique et les nouvelles technologies.Elledisposealorsd’un simple blog, où elle poste ses analyses sur l’actualité. Elle cofonde aussi un site web participatif, Mzalendo (« patriote », en swahili), pour suivre l’activité des parlementaires kényans. Rapidement, son nom circule dans le petit monde des blogueurs activistes et dans certains cénacles politiques – où ses initiatives enchantent ou horripilent, c’est selon. Pour les élections générales de décembre 2007, la cyberactiviste décide de se rendre sur place, à Nairobi. Lorsqu’une vague de jeune afrique


Les décideurs

jeune afrique

dr

start-up. Un peu par hasard, elle vient de créer avec ses camarades un logiciel, Ushahidi (« témoigner », en swahili), qui sera utilisé partout dans le monde: une première pour une start-up africaine. L’ONU, des ONG, de grands médias mais surposte sensible. « Bien sûr qu’il tout des acteurs de la société civile y est important de gagner de l’argent, auront recours, notamment lors de mais Google a une vision à long crises politiques ou humanitaires. terme et propose aux États un développement gagnant-gagnant en Ushahidi propulse Ory Okolloh aidantlesentrepreneurs,enformant au 59e rang du classement 2010 des 100 penseurs les plus influents les jeunes et surtout en rendant au monde établi par le magazine l’information plus accessible », américain Foreign Policy, devant insiste Ory Okolloh, qui occupait au sein de l’entreprise une fonction l’activiste somalienne Ayaan Hirsi Ali et l’intellectuel suisse d’orià cheval entre technique et poligine égyptienne Tariq Ramadan. tique. Un poste parfois sensible, Rapidement,desfondationscomme tant Google a de quoi effrayer par Omidyar Network investissent dans sa puissance, et alors que le rôle Ushahidi, tandis que Nairobi fait son entrée sa nouvelle mission : repérer parmi les capitales du des initiatives visant à numérique. Les grands noms de améliorer la transparence. l’innovation ne cachent plus leur enthousiasme, à l’instar mobilisateur des réseaux sociaux d’Eric Schmidt, patron de Google, pendant les révoltes arabes a marqué les esprits. Un poste, aussi, qui pour qui « Nairobi s’est imposé l’a amenée en certaines occasions à comme un sérieux hub technonégocier avec des gouvernements logique et pourrait bien devenir le réputés autoritaires. « Il est touleader africain ». Qu’en pense Ory jours mieux d’engager le dialogue Okolloh,quiquitteladirectiond’Uset la collaboration que de ne rien hahidipourGoogleenjanvier2011? « Si vous avez l’impression que tout faire », répond Ory Okolloh dont le part de Nairobi, c’est que je n’ai parcours, l’image et l’influence ont pas bien fait mon travail ces deux largement servi la multinationale. dernières années », rétorque-t-elle Son départ n’a pas vraiment aujourd’hui, soulignant la dimensurpris. Chez Google comme chez sion panafricaine de sa mission. Ushahidi, Ory Okolloh n’est pas Cinq mois après son arrivée, elle restée plus de deux ans. La presse avait ainsi réussi à convaincre Paul kényane s’est un temps interrogée Kagamé, le président rwandais, de sur son éventuelle entrée au cabise prêter au jeu de l’interview parnet du président, Uhuru Kenyatta. Certains spéculent déjà que son ticipative, menée par un blogueur sud-africain et retransmise en direct arrivée chez Omidyar Network par Google. Un joli coup de compourrait n’être qu’une étape vers munication pour le président le plus une future carrière politique… d’ici technophile d’Afrique comme pour à deux ans ? l le géant californien. Joan tilouine

on en parle

Jean-Pierre KiwaKana Kimayala Bharti airtel Ancien conseiller économique de la présidence de la République, cet économiste et homme d’affaires congolais, est le nouveau président du conseil d’administration en RD Congo du groupe indien de télécoms.

dr

Toute la stratégie de Google repose sur ce délicat équilibre gagnant-gagnant. Au siège, à Mountain View, le mot d’ordre pour l’Afrique se résume ainsi : « Créez le marché, positionnez-vous et ne monétisez pas tout de suite. » Premier objectif, donc: développer la connectivité avec la certitude que, d’ici à dix ans, il y aura 5 milliards de nouveaux internautes dans le monde, principalement issus des pays émergents. Un nouveau marché tentaculaire pour lequel Google entend être prêt.

hossam Kamal egyPtair Ce pilote chevronné vient d’être nommé PDG de la compagnie aérienne nationale égyptienne, une fonction qu’il a déjà occupée entre novembre 2011 et septembre 2012. Il évolue dans le groupe depuis trente et un ans.

dr

violences meurtrières éclate dans lepaysaprèscescrutincontesté,Ory Okolloh réunit dans l’urgence des compatriotes blogueurs et informaticiens.Sonidée,toute simple,estde développer une carte participative sur le web pour permettre de géolocaliser les témoignages de Kényans transmis par internet et par SMS.

wouter du Preez BomBardier Le Sud-Africain deviendra le 1er octobre directeur Afrique et Moyen-Orient du groupe aéronautique canadien, chargé de développer les ventes. Il travaillait auparavant chez Rand Merchant Bank, dans le financement du secteur aérien. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Finance AssurAnces

Ambiance de fin de règne chez Chanas Fuite de documents, accusations réciproques… C’est la guerre à la tête de la compagnie camerounaise. En jeu : la succession de la fondatrice, Jacqueline Casalegno, âgée de 86 ans.

u

nclimatdélétèreplombe le quotidien chez Chanas Assurances. La faute au conflit qui oppose Jacqueline Casalegno, PDG de la compagnie camerounaise, à ses deux directeurs généraux adjoints, Dominique Pheulpin et Henri Ewele. Dernier épisode en date dans cette guerre de tranchées, une lettre adressée le 19 août par la patronne de Chanas à Ewele, lui demandant des explications au sujet d’un courrier électronique envoyé à certains clients ainsi qu’à la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima, le régulateur régional). Le directeur général adjoint technique y faisait part de son inquiétude face à la dégradation du portefeuille de l’assureur, notamment à la désaffection de gros clients. Dans la même lettre, la fondatrice de la compagnie accuse Dominique Pheulpin, chargé des questions administratives et financières, et Henri Ewele d’avoir déjà fait fuiter, en février, des « états financiers prévisionnels » indiquant un déficit de plus de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros) pour l’année 2012. Alors que quelques mois plus tard le commissaire aux comptes a, souligne-t-elle, constaté un résultat d’exploitation positif de plus de 985 millions de F CFA pour le même exercice. Sollicité par Jeune Afrique, Henri Ewele a indiqué qu’il ne fera pas de commentaires avant le conseil d’administration prévu le 13 septembre. gouvernail. Cette rivalité

au sein de la direction fait rage depuis fin 2012, après que la Cima, à travers la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA), a demandé une plus grande répartition des pouvoirs entre les dirigeants. Une exigence n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Kepseu Jean pierre

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p La société cherche à préserver son leadership national sur la branche dommages. q Extraits de la lettre adressée le 19 août par la PDG à l’un de ses collaborateurs.

à laquelle le conseil d’administration a répondu en créant les deux postes de directeur général adjoint. Depuis, la tension n’a cessé de monter. Les principales personnalités du conseil d’administration le désertent. Adolphe Moudiki, administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH, qui détient 20 % des parts), se fait désormais représenter aux réunions, tandis qu’André

« Vous avez déjà, en Février dernier, cosigné solidairement avec le DGA.AF et diffusé des États financiers prévisionnels faisant apparaître une perte de F CFA 3 189 627 768 à la clôture de 2012, sans que ces états m’aient été préalablement soumis. »

« En conséquence de quoi, vous êtes invité, sous 48 heures à compter de la réception de la présente, à vous expliquer sur les points susvisés. »

Siaka, le directeur général de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC, lire aussi p. 95), a suspendu sa participation pour des raisons personnelles. « Il s’agit clairement d’une atmosphère de fin de règne, avec une âpre bataille pour la succession de Jacqueline Casalegno », analyse un concurrent. Créée en 1953, la société d’intermédiation d’assurances Chanas & Privat est devenue assureur en 1999 avec la reprise de l’ancienne Société camerounaise d’assurances (Socar, publique). À 86 ans, sa fondatrice semble « fatiguée », selon l’un de ses détracteurs, mais n’est pas disposée à lâcher le gouvernail. Veuve, sans héritier connu, la Française est observée de près. En jeu, le contrôle des 35 % de parts qui font d’elle l’actionnaire principale. Ayant déjà annoncé son départ prochain de la direction générale pour conserver uniquement la présidence du conseil d’administration, elle sait que celui jeune afrique


Baromètre

fAiLLes. Cette guerre de succession

a éclaté alors même que Chanas est déjàdanslecollimateurdelaCRCA, qui l’a placé sous la « surveillance permanente » de la Direction nationale des assurances du Cameroun. Les raisons? Le régulateur a décelé, après une inspection en 2011, des failles dans la gouvernance de la compagnie. Il a notamment jugé que le contrôle interne ne répondait pas aux normes de la profession et a exigé la mise en place d’un plan visant à réduire les frais généraux et l’établissement d’un organigramme clair. En attendant que ces différents dossiers, qui seront sans doute à l’ordre du jour de la réunion du 13 septembre, se dénouent, Chanas s’efforce de conserver sa première place sur le marché camerounais de l’assurance dommages. Avec un chiffre d’affaires en hausse de 28,2 % en 2012, à 23,3 milliards de F CFA, le groupe a toujours une longueur d’avance sur ses principaux rivaux dans ce domaine, la Société africaine d’assurances et de réassurance (Saar, 14,6 milliards de F CFA en 2012 dans les dommages) et Activa (14,1 milliards de F CFA). Il faut dire que son portefeuille de clients est enviable: SNH, la Société nationale de raffinage (Sonara), Tradex et le transporteur aérien national Camair-Co, entre autres. La compagnie réalise ainsi près de la moitié de ses primes dans les secteurs pétrolier et aérien. Leader dans l’assurance dommages, Chanas travaille désormais sur la création d’une branche dans l’activité vie, sur laquelle ses principaux concurrents (Allianz, Activa, Axa, Saar) sont déjà présents. l

CaoutChouC

« Le marché a les yeux rivés sur la Chine » Après plus de deux Ans de baisse, les cours du caoutchouc ont repris quelques couleurs. Ils ont gagné 24 % depuis la fin du mois de juin. nous pensons qu’à moyen terme la tendance restera haussière pour atteindre 300 yens (2,30 euros) le kilo au premier trimestre 2014. Toutefois, les cours ne reviendront pas au plus haut connu en février 2011 (528 yens le kilo). la production reste en effet soutenue, avec un surplus de caoutchouc naturel de 322000 tonnes en 2012 et de 284000 t en 2013. les prévisions indiquent que celle-ci augmentera de plus de 240000 t en 2013 puis de 450000 t en 2014, conséquence de la politique agressive de plantation menée enThaïlande (premier pays producteur, avec 3,78 millions de tonnes

en 2012, soit un tiers du total mondial) entre 2004 et 2008. le gouvernement thaïlandais a dû intervenir pour soutenir les prix, stockant entre octobre 2012 et mai 2013 environ 210000 t, qu’il dit ne pas avoir l’intention de vendre. la demande devrait légèrement soutenir les cours. la croissance mondiale et surtout celle de la Chine, avec son impact sur la consommation de pneus, sont aujourd’hui les principales préoccupations de l’industrie du caoutchouc. la Chine représente en effet 35 % de la demande mondiale de caoutchouc naturel et synthétique. si le pays traverse actuellement un cycle bas, nous nous attendons à une croissance un peu plus soutenue à long terme, de l’ordre de 7 % à 8 %.

Abah Ofon

Analyste chez Standard Chartered

en europe, la demande de caoutchouc devrait aussi bénéficier d’une reprise progressive de la dynamique de croissance l’année prochaine. en Afrique, la situation reste difficile. les rendements y sont bons mais les surfaces plantées insuffisantes (le continent ne représente que 4 % de la production mondiale) et il est complexe pour des compagnies faisant face à des coûts fixes importants de réduire la voilure en période de prix bas. l

Cours du caoutchouc à la Bourse de Tokyo (en yens par kilo)

350

334

281,4

300

307,8 250

227,2 200 4 janv. 2013

6 fév. 2013

26 juin 2013

5 sept. 2013

source : standard chartered

sur qui elle jettera son dévolu pour la remplacer acquerra le statut de successeur putatif. Perçu jusqu’ici comme tel, Martin Abega, arrivé au sein de la compagnie en mars 2012, a déjà fait les frais de la bataille interne. Le conseil d’administration a exigé et obtenu la suppression du poste de secrétaire général qu’il occupait. Désormais, il n’officie qu’en tant que conseiller spécial de la PDG.

Finance

Omer mBAdi, à Yaoundé jeune afrique

n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

99


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Dossier

Agro-industrie

algérie

La bataille des « soft drinks »

De la culTure à la TransformaTion

Un potentiel en Bien que riche en terres arables, l’Afrique peine à se doter de filières performantes pour que ses matières premières agricoles deviennent des produits finis. Tour d’horizon des défis à relever.

D

un côté, les champions historiques : l’ivoirien Sifca du Liberia au Nigeria, le français Geocoton du Maroc au Mozambique… De l’autre, les nouveaux venus indiens et chinois (en Afrique centrale), singapouriens (au Kenya) ou brésiliens (en Angola et au Mozambique). Ces dernières années, l’intérêt n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

olivier caslin

montré par les investisseurs internationaux pour l’agrobusiness africain est sans précédent. Intrants, cultures de rente ou vivrières, unités de transformation, mécanisation de la production… Aucun aspect de la filière n’est oublié, et les projets sont aujourd’hui nombreux à travers le continent, même si beaucoup tardent à se réaliser, essentiellement pour des raisons d’accès aux financements ou de rentabilité non confirmée sur des marchés jeune afrique


bois

Francis Rougier, le défricheur

interview

Frédéric Pecastaings

Groupe Mabrouk

côte d’ivoire

Irobo tourne à plein régime

mali

MBSA, pionnier du gazole vert

Afrique subsaharienne. Sur le continent, le secteur agro-industriel représente environ 15 % du PIB africain, mais une poignée de pays seulement (Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Égypte, Ghana, Kenya, Maroc, Tanzanie, Zambie) transforme localement un tiers de ses exportations agricoles, malgré quelques beaux exemples de réussite dans le palmier à huile, avec la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm), et l’hévéa, avec la Société internationale des plantations d’hévéas (SIPH, filiale de Sifca et de Michelin).

t Filage de coton dans un atelier de la Compagnie béninoise des textiles.

jachère régionaux qui restent à constituer. « Un mouvement s’amorce. C’est une opportunité formidable pour l’agriculture africaine », assure Eklou AttiogbeviSomado, ingénieur agronome à la Banque africaine de développement (BAD). Après avoir raté le virage de l’industrialisation dans les années 1980, fauché en plein vol par les plans d’ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI), le secteur se voit offrir une deuxième chance. Car pour aller du champ à l’assiette – ou au réservoir, pour les biocarburants –, il reste encore beaucoup de chemin à faire en jeune afrique

Jean-Claude MOSCHeTTI/Rea

COCAGNE. Si la production des fermes représente

10 % de la valeur créée par l’ensemble de la filière dans les pays industrialisés, elle est encore de 63 % au sud du Sahara, illustrant la faiblesse des liens entre secteurs primaire et secondaire. Les rendements sont toujours parmi les plus bas au monde, mais, porté par les cours mondiaux et stimulé par un potentiel en jachère – l’Afrique dispose de 60 % des terres arables inexploitées au monde –, le secteur privé semble avoir fait du continent sa nouvelle terre de cocagne. Un constat à nuancer : selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Afrique dans son ensemble a recueilli un peu moins de 10 % (soit à peine une dizaine de milliards d’euros) des investissements directs étrangers (IDE) orientés vers la filière au niveau mondial entre 2003 et 2011. Quant aux autorités politiques, elles jouent désormais le jeu, conscientes des défis qu’elles vont devoir rapidement relever pour nourrir une population urbaine en pleine croissance. Bien décidés à diversifier leurs économies et à profiter de la création de valeur ajoutée qu’ils peuvent tirer de la transformation des produits agricoles, certains États se sont mobilisés, comme en 2003 à Maputo, où 24 d’entre eux se sont engagés à consacrer 10 % de leur budget à l’agriculture. « Rien ne pourra se faire sans un réel soutien politique », affirme Yannick Morillon, le PDG de Geocoton. La Banque mondiale a estimé dans un rapport publié en mars que « la richesse créée par les secteurs agricole et agroalimentaire pourrait représenter 1 000 milliards de dollars [750 milliards d’euros] en 2030 », contre moins du tiers aujourd’hui. À condition, selon les experts comme les professionnels, de lever les obstacles à l’émergence d’un secteur agro-industriel digne de ce nom en Afrique.

1. Mieux former la main-d’œuvre Un Africain sur trois travaille plus ou moins directement dans la filière agricole, mais le faible niveau d’industrialisation de celle-ci n’a pas permis de sortir les populations de la pauvreté. « L’agroindustrie a un fort potentiel social en termes n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Dossier Agro-industrie de création de richesse et d’emplois », insiste la Banque mondiale. Le secteur doit pour cela s’appuyer sur une main-d’œuvre formée et compétitive dans ses usines, et sur des paysans organisés dans leurs champs. Pour combler les lacunes en matière de formation technique, la plupart des multinationales proposent leurs propres programmes, tandis que d’autres, moins nombreuses, n’hésitent pas à importer d’Asie leur force de travail, comme certaines huileries du Bénin qui vont s’approvisionner en Indonésie. Pour faire revenir les jeunes partis dans le tertiaire ou dans les mines afin de profiter de meilleures conditions de travail ou de salaires plus élevés, l’agro-industrie doit revoir sa grille de rémunération « et donc s’engager dans la voie de la transformation afin de dégager la valeur ajoutée qui lui permettra de mieux payer ses ouvriers et ses paysans », juge Eklou Attiogbevi-Somado.

2. Favoriser l’accès aux financements La FAO estime que pour développer la filière agricole et ses activités de transformation en aval il faudra investir plus de 700 milliards d’euros d’ici à 2050. Si les institutions financières internationales et régionales continuent de jouer leur rôle en débloquant d’importants crédits dans les infrastructures ou dans l’organisation de la filière, la grande majorité des fonds nécessaires doit être injectée par le secteur privé. Siat Gabon a ainsi ouvert 5,5 % de son capital aux investisseurs sous-régionaux, tandis que Sifca va débourser 310 millions d’euros pour développer ses plantations ghanéennes et nigérianes. Mais si les multinationales disposent d’un accès privilégié aux financements, il n’en va pas de même pour les petits exploitants et les PME, qui constituent aujourd’hui l’essentiel du tissu agro-industriel africain. « Avec la disparition des banques de développement, les dossiers sont uniquement entre les mains des banques commerciales, qui imposent des taux d’intérêt beaucoup trop élevés », constate Bio Goura Soulé, consultant sur les questions agricoles au Bénin. Le Sénégal a réussi à imposer une réduction de ces taux. Et la BAD réfléchit à la mise en place d’un système de financement des organismes de microcrédit, qui s’engageraient alors à prêter à des taux préférentiels.

3. Garantir la propriété foncière L’accès à la terre reste la question fondamentale du développement agro-industriel de l’Afrique, répètent en chœur les experts. « Il faut favoriser l’accès au foncier. Si nous n’avons pas grandi davantage ces dernières années malgré des cours élevés, c’est à cause de cette difficulté d’accès. Cela nécessite d’avoir des régimes fonciers clairs n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

paradoxes africains

% Au niveau mondial :

Le continent recèle 60 % des terres arables inexploitées mais reçoit moins de 10 % des ide agricoles l

Les Africains cultivent 15 % des terres arables mais ne produisent que 5 % des volumes agricoles l

et des accords avec les communautés », déclarait Bertrand Vignes, directeur général de Sifca, à Jeune Afrique en avril. Les multinationales ne sont pas les seules à se heurter à ce problème. « Les petits agriculteurs restent confrontés à une insécurité foncière croissante », estime Eklou AttiogbeviSomado. L’expert de la BAD cite notamment certaines lois coutumières, « qui ne reconnaissent pas les droits des femmes sur la terre alors qu’elles constituent la première force de travail dans l’agriculture africaine ». Tout le défi consiste donc à ce que les pouvoirs publics garantissent l’accès à la propriété, « comme cela commence à être fait en Gambie », reprend l’ingénieur agronome… tout en évitant la spéculation sur les terres. « De nombreux titres fonciers ont été bradés par les États, sans obligation de valorisation, à des investisseurs qui les revendent ensuite au plus offrant », note Bio Goura Soulé.

4. Optimiser les infrastructures « Tant que les échanges ne seront pas facilités, les coûts logistiques resteront trop élevés et les marchés ne pourront atteindre leur maturité », estime Alexandre Vilgrain, PDG du groupe Somdiaa. Si les ports ont amélioré leurs équipements depuis dix ans, les infrastructures routières et ferroviaires sont en général insuffisantes – quand elles ne sont pas inexistantes –, empêchant tout développement du secteur agro-industriel dans les régions enclavées qui sont également celles des grandes cultures. La zone économique spéciale agricole lancée fin jeune afrique


vincent fournier/J.A.

Dossier

2012 par l’État gabonais à Franceville, dans le sud-est du pays, vise justement à rapprocher les plantations des unités de transformation. « Il est urgent de connecter les zones de production aux grands centres de consommation, dans une logique d’intégration régionale », suggère Eklou Attiogbevi-Somado. Faute de volumes suffisants, le transport aérien n’est pour l’instant pas une option, excepté au Kenya et en Éthiopie, où les compagnies nationales ont mis en place des tarifs préférentiels. L’accès à l’énergie est un autre problème, les délestages récurrents augmentant les coûts de production et empêchant la conservation des aliments. Certaines firmes comme Geocoton développent donc leurs propres ressources énergétiques à partir des déchets organiques qu’elles produisent.

5. Recourir à davantage de technologies Le secteur agricole africain se caractérise par sa faible productivité. Si le continent cultive aujourd’hui 15 % des terres arables de la planète, il ne participe qu’à hauteur de 5 % aux volumes de

p L’entreprise Inyange, au Rwanda, produit notamment des jus de fruits.

Certaines multinationales n’hésitent pas à importer d’Asie leur force de travail.

production mondiaux. « On ne peut pas nourrir 1 milliard de personnes en continuant à travailler à la houe ! » s’emporte Eklou Attiogbevi-Somado. Pour améliorer les rendements, « il faut généraliser l’utilisation des intrants », reprend l’expert de la BAD. D’après la FAO, l’Afrique subsaharienne utilise 10 kg d’engrais par hectare, bien en dessous de la moyenne mondiale (102 kg/ha). La situation pourrait néanmoins s’améliorer si les projets de production d’intrants se concrétisaient à travers le continent, comme celui de Gabon Fertilizer Company, lancé par le singapourien Olam et l’indien Tata Chemicals. Dans le même temps, l’irrigation n’a pas décollé, pas plus que l’utilisation de machines agricoles, malgré, là encore, des coups de pouce de l’Inde (notamment au Cameroun). Reste que les coûts de maintenance du matériel sur place sont encore trop élevés pour permettre une mécanisation étendue, et que « les échanges technologiques sont quasi inexistants avec les populations locales », regrette Bio Goura Soulé.

6. Garder un œil sur l’environnement… … ou plutôt sur « les » environnements. Car aux contraintes écologiques imposées notamment par les bailleurs de fonds s’ajoute l’environnement des affaires, que tous souhaitent voir « assaini ». Priorité confirmée par Bio Goura Soulé, davantage préoccupé par « l’omniprésence des lourdeurs administratives », tandis qu’Alexandre Vilgrain souhaiterait que « le cadre réglementaire se stabilise un peu pour que les investisseurs disposent de plus de visibilité ». En matière environnementale, l’Afrique serait presque vertueuse comparée aux autres continents, même si plusieurs multinationales sont critiquées pour leurs pratiques pas toujours très respectueuses. En mars, l’américain Herakles Farm a ainsi reçu l’ordre du gouvernement camerounais de suspendre ses activités dans le pays. « En instaurant rapidement un cadre et des mécanismes de surveillance, l’Afrique évitera de reproduire les erreurs des autres », espère Eklou Attiogbevi-Somado. De leur côté, les opérateurs privés estiment que « la réglementation est parfois plus stricte qu’en Europe », pendant que les cotonniers demandent que la législation sur la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM) soit clarifiée. l

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Dossier Agro-industrie t Le limonadier Hamoud Boualem, à Alger, s’est diversifié dans les jus de fruit et l’eau de source.

samir sid

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ALGÉRIE

La bataille des « soft drinks » Le marché local des boissons sans alcool ne connaît pas la crise. Les producteurs rivalisent d’ingéniosité et ne manquent pas d’idées… pétillantes !

L

a scène se déroule en 2009, à Toudja (160 km à l’est d’Alger), une ville célèbre pour son eau minérale. Rafik, la trentaine, se rend à son cybercafé habituel. Mais une fois sur place, il découvreuneunitéd’embouteillage de jus, installée aussi vite qu’elle allait disparaître les semaines suivantes! Ce type d’entreprise locale aux normes douteuses a longtemps caractérisé une industrie des boissonsdontlacroissancenesedément pas. Dans un rapport publié en juin, l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab) estime cette dernière à 14 % en 2012, celle des jus et de l’eau étant plus forte que celle des sodas. Mais le nombre d’entreprises du secteur est passé de 1400 en 2005 à 695 l’an dernier – pour environ 300 marques –, en raison de la disparition des petits acteurs saisonniers, actifs notamment durant le ramadan. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Marché

Qui sont les leaders ?

Ils sont une vingtaine à s’accaparer 99 % du marché. Coca-Cola, représenté par Fruital (détenu majoritairement par l’espagnol Cobega) et par le français Castel (via la Société des boissons de l’Ouest algérien et Skikda Bottling Company), domine le segment des sodas. Suivent Hamoud Boualem, limonadier local créé en 1889, et Pepsi, via Atlas Bottling Corporation

Nouvelles saveurs, jus lactés, boissons énergisantes… Les goûts sont toujours plus variés. (groupe Mehri). La photo est moins nette pour les marchés des jus et de l’eau, plus fragmentés et accessibles aux nouveaux entrants. En juillet 2012, NCA-Rouiba, Vitajus et Fruital (qui distribue Minute Maid)

ont ainsi vu débarquer une nouvelle marque, Judor, commercialisée par legroupeCastel.HamoudBoualem, qui s’était lancé deux ans plus tôt dans les jus, a acquis en 2011 deux eaux de source. Le leader de ce segment, Ifri, est aussi présent dans les « eaux fruitées » et les sodas. À ces acteurss’ajoutentlesgroupesCevital Agro, Sim et Yaïci, qui ont repris depuis 2005 les actifs d’entreprises publiques dans les jus et l’eau. capacités

produire toujours plus

Pour faire face à la demande, les producteurs accroissent leurs capacités. « En 2012, notre usine a tourné à 80 % de ses capacités. Certaines unités étaient à flux tendu, incapables de satisfaire la demande », indique Sahbi Othmani, directeur général de NCA-Rouiba, qui a inauguré cette année deux lignes de production – l’une de bouteilles en plastique PET, l’autre pour des emballages Tetra Pak – et fait deux demandes de terrains, à Sétif et dans l’Oranie, le mètre carré dans la zone industrielle de Rouiba (à l’est d’Alger) étant cédé à un prix prohibitif pouvant atteindre 700 euros. jeune afrique


dossier Hamoud Boualem, qui affirme tourner à 100 % de sa capacité sur son site d’Alger, où les transporteurs rencontrent les pires difficultés de circulation, pourrait déménager dès cette année dans sa nouvelle usine de Boufarik, à 35 km de la capitale. De même, « Fruital cherche désespérément un terrain dans l’Algérois, et Mami [jus et sodas] va s’étendre sur son site de Sétif », selon un consultant spécialiste du secteur. marketing

tous azimuts

Dans cet environnement compétitif, « le marketing ne concerne plus seulement les leaders de chaque segment », affirme notre expert. « Ramy, créé en 2005, est très agressif sur les coûts et la publicité, et on le trouve partout, poursuit-il. Les effets bénéfiques pour la santé sont plus souvent mis en avant, mais parfois dans des communications mensongères vantant des

produits naturels, alors que seuls NCA-Rouiba et Vitajus offrent des boissons 100 % pur fruit. » Parmi les rares entreprises à communiquer leurs chiffres, NCA-Rouiba, entré à la Bourse d’Alger cette année, a dépensé en 2012 quelque 3,5 % de son chiffre d’affaires (lequel s’est élevé à environ 55 millions d’euros) en marketing, contre 2,6 % en 2011; une part qui devrait atteindre 4,5 % de 2013 à 2017. Environ 30 % de ces frais sont destinés à maintenir la présence et la visibilité de la marque, « des facteurs de compétitivité déterminants dans un pays qui compte 70000 points de vente, dont 90 % d’épiceries », souligne Sahbi Othmani. La concurrence se joue aussi sur les goûts, toujours plus variés (nouvelles saveurs, jus lactés, boissons énergisantes…), et sur les contenants : le plastique l’a emporté sur le verre, synonyme de consignes, dont les grandes surfaces ne s’embarrassent plus. Hamoud

Boualem espère ainsi doubler sa production d’embouteillage PET. export

Cap au sud

360 M€

C’est le chiffre d’affaires du secteur des boissons rafraîchissantes sans alcool en 2012 (soit 38 milliards de dinars)

Bien qu’occupés à satisfaire la demande algérienne, les producteurs accélèrent leur croissance à l’export. Celle-ci est surtout tirée par la diaspora, notamment en France. Mais l’Afrique subsaharienne, où Fruital exporte dans une dizaine de pays, est de plus en plus perçue comme un débouché. L’entreprise Mami, qui écoule ses produits au Sénégal,auNigeretauBurkinaFaso, réalise 3 % de son chiffre d’affaires à l’export. NCA-Rouiba, qui ambitionne de s’allier à un partenaire industriel au Maroc et d’être « leader au Maghreb dans dix ans », travaille à la réalisation d’une plateforme de distribution à Dakar et réfléchit à la transformationsurplacedeproduits locaux comme la mangue. l Saïd aït-Hatrit, à Alger

Sous le Haut Patronage de Monsieur François HOLLANDE Président de la République

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Forum Mondial CONVERGENCES

17, 18 et 19 septembre 2013 6e édition – Paris

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Dossier Agro-industrie BOIS

Francis Rougier, le défricheur Il a africanisé le groupe en misant sur les forêts du Gabon, du Cameroun et du Congo. Le directeur général de rougier envisage désormais d’investir dans des plantations industrielles jusqu’en Côte d’Ivoire.

À

l’heure de fêter ses 90 ans, le groupe Rougier ne ressemble plus guère à l’entreprise fondée par Alexandre Rougier dans l’ouest de la France. Cotée à la Bourse de Paris depuis 1959, la firme qui exploitait des forêts en Afrique centrale pour alimenter ses usines de Niort est devenue plus africaine que française. Les trois quarts de son chiffre d’affaires (143 millions d’euros en 2012) sont désormais issus de sa production au Gabon, au Cameroun et au Congo, où elle possède huit usines (fabrication de contreplaqué, de lambourdes, de blocs aboutés…) et gère plus de 2 millions d’hectares de forêts. Francis Rougier, directeur général et petit-fils du fondateur, est le principal architecte de cette reconversion géographique. Lorsque, avec son cousin Jacques Rougier (président du conseil d’administration), il prend la tête de l’entreprise, au début des années 1980, celle-ci vient à peine de céder ses unités industrielles en France, n’y conservant qu’une activité de négoce. « C’est à cette époque que nous avons commencé à réellement nous africaniser, même si la création de nos premières usines sur le continent remonte à la fin des années 1960 », explique celui qui a rejoint le groupe en 1971 après des études à Sciences-Po Paris. Cette politique a connu ces dernières années une accélération forcée à la suite de la décision inattendue du Gabon, en 2010, d’interdire l’exportation des grumes non transformées. Une mesure dont les effets fragilisent encore les finances du groupe, avec des résultats dans le rouge en 2012 et des prévisions n o 2748 • du 8 Au 14 septembre 2013

pessimistes pour 2013. « Même si nous transformions déjà 60 % de nos grumes sur place, la rupture a été très soudaine », reconnaît Francis Rougier. Pour lui, nul doute que cette période d’instabilité prendra fin en 2015 au plus tard. « Nous sommes des forestiers, nous savons être patients », dit-il, rappelant que la firme a connu les mêmes difficultés au Cameroun dix ans auparavant. OKOUMÉ. Ce bouleversement

a été en partie compensé, fin 2011, par la prise d’une participation de 35 % de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du Gabon dans le capital de Rougier Afrique International, la filiale dévolue au continent. Un gentleman’s agreement dont se félicite aujourd’hui le patron. Au passage, ce rapprochement a permis à la famille Rougier de renforcer son contrôle sur le groupe (62 % du capital et 75 % des droits de vote) en rachetant les parts d’actionnaires minoritaires. Mais Francis Rougier, amateur de récits d’explorateurs, voit plus loin. En plus des forêts naturelles, il veut désormais investir dans des plantations industrielles. Une nouvelle activité qui

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a démarré en juillet au Gabon avec des parcelles d’okoumés et qui pourrait bientôt se développer en Côte d’Ivoire et au Congo, où il négocie avec les gouvernements pour obtenir la gestion de plantations en déshérence. Pour mener à bien ces projets, il s’est associé, via une coentreprise dénommée Lignafrica, à Forêt Ressources Management, un cabinet d’ingénierie forestière basé à Montpellier (France).

« Nous sommes des forestiers, nous savons être patients. » Au Gabon, il a financé sa plantation d’okoumés grâce à une nouvelle prise de participation de 15 % de la CDC dans la filiale locale de Lignafrica. Ailleurs, il envisage de cultiver du teck, de l’acacia et de l’eucalyptus et d’y associer des usines de transformation. Pour ses débouchés, il table notamment sur l’essor du marché de la construction en Afrique. Le continent devrait donc encore renforcer son poids dans les résultats du groupe. À 65 ans, Francis Rougier n’entend pas passer la main. À terme, la présence d’une nouvelle génération d’héritiers aux commandes semble toutefois assurée. Romain, son fils unique, fait partie du comité de direction en tant qu’adjoint du directeur exécutif, tandis que Luc Auguin, gendre de Jacques Rougier, occupe un poste de directeur commercial. l NicOlas TeissereNc

.

t À 65 ans, le petit-fils du fondateur n’entend pas passer la main de sitôt. Jeune AFrique



Dossier Agro-industrie dossier INTERvIEw

Frédéric Pecastaings

Directeur général du pôle agroalimentaire du groupe Mabrouk

« La Tunisie reste notre priorité » Biscuits, chocolat, fromage… Le groupe Mabrouk est un acteur majeur de l’agro-industrie dans son pays, mais aussi en Libye et en Algérie. À quand le Maroc ?

d

epuis la création de sa première biscuiterie dans les années 1950, le groupe Mabrouk s’est imposé comme l’un des principaux acteurs de l’agro-industrie au Maghreb. Ses entreprises, Sotubi (biscuits), Sotuchoc (chocolat) et Industries alimentaires de Tunisie (fromage), réalisent environ 240 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si Ismaïl Mabrouk, chargé de ces activités au sein de l’empire familial (également présent dans la finance, la grande distribution et l’automobile), assure que, pour les années à venir, le marché tunisien restera son principal objectif, le groupe compte aussi accroître sa présence à l’échelle régionale, notamment en Algérie, en Libye et, à terme, au Maroc. Ancien directeur des acquisitions pour Danone dans les pays émergents, le Français Frédéric Pecastaings, directeur général du pôle agroalimentaire depuis 2006, revient sur les dynamiques des différents marchés et sur la feuille de route des entreprises Mabrouk, bientôt réunies au sein d’un holding dénommé Saïda Group. JEUNE AFRIQUE : Quelles sont les perspectives de l’industrie agroalimentaire dans les pays du Maghreb ? FRÉdÉRIC PECASTAINGS: Le potentiel est tan-

gible. C’est un marché de près de 100 millions de personnes. Cependant, on ne peut aborder la région comme un tout, chaque pays a son propre niveau de maturité. Au plan industriel, la Tunisie bénéficie d’une expertise certaine. Par ailleurs, c’est aussi le pays où la consommation par individu est la plus importante. Ce marché reste donc notre priorité. La Libye, que nous connaissons bien et depuis longtemps à travers nos activités d’export, est aussi une cible majeure. L’Algérie offre quant à elle un potentiel tel que nous avons choisi de nous y implanter industriellement dès 2006 dans le secteur des biscuits. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Camille millerand pour J.a.

108

Profil • Diplômé de l’École polytechnique et des Ponts et Chaussées (France) • Ancien de JP Morgan (New York), de la BERD (Londres), de NetsCapital (Paris) et de Danone (Paris) • Arrivé chez Mabrouk en juin 2006

Enfin, au Maroc, nous analysons les opportunités. L’idée est de trouver la bonne niche, car le marché est concurrentiel. La création d’une petite unité de production pourrait se concrétiser à l’horizon 2014-2015. Nous pourrions aussi commencer par la commercialisation de produits fabriqués en Tunisie. (Suite page 110) jeune afrique



110

Dossier Agro-industrie Quelle place occupent les partenaires internationaux dans votre stratégie ?

(Suite de la page 108)

La Libye répond-elle à vos attentes ?

L’avantage de ce pays, c’est que nous y bénéficions à la fois d’une proximité géographique avec nos usines tunisiennes, de la notoriété de nos produits et de l’absence de taxes. Nous y sommes présents depuis plus de dix ans, mais il est vrai que ces dernières années la croissance est plus soutenue. Les consommateurs libyens ont un réel pouvoir d’achat et toutes les gammes trouvent preneur. Pour être plus dynamiques, nous renforçons notre distribution en créant une coentreprise avec l’un de nos partenaires libyens sur le modèle de ce que nous sommes en train de faire en Algérie.

Nous avons deux types de partenariat. Avec le français Lactalis, il prend la forme d’un contrat de franchise et d’assistance technique pour la

Il n’y a pas de raison d’introduire notre futur holding en Bourse.

Depuis la révolution, l’économie tunisienne est fortement perturbée. Ressentez-vous un ralentissement de la consommation ?

Non, les ventes continuent de progresser, mais nous notons une plus grande sensibilité des acheteurs à des formats moins chers, comme les formats individuels. Le groupage de produits avec des prix unitaires plus attractifs connaît aussi un certain succès. Malgré l’instabilité de la région, la consommation devrait encore augmenter dans les années à venir. Comment avez-vous sécurisé vos approvisionnements ?

Nous avons diversifié nos fournisseurs pour limiter l’impact éventuel des mouvements sociaux. Nous avons aussi consenti un effort financier pour constituer un stock stratégique de certaines matières premières, comme le cheddar ou le cacao. Le lait frais, pour la fabrication des fromages, est un point sensible. Comme nous avons choisi de ne pas avoir nos propres fermes, nous cherchons à consolider notre réseau de collecte en développant des relations privilégiées avec les éleveurs, en leur apportant de l’aide pour se structurer ou trouver des financements. L’avenir de l’agroalimentaire au Maghreb passet-il par des marques locales ou internationales ?

Le pôle agroalimentaire Chiffre d’affaires: environ

240 M€ (soit 24 % du CA du groupe)

Sotuchoc 35 % IAT 25%

Sotubi 30 % LU Algérie 10 %

4 000 salariés, soit 20 % de l’effectif du groupe

De manière générale, l’ancrage local est important. Par exemple, pour les biscuits, le lien affectif est particulièrement fort, on le constate avec notre

Si vous n’êtes pas chez les petits épiciers, c’est difficile d’exister. marque Saïda en Tunisie. Pour les fromages, c’est différent. Dans des pays sans réelle tradition fromagère, le consommateur fait davantage confiance à des labels connus. En Tunisie, c’est le cas de Président. Disposer d’un portefeuille de marques à la fois locales, régionales et internationales permet dejouerlacomplémentarité:c’estl’undenosatouts. n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

Tunisie ; au-delà de la licence de marque, il porte sur un transfert de savoir-faire. Avec l’américain Mondelez International, il s’agit d’un accord capitalistique comprenant également un contrat de licence de marque et de transfert de savoir-faire. En Tunisie, Mondelez détient 49 % de Sotubi, alors qu’il possède 51 % de LU Algérie, même si c’est le groupe Mabrouk qui gère l’usine depuis janvier 2012. Comment trouver l’équilibre entre les pôles production et distribution du groupe Mabrouk ?

Les deux sont indépendants et complémentaires. Suivant les pays, la grande distribution ne représente que 10 % à 20 % du commerce. Certes, l’importance de ce canal augmente et il faut en tenir compte. C’est surtout une vitrine très intéressante pour l’image de nos produits et pour présenter les innovations. Mais le circuit traditionnel reste prépondérant : si vous n’y êtes pas présent, surtout via les grossistes et les petits épiciers, c’est difficile d’exister. Depuis cinq ans, vous travaillez au regroupement de vos différentes activités agro-industrielles. Pourquoi ?

Les entreprises Sotubi, Sotuchoc et IAT [Industries alimentaires de Tunisie] se sont développées indépendamment au sein du groupe, mais elles ont toutes atteint une taille qui les place parmi les grandes sociétés industrielles tunisiennes. Pour poursuivre leur développement, il fallait améliorer la prise en charge de problématiques transversales comme les ressources humaines, la finance ou la gestion des systèmes d’information. D’ici à la fin de l’année, toutes nos activités agroalimentaires seront regroupées au sein du holding Saïda Group. Peut-on imaginer que le groupe soit un jour coté à Tunis ?

Il n’y a pas de raison, a priori, d’introduire Saïda Group en Bourse. Notre développement se fait à partir des fonds générés par nos activités et grâce à l’appui de nos partenaires bancaires. À cela s’ajoute la dimension affective du pôle agroalimentaire pour la famille Mabrouk, car c’est là que tout a commencé. l Propos recueillis à Tunis par FRiDa DahMani jeune afrique


OCP, un acteur industriel engagé pour une agriculture performante et durable en Afrique Un des leaders mondiaux des phosphates et produits dérivés, OCP s’est résolument engagé à contribuer au développement soutenable de l’agriculture en Afrique et à contribuer à une réelle révolution verte du continent. Soucieux de privilégier la coopération Sud-Sud, le Groupe OCP vise à fournir le continent en engrais phosphatés en contribuant à créer un marché des engrais stable et soutenu.

est une base de données géographiques et scientifiques des sols du Maroc, dont le but est de faciliter la mise en place d’une agriculture raisonnée et productive. Dans une volonté toujours affirmée de privilégier une coopération Sud-Sud, OCP compte utiliser l’expérience acquise à travers le développement de cette carte au Maroc, pour réaliser un outil similaire dans les pays d’Afrique subsaharienne.

La démarche du Groupe s’articule autour de trois axes :

Apprendre Le Groupe a dédié une équipe pour travailler exclusivement sur les problématiques du continent. Cela passe par la rencontre et l’échange avec les distributeurs locaux, les organismes étatiques et les instituts de recherche agronomiques de plusieurs pays en Afrique. Cet échange permet de comprendre les problématiques de chaque pays et les obstacles au développement de l’agriculture africaine. De plus, et afin d’améliorer sa connaissance des problématiques agricoles africaines, le Groupe OCP parraine et participe aussi aux forums et conférences internationales d’envergure en lien étroit avec le sujet tels que le FMB Africa, l’AGRA Forum ou l’IFA Africa Forum.

Engager Pour sécuriser durablement l’approvisionnement du continent, OCP a dédié des volumes de production à l’Afrique, quelle que soit la demande internationale. La sécurisation de ces volumes représente un investissement d’environ 600 millions de dollars pour la construction d’une unité spécifique sur la plateforme industrielle du groupe à Jorf Lasfar (à 100 Km au sud de Casablanca). Ainsi, le volume d’engrais distribués par OCP en Afrique a été multiplié par 7 en cinq ans, passant de 60 000 tonnes en 2007 à plus de 400 000 tonnes en 2012. Parallèlement à cela, un fonds d’innovation pour le développement agricole africain, est en cours de structuration et vise à mettre en place un système d’incubation et de financement pour soutenir le développement d’entreprises africaines innovantes.

Innover OCP crée et commercialise des nouveaux produits innovants qui répondent à des besoins spécifiques. Ainsi, « Teractiv », une nouvelle solution fertilisante, a été développée pour un maximum d’efficacité sur les sols acides et est par conséquent particulièrement adaptée aux sols tropicaux et subtropicaux (comme en Afrique sub-saharienne, Indonésie, Brésil…). Décliné en formules spécifiques, cet engrais répond aux besoins des cultures du cacao, du coton et du maïs et est déjà utilisé au Ghana, en Côte d’Ivoire et au Bénin. OCP a également lancé ces dernières années un projet ambitieux, innovant et à forte valeur ajoutée : il s’agit d’une carte de fertilité des sols du Maroc. Cet outil, public et gratuit,

Avril 2013 - Le Groupe OCP a livré à la Côte d’Ivoire une cargaison de 10 000 tonnes d’engrais Teractiv Cacao destinés au développement de la culture de cacao en Afrique de l’Ouest.

Enfin, et pour vulgariser les bonnes pratiques agricoles et sensibiliser les petits agriculteurs sur l’apport de l’utilisation raisonnée des engrais, OCP a lancé en 2012 un concept didactique, « La caravane OCP ». Grace à la mobilisation des distributeurs marocains d’engrais OCP, les différentes éditions de ces caravanes ont sillonné le Maroc pour s’adresser aux petits agriculteurs afin de les aider à mieux comprendre la typologie de leurs sols et les meilleurs moyens pour améliorer le rendement de leurs cultures. Dans le cadre du partage de ses expériences, la Caravane OCP Céréales 2012 a été présentée à Dakar en mars 2013, lors de la 4e édition de la conférence « FMB Africa ».

www.ocpgroup.ma


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Dossier Agro-industrie CÔTE D’IVOIRE

Irobo tourne à plein régime C’est l’une des huit usines de Palmci. Chaque année, elle produit 35 000 tonnes d’huile de palme brute. J.A. s’est rendu dans cette fabrique de l’or rouge.

s

ur la route qui relie Abidjan au port de San Pedro, les plantations d’hévéas succèdent aux bananeraies et aux palmeraies. En termes de température comme d’hygrométrie, la région est un paradis pour les agro-industriels, dont Palmci, filiale de Sifca (52,5 % du capital). Au kilomètre 105, la petite bourgade d’Irobo abrite l’un des huit sites du groupe. Construite en 1970, l’usine presse chaque année plus de 35000 tonnes d’huile de palme, soit 12 % de la production totale de Palmci, et fait vivre directement et indirectement plus de 3 000 ménages. Sans surprise, l’entreprise est au cœur de la vie locale. Elle participe à la gestion de trois cités réservées à ses cadres, de sept villages, de trois jardins d’enfants, de huit écoles primaires et de trois centres de santé. Même la banque installée à l’entrée de l’usine est venue à sa demande. Comme les autres huileries de Palmci, celle d’Irobo tentera en 2013 d’élever son rendement pour limiter l’impact de la baisse du cours de l’huile de palme observée depuis avril 2012 (– 33 %). Plusieurs fois augmentée, la capacité de production d’Irobo atteint aujourd’hui 60 t d’huile par heure et pourrait grimper à 75 t prochainement. Pour s’approvisionner, le groupe, dont le chiffre d’affaires a atteint 246 millions d’euros (161,6 milliards de F CFA) en 2012, exploite tout autour de l’unité industrielle plus de 7 200 ha. Dans ses plantations, neuf travailleurs sur dix sont des hommes. Le site peut aussi compter sur plus de 2000 planteurs indépendants cultivant 11 400 ha.

de latérite. Répartis sur 8,6 ha, des dizaines de milliers de plants sont choyés par une cinquantaine d’ouvriers. C’est le seul endroit où les femmes sont majoritaires, « car elles sont plus minutieuses », estime Katiénédio Sekongo, responsable des plantations industrielles de Palmci. Nous sommes début juin et les jeunes palmiers ont maintenant 9 mois. Arrosés tous les jours pendant une à deux heures, nourris avec du compost et des intrants, ils vont bientôt être vendus à prix coûtant (750 F CFA l’unité) aux planteurs villageois. Une fois mis en terre, il faudra attendre un peu plus de deux ans pour qu’ils commencent à

q Devant l’usine, qui fonctionne en continu grâce à ses 140 salariés, les camions déchargent sans interruption.

produire. D’abord 3 t de régimes à l’hectare, puis 16 t à partir de 5 ans, avant d’atteindre un plafond de 24 t entre 9 et 18 ans. Lorsque leur rendement tombera sous la barre des 10 t à l’hectare, vers 25 ans, les palmiers seront abattus. À Irobo, 94 % du verger de Palmci a moins de 18 ans. C’est au lever du jour que commence la récolte en haute saison, de février à juin. Dans les allées, les ouvriers guettent sur le sol les fruits indiquant la présence de régimes mûrs au sommet du palmier. Pour les détacher, ils utilisent des faucilles fixées sur des perches qui peuvent faire jusqu’à 8 m de long. Les grandes palmes coupées lors de l’opération sont amassées au pied des arbres : leur décomposition viendra enrichir le sol. Depuis peu, de petites charrettes tirées par des bœufs remplacent les brouettes pour transporter les régimes, dont le poids peut dépasser 50 kg, au bout de chaque rangée de palmiers. Aucun projet de mécanisation n’est

choyés. À Irobo, tout commence

toujours à la pépinière, accessible depuis l’usine après une quinzaine de minutes de 4x4 sur une piste n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

jeune afrique


Dossier à l’ordre du jour. « Nous sommes allés voir en Asie, mais la taille de nos exploitations ne justifie pas un tel investissement », explique un responsable. Pour finir le travail, des ramasseuses collectent au pied des palmiers les fruits éparpillés lors de la chute des régimes. Les sacs qu’elles posent sur leur tête dépassent facilement les 35 kg.

sans compter la possibilité pour les cultivateurs de vendre en direct de l’huile artisanale à Abidjan. « Sur le terrain, nous développons un véritable marketing villageois pour les fidéliser », explique Frank Eba, directeur du développement durable de Sifca. L’entreprise leur concède du matériel à prix coûtant, leur prodigue des conseils, facilite leur accès aux soins médicaux et leur permet même de cotiser à

MUTUELLE. Réunis au sein de trois

coopératives, les planteurs villageois fournissent 40 % des régimes transformés à Irobo. À l’image de Ferdinand Dago Serikpa, qui cultive trois hectares de palmiers à huile et trois autres d’hévéas, ils sont installés sur de petites parcelles. Ici, l’entretien est plus sommaire et la coupe ne se fait que deux fois par mois. Les rendements sont moins élevés, autour de 10 t/ha. Pour Palmci, sécuriser cette source d’approvisionnement est essentiel. Mais,localement,lacompétitionest rude avec plusieurs autres usines installées dans un rayon de 50 km,

Nabil Zorkot pour J.a.

Le site peut compter sur plus de 2 000 planteurs villageois cultivant 11 400 hectares.

JeuNe afrique

une mutuelle santé. Malgré tout, seulement 65 % de la production des petits planteurs d’Irobo arrive jusqu’à l’usine de Palmci. Une fois coupés, les fruits du palmier à huile doivent être transformés sans attendre, idéalement dans les vingt-quatre heures, afin de limiter leur taux d’acidité. Devant l’usine, qui tourne en continu grâce à ses 140 salariés, les camions déchargent sans interruption. Au plus fort de l’activité, l’aire de stockage peut accueillir 3 500 t de régimes. Déversés dans un convoyeur, ils sont d’abord plongés dans un stérilisateur pour arrêter leur pourrissement et faciliter la séparation des fruits. Ces derniers sont ensuite malaxés puis pressés. Le mélange d’huile, de boue et d’eau est alors mis à décanter avant que l’on puisse recueillir le précieux liquide par débordement. Pour limiter ses coûts d’exploitation, Palmci a équipé l’usine d’une chaudière à biomasse qui fournit 70 % de l’énergie nécessaire. En fin de cycle, l’or rouge – car riche en carotène – part en camionciterne vers la raffinerie Sania, autre filiale de Sifca, à Abidjan. Une fois clarifiée et désodorisée, l’huile pourra enfin être commercialisée. Et compte tenu de la demande régionale, les salariés d’Irobo ont de quoi garder le sourire. Chaque année, 800 000 t d’huile de palme asiatique sont importées en Afrique de l’Ouest, faute d’une production locale suffisante. l JULiEn CLéMEnçoT, envoyé spécial N o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Dossier Agro-industrie MAROC

Un poisson-pilote nommé Haliopolis À Agadir, ce parc d’activités doit offrir, sur 150 hectares, des infrastructures innovantes pour la transformation des produits de la mer.

L

es premières entreprises n’ont pas encore commencé à y travailler. Et pourtant, le pôle d’activités Haliopolis, à Drarga, en périphérie d’Agadir, a déjà eu les honneurs de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), qui le cite parmi les trois initiatives arabes recensées dans son Indice mondial de l’innovation 2013 – avec le Technopark d’Elgazala, en Tunisie, et la ville de Dubaï (pour le dynamisme de ses services). Déclinaison régionale du plan national Halieutis, lancé en 2009, Haliopolis aura à terme un potentiel de transformation de 500 000 tonnes par an de produits de la mer. Il doit permettre de créer 20 000 emplois (13 000 directs et 7 000 indirects), pour un investissement de la part des entreprises estimé à 575 millions d’euros (6,6 milliards de dirhams). vidE. Majid Joundy, président de

l’Union nationale des industries de la conserve de poisson (Unicop) et PDG de Belma, l’une des plus anciennes conserveries d’Agadir, ne cache pas sa satisfaction : « Ce parc vient combler un vide. Il va permettre de transformer des poissons pélagiques [de haute mer] au sein d’infrastructures spécialisées. » Sur les 150 ha prévus, 53

sont destinés aux industries de transformation, 21 aux industries de support (emballage, électricité…), 24 aux activités logistiques (grouge transport…), et 13 aux page, services (guichet unique, sièges sociaux, recherche et développement…). MedZ, la filiale de CDG Développement chargée de réaliser et de gérer les nouvelles zones d’activités au Maroc, est alliée dans ce projet à la région SoussMassa-Draa, au fonds régional Igrane et au Crédit agricole du Maroc. Fin 2012, après la commercialisation sur 76 ha de la première tranche du projet, « 38 investisseurs ont bénéficié de lots, avec plus de 3 700 emplois à créer, indique Saad Harket, le directeur général d’Haliopolis. Ils sont en

Au Sud, uN Hub à LA poiNtE AgAdir est la première plateforme de transformation halieutique du royaume, leader mondial de la sardine en conserve. Contraintes, depuis le début des années 2000, de répondre à l’évolution des normes de leur principal débouché n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

commercial, l’Europe, les entreprises de la ville « sont à la pointe en termes d’appropriation des procédés techniques », souligne l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPi). Outre son savoir-faire, Agadir offre un accès aux

principales zones de pêche de l’Atlantique, de même qu’aux réseaux autoroutiers et aériens. Les exportations marocaines de produits de la mer ont rapporté 1,05 milliard d’euros en 2011, soit 6,8 % des exportations totales du S.A.-H. pays. l

phase d’autorisation de construire et leurs travaux vont commencer très prochainement. » Saad Harket ne souhaite pas citer le nom des investisseurs en question: « Il s’agit d’entreprises marocaines nouvelles ou qui veulent s’agrandir et d’une entreprise étrangère déjà installée à Agadir et qui désire changer son statut de locataire à propriétaire. » Leur investissement total prévisionnel serait d’un peu plus de 85 millions d’euros, selon Agadir Haliopôle, une association créée pour soutenir la compétitivité des entreprises du secteur et améliorer leur valeur ajoutée. MENACE. « L’une des ambitions d’Haliopolis est de susciter des investissements de l’étranger », ajoute Majid Joundy – ce qui n’a été fait qu’en partie durant la première phase. Au risque de menacer la survie de producteurs locaux ? « Des craintes peuvent exister, mais l’aménagement du parc est fait de façon à répondre à des investisseurs de toute taille », répond le président de l’Unicop. l SAïd Aït-HAtrit jeune afrique



Dossier Agro-industrie MALI

MBSA, pionnier du gazole vert

alimenter notre nouvelle raffinerie nous serons obligés de compléter avec d’autres sources oléagineuses comme l’huile de coton dégradée ou l’huile de ximenia américaine », explique Koreissi Touré. Développer des plantations industrielles n’est en outre pas souhaitable. Les souches génétiques étant limitées, les risques liés à l’apparition de maladies sont trop élevés. Plusieurs projets de ce type ont d’ailleurs tourné court en Tanzanie et au Mozambique, selon notre interlocuteur.

Depuis 2007, l’entreprise fabrique du biocarburant à partir d’oléagineux. Quelque 6 000 agriculteurs maliens lui fournissent leur récolte, et autant de Burkinabè sont sur les rangs.

E

nviron 2 000 litres d’huile par jour : le pressoir de Mali Biocarburant (MBSA) tournera bientôt à plein régime. La principale récolte de graines de jatropha, un arbuste originaire d’Amérique du Sud, a débuté autour des villes de Sikasso, Kita, Koulikoro et Ouéléssébougou. Au total, d’ici à fin octobre, 6 000 petits producteurs livreront leur récolte pour qu’elle soit transformée en biogazole grâce à l’adjonction de méthanol. En 2011, MBSA, pionnier en Afrique de l’Ouest sur ce créneau, a raffiné 220 000 litres de ce gazole issu de l’agriculture. « Cela reste notre année de référence, car 2012 a été largement perturbée par la crise qu’a traversée le pays », précise Koreissi Touré, directeur de la production. La capacité de raffinage devrait toutefois décupler prochainement, avec l’installation d’une nouvelle usine. Depuis la création de l’entreprise par l’agroéconomiste néerlandais Hugo Verkuijl, en 2007, plus de 2 millions d’euros ont été investis. chaudièrES. « Les besoins du

marché ouest-africain sont gigantesques, mais nous ne voulons pas brûler les étapes », précise Koreissi Touré. Et l’initiative sera rentable à condition que le biocarburant puisse bénéficier des mêmes subventions que l’essence fossile. En attendant que la réglementation malienne évolue, MBSA peut compter sur le soutien du ministère des Affaires étrangères des PaysBas et de ses actionnaires hollandais : l’Institut royal des tropiques et le Spoorwegen Pensioenfonds (caisse de retraite de la société néerlandaise des chemins de fer). Actuellement, la production est vendue dans son intégralité à n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

SavonS. D’ici à quelques années,

Per WestergŒrd

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p Pressage des graines dans une exploitation malienne.

des industriels locaux pour faire fonctionner des groupes électrogènes, des chaudières et même des camions. « Pour ces clients, l’intérêt est double: non seulement ils passent de grosses commandes, mais en plus les coûts logistiques sont réduits », assure le directeur de la production. L’entreprise envisage aussi un accord avec un distributeur pétrolier pour mélanger son biocarburant avec du diesel classique afin de le vendre aux automobilistes. « Notre principal défi demeure l’approvisionnement. La production malienne de jatropha est encore insuffisante, et pour

MBSA pourra compter sur l’apport de 6 000 paysans burkinabè dont les arbustes sont pour l’heure immatures. « Pour augmenter les récoltes, nous devons convaincre les producteurs d’accorder plus d’espace à cette culture. Quand le jatropha a été introduit en Afrique de l’Ouest, dans les années 1950, il ne servait qu’à délimiter les champs. Aujourd’hui, les paysans l’associent à des cultures vivrières comme le sorgho ou l’arachide », poursuit Koreissi Touré. L’entreprise a donc décidé d’attribuer aux organisations paysannes respectivement 20 % et 30 % du capital des filiales de production qu’elle a créées au Mali et au Burkina Faso. Elle a aussi aidé les agriculteurs de Koulikoro à construire une usine de fabrication de savons produits à partir de la glycérine obtenue lors de la transformation du jatropha. Convaincu

« nous devons convaincre les paysans d’accorder plus d’espace à la culture du jatropha. » korEiSSi touré, directeur de la filiale de production

par cette approche, le Fonds international de développement agricole (Fida) des Nations unies a décidé d’appuyer MBSA pour dupliquer ce projet au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Guinée. l JuliEn clémEnçot jeune afrique


Sans titre-2 1

27.08.13 11:42


vincent fournier/J.A.

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Culture & mĂŠdias


Culture médias

CinéMa

Laïla Marrakchi « Les Marocains sont condamnés à la schizophrénie »

Après Marock, la réalisatrice signe son deuxième long-métrage, Rock the Casbah. Entretien avec celle par qui le scandale peut encore arriver.

Propos recueillis par

C

Léo Pajon

était il y a huit ans. Le premier film de Laïla Marrakchi, alors tout juste trentenaire, secouait les écrans du royaume marocain et bien au-delà. Marock, un Roméo et Juliette à la sauce chérifienne, avait l’audace de raconter l’histoire d’amour d’une jeune musulmane de Casablanca et d’un garçon juif. À la clé, un succès commercial inattendu pour cette jeune titulaire d’un DEA en études cinématographiques qui avait seulement trois courts-métrages à son actif. Et une polémique particulièrement virulente… Les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) avaient appelé au boycott de cette bluette sans doute « pas assez halal », montrant une jeunesse sans tabou, dénonçant l’hypocrisie religieuse et les mariages arrangés. Attaque contre l’islam ou témoignage sincère de la bonne société marocaine vue de l’intérieur? Le box-office s’était en tout cas enflammé (150 000 entrées au Maroc, autant qu’en France), et la réalisatrice était sortie gagnante de cette querelle nationale. Mariée au réalisateur français Alexandre Aja (fils du cinéaste Alexandre Arcady, réalisateur de plusieurs films d’horreur, dont La colline a des yeux), elle vit actuellement entre New York et Casablanca, où elle revient régulièrement. Elle considère plus que jamais le cinéma comme un miroir qu’il faut brandir à la face des Marocains. Avec Rock the Casbah, elle s’attaque à d’autres sujets sensibles : les inégalités entre hommes et femmes, l’hypocrisie sexuelle.

jeune afrique : Votre précédent long-métrage, Marock, date de 2005. Pourquoi une si longue absence ? LaïLa MarrakChi : D’abord parce que j’ai

eu un enfant [rires] ! Mais j’ai aussi beaucoup travaillé à un projet de long-métrage sur la famille Oufkir [prisonnière de Hassan II à la suite de la tentative de coup d’État du général Mohamed Oufkir en 1972, NDLR], qui n’a malheureusement pas pu aboutir. C’est un peu trop tôt pour en parler au Maroc. Et malgré le soutien de Thomas Langmann [producteur de The Artist], nous avions également des soucis financiers.

Cette fois, vous racontez l’histoire d’un deuil. Pendant trois jours, une famille aisée se réunit à Tanger après le décès du patriarche. Comment vous est venue l’idée de ce film ?

J’ai vécu il y a quelques années l’enterrement d’un vieil oncle à Casa. Je me suis dit qu’il y avait là quelque chose d’intéressant à creuser sur la mort, mais aussi sur les rapports familiaux.

Le titre de votre film, toujours avec « rock », et le retour de l’actrice Morjana alaoui, déjà à l’affiche de Marock, font-ils de ce second longmétrage un prolongement du précédent ?

Bien sûr je parle toujours du Maroc et d’une classe sociale assez privilégiée. Dans Marock, mes personnages principaux étaient des ados, cette fois ce sont des jeunes femmes qui s’éveillent au monde adulte. Mais je ne l’ai pas conçu comme un prolongement… Ce n’est pas le deuxième volet d’une trilogie marocaine ! n o 2748 • du 8 au 14 septeMbre 2013

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Culture médias Cinéma Pourquoi avoir repris le titre de cette chanson des Clash qui, à l’origine, raconte la révolte d’Iraniens « ébranlant la Casbah » et s’élevant contre l’ayatollah Khomeiny ?

Mon film n’est pas vraiment rock’n’roll, mais il porte lui aussi un message de liberté. Sofia, l’une des filles de la famille, qui travaille à New York, fait tout exploser lorsqu’elle rentre dans la maison familiale. Elle met le feu dans la Casbah, pas réellement bien sûr, mais de manière symbolique. Le message que porte le film est assez « bateau » pour les Occidentaux, mais pas tant que ça pour les Marocains : il faut se battre pour rester fidèle à ce qu’on est, à ses convictions. Les choses changent un peu dans la société civile de ce côté-là: je pense par exemple aux manifestations récentes contre la grâce accordée à un pédophile espagnol.

Marock, le premier long-métrage de Laïla Marrakchi (2008)

Dans votre film, les femmes peuvent enfin exister parce que le patriarche est mort. C’est une métaphore de l’Orient d’aujourd’hui ?

Vous évoquez la « schizophrénie » marocaine. Le pays que vous décrivez est aussi traversé par de multiples influences culturelles : on y passe volontiers dans la même phrase de l’arabe au français et à l’anglais.

Oui, c’était un moyen de montrer à quel point il estcompliquédetrouversonidentité.Noussommes traversés par tant d’influences…

Les femmes profitent-elles de ces mutations ?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, les femmes ont gagné des droits. Mais certains problèmes ne sont pas réglés, dont la question de l’héritage, qui reste très inégalitaire. C’est l’un des sujets abordés dans mon film. Je me suis d’ailleurs disputée à ce propos avec des acteurs masculins pendant le tournage. Les hommes héritent plus, mais sont censés « protéger » leurs femmes et leurs familles,cequin’estpastoujourslecasdanslaréalité.

de ce qui relève de l’intimité. Beaucoup vivent dans la frustration et l’interdit, ce qui conduit selon moi à l’extrémisme. La tradition et la religion pèsent encore trop sur les relations entre hommes et femmes : interdiction de faire l’amour avant le mariage, interdiction du concubinage… La situation évolue bien sûr dans les grandes villes, mais la plupart du temps, les Marocains sont condamnés à la schizophrénie. Le code pénal marocain conduit aussi à des situations sordides: je pense au suicide d’une jeune fille pour échapper à un mariage forcé avec son violeur, l’année dernière.

Najib Boulif (l’un des dirigeants du PJD) défendait il y a un an un « art propre », moralement acceptable. Faut-il être particulièrement vigilant pour préserver la liberté artistique au Maroc ?

Rock the Casbah, sortie en salles le 11 septembre

Oui, les anciens dirigeants sont contestés, et les citoyens, notamment les femmes, retrouvent la parole. Même si le ton du film est très doux, on sent une révolte gronder.

Il faut toujours être vigilant, évidemment, mais surtout ne pas se laisser intimider par ces gens-là. De toute façon, ils ne peuvent pas restreindre nos libertés, car le Maroc est trop dépendant du regard des autres pays, du tourisme. Personnellement, je n’ai subi aucune pression pendant le tournage, mais c’est vrai que je n’étais pas complètement à l’aise. Le pays se radicalise, et la religion prend de plus en plus de place. Pourquoi avoir choisi de tourner à Tanger ?

Sans dévoiler l’intrigue, il y est question de plaisir sexuel, d’adultère, de polygamie… C’est compliqué de parler de ces sujets au Maroc ?

C’est une société de non-dits. Nous parlons beaucoup, mais rarement de l’essentiel et très peu

UN rOCK UN PeU MOU La recette est presque aussi goûtue que pour Marock. Le décor d’une grande ville marocaine (tanger), une plongée convaincante dans la vie intime d’une famille aisée, des dialogues qui mettent des mots sur les non-dits. Les trois actrices qui tiennent les rôles principaux (Morjana alaoui, Nadine Labaki, Lubna azabal) brossent un portrait kaléidoscopique réussi de la femme marocaine moderne dont la vie amoureuse et n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

sexuelle bat invariablement de l’aile. surtout, et c’est peut-être là le principal, le film ouvre le débat sur des sujets tabous. Mais Laïla Marrakchi adoucit volontairement le huis clos tragique de ce drame au casting assez inégal, au dénouement convenu. et à force de masquer la douleur sous les sourires, la réalisatrice peine à nous embarquer dans une histoire qui manque de mordant. l L.P.

Nous devions réaliser le film à Casa, au départ, mais il y avait une maison fabuleuse à Tanger, où j’ai tourné mon premier court-métrage. J’étais séduite par le côté international de cette cité qui a accueilli les écrivains de la beat generation, mais aussi par la mélancolie qui s’en dégage. Je me suis dit qu’elle était parfaite pour incarner ce basculement entre la fin d’une époque et le début d’une autre. L’intrigue de votre film tourne autour d’un secret assez lourd et dramatique pour la famille. Pourtant, le ton est plutôt enjoué.

Ce serait impossible de faire Festen au Maroc [Festen est un drame danois très dur, dans lequel, lors d’une réunion de famille, un jeune homme révèle que son père l’a violé]. Ici, il y a toujours une part d’humour, d’ironie, de dérision, même lorsque l’on affronte des crises graves. Je sais que je vais me faire allumer par les critiques occidentales, qui vont me reprocher le côté « doux » du film, mais je suis juste par rapport à ce que je connais de la société marocaine. l jeune afrique


sylvain cherkaoui pour J.a.

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p Visa pour l’image se tient à Perpignan (sud de la France) jusqu’au 15 septembre. PhotograPhie

enfants accusés de sorcellerie. « Kinshasa est unique, il n’y a pas un endroit au monde comme ça », s’exclame le grand Kinshasa a donné beaucoup d’artistes à l’Afrique et au monde. reporter de 58 ans, qui parcourt le continent africain depuis plus de trente ans. C’est à eux que le photographe pascal Maitre, qui parcourt C’est au sein de la rédaction de Jeune le continent depuis plus de trente ans, consacre son exposition Afrique, en 1978, qu’il a découvert le contiprésentée au festival Visa pour l’image. nent, après avoir abandonné ses études de psychologie. Il en capture ses premières comptent souvent parmi les plus connus images lors de reportages. Trois ans plus ulie Djikey s’est enduit le corps d’Afrique et du monde. » tard, il quitte le magazine, mais l’Afrique d’un mélange d’huile pour lui reste chevillée au corps. Et elle lui moteur et de cendres de pneus brûlés. Des filtres à huile lui font SapeurS. Sur les photographies colooffrira les souvenirs les plus marquants office de soutien-gorge. Cette artiste qui rées, on découvre le sculpteur Bodys Isek de son travail : la guerre en Somalie – où vit à Kinshasa a voulu se transformer en Kingelez, qui imagine des villes à l’archiil s’est rendu une dizaine de fois en dix « voiture humaine » afin de protester tecture opposée de celle, anarchique, de ans – et la famine en Éthiopie, d’où il est Kinshasa, et en réalise les maquettes à contre la pollution, le réchauffement revenu « avec une grande colère et un partir de matériaux de récupération. sentiment d’impuissance ». Des situations climatique et l’utilisation des produits cosmétiques. Son portrait ouvre l’expoUn peu plus loin, Chéri Samba, l’un des qu’il n’est d’ailleurs pas toujours facile de sition de Pascal Maitre, présentée au plus célèbres peintres africains, pose montrer… « Tout le monde sait jouer avec dans un costume rose fluo, tandis que un ballon, mais tout le monde n’est pas un 25e festival international du photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, des « sapeurs » – qui ont tendance à professionnel. Avec la photo, c’est la même dans le sud de la France, jusqu’au chose », insiste Pascal Maitre, qui partiattirer les objectifs de nombreux pho15 septembre. cipe pour la septième fois au Le photographe français a capturé, festival, à Perpignan. « Mais je l’artiste a capturé l’énergie en une quarantaine de clichés, l’énergie n’ai pas seulement exposé sur débordante de la capitale débordante de la capitale de la RD Congo, l’Afrique ! » tient-il à préciser. avec ses artistes peintres, ses sculpteurs, Il est de ceux qui ont côtoyé en une quarantaine de clichés. ses musiciens d’orchestres symphole commandant Massoud en niques… Tous puisent leur inspiration tographes tant occidentaux qu’africains Afghanistan, parcouru les steppes de dans le quotidien de Kinshasa, une méga– exhibent nœuds papillons, vestes à Sibérie, vécu plusieurs mois aux côtés des pole de 10 millions d’habitants où chaos carreaux et chaussures Weston. Pascal guérilleros colombiens, affronté la vioet traditions demeurent les maîtres mots. Maitre n’hésite pas à mêler les tradilence des rues de São Paulo. Actuellement, « J’avais déjà travaillé sur cette ville, il y a tions congolaises à l’art contemporain il travaille sur le fleuve Congo pour dix ans, pour le magazine Géo. Mais cette de la ville, et clôt son reportage par des National Geographic. « L’Afrique est un fois, je voulais raconter l’histoire de ses photographies de groupes ethniques, de continent où il y a toujours des histoires artistes. Pourquoi Kinshasa en a-t-elle catcheurs – le catch étant le sport le plus immenses et incroyables à raconter. » l donné autant ? s’interroge Pascal Maitre populaire après le football – et des images Marie Villacèque, devant les panneaux de son exposition. Ils de scènes d’exorcisme impliquant des envoyée spéciale à Perpignan

Made in Kin

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Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

EnfancE

L’œil le plus bleu Fati et issa partent à la pêchedans le grand marigot. Fati est aveugle, mais elle attrape un poisson. Qui, en échange de sa vie, lui offre la vue. seul problème : les yeux de la petite fille seront bleus. et au village, une noire avec des yeux bleus, ça ne passe pas. « ils ont peur. ils sont captifs de leur peur et la peur, ça éteint un peu le cœur… » déclare issa. Mais avec le temps, l’ignorance et la peur peuvent peu à peu s’effacer. Un joli conte sur le racisme signé Yves pinguilly – un habitué du genre – et mis en couleur par Florence Koenig. l NicoLas MicheL La Couleur des yeux, d’Yves Pinguilly et Florence Koenig, Autrement, 42 pages, 5,20 euros n n n

BandE dEssinéE

Pirates musulmans il Est Blond, il a les yeux bleus et il s’appelle Hazar. Enlevé par les sarrasins alors qu’il était enfant, il devient l’un des leurs, pillant et combattant sur les côtes de Provence un peu avant l’an mil. À l’époque, les pirates règnent en maîtres incontestés sur cette région. Sarrasins !, de luca Blengino, luca Erbetta et filippo Rizzu restitue plutôt bien les intrigues politiques de l’époque et sa violence sans pitié. Mais si le sujet est original, et bienvenu, la mise en couleur et l’abus d’effets obtenus par ordinateur ne rendent pas service au classicisme du dessin. l NicoLas MicheL

Sarrasins !, Luca Blengino, Luca Erbetta et Filippo Rizzu, Quadrants, 48 pages, 13,95 euros nnn n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

NADA S. URBA IMAGES

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p Les toits de l’université Al Quaraouiyine à Fès (Maroc) Essai

La lettre au père

L’ancien directeur du quotidien français Le Monde part à la recherche de l’enfance de son père naturel dans les ruelles du mellah de Fès.

c

où Moshé-Moïse le Fassi est devenu est indéniable, l’ancien Maurice le Français. comme tous directeur du Monde Éric Fottorino a la plume alerte les tiens », écrit-il. D’anecdotes en et élégante. auteur de drames familiaux, Fottorino multiplie nombreux livres (Korsakov, L’Homme les allers-retours entre présent et passé, qui m’aimait tout bas, Questions à restituant de poignantes tranches de mon père…) salués par de nombreux vie de ces Juifs de Fès ayant peu à peu prix (François-Mauriac de l’académie déserté la ville. comme un fantôme, le française en 2004, Femina en 2007…), il souvenir de ninette, la grande sœur de ne cesse, dans ses derniers Moshé-Maurice, morte textes, d’interroger ses oriprématurément dans un gines. avec Le Marcheur de accident de voiture, flotte Fès, Fottorino part arpensur cette déambulation ter la ville de naissance de empreinte de mélancoson père naturel, Moshé lie. si le style est doux et Maman, devenu Maurice limpide, l’exercice généaMaman. l’état de santé logique confine parfois de ce dernier ne lui perau name dropping et il mettant pas d’accomplir arrive que l’on se surle voyage, le fils se rend prenne à n’écouter que seul au Maroc, et son livre d’une oreille ce guide qui sera comme une lettre nous entraîne selon son au père, à la deuxième bon vouloir dans l’entreLe Marcheur de personne du singulier. lacs de ruelles qu’il peine Fès, Éric Fottorino, « Je vais marcher pour à rendre tangibles. Fès, Calmann-Lévy, 192 toi, par procuration. toujours, se dérobe… l pages, 16 euros traverser le vieux mellah NicoLas MicheL nnn jeune afrique


Culture médias RéCit

otage au Maghreb islamique En déCEmbRE 2008, l’ancien diplomate canadien Robert Fowler est enlevé au niger, avec son compatriote Louis Guay, par al-Qaïda au maghreb islamique (aqmi). Les deux hommes sont libérés quatre mois plus tard. dans Ma saison en enfer – dont la traduction française sort le 11 septembre en librairie –, Fowler retrace en détail sa terrible expérience, de sa capture aux dessous de sa libération en passant par le quotidien avec les jihadistes au milieu du Sahara. Un récit captivant, à la résonance particulière à l’aube du millième jour de détention des otages français d’areva. l benjaMin RogeR

Ma saison en enfer, 130 jours de captivité aux mains d’Al-Qaïda, Robert R. Fowler, traduit de l’anglais par É. Martel et N. Perron-Martel, Québec Amérique, 27 euros nnn

Cinéma

NICOLE RIVELLI/TOPEKA PRODUCTIONS

L’invention de l’ethnopsychiatrie

p Les acteurs Benicio Del Toro et Mathieu Amalric.

 Où êtesvOus allé après être venu dans mon rêve ? visiter un autre rêveur ? » l’amérindien Blackfoot, vétéran blessé pendant la seconde Guerre mondiale, interpelle ainsi son thérapeute, Georges Devereux, après une séance où ce dernier a tenté d’interpréter un de ses rêves. ledit thérapeute en conclut que ce patient reste bien un Indien, « pour qui le rêve est au moins aussi réel que la réalité ». et il « invente » l’ethnopsychiatrie, qui suppose qu’on ne peut guérir un symptôme d’origine psychique qu’en prenant en

compte très sérieusement la culture de celui qui en pâtit. Mais comment faire un bon film en racontant simplement une cure d’inspiration psychanalytique, celle de cet homme qui, autant que de la guerre, souffrait de porter « dans sa tête » les atteintes à la dignité de son peuple ? Grâce à un mode de récit proche de celui des polars, en recherchant séquence après séquence l’explication des souffrances de Jimmy P. et grâce à l’interprétation remarquable de Benicio Del toro. l Renaud de RochebRune

Jimmy P., Arnaud Desplechin (sortie à Paris le 11 septembre) nnn jeune afrique

Et il est comment le dernier…

… Dany Laferrière

D

any Laferrière ne s’en est jamais caché, il n’écrit que sur lui-même. « Lui, sa vie, son œuvre », résumerait-on si l’on n’avait crainte de déprécier un peu vite la créativité de cet écrivain né à Port-au-Prince (Haïti) et contraint à un exil québécois par la dictature de Jean-Claude Duvalier au milieu des années 1970. Une vingtaine de livres ont suivi la parution de son premier roman (Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, 1985) et jamais il n’a paru s’éloigner de son sujet. Tous, confiait-il d’ailleurs en 2011 à l’hebdomadaire français Télérama, font partie de « son autobiographie américaine ». « Disons qu’il s’agit d’un autoportrait, composé d’une douzaine de romans – et, plus largement, de l’intégralité de mes livres », avait-il soin de préciser. Lui, sa vie, son œuvre. Le Journal d’un écrivain en pyjama, paru en 2013 aux éditions Grasset, est un ouvrage inclassable au narcissisme assumé, à mi-chemin entre l’essai et la chronique. Une succession de courts chapitres (plus de 200), qui sont autant de conseils dispensés avec une plaisante désinvolture par un homme que l’on devine à la fois esthète et dandy. Il y flotte une odeur de fruits trop mûrs (une corbeille de bananes et de mangues oubliées dans la chaleur de l’après-midi), tandis que résonne le

tchak-tchak d’une vieille Remington. Et tout y passe : la page blanche qu’il faut apprendre à contourner, les dialogues dont il faut user avec modération, les descriptions (« Éviter les longues descriptions. Le lecteur d’aujourd’hui n’a pas la patience de celui du siècle dernier qui ne bénéficiait pas d’autant

Journal d’un écrivain en pyjama, de Dany Laferrière, Grasset, 19 euros, 320 pages nnn

de propositions de loisirs »), les adjectifs (« On doit faire bien attention à ne pas multiplier les adjectifs, c’est une épice qui coûte cher. Si un drap est déjà blanc, on n’a pas besoin d’ajouter qu’il est aussi lumineux. Plus vous ajoutez de qualificatifs, moins on vous croit. »), la vraisemblance, l’humour, l’art de conclure… Si Dany Laferrière n’était si talentueux, on trouverait son Journal et ses conseils d’écriture un brin terre à terre. Limite longuets pour qui n’a pas vocation à devenir « ungrandécrivain ». l anne Kappès-gRangé n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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Culture médias Essai

l’orient dans le sang En orientaliste qui s’assume, le politologue Gilles Kepel livre son journal des années 2011 à 2013 – et explore le récent réveil du monde arabe. Passionnant. leçons humanistes. Un problème d’enregistrement au comptoir de l’aéroport de Tunis dévoile ainsi l’étonnante faculté des administrations à se mettre au service des nouveaux pouvoirs. Analyse savante autant qu’œuvre littéraire, entre érudition et vulgarisation, analyse et sensation, passion et désillusion, ce carnet de route est hautement narcissique, et d’autant plus passionnant. Fuyant comme les gavroches de Bahreïn le brouillard de lacrymo qui étouffe les ruelles d’un village en révolte, sa jeunesse d’étudiant gauchiste narguant les forces de l’ordre dans le Quartier latin lui revient à l’esprit. Souvent accouplé à un « jeune collègue » ou à quelque « jeune étudiante » comme Flaubert à Maxime Du Camp, il se souvient de p Analyse savante, récit littéraire, introspection narcissique, l’auteur jongle ses premières initiations à l’Orient, où jouissivement avec les genres. il arrive, presque par hasard, en 1974. Et ne manque pas de tacler au passage est la profession de foi d’un 2.0” qui succède à Ben Laden et à l’ubitel confrère aux recherches subventionnées par le Qatar ou ses anciens camamoustachreq revendiqué. Le quité du jihad. It’s a global world : les carnet de route d’un orienarabisants à la poubelle et les orientalistes rades devenus compagnons de route taliste, cette race de savants, à la retraite ! » de l’islam politique. Parvenu en Syrie, d’artistes et de littérateurs occidentaux la quatorzième et dernière station de mise à l’index de la pensée universitaire révolutions. Ce moustachreq-là s’est ce chemin de croix, il est la proie d’une depuis que l’écrivain palestino-américain au contraire jeté dans le « maelstrom de la hallucination mordante dans un verger Edward Saïd a montré, dans les années révolution » parcourant une région famide cognassiers dont les fruits dorés lui 1970, comment la partialité de ces intellière devenue soudain ni tout à fait une rappellent feu Richard Descoings, le lectuels a justifié une vision impérialiste autre ni tout à fait la même. Son carnet directeur de Sciences-Po qui a supprimé, du monde. Mondialement connu pour d’adresses, sa réputation ou la caméra de le mois même du début de la révolution, France 3 qui le suit pour un documenle département d’études arabes que Kepel son Jihad paru quelques mois avant les attentats du 11 septembre 2001, le taire sont des sésames qui ouvrent toutes avait créé. « Cette passion, c’est la mienne, politologue Gilles Kepel réhabilite ici la les portes au khawaga, explique le maître, celle de lignée suspecte. Passion arabe, le plus « l’étranger ». Il brosse ici l’arabisant qui, au soir de personnel de ses écrits, est un voyage un délicieux portrait du sa vie, voit le monde qu’il a leader islamiste tunisien connu et étudié entrer soudans l’Orient contemporain, une exploration du réveil arabe de 2011-2012, des Rached Ghannouchi en dain en gésine. Mais c’est difficiles transitions égyptienne et tuniprélat onctueux, recueille aussi la passion au sens de sienne à l’holocauste du peuple syrien en là le témoignage prémonila souffrance, au sens où révolte. On y croise, dans les faubourgs toire du grand intellectuel on parle de la Passion du et politicien libanais Samir Christ, de ces sociétés qui de Carthage, la silhouette de Flaubert, ou sur le port croisé de Byblos (Liban), le Frangié : « Les partis islase sont engagées dans un souvenir de Michel Seurat, sociologue aux miques doivent réfléchir processus qui porte autant écrits visionnaires sur la Syrie assassiné d’ores et déjà à une voie islad’espoirs immenses que en 1986 par le Hezbollah. Mais surtout mique vers la démocratie. » de bouleversements vioParfois faussement naïf pour les hommes et les femmes, jeunes ou lents, avec la résurgence Passion arabe, journal, 2011-2013, vieux, illustres ou anonymes, libéraux être discrètement savant, il islamiste dans toutes ses de Gilles Kepel, ou islamistes qui ont vécu les récents voit la portée symbolique de formes. » l Gallimard, 492 pages, petits détails dont il tire des bouleversements. « C’est la “révolution laurent de saint Périer 23,50 euros Jean-Claude Coutausse/divergenCe

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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

RÉPUBLIQUE DE GUINÉE Travail – Justice - Solidarité

GROUPE DE LA BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT

GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE COMITÉ TECHNIQUE DE REVUE DES TITRES ET CONVENTIONS MINIERS

AVIS DE RECRUTEMENT D’UN EXPERT FINANCIER INTERNATIONAL

Dans le cadre du Processus de revue des Titres et Conventions Miniers, le Gouvernement de la République de Guinée, à travers le Comité Technique de Revue des Titres et Conventions Miniers (CTRTCM), souhaite recruter un expert financier international senior à temps plein, qui intègrera une cellule d’appui technique dans les domaines juridique et financier. Le rôle de cette cellule consistera à accompagner le CTRTCM dans la revue et la renégociation des conventions minières Mission : L’expert sera basé à Conakry et travaillera dans les bureaux du CTRTCM. Il sera rémunéré selon les normes nationales et internationales, à partir d’un compte séquestre établi pour la République de Guinée par la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Facilité Africaine de Soutien Juridique (ALSF). Sous l’autorité du Président du CTRTCM, l’expert financier international aura pour mission d’apporter tous les conseils utiles en ce qui concerne toutes les questions financières liées à la revue des titres et conventions miniers. Il accomplira, entre autres, les principales tâches suivantes : - Appuyer le CTRTCM dans la compréhension des enjeux économiques et financiers des conventions soumises à la revue et dans la relation avec des cabinets d’avocats recrutés, en particulier l’expertise financière mobilisée par ces cabinets ; - Appuyer le CTRTCM dans l’analyse des documents de nature économique et financière ; - Assurer la bonne compréhension et utilisation par le CTRTCM des modèles financiers élaborés par les partenaires du CTRTCM et les experts externes et, en cas de besoin, développer de nouveaux modèles financiers pour le CTRTCM ; - Participer à la rédaction des rapports périodiques et des notes de synthèse du CTRTCM. Durée de la mission : L’expert sera recruté de septembre 2013 à Décembre 2014, prolongeable en fonction du déroulement effectif de la revue et de l’appréciation de son travail par le CTRTCM.

Des informations supplémentaires et les termes de référence peuvent être obtenus en adressant une demande au CTRTCM à l’adresse e-mail citée ci-dessous entre 09h et 17h GMT. Le Président du CTRCM invite les individus intéressés à présenter leur candidature en produisant une lettre de candidature (présentant leur capacité et expérience similaires démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations, leur motivation et leur disponibilité), un Curriculum Vitae, des références et copies des diplômes certifiées conformes aux originaux. La candidature devra être déposée sous pli fermé, à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard, le 30 septembre 2013 à 10 heures 00 GMT et porter expressément la mention « Candidature au poste d’expert financier international » ou envoyée par voie électronique aux adresses e-mail indiquées ci-dessous : Secrétariat du Comité technique de revue des titres et conventions miniers. À l'attention : Monsieur Nava TOURE, Président du Comité technique de revue des titres et conventions miniers. Villa 26, Cité des Nations, Kaloum, Conakry. Guinée. Email : nava.toure@contratsminiersguinee.org et copie à : icamara@biasy.net.

JEUNE AFRIQUE

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Recrutement

Profil et expérience : L’expert devra : - être titulaire d’un diplôme de second degré du supérieur en finance, économie, audit, comptabilité ou gestion, au sein d’une institution académique de réputation internationale. - disposer d’au moins dix (10) ans d’expérience professionnelle pertinente dans les domaines de l’analyse financière et conseil sur d’importants projets d’investissement dans des pays en développement, l’audit-comptabilité et la modélisation financière.


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www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

Recrutement - Formation

info@sai2000.org

The Children’s Investment Fund Foundation Londres Salaire : Compétitif Fondé en 2003, la Children’s Investment Fund Foundation a pour mission d’améliorer la vie des enfants vivant dans la pauvreté dans les pays en voie de développement, en ayant un impact durable et à grande échelle. Nous considérons que chaque enfant mérite de vivre, grandir et se réaliser pleinement en tant qu’adulte, dans un environnement porteur et sûr. La plupart de nos activités sont concentrées en Afrique Sub-saharienne et en Asie du Sud. Directeur Nutrition Avec un portefeuille de programmes de plus de 100 millions de dollars et un engagement d’investir 700 millions de dollars supplémentaires au cours de la période 20132020, CIFF est un des partenaires leaders dans le domaine de la nutrition. Notre objectif est d’élever la lutte contre la malnutrition au premier rang des priorités de développement économique et social et d’appuyer les pays les plus touchés dans leurs efforts d’accélération de programmes de lutte contre la malnutrition à large impact concentrés sur les interventions à l’efficacité avérée. Nous recherchons un directeur Nutrition pour diriger la stratégie de la Fondation en matière de nutrition et superviser le développement de nouveaux investissements dans ce domaine.

Directeur Santé CIFF a actuellement deux priorités stratégiques actives dans le domaine de la santé : la santé néonatale et la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Nous développons également une nouvelle stratégie dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive des adolescents. Avec des investissements actifs à hauteur de 120 millions de dollars, CIFF a pour objectif de mettre en œuvre des stratégies et investir dans des programmes visant à réduire de 10% le taux de mortalité néonatale d’ici à 2020 et à accélérer l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Nous recherchons un Directeur Santé qui conduira la stratégie de la Fondation et supervisera le développement de nouveaux investissements dans ces domaines. Candidatures Les candidats seront des personnalités reconnues dans les domaines de la nutrition/santé, susceptible d’apporter une crédibilité et un réseau professionnel forts ainsi qu’une compétence technique et institutionnelle dans les domaines concernés. Les candidats auront une vision précise de la manière d’influencer le contexte global, l’expérience du développement de stratégies et une connaissance approfondie de la gestion de programmes et des partenariats. Visitez www.ciff.org pour télécharger les descriptions de poste. Pour postuler, merci d’envoyer CV et lettre de motivation (en anglais) à recruitment@ciff.org avec pour référence “Jeune Afrique 2013”.

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Annonces classées RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO COMITÉ D’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES « COREF »

AVIS À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT RECRUTEMENT D'UN CONSULTANT CABINET CHARGÉ DE L’ÉLABORATION DES MODULES DE FORMATION EN FINANCES PUBLIQUES ET D’ASSURER LA FORMATION DES FORMATEURS N° DU DON : IDA H7210 ZR - AMI N°002/PRC-GAP/COREF/PM/08/2013 DATE DE PUBLICATION : 02 SEPTEMBRE 2013 ET DATE DE CLÔTURE : 16 SEPTEMBRE 2013 Le Comité d’Orientation de la Réforme des Finances Publiques (COREF) a reçu un financement de l’Association internationale de développement (IDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre d'un contrat de services de Consultant firme chargé de l'élaboration des modules de formation en finances publiques et d'assurer la formation des formateurs. Les services du Consultant portent notamment sur l’élaboration des modules de formations suivants : La gestion budgétaire axée sur la performance ; Les outils de la GAR (CBMT, CDMT, CDSMT, Budgets programmes) ; Les procédures budgétaires (Préparation et Exécution du budget de l'Etat) ; Dispositifs et processus de contrôle budgétaire ; La comptabilité publique ; La gestion de la Trésorerie ; La fiscalité ; La gestion de la solde (paie) des agents et cadres de l'administration publique ; La décentralisation des finances publiques. Objectif de la mission : produire au regard des faiblesses actuelles dans la gestion budgétaire et dans la perspective de la mise en oeuvre la loi relative aux finances publiques qui prône une gestion axée sur la performance, les modules de formations en matière des finances publiques et de former les formateurs. Durée de la mission : à convenir avec le Consultant et Lieu : à Kinshasa.

Divers - Manifestation d’intérêt

Critères pour figurer sur la liste restreinte : Avoir une bonne qualification ou expérience dans les domaines suivants : (i) Elaboration des modules de formation ; Détenir au moins un bac +5 en économie, droit, science politique ou discipline similaire ; Avoir une expérience avérée d’au moins dix (10) ans dans la conception, l’élaboration des modules de formation en matière des finances publiques ; Avoir assumé les missions similaires à l’étranger ; Posséder des connaissances dans la mise en oeuvre de la réforme budgétaire axée sur les résultats ; (ii) Formation des formateurs : Pour les formateurs des formateurs : Détenir, au moins, un bac +5 en économie, droit, science politique ou discipline similaire ; Avoir accompli une expérience d’au moins dix (10) ans dans la pratique des finances publiques ; Détenir une expérience d’au moins cinq ans dans le domaine de l'enseignement ; Avoir assumé les missions similaires au pays et ou a l’étranger ; Avoir la connaissance de l'environnement des finances publiques de la RDC. Les firmes cabinets de consultants admissibles doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution de ces Services ; peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences et peuvent obtenir des informations complémentaires entre 9 et 16 heures de lundi à vendredi. La méthode de sélection sera fondée sur la Qualification et le Coût. Les manifestations d’intérêt doivent être écrites en langue française, adressées en version papier ou électronique au COREF, à l’attention de Mr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur, au plus tard le 16 septembre 2013 et porter la mention « AMI n°002/PRCGAP/COREF/PM/08/2013 – Recrutement d'un Consultant firme chargé de l'élaboration des modules de formation en finances publiques et d'assurer la formation des formateurs ». COMITÉ D’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES « COREF » A l’attention de Monsieur Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur 16, Avenue du Comité Urbain Kinshasa / Gombe (RDC) Tél. : (243) 81 319 29 57 - E-mail : corefminfin@yahoo.fr, cpmcoref@yahoo.fr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur

M. Philippe MERTILLO Tel : +33 683 883 238 phmertillo@gmail.com IBC Registred N° 114822 Mahé - Victoria - Seychelles

"L'ELEVAGE RENTABLE" Aide à la décision d'investissement Stratégie de développement Contrôle de la filière N° 2748 • DU 8 AU 14 SEPTEMBRE 2013

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO COMITÉ D’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES « COREF »

AVIS À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT CABINET INTERNATIONAL CHARGÉ DE L’ÉLABORATION DES OUTILS PÉDAGOGIQUES ET TECHNIQUES D’ACCOMPAGNEMENT DE LA LOI N° 11/011 DU 13 JUILLET 2011 RELATIVE AUX FINANCES PUBLIQUES (LOFIP) N° DU DON : IDA H7210 ZR - AMI N°003/PRC-GAP/COREF/PM/08/2013 DATE DE PUBLICATION : 02 SEPTEMBRE 2013 ET DATE DE CLÔTURE : 16 SEPTEMBRE 2013

Le Comité d’Orientation de la Réforme des Finances Publiques (COREF) a reçu un financement de l’Association internationale de développement (IDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre d’un contrat de services de Consultant cabinet international chargé de l’élaboration des outils pédagogiques et techniques d’accompagnement de la Loi n°11/011 relative aux Finances Publiques du 13 juillet 2011 (LOFIP). Les services du Consultant portent notamment sur l’élaboration des outils pédagogiques et techniques ci-dessous avec une forte implication des cadres de l’administration publique: (i) le guide de la réforme budgétaire ; (ii) le guide pratique de la LOFIP ; (iii) le guide méthodologique sur la démarche de la performance ; (iv) le guide méthodologique d’élaboration des CDMT ; (v) le guide pratique de déclinaison des programmes (budgets opérationnels des programmes) ; (vi) le guide opérationnel de l’analyse des coûts des programmes et des grandes fonctions de l’Etat ; (vii) le guide d’audit des programmes ; (viii) le guide pratique sur le dialogue de gestion ; (ix) le guide méthodologique de l’élaboration d’un projet annuel de performance et d’un rapport annuel de performance ; (x) le guide pratique sur l’organisation des débats d’orientation budgétaires ; (xi) le guide méthodologique du contrôle hiérarchisé des dépenses. Objectif de la mission : aider à la production des différents outils pédagogiques et techniques qui favorisent la compréhension et la maîtrise de la gestion axée sur la performance telle que prônée par la LOFIP

Critères pour figurer sur la liste restreinte : Pour la réalisation du mandat, le COREF recrute une firme ayant une bonne qualification ou expérience dans les domaines suivants : Conception des politiques publiques et sectorielles ; Gestion budgétaire axée sur les résultats et de la démarche de la performance ; Planification et programmation budgétaire. La firme doit avoir la capacité de recruter une équipe pluridisciplinaire compétente composée d’au moins un Expert senior en Finances Publiques et d’un Expert en Gestion Budgétaire axée sur les Résultats. Les firmes cabinets de consultants admissibles doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution de ces Services ; peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences et peuvent obtenir des informations complémentaires entre 9 et 16 heures de lundi à vendredi. La méthode de sélection sera fondée sur la Qualification et le Coût. Les manifestations d’intérêt doivent être écrites en langue française, adressées en version papier ou électronique au COREF, à l’attention de Mr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur, au plus tard le 16 septembre 2013 et porter la mention « AMI n°003/PRC-GAP/COREF/PM/08/2013 – Recrutement d’un Consultant firme chargé de l’élaboration des modules de formation en finances publiques et d’assurer la formation des formateurs ». COMITÉ D’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES « COREF » A l’attention de Monsieur Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur 16, Avenue du Comité Urbain Kinshasa / Gombe (RDC) Tél. : (243) 81 319 29 57 E-mail : corefminfin@yahoo.fr, cpmcoref@yahoo.fr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur

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Manifestation d’intérêt

Durée de la mission : de 6 mois et Lieu : à Kinshasa et autres sites.


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AVIS À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT CABINET CHARGÉ DE L’ÉLABORATION D’UN MANUEL D’AUDIT INTERNE ET D’UN MANUEL DES PROCÉDURES APPLICABLE AU CONTRÔLE ADMINISTRATIF EXERCÉ PAR L’INSPECTION GÉNÉRALE DES FINANCES ET L’ÉLABORATION DES MODULES DE FORMATION EN FAVEUR DES CONTROLEURS BUDGÉTAIRES ET DES INSPECTEURS DES FINANCES ET ASSURER LA FORMATION DES FORMATEURS N° DU DON : IDA H7210 ZR - AMI N°004/PRC-GAP/COREF/PM/08/2013 DATE DE PUBLICATION : 02 SEPTEMBRE 2013 ET DATE DE CLÔTURE : 16 SEPTEMBRE 2013

Le Comité d’Orientation de la Réforme des Finances Publiques (COREF) a reçu un financement de l’Association internationale de développement (IDA), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements au titre d’un contrat de services de Consultant cabinet international chargé de l’élaboration d’un manuel d’audit interne et d’un manuel des procédures applicable au contrôle administratif exercé par l’inspection générale des finances et l’élaboration des modules de formation en faveur des contrôleurs budgétaires et des inspecteurs des finances et assurer la formation des formateurs.

Manifestation d’intérêt

Les services du Consultant portent sur la revue des procédures et outils d’audit interne utilisés par l’Inspection Générale des Finances afin de se faire une idée sur les faiblesses actuelles et, ainsi, d’évaluer les besoins en matière d’audit interne au sein de l’administration publique et des outils de travail à mettre en place notamment, les manuels des procédures applicables au contrôle administratif exercé par l’Inspection Générale des Finances et d’élaborer les modules de formation en audit interne et d’assurer la formation des formateurs en audit interne en faveur des Inspecteurs des Finances et des Contrôleurs Budgétaires. Ces outils de travail à mettre en place devront servir de référentiels dans la perspective de la création des directions d’audit interne dans les différents ministères du pouvoir central et des provinces. Objectif de la mission : produire les manuels d’audit interne et de procédures applicables au contrôle administratif exercé par l’Inspection Générale des Finances, d’élaborer des modules de formation et d’assurer la formation des formateurs. Durée de la mission : 90 jours et Lieu : à Kinshasa et autres sites. Critères pour figurer sur la liste restreinte : Pour la réalisation du mandat, le COREF recrute une firme ayant une bonne qualification ou expérience dans les domaines suivants : économie, sciences commerciales, gestion financière, audit ; conception, élaboration des modules de formation en matière d’audit des programmes ou des projets budgétaires et des outils techniques de la démarche de la performance. Les firmes cabinets de consultants admissibles doivent fournir les informations démontrant qu’ils possèdent les qualifications requises et une expérience pertinente pour l’exécution de ces Services ; peuvent s’associer avec d’autres firmes pour renforcer leurs compétences et peuvent obtenir des informations complémentaires entre 9 et 16 heures de lundi à vendredi. La méthode de Sélection sera Fondée sur la Qualification et le Coût. Les manifestations d’intérêt doivent être écrites en langue française, adressées en version papier ou électronique au COREF, à l’attention de Mr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur, au plus tard le 16 septembre 2013 et porter la mention « AMI n°004/PRC-GAP/COREF/PM/08/2013 – Recrutement d’un Consultant firme chargé de l’élaboration des modules de formation en finances publiques et d’assurer la formation des formateurs ». COMITÉ D’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES FINANCES PUBLIQUES « COREF » A l’attention de Monsieur Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur 16, Avenue du Comité Urbain Kinshasa / Gombe (RDC) Tél. : (243) 81 319 29 57 E-mail : corefminfin@yahoo.fr, cpmcoref@yahoo.fr Godefroid MISENGA MILABYO, Coordonnateur

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Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) - Yaoundé - Cameroun Projet de Renforcement des Capacités des Institutions Régionales de la CEMAC (P099833) Crédit IDA n° : 45290 – RAF et Don IDA n° H 4340 RAF

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL (AAOI) N° 003.1/COBAC-BEAC/PRCIRC/UGRIF/2013/AOI MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME INTÉGRÉ DE PRODUCTION (SIP) 1. Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés du Projet indiqué ci-dessus publié dans le journal Development Business n° 775 du 31 mai 2010. 2. La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) a reçu un crédit et un don de l’Association Internationale pour le Développement pour financer le Projet de Renforcement des Capacités des Institutions Régionales de la CEMAC, et a l’intention d’utiliser une partie du don pour effectuer des paiements au titre du présent appel d’offre n° 003.1/COBAC-BEAC/ PRCIRC/UGRIF/2013 /AOI pour la mise en place d’un système intégré de production pour le compte de la COBAC. 3. Le Secrétariat Général de la COBAC, à travers l’Unité de Gestion des Réformes des Institutions Financières (UGRIF), agence d’exécution du Projet, invite, par le présent Avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la mise en place un système intégré de production. Le Système cible sera articulé autour d’une plate-forme informatique gérant le cycle de vie des établissements de crédit (de la création à la liquidation en prenant en compte toutes les opérations de contrôle) qui respectera les standards techniques courants. Ce système comprend essentiellement les modules suivants :

4. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international (AOI) décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA de la Banque mondiale, édition de Mai 2004, révisées en octobre 2006, affichées sur le site Web : www.worldbank.org Sont admis à soumissionner tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives et répondant aux critères de qualification minimums suivants : • Chiffre d’affaires moyen de trois (03) dernières années au moins égal à deux millions (2 000 000) US dollars ; • Le soumissionnaire a exécuté au moins deux (2) marchés similaires au cours des cinq (05) dernières années (2008, 2009, 2010, 2011, 2012) ; joindre les procès-verbaux de réceptions provisoires et/ou définitives dûment signés par les membres des commissions de réception. 5. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises pourront obtenir un complément d’information auprès du Secrétariat Général de la COBAC et de l’UGRIF, et consulter le dossier d’appel d’offres du lundi au vendredi entre 9 heures à 14 heures à l’adresse suivante :

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Avec copie aux : Secrétariat Général de Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) Tél : (+237) 22 23 40 30/60, Fax : (+237) 22 23 33 29 Email : cobac@camnet.cm Messieurs Joseph Henri IKORI à YOMBO, Mail : ikori@beac.int Denis LENDJONDJO, Mail : lendjondjo@beac.int 6. Les candidats intéressés peuvent également acheter un jeu complet de documents d’appel d’offres rédigés en français, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-dessus moyennant paiement d’un montant non remboursable de cent cinquante mille (150 000) Francs CFA ou de deux cent trente (230) euros. Le paiement devra être effectué par versement direct en espèces, remise de chèque ou versement sur le compte du Projet, contre récépissé. Une réunion préparatoire à la soumission des offres à laquelle pourront assister les soumissionnaires intéressés aura lieu le 10 octobre 2013 à 10 heures dans les locaux de la BEAC à Yaoundé. 7. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le 14 novembre 2013 à 10 heures. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant minimum de Dix millions (10 000 000) Francs CFA ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture à l’adresse indiquée ci-après (adresse à la fin du document), le 14 novembre 2013 à 11 heures. 8. On appelle l’attention des Soumissionnaires éventuels sur le fait : i) qu’il leur sera demandé, dans le cadre de leur soumission, de certifier que tous les logiciels sont couverts par une licence valide ou ont été produits par eux ; ii) qu’il pourra leur être demandé de faire une démonstration sur les produits proposés iii) et que les infractions seront considérées comme des cas de fraude pouvant donner lieu, entre autres sanctions, à l’exclusion du Soumissionnaire concerné de toute participation future à des marchés financés par la Banque mondiale. Adresse de dépôt des offres : Secrétariat général de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) Immeuble de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) 736, avenue Monseigneur Vogt, B.P. : 1917 Yaoundé - CAMEROUN Tél : (+237) 22 23 40 30/60, Fax : (+237) 22 23 33 29 A l’attention de Monsieur Le Secrétaire Général de la COBAC

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Appel d’offres

• Module Collecte, Exploitation et Restitution aux Banques et établissements financiers des Etats Réglementaires • Module Gestion Administrative (Avis conformes, autorisations préalables, recueil de textes, fiche signalétique des établissements, Information préalable) • Module d’auto-évaluation et d’évaluation de la mise en œuvre des règlements • Module de contrôle sur place • Module de gestion des paramètres transversaux

Unité de Gestion des Réformes des Institutions Financières (UGRIF) A l’attention de Monsieur le Coordonnateur de l’UGRIF 736, avenue Monseigneur Vogt, B.P. : 1917 Yaoundé - CAMEROUN Tél : (+237) 22 23 40 30/60, Fax : (+237) 22 23 33 29, Email : adoum@beac.int


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AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL ASECNA/DGDI/DGDIM/1354/2013 L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (“ASECNA”) a obtenu un prêt de l’Agence Française de Développement (AFD) pour contribuer au financement de son Plan de Services et Équipements (PSE) 2009 – 2013. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du Marché relatif à la Fourniture et à l’installation des Systèmes Automatiques d’Observations Météorologiques d’Aérodrome sur les sites : Antananarivo, Bamako, Bangui, Bissau, Bobo-Dioulasso, Brazzaville, Cotonou, Dakar, Douala, EAMAC, Gao, Garoua, Libreville, Lomé, Mahajanga, Mopti, Moroni, Mvengué, Ndjamena, Niamey, Nouadhibou, Nouakchott, Toamasina, Ouagadougou, Pointe-Noire, Port-Gentil et Dakar (Siège). 1. L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (“ASECNA”) invite, par le présent Appel d’Offres international, les entreprises ou groupements d’entreprises spécialisées dans la conception, la fourniture et le montage d’installations des équipements de navigation aérienne et admis à concourir à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la réalisation des travaux susvisés.

Appel d’offres

2. Les entreprises ou groupements d’entreprises intéressées par l’appel d’offres peuvent consulter le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero), obtenir des informations supplémentaires ou examiner le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) à partir du 02 septembre 2013 au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) sis à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, BP 8163 Dakar – Yoff, Sénégal, Téléphone : +221 33 869 51 20/24/25 ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des pays concernés. 3. Le Dossier d’Appel d’Offres (DAO) peut être retiré à partir du 02 septembre 2013 moyennant le paiement, en espèce ou par chèque certifié, d’une somme non remboursable de Deux Cent Mille (200.000) Francs CFA, soit Trois Cent Quatre Euros Quatre-Vingt Dix Centimes contre délivrance d’une quittance au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) sis à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, BP 8163 Dakar – Yoff, Sénégal, Téléphone : +221 33 869 51 20/24/25 ou +221 33 869 52 76, à la Délégation à Paris (ASECNA), 75 Rue la Boétie – 75008 Paris – France, Téléphone : +33 (01) 44 95 07 07 ou dans les Représentations de l’ASECNA auprès des pays concernés. Le chèque certifié sera libellé au nom de Madame l’Agent Comptable de l’ASECNA et susceptible d’être tiré sur une banque agréée dans un pays membre de l’ASECNA. 4. Les offres établies en langue française et en quatre (04) exemplaires papier dont un (01) original et trois (03) copies doivent être déposées au secrétariat du Chef du Département Ingénierie et Prospective (ASECNA) sis à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, Dakar – Yoff, Sénégal au plus tard le 02 décembre 2013 à 11 heures, heure locale (GMT) sous plis fermés et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de deux cent millions (200.000.000) de Francs CFA. 5. L’ouverture des plis interviendra le même jour (02 décembre 2013) à 12 heures, heure locale (GMT), dans la salle de réunion du Département Ingénierie et Prospective en présence des soumissionnaires qui le souhaitent ou de leur représentant. 6. Les soumissionnaires doivent prendre toutes les dispositions requises pour que leur offre soit reçue au secrétariat du Chef du Département Ingénierie et Prospective avant la date et l’heure indiquées ci-dessus. Toute offre déposée à tout autre endroit à l’ASECNA, se fera aux risques du soumissionnaire et ne sera pas prise en compte. Toute offre reçue après l’heure de clôture ou la date limite de dépôt indiquée ci-dessus sera rejetée. Les soumissionnaires sont informés qu’aucune offre présentée par télécopie ou de manière électronique ne pourra être acceptée. Pour le Directeur Général et par délégation Le Chef du Département Ingénierie et Prospective Mohamed KHALED

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AVIS DE DEMANDE DE PROPOSITIONS

L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) lance une Demande de Propositions pour la migration des serveurs Windows, Exchange et implémentation de nouveaux services dans le cadre du partenariat signé avec Microsoft. Le Dossier de demande de proposition (DDP) peut être consulté sur le site web de l’ASECNA (www.asecna.aero) et retiré contre le paiement obligatoire d’une somme non remboursable de Cinquante Mille (50 000) Francs CFA à partir du 02 septembre 2013 au Département Ingénierie et Prospective, Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal). La date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA), Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, Dakar-Yoff (Sénégal) est fixée au 03 octobre 2013 à 11 heures, heure locale (GMT). Aucune offre arrivée hors délai ne sera acceptée. L’ouverture des plis en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent, aura lieu le même jour (03 octobre 2013) à 12 heures, heure locale (GMT).

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 20/ DGHS /2013 La Direction de l’Habillement et des Subsistances lance l’appel d’offres international pour l’acquisition des instruments de musique N°20 / DGHS /2013. Les cahiers des charges peuvent être retirés à l’adresse suivante : « La Direction Générale de l’Habillement et des Subsistances sise à l’Avenue Habib Bourguiba – 2010 Manouba », contre paiement de la somme de 25,000 dinars, par mandat adressé au nom du régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale C.C.P. n° 1700100000000616-82-24. Les offres doivent être obligatoirement envoyées sous plis fermés cachetés soit par voie postale en recommandé soit les mettre directement au bureau d’ordre de la direction soit par rapid-poste générale de l’habillement et des subsistances. Elles doivent porter lisiblement en haut et à gauche la mention « NE PAS OUVRIR A/O INTERNATIONAL N° 20/DGHS/2013 acquisition des instruments de musique ». Les offres doivent parvenir au plus tard le 25 Octobre 2013 (Le cachet du bureau d’ordre faisant foi). ADRESSE : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DE L’HABILLEMENT ET DES SUBSISTANCES AVENUE HABIB BOURGUIBA – 2010 MANOUBA.

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Demande de propositions - Appel d’offres

Le Directeur Général


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Annonces classées ISLAMIC REPUBLIC OF MAURITANIA MINISTRY OF PETROLEUM, ENERGY AND MINES COMMITTEE RESPONSIBLE FOR THE ATTRIBUTION OF THE CONCESSION OF THE NOUADHIBOU AND NOUAKCHOTT PETROLEUM STORAGE FACILITIES

INTERNATIONAL REQUEST FOR PROPOSALS FOR THE IMPLEMENTATION OF A PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP FOR THE OPERATION, THE REHABILITATION AND THE EXTENSION OF NOUAKCHOTT AND NOUADHIBOU STATE-OWNED HYDROCARBON STORAGE FACILITIES

NOTICE OF PRE-QUALIFICATION 1. The Government of the Islamic Republic of Mauritania launches this Notice of pre-qualification in the process of an International Request for Proposal (“RfP”) for the implementation of a Public-Private Partnership (“PPP”) for the operation, the rehabilitation and the extension of Nouakchott and Nouadhibou state-owned liquid hydrocarbons storage facilities. 2. The committee responsible for the attribution of the concession of Nouadhibou and Nouakchott hydrocarbon storage facilities (hereafter "CMCD") is in charge of the pre-qualification of potential investors who are interested in submitting requests to the aforementioned RfP. 3. Potentially interested companies and consortia are invited to submit their applications in accordance with the instructions given in the Pre-qualification Document, and in particular under the conditions referred to in paragraph 5 (see below).

Avis de Pré-qualification

4. The candidate and the consortium leader both have to be legal entities established under the laws of corporations in their countries of origin. However, individuals may participate as part of a consortium, but not as leaders. In case of a consortium, all members are jointly liable and the team leader of the consortium must have been operating for at least five (5) years a liquid hydrocarbon and / or LPG storage facility with a capacity greater than or equal to 50,000 cubic meters. To be pre-qualified, the candidate must meet the requirements listed below: a) Experience in relation to the envisaged PPP The candidate (or in case of a consortium, the leader) must have been operating in the last five years liquid petroleum products and / or LPG storage facility(ies) with capacity equal to or exceeding 50,000 cubic meters. The experience of the candidate must include the previous achievement of a rehabilitation and / or expansion of capacity of liquid hydrocarbon or LPG storage facilities greater than or equal to 50,000 cubic meters. To attest the veracity of its statement, the candidate must provide the following documents: i) A certificate issued by an official authority of the country where storage facilities are located and where the candidate operates. This certificate must indicate that the candidate has been operating these facilities satisfactorily for at least five (5) years and the total volume of these storage facilities; ii) A certificate issued by an official authority or internationally renowned supervisory body certifying that the candidate or the member of the consortium, satisfactorily performed rehabilitations and / or reported extensions. b) Financial situation The candidate must provide certified and audited balance sheets (or, if this document is not required by its country’s regulatory body, other financial statements) for the past five years demonstrating the current soundness of the candidate’s financial situation. In case of a consortium, these balance sheets or financial statements must be provided for each member of the consortium. 5. Prospective investors willing to obtain the Pre -qualification Document must apply by email to Mr. President of the CMCD at the following address: Department of Refined Hydrocarbons - Ministry of Petroleum, the Energy and Mining (“Direction des Hydrocarbures raffinés – Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines”), Nouakchott – Mauritania – Phone Number: (222) 45 25 39 87 - Fax: (222) 45 25 39 87 – email addresses: cheikhsidahmed013@yahoo.fr and mmazizsidi@yahoo.fr The application for the Pre-qualification Document must bear the name and address of the potential investor, the first and last names of its representatives and the email address where the document can be sent. Any interested investor must specify in its email applying for the Pre -qualification document if it is requesting the document on his behalf or on behalf of a consortium. On a purely informative basis, in case of a consortium of investors, a list of the members of the consortium must be submitted with the application 6. Applications must be submitted in a closed and sealed envelope, and shall be received by the CMCD no later than on October 3rd, 2013 at 4pm (Mauritania time) at the address below: Monsieur le Président de la CMCD - Direction des Hydrocarbures raffinés – Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines Nouakchott - Mauritanie - Phone : (222) 45 25 39 87 - Fax : (222) 45 25 39 87 e-mail : cheikhsidahmed013@yahoo.fr ; mmazizsidi@yahoo.fr. 7. The CMCD reserves itself the right to request any additional information to investors to check the relevance of the application (commercial information, websites…) before sending the Pre–qualification document. Any rejection of an application will be duly justified. The decision, taken by the CMCD, to reject an application, is definitive and not subject to appeal. Nouakchott, September 4, 2013 President of the CMCD Cheikh Ould Sid’Ahmed

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RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE MINISTÈRE DU PÉTROLE, DE L’ÉNERGIE ET DES MINES COMMISSION CHARGÉE DE LA MISE EN OEUVRE DU PROCESSUS DE MISE EN CONCESSION DES DÉPÔTS PÉTROLIERS DE NOUADHIBOU ET DE NOUAKCHOTT

APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL POUR LA MISE EN PLACE D’UN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ POUR L’EXPLOITATION, LA RÉHABILITATION ET L’EXTENSION DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE DE PRODUITS PÉTROLIERS PROPRIÉTÉ DE L’ÉTAT DE NOUAKCHOTT ET DE NOUADHIBOU

AVIS DE PRÉ-QUALIFICATION 1. Le Gouvernement de la République Islamique de la Mauritanie lance le présent Avis de pré-qualification dans le cadre du processus de l’Appel d’Offres International (AOI) pour la mise en place d’un partenariat public-privé pour l’exploitation, la réhabilitation et l’extension des infrastructures de stockage de produits pétroliers liquides de Nouakchott et de Nouadhibou appartenant à l’Etat mauritanien. 2. La commission chargée de la mise en oeuvre du processus de mise en concession des dépôts pétroliers de Nouadhibou et de Nouakchott ci-après dénommée « CMCD » est chargée notamment de la pré-qualification des investisseurs potentiels qui seront intéressés à présenter des offres dans le cadre dudit AOI. 3. Les sociétés et groupements potentiellement intéressés sont invités à présenter leurs dossiers de candidature conformément aux indications figurant dans le Dossier de Pré-qualification qui peut être sollicité dans les conditions visées au point 5 ci-dessous. 4. Le candidat et le chef de file du groupement doivent être des personnes morales constituées conformément aux lois des sociétés commerciales de leurs pays d’origine. Toutefois, des personnes physiques peuvent participer dans le cadre de groupements mais en aucun cas ne pourront être chef de file d’un groupement. En cas de groupement, toutes les parties membres sont responsables solidairement et le Chef de file du groupement doit exploiter depuis au moins cinq (5) ans un dépôt de produits pétroliers liquides et/ou de GPL d’une capacité supérieure ou égale à 50.000 mètres cubes.

5. Les investisseurs potentiels souhaitant se procurer le Dossier de Pré-qualification doivent faire la demande par courrier électronique à l’adresse suivante : Monsieur le Président de la CMCD, à l’adresse suivante : Direction des Hydrocarbures raffinés – Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines- Tél : (222) 45 25 39 87 – Fax : (222) 45 25 39 87- e-mail : cheikhsidahmed013@yahoo.fr ; mmazizsidi@yahoo.fr Nouakchott - Mauritanie. La demande de Dossier de Pré-qualification doit contenir le nom et l’adresse complète de l’investisseur potentiel concerné, les noms et prénoms de son représentant et l’adresse internet où le dossier peut lui être transmis. Tout investisseur intéressé, doit mentionner dans sa demande de Dossier de Pré-qualification s’il demande ce dossier pour son compte ou pour le compte d’un groupement. Dans le cas où il s’agirait d’un groupement d’investisseurs, la liste des membres du groupement doit être transmise lors de la demande de dossier à titre purement informatif. 6. Les dossiers de candidature doivent être reçus par la CMCD sous pli fermé et cacheté, au plus tard le 03 octobre 2013 à 16 h 00 (heure de Mauritanie) à l’adresse indiquée ci-dessous : Monsieur le Président de la CMCD - Direction des Hydrocarbures raffinés – Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines Nouakchott - Mauritanie - Phone : (222) 45 25 39 87 - Fax : (222) 45 25 39 87 e-mail : cheikhsidahmed013@yahoo.fr ; mmazizsidi@yahoo.fr 7. La CMCD se réserve le droit de solliciter des investisseurs concernés toute information complémentaire lui permettant de vérifier l’intérêt de la demande de dossier concernée (informations commerciales, sites internet, etc.) avant de remettre le Dossier de Pré-qualification. Tout rejet de remise de Dossier de Pré-qualification sera dument justifié. La décision de la CMCD concernant le rejet d’une demande de dossier est définitif et ne fait l’objet d’aucun recours. Nouakchott, Le 04 septembre 2013 Le Président de la CMCD Cheikh Ould Sid’Ahmed JEUNE AFRIQUE

N° 2748 • DU 8 AU 14 SEPTEMBRE 2013

Avis de Pré-qualification

Pour être pré-qualifié, le Candidat devra satisfaire aux critères figurant ci-après : a) Expérience en rapport avec l’objet du PPP : Le candidat (ou en cas de groupement, le chef de file) doit être exploitant de dépôt(s) d’hydrocarbure(s) liquide(s) et/ou de GPL d’une capacité égale ou supérieure à 50.000 mètres cubes depuis au moins cinq (5) ans. Cette expérience doit inclure la réalisation par le passé d’une réhabilitation et/ou d’une extension de capacités de stockage d’hydrocarbures liquides ou de GPL égale ou supérieure à 50.000 mètres cubes. Pour attester la véracité de ses déclarations, le candidat devra fournir les documents suivants : i) Une attestation d’une Autorité officielle du pays dans lequel se trouvent les installations de stockage qu’il exploite. Cette attestation devra indiquer qu’il exploite lesdites installations de manière satisfaisante depuis au moins cinq (5) ans et le volume total des dépôts concernés ; ii) Une attestation d’une Autorité officielle ou d’un organisme de contrôle de renommée internationale attestant que le candidat ou le membre concerné du groupement, a réalisé de manière satisfaisante les réhabilitations et/ou les extensions déclarées. b) Situation financière : Le Candidat doit fournir les bilans (ou, si cela n’est pas requis par la réglementation du pays du candidat, autres états financiers) certifiés pour les cinq dernières années démontrant la solidité actuelle de la position financière du candidat. En cas de groupement, ces bilans ou états financiers doivent être présentés pour chacun des membres du groupement.


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Vous & nous

le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Syrie Bruits de bottines Les responsabLes français, piégés dans leur posture de « redresseurs de torts face au dictateur chimique » car à présent totalement isolés, se sont dits surpris par la décision de barack obama de demander le vote du Congrès. Comment donc ? ne se sont-ils donc pas aperçus, après toutes ces années, que la politique d’obama, particulièrement au Moyen-orient, se caractérise par de grandes annonces suivies au mieux d’un immobilisme total, au pire de brusques reculades ? Que le chef de l’hyperpuissance a, comme il ne cesse de le marteler, toutes les options sur la table mais ne veut surtout pas faire un choix? Les promesses du Caire pour la paix et le renouveau des relations avec

le monde arabe ? Vaines. L’engagement de fermer Guantánamo ? Du vent. L’assurance vite apportée de reconnaître et d’assister pleinement l’opposition syrienne? Du foin. La reconnaissance de l’État palestinien ? Le néant… avec leur expérience de la diplomatie, leur connaissance du monde arabe et des ÉtatsUnis, comment les Français se sont-ils laissés convaincre de la volonté inébranlable de ce dirigeant velléitaire, alors que l’opposition de l’opinion outre-atlantique à toute intervention ne pouvait leur échapper. Il semble que le président Hollande ait voulu chausser les bottines de son prédécesseur, vainqueur du dictateur libyen. avec bonheur au Mali, certes, et la victoire facile contre les jihadistes a pu

lui laisser croire que le monde se rallierait à son panache tricolore et qu’assad se désagrégerait à sa vue… Capitaine de pédalo lanceur d’engins dans la tourmente syrienne, comment le président français fera-t-il pour ne pas sombrer dans le ridicule si le Congrès américain venait lui aussi à s’opposer à toute frappe ? l Émile Farah, Clamart, France

Civisme entre actes et paroles en reLIsant d’anciens numéros de Jeune Afrique, je suis tombé sur une belle invitation à l’écriture, signée de béchir ben Yahmed. elle date de janvier 1986 et dit notamment : « Il n’y a pas pour nous de “grands” ou de “petits” événements. Une

Bambara Traduction sujette à caution Dans votre éDition no 2746 datée du 25 au 31 août, le « Grand angle » consacré au président de la république du Mali, ibrahim Boubacar Keïta, pèche par la traduction du mot bambara « kankélentigui ». À en croire votre envoyé spécial rémi Carayol, il signifie « l’homme qui n’a qu’une parole ». il n’en est rien. Ça veut dire plutôt « l’homme qui honore son engagement ». selon la déontologie des traducteurs, on traduit selon le sens et non selon la forme du mot. Merci. l mOhamed KOnÉ, Censeur au Lycée de Katiola, Mali

p J.A. no 2746, du 25 au 31 août 2013.

réponse : Pour celui qui maîtrise le bambara, la traduction « l’homme qui honore son engagement » est peut-être littéralement plus proche du mot « kankélentigui » que « l’homme qui n’a qu’une parole », mais la seconde ne trahit pas le sens de la première. Elles expriment l’une et l’autre l’idée de « tenir sa parole, respecter ses engagements, ne rien changer à ce que l’on a promis ». Le sens a bien été ici respecté. l la rÉdaCTiOn n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

expérience personnelle a pour nous autant de valeur humaine, journalistique ou littéraire qu’un coup d’État, une guerre ou une élection… » Voici un exemple de fait anodin qui peut avoir cette noble valeur. Dans un café, un monsieur est visiblement en colère. Il explique à ses compagnons que nos rues sont sales et que nos concitoyens bafouent les règles les plus élémentaires d’hygiène. et pendant qu’il râle, il jette un morceau de papier sur le sol. attablé à côté de ce protestataire, un client lui fait remarquer: « Monsieur, votre discours est bien beau, mais avant de blâmer les autres, apprenez à respecter vous-mêmes ces règles élémentaires de civisme. sachez, Monsieur, que le sol n’est pas une poubelle. » l ahmed Ouardy, Safi, Maroc

Tunisie il y a de l’espoir IntItULÉ « tunisiens malgré tout », votre « post-scriptum » du no 2746 a retenu mon attention. et je comprends qu’il soit triste de constater le recul de tunis en matière de démocratie, de sécurité, d’économie, de bonne gouvernance, etc. La révolution n’est ni un long fleuve tranquille ni un boulevard. C’est un parcours sinueux, plein d’embûches, d’avancées et de reculs. Il faut du temps pour que la majorité des tunisiens comprenne que la « théocratie » ou « allah-cratie » ou encore « prophète-cratie » n’est bonne qu’à l’intérieur des mosquées, et totalement nuisible en dehors. pour les Égyptiens, c’est déjà fait ; mais ce n’est qu’une étape. La flamme allumée par Mohamed bouazizi à sidi bouzid ne s’éteindra pas avant qu’elle n’ait apporté un jeune afrique


Vous nous

ordre nouveau, plus juste et plus démocratique dans tout le monde arabe. Discours haineux, barbes allongées, voiles, burqas et turbans n’y changeront rien. Et la Tunisie sera toujours et malgré tout un pays d’espoir. l Félicien R. BiKUMU, Kigali, Rwanda

Plaidoyer Pygmées, Toubous, noubas et cie JE sais quE de tels sujets sont davantage rangés dans la case ethnographie que dans la case société, et que l’Occident préfère les caser dans ses musées plutôt que dans ses dossiers d’actualité. Mais je regrette de lire si peu de reportages sur les sociétés traditionnelles du continent

qu’on qualifie au pire de « sauvages » au mieux de « p e u p l e s p re m i e r s » . Pygmées, Toubous, Noubas, Massaïs, Bushmen… ces sociétés hautement civilisées – peut-être dans un sens qui échappe aux inventeurs du terme « civilisation » – méritent que l’on s’intéresse à elles, que l’on en parle. Elles valent d’être présentées comme les héritières, les créatrices et les gardiennes de cultures multimillénaires et authentiques. Elles ont, avant tout autre peuple, conduit l’homme vers l’Histoire et continuent de s’y inscrire pleinement. Comme les cultes zoomorphiques de l’Égypte antique ont puisé directement dans les conceptions subsahariennes de la

Droit de réponse À la suite de l’article sur la RD Congo intitulé « il était une fois les Belges » paru dans le no 2743 de Jeune Afrique, M. Frédéric Corbière, responsable des relations presse à la société de distribution africaine présidée par Philippe de Moerloose, nous a communiqué la réaction suivante. « Contrairement à ce qui est écrit dans votre article, Philippe de Moerloose n’a pas de liens spécifiques avec le président de la RD Congo. Comme d’autres hommes d’affaires présents dans ce pays, il a déjà rencontré le président Joseph Kabila au Palais de la nation dans le cadre d’audiences officielles. Les allégations selon lesquelles Philippe de Moerloose réglerait certains détails des séjours bruxellois de l’épouse du président Joseph Kabila sont également non fondées. » nature, les pharmacologues contemporains sollicitent en premier lieu les connaissances botaniques de ces peuples pour découvrir les molécules guérisseuses de

demain. Ces peuples n’ont jamais quitté l’Histoire, pourquoi seraient-ils absents de l’actualité ? l GeoRGes saRMenT, Saint-Étienne, France

Le Secteur Agroalimentaire: Un Catalyseur pour une Croissance Durable et Inclusive en Afrique

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6 - 9th octobre 2013 |Ser ena Hotel | Ki gali | Rwanda

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L’AgriBusiness Forum met l'accent sur le renforcement du secteur agroalimentaire africain en encourageant les partenariats, les investissements et les meilleures pratiques. Plus de 400 personnes représentant les PME, les bailleurs de fonds, les financiers / banques, les multinationales, les organisations internationales, les chercheurs, les responsables gouvernementaux et les ONG seront présents. Les rencontres B2B sont organisées sur mesure pour vous permettre de rencontrer votre partenaire idéal, des investisseurs et distributeurs. Pour plus d'informations et inscription, veuillez contacter François Kacen FK@ermc.be Pour les possibilités d’intervention et de partenariat, veuillez communiquer avec Caterina Giuliano CG@emrc.be ou visitez www.emrc.be Tél: +32.2.626.15.15 / 14 DEVENEZ LE PROCHAIN LAURÉAT DU CONCOURS DE l’INCUBATEUR DE PROJET ET RECEVEZ UN PRIX DE 15 000 $ US, ENVOYEZ-NOUS LE PROFIL DE VOTRE PROJET C’EST AUSSI SIMPLE QUE CA ! Hébergé par le gouvernement du Rwanda :

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Hebdomadaire international politique, économie, culture

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Fondé à tunis le 17 oct. 1960 par béchir ben Yahmed (53e année) édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com direCtion directeur de la publication : BécHir Ben YAHmeD (bby@jeuneafrique.com) directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Le temps des fossoyeurs

rédaCtion directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) directeurs exécutifs : marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

L

a cinquantaine, le cheveu rare, le corps frêle, il travaille depuis cinq ans dans une pension de famille. Je l’appelle… Modeste. chaque jour, il nettoie les chambres, fait les lits, lave et repasse le linge. accessoirement, il se transforme en garçon de courses. À la fin du mois, il touche 75000 F cFa, c’est-à-dire environ 114 euros ou 150 dollars. Modeste n’a pas de voiture, il n’est pas propriétaire. De cette somme, il retranche ce qu’il faut pour ses déplacements entre son domicile et son lieu de travail, le montant du loyer, les frais de scolarité et de transport de ses enfants. avec le reste, il faut s’arranger pour assurer le repas quotidien. quand je sors ma calculette, je me rends compte que ce Modeste est un faiseur de miracles. et je ne résiste pas à la tentation de lui demander comment il s’en sort. Sa réponse est un mélange de fatalisme et de malice. il me dit : « Par la grâce de Dieu. »

Modeste en profite pour me raconter sa vie. « Vous savez, chef (ah bon ?), ma femme a accouché il n’y a pas longtemps. elle avait ce jour-là 24 de tension. Le médecin m’a dit : “Si vous aimez votre femme, il ne faut plus qu’elle tombe enceinte.” elle a pris des médicaments contre l’hypertension. Mais je ne peux plus lui en acheter. elle continue à vivre grâce à Dieu. » Le visage de Modeste s’assombrit. L’émotion brise sa voix. il se tait quelques minutes, avant d’enchaîner : « L’un de mes enfants a été reçu au baccalauréat l’année dernière. Je voulais l’inscrire à l’université. Je suis allé voir mon patron. et je lui ai demandé de me prêter un peu d’argent pour cela, quitte à opérer des retenues mensuelles sur mon salaire. Mais mon patron a piqué une colère terrible, il s’est mis à crier, avant de m’intimer l’ordre de me taire si je ne voulais pas être renvoyé. Je me suis tu. Mon fils est toujours à la maison. » Des gens comme Modeste, on en trouve des millions sur le continent africain. ils ont un emploi, certes, mais ils sont payés au lance-pierre. ils n’ont pas de contrat de travail, pas de sécurité sociale, pas d’assurance-maladie. Leurs employeurs ne les ayant déclarés nulle part, ne payant aucune cotisation, ils n’auront jamais de retraite et passeront leur vieillesse dans une misère révoltante. Leurs « employeurs » les chassent à la moindre contrariété. ce lumpenprolétariat ou sous-prolétariat, comme disaient les marxistes-léninistes, représente l’essentiel des employés dans nos pays en butte à des armées entières d’inactifs. ces hommes et ces femmes exploités à outrance, vous les voyez tous les jours dans les restaurants, les commerces, les hôtels, les bars… Vous les avez dans vos propres maisons, vous les « grands » de nos pays, les élites, les bien-pensants, les donneurs de leçons, les défenseurs de la veuve et de l’orphelin. Vous les traitez comme s’ils étaient des esclaves, corvéables à merci. Pourtant, vous savez que l’employeur et l’employé sont liés par un contrat de travail écrit, conformément à la législation. Vous avez vous-mêmes des contrats de travail. Dites-moi quelle fierté vous tirez de cette exploitation éhontée de vos propres compatriotes, à qui vous vous adressez comme s’ils valaient moins que vos chiens ? l

rédaction en chef : élise colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), laurent Giraud-coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Aldo de Silva, Dominique mataillet, renaud de rochebrune Secrétariat : chantal lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), michael pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), tarek moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric maury (Économie), Jean-michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), cécile manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine clerc, Fabien mollon, ophélie négros, louisa Yousfi rédaction : pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, ryadh Benlahrech, pierre Boisselet, rémi carayol, Julien clémençot, Frida Dahmani (à tunis), Georges Dougueli, trésor Kibangula, christophe le Bec, nicolas michel, Haby niakate, cherif ouazani, Abdel pitroipa, Fanny rey, laurent de Saint périer, tshitenge lubabu m.K. ; collaborateurs : edmond Bertrand, christophe Boisbouvier, patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times responsable de la communication : Vanessa ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) réaliSation maquette : marc trenson (directeur artistique), emeric thérond (premier rédacteur graphiste), christophe chauvin, Stéphanie creuzé, Julie eneau, Valérie olivier; révision : nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir pol ; fabrication : philippe martin (chef de service), christian Kasongo ; service photo : Dan torres (directrice photo), nathalie clavé, Vincent Fournier, claire Vattebled ; documentation : Anita corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence turenne, Angéline Veyret JeuneaFrique.Com direction éditoriale : élise colette ; chefs d’édition : pierre-François naudé, Frédéric maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, trésor Kibangula, mathieu olivier, Benjamin roger et nicolas teisserenc responsable web : Jean-marie miny ; studio : cristina Bautista, Jun Feng et maxime pierdet VenteS et abonnementS directeur marketing et diffusion : philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chefs de produit : Hélène constant, maty n’Dome ; abonnements : laetitia Banelle avec: Com&Com, Groupe Jeune afrique 18-20, avenue édouard-Herriot, 92350 le plessis-robinson. tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. e-mail : jeuneafrique@ cometcom.fr l

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n o 2748 • du 8 au 14 septembre 2013

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