Ja 2789 du 22 au 28 juin 2015 plus djibouti

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algérie au secours, le fis revient ! de Je

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Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2789 • du 22 au 28 juin 2014

CÔTe D’iVOire fortune D’HouPHouËt : oÙ est PassÉ le MaGot ?

PeOPle MariaGe à la Marocaine

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Afriq

Teni DJIBOUT r le c I jeuneafrique.com ap ue

Spécial 18 pages

Air A c i Afr One

vous avez Tout ce que lu savoir sur toujours vou vos chefs de les voyages er le demander. os sans jamais

édition internationale France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

Samedi 21 juin

Israël et les autres…

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erceau des trois grandes religions censées favoriser la paix et la fraternité entre les hommes, le Moyen-orient s’embrase une fois de plus. la violence y est extrême, mais le pire est peut-être à venir. les pays arabes de la région s’enfoncent dans une logique de guerre et de désordre, et l’on voit les plus riches et les plus réactionnaires d’entre eux, wahhabites d’arabie saoudite et néo-wahhabites du Qatar, s’arroger un droit d’ingérence dans les affaires intérieures de leurs voisins, apportant un soutien de moins en moins discret aux islamistes et jihadistes de la pire espèce. le spectacle que les pays arabes donnent à leurs citoyens et au monde est affligeant. n

Hier, c’était un président syrien, son gouvernement et son armée qui, sans état d’âme, pilonnaient leur pays et une partie de la population. aujourd’hui, c’est un Premier ministre irakien et son gouvernement qui, faute de pouvoir le faire euxmêmes, demandent aux États-unis de bombarder leur pays et une partie de leurs concitoyens, entrés en rébellion armée contre un pouvoir sectaire qui leur a fait subir moult discriminations. Qui peut ramener un peu d’ordre dans la région? tous les yeux se tournent vers les États-unis : « L’Amérique n’a d’autre choix que d’intervenir pour sortir l’Irak de la crise qui le secoue. Faute de quoi, ce qu’elle a mis en place et sa crédibilité dans la région seront réduits à néant. Les États-Unis ont pour obligation d’extirper l’extrémisme islamiste des zones où il sévit. » sans doute, mais pas seuls et pas seulement avec leurs alliés de l’otan. Pas sans l’iran, la russie et la chine ; pas sans les nations unies. car c’est l’amérique qui, pour être intervenue en 2003 en dehors de la légalité internationale, a introduit dans la région les germes du désordre. n jeune afrique

Beaucoup estiment que les États-unis n’ont plus guère d’influence au Moyen-orient, que leurs alliés se sont émancipés et prennent désormais leurs décisions sans tenir compte de ce qu’en pense Washington. Je suis d’un avis opposé. les États-unis sont en train de renouer avec le seul adversaire de taille qu’ils avaient dans la région, l’iran, et tiennent tous les dirigeants des pays arabes, Égypte, arabie saoudite et Qatar inclus, sous leur coupe. leur seul allié de la région qui leur pose problème est israël : sous la férule de ses actuels dirigeants de droite, il donne de plus en plus de signes de défiance à l’égard de l’ordre américain. nous saurons dans les prochains mois si les Étatsunis auront réussi l’exploit de renouer avec l’iran sans perdre israël. n

Érigé en forteresse armée jusqu’aux dents, l’État hébreu se voit comme un îlot de stabilité et de paix au centre d’une région en flammes. au fil des années, il a vu disparaître les armées arabes qui pouvaient menacer sa sécurité (Égypte et Jordanie à la faveur de traités de paix ; irak et syrie via l’intervention des États-unis ou la guerre civile). au lieu de se contracter, son armée, tsahal, se développe et se modernise, s’équipe et voit son budget annuel augmenter d’année en année pour frôler, en 2014, la barre des 18 milliards de dollars, soit 7 % environ du PiB. un commentateur israélien en est arrivé à écrire qu’« Israël est une armée dotée d’un pays ». l’armée égyptienne étant trop engagée dans la politique et l’économie pour être encore une force militaire, il n’y a plus d’armée arabe digne de ce nom face à israël. Pour l’ensemble du Moyen-orient, il n’y a plus que la turquie et l’iran qui puissent désormais rivaliser avec l’État hébreu sur le plan militaire. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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Ce que je crois S’agissant de ce dernier pays, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a prévenu les EuroAméricains que tout accord qu’ils pourraient signer avec l’Iran sera « un mauvais accord ». Son objectif à lui est « d’empêcher l’Iran non seulement de construire des armes nucléaires mais d’en avoir la capacité à terme ». Ses exigences sont draconiennes : « L’Iran doit détruire son réacteur, ses stocks, ses centrifugeuses et toute capacité d’enrichir de l’uranium. Il devra même livrer ses archives nucléaires. » En un mot comme en mille, le Premier ministre israélien veut que l’Iran signe un acte de capitulation, sans guerre si possible. Ou bien au terme d’une guerre. Cette ligne conduit tout droit à un conflit armé entre l’Iran et Israël. Les États-Unis ont-ils la possibilité de l’empêcher ? n

Le Parlement israélien vient d’élire le dixième président d’Israël et, dans un mois, Reuven Rivlin succédera pour sept ans à Shimon Peres. Alors que ce dernier se battait pour la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël, son successeur s’y oppose carrément. « Rivlin ne sera pas président de l’État d’Israël : il sera le président du Grand Israël, écrit Ari Shavit dans Haaretz. Il utilisera l’institution présidentielle pour faire

avancer la colonisation de la Cisjordanie et la solution d’un seul État, deux idées qu’il vénère et soutient. Natif de Jérusalem, fidèle à ses convictions, il n’hésitera donc pas à s’exprimer et à agir pour faire échouer toute tentative visant à créer un État palestinien. Rivlin président, c’est un désastre assuré. Le simple fait d’élire un partisan du Grand Israël causera de lourds dégâts diplomatiques à l’État hébreu. » Désormais, les principaux dirigeants d’Israël sont contre un État palestinien et contre tout accord avec les Arabes. Et ils viennent de marquer leur ferme opposition à tout gouvernement palestinien d’Union nationale, dès lors qu’il serait soutenu par le Hamas. n

L’Israël de 2014 ne veut donc pas d’un Iran sorti de « l’axe du mal », et intronisé comme l’un des « cinq grands » du Moyen-Orient. Il ne veut pas non plus d’un État palestinien autonome aux côtés d’Israël dans des frontières (celles de 1967 ou à peu près) sûres et reconnues. Et encore moins coopérer avec les Palestiniens, les Arabes et les Euro-Américains pour faire sortir le Hamas de son isolement et de sa radicalité. Et l’Israël de 2014 pense qu’il appartient à « tous les autres » de le rejoindre dans sa propre radicalité. Parviendra-t-il à leur faire faire des pas dans sa direction ? C’est l’enjeu des prochains mois… l

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Il n’est pas de grand talent sans grande volonté. Honoré de Balzac

u Un arrivant bien avisé ouvre les yeux mais point encore la bouche. Proverbe angolais

u Si Khrouchtchev avait été assassiné à la place de Kennedy, je ne suis pas sûr qu’Onassis aurait épousé Mme Khrouchtchev. Sir Douglas-Home

u Son cerveau est aussi vide que le carnet d’adresses d’un ermite. Rowan Atkinson

u Il est parfois des moissons qui n’arrivent pas à fleurir ; il en est aussi qui, après avoir fleuri, n’ont pas de grain. Confucius u Un homme est non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut. Jean-Paul Sartre n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

u Cette chose plus compliquée et plus confondante que l’harmonie des sphères : un couple. Julien Gracq u En France, vous n’avez plus que des retraités, des chômeurs et des Arabes. Et encore, heureusement qu’il y a les Arabes, parce qu’on aurait que des retraités et des chômeurs ! Le Grand Café des brèves de comptoir

u Le superbe croit la moitié de ce qu’il entend et le double de ce qu’il dit. Nassim Nicholas Taleb u Le mariage, c’est se mettre à deux Pour affronter tout’s les galères Qu’t’aurais pas eues célibataire. Agnès Bihl u La femme est comme un livre souvent lu, elle s’ouvre toujours à la même page… Sacha Guitry u Une tête sans mémoire est une place sans garnison. Napoléon Bonaparte jeune afrique



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Éditorial

ALGÉRIE AU SECOURS, LE FIS REVIENT ! LE PLUS

de Jeune

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2789 • du 22 au 28 juin 2014

CÔTE D’IVOIRE FORTUNE D’HOUPHOUËT : OÙ EST PASSÉ LE MAGOT ?

PEOPLE MARIAGE À LA MAROCAINE

Afrique

Tenir DJIBOUTI

le cap jeuneafrique.com

Spécial 18 pages

Marwane Ben Yahmed

Printemps arabe

AIR AFRICA ONE

photos de couvertures : AP PhoTo/FrAncois Mori ; LAnGLois-PooL/siPA ; EMMAnuEL DAou BAkAry ; niViErE/siPA ; ArisTiDE PrésiDEncE ci ; PETEr DEjonG/AP/siPA

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ÉDITION INTERNATIONALE France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

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roisansaprèslesrévoltesquil’ontsecoué,lenouveau monde arabe, ou plutôt la nouvelle afrique du nord, tant le Moyen-orient semble plus rétif au changement, offre un visage contrasté. si l’on met de côté l’« immuable » algérie et l’indécodable Maroc, qui a intelligemment préféré l’adaptation organisée aux bouleversements subis, égypte, libye et tunisie auront suivi des chemins bien différents. l’égypte, qui a longtemps hésité entre sa toute-puissante (et riche) armée et les Frères musulmans, a d’abord choisi ces derniers, dans un contexte où la première faisait profil bas compte tenu du legs de Hosni Moubarak, marqué par la corruption (il n’était cependant pas le seul militaire concerné) et le népotisme. aujourd’hui, tout le monde ou presque se réjouit de l’arrivée au pouvoir, à la faveur d’un coup d’état, de l’ex-maréchal abdel Fattah al-sissi. Qui doit l’essentiel de sa popularité et de ses soutiens au seul fait qu’il a abrégé le règne d’islamistes incompétents et inquiétants. attendons de voir ce qu’il donnera non pas en tant qu’alternative ou recours, mais comme chef d’état, ce qui n’est pas du tout le même rôle.

En Libye, difficile d’imaginer pire situation: économie exsangue, rivalités régionales, tribalisme exacerbé – qui a pour corollaire la perte du sens de l’intérêt général –, libre circulation des armes, aussi faciles à se procurer qu’un litre de lait à l’épicerie du coin, administration (et forces de l’ordre) fantôme, islamistes déchaînés, classe politique irresponsable… là encore, un militaire aux allures de sauveur, soutenu par l’extérieur, s’imagine un destin à la sissi… reste le pionnier des révoltes arabes, celui sans qui rien n’aurait été possible : la tunisie. évidemment, il s’agit du plus petit, donc du plus faible, qui ne représentait pas un enjeu majeur pour les « grands » de ce monde. De tous les pays d’afrique du nord, il est celui qui a la population la plus homogène et la mieux éduquée. accessoirement, celui aussi qui dispose de l’armée la plus républicaine – sans être une coquille vide. surtout, malgré les vicissitudes propres à toute phase postrévolutionnaire, l’état fonctionne, et l’administration est aussi compétente qu’opérationnelle. résultat : malgré les errements et l’impression persistante que marcher au bord de l’abîme est devenu un sport national, le processus de transition démocratique n’a jamais cessé de progresser, pour aboutir aujourd’hui à un assez large consensus et à un agenda électoral relativement clair : législatives, a priori fin octobre, présidentielle fin novembre ou fin décembre. rien n’a été simple, mais la tunisie avance tant bien que mal. D’ici là, le cirque politicien dressera une fois de plus son chapiteau : alliances contre nature, guerre des ego, campagnes électorales bâclées, programmes minimalistes. Bref, un vaste capharnaüm de nature à inquiéter un peu plus, si tant est que ce soit possible, les tunisiens. Mais, au final, malgré les multiples menaces, la plupart extérieures, dont la moindre n’est pas la crise libyenne, la tunisie demeure à l’évidence, trois ans après, un modèle pour les pays du printemps arabe. et nul ne pourra décemment minimiser dans cette semi-réussite la part de l’héritage de Bourguiba et de Ben ali. Car c’est en grande partie l’histoire contemporaine de la tunisie qui explique son présent, n’en déplaise aux révolutionnaires naïfs. l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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MariaGe à la MaroCaine L’union fait leur force

houPhouëT-BoiGnY

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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l a seM a in e d e j eu n e a f riq u e

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Mariage à la marocaine L’union fait leur force Graça Machel Queen Mum ahmed abou Khattala Fini le jihad ! défense Emplettes d’états-majors internet Des clics et des facs sommet États-unis -afrique Qui en sera ? Kenya Shebab or not Shebab ? Tour du monde

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G ra n d a n G l e

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Chefs d’État Air Africa One

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a f riq u e su Bsa h a rien n e

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houphouët-Boigny Fortune & descendances santé La fièvre monte jeune afrique


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs Grand anGle

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chefs d’État

Air AfricA One 46 alGérie

Au secours, le FIS revient !

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Justice Interview de Sidiki Kaba, garde des Sceaux du Sénégal Francophonie Dans la cour des grands Coulisses

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MaGhreb & M oye n - o r i e n t

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algérie Au secours, le FIS revient ! tunisie Ghazi Mrabet, avocat en pétard Coulisses Maroc Migrants sur liste d’attente

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europe, aMér i q u e s, as i e

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états-unis Back to Irak inde À Muzaffarnagar, les musulmans tremblent parcours Amine Ksassoua, libre jongleur turquie Ekmel Bey défie le calife Clinton Telle mère, telle fille

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le plus de Jeu n e a Fr i q u e

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djibouti Tenir le cap

jeune afrique

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MAROC-TUNISIE

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DUEl

Musique

Accords de paix

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Maroc-tunisie Duel de haut vol aérien Les liaisons parisiennes de Kenya Airways Cameroun Guerre d’actionnaires chez IBC les indiscrets sénégal Abbas Jaber, l’insubmersible Côte d’ivoire La SGBCI se couvre, ses bénéfices trinquent

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C u lt u re & M éd ia s Musique Accords de paix art contemporain Kaléidoscope et crayons de couleur science-fiction Le pire est avenir littérature Jardin d’Éden la semaine culturelle de Jeune afrique

vous & nous le courrier des lecteurs post-scriptum

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Maroc-France Le général et l’orchidée

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MAROC ReMAnieMent iMMinent

Huit mois après le remaniement qui a permis l’entrée du Rassemblement national des indépendants dans la majorité gouvernementale, un cabinet Benkirane III se profile. La directionduMouvementpopulaire, son parti, a d’ores et déjà pris acte du départ imminent d’Abdeladim El Guerrouj du ministère de l’Éducation nationale. De son côté, le Parti de la justice et du développement (PJD) va devoir régler le cas Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porteparole du gouvernement. Très n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

ava du Parc

«

n s’en serait bien passé », dit-on au Quai d’Orsay à propos du dernier incident en date dans le climat déjà tendu des relations franco-marocaines. Le 18 juin, Mustapha Adib, ex-capitaine des Forces armées royales (FAR) et opposant notoire depuis son séjour en prison au début des années 2000 – il vit depuis en France –, est parvenu à s’introduire jusqu’à la porte de la chambre de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce, à Paris, où se trouvait depuis une quinzaine de jours le général Abdelaziz Bennani, 78 ans, inspecteur général des FAR et commandant de la zone Sud. Adib, qui avait en mains une orchidée (fleur mortuaire), une lettre d’insultes en arabe qu’il comptait remettre en mains propres à son destinataire – traité de « nain », de « rat », de « lâche » et de « criminel » –, ainsi qu’une caméra pour filmer son exploit, a été refoulé in extremis par une nièce et un médecin marocain du malade, qui l’avaient reconnu. Forte émotion à Rabat, où Charles Fries, l’ambassadeur de France, a été aussitôt convoqué par le patron des

p L’ex-capitaine Mustapha Adib, à Paris, en septembre 2012.

services extérieurs, Yassine Mansouri. Question: comment Adib, connu pour son activisme incontrôlable, a-t-il pu pénétrer sans encombre dans un hôpital relevant du ministère de la Défense? « Le Val de Grâce est un hôpital ouvert, dont les chambres ne sont sécurisées qu’à la demande des patients et de leurs familles. Or le général Bennani n’avait pas formulé une telle requête », répond-on dans l’entourage du ministre Jean-Yves Le Drian. Face aux protestations marocaines relayées par le Premier ministre Abdelilah Benkirane en personne, qui estime que la

critiqué pour sa gestion de l’audiovisuel public, celui-ci pourrait changer de poste et hériterduministèredesAffaires économiques et générales. FRAnCOPHOnie L’AFRique unie ?

Les chefs d’État d’Afrique francophone devraient profiter du 23e sommet de l’UA (Malabo, 26-27 juin) pour tenter de désigner un candidat commun au secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont l’élection aura lieu en novembre, à Dakar. Une réunion en marge

protection du général aurait dû être assurée de façon automatique, Paris a bien dû prendre l’affaire au sérieux. Selon nos informations, le fils du général Bennani, présent sur les lieux, a été auditionné par les gendarmes dépêchés sur place et le Val-de-Grâce a déposé plainte contre Adib pour intrusion avec l’intention de nuire. L’ex-capitaine a d’ailleurs été entendu le 20 juin par la police dans le cadre de cette affaire. Quant à Bennani, dont la famille a également porté plainte, il est désormais placé sous protection française. l

du programme officiel est prévue à cet effet. Une candidature commune donnerait à l’Afrique les meilleures chances de conserver le poste occupé depuis douze ans par le Sénégalais Abdou Diouf. On sait que d’autres pays comme le Canada et le Liban sont sur les rangs… Certains observateurs n’hésitent pas à donner Pierre Buyoya, l’ancien chef de l’État burundais, comme favori devant le Mauricien Jean-Claude de L’Estrac (lire p. 44) et le Congolais Henri Lopes. Problème de taille, cependant: il est persona non grata en Suisse et au Canada.

SÉnÉGAL/FRAnCe LeS AvOCAtS de WAde FOnt du LObbyinG

Après le classement sans suite, le 17 juin, de la plainte pour enrichissement illicite déposée, fin 2012 à Paris, par l’État sénégalais à l’encontre de Karim Wade, les avocats de ce dernier plaident discrètement sa cause auprès des hauts responsables français. Me Pierre-Olivier Sur, conseil du fils d’Abdoulaye Wade, a pris rendez-vous au Quai d’Orsay avec Alexandre Ziegler, directeur de cabinet de Laurent Fabius. Objectif : obtenir le soutien du chef de jeune afrique


Politique, économie, culture & société

LE CHIFFRE

35 millions

de dollars : c’est la somme que, selon un récent rapport du comité énergétique de la Conférence nationale, le Nigeria, premier producteur de pétrole ouest-africain, perd quotidiennement en raison des vols. Soit un quart des revenus du pays.

ALGÉRIE PRESSE SouS PRESSIoN

Le montant des sommes dues par une quarantaine de journaux privés aux imprimeries publiques algériennes dépasse 20 milliards de dinars (environ 18,5 millions d’euros). Des mises en demeure viennent d’être adressées aux directeurs de ces publications quotidiennes et hebdomadaires : faute d’un règlement de leurs créances, elles seront interdites de parution. Des échéanciers devront être adoptés pour leur permettre de résorber progressivement leurs dettes. Dans le cas contraire, certaines seront contraintes de mettre la clé sous la porte. Parmi les journaux menacés figurent le quotidien Echourouk, plus gros tirage de la presse algérienne avec environ 500 000 exemplaires – et une dette de 2,6 millions d’euros.

CAMERouN AtANGANA NE PERd PAS dE tEMPS Libéré le 24 février après dix-sept ans de réclusion pour des détournements de fonds qu’il a toujours niés, le Franco-Camerounais Michel thierry Atangana espère obtenir réparation jeune afrique

de « l’injustice » qui lui a été faite. Le 29 avril, il a rencontré les membres du groupe de travail de l’oNu sur la détention arbitraire – lesquels avaient, le 3 février, demandé l’ouverture d’une enquête pour identifier les responsables de l’affaire et plaidé en faveur d’une « indemnisation réparatoire ». Le 7 mai à Washington, il a été reçu par Robert P. Jackson, adjoint au bureau des Affaires africaines (les deux hommes ont notamment évoqué la situation de Lydienne Yen Eyoum, une avocate francocamerounaise détenue depuis quatre ans pour détournement de fonds). Le « cas Atangana » devrait être abordé lors du sommet États-unis - Afrique, début août, et mentionné dans le rapport annuel des Nations unies, en septembre.

MANuSCRItS dE toMBouCtou oPÉRAtIoN RAPAtRIEMENt

L’Unesco et le gouvernement malien préparent une

Hollande en Afrique demandez le programme Attendu en Côte d’IvoIre le 17 juillet pour une visite d’État reportée à plusieurs reprises, François Hollande pourrait en profiter pour faire un saut à niamey afin de saluer l’un de ses « meilleurs amis » sur le continent: le socialiste Mahamadou Issoufou. rien d’officiel encore, mais l’escale est « envisagée », dit-on à l’Élysée. Les fonctionnaires du Quai d’orsay ont en tout cas été priés de préparer des fiches sur le niger… La visite du président français à Abidjan aura une forte coloration économique et écologique (les « villes durables »), précise-t-on dans son entourage. Il devrait être accompagné d’une délégation d’une trentaine d’entrepreneurs et de plusieurs ministres, parmi lesquels Laurent Fabius, le chef de la diplomatie. Jean-Yves Le drian, le ministre de la défense, pourrait également être de la partie, surtout si l’étape de niamey est confirmée. Autre étape du président français: les Comores. Le 26 juillet, il est attendu à Moroni pour l’ouverture du 4e sommet des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien (le précédent avait eu lieu en 2005). Hollande ne devrait rester qu’une demi-journée à Moroni, avant de mettre le cap sur Mayotte, la quatrième île de l’archipel, restée sous administration française en 1975 et toujours revendiquée par la diplomatie comorienne. l

conférence internationale consacrée aux manuscrits de Tombouctou qui devrait se tenir en septembre, à Bamako. Objectif: réunir une pléiade de spécialistes de la question afin de convaincre les bailleurs de fonds de financer le « rapatriement » des manuscrits exfiltrés de Tombouctou pendant

l’occupation de la ville par les groupesjihadistesetconservés depuisàBamako.«Ilesturgent de les ramener à Tombouctou, le climat de la capitale, plus humide, n’étant pas propice à leur bonne conservation », estimeunexpert.Lenombredes manuscrits exfiltrés en 2012 est évaluéàprèsdetroiscentmille.

Côte d’Ivoire Le Lidec se paie Soro Ancien AmbAssAdeur de FrAnce en côte d’ivoire (2002-2005) et fraîchement retraité, Gildas Le Lidec (ci-contre) règle quelques comptes dans les mémoires qu’il vient de publier (De Phnom Penh à Abidjan. Fragments de vie d’un diplomate, chez L’Harmattan). en particulier avec Guillaume soro, actuel président de l’Assemblée nationale ivoirienne, qu’il a connu alors que, chef rebelle, il dirigeait les Forces nouvelles. Le Lidec raconte ainsi que, lors d’une rencontre organisée àYamoussoukro avec des diplomates au cours de laquelle une altercation l’avait opposé à soro, ce dernier « se précipita sur moi, ses mains en avant qu’il resserra progressivement autour de mon cou. Je ne dus mon salut qu’à l’intervention efficace des ambassadeurs d’espagne et d’italie ». L’ex-ambassadeur, qui avoue n’avoir jamais caché son « aversion » pour soro, affirme également que, lors de leur première rencontre à bouaké, en décembre 2002, le chef rebelle lui aurait « demandé de préparer une camionnette bourrée d’armements et d’explosifs, de seulement lui indiquer l’adresse où elle serait garée dans Abidjan et qu’il se chargerait du reste pour éliminer Gbagbo ». soro étrangleur et terroriste? On attend avec impatience la réaction de l’intéressé. l

ISSOUF SANOGO

la diplomatie française et faire pression sur les autorités sénégalaises, passablement irritées par cette affaire, afin qu’elles acceptent de lâcher du lest.

Retrouvez en page 96 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

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La semaine de Jeune afrique

mariage à La marocaine

L’union fait

leur force

Moulay Rachid, le frère du roi, n’est plus célibataire. Son choix s’est porté sur la fille de l’ancien gouverneur de Marrakech. Logique, dans une monarchie qui a toujours veillé, à travers des alliances régionales, à fédérer toutes les composantes de la société autour du trône. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

jeune afrique


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D

imanche 15 juin, l’ambiance était à la fête au palais royal de Rabat. Musique andalouse, buffet marocain, personnalités du monde politique et économique… Et, en président de cérémonie, Mohammed VI. Ce jourlà, Moulay Rachid, son frère cadet, signait son acte de mariage avec Oum Kaltoum Boufarès, 27 ans, fille de Moulay El Mamoun Boufarès, ancien gouverneur de Marrakech-Médina, mais surtout fils de l’une des sœurs de Mohammed V. Ce mariage de sang royal, qui s’inscrit dans la tradition de Dar Al-Makhzen, sera suivi d’une cérémonie dont la date n’a pas encore été annoncée. Comme le veut la coutume, la mariée portait un caftan vert et or, symbole de régénération et de fécondité; le marié, une djellaba blanche, symbole de pureté. Oum Kaltoum n’est pas connue des Marocains, mais son père est une figure de Marrakech. Moulay jeune afrique

MAP

q La famille royale autour des mariés, Moulay Rachid (en blanc) et Oum Kaltoum Boufarès (en vert), au palais de Rabat, le 15 juin.

NaDia LamLiLi

El Mamoun, comme l’appellent ses habitants, était très impliqué dans la gestion de la ville lorsqu’il était gouverneur. « Quand une maison de la vieille médina tombait en ruine, il était toujours le premier à se rendre sur les lieux. C’est même lui qui alertait les pompiers », raconte l’un de ses amis. bras Droit. Le mariage du jour concerne une per-

sonnalité politique de premier plan. Moulay Rachid occupe en effet la deuxième place dans l’ordre de succession monarchique, après Smyet Sidi – terme utilisé au palais pour désigner le prince héritier Moulay El Hassan, le fils du roi, âgé de 11 ans. Moulay Rachid est surtout le bras droit de Mohammed VI, et son homme de confiance. Comme la Constitution n’assigne aucune mission précise aux princes et aux princesses, il est directement mandaté par son frère pour le représenter lors d’événements à portée internationale ou auprès n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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La semaine de J.a. L’événement des autres monarchies. Son cabinet, situé dans une villa cossue du quartier Les Ambassadeurs à Rabat, est présidé par Mehdi Jouahri, fils du wali de Bank Al-Maghrib (la Banque centrale), son camarade de classe au collège royal. Jouahri organise tous les déplacements du prince, y compris ceux qui sont liés à ses obligations militaires. Car en tant que chef d’honneur de la marine royale, Moulay Rachid préside toutes les opérations stratégiques de ce corps d’armée. Dernière en date : la réception de la frégate Mohammed VI, un immense bâtiment de guerre de quelque 470 millions d’euros, livré en janvier par la France. discret. Longtemps on a prêté à ce célibataire endurci

(44 ans aujourd’hui) toutes sortes d’idylles. D’abord, en 2007, avec une jeune journaliste marocaine – en voulant y voir le signe d’un rapprochement entre la monarchie et les médias. Puis avec une princesse émiratie en mai 2013, au moment où son frère négociait un important accord économique avec les monarchies du Golfe… Tant d’histoires ont été racontées sur ce prince discret, qui parle très peu même s’il a beaucoup d’amis, amoureux de golf comme son père, pétri de loyauté et de devoir familial. « Je travaille chez le roi, et je veille à être à sa disposition à tout moment et de la meilleure manière possible. C’est ma principale mission », a-t-il confié au magazine saoudien Arrajoul (« l’homme ») en 2001, lors de l’unique interview qu’il ait jamais accordée. Mais depuis quelques années, il brise la glace et s’ouvre un peu au monde de la communication. Il signe ainsi des éditoriaux pour les sites internet de la fondationduFestivalinternationaldufilmdeMarrakech (FIFM) et de l’Association du Trophée Hassan-II du golf, deux événements qu’il préside et dans lesquels il s’investit personnellement, parfois en enfreignant les

règles du protocole, comme lorsqu’il se rend à la salle de presse du FIFM pour saluer un à un les journalistes et accepte d’être pris en photo avec eux. Au-delàdessentimentsqu’iléprouvepoursonépouse marrakchie, Moulay Rachid perpétue une tradition des sultans alaouites, qui ont toujours cherché, à travers leurs alliances maritales, à souder les différentes régions du Maroc autour du trône. La mère du roi, Lalla Latifa, est une Berbère de la famille Amahzoune du Moyen Atlas, région de la célèbre tribu des Zayans et du résistant Moha en épousant Lalla Ou Hamou Zayani. Hassan II a salma, Mohammed Vi toujours veillé à choisir des unions a provoqué un petit fédératrices pour son royaume. Pour ses trois filles, il a opté pour séisme social. des maris représentant différentes régions et classes socio-économiques du pays (Filali, Benharbit, Bouchentouf). Son fils Mohammed VI a provoqué un petit séisme social en épousant Lalla Salma : une roturière, jeune cadre dynamique, et, surtout, la première épouse d’un souverain chérifien à apparaître en public.

paiLLettes et poLitique Rania en JoRdanie, Kate Middleton au Royaume-Uni, Letizia ortiz en espagne… Leurs mariages avec de futurs souverains ont donné lieu à de grandes manifestations populaires, dont raffolent les Vanity Fair, ¡Hola! et autres Glamour. Ces unions qui font rêver les foules constituent un excellent moyen de communication politique auprès d’une population en crise ou en manque de leadership. Pour les pays arabes comme le Maroc et la Jordanie, plus que la dimension people chez les occidentaux, les mariages de n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Lalla Salma ou de Rania symbolisent la modernité et l’émancipation de la femme. d’abord, parce qu’elles sont des épouses uniques et paraissent en public, elles effacent l’image de la polygamie, encore pratiquée dans les monarchies du Golfe. ensuite, leur engagement dans la société civile contribue à abolir l’image de la femme – et des concubines – cloîtrées dans les harems, uniquement vouées à la procréation. Leurs apparitions publiques, éminemment politiques, sont donc nécessaires au développement N.L. de leurs sociétés. l

chérie. Mais les relations, qu’elles soient directes ou indirectes, avec le Palais ont toujours joué un rôle dans le casting des mariages monarchiques. Même si elle a été élevée dans le quartier populaire d’Akkari, à Rabat, Lalla Salma fait partie d’une grande lignée fassie (les Bennani) ayant été, à un moment de l’Histoire, au service du Makhzen. De la même manière, même si Lalla Soukaïna, la petite-fille chérie de Hassan II, a épousé un jeune patron de société informatique, il n’en demeure pas moins que le grand-père de ce dernier était un ancien professeur d’arabe au collège royal. « Les alliances maritales monarchiques se sont modernisées pour être dans l’air du temps, mais elles restent profondément ancrées dans la structure parentale du régime », explique le sociologue Ali Benhaddou, auteur des Élites du royaume et de L’Empire des sultans, deux ouvrages de référence sur l’histoire des alliances familiales et de l’organisation du pouvoir au Maroc. Pourpacifierunpayssouventthéâtredelasiba(fronde tribale), les sultans alaouites octroyaient des privilèges fonciers aux chefs des territoires ingouvernables et/ou concluaient des mariages. Progressivement, ces privilèges ont abouti à la création d’une classe de marchands inféodée au régime. Le même procédé a été utilisé pour rallier les chefs religieux (oulémas) et les nobles (chorfas). À travers ces unions, marchands, oulémas et chorfas se sont greffés à l’institution monarchique, contribuant ainsi à sa légitimité et à sa pérennité. Selon Benhaddou, pratiquement tous les princes et princesses qui convolent aujourd’hui proviennent de ces trois couches sociales et obéissent à une structure parentalequiseperpétue:bourgeoisied’affaires,familles de chefs religieux et hauts fonctionnaires territoriaux. Ce qui a changé, c’est que ces heureu(ses)x élu(e)s sont désormais formé(e)s dans de grandes écoles, exercent une activité professionnelle et ont adopté un mode de vie moderne. l jeune afrique



La semaine de J.A. Les gens

graça machel Queen mum Dans le livre de souvenirs de Zelda La Grange, qui fut l’assistante de Mandela pendant près de vingt ans, la seconde épouse de Madiba apparaît à son avantage.

U

n visage raviné, décomposé par le chagrin et l’épuisement p La veuve de l’ancien président sud-africain : digne face à l’adversité. après des semaines de veille… Le désespoir de Graça Machel lors des obsèques de Nelson Mandela avait pas d’hier. « Quand je vis le regard que 1970, puis ministre après la victoire du Mme Machel et Mme Winnie Mandela bouleversé l’Afrique du Sud. Et pourtant, mouvementrebelle,elleperditsonpremier d’après Zelda La Grange, qui fut l’assistante échangèrent lorsqu’elles se croisèrent époux, le président mozambicain Samora dans la foule qui assistait à la cérémonie personnelle de Madiba, certains enfants Machel, dans un crash aérien survenu en du défunt n’ont eu, en coulisse, aucune [d’investiture du président Thabo Mbeki, Afrique du Sud en 1986 – dont elle reste en 1999], j’en eus littéralement froid dans le pitié pour sa veuve – 68 ans aujourd’hui. convaincue qu’il s’agissait d’un attentat Dans Good Morning, Mr Mandela (traduit dos,raconteLaGrange.Voilàdeuxfemmes fomenté par le régime de l’apartheid. en français aux éditions Kero), récit de que je n’aurais pas imaginées partageant Après sa rencontre avec Mandela près de vingt années passées au service de ne serait-ce qu’un petit déjeuner ». puis leur mariage en 1998, elle s’était l’ancien président sud-africain, La Grange pourtant montrée magnanime envers sa rapporte les moqueries de Makaziwe, la magnanime. Fin 2008, alors que nouvelle famille. « Curieusement, c’est fille aînée de Mandela, qui affubla Graça Nelson Mandela est en villégiature avec Mme Machel qui m’amena à apprécier le du sobriquet de « Madame Panique » après son épouse dans la réserve privée de fait que, sans Winnie Mandela, Madiba que la presse nationale eut décrit son état Shambala, à 250 km de Johannesburg, aurait peut-être perdu espoir au cours de de stress lors du transfert de son époux à et qu’il ne se sent pas bien, Makaziwe ces longues années passées derrière les barreaux », écrit Zelda La Grange. Malgré la clinique, en juin 2013. leurs emplois du temps très chargés, Lors de l’hommage Quand elle s’inquiète pour son mondial rendu au défunt le Graça parvint à lui rendre sa joie de vivre mari, sa belle-fille makaziwe 10 décembre dans le grand après sa rupture d’avec Winnie. Lorsqu’ils stade de Soweto, Machel la surnomme « madame Panique ». étaient séparés par leurs obligations, dut même demander une Madiba appelait son épouse matin et prend la décision unilatérale de le faire accréditation auprès des organisateurs soir, raconte La Grange. des funérailles – au premier rang desquels rapatrier d’urgence, laissant Machel En dépit de toutes les couleuvres qu’elle Makaziwe – au même titre que n’importe en plan, sans moyen de transport. En a dû avaler, « Mum », comme l’appelait quel invité. Et seulement quatre places avril 2013, c’est en profitant de l’absence Mandela, n’a jamais exprimé la moindre furent attribuées à ses proches. Une verde Graça – et sans l’informer – que les rancœur en public. Pendant les six mois sion contestée par Makaziwe, qui menace de deuil, qui viennent de se terminer, elle dirigeants sud-africains s’invitent chez La Grange de poursuites judiciaires. Mandela pour se faire photographier et n’est sortie qu’une fois de sa réserve: pour Selon l’auteure – qui garde une cerfilmer à ses côtés lors d’une séance restée appeler la communauté internationale taine amertume d’avoir été chassée de la tristement célèbre. à tout faire pour retrouver les jeunes demeure familiale de Qunu par Makaziwe Mais la veuve de Madiba est habituée Nigérianes enlevées par Boko Haram. pendant les funérailles –, les frictions aux épreuves. Membre du Front de libéUn geste que Nelson Mandela aurait, à entre Graça et le clan Mandela ne datent ration du Mozambique dans les années coup sûr, approuvé. l Pierre Boisselet nominations

Audrey AzoulAy FrAnce Cette énarque, fille d’André Azoulay, le conseiller du roi du Maroc, rejoint l’Élysée en qualité de conseillère culture et communication du président François Hollande. Elle était jusqu’alors numéro deux du Centre national du cinéma. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

dileitA MohAMed dileitA libye Après avoir supervisé les élections malienne et algérienne, l’ancien Premier ministre de Djibouti a été nommé envoyé spécial de l’Union africaine (UA) en Libye. Il est par ailleurs membre du Groupe de haut niveau de l’UA pour l’Égypte. jeune afrique

MANU FERNANDEZ/AP/SIPA

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en hAUsse

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moussa mara

TRAQUÉ. Après la révolte de Benghazi, il s’est lancé dans la rébellion et a créé son propre groupe armé, baptisé Katibat Abou Obeida Ibn Al-Jarah. Soupçonné d’être derrière l’assassinat, en juillet 2011, du général Abdelfattah Younès, ancien dignitaire du régime de Kadhafi ayant fait défection pour devenir le chef militaire de la rébellion, Abou Khattala est considéré comme le leader de l’organisation islamiste Ansar al-Charia dans la partie orientale de la Libye. Conscient d’être traqué par le FBI, il ne se cachait pas pour autant et continuait de recevoir les reporters de la presse occidentale. À une journaliste du New Yorker, il avait affirmé, il y a quelques mois: « Ce n’est pas à moi de prouver mon innocence, mais à mes accusateurs de prouver ma culpabilité. » Exfiltré et transféré au camp de Guantánamo, Abou Khattala devrait être rapidement déféré devant la justice américaine. Il encourt la peine capitale. l CheRif OUAzAni q Suspecté d’être impliqué dans le meurtre de l’ambassadeur des États-Unis, en 2012, il risque la peine de mort.

DAou BAkARY eMMAnuel

Le 18 juin, le Premier ministre malien a remporté une victoire à l’Assemblée nationale. La motion de censure déposée par l’opposition contre son gouvernement n’a été votée que par 22 députés sur les 147 qui siègent dans l’Hémicycle.

WeStiMAge - ARt DigitAl StuDio

l’art faNg Une statue mabea du Cameroun a été cédée pour 4,35 millions d’euros lors d’une vente organisée par Sotheby’s, le 18 juin à Paris. Il s’agit de l’un des prix les plus élevés pour une œuvre d’art africain vendue aux enchères. driss el Yazami Le président du Conseil national des droits de l’homme a appelé le 16 juin à l’abolition de la peine de mort au Maroc. Une décision à laquelle s’oppose le gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la justice et du développement.

Vincent FouRnieR/J.A.

A

près l’arrestation à Tripoli, en octobre 2013, d’Abou Anas al-Libi, recherché par les États-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001, les forces spéciales de l’armée américaine ont de nouveau frappé en Libye. Ce 15 juin, à Benghazi, un commando d’élite appuyant des éléments du FBI a interpellé Ahmed Abou Khattala, suspecté d’être impliqué dans l’attaque du consulat américain de cette même ville, le 11 septembre 2012, qui avait coûté la vie à Christopher Stevens, l’ambassadeur des États-Unis, et à trois de ses collaborateurs. Placé en janvier 2014 sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI, Abou Khattala, la quarantaine entamée, est l’unique suspect nommément identifié par les enquêteurs américains sur la douzaine d’assaillants qui s’en étaient pris à la résidence diplomatique. Connu pour son engagement jihadiste, cet ancien pensionnaire des geôles de Mouammar Kadhafi, notamment à la prison d’Abou Salim, avait bénéficié de l’amnistie accordée par le « Guide » en 2010.

en bAisse

Émile N’Bouke

eRick kAglAn/AP/SiPA

Capturé à Benghazi par un commando d’élite de l’armée américaine, le Libyen a été transféré au camp de Guantánamo.

Arrêté en août 2013 avec 700 kilos de défenses d’éléphants, le roi togolais du trafic d’ivoire a été condamné le 18 juin à deux ans de prison par un tribunal de Lomé. Selon des ONG, il est responsable du massacre de 10000 pachydermes. michel tomi

DeSiReY MinkoH

Ahmed Abou Khattala fini le jihad!

Considéré comme le dernier des parrains corses et poursuivi pour blanchiment aggravé, ce richissime homme d’affaires, spécialisé dans le business des jeux dans plusieurs pays africains, a été placé en garde à vue le 18 juin à Paris.

Le conseiller politique du président gabonais Ali Bongo Ondimba a été limogé par le Conseil des ministres le 10 juin. Principal grief : la perte de son fief de Ntem lors des élections de fin 2013.

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emmaNuel oNdo methogo

jeune afrique

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La semaine de J.A. Décryptage

Défense emplettes d’états-majors Eurosatory, le plus grand salon mondial de l’armement, vient de se terminer en France. Entre kalachnikovs, tanks et radars, les Africains ont pu faire leur marché.

H

auts gradés de tout poil et vendeurs d’équipements militaires divers et variés ont afflué du 16 au 20 juin à Villepinte, près de Paris, pour le salon Eurosatory de la défense et de la sécurité. Jadis vitrine des industriels français, l’événement s’est internationalisé, devenant la principale manifestation d’un secteur adepte de la discrétion… Et qui a drainé, sur le seul continent africain, 44,9 milliards de dollars (32,6 milliards d’euros) en 2013. Les délégations de 87 pays arpentaient les allées en quête des nouveautés de 1 500 exposants. Des armes légères de l’italien Beretta et du russe Kalachnikov aux tanks du britannique BAE ou de l’allemand Rheinmetall, en passant par les avions et radars des français Dassault et Safran, chacun pouvait trouver son bonheur. La présence de représentants des armées ivoirienne, burkinabè, kényane, tanzanienne, angolaise, sud-africaine ou botswanaise a été confirmée à J.A. Le plus gros acheteur du continent, l’Algérie (10,4 milliards de dollars de dépenses militaires en 2013), s’était fait discret, alors qu’il négocie avec l’Allemagne la fabrication de véhicules de transport blindés (lire p. 50).

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Sur le marché africain, chacun a sa spécialité ou ses zones de prédilection. « Les Israéliens, qui fournissent tout, de la paire de rangers au tank, sont bien implantés dans le centre et l’ouest du continent. Les Français se positionnent le plus souvent là où Paris intervient militairement. Quant aux Chinois, ils ciblent les pays dont ils sont proches politiquement et échangent parfoisleurséquipementsmilitairescontre desconcessionsminièresoupétrolières,au Soudan notamment », indique un ancien des forces spéciales françaises.

Dépenses militaires en Afrique (en milliards de $ en 2013, et progression 2004-2013 en %)

Afrique du Nord

18,7

+137% Afrique subsaharienne

26,2

+55% Total Afrique

44,9

+81%

vincent Fournier/J.A.

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p À Villepinte, le 17 juin.

Dernière arrivée sur le continent, la Turquie, qui veut y vendre ses munitions et services de maintenance. « Nous terminons un tour de l’Afrique avec trois navires de guerre pour démontrer les performances de nos équipements, indique Ufuk Özdemir, directeur marketing du fabricant de missiles Roketsan, installé à Ankara.Nouspouvonsallongerladuréede vie du matériel militaire et des arsenaux. » piraterie. « La plupart des gouverne-

ments subsahariens n’ont pas les moyens d’acheter des tanks. Ils veulent surtout améliorer logistique et coordination, des dimensionscrucialeslorsdesinterventions mobiles ponctuelles, qui se multiplient. Les systèmes de contrôle antiterroriste, de surveillance des frontières et de lutte contre la piraterie sont également prisés, notamment en Afrique de l’Est et au Sahel », ajoute le Sud-Africain Cobus van der Merwe, directeur du développement de la branche défense de Saab en Afrique. « Les États africains se préoccupent davantage de leurs troupes aujourd’hui. Ils pensent à la climatisation des tanks, à la purification de l’eau, aux cantines mobiles, et aux hôpitaux de campagne », constate Patrick Estienne, responsable Afrique du fabricant de tentes militaires Losberger. Une manière d’améliorer leur efficacité… mais aussi d’éviter les mutineries ! l CHristopHe Le BeC, envoyé spécial à Villepinte jeune afrique


IlS ont DIt

« Je m’aime tout le temps. Le Pat de 2010, le Pat de 2014, je les kiffe tous les deux ! »

À Moins de deux mois du prochain sommet États-unisAfrique, on y voit un peu plus clair sur l’identité des chefs d’État que Barack obama accueillera à Washington les 5 et 6 août. Les délégations devraient arriver dès le 4 pour assister à une manifestation organisée par le Congrès. puis, elles dîneront à la Maison Blanche, rencontreront 300 chefs d’entreprise et participeront à un « dialogue interactif » avec le président américain – sans tête-à-tête. Michelle obama a de son côté élaboré un programme spécial premières dames. Mais tous les chefs d’État ne sont pas les bienvenus. en principe, Washington définit sa liste des participants en se référant à la composition de l’union africaine (uA)… À quelques exceptions près. Ainsi, malgré sa réintégration au sein de l’institution, la Guinée-Bissau n’a pas été invitée. Madagascar, qui ne figurait pas au nombre des heureux élus, a reçu un carton une fois sa transition achevée. jeune afrique

La Centrafrique en revanche ne sera pas reçue. Quant à l’Égypte, réintégrée par l’uA, son cas est « en cours d’examen », indique le département d’État. et le Maroc, qui n’appartient pourtant pas à l’union, est attendu – contrairement aux responsables de la République arabe sahraouie démocratique (RAsD). Restent interdits de sommet omar el-Béchir, le président soudanais, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (Cpi), l’Érythréen issayas Afewerki et le Zimbabwéen Robert Mugabe, toujours soumis à des sanctions américaines. Mais d’autres États en délicatesse avec Washington (comme l’ouganda, qui a durci sa législation homophobe) ne seront pas exclus de l’événement. son thème, « investir dans la prochaine génération », en dit toutefois long sur l’opinion d’obama à l’égard de ceux qui modifient leur Constitution pour s’accrocher au pouvoir. l PIerre BoISSelet

PATRICE EVRA Membre de l’équipe de France de football

« J’ai bien peur que la Fifa ne se conduise comme une famille de mafieux. Elle possède une longue tradition de pots-de-vin, de magouilles et de corruption. » LORD DAVID TRIESMAN Ancien président de la Fédération anglaise de football

« Il faut dire les choses comme elles sont : les implantations sont un fardeau moral, économique et sécuritaire, et n’ont pour objet que de nous empêcher de parvenir à un accord avec les Palestiniens. » TZIPI LIVNI Ministre israélienne de la Justice

« Peu importe qu’Ennahdha arrive premier ou deuxième aux élections, l’important c’est que, quand je quitte le pouvoir, je n’aille pas en prison ou en exil. » RACHED GHANNOUCHI Dirigeant du parti islamiste tunisien Ennahdha

« Le terme de “diversité” n’est pas utilisé pour parler des Allemands ou des Américains, mais pour désigner de manière politiquement correcte les Noirs et les Arabes. Ne pas assumer ces termes revient à dire que “Arabe” ou “Noir” est une injure. C’est absurde ! » RACHIDA DATI Ancienne ministre française de la Justice

DaviD BeBBer/tHe tiMeS/SiPa

Sommet États-Unis -Afrique Qui en sera?

DaviD vincent/aP/SiPa

Internet Des clics et des facs Depuis 2004, le centre de recherche espagnol Cybermetrics Lab publie tous les six mois son « Webometrics Ranking of World universities ». un classement dont l’originalité est de se concentrer sur les informations et les prestations (comme les cours à distance) disponibles sur les sites internet des universités étudiées. Véritable vitrine tant pour les professeurs que pour les étudiants en quête d’une formation d’excellence, le web fait désormais l’objet d’une attention particulière de la part des établissements. Dans le dernier palmarès, pas de réelles surprises concernant l’Afrique. Le classement régional, qui regroupe 1 325 institutions, est largement dominé par les sud-Africains et les Égyptiens et, de manière générale, par les anglophones. À la 29e place, l’université algérienne de Constantine est le premier établissement francophone de la liste. suivent Cheikh-Anta-Diop, à Dakar (32e), et l’université Mohammed-V-Agdal, à Rabat (39e). parmi les cancres, l’université libre du Burkina (1 313e), l’université tchadienne de Moundou (1 314e) et l’université privée du sud, en Tunisie (1 319e). l MIchAel PAUron

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la semaine de J.a. Décryptage

Terrorisme le plan com du petit jihadiste Rapport annuel d’activité, comptes Twitter et Facebook… L’État islamique en Irak et au Levant maîtrise tous les outils du parfait communicant. Sinistre.

I

l recense minutieusement chacune de ses opérations militaires, établit des statistiques, dresse des bilans d’activité, communique comme une ONG. À l’instar d’une entreprise cotée en Bourse, l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL, créé en 2007, lire pp. 54-56) publie même un rapport annuel au design soigné, « Al-Naba ». Au fil de ses 400 pages, on découvre une structure organisée de main de maître, qui recense ses conquêtes par régions et évalue l’efficacité de ses combattants. Le commandement de l’EIIL tient même sa comptabilité macabre, à grand renfort d’infographies détaillées. Ainsi à Bagdad, les attentats-suicides (251 en 2013) – le plus souvent commis par des combattants étrangers – ont supplanté les explosions de voitures piégées, plus complexes à préparer. Entre novembre 2012 et novembre 2013, l’EIIL revendique 1 223 attaques (avec des engins explosifs artisanaux, en majorité), dont plus d’un tiers dans la province de Ninive. Entourée de champs pétroliers, sa capitale, Mossoul, seconde ville d’Irak, est tombée le 10 juin sur fond de crise

afp

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p Shakir Wahiyib est l’un des rares membres de l’EIIL à montrer son visage. Ici en Irak, capture d’écran d’une vidéo diffusée sur un site islamiste.

politique aggravée par un mécontentement des tribus sunnites. Le document dévoile un plan conçu de longue date pour instaurer un califat entre l’Irak et la Syrie, destiné à s’étendre ensuite au monde entier. « Le mode de fonctionnement de l’EIIL rappelle celui de la secte des Assassins [qui sévit aux XIe et XIIe siècles], souligne Karim Pakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). C’est une nouvelle génération de terroristes, encore plus sophistiquée et brutale qu’Al-Qaïda, qui érige la lutte contre les chiites en priorité et se montre plus habile dans sa

communication numérique pour enrôler de jeunes Occidentaux désœuvrés. » Mis en ligne le 31 mars par la Fondation Al-Itissam, le rapport s’est propagé sur les forums jihadistes. L’EIIL dispose d’une cellule médiatique, Al-Furqan Media, qui inonde le web de vidéos de ses opérations, parfois mises en scène de manière hollywoodienne, et d’éloges de ses « martyrs ». Depuis novembre 2013, un plan de communication globale a été déployé sur Twitter. Le terrorisme de l’EIIL se veut multimédia, et au « Levant » comme ailleurs, tous les moyens sont bons pour semer la terreur. l Joan TIlouIne

le DessIn De la semaIne

Glez cameroun lions ingérables

TrisTe sortie pour le pays, encore éliminé au premier tour de la Coupe du monde. Les coéquipiers de samuel eto’o, qui s’étaient déchirés pendant leur préparation au sujet des primes, en sont même venus aux mains. exaspéré par les dribbles stériles de son partenaire, Benoît Assou-ekotto a asséné un coup de tête à Benjamin Moukandjo. Un fiasco sportif et moral qui vient ternir l’image d’un football africain pas vraiment à la fête au Brésil. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

jeune afrique


Côte d’Ivoire

L’agriculture, secteur clé de l’économie

Cacao, café, hévéa, coton, huile de palme, noix de cajou, agrumes, ananas, mangue… La Côte d’Ivoire regorge de matières premières agricoles. Les terres arables couvrent les trois quarts du territoire. Plus de la moitié de la population est paysanne, riche d’une très ancienne tradition agricole. Les quatre types de climats que connaît le pays favorisent la variété des cultures. Pays producteur et exportateur, la Côte d’Ivoire a dû faire face à diverses crises politiques, au vieillissement des méthodes et des infrastructures, et à la mondialisation. La mise en œuvre de programmes d’urgence et la modernisation doivent lui permettre de conserver sa position de locomotive de l’Afrique de l’Ouest et soutenir sa stratégie de développement économique.

I Juin 2014


© OLIVIER / JA

© OLIVIER / JA

© CAMILLE MILLERAND / JA

CÔTE D’IVOIRE > L’AGRICULTURE, SECTEUR CLÉ DE L’ÉCONOMIE

Un potentiel énorme De tout temps, le secteur agricole a constitué la base de l’économie ivoirienne, et c’est sur lui que s’est construit, avec des cultures dites « de rente » comme le cacao ou le café, le développement du pays. En 2013, l’agriculture ivoirienne fait vivre les deux tiers des ménages et contribue pour près de 30 % à la formation de la richesse nationale (le Produit intérieur brut, PIB). Elle représente 70 % des recettes d’exportation. Le « miracle ivoirien » des années 1960 à 1980, quand le pays a présenté près de vingt ans d’une croissance économique soutenue (7 % à 9 %), reposait sur son agriculture. À l’époque, le pays comptait 8 millions d’habitants. Ils sont presque trois fois plus nombreux aujourd’hui.

Une volonté, quatre objectifs • Augmenter les cultures vivrières • Accélérer la production agricole • Améliorer la qualité des produits exportés • Transformer, pour accroître la valeur ajoutée Dès 2012, la Côte d’Ivoire s’est lancée dans des réformes pour dynamiser son agriculture. Elles portent déjà leurs fruits. La productivité des cultures s’est améliorée. Mieux rémunérés, les paysans sont mobilisés. Et les industries de transformation, vitales pour l’Afrique de l’Ouest, se mettent en place. Avec le soutien d’investisseurs privés de plus en plus confiants dans la capacité du pays à prendre toute la place qui lui revient sur la scène internationale. La Côte d’Ivoire du XXIe siècle est résolue à faire partie des pays émergents dès 2020. L’agriculture est un secteur prioritaire pour y parvenir. À deux titres : créer de la valeur et des emplois pour améliorer les conditions de vie de la population, mais aussi bâtir un pays moderne, structurellement industrialisé. II Juin 2014

4 milliards de dollars pour relancer les cultures clés La stratégie d’émergence mobilise des investissements considérables. Le Plan national de développement (PND), largement soutenu par la communauté internationale, les chiffre à 20 milliards de dollars pour la période 2012-2015. Les résultats sont à la hauteur de l’ambition : la croissance économique frôle les 10 % par an depuis 2012, et la Côte d’Ivoire a d’ores et déjà retrouvé ses positions de deuxième puissance économique d’Afrique de l’Ouest et de première économie de la sous-région francophone. Dans ce cadre, l’agriculture bénéficie du Programme national d’investissement agricole (PNIA), qui lui consacre 4 milliards de dollars d’ici à 2015. Cela représente 10 % du budget national chaque année. Auparavant, cette proportion était inférieure à 2 %. Les projets lancés par le PNIA ont pour objectif de porter la croissance du secteur à 8,9 % par an. Ils adoptent une démarche participative, impliquant les organisations professionnelles agricoles, le secteur privé, les partenaires techniques et financiers, la société civile et les ONG.

La Côte d’Ivoire en chiffres Superficie

322 462 km2

Terres arables

24 millions d’hectares (70 % du territoire)

Population

22,6 millions d’habitants

Produit intérieur brut (PIB 2013)

28 milliards de dollars

Agriculture

30 % du PIB

PIB/habitant (2013)

1 220 dollars

Monnaie

Franc CFA (1 euro = 656 F CFA)

Croissance

9,8 % en 2012 8,9 % en 2013 9,8 % en 2014 (e)


© NABIL ZORKOT / LES ÉDITIONS DU JAGUAR

Montée en puissance des exportations La diversification a aussi pour objectif de renforcer les exportations. Avec deux priorités : stimuler la production villageoise et encourager la transformation industrielle pour exporter davantage de produits finis.

De l’autosuffisance alimentaire aux exportations Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire dépend d’importations qui représentent plus de 50 % de sa consommation de riz, la denrée la plus demandée. Elle importe également plus de 50 % des produits maraîchers qu’elle consomme et 60 % de ses produits laitiers. Pour parvenir à l’autosuffisance alimentaire, les cultures vivrières sont concernées en priorité par le PNIA.

10 % du budget national est investi chaque année dans l’agricuture Dès 2016, avec une production locale de 1,9 million de tonnes, la Côte d’Ivoire redeviendra exportateur de riz, position perdue en 1970. La filière maïs doit aussi être développée. Le maïs offre un excellent potentiel à l’exportation vers les pays voisins, qui connaissent tous un déficit sévère. Il en va de même pour le manioc et la banane plantain, pour lesquels le pays est déjà autosuffisant.

L’agro-industrie en pointe La Côte d’Ivoire possède un secteur industriel relativement développé qui lui permet d’occuper la seconde place en Afrique de l’Ouest, derrière le Nigeria. Il est largement dominé par l’agro-industrie. La part des produits transformés dans le total des exportations agricoles et agro-industrielles est passée de 28 % en 1995 à 36 % en 2008. Dans la perspective de l’émergence en 2020, les autorités ont fixé un objectif de transformation sur place d’au moins 50 % des matières premières produites dans le pays, au lieu d’à peine 30 % aujourd’hui. Dans le cas du cacao, par exemple, il incite les opérateurs privés à transformer 40 % de la récolte en beurre, liqueur et poudre de cacao grâce à des mesures telles que la réduction des taxes à l’exportation.

Cacao • La Côte d’Ivoire est le premier producteur et exportateur mondial de fèves de cacao (40 % du total mondial, 1,5 million de tonnes par an). • Le gouvernement veut multiplier la production par cinq pour atteindre 2 tonnes à l’hectare. • Le traitement industriel du cacao dans le pays porte actuellement sur 9 % de la production ; l’objectif est de porter ce taux à 75 %.

Noix de cajou (anacarde) • Deuxième producteur mondial (450 000 tonnes de noix brutes par an) • Objectif industriel : transformer en Côte d’Ivoire la moitié de la production d’ici à 2015 et la totalité d’ici à 2020 (9 % aujourd’hui).

Palmier à huile • La Côte d’Ivoire est le cinquième producteur mondial d’huile de palme. • 95 % de la transformation (huile de table, savon) est réalisée sur place. • Grand potentiel d’exportation en Afrique de l’Ouest, où le déficit est de 80 000 tonnes par an (1,5 million de tonnes en 2020).

Hévéa • Premier producteur africain de caoutchouc naturel (250 000 tonnes par an). • 70 % de la production est destinée à l’industrie pneumatique européenne. • L’État veut porter la production à 600 000 tonnes en 2020.

Riz • Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire importe plus de 50 % du riz qu’elle consomme et ne peut en contrôler les prix. • Par la création de nouvelles rizicultures, le pays vise l’autosuffisance et l’exportation. • Dès 2016, avec une production locale de 1,9 million de tonnes, la Côte d’Ivoire redeviendra exportateur. III Juin 2014


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CÔTE D’IVOIRE > L’AGRICULTURE, SECTEUR CLÉ DE L’ÉCONOMIE

Convaincre les privés d’investir

consommateurs – autant que les États-Unis –, où le pouvoir d’achat des classes moyennes ne cesse de croître. De grandes entreprises africaines et internationales s’impliquent déjà dans le développement de son agriculture et de ses industries agro alimentaires.

Pour convaincre de grands groupes privés d’apporter leur contribution et leur savoir-faire à l’agriculture ivoirienne, des allègements fiscaux et tarifaires favorisent la création de nouvelles activités agricoles. À quoi s’ajoute la mise en place de Zones économiques spéciales dans les régions nord-ouest, ouest et est du pays. Dédiées à la transformation des produits agricoles et à la recherche agronomique privée, ces zones s’inscrivent dans le vaste plan d’infrastructures routières lancé dans tout le pays, ce qui leur permettra de devenir de véritables plateformes industrielles et biotechnologiques.

Être un pays émergent à l’horizon 2020

Un marché de 300 millions de consommateurs

© OLIVIER / JA

Puissant moteur pour le développement intégré à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Côte d’Ivoire est une voie d’accès privilégiée à ce marché de 300 millions de

Les rendez-vous d’Abidjan En participant au Salon international de l’agriculture de Paris, en février dernier, la Côte d’Ivoire a saisi l’occasion de promouvoir les perspectives de développement de son agriculture à l’occasion du plus grand rendez-vous mondial du secteur. En 2015, elle organise son propre événement. Le Salon de l’agriculture et des ressources animales de Côte d’Ivoire (SARA), qui se tiendra du 2 au 12 avril à Abidjan, promet d’être

La plus importante raffinerie d’huile de palme du continent se trouve à Abidjan. IV Juin 2014

« La plus grande ferme de Côte d’Ivoire ».

DIFCOM / DF - PHOTOS : © R. VANDERMEEREN/LES ÉDITIONS DU JAGUAR SAUF MENTION.

C’est notamment le cas de deux géants de l’agroalimentaire : l’américain Mondelez International, plus connu par ses marques (Cadbury, Lu, Milka…), participe à l’amélioration de la productivité des plantations de cacao. Le singapourien Olam a construit à Bouaké, dans le centre du pays, la plus grande usine africaine de transformation d’anacarde. Ces deux groupes rejoignent les nombreuses multinationales qui misent sur le dynamisme de la Côte d’Ivoire et sur sa position exceptionnelle aux portes de l’Afrique de l’Ouest.


La semaine de J.A. Décryptage

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Rétrospective Égypte De Morsi à Sissi, retour sur un an de crise

AP/SIPA

Juin 2012

Mars 2014

Juillet 2013

p Le 15 juin, à Mpeketoni, un attentat a fait une cinquantaine de morts.

Kenya shebab or not shebab?

L’interview vidéo

L

a déclaration a pris de court bien des observateurs. « Il ne s’agissait pas d’une attaque Shebab. Des preuves montrent que des réseaux politiques locaux étaient impliqués dans la préparation et l’exécution de ce crime haineux », a affirmé Uhuru Kenyatta, le président kényan, après les attentats qui ont tué près de 70 personnes dans les villes côtières de Mpeketoni et Poromoko, non loin de l’archipel touristique de Lamu. Les premiers surpris ont sans doute été les Shebab eux-mêmes et leur porte-parole, Abdulaziz Abu Musab, qui avaient auparavant revendiqué les meurtres, désormais fréquents dans ce pays militairement impliqué en Somalie au sein de l’Amisom, la mission de l’Union africaine. En qualifiant ces attaques de « violences ethniques aux motivations politiques » dont l’objectif serait d’« expulser une communauté kényane », Kenyatta visait à mots à peine couverts son rival politique, Raila Odinga, leader de la Coalition pour les réformes et la démocratie, de retour au pays depuis le mois de mai après un long séjour aux États-Unis. L’idée, qui fait florès sur les réseaux sociaux, est la suivante : à travers les rassemblements qu’il souhaite organiser sur tout le territoire pour évoquer des problèmes de sécurité, jeune afrique

de terrorisme, de chômage ou de corruption, Odinga chercherait à déstabiliser le pouvoir. En visant tout particulièrement la communauté kikuyue, dont le président est membre. DRAPEAU NOIR. Sans doute ce dernier

essaie-t-il pour sa part de détourner l’attention de son bilan, particulièrement maigre sur le plan sécuritaire. Tandis que son procès pour crimes contre l’humanité doit se tenir en octobre à la Cour pénale internationale (CPI), Kenyatta cherche des boucs émissaires. L’Occident serait ainsi coupable de la chute dramatique des revenus touristiques, puisque certains pays – notamment le Royaume-Uni – déconseillent à leurs ressortissants de se rendre en vacances au Kenya… Odinga, perdant de l’élection présidentielle de 2013, a pour sa part condamné les raids meurtriers et déclaré que la violence n’était pas un moyen « pour atteindre des objectifs politiques légitimes ». Aucune preuve à ce jour n’est venue confirmer les propos du chef de l’État, démentis par les survivants, qui déclarent avoir vu les assaillants brandir le drapeau noir des Shebab et les avoir entendus se revendiquer comme tels en langue somali. l NIcOLAs MIchEL

v. fournIer/j.A.

Les terroristes somaliens ont revendiqué les attaques qui ont ensanglanté l’est du pays. Mais pour le président Uhuru Kenyatta, ces violences sont le fait de « réseaux politiques locaux ».

Saleh Kebzabo « L’objectif de l’opposition tchadienne est de remporter un tiers bloquant à l’Assemblée en 2015 » Classement Basket Les 10 plus belles actions des Africains de NBA

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La semaine de J.A. Tour du monde PEiNE DE MOrT

THAÏLANDE

La rengaine du bourreau

Exode des clandestins

• Après les cafouillages qui avaient marqué l’exécution de Clayton Lockett, le 29 avril en Oklahoma – il avait fallu quarante-trois minutes pour que le cocktail létal fasse son effet –, l’application de la peine de mort avait été suspendue aux États-Unis. Les vieilles habitudes ont vite repris le dessus. Dans la nuit du 17 au 18 juin, après le rejet par la Cour suprême de leurs ultimes recours, deux condamnés à mort ont été exécutés en Géorgie et dans le Missouri. Un troisième l’a été le lendemain, en Floride. Tous étaient africains-américains. Faut-il dire : naturellement ? l

L’annonce par la junte militaire de son intention de lutter contre l’immigration illégale a déclenché un véritable exode début juin. en une dizaine de jours, près de 180 000 clandestins, majoritairement cambodgiens, ont quitté le pays à la hâte. La junte a démenti les rumeurs de violences et de rapatriements forcés. Les clandestins étaient jusqu’ici tolérés en raison de leur contribution à la prospérité économique. or celle-ci est mise à mal par sept mois de crise politique… De toute façon, la décision de la junte est autant politique qu’économique, les autorités cambodgiennes n’ayant jamais caché leur soutien aux « chemises rouges », hostiles aux militaires…

• Pas de pause, en revanche, en Chine. En procédant à l’exécution, le 16 juin à Urumqi, capitale du Xinjiang, de treize Ouïgours impliqués dans divers attentats, les autorités ont choisi d’adresser un signal fort aux séparatistes. Le même jour, trois hommes ont été condamnés à mort pour leur participation à l’attentat de la place Tian’anmen, en octobre 2013. Pékin soupçonne les séparatistes ouïgours de liens avec des groupes islamistes au Turkestan. Turcophones et musulmans, les Ouïgours dénoncent pour leur part la discrimination dont ils sont victimes de la part des Hans, l’ethnie majoritaire. l

Le chiffre

230

MiLiTAirEs TUrCs ont été remis en liberté par une cour criminelle d’istanbul, le 19 juin. En 2012, ils avaient été condamnés à de lourdes peines de réclusion pour une tentative de coup d’État contre le gouvernement islamoconservateur de recep Tayyip Erdogan. La plus haute instance judiciaire du pays a estimé que leur procès n’avait pas été équitable et que leurs droits avaient été violés.

crédit photo

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p Urumqi, 16 juin : trois Ouïgours sont condamnés à la peine capitale.

COrÉE DU sUD

Le journalisme mène à tout FragiLisÉe Par L’aFFaire du Sewol (le ferry qui a fait naufrage en avril), Park geun-hye, la présidente sudcoréenne, tente de regagner la confiance n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

de ses compatriotes en remaniant son gouvernement : sept ministres sur dixsept ont été remplacés le 13 juin par des hommes de confiance connus pour leurs talents de communicants. c’est aussi la qualité première de moon chang-keuk, le Premier ministre nommé trois jours plus tôt, qui est un ancien chroniqueur star du quotidien JoongAng Ilbo.

ArGENTiNE

Défaut de paiement en vue Le gouvernement refuse d’appliquerunedécisiondelacoursuprême des États-unis, qui, le 16 juin, a condamné l’argentine à rembourser 1,33 milliard de dollars (981 millions d’euros) à deux fonds spéculatifs. Plusieurs autres fonds, qui, eux aussi, ont refusé la restructuration de la dette argentine, pourraient prochainement exiger de bénéficier du même traitement. Les autorités seraient alors contraintes de débourser 15 milliards de dollars supplémentaires. Les réserves en jeune afrique


Arrêt SUr imAGe

China Daily • Reuters

CHINE

Grandeur et décadence ON NE SAIt pOURqUOI dES ARtIStES CHINOIS avaient érigé cette statue géante (huit mètres, huit tonnes) de Marilyn Monroe dans Sept ans de réflexion. On ne sait pas davantage pourquoi les autorités de Guigang, dans la région autonome du Guangxi, avaient choisi de l’exposer. Et l’on sait encore moins pourquoi, le 18 juin, l’œuvre a été déposée dans une décharge publique. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que cette image n’est pas gaie.

dollars de la Banque centrale d’Argentine ne dépassant pas 28,5 milliards, un défaut de paiement de la troisième économie d’Amérique latine n’est pas à exclure. BRÉSIL

Un rival pour Dilma

PendAnt le MondiAl de foot, la politique continue. la campagne pour l’élection présidentielle du mois d’octobre est en effet lancée. le 14 juin, le Parti de la social-démocratie brésilienne (PSdB, centre) a fait du sénateur Aécio neves (54 ans) son candidat contre la présidente dilma Rousseff. Gouverneur de l’État du Minas Gerais, neves se veut lereprésentantdetousceuxquicontestent le coût exorbitant du Mondial. les sondages le créditent de 22 % des intentions de vote.

jeune afrique

UKRAINE-RUSSIE

La guerre du gaz aura bien lieu GAzPRoM, le groupe semipublic russe, ayant, après l’arrivée au pouvoir à Kiev de dirigeants pro-occidentaux, fin février, augmenté de manière vertigineuse le prix du gaz naturel qu’il livre à l’Ukraine, d’âpres négociations s’étaient engagées entre les deux parties. le 16 juin, elles ont officiellement échoué. désormais, toutes les livraisons devront être payées d’avance au prix fixé par le fournisseur. dans l’hypothèse où les autorités ukrainiennes s’aviseraient d’intercepter le gaz à destination de l’europe transitant par son territoire, les fournitures russes aux pays de l’Ue seraient réduites

d’autant. des pays comme l’Allemagne, la turquie ou l’italie sont de gros importateurs de gaz russe. COLOMBIE

Santos, sur un fil

enGAGÉ dAnS Un dUel serré pour la présidence avec Óscar iván zuluaga, poulain d’Álvaro Uribe, un ancien chef de l’État, Juan Manuel Santos avait choisi de tout miser sur les négociations engagées à la Havane avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). il a été réélu au second tour, le 15 juin, mais d’extrême justesse : 50,9 % des voix, contre 45 % à son adversaire. Cela lui donne-t-il une légitimité suffisante pour poursuivre les pourparlers de paix ? il s’est engagé à conclure un accord avec les Farc avant noël… n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Grand angle

p Luxe, calme et volupté : entre les dépenses d’apparat et la nécessité de posséder son propre appareil, le débat fait rage.


Grand angle

chefs d’État

Air AfricA One

Indispensable attribut du pouvoir ou plaisir dispendieux, l’avion présidentiel est un objet mythique. De Bouteflika à Biya en passant par Déby Itno, les dirigeants africains ne s’en privent pas plus que les autres. Panorama.

L

illustrations : laurent blachier

«

(plus de 15 000 km sans escale) ou un « triple 7 » (Boeing 777) ’avion n’est pas un luxe pour un chef d’État, s’avèrent, eux, superflus. Quant au luxe à bord, seule la retec’est une nécessité de souveraineté » : c’est ainsi qu’Ibrahim Boubacar Keïta, le président nue d’un dirigeant responsable peut le limiter. Et tous n’ont pas le sens des économies, ainsi que l’illustre cette question malien, répondait début mai aux questions qu’aurait posée, selon un témoin, Viviane Wade, l’ancienne de Jeune Afrique concernant l’acquisition première dame du Sénégal, à l’étude des plans d’un Airbus sur polémique d’un Boeing 737 pour 30 millions d’euros. Il y a quelques semaines, l’éventuel achat d’un le point d’être acheté : où serait placée la cabine de coiffure ? jet présidentiel par le Niger (et jamais confirmé) relançait Omar Bongo Ondimba, quant à lui, voulait deux réacteurs la polémique, sur fond de négociations minières avec supplémentaires en cas de panne… La facture peut l’entreprise française Areva. Ouganda, Nigeria, Bénin, vite flamber, et les architectes ne s’en privent pas, Côte d’Ivoire, Sénégal, Afrique du Sud, Malawi, puisque l’essentiel du bénéfice d’une telle opéMadagascar… Pas un chef d’État acquérant un ration provient de ce sur-mesure. Quoi qu’il ou plusieurs avions n’échappe aux critiques en soit, la question n’est plus de décider si Cabinet de coiffure, et à l’éternelle question : cette dépense un chef d’État, africain ou non, doit avoir ajout de réacteurs… son appareil – qui appartient au pays et est-elle nécessaire ? La réponse n’est pas à chercher du non à l’homme, faut-il le rappeler ? Mais Avec le sur-mesure, côté d’une opposition trop encline aux plutôt de savoir quels sont les termes exacts la facture flambe. de l’acquisition, si le modèle choisi est adapté accusations de gabegie mais qui, si elle et non surfacturé ou si le pays peut en assurer la arrive aux commandes, s’accommodera vite de ce confort. Ces dix dernières années, maintenance. Posséder son « Air Force One » libère également les dirigeants des contraintes de la location l’évolution des relations du continent avec le (dont les factures sont rarement examinées en détail) et des reste du monde explique pour une bonne part ce qu’on pourrait trop vite qualifier de fièvre acheteuse. « Quand prêts « d’amis » qui peuvent vite devenir encombrants. Depuis les déplacements des chefs d’État se limitaient à l’Europe, la plus de cinquante ans, de nombreux hommes d’affaires ont nécessité était moins pressante, raconte un habitué du cercle ainsi rendu ces petits services aériens : le magnat belge des très fermé de l’aviation VIP. Mais depuis que les relations avec mines congolaises Georges Forrest, les Français Jean-Yves le Moyen-Orient et l’Asie se sont intensifiées, beaucoup ont Ollivier, intermédiaire et businessman bien connu, Michel exprimé un nouveau besoin. » Tomi, entrepreneur corse, ou Vincent Miclet, un millionnaire Tout est, selon lui, une question de proportion. Un Airbus non moins influent qui a bâti une grande partie de sa fortune A320 ou son équivalent américain, le Boeing 737 – des moyenen Angola. Difficile ensuite, pour les bénéficiaires de ces gestes, courriers de 150 places pouvant parcourir entre 5 000 et de ne pas en être reconnaissants. l 7 000 km sans escale –, est bien souvent suffisant. Un A340 Michael Pauron jeune afrique

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Grand angle

Maroc Dans les valises de M6… Ce n’est un secret pour personne: le roi du Maroc voyage volontiers. Depuis son accession au trône en 1999, il sillonne sans cesse la planète, à titre officiel ou privé. Et ces déplacements, à la fois grandioses et mystérieux, suscitent la curiosité des Marocains, à l’affût du moindre détail sur sa vie. Si la maison royale se montre très discrète sur le sujet, un profil des voyages de M6 a pu être dessiné. Quand il se déplace dans le royaume, le souverain utilise souvent ses jets privés, tandis qu’il fait appel à Royal Air Maroc pour partir à l’étranger. Le monarque et sa délégation sont transportés par un Boeing 737-400 dont les deux tiers sont réservés à Sa Majesté (chambre à coucher, bureau, salle de réunion et équipements audiovisuels high-tech), tandis que bagages et autres matériels sont acheminés dans un autre avion. Les mesures de sécurité sont maximales. Le plan de vol et la destination sont communiqués au personnel navigant au dernier moment, et les aéroports de départ et d’arrivée restent fermés le temps nécessaire.

M6 emmène souvent une délégation assez importante, qui comprend des membres de son cabinet, une partie du gouvernement et des hauts gradés de l’armée, en plus d’hommes d’affaires et de personnalités publiques. Sans compter le staff royal – gardes du corps, cuisiniers, majordomes… On compte parfois jusqu’à 300 personnes, choisies selon la thématique et les dossiers à traiter. Des déplacements nationaux et internationaux couverts par l’État : la loi de finances y consacre près de 380 millions de dirhams (33,4 millions d’euros) cette année. l Mehdi Michbal

Algérie 312 millions de dollars les 30 heures de vol Acquis en 2009 pour 312 millions de dollars (217,6 millions d’euros), l’Airbus A340-500 de la présidence aura finalement très peu servi. Censé se substituer aux Falcon, Gulfstream et Grumman du Glam (Groupe de liaisons aériennes ministériel),


air africa One l’avion présidentiel n’affiche qu’une trentaine d’heures de vol depuis sa mise en service officielle en 2010. Son dernier voyage, la même année, avait conduit Abdelaziz Bouteflika au Canada pour le sommet du G8. Depuis, l’appareil est cloué au sol. Il a pourtant été aménagé à grands frais. Système antimissile, chambre avec salle de bains, moquette venue d’Espagne… Quelque 42 millions de dollars ont été dépensés. Le président aurait même demandé l’installation d’espaces privés pour ses deux frères, qui l’accompagnent régulièrement à l’étranger. Maintenant que le chef de l’État, réélu en avril pourunquatrièmemandat,nevoyageplus–excepté quand il se rend en France à bord d’un Gulfstream pour recevoir des soins –, que devient « Air Force Boutef », comme l’ont baptisé les Algériens ? Selon des confidences recueillies à Alger, l’Airbus A340 se trouve dans un hangar de l’aéroport militaire de Boufarik, à quelques kilomètres d’Alger. Pourrait-il être revendu, comme l’a été le Tristar de l’ancien président Chadli Bendjedid à un pays du Golfe avec une perte faramineuse de l’ordre de 40 millions de dollars ? Officieusement, des démarches ont été entreprises en ce sens, mais aucune source officielle n’accepte de s’exprimer sur le sujet. l Farid alilat

Tunisie Un quadriréacteur pour deux Zine el-Abidine Ben Ali n’était sans doute pas aussi riche qu’on a pu le prétendre. Mais il ne se refusait rien. S’il voyageait peu, le président déchu possédait deux avions, un Boeing et un Airbus. Le premier, un 737-BBJ acheté en 1999 et connu sous le nom d’Oscar Oscar, est devenu célèbre le 14 janvier 2011. C’est en effet à son bord que le dictateur s’est enfui en Arabie saoudite avec son épouse. Le second, un A340-500 – rutilant quadriréacteur disposant de dix-neuf heures d’autonomie et capable 18 pour ses vols commerciaux et 1 pour le couple présidentiel exclusivement. Aujourd’hui, les de parcourir 16 600 km d’une seule traite –, a été deux avions sont en vente. Tunisair espère livré en 2009, mais n’a jamais été utilisé. Les travaux récupérer 300 millions de dinars. Mais d’aménagement de la cabine VIP, luxueusement les acheteurs ne se bousculent pas. décorée par Louis Vuitton, étaient en cours à Oscar Oscar est Oscar Oscar, « bradé » à 60 millions Bordeaux (France) quand la révolution a de dinars, a suscité l’intérêt de la éclaté. Conduits par Sabena Technics, « bradé » à 60 millions présidence du Burkina Faso, mais l’ex-Sogerma, ils ont coûté la bagatelle de dinars, mais les l’affaire s’est ébruitée et le deal est de 180 millions de dinars (93,7 millions acheteurs ne se tombé à l’eau. En attente à Bordeaux, d’euros). En pure perte. Et c’est Tunisair, la compagnie nationale déjà lourdement l’A340 cherche toujours repreneur. Une bousculent pas. déficitaire, qui a réglé l’intégralité de la piste africaine menant à Malabo est évoquée facture. C’est aussi elle qui avait dû régler avec insistance. Le gros-porteur aurait tapé dans l’œil de Teodorín Obiang Nguema, fils et dauphin les deux aéronefs de la présidence ! présumé du président équato-guinéen. Mais rien L’A340 a été « vendu » au chef de l’État tunin’est encore fait. sien par son homologue français en 2008, dans le cadre du renouvellement de la flotte de Tunisair. Dans l’intervalle, les autorités tunisiennes auraient pu utiliser Oscar Oscar pour les La compagnie avait alors commandé 19 appareils: jeune afrique

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Grand angle déplacements du président provisoire, Moncef Marzouki. Même pas ! Les tarifs proposés par Tunisair, qui facture maintenant l’heure de vol à prix coûtant, ont été jugés prohibitifs. Et la présidence a été contrainte de faire appel à un prestataire moins onéreux, Tunisair Express, filiale de la compagnie nationale. l SamyGhorbal

partie de la flotte fantasque du dictateur – composée d’Airbus, de Falcon, d’un Antonov 124 – a été détruite, de même que l’Airbus A300 de ses fils. Aujourd’hui, la plupart des ministres libyens empruntent un simple Falcon, ou prennent des vols réguliers. Une rupture hautement symbolique avec les extravagances d’une dictature révolue. l Joan Tilouine

Libye Faste, fuite et décadence Il est des avions qui accompagnent l’Histoire. Le petit Falcon 900 immatriculé 5A-DCN avec lequel l’ex-Premier ministre Ali Zeidan a quitté précipitamment la Libye le 11 mars est l’un d’eux. Renversé par un vote de défiance controversé du Conseil général national (CGN, Parlement), Ali Zeidan a fait escale à Malte avant de s’envoler pour Düsseldorf. Son dernier vol à bord d’un avion d’État. Lit king-size, L’appareil, construit par le français Jacuzzi, salons Dassault, est un héritage de l’ère Kadhafi. argentés… Quelques semaines après le début de la révolution, en février 2011, Kadhafi L’A340 de Kadhafi s’était d’ailleurs rendu à Minsk, en affichait un luxe Biélorussie, à son bord afin d’y négocier insolent. des armes supplémentaires et d’augmenter le flux des « rivières de sang » annoncées. En vain. En août 2011, les rebelles investissent Tripoli. Sur le tarmac de l’aéroport, ils découvrent un Airbus A340 d’apparence banale, peint aux couleurs de la compagnie libyenne Afriqiyah et logotypé 9999 en référence à la création de l’Union africaine, le 9 septembre 1999. Cet appareil avait été cédé pour 95 millions de dollars (91,9 millions d’euros) par le sultan de Brunei au prince saoudien Al-Walid Ibn Talal, en 1999, qui l’a revendu 135 millions de dollars à Kadhafi sept ans plus tard. Dans l’appareil immatriculé 5A-One, un lit king-size, un Jacuzzi, des salons argentés pouvant accueillir 50 passagers… Un luxe insolent que des rebelles éreintés tournèrent en dérision devant le monde entier. La nouvelle Libye a confié à un sous-traitant d’Air France le soin de transformer ce palace kitsch en avion de ligne banal d’Afriqiyah. Une bonne

Sénégal Abdoulaye, Karim et Viviane sont dans un avion… Pour son grand retour au Sénégal fin avril, l’ancien président Abdoulaye Wade a effectué le trajet entre Casablanca et Dakar en jet privé, après avoir rejoint le Maroc sur une ligne régulière. Le prix de cet aller simple CasaDakar laisse songeur : 21 millions de F CFA (32 000 euros), selon la presse. Abdoulaye Wade ne mégote pas avec le standing. Et en matière d’avions, il n’en est pas à son coup d’essai. En 2007, l’ancien chef de l’État avait délaissé La Pointe de Sangomar, l’avion acquis par Senghor en 1978, après un incident l’ayant obligé à se poser en catastrophe aux Canaries. Le Boeing 727, déjà rénové au lendemain de l’alternance, avait à nouveau été remis en état. Pas moins de 18 milliards de F CFA auraient été investis à cet effet sous Wade père. Mais après 2007, l’ex-président opte pour des appareils loués ou prêtés par des homologues. En 2010, il décide d’investir dans un nouvel appareil et choisit l’Airbus A319 de son homologue Nicolas Sarkozy, entré en service en 2002 et fraîchement remplacé, un moyen-courrier entièrement aménagé, avec chambre et salle de bains VIP, deux petits salons et un système de communication sécurisé. Une lubie coûteuse – plus de 20 milliards de F CFA, travaux compris – qui avait fait tousser dans les chaumières sénégalaises… Dans le même temps, l’engouement supposé de son fils pour les jets privés faisait couler des rivières d’encre. Pendant son enquête préliminaire,

Et ailleurs dans le monde ?

L

es polémiques autour des avions présidentiels n’existent pas qu’en Afrique. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la commande d’un Airbus A330 (baptisé « Air Sarko One ») avait déchaîné les foudres de l’opposition… qui ne trouve rien à redire aujourd’hui à l’utilisation par François n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Hollande de cet appareil qui aura coûté 180 millions d’euros. Vladimir Poutine parcourt, lui, la planète à bord d’un Ilyushin 96-300 de 40 millions de dollars (29,5 millions d’euros). Si son prix est bien en deçà de ceux pratiqués habituellement pour ce type de gros-porteur, son aménagement aura

néanmoins nécessité quelque 180 millions de dollars, dont 80 000 rien que pour les toilettes. Mais la palme de la démesure revient à la famille royale d’Arabie saoudite. Si le roi Abdallah se contente d’un Boeing 747 (228 millions de dollars, auxquels se sont ajoutés 150 millions de dollars pour les équipements

intérieurs), le prince Al-Walid IbnTalal s’est en revanche payé le plus gros-porteur du monde, un Airbus A380. Une fois aménagé (parking pour sa Rolls-Royce, ascenseur menant au tarmac, salle de concert avec piano à queue…), la facture a atteint 520 millions de dollars… l michael Pauron jeune afrique


Air Africa One

en 2012, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) ira jusqu’à soupçonner Karim Wade d’être le véritable propriétaire d’un Falcon 50 acquis « sous le prête-nom [de l’homme d’affaires] Abbas Jaber ». Il l’aurait utilisé « pour ses déplacements personnels » de 2005 à 2010 tout en facturant ces prestations à l’État pour un total de 12,5 milliards de F CFA. Une hypothèse audacieuse qui n’a pu être confirmée par les enquêteurs français saisis après le dépôt d’une plainte par le Sénégal à Paris. Après son élection, en 2012, Macky Sall conserve l’Airbus A319 et met en vente La Pointe de Sangomar. Dès son premier Conseil des ministres, le président annonce une batterie de mesures censées réduire le « train de vie de l’État », comme la suppression des voyages en première classe pour les autorités publiques. l Mehdi Ba, à Dakar jeune afrique

Tchad Idriss Déby Itno et les rodéos Pour ses voyages à l’étranger, Idriss Déby Itno dispose de quatre avions (deux Boeing – 737 et 767 –, un Hawker et un ATR-24). Le Boeing Business Jet est une merveille technologique très bien aménagée (bureau, chambre). C’est la dernière acquisition. Pour se déplacer dans le pays, il utilise parfois les aéronefs destinés au gouvernement ou ceux de l’armée – notamment le C-130 baptisé Mont Guéra acquis dans les années 1980 – ou deux hélicoptères de transport nouvellement acquis. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Grand angle Le chef de l’État emprunte aussi les voies terrestres. Il circule alors dans des Hummer américains ou des GMC identiques à ceux des présidents américains, voire à bord de puissantes Toyota, communément appelées V8. Les voyages par la route dans le pays sont les plus remarquables tant le cortège présidentiel se déplace rapidement. « Il arrive que le président prenne le volant. Et là, c’est un véritable casse-tête pour la sécurité. Il va très vite et peut semer le cortège, arrivant quelquefois seul, incognito, à destination », raconte un habitué de ces déplacements. l Madjiasra Nako, à N’Djamena

Côte d’Ivoire ADO est dans tous les détails Dès son accession au pouvoir en 2011, Alassane Dramane Ouattara (ADO) annonce vouloir reconstituer la flotte présidentielle, composée essentiellement de Grumman, ces petits douze-places également utilisés par le Premier ministre. Pour mémoire, le Fokker 100 de Laurent Gbagbo qui transportait alors son Premier ministre, Guillaume Soro, avait été la cible de tirs de roquette sur l’aéroport de Bouaké en 2007. Depuis 2011, ADO louerait un Boeing 727. Une délégation de la firme américaine se serait rendue à Abidjan il y a deux semaines. Pour sa part, Airbus tenterait de vendre à l’État un ACJ 319 de seconde main. L’organisation des déplacements présidentiels à l’étranger dépend de leur nature – visite privée, rencontre officielle ou voyage professionnel. Le chef de l’État lui-même joue les hommes « orchestre » et valide chacun des noms de la délégation. « Il est méticuleux sur ces questions. La cellule protocole, dirigée par le directeur de cabinet Marcel Amon Tanoh, constitue l’une des chevilles ouvrières des voyages à l’étranger. Ce dernier harmonise tout avec Amadou Gon Coulibaly, le secrétaire général de la présidence. Téné Birahima Ouattara, ministre des Affaires présidentielles et frère d’ADO, ou Lacina Ouattara (« Lass RDR »), chargé de mission à la présidence, gèrent les détails et tous les aspects liés au budget », confie un membre du staff. l Baudelaire Mieu, à Abidjan

Cameroun Quand l’Épervier fond sur L’Albatros Une frayeur présidentielle en avion peut avoir des conséquences inattendues. Le 24 avril 2004, une avarie de l’appareil officiel du chef de l’État – L’Albatros – déclenche une affaire qui aboutira à l’emprisonnement de plusieurs hauts fonctionnaires, dont Jean-Marie Atangana Mebara et Marafa Hamidou Yaya, deux anciens secrétaires généraux de la présidence (SGPR), Jérôme Mendouga, ex-ambassadeur aux États-Unis, et Yves-Michel Fotso, ancien directeur général de Cameroon Airlines…

La malédiction de l’A340 Dans le milieu, on dit que cet appareil a « le mauvais œil ». l’airbus a340 a en effet vu le destin d’une poignée de chefs d’État africains basculer rapidement après son acquisition. Depuis trois ans, les intermédiaires dépêchés par Tunis pour tenter de revendre la dernière folie de Ben ali n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

– notamment en afrique subsaharienne – se voient tous rappeler la mauvaise fortune de son dernier propriétaire. le raïs égyptien Hosni moubarak n’aura lui aussi que très peu profité de son a340. et si le sort funeste de Kadhafi ne peut certainement pas être imputé à son avion, le fait qu’il

s’agisse là aussi d’un a340 a achevé de gâcher la réputation de ce long-courrier auprès des chefs d’État. Reste abdelaziz Bouteflika. Toujours bénéficiaire d’un appareil de ce type, il ne voyage plus, et sa santé s’est largement dégradée depuis 2009, date de l’achat de l’avion maudit… l Michael PauroN jeune afrique


Air Africa One

Cercueils volants

L

Mais qu’est-ce qui a poussé le commandant de bord Benoît Betam à informer Paul Biya que les volets des ailes du tout nouveau Boeing 767-216/ER ne rentraient pas? S’il n’avait rien dit, le président n’en aurait peut-être rien su, d’autant que l’incident a été résolu quelques minutes plus tard. Loué à Boeing pour pallier le retard de la livraison du 737 Business Jet en fabrication dans les ateliers américains, L’Albatros est vite qualifié de « cercueil volant » – à tort, puisqu’il vole toujours aujourd’hui, sous un autre pavillon. Peu importe, le chef de l’État n’en veut plus. Habyarimana, Par malheur, Boeing refuse de livrer l’appareil Boganda, Barang… commandé, l’avance débloquée par l’État ne lui De nombreux leaders étant pas entièrement parvenue. L’opération anticorruption Épervier s’abat alors sur les politiques ont trouvé responsables soupçonnés de détournement. la mort en avion. Eux-mêmes sont convaincus que leur malheur vient de ce qu’ils sont soupçonnés d’avoir délibérément mis en danger la vie du président et de sa famille. Ce qui « ne figure pas dans l’acte d’accusation qui [lui ] a été notifié le 6 août 2008, écrit Jean-Marie Atangana Mebara, l’ancien SGPR. [Accusation] pourtant implicite dans le rapport de la police judiciaire adressé au procureur ». Pour l’instant, Paul Biya ne dispose que d’un Grumman, qu’il utilise peu. Pour les voyages intercontinentaux, la présidence affrète un long-courrier. En l l l jeune afrique

e 16 août 1972, le Boeing 727 du roi Hassan II atterrit en urgence après avoir essuyé une attaque par balles et roquettes fomentée par des officiers de l’armée de l’air. Le souverain a failli ne jamais revoir son royaume. D’autres n’ont pas eu cette chance, tel Juvénal Habyarimana, l’ancien président rwandais. Si sa mort en 1994 lors d’un attentat contre son Falcon 50 est bien connue puisqu’elle signa le début du génocide, beaucoup ont oublié qu’un autre chef d’État a disparu à ses côtés, le Burundais Cyprien Ntaryamira. Trente-cinq ans plus tôt, en Centrafrique, au lendemain de l’indépendance, le Nord 2501 Noratlas transportant Barthélemy Boganda, considéré alors comme le probable futur premier président du pays, s’abîme dans la savane, à Boukpayanga. Aujourd’hui encore, le doute plane sur les circonstances de cet accident.Tout comme sur celui du DC6 de Dag Hammarskjöld, alors secrétaire général de l’ONU, survenu en Rhodésie du Nord (actuelle Zambie) en 1961. Le diplomate y perdit lui aussi la vie.Yasser Arafat a eu plus de chance. Il sortit indemne de son Antonov qui s’est écrasé dans le désert libyen en 1992. Plus récemment, un autre destin fut brisé prématurément: celui de John Garang, qui aurait sans doute présidé aux destinées du futur Soudan du Sud s’il ne s’était tué dans un hélicoptère présidentiel ougandais, en 2005. Samora Machel, premier président du Mozambique, est lui décédé dans le crash de son Tupolev dans les monts Lebombo en Afrique du Sud en 1986… Des accidents sources de multiples fantasmes de complots. Gnassingbé Eyadéma étant probablement le seul chef d’État à être décédé en plein vol, de mort naturelle, dans le Boeing 707 qui l’emmenait en M.P. Israël, le 5 février 2005. l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Grand angle l l l visite officielle au Brésil en 2010, il a effectué un vol direct en Boeing 777 spécial. Pendant son séjour, il a découvert les ateliers d’Embraer. L’avionneur brésilien en a profité pour lui proposer son E190. l

GeorGes DouGueli

Centrafrique Bozizé, ses hélicos et son vieux coucou L’ancien président centrafricain François Bozizé (2003-2013) n’a jamais eu d’avion officiel. C’était pourtant l’un de ses plus vifs souhaits. Alors parfois, las d’utiliser les Falcon 900 loués par son conseiller spécial Saifee Durbar, et les jets privés affrétés via des compagnies gabonaises et congolaises, ou mis à disposition par des pays amis, Bozizé utilisait son vieux C-130 Hercules. L’appareil, un avion de transport militaire américain piloté par des officiers tchadiens puis par un équipage portugais, avait été acheté d’occasion en 2006 aux États-Unis pour 1,65 milliard de F CFA (2,5 millions d’euros). C’est à son bord qu’il est allé signer, en janvier 2013 à Libreville, l’accord qui lui permit de conserver le pouvoir quelques mois de plus. Cette fois-là, l’engin a tenu le choc, mais, auparavant, lors d’un voyage à Libreville également, l’un des moteurs avait refusé de s’allumer, forçant la

Netanyahou attend son Air Force One

V

oilà des années qu’il exigeait qu’un avion soit consacré à ses voyages officiels. Benyamin Netanyahou a finalement obtenu gain de cause. En mai, après qu’un comité public a planché sur les modalités financières du projet, le gouvernement israélien a approuvé l’achat d’un Boeing 767 qui servira à transporter le Premier ministre aux quatre coins du monde. « Air Force Bibi » sera un appareil d’occasion, d’envergure moyenne et dont l’autonomie en vol ne devrait pas excéder 7 000 km. En raison des contraintes de sécurité, notamment l’installation de systèmes antiaériens à l’arrière du Boeing, le coût global s’élève tout de même à près de 70 millions de dollars (51,6 millions d’euros). Jusqu’ici, le gouvernement emploie son propre tour-opérateur, Inbal. Selon la destination, les trois grandes compagnies aériennes locales, El Al, Arkia et Israir n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

proposent une offre. Bien souvent, les critères de sélection reposent davantage sur des considérations sécuritaires qu’économiques. En décembre, le Premier ministre avait d’ailleurs invoqué « les lourdes dépenses financières et logistiques » (2 millions de dollars) pour expliquer son refus d’assister aux funérailles de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Mais Benyamin Netanyahou ne s’est pas toujours montré aussi scrupuleux. Ces dernières années, lui et son épouse, Sarah, ont été maintes fois épinglés par la presse israélienne pour leurs dépenses inconsidérées. L’opinion garde ainsi en mémoire le Bedgate, soit les 127 000 dollars engagés par la présidence du Conseil pour installer une chambre avec lit double dans l’avion qui emmenait le couple assister aux obsèques de Margaret Thatcher, à maxime Perez Londres. l

délégation présidentielle à rentrer à Bangui en stop. LeC-130n’estpasleseulappareilàavoircausédes frayeurs à l’ancien président. Le 29 mars 2012, il se rend au village de Boganda à bord de son hélicoptère de commandement, un Dauphin blanc acheté d’occasion en Italie – celui-là même avec lequel il prendra la fuite lors du coup d’État de mars 2013. Au retour, l’appareil manque de prendre feu en plein vol : panique, atterrissage d’urgence. Bozizé et les quelques personnes qui l’accompagnaient ce jour-là, notamment sa femme Monique, devront marcher plus d’une heure dans la brousse avant d’atteindre le premier village. Très vite, l’incident est imputé à son neveu, Sylvain Ndoutingaï, alors ministre des Finances et du Budget, que certains accusaient de fomenter un coup d’État. En disgrâce depuis quelques semaines, celui qui fut numéro deux du régime pendant neuf ans sera limogé en juin de la même année. Les pilotes du Dauphin, eux, croupiront en prison jusqu’à la prise de pouvoir par l’ex-Séléka. Catherine Samba-Panza, chef de l’État provisoire (elle doit quitter son poste à la fin de la transition, programmée pour février 2015) connaît elle aussi la précarité dans les transports aériens. Sans avion à sa disposition, elle dépend de la générosité de ses pairs de la sous-région. Début mars, le Congolais Joseph Kabila lui a ainsi envoyé un appareil pour qu’elle se rende à Kinshasa. Quinze jours plus tard, c’était au tour du Gabonais Ali Bongo, qui l’invitait à Libreville. Un avion de la présidence gabonaise l’a même conduite au sommet Union européenneAfrique à Bruxelles les 2 et 3 avril. l Vincent Duhem

Gabon Étonnant voyageur « Siège réservé au président de la République. » Les privilégiés qui entrent dans le Grumman présidentiel ne peuvent pas rater cette inscription brodée sur la housse. Elle ajoute une pointe de solennité à l’intérieur acajou et or. Personne d’autre qu’Ali Bongo Ondimba n’a le droit de poser son séant sur ce fauteuil. Une hôtesse de l’armée y veille, gentiment mais fermement. Les invités peuvent librement abuser des petits fours et du champagne. Qu’il s’agisse de déplacements professionnels ou privés, Ali ne craint pas de passer de longues heures à survoler la planète. Sydney, New York, Londres, Séoul, Port-Louis… On l’a aperçu le 12 juin à la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de football au Brésil en compagnie de son homologue angolais, José Eduardo dos Santos. En juin 2012, le Groupement de liaisons aériennes ministérielles (Glam) a réceptionné un Boeing 777-200 pour les longs trajets. L’envergure de ce gros biréacteur est si importante que son empennage ne rentre pas dans l’espace que lui loue une compagnie privée d’aviation d’affaires et demande la construction d’un hangar à sa taille. l G.D. jeune afrique



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afrique subsaharienne

& e n u t r o F

HoupHouët-Boigny C’est l’histoire d’un héritage fabuleux, estimé à près de 100 millions d’euros, autour duquel des membres de la famille de l’ancien président ivoirien continuent de se déchirer. Quitte à contester les dispositions prises par le « Vieux ». Enquête. François soudan

n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

d

eux décennies se sont écoulées depuis la disparition de Félix Houphouët-Boigny, et son héritage, sans doute le plus formidable de ce dernier demi-siècle au sud du Sahara avec celui d’Omar Bongo Ondimba (lui aussi non encore soldé), alimente toujours les fantasmes et les polémiques. Sur les sept enfants reconnus du « Vieux » (dont deux sont aujourd’hui décédés), six se sont satisfaits de leur part alors que l’une des trois filles, Hélène, continue de faire bande à part, n’hésitant pas à accuser sur son blog les présidents Bédié et Ouattara… de complicité d’escroquerie. Quant à Marie-Thérèse Houphouët-Boigny née Brou, 83 ans, la veuve du défunt, elle vient à nouveau de déposer plainte à jeune afrique


Laurent GIrauDIneau pour J.a.

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s e c n a d descen Paris pour recel et détournement d’une succession dont elle estime avoir été indûment écartée dès les premiers jours. Cette situation inextricable, qui a mobilisé depuis 1994 un bataillon d’avocats, de notaires, d’huissiers, de juristes et d’experts en tous genres, est due pour l’essentiel à l’absence de tout testament écrit de la part du défunt, qui n’a pas non plus laissé un inventaire de ses multiples biens. Il ne reste d’Houphouët qu’un simple legs verbal, prononcé puis réitéré de son vivant devant témoins, certes reconnu par le droit traditionnel lié à la coutume en Côte d’Ivoire, mais inconnu dans les pays où les actifs concernés sont localisés et où ces références traditionnelles n’ont aucune force de loi. La porte était donc grande ouverte jeune afrique

p Lors des obsèques, le 7 février 1994. En tête du cortège, Henri Konan Bédié, qui s’apprête à prendre les rênes du pays, son épouse, Henriette (1re à g.), et la veuve du défunt, Marie-Thérèse née Brou (au centre).

à un tsunami de contestations et de chicaneries juridiques. Dans le cadre de ce legs verbal, Houphouët avait exprimé le vœu qu’une partie de sa fortune soit consacrée à la réalisation d’un serment fait au pape Jean-Paul II. En échange de la consécration et de l’acceptation à titre de don personnel de la célèbre basilique de Yamoussoukro, le Vatican avait en effet émis comme condition qu’un hôpital de proximité soit édifié dans le voisinage. Depuis, une fondation a été créée dans ce but, les fonds nécessaires ont été débloqués, et l’hôpital, baptisé du nom d’un médecin italien canonisé par Jean-Paul II, Joseph Moscati, a été construit – mais toujours pas équipé. Reste à attendre son inauguration pour que le « Vieux » puisse enfin reposer en paix… l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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Afrique subsaharienne Houphouët-Boigny IntervIew

Vincent Fournier/J.A.

Philippe rideau « les polémiques n’auront bientôt plus lieu d’être »

A

C’est la première fois que l’exécuteur testamentaire de l’ancien président ivoirien accepte de s’exprimer sur la succession qui lui a été confiée. Selon lui, personne n’a été lésé.

ncien vice-président chez JPMorgan à Paris, spécialiste en gestion de patrimoine, le Français Philippe Rideau a, en vertu d’une procuration signée en sa faveur par quatre des enfants du défunt (Guillaume, Augustin, François et Marie), et avec l’aval de la présidence ivoirienne et du Vatican, géré la succession de Félix Houphouët-Boigny. C’est ici qu’il s’exprime pour la première fois. jeune Afrique : quel rôle exact avezvous joué dans le règlement de la succession de félix Houphouët-Boigny ? PHiliPPe rideAu : En janvier 1997, j’ai

été approché par Guillaume HouphouëtBoigny, l’un des représentants des héritiers légitimes du défunt président, afin de permettre la reconnaissance et la mise en œuvre du legs verbal de leur père.

L’exécution en était bloquée depuis trois ans en raison de nombreuses actions judiciaires engagées en Côte d’Ivoire, en France, aux États-Unis et en GrandeBretagne. Ce legs verbal, il faut le rappeler, était pour l’essentiel destiné à assurer le financement de la construction de l’hôpital Saint-Joseph-Moscati dans l’enceinte des terrains de la basilique de Yamoussoukro. Le pape Jean-Paul II avait en effet accepté que le président Houphouët fasse don au Saint-Siège de cette basilique sous réserve qu’un hôpital soit construit à proximité. À quelles démarches avez-vous procédé?

Le 16 janvier 1998, j’ai été reçu au Vatican par le pape Jean-Paul II. Au cours de l’entretien qui a suivi, il m’a été expressément demandé de veiller à ce que le financement de cet hôpital destiné à la

que vous a dit le président Bédié à propos du financement de l’hôpital ?

HouPHouët AvAit gAgné Au MonoPoly !

u

ne estimation du fisc français, établie en septembre 1998, des avoirs dépendant de la succession Houphouët répertoriés en France, ainsi que des œuvres d’art conservées à l’époque chez Sotheby’s à Londres et à NewYork, avançait le chiffre global de 184 millions de francs français (FF), soit près de 30 millions d’euros d’aujourd’hui. Outre l’hôtel particulier de la rue Masseran, figuraient dans ce patrimoine aujourd’hui dispersé : un appartement

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boulevard des Invalides, des biens et droits immobiliers rues Duroc, Eblé et du Général-Bertrand, le tout à Paris, ainsi qu’une villa et quatre pavillons à Marnes-laCoquette. L’hôtel de la rue Masseran, acheté cash le 22 décembre 1978 pour 60 millions de FF (un peu moins de 10 millions d’euros), avait été exonéré d’impôts locaux sur décision personnelle du président Giscard d’Estaing pour motif de « haute courtoisie internationale » (sic).

Fondation Notre-Dame-de-la-Paix soit effectué dans le respect des règles de droit, afin qu’il ne puisse soulever aucune critique ou contestation qui puisse ternir l’image de l’Église. Je m’y suis formellement engagé. Une semaine plus tard, j’ai rencontré à Abidjan Henri Konan Bédié, alors chef de l’État, lequel m’a fait clairement savoir que l’État de Côte d’Ivoire entendait s’inscrire dans un rôle d’exécuteur testamentaire des volontés exprimées par le défunt. Je devais donc l’associer à mes initiatives et à mes démarches relatives à la composition du legs verbal, ce que je n’ai pas manqué de faire. Je me suis enfin entretenu à plusieurs reprises avec l’ancien ministre d’État Camille Alliali, qui, en tant que président du conseil d’administration de la Fondation Notre-Dame-de-la-Paix, était familiarisé avec ce dossier.

À ce patrimoine s’ajoutaient demeures et comptes en banque non évalués en Suisse, en GrandeBretagne, au Maroc, au Sénégal, et bien sûr en Côte d’Ivoire (18 villas, par exemple, àYamoussoukro). Selon une source proche du dossier, la totalité de la fortune d’Houphouët-Boigny avoisinait à son décès, le 7 décembre 1993,

700 000 000

de FF soit plus de

100 millions d’euros. l f.S.

Que le défunt avait indiqué à son entourage politique et familial, à plusieurs reprises et sans ambiguïté aucune, qu’il affectait au financement de l’hôpital, à sa construction et à son équipement, le produit de la vente de tableaux alors en cours à Londres et à New York chez Sotheby’s. Ainsi que la totalité de ses propriétés immobilières et de leur contenu en mobilier et œuvres d’art dont il serait, à son décès, propriétaire en France. Ce vœu se qualifiait donc juridiquement comme legs verbal. Il devait nécessairement être reconnu par tous les prétendants à sa succession. Pourquoi l’hôtel particulier de la rue Masseran, à Paris, a-t-il été disjoint du legs ?

Pour inscrire ce legs verbal dans le respect des règles du droit successoral, il a fallu procéder à des arbitrages. En application de ce principe, il a été jeune afrique


Fortune & descendances À quoi ont eu droit les héritiers reconnus d’Houphouët ?

En dehors de ce qui était destiné au legs verbal, il y avait, dans la succession du défunt, un reliquat non négligeable d’actifs financiers dont j’ai assuré le partage entre tous les prétendants, quels qu’ils soient. Pourquoi l’hôpital Saint-Joseph-Moscati n’a-t-il toujours pas été inauguré, plus de vingt ans après la mort du « Vieux » ?

Jel’ignore.Lebudgetinitialétaitpourtant largement couvert par la consistance du legs.A-t-onvutropgrand,tropprestigieux? Peut-être. Cette inauguration, que j’espère prochaine, aurait en tout cas l’avantage de mettredéfinitivementuntermeà toutesles polémiques sur la succession du président Houphouët-Boigny. Mon seul regret est que le pape Jean-Paul II, qui attendait avec impatience de voir un début de construction, ne sera plus là pour y assister. l Propos recueillis par F.S.

p L’hôpital Saint-JosephMoscati a été construit grâce à une partie de l’héritage du « Vieux ».

Quand le Vatican s’en mêle

L’

hôpital Saint-Joseph-Moscati, c’était une promesse faite avant sa mort (en 1993) par le président HouphouëtBoigny au pape Jean-Paul II. Mais ce n’est que le 24 août 2009, sous la présidence de Laurent Gbagbo, que les travaux ont été lancés. Et quatre ans plus tard, les Ivoiriens ne peuvent toujours pas s’y faire soigner. Le bâtiment a bien été construit sur 20 000 m2, moyennant 14 milliards de F CFA (21,3 millions d’euros) – un financement obtenu grâce à la vente d’une partie des biens du défunt, en vertu de son legs verbal. Mais si les locaux sont flambant neufs, ils sont aussi désespérément vides ! Pourquoi? À Abidjan, on dit tenir à ce que le nouveau souverain pontife assiste à l’inauguration, mais son agenda ne lui permettrait pas pour l’instant de venir en Côte d’Ivoire. Mais en coulisses, on explique aussi que le Vatican se méfie des fausses promesses et veut que le chantier soit

jeune afrique

complètement achevé avant la venue du pape François. Or la Côte d’Ivoire pensait plutôt procéder par étapes: construire d’abord un établissement permettant d’accueillir 150 lits, ainsi que des logements pour le personnel et pour les religieux et un hôtel pour les familles des malades. Inaugurer ensuite. Puis, augmenter de 100 lits supplémentaires la capacité d’accueil de l’hôpital. Mais le Vatican, qui suit de près les travaux, ne l’entend pas de cette oreille. La Côte d’Ivoire a tenté de donner un coup d’accélérateur au projet, mais le matériel médical commandé en Europe n’est toujours pas arrivé. Le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, s’est rendu àYamoussoukro les 17 janvier et 29 mars derniers. Un temps envisagée en juin, l’inauguration a été repoussée sine die.Tout serait entre les mains du Vatican… l Baudelaire Mieu, à Abidjan n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

OLIVIER pOuR J.A.

admis que l’hôtel de Beaumont, rue Masseran, et son contenu d’œuvres d’art ne soient pas joints à l’acte d’exécution que j’ai régularisé avec tous les ayants droit concernés, le 16 juin 1999. L’État de Côte d’Ivoire s’est, par la suite, attribué la propriété de ce bien immobilier que Félix Houphouët-Boigny avait acquis en décembre 1978 pour 60 millions de francs français de l’époque, payés en espèce et sous la mention de son activité privée de « planteur ».

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Afrique subsaharienne

santé

La fièvre monte ebola tue maintenant au Liberia et en sierra Leone, mais c’est toujours la Guinée qui paie le plus lourd tribut. Reportage dans un hôpital de Conakry, où l’on se bat pour sauver des vies.

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ans les interminables couloirs défraîchis de l’hôpital public Donka, à Conakry, le temps semble s’être arrêté. Dehors, il y a encore quelques petits vendeurs à la sauvette, mais à l’intérieur, les bancs sont déserts. Donka, comme l’appellent communément les Guinéens, n’est plus le même. En temps normal déjà, c’est un endroit que l’on préfère éviter : si on en a les moyens, mieux vaut aller se faire soigner ailleurs. Mais ces jours-ci, c’est encore pire. Certains chauffeurs de taxi refusent même de s’y rendre. Pas question n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

de s’approcher du centre de traitement des malades de la fièvre Ebola que l’ONG française Médecins sans frontières (MSF) a installé dans l’enceinte de l’hôpital depuis le mois de mars. Dans son bureau, Hadja Fatou Sikhé Camara, la directrice générale de Donka, s’en désole. Tirée à quatre épingles, soigneusement maquillée même en ces temps de crise, elle admet qu’il y a eu « une baisse importante de la fréquentation de l’hôpital ». « Au départ, les gens pensaient qu’à Donka on pouvait être contaminé ne serait-ce que par l’air, raconte-t-elle. Il y a

eu une véritable psychose, y compris chez les professionnels de santé. » Depuis le début de l’épidémie, début 2014, Donka a perdu un médecin, victime du virus. Où et comment a-t-il été contaminé ? La directrice dit ne pas le savoir. « Mais une chose est sûre: cela ne s’est pas passé ici. » cosmonautes. D’énormes seaux d’eau

chlorée ont été disposés à l’entrée de l’hôpital, dans la cour et dans les étages de l’établissement. « Il faut se laver les mains ! » entend-on à intervalles réguliers. En longeant les coursives, on se prend à imaginer ce à quoi pouvait bien ressembler cet endroit il y a quelques décennies. Peut-être les ventilateurs de plafond, aujourd’hui figés, fonctionnaientils. Peut-être la peinture ocre tenait-elle sur les murs… Mais Donka, construit en 1959, est aujourd’hui le symbole de la faillite du système de santé guinéen. jeune afrique


Virus sans frontières Nombre de cas recensés Décès

Guinée

C’est dans la cour de l’hôpital, au pied d’un arbre immense et majestueux, que MSF a installé son unité de prise en charge. Interdiction d’entrer sans être accompagné d’un guide ou de se serrer la main. Il faut s’habituer à la forte odeur de chlore, puis se désinfecter les mains et les semelles des chaussures. « Il n’y a pas de traitement contre Ebola, explique Sam Taylor, porte-parole de MSF en Guinée [la souche Zaïre, présente en Guinée, est la plus pathogène avec un taux de mortalité qui peut atteindre 90 %]. Mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut rien faire : on peut traiter les symptômes, en hydratant les patients et en leur donnant une alimentation spécifique. Le but est d’améliorer leur état de santé général pour que leur corps puisse produire des anticorps qui vont combattre le virus. Leurs chances de survie augmentent alors de 10 % à 15 %. » jeune afrique

SourCe : omS

Sylvain Cherkaoui/CoSmoS pour mSF

t Au centre hospitalier Donka, à Conakry.

C e j o u r- l à, 264 treize médecins 398 Sierra sont présents. Ils Leone sont étrangers ou guinéens, travaillent Liberia pour MSF, l’Organisation 97 49 mondiale de la santé (OMS) ou l’hôpital Donka. Deux d’entre eux, secondés par des infirmiers, s’apprêtent à faire SourCe : omS 33 24 leur ronde – ils en effectuent au moins quatre par jour. Ils enfilent combinaison, bottes, gants, lunettes et masque… Une ceux qui ont été seuls du début à la fin, préparation minutieuse qui dure plus faute d’avoir pu ou voulu prévenir leur famille. Il y a ceux qui sont morts et ceux d’une dizaine de minutes et qui leur a valu le surnom de cosmonautes. « Ils qui ont miraculeusement survécu. Mais y vont à plusieurs pour se surveiller les même pour eux, tout n’est pas gagné. uns les autres, explique Sam Taylor. Et « Nous donnons aux malades qui s’en puis avec tout cet attirail, ils sont moins sont sortis une attestation pour prouver agiles et ont très chaud. Ils ne peuvent qu’ils sont guéris. Mais souvent, leurs pas passer beaucoup de temps avec les proches et amis ne viennent plus les voir, malades. » Macenta, en pleine Guinée continue Angéline. Certains s’isolent, forestière, est considérée comme l’un des ne fréquentent plus que les personnes épicentres de l’épidémie. Dans cette ville rencontrées ici. Il faut donc continuer qui n’avait jamais connu de les suivre, aller voir les Ebola, les gens ont pris Toujours moins chefs de quartier et leur peur lorsqu’ils ont vu les expliquer qu’ils ne sont d’argent agents vêtus de combinaiplus contagieux. » (Part du budget guinéen sons de protection débarLes soignants finissent consacré à la santé) quer pour isoler certains leur ronde en sueur, tandis de leurs proches ou de que leurs combinaisons, 3,5 % leurs voisins. En avril, le masques et protège-têtes centre de soins de l’OMS sont brûlés. Tout ce qui 2,5 % a même été attaqué. 2% peut être réutilisé est soigneusement lavé et À haut risque. À Donka, désinfecté. Carissa Guild, 2009 2011 2012 les patients testés posiune jeune infirmière tifs au virus sont confinés américaine, veut garder dans la zone dite à « haut risque ». Les cas confiance : « C’est formidable de voir suspects, en attente des résultats d’anades patients sortir d’ici guéris, dit-elle. lyses, sont dans la zone à « bas risque ». Ce qu’il faut maintenant, c’est former le Ce jour-là, dans la première des deux personnel guinéen et étranger pour qu’il zones, quatre cas confirmés, tous de la puisse faire face. » même famille. Chacun a été installé dans À ce jour, vingt-neuf hommes et une chambre individuelle, avec douche, femmes ont été guéris à Donka. Dixtoilettes, radio et téléphone portable. neuf sont décédés – mais ce n’est pas à Angéline Tenguiano, psychologue, rend Conakry qu’Ebola a fait le plus de ravages. visite chaque jour aux malades. « En arriMi-juin, l’OMS recensait 264 morts dans vant, certains ne veulent pas croire qu’ils tout le pays. Pour la directrice de l’hôpital, sont malades, raconte-t-elle. Ils refusent l’heure n’est d’ailleurs pas au bilan. « Pour les traitements, ils ne veulent plus manger. l’instant, on gère l’épidémie, affirme Il faut essayer de les convaincre. Leur Hadja Fatou Sikhé Camara. On verra expliquer les symptômes de la maladie après comment améliorer la gestion de et leur donner espoir. » Angéline garde ce genre de crise sanitaire et la formation du personnel. » l des souvenirs de tous les patients : il y a ceux qui recevaient beaucoup de visites, haby Niakate, envoyée spéciale n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


Afrique subsaharienne Justice

Sidiki kaba « La CPi doit écouter les africains » Il a déjà été avocat et défenseur des droits de l’homme. Mais aujourd’hui, à 64 ans, le garde des Sceaux sénégalais se verrait bien présider l’Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale.

L

e12juinàLaHaye,dansl’ouestdes Pays-Bas, comme souvent depuis que la Cour pénale internationale (CPI) y a vu le jour il y a douze ans, l’heure était africaine. Au moment même où les juges donnaient leur feu vert à la tenueduprocèsdeLaurentGbagbo,laprocureure de cette même CPI, la Gambienne Fatou Bensouda, révélait que la présidente centrafricaine, Catherine Samba-Panza, avait demandé l’ouverture d’une enquête sur les crimes contre l’humanité qui pourraient avoir été commis dans son pays ces deux dernières années. Et dans le même temps, dans le même bâtiment, le ministre de la Justice du Sénégal, Sidiki Kaba, passait son oral devant les représentants des 122 États parties au Statut de Rome, le texte fondateur de la CPI. Kaba (64 ans), avocat de renom qui eut à défendre Alassane Ouattara, Idrissa Seck ou encore les victimes de Hissène Habré, infatigable défenseur des droits de l’homme connu sur tout le continent et même au-delà (il a présidé la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme entre 2001 et 2007), est l’un des trois candidats à la succession de l’Estonienne Tiina Intelmann, qui préside l’Assemblée des États parties depuis

MARCO DE SWART/AFP

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p Partisans de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, en juin 2012, devant le siège de la CPI, à La Haye.

Si l’élection n’aura lieu qu’en décembre, la campagne bat son plein. « Tout se joue en ce moment », indique celui qui est le garde des Sceaux de son pays depuis septembre 2013 et qui envisage avec gourmandise de renouer avec ses premiers amours : la justice internationale. jeune afrique : Vous vous trouviez à La Haye lorsque les juges de la CPi ont annoncé, le 12 juin, leur décision de renvoyer Laurent Gbagbo en procès pour crimes contre l’humanité. qu’en pensez-vous ?

Il faut que le procureur étende ses poursuites aux autres régions du monde. décembre 2011. Face à lui : deux autres Africains (un diplomate sierra-léonais et une magistrate botswanaise). Selon une loi tacite qui répond à une certaine logique (les huit procédures en cours concernent exclusivement des crimes commis sur le continent), il est dit que c’est au tour de l’Afrique de présider cette assemblée pour les trois prochaines années. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Sidiki kaba : Cela pose énormément de questions en Côte d’Ivoire, où certains parlent d’une « justice de vainqueur ». Il faut lutter contre cette perception des choses. C’est la raison pour laquelle la CPI doit veiller à ce que la procédure en cours puisse toucher l’ensemble des deux camps engagés dans la crise postélectorale. Il faudrait faire en sorte qu’en dernière instance

l’on soit convaincu qu’il n’y a pas un camp privilégié par rapport à un autre. L’équité dans les poursuites est importante. Cela permettra de participer à la stabilisation de ce pays, qui a beaucoup souffert. Vous êtes candidat à la présidence de l’assemblée des États parties pour, ditesvous, « réconcilier toutes les régions avec la CPi, notamment l’afrique et l’union africaine ». quel est le malaise ?

Le malaise a commencé avec l’affaire kényane. Il y a eu une session extraordinaire de l’Union africaine à Addis-Abeba au mois d’octobre 2013. Les débats furent houleux, les critiques contre la Cour, virulentes. Certains ont dénoncé un « impérialisme judiciaire », une « justice de Blancs contre les autres ». Beaucoup d’Africains ont le sentiment d’assister à une justice à la carte. Ces critiques sont-elles fondées ?

Il faut les tempérer. Certes, la CPI ne poursuit pour l’heure que des Africains, mais elle le fait à la demande des États africainseux-mêmes.Beaucoupontsaisila Cour, et on l’a encore vu récemment avec la demande de la République centrafricaine. jeune afrique


Afrique subsaharienne À un certain moment, nombre d’États africains ont eu à faire la même chose, en expliquant que leur système judiciaire n’était pas en mesure de mener un procès, et en se fondant sur l’article 17 du Statut de Rome, qui stipule qu’en cas de mauvaise volonté d’un État ou d’incapacité de juger, c’est à la Cour de le faire. L’idéal, c’est que la justice soit rendue là où ont été commis les crimes. Et le Statut de Rome ne dit pas autre chose. Si tous les États jugent les crimes qui les déstabilisent, la CPI ne sera plus nécessaire. Lors de sa création, nous pensions que l’impunité était peutêtre l’une des causes, sinon la source, des nombreux conflits qui minaient notre continent et que la justice pouvait être une des solutions. Aujourd’hui, on pense que cette justice ne s’intéresse qu’au seul continent africain, et qu’elle se désintéresse de ce qu’il se passe ailleurs, en Afghanistan, au Proche-Orient, en Tchétchénie… Si vous êtes élu, qu’allez-vous faire pour renouer le fil ?

La première des choses à faire, c’est de rappeler que 34 États africains sur 54 ont ratifié le Statut de Rome, qu’ils sont les premiers à déférer leur propre cas devant la Cour. Il faut aussi rappeler que l’Afrique n’est pas contre l’idée de juger ses chefs d’État. La preuve : c’est l’Union africaine qui a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré. Comment la CPI peut-elle démontrer qu’elle n’est pas contre l’Afrique ?

Pourquoi le président soudanais Omar el-Béchir, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI depuis cinq ans, n’a-t-il toujours pas été inquiété ?

Parce que la CPI n’a ni armée ni police et qu’elle ne peut agir sans le concours des États. La Cour est un géant aux pieds d’argile. Au Sénégal, c’est le procès de Karim Wade, poursuivi pour enrichissement illicite, qui fait l’actualité. Débutera-t-il le 31 juillet comme annoncé ?

Oui.

Ses avocats et plusieurs associations de défense des droits de l’homme dénoncent un « procès inéquitable » et parlent de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), qui doit juger le fils de l’ancien président, comme d’une « juridiction d’exception qui bafoue les droits de la défense ». Que leur répondez-vous ?

L’ensemble de ces critiques sera examiné par la Cour lors du procès, selon des bases légales. Les juges sont indépendants, ils ont la liberté de dire s’il y a violation des droits de la défense ou non. Nous aurons un procès équitable. Depuis que Macky Sall a été élu, des progrès significatifs ont été faits en matière d’État de droit. l Propos recueillis par rémI CArAyOL

V in c e

ur nt fo

Jeune Afrique

Le problème, c’est que le financement de la CPI est assuré par quatre ou cinq pays, européens pour la plupart, qui ont leurs propres intérêts…

Et qui peuvent, dans une certaine mesure, influer sur le cours des choses. C’est pour cela qu’il est important que les 122 États participent au prorata de leurs moyens au financement de la Cour, afin d’assurer son indépendance d’action. Mais il faut rappeler que, si les poursuites du procureur peuvent être orientées, elles se fondent toujours sur des éléments de preuves.

FrAnçOIS SOuDAn et

.A . n ie r /J

Elledoitréorientersonaction, écouter les récriminations des Africains. Il ne faut pas que l’Afrique, qui est le continent le plus représenté à La Haye, quitte la Cour. Le bureau du procureur doit étendre ses poursuites aux autres régions du monde. Il faut que la CPI ouvre des enquêtes partout où il y a eu des crimes qui relèvent de ses compétences, et pas seulement en Afrique. À partir de ce moment-là, la critique de l’équité géographique tombera d’elle-même. Mais il faut aussi dire qu’il y a des États parties et des États non parties et que, souvent, on a besoin pour avancer du Conseil de sécurité des Nations

unies. Un exemple avec la Syrie: la France a saisi le Conseil de sécurité, mais elle a été confrontée à un double veto [de la Chine et de la Russie], qui a paralysé l’action de la CPI.Sanscela,laCourseseraitemparéede la question, comme elle l’avait fait pour le Soudan.Celasignifiedoncqu’uneréforme du Conseil de sécurité est nécessaire afin que, quand de graves crises ont lieu, les intérêts géostratégiques et géopolitiques de ses membres n’influent pas sur leur décision de déférer une situation devant la CPI.

t Sidiki Kaba a dirigé la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) entre 2001 et 2007. n o 2789 • du 22 Au 28 Juin 2014

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retrouvez l'interview vidéo sur jeuneafrique.com

Afrique subsaharienne

outsider parce qu’il vient de Maurice. » Et que Maurice, c’est un minuscule rocher dans l’océan de la francophonie – 1,3 million d’habitants, dans un ensemble qui en compte près de 900 millions. Qu’à cela ne tienne. De L’Estrac, qui, tout au long de sa vie, a mené de nombreux combats (contre la censure, pour le droit auretour desChagossiens,contrelamarginalisation de l’île Rodrigues), n’est pas du genre à se laisser abattre. Il pourrait avoir face à lui quelques anciens chefs d’État comme le Burundais Pierre Buyoya et le Libanais Michel Sleiman, un diplomate aussi connecté que le Congolais Henri Lopes, la célèbre journaliste canadienne Michaëlle Jean, ou d’autres encore, qui attendent le dernier moment pour faire acte de candidature. Mais il croit en sa bonne étoile. « C’est jouable, dit-il. Certes, je viens d’un petit pays, mais un pays qui a des leçons à offrir au monde. Et si je n’ai pas été chef d’État ou Premier ministre, j’ai quand même une certaine expérience gouvernementale. »

t Il n'est pas un ancien chef d'État mais, à 66 ans, il a occupé plusieurs ministères clés.

pères fondateurs. DeL’Estrac,quiavu

Vincent FOURnieR/J.A.

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Francophonie

dans la cour des grands

Le Mauricien Jean Claude de l'estrac sait qu'il lui sera difficile de succéder au Sénégalais Abdou Diouf à la tête de l'OIF, en novembre. Mais il veut malgré tout croire en sa bonne étoile.

J

ean Claude de L’Estrac ne ménage pas sa peine. Fin juin, il participera au sommet de l’Union africaine, à Malabo. Les semaines suivantes, il se rendra dans une petite dizaine de pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, et peut-être même à Washington, début août, à l’occasion du sommet États-Unis - Afrique. Il faut bien cela quand on est candidat à une élection et que l’on vient, comme il le dit lui-même, de l’un de ces pays « invisibles et inaudibles » : ces petites îles de l’océan Indien qu’on ne représente pas toujours sur les cartes du continent. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Ce Mauricien de 66 ans est un homme de convictions. Cela ne l’empêche pas d’être lucide. Il a beau avoir été le premier à se porter candidat, pouvoir compter sur le soutien indéfectible de son pays et de nombre d’États d’Afrique de l’Est et d’Afriqueaustrale,etêtrebienvuàParis,où il a été promu officier de la Légion d’honneur, il sait que ses chances de succéder à Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en novembre prochain, sont minces. « Très minces », confirme une source diplomatique française. Qui explique: « L’homme est sérieux et apprécié, mais il reste un

le jour en 1948, a eu plusieurs vies. Il a été touràtourjournaliste,politique,diplomate et historien, puis à nouveau journaliste, et encore une fois diplomate. Il a été maire, député et ministre à plusieurs reprises: des Affaires étrangères (en 1982-1983, puis en 1990), du Développement économique, de l’Industrie. « Partout où il est passé, il a laissé son empreinte », avance l'un de ses proches. En 1982, il est l’un des pères fondateurs de la Commission de l’océan Indien (COI). Trente ans plus tard, il en devient le secrétaire général et entreprend avecsuccèsderessusciteruneorganisation alors moribonde. « C’est un Mauricien dans l’âme », juge un cadre du Mouvement militant mauricien (MMM), le parti dans lequel a longtemps milité de L'Estrac. Comprendre: un homme résolument tourné vers l’extérieur. C’est d’ailleurs le message qu’il fait passer depuis qu’il est candidat : « Le moment est venu d’élargir la Francophonie. Il faut qu’elle s’ouvre à de nouvelles régions, à de nouvelles aires linguistiques. Il faut qu’elle s’intéresse davantage à l’économie aussi. L’OIF ne doit pas être perçue comme une institution tournée vers le passé, défendant des combats d’arrière-garde. Si parler français n’apparaît pas comme une valeur ajoutée pour leur intégration dans le monde mondialisé, les jeunes vont s’en détourner. » l rémi Carayol jeune afrique


Afrique subsaharienne

Coulisses

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Afrique du Sud Petite forme

Le Cap, 17 juin. Ce jour-là, jacob Zuma avait la pression: c’était la première fois qu’il s’adressait à la nation depuis sa réélection à la tête du pays, le 21 mai. La première fois aussi qu’il apparaissait publiquement depuis une dizaine de jours – la faute a un grand coup de fatigue qui lui a valu d’être hospitalisé. Devant le parlement, il a donc présenté les grandes lignes de son programme. Mais ne paraît pas avoir convaincu grand monde… L’opposition a dénoncé « un discours plat et vide », tandis que les analystes politiques ont regretté une prestation « décevante et sans nouveauté ». l Justice un point pour Karim Wade

Mali Prison break

Au Sénégal, cela ne change rien : Karim Wade sera quand même jugé à partir du 31 juillet par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). En revanche, la plainte pour détournement de fonds publics déposée en France par l’État sénégalais a été classée sans suite par le parquet financier, le 17 juin. La Crei soupçonne le fils de l’ancien président, détenu à Dakar, de s’être approprié près de 150 millions d’euros.

Il ne manquait plus que ça… Le 16 juin, deux jours avant que le Premier ministre, menacé par une motion de censure déposée par l’opposition, n’ait à se défendre à l’Assemblée nationale et près d’un mois après la débâcle de Kidal, le Mali a encore vécu dans sa chair un improbable scénario. Des coups de feu et une évasion spectaculaire à la prison de Bamako. Des matons passifs et des complices nombreux. Deux morts : un surveillant et un détenu. Et parmi la vingtaine d’évadés (dont une dizaine est toujours dans la nature), une figure du jihadisme

jeune afrique

local : Mohamed Ali Ag Wassouden. Ce Touareg de 25 ans est l’un des auteurs présumés de l’enlèvement de deux Français à Hombori en 2011 pour le compte d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dans sa fuite, Wassouden a, semble-t-il, profité de nombreuses complicités. Selon plusieurs témoignages, il aurait utilisé du gaz lacrymogène avant de sortir une arme, de tirer sur l’un des surveillants et de se diriger vers la sortie, dans la panique générale. Il était pourtant incarcéré dans le quartier dit « de haute sécurité ».

Elle n’a pas la renommée de son oncle, le Guinéen Mory Kanté, mais comme lui Alama est chanteuse. Sauf qu’à 31 ans la jeune femme installée en France souffrait d’une tumeur nécessitant une ablation de la thyroïde et craignait pour ses cordes vocales… Qu’à cela ne tienne : c’est sous hypnose et en chantant qu’Alama Kanté a été opérée en avril, puisque rester éveillée était la seule manière de s’assurer que sa voix ne serait pas abîmée. Une expérience qu’elle a rendue publique le 14 juin. Elle est aujourd’hui totalement rétablie. PQR/P. de PoulPiQuet/MAXPPP

SuMAyA HiSHAM/AFP

médecine en chantant !

Liberia tayLor se sent seuL

Pour un peu, il aurait le mal du pays. Détenu en Grande-Bretagne où il purge une peine de cinquante ans de prison, l’ancien président libérien Charles Taylor se languit. Condamné pour crimes contre l’humanité en Sierra Leone, il a officiellement demandé à être transféré au Rwanda pour se rapprocher de sa famille, ont annoncé ses avocats le 19 juin, parce que « depuis huit mois qu’il se trouve au Royaume-Uni, il n’a reçu aucune visite de sa femme et de ses enfants ». La guerre civile en Sierra Leone, que Taylor était accusé d’avoir alimentée, a fait plus de 120 000 morts. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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Maghreb & Moyen-Orient

AlgérIe

Au secours,

Principal responsable de la décennie noire dans la mémoire collective, le Front islamique du salut continue de hanter les esprits. Pourtant, la réhabilitation de ses anciens dirigeants est désormais d’actualité. CherIF OuAzAnI

D

epuis l’instauration, en 1989, du multipartisme, le Front islamique du salut (FIS, parti dissous par la justice en mars 1992) s’est invité dans le débat politique à l’occasion de chacune des trois révisions constitutionnelles qu’a connues l’Algérie : en 1996, en 2002 et en 2008. Il n’y a pas eu d’exception à la règle. L’amorce, le 1er juin, du


Maghreb Moyen-Orient

le FiS revient! processus de concertation nationale autour de la nouvelle Constitution (voir J.A. no 2787) – laquelle est censée fonder la IIe République promise par Abdelaziz Bouteflika lors de la dernière campagne présidentielle – a immanquablement relancé le débat autour du FIS, et plus précisément de la réhabilitation de ses dirigeants. À qui la faute ? Au pouvoir ? À l’opposition ? Sans doute aux deux. Le premier a pris l’initiative d’inviter à la concertation deux membres fondateurs du « parti dissous » : le prédicateur Hachemi SahnounietAbdelkaderBoukhamkham(cedernier a décliné l’invitation, car il avait été sollicité en sa qualité de personnalité nationale et non en tant qu’ancien dirigeant du FIS, comme il se définit), ainsi que l’ex-seigneur de guerre Madani Mezrag, ex-patron de l’Armée islamique du salut (AIS, branche militaire du FIS, autodissoute en 2000), signataire avec l’armée, en 1997, d’une sorte de paix des braves, transformée quelques années

plus tard en Concorde civile, puis en charte pour la paix et la réconciliation nationale. Quant à l’opposition, divisée comme jamais, ses différentes déclinaisons s’accordent sur un point : le retour des anciens du FIS est l’une des conditions d’une sortie durable de la crise politique. invitation. Regroupant les partis qui ont appelé

à boycotter les élections, ainsi que des personnalités nationales, comme les anciens Premiers ministres Ali Benflis, Mouloud Hamrouche et Ahmed Benbitour, le doyen de la lutte pour les droits de l’homme Ali Yahia Abdennour, ou encore l’ex-président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc) Saïd Sadi, la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) a organisé, le 10 juin, à Zeralda, station balnéaire à l’ouest de la capitale, une conférence nationale pour la transition démocratique, à laquelle a été l l l

q Arrivée d’Ali Benhadj à un meeting organisé par les partis ayant appelé à boycotter la présidentielle, le 21 mars, à Alger.

dr mohamed kaouche

t Ali Djeddi (à g.) avec le laïc Saïd Sadi, le 10 juin, à Zéralda.

n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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maghreb moyen-orient algérie l l l convié Ali Djeddi, ancien dirigeant du FIS. Et si Ali Benhadj, ex-vice-président du parti et prédicateur de choc dans les années 1990, n’a pas fait le déplacement, « c’est pour éviter de porter préjudice à l’initiative de l’opposition », expliquet-il sur son compte Twitter (@alibenhadj).

« dialogue inclusif ». Les autres pôles de

l’opposition ne sont pas en reste. Leader du contrepouvoir au sein des institutions, Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, exige « une solution globale à travers un dialogue inclusif ». Comprendre : en y associant l’ex-FIS. Les Frères musulmans, qui ont éclaté en plusieurs formations politiques, réclament également la réhabilitation du « parti dissous ». Abderrezak Mokri, président du Mouvement de la société pour la paix (MSP, maison mère des Frères musulmans, lire encadré), va jusqu’à s’interroger : « Est-il bon pour l’Algérie de s’arrêter sur le détail du FIS en laissant tranquilles ceux qui dilapident les richesses du pays ? » Le FIS, un détail de l’histoire ? Seule exception au sein des Frères : Amar Ghoul. Le patron du Rassemblement Espoir de l’Algérie (TAJ), fidèle allié de Bouteflika, s’est prudemment abstenu d’évoquer le sujet. Le retour des fantômes du passé n’est pas de la seule responsabilité du pouvoir et de l’opposition. Les « islamistes dissous » ont toujours excellé dans l’art de communiquer, même si, officiellement, ils n’ont aucune existence légale. Ainsi Ali Benhadj, interdit d’activité politique sur décision de justice, ne rate-t-il pas une occasion de se rappeler au bon souvenir du pouvoir. Aucune manifestation de l’opposition « légale » ou de syndicats autonomes n’échappe à son encombrante présence. De même a-t-il brigué la magistrature suprême à trois reprises, tout en sachant que sa candidature serait immanquablement rejetée par le Conseil constitutionnel. Enfin, les soubresauts que connaissent les pays du Printemps arabe – Égypte, Syrie, Libye, Tunisie (son pays natal) – sont autant d’occasions pour lui de battre le pavé. Avec, à chaque fois, le même

Le FIS en six dates

16 septembre 1989

Reçoit son agrément du ministère de l’Intérieur

12 juin 1990

Raz-de-marée électoral aux municipales et aux régionales. Le FIS remporte 953 mairies sur 1 541 et 32 wilayas sur 48

26 décembre 1991 Triomphe lors du premier tour des législatives

11 janvier 1992

Démission du président Chadli Bendjedid et interruption du processus électoral. Le FIS appelle à l’insurrection armée

4 mars 1992

Dissolution du parti électoral

15 juillet 1992

Procès d’Abassi Madani et d’Ali Benhadj, condamnés à douze ans de prison

scénario. Il est interpellé, emmené au commissariat, puis relâché quelques heures plus tard. À force de récidive, le Savonarole de l’islamisme triomphant des années 1990 passe aujourd’hui pour un bouffon maladroit. Du FIS d’hier, il ne reste que la chaîne de télévision Al Magharibia – basée à Londres et propriété d’Oussama Abassi, fils de Madani, exnuméro un du FIS, aujourd’hui exilé au Qatar –, qui constitue, malgré sa faible audience, la seule force de frappe de l’ex-parti islamiste. passé de mode. « Il est peu probable qu’un

FIS réhabilité retrouve le poids électoral de ses débuts », tempère Me Miloud Brahimi, ancien président de la Ligue des droits de l’homme. Principal responsable de la tragédie nationale (la guerre civile des années 1990) dans la mémoire collective, il ne bénéficie plus des conditions qui ont présidé à ses succès électoraux. Son slogan « l’islam est la solution » est définitivement passé de mode. En outre, ses capacités de mobilisation dépendaient de mosquées qu’il ne contrôle plus. Par ailleurs, sa direction est vieillissante et ses fondateurs, jadis militants aussi démunis qu’exaltés, sont tous devenus de prospères barons de « l’import-import ». Son appel à prendre les armes contre la République et son slogan « la démocratie est kofr [“mécréance”] car la souveraineté n’appartient pas au peuple mais à Dieu » avec, à la clé, 200 000 morts et des centaines de milliers de veuves et d’orphelins, ont fini par avoir raison de sa base électorale. Quant à son influence sur les groupes armés, elle est très relative. Depuis qu’ils ont fait allégeance à Al-Qaïda, en septembre 2006, les maquisards qui se réclamaient du FIS ont désormais pour références Ayman al-Zawahiri et Abou Bakr al-Baghdadi plutôt qu’Abassi Madani ou Ali Benhadj. Privé de base militante et de branche militaire, le FIS continue pourtant de faire peur. Agité tantôt par les sécurocrates du pouvoir tantôt par les jusqu’au-boutistes de l’opposition, son spectre n’en finit pas de planer sur le débat politique. l

un seul courant, plusieurs emballages

L’

article de la Constitution de 1996 interdisant toute référence religieuse dans le programme et l’intitulé des formations politiques n’a pas été amendé lors des révisions de 2002 et 2008. Cette mesure figure également dans la loi sur les partis adoptée par le Parlement en 2012. Il est donc peu probable qu’elle soit modifiée dans la n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

nouvelle Constitution, en préparation. Mais les formations du courant islamiste se sont adaptées à la législation en changeant leur nom et leur statut. Ainsi, le Hamas, de feu Mahfoud Nahnah, s’est-il, tout en conservant son acronyme arabe d’origine, rebaptisé Mouvement de la société pour la paix (MSP).

D’autres ont pu conserver leur label, voire leur nom, comme El-Islah (« la réforme »), devenu Mouvement pour la réforme nationale (MRN), et Ennahda. L’hémorragie qui a affecté le MSP a donné naissance à deux nouvelles formations : le Front du changement (FC), d’Abdelmadjid Menasra, et le Rassemblement Espoir

de l’Algérie (TAJ), d’Amar Ghoul. Quant à Abdallah Djaballah, évincé d’Ennahda puis d’El-Islah, il a baptisé son parti le Front pour la justice et le développement (FJD). À Alger, les paris sont déjà ouverts pour imaginer le nouveau sigle de l’ex-FIS, qui devrait ressembler à s’y méprendre à l’original. l ch.o. jeune afrique


Maghreb Moyen-Orient Tunisie

Ghazi mrabet, avocat en pétard Devenu l’un des ténors du barreau après la révolution, il milite contre le tout-répressif, notamment les peines plancher infligées aux simples consommateurs de cannabis.

«

A

cquitator».Lejeuneavocat tunisien de 37 ans sourit à l’évocation du surnom dont certains l’ont affublé sur les réseaux sociaux. Il proteste mollement : « Mais c’est le surnom de Me Éric Dupond-Moretti, l’un des plus fameux pénalistes français ! Vous me faites trop d’honneur. Cela fait à peine cinq ans que j’exerce, et je n’ai encore rien prouvé ! » Il n’empêche. Depuis qu’il a assuré la défense et obtenu la relaxe du rappeur Weld El 15 (poursuivi pour avoir insulté les policiers dans l’une de ses chansons), en décembre 2013, l’aura médiatique de Ghazi Mrabet ne cesse de grandir. C’est lui, déjà, qui était allé au charbon pour plaider la cause de l’ex-Femen Amina Sboui ou de la journaliste Hind Meddeb. Et c’est aussi lui qui a obtenu, en mars 2014, la libération anticipée d’un autre rappeur, Kafon, l’interprète de Houmani, lourdement condamné pour avoir fumé un joint de zatla (cannabis).

pays ont été arrêtés ou condamnés pour des infractions liées à la loi 52, explique Ghazi Mrabet. C’est démentiel et contreproductif. Au lieu de prévenir la récidive, d’imaginer des dispositifs de sevrage et de réinsertion, la loi transforme de simples fumeurs de joints en délinquants et les expose aux pires influences en

La société tunisienne est très conformiste, très bien-pensante. Beaucoup assimilent la zatla à la drogue de la plèbe et des voyous et considèrent que c’est une cause indéfendable. Mon look, très BCBG, me permet de jouer à contre-emploi. Le message passera mieux que s’il était relayé par un activiste à la coupe rasta. L’idée, c’est d’ouvrir le débat sur ce drame qui touche des milliers de familles. Nous ne plaidons pas pour la dépénalisation. Notre proposition vise à remplacer l’incarcération par une amende dans le cas d’une primo-infraction. Cela aurait aussi le mérite de désengorger les prisons, qui débordent. » tollé. Amateur de football,

Ons Abid

admirateur inconditionnel du Club africain, l’une des grandes équipes de la capitale, c’est au stade d’ElMenzah que Ghazi Mrabet a réalisé à quel point la loi sur les stupéfiants était instrumentalisée à des fins liberticides. « La police livrait une guerre sans merci aux supporters trop turbulents. Dès « contre-productif ». que les tifosi étaient arrêtés, C’est à la suite de cette affaire on les soumettait à un dépisque son combat pour une tage urinaire. Un nombre réforme de la loi du 18 mai incalculable d’entre eux se sont retrouvés derrière les 1992 sur l’usage des stupéfiants va prendre forme. La barreaux à cause de la loi 52. » législation tunisienne est l’une Le combat, que beaucoup des plus sévères de la région. estimaient perdu d’avance, Elle prévoit de un à cinq ans serait-il en passe d’aboutir ? d’emprisonnement et de Le tollé suscité par l’arresta1 000 à 3 000 dinars d’amende tion de l’activiste révolutionp Son combat semble en passe d’aboutir, le ministre (441 à 1 330 euros) pour les naire Azyz Amami, finalement de la Justice ayant déclaré qu’une réforme de la loi 52 simples consommateurs. Le relaxé pour vice de forme au était désormais envisageable. juge est tenu d’appliquer une mois de mai, a permis de faire « peine plancher » et ne peut faire jouer bouger les lignes. Contre toute attente, les enfermant au milieu de criminels d’éventuelles circonstances atténuantes, les partis politiques, qui convoitent le patentés ! » vote des jeunes, se sont emparés de la Avec un groupe de militants, l’avocat même en l’absence de tout antécédent. question. Et le ministre de la Justice, Un simple dépistage urinaire suffit à décide alors de lancer une initiative Hafedh Ben Salah, a brisé un tabou en citoyenne et indépendante, #AlSajin52, confondre le consommateur. Résultat : déclarant qu’une réforme de la loi 52 afin de sensibiliser l’opinion et les déciune inflation de condamnations et des prisons surpeuplées. « On estime qu’au deurs. « Nous sommes un collectif, mais je était désormais envisageable… l SAmy GhorbAl moins un tiers des 25 000 prisonniers du suis le seul à apparaître dans les médias. jeune afrique

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Maghreb & Moyen-Orient

Coulisses

Maurizio GaMbarini/DPa/MaXPPP

libye ali Zeidan de retour

Algérie L’armée se blinde L’Algérie devrait signer, dans les prochaines semaines, un contrat avec deux groupes industriels allemands, Rheinmetall et Ferrostaal, pour la livraison de 980 blindés Fuchs 2, ainsi que pour l’implantation d’une usine d’assemblage près de Constantine. D’une valeur de 2,7 milliards d’euros – l’équivalent du budget défense du Maroc –, ce contrat s’inscrit dans le cadre d’un protocole global signé en mars 2011 avec Berlin pour un montant total de 10 milliards d’euros, lequel prévoit également l’achat de frégates et de véhicules industriels, et la formation des personnels navals. Le deal est assorti d’un engagement d’Alger à ne pas vendre à un autre État les 120 blindés qui seront fabriqués annuellement dans cette usine. Client traditionnel de la Russie, Alger diversifie désormais ses fournisseurs en s’approvisionnant auprès de la Chine, de l’Italie, de la France ou de l’Afrique du Sud. Engagée dans une vaste opération de modernisation de son armée, confrontée à la menace terroriste représentée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérie consacre 8,8 milliards d’euros à son budget défense selon la loi de finances 2014. l

Coronavirus alerte générale

Ali Adnan Joueur offensif

Le Maroc et la Tunisie recommandent à leurs citoyens de renoncer à accomplir le pèlerinage (hajj) à La Mecque en raison du risque de contamination par le coronavirus MERS. Une décision prise après concertation avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les ministres arabes de la Santé. Riyad a pour sa part diffusé un communiqué appelant l’ensemble des musulmans à ne pas effectuer la omra (petit pèlerinage) ni le hajj cette année.

En vacances dans son pays, Ali Adnan, 21 ans, grand espoir du football irakien évoluant au sein du club turc Çaykur Rizespor, a été photographié en treillis aux côtés de soldats et d’officiers, alors que les jihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) encerclaient Bagdad. Opération de com de l’armée irakienne ou réelle volonté du joueur d’en découdre avec les combattants de l’EIIL ? Toujours est-il que les dirigeants de Rizespor attendent le retour du « Gareth Bale de l’Asie » pour la reprise des entraînements, prévue début juillet.

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L’ex-chef du gouvernement libyen Ali Zeidan est rentré en Libye le 19 juin en provenance d’Égypte. Dans une interview diffusée sur Libya Al-Ahrar TV, Zeidan a réaffirmé qu’il se considérait toujours comme le Premier ministre légitime et a renouvelé ses attaques contre le Congrès général national (CGN, Parlement), qualifié de « corrompu », qui l’a limogé par un vote de défiance le 11 mars. Rallié au général Khalifa Haftar pour lequel il a milité dans les chancelleries européennes, il s’est exprimé depuis l’excapitale monarchique El-Beïda, siège de la Constituante et du gouvernement d’Abdallah al-Thinni, son ex-ministre de la Défense et actuel Premier ministre. égypte bas les pattes!

Dr

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Agressées sur la voie publique, harcelées dans l’indifférence générale, les Égyptiennes vont-elles enfin être défendues par la justice de leur pays ? Le 5 juin, la présidence déclarait que les actes de harcèlement sexuel seraient désormais passibles d’amende et de peine de prison ferme. Le 14 juin, le procureur du Caire annonçait la traduction en justice de 13 hommes accusés d’avoir violé ou agressé sexuellement des femmes lors de manifestations. Une première. En 2013, une enquête publiée par l’ONU révélait que 99 % des Égyptiennes avaient été victimes de harcèlement. jeune afrique


Daniel etter/reDUX-rea

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Maroc

Migrants

p Un groupe de Subsahariens sur le mont Gourougou, à proximité de la lagune de Nador, dans le Nord-Est, le 5 juin.

sur liste d’attente

Lancée le 1er janvier, la campagne de régularisation des sans-papiers se heurte à des critères trop contraignants. Et à la volonté des intéressés de rejoindre coûte que coûte l’Europe. jeune afrique

Joan TiLouine Envoyé spécial à Tanger et à Ceuta

L

a fatigue et l’angoisse se lisent sur son visage émacié. Omar Sangary, 27 ans, est malien. Il ne sait plus – ou feint de ne pas savoir – quand il a quitté Bamako. Il se souvient seulement être entré illégalement au Maroc le 17 février par Dakhla, à 650 km au sud de Laayoune. Lorsqu’il se rend, en cette fin mai,

à la wilaya de Tanger, accompagné d’un camarade ivoirien, pour entreprendre les démarches nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour, il est un peu déboussolé. À l’accueil, un militaire lui indique l’un des 84 bureaux des étrangers que compte le pays depuis le lancement, le 1er janvier, à l’initiative de Mohammed VI, après la remise d’un rapport alarmant du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), d’une campagne de régularisation exceptionnelle n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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Maghreb Moyen-orient Maroc d’une durée d’un an pour faire face à l’afflux de clandestins, estimés à quelque 50 000. Derrière son bureau en bois massif, Nabil Bennani, responsable du service, interroge Sangary sur sa vie, son périple à travers le désert, ses projets… « Je jouais en première division au Mali. Je suis venu au Maroc pour jouer au foot, mais pour trouver un club, j’ai besoin d’une carte de séjour », balbutie-t-il dans un français hésitant, tout en manipulant avec habileté plusieurs téléphones et cartes SIM pour transmettre un numéro valide aux autorités. Son dossier sera examiné dans deux mois par une commission composée de fonctionnaires de la wilaya et des services de sécurité et de renseignements, ainsi que de deux représentants de la société civile. Mais personne ne se fait d’illusions. Sa demande n’a aucune chance d’aboutir, car il ne peut justifier de cinq années de présence continue sur le territoire marocain. « Cette régularisation est une bouffée d’oxygène pour les migrants même si les critères sont stricts », veut croire Soulma Taoud, présidente de la Commission régionale des droits de l’homme (CRDH), pour qui les cinq années de présence continue devraient être « un indicateur et non une condition appliquée à la lettre ». En attendant, le récépissé délivré à Sangary le met à l’abri des contrôles de police. C’est déjà ça de pris. recours. Depuis le lancement

de la campagne, seul un très petit nombre de clandestins ont été régularisés. De quoi nourrir les critiques des ONG à l’encontre de cette opération imparfaite mais singulière. « C’est la première fois au Maroc qu’on parle publiquement de régularisations et d’intégration, c’est une révolution ! » souligne Abdallah Ounnir, professeur de droit à l’université de Tanger et membre de la CRDH. Mais les critères particulièrement contraignants et les refus en rafale ont douché les espoirs des migrants. « Les premiers mois, n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

nous recevions une centaine de personnes quotidiennement ; désormais, nous traitons moins de dix demandes par jour… Les sans-papiers font les démarches, mais ne cachent pas leur volonté de passer en Espagne, c’est ainsi », constate-t-on au bureau des étrangers de Tanger. Driss El Yazami, président du CNDH, préconise « une approche plus humaniste et plus ouverte ». Et de promettre qu’« il y aura des surprises » lors de l’examen des dossiers par la commission de recours, qu’il préside. choc des cultures. Mais pour la plupart des clandestins, Tanger n’est qu’une étape. La dernière avant d’entrer dans l’espace Schengen. En face, on aperçoit par temps clair les côtes espagnoles et le rocher de Gibraltar de l’autre côté du détroit. Mais les points de passage obligés se trouvent plus à l’est, à Ceuta et à Melilla, les deux enclaves espagnoles, seules frontières terrestres entre l’Europe et l’Afrique, protégées sur 8 km par des barbelés et des capteurs électroniques. En attendant de franchir ces barrières rehaussées de trois à six mètres – ou de rejoindre les enclaves par la mer, au péril de leur vie –, de nombreux clandestins vivent de la mendicité, tentent de se faire employer sur des chantiers ou attendent d’improbables transferts d’argent de leur famille… Beaucoup résident dans le quartier déshérité de Boukhalef, non loin de l’aéroport, où ils louent des appartements insalubres ou squattent des bâtiments inoc-

p Clandestins tentant de franchir la barrière de séparation entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla, le 3 avril dernier.

Président du cNdh, driss el Yazami préconise « une approche plus humaniste et plus ouverte ». cupés. Des Subsahariennes en boubou y côtoient des Marocaines voilées. Un choc des cultures que dénonce un habitant. Un responsable du quartier fait état du viol récent d’une Marocaine par des migrants et ne cache pas non plus que la cohabitation est tendue.

Nombreux sont les sans-papiers qui dénoncent les violences policières, lesquelles ont toutefois baissé depuis le début de la campagne de régularisation. « Avant, les flics venaient nous réveiller en pleine nuit. Les rafles étaient quasi quotidiennes, se souvient Hassane Diallo, un Guinéen de 20 ans. Les policiers sont parfois cruels mais je ne leur en veux pas, car ils agissent sous la pression de l’Europe. » C’est dans ce quartier sensible que, le 4 décembre 2013, un Camerounais de 18 ans s’est tué en chutant du quatrième étage lors d’une intervention policière, provoquant la colère au sein des migrants. D’autant que, deux mois plus tôt, le 10 octobre, un Sénégalais, Moussa Seck, était mort dans les mêmes conditions. « La situation s’est apaisée, confirme un responsable sécuritaire. Tanger est la ville la plus sensible en termes jeune afrique


Migrants sur liste d’attente

La dernière frontière ESPAGNE Détroit de Gibraltar Tanger Ceuta

Forêt de Belyounech

Tétouan

Melilla

Casablanca Rabat

MAROC Marrakech

ALGÉRIE

de migration. » La régularisation ? Certains haussent les épaules ou esquissent un sourire incrédule. D’autres, comme ce Camerounais, vilipendent un « cadeau empoisonné, car il n’y a pas de travail ici ». La plupart des clandestins ne sont au Maroc que pour rejoindre l’Espagne. En bas d’un immeuble de Boukhalef, Djomonde Massande attend son heure. Cette jeune Ivoirienne cultivée, qui dit avoir travaillé dans l’administration à Abidjan, s’est vu refuser la régularisation à Casablanca, où elle espérait trouver un emploi. Elle a donc « continué l’aventure » et mis le cap sur le Nord, carrefour de migrations illégales : « Désormais, je n’ai plus qu’une option : rejoindre Ceuta par la mer. » « enfer ». De l’autre côté de la

frontière, dans la petite enclave espagnole de 80 000 habitants

jeune afrique

Au comptegouttes

1152

titres de séjour délivrés pour

15500 demandes enregistrées,

soit 7,4 % seulement de réponses favorables

Source : Groupe antiraciSte de défenSe et d’accompaGnement deS étranGerS et miGrantS (Gadem), au 25 mai 2014

reuterS/JeSuS BlaSco de avellaneda

400 km

– dont 3 000 militaires – minée par un taux de chômage de 40 %, les centaines de clandestins qui n’ont pas été renvoyés au Maroc par les autorités espagnoles font partie du décor. « Nous ne pouvons pas mettre un terme à l’arrivée des migrants, mais nous devrions faire plus grâce aux importantes subventions que nous recevons de Bruxelles et à la coopération avec le Maroc », souligne le sénateur de Ceuta, José Luis Sastre (Parti populaire). Sur la coquette place des Rois, dans le centre-ville, 150 Syriens ont planté leurs tentes et vivent des dons des mosquées dont les appels à la prière rythment les journées de cette cité où près de 40 % de la population est musulmane. Réfugiés, déserteurs de l’armée de Bachar al-Assad, familles entières fuyant la guerre, ils refusent de rejoindre le centre d’hébergement gouvernemental de

Melilla (Ceti), situé à l’ouest de la ville, en contrebas du club équestre, qui abrite plus de 600 migrants. Devant ce refuge plein à craquer, dont les occupants sont libres d’entrer et de sortir, 17 hommes épuisés attendent en plein cagnard l’assistance de la Croix-Rouge et leur intégration au Ceti. Ils font partie d’un groupe de 47 migrants interceptés en mer par la Guardia Civil. L’un d’entre eux vient du Congo, qu’il a fui pendant la guerre, en 1997, pour rejoindre Abidjan, où il a suivi un master en droit à l’université de Cocody, avant de quitter la Côte d’Ivoire durant les événements de 2002. Il parle du Maroc, où il se trouve depuis trois ans, comme d’un « enfer ». Le 4 mars dernier, il était l’un des 1500 migrants à avoir tenté d’entrer en force à Ceuta, en vain. L’Union européenne s’est longtemps appuyée sur le Maroc ou sur la Libye pour contenir ces flux de migrants, quitte parfois à fermer les yeux sur les méthodes employées par l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi, mais elle n’a toujours pas trouvé la parade et cumule les échecs. Bien que critiquée et encore imparfaite, la campagne de régularisation lancée par le Maroc apparaît comme un début de solution pour tenter de réguler le flux migratoire. Mais il est plus difficile de se muer en terre d’accueil qu’en zone de transit de clandestins. l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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europe, amériques, asie

états-UnIs

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Irak

Barack Obama n’avait aucune intention de replonger dans le bourbier moyen-oriental. L’offensive jihadiste en cours va l’y contraindre. Reste à savoir sous quelle forme.

LaUrent De saInt PérIer

a

cheminés en Irak pour abattre un Saddam Hussein accusé à tort de soutenir Al-Qaïda, des dizaines de véhicules de transport de troupes américains frappés de l’étendard noir de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) sillonnent aujourd’hui le nord et l’ouest du pays. En moins de six mois, le plus inquiétant avatar de la nébuleuse terroriste s’est emparé du tiers du pays et, après avoir conquis Mossoul, le 10 juin, menace désormais Bagdad. L’armée américaine, qui a perdu 4 400 hommes en Irak, a achevé son retrait fin 2011. Mais la crainte d’un effondrement de l’État irakien pousse le « gendarme du monde » à l’action. Ce qui pose naturellement beaucoup de questions.

1. Que peut faire Obama ? Les réponses américaines à la crise sont, en théorie, nombreuses. Mais le sont-elles tant que ça ? Élu sur la promesse d’achever le retrait des troupes d’Irak et d’Afghanistan, le président américain a répété qu’il n’enverrait pas de troupes au sol contre l’EIIL. Fourniture de renseignements ; aide à la formation des troupes; appui aux troupes kurdes (seules capables de résister aux jihadistes); coordination d’une opération armée régionale ; feu vert donné à l’ennemi iranien de venir en aide à un allié commun… On en est réduit à imaginer les hypothèses passées en revue dans le secret du cabinet présidentiel. Mais la plus souvent évoquée est celle de frappes aériennes. Nouri al-Maliki, le Premier ministre irakien, y est d’ailleurs favorable. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

aP/SiPa

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Hypothèse la plus probable : des frappes aériennes. D’ailleurs, Maliki y est favorable.

Membre de l’International Crisis Group (ICG), Peter Harling appelle les États-Unis à la prudence. Sans illusions. « Je m’attends, hélas, à ce qu’ils tombent dans le panneau, et que, convaincus que les jihadistes sont sur le point de s’emparer de Bagdad, ils déclenchent des frappes éventuellement combinées avec une intervention iranienne. Cela ne pourrait que faire le jeu de l’EIIL, qui tire sa force des erreurs de l’adversaire. » De telles frappes seraient certes capables d’arrêter une colonne jihadiste, mais seraient inefficaces voire contre-productives dans les zones urbaines contrôlées par l’EIIL

2. Une solution politique est-elle possible ?

Obama l’a dit: « Sans perspective politique, toute action militaire est vouée à l’échec. » Harling est plus précis : « Il faut s’interroger sur le bilan de Maliki. jeune afrique


Cela fait des années qu’il s’acharne à détruire ce que les États-Unis ont mis en place et à démanteler ce qui restait de l’État. » Premier ministre depuis 2006, ce chiite pratique une politique de plus en plus discriminatoire à l’encontre des sunnites (35 % de la population). Fin 2011, le retrait américain lui a laissé les mains libres pour accroître la répression. Résultat: les manifestations exigeant son départ se sont multipliées dans les régions sunnites. En janvier 2014, l’EIIL s’est emparé sans coup férir de Fallouja et de Ramadi, foyers sunnites de l’insurrection antiaméricaine de 2006. Par la suite, l’irruption des jihadistes à Mossoul et à Tikrit a été vécue comme une libération par nombre de sunnites. « Les États-Unis doivent dire ce qu’ils sont prêts à faire sur le plan militaire, explique Harling. Mais ils doivent aussi définir le rôle de leurs éventuels partenaires: une armée irakienne qui occupe jeune afrique

p Mossoul, 16 juin : manifestation de soutien aux combattants sunnites de l’EIIL.

le terrain, une police qui soit capable de prendre la relève et ne soit pas détestée, un système politique à qui les sunnites reconnaissent un minimum de légitimité… » Mais ont-ils les moyens de contraindre Maliki à changer de politique ?

3. Vers une coopération avec l’Iran ?

La clé du casse-tête irakien se trouve peut-être à Téhéran. Chef de file du monde chiite, l’Iran patronne l’Irak de Maliki et la Syrie d’Assad. Son antagonisme avec l’Arabie saoudite sunnite est sans doute l’une des causes des désordres régionaux. Le 14 juin, Hassan Rohani, son président, n’a pas exclu de coopérer avec les Américains pour peu qu’ils se décident à « combattre les groupes terroristes en Irak et ailleurs » – allusion aux groupes jihadistes syriens. « Nous sommes ouverts aux discussions l l l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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Europe, Amériques, Asie États-Unis MARINES ET JIHADISTES Mer Noire

Mer Caspienne

Ouzbékistan

Kirghizistan

Turkmenistan

Turquie

Tadjikistan

Syrie Liban Irak Israël Jordanie Koweït

Afghanistan

Iran

Pakistan

Bahreïn Égypte

Kashmir

Qatar

Inde E.A.U.

Arabie saoudite Mer Rouge Yémen

Mer d’Oman

Oman

Zones de conflit Influence islamiste croissante Influence islamiste décroissante Bases américaines 500 km

l l l si l’Iran s’engage à respecter la souveraineté de l’Irak et la capacité de son gouvernement à se réformer », lui a répondu John Kerry, le secrétaire d’État. La restriction n’est pas inutile, puisque des unités des Gardiens de la révolution se trouveraient déjà en Irak… Une telle intervention offrirait un sursis à Maliki. À plus long terme, elle aurait pour résultat inéluctable de renforcer les dissensions entre communautés. Kerry voudrait donc que Téhéran convainque Maliki de résoudre la crise politico-confessionnelle à l’origine du désastre. LesnégociationsdeViennesurlenucléaireiranien ont repris le 16 juin. Peuvent-elles servir de cadre à une telle coopération? Des contacts ont été pris, mais, souligne Karim Bitar, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), « Washington

aura du mal à obtenir de Téhéran ce qu’il souhaite en Irak tout en avançant sur le dossier nucléaire. Car les Iraniens savent qu’ils sont en position de force! »

4. Et la Syrie ? D’autres analystes, comme l’universitaire français Thomas Pierret, plaident pour une aide américaine à l’insurrection syrienne. Dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi depuis son siège syrien de Raqqa, l’offensive de l’EIIL est une conséquence de la guerre qui fait rage dans ce pays. Combattant davantage l’opposition armée que les troupes d’Assad, ses jihadistes s’y sont aguerris, armés et enrichis. L’action des rebelles syriens contre l’EIIL peut entraver l’afflux de volontaires étrangers. Il n’existe pas d’alternative crédible à l’armement des composantes modérées de l’insurrection. C’est vers cette politique que s’orientent les États-Unis, mais il faudra plus que quelques missiles antitanks pour combattre efficacement le régime de Damas et les jihadistes de l’EIIL.

5. Est-ce une conséquence de l’invasion américaine de 2003 ?

Pendant ce temps-là, à Vienne, les négociations sur le nucléaire iranien ont repris…

Le très va-t-en-guerre Tony Blair, à l’époque Premier ministre britannique, s’en lave ostensiblement les mains. Sur son site, il estime que « la cause fondamentale de la crise se trouve dans la région, non à l’extérieur ». Quant aux conservateurs américains, ils préfèrent l’attribuer à l’attentisme d’Obama plutôt qu’à l’interventionnisme de son prédécesseur. Karim Bitar n’est pas d’accord. Pour lui, « même si Obama a commis un certain nombre d’erreurs en Irak, la responsabilité principale incombe à ceux qui ont déclenché la guerre en 2003 ». Le président américain se retrouve pris dans le piège irako-syrien. Même si son intention était de s’en retirer, il va devoir consacrer beaucoup de temps et d’énergie au Proche-Orient. l

Erdogan et ses liaisons dangereuses Le leader turc a longtemps soutenu en sous-main les jihadistes hostiles à Bachar al-Assad. Il s’en mord les doigts aujourd’hui.

P

our Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) n’est plus en odeur de sainteté. Le groupe jihadiste qui a fondu sur Mossoul le 10 juin a pris en otages 80 Turcs (dont 49 membres du consulat). Beaucoup y voient un geste de représailles à l’égard d’Ankara. Car, après avoir longtemps soutenu en sous-main les jihadistes hostiles au Syrien Bachar al-Assad, qui ont essaimé en Irak, Erdogan mesure son N O 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

imprudence et tourne casaque. En juin, les autorités turques ont inscrit l’EIIL et le Front Al-Nosra sur leur liste des organisations terroristes. Depuis deux ans, alors que les Occidentaux prenaient leurs distances avec une rébellion syrienne de plus en plus dominée par les extrémistes, Erdogan, qui poursuit son ex-ami Assad de sa vindicte, a fermé les yeux sur les transferts d’armes et de combattants aux frontières. Pis, en août 2013 puis en janvier dernier, des

camions remplis d’armes ont été interceptés – convoyés, selon la presse turque, avec la complicité des services de renseignements et d’une association islamiste proche du gouvernement d’Ankara. La haine envers le régime alaouite (chiite) d’Assad et la crainte de voir les Kurdes de Syrie (réputés proches de ce dernier) unir leurs forces à celles de leurs frères de Turquie ont poussé Erdogan à la faute. Aujourd’hui, il se rapproche de l’Iran et tente de renouer avec Barack Obama, qui lui bat froid depuis un an. Le 18 juin, lorsqu’il l’a appelé pour lui parler de la situation en Irak, le président américain a chargé Joe Biden, son vice-président, de répondre à sa place. l JOSÉPHINE DEDET JEUNE AFRIQUE


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à muzaffarnagar, les musulmans tremblent Il y a neuf mois, la ville fut le théâtre de graves affrontements intercommunautaires. Le feu couve toujours sous la braise, et l’arrivée au pouvoir à New Delhi des nationalistes hindous n’arrange pas les choses.

D

uncôté,deschampsdecanne émeutes, il est retourné trois fois sur dalits (intouchables), le Samajwadi Party à sucre à perte de vue. De (SP, littéralement : Parti socialiste) et les place. Pour voir. Verdict ? « Les jats sont l’autre, des fabriques de deux poids lourds nationaux que sont le toujours tout-puissants, à la moindre provocation, les choses peuvent déraper. briques reconnaissables BJP et le Congrès, qui vient d’être balayé de loin à leurs hautes cheminées. Entre D’ailleurs, beaucoup de ceux qui sont après dix années au pouvoir. Lors des derrestés songent à présent à partir. » nières élections nationales, le SP et le BJP les deux, sur un immense terrain vague battu par les premiers vents de la mousCes peurs sont-elles exagérées ? ont fait la course en tête. « Dans leur quête son, les tentes du camp de Malakpur. Nombre d’experts sont convaincus du de suffrages, ils n’ont pas hésité à attiser Neuf mois après les affrontements entre contraire. « Dans son message à l’adresse les tensions communautaires », s’agace hindous (plus précisément : les jats, une des minorités religieuses, Modi aurait dû Mayawati la franc-tireuse. Le premier a communauté d’agriculteurs) et musulse montrer plus clair et plus ferme. Car ces tout fait pour séduire les musulmans. Et mans qui ont ensanglanté le district minorités sont anxieuses, et elles le sont à le BJP a fait de même avec les hindous. de Muzaffarnagar, en Uttar Une stratégie payante pour ce dernier, qui Pradesh (62 morts), les dera obtenu 60 des 80 sièges de la chambre « nous avons peur de rentrer, niers réfugiés musulmans basse du Parlement local. dit une femme. nous craignons échoués là ne manifestent Comment ont débuté les émeutes de pas une folle envie de rentrer septembre 2013? Par un simple fait divers, de nouveaux meurtres. » chez eux. « La majorité est certes dramatique. Un soir, une fille de la partie. Il en reste 20 %, soit environ 500 raison », estime Nilanjan Mukhopadhyay, communauté jat est abusée sexuellement personnes, qui ont peur des représailles », auteur d’une biographie du nouveau par un jeune musulman. En représailles, recense Mohammad Saleem, l’un des le violeur est tué par les frères de la vicPremier ministre. À Muzaffarnagar, la médecins du camp. time. Et pour finir, ces derniers sont à flambée de violence n’a nullement été À l’entrée, des enfants manœuvrent leur tour exécutés par des musulmans. spontanée. Orchestrée par des partis une pompe à eau. Plus loin, assise sous politiques, elle leur a servi à consolider L’affaire aurait sans doute pu en rester là un auvent, une mère évente son bébé leur assise en s’attirant les faveurs d’une si le Congrès et le SP, d’un côté, et le BJP, endormi. À côté d’elle, deux vieilles de l’autre, n’avaient soufflé sur les braises. caste ou d’une communauté religieuse. femmes fument une pipe à eau devant « Ces incidents intercommunautaires sont leur tente. C’est le dernier carré des convoitises. Avec 200 millions d’habisporadiques, ils n’auraient jamais pris réfractaires. « À quoi bon rentrer maintants, l’Uttar Pradesh est l’État le plus une telle ampleur sans l’intervention des tenant ? disent-elles. Nous avons peur peuplé de la Fédération indienne. Ce politiciens », confirme l’écrivain Harsh de la haine des hindous, peur de nouqui exacerbe les convoitises et la concurMander, directeur du Centre for Equity veaux meurtres. » L’arrivée au pouvoir, rence entre partis. Quatre d’entre eux Studies. Les émeutes ont d’ailleurs éclaté en mai, des nationalistes du Bharatiya dominent le paysage politique local : le juste après des meetings organisés par Janata Party (BJP) n’a pas contribué à les Bahujan Samaj Party (BSP), de la popules deux camps. La justice ne s’y est pas rassurer. « Que va-t-il se passer ? Nous liste Mayawati Kumari, qui représente les trompée, puisque seize responsables n’en savons rien. Les gens ici espèrent que Narendra Modi fera en sorte que les viols et assassinats en série choses s’arrangent, mais rien n’est sûr. » machines à couDre. Un peu plus

loin, à Suneheti, un autre camp abrite des manœuvres, des tailleurs et des barbiers. Certains ont réussi à retrouver un emploi à l’extérieur. « S’ils avaient voulu rentrer, ils l’auraient fait depuis longtemps », commente Shamshad Safi, couturier de son état. Lui-même est bien décidé à refaire sa vie ici. Grâce notamment aux deux machines à coudre données par l’ONG Action Aid. « L’environnement dans mon village n’est pas sûr, racontet-il. Les trois quarts des habitants sont partis, aucun n’est revenu. » Depuis les n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Le 30 mai, à Badaun, district de Bareli, en uttar Pradesh, les corps de deux fillettes (12 et 14 ans) préalablement violées sont retrouvés pendus à un manguier. elles avaient disparu la veille au soir, alors qu’elles s’étaient aventurées hors de chez elles, dans l’obscurité, faute de toilettes à leur

domicile… Ce drame a ému tout le pays. il n’est pourtant pas isolé. en l’espace de quelques semaines, dans le même État, quatre femmes ont connu un sort analogue. une autre s’est plainte d’avoir été abusée dans un commissariat parce qu’elle avait refusé de payer un pot-de-vin pour faire libérer son

mari. Ces femmes sont presque toujours issues des basses castes. « elles sont assassinées parce que les violeurs savent que les lois sont désormais plus strictes et qu’ils risquent la peine de mort si leurs victimes parlent », explique Roop Verma, membre de l’association Shared World. l

m.e. jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

Rajesh KumaR singh/aP/siPa

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p Militaires en patrouille dans les rues de Muzaffarnagar, après les émeutes de septembre 2013.

politiques ont été condamnés. Parmi eux, Sangeet Som, le leader local du BJP. Son crime ? Il a fait circuler de fausses vidéos montrant une foule de musulmans lynchant un jeune hindou. Un mois après les élections nationales, la haine couve toujours. Certains opposants s’inquiètent de la multiplication des incidents intercommunautaires. D’autres redoutent de voir Modi appliquer à la lettre le programme des Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), l’organisation d’extrême droite dont le BJP est issu, et notamment l’abrogation de l’article 370, qui garantit un statut spécial à l’État du Jammu-et-Cachemire, État de l’extrême nord du pays dont la population est majoritairement musulmane. « En l’espace de quelques semaines, plus d’une douzaine d’exactions ont été recensées en Uttar Pradesh, mais aussi au Gujarat, au Maharashtra, au Karnataka et ailleurs, souligne le communiste Prakash Karat. À Pune, près de Bombay, un jeune informaticien musulman a récemment jeune afrique

été tué par des membres de l’organisation extrémiste Hindu Rashtra Sena. » En Uttar Pradesh, le Samajwadi Party est toujours aux commandes, mais le BJP espère bien triompher lors des prochaines élections locales, en 2017. Akhilesh Yadav, le gouverneur de l’État, est soumis à d’intenses pressions tant de la presse que du gouvernement central en raison de son incapacité supposée à

multiplier (lire encadré). En 2013, le ministre de l’Intérieur avait recensé 451 incidents intercommunautaires en Uttar Pradesh, contre 410 l’année précédente. Qu’en sera-t-il cette année ? Ceux qui refusent de rentrer chez eux ont déjà leur idée sur la question. PassiVité. Le sulfureux Narendra Modi,

déjà mis en cause en raison de sa passivité lors des émeutes antimusulmanes de 2002 dans le Le BJP est l’héritier d’une vieille Gujarat (il était à l’époque organisation d’extrême droite. gouverneur de cet État), est à présent attendu au tourVa-t-il en appliquer le programme ? nant. « Gouverner un pays faire régner l’ordre et la loi. Il est vrai que n’est pas la même chose que de diriger un deux leaders du BJP ont été assassinés État, estime un homme d’affaires français récemment, à quelques jours d’intervalle. installé en Inde. S’il veut faire venir des investisseurs étrangers et remettre son L’un à Greater Noida, dans la banlieue pays sur les rails de la croissance, Modi de Delhi ; l’autre à Muzaffarnagar. Tous a tout intérêt à calmer ses troupes et à deux ont été abattus à bout portant par des hommes masqués circulant en moto. faire en sorte que ce type de drame ne se Simultanément, les cas de violences reproduise pas. » Acceptons-en l’augure. l à caractère sexuel ont tendance à se MathiLde esLida, envoyée spéciale n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


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parcours | D’ici et d’ailleurs

p « Je voulais avoir mon blase sur un flyer, comme dans un cirque ! »

amine Ksassoua Libre jongleur À 24 ans, ce Franco-Marocain est un retraité du freestyle ball, une discipline hybride, parfois ingrate, à laquelle il n’a pas voulu tout sacrifier.

L

a balle tourne sur ellemême à pleine vitesse sur le bout de l’index, dévale le long du bras, rebondit, vole vers la nuque, se bloque dans le creux de la cuisse et fait « le tour du monde » sans jamais toucher le sol, autour d’un pied lui-même en pleine chorégraphie. amine Ksassoua pratique le freestyle ball, une discipline mêlant danse, acrobatie et sport, née dans les années 1990 et popularisée la décennie suivante par les jonglages de ronaldinho ou de Cristiano ronaldo. Ksassoua les a découverts à la télévision dans les publicités de nike, en 2006. Il avait 16 ans et vivait à Courbevoie, dans l’ouest parisien, où sa famille s’était installée deux ans auparavant en provenance du quartier Hay salam, à salé (maroc). « J’étais maigrichon, alors quand les copains jouaient au football, je m’entraînais au jonglage sur le terrain de

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basket », explique le jeune homme de 1,70 m, dont le corps est désormais sculpté par les heures d’entraînement. C’est sur l’esplanade parisienne du trocadéro qu’amine Ksassoua débute ses spectacles de rue. la première fois, intimidé par les pionniers, qui ne sont qu’une poignée en France, il ne sort pas le ballon de son sac. mais au fil des mois, il construit ses performances, interagit avec les passants, achète une sono avec malik, son partenaire de scène. Passionné, l’adolescent se cache de son père pour sortir jongler en douce, tandis que sa mère le rappelle à ses études, un bac pro restauration. « Je voulais avoir mon blase sur un flyer, comme dans un cirque! » explique amine, blouson noir et gel dans les cheveux, pour qui le freestyle est un spectacle, et le freestyler un artiste. « Je devais créer mon style, urbain, ne surtout

pas être habillé en footballeur. Je voulais jongler en jean, et j’ai bossé dur pour y arriver. Chaque performance doit raconter une histoire, parfois sur de la musique classique, parfois sur de l’électro. aujourd’hui, on voit sur internet des clashs très techniques entre freestylers. les Polonais sont les meilleurs, mais il n’y a rien d’artistique dans ce qu’ils font. » Le soir de Noël 2007, sur les ChampsÉlysées, il compte dans sa casquette 400 euros en pièces de 1, et envisage de construire une carrière. mais c’est l’époque où breakdancers et freestylers doivent jouer au chat et à la souris avec la police, qui les chasse des sites touristiques. amine se déplace partout pour des particuliers ou des associations – souvent gratuitement.Yacine, son ami depuis le lycée, se souvient de sa détermination. « même quand il se séparait d’un binôme, il ne lâchait jamais. C’est quelqu’un de joyeux, et son objectif c’est avant tout de donner du plaisir au public. » son acharnement paie. Héros jeune afrique


europe, amériques, asie

En France, il est très difficile de vivre d’une discipline qui compte à peine quelques centaines de pratiquants. Malgré quelques bons cachets, le métier reste marginal, les contrats rares. « C’est parti de rien et l’on ne sait pas quand cela s’arrêtera. Les gens vont peut-être se lasser », analyse le Franco-Marocain, qui regrette un peu ce bac jamais passé qui l’aurait aidé à devenir éducateur sportif. Ce jour-là, il ne s’était pas rendu aux épreuves mais à un show bien rémunéré. En 2012, il crée son autoentreprise, Amaynevent, pour offrir des prestations de freestyle mais aussi de danse, de diabolo ou de magie. Il entreprend en parallèle une formation dans la sécurité incendie et y travaille à plein temps depuis 2013. « J’ai pris ma retraite ! Les autres freestylers sont souvent à Dubaï maintenant, mais pour avoir une vie de famille, ce n’est pas possible. » Marié en 2012 avec une admiratrice rencontrée au pied de la tour Eiffel, Amine Ksassoua est un réaliste sans regret. Ce qui ne l’empêche pas d’espérer créer une école de freestyle, ou de donner un jour une prestation au Maroc, où il ira bientôt présenter son enfant, à naître en juillet. l constance Desloire Photo : christophe lebeDinsky pour J.A. jeune afrique

TURQUIE

ekmel bey défie le calife C’est Ekmeleddin Ihsanoglu, ancien patron de l’Organisation de la coopération islamique, qui affrontera Recep Tayyip Erdogan à la présidentielle du mois d’août. Une sacrée gageure !

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ls en parlaient, ils l’ont fait. Le 16 juin, le CHP (centre gauche) et le MHP (droite ultranationaliste), les deux principaux partis d’opposition, ont désigné le candidat qu’ils vont conjointement présenter à la présidentielle du 10 août : Ekmeleddin Ihsanoglu, 70 ans, ancien secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Interrogé sur sa capacité à tenir tête au Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, très probable candidat de l’AKP, le policé « Ekmel Bey » a indiqué qu’il se prépa-

d’un Erdogan de plus en plus autocratique, les milieux de gauche (y compris au CHP) ne se reconnaissent aucunement dans ce conservateur qui, disent-ils, court dans le même couloir que le Premier ministre. « Un islamiste face à un islamiste », ironise un cadre du HDP, un parti prokurde. Car Ihsanoglu est issu d’une famille pieuse de Yozgat, en Anatolie. Son père a quitté la Turquie en pleine laïcisation kémaliste, en 1924, pour aller étudier à l’université Al-Azhar, au Caire. C’est dans la capitale égyptienne que naît et grandit Ekmeleddin. Après des études scientifiques à l’université Ain Shams, complétées par un doctorat à Exeter (RoyaumeUni), il dirige le Centre de recherches sur l’histoire, l’art et la culture islamiques (Ircica), à Istanbul (1980-2004). Élu en 2004 à la tête de l’OIC avec le soutien d’Erdogan, cet arabisant et anglophone distingué dynamise les échanges culturels, scientifiques et commerciaux entre les États membres et promeut le dialogue avec l’Occident. À la fin de son mandat, en 2013, rien ne va plus avec le gouvernement AKP, qui lui reprochesa«déshonorante p Cet intellectuel apolitique a été désigné par passivité » face à la destitule CHP et le MHP, les principaux partis d’opposition. tion du président égyptien Mohamed Morsi. Une blessure pour le diplomate, qui estime avoir rait à quarante-cinq jours d’une rude campagne. fait son devoir en cherchant un consensus. Saura-t-il s’imposer face à un tribun Pour ses parrains, Ihsanoglu a le profil populiste de la trempe d’Erdogan ? C’est idéal. « Intègre et expérimenté », estime ce qu’espèrent ses mentors, qui, tablant Kemal Kiliçdaroglu, le patron du laïque CHP. Du côté du MHP, on apprécie qu’il sur le soutien d’une gauche hostile au soit lié, par son mariage avec la charmante Premierministre,comptentsurlesorigines Füsun, pharmacienne de formation et fille anatoliennes et la piété bien tempérée du Pr Emin Bilgiç, à une famille connue d’Ihsanoglu pour rallier une partie de pour son engagement en faveur de la l’électorat AKP, choqué par les affaires droite nationaliste. Si les uns louent sa de corruption qui éclaboussent le parti. l sagesse, qui contraste avec l’agressivité Joséphine DeDet Khin Maung Win/aP/SiPa

de films publicitaires pour des produits coiffants de L’Oréal, artiste invité dans un clip du rappeur Sefyu, Ksassoua est reconnu dès 2010. « J’ai tapé la balle avec Zidane, lors d’un gala de l’équipe de France 1998 ! » raconte-t-il avec le regard d’un garçonnet émerveillé, amoureux du beau sport et des sportifs respectables. La concurrence entre amis, les mauvais coups ou l’argent roi, ce n’est pas pour lui. Arrivé deuxième de la première édition du championnat de France de freestyle ball en 2010, il préfère rester en retrait par la suite : la Fédération de foot en salle s’oppose aux pionniers et à leurs gros sponsors pour la tutelle de la compétition. « Chacun voulait sa part du gâteau. Et il y a beaucoup de copinage entre jurés et participants », explique Amine derrière ses lunettes Redbull, mécène historique du freestyle. « Je me les suis payées moi-même », précise-t-il en souriant.

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Europe, Amériques, Asie à préciser – est mariée depuis 2010 à Mark Mezvinsky. La fortune personnelle de ce dirigeant de hedge fund, dont le père a fait de la prison dans les années 2000 pour fraude bancaire et dont la mère vient d’échouer à reconquérir le siège de représentante de la Pennsylvanie qu’elle perdit en 1994, serait de plusieurs millions de dollars. Il y a quelque temps, des rumeurs insistantes avaient couru au sujet d’hypothétiques problèmes conjugaux. Mais aujourd’hui, les époux Mezvinsky nagent apparemment en plein bonheur. En avril à New York, lors d’un événement de la fondation Clinton en présence de Hillary, Chelsea a annoncé qu’elle était enceinte.

ÉTATS-UNIS

Telle mère, telle fille Comme Hillary, chelsea clinton est douée d’un phénoménal sens des affaires. En politique, elle se contente pour l’instant de donner un coup de main à sa génitrice. En attendant mieux ?

ImpaTIence. Le bébé le plus attendu d’Amérique – il devrait naître à la fin de l’année – a comblé de joie Bill et Hillary, qui avaient du mal à dissimuler leur impatience. En septembre 2013, Bill avait déclaré sur CBS que Hillary préférerait être grand-mère plutôt que présidente des États-Unis. Mais ce n’est, bien sûr, nullement incompatible ! Le bambin pourrait d’ailleurs donner un coup de main à sa grand-mère – qui n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature–pourlacampagneprésidentielle de 2016. On imagine déjà les ravages p Lors d’un gala de la Wildlife Conservation Society, le 12 juin au zoo de New York. que des photos d’une Hillary rayonnante, son petit-fils (ou sa petite-fille) dans les plein blitzkrieg publicitaire pour la proelle mère, telle fille. Après avoir bras, seraient susceptibles de faire chez les motion de Hard Choices (en français : longtemps fui les projecteurs, électeurs – et les électrices ! – américains ! Le Temps des décisions), ses Mémoires Chelsea Clinton est devenue en Chelsea l’a dit, en 2012, dans une quelques années un personnage de secrétaire d’État pendant le premier longue interview au magazine Vogue : public. Et une femme d’affaires très avisée. mandat de Barack Obama. Hillary a en elle entend utiliser sa notoriété et le À 34 ans, la fille unique de Bill et Hillary effet reçu de son éditeur un vertigineux nom de Clinton – une véritable marque – aurait, selon le New York Post, gagné en à-valoir: 14 millions de dollars. Interrogée pour « essayer de rendre le monde meil2013 plus de 1 million de dollars. leur ». D’abord, grâce aux Ce joli pactole se décompose comme initiatives de sa fondation Végétarienne et joggeuse suit. Six cent mille dollars pour ses activités – au sein de laquelle elle a invétérée, elle habite un quartier sur la chaîne NBC – la révélation par le d’ailleurs remis de l’ordre – journal en ligne Politico du montant de ces en faveur des droits des ultrachic au cœur de manhattan. émoluments a fait grincer quelques dents. femmes et des jeunes filles Plus 300000 dollars de jetons de présence sur la chaîne ABC sur sa manie de factudans le monde. Ensuite, par la producrer entre 200 000 et 1 million de dollars dans les conseils d’administration de plution de documentaires voués au rapsieurs sociétés. Plus 100 000 dollars pour chacun de ses discours publics, elle a prochement entre les religions. Chelsea les cours qu’elle dispense aux étudiants de froidement rétorqué que son mari et est protestante méthodiste – elle va à l’École de santé publique de l’université elle avaient quitté la Maison Blanche l’église tous les dimanches –, alors que Columbia – dont elle-même n’est diplô« fauchés comme les blés ». Vraiment ? son mari est juif. mée que depuis 2010. Faites le compte… Chelsea n’aura probablement jamais Se lancera-t-elle un jour en politique ? Et la jeune femme joue aussi un rôle ce type de souci. Domiciliée dans le Chelsea, qui déclare avoir eu une sorte de premier plan au sein de la Fondation Flatiron District, quartier ultrachic en de déclic lors de sa participation à la Clinton, récemment rebaptisée Fondation plein centre de Manhattan, cet archétype campagne présidentielle de sa mère, en Bill, Hillary et Chelsea Clinton. de la parfaite petite New-Yorkaise – elle 2008, ne l’excluait pas dans son interview à Oh ! certes, cette dernière reste encore est végétarienne, joggeuse invétérée, Vogue. Telle mère, telle fille, on vous dit. l loin derrière sa mère, actuellement en mais prend aussi le métro, tient-elle Jean-ÉrIc BoulIn, à New York SIPANY/SIPA

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Le pLus

de jeune Afrique

politique En première ligne

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économie Pas de pétrole mais des IDE reportage Réveille-toi,Tadjoura société Le français tire la langue

djibouTi

Tenir le cap

Patrick robert

Face aux menaces qui pèsent toujours sur son existence, Djibouti doit renouer les fils du dialogue politique et juguler le péril islamiste afin de poursuivre son développement économique.

jeune afrique

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LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

DJIBOUTI

Tenir le cap

Prélude

François Soudan

Carrefour dangereux

c

comparaison : son produit intérieur omment peuton être brut par habitant y est le triple de Djiboutien ? Lors de la proclacelui de l’Éthiopie ou de l’Érythrée, le mation de l’indépendance, il y décuple de celui de la Somalie. Sur les a tout juste trente-sept ans, la grandes puissances aussi : Français, question pouvait légitimement se poser : aux yeux de ses voisins éthiopien et somaAméricains, Chinois, Russes, Japonais, lien, l’existence de cette escale de raviItaliens, Allemands, espagnols… Disposer d’une base, d’une facilité, taillement sur la route de l’océan Indien, d’un arpent de désert avec vue sur le autour de laquelle le colon français avait Golfe de tadjoura est désormais un découpé un improbable « territoire des must pour tous les états-majors et une Afars et des Issas », était une sorte d’aberration postcoloniale. en dehors de son appréciable rente de situation pour cet chemin de fer, de ses salines et de son État à la fois entrepôt et garnison, qui port franc, la ville-État n’avait aucune se rêve désormais en Singapour de la perspective de viabilité économique. Corne de l’Afrique. Quant au sentiment d’appartenance Reste que le propre de l’aimant est nationale des quelques dizaines de mild’attirer tout ce qui passe à la portée liers d’habitants que comptait alors cette de son champ magnétique, y compris terre de sultans batailleurs, sa réalité était les ennuis : l’islamisme radical et les aussi éphémère que le sont les effets de jihadistes, le terrorisme et les revenla mastication du khat. un quart de siècle, une Cet État à la fois entrepôt guerre civile, deux présidents, une Constitution et garnison se rêve en Singapour démocratique et quelques de la Corne de l’Afrique. élections plus tard, la République de Djibouti a fini par exister dications territoriales, les tentatives de pour de bon. Le comptoir des légiondéstabilisation politique et les irrépresnaires en goguette et de tous les trafics sibles fringales de pouvoir. De 1977 à de la mer Rouge est devenu une vraie aujourd’hui, Djibouti a choisi d’empruncapitale africaine, avec ses espaces ter le seul chemin possible, celui de portuaires de modernité ouverts sur la l’ouverture sur le monde, au carrefour des mers, des zones géographiques et mondialisation et ses enclaves de grande des influences contradictoires. pour pauvreté, ses quartiers résidentiels où le président Ismaïl omar Guelleh, qui bourgeonnent des fortunes pas toujours veille depuis quinze ans sur le devenir bien acquises, ses projets ambitieux de de ce petit État et de son petit million développement axés sur les énergies de citoyens et dont nul ne sait encore nouvelles et l’exploitation maximale s’il se représentera, ou non, en 2016, d’une position géostratégique unique. la gestion quotidienne de cette vulnéAvec sa vie politique aussi, souvent tenrabilité obligée s’apparente souvent due, toujours clanique, jamais apaisée, à un casse-tête. Aujourd’hui comme mais finalement pluraliste. Sur ses voisins, Djibouti agit désorhier, finalement, être Djiboutien est un mais comme un aimant. une seule combat permanent. l

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politique en première ligne

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interview Mahmoud Ali Youssouf, ministre des Affaires étrangères p. 71 ÉconoMie pas de pétrole mais des iDe Écologie un monde à l’agonie

reportAge réveille-toi, tadjoura

p. 74

p. 78

p. 80

SociÉtÉ le français tire la langue p. 82 SAntÉ tous sous la couverture ! p. 86 MÉDiAS petit écran, jeunes talents

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Le Plus de jeune Afrique

djibouti

En première


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ligne

Sa position stratégique le met au centre de la lutte contre la piraterie et le terrorisme dans la Corne de l’Afrique. Résultat : le pays est courtisé par les Occidentaux, qui y déploient leurs troupes. Et menacé par les Shebab somaliens…

ChErif Ouazani, envoyé spécial

L

attentat qui, le 24 mai, a dévasté le restaurant La Chaumière, en plein cœur de la capitale, a été un traumatisme national. « C’est un véritable 11 Septembre, témoigne Omar Hassan, instituteur dans une école de Balbala, à Djibouti. J’étais persuadé que mon pays, contrairement au Kenya, à l’Ouganda ou à l’Éthiopie, en butte aux effets collatéraux de la crise somalienne, était à l’abri d’attaques kamikazes. » Un couple de jeunes Somalis qui s’était introduit sur le territoire quelques jours auparavant s’est fait exploser dans un établissement prisé par les militaires étrangers stationnés à Djibouti. Outre les deux terroristes, un ressortissant turc a été tué, et des dizaines de personnes ont été blessées. Parmi elles, une vingtaine d’Occidentaux.

p Le chef de l’État, Ismaïl Omar Guelleh, au camp d’entraînement Ali-Ouné, en novembre 2011.

Vincent Fournier/J.A.

« CrOisés français ». Le mode opératoire ne

laisse aucun doute sur les commanditaires de l’attaque : les Shebab. Le 27 mai, un communiqué de l’organisation islamiste somalienne l’a confirmé: « Nos forces ont mené une opération couronnée de succès contre la coalition occidentale basée à Djibouti. » En visant un établissement « fréquenté surtout par des Croisés français et leurs alliés de l’Otan », les Shebab affirment avoir voulu frapper prioritairement les premiers pour « leur complicité dans les massacres » de musulmans en Centrafrique. Mais pour Ismaïl Omar Guelleh, la cible principale de l’attaque reste Djibouti. « Il s’agit d’une réaction violente à notre participation au processus de stabilisation et de sécurisation de la sous-région », estime le président. Qui exclut d’emblée la possibilité que cet acte terroriste remette en question la détermination de son pays à lutter, aux côtés de la communauté internationale, contre ce qu’il qualifie de « fléau ». Depuis décembre 2011, Djibouti participe en effet à la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom) en mettant à sa disposition un millier d’hommes. Ces soldats d’élite, qui appartiennent au bataillon Hill, sont déployés dans la ville de Beledweyne (district de Hiran, au centre de la l l l n o 2789 • du 22 Au 28 Juin 2014


Le Plus de J.A. Djibouti

silence, on boude

Des élus d’opposition qui refusent de siéger à l’Assemblée, un président qui leur tend la main, puis réprime leurs manifestations… Au secours, le dialogue est en panne !

d

epuis les législatives du 22 février 2013, la vie politique peine à retrouver sa sérénité. Bien que l’élection ait été jugée honnête et transparente par les observateurs étrangers, ses résultats ont été contestés par l’Union pour le salut national (USN), la coalition d’opposition. Les 35,5 % de suffrages obtenus par cette dernière ne lui ont permis de remporter que 10 sièges p Ali Guelleh, le chef de cabinet à l’Assemblée nationale, du président, chargé, en janvier, contre 55 au profit de de négocier avec l’USN. l’Union pour la majorité présidentielle (61 % des voix). Un décalage qui tient libération de deux chefs au choix du mode de scrutin, religieux, Abderrahmane God majoritaire avec une dose de et Abderrahmane Bachir, proportionnelle, mais qui a condamnés à cinq ans de provoqué la colère de l’USN, prison pour appel au jihad. dont les élus refusent de Mais des dissensions au siéger. Ce qui, jusqu’à présent, sein de l’USN ont empêché n’a pas empêché l’institution la signature de l’accord. de fonctionner, dans un climat Jusque-là tolérées, les politique néanmoins tendu. manifestations de l’USN Deux élus de l’opposition ont sont, depuis, interdites. fini par rejoindre l’Assemblée, « L’opposition ne maîtrise pas ses troupes, et chacun de ses depuis que l’accord rassemblements prévoyant la libération de se transforme en deux chefs religieux tentative de pillage, de destruction de a capoté, rien ne va plus. biens publics et et le président Ismaïl Omar privés », justifie l’entourage du Guelleh continue de tendre président de la République. la main à ses adversaires. De son côté, l’opposition En janvier, il a chargé Ali crie à la répression, et ses Guelleh, son chef de cabinet, leaders sont régulièrement d’ouvrir les négociations interpellés. Ces crispations avec l’USN, représentée ont néanmoins été par le syndicaliste Adan reléguées au second plan Mohamed Abdou. Les deux depuis l’attentat contre La parties étaient parvenues Chaumière. Le temps pour le à un accord prévoyant la pays de faire son deuil. l Ch.o.

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l l l Somalie), où ils ont remplacé des troupes éthiopiennes. Leur présence a permis d’améliorer de manière significative la situation sécuritaire de la ville ; elle a provoqué l’effondrement de l’influence des Shebab dans une région considérée jusque-là comme leur fief imprenable. Mais le colonel Osmane Doubad, commandant en chef du bataillon Hill, a le triomphe modeste : « Nous avons réussi là où les autres composantes de l’Amisom [Burundais, Éthiopiens ou Ougandais] ont rencontré des difficultés, car nous partageons la même langue, la même culture et la même religion que les populations locales. » Depuis le déploiement du contingent djiboutien, les Shebab subissent revers sur revers. Ils ont été chassés de Beledweyne, de nombreux réseaux de soutien logistique y ont été démantelés, et les populations locales, désormais moins réceptives à leur propagande, n’hésitent plus à collaborer avec l’Amisom.

drones. C’est aussi la date de l’attentat qui fait dire aux autorités djiboutiennes que leur pays était bien la véritable cible des Shebab. L’opération kamikaze est intervenue dix-neuf jours après la rencontre, le 5 mai, d’Ismaïl Omar Guelleh avec Barack Obama, à la Maison Blanche. Au cours de cette rencontre, le président djiboutien a annoncé sa décision de prolonger de dix ans le bail des troupes américaines (basées à Djibouti depuis 2002), plus deux décennies supplémentaires, dont la seconde à renégocier. Le loyer annuel versé par les Américains pour rester dans le camp Lemonnier – qui vient de faire l’objet d’aménagements importants, pour un montant estimé à plus de 1 milliard de dollars, soit environ 740 millions d’euros – a été augmenté de 25 millions de dollars à partir du 1er janvier 2014, date de l’entrée en vigueur du nouvel accord. L’assurance de voir les quelque 3 000 marines rester durablement dans la région constitue une mauvaise nouvelle pour les Shebab, puisque c’est de cette unique implantation américaine en Afrique que décollent les avions de reconnaissance et les drones Predator qui les traquent sans relâche. Outre la présence française et américaine, Djibouti accueille également des corps expéditionnaires européens (allemands, espagnols, néerlandais et italiens) de la force Atalante, qui a pour mission de lutter contre la piraterie au large des côtes somaliennes et dans le golfe d’Aden. Les prises d’otages et de navires libérés contre rançon sont autant de sources de financement vitales pour les Shebab. C’est également dans ce contexte que 700 soldats japonais – le premier jeune afrique


Tenir le cap contingent nippon déployé hors de ses frontières depuis 1945 – sont positionnés depuis 2009 à Djibouti. Des négociations sont en cours avec la Russie, qui souhaite disposer d’installations de maintenance pour ses portehélicoptères mouillant dans la région, et avec la Chine, premier partenaire économique de Djibouti, qui entend posséder sa propre base militaire. Plus que les « Croisés », c’est davantage le pays qui les accueille que les Shebab ont voulu punir. Face au péril terroriste et malgré les crispations politiques (lire p. 68), les partis font bloc derrière le gouvernement, qui serre la garde. Les forces armées et la police ont ainsi consolidé le dispositif de sécurité autour des sites stratégiques, et, dès la nuit tombée, de nombreux barrages filtrent la circulation, avec fouille systématique des automobilistes et de leurs véhicules. Les frontières avec le Somaliland, à commencer par le poste de Loyada, par où sont passés les deux kamikazes, sont provisoirement fermées. Une catastrophe pour les populations transhumantes, qui n’ont d’autre choix que de patienter en attendant des jours meilleurs. l

bienvenue aux étranGerS L’intérêt croissant des grandes puissances à son égard constitue une aubaine pour Djibouti. Les dividendes de la rente géostratégique alimentent en effet le budget d’un état aux ressources par ailleurs très limitées. La France verse annuellement 38 millions d’euros pour positionner les 2 000 hommes des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj). Le loyer annuel américain vient, quant à lui, de passer à 63 millions de dollars (46 millions d’euros) à la suite de la visite du président djiboutien à Washington. Les états-Unis se sont également engagés à faire

davantage appel aux entreprises et à la maind’œuvre locales. La présence d’armées étrangères est également bénéfique à la sous-région, puisqu’elle sécurise l’ensemble de la corne de l’afrique. Loin d’en prendre ombrage, l’éthiopie la voit plutôt d’un bon œil. « Les bases françaises et américaines rassurent. Elles ne suscitent aucune opposition car elles renforcent l’attractivité de la région pour les investissements étrangers », confirme Mahmoud ali Youssouf, le ministre djiboutien des affaires étrangères. l Samy Ghorbal, envoyé spécial

PUB 1/2 page Format total (avec débords de coupes) L = 200 x H = 140 Surface utile (déllimitée en noir) L = 185 x H = 130

69


Le secteur bancaire à Djibouti : une place financière sûre, moderne et attractive

La Banque Centrale de Djibouti a pour principales missions de veiller sur la convertibilité de la monnaie nationale, le Franc Djibouti qui a été créé en 1949. Librement convertible et lié au Dollar américain par une parité fixe, le Franc Djibouti puise sa stabilité linéaire qui le caractérise depuis plus de 65 ans dans les fondements de son système d’émission du type « currencyboard ». Son principe de fonctionnement est des plus simples : chaque Franc Djibouti émis doit être entièrement couvert par un dépôt en dollars américains auprès de l’un des correspondants à New-York. C’est ainsi que la Banque Centrale de Djibouti est chargée de la gestion des réserves officielles en devises du pays pour garantir un taux de couverture de son émission largement positif. Quant à l’achat de devises, il est libre et s’effectue contre simple dépôt de Francs Djibouti. Cette absence de contrôle de change et une application stricte et contrôlée des dispositions réglementaires et prudentielles des établissements de crédit, ont fait de Djibouti une place financière dynamique attractive et sécurisante où les opérateurs de la sous-région logent leurs principales opérations. Le secteur financier, profitant largement de la vigueur de la croissance économique du pays depuis plusieurs années, connaît une forte expansion. Le nombre d’opérateurs financiers en activité ne cesse d’augmenter et compte désormais 11 banques commerciales, un Fonds étatique de financement des PME/PMI, 2 institutions de microfinance et 18 bureaux de change et de transfert de fonds. La multiplication d’opérateurs a permis d’enrichir la panoplie de produits et services financiers offerts par la place djiboutienne.

Pour accompagner au mieux ce foisonnement du secteur financier, les autorités nationales ont procédé à une refonte de la législation bancaire et financière en janvier 2011, de sorte à l’adapter aux attentes de la profession.

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Djibouti Tenir le cap

71

IntervIew

Mahmoud ali Youssouf « avec l’Éthiopie, nous sommes la locomotive de la région »

P

résence militaire étrangère, émergence de la Chine, tiédeur des relations avec la France, refus de légaliser les partis islamistes, axe géostratégique avec Addis-Abeba… Le ministre djiboutien des Affaires étrangères fait le point sur ces grands dossiers. Pour ce diplomate de 49 ans, également porte-parole du gouvernement, seule une intégration économiquepousséepermettraàlarégion de surmonter crises et conflits. jeune afrique : Le partenariat stratégique avec les États-unis vient d’être consolidé et la présence militaire américaine sera prolongée. Mais Djibouti est très courtisé, notamment par Pékin et Moscou. n’avez-vous pas peur que Washington en soit irrité ? MahMouD aLi Youssouf: Nous avons

supplantant les pays du Golfe, la Chine est devenue le premier investisseur étranger jeune afrique

u Le ministre des Affaires étrangères, dans son bureau, en mai.

à Djibouti. Pourquoi et comment l’estelle devenue ?

Cette évolution s’inscrit dans une stratégie globale. La Chine est venue en Afrique non par altruisme mais par calcul économique. Cette puissance émergente cherche à créer un marché pour écouler ses produits. Et doit donc investir dans des infrastructures pour désenclaver l’intérieur du continent, car, sans cela,

HALLOYTA ABOU

en effet été approchés par les Russes, qui souhaitent participer à la lutte contre la piraterie et protéger leurs navires. Nous fournissons déjà des services à leurs forces navalesenleuroffrantdesfacilitésdemouillage lorsqu’elles accostent à Djibouti. Nous discutons également avec les Chinois afin de les associer aux efforts menés par tous les pays en matière de sécurité maritime et de lutte contre le terrorisme et la piraterie. Nousavonsparailleursdéjàtravailléavec les Américains, les Français, les Japonais, les Italiens, les Espagnols et les Allemands. Ces armées ont parfois utilisé les mêmes infrastructuresmilitairesetiln’yajamaiseu defrictions.Nouspensonsqu’ilestpossible de collaborer dans le cadre de stratégies et d’opérations transversales car, contre les extrémistes (Shebab ou Al-Qaïda), tout le monde partage peu ou prou les mêmes intérêts. Ceci étant, nous faisons attention àcequ’uneprésencemilitairepermanente necréepasinutilementdeconflitsd’intérêts. La situation en Ukraine et la crise syrienne ont créé des tensions entre les grandes puissances. Nous n’allons évidemment pas positionner deux pays ayant des intérêts contradictoires sur un même champ d’opérations.

impossible de faire du commerce à grande échelle. En plus des matières premières, la Chine doit trouver des marchés sur lesquels se positionner afin de constituer un espace économique pour ses propres entreprises. Traditionnellement, l’Europe s’appuie sur le commerce intracommunautaire et sur ses échanges avec les États-Unis. Historiquement, le Japon a jeté son dévolu n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


72

Le Plus de J.A. Djibouti sur les pays d’Asie du Sud-Est. Les choix qui s’offraient à la Chine étaient assez limités, d’où son tropisme africain. Pour notre continent, qui manque cruellement d’infrastructures, ce partenariat est une aubaine. Tous les grands projets financés par la Chine à Djibouti s’inscrivent dans une perspective régionale et s’expliquent par le dynamisme de notre économie et celui de l’économie éthiopienne. Longtemps, la France a été votre partenaire privilégié voire exclusif. Elle paraît aujourd’hui très en retrait. La frilosité de ses entreprises risque-t-elle de compromettre l’avenir de la francophonie à Djibouti ?

Cette tendance est une réalité. Comment expliquer un tel désintérêt pour l’Afrique ? La compétitivité des entreprises françaises n’est sans doute pas à la hauteur de celle des pays émergents, beaucoup plus agressive. À maintes reprises, nous avons essayé de sensibiliser les milieux d’affaires français aux opportunités qui existent dans la région. Le président Ismaïl Omar Guelleh s’est rendu au Medef [organisation patronale française] lors de sa visite à Paris, en 2007, et a encore évoqué le sujet lors de sa rencontre avec le président François Hollande, à Addis-Abeba, en janvier 2013, en marge du sommet de l’Union africaine. Pourtant, cette léthargie persiste. Nous le regrettons. Djibouti est un pays linguistiquement enclavé. Si la francophonie ne s’inscrit pas dans une perspective économique, elle sera progressivement amenée à disparaître en tant qu’espace d’échange et de commerce (lire pp. 82-84). Elle restera un instrument de communication culturelle, bien entendu. Mais, aujourd’hui, le facteur économique a pris

le dessus. Aucun de nos voisins n’utilise le français comme langue de communication, et nous sommes bien obligés de nous adapter. Le président Guelleh a réitéré son refus de légaliser un parti d’obédience islamiste, le Mouvement pour le développement et la liberté (Model). Cette position va un peu à contre-courant de ce qui se fait depuis le Printemps arabe. Est-ce une décision respectée et comprise par vos partenaires arabes ?

Aujourd’hui, notre Constitution exclut qu’un parti soit fondé sur une base ethnique ou religieuse. C’est un fait. L’émergence du parti religieux auquel vous faires allusion, certainement liée à un effet de contagion, a créé une situation inédite. Mais il n’y a pas eu de révolution à Djibouti. Et nous sommes assez

n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Beaucoup de choses ont changé après le début de la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée, en 1998. Sous l’impulsion de Mélès Zenawi, son ancien Premier ministre, l’Éthiopie a opté pour une ambitieuse politique de transformation – le Five-Year Growth and Transformation Plan – visant à l’ouvrir au monde. Il a fallu réfléchir aux complémentarités, à un système au sein duquel Djibouti serait le débouché maritime de l’Éthiopie enclavée, sa porte d’entrée et de sortie. Les projets se sont rapidement multi-

Du côté des entreprises françaises, la léthargie persiste. Nous le regrettons. sceptiques par rapport à ce qui s’est passé dans les pays qui ont connu le Printemps arabe. Nous ne souhaitons pas qu’un État comme le nôtre, aux ressources très limitées, entre dans une phase d’instabilité et de turbulence pour de longues années. Cela ruinerait les progrès et les acquis que nous avons réussi à réaliser ces dernières années. C’est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. La Tunisie, l’Égypte et la Libye disposaient de ressources, naturelles ou agricoles. Djibouti, lui, n’a ni agriculture ni pétrole. D’où notre méfiance face à l’émergence de ces partis qui disent vouloir se constituer sur des bases religieuses.

directeur du département affaires arabes, avant d’être nommé ambassadeur en Égypte et représentant permanent auprès de la ligue des États arabes en janvier 1997. En 2001, il est nommé ministre délégué à la Coopération internationale puis ministre des affaires

pliés. La confiance s’est bâtie au fil des ans. Aujourd’hui, cette intégration se fait tout naturellement. Mais elle a été précédée et portée par des choix politiques. Notre ambition commune : que Djibouti et l’Éthiopie forment, demain, à la fois le noyau dur et la locomotive de la communauté économique régionale de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad). La région étant déchirée, plus qu’aucune autre, par les crises et les conflits, n’estce pas utopique ?

étrangères et de la Coopération internationale en mai 2005. Membre de la majorité présidentielle et proche d’ismaïl omar Guelleh, il est reconduit dans ses fonctions en 2008, 2011 et 2013. il est également porte-parole du gouvernement depuis trois ans. l

Oui et non. Ces conflits peuvent expliquer le retard de la région en termes d’intégration. Si nous comparons notre situation avec celles de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) ou de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), nous avons deux décennies de retard. Mais, à l’ère de la mondialisation, l’intégration économique régionale est une obligation. Beaucoup de crises et de conflits sont conjoncturels. Rien de profond n’oppose les peuples érythréen, éthiopien et djiboutien. Nous voulons croire que, à terme, nous parviendrons à transcender la situation actuelle et que l’espace économique de l’Igad finira par voir le jour. Il est indispensable. l

oLiviEr CASLin

Propos recueillis à Djibouti par SAMy GhorbAL

hoMME Du SÉrAiL MahMoud ali Youssouf a débuté sa carrière au ministère des affaires étrangères et de la Coopération internationale en 1992. Titulaire d’un diplôme universitaire en langues étrangères appliquées obtenu en france, ce polyglotte – il parle anglais, arabe et swahili, en plus du français – devient

Au lendemain de son indépendance, Djibouti a cultivé un certain isolationnisme. Désormais, le pays semble décomplexé et n’a plus peur de se dissoudre dans un ensemble éthiopien bien plus vaste et peuplé. L’intégration économique avec l’Éthiopie est de plus en plus poussée. Comment l’expliquez-vous ?

jeune afrique


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Le Plus de J.A. Djibouti économie

Pas de pétrole mais des IDE Peu de ressources naturelles, mais des investissements directs étrangers qui affluent. Voilà l’atout majeur de la petite république, dont la croissance est dopée par ses activités portuaires.

D

q Terminal à conteneurs de Doraleh, géré par Dubai Ports World.

jibouti dispose de bien plus de ressources que ne pourraient le laisser croire ses paysages désolés. Outre un sous-sol qui pourrait faire du pays un acteur majeur de la géothermie (lire p. 78) et une position géographique privilégiée – entre deux continents et le long de l’une des routes maritimes les plus empruntées au monde –, il peut également compter sur le boom de l’Éthiopie voisine, aujourd’hui quatrième économie africaine. Îlot de stabilité au cœur d’une région qui en manque cruellement, la petite république bénéficie, depuis une décennie, du soutien des pays du Conseil de coopération du Golfe et de celui de Dubaï en particulier qui, en y multipliant ses investissements, lui ont permis de devenir une plateforme sous-régionale de transport et de logistique. En effet, littéralement dopée par les activités du port de Doraleh, dont les premiers quais ont été inaugurés en 2008 et où officie Dubai Ports World, l’économie

Vincent FOURnieR/J.A.

74

EsPrIt D’EntrEPrIsE, Es-tu là ?

L

es institutions financières internationales ne cessent de le seriner: « Le secteur privé a un rôle essentiel à jouer dans le développement de Djibouti. » Ces dernières années, le gouvernement s’est donc attelé à la tâche pour améliorer le climat des affaires, tout en développant la culture de l’entrepreneuriat et en intégrant dans l’économie le secteur informel (40 % du PIB). Les pouvoirs publics ont ainsi mis sur pied un ensemble d’agences publiques, qui travaillent en synergie, pour alléger les démarches administratives nécessaires à la création d’entreprise, n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

fournir les premiers financements ou assurer la protection de la propriété intellectuelle. Créée en 2001, l’Agence nationale de promotion des investissements (Napi) « sert de trait d’union entre l’État et le secteur privé local ou étranger », résume Mahdi Darar Obsieh, son directeur. L’agence aide notamment les jeunes entrepreneurs dans la définition de leur business plan. Ces derniers peuvent ensuite aller frapper à la porte du Fonds de développement économique de Djibouti (FDED) qui, depuis 2003, soutient la création de PME en leur apportant des crédits

et une assistance technique. Pour compléter le dispositif, l’État a lancé, en 2012, l’Office djiboutien de la propriété industrielle et commerciale (Odpic), « afin d’accélérer le processus de création d’entreprise », explique Ouloufa Ismaïl Abdo, sa

CLASSEMENT « DOING BUSINESS » 2014

160e pays*,

soit un bond de

12 places

*sur 189

160 189

directrice générale. Les délais ont ainsi pu être ramenés à 4 jours, contre 37 en moyenne auparavant. En attendant la mise en place d’un guichet unique, en septembre, le pays a déjà progressé de 61 places en matière de création d’entreprise lors du dernier classement « Doing Business » de la Banque mondiale. En 2013, 1148 nouvelles sociétés ont été enregistrées au registre du commerce, soit une hausse de 85 % par rapport à 2012. Un chiffre record sachant que le secteur privé compte 6300 entreprises immatriculées, tous secteurs confondus. l OlIvIEr CaslIn jeune afrique


tenir le cap

stock. La mise en service de

nouveaux équipements routiers et énergétiques, en 2013, ainsi que ces nombreusesextensionsportuairesqui stimulent le secteur de la construction ont dynamisé la croissance du pays, qui atteint pour la première fois depuis longtemps les 5 %. Et elle devrait encore grimper, au rythme des investissements directs étrangers (IDE), dont le stock vient de dépasser 1 000 millions de dollars (738 millions d’euros), dont 80 % collectés au cours des six dernières années. En 2013, les IDE ont représenté près de 20 % du PIB et « pourraient atteindre jusqu’à 30 % dans les années à venir », se réjouit Ahmed Osman, le gouverneur de la Banque centrale. Car aux financements arabes s’ajoutent depuis deux ans les contributions l l l

PIB EN PROGRESSION

300 000

BALANCE COMMERCIALE CROISSANCE en % 6 5,5

PIB en millions de francs djiboutiens, éch. de gauche

2011

en % du PIB 2012

2013

– 12,3 %

– 13,1 %

250 000 200 000

4,5

150 000

5

5

4,8

50 000 0

– 14,3 %

4

100 000 3,5 2011

2010

2012

2013

3 2014*

* Prévisions

– 12,3 %

FLUX D‘IDE

entrants, en millions de $

INFLATION

100

100

2009 2010 2011 2012

3,9 %

2010 2011

27 78

BALANCE DES COMPTES COURANTS

du PIB (2013)

3,7 %

2012 2013 2014*

5,1 %

2,5 %

3% * Estimation

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djiboutienne bénéficie, depuis dix ans et malgré la crise financière de 2009, d’un taux de croissance moyen de 4,5 %.

75


Le Plus de J.A. Djibouti

questiOns à

l l l brésiliennes, turques, indiennes et chinoises. La Chine détrône d’ailleurs Dubaï au rang de premier investisseur. Son opération la plus emblématique : l’acquisition, en 2012, par la China Merchant Holding International Company, de 23,5 % du capital du holding portuaire.

ahmeD Osman

Gouverneur de la Banque centrale de Djibouti (BCD)

« Les banques islamiques, un besoin du marché »

Tout à fait ! Le rayonnement d’une place bancaire est évidemment nourri par la multiplication des opérateurs et la diversité de leur offre. Je pense pouvoir dire que nous proposons aujourd’hui des services financiers uniques dans la région. notre monnaie n’a pas été dévaluée depuis soixantecinq ans et elle peut s’appuyer sur l’indépendance de la Banque centrale, avec un taux de couverture excédentaire et une liberté totale des mouvements de capitaux. Un peu comme c'est le cas à maurice, qui reste un exemple à suivre. l

Limites. Pendant que les projets se multiplient dans les ministères, notamment en partenariat avec l’Éthiopie, dont 90 % des marchandises transitent à l’export comme à l’import par Djibouti, le modèle de développement montre toutefois ses limites sociales. « La hausse continue de la croissance et du volume des investissements doit permettre au gouvernement d’améliorer les conditions de vie de la population », insiste Zemedeneh Negatu, le représentant d’EY (ex-Ernst & Young) pour l’Afrique de l’Est. Selon les derniers indicateurs, 42 % des Djiboutiens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Et le chômage frappe entre 50 % et 60 % de la population active. La parité du franc djiboutien avec le dollar américain permet déjà de contenir l’inflation sous la barre des 3 %, grâce également à la baisse du prix des importations de denrées alimentaires et des volumes de gasoil approvisionnant la centrale thermique de la capitale depuis son branchement au réseau hydroélectrique éthiopien, en 2011. Autant d’éléments qui auraient dû permettre de rééquilibrer un peu une balance commerciale structurellement déficitaire et qui a encore dérapé (– 13,1 % en 2013, contre – 12,3 % en 2012). Dans sa dernière note de conjoncture, le FMI se satisfait d’un meilleur recouvrement de l’impôt, qui permet à l’État de voir ses recettes progresser de 26,3 %. Ce bon résultat n’empêche pas la dégradation du déficit budgétaire, qui est passé de 0,7 % en 2011 à 3,1 % en 2013. Un motif d’inquiétude pour les bailleurs de fonds, qui demandent au gouvernement de faire preuve de prudence en matière de dépense publique. Dans le cas contraire, Djibouti pourrait bien se retrouver dans une situation budgétaire « insoutenable », estime le FMI. l

Propos recueillis à Djibouti par samy GhOrbaL

OLivier CasLin

N

ommé en 2013 gouverneur de la Banque centrale de Djibouti au lendemain du décès de Djama Haid, son prédécesseur, dont il était le bras droit, Ahmed osman compte bien voir l’institution qu’il dirige jouer un rôle de soutien de la croissance économique nationale. Il s’efforce d’encourager les investissements directs étrangers en en améliorant la législation, la gouvernance et la transparence. Pour consolider ces progrès, il entend, entre autres, faire profiter les banques islamiques du développement de la finance islamique. Ce Somalien naturalisé djiboutien a été formé dans de grandes écoles françaises, dont le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). jeune afrique: Le paysage bancaire a connu de profondes mutations ces dernières années, avec l’arrivée de nouvelles banques à Djibouti. Pourquoi ? ahmeD Osman : Depuis le début

des années 2000, les autorités monétaires ont mené une réflexion qui a abouti à la libéralisation du secteur, pour faciliter l’implantation d’un nombre croissant d’acteurs. Aujourd’hui, nous comptons douze établissements bancaires, alors qu’auparavant les conditions d’agrément étaient si rigides que seules les banques « de premier rang » [les Banques centrales] étaient agréées. Ce qui avait débouché sur une situation d’oligopole, avec, pour corollaire, un coût du crédit franchement prohibitif. Les banques islamiques cohabitent désormais avec les banques traditionnelles. quelle est leur part de marché ?

elles en détiennent entre 15 % et 20 %. L’avènement de la finance islamique se situe dans une double n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

halloyta abou

76

p Ahmed Osman, le 16 juin.

perspective: du point de vue national, elle répond à un besoin réel du marché, en intégrant dans le circuit financier des clients soucieux de disposer de services en conformité avec leur éthique religieuse. Du point de vue international, la finance islamique, dont le volume est estimé à 1000 milliards de dollars [738 milliards d’euros] dans le monde, offre de puissants leviers de financements, notamment pour l’Afrique. L’arrivée de ces nouveaux établissements renforce donc les ambitions de place financière sous-régionale de Djibouti ?

jeune afrique


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Le Plus de J.A. Djibouti mobilisation des eaux de surface et de gestion durable des terres (Promes-GDT), soutenu à bout de bras par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et les autorités djiboutiennes. Derrière lui, une poignée d’hommesadécidédesebattrepoursauver la forêt. « Plus encore que le surpâturage, les effets combinés de la sécheresse persistante et de l’érosion continue des sols, qui s’appauvrissent au point de devenir stériles,constituentlenœudduproblème», juge Aramis, l’un des responsables du programme.

Écologie

Un monde à l’agonie Rongée par un champignon et par la sécheresse, l’une des dernières forêts primaires du continent se meurt. Des habitants se mobilisent pour la sauver.

L

esmontsGoda,quiculminentàplus de 1700 mètres, offrent un spectaclemagnifiqueetpoignant:celui d’un monde à l’agonie. Composée de genévriers, d’acacias, de rares oliviers sauvages et de buis, la forêt du Day s’y étend sur moins d’un millier d’hectares. Sa superficieaétédiviséeparsixencinquante ans.Sirienn’estfait,ellepourraitdisparaître entièrement d’ici à quelques décennies. Le massif du Day constitue l’ultime vestige de la gigantesque forêt primaire qui recouvrait le Sahel et le Sahara à la préhistoire, et qui s’est contractée au gré des réchauffements terrestres. Qu’elle soit parvenue jusqu’à nous représente déjà une forme de miracle. Coincée entre deux versants, elle s’est perpétuée grâce à la faculté d’adaptation des genévriers, dont les spécimens les plus robustes peuvent atteindre 1800 ans. Longtemps, leur cime a capté l’eau des cumulus, avant qu’ils ne deviennent inaccessibles. Un redoutable champignon, l’armillaire, a encore affaibli les organismes. Des années de sécheresse consécutives ont fait le reste: aujourd’hui, la forêt se meurt. Tout n’est pas perdu pour autant. Baragoïta Mohamed Saïd est le coordinateur du Programme de

gazeLLes. Pour enrayer l’hécatombe,

halloyata abou

78

p Aramis, l’un des responsables d’un minutieux programme de gestion durable, dans le massif du Day, en mai.

la solution consiste à construire, autour de chaque plant de genévrier, de minuscules barrages de pierres dans le sens de l’écoulement des eaux de pluie, à la fois pour piéger un peu du précieux liquide et pour retenir les sédiments de la terre. Un travail de fourmi, réalisé avec l’appui des communautés villageoises, et dont les premiersrésultatsobtenussurdesparcelles tests sont impressionnants. Enparallèle,leséquipesduPromes-GDT ont entrepris de replanter 5000 genévriers pour régénérer la forêt. Mais les jeunes pousses croissent très lentement, doivent être arrosées et protégées du bétail, des gazelles ou des chameaux. Autour de chaque arbre replanté, un cône de protection en bois mort est édifié. Un défi à la mesure de l’enjeu écologique et patrimonial de Djibouti. l samy ghorbaL, envoyé spécial

géothermie pUissance dix

P

our profiter d’un potentiel développement, aujourd’hui estimé à Agence française de 1000 MW, Djibouti a décidé développement…) ont ces dernières années confirmé le financement de la d’accélérer le développement première phase d’exploitation et l’exploitation de ses à hauteur de 30 millions de ressources géothermiques. dollars (22 millions d’euros). À commencer par celles que Cette centrale, d’une capacité renferme la région du de 200 MW, devrait démarrer lac Assal, dans le BESOINS centre du pays, ÉNERGÉTIQUES où les premiers DU PAYS forages devraient être réalisés dans les prochains 2012 mois. En janvier, 2030 80 les bailleurs de MW fonds (Banque MW africaine de

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sa production mi-2015. Onze autres projets d’exploration, situés dans l’ouest du pays, ont déjà été confiés à des investisseurs turcs, coréens, américains et, dorénavant, mexicains, depuis que Djibouti a signé, en octobre 2013, un accord de coopération avec la quatrième puissance géothermique au monde. À la même période, le gouvernement a également mis sur pied l’Office de développement de SouRCE : MINIStÈRE DE l’ÉNERGIE Et DE l’Eau DE DJIboutI

l’énergie géothermique (Odeg), chargé d’identifier les ressources, d’exécuter les études ainsi que les premiers travaux d’exploration. « Avec cette structure, nous comptons faire de la géothermie la source énergétique de base de notre pays », a confirmé AliYacoub Mahamoud, le ministre de l’Énergie chargé des ressources naturelles. Djibouti ambitionne toujours de devenir le premier État africain à utiliser 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2035. l oLivier casLin jeune afrique



Le Plus de J.A. Djibouti

p Chantier du port minéralier, qui doit voir le jour à la fin de 2015. RepoRtage

leurs prises en haute mer. » La France promet depuis des années de fournir le matériel adéquat. Mais rien ne vient… Un élément pourrait changer la donne: La deuxième ville du pays, qui envoûta Rimbaud et laconstruction d’unportminéraliereneau Henri de Monfreid, mais où la vie est devenue plutôt languissante, profonde. Financé par le Fonds arabe pour possède un réel potentiel touristique et halieutique. le développement économique et social et le Fonds saoudien pour le développement beaucoup de diplômés. « La force des à hauteur respectivement de 61 millions e l’autre côté du golfe, face attaches familiales et sentimentales est de dollars (environ 45 millions d’euros) à Djibouti, la ville aux sept telle que nombre de ceux qui ont étudié et de 25 millions de dollars, cet impormosquées, qui fascina Arthur Rimbaud, est à la recherche de à Djibouti reviennent à Tadjoura à l’issue tant projet, d’une capacité de stockage de sasplendeurpassée.Évoquéedéjàdansles de leur cursus, explique un enseignant. Le 8 millions de tonnes par an, verra le jour fin récitsd’IbnBattuta,legrandvoyageurarabe drame, c’est que l’économie locale ne leur 2015. Les travaux, qui ont commencé en du XIVe siècle, Tadjoura est célèbre pour offre pas suffisamment de débouchés. » décembre2012,sontmenésparunesociété avoir accueilli quelques-uns des premiers chinoise,BaoyeHubeiConstructionGroup. compagnons du Prophète, au temps de la glace. À ce mal endémique s’en ajoute L’ouvrage permettra d’évacuer la potasse fondation de l’islam. Mais le transfert, en un autre : la sédentarisation éthiopienne de la région voisine du Tigray, dont les réserves 1896, du chef-lieu de la colonie française des pasteurs nomades afars, Dans la région, d’Obock à Djibouti scella le destin de la qui ont perdu l’essentiel de sont estimées à plusieurs cencité: elle se retrouva dans l’ombre du port, leur cheptel lors de cinq taines de millions de tonnes. construit dans la nouvelle capitale par le années de sécheresse conséLa construction de la route des jeunes gouverneur Léonce Lagarde, qui allait cutives (de 2009 à 2013). destinée à l’acheminement du de 17 à 34 ans détourner l’essentiel des activités comminerai accuse, quant à elle, un La ville et la région dissont au chômage merciales 130 km plus au sud. posent pourtant de réelles certain retard que les autorités Durement frappée par la guerre civile potentialités touristiques, espèrent combler rapidement. agricoles et halieutiques, encore largeL’entrée en service du port minéralier des années 1991-1994, qui causa la destruction de son minaret le plus emblémament inexploitées. « Les pêcheurs ne ne réglera certes pas tous les problèmes. tique, la ville blanche panse doucement sortent que quelques heures par jour Mais elle donnera un coup de fouet à ses plaies. Si la « route de l’Unité », réaet en sont restés au stade de la pêche l’économie locale et renforcera l’attraclisée par des ingénieurs yougoslaves, artisanale. Pourtant, ils ne demandent tivité de la ville. Avec, à la clé, plusieurs a permis son désenclavement, cette milliers d’emplois. Pour Tadjoura la belle qu’à travailler, explique le commissaire région de 87 000 habitants reste la plus (l’équivalent du préfet) Abdel Malik. Le endormie, plus qu’une lueur d’espoir, c’est touchée par le chômage, avec 59 % des peut-être la promesse d’un renouveau. l problème, c’est qu’ils ne possèdent pas jeunes de 17 à 34 ans inemployés, dont de glace réfrigérante pour conserver Samy ghorbal

réveille-toi, Tadjoura

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59 %

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Le Plus de J.A. Djibouti Société

Le français tire la langue Depuis quinze ans, l’arabe prend de plus en plus d’importance. L’anglais, lui aussi, frappe à la porte. Un rééquilibrage culturel d’un côté, un virage commercial de l’autre. Et la fin d’une hégémonie…

H

a été de placer cadres arabophones et la conférence islamique (OCI) le rend éritage de plus d’un siècle cadres francophones sur un pied d’égaéligible aux généreux subsides des pays de présence française (entre lité dans l’administration et d’aligner la du Golfe. L’enseignement de l’arabe est 1862 et 1977), la francophorémunération des premiers sur celle des assuré par des coopérants tunisiens, en nie ne sera-t-elle bientôt plus seconds, alors qu’elle était généralement vertu de conventions signées entre les qu’un lointain souvenir à Djibouti ? Évidemment, non. Elle y possède encore inférieure de 30 à 50 %. Dans la foulée, un dirigeants des deux pays, Hassan Gouled de solides bastions, et parler de « déclin » périodique gouvernemental en langue et Habib Bourguiba partageant le même serait exagéré. Mais le simple fait de poser arabe, Al Qarn, a été créé. tropisme pro-occidental. la question témoigne d’une évolution Parrainé et soutenu par ses voisins méfiance. Ces mesures, essentiellement de fond. L’arabe et avec lui l’anglais, qui yéménites et saoudiens, Djibouti avait tend à s’imposer comme la langue des officiellement adhéré à la Ligue arabe cosmétiques, ne doivent pas faire illusion: l’arabité de Djibouti est longtemps restée affaires et du commerce international, dès le 3 septembre 1977. Un choix dicté ont acquis droit de cité, y compris en trompe l’œil. Dès 1977, dans les hautes sphères de l’État. l’indépendance a été synoaujourd’hui, qu’ils soient arabophones nyme de marginalisation Du temps du président Hassan ou francophones, les cadres ont Gouled Aptidon (1977-1999), il eût des arabophones. Elle s’est été inconcevable qu’un membre du traduite par la victoire de la une rémunération identique. gouvernement puisse s’exprimer ligne incarnée par le prédans une langue autre que le français par une volonté de prosélytisme cultusident Hassan Gouled Aptidon sur celle en Conseil des ministres. Aujourd’hui, de son grand rival, le Premier ministre rel, mais non exempt d’arrière-pensées sans être banale, la chose est admise et géopolitiques : l’adhésion de la petite Ahmed Dini. ne choque plus. Ismaïl Omar Guelleh, le « L’adhésion à la Ligue arabe était république visait à achever de transsuccesseur de Hassan Gouled, a choisi former la mer Rouge en « lac arabe » et une concession faite à Dini par Gouled, une approche plus pragmatique : celle de analyse le journaliste Ali Barkat Siradj, à accroître par conséquent l’isolement valoriser les compétences djiboutiennes, d’Israël. Le pays élève alors logiquement directeur de la rédaction du quotidien indépendamment de la langue d’usage. l’arabe au rang de langue officielle, à francophone La Nation. Dini, qui était Symboliquement, l’une des premières l’instar du français. Son appartenance un érudit aussi à l’aise en arabe qu’en décisions du nouveau président, en 1999, à la Ligue arabe et à l’Organisation de français, n’imaginait pas d’avenir pour n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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tenir le cap

photos : Vincent Fournier/J.A.

t L’entrée du lycée industriel et commercial de Djibouti (à g.) et sa bibliothèque (ci-contre).

Djibouti en dehors de son environnement régional. Mais Gouled nourrissait une méfiance atavique à l’endroit des arabophones. Il était partisan d’une alliance étroite, voire exclusive, avec la France. Il avait siégé à l’Assemblée nationale française dans les rangs du parti gaulliste et avait conservé de solides amitiés dans les milieux franco-africains à Paris. Il a joué ostensiblement la carte de la France, pensant que c’était le meilleur moyen de garantir ses intérêts. N’oublions pas que nous étions alors en pleine guerre froide… » De fait, les quelques cadres arabophones de la fonction publique sont marginalisés, cantonnés à des tâches subalternes. Un « apartheid linguistique » qui perdurera jusqu’en 1999. La séquence qui s’est ouverte avec l’accession au pouvoir d’Ismaïl Omar Guelleh marque un rééquilibrage et la fin de l’hégémonie culturelle du français. Le nouveau président, qui parle l’arabe et a longuement séjourné dans les pays de la Péninsule, a conscience des opportunités économiques qu’offrent les pays du Golfe. Il veut sortir du tête-à-tête étouffant avec Paris, ouvrir son pays aux investisseurs jeune afrique

arabes et internationaux. « Le tout-francophone » peut effectivement représenter un handicap à l’ère de la mondialisation. Et le bilinguisme, au contraire, un atout dont Djibouti aurait tort de se priver. Cependant, la promotion symbolique de l’arabe ne s’est pas accompagnée d’une quelconque volonté de dépréciation du français. « C’était une correction nécessaire, relativise Ali Barkat Siradj. L’arabe fait intimement partie de l’identité djiboutienne, il imprègne nos langues vernaculaires et, de par son caractère

54,3% des Djiboutiens parlent français (source : OIF)

liturgique, revêt aussi une dimension charnelle. Le choix arabe de Djibouti se défend. Avant d’être guidé par des considérations utilitaristes ou mercantiles, il correspond à une évidence culturelle. » En réalité, le reflux relatif de la francophonie et la réévaluation du statut de l’arabe ne semblent même pas être liés. Les causes sont multiples. « Si le niveau d’expression en français a reculé, déplore un universitaire, cela tient d’abord aux carences et aux faiblesses du système d’enseignement. Les coopérants français sont partis sans que la relève soit assurée. Et, en parallèle, nous avons enclenché la “massification” de l’enseignement. L’augmentation du taux de réussite au baccalauréat et dans le supérieur a pu jouer au détriment de la qualité. » La raréfaction des visas d’études et de séjour en France a achevé de couper les jeunes générations de l’Hexagone. trahis. Mais l’hypothèque qui risque

de peser le plus lourdement sur la francophonie djiboutienne est économique. Le dynamisme des entreprises des pays émergents contraste avec l’attentisme des entreprises françaises. « Il n’y a eu aucun investissement français significatif depuis 1999, alors qu’on ne compte plus les investissements arabes ou chinois, poursuit notre universitaire. L’aide au développement et la coopération diminuent d’une année sur l’autre. Nous avons le sentiment que la France abandonne ses positions sans combattre et nous nous sentons à la fois orphelins et trahis. La francophonie risque de prendre un caractère désuet pour nos enfants. » Bien plus encore que l’arabe, c’est l’anglais, langue de communication internationale, qui a aujourd’hui le vent en poupe auprès des plus jeunes. Les idiomes véhiculant toujours un imaginaire et des modèles sous-jacents, la querelle linguistique larvée trouverat-elle des prolongements sur le terrain culturel et politique ? C’est la crainte formulée par certains, tentés d’établir un parallèle un peu rapide avec la situation dans les pays du Maghreb, où la guerre entre arabophones et francophones recouvre fréquemment un clivage entre islamistes et tenants d’un modèle séculier. « Il y aurait les athées d’un côté et n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Le Plus de J.A. Djibouti les croyants de l’autre ? C’est absurde ! L’islam réunit et fédère les Djiboutiens qui communient dans le même culte. Et notre manière de vivre la religion est foncièrement tolérante », affirme Kader Ali Dirani, chercheur et ancien directeur de la télévision nationale. Avant de concéder que, dans certaines mosquées, des tensions peuvent apparaître entre les fidèles sur la manière d’accomplir

les rituels ou de se prosterner pendant la prière. Autant de signes qui témoignent de ce qui ressemblerait, ici ou là, à un début de raidissement « salafiste ». Face à l’apparition d’un parti d’obédience religieuse, le Model (Mouvement pour le développement et la liberté), animé par des théologiens arabophones, lors la campagne pour les élections législatives de 2013, les autorités ont opté pour

une réponse à double détente. Elle vise à la fois à conforter et à rehausser la place de l’islam, avec l’insertion d’un alinéa au préambule de la Constitution qui en fait la religion de l’État, tout en renforçant le contrôle sur le champ religieux. Un compromis fragile, mais qui pourrait devenir pérenne, si tout le monde y met du sien. l Samy GHOrbaL

L’islam, une affaire d’État du « Quartier 7 », rayonnait dans toute la sous-région et accueillait, outre les nationaux, les ressortissants d’Éthiopie Ce « laisser-faire » a profondément et de Somalie, qui vivaient alors sous la État veut reprendre la main sur transformé le champ religieux djibouférule socialiste. Les bénéficiaires de le champ religieux, organiser tien. L’enseignement de la religion, de ces écoles ont ensuite essaimé dans le culte musulman pour prévela langue arabe et la formation des préla société et ouvert eux-mêmes leurs nir les dérives sectaires et extrémistes. « L’environnement régional, avec la prédicateurs ont été assurés par des fondapropres établissements. sence à nos portes des islamistes Shebab, tions privées, financées le plus souvent En 1995, l’État change d’approche et en Somalie, et, à quelques encablures de par les pays du Golfe. La plus emblécommence à exercer un début de supernos côtes, celle d’Al-Qaïda dans la péninmatique de toutes, l’école saoudienne vision sur les programmes dispensés sule arabique, qui sévit crueldans les différents instituts. lement au Yémen, nous oblige En 1999, un ministère déléà une réflexion globale », gué aux Affaires religieuses est explique un conseiller du créé. Progressivement, l’actiministre des Affaires musulvité des multiples fondations manes. Le président Ismaïl caritatives fait l’objet d’une Omar Guelleh, en ouverture rationalisation. La loi-cadre au deuxième Forum régional du 30 décembre 2012 parasur l’extrémisme religieux et chève ce processus. « Nous le radicalisme, organisé du nous orientons vers un sys18 au 20 mai dans la capitème où l’État, en collabotale, n’a pas dit autre chose : ration avec le Haut Conseil « L’attachement à l’islam islamique, prendra en charge et le refus de l’extrémisme la gestion du sacré en salariant sous toutes ses formes sont les imams, à l’instar de ce qui se pratique en Tunisie ou au les deux faces d’une même médaille. » Maroc, explique Mohamed Houssein, secrétaire généL’essor de l’islam dans la Corne de l’Afrique remonte ral du ministère des Affaires aux premières années de l’hémusulmanes et des waqfs. gire. Jusqu’à l’indépendance Le pays compte aujourd’hui de Djibouti, en juin 1977, l’is300 mosquées, dont la moitié lam confrérique a occupé l’endans la capitale et 88 pour semble de l’espace religieux. le seul quartier de Balbala. La période suivante, qui Nous avons aussi créé un s’étire jusqu’en 1995, s’est diwan [bureau] de l’aumône caractérisée par une gestion légale islamique – le zakat –, a minima. Medersas (écoles à la fois pour avoir un droit de coraniques) et instituts islaregard sur la destination des miques se sont développés fonds collectés et pour l’utisans aucun contrôle, sous l’œil liser comme un levier dans indifférent des autorités, dont la lutte contre la pauvreté, en l’énergie était accaparée par la ciblant tout particulièrement p La grande mosquée Hamoudi, dans le centre de Djibouti. construction de l’État. les orphelins. » l S.GHO.

Formation des imams, contenu de l’enseignement religieux, activités des fondations caritatives… Le gouvernement veille au grain.

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Vincent Fournier/J.A.

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jeune afrique



Le Plus de J.A. Djibouti directrice générale de la CNSS : l’assurance maladie obligatoire (AMO), pour les affiliés [actuellement 70 000 assurés, en grande majorité des fonctionnaires], et le programme d’accès à la santé (PAS), qui s’adresse aux catégories les plus vulnérables de la population et dont les bénéficiaires feront l’objet d’une identification préalable. »

Santé

Tous sous la couverture! L’assurance maladie universelle, c’est pour la fin de l’année. Les principaux bénéficiaires ? Les catégories les plus vulnérables de la population. Mais gare à la dépense.

L

une des promesses phares du candidat Ismaël Omar Guelleh lors de l’élection présidentielle de 2011 consistait à garantir la santé pour tous et l’accès aux soins de base pour les plus défavorisés. Elle est aujourd’hui en passe de se réaliser. Le 5 février, le Parlement a voté une loi-cadre portant sur la mise en place d’une assurance maladie universelle (AMU). Censée entrer en vigueur d’ici à la fin de l’année et mise en œuvre par la Caisse nationale de sécurité sociale

(CNSS), elle devrait changer la vie de centaines de milliers de personnes, aujourd’hui privées de soins ou insuffisamment prises en charge. Une carence qui explique, dans une large mesure, le piètre classement du pays à l’Indice de développement humain (IDH), établi par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), au sein duquel Djibouti pointait, en 2012, au 164e rang sur les 187 pays classés. « L’AMU comporte deux volets distincts, explique Hana Farah Assoweh, la

génériques. Si les prévisions se confir-

ment, 380 000 personnes seront concernées. Le budget actuel de la CNSS, qui s’élève à 9 milliards de francs djiboutiens (36 millions d’euros), risque donc de ne pas suffire, et une hausse de 2 % des cotisations sociales est déjà prévue pour financer partiellement la réforme. Les bailleurs de fonds internationaux ainsi que l’État verseront leur écot. « Des conventions ont été passées entre les organismes de soins privés et publics, pendant qu’une grille tarifaire raisonnable des actes est en train d’être arrêtée, précise Hana Farah Assoweh. De même, seuls les médicaments génériques seront remboursés. La santé n’a pas de prix mais elle a un coût. Les dépenses doivent absolument être maîtrisées si l’on souhaite pouvoir pérenniser le système. » l

q Campagne de vaccination contre la poliomyélite, à Douda, en juin 2013.

samy ghorbaL

ESPÉRANCE DE VIE

61,83 ans

Elle était de halloyta abou

86

52,49 ans

en 1977, au moment de l'indépendance du pays SouRCE : oNu

gros pLan sur Le paLudisme Le gouvernement djiboutien a annoncé fin mai sa décision de débloquer, avec le soutien de la Banque mondiale, 12 millions de dollars (8,8 millions d’euros) pour améliorer la lutte contre les principales maladies qui menacent le pays : le vIH/ sida, la malaria et la tuberculose. trois plans nationaux – un pour chaque pathologie – doivent être rapidement n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

mis sur pied, notamment pour lutter contre le paludisme, en pleine recrudescence. « Après avoir été sur le point d’éradiquer cette maladie, en 2009, nous constatons, au contraire, un retour de la menace », s’inquiète le docteur Kassim Issak osman, le ministre de la Santé. Il rappelle d’ailleurs que 2 016 cas ont été recensés à travers le pays depuis

le début de cette année. en cause, essentiellement, une urbanisation non maîtrisée et une dégradation des conditions sanitaires dans les quartiers périphériques de la capitale, où s’entassent plus de 25 000 réfugiés, essentiellement somaliens, selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCr). un programme baptisé « Zéro bidonville » a été présenté

en février par le gouvernement pour réaménager les zones autour de la capitale et restructurer les poches d’habitat anarchique. Ce programme, qui vise à améliorer les conditions de vie de la population, devrait également contribuer à réduire les cas de paludisme, que le gouvernement souhaite éliminer d’ici à 2020. l oLivier CasLin jeune afrique


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Le Plus de J.A. Djibouti t À la régie de la RTD. La chaîne émet en quatre langues : français, arabe, afar et somali.

à la clé, pour le ou les vainqueurs, la garantie d’un engagement. Le feuilleton est diffusé en prime time depuis le 17 mai. S’il vise d’abord à divertir, il joue aussi sur la fibre patriotique en montrant le savoir-faire de l’armée. Et en présentant des candidats issus des différentes communautés linguistiques, il vise également à renforcer la cohésion nationale. superproduction. Toute la difficulté

a consisté à trouver les moyens de mettre en œuvre ce qui apparaît comme une superproduction à l’échelle de Djibouti. Le tournage a mobilisé un réalisateur, trois cameramen et trois monteurs penMédias dant près de deux mois. « Holl-Holl Challenge a coûté 50 millions de francs djiboutiens [environ 205 000 euros]. Le budget de la RTD nous permettait tout juste de payer nos salariés et de couvrir Pour ses 60 ans, la radio-télévision nationale bouscule sa grille. nos frais, mais nous avons réussi à autoplace au divertissement et à la téléréalité. Avec, en vedette, financer entièrement l’émission grâce des programmes inspirés de la Nouvelle Star ou de Koh-Lanta. aux sponsors », explique Ahmed Idriss. Le patron de la télévision nationale se symbolise ce renouveau. Pendant trois a Radio-télévision de Djibouti veut confiant : « Les Djiboutiens doivent (RTD) a soufflé ses soixante boumois, les Djiboutiens se sont passionnés cesser de se dénigrer. Beaucoup de gies le 15 mai. Un anniversaire pour les tribulations artistico-médiatéléspectateurs croient que la RTD est abordé avec une grille inédite et tiques de jeunes chanteurs. Animée par en retard sur ses concurrentes, alors de nouvelles ambitions. Pour l’occasion, deux présentatrices – l’une s’exprimant qu’elle est beaucoup plus créative que le pylône radio en ondes moyennes en afar, l’autre en somali, une première –, les autres chaînes en langue somalie, de Doraleh, qui avait été renversé par l’émission a permis à la RTD de battre qui ne savent pas faire de divertisseune bourrasque, a été remis en état. tous les records d’audience et ment ou de téléréalité. Notre Mais l’institution s’est surtout dotée de de réconcilier le public avec vrai problème, c’est le temps nouveaux studios pour ses deux canaux sa télévision nationale. d’antenne, qui n’est pas télévisuels (satellitaire et terrestre) et Laquelle entend désorextensible. » mais exploiter le filon de ses trois antennes radio. Pour respecter les difLa télévision nationale propose dixla téléréalité. Focus sur férentes composantes huit heures de programme, dont six de un artiste est ainsi diflinguistiques du pays, rediffusion. Avec l’arrivée en 2012 d’un fusé à titre expérimental la chaîne doit en effet nouveau directeur général, Abdoulkader depuis début mai, avec un émettre en quatre lant Ahmed Idriss, spécialiste du marketing, certain succès. gues, ce qui l’empêche de y o ll ha sa grille a été rationalisée et refondue. Mais la vraie innovation fidéliser son public sur une de cette nouvelle grille devrait Fini le tunnel de deux heures et demie longue plage horaire. Mais la p de journal télévisé, décliné successiveêtre Holl-Holl Challenge, un migration vers le tout-numéAbdoulkader ment dans les quatre langues nationales Koh-Lanta à la sauce militaire. rique, grâce aux nouveaux Ahmed Idriss, (français, arabe, afar et somali). « Nous Tourné en collaboration avec moyens de production offerts le directeur général de la avons espacé les bulletins d’information les Forces armées djiboutiennes par la coopération chinoise, RTD. de manière à fractionner la soirée en (FAD) dans le camp d’entraîva bientôt lui permettre de plusieurs parties et à pouvoir diffuser des nement de Holl-Holl, à une surmonter cet obstacle. « Dès émissions en prime time, fédératrices et cinquantaine de kilomètres de la capil’an prochain, nous pourrons décliner susceptibles de drainer de la publicité », tale, le programme met en scène douze nos programmes sur quatre antennes explique le manager. candidats recalés de justesse aux tests différentes, une par langue nationale », Jeunes Talents, le programme phare de d’aptitude et qui rêvent d’embrasser conclut le directeur de la RTD. l la saison 2013, inspiré de la Nouvelle Star, une carrière sous les drapeaux. Avec samy GhorbaL halloyta abou

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Économie

aérien

Les liaisons parisiennes de Kenya Airways

MARoC-tuNISIe

Duel

De hAut vol Casablanca ou Tunis ? Tel semble être le dilemme, depuis dix ans, d’une industrie aéronautique européenne en quête de sous-traitants performants. Point par point, Jeune Afrique analyse les avantages comparatifs de chaque pays.

A

près le holding français Dassault, acquéreur d’Aéronautique Services Industries (ASI), à Casablanca, c’est au tour de Bombardier de jeter son dévolu sur la capitale économique marocaine: d’ici à la fin de l’année, l’avionneur canadien y inaugurera une usine de pièces de fuselage pour approvisionner son usine de Belfast, en Irlande du Nord. Pendant ce temps, Aerolia, filiale d’Airbus spécialisée dans les matériaux composites, prépare un agrandissement de ses installations de Tunis. Autant de projets qui confirment, s’il en était encore besoin, le statut de base arrière qu’ont acquis, en moins de dix ans, le Maroc et la Tunisie pour les industriels aéronautiques présents en Europe. Aujourd’hui, la quasi-totalité des grands du secteur intègrent des pièces nord-africaines à leurs avions et hélicoptères. C’est de France qu’est parti le mouvement vers la rive sud de la Méditerranée. Au début n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Christophe Le BeC

des années 2000, avionneurs et fournisseurs ont œuvré ensemble, au sein du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), à l’optimisation de chacune des étapes de leur production d’aéronefs ou de pièces. Ils ont conservé la conception et l’assemblage final en France, et délocalisé la fabrication de composants et de produits intermédiaires dans des zones à faibles coûts de production. Naturellement, le Maroc et la Tunisie, proches culturellement et géographiquement, ont été privilégiés. Ils disposaient en outre de services logistiques corrects et d’un accueil gouvernemental favorable – ce qui était moins le cas en Algérie. « Au début, les usines françaises étaient réticentes à laisser partir une fraction de leur activité, se souvient Olivier Zarrouati, président du directoire de Zodiac Aerospace, leader mondial des équipements aéronautiques. Mais, finalement, le gain de productivité nous a permis de gagner des parts de marché sans toucher aux effectifs en jeune afrique


cameroun

décideurs

Abbas Jaber

Patron d’Advens

côte d’ivoire

La SGBCI se couvre, ses bénéfices trinquent

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Ons Abid pOur J.A.

Guerre d’actionnaires chez IBC

France. Et aujourd’hui nos six métiers, qui fonctionnent en filières indépendantes, ont volontairement recours à nos implantations tunisiennes et marocaines. » Une stratégie également vantée par le cabinet de conseil McKinsey dans son rapport « Industrie 2.0 », destiné au gouvernement et aux industriels français. Le recours à la sous-traitance nord-africaine va donc nécessairement se poursuivre pour un secteur aéronautique européen qui se porte bien (début 2014, le carnet de commandes d’Airbus comptait 1 619 appareils), et Casa et Tunis sont plus que jamaisencompétitionpouraccueillirlesindustriels. Rares sont ceux qui, comme Zodiac Aerospace, sont implantés dans les deux pays. Bombardier n’a d’ailleurs choisi le Maroc qu’après avoir étudié les possibilités en Tunisie et en Turquie. D’autres industriels feront de même demain. Jeune Afrique passe donc en revue les performances des deux pays maghrébins sur cinq sujets cruciaux aux yeux des décideurs du secteur… et compte les points. jeune afrique

p Aerolia, filiale d’Airbus spécialisée dans les matériaux composites, s’apprête à agrandir son usine d’El Mghira, près de Tunis.

1 e r round

La Logistique avantage : maroc Difficile de trancher à l’aide d’une simple carte géographique : le Maroc et la Tunisie sont situés à peu près à la même distance de Toulouse (France), premier pôle aéronautique européen. Et selon Oxford Business Group, le coût d’expédition d’un conteneur vers la France reste comparable : 549 euros pour le Maroc, 606 euros pour la Tunisie. Mais le mode de transport varie : il est essentiellement terrestre pour le royaume chérifien – en dehors de la traversée du détroit de Gibraltar –, ce qui en fait une destination plus flexible que la Tunisie. Le fort soutien gouvernemental marocain au secteur des transports est également apprécié. « Le projet spectaculaire du port de Tanger Med, relié à des plateformes régionales logistiques, nous a positivement marqués. C’est rassurant n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


Entreprises marchés pour la montée en cadence de l’usine, indique Souad Elmallem, représentante de Bombardier en Afrique. Selon la taille des pièces, nous pourrons choisir de passer soit par le port de Casablanca, soit par celui de Tanger Med. » Pour le constructeur canadien, le fait que le Maroc partage le même fuseau horaire que Belfast a aussi été un facteur de choix décisif. La Tunisie, elle, dépend davantage du transport maritime, particulièrement entre son port de Radès, qui tourne déjà à plein régime, et celui de Marseille (France), destination de la plupart des cargaisons. « Mais nous attendons la construction d’un second port en eau profonde à Enfidha. Et en cas de grève à Marseille, nous avons prévu une route de secours vers Gênes [en Italie] », rassure Gaby Lopez, le président du Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales (Gitas), dont les membres ont souffert des mouvements d’humeur des dockers français. Des arguments convaincants, certes, mais pas suffisants pour empêcher le Maroc de remporter la première manche… 2 round e

leS coûtS de productIon avantage : tun ISIe La Tunisie tient sa revanche sur le plan des coûts. Selon le cabinet McKinsey, les industriels peuvent y espérer un niveau de prix équivalent à 39 % de celui de la France, contre 48 % au Maroc. Et sur les salaires, un écart similaire se fait sentir: « Les coûts de la main-d’œuvre, taxes incluses, sont de 15 % à 20 % moins élevés en Tunisie qu’au Maroc, et ce à tous les niveaux de compétences, de l’ouvrier jusqu’à l’ingénieur », affirme Gaby Lopez. Toutefois, en matière fiscale, les deux pays font à peu près jeu égal, selon le cabinet PwC, notamment pour les taxes salariales (environ 23 % des bénéfices). Mais le royaume chérifien impose davantage les profits (25,2 %, contre 15,2 % en Tunisie), tandis que Tunis garantit aux sociétés exportatrices une exonération totale d’impôt sur le revenu et les bénéfices pendant les dix

premières années d’activité. Au Maroc, les entreprises installées dans le parc aéronautique de Nouaceur bénéficient d’une exemption d’impôts sur les sociétés pendant cinq ans, ainsi que d’une exonération de TVA et d’un libre rapatriement des bénéfices. Un point partout. 3 e round

la StructuratIon de la fIlIère avantage : Maroc

dr

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Un avion made in Afrique du Nord? Découvrez pourquoi ce n’est pas pour demain en flashant ce code…

Souad Elmallem choisit Casa Représentante en chef de Bombardier en Afrique Cette CanadoMarocaine, née à Oran (Algérie) et diplômée de l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal, est la cheville ouvrière de l’avionneur canadien en Afrique du Nord. Patriote, elle a été déterminante dans le choix du royaume chérifien pour l’implantation de l’usine aéronautique à Casablanca. Souad Elmallem a su trouver les mots pour convaincre à la fois les autorités marocaines, qui ont apporté leur soutien au projet, et la direction générale de Bombardier.

Lorsqu’on passe les troupes en revue, les chiffres parlent d’eux-mêmes: en Tunisie, le Gitas compte une quarantaine de membres importants, quand son équivalent marocain, le Gimas, affiche une centained’opérateursinternationauxdanssesrangs, dont Airbus, Boeing, le motoriste Snecma et les fabricants de pièces Safran et Zodiac Aerospace. « Le modèle de parc industriel intégré de Nouaceur, piloté par l’Office national des aéroports, nous a séduits : il met en interaction sur le même lieu les différents acteurs de la filière aéronautique, l’aéroport et les instituts de formation, c’est pratique et efficace. Car il est crucial pour nous de trouver des fournisseurs à proximité », explique Souad Elmallem, de Bombardier. « Nous disposons à Tunis d’une bonne expertise dans le domaine du traitement de surface, structurant pour la filière, puisque plusieurs fabricants de pièces ont recours à ce service », fait de son côté valoir Gaby Lopez, du Gitas, pour qui cette activité n’en est qu’à ses balbutiements au Maroc. Reste que le royaume marque indéniablement un point supplémentaire dans le domaine de la maintenance d’avions. En s’appuyant sur Royal Air Maroc (5,8 millions de passagers par an) et son hub de Casablanca, plus fréquenté que celui de Tunisair (3,8 millions de passagers), il a créé avec la Snecma un centre de maintenance des moteurs Boeing et avec Air France une coentreprise d’entretien d’avions, Aerotechnic Industries (ATI), tous deux situés à Nouaceur. Depuis ses débuts en 2009, en plus des appareils des deux compagnies

L’exempLe mexiCain Connu pour ses maquiladoras, ces usines exportatrices à bas coûts installées le long de la frontière avec les Étatsunis, le Mexique, coqueluche des avionneurs basés en Amérique du nord, a parié sur le développement de la filière n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

aéronautique dès la fin des années 1990. parmi les avantages qu’il offre : des salaires deux fois moins élevés qu’aux États-unis, un bon niveau d’éducation, l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et la validité de ses certifications au pays de l’oncle Sam.

résultat : le Mexique compte aujourd’hui 35 000 salariés dans le secteur aéronautique, principalement dans le nord du pays et dans la région de Mexico. À la suite des pionniers Safran et Bombardier, le brésilien Embraer et les filiales

d’Airbus et de Boeing ont des projets d’implantation industrielle en terre aztèque. Entre 2006 et 2011, le nombre d’entreprises aéronautiques est passé de 109 à 238. parmi elles, seules 20 % sont des sociétés entièrement C.L.B. mexicaines. l jeune afrique


ABDELHAK SENNA/AFP

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actionnaires (qui assurent chacune 40 % du chiffre d’affaires), ATI a décroché la maintenance d’avions d’Air Méditerranée et d’Air Arabia. Résultat : le Maroc repasse en tête.

p Au Maroc, Aéronautique Services Industries a été racheté par le français Dassault.

« Nous y avons en permanence des salariés en formation, ce qui est bénéfique pour le démarrage de l’usine », affirme la représentante de l’avionneur canadien.

4 e round

5 e round

les ressources humaines

la stabilité politique

égalité

avantage : maroc

jeune afrique

Maroc

100 15 000

Le Printemps arabe pénalise la Tunisie, pays duquel la révolution de 2011 a momentanément détourné les industriels. « Nous avons commencé notre prospection pour une nouvelle usine en 2010. Clairement, l’instabilité politique à Tunis a joué en défaveur du pays, reconnaît Souad Elmallem. Le Maroc nous paraissait plus sûr à l’époque. » Mais selon Gaby Lopez, cette période d’incertitude est passée: « Il Tunisie n’y a eu aucune perturbation logistique 50 liée aux événements de 2011. Quelques rares sociétés ont connu des grèves 10 000 [Latécoère et Aerolia], mais aujourd’hui tout est revenu à la normale. » Signe d’un regain d’intérêt pour la Tunisie, selon le Gitas, 75 % des groupes présents dans le pays prévoient d’embaucher du personnel en 2014. Et certains, comme Aerolia, remettent à l’ordre du jour leurs projets d’agrandissement, qu’ils avaient un temps gelés. Néanmoins, aucune nouvelle implantation majeure n’a été annoncée récemment en Tunisie, qui pâtit toujours d’un a priori négatif chez les industriels qui n’y sont pas encore. SourcES : gimAS, gitAS

Qu’en est-il du recrutement et de la formation ? Les groupes présents à Tunis se disent satisfaits de la disponibilité et des compétences de la main-d’œuvre locale. « Ce qui est important pour nous, c’est la formation de base et la maîtrise du français, toutes deux de bon niveau en Tunisie, pour nos échanges avec Le match les usines de l’Hexagone. Ensuite, les en chiffres métiers de l’aéronautique étant très spécifiques, nous formons nous-mêmes enTreprises nos personnels, et les résultats sont excellents », note Olivier Zarrouati, de eMplois Zodiac Aerospace. « Le Gitas a noué des accords de formation avec les meilleurs établissements du pays, en particulier l’École nationale d’ingénieurs de Tunis [Enit] et celle de Bizerte [Enib], favorisant des échanges avec des écoles françaises spécialisées dans l’aéronautique », renchérit Gaby Lopez. Même son de cloche au Maroc. Pour Souad Elmallem, « la taille du bassin d’emploi de Casablanca, équivalent à celui de la Tunisie tout entière », est un avantage majeur pour le recrutement. La création de l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) et de l’Institut spécialisé d’aéronautique et de logistique aéroportuaire (Ismala), tous deux situés à Nouaceur, ont également séduit Bombardier.

Bilan de cette course au meilleur sous-traitant aéronautique ? Casablanca l’emporte indéniablement, mais ce n’est que partie remise… l n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


Entreprises marchés AÉRIEN

Les liaisons parisiennes de Kenya Airways

une consommation du Dreamliner inférieure de 20 % à celle du modèle antérieur. « Grâce à notre présence à l’aéroport Paris Charles-de-Gaulle, nous pourrons drainer vers Nairobi une clientèle sud-européenne et américaine utilisant les lignes et le hub d’Air France », estime Julius Thairu, directeur chargé de l’optimisation des revenus chez Kenya Airways. Patrick Alexandre, directeur commercial du groupe franco-néerlandais, renchérit : « Le Dreamliner de Kenya Airways est presque un avion Air France, puisque nous partagerons la responsabilité de la commercialisation des places à bord. » Par ailleurs, une liaison entre Nairobi et Amsterdam-Schiphol, l’autre hub d’Air France-KLM, aux Pays-Bas, est opérationnelle depuis 1997.

Alors que les attentats terroristes n’augurent rien de bon pour le tourisme kényan, la compagnie espère beaucoup de son alliance avec Air France. La preuve : elle vient de renforcer ses vols à destination de la Ville Lumière.

P

rès d’un an après l’incendie qui, le 7 août 2013, a ravagé l’aéroport de Nairobi, Titus Naikuni, le patron de Kenya Airways, veut croire que le plus dur est passé. Et ce même si le pays n’en a pas fini avec le terrorisme : après l’attaque meurtrière du centre commercial Westgate, en septembre 2013, de nouveaux raids ont fait près de 70 morts à Mpeketoni et Poromoko, les 15 et 16 juin (lire p. 23). L’impact des problèmes sécuritaires sur le tourisme préoccupe l’énergique Massaï qui pilote la compagnie depuis 2003. Mais selon lui, il ne remettra pas en question l’équilibre deKenyaAirways,quiarenouéavec les bénéfices (2,3 millions d’euros au premier semestre de son exercice 2013-2014) en dépit des dégâts de l’incendie, lesquels lui ont coûté près de 4 millions d’euros. trois volets. « Les attentats n’affectent que le nord-est du pays, pas les grands parcs nationaux, principaux vecteurs de tourisme », affirme Titus Naikuni. La compagnie peut en outre s’appuyer sur le fret aérien de fleurs et de légumes, qui représente déjà plus de 10 % de son chiffre d’affaires, et sur les voyages d’affaires, tant régionaux qu’internationaux. Par ailleurs, le

BoNs oFFiCes. Durant sa visite à

Photo12/alamy

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p Le transporteur veut drainer vers Nairobi la clientèle européenne du groupe franco-néerlandais.

Le 4 juin, le transporteur a ainsi renforcé sa liaison entre Nairobi et Paris, un vol qui sera désormais assuré quatre fois par semaine par un Boeing 787 flambant neuf. Ce Dreamliner, obtenu en leasing, est le deuxième du genre à venir renforcer la flotte Un Dreamliner relie quatre de la compagnie, forte fois par semaine les capitales de 45 avions – soit la troisième en Afrique. française et kényane. « Nous recevrons un Dreamliner par mois jusqu’à seppatron a adopté une stratégie en trois volets qui devrait permettre de tembre prochain », a assuré Titus confirmer le redécollage de Kenya Naikuni, qui était en France pour ce vol inaugural. D’après lui, ce renforAirways : un nouveau terminal à Nairobi, qui sera opérationnel fin cement de la liaison parisienne va juillet 2014; le renouvellement de sa donner un nouveau souffle à Kenya flotte d’avions; et un renforcement Airways. Et le rajeunissement de sa de son partenariat avec Air Franceflotte devrait lui permettre de baisKLM, qui détient 26 % du capital. ser les coûts d’exploitation, avec n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

En chiffres

3,63 millions de passagers (en 2012)

4,6 M€

de résultat net annuel (à fin septembre 2013)

45 avions 62 destinations

Paris, Titus Naikuni a exploré avec Alexandre de Juniac, son homologue français, de nouvelles pistes de partenariat. Dans la foulée de leur rencontre, Servair, filiale spécialisée dans le catering et présente à Nairobi depuis 1989, a vu son contrat avec Kenya Airways renouvelé pour cinq ans. Air France-KLM va également continuer de jouer les bons offices entre le transporteur kényan et Air Côte d’Ivoire, dont il est actionnaire à 20 %. Avec un objectif : la signature d’un accord de coopération entre les deux transporteurs africains. Titus Naikuni, qui s’est rendu à Abidjan en décembre 2013, confirme que « des discussions sont en cours ». Kenya Airways veut renforcer son réseau vers les centres économiques et politiques du continent, particulièrement en Afrique de l’Ouest où son principal concurrent, Ethiopian Airlines, est pour l’instant mieux implanté. Le 6 juin, la compagnie kényane a d’ailleurs inauguré une nouvelle ligne à destination d’Abuja, la capitale nigériane. l ChristoPhe le BeC jeune afrique


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CAMEROUN

Guerre d’actionnaires chez IBC

Déficitaire, le spécialiste des métaux industriels est au cœur d’un bras de fer entre son fondateur et la Société nationale des hydrocarbures.

I

l y a, d’un côté, la puissante Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui gère les intérêts de l’État camerounais dans le secteur pétrolier, dirigée par Adolphe Moudiki. Et, de l’autre, Léopold Ekwa Ngallé, propriétaire du holding d’investissement LEN Holding. Depuis fin avril, les deux parties se livrent une guerre sans merci pour le contrôle d’International Business Corporation

que les dirigeants ont dû arrêter l’activité de l’usine et mettre plus de 150 personnes au chômage. Fin 2012, les pertes cumulées d’IBC s’élevaient à 2,7 milliards de F CFA. Explications de Léopold Ekwa Ngallé : « Il fallait constituer un important fonds de roulement et acheter suffisamment de matière première pour entamer la production. Nous nous sommes tournés vers la SNH afin qu’elle produise une lettre de confort auprès des banques, en vain. » Faux, rétorque-t-on du côté de l’actionnaire majoritaire : « Nous avons fait des avances de plusieurs milliards de F CFA et produit des lettres de garantie sans que l’on sache à quoi a servi cet argent. »

kepseu jean pierre

ÉVINCÉ. Résultat : la SNH

a décidé de reprendre les choses en main. Le 28 avril, elle a nommé un nout Adolphe veau président du conseil Moudiki, d’administration, Bernard patron de Bayiha, puis, un mois plus la SNH. tard, un directeur général, Antoine Bikoro Alo’o, évin(IBC), spécialiste camerounais des çant ainsi Léopold Ekwa Ngallé de aciers et métaux industriels créé en sonfauteuildePDG.Sentantlecoup 1993 par Ekwa Ngallé et codétenu venir, le patron de LEN Holding à 61 % par la SNH depuis 2007. avait saisi dès juillet 2012 la Cour Seule société d’Afrique centrale commune de justice et d’arbitrage à posséder, depuis 2010, une usine de l’Organisation pour l’harmode transformation – un investisnisation en Afrique du droit des sement de 4,8 milliards de F CFA affaires (Ohada), à Abidjan. Le (7,3 millions d’euros) essentielle15 janvier, le tribunal arbitral lui a ment financé par la SNH –, l’entredonné tort et l’a condamné à payer prise avait vocation à rayonner dans plus de 2,2 milliards de F CFA à la toute la sous-région. Las, IBC n’a SNH, une décision contre laquelle jamais atteint cet objectif, et son il a déposé un recours. En attenusine n’a jamais tourné à plein dant, le conseil d’administration régime. La société, déficitaire, a a proposé une augmentation de vu sa situation se dégrader au cours capital de 4 milliards de F CFA. l des trois dernières années, si bien Omer mbadI, à Yaoundé jeune afrique

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Finance Le Kenya lance un eurobond record de 2 milliards de dollars Hydrocarbures Glencore finance le rachat par le Tchad des actifs de Chevron Assurances Saham Finances prend le contrôle du rwandais Corar AG Paiement Paypal fait son entrée au Cameroun, au Nigeria et en Côte d’Ivoire L’infographie de la semaine

Marchés-frontières Les 10 pays les plus courtisés

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n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014


Entreprises marchés Côte d’IvoIre CdIsCount à la prImature… Quelques jours après l’annonce de l’implantation de Cdiscount en Côte d’Ivoire en partenariat avec le groupe Bolloré, Emmanuel Grenier, directeur général du leader du e-commerce en France, et Lionel Labarre, patron Afrique de l’Ouest de Bolloré Africa Logistics, ont rencontré le 17 juin, à Abidjan, le Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, pour lui présenter les détails de leur projet de lancement d’une filiale de vente en ligne. La création juridique et effective de celle-ci est attendue avant la fin du mois. Et la mise en ligne du catalogue de produits est prévue pour le mois de juillet. Pendant son séjour en terre ivoirienne, le patron de Cdiscount a aussi rencontré Jean-Louis Billon, le ministre du Commerce, et Bruno Koné, son collègue de la Poste et desTechnologies de l’information et de la communication.

Les indiscrets

p À Dakar.

Hôtellerie

Onomo change de tête

L

a décision a été prise fin mars mais elle est passée complètement inaperçue. À l’occasion d’une assemblée générale, Philippe Colleu, le fondateur du groupe Onomo, a été remercié : il quitte la présidence du conseil d’administration de la chaîne hôtelière. Un départ « inattendu et brutal », pour reprendre les mots de l’un de ses anciens collaborateurs. Il est remplacé par Julien Ruggieri, fils du fondateur du holding Batipart, actionnaire minoritaire au début de l’aventure en 2009 mais devenu détenteur de 90 % du capital en 2013. Julien Ruggieri, qui sera secondé par Cédric Guilleminot, directeur général d’Onomo,

Agriculture coup de gueule

sénégal… et BgFI à la présIdenCe D’une pierre deux coups. À Dakar, où il a participé au sommet du Nouveau partenariat pour le développement en Afrique (Nepad) sur le financement des infrastructures, les 14 et 15 juin, Henri-Claude Oyima, le patron du groupe bancaire gabonais BGFI, en a profité pour rencontrer Macky Sall. L’objet de son entretien avec le président sénégalais? L’ouverture d’une nouvelle filiale, qui portera la présence africaine du groupe à dix pays. Le lancement officiel est attendu dans quelques mois, le temps d’obtenir les agréments. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

OnOmO

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LeprésidentduFondsinternational de développement agricole (Fida) est en colère. Et il compte bien le faire savoir aux chefs d’État africains lors du 23e sommet de l’Union africaine, à Malabo jusqu’au 27 juin. Dans une lettre qu’il leur a adressée et dont J.A. a obtenu une copie, Kanayo F. Nwanze écrit notamment: « Plus de dix ans ont passé depuis la déclaration de Maputo dans laquelle vous, leaders africains, vous êtes engagés à allouer au moins 10 % de votre budget national au développement agricole […]. Aujourd’hui, seuls sept pays ont respecté cet engagement.»EtleNigérian

explique que son prédécesseur continuera à agir en tant que consultant. « L’éviction de la cheville ouvrière du groupe inquiète quant à la capacité de son successeur, peu rodé à l’Afrique et à l’hôtellerie, à mener son développement », note un bon connaisseur d’Onomo. La chaîne hôtelière de milieu de gamme, déjà présente au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon, s’apprête à ouvrir des établissements au Togo et au Mali, et des chantiers doivent démarrer avant la fin de l’année au Liberia, en Guinée ou encore au Bénin. Enfin, d’autres projets sont à l’étude en Afrique de l’Est et au Rwanda. l

d’asséner: « Arrêtez de promettre et faites-le maintenant. » Un message on ne peut plus clair… Automobile Sinotruk viSe dAkAr

Candidat à la mairie du Plateau, à Dakar, le député et businessman Demba Diop Sy ne délaisse pas pour autant ses affaires pendant la campagne. Le 17juin,ilarencontré Macky Sall pour lui soumettre son projet d’usine d’assemblage de camions Sinotruk, dont la production pourrait être écoulée dès fin 2015 dans la sous-région. Le montant de l’investissement est estimé à 15 millions d’euros, majoritairement apportés par le marocain Somagec, déjà

partenaire du constructeur chinois. Les 49 % du capital restant seront scindés entre Diop Sy, qui vise le poste de directeur général, et les transporteurs du Sénégal, représentés dans les négociations par leur syndicat. énergie mbAcké à dubAï

Passé par les groupes Shell et ExxonMobil, Badara Mbacké, directeur général Afrique de l’Ouest et Afrique centrale du sénégalais PCCI (offshoring), quitte son poste pour rejoindre le spécialiste des groupes électrogènes Aggreko. Il sera basé à Dubaï, où le groupe britannique gère une partie de ses contrats africains. jeune afrique


Décideurs SÉNÉGAL

Abbas Jaber, l’insubmersible En dix ans, le patron du groupe Advens est passé – avec talent – du négoce à l’agro-industrie, avec des fortunes diverses. Portrait d’un homme dont la capacité de résistance n’a d’égale que le nombre de ses adversaires.

D

evenu en une décennie un agro-industriel incontournable en Afrique subsaharienne, le Franco-Sénégalais Abbas Jaber aurait bien du mal à compter ses amis dans le monde des affaires. « Il a bousculé beaucoup de situations données », reconnaît son principal conseiller, Jean-Jacques Chateau, qui le suit depuis 2002. Libanais d’origine et parisien de longue date, Abbas Jaber a réalisé l’objectif qu’il s’était fixé il y a quinze ans: passer du statut de négociant à

celui d’industriel. Advens, le groupe qu’il a fondé, travaille avec 25 millions de paysans en Afrique, du SénégalauCameroun,etaréaliséen 2013 un chiffre d’affaires de 265 millions d’euros dans la transformation du coton et de l’arachide – en attendant la farine. Un parcours impressionnant mais qui ne convainc pas tout le monde, loin de là. « Abbas Jaber est très sympathique, il a beaucoup d’intuition et un sens des affaires aiguisé, décrypte un ancien proche. Mais s’il n’inspire pas vraiment confiance

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aux grandes institutions financières et n’est pas totalement reconnu par ses pairs, c’est parce qu’il est incapable de déployer une véritable stratégie industrielle et de s’en donner les moyens. » Négociant un jour, négociant toujours ? « On a prouvé notre savoir-faire en tant qu’industriels », conteste JeanJacques Chateau. VRAQUIERS. Né le 18 juin 1958 à

q Dans son bureau parisien, le 18 juin.

Thiès (Sénégal) dans une famille de sept enfants, Abbas Jaber ne laisse personneindifférent.Dèslesannées 1990, celui qui affirme « détester les monopoles » bouleverse le monde du négoce alimentaire à destination de l’Afrique. Parti de rien, « il affrète des vraquiers entiers à une époque où les bateaux qui desservent l’Afrique sont composés pour moitié de conteneurs et pour moitié de vrac », se souvient un l l l

En dates 1958 Naissance à Thiès, au Sénégal

1988 Création de Jaber’s Négoce à Paris

2005 Rachat de la Sonacos (oléagineux), au Sénégal, rebaptisée Suneor

2008 Rachat de 51 % de Dagris (coton), rebaptisé Geocoton

Entrée au capital des Grands Moulins de Strasbourg, en France jeune afrique

n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Vincent fournir/J.A.

2012


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Décideurs l l l proche. En chargeant jusqu’à 30 000 tonnes de denrées dans un seul bateau, il parvient à être compétitif face aux géants du secteur. Ces derniers le regardent avec circonspection, persuadés que Jaber’s Négoce, la société qu’il a fondée en 1988, va couler. Dix ans plus tard, pourtant, le mensuel économique L’Expansion classe son entreprise parmi les plus belles réussites de la décennie en France. Il achemine jusqu’à 350000 tonnes de denrées alimentaires par an en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. « On m’a dénigré et mis des bâtons dans les roues, explique-t-il alors au journaliste venu l’interroger. Boycotté par des fournisseurs hexagonaux, j’ai dû m’approvisionner aux Pays-Bas et en Allemagne. Moralité : même lorsqu’on est hypercompétent, l’intégration dans la société française ne va pas sans mal. » Méprisé mais copié, Abbas Jaber pense déjà au coup d’après: s’ancrer davantage en Afrique en devenant un agro-industriel et en contrôlant sa logistique.

FLEURON. En 2003, alors qu’il songe à créer une usine de raffinage d’huile, on le met sur la piste de la Société nationale de commercialisation des oléagineux au Sénégal (Sonacos), dont la privatisation s’annonce. Il se lance dans l’opération et, après deux ans de procédure – il avait détaillé sa vision du secteur directement au président Abdoulaye Wade –, bat les consortiums concurrents, dont l’un est emmené par le marocain Lesieur Cristal. Un symbole fort : Abbas Jaber version négociant n’avait jamais pu travailler au Sénégal, marché soumis à l’époque à des monopoles de fait. En 2006, il pointe son nez dans une autre privatisation, celle de Dagris, l’ex-fleuron français du coton, dont l’une des principales filiales est basée au Sénégal. Sofiprotéol, le géant hexagonal des oléagineux, et quelques puissants alliés décrochent le Graal, mais, au dernier moment, l’opération est bloquée au plus haut niveau : Abdoulaye Wade plaide en faveur d’un repreneur africain, n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

son homologue français, Nicolas Sarkozy, aussi. L’establishment parisien, qui ne goûte guère le style Jaber, fulmine. Le Franco-Sénégalais n’en a que faire : au cours d’un nouvel appel d’offres, il fait une proposition trois foissupérieureàcellesdesesrivaux. « C’était un montant hallucinant », se souvient un conseil de l’opération. Aussitôt la privatisation remportée, il déclenche, avec l’appui de l’avocat Rasseck Bourgi, l’un de ses proches, une guerre contre l’Agence française de développement (AFD), principale créancière des filiales africaines de Dagris, lui reprochant de les avoir soutenues au-delà du raisonnable. Cette bataille, traitée en direct par Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, a été « d’une violence inouïe », témoigne un cadre de l’AFD. « La première chose qu’il a faite, ensuite, ç’a été un plan social, explique un ancien dirigeant de Dagris. Puis il a liquidé la Copaco [filiale chargée de la commercialisation], les activités au Brésil et mis en sommeil la filière ouzbek. Il a mis un terme à un rêve : faire de Dagris une tête de pont entre l’Afrique et les pays émergents. » En 2010, il vend le siègeparisienpourunequarantaine de millions d’euros. Aujourd’hui, il assume d’avoir allégé la structure de tête en se défaisant d’une grosse partie des effectifs et d’avoir recentré Dagris, devenu Geocoton, sur l’Afrique. En grandes difficultés financières lors de sa reprise, le

La presse sénégalaise s’est déchaînée contre lui en raison de sa proximité avec Karim Wade. groupe est revenu dans le vert, avec plus de 10 millions d’euros d’Ebitda (revenus avant intérêts, taxes, dotations et provisions)paran. Mais l’opération a laissé des traces dans les cénacles parisiens, où les préjugés antilibanais se mêlent encore aujourd’hui aux reproches sur les méthodes de Jaber. Et puis il y a l’affaire Karim Wade, son autre fardeau. Après plusieurs mois de suspicion et de pression, le nom de l’homme d’affaires a été

blanchi dans le cadre des enquêtes sur l’enrichissement supposé du fils de l’ancien président – et exministre « du ciel et de la terre ». Maislaproximitéréelle,parlepassé, entre les deux hommes a beaucoup terni la réputation d’Abbas Jaber. INIMITIÉS. Tel est le grand para-

doxe de cette aventure entrepreneuriale au cours des dix dernières années. En rachetant (pour un total de 25 millions d’euros) d’ex-joyaux sur le déclin, Abbas Jaber a bâti un groupe agro-industriel incontournable en Afrique subsaharienne. Mais il s’est aussi attiré nombre d’inimitiés. Dans l’arachide, il a transformé l’huilier Sonacos (rebaptisé Suneor) en véritable machine à cash en misant sur les importations d’huile de soja. Mais lorsque la commercialisation des engrais et semences a été retirée à l’entreprise, que l’achat et l’exportation d’arachides ont été ouverts aux étrangers – notamment aux Chinois – et que l’huile de palme asiatique a déferlé sur le territoire, Suneor a sombré. Le chiffre d’affaires, qui frôlait les 150 millions d’euros, est tombé à une trentaine de millions en 2013. jeune afrique


VInCent fournIr/J.a.

Décideurs

« Abbas Jaber, c’est un homme d’affaires à qui on a vendu des unités industrielles mais qui n’a pas du tout investi dans l’outil productif. Il n’a pas non plus investi dans le capital semencier en accompagnant les organisations professionnelles ou les paysans pour qu’ils aient de meilleurs engrais », critique Sidy Ba, secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachides, qui représente entre 10000 et 15000 paysans sénégalais.

p En 2013, Advens a réalisé un chiffre d’affaires de 265 millions dans la transformation de l’arachide et du coton.

Dans le chemin de fer BamakoDakar non plus, Advens n’a guère investi. Sauveur de la société Transrail, qui exploite la ligne, le groupe se retrouve contraint par une concession qui lui impose de rénover des infrastructures. « C’est uniqueaumonde,ilfaudraitplusde 750 millions d’euros pour réhabiliter tout cela », tranche un proche. Enfin, du côté de Geocoton, les débuts ont été difficiles. « Le groupe a été affaibli par la terrible crise cotonnière qui a atteint son paroxysme en 2008-2009. Du coup, il n’a pas pu investir, souligne Bachir Diop, directeur de la filiale sénégalaise Sodefitex. Mais malgré cette conjoncture difficile, les filiales se sont développées, et nous investissons au Sénégal pour diversifier la société dans la minoterie, les aliments pour le bétail, les semences, le tout dans le cadre d’accords contractuels avec les paysans. » BaTaIlle. Abbas Jaber ne cache pas sa volonté de trouver des partenaires pour relancer les activités de son groupe. Mais l’adversité ne l’a jamais mis à terre. Fin 2012, alors que la presse sénégalaise se déchaînait contre lui en raison de sa proximité avec Karim Wade, le patron est entré au capital des Grands Moulins de Strasbourg (GMS), l’un des plus importants exportateurs européens de farine (284,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012), faisant mentir ceux qui annonçaient sa

fin imminente. « Il a une énorme capacité de résistance, il jette tout dans la bataille », confirme JeanJacques Chateau. Aujourd’hui, l’homme assure avoir pris du recul par rapport à la gestion quotidienne et se dit conscient de la nécessité de mieux structurer ses activités. Celui qui a épuisé par son style de management un nombre innombrable de dirigeants, notamment à la tête de Suneor, a nommé pour la première fois un directeur général pour le groupe entier, Yannick Morillon, début 2011. Entre Paris et sa maison dans le sud de la France, il entend seulement « décider des grands axes stratégiques ». D’ici à quelques mois, il finalisera la prise de contrôle des GMS. L’espoir d’un début de réhabilitation à Paris, mais pas seulement : Abbas Jaber, comme un pied de nez à ceux qui assurent qu’il n’a aucune vision stratégique, croit dans les céréales, dont la consommation devrait exploser en Afrique subsaharienne. Il travaille discrètement à la création de terminaux céréaliers à Dakar et à Lomé, voire à des minoteries. Et a fait entrer au tour de table des GMS des coopératives céréalières françaises qui se verraient bien faire leurs premiers pas sur le continent avec lui. Mais sa stratégie précise, il la livre au compte-gouttes.Commeàl’époque où il était encore négociant… l FrédérIc Maury

apa

pIC

Elias MasilEla DaMina aDvisors Le DG du fonds de pension sud-africain PIC, qui quitte ses fonctions fin juin, est annoncé au sein du cabinet américain DaMina Advisors comme conseiller principal et responsable des marchés de capitaux africains. jeune afrique

newmont

on en parle

soulEyManE Coty Diakité FonDs D’EntrEtiEn routiEr Ex-ministre de la Communication, il est désormais président du conseil d’administration du Fonds d’entretien routier (FER) ivoirien. Il succède à Jean-Claude Kouassi, parti présider le Bureau national d’études techniques et de développement.

Johan FErrEira nEwMont Le groupe canadien, qui extrait notamment de l’or au Ghana, a promu son directeur des opérations (depuis 2012) vice-président Afrique. Johan Ferreira a auparavant été vice-président d’AngloGold Ashanti pour l’Afrique du Sud. n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Finance

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nabil zorkot

q La filiale de Société générale a perdu du terrain sur le créneau du crédit à l’économie.

CÔTE D’IVOIRE

La SGBCI se couvre, ses bénéfices trinquent La première banque ivoirienne explique la baisse de son résultat par un provisionnement exceptionnel lié à des prêts risqués. Mais force est de reconnaître qu’elle souffre aussi des assauts de la concurrence.

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Côte d’Ivoire (avec dans son portefeuille 40 % des fonctionnaires du pays), a vu ses bénéfices dégringoler de 44 % en 2013, pour s’établir à 13 milliards de F CFA (près de 20 millions d’euros). Dans le même temps, la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Côte d’Ivoire (Bicici), filiale d’un autre groupe français, BNP Paribas, voyait son bénéfice net exploser de 77 %, à 9 milliards de F CFA. PRUDENCE. La chute du résultat

net de la SGBCI a même affolé la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, au point de faire baisser le cours de l’action entre fin mai et début juin. Mais le marché a vite compris qu’il n’y avait aucun péril en la demeure, et

Top 5 ivoirien (Total de bilan 2012, en millions de dollars)

Source : Jeune afrique Spécial finance 2013

L

e 21 mai, le hall du siège de la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) s’est transformé en salle de spectacle pour la célébration des 150 ans de la maison mère française, Société générale. Des festivités organisées dans un contexte assez spécial, marqué par un recul du résultat net de la SGBCI en 2013, et en présence d’Alexandre Maymat, le directeur délégué chargé de l’Afrique, de l’Asie, de la Méditerranée et de l’outre-mer, arrivé de Paris pour encourager ses collaborateurs à relancer la machine. L’assemblée générale qui s’est tenue cinq jours plus tard a entériné le bilan de l’exercice écoulé. La SGBCI, première banque de

1 1 605

2

le titre est reparti à la hausse, pour atteindre 73 000 F CFA le 18 juin. « Cette contre-performance ne nous inquiète pas, au regard de la croissance constante du produit net bancaire, qui est passé de 59,9 milliards à 60,7 milliards de F CFA entre 2012 et 2013 », commente une source proche de la direction de la banque. Quant au total de bilan, il a lui aussi progressé – d’un peu plus de 8 %, à 865,4 milliards de F CFA en 2013. « Le recul de notre bénéfice est dû à la position prudente que nous avons adoptée en provisionnant intégralement les risques potentiels identifiés par la Commission bancaire », explique une source en interne. Après un contrôle mené au deuxième semestre 2013, le régulateur de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a en effet recommandé à la banque de couvrir ses risques opérationnels, liés notamment à des prêts accordés à certaines entreprises qui pourraient s’avérer improductifs. La SGBCI a donc provisionné un montant de 11,4 milliards de F CFA dans les livres de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)… contre seulement 18 millions de F CFA en 2012. Mais si la SGBCI explique le recul de son bénéfice par la couverture des risques opérationnels, il faut dire aussi qu’elle a perdu du terrain, sur certains segments du marché, au profit de concurrents comme Ecobank. Par exemple, sur le créneau du crédit à l’économie – c’est-à-dire les prêts aux entreprises et aux particuliers – qu’elle dominaitjusque-là,elleaétédépassée l’année dernière par la filiale locale du groupe panafricain. Ecobank a

1 286

SGBCI

Ecobank

3 953

BIAO

4 879

Banque Atlantique

5 834

Bicici jeune afrique


Baromètre

challengers. Pris dans la résolution de ce conflit social et dans la réorganisationdesonmanagement, le groupe Société générale a été ralenti dans son programme de développement en Côte d’Ivoire. En 2013, il n’y a consacré que 3,7 milliards de F CFA sur les 7,6 milliards budgétisés. Mais la banque assure que 2014 marquera le retour des ouvertures d’agences, pour porter leur nombre de 67 actuellement à 80 fin 2015. Et que les prêts aux entreprises et aux particuliers redémarreront. Elle prépare d’ailleurs un crédit de 75 milliards de F CFA en faveur de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) pour permettre à cette compagnie publique de sécuriser ses approvisionnements en pétrole brut. Reste que sur un marché aussi concurrentiel que la Côte d’Ivoire, ces bonnes résolutions ne sont pas forcément un gage de réussite. Car Ecobank et BNP Paribas, mais aussi Bank of Africa, Banque Atlantique et Attijariwafa Bank, sont autant de challengers qui ne comptent pas se laisser distancer. l

PÉTROLE

« des prix élevés, une épée à double tranchant pour les africains »

L’avancée des jihadistes irakiens vers Bagdad suscite de vives tensions sur le marché mondial de l’or noir. Doté des quatrièmes réserves mondiales d’hydrocarbures, le pays est aussi le deuxième plus grand producteur de l’Opep [Organisation des pays exportateurs de pétrole], avec environ 3,3 millions de barils par jour fin 2012. Les inquiétudes récentes de l’agence internationale de l’énergie sont d’autant plus fondées que dans ses prévisions mondiales – 30 millions de barils par jour –, l’Opep avait misé sur une augmentation de la production de l’Irak. Les insurgés ayant ciblé certaines infrastructures pétrolières telles que la raffinerie clé de Baiji, il

n’est pas surprenant que cette menace ait entraîné une flambée des prix. nous pensons que le cours du pétrole est susceptible de rester au-dessus de 100 dollars le baril pour à peu près le reste de cette année. et que les fluctuations resteront très serrées à court terme : entre 100 et 120 dollars le baril. La demande est encore forte dans le monde non-OcDe, alors que l’offre continue de varier en fonction de l’impact de la croissance de la production de gaz de schiste et des perturbations de l’approvisionnement au Moyen-Orient. Pour les producteurs africains, ce niveau élevé des prix sera une épée à double tranchant. Les grands pays exportateurs comme le nigeria et

rolake akinkugbe

Vice-présidente énergie et ressources naturelles chez FBN Capital

l’angola, dont le brut, de bonne qualité, est coté avec une prime, verront leurs recettes publiques augmenter.Toutefois, si les cours du pétrole continuent d’être soutenus à moyen terme, cela pourrait avoir un impact sur les prix à la pompe et créer de nouvelles préoccupations socio-économiques, aussi bien pour les pays producteurs que pour les nonproducteurs. » l

cours du baril de brent à la Bourse de londres (en dollars) 118

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6.9.2013

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03/04/14

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SourCe : LeS ÉChoS

accordé 436 milliards de F CFA de crédits, soit près de 10 milliards de plus que la SGBCI. Autre donnée non négligeable : les mouvements sociaux intervenus au sein de la filiale de Société générale au deuxième semestre 2013, qui ont perturbé son fonctionnement. Arrivé à la tête de la SGBCI en septembre, Hubert de Saint-Jean a dû mettre en place une nouvelle équipe dirigeante pour relancer la banque. Harold Coffi, ex-directeur général adjoint de BIAO Côte d’Ivoire, a ainsi été recruté pour occuper un poste similaire au sein de la SGBCI. Et Bassirou Diagne, ancien directeur général adjoint de la Société générale de banques au Sénégal (SGBS), a rejoint l’équipe ivoirienne dans la même fonction. Pourcalmerlafrondedesemployés, la direction a procédé à quelques augmentations de salaire, portant le coefficient d’exploitation de la banque à 61 %, contre 54 % auparavant (la moyenne du secteur tourne autour de 70 %).

Finance

Baudelaire Mieu, à Abidjan jeune afrique

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Culture & médias

MuSique

accords Avec les 42 cordes de leurs deux koras, Toumani et Sidiki Diabaté livrent un album somptueux célébrant le dialogue pour un pays dont le souffle puissant vibre dans chacune de leurs notes.

FlorenT Mazzoleni

e

Youri Lenquette

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n 1987, un jeune musicien malien de 22 ans débarquait à Londres afin d’y enregistrer Kaira (« Espoir »), son premier album instrumental à la kora, cette harpe-luth à vingt et une cordes montée sur une calebasse. Il rendait ainsi hommage, avec « cette carte d’identité musicale », au mouvement de résistance culturelle baptisé aussi Kaira pour lequel son père, Sidiki Diabaté, s’était battu. Au cours des années 1960 et 1970, ce dernier avait redonné ses lettres de noblesse à la kora et modernisé son jeu pour en faire l’un des instruments emblématiques du continent. Depuis la sortie de ce disque fondateur, Toumani Diabaté appartient au club des musiciens qui ont rendu la musique africaine universelle, en la situant hors du temps et en repoussant toujours plus loin les limites de la kora. De cet instrument traditionnel, fleuron du griotisme et de la musique de cour mandingue, il a fait un symbole d’intemporalité en conjuguant virtuosité et innovation. Chez lui au Mali comme sur les plus prestigieuses scènes du monde, en solo, en duo, avec Ketama, Ali Farka Touré, Amadou et Mariam, Taj Mahal, Björk, Dee Dee Bridgewater et Damon Albarn, Toumani Diabaté n’a jamais galvaudé son art. En ces temps de crise, il soutient que l’apport de la culture est plus que salutaire pour aider un peuple à relever la tête, fier de son héritage pluriséculaire, et il revendique bien volontiers ce rôle de thérapeute. « Nous sommes des ambassadeurs de notre culture et le Mali a besoin de nous. En tant que griot officiel de la République du Mali, je rends hommage aux personnes qui se sont battues pendant la crise, à commencer par Dr Cheick Modibo Diarra, à qui nous dédions jeune afrique


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de paix ici un morceau. Il a beaucoup fait pour nous, il a dirigé un gouvernement sans se faire payer, c’est la première fois que cela se produisait dans l’histoire du Mali. » REconnaissancE. En 1997, Toumani Diabaté

enregistrait dans le vestibule en marbre du Palais des congrès de Bamako l’album New Ancient Strings, sous la houlette de la musicologue et productrice britannique Lucy Durán. La kora de Toumani répondait alors merveilleusement à celle de son collègue Ballaké Sissoko, alors que tous deux reprenaient le répertoire de leurs aïeux qui avaient déjà enregistré ensemble Cordes Anciennes, en nous sommes 1970. Ce disque offrait à la kora une une famille de première forme de reconnaissance en Occident, posant les bases d’une musiciens depuis musique classique africaine. soixante-douze To u m a n i D i a b a t é re n o u e générations ! aujourd’hui avec le duo de koras se faisant face et dialoguant, cette fois-ci avec son fils aîné, Sidiki Diabaté, comme une manière de conjurer le sort : son père, Sidiki Diabaté (le petit-fils porte le même nom que le grand-père), était décédé peu avant l’enregistrement de New Ancient Strings. Réalisé de manière très simple dans un grand studio londonien, l’album Toumani & Sidiki est coproduit par Lucy Durán, elle-même ancienne élève de feu Sidiki Diabaté, découvreuse de Toumani et qui a vu grandir son fils. « Mon père, Sidiki, avait semé des graines, reconnaît Toumani à propos de cet enregistrement familial. Je les ai cultivées, j’ai étendu le champ de la kora et je le transmets aujourd’hui à mon fils. Il possède un don particulier dont je suis très fier. On peut trouver de grands musiciens au Mali, mais, nous, nous sommes une famille de musiciens depuis soixante-douze générations ! » Pas faux ! Dès les premières notes, c’est une osmose totale, corps et âme, qui se fait entendre entre un homme et son instrument. Au point que l’on jurerait parfois que les cordes de la kora bougent seules, comme guidées par l’esprit de Toumani, alors que ses pouce et index virevoltent à une vitesse inouïe. Il joue de son instrument l l l jeune afrique


Culture médias musique

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père mais celle de jouer avec un maître, une vedette. Il m’a juste conseillé de jouer ce que je voulais. Il m’a donné ma chance. J’ai développé mon jeu tout seul, car il n’a pas vraiment eu le temps de m’apprendre. Cet album me permet de me rapprocher de lui. Je suis encore un élève qui cherche son instrument et souhaite s’améliorer. » Nulle fausse modestie ici, mais plutôt l’aveu d’un jeune musicien respectueux d’une tradition ancestrale. Enthousiaste, il poursuit : « Je souhaite amener la kora dans d’autres univers, notamment vers le hip-hop, tout en préservant son originalité et son caractère. Je pourrais Le même jouer avec manche en Beyoncé ou One bois de vène Direction. » mesure plus

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d’1,20 m. Il traverse armes. âgé la calebasse et de 24 ans, Sidiki permet de fixer Diabaté peut les cordes. aujourd’hui remplir un stade à Bamako avec son duo hip-hop, Iba One. Sacré quatre fois « meilleur beatmaker du Mali », mais aussi producteur, compositeur, arrangeur, rappeur, chanteur et pianiste, il est l’un des fers de lance d’une nouvelle génération de musiciens maliens, décomplexés et connectés avec le monde, n’hésitant pas à marier les musiques du Nord et du Sud. Conscient des réalités traversées par son pays, il a enregistré, produit et composé une chanson pour la paix au Mali avec ses amis rappeurs. « On ne peut pas ne pas se mêler de politique car nous aimons notre pays, dit-il. Nous n’avons que des chansons mais nous nous en serLe vons comme des corps est armes. Nos morcomposé ceaux plaisent à la d’une demijeunesse et nous calebasse évidée ne souhaitons que et recouverte d’une la paix et l’unité peau maintenue par de notre pays. » des clous. Lumineux, Toumani & Sidiki défie les lois de la gravité émotionnelle. Tour à tour enlevé, puissant, mélodique, intense, spirituel ou mélancolique, ce disque illustre comme peu d’autres, à l’exception de New Ancient Strings et de The Mandé Variations, le dernier opus solo de Toumani Diabaté (2008), une tradition musicale vieille de sept siècles, amplifiée par la virtuosité indomptable des Diabaté père et fils. Et de leurs vingt et une cordes : sept pour le passé, sept pour le présent et sept pour l’avenir. l

e s /C it Angl

l l l comme s’il s’agissait à la fois d’une guitare, La calebasse d’une basse et d’une batterie ! des dieux « Avec ce disque, mon deuxième album en Instrument duo, je construis un pont entre l’Afrique et le traditionnel reste du monde. Si l’usage de la kora pouvait se en Gambie, au répandre dans le cercle de la musique classique, Sénégal, au Mali, je serais ravi. J’essaie d’ouvrir des portes, je vise en Guinée, la kora à faire se rencontrer différentes cultures, qu’elles est une harpe-luth soient arabo-andalouse, africaine ou occidenmandingue. tale. Je suis mon instinct. L’Occident ne connaît qu’une partie infime de la culture africaine. Avec mes vingt et une cordes et mes quatre doigts, je poursuis une direction qui vise à faire évoluer la kora, en lui donnant une ampleur inédite. Notre musique vient du passé pour construire un futur meilleur. » Musicien virtuose et voyageur aguerri Autrefois réalisées avec interpellé par les fossés séparant Nord des boyaux, les cordes, au et Sud, Toumani commente avec nombre de 21 en général, lucidité : « En Europe, on fait comme sont aujourd’hui en fil de si un bout de papier était plus pêche, voire remplacées important qu’une âme humaine. par celles fabriquées Or l’Europe a besoin de musiciens pour les harpes. africains, qui ajoutent du piment à la sauce musicale. Mais en Afrique, on doit aussi réaliser que l’Europe n’est plus un eldorado. Or les Africains ne s’en rendent pas compte. Ce que les migrants laissent derrière eux est bien plus important que ce qu’ils vont trouver après avoir traversé le Sahara ou fait naufrage en Méditerranée. Qui plus est, la famille est toujours redevable des Il existe une dettes contractées kora électrique et il faudra toubaptisée gravijours rembourser les passeurs. » kora du nom de son inventeur, Lévitation. Sur Robert Grawi. le disque, l’éloquent « Lampedusa », seul morceau improvisé en studio, rend hommage à ces drames de l’indifférence. Complices en émotions, les koras du père et du fils rayonnent. Nimbée d’un lyrisme mélancolique, celle de Toumani libère une musique en lévitation, hors des modes et des villes. Elle suscite un courant de sensations qui ne se tarit jamais. Plus alerte et urbaine, celle de Sidiki lui répond d’une voix vive et impétueuse. En un regard et deux pincements de pouce, les musiciens embrasent et perpétuent ensemble la tradition. Leurs vingt et une cordes incarnent à la fois le souffle de tout un peuple et la voix du fleuve Niger. Fier de l’ouvrage accompli, Toumani commente : « Sidiki possède un style très moderne, il joue de manière intuitive. » Sidiki, lui, ne cache pas l’émotion née de cet enregistrement : « Pour ce disque, j’avais la pression : pas celle de mon

J. -M .

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Toumani & Sidiki (World Circuit/Harmonia Mundi) jeune afrique


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Culture médias

Art contemporAin

Kaléidoscope et crayons de couleur À Genève, le Musées des suisses dans le monde accueille une sélection d’œuvres signées par des artistes africains de renom. Comme une introduction à la vive créativité du continent.

une maquette de bateau prise dans une tempête et dont les voiles sont toutes de wax. Ici l’Afrique est, si l’on veut, un mini « Africa Remix », du nom de l’exposition qui s’est tenue à Paris, notamment, en 2005. Les œuvres exposées dans l’écrin d’une demeure datant du XIVe siècle étant pour la plupart de qualité, personne ne boudera son plaisir : il s’agit d’une bonne et kaléidoscopique introduction à l’art contemporain africain – si tant est qu’une telle catégorie existe.

collection P. fuchs/b. montant/m. colucci, genève

CrAyons. Mais si « Ici l’Afrique » suscite

p « La liberté de rire s’impose à tout citoyen », clamait Frédéric Bruly Bouabré.

C

est une première ! Jusqu’au 6 juillet 2014, le Musée des Suisses dans le monde, installé dans le très douillet château de Penthes, à Genève, accueille l’Afrique. Non pas l’Afrique de la misère et des clichés, mais une Afrique chamarrée vue par une vingtaine de ses meilleurs artistes. Selon Adelina von Fürstenberg, commissaire de l’exposition « Ici l’Afrique » et directrice de Art of the World, il s’agit d’insister « sur la nécessité impérieuse pour la jeune génération de continuer le combat de Mohamed Ali, d’avoir de l’imagination et des rêves, des espoirs et des opportunités, de vouloir investir ses forces vives dans la vision d’un monde meilleur ». En vrai, « Ici l’Afrique » est un pot-pourri d’œuvres remarquables entre lesquelles il serait vain de chercher un lien ou une narration. Plusieurs générations y sont représentées, mais sans jeune afrique

aucune prétention chronologique. En matière de photographie par exemple, les incontournables Malick Sidibé (Mali) et J.D.’Okhai Ojeikere (Nigeria), pionniers en noir et blanc de la photo africaine, côtoient le très contemporain Pieter Hugo (Afrique du Sud). WAX. De même, du côté de la peinture,

un intérêt particulier, c’est surtout pour la pièce qui est consacrée à l’artiste ivoirien Frédéric Bruly Bouabré, décédé le 28 janvier 2014. Patrick Fuchs, doyen du CFP Arts appliqués de Genève et collectionneur d’art, a prêté pour l’occasion toute une série de dessins. Et en particulier la très touchante série « La liberté de rire s’impose à tout citoyen pour mener son peuple vers le bien-être » réalisée en 2012. À savoir 200 joyeux dessins colorés au crayon de couleur où des Togolais, des Mauritaniens, des Gabonais, des Tunisiens, etc., lèvent le poing pour proclamer leur droit au rire. Avant de mourir, Bruly Bouabré avait dessiné l’affiche de l’exposition et proclamé « Ici l’Afrique colore Genève ! Oui le monde deviendra la proie de gigantesques crayons de couleur. » Il avait aussi répondu à des questions envoyées par Patrick Fuchs, et ce qui sera sa dernière interview, publiée dans le catalogue, permet d’entendre une ultime fois la voix de ce personnage extraordinaire qui fascina Théodore Monod. « Les crayons, cela permet de dessiner, et c’est grâce à eux que Bruly

« Ici l’Afrique » mêle allègrement les grands « Cette exposition est la parabole tableaux de Chéri Samba d’un monde où la distinction (République démocratique du Congo), les nord-sud n’a plus d’importance. » aquarelles de Barthélémy Toguo (Cameroun) et les travaux sur a été connu du monde, déclarait-il. carton d’Omar Ba (Sénégal). Côté sculpCette exposition est la parabole d’un ture, Gonçalo Mabunda (Mozambique) monde où la distinction Nord-Sud n’a présente ses habituelles compositions plus d’importance, où l’humanité est réalisées avec des armes déclassées et réunie grâce à l’art à Genève. » Que soudées, Romuald Hazoumé (Bénin) demander de plus, au fond ? l ses masques-bidons, et Yinka Shonibare niColAs MiChel, (Nigeria) une superbe méduse – en réalité envoyé spécial à Genève n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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PhiliPPe MaTSaS/oPale

t La romancière sud-africaine, à Lyon, en avril 2014.

SIM d’identité) ou, pis encore, vous déconnecter. « Alors vous êtes hors jeu. Pas de téléphone. Pas de service. Pas de vie », écrit la romancière. CettetraductiontardivedeMoxylandest d’autant plus troublante qu’en l’espace de six ans, la réalité a bien souvent rattrapé la fiction, confirmant les talents d’anticipation de l’écrivaine. Un exemple ? « Lors des récentes protestations en Ukraine [quand le président prorusse Viktor Ianoukovitch était encore au pouvoir], les manifestants ont reçu un SMS les avertissant que leur rassemblement était illégal et qu’ils devaient se disperser, relève Lauren Beukes. Cela rappelle de façon inquiétante une scène de Moxyland. » Sauf que dans le livre, les contrevenants sont ensuite aspergés d’une pluie chimique les obligeant à se rendre dans un centre de décontamination pour échapper à une mort certaine.

Science-fiction

TwiTTer. Vous l’aurez compris : l’avenir tel que le conçoit cette blonde souriante, mère d’une fille de 5 ans, n’a rien de rassurant. « Je suis optimiste mais Alors que Broken Monsters sort en anglais début juillet, Moxyland aussi pragmatique, nuance-t-elle. Je ne (2008) vient enfin d’être traduit. Entre-temps, la réalité a rattrapé peux pas ignorer à quel point la techla fiction, confirmant les talents d’anticipation de Lauren Beukes. nologie peut être utilisée contre nous, je ne peux pas fermer les yeux sur tout ce Les éditions Presses de la Cité veulent que nous sommes prêts à sacrifier par écouvrir les livres de Lauren commodité. » Et cette accro au web, forte rattraper ce retard: après Les Lumineuses Beukes au fil de leur paruet une réédition de Zoo City en 2013, elles de 19 900 abonnés sur Twitter (par comtion en français, c’est un peu paraison, Deon Meyer, le maître du polar viennent enfin de traduire le tout premier se retrouver dans la peau sud-africain, en compte moitié moins), livre de Lauren Beukes, Moxyland, publié de Harper Curtis, le tueur en série des en 2008 en Afrique du Sud et de plaider coupable: coupable Lumineuses, capable de voyager dans le temps pour commettre ses crimes en toute dont André Brink lui-même dit d’accepter les conditions d’utiimpunité. Ce thriller fantastique situé à qu’il « a tout d’un roman culte ». lisation de Facebook, coupable Chicago, troisième opus de l’auteure sudL’histoire se passe en 2018 de publier des informations africaine, a été publié l’an dernier dans au Cap – où réside l’auteure. La personnelles sur les réseaux une vingtaine de langues et s’est placé nation Arc-en-Ciel est alors le sociaux, coupable de laisser Google exploiter ses recherches dans le top 5 des ventes au Royaume-Uni. royaume des multinationales L’AméricainStephenKing,roidususpense, qui, aidées par « gouvernesur internet… l’a rangé parmi les dix meilleurs livres de ment inc. », régentent la vie La ségrégation économique des citoyens via leur téléphone à l’œuvre dans Moxyland 2013, et l’acteur Leonardo DiCaprio en a acquis les droits d’adaptation télévisée. portable. L’appareil sert à tout : rappelle bien entendu celle, Moxyland, raciale,qu’alongtempsconnue En France, Lauren Beukes, 38 ans, a payer ses achats, accéder à son de Lauren l’Afrique du Sud. « C’est un été traduite une première fois en 2011 logement, utiliser les transports Beukes, traduit avec Zoo City, son deuxième ouvrage. en commun (réservés, bien sûr, phénomène mondial », estime de l’anglais Récompensé par le prix Arthur-C.-Clarke aux employés des grandes coml’ancienne journaliste, qui a (Afrique du dumeilleurromandescience-fiction–une pagnies)… Mais surtout, c’est également travaillé comme Sud) par Laurentscénariste pour une série télépremière pour un Africain –, ce livre imaun formidable outil de contrôle Philibert visée sur l’archevêque et miliginant, à Johannesburg, une « animalée » de la population : les forces de Caillat, Presses condamnée à vivre en symbiose avec un l’ordre peuvent envoyer des tant antiapartheid Desmond de la Cité, paresseux est pourtant passé relativement décharges électriques via votre Tutu. « Les divisions sont 314 pages, inaperçu dans le monde francophone. « ID SIM » (comprendre : carte devenues beaucoup plus fortes 20 euros

Le pire est avenir

D

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jeune afrique


Culture médias entre riches et pauvres qu’entre Noirs et Blancs – même si la question raciale reste très présente dans mes romans. Et ce qui complique les choses, c’est qu’il n’y a plus de grand méchant évident contre lequel se battre, comme c’était le cas avec le régime de l’apartheid. » Pour cette éclectique (elle publie des romans graphiques, a réalisé un film sur le concours de beauté Miss Gay Western Cape, a collaboré à l’émission satirique Z News au côté du caricaturiste Zapiro…), la lutte passe donc par un réveil des consciences ; et les héros de son livre s’improvisent saboteurs culturels en projetant animations, films amateurs et documentaires sur les panneaux publicitaires omniprésents dans la ville. Afin que, de consommateurs passifs, les habitants deviennent spectateurs critiques. Comme les lecteurs de Lauren Beukes ? l

Parlez-vouS moxyland ? « L’Afrique du Sud est un endroit fou, il y a un mélange de croyances traditionnelles et de technologies très sophistiquées qui fait de ce pays un terreau idéal pour la sciencefiction », dit Lauren Beukes. dans Moxyland, cela se traduit par une profusion de néologismes désignant autant d’inventions toutes plus probables les

unes que les autres. une « pivopiaule » est un appartement qui tourne sur lui-même pour une exposition optimale au soleil, tandis que les parois d’un « souterr » seront équipées, en guise de fenêtre, d’un « murAmur » affichant un paysage animé ; un « camélémanteau » est un vêtement qui retransmet sur son « smartissu » toutes sortes de vidéos ; et les centrales

« marégulatrices » permettent aux « aquatrains » de circuler à n’importe quelle heure. enfin, quand des rebelles armés de machettes s’en prennent aux « Aitos », ces bestioles mi-chien mi-robot disparaissent sous une « rwandade » de coups – preuve que la science-fiction sait aussi se souvenir. l F.m.

Fabien mollon

Littérature

Jardin d’Éden En voyageur sensuel, l’écrivain tunisien Ali Bécheur explore le microcosme intemporel de l’oasis, espace géographique originel.

C

hems Palace est un roman de la confrontation entre l’humain et l’espace de l’oasis. Nadir, fils du cru dont la ville a fait un parvenu, revient sur les lieux de son enfance auxquels il voudrait imposer son empreinte à travers des projets grandioses. Ce promoteur touristique qui se rêve prophète en son pays s’achète une histoire en commandant sa biographie à un ancien instituteur. Mais la palmeraie et les siens ne lui permettront pas de « prendre en otage le soleil » ni de les dépouiller de leurs rituels et de leurs rythmes. Au-delà du récit, Ali Bécheur parsème de symboles un parcours initiatique qui ramène l’instituteur à un espace géographique originel, l’oasis. « La réconciliation est nécessaire et la complaisance une injure », confie l’auteur en faisant allusion aussi bien à son personnage qu’à son pays, la Tunisie. Si « chaque roman impose sa forme », Ali Bécheur, qui peaufine ses manuscrits jusqu’au dernier moment, sculpte dans une langue lumineuse un univers tout en digressions et en nuances où la

jeune afrique

pierre est rude, le thé âcre, les gestes répétés à l’infini et les hommes tels qu’en eux-mêmes. Sable. L’oasis est lieu d’humilité, où les

dogmes, les codes et l’autarcie ouvrent, en un subtil paradoxe, à la liberté. Indigent et opulent, ce microcosme minéral et végétal se fait lieu de révélation. Dans ses eaux et ses voiles verts, elle n’est que superpositions et dédales qui se confondent avec les femmes, énigmes désirées qui toujours échappent ou se dérobent. Le souvenir de Gisèle, la superbe de Taous, et le pouvoir de Sandra se rejoignent dans la douceur de l’écriture, gardienne de mémoire. À l’âme féminine de l’oasis répond le sable qui file comme le temps et où se perdent les traces. « On écrit sur du sable, mais on écrit quand même, c’est une nécessité que l’on ne peut éluder. Pour laisser une marque, ruser avec le temps et l’ombre de la mort », précise l’ancien avocat entré en écriture en écoutant les contes de sa tante Oummi Khaddouja. Pour lui, l’osmose entre le végétal bruissant et le quotidien scandé par les chants des marabouts

Chems Palace, d’Ali Bécheur, Éditions elyzad, 348 pages, 19,90 euros

ouvre sur une éternité qu’il restitue à travers la volupté. « L’écriture n’est pas un reportage, dit-il. Un romancier travaille sur l’imagination et ne vit jamais en dehors de la sensualité. Je veux transmettre des saveurs, des odeurs et des sentiments », dit-il. Pourtant, Bécheur lui-même n’est jamais retourné à l’oasis primordiale: elle foisonne, au creux de ses mots, irriguée par les seguias de sa mémoire et magnifiée par une langue qui roule, précise et exubérante, dans ses veines. Emportée dans un tourbillon sensoriel, l’histoire, finalement accessoire, célèbre le cycle du temps, de l’oasis et des femmes. l Frida dahmani, à Tunis n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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Culture médias En vue Bande dessinée

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

Gett, le procès de Viviane Amsalem, de Ronit et Schlomi Elkabetz (sortie à Paris le 25 juin) nnn

Putsch en Guinée-Bissau Le dessin de Renaud Garreta est un peu rapide, rappelant celui d’un story-board. Le scénario de Jean-Claude Bartoll, quant à lui, ne s’embarrasse guère de nuances. African Connection est donc une Bd tout feu tout flammes qui se lit comme un sAs du regretté Gérard de Villiers, même si l’héroïne est plus avare de ses charmes que de ses coups de feu. Les amateurs apprécieront ses courbes comme le cynisme totalement incorrect dont elle fait preuve. l Nicolas Michel

African Connection, Insiders saison 2, de Bartoll et Garreta, Dargaud, 52 pages, 12 euros n n n

Cinéma

Divorce à l’israélienne dur, dur d’être une israélienne qui entend divorcer. même quand le couple est déjà séparé. Car, comme il n’y a pas de mariage civil en israël, seule l’autorité religieuse peut autoriser la rupture. mais, perpétuant la tradition patriarcale, elle n’y consent que si le mari est lui-même d’accord. Or, dans ce film, le mari n’est pas d’accord. La succession de comparutions des époux devant un tribunal rabbinique, qui forme la trame de ce huis clos, pourrait lasser. mais grâce à la mise en scène très réussie des elkabetz frère et sœur et aux interprétations remarquables de simon abkarian et de ronit elkabetz, on suit sans jamais s’ennuyer cette chronique tragicomique d’un conflit insoluble. Qui démontre à quel point la confusion des genres entre le civil et le religieux conduit à des situations dramatiques. À Tel-aviv comme ailleurs. l ReNauD De RocheBRuNe

Et il est comment le dernier…

… RACHID BOUDJEDRA

I

l n’est pas près de s’assagir, Rachid Boudjedra. Il est vrai qu’on ne peut guère s’attendre à ce qu’un auteur septuagénaire change subitement de caractère, encore moins de style. Avec Printemps, le plus prolifique des écrivains algériens propose à nouveau un livre plein de fureur, de colère, d’imprécations, sur fond de passion amoureuse entre femmes. Ce roman foisonnant raconte l’histoire de Teldj, une jeune Algérienne trentenaire, originaire des Aurès et professeure de littérature à Alger, déterminée à « vivre autrement » à tous les égards. Fascinée par les grands textes de la culture arabo-musulmane sur le plaisir et l’amour, elle a mené depuis l’enfance une existence peu banale et n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

tourmentée. Abusée à l’âge de 7 ans, orpheline peu après que sa mère, sagefemme, a été égorgée par un islamiste, devenue championne du 400 m haies au niveau mondial avant de se tourner vers la recherche, globe-trotteuse polyglotte, elle ne cache en rien son choix homosexuel dans un pays où ce penchant n’est guère accepté. Et la voilà qui se prend de passion pour une belle Espagnole venue s’occuper de la maintenance du métro d’Alger, avec laquelle, pendant l’essentiel du livre, elle va vivre une aventure. Et parler de tout, y compris et surtout de la marche du monde en cette période où prend de l’ampleur le Printemps arabe. D’où le titre du livre, cependant trompeur. Car Boudjedra le marxiste, à l’instar de son héroïne et

porte-parole, ne croit pas que les soulèvements de ces dernières années dans le monde arabe puissent mériter le qualificatif de « Printemps » et encore moins celui de « révolution » attribué par les médias occidentaux. Qu’ils menaient tout droit à l’« hiver »

Printemps, de Rachid Boudjedra, Grasset, 304 pages, 20 euros n n n

islamiste, marquant un recul et non un progrès, était selon lui dès le début une évidence. Teldj, ressassant la comparaison avec les événements de la fin des années 1980 en Algérie, ne cesse de le marteler. Au fond, ces prétendues révolutions n’étaient que des émeutes stupides menées par des jeunes sans idéal qui ne se savaient pas manipulés. Par les fous de Dieu comme par leurs alliés objectifs des pays du Golfe et du monde occidental ultralibéral. Voilà ce que voulait asséner Boudjedra dans ce roman-récit au style torrentiel et aux arguments pour le moins contestables. Mais qui peut et doit se lire comme un cri poussé par un homme à vif qu’exaspèrent les discours dominants. l ReNauD De RocheBRuNe jeune afrique


Culture médias Musique

aux racines de la musique noire

Alors que l’exposition « Great Black Music » se poursuit jusqu’au 24 août à la Cité de la musique (Paris), un coffret original la complète.

P

Playlist

rêveries expérimentales NéE aU SéNéGaL en 1981, élevée au Koweït où, en 1990, elle survit avec sa famille au traumatisme de l’invasion irakienne, Fatima al Qadiri vit aujourd’hui à New York. Cette artiste conceptuelle – mais aussi journaliste de mode pour des magazines d’art influents comme Bidoun et DIS – avait déjà démontré dans ses précédents EP (Genre-Specific Xperience, en 2011) et autres projets multimédias à quel point elle était inventive. Ce qu’elle confirme dans Asiatisch, son premier album, où les sonorités du grime londonien accueillent des mélodies et des poèmes chinois, où les chœurs atmosphériques et autres machines industrielles côtoient les rythmes hiphop et R&B, voire l’imagerie des jeux vidéo (qu’elle affectionne), pour un voyage dans une Chine imaginaire à l’heure de la mondialisation et du numérique. Une pure merveille. l Jean-sébastien Josset

Asiatisch, de Fatima Al Qadiri (Hyperdub/Differ-Ant) nnn

© Vincent Fournier/JA

Bill Wagg/RedfeRns/getty images

arfait, peut-être pas – mais pas loin. Voilà un coffret instructif et franchement jubilatoire, très représentatif de la black music, de ses racines comme de sa musicalité. Les passionnés y retrouveront nombre d’éléments qui ont fait sa force et sa créativité: les progressions harmoniques typiques du blues, le phrasé swing, cette manière de penser le temps, toujours un peu décalée, les descentes de quintes, le scat, les notes attrapées « par en dessous », les accents sur les deuxième et quatrième temps… Toutes ces choses un peu techniques qui, justement, dans la black music, ne sonnent pas comme une technique. C’est vivant, joyeux, douloureux, ni l’un ni l’autre, un peu les deux. La qualité des enregistrements est très bonne, le son très présent, sans jamais être ne s’illustrent que d’une saturé. Un travail superbe manière encore éloignée mis au service de thèmes de leur pouvoir d’affranqui s’enchaînent dans des chissement aux règles styles différents, mais que esthétiques de leur genre l’on prend plaisir à écoumusical. On pourra aussi ter pour eux-mêmes et se demander pourquoi pas seulement comme le son Motown n’est pas Great Black Music cité, ou pourquoi l’hisdes témoignages du Roots, Frémeaux et passé. L’approche histoire s’arrête pour l’heure associés nnn en 1962. Mais ce ne sont torique, elle, permettra, livret sous les yeux, d’être là que petites imperfections sans importance. On ne se lasse surpris par la modernité de nombre pas d’écouter, de découvrir, d’être surde morceaux. On pourra peut-être regretter que Dizzy Gillespie n’appapris, et de réécouter. Un plaisir constant. Et très grand. l raisse qu’en invité de Charlie Parker, Marc rosenfeld ou que James Brown et John Coltrane

Chaque soir sur TV5MONDE

20h30 heure de Dakar et 21h30 heure de Tunis En partenariat chaque mardi avec

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France RÉPUBLIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET D’APPUI INSTITUTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES ET LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE (PACADEC).

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT (SERVICES DE CONSULTANTS)

Secteur : Gouvernance économique et Réformes financières - Référence de l’accord de financement : 2100155019170 - N° d’Identification du Projet : P-CG-KFO-001 Recrutement d’une firme pour le diagnostic opérationnel du Fonds de Garantie et de Soutien des PME et plan d’accompagnement vers le Fonds d’Impulsion de Garantie et d’Accompagnement des PME

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu un don du Fonds Africain de Développement (FAD), en différentes monnaies pour financer le coût du Projet d’Appui Institutionnel pour l’Amélioration du Climat des Affaires et la Diversification de l’Economie Congolaise « PACADEC ». Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce don sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché de « Recrutement d’une firme pour le diagnostic opérationnel du Fonds de Garantie et de Soutien des PME et plan d’accompagnement vers le Fonds d’Impulsion de Garantie et d’Accompagnement des PME ».

Manifestation d’intérêt

2. Les services prévus au titre de cette mission comprennent : • Actualisation de l’étude menée par la Belgian Bankers Academy (ciaprès : « BBA ») sur la faisabilité d’un fonds d’impulsion et d’un fonds de garantie destinés à soutenir la création et le développement de PME ; • Audit organisationnel et fonctionnel du FGS-PME et définition de son plan de migration vers le FIGA-PME ; • Renforcement des capacités institutionnelles, managériales et opérationnelles afin d’améliorer les services fournis par le FIGA-PME.

l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement, Edition de Mai 2008, révisée en Juillet 2012 » qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un Cabinet n’implique aucune obligation de la part de l’unité de coordination du projet de le retenir sur la liste restreinte. 5. Les Cabinets intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l'adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : 08 heures 00 à 16 heures 00 (heure locale). 6. Les expressions d'intérêt doivent être déposées à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard, le 03 juillet 2014 à 12 heures, heure locale et porter expressément la mention : « Recrutement d’une firme pour le diagnostic opérationnel du Fonds de Garantie et de Soutien des PME et plan d’accompagnement vers le Fonds d’Impulsion de Garantie et d’Accompagnement des PME ».

3. L’Unité de Coordination du projet invite les cabinets à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les cabinets intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les dites prestations.

Projet d’Appui Institutionnel pour l’Amélioration du Climat des Affaires et la Diversification de l’Economie Congolaise (PACADEC) A l'attention de : Monsieur le Coordonnateur des Projets PADE-PACADEC Rue, Locko Isaac N°05 et 06 secteur Blanche Gomez Brazzaville-Congo Tél : (242) 06 668 24 31 /05 574 18 75 ; e-mail : pade.pacadec@yahoo.fr

4. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour

Le Coordonnateur Joseph MBOSSA

RÉPUBLIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET D’APPUI INSTITUTIONNEL POUR L’AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES ET LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE (PACADEC).

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT (SERVICES DE CONSULTANTS)

Secteur : Gouvernance économique et Réformes financières - Référence de l’accord de financement : 2100155019170 - N° d’Identification du Projet : P-CG-KFO-001 Recrutement d’un Cabinet de Consultant chargé de l’étude de faisabilité de création d’une Chambre des métiers de l’Artisanat (CMA) en République du Congo

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu un don du Fonds Africain de Développement (FAD), en différentes monnaies pour financer le coût du Projet d’Appui Institutionnel pour l’Amélioration du Climat des Affaires et la Diversification de l’Economie Congolaise « PACADEC ». Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce don sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché de « Recrutement d’un Cabinet de Consultant chargé de l’étude de faisabilité de création d’une Chambre des métiers de l’Artisanat (CMA) en République du Congo ». 2. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent : • Analyser l’ensemble du système national de l’artisanat ; • Etablir un état des lieux de l’environnement et des modalités d’organisation et de structuration des acteurs et des activités de l’artisanat ; • Etablir, particulier, la typologie des artisans et des entreprises artisanales ; • Définir les missions et les objectifs généraux, opérationnels et spécifiques de la chambre des métiers de l’artisanat et/ou du réseau des chambres des métiers de l’artisanat (départementalisation territoriale) ; • Discuter et proposer le cadre institutionnel de l’option retenue ; • Proposer sommairement ses activités stratégiques et opérationnelle dans un plan d’action à court, moyen et long terme ; • Proposer un schéma global et une feuille de route détaillée de son opérationnalisation ; • Procéder à une étude économico-financière de la mise en place et de la gestion de l’option retenue ; • Rendre compte à mi-parcours de l’exécution de sa mission ; • Rédiger un draft de la note de conception de l’option retenue et le soumettre à la validation du ministère ; • Soumettre au ministère la version finale de la susdite note en prenant en compte les éventuels commentaires ; N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

• Restituer et faire valider l’étude de faisabilité. 3. L’Unité de Coordination du projet invite les cabinets à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les cabinets intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les dites prestations. 4. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement, Edition de Mai 2008, révisée en Juillet 2012 » qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un Cabinet n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 5. Les Cabinets intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l'adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : 08 heures 00 à 16 heures 00 (heure locale). 6. Les expressions d'intérêt doivent être déposées à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard, le 30 juin 2014 à 12 heures, heure locale et porter expressément la mention : « Recrutement d’un Cabinet de Consultant charge de l’étude de faisabilité de création d’une Chambre des métiers de l’Artisanat (CMA) en République du Congo ». Projet d’Appui Institutionnel pour l’Amélioration du Climat des Affaires et la Diversification de l’Economie Congolaise (PACADEC) A l'attention de : Monsieur le Coordonnateur des Projets PADE-PACADEC Rue, Locko Isaac N°05 et 06 secteur Blanche Gomez Brazzaville-Congo Tél : (242) 06 668 24 31 /05 574 18 75 ; e-mail : pade.pacadec@yahoo.fr Le Coordonnateur Joseph MBOSSA JEUNE AFRIQUE


RÉPUBLIQUE DU TCHAD

Unité – Travail - Progrès

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE PRIMATURE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PLANIFICATION ET DES RESSOURCES PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II SERVICE DES MARCHÉS

DEMANDE DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N° 002/MEN/SE/SG/DGPR/PARSET 2/14

PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II Recrutement d’un Cabinet chargé de l’Audit Externe des États Financiers pour la période du PPF au 31 décembre 2014, les exercices 2015 et 2016 du Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Éducation au Tchad II (PARSET 2)

JEUNE AFRIQUE

N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour la mise en œuvre du Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad II (PARSET 2). Une partie de ce fonds sera utilisée pour financer les travaux d’audit externe des états financiers pour la période du PPF au 31 décembre 2014, les exercices 2015 et 2016. 2. Les services comprennent entre autres: 1. l’étendue de l’audit : (i) exprimer une opinion professionnelle sur la situation financière du Projet à la fin de chaque exercice fiscal et s’assurer que les ressources mises à la disposition du Projet sont utilisées aux fins pour lesquelles elles ont été octroyées en vue de l’atteinte des Objectifs de Développement du Projet ; (ii) procéder à un examen détaillé des dépenses, et des procédures de contrôle interne qui régissent leur préparation pour la période couverte par l'audit, et donner un avis distinct sur cet aspect ; (iii) examiner la gestion et l'utilisation du compte spécial, et donner un avis distinct sur cet aspect ; (iv) parachever l'examen en profondeur du système de contrôle interne du programme entamé au cours de la phase intérimaire, en vue d'identifier les principales faiblesses et lacunes et de formuler des recommandations pratiques pour son amélioration ; (v) assurer le contrôle de la matérialité des dépenses. 2. Les états financiers : (i) les ressources octroyées par la Banque pour la préparation du projet (PPF) et de la période de l’entrée en vigueur du projet jusqu’au 31 décembre 2014 et les périodes subséquentes, ont été employées conformément aux dispositions des accords de financement applicables, dans un souci d’économie et d’efficience, et uniquement aux fins pour lesquelles elles ont été fournies (ii) Les Accords de financement applicables sont ceux passés le 11 octobre 2013 (Don N° H862 - CD) entre le Gouvernement du Tchad et l’Association Internationale pour le Développement (IDA) ; (iii) Les biens et services financés ont fait l’objet de marchés passés conformément aux dispositions des accords de financement applicables fondés sur les procédures de passation de marché de la Banque Mondiale 1 et ont été proprement enregistrés dans les livres comptables ; (iv) Tous les dossiers, comptes et écritures nécessaires ont été tenus au titre des différentes opérations relatives au Projet, y compris les dépenses couvertes par des relevés de dépenses ou le compte spécial. (v) Les Comptes Désignés sont gérés eu égard aux dispositions des accords de financement ; (vi) Les comptes du Projet ont été préparés sur la base de l’application systématique des normes du Système Comptable OHADA et donnent une image fidèle de la situation financière du Projet ainsi que des ressources reçues et des dépenses effectuées au cours de l’exercice clos à cette date ; (vii) La performance financière globale du Projet est satisfaisante notamment en comparant la réalisation des activités du programme par rapport aux indicateurs de performances tels que décrits dans les documents du projet et relever toutes les insuffisances et retards ainsi que leurs raisons; etc … (3) les relevés des dépenses : (i) l’Auditeur est tenu de vérifier, outre les états financiers, tous les relevés de dépenses présentés à l’appui des demandes de retraits de fonds ; (ii) il doit procéder à tous les contrôles et vérifications qu’il juge nécessaires en la circonstance ; (4) les comptes spéciaux : l’Auditeur est tenu d’examiner l’éligibilité et l’exactitude : (a) des transactions financières durant la période sous revue; (b) des soldes de comptes à la clôture de l’exercice sous revue ; (c) de l’utilisation du compte désigné en accord avec l’Accord de financement et ; (d) de l’adéquation du contrôle interne avec le mécanisme de décaissement. (5) les rapports de l’auditeur : le rapport d’audit contiendra : (a) l’opinion professionnelle de l’auditeur sur les états financiers du projet; (b) la mise en exergue des principales faiblesses du contrôle interne et le cas de non-conformité avec les termes de l’accord de financement. En plus du rapport sur les états financiers, l’auditeur préparera une lettre de contrôle interne qui inclura : (i) des commentaires et des observations sur les enregistrements comptables ; (ii) des insuffisances dans le système de contrôle et les recommandations pour son amélioration ; (iii) le degré de conformité avec chaque engagement financier contenu dans l’accord ; (iv) les problèmes de communication identifiés ; (v) les commentaires sur toutes autres anomalies jugées pertinentes incluant des dépenses inéligibles. 3. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET 2, invite les candidats (Cabinets) admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants (Cabinets) intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les prestations susmentionnées. Ils soumettront sous forme de brochures leurs références concernant l’exécution des contrats analogues, leurs expériences confirmées en audit financier des projets de développement, leur disponibilité, l’expérience de leur personnel et leurs connaissances du milieu. Le personnel clé devra comporter au moins : (i) un Expert comptable diplômé justifiant d’au moins 10 ans d’expérience d’audit financier et ayant une bonne connaissance des procédures de gestion fiduciaires des projets financés par la Banque mondiale ; (ii) un chef de mission ayant au moins un diplôme de niveau bac+5 ou plus en audit, comptabilité et justifiant d’une expérience de 07 ans ; (iii) un auditeur junior ayant au moins 05 d’expérience en matière d’audit des comptes et/ou des commissariats au compte ; et (iv) un Expert ou Spécialiste en passation des marchés niveau bac+3 ayant une bonne connaissance des procédures de passation des marchés nationales du pays ou celles des partenaires au développement notamment l’IDA complétée par une expérience pratique d’au moins 03 ans en qualité de Spécialiste en passation des marchés dans un projet de développement viendrait en plus comme un atout. 4. Un Consultant (Cabinet) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, Janvier 1997 mise à jour Septembre 1997, Janvier 1999, Mai 2002, octobre 2006 et mise à jour en janvier 2011. 5. Les Consultants (Cabinets) intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de références à l’adresse mentionnée cidessous et aux heures suivantes : • De 8 Heures à 15 Heures : de lundi à jeudi ; • De 8 Heures à 11 Heures : tous les vendredi. 6. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 06 août 2014 Coordination du PARSET 2 - Direction Générale de la Planification et des Ressources Secrétariat Général - Secrétariat d’Etat à l’Education Nationale - Ministère de l’Education Nationale B.P. 1174 -Tél. 00 235 251 58 32 - N’Djaména – Tchad Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale DIHOULNE Laurent


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU TCHAD

Unité – Travail - Progrès

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE PRIMATURE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PLANIFICATION ET DES RESSOURCES PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II SERVICE DES MARCHÉS

DEMANDE DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N° 003/MEN/SE/SG/DGPR/PARSET 2/14

Manifestation d’intérêt

PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II Recrutement d’un Consultant international chargé de l’élaboration des normes et standard de constructions scolaires pour le Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Éducation au Tchad II (PARSET 2) 1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour la mise en œuvre du Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad II (PARSET 2). Une partie de ce fonds sera utilisée pour financer les prestations du Consultant qui sera chargé de l’élaboration des normes et standard de constructions scolaires. 2. Les services comprennent entre autres: 1. l’élaboration d’une étude analytique et critique du système de construction des établissements scolaires au Tchad ; 2. l’établissement d’un guide spécifique de conception des constructions scolaires qui servira de base à la programmation et la conception des nouvelles constructions scolaires. Le Consultant aura à: (i) faire la collecte de données sur les typologies des constructions scolaires existantes y compris les espaces d’hébergement, de restauration, les sanitaires, les aires de jeux et des activités sportives. (ii) mener une enquête auprès des utilisateurs (élèves, enseignants, gestionnaires des établissements, associations des parents d’élèves, et les organisations de la société civile) pour recueillir leurs critiques vis-à-vis des constructions existantes et leurs recommandations pour les nouvelles ; (iii) Analyser les types de constructions existantes et les comparer par rapport aux exigences des normes internationales et des normes de construction des pays, en voie de développement, similaires au cas du Tchad ; (iv) Evaluer au regard des normes existantes et les propositions de nouvelles normes, les économies budgétaires envisageables en mettant particulièrement l’accent sur les coûts de construction ; (v) sur la base de cette étude analytique et comparative, élaborer un guide de conception des espaces scolaires. 3. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET 2, invite les candidats (Consultants individuels) admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants (individuels) intéressés doivent avoir le profil suivant : (i) être un ingénieur de conception en génie civil de formation ayant une expérience d’au moins dix (10) ans dont au moins cinq (05) dans le domaine des constructions scolaires (ii) avoir une expérience avec diverses approches de constructions scolaires dont l’approche communautaire ; (iii) avoir une connaissance du milieu rural tchadien ; (iv) avoir la maîtrise des principales notions de gestion environnementale et sociale dans le cadre de travaux de génie civil ; (v) avoir une bonne connaissance de l’outil informatique ; (vi) avoir une bonne aptitude dans la rédaction des rapports. 4. Un Consultant (individuel) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, Janvier 1997 mise à jour Septembre 1997, Janvier 1999, Mai 2002, octobre 2006 et mise à jour en janvier 2011. 5. Les Consultants (individuel) intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de références à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : • De 8 Heures à 15 Heures : de lundi à jeudi ; • De 8 Heures à 11 Heures : tous les vendredis. 6. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 22 juillet 2014 Coordination du PARSET 2 - Direction Générale de la Planification et des Ressources Secrétariat Général - Secrétariat d’Etat à l’Education Nationale - Ministère de l’Education Nationale B.P. 1174 -Tél. 00 235 251 58 32 - N’Djaména – Tchad Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale DIHOULNE Laurent N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU TCHAD

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Unité – Travail - Progrès

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE PRIMATURE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT D’ÉTAT À L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PLANIFICATION ET DES RESSOURCES PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II SERVICE DES MARCHÉS

DEMANDE DE MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT N° 004/MEN/SE/SG/DGPR/PARSET2/14

PROJET D’APPUI À LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD II Recrutement d’un consultant international pour la conception d’un prototype en mobilier scolaire

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N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) et se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre du contrat relatif au recrutement d’un consultant international pour la conception d’un prototype en mobilier scolaire. 2. Les services comprennent : (i) visiter et évaluer les mobiliers existants dans les salles de classe des écoles de la Commune de N’Djaména pour s’imprégner de la réalité sur le terrain ; (ii) visiter deux ou trois ateliers de menuiserie qui fabriquent du mobilier scolaire pour le Ministère de l’Education nationale, afin d’évaluer leurs méthodes de fabrication, de transport, livraison et assemblage sur site ; (iii) effectuer une enquête sommaire sur les coûts des matériaux et de la main d’œuvre nécessaires à la fabrication du mobilier et effectuer un choix pour le nouveau prototype (métal-bois ou bois uniquement) ; (iv) organiser des séances de travail avec les bénéficiaires (MEN, APE, enseignants, élèves, etc…) afin de recueillir leurs points de vue ; (v) faire une appréciation de l’ensemble des mobiliers existants en vue de retenir et concevoir un modèle approprié. Obtenir l’avis du Ministère de l’Education nationale concernant le nombre de places par table-banc (deux ou trois ) ainsi que le nombre de prototypes à prévoir, en fonction des dimensions des élèves (trois ) ; (vi) concevoir un modèle de mobiliers scolaires (table-banc, bureaumaître, chaise) sur la base de l’existant tout en améliorant la qualité, la robustesse et le confort des élèves et des enseignants ; (vii) rédiger les spécifications techniques détaillées et améliorées sur la base de l’existant ; (viii) sur la base de l’enquête sommaire sur les coûts, produire un bordereau des prix unitaires d’un table-banc selon le modèle (trois dimensions) et d’un bureau-maître ; (ix) proposer un devis quantitatif et estimatif un table-banc, bureau maître, chaise ; etc … 3. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET 2, invite les candidats (Consultants individuels) admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants (individuels) intéressés doivent avoir le profil suivant : (i) être un ingénieur de conception en génie civil de formation ayant une expérience d’au moins dix (10) ans dont au moins cinq (05) dans le domaine de la conception de plans de constructions et de mobiliers scolaires (ii) avoir une expérience avec diverses approches de constructions scolaires dont l’approche communautaire ; (iii) avoir une connaissance du milieu rural tchadien ; (iv) avoir la maîtrise des principales notions de gestion environnementale et sociale dans le cadre de travaux de génie civil ; (v) avoir une bonne connaissance de l’outil informatique ; (vi) avoir une bonne aptitude dans la rédaction des rapports. 4. Un Consultant (individuel) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, Janvier 1997 mise à jour Septembre 1997, Janvier 1999, Mai 2002, octobre 2006 et mise à jour en janvier 2011. 5. Le consultant intéressé peut obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : • De 8 Heures à 15 Heures : de lundi à jeudi ; • De 8 Heures à 11 Heures : tous les vendredis. 6. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 22 juillet 2014 Coordination du PARSET 2 - Direction Générale de la Planification et des Ressources Secrétariat Général - Secrétariat d’Etat à l’Education Nationale - Ministère de l’Education Nationale B.P. 1174 -Tél. 00 235 251 58 32 - N’Djaména – Tchad Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale DIHOULNE Laurent


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RÉPUBLIQUE GABONAISE MINISTÈRE DE LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, DES INFRASTRUCTURES, DE L’HABITAT ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE COMMISSION NATIONALE DES TIPPEE SECRÉTARIAT PERMANENT

AVIS DE MANIFESTATION D'INTÉRÊT N° AMI/003-2014/CNT

Manifestation d’intérêt

RECRUTEMENT D'UN ASSISTANT TECHNIQUE POUR LE HAUT CONSEIL POUR L’INVESTISSEMENT (HCI) Le Gouvernement Gabonais a contracté un Prêt auprès de la Banque Mondiale pour couvrir le coût du Projet de Promotion de l’Investissement et de la Compétitivité (PPIC). Il a l'intention d'utiliser une partie de ce prêt pour effectuer les paiements autorisés au titre du Contrat objet de cet Avis. Le projet de Promotion de l’Investissement et de la Compétitivité accompagnera les efforts d’émergence économique du Gouvernement. Ce projet comprend trois composantes techniques: (i) Développement institutionnel pour améliorer le climat des affaires ; (ii) Appui au développement des entreprises, et (iii) Gestion du Projet et Dialogue Public-Privé. Ce projet sera mis en œuvre à travers une Unité de Coordination de Projet (UCP), placée sous la tutelle du Ministère de la Promotion des Investissements, des Infrastructures, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Ministère porteur dudit projet. Le projet de Promotion de l’Investissement et de la Compétitivité a contribué à la mise en place du Haut Conseil pour l’Investissement (HCI) placé sous l’autorité de la Présidence de la République. Le Secrétariat du HCI sera assuré par l’Agence Nationale de Promotion de l’Investissement du Gabon (ANPI-Gabon). Dans ce cadre, le projet PPIC recrute un Assistant(e) Technique qui sera chargé(e) d’assister le Haut Conseil pour l’Investissement dans la mise en place des reformes visant à améliorer le climat de l’investissement et à renforcer le dialogue public-privé en vue de permettre au Gabon d’intégrer le Top 10 des pays africains en matière de facilitation des affaires. L’Assistant Technique sera notamment chargé(e) entre autres de : - accompagner la structuration et l’opérationnalisation du HCI ; - définir les principaux axes de coopération et de renforcement du Dialogue Public-Privé ; - réaliser des études sur le climat de l’investissement (diagnostic, stratégies et perspectives) ; - accompagner l’ANPI-Gabon dans l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale de promotion des investissements ; - identifier des thématiques devant faire l’objet d’ordre du jour des sessions du Conseil ; - contribuer à la mise en place des mécanismes de suivi des reformes relatives au climat de l’investissement ; - contribuer à la mise en place des réformes nécessaires aux évolutions constatées en matière d'investissements ; - contribuer à la mise en place des mesures incitatives cohérentes pour l'investissement. Les Consultants Individuels éligibles sont invités à manifester leur intérêt, en faisant acte de candidature et en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les prestations décrites ci-dessus. Ces informations doivent être fournies au moyen du dossier suivant : - Lettre de candidature ; - Curriculum Vitae (CV) certifié par le candidat, daté et signé : présentation du candidat, de sa formation, de son expérience générale et spécifique ; - Photocopies des diplômes et attestations diverses : les originaux seront présentés lors de l’interview. Il est porté à l’attention des candidats que les dispositions du paragraphe 1.9 des « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID » de janvier 2011 (« Directives de Consultants »), relatives aux règles de la Banque mondiale en matière de conflit d’intérêts sont applicables. Les critères pour la sélection des candidats sont les suivants : - avoir un diplôme supérieur en Administration, Droit, Finances, Commerce Gestion, Economie, ou domaines connexes (minimum Bac + 5) ; - disposer d’une expérience professionnelle minimum de cinq (5) ans dans le développement du secteur privé, le développement institutionnel et organisationnel et la communication en rapport avec le climat de l’investissement ; - avoir une parfaite maîtrise du français ; - avoir une maîtrise de l’outil informatique (Word, Excel, Power Point) ; - disposer d’une bonne aptitude pour la communication et le travail en équipe. A l’issue de la manifestation d’intérêt, un candidat sera retenu et consulté à partir de la méthode de sélection de Consultants Individuels (CI) et ce, conformément aux procédures définies dans les Directives ‘’Sélection & Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID – Version de Janvier 2011’’, et notamment les dispositions de la clause 1.13(d) desdites Directives. Les candidats intéressés peuvent obtenir les termes de référence y relatifs ou des informations complémentaires sur demande écrite à l’adresse ci-après : Commission Nationale des TIPPEE B.P. : 22 Libreville – Gabon ou par téléphone au n° (+241) 01 72 27 85, (+241) 05 19 04 10 aux heures suivantes : de 8h00 à 15h00 (heure locale) et par courrier électronique à : tippeegabon@cntippee.org et busamba@yahoo.com Les plis porteront la mention suivante « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un Assistant Technique pour le Haut Conseil pour l’Investissement ». Les dossiers de candidature seront présentés en français et doivent parvenir au plus tard le 18 juillet 2014 à 12h00 (heure locale GMT + 1), par courrier électronique à : tippeegabon@cntippee.org et busamba@yahoo.com

N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

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RÉPUBLIQUE GABONAISE MINISTÈRE DE LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, DES INFRASTRUCTURES, DE L’HABITAT ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE COMMISSION NATIONALE DES TIPPEE SECRÉTARIAT PERMANENT

AVIS DE MANIFESTATION D'INTÉRÊT N° AMI/004-2014/CNT RECRUTEMENT D’UN SPÉCIALISTE EN PROMOTION DES INVESTISSEMENTS

JEUNE AFRIQUE

N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

Manifestation d’intérêt

Le Gouvernement Gabonais a contracté un Prêt auprès de la Banque Mondiale pour couvrir le coût du Projet de Promotion de l’Investissement et de la Compétitivité (PPIC). Il a l'intention d'utiliser une partie de ce prêt pour effectuer les paiements autorisés au titre du Contrat objet de cet Avis. Le projet de Promotion de l’Investissement et de la Compétitivité accompagnera les efforts d’émergence économique du Gouvernement. Ce projet comprend trois composantes techniques: (i) Développement institutionnel pour améliorer le climat des affaires ; (ii) Appui au développement des entreprises, et (iii) Gestion du Projet et Dialogue Public-Privé. Ce projet sera mis en œuvre à travers une Unité de Coordination de Projet (UCP), placée sous la tutelle du Ministère de la Promotion des Investissements, des Infrastructures, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Ministère porteur dudit projet. Dans le cadre de l’exécution de ce projet, il est prévu le recrutement d’un Expert en Promotion des Investissements qui aura pour missions de : • contribuer à l’élaboration du plan national de promotion des investissements ; • élaborer la stratégie de promotion des investissements ; • proposer des processus d’activités de promotion notamment le partage d’informations, de facilitation et le suivi ; • proposer des outils de promotion opérationnels permettant d’optimiser les processus à travers la planification et le développement du système de gestion ; • proposer les ressources financières et humaines nécessaires à la mise en œuvre de ces processus. La mission permettra de doter l’Agence Nationale de Promotion de l’Investissement du Gabon (ANPI-Gabon) des outils suivants : • une stratégie pluriannuelle de promotion des investissements ; • des plans d’actions pour la promotion proactive, réactive et générale, aux niveaux international et national ; • des outils informatiques de suivi des investissements et de gestion de la relation avec les investisseurs; • des supports et matériels promotionnels et de fiches de projets à promouvoir. Les Consultants Individuels éligibles sont invités à manifester leur intérêt, en faisant acte de candidature et en fournissant les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les prestations décrites ci-dessus. Ces informations doivent être fournies au moyen du dossier suivant : - Lettre de candidature ; - Curriculum Vitae (CV) certifié par le candidat, daté et signé : présentation du candidat, de sa formation, de son expérience générale et spécifique ; - Photocopies des diplômes et attestations diverses : les originaux seront présentés lors de l’interview. Il est porté à l’attention des candidats que les dispositions du paragraphe 1.9 des « Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID » de janvier 2011 (« Directives de Consultants »), relatives aux règles de la Banque mondiale en matière de conflit d’intérêts sont applicables. Les critères pour la sélection des candidats sont les suivants : - une formation en business, administration, gestion, économie, développement, etc., équivalent au moins à un niveau de troisième cycle universitaire ; - une expérience avérée dans le domaine de la promotion des investissements et une bonne connaissance du climat des investissements et/ou du cadre de promotion des investissements dans les pays ayant capitalisés des expériences probantes en termes de meilleures pratiques internationales ; - une expérience professionnelle internationale minimale de 7 ans, avec une solide pratique des métiers de promotion des investissements, de préférence au sein d’une agence de promotion des investissements ; - une bonne connaissance des institutions gouvernementales et internationales ; - une solide expérience de gestion de projets, de mise en œuvre de stratégies et de politiques nationales; - une expérience pratique dans le secteur privé, surtout au niveau marketing, vente, gestion, ou « business development ». A l’issue de la manifestation d’intérêt, un candidat sera retenu et consulté à partir de la méthode de sélection de Consultants Individuels (CI) et ce, conformément aux procédures définies dans les Directives ‘’Sélection & Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale dans le cadre des Prêts de la BIRD et des Crédits et Dons de l’AID – Version de Janvier 2011’’, et notamment les dispositions de la clause 1.13(d) desdites Directives. Les candidats intéressés peuvent obtenir les termes de référence y relatifs ou des informations complémentaires sur demande écrite à l’adresse ciaprès : Commission Nationale des TIPPEE B.P. : 22 Libreville – Gabon ou par téléphone au n° (+241) 01 72 27 85, (+241) 05 19 04 10 aux heures suivantes : de 8h00 à 15h00 (heure locale) et par courrier électronique à : tippeegabon@cntippee.org et busamba@yahoo.com Les plis porteront la mention suivante « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un Spécialiste en Promotion des Investissements ». Les dossiers de candidature seront présentés en français et doivent parvenir au plus tard le 18 juillet 2014 à 12h00 (heure locale GMT + 1), par courrier électronique à : tippeegabon@cntippee.org et busamba@yahoo.com


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Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE - Crédit n° 5063 -CG Unité d’Exécution du Projet - B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tél : 05 551 96 11, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

N° 13/MEFPPPI/PRCTG/14 - « RELANCE » « Recrutement d'un Consultant individuel international pour la conception et la mise en place d’un système Hotline des marchés publics au profit de l’ARMP »

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063-CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d'un Consultant individuel international pour la conception et la mise en place d’un système Hotline des marchés publics au profit de l’ARMP. 2. L’objectif de la mission est de concevoir et de mettre en place un système Hotline pour la passation des marchés publics au profit de l’ARMP. De façon spécifique il s’agira de (i) faire une revue organisationnelle et technique d’installation et d’opérationnalisation du service Hotline ; (ii) rédiger un manuel de procédures de mise en œuvre de la Hotline ; (iii) proposer les matériels, les logiciels et autres supports nécessaires à l’opérationnalisation de la Hotline et en établir les caractéristiques techniques ; (iv) assurer la formation du personnel tant sur le manuel de procédures que sur la mise en œuvre du système Hotline. La durée de la mission est de cent vingt (120) jours y compris la soumission du rapport final. Cette durée est détaillée ainsi qu’il suit : (i) 25 jours- revue organisationnelle et technique d’installation et d’opérationnalisation du service Hotline; (ii) 15 jours – détermination de la liste des matériels, des logiciels et des autres supports nécessaires à l’opérationnalisation de la Hotline ainsi que des spécifications techniques; (iii) 10 joursrédaction du manuel de procédures de mise en œuvre de la Hotline ; (vi) 20 jours- formation du personnel tant sur le manuel de procédures que sur la mise en œuvre du système Hotline; (v) 25 jours – installation et mise en service du système Hotline. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ;

• les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - être titulaire d’un diplôme d’ingénieur en télécommunication, et/ou en informatique (Bac+ 5 minimum), ayant une expérience d’au moins dix (10) ans dans la conception et la mise en place des systèmes Hotline ; - une connaissance en organisation serait un atout ; - une connaissance parfaite de la langue française. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, vendredi 11 juillet 2014: PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITE D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 19 juin .2014 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA

MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE - Crédit n° 5063 -CG Unité d’Exécution du Projet - B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tél : 06 921 91 16, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

N°14/MEFPPPI/PRCTG/14 « Recrutement d'une firme pour la finalisation et ou l’élaboration des stratégies sectorielles-Appui à l’élaboration, à l’approbation et à la diffusion des stratégies sectorielles » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063-CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ciaprès : Recrutement d'une firme pour la finalisation et ou l’élaboration des stratégies sectorielles-Appui à l’élaboration, à l’approbation et à la diffusion des stratégies sectorielles. 2. L’objectif général poursuivi est d’améliorer les stratégies sectorielles des ministères ciblés. Les Objectifs spécifiques sont : (i) opérationnaliser le PND dans chaque secteur d’activité dans le but de promouvoir des actions contribuant à la croissance, l’emploi et la réduction de la pauvreté ; (ii) disposer d’un cadre stratégique sectoriel comme cadre de référence pour l’établissement des priorités nationales et l’alignement du budget de l’Etat sur ces priorités ; (iii) garantir la cohérence (conformité) entre les allocations budgétaires et les priorités de la stratégie; (iv) former à la tâche, les cadres et agents évoluant dans les différents secteurs, à l’élaboration de leurs stratégies. La durée de la mission est de quatre (04) mois intégrant la soumission du rapport final. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG, invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services.

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Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, etc.). Les consultants intéressés peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans le cas d’une association, les consultants doivent indiquer clairement le Chef de file et sa nationalité. 4. Sur cette base, un cabinet d’études sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la qualité technique et le coût. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mercredi 16 juillet 2014 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 19 juin .2014 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA

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Caisse Nationale de Sécurité Sociale Ministère du Travail Chargé de la Réforme de l’Administration RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI

AVIS DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT duire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (Documentation, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des missions comparables, disponibilité des connaissances et qualifications nécessaires parmi son personnel, etc.). La CNSS établira sur la base des réponses au présent appel à manifestation d’intérêt une liste restreinte de sociétés. La CNSS reprendra ultérieurement contact avec les sociétés répondant aux profils recherchés. La sélection finale se fera sur la base d’une consultation restreinte des personnes morales présélectionnées, en accord avec les procédures en vigueur en République de Djibouti. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures d’ouverture de bureaux suivantes : Du samedi au jeudi entre 07h30 à 14h00 (heure de Djibouti). Tout renseignement complémentaire concernant le présent appel d’offre peut être demandé exclusivement à la Direction Générale de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale B.P. : 696 direction.generale@cnss.dj Tél. : (+253) 21 35 80 60 - Fax : (+253) 21 35 58 32 Les expressions d’intérêt seront rédigées en français et doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 11/07/2014 à 23h00 (heure de Djibouti) et porter expressément la mention « Manifestation d’intérêt pour l’automatisation du système d’information des centres de soins ». Direction Générale Caisse Nationale de Sécurité Sociale B.P. : 696 Djibouti - République de Djibouti direction.generale@cnss.dj Fax : (+253) 21 35 58 32

RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL CONSEIL SÉNÉGALAIS DES CHARGEURS

Avis d’AppeI d’Offres (AAO) Conseil Sénégalais des Chargeurs AAO N ° SCSC l. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le quotidien national « Le Soleil n° 13104 du 30 janvier 2014 ». 2. Le COSEC a obtenu de son budget 2014 des fonds, afin de financer ses représentations en Chine (Guangzhou et Yiwu) et aux Emirats Arabes Unis (Dubaï) et a l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du Marché relatif à la mise en place de ses représentations en (Chine Guangzhou et Yiwu) et aux Emirats Arabes Unis (Dubaï). 3. Suite à la lettre n° 000960/MEF/DCMP du 27 février 2014, le COSEC sollicite des offres sous pli fermé de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les services suivants : tenir une représentation du COSEC en Chine (lot 1) et une représentation du COSEC aux Emirats Arabes Unis/EAU (lot 2) pour apporter une assistance technique, juridique et logistique aux chargeurs sénégalais dans le cadre de leurs opérations d’importations et d’exploitations en provenance ou à destination de ces pays. 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d’offres ouvert international. 5. Les candidats intéressés peuvent retirer directement le dossier d’appel d’offres ou obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-après Conseil Sénégalais des Chargeurs (COSEC), 06 Avenue Malick SY X Autoroute, auquel cas le document d’Appel d’offres leur sera acheminé par e-mail. Ils peuvent également télécharger directement le dossier d’appel d’offres à l’adresse www.besc-senegal.net. 6. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après Conseil Sénégalais des Chargeurs (COSEC), 06 Avenue Malick SY X Autoroute, au plus tard le 28 juillet 2014 à 10 heures 00. Le Directeur Général du COSEC Abdoulay DIOP JEUNE AFRIQUE

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Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

Le gouvernement djiboutien vient d’approuver la mise en place d’un système d’assurance maladie universelle (AMU) dont le but est d’élargir la couverture maladie à l’ensemble de la population vivant sur le territoire national. Ainsi, la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale (CNSS) gestionnaire de l’Assurance Maladie souhaite informatiser ses centres de santé afin de fournir aux assurés sociaux de meilleures prestations et optimiser la gestion des centres. Le projet consiste à fournir une solution informatique complète intégrant : - la gestion des plannings des RH ; - la gestion de la base de données des assurés sociaux et de leurs ayantsdroit ; - l’accueil des patients ; - la gestion des rendez-vous ; - le dossier médical du patient ; - Résultats des laboratoires ; - Imagerie médicale ; - la gestion des ordonnances et les alertes relatives aux interactions médicamenteuses ; - la gestion des lits ; - la gestion des pharmacies et des commandes de médicaments ; - la codification des données ; - le traitement et la facturation ; - la télétransmission ; - les statistiques. La mission sera entreprise sur une période continue de 10 mois. La CNSS invite les personnes morales intéressées à présenter leur candidature en vue de fournir le produit décrit ci-dessus. Les intéressés doivent pro-


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Annonces classées RÉPUBLIQUE TOGOLAISE AUTORITÉ DE RÉGLEMENTATION DU SECTEUR DE L’ÉLECTRICITÉ (ARSE)

AVIS D’APPEL PUBLIC À CANDIDATURE

PROJET PILOTE DE CONSTRUCTION DE CENTRALES ÉLECTRIQUES À BASE DE LA BIOMASSE, DES DÉCHETS MUNICIPAUX ET DU SOLAIRE PHOTOVOLTAIQUE

Appel d’offres - Recrutement

Dans le cadre du renforcement de la capacité nationale de production d’énergie électrique et de la promotion des énergies renouvelables au Togo, l’Autorité de Réglementation du Secteur de l’Electricité (ARSE), lance un avis de pré-qualification en vue de la sélection des promoteurs-investisseurs potentiels pour la réalisation de projet de construction et d’exploitation technique et commerciale des centrales de production d’électricité à partir des énergies renouvelables. Le projet est réparti en trois (3) lots distincts suivants : • Lot 1 : Construction et exploitation technique et commerciale d’une centrale thermique fonctionnant à base de la biomasse d’une capacité de production comprise entre 2 et 5 MW ; • Lot 2 : Construction et exploitation technique et commerciale d’une centrale thermique fonctionnant à base des déchets municipaux d’une capacité de production comprise entre 5 et 50 MW ; • Lot 3 : Construction et exploitation technique et commerciale d’une centrale solaire photovoltaïque d’une capacité de production comprise entre 2 et 10 MWc. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations à l’adresse ci-dessous et prendre connaissance des documents de pré-qualification à la même adresse tous les jours ouvrable de 9h00 à 11h00 et 15h00 à 17h00 : Autorité de Réglementation du Secteur de l’Electricité (ARSE) ; Rue des hydrocarbures, face à la société AIR LIQUIDE (ex TOGO GAZ) ; BP: 3489 - Lomé-Togo, Téléphone: +228 22 22 20 78, Fax: +228 22 22 20 61 Secrétariat du D.G, Porte 004, Rez-de-chaussée Courriel : arse@arse.tg ou info@arse.tg ou larebamboi@yahoo.fr ou norbert.lare@arse.tg NB : Les demandes de pré-qualification devront être soumises à l’adresse ci-dessus indiquée au plus tard le 05 août 2014 à 10 heures 00 minutes T.U.

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AVIS DE REPORT

Appel d’Offres N°ASECNA/DGDI/DGDIM/1409/2014 L’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) porte à la connaissance des entreprises intéressées par l’appel d’offres relatif à la fourniture des appareils de mesure pour ses centres opérationnels de maintenance que : • la date limite de remise des offres au Département Ingénierie et Prospective (ASECNA), Aéroport Léopold Sédar SENGHOR, DakarYoff (Sénégal), initialement fixée au 17 Juin 2014 à 12 heures, heure locale (GMT) est reportée au 17 juillet 2014 à 12 heures, heure locale (GMT) ; • la date d’ouverture des plis en séance publique devant les soumissionnaires (ou leurs représentants) qui le désirent dans la salle de réunion du Département Ingénierie et Prospective à Dakar-Yoff, au Sénégal initialement fixée au 17 juin 2014 à 13 heures, heure locale (GMT) est reportée au 17 juillet 2014 à 13 heures, heure locale (GMT) ; • Le reste de l’appel d’offres demeure inchangé. Le Directeur Général N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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ACTION DE POURSUITE DE LA RELANCE DE LA CULTURE ATTELÉE DANS LE BASSIN COTONNIER CONTRAT DE SUBVENTION N° FED/2013/331-911

AVIS D’APPEL D’OFFRES Dans le cadre du projet de poursuite de la relance de la culture attelée dans le bassin cotonnier de Côte d’Ivoire, l’Organisation Interprofessionnelle de la filière coton de Côte d’Ivoire (INTERCOTON), bénéficiaire d’un contrat de subvention d’actions extérieures de la Communauté Européenne N° FED 2013/331-911, lance deux appels d’offres internationaux ouverts, sans dérogation à la règle d’origine, pour l’acquisition de matériel agricole et de bœufs de culture attelée. Le présent avis concerne deux dossiers d’appel d’offres (DAO) : DAO 1 : Dossier AO/PPRCA/UE-INTERCOTON/07/2014 Lot 1 : Matériel agricole composé de 1000 multiculteurs de type ARARA, 600 multiculteurs de type ARCOMA, 300 charrues simples (monosoc), 600 semoirs super Eco, 600 charrettes bovines 1 tonne. Lot 2 : Pièces détachées dont 4600 pour multiculteurs, 1200 pour charrette, 1200 pour semoir. DAO 2 : Dossier AO/PPRCA/UE-INTERCOTON/08/2014 Lot : 2750 bœufs de culture attelée 1. CONDITION DE PARTICIPATION La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques et morales, expérimentées dans ce type de fournitures, qu’elles participent à titre individuel ou dans le cadre d’un regroupement de soumissionnaires des pays et territoires ACP et des Etats membres de l’Union Européenne pour tout ou partie des fournitures susmentionnées.

3. DÉPÔT DES OFFRES La date limite de dépôt des offres est fixée au 25 août 2014 à 12 heures, délai de rigueur, à l’adresse suivante : Siège de INTERCOTON sis à Cocody les deux plateaux vallon, rue des jardins, lot n°156, 17 BP 988 Abidjan 17, Tél : (225) 22 51 05 33, Fax : 22 51 05 34, site : www.intercoton.org, e-mail : intercoton@intercoton.org/intercot@aviso.ci 4. OUVERTURE DES PLIS L’ouverture des plis sera effectuée en séance publique par la commission d’ouverture et de jugement des offres du Comité Technique du PPRCA, le 25 août 2014 à la salle de réunion du siège de INTERCOTON à Abidjan, Cocody les deux plateaux vallon, lot n°156 à 15 heures. 5. DÉLAI D’EXÉCUTION Le délai de livraison des fournitures devra respecter les prescriptions du cahier des clauses administratives particulières contenues dans le dossier d’appel d’offres.

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N° 2789 • DU 22 AU 28 JUIN 2014

Appel d’offres - Recrutement

2. RETRAIT DU DOSSIERS D’APPEL D’OFFRES Les dossiers d’appel d’offres (Dossier AO/PPRCA/UE-INTERCOTON/07/2014, Dossier AO/PPRCA/UE-INTERCOTON/08/2014) pourront être, dès diffusion de cet avis, téléchargés depuis le site web de INTERCOTON : www.intercoton.org ou retirés au siège de INTERCOTON sis à Cocody les deux plateaux vallon, rue des jardins, lot n°156, 17 BP 988 Abidjan 17, Tél : (225) 22 51 05 33, Fax : 22 51 05 34


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

footbALL L’AFRIQUE AU MONDIAL 2014 Spécial 8 pages

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ALGÉRIE la constitution côté coulisses

NIGER issouFou vs hama amadou

justIcE habré et les vieux démons

LIbyE qui soutient le général haFtar?

Qatar

La Coupe jusqu’à la lie

L’émirat est de nouveau accusé d’avoir « acheté » l’organisation de la Coupe du monde 2022. Notamment gràce à un vaste système de corruption auprès de nombreux officiels africains. Enquête. édition générale France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285

p J.A. no 2787, du 8 au 14 juin 2014.

Homosexualité Mauvaise conscience  Sénégal. Pas gay friendly ? » le titre de votre article avec un point d’interrogation semble appeler une réponse négative, car l’homosexualité est interdite au Sénégal (J.A. n° 2787, daté du 8 au 14 juin). Sauf à admettre que les autorités sénégalaises visent le bien de

la société et la protection des homosexuels par cette interdiction. l’idée serait impensable en Europe. Encourager unjeuneàassumersonhomosexualité est une chose tout à fait normale. Mais le pousser à l’hétérosexualité, personne n’oserait le faire, de peur d’être qualifié d’« homophobe ». l’ardeur des Européens à défendre la cause gay n’auraitelle pas quelque chose à voir avecleurmauvaiseconscience d’avoir persécuté les homosexuels par le passé ? leur soutien ne serait-il pas davantage dicté par le souci de se racheter que par celui de garantir aux concernés le droit au bonheur ? Cela dit, une autre question – occultée par les confessions – mérite d’être soulevée: le taux d’homosexuels dans la population est-il en train de croître ? À moins de considérer ceux qui osent pareille question aussi comme des homophobes. Une chose est

sûre : crier à l’homophobie à tout propos profite aux extrémistes. l Margarete Ferst,

n o 2789 • du 22 au 28 juin 2014

Jeannot gakuba sHyaka, Kinshasa, RD Congo

Libreville, Gabon

Indépendance À quoi ça sert ? Si l’afriqUE est indépendante comme elle le prétend, pourquoi certains de ses dirigeants font-ils toujours appel aux ex-colonisateurs pour restaurer la sécurité dans leurs pays (rD Congo, Mali, Centrafrique, Côte d’ivoire, etc.) ? Même le géant économique et démographique nigérian ne semble pas y échapper. les pays qui envoient leurs citoyens devant la Cour pénale internationale alors qu’ils disposentdejuridictionscapables de les juger – ou pourraient en créer – sont-ils réellement indépendants ? Des responsables politiques africains en exercice (Uhuru Kenyatta et

Islam Lettre à Fawzia Zouari Il y a des jours où je me réjouis d’être une femme et de pouvoir librement exprimer mon admiration face à votre courage exceptionnel. Inutile de vous dire que je partage votre indignation et que j’ai fait lire votre « Post-scriptum » sur le sort des femmes dans les pays musulmans (« jour de colère », J.A. no 2781-2782, daté du 27 avril au 10 mai) à toute ma famille et à des ami(e)s choisi(e)s car je ne veux pas alimenter la xénophobie et le racisme, hélas si répandus. un de vos précédents textes m’avait déjà interpellée, qui comparait la Tunisie d’hier et celle d’aujourd’hui. je me rappelais alors nos vacances près de Tunis quarante-deux ans plus tôt. Bourguiba

ruto, le président et le viceprésident du Kenya) devant la CPi n’est-ce pas une autre forme de colonisation ? Eza fote na biso tika ba monela biso. Traduction : « ils (les Occidentaux) se moquent de nous, mais c’est notre faute. » l

était à la tête du pays, et sans doute restait-il de gros progrès à accomplir sur la voie de la démocratie. Mais nous, touristes belges qui avions loué une « villa » à la Marsa, étions bien accueillis partout et circulions sans appréhension dans une voiture prêtée par un ami tunisien. je m’étonne du peu de réactions de lecteurs (et de lectrices) dans le courrier de Jeune Afrique. une telle bombe n’a-t-elle eu aucun effet ou la frilosité générale face à ces barbus intégristes est-elle de mise aujourd’hui, partout ? encore une fois, toutes mes félicitations et toute mon estime. l

tunisie Celui que personne n’attendait lES TraCTaTiOnS entre Ennahdha et nidaa Tounes pour se partager le gâteau Tunisie n’ont pas pris en compte un facteur très important : l’arrivée au pouvoir d’un inconnu, Medhi Jo m â a , c h o y é p a s l e s américains. Ce troisième homme (après ghannouchi et Essebsi) commence à enregistrer quelques succès économiques : les touristes ont repris le chemin de Tunis, emmenant avec eux leurs devises. Pourquoi n’organiseraiton pas un référendum sur le maintien ou non de Jomâa à la tête du pays plus longtemps, le temps pour lui de remettre l’économie sur les rails ? les Tunisiens n’ont que faire d’une élection présidentielle dont le nombre de candidats témoigne de l’avidité des politiciens. leurs priorités, c’est de se nourrir et de se soigner. il ne serait pas étonnant de voir dans les prochains jours des manifestations de soutien à Medhi Jomâa. les signes de cette adhésion des Tunisiens sontdéjàperceptibles.Comme la manifestation des professionnels du tourisme en faveur d’amel Karboul, ministre du Tourisme, et contre les obscurantistes déterminés à renverser un gouvernement qui commence juste à se mettre au travail. l

MarIe-tHérèse PIront,

FatHI tounaktI,

Malmedy, Belgique

Hammam Lif, Tunisie jeune afrique


Vous nous

Kabila L’art de l’immobilisme Votrearticletraitant du possible départ du président congolais Joseph Kabila au terme de son mandat (« la stratégie du félin », J.A . n o 2585 du 25 au 31 mai 2014) me paraît équilibré, les témoignages des différentes sensibilités politiques ayant été pris en compte – même si on peut regretter que les sources et les interlocuteurs consultés soient toujours les mêmes. les hypothèses que vous avancez sont toutes envisageables. reste cependant une autre, celle de la politique de la terre brûlée, que Kabila serait capable de mettre en œuvre pour justifier son maintien ou son retour au pouvoir. Mais il peut aussi opter pour une transition à l’issue de laquelle

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ses décisions quitte à laisser le pays en pâtir. ainsi, on attend toujours le gouvernement de cohésion nationale annoncé il y a déjà plus de huit mois. l Moise Moni DeLLa iDi,

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p J.A. n° 2585, du 25 au 31 mai 2014.

il changera la constitution, à la faveur d’une accalmie politique. la force du président Kabila réside dans sa capacité à conduire guerre de nerfs, guerre d’usure et politique de procrastination, cette dernière consistant à toujours différer

secrétaire général du Rassemblement des Congolais démocrates et nationalistes (RCDN)

Démographie La bonne cible aprèsaVoirapprécié votre « ce que je crois » sur la croissance démographique (J.A. no 2787), juste quelques mots pour expliciter cette appréciation. peut-être les lecteurs européensetparticulièrementfrançais dessilleront enfin leurs yeux et quitteront le sillon (justement) ouvert par rené Dumont en 1962, mais malencontreusement conservé très

majoritairement de ce côté-ci de « notre mer »… Un mauvais départ n’interdit pas une arrivée, cette évidence semble bien oubliée dans l’Hexagone intellectuel. il me semble que l’attitude des différentes confessions aura son influence dans l’évolution de votre juste préoccupation. par ailleurs, s’agissant de votre conclusion (« [le revenu ne s’élèvera que si la démographie est] maîtrisée. [l’inde et les pays d’afrique subsaharienne] ont donc pour ardente obligation de la ramener à un taux raisonnable, voisin de 1 % »), la suite à lui donner est aussi conditionnée par la réponse à la question suivante: l’échographie « sélective » estelle utilisée en afrique comme elle l’est en inde ou en chine? l MicheL ThibauLT, Angers, France

Sous le Haut Patronage de Monsieur François HOLLANDE Président de la République

7ème édition - 8, 9 et 10 sept. 2014 Paris - France Objectif 2030

CO-CONSTRUIRE LE MONDE DE DEMAIN

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Hebdomadaire international politique, économie, culture

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondateur : béchir ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à tunis bby@jeuneafrique.com

édité par SiFiJa Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed directeur de la publication : marwane Ben Yahmed

Paradoxe de la sorcière

rédaction directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) directeurs exécutifs : marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

O

n apprend avec stupeur que la police de Ouazzane, au Maroc, vient d’arrêter une voyante « en flagrant délit ». C’est quoi, le flagrant délit pour une voyante ? On l’a vu voir ? À ce compte-là, seuls les aveugles seraient innocents… Mais bref : une perquisition a permis à la force publique de saisir des pièces à conviction, dont des photos de notables de la ville. On se demande bien ce qu’elle allait en faire… Une page Facebook ? La dame va être poursuivie pour escroquerie, sorcellerie, profanation du Livre sacré, etc. nous suggérons de l’inculper aussi de cruauté envers les animaux puisque son art requiert, paraît-il, le sacrifice de hérissons castrés et de souris orphelines (sic). Les enquêteurs ont également trouvé chez elle un certain nombre de cadenas avec des noms dessus : c’est avec ça que les sorcières prétendent contrôler maris et amants. personnellement, je soupçonne l’industrie mondiale du cadenas d’être de mèche avec ces harpies qui font fructifier sa production. Ils ont sans doute une clé… de répartition des profits. L’affaire de Ouazzane m’a rappelé une histoire qui s’est déroulée il y a quelques mois à Leeuwarden, en Frise. des citoyens s’étaient plaints des agissements d’une de leurs voisines, une dame d’origine marocaine. À toute heure du jour et de la nuit, des gens débarquaient chez elle comme si elle tenait commerce dans son appartement, ce qui est interdit. Les voisins la soupçonnaient même de pratiquer le plus vieux métier du monde, ce qui ne laissait pas de les étonner vu son âge presque canonique. La police fit son enquête et découvrit que la voisine infernale l’était vraiment, en ce sens qu’elle avait passé un pacte avec Belzébuth : c’était ni plus ni moins qu’une voyante qui s’adonnait aussi à la magie noire, aux ensorcellements et à la confection de philtres d’amour. Or, et c’est là que l’histoire devient intéressante, la police s’aperçut vite qu’elle ne pouvait rien contre la nécromancienne. Certes, celle-ci devait s’inscrire au registre du commerce avant d’exercer ses talents maléfiques et elle devait payer des impôts, mais à part cela, rien ne l’empêchait de confectionner des amulettes ou d’appeler la foudre de Lucifer sur la tête de n’importe quel individu à elle désigné par un de ses clients.

rédaction en chef : élise colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), laurent Giraud-coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : chantal lossou chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), michael pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), tarek moussa et nadia lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric maury (Économie), Jean-michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), cécile manciaux avec olivier caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine clerc, Fabien mollon rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, pierre Boisselet, rémi carayol, olivier caslin, Julien clémençot, Frida Dahmani (à tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, christophe le Bec, omer mbadi (à Yaoundé), mehdi michbal (à casablanca), nicolas michel, Haby niakate, cherif ouazani, laurent de Saint périer, nicolas teisserenc, Joan tilouine ; collaborateurs : edmond Bertrand, christophe Boisbouvier, renaud de rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times responsable de la communication : Vanessa ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou tandiang réaliSation maquette : marc trenson (directeur artistique), emeric thérond (premier rédacteur graphiste), christophe chauvin, Stéphanie creuzé, Julie eneau, christian Kasongo, Valérie olivier ; révision : nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir pol ; fabrication : philippe martin (chef de service) ; service photo : Dan torres (directrice photo), nathalie clavé, Vincent Fournier, claire Vattebled ; documentation : Angéline Veyret avec Sylvie Fournier et Florence turenne, JeuneaFrique.com direction éditoriale : élise colette ; chefs d’édition : pierre-François naudé, Frédéric maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, trésor Kibangula, mathieu olivier, Benjamin roger responsable web : Jean-marie miny ; studio : cristina Bautista, Jun Feng et maxime pierdet diFFuSion et abonnementS direction : christine Vinel ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; maty n’Dome (chef de produit) ; abonnements : amiX, Service abonnements Jeune afrique, 326, rue du Gros-moulin, Bp 10320, 45200 AmillY. tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com communication et publicité diFcom (agence internationale pour la diFFuSion de la communication) S.A. au capital de 3 millions d’euros – régie publicitaire centrale de SiFiJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 paris tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. courriel : regie@jeuneafrique.com président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : chantal Bouillet ; chef de studio : chrystel carrière ; gestion et recouvrement : pascaline Brémond ; service technique et administratif : carla de Sousa direction de la publicité : laure nitkowski, avec catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de patricia malhaire ; annonces classées : Fabienne lefebvre avec Blandine Delporte, richelle Abihssira, assistées de Sylvie largillière chargées de mission : nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata tandjan repréSentationS eXtérieureS maroc SiFiJa, nabila Berrada. centre commercial paranfa, Aïn Diab, casablanca. tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. tuniSie Sapcom, mourad larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 tunis. tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522.

On voit donc le paradoxe. dans nos pays du Maghreb, nourris de superstitions et de croyances farfelues, une voyante n’a pas le droit d’abuser de la crédulité de gens à qui, par ailleurs, on fait constamment prendre des vessies pour des lanternes ; mais dans un pays du nord de l’europe, où la majorité de la population ne croit à rien et où le monde est complètement désenchanté, cette escroquerie à la petite semaine que constitue la voyance a le droit de prospérer. Cherchez l’erreur… l

Société internationale de Financement et d’inVeStiSSement S.c.A. au capital de 15 millions d’euros. principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 pAriS | rcS pAriS B 784 683 484 tVA : Fr47 784 683 484 000 25

n O 2789 • du 22 au 28 juin 2014

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gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique rouillon ; contrôle de gestion : charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : monique éverard et Fatiha maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier ; club des actionnaires : Dominique rouillon imprimeur Siep - FrAnce. commiSSion pAritAire : 1016c80822. DépÔt léGAl : à pArution. iSSn 1950-1285.


RÉPUBLIQUE DU MALI

DATE : 30/05/2014 AMI N°006/14/DAMG/ATD

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

POUR LE RECRUTEMENT D’UN BUREAU D’INGÉNIEUR - CONSEIL PROJET D’APPROVISIONNEMENT EN EAU POTABLE DE LA VILLE DE BAMAKO À PARTIR DE LA LOCALITÉ DE KABALA Le Gouvernement de la République du Mali a obtenu un financement de la Banque Islamique de Développement afin de couvrir le coût du Projet d’Approvisionnement en Eau Potable de Bamako à partir de Kabala, et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées au titre de ce financement pour effectuer les paiements prévus au titre du contrat suivant : Services de consultants pour les missions d’études techniques détaillées (APD-DAO), la participation au processus d’attribution des marchés, le contrôle et la surveillance des travaux d’ouvrages de stockage et de distribution en rive gauche et de renforcement de la station de Djikoroni-Para. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent, dans le district de Bamako et environs : les études d’Avant-Projet Détaillé (APD), la préparation des Dossiers d’Appel d’Offres (DAO), l’assistance au dépouillement des offres et le contrôle des travaux de : (i) 215 km de réseaux de distribution d’eau dont 40 km à réhabiliter, (ii) 20 000 branchements dont 50% seront promotionnels ; (iii) un château d’eau en béton armé de 500 m3 et trois réservoirs en béton armé respectivement de 5000 m3 , 5000 m3 et 4500 m3, (iv) une station de reprise et (v) renforcement de la capacité de production d’une station de traitement d’eau existante. Le Ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, par délégation à la Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable (SOMAPEP SA) invite les Consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables (dans la conception, la supervision des travaux de construction, les procédures de passation de marchés de travaux similaires etc..) disponibilité de personnel qualifié, expérience avec les Institutions Financières Internationales, expérience dans la sous-région, etc.) démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations. Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Islamique de Développement. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires, les jours ouvrables à la SOMAPEP s.a, Siège Social Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, BP-1528 Tél. +(223) 20 22 00 26 ; FAX +(223) 20 22 02 00 ; E.mail : bandia.cissoko@somapep.ml Les expressions d'intérêt doivent être déposées à la SOMAPEP SA, Siège Social Bamako, Quartier Magnambougou Faso Kanu, Tél. +(223) 20 22 00 26 BP - 1528 Fax +(223) 20 22 02 00 au plus tard le 14/07/2014 à 10 heures et porter expressément la mention « Projet d’Approvisionnement en Eau Potable de Bamako à partir de la localité de Kabala, Services de consultants pour les missions d’études techniques détaillées (APD-DAO), la participation au processus d’attribution des marchés, le contrôle et la surveillance des travaux d’ouvrages de stockage et de distribution en rive gauche et de renforcement de la station de Djikoroni-Para. ». Le Président Directeur Général Adama Tiémoko DIARRA Chevalier de l’Ordre National


CRÉA / mentysdesign.com & lanoisetteparis.com // ©Hans Gedda/Sygma/Corbis // MAQUETTE / legauchergraphic.com / Espace offert par Jeune Afrique

* Le combat continue

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