alpha blondy « gbagbo doit être jugé en côte d’ivoire! »
Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2839 • du 7 au 13 juin 2015
dossier
tic
Spécial 10 pages
maroc affaire ayouch : les raisons d’un scandale
jeuneafrique.com
fifa l’onde de choc
Congo(s) 2016 Pour denis sassou nguesso et joseph Kabila, ce sera l’année de tous les défis. reportage des deux côtés du fleuve. édition internationale et afrique centrale France3,80€•Algérie220DA•Allemagne4,80€•Autriche4,80€•Belgique3,80€•Canada6,50$CAN•Espagne4,30€•Éthiopie67birrs•Grèce4,80€•Guadeloupe4,60€ Guyane 5,80 € • Italie 4,30 € • Maroc 25 DH • Martinique 4,60 € • Mauritanie 1100 MRO • Mayotte 4,30 € • Norvège 48 NK • Pays-Bas 4,80 € • Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € • RD Congo 6,10 $ US • Royaume-Uni 3,60 £ • Suisse 6,50 FS • Tunisie 3,50 DT • USA 6,90 $ US • Zone CFA 1900 F CFA • ISSN 1950-1285
Dossier
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Télécoms & internet
Les opérateurs
© Sylvain Cherkaoui pour J.a.
mobiles
n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
jeune afrique
interview
Jean-Bruno Obambi PDG d’Azur
portrait
Michel Paulin imprime sa marque chez Méditel
concurrence
À Bamako, pas de place pour le nouveau ?
prêts à surfer
internet représente une part croissante dans les revenus africains d’Orange, MTN ou Airtel. Mais sur un continent encore relativement peu connecté, ces opérateurs avancent prudemment.
L
julien clémençot
e quartier des affaires d’Anfa, la corniche, la Médina, l’aéroport… Peu de Casaouis le savent, mais la capitale économique du Maroc est entrée dans l’ère de la technologie 4G (très haut débit mobile). Depuis plusieurs semaines, des dizaines d’ingénieurs équipés de smartphones dernière génération testent les nouveaux réseaux des opérateurs. Disponibilité, stabilité, temps de téléchargement… Chaque indicateur est scruté en vue du prochain lancement. D’ici à quelques semaines, cette nouvelle norme offrira sur les mobiles des débits internet jamais vus dans le royaume – en théorie jusqu’à 100 Mb par seconde –, plus rapides que les offres fixes actuellement disponibles. Et le Maroc est loin d’être une exception. Ces deux dernières années, le Rwanda, le Nigeria, le Kenya, l’Ouganda, Maurice, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Tchad et le Bénin ont sauté le pas. Et dans les mois à venir, d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Tunisie devraient eux aussi se lancer. Cette transition vers la 4G représente un investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros dans chaque pays et arrive un peu tôt car les réseaux 3G (haut débit mobile), souvent encore en cours de déploiement, ne sont pas amortis. Mais chez les opérateurs, elle ne fait pas vraiment débat. Appétit. « Elle est inéluctable », constate Arnaud
p Le Sénégal devrait passer à la 4G d’ici à la fin de l’année. jeune afrique
Blondet, directeur de l’innovation Afrique-MoyenOrient - Asie au sein du groupe français Orange. À l’image de MTN, dont les revenus provenant de la data ont augmenté de 16,7 % entre mars 2014 et mars 2015, tous les opérateurs sentent le formidable appétit de leurs clients pour les usages numériques. Même si ces nouveaux services (internet, SMS, musique et vidéos en ligne, ● ● ● n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
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© Sylvain Cherkaoui pour J.a.
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banque…) ne représentent encore que 5 % à 20 % de leur chiffre d’affaires selon les pays, ils sont devenus incontournables. Et « avec le passage à la 4G, on espère que la consommation de data va bondir », confie Patrick Berthié, directeur de l’innovation du marocain Inwi. Ce changement est largement lié à l’arrivée sur le marché, depuis plus de deux ans, de smartphonesàmoinsde100euros,spécialitédesmarques chinoises comme Huawei, Tecno, Xtouch et ZTE. L’engouement des consommateurs africains pour ces terminaux surprend même les spécialistes par sa rapidité. Selon le cabinet Deloitte, le marché africain des smartphones (15 % des téléphones en circulation) devrait croître de plus de 40 % en 2015, avec 70 millions de pièces supplémentaires vendues. Leur nombre devrait doubler d’ici à 2017 pour atteindre plus de 350 millions. Les opérateursqui, en Afrique, se sont développés sur un modèle de crédits de communication prépayés ajoutent désormais dans leurs offres un accès internet (sous la forme d’un volume de données à consommer dans un temps limité) et parfois un smartphone. Orange commercialise sur ce principe Klif, un terminal d’entrée de gamme fonctionnant ●●●
p Orange inclut désormais dans ses offres des smartphones d’entrée de gamme (ici, dans une boutique à Dakar).
une relation client 3.0
D
ans l’esprit des opérateurs, le « digital » constitue d’abord un nouveau canal pour renforcer la relation qu’ils entretiennent avec leurs clients. Partout, les portails subissent d’importants liftings afin que les utilisateurs puissent gérer leurs services et leur consommation plus facilement. Il y a environ six mois, n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
le marocain Inwi a par exemple décidé de créer une direction numérique entièrement consacrée à cet objectif. En parallèle, la plupart des groupes cherchent à développer la vente en ligne de téléphones avec des offres spéciales. Le but ? Fidéliser les utilisateurs mais également J.c. faire des économies. ●
avec le système Firefox OS, pour environ 32 euros. À terme, treize pays africains pourront en bénéficier. En Afrique du Sud, MTN propose un modèle similaire, et au Nigeria, Airtel mise plutôt sur un smartphone de milieu de gamme, vendu 90 euros, comprenant un crédit de 2 Gb de données. menace. Dans les années à venir, cette révolution
numérique va bouleverser le modèle économique des opérateurs. Au cours de la dernière décennie, ceux-ci ont atteint des niveaux de rentabilité exceptionnels, avec des taux de marge Ebidta dépassant 50 %, grâce aux services « voix ». « Mais il faut s’attendre à une baisse, prévient un spécialiste des contenus numériques. Auparavant, l’opérateur avait la maîtrise de tous les maillons de la chaîne. Il utilisait son réseau pour vendre son service dont il assurait la facturation. Avec internet, l’opérateur offre toujours l’accès, contrôle encore la note, mais de plus en plus de services sont apportés par des tiers, avec qui il faut partager le gâteau. » Alors que les prix des communications chutent depuis 2010, les états-majors des géants du secteur s’activent pour préparer l’avenir. Mais sur le terrain, l’enthousiasme est moins perceptible. « Il y a un important travail de pédagogie à effectuer dans les filiales, reconnaît un cadre d’Orange. Leurs résultats financiers dépendent encore largement de la voix, et le numérique n’est pas forcément une priorité. » Quand internet permet de communiquer avec la voix, via des applications comme Skype, Viber ou WhatsApp, les filiales le considèrent plutôt comme une menace. Au point de bloquer ces services ? Difficile à dire, mais fin février, de nombreux Sénégalais se sont plaints de ne plus pouvoir les utiliser… Tous les opérateurs cherchent néanmoins à afficher leur dynamisme numérique en ● ● ● jeune afrique
Dossier Télécoms & internet
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Part des échanges de données dans le revenu des filiales africaines (%)
6,29
Part des clients africains qui échangent des données (%)
9,17
1er trimestre 2014
15,58
20,84
HackatHons. Quand on les interroge sur leur
1er trimestre 2015
● ● ● multipliant les nouveaux services, notamment dans le domaine du divertissement. Millicom a par exemple innové en 2014 au Ghana en proposant un service de musique en ligne en partenariat avec Deezer. « L’initiative sera répétée fin 2015 ou début 2016 en RD Congo », révèle Uche Ofodile, directrice générale de la filiale à Kinshasa. Le groupe coté au Luxembourg s’est également distingué en entrant en 2012 au capital du spécialiste du e-commerce Rocket internet (promoteur du site Jumia), avant d’être rejoint quelques mois plus tard par MTN. Il s’illustre aussi dans le domaine de la télévision sur mobile. En Côte d’Ivoire, il a lancé en mai une offre payante en partenariat avec la start-up française Summview. Les autres majors du secteur ne sont pas en reste, même s’il est difficile d’estimer l’impact économique des accords noués. Au Maghreb, Orange va par exemple proposer Anghami, un service de musique en ligne avec lequel le groupe a déjà un partenariat en Jordanie. Pour rattraper son retard et marquer les esprits, l’indien Airtel a répondu à l’appel de Facebook pour participer, comme Millicom, au programme internet.org. Ses filiales kényane et zambienne permettent ainsi à leurs abonnés d’accéder gratuitement au réseau social et à d’autres services comme Wikipédia. Également approchés, MTN et Orange ont eux refusé, reprochant à l’entreprise de Mark Zuckerberg de favoriser l’explosion du trafic sans participer au financement des réseaux nécessaires à son transport. « S’il y a une erreur commise en France que les opérateurs africains ne feront pas, c’est d’offrir
deux fois plus de smartphones
175 millions en 2015
350 millions* en 2017
*Estimations
Lire aussi Summview met la TV dans la poche des Ivoiriens
gros enJeux autour du Big data Réseaux sociaux, objets connectés… L’univers numérique génère quantité de données dont l’analyse pourrait être décisive dans la compétition entre opérateurs et géants du Net. Début avril, lors d’une conférence donnée à sandton, dans la banlieue de Johannesburg, Rams srinivasan, ingénieur chez saP n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
des abonnements illimités », assure Samba Sène, spécialiste de l’innovation, ancien directeur du technocentre d’Orange à Abidjan. « D’autant plus que les réseaux sur le continent sont moins costauds. Une hausse incontrôlée du trafic représenterait un vrai risque », estime Germain Breugnot, spécialiste des infrastructures de télécoms au sein du cabinet Titane.
pour le Moyen-orient et l’afrique du Nord, a insisté sur l’opportunité d’adapter les offres aux attentes des utilisateurs grâce à ces informations, presque en temps réel. saP suggère aussi de vendre ces dernières à des tierces parties, créant ainsi une nouvelle source de revenus. ● J.c.
SOURCE : CabInEt dELOIttE
SOURCE : MILLICOM
L’exemple de Millicom
stratégie internet, les compagnies mettent aussi en avant les concours et autres hackathons organisés pour repérer les développeurs africains prometteurs. À la clé, de petits chèques, la possibilité de profiter d’un accompagnement et parfois d’être distribué sur la plateforme locale d’un cador du secteur. « Mais c’est encore très rare de trouver des applications vraiment innovantes », regrettait l’an dernier Frédéric Debord, directeur général du marocain Inwi. « Les idées ne manquent pas, mais les développeurs africains doivent acquérir davantage de compétences techniques et il existe encore peu de formations dans ce domaine », admet Christelle Scharff, une universitaire francoaméricaine qui anime des ateliers autour de l’internet mobile au Sénégal. Si l’écosystème numérique peine à se constituer, c’est aussi parce que les opérateurs ont adopté une stratégie défensive. « Pour stimuler la création de contenus locaux – essentielle si on veut accélérer l’adoption d’internet –, il faut qu’ils ouvrent leurs plateformes informatiques et permettent aux startup d’interconnecter leurs applications », affirme Samba Sène. « C’est un processus qui est en cours, explique Arnaud Blondet, mais pour des questions de sécurité, c’est un peu long. Orange, et c’est une première en Afrique, donne désormais accès à son interface SMS. Ainsi, la boutique au coin de la rue peut envoyer des messages de promotions. » Autre piste explorée, l’ouverture des systèmes de facturation. « C’est sans doute l’un des plus grands obstaclesàl’émergencedeserviceslocaux.S’ilsn’ont pas de compte en euros ou en dollars pour se faire payer, les développeurs africains ne peuvent pas bénéficier des magasins d’applications d’Apple ou de Google », reconnaît Christelle Scharff. Mais quand on lui parle ainsi d’internet mobile et de services numériques, Michel Elame, consultant et ex-directeur général de Warid au Congo, a l’impression de ne pas vivre sur la même planète. « Au Cameroun, leur adoption est très lente et on ne constate pas chez les professionnels de réelle volonté d’accélérer », déplore-t-il. Même le vietnamien Viettel, qui y a lancé ses activités en septembre, n’a pas fait bouger les lignes et propose des offres similaires à celle du duo MTN-Orange. L’illustration d’une autre réalité africaine. Sur le continent, c’est la technologie 2G qui est encore majoritairement utilisée. Selon l’équipementier Ericsson, elle ne sera détrônée par la 3G qu’en 2019. ● jeune afrique
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Dossier Télécoms & internet AnAlyse
Course à la taille critique Dans un contexte concurrentiel de plus en plus difficile, les acquisitions de petits acteurs par les géants du secteur vont se multiplier.
I
l y a quelques semaines, Stéphane Richard, le PDG d’Orange, réaffirmait dans Les échos la volonté de son groupe de poursuivre son développement en Afrique. Pour l’heure, l’opérateur français ne parle pas de nouvelle acquisition. Au contraire, le 3 juin, son patron a annoncé la cession en 2016 de 10 % à 15 % du capital de l’égyptien Mobinil, dont il détient 99 %. Toutefois, selon nos informations, Orange pourrait dans les prochains mois lever des fonds en introduisant en Bourse une partie du capital de ses filiales africaines, qui sont en train d’être réunies dans un même holding. De quoi envisager ensuite une prise de contrôle ou une fusion par le biais d’un échange de titres ? Il est encore trop tôt pour le dire. Reste que les mois à venir devraient donner lieu à de nouvelles consolidations dans le secteur des télécommunications en Afrique, estime l’agence Moody’s, qui vient de publier un rapport sur ce thème. L’année 2014, déjà, a été marquée par la prise de contrôle de Maroc Télécom par l’émirati Etisalat, qui a racheté les actions du groupe français Vivendi, et par le démantèlement de la filiale kényane du groupe indien Essar, au profit de Safaricom pour la partie réseau et de Bharti Airtel pour les abonnés. Dans cette course à la taille critique, les géants des télécoms sont les plus à même de figurer parmi les grands gagnants de cette reconfiguration, notamment parce qu’ils bénéficient d’un meilleur accès aux marchés financiers. Si le groupe sud-africain MTN, dont les opérations engendrent d’importants flux de trésorerie, endette directement ses filiales, l’indien Bharti préfère utiliser le bilan positif de sa maison mère pour n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
Tunisie
Maroc
Algérie Égypte
Cap-Vert
Mauritanie
Mali
Burkina Sénégal Guinée-B. Guinée Bénin Côte d’Ivoire Liberia
Sierra Leone
Togo Ghana
Niger Tchad
Soudan
Nigeria
Centrafrique Soudan du Sud Cameroun Ouganda
Kenya
Congo financer à moindre Rwanda São Tomé Gabon Burundi coût son développement RD Congo Tanzanie africain. MTM Group Limited Seychelles Cependant, les Bharti autorités Airtel Ltdde Angola Malawi régulation surveillent attentiveOrange Zambie Emirates Telecommunications ment ces opérations, expliquent Mozambique Corporation Ltd les analystes de Moody’s. EnGroup auto-Plc Vodafone Zimbabwe Namibie risant l’acquisition de petits opé- Cellular S.A. Maurice Millicom International Botswana Oi SA rateurs par les leaders du marché, Swaziland VimpelCom Ltd les gendarmes du secteur savent Madagascar Cell C (Pty)Ltd Lesotho qu’ils risquent de créer des acteurs Telkom SA SOC Ltd dominants et, ce faisant, de nuire Afrique du Sud à la concurrence nécessaire au pays développement des télécoms. d’implan La position des autorités pourDans un contexte concurrentiel tation des rait être plus souple dans les pays de plus en plus difficile, les sociétés principaux ayant délivré plus de quatre dont la part de marché est inféopérateurs licences, comme l’Ouganda ou rieure à 15 % peinent à financer la Côte d’Ivoire (six opérateurs leur développement. Aux invesMTN (17 pays) chacun). À Abidjan, le ministre tissements à réaliser s’ajoute la Bharti Airtel (17) des Télécommunications ne cache baisse continue des marges sur Orange (16) pas qu’il veut réduire le nombre les services de voix. Une chute Etisalat (14) de licences. Il a déjà menacé de des revenus par utilisateur que Vodafone (10) retirer leur agrément aux petits les grands groupes cherchent eux Millicom (6) aussi à amortir en misant sur le opérateurs, comme Comium ou Oi (6) partage des infrastructures. GreenN, s’ils ne remplissaient pas VimpelCom (2) La formidable montée en puistoutes leurs obligations fiscales. Cell C (1) sance des gestionnaires de tours Peut-être voudrait-il aussi favoTelkom (1) est l’autre enseignement de ces riser leur regroupement ? deux dernières années. Selon le source : moody’s site internet TowerXchange, ils partage. En dehors de quelques possèdent environ 160 000 relais exceptions, il est donc probable sur le continent, soit 45 % du que les grands groupes de téléparc existant. Derrière IHS, qui communications cherchent plutôt à étendre leur couverture géoadministre plus de 20 000 tours, graphique à de nouveaux pays. American Tower, Helios Towers Et d’abord par l’acquisition de Africa et Eaton Towers mènent petits acteurs, bien que la vente la chasse. Le 30 avril, ce dernier annonçait avoir levé 320 millions d’un opérateur comme Millicom ne soit pas à exclure, estime le d’euros et signé un contrat d’achat patron d’un opérateur présent de 2 000 tours avec Mobinil. ● en Afrique francophone. julien clémençot jeune afrique
Dossier Télécoms & internet
Jean-Bruno Obambi PDG d’Azur « Nous voulons fédérer les petits pour peser face aux géants » interview
Le patron de ce groupe, présent au Congo, en Centrafrique et au Gabon, veut faire entendre la voix des opérateurs indépendants.
Nous avons établi un plan sur cinq ans. Le montant des investissements est estimé à 40 millions d’euros. Nous allons lever cet argent par tranches. Dans un premier temps, nous recherchons 20 millions, dont la moitié devrait être apportée par la BDEAC et l’autre moitié par un pool bancaire incluant notamment BGFI, Ecobank et BCI.
S
onintérêtpourlestélécoms, le Congolais Jean-Bruno Obambi, PDG de l’opérateur de télécoms Azur, l’a reçu en héritage. Dans les années 1990, un de ses proches parents, Pierre Otto Mbongo, avait facilité l’installation du groupe Celtel au Congo. En 2008, ce diplômé de l’École polytechnique de Montréal saisit à son tour l’opportunité d’investirdanslesecteuralorsquel’opérateur Bintel (aujourd’hui Azur), propriété du groupe saoudien Binladen, cherche un partenaire àBrazzavilleaprèss’êtreimplantéen Centrafrique et au Gabon. D’abord président du conseil d’administration de sa filiale congolaise, JeanBruno Obambi prend le contrôle de l’opérateur en 2012. Selon lui, Azur, consolidé au sein d’un holding basé à Dubaï, est aujourd’hui valorisé à plus de 90 millions d’euros. Avec environ 1 million de clients dans ses trois filiales, il est cent fois plus petit que son concurrent Orange. Son patron reste néanmoins confiant dans sa capacité à se développer, même sur un marché en pleine concentration. jeune afrique : après plus de deux ans à la tête d’azur, quel est votre bilan ? jean-Bruno oBamBi : Azur
est en progression au Congo et au Gabon, où nous sommes passés de 5 % à près de 10 % de part de marché. Notre chiffre d’affaires a progressé, de 45 millions d’euros en 2012 à 53 millions en 2014. En n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
Depuis 2014,azur bénéficie de l’appui technique de monaco télécom. qu’est-ce que cela vous apporte ?
© vincent fournier/j.a.
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Centrafrique, la crise nous a pénalisés mais nous détenons toujours 24 % d’un marché très prometteur, où le taux de pénétration n’est que de 25 %, contre plus de 100 % dans nos deux autres filiales. est-ce suffisant pour être bénéficiaire ?
Au Gabon, nous équilibrons les recettes et les dépenses. Au Congo, nous visons une marge Ebitda positive en fin d’année. Et en Centrafrique, nous misons sur l’amélioration de la situation. L’objectif est toujours d’atteindre au moins 20 % de part de marché dans ces trois pays d’ici à 2019. fin 2014,azur cherchait de l’argent frais pour financer son plan d’affaires. où en êtes-vous ?
p Ce Congolais a pris le contrôle du groupe en 2012.
En tant qu’opérateur, Monaco Télécom, qui est présent au Kosovo et en Afghanistan, a une bonne expérience des opérations de taille moyenne. Et il facilite nos discussions avec des équipementiers comme Huawei et Ericsson. Ce partenariat peut-il déboucher sur un véritable rapprochement ?
Ce n’était pas prévu au départ, mais Monaco Télécom, après avoir réalisé plusieurs audits dans nos filiales, va entrer dans le capital d’Azur à hauteur de 20 %. En plus du contrat de service, trois personnes vont être détachées pour nous aider à conduire nos opérations à partir du mois de juillet. au Congo et au Gabon, le marché ne va plus compter que trois opérateurs après le rachat de warid par airtel et la fusion entre Gabon télécom et moov. est-ce une bonne nouvelle ?
Cela correspond au souhait des régulateurs de limiter le nombre d’acteurs tout en évitant la formation d’un duopole, avec deux multinationales se partageant le marché. Au Congo, une partie de la clientèle de Warid, qui avait un fort ancrage local, pourrait ne pas se retrouver dans la stratégie d’Airtel, géré de manière plus distante. jeune afrique
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Notre atout est d’être un opérateur né et piloté en Afrique centrale. Qu’offrez-vous de plus ?
Nousavonsparexempleconnecté nos réseaux au Gabon, au Congo et en Centrafrique, ce qui nous permet de proposer des tarifs 30 % moins élevés que la concurrence pour les appels vers les téléphones munis d’une puce Azur dans ces trois pays. vous prônez un rapprochement des opérateurs indépendants. De quoi s’agit-il ?
L’idée est de fédérer les petits opérateurs pour peser davantage face aux géants du secteur. Cela souslamarqueAzur,quial’avantage d’exister déjà dans trois pays. Cela permettrait de mieux négocier le prix de nos équipements et de proposer des services communs. Dans
un premier temps, cela pourrait se limiter à un partenariat commercial avecdesoffresmultipays,commece que proposent Vodacom ou Airtel. Je suis en discussionavecdes opérateurs au Bénin et en Côte d’Ivoire, et j’espère pouvoir faire une annonce en fin d’année.
Notre souhait est de voir exister des opérateurs africains aux côtés des multinationales. Azur n’offre que des services 2G. L’internet mobile représente pourtant l’avenir du secteur…
Tout à fait, même si la voix reste la principale source de revenus pour lesopérateurs.Nouslanceronsla3G en Centrafrique dans les prochains mois et négocions pour obtenir des licences 3G et 4G au Congo et au Gabon. L’objectif est d’être opérationnel au début de 2016. En attendant, nous avons pris très récemment des participations dans les fournisseurs d’accès internet MilleniumTélécomenCentrafrique et Wifly au Gabon et au Congo, qui offrent des services haut débit grâce à la technologie Wimax. ●
Pensez-vous que la concentration du secteur va se poursuivre ?
C’est la volonté des grands opérateurs, qui voudraient se partager le continent à trois ou à quatre pour stabiliser leurs marges. recevez-vous des offres d’achat pour Azur ?
Oui, de la part de grands opérateurs comme de moyens. Nous n’y sommes pas fermés. En plus du niveau de l’offre, nous examinons la qualité du projet industriel.
Propos recueillis par JuLien CLémençot
AMOS. EXIGEZ DAVANTAGE Nous sommes centrés sur l’Afrique. Nos trois satellites*, placés sur des positions orbitales différentes, couvrent l’ensemble du continent. AMOS-5, en position 17°E, délivre de puissants signaux en bandes C et Ku avec accès à l’Europe et au Moyen-Orient. AMOS-4, en position 65°E, fonctionne en bande Ka. Le signal HTS d’AMOS-6 sera si puissant qu’il permettra aux opérateurs africains de repenser leur modèle économique. Notre solution hybride télévision-internet simplifie l’accès à Internet à haut débit et renforce l’efficacité des TIC en Afrique. Spacecom, opérateur de satellites et leader européen, couvre l’Europe et le Moyen-Orient avec AMOS-2 et AMOS-3, situés sur le hot-spot orbital 4°O, et bientôt toute l’Afrique avec AMOS-6. *D’ici à 2016.
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Dossier Télécoms & internet
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Portrait
Michel Paulin imprime sa marque chez Méditel
© Méditel
à la tête du deuxième opérateur mobile marocain depuis 2013, l’ex-directeur général de Neuf Cegetel compte déjà ses premiers succès. Et ne cache pas une ambition « démesurée » pour les années à venir.
Y
aurait-il un avant- et un après-Michel Paulin ? Une chose est sûre, Méditel, le numéro deux du marché marocain des télécommunications (derrière Maroc Télécom), détenu à 40 % par Orange, renoue enfin avec la croissance. En 2014, son chiffre d’affaires a progressé de 6,9 % pour atteindre l’équivalent de 510 millions d’euros. Avec 16,2 millions de clients, le groupe détenait à la fin de mars, selon l’Agence nationale de réglementation des télécommunications, 31,1 % du parc des abonnés au téléphone mobile. Mieux, ses indicateurs financiers s’améliorent et sont marqués par une croissance du résultat d’exploitation de 88 %. Le résultat net de Méditel reste cependant négatif, à − 5,5 millions d’euros, « en raison de la clôture d’une procédure de vérification fiscale et surtout de l’amortissement n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
du programme d’investissements de 371 millions d’euros lancé en 2013 », tient à préciser son directeur général. Michel Paulin a installé son bureau au dernier étage de l’immeuble de Méditel, à l’entrée sud de Casablanca, dans le quartier de Sidi-Maârouf. La vue dégagée lui permet d’admirer le ciel bleu. « On n’est pas bien ici ? » lâchet-il dans un large sourire. Venu de Suisse où il dirigeait Louis Dreyfus Commodities (LDC), filiale du groupe Louis Dreyfus spécialisée dans le négoce des matières premières agricoles, ce quinquagénaire français aux cheveux poivre et sel et à l’allure sportive a pris les commandes de l’opérateur marocain en mai 2013. rodé. Avant de faire le tour du
monde une fois par mois pour le compte de LDC, Michel Paulin avait passé l’essentiel de sa carrière
p Sous sa direction, le résultat d’exploitation a augmenté de 88 %.
dans le secteur des télécommunications. Directeur général de Neuf en 2005, au moment de la fusion avec Cegetel, l’homme est rodé aux plans d’action et aux consolidations d’entreprises. à la tête de Neuf Cegetel, il pilote quatorze acquisitions en sept ans et fait de la société, cotée en Bourse en 2006, le deuxième opérateur fixe en France, juste avant son rachat par SFR, en 2009. De quoi convaincre les actionnaires de Méditel des mérites de son plan de bataille. Premier axe de développement : le travail autour de la marque. « Lorsque Méditel s’est lancé sur le marché, en 1999, le téléphone était extrêmement rare et cher, expose Michel Paulin. Puis la concurrence s’est installée et notre entreprise a démocratisé l’accès à la téléphonie mobile. Elle doit continuer de cultiver ses valeurs de proximité, de simplicité et de générosité auprès des clients. » Cette conviction se traduit depuis un an par le lancement d’offres plus agressives et plus simples. Installé dans le même quartier, à seulement quelques dizaines de mètres, Inwi, le troisième opérateur marocain, qui depuis 2010 a réussi à grignoter des parts de marché en proposant notamment la facturation à la seconde, est un adversaire tout désigné. très haut débit. Deuxième axe
majeur: la modernisation des technologies et du réseau. En 2014, un programme d’investissements de
4G, « tout iP »… il a fait de la modernisation des technologies et du réseau son cheval de bataille. 660 millions d’euros sur cinq ans a été lancé. Il porte sur le déploiement de technologies d’avenir, comme le projet RAN Renewal, qui va préparer l’opérateur à l’arrivée de la 4G (très haut débit), mais aussi sur la simplification du réseau, qui d’ici à quelques mois sera « tout IP » (protocole de communication utilisé sur le jeune afrique
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réseau internet). « à la clé, plus de couverture, plus de débit et une meilleure expérience client », promet Michel Paulin. Alors que les finances de l’entreprise n’étaient pas florissantes, le choix de l’investissement a été privilégié. « Les investissements d’aujourd’hui feront la croissance de demain ! » insiste le directeur général. Enfin, troisième volet de sa feuille de route : les méthodes de gestion. Pour Michel Paulin, pas question de transformer une entreprise sans la faire changer de l’intérieur. Dès son arrivée, il a mis en place une série de plans d’action portant chacun sur un objectif précis : le gain de part de marché, la redynamisation commerciale, la réduction des coûts… Les programmes sont pilotés par une cellule de consultants constituée en interne et régulièrement ajustée. Des méthodes de management déjà éprouvées, mais dont la mise
en place « a nécessité beaucoup de détermination et d’empathie », reconnaît le dirigeant. Depuis deux ans, les effectifs de l’entreprise sont restés stables (1 130 salariés), mais les organisations des différentes directions ont été revues. Résultat, Méditel a réduit ses coûts de fonctionnement de 12 % en deux ans, et a pu réinvestir en 2014 plus de 23 % de son chiffre d’affaires – un pourcentage qui s’élève plutôt à 15 % pour la plupart des opérateurs européens. nom. « Il est important de prendre
les devants. Le Maroc constitue une opportunité majeure pour le développement du fixe, de la fibre optique et des données à très haut débit, s’enthousiasme Michel Paulin, qui entend bien conforter la place de numéro deux de son entreprise. J’ai une ambition démesurée pour Méditel. Avec l’explosion de l’utilisation
31,1 % de part de marché avec
16,2 millions d’abonnés
d’internet, le secteur se transforme complètement. » Au cours de cette année, il est prévu qu’Orange acquière 9 % supplémentaires du capital de l’entreprise, soit 4,5 % auprès de chacun des deux autres actionnaires marocains principaux, le holding Finance Com et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), qui détiennent tous deux 30 % de Méditel. Cette évolution de l’actionnariat entraînera-t-elle un changement de nom pour l’opérateur? « Il s’agit de deux sujets distincts », répond Michel Paulin. Cependant, le nom Orange, marque internationale très présente en Afrique, pourrait avoir du sens au Maroc, pays dont les entreprises se tournent de plus en plus vers le sud du Sahara. Alors que les spéculations vont bon train, le directeur général s’en tient à sa feuille de route. Avec succès pour l’instant. ● marie cadoux, à Casablanca
Dossier Télécoms & internet ConCurrenCe
À Bamako, pas de place pour le nouveau?
Orange et Malitel inondent le marché malien d’offres promotionnelles pour contrer l’arrivée d’atel. Mais ce dernier est-il vraiment en mesure de rebattre les cartes ?
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in mai, dans le quartier Badalabougou, les hautparleurs du minibus stationné devant le restaurant Broadway, point de ralliement des expatriés de Bamako, crachent une musique tendance. Autour du véhicule, une petite foule de badauds s’agglutine pour profiter des promotions de l’opérateur Malitel, contrôlé par Maroc Télécom, numéro deux du secteur avec 48 % de part de marché. Anticipant l’arrivée au Mali d’une troisième compagnie de téléphonie mobile, Alpha Télécommunication (Atel), filiale du groupe burkinabè Planor, l’entreprise multiplie ce genre d’événements : les hôtesses distribuent des puces dont le prix cassé – 500 F CFA (76 centimes d’euros) – inclut des crédits téléphoniques de 1 000 à 5 000 F CFA à utiliser dans les trois mois, parfois plus. Et Malitel n’est pas le seul à brader ses services. Orange Mali, numéro un du marché depuis sa création (sous le nom d’Ikatel), en 2003, s’affiche en grand format sur les murs de la capitale et inonde lui aussi le pays de cartes SIM. Usage UniqUe. « Malitel et
Orange Mali clament qu’ils ont respectivement 10 et 11 millions d’abonnés, mais en réalité ils n’en comptent que 4 et 5 millions, qui en plus sont souvent clients des deux opérateurs à la fois », assure un responsable de l’Institut national de la statistique. Grâce aux perpétuelles offres promotionnelles, « il est devenu plus avantageux d’acheter une nouvelle carte SIM qu’une recharge téléphonique. Ce n o 2839 • du 7 au 13 juin 2015
© Malitel
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sont des puces à usage unique », poursuit-il. « J’en ai plus de quinze à la maison. À chaque fête, il y a des bonus donc j’en prends une nouvelle », confirme Hamidou Dolo, boutiquier à Bamako. Avant même le démarrage de ses activités, prévu d’ici à quelques mois, Atel sait que la tâche sera rude pour imposer sa marque face au duopole. « Nous aurons du pain sur la planche mais nous sommes confiants. Nous avons l’expérience du marché burkinabè, quiressemble beaucoupau marché malien », affirme Mouni Kouda, conseiller spécial d’Apollinaire Compaoré, le président de Planor. Mais si au Pays des hommes intègres sa filiale Télécel a réussi à fidéliser ses clients et détient environ 25 % du marché, c’est notamment grâce à sa présence historique – elle a été créée en 2000. Au Mali, la conquête devrait se révéler beaucoup plus compliquée alors qu’un mouvement de baisse des prix des communications a été engagé depuis quatre ans sur le continent. S’il veut faire des bénéfices, Atel aura à terme besoin d’une part de marché d’au moins 15 %. Les observateurs sont d’ailleurs réservés sur les chances de succès d’Apollinaire Compaoré. Ils
p Malitel, numéro deux derrière Orange avec 48 % de part de marché, multiplie les événements promotionnels (ici, à Bamako).
soulignent les nombreux retards accumulés depuis l’obtention de sa licence malienne, en 2013. Une longue bataille l’a d’abord opposé à son ex-associé malien Cesse Komé, les deux hommes d’affaires se disputant la propriété de cette licence. Pressé. Puis des déconvenues
avec l’équipementier chinois Huawei ont rendu l’affaire encore plus complexe. Si, au départ, Atel avait prévu de se déployer sur l’ensemble du pays, il a finalement choisi de se concentrer sur les grandes villes et pourrait, pour les autres localités, utiliser le réseau de ses concurrents, comme l’y autorise son cahier des charges. « Concernant cette deuxième option, la question n’est pas encore tranchée », nuance Mouni Kouda. « La tâche du groupe Planor sera d’autant plus difficile qu’il semble arriver avec des moyens limités. Il ne faut pas oublier qu’Atel est pressé par le temps car sa licence expire en février 2016, rappelle Mahamadou Camara, ex-ministre malien de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication. Si rien n’est fait d’ici là, l’État pourra retirer son autorisation et relancer un appel d’offres. » ● BaBa ahmed, à Bamako jeune afrique
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