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Le pLus

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Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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Dossier

104

Agro-industrie

autosuffisancE

IntervIew

Karim Ammar

DG adjoint de Poulina

Guillaume Binet/mYOP

L’Afrique cherche sa voie lactée


équipement

HTG boit la croissance au goulot

stratégie

En Tunisie, le marketing bien huilé de CHO

reportage

L’anacarde ivoirien, du fruit à l’amande

Sur un continent pourtant riche en bétail, la filière laitière peine à se développer face aux produits importés. Mais peu à peu, acteurs locaux et leaders mondiaux font bouger les choses.

B

Marion Douet

agoré Bathily le répète depuis dix ans : « 90 % du lait consommé au Sénégal est importé sous forme de poudre, alors que 30 % de la population vit traditionnellement de l’élevage et peut produire du lait. » C’est en partant de ce constat qu’il a ouvert, en 2007, la Laiterie du berger. À son lancement, l’entreprise n’utilise que du lait produit localement. Récolté auprès des éleveurs peuls de la région de Richard-Toll, une zone aride à la frontière mauritanienne, il est acheminé dans l’usine située non loin de là. Sa marque de yaourts, Dolima, est très vite plébiscitée par les consommateurs et devient numéro deux dans les rayons dakarois. Résultat : huit ans après, la Laiterie du berger est victime de son succès et ne parvient plus à s’approvisionner localement pour assurer la totalité de la production. L’entreprise est désormais contrainte d’incorporer à ses préparations 30 % de lait en poudre importé. En 2014, cette proportion a même atteint un pic exceptionnel de 50 %, la hausse de la demande se cumulant avec une très faible pluviométrie qui a affecté la productivité des cheptels. pouDre. Cet exemple illustre la situation

t Au Salon de l’agriculture et des ressources animales d’Abidjan, le 9 avril.

de la filière laitière africaine. En dehors du Kenya et de quelques pays du nord et du sud du continent (l’Afrique du Sud, et bientôt le Maroc et la Tunisie), aucun pays ne produit suffisamment de lait pour répondre à la hausse de la consommation, estimée à 4 % par an par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad, à Paris). Certains pays comme le Nigeria et le Ghana n’en produisent pas du tout. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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Dossier Agro-industrie Résultat : les importations sont en hausse, comme l’affirme un rapport publié en janvier par le Cirad concernant les pays de l’UEMOA, qui achètent chaque année pour 300 millions d’euros de lait en poudre. La dépendance varie d’un pays à l’autre. « Avec 3,7 millions d’habitants, la Mauritanie importe autant que l’Angola, qui en compte 25 millions », souligne Éric Fargeton, directeur des ventes du français Lactalis pour l’Afrique subsaharienne. TRADITION. Si le lait en poudre est en général 10 %

à 15 % moins cher que le lait frais, ces dernières années ont montré que cette tendance pouvait s’inverser. En 2008, 2013 et 2014, son cours a atteint des sommets, porté par la demande de la Chine et de l’Inde. En face, le prix du lait local est non seulement moins volatil, mais il s’inscrit dans une tradition d’élevage, particulièrement dans la bande sahélienne. Sans compter qu’il requiert beaucoup demain-d’œuvreetparticipeàl’approvisionnement local, auquel sont attachés beaucoup de pays qui voudraient équilibrer leur balance commerciale. Mais répondre aux besoins n’est pas simple. Les vaches africaines, dont les élevages sont d’abord destinés à la production de viande, ne délivrent pas assez de lait. « Une vache africaine produit entre deux et quatre litres par jour, contre 40 à 50 litres pour une vache française », compare Éric Fargeton, pour qui l’autosuffisance est un vœu pieux, « d’autant plus que les vaches françaises ne supportent pas la chaleur et qu’il faut les nourrir avec les bons produits ». Les fourrages de qualité manquent en effet, notamment en saison sèche. La collecte représente une autre embûche. Matière fragile, le lait cru ne se conserve que deux heures avant de se dégrader. Or, en zone rurale, les

Trois patrons qui comptent

dr

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De g. à dr. Jacques Ponty Maroc Centrale laitière Après avoir travaillé pour Danone en Roumanie et en Chine, il est depuis 2013 le PDG de Centrale laitière, dont le groupe français est l’actionnaire majoritaire Johann Vorster Afrique du Sud Clover L’ancien directeur financier du numéro un sud-africain des produits laitiers, coté à la Bourse de Johannesburg, a accédé en 2006 au rang de directeur général Muhoho Kenyatta Kenya Brookside Dairy Le petit frère du chef de l’État kényan est le président exécutif du leader des produits laitiers en Afrique de l’Ouest, dont Danone a acquis 40 % en 2014

routes manquent pour transporter rapidement les précieux litres, de même que l’électricité pour les conserver au frigo. Si bien que presque toutes les laiteries industrielles d’Afrique de l’Ouest, comme Satrec au Sénégal ou Eurolait en Côte d’Ivoire, utilisent du lait en poudre importé, note le Cirad, précisant que seules les 250 « minilaiteries » se contentent de lait frais. Mais ces petites structures produisent des volumes limités. Enfin, certains industriels se bornent au reconditionnement de poudre de lait importée, revendue en petits sachets. C’est le cas de Lactalis, actif dans ce domaine au Sénégal avec Meroueh et au Mali avec Mali-Lait. « PAS DE RUÉE ». Mais les choses semblent

évoluer. Plusieurs opérations récentes illustrent la volonté des multinationales de se renforcer sur le continent. En 2014, le néerlandais FrieslandCampina (déjà bien implanté avec des marques phares comme Friso et Three Crowns au Nigeria) a racheté la laiterie du singapourien Olam en Côte d’Ivoire ainsi que sa marque Peak, qui produit notamment du lait en poudre et du lait concentré. La même année, le français Danone, numéro un mondial des produits laitiers frais, a réalisé l’une de ses plus grosses opérations africaines en acquérant 40 % de Brookside Dairy, leader en Afrique de l’Est. Néanmoins, « il n’y a pas de ruée des grands groupes laitiers en Afrique, ils restent prudents », assure Julien Lefilleur, responsable de la division industrie et services de Proparco. Cette filiale de l’Agence française de développement (AFD) dévolue au secteur privé voit passer peu de dossiers. « Il est donc difficile de savoir quel type de modèle de production va émerger en Afrique », ajoute Julien Lefilleur. ● ● ●

LA MENAcE DU LAIT vÉgÉTAL Pour le secteur laitier africain, il y a pire ennemi que le lait en poudre importé. ce concurrent s’appelle fat filled milk powder : littéralement, lait en poudre réengraissé. Dans ce produit, les matières grasses animales sont remplacées par des équivalents végétaux, principalement issus de l’huile de palme. l’avantage ? Il coûte au moins 30 % moins cher

que son équivalent animal. De plus, son prix ne fluctue pas. une aubaine pour certaines marques comme Vitalait entunisie ou satrec au sénégal. selon les sources interrogées par Jeune Afrique, le lait végétal représenterait aujourd’hui un tiers du marché de l’importation de lait en poudre. « la couleur est là, mais ce n’est plus vraiment

du lait et le goût est différent, explique un expert basé à Paris. ce n’est pas terrible car les gens ne savent pas trop ce qu’ils achètent. » un autre souligne que l’absence de réglementation autour de ce produit ne permet pas d’informer correctement les consommateurs. ● MARION DOUET


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Dossier Agro-industrie Quelques initiatives donnent cependant un début de réponse. En Égypte, Danone a construit une grande ferme laitière de 2 500 vaches afin de sécuriser son approvisionnement. « Elle apporte 40 % de nos besoins dans ce pays où la filière est très déstructurée : il y a à la fois des problèmes de quantité et de qualité, surtout pendant la période du ramadan », commente Yasser Balawi, responsable chez Danone de l’approvisionnement en Afrique du Nord. Le groupe s’est parallèlement associé à l’ONG Care pour structurer la collecte auprès des éleveurs, qui assurent 15 % de ses besoins. Il existe peu de sites de ce type en Afrique en dehors du sud et de l’est du continent (les grandes structures impliquent une grande maîtrise des risques sanitaires), mais, selon nos informations, des projets sont en cours.

●●●

PARADES. Des fermes laitières de taille plus

modeste se sont en revanche développées ces dernières années. Parmi ces initiatives figure la ferme-laiterie Nouvelle Normandia (groupe Exat), installée dans la périphérie d’Abidjan. De son côté, la Laiterie du berger projette d’ouvrir d’ici à trois ans un site réunissant une trentaine de bêtes près de son usine. « Cette structure permettra également de former de futures générations d’éleveurs », note Bagoré Bathily, lui-même vétérinaire de formation. Selon lui, l’autosuffisance de l’Afrique n’est pas inaccessible, mais elle passera par un soutien des pouvoirs publics, notamment via des incitations fiscales. « Sur ce point-là, nous avons trente ans de retard sur le Kenya », déplore-t-il, soulignant que ce pays est parvenu à croiser des races et à augmenter les rendements. Pour Julien Lefilleur, la prudence des grands leaders mondiaux vient aussi des difficultés de l’aval du secteur. Habitués à travailler dans un

dr

108

p En 2014, la Laiterie du berger, au Sénégal, a dû incorporer à ses préparations 50 % de lait en poudre importé.

climat tempéré, les groupes européens sont rebutés par deux défis majeurs : la conservation (chaleur) et la distribution (logistique et place du secteur informel). Certaines entreprises démontrent néanmoins qu’il existe des parades. Le français Bel rencontre ainsi un certain succès avec sa Vache qui rit, un fromage qui se conserve sans réfrigération. De son côté, la société ouest-africaine Fan Milk s’appuie sur un réseau de 30 000 revendeurs à vélo pour distribuer ses yaourts glacés et ses jus (un modèle qui n’a pas échappé à Danone, qui en a acquis 49 % en 2013). « Ce sont des modèles réplicables et qui participeront à la démocratisation des produits laitiers en Afrique », prédit le responsable de Proparco. Si les yaourts et le lait frais restent moins consommés que le lait concentré ou le lait caillé, la grande

Bienvenue à bord et bonne lecture. Retrouvez-nous sur vos compagnies aériennes préférées.


distribution voit les lignes bouger. Ces trois dernières années, les ventes de lait liquide ont augmenté de 14 % à 21 % selon les pays, en partie parce que les ménages l’ont substitué au lait en poudre, explique Gilles Blin, directeur alimentaire de Mercure International of Monaco, qui détient la franchise des supermarchés Casino au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon et au Congo. Pour développer le marché des produits lactés, certains misent aussi sur des savoir-faire plus traditionnels, à l’image de Tiviski, en Mauritanie, qui utilise du lait de chamelle. « Les industriels gagneraient à transformer cette consommation traditionnelle en consommation normée, conditionnée, vendue dans les boutiques, défend Bagoré Bathily. Le temps presse, il faut faire attention à ne pas reproduire ce qui s’est passé avec les céréales traditionnelles, qui ont perdu la bataille face au riz dans de nombreuses zones. » Les bergers ne diront pas autre chose. ●

Moins de 2 %

Selon Christian Corniaux, chercheur au Cirad, c’est la proportion de lait vendue sur le circuit formel en Afrique de l’Ouest

Le Maroc dope sa filière Pour satisfaire ses besoins – voire exporter en Afrique subsaharienne –, le royaume va investir plus de 600 millions d’euros sur cinq ans.

L

e Maroc progresse sur le chemin de l’autosuffisance laitière. En 2014, le pays a produit 2,3 milliards de litres, soit 90 % de ses besoins. Pour des raisons de sécurité alimentaire et dans l’espoir de conquérir les marchés africains, les autorités souhaitent atteindre 4 milliards de litres en 2020. Investissements prévus : 6,6 milliards de dirhams (plus de 600 millions d’euros) sur cinq ans, dont 1,3 milliard apporté par les pouvoirs publics et 5,3 milliards par les professionnels. La structuration de la filière, dont le chiffre d’affaires s’élève à 8 milliards de dirhams par an, passe par le regroupement des producteurs en coopératives, par un travail sur la traçabilité en amont, par l’amélioration des techniques d’élevage et par la génétique (subventions à l’achat de génisses pour améliorer les races bovines). En amont, le Maroc compte quelque 500 000 éleveurs, dotés pour la plupart d’un cheptel de taille modeste. Les grandes fermes pèsent à peine 15 % de la production jeune afrique

nationale. En aval, on recense plus de 1 000 centres de collecte et 82 usines laitières. Les quatre premiers industriels (Centrale laitière, Copag, Safilait et Nestlé) captent 90 % de la production. À elle seule, Centrale laitière (filiale de Danone) achète aujourd’hui 45 % du lait commercialisé au Maroc. Libéralisé depuis une dizaine d’années, le secteur reste très concentré, « ce qui aide à structurer la filière », estime Jacques Ponty, le patron de Centrale laitière. SANTÉ. Avec une consommation de

lait estimée, selon les sources, entre 22 et 55 litres par an et par habitant, le Maroc est au-dessous de la norme préconisée par l’OMS (92 litres), mais dépasse les pays subsahariens. « C’est un bon niveau quand on le compare au pouvoir d’achat et à la consommation d’autres produits agroalimentaires, souligne Jacques Ponty. Les Marocains connaissent le lait, qui est perçu comme un produit de santé, notamment pour les enfants. » ● ChriSTelle MAroT n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


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Dossier Agro-industrie interview

Karim Ammar

Directeur général adjoint de Poulina

« Au sud du Sahara, Poulina cherche des partenaires solides et transparents » Déjà présent au Sénégal à travers une usine de margarine, le groupe tunisien lorgne la Côte d’ivoire et le Ghana pour y installer des unités de production. À domicile, il continue d’investir dans le secteur avicole.

Q

u’il est loin le poulailler acquis en 1967 par Abdelwaheb Ben Ayed ! Aujourd’hui, Poulina, c’est un conglomérat regroupant 108 sociétés qui produisent de l’acier, distribuent des voitures, construisent des routes et des ponts… Mais le cœur du groupe reste le secteur avicole, qui représente toujours 40 % de son chiffre d’affaires. Ce dernier n’a progressé que de 1,88 % en 2014, pour atteindre 1,524 milliard de dinars (671 millions d’euros), du fait de la dépréciation du pouvoir d’achat

en Tunisie, mais aussi du recul des ventes en Libye, où l’instabilité s’est accentuée, et en Algérie. Pourtant, le groupe reste confiant pour 2015: il table sur une croissance de 7,77 % de ses revenus. Surtout, il compte investir 180 millions de dinars cette année, dont 50 % seront injectés dans les activités avicoles, qui vont de l’alimentation animale jusqu’aux plats préparés à base de poulet. Environ 10 % de cette enveloppe seront consacrés aux autres produits alimentaires du groupe, comme ses marques d’huiles, de biscuits et de

crèmes glacées… qui trouvent de plus en plus d’adeptes au sud du Sahara, où Poulina exporte mais possède actuellement peu de sites de production. Cela pourrait bientôt changer, selon Karim Ammar. Appelé à succéder au fondateur, le directeur général adjoint du groupe détaille sa stratégie. jeune afrique : vous êtes présents au Maroc mais aussi en Chine. Pourquoi investir dans la filière agro-industrielle en tunisie alors que le contexte économique y est morose ? KariM aMMar : Au lendemain

 L’héritier annoncé d’Abdelwaheb Ben Ayed.

de la révolution, le secteur qui a résisté, c’est l’agro-industrie, tandis que les autres produits manufacturés ont largement souffert du ralentissement économique. S’agissant de l’aviculture, il faut rappeler que sous l’ancien régime, un système de quotas nous interdisait de croître, le secteur était bridé. Après la révolution, ces quotas ont disparu. Et finalement, la conjonction de la révolution et de la résistance du secteur a été salutaire : en fin de compte, notre décision d’investir dans l’aviculture est en train de porter ses fruits.

Nicolas Fauque/ima ges de tuNisie.com

L’aviculture est-elle pour Poulina le marché qui a le plus fort potentiel de croissance ?

n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

En Tunisie, nous pouvons encore gagner des parts de marché. Mais c’est surtout en Afrique subsaharienne que ce potentiel est énorme. D’ailleurs, cette région est très dynamique pour la plupart des secteurs sur lesquels nous travaillons : les huiles, les margarines, la crème glacée… Nous allons également nous lancer dans l’export de charcuterie de poulet en conserve : saucisses, salamis… des produits qui jusqu’ici venaient uniquement d’Europe. Au sud ● ● ● jeune afrique


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Dossier Agro-industrie ● ● ● du Sahara, ce secteur croît fortement, en même temps que le pouvoir d’achat. En revanche, les pâtisseries sont beaucoup moins concernées, car ces pays en consomment peu.

Allez-vous diriger vers l’Afrique subsaharienne une partie de vos investissements prévus dans l’agroalimentaire ?

La majeure partie sera consacrée à la Tunisie et ira dans le secteur avicole et dans des lignes de conditionnement de desserts et de produits surgelés. Mais nous allons aussi investir en Afrique subsaharienne, à commencer par le Sénégal. Dans ce pays, notre marque de margarine Jadida se vend très bien, nous y avons construit une unité de production en partenariat avec une entreprise locale, Senico-CCD. Avec elle, nous allons investir environ 30 millions d’euros dans l’extension de cette activité mais aussi dans une raffinerie d’huile, une unité de mayonnaise et une autre de pâte à tartiner. Les terrains sont déjà acquis et les investissements devraient s’achever avant la fin de 2016. Nous envisageons également d’investir dans l’élevage de poulets. Avec ces produits locaux, l’objectif est de se substituer aux exportations de nos produits depuis la Tunisie, qui sont massives. D’ailleurs, le Sénégal nous permet d’exporter vers les pays voisins : c’est important pour nous car l’export depuis la Tunisie est très compliqué. Pourtant, de nombreux flux maritimes relient le Maghreb à l’Afrique de l’Ouest. Pourquoi estce si compliqué ?

Il n’y a pas de port de transbordement en eau profonde en Tunisie, contrairement à Tanger, au Maroc, ou à Algésiras, en Espagne. Par conséquent, seuls les petits bateaux peuvent venir dans les ports tunisiens [les conteneurs qu’ils embarquent doivent ensuite être transférés sur de plus gros navires, dans un autre port]. Il y a également des difficultés de traitement des conteneurs au port n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

de Radès et un manque de disponibilité des navires, sans compter les problèmes de congestion et d’attente en rade des bateaux. Il faut donc compter entre quarantecinq et soixante jours par voie maritime depuis la Tunisie, c’est très long. Cela implique des immobilisations financières énormes : vous n’êtes pas payé et le client n’a pas sa marchandise. En outre, les produits finis peuvent être soumis à des réglementations douanières. Avoir des capacités de production sur place est donc très profitable. Envisagez-vous de vous implanter dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ?

Nous aimerions aller en Côte d’Ivoire, mais nous regardons aussi le Ghana. Poulina est à la recherche de partenaires solides, sérieux et transparents. L’objectif est de trouver des entreprises, quelles que soient leur structure et leur taille, qui puissent nous aider à aborder le marché du pays d’accueil, tandis que nous apportons l’expertise logistique et technique.

élevé, mais donne au moins de quoi couvrir les charges. Pour autant, nous n’envisageons pas du tout de fermer nos unités en Libye. On y croit énormément. Quand les choses se calmeront, ça va démarrer plein pot. Donc nous sommes prêts.

En chiffres :

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collaborateurs

12 000

Pourquoi pas? Stratégiquement, nous répondons évidemment présents s’il y a des opportunités à l’étranger. C’est l’essence même du groupe que d’être ouvert à toute expansion.

671 M€

De nombreuses filiales produisent à la fois des poulets et des fruits. Pourquoi cette association ?

entreprises

de chiffre d’affaires 2014

En Afrique du Nord, vos affaires dans l’agroalimentaire se portent plutôt bien, à l’exception semblet-il de la Libye, où vous exploitez une usine de crème glacée. Envisagez-vous de fermer cette unité ?

Quand les choses se calmeront en Libye, ça va démarrer plein pot. Il est en effet très compliqué de travailler en Libye aujourd’hui, la situation étant très instable. Les usines, qui emploient 300 personnes [tous secteurs confondus, Poulina étant également présent dans la céramique, l’emballage, etc.], sont en bon état et fonctionnent dès qu’il est possible de les faire tourner. Cela peut être un jour sur deux, selon qu’il y a ou non du gaz, de l’électricité… Cela ne tourne pas à un rythme

En Tunisie, vous vous êtes lancés dans la grande distribution, avec les supermarchés Magasin général. Souhaitez-vous reproduire l’expérience à l’étranger ?

Aujourd’hui, nos élevages respectent les normes et les directives européennes en termes d’éloignement des bâtiments d’élevage par rapport aux premières habitations, aux axes routiers, etc. Par conséquent, il nous faut beaucoup d’espace. Nous achetons donc de très grands terrains, de 500 ou 600 ha, et entre les bâtiments d’élevage nous plantons des arbres, dont les fruits sont exportés en Europe. C’est par ailleurs un secteur que nous sommes en train de développer, avec l’installation de stations de conditionnement, des programmes d’innovation et un référencement de nos fruits dans les centrales d’achat européennes. Vous avez déclaré que Poulina voulait investir dans les énergies renouvelables. Ce choix est-il lié à vos activités agro-industrielles? S’agit-il de biomasse ?

Il ne s’agit pas de biomasse, mais cette stratégie s’appuie bien sur nos actifs agricoles. Nous avons plus de 600 000 m2 d’élevages couverts, donc nous sommes intéressés par le photovoltaïque. En recouvrant ces toitures de panneaux solaires, nos gains d’énergie seraient non négligeables. ● Propos recueillis par MAriON DOuET jeune afrique



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Dossier Agro-industrie équipement

HTG boit la croissance au goulot Spécialisée dans la fabrication, l’installation et la maintenance de lignes d’embouteillage, l’entreprise française réalise 70 % de son chiffre d’affaires sur le continent.

S

i le géant Nestlé trouve la croissance de la classe moyenne africaine trop lente, Hubert Keh Zarzecki se réjouit quant à lui de l’appétit grandissant de ces nouveaux consommateurs. Ces cinq dernières années, son entreprise, HTG Industry, a équipé environ 40 usines d’embouteillage sur le continent, soit presque autant que lors de la décennie précédente. Au départ concentré sur l’Europe de l’Est – son fondateur a des origines polonaises –, la société française a décroché ses premiers deals africains il y a quinze ans au sein de la communauté libanaise de Côte d’Ivoire. Spécialisée dans la fabrication, l’installation et la maintenance de lignes produisant

entre 2 000 et 12 000 bouteilles à l’heure, elle réalise désormais 70 % de son chiffre d’affaires (24 millions d’euros en 2014) sur le continent, avec une croissance annuelle à deux chiffres. MARGARINE. Fin mai, Francois-

Pierre Noyer, le directeur général, a ainsi signé un contrat pour une laiterie au Sénégal et mi-août, HTG inaugurera une unité de fabrication d’huileet demargarine dans le nord du Congo pour le compte de l’entreprise Éco-Oil Énergie. Environ dix autres projets sont en gestation. « Beaucoup d’entrepreneurs africains préfèrent avoir trois lignes de 6 000 bouteilles qu’une seule de 18 000. Cela permet de mieux gérer les périodes de maintenance

En mai, le directeur a signé un deal pour une laiterie au Sénégal.

et éventuellement d’en installer une hors de la capitale », décrypte Hubert Keh Zarzecki. Pour renforcer sa présence, HTG va se lancer dans la conception de machines capables de fabriquer des contenants de 5, 10 et 20 litres. Outre des machines « tropicalisées » (des armoires électriques climatisées, par exemple) et un service de maintenance d’une quinzaine de techniciens basés en Afrique, l’approche de HTG repose sur des projets vendus clés en main. Dans son carnet d’adresses, Hubert Keh Zarzecki a au fil des années répertorié une multitude de partenaires : du foreur pour produire de l’eau en bouteille jusqu’au spécialiste du lancement de marques, en passant par le négociant d’huile, de vin en vrac, de lait en poudre ou de concentré pour faire du jus ou du soda. De quoi se différencier de ses concurrents indiens et chinois. ● JulIEN CléMENçot

l’AGRobuSINESS EN ChIffRES

Les champions du sucre

Un secteur appelé à exploser

Production de sucre raffiné

Poids de l’agroalimentaire en Afrique en milliards d’euros

227 2013

24,3

900

en millions de tonnes

milliards d’euros

C’est la valeur des importations

2

Égypte

de produits alimentaires

(hors poisson) en Afrique

2030

(Projection)

Soudan

en 2011

Les promesses du chocolat

Le Nigeria loin devant

Richesse produite par le secteur agricole, en milliards d’euros (2013)

+ 25 %

10 000

6,2

Éthiopie Angola

4,1

Tanzanie

4,1

RD Congo

3,7 0

n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

10

tonnes par an

C’est la capacité de production de la chocolaterie Cémoi, en Côte d’Ivoire, inaugurée le 18 mai pour un investissement de 6 millions d’euros

20

30

40

Kenya

C’est la hausse de la demande mondiale prévue d’ici à 2020

41

Nigeria

0,71

50

0,59

Swaziland

0,65 Afrique du Sud

2,1

SOURCES : BANQUE MONDIALE, FAO, AFRICA PROGRESS PANEL jeune afrique



Dossier Agro-industrie

jp AMET/DivErgEncE

116

p L’entreprise met en avant un savoir-faire millénaire. stratégie

En Tunisie, le marketing bien huilé de CHO

Pionnier de l’huile d’olive conditionnée, le groupe exporte en Amérique du Nord, en Russie… et bientôt en Europe. Sa recette : un produit bio soutenu par une communication 2.0.

N

o m : C H O, p o u r Conditionnement des huiles d’olive. Adresse: zone industrielle de Sfax, à 270 km au sud de Tunis. À première vue, rien de remarquable. Pourtant, le groupe est un fleuron de l’industrie agroalimentaire tunisienne. Il emploie 450 salariés pour une production de 50 millions de tonnes d’huile d’olive en 2015 dont la totalité est exportée. Mieux: CHO s’est lancé en 2007 dans la vente d’huile d’olive conditionnée. Une révolution dans le pays, qui, traditionnellement, vend son « or jaune » en vrac aux pays d’Europe du Sud, Espagne et Italie en tête, lesquels se chargent d’embouteiller le précieux liquide… et d’engranger les plus-values. En mai, par exemple, la différence de prix au kilo était de 40 % entre l’huile en vrac et celle vendue en bouteille, selon l’Office nationale de l’huile de Tunisie. Si Abdelaziz Makhloufi, fondateur de CHO en 1996, refuse de révéler son chiffre d’affaires, les autres résultats annoncés n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

sont significatifs : le conditionné représente 20 % de la production et connaît une croissance de 25 % par an. « Le conditionnement d’huile d’olive est un nouveau métier en Tunisie, explique le patron. Vendre en vrac, tout le monde sait faire ; mais le conditionnement, cela demande d’être capable de réaliser un véritable business plan. Le but était de créer une marque et de convaincre les consommateurs des avantages de notre produit. » Pour cela, un comité stratégique marketing s’est réuni dès 2007. « Que pouvait-on offrir aux clients? De l’authenticité, se rappelle Khalil Kammoun, responsable du développement commercial. La Tunisie produit de l’huile d’olive depuis plus de trois mille ans, et la culture traditionnelle pluviale, sans ajout d’insecticide, garantit une huile biologique [CHO se prévaut des labels américain Usda Organic et français Ecocert]. Nous n’avions qu’à raconter nos origines, notre histoire. » Pour le grand public, CHO devient donc Terra Delyssa, du

De 250 ml à1l

Terra Delyssa varie les contenants (design et volume) mais aussi les saveurs, avec des huiles aromatisées au citron, à l’ail, au basilic et au piment

nom d’Elyssa, la fondatrice de Carthage (également appelée Didon), qui serait venue avec un olivier depuis Tyr, sa ville d’origine. Le logo représente un cheval, symbole de fertilité dans la cité punique, orné d’un rameau d’olivier. Terra Delyssa se dote de sites internet en anglais et en français au design chaleureux et moderne, et la nouvelle marque conquiert les réseaux sociaux – une communication 2.0 encore jamais vue sur le marché tunisien. campagne. En juin, la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale) a prêté 23 millions d’euros au groupe pour l’aider à « augmenter sa capacité de production et développer ses ventes à l’export sur de nouveaux marchés ». Pour raccourcir les délais de livraison, CHO possède déjà des filiales aux États-Unis, au Canada, en France et en Chine. Pour autant, Abdelaziz Makhloufi ne cède pas à la folie des grandeurs. Chaque entrée dans un nouveau pays est soigneusement étudiée. « On ne s’installe que s’il y a un marché qui présente un bon retour sur investissement, précise-t-il. Ce qu’on cherche, c’est faire du volume, car avec un réseau de 400 producteurs et cinq moulins, on en a la capacité. Aux États-Unis, nous sommes distribués chez Walmart [leader mondial de la grande distribution] ; au Canada, nous sommes dans pratiquement toutes les grandes surfaces ; et en Russie, nous apparaissons dans les émissions télévisées destinées aux consommateurs. » Fort de ses huit années d’expérience dans l’huile d’olive conditionnée, CHO se sent mûr pour affronter le très concurrentiel marché européen. Une campagne publicitaire est bientôt prévue en France. « Notre huile est assez douce, légèrement amandée et fruitée. Elle convient parfaitement au goût des Français, qui ne veulent pas d’un produit qui occulte les saveurs des plats », assure Khalil Kammoun. L’avenir dira si CHO a de nouveau vu juste. ● mathieu galtier, à Sfax jeune afrique


L’AFRIQUE : UN MARCHÉ D’AVENIR La vision de l’Afrique a changé ces dernières années. Auparavant, les autres continents (Europe, Chine, USA etc…) percevaient le marché local africain comme moins porteur et moins prometteur. Ils le considéraient seulement comme une opportunité de plus pour commercialiser leurs produits, sans être le marché cible principal. Aujourd’hui ce continent est devenu un marché de pointe, le plus en croissance du monde entier et en plein essor. Désormais les entreprises (qu’ellessoient européennes, américaines, chinoises, indiennes ou tout simplement africaines) doivent penser ‘Afrique’ non pas uniquement pour la commercialisation de ses produits mais dès leur conception. Les entreprises qui réussiront demain sont celles qui auront créé un produit répondant spécifiquement au besoin de ce continent-monde. L’Afrique n’est plus une terre de copiage ou d’écoulement des stocks

invendus. Elle est l’avenir du monde et un marché à part entière qu’il s’agit de concevoir. Le groupe semencier TECHNISEM, franco-africain, l’a compris depuis longtemps avec l’implantation de structures de recherche végétale et de distribution sur plus de 20 pays en Afrique de l’ouest et centrale (Sénégal, Burkina, Côte d’Ivoire, Cameroun, Nigeria, Ghana etc…). Bientôt l’Afrique conduira le monde.

SEMENCES POTAGÈRES POUR LES ZONES TROPICALES

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Dossier Agro-industrie reportage

L’anacarde ivoirien, du fruit à l’amande

Alors que 90 % des noix récoltées dans le pays sont vendues à l’état brut, l’usine cajou des savanes, du groupe IPS, s’est lancée dans la transformation. Jeune Afrique a suivi le processus étape par étape.

B

ouaké, début juin. La campagne de l’anacarde tire à sa fin, les camions se font plus rares devant l’entrepôt de l’usine Cajou des savanes (Casa). La filiale du groupe IPS (contrôlé par l’Aga Khan) a acheté 2 000 tonnes de fruits aux producteursdunorddupays.Moins que prévu pour sa deuxième année d’exploitation, mais le prix des noix livrées à Bouaké (600 F CFA, soit un peu moins de 1 euro, le kilo) a doublé par rapport à 2014, faisant fondre la compétitivité de l’usine. En cause: la baisse de l’euro face au dollar, devise de référence pour ce négoce, et la sécheresse observée début 2015 en Californie, l’une des principales régions productrices d’amandes et de pistaches, qui a poussé les industriels à acheter plus d’anacardes. « Durant le deuxième semestre 2015, le prix du produit transformé devrait lui aussi augmenter, nous espérons donc rentrer dans nos marges », explique Ashak Sheriff, directeur des opérations. Casa compte traiter 10 000 t de noix par an d’ici à 2019, afin de produire environ 2000 t d’amandes décortiquées.

Le jeu en vaut la chandelle. Car d’ici à 2020, le pays pourrait devenir le premier producteur mondial d’anacarde, devant l’Inde. Pour l’heure, plus de 90 % de la récolte ivoirienne (550 000 t en 2014) est vendue à l’état brut sur le marché mondial, mais les investissements d’IPS et du singapourien Olam (également implanté à Bouaké) dans des unités de transformation commencent à changer la donne. Pour Casa, cela n’a coûté que

 L’entreprise emploie 600 salariés, dont 80 % de femmes.

3 millions d’euros, une somme relativement modeste qui s’explique par son installation dans l’enceinte de l’usine Filtisac, également propriété d’IPS, dont une partie de l’activité (fabrication de sacs en toile polypropylène et de capsules) a été délocalisée à Bouaké durant la décennie de crise. « Pour l’heure, on ne fabrique pas encore un produit fini, déjà assaisonné », concède Ashak Sheriff. Mais le processus pour

mise en sac. L’anacarde est une

culture récente en Côte d’Ivoire – elle a été introduite dans le cadre de projets de reboisement –, et les fruits sont encore de qualité moyenne. En 2014, Casa a donc formé1063producteursauxbonnes pratiques, de la plantation à la mise en sac. Cette initiative sera-t-elle reconduite? Peut-être. L’entreprise, qui s’approvisionne majoritairement auprès de grossistes, réfléchit à la bonne formule car, à l’heure actuelle, ses responsables ne sont pas sûrs que les producteurs conseillésleurvendrontleurrécolte. Et, parallèlement, l’État planche sur la création de son propre centre de formation spécialisé. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

© ananias leki dago pour j.a.

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jeune afrique


passer du fruit à une amande décortiquée, calibrée et stérilisée est déjà bien complexe. TRAÇABILITÉ. Une fois pesés sur

le pont à bascule, les poids lourds s’arrêtent devant l’entrepôt pour déposer leur précieux chargement de noix. Environ 40 t à chaque fois, conditionnées dans des sacs en toile de jute de 80 kg. Dans le hangar de 4 500 m2, chaque arrivage est étiqueté afin d’inscrire la date de livraison et la provenance. La traçabilité du produit sera assurée pendant toute sa transformation. Afin d’éviter les émissions toxiques, le chariot élévateur utilisé pour manipuler le stock fonctionne au gaz, « c’est impératif, car nos produits sont destinés à l’alimentation », indique un salarié. La première étape du traitement des fruits débute par leur calibrage automatique selon quatre grades. Puis on les cuit à la vapeur pour détacher leur coque : trente minutes dans l’une des quatre marmites géantes suffisent, mais une nuit entière est nécessaire pour refroidir les fruits avant qu’ils puissent être manipulés. Car l’opération suivante est délicate. Il s’agit d’extraire la noix de son enveloppe sans la casser – brisée, elle perdrait 40 % de sa valeur. D’abord placés dans une machine qui coupe la coque en deux, les fruits sont confiés aux mains expertes d’une batterie d’ouvrières, qui ont toutes reçues une formation d’un mois. « En plus des gestes techniques, elles doivent aussi souvent se réhabituer aux contraintes liées au fonctionnement d’une entreprise formelle. À commencer par le fait de venir tous les jours, y compris lorsque c’est le marché », explique Ashak Sheriff. L’usine emploie actuellement 600 salariés, dont 80 % de femmes. La plupart sont payées en fonction de leur productivité et gagnent en moyenne le smig (60 000 F CFA). Les meilleures, installées derrière des pupitres placés au premier rang, parviennent à décortiquer environ 30 kg de noix par jour à l’aide d’un petit couteau. Pour se protéger de l’acide anacardique sécrété lors de jeune afrique

la cuisson, elles mettent des gants ou s’enduisent les mains d’huile de ricin. Une fois la noix séparée de son enveloppe, il faut encore retirer la pellicule qui recouvre l’amande. Pour cela, les fruits sont soumis à une série de chocs thermiques. La noix présente alors un taux d’humidité compris entre 10 % et 15 %. Après huit heures de séchage, celui-ci va tomber à moins de 4 %, avant que l’amande soit à nouveau humidifiée. Une machine composée de petits rouleaux va ensuite retirer 40 % des peaux. Les ouvrières terminent ce travail, aussi fastidieux que délicat. LABoRAToIRe. Arrive enfin le

stade ultime de la préparation, qui consiste à classer les noix en 25 catégories en tenant compte de leur taille mais aussi d’éventuels défauts. L’opération requiert un œil affûté, et c’est un technicien indien qui forme actuellement les salariés à cet exercice méticuleux. Les 40 personnes qui travaillent dans cette section sont les seules à ne pas être payées au rendement. Après avoir été séchées une dernière fois dans un stérilisateur, les noix sont emballées puis expédiées. L’usine s’équipera prochainement de son propre laboratoire d’analyse microbiologique. En attendant, les échantillons prélevés sont envoyés à l’antenne abidjanaise du suisse SGS, spécialiste mondial du contrôle. Si Casa n’est pas encore certifié par une norme ISO, l’usine a reçu en février celle de l’African Cashew Alliance. « Les acheteurs internationaux comme Kraft ou Walmart y sont très attachés », observe Ashak Sheriff. Côté débouchés, l’essentiel de la production est vendue à des acheteurs européens et américains par le biais d’appels d’offres. Et le marché local ? Il n’est pas oublié. Casa souhaite en effet développer sa marque en Côte d’Ivoire en proposant des amandes issues d’une deuxième transformation, mais aussi des produits dérivés comme le beurre, le lait et la pâte de cajou. ● JuLIen CLÉmenÇoT, envoyé spécial à Bouaké n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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