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ENQUÊTE NOS CHEFS SONT-ILS TROP VIEUX ?

Hebdomadaire international indépendant • 55e année • no 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

jeuneafrique.com

REPORTAGE JOURS TRANQUILLES À TUNIS… DOSSIER AGRO-INDUSTRIE Spécial 10 pages

Égypte

Le grand

retour?

Deux ans après l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi, voyage à l’intérieur d’un pays qui se cherche un avenir. 24 pages

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Le pLus

de Jeune Afrique

Panorama Après les révolutions

57

IntervIew Ibrahim Mahlab, Premier ministre ÉconomIe Étonnant cocktail nasséro-libéral carnet de voyage Le Caire, éternelle Mère du monde

Égypte

p Le président Abdel Fattah al-Sissi, le 15 mars, à la conférence de Charm el-Cheikh. jeune afrique

n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

KHALED DESOUKI/Afp

Le grand retour?


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Le Plus de Jeune Afrique

Le pLus

de Jeune Afrique

Égypte

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Le grand retour?

Prélude

Laurent de Saint Périer

En avant!

«

L

a patience est la clé du bienêtre. » Quatre ans après avoir dit « assez » au trop long règne de Hosni Moubarak, l’Égypte fait plus que jamais sienne cette sage parole attribuée au Prophète. Après un apprentissage accéléré de la libre politique (de la révolution du 25 janvier 2011 à celle du 30 juin 2013), de régence militaire en gouvernement islamiste, de répressions en élections, de référendums en manifestations, en juillet 2013 les Égyptiens ont finalement ouvert leurs bras au général Abdel Fattah al-Sissi – ou plus exactement ont été poussés dans les siens. Un homme alors davantage connu dans les rangs de l’armée que dans les rues du Caire. Sera-t-il la clé de leur bien-être ? La plupart des Égyptiens veulent y croire. Tout comme les décideurs occidentaux veulent voir en lui un acteur essentiel pour la stabilité de la région. À tous, Sissi a demandé patience et confiance. Car le nouveau raïs ne tient les rênes du pays que depuis deux ans et ne le dirige avec la légitimité des urnes que depuis son élection à la présidence, fin mai 2014. Tout en soulignant qu’il est hâtif d’espérer dresser un bilan de son action après une seule année de mandat, les défenseurs du président Sissi louent les réformes engagées, le retour à la stabilité, le lancement de grands projets concrets dans un pays enfin remis sur les rails après les cheminements chaotiques de l’après-révolution. Plus discrets et beaucoup moins nombreux en Égypte, ses détracteurs s’inquiètent de ce que les changements structurels indispensables à un développement durable et partagé ne soient toujours pas envisagés. Ils dénoncent une politique de l’ordre qui, sans mettre un terme au terrorisme, est le prétexte à la répression des dissidences et à des restrictions des libertés sans précédent. Le Caire enrage de cette mauvaise presse qu’il estime partiale et superficielle. « Les Égyptiens reprochent même jeune afrique

au président de ne pas être assez ferme ! » rappelle son ambassadeur à Paris, tout en reconnaissant que les autorités ont pu commettre des maladresses en matière de communication. Mais le nombre élevé de journalistes embastillés, le départ forcé de certains correspondants, les obstacles parfois posés à la venue de reporters étrangers (trois mois pour obtenir un visa…) illustrent l’anxiété du nouvel exécutif plutôt qu’une simple maladresse. Car ce dernier a conscience de ce que tout le monde, au Caire, répète. Les Égyptiens savent maintenant qu’ils peuvent chasser le mauvais dirigeant, et Sissi, dont la popularité doit plus à son statut d’homme providentiel qu’à son charisme naturel, n’oublie pas que c’est une mobilisation populaire massive qui lui a ouvert les portes du Palais. Et qui pourrait les lui refermer demain. Las de ces dernières années d’instabilité et de précarité, échaudés par les contre-exemples libyen, syrien et yéménite, inquiets de voir fondre leurs moyens de subsistance et effrayés par la menace jihadiste, les Égyptiens ont remis leur destin entre les mains d’un militaire qui a gagné ses galons de maréchal en livrant une bataille acharnée aux Frères musulmans. Ils en attendent beaucoup, et le héros doit maintenant se faire homme d’État, restaurer la sécurité tout en cherchant la réconciliation nationale, relancer la croissance sans qu’elle ne profite qu’aux cercles d’affaires – comme c’était le cas sous Moubarak – et affermir l’autorité de l’État en construisant la démocratie. Des faubourgs populaires aux quartiers huppés du Caire, c’est davantage l’expectative qu’une confiance aveugle qui s’exprime. Un sentiment déjà beaucoup plus rassurant et porteur d’espoir que l’océan d’incertitudes sur lequel a navigué l’Égypte de 2011 jusqu’à l’an dernier. Et qui semble donner à tous l’envie d’avancer. « On ne sait pas où on va, mais au moins on y va ! » se plaisent à dire les Cairotes. ● n 0 2845 • du 19 au 25 juiLLet 2015

Panorama après les révolutions p. 60 IntervIew Ibrahim mahlab, Premier ministre

p. 66

ÉlectIons Une toute petite voie pour l’opposition p. 70 tÉmoIgnage ahmed Hassan, depuis la place tahir… p. 71 trIBUne andré Parant, ambassadeur de France en Égypte p. 72 ÉconomIe Un étonnant cocktail nasséro-libéral p. 74 l’egX a la cote

p. 75

Batailles boursières dans l’agroalimentaire p. 77 grands Projets suez se remet à flot p. 80 de l’air pour le caire p. 82 BUsIness les champions nationaux redécouvrent l’afrique p. 84 carnet de voyage

le caire, éternelle mère du monde

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Le Plus de Jeune Afrique

Après les révolutions PAnorAmA

q Place Tahrir, début juillet.


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L

a place Tahrir, visage aux millions de pixels humains de la révolution égyptienne, est transfigurée. Un grand mât dressé en son centre fait flotter haut les couleurs de l’Égypte, comme pour rappeler à tous la sacralité de la nation. Le petit monument aux martyrs de la révolution qui se dressait là, saccagé par de jeunes militants quelques heures après son inauguration officielle en novembre 2013, a été rasé. La pelouse centrale, qui avait vu converger entre 2011 et 2013 des marées humaines, est désormais plantée de buis et de palmiers nains, ornée de bordures et de balustrades en béton sur lesquelles viennent s’asseoir familles et groupes de jeunes quand tombe le soir. Autour, les façades des immeubles ont été fraîchement repeintes et le vaste parking dont la construction avait crevé la place d’un trou béant pendant des années est achevé, libérant la perspective sur le Musée égyptien du Caire. Depuis fin juin, la station de métro Sadate (fermée en août 2013) revoit transiter ses dizaines de milliers de passagers quotidiens. Côté Nil, entre le Ritz-Carlton refait à neuf et le siège monumental (en cours de destruction) du Parti national démocratique de Hosni Moubarak, le raïs déchu, une quinzaine de blindés masqués par des voiles se tiennent prêts à investir la place en cas de remous. « Ce n’est pas une restauration, c’est une rénovation ! » plaisante un chauffeur de taxi nubien qui, comme la plupart des Égyptiens, compte deux révolutions : celle du 25 janvier 2011, qui a mis fin aux trente années de règne de Moubarak, et celle du 30 juin 2013, qui a chassé les Frères musulmans du pouvoir et ouvert les portes de la présidence à Sissi.

La place Tahrir est relookée, la capitale s’affaire, le pays revient sur le devant de la scène internationale. Les Égyptiens sont optimistes, mais s’inquiètent de la menace terroriste et de l’instabilité régionale. envoyé spécial au Caire

fiertÉ. « Aujourd’hui, le pouvoir comme la

© Maged aboueLdahab pour J.a.

LAurent de SAint PÉrier,

majorité de la population veulent fermer la parenthèse de la révolution – non en rejetant ses acquis, mais en contestant l’agitation, les violences et les manifestations qu’elle a entraînées, qui ont déstabilisé le pays et eu un impact sur l’économie, commente un diplomate en poste au Caire. Il ne s’agit pas de revenir au système précédent, mais de créer quelque chose de nouveau, de remobiliser le pays, de lui rendre sa fierté, sa grandeur, son rôle sur la scène internationale. Cela passe en ce moment par une remise en ordre, peut-être parfois un peu sévère. » L’élection d’Abdel Fattah al-Sissi en mai 2014 veut être une nouvelle page de la glorieuse histoire égyptienne, qui s’illustre très concrètement cette année : Conférence pour le développement économique du pays à Charm el-Cheikh en mars (lire pp. 74-76), inauguration du nouveau l l l n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


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Première banque d’affaires et d’investissements en région MENA

Quelles sont vos orientations stratégiques pour 2015 ? Nous continuerons d’améliorer nos performances de première banque d’investissement de la région sur les marchés clés du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. En parallèle, nous développons nos compétences et nos ressources en vue d’une implantation en Afrique de l’Est à court terme. Nous avons enregistré de très bons résultats dans les introductions en Bourse et les fusions/acquisitions, qui font de nous l’intermédiaire de choix des multinationales et des grandes entreprises régionales. L’année dernière, en particulier, nous avons mené la première introduction en Bourse sur le marché financier égyptien – la première depuis la révolution de 2011 ! Nous sommes également intervenus dans deux des trois plus importantes introductions en Bourse du Moyen-Orient, celles de Emaar Malls Group et de Dubai Parks and Resorts, sur la Bourse de Dubaï. Cette année, nous avons déjà été conseil pour quatre introductions significatives, y compris les deux plus importantes en Égypte depuis 2008 (Edita et Emaar Misr), et celle d’Orascom Construction Limited simultanément au Caire et au Nasdaq Dubaï. Sans oublier la cotation réussie à Londres du laboratoire pharmaceutique égyptien IDH, que nous avions contribué à créer dans le cadre d’une fusion/acquisition.

Et du côté de la gestion d’actifs ? Notre équipe gère 3 milliards de dollars, elle développe de nouveaux produits et continue de surpasser

la concurrence. Quant à notre équipe de courtage, elle est la plus importante de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) en termes d’opérations menées à bien ; sa profonde connaissance des économies de la région, et des entreprises qui y sont cotées, est particulièrement appréciée des investisseurs internationaux, qui peuvent s’appuyer sur notre forte présence sur le terrain, tant en Égypte que dans les Émirats, en Arabie Saoudite, au Koweït, à Oman et en Jordanie. Nous organisons la plus grande conférence annuelle d’investisseurs de la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) ; elle se tient à Dubaï mais aussi à Londres. Depuis quelques années, nous avons le plaisir d’inviter des participants venus d’Afrique subsaharienne.

Vous avez l’intention de vous développer en Afrique. Dans quels pays ? Compte-tenu de notre forte présence en Égypte et dans la plupart des pays du Golfe, l’Afrique fait en effet naturellement partie de notre stratégie de développement. Nous disposons déjà d’une solide expérience en matière de capital-investissement, à l’intérieur comme à l’extérieur de la région MENA. Nous investissons dans les infrastructures et avons par exemple pris une participation de 49 % dans la société EDPR France, qui gère un important parc éolien. En 2014, nous avons géré une opération très significative en Afrique de l’Est, en tant que conseil du groupe émirati Al Futtaim lors de sa prise de participation dans CMC Group au Kenya. L’Afrique de l’Est figure en tête de nos priorités. La taille de sa population, la vitalité de ses économies et sa proximité géographique en font un débouché naturel pour bon nombre de nos clients. Sans oublier que nous avons en commun la pratique de la langue anglaise et que l’Égypte fait déjà partie de cet ensemble économique régional. Nous étudions donc en ce moment les opportunités de développement en Afrique de l’Est dans deux directions : le capital-investissement et le conseil stratégique. ■

DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

Karim Awad, président-directeur général de EFG Hermes, détaille la présence et les succès de son groupe dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA), ainsi que ses perspectives de développement sur le continent.


Le plus de J.a. égypte

chaos. Stetson texan vissé sur le crâne, le taximan

nubien de Tahrir ne tarit pas d’éloges sur son « très, très, très, très bon président, le sauveur qu’attendait l’Égypte ». Un optimisme à ce point exacerbé qu’il trahit une certaine anxiété : « Grâce à lui, inch Allah, nous ne connaîtrons pas le sort de nos voisins libyens, yéménites, irakiens et syriens. L’armée égyptienne est forte, elle nous protège du chaos. » Le 1er juillet, deux jours après l’assassinat du procureur général du Caire dans un attentat, ses troupes ont pourtant subi dans le nord du Sinaï une attaque jihadiste. La plus meurtrière depuis que, en août 2013, le groupe Ansar Beït al-Maqdis (devenu fin 2014 la « province du Sinaï » de l’État islamique) a juré de venger l’éviction du président islamiste Mohamed Morsi et la répression de ses partisans. Bien coordonnée et menée avec des armes sophistiquées, l’attaque a fait au moins 21 morts dans les rangs de l’armée et 241 parmi les jihadistes, selon le bilan officiel. Magistrats, policiers, militaires… Les symboles et représentants de l’autorité de l’État sont quasi quotidiennement visés par les terroristes, que le régime dénonce comme étant liés ou appartenant aux Frères musulmans, impitoyablement pourchassés depuis août 2013. En juin, la condamnation à mort de Mohamed Morsi a été confirmée, comme celles de nombreux dirigeants de la confrérie. Le 1er juillet, neuf Frères étaient tués au cours d’un raid de la police dans un appartement du Caire. « C’est l’état de guerre », déclarait ce jour-là le Premier ministre, Ibrahim Mahlab (lire pp. 66-67). Au Centre d’études politiques et stratégiques d’Al-Ahram, l’un des plus importants think tanks égyptiens, Saïd Okasha, s’il refuse de voir en Sissi un héros, reconnaît qu’il est l’homme – et le seul – de la situation. « Nombre de médias occidentaux, qui ne parlent que des violations des droits de l’homme et des libertés, ne considèrent pas la réalité de notre situation, déplore l’analyste. Les terroristes sont partout, la guerre fait rage à toutes nos portes, les partis politiques sont très affaiblis et des intérêts étrangers comme des éléments de l’ancien régime cherchent à déstabiliser l’État. Le peuple est terrifié par ces perspectives, et le général Sissi apparaît comme le seul capable d’empêcher l’effondrement du pays. » ● jeune afrique

sissi le sauveur? L’espoir retrouvé des Égyptiens et de la communauté internationale semble reposer sur un seul homme.

c

omme Pharaon ceignait sa couronne bleue pour aller en guerre, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi a revêtu, le 4 juillet, son uniforme militaire pour la première fois depuis qu’il est président. « Par reconnaissance et par respect », il partait dans le nord du Sinaï saluer l’armée là où elle avait mené bataille pendant cinq jours contre 300 jihadistes. « Un vrai Égyptien ! » Ce compliment ultime sur les bords du Nil lui est aussi adressé par opposition à son prédécesseur, l’islamiste Mohamed Morsi, accusé d’avoir servi les intérêts des Frères musulmans au détriment de ceux du peuple (et condamné le 16 juin à la prison à vie pour espionnage et haute trahison). héritier. « Sissi, qui pâtit d’une

regrettable hostilité de la presse européenne, a sauvé l’Égypte du fondamentalisme des Frères musulmans », estime l’ancien secrétaire général des Nations unies Boutros Boutros-Ghali qui, né en 1922, a connu tous les régimes de l’Égypte moderne. Volontiers comparé à de Gaulle ou à Bonaparte par les intellectuels, Sissi incarne pour la foule des quartiers populaires le digne héritier de Nasser, le père d’une nouvelle Égypte. Et son défi le plus ardu sera certainement de ne pas décevoir les maints espoirs placés en lui. Sans doute en avait-il entrevu la difficulté. « Il a beaucoup hésité à prendre le pouvoir en 2013. Il l’a fait parce qu’il n’y avait pas d’autre solution », poursuit Boutros Boutros-Ghali. Classes populaires et classes moyennes, technocrates et hommes d’affaires, libéraux et nassériens, coptes et salafistes : canalisées par leur rejet unanime des Frères musulmans, des tendances contradictoires ont porté Sissi à la magistrature suprême. Fatalement, le raïs devra prendre des décisions qui déplairont aux

© dr

canal de Suez prévue en août (lire pp. 80-81), cure de jouvence en cours des quartiers médiévaux et coloniaux du Caire et nouvelle capitale en projet (lire p. 82)… L’Égypte fait aussi son retour en force sur une scène internationale d’où ses troubles domestiques l’avaient éclipsée : intervention musclée en février dans l’est libyen, accueil en juin du sommet de la Tripartite, à l’issue duquel a été signé l’accord de libre-échange entre 26 pays du continent, regain d’intérêt pour l’Afrique (lire pp. 84-86), rétablissement des relations avec Israël, accueil de conférences sur la Syrie, etc. ●●●

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élu le 28 mai 2014 avec

96,91 %

des voix, il a été investi le 8 juin suivant

uns quand elles satisferont les autres. Réussite de bon augure, dès juillet 2014, le gouvernement est parvenu à réduire drastiquement les subventions aux carburants sans susciter le mécontentement populaire dont la crainte avait, pendant des décennies, retenu ses prédécesseurs de prendre une telle décision. secret. Mieux qu’un Moubarak

vieillissant ou qu’un Morsi aveuglé par sa pieuse idéologie, le militaire sait prendre le pouls de la population. N’avait-il pas annoncé en 2010, dans un rapport au chef de l’état-major, les désordres à venir enÉgypte?Il étaitalorschefdurenseignement militaire et en a gardé une certaine culture du secret. Si son entourage proche reste un mystère, ainsi que le regrettent les Égyptiens les mieux informés, tous s’accordent à constater que le président est homme de consultation et de réflexion. « Il aime prendre ses décisions en parfaite connaissance de cause, se souvient Ehab Badawy, ambassadeur d’Égypte en France, qui fut son porte-parole. Il est capable de tenir des réunions pendant des heures, il se renseigne sur les questions qui se posent dans les moindres détails et prend son temps avant d’adopter une opinion définitive. » Une prudence salutaire. ● Laurent de saint périer n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


THE ARAB CONTRACTORS THE ARAB CONTRACTORS COMPANY SIÈGE SOCIAL : 34 rue Adly, Down Town Le Caire, Égypte Tél. : (+202) 23 95 95 22 / (+202) 23 95 95 00 Fax : (+202) 23 93 76 74 / (+202) 23 92 57 28 E-mail : arabc4@arabcont.com & arabc4@idsc.net.eg

The Arab Contractors Company est l’un des plus importants acteurs du BTP et des travaux publics en Afrique et au MoyenOrient. Le groupe emploie 77 000 collaborateurs qui travaillent auprès de ses clients, partenaires et fournisseurs dans plus de 29 pays. Il exerce une large palette d’activités qui couvrent tous les secteurs de l’industrie de la construction : bâtiments publics, ouvrages d’art,

routes, tunnels, aéroports, logements, eau, assainissement et traitement de l’eau, centrales électriques, barrages, hôpitaux, stades et centres sportifs, irrigation, projets électromécaniques, ingénierie, production et structures métalliques… Entreprise humaine et sociale, The Arab Contractors Company met un ensemble sportif et un centre médical à la disposition de ses employés et de ses concitoyens.


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Bibilothèque d’Alexandrie. > < Cairo Tower.

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Acteur de premier plan du BTP et des travaux publics en Égypte

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Hôtel Movenpick.

Ligne III du métro du Caire.

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Pont du 6 Octobre.

Vue extérieure de l’université de Helwan.

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Restauration de monuments – Béton prêt à l’emploi – Location de matériels – Échafaudages – Poutrelles – Produits et tuyaux en béton – Moules métalliques – Charpentes – Fondations – Pose de conduites – Construction et réparation navale – Dragage et installations portuaires – Unités industrielles – Systèmes intégrés de construction de ponts – Laboratoire – Ingénierie et services techniques…

Restauration de la mosquée Ma’iny à Damietta.

Banque centrale d’Égypte au Caire.

Centrale électrique de El Kuraymat à Giza.


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Le Plus de j.a. Égypte

Lire aussi Ibrahim Mahlab, ingénieur en chef du chantier égypte

interview

ibrahim Mahlab « Les frères musulmans se sont exclus eux-mêmes de la légalité » Réformes radicales, répression de l’opposition, lutte contre le terrorisme… Le Premier ministre dresse le bilan de sa première année aux commandes de la « nouvelle égypte ».

i

ngénieur formé à l’École polytechnique de l’université du Caire, Ibrahim Mahlab, 66 ans, a effectué toute sa carrière professionnelle, depuis 1972, au sein de la société d’État The Arab Contractors, quatrième entreprise du pays et leader régional du BTP, dont il est devenu PDG en 2001. Alors cadre du Parti national démocratique (PND, ex-parti présidentiel), Mahlab est nommé par Hosni Moubarak membre du Conseil consultatif (Sénat) en 2010. Après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, il se voit attribuer le portefeuille du Logement dans le gouvernement de transition de Hazem el-Beblawi. à la démission de ce dernier, le 25 février 2014, le président par intérim Adly Mansour le charge de former une nouvelle équipe gouvernementale. Abdel Fattah al-Sissi le reconduit dans ses fonctions le 9 juin suivant, au lendemain de son élection à la tête du pays, puis lors du remaniement du 5 mars 2015. « Mon métier m’a appris à être pragmatique, à prendre les décisions importantes à temps sans tergiverser et à frapper à la bonne porte pour avoir le bon conseil », explique celui auquel le président Sissi a confié la charge de superviser le chantier de la nouvelle Égypte. jeune afrique : quel bilan dressezvous de la première année d’exercice de votre gouvernement ? iBraHiM MaHLaB : Nous avons énor-

mément avancé, en travaillant en équipe – mon premier succès a justement été de réunir un cabinet qui travaille ! Nous sommes au cœur d’une période très dynamique, et il ne se passe pas un jour sans qu’une grande décision soit prise ou une réforme mise en œuvre. Nous avons d’ailleurs rendu compte de nos actions dans un bilan publié récemment. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

Pour le logement, par exemple, notre programme de 1 million d’habitations est le plus grand d’Afrique et d’Europe. Plus de 75 000 unités ont déjà été bâties, et 240 000 sont en cours de construction. Plus de 3 400 km de routes sont en train d’être réalisés. L’échéance d’août sera tenue pour le canal de Suez, le plus

continent africain. Par ailleurs, la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire. Il faut aussi agir sur les mentalités et en faveur du développement, car les matières premières de cette industrie terroriste sont la pauvreté et l’ignorance. n’était-il pas exagéré d’exclure les frères musulmans [fM] du jeu politique et de la légalité ?

Ils s’en sont exclus eux-mêmes. La révolution de 2011 voulait la justice sociale et l’amélioration des conditions

L’Afrique est le continent du futur et l’Égypte en est le cœur battant. grand projet de dragage au monde [lire pp. 80-81]. Au niveau économique, le succès de la conférence de Charm el-Cheikh [lire pp. 74-76] a signé le retour des investisseurs en Égypte. Concernant le cadre législatif, des dossiers réputés « intouchables », comme celui des subventions, sont traités. Enfin, il y a eu de nettes améliorations en matière de stabilité et de sécurité, des changements que le peuple peut déjà ressentir. Le terrorisme continue pourtant de frapper durement le pays…

Combattre le terrorisme est une mission vitale que l’Égypte est fière de mener, ce qu’elle fait avec efficacité, tout en en payant le prix. Toute la région est frappée, et même Paris n’est pas épargné… Notre combat contribue donc aussi à stabiliser la région et le monde. Ce terrorisme qui veut prendre le visage d’un État soi-disant islamique n’a rien à voir avec l’islam. C’est une industrie bien organisée, qui se développe à l’échelle internationale, et c’est donc au monde entier de mettre en place une action partagée pour l’affronter. Une véritable coopération internationale est nécessaire pour lutter contre ce fléau en Égypte, mais aussi en Libye, au Mali, au Nigeria et en Somalie, pour ne parler que du seul

de vie. Et elle a été volée par les FM. Ils ont certes été élus, mais, une fois au pouvoir, ils ont voulu modifier l’ADN de l’âme égyptienne, qui est faite de tolérance, d’ouverture aux autres, de pacifisme et de piété. Un an plus tard, ce même peuple qui les avait élus s’est levé pour dire que personne ne pourrait changer cette âme multimillénaire. Une seconde révolution a donc chassé ce régime et réactivé les grands rêves portés par les Égyptiens. que répondez-vous aux critiques qui vous sont adressées par les OnG et les médias internationaux concernant les atteintes aux droits de l’homme ?

Pour ce qui est de la démocratie, notre feuille de route est claire : une élection présidentielle s’est tenue, qui a permis au peuple de s’exprimer ; en septembre se tiendront les législatives. Quant aux droits de l’homme, je me demande parfois de quels droits nous parlons… Il est vrai qu’il nous reste beaucoup à accomplir dans ce domaine, mais il faut arrêter de vouloir qu’un idéal utopique s’opère soudain dans un pays soumis à d’extrêmes contraintes. Nous avons fermement l’intention de progresser dans cette voie, mais il ne faut pas oublier que nous faisons face, en même temps, à un jeune afrique


Le grand retour ? terrorisme fou ! Enfin, sans vouloir simplifier ce que sont les droits de l’homme, il serait sage avant tout de considérer ce qui est de l’ordre du concret : le droit à la santé, à une meilleure éducation, au travail, aux infrastructures de base et, par conséquent, à une vie meilleure font partie des droits fondamentaux de l’homme. Et ce sont ces droits primordiaux qu’il faut s’efforcer de garantir en priorité. Ce que nous faisons.

© Vincent Fournier/Jeune AFrique

Quel regard la nouvelle Égypte portet-elle sur le reste du continent ?

p Le chef du gouvernement, le 12 mai, à Paris. jeune afrique

C’est le grand retour de l’Égypte vers l’Afrique ! À l’époque de Nasser, notre pays a été le foyer des grands mouvements de libération du continent. Une période de coopération a suivi, durant laquelle nombre de nations indépendantes ont reçu notre aide dans les domaines techniques, médicaux et administratifs. En 1967, la guerre du Sinaï a suspendu cette politique, et nos relations avec le reste du continent ont été mises en sourdine. Pendant l’ère Moubarak, elles ont été réduites à un niveau diplomatique ordinaire, alors qu’il aurait fallu entretenir leur caractère chaleureux, fraternel et amical. Nous sommes aujourd’hui convaincus que l’Afrique est le continent du futur et que l’Égypte en est le cœur battant. Mais nous ne voulons surtout pas nous muer en acteurs « néocolonialistes », à l’image de ces trop nombreuses puissances qui s’intéressent à l’Afrique pour en contrôler les ressources. Au contraire, nous aspirons à un échange productif et à un partage bénéfique. Nous avons fait notre grand retour au sein de l’Union africaine, nous avons récemment reçu plusieurs chefs d’État et de gouvernement, et effectué de nombreuses visites dans des pays africains. Des dizaines de projets concrets y ont été engagés par des entreprises égyptiennes qui investissent dans les infrastructures, le commerce, la santé et beaucoup d’autres domaines. Pour gérer plus efficacement cette stratégie de redéploiement sur le continent, nous avons créé au sein du gouvernement la Cellule de l’Afrique, que je préside et qui rassemble les ministres concernés [Commerce et Industrie, Affaires étrangères, Coopération internationale, Enseignement supérieur, Santé, Jeunesse et Sports]. ● Propos recueillis par Laurent de Saint PÉrier n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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ELSEWEDY ELECTRIC

Leader mondial des systèmes d’énergie... Groupe égyptien fondé en 1938, Elsewedy Electric s’est rapidement imposé comme le plus important fabricant de câbles électriques du monde arabe. Depuis les années 1980, sa stratégie de croissance externe et de diversification de ses activités lui a permis de devenir leader en Afrique et au MoyenOrient dans sept domaines complémentaires : les câbles, les composants électrotechniques, les mesures électriques, les transformateurs, les solutions de télécommunications, les énergies renouvelables et l’ingénierie de projets. Elsewedy Electric est réputé pour sa productivité élevée dans de nombreux secteurs et ses produits et services de qualité, conformes aux normes internationales et à des prix concurrentiels. Leader mondial de la fabrication de câbles, chef de file régional (Moyen-Orient et Afrique) des solutions pour le secteur de l’énergie et des services associés, le groupe dispose d’un savoir-faire exceptionnel en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique et de diminution de la consommation, réduisant ainsi les coûts.

Chiffres clés Plus grand secteur du groupe Elsewedy Electric, l’activité câbles et accessoires comprend la fabrication de câbles de plusieurs natures (lignes de tension, caténaires, spécifiques), ainsi que des matières premières qui entrent dans leur composition. Elle fait appel à des machines modernes et de haute qualité. Les produits répondent aux normes européennes.

Composants électrotechniques Cette activité comprend la production d’isolateurs, d’accessoires de câblage et de raccordement haute ou basse tension. Les installations industrielles d’Elsewedy Electric sont certifiés ISO et les machines, équipement et outils de test sont de classe internationale. Tous les produits sont conçus, fabriqués et testés conformément aux normes internationales, européennes ou nationales.


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Mesure et gestion de l’énergie Avec l’acquisition, en 2008, de la société Iskraemeco, Elsewedy Electric est devenu l’un des leaders mondiaux des compteurs électriques intelligents pour particuliers et professionnels. Sur ce segment en fort développement, le groupe recherche constamment de nouvelles possibilités d’élargir son expertise sur les marchés existants et nouveaux.

Transformateurs Elsewedy Electric produit une large gamme de transformateurs et de solutions intégrées et modulaires qui lui permettent de couvrir les besoins des compagnies d’électricité et des industriels, tant en local que sur les marchés d’exportation.

Le siège d’Elsewedy Electric, au Caire

Elsewedy Electric offre à ses clients une gamme complète de solutions de communication clés en main, adaptées à toutes les applications impliquant des réseaux filaires et sans fil, de transmission voix et données, de la sécurité, de la sûreté et de câbles à fibre optique. Utilisant des technologies novatrices, ses solutions économiques sont destinées aux secteurs du pétrole et du gaz, de l’électricité et des services publics, des télécommunications, du transport et des infrastructures.

Énergies renouvelables Dans ce domaine en fort développement, marqué par une demande croissante en Égypte, au Moyen-Orient et en Afrique, Elsewedy Electric développe des solutions complètes de production d’énergie éolienne et solaire. Le groupe peut s’appuyer sur toutes les compétences de ses équipes pour fournir une assistance spécialisée et un service complet.

Projets et développements Des études de faisabilité à la mise en service, sans oublier le support après-vente, Elsewedy Electric prend en charge de nombreux projets électriques : production, distribution, réseaux, réhabilitation et modernisation d’unités existantes. Disposant d’un personnel bien formé, de produits adaptés et d’un savoir-faire reconnu, Elsewedy Electric répond aux exigences les plus complexes par un haut standard d’ingénierie.

www.elsewedy.com


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Le Plus de J.a. égypte élections

une toute petite voie pour l’opposition Alors que les législatives sont annoncées pour septembre, les nombreux partis créés après la révolution risquent de ne pas présenter beaucoup de candidats… Explications.

P

orte-parole du parti libéral Al-Dostour, Khaled Dawoud est aussi rédacteur en chef adjoint d’Al-Ahram Weekly, hebdomadaire anglophone du premier groupe de presse égyptien. Opposant et journaliste, il est doublement dans la ligne de mire des autorités, qui, ayant fait de l’ordre et de la sécurité leurs priorités, apprécient de moins en moins les voix dissonantes. Aussi engagé pour la défense de la liberté de la presse que pour la démocratie, Dawoud n’est pas avare de critiques à l’égard du chef de l’État : « Après un an de mandat, Sissi continue de penser et d’agir en militaire. Il ne parle que de guerre contre le terrorisme et de bataille pour l’économie, sans vision à long terme. Il gère le pays à la tête d’un petit groupe de militaires dont personne ne sait qui ils sont, et son discours sécuritaire, qui justifie toutes les atteintes aux droits de l’homme et à la démocratie, nous renvoie directement à la mentalité des années Moubarak… »

Privés, depuis sa dissolution en 2012, d’Al-Dostour. La loi électorale va reprod’un Parlement où faire entendre leur duire un Parlement à la Moubarak où voix, les nombreux partis d’opposition 80 % des sièges seront attribués à des créés après la révolution de 2011 attendent indépendants issus des grandes familles peu des législatives annoncées ou qui auront les moyens finanpour septembre. Approuvée ciers de faire campagne. » le 1er juillet, la nouvelle loi La loi électorale électorale fait en effet la sans ressources. Quant aux partis, ils part belle aux candidu 1er juillet accorde sont selon lui sous dats indépendants, pression permaqui disposeront de nente. « Plus de cent 448 sièges, contre de la Chambre des députés 120 accordés aux militants de divers aux indépendants, contre partis. « Ces derniers partis d’opposition, sont faibles et en très qu’ils soient gaumauvais état, mais rien chistes ou libéraux, aux partis n’est fait pour les renforsont derrière les barcer. La seule force politique reaux pour avoir maniqui avait une assise populaire festé, pacifiquement, en faveur après la dissolution du parti unique de la démocratie, déplore Khaled de Moubarak était les Frères musulmans, Dawoud. Les milieux d’affaires ne nous maintenant revenus à la clandestinité », soutiennent plus, et nous sommes privés confie un observateur européen. de ressources. Nous n’avons pas non « Ces élections ne seront ni libres plus accès aux grands médias, dont le ni équitables, estime le porte-parole discours consiste à dire que les partis sont inutiles et qui appellent à faire bloc derrière la politique de Sissi. » Ce dernier est-il pour autant assuré d’obtenir une large majorité à l’issue des législatives ? Pour le politologue terroristes en décembre 2013). Si cette Saïd Okasha, « Sissi n’a pas de parti, et situation rend improbable la réintégracela pourrait lui poser un problème. tion des FM dans le jeu politique, leurs Aujourd’hui, les principales forces polisympathisants pourront en revanche tiques sont les partisans de l’ancien se présenter aux législatives à condirégime, qui continuent de suivre Ahmed tion de ne pas porter l’étiquette des Chafik, le dernier Premier ministre de FM et de ne pas être poursuivis en Moubarak, et les islamistes – salafistes et justice. Reste à savoir si la candidature Frères musulmans (FM) –, qui disposent et la probable élection d’un certain d’une assise électorale et de ressources nombre de ces « Frères cachés » au financières, les FM pouvant se présenter sans étiquette. » Le prochain Parlement Parlement parviendront à normaliser pourrait donc être dominé par ces deux les relations entre le mouvement et les autorités. ● tendances. ●

448 sièges 120

des Frères chassés aux Frères cachés

P

rincipale force d’opposition, le Parti de la liberté et de la justice des Frères musulmans (FM) a été officiellement dissous en août 2014. La répression du mouvement avait débuté un an auparavant, quand ses dirigeants avaient refusé de négocier avec le pouvoir qui venait d’évincer « leur » président, Mohamed Morsi. Depuis, on assiste à une escalade de violence entre l’exécutif (qualifié de « tyran » par les FM et leurs sympathisants) et la confrérie (que le gouvernement a classée parmi les organisations

L.s.P.

Laurent de saint Périer


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© Maged aboueldahab pour J.a.

u Le jeune réalisateur dans un café du Caire.

Témoignage

Depuis la place tahrir… Il faisait partie des activistes filmés dans le documentaire The Square. Quatre ans après, ahmed Hassan raconte ses espoirs, ses déceptions, ses certitudes.

I

l est en retard, comme toujours. Depuis qu’Ahmed Hassan, 28 ans, s’est lancé dans la réalisation de documentaires, il est devenu un oiseau de nuit, et les réveils matinaux sont difficiles. « Mumkin kahwa masbout ! » (« Un café serré peu sucré ! ») commande-t-il en arrivant à la terrasse d’el-Nadwa, petite échoppe cairote où les révolutionnaires de 2011 côtoient les vieux habitués en galabeya et turban, typiques de la Haute-Égypte. « Ici c’est comme chez moi, lâche Ahmed dans un sourire. On passe des heures à refaire le monde. Ils me connaissent, on peut parler librement. » Quatre ans déjà se sont écoulés depuis la révolution et le tournage des premières images de The Square, le documentaire de Jehane Noujaim, qui suit le parcours d’Ahmed et de son groupe de jeunes militants entre janvier 2011 et juillet 2013. En quatre ans, les traits du jeune Cairote se sont durcis. Il s’est laissé pousser les cheveux. Depuis le renversement par l’armée du président islamiste Mohamed Morsi, les Frères musulmans, inscrits sur la liste des organisations terroristes, sont sévèrement réprimés. Les révolutionnaires de la place Tahrir sont eux aussi nombreux à s’entasser dans les geôles jeune afrique

pour avoir violé la loi antimanifestation. « Je me souviens des jours qui ont suivi la chute de Moubarak. J’étais plein d’enthousiasme, je rêvais de démocratie, de liberté… Aujourd’hui, j’ai l’impression que nous sommes de nouveau en 2010 », regrette Ahmed, avant d’énumérer les noms de ses amis emprisonnés. Luimême se sait surveillé. Un autre constat lui est plus pénible encore. Ces dernières années de troubles semblent avoir eu raison des aspirations de bon nombre d’Égyptiens, qui, faute d’avoir obtenu « du pain et de la justice » (slogan phare du 25 janvier 2011), ont rangé leurs banderoles et attendent du nouveau gouvernement des miracles pour nourrir leur famille. trop pressés. Comme beaucoup d’acti-

vistes, Ahmed déplore que le souffle du 25 janvier ne soit plus perceptible. « On a aussi fait des erreurs, c’est clair, reconnaît-il. La nouvelle génération est passionnée, elle a contribué à l’apparition d’un nouveau type de militantisme, avec des personnalités comme Sanaa [Seif], Alaa [Abdel Fattah], Ahmed Douma [tous condamnés à de lourdes peines de prison pour leur engagement contre le pouvoir]… Leur tort, c’est de s’être

t The Square (Al Midan), de Jehane Noujaim (Égypte - ÉtatsUnis, 2013). Nommé aux Oscars en 2014.

exposés en étant trop forts, trop pressés, trop radicaux. Moi, on m’a vu partout, à la télévision, au cinéma, ma voix a été portée dans le monde entier. Si je suis encore là, c’est parce que j’ai fait attention à n’attaquer personne frontalement. Garder sa liberté, en Égypte, suppose de faire preuve de subtilité. » Son ami Hassan, qui nous avait rejoints, quitte soudain la table en sifflotant, pour se mêler à un petit groupe savourant des taameyyas (galettes de pois chiches et de fèves). « Il m’a entendu raconter tout ça des milliers de fois », explique Ahmed en riant. « Je trouve que c’est bien d’avoir laissé sa chance à Sissi, reprend-il. Tout comme on a laissé sa chance à Morsi. Il n’y a qu’ainsi que la population peut juger. » S’il affirme ne pas être radical, le réalisateur reste un contestataire à fleur de peau. Le « côté positif » de la révolution, selon lui ? « Les Égyptiens ont appris à ne plus faire confiance aux islamistes. Et maintenant, ils sont en train d’apprendre qu’on ne peut plus se fier à l’armée non plus. Quand ils auront faim, les tanks seront impuissants… Une nouvelle révolution se prépare, cela prendra peut-être du temps, mais celle-là sera la bonne. » ● jenna le bras, au Caire n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


Le Plus de J.A. égypte

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Tribune

Le français en première classe

© dr

André PArAnT

Ambassadeur de France en Égypte

e

n Égypte, la francophonie s’inscrit dans un contexte plurilingue où l’anglais est la langue de communication des entreprises internationales et du monde politique, mais où le français n’est pas pour autant délaissé. Mieux, aujourd’hui son attrait redouble grâce à son enseignement, dont la qualité conduit en effet de nombreux parents à inscrire leurs enfants dans nos lycées internationaux. Quand tout le monde maîtrise l’anglais, parler le français constitue indéniablement un atout supplémentaire. Et puis, bien sûr, la francophonie est profondément enracinée en Égypte : n’oublions pas que Boutros Boutros-Ghali a été le premier secrétaire de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), de 1997 à 2002. La fondation [en 1990] de l’université Senghor d’Alexandrie témoigne de la forte volonté des autorités de participer activement à la vie institutionnelle de l’OIF, et l’Agence universitaire de la francophonie a signé des conventions avec de nombreux autres établissements égyptiens.

particulier grâce, également, au réseau des établissements partenaires de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. Plus de 50 000 jeunes sont concernés. Certains iront étudier dans l’Hexagone, guidés par Campus France; d’autres suivront des études littéraires en langue française dans l’un des départements spécialisés des universités égyptiennes, ou bien profiteront de l’une des neuf filières francophones des universités du Caire et d’Alexandrie ou de l’université française d’Égypte – qui vient d’accéder au statut d’établissement d’enseignement supérieur à but non lucratif. Ingénierie, gestion, droit international, sciences politiques et économiques, commerce international, agriculture… Les filières proposées sont très diversifiées et, depuis vingt ans, accueillent 2 000 étudiants chaque année. Ainsi, une partie non négligeable des cadres égyptiens est formée en français. Notons également que les relations dans le domaine du droit bénéficient d’une tradition séculaire, qui remonte à l’École khédiviale de droit du Caire, créée à la fin du XIXe siècle.

Dans les lycées publics, les trois quarts des élèves étudient notre langue.

Les initiatives locales sont multiples : associations professionnelles d’avocats, de journalistes, de professeur s… Le Club France-Égypte, qui rassemble les anciens boursiers du gouvernement français et les étudiants francophones dans un réseau numérique en pleine expansion, a été intégré au grand réseau mondial France Alumni. Il organise régulièrement des réunions et rencontres thématiques. Le quotidien Le Progrès égyptien et l’hebdomadaire Al-Ahram paraissent toujours en français. Certes, il ne s’agit pas de la première langue vivante enseignée. Mais parmi les 1,8 million d’élèves des lycées publics d’enseignement général, les trois quarts l’étudient, et 12 000 professeurs se chargent de la transmettre. Surtout, c’est la première langue vivante enseignée dans les établissements scolaires bilingues, dont certains existent depuis plus d’un siècle. L’enseignement du français et en français connaît un essor n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

La francophonie en Égypte vit aussi par la tradition d’échanges culturels dans les domaines de la littérature, des arts de la scène et du cinéma, soutenus par l’Institut français d’Égypte. Implanté à Alexandrie, au Caire et à Héliopolis, celui-ci est de loin la première école de langue française de tout le pays. Avec l’Alliance française de Port-Saïd et le Centre d’enseignement du français de Mansourah, on compte plus de 12 000 inscriptions pour des cours généraux ou plus spécifiques, à destination de très jeunes enfants comme des adultes. Une formation destinée aux diplomates égyptiens est également mise en place, en étroite coordination avec le ministère des Affaires étrangères et avec le soutien financier de l’OIF. La francophonie en Égypte a donc un bel avenir devant elle. Et les chefs d’État français et égyptien ont réaffirmé leur intention de la soutenir par tous les moyens. ● jeune afrique


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le plus de J.a. égypte économie

l’art du rebond Après trois ans d’instabilité, l’État a engagé des réformes qui ont surpris par leur radicalité. Efficaces à défaut d’être populaires, elles ont relancé la croissance et l’emploi. Et fait revenir les investisseurs.

O

n ne donnait pas très cher de l’Égypte il y a un an, au seuil de l’élection qui devait porter le maréchal Abdel Fattah al-Sissi à la présidence. Les fleurs du printemps égyptien s’étaient fanées, la violente répression qui s’abattait sur les Frères musulmans signait le retour d’une dictature militaire. Dans le domaine économique, la croissance vivotait autour de 2 %, rythme inférieur à la pression démographique et donc incapable d’endiguer l’appauvrissement général. Alors qu’il devait affronter un chômage massif des jeunes, un terrorisme endémique, d’énormes déficits publics et une inflation galopante, le gouvernement était privé d’une bonne partie de ses moyens, en raison de la forte baisse des recettes du canal de Suez, de la chute de la fréquentation touristique, de celle des cours des hydrocarbures, mais aussi de la suppression de l’aide militaire américaine. Les 24,8 milliards de dollars (environ 18,2 milliards d’euros) alloués depuis 2013 sous diverses formes par les

u Lors de la Conférence pour le développement économique de l’égypte, à Charm el-Cheikh, le 15 mars.

pays frères du Golfe et d’Arabie saoudite évitaient un naufrage. Mais l’Égypte semblait dans l’impasse. cOcktail nassérO-libéral. Dès son

élection, le 28 mai 2014, le président Sissi a tenu aux pays développés un discours très convenu : « Aidez-nous, investissez chez nous pour que nous puissions résister aux forces réactionnaires et au terrorisme. Il nous faut entre 200 et 300 milliards de dollars

pour améliorer le sort des 90 millions d’Égyptiens. » Trop convenu pour qu’on y croie dans un premier temps. Puis, des actes sont venus prouver que le nouveau régime mettait en œuvre une stratégie hardie de développement. Dans un étonnant cocktail « nasséro-libéral » qui laisse à la fois admiratif et perplexe, il a entrepris en même temps d’assainir les finances publiques, de renforcer les capacités énergétiques du pays et de susciter une kyrielle de mégaprojets.

plus attirante après mOrsi

d

e 2011 à 2013, l’Égypte n’a pas pu négocier avec le FMI. En revanche, elle a reçu 8 milliards de dollars (environ 6 milliards d’euros) de prêts du Qatar, 2 milliards de dollars des autorités libyennes et 1,5 milliard de dollars des États-Unis, auxquels s’ajoutent quelque 6,5 milliards d’euros d’aides de l’Union européenne, sans oublier les dons de l’Arabie saoudite (5 milliards de n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

dollars) et de laTurquie (3 milliards de dollars). Bien trop peu, cependant, sachant que le pays réclamait plus de 300 milliards de dollars pour se remettre à flot. La chute du président Mohamed Morsi le 3 juillet 2013 a immédiatement entraîné le versement de nouvelles aides : 6,5 milliards de dollars décaissés par l’Arabie saoudite, 3 milliards par les Émirats arabes unis,

4 milliards par le Koweït… Des sommes que le nouvel exécutif a mises à profit pour lancer ses grands projets et négocier le retour du pays sur la scène économique internationale. L’opération semble avoir porté ses fruits puisque mi-mars, lors de la Conférence pour le développement économique de Charm el-Cheikh, outre les promesses

d’investissements, le gouvernement d’Ibrahim Mahlab a signé des contrats pour un montant de 36,2 milliards de dollars – bien au-delà des 15 à 20 milliards espérés –, auxquels s’ajoutent 18,6 milliards de contrats d’investissement « clés en main » et 5,2 milliards en aides et prêts divers, notamment de l’Union F.D. européenne. ● jeune afrique


le grand retour ?

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Pas à la portée de toutes les Bourses Dynamisé par d’importantes introductions et augmentations de capital, l’Egyptian Exchange s’est imposé l’an dernier comme la Place la plus performante des marchés émergents.

S

khaled desouki/afp

elon Morgan Stanley Capital International (MSCI), le marché boursier égyptien a été le plus performant des marchés émergents en 2014. L’Egyptian Exchange (EGX) compte 350 entreprises cotées, y compris celles de l’EGX 30 (ex-Case 30, indice regroupant les 30 titres les plus échangés au Caire), dont la cote globale était de 9 milliards de dollars (plus de 8 milliards d’euros) à la fin mai 2015, soit dix fois plus qu’en mai 2010. « Tout est une question de confiance. Cette tendance positive est un symbole fort, mais nous devons aller vite », souligne Mohamed Omran, président de l’institution financière.

Les objectifs sont clairs : redresser les comptes publics et atteindre une croissance annuelle de 6 %. Le gouvernement a donc taillé dans les subventions aux produits alimentaires et à l’énergie, qui profitaient surtout aux classes aisées et coûtaient quelque 144 milliards de livres égyptiennes (environ 14,7 milliards d’euros), soit le tiers du budget de l’État. En juillet 2014, le prix des carburants a ainsi bondi de 78 % (pour l’essence la plus consommée), et celui de l’électricité de 20 %. Les donateurs du Golfe avaient demandé cet effort.

incitationS. Entre mai 2014 et

mai 2015, une vingtaine d’entreprises ont fait leur entrée à l’EGX, mobilisant un montant global de 656 millions de dollars. Parmi les introductions les plus remarquées, celle d’Edita Food Industries, en avril, coorchestrée par Goldman Sachs et EFG Hermes, qui vaut à l’entreprise une capitalisation boursière de 890 millions de dollars. Un succès tel que d’autres groupes locaux ont annoncé leur entrée à l’EGX pour fin 2015-début 2016, notamment Arabian Food Industries (Domty).

Les augmentations de capital au sein des sociétés cotées ont également été importantes en 2014 (1,3 milliard de dollars). Poids lourd de l’immobilier et de la construction, Sixth of October Development and Investment Company (Sodic) a ainsi levé plus de 138 millions de dollars. « Les rôles sont mieux définis, explique Mohamed Omran. L’État se charge des infrastructures, et le secteur privé – qui réalise 70 % du PIB – s’occupe de la croissance, avec des marchés qui tournent et des levées de fonds. » Pour inciter les investisseurs à participer à ces opérations, le gouvernement a décidé de repousser de deux ans, à 2017, l’entrée en vigueur de la taxe de 10 % sur les gains en capitaux. Par ailleurs, à partir du 1er août, un nouvel indice sera lancé, l’EGX 50, qui regroupera les 50 premières entreprises en termes de liquidités. Les entreprises seront autorisées à rejoindre l’EGX 30 avec un flottant minimum de 5 % (part des actions susceptibles d’être échangées en Bourse, qui doit être de 15 % actuellement), si la valeur de ce dernier est d’au moins 100 millions de livres égyptiennes (environ 11,7 millions d’euros). ● Frida dahmani et cécile manciaux

sommes économisées a été réaffectée à des programmes sociaux (éducation, santé). Ce qui explique la faiblesse de l’expression dumécontentement. Laquelle a également été contenue par l’intervention de l’armée, qui a fourni des produits alimentaires à prix réduit provenant de ses magasins et a cassé les grèves de taxis avec ses propres bus. Le gouvernement a aussi décidé une série de hausses fiscales. Les taxes sur les cigarettes et l’alcool ont plus que doublé. Les hauts revenus se sont vu infliger 5 % de contributions supplémentaires. ● ● ● jeune afrique

dr

grèveS caSSéeS. Une partie des

p Salle principale de la Bourse du Caire. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


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le Plus de J.a. égypte L’impôt foncier a été augmenté, et pas lésiné sur les moyens pour séduire les un impôt sur les dividendes institué. Il partenaires étrangers, puisqu’il a promis semble bien que l’État soit « en guerre auxcourageuxquiinvestiraientdansl’éleccontre les déficits », comme l’a proclamé tricité un prix garanti pendant vingt-cinq le président Sissi, et qu’il soit parvenu à ans et le rapatriement de leurs bénéfices réduire d’un tiers les subventions qui sans restriction. grevaient les comptes publics. Le talon d’Achille de l’Égypte, c’est la marche forcée. Au-delà du volet médiocrité de sa capacité énergétique. énergétique, les mégaprojets du préLes coupures de courant à répétition n’ont sident Sissi auront-ils plus de succès que d’ailleurs pas été totalement étrangères ceux de ses prédécesseurs, de Nasser à à la chute des Frères musulmans. La Moubarak ? On aura un commencement question est à ce point préde réponse si le doublement du gnante que, si la grande canal de Suez est inauguré Le taux de chômage Conférence pour le comme prévu début s’élève à développement écoaoût (lire pp. 80-81). Symboliquement, le nomique de l’Égypte, chef de l’État a voulu réunie à Charm el(9,2 % chez les hommes et 24,8 % chez les femmes), soit que ces 72 km soient Cheikh du 13 au réalisés à marche 15 mars, a permis forcée, sous la houd’obtenir 130 millette de l’armée ou liards de dollars de de ses filiales, et avec promesses d’invesà la fin 2014, dont 63 % l’épargne des Égyptiens. tissements, les contrats ont entre 15 et 29 ans Pour en tripler les recettes signés à cette occasion ont annuelles, qui atteindraient porté quasi exclusivement sur ainsi plus de 13 milliards de dollars. laproductionénergétique(recherche d’hydrocarbures, photovoltaïque, éolien), On se doute que ces mêmes entreprises aussi bien pour ceux passés avec les sociémilitaires et les sociétés émiraties seront tés d’Arabie saoudite, des Émirats arabes chargées de la construction de la future unis, du Koweït et d’Oman (15 milliards capitale administrative, à l’est du Caire (lire de dollars pour la seule compagnie saoup. 82), et de celle de la zone industrielle dienne Acwa) que pour ceux conclus avec projetée le long du canal. Mais qui paiera les groupes occidentaux (21 milliards de les 45 milliards de dollars nécessaires à dollars, dont 12 milliards pour BP, lire cileur réalisation? Aujourd’hui, la situation dessous). Le gouvernement n’a d’ailleurs de l’économie égyptienne suscite autant

●●●

12,9 %

3,6 millions de chômeurs

de soulagement que d’interrogations. « Le pays se redresse, incontestablement ; nous prévoyons une croissance de 4 % cette année et de 4,6 % en 2016, reconnaît Masood Ahmed, directeur du département Moyen-Orient au FMI. Les autorités ont mis en œuvre un ambitieux programme de stabilisation qui raffermit la confiance. Reste qu’il ne profite pas aux jeunes chômeurs et qu’il est urgent de créer de l’emploi. Pour cela, le climat des affaires doit être amélioré de manière significative, afin que les investisseurs étrangers se laissent séduire. » le bâton et la truelle. « La situation

de l’Égypte s’améliore, mais elle conserve un niveau de risque relativement élevé, confirme Nourredine Fadhel, économiste chez Standard & Poor’s. Certains pays du Golfe continuent de soutenir le pays, dont la dette extérieure n’est pas très élevée et dont le président fait preuve de volonté politique. » Oubliées aussi, désormais, les préventions à l’encontre d’un régime réputé peu démocratique. Les États-Unis ont repris le versement de leur aide militaire. La France a vendu à l’Égypte 24 avions Rafale et sa technologie dans l’énergie solaire. Tous croisent les doigts pour que le président Sissi, qui manie astucieusement le bâton et la truelle, ne soit pas débordé par l’exaspération d’une population lassée d’attendre les fruits d’un Printemps arabe chaotique. ● alain fauJaS

le caire veut mettre leS gaz Alors que l’Égypte est, Après l’AlgÉrie, le deuxième producteur africain de gaz – dont dépend encore 90 % de sa production nationale d’électricité –, le manque d’investissements et la hausse de la consommation ont franchement détérioré la situation du secteur énergétique, qui pèse de plus en plus dans les difficultés économiques du pays.tirés vers le haut par la demande des ménages comme des industriels, les besoins en électricité augmentent de n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

6 % par an. Avec la relance, l’Égypte est devenue importatrice nette d’hydrocarbures en 2014 (– 795 millions de dollars – soit environ 654 millions d’euros –, contre + 899 millions de dollars en 2013), subissant une hausse des importations pétrolières de 9,3 % – soit plus de la moitié de la hausse totale des importations. Du côté de l’offre, la baisse de la production est liée au déclin naturel du rendement des champs et, surtout, au ralentissement de

l’investissement dans le secteur des industries extractives, qui a chuté de 38 % en 2013-2014. Mais depuis un an, l’appréciation du risque de la part des investisseurs étrangers s’est nettement améliorée, et les investissements directs étrangers (iDe) dans le secteur ont atteint 1,2 milliard de dollars, marquant une hausse de 25 % sur la période allant de septembre 2014 à février 2015 par rapport au même semestre en 2013-2014. et ce sans compter le plus important

iDe dont l’Égypte a jamais bénéficié, concrétisé en mars par l’accord final entre l’État et British petroleum (Bp) sur le projet West Nile Delta : un investissement de 12 milliards de dollars financé par la major (65 % de l’actionnariat) et ses partenaires. la production devrait démarrer en 2017 et atteindre près de 34 millions de mètres cubes par jour, soit l’équivalent de 25 % de la production actuelle de gaz du pays. ● cécile manciaux jeune afrique


Le grand retour ? marchés

Tout le monde espère sa part du gâteau Les multinationales se livrent de véritables batailles pour être présentes dans le pays. En particulier dans l’agroalimentaire.

a

vec sa stabilité retrouvée, ses 90 millions de consommateurs et ses produits distribués dans de nombreux pays d’Afrique et du Moyen-Orient, l’Égypte suscite l’intérêt des multinationales, qui rivalisent pour s’approprier des parts des grandes entreprises locales, en particulier dans l’agroalimentaire. Objectif : s’implanter ou renforcer leur présence en terres égyptiennes, mais aussi pénétrer les marchés émergents du continent et de la péninsule Arabique. Mi-janvier, l’américain Kellogg Company a gagné le bras de fer qui l’opposait au fonds émirati Abraaj et fait l’acquisition, pour plus de 125 millions de dollars (environ 105 millions d’euros), de 86 % des parts de Bisco Misr, le plus grand fabricant de biscuits en Égypte, avec 3300 employés, trois usines, 22 % de part de marché et une dizaine de marques (Bisco Luxe, Datto, Chico Chico, Bisco Wafers…). Une très bonne affaire quand on sait que les Égyptiens consomment quelque 800000 tonnes de biscuits par an.

Une bataille tout aussi acharnée a opposé pendant plus de huit mois le saoudien Arrow Food Distribution, le danois Arla Foods et le français Lactalis (via sa filiale égyptienne Al Nour) pour la prise de contrôle d’Arab Dairy. Peine perdue, en mars, le fromager est finalement tombé dansl’escarcelled’uncompatriote,lefonds d’investissement public Pioneers Holding, pour près de 30 millions d’euros. Arab Dairy avait de quoi attiser les convoitises avec ses 72 millions d’euros de chiffre d’affaires, ses 15 % de part de marché en Égypte et ses nombreux clients au MoyenOrient. Une belle position sur le segment des produits laitiers qui, selon les experts, devrait croître de 180 % d’ici à 2020. VaLEURS SÛRES. Cette accélération du

rythme des acquisitions spectaculaires confirme une tendance amorcée en 2013 par le fonds britannique Actis. Après avoir raflé des parts des sandwicheries Mo’men (dont les produits sont très prisés par les Égyptiens) et du confiturier El Rashidi El Mizan, Actis a déboursé

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78 millions d’euros pour acquérir 30 % du capital d’Edita Food Industries, groupe de boulangerie industrielle très présent en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (avec les marques Twinkies, Hohos, Bake Rolz…). En pleine croissance, Edita affiche un chiffre d’affaires de 1,9 milliard de livres égyptiennes (environ 220 millions d’euros) et a fait son entrée en Bourse, à Londres et au Caire, en avril (lire p. 75). Les multinationales misent sur des valeurs sûres, dont les marques sont solidement implantées localement et sur des marchés en croissance. Toutes ont en mémoire la success-story du français Danone – devenu le numéro un des produits laitiers en Égypte après le rachat d’une usine locale en 2005 – et voudraient rivaliser avec ses excellents résultats en matière de stabilité et de plusvalues boursières. Mais elles vont devoir compter avec les puissants groupes privés égyptiens, qui entendent se diversifier, en particulier dans l’agroalimentaire. Plusieurs spécialistes prévoient que les offres publiques d’achat vont se poursuivre dans le secteur en 2016 sur la place du Caire, notamment après l’introduction en Bourse de 40 % du capital de Covertina (Eastern Company for Manufacturing Sweets & Chocolate), prévue pour la fin de cette année, et de 30 % de Domty (Arabian Food Industries Co), autre géant égyptien des produits laitiers, annoncée pour fin 2015-début 2016. ● FRida daHMaNi, envoyée spéciale

© dr

u Les Égyptiens consomment 800 000 tonnes de biscuits par an.

jeune afrique

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THE ARAB CONTRACTORS

ECUATORIAL GUINEA LTD

Aéroport International de Malabo.

< Ibrahim Mabrouk Head Sector of African Companies of Arab Contractors.

THE ARAB CONTRACTORS ECUATORIAL GUINEA LTD GUINÉE ÉQUATORIALE E-mail : acmalabo@yahoo.com et equatorial.guinea@arabcont.com

Autoroute Ela Nguema - Sipopo.

L

a société Arab Contractors Ecuatorial Guinea Ltd a été créée en 2003 sur la base d’un partenariat entre la Guinée Équatoriale et l’Égypte. Elle compte 1 652 employés équato-guinéens et 554 égyptiens. À deux reprises, en 2008 et en 2012, Son Excellence Monsieur le Président de la République de Guinée Équatoriale

Route de la montagne Pico Basile.

a rendu hommage à l’entreprise en lui accordant deux médailles de reconnaissance pour la qualité des travaux et le respect du planning d’achèvement des projets. Il a renouvelé sa confiance à la société en lui confiant la réalisation de différents p ro j e t s d ’ i n f r a s t r u c t u re s (routes, eaux, assainissement, logements, etc.).


PUBLI-INFORMATION

Aménagement du quartier Buena Esperanza à Malabo. Siège administratif et résidentiel de Arab Contractors G.E. Ltd. à Malabo II. > < Salon officiel de Sipopo (Malabo).

Partenariat gagnant avec la Guinée Équatoriale

Station d’épuration des eaux usées du quartier Buena Esperanza, la première de Guinée Équatoriale.

Autoroute Ela Nguema - Sipopo.

Autoroute Ela Nguema - Copé.

Complexe Caribe.

Route de la montagne Pico Basile.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

Salle des cérémonies officielles de Sipopo à Malabo.


80

Le Plus de J.A. Égypte Grands projets

suez se remet à flot Pari tenu : un an tout juste après le début des travaux, le nouveau canal est presque prêt. Un chantier pharaonique, entièrement financé par les égyptiens.

«

C

ela semblait utopique, mais c’est finalement bien concret. Et j’y ai contribué ! » s’est écriée Sahar, une journaliste égyptienne, le 15 juin, lors de la visite du chantier du « nouveau canal de Suez ». Comme elle, des millions d’Égyptiens ont répondu à la souscription nationale lancée par l’État le 5 août 2014, en même temps qu’était donné le coup d’envoi officiel des travaux consistant à creuser, à draguer, puis à aménager une nouvelle voie d’eau et, en parallèle, à élargir le canal existant. « Nous voulons que tous les Égyptiens détiennent des actions dans ce projet », expliquait alors le président Abdel Fattah al-Sissi, en demandant une participation de 100 livres égyptiennes (environ 10 euros) à ceux vivant dans le pays et de 100 dollars (environ 75 euros) à ceux résidant à l’étranger. « Peu importe ce qu’il faudra faire, ce projet doit être achevé dans un an » (au lieu des trois prévus initialement), promettait-il dans son discours. En moins de six jours, les 60 milliards de livres égyptiennes nécessaires au financement du projet étaient levés, dont 80 % auprès des particuliers. mosquée. La planification et la partie

technique de ce chantier pharaonique ont été confiées au cabinet d’ingénierie

libanais Dar Al-Handasah (Shair and Partners) et à son bureau égyptien. Pour tenir les délais, 400 entreprises privées et 25000 ouvriers ont été mobilisés, ainsi que le corps du génie de l’armée (qui supervise l’ensemble du projet). Les opérations de dragage ont été réparties entre des sociétés belges (Jan De Nul Group et Deme Group), néerlandaises (Royal Boskalis Westminster et Van Oord), américaine (Great Lakes Dredge & Dock) et émiratie (National Marine Dredging). Les ouvriers sont à pied d’œuvre jour et nuit. Ils ont même érigé une mosquée sur la berge Est. En face, la statue d’un aigle immense (l’un

à tout le monde ». L’occasion, aussi, de commémorer la nationalisation du canal par Gamal Abdel Nasser, le 26 juillet 1956, et de raviver le sentiment patriotique. « Le nouveau canal est bien plus qu’une nouvelle voie navigable et un exploit d’ingénierie, c’est un catalyseur, qui rendra les Égyptiens fiers et leur assurera un avenir plus prospère », souligne le vice-amiral Mohab Mamish, président de la SCA (lire son portrait p. 81), avant de passer le chantier et ses prouesses techniques en revue. pétrole. Si l’on a coutume de dire que

le cœur de l’Égypte bat autour du Nil, son oxygène et l’essentiel de ses devises lui viennent de en moins d’une semaine, ce canal vieux de 145 ans. les fonds nécessaires étaient levés, Chaque année y transitent 25 % du commerce mondont 80 % auprès des particuliers. dial (selon l’Autorité du des symboles du pays) surplombe l’autre canal de Suez), soit environ 34000 navires, rive. Comme pour saluer le pari tenu… dont 2700 pétroliers transportant 29 milCar le président Sissi s’apprête à inaulions de tonnes de brut (7 % du trafic gurer, le 6 août, un an tout juste après le pétrolier maritime mondial et 13 % de celui du gaz naturel liquéfié). En emprundébut des travaux, la nouvelle voie d’eau au port d’Ismaïlia, siège de l’Autorité du tant le canal de Suez pour passer de la mer canal de Suez (SCA). La cérémonie devrait RougeàlaMéditerranée(ouinversement), être « exceptionnelle », selon la campagne les équipages s’épargnent le contour de de communication internationale lancée l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, mi-juin par la SCA sous le slogan « De économisant des journées de navigation. la Mère du monde [« Oum el-Dounia », C’est aussi pour soutenir la concurrence surnom donné au Caire et à l’Égypte] avec le canal de Panama, qui doit être

Damiette, Grenier Géant

P

remier importateur mondial de blé, l’Égypte veut faire de sa dépendance un atout, en jouant de sa position entre les grandes zones de production (Europe, Russie) et de consommation (Asie, Afrique) afin de devenir un pôle d’envergure internationale pour le stockage et le transport des céréales. La construction d’un centre logistique mondial de stockage de céréales a été engagée en octobre 2014 et devrait être

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achevée en 2017, pour un coût total de 2 milliards de dollars (environ 1,6 milliard d’euros). Établie sur le littoral méditerranéen, dans le port de Damiette (Nord-Est), cette plateforme céréalière et agroalimentaire s’étendra sur plus de 33 km2 et pourra traiter jusqu’à 65 millions de tonnes de grains par an. Elle comprendra des silos, des quais aménagés pour accueillir de grands cargos vraquiers et cinq zones industrielles spécialisées

dans la production de farine, de pâtes, d’huile et de sucre. Depuis la fin 2014, les autorités égyptiennes démarchent en Europe, en Russie, mais aussi dans les pays voisins et auprès des investisseurs arabes afin de constituer une coalition stratégique en matière de logistique et de cotation, avec la création de Bourses spécialisées dans les produits agroalimentaires à Damiette. Ce projet, dont la

vocation est aussi d’assurer la sécurité alimentaire du pays, permettrait à l’Égypte de jouer un rôle régional majeur en tant qu’exportateur. Si certains s’interrogent sur l’intérêt, pour les producteurs, de stocker leurs céréales à Damiette avant de les exporter, évoquant des surcoûts, d’autres, notamment des entreprises russes, sont déjà prêts à y construire des silos. ● F.D. jeune afrique


© Hassan ammar/aP/sIPa

81

p Dragage de la nouvelle voie d’eau, près du port d’Ismaïlia.

élargi d’ici à fin 2016, que le gouvernement égyptien a tenu à accélérer le chantier. Moyennant l’extraction de 260 millions de tonnes de sable, une nouvelle voie longue de 35 km a été creusée parallèlement au « canal historique », élargi quant à lui sur 37 km. De quoi permettre une double circulation des navires (contrôlée et orchestrée par satellite) sur un tronçon de 72 km, le canal s’étirant au total sur 193 km depuis Port-Saïd, sur la Méditerranée, jusqu’au golfe de Suez, qui borde la mer Rouge. Désormais, deux Suezmax (navires dont le tirant d’eau en pleine charge ne peut excéder 20 m, taille maximale autorisée pour transiter par Suez) vont pouvoir se croiser. Un tiers de la flotte mondiale de pétroliers nécessite plus de profondeur, mais peut néanmoins utiliser le canal à condition de décharger à Suez tout ou partie de sa cargaison (qui transite par oléoduc le long du canal) pour la récupérer à Port-Saïd. Ces travaux vont permettre de réduire de onze à trois heures le temps d’attente des deux convois quotidiens transitant dans la direction nord-sud (jusqu’à présent contraints de jeter l’ancre pour laisser passer le seul convoi sud-nord quotidien), de doubler le trafic d’ici à 2020 (100 navires par jour) et d’assurer au pays des redevances annuelles de 13,2 milliards de dollars, uniquement en droits de passage, contre 5 milliards actuellement. Reste à jeune afrique

savoir dans quelle mesure les travaux se répercuteront sur le coût, pour les armateurs, de la traversée de Suez, qui s’élève déjà en moyenne à 500 000 dollars pour un porte-conteneurs… zone industrielle. Mais le programme

demodernisationvabienau-delàdesvoies navigables. « Les investisseurs doivent bénéficier de services conformes aux standards internationaux, sinon ils iront voir ailleurs », précise Mohab Mamish. Le projet de développement de la zone économique du canal de Suez (SCZone) comporte en effet de nombreuses autres phases avec, à l’horizon 2018, le percement de 6 tunnels (4 routiers et 2 ferroviaires), l’aménagement de nouveaux ports à El-Arich, Damiette (lire l’encadré p. 80) et Port-Saïd, ainsi que d’une zone

d’activités logistiques et industrielles de 76000 km2 le long du canal: des entrepôts et des chantiers navals, une vallée technologique spécialisée en électronique près d’Ismaïlia et, à l’ouest de Suez, une zone industrielle ouverte à toutes les filières (pharmacie, pétrochimie, métallurgie, etc.), sans oublier le développement d’une vingtaine de projets piscicoles. À la clé, la création de 1 million d’emplois d’ici à 2030, date à laquelle tous les projets devraient être opérationnels… Une aubaine pour le pays, dont le taux de chômage approche les 13 %. Reste cependant à trouver les financements : le coût total de l’aménagement de la SCZone a été estimé en mars à 15 milliards de dollars, qui, eux, devront être apportés par des investisseurs étrangers. ● Frida daHMani

un vice-aMiral aux coMMandes Spécialiste en logistique et aménagements portuaires, le viceamiral Mohab Mamish a été nommé à la tête de l’Autorité du canal de Suez le 12 août 2012. Diplômé de l’Académie navale égyptienne, il a

participé à la guerre de 1973 en servant à bord d’un sous-marin, avant de parfaire sa formation à l’étranger (États-Unis, France, Royaume-Uni, Chine…) et de gravir les échelons jusqu’à sa nomination, en 2007, en tant que

commandant en chef de la Marine nationale – il siège, à ce titre, au Conseil suprême des forces armées. Hasard du calendrier, ce père de deux filles fêtera ses 67 ans le 6 août, jour de l’inauguration du nouveau canal. ● F.d. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015


le plus de J.a. égypte

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t Présentation de la maquette, le 14 mars, à Charm el-Cheikh.

plans xxl • 700 km2 de superficie • 140 km2 de voirie (voies express, routes et rues) • 91 km2 de fermes solaires (panneaux photovoltaïques) • 16 km2 de zone aéroportuaire KHALED ELFIQI/EpA/CorbIs

• 5,6 km2 pour le Central Business District • 4,2 km2 pour le parc à thème • 5 millions d’habitants • 21 quartiers résidentiels • 1 250 édifices religieux

De l’air pour la capitale Près de 43 milliards d’euros… C’est le coût de la nouvelle métropole administrative qui doit être construite d’ici à cinq ans pour désengorger Le Caire.

U

n écrin d’espaces verts et de plans d’eau, des gratte-ciel d’acier et de verre, des kilomètres carrés de boutiques et de fermes solaires… Ses promoteurs l’appellent « la cité idéale du XXIe siècle ». Ce projet de nouvelle capitale administrative et son impressionnante maquette ont été dévoilés mi-mars à Charm el-Cheikh par le président Sissi et le groupe émirati Capital City Partners. « Douze fois plus étendue que Manhattan et sept fois plus que Paris intra-muros », comme le soulignentsesconcepteurs,lasmart city(«ville intelligente ») devrait sortir des sables d’ici cinq à sept ans à 50 km du Caire, sur une zone encore désertique de 700 km2 située entre les quartiers Est de l’« ancienne ville » – comme l’appelle déjà le chef de l’État – et l’entrée du canal de Suez. Conçue pour accueillir 5 millions d’habitants, elle comprendra des quartiers résidentiels cossus, mais aussi 1 million de logements « sociaux » pour la classe moyenne et la jeunesse, une zone ultrasécurisée pour les administrations et les institutions, un quartier d’affaires, un stade de football, un parc d’attractions… L’objectif est évidemment de désengorger Le Caire, asphyxié et paralysé par la surpopulation et les embouteillages, et n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

de délocaliser les principaux bâtiments administratifs, sièges institutionnels et représentations diplomatiques.

Il aurait été préférable, par exemple, de présenter une stratégie de développement du système de transport public, dont Le Caire a désespérément besoin… On peut craindre qu’avec tant de ressources consacrées à la “nouvelle capitale”, les problèmes du centre-ville soient exacerbés plutôt que soulagés. » élITe. Les principales interrogations

suscitées par le projet portent d’ailleurs sur son coût, la première phase étant estimée à elle seule à 45 milliards de problèmes exacerbés. S’il ne s’était dollars (près de 42,5 milliards d’euros), jamais concrétisé, le projet est dans les soit la moitié du budget annuel du pays. cartons depuis les années 1970. « Cette « Les financements seront assurés par nouvelle capitale s’inscrit dans la continuité de l’action de Sissi et, plus largement, nos partenaires. Seule une toute petite dansunepolitiquenéolibéralequ’ontaussi portion viendra de l’État, pour assurer les portée ses prédécesseurs », remarque services de base, comme l’apport en eau Roman Stadnicki, du Centre d’études et et les infrastructures sanitaires », affirme de documentation économiques, juriMostafaMadbouly,ministreduLogement. Le président Sissi avait déjà souligné diques et sociales Égypte-Soudan. « Plutôt que de créer un nouveau en mars que « la priorité [était] modèle, ajoute le géographe, la population et [que] l’Égypte Le Grand Caire est ne [pouvait] se permettre la il faudrait que les pouvoirs l’agglomération la plus construction à ses frais ». publics s’occupent des quarpeuplée du continent avec tiers où vit actuellement la Beaucoup craignent en 18 millions majorité de la population outre que la nouvelle capid’habitants. Ils seront pour y apporter un peu de tale soit réservée aux classes régulation » – 60 % à 75 % des aisées et que soient réitérées 40 millions en 2050 Cairotes vivraient aujourd’hui les erreurs des années 1970 dans des logements informels ou et 2000 : des cités construites ex précaires. nihilo en banlieue du Caire, où les villas Un avis que partage Khaled Fahmy, hispour l’élite fortunée ont vite trouvé pretorien de l’Égypte moderne. « Déménager neur, mais où, malgré l’implantation de les administrations à l’extérieur de la ville centres commerciaux, les lotissements n’est pas une mauvaise idée, estime-t-il. destinés à la classe moyenne, trop chers, Cependant, le plan proposé ne dit rien de restent vides plus de dix ans après leur ce qui va arriver au centre-ville du Caire. construction. ● Jenna le bras jeune afrique


Le grand retour ? EntrEprisE

Sacrée énergie Ferme éolienne, parc solaire, centrales thermiques… Pour répondre au plan d’urgence qui doit relancer la production nationale d’électricité, le groupe privé Elsewedy est sur tous les fronts.

«

S

ans énergie, pas de développement, d’emploi ni d’investissement », rappelait Ahmed El Sewedy, 54 ans, PDG du groupe qui porte son nom, quelques jours avant la conférence économique de Charm el-Cheikh (du 13 au 15 mars), alors qu’il demandait au gouvernement de préciser sa stratégie pour résorber la crise énergétique. L’homme sait de quoi il parle, et il est écouté. Fondée en 1938, l’entreprise familiale s’est développée en réalisant de belles plus-values grâce au commerce de matériel électrique qu’elle importait. Elle s’est ensuite forgé une réputation internationale en installant une centrale en Arabie saoudite, à La Mecque, dans les années 1950, puis en participant au chantier du barrage d’Assouan dans les années 1960. Aujourd’hui présent à l’exportation sur tous les continents, Elsewedy Electric compte 33 filiales et 30 unités de production, la plupart implantées en Afrique et dans la péninsule Arabique (Égypte, Algérie, Nigeria, Ghana, Éthiopie, Qatar…), mais aussi en Inde ou en Malaisie. La société emploie 10 000 personnes et a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros,

dont 40,4 % à l’étranger, notamment au Ghana, en Zambie, en Éthiopie, au Brésil, au Royaume-Uni et en Inde. Le groupe, devenu un leader dans la fabrication de câbles et de produits électriques en Afrique et au Moyen-Orient, a diversifié son offre (transformateurs, câbles spéciaux, etc.) et ses activités. Il fournit désormais des solutions intégrées et projets clés en main dans les domaines des télécommunications et de la production, mesure et gestion de l’énergie, conventionnelle ou renouvelable.

puissance installée de 14 800 MW d’ici à mi-2017, ainsi que du programme Feed-in-Tariff (tarifs de rachat), visant à accélérer les investissements dans les filières éolienne et solaire. Objectif: porter la part des énergies renouvelables dans la production nationale à 20 % d’ici à 2020 (contre 10 % en 2014, principalement hydroélectrique). L’entreprise vient notamment de s’engager dans le développement d’un complexe photovoltaïque d’une capacité de 50 MW à Benban, près d’Assouan. Avec l’allemand Siemens AG et l’italien Ansaldo Les projets développés groS CoNTrATS. Après Energia, Elsewedy Power par le groupe, seul ou en un léger ralentissement System Project, l’une de partenariat, vont injecter une puissance en 2008-2009, les activités ses filiales, a réalisé en supplémentaire de d’Elsewedy sont en pleine cinq mois une centrale croissance, le segment fils thermique de 640 MW et câbles représentant à à Ataka (près de Suez), dans le réseau cette année livrée en mai. Une autre lui seul 75 % du chiffre d’affaires de 2014 et les est prévue à Mahmoudiya, projets clés en main 16 % (contre 12 % dans le delta du Nil (à 200 km au nord en 2013). Depuis le début de l’année, du Caire). Début juin, le consortium seul ou en partenariat, le groupe a Siemens-Elsewedy a signé un contrat de 2 milliards d’euros avec l’État pour la décroché d’énormes contrats auprès de l’État dans le cadre du plan d’urgence livraison, mi-2017, d’une centrale à cycle énergétique, qui entend augmenter la combiné de 4800 MW à Beni Suef (150 km au sud du Caire) – l’un des grands projets présentés en mars à Charm el-Cheikh. Les deux partenaires construisent également un parc éolien de 600 MW à Gebel El-Zeit (370 km au sud du Caire), qui devrait lui aussi être achevé en 2017. Ces importants marchés, à travers lesquels Elsewedy devient exploitant et fournisseur d’énergie, nécessitent une trésorerie telle que le groupe a demandé (et obtenu) l’appui financier de sept banques opérant en Égypte, pour un montant global de 690 millions de dollars (environ 620 millions d’euros), dont 270 millions de dollars sous la forme de lettres de garantie. Une somme importante, mais que les établissements financiers n’ont pas hésité à débloquer pour l’entreprise, qui figure dans le top 10 de l’EGX 30 (lire p. 75), l’indice des 30 premières capitalisations boursières du pays. ● p Fondée en 1938, la société domine la fabrication © dr

1 500 MW

de câbles en Afrique et au Moyen-Orient. jeune afrique

FridA dAHMANi n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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Le Plus de J.A. Égypte business

Quand les champions nationaux redécouvrent l’Afrique Après avoir longtemps privilégié l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie, les entrepreneurs égyptiens en quête de nouveaux marchés l’ont bien compris : l’avenir de leurs compagnies passe par le continent.

L

a naissance de la Tripartite à Charm el-Cheikh, le 10 juin, est tout un symbole. Après cinq ans de négociations, c’est en Égypte que 26 pays du continent ont en effet signé le traité de libreéchange entre le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), soit un marché de plus de 625 millions d’habitants et 1 000 milliards de dollars de PIB (environ 900 milliards d’euros). « Un pas important dans l’histoire de l’intégration régionale de l’Afrique », soulignait Abdel Fattah al-Sissi, fier d’accueillir l’événement, qui confirme le rôle de leader retrouvé par l’Égypte sur la scène continentale. Un mois après son élection, fin juin 2014, le président Sissi avait effectué

une première tournée africaine qui l’avait mené en Algérie, au Soudan, puis en Guinée équatoriale pour participer au sommet de l’Union africaine. Il y avait été reçu avec les honneurs alors que l’Égypte réintégrait l’organisation, près d’un an après en avoir été temporairement exclue à la suite de la destitution de Mohamed Morsi. À Malabo, rappelant les liens historiques de l’Égypte – qui a soutenu les indépendances dans les années 1960 ou encore la lutte antiapartheid dans les années 1980-1990 – avec le continent, il a réaffirmé que son pays ne se dissocierait pas du panafricanisme, qu’il a qualifié d’« essentiel pour [son] développement ». Y compris sur le plan économique. CONTRE-PERFORMANCE. L’Égypte, qui

s’était de plus en plus tournée vers les marchés de l’Union européenne – son

premier client –, du Moyen-Orient et de l’Asie – en plein essor –, tient à renforcer ses positions en Afrique. Selon un rapport de la Banque centrale égyptienne, les échanges du pays avec le continent ont représenté à peine 2 % de ses exportations en 2013 (soit un peu plus de 430 millions d’euros). Une contre-performance à laquelle les entreprises publiques et privées comptent bien remédier en développant de nouveaux marchés et en redéployant leurs activités au Maghreb et en Afrique subsaharienne, où certaines d’entre elles sont présentes depuis plusieurs décennies, en particulier dans les secteurs de l’énergie, des télécommunications, du dessalement et du traitement des eaux, de la production de ciment et de la sidérurgie. Parmi ces « champions nationaux », citons Elsewedy Electric (lire p. 83), actif

Mohamed Mohsen Salah 63 ans, PDG de The Arab Contractors

L

e patron, depuis août 2013, de The Arab Contractors, l’un des plus importants groupes de BTP et infrastructures en Afrique et au MoyenOrient, est un monteur de projets et un meneur d’hommes dans l’âme. Diplômé en ingénierie de la construction à l’université de Helwan, au Caire (1975), il s’est formé, en marge de son parcours professionnel, au management et au marketing ainsi qu’aux problématiques de sécurité et de santé au travail. Au sein du groupe, il a fait ses classes en supervisant la construction des bâtiments du ministère de l’Éducation en Arabie saoudite, entre 1978 et 1981. Il a également piloté la branche Algérie en 2003. Mohamed Mohsen Salah a par ailleurs dirigé plusieurs organismes publics, dont l’Autorité nationale de l’eau potable et de l’assainissement, le Secteur du canal et du Sinaï, le département de restauration des monuments, ainsi que le complexe sportif (Indoor Hall) de Nasr City, à l’est du Caire. Féru de sport et de patrimoine culturel, il a présidé diverses associations telles que l’Osmason Sporting Club et l’Elite Company for Tourism. ● F.D. n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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jeune afrique


Le grand retour ?

jeune afrique

raouf Ghabbour 62 ans, PDG de Ghabbour Auto

d

iplômé de la faculté de médecine du Caire, le docteur Ghabbour a très rapidement délaissé ses patients pour se lancer dans le commerce. Il rejoint le groupe familial de construction automobile, fondé au Caire dans les années 1940, où il encadre le service pneus pendant cinq ans avant de prendre les rênes du département ventes et marketing puis de la firme en 1985. En parallèle, il crée sa propre entreprise de pièces automobiles et l’intègre au holding The Ghabbour Group of Companies. Il en fait le plus grand constructeur automobile régional sous licence (Hyundai, Volvo, Mazda, Bajaj Auto…). Avec 6 000 employés, 3 usines, 21 points de vente, 8 centres de services et un chiffre d’affaires de 1 milliard de dollars, le groupe est devenu l’un des leaders dans l’assemblage et la distribution automobile en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Et pas question de s’arrêter là : il compte développer de nouveaux marchés, en particulier en Afrique subsaharienne. Redoutable négociateur, Raouf Ghabbour consacre son peu de temps libre au développement de projets agricoles et à la distribution de fruits et légumes au Moyen-Orient, en Afrique et à travers son propre réseau de vente en Égypte. Mais ce qui lui tient particulièrement à cœur, c’est de poursuivre l’œuvre caritative de son épouse Ola, disparue début 2013, notamment auprès des enfants malades du cancer. ● F.d.

© dr

dans une quinzaine de pays africains, des jus de fruits et reviennent avec du thé. » ou encore The Arab Contractors (lire p. 84). Présent notamment en Guinée remise à niveau. Mais c’est dans équatoriale, au Tchad et en Éthiopie, ce géant du BTP assure, entre autres, les technologies de l’information l’aménagement du réseau routier des et de la communication (TIC) que l’Égypte réalise sa plus belle percée. aires métropolitaines de Yaoundé et de Douala, au Cameroun, ainsi que En moins d’un an, Raya Corporation, la construction du ministère des la plus grande entreprise du secteur Finances et de plusieurs grands proau Moyen-Orient, installée au Caire, jets immobiliers en Algérie. a signé d’importants contrats avec Actif dans les télécommunicales éthiopiens IE Networks et Tahses tions, la construction et l’hôtellerie, ICT and Consultancy, ainsi qu’avec Orascom TMT (lire p. 86), l’un des le nigérian Mayakorp. Par ailleurs, Hitekenofal, l’un des principaux groupes égyptiens les plus diversifiés, fournisseurs de solutions intégrées est aussi devenu l’un des plus imporpour les réseaux de communication tants investisseurs en Afrique, imité en Égypte, a pour clients Batitech dans sa quête de nouveaux marchés (Ghana), Websprix et Exceed IT par d’autres leaders nationaux, comme Systems (Éthiopie), ainsi qu’Even Petrojet ou Ezz Steel. Dans l’agroalimentaire, des entreData et Hamms Engineering (Zambie). prises privées comme Agrana Nile Et ce ne sont que quelques succès Fruits ou Al Nahrain for Food Products parmi bien d’autres, puisque différents fournissent désormais les marchés groupes égyptiens fournissent des d’Afrique et du Moyen-Orient en jus solutions mobiles aux Nigérians, aux de fruits et en riz, tandis que Wadi Holdings, dans le sillage des grands groupes, principal producteur les Pme aussi commencent à de poussins et d’aliments pour volailles, lorgner ces nouvelles opportunités. a ouvert un site de production au Soudan. Ghanéens et aux Éthiopiens, trois des plus gros marchés en développement Produits locaux. Depuis un an, les du continent. marchés africains ne sont cependant TIC, agroalimentaire, BTP, énergie… plus l’apanage ni dans le viseur des Si ces secteurs ont le vent en poupe, seuls grands groupes. Épaulées par pour beaucoup d’entreprises égyptiennes, l’entrée sur les marchés afril’Agence égyptienne de partenariat pour le développement en Afrique et cains aurait été difficile, ou en tout cas par le réseau, très actif, des chambres moins rapide, sans accompagnement. de commerce égyptiennes, les PME En l’occurrence, les bonnes tendances se lancent elles aussi à leur conquête. à l’export dans ces domaines ont incité « En matière de business, là où cerla Banque africaine d’import-export tains voient des freins, il n’y a en réalité (Afreximbank) à faciliter les échanges que des opportunités à exploiter », avec quinze pays africains et à accorfait remarquer Alaa Ezz, secrétaire der des facilités de crédit à hauteur de général de la Fédération égyptienne 577 millions de dollars au secteur du des chambres de commerce. Afrophile commerce égyptien pour la période convaincu et défenseur du dévelop2012-2014, incluant des lignes de crépement durable, Alaa Ezz illustre les dit, des garanties du risque-pays et des relations d’affaires gagnant-gagnant cessions de créances. Suffisamment qui se sont développées ces derniers pour permettre aux entrepreneurs mois : « De petites entreprises égypégyptiens de se remettre à niveau tiennes se sont regroupées pour se dans la compétition des champions rendre dans différents pays africains. d’Afrique du commerce. Mais pour Elles vendent de la céramique ou des remporter ce titre, il leur faudra produits agroalimentaires dans la aussi composer avec la concurrence monnaie locale et, au retour, s’approchinoise et turque, de plus en plus visionnent en produits locaux : par soutenue. ● exemple, elles partent au Kenya avec Frida daHmani

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Le Plus de J.A. Égypte

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Mona el-Baradei Directrice exécutive de l’Egyptian Banking Institute

C

Dr

ette éminente économiste préside depuis décembre 2011 aux destinées de l’Egyptian Banking Institute, le centre de formation et de recherche de la Banque centrale d’Égypte, qui dispense chaque année des cours à quelque 30 000 professionnels de la banque et de la finance. Première femme à avoir été désignée, en 2005, doyenne de la faculté d’économie et de sciences politiques de l’université du Caire (où elle a été formée après des études au lycée français), elle a publié de nombreux livres et documents sur le développement de l’économie, la gestion de l’énergie, les modèles économiques

de l’éducation et l’amélioration du rendement des ressources humaines – une priorité selon elle. Directrice exécutive du Conseil national de la compétitivité de 2008 à 2011, Mona el-Baradei a collaboré à divers programmes de l’ONU, du Pnud, de l’Unesco et de l’Unicef ainsi qu’à des projets engagés par les ministères de l’Économie et de l’Éducation. Passionnée de musique et d’antiquités, elle est la sœur cadette de Mohamed el-Baradei, Prix Nobel de la paix 2005 et ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui a assuré la vice-présidence du pays en juillet-août 2013. ● F.D.

Naguib Sawiris 61 ans, PDG d’Orascom Telecom Media and Technology (Orascom TMT)

I

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Simon DawSon

ngénieur diplômé de l’École polytechnique fédérale de Zurich, le fils aîné d’Onsi Sawiris, fondateur d’Orascom, a rejoint le groupe familial en 1979. Il a largement contribué à le développer et à le diversifier (télécommunications, technologies de l’information, médias, BTP, hôtellerie), jusqu’à en faire un empire allant de l’Algérie au Pakistan, avant d’en revendre une partie ces dernières années, notamment dans le secteur des télécommunications (Orascom Telecom Holding a fusionné avec le russe VimpelCom en 2011) et celui des médias (il a cédé sa chaîne de télévision ONTV au Tunisien Tarak Ben Ammar en 2012). Le magnat égyptien – dont la fortune est estimée par le magazine américain Forbes à 3 milliards de dollars (environ 2,7 milliards d’euros) – ne s’est pas retiré des affaires pour autant. Il a même repris, en tant que président exécutif, la direction de son groupe, Orascom TMT, qui comprend deux journaux et une agence de publicité ; en mars, il a racheté 53 % des parts de la chaîne Euronews pour 35 millions d’euros. Le groupe continue d’investir dans la téléphonie mobile et les technologies en Égypte, au Liban, au Pakistan et en Corée du Nord (via la société Koryolink). En 2011, le milliardaire copte, farouche opposant aux Frères musulmans, a participé à la création du Parti des Égyptiens libres (Al Masreyeen Al Ahrrar). Avec son frère cadet Nassef, PDG d’Orascom Construction Industries – première fortune professionnelle d’Afrique du Nord, estimée à près de 6 milliards de dollars par Forbes –, Naguib Sawiris est résolu à investir massivement dans son pays. Après un exil volontaire de quelques mois pour protester contre une accusation de fraude fiscale à l’encontre de sa famille, il est rentré au Caire en mai 2013 « pour s’assurer que l’économie égyptienne est sur la bonne voie ». ● F.D. jeune afrique


COMMUNIQUÉ

Votre partenaire d’affaires

pour l’Égypte, le Moyen-Orient et l’Afrique Enfin, nous sommes rigoureux. Dans des environnements où le terme « relations publiques » est synonyme de soutiens financiers plus ou moins dissimulés, notre rigueur et notre sens de l’éthique sont la base de notre réussite.

Karim Refaat, son président-directeur général, explique comment N Gage Consulting est devenue, en quelques années, une société appréciée pour ses actions décisives dans les stratégies de relations publiques et de lobbying à très haut niveau. Comment est née la société N Gage Consulting ? Comme vous le savez, l’Égypte a traversé une période de profondes transformations politiques et sociales qui ont rendu perplexes les investisseurs et les partenaires économiques. N Gage Consulting est née de ce constat, et de notre conviction qu’une entreprise, où qu’elle se trouve dans le monde, ne peut avancer quand ses relations avec les pouvoirs publics sont perturbées. Grâce à notre connaissance du terrain et de l’ADN des entreprises, nous avons réussi à orienter nos clients vers les bonnes structures et nous les avons accompagnés dans leur volonté de réduire les risques, ou leurs activités. Aujourd’hui, N Gage Consulting est une société appréciée pour ses conseils en stratégie de développement, recherche de partenaires et relations avec les pouvoirs publics.

Vos activités sont-elles limitées à l’Égypte ? Compte tenu de l’importance de nos clients, nous avons mené des campagnes de lobbying régionales, auprès de la Ligue arabe, du Comesa et d’autres organisations supranationales. À chaque fois, nous avons atteint nos objectifs et la qualité de notre travail a été appréciée par nos clients et tout autant par les administrations avec lesquelles nous avons travaillé. Pour aller plus loin, nous avons décidé de nous implanter à Casablanca dès cette année, au Kenya et à Washington en 2016, à Genève et en Afrique de l’Ouest en 2017 et en Asie en 2018. Et demain ? Dans toutes les activités de pointe, il faut savoir se remettre en question pour conserver son avance. N Gage Consulting évolue vers de nouvelles activités, comme l’organisation d’événements professionnels de grande envergure. C’est notamment le cas des forums Investir en Égypte, qui se sont déjà tenus à Abu Dhabi, Londres et Paris et seront à Singapour et en Afrique du Sud à la fin de l’année. Il y a peu, nous avons lancé TRAIN (www.traineg.com), qui se spécialise dans la formation de cadres de haut niveau aux relations publiques et aux relations internationales. Il n’existe pour le moment aucun institut comparable dans cette partie du monde. Enfin, nous avons créé N Gage Investments, notre propre société d’investissement, tournée vers les infrastructures et l’énergie, et N Gage Fund, un fonds de soutien aux entrepreneurs à fort potentiel. ■

Contacts : info@ngage-consulting.com -Tél. : + 202-27370876 - + 202-24618583 - Fax : +202-24618501

www.ngage-consulting.com

DIFCOM/FC - Photos : DR

Comment marquez-vous votre différence sur ce marché très concurrentiel ? Nous sommes bien structurés et nous avons fait nos preuves. Nous nous appuyons sur notre maîtrise des circuits de décision, notre connaissance des processus, plutôt que sur les relations interpersonnelles. Nous ciblons des fonctionnaires hautement qualifiés et des décideurs clés, que nous approchons avec les arguments appropriés. Nos clients apprécient que nous soyons capables non seulement de comprendre et d’accompagner leur stratégie, mais aussi d’en gérer tous les aspects institutionnels.

Pouvez-vous le démontrer en termes concrets ? Notre portefeuille de clients témoigne de nos succès ; il fait aussi notre réputation. Nous comptons au total 29 clients, des grandes entreprises égyptiennes, publiques ou privées, et des multinationales de premier plan. Leurs activités couvrent une très large palette de secteurs, ce qui démontre que notre approche répond à tous les besoins. Depuis le début, en mars 2013, nous avons mené à bien huit opérations de grande envergure. Elles ont offert à nos clients de nouvelles opportunités, apporté de nouvelles ressources à l’État et permis à tout le monde d’éviter de perdre du temps et des ressources. Nous travaillons vraiment avec un esprit gagnant-gagnant.


Le Plus de J.A. Égypte

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carnet de voyage

le caire, éternelle Mère du monde

photos : © Laurent de saint périer pour J.a.

De la cité médiévale aux dédales des vieux souks, du flot affairé des avenues coloniales au havre des harams… Bienvenue dans une capitale joyeuse, puissante et bourrée de charme.

l

e Caire. On y passe quand l’avion n’atterrit pas au pied des temples de Louxor ou devant les plages de la mer Rouge. On s’y arrête un jour ou deux pour arpenter les étages de son mythique musée et aller faire le tour des trois pyramides. Mais on y reste peu. L’Égypte rêvée, c’est celle des fonds blancs et des pharaons. Plus que dans ces décors minéraux, c’est pourtant au Caire, cité fondée en 969 sous le signe de Mars (« Al-Qahir » en arabe, qui a donné son nom à Al-Qahira, « La Victorieuse »), que bat le pouls puissant de l’Égypte. Jadis fantasmée par les voyageurs pour les chefs-d’œuvre érigés par les gouvernements arabe, kurde, mamelouk, ottoman et européen qui s’y sont succédé, elle est désormais négligée. Il faut prendre le temps de l’écouter et de la comprendre pour se laisser enivrer par son charme. récits. Crasseuse, encombrée, polluée et

bruyante, la belle est de prime abord agressive et décourageante. Mais en marchant le long des immeubles néogothiques, néoclassiques ou Art déco de ses avenues coloniales, on oublie le goût des façades bien léchées de Paris ou de Rome. Cette poussière qui les recouvre, c’est le souffle n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

des déserts Libyque et Arabique, la respiration carbonique de la plus grande métropole d’Afrique. Ces câbles et ces tuyaux qui les parcourent, il faut les voir comme les veines saillantes d’un visage buriné par le temps. On en vient presque à regretter la campagne de ravalement qui, partie de la place Tahrir, s’étend maintenant aux quartiers bâtis entre la ville médiévale et le Nil par les Européens au siècle dernier, faisant renaître les couleurs vives et les motifs imaginés par les architectes italiens et français. « Comment Le Caire pourrait-elle être autrement, puisqu’elle est la mère du monde ? » disait Shéhérazade en contant ses Mille et Une Nuits, dont nombre de récits sont nés sur les bords du Nil. La Mère du monde (« Oum el-Dounia ») est resté le surnom que les Cairotes préfèrent donner à leur ville. Il résume orgueilleusement cette galaxie urbaine. Des hauts immeubles en brique qui poussent anarchiquement dans ses faubourgs aux villas cossues d’Héliopolis, des tours babyloniennes qu’on érige sur les bords du Nil aux dédales des vieux souks… « La foule grouillante des Cairotes ressemble aux flots tumultueux de la mer, et la ville est presque trop exiguë pour

la contenir, bien qu’elle soit très étendue », écrivait déjà au XIVe siècle le grand voyageur tangérois Ibn Battuta. Ils sont aujourd’hui18millionsd’habitants,22millions banlieusards compris – plus que les populations réunies de la Tunisie et de la Libye –, animés d’une bonne humeur qui résiste aux crises économique et sécuritaire. « Les Cairotes sont gais et joyeux et aiment à se distraire », rapportait aussi Ibn Battuta. Certes, des dizaines de soi-disant employés du ministère des Antiquités s’abattent sur les rares touristes baguenaudant autour du musée ou des mosquées de l’université Al-Azhar mais, passés ces « périmètres à risque », ce ne sont que sourires de bienvenue et invitations à la discussion. La grande mode du moment étant de prendre des selfies avec les khawaga (« étrangers »). douceur infinie. « J’entrais dans la

métropoledel’univers,lejardindumonde, la fourmilière de l’espèce humaine, le portique de l’islam, le trône de la royauté », écrivait quant à lui le philosophe tunisois Ibn Khaldoun, contemporain d’Ibn Battuta, en abordant la cité médiévale. Couronnée de coupoles et de minarets ciselés, déroulant ses façades de pierre jeune afrique


Le grand retour ? HumEuR Jenna LE BRAS

Toutankhamon, ton patrimoine fout le camp p Sur le pont Qasr el-Nil (ci-dessus) ; une rue du Vieux Caire (à g.) et dans la mosquée Al-Hakim (ci-contre, à g.).

polychromes le long de rues grouillantes d’animation, ce Caire des califes et des sultans reste une merveille du monde islamique. On y pénètre par Bab el-Foutouh, porte fortifiée massive et puissante, autourdelaquellesedéploientlesderniers pans de remparts qui la protégeaient. Derrière Bab el-Foutouh, un havre de paix. La mosquée Al-Hakim, dont la paire de minarets aux bulbes cannelés semble deux joyaux posés sur une enceinte dépouillée. Une cour entourée de hauts portiques en ogives sur laquelle flottent des voiles bleu sombre distille une atmosphère de douceur infinie. Assises en rond sur le sol poli comme un miroir, des familles s’y reposent d’unelongue marche, tandis que leurs gamins font claquer leurs pieds nus sur la grande dalle. Appuyées à un pilier, deux femmes ont laissé tomber leur voile sur les épaules sans susciter de puritaines indignations. Toutes les nations de Dieu sont les bienvenues dans les harams (enceintes sacrées) d’Égypte. De la mosquée très arithmétique et minérale d’Ibn Khaldoun aux décors d’opéra de celle d’Al-Rifaï, les mosquées et écoles coraniques du Caire éveillent chacune des méditations différentes. Par les rues bordées de palais, par le hasard des souks débordant de marchandises et de souvenirs, il faut aller de l’une à l’autre explorer leurs dédales silencieux, leurs salles tamisées alors que, dehors, le tumulte règne. Un voyage hors du temps dans le giron de la plus belle et vénérable cité de l’Islam. ● LAuREnt dE SAint PéRiER jeune afrique

d

ans les larges allées désertes du Musée égyptien du Caire, d’imposants sarcophages côtoient des vitrines de bijoux non étiquetés et des pièces archéologiques laissées à l’abandon dans leurs caissons de transport. Au pied des pyramides de Gizeh, les sacs en plastique vous collent aux basques. Privés de toute mesure de prote ction , d’autres sites sont tout simplement livrés aux pilleurs, généralement envoyés par des « amateurs » étrangers, quand ils ne sont pas menacés par les promoteurs. Ainsi, en 2014, les associations ont dû batailler pour empêcher l’implantation d’un parc et d’un hôtel sur le site de Fustat, ancienne capitale fortifiée des dynasties des Omeyyades (661-750) et des Abbassides (750-1258), où les fouilles avaient été suspendues par manque de fonds. Cerise sur le joyau patrimonial : la mésaventure du célèbre masque funéraire deToutankhamon, abondamment relayée par la presse internationale en février. Conservée au Musée égyptien du Caire, l’antique relique a été endommagée par une réparation hasardeuse et arbore désormais d’épais paquets de colle à la base de sa délicate barbe tressée… Archéologue égyptienne réputée, Monica Hanna est inquiète. Depuis quatre ans, de nombreux sites ont été

détruits, une recrudescence des pillages est observée, et le marché clandestin des antiquités est devenu un véritable fléau. Pourtant, la multiplication de ces scandales archéologiques ne semble émouvoir personne. Ni la population, qui s’en désintéresse, ni les autorités égyptiennes, qui minimisent. « Le gouvernement est bien trop occupé à promouvoir l’ouverture de nouveaux musées valorisant l’image du pays, et la culture populaire considère le patrimoine comme un luxe occidental que les Égyptiens n’ont pas les moyens de posséder ni d’entretenir, déplore l’experte. Il faut faire changer les mentalités. » Pour ce faire, en 2013, Monica Hanna a créé avec deux de ses consœurs, l’une conservatrice, l’autre spécialiste en art islamique, l’Egypt’s HeritageTask Force : un groupe d’action et une communauté Facebook, rapidement rejoints par d’autres organisations, comme en France l’Association pour l’étude et la recherche sur l’Égypte ancienne, et par des centaines de bénévoles. Depuis, inlassablement, ils alertent, recensent les exactions commises contre le patrimoine, s’investissent pour mieux former les archéologues et restaurateurs égyptiens. Et pour sensibiliser la population à l’importance des richesses qu’elle possède. ● n 0 2845 • du 19 au 25 juillet 2015

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THE ARAB CONTRACTORS O.A.O NIGERIA LTD

Extérieur de la New Lagos House à Ikeja (Lagos).

THE ARAB CONTRACTORS COMPANY NIGERIA E-mail : nigeria@ arabcont.com et secretary.ccc@ yahoo.com

Quartier Utako (Abuja).

Ambassade de Guinée Équatoriale de Lagos.

Le City Hall de Lagos

Route JikwoyiKarshi (Abuja)

Réhabilitation intégrale de l’immeuble, qui avait été détruit par un incendie, comprenant les structures et la toiture, mais aussi la reprise des murs intérieurs, toutes les menuiseries, la climatisation, l’installation électrique…

Les travaux ont porté sur la réfection et le drainage des soubassements, le doublement de la largeur de voie, le revêtement et les aménagements ainsi que la construction d’un pont.

The Arab Contractors Company of Nigeria a réalisé l’Ambassade de Guinée Équatoriale à Lagos dans le cadre d’un contrat signé en 2007.

Quartier Utako (Abuja)

Ambassade d’Égypte (Abuja)

La fourniture comporte les infrastructures de base de ce nouveau quartier, notamment les routes, les réseaux d’eau et d’assainissement, l’électrification et l’éclairage urbain.

L’immeuble de trois étages et de 2 750 m2 a été livré clés en main, y compris de nombreuses réalisations e x t é r i e u re s : c l ô t u re , aménagements paysagers et voie d’accès sécurisée.

New Lagos House à Ikeja (Lagos) Réalisation de plusieurs immeubles et logements, y compris la résidence et les bureaux du Gouverneur, une mosquée et une église, ainsi que l’éclairage urbain et une piscine.

Ambassade de Guinée Équatoriale


PUBLI-INFORMATION

Intérieur de la New Lagos House à Ikeja (Lagos). Siège social de Arab Contractor à Lagos.> < Ambassade d’Égypte à Abuja.

L’un des premiers groupes de BTP au

Nigeria

F

Vue de l’intérieur du City Hall de Lagos.

Vue extérieure du City Hall de Lagos.

Ambassade d’Égypte à Abuja.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

ondée en 1991, Arab Contractors O.A.O. Nigeria Limited est un exemple de réussite d’investissements égyptiens sur le continent africain. Depuis sa création en 1991, la société a sans cesse progressé. Elle est aujourd’hui l’un des premiers groupes dans son domaine au Nigeria, active notamment dans la construction d’immeubles de bureaux et d’infrastructures.


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