CÔTE D’IVOIRE Comment chasser les vieux démons numéro double en vente deux semaines
Le pLus
de Jeune Afrique
Congo
Trêve Hebdomadaire international indépendant • 55e année • no 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015 olympique
jeuneafrique.com
suCCEsssTORy la MÉtHODe DangOte
Spécial 22 pages
lITTéRATuRE Une rentrÉe afriCaine
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Secrets de palais Luxe, pouvoir, coups d’État et fantasmes à gogo… Voyage au cœur de nos cités interdites.
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Le pLus
de Jeune Afrique
Brazza 2015 Va y avoir du sport
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région Sangha surprise SoCiéTé Les Ouest-Africains du Congo, toute une histoire FooTBall Diables rouges et grigris
Trêve olympique
Congo
©vincent fournier/J.A.
Brazzaville s’apprête à accueillir les Jeux africains du 4 au 19 septembre. Deux semaines de détente sportive dans un climat politique… tendu.
jeune afrique
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Prélude François Soudan
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onsensus, n.m. : accord et consentement du plus grand nombre, de l’opinion publique » (Larousse). De sa visite de travail à Paris, début juillet, Denis Sassou Nguesso est revenu avec, dans ses valises, ce petit mot en guise de sésame. Puisque François Hollande insiste sur la nécessité d’entourer son projet d’évolution des institutions d’un consensus maximal et puisque c’est contre « un changement non consensuel de Constitution » (sic) que le même avait mis en garde Blaise Compaoré dans sa fameuse lettre d’avertissement du 7 octobre 2014, consensus il y aura, donc. Et cela tombe à pic : c’est à la tradition congolaise du mbongui, cette palabre dans laquelle sont solubles bien des conflits, que le chef de l’État avait fait explicitement appel avant même son rendez-vous élyséen. Bien que boycotté par une partie de l’opposition, le dialogue de Sibiti, mi-juillet, relève de cet héritage ancestral. Ce fut tout sauf une chambre d’enregistrement. Les débats y ont été vifs, et les propositions sur lesquelles il a débouché – et que DSN s’est engagé à mettre en œuvre – marquent un incontestable progrès sur la voie de la démocratisation des institutions. Elles devraient ainsi être incluses dans le projet de nouvelle Constitution soumis à référendum d’ici à la fin de cette année.
De ces recommandations de Sibiti, l’opposition congolaise, qui a tenu à organiser fin juillet son propre « alterdialogue » à Brazzaville, n’en retient qu’une, qui est pour elle une ligne blanche: la fixation de la durée du mandat présidentiel à cinq ans renouvelables dans le cadre d’une remise à zéro des compteurs électifs, ouvrant de facto la voie à une éventuelle candidature de Denis Sassou Nguesso en juillet 2016. Perspective cauchemardesque pour la plupartdesesleaders,chezquionchercherait en vain le moindre programme alternatif de gouvernement, le moindre projet de société concurrent. Ce qui compte par-dessus tout au Congo en effet, ce ne sont pas les possibilités d’une alternance politique, c’est le jeune afrique
vincent fournier/J.A.
Mbongui* changement du personnel dirigeant propre à satisfaire l’appétit de ceux qui, après y avoir un temps siégé, rêvent de retourner à la table du banquet. Ici, la féroce problématique de l’accès aux ressources est cruciale et, faute d’être « civilisé » par des débats d’idées inexistants, l’affrontement flirte sans cesse avec la violence. Omniprésente sur les réseaux sociaux, où l’insulte de caniveau tient souvent lieu d’argument, cette dernière gangrène d’autant plus aisément les esprits que certaines officines, qui ne sont pas toutes d’opposition, la manipulent déjà dans la rue comme le montre le phénomène récent des « bébés noirs », ces gangs de jeunes qui s’en prennent nuitamment aux symboles de l’État. Le précédent de l’alternance avortée de 1992, qui fut vécue par ses bénéficiaires sur le mode de la pure revanche ethnique, démontre que le mal ne réside pas dans le maintien ou non de Sassou Nguesso au pouvoir en 2016. Il est profond, collectif et relève d’une très délicate psychothérapie de groupe. Le mbongui pourrait-il en tenir lieu? Une chose est sûre : ses opposants feront tout, dans les mois à venir et passé la trêve des Jeux, pour que le consensus maximal et le discours de paix sur lesquels repose la stratégie du président apparaissent comme des leurres. Ce dernier, évidemment, ne l’ignore pas. Tout comme il sait sans doute que le ticket du référendum, si le oui l’emporte, ne sera pas un chèque en blanc. Après tout, c’est lui que le peuple a élu, pas ses collaborateurs ni son entourage. Ceux qui, parmi les Congolais, sont déterminés à lui renouveler leurconfianceattendentqu’enéchangeDenis Sassou Nguesso permette à une nouvelle génération d’émerger pour promouvoir une nouvelle gouvernance. En tout état de cause, et quitte à opérer des choix douloureux, l’hôte du palais du Plateau ne pourra faire l’économie d’une vraie alternance… avec lui-même. ● * « La palabre ». n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
Brazza 2015 Va y avoir du sport
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DéVeloppement régional la Sangha surprise
p. 75
Septentrion connecté p. 78 Une filière bois transformée palme, cacao et plantations en série
p. 82
p. 85
portS flUViaUx le pays se remet à flot
p. 88
finanCe risque capital
p. 92
SoCiété les ouest-africains du Congo, toute une histoire p. 95 portrait il y a beaucoup de Cuba en eux
p. 103
Sport Diables rouges et grigris, motus et bouche cousue! p. 106
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sport
Ville hôte des premiers Jeux africains en 1965, la capitale congolaise accueillera de nouveau, du 4 au 19 septembre, le plus grand rendez-vous sportif du continent, dernier moment de répit politique avant l’élection présidentielle de 2016.
OliVieR CASliN
e
n foulant le gazon à la coupe londonienne du stade de Kintélé, Joseph-Antoine Bell a dû retrouver des sensations qu’il n’avait plus connues depuis le « Chaudron » stéphanois. Invité à Brazzaville par le président Denis Sassou Nguesso le 19 juillet, l’ancien footballeur camerounais et ex-gardien de but des Lions indomptables a pu découvrir en avant-première les installations construites pour recevoir la 11e édition des Jeux africains, du 4 au 19 septembre. Il a marché devant les tribunes que quelques ouvriers finissaient de garnir de leurs sièges multicolores, le long de la piste d’athlétisme… comme pour un tour d’honneur. Ou plutôt « en l’honneur » d’un stade de plus de 60 000 places qui, s’il n’est pas encore baptisé, « rivalise avec les meilleurs équipements de la planète », comme l’a souligné Jean-Jacques Bouya, ministre à la présidence chargé de l’Aménagement du territoire et délégué général aux grands travaux. Cinquante ans après avoir accueilli les tout premiers Jeux africains, Brazzaville a mis les petits plats dans les grands pour offrir aux 51 délégations participantes et aux milliers d’athlètes inscrits une quinzaine olympique inoubliable. Et toutes les infrastructures seront prêtes à temps pour que la fête soit réussie.
t Point névralgique du nouveau complexe sportif, le stade de Kintélé (60 000 places).
© Baudouin Mouanda pour J.a.
ASTRe. Situé à 15 km au nord de la capitale, le
complexe sportif de Kintélé s’étend sur 80 hectares. Outre le stade olympique, il dispose également d’un palais des sports de plus de 10 000 places, d’un centre nautique pouvant accueillir plus de 2 000 spectateurs, d’un immeuble pour l’administration et les médias, ainsi que d’autres équipements, notamment médicaux et logistiques, nécessaires au bon déroulement d’une compétition de cette envergure. Le tout articulé autour du stade (construit par la China State Construction Engineering Corporation), qui du haut de ses 50 m domine le plateau jusqu’au fleuve n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
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Le Plus de J.A. Congo Congo. Recouvert de sa carapace métallique dorée, il semble rayonner tel un astre, se reflétant sur les façades vitrées de la douzaine de bâtiments environnants établis sur le campus de la future université Denis-Sassou-Nguesso, dont la construction est en cours. En respectant les délais imposés, le Congo a déjà remporté son premier pari. Même si, pour être sûr de son coup, l’État a dû mobiliser près de 600 millions d’euros, au moment où la chute des cours internationaux du pétrole est venue grever son budget. De fait, le pays est économiquement sous pression puisqu’il a perdu près de la moitié de ses recettes en quelques mois, sans ralentir le rythme des grands chantiers qu’il a lancés à travers le pays ces dernières années. Selon le FMI, la dette publique représente actuellement 36,5 % du PIB, contre 20 % en 2010. L’État a dû faire face à une accumulation de ses créances qui a provoqué d’importants retards de paiement, au point que plusieurs entreprises de BTP étrangères ont gelé pour un temps les travaux. Et la croissance globale annuelle devrait ralentir pour passer de 6,8 % en 2014 à seulement 3 % dès cette année et jusqu’en 2020, ainsi que l’a souligné l’économiste du Fonds, Dalia Hakura, à l’issue de son séjour à Brazzaville, le 1er juin. Lors de la précédente mission du FMI dans le pays, en mars, elle avait fait remarquer que « les autorités de la République du Congo continu[ai]ent de subir des pressions en faveur d’une augmentation des dépenses pour les Jeux africains à l’automne 2015 ». Une façon de se demander, à l’instar des Congolais, si le pays a besoin de cet événement dans la conjoncture actuelle.
les Jeux en mascotte et en chiffres Disciplines
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Délégations attendues
agenda. Question de point de vue… En substi-
tuant à l’agenda politique le calendrier sportif, à quelques mois d’un scrutin présidentiel attendu pour la mi-2016, Denis Sassou Nguesso semble
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s’acheter un peu de temps pour préparer la nation à son éventuelle candidature. Âgé de 72 ans, élu en 2002 et réélu en 2009, le chef de l’État ne peut pas briguer un troisième septennat l’an prochain… à moins que la Constitution de 2002 ne soit modifiée ou que le pays n’en élabore une nouvelle. S’il maintient le flou quant à ses intentions, Denis Sassou Nguesso a multiplié ces derniers mois les consultations pour prendre la température du pays. Les discussions ont culminé lors des journées du dialogue national, qui se sont tenues du 13 au 17 juillet à Sibiti (à 250 km à l’ouest de Brazza), pour « organiser au mieux les prochains scrutins et faire évoluer les institutions ». Ce dialogue a sans surprise été boudé par les principaux partis d’opposition, regroupés depuis février au sein du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad), opposé à la modification de la loi fondamentale comme à une nouvelle Constitution. Mais les 630 représentants des partis de l’alliance présidentielle et de la société civile présents en ont décidé autrement et ont appelé à un changement de la Constitution plutôt qu’à sa simple révision. Ce qui aboutirait donc à l’avènement d’une nouvelle République. Les conclusions, désormais sur le bureau du chef de l’État, ne sont certes pas aussi consensuelles que la majorité veut bien le dire, mais le plus important est ailleurs. Au président de décider désormais de la suite à donner à ce que ses détracteurs appellent « le monologue », lequel préconise d’instaurer un quinquennat renouvelable, de renforcer les pouvoirs du Parlement ou encore de donner un statut à l’opposition. Plutôt que de passer en force, le chef de l’État devrait choisir la voie référendaire pour entériner un nouveau texte avant la fin de cette année. Mais aucune annonce sur ce sujet ne devrait survenir avant la fin des Jeux. Place au sport ! ●
lumière sur 1965
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ierre de Coubertin en rêvait, le Congo l’a fait. Le baron français avait espéré qu’ils se tiennent à Alger en 1925, un an après les Jeux olympiques de Paris. Mais les premiers Jeux africains ont dû attendre les indépendances pour prendre, en 1965, le relais des Jeux de l’amitié (qui étaient réservés aux pays francophones). L’émotion était donc à son comble et les gradins entièrement remplis au stade omnisports de Brazzaville
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lorsque, le 18 juillet, le président congolais Alphonse MassambaDébat déclara solennellement ouverts les premiers Jeux africains face aux 30 délégations alignées devant lui, prêtes à s’affronter dans dix disciplines. À l’heure du palmarès, le 25 juillet, la
République arabe unie (nom officiel de l’Égypte jusqu’en 1971) se tailla la part du lion en remportant 17 des 54 médailles d’or, loin devant le Nigeria et le Kenya, qui l’encadraient sur le podium (avec respectivement 9 et 8 médailles d’or). L’honneur fut sauf pour le Congo qui,
grâce à la médaille d’or remportée par les Diables rouges, l’équipe nationale de football, termina dixième au classement (ex aequo avec le Cameroun). Reconnus par le Comité international olympique dès 1965, les Jeux africains ont lieu tous les quatre ans. Leur préparation est pilotée par l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique et le Comité d’organisation des Jeux africains du pays hôte. ● Olivier Caslin jeune afrique
COMMUNIQUÉ
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RÉPUBLIQUE DU CONGO Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers de Brazzaville (CCIAM)
L
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a CCIAM est chargée de la représentation des intérêts économiques du commerce, de l’industrie, de l’agriculture, de l’artisanat et des métiers dans le département administratif de Brazzaville. Organisme public créé en 1996, la CCIAM défend les intérêts économiques de ses adhérents, élabore pour eux des formations dans différents corps de métiers et des prestations d’assistance technique. Au plan général, elle s’occupe de la promotion de l’économie congolaise auprès des entreprises et à l’international.
développer les échanges internationaux et à renforcer les investissements étrangers sur le territoire.
> Formation et assistance technique
Dans le cadre de la promotion et de la diversification de l’économie congolaise, la CCIAM prend également des initiatives visant à
son entreprise ou une nouvelle activité au Congo en un seul lieu, sur un seul document et dans un délai très restreint. ■
Chambre de Commerce, d’Industrie, d’’Agriculture et des Métiers de Brazzaville Avenue Amilcar CABRAL, Centre Ville - B.P. 92, Brazzaville, République du Congo Tél. : (+242) 05 067 99 79/ 05 551 15 06 - Fax : (+242) 22 281 16 08 - Mail : cciam_brazza@yahoo.fr
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La CCIAM de Brazzaville participe à l’élaboration des plans de formation pour les différentes professions. Ses interventions s’étendent de la formation des chefs d’entreprises, des formateurs et des maîtres d’apprentissage, à l’organisation et au contrôle de la formation dans les entreprises. Elles concernent également la mise en place de strucPaul Obambi tures pour la formation théorique des apprentis, la Président de la Chambre > Défense des intérêts économiques de Commerce de Brazzaville mise en place de structures de perfectionnement professionnel pour les métiers techniques et comDans son rôle d’interface entre les pouvoirs publics merciaux et la définition des codes de conduite et le secteur privé, la CCIAM est le représentant officiel des intérêts de ses membres auprès des autorités. Elle les informe pour les différents métiers. sur les évolutions des adhérents et sur leurs attentes à l’égard de leur environnement opérationnel. Ainsi, la CCIAM contribue à l’élaboration > Centre de formalités des entreprises et à la mise en œuvre de la politique de développement du pays. L’assistance et le conseil aux entreprises figurent en bonne place dans les attributions de la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture > Promotion de l’économie congolaise et des Métiers de Brazzaville. Dans cette optique, la CCIAM tient à la La Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture et des Métiers disposition du public et des professionnels toutes les informations de Brazzaville est chargée d’organiser et de gérer sur l’ensemble de utiles et la documentation nécessaires à l’exercice de leurs activités. sa circonscription consulaire, toutes les campagnes et manifestations économiques ou commerciales (foires, expositions, colloques) visant La CCIAM de Brazzaville est également représentée au Centre de à promouvoir les activités relevant de sa compétence. formalités administratives des entreprises (CFE), qui permet de créer
développement régional
Le Plus de J.a. Congo Trêve olympique
La sangha sort du bois L’arrivée des investisseurs et les chantiers en cours ont transformé le département du nord. Et c’est à Ouesso, son chef-lieu, que se déroulent les cérémonies de la fête nationale du 15 Août.
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ertains l’on surnommée le « triangle d’or du Congo », en référence à sa position géographique aux confins de trois pays (voir carte p. 76). Et si les regards se concentrent aujourd’hui sur la très septentrionale Sangha, ce n’est pas seulement parce qu’on y célébrera la fête nationale congolaise le 15 août prochain. Ce n’est pas non plus parce qu’y a été lancé cette année le programme de « municipalisation accélérée », avec à la clé la construction d’un lot appréciable d’infrastructures nécessaires à sa modernisation : routes, ponts, bâtiments publics, etc. (lire pp. 78-80). L’attrait qu’exerce aujourd’hui le département vient aussi des mutations qui s’y sont opérées ces dernières années et qui devraient rapidement changer son profil économique et social. Pendant plusieurs décennies, on ne savait pas grand-chose de la Sangha, si ce n’est qu’elle était en grande partie recouverte d’une dense forêt primaire,
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dépendait largement du Cameroun voisin, tant pour son approvisionnement en denrées, matériel et objets de toutes sortes que pour l’évacuation de ses productions. éChanges. Mais le bitumage de la route
nationale 2 (RN2) du sud au nord du territoire, jusqu’à Ouesso, a changé la donne. « En partant de Brazzaville le sillonnée de cours d’eau (dont la rivière éponyme) et relativement plate, à l’excepmatin à 6 heures, on peut être à Ouesso tion de sa partie ouest, avec le mont à 22 heures au plus tard ! » affirme un Nabemba (1 100 m), le plus haut du pays. chauffeur de la compagnie de bus Océan À part les forestiers, le département attidu Nord, qui assure une liaison quotirait peu d’investisseurs, principalement dienne entre les deux villes. Rien de tel à cause de son enclavement. Jusqu’à pour dynamiser les échanges entre la récemment, il fallait près de deux jours Sangha et le reste du pays. La construcpar la route pour parcourir les quelque tion de la RN14 est-ouest entre Ketta (sur 800 km séparant son chef-lieu, Ouesso la RN2), Sembé et Souanké a quant à elle donné un coup de fouet au secteur agricole. « Tout située aux confins du gabon, du le long de la chaussée, les Cameroun et de la Centrafrique, étals de régimes de bananes plantains ont remplacé les c’est le « triangle d’or du Congo ». tas de bois que l’on vendait (« le soleil », en sangha-sangha), de pour faire la cuisine », explique un cadre Brazzaville. Traverser la Sangha d’est de la préfecture. en ouest était aussi une autre galère… Si l’essor des infrastructures de transL’économie locale s’est donc tournée port a entraîné celui de l’économie déparvers l’exploitation forestière et la transtementale, d’autres facteurs y contribuent formation du bois, l’agriculture vivrière désormais. Autrefois productions phares (manioc, banane plantain, maïs, aradu département, le palmier à huile et le chide), faute de route, nourrissant à peine cacao sont relancés à grande échelle (lire la population locale. Le département pp. 85-86), tandis que la filière bois l l l
Muriel devey Malu-Malu
q Dans le centre-ville de Ouesso (30 000 habitants).
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développement régional
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l l l mise de plus en plus sur la troisième un carrefour de routes et de voies d’eau transformation (lire p. 82). Longtemps CENTRAFRIQUE CAMEROUN délaissées en dépit d’un potentiel réel, les Océan opérations de recherche minière se mul Likouala Atlantique tiplient. « Nous disposons d’importants Route gisements de fer dans l’ouest du départe Route ment », précise Adolphe Elemba, le préfet Sangha en construction de la Sangha. Le problème de l’évacua Plateaux Départements tion des minerais et la baisse des cours 200 km CuvetteOuest mondiaux du fer ont GABON Cuvette différé le démarrage de la production sur Likouala CAMEROUN les sites, développés RD CONGO Plateaux pour la plupart par Ntam Niari des Australiens. Mais Lékoumou Ouesso d’autres miniers, Pool Sembé Ketta principalement chi Kouilou Bouenza nois, prospectent Liouesso BRAZZAVILLE aujourd’hui de nou GABON Sangha velles filières (or, dia Cuvettemant, polymétaux…) Ouest
Sangha
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recentrage. La
Sangha diversifie ainsi les bases de son économie, qui s’étend aussi désormais aux transports routier et aérien (le fluvial suit plus timidement), dopés par les nou velles activités et les chantiers d’infras tructures. « Le grand défi est de recentrer le trafic sur le Congo, souligne André Obambe, le directeur départemental des douanes. Il s’agit d’amener les entreprises à utiliser les voies congolaises et le port de PointeNoire pour leurs importations et exportations » plutôt que de passer par le Cameroun ou le Gabon. Un recentrage qui n’exclut pas le ren forcement des échanges avec les pays voisins. Les connexions routières avec le Cameroun et la Centrafrique, en cours, permettront à la Sangha de conforter sa vocation de carrefour et de tirer pleine ment profit de sa situation géographique pour son développement et celui de l’intégration régionale. Signes du frémissement économique, la Société nationale des pétroles du
Congo (SNPCDistribution) ouvre une nouvelle stationservice à Ouesso et trois banques s’y installent (la Banque congo laise de l’habitat, Ecobank et la Banque commerciale internationale), rejoignant ainsi la Congolaise de banque, le Crédit du Congo et les Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (Mucodec), égale ment implantées à Pokola et à Ngombe. Rénovation et construction d’hôtels, d’immeubles de bureaux, de villas, ouverture de boutiques, de bars et de restaurants… Ouesso (30 000 habitants) est toujours surnommé « la capitale du bois » mais change rapidement. La filière hôtelière s’y développe tout particulière ment, surtout pour la clientèle d’affaires. Le créneau de l’écotourisme reste limité mais pourrait décoller étant donné que la Sangha abrite trois parcs nationaux (NouabaléNdoki, OdzalaKokoua et le mont Nabemba). Les autres filières du secteur des services sont également en plein boom, notamment pour répondre
BioDiVersité partagée InscrIt depuIs 2012 au patrimoine mondial de l’humanité par l’unesco, letrinational de la sangha (tns) est un complexe transfrontalier situé au point de rencontre entre le congo, le cameroun et la n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
centrafrique. « Valeur universelle exceptionnelle », le tns, consacré à la conservation de la nature, couvre une superficie de 750 000 ha et comprend trois parcs nationaux contigus, enchâssés
dans l’immense forêt primaire du nord-ouest du bassin du congo : celui de nouabaléndoki, au congo, celui de Lobéké, au cameroun, et celui de dzanga-ndoki, en centrafrique. ● cécile manciauX
à la demande des entreprises (compta bilité, informatique, numérique, gestion de maind’œuvre, gardiennage, transport de fond, télésurveillance, publicité, etc.). melting-pot. « La Sangha va devenir un
grand pôle économique et attirer de plus en plus d’investisseurs et de travailleurs », confirme Jérémie Issamou, directeur général adjoint d’Atama Plantation. Reste à trouver le personnel qualifié pour faire prospérer ces activités. C’est là où le bât blesse. La Sangha n’est peuplée que de 120 000 habitants, dont plus de la moitié ont moins de 20 ans mais sont peu pré parés aux nouveaux enjeux. Des efforts sont faits pour augmenter le nombre d’établissements scolaires et adapter les cursus aux besoins actuels et futurs de l’économie départementale. Mais en attendant l’émergence d’une nouvelle génération bien formée, il fau dra faire appel à d’autres compétences congolaises pour compléter les savoir faire des populations locales, composées d’ethnies très diverses : SanghaSangha, Bakwélé, Bonguili, Djem, Yasoua, Bakota, Porno, Gbaya et peuples autochtones pygmées du groupe Baka. Les cadres et travailleurs étrangers devraient aussi être de plus en plus nombreux, qui comptent déjà dans leurs rangs des Camerounais, des Centrafricains, des Rwandais, des OuestAfricains (lire pp. 95-100), des Libanais, des Chinois, des Brésiliens, des Français… Un vrai meltingpot. ● muriel DeVeY malu-malu, envoyée spéciale jeune afrique
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développement régional
Septentrion connecté
Le département accuse de lourds déficits en eau potable, en électricité, en transports… mais il s’équipe et dispose enfin de quelques grands axes bitumés.
© Muriel Devey Malu-Malu
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p La RN14 entre Ketta et Sembé.
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n matière d’infrastructures de base, la Sangha part de loin. Les choses sont cependant en train de changer, à commencer par les transports. Le bitumage du tronçon de 190 km de la route nationale 2 (RN2, voir carte p. 76) depuis la rivière Mambili, dans le sud du département, jusqu’à Ouesso, dans le nord, a permis de désenclaver le département en le reliant au reste du pays, en particulier à Brazzaville. Quand le tronçon de la RN1 entre Brazzaville et Dolisie sera achevé, il sera enfin possible de rouler depuis Ouesso jusqu’au port de PointeNoire, situé 1 300 km plus au sud, sur l’Atlantique. Deux autres projets vont contribuer au désenclavement de la Sangha et à la connexion du Congo avec ses voisins du Nord. L’un porte sur le bitumage de la route est-ouest (RN14) entre Ketta, n o 2848-2849 • Du 9 au 22 août 2015
Sembé, Souanké et Ntam, ville à la frontière avec le Cameroun. Le tronçon KettaSembé est déjà réalisé, et les 140 km entre Sembé et Ntam devraient être achevés d’ici à la fin de 2016. Deuxième projet : la construction d’une nouvelle route qui reliera Ouesso aux villes de Makao et d’Enyelle (dans le département voisin de la Likouala), jusqu’à la frontière avec la Centrafrique.
il n’y aura pas d’augmentation du trafic, à moins d’engager d’importantes opérations de dragage sur la Sangha et, en aval, sur le fleuve Congo – ce qui n’est pas prévu. COGÉNÉRATION. La fourniture d’élec-
tricité reste un réel problème. À Ouesso, elle est assurée par la Société nationale d’électricité (SNE), qui dispose d’une centrale thermique de 3 MW. « Le courant est stable, mais La mise aux normes de l’aéroport il n’est disponible que de de Ouesso va permettre 17 heures à 23 heures », d’accueillir des Airbus A340-300. explique Roland GadouaIkama, le directeur de la Toujours côté transports, la mise aux SNE-Ouesso. À Pokola, la Compagnie normes internationales de la piste de industrielle des bois (CIB, lire p. 86) s’est l’aéroport de Ouesso va permettre d’acéquipée début 2015 d’une centrale de cueillir des Airbus A340-300. Enfin, le cogénération alimentée par les déchets port fluvial de la ville a été doté d’un nouligneux des scieries. Elle est dotée d’une veau linéaire de quai de 120 m. Toutefois, puissance de 4,1 MW, dont plus de l l l jeune afrique
Vue aerienne du TAC.
« Nous allons redoubler d’effort pour améliorer nos capacités et la qualité de nos prestations, afin de faire face à la concurrence ardue des autres ports de la sousrégion. »
Il y a urgence à rendre le port plus compétitif et attractif
L
e Port Autonome de Pointe-Noire (PAPN) a un nouveau Directeur Général. Il s’agit de M. Séraphin Bhalat, qui a pris ses fonctions le 29 juin 2015. Conseiller du chef de l’état aux travaux publics et l’aménagement du territoire, Séraphin Bhalat connait parfaitement le port et ses partenaires, puisqu’il en était jusquelà le Président du Conseil d’Administration. Après l’exécution avec succès du Programme d’investissements prioritaires (PIP) qui a physiquement transformé le port et boosté ses performances, le PAPN doit poursuivre son développement dans le cadre d’un Plan directeur en cours d’actualisation. Il s’agit principalement de l’extension du port vers l’Est, afin de gagner de l’espace pour la construction de deux terminaux minéraliers (fer & potasse), et l’aménagement du quai D ainsi que la construction de deux ports secs à Liambou et à TchiambaNzassi. De même le port devrait diligenter la réhabilitation du réseau routier interne et la construction des nouvelles voies d’accès et de sortie du port, ainsi que la construction d’une nouvelle ligne électrique dédiée de 30 kilovolts. Auxquels il faut ajouter l’achèvement de l’immeuble devant abriter le nouveau siège du PAPN.
Mais les usagers du port attendent beaucoup plus avec impatience, la réalisation des études devant aboutir à un allégement des procédures. Notamment, la réduction des coûts et des délais de passage des marchandises afin de rendre le PAPN plus compétitif. « Nous allons redoubler d’effort pour améliorer nos capacités et la qualité de nos prestations, afin de faire face à la concurrence ardue des autres ports de la sousrégion. Il y a urgence à rendre le port plus compétitif et attractif, afin de se conformer aux perspectives rassurantes du secteur des transports de notre pays, avec notamment, le développement imminent du corridor Brazzaville-Pointe-Noire, ainsi que le récent lancement des activités du Guichet unique des opérations transfrontalières » a déclaré Monsieur Séraphin Bhalat Directeur Général du PAPN. Au regard des résultats d’exploitation, il apparait que le PAPN dispose de moyens financiers nécessaires pour la réalisation d’un certain nombre de projets post-PIP ci-dessus cités. Mais ces moyens propres ne suffisent pas à satisfaire tous les besoins en investissements du port, le concours de l’état sera nécessairement sollicité, conformément aux statuts de cet établissement public. ■
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Port Autonome de Pointe-Noire Avenue de Bordeaux B.P. 711 - Pointe-Noire République du Congo Tél : +242 22 294 00 13 E.mail : info@papn-cg.org Bateau de 4500 EVP, Quai G 4.
Vue du quai G.
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développement régional
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t Sur la RN14, entre Zoulabouth et Ketta.
p Station de traitement d’eau à Mokéko.
tous », lancé par l’État en 2013, équipe progressivement les villages de stations de forage et de traitement fonctionnant à l’énergie solaire. Des actions à renforcer.
© Muriel devey Malu-Malu
« plateforme numérique ». Du
t Travaux de voirie à Ouesso. l l l la moitié sert à l’activité industrielle et le reste à alimenter la commune : l’électricité est gratuite pour les familles des salariés de l’entreprise et les autres doivent payer le raccordement au réseau et la consommation d’électricité (dont les prix sont subventionnés). Ailleurs, seuls les groupes électrogènes et les installations solaires procurent de l’électricité à un petit nombre d’habitants. À partir de 2017, la situation devrait
s’améliorer avec la mise en service de la centrale hydroélectrique de Liouesso (19,5 MW), qui alimentera Ouesso et Mokéko. Dans le cadre du programme de municipalisation accélérée, l’État a prévu d’équiper les autres villes de groupes électrogènes. Pour augmenter l’offre en eau potable, une usine de traitement et un château d’eau supplémentaires sont en construction à Ouesso, et le projet « Eau pour
côté de la téléphonie mobile, la 3G est disponible dans une partie du département et, pour l’internet, la fibre optique est arrivée à Ouesso (le réseau est en cours d’installation). Dans le cadre du Central African Backbone, qui prévoit le maillage en très haut débit des États de la Cemac, « la ville est appelée à devenir une plateforme numérique entre le Congo, le Cameroun, le Gabon, la Centrafrique et le Tchad », souligne Ben Bodzock Touazock, directeur de l’antenne départementale de l’Agence de régulation des postes et communications électroniques. Encore faudra-t-il que, au-delà des smartphones, l’usage des ordinateurs se généralise dans le département, au moins parmi les jeunes. ● muriel DeVeY malu-malu
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Bonjour lits, planches, chevrons! Dans la principale région forestière du pays, les activités de transformation du bois se sont développées. La valeur ajoutée des produits aussi.
a
vec une production de 510520 m3 de bois en grumes en 2014, en constante augmentation depuis 2009 (275837 m3), le département de la Sangha peutnonseulements’enorgueillird’assurer à lui seul près d’un tiers de la production nationale de bois, mais aussi d’avoir reçu les premières éco-certifications du Congo et d’afficher les taux de transformation les plus élevés de la filière dans le pays, soit 85 % en moyenne, avec des pics à 95 %. Quatre sociétés forestières exploitent et mettent en valeur des unités forestières d’aménagement (UFA) dans le département. En matière de superficies concédées, la plus importante est l’Industrielle forestière de Ouesso (IFO), filiale du groupe suisse Danzer, dont l’UFA de Ngombé (dans le sud-est du département) couvre plus de 1,15 million d’hectares. La Congolaise industrielle des bois (CIB, lire pp. 85-86), filiale du singapourien Olam, dispose de deux UFA, à Kabo et à Pokola (Est), soit une superficie totale de 645 000 ha. Enfin, dans l’Ouest, la Société industrielle et forestière du Congo (Sifco, à capitaux libanais) gère 621120 ha à TalaTala et la Société d’exploitation forestière Yuang Dong (Sefyd, à capitaux chinois), 547 000 ha à Jua-Ikié. matériau NOBLE. Toutes ces entre-
prises possèdent au moins une scierie et certaines une menuiserie. Les principales productions sont des sciages (planches, chevrons, lattes, frises, moulures, etc.). « Il n’y a pas d’unités de déroulage car les essences présentes dans la Sangha sont rouges, dures et se prêtent mal au déroulage ainsi qu’à la fabrication de contreplaqués », explique Gaston Miakalou Banzi, chef de service de la valorisation des ressources forestières à la direction départementale de l’économie forestière et du développement durable. Les marchés de grumes et de débités diffèrent selon les sociétés, mais l’essentiel des produits exportés (principalement évacués par le Cameroun) part vers l’Europe, l’Asie et n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
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p Atelier d’ébénisterie de la CIB, à Pokola.
à l’étranger ! déplore notre menuisier. Il faudra du temps pour convaincre les Congolais que le bois est un matériau noble pour l’habitat. » Le transport jusqu’aux centres de consommation est quant à lui soumis à diverses contraintes. Depuis l’Ouest, les produits sont acheminés vers Ouesso par la rivière Ngoko, et à l’Est ils sont transportés sur la rivière Sangha. Puis ils prennent la route jusqu’à Brazzaville. En effet, bien que la Les Congolais préfèrent voie fluviale soit plus économique, encore les produits importés il n’est pas possible de l’emprunter, car la Sangha n’est pas navigable et les chaises en plastique. toute l’année et parce qu’une fois La CIB s’est même lancée dans la fabrila marchandise arrivée à Brazza le transcation de maisons en bois. Mais pour le bordement des produits sur les rails reste moment, ces produits représentent un un casse-tête. très petit marché, limité à Ouesso et à « Il y a un engorgement trop imporBrazzaville et concernant une clientèle tant à la gare, et de réels risques de vol aisée. Car force est de constater que les de marchandises dans le train », confie Congolais ont des habitudes de consomJean-Dominique Bescond, responsable mation bien ancrées, avec une préférence de développement de projets à la CIB. Du marquée pour les produits importés et coup, certains marchés de consommation pour certains matériaux. « Ils achètent ne se sont pas encore développés, notamdes meubles en aggloméré et des chaises ment ceux de Dolisie et de Pointe-Noire, en plastique, généralement importées de où la demande est pourtant en hausse. ● Chine… Même l’Administration se fournit muriEL DEVEY maLu-maLu
l’Afrique du Sud. Trois sociétés (l’IFO, la CIB et la Sefyd) ont développé des activités de troisième transformation. Elles fabriquent principalement des meubles (lits, armoires, sièges) et des huisseries (portes et encadrements de fenêtres). « Les cadres en aluminium importés étant inaccessibles aux plus modestes, ces produits se vendent bien », explique un menuisier de Ouesso.
jeune afrique
Immeuble MAISONS SANS FRONTIÈRES
La nouvelle ville de Kounda
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epuis sa création, la société MAISONS SANS FRONTIÈRES participe au développement durable du Congo en apportant une solution très appréciée aux problèmes majeurs d’infrastructures et d’assainissement en général et de l’habitat en particulier. C’est à cela que répond le projet ROC de TCHIKOBO, qui fait partie d’un vaste programme immobilier de standing international. Ce programme vise à combler le besoin en logements dans les grandes villes de la République du Congo.
COMMUNIQUÉ
Maisons Sans Frontières Congo Villas des residences Caraïbes-Kounda
« Le projet ‘’ Les Résidences Caraïbes’’ intègre parfaitement le plan Directeur de la ville de Pointe-Noire, Horizon 2000, ainsi que l’extension urbaine de la ville et la viabilisation cohérente de sa banlieue. »
Une place de la nouvelle ville de Kounda
Villas des residences Caraïbes-Kounda
Villas des résidences Caraïbes-Kounda
La nouvelle ville de Kounda
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Après avoir réalisé avec succès la zone résidentielle « ROC de TCHIKOBO », la société immobilière MAISONS SANS FRONTIÈRES CONGO (MSFC) a démarrée les travaux de construction « les Résidences Caraïbes » dans la nouvelle ville de Kounda.
Nous projetons d’y construire 3 000 maisons de divers standings et une zone tertiaire. Aussi, nous ambitionnons de mettre en valeur le littoral afin d’apprécier le panorama imprenable sur la baie de Pointe-Noire et la plage qui s’étend à perte de vue. Cette nouvelle ville moderne et parfaitement viabilisée apportera à la population un bien-être et une meilleure condition de vie. Ce projet s’accommode totalement avec le programme de développement du « Chemin d’avenir », programme socio-politique du Président de la République Monsieur Denis SASSOU-NGUESSO. ■
Siège social : B.P.: 13 934 - Brazzaville, République du Congo
www.msfcongo.com
Le Plus de J.a.
Congo trêve olympique
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développement régional
La renaissance des pépinières
p Plants de cacaoyers à Pokola.
En sommeil pendant vingt ans, palmiers à huile et cacaoyers font leur retour en force dans la Sangha. Et semblent tenir leurs promesses.
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ans l’enceinte du port de Ouesso, les vieilles citernes vertes estampillées Sangha Palm ont été soigneusement alignées le long de la voie qui mène au quai, en attendant d’être réutilisées par Eco-Oil Énergie Congo, le repreneur de l’ex-Sangha Palm, dont la concession s’étend sur 44 000 hectares au sud de Ouesso, sur les sites de Makola et de Kandéko (district de Mokéko).
Margarine et savon. Créé en 2013, Eco-Oil Énergie Congo (dont le capital est détenu en partie par la Société africaine de recherche pétrolière et de distribution, SARPD-Oil) est également implanté dans les départements voisins de la Cuvette (Etoumbi, 100 ha) et de la Cuvette-Ouest (Owando,500ha).Sonambition?Relancer la filière huile de palme, ancien fleuron du pays, dont la production industrielle était à l’arrêt depuis vingt ans. Eco-Oil Énergie est en passe de remporter son pari, mais le temps presse. Des jeune afrique
dizaines de travailleurs s’activent dans les prépépinières et les pépinières. Amorcé en 2014, le programme de relance table sur la replantation de 5 000 ha de palmeraies par an pendant cinq ans, dont les premières récoltes se feront à la fin de la quatrième année. À terme, les vieilles palmeraies, peu rentables, seront remplacées par les nouvelles.
cosmétiques, des savons, de l’huile blanche et des aliments pour bétail. L’objectif est d’approvisionner d’abord le marché national, puis d’exporter vers la sous-région, voire sur d’autres marchés du continent », explique Victor Bolanga, responsable du site. Au sud du département, près de la rivière Mambili, Atama Plantation Sarl (APS, détenu à 51 % par le malaisien Wah Le programme table sur la Seong Corporation replantation de 5 000 hectares de Berhad) a obtenu mi-2011 l’autorisation palmeraies par an pendant cinq ans. d’occuper une réserve La production d’huile de palme brute foncière de l’État d’une superficie de a démarré à partir des régimes pro180000 ha, dont 40000 ha dans la Sangha, venant de ces anciennes palmeraies. pour une durée de vingt-cinq ans renouL’extraction est pour le moment réalisée velable. Ici, pas de « replantation », mais la par un modulateur mobile, en attendant création ex nihilo d’une vaste palmeraie. la réhabilitation de l’ancienne usine et la APS a donc commencé par les opérations mise en service d’une nouvelle unité, en de déboisement, avant de constituer des cours de construction, à Mokéko. « Nous pépinières puis de procéder aux planprévoyons de fabriquer divers dérivés, tations proprement dites, à raison de dont de la margarine, des produits 5 000 ha de nouvelles palmeraies par an. n o 2848-2849 • Du 9 au 22 août 2015
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L’unité de transformation devrait être opérationnelle d’ici à 2017. ENGOUEMENT. Autre pilier de l’agroindustrie départementale laissé à l’abandon pendant des décennies, la filière cacao est elle aussi en plein redéploiement. Introduite dans les années 1930 dans le district de Sembé, la cacaoculture a connu des hauts et des bas. La production nationale de fèves s’est en effet écroulée, passant de 2 500 tonnes en 1977, son record, à 800 tonnes au milieu des années 1980 – dont 500 tonnes produites dans la Sangha –, sans se relever… Jusqu’à ce que, en juin 2012, le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage signe un protocole d’accord avec la Congolaise industrielle des bois (CIB, lire ci-dessous) afin de redynamiser la filière à très grande échelle. Le projet a été engagé sur la base des recommandations du Plan national de développement de la production de cacao (PND-Cacao) 2014-2018, avec pour maître d’ouvrage le ministère et pour maître d’œuvre la CIB. Son objectif est de produire 32 millions de plants, qui sont cédés gratuitement aux producteurs, afin de planter 30 000 ha de cacaoyers. Une vaste pépinière pilote a été installée par la CIB à Madiboungou, à 3 km de Pokola. Protégé du soleil par une immense bâche, le site abrite 1 million de jeunes plants de cacao, dont 300000 sont destinés
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p Plantation de palmiers à huile d’Eco-Oil Énergie Congo, à Mokéko.
aux producteurs du département.L’activité suscite un véritable engouement. Des zones de production se développent dans les districts de Sembé et de Souanké, mais aussi dans l’est du territoire, à Pikounda, Pokola, Kabo, Gatongo et Lémé. Et les cacaoculteurs sont de plus en plus nombreux. « Ce sont des planteurs villageois, mais aussi des néoruraux, notamment des fonctionnaires, dont les plantations vont de 15 à 50 ha », explique Simon Savou, le directeur général de l’Agriculture. D’autres pépinières verront le jour. En attendant, parallèlement, des sites d’achat sont établis à Goa, Sembé, Ngbala et Souanké, et les producteurs sont invités à se former et à se regrouper.
« Nous encourageons les projets cacaoyerssouslecouvertforestier,souligne Jean-Dominique Bescond, responsable du projet cacao à la CIB. Il s’agit d’associer sur un même espace la cacaoculture et l’arboriculture » afin, notamment, d’éviter le déboisement et de tenir compte des besoins vivriers. Dans les villages autour de Sembé, c’est l’enthousiasme. « Avec ces plants, nous allons renouveler nos cacaoyers, mais aussi leur associer des safoutiers [arbres fruitiers], se réjouit Éloge Ebel, un jeune producteur. Et grâce à la nouvelle route, nous pourrons écouler toutes nos productions. » ● MUriEl DEVEY MAlU-MAlU
lA cib, UNE cOMpAGNiE TOUT-TErrAiN
a
vec un chiffre d’affaires d’environ 40 millions d’euros en 2014 et quelque 930 employés, la Compagnie industrielle des bois (CIB) est l’un des poids lourds de l’économie congolaise, hors secteur pétrolier. Depuis 2011, l’entreprise est devenue une filiale du singapourien Olam, l’un des géants mondiaux de l’agroalimentaire, dont le cœur de métier est la filière bois. Dans la Sangha, la CIB compte deux unités forestières d’aménagement (UFA), situées dans l’ouest du département, à Kabo et
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à Pokola, où est implanté son site industriel. En 2014, elle a produit 126 093 m3 de grumes et 71 661 m3 de produits transformés. Scieries, séchoirs, menuiserie… Ses équipements lui permettent de fabriquer des débités, des meubles, des huisseries (portes et fenêtres), ainsi que des panneaux pour construire des maisons en bois, qui sont préassemblées à Pokola avant d’être montées sur site. Depuis 2012, la compagnie a diversifié ses activités dans le département. « Très
engagée dans le développement local et social, la CIB appuie la cacaoculture, qu’elle considère comme une activité génératrice de revenus adaptée à l’économie des populations du Nord. Et le groupe Olam peut offrir un accès au marché international du cacao, qui fait partie de ses 34 produits », explique Jean-Dominique Bescond, responsable du projet cacao à la CIB. Partenaire et conseiller du ministère de l’Agriculture et de l’Élevage dans le cadre du plan national de développement de la
filière, l’entreprise a installé une première pépinière à Pokola. Enfin, disposant d’engins de travaux publics et d’expertise pour entretenir les 800 km de routes qui couvrent ses concessions, la compagnie est amenée, au-delà de ses besoins propres, à assurer l’entretien de routes pour les communes et répondre à des appels d’offres pour la réalisation de nouveaux tronçons. C’est le cas actuellement sur la RN2 entre Pokola et Enyellé, ou encore pour la construction de l’axe Sembé-Ngbala. ● M.D.M.M. jeune afrique
Aucune autre banque ne connaît ce continent aussi bien que nous.
Un partenaire au service du développement du Congo Ecobank se développe et se positionne comme un acteur bancaire de premier plan au Congo. Présente dans le « corporate » comme dans le « détail », la banque participe aussi bien à la bancarisation du pays, grâce à l’extension de son réseau, qu’aux levées de fonds sur le marché international, pour le compte des plus grandes entreprises nationales.
Grâce à son expertise, Ecobank Development Corporation (EDC) a piloté la levée sur le marché international de 1,5 milliard de dollars pour le compte de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) dans le cadre de son programme d’investissement dans les champs pétroliers.
L’arrivée de nouvelles institutions a dynamisé le secteur bancaire au Congo. Cela a conduit à un assouplissement des conditions d’ouverture de comptes, sous l’effet de l’élargissement du réseau d’agences et des meilleures conditions d’accès au crédit. Le taux de bancarisation de la population congolaise a ainsi augmenté pour atteindre plus de 6 % aujourd’hui.
Au 31 décembre 2014, les performances d’Ecobank Congo sont en progression par rapport à l’année précédente. Le produit net bancaire est de 19 893 millions FCFA (+10 %) et le résultat avant impôt de CFA 8,6 milliards pour un total bilan de 303 milliards F CFA (+36 %). Sur la même période, les dépôts de la clientèle s’élèvent à 259,3 milliards FCFA (+37 %), alors que les crédits nets à la clientèle s’élèvent à 144 milliards FCFA (+8 %).
> dans les villes Ecobank Congo dispose d’un réseau de neuf agences réparties à Brazzaville (quatre agences), Pointe Noire (quatre agences) et Dolisie (une agence). La banque finalise la création de nouveaux établissements dans les quartiers de Tié-Tié (Pointe-Noire) et Marché de Bacongo (Brazzaville), et elle est en train de finaliser la construction de l’agence de Ouesso, au nord du pays. Cette dernière va faciliter les opérations transfrontalières des clients du groupe installés de part et d’autre de la frontière entre le Cameroun et le Congo. Ecobank Congo est par ailleurs en train de construire son nouveau siège. Une opération réalisée sous l’œil de son Administrateur directeur général, M. Lazare Komi Noulekou. > sur la toile Le groupe Ecobank a compris très tôt que la technologie a amplifié la concurrence dans le secteur bancaire. C’est pourquoi le groupe a créé une filière propre qui gère tous ses produits technologiques. Ecobank met à la disposition de sa clientèle ses cartes privatives, la banque par internet, le système « e-alert », qui permet aux clients d’être informés des mouvements sur leurs comptes, OMNI, qui permet aux clients Corporate d’effectuer leurs opérations depuis leurs ordinateurs et la carte VISA qui sera disponible en août 2015.
Ecobank Congo Immeuble de l’ARC, 3e étage Avenue du Camp B.P. 2485, Brazzaville Tél. : +242 06 621 08 08 / 05 778 79 08
> Un bilan prometteur
Des chiffres qui placent Ecobank Congo en quatrième position sur le marché et qui en font un acteur incontournable. Présent dans le segment « corporate » comme dans celui de la banque de « détail », l’institution offre aussi ses services financiers à l’État congolais en matière de besoins de trésorerie d’appoint. Depuis son ouverture, la filiale du groupe Ecobank au Congo est très appréciée par la qualité de son portefeuille et se conforme régulièrement aux ratio prudentiels. En mars 2015, elle occupe la deuxième position en matière de dépôt avec une part de marché de 21,41% et la troisième position pour le crédit avec une part de marché de 11,89%. Au regard des performances enregistrées, l’administrateur directeur général communément appelé « MWANA MBOKA » a obtenu une note de satisfaction des actionnaires, des administrateurs, de la clientèle, du personnel et des autorités locales. ■
Mr Lazare Komi Noulekou, DG Ecobank Congo
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Un réseau qui s’étend
1,5 milliard de dollars levés sur le marché international
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Le Plus de J.A. Congo TransporT eT logisTique
le pays se remet à flot Vétuste et limité par son ensablement, le port de brazzaville est en travaux. Et devrait retrouver son rôle de plateforme stratégique régionale.
c
onstruit à partir de 1921 pour faciliter le regroupement des matières premières de l’Afrique-Équatoriale française avant leur expédition vers la métropole, le Port autonome de Brazzaville n’est désormais plus que l’ombre de lui-même. Ses quais presque centenaires ont vu passer jusqu’à 600 000 tonnes de marchandises par an jusqu’au milieu du XXe siècle : balles de coton du Tchad, caoutchouc de l’Oubangui-Chari et grumes de bois exotiques du Moyen-Congo venaient s’empiler sur les pavés damés à même la berge, avant d’être embarqués sur le chemin de fer Congo-Océan (CFCO) jusqu’au port maritime de Pointe-Noire, pour prendre le large, destination l’Europe. Le trafic avec Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) était à son zénith et le restera jusque dans les années 1960… Depuis, pour reprendre l’expression d’un Brazzavillois, « de voie de communication et d’échange, le fleuve s’est mué en frontière ». Depuis trente ans, le manque d’investissements n’a pas aidé le port de Brazzaville à retrouver son dynamisme d’antan. « Actuellement, moins de 100000 tonnes y transitent chaque année », reconnaît Roberto Prota, directeur général des Terminaux du bassin du Congo (TBC). La filiale du groupe français Necotrans est devenue opérateur de la concession portuaire le 1er décembre 2014, pour une durée de quinze ans, avec pour objectif d’y tripler le trafic de marchandises. Un sacré défi pour TBC, qui semble néanmoins pouvoir compter sur le soutien des pouvoirs publics et de l’autorité du Port autonome de Brazzaville et ports secondaires (PABPS) pour relancer un outil à bout de souffle. Ces dernières années, le pays a décidé de s’appuyer sur son statut de deuxième plus important bassin fluvial au monde (après l’Amazonie) afin de redevenir une plateforme logistique majeure pour l’ensemble de la sous-région. En 2009, l’État a accueilli à bras ouverts le français Bolloré Africa Logistics et son associé congolais Socotrans, qui ont fait basculer n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
le Port autonome de Pointe-Noire dans le XXIe siècle en prenant la concession de son terminal à conteneurs, Congo Terminal. Il s’escrime aussi depuis de longues années à moderniser la ligne du CFCO, qui relie la cité océane à la capitale et, en parallèle, à terminer le chantier de la RN1 dont le dernier tronçon, DolisieBrazza, après s’être un peu embourbé, devrait être achevé pour 2016. C’est dans cette même logique intermodale que le gouvernement congolais a lancé la réhabilitation du port de Brazzaville, dont il a pour la première fois confié les clés au secteur privé. « Nous devons utiliser le fleuve comme une autoroute vers le cœur de l’Afrique », expliquait en 2014 Gilbert Mokoki, le ministre chargé des Voies navigables et de l’Économie fluviale. Soutenu par les bailleurs de fonds, l’État a prévu de débourser environ 50 milliards de F CFA (plus de 76 millions d’euros) pour rénover le Port autonome de Brazzaville et le chapelet de ports secondaires du pays (lire ci-contre). « balisage ». Mais pour que le fleuve
Congo puisse jouer son rôle de grand axe pénétrant et retrouver les trafics de bois (à la descente) et de produits alimentaires ou pétroliers (à la remontée), les pays riverains vont devoir travailler ensemble pour en améliorer la navigabilité. Le groupement d’intérêt économique créé par le Congo et la RD Congo n’a jamais vraiment fonctionné et, comme le souligne Gilbert Mokoki, « le fleuve n’a pas été entretenu depuis près de quinze ans ; par exemple, le balisage pose des problèmes ». En raison de son faible tirant d’eau (quelques dizaines de centimètres seulement par endroits), notamment sur certains affluents et surtout en saison sèche, le Congo n’est navigable que six à sept mois par an. En attendant de s’entendre avec la RD Congo pour améliorer les conditions de navigation, le Congo remet à niveau ses installations portuaires. Au port de Brazzaville, environ 3,5 milliards d’euros ont déjà été investis par TBC pour
u Necotrans, nouvel opérateur du port de Brazza, a commencé l’aménagement des quais.
réhabiliter les entrepôts, tandis que le chinois Sinohydro s’apprête à livrer au premier trimestre 2016 un linéaire de quai flambant neuf de plus de 1 km de long. De quoi redevenir le port de référence pour l’ensemble du Pool Malebo, ce lac formé sur le cours du fleuve, et des deux capitales qui le bordent. Jusqu’à l’arrivée possible d’un nouveau terminal, dimensionné pour suivre l’évolution du marché, à Maloukou, un peu plus en amont du fleuve. « Des études de faisabilité sont en cours. Nous en reparlerons d’ici à cinq ans, en fonction des besoins de consommation constatés tant à Brazzaville qu’à Kinshasa », assure Gilbert Mokoki. Des besoins qui s’annoncent énormes, à la démesure de « Kin », dont la population devrait passer de 10 millions d’habitants actuellement à quelque 15 millions en 2025. Pour alimenter une telle mégapole, « le fleuve est la solution la plus viable, la plus fiable et la plus efficace », assure Roberto Prota, comme pour mieux justifier le choix de Necotrans de se lancer pour la première fois dans la gestion de terminaux fluviaux. ● Olivier casliN jeune afrique
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© NecotraNs/PhiliPPe dureuil
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Au fil de l’eau Essentiels aux échanges intérieurs et avec les voisins, les ports secondaires font eux aussi l’objet d’un programme de modernisation.
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a rénovation de l’un ne va pas sans la réhabilitation des autres. Ainsi, alors que le port de Brazzaville fait l’objet d’une véritable remise à niveau, les autres ports fluviaux du pays, gérés comme celui de la capitale par l’organisme indépendant Port autonome de Brazzaville et ports secondaires (PABPS), bénéficient eux aussi de travaux de modernisation. Surtout ceux du nord du pays, puisque le réseau fluvial de la partie sud n’est pour l’essentiel accessible qu’en pirogue. En revanche, les cours d’eau du Nord, comme le fleuve Congo et les rivières Oubangui, Sangha, Likouala, Mossaka et Alima, peuvent être empruntés – même si la plupart ne sont pas navigables toute l’année – par des bateaux à fort tonnage.
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du fleuve Congo et des rivières Alima, Likouala-Mossaka et Sangha. Encore en projet, la réhabilitation des ports d’Impfondo (sur l’Oubangui), de Makoua et d’Etoumbi (au bord de la Likouala-Mossaka) permettra d’améliorer le transport du bois et, dans l’avenir, de l’huile de palme et des minerais. Enfin, à moyen terme, le programme prévoit la construction d’un vrai port à Liranga, à la confluence de l’Oubangui et du Congo (dans le Le sud du Congo n’est guère sud de la Likouala), ainsi accessible qu’en pirogue. Le Nord que la modernisation peut accueillir de forts tonnages. des ports de Dongou et de Bétou, sur l’Oubanprès de la frontière avec le Gabon. À Oyo gui. Ces trois ports deviendraient alors (Cuvette), un nouveau port sur l’Alima est des points stratégiques pour l’intégration en cours de construction. Il va remplacer régionale. l’ancien, devenu trop petit, afin de favoDans le sud du pays sont envisagées la riser l’acheminement du bois, de l’huile création d’un port sur le Kouilou (Ouest) de palme et du manioc vers Brazza, ainsi et, à quelques kilomètres au nord de que le trafic vers la RD Congo et les pays Brazza, celle du port sec de Maloukousitués au nord du pays. Un peu plus à Tréchot, doublée de la construction du l’est, la rénovation du port de Mossaka pont route-rail sur le fleuve Congo, reliant va bientôt commencer. Un port stratéle Congo et la RD Congo. ● gique, puisqu’il est situé à la confluence MurieL DeVeY MALu-MALu Ils sont jalonnés de ports essentiels au désenclavement interne du pays et, pour certains, aux échanges avec les pays voisins. Le port de Ouesso, sur la Sangha (lire pp.75-80), a déjà bénéficié du programme de modernisation des ports secondaires. Les travaux y sont terminés, tout comme au port de Lékéty (Cuvette-Ouest), à la confluence des rivières Djiélé et Lékéty,
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Le hub de Brazzaville en plein envol
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Le Plus de J.A. Congo Finance
Risque capital Après cinq ans d’activité, la société de conseil Aries s’apprête à lancer le premier fonds d’investissement du pays. Objectif : soutenir les PME.
s
on rêve a pris corps en 2011, lorsqu’il est enfin devenu ce qu’il avait toujours voulu être : un chef d’entreprise. « J’ai toujours été fasciné par le parcours des capitaines d’industrie », confirme Loic Mackosso, 36 ans, fondateur et associé-gérant de la société de conseil Aries Investissements. Depuis ses années universitaires à Lille (nord de la France), en un rituel quotidien, il se précipite sur le journal français Les Échos pour y lire le portrait des grands patrons de ce monde. Dans quelques mois, le juriste pourrait bien à son tour faire parler de lui dans les colonnes de la presse économique, car sa société s’apprête à lancer le premier fonds d’investissement congolais. « C’est prévu pour début 2016 », assure ce natif du Bélier, obstiné, qui espère collecter 35 millions d’euros dans un premier temps et 100 millions à plus long terme. Né à Paris de parents congolais, Loic Mackosso est rentré à Brazzaville à l’âge de 5 ans et y est resté jusqu’au baccalauréat avant de poursuivre ses études supérieures à la faculté de droit lilloise puis de commencer sa carrière à Paris, en 2003, au sein de la société de gestion d’actifs Asset Allocation Advisors (devenue Neuflize OBC Investissements). « sANs PARACHUTE ». En 2005, il décide de rentrer au Congo. « Aries existait déjà dans ma tête, explique-t-il, mais il fallait que j’approfondisse mon expertise, mon expérience avant de sauter le pas », explique Loic Mackosso. Il a donc pris le temps de peaufiner sa stratégie. Il intègre pour trois ans la divisionjuridiquedelaSociété nationale des pétroles du Congo (SNPC) et, en 2009, rejoint la Banque de développement des États de l’Afrique n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
centrale(BDEAC)pourcontinueràfaireses en danger en quittant le confort de la gammes.«Jemesuisrenducomptequeles BDEAC pour créer son entreprise. « J’ai entrepreneurspeinaientvraimentàtrouver eu l’impression de sauter du dix-septième des financements. J’ai donc décidé de les étage sans parachute », confie-t-il. accompagner », poursuit Loic Mackosso, Force est de constater que Loic qui porte une attention toute particulière Mackosso est parfaitement retombé sur aux PME. Établie à Brazzaville, sa « les entrepreneurs peinent société de conseil emploie à trouver des financements. J’ai cinq collaborateurs et offre aujourd’hui à ces entredonc décidé de les accompagner. » prises une palette de services qui va des études stratégiques à la ses pieds. Au lieu de se tourner vers des banques, c’est auprès des fonds d’investismobilisation de financements en passant sement, installés en majorité à Maurice, ou par la conception et le montage de projets. « L’argent existe, mais les risques associés des institutions internationales, comme la Banque africaine de développement, qu’il aux PME sont jugés trop importants par compte alimenter son Emerging Congo les banquiers », constate ce jeune patron Fund (ECF). L’objectif de ce dernier est qui lui-même n’a pas hésité à se mettre non seulement de permettre le développement d’un entrepreneuriat local, mais aussi de contribuer à la diversification de l’économie du pays. Aussi, plutôt que de placer ses billes dans les hydrocarbures, « ECF s’intéresse en priorité à l’agrobusiness, aux technologies de l’information et de la communication, aux services financiers, mais aussi aux domaines de la santé ou de l’éducation, aujourd’hui très appréciés des investisseurs, précise Loic Mackosso. Deux projets sont déjà particulièrement avancés, dans l’agroalimentaire et le traitement des déchets ». Une fois le véhicule financier sur les rails, il compte bien saisir toutes les opportunités qui se présenteront au Congo et dans les autres pays de la Cemac. En espérant que son exemple puisse inspirer ses compatriotes. « Les Congolais sont aussi entreprenants que les autres, ce qui leur manque c’est une vision d’entreprise », assure le jeune patron, qui a justement créé ECF pour affûter leur regard. ● p Agrobusiness, TIC, services financiers… Loic Mackosso © Lebon ZiavouLa PouR J.a.
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veut contribuer à la diversification de l’économie du pays.
OliviER CAsliN jeune afrique
COMMUNIQUÉ
Au cœur d’une entreprise citoyenne
des Pétroles du Congo (SNPC) a pour mission la recherche, l’exploitation, le développement et la commercialisation des hydrocarbures pour son propre compte et celui de l’État. Elle est l’interface entre l’État et les entreprises opérant dans le secteur pétrolier au Congo. Son objectif est de développer une expertise nationale dans la chaîne Amont –Aval de l’industrie pétrolière. C’est donc une entreprise stratégique et un pilier de l’économie nationale.
M. Koko, Directeur général, Président du Directoire lors d’une visite de chantier des bâtiments du lycée de Ouesso en construction.
O
utre sa mission économique et industrielle, la SNPC assure des prestations à caractère social et culturel directement ou à travers sa fondation d’Entreprise. Dans le cadre de la Responsabilité Sociale d’Entreprise, elle accompagne les efforts du gouvernement dans la résolution de multiples problèmes sociaux auxquels la société congolaise est confrontée. Dans la perspective de la politique de municipalisation accélérée initiée par le Président de la République Chef de l’État son Excellence Denis SASSOUNGUESSO, la SNPC s’insère dans le cadre des actions définies par l’État, particulièrement dans les secteurs de l’éducation et la santé par la construction d’écoles équipées ou des structures à caractère sanitaire. Le projet de société du Président de la République Chef de l’État « le Chemin d’avenir » est la source de son inspiration et l’action gouvernementale, le guide de son action.
Ainsi, en 2011, avec la municipalisation accélérée du département de la Cuvette Ouest, la SNPC a construit pour les élèves du lycée d’Ewo, chef lieu de ce département, un internat équipé d’une capacité d’accueil de 128 places et des logements pour le personnel administratif. En 2012, dans le département du Pool à Kinkala, un pavillon Mère et Enfant équipé était construit par la SNPC pour étendre les services de l’hôpital de base de cette localité et palier le manque de structure de santé pour la petite enfance et la mère. La société nationale a en outre construit un Centre des Métiers Industriels et Mixtes (électricité, menuiserie, et maçonnerie) et un Collège d’Enseignement Technique (CET). En 2013, année du lancement de la municipalisation du département des Plateaux, la SNPC a remis aux autorités les clés d’un lycée d’enseignement général doté d’un internat et d’une salle polyvalente. L’année 2014, à Sibiti dans le département de la Lékoumou, grâce à la SNPC, les bâtiments du lycée technique agricole de Sibiti étaient réhabilités et étendus par la construction des salles de classe modernes, d’un internat, d’une salle polyvalente, d’un atelier moderne, d’une porcherie et de logements pour le personnel. En 2015, c’est à Ouesso, chef lieu du département de la Sangha qu’est célébré le 55e anniversaire de la fête nationale. La Société nationale marque sa présence par la construction d’un lycée d’enseignement général. Ce lycée d’excellence aura une capacité d’accueil de près de 3000 places, ce qui en fera l’un des plus grands du Congo. Doté d’un internat et d’un matériel pédagogique moderne, cet établissement sera équipé d’une bibliothèque et d’une aire de jeux et de sports. ■
Tour SNPC, Boulevard Denis SASSOU NGUESSO BP 188, Brazzaville - Tél. : +(242)222 810 492
www.snpc-group.com
DIFCOM Photos D.R.
Créée le 23 avril 1998, la Société Nationale
H么tel Villa Madiba **** - C么te Sauvage, R茅publique du Congo info@villamadiba.com - www.villamadiba.com - +242 06 620 66 66
SoCiété
le Plus de J.A.
Congo Trêve olympique
les Ouest-Africains, rois du commerce
© JEAN BRUNO THIAM
Dès la fin du XIXe siècle, ils ont accompagné Savorgnan de Brazza sur les rives du Pool. Depuis, nombre de « Sénégalais » se sont établis au Congo. Et ne l’ont plus quitté.
p En 1962, au palais présidentiel, à Brazzaville. Au premier plan (de g. à dr.) : Kounga Mbot (maire de Dolisie), le Sénégalais Yoro Thiam (qui, dans les années 1950, fonda le port de pêche de la capitale), Fulbert Youlou (président de la République) et le Sénégalais Abdoulaye Dione (arrivé en 1923 au Congo, il travaillait pour la Compagnie générale des transports africains).
À
l’époque coloniale, on les appelait « les Sénégalais ». Et pour cause. Pour se rendre au Congo, l’explorateur d’origine italienne, naturalisé français, Pierre Savorgnan de Brazza prenait le bateau à Dakar et emmenait avec lui des « laptots » (militaires africains). Parmi ces derniers, des Sénégalais, certes, mais aussi des Maliens, des Guinéens et autres OuestAfricains. Pourtant, ce terme générique n’offusquait personne. « Tout le monde était content. On était tous musulmans, on ne faisait pas de différence entre un Toucouleur, un Sarakolé, un Bambara ou un Wolof car la question des nationalités ne se posait pas à cette époque », explique Kader Diawara, le président de la communauté musulmane de la Grande Mosquée de Brazzaville. Au départ, les Sénégalais ont été installés autour de la mairie de la ville, qui n’était encore qu’un bourg. Ils ont ensuite été déplacés par l’administration JEUNE AfRIqUE
coloniale près de la maison d’arrêt (en lieu et place de l’actuel palais de justice, d’où le nom de « Dakar » donné à ses abords), puis dans l’arrondissement de Poto-Poto, dont ils seront les premiers habitants. En 1910, ils y construiront la première mosquée. Poto-Poto est alors surnommé le quartier des Sénégalais. Règles. Au fur et à mesure de l’implan-
tation coloniale française, les laptots vont céder la place aux gens de métiers. « Il n’y avait pratiquement pas d’ouvriers au Congo, précise Kader Diawara. Il a donc fallu faire venir des maçons, des électriciens, des chauffeurs, des mécaniciens, etc. » Certains se sont installés à Pointe-Noire et se sont spécialisés dans la pêche. Quant aux Togolais et Dahoméens (habitants de l’actuel Bénin), surnommés Popos, la plupart sont employés comme comptables par les compagnies concessionnaires, d’autres deviennent magistrats.
La vague migratoire qui a suivi est composée principalement de commerçants, attirés par la noix de cola présente au Congo. Ils se sont d’abord fournis à Mayama, dans le Pool, puis à Impfondo, dans la Likouala, pour progressivement s’établir un peu partout dans la colonie. Puis ils sont passés du négoce de la cola à celui d’autres denrées. Pendant la période coloniale, quelques familles vont sortir du lot, comme la famille Diop, dont sont issus un célèbre chef de quartier, Mamadou Diop, ainsi que le premier commerçant musulman à vendre du manioc de Kinkala sur les marchés de Brazzaville, Sidiki Diop. La famille Thiam s’est distinguée en introduisant la grande pêche fluviale et en créant le port de Yoro, à Brazzaville (lire portrait p. 100). La famille Diawara est connue pour avoir développé le commerce de la noix de cola dans les départements de la Likouala et de la Sangha. ●●● N O 2848-2849 • dU 9 AU 22 AOûT 2015
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société
© BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
q La Grande Mosquée de Brazzaville.
La communauté compte aussi dans ses rangs les Haïdara, originaires de Tombouctou. « Ce sont des descendants du Prophète, des chérifs », souligne Jean Bruno Ousmane Thiam, l’un des fils de Yoro Thiam et conseiller en communication à Brazzaville. À cette époque, la Tidjania est la seule confrérie musulmane représentée au Congo. Pour communiquer, les Sénégalais parlaient le munukutuba, la langue de ceux qui ont construit le chemin de fer Congo-Océan ●●●
(CFCO)… Si la solidarité est le maître mot de la communauté, les règles de vie sont strictes. « Tous ceux qui débarquaient au port de Pointe-Noire étaient prévenus: ils devaient respecter les coutumes locales et celles du Nzambi ya Basénégalais [le dieu des Sénégalais], raconte Bruno Thiam. La première épouse devait être sénégalaise et l’alcool était interdit… Celui qui était vu en état d’ivresse était illico renvoyé au pays. Et chacun devait participer aux frais de loyer, de nourriture, d’eau et
Gare à la concurrence!
a
prèsavoirrégnéquasimentsans partage sur le commerce de détail au Congo, les Ouest-Af sont de plus en plus concurrencés par des Rwandais, des Camerounais, des Nigérians, des Congolais de Kinshasa, mais aussi des Chinois. Ces derniers ont investi le secteur de la distribution, notamment avenue de la Paix à Poto-Poto, le fief ouest-africain de Brazzaville, où ils ont ouvert trois supermarchés sous l’enseigne Asia (l’un en centre-ville et les autres dans les N O 2848-2849 • DU 9 AU 22 AOût 2015
arrondissements populaires de Ouenzé et de Bacongo). Venus de la RD Congo voisine, les commerçants indiens ont également investi la filière. Le groupe indien Regal, qui dispose de grandes surfaces à Kinshasa et dans d’autres villes de RD Congo, a implanté des supermarchés à Brazzaville et à PointeNoire (sous l’enseigne Park’n Shop), ainsi que des supérettes Regal dans la capitale, à Pointe-Noire et à Dolisie, dans le Niari. ● muriel Devey malu-malu
d’électricité. » Des règles aujourd’hui toujours en vigueur. marabouts. Après l’indépendance, une
nouvelle vague de commerçants venus d’Afrique de l’Ouest s’installe au Congo. Mais sur place, les usages changent. « On fait désormais une différence entre les nationalités, souligne Kader Diawara. Le terme “Sénégalais” est réservé à ceux originaires du Sénégal et les autres sont appelés en fonction de leur pays d’origine: Maliens, Voltaïques [habitants de l’actuel Burkina], Guinéens, Nigériens, etc. » Les Congolais les nommeront indifféremment « Ouest-Africains » ou plus couramment « Ouest-Af », ainsi que « Wara » ou « Ndingari », des surnoms venus de Kinshasa.C’est dans une chanson de Tabu Ley Rochereau, qui imitait les Ouest-Af en disant « ça wa » au lieu de « ça va », que le terme « Wara » est apparu pour la première fois. Quant au mot « Ndingari », qui signifie féticheur en langue yaka (parlée dans le Bandundu, en RD Congo), il fait allusion aux marabouts ouest-africains. C’est à partir des années 1970 que le lingala devient la langue parlée à Poto-Poto. « Les nouveaux arrivants, qui avaient besoin de personnel de ● ● ● JeUNe AfRIqUe
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maison, embauchèrent des Congolais de Kinshasa, qui imposèrent le lingala à leurs patronnes », explique Diawara. Autre signe de changement: l’installation hors de Poto-Poto de certains musulmans alors que les anciens désapprouvaient ce départ, y voyant là une insulte à la communauté. L’un des premiers à élire domicile dans un autre quartier de Brazzaville sera Yoro Thiam, qui s’est établi à Mpila. Aujourd’hui, si les Ouest-Af restent majoritairement implantés à Poto-Poto, dans le centre de Brazza, nombreux sont ceux qui se sont installés dans les arrondissements de Ouenzé et de Bacongo (où l’on trouve notamment un « quartier Dahomey »). Plus récemment, deux phénomènes sont apparus sur le plan religieux. À commencer par la montée de l’islam wahhabite, à la suite des liens tissés avec l’Arabie saoudite, le Soudan et l’Égypte, pays qui assurent désormais de plus en plus la formation des imams de Brazzaville. Lesquels n’ont plus grand-chose en commun avec leurs homologues tidjanes de la Grande Mosquée de Poto-Poto. Par ailleurs, le nombre de mosquées a considérablement augmenté avec la construction de vastes édifices dotés de hauts minarets. Actuellement, la capitale congolaise en abrite 25, dont 10 relèvent de la Tidjania. Conséquence de ce renouveau islamique, les femmes musulmanes sont ●●●
société
plus nombreuses qu’auparavant à porter le foulard ou le voile, et les conversions de Congolais se multiplient. La même tendance s’observe dans les autres villes du pays, notamment à Pointe-Noire et à Dolisie, qui ont chacune un lieu de prière. bijouteries. Silacommunautéestmoins
homogène que jadis dans sa pratique religieuse, les Ouest-Af restent les rois incontestés de l’importation de produits manufacturés et du commerce de détail au Congo. Depuis l’approvisionnement jusqu’au commerce, ils ont maillé l’ensemble du pays et contrôlent toute la filière: ils disposent de centrales d’achat à Dubaï et en Chine, ont des agents au port de Pointe-Noire et se réunissent chaque jour pour s’informer de la concurrence et des prix pratiqués. Pas une ville, pas un quartier, pas un village n’échappe à son échoppe « wara ». Grandes ou petites boutiques (parfois installées dans un conteneur), ouvertes sept jours sur sept (sauf le vendredi de 13 heures à 15 heures, jour de prière à la mosquée), on y trouve toutes sortes d’articles : conserves, biscuits, lait, eaux minérales, boissons sucrées, bougies, savons, produits d’hygiène, outils et ustensiles… Tout y est sauf des produits frais (à l’exception du pain, des viennoiseries, des yaourts et des pommes), qui passent par
d’autres négociants et par la grande distribution. Chaque boutique dispose d’un congélateur et d’un groupe électrogène qui alimente aussi une ou deux ampoules placées sur la façade extérieure. Une véritable aubaine et un lieu de rendez-vous le soir pour les voisins pendant les coupures d’électricité. La communauté ouest-africaine du Congo détient par ailleurs quasi exclusivement le secteur de la bijouterie, notamment le travail de l’or et de l’argent. Enfin, certains de ses commerçants se sont spécialisés dans la hi-fi, l’électroménager et la téléphonie, d’autres dans la quincaillerie, les tissus et vêtements, et de plus en plus dans la vente de véhicules. Les plus aisés se sont lancés dans l’immobilier, l’hôtellerie, la logistique, ainsi que dans le transport de voyageurs, comme le patron de la compagnie de bus Océan du Nord. LaplupartdesOuest-AfricainsdeBrazza ont la nationalité congolaise. C’est ce qui explique que l’opération Mbata ya bakolo (« la gifle des aînés », en lingala), lancée l’an dernier par les autorités pour expulser des étrangers en situation irrégulière, ne les a pas trop touchés. C’est aussi parce que la solidarité a joué à fond : comme le souligne Kader Diawara, « la communauté encourage ceux qui sont sans papiers à se mettre en règle ». ● Muriel DeVeY MAlu-MAlu
© MURIEL DEVEY MALU-MALU
q Les échoppes « wara » sont présentes dans toutes les villes du pays. Ici à Ollombo (Plateaux).
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jEUnE AfRIqUE
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Camara Malamine, le fidèle sergent
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DR
oussé par le goût de l’aventure, Camara Malamine avait quitté son village du Fouta sénégalais pour devenir marin, avant de s’engager à Saint-Louis dans le corps des laptots. Il était sergent lorsqu’il fut recruté à Dakar par Pierre Savorgnan de Brazza, qui l’embarqua dans son contingent pour sa deuxième mission d’exploration, de 1879 à 1882, dans l’Ogooué (Gabon) et au Congo. L’amitié entre les deux hommes conduisit Savorgnan de Brazza à faire du sergent Malamine le premier chef de poste du territoire sur le Congo, que venait de lui céder par traité Makoko, le roi des Tékés. Aux commandes du poste de Nkuna, la future Brazzaville, du 3 octobre 1880 au 1er mai 1882, Malamine se distingua en tenant tête à l’explorateur britannique Henry Morton Stanley, grand rival de Savorgnan de Brazza: il voulait le soudoyer afin de remplacer le pavillon tricolore français par celui, bleu étoilé d’or, de l’Association internationale du Congo, fondée par le roi des Belges Léopold II. Éconduit, Stanley renonça à son projet et regagna rapidement la rive gauche du fleuve, où il fonda Léopoldville. Le sergent Malamine mourut à Gorée, au Sénégal, en 1886. La rue reliant la place de l’hôtel de ville à celle de la Poste centrale, au cœur de Brazzaville, porte son nom. ● Muriel deVeY MAlu-MAlu
Yoro Thiam, le patron pêcheur
Bernard Yoka, le businessman
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C © JEAN BRUNO THIAM
out le monde connaît le port de pêche de Yoro, à Brazzaville, mais peu de gens se souviennent de l’origine de son nom, hommage à Yoro Thiam. Né le 7 février 1893 au Sénégal, ce dernier débarqua au Congo dans les années 1920 dans le cadre de la construction du chemin de fer CongoOcéan (CFCO), dont il était chef de chantier. À la fin des travaux, il confia à Raphaël Antonetti, le gouverneur général de l’Afrique-Équatoriale française (AEF), devenu son ami, qu’il venait d’une famille de pêcheurs. À l’époque, les locaux ne pratiquaient que la pêche à l’épervier sur de petites pirogues, aussi Antonetti encouragea-t-il Yoro Thiam à lancer « la grande pêche » sur le Congo et lui octroya un vaste terrain le long du fleuve, dans le quartier de Mpila. C’est ainsi que « Baba » (surnom que lui a donné la communauté musulmane
de Brazzaville) a introduit la pêche à grande échelle sur le fleuve (utilisant des filets de 800 m de diamètre), et qu’est né le port qui porte encore son nom. Yoro Thiam est décédé le 25 février 1975. ● M.d.M.-M.
ommelenombiencongolaisqu’il a pris lors de sa naturalisation ne l’indique pas, Bernard Yoka est d’origine malienne. Grand commerçant, l’homme d’affaires est devenu le PDG d’International Transit, une société basée à Brazzaville spécialisée dans le transit fluvial et maritime ainsi que dans l’importation de marchandises en gros. Le sexagénaire s’est par ailleurs lancé ces dernières années dans l’immobilier et on le dit également actif dans le commerce des métaux précieux (or et argent). Fidèle à sa communauté, Bernard Yoka a fait construire en 2003 une imposante mosquée à Brazzaville, sur l’avenue des Trois-Martyrs, à la confluence des arrondissements de Moungali et d’Ouenzé. ● M.d.M.-M.
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le plus de J.A. congo trêve olympique
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portraits
il y a beaucoup de cuba en eux Depuis les années 1960, le Congo entretient d’étroites relations avec l’île, notamment en matière de formation et de culture. La preuve par deux.
parfait Kissita libre entreprise n chiffre d’affaires mensuel d’environ 5 millions de F CFA (plus de 7 600 euros), huit salariés permanents et une gamme de produits variés (jus de gingembre, de bissap, de fruit de la Passion, d’ananas, de papaye et de mangue, conserves, confitures, épices, piments…): la petite entreprise Cuba libre se porte bien. Installée dans la cité océane de Pointe-Noire, capitale économique du Congo, elle a été baptisée ainsi non pas en l’honneur du célèbre cocktail, mais tout simplement en hommage à Cuba, où Parfait Kissita a étudié, de 1981 à 1994, depuis le collège jusqu’à l’université. Né le 1er juillet 1970 à Madingou (cheflieudelaBouenza),ilfaitpartiedesmilliers de boursiers congolais envoyés chaque année à Cuba. Il dit y avoir acquis, outre son diplôme en agronomie et la maîtrise de l’espagnol, « des valeurs comme la combativité, la conscience de soi, la discipline, l’ouverture et le sens du respect de l’autre » qui lui sont très utiles aujourd’hui. compotes. À son retour au Congo en
1994, il voit son espoir de décrocher un emploi dans la fonction publique s’évanouir. Mais Parfait Kissita, qui avait travaillé dans une entreprise cubaine de jus de fruits pendant ses études, décide de créer la Conserverie des produits agricoles du Congo (Coprac). Établie dans l’arrondissement de Bacongo, à Brazzaville, la petite fabrique de compotes et de jus de fruits se développe rapidement, jusqu’à ce que le conflit de 1997-1998 l’oblige à mettre la clé sous la porte. En 1999, Kissita s’installe à Pointe-Noire. Docker au port, pousse-pousseur à la gare ferroviaire de Tié-Tié, maraîcher à Loango… Les revenus de ses divers petits métiers lui permettent de créer sa microentreprise de fabrication de confitures, jeune afrique
© MurieL deVeY MaLu-MaLu
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qu’il livre à des hôtels et restaurants ponténégrins. En 2004, c’est la naissance de Cuba libre, dont Parfait Kissita détient aujourd’hui 80 % des parts. En 2008, il a bénéficié d’une prise de participation du fonds Afrique de la société de capitalrisque solidaire Garrigue, lui apportant 15 millions de F CFA qui lui permettent d’investir. Après le retrait de Garrigue du capital, il installe l’entreprise à Songolo, dans l’arrondissement de Loandjili, à Pointe-Noire,avecsonnouvelassocié,«un ami cubain ». Pour se fournir en matières premières à un coût raisonnable, Parfait Kissita a créé une chaîne de valeur, installé un verger près de Hinda (département de Kouilou) et mis sur pied une petite coopérative d’exploitants rémunérés à la production. Reste à développer la commercialisation. Pour y parvenir, il compte faire appel à un cabinet spécialisé. Lauréat du concours de création de business plan (section « meilleur produit ») lors du Challenge du bassin du
Congo organisé en 2013 par le Réseau des Congolais de l’extérieur, Parfait Kissita a décroché une subvention de 50 000 euros, débloquée en 2014. « La première tranche m’a permis d’accélérer l’aménagement de nos nouveaux locaux, explique-t-il. Et la seconde d’améliorer l’étiquetage, mais aussi d’acheter divers matériels, dont un coupeur-broyeur, des capsules et du matériel pour le conditionnement. » De quoi produire plus de jus de fruits (15 000 bouteilles par mois), se diversifier (conserves de tomates, de légumes, concentrés de jus…) et réorienter la stratégie commerciale. Jusqu’à présent, le Cabinda, l’enclave angolaise voisine, absorbait 60 % de la production de l’entreprise, le reste étant commercialisé à Pointe-Noire. Mais avec la baisse des revenus liés à la chute des cours du brut et du dollar, l’Angola devient moins intéressant et Cuba libre prospecte de nouveaux marchés. ● muriel DeVeY mAlu-mAlu n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
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romain Gardon Salsa sauce congolaise
V
enue de Cuba, la salsa a fait fureur en Afrique dans les années 1960, avant de perdre du terrain au début des années 1980, avec l’arrivée, entre autres, du zouk et du rap. Pour la « sauver », Romain Gardon (Romain Nimi de son vrai nom) a donc créé le groupe SOS Salsa. « Il fallait la remettre au goût du jour, de façon à ce qu’elle s’impose à nouveau. Notamment auprès des jeunes, qui la considéraient comme une musique de vieux », explique le fondateur de l’orchestre. Pari réussi. Vingt ans plus tard, le groupe formé le 27 août 1995 fait toujours vibrer les Congolais de 7 à 77 ans. Romain Gardon a rapporté la salsa du pays de Fidel Castro où, comme bon nombre de ses compatriotes, il a fait ses études. « J’ai quitté mon village de Kimango [dans le Niari] à l’âge de
se produisait « lors de soirées musicales et de festivals de musique interécoles où chaque pays africain était représenté », se souvient-il. L’adolescent s’initie à la guitare, à l’harmonica et, en 1990, il fait ses gammes au piano. Il compose, écrit ses textes (« des chansons révolutionnaires et patriotiques, ou parlant de la vie de tous les jours »), remporte quelques premiers prix lors de festivals et intègre l’orchestre de sa faculté,
12 ans, en 1982, pour l’île de la Jeunesse [la deuxième de Cuba par sa superficie]. Et j’y ai passé vingt ans. » Collège, lycée, université… Le jeune homme est sorti de son long cursus cubain avec un master en génie chimique, spécialisé en technologies des productions chimiques. Une option qu’il n’avait pas choisie : « On nous imposait une filière », explique-t-il. Lorsqu’il rentre au Congo, en juillet 1995, Romain en 2010, il écrit des titres en Gardon rapporte dans ses lingala, en kituba, en soundi… bagages, outre son diplôme, des livres, une guitare… et et plus seulement en espagnol. un piano. Car durant son long séjour à Cuba, il s’est découvert une à l’université Marta-Abreu-de-Las Villas, passion pour la musique et la danse. Dès à Santa Clara. À l’époque, s’il s’amuse à son arrivée sur l’île de la Jeunesse, il a imiter Los VanVan ou Irakere, de grands créé un petit orchestre de musique tragroupes cubains de salsa, il n’est pas ditionnelle congolaise, Les Patriotes, qui encore un salsero. Il le deviendra après avoir rejoint le Condado Band, qui lui offre son soutien lorsqu’il se présente au concours Découverte RFI, en 1994.
© MurieL deVeY MaLu-MaLu
tabac. De retour au Congo l’année suivante, à défaut de trouver un emploi correspondant à son cursus, Romain Gardon décide de faire de la musique son métier, au grand dam de sa famille. Il forme SOS Salsa avec des amis qui ont également fait leurs études à Cuba… et immédiatement, l’album Somos africanos fait un tabac. Après la parenthèse des années 1997-1998, le groupe se relance avec l’appui du groupe Digital Radio Télévision (DRTV), la première chaîne privée du pays, qui est aussi une maison de production. Le succès est encore au rendez-vous, surtout en 2010, avec la sortie de l’album Gracias (avec trois titres phares: « Gracias », « Taba mobangue » et « La Berceuse ») et l’apparition de titres écrits en lingala, en kituba, en soundi, en kongo et en français, et non plus seulement en espagnol. Pour fêter ses 20 ans, SOS Salsa, seul groupe à jouer de la salsa au Congo, a programmé une série de concerts, dont « le plus grand cabaret ambulant d’Afrique », à l’Institut français de Brazza. Le clou du spectacle est prévu le 27 août avec la tenue, à Brazzaville, d’un congrès international de la salsa (avec l’appui de l’ambassade… du Venezuela) et la sortie de l’album Wo, Wo, Wo, en collaboration avec la célèbre chanteuse de RD Congo Mbilia Bel. ● Muriel DeVeY Malu-Malu n o 2848-2849 • du 9 au 22 août 2015
jeune afrique
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Le Plus de J.A. Congo concernaient davantage ceux qui sont nés au Congo. Les “Européens” y sont beaucoup moins sensibles, pour des raisons de culture, mais aussi parce qu’ils n’ont pas les réseaux sur place. » S’il n’a jamais rien vu, le technicien franco-algérien affirme qu’il y a encore beaucoup Au sein de l’équipe nationale comme dans la plupart des sélections de superstitions. « Ils sont très discrets, sur le continent, le fétichisme fait plutôt bon ménage mais je sais que certains joueurs cachent avec le football. Mais le sujet reste tabou. de petits objets fétiches dans les shorts, les chaussettes et les chaussures avant lus ils y sont sensibles, moins ils Le Roy, qui connaît l’Afrique par cœur d’entrer sur le terrain. » en parlent. La simple évocation pour avoir trimbalé sa longue tignasse À Pointe-Noire, où joue souvent la blonde au Cameroun (deux fois), au d’un article sur les fameux grisélection nationale, « des gens viennent gris fait fuir les interlocuteurs, Sénégal, en RD Congo (deux fois), au bénir le stade, et cela n’est pas gratuit », Ghana et, depuis la fin 2013, au Congo, souligne par ailleurs Kamel Djabour, y compris les habitués des médias et ceux qui ne sont pas nés ou ne vivent rappelant que si ces pratiques constituent un véripas sur le continent. Ainsi, plusieurs « si un joueur écoute uniquement joueurs congolais ont poliment décliné table business, le recours au son marabout, cela peut avoir des l’invitation qui leur avait été faite de parler fétichisme se fait en tête à effets désastreux. » (même sous le couvert de l’anonymat) tête, dans l’intimité d’une ClauDe le Roy, sélectionneur de l’équipe nationale de l’impact des différentes croyances chambre ou dans un coin au sein de la sélection. « Voyez plutôt de vestiaire. « C’est tout le avec untel, il est beaucoup plus à l’aise assure n’avoir jamais empêché un joueur contraire pour la religion, constate Claude sur la question… » Et untel, bien sûr, ne d’avoir recours aux services de son maraLe Roy. On dit que c’est quelque chose de décrochera jamais. très personnel mais, dans de nombreuses bout. « À une condition, précise-t-il. C’est « Cela ne m’étonne pas vraiment, que l’on ne m’impose pas cette personne équipes de football, les joueurs prient s’amuse Claude Le Roy, le sélectionneur dans mon staff technique. Je ne dis pas avant les matches, et parfois même avant des Diables rouges. Ils sont presque tous cela au hasard, car je sais que c’est déjà les entraînements. Ils se réunissent entre très croyants et le fétichisme reste assez arrivé… Et si un joueur se met à écouter eux et font une prière collective. » uniquement son marabout, cela peut présent, mais ils gardent cela pour eux, avoir des effets désastreux. » c’est quelque chose de très personnel. Les évangéliques. Comme d’autres pays grigris font partie de la culture africaine, Depuis Bamako, où il entraîne désorafricains à forte majorité chrétienne, le même si j’ai parfois le sentiment que le mais le prestigieux Stade malien, Kamel Congo connaît aussi, depuis une quinphénomène a un peu perdu du terrain Djabour (qui a dirigé la sélection congozaine d’années, l’influence grandissante au profit de la religion. » Et le Français laise en 2012-2013) se souvient du baldes Églises évangéliques, souvent plus d’ajouter : « Je pars toujours du principe let incessant qui rythmait les veilles de démonstratives dans leurs pratiques, qu’en Afrique je ne suis pas chez moi match des Diables rouges. « Les joueurs notamment au sein des courants penet que je dois m’adapter à la culture du reçoivent beaucoup de visites. Et ce ne tecôtistes et baptistes. Jeune retraité de sont pas seulement des membres de la pays où je vis. Même si l’entraîneur que je 36 ans et ex-membre éminent de la sélecsuis doit aussi veiller à ce que ces choses famille… Mais ils sont très discrets. Il tion congolaise, Oscar Ewolo, qui a longpeut y avoir un féticheur par joueur. J’ai personnelles ne perturbent ni mon travail temps été capitaine des Diables rouges cependant remarqué que ces pratiques ni la vie du groupe. » et défenseur de clubs français (Brest, Sport
Diables rouges, grigris, motus et bouche cousue !
P
Bienvenue à bord et bonne lecture. Retrouvez-nous sur vos compagnies aériennes préférées.
Trêve olympique Amiens, Lorient, Laval), est d’ailleurs devenu pasteur évangélique en Bretagne. « Il y a aussi eu une mode venue du Brésil. Pendant la Coupe du monde de 2002, on voyait beaucoup les joueurs brésiliens prier à genoux, tous ensemble, au milieu de la pelouse », rappelle Le Roy, qui ignore la proportion réelle d’évangéliques au sein de son effectif. « On compte aussi quelques musulmans, des non-croyants,
jeune Afrique
et en tout cas aucun problème confessionnel, souligne-t-il. Celui qui ne croit pas en Dieu et ne veut pas participer à la prière ne sera pas mal considéré par les autres. » S’il laisse chacun vivre ses croyances et sa foi comme il l’entend, le coach ne tolère cependant aucun prosélytisme dans son vestiaire. « Mieux vaut que je ne le sache pas… » ● Alexis BilleBAUlT
n o 2848-2849 • du 9 Au 22 Août 2015
Banque des États de l’Afrique Centrale
BEAC
Banque des États de l’Afrique Centrale
Pilier de la coopération monétaire et socle de l’intégration économique en Afrique Centrale
L
a Banque Centrale des six États qui constituent la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC :
Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale et Tchad. Établissement public international africain, la BEAC a été créée dans le cadre des accords de coopération monétaire signés à Brazzaville, au Congo, les 22 et
Garant de la politique monétaire La BEAC émet le franc de la coopé-
23 novembre 1972.
ration monétaire en Afrique Centrale
Depuis cette date, la BEAC accomplit les missions
libératoire sur le territoire de l’ensemble
suivantes au service des pays de la CEMAC : ● définition et conduite de la politique monétaire de
l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC ou Union) ;
(F CFA), ayant cours légal et pouvoir des six pays de l’UMAC et elle en garantit la stabilité. En outre, la BEAC est chargée de définir et de conduire la politique moné-
● émission de la monnaie fiduciaire ;
taire de l’UMAC, de conduire la politique
● conduite de la politique de change de l’Union ;
de change, de promouvoir la stabilité
● gestion des réserves officielles de change des États
membres ; ● supervision des systèmes de paiement et de règlement ; ● promotion de la stabilité financière dans l’Union.
PUBLI-INFORMATION
financière, de détenir et de gérer les réserves officielles de change des États membres, de promouvoir et de veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement et de règlement.
Partenaire fiable et engagé au service
tique monétaire pour améliorer l’intermédiation financière et l’approfondissement des marchés de capitaux, facteurs favorables au financement des investissements. D’ores et déjà, depuis 2010, après
des États-membres, des acteurs éco-
avoir porté sa participation dans le capi-
nomiques et des populations de la CE-
tal de la BDEAC de 6 % à 32 %, la BEAC
MAC, la BEAC est également un organe
a lancé en novembre 2011 le marché
engagé dans le développement et l’intégration économique en Afrique Centrale. Sans préjudice de son objectif de stabilité financière, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États-membres. Elle prend aussi une part active à la promotion et au renforcement des marchés de
des titres publics émis par adjudication et fait adopter par le Comité ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC), en octobre 2012, deux règlements CEMAC relatifs au taux effectif global et à l’usure. Elle a relevé, en mars 2013, le plafond réglementaire des créances totales de la BEAC sur chacun des États de la CEMAC, puis a consa-
capitaux en Afrique Centrale pour mieux
cré, en octobre 2013, l’élargissement de
appuyer le développement et l’intégra-
la gamme des actifs admissibles comme
tion économiques dans la CEMAC. À
collatéral des opérations de politique
cet effet, elle encadre et favorise les
monétaire.
émissions de titres publics par les États membres et œuvre à la construction d’un système bancaire sain et solide. La BEAC entretient des relations bilatérales étroites avec plusieurs de ses homologues africains et participe activement au rayonnement de l’Association des Banques Centrales Africaines
Enfin, la BEAC a approuvé, en décembre 2014, deux projets de règlements CEMAC pour redynamiser le marché interbancaire à travers, d’une part, le dispositif d’encadrement des opérations de pension livrée et, d’autre part, l’institution d’un marché des titres de créances négociables. Ces diverses actions visent à renfor-
(ABCA) dont elle accueillera en août
cer l’efficacité de la politique monétaire
prochain la 38ème session ordinaire.
commune et à garantir par conséquent
S’appuyant sur l’esprit de solidarité et de discipline de ses États membres, la BEAC est résolument engagée à appor-
le financement non inflationniste des économies de la CEMAC. Elles vont se poursuivre en 2015 avec,
ter son concours à l’émergence écono-
notamment :
mique des États de la CEMAC au béné-
I- le lancement d’une base des données
fice de leurs populations.
économiques, monétaires et financières
Le plan d’action 2015
(BDEMF) ; II- la création d’une centrale des bilans,
Dans ce cadre, et compte tenu de
pour améliorer l’information sur les en-
l’évolution des économies de la CEMAC
treprises et ainsi encourager leur finan-
en 2014 (lire le mot du Gouverneur ci-
cement ;
contre), la BEAC engagera cette année ses actions suivant trois objectifs :
Lucas Abaga Nchama Gouverneur de la BEAC L’année 2014 aura été marquée par une reprise au ralenti de l’économie mondiale et le repli des cours des matières premières exportées par les pays de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), singulièrement le pétrole.Cependant, en dépit de cette évolution, l’expansion économique de la CEMAC s’est poursuivie grâce au dynamisme du secteur non pétrolier et des investissements publics, avec un taux de croissance du PIB réel estimé à 4,4 % en 2014, contre 1,6 % en 2013. Dans cette perspective, et sans préjudice de ses missions statutaires, la BEAC continuera de soutenir le développement des économies de la CEMAC en général, et les politiques d’émergence engagées dans les différents États de la Communauté
III- l’instauration d’une méthodologie moderne de gestion de la liquidité ban-
I- la promotion continue des systèmes et
caire sur le marché monétaire pour une
moyens de paiement modernes pour une
régulation optimale du refinancement du
inclusion financière accrue ;
système bancaire par la Banque Cen-
II- le suivi de la stabilité du système fi-
trale, afin de garantir un environnement
nancier sous régional ;
non inflationniste, indispensable à une
III- la poursuite de la réforme de sa poli-
durable des pays de la CEMAC.
croissance économique harmonieuse et
Banque des États de l’Afrique Centrale
BP 1917, Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 222 23 40 30/222 23 40 60 Fax : (+237) 222 23 34 68
www.beac.int
Réalisation DIFCOM - Photos : D.R.
Acteur du développement et de l’intégration économique en Afrique Centrale