Jai 2348 plus monaco 2006

Page 1

I S R A Ë L : APRÈS SHARON

l’intelligent JEUNE AFRIQUE

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 46 e ANNÉE

n° 2348 • du 8 au 14 janvier 2006

ENQUÊTE

L’Algérie peut-elle se passer de Bouteflika ?

PRÉVISIONS 2006 : ce qui nous attend

CÔTE D’IVOIRE

L’HISTOIRE SECRÈTE DU NOUVEAU GOUVERNEMENT Comment Charles Konan Banny a constitué son équipe. Au terme d’un véritable marathon...

ÉDITION I NTE R NATIONALE

www.jeuneafrique.com

• France 3 € • Afrique du Sud 29,95 rands (tax inc.) • Algérie 120 DA • Allemagne 4 € • Autriche 4 € • Belgique 3 € • Canada 5,25 $ CAN • DOM 3 € • Espagne 3,60 € • Finlande 4 € • Grèce 3,60 € • Italie 3,60 € • Libye 2,20 DL • Luxembourg 3 € • Maroc 20 DH • Pays-Bas 3,60 € Portugal cont. 3,60 € • Royaume-Uni 3 £ • Suisse 5,50 FS • Tunisie 2,5 DT • USA 5,25 $ US • Zone CFA 1 500 F CFA • ISSN 0021 6089

M 01936 - 2348 - F: 3,00 E

3:HIKLTD=[UXUUU:?c@n@e@s@a;



Dans

l’intelligent et nulle part ailleurs JEUNE AFRIQUE

POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

CE QUE JE CROIS Par Béchir Ben Yahmed LA SEMAINE L’actualité en bref CONFIDENTIEL Politique, économie, société et culture FOCUS Les dernières nouvelles du monde 12 à

4 6 8 19

MONDE Syrie L’affaire Khaddam Prévisions 2006 : ce qui nous attend France Les nouvelles ambitions de la « Coopé »

Interview Roger Dehaybe : « La Francophonie, c’est le contraire du néocolonialisme »

20 24 28 34

AFRIQUE SUBSAHARIENNE Côte d’Ivoire L’histoire secrète du nouveau gouvernement Mutinerie ou tentative de putsch ? Tchad-Soudan Frères ennemis Bilan Sud-Soudan, un an après RD Congo Tous aux urnes ! Sport La lutte des places Coopération Dis-moi qui t’a rendu visite, je te dirai combien tu pèses

38 41 44 46 47 48

38

50

LE PLUS DE L’INTELLIGENT Monaco Au-delà des paillettes

Côte d’Ivoire Le Premier

ministre Charles Konan Banny a mis trois semaines à constituer son équipe. Coup de projecteur sur les tractations, consultations et marchandages qui ont tenu en haleine tout le pays.

53

AFRIQUE DU NORD L’Algérie peut-elle se passer de Bouteflika ? Libye Le réveil de l’opposition en exil Histoire L’épopée des Marocains du Vietminh

66 70 72

ECOFINANCE La vie économique et le monde des affaires Voir le sommaire en p. 75

LIRE, ÉCOUTER, VOIR Livres Coups de cœur et coups de chapeau Cinéma Berlusconi, guignol de l’info Festival Fest’Africa : N’Djamena malgré tout

90 94 96

VOUS & NOUS Vos lettres et courriels

107

RUBRIQUES Arrêt sur image 7 Ils ont dit 19 ● En aparté 23 ● Kiosque 26, 30, 95, 111 ● Balises 32 ● Ce jour-là 37 ● Forum 43 ● Humeur 45, 106 ●

Ça vous intéresse 49, 71 On en parle 68 ● Profil 69 ● Science et médecine 96 ● La vie des livres 97 ● Instantané 110 ● Il y a 40 ans dans J.A. 112 ● Post-scriptum 114 ●

66

Algérie L’accueil populaire réservé au chef de l’État lors de son retour au pays a pris des allures de plébiscite. Mais pose aussi des questions sur le système politique et son fonctionnement. CONTACTEZ-NOUS

SERVICE ABONNEMENTS B.P. 90006, 59718 LILLE CEDEX 9; Tél.: 33 3 20121134; Fax: 33 3 20121112; Courriel: jeuneafrique@cba.fr SERVICE DIFFUSION 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris ; Tél.: 33 1 44301960; Fax: 33 1 45200967; Courriel: ventes@jeuneafrique.com PHOTOS DE COUVERTURE : L. LARBI/REUTERS MAXPPP ; TH. GOUEGON/REUTERS

Le devoir d’informer, la liberté d’écrire J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

3


CE QUE JE CROIS

Béchir Ben Yahmed

SAMEDI 7 JANVIER

Le grand tournant

J

e veux attirer votre attention sur une première dans l’histoire de l’humanité : sans guerre ni épidémie grave, un pays, et pas n’importe lequel, a vu, en 2005, sa population non pas augmenter en nombre, mais commencer à décliner. Ce pays, c’est le Japon, deuxième économie mondiale et, avec 127 millions d’habitants, la dixième nation par la population. Précises et implacables, les statistiques nous apprennent qu’il y a eu au Japon, en 2005, plus de décès que de naissances et, par conséquent, quelque vingt mille Japonais de moins à la fin de l’année. D’accord avec ceux des autres pays et de l’ONU, les démographes japonais estiment que ce déclin est inexorable et qu’il va aller en s’accentuant. Selon leurs prévisions, les Japonais seront moins de 100 millions en 2050 et passeront sous la barre des 50 millions vers 2100. Cette spectaculaire inversion de tendance donne le vertige. ✸ C’est que, très bien soignés et convenablement nourris, les Japonais bénéficient déjà de l’espérance

de vie la plus élevée au monde : 77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes en 2004. Il en découle que le nombre de morts par an diminuera peu. Ce sont les naissances qui font, et feront, défaut. Le baby-boom japonais de l’après-Seconde Guerre mondiale n’est plus qu’un lointain souvenir, et le taux de fécondité des Japonaises est désormais l’un des plus bas du monde : moins de 1,3 alors qu’il devrait être égal ou supérieur à 2,1 pour assurer le renouvellement des générations et le maintien de la population à son niveau. Espérance de vie la plus élevée du monde et taux de fécondité parmi les plus bas de la planète conjuguent donc leurs effets pour conduire le Japon à être le premier pays à connaître un déclin démographique impressionnant et qui s’accompagne d’un vieillissement continu de la population : dans très peu d’années, au Japon, près d’un tiers de la population aura 65 ans et plus, dont 20 % de plus de 75 ans… ✸ Ce n’est pas tout, car les Japonais ont une autre spécificité qui aggrave leur situation démographique :

HUMOUR, SAILLIES – ET SAGESSE (LXXXIII) Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y.

■ Un être qui s’habitue à tout, voilà, je pense, la meilleure définition qu’on puisse donner de l’homme. FEDOR DOSTOÏEVSKI ■ L'intelligence est presque inutile à celui qui ne possède qu'elle. ALEXIS CARREL ■ Nous ne demandons pas aux jolies femmes d'être intelligentes, mais nous ne pardonnons guère aux femmes intelligentes d'être laides. JEAN MISTLER ■ La langue est la mère, non la fille, de la pensée. KARL KRAUS ■ Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. HENRI LACORDAIRE

4

■ À Paris, les trois grandes fêtes juives sont : d'abord Rosh ha-Shana (le nouvel an juif). Ensuite Yom Kippour (le grand pardon) et enfin le Salon du prêt-àporter. POPECK ■ Un grand écrivain est un homme qui sait nous surprendre en nous disant ce que nous savions depuis toujours. JEAN ROSTAND ■ Vos enfants ne sont pas vos enfants. Ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à elle-même. Ils viennent à travers vous, mais non de vous. Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. KHALIL GIBRAN

■ Pour voir l'horizon, il ne faut pas être horizontal. GOLL ■ Si vous fermez la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors. RABINDRANATH TAGORE ■ L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ? PAUL VALÉRY ■ Il n’y a pas d’efforts inutiles. Sisyphe se faisait les muscles. ROGER CAILLOIS ■ S’expliquer, c’est mentir. JACQUES PERRET ■ Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase. ANAÏS NIN ■ Plus on a souffert, moins on revendique. Protester est un signe qu’on n’a traversé aucun enfer. ÉMILE M. CIORAN

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


L’Asie, où « le combat pour l’espace et la nourrihabitant un archipel, ils ont développé une mentalité d’insulaires, vivent repliés sur eux-mêmes et sont ture » est déjà engagé, sera-t-elle avantagée ou handicapée par le fait d’avoir la densité de population au très peu réceptifs à l’immigration. Le nombre et le taux des étrangers installés au km 2 la plus élevée et d’abriter plus de 50 % de la Japon sont les plus faibles du monde (quelque 2 mil- population de la planète ? Les grandes villes chinoises lions de personnes, soit 1,5 % de la population). Moins et indiennes, qui auront 20, 30 ou même 50 millions nombreux encore sont ceux parmi eux qui se mélan- d’habitants, pourront-elles fonctionner ? ✸ gent aux autochtones par le mariage ou s’enracinent Depuis qu’ils existent, et plus particulièrement au par la naturalisation. L’ensemble des facteurs ci-dessus font du Japon cours des deux derniers siècles, les hommes ont donc un cas extrême et… un précurseur, car d’autres pays, connu une longue période de croissance démogradont l’Allemagne, troisième puissance économique phique, aussi régulière qu’ininterrompue. Avec des pyramides des âges à bases très larges, mondiale, et l’Italie, sont sur le point de prendre le car fondées sur une population jeune très nombreuse. même chemin. L’ère dans laquelle est entré le Japon en 2005 est La Russie voit, elle aussi, sa population décroître, à cause de la baisse de la natalité mais aussi du fait caractérisée par une extraordinaire inversion de tende la surmortalité : sida, alcoolémie, dégradation du dance. Si j’ai choisi d’y consacrer cette première chronique de 2006 et d’attirer votre attention sur ce système de santé. « grand tournant », c’est qu’il intéresse l’humanité ✸ On sait que le nombre d’êtres humains est passé tout entière. Le Japon n’est, je l’ai dit, qu’un précurseur. Il nous de 5 millions environ il y a dix mille ans à 6,5 milliards en 2005 : il a donc doublé une douzaine de fois, faut donc observer la manière dont les Japonais vont et de plus en plus vite. Nous étions 1 milliard en 1802, négocier ce tournant démographique et résoudre les 2 milliards en 1927 (125 ans après), 3 milliards en 1961 formidables problèmes qu’il va leur poser, car leurs problèmes de demain sont nos problèmes d’après(34 ans après) et 4 milliards en 1974 (13 ans après). On sait aussi que ce rythme de croissance a cul- demain. ■ miné au XXe siècle, que la population mondiale augmente encore de 80 millions par an et que cette *Selon les calculs des Nations unies, la part des 60 ans et plus augmentation se fait, pour l’essentiel ou la quasi- est actuellement de 10 % dans la population mondiale et de 20,2 % en Europe. Mais, en 2040, elle devrait monter à 21,4 % totalité, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. dans le monde et à 35,1 % en Europe. On sait, enfin, qu’il n’y aura plus jamais de dou- Sur la même période, l’âge médian (qui divise la population en blement : vers le milieu de ce siècle, les humains seront deux parties égales) devrait augmenter de 26,4 à 36,8 ans dans quelque 9 milliards, leur nombre se stabilisera à ce le monde et de 37,7 à 47,7 ans en Europe. pic, avant de commencer à diminuer au prochain siècle (voir Évolution projetée de la population mondiale (en millions d'habitants) tableau). en 2025 en 2030 en 2040 en 2050 en 2100 en 2150 D’ici là, à des degrés divers et plus ou moins vite, tous AFRIQUE 1 349 1 463 1 704 1 803 2 254 2 083 les pays connaîtront une élévation de l’âge moyen de la po1 087 1 122 1 181 1 215 1 206 1 165 AMÉRIQUE pulation, son vieillissement*. Comment géreront-ils ce chan4 759 4 872 5 091 5 222 5 019 4 650 ASIE gement structurel ? ✸ 720 698 677 631 538 550 EUROPE La planète sera-t-elle surpeuplée lorsqu’elle comptera 41 42 45 46 46 45 OCÉANIE 9 milliards d’êtres humains ? Pourra-t-elle supporter 2 mil7 956 8 197 8 698 8 917 9 063 8 493 TOTAL liards et demi d’êtres humains SOURCES : INED, ONU de plus et les faire vivre ?

bby@jeuneafrique.com

5


LA SEMAINE P RÉSENTÉE

PAR

(DU 31 DÉCEMBRE AU 6 JANVIER)

É LISE C OLETTE

Besigye, libre et en campagne OUGANDA

ALLEMAGNE

À peine sorti de prison, Kizza Besigye reprenait son combat politique. L’ancien médecin du chef de l’État ougandais Yoweri Museveni est aujourd’hui son principal adversaire pour la présidentielle du 23 février. Libéré sous caution le 2 janvier, après avoir été incarcéré pendant près de deux mois pour viol et trahison, il n’en a pas moins tenu un meeting dès le lendemain. « Nous devons lutter par tous les moyens pour ramener la bonne gouvernance dans notre pays », at-il lancé à ses partisans.

Depuis le 1 er janvier, les autorités du Land allemand du BadeWurtemberg ont durci les conditions d’obtention de la nationalité pour les immigrés musulmans. Désormais, ils pourront être soumis à un questionnaire spécifique en cas de doute sur leur capacité à s’intégrer. Jusqu’à présent, ils devaient simplement attester d’un minimum de connaissances de la Loi fondamentale (la Constitution) et signer une profession de foi. Le Conseil central des musulmans en Allemagne s’insurge contre ces « examens de loyauté », « discriminatoires et stigmatisants ». Le ministère de l’Intérieur répond que le recours au questionnaire ne sera ni obligatoire ni systématique.

IRAK

L’otage oubliée parle

À l’occasion d’un entretien paru dans l’hebdomadaire allemand Stern le 3 janvier, Susanne Osthoff revient sur son enlèvement du 25 novembre en Irak, sa captivité, et son retour au pays un mois plus tard. « Je pense que les Allemands me détestent », résume « l’otage oubliée ». La présence de cette archéologue passionnée en Irak a été très critiquée par l’opinion allemande. Après le traumatisme subi lors de son enlèvement, elle doit aujourd’hui s’accommoder de l’image de « cinglée » et de celle de mère indigne. La mobilisation de ses concitoyens est donc restée très discrète et silencieuse, à la différence du soutien que les Français avaient accordé à Florence Aubenas, lors de son retour d’Irak en juin.

Le 4 janvier, des heurts ont éclaté dans un township de Pretoria entre les étrangers, qui rentraient après avoir passé les fêtes chez eux, et les Sud-Africains. Deux hommes sont morts et une dizaine d’entre eux ont été blessés.

COOPÉRATION

Londres assisté, à contrecœur

Après avoir choqué en France en distribuant des tentes aux sans-abri parisiens en décembre, l’ONG

MIKE ODONGKARA/EPA/SIPA

Musulmans à l’épreuve

française Médecins du monde s’attaque à la misère londonienne. À la mijanvier, elle ouvrira, dans un quartier populaire de Londres, un dispensaire où les consultations seront gratuites. C’est la première fois qu’une branche de l’organisation s’implante dans le royaume. Une initiative fraîchement accueillie par les autorités locales. Elles n’apprécient pas une assistance qu’elles considèrent réservée aux pays en développement.

La guerre du gaz

AFRIQUE DU SUD

Violences et xénophobie

« L’eldorado » sud-africain attire de nombreux immigrants venus de tout le continent. Les Zimbabwéens et Mozambicains sont plus d’un million à s’y être installés. Ils sont très mal vus par la population qui les accuse de leur voler le peu de travail disponible.

6

Dessin de Chappatte paru dans l’International Herald Tribune (quotidien, France). J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


LA MECQUE

Un immeuble vétuste de neuf étages, situé dans une ruelle très passante, s’est effondré le 5 janvier, faisant au moins cinquante morts et plus de soixante blessés parmi les pèlerins. La catastrophe est arrivée à l’heure de la prière. La majorité des victimes se trouvait donc à l’extérieur. Un incendie, dont l’origine est encore indéterminée, aurait causé le drame. L’accident vient endeuiller le début du traditionnel hadj, alors qu’un million de pèlerins étaient déjà arrivés sur place.

PIRATERIE MARITIME

Chères assurances

Les assureurs ripostent ! Certes, les actes de piraterie maritime sont moins nombreux : sur les neuf premiers mois de l’année 2005, 205 attaques ont été recensées par le Bureau maritime international, contre 251 à la même époque en 2004. En revanche, elles sont plus violentes. Face à cette montée des périls, la compagnie londonienne Lloyds a décidé que les navires opérant dans des eaux « dangereuses », notamment au large de la Chine, de l’Indonésie, du Nigeria et de la Somalie, devront souscrire une assurance similaire à celle couvrant les risques de guerre.

CHINE-AFRIQUE

Les affaires marchent

Lesrelationscommerciales entre la Chine et l’Afrique ont franchi un nouveau palier en 2005. Selon le ministère chinois du Commerce, le volume des échanges atteindrait

L. MAZOCH/AP SIPA

Triste pèlerinage

ARRÊT SUR IMAGE « El Libertador » Hugo Chávez, le président du Venezuela, offre toujours à ses invités de marque une réplique de l’épée de Simón Bolívar – le père des indépendances latino-américaines. Le 3 janvier à Caracas, c’est avec une émotion particulière qu’il l’a remise au nouveau président bolivien, Evo Morales, son élève en matière de lutte contre l’influence américaine et dont le pays porte le nom du glorieux libérateur. le niveau record de 37 milliards de dollars en 2005, contre 30 milliards en 2004. Sur les cinq dernières années, le commerce bilatéral a plus que triplé. Les investissements chinois en Afrique représentent 175 millions de dollars dans divers secteurs (agriculture, transport, commerce, construction) pour les dix premiers mois de 2005. Pékin encourage ses entreprises à créer des joint-

ventures avec les partenaires africains en finançant un certain nombre d’initiatives et en accordant des prêts à taux réduits.

BANQUE

Les Français en Égypte

Après MIB Bank, reprise en août dernier par la Société générale, l’Egyptian American Bank (EAB), troisième banque privée du pays, s’offre au Crédit agri-

Le virus tue enTurquie

GRIPPE AVIAIRE

La grippe aviaire a fait une nouvelle victime en Turquie, le 6 janvier. Après la mort de deux adolescents âgés de 14 et 15 ans, la fillette de 11 ans était traitée depuis six jours à l’hôpital de Van, dans l’est du pays. C’est le troisième décès dû au virus H5 N1 à se produire au sein de la même famille, originaire d’Anatolie orientale. Plus grave, la mort des trois enfants représente le premier cas de transmission du virus à l’homme, déclarés hors d’Extrême-Orient, où cette maladie a tué plus de 70 personnes. Une quinzaine de malades présentant des symptômes de la grippe aviaire sont actuellement soignés à Van.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

cole, qui prend 74,6 % du capital pour 420 millions d’euros. La consolidation du secteur bancaire égyptien doit se poursuivre avec la privatisation prochaine de la Banque d’Alexandrie, que convoite une troisième française, BNP Paribas.

ÉTHIOPIE

Répression tous azimuts

Quelque 130 journalistes, intellectuels et membres de l’opposition ont été inculpés le 21 décembre de complot contre l’État en Éthiopie.Emprisonnés pour la plupart, les prévenus ont vu leur demande de remise en liberté sous caution rejetée par la Haute Cour fédérale, le 4 janvier. Leur procès a par ailleurs été ajourné au 23 février. Tous avaient été interpellés après les violences du mois de novembre, déclenchées à la suite de la victoire du pouvoir sortant lors des législatives de mai 2005. 7


CONFIDENTIEL Après son départ volontaire, en octobre 2005, de la Banque africaine de développement (BAD), dont il fut de longues années durant le secrétaire général, le Sénégalais Cheikh Ibrahima Fall rejoindra à la fin du mois de février la direction de la Banque islamique de développement (BID), à Djeddah (Arabie saoudite). Premier chantier de cet ancien vice-président de la Banque mondiale : la finalisation d’un rapport sur l’avenir de la BID au cours des vingt prochaines années.

ONU Sachs en Afrique

Conseiller de Kofi Annan pour tout ce qui concerne les « Objectifs du millénaire pour le développement » (OMD), l’économiste américain Jeffrey Sachs a commencé le 9 janvier une tournée africaine qui, jusqu’au 24 janvier, le conduira successivement au Kenya, au Malawi, en Afrique du Sud, au Nigeria, au Mali et au Sénégal. Il rencontrera de nombreux responsables politiques et des représentants des Nations unies afin d’évaluer les stratégies de lutte contre la pauvreté mises en place dans ces pays. Le premier des huit « OMD » est de réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2015. Sachs préconise pour cela une forte augmentation de l’aide versée par les pays riches. 8

RWANDA-OUGANDA Chiens de faïence Tendues depuis la fin des années 1990, les relations entre l’Ouganda de Yoweri Museveni et le Rwanda de Paul Kagamé – autrefois alliés – ne semblent pas en voie d’amélioration. Si le gouvernement de Kampala reproche à celui de Kigali d’avoir, il y a quelques mois, laissé transiter sur son territoire l’opposant Kizza Besigye, alors recherché par la Paul Kagamé (à g.) et Yoweri Museveni. police ougandaise, celui de Kigali formule à l’encontre de son voisin des griefs autrement plus graves. Kampala est en effet devenu une sorte de plaque tournante régionale pour nombre d’ex-« génocidaires » rwandais en cavale, ainsi que pour des dissidents de l’Armée patriotique rwandaise (APR) et du FPR, le parti au pouvoir à Kigali. Certains d’entre eux bénéficient de passeports diplomatiques ougandais, alors que d’autres font la navette entre l’Ouganda et les maquis de l’est de la RD Congo, près de la frontière rwandaise, où sévissent encore une dizaine de milliers d’ex-miliciens Interahamwes et de membres des ex-FAR (l’armée rwandaise au temps d’Habyarimana). « Je ne suis pas au courant ! » s’est exclamé Museveni lors d’une récente rencontre bipartite, avant de demander qu’on lui fournisse les preuves de cette présence. Les autorités rwandaises, qui ont aussitôt fait parvenir à Kampala les documents nécessaires, affirment n’avoir reçu aucune réponse. À l’évidence, Museveni, qui se targuait de posséder la meilleure armée de la région, n’a toujours pas pardonné à Kagamé l’humiliation subie par ses troupes à Kisangani, en 1999 et 2000. À trois reprises, celles-ci avaient été battues par l’APR, laissant sur le terrain plusieurs centaines de morts.

UNION AFRICAINE Après Obasanjo, qui? À deux semaines du Sommet de l’Union africaine (Khartoum, 23-24 janvier), on ne connaissait toujours pas l’identité du successeur du Nigérian Olusegun Obasanjo à la présidence de l’organisation. Hôte de la manifestation, le Soudanais Omar Hassan el-Béchir est naturellement sur les rangs, mais souffre de deux handicaps majeurs : le conflit du Darfour et son contentieux avec le Tchadien Idriss Déby (voir pp. 44-46). Il peut apparemment compter sur le soutien de la Libye, qui fait valoir que le Soudan est loin d’être le seul pays africain en crise... Pour éviter, en cas d’élection, d’apparaître comme juge et partie dans le dossier du Darfour, Béchir ne verrait aucun inconvénient à laisser Obasanjo continuer de diriger la médiation en cours. Reste que ni le Tchad, ni la France, ni les États-Unis (même si ces deux derniers pays n’ont évidement pas de pouvoir de décision) ne veulent entendre parler de sa candidature. D’autres solutions sont donc évoquées, à commencer par une nouvelle prorogation du mandat d’Obasanjo. Problème : l’Afrique du Sud et l’Égypte n’y sont pas favorables. Le Congolais Denis Sassou Nguesso bénéficie du discret soutien de Paris et de son voisin Omar Bongo Ondimba, lui-même approché, au mois de décembre, par Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission de l’UA. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

A. ZIEMINSKI/AFP

NOMINATION Cheikh Ibrahima Fall


SÉNÉGAL-CÔTE D’IVOIRE Un « go-between » de luxe

DISTINCTION Chedli Klibi

Charles Konan Banny, le nouveau Premier ministre ivoirien, a, selon des sources proches de la présidence, entrepris de « dissiper les malentendus » entre Laurent Gbagbo et le Sénégalais Abdoulaye Wade. Reçu par ce dernier le 5 décembre, puis le 2 janvier, Banny, qui a vécu quinze ans durant à Dakar à l’époque où il était à la tête de la BCEAO, s’efforce d’organiser une rencontre entre les deux hommes. Réussira-t-il là où Cheikh Tidiane Sy, le ministre sénégalais de la Justice, a échoué en dépit de plusieurs discrètes visites à Abidjan ? Rien n’est moins sûr, tant les membres de l’entourage de Gbagbo paraissent remontés après l’octroi d’un passeport diplomatique sénégalais à Guillaume Soro, le leader de la rébellion ivoirienne. « Connivence avec l’adversaire », accusent-ils.

Ministre de la Culture et de l’Information sous Bourguiba et ancien secrétaire général de la Ligue arabe (19801990), Chedli Klibi a reçu le titre de docteur honoris causa et la médaille d’honneur de l’Université de Tunis. Ces distinctions lui ont été remises le 29 décembre par le recteur Abderraouf Mah-

Au cœur du sommet de Niamey (12 janvier), le projet de réforme de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) comporte une incidence financière qui influera forcément sur la décision des chefs d’État (voir J.A.I. n° 2346-2347). La mise en place d’une nouvelle structure composée de neuf membres (un président de la commission, un vice-président et sept commissaires) nécessiterait en effet une enveloppe budgétaire d’environ 8 millions de dollars. Contre 12 millions de dollars pour une équipe de quinze membres. Les chefs d’État devront par ailleurs se prononcer sur le recrutement des fonctionnaires par appel à candidatures et sur le renforcement des prérogatives communautaires (application immédiate dans les quinze pays membres des décisions de l’organisation). De belles empoignades en perspective. En revanche, le renouvellement du mandat de quatre ans de l’actuel secrétaire exécutif, le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas, ne devrait pas poser de difficultés.

SYRIE Coup de filet ou coup de bluff ? Entre la chute de Bagdad, en avril 2003, et le début du mois de décembre 2005, les militaires et les gardes-frontières syriens auraient intercepté 1 315 extrémistes qui tentaient de s'infiltrer clandestinement en Irak. C’est en tout cas ce que font savoir les services diplomatiques de Damas, dans le but manifeste de démontrer la qualité de la collaboration syrienne à la lutte antiterroriste et de couper court aux accusations de collusion avec l’insurrection irakienne périodiquement lancées par les responsables américains. Les combattants étrangers arrêtés auraient été remis à leurs pays d'origine, soit par le biais de leur ambassade, soit par celui des « canaux de sécurité ». Parmi eux, 299 Jordaniens, 263 Saoudiens, 163 Algériens, 155 Tunisiens, 119 Yéménites, 86 Libyens, 71 Soudanais, 60 Libanais, 35 Marocains et 22 Égyptiens.

TUNISIE L’opposition se bipolarise Après la création au mois de décembre, à l’initiative de vingt-cinq personnalités allant des libéraux aux islamisants, du Mouvement du 18-Octobre, le parti Attajdid (excommuniste) de Mohamed Harmel lance à son tour une Alliance démocratique progressiste avec un groupe dit des communistes démocrates et divers indépendants. Ce qui met fin au rassemblement de l’opposition tunisienne qui s’était esquissé autour d’un candidat d’Attajdid lors de l’élection présidentielle de 2004. Contrairement au Mouvement du 18-Octobre, Harmel et ses amis sont hostiles à toute entente avec des islamisants. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

D.R.

CEDEAO Le coût d’une réforme

bouli, au cours d’une cérémonie qui s’est tenue à la Cité des sciences d’El-Menzah, près de Tunis, sous la présidence de Lazhar Bououni, le ministre de l’Enseignement supérieur. Le récipiendaire a donné une conférence où il s’est efforcé de mettre en évidence le rôle joué par l’éducation dans la sauvegarde de l’identité arabo-musulmane en Tunisie et au Maghreb, à un moment où celle-ci était menacée par la colonisation, mais aussi dans la formation des compétences qui ont participé à l’édification de l’État moderne. Né à Tunis en 1925, Klibi est titulaire d’une licence et d’une agrégation en langue et littérature arabes obtenues à la Sorbonne, à Paris, en 1947 et 1950. Écrivain, on lui doit plusieurs ouvrages en arabe et en français sur des thèmes littéraires et politiques.

9


CONFIDENTIEL (Suite)

ÉDITION Bienvenue à Ubu

Fondateur des éditions du Serpent à plumes avec son complice Pierre Astier, Pierre Bisiou lance une nouvelle société baptisée Ubu Éditions, qui envisage de publier une douzaine de livres par an. Le premier, qui paraît ce 12 janvier, est un roman de la Sénégalaise Ken Bugul intitulé La Pièce d’or. Suivront, en février, La Vie aventureuse d’un drôle de moineau, de Ken Ferguson, puis, Les Fantômes du Brésil, du Béninois Florent Couao-Zotti.

Conflits d’Afrique

Civil wars and coups d’État in West Africa, an attempt to understand and prescribe possible solutions: tel est le titre du livre qu’Issaka K. Souaré, le journaliste et écrivain d’origine guinéenne, publiera au mois d’avril aux éditions University Press of America. La version française est déjà entre les mains de l’éditeur américain, à charge pour ce dernier de négocier avec une maison francophone.

La RDC décryptée

Marie-France Cros, responsable de la rubrique Afrique du quotidien La Libre Belgique, et François Misser, correspondant à Bruxelles de la chaîne de télévision BBC-Afrique, publient le 15 janvier aux éditions Complexe un ouvrage intitulé Géopolitique du Congo, dans lequel ils décryptent les enjeux du processus de démocratisation et de pacification en RDC.

10

DETTE Promesses de riches Décidée au mois de juillet 2005 par les membres du G8, l’annulation de la dette multilatérale des dix-huit pays les plus pauvres pose de sérieux problèmes à la Banque mondiale, qui détient l’essentiel des créances. Pour ne pas pénaliser cette dernière, les pays riches s’étaient en effet engagés, à Gleneagles, à honorer les remboursements en lieu et place des pays pauvres. Or s’ils se sont mis d’accord sur un plan de remboursement jusqu’à la mi-2008, ils refusent de se lier les mains pour les quarante années que doit durer le processus d’annulation.

MALI Nouvelle banque privée Dotée d’un capital de 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros), la Banque pour le commerce et l’industrie (BCI-Mali) devrait démarrer ses activités dans le courant de l’année, dès l’approbation de sa demande d’agrément par les autorités monétaires maliennes. Lancée par l’homme d’affaires Isselmou Ould Tajedine, patron de la BCIMauritanie, elle vise plus particulièrement le créneau des échanges commerciaux et du crédit en Afrique de l’Ouest. Yves Delafon, son futur président, envisage de recruter une trentaine de cadres. Il ne cache pas son ambition de redynamiser la place financière de Bamako.

TUNISIE TÉLÉCOM Le grand jour reporté La date de remise des offres en vue de l’acquisition de 35 % du capital de Tunisie Télécom a été repoussée du 31 janvier au 7 mars, les candidats ayant demandé un délai supplémentaire pour étudier le dossier. Sur les treize sociétés préqualifiées, quatre se sont retirées : Telefónica (Espagne), Bouygues (France), Batelco (Bahreïn) et MTC (Koweït). Neuf restent en lice parmi lesquelles France Télécom, Vivendi, Telecom Italia et MTN.

TOURISME Hariri (fils) à Tunis À l’invitation de l’homme d’affaires tunisien Aziz Miled, Bahaeddine Hariri, fils de feu Rafic Hariri, l’ancien Premier ministre libanais, s’est rendu à Tunis, début janvier. À Tijani Haddad, le ministre du Tourisme, il a confié que son père avait, avant son assassinat (le 14 février 2005), de grands projets d’investissements dans le secteur touristique tunisien, notamment dans la région de Tabarka-Zouara, dans le nord du pays.

CHINE Li Zhaoxing en Afrique Li Zhaoxing, le ministre chinois des Affaires étrangères, se rendra du 11 au 19 janvier au Cap-Vert, au Sénégal, au Mali, au Liberia, au Nigeria et en Libye. Plusieurs accords de coopération économique et technologique seront signés à cette occasion. La tournée sera largement consacrée aux questions pétrolières, mais aussi à la préparation du Forum Chine-Afrique, qui se tiendra au troisième trimestre de cette année, sans doute à Pékin. Diplomate de carrière, Li fut en poste plus de dix ans durant dans divers pays africains.

Clémence fiscale Depuis le 1er janvier, les paysans chinois sont exemptés du paiement d’une taxe agricole vieille de... 2 600 ans ! Cette exonération vise à réduire les inégalités croissantes entre les villes et les campagnes : si 100 millions de Chinois (essentiellement dans les régions de Pékin, Shanghai et Canton) disposent d’un fort pouvoir d’achat, les 800 millions de paysans vivent pour la plupart dans la pauvreté. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


Espace offert par le support

Reporters sans frontières

JEANLOUP SIEFF POUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

N’ATTENDEZ PAS QU’ON VOUS PRIVE DE L’INFORMATION POUR LA DEFENDRE 80 pages de photographies pour 8 € seulement. Avec le concours de


FOCUS LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE

16 ESCLAVAGE Paris retrouve la mémoire 16 IMA À votre bon cœur, Messieurs les Arabes ! 17 TANZANIE Place aux femmes 17 ZIMBABWE L’Union africaine hausse le ton 18 DUBAÏ Succession en douceur 18 LIBERTÉ DE LA PRESSE Bilan contrasté 19 LITTÉRATURE Moisson hivernale

LIOR MIZRAHI/AP

Ehoud Olmert, chef de gouvernement par intérim, lors d’une réunion d’urgence, le 5 janvier.

ISRAËL

Un grand vide

Tournant majeur à l’échelle régionale, la disparition d’Ariel Sharon de la scène politique sera-t-elle pour autant une chance pour la paix ? Ridha Kéfi

L

e 11 novembre 2004, Ariel Sharon avait salué la mort de Yasser Arafat, son ennemi de toujours, comme le début d’« une nouvelle ère » et « une chance pour la paix ». Mais si elle ouvre, elle aussi, une nouvelle ère, la mort politique du Premier ministre israélien, devenue inéluctable après son grave accident cérébral de la semaine dernière, sera-t-elle pour autant une chance pour la paix ? Rien n’est moins sûr, même si la période

12

d’incertitude qu’elle ouvre pourrait amener, une fois le choc passé – ou peut-être grâce à lui –, les acteurs politiques des deux côtés du « mur de séparation », érigé du temps où Sharon et Arafat conduisaient encore leurs peuples, à se montrer plus réalistes. Et à comprendre que deux peuples voisins, condamnés à coexister, ne peuvent continuer à se faire la guerre indéfiniment et à ériger des murs de suspicion, de haine et de peur. En ces temps graves, où la vie d’un homme, qui a été un acteur excessif de tous les drames du Proche-Orient, tient à un souffle – et l’explosion des violences à une étincelle –, ne pourrait-on espérer que les « héritiers », des deux côtés de la « barrière de sécurité », redonneront du souffle à un processus de paix qui a tant besoin, lui aussi, d’être réanimé ? Au moment où nous mettions sous presse, Sharon, 78 ans, était dans un coma profond, placé sous respiration artificielle et luttait encore contre la mort, au département de neurochirurgie de l’hôpital Hadassah, à Ein Karem, un faubourg de Jérusalem, où il avait été admis d’urgence, quarante-huit heures auparavant à la suite J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


Ennemi intime Par François Soudan

QU’IL L’AIT OU NON VOULU – et tout porte à croire qu’à l’heure où l’Histoire la fait sienne, cette image de lui-même n’est pas pour lui déplaire –, Ariel Sharon aura été, aux yeux des Palestiniens et du monde arabo-musulman, l’archétype de l’ennemi. Tactique, politicienne, sa posture récente de colombe abreuvée d’injures par l’extrême droite israélienne, ordonnant l’évacuation forcée des colons de Gaza et unie dans un étrange mariage avec cet autre inoxydable de la vie politique israélienne qu’est Shimon Pérès, était bien trop fraîche et ressemblait par trop à un coup roublard, à une feinte opportuniste esquissée au pied du mur, pour que quiconque y ait vu l’ébauche d’une repentance. La vie de cet homme complexe, parfois contradictoire, le plus souvent brutal et expéditif, s’égrène comme le chapelet des lamentations palestiniennes. Terroriste à l’âge de 14 ans au sein de la Haganah, commandant de compagnie à 20 ans pendant la guerre de 1948, chef de l’Unité 101 – ce commando de choc qui s’illustra en 1953 par le massacre de 69 civils à Kibyeh au cours d’un raid dit de représailles –, officier parachutiste dans le Sinaï en 1956, patron d’une division blindée lors de la guerre des Six-Jours en 1967, « héros » six ans plus tard de la traversée du canal de Suez, Ariel Sharon incarne jusqu’à la caricature une politique de la force et du fait accompli menée avec autant d’arrogance que de bonne conscience. Ce visage d’un Israël hostile, agressif, irréconciliable avec son environnement arabe, « Arik le lion » le portera pour toujours à partir de 1982 et de l’invasion du Liban, dont il est le principal architecte. Obsédé par la mort d’Arafat et la destruction de l’OLP, il laisse se dérouler sans intervenir les tueries massives de Sabra et Chatila à Beyrouth, commises par ses affidés phalangistes libanais. De l’implantation massive des colonies à Gaza et en Cisjordanie au siège de la Mouqataa, résidence de l’Autorité palestinienne, en passant par l’immigration des Juifs d’Éthiopie et de Russie, du sabotage systématique du processus de paix à la provocation de l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, en septembre 2000, qui fut le détonateur de la seconde Intifada, ce centurion pour qui la politique était un baroud et la pérennité d’Israël une obsession névrotique a été au cœur de tous les tourments de cette terre sacrée. Même s’il lui faudra désormais apprendre à vivre sans lui et avec un Israël sans Sharon, le monde arabe, et particulièrement les Palestiniens, ne portera pas son deuil – c’est là un euphémisme. Cet homme au physique de char Merkava, qui écrasait tel un sumotori la vie politique de son pays, avait à grand-peine caché sa joie lors de l’annonce du décès de Yasser Arafat. Le regretter aurait donc, logiquement, quelque chose d’indécent. ■

▲ ▲ ▲

d’une attaque cérébrale. Le « bulldozer », surnommé ainsi par ses compatriotes en référence à son caractère obstiné et fonceur, qui a écrasé de tout son poids la vie politique israélienne au cours des cinq dernières années, avait subi, dans la nuit du 4 au 5 janvier, deux opérations, dont la première a duré six heures, pour stopper une hémorragie cérébrale. Mais son état restait critique et ne laissait que peu d’espoir de rémission. Au terme d’une année éprouvante en raison du retrait de la bande de Gaza, décidé et mené à terme en septembre 2005, après trente-huit années de présence israélienne, cette seconde attaque cérébrale en moins de deux semaines – la première, le 18 décembre, moins grave, avait nécessité des soins d’urgence à l’hôpital et un traitement aux anticoagulants pour éviter une nouvelle attaque – l’a terrassé à la veille d’une campagne électorale déterminante pour son avenir politique et pour celui de Kadima (« En avant »), son nouveau parti, d’obédience centriste, fondé en novembre 2005 après sa démission du Likoud, devenu très hostile à sa politique de démantèlement des colonies. La nouvelle attaque a surpris le Premier ministre dans son ranch du Néguev, alors qu’il dînait avec son fils, l’ancien député Omri Sharon, quelques heures après que la police israélienne eut fait état de soupçons de corruption à l’encontre de ce dernier, qui aurait reçu d’un milliardaire autrichien, Martin Schlaffe, 3 millions de dollars de pots-de-vin, destinés au financement illégal de la campagne de son père pour les élections de 1999. Sharon était donc très perturbé et appréhendait l’opération du cœur qu’il devait subir quelques heures plus tard. Le 5 janvier, en fin de matinée, alors que l’état de santé du On s’achemine Premier ministre était jugé précaire, une réunion d’urgence vers un retour du gouvernement a lieu durant à la polarisation laquelle le vice-Premier ministre classique Parti et ministre des Finances, Ehoud 60 ans, homme politravailliste-Likoud. Olmert, tique chevronné et fidèle lieutenant de Sharon, prend officiellement les fonctions de chef de gouvernement par intérim. La Loi fondamentale stipule qu’il devra exercer ses fonctions pendant cent jours. Au 101e jour, le président, Moshé Katsav, doit dissoudre le gouvernement et confier à un des 120 députés de la Knesset le soin de former dans les quatorze jours un nouveau gouvernement, avec une possibilité d’extension de deux semaines supplémentaires. Problème : aucun député ne dispose actuellement d’une assise parlementaire suffisante pour former une coalition gouvernementale. Mais on n’en est pas encore là. Le scrutin du 28 mars, qui devrait se tenir à la date prévue, permettra sans doute d’élire un nouveau Premier ministre. En attendant, les institutions démocratiques israéliennes continueront de fonctionner normalement. Un exemple que les chefs d’État de la région devraient méditer... À trois mois des élections générales anticipées, que Sharon avait lui-même provoquées par sa démission du Likoud, le retrait brutal du Premier ministre de la scène politique a plongé Israël, et toute la région du ProcheOrient, dans une atmosphère d’incertitude empreinte d’inquiétude. En sombrant dans le coma, Arik laisse orphelin son nouveau parti, Kadima, grand favori des législatives du 28 mars. Prétendre que ce parti n’est J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

13


MIZRAHI/BAUBAU/SIPA

▲ ▲ ▲

pas celui d’un seul homme, Sharon en l’occurrence, qui le personnifie le mieux, mais qu’il incarne aussi une vision, un projet et une politique, comme essaient de l’expliquer certains des membres de cette formation encore en gestation, n’est pas totalement infondé. Mais il est vrai qu’en l’absence de Sharon, et de la garantie qu’il représente aux yeux des Israéliens, Kadima risque de ne pas faire le poids dans une consultation électorale, malgré le renfort de grosses pointures, comme l’ancien Premier ministre travailliste Shimon Pérès ou le ministre de la Défense Shaul Mofaz. Avec son fils Omri, favorables à la reprise du processus de paix. soupçonné d’avoir reçu On devrait donc s’acheminer, Côté palestinien, la « disparition » de Sharon 3 millions de dollars selon toute vraisemblance, vers ce en a réjoui plus d’un, et plus particulièrement les de pots-de-vin d’un que Hamid Barrada (voir ci-dessous) activistes de la bande de Gaza, qui n’ont pas manmilliardaire autrichien. appelle une « normalisation de la vie qué de manifester leur joie. Le parti islamiste politique israélienne », c’est-à-dire un Hamas a ainsi estimé que le Proche-Orient serait retour à la polarisation classique entre le Parti « un meilleur endroit » sans lui, alors que le Djihad travailliste, revu et corrigé par Amir Peretz, et le Likoud islamique a déclaré qu’il « ne le regrettera pas ». Il faut version Benyamin Netanyahou, plus marqué à droite. À dire que Sharon avait fait du désarmement des groupes moins que Kadima ne parvienne, dans les semaines à radicaux, sinon de leur démantèlement, une condition à venir, à fédérer les autres partis centristes et les forces tout progrès dans le processus de paix.

LE TEMPS DES INCERTITUDES

14

le conduise sur des chemins moins législatives, avec au moins 40 sièges familiers : en août 2005, il mène à bien (sur 120). Fort d’un troisième mandat, l’évacuation de Gaza, bousculant les allait-il, à 78 ans, terminer sa carrière colons et son parti, le Likoud. Depuis, en beauté en offrant aux Palestiniens un l’image de Sharon – et peut-être Sharon État viable et à son pays paix et sécurité lui-même – ont sensible? On ne le sait pas. On ment changé. Sans y ne le saura jamais. Ariel croire vraiment, on comSharon emporte avec lui mençait à se dire que son ambiguïté et ses cet homme était capable desseins secrets. de tout, y compris du Sa disparition polimeilleur, de la paix. tique provoque un bouAprès Gaza, le leversement de Premier ministre a l’échiquier israélien. connu une période Pour commencer, l’avefaste. Tout semblait lui nir de Kadima est réussir, dénouant, l’une entouré de toutes les après l’autre, les crises incertitudes, et rien n’inà son profit. Le Likoud dique qu’il puisse surlui fait-il défaut, les travivre à son fondateur. vaillistes se retirent-ils Ehoud Olmert, qui sucdu gouvernement sur cède à Sharon à la tête Benyamin Netanyahou, ordre de leur nouveau du gouvernement (ou de chef du Likoud. leader Amir Peretz ? Il ce qu’il en reste…), n’a crée son propre parti, Kadima, qui béné- peut-être pas la carrure pour reprendre ficie aussitôt d’adhésions substantielles un parti fait sur mesure pour un autre. À (Shimon Pérès, Shaul Mofaz, etc.). Il est vrai dire, l’éloignement de Sharon, percrédité des meilleurs scores aux futures sonnage hors normes, risque plutôt ARIEL SCHALIT/AP/SIPA

E

n ce vendredi 6 janvier, Ariel Sharon est entre la vie et la mort, mais son « dernier combat » est perdu d’avance. La disparition politique du Premier ministre israélien ne fait aucun doute. L’après-Sharon a commencé avec, pour l’État juif, la Palestine et l’ensemble du Moyen-Orient, des conséquences multiples, certaines prévisibles et d’autres aujourd’hui insoupçonnées. Sharon occupait une place à la mesure de son embonpoint. Il était excessif en tout. Avec bonheur, comme dans l’opération du Déversoir qui a permis à son armée pendant la guerre d’octobre 1973 de retourner la situation en sa faveur. Avec moins de réussite lorsqu’il mena l’invasion du Liban en 1982, mettant son pays dans une mauvaise passe et provoquant au passage des massacres comme ceux de Sabra et Chatila. Le « bulldozer » fera preuve de la même détermination dans la politique de colonisation engagée en tant que ministre de la Construction et de l’Aménagement ou dans l’édification du mur. Il arrive que son jusqu’au-boutisme

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


FOCUS À trois semaines des législatives palestiniennes, dont l’issue reste incertaine pour le Fatah, qui risque de perdre le pouvoir dans les territoires autonomes, la perspective de voir un vide politique – ou une crise de gouvernement – s’installer en Israël n’augure rien de bon pour les Palestiniens, car elle pourrait inciter les Israéliens à faire une surenchère politique et militaire à leurs dépens et mettre ainsi en péril un processus de paix déjà mal en point. « Il a toujours Il va sans dire aussi qu’une fait ce qu’il a dit montée de l’extrême droite ultranationaliste en Israël n’aura et dit ce qu’il qu’une seule conséquence de allait faire. » l’autre côté du mur : doper les groupes radicaux. Et donc relanLeïla Chahid. cer la violence et sonner le glas de la paix. Toutes choses que Palestiniens, Israéliens et parrains de la « feuille de route » (États-Unis, Union européenne, ONU et Russie), sans parler des principaux acteurs régionaux (la Syrie, mise au ban de la communauté internationale, le Hezbollah, isolé, l’Égypte, soucieuse de sécuriser ses frontières nord avec Gaza, etc.), voudraient surtout éviter. De quelle manière ? En comblant très vite le grand vide laissé par la « disparition » d’Ariel Sharon, dont on pourra alors dire qu’elle a été, elle aussi, une « chance pour la paix ». ■

ouverte à un règlement avec les Palestiniens, se reflète mieux dans le parti centriste plus pragmatique qu’idéologique sur lequel le Premier ministre avait jeté son dévolu. Regrettera-t-on Sharon ? Des voix parmi les Palestiniens le laissent entendre. Ce sera certainement le cas si on a le choix, après les élections de mars, entre une gauche animée de bons sentiments mais impuissante et une droite qui ne connaît que la force Amir Peretz, nouveau leader L’ancien travailliste Shimon Pérès avait rejoint, avec du Parti travailliste. et le mépris. À titre postShaul Mofaz, le parti fondé par Ariel Sharon, Kadima. hume, Sharon jouira d’un d’entraîner une normalisation de la vie aussi bien sur le plan économique que surcroît de popularité : lui, au moins, il politique israélienne avec, à la clé, sur la question palestinienne, et de allait faire quelque chose. Enfin, comd’autres incertitudes. Kadima décapité, l’autre, le Likoud de Benyamin ment ne pas relever cette malédiction n’occupant plus la première place, on Netanyahou, ultralibéral et ultranationaqui frappe les faiseurs de paix réels ou pourrait retrouver aux législatives une liste, tout aussi clairement orienté à supposés en Israël. Ariel Sharon comme polarisation somme toute classique de droite, sinon à l’extrême droite. Une Itzhak Rabin quittent la scène après que la vie israélienne. On aurait, d’un côté, telle polarisation sera-t-elle un facteur des rabbins fanatiques eurent appelé le Parti travailliste, situé clairement à de paix ? Ce n’est pas sûr. L’évolution sur eux les foudres du ciel… ■ gauche depuis l’élection d’Amir Peretz, de l’opinion israélienne, désormais Hamid Barrada JIM HOLLANDER/EPA/SIPA

GUY ASSAYAG-FLASH90/EPA/SIPA

Officiellement, et bien qu’il ait souvent dénoncé l’approche unilatérale du Premier ministre israélien, qu’il accuse de poursuivre une politique de force sans perspective de paix, le président de l’Autorité palestinienne n’a pas manqué d’appeler le bureau de celui-ci pour exprimer son inquiétude, s’enquérir de sa santé et lui souhaiter un prompt rétablissement. Mahmoud Abbas était sans doute sincère. Car, en dépit de son image négative dans l’opinion palestinienne en raison de son passé belliqueux, Sharon apparaissait, paradoxalement, aux yeux de nombreux responsables palestiniens, comme le principal garant, en Israël, d’une hypothétique poursuite du processus de paix au Proche-Orient. Ces derniers pensent, à tort ou à raison, qu’en vertu de son passé de faucon il pouvait difficilement être suspecté de complaisance à l’égard des Palestiniens et, partant, était le mieux placé pour prendre des mesures audacieuses ou impopulaires, comme la reprise des négociations de paix. Cette considération, mêlée de défiance, que les officiels palestiniens vouent à Sharon a été bien exprimée par Leïla Chahid, ancienne représentante de l’AP en France, lorsqu’elle a dit de lui : « C’est un homme qui a toujours fait ce qu’il a dit ; dit ce qu’il allait faire et agi avec beaucoup d’intelligence politique, même si cela n’a pas toujours été dans le sens qu’on aurait voulu. »

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

15


ESCLAVAGE

L

«

Paris retrouve la mémoire

a question de l’esclavage est une blessure pour un grand nombre de nos concitoyens, notamment en outre-mer. […] J’ai décidé d’instaurer en France une journée de la mémoire. » Jacques Chirac avait-il prévu de longue date l’annonce, dans ses vœux à la presse, le 4 janvier, de la mise en place d’une journée de commémoration de l’esclavage? Ou l’indignation provoquée par l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui recommande de souligner dans les manuels scolaires le rôle positif de la colonisation, l’a-t-elle précipité sur la voie de l’apaisement et du rassemblement, et incité à adopter l’une des propositions du « Comité pour la mémoire de l’esclavage », nommé par décret en janvier 2004 ?

Le choix du moment n’est pas anodin : c’est le 10 mai 2001 que la loi Taubira, qui fait de l’esclavage un « crime contre l’humanité », est adoptée à l’unanimité par le Parlement. Symbolique de la repentance collective, donc, la date est néanmoins contestée : certains militent en faveur du 23 mai, en référence à la marche silencieuse de 1998, pour le cent cinquantenaire de l’abolition. Mais le jour n’est pas retenu, la manifestation étant essentiellement le fruit du travail d’associations antillaises, on estime que sa portée n’est pas assez universelle. « Le choix était compliqué, compte tenu du nombre de dates, explique Claude-Valentin Marie, membre du comité et sociologue. Par exemple, nous aurions aussi pu choisir

le 20 décembre, date de l’abolition à la Réunion, mais cela n’aurait pas été représentatif. Nous avons préféré le 10 mai car c’est une date forte : la France fut la première à reconnaître que l’esclavage était un crime contre l’humanité. » Reste à savoir si les célébrations en tout genre qui auront vraisemblablement lieu ce jour-là – la date du 10 mai n’a pas encore été officiellement arrêtée – auront les effets voulus : lever le voile sur ces pages occultées de l’Histoire et rendre hommage aux victimes de la traite. « La journée est fondamentale, mais il faut qu’un travail complémentaire soit accompli », nuance ClaudeValentin Marie. C’est pourquoi le comité préconise également la création d’un

À votre bon cœur, Messieurs les Arabes! IMA

D

ix-huit ans après son inauguration par François Mitterrand et l’ex-secrétaire général de la Ligue arabe Chedli Klibi, l’Institut du monde arabe (IMA) se débat à nouveau dans de sérieux ennuis financiers. Incapable de boucler son budget (environ 20 millions d’euros pour 2006), le centre culturel franco-arabe, implanté en plein cœur de Paris, quai Saint-Bernard, risque d’être acculé à remercier une partie de ses 160 salariés et à réduire sensiblement ses activités. Pour éviter ce scénario catastrophe, Yves Guéna (83 ans), le président de l’institut, relayé par le directeur général, l’Algérien Mokhtar Taleb-Bendiab (73 ans), ont multiplié, ces dernières semaines, les appels au secours à l’adresse de Paris et des capitales arabes, censés, initialement, supporter les charges du 16

fonctionnement de l’institution culturelle à hauteur respectivement de 60 % et de 40 %. Sensible à ce « cri de détresse », le ministère français des Affaires étrangères a débloqué, le 21 décembre, 2 millions d’euros, en sus de sa contribution annuelle (8,7 millions d’euros). Un geste assorti d’une double condition : limiter les dépenses et obtenir un « effort » similaire des pays arabes qui, jusqu’ici, font la sourde oreille. La plupart d’entre eux s’en tiennent en effet à la lettre d’un arrangement arrêté en 1996 avec la direction de l’institut en vertu duquel ils étaient dispensés à l’avenir de verser leurs contributions annuelles pour avoir payé (en bonne partie) leurs arriérés. À l’époque, on pensait que la somme ainsi dégagée – qui a servi à créer un fonds de dotations de 40 millions d’euros – allait produire des intérêts suffisants pour

laboratoire dédié à cette facette du passé national trop souvent absente des travaux de recherche, et une plus grande place pour le sujet dans les manuels scolaires. « Ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire », a admis Chirac un peu plus loin dans son discours à la presse, après avoir reconnu que l’article 4 de la loi du 23 février devait être « réécrit ». Un moyen de couper court aux reproches d’ingérence de l’État dans le travail des historiens. En écho, ClaudeMarie Valentin précise prudemment : « Le comité ne fait pas acte d’historien, il réunit les conditions pour que les spécialistes, historiens mais aussi philosophes et juristes, puissent travailler sur l’esclavage ■ Marianne Meunier

compenser la participation des parties arabes. Il n’en fut rien. Aujourd’hui, ce fonds rapporte à peine 1,5 million d’euros. Il y a également des gros contributeurs arabes qui n’ont même pas payé leurs dettes vis-à-vis de l’Institut. C’est le cas notamment de l’Irak, mais aussi de la Libye, qui rechigne à débourser ses 13 millions d’euros d’arriérés. Autre cause de cet étranglement financier : depuis 1991, la subvention du Quai d’Orsay n’a pas augmenté d’un centime. Ayant établi cette anomalie, les rédacteurs d’un rapport de la très officielle Inspection générale des finances avaient pourtant exhorté, en novembre, l’État français à revaloriser cette contribution de 2,6 millions d’euros. Car personne, en ces temps de crispations entre l’Occident et l’Islam, n’a vraiment intérêt à voir compromise la mission de ce véritable « pont culturel » entre le monde arabe et l’Europe, qui attire chaque année un million de visiteurs et dont les recettes propres couvrent presque la moitié des dépenses. ■ Abdallah Ben Ali

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


A

Place aux femmes

vant même de s’être attelée à la tâche, la nouvelle équipe mise en place le 4 janvier par le président Jakaya Kikwete, élu le 21 décembre, est applaudie par la plupart des Tanzaniens : disparition de certains vieux briscards de la politique, apparition de nouvelles personnalités et, surtout, entrée en force des femmes : 16 sur 59. Le fait est suffisamment rare pour être souligné, ce dont Kikwete ne s’est d’ailleurs pas privé, lui qui avait promis, lors de sa campagne, de promouvoir l’égalité des sexes. Zakia Meghji, à qui échoit le maroquin des Finances, est une figure incontournable à Dodoma et à Dar es-Salaam. À la tête, depuis neuf ans, du ministère du Tourisme et des Ressources naturelles – premier pourvoyeur de devises –, « Mama Meghji » est une militante de toujours et l’une des premières femmes élues au Parlement. Elle était entrée au gouvernement en 1993, au département de la Santé. Après douze ans de bons et loyaux services, la voilà propulsée grande argentière. Autre nomination importante, celle d’Asha-Rose Migiro au ministère des Affaires étrangères. Kikwete connaît, pour l’avoir occupé pendant dix ans, le poids et la valeur de ce portefeuille. Son nouveau titulaire, docteur et agrégée de droit, a déjà fait ses preuves en politique, notamment à la tête du ministère du Développement communautaire, des Femmes et des Enfants. En confiant à quatre autres femmes l’Éducation, la Justice, le Développement communautaire et la Fonction

A. PACCIANI/J.A.I.

TANZANIE

FOCUS

Zakia Meghji, la nouvelle ministre des Finances.

publique, en faisant de dix autres des vice-ministres, Kikwete entretient l’excellente image dont jouit son pays depuis le départ volontaire de Julius Nyerere. Nul

doute que les Scandinaves – pointilleux sur la question de l’égalité des sexes et principaux pourvoyeurs de l’aide à la Tanzanie – apprécieront l’effort.

L’équipe mise en place satisfait également aux engagements pris dans le cadre du processus de promotion des femmes engagé au sein de la Communauté des États de l’Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie est membre, malgré sa position géographique trop orientale et son appartenance parallèle à la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (CAE). Kikwete prend ainsi exemple sur le Mozambique, où six femmes sont ministres, dont le chef du gouvernement, et, surtout, sur l’Afrique du Sud, championne incontestée du continent en la matière : 8 femmes ministres sur 21, et une vice-présidente, Phumzile MlamboNgcuka. ■ Élise Colette

L’Union africaine hausse le ton

ZIMBABWE

L

es nombreuses violations des droits de l’homme au Zimbabwe ont pour la première fois été condamnées par l’Union africaine (UA) à travers une sévère résolution de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples arrêtée le 5 décembre dernier à Banjul et rendue publique au début de janvier. Ce document, qui sera discuté par le Conseil exécutif de l’UA lors du sommet de Khartoum, les 23 et 24 janvier, condamne « les violations des droits de l’homme perpétrées au Zimbabwe » et demande instamment au gouvernement du président Robert Mugabe de cesser sa politique de démantèlement de certains quartiers dans les grandes villes du pays. C’est ainsi que, dès le 19 mai 2005, les bidonvilles de la banlieue d’Harare ont été rasés au cours d’une opération baptisée Murambatsvina (« Éliminer les ordures », en langue shona). Selon un rapport de l’ONU en date du 22 juillet, plus de 700000 personnes ont été expulsées en quelques mois, avec pour résultat une véritable crise humanitaire. De nombreuses voix se sont élevées

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

pour demander au gouvernement de stopper ce programme, parmi lesquelles les pays membres du G8, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan et la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, qui a rangé le Zimbabwe parmi les « avant-postes de la tyrannie », au même titre que Cuba, la Corée du Nord ou l’Iran. Interpellée par la communauté internationale, l’UA a jusque-là refusé d’intervenir, jugeant qu’il s’agissait d’une « affaire strictement intérieure », et ce bien que son envoyé spécial, Bahame Tom Nyanduga, ait dû quitter le pays le 7 juillet 2005 sans avoir pu remplir sa mission en raison de l’obstruction avérée du gouvernement zimbabwéen. Le récent rapport de la Commission demande aujourd’hui à l’UA qu’un envoyé spécial soit mandaté pour « enquêter sur l’implication en termes de droits de l’homme et sur les conséquences humanitaires des évictions de masse et des démolitions ». Le sommet de Khartoum pourrait donc marquer un revirement de l’UA vis-à-vis du régime de Mugabe, qui apparaît désormais de plus en plus isolé. ■ Gilles Lancrey 17


Succession en douceur

L

e décès, le 4 janvier, à Brisbane, en Australie, de Maktoum Ibn Rached Al Maktoum, 62 ans, émir de Dubaï, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis (EAU), n’a provoqué aucun remous institutionnel. Son frère, Mohamed, 58 ans, prince héritier, a automatiquement accédé au trône et hérité de l’ensemble de ses fonctions officielles. Ce changement à la tête de l’émirat le plus dynamique de la fédération ne constitue guère un bouleversement: Mohamed Ibn Rached était déjà considéré comme l’homme fort de Dubaï. Nul ne lui conteste la paternité des prouesses économiques qui ont conforté la notoriété

LIBERTÉ DE LA PRESSE

L

’association Reporters sans frontières (RSF) a publié, le 3 janvier, son rapport 2005 sur la liberté de la presse dans le monde. Triste bilan: 63 journalistes ont été tués dans l’exercice de leur métier, soit 10 de plus que l’année précédente. L’Irak est évidemment le terrain le plus meurtrier: 24 reporters et 5 collaborateurs de médias (chauffeurs, traducteurs, techniciens, etc.) y sont morts, ce qui porte à 76 le nombre de confrères victimes de ce conflit. Sur le continent africain, on compte 2 morts en Somalie, 2 en République démocratique du Congo (RDC) et 1 en Libye. Leurs assassins, parfois connus, n’ont pas été sanctionnés. Au passage,

18

de l’émirat le moins riche en hydrocarbures des EAU. Le défunt consacrait une grande partie de son temps à son haras et à ses 200 chevaux de course. Il s’était d’ailleurs rendu en Australie pour assister à une compétition où était engagé son poulain le plus célèbre, Fantastic Light. Accaparé par son hobby, il avait délaissé Dubaï, confiant la gestion des affaires courantes à son frère Mohamed, dont les idées novatrices ont transformé la ville-émirat en carrefour commercial mondial, son aéroport en plate-forme entre l’Europe et l’Asie, et le port de Jebel Ali en une immense zone franche par où transite près de la moitié des

HO/REUTERS

DUBAÏ

Feu Maktoum Ibn Rached Al Maktoum (à g.) avec son frère et futur successeur, Mohamed Ibn Rached.

échanges de l’Afrique de l’Est. Le nouveau monarque a toujours fait preuve d’innovation: un circuit de formule 1, un tournoi de tennis avec le label ATP (Association de tennis professionnel), des projets touristiques faramineux et une station de ski sur neige... en plein désert. Mohamed Ibn Rached, en tant que ministre de la Défense

des EAU, avait aussi acquis la réputation de l’homme qui achète des blindés plus vite que son ombre. Courtisé par les marchands de canons et les avionneurs, gardera-t-il ce maroquin? Rien n’est moins sûr, les émirs de la deuxième génération des Al Maktoum attendant avec impatience leur heure. ■ Cherif Ouazani

Bilan contrasté RSF remarque que l’impunité reste souvent de mise. L’enquête sur le meurtre, en décembre 2004, de Deyda Hydara, journaliste gambien, piétine toujours. Les chiffres concernant l’Afrique sont contrastés. Effet probable de la tenue du SMSI en Tunisie, les douze cyberdissidents – animateurs de sites Internet – emprisonnés en 2004 ont été libérés. Un seul journaliste y reste détenu, contre 6 au Maroc, 30 en Égypte, aucun en Algérie [sauf Mohamed Benchicou, directeur de feu Le Matin, condamné à deux ans de prison pour infraction au contrôle des changes, NDLR], mais 58 en RDC, qui détient la palme sur le continent. En Éthiopie, pays qui a

connu des troubles importants lors de la victoire contestée du parti du Premier ministre aux élections, 36 reporters sont en prison. En Érythrée, la presse privée n’existe plus. Les 15 responsables des publications fermées, pour la plupart, en 2001 croupissent en prison, et leur grève de la faim de 2002 ne leur a apporté aucune amélioration. Les 27 détenus du Nigeria, pays où la presse a toujours été libre et vigoureuse, même sous la dictature, sont le reflet de la violence qui étreint périodiquement ce pays. Autre aspect étudié par RSF: la censure des médias. Globalement, elle a augmenté de plus de 60 %: 1006 cas ont été relevés,

contre 622 en 2004. Cette situation s’explique par la forte dégradation de la liberté d’expression au Népal, qui concentre à lui seul plus de la moitié des journaux censurés dans le monde. En Afrique, la RDC arrive à égalité avec le Togo, avec 12 cas répertoriés, contre 8 au Zimbabwe, 6 en Éthiopie et en Sierra Leone, 4 en Côte d’Ivoire, 3 en Tunisie, 6 au Maroc et 4 en Algérie. La Tunisie est le seul pays africain à figurer sur la liste des « quinze ennemis d’Internet » établie par RSF, mais la situation y est cependant meilleure qu’en Iran, où le ministère de l’Information se targue de bloquer l’accès à des centaines de milliers de sites. ■ Valérie Thorin

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


S

Moisson hivernale

on nom n’est guère connu des francophones. Haruki Murakami est pourtant l’écrivain japonais vivant le plus lu au monde. Ses compatriotes lui vouent un véritable culte. Kafka sur le rivage, récit fantastique qui est paru en ce début janvier chez Belfond, est l’un des livres phares de la rentrée hivernale 2006 en France. Seul, peut-être, un Italien pourrait ravir la vedette à l’auteur nippon : Alessandro Piperno. Chronique d’une famille de la bourgeoisie juive romaine, Avec les pires intentions (éditions Liana Levi), son premier roman, qui sort lui aussi ce mois-ci, a connu un très gros succès l’an dernier dans la péninsule. Comme chaque année, les libraires francophones recevront une avalanche de nouveautés entre janvier et février. Livres Hebdo en a recensé près de 1 000, dont plus de 550 romans. Au rayon étranger (près de 190 romans), les Anglo-Saxons domineront largement une fois encore, totalisant plus d’une centaine de titres. Pas de best-seller programmé, si ce n’est la traduction d’un nouveau Dan Brown, Deception Point, écrit avant Da Vinci Code et Anges et Démons (éditions Lattès). Tirage annoncé : 200 000 exemplaires. Du côté des auteurs français, on retrouve, comme d’ordinaire, une pléiade de célébrités qui préfèrent être publiées en dehors de la saison des prix littéraires, dont elles n’ont plus rien à espérer. C’est le cas notamment d’une demi-douzaine de lauréats du Goncourt : Tahar Ben Jelloun (Partir, Gal-

limard), Jean Echenoz (Ravel, Minuit), Dominique Fernandez (Jérémie ! Jérémie !, Grasset), Patrick Grainville (La Main blessée, Le Seuil), Jean Rouaud (L’Imitation du bonheur, Gallimard). Parmi les autres poids lourds, on relève Jean-Marie Gustave Le Clézio (Ourania) et Philippe Sollers (Une vie divine), tous deux chez Gallimard. La « vénérable maison de la rue Sébastien-Bottin » est particulièrement en vue en

ILS ONT DIT

ce début d’année, avec un total de vingt-trois romans. L’Afrique y tient une place non négligeable, grâce à trois nouveaux romanciers publiés dans la collection « Continents noirs », Edem (Port-Mélo), Koffi Kwahulé (Baby Face) et Ousmane Diarra (Vieux Lézard), alors que la Mauricienne Ananda Devi connaît une forme de consécration en entrant dans « La Blanche » (Ève de ses décombres). Elizabeth Tchoungui, pré-

Dominique Mataillet

Fériel Belcadhi

GEORGE CLOONEY Comédien américain ■ Oui, je suis de gauche

[« liberal »] et j’en ai ras le bol que ce soit considéré comme une insulte.

CHERIF BASSIOUNI

Professeur de droit américain, président de l’International Rights Law Institute ■ Que la France assume la face obscure de

son histoire pour faire une place aux Français issus de l’esclavage et de la colonisation, ce n’est pas alimenter le communautarisme.

GASTON KELMAN

Écrivain franco-camerounais ■ La France a privilégié exclusivement une im-

migration subalterne, pour rester dans la logique colonialiste. Elle n’a jamais pensé à la conversion de l’immigré en personnel qualifié.

BERNARD STIEGLER

Philosophe français et directeur du département « développement culturel » au Centre GeorgesPompidou. ■ Je suis allé braquer une banque pour

combler mon découvert. Cela s’est très bien passé… j’y ai pris goût et j’ai braqué trois autres agences.

ANDREW NICCOL

Réalisateur américain (Lord of the War) ■ Nous avons tourné en République tchèque

où un marchand d’armes nous a loué les tanks que l’on voit, mais en nous précisant qu’il fallait que nous nous dépêchions car il devait les livrer en Libye et en Afrique du Sud.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

sentatrice sur TV5 (et d’autres chaînes), sort son premier roman, Je vous souhaite la pluie, aux éditions Plon. Un autre auteur africain, le Mauritanien Mbarek Ould Beyrouk, fera, début février, une apparition prometteuse sur la scène littéraire parisienne (Et le ciel a oublié de pleuvoir, éditions Dapper), tandis que le Djiboutien Abdourahman Waberi confirme le talent qu’on lui connaît depuis longtemps déjà dans Aux États-Unis d’Afrique (Lattès). ■

FRANÇOISE VERGÈS

WOSTOK PRESS/MAXPPP

LITTÉRATURE

FOCUS

Politologue française, professeur de sciences politiques à Londres ■ Je veux continuer

à cuisiner de la soupe de pommes de terre et à mener une vie tout à fait normale.

JACK SUMME

Officier de l’armée américaine ■ Nous ne sommes pas tous obligés d’adhé-

rer aux principes journalistiques d’objectivité. Notre boulot est de livrer la version américaine de l’histoire à un public ciblé.

LUCIEN PINAUD PETZY

Artiste-peintre antillais ■ Le mot ethnisme n’a pas plus de valeur que

le mot racisme, qui n’existe pas, vu qu’il n’y a à mes yeux qu’une seule race, la race humaine.

HIND KHOURY

Déléguée générale de l’OLP en France ■ En parlant sans cesse de capitale réunifiée à

propos de Jérusalem, les Israéliens trahissent l’âme de la ville, qui a toujours été diverse, cosmopolite.

NICOLAS SARKOZY

Ministre français de l’Intérieur ■ La politique est un métier. D’ailleurs, quand

on va chez le dentiste, on ne choisit pas un dentiste amateur.

19


MONDE SYRIE

Que cherche donc l’ancien vice-président en mettant publiquement en cause la responsabilité de Bachar al-Assad dans l’assassinat de Rafic Hariri ?

L’affaire Khaddam Ridha Kéfi

S

es désaccords avec le président syrien Bachar al-Assad sont apparus au grand jour au mois de juin, quand, à l’issue du dixième congrès du parti Baas, Abdul Halim Khaddam a démissionné de son poste de vice-président, devenu il est vrai essentiellement honorifique, pour s’installer à Paris. Depuis, les médias arabes ne cessent d’évoquer ses démêlés avec l’équipe au pouvoir, ses ambitions supposées et les accords qu’on le soupçonne d’avoir passés avec d’autres apparatchiks baasistes tombés en disgrâce (notamment l’ancien chef d’état-major Hikmat Shehabi) dans la perspective d’un changement de régime à Damas. Six mois durant, Khaddam s’est soigneusement gardé de toute déclaration à la presse et s’est abstenu de démentir les nombreuses rumeurs dont il était l’objet. Parallèlement, sa démission, qui n’a même pas été annoncée officiellement, n’a donné lieu à aucune campagne de dénigrement dans les médias syriens, pourtant totalement inféodés à la volonté du « prince ». Jusqu’à la fin du mois de décembre, la rupture n’était donc pas consommée. Des tractations secrètes ont même eu lieu avec de proches collaborateurs du chef de l’État, manifestement désireux de ramener « Abou Jamel » – c’est son surnom – à de meilleurs sentiments. Et de le dissuader de prendre part à la campagne internationale déclenchée contre son régime après l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février 2005. Sa décision de couper tous les ponts avec Damas, Khaddam l’a donc mûrement réfléchie. Et préparée. Il a

ainsi attendu que tous les membres de sa famille l’aient rejoint dans son exil parisien (officiellement, à l’occasion des fêtes de fin d’année) pour la rendre enfin publique. La précaution n’était assurément pas superflue. Dans l’entretien – le premier depuis son départ de Syrie – diffusé le 30 décembre par la chaîne satellitaire saoudienne Al Arabiya, l’ancien vice-président n’y va pas, en effet, par quatre chemins. « Hariri a reçu de nombreuses menaces de la part de la Syrie, révèle-t-il. Des choses dangereuses ont été dites. Un jour, il a été convoqué à Damas, où le président Bachar lui a parlé en termes extrêmement durs, menaçant d’écraser tous ceux qui [lui] désobéiront. » À l’appui de ses affirmations, Khaddam cite trois sources que la commission d’enquête onusienne sur l’assassinat de Hariri n’interrogera certainement pas. Et pour cause : Hariri et Ghazi Kanaan, l’ancien ministre de l’Intérieur, sont morts. Quant au « président Bachar », comment croire

À Damas, les députés l’accusent de haute trahison. Et demandent l’ouverture de poursuites judiciaires.

20

qu’il acceptera de témoigner devant elle ? Comme pour enfoncer le clou, Khaddam explique que ce dernier « monopolise toutes les décisions » et qu’« en principe les services de sécurité n’auraient pas pu agir au Liban sans son aval ». Selon lui, Assad a eu tort de soutenir sans réserve Rustom Ghazalé, l’ancien chef des renseignements syriens à Beyrouth, qui n’hésitait pas à insulter les responsables libanais et qui a soulagé la banque libanaise al-Madina J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFP

Abdul Halim Khaddam sur Al Arabiya, la chaîne de télévision satellitaire saoudienne, le 30 décembre.

de 35 millions de dollars. De même, il n’aurait jamais dû se laisser manipuler par les services libanais et par le président Emile Lahoud, adversaire déclaré de Hariri. Bref, pour Khaddam, la politique menée par la Syrie au Liban est un échec complet. Et sa politique étrangère en général ne vaut guère mieux, comme en témoigne l’état désastreux des relations de Damas avec Paris, Washington et Riyad. Il en rend responsable la rigidité de Farouk alChareh, son successeur à la tête de la diplomatie... Mais l’ancien numéro deux du Baas n’épargne pas davantage la politique intérieure d’Assad, qui n’a pas su mettre en route les réformes nécessaires, et stigmatise la corruption de l’entourage présidentiel et de l’administration, qui mène le pays à la faillite. Même s’il n’apporte aucun élément susceptible d’étayer juridiquement une mise en cause du régime syrien dans l’assassinat de Hariri, ce témoignage a fait l’effet d’une bombe à Damas. Parce qu’il émane d’un ex-pilier du régime et conforte les conclusions de la commission d’enquête onusienne. La réaction ne s’est pas fait attendre : dès le lendemain, au Parlement, les députés s’en sont violemment pris à Khaddam, accusé de « haute trahison », et voté une motion demandant l’ouverture de poursuites judiciaires à son encontre. Le 1er janvier, le Baas s’est joint à la curée en décidant de limoger l’ancien vice-président. Le même jour, le quotidien officiel Al Thaoura a annoncé que le gouvernement syrien avait pris des mesures pour faire juger Khaddam et avait diligenté une enquête sur son implication supposée dans une série d’affaires de corruption – avec saisie de ses biens.

Les révélations faites par certains journaux israéliens – et mollement démenties par l’intéressé dans un communiqué du 3 janvier – selon lesquelles il aurait reçu dans sa résidence parisienne, au cours des derniers mois, des membres des services de renseignements français, américains, saoudiens et israéliens ont encore fait monter la pression médiatique, à Damas, contre le « traître ». Des sites Internet proches du régime ont diffusé une liste

Sans doute se place-t-il dans la course à la succession. Mais le pouvoir est-il vraiment à prendre ?

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

exhaustive de ses biens, enregistrés pour la plupart aux noms de son épouse (Najet Marqabi), de ses fils (Jamel, Jihad et Bassem), de sa fille (Rym), de ses gendres, beaux-frères, cousins et cousines. On parle de plusieurs « palais » en Syrie, au Liban et en France – dont un hôtel particulier avenue Hoche, à Paris, que lui aurait offert Hariri (il aurait naguère appartenu à la fille de l’armateur grec Aristote Onassis) –, de deux yachts (Maya I et Maya II), de participations dans d’innombrables entreprises, centres commerciaux et chaînes de restaurants, ainsi que d’importantes sommes d’argent déposées dans des banques libanaises, françaises et suisses – leur montant total serait de l’ordre de 700 millions de dollars. La commission d’enquête des Nations unies, dont le mandat vient d’être renouvelé pour six mois par le Conseil de sécurité, n’a pas tardé, elle non plus, à réagir : elle a officiellement demandé à interroger Bachar al-Assad, Farouk al-Chareh et Khaddam luimême. Dos au mur, Damas serait prêt à accepter que 21


le chef de sa diplomatie, et lui seul, vienne témoigner. Au-delà de leur valeur juridique, les « révélations » de Khaddam à Al Arabiya posent un certain nombre de questions. Qu’est-ce qui a poussé l’ancien vice-président à rompre spectaculairement avec un régime dont il fut, quarante ans durant, l’un des hommes clés ? Estce à cause des pressions internationales auxquelles celui-ci est soumis ? Tente-til de quitter le navire avant son naufrage annoncé ? « J’ai beaucoup de choses à dire. Vous imaginez les informations importantes et graves que je Hosni Moubarak reçu par Jacques Chirac à l’Élysée, le 4 janvier. détiens. Mais l’intérêt de la Syrie m’interdit de les divulguer », déclare Khaddam. S’il ne fait guère de doute Khaddam cherche manifestement à se placer dans la qu’il détient nombre de secrets d’État, il est peu probable course à « l’après-Bachar ». De fait, même si son passé qu’il soit en possession d’éléments permettant d’identi- trouble à l’ombre de Hafez al-Assad et sa réputation de fier les commanditaires de l’assassinat de Hariri. Pour la corrompu ne plaident pas en sa faveur, il ne manque pas simple raison qu’il était déjà hors du cercle de décision d’atouts pour devenir un « Allaoui syrien », comme le surà Damas dans les mois qui ont précédé le crime. nomment déjà ses détracteurs, à Damas. Et si, en déballant le linge sale du régime, Khaddam Khaddam est d’abord un homme du sérail, pour qui cherchait seulement à obtenir une amnistie pour les for- la vie politique locale n’a point de secret. Issu d’une faits qui pourraient lui être reprochés ? N’était-il pas aux famille de la petite bourgeoisie de Banias, sur la côte médipremières loges lors des pires atrocités commises par les terranéenne, il fut avocat à Damas de 1954 à 1964. Syriens au Liban ? Les images des anciens dirigeants ira- Ayant rejoint le parti Baas à l’âge de 17 ans, il s’engage kiens face à leurs juges ont pu lui donner à réfléchir... totalement en politique à la suite du coup d’État perpéMais ne soyons pas naïfs. En proposant implicitement ses tré par des officiers baasistes en 1963. Nommé gouverservices à la France, aux États-Unis, à l’Arabie saoudite neur de Qunaitra, chef lieu du Golan, en 1967, il est et à Israël (dont il n’a dit que du bien dans son entre- nommé ministre de l’Économie et du Commerce extétien à Al Arabiya), et en affichant une foi libérale et des rieur (1969), chef de la diplomatie et vice-premier penchants démocratiques qu’on ne lui connaissait pas, ministre (1970-1984), puis vice-président chargé de la

ARCHAÏSME ÉCONOMIQUE

D

irigée d’une main de fer, trente ans durant (1970-2000), par le président Hafez al-Assad, l’économie syrienne a raté l’ouverture promise par Bachar, le fils et successeur du précédent. Elle végète aujourd’hui sous la férule d’un appareil étatique digne de l’ère stalinienne. Minée par la corruption, elle ne survit, pour l’essentiel, que grâce à l’agriculture traditionnelle – le pays ne manque ni d’eau ni de terres fertiles –, qui permet d’assurer l’autosubsistance alimentaire et d’entretenir le commerce et l’agro-industrie. Deux autres ressources jouent néanmoins un rôle important : le pétrole brut et les 22

transferts des travailleurs syriens à l’étranger. • La Syrie produit 500 000 barils/jour, alors que sa consommation intérieure ne dépasse pas 300 000 b/j. Le reste (200 000 b/j) représente, au prix moyen de 50 dollars, une recette journalière de 10 millions de dollars, qui permet notamment de financer les dépenses militaires et les privilèges de la nomenklatura. • Le montant des transferts provenant de la diaspora est compris entre 2 millions et 3 millions de dollars par jour. Cette manne permet de soulager nombre de familles et de faire tourner le petit commerce et le bâtiment.

Reste que la Syrie ne parviendra pas à décoller tant que sera maintenue la mainmise de l’État et du parti sur l’économie. Le revenu par habitant stagne depuis 1970 (l’augmentation est inférieure à 1 % par an) et n’a pas dépassé 1 200 dollars en 2004, soit moins que dans la plupart des autres pays arabes. En y incluant des « variables immatérielles » comme la santé ou l’éducation, on arrive à un niveau de vie comparable à celui des Cap-Verdiens. Le poids économique du pays (23 milliards de dollars en 2004) est égal à celui de la Biélorussie, pourtant deux fois moins peuplée. ■ Samir Gharbi

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

POOL/REMY DE LA MAUVINIÈRE-AP/SIPA

MONDE


MONDE politique syrienne au Liban (1984-2000). Successeur constitutionnel de Hafez al-Assad à la mort de ce dernier, le 10 juin 2000, il assure l’intérim de la présidence et facilite l’accession de Bachar à la magistrature suprême. Appartenant à la majorité sunnite (plus de 70 % de la population), mais marié à une alaouite (la minorité d’obédience chiite qui accapare le pouvoir à Damas depuis quarante ans), il est, à 73 ans, le responsable syrien le moins détesté au Liban. Il fut d’ailleurs le seul à assister – « à titre personnel », dit-il – aux obsèques de Hariri. Khaddam dispose par ailleurs de précieux appuis en Arabie saoudite. Comment imaginer qu’Al Arabiya ait pu diffuser l’entretien sans le feu vert des autorités de ce pays ? Majoritairement sunnites, les Saoudiens se montrent fort inquiets de l’avancée des chiites en Irak et ne seraient pas mécontents que la Syrie soit enfin gouvernée par un sunnite. Khaddam en est, à l’évidence, bien conscient. Reste à savoir si le pouvoir est vraiment à prendre, à Damas. À la vérité, très peu d’acteurs de scène politique régionale ont intérêt à la chute de Bachar al-Assad. Tous redoutent que la Syrie, dont la configuration ethnicoreligieuse n’est pas moins éclatée que celle de l’Irak, tombe aux mains de milices armées et sombre dans l’anarchie. Les Arabes, Saoudiens et Égyptiens en tête, redoutent, par exemple, la répétition d’un scénario « à l’irakienne ». Tout en invitant les autorités syriennes à reconnaître « l’indépendance et la souveraineté du Liban » et à établir avec lui des relations diplomatiques, les États-Unis et leurs alliés occidentaux, notamment la France, ne souhaitent plus une chute rapide du régime. En l’absence d’une alternative crédible, la prise du pouvoir par les islamistes syriens – tous sunnites – risquerait de doper la résistance irakienne – sunnite, elle aussi – et de lui fournir une base arrière pour lancer des attaques contre les troupes de la coalition. Quant aux Israéliens et aux Turcs, ils ont de bonnes raisons, eux aussi, de souhaiter le maintien d’un régime baasiste affaibli, certes, mais capable de maintenir un semblant d’ordre aux frontières, de contenir les velléités sécessionnistes des Kurdes syriens et de réduire son soutien au Hezbollah libanais, aux groupes palestiniens opposés au processus de paix et, surtout, à l’Iran, désormais engagé dans une épreuve de force avec l’Occident. Les discussions se sont multipliées, la semaine dernière. À Riyad, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a rencontré le président égyptien Hosni Moubarak. À Paris, ce dernier s’est entretenu avec le président Jacques Chirac. À Beyrouth, Jack Straw, le chef de la diplomatie britannique, en a fait de même avec les responsables libanais. Enfin, un émissaire saoudien devait se rendre à Damas pour discuter avec les Syriens. Et si une solution « à la libyenne » – allusion au règlement de l’affaire de Lockerbie – était en train de se mettre en place ? En livrant aux enquêteurs un bouc émissaire, la Syrie montrerait sa volonté de coopérer avec la communauté internationale. Pourquoi pas le général Rustom Ghazalé ? Le 3 janvier, dans un entretien avec Al Jazira, l’ancien « proconsul » syrien au Liban s’est déclaré prêt à « se sacrifier » [sic] pour son pays. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

EN APARTÉ Bourreaux de travail Tony Blair, le Premier ministre britannique, a des journées décidément bien remplies. Sur son site Internet, il révèle qu’il ne compte jamais ses heures de travail et que ses horaires hebdomadaires sont « probablement illégaux » au regard de la législation européenne. Au Royaume-Uni, la semaine de travail est limitée à quarante-huit heures. Soit le maximum autorisé par une directive de Bruxelles. Pourtant ardent défenseur de cette mesure, José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, reconnaît... ne pas la respecter pour ce qui le concerne : lui aussi travaille beaucoup plus de quarante-huit heures par semaine. Même Jacques Chirac fait parfois du rab. Surtout en cette première semaine du mois de janvier, où le président français a dû présenter ses vœux à tous les corps constitués : soit une petit dizaine d’allocutions ! Mais sans doute la directive européenne ne s’applique-t-elle pas aux hommes politiques, qui s’estiment « employés par le peuple », non par un patron.

Guerre des voyelles L’année commence par une petite guerre des voyelles entre la Banque centrale européenne (BCE) et la Lituanie. Ce pays balte qui a rejoint l’Europe l’an dernier refuse en effet l’appellation officielle de la monnaie communautaire, l’euro, au motif que son alphabet ne comporte pas la diphtongue « eu ». À Vilnius, le gouvernement a donc choisit d’utiliser le terme « eiro », provoquant l’ire de Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la BCE. Faudra-t-il qu’une directive européenne – une de plus ! – tranche cette grave querelle ?

La revanche de Gerhard Après l’avoir, des années durant, voué aux gémonies, la droite allemande fait des pieds et des mains pour que Gerhard Schröder accepte de jouer les médiateurs dans le conflit gazier entre la Russie et l’Ukraine. Et, surtout, obtienne des garanties concernant les livraisons de gaz russe à l’Allemagne. Il faut dire que l’ancien chancelier dispose d’un carnet d’adresses exceptionnellement bien rempli. Et qu’après sa défaite aux élections de septembre 2005 il a accepté, malgré les critiques, de présider une compagnie chargée de construire un gigantesque gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, via la mer Baltique. Un projet également cher à Vladimir Poutine...

23


MONDE

PRÉVISIONS Du retrait d’Irak des troupes américaines à l’épidémie de grippe aviaire, en passant par les négociations à l’OMC ou l’aide à l’Afrique...

2006 Ce qui nous attend L ’ANNÉE 2005 ACHEVÉE, le Financial Times se penche avec une certaine fierté sur les prévisions de ses spécialistes concernant ces douze derniers mois : Bush s’est effectivement montré un peu moins « unilatéral » et Condoleezza Rice est bel et bien devenue une secrétaire d’État pleine d’autorité ; des élections ont eu lieu, malgré tout, en Irak ; le processus de paix au Proche-Orient a pris du plomb dans l’aile après l’évacuation de Gaza; et Londres s’est vu octroyer les jeux Olympiques de 2012 au grand dam de Paris… Certes, tout n’a pas été parfait : le baril de pétrole, par exemple, a terminé l’année bien au-dessus des 50 dollars annoncés par le F.T. Mais le quotidien britannique juge son score assez bon pour prendre le risque de faire de nouvelles prévisions – pour 2006, cette fois. Voici les principales.

Les Américains commenceront-ils à quitter l’Irak ?

O

ui, mais il est peu probable que ce retrait soit total. La réduction du nombre des soldats américains stationnés dans le pays – ils sont actuellement 170 000 – se fera parallèlement à un transfert progressif de la responsabilité de la sécurité aux forces armées irakiennes, processus qui devrait s’accélérer. Les troupes américaines sont déjà moins visibles et leur présence sera encore plus discrète en 2006. Elles devraient jouer un rôle de soutien aux troupes irakiennes dans la plupart des provinces, mais conserveront l’initiative des opérations militaires contre l’insurrection.

24

Le cycle de Doha sera-t-il bouclé ?

P

robablement pas. Même si les négociations dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aboutissent, il restera des

problèmes en suspens jusqu’au début de 2007. Mais l’issue ne devrait plus faire aucun doute à ce moment-là (voire avant). Les principaux problèmes tien-

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


MONDE nent au nombre relativement peu élevé d’intervenants de premier plan. Les négociateurs américains affirment qu’ils n’obtiendront jamais l’aval du Congrès si leurs exportations ne bénéficient pas d’une sensible amélioration de leurs conditions d’accès au marché. Les grands pays en développement (PED), comme le Brésil, ont une position analogue. Selon les États-Unis, il est impossible d’avancer dans le domaine agricole si lesdits PED ne présentent pas dans les autres domaines des propositions substantielles. Or ces derniers ne font pratiquement aucune concession dans les secteurs qui intéressent les États-Unis. Il semble qu’un compromis ambitieux soit impossible, bien que nécessaire. Et qu’un compromis plus modeste soit possible, mais inacceptable. Les chances de succès sont donc minces. Mais les négociateurs commerciaux se sont déjà sortis de situations fort embarrassantes. Peut-être y arriveront-ils une nouvelle fois. Ou peut-être repousseront-ils sine die la recherche d’une solution.

Le cours des actions continuerat-il de grimper ?

U

Les démocrates reconquerront-ils le Congrès ?

E

n théorie, toutes les conditions sont réunies pour que les démocrates retrouvent la majorité au Congrès américain lors des élections de la mimandat, en novembre. Au plus bas dans les sondages, le président Bush a bien du mal à se remettre de ses échecs en politique intérieure et à remobiliser le Parti républicain, sur lequel s’accumulent les accusations de corruption. En fait, la tâche ne sera pas aisée. D’abord, parce que le pays est profondément divisé, et les électorats des deux grands partis largement figés. Ensuite, parce que l’administration a procédé à un tripatouillage électoral très sophistiqué. Résultat : les duels serrés seront très peu nombreux. Pour contrôler le Sénat, les démocrates devront tous les remporter. La situation est encore pire pour la Chambre des représentants : seulement une trentaine de sièges (sur 435) seront âprement disputés. Lors des élections de 2004, 98 % des sortants avaient été reconduits... En 1994, les républicains avaient recueilli 54,6 % des suffrages populaires et gagné 52 sièges. Si les démocrates réalisaient cette année un score comparable, leur gain ne devrait pas dépasser 10 sièges. Or il leur en faut 16 pour reconquérir la majorité à la Chambre...

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

L’or restera-t-il au-dessus de 500 dollars ?

I

l a fallu dix-huit ans pour que l’once d’or dépasse à nouveau la barre des 500 dollars. Peut-elle se maintenir à de telles hauteurs ? L’Histoire incite à répondre par la négative. Il est vrai qu’elle a été quelque peu bousculée ces derniers temps, ce qui pourrait indiquer qu’elle est entrée dans une ère nouvelle. Traditionnellement, l’or faiblit quand le dollar se renforce, et vice versa. Mais le métal jaune a actuellement tendance à évoluer indépendamment de la monnaie américaine. Et il se maintient au plus haut, sans doute pour longtemps, face au yen, à l’euro et à la livre sterling. Les autorités allemandes continuent de se demander si elles doivent vendre une partie de leurs stocks : on ne sait donc pas si les Banques centrales européennes vendront la totalité des 500 tonnes auxquelles elles ont droit dans le cadre d e l ’ a c c o r d e n v i g u e u r. D a n s ces conditions, il est probable que les cours de l’or resteront dans une fourchette comprise entre 480 et 550 dollars.

Le Japon et la Chine se réconcilieront-ils ?

P

robablement pas. Junichiro Koïzumi, le Premier ministre japonais, qui a braqué l’opinion chinoise par ses visites répétées au sanctuaire de Yasukuni (à la mémoire des victimes japonaises de la Seconde Guerre mondiale), a annoncé son intention de démissionner en septembre. Mais son successeur – peut-être Shinzo Abé – pourrait bien se montrer encore plus intransigeant que lui sur ce problème. Les Chinois, quant à eux, ont lancé en Asie une campagne visant à isoler diplomatiquement le Japon. Pourtant, les

▲ ▲ ▲

ne économie mondiale florissante, des profits élevés, une forte activité dans le domaine des fusions et acquisitions... Tout cela devrait contribuer à entretenir la flamme sur les marchés boursiers. Malgré trois années consécutives de gains, les valeurs restent raisonnables parce que la croissance des profits a été plus forte que la hausse des cours des actions. Mais les mauvaises surprises potentielles sont légion. On ne peut exclure, par exemple, que le taux de croissance des profits ralentisse, que les déceptions sur les gains soient plus nombreuses qu’en 2005, que l’augmentation des prix des matières

premières relance l’inflation... De même, il est possible que des tensions apparaissent sur le marché des obligations si les taux d’intérêt s’élèvent plus que prévu, ou qu’un fort ralentissement des dépenses de consommation américaines (voire un attentat terroriste ou une épidémie de grippe aviaire) déséquilibre le marché. Mais l’hypothèse la plus probable reste que les actions finiront l’année plus haut qu’elles ne l’ont commencé.

25


MONDE

THE BOSTON GLOBE Quotidien, États-Unis

Feu l’empire du Mal

I

l y a quatorze ans, l’Union soviétique disparaissait, Gorbatchev démissionnait le jour de Noël et Eltsine devenait le premier président de Russie. Le Soviet suprême se sabordait et le drapeau rouge orné de la faucille et du marteau qui flottait depuis soixante-dix ans au-dessus du Kremlin était remisé au placard. Qui aurait pu imaginer que « l’empire du Mal » dénoncé par le président Reagan allait disparaître, sans guerre? Qu’une révolution allait enterrer le communisme, sans effusion de sang? Que l’un des piliers du système bipolaire qui régissait les relations internationales allait s’effondrer en provoquant si peu de remous? Qui aurait pu imaginer qu’une dictature communiste et totalitaire allait devenir une société de transition « normale », pourvue d’un niveau de vie moyen et comparable au Brésil, au Venezuela, à l’Indonésie ou au Nigeria? Qui aurait pu imaginer que, quatorze ans plus tard, aucune bombe nucléaire provenant de l’arsenal soviétique n’aurait été découverte hors de Russie? Que le gouvernement russe allait prospérer au point de s’inquiéter de disposer de trop d’argent et non d’en manquer? Que la croissance de l’économie russe avoisinerait 7 % par an depuis que Poutine est arrivé au pouvoir en 2000? Que les dirigeants internationaux se précipiteraient pour investir en Russie et non pour en retirer leurs fonds? Qu’en janvier 2006 le président russe présiderait le groupe des sept principales démocraties industrielles – le G7, qui va bientôt devenir le G8? Bref, même si la Russie reste un nœud de contradictions, qui aurait pu imaginer qu’elle allait devenir ce qu’elle est aujourd’hui? ■

Graham Allison,

ancien secrétaire adjoint à la Défense 26

liens économiques sont plus forts qu’ils ne l’ont jamais été : la Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial du Japon. Avec le temps, un rapprochement entre les deux pays n’est donc pas à exclure. Au nom de la paix et de la prospérité en Asie. ▲ ▲ ▲

KIOSQUE

Le dernier dictateur européen sera-t-il renversé ?

N

on. Alexandre Loukachenko, le président biélorusse, sera candidat, en mars, à un nouveau mandat de cinq ans. En dépit des critiques dont il est l’objet en Occident, il va selon toute apparence truquer les élections et se maintenir au pouvoir. Depuis 1994, il a peu à peu réduit au silence les médias indépendants, les organisations non gouvernementales et les partis d’opposition. Sa police secrète a conservé le nom et les pouvoirs du KGB des temps soviétiques. L’ o p p o s i t i o n n e p r é s e n t e qu’un seul candidat à la présidence, mais ses divisions ont empêché l’organisation d’une campagne unitaire du type de celle qui a permis la révolution orange en Ukraine.

Quel sera le sort de l’Afrique ?

L

a liste des promesses faites à l’Afrique mais jamais tenues est longue, très longue. Dans ces conditions, les Africains eux-mêmes ne devraient pas se montrer trop surpris si les pays riches ne respectaient pas en 2006 les engagements pris au cours de l’année précédente. L’objectif d’un doublement de l’aide d’ici à 2010 a peu de chances d’être atteint si l’on

fait le compte de l’argent actuellement consacré aux projets de développement. Le total de l’aide a certes augmenté, mais c’est essentiellement en raison d’importants allègements de la dette. Qu’en sera-t-il une fois ces opérations terminées ? Les perspectives pour 2007 et 2008 ne sont guère encourageantes... Du côté africain, il ne faut pas non plus s’attendre à des miracles en matière de bonne gouvernance et d’ouverture démocratique. Contrairement à ce qui se passe en Europe de l’Est, les dirigeants africains ne sont pas incités à changer leurs manières de faire par la perspective d’une adhésion à l’Union européenne.

Y aura-t-il une pandémie de grippe aviaire ?

D

e nombreux spécialistes de la santé publique s’étonnent que le sinistre virus H5 N1 de la grippe aviaire n’ait pas encore provoqué une pandémie humaine. Pourtant, depuis 1997, il a fait davantage de victimes chez les oiseaux qu’aucun autre virus dans l’Histoire. Et les occasions de mutation qui lui auraient permis de se transmettre à l’homme n’ont pas manqué. Pourquoi n’ont-elles pas été saisies ? Apparemment, quelque chose dans la biologie et la génétique du H5 N1 fait qu’il lui est plus difficile de « s’humaniser » que les précédents virus aviaires, tels ce H1 N1, qui, en 1918, fut à l’origine d’une dramatique pandémie de « grippe espagnole ». Rien n’indique que le virus actuel franchira le pas fatidique en 2006. ■ © Financial Times et J.A./l’intelligent 2006. Tous droits réservés

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


13/12/05

23:08

Page 1

A PARTIR DU 20/01/2006

© SPORTFIVE 2005

JAI 234 48 p027 CAN

MTN AFRICA CUP OF NATIONS EGYPT 2006 EN DIRECT ET EN INTÉGRALITÉ

www.canalsat-horizons.com


MONDE

FRANCE Depuis sa fusion, en 1998, avec les Affaires étrangères, le ministère de la Coopération s’efforce d’accroître l’efficacité de l’aide publique au développement.

Les nouvelles ambitions de la « Coopé » Philippe Perdrix

J

acques Chirac l’a promis. En constante progression depuis cinq ans, l’aide publique au développement (APD) française continuera de croître et représentera 0,7 % du revenu national brut (RNB) en 2012. « Chirac l’Africain » ne sera vraisemblablement plus au pouvoir, mais il respecterait ainsi un engagement pris par François Mitterrand, son prédécesseur, en 1981. Si ce calendrier est tenu, Paris intégrera alors le cercle des « bons élèves » de l’Organisation de coopération et de

développement économiques (OCDE). Tous les pays membres se sont engagés à atteindre ce seuil des 0,7 % – condition indispensable à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) adoptés par les Nations unies. Mais peu en prennent le chemin. « Notre effort global en faveur des pays les plus pauvres est passé de 5 milliards d’euros en 2001 à 8,2 milliards en 2006 », se félicitait en Conseil des ministres, le 12 octobre dernier, Brigitte Girardin, la ministre déléguée à la Coopération, au

Développement et à la Francophonie (voir encadré ci-dessous). Avec 0,47 % en 2006, la France commence seulement à retrouver le niveau de son engagement avant la baisse des crédits amorcée à partir de 1995. La chute du mur de Berlin a, dans un premier temps, réorienté une partie des aides vers l’Europe de l’Est. Le coup de grâce est venu en 1998 avec l’absorption de la Coopération, considérée comme le « ministère de l’Afrique », par les Affaires étrangères. Réforme voulue par Alain Juppé et mise en œuvre par Lionel Jospin : les

BRIGITTE GIRARDIN, OU LA CULTURE DU RÉSULTAT

P

ragmatique et efficace, Brigitte Girardin, la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, est une battante. Depuis la réforme de la coopération décidée par le Premier ministre Lionel Jospin, en 1998, et le « rapprochement » de la Rue Monsieur avec les Affaires étrangères, on ne savait plus très bien quel était le rôle du ministre. « Nous sommes le chef de file de l’aide au développement, répond sans ambages Brigitte Girardin. Notre dimension politique est d’autant plus grande que nous coordonnons les actions menées dans les différents ministères. » Née à Verdun, le 12 janvier 1953, elle connaît l’Afrique pour avoir vécu au Tchad lorsqu’elle avait 15 ans. Après Sciences-Po Paris et une licence en droit, elle intègre le ministère des Affaires étrangères en 1976. Deux ans plus tard, elle rejoint la direction des affaires africaines et malgaches. Politiquement classée à droite, elle rejoint l’ONU en 1981, après l’élection de François Mitterrand, et y reste jusqu’à la première cohabitation, en 1986. Elle est alors nommée chef de cabinet de Camille Cabanna, le ministre délégué chargé des Privatisations. Deux ans plus tard, elle retourne au Quai d’Orsay, puis devient conseiller technique de Dominique Perben, ministre de l’Outre-Mer, auquel elle succède dans le gouvernement mis en place en 2002. Voyageuse infatigable, elle effectue l’équivalent de neuf

tours du monde en dix-huit mois. Diplomate jusqu’au bout des ongles (en visite en Polynésie, elle n’oublie pas de porter la perle offerte lors d’un précédent voyage), elle met en place entre l’État et les collectivités territoriales un « contrat de plan » valable cinq ans. Aujourd’hui, Brigitte Girardin revient à l’Afrique par la grande porte, avec une nouvelle politique d’aide au développement qu’elle a dévoilée lors de la conférence des ambassadeurs, le 30 août dernier. Fer de lance de son action, un document cadre de partenariat, directement inspiré du « contrat de plan ». Appliquer à des États souverains et indépendants une politique conçue par la France pour ses propres territoires, n’est-ce pas du néocolonialisme ? Le mot fait bondir la ministre. Et d’expliquer son idée-force : « Mutualiser l’aide avec nos partenaires européens ou avec les institutions internationales pour la rendre plus efficace. » Elle reprend son sac de voyage pour aller démontrer le bien-fondé de sa méthode. Dès juin, elle est auprès de François Bozizé en Centrafrique, puis en Mauritanie chez le président – aujourd’hui déchu – Maaouiya Ould Taya, puis au Cap-Vert... En septembre, au Bénin, elle visite une manufacture de transformation de produits agricoles dans laquelle ne travaillent que des femmes. Elle y achète quelques pots de confiture et en ressort convaincue que les femmes africaines représentent un facteur déterminant pour

Serait-elle plus technicienne que politique ? Elle s’en défend.

28

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


MONDE « affaires africaines » se diluent dans la diplomatie française, la spécificité des relations avec les anciennes colonies disparaît. « Ni ingérence ni indifférence », proclame le gouvernement socialiste. Sur fond de malentendu, déjà perceptible quatre ans plus tôt au moment de la dévaluation du franc CFA, la France redéfinit ses domaines d’intervention. La notion néocoloniale de « pays du champ », l’ancien pré carré africain francophone, est mise au placard au profit d’une Zone de solidarité prioritaire (ZSP) regroupant une soixantaine de pays. Mais comme le budget reste inchangé, la France se désengage de facto du continent. La part africaine de l’APD dépasse ainsi péniblement les 50 %. « Les diplomates du Quai d’Orsay ont

profité de la fusion des budgets pour mettre la main sur l’APD », se souvient un observateur. Dans le même temps, entre 1995 et 2000, les investissements privés ont diminué de moitié et les effectifs militaires sont passés de 8 000 à 5 000 hommes. « Du fait de la mondialisation, il était indispensable d’élargir la Coopération. Quant à la politique française en Afrique, elle devait évoluer pour privilégier les questions de développement afin de répondre efficacement au défi de la pauvreté. C’est sur ces critères qu’il faut évaluer la politique française. Or je ne

suis pas sûre que, ces dernières années, le rendement coût-efficacité de l’aide ait été excellent. Il faut donc accepter de faire son autocritique et prévoir les ajustements nécessaires », commente Brigitte Girardin, qui a repris à son compte une réforme engagée en 2004. À terme, l’APD reposera entièrement sur des documents cadres de partenariat (DCP). Deux ont déjà été validés avec le Cambodge et le Gabon. Le Ghana, Madagascar, le Maroc et le Mali devraient suivre en Afrique. Ailleurs, le Laos et le Vietnam sont les prochains sur la liste. « À chaque fois, en accord avec le pays bénéficiaire, nous concentrons 80 % de notre aide sur trois secteurs jugés prioritaires. » L’éducation, la santé et les infrastructures sont le plus

En 2005, les annulations de dette ont représenté 34 % de l’aide.

▲ ▲ ▲

D.R.

nicienne, plus qu’une politique ? Ce soupçon ne lui plaît pas : « On ne peut plus avoir d’approche unilatérale. Nous avons des comptes à rendre au contribuable. Même si j’ai une approche politique des problèmes, je considère que la technique doit suivre. » On la dit sèche et un peu cassante. Elle préfère La ministre française mettre ces défauts sur en visite au Niger, le compte de son en septembre 2005. « caractère bien trempé », une opinion largement relayée par les membres de son équipe, qui la considèrent « plutôt marrante et sachant galvaniser ses troupes ». Et sa vie privée, dans tout ça ? Mariée à un financier, la ministre a deux enfants, Vanessa, 15 ans, et Arnaud, 21 ans. Mais son agenda chargé l’empêche de leur consacrer beaucoup de temps. L’avenir ? « La politique africaine de la France ne peut ressembler à ce qu’elle était il y a cinquante ans. Nous devons utiliser le canal multilatéral. Nous serons jugés sur les résultats. » ■ Valérie Thorin

sortir le continent de son marasme. Au Niger, elle reste très longtemps à Tilabéri pour parler avec des femmes victimes de la famine, faisant « exploser » le programme des services du protocole. Même chose au Gabon, où elle visite longuement un centre antisida à Libreville. En Haïti, elle rencontre le Premier ministre Gérard Latortue, puis annonce la levée des sanctions européennes et le déblocage d’une enveloppe de 72 millions d’euros par an (contre 36 millions auparavant). Une particularité lie Brigitte Girardin à cette moitié d’île au sombre destin. « Leslie Manigat [qui fut chef de l’État de juin à septembre 1988] a été mon professeur à Sciences-Po », explique-t-elle dans un sourire. Le culte du résultat ferait-il de Brigitte Girardin une techJ.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

29


MONDE

FINANCIAL TIMES Quotidien, Royaume-Uni

La France n’est plus ce qu’elle était

U

ne nouvelle fois, la France est en pleine crise de morosité. Elle s’inquiète du déclin de son influence en Europe et dans le monde, de son économie peu performante, de son taux de chômage toujours très élevé et de sa dette publique vertigineuse. 2005 a été marquée par la retentissante victoire du non au référendum sur la Constitution européenne, par de féroces affrontements avec divers partenaires internationaux sur la politique agricole commune et par le soulèvement des jeunes des banlieues défavorisées. Il y a pourtant des signes encourageants. Le débat qui s’est engagé sur le meilleur moyen de remédier à la situation ne pourra que prendre de l’ampleur à l’approche de l’élection présidentielle de 2007. Par ailleurs, de nombreuses raisons incitent à penser que la France peut largement bénéficier de la mondialisation plutôt que d’en être la victime. Et les multinationales françaises ont démontré qu’elles étaient capables de rivaliser avec les meilleures. Le gouvernement Villepin a entrepris de s’attaquer au fléau du chômage de masse. Certaines mesures (comme le développement de l’emploi dans les services) semblent raisonnables, même si l’on mise trop sur la dépense publique. Thierry Breton, le ministre des Finances, a courageusement reconnu que la France vivait audessus de ses moyens et s’efforce de rééquilibrer les finances publiques. Enfin, le gouvernement commence à remédier à cette coûteuse folie économique que sont les 35 heures. Président de l’UMP, Nicolas Sarkozy a introduit dans le débat quelques idées nouvelles. Il appartiendra aux électeurs de dire s’il ferait un bon président, mais il a indiscutablement contribué à remettre en cause la traditionnelle autosatisfaction des Français concernant leur modèle social, les priorités économiques et la politique d’intégration. ■

30

souvent retenues. Objectif : éviter le saupoudrage et venir en aide aux populations les plus démunies. En 2004, l’Afrique a absorbé 67 % de l’aide bilatérale, contre 64 % en 2000 et 56 % en 1995. Parallèlement, l’aide multilatérale se déploie (30 % de l’APD). La France est ainsi devenue le premier contributeur du Fonds européen de développement, du Fonds africain de développement, mais aussi du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. « L’augmentation de l’APD dégage très peu de ressources nouvelles pour financer le développement, car elle est avant tout la conséquence des annulations de dette. En réalité, l’APD de la France ne progresse pas », regrette Coordination Sud, un collectif d’ONG. En 2005 et 2006, l’annulation de la dette de l’Irak et du Nigeria représente respectivement 500 millions et 1 milliard d’euros. De quoi faire grimper les statistiques. Coordination Sud conteste par ailleurs le poids prépondérant du ministère de l’Économie et des Finances, déplore la faible place accordée aux ONG et demande une refonte de l’architecture institutionnelle. Selon des chiffres fournis par les services du ministère de la Coopération, les annulations de dette ont représenté 20 % de l’APD en 2002, 28 % en 2003, et 34 % en 2005. Avant de revenir à 23 % en 2006. Le traitement de la dette étant supervisé par les fonctionnaires de Bercy, personne ne peut plus contester le « rôle prééminent des argentiers ». Un rapport du Sénat rédigé en 2001 dénonçait déjà cette « exception française ». En 1995, le ministère de l’Économie et des Finances gérait 44 % de l’APD, contre 18 % pour ceux des Affaires étrangères et de la Coopération. En 2005, la répartition était de 45 %-26 %, le reste étant supervisé par d’autres ministères ou organismes. « Attention, si l’on prend uniquement en compte les crédits budgétaires, la part de la Coopération est deux fois plus importante que celle de Bercy », souligne-t-on Rue Monsieur. C’est vrai, à ceci près que

▲ ▲ ▲

KIOSQUE

nombre d’arbitrages financiers se font désormais dans les bureaux de Thierry Breton, et non plus au Quai d’Orsay. « Les fonctionnaires de la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE) se sont progressivement substitués à leurs collègues de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), qui ont dû digérer le regroupement des services », reconnaît prudemment un haut fonctionnaire sous le couvert de l’anonymat. La perte d’influence de la Coopération française est aussi, en partie, la conséquence de la compression de ses effectifs. La DGCID compte aujourd’hui 485 agents à Paris, contre 637 en 1996. Les chiffres sont encore plus éloquents concernant les postes à l’étranger. « Avant 1995, on recensait au moins 1500 volontaires du service national pour les Affaires étrangères et presque autant pour la Coopération. Aujourd’hui, 1100 assistants techniques et 963 volontaires internationaux sont en mission. Les plus grosses baisses ont affecté les enseignants-coopérants et les chercheurs envoyés dans les hôpitaux », précise une responsable du personnel. Une coopération revue à la baisse ? « Nous sommes les chefs de file de toute la politique de développement, nous remplissons un rôle interministériel et nous pilotons la mise en œuvre de toute l’APD, s’agace Brigitte Girardin, nommée Rue Monsieur en juin 2005 après un passage remarqué à l’Outre-Mer. Je suis une proche du président de la République, la coopération est l’un de ses domaines réservés et j’ai toute sa confiance. » Une façon, aussi, de répliquer aux nostalgiques de la « Françafrique » qui déplorent la perte d’influence politique de son ministère. « Quand un chef d’État africain vient à Paris, je le rencontre systématiquement. Je travaille sur tous les dossiers traités par la cellule africaine de l’Élysée. J’ai accès à toute l’information. Cela fait gagner du temps, et on est sûr ainsi qu’il n’y a pas de friture sur la ligne », conclut-elle. ■

Entre Bercy et le Quai d’Orsay, la concurrence est vive.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


ABONNEZ-VOUS À l’intelligent JEUNE AFRIQUE

48 numéros + 2 nos doubles

€ 105 * seulement

au lieu de 156 €

(prix total de vente au numéro)

soit plus de 30% d’économie

Votre cadeau Le hors série Spécial Finance

Le leader mondial de l’actualité panafricaine. Le regard du monde sur l’Afrique, la vision de l’Afrique sur le Monde, Dans Jeune Afrique/l’intelligent et nulle part ailleurs...

Retrouvez cette offre sur

* Tarif France métropolitaine Offre valable jusqu’au 31/01/2006

www.jeuneafrique.com

Du Maghreb à l’Afrique du Sud, un état des lieux du système bancaire africain

BULLETIN D’ABONNEMENT À RETOURNER sous enveloppe affranchie, et accompagné de votre règlement à : GROUPE JEUNE AFRIQUE Service Abonnement - B.P. 90006 - 59718 Lille Cedex 9 - France

❏ OUI, auje souhaite m’abonner à « Jeune Afrique/l’Intelligent » pendant 1 an (48 n + 2 doubles) tarif promotionnel de : os

❏ 105 € FRANCE MÉTROPOLITAINE

❏ 135 € EUROPE / MAGHREB

❏ 150 €

ZONE CFA

❏ 190 €

USA /CANADA

PJAB48

❏ 199 € RESTE DU MONDE

Je recevrai mon cadeau, le hors-série Spécial Finance “Les 200 premières banques africaines” pour tout abonnement souscrit avant le 31/01/2006

Je joins mon règlement (en euros uniquement) à l’ordre de Groupe Jeune Afrique par : ❒ Chèque bancaire émis sur une banque française ❒ Virement bancaire (CIC 30066 10660 00010046802 37) ❒ Carte bancaire (Visa, Mastercard, American Express) n°

❒ Monsieur

❒ Madame

❒ Mademoiselle

NOM : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . PRÉNOM : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . SOCIÉTÉ :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . FONCTION : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ADRESSE :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Date de validité :

.................................................................................................

Date et signature obligatoires

CODE POSTAL : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VILLE : PAYS :

............................................

........................................................................................

ADRESSE E-MAIL : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TÉL. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . FAX : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nous vous rappelons que conformément à la loi Informatique et Libertés, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent. Il vous suffit d’envoyer votre demande à l’adresse suivante : GROUPE JEUNE AFRIQUE – Service abonnement - BP 90006 – 59718 Lille cedex 9. Groupe Jeune Afrique - SA au capital de 30 millions d’euros - TVA : FR 35 337 655 682 000 33


MONDE

BALISES

À quand l’éducation pour tous? «

D

es progrès significatifs ont été accomplis en vue de l’éducation pour tous (EPT), mais des défis colossaux restent à relever pour atteindre les objectifs fixés à l’échéance de 2015 par la communauté internationale », a déclaré le directeur général de l’Unesco*, Koïchiro Matsuura, lors de la cinquième réunion annuelle du Groupe de haut niveau sur l’EPT (Pékin, 28-30 novembre). Ce groupe est composé d’une trentaine de ministres de l’Éducation et de la Coopération internationale, ainsi que de représentants des institutions financières internationales et d’organisations non gouvernementales. Son objectif est d’évaluer le chemin parcouru depuis le Forum sur l’éducation de Dakar (26-28 avril 2000). Évoquant les données contenues

dans le rapport de suivi**, Matsuura a estimé que près de 20 millions de nouveaux élèves ont été scolarisés dans les pays pauvres d’Afrique subsaharienne et d’Asie (du Sud et de l’Ouest). Mais si la tendance actuelle ne s’améliore pas, la parité entre les sexes ne sera pas atteinte en 2015 dans 86 pays. Et l’éducation primaire ne sera pas assurée pour tous les élèves dans 96 pays. À ce jour, seuls 47 pays ont atteint les objectifs de Dakar et une vingtaine sont susceptibles d’y parvenir d’ici à 2015. Actuellement, un habitant de la Terre sur cinq (18 %) est encore analphabète, soit 771 millions de personnes âgées de 15 ans et plus, contre 872 millions en 1990. Si de nouveaux efforts ne sont pas accomplis, le monde comptera 765 millions d’analphabètes en 2015 (14,2 %).

Évolution du taux d’analphabétisme

Nombre d’analphabètes âgés de 15 ans et plus

(en % de la population de 15 ans et plus)

(en millions)

Asie 129 141 152

Afrique subsaharienne Afrique du Nord et Moyen-Orient* 42 38 31

Amérique latine et Caraïbes Europe de l’Est Europe de l’Ouest et Amérique du Nord

12 8 7 11 8 4

511 509

615

Amérique latine et Caraïbes

1990 2000-2004 2015

Europe de l’Est Europe de l’Ouest et Amérique du Nord

6,9

18,1 14,2

37,3

50,1 50

30

1990 2004 2015

24,6

(en % des enfants en droit d’être scolarisés, 2002-2003,) 40,4

2,1

6,5 3,8 2,6 2,1 2,1 1,3 0,6

20,6 16,2 15 10,3

40,3

Proportion d’enfants non scolarisés, niveau primaire

45,5

2,5

24,5

Moyenne mondiale

(en millions, année 2002-2003)

2,6

30,6

Asie

63 65 62

Asie

Europe de l’Est Europe de l’Ouest et Amérique du Nord Amérique latine et Caraïbes

Afrique subsaharienne Afrique du Nord et Moyen-Orient*

Enfants non scolarisés à l’école primaire (6-11 ans) Afrique subsaharienne Afrique du Nord et Moyen-Orient*

« L’alphabétisation est un droit et une base pour continuer à apprendre. Elle passe par l’octroi à tous les enfants d’une scolarisation de qualité, par une intensification des programmes pour les jeunes et les adultes et par des politiques créant un environnement propice », estime Nicholas Burnett, le directeur du rapport. Cette stratégie exige des mesures pour accélérer les progrès vers l’éducation primaire universelle (EPU). De toutes les régions, l’Asie du Sud a le taux d’analphabétisme le plus élevé (41,4 %), devant l’Afrique subsaharienne (40,3 %) et le monde arabe (37,3 %). S’agissant des pays, les plus forts taux sont enregistrés au Burkina (87 %), au Niger (86 %) et au Mali (81 %). Au total, l’Afrique subsaharienne est la seule région où le nombre de personnes ne sachant ni lire ni écrire va augmenter au cours des années à venir : elle passera de 141 millions en 2004 à 152 millions en 2015. Pis, sur les 132 millions de jeunes illettrés dans le monde, 36 millions vivent dans cette région et 12 millions dans les pays arabes voisins…

Afrique subsaharienne Afrique du Nord et Moyen-Orient* Asie Europe de l’Est Europe de l’Ouest et Amérique du Nord Amérique latine et Caraïbes Moyenne mondiale

29 16 10 10 5 3 13

* Pays arabes, y compris le Soudan 32

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


MONDE « Pourtant, le lien étroit existant entre l’alphabétisation des adultes et la santé, le montant des revenus, la participation citoyenne et l’éducation des enfants devraient fortement inciter les États et les bailleurs de fonds à réagir de manière plus dynamique », constate amèrement le directeur général de l’Unesco. L’augmentation de la scolarisation des jeunes de moins de 15 ans a été insuffisante : 100 millions d’enfants sont exclus, pour une raison ou une autre, de l’école primaire, dont 40 millions en Afrique subsaharienne et 7 millions dans les pays arabes. Ce scandale n’a pas l’air d’émouvoir outre mesure les décideurs politiques, beaucoup plus prompts à déclarer la guerre au terrorisme et au banditisme. Mais ils oublient que ces fléaux sont alimentés justement par l’exclusion scolaire qui frappe toutes les familles, sans distinction de revenus. Les pauvres ne vont pas à l’école parce que leurs parents ne peuvent pas payer leurs frais de scolarité. Les moins pauvres préfèrent que les enfants les aident aux champs, au magasin, dans l’atelier de tapis ou le travail domestique… Parfois, l’exclusion tient à des raisons religieuses ou culturelles (les filles gardent la maison et attendent le mariage). Facteur clé du développement politique et social, l’éducation demeure souvent le parent pauvre des budgets nationaux et de l’aide extérieure (moins de 2 % des ressources), laquelle privilégie les routes, les barrages et autres projets plus profitables pour les entrepreneurs – et les corrupteurs. Lorsque l’enfant va à l’école, c’est souvent dans un contexte de grande médiocrité : pas de manuels scolaires, pas de tables, pas d’enseignants motivés (faute de salaire, faute de compétences)… Selon le rapport de l’Unesco, l’absence d’environnement propice concerne plus de la moitié des élèves dans la plupart des pays africains. ■ Samir Gharbi * Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). ** « L’alphabétisation, un enjeu vital », Rapport mondial de suivi de l’Éducation pour tous 2006, Unesco, 448 pages.

L’analphabétisme en Afrique (2000-2004)

Taux d’analphabétisme

(en % du groupe concerné) Population Jeunes (15 ans et plus) (15 à 24 ans) Afrique du Sud Algérie Angola Bénin Botswana Burkina Burundi Cameroun Cap-Vert Centrafrique Comores Congo Côte d’Ivoire Djibouti* Égypte Érythrée* Éthiopie Gabon Gambie* Ghana Guinée* Guinée équatoriale Guinée-Bissau Kenya Lesotho Liberia Libye Madagascar Malawi Mali Maroc Maurice Mauritanie Mozambique Namibie Niger Nigeria Ouganda RD Congo Rwanda Saõ Tomé e Príncipe Sénégal Seychelles Sierra Leone Somalie Soudan Swaziland Tanzanie Tchad Togo Tunisie Zambie Zimbabwe

18 30 33 66 21 87 41 32 24 51 44 17 52 47 44 54 58 ND 74 46 73 16 ND 26 19 44 18 29 36 81 49 16 49 53 15 86 33 31 35 36 ND 61 8 70 ND 41 21 31 74 47 26 32 10

6 10 29 56 11 81 28 19* 11 41 41 2 40 27 27 39 43 ND 58 18* 56 6 ND 20 13* 29 3 30 24 76 30 5 39 37 8 80 11 20 31 23 ND 51 1 62 ND 25 12 22 63 26 6 31 2

Nombre d’analphabètes

(en millions) Population Jeunes (15 ans et plus) (15 à 24 ans) 4,7 6,3 2,2 2,4 0,2 4,7 1,3 2,8 0,06 1,1 0,19 0,3 4,6 0,14 17,3 0,9 22 ND 0,4 5,3 0,5 0,04 ND 4,5 0,2 0,8 0,7 2,6 2,1 4,6 10,1 0,14 0,7 5,6 0,16 4,8 22,2 3,9 9,1 1,5 ND 3,3 ND 1,7 ND 7,6 0,12 6 3,1 1,2 1,9 1,8 0,7

0,5 0,7 0,7 0,8 0,04 1,8 0,4 0,4* 0,01 0,3 0,06 0,01 1,3 0,03 3,3 0,2 5,8 0,13 0,1 0,5* 0,1 0,005 ND 1,4 0,04* 0,19 0,04 0,9 0,5 1,7 1,9 0,01 0,2 1,4 0,03 1,7 2,8 1 3,1 0,4 ND 1 ND 0,5 ND 1,5 0,03 1,6 0,9 0,25 0,1 0,66 0,08 SOURCE : UNESCO

ND : non disponible * Chiffres 1990

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

33


MONDE

INTERVIEW Au terme de deux mandats de quatre ans, il quitte son poste

d’administrateur de l’AIF. Et dresse avec J.A.I. le bilan de son action.

Roger Dehaybe

« La Francophonie,c’est le contraire du néocolonialisme » Propos recueillis par Zyad Limam

C

’est un homme étonnant et multiple, né à Liège, en Belgique, en pleine Seconde Guerre mondiale. Un amoureux de la langue française, fondateur, dans sa jeunesse, d’une compagnie théâtrale, doublé d’un militant anticolonialiste. Un homme politique – de gauche – doublé d’un diplomate. Un « Africain » d’adoption, enfin. Depuis le mois de janvier 1998, Roger Dehaybe était administrateur de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF). Au terme de deux mandats, il quitte son poste avec le sourire, sans regrets apparents. Peutêtre aurait-il pu le conserver, mais il croit aux vertus du changement. Quoi qu’il en soit, son bilan est plus

qu’honorable. Depuis huit ans, la Francophonie s’est modernisée. D’indéniables progrès ont été réalisés dans la gestion et l’efficacité de la coopération. Des textes fondateurs sur la démocratie ou la diversité culturelle ont été adoptés. Enfin, les deux branches de la Francophonie – l’OIF, son instance politique, et l’AIF, vouée à la coopération – ont été réunifiées. À quelques heures de laisser la place à son successeur, le Canadien Clément Duhaime, et avant d’aller saluer Abdou Diouf, le secrétaire général de l’OIF, Roger Dehaybe nous a reçu dans son bureau, au milieu des cartons. Pour tirer avec passion les leçons de son aventure francophone. ■

« La diversité culturelle, c’est la bataille du millénaire ! » J.A./L’INTELLIGENT:Vous quittez la maison francophone alors que, lors de la conférence ministérielle de Madagascar (22-23 novembre), un nœud institutionnel semblait avoir été dénoué. Aujourd’hui, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF) ne forment plus qu’une seule et même entité. Reste à savoir qui a absorbé qui... ROGER DEHAYBE: Replaçons les choses dans leur contexte. Avant le sommet de Hanoi, en 1997, certains États avaient exprimé le souhait de voir la Francophonie devenir plus politique. D’autres craignaient que cette politisation ne se fasse au détriment de la coopération économique. Un compromis a finalement été trouvé. Une Francophonie politique a bien été créée et confiée à un secrétaire général, en l’occurrence Boutros Boutros-Ghali. Mais les missions de développement et de coopération ont été maintenues et placées sous la respon34

sabilité de l’Agence. Cette cohabitation de deux idées a fonctionné pendant huit ans. Je sais que certains journaux, y compris le vôtre, ont parfois insisté sur la concurrence et les frictions existant entre ces « deux Francophonies ». La vérité est qu’elles ont, ensemble, réalisé beaucoup de choses, qu’il s’agisse de la modernisation de l’Agence, de la déclaration de Bamako, ce véritable texte fondateur en matière de démocratie,ou de la Conférence des ministres de la Culture, à Cotonou, qui s’est engagée sur la question fondamentale de la diversité culturelle. Mais qui était le patron ? Les rôles ont toujours été clairement définis. Il y avait un patron de l’ensemble francophone, le secrétaire général de l’OIF, et un adjoint, l’administrateur de l’AIF, c’est-à-dire moimême. Avec l’arrivée d’Abdou Diouf, un ancien chef d’État, cette répartition naturelle des choses s’est affirmée. Et c’est cette expérience de plusieurs années de collaboration entre « politique » et « coopération » qui a permis d’aboutir, presque aussi naturelle-

ment, à la fusion des deux instances. Le « politique » prime-t-il le « développement » ? Personne ne prime personne. En novembre 2004, le sommet de Ouagadougou a défini les priorités pour les dix ans à venir. Celles-ci incluent à la fois le politique et l’économique. Dès lors, la simplification institutionnelle devenait presque une formalité. Le traité qui sert de base à la Francophonie, c’est celui de Niamey (1970), qui a créé l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), devenue AIF en 1998, puis OIF en novembre 2005. Mais personne n’a gagné ni perdu dans l’opération. Quand la chrysalide devient papillon, on ne dit pas qu’elle absorbe le papillon! Certains sont convaincus que si vous étiez resté à l’Agence, vous auriez défendu avec vigueur son autonomie... Parlez-en au président Diouf. J’ai toujours été partisan de l’unicité de l’institution francophone. Lors d’une réunion de représentants de chefs d’État, une fois établi le consensus sur le

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


projet de fusion, Diouf a eu l’élégance de dire: « Mes amis, celui qui m’a proposé cette réforme, c’est Dehaybe. » Comment les pouvoirs seront-ils répartis entre le secrétaire général et le nouvel administrateur ? Je ne veux pas présager des futures relations entre Abdou Diouf et Clément Duhaime, mais je ne vois pas de raisons pour que cela se passe autrement qu’avant. Avec le président Diouf, nous avions nos méthodes. Tous les mercredis après-midi, j’allais le voir avec un ordre du jour que je lui avais transmis la veille. On passait les questions en revue, les nominations, les recrutements, etc. Diouf donnait ses directives, exprimait son opinion sur tel ou tel sujet. Nous avons parfaitement bien fonctionné, sur le modèle d’un président et de son Premier ministre. La cohabitation peut parfois se révéler difficile ! Pas dans le cas de l’OIF. Parce que c’est le secrétaire général qui choisit l’administrateur. Et que l’administrateur n’a pas de « parti » derrière lui. Bref, il n’y a qu’un seul patron. La réforme adoptée à Madagascar a reconnu cet état de fait, mais la vraie

V. FOURNIER/J.A.I.

Dans son bureau, au siège de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, à Paris.

révolution, c’est à Ouagadougou, l’année précédente, qu’elle a eu lieu avec la définition d’un cadre stratégique pour dix ans. En quoi ce « cadre » est-il si important ? Ouagadougou a été un sommet de synthèse qui a donné à chacun des acteurs de la Francophonie sa « feuille de route » pour les dix ans à venir. Auparavant, la Francophonie partait un peu dans tous les sens, sans véritable cohérence et avec des moyens limités. Lors de chaque conférence ministérielle, on rajoutait des « bons de commande »... À Ouaga, nous avons remis de l’ordre. Les représentants de plus de soixante pays se sont fixé des objectifs prioritaires: culture et diversité culturelle ; formation ; éducation et recherche ; démocratie et droits de l’homme ; développement et économie. Du même coup, nous avons clarifié nos relations avec d’autres institutions comme le système des Nations unies ou la Banque mondiale… Tout cela manque peut-être un peu de romantisme, d’une grande ambition… Prenez le cas de l’Autriche. Ce pays, où le français n’est guère parlé, est loin

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

d’être pauvre et n’a donc nul besoin de financements multilatéraux. Pourtant, il a souhaité obtenir le statut d’observateur au sein de la Francophonie. Pourquoi? Parce que la Francophonie est l’une des rares organisations internationales à posséder une vraie vision, une vraie pratique du multilatéralisme. Elle n’est pas un projet néocolonialiste, mais, au contraire, un projet libérateur. D’une certaine manière, c’est le projet altermondialiste le plus abouti. Depuis le 11 septembre 2001, le monde a le plus urgent besoin d’une meilleure compréhension, d’une meilleure écoute de l’autre et de sa différence. La diversité culturelle, c’est la seule réponse à la mondialisation sauvage. C’est ce que la Francophonie porte en elle et c’est pourquoi l’Autriche, parmi d’autres, s’y intéresse. Mais la diversité culturelle ne permettra pas de réduire la fracture Nord-Sud ! Pour moi, la coopération Nord-Sud est un devoir. Les pays riches doivent assumer leur passé et donc leurs responsabilités. Chacun doit apporter sa contribution, et c’est ce que fait la Francophonie, qui est l’une des très rares institutions multilatérales à avoir sup35


MONDE primé les clauses de conditionnalité traditionnellement imposées par les donateurs.Ilyaencorequelquesannées, 80 % des financements étaient « liés ». L’argent devait aller à tel ou tel projet, l’Agence ne jouant qu’un rôle de gestionnaire passif. Aujourd’hui, l’organisation est libre d’utiliser son budget sur les projets qu’elle privilégie. C’est un immense acquis. Quelle autre victoire revendiquez-vous ? La Francophonie joue un rôle essentiel sur la question de la diversité culturelle. Et la diversité culturelle, c’est la bataille du millénaire. Revenons un demi-siècle en arrière. Dans les valises du plan Marshall, il y avait un vrai projet idéologique. On a imposé à l’Europe un modèle de pensée et de fonctionnement. On lui a imposé les films hollywoodiens, la culture anglo-saxonne et, dans une certaine mesure, l’hégémonie d’une langue. Résultat : l’industrie de la culture est le deuxième produit d’exportation des États-Unis, après l’armement. Aujourd’hui, la mondialisation donne aux outils culturels un rôle encore plus important. L’enjeu est de protéger la diversité des modèles et des cultures. Lors de la conférence de Cotonou, la Francophonie a mis sur la table l’idée d’une convention qui garantirait aux États la possibilité de préserver voire de subventionner leur politique culturelle. En face, nous avons les tenants du marché. Mais celui-ci n’est pas dépourvu d’idéologie… Quelques mois plus tard, l’Unesco a adopté une déclaration universelle sur la diversité culturelle qui reprend l’essentiel des principes mis en avant à Cotonou. L’enjeu est tel que Condoleezza Rice, la secrétaire d’État américaine, a cru devoir écrire à tous les États membres pour dénoncer les « dangers » de cette déclaration. Celle-ci a pourtant été adoptée par 148 voix contre 2, celles des États-Unis et d’Israël. Que des pays riches passent outre aux injonctions de Washington ne me paraît pas anormal. Mais j’admire tous ces pays pauvres, fragiles, qui ont résisté à la pression américaine. Je les admire parce qu’ils ont compris l’importance de la bataille. Votre plus grand regret ? Je n’ai pas réussi à convaincre le monde francophone des dangers de la

libéralisation de l’enseignement de base et de l’enseignement primaire. Dans les coulisses de l’OMC, des pays comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, parfois le Royaume-Uni, plaident pour la libéralisation du primaire. La bataille de l’enseignement supérieur ayant été perdue, on voit aujourd’hui apparaître, dans tous les pays mais surtout ceux du Sud, d’étranges universités échappant à tout contrôle de l’État. Certains voudraient imposer la même « dérégulation » à l’enseignement de base, qu’il soit public ou privé. Si, demain, l’école primaire devient une marchandise comme une autre, alors, une multinationale pourra implanter des écoles là où elle le souhaite. Elle pourra fabriquer à sa guise des petits consommateurs. Telle ou telle organisation politique ou religieuse pourra faire ce qu’elle veut de l’esprit des plus jeunes. Ce qui je vous dis là, je le dis à toutes les tribunes où j’ai l’occasion de m’exprimer, mais sans vraiment convaincre. Parfois, les choses sont tellement énormes que les gens ne vous croient pas…

de l’équation politique, la Francophonie revêt une grande importance. Même chose en Afrique, où la langue représente l’ouverture sur le monde... Cela dit, la France organise cette année un festival des cultures francophones pour répondre, en partie, à ce déficit de communication. Le Maghreb est-il définitivement perdu pour la Francophonie? Pourquoi le serait-il? L’Algérie, il me semble, s’apprête à rejoindre notre mouvement... L’usage du français y recule d’année en d’année... Le français n’a pas l’ambition d’être la première langue de ces pays, encore moins la première langue du monde, mais l’une des cinq grandes langues internationales. Dans ce cadre-là, il progresse. Dans les milieux universitaires en Chine, en Russie, aux États-Unis, en Amérique du Sud, l’étude du français progresse. Que les Maghrébins parlent avant tout l’arabe, c’est normal. Vous ne voulez quand même pas que notre communauté, qui lutte contre l’impérialisme linguistique anglo-saxon, pra-

« Il serait dramatique que l’école primaire devienne une marchandise comme une autre. »

36

On a parfois l’impression que la France n’est guère concernée par la Francophonie… C’est le contraire qui est vrai. Les pays du Nord s’intéressent de plus en plus à l’organisation, qui joue un rôle de plus en plus important sur la scène internationale. Mais tout est un jeu d’équilibre. Il ne faut pas que les pays du Sud aient l’impression que les grandes décisions, une fois de plus, leur échappent. Pour eux, la Francophonie est un forum privilégié, un lieu d’expression et de décision. Jeparlaisdescitoyensfrançais… Franchement, je ne suis pas choqué par le fait que la Francophonie ne passionne pas les foules en France. Qu’elle y soit avant tout l’affaire des cadres dirigeants, des hommes politiques et des fonctionnaires internationaux. Les Français parlent français, voilà tout ! Ils ne sont pas tous des hommes d’affaires, des voyageurs, des commerçants, des scientifiques constamment confrontés au reste du monde. En revanche, en Belgique ou au Québec, où la langue est partie intégrante

tique pour son propre compte un impérialisme francophone! Quels sont les Africains qui vous ont le plus marqué ? D’abord, le président Abdou Diouf. Je pense qu’il fera partie des rares personnalités qui émergeront du fracas de l’histoire, lorsque l’on regardera avec le recul la fin du XXe siècle africain. Mais aussi Amadou Toumani Touré, qui a un vrai parcours, une histoire personnelle. Et Blaise Compaoré, qui est un véritable homme politique doublé d’un homme d’État. Vous voici donc définitivement en vacances ? Pas encore! Le président Diouf m’a demandé d’être, un an durant, le commissaire de l’« année Senghor » – et je me donne entièrement à cette mission. Et puis, j’ai toujours envie de défendre la Francophonie, un projet d’avenir qui est à la fois l’affirmation d’une communauté et celle des différences. N’oubliez pas Saint-Exupéry: « Si tu es différent, mon frère, tu m’enrichis »... Et aussi Senghor: « S’enrichir de nos différences pour accéder à l’universel »... ■

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


CE JOUR-LÀ

8 janvier 1959

De Gaulle à l’Élysée

A

AFP

près l’adoption triomphale, par référendum, de la nouvelle Constitution, c’est un nouveau « oui franc et massif ». Le 21 décembre 1958, le général de Gaulle est élu premier président de la Ve République et de la Communauté, avec près de 80 % des suffrages d’un collège qui compte quelque quatre-vingt mille grands électeurs. Victoire sans surprise : c’est à peine si de Gaulle l’évoque dans ses Mémoires d’espoir, se bornant à souligner qu’il avait pour la première fois fait acte de candidature. Son fils Philippe ne garde pas non plus un souvenir impérissable de cette journée, plus marquante, il est vrai, par ses conséquences que par Cérémonie de passation des pouvoirs, à l’Arc de triomphe son déroulement : « Il s’agissait pour mon de l’Étoile, à Paris, entre Charles de Gaulle et René Coty. père d’une évolution naturelle depuis qu’il avait accompli le plus important en établissant les nouveaux pouvoirs avant même qu’il ne Son énigmatique « je vous ai compris » lancé à la s’installe à l’Élysée. » foule d’Alger laissait tout supposer mais ne promettait rien. Il a tenu à le manifester dès la compoAprès cinq années d’une présidence molle sition de son gouvernement. Écartant les proches consacrée pour l’essentiel à l’inauguration des chrydes ultras d’Algérie, il a appelé à ses côtés les santhèmes, René Coty s’est ménagé in extremis une « prétendus chefs » de ces « prétendus partis » place dans l’Histoire en cédant dignement la sienne qu’il avait si longtemps accablés de ses sarcasmes à celui qu’il appelait « le plus illustre des Français ». et qui lui servaient aujourd’hui de caution républiMais de Gaulle s’attarde à Matignon. « Là-bas, caine. « Ils auraient préféré continuer à jouer à la grommelle-t-il en désignant le faubourg Saintbelote, devait-il confier dans un mouvement d’huHonoré, on ne peut même pas se promener sans meur, je les ai obligés à jouer au poker et, là, je être vu des maisons voisines. » Il ne veut, prétend-il, suis le plus fort. » ni bousculer le président sortant ni le priver d’une dernière soirée protocolaire à l’Opéra. S’il paraît se La relève historique a enfin lieu le 8 janvier. résigner de mauvaise grâce à l’obligatoire passation Dans la splendeur dorée de l’immense salle des des pouvoirs, c’est que, dans son esprit, tout est fêtes de l’Élysée, où la musique de la Garde répuréglé depuis la Libération. Tout l’est aussi, dans les blicaine vient de claironner la Marche de Thésée, le faits, depuis qu’il a réussi à revenir légalement aux morceau favori de Louis XIV, Coty accueille son affaires, malgré les menaces des comploteurs, civils successeur : « Le premier des Français est désoret militaires, d’Alger. « Je ne reprendrai pas le poumais le premier en France. » Des chroniqueurs irovoir dans un tumulte de généraux. S’il a lieu, je me niseront sur cette lapalissade qui définissait pourtant retirerai dans mon village », avait-il fait savoir à au mieux le nouveau régime. Et l’homme, qui, dix Pierre Pflimlin, le président du Conseil, venu le voir ans durant, allait l’incarner. en secret dans la nuit du 26 au 27 mai à Par un beau soleil d’hiver, dans le vent piquant Colombey-les-deux-Églises. qui fait trembler sur le bleu du ciel les arbres dépouillés, les deux hommes se rendent « côte à En cette soirée du 21 décembre 1958 où le côte » au tombeau du Soldat inconnu. Mais c’est la pouvoir suprême vient de lui être légitimement fin de la transition. De Gaulle le signifie à sa confié, il peut se dire que tout s’est passé comme manière, impitoyable. Abandonnant Coty, interloqué, il l’avait exigé et prévu : il ne s’est pas lié les sous l’Arc de triomphe, il redescend, seul, les mains, n’a pris d’engagement envers personne... Champs-Élysées. ■ Henri Marque J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

37


AFRIQUE SUBSAHARIENNE CÔTE D’IVOIRE Le Premier ministre Charles Konan Banny a mis plus de trois semaines à constituer son équipe. Coup de projecteur sur les longs jours de tractations, de consultations, de marchandages et de pressions qui ont tenu en haleine tout le pays.

L’histoire secrète du nouveau gouvernement Marwane Ben Yahmed

J

«

e me sens comme quelqu’un qui a participé à une course d’obstacles. Il y en avait beaucoup, nous les avons franchis. Et je sais encaisser… » Le nouveau Premier ministre de Côte d’Ivoire, Charles Konan Banny (CKB), aime les métaphores sportives. Nommé le 4 décembre, ce Baoulé de 63 ans, gestionnaire réputé, prudent et ambitieux à la fois, n’a pas ménagé ses efforts pour constituer au plus vite le gouvernement de transition dont la priorité est d’organiser le désarmement et l’élection présidentielle d’ici au 31 octobre 2006. Mais il lui aura fallu plus de trois semaines pour y parvenir. Vingt-quatre jours d’intenses tractations, de marchandages, de consultations pour, enfin, annoncer à ses compatriotes et à la communauté africaine et internationale la constitution de cette équipe à la tâche immense et dans laquelle résident les derniers espoirs d’une sortie de crise. Une éternité pour les Ivoiriens. Même s’il convient de se souvenir que Seydou Elimane Diarra avait mis près de deux mois à mettre en place son équipe après les accords de Marcoussis de janvier 2003, l’espoir suscité par la nomination de Charles Konan Banny était tel que chaque semaine écoulée laissait l’inquiétude reprendre le dessus. Le 28 décembre, au Palais de la présidence, pendant près d’une heure et en présence du chef de l’État, Laurent Gbagbo, les 32 nouveaux ministres se sont enfin réunis pour la première fois. Voici l’histoire secrète de la constitution du « gouvernement Konan Banny ». Dès son arrivée à Abidjan, le 5 décembre, Charles Konan Banny s’est entretenu avec Laurent Gbagbo au 38

cours d’un tête-à-tête d’une heure quinze. Les jours suivants, il s’est employé à exposer aux leaders des principaux partis politiques sa méthode et ses objectifs. Il souhaite avant tout une équipe restreinte, entre vingtcinq et trente ministres, pas trop politiquement marqués, répondant si possible au profil de technocrates, de gestionnaires intègres aux compétences reconnues de tous. Pour la répartition des portefeuilles, il envisage cinq ministères pour chacun des grands groupes politiques (PDCI, FPI et RDR) et pour les Forces nouvelles. Très vite, les premiers blocages se font jour. Pascal Affi Nguessan, président du FPI, monte au créneau. De vingt ministres au sein du gouvernement d’union en place avant septembre 2002, son parti est passé à dix membres dans celui de Diarra (post-Marcoussis). Alors cinq… Affi Nguessan réclame donc la moitié des postes pour le FPI, l’autre pour l’ensemble de l’opposition, Forces nouvelles (FN, rébellion) incluses. Outre le problème du nombre de ministres et de leur répartition, se pose celui de la méthode de désignation des « candidats ». Konan Banny demande alors à chaque parti de lui proposer trois noms par portefeuille. Le groupe des houphouétistes (regroupant notamment le PDCI, le RDR et l’UDPCI), lui, estime qu’il faut d’abord connaître les ministères attribués aux uns et aux autres avant de proposer les noms. Le 19 décembre, CKB le convainc de procéder à sa manière et de lui faire

Vingt-quatre jours pour composer l’équipe. Une éternité.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


BIAN/SIPA PRESS

La nouvelle équipe avec, au premier plan, le président Gbagbo (à dr.) et Charles Konan Banny, le 28 décembre à Abidjan.

confiance pour « ne pas mettre un médecin à la tête des Nouvelles Technologies de l’information ». Alassane Ouattara rentré à Paris le 22 décembre – il séjournait à Abidjan depuis le 6 décembre pour organiser les funérailles de sa mère –, Henri Konan Bédié ayant regagné son fief de Daoukro le 23, les négociations les plus difficiles ont lieu avec les Forces nouvelles, d’un côté, et le FPI, de l’autre. Les FN exigent sept postes, arguant du fait qu’elles regroupent trois mouvements : le MPCI, le MJP et le MPIGO. Cinq ministres pour le premier cité – le plus important – et un pour chacun des autres. Le FPI, on l’a vu, réclame la moitié du gouvernement. Le 26 décembre, Konan Banny tranche : le FPI obtiendra sept portefeuilles ministériels, les FN six, le PDCI et le RDR cinq chacun. Enfin, les quatre « petits » partis signataires de Marcoussis (UDPCI, PIT, MFA et UDCY) obtiendront un ministère chacun. Soit un total de 27 membres du gouvernement. Quatre personnalités issues de la société civile compléteront cette liste pour former, deux jours plus tard, les 32 membres de l’équipe, y compris son chef, Konan Banny. Cette répartition obtenue au terme d’un marathon éprouvant pour le Premier ministre, reste à désigner les titulaires de chaque ministère. Une fois encore, l’essentiel des blocages ou des négociations a lieu avec les FN et le FPI. Les postes de souveraineté posent problème. Le ministère de l’Économie et des Finances en premier lieu. Déjà objet d’une âpre bataille à Marcoussis, le maroquin occupé jusqu’ici par un des caciques du FPI, Paul Antoine Bohoun Bouabré, et censé détenir les cordons de la bourse attise bien évidemment les convoitises. Le J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

FPI y tient plus que tout. Il aura fallu quatre rencontres entre Konan Banny et Gbagbo pour parvenir à un consensus. Dans un premier temps, le chef de l’État a voulu coûte que coûte maintenir Bohoun Bouabré, un fidèle parmi les fidèles et proche de son épouse Simone. Konan Banny, soutenu par les membres de la communauté internationale impliqués dans la résolution du conflit ivoirien et par nombre de chefs d’État africains, résiste et propose de placer ce ministère directement sous la tutelle du Premier ministre. Avantage : il est neutre, au-dessus de la mêlée et figure parmi les personnalités les plus aptes à le prendre en charge. Gbagbo est d’accord sur le principe mais demande que Bohoun Bouabré soit au moins ministre délégué. Nouveau refus de CKB. Troisième étape : le chef de l’État accepte d’abandonner la « carte » Bohoun Bouabré mais demande à nommer le ministre délégué. Finalement, les deux hommes s’entendent sur le nom de Charles Diby Koffi, jusqu’ici directeur du Trésor et de la comptabilité publique. Cadre apolitique, nommé à cette précédente fonction par Gbagbo luimême, il a en outre l’avantage d’avoir déjà travaillé avec Charles Konan Banny quand ce dernier était encore gouverneur de la BCEAO. Cet épineux dossier réglé, Konan Banny a tout de même dû rééquilibrer une donne devenue par trop défavorable au FPI. Car si ce dernier a fait un effort consi-

Bohoun Bouabré doit céder les Finances à Konan Banny.

39


AFRIQUE SUBSAHARIENNE dérable en cédant l’Économie et les Finances, allant Charles Konan Banny se sort bien de cette mission même jusqu’à provoquer ressentiment et amertume dans périlleuse. Alternant diplomatie et fermeté, il a su contourle camp Gbagbo, il devenait indispensable de ne pas lui ner les nombreux écueils qui ont jalonné sa route. Tout faire payer l’intégralité de la facture… Bohoun Bouabré d’abord en attribuant les ministères sensibles à des perse voit donc attribuer le titre de ministre d’État chargé sonnalités neutres ou en les plaçant sous sa tutelle directe du Plan et du Développement. Les honneurs d’un côté, comme pour l’Économie et les Finances ou la une coquille vide de l’autre. La Justice, aux mains du RDR Communication. Il a également su gérer les susceptibidans le précédent gouvernement, est retirée au parti lités. Guillaume Soro, estimant qu’il contrôlait tout de d’Alassane Ouattara au profit de Mamadou Koné (FN), même la moitié du pays, exigeait un rang protocolaire un magistrat réputé honnête et compétent. La à la mesure de son statut. Il est donc ministre d’État Communication, enlevée aux FN, est déléguée à Martine – comme Paul Antoine Bohoun Bouabré – et numéro deux Coffi Studer, PDG de l’agence ivoirienne Océan du gouvernement, en charge du programme de la Communication, mais sous la tutelle du Premier ministre. Reconstruction et de la Réinsertion. Restaient les deux derniers écueils : la Défense et la En accordant le ministère de la Lutte contre le sida Sécurité. Dans le premier cas, Gaston Ouassénan Koné, à Christine Adjobi, cousine de Simone Gbagbo, CKB perqui figurait déjà sur la short list des successeurs pressentis met peut-être au chef de l’État de « calmer » les durs de Seydou Diarra, a été proposé par Konan Banny lui- de son régime, dont son épouse semble être la figure même. Ce général de gendarmerie à la retraite, proche de proue. D’autant que ce ministère brasse beaucoup d’Houphouët, respecté par d’argent. Maigre compensaune grande partie des tion, certes, mais compenIvoiriens, fait l’objet d’un tir de sation tout de même… L’ÉQUIPE EN CHIFFRES barrage du FPI qui ne lui par« Si le Premier ministre a donne pas d’avoir, quand il rencontré des difficultés pour Le « gouvernement Konan Banny » était ministre de la Sécurité constituer son équipe et a compte trente-deux ministres contre dans les années 1990, bassemblé perdre du temps, il quarante-deux dans le précédent. tonné Abdoudrahamane surprend plutôt agréablement Outre Konan Banny lui-même, il y a Sangaré, alors numéro deux avec une équipe où aucune treize nouveaux ministres. On dénombre du parti. Laurent Gbagbo qui, force ne semble pouvoir l’emdeux ministres d’État. Six ministres lui, n’était plus forcément porter sur l’autre », analyse un changent de portefeuille, douze consercontre, préfère suivre sa base diplomate étranger en poste vent le leur dont trois voient leurs attripour ne pas lui infliger un à Abidjan. Avant de préciser butions élargies. Quatre femmes contre nouveau camouflet après que « le plus dur restait à huit dans l’équipe Diarra. l’abandon de l’Économie et faire ». Forces nouvelles, RDR Répartition des postes des Finances. Exit donc et PDCI semblent satisfaits de ministériels par entités : Ouassénan Koné… qui aurait la composition du gouverne■ FPI (parti présidentiel) : 7 lorgné les Affaires étrangères, ment de transition. Si le FPI, ■ Forces nouvelles : 6 poste que personne ne s’est dans sa majorité, a du mal à disputé, avant de se raviser avaler la pilule et a très net■ PDCI : 5 devant la candidature de tement l’impression d’avoir ■ RDR : 5 Youssouf Bakayoko (PDCI), beaucoup perdu dans cette ■ Autres formations : 4 un homme brillant de l’avis de bataille voire, pour certains, ■ Société civile : 4 tous et certainement plus apte d’avoir été lâché par Gbagbo, à gérer la diplomatie. Il pourle chef de l’État semble se rait cependant être appelé aux situer désormais au-dessus de côtés de Konan Banny pour l’aider à mener l’opération ces contingences. Il ne raisonnerait donc plus en chef de de désarmement. Émile Constant Bombet, ex-ministre de guerre ou de clan mais en… candidat. Pour lui, la guerre la Sécurité de Bédié, est alors proposé. Problème : Bédié est finie, et il s’agit désormais de trouver une solution à le déteste et lui reproche de s’être présenté à l’élection la crise, de penser à l’élection présidentielle. Il est désorprésidentielle de 2000 au nom du PDCI. Il refuse caté- mais clair que son intérêt est que le scrutin ait lieu au plus goriquement cette candidature comme il l’avait fait lorsque vite. D’une part parce qu’il ne pourra contenir éternelleBombet était pressenti pour être Premier ministre, début ment la grogne de sa base et de certains de ses barons décembre. La Défense sera finalement confiée à un magis- et, d’autre part, parce que lui y est prêt. Certainement plus trat, René Alphing Kouassi, lui aussi issu de la société civile. que ses adversaires. Car depuis le début, il est le seul à Konan Banny continue d’appliquer sa méthode : choisir occuper le terrain. Véritable animal politique, il ne craint des personnalités a priori compétentes et qui ne peuvent pas la compétition électorale et ses troupes sont mobiliprêter le flanc à la critique. sées depuis longtemps déjà. Quant à la Sécurité, ministère considéré comme Une chose est certaine : la grande majorité des sensible et rebaptisé « ministère de l’Intérieur », elle fera protagonistes de la crise qui secoue la Côte d’Ivoire l’objet de la même « recette » en étant attribuée à la depuis plus de trois ans a intérêt à ce que les élections société civile et à Joseph Dja Blé, un ancien commis- se tiennent, en octobre 2006 ou un peu plus tard. saire de police. Les derniers blocages sont levés. Bédié, Ouattara, Gbagbo et désormais Charles Konan 40

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE SUBSAHARIENNE Banny, qui sait que la réussite de « sa » transition lui apporterait la reconnaissance de tout un peuple et lui accorderait, pour la postérité, l’image du sauveur du pays. Nul doute que ce statut lui serait d’une aide précieuse si jamais il décidait qu’un destin de présidentiable lui siérait à merveille en… 2011. Seul Guillaume Soro, qui doit une grande partie de son statut au fait qu’il détient la moitié du pays, peut avoir peur d’une éventuelle paix et d’une réunification du pays. Que deviendrait-il s’il devait en être ainsi ? Pour la première fois peut-être depuis le 19 sep-

tembre 2002, la Côte d’Ivoire voit poindre une lueur d’espoir. Et s’il est bien trop tôt pour affirmer que son destin se jouera désormais dans les urnes, jamais le terrain n’y a été aussi propice. La communauté internationale veille au grain, Laurent Gbagbo joue pour l’instant le jeu et a fait d’importantes concessions, Charles Konan Banny semble avoir les épaules assez larges pour mener à bien cette transition, son gouvernement, équilibré, est à pied d’œuvre, et l’horizon des élections s’est éclairci. À moins que les boutefeux de chaque camp ne viennent raviver des braises encore incandescentes… ■

Mutinerie ou tentative de putsch? À peine mis en place, le nouveau gouvernement se retrouve soumis à l’épreuve du feu.

Q

ui a attaqué le camp d’Akouédo, à l’est d’Abidjan, tôt le matin du 2 janvier ? Qui sont ces hommes en armes qui ont pris le contrôle de la poudrière avant d’en être dépossédés ? Le camp d’Akouédo, à l’est d’Abidjan, le 2 janvier, au lendemain de l’attaque. Pour le compte de qui agissaient-ils ? Voulaient-ils renverser le chef de l’État, Laurent Gbagbo, ou exprimer un le sergent-chef Ibrahim Coulibaly, alias « IB ». Quelle que mécontentement pour non-paiement de leurs primes, les soit la véracité du renseignement, la hiérarchie de l’armée décide de prendre des mesures de précaution, raffameux « haut-les-cœurs » ? Les hypothèses ne manquent pas : simple mutinerie ; fermit l’état d’alerte dans lequel se trouvent les troupes véritable coup d’État ; collusion entre hommes des depuis le discret passage dans les casernes, le troupes régulières et va-t-en-guerre en mal de putsch ; 22 décembre, du chef d’état-major, le général Philippe montage machiavélique de boutefeux du régime inquiets Mangou. Alors que le camp présidentiel concocte des stratépour leurs prérogatives… Seule certitude : les combats à l’arme lourde qui ont paralysé Abidjan pendant toute gies de riposte, une nouvelle (que seule l’enquête demanune matinée, causé 10 morts et abouti à 34 arrestations, dée par le Premier ministre, Charles Konan Banny, y compris dans les rangs de l’armée régulière, com- pourra établir ou non) y tombe dans la nuit du 1er au 2 janvier, entre minuit et 1 heure du matin. « IB vient mencent à livrer une partie de leurs secrets. Le 1er janvier, alors que bien des Abidjanais se repo- de téléphoner à ses hommes déjà infiltrés à Abidjan. Il sent après une soirée de réveillon bien arrosée, on s’af- leur demande de différer l’opération compte tenu des faire dans l’entourage de Laurent Gbagbo, averti depuis difficultés de dernière minute. Mais les éléments de plusieurs jours qu’un complot se tramait contre son Mathias Doué [l’ex-chef d’état-major qui a quitté le pays régime. Le coup de force devait survenir tantôt le au lendemain de son limogeage, en novembre 2004] dans 4 décembre, tantôt le 20 ou encore au cours de la nuit le bataillon ne veulent pas entendre parler de report », de la Saint-Sylvestre, le 31 décembre. La même infor- indique une « source privilégiée ». À 5 h 30 du matin, le camp d’Akouédo est pris d’asmation a été transmise à des proches du chef de l’État par des hommes qui disent avoir été approchés pour saut. Armés de kalachnikovs et de lance-roquettes RPGprendre part à un putsch en cours de préparation par 7, les « assaillants » sont quelque trois cents hommes, J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

41

I. SANOGO/AFP

Cheikh Yérim Seck


AFRIQUE SUBSAHARIENNE répartis entre la caserne attaquée et quelques points stratégiques d’Abidjan. Parmi eux, des va-nu-pieds, des SDF comme le renommé malade mental « Bébé gâté », mais également des soldats de la fameuse promotion 98/2A, qui avaient été incorporés dans la mission onusienne de maintien de la paix en Centrafrique. À leur tête, des sources proches du renseignement militaire ivoirien croient identifier un sous-officier des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci) du nom de Yacé, en poste à Daloa. Les interrogatoires des prisonniers pris par les forces loyalistes après l’échec de l’assaut confirmeront cette information. Réputé proche du général Doué, Yacé aurait un moment travaillé avec lui à l’état-major. Deux autres hommes se font remarquer au cours des combats. Le premier, selon des soldats loyalistes, serait l’un des frères de Soumaïla Bakayoko, le chef d’état-major des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN, la rébellion qui occupe le nord du pays depuis septembre 2002). Il serait celui qui a conduit l’équipe ayant neutralisé les soldats en faction devant le Bataillon d’artillerie sol-air (Basa) et qui s’est introduite dans l’enceinte de la poudrière. Le second serait un certain Aboudramani, alias Baz, un proche d’IB qui avait déserté les rangs des FN pour se réfugier au Mali. La progression rapide des « assaillants », devenus sans dommages maîtres de la poudrière, intrigue. « Une avancée aussi facile n’a pu se faire sans qu’il y ait des complicités à l’intérieur de la caserne », assure un responsable de la force française Licorne stationnée dans le pays. Les avis divergent sur l’identité de ces « taupes ». Si l’état-major des Fanci oriente ses soupçons, donc ses premières investigations, vers la poignée d’éléments réintégrés dans les forces loyalistes au lendemain du vote de la loi d’amnistie, le 6 août 2003, certaines chancelleries occidentales en poste à Abidjan accusent les « nouvelles recrues ». Au nombre de 4 000, ces hommes du rang, enrôlés en 2003, traînent plus de cinq mois d’arriérés de primes et tardent à être fixés sur leur sort à l’issue du programme de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Les auteurs du coup de force manqué auraient réussi à en rallier certains, leur faisant accroire qu’ils ne seront pas payés et qu’ils risquent d’être démobilisés et radiés à la fin de la crise. C’est du moins ce qu’aurait confessé l’un d’entre eux, en service au Bataillon des commandos parachutistes, fait prisonnier au moment des combats. Certaines sources françaises ne disent pas autre chose, qui penchent pour la thèse de la mutinerie. Elles citent, notamment, l’inquiétude des soldats, liée aux primes impayées, à la nomination d’un nouveau ministre de la Défense peu ou pas connu d’eux. Mais aussi la place grandissante des mercenaires libériens au sein des forces loyalistes, le rattachement de la Réinsertion au ministère détenu par le leader de l’ex-rébellion, Guillaume Soro…

Parmi les « assaillants », des SDF et des vanu-pieds.

42

« Il ne s’agit nullement d’une mutinerie, rétorque Philippe Mangou. Nos hommes ont toujours fait preuve d’esprit de compréhension, et ils se sont toujours bien comportés face aux retards des primes. » Avant de crier victoire : « Les deux camps d’Akouédo ont été attaqués par des éléments infiltrés. Nous sommes là pour rassurer la population, pour lui dire que la situation est sous contrôle. Nos éléments procèdent au ratissage. » Les Fanci remportent donc une bataille qui met en cause – sans preuves formelles pour l’instant – deux exgradés de l’armée ivoirienne. Entré dans la clandestinité au lendemain de son limogeage, avant de se retrouver en exil, le premier, Mathias Doué, ex-chef d’état-major, ne fait aucun mystère depuis plusieurs mois de sa volonté de renverser le régime de Laurent Gbagbo. Coauteur du coup d’État de décembre 1999, le second, « IB », qui réclame la paternité de la rébellion des FN et dont on voit la main presque partout, fait de nouveau parler de lui après avoir été arrêté en août 2003 à Paris pour tentative de déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Ennemi intime de Guillaume Soro, « IB » avait commencé à tisser une alliance objective avec Laurent Gbagbo. Lequel a mis fin aux poursuites engagées contre lui en France en retirant sa plainte, en octobre 2005. Une façon de donner du fil à retordre à Soro, un moment sérieusement ébranlé au sein des FN par la dissidence des « pro-IB ». Ce n’est donc pas un hasard si des sources concordantes indiquent que c’est Guillaume Soro luimême qui a fourni à Gbagbo tous les détails sur la préparation de l’opération. Intervenue alors que le gouvernement de réconciliation nationale – mis en place le 28 décembre – n’avait pas encore pris fonction, et en l’absence du Premier ministre, Charles Konan Banny – qui séjournait à Dakar où il a passé les fêtes de fin d’année en famille –, l’attaque d’Akouédo renforce à court terme Laurent Gbagbo et Philippe Mangou. Dès la cessation des combats, le chef de l’État s’est rendu sur les lieux, a félicité les « braves » soldats, rassuré la population, et s’est ainsi positionné comme le (seul) défenseur de la Côte d’Ivoire « agressée ». Un message qui ne saurait échapper au frais émoulu premier chef du gouvernement, revêtu de l’essentiel du pouvoir exécutif par la résolution 1633 du Conseil de sécurité des Nations unies. Arrivé à Abidjan dans la soirée du 2 janvier, Charles Konan Banny semble privilégier la thèse de la mutinerie, contrairement à l’état-major de l’armée. Est-ce pour cette raison que le 3 janvier au matin, sur le chemin d’Akouédo, lui et son cortège, arrivés au niveau du quartier résidentiel de la Riviera, ont été obligés de revenir sur leurs pas ? En tout cas, comme un coup de semonce, une rafale de balles tirées en l’air leur a annoncé qu’ils n’étaient pas les bienvenus au camp. Et fait comprendre à l’ancien gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest toute la brutalité du jeu politique dans son pays. ■

Les auteurs du coup de force avaient des complices dans la place.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

FORUM

Bénin: halte aux manœuvres!

D

epuis quelques semaines, le Bédémarches administratives sans ambinin vit dans une perceptible inguïté. Le texte requiert simplement la quiétude sociale pour cause signature d’une autorité gouverned’élection présidentielle en danger. mentale – le ministre de l’Économie et Pour de nombreux observateurs et des Finances – pour permettre le décontrairement à toute attente, Mathieu caissement immédiat des fonds. Kérékou aurait changé d’avis. LuiMalgré tout cela, le gouvernement même dit le contraire. Mais ce qu’il traîne les pieds, trouve des subterfuges laisse faire autour de lui montre maniet des faux-fuyants. festement un double langage qui ne Bref tout le monde a compris: KéréPar trompe plus personne. kou manœuvre pour rester un peu plus Albert On avait envisagé la révision de la dans ses fonctions. Cela, une immense Tévoédjrè* Constitution pour faire sauter le verrou majorité de Béninois n’en veut à aucun de l’âge (70 ans au plus) et de la limitaprix. tion des mandats (deux au maximum)… La Constitution exige des élections ; Échec ! le peuple veut ces élections ; le gouvernement luiOn a avancé ensuite l’idée de « couplage » des même a pris le risque de convoquer le corps électoral consultations pour prolonger de deux ans le mandat pour le 5 mars 2006. Rien d’autre ne compte pour les de l’actuel président… Nouvel échec ! Béninois. Kérékou lui-même a alors publiquement anLa Conférence épiscopale a récemment publié noncé son départ dans un message à la nation à une lettre pastorale forte et très appréciée qui l’occasion de la fête nationale du 1er août. Ses courtimontre le chemin. À son tour, un ancien ministre sans, malgré cela, espéraient secrètement rebondir. connu et respecté, Bertin Borna, vient d’adresser une D’où les manœuvres pour remettre en cause le derincisive lettre ouverte à Mathieu Kérékou pour le nier voyage officiel du président béninois à Paris. Il placer devant ses responsabilités. Les partis polifallut, dit-on, de nombreuses pressions pour tiques, les syndicalistes, de nombreuses organisamaintenir cette visite au cours de laquelle en effet tions de la société civile, des cercles religieux de Kérékou fut félicité par Jacques Chirac pour sa détertoutes confessions sont déterminés à prendre d’asmination à respecter la Constitution de son pays saut les rues de Cotonou pour exiger leur plein droit et à quitter le pouvoir à la fin de son mandat. La lecture attentive de l’allocution du président français à cette occasion vaut son pesant d’or. Mais les révisionnistes avaient une dernière carte à installer au palais présidentiel le 6 avril prochain en réserve qu’ils abattent aujourd’hui : le pays n’a un nouveau chef de l’État. plus d’argent, c’est la « faillite », la « banqueroute », Beaucoup suggèrent que la Commission électola « gabegie » des cadres qui veulent profiter de rale fasse connaître un compte bancaire pour releurs fonctions à la commission électorale pour se cueillir les contributions financières des Béninois de remplir les poches et bâtir des villas, etc. l’intérieur et de l’extérieur, des organisations désiAlors, Kérékou, le grand moralisateur, ne peut reuses de soutenir l’expérience démocratique bénilaisser faire. noise et la volonté de changement que manifeste le C’est trop vite oublier qu’au Bénin, pays de mopays dans ses profondeurs. dération, on sait faire preuve d’intelligence. Ainsi le Ainsi donc, l’alternance au Bénin c’est pour budget des élections d’abord estimé à 30 milliards bientôt. Les marches de badauds que financent des de F CFA se trouve réduit à 10 milliards et l’on peut porte-valise inquiets pour leur avenir ne changeront compter sur des partenaires attentifs qui, après deux rien à cette réalité. Kérékou lui-même se soumettra entretiens avec le président de la République, ont humblement dans quelques jours à ce pénible entrepris une étude minutieuse de ce même budget. constat. Sinon – et cela se dit déjà –, c’est le départ Sur la base de données précises, ils ont dégagé un sans gloire et sans panache…. ■ soutien financier de 4,8 milliards de F CFA. Cet accord *Albert Tévoédjrè est ancien secrétaire général adjoint de des « bailleurs de fonds » se trouve inscrit dans un l’ONU. protocole dont on a connaissance et qui stipule des

La Constitution exige des élections, le peuple veut ces élections. Rien d’autre ne compte.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

43


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

TCHAD-SOUDAN Le président Idriss Déby accuse Khartoum de chercher à déstabiliser son régime en soutenant la rébellion qui sévit dans l’est du pays.

Frères ennemis Christophe Boisbouvier, pour J.A.I.

D

ABD RAOUF-AP/SIPA

rôle de réveillon à la télévi- rend au Nigeria chez le président en caine déployés dans cette province… » sion tchadienne. À minuit, le exercice de l’Union africaine (UA), Le démenti ne calme pas Idriss Déby. 31 décembre, Idriss Déby ap- Olusegun Obasanjo. Il lui présente un Au contraire. Le chef de l’État tchadien paraît en treillis au mess des mémorandum de huit pages. Y figu- se lance dans une croisade contre la teofficiers de N’Djamena. Souriant, dé- rent des photos sur lesquelles le chef nue du prochain sommet de l’UA à tendu, il plaisante avec ses frères rebelle, Mahamat Nour, pose au côté Khartoum, les 23 et 24 janvier, et, surd’armes et l’une de ses épouses, Hinda, du chef de l’État soudanais, Omar el- tout, contre l’éventuelle élection vêtue d’une veste militaire et d’une cas- Béchir. Le lendemain, 28 décembre, le d’Omar el-Béchir à la présidence de quette très seyante. Puis il s’adresse à gouvernement soudanais dément ca- l’organisation panafricaine. L’UA tente la nation. Pour la première de calmer le jeu. Elle envoie fois depuis son arrivée au même une délégation à pouvoir il y a quinze ans, il N’Djamena et à Khartoum. présente ses vœux en uniSans résultat. Le Nigérian forme. Olusegun Obasanjo et le LiPour ses opposants, c’est byen Mouammar Kaddafi un aveu. Idriss Déby tombe essaient alors d’organiser le costume civil, renoue une rencontre entre Déby et avec son passé militaire et el-Béchir à Tripoli, le 4 janrévèle la vraie nature de son vier. Objectif : tout mettre régime. Pour ses partisans, sur la table et vider la queau contraire, c’est le signal relle. Le Soudanais est d’acd’un sursaut. Déby bat le cord. Pas le Tchadien. « Je ne rappel des troupes avant les veux pas le voir », dit-il à batailles à venir contre les l’un de ses interlocuteurs. rebelles de l’Est. En tout cas, Comme s’il voulait faire un le président tchadien saisit pied de nez aux partisans de l’occasion du nouvel an Omar el-Béchir recevant Idriss Déby à Khartoum en 2003. l’apaisement, Idriss Déby inpour s’en prendre à son voisin, vite le même jour à N’Djamena le Soudan. Il l’accuse « d’abriter, d’en- tégoriquement tout lien avec les re- les chefs d’État de la Communauté tretenir et d’armer des mercenaires ». belles tchadiens. économique et monétaire de l’Afrique C’est l’attaque, le 18 décembre der« Les accusations tchadiennes sont centrale (Cemac). Il veut une condamnier, de la localité tchadienne d’Adré, absurdes, et le président Déby nation en bonne et due forme du Souprès de la frontière soudanaise, qui a cherche simplement à détourner l’at- dan. Il ne l’obtient pas. Venus à déclenché la crise entre les deux pays. tention des problèmes intérieurs aux- N’Djamena, le Gabonais Omar Bongo Ce jour-là, deux colonnes motorisées quels il est confronté », lance le Ondimba, le Congolais Denis Sassou des rebelles tchadiens du Rassemble- secrétaire d’État soudanais aux Af- Nguesso et le Centrafricain François ment pour la démocratie et les liber- faires étrangères, Samani Ouassiy- Bozizé condamnent avec fermeté tés (RDL) de Mahamat Nour tentent lah. « Il s’agit d’une mutinerie dans « toute tentative de déstabilisation » du de s’emparer de la ville frontière. Ils l’armée tchadienne. Tout le monde le Tchad. Mais sans citer nommément le sont repoussés et laissent une centaine sait. Nous ne voulons pas être impli- Soudan. Le soutien est mesuré. Quant de morts sur le terrain. Mais la violence qués. » Et le porte-parole soudanais au sommet de Khartoum, le commude l’assaut en dit long sur la détermi- d’ajouter, l’air de rien : « S’il y avait niqué final n’en dit mot. On voit donc nation et les capacités des rebelles. des mouvements de troupes souda- mal comment Déby pourrait en emLe 23 décembre, le gouvernement naises ou de rebelles tchadiens au pêcher la tenue. tchadien affirme : « Nous sommes en Darfour, ils ne manqueraient pas Le Soudan soutient-il les rebelles état de belligérance avec le Soudan. » d’être repérés par les 6 000 hommes tchadiens? Fantasme ou réalité? Pour Quatre jours plus tard, Idriss Déby se de la force de paix de l’Union afri- les opposants au régime, c’est un faux 44

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

HUMEUR

Ces dictateurs qui nous fatiguent LA PROCHAINE Conférence des chefs d’État de l’Union africaine est prévue les 23 et 24 janvier, à Khartoum, au Soudan. Le lieu de ce rendez-vous bisannuel avait été décidé lors du sommet d’Abuja, en janvier 2005, quand le général Omar Hassan el-Béchir, le président soudanais, avait conjuré ses pairs de choisir sa capitale afin que « l’Afrique tout entière célèbre le Par cinquantenaire de l’indépendance » Cherif de son pays. Pour émouvoir encore Ouazani davantage l’assistance, celui-ci s’était fendu d’un : « Votre accord constituerait un appui considérable pour accélérer le processus de paix au SudSoudan. » Le pays des deux Nils avait pourtant beaucoup de choses à se faire pardonner avant d'obtenir une telle reconnaissance. Principal soutien aux islamistes maghrébins, exterre d'asile des terroristes Carlos et Oussama Ben Laden, le Soudan est, par ailleurs, soupçonné d’avoir commandité une tentative d’assassinat contre le président égyptien Hosni Moubarak, en 1995... à l’occasion d’un sommet de l’Organisation de l'unité africaine (OUA) ! En accédant, à Abuja, à la demande de Béchir, les chefs d’État africains n'ont, malheureusement, pas tenu compte de ce passif. Idriss Déby, ancien seigneur de guerre, est, lui, arrivé au pouvoir en décembre 1990, après avoir pris les armes contre l’ex-dictateur Hissein Habré dont il fut le chef d’état-major. Ses troupes étaient alors basées au Soudan. Quinze ans plus tard, le voilà lui-même contesté par une rébellion constituée de certains de ses anciens subordonnés qui le harcèlent à partir du territoire… soudanais. Appelant à la mobilisation, il déclare son pays « en situation de belligérance ». Et convoque ses pairs d’Afrique centrale ou envoie ses émissaires sillonner les capitales du continent pour faire reporter le sommet de l’UA, afin d'en obtenir la délocalisation. De son côté, le Soudan proteste et affirme son innocence, tout en maintenant son aide aux insurgés tchadiens. Toutes ces gesticulations de dictateurs vieillissants ne seraient que pathétiques si elles ne donnaient lieu à une multitude de drames humains. Et ne remettaient en question l’entreprise de modernisation et de démocratisation des instances africaines. Sommet ou pas, guerre ou paix, l’UA est toujours l’otage de dictatures d’un autre âge. ■

▲ ▲ ▲

problème. « La crise actuelle est totalement tchado-tchadienne. Chercher un bouc émissaire, comme le fait Déby, est une fuite en avant », dit l’ancien directeur de cabinet, Tom Erdimi, qui a fait défection en novembre dernier. « Rien n’est venu corroborer que le Soudan serait à l’origine du basculement de tous ces cadres et simples citoyens dans la contestation armée du pouvoir », affirme la coordination de l’opposition animée à N’Djamena par Ibni Oumar Mahamat Saleh. En clair, les braises ne viennent pas du Soudan. Reste à savoir si ce pays souffle dessus ou non… Sur le plan militaire, il est certain que les auteurs de l’offensive du 18 décembre sur Adré ne sont pas tombés du ciel. D’autant que l’armée soudanaise dispose d’une solide base opérationnelle à El-Geneina, à seulement une quarantaine de kilomètres de là. Au vu du reportage de la chaîne de télévision Al Jazira auprès du RDL, « à la frontière entre le Soudan et le Tchad », les rebelles tchadiens possèdent de nombreux véhicules tout-terrain et des armes neuves. N’Djamena est d’ailleurs persuadé que ce reportage, diffusé le 2 janvier, a été réalisé avec l’assentiment de Khartoum. Un opposant tchadien confie : « Sans la neutralité bienveillante des autorités soudanaises, on n’aurait pas la même liberté de manœuvre. » Il est donc probable que les rebelles circulent librement entre El-Geneina et la frontière. Sur le plan politique, il est également probable que la main de Khartoum n’est pas loin du Front uni pour le changement démocratique (Fuc). Cette nouvelle alliance regroupe notamment les déserteurs zaghawas du Socle pour le changement, l’unité nationale et la démocratie (Scud) et le RDL de Mahamat Nour. C’est d’ailleurs ce dernier qui préside le Front. Pour les autorités soudanaises, il présente l’avantage de ne pas être lui-même zaghawa. Il est originaire d’une autre ethnie de l’est du Tchad, les Tamas. Aux yeux de Khartoum, les Zaghawas sont suspects. Ce sont leurs frères qui combattent dans le Darfour au sein des mouvements rebelles soudanais. Mahamat Nour, lui, est « sûr ». Les Soudanais lui donnent refuge depuis une dizaine d’années. Longtemps, ils l’ont retenu dans ses intentions belliqueuses. Mais, après la création

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

45


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

▲ ▲ ▲

d’une rébellion zaghawa en octobre 2005, ils lui ont sans doute lâché la bride. Il a ainsi pris l’ascendant sur les autres rebelles tchadiens… Pour autant, ces accointances ne prouvent pas que Khartoum a choisi pour de bon le camp des rebelles. « Je ne pense pas que Béchir souhaite la chute de Déby, car il craint plus le vide politique après Déby qu’autre chose », dit une source autorisée à Paris, qui privilégie la thèse d’une armée soudanaise largement autonome où les services de renseignements et les milices agissent localement à l’insu du pouvoir central : « Après tout, trois ans après l’insurrection en Côte d’Ivoire, on ne sait toujours pas si le

coup est parti de la présidence burkinabè ou d’individus agissant au Burkina pour leur propre compte. » D’autres observateurs avancent la thèse d’un régime soudanais très opportuniste, qui se sert des rebelles tchadiens comme monnaie d’échange afin d’obliger N’Djamena à rompre définitivement avec les rebelles soudanais du Darfour. Derrière ce bras de fer entre le Soudan et le Tchad se profile un conflit beaucoup plus lourd de conséquences. Une éventuelle confrontation entre populations arabes et noires. Cela s’est déjà produit en 2003-2004, au Darfour. Quelque 200 000 personnes, des ethnies four,

massalit et zaghawa, ont été chassées de leurs villages par les milices arabes djanjawids. Elles sont aujourd’hui réfugiées dans l’est du Tchad. Visiblement, les autorités soudanaises ne font rien pour les aider à rentrer chez elles. Nettoyage ethnique ? En tout cas, la déstabilisation du Tchad ne peut que retarder la solution du problème. Voire l’aggraver. Sans doute le président de la Commission de l’UA, Alpha Oumar Konaré, avait-il cette question à l’esprit quand il a déclaré : « Nous avons une situation très difficile au Darfour. Si aujourd’hui il doit s’y ajouter des complications entre le Tchad et le Soudan, cela va être une catastrophe. » ■

BILAN Que reste-t-il de l’accord de paix signé à Nairobi en janvier 2005 ?

Sud-Soudan, un an après

L

undi 9 janvier 2006. Un an jour pour jour après la signature à Nairobi d’un compromis historique entre le gouvernement de Khartoum et les anciens rebelles sudistes de l’Armée populaire pour la libération du Soudan (APLS), la feuille de route tracée par les ex-ennemis jurés a été respectée. Pourtant, la disparition brutale de John Garang, chef de file de l’APLS et artisan des négociations, avait un moment fait craindre le pire. Face aux violentes émeutes déclenchées par le décès du leader charismatique, survenu le 30 juillet 2005 dans un accident d’hélicoptère, nombre d’observateurs s’étaient empressés d’enterrer le processus de paix et de prédire la reprise de l’un des conflits les plus longs et les plus meurtriers du continent. Mais, une fois n’est pas coutume, le calme n’a pas tardé à revenir, grâce en partie à la désignation unanime de Salva Kiir Mayardit, ex-lieutenant de Garang, à la tête de l’APLS. Il avait fallu deux ans et demi de tractations, et la pression constante des ÉtatsUnis, pour parvenir à l’accord de paix global ouvrant la voix au partage du pouvoir et de la manne pétrolière. Le 8 juillet 2005, John Garang goûte enfin le fruit de sa victoire lors de son retour triomphal dans la capitale soudanaise pour y être nommé vice-président. Deux mois et demi plus tard, le 22 septembre, le premier gouvernement d’union nationale voit le jour sans le mythique chef rebelle. Comme convenu, les Sudistes obtiennent plusieurs portefeuilles, dont celui des Affaires étrangères, et Salva Kiir succède à Garang au poste de vice-président. Un

pas supplémentaire est franchi le 22 octobre : un gouvernement autonome sud-soudanais s’établit dans la ville de Juba, principal bastion des forces armées de Khartoum pendant la guerre. Tout un symbole. Au terme d’une période transitoire de six ans, un référendum d’autodétermination scellera l’avenir du pays le plus étendu du continent, qui célèbre cette année le 50e anniversaire de son existence. Les habitants du Sud pourront alors choisir l’unité ou l’indépendance. Mais pour l’instant, l’heure est à la reconstruction. Les stigmates de la guerre, qui a fait du Sud-Soudan l’un des endroits les plus pauvres de la planète, seront longs à effacer. Seuls 500 000 réfugiés – sur les 4 millions estimés par l’ONU – ont pris le chemin du retour. La région demeure dépourvue d’infrastructures, d’électricité, de système sanitaire, et près des trois quarts de la population n’a toujours pas accès à l’eau courante. Sur les 4,5 milliards de dollars d’aide internationale promis en avril dernier par les bailleurs de fonds, seuls 130 millions ont été versés. Mais le gouvernement autonome dispose également de la moitié des revenus de l’or noir, dont la production a atteint 500 000 barils par jour à la fin 2005. Seul le développement permettra un retour durable à la paix. En espérant que les rivalités tribales qui refont surface depuis la mort de Garang ne conduisent pas à une nouvelle guerre civile Sud-Sud, alors que la violence déchire toujours le Darfour et demeure sousjacente à la frontière éthiopienne. ■ Alexandra Singh-Pauliat

Sur les 4,5 milliards de dollars promis, seuls 130 millions ont été versés.

46

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

RD CONGO La victoire du « oui » au référendum de décembre donne le coup d’envoi du marathon électoral.

J. CENDON/AFP

La Constitution a été approuvée à plus de 83 % des suffrages.

Tous aux urnes ! Jean-Dominique Geslin

A

73 ans, Étienne Tshisekedi n’a rien perdu de sa fougue. Ce vétéran de la scène politique congolaise repart au combat avec une détermination comparable à celle qu’il affichait aux plus belles heures du mobutisme. Le 2 janvier, le « Sphinx de Limete » a annoncé que son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), participera aux prochaines élections. Une manière pour le premier mouvement d’opposition de prendre en marche le train de la Transition, que semble désormais cautionner la majorité de la population congolaise. Qui veut en finir au plus vite avec ce régime provisoire. Alors que l’UDPS avait jusqu’à présent boycotté le processus électoral, la victoire incontestable du « oui » (plus de 83 % des suffrages) à l’issue du référendum constitutionnel des 18 et 19 décembre dernier l’a obligé à tirer les leçons de ce plébiscite. Et à opter pour un changement radical de stratégie. En fait, les dirigeants tshisekedistes, comme bien d’autres, avaient sous-estimé les aspirations de la population. Après deux décennies de faillite et cinq années de guerre, la première consultation démocratique qu’a connue le pays depuis son accession à l’indépendance en 1960 est riche

d’enseignements. À l’exception de la métropole de Kinshasa et des deux provinces du Kasaï, où l’UDPS est bien implantée, toutes les autres régions de RDC ont approuvé massivement le texte référendaire. Du Kivu au littoral atlantique, de l’Équateur au Katanga, les électeurs ont clairement manifesté leur lassitude. Ras-le-bol de la violence arbitraire perpétrée par les bandes armées, ras-le-bol des souffrances endurées et de la paupérisation galopante… Dans les régions de l’Est, les plus marquées par le conflit, la participation a été massive et le « oui » s’est imposé à 97,6 % au Sud-Kivu, 96,7 % au Nord-Kivu, 95,6 % au Maniema, 89,3 % au Katanga, et 86,2 % en Province orientale. Et là où l’on pouvait craindre que la question de la nationalité des Banyamulengues (minorité tutsie d’origine rwandaise implantée dans l’est du pays) susciterait un sentiment de rejet – notamment à Goma et à Bukavu –, le texte proposé a été approuvé. Aujourd’hui plus que jamais, la population congolaise regarde donc dans la même direction. Et les politiciens ont compris le message: la Transition doit

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

s’achever dans les temps, à charge pour la classe politique kinoise de tout mettre en œuvre pour que les élections puissent se tenir avant le 30 juin 2006. Une exigence que partage la communauté internationale, lassée de porter à bout de bras ce laborieux processus. C’est donc un véritable marathon électoral qui s’annonce. Concrètement, le nouveau président devrait entrer en fonctions le 25 juin prochain, selon le planning proposé par la Commission électorale indépendante (CEI). Il prévoit la tenue du premier tour de la présidentielle et des législatives le 9 avril. La proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle est fixée au 27 avril, et celle des résultats du second tour au 12 juin. Autant dire que le temps presse. C’est pourquoi, à l’instar de Tshisekedi, qui « entend conduire le peuple congolais, épris de paix et de changement, à la victoire finale lors des prochaines élections », les états-majors politiques sont en train d’élaborer leurs plans de bataille. Certains sont même déjà en campagne. Des membres influents du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) ont abandonné JeanPierre Bemba pour rejoindre Pierre Pay-Pay, ancien gouverneur de la Banque centrale du Zaïre sous Mobutu. À la tête de la Convention des démocrates congolais (Codeco), ce dernier semble déjà pouvoir compter sur le soutien du président de l’Assemblée, Olivier Kamitatu, et de l’exministre José Endundo. En réaction, Bemba, actuellement vice-président de la République, pourrait être tenté de faire un ticket avec le chef de l’État sortant, Joseph Kabila. Quant à Tshisekedi, il semble maintenant décidé à descendre dans l’arène. Mais, après avoir prôné le boycottage, le patron de l’UDPS doit obtenir la réouverture des bureaux d’enregistrement des électeurs par la CEI s’il veut reprendre sa place sur l’échiquier politique. Il avait en effet exhorté ses fidèles à bouder le processus référendaire, refusant lui-même de se faire recenser. Si bien qu’il ne peut actuellement pas participer à la course à la présidentielle, puisqu’il ne peut même pas exercer son droit de vote. ■

L’heure est déjà aux grandes manœuvres en vue de la présidentielle.

47


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

SPORT Le renouvellement des comités exécutifs du football continental et mondial est-il un scrutin biaisé au bénéfice des hommes du sérail ?

La lutte des places Faouzi Mahjoub

T

AFP

rois jours avant le coup d’enDu coup, le procédé autorise les et surtout l’Ivoirien Jacques Anouma, voi de la Coupe d’Afrique des marchandages et les petits arrange- qui dirige la Fédération ivoirienne de nations dans la capitale égyp- ments entre candidats. Premières football (FIF) et l’Union des fédératienne, le 20 janvier, ce n’est victimes de ce mode d’élection : les tions de l’Ouest de l’Afrique (Ufoa). pas sur la pelouse du Stade interna- anciens joueurs professionnels, autre- Après avoir effectué une longue tourtional, mais dans l’enceinte de l’an- ment dit tous ceux qui connaissent née électorale en Afrique de l’Est, ce cien palais du khédive Ismaël qu’une très bien le foot pour l’avoir pratiqué, dernier bat actuellement campagne autre compétition décisive va se qui savent en parler et qui le servi- dans son fief. Et aurait même conclu disputer. Les 17 et 18 janvier, un pacte avec le président de la l’instance de régulation CAF : Issa Hayatou se serait du foot africain tiendra sa engagé à le soutenir cette 28 e assemblée générale, au année, à condition qu’Anouma cours de laquelle elle procédera ne présente pas sa candidature au renouvellement des mandats contre lui en 2009, lors du de quelques-uns de ses membres renouvellement du mandat du appartenant aux comités exéprésident de la Confédération... cutifs de la CAF et de la Fa ce à se s concurre nts, Fédération internationale de « Domingo » n’aborde donc pas football (Fifa). Un vote qui ne le match du Caire à armes devrait pourtant pas réserver égales, car il va lui falloir affronde surprise cette fois encore, ter « le système CAF » et la parcar il se déroulera selon un scétialité de son arbitrage... nario immuable. Le mode de De leur côté, les deux sorscrutin en vigueur depuis bientants africains du comité exétôt cinquante ans au sein de cutif de la Fifa – le Botswanais l’organisation souffre, en effet, Ismaël Bhamjee, qui se repréd’un vrai déficit démocratique. sente, et le Malien Amadou Verrouillé par une nomenklaDiakhité – auront droit à une tura soucieuse de préserver ses rallonge. Leur mandat, qui privilèges, il bannit toute forme devait s’achever en 2006, a été d’élection décentralisée et ne prolongé d’un an, conforcomprend aucune limitation des mément à un amendement Jacques Anouma, le patron de la Fédération mandats. des statuts de la Fifa adopté ivoirienne, est en lice pour un poste au sein La CAF divise le continent le 13 septembre 2005 à du comité exécutif de la Fifa. africain en six zones géograMarrakech. Une année de rab phiques (nord, ouest A et B, qui leur garantit une rente centrale, centre-est et sud). Chacune raient probablement mieux que qui- a n n u e l l e s u p p l é m e n t a i r e d e d’elle a droit à deux membres au conque. Les anciennes gloires Rachid 100 000 dollars, à laquelle s’ajoutent sein du comité exécutif, auxquels Mekhloufi et Abedi Pelé, respective- indemnités journalières, voyages en s’ajoutent, depuis 2004, deux ment candidats en 2000 et 2004, en première classe et séjours dans des membres cooptés. Tout candidat à un ont fait l’amère expérience. Ce qui ne palaces… Tout membre du comité poste appartient à l’une de ces zones, décourage pourtant pas cette année exécutif de la Fifa étant par ailleurs mais celle-ci ne l’élit pas : il doit sol- Salif Keita « Domingo », le président de facto membre du comité exécutif liciter le suffrage direct des repré- de la Fédération malienne de football de la CAF, Bhamjee et Diakhité vont sentants des 52 fédérations natio- (FMF), de relever le défi. avoir droit à une autre enveloppe de nales qui, la plupart du temps, ne le Candidat à un poste au comité exé- 50 000 dollars pendant un an connaissent pas, ignorent tout de cutif de la Fifa, il a pour principaux de plus, sans compter tous les autres son parcours et ne s’intéressent ni à concurrents le Nigérian Amos privilèges et indemnités inhérents ses idées ni à son projet. Adamu, directeur des sports à Abuja, à la fonction... 48

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


ÇA VOUS INTÉRESSE

Le continent passe au sans-plomb

Salif Keita, alias Domingo, ancienne vedette du ballon rond et patron du foot malien, est lui aussi candidat.

Au niveau de la CAF, c’est la succession au comité exécutif de Mawade Wade, disparu le 14 septembre 2004, qui est en jeu. Faute de pouvoir y présenter un candidat crédible, la Fédération sénégalaise de football (FSF) a ouvert un boulevard à un fidèle de Hayatou, le Guinéen Almamy Kabele Camara, lequel, sauf surprise, distancera ses rivaux Omar Sey (Gambie) et Sombo Izetta Wesley (Liberia). L’heureux élu profitera, une fois n’est pas coutume, d’un mandat plus long qu’à l’habitude. Lors de sa

réunion tenue à Paris le 19 mai 2004, l’assemblée générale de la CAF avait, en effet, décidé d’organiser ses élections les années impaires, et ce à partir de 2009. Du coup, tous les candidats élus en 2006 vont bénéficier d’une prolongation d’un an de leur mission, qui durera cinq ans au lieu de quatre. Logiquement, il n’y aura pas non plus de scrutin en 2008 pour désigner le nouveau président du foot africain. Issa Hayatou, réélu en janvier 2004, va donc régner, lui aussi, une année de plus sur la CAF... ■

LONGÉVITÉ Petit tour d’horizon – non exhaustif – des dinosaures de la Confédération africaine de football (CAF). ■ ISSA HAYATOU. L’actuel président de la CAF effectue son cinquième mandat à la tête des instances du foot africain. Élu pour la première fois au comité exécutif (CE) de la Confédération en 1986, il accède deux ans plus tard à sa présidence. Reconduit en 1992, 1996, 2000 et 2004, il pourrait encore briguer un sixième mandat en 2009. En cas de réélection, il resterait en fonction jusqu’en 2013, date à laquelle il fêterait son vingt-cinquième anniversaire à la tête de l’organisation... ■ SYLVESTRE MBONGO. Élu en 1984 au CE, il y effectue deux mandats consécutifs, jusqu’en 1992. Non reconduit alors dans ses fonctions, il ne revient aux affaires que deux ans plus tard. Depuis, le Congolais n’a plus quitté son siège et est entré en 2006 dans sa vingtième année à la CAF. ■ AMADOU DIAKHITÉ. Membre du comité exécutif depuis 1992, il en est actuellement à son quatrième mandat. Également élu en 1998 au CE de la Fifa, il ne quittera ce poste qu’en 2007. ■ ISMAËL BHAMJEE. Au comité exécutif de la CAF depuis dix-huit ans, il est également élu au CE de la Fifa, depuis 1998. ■ LE GÉNÉRAL SEYI MEMENE. Entré au CE de la Confédération africaine en mars 1994 et assuré d'être réélu au Caire, il achèvera son quatrième mandat en 2011. F. M. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

V. FOURNIER/J.A.I.

L

'Afrique subsaharienne roule plus propre. Depuis le 1er janvier 2006, la région a définitivement banni l'essence traditionnelle de ses stations-service, rejoignant en cela l'Europe et l'Amérique du Nord. Désormais, tous les carburants au sud du Sahara sont sans plomb. Prise en septembre 2002 lors du Sommet mondial sur le développement durable (SMDD), la décision a pour objectif de faire disparaître de l'atmosphère les particules de ce métal lourd très nocif utilisé jusqu'à présent comme additif à l'essence afin de protéger les moteurs lors de sa combustion. Depuis l'amélioration des techniques de raffinage, le recours au plomb n'est plus nécessaire. La disparition du super ne devrait pas poser de problème aux automobilistes africains. « Certains se demandent si le changement ne va pas endommager leur moteur, explique Sékou Touré, le directeur du bureau africain du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue). Mais nous ne connaissons aucun cas de ce genre. Si on utilise pendant dix ans une essence avec du plomb et qu'on change du jour au lendemain, il n'y a aucun impact. »

Reste pourtant que l'autre problème majeur en matière de pollution automobile sur le continent est loin d'être résolu. S'ils ont décidé au début du mois de décembre de s'engager à ramener, à terme, la teneur en soufre de leur diesel au niveau de celui des pays développés, les pays africains n'ont encore défini aucun calendrier en ce sens... Ils ont même décidé de laisser sa fixation à l'initiative de chaque institution sousrégionale, voir à chaque État. Or, en Afrique, la teneur en soufre du diesel est de 100 à 200 fois plus élevée qu'en Europe par exemple... ■ Jean-Baptiste Marot 49


AFRIQUE SUBSAHARIENNE

SAYYID AZIM-AP/SIPA

N. BOTHMA/SIPA PRESS

COOPÉRATION Le catalogue 2005 des voyages officiels de personnalités Les bonnes intentions sont là. Mais quand il s’agit de se déplacer sur

Luiz Inácio Lula da Silva et Abdoulaye Wade, les présidents brésilien et sénégalais, en avril 2005, dans la Maison des esclaves de l’île de Gorée.

Le ministre britannique de l’Économie dans une école kényane, en janvier 2005.

Dis-moi qui t’a rendu visite,

L

Philippe Perdrix

’agenda international avait placé l’Afrique au cœur des priorités en 2005. Tout commence le 17 janvier lorsque le conseiller spécial de l’ONU, Jeffrey Sachs, remet son rapport « Investir dans le développement » présenté comme une feuille de route pour atteindre les Objectifs du millénaire. L’auteur dénonce notamment « le piège de la pauvreté » et en appelle à la communauté internationale. Deux mois plus tard, le 11 mars, le Premier ministre britannique Tony Blair dévoile son « plan Marshall pour l’Afrique » et plaide pour un doublement de l’aide versée au continent, soit 25 milliards de dollars supplémentaires chaque année. Les grandes puissances du G8 enfin, réunies à Gleneagles du 6 au 8 juillet en Écosse, confirment l’annulation de la dette multilatérale de 18 pays pauvres très endettés, dont 14 africains. Un effort de 40 milliards de dollars. Bref, pas une tribune, pas une rencontre au sommet, sans que l’Afrique ne fasse parler d’elle. L’heure est à la mobilisation, et les discours se veulent généreux. Dans ce contexte, on aurait pu imaginer que les dirigeants du Nord se préci-

50

pitent pour rencontrer leurs homologues du Sud afin de confirmer par le geste cette accumulation de bonnes intentions. Finalement, même si notre inventaire des visites effectuées ne revendique pas l’exhaustivité, les services du protocole sont restés sur leur faim.

États-Unis: les femmes et les « ex » d’abord Le président américain George Bush aime à répéter qu’il a une « vision » pour l’Afrique. Mais excepté sa tournée menée tambour battant en juillet 2003 qui l’a conduit en cinq jours au Sénégal, en Afrique du Sud, au Botswana, en Ouganda et au Nigeria, le chef de la Maison Blanche préfère envoyer ses proches pour défendre sa vision axée sur le commerce, la bonne gouvernance et la lutte contre le terrorisme. Fidèle parmi les fidèles, Condoleezza Rice a effectué, du 19 au 21 juillet, son premier voyage officiel sur le continent en tant que secrétaire d’État. Au menu: un forum à Dakar (Sénégal) sur le commerce Afrique/ÉtatsUnis. En présence d’une pléiade de ministres venus de 27 pays et d’une délégation américaine composée de 270 personnes, les discussions ont ex-

clusivement porté sur le renforcement des échanges dominés à hauteur de 80 % par les produits pétroliers. Deuxième étape, le Soudan. À Khartoum, Condi Rice a eu un entretien avec le président Omar el-Béchir et visité un camp de réfugiés au Darfour. Khartoum espérait « une normalisation des relations bilatérales », mais tout le monde aura surtout retenu les incidents entre les services de sécurité soudanais et des journalistes américains. Quant au secrétaire d’État adjoint, Robert Zoellick, il a effectué cette année quatre visites au Soudan pour promouvoir la paix au Darfour. En vain. L’autre atout charme de la Maison Blanche s’appelle Laura Bush. La première dame des États-Unis est allée en juillet en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Rwanda. Quelques jours plus tard, l’ex-président Bill Clinton s’est rendu au Mozambique, au Lesotho, en Afrique du Sud, en Tanzanie, au Kenya et au Rwanda. Outre la lutte contre le sida menée par sa Fondation, l’ancien président américain plein d’émotion et les yeux remplis de larmes n’a pas manqué de fêter le 87e anniversaire de son « ami » Nelson Mandela. Moins people, Jimmy Carter a préféré

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


et des Finances, Gordon Brown,

SIPA PRESS

s extra-africaines sur le continent révèle quelques surprises. le terrain pour les concrétiser, c’est une autre histoire…

Le président rwandais Paul Kagamé et le patron de la Banque mondiale Paul Wolfowitz à Kigali, au mois de juin 2005.

je te dirai combien tu pèses « observer » les élections législatives éthiopiennes en mai et le scrutin présidentiel d’octobre au Liberia. Quant au philanthrope milliardaire Bill Gates, sa générosité ne peut être prise en défaut, mais son goût des voyages paraît limité. Cette année, il n’a pas été vu sur le continent, préférant l’Inde et la Thaïlande.

Europe: en ordre dispersé Si son accident cardio-vasculaire l’a empêché d’assister à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, Jacques Chirac a pu déployer l’étendue de son talent là où il est certainement le plus fort. Bain de foule et poignées de main, réunions de « famille », petits apartés et grands discours, son voyage au Sénégal et au Congo-Brazzaville du 2 au 5 février a été un modèle du genre. Accolade avec Abdoulaye Wade, à Dakar, « défense des forêts du bassin du Congo », à Brazzaville, en présence de ses homologues Denis Sassou Nguesso, Paul Biya, Omar Bongo Ondimba, Joseph Kabila, Teodoro Obiang Nguema, Idriss Deby et François Bozizé: « Chirac l’Africain » pouvait exulter. Il en fut de même lors des dernières retrouvailles à l’occa-

sion du sommet Afrique-France à Bamako, le 3 décembre dernier. Au programme, en présence de 25 chefs d’État: photo de famille et franche rigolade. Après une première visite de travail en juillet 2004, le président français est aussi retourné voir Marc Ravalomanana à Madagascar, le 21 juillet. Un déplacement programmé conjointement au Sommet de la Commission de l’océan Indien qui se tenait le lendemain à Antananarivo. La brouille franco-malgache de 2002 est oubliée. Quant au ministre français des Affaires étrangères, Philippe DousteBlazy, il a expérimenté sa diplomatie de l’humanitaire au Niger et au Darfour. La ministre déléguée à la Coopération, Brigitte Girardin, a pour sa part inauguré ses nouvelles fonctions en Mauritanie, au Cap-Vert, au Niger, au Bénin, au Gabon, en RD Congo, au Congo-Brazzaville et au Burkina. Si Jacques Chirac s’est rendu à plusieurs reprises sur le continent, Tony Blair, moins chanceux, s’est fait griller la politesse par son ministre de l’Économie. Quatre sauts de puce, mi-janvier, entre le Kenya, la Tanzanie, le Mozambique et l’Afrique du Sud, Gordon Brown a milité pour un renforcement de l’aide

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

en Afrique. L’occasion aussi de soigner son image d’homme d’État. Le ministre belge de la Coopération au développement, Armand De Decker, s’est rendu deux fois dans la région des Grands Lacs (Ouganda, Rwanda, Burundi et RDC), en février et en novembre. Lors de cette dernière visite, il était accompagné par son collègue de la Défense, André Flahaut, pour appuyer la transition et le processus électoral dans l’ex-Zaïre. Avant la conférence euro-africaine sur l’immigration annoncée pour le premier trimestre 2006, le ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos a entamé une tournée, le 5 décembre, au Ghana, au Nigeria, au Niger, et au Mali, puis en Angola et au Mozambique. Quant à l’Union européenne, le nouveau président de la Commission José Manuel Barroso s’est seulement envolé en juin vers l’Afrique du Sud, le Mozambique et la RDC. « Le président aime l’Afrique et voyagera plus en 2006 », assurent ses services. En attendant, Louis Michel, le commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, a multiplié les déplacements à l’île Maurice, au Kenya, au Mali, en RDC, au Rwanda et à Madagascar. 51


J. HRUSA/SIPA PRESS

De g. à dr. : Bill Clinton, Nelson Mandela et le Prix Nobel de la paix 2004, la Kényane Wangari Maathai, à Johannesburg, en juillet 2005.

52

E. SCHNEIDER/SIPA PRESS

2004 avait marqué l’entrée en fanfare de la Chine sur la scène africaine, avec la visite du président Hu Jintao en Égypte, au Gabon et en Algérie. Excepté la venue en février en Angola du vice-Premier ministre chinois Zeng Peiyang, le cru 2005 s’est voulu plus modeste. Mais Le président malien ATT et le chef de la diplomal’essentiel n’est pas là. Les tie espagnole Miguel Angel Moratinos, à Bamako. maîtres de l’empire du Milieu n’ont plus besoin de se déplacer pour détailler leurs besoins illimités en pétrole, bois et minerais. Après Omar Bongo Ondimba et Paul Biya, ce fut au tour de Denis Sassou Nguesso, en septembre, et de Teodoro Obiang Nguema, en octobre, d’aller signer des accords écoKofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, dans nomiques dans les salons un camp de réfugiés au Darfour, en mai 2005. officiels du Grand Palais du peuple. Avec des échanges estimés à 10 milliards de dollars, la Chine Sud-Sud. Avec la même constance en est en passe de devenir le troisième par- avril 2005, Luiz Inácio Lula da Silva a tenaire commercial du continent derrière choisi le Cameroun, le Nigeria, le Ghana, la France et les États-Unis. la Guinée-Bissau et le Sénégal pour dé« L’Afrique est prioritaire, et mon pays livrer le même message. Lula trace sa doit s’acquitter d’une dette. C’est grâce voie en Afrique et, derrière, les hommes au travail, à la sueur et au sang des Afri- d’affaires creusent leurs sillons. Pétrole, cains que la société brésilienne a vu le secteur minier, médicaments généjour. » Lors de ses trois visites successives riques : les échanges entre le Brésil et le sur le continent depuis son accession au continent totalisaient 6,5 milliards de pouvoir en 2002, le président brésilien dollars en 2004, dont la moitié avec le a dessiné les contours d’une diplomatie Nigeria, où est implantée la compagnie

P. CAMPOS/SIPA PRESS

Partenaires du Sud : intérêts partagés

nationale pétrolière Petrobras. En matière de voyages Sud-Sud, on peut relever la tournée au Gabon et au Sénégal du souverain marocain Mohammed VI en début d’année, suivie de son déplacement au Niger durant la crise alimentaire, en juillet. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a, lui, opté pour l’Afrique du Sud. Quant au « paria » Robert Mugabe, il a eu l’honneur de recevoir en janvier à Harare le président iranien d’alors Mohamed Khatami.

Institutions internationales: au chevet de l’Afrique « C’est l’une de mes plus importantes missions, et je pense qu’il était nécessaire de venir voir mon équipe sur place. » Après s’être entretenu la veille avec les autorités à Khartoum, Kofi Annan délaisse son costume de diplomate pour celui de responsable humanitaire lorsqu’il visite un camp de réfugiés au Darfour, le 28 mai dernier. Récits de viols, civils en colère, pénurie alimentaire, rien ne sera épargné au secrétaire général de l’ONU. Quatre mois plus tard, reçu par le président Mamadou Tandja, Kofi Annan passe quarante-huit heures au Niger pour constater l’ampleur de la tragédie et répondre aux critiques devant la lenteur de la communauté internationale. Mais il est déjà trop tard. On aurait pu espérer que le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Rodrigo de Rato, se rende compte de l’urgence de la situation en mai lors de sa tournée régionale à Abuja, Cotonou, Niamey et N’Djamena. On a beaucoup parlé de lutte contre la pauvreté et d’Objectifs du millénaire, mais le drame qui se jouait à quelques kilomètres est passé sous silence. Quant au nouveau président de la Banque mondiale, le néoconservateur Paul Wolfowitz, il devait absolument réussir son examen de passage africain du 12 au 18 juin. Celui qui fut en son temps le pourfendeur de l’aide aux pays en développement avait quatre épreuves : Nigeria, Burkina Faso, Rwanda et Afrique du Sud. Que les institutions de Bretton Woods se rassurent, l’opération séduction a été une réussite. En attendant d’en voir les effets, Jeffrey Sachs, « le monsieur Développement des Nations unies », ne désespère pas. Avec pugnacité, il s’est rendu en 2005 au Kenya, en Éthiopie, au Sénégal, au Mali, au Ghana, au Nigeria, en Ouganda, à Djibouti, au Rwanda et au Malawi. Avec une seule ambition: écouter et observer. ■

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


UN HEBDO EN PLUS DE L’HEBDO

LEdePLUS l’intelligent JEUNE AFRIQUE

TRAVEL PIX LTD./SUPERSTOCK/SIPA

N° 2348 DU 8 AU 14 JANVIER 2006

Monaco Au-delà des paillettes



UN HEBDO EN PLUS DE L’HEBDO

LEdePLUS l’intelligent JEUNE AFRIQUE

N° 2348 DU 8 AU 14 JANVIER 2006

PRÉLUDE

TRAVEL PIX LTD./SUPERSTOCK/SIPA

Esprit d’entreprise Par Gilles Lancrey

Monaco Au-delà des paillettes

56 Politique

Révolution de palais

56 Chronologie 58 Économie

Grandes ambitions

59 J.A.I. répond 60 3 questions à...

Bernard Nihotte

62 Coopération

Approche concrète

64 Monaco en chiffres 64 Ça vous intéresse

Quand le Grimaldi Forum reçoit l’Afrique ●

Directeur général : DANIELLE BEN YAHMED Rédacteurs en chef : JEAN-DOMINIQUE GESLIN et PATRICK SANDOULY Rédaction: PASCAL AIRAULT, MARWANE BEN YAHMED, FRÉDÉRIC BEX, DOMINIQUE MATAILLET, ALEXANDRA SINGH-PAULIAT et VALÉRIE THORIN Coordination : VALÉRIE MACQUET

L’IMAGE DU PETIT ROYAUME PERCHÉ au-dessus de la mer Méditerranée a été patiemment façonnée par la famille régnante au cours du siècle dernier, en particulier depuis que Rainier III a succédé à son grand-père Louis II en 1949. Conséquence, l’opinion publique connaît surtout les faits et gestes de la famille princière, dont la presse people s’est souvent faite l’écho. Mais la réalité monégasque est tout autre, car le père d’Albert II a réussi a transformer en profondeur son pays, en le gérant comme il l’aurait fait d’une grande société. Premier pôle d’emploi de la région, qui attire chaque jour des milliers de travailleurs frontaliers, la principauté concentre aujourd’hui plus de 4 600 entreprises. Elles font la part belle au commerce, puisqu’on y trouve 1 600 sociétés de détail, mais l’industrie n’est pas en reste avec d’étonnantes usines en étages qui se consacrent à des secteurs innovants et non polluants. L’immobilier profite, paradoxalement, de cette exiguïté du territoire qui exige des solutions astucieuses et des travaux gigantesques, comme la mise en souterrain de la gare ferroviaire inaugurée en 1999 ou la création du Grimaldi Forum, un complexe de 35 000 m2 bâti en 2000 sur un terrain gagné sur la mer. Car l’innovation est un des leitmotive de la ville-État, qui a constitué en 2001 un véritable laboratoire européen pour l’UMTS, une norme de communication haut débit pour téléphones portables, ou qui vient de lancer en octobre dernier le passeport à puce répondant à la norme de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Une longue tradition, puisque dès 1901 le prince Albert Ier, bâtisseur du musée océanographique, avait donné à l’ingénieur Claude Léger les moyens de créer un des premiers prototypes fonctionnels d’hélicoptère. Aujourd’hui, après des centaines d’années de relations souvent cordiales et parfois tendues avec « le pays voisin », Monaco est sorti de l’ombre de la France et tient à revendiquer sa dimension internationale. Comme pour mieux se différencier, la principauté n’appartient pas à l’Union européenne, bien qu’elle en utilise la monnaie, l’euro – elle est d’ailleurs devenue une place financière d’importance. En revanche, le pays est membre à part entière de l’ONU depuis treize ans et collabore à nombre de ses institutions. Avec un accent particulier vers l’aide aux pays en voie de développement : depuis 1998, un bureau de la coopération internationale élabore des actions, particulièrement vers l’Afrique. Il est secondé par des associations opérationnelles, telles que Monaco Aide et Présence qui rénove un hôpital au Niger, construit des écoles en Centrafrique et au Mali ou encore des dispensaires en Égypte et en Côte d’Ivoire. Les montants sont certes limités, mais la générosité est bien là. ■


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

POLITIQUE

En succédant à son père, le prince Albert II a entrepris de dépoussiérer l’image sulfureuse du Rocher. À la tête d’une équipe rajeunie, il a d’ores et déjà imposé son style.

Révolution de palais Marwane Ben Yahmed

M

onaco... État confetti de moins de 2 km2, petite révolution de palais en s’entourant d’une nouvelle strass et paillettes, paradis fiscal pour génération de conseillers, pour la plupart du même âge milliardaires de tous horizons, enche- que lui, experts de la finance et du management. S’il n’a vêtrement d’immeubles agglutinés face pu lui-même choisir son ministre d’État, sorte de chef du à la Méditerranée, blanchiment d’argent gouvernement nommé par Rainier en janvier 2005, le et tapis vert... C’est l’image réductrice prince a appelé à ses côtés Jean-Luc Allavena, 42 ans. Ce que l’on retient le plus souvent de cette minuscule brillant diplômé de HEC, dont la famille d’origine piéenclave dans le territoire français, à une dizaine de montaise est installée sur le Rocher depuis cent cinquante kilomètres de la frontière italienne. ans, est accompagné de Frank Biancheri, 45 ans, conseiller Monaco, c’est aussi du gouvernement chargé une famille, les Grimaldi, des Finances et élevé au CHRONOLOGIE au pouvoir depuis plus rang de numéro deux du Dès la plus haute antiquité, le rocher de Monaco sert de sept cents ans. gouvernement. Des quadras de refuge aux populations primitives, puis aux naviRainier III décédé après natifs du Rocher et des gateurs venus d’Orient. cinquante-six années de membres éminents de la 122 av. J.-C. Les Romains s’installent en Provence règne, c’est Albert II, son diaspora monégasque. et prennent possession de Monaco. fils, qui en a repris les Allavena dirigeait jusqu’à 1162 L’empereur d’Occident Frédéric Barberousse commandes, le 12 juillet sa nomination Lagardère accorde la domination maritime de la région à la Ré2005. Avec une ambition Médias. Un profil de manapublique de Gênes. nouvelle : « Il faut que ger qui plaît à Albert. Le 1346-1355 Charles Ier de Grimaldi constitue le vériMonaco soit un pays proprince veut réformer... en table domaine de la principauté. ducteur de modèles : douceur. Il aurait transmis 1489 Le roi de France Charles VII et le duc de Savoie modèle de vie, de déveà ses nouveaux « barons » reconnaissent l’indépendance de Monaco. loppement, de bien-être, une feuille de route 1793 La principauté intègre la République française de paix », expliqua-t-il à détaillée : favoriser les actiaprès la Révolution. La famille princière est destituée. l’occasion de son disvités à forte valeur ajoutée, 30 mai 1814 Le traité de Paris rétablit les Grimaldi cours d’avènement. protéger l’environnement dans leurs droits. Objectif avoué : et renforcer la présence de 1911 Adoption de la Ire Constitution. dépoussiérer l’image du Monaco sur la scène inter1949 Accession du prince Rainier III au trône. Rocher avec en toile de nationale. Cette nouvelle 1962 Adoption de la IIe Constitution. fond le passage de équipe a une idée assez pré1993 Monaco devient le 183e État membre témoin entre les réseaux cise de ce qu’elle veut faire de l’Organisation des Nations unies. du prince défunt et la de Monaco, 7 500 citoyens, 6 avril 2005 Le prince Rainier III décède. Son fils jeune garde du nouveau 32 000 habitants et Albert lui succède. souverain. À 47 ans, 40000 salariés. Et une prioAlbert II a mené une rité : poursuivre sur la voie

56

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


F. NEBINGER/ABACAPRESS

Le prince Albert II ovationné par la foule lors de son avènement le 12 juillet dernier, en présence (de gauche à droite) de son beau-frère, Ernst-August de Hanovre, et de ses deux sœurs, les princesses Caroline et Stéphanie.

tracée par Rainier en dégageant sans cesse de nouveaux espaces pour la principauté, pris en général sur la mer. Outre les chantiers économiques – consolider les secteurs bancaires, immobiliers et touristiques tout en mettant le cap sur les nouvelles technologies –, l’autre priorité tient à la réputation et à l’image de la principauté. « J’entends que l’éthique soit toujours en toile de fond du comportement des autorités monégasques, avait prévenu le souverain dans son discours d’avènement, le 12 juillet. L’éthique ne se divise pas. Argent et vertu doivent se conjuguer en permanence. L’importance de la place financière de Monaco requiert une extrême vigilance... » Il faut reconnaître qu’à l’époque bien peu croyaient aux nouvelles vertus de la principauté. Mais si certains doutaient de la capacité d’Albert à imposer cette nouvelle ligne de conduite, une vaste opération de « moralisation des pratiques » semble bel et bien en marche. Le premier à en faire les frais a été... Mark Thatcher, fils controversé de Margaret, l’ancien Premier ministre britannique. Le Palais a refusé de renouveler son permis de résidence temporaire. Le fils de la Dame de fer, 52 ans, a été condamné en janvier 2005 en Afrique du Sud à quatre ans de prison avec sursis et à une amende d’environ 390 000 euros pour sa participa-

tion à un coup d’État manqué en Guinée équatoriale, en mars 2003. Côté blanchiment d’argent et opacité financière, Monaco est enfin sorti de la « liste noire » du Groupe d’action financière (Gafi) sur les paradis fiscaux, et le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier un rapport positif sur la principauté. L’aboutissement d’un travail de longue haleine pour ses dirigeants. Le nouveau prince a fixé ses objectifs, de nouvelles règles du jeu et a choisi son équipe. S’il semble vouloir réellement prouver au monde entier que Monaco est entré dans une ère nouvelle, il devra dépasser le stade des ambitions en s’appuyant sur les siens mais aussi sur ceux qui sont en place depuis longtemps déjà. Il se heurtera forcément aux intérêts des uns et des autres, devra composer avec les grandes familles de la principauté. Fan de sport et adepte des défis, Albert II, longtemps cantonné à un rôle de représentation par son père, a maintenant toutes les cartes en main pour démontrer ses qualités de chef. Sa personnalité, plus affirmée qu’il n’y paraît, et malgré les doutes qui ont jalonné son parcours de « prince en devenir », pourrait en surprendre plus d’un. Même si, contrairement à la superficie du territoire dont il a la charge, la tâche est immense. ■

« Argent et vertu doivent se conjuguer en permanence. »


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

Grandes ambitions Pascal Airault

I

«

l n’est pas nécessaire d’être tersur le tourisme, la banque, les services ritorialement grand pour avoir et une industrie embryonnaire. Alors de grands rêves, ni d’être nom- que les principales recettes de l’État breux pour les réaliser. » Décédé dépendaient des ressources de la Sole 6 avril 2005, le prince Rainier III a ciété des bains de mer (SBM) et de passé une partie de sa vie à concrétiser un adage qu’il aimait à rappeler à ses hôtes. Sous son règne, Monaco est passé du rang de principauté d’opérette à celui de multinationale de la finance. Ce qui lui a valu les plus vives critiques, le territoire étant régulièrement accusé de blanchiment d’argent et d’opacité financière. Des critiques qui s’estompent peu à peu depuis que les autorités ont mis en place un organisme chargé du contrôle des opérations financières. Albert II, successeur de Rainier, entend continuer à redorer l’image du Rocher La Banque du en conjuguant argent et Gothard, l’un des vertu : « Les jeux ne requelques rares entrenombreux établisseprésentent que 3 % à 4 % prises installées dans ments financiers des ressources de la prinle quartier de Fontmonégasques. cipauté, et nous ne vivons vieille dans les anpas uniquement des atnées 1960, Rainier III traits de notre régime fiscal. » Il veut en a fait un centre économique dyégalement poursuivre les grands namique et un véritable bassin d’emchantiers de diversification du ploi. Avec seulement 195 ha de terre royaume. Il hérite de son père une et 32 000 habitants, la principauté économie solide et moderne fondée réalise annuellement plus de 9,8 mil-

Bien-être des pieds POUR TOUS PAYS : voir site www.asepta.com renseignements : info@asepta.mc

liards d’euros de chiffre d’affaires. Pour développer une économie si prospère avec si peu de ressources propres, le petit État a réussi à se servir de l’argent des autres. Les investisseurs sont avant tout attirés par un savant mélange d’exonérations fiscales, de discrétion et de sécurité. Commerce et industries telles que la chimie, la pharmacie ou la transformation plastique emploient aujourd’hui quelque 42 000 salariés, dont plus de 30 000 viennent chaque jour de France ou d’Italie. Mais les moteurs les plus puissants du Rocher restent la banque et la gestion des fortunes. Plus de 62 milliards d’euros sont déposés sur les comptes

NICE MATIN

ÉCONOMIE Malgré son absence de ressources propres et sa petite taille, la principauté affiche une insolente prospérité.

des 41 établissements bancaires que compte la place, auxquels s’ajoutent une vingtaine société de gestion de portefeuilles. Car d’autres métiers de la finance ont pris leur envol dans le conseil ou le capital-investissement. Sans matières premières, la principauté ne peut compter que sur l’inventivité de ses entrepreneurs pour vivre et se développer. Son avenir

Cheveux, MADE IN MONACO

cils & ongles

TUNISIE : PHARMADEP TUNIS renseignements : labo.pharmadep@planet.tn


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

J.A.I. RÉPOND

En quoi la principauté de Monaco se distingue-t-elle d’un royaume ? Question de Mamadou Diaby, Abidjan, Côte d’Ivoire

SIPA

A

u terme « principauté », le peut donc être monégasque. Petit Robert donne la défiL’économie monégasque est éganition suivante : « petit lement très imbriquée dans celle de État indépendant dont le la France. Une union douanière lie souverain porte le titre de prince ». Ce qui indique que seule la taille distingue la principauté du royaume. Même si sa superficie n’est que de 195 hectares (dont 40 gagnés sur la mer au cours des deux dernières décennies), Monaco est bien un État indépendant et souverain. La même dynastie, les Grimaldi, y règne depuis 1297. Ce tte m o n a rch i e constitutionnelle a évidemment des liens étroits avec la France, dans laquelle elle est enclavée et avec qui elle a signé en 1918 un traité d’« amitié protectrice ». C’est ainsi le grand voisin qui assure la défense de la principauté. Jusque récemment, le ministre d’État, Le palais des princes de Monaco. équivalent du Premier ministre, était même choisi les deux pays. À noter également par le prince parmi une liste de que, sur quelque 30 000 habitants, candidats – tous français – propo- la principauté compte près de sés par Paris. Mais, depuis le 10 000 Français et 6 000 Italiens, 9 novembre dernier, le souverain les citoyens monégasques n’étant monégasque peut librement guère que 7 500. ■ Dominique Mataillet choisir le titulaire du poste, qui

▲ ▲ ▲

passe avant tout par des activités où les retours sur investissement sont conséquents. « Les circuits de décision sont extrêmement courts, ce qui nous donne une certaine souplesse et plus de rapidité d’exécution qu’ailleurs. Et nous pouvons encore accueillir des secteurs à forte valeur ajoutée, que ce soit dans le domaine de la recherche médicale, où il existe un vrai créneau pour Monaco, ou dans celui des biotechnologies, des nouvelles technologies de la communication, qui sont des activités non polluantes », tient à faire valoir le nouveau prince régnant. Pour accompagner cette politique, l’État monégasque a relancé la Société d’aide à la création et au développement d’entreprises (SACDE) il y a quelques mois et l’a dotée d’un budget de 5 millions d’euros. La Chambre de développement économique (CDE), présidée par le président de l’AS Monaco, Michel Pastor, multiplie les missions à l’étranger pour attirer des entreprises. Un noyau dur de sociétés high-tech existe déjà à Monaco, avec quelque 90 entreprises opérant dans l’informatique et les télécoms. Parmi elles figure Monaco Télécom, un poids lourd, dont l’État est actionnaire aux côtés de l’opérateur britannique Cable & Wireless. L’objectif est de faire de Monaco une vitrine des nouvelles technologies, comme l’UMTS ou le Wimax. Si le commerce international ne représente que 4 % des emplois de la principauté, il génère le tiers de son chiffre d’affaires avec 3 milliards d’euros. Une quarantaine de sociétés mènent des activités en Afrique. Une implantation de longue date pour certaines, notamment pour le courtier d’assurance Ascoma, qui a installé une antenne en 1952 à Madagascar et 1953 au Cameroun avant de s’implanter sur le reste du continent. Aujourd’hui, la société possède des filiales en Afrique centrale (Gabon, RD Congo, Guinée équatoriale,

Contacts Monaco Telecom International - Divona M.Vincent LOZZA Directeur Relations Internationales Tél. : + (377) 99 666 007 - Mob. + (377) 6 07 93 34 09

E-mail : v.lozza@monaco-telecom.mc

M. Pierre FELDMANN Directeur des services Satellitaires

Tél. : + (377) 97 97 44 04 - Mob. + (377) 6 17 92 78 93

E-mail : p.feldmann@divona.com


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

Directeur général de Monaco Télécom International (MTI)

« L’Afrique est une zone stratégique »

Propos recueillis par Frédéric Bex

D.R.

G

râce à sa filiale MTI, le groupe Monaco Télécom accroît actuellement ses parts de marché dans les pays en développement. Ses activités portent sur la gestion du trafic international et sur la création et la gestion de réseaux GSM. Déjà présent au Kosovo et en Afghanistan, où il est opérateur du réseau Rochan (500 000 abonnés), MTI veut poursuivre son expansion vers le Sud. J.A./L’INTELLIGENT : Quelle est la part de vos activités à l’international ? BERNARD NIHOTTE : En 2004, Monaco Télécom International a réalisé 60 % du chiffre d’affaires du groupe, qui s’est élevé à 240 millions d’euros. Êtes- vous présent en Afrique ? Notre filiale Divona, qui gère des transmissions Internet à haut débit par satellite, est déjà implantée en Algérie et en Tunisie. Divona peut relayer l’ADSL dans les pays où le réseau téléphonique fixe est insuffisant, et nous prévoyons de développer ses implantations sur le continent. Dans quatre pays d’Afrique francophone, nous assurons également la gestion de trafic international pour le compte de l’opérateur historique ou pour des opérateurs privés. Quel avenir pour ces activités africaines ? L’Afrique est une zone stratégique. Nous avons défini trois axes de développement. J’ai déjà parlé de renforcer la présence de Divona : nous allons aussi démarcher de nouveaux clients pour leur proposer nos services de gestion de trafic. En outre, nous avons l’intention de nous implanter dans la téléphonie mobile. Cela peut se faire soit par la gestion de réseau, comme au Kosovo, soit par l’acquisition d’une licence, comme en Afghanistan. Nous étions par exemple candidats au rachat de l’opérateur malgache Madacom. Nous nous sommes fixé l’objectif de contrôler deux réseaux mobiles africains dans les trois ans à venir. ■

Congo, Cameroun), de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal) et à Madagascar. Plus récemment, les laboratoires Asepta ont noué des partenariats en Tunisie et au Sénégal pour la fabrication et la distribution de leurs produits. Mercure International of Monaco, pour sa part, a implanté une cinquantaine de magasins de sport et de distribution sous les marques Score et City Sports. Nouvel eldorado pétrolier, le continent attire de plus en plus les majors et par effet d’entraînement toutes les sociétés de services. Single Buoy Moorings Inc. est de celles-là. Installée à Fontvieille, la société est très présente dans le golfe de Guinée où elle a opéré au Nigeria pour la première fois en 1961. Elle intervient pour les grands groupes occidentaux comme ExxonMobil, Chevron, Agip et Total, et propose des plates-formes en leasing et des terminaux pétroliers offshore (110 sur le continent). « L’Afrique, qui représente 30 % à 40 % de notre activité, constitue la principale zone de croissance dans le futur », précise Hans Peereboom, vice-président de la société. Lors de son discours d’intronisation, Albert II a exhorté les jeunes Monégasques privilégiés à poursuivre l’expansion économique à l’international, qui est, pour le moment, essentiellement l’apanage des opérateurs étrangers. Cette jeunesse dorée, habituellement peu tentée par la prise de risques, réalisera-t-elle les ambitions du nouveau prince ? ■

▲ ▲ ▲

3 QUESTIONS À… BERNARD NIHOTTE


Une gamme de services de téléphonies fixe, mobile et d’Internet à la portée de tous Réseaux mobiles

> Acquisition de licences mobiles > Exploitation et maintenance de réseaux mobiles > Gestion du roaming > Audit et optimisation de réseaux existants

Gateway International

> Gestion du trafic entrant/sortant pour le compte de tiers > Fourniture de bande passante Internet

Satellite Télécommunications IP

> Internet jusqu’à 10 Mbits > Interconnexion des sites distants par VPN (Internet haut débit dans les villages, connexions des collectivités, réseaux d’entreprise) > Services de Téléphonie

Réseaux VSAT

> Architecture en étoile, maillée ou hybride > Bande passante dédiée ou à la demande > Commutation IP et FR offrant une plate-forme ouverte

>> www.divona.com >> www.monaco-telecom-international.mc


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

COOPÉRATION Le Rocher s’investit de manière croissante dans l’aide au développement des pays du Sud. Notamment en Afrique.

Approche concrète Alexandra Singh-Pauliat

T

rois millions d’euros. C’est la somme qui sera consacrée par Monaco à l’aide publique au développement en 2006, dont 80 % à destination du continent africain. Le montant paraît dérisoire comparé aux milliards alloués par les États-Unis, le Japon, la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne. Mais il devrait croître rapidement, le prince Albert II ayant placé la solidarité internationale au rang de ses priorités dès son discours d’investiture le 12 juillet 2005. Le nouveau souverain s’est également engagé

devant la 60e Assemblée générale des Nations unies « à augmenter sensiblement l’aide monégasque » jusqu’à y consacrer 0,7 % de sa richesse, conformément aux Objectifs du millénaire destinés à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d’ici à 2015. Un pourcentage qui sera difficile à évaluer puisque le produit intérieur brut du Rocher n’est pas calculé. « La volonté personnelle et politique affichée par le prince Albert II est réelle », affirme Jérôme Froissart, administrateur principal du bureau

de la coopération internationale. Qui en veut pour preuve la hausse de 30 % de son budget en 2006. Les premiers pas de la coopération monégasque remontent à 1993 (année où la principauté rejoint les Nations unies), lorsque le département des travaux publics prend en charge un programme d’urbanisme au Liban. Mais il faut attendre 1998 pour que le Rocher se dote d’une véritable structure de coopération dotée d’un budget spécifique. Sept ans plus tard, le bureau de la coopération internationale gère une trentaine de dossiers dans dix-huit pays. Avec près de 70 % du budget total, l’aide bilatérale tient le haut du pavé. Mais Monaco agit également au niveau multilatéral dans le cadre de l’Alliance mondiale des villes contre la pauvreté, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de l’Organisation internationale de la Francophonie. Principaux destinataires de l’aide monégasque : le Maroc, le Burkina,

e-BankVision

Editeur de solution bancaires

e-BankVision

external advisor

Tekline, éditeur de solutions

e-BankVision External Advisor a été spécifiquement conçu pour fournir une solution à la gestion de réseau de distribution. Conseillers en Gestion de Patrimoine.

pour la Banque et la Gestion privée, propose ses solutions eBankVision, ImageChèque et WinChèque.

e-BankVision

............................................................... ses

apporte

solutions

à et

ses son

compliance

clients

e-BankVision Compliance permet l’identification, l’analyse, le suivi et le reporting des opérations suspectes dans le cadre de la lutte anti-blanchiment.

expertise

dans les métiers de la banque et

les

technologies

de

pointe.

e-BankVision commissions

........................................................ L’exigence de Tekline est de servir

e-BankVision Commissions permet de calculer et contrôler les commissions reçues sur la commercialisation des OPCVM.

ses clients avec une parfaite réactivité pour mettre en place ses solutions

ImageChèque

rapidement sur la base de budgets maîtrisés.

Tekline SAM 2 Boulevard RAINIER III MC 98000 MONACO Tél. : (00 377) 99 99 69 99 Fax (00 377) 99 99 69 98 Email : info@tek-line.mc

80 banques utilisent aujourd’hui nos produits : ...

Société Générale, BNP Paribas, Rothschild, Crédit Agricole, Crédit Lyonnais, Natexis Banques Populaires, Crédit Suisse, HSBC, CitiGroup, Ecobank, Banques de l’Habitat, etc... Réparties dans de nombreux pays : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centre Afrique, Côte d’Ivoire, Djibouti, France, Guinée, Madagascar, Mali, Monaco, Niger, St Pierre et Miquelon, Sénégal, Togo.

Pour la gestion de l’aller-retour compensation des chèques

WinChèque Pour la fabrication / personnalisation de chèquiers.

DIFCOM C.C

Tekline

private banking

e-BankVision Private Banking est une solution web, complète et intégrée de front et middle-office destinée aux gestionnaires et conseillers de clientèle privée.


P. UGARTE/AFP

Le prince Albert avec le président sud-africain Thabo Mbeki et le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan en septembre 2002, au Sommet de la Terre à Johannesburg.

un projet de lutte contre le sida. Faute d’y consacrer d’importants moyens financiers, la principauté revendique l’originalité de son approche de l’aide au développement. « La coopération politique a montré ses limites. Nous préférons nous concentrer sur des projets concrets répondant à la demande des populations. Et nous obtenons

▲ ▲ ▲

le Niger et Madagascar. « Pour l’instant, la coopération se concentre essentiellement sur l’aire méditerranéenne, l’Afrique de l’Ouest francophone et Madagascar », explique Jérôme Froissart. Mais, en 2006, elle devrait s’étendre à d’autres zones : l’île indonésienne de Nias, ravagée par un tremblement de terre en avril 2005, et l’Afrique du Sud, avec

souvent de meilleurs résultats avec moins d’argent », affirme Cyril Juge, consul honoraire à Antananarivo depuis décembre 2002, où la principauté agit principalement dans les domaines de la santé et de la lutte contre la pauvreté. Deux des domaines d’actions prioritaires, avec la préservation de l’environnement et l’éducation. Autre sujet de satisfaction sur le Rocher, qui tente de rompre avec l’image de charité qu’il véhiculait dans les années 1970 et 1980 : la reprise de certains de ses projets par des bailleurs de fonds plus importants. Comme la promotion de coopératives féminines de production d’huile d’argan au Maroc – premier destinataire de l’aide monégasque – ou le programme de


LE PLUS DE L’INTELLIGENT MONACO

▲ ▲ ▲

lutte contre la désertification mis en place au Niger, autre pays phare de la coopération monégasque. En septembre 2005, 30 000 dollars d’aide d’urgence ont permis d’acheter 140 tonnes de céréales en provenance du Ghana et de les distribuer aux populations les plus menacées par la crise alimentaire. « La principauté jouit d’une image extrêmement positive au Niger, où elle est plus connue que certains grands pays », affirme Mahamadou Idrissa, consul honoraire à Niamey. « Le prince Albert fait réellement évoluer l’image de Monaco », souligne, de son côté, Christophe Nuttall, directeur du Centre des partenariats innovants du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Sous l’égide duquel la principauté finance, entre autres, l’opération Web-cities, projet pilote

MONACO EN CHIFFRES ■ Superficie 195 hectares. ■ Population 32 409 résidents, dont 84 % d’étrangers. ■ Langue officielle Français. ■ Unité monétaire Euro. ■ Religion d’État Catholicisme. ■ Budget 2005 679 millions d’euros. visant à relier par Internet Cotonou, Dakar, Essaouira et Niamey, toutes les quatre membres de l’Alliance mondiale des villes contre la pauvreté, pour favoriser la collecte de données et l’échange d’informations. Parviendra-t-il à impliquer davantage le secteur privé ? Pour l’instant, seule la Société monégasque des eaux (SME) travaille avec le service

■ Recettes publiques TVA : 50 % Transactions juridiques : 10 % Transactions immobilières : 10 % Bénéfices commerciaux : 7,5 % Monopoles concédés : 7,5 % Monopoles exploités (télécommunications par exemple) : 7,5 % Droits de douanes : 4,5 % Divers : 3 % de coopération pour la réhabilitation d’une palmeraie au Maroc. L’encadrement technique est généralement assuré par les services gouvernementaux. Avec l’aide des organisations non gouvernementales (ONG) comme la Croix-Rouge ou l’Association mondiale des amis de l’enfance, présentes sur le terrain depuis plusieurs décennies. ■

ÇA VOUS INTÉRESSE

Quand le Grimaldi Forum reçoit l’Afrique

A

D.R.

missaires de l’exposition ont pu la fois vaste et intime, specprésenter des œuvres très taculaire et moderne, le anciennes provenant de Nubie, Grimaldi Forum de Monaco antérieures à l’Égypte dynastique accueille régulièrement des specet, par conséquent, considérées tacles et des expositions hors du comme les sources de l’art phacommun. Ce fut le cas, en 2005, raonique. de la grande manifestation Arts of À l’autre extrémité de son Africa. Elle avait pour vocation de parcours, le spectateur pouvait retracer, au travers de chefsvoir, à travers des œuvres d’ard’œuvre provenant de pays variés, tistes contemporains comme six mille ans d’histoire de l’art en Picasso, Derain ou Modigliani, à Afrique, de l’Antiquité à nos jours. quel point l’Afrique a su aussi Le défi colossal qu’a représenté influencer la modernité. Enfin, cette fresque artistique et histoArts of Africa s’est intéressée à rique s’est ouvert en juillet par un la production artistique actuelle festival qui a rassemblé en présentant des œuvres les plus belles voix du continent, Une rétrospective unique de créateurs de renom, comme Angélique Kidjo, Mory Kanté, des arts figuratifs du continent. le photographe malien Malick Tiken Jah Fakoly et bien d’autres, Sidibé, le plasticien béninois mais également des danseurs Romuald Hazoumé ou le peintre congolais comme l’Ivoirien Georges Momboye, ou le créateur Chéri Samba. de mode sénégalais Xuly Bët. Le Grimaldi Forum de Monaco a reversé une Durant trois mois, le public a pu admirer une partie des droits d’entrée à l’exposition et aux rétrospective rare des arts figuratifs du continent, concerts à Médecins sans frontières (MSF), pour notamment des pièces provenant de la partie de l’aider dans sa lutte contre le sida en Afrique. ■ l’Afrique qui, jusqu’aux IXe et Xe siècles, n’a pas été influencée par la culture islamique. Les comValérie Thorin 64

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006



AFRIQUE DU NORD

L’Algérie

peut-elle se passer de Bouteflika?

L’accueil populaire réservé au chef de l’État lors de son retour au pays après cinq semaines d’absence a pris des allures de plébiscite. Mais pose aussi des questions sur le système politique et son fonctionnement. Cherif Ouazani

U

ne évacuation en urgence vers un hôpital parisien, annoncée par un communiqué de la présidence, le 26 novembre. Une intervention chirurgicale dans la foulée et un bulletin médical, daté du 5 décembre, censé lever toute inquiétude. Des « rumeurs tendancieuses » (dixit le chef de l’État algérien lui-même) durant une « longue » convalescence (les trois raisonnables semaines que requiert toute thérapie de ce genre). Résultat : un nouveau triomphe populaire pour le président Abdelaziz Bouteflika, à l’occasion de son retour à Alger, le 31 décembre. À quoi pensait-il, ce jour-là, quand, à sa descente d’avion, il a longuement étreint et embrassé l’emblème national, contenant difficilement son émotion ? On ne le saura sans doute jamais. Ils étaient des dizaines de milliers d’Algériens, venus de tous les coins du pays, bravant une météo fluctuante, les aléas d’une route le plus souvent dangereuse (11 habitants d’Annaba y laisseront la vie dans un accident de la circulation sur le chemin du retour) et une organisation approximative : heure d’arrivée de l’avion présidentiel inconnue, itinéraire emprunté incertain, etc. Les cinq dernières semaines de l’année 2005 ne constitueront pas un banal épisode dans l’histoire contemporaine de l’Algérie du post-terrorisme. Elles auront confirmé la popularité du président de la République. Rien de nouveau, pourrait-on observer, « Boutef » ayant victorieusement remporté tous les scrutins où il a sollicité le suffrage universel, qu’il s’agisse d’élections ou de référendums. Toutefois, l’angoisse qui a pris à la gorge des millions d’Algériens soumis aux nouvelles les plus alarmistes diffusées par des mé-

66

dias étrangers montre que ce pays, malgré ses 56 milliards de dollars en réserves de change et ses institutions qui, durant cette épreuve, ont fonctionné de manière correcte, est toujours fragile. Quelques clés pour comprendre.

Trois précédents

La chaleur de l’accueil populaire réservé, ce 31 décembre, à Bouteflika est un fait sans précédent. Depuis l’indépendance, en 1962, l’Algérie aura vécu à trois reprises une absence à la tête de l’État. En 1978, Houari Boumedienne avait disparu plusieurs semaines avant de réapparaître à Moscou. Les images montraient alors un président au sourire forcé, discutant avec Leonid Brejnev et quelques membres du Politburo de l’Union soviétique. Plus tard, l’opinion apprendra que le président de la République était rentré et séjournait à l’hôpital Mustapha-Pacha d’Alger, luttant contre un mal inconnu. Il n’y a jamais eu d’accueil populaire à son retour. Au milieu des années 1980, son successeur, Chadli Bendjedid, sera évacué en Belgique afin d’y subir une intervention chirurgicale pour une hernie discale. Son retour se fait des plus discrets, l’avion présidentiel se posant sur le tarmac de la base aérienne militaire de Boufarik plutôt que sur celui de l’aéroport international d’Alger. Le troisième cas de maladie présidentielle concerne Liamine Zéroual. En 1996, le chef de l’État est transféré à Barcelone, officiellement pour un traitement ophtalmologique, mais l’opinion n’en saura pas plus. Là non plus, aucun accueil populaire. Celui du 31 décembre 2005, outre l’imposante mobilisation, a une particularité : la spontanéité. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


S. SID/L’ŒIL DU SUD

bénéficié de deux chocs pétroliers sans engranger de résultats notables en matière de développement ou d’investissements. La popularité de « Boutef » ne procède pas uniquement des bilans chiffrés. Elle tient aussi à sa réputation de « bosseur »: quatorze heures de travail par jour, pendant lesquelles il épluche tous les dossiers, répond lui-même à une partie de l’abondant courrier que lui envoient ses administrés. On est évidemment en droit de se demander si, après sa maladie, il ne sera pas amené à réduire ses activités, notamment ses voyages. La popularité du chef de l’État est également liée à son habileté politique. Il a su fermer la porte à l’islamisme radical, celui de la pensée salafiste importée, responsable de la tragique décennie noire des années 1990, tout en réhabilitant « l’islam local », celui des confréries (les zaouïas) longtemps diabolisées et dont l’absence a favorisé l’apparition du courant djihadiste. En outre, les zaouïas représentent d’excellents relais pour taire les différends et conforter la cohésion sociale mise à mal par dix années de terrorisme. Relais qu’il a savamment utilisés à son avantage lors de la dernière élection présidentielle d’avril 2004.

Un patron. Et un seul

▲ ▲ ▲

Si aucun Conseil des ministres ne s’est tenu durant les deux derniers mois de l’année écoulée, pour cause Le président Abdelaziz d’absence du président, le gouverComment s’explique cette popularité Bouteflika embrassant nement s’est régulièrement réuni le drapeau national Aucun parti politique ni organisation ne peut sous la direction du Premier ministre à son arrivée à Alger, se targuer d’avoir provoqué l’engouement popuAhmed Ouyahia. Les institutions le 31 décembre 2005. laire autour du retour de Bouteflika. Les six années n’ont jamais été paralysées. La maqu’il vient d’accomplir à El-Mouradia sont marchine économique non plus. Des quées par des succès politiques aussi bien qu’économiques. marchés ont été attribués et des d’appels d’offres lancés. Il compte à son actif deux initiatives pour ramener la paix Bref, l’Algérie a fonctionné sans lui. Paradoxalement, cette civile: la Concorde civile – même si l’entreprise avait été ini- performance (c’en est une pour tous ceux qui gardent à tiée avant son arrivée aux affaires en 1999, c’est lui qui la l’esprit l’histoire récente du pays) devrait être mise à l’acfait aboutir par voie référendaire en septembre 2000 – et tif du président Bouteflika. la Réconciliation nationale. La population lui sait donc gré En d’autres temps, ce type de situation aurait provod’avoir ramené la paix et la stabilité. qué la tenue d’un conclave de la hiérarchie militaire (le Sur le plan économique, le bilan est plus que flatteur. fameux comité central de l’armée) ou encore l’intervention Réduction de moitié du chômage (15,2 % de la population du mythique cabinet noir. Il y eut certes des tentatives de active en 2005, contre 30 % en 1999), amélioration de 25 % la part de certains médias pour annoncer le « retour des gédu revenu des ménages, programme d’investissement de néraux », la réapparition des « décideurs ». En vain. L’Al60 milliards de dollars entre 2005 et 2009, croissance an- gérie a désormais un patron. Et un seul. L’élément positif nuelle de 6 % en moyenne, et bonne tenue de la monnaie pour ce pays habitué aux épreuves les plus douloureuses nationale dont l’érosion a été contenue à partir de 2001. Il tient sans doute à cela : les incertitudes liées à l’absence a certes été bien aidé dans son entreprise par la flambée du chef de l’État n’ont pas entamé la sérénité, et l’Algérie des cours du brut. Mais, en 1974 et en 1981, l’Algérie avait a tourné. Sans lui, peut-être ; grâce à lui, sans doute. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

67


AFRIQUE DU NORD

« Boutef » est-il irremplaçable ?

Magdi Ayoub Iskandar Un gouverneur copte en Haute-Égypte

U

n copte dans le haut commandement territorial. L’information était à la « une » des quotidiens cairotes du lundi 2 janvier. La veille, le président Hosni Moubarak avait en effet nommé Magdi Ayoub Iskandar à la tête du gouvernorat de Qena en Haute-Égypte. Crâne dégarni, nez camus et lunettes épaisses, ce général de police avait déjà gravi presque tous les échelons de l’administration centrale du département de l’Intérieur. Jusque-là, il était l’adjoint d’Habib al-Adly, le détenteur de ce portefeuille ministériel. Cette désignation n’est donc pas, à proprement parler, une promotion pour ce grand commis de l’État. C’est plutôt une mesure symbolique comme l’ont relevé, à juste raison, les médias égyptiens: depuis trente ans, aucun membre de cette minorité chrétienne, qui représente entre 6 % et 10 % des 73 millions d’Égyptiens, n’a pu accéder au poste de gouverneur. Il faut remonter à 1974, année où l’ancien président Anouar al-Sadate avait confié le gouvernorat du Sud-Sinaï à un autre général de la même religion, Fouad Aziz Ghali, l’un des héros de la guerre israélo-arabe d’octobre 1973. Depuis que Moubarak est au pouvoir, plusieurs chrétiens cependant ont été membres du gouvernement. C’est le cas notamment de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, qui a été pendant de longues années secrétaire d’État aux Affaires étrangères, et de Youssef Boutros-Ghali, actuel ministre des Finances et unique copte parmi les 444 membres élus du nouveau Parlement. En plaçant Magdi Iskandar à Qena, le raïs a voulu, en réalité, rassurer les chrétiens qui se plaignent, depuis quelques années, d’une « excessive marginalisation » dans leur propre patrie et s’alarment de la récente montée en puissance des Frères musulmans. Il tient également compte de l’intérêt américain pour la question. Il y a quelques semaines, Washington a en effet abrité les assises du Congrès international copte, dont les initiateurs sont très critiques à l’égard du Caire. Moubarak a d’ailleurs fait un autre geste de rééquilibrage à l’égard des coptes: sur les dix députés que la loi l’autorise à nommer, cinq sont issus de cette minorité confessionnelle. Est-ce suffisant? « Non », répondent les animateurs coptes du Centre Kalima pour les droits de l’homme, qui réclament, entre autres, l’accès de leurs coreligionnaires à des postes de commandement au sein de l’armée et de la police, mais aussi l’assainissement des médias publics où des tenants du discours intégriste véhiculent, selon eux, une « culture de la haine » dont les coptes seraient les premières victimes. ■ Abdallah Ben Ali

68

SIPA PRESS

ON EN PARLE

C’est l’intime conviction des dizaines de milliers d’Algériens venus l’accueillir et de millions d’autres. Le sentiment général qui prévaut aujourd’hui en Algérie est que ce 31 décembre symbolise le retour du père contraint par un ennui de santé de quitter ses enfants. Est-ce une bonne nouvelle pour l’Algérie ? Bouteflika n’a jamais été un adepte du culte de la personnalité, même si d’immenses portraits de lui se dressent dans les villes et villages, et il abhorre les habits du guide éclairé. Saura-t-il résister à la tentation bourguibienne d’une présidence à vie ? L’idée d’une révision de la Constitution pour permettre à « Boutef » de solliciter un troisième mandat (le Texte fondamental en limite le nombre à deux) est antérieure à l’épisode de l’ulcère hémorragique. Ce dernier n’a pas entamé l’envie du Front de libération nationale (FLN, dont Boutef est le président honorifique) de mener cette bataille politique. Alors que certains médias français et marocains annonçaient la mort clinique de « Boutef », Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, a réuni son bureau politique pour donner une nouvelle impulsion à la commission du parti chargée de réfléchir sur la révision de la Constitution. Pour l’heure, ce projet ne mobilise que le seul FLN. Les deux autres membres de l’Alliance présidentielle, le Rassemblement national démocratique (RND d’Ahmed Ouyahia) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas de Bouguerra Soltani) se sont ostensiblement mis à l’écart. La classe politique, curieusement silencieuse à propos des intentions du FLN, ne semble pas pressée de participer au débat. Quant à « Boutef », il n’a jamais abordé la révision du Texte fondamental, jugeant sans doute la question prématurée : son mandat n’expire qu’en avril 2009. Mieux, il a, à plusieurs reprises, insisté sur la transmission de témoin entre la génération de la guerre de Libération (la sienne, donc) et celle de l’indépendance. La maladie de Bouteflika a brusquement imposé une question que l’Algérien lambda ne se posait pas auparavant. Et si « Boutef » n’était plus là ? L’absence de ce dernier entre le 26 novembre et le 31 décembre 2005 n’a eu aucun impact notable sur le fonctionnement des institutions : en serait-il de même si, à Dieu ne plaise, cette absence était définitive ? Excédé par l’intrusion d’un tel débat à la suite de l’ulcère hémorragique de son boss (maâlam, selon la formule utilisée à El-Mouradia), un membre de l’entourage d’Abdelaziz Bouteflika proteste : « Le président est à des années lumière de ces préoccupations. Sa priorité va à la consolidation des acquis institutionnels, à la réforme de l’État, à la poursuite des efforts de développement et à l’amélioration des conditions de vie de ses concitoyens. Le reste relève de la pure spéculation politique. » L’épisode du Val-de-Grâce a dévoilé un « Boutef nouveau » : un croyant ayant vécu sa maladie comme une épreuve divine, convaincu que les prières de son peuple ont contribué à sa guérison et à son retour. Il s’agit maintenant de savoir comment renvoyer l’ascenseur à ce peuple. S’accrocher au pouvoir, comme le demandera sans doute la majorité des Algériens qui aspire avant tout à la stabilité, ou préparer sa succession pour qu’elle se fasse dans la sérénité. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE DU NORD

PROFIL

N

Hakim el-Karoui

eveu de Hamed el-Karoui, ancien Premier ministre et actuel vice-président du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, au pouvoir en Tunisie), ainsi que d’Ahmed Ben Salah, ancien ministre de l’Économie et des Finances sous Habib Bourguiba, Hakim el-Karoui est né en France d’un père tunisien musulman, professeur à la Sorbonne, débarqué à Paris en 1958, et d’une mère protestante de l’est de la France, universitaire elle aussi.

A. PACCIANI/J.A.I.

Hakim préfère cependant celui d’« égalité des chances ». « Face à l’incompréhension suscitée par le mot “intégration” chez ceux qui sont des Français à part entière parce que nés en France, nous avons décidé de distinguer deux situations : pour les primoarrivants, nous parlons d’intégration ; pour les Français d’origine étrangère, nous parlons d’“égalité des chances”. C’est plus clair », explique-t-il. Mais il s’agit, dans son esprit, d’une égalité sans artifices ni passeFrançais d’origine tunisienne, droits. Et, surtout, sans quotas. agrégé de géographie, diplômé de Pour que cette promotion l’École normale supérieure de « républicaine » fondée sur le Fontenay, celui qui a prêté sa mérite puisse fonctionner, il faut De père tunisien, ce jeune plume, de 2002 à 2005, à l’eximpulser une nouvelle dynaPremier ministre français Jeanmique qui conduise l’État, les enhaut fonctionnaire, aujourd’hui treprises, Pierre Raffarin est aujourd’hui, à les associations et conseiller auprès du ministre l’ensemble du corps social à faire près de 34 ans, conseiller auprès de Thierry Breton, ministre franl’effort d’aller chercher les comfrançais de l’Économie, çais de l’Économie, des Finances pétences des Français d’origine milite activement pour et de l’Industrie. étrangère. « Le vrai sujet, c’est Le 13 décembre, Hakim a effec- la promotion des Français donc l’accès au réseau, à ceux qui tué un déplacement de quelques décident, à ceux qui recrutent : d’origine étrangère. heures à Tunis, où il a animé un c’est aussi à eux d’aller vers ces déjeuner-débat sur les problèmes Français puisque souvent ils n’ard’intégration des Français d’oririvent pas à atteindre le stade de gine étrangère, organisé par l’Association des Tunil’entretien d’embauche. Mais il faut du volontasiens diplômés des grandes écoles (Atuge). Il est risme. Que l’on parle ensuite de “discrimination poattendu de nouveau dans la capitale tunisienne en sitive”, de “mobilisation positive”, de “volontarisme mai prochain pour animer un colloque sur l’Eurorépublicain” a peu d’importance », explique Hakim Méditerranée que son association, le Cercle du el-Karoui. XXIe siècle, organisera en collaboration avec l’ancien président de l’Assemblée nationale française et actuel C’est pour rendre possible cette « dynamique Premier président de la Cour des comptes, Philippe fondée sur la richesse de la diversité » que le FrancoSeguin, natif de Tunis. Tunisien a fondé, début 2004, avec Rachida Dati, Hakim a commencé à s’intéresser aux problèmes conseillère de Nicolas Sarkozy, et Béchir Mana, des Français d’origine étrangère avant les récents conseiller de Jacques Chirac, le Cercle du XXIe siècle : un réseau de jeunes issus de la deuxième voire de la événements des banlieues en France. C’est Raffarin troisième génération de l’immigration, venus d’horiqui l’a encouragé à se pencher sur la question. « Juszons ethniques divers. Ils sont médecins, chercheurs, qu’à une date récente, il n’y avait pas de pensée sur banquiers, chefs d’entreprise ou hauts fonctionce sujet ni d’administration pour s’en occuper. L’atnaires. « Ils ne sont ni de droite ni de gauche, mais tention de l’État français était essentiellement portée de droite et de gauche », dit Hakim, qui explique sur l’accueil des migrants et leur accompagnement qu’ils militent ensemble pour un changement de social », fait remarquer le jeune fonctionnaire. Le dél’« image négative » des Français issus de l’immigrabat sur le port du voile à l’école a eu le mérite de tion et pour rendre plus visibles leurs parcours de faire apparaître au grand jour la difficulté de l’intéréussite. Le sien est l’illustration que l’intégration à gration des Français d’origine étrangère. la française fonctionne malgré tout. ■ Au concept d’intégration, qui sous-entend que Ridha Kéfi « nous ne sommes pas considérés comme Français »,

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

69


AFRIQUE DU NORD

LIBYE Depuis qu’ils sont unis au sein du « congrès » lancé à Londres en juin 2005, les dissidents établis à l’étranger font enfin entendre leur voix.

Le réveil de l’opposition en exil Abdallah Ben Ali

K

«

addafi ne l’emportera pas au paradis. » La phrase revient comme un leitmotiv dans la bouche de Farag Abou Acha dès qu’il est question des atteintes aux droits de l’homme par le régime de Tripoli. En ce jeudi 29 décembre 2005, les paroles de cet intellectuel libyen, âgé de 49 ans et réfugié en Allemagne depuis 1994, prennent du relief. Ses camarades de l’opposition en exil viennent de tenir le même jour à Londres une conférence à l’issue de laquelle ils se sont fixé parmi leurs objectifs prioritaires la traduction en justice des responsables du « massacre d’Abou Slim » perpétré en 1996 par les forces de l’ordre dans le bagne tripolitain du même nom. « Il nous a fallu plusieurs années de labeur pour collecter les preuves et rassembler les témoins sur

ce crime contre l’humanité », déclare Abou Acha, membre de l’instance dirigeante du Congrès national de l’opposition libyenne (Cnol) lancé, en juin dernier, dans la capitale britannique. Rarement évoquée dans les médias internationaux, l’affaire remonte à juin 1996. À l’époque, des milliers de prisonniers politiques de tous bords étaient entassés dans la prison d’Abou Slim, située à l’intérieur même du camp du 28-Septembre, qui abrite également la direction centrale de la police politique. Un jour, leurs querelles verbales avec les gardiens tournent à l’affrontement. Pas moins de 1 170 prisonniers périssent. Des blessés auraient été achevés à l’arme légère par les militaires venus en renfort. Évacués du lieu du drame dans des camions frigorifiques, les ca-

davres n’ont jamais été découverts. Les familles des victimes demandent depuis lors, en vain, leur restitution. À en croire le récit d’Ahmed Chaffii, rescapé du carnage qui vit désormais à Londres, l’opération aurait été menée par les hommes du bataillon de sécurité commandé par Mansour Dhaou. Des poids lourds du régime tels Moussa Koussa, actuel chef des services, et son prédécesseur à ce poste Abdallah Senoussi, qui est aussi le beau-frère de Kaddafi, seraient impliqués. Les dirigeants du Cnol se concertent actuellement avec des organisations des droits de l’homme et ont pris langue avec les organismes spécialisés de l’ONU. Leur objectif : « Une enquête internationale sérieuse et transparente sur le massacre puis la punition des criminels. » Quant à leur discours, il est relayé auprès des Libyens par une dizaine de sites Internet en arabe et par Sawt alAmel (« Voix de l’espoir »), une station de radio lancée en septembre dernier, toujours à partir de Londres. Des médias qui sont loin de laisser indifférentes les autorités libyennes. La preuve: Daif Ghazal, jeune journaliste de 32 ans, qui contribuait secrètement à l’un de ces sites, a été assassiné à la fin de mai 2005 à Benghazi tandis que son confère Abdel Razak al-Mansouri (voir encadré) a été, pour le même motif, jeté en prison.

FIGURES DE LA CONSTESTATION INTERNE

I

ls sont sortis des entrailles du système et symbolisent ses positions en faveur du respect des libertés individuelles désormais la dissidence interne au régime de Tripoli: et publiques en Libye. Le « Guide » est pris d’une telle colère Fathi al-Jahmi et Abdel Razak al-Mansouri. Âgé de que la « satisfaction » exprimée par le président Bush en 64 ans, le premier était délégué au Congrès fondamental personne à propos de l’élargissement de Jahmi n’arrivera du peuple, instance de base de la « démocratie directe » pas à tempérer son courroux. Le 26 du même mois, Fathi, instaurée dans la Jamahiriya. C’est justement lors d’une désa femme Fawzia et leur fils aîné Mohamed sont mis aux arlibération publique, le 19 octobre 2002, rêts. Depuis, leur sort est dans le flou. qu’il dénonce « le blocage et la corruption Comme celui d’Abdel Razak al-Mandu système » tout en soutenant que seule souri, l’autre figure emblématique de la « l’instauration d’un système constitucontestation interne. Libraire et collabotionnel pluraliste » peut sortir le pays de rateur régulier du journal électronique l’impasse. Akhbar Libya lancé par l’opposition en La réaction des autorités ne se fait exil, ce dernier, âgé de 52 ans, a été inpas attendre. Fathi al-Jahmi est enlevé terpellé à Tobrouk, à l’est du pays, au Abdel Razak al-Mansouri par des éléments de la sécurité libyenne début de 2005. Sauvagement torturé, il (à gauche) et Fathi al-Jahmi. et sera détenu au secret pendant plus a été condamné le 19 octobre dernier à d’un an. Sous la pression conjuguée des organisations de dix-huit mois de prison ferme après avoir été inculpé pour défense des droits de l’homme, des États-Unis et de l’Union « détention sans autorisation d’un pistolet ». Ce qui prouve, européenne, Kaddafi le relâche le 12 mars 2004. Mais, à selon Reporters sans frontières (RSF), que, « sous le règne peine libéré, le dissident persiste et signe. Dans une interdu colonel Kaddafi, tous les moyens sont bons pour faire view accordée à la chaîne satellitaire Al Arabiya, il réitère taire les voix dissidentes ». ■ A.B.A.

70

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE DU NORD

PHOTOS : D.R.

Brahim Sahad, leader du Front national pour le salut de la Libye.

Mahmoud Chemmam, rédacteur en chef de l’édition arabe de Newsweek.

Le régime de Kaddafi a également tenté de brouiller les programmes de Sawt al-Amel, qui diffusait par le biais des satellites Hot Bird et Telstar 12, parasitant, du coup, les émissions de BBC World et CNN International ainsi que certains canaux du FBI. Ce qui a valu aux autorités libyennes, début décembre, de vives protestations de la part de l’administration américaine et du cabinet britannique. Jadis éparpillés, les dissidents libyens sont désormais unis au sein du CNOL, un vaste rassemblement qui regroupe les principales composantes de l’opposition en exil à l’exception notable des Frères musulmans et à celle, beaucoup moins significative, des fidèles du prince Mohamed Hassan Réda Senoussi, héritier de la monarchie renversée le 1er septembre 1969 par Kaddafi. On y trouve notamment le Front national pour le salut de la Libye (FNSL), créé en 1981, et le Rassemblement patriotique démocratique (RPD), fondé, une année plus tard, par l’an-

cien ministre des Affaires étrangères Mansour al-Kikhia, disparu en 1993 au Caire dans des circonstances jamais élucidées. Des mouvements de création plus récente font également partie du Congrès. C’est le cas du Rassemblement républicain pour la démocratie et l’égalité sociale, créé en 2002 par Farag Abou Acha, et le Congrès libyen pour l’amazighité, animé, depuis 2000, par Salem Qennan. Des intellectuels indépendants comme Mahmoud Chemmam, le rédacteur en chef de l’édition arabe de Newsweek, en sont proches. Tous sont d’accord sur trois points : l’éviction du colonel Kaddafi, la mise en place d’un gouvernement national de transition pour une durée d’un an et l’édification d’un État démocratique, représentatif et pluraliste sur les ruines de « l’absolutisme déguisé en démocratie populaire » de l’architecte de la révolution libyenne. Comment atteindre ces objectifs ? Les responsables du Cnol mettent publiquement l’accent sur la désobéissance civile et le soulèvement populaire, mais personne n’ignore les velléités putschistes du FNSL, composante majeure de cette coalition. Dirigé par Brahim Sahad (62 ans), ce mouvement, qui bénéficie de fortes sympathies au sein de l’armée et auquel s’identifie une partie de la puissante tribu de Warfla, avait déjà tenté, en 1985 et 1993, de renverser le maître de Tripoli. Cependant, les appuis étrangers ne semblent pas nombreux. Après avoir entretenu durant de longues années des relations suivies avec le FNSL, les États-Unis, soucieux de leurs intérêts pétroliers désormais considérables en Libye, ont pris leurs distances. L’Arabie saoudite, qui avait sponsorisé les assises de l’opposition libyenne ayant donné naissance, en juin 2005, au Cnol, leur a emboîté le pas à la suite de sa réconciliation avec la Jamahiriya, traduite en particulier par le retour à Riyad, le 12 décembre, de l’ambassadeur libyen Mohamed Said al-Kachatt. Reste que, dans les relations internationales, le réalisme va souvent de pair avec une certaine duplicité. ■

Un discours relayé par une radio et une dizaine de sites Internet.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

ÇA VOUS INTÉRESSE

Maroc: e-souk aux moutons

L

a race, l’âge, le poids, le prix et… la photo : sur le site anaam.net, les internautes marocains peuvent désormais choisir et acheter leur mouton on line, fiches signalétiques à l’appui. À l'origine du projet, Nabil al-Alami, un jeune Marocain fraîchement rentré du Canada, MBA marketing en poche. Ambitieux, il multiplie les activités, de l’élevage au fromage en passant par les bois nobles et le consulting. L’idée d’un e-souk aux moutons le travaille depuis quelques années, mais ce n’est qu’à la fin de décembre 2005 qu’il se lance, soit une dizaine de jours seulement avant l’Aïd el-Kébir, la Fête du mouton [le 11 janvier au Maroc]. Une idée en or : les commandes sont telles qu’au bout d’une semaine il doit renouveler son cheptel virtuel.

Le public visé : les jeunes actifs qui sont familiarisés avec les nouvelles technologies et qui n’ont ni le temps ni l’envie de courir les marchés aux ovins à quelques jours de la fête. Autre avantage : le choix de la date de livraison, ce qui permet d’éviter « l’hébergement temporaire » de l’animal en appartement, sur le balcon ou dans la cour de l’immeuble. Seul inconvénient : ne sont couvertes, du moins pour l’instant, que les régions de Casablanca, Rabat et El-Jadida. Quant au règlement, il se fait à la livraison, le paiement en ligne n’étant pas encore totalement entré dans les mœurs du pays. Pragmatisme et traditions : anaam.net compte améliorer ses services en ajoutant une option « boucher-sacrificateur », et se propose d’être le futur « portail du mouton marocain » en offrant aux éleveurs la possibilité d’y vendre leurs bêtes. 2006 sera d’ailleurs « l’année du mouton » pour les musulmans, puisque le calendrier hégirien veut qu’il y ait deux aïd cette année, le prochain tombant aux alentours du 31 décembre. ■ Yasrine Mouaatarif 71


AFRIQUE DU NORD

HISTOIRE En mai 1954, tandis que la débâcle de Dien Bien Phû sonne l’heure du

ralliés » des communistes vietnamiens, restent sur place. Ils ne rentreront chez eux

L’épopée des Maro

O

Lætitia Grotti

du corps expéditionnaire français, vont, pour différentes raisons, rejoindre les camps de l’« ennemi »*. Regroupés dans des camps-villages où ils seront pris en charge – et en main – par le Vietminh, ces hommes vont rester au Nord-Vietnam presque vingt ans après la fin de la guerre. Mariés à des Vietnamiennes avec lesquelles ils eurent bientôt des enfants, ils devinrent paysans dans une ferme d’État (Son Tay) et se construisirent, en cette improbable communauté marocovietnamienne, une vie inattendue : les enfants étaient scolarisés, les hommes et les femmes travaillaient, étaient payés, leur santé était suivie par des médecins. À la ferme de Sidi Yahia, que les habitants du coin ont rebaptisée la ferme des « Chinoui », le ton se veut badin. Seuls Ahmed Raji et Miloud Hatimi parlent. Mohamed Laouifi, dont on apprend qu’il fut, en 1949, le premier prisonnier de guerre marocain, écoute un moment avant de se retirer, épuisé par la maladie. Nguyen Thi Oc, son épouse, s’affaire

dans la cuisine en compagnie de ses deux filles, Hadhoum et Rahma. Et tandis que la conversation s’écoule, les odeurs de champignons noirs et de pousses de bambous commencent à titiller les narines. Fils de fellahs pauvres, sans formation ni travail, ils se sont engagés très jeunes dans l’armée française pour l’argent, une misère au demeurant. L’arrivée en Indochine est pour tous un choc brutal. Les uns vont au combat : « Nous étions colonisés. La France faisait de nous ce qu’elle voulait. On a combattu, on a tué », raconte, laconique, Hatimi. D’autres restent au camp surveiller les prisonniers. « Je gardais les Vietnamiens, qui parlaient bien français, se souvient Miloud Ben Salah. Chaque jour, chaque nuit, ils me demandaient: “Pourquoi es-tu là ?” Et moi, je leur répondais que c’était à cause de la guerre. “Oui, mais quelle guerre ? Contre un peuple opprimé ! Nous devons défendre notre indépendance ! Et un jour, pour vous les Marocains

« Nous étions colonisés. La France faisait ce qu’elle voulait de nous. »

PHOTOS : JOELLE VASSORT

n l’appelle « le Consul ». Dans les entrelacs de ruelles de la médina de Kénitra, l’homme est connu de tous. Grand, élégant, « portant beau » comme on dit, Miloud Ben Salah Ben Bouchaïb raconte pendant des heures, grillant cigarette sur cigarette, l’étrange destin qui fut le sien et celui de ses compagnons d’armes. Chez lui, lampions vietnamiens, tableaux d’Hanoi et de la baie d’Ha Long, mêlés aux éléments traditionnels du salon marocain, témoignent des horizons lointains qui furent les siens des années durant. Sans compter l’immense portrait d’Ho Chi Minh faisant face à celui de Mohammed V. Écouter l’histoire de Miloud, de ses amis Ahmed Raji, Mohamed Laouifi et Miloud Hatimi, qui, à quelques encablures de Kénitra, à Sidi Yahia du Gharb, occupent une ancienne ferme de colons, c’est un peu comme embarquer sur Le Pasteur – célèbre navire de guerre qui, à l’époque, reliait Marseille à Haiphong en dix-sept jours – à destination d’une terre inconnue: celle où une centaine de Marocains, partis comme chair à canon

Miloud Essahli et sa fille. Chez lui, le décor témoigne de ses années asiatiques. 72

Ahmed Raji et sa femme Kim Lam à la ferme

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


AFRIQUE DU NORD

départ pour les troupes françaises, une centaine de soldats marocains, « prisonniersque dix-huit ans plus tard. Notre collaboratrice a recueilli leurs témoignages.

cains du Vietminh

de Sidi Yahia du Gharb, près de Kénitra.

guerre vietnamien, mais plus tard, « au camp de Son Tay, dont il était le responsable ». Là, ils bénéficient d’« une véritable éducation ». La plupart apprennent à lire, à écrire, le vietnamien et l’arabe, tous reçoivent une formation politique. MiloudBenSalah: « Maârouf était membre de la hiérarchie vietnamienne et de son appareil de guerre, il avait beaucoup d’influence. Après le départ des troupes françaises, il a obtenu que les Nord-Africains soient regroupés à Son Tay, au pied de la montagne de Ba Vi [à une cinquantaine de kilomètres d’Hanoi], pour constituer des cellules de lutte pour l’indépendance de leur pays. Il a choisi une centaine de cadres vietnamiens qui parlaient bien le français pour nous éduquer, nous apprendre ce qu’était le communisme, le colonialisme… » C’est ainsi que Son Tay se transforme peu à peu en un kolkhoze où les Marocains cultivent la terre, élèvent des vaches… Maârouf, bien que vivant à Hanoi, est responsable de l’organisation du

camp. « Comme il était notre intermédiaire auprès des Vietnamiens, il nous a obtenu un tracteur, des camions et… l’autorisation personnelle de Ho Chi Minh de nous marier avec des Vietnamiennes. Il a largement contribué à améliorer nos conditions de vie. » Ainsi s’écoule pendant quelques années la (dure) vie de ces « ralliés » jusqu’à ce que les pays du Maghreb accèdent à l’indépendance, faisant naître l’espoir d’un retour prochain. Mais, sur place, la guerre américaine commence, qui entraîne de nouveaux déplacements de populations. Les Marocains doivent quitter la ferme à laquelle ils s’étaient peu à peu habitués. Cet exode vers l’arrière-pays, à Yen Baï (frontière chinoise), constitue un nouvel arrachement et un nouveau recommencement. Plus grave, il fait craindre aux Marocains que c’en est fini de leurs espoirs de retour dans leur pays, auquel ils aspirent depuis la paix de Genève. Ces craintes sont renforcées quand les uns regagnent la Tunisie et les

Ho Chi Minh les autorise personnellement à épouser des Vietnamiennes.

▲ ▲ ▲

là-bas, ce sera la même chose.” » Ainsi va, au gré des mois, des morts, des souffrances, la (sur-)vie de tirailleurs dans le Cefeo (Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient). Jusqu’au jour où… plusieurs centaines d’entre eux vont rejoindre le Vietminh. Certains parce qu’ils ont été faits prisonniers, d’autres parce qu’ils sont convaincus de la nécessaire solidarité anticolonialiste. D’autres encore ont été écœurés par la déportation de Mohammed V à Madagascar. N’avaient-ils donc jamais entendu parler de Maârouf, ce cadre du Parti communiste marocain envoyé à la demande d’Ho Chi Minh par l’émir du Rif Abdelkrim, à la fin des années 1940, pour monter un réseau de guerre psychologique à destination des troupes nordafricaines du Cefeo ? N’avaient-ils pas rejoint le Vietminh via ses tracts ou ses appels ? Bien sûr, ils en avaient entendu parler, mais il semble que la propagande communiste et/ou anticolonialiste ait eu ses limites – le faible nombre de ralliés suffit à le démontrer. Pour autant, ils ont très bien connu ledit Maârouf, Anh Ma de son nom de

Miloud Hatimi feuilletant avec son épouse un album de photos prises au Vietnam.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

73


AFRIQUE DU NORD L’ÉPOPÉE DES MAROCAINS DU VIETMINH

▲ ▲ ▲

autres l’Algérie, dont l’indépendance a pourtant été proclamée six ans après celle du Maroc. Ignorés de leur pays, les Marocains se mettent à protester. Les empêche-t-on de partir du Vietnam? Ou de rentrer au Maroc? Sont-ils devenus des prisonniers ? Des otages ? Des proscrits ? Se peut-il qu’on ignore tout, au Maroc, de leur situation? Allal el-Fassi, père du parti nationaliste de l’Istiqlal, avait été informé par la délégation vietnamienne à Bandung du sort de ces compatriotes. Ali Yata, membre fondateur du Parti communiste marocain, était venu les voir à Son Tay en 1958. Donc ils savaient, le roi savait. S’il ne les faisait pas rentrer, c’est qu’il ne voulait pas d’eux. Au fil du temps, des dissensions naissent. L’ambiance va en se détériorant, le moral est au plus bas. D’autant que les mauvaises nouvelles s’accumulent. Maârouf, seul lien avec leur pays, a quitté le Vietnam sans prévenir qui que ce soit. Puis, en février 1961, le roi Mohammed V décède. Les Marocains ont beau protester, faire grève, leurs démarches ne mènent à rien. C’est alors qu’un petit groupe tente de rejoindre Hanoi en train. Vite arrêtés, ils écoperont de deux à quatre ans de travaux forcés. Si la leçon est bien comprise, le mouvement, pourtant, ne désarme pas. D’autres tentatives sont menées, auprès du consul de France notamment, mais toutes échouent. C’est alors qu’intervient Miloud Ben Salah. Et c’est de cette époque que lui vient son titre de « Consul ». Un jour, tandis qu’il déambule dans les rues d’Hanoi, il croise un ancien militaire vietnamien qu’il connaît bien. Ce dernier lui parle d’une ambassade d’Égypte dans la ville. Déjouant la vigilance des gardiens, Miloud pénètre dans le bâtiment où, dit-il, il est « aussitôt reçu par l’ambassadeur, surpris de voir dans son salon ce pauvre Arabe à l’allure de Vietnamien ». Encore plus surpris par ce que Miloud lui raconte des Marocains de Son Tay. Le diplomate se propose alors d’informer, via la valise, l’ambassadeur du Maroc en Chine. La réponse de Pékin ne tarde pas. L’ambassadeur ne peut rien, mais il a fait remonter l’information jusqu’à Rabat. Certain que ces démarches prennent le bon chemin, Miloud récidive auprès de l’ambassadeur du Congo en Chine, en

visite à Hanoi. Re-promesses et re-courrier. Intervient alors une promotion aussi étonnante qu’inattendue. Connu pour sa maîtrise du vietnamien et de l’arabe, Miloud est nommé professeur d’arabe auprès des jeunes cadres de la diplomatie vietnamienne. « Ma solde avait augmenté, je vivais avec les civils et, chaque week-end, une voiture m’emmenait à Hanoi », raconte-t-il, sourire aux lèvres. Ingénieux, persévérant, Miloud consacre alors son temps libre à la réalisation de ce qui est désormais devenu sa seule obsession : rentrer au Maroc. Ne dit-on pas que la fortune sourit aux audacieux ? Il reçoit finalement une invitation à rejoindre l’ambassade du Maroc à Pékin. Après d’interminables tractations politico-bureaucratiques, il décroche un visa de sortie du Vietnam. Mais, auparavant, il lui faut retourner auprès de ses camarades à Yen Baï pour les rassurer, leur dire qu’il reviendra les chercher dès que possible. Il leur demande d’être confiants, de ne plus manifester, ne plus faire de grèves. Nous sommes en 1969, l’impatience est grande. À Pékin, Miloud n’a aucun mal à se fondre dans la peau du parfait secrétaire d’ambassade. Le « Consul » se consacre alors entièrement à son opération « Exodus ». Il est d’autant plus déterminé qu’il a laissé son épouse Yvonne et les enfants à Yen Baï. Mais ses tentatives échouent les unes après les autres. Un an passe, bientôt deux. Alors, osant le tout pour le tout, il se jette à l’eau. « Je propose à l’ambassadeur d’écrire directement au roi. J’ai mis trois jours pour rédiger cette lettre. Finalement, je la montre à l’ambassadeur, qui la trouve formidable. On la ferme, je la scelle moi-même, et elle prend la valise diplomatique. » Quelques jours plus tard, tandis que l’ambassadeur est à Moscou, Miloud est seul à la chancellerie, de permanence aux télégrammes. En arrive un justement du Palais, qui annonce que les Marocains doivent rentrer dans les plus brefs délais avec femmes et enfants. « Làdessus explose l’affaire de l’attentat de Skhirat contre le roi Hassan II, et tout est

Un petit groupe tente, en vain, de rejoindre Hanoi par le train.

74

de nouveau bloqué, mort pendant… un an ! » se souvient Miloud. « Entre-temps, l’ambassadeur avait fait des démarches pour que nous puissions retourner tous les deux au Vietnam, mais il a dû y aller tout seul, car on m’avait refusé le visa. Ensuite, une délégation interministérielle marocaine s’est rendue au Vietnam… Pour négocier, je suppose », lance-t-il, sibyllin. Quand il apprend que les Marocains sont enfin sur le point de quitter Yen Baï avec femmes et enfants, Miloud part pour Canton où il les accueille quelques jours plus tard. Si les hommes sont heureux, épouses et enfants vivent un véritable déchirement. Ils quittent leur pays, leur famille, contraints par les autorités – marocaines? vietnamiennes? – de tout laisser derrière eux. L’épopée vietnamienne, qui pour certains aura duré un quart de siècle, s’achève la nuit du 15 janvier 1972, quand deux avions atterrissent sur le tarmac de la base militaire de Kénitra, avec à leur bord les anciens combattants et leurs familles. À Rabat, le comité d’accueil a fait les choses en grand. Hassan II fait savoir qu’il prend sous « sa royale protection » ses sujets de retour dans un pays auquel ils ont tant manqué et promet que le temps perdu sera rattrapé, l’administration ayant reçu des ordres en ce sens. « Quelques jours plus tard, les gouverneurs de toutes les régions sont venus nous chercher », raconte Raji. Partout, dans leurs douars d’origine, leur retour est fêté avec faste. Mais la joie consommée, il a fallu (re)trouver sa place, imposer femmes et enfants « venus d’ailleurs », combler vingt-cinq ans d’absence, de deuil et d’oubli. Certes, les anciens tirailleurs reçurent bien quelques arpents de terre, des postes dans l’administration, souvent précaires, ainsi qu’une pension de 450 dirhams, mais tous disent avoir vécu dans la misère. Leur seul réconfort? Voir leurs enfants réussir dans la vie. De beaux métis, devenus l’un restaurateur, l’autre ingénieur ou médecin en France… qui perpétuent aujourd’hui le souvenir de l’aventure de leurs parents. ■

Dans leurs douars d’origine, leur retour est fêté avec faste.

* Nelcya Delanoë a consacré un ouvrage, Poussières d’empire (PUF, 2002), à l’aventure de ces hommes.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


ECOFINANCE LA VIE ÉCONOMIQUE ET LE MONDE DES AFFAIRES

SOMMAIRE COULISSES 76

liaison gabonaise ■ Bras de fer Onatel-France Télécom ■ Somalie : la loi de la jungle 78 ■ BCEAO : intérim prolongé pour Barro ■ Cameroun : les poulets de la discorde ■ Tripoli réinvente la coopération 79 ■ Bourse de Douala : faites vos jeux ! ■ De la liberté économique...

Trafics tous azimuts

■ RAM :

TOUR DU MONDE 80 Enquête Le Maghreb fait sa pub 81 Agenda 82 Transferts d’argent « Dégâts collatéraux » 83 Forum Lettre ouverte au président de la BAD... Par Mohamed Bouzid

ENTREPRISES & MARCHÉS 84 Cameroun Le blues des PME 85 Pétrole BowLeven croit en Douala 86 Peter Drucker L’homme qui inventa le management 87 Kiosque

LES INDICATEURS 88 Du calcul de la vraie richesse...

Par Moisés Naím

M

algré la guerre qui lui est faite depuis des années, le trafic de drogue a probablement doublé entre 1992 et 2002. Pendant la plus grande partie de la décennie 1990, une moyenne de 500 000 personnes par an sont entrées clandestinement aux États-Unis. Les gouvernements n’ont pas réussi à mettre fin à un grand nombre de trafics. Il y a quinze ans, les opérations commerciales illicites étaient très peu nombreuses. Aujourd’hui, elles représenteraient entre 400 et 600 milliards de dollars par an. Les mouvements insurrectionnels ne semblent guère avoir de difficultés pour se procurer les armes dont ils ont besoin: le trafic d’armes est estimé à 10 milliards de dollars. Celui des êtres humains s’élève également à 10 milliards de dollars. Le « marché » des objets d’art volés représente, selon Interpol, 3 milliards de dollars par an. Ces dix dernières années, tous ces trafics internationaux n’ont cessé de prendre de l’ampleur. L’explosion du blanchiment d’argent donne une idée de la taille du commerce illicite mondial. Il a été multiplié par dix depuis 1990, pour atteindre entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars aujourd’hui. Quand on pense que le commerce mondial licite a seulement doublé, de 5000 à 10000 milliards de dollars, on prend la mesure du bond qu’a fait le commerce illicite. Comme des entreprises normales, les trafiquants se diversifient pour réduire le risque encouru à n’avoir qu’une seule source de revenus. De même, ils dépensent beaucoup d’argent pour acheter le soutien et la protection des hommes politiques et des fonctionnaires bien placés. Enfin, ils investissent au maximum dans des activités prestigieuses : Églises, sport, manifestations artistiques, œuvres sociales, organes de presse. La forte diversification de groupes engagés dans des activités illicites qui s’impliquent dans des affaires légales – tels le passeur marocain qui s’affiche en Espagne comme promoteur immobilier ou le trafiquant d’armes russe qui possède une banque à Chypre – brouille la frontière traditionnelle entre activités légales et illégales. Ce brouillage est encore renforcé par les liens étroits que les réseaux criminels internationaux entretiennent dans leurs pays d’origine et à l’étranger avec les hommes politiques et les fonctionnaires. Très souvent, les liens sont si étroits que les dirigeants font passer l’intérêt national après celui de l’entreprise criminelle. Ainsi, pendant la plus grande partie des années 1990, Vladimiro Montesinos a été le grand responsable de la sécurité au Pérou, et il travaillait en étroite liaison avec l’Agence américaine de lutte contre la drogue et la CIA. Il est aujourd’hui accusé de blanchiment d’argent et d’avoir été à la tête d’un important trafic international d’armes et de drogue. Abdul Qadeer Khan, le père de la bombe atomique pakistanaise, vendait des informations sur la technologie nucléaire à la Corée du Nord et à la Libye non pas dans l’intérêt national de son pays, mais pour se remplir les poches. ■ © Foreign Policy et J.A./l’intelligent 2006. Tous droits réservés.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

75


COULISSES ALERTE

La Compagnie algérienne d’assurances et de réassurance (CAAR), entreprise publique, pourrait ouvrir son capital au privé à court terme.

RAM : liaison gabonaise

■ Le président de la Banque

’est finalement la Royal Air Maroc (RAM) qui a remporté, le 29 décembre, l’appel d’offres lancé par Libreville et pris le contrôle d’Air Gabon, rebaptisée Air Gabon International (AGI), dont le capital sera détenu par la RAM à hauteur de 51 %, l’État gabonais en conservant 49 %. Un Marocain – Mohamed Amraoui – prendra la tête de la nouvelle compagnie, dont le siège social restera dans la capitale gabonaise. Docteur en informatique, Amraoui, 44 ans, a occupé plusieurs postes de responsabilité au sein de la RAM. Chargé de mission, depuis 2003, au sein de la division Stratégie, Alliances et Affaires internationales, il a mené toutes les études relatives à la Mohamed Amraoui, rentabilité du projet de la participation majoritaire au capital d’AGI. DG d’Air Gabon La RAM mettra à la disposition de la nouvelle compagnie deux avions International. – un Boeing 757-200 et un Boeing 737-200 – qui assureront la liaison entre Libreville et plusieurs destinations africaines et européennes. Dès la deuxième année, cette flotte sera renforcée par la location en leasing de deux autres appareils, un B-757 et un Dash Q300. Après le succès d’une formule d’association identique avec le Sénégal, la RAM pourrait explorer d’autres pistes, notamment avec le Cameroun et la Mauritanie, dont les compagnies nationales sont au plus mal. ■ Abdallah Ben Ali

Bras de fer Onatel-France Télécom

P

as de trêve de Noël à Ouagadougou : le 24 décembre, la direction générale de l’Onatel publie un communiqué de presse faisant porter à France Télécom la responsabilité des nombreuses perturbations constatées dans les communications téléphoniques entre la France et le Burkina. Contactés le 2 janvier, les responsables de l’opérateur historique burkinabè font état d’un blocage dans

les négociations tarifaires. Le groupe français aurait coupé la ligne d’un partenaire refusant de payer. Explication : pour chaque appel international qu’il transporte, France Télécom reverse une taxe à l’opérateur destinataire, l’Onatel en l’occurrence. Si la communication est ensuite routée vers un mobile, le même principe s’applique : l’opérateur destinataire perçoit 60 F CFA, suivant la règle

établie par l’Autorité locale des télécoms, l’Artel. Dans ce cas, l’Onatel considère que sa quote-part est insuffisante et fait état d’une « perte de 53 F CFA par minute ». France Télécom, à Paris, dément avoir interrompu son trafic et affirme « avoir bon espoir que les négociations commerciales en cours aboutissent favorablement dans un futur très proche ». ■ Patrick Sandouly

Somalie: la loi de la jungle a du bon...

I

ncroyable mais vrai : la Somalie est un paradis pour les opérateurs de téléphonie mobile ! Un appel passé depuis ce pays de la Corne de l’Afrique est moins onéreux et de meilleure qualité que partout ailleurs sur le continent. La raison ? Depuis 1991, la Somalie est dépourvue d’État. Et qui dit absence de gouvernement dit absence de monopole et de pots-de-vin à verser aux officiels. Autres avantages dus à la vacance du pouvoir central : le niveau des impôts est dérisoire, pas plus de 5 %, et les taxes

76

douanières sont proches de zéro. Quant aux licences à payer pour démarrer une affaire, elles sont inexistantes. Une situation qui fait le bonheur de Golis Telecom, basé à Bossaso, dans le nord du pays. L’entreprise, dont les tarifs sont imbattables (0,3 dollar la minute pour toute destination), table sur 50 000 abonnés en 2007. Pas de quoi se réjouir pour autant : en Somalie, il n’y a pas que le marché qui est sans foi ni loi. ■

D.R.

C

mondiale, Paul Wolfowitz, a tapé du poing sur la table après le vote, le 29 décembre, au Tchad, d’une révision de la loi sur la gestion des revenus pétroliers. Si ces amendements sont promulgués par le président Idriss Déby, « ils porteront un coup dur au bien-être des populations les plus pauvres et constitueront une violation des accords initiaux », a déclaré Wolfowitz. Avant d’ajouter : « Je suis en consultation avec les autres partenaires du Tchad en vue des suites appropriées à donner. » ■ Les cours du cacao n’ont

pas été affectés par l’attaque des camps militaires d’Akouédo, le 2 janvier, à Abidjan. Le prix de la fève avoisinait 925 livres la tonne le 4 janvier, soit un niveau sensiblement équivalent à ceux de la fin d’année. Les négociants ont sécurisé au maximum leurs achats puisque 670 000 tonnes ont déjà été exportées depuis le début de la campagne en octobre. Environ 50 000 tonnes ont été chargées sur les navires entre le 26 décembre et le 1er janvier. ■ Vodafone devra débourser

le montant record de 4,55 milliards de dollars pour prendre le contrôle de Telsim, deuxième opérateur turc de téléphonie mobile (9,4 millions d’abonnés, 20 % du marché). Le groupe britannique l’a emporté à l’issue d’enchères qui l’opposaient notamment à MTC, la maison mère de Celtel, Etisalat, partenaire d’Atlantique Télécom (Telecel), et Orascom Telecom. Son offre dépasse largement le prix plancher de 2,8 milliards de dollars, fixé par les autorités du pays.

Marianne Meunier J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006



COULISSES ALERTE

La compagnie aérienne française Aigle Azur ouvrira une dizaine de liaisons entre la province et des destinations maghrébines entre mars et juin prochains. belges SN Brussels Airlines et Virgin Express devraient fusionner fin 2006 ou début 2007. Neil Burrows assurera pour un an la direction des deux compagnies dont l’actionnaire principal est SN Airholding. Cette union devrait permettre de rationaliser les lignes et de faire des économies d’échelle dans un marché compétitif, particulièrement en Europe et en Afrique, où les compagnies belges font face à la concurrence féroce d’Air France-KLM. ■ Un opérateur du Tokyo Stock Exchange, première Bourse d’Asie, a commis une erreur spectaculaire lors de la première séance de l’année. Employé par Nikko Citigroup, il a passé pour son propre compte un ordre d’achat sur la société Nippon Paper en croyant que les actions valaient 502 yens. Mais le titre était coté mille fois plus haut. Résultat: l’action a vu son cours grimper de 38 %. ■ La Banque centrale des

Comores a émis, le 30 décembre, de nouvelles coupures de 10000, 5000, 2000, 1000 et 500 francs comoriens (FC). Objectif: lutter contre la falsification des billets de banque. La bande iridescente qui traverse verticalement ces coupures les préservera en effet de toute contrefaçon. ■ L’ancienne Socobois (So-

ciété des bois du Congo), implantée au Congo-Brazzaville, a été reprise par le groupe forestier malaisien Asia Congo Industrie, soit 562000 hectares dans les départements du Niari et de la Lékoumou (Sud-Ouest). Une convention d’un montant de 27 milliards de F CFA a été signée avec le ministère congolais de l’Économie forestière.

78

BCEAO: intérim prolongé pour Barro

R

éunis en sommet fin décembre à Bamako, les chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont confié temporairement les rênes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Damo Justin Barro, en attendant de se mettre d’accord sur le nom d’un nouveau gouverneur. Le Burkinabè, actuel vice-gouverneur, voit donc son intérim prolongé. Charles Konan Banny, gouverneur en titre, dont le mandat expirait fin décembre, a été désigné, le 4 décembre, Premier ministre de transition en Côte d’Ivoire. Il conserve néanmoins son poste à la tête de l’établissement bancaire… du moins jusqu’à la tenue de la prochaine conférence ordinaire des chefs d’État, en mars 2006. Damo Justin Barro. Les débats ont été houleux lors du sommet de Bamako. Certains États membres, notamment le Sénégal et le Niger, souhaitent remettre en cause le principe non écrit d’attribution du poste de gouverneur à la Côte d’Ivoire. Abidjan leur oppose une fin de non-recevoir, indiquant qu’il est le principal pourvoyeur de capitaux de la BCEAO et que les postes de vicegouverneur sont également attribués, selon le même principe tacite, au Burkina et au Niger. À suivre... ■ Pascal Airault A. YOUSSOUF/AFP

■ Les compagnies aériennes

Cameroun: les poulets de la discorde

L

’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), présidée par Bernard Njonga, également directeur de publication de La Voix du paysan et patron de l’ONG Saild, organise, le 17 janvier, une grande marche du centre-ville de Yaoundé vers le ministère de l’Élevage pour soutenir la filière avicole nationale. Cette initiative se veut une réponse à la décision du ministère d’autoriser l’importation de 2650 tonnes de viande de poulet congelée, le 25 novembre dernier. Une étrange décision, motivée par le besoin « d’assurer la stabilité des prix en période de fête », alors que le même ministère avait suspendu les importations une semaine

plus tôt pour préserver les élevages camerounais de la grippe aviaire. Selon les producteurs, qui ont enquêté sur les marchés, les quantités disponibles ne faisaient courir aucun risque de pénurie, et donc de flambée des prix. Et de laisser entendre que des fonctionnaires se « sucreraient » sur les importations. Plus de 2 500 producteurs sont attendus pour la marche, dont José Bové, Jean-Jacques Grodent de SOS Faim Belgique, Mamadou Cissokho et Ndiogou Fall, respectivement président d’honneur et président exécutif du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (Roppa). ■ P.A.

Tripoli réinvente la coopération

F

in décembre, à Paris, face aux invités de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), Mohamed Ali Siala, ministre libyen de la Coopération, a proposé une nouvelle formule de coopération entre l’Europe, la Libye et… l’Afrique subsaharienne. La première apporte le savoir-faire et la technologie, la deuxième offre son territoire et ses ressources abondantes et la

troisième…samain-d’œuvre bon marché. Tout le monde serait gagnant : la Libye se doterait d’une base industrielle manufacturière diversifiée, l’Europe réaliserait des investissements rentables et les Subsahariens trouveraient du travail. Ce plan, certes théorique, n’est pas dénué de sens économique: il permet de fixer sur l’immense territoire libyen les candidats à l’émigration

clandestine. Siala a affirmé que ce modèle de partenariat « fonctionne bien » avec l’Italie. La France, selon lui, devrait l’imiter après la signature, le 22 décembre, à Paris, d’une convention fiscale (qui évite notamment la double imposition) entre le ministre libyen des Finances, Mohamed Ali Elhouweij, et son homologue français, Thierry Breton. ■ Samir Gharbi

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006


Bourse de Douala : faites vos jeux !

C

réée en 2001, inaugurée en 2003, la Bourse des valeurs de Douala procédera à ses premières cotations début 2006. C’est en tout cas ce que nous a déclaré le directeur général du Douala Stock Exchange, Pierre Ekoule Mouangue. « L’État, précise-t-il, via la Société nationale d’investissement (SNI), va céder ses parts détenues dans plusieurs sociétés pour promouvoir l’actionnariat populaire. » La première mise sur le marché devrait concerner

la Société des eaux minérales du Cameroun (SEMC), filiale du groupe Castel. Pourraient suivre ensuite Alubassa et Sosucam. La loi de finances 2005 citait aussi la Socatrail, Safacam et la CNIC. Deux sociétés, dont l’identité ne nous a pas été révélée, pourraient par ailleurs lancer un emprunt obligataire de 10 et 15 milliards de F CFA. Et, sur le deuxième semestre 2006, la filiale d’une banque étrangère ouvrirait son capital à hauteur de 34 %.

Ekoule Mouangue, nommé en juillet 2005, est optimiste : « Un business plan a été validé sur la période 2006-2008 par l’ensemble des actionnaires le 29 septembre dernier. L’État a reconstitué les fonds propres de la Bourse à hauteur de 1 milliard de F CFA et nous a transféré la propriété du siège. La Bourse va pouvoir ainsi participer au financement de l’économie camerounaise en permettant aux entreprises de lever des fonds pour investir. » ■

De la liberté économique…

D

Philippe Perdrix

epuis 1993, les Index de la libert économique conservateurs américains classent les pays Pays Notes de 1 à Pays Notes de 1 à 5 de la planète selon le deBotswana Mozambique 3,35 gré de leur libéralisme Cap-Vert 2,69 Niger 3,38 économique. Établi Afrique du Sud 2,74 3,40 chaque année par The Madagascar 2,75 3,41 Heritage Foundation, Ouganda 2,95 3,46 avec l’appui du Wall Maurice 3,03 3,46 Street Journal, le classeSwaziland 3,04 Gambie 3,51 ment 2006, publié le 3,08 Rwanda 3,53 4 janvier, couvre gal 3,10 3,55 157 pays. Une dizaine de 3,11 3,59 critères sont pris en 3,14 3,63 considération : gouverMali 3,14 Guinée-Bissau 3,65 nance politique ; poids Djibouti 3,20 Burundi 3,69 de la fiscalité ; respect ou Kenya 3,20 thiopie 3,70 non des droits de proTanzanie 3,20 3,71 priété ; justice ; et autres Maroc 3,21 3,74 indicateurs financiers et Lesotho 3,24 3,76 économiques*. Hong Tunisie 3,24 Angola 3,84 Kong arrive en tête avec Burkina 3,28 Congo 3,90 Gabon 3,28 Nigeria 4,00 une note de 1,28, devant Ghana 3,29 Libye 4,16 notamment le RoyaumeTchad 3,29 Zimbabwe 4,23 Uni (5e, 1,74), les ÉtatsZambie 3,34 Unis (9es, 1,84) et la Suisse (15e, 1,89). Au toDe 1 1,99 (pays libres) épressifs) épressifs) tal, 20 pays sur 157 sont SOURCE : THE HERITAGE FOUNDATION considérés comme « économiquement libres », 52 comme « quasi libres », 73 comme (3). Le Botswana (30e mondial, avec 2,29 « quasi répressifs » et 12 comme « répres- sur 5) est le meilleur élève africain. Il offre sifs ». Les résultats pour le continent afri- les mêmes libertés que le Japon ou la Norcain sont évidemment décevants : sur les vège. Le Cap-Vert (46e, 2,69) fait presque 45 pays notés, aucun, selon la fondation aussi bien que la France (44e, 2,51). ■ américaine, n’est libre, 5 le sont « presque », S.Gh. tandis que l’écrasante majorité sont jugés « presque répressifs » (37) et « répressifs » * Voir site : www.heritage.org/index J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

■ Le Nigeria a conclu, le 3 janvier, un accord bilatéral avec le Brésil et les Pays-Bas pour un allègement de dette de quelque 833 millions de dollars. Cet accord fait suite au dispositif validé par le Club de Paris en octobre dernier. À terme, 18 milliards de dollars doivent être annulés, soit 60 % de la dette du Nigeria auprès de ce groupe de créanciers. ■ La ville de Loeten, en

Norvège, accueille une centaine de réfugiés d’Afrique subsaharienne, principalement somaliens et soudanais. Après avoir évalué leurs compétences, elle se propose d’étudier la faisabilité d’un élevage de chameaux originaires de Mongolie, résistants au froid. Une subvention de 125 000 euros a été demandée à cet effet. ■ Rabat devrait bientôt

avoir son tramway. Selon toute probabilité, il reliera la capitale marocaine à la ville voisine de Salé en desservant au passage les principaux établissements hospitaliers et universitaires, avec une possibilité d’extension à certains quartiers périphériques. Le lancement d’un appel d’offres international est prévu pour début 2006. ■ Bruxelles accueillera, du 17 au 19 mai, la première édition d’un nouveau forum économique euroafricain : Euro African Challenge. C’est l’Afrique centrale, et plus précisément les pays de la zone Ceeac (Communauté économique des États de l’Afrique centrale), qui en sera l’invité d’honneur. Principal objectif de ce rendez-vous : resserrer les relations entre les entreprises européennes et africaines afin de promouvoir le développement des différentes sous-régions du continent. 79


Bourse de Douala : faites vos jeux !

C

réée en 2001, inaugurée en 2003, la Bourse des valeurs de Douala procédera à ses premières cotations début 2006. C’est en tout cas ce que nous a déclaré le directeur général du Douala Stock Exchange, Pierre Ekoule Mouangue. « L’État, précise-t-il, via la Société nationale d’investissement (SNI), va céder ses parts détenues dans plusieurs sociétés pour promouvoir l’actionnariat populaire. » La première mise sur le marché devrait concerner

la Société des eaux minérales du Cameroun (SEMC), filiale du groupe Castel. Pourraient suivre ensuite Alubassa et Sosucam. La loi de finances 2005 citait aussi la Socatrail, Safacam et la CNIC. Deux sociétés, dont l’identité ne nous a pas été révélée, pourraient par ailleurs lancer un emprunt obligataire de 10 et 15 milliards de F CFA. Et, sur le deuxième semestre 2006, la filiale d’une banque étrangère ouvrirait son capital à hauteur de 34 %.

Ekoule Mouangue, nommé en juillet 2005, est optimiste : « Un business plan a été validé sur la période 2006-2008 par l’ensemble des actionnaires le 29 septembre dernier. L’État a reconstitué les fonds propres de la Bourse à hauteur de 1 milliard de F CFA et nous a transféré la propriété du siège. La Bourse va pouvoir ainsi participer au financement de l’économie camerounaise en permettant aux entreprises de lever des fonds pour investir. » ■

De la liberté économique…

D

Philippe Perdrix

epuis 1993, les Index de la liberté économique conservateurs amé(2006) ricains classent les pays Pays Notes de 1 à 5 Pays Notes de 1 à 5 de la planète selon le de3,35 Mozambique 2,29 Botswana gré de leur libéralisme 3,38 Niger 2,69 Cap-Vert économique. Établi 3,40 Bénin 2,74 Afrique du Sud chaque année par The 3,41 Centrafrique 2,75 Madagascar Heritage Foundation, 3,46 Algérie 2,95 Ouganda avec l’appui du Wall 3,46 Cameroun 3,03 Maurice Street Journal, le classe3,51 Gambie 3,04 Swaziland ment 2006, publié le 3,53 Rwanda 3,08 Mauritanie 4 janvier, couvre 3,55 Guinée 3,10 Sénégal 157 pays. Une dizaine de 3,59 Égypte 3,11 Namibie critères sont pris en 3,63 Malawi 3,14 Côte d'Ivoire considération : gouver3,65 Guinée-Bissau 3,14 Mali nance politique ; poids 3,69 Burundi 3,20 Djibouti de la fiscalité ; respect ou 3,70 Éthiopie 3,20 Kenya non des droits de pro3,71 Togo 3,20 Tanzanie priété ; justice ; et autres 3,74 Guinée équatoriale 3,21 Maroc indicateurs financiers et 3,76 Sierra Leone 3,24 Lesotho économiques*. Hong 3,84 Angola 3,24 Tunisie Kong arrive en tête avec 3,90 Congo 3,28 Burkina 4,00 Nigeria 3,28 Gabon une note de 1,28, devant 4,16 Libye 3,29 Ghana notamment le Royaume4,23 Zimbabwe 3,29 Tchad Uni (5e, 1,74), les États3,34 Zambie Unis (9es, 1,84) et la Suisse (15e, 1,89). Au toDe 1 à 1,99 (pays libres) De 3 à 3,99 (pays presque répressifs) De 2 à 2,99 (pays presque libres) De 4 à 5 (pays répressifs) tal, 20 pays sur 157 sont SOURCE : THE HERITAGE FOUNDATION considérés comme « économiquement libres », 52 comme « quasi libres », 73 comme (3). Le Botswana (30e mondial, avec 2,29 « quasi répressifs » et 12 comme « répres- sur 5) est le meilleur élève africain. Il offre sifs ». Les résultats pour le continent afri- les mêmes libertés que le Japon ou la Norcain sont évidemment décevants : sur les vège. Le Cap-Vert (46e, 2,69) fait presque 45 pays notés, aucun, selon la fondation aussi bien que la France (44e, 2,51). ■ américaine, n’est libre, 5 le sont « presque », S.Gh. tandis que l’écrasante majorité sont jugés « presque répressifs » (37) et « répressifs » * Voir site : www.heritage.org/index J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

■ Le Nigeria a conclu, le 3 janvier, un accord bilatéral avec le Brésil et les Pays-Bas pour un allègement de dette de quelque 833 millions de dollars. Cet accord fait suite au dispositif validé par le Club de Paris en octobre dernier. À terme, 18 milliards de dollars doivent être annulés, soit 60 % de la dette du Nigeria auprès de ce groupe de créanciers. ■ La ville de Loeten, en

Norvège, accueille une centaine de réfugiés d’Afrique subsaharienne, principalement somaliens et soudanais. Après avoir évalué leurs compétences, elle se propose d’étudier la faisabilité d’un élevage de chameaux originaires de Mongolie, résistants au froid. Une subvention de 125 000 euros a été demandée à cet effet. ■ Rabat devrait bientôt

avoir son tramway. Selon toute probabilité, il reliera la capitale marocaine à la ville voisine de Salé en desservant au passage les principaux établissements hospitaliers et universitaires, avec une possibilité d’extension à certains quartiers périphériques. Le lancement d’un appel d’offres international est prévu pour début 2006. ■ Bruxelles accueillera, du 17 au 19 mai, la première édition d’un nouveau forum économique euroafricain : Euro African Challenge. C’est l’Afrique centrale, et plus précisément les pays de la zone Ceeac (Communauté économique des États de l’Afrique centrale), qui en sera l’invité d’honneur. Principal objectif de ce rendez-vous : resserrer les relations entre les entreprises européennes et africaines afin de promouvoir le développement des différentes sous-régions du continent. 79


TOUR DU MONDE Enquête Déjà mature au Maroc, le marché publicitaire commence à saturer en Tunisie. En Algérie, en revanche, il ne fait que démarrer.

Le Maghreb fait sa pub Ridha Kéfi

80

V. FOURNIER/J.A.I.

A

vec une population de 74,5 millions d’habitants, dont 32 % ont moins de 15 ans et 60 % vivent en milieu urbain, une espérance de vie moyenne de 71 ans, un taux d’alphabétisation de 61,8 %, une croissance économique annuelle de 5 %, un produit intérieur brut (PIB) de 175,9 milliards de dollars et un PIB par tête de 2 361 dollars, le Maghreb central (Maroc, Algérie et Tunisie) est un marché en pleine croissance qui offre de grandes opportunités aux investisseurs, notamment dans les domaines de la publicité et des métiers s’y rattachant (recherche média, postproduction...). Selon une enquête du bureau d’études tunisien Sigma Conseil, présentée le 17 décembre au siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace), à Tunis, l’investissement publicitaire « théorique » dans la région s’élève à 416 millions de dollars. Avec les remises concédées par tous les supports, notamment la presse et l’affichage urbain (40 % en moyenne), ce montant tombe cependant à près de 250 millions. L’investissement « théorique » – établi en application des tarifs officiels affichés par les médias ou leurs régies publicitaires – se répartit comme suit: 272 millions de dollars au Maroc, qui se taille ainsi la part du lion, 75 millions en Tunisie et 69 millions en Algérie. Avec 8,60 dollars par habitant et par an, le Maroc occupe également la première place en la matière, talonné de près par la Tunisie (7,10 dollars), l’Algérie se positionnant très loin avec seulement 2,10 dollars. S’agissant de la part de l’investissement publici-

La palme des investissements revient aux opérateurs de téléphonie mobile.

taire dans le PIB global (0,24 % pour l’ensemble de la région), le classement est identique (0,45 % pour le Maroc; 0,24 % pour la Tunisie ; et 0,09 % pour l’Algérie). Pour Sigma Conseil, le marché de la publicité est déjà mature au Maroc et commence à saturer en Tunisie. En Algérie, en revanche, il ne fait que démarrer. Raison de ce décalage entre les trois pays: le Maroc et la Tunisie se sont convertis à la consommation de masse bien avant l’Algérie. Mais cette dernière « dispose de ce fait d’un plus grand potentiel de développement, grâce notamment à ses taux de croissance à la chinoise et à une population en quête de modernité incarnée (à tort ou à raison) par les marques étrangères, explique Hassen Zargouni, di-

recteur général de Sigma Conseil. Face à la relative étroitesse du marché tunisien et à la fragilité structurelle de l’économie marocaine, pas assez diversifiée, l’Algérie se présente aujourd’hui comme le pays phare de la région. » Encore faut-il que cette nation de 32,8 millions d’habitants, qui bénéficie d’importantes ressources énergétiques, réussisse à réformer son économie et à l’amarrer durablement à celles de ses voisins, serions-nous tentés d’ajouter. L’investissement publicitaire au Maghreb central se répartit entre la télévision (61 %), la presse écrite (22 %), l’affichage urbain (13 %) et la radio (5 %). La part de la télévision s’est élevée, en 2005, à 252 millions de dollars (soit une croissance annuelle de

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006


41 %), dont 80 % pour le seul Maroc (+ 48 % par rapport à 2004, contre + 45 % pour la Tunisie et + 12 % pour l’Algérie). Autre statistique soulignée par Sigma Conseil : l’investissement publicitaire TV par tête est de 5,80 dollars au Maroc, 3 en Tunisie et 1,2 en Algérie (2,6 en moyenne maghrébine), contre 110 dollars en France et 1,3 dollar en Égypte, qui est en train de perdre une partie de ses recettes publicitaires au profit des chaînes panarabes (LBC, MBC, Rotana, ART...). Celles-ci ont d’ailleurs réalisé, en 2005, un chiffre d’affaires publicitaire global dépassant largement celui de toutes les chaînes arabes locales réunies: 1,5 milliard de dollars pour les premières, contre 1 milliard pour les secondes. La prédominance du Maroc dans le domaine de la publicité TV au Maghreb ne peut pas être imputée au coût unitaire de l’achat d’espace publicitaire TV, moins élevé chez les deux télévisions marocaines (2M et TVM) que chez leurs homologues algérienne (ENTV) et tunisienne (Tunis 7), ni même aux différences démographiques ou de niveau de vie, un Tunisien, par exemple, consommant en moyenne chaque année trois fois plus de pots de yaourt qu’un Marocain. Le bureau d’études identifie des causes plutôt structurelles: d’une part, la part d’audience relativement élevée des chaînes locales marocaines (53,2 % pour 2M, contre 41,9 % pour Tunis 7 et 33,7 % pour ENTV), et, d’autre part, l’attrait particulier du royaume pour les multinationales dont les activités sont orientées vers la grande consommation. « Ces multinationales se sont installées au Maroc dès les années 1960-1970, rappelle Hassen Zargouni. Ce pays, qui n’a pas connu de période

socialisante, à la différence de ses deux voisins, a très tôt attiré les grandes firmes internationales. Celles-ci, qui y bénéficient de facilités pour l’installation, l’acquisition de biens immobiliers et le transfert de leurs bénéfices, ont choisi pour la plupart Casablanca comme plate-forme en vue d’un éventuel déploiement en Afrique du Nord. » Conséquence : la publicité à la télévision a fait son apparition dans le royaume chérifien dès 1978, dix ans avant la Tunisie et vingt ans avant l’Algérie. Si, en matière de publicité TV, les produits alimentaires occupent la première place en Tunisie (45 % de l’enveloppe globale), devant les télécoms et Internet (14 %) et les cosmétiques (11 %), en Algérie, ce sont les télécoms et Internet qui devancent les produits alimentaires avec des taux respectifs de 40 % et 30 %. Au Maroc, où la répartition sectorielle est plus éclatée, les télécoms et Internet occupent la première place (29 %), devant les produits alimentaires (15 %). Dans les trois pays, les opérateurs de téléphonie mobile restent les premiers annonceurs: Maroc Télécom (avec un investissement estimé à 32 millions de dollars en 2005) ; Médi Télécom (13,6 millions) ; Orascom Algérie (17 millions); Algérie Télécom (5 millions) ; Wataniya Telecom (4,2 millions);etTunisieTélécom(2,2millions). Autre indicateur important souligné par Sigma Conseil : sur les cinq premiers annonceurs maghrébins, quatre sont marocains et un seul est algérien. En termes de budget par annonceur, on ne retrouve aucune entreprise tunisienne dans le Top 10. Sigma Conseil a donc dû établir un Top 15 pour qu’apparaisse Tunisie Télécom... à la dernière place du classement. ■

Sur les cinq premiers annonceurs de la région, quatre sont marocains.

Investissements publicitaires par média (en millions de dollars, 2005)

Maroc Télévision (61 %) Presse (22 %) Affichage (13 %) Radio (5 %) Total

182 45 30 15 272

Algérie

Tunisie

40 25 2 2 69

30 20 20 5 75

Total 252 90 52 22 416 SOURCE : SIGMA CONSEIL

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

AGENDA ■

19-23 janvier

BAMAKO, MALI Premier volet de l’édition 2006 du Forum social mondial, organisé cette année dans trois pays différents. Les deux autres « grand-messes » des altermondialistes se tiendront ensuite au Venezuela (du 24 au 29 janvier), puis au Pakistan (en mars). www.fsmmali.org ■

20 janvier-10 février

LE CAIRE, ÉGYPTE Coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations de football. Le match d’ouverture opposera l’Égypte à la Libye, deux équipes du groupe A. Seize pays (répartis en quatre groupes) sont en compétition. La finale aura lieu le 10 février. www.egypt2006.com et www.jeuneafrique.com ■

21-24 janvier

KHARTOUM, SOUDAN En marge du sommet de l’Union africaine (23-24 janvier), le Forum de Crans-Montana organise sa première édition africaine. Y sont attendues des personnalités politiques et des représentants du secteur privé venus de l’Union européenne, des États arabes, de Russie, de Chine, du Japon, des États-Unis, du Canada, du Brésil et de l’Argentine. www.cmf.ch ■ 23-24

janvier

PARIS, FRANCE Ubifrance, l’agence française pour le développement international des entreprises, organise ses rencontres annuelles. L’Afrique figure au programme, l’occasion pour les patrons de PME établies en France de s’informer sur les opportunités d’affaires sur le continent. www.ubifrance.fr/rci ■

25-27 janvier

ACCRA, GHANA Water Africa propose deux jours de conférences et d’exposition commerciale à l’intention des professionnels de la distribution d’eau potable et de l’assainissement des eaux usées. www.ace-events.com 81


TOUR DU MONDE Transferts d’argent Ajoutées au niveau élevé des commissions, les réglementations antiterroristes ont bien fait des victimes: les immigrés!

« Dégâts collatéraux » Philip Bowring

82

fraude est très rare, mais c’est précisément ce système que les régulateurs regardent avec suspicion. Pour eux, les grands organismes sont les seuls gardefous contre les envois illicites. Les gros transferts, par exemple entre trafiquants de drogue birmans et Singapour ou Hong Kong, empruntent des voies plus officielles. Mais les régulateurs des pays développés trouvent plus commode de se concentrer sur le mystère que sur l’évidence. Outre la réglementation antiterroriste, l’absence de concurrence dans le secteur financier, la volatilité des taux de change et le contrôle des monnaies entravent également les transferts. Les Philippines ont montré qu’en réglant ces problèmes les commissions diminuaient et le nombre de versements augmentait significativement. En dépit de la guerre contre le terrorisme, le coût des opérations entre les États-Unis et le Mexique a également baissé, en raison de l’accroissement du volume des transferts et des mesures prises par Mexico pour limiter les frais du récipiendaire. Mais ceux qui envoient de l’argent à l’étranger pourraient perdre 5 à 10 milliards de dollars par an à cause des aberrations du système et des profits excessifs dégagés par les banques et les organismes de transfert. Les versements potentiels que le montant des frais et la complexité du système dissuadent pourraient s’élever à 50 milliards de dollars par an. Pour le privilégié qui envoie 5 000 dollars pour régler des frais de scolarité, la commission est un coût supplémentaire mineur. Pour celui qui, tous les mois, fait parvenir à sa famille ces précieux 200 dollars, c’est un impôt disproportionné. ■ R. GERRY/GALBE.COM

S

i les mesures de contrôle renments sur son client quand ce dernier forcé des transferts de fonds n’a pas de compte en banque. instaurées au lendemain du Les nouvelles réglementations ont 11 Septembre n’ont guère également bénéficié aux banques et ému les terroristes et les trafiquants de aux organisations qui opèrent d’imdrogue, elles ont fait en revanche de portants transferts, aux dépens des canombreuses victimes collatérales: les naux plus petits et meilleur marché. immigrés nigérians en Belgique, in« Aux États-Unis, indique la Banque diens en Grande-Bretagne, sénégalais mondiale, des centaines de banques en Allemagne, colombiens aux Étatsont fermé leurs services de transfert Unis, ou tonguiens en Nouvelled’argent, de peur d’être inquiétées par Zélande, pour ne citer qu’eux, qui envoient quelque 200 dollars par mois à leur famille. En outre, les commissions prélevées sur les petites sommes transférées à l’étranger, transactions typiques des travailleurs migrants non qualifiés, sont dissuasives. Certaines études ont démontré que si l’on réduisait le coût des opérations, leur nombre total augmenterait en moyenne de 50 % et serait même multiplié par deux en Un bureau de Western Union, à Kigali, au Rwanda. ce qui concerne les envois vers l’Afrique. les autorités parce qu’elles soutenaient Seule une partie de ces frais inclut des clients à “haut risque”. » On oble coût de la guerre contre le terroserve la même tendance dans d’autres risme, mais c’est encore beaucoup trop pays développés. à une époque où tout impose une réLe rapport montre à quel point les duction des commissions. Comme les frais peuvent être élevés. Pour un transflux migratoires, le nombre de versefert de 200 dollars, un grand orgaments s’est accru de façon exponennisme prélève 12 % entre la Belgique tielle. En même temps, grâce à et le Nigeria, 11 % entre la Grande-Brel’Internet et à la chute du prix d’un aptagne et l’Inde, 5 % entre les États-Unis pel international, les frais de commuet le Mexique et 4,5 % entre Hong nication ont sensiblement baissé. Kong et les Philippines. Les banques Une récente enquête de la Banque pratiquent en général des tarifs moins mondiale souligne que les mesures élevés, mais elles sont plus difficiles antiterroristes sont en partie respond’accès. Les petits organismes sont sables de la rigidité de la réglemenmoins onéreux, mais ils sont les plus tation et de l’absence de concurrence, touchés par la réglementation. deux facteurs qui expliquent le niLa méthode la moins coûteuse reste veau élevé des commissions. Non la hawala, pratiquée en Inde et au sans prudence, la Banque note que Moyen-Orient, ainsi que ses équivaceux qui font les frais de la réglelents en Chine et ailleurs: le transfert mentation post-11 Septembre sont informel fondé sur la confiance. Pour les usagers, et qu’il est parfois imun versement de 200 dollars, la compossible d’obtenir des renseignemission ne dépasse pas les 2 %. La

© The New York Times et J.A./l’intelligent 2006. Tous droits réservés.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006


FORUM

Lette ouverte au président de la BAD…

J

de son développement. Mais, aujoure me permets de vous écrire pour d’hui, la Banque dispose d’un personnel vous faire part de quelques réflexions de tout premier ordre et d’une expertise sur la Banque africaine de dévelopafricaine et internationale pour impulser pement (BAD), inspirées par plus de le développement de l’Afrique. Les goutrente ans de pratique dans différents vernements accepteront plus facilement organismes. Et exprimer un vœu. les suggestions de la Banque que celles M. Donald Kaberuka, vous prenez la des pays développés, notamment en présidence de la BAD à un moment crumatière de bonne gouvernance, sans lacial de son existence. La Banque, qui quelle il est impossible d’attirer les invesopère depuis 1964, a atteint l’âge mûr. Il Par tisseurs nationaux et étrangers. convient de se poser la question de l’effiMohamed Il faudrait aussi repenser la concepcacité de son action afin d’orienter Bouzid* tion des projets en y associant des socomme il se doit ses futures interventions. ciologues: implanter des projets sans la La BAD a financé de multiples projets dans tous les pays, mais a-t-elle rempli sa mission de dévelop- participation des populations et espérer un impact positif ne semble pas réaliste. Lancer l’audit dès le pement et de renforcement de l’unité africaine? À l’instar de la Banque mondiale, elle a considéré que démarrage d’un projet et le répéter régulièrement, le développement passe par la réalisation de projets, assurer le suivi de l’exécution de façon régulière, autant de pratiques qui font souvent défaut. comme cela a été le cas pour l’Europe après la SeLes challenges qui vous attendent sont nomconde Guerre mondiale. Au bout d’un demi-siècle d’opérations, nous en sommes encore aujourd’hui à breux, mais combien exaltants: quoi de plus motivant que de participer au développement et à la la lutte contre la pauvreté! Pour éviter un nouvel cohésion de l’Afrique! Perspective enivrante, mais échec, il faudrait penser « développement » et non combien difficile. Vous vous sentirez souvent bien pas « projets ». Qu’est-ce à dire? Tout d’abord, seul et bien faible face aux routines, aux réticences, faire l’inventaire des ressources et des potentialités aux a priori, aux obstacles et aux exigences des uns de chaque pays; ensuite, établir une stratégie de et des autres. Hostile à la création de la BAD, le développement visant à renforcer leurs points forts président de la Banque mondiale de l’époque, Euet à réduire leurs points faibles; enfin, arrêter des gène Parker, se demandait ce que la future BAD plans d’actions et de vrais « projets structurants », pourrait faire que la Banque mondiale ne serait pas comme l’électrification ou l’éducation. En Afrique, le problème a été pris par le mauvais en mesure d’accomplir… Dr Romeo Horton, présibout en sautant les étapes essentielles. Les rares pays africains qui, en instauSoyez, Monsieur Donald Kaberuka, rant un ministère du Plan organisé et doté de moyens, avaient suivi la bonne un leader, pas un chef de village... approche ont fait des progrès remardent de la Commission chargée de préparer la quables. Les autres, qui ont réalisé des projets création de la BAD, lui répondit qu’il ne s’agissait par-ci par-là, se trouvent bien moins lotis. pas d’une compétition mais de la création d’« une La BAD devrait être le moteur, le coordinateur du développement du continent. Elle avait initié il y a banque ayant pour objectif le développement et l’unité de l’Afrique ». Quarante ans après, cet objecplus d’une décennie une réflexion, avec chaque tif est plus que jamais d’actualité. La BAD est toupays, sur les « perspectives économiques ». Cette jours la mieux placée pour y contribuer. réflexion devait aboutir à une stratégie de dévelopPour terminer, voici mon vœu: soyez, Monsieur pement à laquelle la BAD serait associée. Mais ce le Président, un leader, pas un chef de village, un vidocument s’est transformé en une liste de projets, sionnaire, pas un omnipotent, un homme respecdits prioritaires… Bien sûr, la Banque a besoin de tueux de ses collaborateurs mais exigeant quant à la faire du chiffre d’affaires, mais ne vaudrait-il pas qualité de leur travail. ■ mieux agir dans le cadre d’un plan d’action? La Banque servirait de guide et de coordonnateur des différents financements dirigés vers l’Afrique. * Ingénieur géologue, a travaillé à la BAD de 1975 à Près d’un demi-siècle après les indépendances, 1990 comme expert puis comme chef de division et le continent manque de données sur les possibilités directeur. Tunisien, il est résident en Côte d’Ivoire.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

83


ENTREPRISES & MARCHÉS Cameroun Inerties administratives, pénurie de financements, poids du commerce illicite... Les petits patrons sont à la peine.

Le blues des PME Philippe Perdrix, envoyé spécial

A

vec vingt-quatre stations-service à travers le pays, la société camerounaise First Oil détient seulement 5 % du marché national de la distribution de carburant. Loin derrière les mastodontes Total, Texaco, Shell et Mobil. « La population augmente, le parc automobile progresse, les villes s’agrandissent, il y a donc de la place pour tout le monde, résume le PDG de First Oil, Yonn Lissom. Nous n’avons aucun problème commercial. En revanche, nous nous heurtons aux inerties adminis-

tratives et à une pénurie de financement. De ce fait, nous n’avons pas pu assurer la régularité de nos approvisionnements, et des ouvertures de stations ont été reportées. » First Oil, créée en 2000, a bataillé deux longues années pour obtenir son agrément. Entre-temps, « une partie du capital a été mangée ». Depuis 2002, le chiffre d’affaires était en hausse, mais en 2005, il devrait reculer, à 12 milliards de F CFA. « Les banques camerounaises refusent de nous soutenir, car nous n’avons pas d’actionnaires étrangers », regrette Yonn Lissom, qui

I

l n’y a pas si longtemps, l’entreprise créée par Victor Fotso faisait la fierté du pays. La première pile camerounaise « Pilcam » remonte aux années 1970 et a progressivement dominé le marché national avant de s’imposer au Gabon, au Tchad et en Centrafrique, notamment. Emblème d’une industrie africaine florissante, la société a enregistré plus de 11 milliards de F CFA de chiffre d’affaires en 2001. « Depuis, nos ventes ont chuté de 35 %, nous avons réduit notre personnel avec vingt départs à la retraite anticipée, et nous sommes passés à quatre jours de travail par semaine », se désole le directeur, David Miklas, qui accuse les importations frauduleuses et une concurrence chinoise déloyale : « Nous avons fait le choix de la technologie en lançant une nouvelle pile, la R6. Nous avons investi 500 millions de F CFA, nous payons des impôts et les taxes sur les matières premières que nous importons et, au final, les piles chinoises de mauvaise qualité inondent le marché. » Le lot des quatre piles chinoises est vendu 125 F CFA, soit deux fois

84

moins cher que les Pilcam. Si on prend en compte les cours mondiaux du zinc ou du manganèse, ce prix de vente permet à peine de payer les coûts de fabrication. Atelier du fabricant de piles Pilcam, à Douala. Les taxes douanières ? « Les quantités et les va- redressés par les services fiscaux et leurs déclarées au port de Douala ne des importateurs identifiés. Mais cela correspondent pas à la réalité, et n’a pas suffi. Loin s’en faut. Manque l’autre partie des marchandises trande volonté ou de moyens, l’appareil site illégalement par le Nigeria », exrépressif montre ses limites. On peut plique David Miklas en regardant ses aussi s’interroger sur l’attitude des deux nouvelles chaînes de montage banques. La Gazette camerounaise automatisées, mais arrêtées faute de relate l’histoire d’une secrétaire gacommandes. Pilcam devrait enregisgnant 100 000 F CFA par mois mais trer des pertes en 2005 et, « si cela qui s’est vu accorder un crédit de continue, des décisions vont devoir 800 millions pour financer une actiêtre prises ». vité d’importation de pagnes ! Pour Depuis quelque temps, le gouverdes banques qui ont la réputation de nement mène une campagne de lutte délivrer avec parcimonie des prêts contre le commerce de contrebande. aux PME, il y a de quoi être surpris. Des saisies ont été effectuées à « L’État doit agir vite sinon il sera trop Douala en avril 2005, des transitaires tard », avertit Miklas. ■ Ph.P. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

PH. PERDRIX/J.A.I.

LE CAS PILCAM


V. FOURNIER/J.A.I.

espère convaincre un fonds de placement américain. Un nance des champs de Doba, ce chantier gigantesque a contretemps d’autant plus dommageable que les prix de attiré de nombreux investisseurs. Une fois le projet terl’essence à la pompe ont augmenté en moyenne de 30 % miné, en 2004, ceux-ci sont repartis. Le directeur génédepuis 2003. Autant de marges qui échappent à First Oil. ral de l’hôtel Ibis de Douala, Dominique Delahousse, Excepté l’activité pétrolière, « pratiquement tous enregistre depuis une baisse du taux d’occupation. « C’est les secteurs se sont mal comportés durant le premier surtout le cas pour notre clientèle camerounaise et européenne », précise-t-il. semestre 2005, avec une baisse de la « Si les grosses entreprises production industrielle, une contracconnaissent une baisse d’activité, il y tion des échanges commerciaux et a un bon millier de petites et une stagnation des activités commoyennes entreprises [PME] camemerce, distribution et services », note rounaises qui relèvent la tête. Elles le Groupement interpatronal du sont sur une dynamique plus posiCameroun (Gicam). Le secrétaire exétive », constate, au contraire, Pierre cutif de l’organisation, Martin Abega, Zumbach, délégué général du Salon demande instamment des mesures international de l’entreprise fiscales incitatives pour relancer l’éco(Promote), qui s’est déroulé du 6 au nomie du pays. Il en appelle aussi à 12 décembre à Yaoundé. Sur les 920 une lutte implacable contre le comexposants inscrits, la plupart étaient merce illicite qui génère des pertes des PME. « Mais il faut les soutenir, annuelles dépassant 65 milliards de insiste-t-il, et répondre à leurs préF CFA. « Tout le reste n’est que bavaroccupations. » Les délais pour créer dage », tranche-t-il. une société sont trop longs, l’accès « Nous sommes revenus dans une Martin Abega, secrétaire exécutif au financement est difficile, les zone de turbulences », estime pour sa du Groupement interpatronal du banques étant trop restrictives. Du part Philippe Fallet, président du Club Cameroun (Gicam). d’affaires franco-camerounais (Cafcam), qui revendique coup, beaucoup de petits patrons demandent conseil deux cents membres. « Bon nombre de sociétés fran- pour contourner les obstacles. Si ces derniers sont levés, çaises réduisent leurs activités et certaines licencient, le potentiel existe au Cameroun. Selon Zumbach, les constate-t-il. Tout le monde attend le “point magique”, gisements de croissance et d’emplois se trouvent d’abord le point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres dans la petite industrie, l’agriculture et le tourisme. Pour que le Cameroun puisse se doter d’une éconotrès endettés [PTTE], pour réinvestir. Mais, au-delà de la décision du Fonds monétaire international [FMI] et les mie structurée et équilibrée, il faudrait aussi réduire le annulations de la dette qui doivent en découler, il faut périmètre du secteur informel, qui pèse au moins 60 % du PIB national. « C’est la seule façon pour moi de nourrenouer avec la confiance. C’est loin d’être le cas. » Les milieux d’affaires reconnaissent aussi que le rir ma famille, déclare Edgar, un marchand de pièces autoCameroun subit « le contrecoup de l’effet pipeline ». mobiles à Douala. S’il y avait moins de tracasseries, j’acPour acheminer à Kribi le pétrole tchadien en prove- cepterais de déclarer mon activité. » ■

PÉTROLE

L

BowLeven croit en Douala

e bassin pétrolier camerounais est-il à sec ? Généralement considérée comme géologiquement sur le déclin depuis que du pétrole y a été découvert en 1977, la région de Douala reste cependant relativement peu explorée. Ce qui n’a pas manqué de susciter l’intérêt de plusieurs compagnies d’exploration, comme BowLeven, créée de toutes pièces en 1997 grâce à des fonds d’investissement et à des capitaux privés. Présente au Cameroun à travers sa filiale EurOil, elle a obtenu des permis

d’exploration sur des blocs dont elle estimait les réserves probables de pétrole et de gaz à 700 millions d’équivalents-barils avec une probabilité de récupération de l’ordre de 30 %. Le tout sur une surface totale de 2 300 km 2 et 9 puits, non loin des blocs de la Guinée équatoriale. Mais la société vient d’annoncer que les premiers forages n’ont rien donné, pas plus en gaz qu’en pétrole, et qu’elle abandonne les forages sur la zone de Bachuo-1 au large des côtes camerounaises. Elle s’est cependant déclarée optimiste

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

pour le reste du bloc. Ce n’est pas le cas des investisseurs : cotée sur le marché spéculatif de la Bourse de Londres, l’action a perdu plus de 40 % de sa valeur à l’annonce de cette seconde nouvelle négative en quelques mois. Au point qu’Addax Petroleum, une autre société d’exploration, demande à BowLeven de lui rembourser les 3 millions de dollars qu’elle lui a cédés au titre d’un accord de farmin qui lui permettait d’effectuer des explorations sur les permis détenus par BowLeven. ■ Gilles Lancrey

85


ENTREPRISES & MARCHÉS Peter Drucker Disparu à la fin de 2005, le père des méthodes modernes de gestion aura marqué de son empreinte le monde de l’entreprise.

L’homme qui inventa le management

Renaud de Rochebrune

86

AP/SIPA

R

ares sont les hommes dont on peut dire, comme Freud avec la psychanalyse ou Konrad Lorenz avec l’éthologie, qu’ils ont véritablement inventé une nouvelle discipline. Peter Drucker, qui s’est éteint le 11 novembre dernier en Californie à la veille de ses 96 ans, aurait pu prétendre faire partie de ceux-là. Mondialement célèbre pour cette raison, il était pourtant peu connu du grand public. Car le domaine dans lequel il s’est illustré n’intéresse guère le commun des mortels et, de surcroît, n’a pas toujours bonne presse. Sa spécialité, le management, est le plus souvent considérée en effet comme proposant un ensemble de méthodes utiles uniquement pour renforcer le capitalisme et ses agents – les grandes entreprises et les grands patrons. Et non pas, au-delà de cette approche simpliste et idéologique, comme ce qu’elle entend être : une « science » neutre permettant de comprendre et de rendre plus efficace la gestion de n’importe quelle institution ou organisation. Né en Autriche en 1909, venu terminer ses études de droit en Allemagne au début des années 1930, choisissant de s’exiler en Grande-Bretagne puis aux États-Unis après avoir vu son premier ouvrage interdit et brûlé par les nazis peu après leur arrivée au pouvoir, il avait commencé dans ses pays d’adoption une carrière d’universitaire un peu agitée mais somme toute classique. Jusqu’au jour où, au milieu de la Seconde Guerre mondiale, Alfred P. Sloan, le président de la plus grande société mondiale de l’époque, General Motors, trouva particulièrement intéressants et originaux deux livres récemment publiés, The End of Economic Man et The Future of Industrial Man. Il voulut rencontrer leur auteur, qui n’était autre bien sûr que Drucker, et accepta de lui confier une étude de ter-

rain sur sa propre entreprise – une première à cette époque où le métier de consultant n’existait pas encore en tant que tel. Ce qui permit au jeune enseignant-chercheur de visiter tous les ateliers, de rencontrer quantité d’ouvriers et de cadres, et, surtout, d’assister pendant dix-huit mois à tous les conseils d’administration du groupe. Le livre de réflexion qui résultera

de cette plongée au sein du mastodonte de l’automobile en 1945, Concept of the Corporation, marque de fait la naissance du management en tant que domaine d’analyse et de recherche. Bien entendu, les firmes de type moderne existaient avant Drucker, et une poignée de capitaines d’industrie – Sloan lui-même en Amérique, Fayol en France, etc. – avaient déjà écrit

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006


quelques ouvrages de réflexion sur leur activité. Cependant, aucune étude systématique et objective des entreprises, au niveau de leur structure mais aussi des politiques qu’elles mènent et de leurs méthodes de gestion, n’avait jamais été réalisée avant ce travail de pionnier. Voilà pourquoi ce qui est apparu comme un texte fondateur eut rapidement un retentissement considérable, aux États-Unis mais aussi ailleurs dans le monde, en particulier au Japon. Il en sera de même un peu moins de dix ans plus tard pour ce qui restera son maître ouvrage, The Practice of Management, un best-seller qui marquera des générations de dirigeants et de cadres supérieurs des années 1950 à aujourd’hui. Tout comme la trentaine de livres qui vont suivre. Il est apparu rapidement que Drucker n’était pas seulement le premier à avoir défriché le terrain, délaissé par les économistes et les sociologues, peu enclins à s’intéresser aux organisations et encore moins à celles qu’on nomme entreprises. Il était toujours en avance sur son temps, repérant à partir d’indices parfois ténus les principales évolutions qui s’annonçaient dans son domaine d’intérêt. Du moins quand ce n’était pas lui-même qui, en grande partie, inspirait ces évolutions en plaidant pour l’adoption de meilleurs modes de gestion. Certes, les principales intuitions de Drucker paraissent souvent aujourd’hui aller de soi. Mais c’est tout simplement que, en grande partie grâce à lui, elles sont désormais partagées par tous. Il n’était pas banal, dès les années 1940, de s’interroger sur la nécessité de la décentralisation pour toute organisation dépassant une certaine taille. Ni d’affirmer, dans les années 1950, que les employés ne représentent pas des coûts mais des investissements pour les entreprises, lesquelles sont des communautés humaines avant d’être d’éventuels générateurs de profit. Ni de faire apparaître, également avant la fin des années 1950, qu’aucune activité commerciale n’est possible si l’on ne songe pas qu’elle repose d’abord sur le client. Ni d’annoncer, dès le tournant des années 1960 aux années

1970, bien avant que quiconque songe à l’avènement d’une « nouvelle économie », que la matière grise représenterait à l’avenir le principal capital des organisations, dont le développement sera désormais fondé avant tout sur le savoir et ceux qui le font circuler. On lui attribue aussi bien d’autres « découvertes », comme les vertus de la « direction par objectifs », la possibilité de mettre en application sur toute la planète certaines techniques de gestion japonaises, l’entrée du monde économique dans une nouvelle ère en raison de la montée en puissance des institutions financières, à commencer par les fonds de pension, etc. Sur la fin de sa vie, Peter Drucker, le moins dogmatique de tous les experts en gestion, a consacré une grande partie de son temps à promouvoir une amélioration des pratiques managériales dans les activités non marchandes – ONG, institutions religieuses, etc. Et il n’hésitait pas à avouer la déception que lui inspiraient certaines pratiques contemporaines dans le monde des affaires. Par exemple, la tendance à louer les leaders plutôt que les managers et les gestionnaires (il aimait rappeler que les plus grands leaders du XXe avaient été Staline, Hitler et Mao, certes pas des modèles à suivre) ; ou la nouvelle conception de la rémunération des dirigeants qui a conduit à l’augmentation vertigineuse de leurs revenus (il considérait qu’il est malsain et déraisonnable qu’un dirigeant d’entreprise puisse gagner plus de vingt fois ce que touche un de ses employés). Car Peter Drucker, chercheur atypique que n’aimaient guère les tenants de l’académisme dans l’enseignement des sciences de gestion, ni la plupart des « gourous » qui prospèrent en lançant des modes managériales éphémères, se voulait avant tout un humaniste. Un chercheur et un conseiller des plus grands dirigeants qui était aussi un homme de grande culture, féru d’art, de philosophie et de sciences sociales. Il n’était pas né pour rien à Vienne, là où étaient réunis nombre des plus grands penseurs de la modernité au début du XXe siècle. ■

Il était hostile à l’augmentation vertigineuse... des revenus patronaux.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006

KIOSQUE LA TRIBUNE Quotidien, France

Webcad : recrues haut de gamme

L

es centres d’appels externalisés ont le vent en poupe. Pour accompagner son développement, Webcad, la filiale marocaine installée à Rabat de la société française Webhelp, doit recruter toujours plus d’opérateurs et, surtout, les fidéliser. « Nous recevons entre 400 et 700 CV par semaine, alors que nous ne recrutons que 30 à 80 téléconseillers », note Iman Mansour, directrice des ressources humaines. Deuxième employeur privé de Rabat avec un millier de salariés, l’entreprise est très sélective dans ses choix : bac+2 à bac+4. Les candidatures spontanées ne suffisant pas, des petites annonces classiques à l’affichage 4x3 dans les rues de Rabat, en passant par le parrainage, tout est fait pour pouvoir trouver les perles rares. Webcad va même lancer une campagne de recrutement par SMS sur des fichiers ciblés, une technique pionnière au Maroc. « Nous insistons particulièrement sur la qualité de francophonie et de francophilie des candidats », ajoute Iman Mansour. Tous les salariés, quel que soit leur niveau hiérarchique, suivent le même cursus. Pendant trois mois, un tuteur accompagne les nouveaux embauchés et les assiste dans l’apprentissage de leurs fonctions. La formation au métier, elle, est assurée par les clients et peut durer d’un jour à un mois selon la technicité du poste. Une fois intégrés, les salariés de Webcad bénéficient de nombreux avantages sociaux (mutuelle, prime d’ancienneté, primes, etc.) et sont étroitement associés à la vie de l’entreprise via la Webhelp Association (WHA). La qualité des méthodes de gestion des ressources humaines de Webcad vient d’être récompensée par le prix de l’entreprise socialement responsable. ■ Béatrice Delamotte 87


LES INDICATEURS ECOFINANCE Samir Gharbi

Palmarès des banques tunisiennes ■ Sur les dix-neuf banques commerciales que compte la Tunisie, onze sont cotées à la Bourse de Tunis. Elles représentent une capitalisation boursière de 2,2 milliards de dinars au 3 janvier 2006 (1,37 milliard d’euros), soit 58 % du total. En comparant les cours de leur action respective par rapport au nominal, nous avons découvert que la meilleure performance est réalisée par la plus ancienne banque de la place : la Banque de Tunisie (BT). Fondée en 1884, la BT est cotée à plus de 98 dinars pour un nominal de 10 dinars, soit un rapport de 9,8. Cette première banque privée, réputée pour sa gestion rigoureuse, est suivie par trois autres établissements privés. La BT est valorisée par la Bourse à 491 millions de dinars, 3,8 fois plus que la STB, la banque dominante du marché.

Rapport cotation boursière du 3/1/06 sur nominal

Banque de Tunisie

9,8

Union bancaire pour le commerce et l’industrie

5,6

Banque internationale arabe de Tunisie

2,2

1,9

Banque du Sud

1,6

Union internationale de banques

1,3

Banque de Tunisie et des Émirats

1,2

Société tunisienne de banque

1,0

Banque nationale agricole

0,9

Capitalisation

(en millions de dinars, au 3/1/06) Banque de Tunisie Banque internationale arabe de Tunisie

491 396

Union bancaire pour le commerce et l’industrie

181

163

158

132

Société tunisienne de banque

130

Banque de Tunisie et des Émirats

112

Union internationale de banques

93

Banque nationale agricole

90

* Y compris l’augmentation du capital décidée en 2005.

88

SOURCE : J.A.I., À PARTIR DES DONNÉES BVMT

280

Banque de l’habitat

Amen Bank

67 955

Afrique subsaharienne 10 730 Asie du Sud 6 906 Asie de l’Est 11 958 Afrique du Nord et Moyen-Orient 22 186 Europe de l’Est et Asie centrale 40 209

à faible revenu 7 532

Pays à revenu intermédiaire 27 616 Pays à haut revenu 439 063 4 Moyenne mondiale 95 860

SOURCE : BANQUE MONDIALE

■ Les indicateurs utilisés jusqu’à présent pour mesurer le niveau de développement des pays sont défaillants. Un fait reconnu pour la première fois par la Banque mondiale. Dans un ouvrage publié en décembre et commenté à Paris le 11 janvier, l’écart entre la richesse classique (le produit national brut) et la vraie richesse est flagrant*. Le PNB par habitant s’élève en moyenne à l’échelle mondiale à 6300 dollars en 2004. En incluant les ressources naturelles ainsi que les dépenses en capital humain (santé, éducation), la richessetotaleparhabitantatteint95860dollars,soit15,3 fois plus que le PNB. Ce multiplicateur est de 18,9 pour l’Amérique latine, de 17,9 pour l’Afrique subsaharienne et de 11 pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

MATIÈRES PREMIÈRES

Banque de l’habitat

Banque du Sud

((en ddollars, ll annnéé

Amérique latine

(180 pages)

3,0

Arab Tunisian Bank*

Richesse totale par p habitant

* Où est la vraie richesse des nations ? Banque mondiale

3,3

Arab Tunisian Bank

Amen Bank

Du calcul de la vraie richesse…

Matière Or Argent Pétrole (Texas) Pétrole (Brent) Gaz naturel Cacao Cacao Café Café (Robusta) Sucre Blé Coton Cuivre

Cours du 3 janvier Marché New York New York New York Londres New York New York Londres New York Londres New York New York New York New York

Unité $/once $/once $/baril $/baril $/Mbtu* $/tonne £/tonne Cents/livre $/tonne Cents/livre $/boisseau Cents/livre Cents/livre

Cours Tendance 532,50 ▲ 9,16 ▲ 63,14 ▲ 61,70 ▲ 10,76 ▼ 1 546,00 ▲ 927,00 ▲ 108,60 ▲ 1 215,00 ▲ 14,18 ▲ 3,46 ▲ 55,24 ▲ 204,85 ▼

*MBtu: 1 million de BTU (British Thermal Unit) = 1000 pieds cubes ou 28 m3. –

▲ en hausse ▼ en baisse

MONNAIES

Cours du 3 janvier

Contre-valeur pour........1 € . . . . . 1 $ Contre-valeur pour ...........1 € . . 1 $ Dinar (Algérie).........87,406 . . . 72,975 Dinar (Tunisie) ...........1,614. . . . 1,348 Dirham (Maroc)......10,934. . . . 9,129 Franc CFA............655,957 . . 547,660 Livre (Égypte).................6,874 . . . 5,740 Naira (Nigeria) ......155,738 . . 130,025 Rand (Afr. du Sud)..7,474. . . . 6,241 Roupie (Maurice)...36,639. . . 30,590 Shilling (Kenya)......87,136. . . 72,750

Dollar (États-Unis) . .1,198 .1,000 Dollar (Canada) . . . .1,383 . .1,155 Dollar (Hong Kong) .9,286 .7,754 DTS (FMI) . . . . . . .0,836 .0,698 Euro . . . . . . . . . . .1,000 .0,835 Franc (Suisse) . . . .1,551 .1,295 Livre (Turquie) . . . . .1,611 .1,345 Livre (Royaume-Uni) .0,689 .0,575 Yen (Japon) . . . .139,690 116,650

OCDE : 84 jours de stocks pétroliers ■ Selon la dernière revue du marché mondial du pétrole, publiée le 3 janvier par l’administration américaine de l’énergie, l’OCDE* dispose de 84 jours de stocks, un niveau record. Ces réserves ont atteint 4 114 millions de barils (+ 2,5 % en un an) pour une demande moyenne de 49,2 millions de barils par jour (mb/j). Le Japon, qui est entièrement dépendant de l’extérieur, dispose de la plus grande sécurité : il peut tenir 125 jours en cas de rupture des approvisionnements, suivi par l’Allemagne (102 jours), la France (96) et les États-Unis (82). Ces derniers, qui sont les plus gros consommateurs (43 % de la demande au sein de l’OCDE), détiennent évidemment les plus grands stocks (40 %). Selon Washington, le marché mondial demeure équilibré avec une production de 83,82 mb/j pour une demande de 83,09 mb/j. L’OCDE produit 21,16 mb/j et consomme 49,2 mb/j. La hausse de la demande chinoise (de 5,6 mb/j en 2003 à 7 mb/j en 2005) a été plus que compensée par la hausse de la production de l’Opep (passée de 30,7 à 34,2 mb/j). * Organisation de coopération et de développement économiques. www.oecd.org

Stocks OCDE

(en millions de barils)

É

Autres pay 28 %

s %

Canada 4% France 5 % Allemagne 7%

n %

Demande OCDE

(en millions de barils/jour)

Autres pays 34 %

États-Unis %

Canada 4% France 4 % Allemagne 5% SOURCE : IEA

n %

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 ■ ECOFINANCE ■ DU 8 AU 14 JANVIER 2006


LES AFRICAINS Découvrez l’histoire passionnante des hommes qui ont fait l’Afrique tout au long des siècles.

UM KALTHUM NJOYA ABDEL KADER SAINT AUGUSTIN GESO SAMORI GAMAL ABDEL-NAÇER AMILCAR CABRAL JUGURTHA MULELE.…

Une collection indispensable

Sous la direction de Charles-André Jullien. Format : 180 x 250 mm.

BON DE COM MAND NOM

PRÉNOM

ADRESSE CODE POSTAL

€* 2 15

€ 297

DE IEU ÉDIE AU L CYCLOP MES U L L’EN 2 VO DE 1

VILLE

PAYS

TÉL.

FAX

E-MAIL

JE DÉSIRE RECEVOIR

ENCYCLOPÉDIE(S) «LES AFRICAINS» AU PRIX

EXCEPTIONNEL DE 152 € * L’ENCYCLOPÉDIE AU LIEU DE 297 €. CI-JOINT MON RÈGLEMENT PAR CHÈQUE DE À L’ORDRE DES ÉDITIONS DU JAGUAR. SIGNATURE * + 30 € de frais de port (offerts pour l’Europe )

DATE

E

JAGUAR / D.F.

57 bis rue d’Auteuil 75016 Paris France Tél. (33-1) 44 30 19 70 Fax (33-1) 44 30 19 79 E-mail : jaguar@jeuneafrique.com

12 volumes reliés en simili-cuir, titres et motifs dorés. Chaque volume de 300 pages contient 10 biographies, toutes illustrées de cartes inédites, de reproductions de gravures anciennes ou de photos.


LIRE, ÉCOUTER, VOIR LIVRES Pour mieux tourner la page 2005, voici un petit inventaire

de la production littéraire de l’année écoulée, concocté par les journalistes de J.A.I. Une sélection aussi éclectique qu’inattendue.

Coups de cœur et coups de chapeau

A

croire qu’ils se sont donné le mot. Invités à présenter le livre qui les a le plus marqués en 2005, les journalistes de J.A.I. auraient dû, pensions-nous, citer Waltenberg de Hédi Kaddour, Verre Cassé d’Alain Mabanckou, ou encore Lunar Park de Bret Easton Ellis, pour ne citer que trois romans encensés par la critique (voir J.A.I. n° 2346-2347, page 26). Eh bien pas du tout. Ils ont

tous, ou presque, choisi un ouvrage passé relativement inaperçu, du moins dans les colonnes de notre journal. Comme s’ils avaient voulu garder le meilleur de leurs lectures pour eux-mêmes et ne s’étaient résolus à le dévoiler que pour cet exercice annuel rituel. Ce qui donne une sélection inattendue, éclectique et très significative, en fin de compte, de notre hebdomadaire: des textes sérieux, plutôt documentaires. Même quand il s’agit de fiction, le contenu

politique et/ou historique l’emporte sur l’aspect strictement littéraire. Le hasard faisant néanmoins bien les choses, pratiquement tous les genres et une grande partie des régions du monde sont représentés. Et comme chacun des journalistes qui a participé à cette enquête a laissé parler son cœur et son intelligence, vous pouvez nous croire: la quinzaine de livres retenus ci-après sont tous d’excellente facture. ■ D.M.

Mitterrand et Mitterrand

J

e place deux livres très au-dessus des quarante autres que j’ai lus en 2005. Le premier a pour auteur un Mitterrand qui s’est fait un prénom : Frédéric. Cinéaste, intervieweur, raconteur, personnage de la vie parisienne et française, bourlingueur infatigable connu sur tous les continents, amoureux de la Tunisie (au point d’en acquérir la nationalité), « F.M. » a décidé de révéler son homosexualité, de raconter ce qu’il a appelé La Mauvaise Vie. Un aveu de 360 pages très bien écrites où la pudeur et la retenue équilibrent en permanence le courage et la lucidité. Très proche du chef-d’œuvre. Le second a pour sujet un autre Mitterrand, le président, mort il y a dix ans – et pour auteur Jacques Attali, qui a 90

participé, au côté de François Mitterrand, à l’exercice du pouvoir, atteint un 10 mai 1981. Dans Verbatim, Attali a déjà relaté par le menu ce qu’a réalisé l’homme qui a fait de la gauche française – et du Parti socialiste – une force de gouvernement. Dans C’était François Mitterrand, il se surpasse et renouvelle le sujet : c’est clair, instructif, prenant, et présente un très bel équilibre entre l’information et la réflexion. ■ Béchir Ben Yahmed

La Mauvaise Vie, de Frédéric Mitterrand, éditions Robert Laffont, 360 pages, 20 euros. C’était François Mitterrand, de Jacques Attali, éditions Fayard, 446 pages, 22 euros. J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


Aux sources de la confrérie

F

«

rères musulmans. Aux oreilles de l’Occidental, l’expression sonne comme une menace. » C’est pour tenter d’y voir plus clair sur l’organisation fondée en 1928 par l’Égyptien Hassan al-Banna que Xavier Ternisien, spécialiste des questions religieuses au Monde, a entrepris cette enquête. Ce n’est ni une étude universitaire ni un texte polémique, mais le résultat d’un vrai travail de terrain qu’il nous donne à lire. À partir de sources écrites multiples et, surtout, de nombreux témoignages, l’auteur remonte aux sources de la confrérie, en analyse l’idéologie et en décrit le fonctionnement avant de s’intéresser à ses ramifications internationales. S’il réussit à nous convaincre que les Frères ne sont pas ces affreux terroristes que l’on nous présente parfois, il ne parvient pas vraiment à répondre à cette question : que veulent-ils ? Conquérir le pouvoir et imposer la charia ou seulement réislamiser la société par la réforme ? ■ Dominique Mataillet

Les Frères musulmans, de Xavier Ternisien, Bibliothèque de culture religieuse, éd. Fayard, 370 pages, 18 euros.

Le protocole : un faux et intox

L

a dernière œuvre de Will Eisner, disparu en janvier 2005 à l’âge de 87 ans, expose le talent de cet immense auteur de BD passé des comics au roman graphique, qui aimait par-dessus tout dessiner à la plume son quartier natal de Brooklyn et le petit monde des immigrants juifs des années 1920. Mais, pour une fois, Le Complot se déroule à Paris et à Moscou et raconte la véritable histoire d’un document élaboré en 1864 par un opposant français à Napoléon III. Transformé par un propagandiste russe pour justifier la politique antisémite du tsar, Le Protocole des sages de Sion alimente encore la haine aujourd’hui. Le dessin en noir et blanc sert de façon magistrale l’enquête qui retrace les origines de ce faux attesté par les archives soviétiques. ■ Gilles Lancrey

Le Complot, de Will Eisner, éd. Grasset, 143 pages, 19 euros.

L’Irak de Miss Bell

O

n sait que l’Irak moderne fut une création britannique. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il fut la création d’une Britannique : Gertrude Bell, « Khatoun » (Sultane) pour les Irakiens. Diplômée d’Oxford, passionnée de civilisations orientales, recrutée pendant la Première Guerre mondiale par l’Arab Bureau, basé au Caire, où elle eut pour collègue Lawrence d’Arabie, Miss Bell avait été chargée, en tant que secréJ.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

taire aux Affaires orientales auprès du gouverneur britannique de Mésopotamie, de mettre en place un État dans les trois provinces de l’Empire ottoman (Mossoul, Bagdad et Bassora) sur lesquelles la Grande-Bretagne avait obtenu un « mandat ». C’est elle qui imagina l’octroi du pouvoir aux sunnites aux dépens des chiites, le maintien des territoires kurdes comme zone tampon contre la Turquie et l’installation du prince Fayçal sur le trône d’Irak. Geneviève Chauvel nous retrace le parcours de cette femme hors pair, archéologue, écrivain, espionne, faiseuse de rois, morte en juillet 1926 d’une overdose de somnifères et enterrée à Bagdad, dans un roman historique d’une étonnante actualité. ■ Ridha Kéfi L’Amazone du désert : Gertrude Bell, de Geneviève Chauvel, éd. Pygmalion, 320 pages, 20,50 euros.

Nouvelles ivoiriennes

A

près Les Prisonniers de la haine, un premier roman où le lecteur était entraîné dans un Liberia en proie au chaos, Venance Konan a récidivé en 2005. Robert et les catapila est un recueil de nouvelles qui décrivent la Côte d’Ivoire dans toute sa cruauté, ses préjugés et sa trivialité. La première histoire raconte l’installation discrète d’étrangers dans un village de l’ouest du pays où, à force de travail, ils deviendront prospères et indispensables, quitte à se voir rejeter à la première friction… Inspiré par les conflits fonciers, le récit dresse de manière humoristique la jalousie des autochtones pour les allogènes et la malice de ces derniers. Les autres nouvelles mettent en scène les funérailles à risque, les conflits de génération ou la politique du « ventre ». Rédacteur en chef central chargé des grands reportages, enquêtes et dossiers spéciaux à Fraternité Matin, Venance Konan fut plusieurs fois primé pour ses enquêtes, reportages et chroniques. ■ Pascal Airault Robert et les catapila, de Venance Konan, éd. NEI Abidjan, 286 pages.

Le Moyen- Orient expliqué par Fisk

L

e meilleur livre pour comprendre la guerre américaine en Irak mais aussi les soubresauts, les drames, les haines et les violences qui parcourent cette région du monde, d’Israël à l’Afghanistan et de 1979 à nos jours, ne pouvait être écrit que par le meilleur spécialiste britannique du Moyen-Orient. Journaliste au quotidien The Independent, très critique quant au rôle joué par les puissances occidentales, Robert Fisk, qui est le seul reporter non musulman à avoir rencontré à plusieurs reprises Oussama Ben Laden, a réalisé là un ouvrage magistral. Mêlant analyse, récit, enquête, dialogue et carnet de route, ce témoin hors normes familier des champs de bataille de 91


LIRE, ÉCOUTER, VOIR Kaboul à Fallouja en passant par Beyrouth, Damas et Téhéran, nous emmène au cœur de La Grande Guerre pour la civilisation. Sous sa plume, on l’aura compris, cette obsession civilisatrice n’est que la projection contemporaine des entreprises impériales de la première partie du XXe siècle – le pétrole en plus. ■ François Soudan La Grande Guerre pour la civilisation : l’Occident à la conquête du Moyen-Orient, de Robert Fisk, éd. La Découverte, 955 pages, 30 euros.

Désintégration à la française

D

ifficile de faire mieux en termes de timing… L’essai de Karim Amellal, 27 ans, a été publié quelques jours seulement avant les événements des banlieues françaises. Égalité des chances, multiculturalisme, place de l’islam, échec de l’école, situation des banlieues : les « minorités ethniques » n’ont pas fini de payer le prix de leur différence. De père algérien et de mère française, Karim Amellal propose dans cet ouvrage une réflexion originale et documentée sur l’intégration à la française, loin des poncifs et des raccourcis partisans. En fil rouge, la discrimination positive. Un véritable cri du cœur, un premier essai réussi et, cerise sur le gâteau, bien écrit. À lire absolument, pour mieux comprendre le débat qui agite la France. ■ Marwane Ben Yahmed

Discriminez-moi ! de Karim Amellal, éd. Flammarion, 390 pages, 20 euros.

Ainsi parlait Ibn al-Arabi

I

l est des projets – des œuvres – qui savent nouer des faisceaux de talents pour les mettre à leur service. Ainsi ce splendide ouvrage réunit-il la vivacité du récit de l’auteur – donnant chair à ce grand soufi natif de Murcie (1165), au sud-est de l’Espagne, mort à Damas en 1240 après avoir éclairé la foi islamique des visions d’un spiritualiste ardent de l’Andalousie musulmane–, la qualité des traducteurs et des érudits qui nous font partager son message, la richesse d’une iconographie puisée aux meilleures sources des arts sacrés et jusqu’à l’audace des photographes contemporains qui nous offrent le décor intact de l’antique parole. À l’origine de cet ouvrage, un éditeur, lui aussi présent sur les deux rives, marocaine et italienne, de la Méditerranée, qui publia jadis, sous le label « Lak éditions » des livres qui honorent le patrimoine culturel du Sud. Une fois de plus, merci. ■ Jacques Bertoin

Sur la voie d’Ibn al-Arabi, les révélations de Fès et Marrakech, de Mehdi de Graincourt, éd. Senso Unico, 241 pages. 92

La faute d’Amir

L

e plus beau livre que j’ai lu cette année est sans conteste Les Cerfs-Volants de Kaboul, premier roman de Khaled Hosseini, citoyen américain né en Afghanistan en 1965. L’ouvrage est construit autour de l’amitié de deux enfants que tout semble opposer. Amir est pachtoune et fils de maître, quand Hassan, fils de serviteur, appartient à l’ethnie hazara, dominée et opprimée depuis toujours. En 1975, à l’occasion du traditionnel tournoi de cerfs-volants, tout bascule : Amir assiste, passif, à une terrible agression dont est victime Hassan. Rongé par la culpabilité et honteux de sa lâcheté, il préférera accuser à tort ce dernier et l’éloigner de lui. Quand, des années plus tard, le fils de son ancien ami se trouve en grand danger aux mains des talibans, Amir voit là une occasion de racheter sa faute… Un livre bouleversant dont on ne sort pas indemne. ■ Coumba Diop

Les Cerfs-Volants de Kaboul, Khaled Hosseini, éd. Belfond, 396 pages, 20 euros.

Popotin mène l’enquête

J

aime Bunda, surnommé Popotin en raison de son imposant fessier, coule une morne existence d’inspecteur stagiaire au Bunker, le siège des services secrets angolais. Rongé par l’ennui, il se voit enfin confier une enquête digne de lui : retrouver l’assassin d’une gamine de 14 ans, tuée après avoir été prise en stop par un inconnu roulant dans une luxueuse voiture noire. Alors que ses méthodes loufoques provoquent la consternation de ses supérieurs, Popotin va se retrouver sur la piste de dangereux escrocs. Avec le personnage de Jaime Bunda, Pepetela s’attaque au genre policier avec bonheur et gourmandise. Ancien révolutionnaire, ex-vice-ministre de l’Éducation, l’auteur, qui fut lauréat du prix Camoes en 1997, l’un des plus prestigieux de la littérature lusophone, nous promène des bas-fonds de Luanda aux allées du pouvoir. Avec un sens inné de la dérision. ■ Jean-Dominique Geslin Jaime Bunda, agent secret, de Pepetela, éd. Buchet Chastel, 450 pages, 18 euros.

Banlieue de rêve

B

ien que sorti en août dernier, ce livre se révèle d’une étonnante actualité. L’histoire se déroule en Lieubannie, autrement dit dans une banlieue parisienne anonyme qui rassemble tous les maux dont souffrent les quartiers périphériques de la capitale et que l’on a vu exploser ces derniers mois. La vie y est terne, inerte, à peine rythmée par les descentes de flics, la drogue, la violence. Ici, point de salut pour le corps ou pour l’âme si l’on n’a pas ce que l’auteur appelle un « onirium », un J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


LIRE, ÉCOUTER, VOIR espace où le rêve devient réalité et propulse dans une autre dimension le malheureux mortel. Yémy, jeune auteur camerounais âgé de 30 ans, signe un premier roman dans un style audacieux. Il ose l’imparfait du subjonctif, le clin d’œil à Baudelaire ou Lautréamont, le tout décrivant quelque scène de rue abjecte. La distorsion de la langue tient parfois de la prouesse. Ce livre bouscule le monde de la littérature africaine, met à mal de nombreux schémas, séduit, dérange, interpelle. ■ Valérie Thorin

Surburban Blues, de Georges Yémy, éd. Robert Laffont, 391 pages, 20 euros.

Out of Kenya

J

«

e m’appelle Vikram Lall. J’ai l’honneur d’avoir été désigné comme l’un des hommes les plus corrompus d’Afrique. » Vikram Lall est né en 1945 au Kenya, « fils choyé d’un épicier indien si fièrement kényan ». De son exil canadien, l’homme, devenu vieux et blasé, ressuscite ses souvenirs africains. L’année 1953 où ses deux amis blancs sont assassinés par les Mau-Mau, un événement qui changera à jamais sa vision de la vie. Le monde colonial et ses barrières de classes, le goût du kulfi, « doux et savoureux comme l’enfance », l’indépendance en 1965, où même « le soleil brillait plus fort », puis les désillusions et l’équation fatale : argent plus pouvoir égale corruption… Ce roman passionnant nous plonge dans la communauté indienne d’Afrique orientale, évoquant le fait de rester un étranger dans son propre pays. Il parle des amours et des destins contrariés, de

C

l’exil et des plaies encore ouvertes de l’enfance. M.G. Vassanji, né au Kenya de parents indiens, raconte ses origines avec une plume touchante et douce-amère qui a le goût de la vie. ■ Olivia Marsaud

La Troublante Histoire de Vikram Lall, de M.G. Vassanji, éd. Rivages, 437 pages, 22 euros.

Petite bible de l’inutile

V

oici précisément à quoi font penser Les Miscellanées : une mini-encyclopédie qui aurait été écrite par le Chapelier fou d’Alice au pays des merveilles. Une petite bible de l’inutile à grignoter en buvant du thé. On y apprend que le premier central téléphonique du monde fut installé au Vatican, que R.G. Hardie & Co est le fournisseur officiel de Sa Majesté la Reine Elizabeth II en cornemuses, que les indices de dureté des mines de crayon viennent de l’anglais Black (B – mines grasses) et Hard (H – mines sèches), que George Washington recommandait, dès l’âge de 14 ans : « Quand vous rendez visite à un malade, ne vous mettez pas à jouer les médecins si vous n’y connaissez rien », ou encore que le Titanic avait embarqué à fond de cale 800 bottes d’asperges, 1 135 kilos de saucisses et 8 000 cigares… ■ Mayeul Caire Les Miscellanées de Mr. Schott, de Ben Schott, éd. Allia, 160 pages, 15 euros.

IL ÉTAIT UNE FOIS L’ALGÉRIE

onsidéré à juste titre, des deux côtés de la Méditerranée, comme le plus grand historien de l’Algérie pendant la période coloniale entre 1830 et 1962, guerre d’indépendance incluse donc, l’historien français Charles-Robert Ageron a écrit à la fois des ouvrages majeurs et plusieurs centaines d’articles scientifiques qui font toujours autorité. Grâce à cette publication de ses « œuvres complètes » (quasi complètes pour être exact), alors même qu’encore vivant il a disparu de la scène universitaire et intellectuelle en raison d’une douloureuse maladie, on a enfin accès à la totalité de ses apports à l’histoire d’un pays dont le parcours de la sujétion vers l’indépendance a été pour le moins tumultueux et fait encore débat sur bien des points. Des apports précieux et précis – l’auteur, sans appartenir à aucune école, se voulait positiviste, attaché avant tout à l’établissement des faits – qui étaient en grande partie difficiles d’accès, comme sa thèse magistrale sur Les Algériens musulmans et la France de 1871 à 1919 (un ouvrage à « l’objectivité et l’impartialité exemplaires »,

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

écrivait le grand historien algérien Mahfoud Kaddache) et de nombreux travaux publiés de façon dispersée dans des revues plus ou moins disponibles. Ou qui étaient même encore inédits, comme son long texte sur Le Gouvernement du général Berthezène à Alger (1831), jamais édité. Le plus étonnant, une performance qui mérite d’être appréciée à sa juste valeur, est que ce travail de réédition salutaire a été réalisé par un éditeur non pas français mais algérien. Abderrahmane Bouchène, remarquons-le, est un récidiviste : c’est déjà lui qui avait redonné vie en 2001 à une grande partie de l’œuvre de Jacques Berque devenue introuvable. ■ Renaud de Rochebrune

Hommage à Charles-Robert Ageron, 5 tomes, éd. Bouchène, 2 904 pages, 155 euros.

93


LIRE, ÉCOUTER, VOIR

CINÉMA « Viva Zapatero! » est un brûlot. Ce documentaire dénonce avec un humour féroce les dérives et le système médiatique que contrôle le Cavaliere.

Berlusconi, guignol de l’info Renaud de Rochebrune

C

’est un véritable phénomène en Italie. Dans le paysage sinistré du cinéma de la péninsule, un film, de surcroît un simple documentaire sorti sans véritable promotion, attire les foules sans discontinuer depuis sa sortie il y a un peu plus de trois mois. Au bout de douze semaines d’exploitation, grâce au bouche à oreille, il avait déjà été vu par près de 400 000 spectateurs. Cas unique dans les temps récents, le longmétrage est même très souvent applaudi à la fin des projections. Viva Zapatero! est, il est vrai, peu banal à plusieurs titres. D’abord parce que ses deux personnages centraux, à savoir la comédienne et humoriste italienne Sabina Guzzanti et le Premier ministre Silvio Berlusconi, ne sont souvent à l’écran… qu’une seule et même personne. Explication: parmi ses nombreux talents, Guzzanti, par ailleurs

réalisatrice du film, est une transformiste très douée qui, dans un spectacle dont le film reprend des extraits, se déguise de façon très convaincante pour incarner un Berlusconi dont elle emprunte la tête – pour se la payer bien sûr. Mais, en second lieu, ce film est aussi le résultat d’une histoire édifiante. Celle d’une injustice vengée avec bonheur par cinéma interposé. Guzzanti est une comédienne pleine d’humour qui s’est notamment fait connaître par son talent en matière de sketchs satiriques sur la classe politique italienne. Sa popularité a pris une dimension particulière il y a quelques années grâce à ses performances très appréciées sur les chaînes publiques de télévision, où ses imitations de tous les principaux acteurs du jeu politique,

droite et gauche confondues, faisaient mouche à tout coup. En particulier quand elle recréait le personnage de Berlusconi, qui, par ses excès, son obsession du paraître digne d’un séducteur de bas étage et son absence totale de scrupules pour parvenir à ses fins aussi bien comme homme d’affaires que comme dirigeant politique, se prêtait bien à caricature. En toute impunité bien sûr: qui oserait censurer un clown? interdire la satire? Comme par hasard, pourtant, les shows dans lesquels apparaissait Sabina Guzzanti ont eu de plus en plus de mal à être diffusés après le retour au pouvoir du Cavaliere en 2001. Jusqu’à ce jour de décembre 2003 où le premier épisode d’une série d’émissions dont elle était l’auteur et la vedette sur la troisième chaîne de télévision a été brutalement déprogrammé quelques heures avant de passer à l’antenne. Sans raison sérieuse. Le directeur de ladite chaîne lui reprochait, par un simple coup de téléphone et en refusant de s’expliquer plus avant, d’être coupable d’« insultes envers le gouvernement » et surtout de « vulgarité ». Un comble quand on connaît l’état de la télévision italienne et surtout le style trash de ses chaînes privées, toutes possédées par Berlusconi ! C’était la

Un clown en jupon au pays de la commedia dell’arte.

D.R.

La réalisatrice Sabina Guzzanti, déguisée en Berlusconi. Elle emprunte sa tête… pour mieux se la payer. 94

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


LIRE, ÉCOUTER, VOIR censure de trop. Évidemment imposée par le pouvoir, qui s’est arrogé le droit de nommer les directeurs des chaînes publiques, désormais aux ordres. Guzzanti ne l’a pas supportée. Mais, à la différence d’un Berlusconi incapable d’accepter qu’on se moque de lui, la belle comédienne n’a pas perdu pour autant son humour. Elle a donc décidé de monter un nouveau spectacle sur cette mésaventure, qu’elle présente en général avec grand succès dans des lieux alternatifs. Et surtout, de réaliser un film, fondé en partie sur ce spectacle, où elle se grime bien sûr en Berlusconi plus vrai que nature pour le ridiculiser à travers ses mimiques et ses propos. Mais où elle interpelle aussi toute la classe politique en partant en personne enquêter caméra au poing à la manière d’un Michael Moore sur ce qui s’est vraiment passé en décembre 2003. Du coup, à force d’interviews « classiques » ou d’entretiens arrachés à la hussarde, souvent dans la rue, à tous ceux, de droite comme de gauche, qui ont participé à cette censure ou qui l’ont laissée se produire, elle assène dans son brûlot toute une série de vérités pas bonnes à dire sur la situation politique dans l’Italie berlusconisée. Sur la mort de la liberté d’expression dans un pays où un seul homme contrôle la totalité des médias de masse, sur la lâcheté des parlementaires de tous bords qui, à de rares exceptions, tolèrent cet état de fait... Souvent avec une immense drôlerie, parfois avec une certaine naïveté, toujours avec une grande férocité. Une vengeance artistique de la satiriste qui, contre toute attente, a obtenu tellement de succès qu’elle est devenue un événement politique. Malgré, bien entendu, le silence de tous les grands médias au moment de son lancement. Au point de peser véritablement sur les élections législatives italiennes de mai 2006 qui, espèrent beaucoup, mettront un terme à la toute-puissance du Cavaliere? Le précédent de la réélection triomphale de Bush après le succès non moins triomphal de Fahrenheit 9/11, le pamphlet assassin de Michael Moore, peut laisser perplexe à ce sujet. Mais il est vrai qu’au pays de la commedia dell’arte, un clown en jupon qui pense que le ridicule peut et doit tuer a peut-être encore un peu d’influence … ■

KIOSQUE

LIVRES HEBDO Hebdomadaire, France

L’Afrique d’antan et de toujours

M

aître du roman d’aventures, tiré à 65 millions d’exemplaires de par le monde, [Wilbur Smith] connaît en France un succès grandissant depuis la parution en 1994 du Dieu fleuve, évocation égyptienne que l’on est en droit de préférer aux longues sagas de Christian Jacq. Depuis, ses premiers livres ont fait l’objet d’une réédition systématique aux Presses de la Cité, où l’ensemble remporte un joli succès. Pour lui comme pour beaucoup, l’enfance reste la matrice de l’œuvre. La sienne se passe en Rhodésie du Nord, actuelle Zambie, dans un ranch enchanteur, en pleine nature, près d’un père rigoureux qui lui fait rentrer dans la tête « à coups de ceinture » une vision du monde qu’il a gardée. « Je suis un homme du XIXe siècle, à la fois vieux jeu et politiquement incorrect. Je crois qu’il faut travailler pour obtenir ce que l’on veut, que le fort doit protéger le faible, que les jeunes doivent respecter les vieux… » L’Afrique qui le voit grandir, vraie héroïne de son œuvre, est une Afrique d’avant les dictatures et le sida, une Afrique dont les héros sont encore les chasseurs et les aventuriers. Une Afrique où il vit toujours et à laquelle il a offert une réserve naturelle où viennent se reproduire des oiseaux de proie en voie de disparition dont il commente avec tendresse les évolutions. Mais une Afrique pour qui, pourtant anglais et sud-africain, il ne jugera pas nécessaire de s’engager politiquement. « Être écrivain contre l’apartheid, c’était me condamner à ne plus exister quand cette aberration temporaire disparaîtrait. Dénigrer un système n’est pas ce qui m’intéresse. Modestement, mes livres défendent la nature, ce qui me semble une cause plus profonde. » Cette « modestie », parfois gênante, lui a sans doute longtemps valu un certain purgatoire, en France du moins. Si aucun de ses romans n’est ouvertement raciste, l’archétype du beau Noir objet sexuel et la peinture de militants révolutionnaires comme des terroristes irresponsables prêts à se trahir entre eux (voir entre autres l’assez détestable Serpent vert) sont, dans le contexte sud-africain, pour le moins mal venus, même si l’auteur se défend d’avoir voulu simplement décrire ce qu’il a vu des relations entre Noirs et Blancs, « simples et fraternelles »… Son compatriote André Brink ne s’y est pas trompé qui aime à rappeler que, s’il arrive à Smith de se vanter d’avoir été interdit par le gouvernement de Pretoria dans les années 1970, c’est uniquement à cause de la dose (qui paraît aujourd’hui bien anodine...) de sexe et de sadisme de certains de ses romans. […]

L’écrivain naît en 1963 dans la peau pesante d’un expert-comptable. Son premier roman fait en vain le tour des éditeurs et gît aujourd’hui dans son grenier. « Quand je sens que j’ai besoin d’une leçon d’humilité, j’y monte et j’en relis certains passages. Après ça va mieux. » Le deuxième, où, « renonçant à faire Guerre et paix, [il a] juste écrit une histoire comme [il aurait] eu envie de la lire », rectifie le tir. Quand le lion a faim dépasse les 60 000 exemplaires. Pas encore un triomphe planétaire, mais de quoi envisager de continuer. […] ■ Hubert Prolongeau 95


LIRE, ÉCOUTER, VOIR

SCIENCES ET MÉDECINE

La maison médicale du Sénégal

F

ruit du partenariat entre l’association de médecins Le Kinkeliba que dirige le Dr Gilles Degois et la Fondation Pierre-Fabre, la maison médicale de Wassadou a été inaugurée le 30 novembre 2005 en présence du président sénégalais Abdoulaye Wade. Dans son discours, ce dernier a dénoncé la fuite des cerveaux, notamment dans le secteur médical, dont souffre le Sénégal. Il a stigmatisé ses compatriotes qui préfèrent l’argent de l’Occident à l’action en faveur de leur pays, et encouragé les médecins à ouvrir des dispensaires dans leurs propres villages. Pour le moment, Wassadou, situé près de Tambacounda, dans le Sénégal oriental, possède désormais au moins un centre de soin digne de ce nom, bâti uniquement avec des fonds récoltés auprès de donateurs privés, et qui peut servir de modèle à d’autres initiatives de ce genre. Il est composé de trois bâtiments principaux consacrés l’un à la médecine générale, l’autre à la mère et l’enfant, et le troisième aux spécialités chirurgicales. Le Kinkeliba, confraternité médicale, se voue à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile. Les membres de cette association mettent leurs compétences et leur savoir au service du développement sanitaire des populations démunies. « Nous savons mettre en place le concept de “maison”, notre savoir-faire est à la disposition des grandes entreprises qui voudraient agir pour le développement mais qui ne savent pas sur quelle structure s’appuyer. » Par ailleurs, le concept se décline dans différents domaines. Le Kinkeliba expérimente une « maison agricole » qui produit du miel et des agrumes, et enseigne les pratiques agriculturales destinées à combattre la malnutrition. Une « maison des métiers » ouvrira en 2006 à Tambacounda, pour aider les jeunes filles à suivre leurs études. ■ Valérie Thorin 96

FESTIVAL Peu de moyens mais beaucoup de volonté pour donner vie à cette rencontre entre artistes et intellectuels du continent.

Fest’Africa: N’Djamena malgré tout Bios Diallo, envoyé spécial au Tchad

N

’Djamena a accueilli du 15 au 28 décembre dernier une dizaine d’écrivains dans le cadre de Fest’Africa. Créé en 1993 à Lille (France), où il se tient chaque année en novembre, ce festival révèle et accompagne les plumes africaines grâce à l’implication du Tchadien Nocky Djedanoum et de l’Ivoirienne Maïmonua Coulibaly. En 2003, Nocky Djedanoum, le directeur artistique, se lance dans une nouvelle aventure : « Fest’Africa sous les étoiles à N’Djamena ». Une biennale dont la première édition a réuni dans la capitale tchadienne une cinquantaine d’auteurs venus du continent et de la diaspora. Plus hésitante fut celle de 2005. Un défi même. « J’ai été tenté de la reporter, avoue Nocky dans son discours inaugural. L’État tchadien n’a manifesté que tard son intérêt. Monsieur le représentant du gouvernement, poursuit-il en se tournant vers le ministre de la Culture et de la Communication, Moussa Doumngor, ne voyez-vous pas que la jeunesse a besoin d’un toit, d’un certain égard ? » En déclarant : « J’ai honte pour mon pays, mais je te rêve debout », Nocky exprime tout le malaise d’une jeunesse délaissée. C’est sur un terrain vague, dans le quartier de Moursal, que des palissades ont été dressées pour servir de stands aux libraires, aux peintres et aux tables rondes. Côté débats, il y eut de forts moments d’échanges. Les écrivains togolais Kangni Alem et Sami Tchak ont débattu avec la traductrice kényane Eva Rogo Lévénez du sujet de « La dia-

spora africaine face aux questions de l’émigration », le tout devant un public très au fait de l’actualité française, des incendies à Paris et « des Africains qui échouent comme des baleines aux frontières de l’Europe ». « Avec tout ça, a déclaré avec colère un intervenant, nous ne devons plus accepter les Français chez nous. » Réaction presque résignée de Kangni Alem : « Ce sera toujours ainsi tant que l’Afrique ne proposera pas d’alternative à ses enfants. Et nous ne sommes pas en position de force. » Grand intérêt également pour la question de la littérature tchadienne contemporaine qui, selon Ahmad Taboye, enseignant universitaire et auteur d’un Panorama critique de la littérature tchadienne, évolue très faiblement. « Les écrivains ne bénéficient d’aucune structure ni d’une quelconque forme de soutien. Et cela n’est pas sans conséquences sur l’enseignement dans les écoles et dans les universités du pays qui ont besoin d’être réformées. » Par ailleurs, une visite a été organisée dans le cadre de cette deuxième édition – articulée autour du thème de la diversité culturelle – au musée Sao Kotoko du village des potiers de Gaoui. Et une trentaine de groupes tchadiens parmi lesquels Jorios Stars, Guévara Radjil Fall, Samuraï, Djospa, les danseuses de Guelbé et Audrey Linda Shey ont servi sur scène une ambiance de reggae, rap, soukous et de gourna. Fest’Africa s’est clôturé dans la bonne humeur. Avec l’espoir qu’il y aura, en 2007, de meilleures conditions logistiques et… financières. ■

La diaspora africaine n’est pas en position de force.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


À LA PAGE

LA VIE DES LIVRES Dominique Mataillet

FACE AUX PILES

Senghor, un homme d’exception

L

’année 2006 sera celle de la Francophonie, mais aussi celle de Léopold Sédar Senghor, décédé le 20 décembre 2001 et dont on fêtera, le 9 octobre, le centième anniversaire de la naissance. Mais, déjà, avant l’ouverture des cérémonies qui marqueront cet événement, un bel hommage est rendu à l’ancien président sénégalais sous la forme d’un livre aussi original que documenté. À la différence de bien des biographies, construites de façon linéaire, l’ouvrage de Jean-Michel Djian, journaliste et enseignant à l’université de Paris-VIII, est composé d’une série d’instantanés illustrant chacun à la fois la pensée, la personnalité et l’œuvre politique ou littéraire de Senghor. Pas de titres de chapitres, mais, en lieu et place, des manières d’incipit qui donnent un avant-goût des thèmes traités. Exemples : « Le poète se réveille en lui quand il en décide. Une voix, un silence, une lecture, un paysage. Un stade. » « Ses humanités gréco-latines sont une sève. » « Les années passant, le président poète cherche à styliser l’exercice du pouvoir. » « Sa négritude est une ritournelle guerrière. Elle use des canons de la pensée pour viser juste. Elle fait mouche. » Ainsi conçu, le livre dévoile la complexité de cette immense figure du XXe siècle. « Un homme d’exception capable de défier l’histoire tout en tombant parfois dans les travers les plus convenus des pratiques politiciennes », écrit l’auteur. Il en ressort l’image d’un être tourmenté, à la fois grisé par les

honneurs qu’il accumule et convaincu de la vanité de son œuvre. Il a souvent pensé au suicide, semble-t-il. Les malheurs de la vie ne l’auront au demeurant pas épargné. Ainsi la mort brutale de deux de ses fils assombrira-t-elle ses vieux jours. Plus que son combat pour la « civilisation de l’universel » et sa défense des valeurs négro-africaines, c’est l’amour de Senghor pour la langue française qui est le fil conducteur de l’ouvrage de Jean-Michel Djian. À la qualité du récit, dont le style enlevé n’est pas sans rappeler celui avec lequel un Frédéric Mitterrand raconte la vie des grands de ce monde, s’ajoute la richesse des documents iconographiques, dont beaucoup d’inédits : photos de l’ancien président et de ses proches, manuscrits autographes, correspondances en tout genre… Le livre s’achève en apothéose par un entretien récent avec Aimé Césaire. Le vieux compère de Senghor revenant, entre autres, sur leur première rencontre à Paris en 1931 et sur leur invention commune du terme « négritude ». Succulent ! ■ Léopold Sédar Senghor. Genèse d’un imaginaire francophone, de JeanMichel Djian, préface d’Abdou Diouf, éditions Gallimard, 256 pages, 25 euros.

MÉMENTO ■ Le XIIe Salon international de l’édition et du livre de Casablanca (SIEL) se déroulera du 10 au 19 février. Renseignements : www.minculture.gov.ma ■ Quelques jours avant le Salon du livre de Paris (17-22 mars) se tiendra, du 5 au 7 mars, la Foire du livre de Londres (London Book Fair), le grand rendezvous annuel des professionnels de l’édition internationale avec celui de Francfort qui a lieu, lui, en octobre. Voir sur www.lbf-virtual.com J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

■ C’est l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun qui sera, en 2006, le mentor littéraire du programme Rolex de mécénat artistique. Il succède dans ce rôle au Péruvien Mario Vargas Llosa. L’initiative du fabricant de montres suisse permet à de jeunes créateurs de bénéficier pendant un an des conseils d’un grand maître de leur discipline. ■ Après

Rue Félix-Faure (Le Serpent à Plumes, 2004), la Sénégalo-Béninoise Ken Bugul est de retour en librairie en ce mois de janvier avec une nouvelle satire de la société africaine contemporaine. La Pièce d’or est publiée par une nouvelle maison, Ubu éditions.

■ Miguel de Cervantès apprécierait-il? Quatre cents ans après sa première publication à Madrid, son célèbre Don Quichotte vient de paraître dans une version spanglish, mélange d’espagnol et d’anglais parlé par près de 40 millions d’Hispaniques aux États-Unis, au Mexique et à Porto Rico. ■ La Britannique Joanne K. Rowling a entamé l’écriture de la septième et dernière aventure de Harry Potter. Traduite en 63 langues, la série s’est déjà vendue à plus de 300 millions d’exemplaires dans le monde depuis la sortie du premier volume, Harry Potter à l’école des sorciers, en 1996. ■ Année record pour la bande dessinée en France: 3600 livres publiés en 2005, dont 2701 nouveautés. Sur ce total, 1142 BD asiatiques, manga (Japon) ou manwha (Corée). Avec 2400000 exemplaires vendus en deux mois, Astérix. Le ciel lui tombe sur la tête (éditions Albert René) d’Albert Uderzo, sorti en octobre, bat lui aussi tous les records. 97


annonces classées Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris – France

REPUBLIQUE GABONAISE UNION-TRAVAIL-JUSTICE MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS, DE L’EQUIPEMENT ET DE LA CONSTRUCTION AVIS DE DEMANDE D’EXPRESSION D’INTERÊT

Demande d’expression d’intérêt

Source de financement : Etat Gabonais N° Demande d’Expression d’Intérêt : Date de publication : 8 janvier 2006

Recrutement d’un consultant pour réaliser les études de faisabilité et d’Avant Projet Détaillé de l’aménagement de la route PK 55 – Fougamou – Mouila. 1. Le Gouvernement de la République du Gabon dispose d’un financement suffisant sur fonds propres dans le cadre du budget 2006 et se propose d’utiliser ces ressources pour effectuer les paiements autorisés au titre du contrat relatif aux services du consultant pour les études de faisabilité, et d’Avant Projet Détaillé (APD) de l’aménagement de la route PK 55- Fougamou-Mouila, scindée en deux lots : • lot 1 : Route PK 55 - Fougamou-Yombi (65 km), • lot 2 : Route Yombi-Mouila (87 km). 2. Le consultant aura pour missions principales de : • évaluer la faisabilité de la réalisation du projet ; • mener les études techniques détaillées (Etudes d’APD) nécessaires ; • élaborer le Dossier de Consultation des Entreprises (DCE). 3. L’exécution des prestations nécessite des compétences dans les domaines suivants : • topographie, • géotechnique routière, • économie des transports inter-urbains, • écologie, • modélisation des trafics voyageurs, • conception des ouvrages d’art et d’assainissement. 4. Le Ministère des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction, invite par la présente Demande d’Expression d’Intérêt, les candidats admissibles, notamment les Cabinet d’Etudes ayant une bonne connaissance dans les études de faisabilité et d’Avant Projet Détaillé des projets routiers. 5. Le Ministère des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction, invite les consultants intéressés à fournir un dossier comprenant une demande de pré-sélection émanant d’un représentant habilité du consultant et toutes les informations utiles pour montrer que le consultant est qualifié pour exécuter les services et notamment : • brochures ; • moyens humains et matériels ; • disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel ;

98

• références concernant l’exécution des projets analogues pendant les 10 dernières années (titre du projet, date des prestations, montant et objet du contrat, nombre d’hommes-mois d’experts, bénéficiaire, sources de financement ; • expériences dans des conditions semblables ; • surface financière (bilans du consultant pour les trois dernières années, références bancaires). 6. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans ce cas, les informations fournies porteront sur les différents membres du groupement en faisant apparaître les moyens et qualifications de chacun d’eux et en précisant le consultant chef de file. 7. La pré-sélection est ouverte aux consultants de tout pays. 8. Les consultants intéressés peuvent obtenir les informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse indiquée ci-dessous et aux heures suivantes : du lundi au vendredi, de 8h à 12h et de 15h à 18h 30 (heure locale). 9. Les expressions d’intérêt doivent être déposées ou expédiées à l’adresse suivante au plus tard le mardi 31 janvier 2006 : Monsieur le Secrétaire Général du Ministère des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction B.P : 49 Tél. : (241) 76 15 21 / 76 29 34 Fax : (241) 76 34 88 / 76 38 45 Les consultants retenus à l’issue de la pré-sélection recevront ultérieurement une lettre d’invitation à soumissionner, accompagnée d’un dossier d’appel d’offres restreint. La sélection se fera en conformité avec les procédures de la République Gabonaise. Le Ministre des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction Général d’Armée Idriss NGARI

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


annonces classées

REPUBLIQUE GABONAISE UNION-TRAVAIL-JUSTICE MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS, DE L’EQUIPEMENT ET DE LA CONSTRUCTION AVIS DE DEMANDE D’EXPRESSION D’INTERET Source de financement : Agence Française de Développement N° Avis de demande d’expression d’intérêt : 000489 Date de publication : 8 janvier 2006

1. Le Gouvernement gabonais a sollicité un prêt auprès de l’Agence Française de Développement (AFD). Il se propose d’utiliser ces ressources pour effectuer les paiements autorisés au titre du contrat relatif aux services du consultant pour l’exécution d’un complément d’études et le contrôle de l’aménagement de la route Ndjolé-Médoumane.

logues pendant les 10 dernières années (titre du projet, date des prestations, montant et objet du contrat, nombre d’hommes–mois d’experts, bénéficiaire, sources de financement) ; • expériences dans des conditions semblables ; • surface financière (bilans du consultant pour les trois dernières années, références bancaires).

2. Le consultant aura pour missions principales de : • reprendre et compléter les études d’APD et d’impact environnemental du tronçon Ndjolé-Médoumane effectuées en 2003 ; • réaliser le complément d’études techniques détaillées et d’impact environnemental concernant l’aménagement du Carrefour du PK+400 et de la bretelle d’accès à la Gare Octra de Ndjolé ; • élaborer le Dossier de Consultation des Entreprises (DCE); • appuyer le Maître d’œuvre dans la passation du marché travaux ; • suivre, surveiller et contrôler l’exécution du projet.

5. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans ce cas, les informations fournies porteront sur les différents membres du groupement en faisant apparaître les moyens et qualifications de chacun d’eux et en précisant le consultant chef de file.

3. L’exécution des prestations nécessite des compétences dans les domaines suivants : • topographie ; • géotechnique routière ; • économie des transports inter-urbains ; • écologie ; • modélisation des trafics voyageurs ; • conception des ouvrages d’art et d’assainissement ; • supervision du contrôle des projets routiers. 4. Le Ministère des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction, invite les consultants intéressés à fournir un dossier comprenant une demande de présélection émanant d’un représentant habilité du consultant et toutes les informations utiles pour montrer que le consultant est qualifié pour exécuter les services et notamment : • brochures ; • moyens humains et matériels ; • disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel ; • références concernant l’exécution des projets ana-

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

6. La pré-sélection est ouverte aux consultants de tout pays. 7. Les consultants intéressés peuvent obtenir les informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse indiquée ci-dessous et aux heures suivantes : du lundi au vendredi, de 8h à 12h et de 15h à 18h 30 (heure locale). 8. Les expressions d’intérêt doivent être déposées ou expédiées à l’adresse suivante au plus tard le mardi 31 janvier 2006 à 12h00 (heure locale) : Monsieur le Secrétaire Général du Ministère des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction B.P : 49 Tél. : (241) 76 15 21 / 76 29 34 Fax : (241) 76 38 45 / 76 34 88 Les consultants retenus à l’issue de la pré-sélection recevront un dossier ultérieurement une lettre d’invitation à soumissionner, accompagnée d’un dossier d’appel d’offres restreint. La sélection se fera en conformité avec les procédures de la République Gabonaise et du bailleur de fonds. Le Ministre des Travaux Publics, de l’Equipement et de la Construction Général d’Armée Idriss NGARI

99

Demande d’expression d’intérêt

Recrutement d’un consultant pour la réalisation d’un complément d’Etudes d’Avant Projet Détaillé et le contrôle des travaux d’aménagement de la route Ndjolé-Médoumane (46 km).


annonces classées

MISSION DE REHABILITATION DES ENTREPRISES DU SECTEUR PUBLIC ET PARAPUBLIC

COMMISSION TECHNIQUE DE PRIVATISATION ET DES LIQUIDATIONS PARTENARIAT PUBLIC – PRIVE POUR LA SOCIETE NATIONALE DES EAUX DU CAMEROUN (SNEC) APPEL A MANIFESTATION D’INTERET INTRODUCTION : 1. - Le Gouvernement de la République du Cameroun a entrepris une réforme en profondeur des entreprises du secteur public et parapublic, notamment par leur privatisation. Tirant les leçons du processus d’appel d’offres initié en 1999 et qui a été déclaré infructueux, un nouveau schéma stratégique de privatisation de la Société Nationale des Eaux du Cameroun, a été choisi sous la forme de la mise en affermage de l’exploitation du service public d’eau potable, à travers un partenariat public privé.

Manifestation d’intérêt

L’objectif principal du projet est d’améliorer, dans un bref délai les performances en matière de desserte, en vue de permettre à la population l’accès à un service de qualité aux coûts économiques optimaux. LA SOCIETE NATIONALE DES EAUX DU CAMEROUN (SNEC) 2. - Créée en juin 1967, la SNEC est une société anonyme de droit privé. Son capital nominal de 6500 millions de FCFA est détenu à 94 % par l’Etat Camerounais. Elle est actuellement chargée de la production, du stockage, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l’eau potable en milieu urbain au Cameroun. Elle gère le service de l’eau potable dans 103 centres, dans le cadre de quatre conventions de concession signées en 1968 pour une durée de 40 ans. En Avril 2002, dans le cadre de la préparation de la privatisation, le Gouvernement a mis en place un Administrateur Provisoire à la tête de la SNEC. La société a connu depuis lors une amélioration de ses performances. Ainsi, au 31 décembre 2004, la SNEC desservait 220 000 abonnés contre 150 000 en 2002. Elle a vendu en 2004 près de 75 millions de m3 d’eau (57 millions de m3 en 2002) pour un chiffre d’affaires de 28,4 milliards de FCFA (contre 19 milliards en 2002). APPEL A MANIFESTATION D’INTERET 3. - Le Gouvernement recherche un opérateur international performant qui dispose d’une surface financière solide et des capacités techniques et managériales suffisantes pour la gestion de l’ensemble des activités de production, de stockage, de transport, de distribution et de commercialisation d’eau potable. Le Gouvernement a retenu l’option d’un Partenariat Public – Privé (PPP) pour la fourniture du service d’alimentation en eau potable (AEP), dans le cadre d’une délégation de gestion qui prendra la forme d’un contrat d’affermage, avec pour objectif : (1) l’amélioration des services d’AEP et (2) l’extension de la desserte, et ce de manière rapidement perceptible par les consommateurs tout en garantissant l’équilibre économique du secteur. Dans cette perspective, le Gouvernement prévoit la création d’une Société d’exploitation à capital privé (ci-après le Fermier), et d’une Société de patrimoine, à capital public. Le Fermier se verra confier l’exploitation des opérations de production, transport, stockage, distribution et commercialisation de l’eau potable sur le périmètre actuel de la SNEC, pour une durée de 10 ans. L’opérateur retenu sera soumis à des obligations de service public

100

dans le cadre d’une convention d’affermage et d’un cahier des charges, dont les conditions seront précisées dans les documents d’appel d’offres. Le présent communiqué invite les sociétés intéressées à adresser une manifestation d’intérêt. PREQUALIFICATION 4. - Un processus de pré-qualification aura lieu ensuite. Les sociétés pré-qualifiées seront invitées à discuter avec l’Administration sur les conditions précises de l’affermage, et à réaliser les visites sur le terrain. Par la suite, les candidats soumettront leurs offres techniques et financières, sur la base des conditions fixées dans les documents d’appel d’offres, applicables sans réserve à tous les candidats. PROCEDURE : 5. - Le Gouvernement souhaite que l’appel d’offres qui sera lancé après la pré-qualification se réalise dans un contexte de concurrence effective et de transparence totale sous la coordination de la Commission Technique de Privatisation et des Liquidations, avec l’appui du Conseiller du Gouvernement, le Groupement MSC/Emergence/SOGREAH. Les candidats sont invités à transmettre une lettre de manifestation d’intérêt incluant notamment les documents ou informations suivantes : * Raison sociale, domiciliation, capital, liste des actionnaires principaux ; * Nom, fonction, téléphone, fax et adresse électronique de la personne à contacter ; * Présentation des activités et précisions concernant celles du secteur de l’eau potable ; * Toute autre information ou document jugé utile par le candidat pour l’appréciation de son dossier. Les lettres de manifestation d’intérêt doivent être adressées sous pli fermé. L’enveloppe doit porter la mention " lettre de manifestation d’intérêt pour le partenariat public privé pour la SNEC ". Les lettres de manifestation d’intérêt et les documents fournis devront être transmis à chacune des adresses suivantes au plus tard le 12 janvier 2006 à 17 heures (heure locale) : Monsieur le Président de la Commission Technique de Privatisation et des Liquidations Immeuble SNI BP 7044 YAOUNDE CAMEROUN Tél. : (237) 223 97 50 / (237) 223 51 08 - Fax : (237) 223 51 08 Courrier électronique : bassaminou@yahoo.fr Consortium MSC / Emergence / SOGREAH C/O Management System Consultants, Chef de file 7 rue Lauriston 75016 Paris FRANCE Attention : Monsieur Jean Pierre FLORENTIN ; Tél. : (33) 1 53 64 20 60 - Fax. : (33) 1 53 64 20 68 email : jpflorentin@aol.com Les sociétés et groupe ayant manifesté leur intérêt pourront être invités à une réunion d’information. Le Ministre de l’Economie et des Finances Polycarpe ABAH ABAH

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


annonces classées

REPÚBLIC OF MOZAMBIQUE MINISTRY OF FINANCE FINANCIAL SECTOR TECHNICAL ASSISTANCE PROJECT FSTAP Request for Expressions of Interest for Consultancy Services

The Government of Mozambique has received financial assistance from the African Development Bank (AfDB) and the International Development Association (IDA) of the World Bank to finance a Technical Assistance Project with the overall objective of improving the soundness and efficiency, reach and depth of the Mozambican financial system so that it can fulfill its role of contributing to economic growth and poverty reduction. Part of the funds will be used to assist the Government of Mozambique in improving the performance of its insurance industry, the development of legislation and regulatory framework for Pension Funds, improving the administration and management of the state social security system, improving the legal and judicial environment for financial transactions, and for the effective implementation of the Government’s Anti-money Laundering law. The Government of Mozambique wishes to recruit international consulting firms, as well as qualified and experienced individual consultants to assist the implementation of the above activities. Interested consulting firms and individual consultants are hereby requested to submit an expression of interest (EoI) for one or maximum two of the following services*: • Consultancy Services to assist the development of Insurance and Pension Services in Mozambique (Ref. No. 01/IGS/05) • An individual consultant to serve as a long-term Technical Assistance Advisor to the Inspecção Geral de Seguros (IGS), the Insurance Regulatory Authority (Ref. No. 02/IGS/05) • Consultancy Services to assist the strengthening of the Mozambican Social Security System (Ref. No. 01/INSS/05) • An individual consultant to serve as a long-term Technical Assistance Advisor to the Instituto Nacional de Segurança Social (INSS), the administrator of the state Social Security System (02/INSS//05) • Consultancy Services to assist the development of a new credit claims resolution and bankruptcy law – Ref. 01/UTREL/05 • Consultancy Services to assist the establishment of a Financial Crimes Investigation Unit (Ref. No. 01/FCIU/05) • Consultancy Services to assist the computerization of the operations of the Property Registries in Mozambique (Ref. No. 01/DNRN/05) Summary descriptions of the services to be performed by each of the above consultancy assignments are provided below. Detailed Terms of References for each of the assignments can be obtained from the following email addresses: jchichava.fstap@tvcabo.co.mz, or amacie.fstap@tvcabo.co.mz.

INDIVIDUAL CONSULTANT TO SERVE AS A LONG-TERM TECHNICAL ASSISTANCE ADVISOR TO THE INSPECÇÃO GERAL DE SEGUROS (IGS) – Ref. 02/IGS/05 A highly qualified and experienced individual consultant is required to serve as a Technical Assistance Advisor to the Inspecção Geral de Seguros (IGS) for an initial period of one year, renewable for another year. The candidate for this position is expected to have a strong academic background (at least a Masters Degree) either in Accounting, Auditing, Economics or Insurance/Actuarial Studies. He/she is expected to have at least ten years experience managing teams of professionals, and must have occupied a senior position in an insurance supervisory authority for a period of not less than five years. Experience with the regulations and practice of insurance and reinsurance in the Southern African Development Community (SADC) region or in a Portuguese speaking country will be a distinct advantage. The main responsibility of the Technical Advisor will be on-the-job training of IGS staff in insurance supervision. He/she would be expected to develop an updated model of prudential supervision of insurance activities in Mozambique. He/she would be required a program of on-site and off-site inspections, and would be expected to lead the IGS staff team in carrying out on-site inspections. The candidate should have good proficiency in the Portuguese and English languages. CONSULTANCY SERVICES TO ASSIST THE STRENGTHENING OF THE MOZAMBICAN SOCIAL SECURITY SYSTEM – Ref. 01/INSS/05 The Consultants would be expected to carry out a detailed review of the existing social security system in Mozambique, and make recommendations on how to extend the coverage of the system. They would be expected to assist with the ongoing efforts to improve the legal and regulatory framework for social security in Mozambique. They would be expected to carry out a detailed review of the administration of the social security system, with a focus on its processes, and make appropriate recommendations for process re-engineering in order to improve the administration. Based on the recommendations relating to process re-engineering, they would be required to design an appropriate organizational structure for the INSS, develop a long-term corporate/business plan for the agency, together with a training plan for the agency’s staff. They would also be required to develop a new investment management policy for the agency. As a second independent assignment, the Consultants would be required to carry out an actuarial evaluation of the social security system, and make recommendations for the long-term financial sustainability of the system. The Consultants would be expected to offer a strong interdisciplinary team, comprising lawyers, pension administration specialists, organizational specialists, IT/communication specialists, and trainers. INDIVIDUAL CONSULTANT TO SERVE AS A LONG-TERM TECHNICAL ASSISTANCE ADVISOR TO THE INSTITUTO NACIONAL DE SEGURANÇA SOCIAL (INSS) – Ref. 02/INSS/05 A highly qualified and experienced individual consultant is required to serve as a Technical Assistance Advisor to the Instituto Nacional de Segurança Social (INSS) for an initial period of one year, renewable for another year. The candidate for this position is expected to have a strong academic background either in Economics, Law, Insurance/Actuarial Studies, or Business Administration. He/she is expected to have not less than ten (10) years of relevant experience in the area of State-run Social Security Regimes, at least five of which must be at management level. The main responsibility of the Technical Advisor will be providing assistance to the Director-General of INSS in the management of the agency. He/she would be expected to assist the implementation of the INSS organizational restructuring process. He/she would be required to develop a Manual of Operations for the INSS, and would be expected to provide on-the-job training to INSS staff. The candidate should have good proficiency in the Portuguese and English languages. CONSULTANCY SERVICES TO ASSIST THE DEVELOPMENT OF A NEW CREDIT CLAIMS RESOLUTION AND BANKRUPTCY LAW – Ref. 01/UTREL/05 The Consultants would be expected to carry out a detailed review of the institutional framework of the Mozambican judicial system on insolvency and bankruptcy. Further to the review, the Consultants would be required to draft a new Insolvency Resolution and Bankruptcy Law in conformity with the Mozambican judicial system. In drafting the new Law, the Consultants would be required to provide a comparative study on the experience of other developing countries with respect to bankruptcy laws. After drafting the Law, the Consultants would be required to assist its processing through the legislative process, including public consultations. The Consultants would be expected to offer a strong team of lawyers, with specialty and experience in commercial laws. The Consultant’s personnel would be expected to be familiar with the Portuguese/Mozambican legal system and in particular with the newly developed Commercial Code and the Code of Civil Procedure for Mozambique. The personnel are expected to have good proficiency in Portuguese and English languages. CONSULTANCY SERVICES TO ASSIST THE ESTABLISHMENT OF A FINANCIAL CRIMES INVESTIGATION UNIT – Ref. 01/FCIU/05 The Government of Mozambique passed an Anti-Money Laundering law in 2002, which established the legal framework for combating money laundering activities in the country. The regulations for the AML Law were promulgated in 2004. The Government has been advised that the establishment of a Financial Crimes Investigation Unit (FCIU) that will bring together the activities of the different government bodies involved in AML activities and investigations, such as the Bank of Mozambique (the Central Bank), the Customs Services, the Attorney General’s office, the Criminal Investigation Police, etc. is required for the effective implementation of the AML law. The proposed consultancy services would assist the Government with regards to the establishment of the FCIU. The Consultants would be expected to provide assistance in areas such as the development of an enabling legislation for the FCIU, its organizational structure and staffing, procurement of equipment, the development of a manual of operations, and the recruitment and training of personnel of the FCIU. The Consultants would be required to offer a strong interdisciplinary team, comprising lawyers, organizational specialists, IT/communication specialists, investigation specialists, and trainers. CONSULTANCY SERVICES TO ASSIST THE COMPUTERIZATION OF THE PROPERTY REGISTRIES IN MOZAMBIQUE – Ref. 01/DNRN/05 The Consultants for this assignment would be required to carry out a detailed review of the current operations of the property registries in Mozambique, and develop a new operational framework for the registries, involving the computerization of the registries, and the electronic linkage of all the registries in the country. The Consultants would be expected to draft new law on the operations of the property registries and assist the passage of the law through the legislative process. The Consultants would also be required to assist the implementation of the computerization of the property registries, including the procurement and installation of equipment. The Consultants would be required to offer a strong interdisciplinary team, comprising lawyers, IT specialists, and organizational specialists. Interested consulting firms and individual consultants for any of the above services should submit, not later than 20 January 2006, an expression of interest (EoI) by email or airmail, detailing their qualifications for the specific assignment (quoting the reference numbers), to the address below: Ministry of Finance Project: FSTAP Financial Sector Technical Assistance Project Praça 25 de Junho, Nr. 380, 3rd Floor Tel: +258 21 312737/38 - Fax: +258 21 312739 Maputo, MOZAMBIQUE Attention: Jose Chichava (jchichava.fstap@tvcabo.co.mz) - Augusto Macie (amacie.fstap@tvcabo.co.mz)

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

101

Manifestation d’intérêt

CONSULTANCY SERVICES TO ASSIST THE DEVELOPMENT OF INSURANCE AND PENSION SERVICES IN MOZAMBIQUE - Ref. 01/IGS/05 The Consultants would be expected to carry out a review of the insurance regulatory framework in Mozambique (laws, including the insurance contract law and regulations), and propose improvements in order to bring the system to international standards including those related to the International Accounting Standards/International Financial Reporting Standards. They would be expected to make recommendations for extending insurance services to larger groups, e.g. micro-insurance customers. The Consultants would also be expected to develop a new Pension Funds legislation for Mozambique. Finally, the Consultants would be expected to assist the institutional strengthening of the Insurance Regulator, IGS, involving recommendation of an appropriate organizational and corporate governance structure, development of a long-term strategic and business plan, and the training of IGS staff. The Consultants would be expected to offer a strong interdisciplinary team, comprising lawyers, accountants, financial regulation and supervision specialists, and organizational specialists.


annonces classées

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP) AVIS DE SOLLICITATION A MANIFESTATION D’INTERET

Source de financement : Projet de Compétitivité et Développement du Secteur Privé (Crédit IDA 3815 DRC) N° Avis de Manifestation d’intérêt : MI/47/COPIREP/SE/CPM/2005 - Date de publication : 08/01/2006

Recrutement d’un consultant chargé du suivi du fonctionnement du GLIN en RDC Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu dans le cadre du Projet Compétitivité et Développement du Secteur Privé (PCDSP) un Crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA), Crédit IDA 3815 DRC, et se propose d’utiliser une partie des fonds de ce crédit pour effectuer des paiements autorisés au titre du recrutement d’un consultant chargé du suivi du fonctionnement du GLIN en RDC. Le Journal Officiel de la RDC est connecté depuis mars 2005 au réseau mondial de l’information juridique (Global Legal Information NetworkGLIN).

Manifestation d’intérêt

La mission du consultant, qui sera accompagné par le chef de l’équipe GLIN RDC, consiste à faire le suivi du fonctionnement de la station GLIN/RDC notamment : 1. Consolider les méthodes de travail arrêtées et les objectifs fixés des missions antérieures au sein du JORDC ainsi que renforcer les performances des membres de l’équipe GLIN –RDC

Le(s) consultant(s) intéressé(s) doit être un expert reconnu par le GLIN Central à Washington DC. Il doit avoir été responsable de l’installation d’au moins une station GLIN en Afrique et il doit avoir une expérience approfondie des méthodes de vulgarisation des textes juridiques ainsi que des connaissances de communication organisationnelle interne et externe. Le consultant sera sélectionné conformément aux procédures de la Banque Mondiale prévues par les Directives de Sélection et d’Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale publiées en janvier 1997 (mises à jour septembre 1997, janvier 1999 et mai 2002). Les manifestations d’intérêt doivent être adressées au plus tard le 23 janvier 2006 par courrier à l’une des adresses suivantes : Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques Secrétariat Exécutif (Cellule de Passation des Marchés), Immeuble SOFIDE, Croisement des avenues Lemarinel et Kisangani,

2. Présenter un projet sur l’inclusion des antennes régionales du Journal Officiel

Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo.

3. Améliorer la communication entre les sous stations et la station centrale à Kinshasa

E-mail : cpm@copirep.org ou copirep@copirep.org

Le consultant effectuera 3 missions de 2 semaines durant une période de 9 mois. Les missions se dérouleront à Kinshasa, Lubumbashi, Bukavu et Kisantu en RDC

Tél. : + 243 99 39 531 ou 081 516 98 23 Fait à Kinshasa, le 06 janvier 2006 Alex N’KUSU DONGALA SIYA Secrétaire Exécutif Adjoint

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP) AVIS DE SOLLICITATION A MANIFESTATION D’INTERET

Source de financement : Projet de Compétitivité et Développement du Secteur Privé (Crédit IDA 3815 DRC) N° Avis de Manifestation d’intérêt : MI/46/COPIREP/SE/CPM/2005 Date de publication : 08/01/2006

Recrutement d’un consultant chargé de faire une étude de l’efficacité de la REGIDESO, du cadre institutionnel et de l’organisation du secteur de l’eau urbaine en RDC Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu dans le cadre du Projet Compétitivité et Développement du Secteur Privé (PCDSP) un Crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA), Crédit IDA 3815 DRC, et se propose d’utiliser une partie des fonds de ce crédit pour effectuer des paiements autorisés au titre du recrutement d’un consultant chargé de faire une étude de l’efficacité de la REGIDESO, du cadre institutionnel et de l’organisation du secteur de l’eau urbaine en RDC. La REGIDESO est une entreprise publique financièrement autonome qui assume la responsabilité de l’alimentation en eau potable dans tous les centres urbains de la RDC. Elle est chargée du développement, de l’exploitation, de l’entretien, des installations de production et de distribution d’eau. La mission comprend entre autre les tâches suivantes : L’étude institutionnelle et de gestion afin de définir l’organisation du secteur et les modalités de gestion propres à assurer le fonctionnement autonome et financièrement équilibré du secteur de l’eau potable en milieu urbain en RDC. L’identification de toutes les mesures internes ainsi que la modification des relations de la REGIDESO avec son environnement immédiat de nature à : accroître les revenus et l’autonomie de la société ; réduire les dépenses courantes ; maximiser le rendement sur les investissements ; évaluer les mérites d’une reforme institutionnelle avec éventuellement la participation du secteur privé ; apporter les améliorations découlant de toute action non mentionnée mais jugée pertinente dans le cadre de l’étude.`

102

La mission se déroulera durant une période comprise entre 7 et 9 mois à Kinshasa et dans les principales villes de la RDC. Le(s) consultant(s) intéressé(s) devront fournir les informations prouvant qu’ils sont qualifiés pour fournir les services demandés (brochures, descriptions de missions similaires réalisées, expériences dans des conditions similaires - expertise dans la législation des entreprises publiques et dans les partenariats publics privés, disponibilités d’experts qualifiés dans les domaines de la mission, experts financiers, expert en gestion d’entreprise, ingénieur, juriste, etc). Le consultant sera sélectionné conformément aux procédures de la Banque Mondiale prévues par les Directives de Sélection et d’Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale publiées en janvier 1997 (mises à jour septembre 1997, janvier 1999 et mai 2002). Les manifestations d’intérêt doivent être adressées au plus tard le 23 janvier 2006 par courrier à l’une des adresses suivantes : Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques Secrétariat Exécutif (Cellule de Passation des Marchés) Immeuble SOFIDE, Croisement des avenues Lemarinel et Kisangani, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo. Tél. : + 243 99 39 531 ou 081 516 98 23 E-mail : cpm@copirep.org ou copirep@copirep.org Fait à Kinshasa, le 06 janvier 2006 Alex N’KUSU DONGALA SIYA Secrétaire Exécutif Adjoint

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


annonces classées

AVIS D’APPEL D’OFFRES POUR LA FOURNITURE ET L’INSTALLATION DE MATERIELS ET EQUIPEMENTS TOPOGRAPHIQUES ET INFORMATIQUES POUR LA CECCAB Date : Prêt N° : AOI N° :

26 Décembre 2005 3394/ MLI 02-2005/ PDSF

Le Gouvernement du Mali a obtenu un crédit de l’Association internationale de développement en différentes monnaies, pour contribuer au financement du Projet de Développement du Secteur Financier (PDSF). Il est prévu qu’une partie du produit de ce prêt sera utilisée pour effectuer des paiements autorisés au titre de la fourniture et l’installation de matériels topographiques et informatiques pour la Cellule Chargée de la Confection du Cadastre du District de Bamako et environs (CECCAB). Le Coordonnateur de la Cellule de Gestion du PDSF invite, par le présent Appel d’offres, les Soumissionnaires répondant aux critères de provenance à présenter leurs offres sous pli fermé, pour : la fourniture et l’installation de matériels topographiques et informatiques pour la Cellule Chargée de la Confection du Cadastre du District de Bamako et environs (CECCAB). Le présent marché est composé d’un (01) lot unique constitué comme suit :

I. II.

III. IV. V. VI.

Appel d’offres

1. Station GPS système 1200 ou équivalent pour application topographique et RTK + accessoires et trépied type GST 20 3 2. Station Totale de type TPS série 800 ou équivalent + accessoires et trépied type GST 05 4 Accessoires divers additionnels y compris : 2 trépieds de type GST20; 2 embases avec plomb optique; 4 cannes à plomb; 4 réflecteurs; Ensemble 3. 1 batterie de type GEB 121; 2 chargeurs de batterie ; 3 cartes PCMCIA Flash 16 Mo; 1 lecteur de carte PCMCIA; 2 câbles de transfert de données RS232/9pin; 1 câble d'alimentation adapté à batterie voiture; 2 parasols; 4 chaînes métalliques de 50 m 4. Table traçante couleur format A0 + accessoires 1 5. Logiciel de post traitement pour GPS 2 6. Logiciel PenMap en français 3 7. Logiciel GEO-MEDIA en français licence réseau 1 Les soumissionnaires répondant aux critères de provenance et intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’appel d’offres dans les bureaux de : La Cellule de Gestion du Projet de Développement du Secteur Financier (PDSF) BP E 5528, Immeuble Mamadou Kanda KEITA, à côté de l’Immeuble SONAVIE, Hamdallaye ACI 2000, Bamako (MALI) - Tél. : 00 (223) 229 24 77/229 24 79 - Fax : 00 (223) 229 24 78 E-mail : pdsf@cgpdsf.org Les entreprises intéressées peuvent acheter le Dossier d’appel d’offres en le demandant au bureau mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de 50 000 (cinquante mille) Francs CFA. Les dispositions des Instructions aux Soumissionnaires et celles du Cahier des clauses générales du marché sont celles qui figurent dans le " Dossier type d’appel d’offres : Passation des marchés de fournitures, Edition de Janvier 1995 mise à jour en Mars 2000. Les offres doivent être remises au bureau sus-mentionné au plus tard le mardi 7 février 2006 à 10 heures précises et seront accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à : 1 500 000 (un million cinq cent mille) Fcfa. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, mardi 7 février 2006 à 10 heures précises dans la salle de conférence de la Cellule de Gestion du PDSF, Immeuble Mamadou Kanda KEITA, à côté de l’Immeuble SONAVIE, Hamdallaye ACI 2000, Bamako (MALI) - Tél. : (00223) 229 24 77/ 229 24 79 - Fax : (00223) 229 24 78 Le Coordonnateur, Bacari KONE Chevalier de l’Ordre National

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

103


annonces classées

APPEL D’OFFRES POUR L’EVALUATION EXTERNE DE LA FONDATION POUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITES EN AFRIQUE (ACBF) La Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), la première institution africaine de renforcement de capacités, est une organisation internationale dont les membres comprennent la Banque Africaine de Développement, le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, de même que 34 gouvernements africains et non-africains. ACBF souhaite recevoir des propositions de services professionnels de consultants réputés (individus ou firmes) pour procéder à une évaluation externe de la Fondation

Appel d’offres - Divers

I. Objectifs et Etendue de l’Evaluation Les objectifs principaux de l’évaluation sont : a. d’évaluer dans quelle mesure l’ACBF a atteint les objectifs qu’elle s’est fixée dans son SMTP I (2002-2006) en matière de renforcement de capacités individuelles et institutionnelles endogènes en Afrique sub-saharienne ; b. d’évaluer la pertinence de l’ACBF en tant que catalyseur du soutien au renforcement de capacités en Afrique, particulièrement dans les domaines de compétence de base de la Fondation, et spécialement dans sa conception institutionnelle actuelle suite à l’incorporation du Partenariat pour le Renforcement des Capacités en Afrique ; et c. de formuler des recommandations visant à améliorer l’efficacité des interventions de renforcement de capacités de l’ACBF en soutien à la réduction de la pauvreté et à un développement humain durable en Afrique subsaharienne. II. Méthodologie et Résultats Attendus IIa. Méthodologie d’Evaluation L’Equipe d’Evaluation préparera une méthodologie indiquant clairement comment elle compte atteindre les objectifs de l’évaluation et comment l’ensemble de l’exercice sera mené. Elle élaborera également un programme de travail détaillé identifiant clairement les activités à entreprendre durant la revue, et qui comprendront, entre autres, celles qui suivent : • Revue de la documentation disponible à l’ACBF et interviews de personnes-clés. Une telle documentation comprendra les instruments constitutifs de la Fondation, les documents relatifs à la vision et aux stratégies, les documents de mise en oeuvre des opérations, les rapports annuels, les évaluations précédentes, les documents des Conseils d’Administration et des Gouverneurs et les circulaires internes ; • Visite au siège ACBF à Harare, Zimbabwe ; • Visites de terrain à un échantillon représentatif des projets et programmes soutenus par l’ACBF sélectionnés par l’Equipe d’Evaluation ainsi que l’analyse de documentation rassemblée à cette occasion ; • Interviews et discussions avec les bénéficiaires, les membres du Conseil Exécutif et du Conseil des Gouverneurs, la communauté des bailleurs de fonds, les responsables gouvernementaux, le secteur privé, la société civile, et les praticiens du développement ; et • Une présentation des résultats, conclusions et recommandations au siège de l’ACBF.

104

IIb. Résultats attendus et Calendrier L’Equipe d’Evaluation produira un Rapport Provisoire d’Evaluation à soumettre au Secrétariat de l’ACBF pour revue et commentaires par les divers organes de la Fondation. De tels révision et commentaires contribueront à la préparation du Rapport Final d’Evaluation. L’ACBF estime que l’évaluation nécessitera une période d’environ 3 mois, à compter du 1er février 2006. III. Composition de l’Equipe d’Evaluation L’Equipe d’Evaluation se composera d’hommes et de femmes versés dans les questions de renforcement de capacités humaines et institutionnelles, de préférence familiers de l’ACBF, ainsi que dans les défis de développement de l’Afrique et des pratiques de coopération en matière de développement. Les qualifications principales requises des membres de l’Equipe d’Evaluation couvriront les suivants : Renforcement de Capacités, Développement de Capacités, Economie, Analyse de Politiques Economiques, Formation, Interface Secteur Public/Secteur Privé/Société Civile. Les consultants intéressés (individus or firmes) sont priés de bien vouloir soumettre leurs propositions exprimées en dollars des Etats-Unis. De plus amples informations (y compris les Termes de Référence détaillés relatifs à l’Evaluation Externe) peuvent être obtenues sur le site Internet de la Fondation, www.acbf-pact.org. Les propositions doivent comporter le numéro de référence ACBFPACT/IEE/2006 sur chaque document et envoyées dans des enveloppes scellées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 20 janvier 2006 : Professor John Loxley Department of Economics University of Manitoba Room 505 Fletcher Argue Winnipeg, Manitoba R3T 5V5 - CANADA Tel : (1-204) 474 9769 - Fax: (1-204) 474 7681 E-mail: Loxley@cc.umanitoba.ca Une copie des mêmes documents devra également être envoyée à l’adresse suivante : The Executive Secretary The African Capacity Building Foundation Intermarket Life Towers, 7th & 15th Floors Cnr. Jason Moyo Avenue/Sam Nujoma Street P.O. Box 1562 Harare, ZIMBABWE Tel : (263-4) 702 931/2; 790 398/9; 700 208; 700 210 Fax: (263-4) 702 915; 792 894 E-mail: root@acbf-pact.org

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


annonces classées

BANQUE MONDIALE OFFRES D’EMPLOI POUR LES PROFESSIONNELS DE L’AUDIT La Banque mondiale, principale organisation multilatérale de promotion du développement économique dans le monde, recherche des professionnels expérimentés de l’audit pour son Bureau de l’audit interne du Caire, en Égypte. Ce bureau fait partie du Département de l’audit interne du siège de la Banque situé à Washington. Toutes les personnes recrutées seront avant tout chargées d’effectuer les audits des opérations et des activités du Groupe de la Banque mondiale dans les bureaux de pays, bien qu’elles puissent aussi être appelées à procéder à des audits portant sur les activités des services du Caire et de Washington. Les titulaires des postes auront à effectuer de très nombreux déplacements à l’étranger, essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient.

AUDITEUR (3 postes vacants)

Ecole Nationale Supérieure des Industries Agricoles et Alimentaires Section Industries Agroalimentaires Régions Chaudes

Des formations en Industries Agroalimentaires pour l’International Zones Méditerranéennes et Tropicales L’opportunité d’une carrière internationale Un environnement technologique et humain de formation de haute qualité ● Une réputation d’excellence basée sur 30 ans d’expérience ● ●

également des : Formations de Master Professionnel ou de Recherche ● Formations Continues ●

Renseignements et inscriptions 1101, Av. Agropolis - CS 24501 - 34093 Montpellier Cedex 5 - France Tel : 33 (0)4.99.23.21.50 Fax : 33 (0)4.67.61.70.55 www.ensia-siarc.agropolis.fr Contact mail : service_concours@siarc.cnearc.fr

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

Le Groupe de la Banque mondiale tient à réaliser la diversité dans ses services sur les plans des sexes, des nationalités/cultures, des races et des compétences linguistiques. Les femmes et les personnes handicapées sont encouragées à faire acte de candidature. Les candidats doivent envoyer avant le 20 janvier 2006, une copie électronique détaillée de leur curriculum vitae en anglais, en précisant l’emploi pour lequel ils postulent, sur le site web suivant :

www. worldbank.org, Référence # 060017 Page : Jobseekers Seuls les candidats présélectionnés seront contactés.

w w w. s a i 2 0 0 0 . o r g COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management ® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft ® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 APPEL GRATUIT SUR INTERNET PAR NET MEETING 166.84.191.135 SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

info@sai2000.org

105

Recrutement - Formation

Nous recherchons des professionnels de l’audit qui ont déjà eu à diriger des équipes d’audit dans le cadre des activités d’audit opérationnel et financier. La personne recrutée relèvera du chef du contrôle de gestion à Washington, et aura à planifier et à mener à bien des projets d’audit qui lui seront confiés en tant que chef d’une équipe ou membre d’une équipe. Elle aura des contacts avec des clients à tous les niveaux, y compris au niveau de la haute direction, et sera appelée à effectuer de très nombreux déplacements, généralement en Afrique et au Moyen-Orient. Ces engagements sont pour une durée déterminée de trois (3) ans. La Banque mondiale se réserve le droit de les convertir en engagements à plein temps à titre permanent. Les principales conditions à remplir par les candidats sont les suivantes : • Être titulaire d’un diplôme dans l’un des domaines suivants : comptabilité, gestion des entreprises, informatique ou domaines connexes et certification professionnelle, en tant que comptable agréé (CA), expert-comptable (CPA), vérificateur interne agréé (CIA), auditeur informatique agréé (CISA) ou diplôme équivalent ;

• Être disposé à chercher immédiatement à obtenir la certification professionnelle de vérificateur interne agréé (CIA), s’ils ne l’ont pas déjà ; • Justifier d’un minimum de 5 années d’expérience pertinente dans le domaine de l’audit interne ou externe ; • Posséder une expérience en matière de direction ou de gestion d’une équipe d’auditeurs ; et • Être apte à mener des travaux de recherche ou d’analyse indépendante et avoir l’expérience de l’utilisation des techniques d’audit assisté par ordinateur ; • Avoir de très bonnes aptitudes de communications interpersonnelles, de travail en équipe, d’analyse et de résolution de problèmes ; • Avoir d’excellentes aptitudes de communication orale et écrite ; • Posséder un niveau élevé de motivation, d’initiative et d’imagination ; • Avoir de solides connaissances en informatique, la connaissance des systèmes SAP et Peoplesoft constituerait un avantage ; et • La maîtrise de l’anglais et du français est exigée. La connaissance pratique de l’arabe, du portugais ou du russe constituerait un avantage.


VOUS & NOUS

Vos lettres ou courriels sélectionnés et présentés par Valérie Thorin

HUMEUR

Jetez-moi au trou, je suis innocent…

C

’est une histoire très curieuse qui qu’il s’agit d’une question de s’est passée dans un tribunal conscience ; mais s’agissant d’un jeune hollandais. On y jugeait une délinquant qui n’en est pas à son preaffaire de cambriolage, entre mier mauvais coup, ce n’est pas très délinquance et criminalité. Dans le box convaincant. des accusés, trois jeunes Marocains, trois Certains journalistes ont parlé de désœuvrés à la recherche d’une fortune « comportement de groupe » ou même vite faite, trois paumés qui ont peut-être de meute, ce qui est à la limite de la difPar vu trop de films. famation. Le jeune Driss, comme les La séance se déroulait normalement, Fouad Laroui loups, ne supportait pas d’être séparé de avec les questions de la cour, les interses petits camarades. Moi je veux bien. ventions des avocats, enfin, tout le bataMais d’ici à aller au violon juste pour clan judiciaire bien connu. Tout cela allait son petit continuer de faire wouf-wouf avec les autres loubonhomme de chemin et l’issue ne faisait aucun veteaux… doute. Le trio de malfrats allait écoper d’une peine D’autres ont parlé d’une sorte de code d’honde quelques années de prison, charge à eux de se neur. Peut-être que ce sont des mœurs maffieuses, réformer pour se réintégrer un jour dans la société. on ne laisse pas ses petits camarades faire un Dans la salle, au milieu du public, était assis séjour à l’ombre en profitant soi-même des douun quatrième jeune homme, lui aussi marocain, ceurs de l’été indien. mais qui n’était là qu’en tant que témoin. En fait, il y a une autre hypothèse, bien plus Appelons-le Driss. Lorsqu’il fut appelé à donner extraordinaire. Durant tout le procès, la cour a fait son témoignage, Driss commença à répondre nor- appel à des experts, des experts en psychologie des malement aux questions du président du tribunal. adolescents, en sociologie de l’immigration, en Oui, j’ai entendu parler du casse. Non, je ne suis « difficulté d’être entre deux cultures ». Bref, les pas sûr que les trois accusés en soient les auteurs. experts étaient en train de prouver par a + b que Et puis soudain, il se passe quelque chose le comportement des trois cambrioleurs était le d’extraordinaire. Driss, le témoin donc, s’arrête, résultat de circonstances dont ils n’étaient pas vrairegarde le président et les assesseurs, se tourne ment responsables. En fait, à mesure que les dépovers le public, puis il s’éclaircit la voix et déclare : sitions d’experts se succédaient, les trois petits – J’ai une confession à faire. gibiers de potence étaient en train de se transforEt voilà qu’il affirme qu’il n’était pas un vague mer en trois petits anges. Mais pas Driss ! Parce que témoin anonyme du cambriolage mais qu’il faisait lui, assis parmi le public, personne ne s’intéressait partie de la bande et qu’il avait participé aux pré- à son cas. Aucune tête d’œuf bardée de diplômes paratifs puis à l’exécution du mauvais coup. ne venait expliquer à quel point, au fond, c’était Le président de la cour est très étonné. Il un gentil garçon. Il n’était qu’un visage anonyme ordonne donc illico l’arrestation de Driss qui, de dans la foule. D’où sans doute une frustration témoin, se retrouve donc accusé. Le président, un intense, parce que lui aussi aurait voulu qu’on le peu perplexe, félicite le jeune homme d’avoir lavât de tous ses péchés, même si personne ne les écouté sa conscience et d’avoir spontanément connaissait. Au moment où il fut appelé à témoireconnu une culpabilité que personne ne soup- gner, quelque chose a dû se rompre en lui. çonnait. Il faut dire que ses trois complices, ayant Comment prouver qu’il avait un bon fond mais que ce sens de l’honneur dont certains bandits se font c’était la société qui l’avait fait graine de délingloire, ne l’avaient, à aucun moment de l’enquête, quant ? D’où sa confession. mouillé dans l’affaire. Le résultat est tout de même assez paradoxal. Alors – que s’est-il passé ce jour-là dans la Driss est en prison au lieu d’être chez lui, mais au salle de tribunal ? moins chacun sait qu’il n’a rien à se reprocher. On peut évidemment croire comme le président Paroles d’expert… ■

106

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


VOUS & NOUS

Marcel, sévère et amical

■ L’hommage que J.A.I. a rendu à Marcel Péju (voir le n° 2344) le dépeint parfaitement. L’eût-il lu qu’il aurait eu son petit sourire amical, même si ses critiques étaient parfois bien sévères. J’adresse mes condoléances à sa famille et à toute l’équipe du magazine. MAUD SISSUNG, UNE « ANCIENNE » DE JEUNE AFRIQUE, PARIS, FRANCE

Hommage à Marcel Péju

■ Je voudrais exprimer ici ma considération et mes respects pour ce grand homme de culture et d’histoire que fut Marcel Péju. Ses articles sur le Proche- et le Moyen-Orient ont toujours été d’une objectivité exemplaire. Avec sa disparition, nous perdons une très grande bibliothèque, comme on dit en Chine. Mes sincères condoléances à ses proches et à l’équipe de J.A.I. MOUSTAPHA SIBY, RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

La microfinance, pour qui?

■ Le professeur de droit

LUCIEN CAMARA, FRANCE

De la dame de fer au savoirfaire des dames

■ Dans J.A.I. n° 2341, trois

pages étaient consacrées à Ellen Johnson-Sirleaf, présidente du Liberia, première femme au pouvoir en Afrique. Un signal fort est envoyé aux chefs d’État africains: la gestion de la res publica ne sera donc plus l’affaire des seuls hommes. Je ne suis pas féministe, mais je pense que le moment est arrivé de laisser faire les dames. En RD Congo, depuis l’indépendance, la gestion du pays a été une catastrophe. Il est temps que les femmes rompent le silence et s’engagent pour un nouvel ordre politique et institutionnel.

VALENTIN B. SHUKUR, KINSHASA, RD CONGO

Travail forcé et zoos humains

■ Je trouve que ce que vous écrivez dans l’article « Survivancescoloniales»(«Lavie des livres », J.A.I. n° 2337) est aberrant. D’une part, parce que c’est en partie faux, d’autre part parce que cela ne fait qu’attiser la haine entre les peuples. Que dire des Anglais qui n’ont pas été tendres avec leurs colonies, c’est le moins qu’on puisse dire? Ils devraient au minimum s’arracher les cheveux et se repentir tous les jours de l’année... Quant aux Américains, qui n’ont pas totalement réglé leurs problèmes avec les Noirs, ils de-

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

Meilleurs vœux pour 2006 ■ Bonjour mon Ami(e) !

Je m’appelle Nestor Essindi Peu importe d’où je suis C’est l’intelligent qui nous réunit Par son contenu qui nous instruit Comme toi, je cherche ce qui luit Tel le savoir, lorsque des ténèbres il jaillit C’est pourquoi, au moment où 2005 finit Le respect du rituel me donne l’envie De m’adresser à toi aujourd’hui Pour souhaiter pour 2006 qui suit. À Jeune Afrique/l’intelligent qui nous lie À ceux qui lui donnent vie Pour son combat pour la démocratie Et l’éveil des consciences et des esprits À ses lecteurs de tous les pays À ceux à qui la vie sourit Aux plus nombreux qui se croient maudits Parce que rien de bon ne leur est servi À nos sœurs violées ou battues par leur mari À celles mariées de force contre leur avis Aux sans-voix et aux sans-abri Aux sans-emploi et aux démunis Aux oubliés de tous les circuits À ceux qui triment dur pour leur survie À ceux qui souffrent de maladie À ceux qui sont menacés pour ce qu’ils ont dit Aux prisonniers coupables de délits Aux détenus injustement punis Aux révoltés des banlieues de Paris Aux cascadeurs pour l’Europe à tout prix Aux expulsés qui voient leurs rêves évanouis À ceux qui vivent loin de leur patrie Aux miens dont j’ai la nostalgie Aux pays frères en voie d’incendie Aux victimes des conflits Des catastrophes et de nos folies À l’Afrique, Mère toujours meurtrie Par tant de blessures et de soucis Et à toi qui me lis Paix ! Liberté ! Progrès ! Là-bas et ici De m’avoir lu je te dis « Merci » ! Bonne Année ! Et bonne chance mon Ami(e) ! NESTOR ESSINDI, CABROUSSE, SÉNÉGAL

▲ ▲ ▲

Rashmi, de la Northeastern University aux États-Unis, a relevé les limites de la microfinance (voir J.A.I. n° 2343). En effet, ce n’est pas une panacée, mais je ne suis pas d’accord sur le fait que le microcrédit devrait concerner les personnes les plus modestes. Il ne s’adresse pas aux pauvres, mais à ceux qui ont une activité ou un projet économique susceptible de leur procurer des revenus. Je suis

convaincu qu’il peut devenir une alternative crédible au financement bancaire, notamment en Afrique.

107


Pourquoi J.A.I. est-il vendu si tardivement en Tunisie?

J

e vous lis chaque semaine depuis de nombreuses années, car je dirige, à Bruxelles, un service de l’Union européenne qui s’occupe du continent africain ; comme on vous l’a sûrement dit très souvent, les éclairages que donne votre publication sont précieux à qui veut suivre les affaires africaines et les comprendre. Notre direction est abonnée à votre hebdomadaire, comme vous pouvez le vérifier. Si je vous écris aujourd’hui, c’est parce que je viens d’achever un périple de trois semaines qui m’a menée du Maroc en Algérie et de l’Algérie à la Tunisie, et que j’ai été étonnée de constater que Jeune Afrique/l’intelligent était disponible en kiosque : . au Maroc, dès le dimanche matin ; . en Algérie, le lundi ; . et en Tunisie, seulement le mercredi. Les trois pays étant à la même distance de Paris, quelle est l’explication de cette grande distorsion ?

A.B., BRUXELLES, BELGIQUE

Nous sommes heureux de vous offrir

Réponse : J.A.I. arrive par avion dans les trois pays que vous avez visités dès le samedi soir (sauf exception lorsque les avions sont surchargés). Au Maroc, où il n’y a, depuis 1999, ni contrôle ni censure frappant la presse internationale importée, notre journal est distribué dans la nuit par un diffuseur diligent et en vente partout dans le pays dès le dimanche matin. Avant même qu’il le soit à Paris. En Algérie, le contrôle de la presse importée prend quelques heures, sauf exception la distribution se fait à Alger dès le lundi, un peu plus tard dans l’intérieur de l’immense Algérie. En Tunisie, cas particulier, malgré nos efforts, nous n’avons pas obtenu, jusqu’ici, que le délai de deux, trois et parfois quatre ou même cinq jours pris par le ministère chargé du contrôle de la presse internationale importée soit raccourci ou supprimé. Nous venons de le récapituler pour l’année 2005. Nous le publions ci-contre dans sa triste éloquence. ■ B.B.Y.

l’intelligent JEUNE AFRIQUE

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


VOUS & NOUS

Autorisation de Jeune Afrique/l’intelligent en Tunisie Date d’arrivée

Autorisation de diffusion

Délai/ Jours*

J.A.I.

Date d’arrivée

Autorisation de diffusion

Délai/ Jours*

Samedi 08/01/05 à 22h00

Lundi 10/01/05 à 18h00

02

2320

Samedi 25/06/05 à 22h00

Lundi 27/06/05 à 18h00

02

2297

Dimanche 16/01/05 à 23h59

Lundi 17/01/05 à 17h00

01

2321

Samedi 02/07/05 à 22h00

Mardi 05/07/05 à 9h00

03

2298

Dimanche 23/01/05 à 23h59

Lundi 24/01/05 à 16h50

01

2322

Samedi 09/07/05 à 22h00

Mardi 12/07/05 à 14h00

03

2299

Samedi 29/01/05 à 22h00

Mardi 01/02/05 à 12h00

03

2323

Samedi 16/07/05 à 22h00

Mardi 19/07/05 à 13h20

03

2324

Samedi 23/07/05 à 22h00

Mardi 26/07/05 à 12h00

03

2300

Samedi 05/02/05 à 22h00

Lundi 07/02/05 à 16h50

02

2325

Samedi 30/07/05 à 22h00

Mercredi 3/08/05 à 11h00

04

2301

Dimanche 13/02/05 à 23h59

Lundi 14/02/05 à 10h30

01

2326

Samedi 6/08/05 à 22h00

Mardi 9/08/05 à 10h30

03

2302

Dimanche 20/02/05 à 23h59

Lundi 21/02/05 à 11h00

01

Samedi 13/08/05 à 22h00

Mardi 16/08/05 à 9h30

03

2303

Dimanche 27/02/05 à 23h59

Lundi 28/02/05 à 10h30

01

2327/ 2328 2329

Samedi 27/08/05 à 22h00

Mardi 31/08/05 à 15h00

04

2330

Samedi 3/09/05 à 22h00

Lundi 5/09/05 à 13h50

02

2331

Samedi 10/09/05 à 22h00

Lundi 12/09/05 à 16h30

02

2332

Samedi 17/09/05 à 22h00

Lundi 19/09/05 à 15h30

02

2333

Samedi 24/09/05 à 22h00

Mercredi 28/09/05 à 7h45

04

2334

Samedi 24/09/05 à 22h00

Mardi 4/10/05 à 9h30

03

2335

Samedi 8/10/05 à 22h00

Mardi 11/10/05 à 12h30

03

2336

Samedi 15/10/05 à 22h00

Mardi 18/10/05 à 10h30

03

2337

Samedi 22/10/05 à 22h00

Mardi 25/10/05 à 16h45

03

2338

Dimanche 30/10/05 à 0h00

Mardi 1/11/05 à 10h00

02

2339

Samedi 5/11/05 à 22h00

Mardi 8/11/05 à 11h00

03

2340

Sam/Dim 12-13/11/05 à 22h00 Lundi 14/11/05 à 15h15

02

2341

Samedi 19/11/05 à 22h00

Jeudi 24/11/05 à 17h00

05

2342

Samedi 26/11/05 à 22h00

Mardi 29/11/05 à 12h30

03

2343

Samedi 03/12/05 à 22h00

Vendredi 9/12/05 à 12h15

06

2344

Samedi 10/12/05 à 22h00

Mardi 13/12/05 à 10h40

03

2345

Lundi 19/12/05 à 22h00

Mardi 20/12/05 à 17h40

01

2346/ 2347

Samedi 24/12/05 à 22h00

Mardi 27/12/05 à 12h00

03

03

2305

Dimanche 13/02/05 à 23h59

Mardi 15/03/05 à 9h55

02

2306

Dimanche 20/03/05 à 23h59

Mercredi 23/03/05 à 11h30

03

2307

Dimanche 27/03/05 à 23h59

Lundi 28/03/05 à 18h05

01

2308

Samedi 02/04/05 à 22h00

Mardi 05/04/05 à 9h30

03

2309

Samedi 09/04/05 à 22h00

Lundi 11/04/05 à 13h00

02

2310

Dimanche 17/04/05 à 23h59

Lundi 18/04/05 à 18h30

01

2311

Samedi 23/04/05 à 22h00

Mercredi 27/04/05 à 9h30

04

2312

Samedi 30/04/05 à 22h00

Mardi 03/05/05 à 10h30

03

2313

Samedi 07/05/05 à 22h00

Lundi 09/05/05 à 19h45

02

2314

Dimanche 15/05/05 à 23h59

Mercredi 18/05/05 à 10h00

03

2315

Samedi 21/05/05 à 22h00

Samedi 28/05/05 à 13h00

07

2316

Samedi 28/05/05 à 22h00

Mardi 31/05/05 à 11h55

03

2317

Samedi 04/06/05 à 22h00

Mardi 07/06/05 à 9h30

03

2318

Samedi 11/06/05 à 22h00

Lundi 13/06/05 à 23h30

02

2319

Samedi 18/06/05 à 22h00

Mardi 21/06/05 à 11h50

03

Août 2005 Septembre 2005

Mardi 08/03/05 à 18h00

Octobre 2005

Samedi 05/03/05 à 23h00

Novembre 2005

2304

Juillet 2005

2296

Décembre 2005

Juin 2005

Mai 2005

Avril 2005

Mars 2005

Février 2005

Janvier 2005

J.A.I.

* Nombre de jours écoulés entre l’arrivée du journal et l’autorisation de diffusion.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

109


VOUS & NOUS Portugal détenait la présidence de l’Union européenne). Un deuxième aurait dû avoir lieu au Portugal, deux ans après. La question du Zimbabwe nous a fait traîner jusqu’à aujourd’hui… Avant de quitter mon poste de ministre des Affaires étrangères au début de cette année, mon collègue et ami égyptien et moi-même avons adressé à nos homologues africains et européens une lettre proposant une feuille de route pour relancer l’initiative. Le ministre Abu Gheit était disposé à accueillir dans son pays une réunion préparatoire du sommet au niveau des ministres des Affaires étrangères. La volonté existe. Question d’opportunité ?

▲ ▲ ▲

vraient être brûlés vifs comme au Moyen Âge...! Que la France ait eu des torts, comme d’avoir abandonné les harkis, personne ne peut le nier, mais les formulations « travail forcé », « zoos humains », « esclavage », « l’inconscient colonial français qui maintient les immigrés et leurs enfants dans un statut de sujets » me laissent pantois. Le fait que les Français aient construit des hôpitaux, des écoles, des routes, des habitations (habitations qui, durant le dernier tremblement de terre en Algérie, sont restées debout), évidemment cela ne compte pas. Je suis écœurée par votre article qui ne construit rien,quin’apprendrien,mais qui dresse sûrement les gens les uns contre les autres. B.C. ROME, ITALIE

Réponse : Cet article ne

fait que reprendre des formulations utilisées dans les ouvrages commentés ou lors de déclarations publiques. Cela ne veut pas dire que l’auteur de l’article les prend à son compte. Quoi qu’il en soit, si l’idée

Viol: un fléau incurable ■ Nous, femmes d’Afrique, sommes à la merci de la soldatesque et des individus qui abusent de nos corps, sans que les autorités compétentes en disent mot. Trop, c’est trop, car ce terrible fléau ne détruit pas seulement la femme, mais tout l’avenir du continent. Nous portons les enfants dans nos entrailles, nous sommes donc l’avenir. Profaner nos corps sous prétexte de régler les haines tribales ou les conflits régionaux est inadmissible. Femme originaire du Congo-Brazzaville, je sais de quoi je parle pour avoir, à maintes reprises et sans défense, vécu cette douloureuse et traumatisante épreuve. DIVINE MALONGA, WARSTEIN, ALLEMAGNE

d’un « inconscient colonial français » peut se discuter, les termes « travail forcé » , « esclavage » et même « zoos humains » renvoient à des réalités historiquesincontestables. D.M.

Vers un nouveau sommet EuropeAfrique

■ J’ai lu avec l’intérêt ha-

bituel l’éditorial de Béchir Ben Yahmed du

10 décembre dernier (J.A.I. n° 2344). Il y écrit : « J’espère que quelqu’un osera proposer qu’un sommet Europe-Afrique se réalise tous les deux ans. » Je suis d’accord avec lui, mais j’aimerais apporter une précision. L’idée du sommet a été avancée par le gouvernement portugais en 1996. En 2000, le premier sommet a eu lieu au Caire (le

ANTONIO MONTEIRO, HAUT REPRÉSENTANT DES NATIONS UNIES POUR LES ÉLECTIONS EN CÔTE D’IVOIRE, ANCIEN MINISTRE PORTUGAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Y a-t-il un scandale Péan ?

■ Fidèle lecteur depuis

AFP/MUSADEQ SADEQ

INSTANTANÉ

En Afghanistan, un capitaine de l’armée américaine déguisé en Père Noël livrant des cadeaux aux soldats de la base de Ghazni, à l’ouest de Kaboul. 110

1990, je vous remercie pour votre intégrité. C’est la première fois que je me décide de vous écrire. Motif? Vos appréciations sur Noires fureurs, blancs menteurs, le dernier livre de Pierre Péan (voir J.A.I. n° 2343). Dans une région où le mensonge et la calomnie ont établi leur demeure depuis des années, voire des siècles, il est regrettable que vous soyez si catégorique dans la défense du général Kagamé et de ses alliés. Si vous décortiquez les dossiers concernant les trois anciennes colonies belges, Congo, Rwanda et Burundi, vous finirez par donner raison à M. Pierre Péan pour son courage de crier

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


VOUS & NOUS

KIOSQUE

THE NEW YORK TIMES Quotidien, États-Unis

La longue histoire d’un trajet de bus

L Dessin de Brookins, paru dans The Richmond Times (États-Unis) lors du décès de Rosa Parks, le 24 octobre 2005.

tout haut ce que beaucoup n’osent pas dire, malgré les multiples preuves qui éclatent au grand jour.

MICHEL HABIMANA, ITALIE

Liberté, égalité, fraternité

■ Il faut donner du travail à nos jeunes des banlieues, qui ne demandent que cela, et apprendre aux autres, à l’école, la valeur du travail. Bref, il est plus qu’urgent de montrer aux étrangers et aux jeunes qu’on veut les insérer dans le monde du travail et dans notre société, afin que liberté égalité et fraternité signifient quelque chose et qu’ils cessent d’être désespérés.

LUDOVIC BEZIEL, SAINTGEORGES-DE-DIDONNE, FRANCE

Mohamed Talbi et la Septante

CHANTAL CAILLAUD, SAINTES, FRANCE

Réponse : Nous transmettons votre courrier à Mohamed Talbi.

L’affaire Habré et nous

■ L’affaire Hissein Habré (voir J.A.I. n° 2343) est très importante pour nous, les Africains. En effet, il faudrait que certains de nos dirigeants comprennent qu’ils ne peuvent plus prendre leurs peuples impunément en otage, qu’ils ne peuvent plus violer les droits de l’homme sans que personne, dans leur pays, n’ose protester sous peine de se retrouver en prison. Une Charte africaine des droits de l’homme et des peuples a été adoptée, créant ainsi une Cour africaine du même nom. Il est temps que l’Union africaine utilise ces instruments juridiques. L’UA sera plus crédible et les dirigeants

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

▲ ▲ ▲

■ Je remercie votre journal pour les publications régulières des textes de Mohamed Talbi. Je ne suis pas musulmane, mais catholique non pratiquante. Cependant, je lis cet homme que je trouve d’une intelligence rare, hors du commun. J’aimerais le rencontrer: va-t-il parfois en France? Peut-on lui écrire ou lui téléphoner? Pourquoi n’a-t-il pas accès à la Sep-

tante [traduction grecque de la Bible hébraïque]? J’aimerais bien que vous lui transmettiez mon courrier, il faut que je parle d’une façon ou d’une autre à cet homme extraordinaire. Que Dieu lui prête longue vie. Il mérite d’être au Panthéon, s’il en existe en Tunisie.

a vie de Rosa Parks, décédée le 24 octobre 2005, est source d’inspiration, malheureusement, on ne la connaît guère. Elle est pourtant mentionnée dans les livres d’histoire, elle a fait l’objet de dizaines de biographies. Mais son histoire est présentée comme une fable moraliste et un peu simpliste.

Elle était couturière et vivait dans le centre de Montgomery, capitale de l’État d’Alabama, au sud des États-Unis. Chaque jour, pour rentrer chez elle, elle prenait le bus. Ce 1er décembre 1955 – elle avait alors 42 ans –, il n’y a plus de place dans la section avant, réservée aux Blancs. Le chauffeur lui ordonne de céder sa place à un passager blanc. Devant son refus d’obtempérer, elle est arrêtée. Ce fait déclenchera une réaction en chaîne, qui commence par le boycottage des bus de Montgomery pendant un an. La nation s’enflamme, Martin Luther King Jr devient leader de la lutte pour les droits civiques des Noirs et instaure un modèle de protestation non violente. Mais en ramenant l’histoire de Rosa Parks à l’anecdote du bus, on la coupe de l’histoire d’autres femmes extraordinaires, telles que Constance Motley, première Noire à accéder à la fonction de juge fédéral et qui a combattu pied à pied, dans les années 1950, pour la déségrégation à l’école. Rosa n’a pas décidé, un beau matin, de se rebeller contre la relégation des Noirs à l’arrière des bus, elle avait une conscience politique et militait depuis longtemps, notamment pour obtenir le droit de vote. Dès 1943, elle avait refusé d’obéir à la règle qui imposait aux Noirs de pénétrer dans les transports publics par la porte arrière. Pourtant, son éducation à l’école rurale de Pine Level ne la destinait qu’à être blanchisseuse, serveuse ou couturière. C’est l’une de ses patronnes, Virginia Durr, épouse d’un avocat blanc influent, qui a changé le cours de son existence. Membre de la section interraciale du conseil politique féminin, elle montre à son employée comment utiliser la pression politique pour faire cesser les pratiques ségrégationnistes. C’est encore par l’intermédiaire de Virginia Durr qu’elle fréquente la Highlander Folk School, dans le Tennessee. L’établissement offre un enseignement pratique à un public mixte, qui apprend à défendre son salaire, s’inscrire sur une liste électorale et s’organiser politiquement. Tous ces événements ont précédé la minute où Rosa refuse de céder son siège. Par ce mouvement délibéré et non par un geste spontané, elle déclenche ainsi une lutte qui couvait depuis longtemps. Rosa Parks avait coutume de dire que sa vie ne se résumait pas à cette arrestation. Son existence reste néanmoins un exemple pour tous ceux qui aspirent à changer la société. ■ Juan Williams 111


VOUS & NOUS

L’article que nous avons sélectionné pour vous cette semaine a été publié dans le n° 263.

Le 9 janvier

1966

À la une de ce numéro : comment les Chinois voient les Africains.

Bilan africain d’une année difficile

T

out au long de l’année 1965, les Africains et le Tiers Monde auront découvert une Amérique redoutable qui pilonne de bombes le Nord-Vietnam, matraque à Saint-Domingue, expédie des surplus alimentaires en Guinée ou en Égypte. Mourir ou se laisser protéger par la puissance occidentale, telle est l’alternative offerte par M. Johnson. Nous avons été « scientifiquement » préparés à l’idée de la guerre préventive que les États-Unis tiennent en réserve pour la Chine. Il suffit pour s’en convaincre de relire les diverses déclarations du secrétaire américain à la Défense, M. McNamara. […] Aucune véritable révolution ne s’est déclenchée sur le continent africain. La libération des pays dépendants a marqué le pas. Le soutien aux peuples en lutte pour se délivrer du joug colonial est devenu un sujet mineur depuis que les rivalités se sont installées dans le camp des mouvements de libération, le nationalisme étant d’aventure exploité comme la voie d’une carrière. […]

Le rapide survol de l’année diplomatique africaine ne saurait faire oublier que les contradictions qui paralysent l’action de l’OUA sont comme un reflet de celles que connaissent les États au-dedans, qu’il s’agisse des régimes politiques ou des options économiques. La coexistence d’États modérés et d’États révolutionnaires, adoptant les uns une voie libérale de développement, les autres une voie socialiste, a posé plus de problèmes encore. Chez les premiers, la domination de l’économie par le capitalisme étranger, difficilement dissimulable, contraint à adopter des attitudes parfois équivoques sur le plan international. Il advient alors que la modération et le réalisme coïncident avec les exigences de la stratégie néocolonialiste et impérialiste. […] Chez les révolutionnaires, le zèle doctrinal, qui n’exclut d’ailleurs pas toujours certaines compromissions, procure sans doute aux leaders des satisfactions personnelles mais prive leur pays d’investissements étrangers. ■ Justin Vieira et Jacques de Sugny

112

actuels sauront qu’ils pourront avoir un jour à répondre de leurs actes. Cette épée de Damoclès les incitera sûrement à être plus attentifs à leurs peuples et à mieux respecter les institutions de leur pays. ▲ ▲ ▲

IL Y A 40 ANS DANS J.A.

L.T., STRASBOURG, FRANCE

Philosophie ou politique?

■ Alain Finkielkraut est-il

un néoréac ? Non, c’est un réac qui se révèle jour après jour. Est-il républicain? Oui, de sa « blanche république », qu’il verrait purgée de ses Blacks fauteurs de troubles et autres Beurs empêcheurs de tourner en rond. Avant que Finkielkraut ne lui emboîte le pas, le premier à s’être publiquement interrogé sur la « couleur » de l’équipe de France de football fut JeanMarie Le Pen. Le jour de la finale de la Coupe du

monde, en 1998, au lieu de communier avec la nation et vibrer à l’exploit des Bleus, le président du FN avait raillé l’équipe blackblanc-beur et fustigé la France bigarrée. Il semble avoir fait des émules. Quand un intellectuel fait le funambule sur nos banlieues avec ses déclarations politiques dans les médias israéliens et sur les plateaux de télévision français, il dérape et risque la chute. Philosophie ou politique, il faut choisir.

ALI DARHALAL, TALENCE, FRANCE

On refait le match…

■ Dans le n° 2346-2347, il est dit que Thomas Nkono a disputé la finale de la Coupe de l’UEFA en 1987. En fait, la confrontation a eu lieu face au Bayer Leverkusen en 1988. À l’aller,

Mode d’emploi… Nous rappelons à tous nos correspondants quelques consignes et règles d’usage pour la publication des lettres dans « Vous & Nous ». Identité : les courriers postaux et électroniques doivent comporter les nom et adresse de l’auteur. Signature : le courrier peut, à la demande, être signé par des initiales ou un pseudonyme. Longueur : plus une lettre est courte, plus elle a de chances d’être publiée. Dans tous les cas, des coupes pourront être opérées avec le souci de n’altérer en rien le texte. Lisibilité : les textes manuscrits doivent être parfaitement lisibles. Contenu : écrivez-nous en toute liberté, mais sachez que nous ne publions pas les appels à la haine ou à la violence, les communiqués des partis ou mouvements politiques, les textes diffamatoires, les annonces de recherche d’ami(e) s. Adresses d’envoi : • par courrier : J.A.I. (« Vous & Nous »), 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France ; • par fax : de France au 01 44 30 19 30, de l’étranger au 331 44 30 19 30 ; • par Internet : mailbox@jeuneafrique.com « Jeune Afrique/l’intelligent » (USPS = 015883) is published weekly for $ 216 per year. « Jeune Afrique/l’intelligent » 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France, periodicals postage paid at Champlain N.Y. US, and additionnal mailing offices, POSTMASTER : Send address changes to ISM of N.Y. Box 15-18, Champlain N.Y. 129 19 1518. Pour les abonnements souscrits aux USA : INTERNATIONAL MEDIA Service, Inc. Pacific Suite 404 Virginia Beach VA 23-451 - 2983 USA — Tel. : 800-428-30-03. « Jeune Afrique/l’intelligent » is published weekly (except for two issues in August and December) by Le Groupe Jeune Afrique, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris (France). Second class postage paid at New York, N.Y. Copyright « Jeune Afrique » 2005. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite de tous articles sauf accord écrit de la Direction. Directeur de la publication : Béchir Ben Yahmed. Photogravure et flashage : OPEN GRAPHIC MEDIA Paris imprimé en CEE. Création : octobre 1960 (à Tunis). Dépôt légal : janvier 2006. ISSN 00216089. N° dans la série de l’imprimeur : 490.004.008. Imprimeur DULAC 27. Commission paritaire : 1006C80822.

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006


à Barcelone, les coéquipiers de « Tommie » s’étaient imposés 3-0. Alors que tout le monde les voyait déjà brandir la belle C3 [la coupe de l’UEFA, NDLR], les Allemands renversèrent la vapeur, remettant d’abord les compteurs à zéro (3-0) puis s’imposant aux tirs au but par 43. Je m’en souviens comme si c’était hier. J’ai eu mal pour Tommie. Chapeau quand même à ce très grand homme et bel hommage au Cameroun qui, en même temps, a su gérer deux gardiens de but d’immense valeur, quasiment « jumeaux » (Joseph-Antoine Bell est plus âgé que Tommie d’un an seulement) et surtout deux très fortes personnalités. Le papier de Faouzi Mahjoub doit nous pousser à réfléchir sur le véritable gaspillage que constitue la non-utilisation de nos champions africains, qui ne

demandent pas de contrats mirobolants, alors que les fameux expatriés, appelés naïvement « sorciers blancs », saignent sérieusement nos finances, avec la complicité des dirigeants. Avec, à la clé, des résultats honteux. Nos fédérations nationales de football se comportent exactement comme nos ministères et certaines de nos grandes entreprises, payant des dizaines de millions (de F CFA ou autres) des « coopérants », des « conseillers en communication » et autres cabinets d’audit, alors que nombre d’Africains diplômés, et même surdiplômés, jouent les vigiles sur les Champs-Élysées, ou encore apportent leur science à des entreprises occidentales. Très bonne et heureuse année 2006 à l’équipe de J.A.I. et à tous les lecteurs de l’hebdomadaire.

OBAMBÉ GAKOSSO, GISORS, FRANCE

l’intelligent JEUNE AFRIQUE

Notre sondage de la quinzaine Vous avez voté en ligne sur www.jeuneafrique.com AFRIQUE

D’après vous, qu’est-ce qui a le plus progressé en 2005 en Afrique ?

■ La démocratie . . . . . . . . . . . . . . .5,9 % ■ La croissance économique . . . .3,7 % ■ L’aide au développement . . . . . .2,7 % ■ Le rayonnement sportif et culturel .8,8 % ■ La lutte contre le sida . . . . . . .15,5 % ■ L’image du continent à l’étranger .3,5 % ■ Rien en particulier . . . . . . . . . .58,2 %

La nouvelle BMW X3 propulsée par de nouveaux moteurs. Algérie Motors S.A.R.L. 8, rue Mohamed Loubi Hussein-Dey Alger, Algérie +213 21479563 Atlantic Motors Zone Industrielle El Mina Nouakchott Mauritanie +222 5256172 Austral Automobiles 17, rue Rabefiraisana 101 Antananarivo Madagascar +261 20 22 68 787 Bavarian Auto Group Kattameya Investment Zone Area No. 1, Zone No. 10a Kattameya, Cairo, Egypt +202 4522271 Ben Jemâa Motors 16, rue de l’Artisanat Z.I. Ariana Aéroport Tunis, Tunisie +216 70 836 575 Carrefour Automobiles S.A. Croisement Cambérène x Autoroute Dakar-Fann, Sénégal +221 8398686 Coscharis Motors Ltd. 68A Adeola Odeku St Victoria Island Lagos, Nigeria +234 12 62 43 17

Le Nouveau Moteur 302, Boulevard du 13 janvier Lomé, Togo +228 222 0038 Mechanical Lloyd Co. Ltd. N°2 Adjuma Crescent South Industrial Area Accra, Ghana +233 21229312 Peyrissac Côte d’Ivoire Bd de Marseille Km 4 Abidjan 01, Côte d’Ivoire +225 21750320 S.I.V.V.A. SA Z.I. Oloumi Libreville, Gabon +241 724417 SMEIA 47, Bd Ba Hmad Casablanca, Maroc +212 22400700 Uniao Comercial de Automoveis, SARL Km 5 - Estrada de Cacuaco Mulemba Luanda, Angola +244 28 40 067 West Coast Motors Route de Porto Novo Cotonou, Bénin +229 21 33 68 96

Nombre de votes : . . . . . . . . . . . . . .3 793 Date de parution : du 20 décembre 2005 au 5 janvier 2006 BMW X3

J.A./L’INTELLIGENT N° 2348 – DU 8 AU 14 JANVIER 2006

2.0i 2.5i 3.0i 2.0d 3.0d

Le plaisir de conduire


FINCOM

SOCIÉTÉ DE FINANCE ET DE COMMUNICATION INTERNATIONALE

S.A. au capital de 15 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil — 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484

SIFIJA

Président-directeur général

Directeur général adjoint

BÉCHIR BEN YAHMED

Chargé de mission auprès du président

AMIR BEN YAHMED Vice-présidents DANIELLE BEN YAHMED ALDO de SILVA FRANÇOIS SOUDAN

Club des actionnaires DOMINIQUE ROUILLON

CIDCOM

MICHÈLE HUIBAN-LEFRANC Secrétariat DOMINIQUE ROUILLON Finances, comptabilité SOPHIE MASSON, assistée de MICHÈLE GUÉRARD et FATIHA MALOUM-ABTOUCHE Administration et juridique GENEVIÈVE LIETVEAUX et KARINE DENIAU Personnel DOMINIQUE GAUDEFROY

COMPAGNIE INTERNATIONALE D’ÉDITION, DE PRESSE ET DE COMMUNICATION

S.A. au capital de 30 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil — 75016 PARIS | RCS PARIS B 337 655 682

GROUPE JEUNE AFRIQUE

Président-directeur général

Directeurs des rédactions BÉCHIR BEN YAHMED et FRANÇOIS SOUDAN Directeurs délégués MARWANE BEN YAHMED et MAYEUL CAIRE avec GILLES LANCREY

BÉCHIR BEN YAHMED

Chargé de mission auprès du président

AMIR BEN YAHMED

Vice-présidents DANIELLE BEN YAHMED ALDO de SILVA FRANÇOIS SOUDAN Conseiller artistique ALDO de SILVA Direction des relations extérieures DANIELLE BEN YAHMED avec MAYEUL CAIRE

l’intelligent

Direction de la diffusion ● Directeur commercial HERVÉ MARC, assisté de SAMIA BOUARICHA ● Ventes au numéro SANDRA CAVADASKI, MYRIAM SENGAYIRE ● Abonnements FATIHA KOUTABI ● Courriel ventes@jeuneafrique.com Club des actionnaires DOMINIQUE ROUILLON

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

JEUNE AFRIQUE

FONDÉ À TUNIS LE 17 OCT. 1960 (46 e ANNÉE)

Édité par CIDCOM / LE GROUPE JEUNE AFRIQUE S.A., au capital de 30 millions d’euros — TVA : FR 35 337 655 682 000 33 57 BIS, RUE D’AUTEUIL – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60. Télécopieurs : Rédaction 01 45 20 09 69 Ventes : 01 45 20 09 67

Courriel : mailbox@jeuneafrique.com

DIRECTION Président-directeur général, directeur de la publication

Directeurs de la rédaction BÉCHIR BEN YAHMED FRANÇOIS SOUDAN

BÉCHIR BEN YAHMED E-mail : bby@jeuneafrique.com Vice-présidents

Conseiller artistique

DANIELLE BEN YAHMED ALDO de SILVA, FRANÇOIS SOUDAN

Directeurs délégués MARWANE BEN YAHMED MAYEUL CAIRE

avec GILLES LANCREY

ALDO de SILVA

RÉDACTION

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT

BÉCHIR BEN YAHMED ET FRANÇOIS SOUDAN

Direction Directeur délégué de la rédaction et rédacteur en chef central

MARWANE BEN YAHMED

Directeur délégué de la rédaction (logistique et développement commercial)

MAYEUL CAIRE

Rédacteurs en chef adjoints STEVE MANTAUX, DOMINIQUE MATAILLET,

TAREK MOUSSA, ELIMANE FALL et JEAN-MICHEL AUBRIET Secrétariat DOMINIQUE NOBÉCOURT et CLAUDINE DECRESSAC

LES PLUS – LES DOSSIERS LES HORS-SÉRIE - LES GUIDES ECOFINANCE

Direction GILLES LANCREY Rédacteurs en chef JEAN-DOMINIQUE GESLIN, PATRICK SANDOULY avec JEAN-BAPTISTE MAROT et JÉRÔME BESNAULT Rédacteurs en chef délégués

Conseillers

ABDELAZIZ BARROUHI, JACQUES BERTOIN, JEAN-DOMINIQUE GESLIN, SAMIR GHARBI, RIDHA KÉFI (Tunisie), DOMINIQUE MATAILLET, TAREK MOUSSA, RENAUD DE ROCHEBRUNE Rédacteurs en chef adjoints JEAN-MICHEL AUBRIET, JOSÉPHINE DEDET, ELIMANE FALL, CHERIF OUAZANI, PATRICK SANDOULY Rédaction générale PASCAL AIRAULT, FARID ALILAT, ABDALLAH BEN ALI, ÉLISE COLETTE, COUMBA DIOP, SAMY GHORBAL, YASMINA LAHLOU, JEAN-BAPTISTE MAROT, MARIANNE MEUNIER, PHILIPPE PERDRIX, CHEIKH YÉRIM SECK, ALEXANDRA SINGH-PAULIAT, VALÉRIE THORIN, FAWZIA ZOUARI

HAMID BARRADA, RENÉ GUYONNET, ZYAD LIMAM, ANNIK ROURE Collaborateurs EDMOND BERTRAND, CHRISTOPHE BOISBOUVIER, MALEK CHEBEL, BIOS DIALLO, CHEDLI KLIBI, FOUAD LAROUI, FRÉDÉRIQUE LETOURNEUX, ANDRÉ LEWIN, FAOUZI MAHJOUB, FADWA MIADI, ANNIK ROURE, LEILA SAÏD, PATRICK SEALE, MOHAMED TALBI, ALBERT TÉVOÉDJRÈ, RUOLIN ZHENG Accords spéciaux THE NEW YORK TIMES, FINANCIAL TIMES, FOREIGN POLICY, NEW YORK REVIEW OF BOOKS

RÉALISATION

ICONOGRAPHIE

CHRISTOPHE CHAUVIN

CLAIRE VATTEBLED VINCENT FOURNIER NATHALIE CLAVÉ

Premier rédacteur graphique MATHILDE RIEUSSEC (chef de service) Rédaction graphique

STÉPHANIE CREUZÉ ZIGOR HERNANDORENA Rédaction technique

NATHALIE BEDJOUDJOU PHILIPPE GUILLAUME ALEXANDRA ROY

INTERNET

SÉBASTIEN ANGÈLE

DOCUMENTATION

ANITA CORTHIER (chef de service) ANGÉLINE VEYRET SYLVIE FOURNIER FLORENCE TURENNE

INFORMATIQUE Aids-Microplus

Abonnements GROUPE JEUNE AFRIQUE B.P. 6, 59718 LILLE CEDEX 9 Tél. : 33 3 20 12 11 34 Télécopie : 33 3 20 12 11 12 Courriel : jeuneafrique@cba.fr

DÉLÉGATION GÉNÉRALE

Tunisie et Libye, Tunis

sap — 15-17 rue du 18-Janvier-1952 - 1001 Tunis Tél. : (216) 71 331 244 Télex 14403 JENAF – TN Fax : (216) 71 353 522 Directeur : RAJA SKANDRANI

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

DIFCOM Président-directeur général

DANIELLE BEN YAHMED Direction centrale CHRISTINE DUCLOS Direction relations extérieures DANIELLE BEN YAHMED avec BERNARD DOMON Secrétariat CHANTAL BOUILLET Gestion et recouvrement PASCALINE BRÉMOND Service technique et administratif

CHRYSTEL CARRIÈRE MOHAMED DIAF

AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION

S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de CIDCOM / GROUPE JEUNE AFRIQUE 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : Difcom@jeuneafrique.com.

RÉGIES

Directeur délégué JÉRÔME MILLAN, avec FLORIAN SERFATY, MASSÉRÉ

TOURÉ et CATHERINE WELIACHEW assistés de PATRICIA MALHAIRE

Annonces classées : FABIENNE LEFEBVRE, assistée de MARIE MEDINA

COMMUNICATION Directeur général DANIELLE BEN YAHMED Directeurs adjoints MAHAMADOU CAMARA, BERNARD DOMON EMMANUEL IGAH, VALÉRIE MACQUET Chargés de mission ALYA ASSAD, MARIANNE ELOMBO, MYRIAM KARBAL SPÉRANCIE K. MUTWE, DIAROUKOU SANGHO, FLORIAN SERFATY

REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES

CHINE INTERLINK CHINA, 1605 Champion Building, 287-291 Des Voeux Road Central, Hong Kong. Tél. : (5) 442286-432282 Fax : (5) 420.498. Câble : HKICMMC. TUNISIE SAPCOM, M. RAJA SKANDRANI 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 Fax : (216) 71 353 522

IMPRIMEUR DULAC 27- FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1006C80822. DÉPÔT LÉGAL : JANVIER 2006. ISSN 00216089.

POST-SCRIPTUM

Cette année, je vœux... Par Coumba Diop

LE DÉBUT D’UNE NOUVELLE ANNÉE est en général le moment où l’on s’embarrasse de bonnes résolutions avec une ferveur confiante. À chaque fois, c’est la même rengaine : les douze coups de minuit à peine égrenés, on se promet de faire mieux que les mois écoulés. Eh oui, à nouvelle année, nouvelle identité ! On veut s’améliorer, voire changer… Qui n’a jamais dressé mentalement ou par écrit sa liste de buts à atteindre au cours des 365 jours qui se profilent ? Certains décident d’arrêter de fumer (comme l’année dernière et celle d’avant), d’autres se jurent de faire plus de sport, d’obtenir une promotion, de manger plus sainement ou de perdre du poids. Vaillantes résolutions, sublimées par ce moment magique où tous les espoirs semblent permis. Malheureusement, passé l’euphorie des premiers jours, elles s’évaporent aussi vite qu’une bulle de champagne. Au bout de quelques semaines, les mauvaises habitudes reprennent le dessus. On grille une cigarette, on s’empiffre ou on se sclérose sur son canapé en étouffant ses remords sous des « à quoi bon ? » lâches mais réconfortants. Mais on ne se désolidarise pas si aisément des symboles. Les « autopromesses » du 1er janvier étant désormais passées au rang de tradition, comment se débrouiller pour arriver à les honorer lorsque le temps des fêtes n’est plus qu’un lointain souvenir ? Quelques conseils : ne vous noyez pas sous un flot d’objectifs, meilleure façon de lâcher prise en quelques jours. Ne soyez pas non plus trop sévère avec vous-même et choisissez des engagements que vous serez capable de tenir. Et si malgré les meilleures intentions du monde vous déclarez forfait au bout de dix jours, soufflez un coup et remettez ça à plus tard en vous calant sur d’autres calendriers. Si, dans la plupart des pays, le nouvel an se fête le 1er janvier, d’autres contrées le célèbrent à une date différente. Les orthodoxes commencent l’année le 13 janvier, les musulmans le 1er moharram qui tombe cette année le 31 janvier, les juifs le 1er tishri (septembre-octobre), les Chinois en février, les Thaïlandais à la mi-avril et les Indiens du Nord en automne… Autant d’occasions de repartir du bon pied. Et si vraiment vous n’y arrivez pas du tout, faites comme moi. À la question : « Quelles sont tes bonnes résolutions pour cette année ? » je réponds : « Aucune. » Celle-là, vous serez sûr au moins de la tenir pendant toute l’année ! Meilleurs vœux ! ■


E BL OIS U O M O D EUX R MÉ E D NU ENT V EN

Impossible denepaslire le numéro de décembre-janvier • POUR LES FÊTES DE FIN D’ANNÉE, un numéro double. Et d’abord, le Best of, les quinze « élus » d’Am. D’Amadou & Mariam à Mohamed El Baradeï, ils nous ont fait vibrer, en 2005 • LE SOMMET MONDIAL SUR LA SOCIÉTÉ de l’information aura été l’occasion de rouvrir le débat sur la démocratisation de la Tunisie. Analyse • IL Y A LA CHANTEUSE BLONDE, L’ICÔNE GLAMOUR de la musique noire qui a conquis le monde. Et il y a la mignonne brunette, d’origine algérienne, qui s’impose sur la scène française. Portraits de Beyoncé et d’Amel Bent • LA NÉGRITUDE, C’EST DÉPASSÉ ! Message choc du Camerounais Gaston Kelman. Interview d’un écrivain qui bouscule les idées reçues • LA CAN a fait rêver un continent pendant cinquante ans, mais elle est à un tournant de son histoire. Plaidoyer pour une autre Coupe, adaptée aux exigences du foot moderne • Et puis, et puis... un reportage sur le Liberia exsangue et sa présidente surprise ; des rencontres avec le King du basket, Tony Parker, le petit rappeur prodige, Madson Junior, Claudy Siar, la star de RFI...

Le mensuel des nouvelles générations Retrouvez

Am sur notre site internet

www.afriquemagazine.com


Sports Activity

La nouvelle BMW X3 propulsée par de nouveaux moteurs. Pour vivre le dynamisme sous toutes ses facettes. La BMW X3 est l’expression même de la sportivité. Le système de transmission intégrale intelligent xDrive transmet la puissance à la route avec une précision et une motricité optimales. Et pour faire battre encore plus vite le cœur des sportifs, la BMW X3 est disponible avec un nouveau Pack Sport M. Votre Partenaire BMW se fera un plaisir de vous laisser essayer ce condensé d’innovation et de sportivité.

Vehicle.*

*Véhicule de loisirs polyvalent ou SAV

BMW X3 2.0i 2.5i 3.0i 2.0d 3.0d

Le plaisir de conduire


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.