Olusegun Obasanjo « 10 ans au pouvoir, ça suffit »
BurkinaCôte d’Ivoire Le théâtre d’ombres
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 58e année • no 2962 • du 15 au 21 octobre 2017
Gabon Casimir Oyé Mba : « L’argent a pourri mon pays »
jeuneafrique.com
Pétrole Pourquoi les majors ne connaissent plus la crise
ALGÉRIE
La fracture entre partisans et adversaires de la politique de réconciliation nationale menée depuis 1999 demeure importante. Paix et stabilité peuvent-elles rimer avec justice ?
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ORGANISATEURS
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Économie
DISTRIBUTION
Auchan accélère au Sénégal
Malgré la chute durable des cours du baril, les géants Total, ENI, Shell et BP ont su renouer avec les bons résultats et repartir à l’assaut du continent. CHRISTOPHE LE BEC
P
lus de trois ans après la dégringolade des cours, passés de près de 114 dollars (93,80 euros) le baril en juin 2014 à 55 dollars (46,50 euros) à la mi-octobre 2017, les géants du secteur en Afrique – les français Total, l’italien ENI, l’anglo-néerlandais Shell et le britannique BP – sont enfin sortis de la crise. Au premier semestre de 2017, les quatre majors européennes, plus impliquées sur le continent que leurs consœurs américaines Exxon et Chevron, ont toutes affiché d’excellents résultats après des années 2015 et 2016 difficiles (voir infographie p 66) : 4,47 milliards d’euros de bénéfice net pour Shell, 4,38 milliards pour Total, 1,4 milliard pour BP et 983 millions pour ENI. Pour revenir dans le vert, ces grandes compagnies se sont réorganisées. Elles ont, sur le continent comme ailleurs, mis sous pression leurs équipes internes et leurs sous-traitants pour baisser les coûts des projets, gelé ou vendu leurs actifs les moins rentables, parfois renégocié la fiscalité ou le contenu local avec les gouvernements concernés, et mis en sommeil ou diminué
leurs investissements en matière d’exploration. Présentes sur tous les continents, les quatre majors européennes ont aussi largement développé leurs activités de trading en profitant d’une période dite de « contango » (avec des prix futurs escomptés plus élevés qu’aujourd’hui) propice à de juteux bénéfices pour leurs divisions de négoce. Maintenant que la « purge » et la diversification dans le trading ont porté leurs fruits, et que leurs trésoreries se sont reconstituées, les quatre mastodontes du pétrole et du gaz en Afrique repartent à l’offensive, alors que leurs concurrents plus petits – les juniors ou médiums – pansent encore leurs plaies, attendant une détente des marchés financiers pour leur emboîter le pas. Les pays africains sont naturellement des terrains de jeu privilégiés pour amorcer le retour de ces grands du secteur. Et pour cause. « Les coûts d’exploitation du continent, en particulier en Afrique de l’Ouest, sont parmi les plus bas de la planète. Sans les projets africains, ENI n’aurait jamais atteint un coût moyen de 8 dollars le baril [hors taxes, coûts financiers, de structure et de transport] en
Pourquoi les m connaissent p PÉTROLE
En attendant Boeing, l’aéronautique marocaine poursuit son ascension
PORTRAIT
Dieudonné Kamdem
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PDG du groupe Sadipin
Le pétrolier PSVM de BP, au nord-est du bloc 31, au large de l’Angola, un pays devenu clé pour les grands du secteur.
s majors ne t plus la crise
RICHARD DAVIES/BP
INDUSTRIE
64
Entreprises marchés ENI, premier producteur africain (En milliers, équivalent barils/jour)
ENI
11 22 Tunisie
23
47?
Égypte
Algérie
117
243
259
Shell
BP
88
93
185
Libye
Nigeria
35
58
90
124
Nouveaux projets
Total
353
14
98
X Production
219
Ouganda
Gabon
98
Congo
243
Angola
Mozambique
Production africaine 2016 des majors En équivalent barils/jour 986 000 671 000
SOURCE : ENI, BP, SHELL, TOTAL
ENI
Total
404 000
312 000
Shell
BP
2014, et de 7,70 dollars en 2015 », expliquait Claudio Descalzi, le patron d’ENI, lors d’une interview qu’il a accordée à Jeune Afrique, à Rome, à la fin d’octobre 2015. « Et même si les projets en offshore profond [à plus de 500 mètres sous la surface] en Afrique sont coûteux, ils restent plus compétitifs que ceux d’Europe du Nord et du golfe du Mexique », ajoutait-il. « Entre 2014 et 2016, les coûts de développement ont baissé d’environ 30 %. Chez Total, à la différence de plus petits groupes pétroliers, nous avons la surface financière pour lancer dès maintenant de nouveaux projets qui entreront en production en 2020 ou ultérieurement », nous indiquait quant à lui en juillet 2016 Patrick Pouyanné, PDG de Total, persuadé que ses puits de pétrole africains garderont une place centrale dans sa production. ENI, Total, Shell et BP repartent à l’assaut du continent, mais différemment. Ces géants européens ont été transformés par la chute des cours. Désormais très sélectifs, focalisés sur la maîtrise des coûts, aussi bien de développement des projets que d’exploitation, ils ont modifié N 0 2962 • DU 15 AU 21 OCTOBRE 2017
Part africaine de la production mondiale pour chaque major ENI
56% Total
28% Shell
13% BP
9%
leur organisation et changé de cibles en matière de type de gisement de pétrole et de gaz. Jeune Afrique fait le point sur cette transformation profonde qui impacte fortement leurs relations avec leurs partenaires: leurs employés, leurs soustraitants, les compagnies nationales et les États.
Réduction des coûts tous azimuts Après une phase de déni – d’une durée plus ou moins longue selon les compagnies –, les dirigeants des grands groupes pétroliers ont compris entre 2014 et 2016 que le prix du baril allait rester durablement entre 50 et 60 dollars. Total, qui se prévaut d’avoir anticipé la chute des cours avant ses grands rivaux, avait annoncé en avril 2014 une réduction du coût du projet angolais de Kaombo de 4 milliards de dollars, faisant passer l’investissement de 20 à 16 milliards de dollars au moment de lancer ce mégaprojet offshore au large de Luanda. Le géant français est notamment parvenu à réduire la facture en convertissant deux pétroliers transporteurs de brut (VLCC) en unités flottantes de production, stockage et déchargement (FPSO). Construire ces dernières de A à Z aurait été plus onéreux. Plus tard, Total a poursuivi cette logique partout ailleurs sur le continent. « Nous avons réduit des dépenses sur les coûts de développement des projets décidés, de 10 % à 30 % selon les segments. Pour nos coûts d’exploitation, nous cherchons à être créatifs. En Angola, par exemple, nous réfléchissons à la manière dont nous pouvons faire passer de 200 à 100 personnes les équipages de chacun de nos quatre FPSO [barges de production et de stockage en mer] », détaillait à la fin de 2014 Guy Maurice, le patron de Total pour l’Afrique subsaharienne. Chez Shell, où le même type de politique a été mis en place, mais en 2015, près d’un an plus tard, les coûts de production bruts en Afrique, qui culminaient en 2014 à 14,85 dollars le baril, sont redescendus à 11,98 dollars en 2015, puis à 9,96 dollars en 2016. Cette baisse des coûts réalisée sur les exploitations africaines du géant anglo-néerlandais les place aujourd’hui, comme en 2014, 2 dollars en dessous des coûts de production bruts moyens de la compagnie à l’échelle mondiale, gage que la direction Afrique de Shell fait toujours bonne figure par rapport à ses autres directions continentales. Ces baisses de coût n’auraient pas été possibles sans la collaboration, dès la phase avant-projet, avec les géants de la sous-traitance tels Technip, Saipem (filiale d’ENI) et Schlumberger. « Avec une entreprise comme Total, nous travaillons ensemble très en amont, nous regardons les architectures des projets et allons chercher toutes les optimisations possibles en matière de choix technologiques », explique Thierry Pilenko, le PDG de Technip, qui, sous la pression de ses grands JEUNE AFRIQUE
OPÉRATEUR POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT
L
a Société Tunisienne de Lubrifiants (SOTULUB) axe son cœur de métier sur la collecte et la régénération des huiles usagées ainsi que la fabrication et la commercialisation de graisses lubrifiantes. En 34 ans d’activité, l’entreprise dont la capacité de traitement est de 16 000 tonnes par an, produit des huiles de base régénérées de qualité répondant aux standards internationaux qui sont utilisées par toutes les sociétés de distribution des produits pétroliers telles que la SNDP, Total, Libya Oil, Shell... Tout l’intérêt des produits SOTULUB tient au fait que l’entreprise a développé, début des années 90, sa propre technologie de régénération des huiles usagées d’une configuration technique beaucoup plus simple, conciliant environnement et économie.
Outre le respect des équilibres écologiques et l’absence de déchets polluants, la formule de SOTULUB permet la réduction des coûts d’investissements et d’exploitation, la réutilisation des sous-produits, la récupération de la fraction lubrifiante supérieure à 70 % et la production d’huiles de base conformes aux exigences des grandes sociétés de distribution. Ce procédé breveté et reconnu à l’échelle l’internationale est devenu la technologie innovante de SOTULUB qui a équipé des usines de régénération notamment au Koweït, en France et récemment en Arabie Saoudite. En amont, SOTULUB a optimisé le ramassage des huiles usagées auprès de plus de 12 000 points à travers tout le territoire tunisien par la mise en place d’une structure de collecte décentralisée avec la création de dépôts de collecte
Numéro Vert 80 100 125
dans chaque zone. Ainsi collecte et régénération des huiles lubrifiantes usagées sont non seulement une solution pour une économie verte mais aussi génératrice d’emplois par la valorisation des déchets, la préservation de ressources naturelles, la protection de l’environnement et l’amélioration de la qualité de vie des générations futures. La SOTULUB dispose d’une unité de fabrication des graisses de capacité nominale de 2 400 tonnes par an, outre son potentiel d’exportation, elle occupe une position de leader sur le marché tunisien, une position de plus en plus consolidée. La SOTULUB produit quatre qualités de graisses sous différents grades NLGI répondant aux exigences de sa clientèle constituée essentiellement par les sociétés multinationales opérant dans le secteur pétrolier. Ces quatre qualités de graisses sont : la graisse calcique qui convient à toute lubrification dans des conditions peu sévères, la graisse multiservice qui convient au graissage de tous les organes de machines travaillant dans des conditions normales de charge et de vitesse et la graisse Superstabil EP qui convient au graissage de presque tous les organes des machines dans un intervalle de température entre - 20 °C et + 130 °C. La SOTULUB a mis en place un système de management intégré qualité, sécurité et environnement conformément aux normes ISO9001, OHSAS18001 et ISO14001. Cette certification constitue pour les clients de la SOTULUB une assurance quant à la qualité de ses produits et de ses services. ■
www.sotulub.com.tn
Entreprises marchés clients, a lancé en 2014 un plan d’économie de 1 milliard d’euros pour son groupe et lancé un mouvement de concentration du secteur avec l’acquisition de plusieurs autres sous-traitants. Les réorganisations ont aussi été l’occasion de réduire les coûts de structure. ENI, qui se revendique comme la première major extractrice de pétrole et de gaz sur le continent – 996 000 équivalents barils par jour actuellement, soit 57 % de sa production mondiale –, se félicite d’avoir mis en place un nouveau dispositif opérationnel dès le début de la crise. « ENI s’est véritablement transformé entre 2011 et 2014 pour devenir un groupe pétrolier intégré. Alors que nous fonctionnions comme un conglomérat, organisé en divisions bien distinctes – pétrole, gaz, raffinage et marketing –, nous avons choisi d’abolir les frontières pour créer des synergies entre les divisions, fait valoir Claudio Descalzi. Désormais, notre direction exploration étudie les possibilités à la fois pour le pétrole et pour le gaz. Une seule direction technique développe des solutions pour l’ensemble de nos projets de production », fait-il remarquer, annonçant une diminution des frais de structure de 100 millions de dollars par an, et une diminution des coûts des projets de 2 milliards d’euros sur quatre ans. Pour réduire leurs coûts, les majors ont aussi tenté de renégocier avec les autorités des pays africains le niveau de contenu local (d’emploi et de valeur ajoutée localement), même si elles se font discrètes sur ce sujet, socialement sensible. Pour Kaombo, Total, premier groupe extractif en Angola, a signé avec Luanda un accord pour économiser 1 milliard de dollars en réduisant le nombre d’heures travaillées sur place. En s’appuyant sur leur poids dans les économies locales, ces géants
essaient de faire comprendre que le niveau de contenu local demandé est parfois irréaliste – et donc trop coûteux pour eux – du fait de l’absence des compétences disponibles sur place. Reste que ce discours n’est pas audible par tous les pays. Au Nigeria notamment, avec l’arrivée du président Buhari, qui a un discours très souverainiste sur ces questions, les majors n’ont pas obtenu la flexibilité espérée.
Des résultats 2017 en forte hausse En milliards d'euros 1er semestre de 2016 1er semestre de 2017
Total ENI
Shell BP
3,4
Une sélection accrue
4,4
Après trois années de diète et deux années de gel de tous leurs nouveaux projets majeurs, les pétroliers réfléchissent maintenant à deux fois au modèle économique de ces derniers avant de le lancer. Les rares projets d’exploration ou de production nouvellement décidés – notamment en Ouganda pour Total, en Égypte pour ENI et dans l’exploration au Sénégal et en Mauritanie pour BP – sortent encore au compte-gouttes. L’âge d’or de l’offshore profond pétrolier pourrait être révolu sur le continent. « Aujourd’hui, il est plus difficile de trouver des gisements géants tels que Girassol [un bloc de Total en Angola, en offshore profond], disposant de 700 à 800 millions de barils de réserve, permettant une exploitation rentable même avec un baril à 10 dollars », reconnaissait Patrick Pouyanné en 2016. Du coup, en dehors de l’Angola, perçu comme le continuum des découvertes gigantesques du Brésil, de l’autre côté de l’Atlantique, géologues et ingénieurs des majors parient surtout sur d’autres types de gisements africains. Si, jusqu’au début des années 2010, le pétrole était le principal hydrocarbure recherché sur le continent, le gaz, perçu comme un « carburant
-0,83 0,98 1,5 4,5 -1,8 1,4 0 SOURCES : LES ÉCHOS - ENI
DR
DR
DUFOUR MARCO/TOTAL
Les acteurs de la sortie de crise
BRUNO LEVY POUR JA
66
TOTAL
TOTAL
ENI
BP
Arrivé en 2014 à la tête des activités exploration et production du géant français en Afrique subsaharienne, il a accéléré la politique de réduction des coûts.
Directeur chargé de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, il supervise notamment les activités amont de Total en Algérie et en Libye.
Vice-président chargé de l'exploration de la compagnie italienne, ce proche du PDG, Claudio Descalzi, a réorienté les activités d’exploration d’ENI vers l’est du continent.
Ancien patron de BP en Algérie, aujourd’hui responsable régional Afrique du Nord, il a poussé le développement des projets gaziers du groupe en Égypte.
Guy Maurice
N 0 2962 • DU 15 AU 21 OCTOBRE 2017
Stéphane Michel
Luca Bertelli
Hesham Mekawi
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés mais moins à Total, qui escomptait un « redéveloppement » de son bloc d’Anguille, au Gabon, qu’il a finalement abandonné. Le géant français espère avoir davantage de succès dans les eaux angolaises aux alentours de ses gisements de Girassol, Pazflor et CLOV. Les gisements onshore, moins techniques, n’ont en revanche plus la cote chez les majors. Considérés comme risqués sur le plan social, notamment dans le delta du Niger, où les relations avec les communautés locales sont difficiles pour les Occidentaux, les gisements onshore sont progressivement revendus à des juniors locales, tel Seplat au Nigeria, ou internationales, tel Assala Energy, filiale de Carlyle active au Gabon, qui ont profité du désengagement de Shell. Cependant, des projets onshore « difficiles » sont toujours d’actualité, notamment pour Total, qui compte faire avancer son projet ougandais, complexe par la viscosité de son brut, qui nécessite de gros investissements dans des pipelines dans un pays sans historique pétrolier. Sur le plan géographique, si ENI déclare privilégier ses projets dans le nord du continent – pour la proximité de l’Europe – et dans l’est – pour le meilleur accès aux marchés asiatiques –, dans les décisions d’investissements des majors, la localisation est en réalité un critère qui vient bien après le type de gisement, sa taille, le type et la qualité des hydrocarbures présents. À cet égard, l’arrivée de BP dans un projet gazier au Sénégal et en Mauritanie, aux côtés de Kosmos Energy, qui a multiplié les découvertes dans cette région, est le signe que, même si les majors ont été transformées par la crise, la géologie l’emporte sur tout le reste, aujourd’hui comme hier.
BP
SHELL
SHELL
Nommé en 2014 à la tête de la région Afrique occidentale du groupe, il a confirmé l’importance stratégique de l’Angola pour BP.
Établi à Rotterdam, il est chargé d’identifier pour Shell les opportunités… et les cessions d’actifs, comme dernièrement au Gabon.
Le vice-président exploration Amérique du Sud et Afrique est la tête chercheuse de Shell, particulièrement au Nigeria.
Darryl Willis
JEUNE AFRIQUE
Diederick Bax
L’âge d’or de l’offshore profond pétrolier pourrait être révolu sur le continent.
DR
DR
BASTIAAN VAN DE WERK/IMD
du futur » par Claudio Descalzi, a maintenant le vent en poupe, notamment chez ENI, BP et Shell. « Au Nigeria, nous sommes à la pointe des développements dans le domaine gazier depuis plus de cinquante ans, aussi bien pour des clients locaux que pour l’export de gaz liquéfié », fait valoir Sally Donaldson, un porte-parole de Shell, qui indique que la compagnie cherche à augmenter les volumes à destination du marché intérieur pour alimenter des centrales électriques. Reste que tous les projets gaziers n’ont pas la même attractivité pour les majors. Au Nigeria, où Shell est très présent, et en Égypte, où ENI a découvert le mégagisement de Zohr, qui renfermerait l’équivalent de 5,5 milliards de barils de pétrole, il y a clairement des marchés locaux – avec de larges populations – capables d’absorber tout ou partie de la production gazière pour leur électrification, avec des prix d’achat garantis par les autorités, donc moins fluctuants que ceux du baril de pétrole. En revanche, au Mozambique, où ENI a aussi fait des découvertes majeures, mais aussi en Mauritanie et au Sénégal, où BP et Total ont pris pied, ces projets, qui sont principalement tournés vers l’export, apparaissent beaucoup plus risqués et dépendants de la conjoncture internationale. Par ailleurs, ENI ainsi que Total explorent intensivement des blocs à proximité de leurs puits en exploitation, avec l’espoir d’utiliser, en cas de découverte, leurs infrastructures existantes (pipelines, barges flottantes de production, gazoducs, usines de liquéfaction…), ce qui leur permettrait un coût d’extraction réduit. Cette stratégie a porté chance à ENI en Égypte, avec la découverte de Zohr, situé à quelques encablures de ses usines de liquéfaction et de ses gazoducs déjà opérationnels,
Eugene Okpere
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© SERGEY - STOCK.ADOBE.COM.
Faire entrer la Guinée dans l’ère de l’exploration hydrocarbures
L’Office National des Pétroles (ONAP) multiplie les initiatives pour promouvoir la recherche d’hydrocarbures en Guinée. Exploration, délivrance de nouvelles licences, formation ou encore amélioration des données, aucun domaine n’est laissé au hasard.
C
réé en 2015, l’ONAP est chargé de la mise en œuvre et du suivi de la politique du gouvernement dans le domaine des activités pétrolières, aussi bien en amont (recherche et promotion pétrolière), qu’en aval (importation, stockage et distribution). Depuis sa création, dans la foulée des découvertes d’hydrocarbures réalisées au large de l’Afrique de l’ouest ces dernières années, elle promeut fortement la recherche pétrolière en Guinée.
Hyperdynamics insiste C’est ainsi que la société américaine Hyperdynamics a foré cet été le puits de Fatala à une profondeur de 5 117 mètres. Bien que ce forage n’ait n’a pas abouti à ce stade à une découverte d’hydrocarbures, l’entreprise compte prolonger sa licence auprès des l’État guinéen, convaincue que sa zone d’exploration dispose de ressources pétrolières exploitables. Les données qu’elle a recueillies sont en cours d’analyses.
RÉPUBLIQUE DE GUINÉE
Total arrive en Guinée Le groupe français Total fait de son côté son entrée dans le domaine de l’exploration en République de Guinée. L’entreprise, représentée par M. Kevin McLachlan, directeur de l’exploration à l’Exploration-production, a signé en octobre avec M. Diakaria Koulibaly, directeur général de l’ONAP, une convention d’études portant sur l’évaluation sismique des zones profondes et ultra profondes au large du plateau continental guinéen. Leader dans l’amont pétrolier
en Afrique de l’Ouest, notamment pour le développement de gisements par grands fonds, Total disposera d’un an pour effectuer une première évaluation du potentiel du bassin à partir des données sismiques existantes. À l’issue de cette période, l’entreprise aura la possibilité de souscrire à l’exploration de trois blocs. En outre, les discussions sont avancées avec d’autres requérants désireux d’investir en Guinée.
Des appels d’offres pour plusieurs licences d’exploration La Guinée, qui dispose de 22 blocs pétroliers à explorer, est en train de travailler sur les termes d’un appel d’offres pour fournir plusieurs licences d’exploration à des sociétés pétrolières. Alors que la réception des offres s’étalera sur une période de six mois, ce cycle aboutira à l’annonce des noms des bénéficiaires début 2019. Les entreprises auront la possibilité de soumettre des offres sur tous les blocs ouverts, dans le respect du nouveau code pétrolier élaboré en 2014.
Diakaria Koulibaly,
directeur général de l’ONAP
Jeune cadre spécialisé dans les hydrocarbures, Diakaria Koulibaly a été promu au poste stratégique de Directeur général de l’ONAP en janvier 2016 par le Pr Alpha Condé, président de la République de Guinée. Il dirigeait jusque-là la Direction nationale des produits pétroliers et dérivés (DNPPD) du ministère du Commerce, qui a pour mission de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière de commercialisation des produits pétroliers et dérivés. Ancien cadre de Total Guinée, Diakaria Koulibaly a désormais la tâche avec l’ONAP, directement rattachée à la présidence, de coordonner les activités des structures dédiées aux hydrocarbures en Guinée, en mettant en œuvre la politique du gouvernement dans ce domaine.
© SERGEY - STOCK.ADOBE.COM.
COMMUNIQUÉ
Formation et data, les autres priorités de l’ONAP
L’
ONAP est en charge de la constitution d’une expertise nationale dans le domaine des hydrocarbures, ainsi que de l’amélioration des données sur ses zones de recherche pétrolière. Elle a multiplié les efforts dans ces domaines depuis sa création.
Des partenariats pédagogiques en France et au Maroc Une convention de partenariat scientifique et technique a été signée en janvier dernier par
géologie pétrolière et l’exploration du sous-sol, les techniques de forage en haute-mer ou encore les contrats pétroliers.
Total et Hyperdynamics mobilisés Total assurera la formation du personnel de l’ONAP pour le renforcement des capacités opérationnelles dans le domaine de l’exploration. Dans le cadre de l’accord qui lie Hyperdynamics à la Guinée, la société américaine s’engage
ainsi été formés cette année en « survie en mer et sauvetage en hélicoptère », à l’Académie de mer d’Abidjan, en Côte d’Ivoire. Deux autres agents de l’ONAP ont été initiés à Houston, aux Etats-Unis, à l’interprétation des données sismiques.
Améliorer la connaissance du sous-sol guinéen Total s’est engagé à apporter s o n a s s i s t a n ce t e ch n i q u e dans le cadre de la mise en
place d’un centre national de données, un projet porté par l’ONAP. Les données de ses propres évaluations seront partagées, afin de mieux apprécier les potentialités en hydrocarbures du pays, de même que le seront celles d’Hyperdynamics. L’ONAP travaille avec ses partenaires au lancement de nouvelles campagnes et acquisitions sismiques 2D et 3D, ainsi qu’à la mise en place d’un site internet afin de faciliter l’accès de ses données aux opérateurs pétroliers.
De gauche à droite : Diakaria Koulibaly, directeur général d’ONAP, Ray Léonard, Président directeur général d’Hyperdynamics et Dalle Rollins, directeur général de Sapetro.
l’ONAP avec l’Institut français du pétrole (IFP training) et l’Office national des hydrocarbures et des mines du Maroc (ONHYM). Dès le mois suivant, l’IFP a dirigé une formation de cinq semaines dans les locaux de la direction générale de l’ONAP, en direction d’une soixantaine de cadres. La formation concernait des domaines aussi variés que la
également à prendre en charge les obligations non acquittées de Tullow Oil au titre de la formation du personnel de l’ONAP. Elle a déboursé près de 400 000 dollars pour la qualification de la main-d’œuvre guinéenne dans le cadre de la politique du contenu local. Des agents de l’ONAP, des Douanes, de l’Environnement et de la Préfecture maritime ont
Avec la transparence dans la gestion des appels d’offre pour la fourniture du pays en produits blancs et noirs, les factures des importations sont en parfait recul. Pour illustration, la marge du trader est depuis trois ans passée pour le produit blanc de 50$/TM à 28$/TM et, pour le produit noir, de 34$/TM à 15$/ TM. De quoi alléger les factures des marqueteurs et la pression sur les réserves de change du pays, prouvant ainsi la valeur ajoutée de la politique de réforme voulue par le chef de l’État dans ce secteur hautement stratégique
OFFICE NATIONAL DES PÉTROLES (ONAP) Minière Commandayah Commune de Dixinn (près de la station Total) - BP : 892 Conakry, République de Guinée - www.onap.gov.gn
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MENTION.
Une facture des importations en baisse
Entreprises marchés DISTRIBUTION
Auchan accélère au Sénégal Depuis l’ouverture de son premier supermarché à Dakar, en 2015, le groupe français poursuit son déploiement et vient de racheter les neuf magasins Citydia pour étendre son réseau.
KHADIM DIENG ART6PROD
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R
ien ne semble plus pouvoir arrêter Auchan Sénégal, la filiale locale du quatrième distributeur français. Implanté dans le pays depuis 2014, d’abord sous l’enseigne Atac, Auchan Sénégal a racheté à la fin de septembre les magasins Citydia, un de ses principaux concurrents. Les neuf supermarchés, d’environ 600 m2, implantés à Dakar, appartenaient à l’homme d’affaires libanais Adel Attyé, principalement actif dans l'agroalimentaire et la fourniture d’équipements électriques. Au début de 2017, le groupe Mercure international de Monaco, qui exploite la franchise Casino au Sénégal, avait entamé des négociations sans parvenir à un accord sur le prix. Selon nos informations, le réseau avait été initialement mis en vente à 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros). Avec cette acquisition, le groupe français appartenant à la famille Mulliez, qui a fait passer ses points de vente sous la marque Auchan à la fin de 2016, devient le premier réseaudedistributionsurlemarché. N 0 2962 • DU 15 AU 21 OCTOBRE 2017
Dans le quartier huppé des Almadies, à Dakar.
Pour le moment, le montant de l’opération n’est pas encore connu, et la finalisation du rachat « reste soumise à certaines conditions suspensives », explique à Jeune Afrique Laurent Leclerc, directeur général d’Auchan Sénégal. Si le responsable ne communique pas plus sur les résultats financiers de l’entreprise, il indique avoir carte blanche pour poursuivre l’offensive dans la capitale et ses environs, tout en amorçant l’implantation du distributeur dans le reste du pays. Il dirige déjà à Dakar six supermarchés et prévoit la construction d’un autre, pour un coût annoncé de 2 milliards de F CFA, à Mbour, à 100 km au sud de la capitale sénégalaise, ville qui abrite la station balnéaire de Saly. D’autres projets d’implantation sont également dans le pipeline du distributeur, dans la ville de Thiès, à 80 km de Dakar. Deux surfaces de taille moyenne devraient bientôt y être ouvertes, ainsi qu’un centre commercial de 10 000 m2. Auchan Sénégalemploie ainsi,au total, selonsadirection,600collaborateurs, dont « 98 % de Sénégalais »,
Un bachelor avec Sup de Co À la fin de septembre, le distributeur français a signé un partenariat avec l’école Sup de Co Dakar pour la mise en place d’un bachelor en commerce et distribution destiné à des jeunes triés sur le volet. À l’issue d’une formation gratuite, les diplômés pourront intégrer directement le groupe Auchan.
et compte porter cet effectif à un millier d’ici à la fin de l’année. À ces projets, il faut ajouter le réaménagement des neuf points de vente Citydia nouvellement acquis, dont le coût peut être estimé entre 1 et 2 milliards de F CFA si le groupe français les met aux normes internationales. Reste à voir comment Auchanarriveraàintégrerunréseau à la fois présent dans des zones huppées comme les Almadies et des quartiers populaires comme Liberté 6. « Certains points de vente sont difficiles d’accès pour les populations ne résidant pas à proximité immédiate. Cela pose un problème pour les rentabiliser », estime un spécialiste de la grande distribution. DÉPANNAGE. Mais Auchan, optimiste, entend demeurer fidèle à sa stratégie initiale. « Il y a trois sortes de distribution dans le pays. Le très haut de gamme, sur lequel Casino s’est positionné en se contentant de toucher 2 % à 3 % de la population. Les marchés locaux, qui captent la clientèle qui a peu d’argent. Et, entre les deux, il existe tout un tissu de supérettes de dépannage, plus ou moins modernes. Notre vœu est de proposer des magasins modernes, propres, climatisés, garantissant la sécurité alimentaire et offrant des prix au moins comparables à ceux que l’on peut trouver sur le marché », détaillait en 2015 pour Jeune Afrique Laurent Leclerc, par ailleurs ancien directeur commercial d’Auchan Supermarchés dans l’Hexagone. Contrairement à Casino, Auchan ne craint donc pas de s’implanter au sein des quartiers mi-populaires, mi-classe moyenne émergente comme Nord Foire ou Scat Urban, où Citydia exploitait deux points de vente. Dans ces zones, le distributeur a ajusté ses prix en fonction du pouvoir d’achat. Par exemple, il est ainsi facile de retrouver dans ses rayons plus d’un millier de références dont les prix n’excèdent pas 1 000 F CFA. AMADOU OURY DIALLO, à Dakar JEUNE AFRIQUE
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ILLUSTRATION : LAURENT PARIENTY POUR JA
Paris 26 octobre 2017 à partir de 18h30
Banques & Télécoms
Entreprises marchés
JÉRÔME CHATIN/EXPANSION-REA
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INDUSTRIE
Usine Safran Maroc, à Nouaceur. Le groupe a, en moins de quatre ans, lourdement investi dans le pays.
En attendant Boeing, l’aéronautique marocaine poursuit son ascension Le secteur bénéficie d’un flux continu d’investissements étrangers, à l’image de l’usine Thales inaugurée en septembre. Pour doubler de taille, elle compte plus que jamais sur un vaste projet avec l’avionneur américain.
U
n beau plan de vol. Implantations d’usines en série, partenariat avec Boeing, entrée dans les technologies du futur comme l’impression 3D… Le ciel apparaît sans turbulences pour l’aéronautique marocaine. Les exportations ont bondi de 14,6 % en 2016, à 847 millions d’euros – un record –, et de 11,3 % au premier semestre de 2017. « Nous avons créé un écosystème industriel de 10 000 emplois qui s’enrichit chaque mois », lance Hamid Benbrahim El Andaloussi. Fondateur en 2006 du Groupement des industriesmarocaines aéronautiques et spatiales (Gimas), dont il a quitté la présidence en 2016, celui qui reste l’homme-orchestre de la filière garde la tête froide mais les ambitions brûlantes : « Cela ne fait N 0 2962 • DU 15 AU 21 OCTOBRE 2017
que débuter », martèle l’ex-délégué général de Safran Maroc. Regroupée autour du Gimas et de sa centaine de membres, la filière affiche bonne mine alors que s’ouvreàCasablancace17octobrele 4e Aerospace Meeting. Rejoignant le rang des pionniers que sont Safran, UTC ou Le Piston français, Stelia, Latécoère, Figeac Aero, Daher ou encore Hexcel ont, en moins de quatre ans, lourdement investi au Maroc. Bombardier a donné le la de cette rafale d’arrivées avec son usined’aérostructuredeCasablanca ouverte au début de 2015, un projet à 200 millions de dollars d’ici à 2020. Moteur de cette accélération ? D’abord les commandes record d’Airbus et de Boeing et la montée en cadence de leurs programmes, tels l’A320neo, l’A350 ou le B777X. « La supply chain est tendue et
les équipementiers dopent leurs capacités, y compris sur la zone Méditerranée.LeMarocasuprofiter de cette fenêtre de tir », lâche un consultant. De fait, le royaume s’est taillé une position quasi unique en Afrique. Seul bémol, la filière ne comprend quedesentreprisesétrangères–àde trèsraresexceptionsprès,commeles PME de chaudronnerie et de traitement de surface EFOA ou d’usinage UMPM. Sur le continent, seule la
Le royaume fait valoir ses atouts habituels : le libéralisme, la stabilité et la logistique. Tunisie a su bâtir un secteur aéronautiquecomparable,bienquedeux foispluspetit.Maisl’agitationsociale postrévolutionluiaunpeucoupéles ailes. « Ce temps est fini. La Tunisie repart à 100 % de l’avant », assure Thierry Haure-Mirande, président du Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés d’accordpourcréerun«écosystème industriel ». Boeing promettait de constituer un réseau de sous-traitants implantés localement, avec, en vue, plusieurs centaines de millions de dollars de commandes. « L’impact global sur les emplois induits et sur l’activité est estimé à 1 milliard de dollars par an », appuie Karim Cheikh. Las! Depuis un an, rien ne s’est passé, du moins en apparence. Interrogés, le ministre Elalamy et le Gimas dénient tout « bug ». De son côté, Boeing assure à JA que « l’accord a fait de grands progrès », sans plus de précisions. Le constructeur, qui était resté silencieux depuis un an, explique avoir contacté plus « de 180 de [leurs] fournisseurs pour partager avec eux des informations sur l’aéronautique marocaine et sur les incitations proposées par le royaume afin qu’ils y envisagent une implantation ». En attendant, les enjeux de la filière sont la montée en compétences et l’intégration. Avec de bons pointspourlepremier.Thalesainauguré en septembre sur Midparc un petitsited’impression3Dmétallique pour des pièces ultra-techniques
(Gitas). Si le Maroc, sans malignité, a bénéficié de ce créneau de vol, la compétition pourrait redevenir plus rude, la Tunisie profitant de salaires et de prix du foncier moins élevés. « Le Maroc est dans une approche best cost. Avec les dispositifs de soutien, nos coûts complets sont très compétitifs », assure Karim Cheikh, président du Gimas. De fait, le royaume fait valoir ses atouts habituels, le libéralisme, la stabilité ou encore la logistique : les camions livrent l’Europe via le détroit de Gibraltar. À cela s’ajoute « une forte mobilisation de la filière et des pouvoirs publics travaillant pour développer l’industrie, les compétences et l’emploi. Cela a été un facteur clé dans l’implantation de notre deuxième usine », note Stéphane Campion, directeur industriel de Stelia, filiale d’Airbus. ACCÉLÉRATION. Ce travail s’est
Karim Cheikh, président du Gimas Il a succédé l’an dernier à l’emblématique fondateur du Gimas, Hamid Benbrahim El Andaloussi. Il est moins volubile que ce dernier mais son ambition n’en est pas moins grande : doubler la taille de D R la filière. Ce qu’il applique d’abord à son activité. Patron du Cetim Maroc, il conduit la montée en puissance de cette filiale du Centre technique français de la mécanique, qui multiplie les embauches et les investissements. Raymond L. Conner, vice-président de Boeing Il a signé voilà un an un accord à Tanger pour développer un « écosystème » Boeing au Maroc et y attirer ses fournisseurs. Cette page reste à écrire, mais le royaume était un bon client pour O ZI Raymond L. Conner. Royal Air Maroc ER /B O EING vole quasi exclusivement sur Boeing. Le constructeur entretien une relation ancienne avec le Maroc. En 2001, il a créé avec Safran et la RAM la société Matis. Seize ans plus tard, cette usine de faisceaux électriques s’est considérablement développée.
CR
JEUNE AFRIQUE
Ils jouent les premiers rôles
JO HN
articulé autour de plusieurs plans étatiques, dont le dernier en date est le Plan d’accélération industriel, lancé en 2014 par l’hyperactif ministre de l’Industrie, Hafid Elalamy.Objectif:doublerlesexportations et atteindre 33000 emplois d’ici à 2020. Pour cela, le Maroc a déroulé sa panoplie d’avantages fiscaux en zone franche ou encore de subventions (jusqu’à environ 15 % des investissements). En dépit de ses prix élevés, la zone franche aéronautique Midparc, inaugurée à la fin de 2013 et qui s’étend sur 63 ha, bientôt deux fois plus, près de l’aéroport de Casablanca, a été un facteur d’attractivité. Tout comme l’Institut des métiers de l’aéronautique, créé en 2011, et dont la capacité de formation vient d’être doublée, à 1400 stagiaires par an. « Cet outil piloté par les industriels a été un élément important dans le choix d’implanter un site en 2015 », indique-t‑on chez Figeac Aero,quiconduit25millionsd’euros d’investissement sur cinq ans avec 500 emplois à la clé. Mais la grande affaire à venir est celle de Boeing. Le 27 septembre 2016, à Tanger, Raymond L. Conner, président de Boeing Commercial Airplanes, signait devantMohammed VI un protocole
d’avions ou de satellites. Dans un autremétier,c’estl’américainHexcel qui y a ouvert cette année une usine, à 20 millions de dollars, de composites en nid d’abeilles. « Avec ces projets, appuie Hafid Elalamy, le Maroc s’inscrit dans les matériaux du futur ou l’industrie 4.0 ». De son côté, le Gimas noue de plus en plus de collaborations avec les universités. Et, à peine ouverte, l’usine Thales accueille quatre doctorants. Il s’agit donc aussi d’approfondir la filière aujourd’hui orientée autour de quatre écosystèmes: les pièces d’aérostructure, les systèmes électriques et, dans une moindre mesure, l’ingénierie et le « MRO », c’est‑à-dire les activités de services et de maintenance avion et moteur surlesquelleslepaysfondedebeaux espoirs, notamment en ciblant les compagnies africaines. PROGRÈS. Si, en matière de profon-
deur de la filière, des progrès restent à mener, par exemple dans l’approvisionnementenmatièrespremières ou encore dans les outillages ou les bureaux d’études, certains métiers « support » sont bien établis. Ainsi du traitement de surface dans des entreprises comme Casablanca Aéronautique, Lisi-Indraero ou Mecachrome. D’autres métiers apparaissent, comme la logistique industrielle avec le groupe Blondel. « Nous finalisons, indique son PDG, Grégoire Blondel, la création sur Midparc d’une plateforme consacrée à Stelia, d’où seront conduites des opérations avancées comme l’alimentation par nos équipes des lignes de production, tout comme nous le faisons en Europe. Le potentiel m’apparaît important pour ce type d’opérations à valeur ajoutée. » Autre exemple: le toulousain STTS, après avoir créé avec Royal Air Maroc un hall de peinture d’aéronefs, s’apprête à lancer sur Midparc une usine de peinture de pièces en sous-traitance. « Quand je suis arrivé il y a huit ans, témoigne le patron d’un site, je me sentais un peu seul au milieu de mon usine. Désormais, j’ai le sentiment d’être au cœur d’une vraie transformation industrielle. » PIERRE-OLIVIER ROUAUD N 0 2962 • DU 15 AU 21 OCTOBRE 2017
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