Pdf 2852 du 6 au 120915 plus mauritanie

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Enquête m6 et le scandale Laurent/Graciet

Hebdomadaire international indépendant • 55e année • n° 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

issoufou « Moi, je tiens Mes proMesses » Une interview exclusive du président nigérien

jeuneafrique.com LE pLus

de Jeune afrique

MauritaniE En noir et blanc Spécial

businEss à la recherche des classes Moyennes

18

pages

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LE pLus

de Jeune afrique

Panorama Drôle d’ambiance

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Économie Une fin d’année sur le fil du rasoir ÉlectricitÉ Énergie positive Portrait Fatimatou Abdel Malik, heureuse élue

MauritaniE

En noir et blanc

© Patrice terraZ/SiGNatUreS

Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. De quoi remettre en lumière la diversité, les contradictions et les faiblesses du pays aux mille poètes.

jeune afrique

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PUBLI-INFORMATION

BANQUE CENTRALE DE MAURITANIE SYSTÈME DES PAIEMENTS ET MODERNISATION Dans le cadre de la monétique, il y a eu une généralisation de l’utilisation des cartes interbancaires et l’accroissement de près de 25 % du nombre des guichets automatiques bancaires. En matière de modernisation et de la protection fiduciaire, un nouveau billet de banque de 1 000 Ouguiya en substrat polymère a été mis en circulation.

Abdel Aziz Ould Dahi, Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie

E

n dépit du contexte économique international peu favorable, la stabilité macroéconomique en Mauritanie a été préservée en 2014. Cependant, le pays demeure vulnérable aux chocs exogènes. Les performances enregistrées en 2014 diffèrent selon le domaine d’activités.

POLITIQUE MONÉTAIRE La masse monétaire n’a progressé que de 8,8%, reflétant la conformité des réalisations avec les objectifs macroéconomiques de l’année, notamment en matière de stabilité des prix. C’est ainsi qu’à la fin de l’année, l’inflation s’est établie à 4,7% en glissement annuel et à 3,5% en moyenne annuelle. L’absence de pressions inflationnistes et le souci de favoriser la croissance ont amené les autorités monétaires à maintenir le taux directeur et celui de la réserve obligatoire à 9% et 7%. La régulation de la liquidité s’est poursuivie essentiellement sous forme de retrait de liquidités, notamment au moyen des adjudications hebdomadaires de bons du Trésor.

SUPERVISION BANCAIRE Pour une meilleure maitrise des risques, la Banque a adopté de nouveaux dispositifs de supervision axés sur la classification des créances bancaires et la gouvernance d’entreprise au sein des établissements de crédits. L’application rigoureuse de la réglementation en matière de contrôle prudentiel s’est traduite par le retrait d’agréments à une banque et à un établissement financier spécialisé, suivi par leur mise en liquidation judiciaire. Concernant la micro-finance, la Banque a procédé au retrait d’agréments de huit institutions. Dans le même temps, ce dernier secteur a enregistré l’arrivée d’un nouveau réseau constitué de 30 institutions de micro-finance. Ces mesures ont été accompagnées par le renforcement des ressources humaines. ENVIRONNEMENT JURIDIQUE Le projet sur la nouvelle loi bancaire prévoit des dispositions visant à renforcer les capacités de la Banque en matière de prévention et de résolution des crises, afin qu’elle assure pleinement sa fonction de supervision des établissements de crédit. Quant au projet de loi portant statuts de la BCM, il prévoit de renforcer l’autonomie de l’institution et de la doter de nouvelles instances susceptibles de lui permettre de mieux accomplir ses missions. Compte tenu du développement récent de la finance islamique, un cadre juridique adapté à ce type d’opérations bancaires est en cours de préparation avec l’appui d’un cabinet spécialisé.

BANQUE CENTRALE DE MAURITANIE B.P. : 623 – Nouakchott, Mauritanie - Tél. (+222) 45 25 22 06 - Fax (+222) 45 25 27 59 - www.bcm.mr

DIFCOM/FC - Photos : DR

BALANCE DES PAIEMENTS Le solde déficitaire des échanges commerciaux s’est en effet alourdi de plus de 82% pour se chiffrer à 215,2 milliards d’Ouguiya en 2014, sous l’effet d’une diminution des recettes d’exportation de 26,6% qui a largement absorbé la baisse de 13% enregistrée par les importations. Le déficit des transactions courantes s’est alourdi de 16,6% pour s’établir à 444,7 milliards d’Ouguiya, soit 29% du PIB en 2014 contre 25% en 2013. Parallèlement, le solde positif du compte de capital et d’opérations financières s’est rétréci de plus de 22% pour se situer à 369,9 milliards d’Ouguiya. Compte tenu de ces évolutions, le solde global de la balance des paiements est ressorti déficitaire de 93,5 milliards d’Ouguiya. Cette situation s’est traduite par une baisse des réserves de change de la BCM dont le niveau est revenu en fin 2014 à USD 639,1 millions, soit 4,5 mois d’importations de biens et services (hors industries extractives) contre 5,7 mois en 2013.

POLITIQUE DE CHANGE La mise en œuvre d’une politique de taux de change orientée vers la stabilité externe de la monnaie nationale a permis de stabiliser le taux de change nominal de l’Ouguiya en moyenne annuelle, par rapport au dollar et à l’euro. En termes de glissement annuel, il a enregistré une dépréciation de 4,5 % par rapport au dollar et une appréciation de 7,8 % vis-à-vis de l’euro.


LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

de Jeune Afrique

MAURITANIE En noir et blanc

Prélude Mehdi Ba

Lignes de faille

«

O

ùarrivelacaravanequi mois avant d’être renversé par un putsch. Si se hâte arrive la caravane qui son tombeur, l’actuel président Mohamed Ould abdelaziz, après deux élections au marche lentement », dit un proverbemaure.Pourautant, suffrage universel, est parvenu à faire oublier en Mauritanie, un peu d’empressement ne à la communauté internationale son passé de général putschiste, la classe politique nuirait pas. car malgré les réussites affichées cesdixdernièresannées,lepaysrestesoumis mauritanienne s’est quant à elle refusée ces à des lignes de fracture encore vives qui dernières années à prendre part à une vie entravent sa marche vers le progrès. politique qu’elle estime biaisée par la mainla principale d’entre elles est identitaire mise d’un clan qui s’appuie sur les casernes et ressurgit à intervalles réguliers. le nom – quitte à pratiquer une stérile politique de même du pays en porte les germes. il renvoie la chaise vide. à l’antique « territoire des Maures ». Or la population mauritanienne ne se limite pas Bien sûr, la Mauritanie d’« Aziz » a fait aux descendants des tribus arabo-berbères du chemin depuis les années de braise où qui, venues du Sahara ou du Moyen-Orient, les crispations identitaires pouvaient donner s’y sont installées au fil des siècles. Si leurs idiomes ont le Depuis son premier coup d’État, statut de langues nationales, en 1978, l’armée a planté sa tente lescommunautésditesnégroau palais présidentiel. mauritaniennes (Halpulaars, Soninkés et Wolofs) stigmatisent de longue date un mode de goulieu à une répression sanglante. les indivernance où les ressources et les postes à cateurs économiques sont encourageants, responsabilité seraient accaparés par les diverses réformes traduisent une embellie Beïdanes (« les Blancs ») en vertu d’un apardémocratique et certaines mains tendues theid non écrit. à l’opposition ou au mouvement négromauritanien ont donné l’impression d’un La seconde fracture est culturelle. au volontarisme assumé pour que l’« unité sein de la société maure traditionnelle, nationale » et la « diversité culturelle » vanla subdivision en castes a accouché d’un tées par le régime ne restent pas une vitrine anachronisme régulièrement vilipendé par meublée de bonnes intentions. les OnG et les médias internationaux : la l’actualité des derniers mois – emprisonpersistance d’un esclavage domestique qui nement d’un militant de la lutte antiesclatouche encore 4 % de la population. Bien vage,non-homologation d’un parti politique qu’arabophones, les « Maures noirs » sont de la mouvance négro-mauritanienne, refus durablement cantonnés dans la cave, sans obstiné de l’opposition de s’asseoir à la table espoir de s’asseoir un jour à la table de la du chef de l’État… – laisse toutefois craindre salle à manger. nés pour servir, ils ont fini un raidissement entre le président et ses par constituer un mouvement abolitionniste détracteurs, chacun accusant son interqui n’est pas sans rappeler le mouvement locuteur des pires turpitudes. américain pour les droits civiques. rééluenjuin2014,OuldabdelazizsedonTroisième traumatisme: l’accaparement nera-t-il les moyens de réduire les fractures du pouvoir par les militaires. Depuis son héritées de l’Histoire, afin de réconcilier la premiercoupd’État,en1978,l’arméeaplanté société mauritanienne avec elle-même ? sa tente au palais présidentiel. le seul civil à Dans le cas contraire, les Mauritaniens « de accéder àlamagistraturesuprêmeen prèsde second rang » continueront d’attendre qu’arquarante ans, Sidi Mohamed Ould cheikh rive à bon port, lentement mais sûrement, abdallahi, n’aura dirigé le pays que seize la caravane de leur Mandela. ● jeune afrique

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Panorama Drôle d’ambiance

p. 60

Sécurité Le jihad, c’est de l’histoire ancienne

p. 64

DiPLomatie Fini le tropisme maghrébin

p. 66

PoLitique Dialogue en pointillés p. 68 Société civiLe La parole est à la défense… des noirs p. 72 économie une fin d’année sur le fil du rasoir

p. 74

éLectricité énergie positive

p. 76

mineS L’or rit jaune

p. 78

Portrait

Fatimetou abdel malik, heureuse élue p. 81

Lire aussi l’interview de Moussa Bagayoko, capitaine des Mourabitounes

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Le Plus de Jeune afrique

Drôle d’ambiance

mauritanie

p La capitale, en août. En arrière-plan, un immeuble en construction de la Société nationale industrielle et minière (Snim).


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À l’évidence, pourtant réélu depuis à peine plus d’un an, le 21 juin 2014 (avec 81,89 % des voix au premier tour), le président est en campagne. Il « laboure » méthodiquement le territoire, sans oublierlescommunesreculées.Élucomme«président des pauvres », il proclame son intention de combattre la misère et la corruption. Le parti majoritaire, l’Union pour la République (UPR), s’est mis au diapason en offrant aux nécessiteux des repas de rupture du jeûne lors du ramadan, ALAin FAUJAS, envoyé spécial que Tawassoul, le parti d’obédience islamiste modérée, était seul à servir. Dans certains quarl règne à Nouakchott une atmosphère tiers déshérités, le pain coûte moins cher, car bizarre. Le président Mohamed Ould subventionné par le gouvernement. Abdelaziz préside absolument ; l’oppoLes satisfecit ne manquent pas. Plus un seul sition s’oppose systématiquement. Les attentat depuis quatre ans et demi (lire pp. 64-65). médias officiels encensent plus que de Nouakchott s’améliore. « Il n’y a pas photo, raison ; les autres dénoncent à tout-va. approuve Pierre-Jean Barbet, responsable de Rien que de très habituel dans ce jeune État où l’agence Apave International, spécialisée dans la les militaires ne sont jamais loin. maîtrise des risques, et président des conseillers Tout devrait être calme. Pas d’élections à l’hori- du commerce extérieur français en Mauritanie. zon, plus de terroristes dans le collimateur. Il Sous Mohamed Ould Abdelaziz, la capitale a y a bien eu un léger remaniement ministériel changé d’aspect et la sécurité y est bien réelle. » En matière de religion, le régime zigzague, le 2 septembre, qui porte essentiellement sur des permutations de portefeuilles, avec tout de peut-êtreparcequelechefdel’Étatestunhomme même trois entrants. Hamadi Ould Meimou, moderne, mais pieux et sensible aux indignaambassadeur auprès de l’Union africaine, prend tions populaires. En positif, citons la répression le portefeuille des Affaires étrangères et de la contre les fanatiques qu’ils soient imams ou non, le week-end à nouveau fixé au samedi et Coopération. Ahmedou Ould Abdallah, gouverneur du Brakna (Centre-Sud), a été nommé au dimanche, et une liberté de la presse presque à l’Intérieur. Et Mohamed Lemine Ould Cheikh, débridée. À l’opposé figurent l’interdiction de député de Wad-Naga (Sud) et personnalité clé de la consommation d’alcool, y compris pour les la majorité, devient ministre des Relations avec non-musulmans, la polémique autour d’une le Parlement et la société civile (département chanteuse ayant commis un clip cheveux au de tutelle des médias), porte-parole du gouver- vent et, surtout, la condamnation à mort pour nement. Il remplace Izidbih Ould Mohamed apostasie d’un jeune « forgeron » qui comparait Mahmoud, seul débarqué de le sort de sa classe sociale avec l’équipe de Yahya Ould Hademine, celui que connaissaient les castes Du côté de le Premier ministre, qui reste à inférieures du temps du Prophète l’opposition, (lire pp. 72-73). Il ne sera pas exéla barre. Il y a bien la chute des cours du cuté,maiscettejusticerendueaux c’est la fer, de l’or et des hydrocarbures, cris de la populace est destinée pagaille. qui inquiète à juste titre les grands aux franges les plus traditionaL’unanimité argentiersdupays,maislapluie,de listes de l’opinion. d’antan est bel retour, semble annoncer de beaux pâturages et éloigner toute famine. et bien révolue. PAGAiLLE. Du côté de l’opposiEt pourtant, la Mauritanie est tion, c’est la pagaille. En appamorose. « Nous avons l’impression de jouer et rence, la plus grande partie se retrouve au sein de rejouer sans cesse la même pièce, soupire du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU, lire pp. 68-69) ou de la Convention pour Mohamed Fall Ould Oumeir, le directeur de l’hebdomadaire La Tribune. Chez nous, il n’y l’alternancepacifique (CAP).Rassemblementdes a toujours pas de démocratie, et nos hommes forces démocratiques (RFD), Union des forces de politiques préfèrent se préoccuper de choses progrès (UFP), Tawassoul, etc.: tous sont d’accord secondaires. » Faisons le tour de la scène du pour dénoncer un régime issu d’un coup d’État pouvoir et de ses différents acteurs pour com- et l’appropriation de l’économie nationale par le prendre un tel désenchantement. campmajoritaire.SaufqueTawassoulabrisécette

Le pays a rarement été aussi calme. Un an après la confortable réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, les politiques se concentrent sur… la présidentielle de 2019. Et en attendant, rien ne semble plus bouger.

© Lee Gottemi pour J.A.

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Le Plus de J.A. Mauritanie belle unanimité en participant aux législatives de 2013, qu’ont boycottées ses partenaires du FNDU. Deuxième parti représenté au Parlement, il est devenu le chef de file de l’opposition officielle, mais proclame, par la bouche de Hamdy Ould Brahim, son secrétaire général : « Nous faisons toujours partie du FNDU. » Un pied dedans, un pied dehors… « Notre opposition a plusieurs défauts, analyse l’éditorialiste Mohamed Fall Ould Oumeir. Elle veut tout et tout de suite. Elle n’a pas su dégager de figures de leaders. Sa capacité de proposition est quasimentnulle.»KissimaDiagana,le rédacteuren chef de La Tribune, enfonce le clou: « Le président est actif et l’opposition, passive. Elle se contente de publier des communiqués et roule en 4×4. » Dans ces conditions, comment conduirait-elle le bouleversement social qu’elle annonce jour après jour? THÉORIE ET HYPOTHÈSES. La grande inconnue concerne la présidentielle de 2019. Le chef de l’État ne peut plus être candidat puisque la Constitution l’empêche de briguer un troisième mandat. Même impasse du côté de l’opposition, où les plus connus seront concernés soit par la limite d’âge constitutionnelle de 75 ans, soit par la limitation du nombre de mandats à la tête d’un parti. Ce grand vide (théorique) ouvre la porte à toutes les spéculations, car l’alternance semble inévitable, et personne ne La Constitution interdit peut en prédire le résultat. « Tout est au chef de l’État de possible », constate Ahmed Ould briguer un troisième Cheikh, directeur de l’hebdomamandat. daire Le Calame, plutôt pessimiste sur l’évolution vers un régime civil tant « les militaires sont incompatibles avec la démocratie ». Les hypothèses abondent. Hypothèseno 1:lamodificationdelaConstitution pour permettre au sortant de se représenter une troisième fois à la présidence. « Nous sommes contre,rétorqueHamdyOuldBrahim,deTawassoul, et les militaires aussi. » Hypothèse no 2: la solution « russe » de Vladimir Poutine, qui verrait le président devenir Premier

ministre après avoir installé un homme à lui à la présidence. « Impossible, il n’a confiance en personne », répond Hamdy Ould Brahim. Hypothèse no 3: un coup d’État du président et l’instauration de la loi martiale à la suite d’un attentat terroriste, en escomptant que les partenaires occidentaux fermeront les yeux. « Risqué, poursuit le responsable de Tawassoul. Et puis on en a marre de cette intrusion des militaires qui déboucherait inévitablement sur la même impasse! » Hypothèse no 3 bis: retarder in extremis les élections de 2019 en prétextant la préparation d’un coup d’État par l’opposition et en escomptant là encore l’indulgence complice de la communauté internationale. Hypothèse no 4: accélérer le processus électoral. Ce serait la solution la plus subtile et la plus délicate à mettre en œuvre, car elle suppose l’accord de l’opposition. Il s’agirait pour le pouvoir de proposer à celle-ci un accord donnant-donnant: des législatives et une présidentielle anticipées permettraient aux chefs de l’opposition de devancer la limite d’âge, à leurs partis de retrouver des sièges qui leur manquent cruellement (et, par là même, une crédibilité écornée) et au chef de l’État de se représenter… sans que cela constitue un troisième mandat. Les tractations conduites à tâtons, cette année, entre majorité et opposition dans le cadre d’un « dialogue » plusieurs fois avorté seraient les préliminaires à cette stratégie. FRUSTRATIONS. Conclusion ? Aucune. « Nous

souhaitons que le meilleur gagne grâce à des conditions égales pour tous et que les militaires prennent leurs distances, répond Ahmed Kharachi, secrétaire de Tawassoul chargé des affaires extérieures. Malheureusement, tout dépend du pouvoir et nous ne savons pas ce qui va se passer. C’est un grand point d’interrogation. » Cette absence de perspectives explique la morosité des élites et les frustrations qui s’expriment à tous les étages d’une société d’autant plus à la recherche de ses équilibres que les trois quarts des Mauritaniens ont moins de 40 ans. Un changement de génération débloquera-t-il la situation? ●


CHAMBRE DE COMMERCE, D’INDUSTRIE ET D’AGRICULTURE DE MAURITANIE

« Allah aime si l’un de vous accomplit un travail qu’il le soigne. »

Rencontre UNICEF-CCIAM avec le Secteur Privé Mauritanien.

D

ans un monde et une région Sahélo-Maghrébine subitement en proie à beaucoup de difficultés, le climat sociopolitique, de nos jours, n’est pas souvent favorable au décollage et au développement économique. Dans ce contexte particulièrement agité, la Mauritanie, en dépit de toutes les contingences, s’affirme de jour en jour comme étant un pôle attractif pour les investisseurs étrangers comme nationaux.

En effet sa position géostratégique, sa longue côte poissonneuse et les très importantes richesses que recèlent son sol et son sous-sol constituent incontestablement un véritable levain de son développement futur. Aussi les récentes découvertes d’importants gisements de gaz naturel et de phosphate et la déclaration de la Mauritanie comme pays conforme à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) sont de bons augures et constituent en elles-mêmes une belle promesse d’avenir.

Signature d’un Protocole de Coopération entre la CCIAM et l’Autorité Arabe pour l’Investissement et le Développement Agricole (AAAID).

Signature Protocole Accord entre la CCIAM et l’Union Générale des CCI des Émirats Arabes Unis.

se doit de redoubler d’efforts et de multiplier les actions en faveur du renforcement de la confiance de tout investisseur.

Le protocole de ce nouvel acte de coopération, qui a pour objectif de consolider et de renforcer l’opérationnalité de la CCIAM comme organisme intermédiaire dynamique vient d’être signé. Ce nouvel accord porte à 72, le nombre de protocoles de coopération conclus à cette date avec des partenaires de pays frères et amis.

C’est dans cette optique que l’arrêté portant création du Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Mauritanie (CIMAM) près la CCIAM a été signé le 18 avril dernier. Cette institution permanente de médiation et d’arbitrage a pour finalité de contribuer au renforcement des liens de confiance, nécessaires au développement des affaires, en valorisant la médiation et l’arbitrage comme modes appropriés de résolution des conflits. La mise en place de cet outil a été faite en concertation avec plusieurs chambres de commerce arabes, africaines et européennes ayant déjà créé des Centres de Médiation et d’Arbitrage performants. À ce sujet, il y a lieu de mentionner d’autres initiatives visant à renforcer les capacités du secteur privé tel le projet d’appui au développement de la mésofinance en Mauritanie, exécuté depuis 2012 en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD) et tout récemment le projet de compagnonnage consulaire initié avec l’appui de l’AFD et de la Conférence Permanente des Chambres Consulaires Africaines et Francophones (CPCCAF).

Signature de l’arrêté portant création du CIMAM par le Ministre de la Justice et la Ministre du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, en présence du président de la CCIAM.

Toutes les actions ainsi menées visent d’une part une diversification des services orientés vers les TPE-PME mauritaniennes et d’autre part à favoriser l’éclosion et l’émergence de jeunes compétences et d’ambitions légitimes, nécessaires pour l’exploitation rationnelle des ressources naturelles de toutes les régions du pays. Nul doute que la CCIAM, Institution Consulaire d’un pays nanti de ressources considérables variées et très peu exploitées, Chambre aujourd’hui assumant la présidence de l’Union Générale des Chambres de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture des Pays Arabes et assumant la Vice-présidence de la CPCCAF pour la zone Afrique du Nord, doit œuvrer vivement à tirer le meilleur parti de ces divers atouts pour inspirer et rassurer tous les opérateurs et investisseurs économiques étrangers et nationaux. ■

8e Forum Arabo-Allemand de la Santé, en présence de Ministres Allemands, du Ministre Tunisien de la Santé, du Président de la Chambre Arabo-Allemande et du Président de l’Union Générale des CCIA des Pays Arabes.

CCIAM - 303, avenue de l’Indépendance - BP 215 Nouakchott - Mauritanie - Tél. : (222) 45 25 22 14 / Fax : (222) 45 25 38 95 E-mail : info@chambredecommerce.mr - Site Web : www.chambredecommerce.mr

DIFCOM/FC - Photos : DR

PUBLI-INFORMATION

En appui à cette nouvelle situation et plus que jamais, la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie (CCIAM) qui œuvre à l’amélioration du climat des affaires dans notre pays,

Signature Convention Compagnonnage Consulaire entre la CCIAM et la CCI de Marseille en présence de Ministres Mauritaniens, du Ministre Français des Finances et des Comptes Publics et de l’Ambassadeur Français en R.I.M.


Le Plus de J.A. Mauritanie

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SÉCURITÉ

Le jihad, c’est de l’histoire ancienne Oubliés, les attentats des années 2007-2011 ? L’État semble être parvenu à bouter le terrorisme hors de ses frontières.

S

il est un domaine qui fait l’unanimité en Mauritanie, c’est la politique sécuritaire. En quatre ans et demi, il n’y a pas eu le moindre attentat sur le sol national. Alors que de 2007 à 2011 les sinistres épisodess’enchaînaientetfaisaientlesgros titres des médias locaux et internationaux – assassinat de quatre Français près d’Aleg (250 km à l’est de la capitale), bataille rangée, attentat-suicide et assassinat d’un Américain à Nouakchott, enlèvement de trois membres d’une ONG espagnole sur la route de Nouadhibou, attaque d’une patrouille dans l’Adrar (quinze morts)… –, depuis février 2011, le calme règne au « pays des mille poètes ». Dans une région où le terrorisme ensanglante presque tous les territoires, cela mérite d’être souligné. Et l’on comprend la fierté que ressentent les Mauritaniens devant cette pacification réussie. Pour l’instant. Plusieurs ingrédients ont contribué à ce succès. Le gouvernement et l’armée ont joué sur l’ensemble du clavier. Sagement, ils ont pratiqué la prévention en mobilisant

savants et oulémas pour aller démontrer aux jeunes nomades des zones oubliées, à la frontière avec le Mali, que l’islam malékite prône la tolérance et non la violence. Ces hommes de la Loi ont aussi pris le chemin des prisons pour y convaincre les terroristes capturés qu’ils n’avaient rien compris au Coran. Le repentir de ces fidèles dévoyés leur vaut liberté contre promesse de ne plus recommencer. Cette approche religieuse et psychologique ne suffisant pas, l’armée a été rénovée, des postes-frontières ont été créés, des forces spéciales instituées. « Nous en avons fini avec l’armée de minables qui nous faisait honte ! » explique un haut responsable. Les patrouilles, qui avaient à peine assez de carburant pour surveiller les chèvres et les moutons de leurs supérieurs, ont reçu l’essence et les armements nécessaires. On a misé sur la formation de spécialistes, par exemple pour la maîtrise des matériels et des techniques indispensables à l’appui aérien, avec le concours des militaires français (infanterie de marine et Légion) de la base

 Opération depuis le plateau de l’Adrar (Nord).

d’Atar, dans l’Adrar. Les bombardements par les Super Tucano de l’armée de l’air y ont gagné en efficacité. autonomie. L’offensiveétantlameilleure

des défenses, des commandos ont été formés sur le modèle de ceux des salafistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou des Touaregs d’Ansar Eddine, c’est-à-dire qu’ils ont été dotés de véhicules tout-terrain modifiés pour gagner en autonomie et pourvus d’un équipage de quatre hommes disposant d’un armement lourd, ce qui leur a permis de poursuivre victorieusement leurs adversaires loin en territoire malien. Les services de renseignements ont eux aussi gagné en efficacité grâce à un réseau

© ecpad

 Des militaires français forment les troupes mauritaniennes au guidage aérien tactique avancé, en septembre 2014. N O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

jeuNe afrique


© ecpad

En noir et blanc

d’informateurs entretenu en Mauritanie comme dans les pays voisins, où leurs agents recueillent des informations précieuses aux portes des mosquées et sur les marchés. Mieux encore, pendant deux ans, la Sûreté nationale a obtenu beaucoup d’informations de Senda Ould Boumama, l’ancien porte-parole

d’Ansar Eddine au Mali. Celui-ci s’était rendu célèbre en justifiant haut et fort les innombrables exactions commises à Tombouctou et à Gao par les fanatiques. Il s’était livré aux autorités mauritaniennes en mai 2013 après la déroute infligée aux jihadistes par l’armée française. Il vient d’être remis en liberté le 3 août

La Société Mauritanienne de Commercialisation de Poissons, Société d’Economie Mixte (SMCP/sem) a été créée le 05 juin 1984. Elle a son siège social à Nouadhibou, et deux Représentations : l’une à Las Palmas (Îles Canaries), et l’autre à Nouakchott (Mauritanie). La participation de l’Etat au capital de la Société est de 70%, contre 30% pour les privés. La SMCP a pour objet :

Monsieur Ba Abdoulaye Mamadou, directeur général de la SMCP

La commercialisation et l’exportation des produits halieutiques congelés, pêchés dans les eaux sous juridiction mauritanienne, et soumis à l’obligation de débarquement, La promotion et la valorisation du produit, Le rapatriement des montants en devises provenant de la vente des produits, Le prélèvement des droits et taxes liés à l’activité,

Le poisson mauritanien commercialisé par la SMCP est traité et congelé suivant les normes d’hygiène, de qualité, et de classification internationalement reconnues. La commercialisation de nos produits est réalisée suivant les conditions du marché international. La SMCP participe régulièrement aux foires et salons internationaux (Bruxelles, Hong Kong, Agadir, Dubai, Oran, Dakar, etc), dans le but de développer ses relations commerciales sur l’ensemble des marchés de destination des produits mauritaniens. Les prix à l’exportation sont fixés périodiquement, suivant les conditions du marché international. La nouvelle politique commerciale de la SMCP a facilité le choix de la Mauritanie comme marché d’approvisionnement pour plusieurs clients opérant sur les différents marchés : Asie (Japon, Chine, Corée, etc), Europe (Espagne, Italie, Grèce, etc), et Afrique (Mali, Egypte, Tunisie, Côte d’Ivoire, Angola, Nigeria, Ghana, etc).

SMCP sem. - Siège Social Nouadhibou - Mauritanie - Tél. Std +00 222 45 74 52 81 - E.mail : info@smcp.mr

www.smcp.mr

DIFCOM/FC

Le siège de la SMCP

La promotion et le développement de la pêche artisanale.

sans jugement. En remerciement de sa collaboration ? Fort de cette combativité retrouvée, le pays a modifié peu à peu sa stratégie. D’abord associés à l’armée malienne pour ratisser leur frontière commune, les Mauritaniens ont mal vécu le jeu trouble de leur allié lors d’une opération conjointe contre des bases d’Aqmi dans la forêt de Ouagadou, au Mali, en 2011. Ils ont pris langue par la suite avec les chefs terroristes, qu’ils connaissent parfaitement, et leur ont fait passer le message : « Si vous nous laissez en paix, nous ne vous attaquerons plus. En revanche, si vous nous agressez sur notre territoire, gare à vous ! » Apparemment, cette proposition très officieuse a été reçue cinq sur cinq. La trêve est respectée de part et d’autre. Toutefois, après les menaces d’Ansar Eddine proférées début juillet contre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, mais aussi la Mauritanie, tous coupables de faire le jeu des « mécréants », la question se pose de savoir si ce statu quo est toujours d’actualité. ● AlAin FAUJAS

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Sophie Garcia/hanSlucaS

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p À Ouagadougou, le 21 novembre 2014, lors de l’installation du président de la transition burkinabè, Michel Kafando (Mohamed Ould Abdelaziz, en costume clair, et, de g. à dr., ses homologues nigérien, ghanéen et béninois). DIPLOMATIE

Fini le tropisme maghrébin Alors que les relations avec Rabat sont glaciales et que celles avec Alger se rafraîchissent, Nouakchott opère un rapprochement savamment contrôlé avec ses voisins subsahariens.

L

a politique extérieure de la Mauritanie poursuit astucieusement son changement de cap. « Fini la priorité donnée au Maghreb pour cause d’arabité mythique, comme du temps du président Taya, souffle un chaud partisan de cette redistribution des cartes. Nous renouons enfin avec notre histoire et notre géographie, qui nous positionnent comme un trait d’union entre le nord et le sud du Sahara, entre les Blancs et les Noirs. » Àl’évidence,leprésidentOuldAbdelaziz a mis le cap au sud, sans tambour ni trompette. Les relations avec le Maroc sont glaciales et celles avec l’Algérie, qui étaient relativement bonnes depuis cinq ans, se sont dégradées de façon surprenante ces derniersmois,commeonl’avuavecl’expulsion du chargé d’affaires algérien, en avril, sous prétexte de déclarations à la presse mauritanienne où ce dernier rappelait que le Maroc est le grand pourvoyeur régional de haschich et, en tentant d’influencer les journalistesdupays, auraitainsifaitpreuve d’« ingérence ». Cela sent le prétexte à plein nez, car il n’y a vraiment pas de quoi crier n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

à la délation concernant les petits travers d’un pays frère, quand toutes les études, y compris celles de l’ONU, les confirment… Le chef de l’État n’est pas bavard sur les motivationsdesonpivotementstratégique. Elles peuvent aller du désir de se soustraire à un certain impérialisme de ses deux voisins du Nord et de la déception que suscite la paralysie de l’Union du Maghreb arabe (UMA) à la conviction qu’il sera plus facile à Nouakchott de parler d’égal à égal et de commercer avec les pays d’Afrique subsaharienne, moins puissants, moins riches et plus demandeurs. PETITS PAS. Une politique de petits

pas a ainsi insensiblement rapproché la Mauritanie de ses voisins du Sud et de l’Est. Depuis 2007, on a vu réapparaître ses représentants aux réunions de la Cedeao, qu’elle avait quittée en 1999. Une nouvelle avancée a été notée en août 2014 avec la signature d’un « protocole d’entente ouvrant des négociations pour un accord d’association » entre la Cedeao et la Mauritanie. Cette démarche devrait déboucher sur un texte en bonne et due

forme d’ici à la fin du mois de septembre. Le fait que Mohamed Ould Abdelaziz ait présidé l’Union africaine durant l’année 2014 et que la lutte contre les terrorismes exige des actions concertées sur le terrain dans le cadre du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) explique que le militaire joue, lui aussi, sa partition dans ce glissement diplomatico-économique savamment contrôlé. Depuis l’an dernier, les troupes de Nouakchott sont présentes avec un mandat des Nations unies à Bouaké, en Côte d’Ivoire, et un contingent mauritanien a pris place en 2015 à Bangui, en Centrafrique. Parmi les liens que tisse Ould Abdelaziz, n’oublions pas les câbles à haute tension. Dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, dont elle fait partie avec le Mali et le Sénégal, la Mauritanie poursuit activement le renforcement de la ligne à haute tension vers Dakar (ville à laquelle elle a commencé à vendre de l’électricité en 2015, lire pp. 76-77), mais aussi la construction de la ligneest-ouestversKayes,auMali.Ladiplomatie économique de Nouakchott n’est certes pas le rouleau compresseur marocain piloté par le roi Mohammed VI, qui mobilise ses financiers, ses entrepreneurs et ses diplomates pour investir l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Mais, à l’échelle de ses modestes moyens, c’est pour la Mauritanie l’occasion de s’affirmer comme un acteur régional avec lequel il faudra compter. ● ALAIn FAUJAS jeune afrique


En noir et blanc

délits de faciès Depuis le début de l’année, les contrôles d’identité s’intensifient. Parfois brutaux, ils ciblent particulièrement les Ouest-Africains.

E

n Afrique aussi, il arrive que la traque aux sans-papiers verse dans l’excès. Depuis le début de l’année, les autorités mauritaniennes ont intensifié les rafles et les opérations de reconduite à la frontière des ressortissants étrangers qui ne disposent pas d’une carte de séjour en bonne et due forme. Avec en ligne de mire les ressortissants subsahariens. Pour les résidents sénégalais, maliens ou guinéens, l’ambiance est aujourd’hui à la psychose face à ce que de nombreux témoins décrivent comme « des rafles quotidiennes », en particulier dans les quartiers à forte concentration d’ouvriers, d’artisans ou de pêcheurs, qui composent l’économie informelle de la capitale. « Des groupements mixtes comprenant des éléments de la police, de la gendarmerie et de la garde présidentielle se dissimulent à des carrefours stratégiques

à l’heure où les gens rentrent du travail afin de les contrôler, témoigne Lalla Aicha Cheikhou Ouédraogo, présidente du Comité de solidarité avec les victimes des violations des droits humains. On assiste parfois à des scènes insoutenables, où les policiers les pourchassent comme des proies. » émoi. Mi-août, l’ambassadeur du

Sénégal à Nouakchott a promis de « faire un rapport aux autorités [mauritaniennes] compétentes sur le traitement » de Sénégalais arrêtés en situation irrégulière. Le caractère systématique et le déroulement parfois brutal de ces contrôles d’identité ont également provoqué récemment l’émoi de la communauté guinéenne. Depuis 2012, la Mauritanie a rendu obligatoire la détention d’une carte de

séjour, y compris pour les ressortissants des pays voisins, comme le Sénégal ou le Mali – qui avait pourtant signé en 1965 une convention d’établissement et de libre circulation des personnes et des biens avec son voisin. Mais le coût du fameux sésame (l’équivalent de 50 000 F CFA, soit 76 euros) le rend inaccessible à de nombreux immigrés subsahariens qui peinent déjà à joindre les deux bouts. Aussi, chaque semaine, plusieurs dizaines de sans-papiers sont conduits vers les commissariats de la capitale, préalable à leur reconduite à la frontière. Dans un pays exposé à la menace jihadiste, plus que le renforcement des contrôles d’identité, c’est leur caractère manifestement sélectif qui provoque l’indignation de la société civile. « Ni les Marocains ni les Syriens ne font l’objet d’une telle pression, seules les communautés noires sont touchées, assure Lalla Aicha Cheikhou Ouédraogo. C’est purement et simplement du racisme. » ● mEhdi Ba

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Le Plus de J.A. Mauritanie

© Lee Gottemi pour j.a.

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 Conférence de presse du FNDU, coalition de 17 partis et formations de l’opposition, le 6 août, à Nouakchott. Politique

Dialogue en pointillés Au fil de plusieurs rencontres, le pouvoir s’est montré prêt à écouter l’opposition. Mais d’une oreille distraite, et sans apporter de réponse claire à ses revendications.

D

epuis deux ans, le pouvoir et l’opposition jouent au chat et à la souris. Le premier a besoin de mettre la seconde dans son jeu pour prouver le caractère démocratique d’un régime né d’un coup d’État. Pour autant, il n’entend pas lui mettre le pied à l’étrier. L’opposition, elle, a besoin de revenir dans le processus électoral qu’elle a boycotté, ce qui l’a marginalisée. Toutefois, elle n’entend pas cautionner le président et attend de celui-ci des preuves de sa bonne volonté pour aller vers ce qu’elle appelle « un État de droit ». Le nouveau round de ce « dialogue » à tâtons a eu lieu, cette année, en trois rencontres : le 18 avril, le 9 mai et le 26 mai. Le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), qui regroupe 17 partis et formations d’opposition, a remis à son interlocuteur une feuille de route qui répertorie les « mesures n o 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

de rétablissement de la confiance », ainsi que les garanties qu’il attend de voir précisées dans un accord-cadre. CHOIX DIFFICILE. Parmi les « mesures »

des prix des carburants, l’engagement d’une vraie répression de l’esclavage, la régularisation des pièces d’état civil ou la déclaration du patrimoine du chef de l’État. « Nous avons très vite constaté que le pouvoir souhaitait médiatiser nos contacts, mais qu’il ne voulait pas vraiment d’un dialogue, commente Me Mahfoud Ould Bettah, président de la Convergence démocratique nationale (CDN) et ancien ministre de la Justice, qui présidait la délégation du FNDU. Le choix était difficile: ou bien constater l’attitude peu sérieuse des représentants du pouvoir et suspendre les discussions, ou

attendues figurent la libération de tous les prisonniers politiques (Biram Ould Dah Ould Abeïd, Kawtal Ngam Yellitaare, ou encore le rappeur Hamada Ould Sidi, Parmi les mesures attendues du groupe Oulad Leblad), figure la libération de tous mais aussi l’arrêt de la répression des manifesles prisonniers politiques. tations pacifiques, le respect de la Constitution, qui limite à bien les écouter. J’ai choisi cette dernière deux le nombre des mandats du chef option. » À défaut de pouvoir rencontrer de l’État, la transformation du bataillon l’un des membres de la délégation de la de la sécurité présidentielle (Basep) en majorité présidentielle pour connaître unité « normale » de l’armée nationale, ses positions (sous prétexte que le mois l’ouverture des médias publics à tous d’août était un mois de vacances ou que les courants d’opinion, l’annulation le protocole n’avait pas été respecté…), des licenciements de syndicalistes ou force est de se contenter des témoignages des exclusions d’étudiants, la baisse de l’opposition.

jeune afrique


En noir et blanc

COINCÉE. En fait, ce ne sont pas tant

les refus ou les réponses jugées biaisées de la partie adverse qui ont rebuté le FNDU que l’absence de mise par écrit de celles-ci. « Lors de notre dernière réunion du 26 mai, ils nous ont dit : “Si vous nous écrivez pour nous demander des réponses écrites à vos demandes, nous vous écrirons.” Nous attendons toujours la réponse, mais tout nous laisse à penser que cette mise en scène n’est que de la poudre aux yeux », conclut Me Mahfoud Ould Bettah. Le parti islamiste modéré Tawassoul, qui est le chef de file de l’opposition officielle au Parlement avec seize députés et quatre sénateurs tout en étant membre du FNDU, est sur la même longueur d’onde. « Nous refusons de nous contenter de réponses orales, déclare Hamdy Ould Brahim, secrétaire général de Tawassoul et député de Nouakchott. Quand Mohamed Ould Abdelaziz a pris le pouvoir, il a brandi un programme de lutte contre la corruption et a promis des réformes. Finalement, rien n’en est sorti. C’est un militaire comme les autres et la situation politique et économique est mauvaise. De toute façon, chaque fois que les militaires arrivent au pouvoir chez nous, ils marginalisent la classe politique. » À l’évidence, l’opposition se trouve coincée dans la position du demandeur, et c’est le pouvoir – ou plus précisément le président – qui a la main. Il a décidé de fixer au 7 septembre le lancement officiel du dialogue avec qui voudra. Objectif 2019. ● AlAIN FAUJAS jeune afrique

Questions à Mohamed Ould Maouloud Président de l’Union des forces de progrès (UFP)

« Tout est faux et usage de faux dans ce régime »

À

61 ans, Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces de progrès (UFP), le plus à gauche des partis du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), la coalition de l’opposition, poursuit sans relâche le combat contre le régime du président Mohamed Ould Abdelaziz, dont il n’a jamais accepté le coup d’État de 2008.

JEUNE AFRIQUE : la vie politique mauritanienne semble totalement bloquée. Pourquoi ? MOHAMED OUlD MAOUlOUD :

Parce que le pouvoir semble n’être intéressé que par l’enrichissement d’un petit clan, alors que la paupérisation des classes populaires s’aggrave. Un petit cercle d’amis utilise les appels d’offres en apparence ouverts pour s’approprier les marchés publics. Ces privilégiés se débrouillent pour fausser les règles du jeu : les bateaux de leurs concurrents ne sont pas déchargés à temps et les tarifs douaniers qui leur sont appliqués sont plus élevés… Comment être concurrentiel dans ces conditions ? C’est un vrai système mafieux. Ce que vous décrivez n’est-il pas contredit par la création d’un Comité national de lutte contre la corruption et la gabegie ?

La Mauritanie possède tous les textes qu’il faut : contre l’esclavage, contre la pauvreté, contre la corruption. Le pouvoir se positionne en tête de ces combats, mais il les vide de tout sens. La lutte contre la corruption est dirigée contre les courtisans qui ne font pas suffisamment allégeance ou contre le menu fretin administratif, pour plaire à l’opinion. Mais les proches du pouvoir y échappent. la presse dénonce pourtant les malversations et les détournements, non ?

© dr

« Ils ont été d’accord pour lutter contre l’esclavage, régulariser les pièces d’état civil ou publier le patrimoine du président Ould Abdelaziz, mais ils ont refusé la libération des prisonniers politiques », témoigne Me Ould Bettah. « Ils ont donné leur aval à l’organisation d’élections consensuelles, à l’impartialité des médias publics, à la fin de la chasse aux sorcières dans l’Administration, mais ils ont prétendu que le Basep était déjà une unité normale de l’armée, alors que nous le considérons comme une garde prétorienne qui a été le fer de lance de deux coups d’État », ajoute Mohamed Ould Maouloud (lire interview ci-contre), président de l’Union des forces de progrès (UFP).

Oui, il y a une liberté d’expression, mais la technique du chef de l’État est de laisser parler et de continuer à faire ce qu’il veut. D’abord, il a refusé de faire sa déclaration de patrimoine comme l’exige la Constitution, puis il a fini par la faire, mais il ne la publie toujours pas, alors que les textes lui en font obligation. En fait, il se comporte en monarque.Tout est faux et usage de faux dans ce régime qui falsifie les procédures, les documents comme ça lui chante, et qui nous propose un faux dialogue pour légitimer son système. Comment la succession sera-t-elle assurée lors de l’élection présidentielle de 2019 ?

La Constitution ne permet pas un troisième mandat à Mohamed Ould Abdelaziz. Mais il ne manque pas d’hommes de main pour perpétuer ce régime ! Nous, l’opposition, sommes prêts à une solution politique qui assure une transition pacifique, mais à condition qu’il cesse de caresser l’espoir de se maintenir au pouvoir d’une façon ou d’une autre. ● Propos recueillis à Nouakchott par A.F. n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

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COMMUNIQUÉ

SOCIÉTÉ NATIONALE INDUSTRIELLE ET MINIÈRE

Guelb II - Zouerate

L

Inauguration d’un nouveau complexe minier de 4MT

a SNIM s’apprête à inaugurer un nouveau complexe minier avant la fin 2015 après la fin des travaux du projet Guelb II à Zouerate. Ce complexe comporte essentiellement une usine d’enrichissement de minerai de fer d’une capacité annuelle de 4 millions de tonnes (Mt.) de concentrés de haute teneur en fer (68,5 %). Avec ce nouveau complexe minier et le projet d’une nouvelle mine au niveau de F’derick, la SNIM est bien partie pour franchir le seuil des 20 Mt à l’horizon 2018. Outre le circuit de traitement du minerai (concassage, concentration à sec, concentration humide, une station de chargement des wagons), le complexe Guelb II comprend également l’extension de la mine existante et un réseau d’adduction d’eau long de 55 km. Le projet Guelb II capitalise une expérience de plus de 30 ans dans l’enrichissement du minerai de fer. Il s’inscrit dans le cadre du Programme de Développement et de Modernisation de la SNIM (PDM1). La SNIM a mobilisé au cours des cinq dernières années un important investissement d’un montant global de 1,6 milliard de dollars dont 50 % sur ses fonds propres. Ce programme a couvert toute la chaîne de production de la Société : port minéralier, ligne de chemin de fer, réseaux

Zouerate, le 13 avril 2015 : Le président de la République, M. Mohamed Ould Abdel Aziz, s’informe de l’avancement des travaux de réalisation des différentes composantes du projet Guelb II à Zouerate.

de télécommunications, centre de formation, réseaux électriques, … Quant au développement d’un nouveau projet minier de type DSO à 65 % (à bas coût de production) dans la localité de F’derick (étude de faisabilité en cours de finalisation), il ajoutera à la capacité de la SNIM 2,9 Mt. par an de minerai naturellement riche à l’horizon 2018. n

SNIM, UN ACTEUR SOCIOÉCONOMIQUE IMPORTANT Premier employeur en Mauritanie après l’État, le Groupe SNIM emploie près de 10 000 personnes. Le Groupe SNIM compte une dizaine de filiales. L’État mauritanien est l’actionnaire majoritaire de la SNIM, avec 78,35 % de son capital. Entre 2010 et 2014, les ventes de la SNIM ont, en moyenne, représenté 46 % des exportations mauritaniennes. Au cours de la même période, l’entreprise a participé avec 22,8 % au budget de l’État sous forme de recettes fiscales et parafiscales et elle a produit 20,4 % du PIB mauritanien. n Zouerate, le 13 avril 2015


NOUHOUDH, UNE VISION À LONG TERME

Zouerate, le 13 avril 2015

SOCIÉTÉ NATIONALE INDUSTRIELLE ET MINIÈRE

d’un 1er Complexe Mine/Usine de 10 à 14Mt./an au niveau de Tizerghafe, non loin de Zouerate. Les recherches géologiques y ont permis de mettre en évidence des ressources évaluées à 1,2 milliard de tonnes de minerai de fer magnétique. Ces études concernent aussi une centrale électrique hybride (HFO/solaire) de 62 MW à Zouerate. n

Siège Social : B.P. 42 - Nouadhibou - Mauritanie Tél. : +222 574 10 21 Fax : +222 574 53 96

Succursale de Paris, France : 7, rue du 4 Septembre - 75002 PARIS Tél. : +33 01 42 96 80 90 - Fax : +33 01 42 96 12 28/26 E-mail : contact@snim.com

www.snim.com

DIFCOM/FC - Photos : DR

La SNIM s’est lancée depuis 2012 dans un large programme de transformation, baptisé NOUHOUDH TOP 5-2025, en vue d’augmenter considérablement sa capacité de production à 40 Mt./an. Les études des projets prioritaires de ce programme sont actuellement en cours. Il s’agit notamment de la recherche géologique et des études de préfaisabilité


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Le Plus de J.A. Mauritanie Société civile

La parole est à la défense… des Noirs L’opposition est aphone ? Les mouvements négro-mauritaniens en profitent pour faire entendre leur voix et porter sur la place publique les questions du « racisme d’État » et de l’esclavage.

«

L

a classe politique traditionnelle est devenue léthargique, c’est pourquoi les questions identitaires soulevées par les mouvements négromauritaniens sont revenues au premier plan. » Pour Kaaw Touré, porte-parole des Forces progressistes du changement (FPC), difficile de s’en plaindre. Issues des mythiques Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), un mouvement créé en 1983 et longtemps demeuré clandestin, les FPC entendent bien profiter de l’espace laissé vacant par une opposition mauritanienne abonnée aux boycotts électoraux pour faire progresser sa lutte contre « le racisme d’État et l’esclavage » dans une Mauritanie

qu’elles estiment accaparée par l’une de ses communautés (les Maures blancs, ou Beïdanes) au détriment des populations noires (Halpulaar, Haratines, Soninkés et Wolofs), qui constituent pourtant la majorité de sa population.

radical en parti politique. Au passage, soucieux de signifier explicitement ce changement d’ère, l’état-major des Flam rebaptisait l’organisation Forces progressistes du changement, au grand dam d’une partie de ses militants qui y vit une trahison et fit scission. Depuis le congrès fonLes flam ont donné naissance à dateur d’août 2014, cette une formation politique, les forces division intestine aura toutefois été compensée par un progressistes du changement. agenda politique largement En 2013, au terme d’un long exil, marqué par les mots d’ordre portés depuis les principaux responsables des Flam plus de trente ans par le mouvement optaient pour un retour concerté avec le emblématique de la cause négro-maurégime de Mohamed Ould Abdelaziz. Un ritanienne. « La mise en retrait des partis an plus tard, un congrès de l’organisation traditionnels maures et le dynamisme des entérinait la mutation de ce mouvement ONG de défense des droits de l’homme

Pour l’Ira, la lutte contre l’esclavage ne suffit pas Haratines, dockers, grévistes… Malgré la répression, l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste est de tous les combats.

L

es autorités mauritaniennes ont choisi l’épreuve de force avec l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), et cette répression semble au contraire donner une plus grande audience à ce mouvement antiesclavage dont le président, Biram Ould Dah Ould Abeid, condamné à deux ans de prison pour « offense et désobéissance à la force publique », a refusé de se présenter, le 20 août, devant la cour d’appel d’Aleg, qui a confirmé sa condamnation. D’origine haratine (descendants d’esclaves maures noirs), Biram a fondé l’IRA en 2008. D’abord consacré à n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

lutter contre l’esclavage, son combat a été récompensé par un prix des droits de l’homme de l’ONU en 2013. Il s’est élargi à « l’esclavage foncier et aux expropriations foncières » qui privent les populations négro-mauritaniennes de leurs terres. C’est en organisant une « caravane » contre un tel phénomène, qui s’accélère avec l’arrivée de capitaux saoudiens dans la vallée du Sénégal, que Biram a été arrêté à Rosso le 11 novembre 2014. Profitant du refus de la coalition de l’opposition de participer à l’élection présidentielle de juin 2014, il était arrivé deuxième derrière le président sortant avec 8,67 %, à la surprise générale. Forte

de cette audience, l’IRA fait, depuis, preuve d’une belle combativité. Privée de siège social et interdite de manifestation, notamment le 30 juillet, elle s’affirme partout où les exclus protestent contre leur sort. bras de fer. Elle a créé une section Dockers pour soutenir la lutte des manutentionnaires du port de Nouakchott, « qui vivent une autre forme d’esclavage, sans assistance sanitaire et avec des salaires de misère », explique Balla Touré, responsable des relations extérieures de l’association. Les grévistes de la Société nationale industrielle et minière (Snim) ont reçu son soutien lors de leur bras de fer de

soixante-trois jours avec la direction au début de l’année. Il n’est pas jusqu’au jeune Cheikh Mohamed Ould Mkheitir, condamné à mort pour apostasie le 24 décembre dernier, qui n’intéresse l’IRA. Le jeune comptable de Nouadhibou avait été arrêté pour avoir publié un texte en arabe sur Facebook intitulé « La religion, la religiosité et les forgerons », dans lequel il dénonçait la société de castes qui prévaut en Mauritanie. Balla Touré estime que c’est son appartenance à la caste inférieure des forgerons qui explique l’extrême sévérité des juges car, dit-il, « certains imams disent bien pire sans encourir le moindre reproche ». Esclaves, Haratines, Négro-Mauritaniens, travailleurs, forgerons : jeune afrique


en noir et blanc ont profité à des mouvements comme l’IRA [Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste, lire ci-dessous] ou Touche pas à ma nationalité », analyse depuis Paris Ibrahima Diallo, le porte-parole des Flam (qui n’a pas rejoint le FPC). « SyStème beïdAne ». De fait, au

cours des derniers mois, tandis que le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), la coalition regroupant les principaux partis de l’opposition dite radicale, boudait toute confrontation avec le régime d’Aziz, la société civile et la nébuleuse politique négro-mauritaniennes multipliaient les prises de position et les manifestations contre « le système beïdane », contestant tour à tour une campagne d’enrôlement jugée discriminatoire envers les Noirs, la persistance de l’esclavage malgré un arsenal répressif de plus en plus étoffé, le harcèlement policier contre les communautés subsahariennes immigrées ou encore l’incarcération du militant antiesclavage

Biram Ould Dah Ould Abeid et de deux de ses camarades. Selon Ibrahima Diallo, « les populations noires sont de plus en plus demandeuses de ces discours contestataires et attendent l’apparition du bon leader politique pour les porter ». Traditionnellement considéré comme le candidat naturel des Haratines, le septuagénaire Messaoud Ould Boulkheir, aujourd’hui en perte de vitesse, sera-t-il supplanté par la nouvelle génération militante incarnée par Biram? Encore faudrait-il que l’existence des formations politiques négro-mauritaniennes soit officialisée, car, début août, les responsables des FPC ont eu la désagréable surprise de découvrir que le ministère de l’Intérieur avait refusé d’entériner la création de leur parti. « En substance, on nous reproche d’avoir violé certaines dispositions légales et constitutionnelles qui prohibent la formation de partis sur une base ethnique et l’atteinte à l’unité de l’État mauritanien. » En d’autres termes, les FPC seraient constituées quasi exclusivement de Négro-Mauritaniens

(halpulaars, pour l’essentiel), et son projet d’autonomie des régions serait perçu comme une velléité sécessionniste. En 2013, l’IRA s’était heurtée au même type de refus au moment de créer sa branche politique. Face à des revendications identitaires susceptibles d’indisposer une nomenklatura essentiellement beïdane (de la classe politique à l’armée en passant par les milieux d’affaires), le stratège Mohamed Ould Abdelaziz a en effet opté pour souffler le chaud et le froid. D’un côté, il facilite la candidature de Biram Ould Dah Ould Abeid à la présidentielle de 2014 ; de l’autre, il laisse la justice procéder à une condamnation hautement politique de son récent challenger. D’un côté, il autorise les ex-Flam à revenir exercer leur activité à Nouakchott ; de l’autre, il met leur nouveau parti hors la loi… avec au passage une pirouette dont il a le secret : reprocher aux principaux pourfendeurs de la ségrégation anti-Noirs d’être les véritables promoteurs du racisme en Mauritanie. ● mehdi bA

 De g. à dr., Balla Touré (relations extérieures de l’IRA), Ahmed Amady (finances) et Amady Lehbouss (communication).

© Lee Gottemi pour j.a.

l’IRA est manifestement en train de se constituer un fonds de commerce politique avec « les damnés » de la Mauritanie. Ira-t-elle jusqu’à se muer en parti et à se présenter aux prochaines élections ? « Nous y pensons », répond Balla Touré. D’après plusieurs observateurs, l’élan est donné, mais il pourrait tourner court si Biram cédait aux réflexes autocratiques qui l’ont déjà isolé de sa base par le passé. Par exemple, quand il avait décidé en 2012, contre l’avis de l’IRA-France, de brûler en public des traités de l’islam malékite défendant l’esclavage. Le pire ennemi de Biram pourrait bien être Biram. ● AlAin FAUJAS jeune afrique

n o 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

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Le Plus de J.A. Mauritanie

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économie

Tout peut s’effondrer Si le pays a réussi à progresser depuis 2010 en dépit d’un environnement international défavorable, l’embellie risque de tourner court. Explication en cinq points sensibles.

C

es cinq dernières années, la Mauritanie est parvenue à améliorer ses résultats économiques et financiers, avec un taux de croissance moyen de 5,5 %. Mais la persistance d’une conjoncture internationale difficile, conjuguée aux retards en matière de diversification et au mauvais climat des affaires, pourrait, dès cette année, « mettre en péril les progrès obtenus en matière de stabilité macroéconomique », comme s’en est alarmé le FMI à l’issue de sa dernière mission à Nouakchott, début juin. La chute des cours du minerai de fer et de l’or, qui dégrade les recettes de l’État, les investissements et les exportations, a remis sur le devant de la scène les cinq faiblesses du pays : sa sensibilité aux chocs externes, son endettement élevé, sa croissance mal partagée, la non-diversification de son économie et son médiocre climat des affaires. Les discussions entre le gouvernement et le Fonds sur un nouveau programme visant à consolider les finances publiques

Des hauts et des bas Croissance ralentie

et à donner un nouvel élan au déve1. une faible Résistance loppement devraient reprendre dans aux chocs exteRnes les prochaines semaines à Nouakchott. Avec des prix de vente en recul, le fer « Nous n’accepterons pas n’importe quoi, et l’or ne rapportent plus autant que dans car certaines mesures d’économies pourles années 2000. Aussi, la Société nationale industrielle et minière (Snim) et la raient nuire au niveau de vie de la population », prévient un haut responsable TVA ne contribuent plus au budget de mauritanien. On débattra donc pied à l’État comme prévu. Les investissements pied d’une modération des hausses de dans le secteur minier sont suspendus la masse salariale des fonctionnaires et des suppressions d’emploi ne vont et de la réduction des subventions aux pas tarder (lire p. 78). carburants ou aux produits alimentaires, que le FMI Les discussions entre le FMI et le souhaiterait voir réserver gouvernement doivent reprendre aux populations les plus défavorisées sous forme dans les prochaines semaines. d’aides ciblées. En revanche, la question de la monnaie Selon le FMI, la croissance devrait sera plus consensuelle. L’ouguiya est en revenir à quelque 4,5 % cette année, contre 6,4 % en 2014. Cependant, effet arrimé au dollar et la forte valorisation de celui-ci commence à poser une partie des recettes en berne sera des problèmes. Les experts semblent compensée par la baisse des prix des convaincus que le taux de change de importations (hydrocarbures, prol’ouguiya gagnerait à être calculé à partir duits agricoles), car la Mauritanie est d’un panier de monnaies, qui comprenun importateur net, ce qui présente drait notamment l’euro. l’avantage de lui permettre de maîtriser l’inflation, qui ne devrait pas atteindre le taux sensible de 5 %.

Contribution au PIB par secteur

(Variation du PIB réel, en %, en prix constants)

(en 2014)

6

Le ralentissement de la croissance et des investissements rend plus problématique la charge de la dette mauritanienne, qui a représenté 78,4 % du PIB en 2014, notamment en raison de prêts du Koweït. Ajouté à la vulnérabilité causée par la dépréciation de l’ouguiya, ce retournement de conjoncture explique que le risque de non-remboursement de ses dettes par la Mauritanie soit passé de « modéré » à « élevé », selon les standards internationaux.

Autres*

6,4

5,4 %

Primaire

souRces : fmi, juin 2015 – bad, mai 2015

Tertiaire

39,1 %

4,4 2010

21 %

5,7

4,8

2011

Secondaire

34,5 %

4,5*

* Estimations/prévisions 2012

2013

2014

Inflation contenue

3,5 % en moyenne en 2014

2015

* Administration et autres services

Déficit courant

4,6 % 24,7 % pour 2015*

du PIB en 2014

19 % en 2015*

* Prévisions n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

2. le Risque de suRendettement

3. une cRoissance mal paRtagée

Même si le PIB par tête augmente depuis 2010 sans discontinuer, l’amélioration des indicateurs sociaux marque le pas et les Objectifs du millénaire pour jeune afrique


En noir et blanc

tourisme : double hic Naha MiNt hamdi Ould Mouknass, ministre du Commerce, de l’industrie et du tourisme, se creuse la tête pour savoir comment attirer les touristes étrangers. Rude tâche ! Les beautés de l’adrar, Chinguetti, les palmeraies de l’assaba et les dunes des deux hodh, la chasse au phacochère et à l’outarde, la cueillette des dattes sont psychologiquement, sinon géographiquement, trop proches des maniaques du jihad

qui sévissent dans les sables jadis fréquentés par le Petit Prince de SaintExupéry et par théodore Monod à la recherche de sa météorite. Reste la pêche. Le banc d’arguin est un petit paradis pour les adeptes du lancer, de la mouche, de la palangrotte ou de la traîne. Ce haut lieu halieutique offre à profusion courbines, maquereaux, thons, bonites, raies, requins, mérous et turbots aux hameçons et aux leurres en tous genres. Mais il y a un hic. Comme les

le développement (OMD) en matière de santé semblent hors de portée pour 2015. On estime que 26 % des ménages ne jouissent pas de la sécurité alimentaire, notamment en raison de l’exode rural accru et de la forte croissance démographique dans la capitale (6,44 % par an) qui, avec 1 million d’habitants, abrite plus du quart de la population du pays. Banque mondiale et FMI déplorent par ailleurs l’opacité qui préside à la distribution des aides aux Mauritaniens les plus vulnérables et nuit à leur efficacité dans la lutte que le gouvernement entend mener contre la pauvreté.

chasseurs, les pêcheurs ne sont pas sobres comme des chameaux. Mieux, ils adorent raconter leurs combats forcément épiques contre la gent océanique en buvant des breuvages alcoolisés. Et ça, ce n’est pas permis, même pour les non-musulmans, en Mauritanie, qui est l’un des pays les plus « secs » au monde. Fantasmes terroristes + bannissement bien réel de la dive bouteille = une équation qui semble impossible à résoudre pour Mme la A.F. ministre. ●

4. Difficile Diversification

Environ 70 % des exportations et 30 % des recettes budgétaires du pays dépendent du secteur extractif. Les diversifications sont soit en gestation (exportation d’électricité, lire pp. 76-77), soit de trop petite taille (mise en service en décembre d’une usine de traitement du lait, aujourd’hui totalement importé) et ne prémunissent pas le pays contre le scénario catastrophe qu’a esquissé le FMI au début de cette année, qui prédit trois points de croissance de moins en 2018-2019 en cas de tarissement des

contributions minières au budget de l’État. Le Fonds en conclut que le gouvernement doit « s’écarter des projets miniers ». Il s’agit notamment de poursuivre les efforts réalisés pour relancer la pêche, qui a contribué à 2,3 % du PIB en 2014 contre 1,8 % en 2013, et endiguer le déclin des activités manufacturières (– 4,6 % en 2014).

5. un climat Des affaires méDiocre

Si la Mauritanie veut absorber les classes d’âge de plus en plus importantes qui se présentent sur le marché du travail, il lui faut créer 200 000 emplois formels entre 2014 et 2020… Mission impossible s’il demeure toujours aussi difficile d’y créer et d’y gérer une entreprise ! Selon le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, où la Mauritanie a reculé de trois places en 2015, passant du 173e au 176e rang sur 189 pays examinés, le climat des affaires y est « mauvais ». Le gouvernement semble avoir pris conscience de ce handicap. Le 20 avril, il a pris un décret créant une « chambre de médiation internationale et d’arbitrage » au sein de la Chambre de commerce et d’industrie, afin de trouver des solutions aux conflits permanents entre l’administration fiscale et les entrepreneurs privés. Ce dispositif devrait commencer à fonctionner en 2016 et vaudra à la Mauritanie une meilleure image auprès des investisseurs étrangers, qui se cantonnent actuellement au secteur des industries extractives et délaissent les industries de transformation dont le pays a un besoin urgent. ● AlAin FAujAs

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Le Plus de J.A. Mauritanie

@ tractebel engineering

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matières premières

Un eldorado en puissance

p Interconnexion électrique avec le Sénégal, que la Mauritanie approvisionne depuis janvier.

Le pétrole ? La chute des cours a refroidi les majors. Le fer et l’or ? Eux aussi font grise mine. Reste le gaz, sur lequel nouakchott compte beaucoup pour vendre de l’électricité au Sénégal et au Mali.

L

a Mauritanie a mal à son sous-sol. Le baril de pétrole à 50 dollars (environ 45 euros), la tonne de fer à 55 dollars et l’once d’or à 1 100 dollars découragent les investisseurs étrangers, qui disent ne plus y trouver leur compte. Les uns après les autres, ceux-ci renoncent à leurs projets ou les conditionnent à une remontée des cours. Remontée forcément hypothétique car dépendante du cours du dollar ou de la conjoncture chinoise. Au ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Mines, on ne baisse pas les bras pour autant, car on croit que les atouts mauritaniens finiront par l’emporter. optimisme. Contrairement aux folles rumeurs des années 2000, le pétrole n’est plus vraiment l’avenir de la Mauritanie. « Le champ qui a été mis en exploitation en 2006 produit 2 millions de barils par an, soit quatre heures de production de l’Arabie saoudite, relativise Ahmed n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

Salem Ould Tekrour, directeur général des hydrocarbures. Mais nous avons des perspectives favorables offshore avec le champ d’Ahmeyim. Les découvertes des américains Kosmos et Chevron y sont prometteuses, mais les coûts sont élevés. Le français Total explore plus au nord. Tout dépendra des prix du pétrole. Dans cinq ans peut-être… Nous demeurons très optimistes. » Les mines non plus ne sont pas très en forme. Glencore Xstrata a mis en sommeil ses projets de mines de fer d’Askaf et de Tasiast. Kinross a renvoyé à des jours meilleurs l’extension de sa mine d’or de Tasiast. La Société nationale industrielle et minière (Snim), qui a produit 13 millions de tonnes de fer en 2014, a affronté une grève de soixantetrois jours au début de cette année. Son objectif de 40 millions de tonnes en 2025 semble difficile à atteindre. Cheikh Zamel, directeur du cadastre minier et de la géologie, souligne que

d’autres matières premières pourraient « séduire les investisseurs et préserver l’emploi ». Au sud-ouest de Tasiast, l’indien Quartz Inc. et le français Imerys ont misé sur l’extraction et la transformation du quartz, matière première des alliages métalliques qui entrent dans la fabrication des panneaux solaires. Et puis il y a les phosphates de Bofal. « Nous avons lancé un appel d’offres fin 2013, confirme Cheikh Zamel, mais il n’a pas trouvé preneur. La donne changerait si le gaz de Banda devenait une réalité… » impatience. Ah, le gaz de Banda, qui

dort à 50 km au large de Nouakchott ! Un eldorado en puissance. « Le Maroc a des phosphates en abondance et la Tanzanie du gaz à profusion, mais, en Afrique, seule la Mauritanie possède les deux et pourrait ainsi produire des engrais à des prix compétitifs », se réjouit Vera Songwe, responsable de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale à la jeune afrique


En noir et blanc Société financière internationale (IFC, groupe Banque mondiale). « Ce gaz ouvrirait aussi de nouvelles perspectives minières, car il permettrait de produire une électricité en quantité et meilleur marché indispensable pour que les entreprises extractives abaissent leurs coûts dans une conjoncture difficile », poursuit l’économiste camerounaise. Banda, c’est un champ gazier, mais aussi deux centrales électriques, l’une mixte (fuel, gaz) de 180 MW et l’autre (tout gaz) de 120 MW, dont le courant est attendu avec impatience par les mines de fer ou d’or comme par les fabricants d’engrais. La moitié de l’électricité produite serait vendue au Sénégal et au Mali. Malheureusement, Banda affronte aussi des vents contraires. Le britannique Tullow s’est retiré du projet en décembre 2014, les 650 millions de dollars nécessaires lui semblant trop lourds compte tenu des prix en berne. « Une étude de marché financée par les bailleurs de fonds a confirmé que le projet était faisable, commente

conclure avec les opérateurs maliens ou sénégalais pour préparer l’acheminement du futur courant. Nous renforçons sur 21 km la ligne à haute tension Sud-Nouakchott - Dakar, dont la capacité passera de 150 MW à 230 MW. Les contrats de construction de la ligne sont signés. Nous préparons également la réalisation de la ligne dorsale est-ouest vers Kayes avec son gaz et ses phosphates, [Mali]. » Un vrai pari, les le pays pourrait produire des contrats demeurant en discussion. « C’est vrai, répond engrais à des prix compétitifs. Dah Sidi Bouna, mais nous tard au premier trimestre 2016. Les opésavons que la demande est là. Même en rateurs techniques ne manquent pas : fonçant comme nous le faisons, nous Total, Chevron, Kosmos ou Petronas. » perdons du temps ! » Comme partout en Afrique, l’énergie inch Allah. conditionne le développement. Aussi, un vrai pari. Pendant ce temps, la l’atout électrique actuel et surtout potendirection de l’électricité et de la maîtrise tiel de la Mauritanie mérite d’être joué de l’énergie s’active pour préparer l’aval à fond pour compenser l’instabilité des du projet. « Nous vendons de l’élecprix des matières premières qui fragitricité au Sénégal depuis le mois de lise l’économie nationale. Donc vite, janvier, explique Dah Sidi Bouna, son plus vite ! ● directeur. Et nous n’attendons pas de alain FauJaS Mamadou Amadou Kane, chargé de mission pour ce projet. Nous finalisons un nouveau cahier des charges qui garantisse à l’opérateur 30 % du capital de la société d’exploitation et une rentabilité même si la deuxième centrale n’était pas construite. Nous ne repartons pas de zéro et pensons déboucher au plus

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Le Plus de J.A. Mauritanie au Chili et au Brésil, explique Raphaël Sourt, le porte‑parole régional du groupe. Au deuxième trimestre de l’année 2015, hors frais financiers et d’administration, la production d’une once d’or sur le site mauritanien coûtait 1 063 dollars (944 euros), un niveau non rentable avec des cours de l’or autour de 1 120 dollars l’once, comme c’est le cas actuellement. À titre de comparaison, pour la mine ghanéenne de Chirano [qui a produit 289 000 onces en 2014], le coût de pro‑ duction est de 585 dollars l’once. »

mines

l’or rit jaune Entre des prix de l’once en baisse et des coûts de production particulièrement élevés, le canadien Kinross est contraint de réduire la voilure à tasiast, le principal gisement du pays.

cADences. Selon la compagnie, les

coûts d’exploitation élevés à Tasiast s’expliquent par l’isolement de la mine, en plein désert, qui entraîne une logis‑ tique complexe, onéreuse, ainsi que l’installation d’une base vie. Elle tient aussi au vieillissement du site, puisque, désormais, l’extraction ne se fait plus en surface mais en profondeur, avec des teneurs en or moins élevées. « Dans ces conditions, les investissements néces‑ saires à l’extension de la mine, d’un montant de 1,6 milliard de dollars sur trois ans, étaient trop risqués par rapport à un bénéfice incertain et à la difficulté à lever des fonds auprès des banques », souligne Raphaël Sourt. p Le site est entré en exploitation en 2008. Cette année, Kinross va donc ralen‑ tir les cadences (en Afrique, le groupe lors que le gouvernement le report sine die de l’extension du prévoit une baisse de 20 % de sa pro‑ mau r i t a n i e n c o m p t a i t projet, qui prévoyait la construction duction en 2015) et continuer la chasse sur l’or pour sortir de sa d’une nouvelle usine capable de trai‑ aux coûts. Au‑delà des licenciements de ter 38 000 tonnes de minerai, contre dépendance vis‑à‑vis du fer, ses salariés, la compagnie canadienne Tasiast, la principale mine aurifère du 8 000 tonnes aujourd’hui. En juillet, devrait aussi mettre la pression sur ses pays, est en mauvaise posture. Depuis il a par ailleurs indiqué l’ouverture de sous‑traitants, qui, comme lui, emploient le début de l’année, son propriétaire, le négociations avec les délégués du per‑ environ 1 200 travailleurs. canadien Kinross (cinquième producteur sonnel en vue d’une réduction de ses Si le groupe apprécie « la stabilité de mondial de métal jaune et déficitaire effectifs et du licenciement envisagé la réglementation minière précise en depuis 2011), a annoncé une série de de 200 à 250 personnes sur les quelque place, respectée à la lettre par le gou‑ décisions visant à réduire la voilure du 1 200 salariés que le groupe emploie en vernement », les licenciements annon‑ projet, situé à 280 km au nord‑est de cés pourraient affecter ses Nouakchott. relations avec les autori‑ les autorités ont été « fortement Racheté par Kinross à son compatriote tés, jusqu’à présent « posi‑ surprises » par les réductions Red Back Mining en 2010, peu après sa tives », selon Kinross. Les mise en exploitation, le gisement était réductions de personnel de personnel annoncées. pourtant parvenu progressivement à ont « surpris fortement » atteindre une cadence soutenue, avec Mauritanie (à Tasiast et dans ses bureaux le ministère mauritanien des Mines, une production passant de 57 000 à de Nouakchott). contacté par Jeune Afrique. « Nous 260 000 onces (de 1 616 à 7 371 kg) de Selon la direction régionale du groupe devrons vérifier que les licenciements 2010 à 2014. pour l’Afrique, installée à Las Palmas, ne surviennent qu’en dernier recours, aux Canaries, ces décisions découlent après toutes les autres mesures de réduc‑ licenciements. Mais, touché par la des coûts d’exploitation excessifs de la tion des coûts », prévient Cheikh Zamel, mine de Tasiast. « En 2014, ils étaient les chute du cours de l’or (qui accuse une directeur du cadastre minier et de la baisse de 30 % actuellement par rap‑ plus élevés de toutes les implantations géologie, inquiet d’un éventuel conflit port à son niveau le plus haut, début de Kinross, qui est également présent social. ● 2012), Kinross a annoncé en février au Ghana, en Russie, aux États‑Unis, christophe le Bec dr

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A

n O 2852 • du 6 au 12 septembre 2015

jeune afrique


football mauritanien en plein envol Le

Les Mourabitounes devant le nouveau siège de la FF RIM.

20 juillet 2013 - Liesse populaire sans précédent pour la 1ère qualification à une compétition continentale majeur, le CHAN 2014.

e Comité Exécutif de la Fédération Mauritanienne de Football vient de rempiler, le 5 juin dernier, pour un nouveau mandat. A la tête du football mauritanien depuis le 28 juillet 2011, le Président Ahmed YAHYA et son équipe ont pu accomplir dʼimportants pas sur la voie de la réhabilitation de ce football. Grace à un soutien sans faille des autorités et, en tête, le Président de la République, S.E.M. Mohamed Ould Abdel Aziz, des équipes nationales ont été mises sur pied et participent aux compétitions continentales et internationales.

L’impact de ces résultats se fait sentir déjà, à travers une fulgurante ascension au classement mondial dans lequel la Mauritanie a glané, en 3 ans, 93 places devant de grandes nations de football, une réconciliation du public avec son football, matérialisée par l’affluence aux stades, le sentiment de fierté nationale, matérialisé par le port du maillot national dans tous les coins et recoins du pays.

Une académie de football a été créée et sa direction confiée à un staff espagnol de haut niveau. Elle offre aujourd’hui un cursus de formation à 3 catégories d’âge : les U 15, les U 17 et les U 19. Dans le domaine de la communication, l’acquisition d’une unité de production TV propre à la Fédération a permis de donner une plus grande visibilité du football mauritanien.

A présent, les Mourabitounes, dirigés par le français Corentin Martins, s’apprêtent à affronter des géants du continent dans le cadre des éliminatoires de la CAN 2017, notamment l’Afrique du Sud, après que les Lions indomptables du Cameroun aient échappé de justesse à cette déferlante mauritanienne.

A l’orée d’un mandat et à l’entame d’un autre, le football mauritanien peut envisager l’avenir avec sérénité et les équipes du continent sont désormais averties : des longues et belles étendues désertiques de la Mauritanie est sortie une équipe à la recherche de sa place au milieu du gotha africain. ■

À gauche : Les joueurs et le staff des Mourabitounes reçus au Palais Présidentiel par le Président de la République. Un autre signe dʼencouragement et de soutien des pouvoirs publics au football national. À droite : SEM le Président de la République donnant le coup dʼenvoi dʼun match éliminatoire du CHAN 2014.

À gauche : Un match amical de lʼÉquipe Nationale U 20 contre un adversaire de taille, lʼArgentine. À droite : Le Président de la République, SEM Mohamed Ould Abdel Aziz, recevant le coffret de la FF RIM des mains de son Président, Monsieur Ahmed YAHYA.

www.ffrim.org

DIFCOM/FC - Photos : DR

COMMUNIQUÉ

Elles y enregistrent des résultats honorables, comme la qualification, pour la 1ère fois de l’histoire du pays, aux phases finales du CHAN 2014 ou encore les préliminaires de la 30e CAN. Les victimes de ce sursaut ont pour noms le Canada, le Sultanat d’Oman, le Niger, la Guinée Équatoriale et l’Ile-Maurice, mais aussi le voisin du Sud, le Sénégal, naguère invincible devant la Mauritanie, par deux fois en moins de deux ans vaincu par les Mourabitounes. L’autre voisin, cette fois-ci du Nord, le Maroc, n’a pas échappé aux foudres de ce renouveau. Ainsi, les Mourabitounes U 17 ont battu les Lionceaux de l’Atlas à Rabat sur le score de 3-1 et remportent, ainsi, le trophée de l’UNAF.

Les compétitions nationales ont enregistré de nettes améliorations. Des championnats se jouent dans chaque région en plus des compétitions nationales majeures. Les infrastructures ont bénéficié d’une attention particulière, matérialisée par les pelouses de l’Académie de Football, du Stade Cheikha Ould Boidiya, la pelouse du stade de Zouerate, le nouveau siège flambant neuf et son amphithéâtre ultra-moderne.


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Le Plus de J.A. Mauritanie Humeur Alain Faujas

« Nos ancêtres les nomades »

E

n très gros, l’homme est arrivé en Mauritanie il y a un million d’années, pour y devenir sapiens. Pour le savoir, il faut dénicher le Musée national que recommandent Le Guide du routard, Le Petit Futé et Lonely Planet. À Nouakchott, aucun chauffeur de taxi ne semble connaître ce haut lieu de culture. Heureusement, Google Maps permet de pallier cette ignorance et d’arriver au pied d’un bâtiment massif construit par les Chinois et abritant aussi la Bibliothèque nationale, le Centre de conservation des manuscrits et l’Institut de recherche scientifique. Le gardien ouvre la première salle du rez-de-chaussée à l’unique visiteur de l’après-midi que je suis. Il n’y a plus qu’à passer en revue, de vitrines en panneaux, les différents âges de l’humanité, au temps où le Sahara fleurissait pour le bonheur des hommes. C’est chiche, très académique, mais parlant: moustérien, atérien, épipaléolithique et néolithique livrent leurs « galets aménagés », leurs bifaces qui permettaient de tuer et de dépecer le gibier, puis les poteries trouvées dans les tombes, les œufs d’autruche, les parures et les gravures rupestres. L’élevage et l’agriculture arrivent plus tardivement que dans le reste de l’Afrique du Nord. Il y a sept mille ans? Cinq mille ans?… C’est à peu près le moment où l’océan s’est élevé de 100 mètres en dix mille ans, noyant sous ses eaux le site de l’actuelle Nouakchott, avant de se retirer. Les muséologues ont ensuite choisi d’abréger la descente des millénaires. On saute d’un coup de la culture deTichitt, entre 4000 et 2000 avant J.-C., à celle de l’Awdaghost (Tegdaoust), environ huit cents ans de notre ère, puis à l’empire de Ghana (Koumbi Saleh), vers l’an 1000. Les vues de Chinguetti, Ouadane, Rachid, Ksar el-Barka exhibent leurs belles architectures, et les vitrines, leurs poteries et leurs monnaies (plumes d’autruche, fibres de cuivre, sel gemme,

cauris). Plus loin, tout devient quelque peu bric-à-brac : ouvrages religieux, balles de mousquets et, pour finir, une cotte de mailles almoravide. À propos d’Almoravides, citons le commentaire affiché : « Awdaghost […] semblait subir l’influence du Ghana. Elle en sera libérée en 1054 par les Almoravides. » Awdaghost « libérée »? Cet anachronisme ne saurait mieux illustrer le parti pris de camper, au propre comme au figuré, les Maures au centre de l’Histoire. Un peu comme les historiens français ont mythifié « nos ancêtres les Gaulois », les conservateurs mauritaniens mettent en scène « nos pères les nomades ». Arabes? Berbères? En tout cas pas vraiment négro-africains. L’exposition du premier étage le confirme. Elle mériterait des explications moins sommaires mais présente joliment les bagages de la tribu et les palanquins des femmes que l’on perchait sur les dromadaires. Il y a les bijoux et la pharmacopée, les outils des forgerons et des tisserands, les ustensiles pour dénoyauter les dattes, les outres pour conserver l’eau si précieuse. Un modèle réduit de tente bédouine est prêt à accueillir l’hôte de cette autarcie rêvée. Là encore, la visite se termine en capharnaüm, avec une peau de crocodile venue d’on ne sait où, des calebasses et quelques pétoires. L’aménagement intérieur d’une maison de poupée fabriquée à Oualata gagnerait pourtant à être expliqué pour faire comprendre au béotien comment vivaient les nomades qui ont quitté leurs « semelles de vent » et sont devenus sédentaires. La nostalgie et le mythe qui ont présidé à cette muséographie nuisent à la compréhension de la mosaïque millénaire qu’est la très, très jeune Mauritanie. Dommage. ● Musée national, rue Mohamed-el-Habib, à deux blocs de l’immeuble de la BMCI, au sud de la nationale 2. Entrée: 2500 ouguiyas (7 euros).

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