Algérie Rachid Nekkaz, le poil à gratter de la République jeuneafrique.com
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • no 2905 • Du 11 au 17 septembre 2016
Spécial
20
pages
RD Congo À quoi joue Kamerhe ? Dossier santé Cancer : l’Afrique face au fléau
GABON Famille, pouvoir, argent, trahisons, complots… Enquête dans les méandres de la guerre que se livrent Ali Bongo Ondimba et Jean Ping.
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5e
ÉDITION
20-21 mars 2017, Genève
Shaping the future of Africa
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09/09/2016 10:44
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Dossier
Santé
INTERVIEW Ardo Boubou Ba, XXXXXXXX président de la Fédération ouest-africaine Etuer in du secteur privé de la santé heniveliqui
Alors qu’on prévoit une explosion du nombre de cancers d’ici à 2020, l’oncologie reste une discipline jeune sur le continent. Les États prennent peu à peu conscience du défi, mais il reste beaucoup à faire en matière de formation et d’équipement.
L
RÉMY DARRAS
ongévité, changement de mode de vie, alimentation… Le progrès a son revers : on meurt de plus en plus du cancersurlecontinentafricain. «Une double peine pour l’Afrique, qui, en plus des maladies non transmissibles [maladies cardiovasculaires et respiratoires, diabète et cancers], subit déjà les pathologies des pays pauvres », estime le cancérologue Adama Ly, chercheur en France à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et président du réseau Afrocancer. L’OMS dénombrait plus de 840000 nouveaux cas et 600000 décès en 2012. Des données qui seront réactualisées et certainement amplifiées à la fin de l’année. Les hôpitaux voient arriver de plus en plus de femmes souffrant de cancers du sein ou du col de l’utérus, mais aussi des hommes à qui l’on diagnostique, à partir de 45 ans, un cancer de la prostate, du foie ou du côlon. Si la « longue maladie » reste un tabou sur le continent, l’élaboration au niveau national de registres des pathologies ainsi que de plans contre le cancer permettent de définir peu à peu les priorités. Plusieurs centres ont vu le jour, comme l’Institut de cancérologie de Libreville, en fonction depuis 2012. D’autres sont en projet, comme au Sénégal le Centre national d’oncologie de Diamniadio, ou en Côte d’Ivoire celui consacré à la radiothérapie, attenant à la polyclinique internationale Sainte-Anne-Marie (Pisam) d’Abidjan. Mais la lutte contre le cancer demeure le parent pauvre des politiques de santé publique, car ce sont les maladies infectieuses (sida, tuberculose, épidémies comme Ebola…) qui concentrent l’essentiel des budgets et des investissements. « On réussirait d’ailleurs à vaincre le cancer si on arrivait d’abord à éradiquer ces infections chroniques », poursuit le médecin. Car 26 % des cas de cancer dérivent directement d’infections chroniques comme les hépatites B et C ou du sida. Ils peuvent aussi être liés à des bactéries vivant exclusivement en zone tropicale comme celle impliquée dans le paludisme, qui conduit au lymphome de Burkitt. Alors qu’on prévoit une explosion du nombre de cancers d’ici à 2020, dont l’origine sera davantage la conséquence de maladies infectieuses N 0 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
CANCER
La contre-a s’organise JEUNE AFRIQUE
INFOGRAPHIE
Le continent redouble d’efforts
START-UP
Le portable, nouveau couteau suisse
TROISIÈME ÂGE
XXXXXXX
Carthagea, business Am zzriure et dépendance mod tat
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Dans le hall du CHU d’Angondjé, à Libreville.
DAVID IGNASZEWSKI
e-attaque JEUNE AFRIQUE
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Dossier Santé
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que du tabagisme ou de l’alcoolisme, le premier défi réside dans une sensibilisation accrue des populations et dans la prévention primaire. Des initiatives sont organisées par exemple par la Ligue sénégalaise contre le cancer, qui finance des programmes contre le cancer du col de l’utérus avec le soutien de sponsors comme l’opérateur de télécoms Sonatel et offre des mammographies lors de campagnes de dépistage comme Octobre
ONS ABID POUR JA
LE MAGHREB MONTRE LA VOIE
L’hôpital SalahAzaïz, premier institut tunisien de traitement du cancer.
L
es pays du Maghreb investissent depuis longtemps dans la lutte contre le cancer. Avec plus de 30000 nouveaux cas par an, le Maroc a mis en place un plan 2010-2019 doté de 8 milliards de dirhams (732 millions d’euros) qui vise à la prise en charge de 100 % des patients, avec pour objectif 50 % de guérisons. En Algérie, alors que 45000 nouveaux cas y sont enregistrés chaque année, un plan national anticancer a été créé en 2015 (il
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court jusqu’en 2019), avec un budget de 180 milliards de dinars (1,4 milliard d’euros), dont 77 milliards pour le programme d’investissement en cours et des projets de modernisation. Plus de 100 milliards seront consacrés à l’exploitation de centres anticancer et d’unités d’oncologie. Quant à laTunisie, qui comptabilise 6600 nouveaux cas par an, elle a entamé en février dernier son troisième plan cancer R.D. depuis 2006.
rose. Mais, en dehors de ces opérations ponctuelles menées le plus souvent par des associations locales aux moyens limités et au faible impact, aucune prévention des cancers du sein et de la prostate n’est organisée ni financée par les États. Pourtant, administrer le vaccin contre le cancer du col de l’utérus aux jeunes filles de 12 ans avant leur premier rapport sexuel serait le meilleur moyen d’enrayer la maladie. Mais il coûte jusqu’à 80 euros. « Avec un tel programme de dépistage, on pourrait réduire la mortalité de 30 % en cinq ans », souligne le professeur Mamadou Diop, directeur de l’institut Joliot-Curie à l’hôpital Aristide-Le Dantec de Dakar, qui accueille 60 % des malades du pays, et qui propose trois modalités de traitement : chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie. Une prévention qui fait ses preuves. « Au Sénégal, on commence à mesurer l’impact du programme élargi de vaccination lancé en 2001 contre la diphtérie et le tétanos et devenu gratuit en 2004, avec une diminution des cancers du foie due au vaccin contre l’hépatite B », explique le professeur. Hélas, dans 70 % à 80 % des cas, le diagnostic survient à l’hôpital trop tardivement. S’ensuit généralement un traitement lourd avec un potentiel de survie très faible puisque, quand 80 % des cas sont guéris en Europe, seuls 25 % peuvent l’être en Afrique. Et, quand la guérison a lieu, les conséquences physiques sont souvent très invalidantes pour le patient. « Ceux qui ont les moyens vont se soigner au Maroc ou en Afrique du Sud, les plus démunis sont condamnés », déplore le docteur Ly. INSUFFISANTS. Le déficit de personnel qualifié désarme encore plus les pays dans leur lutte contre le cancer. « Au Sénégal, qui compte 15 millions d’habitants, il n’y a qu’un seul service de radiothérapie dans un seul hôpital public qui emploie deux radiothérapeutes. Des moyens insuffisants, alors qu’unegrandepartiedesmaladesdoiventbénéficier de ce traitement. Il n’y a qu’un seul chimiothérapeute, seulement dix anatomo-pathologistes pour établir des diagnostics, et ils sont tous à Dakar. Le prélèvement est envoyé en Europe avec de gros délais. Il manque des urologues, des chirurgiens formés… » regrette le professeur Mamadou Diop. La Mauritanie et le Mali ont ouvert de petits services de radiothérapie, la Côte d’Ivoire (lire encadré page 102) et le Niger projettent d’en créer également. Pourtant, certains pays s’engagent à former de nouveaux spécialistes au Maroc ou en France, ou encore créent leur premier centre de formation en oncologie médicale. « Celui de Brazzaville a formé plus d’une vingtaine de spécialistes. Le Sénégal forme des médecins en chirurgie cancérologique, le Cameroun des radiothérapeutes, la Côte d’Ivoire a créé il y a deux ans un deuxième pôle de formation en oncologie médicale. On s’organise pour avoir notreproprepôledeformationauGabon»,explique le professeur Ernest Belembaogo, responsable JEUNE AFRIQUE
Sans titre-3 1
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DESIREY MINKOH/AFRIKIMAGES
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de l’Institut de cancérologie de Libreville. Ce dernier emploie une centaine de personnes, dont douzemédecinsspécialistes.«Depuisqu’onaouvert, dix médecins ont été formés dont sept radiothérapeutes, deux oncologues sont rentrés de formation l’année dernière », poursuit le professeur. Installé au sein du CHU d’Angondjé, l’Institut, qui peut
Un accélérateur de particules, pour le traitement par radiothérapie, coûte plus de 700 000 euros (ici à l’Institut de cancérologie d’Angondjé).
accueillir pour le moment 600 patients par an – alors qu’on s’attend à 1 500 nouveaux cas –, bénéficie d’un plateau technique très moderne, financé par l’État et auquel l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a fourni son appui. Il comprend deux pavillons (technique et hospitalier) de vingt lits chacunetdixplacespouruntraitementambulatoire de chimiothérapie. Il dispose aussi de deux accélérateurs linéaires de particules [appareil avec lequel on effectue le traitement de radiothérapie] avec un simulateur, d’un scanner radio et d’un appareil de curiethérapie pour des irradiations plus localisées. Pour la médecine nucléaire, il s’est équipé d’une gamma-caméra pour réaliser les scintigraphies. Un laboratoire de biologie des tumeurs permet un diagnostic plus affiné du tissu du cancer (examen immunohistochimique). À proximité du centre se trouve une maison de vie de vingt lits destinée aux malades qui viennent de loin, un modèle inspiré de l’expérience marocaine. Enfin, il a déjà ouvert quatre unités de dépistage de cancers du col de l’utérus sur les dix projetées majoritairement en dehors de Libreville. Tous les pays d’Afrique francophone ne peuvent témoigner d’autant d’avancées en matière de plateau technique. Les machines de radiothérapie demeurent le maillon faible. « On estime entre 50 % et 60 % la proportion des patients qui ont besoin d’un traitement de radiothérapie. Selon l’AIEA, il y a 277 appareils dans 23 pays africains, dont 90 % en Afrique du Nord et en Afrique australe: 89 d’entre eux étaient au cobalt, qui pose des problèmes d’irradiation et d’adéquation avec les nouveaux traitements. Il faut quatre machines de radiothérapie pour une population de 1 million d’habitants. Le chemin à parcourir est encore long », constate le docteur Jean-Marie Dangou, conseillerrégionalpourlaluttecontrelecancerpour l’Afrique, à l’OMS. « Au Sénégal, nous envisageons d’acquérir des accélérateurs de particules qui JEUNE AFRIQUE
Evoluant dans l’étude, le conseil, la fourniture, la maintenance de matériels et d’équipements médicaux et hospitaliers, Carrefour Médical est le partenaire privilégié des acteurs de la santé en Afrique. La société a participé activement à la modernisation du secteur médical avec de nombreuses réalisations dans divers domaines comme : l’imagerie médicale, la cardiologie, la néphrologie et les équipements des laboratoires d’analyse de dernières générations. Carrefour Médical s’inscrit véritablement en société citoyenne qui ne cesse d’initier et de réaliser des projets de grandes envergures car soucieuse du bien être des populations pour un accès démocratique à des soins de santé de qualité. Depuis 2008 Carrefour médical a procédé à l’installation de divers matériel dans les hôpitaux en ophtalmologie, laboratoire, bloc opératoire – cardiologie : une innovation de taille avec les centrales de production d’oxygènes à travers les hôpitaux du Sénégal offrant une autonomie complète en oxygène et une économie budgétaire substantielle.
Décentralisation des centres de dialyse à travers le Sénégal
SISDAK
Autonomisation de la fourniture d’oxygène des hôpitaux du Sénégal
Conférence / Social
3
Décentralisation des centres de Dialyse Décentralisation des centrales d’oxygène
I N N O VAT I O N Diagnostique
Autonomie en oxygéne
2008
2009
Imagerie Médicale
2010
Néphrologie
2011
Financement
2012
Maintenance
2013
Diabète
Numérisation
2014
VDN Sacré-Coeur 3 N° 9365 / Tel : 00221 33 869 04 40 - Fax: 00221 33 867 54 44 medical@cosemad.sn - www.carrefourmedical.sn / BP: 11 755 Dakar Peytavin, Sénégal
2015
Dossier Santé remplaceront notre seul appareil de cobaltothérapie, rarement utilisé. Cependant, il y a aussi un déficit au niveau des appareils d’imagerie – IRM, scintigraphie, PET Scan [ou TEP en français, désigne la tomographie à émission de positons, un procédé d’imagerie qui étudie l’activité d’un organe] –, et les moyens immunohistochimiques pour avoir plus de précisions n’existent pas », précise le professeur Mamadou Diop. CHERTÉ. Les appareils coûtent cher, notamment
en raison du taux élevé des droits de douane : 1 million d’euros pour une IRM destinée aux dépistages précoces, 800 000 dollars (soit près de 717 000 euros) pour un accélérateur linéaire de particules, sans compter la construction du bunker qui l’accompagne. Un coût qui se ressent aussi du côté du patient. En dehors du Gabon, qui assure une prise en charge gratuite des soins, il n’y a souvent aucune sécurité sociale. Les assurances ne concernent que 20 % des malades. Une chirurgie du col de l’utérus, du sein ou de la prostate dans un hôpital public coûte 75000 F CFA (114 euros). Une chimiothérapie aura un coût variable selon le type de cancer et sa localisation ainsique le type demédicaments employés. Une cure coûtera 35000 F CFA pour une chimio du cancer du sein avec usage de médicaments génériques. Son prix peut tripler en fonction du médicament employé, rapporte le docteur Dangou. Un cycle de radiothérapie coûte 150 000 F CFA, sachant qu’un cancer comprend plusieurs cycles. Les molécules de traitements
Certains traitements restent inaccessibles, avec un coût mensuel qui peut atteindre 2 millions de F CFA.
ciblés donnant moins d’effets secondaires sont pour leur part inaccessibles, entre 200 000 et 2 millions de F CFA par mois. Ces médicaments peuvent être prescrits sans limite de durée. Quand ils existent, les plans nationaux de lutte contre le cancer (PNC) sont financés par les États, « mais les budgets alloués sont soit insuffisants soit difficilement mobilisables, et ils ne permettent pas de couvrir toutes les activités prévues », poursuit le docteur Dangou. Le Sénégal a ainsi mis sur pied un PNC de 48 milliards de F CFA sur cinq ans, mais ces engagements pourraient rester pour une certaine part théoriques. Certains partenaires contribuent néanmoins aux plans, comme des agences onusiennes [OMS, AIEA, Fonds des Nations unies pour la population], les communautés économiques sous-régionales, les ONG, le secteur privé et les firmes pharmaceutiques. Certains pays optent pour des prêts, comme le Ghana, qui a obtenu en 2008 un prêt à long terme et à faible taux d’intérêt du Fonds de l’Opep pour le développement international et de la Banque arabe de développement économique en Afrique d’un montant de 13,5 millions de dollars afin de développer et de mettre à niveau ses services de traitement et de soins anticancéreux. De rares pays, comme l’Algérie, ont des plans cancer entièrement financés par l’État. « Une fois que les États auront établi les registres, pris des engagements forts, notamment en matière de financements, ils commenceront à recevoir l’aide des partenaires internationaux », conclut le professeur Dangou.
LA CÔTE D’IVOIRE ACCÉLÈRE SUR LA RADIOTHÉRAPIE
L
es travaux devraient commencer en janvier prochain et donner naissance, dix-huit mois plus tard, au premier centre de radiothérapie ivoirien attenant à la polyclinique internationale Sainte-AnneMarie (Pisam) d’Abidjan. L’établissement privé, qui dispense déjà des soins en chimiothérapie, permettra de répondre à des besoins criants en radiothérapie puisqu’il n’y a aujourd’hui qu’un seul spécialiste en Côte d’Ivoire. Il accueillera entre 1 300 et 1400 patients par an. Il devrait comprendre deux accélérateurs de particules avec technologie V-Mat alors qu’un autre accélérateur est en construction dans le pays, au N 0 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
La Pisam, à Abidjan.
NABIL ZORKOT
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centre hospitalier universitaire de Cocody. Les investissements prévus pour ce centre tournent aux alentours de 3 à 3,5 milliards de F CFA (de 4,6 à
5,3 millions d’euros). Le PDG de la Pisam, Éric Djibo, qui a reçu plusieurs propositions de banques locales pour lever des fonds, devrait arrêter son choix fin
septembre sur un partenaire français pour un appui financier et/ou technique. Lequel permettrait à des radiothérapeutes étrangers de venir former leurs homologues ivoiriens. Le centre prévoit d’engager deux physiciens, deux radiothérapeutes et deux laborantins pour manipuler les appareils. Les soins devraient s’élever à 3 000 euros par patient, contre 7000 en Europe. En Côte d’Ivoire, rappelle Éric Djibo, les pouvoirs publics offrent des conditions avantageuses pour l’acquisition d’équipements médicaux, parmi lesquels la réduction de droits de douane et une baisse de R.D. 50 % de laTVA. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Santé INTERVIEW
Ardo Boubou Ba
Président de la Fédération ouest-africaine du secteur privé de la santé
« Un bon partenariat public-privé faciliterait l’accès aux soins » Prévention et dépistage des nouvelles pathologies, amélioration des infrastructures et des ressources humaines… Le spécialiste compte bien se faire entendre auprès des autorités.
F
in connaisseur du domaine de la santé au Sénégal et dans la région, le chirurgien Ardo Boubou Ba est le président du Syndicat des médecins privés et de l’Alliance du secteur privé de la santé du Sénégal et, depuis peu, celui de la Fédération ouestafricaine du secteur privé de la santé. Cofondateur de la société Asfadar, le principal investisseur dans le futur hôpital international de Dakar, il analyse pour Jeune Afrique les difficultés, les défis et les enjeux du secteur au Sénégal et dans la région, de la formation à la prise en charge des nouvelles pathologies, en passant par le rôle du privé. Entretien. JEUNE AFRIQUE : Où en est l’Afrique de l’Ouest en matière de santé ? Les gouvernements font-ils assez d’efforts ? ARDO BOUBOU BA : L’Afrique
de l’Ouest est très en retard en matière de couverture sanitaire, et nos gouvernements ne font pas du tout les efforts nécessaires à une amélioration significative de la situation. Il y a quelques velléités récentes, mais il reste beaucoup à faire. La Fédération ouest-africaine du secteur privé de la santé s’attellera, en collaboration avec les ministères de tutelle, à mesurer, dans chaque pays de la Cedeao, la réalité et les besoins dans ce domaine. La résolution durable des questions de santé procède d’une volonté politique forte. Manifestement, ce n’est pas encore le cas pour N 0 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
nous. La Fédération souhaite se faire entendre par nos décideurs au plus haut niveau. Pour cela, l’Organisation ouest-africaine de la santé aura un grand rôle à jouer en étant notre tuteur. Y a-t-il un pays qui se distingue dans ce domaine ?
Je ne peux pas répondre à cette question maintenant. Au terme de l’évaluation que la Fédération souhaite réaliser, je pourrai vous indiquer ceux qui sont à l’avantgarde et ceux qui sont à la traîne. Cancer, maladies cardiovasculaires, diabète… Ces pathologies qui, en Afrique, deviennent de plus en plus importantes, doivent-elles faire l’objet d’une prise en charge particulière ?
La mondialisation est un phénomène global qui s’étend aux modes de vie et donc aux pathologies qui en découlent. En Afrique, nous devrions nous attacher, plus qu’ailleurs, à leur dépistage précoce et à la prévention eu égard au coût exorbitant de la prise en charge curative. Il va falloir toutefois inclure ces pathologies en bonne place dans les programmes de santé, à la fois pour des infrastructures performantes et des ressources humaines compétentes. Accorder plus de place au secteur privé peut-il permettre d’améliorer la situation sanitaire des pays africains ? Y compris pour les classes populaires ?
C’est évident. Le secteur privé assure au bas mot 30 % à 40 %
L’ouverture du HID est pour janvier Implanté sur la corniche, l’hôpital international de Dakar devrait être inauguré en janvier. Il sera doté, à terme, de 200 lits, et offrira toutes les spécialités médicales : chirurgie, gynécologieobstétrique, réanimation, biologie, imagerie… Porté par des médecins sénégalais, le projet a reçu le soutien de la Caisse des dépôts et consignations sénégalaise. Le montant de l’investissement reste confidentiel.
des soins de santé. Aucune étude sérieuse n’a jamais été faite pour évaluer sa contribution réelle. Il ne faut pas penser, quand vous parlez des classes populaires, que le secteur privé ne soigne que les nantis. Au Sénégal, par exemple, les Instituts de prévoyance maladie (IPM), qui prennent en charge les travailleurs des entreprises et leurs familles, bénéficient d’un tarif préférentiel, inférieur de 50 % par rapport au tarif normal, pour des soins de qualité… L’accessibilité des soins dépend davantage du pouvoir d’achat. C’est une question de développement et de niveau de vie. Cela dit, le partenariat publicprivé peut permettre, s’il est bien conduit, d’atteindre plus largement les objectifs de couverture sanitaire pérenne. Les alliances, fédérations et plateformes du secteur privé de la santé, qui sont le soubassement de la Fédération ouest-africaine, sont prêtes pour ce partenariat. Ces dernières semaines, vous avez dénoncé les difficultés de financement auxquelles sont confrontés les chefs d’entreprise de votre secteur. La santé n’intéresse pas les investisseurs en Afrique ?
Cela fait deux décennies que je les dénonce ! Et je continuerai de le faire. Comment voulezvous que ce secteur se développe s’il est livré à lui-même ou alors financé au compte-gouttes avec des conditions draconiennes ? Les investisseurs ne s’y intéressent pas vraiment jusqu’à présent et pourtant, il est très porteur. Ce sera aussi un des chantiers de la Fédération.
La faculté de médecine de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar JEUNE AFRIQUE
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Plus globalement, les établissements de santé ont-ils des difficultés à trouver du personnel de qualité au Sénégal ?
Oui. C’est pourquoi il faut encourager la formation en grand nombre tout en veillant aux normes, et en combattant les formations approximatives, source de danger pour la sécurité des patients. La contrefaçon de médicaments est toujours importante en Afrique. Que pensez-vous de la politique des laboratoires pharmaceutiques ? Font-ils assez d’efforts pour rendre les traitements accessibles ?
LEE GOTEMI POUR JA
La contrefaçon de médicaments et leur vente dans la rue constituent un véritable fléau ! Nous ne nous battrons jamais assez contre cela. Les laboratoires font des efforts, encore timides, mais je pense qu’ils peuvent mieux faire. Un des objectifs de la Fédération est d’aborder cette question avec ceux d’entre eux qui seront disposés à le faire.
est réputée pour sa formation médicale. Cette réputation est-elle toujours justifiée ?
Oui, autant que je puisse en juger. D’abord, les inscriptions en faculté de médecine vont crescendo d’année en année, et d’autres facultés ont été ouvertes dans trois autres régions du Sénégal pour y faire face [Saint-Louis, Thiès et Ziguinchor]. Ensuite, le nombre d’étudiants venant de la sousrégion et d’Afrique du Nord est considérable, aussi bien pour le cursus de base que pour les spécialisations. Enfin, les très bons résultats aux concours d’agrégation du Conseil africain et malgache JEUNE AFRIQUE
de l’enseignement supérieur des candidats sénégalais sont un bon indicateur de la qualité de l’enseignement. Les facultés privées de médecine se développent. Offrent-elles toutes les garanties en matière de formation ?
C’est une excellente chose que ces facultés novatrices se développent. Il est bien entendu indispensable qu’elles se conforment aux exigences pédagogiques et réglementaires en vigueur. Les autorités sont tenues d’y veiller, car garantes de la délivrance des diplômes d’État.
Le chirurgien dans l’un des futurs blocs de l’hôpital international de Dakar, en chantier.
Après le Gabon, le Sénégal a mis en place une Couverture maladie universelle [CMU] pour garantir l’accès aux soins avec un objectif intermédiaire de couverture de 75 % en 2017. Trois ans après son démarrage, quel bilan peuton faire ?
Je ne suis ni le concepteur de la CMU ni la personne chargée de sa mise en place par le gouvernement du Sénégal, et ne puis donc, en aucune manière, en faire le bilan. En revanche, je peux vous dire que le secteur privé – notamment l’Alliance du secteur privé de la santé du Sénégal, que j’ai l’honneur de présider – a signé au mois de mars une convention de partenariat avec le ministère de la Santé et de l’Action sociale, qui lui permettra, entre autres, de contribuer à l’atteinte de cet objectif. Propos recueillis à Dakar par AMADOU OURY DIALLO N 0 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
106
Dossier Santé XXXXXXXXXX Le continent redouble d’efforts DES BUDGETS EN HAUSSE
160
Dépense publique en Afrique en 2014 consacrée à la santé, selon l’OMS
ddollars ll En 2014
76 % Proportion des dépenses de santé financée sur la base de ressources domestiques
70
10 %
dollars par personne
En 2001, la déclaration d’Abuja prévoyait d’y consacrer au moins
Part des dépenses publiques affectées à la santé en Afrique
au début des années 2000
15 %
Montant dépensé par les pays africains en 2014 pour financer la santé
24
milliards de dollars Somme promise par la Banque mondiale et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme pour aider les pays africains à réformer leurs systèmes de santé dans les cinq prochaines années
DES PROGRÈS CONSIDÉRABLES…
126
milliards de dollars
… MAIS UNE SITUATION SANITAIRE ENCORE CRITIQUE
Espérance de vie au Sénégal, en augmentation de près de vingt ans depuis 1985
64,8 ans en 2015
50 %
1 5%
1,3 %
de à du PIB
du PIB
Coût des maladies cardio-vasculaires dans les pays en développement
Coût du paludisme en Afrique
+ 6 millions
des Sénégalais ont accès à une couverture santé, selon leur président, Macky Sall. Le gouvernement
Estimation basse des Africains qui seront exposés au paludisme du fait des barrages nouvellement construits d’ici à 2020. La population totale concernée passera de 15 millions à au moins 21 millions, selon une étude récente publiée dans la revue Malaria Journal
prévoit qu’ils soient 75 % à l’horizon 2017
D Depuis deux ans, aucun cas d poliomyélite n'a été détecté de en Afrique.Il faudra toutefois attendre 2017 pour déclarer la maladie éradiquée
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Au moins Africains sur n’ont pas de couverture en matière de santé
JEUNE AFRIQUE
Dossier Santé START-UP
Le portable, nouveau couteau suisse
E-diagnostics par des infirmiers itinérants, conseils en ligne pour diabétiques, dialyse nomade pour patients isolés… JA a identifié des projets innovants qui ont su tirer profit du smartphone.
E
n moins de dix ans, le téléphone portable est devenu en Afrique l’outil idéal pour parer à toutes les urgences. Transfert d’argent, paiement de factures, télévision en ligne… À chaque besoin répond une nouvelle application. Et le secteur de la santé ne fait pas exception. À tel point que le continent serait l’un des premiers laboratoires de recherche et développement d’e-santé dans le monde, à en croire mHealth Alliance, le centre de recherche américain spécialiste de la
question. Avec l’ambition de rattraper un peu du retard pris dans des pays où les dépenses publiques en faveur de la santé restent très faibles : 2,31 % pour l’Afrique subsaharienne en 2014, selon les données de la Banque mondiale. Les groupes privés figurent parmi les premiers observateurs de ces innovations. Dernière illustration en date : la création, début juillet, par la fondation du laboratoire pharmaceutique Pierre Fabre, d’un Observatoire de l’e-santé dans les pays du Sud, avec l’objectif de
faire passer aux start-up le cap souvent difficile du financement. Si l’on attend beaucoup dans ce domaine de la part des opérateurs de télécoms, dont le chiffre d’affaires cumulé a atteint 53,5 milliards de dollars (environ 49 milliards d’euros) en 2015, force est de constater que la plupart des projets peinent à rassembler des fonds. Pourtant, les bonnes idées ne manquent pas. Jeune Afrique a sélectionné six innovations qui mériteraient plus de reconnaissance. BENJAMIN POLLE
E-diabete.org, le Mooc pour contrer le diabète en Afrique
Djantoli, le suivi des petits par e-diagnostics au Burkina et au Mali
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vec pour pari, dans les cinq ans à venir, de réduire la mortalité infantile (un enfant sur six en Afrique de l’Ouest), Djantoli, « veille » en bambara, est une association active au Mali et au Burkina Faso. Son modèle ? Des rondes d’agents itinérants qui auscultent les nouveaunés à domicile, moyennant un abonnement de 700 F CFA (soit 1 euro) par enfant et par mois. Ces infirmiers d’un nouveau genre sont équipés d’une application pour smartphones, dans laquelle ils renseignent le poids et la température du nourrisson, mais aussi d’éventuels symptômes d’infections respiratoires, de diarrhée ou de paludisme. Autant d’e-diagnostics qui sont envoyés dans les centres de santé à Bamako et à Ouagadougou. Là, des médecins peuvent ordonner des consultations en temps et en heure via N O 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
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DJANTOLI
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Une infirmière, dans un village au Mali.
l’application, quand souvent les familles tardent à consulter. Le service est couplé à une offre de micro-assurance (700 F CFA, au Burkina),
censée couvrir des consultations gratuites et certains médicaments. En 2015, la structure a permis de suivre 2 500 enfants dans les deux pays. B.P.
n connaissait les moocs (cours gratuits en ligne) académiques, voici e-diabete.org, un site qui joue sur un registre beaucoup plus pratique : santé publique, urgence, traitement, complications chroniques. Des spécialistes africains et européens partagent, grâce à internet, leurs connaissances avec leurs confrères et livrent des conseils de prise en charge du diabète au travers de vidéos, accessibles même en bas débit. L’initiative, développée par l’Université numérique francophone mondiale (UNFM, un réseau qui utilise internet pour diffuser un enseignement de qualité dans un environnement de pénurie), a d’abord débuté en Côte d’Ivoire, sous la houlette de l’Institut national de santé publique (INSP). Dans ce pays, on ne dénombre que 15 diabétologues en exercice, alors même que l’hyperglycémie chronique touche quelque 2 millions d’Ivoiriens. Depuis ses débuts en 2009, environ 2 000 professionnels de santé ont bénéficié de ces conférences en Afrique francophone. B.P. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Santé
JOKKOSANTÉ
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Jokkosanté, l’armoire à pharmacie du Sénégal
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on nom vient de jokkolanté, mot wolof qui signifie « donner et recevoir ». Toute la philosophie de l’entreprise réside dans cette idée. La start-up recycle des médicaments qui, en plus de coûter une fortune aux malades (1,50 euro pour du paracétamol quand le revenu minimum est à 60 euros), finissent bien souvent dans les placards à pharmacie familiaux, quand ce n’est pas dans la cuvette des toilettes. Pour couper court à ce cercle vicieux, Jokkosanté récupère les médicaments non utilisés, et dont les molécules sont authentifiées, pour les revendre à des particuliers via une plateforme informatique. Chaque fois qu’un particulier met à disposition des médicaments, il voit son compte crédité de points qui lui permettent d’acquérir à son tour ce dont il a besoin.
Medtrucks, la dialyse nomade du Maroc
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e sont les camions de dialyse mobile Desert Dyalisis, créés en Australie pour prodiguer les traitements aux aborigènes d’Ayers Rock, dans le centre rouge du pays-continent, qui ont inspiré le jeune entrepreneur Anass El Hilal. Si le Maroc est dix fois plus petit que l’Australie, les déserts médicaux y sont tout aussi présents, et les dialysés nombreux (10 000 personnes au moins). À sa sortie de l’École polytechnique universitaire de Montpellier (France), l’ingénieur a conçu le projet Medtrucks, dont la première caravane, composée de cinq lits, peut traiter jusqu’à dix patients par jour. Le prototype d’une flotte que le fondateur espère répliquer ailleurs en Afrique, avec l’objectif de le commercialiser auprès des cliniques et des hôpitaux. Un système aidé par une technologie de géolocalisation des patients inscrits et un algorithme d’optimisation du parcours des camions. B.P. N O 2905 • DU 11 AU 17 SEPTEMBRE 2016
Des sociétés – comme Sodipharm, Bolloré ou la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal (Bicis) – ont déjà crédité les comptes des particuliers les moins favorisés. À l’aide de leur portable et sur ordonnance, les bénéficiaires de ce service acquièrent in fine des médicaments bien plus sûrs que ceux achetés dans la rue, pour une somme modique. La start-up a démarré son activité en février 2015 à Passy, dans le centre-ouest du Sénégal, grâce à un financement de 25000 euros dont 20000 fournis par l’opérateur Orange. Aujourd’hui, elle envisage de se déployer dans tout le pays et, pour y parvenir, projette de collecter 150000 euros, qui s’ajouteront à la bourse de 150000 dollars (environ133000euros)décrochéeauprèsde laBanque marocaine du commerce extérieur (BMCE) fin 2015. B.P.
OPISMS, le carnet de vaccination électronique de la Côte d’Ivoire
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uberculose, tétanos, diphtérie, poliomyélite, coqueluche, rougeole : en Côte d’Ivoire, 51 % des enfants de 12 à 23 mois ne reçoivent pas l’ensemble de ces vaccins de base, selon une étude du programme « Demographic and health surveys » pour l’Agence américaine pour le développement international (Usaid). Pour améliorer la situation de ces enfants mais aussi celle des adultes, la société informatique Ivocarte-Abyshop, dirigée par Noel Etché N’Drin, a développé un carnet de vaccinations et d’alertes par SMS. Après un test en 2011 à l’Institut d’hygiène publique, le carnet électronique de vaccinations, baptisé OPISMS – qui coûte 1 000 F CFA
(1,52 euro) par an quand il n’est pas subventionné –, a bénéficié d’une convention du ministère de la Santé pour être lancé au niveau national en 2013. Trois ans plus tard, promu par une campagne publicitaire télévisée, il revendique une couverturede 500 000 personnes dans 135 centres de santé. Ces derniers, rétribués par OPISMS, sont chargés de consigner les dates des vaccins et les lots administrés ; des données qui sont ensuite saisies par la petite équipe de la start-up de Treichville (Abidjan). Une tâche fastidieuse qui pourrait être améliorée en équipant chaque centre de santé d’un smartphone, peut-être via des partenariats avec des opérateurs de téléphonie. B.P. JEUNE AFRIQUE
Dossier Santé
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TROISIÈME ÂGE
Carthagea, business et dépendance
Convertir les hôtels désertés de Tunisie en résidences médicalisées pour seniors, c’est le projet développé par Alexandre Canabal. Son premier établissement ouvre ses portes en octobre à Hammamet.
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pécialiste de la gestion de portefeuilles, Alexandre Canabal, président du groupe Geko, basé à Londres, diversifie ses activités. Il lance à Hammamet, sur la côte est tunisienne, la première résidence médicalisée destinée à des patients du troisième âge (français, belges, suisses…), dont ceux atteints de la maladie d’Alzheimer. Un projet éloigné de son cœur de métier mais en lien direct avec sa connaissance du pays, dont son épouse est originaire. Alors que les investisseurs boudent la Tunisie, Alexandre Canabal a choisi de miser sur l’avenir du secteur médicalisé. L’idée n’est pas nouvelle. À deux heures trente d’avion de Paris, avec plus de trois cents jours de soleil par an, des compétences médicales et des prestations de qualité, la Tunisie a su, dès le début des années 2000, séduire les seniors, et en particulier les retraités français. Les accords avec la France en matière d’assistance médicale, un coût de
la vie relativement faible ainsi que des programmes spécifiques élaborés par les hôtels permettaient d’assurer de longs séjours à Hammamet, Port El Kantaoui ou Djerba. La chute du régime Ben Ali en 2011, les troubles qui ont suivi et une situation sécuritaire fragilisée par l’apparition du terrorisme ont donné un coup de frein à cette dynamique, laissant le champ libre aux concurrents marocains. MOUVEMENT. Mais depuis fin 2015, la tendance s’inverse doucement, et les retraités de l’Hexagone reviennent sur les rivages tunisiens. « Il n’y a pas plus de risques qu’ailleurs, et je dépense ici l’équivalent de ma facture de chauffage en France », précise l’un d’entre eux. Alexandre Canabal entend profiter de ce mouvement. Ainsi, il a créé Carthagea, une société pour laquelle il a obtenu un accord de la part du ministère tunisien de la Santé pour exercer en tant que « clinique monodisciplinaire spécialisée Alzheimer ». Pour cela, il a
Un promoteur 2.0 Fils et petit-fils d’entrepreneurs en travaux publics, Alexandre Canabal n’en est pas à son coup d’essai. En 2010, il a lancé une plateforme d’échange de location d’engins et de véhicules pour le BTP, devenue leader sur le marché français
CARTHAGEA
Une des chambres du Saphir Palace, qui héberge la résidence médicalisée.
repris la gestion de l’hôtel Saphir Palace & Spa, un cinq-étoiles sur 2,5 hectares en bord de mer dans la zone touristique de Yasmine Hammamet, qu’il transforme en résidence médicalisée pour personnes âgées dépendantes. Un centre d’hébergement pour retraités qui dispose de son propre service d’hémodialyse. EMPLOIS. « Il y a ici beaucoup d’infirmiers diplômés au chômage, que nous allons recruter et former à s’occuper de patients français. De plus, nous pérennisons le personnel de l’hôtel, et nous faisons entrer des devises. Enfin, on trouve une solution pour des hôtels qui sont vides », précise Alexandre Canabal. Le projet, qui a obtenu l’aval des ministères français et tunisien de la Santé, du Tourisme et de l’Emploi, devrait générer, dès l’ouverture prévue en octobre, 400 emplois parmi lesquels 240 postes occupés par des professionnels de la santé. Soit un soignant par résident dans une clinique d’une capacité de 240 lits. Outre l’attractivité de la Tunisie et d’un établissement mis aux normes,AlexandreCanabalcompte sur la pénurie de places dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en France pour drainer sa clientèle, moyennant un forfait mensuel de 2 600 euros. « Nous proposons des prestations haut de gamme avec une prise en charge globale comprenant les accès à la piscine, au hammam, au salon de coiffure et autres soins », explique Noureddine Beyrakdar, le directeur général de l’établissement. Pour Alexandre Canabal, ce premier établissement ne constitue qu’une étape pilote, car il espère renouveler l’expérience en ouvrant une résidence par an d’ici à 2021. FRIDA DAHMANI, à Tunis
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