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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 6,50 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mauritanie 1 200 MRO Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €
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France3,80€ Algérie290DA Allemagne4,80€ Autriche4,80€ Belgique3,80€ Canada6,50$CAN Espagne4,30€ Éthiopie67birrs Grèce4,80€ Guadeloupe4,60€
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ÉDITION GÉNÉRALE
CÔTE D’IVOIRE
Sékou Touré, le général qui doit faire rentrer l’armée dans le rang
GABON L’opposition prendrat-elle sa revanche ? EAU Un défi africain
NOUVELLE FORMULE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2978 DU 4 AU 10 FÉVRIER 2018
MONDIAL 2026
Candidat dee ll’Afrique Afrique à l’organisation l organisation de la compétition compétition, le royaume a quatre mois pour s’imposer face au trio États-Unis-Canada-Mexique. Atouts (et handicaps) d’un pari royal.
Pourquoi le Maroc y croit
COMMUNIQUÉ
AfWA /AAE L’Association Africaine de l’Eau organise son 19ème congrès à Bamako au Mali du 11 au 16 février 2018 sur le thème « accélérer l’accès à l’assainissement et à l’eau pour tous en Afrique, face aux défis du changement climatique ». À quelques heures de l’événement qui rassemble plus de 1500 participants, Sylvain USHER, Directeur Exécutif de l’Association lève un coin de voile sur la problématique.
n’ont pas de service adéquat d’assainissement. Ces chiffres Continuent d’augmenter en fonction de la croissance démographique. Au cours des 15 dernières années, la population urbaine d’Afrique subsaharienne a presque doublé. Dans la même période, les interventions pour améliorer l’assainissement dans cette partie de l’Afrique ont atteint seulement moins de 20%
Quel est l’état des lieux de l’accès à l’assainissement et à l’eau en Afrique ? La situation n’est pas très reluisante en matière d’accès à l’eau potable en Afrique. Près de 40% de la population du continent n’a pas accès à cette ressource. Certes des progrès importants ont été accomplis pour améliorer l’accès à l’eau . En effet au cours des 20 dernières années, plus de 230 millions de personnes ont pu accéder à l’eau potable. Néanmoins avec l’urbanisation rapide sur le continent et une population de près de 1 milliard de personnes, l’approvisionnement en eau en Afrique Subsaharienne a eu du mal à suivre l’évolution de la demande. Les taux de couverture en eau potable n’ont augmenté que de 11% au courant de la même période. En Afrique subsaharienne, il est plus courant d’avoir un téléphone mobile que d’avoir accès à des toilettes. Le manque d’accès à l’assainissement est l’un des facteurs les plus aggravants de la propagation des maladies dites d’origine hydrique. Les toilettes jouent un rôle crucial dans le développement d’une économie forte. Dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier, l’accès à un assainissement adéquat reste un luxe pour une grande partie de la population. Ainsi, 2,4 milliards de personnes dans le monde dont 700 millions en Afrique subsaharienne,
soutenus par nos partenaires financiers. La majeure partie des programmes de renforcement de Capacité de l’AAE est basée sur le partenariat entre opérateurs dans lequel les meilleurs dans des domaines spécifiques forment ceux qui ont sollicité un renforcement de capacité dans ces domaines. Ainsi, les Partenariats des Opérateurs de l’Eau (WOP Africa) visent à renforcer les capacités et à transférer les connaissances. Quelles sont les promesses du congrès de Bamako ?
de la population. Aujourd’hui le constat est qu’une prise de conscience est en train de s’installer en Afrique et de plus en plus nous assistons à la création de structures gouvernementales directement dédié à la gestion du secteur de l’assainissement. Et il faut croire après l’échec total pour l’atteinte des Objectifs de Développement du Millénaire (OMD – 2000/2015) en matière d’assainissement pour l’Afrique, qu’avec les nouveaux Objectifs de Développement Durable (ODD – 2015/2030) la situation devrait connaitre une amélioration substantielle. Quel rôle joue l’AAE dans l’amélioration de l’accès à ces services ? Pour l’AAE qui regroupe l’ensemble des opérateurs du secteur de l’eau et de l’assainissement en Afrique la réponse à tous ces défis commence par le renforcement des capacités des opérateurs. Ceci est l’objectif que nous cherchons à atteindre par la mise en place de divers programmes de renforcement de Capacités
Le Congrès de Bamako a la particularité de mettre en exergue pour la première fois dans l’histoire de l’AAE le secteur de l’Assainissement sous toutes ses facettes, s’agissant des aspects techniques avec la gestion de l’assainissement autonome et des boues vidange ainsi que l’étude du financement de manière durable de ce secteur et aussi l’exploration des cadres institutionnels propices au développement rapide et soutenu de l’assainissement en Afrique. Nous sommes certains que ce congrès pourra donner un coup de fouet important pour la prise en compte de l’assainissement et particulièrement l’assainissement autonome dans les stratégies de politiques de développement de nos états Africains. Le secteur de l’eau potable n’est bien sûr pas en reste. De nombreuses communications seront partagées et discutées au niveau des experts Africains et des autres continents. En conclusion l’AAE demeure pour le continent Africain l’institution à travers laquelle le secteur de l’eau et de l’assainissement est pris en considération sous tous ses angles et sur laquelle les gouvernants et autorités locales africains pourraient compter pour les appuyer dans le développement de leur population.
L’Association Africaine de l’Eau (AAE), initialement Union Africaine des Distributeurs d’Eau est née en février 1980 de la volonté de quelques dirigeants des sociétés d’eau d’Afrique de mettre en commun leurs ressources humaines, techniques et financières afin d’optimiser sur la formation des hommes et des femmes des entreprises du secteur et de créer une synergie autour de la recherche de solutions pour l’amélioration de l’accès à l’assainissement et à l’eau potable des populations africaines. Elle regroupe les sociétés de production et de distribution d’eau potable, celles qui gèrent les services d’assainissement, ainsi que celles qui régulent les politiques sectorielles dans les pays Africains. l’Association compte aujourd’hui, près de 150 membres répartis dans 45 pays Africains et au-delà de l’Afrique. Vision Être leader en renforcement des capacités des sociétés d’eau et d’assainissement en Afrique Composition Membres actifs : les sociétés d’Eau et d’assainissement Membres affiliés : les sociétés de biens et services liés à l’eau et à l’assainissement Membres individuels : les consultants, étudiants, tout autre acteur du secteur Plus d’infos : contact@afwa-hq.org www.afwa-hq.org +225 22 49 96 11 +225 22 49 96 18
AfWA /AAE
Focus Eau Des projets en quête d’investisseurs
En ville comme en zone rurale, la production et la distribution d’eau potable nécessitent de nouveaux équipements. Mais l’enjeu consiste à les financer et, surtout, à les entretenir.
G JACQUES TORREGANO POUR JA
arantir à toute la population africaine un accès à l’eau potable, à un coût abordable, d’ici à 2030… C’est l’un des objectifs de développement durable les plus ambitieux assignés au continent. Car comme le rappelait l’an dernier le Joint Mo-
Chantier de canalisation d’eau potable pour la ville d’Abidjan, en mars 2016.
RÉMY DARRAS nitoring Programme de l’Unicef et de l’Organisation mondiale de la santé, en 2015, près d’un Africain sur deux n’avait toujours pas accès à un service élémentaire d’approvisionnement en eau. Alors que le continent dispose de 5 000 milliards de m3 dans ses nappes phréatiques, 319 millions d’habitants
souffraient toujours d’un manque d’accès à cette ressource. Et, à la même période, seulement 24 % des habitants des zones rurales disposaient d’une eau non contaminée. Au regard du manque d’infrastructures et de fonds disponibles, l’objectif fixé pour 2030 semble encore hors de portée.
DR
Focus Eau
64 milliards de dollars
C’est, selon Osward Chanda, responsable chargé de la division eau et assainissement de la Banque africaine de développement, ce qui serait nécessaire chaque année pour financer les besoins en eau du continent africain
Quand les secteurs industriels et agricoles nécessitent de grandes ressources en eau pour se développer, l’urbanisation appelle à davantage de capacités de production et de distribution. « Ce qui exige, d’un point de vue technique, de trouver des terrains dans des villes où les droits fonciers sont souvent fragiles voire inexistants, d’enfouir des conduites d’eau sans trop gêner la circulation, d’assurer une bonne gestion des ressources et de mieux collecter les eaux usées », indique Jochen Rudolph, responsable de l’Initiative pour l’alimentation en eau et l’assainissement en milieu rural à la Banque africaine de développement (BAD). « Il faut construire des projets économiquement viables, en misant sur une politique de tarifs abordables pour la population », explique Marie-Ange Debon, directrice générale adjointe chargée de la division internationale de Suez – déjà présent à Ouagadou-
gou, à Bamako, à Nairobi ou encore à Dar es-Salaam. Des projets qui réclament des investissements importants que les États ne sont pas en mesure d’assumer seuls. Il leur faut donc se tourner vers des bailleurs de fonds institutionnels internationaux. « Beaucoup trop de projets sont encore orphelins, ne disposant pas de financement », regrette Marie-Ange Debon. À Yaoundé, 650 millions d’euros seront pourtant mis sur la table pour moderniser les installations actuelles de la ville, pour rendre
À YAOUNDÉ, 650 MILLIONS D’EUROS SERONT INVESTIS POUR MODERNISER LES INSTALLATIONS ET DESSERVIR LES QUARTIERS LES MOINS BIEN ALIMENTÉS.
BOISSONS celles-ci fonctionnelles en permanence et pour desservir les quartiers jusqu’ici les moins bien alimentés. Un projet mené par le consortium chinois Sinomach-CMEC et financé à hauteur de 85 % par Exim Bank of China – le reste étant pourvu par le gouvernement camerounais. Sa réalisation – comprenant le pompage de l’eau brute dans le fleuve Sanaga, la construction de l’usine et le transfert de l’eau vers la capitale – a été confiée en novembre 2017 à Suez, qui a déjà travaillé avec Sinomach-CMEC en Chine, en Angola et au Congo. Avant de s’attaquer à la construction de stations et de réseaux, « une des priorités pour les grandes entreprises est souvent de reprendre et de réparer des installations dont l’entretien n’est pas assuré, en réduisant les trop nombreuses déperditions d’eau », précise Jochen Rudolph. Un défi qui se pose en ville comme en milieu rural. Mais à la campagne, le fait que « la moitié des équipements, des pompes manuelles ou solaires, ne [soient] plus fonctionnels au bout de deux ans, car mal entretenus, fait fuir les investisseurs internationaux, qui préfèrent se replier sur les projets urbains », explique Thierry Barbotte, président de la PME française Odial Solutions. Pour sortir de ce cercle vicieux, son entreprise, qui fabriquait jusque-là des châteaux d’eau et des pompes dans 35 pays subsahariens, est devenue prestataire de services dans la région de Sikasso, au Mali. Elle a investi 2 millions d’euros pour remettre à niveau les pompes des villageois. Elle assure désormais la gestion du service pour une durée de quinze ans, facturant le mètre cube aux usagers à 500 F CFA (0,76 euro). Un système de paiement sans cash a même été développé autour d’epompes. Une solution à long terme que l’entreprise compte bien exporter en dehors du Mali. Elle pourrait inspirer à leur tour d’autres opérateurs privés, qui devraient enfin y trouver leur intérêt pour approvisionner le plus grand nombre.
Sous la pression chinoise, Castel muscle son offre gabonaise Soboleco, la filiale locale du groupe français, a doublé sa capacité de production d’eau en bouteille. Un dynamisme de rigueur pour pouvoir résister à la concurrence d’un nouvel acteur très ambitieux. OMER MBADI
l’origine, la Société des boissons de Léconi (Soboleco) prévoyait de doubler ses capacités à l’horizon 2018. Mais l’appétence des Gabonais pour les eaux en bouteille, alors que la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG-Veolia) peine à répondre à la demande en eau courante, l’a forcée à anticiper. En avril 2017, sa marque phare, l’eau minérale Andza, a même été momentanément en situation de pénurie. Le 4 mai, la division de la Société des brasseries du Gabon (Sobraga) a donc inauguré sa troisième ligne
À
d’embouteillage à Léconi, dans le sud-est du pays. Grâce à cet investissement de près de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros), l’entreprise reprise en 2001 par le groupe Castel produit désormais 28 000 bouteilles par heure. La bonne santé de l’entreprise s’est traduite par une augmentation de sa production de 448 530 hectolitres (+ 201,7 %) entre 2009 et 2016. Son chiffre d’affaires a suivi une évolution similaire (+ 181,4 %) sur la même période, pour atteindre 14,83 milliards de F CFA à la fin de 2016. Ce dynamisme avait du reste obligé Soboleco à investir 2,6 milliards de F CFA en 2013
PERTE DE LEADERSHIP AU CAMEROUN En zone Cemac, le groupe Castel a établi une répartition des marchés pour ses sociétés d’eaux en bouteille. Soboleco reste sur le marché gabonais, en dépit de sa capacité à exporter. Plus solide et plus ancienne au sein du groupe, sa filiale Société des eaux minérales du Cameroun (SEMC, groupe Brasseries du
Cameroun) approvisionne les marchés camerounais, tchadien, centrafricain et même équatoguinéen. Soumise à une rude concurrence depuis 2010, avec l’arrivée de trois nouveaux acteurs sur le marché, SEMC, qui produit l’eau minérale Source Tangui (32 % de parts de marché), a
perdu son leadership en 2016 au Cameroun, au profit des eaux Supermont (56 % de parts de marché), appartenant à Source du Pays, contrôlé par le Libanais Nessrallah el-Sahely. SEMC serait davantage fragilisée si Soboleco venait à attaquer aussi ses marchés traditionnels. O.M.
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Focus Eau
INTERVIEW pour installer une deuxième ligne d’embouteillage et doubler – déjà – sa capacité de production en la portant à 12 800 bouteilles par heure.
Tous azimuts
Même si le management – qui n’a pas répondu aux sollicitations de JA – ne l’avoue pas, c’est également la fin de son monopole sur le marché local qui a poussé Soboleco à réaliser ces investissements. Profitant des avantages fiscaux et douaniers qu’offre la zone économique spéciale de Nkok, le chinois Chen Shi Origen Pure (CSOEP) a en effet lancé la marque Origen Pure en 2016. Une arrivée qui a poussé la filiale du groupe français à s’engager dans une diversification tous azimuts. Celle-ci porte notamment sur l’offre de produits. En juillet 2017, l’entreprise a mis sur le marché une variété d’Andza au citron et entend continuer à proposer d’autres arômes. La société a également multiplié ses marques : en 2014, elle a lancé l’eau de table Aning’eau, produite à Port-Gentil afin d’en assurer la distribution sur tout le territoire gabonais et de pallier les difficultés causées par l’état des routes. Puis elle a fait entrer les eaux de source Vitale et Akewa sur le marché. Cette diversification touche aussi les formats. Pour répondre aux besoins de toutes les cibles, son éventail de produits s’étend désormais de 50 centilitres à 5 litres. Si son concurrent chinois a des ambitions sous-régionales affirmées, Soboleco entend pour le moment conforter son leadership sur le marché gabonais. Ses exportations se limitent pour l’instant à l’Afrique du Sud. Hors de question pour l’entreprise d’investir d’autres marchés, comme le Cameroun, où Castel est déjà soumis à une rude concurrence (lire p. 63).
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Patrice Fonlladosa Président Afrique et Moyen-Orient de Veolia
« Pour être rentable, il faut exploiter à long terme » Alors que le risque de stress hydrique s’accroît, la multinationale française se présente comme un partenaire solide, offrant des solutions hybrides. Propos recueillis par JULIEN WAGNER
résident depuis 2013 des activités Afrique et MoyenOrient du groupe français Veolia (25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016, dont 1,1 milliard en Afrique), Patrice Fonlladosa développe des contrats industriels à long terme et l’exploitation de grands partenariats public-privé pour les services d’eau et d’électricité. Il détaille les spécificités d’un business qui prend souvent la forme d’une délégation de service public, essentiel mais pas toujours rentable.
P
Jeune Afrique : La ville du Cap et son distributeur local redoutent que les robinets soient à sec le 12 avril prochain. Cette menace existe-t-elle ailleurs en Afrique? Patrice Fonlladosa: Oui. Un certain
nombre de villes sont menacées de stress hydrique. Mais il n’est pas toujours simple d’en connaître l’échéance. À Windhoek, d’ici à moins de deux ans, des problèmes d’approvisionnement surviendront. Au début des années 2000, la Namibie a construit avec Veolia des usines de traitement des eaux usées pour les remettre dans le circuit d’eau potable. Un bon système, insuffisamment développé en Afrique. Aujourd’hui, compte tenu de l’urgence, une autre solution est envisagée, mais elle est beaucoup plus chère: le dessalement. Au moins deux usines seront construites dans les deux ans à venir à Sawkopmund, près de la côte.
La baisse du nombre de jours de pluie est-elle seule en cause?
Non. Il existe de nombreuses raisons, comme le gaspillage ou les pertes en réseau. Mais c’est généralement l’absence de politique publique et de programmation des besoins qui constitue le fond du problème. Constatez-vous sur le terrain les effets du changement climatique?
Au Niger, où nous sommes présents depuis quinze ans, les effets sont évidents. Les ressources se dégradent, les épisodes de stress hydrique sont de plus en plus saillants, aggravés par la pression démographique. On commence à le ressentir au Maroc mais aussi au Gabon, où l’eau potable provient majoritairement des barrages. Or depuis cinq ans on constate une érosion du point haut de ces infrastructures, comme à Kinguélé ou à Tchimbélé. D’où une espèce d’effet ciseau : la population de Libreville ne cesse d’augmenter, et les périodes de pluie raccourcissent.
Pour les pays côtiers, le dessalement de l’eau de mer est-il « la » solution ?
LE TRAITEMENT DES EAUX USÉES EST UN SYSTÈME INSUFFISAMMENT DÉVELOPPÉ EN AFRIQUE.
La partie gestion est-elle la plus intéressante, financièrement parlant ?
Oui. Exploiter à long terme est la clé. Pour nous, les opérations centrées sur la construction ne recouvrent pas d’intérêt majeur.
C’est l’option la plus coûteuse, et seuls deux pays africains, le Maroc et la Namibie, ou des industriels comme l’algérien Sonatrach l’ont retenue jusqu’à présent. Mais ce mode de production ne se suffit pas à luimême. Il faut des équipements, des installations et du personnel. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a annoncé le 8 janvier son intention d’édifier la plus grande usine de dessalement d’eau au monde. Ce projet vous intéresse-t-il ?
Oui. Sauf si c’est pour se retrouver en concurrence avec une vingtaine d’entreprises. Avoir recours à Veolia a un intérêt seulement si vous êtes prêt à payer pour obtenir des performances différentes. Des groupes qui font de l’osmose inverse (un système de filtrage), il y en a beaucoup. Ceux qui font de la distillation (un système d’ébullition, utilisé pour le dessalement notamment) sont déjà moins nombreux. Et ceux qui offrent des solutions hybrides, comme nous, se comptent sur les doigts d’une main. Avez-vous des clients intéressés par ces technologies en Afrique ?
À ce jour, non. Mais cela devrait changer. Le Maroc s’apprête à lancer un programme de quatre ou cinq usines côtières, cela nous intéresse. Mais, encore une fois, c’est une question de choix politique. Dans le domaine de l’eau stricto sensu, la concurrence sur les appels d’offres est généralement assez faible en Afrique. Pourquoi ?
Le marché de l’eau potable n’est pas très lucratif. Il permet rarement aux entreprises de réaliser plus de quelques dizaines de millions d’euros de revenus et d’espérer des rendements de 12 % à 15 % supérieurs. Il s’agit plutôt d’un service public que nous exécutons par délégation. Pour nous, cela a un sens économique, car nous recherchons un mix énergie-eau. Au Gabon, par exemple, nous gérons les deux. Nous y enregistrons un peu plus de 300 millions d’euros de revenus, en grande partie grâce à l’énergie. Au Maroc, Veolia est active dans l’eau, l’électricité et l’assainissement, pour un chiffre d’affaires de 650 millions d’euros. Les flux croisés financiers nous offrent un équilibre économique.
C’est notre métier. Un métier complexe, car il n’existe pas deux réseaux identiques. Leur nature dépend de la géographie, de la densité de population, de leur état d’origine, de leur âge, des constructeurs et des opérateurs précédents… Il faut réoptimiser tout ça avec l’idée que ce qui intéresse l’usager, c’est que l’eau ne soit pas troublée et que sa facture soit adaptée à son portefeuille. Une équation beaucoup plus compliquée à résoudre que de creuser des tranchées, d’y poser des conduits, puis d’ouvrir les vannes.
QUAND LES ÉTATS RECHIGNENT À PAYER
Si, en Afrique, les taux de recouvrement des particuliers sont comparables à ceux qui existent en Europe, les opérateurs se plaignent des administrations publiques. « C’est vrai un peu partout », reconnaît Patrice Fonlladosa. Au Gabon, les impayés dus à Veolia ont atteint 70 millions d’euros en 2017. Mais la dette a depuis été assainie. « Nous avions des arriérés d’impôts avec l’État, et celui-ci nous devait aussi beaucoup d’argent, explique-t-il. On a effacé une grande partie de la dette en annulant nos créances réciproques à fin 2016. » J.W.
JOCELYN ABILA/AFRIKIMAGES AGENCY
VINCENT FOURNIER/JA
N’est-ce pas plus compliqué de reprendre en gestion des installations qu’on n’a pas construites soi-même ?
Siège de la SEEG, filiale de Veolia à Libreville.
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