ALGÉRIE
OUYAHIA L’ÉQUILIBRISTE
ISRAËL-IRAN Pourquoi la guerre est (presque) inévitable Par Béchir Ben Yahmed
NIGER Et pourtant, il tient bon Spécial 16 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2980 DU 18 AU 24 FÉVRIER 2018
Côte d’Ivoire
PALMARÈS LE TOP 50 DES AVOCATS D’AFFAIRES
L’énigme Bédié À 80 ans (largement) passés, a-t-il, oui ou non, renoncé à briguer la présidence en 2020? Dans l’affirmative, qui soutiendra-t-il? Avec qui le PDCI, son parti, choisira-t-il de s’allier? Habile manœuvrier, le « Sphinx de Daoukro » se garde bien de dévoiler ses intentions.
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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France3,80€ Algérie290DA Allemagne4,80€ Autriche4,80€ Belgique3,80€ Canada6,50$CAN Espagne4,30€ Éthiopie67birrs Grèce4,80€ Guadeloupe4,60€ Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mauritanie 1 200 MRO Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 6,50 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
UN ENGAGEMENT SOCIÉTAL RESPONSABLE
Premier employeur privé du pays, les sociétés minières sont engagées dans une démarche de performance, de sécurité, d’amélioration continue dans le respect des hommes et de l’environnement. Soucieuses d’assumer pleinement leurs rôles d’acteurs miniers responsables, SOMAÏR, COMINAK et IMOURAREN SA marquent clairement leurs engagements à déployer des actions dans les domaines de la santé, l’éducation, l’accès à l’eau, l’appui au développement économique et la lutte contre l’insécurité alimentaire.
â EN SAVOIR PLUS : www.rse-mines.areva.com
Crédit photos : © Orano - Maurice Ascani
Les sociétés minières nigériennes SOMAÏR et COMINAK mettent en valeur le potentiel uranifère du Niger depuis plus de 50 ans, en exploitant des gisements situés dans le nord du pays. Concernant le gisement d’IMOURAREN, son exploitation sera lancée au moment le plus opportun en fonction de l’évolution du marché.
La SEEN est présente sur tout le territoire nigerien au travers de 54 centres urbains. L’entreprise produit et distribue de l’eau potable via un contrat d’affermage opéré par Veolia depuis 2002. Entreprise de référence dans la sous-région, la SEEN produit chaque jour 222 000m3 d’eau potable pour les populations grâce à ses 681 collaborateurs.
3.5 millions de population desservie en eau potable
4600
kilomètres de réseau
218 000
abonnés
73 805
branchements sociaux
3 587
bornes fontaines
Prochaine édition
Abidjan
26-27 MARS 2018 Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire
Shaping the future of Africa
100
speakers
1200
Le plus grand rendez-vous des décideurs et des financiers du secteur privé africain
participants
700
CEOs
63
pays représentés
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Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
NIGER
Et pourtant, il tient bon En première ligne contre le terrorisme, le pays parvient à maintenir son économie à flot. Difficile, en revanche, de progresser sur le front du développement social. De Niamey à Agadez, il avance, mais à petits pas.
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COMMUNIQUÉ
VOTRE PARTENAIRE EN SOLUTIONS LOGISTIQUES
U ne exi ge nce r e n fo rc ée
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epuis le 19 Septembre 2017, R-LOGISTIC NIGER (ex. Necotrans Niger) et ICS TRANSMINE sont des filiales opérationnelles du groupe R-LOGITECH. R-LOGITECH est un groupe ambitieux specialisé dans les solutions logistiques et technologiques, qui renforce sa présence en Afrique avec une nouvelle organisation et la mise en œuvre d’une stratégie globale et intégrée. Dans cette logique, ICS TRANSMINE, société spécialisée dans les solutions de transports de matières sensibles et en milieu désertiques, est un partenaire priviligié des industriels qui entend continuer - avec une exigence renforcée - à satisfaire les besoins logistiques de ses clients. Les nouvelles forces de l’entreprise sont abordées dans l’interview de Monsieur Chekaraou Barou Amadou Ange, Directeur Général d’ICS TRANSMINE et président du conseil d’Administration R-Logistic Niger. Pourquoi avez-vous changé de nom ? Historiquement, la société TRANSMINE appartenait au Groupe NECOTRANS. Après le placement en liquidation judiciaire de ce dernier, le JugeCommissaire a autorisé l’offre de reprise faite par R-LOGISTIC. L’entrée dans le capital de cet actionnaire, assortie d’un partenariat stratégique, a permis de relancer rapidement l’activité au Niger. Nous pouvons aujourd’hui proposer des solutions globales en termes de Supply Chain avec un niveau defiabilité et de professionnalisme reconnu par notre clientèle. Quels sont les activités et les perspectives de votre nouveau groupe dans le domaine de la logistique ? Au-delà d’ICS TRANSMINE et de l’agence transport basée au Niger, R-LOGISTIC a repris un grand réseau de filiales en Afrique, notamment au Mali, Togo, Bénin, Burkina Faso, Gabon, Côte d’Ivoire et Algérie et en Asie ; et la création de R-LOGISTIC RDC. Des participations significatives ont également étéacquises dans des sociétés spécialisées en handling aéroportuaire et en gestion de terminaux portuaires. La présence renforcée du groupe sur ces sites africains stratégiques permet de créer de nouvelles synergies commerciales pour ICS TRANSMINE et d’ouvrirde nombreux débouchés. À terme, ICS TRANSMINE a l’ambition de devenir le leader régional en solutions logistiques pour les clients travaillant dans les mines et les secteurs industriels stratégiques des États d’Afrique de l’Ouest. Quels sont les services offerts par ICS TRANSMINE au Niger ? ICS TRANSMINE offre des services dans le domaine du transport de produits stratégiques et dangereux, le transport en
www.r-logitech.com
milieu désertique, le transports d’aliments froids, secs et surgelés et la maintenance des véhicules légers et des poids lourds. Au Niger, la société ICS TRANSMINE est présente à Niamey, Tahoua, Agadez, Arlit, Abalack, Zinder, Dosso et Gaya. ICS TRANSMINE a investi massivement dans la formation de son personnel, encadré par un Directeur Technique doté d’une solide expérience dans la maintenance automobile. Quels sont les atouts d’ICS TRANSMINE au Niger ? Situé au cœur du Sahel, ICS TRANSMINE assure les liaisons depuis le Bénin, le Togo, jusqu’au Mali en passant par le Burkina Faso. ICS TRANSMINE s’appuie sur un atelier de maintenance performant et sur une flotte moderne et adaptée aux besoins de ses clients : 32 camionsASTRA (transport des produits stratégiques ou sensibles) 7 camions 6X6 (transport en milieu désertique) et 6 trakker (transports frigorifiques d’aliments froids, surgelés et secs). Autre atout de poids: des ateliers mobiles accompagnent les convois et assurent le suivi des attelages, afin de respecter les délais de livraison, de garantir la sécurité des marchandises qui lui sont confiées. Ces ressources ont permis à la société rester le leader stratégique en transport de produits sensibles au Niger et dans la sous-région. Nous contribuons activement au développement du Niger par l’investissement consenti, la création d’emplois (62 employés directs, 120 emplois indirects) et la formation technique et professionnelle.
Christophe Boisbouvier ChBoisbouvier
Les principes et la réalité ahamadou Issoufou aime les symboles. Fin 2020-début 2021, juste avant la fin de son second mandat, il veut inaugurer le pont GénéralSeyni-Kountché, le troisième sur le fleuve Niger, à Niamey. Et comme il a annoncé en avril 2017 qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat, ce pont peut lui permettre de passer la main de façon pacifique – un fait rarissime dans ce pays qui a connu quatre coups d’État depuis l’indépendance. Le pari est-il gagnable? Le Niger est pris en étau entre les jihadistes de Boko Haram au sud-est et ceux de Daesh et d’Al-Qaïda au nord-ouest. Le 4 octobre 2017, quatre soldats américains ont été tués dans une embuscade, non loin de la frontière malienne. Mais le Niger n’est pas le Mali. « Au Niger, la construction étatique postindépendance ne s’est pas appuyée sur un socle ethnique exclusif comme au Mali, où un fort nationalisme bambara continue d’imprégner la vie politique. Aujourd’hui, les identités ethniques apparaissent nettement moins polarisées au Niger qu’au Mali », écrivent les chercheurs Yvan Guichaoua et Mathieu Pellerin dans leur tribune « Pourquoi le Niger s’en sort mieux que le Mali », publiée en août dans le quotidien français Le Monde. Autre défi, le contrecoup de la catastrophe de Fukushima, qui a eu lieu le 11 mars 2011 – la veille du jour de la première élection de Mahamadou Issoufou ! Depuis ce tsunami japonais, tous les pays ou presque gèlent leurs programmes nucléaires, et les cours de l’uranium, premier produit d’exportation du pays, sont en chute libre. Dépenses publiques en baisse, impôts en hausse… La rue s’agite. Certes, le chef de l’opposition, Hama Amadou, est en
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Le coût de la sécurité
78 En débat
Démocratie partielle
exil en France et commence à peine à sortir de deux ans de silence. Mais la société civile prend le relais. Signe de la nervosité du pouvoir: le renvoi sine die des élections municipales et régionales, qui auraient dû se tenir en mai 2016.
Cote à l’international
Le socialiste Mahamadou Issoufou aime citer cette phrase de Lénine : « Entre les principes et la réalité, il faut choisir la réalité, à condition de ne pas s’agenouiller devant elle. » Au nom de cette efficacité, le régime essaie de relever le plus grand défi qu’affronte le pays en ce début de siècle: sa démographie incontrôlée, que le président français, Emmanuel Macron, a stigmatisée en juillet 2017, lors du sommet du G20, en Allemagne. « Au rythme actuel, notre population va doubler tous les dix-huit ans. Ce n’est pas gérable. Notre objectif est de réduire son taux de croissance de 3,9 % à 3 % par an », affirme le chef de l’État nigérien, qui veut mettre fin aux mariages précoces des jeunes filles en rendant l’école obligatoire pour tous jusqu’à 16 ans. L’un des atouts du régime Issoufou, c’est sa cote à l’international. En octobre 2013, c’est par Niamey que sont passés les services secrets français pour négocier la libération des quatre otages qui étaient détenus dans le Nord-Mali depuis septembre 2010. Aujourd’hui, c’est à Niamey que Français et Américains installent leurs drones antijihadistes. En décembre 2017, lors de la « conférence de la Renaissance », à Paris, le Niger a recueilli les dividendes de cette politique en récoltant 23 milliards de dollars de promesses de financements. Seront-elles tenues? L’État nigérien est fragile, mais c’est un pôle de stabilité qui n’a pas de prix.
80 Vie des partis
À la place du chef
81 Entretien avec Amadou Ali Djibo
Président du Front pour la restauration de la démocratie et la défense de la République
84 ÉCONOMIE
Interview d’Aïchatou Boulama Kané Ministre du Plan
85 Décryptage
Course contre la montre
86 Infrastructures
Un fleuve d’investissements chinois
91 Entrepreneuriat
Niger Bioplast, la PME qui traque les déchets
94 SOCIÉTÉ
Agadez prend son temps
96 Portrait
Mawli Dayak, au nom du père et de l’Aïr
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Grand format NIGER
ENJEUX
Le coût de la sécurité
BOUREIMA HAMA
Sommet des chefs d’État du G5 Sahel, le 6 février, à Niamey, où Mahamadou Issoufou a été désigné nouveau président de l’organisation.
Engagé dans la lutte contre le terrorisme, le pays y consacre 15 % de son budget. Deux ans après sa réélection, Mahamadou Issoufou doit aussi trouver les moyens d’honorer ses promesses en matière de développement économique et social. Avec des choix loin d’être populaires.
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MATHIEU OLIVIER, envoyé spécial
eut-on, lorsque l’on est ministre, être jaloux d’un autre membre du gouvernement, de ses prérogatives, de son influence et, surtout, du budget de son département ? Officiellement, non. Dans son bureau du ministère de la Défense, sous une grande carte du Niger, Kalla Moutari esquisse d’ailleurs un sourire à l’évocation d’un tel cas de figure. « Il n’est pas question de jalousie au sein du gouvernement nigérien, répond le ministre. Tous ses membres sont conscients de la nécessité de donner une priorité à la défense, à la sécurité de la nation et de ses frontières. Le budget de l’État est une œuvre collégiale. » Il est vrai que Kalla Moutari dispose d’un atout de poids pour obtenir les crédits suffisants à l’action de l’armée nigérienne : le ministre des Finances, Hassoumi Massaoudou, est aussi son prédécesseur, et il n’oublie pas les impératifs sécuritaires du pays. Engagée sur trois fronts, aux frontières libyenne, malienne et nigériane, l’armée a déjà pu se renforcer en véhicules blindés. Elle compte faire de même avec sa flotte d’aéronefs afin de frapper les colonnes jihadistes qui s’infiltrent depuis le nord du Mali, attendant une bonne occasion d’achat ou de location. « Cela nous coûte des milliards, notamment en entretien, mais nous savons que c’est le prix à payer, poursuit Kalla Moutari. Personne ne se plaint que la défense du territoire capte les ressources. Notre pays bénéficie d’une relative sécurité, nous le devons à la coopération internationale et, surtout, aux moyens mis en place. »
« Tayi tawri », « les temps sont durs »
Les chiffres ont cependant pu faire grincer des dents. En 2017, la part du budget de l’État allouée à la défense nationale avoisinait les 15 %. Pour les autres secteurs, c’est la portion congrue. « Selon le programme présidentiel, l’éducation aurait dû représenter 25 % du budget, or sa part aujourd’hui est d’environ 10 %. Même chose pour l’accès à l’eau potable, qui n’a pas reçu la moitié du financement qui était prévu. Quant à la justice, elle représente moins de 1 % du budget aujourd’hui, alors qu’on avait fait de la lutte contre la corruption une priorité », reconnaît
un responsable gouvernemental. Autre chiffre inquiétant: la part du déficit estimé imputable aux chocs sécuritaires et alimentaires a atteint environ 50 % du PIB l’an dernier. Résultat, le gouvernement a dû procéder à des économies. À l’occasion du projet de loi de finances adopté à la fin de novembre 2017, les salaires des fonctionnaires ont été limités à 33,2 % du budget de l’État, lequel, suivant les conseils des bailleurs de fonds internationaux (lire p. 85), a choisi d’élargir l’assiette fiscale en introduisant de nouvelles dispositions dans le code général des impôts (CGI) : réforme de la taxe d’habitation, taxe synthétique, réintroduction de taxes sur certains services et produits de première nécessité (huiles alimentaires, sucre, lait en poudre)… Le gouvernement espère augmenter sensiblement le niveau des recettes de l’État, qui représentent actuellement moins de 15 % du PIB, afin de dégager des marges de manœuvre pour l’éducation et la santé. Un choix considéré comme antisocial par une frange de la société civile. « Tayi tawri… » (« les temps sont durs », en haoussa), murmure-t-on dans les rues de la capitale comme à Agadez. « Si ces mesures sont adoptées, tous les prix vont s’envoler et nos foyers en souffriront », criait une femme lors de la manifestation contre la loi de finances, à Niamey, le 31 décembre 2017. Auparavant, ce sont les étudiants et les magistrats qui avaient battu le pavé de la capitale, sans que le gouvernement fléchisse. « Ces mesures ne touchent pas les pauvres mais les plus riches », s’est quant à lui
JEUNESSE OBLIGE
Avec 68,9 % de la population âgés de moins de 25 ans, dont 3 millions ont entre 15 ans et 24 ans, l’éducation et la formation sont prioritaires. Si le poids des dépenses de sécurité ne lui a pas permis d’y consacrer le quart de son budget, comme il l’avait prévu, l’État a cependant ouvert 15 000 nouvelles classes et fait passer de 8 % à 25 % la part de l’enseignement technique et professionnel dans le système éducatif au cours du quinquennat 2011-2016. jeuneafrique no 2980 du 18 au 24 février 2018
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Grand format NIGER ENJEUX
EN DÉBAT
défendu Hassoumi Massaoudou devant les députés. « L’initiative 3N [Les Nigériens nourrissent les Nigériens] est toujours sur les rails malgré les faiblesses du budget », souligne un autre membre du gouvernement.
Un contexte économique difficile
Démocratie partielle MATHIEU OLIVIER
L
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e gouvernement s’est fixé pour objectif […] d’organiser les futures élections locales et générales dans la transparence. » Cette brève évocation des locales par Mahamadou Issoufou dans son message à la nation du 17 décembre 2017, veille du 59e anniversaire de la République, est loin d’être anodine. Les scrutins municipaux et régionaux, qui devaient se tenir en mai 2016, ont depuis été reportés quatre fois, et les mandats des élus locaux prorogés. L’exécutif évoque moult raisons: nécessité de créer un fichier biométrique, financement insuffisant pour effectuer un recensement crédible, manque de préparation de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), contexte sécuritaire défavorable, dates incompatibles avec les travaux champêtres… Il estime par ailleurs que, en boycottant les travaux du Conseil national de dialogue politique (CNDP) et en tentant de bloquer toute modification du système électoral, l’opposition ne joue pas le jeu. Celle-ci dénonce quant à elle la composition déséquilibrée du CNDP et de la Ceni, qu’elle espère encore modifier avant d’envisager
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de discuter des réformes. Résultat: rien ne bouge. À la mi-décembre, une délégation de l’OIF à Niamey s’est penchée, aux côtés de la Ceni et du ministre de l’Intérieur, Mohamed Bazoum, sur les travaux relatifs au fichier électoral. Sera-t-il biométrique – option privilégiée par le gouvernement ? Aura-t-on les moyens et le temps de le modifier en 2018 ? La mission s’est révélée difficile. Et les questions demeurent. Du côté du Moden Fa Lumana, premier parti d’opposition, on doute qu’un fichier biométrique voie le jour avant la présidentielle de 2021. Pis, on pense qu’une révision du fichier classique (qu’on estime en partie responsable de la défaite à la présidentielle de 2016) ne suffirait pas à gommer les problèmes, et on envisage de dénoncer des listes qui n’ont même pas encore vu le jour. Faut-il s’en inquiéter ? Sans doute. Comme l’a martelé Mahamadou Issoufou lors de son élection en 2011 et comme il l’a rappelé, le premier axe de son programme de « Renaissance » est de « bâtir des institutions démocratiques fortes, crédibles et stables ». L’échelon local ne saurait en être exclu.
Réforme de l’agriculture, construction d’infrastructures – comme le troisième pont de Niamey (lire p. 86) –, électrification, irrigation, restauration des terres cultivables, hausse de la durée de scolarisation obligatoire pour les filles, création de classes supplémentaires, formation des enseignants, nouveaux magistrats… Les chantiers restent nombreux. « Des efforts ont certes été faits, mais le contexte économique est vraiment difficile, confient des diplomates en poste à Niamey. Tout est lent à se mettre en place, même si Mahamadou Issoufou a une vision pour le pays. Il a pris un rôle de leadership au Sahel, il est très bien vu des dirigeants occidentaux, et il s’en sert. Comme à Paris, à la mi-décembre », où le Niger a récolté 23 milliards de dollars de promesses de financement de la part des bailleurs de fonds internationaux et du secteur privé pour son Plan de développement économique et social (PDES) 2017-2021 (lire p. 84). « Issoufou utilise le contexte sécuritaire pour ne pas tenir ses engagements électoraux », tempête un ténor de l’opposition, qui dénonce les pénuries de produits de première nécessité, notamment dans le secteur de la santé. « C’est “monsieur première pierre”. Il lance des chantiers, puis les abandonne parce qu’il ne peut pas payer. Résultat, rien n’est fait ! » Il ne reste que trois ans au président nigérien pour infirmer cette assertion. La Constitution ne lui permettant pas de se représenter en 2021, après deux quinquennats, à moins de la réviser, Mahamadou Issoufou devra passer la main et offrir au Niger sa première alternance démocratique. Il sera alors temps de faire le bilan.
COMMUNIQUÉ
LE CHANGEMENT EST EN MARCHE Pour mieux vous servir Après la fusion de SAHELCOM/SONITEL, NIGER TÉLÉCOMS voit le jour. M. Abdou Harouna en est le tout nouveau Directeur Général. Il met au service de NIGER TÉLÉCOMS 19 ans d’expérience de responsabilités techniques et managériales aux USA, au Moyen-Orient et en Afrique. Il dispose de nombreux atouts avec une large connaissance en Lean Enterprise, en concepts de Six-Sigma, en finance, en achats, en Supply Chain, en systèmes de distribution et planifications et opérations stratégiques. M. Abdou Harouna apporte son expertise à la révolution numérique entamée par NIGER TÉLÉCOMS. Il nous en parle… Il y à peine un an la fusion SAHELCOM/SONITEL donnait naissance à NIGER TÉLÉCOMS ; comment se porte la nouvelle société ? La situation est très encourageante sur tous les plans. Toutes les reformes que nous avons initiés à notre prise de fonction apportent des résultats concrets et aujourd’hui l’entreprise présente des perspectives très encourageantes. Les lourds passifs financiers des deux sociétés mettaient en péril la suite de leurs activités, d’où l’initiative de la fusion; la situation s’est-elle améliorée avec la naissance de NIGER TÉLÉCOMS ? À notre arrivée tous les indicateurs des 2 sociétés étaient au rouge et la situation était très alarmante. Au bout de quelques mois d’exercice nous avons pu renverser la tendance ; à titre illustratif, au 31 décembre 2016 nos comptes bancaires étaient débiteurs de plus de 3 milliards F CFA ; et à la mi-juin la tendance s’est radicalement inversée avec plus de 400 millions de F CFA en positif. De plus nous avons soldé d’importantes de dettes, droits, taxes et autres paiements dont le montant global avoisinait les 20 milliards de F CFA. Enfin, depuis notre prise de fonction NIGER TÉLÉCOMS paye les salaires sur fonds propres, ce qui n’était plus le cas depuis bien longtemps. Il est important de noter que le résultat opérationnel net en fin d’exercice 2016 - donc celui des 2 sociétés fusionnées - était négatif de 293 millions (-293 000 000 F CFA), et en fin d’exercice 2017 nous sommes à un résultat positif de plus de 1 milliard 800 millions pour une prévision de 1 milliard 500 millions de F CFA. En conséquence, les résultats sont très positifs et des lendemains meilleurs attendent NIGER TÉLÉCOMS au grand bonheur du peuple nigérien, dont notre mission est de mieux le servir comme le dit notre slogan.
À cet effet, nous avons mis en place des mécanismes d’appui par les pouvoirs publics pour l’émergence numérique de notre pays. Notre priorité est de rehausser le niveau de service fourni à la population sur le plan de la disponibilité, la qualité et la tarification. Sans oublier notre 3G Turbo acquise récemment et la 4G en vue, domaines dans lesquels nous comptons investir pleinement en 2018. Depuis le mois de mars 2017 nous mettons en place une meilleure disponibilité et qualité de la capacité d’internet. Pour cela nous avons procédé à la réparation de différents tronçons de fibre optique pour minimiser les coupures internet. Nous avons également amplifié la capacité de 1,8 Gb/s à 5,7 Gb/s en 2017 et nous comptons la porter à 10 Gb en 2018. Nous mettons en place des espaces numériques gratuits dans les universités pour permettre à la population et surtout à la jeunesse un accès à l’internet haut débit, avec une réduction de 48 % sur le tarif de la connexion internet ADSL. Peut-on considérer que la société Niger télécoms a des beaux jours devant elle ? Absolument ! Nous sommes très confiants en l’avenir car les perspectives sont très bonnes ; lors du PDES tenu récemment à Paris, NIGER TÉLÉCOMS a bénéficié de deux contrats de partenariat d’un montant de 290 millions de F CFA ; ce qui nous permettra d’investir pour mieux servir les nigériens qui fondent beaucoup d’espoir sur leur société.
Des produits et services de télécommunication de qualité accessibles par tous et aux meilleurs tarifs
Quel est votre contribution dans le processus de développement dans lequel le Niger s’est engagé avec le programme de la renaissance ? Aujourd’hui le monde amorce un virage numérique car le développent passe impérativement par les Nouvelles Technologies de l’Information ; le Niger s’aligne dans cette nouvelle tendance.
nigertelecoms.ne
Grand format NIGER ENJEUX
affaire. Il aurait fait part de son souhait de revenir au pays à feu Salif Diallo (président du Parlement burkinabè et proche d’Issoufou, décédé en août 2017), mais réside toujours dans les environs de Paris. Son procès en cassation s’est ouvert à Niamey le 31 janvier. Officiellement, l’ancien président de l’Assemblée nigérienne reste pourtant le chef de file de l’opposition en tant que leader du Moden Fa Lumana, le parti d’opposition qui a obtenu le plus de sièges aux législatives de 2016 (25). « Malgré l’absence physique de Hama Amadou, l’opposition se porte bien », assure l’un de ses ténors. « Aucune décision importante ne saurait être prise sans qu’il ait été consulté par téléphone », assure-t-on au siège du Moden Fa Lumana.
TAGAZA DJIBO
Soumana Sanda, chef du Lumana pour Niamey, lors de la marche du 28 janvier contre la loi de finances.
Vie des partis
À la place du chef
Seini Oumarou, l’un de ses ténors, a rallié la majorité. Son leader, Hama Amadou, est en exil. L’opposition change-t-elle pour autant de visage ?
« AUCUNE DÉCISION IMPORTANTE N’EST PRISE SANS QUE HAMA AIT ÉTÉ CONSULTÉ PAR TÉLÉPHONE », ASSURE-T-ON AU SIÈGE DU LUMANA. 80
MATHIEU OLIVIER
l y a tout juste deux ans, la Coalition pour l’alternance (Copa) espérait empêcher Mahamadou Issoufou d’accéder à un second mandat. Hama Amadou, chef du Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (Moden Fa Lumana Africa), bien qu’alors emprisonné, avait réuni derrière sa candidature l’ancien président Mahamane Ousmane, Seini Oumarou, le leader du Mouvement national pour la société du développement (MNSD-Nassara), ainsi qu’Amadou Boubacar Cissé, ex-ministre du Plan passé à l’opposition. Depuis, Oumarou a rejoint la majorité en août 2016, divisant les militants du MNSD. Cissé a passé la majeure partie de ses deux dernières années loin de la politique, reprenant ses activités de conseil, notamment auprès du président centrafricain. Ousmane a perdu le contrôle de la Convention démocratique et sociale (CDS-Rahama), son ancien parti, et créé le Rassemblement démocratique et républicain (RDR-Tchanji). Quant à Hama Amadou, il est toujours en exil en France, d’où il cultive un curieux silence. Condamné à un an de prison dans un dossier de trafic présumé d’enfants, il ne s’est pas résolu à rentrer au Niger, où sa femme a purgé une peine dans la même
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I
Une troisième coalition
De nouvelles figures ont cependant émergé au sein du parti, tel Amadou Ali Djibo (lire ci-contre), dit Max, chef de file « par intérim » de l’opposition en l’absence de « Hama ». C’est lui qui réunit, dans les bureaux du Lumana, les troupes du Front pour la restauration de la démocratie et la défense de la République (FRDDR, créé en août 2016). Ex-lieutenant d’Amadou, Soumana Sanda, président du groupe à l’Assemblée nationale et chef du parti pour la région de Niamey, avance lui aussi ses pions. Certains lui reprochent même de vouloir prendre la place du chef. Quelques-uns tentent d’exister au sein du Front des partis politiques non affiliés pour l’alternance démocratique (FPNAD), souvent partenaire du FRDDR, comme lors des manifestations du 31 décembre 2017 contre la loi de finances. Parmi eux, Adal Rhoubeid, candidat à la présidentielle de 2016 (0,39 % des suffrages exprimés), ne rechignerait pas à gagner un peu d’espace politique et médiatique. De même que la présidente du Rassemblement des citoyens pour un Niger nouveau (Racinn Hadin’Kay), Mariama Gamatié Bayard (0,38 % à la présidentielle de 2011), qui tente de mobiliser au sein d’une troisième coalition: le Front de l’opposition indépendante (FOI). Parviendront-ils à rester sur le devant de la scène? Rien n’est moins sûr. Nombre d’observateurs politiques estiment que Hama Amadou et Mahamane Ousmane, voire Seini Oumarou, peuvent attendre 2020 ou même 2021 pour « se montrer et reprendre la place ».
Lire aussi la tribune du politologue Issoufou Yahaya sur www.jeuneafrique.com
Amadou Ali Djibo
Président du Front pour la restauration de la démocratie et la défense de la République (FRDDR)
« On ne brûle pas de pneus, mais on fait le travail » Propos recueillis à Niamey par MATHIEU OLIVIER
’opposition semble avoir perdu plusieurs têtes d’affiche, au moins temporairement, et tente de se faire entendre en se regroupant au sein de diverses coalitions. La plus représentative, le Front pour la restauration de la démocratie et la défense de la République (FRDDR), est dirigée par Amadou Ali Djibo, dit Max, président de l’Union des Nigériens indépendants (UNI), qui a perdu le seul siège qu’elle détenait à l’Assemblée en 2016. Il a reçu JA dans les bureaux du Moden Fa Lumana, où Hama Amadou, depuis son exil (lire ci-contre), reste omniprésent.
Selon vous, Issoufou briguera-t-il un troisième mandat ? « Même si l’actuelle Constitution ne l’y autorise pas, Mahamadou Issoufou dispose d’une majorité écrasante à l’Assemblée. Alors, s’il en a le désir et s’il lève le petit doigt, les députés suivront. Et la rue n’y pourra peut-être rien. »
L
Amadou Ali Djibo : Très bien ! Certes, en 2016 2016, l’è l’ère elle n’est plus la même qu’e nance [Copa] de la Coalition pour l’altern plus la résuest terminée, et on ne peut p mer aux anciens candidats à la présidene FRDDR, qui tielle. Aujourd’hui, je dirige le partis. On ne compte tout de même dix p us ou hurler, nous voit pas brûler des pneu avail : déclamais nous faisons notre tra rations, interpellations à ll’Assemblée, demandes d’autorisattion de marches… Lesquelles nous ssont systématiquement refusées par l’exécutif, au mépris de la Constitution. C’est une pratique d’intimidation récurrente. L’absence de Hama Amadou, en exil depuis mars 2016, estelle préjudiciable?
Hama Amadou reste le chef de file de l’opposition.
MATHIEU OLIVIER POUR JA
Jeune Afrique : Comment se porte l’opposition?
Il est le président du Lumana, parti d’opposition qui compte le plus de députés [25 sièges sur 171]. Pour ma part, je dirige le Front comme une opposition par délégation. Hama reste très présent et est consulté pour chacune des décisions importantes, mais nous écoutons de nombreux autres leaders et, pour les échéances à venir, nous pourrons choisir entre toutes ces forces. Quelles sont vos revendications ?
Nous contestons toujours les résultats de 2016. Il n’y a pas eu de présidentielle, puisque Hama Amadou était en prison quand Mahamadou Issoufou faisait campagne. Ni la communauté internationale ni les organisations régionales ne se sont manifestées, on a laissé se tenir « un scrutin tropicalisé » et, depuis, rien n’a changé. Il était question de s’asseoir autour d’une table pour travailler à l’adoption d’un fichier électoral fiable avant la tenue d’autres scrutins, notamment locaux, mais rien n’a été fait. Si, le gouvernement a créé un comité chargé du fichier électoral biométrique…
Certes, la primature a mis en place un comité, mais sa composition ne permet pas à l’opposition de s’exprimer. En réalité, aucune concertation entre majorité et opposition n’a été organisée. Elle aurait dû se faire au sein du Conseil national de dialogue pollitique [CNDP], or, depuis les di l élections de e 2016, cet organisme n’a pas fonctionné. Nous souhaitons un dialogue national inc clusif, qui travaillera à l’élaboration d’u une nouvelle loi électorale et d’un fichier biométrique. Pour cela, nous devons reprendre les choses dans l’ordre et lancer le es débats dans le cadre du CNDP. C’esst lui, au sein duquel l’opposition est présente, qui doit être le motteur des réformes électorales. Comment préparez-vous la présidentielle de 2021 ?
L’important, c’est de parvenir à ce que la démocratie soit réelle. C’est ce à quoi nous travaillons. Pour le r reste, il y a plusieurs scénarios p possibles, selon que le chef de l’État se présente à nouveau ou non.
jeuneafrique no 2980 du 18 au 24 février 2018
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MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE / SÉCURITÉ AU NIGER
< SON EXCELLENCE ISSOUFOU MAHAMADOU, PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU NIGER.
Ériger un mur infranchissable face aux actions des groupes terroristes
L
a question sécuritaire a toujours été un grand défi, autant pour le Niger que pour les autres pays du Sahel. Cette zone géographique incluant le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, est un lieu de prédilection par excellence pour les bandits de grands chemins, les groupes armés, narcotrafiquants. La situation s’est surtout aggravée à partir de 2012, après le déclenchement de la crise libyenne consécutive à la chute du Mouammar Kadhafi, et de celle du Nord Mali, où des groupes terroristes sans foi ni loi s’y sont mêlés en perpétrant, de part et d’autre des frontières de nos pays, des attaques répétées et meurtrières.
Les grandes orientations du Ministère de la Défense du Niger sont de s’assurer qu’aucune zone du territoire n’échappe à l’autorité de l’État de droit et de contribuer davantage à la sécurité globale Les enjeux de la sécurité intérieure Au Niger, les autorités ont anticipé, dès les premiers signes, la résurgence de ces crises qui constituaient une menace réelle pour la sécurité et la stabilité dans l’ensemble des pays de la sous-région. En effet, l’option adoptée par le Président Issoufou Mahamadou est claire et précise : s’assurer qu’aucune zone du territoire nigérien n’échappe à l’autorité de l’État de droit et contribuer davantage à la sécurité globale, bien public mondial. Notre président a maîtrisé la situation
Communiqué
en déployant les forces de défense et de sécurité partout où cela est nécessaire pour barrer la route aux organisations terroristes, aux narcotrafiquants et autres groupes armés.
Efforts entrepris par le gouvernement pour assurer la protection des personnes et des biens dans le pays Le Niger a dû placer le volet sécuritaire en première ligne des priorités
nationales. Ayant compris l’adage selon lequel « la sécurité n’a pas de prix », le gouvernement du Niger a fortement investit pour mettre en place une force armée de haut niveau : « Notre armée est équipée et combative. Nous disposons des armes que les terroristes n’ont pas. Notre armée est plus forte que les terroristes », affirmait le ministre de la Défense Nationale, M. Kalla Moutari, lors d’un déjeuner de presse qu’il a donné le 29 janvier 2018 à Niamey. « Le Chef de l’État n’a jamais hésité à subvenir aux besoins de l’armée. Les décisions sont prises en réunion du Conseil national de sécurité », ajoutait le ministre Kalla Moutari. C’est ainsi que ces cinq dernières années, la rubrique des dépenses pour couvrir les besoins sécuritaires du Niger a augmenté de façon proportionnelle aux menaces et les crises humanitaires qui en découlent. Ces dépenses de sécurité s’élèvent à 44,9 milliards de FCFA en 2011, 127 milliards de FCFA en 2012, 139,2 milliards de FCFA en 2013, 180,5 en 2014, 221,6 milliards de FCFA en 2015, 202,1 milliards de FCFA en 2016, 199,7 milliards de FCFA en 2017, et 236,4 FCFA pour l’année 2018 en cours. Cette évolution fait ressortir pour la même période, une moyenne de 208,1 milliards de FCFA, soit 5 % du PIB ; 16 % des dépenses totales et 31 % des recettes fiscales.
NIGER
En se dotant de cette force commune qui sera composée de 5 000 hommes, les cinq pays de la bande sahélienne se sont engagés à mener une lutte sans merci contre les menaces sécuritaires. La Force G5 Sahel fait ses preuves sur le terrain avec notamment les « taureau noir » en langue zarma, et la seconde « Pagnali » ou « Tonnerre » en langue peulh. Ces opérations ont pour mission de procéder au contrôle de la zone géographique située de part et d’autre des frontières entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso afin de restreindre la libre circulation des groupes armés terroristes et des grands bandits transfrontaliers, de détruire les caches d’armes, de contribuer à consolider l’autorité des États, de sécuriser le retour des acteurs humanitaires, de protéger les populations, entre autres.
LES GRANDS PROGRAMMES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE DU NIGER Amélioration du cadre stratégique de la gouvernance sécuritaire Atténuation des menaces sécuritaires Réduction des conflits communautaires Promotion des initiatives de développement local et communautaire pour la paix et la sécurité
Évolution des dépenses de sécurité et de leur poids dans les dépenses totales 250
Évolution du poids des dépenses de sécurité aux recettes fiscales 35.0 30.0
200
25.0
en milliards de FCFA
En plus du dispositif déployé pour assurer la sécurité intérieure au Niger, pour faire face à la persistance de la menace terroriste ambiante dans toute la bande sahélienne, il est nécessaire de miser sur l’option de la mutualisation des forces. C’est dans ce contexte qu’a vu le jour la Force conjointe G5 Sahel regroupant des contingents du Niger, du Burkina Faso, du Mali, du Tchad et de la Mauritanie.
Avec l’ensemble de ce dispositif, et avec la présidence en exercice du G5 Sahel désormais assurée par le Président Issoufou, ainsi que les perspectives prometteuses qu’affiche le prochain Sommet sur le G5 Sahel qui se tiendra à Bruxelles le 23 février, l’on est en droit d’espérer une rapide montée en puissance de la Force conjointe G5 Sahel, conçue pour ériger un mur infranchissable face aux actions des groupes terroristes qui écument l’espace sahélien. Ce qui se traduirait par la réalisation de ce grand rêve d’un Sahel de paix et de développement durable, attendu de tous leurs vœux par les populations sahéliennes.
DÉPENSES DE SÉCURITÉ
G5 Sahel dans une vision axée sur la mutualisation des forces
150
20.0 15.0
100
10.0 50
0
5.0 2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Poids aux dépenses totales en % Dépenses de sécurité en milliards de FCFA
0
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Poids aux recettes fiscales en %
À cela s’ajoute le dispositif de verrou sécuritaire régional, avec le déploiement de la Force Barkhane et l’armée nigérienne à la frontière entre le Niger et la Lybie ; de la Force Mixte Multinationale opérant dans la zone frontalière entre le Niger, le Nigeria et le Tchad ; et des Forces armées nigériennes à la frontière nigéro-algérienne.
KM : Un bataillon spécial a été créer au Mali dans le cadre de la MINUSMA (Mission Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali). Également un contingent nigérien au sein de la FMN/MNJTF (Force Multi Nationale / Multi National Join Task Force) dans Monsieur le Ministre de la Défense le bassin du Lac Tchad. Nationale Kalla Moutari Une unité de spécialistes en transmissions en République Centre Africaine est venue en renfort. Et pour finir, des observateurs en République Démocratique du Congo, en Haïti, au Liberia, en Guinée et au Mali.
Ministère de la Défense Nationale / Sécurité du Niger
www.defense.gouv.ne
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
Monsieur le Ministre, quelle est la contribution du Niger à la consolidation de la paix dans la sous-région ?
Grand format NIGER
ÉCONOMIE
BRUNO LEVY POUR JA
Aïchatou Boulama Kané Ministre du Plan
« Il nous faut changer nos mentalités » Propos recueillis par ALAIN FAUJAS
l’issue de la conférence de la Renaissance, organisée à Paris les 13 et 14 décembre 2017, bailleurs de fonds internationaux et investisseurs privés ont promis au Niger 23 milliards de dollars pour financer son Plan de développement économique et social (PDES) 20172021. Une manne supérieure aux 17 milliards espérés, dont la ministre du Plan, Aïchatou Kané, explique comment elle sera utilisée.
À
Jeune Afrique : Quels sont les défis que vous entendez relever? Aïchatou Boulama Kané: D’abord celui de la sécurité, que
nous avons intégré dans notre PDES. Nous nous sommes adaptés à cette guerre asymétrique et la menons avec le concours de la société civile, en particulier de la chefferie traditionnelle, qui travaille avec l’administration pour retrouver nos valeurs – qui ne sont pas féodales. Autres défis : la démographie, dont la hausse doit être en phase avec notre croissance, et le changement climatique, qui pèse sur notre économie – d’où notre engagement dans la COP21 [Conférence de Paris de 2015 sur le climat]. Il nous faut aussi modifier nos mentalités et consolider la démocratie à notre manière. La cellule familiale doit être centrale afin que notre développement mette en valeur le groupe plutôt que l’individu.
inondations, ce qui avait tendance à reléguer le développement au second plan. Nous anticiperons mieux. Comment y parvenir?
Par la transformation du monde rural, qui assure 40 % de notre PIB et où vivent 80 % de la population. Pour cela, nous accélérerons le développement des villages, conforterons l’agriculture pluviale et électrifierons au moins 1 000 villages pour leur permettre d’accéder aux nouvelles technologies. Nous avons libéralisé le secteur de l’électricité, donc n’importe quel investisseur peut la produire dans un village et la revendre à notre société nationale. Mais mobiliser les ressources en eau, distribuer des semences adaptées et désenclaver les villages avec de nouvelles pistes ne suffiront pas: il nous faudra transformer la production et privilégier l’agro-industrie pour créer le maximum de valeur chez nous. Enfin, pour disposer d’une maind’œuvre de qualité, nous faisons passer la part consacrée à la formation professionnelle et technique dans notre budget de l’éducation nationale à 40 %, contre 25 % en 2015.
NOS DÉFIS : LA DÉMOGRAPHIE, LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE ET LA CONSOLIDATION DE LA DÉMOCRATIE.
Quels sont les objectifs du PDES?
Il met l’accent sur la dynamisation de notre croissance économique, que nous voulons faire passer de 5 % à 7 % par an d’ici à 2021. Nous tablons sur une réduction du taux de pauvreté, de 45 % à 41 %, et une baisse de la natalité, de 7,6 à 5,06 enfants par femme. En outre, notre PDES ne se contentera plus de gérer les urgences, comme l’immigration ou les
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Quelle place réservez-vous au secteur privé?
Il est le moteur incontournable de notre développement. Et le second pilier, après la transformation du monde rural, sur lequel s’appuie notre PDES. Nous avons désormais plus d’une centaine de projets auxquels nous souhaitons l’associer, nous avons créé un guichet unique pour les investisseurs étrangers, et nous avons modernisé nos codes minier et de l’investissement. Cela nous a valu de progresser de 32 places en cinq ans dans le classement « Doing Business » de la Banque mondiale [144e sur 190 pays classés en 2018]. Investir au Niger n’est plus risqué comme par le passé.
DÉCRYPTAGE
Course contre la montre
L
e Niger parviendra-t-il à se développer suffisamment pour fournir à ses millions de jeunes les emplois qui les dissuaderont de rejoindre les rangs des migrants ou ceux des terroristes ? Pourra-t-il mener de front la lutte contre Boko Haram ou l’EI et investir dans une industrie agroalimentaire qui permettrait de créer un peu plus de valeur sur place ? Comme le prédit – ou l’espère – le FMI, sera-t-il capable de porter sa croissance à 7,2 % à l’issue de son Plan de développement économique et social 2017-2021 tout en accueillant 300 000 réfugiés sur son sol ? Si l’on fait, en ce début de 2018, le point sur cette course contre la montre, la partie demeure incertaine. Incontestablement, le rythme de croissance s’accélère (voir tableau). La pluie a été généreuse l’an dernier ; la production et les prix du pétrole se sont gonflés ; le crédit bancaire a progressé, et l’apurement des arriérés publics à l’égard du secteur privé est enclenché. L’économie du voisin nigérian a redémarré. L’inflation semble devoir demeurer autour de 2 %, et la balance des paiements devrait, selon le FMI, avoir été positive en 2017. Les réserves de change sont en voie de reconstitution.
Courage incontestable
Le gouvernement a pris les problèmes à bras-le-corps. Le déficit budgétaire menaçait de déraper ? Pour le faire baisser de 4,5 % en 2017 à 3,9 % en 2018, il a augmenté les tarifs de l’électricité et réintroduit une TVA de 5 % sur les produits de première nécessité. Il a gelé les
Tableau de bord macroéconomique
* Base engagement, dons compris.
(Estimations)
Indicateurs
2015
2016
2017
PIB réel, à prix constant Inflation
4,0
5,0
5,2
1,0
0,2
2,0
(Projections)
2018 (En %)
2019
2020
5,2
5,4
5,6
2,5
2,0
2,0
(En % du PIB)
Solde budgétaire global*
-9,1
-6,1
-6,1
-6,2
-5,7
-4,1
Investissement brut
42,5 17,0 25,5
37,0 12,5 24,6
36,0 14,4 21,6
38,0 14,8 23,2
38,7 15,6 23,1
38,9 15,8 24,2
41,6 11,4 30,3
46,7 13,7 33,0
49,7 14,6 35,2
51,9 14,8 37,0
53,4 14,6 38,8
54,2 12,8 41,4
dont investissement public dont investissement privé
Dette publique totale dont dette publique intérieure dont dette publique extérieure
traitements et les recrutements dans la fonction publique. Tout en améliorant l’efficacité de ses administrations fiscale et douanière, il a créé une taxe d’habitation et un impôt minimum sur les plus-values en capital et sur les transactions immobilières. On peut aussi mettre à son actif la montée en puissance du tribunal de commerce, créé en avril 2016 pour traiter les litiges commerciaux. On espère la mise en œuvre vigoureuse de la loi prévoyant une scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans pour les filles, mesure déterminante pour retarder l’âge du mariage et faire reculer le taux de croissance faramineux de 3,9 % par an. Ce courage incontestable pour changer les pratiques et les mentalités se trouve contrecarré par l’intensification des attaques terroristes, à l’Est comme à l’Ouest. L’insécurité nuit au commerce du bétail, des poivrons et des produits de la pêche, exportés vers le Nigeria par la région de Diffa. Elle oblige le gouvernement à des dépenses massives en faveur de la sécurité qui ont atteint 271 milliards de F CFA
SOURCES : AUTORITÉS NIGÉRIENNES ET FMI, DÉCEMBRE 2017
ALAIN FAUJAS
(plus de 413 millions d’euros) et 6,3 % du PIB en 2016, au détriment, notamment, des budgets sociaux. Les vents contraires demeurent forts. Le mélange réduction des dépenses-hausse des impôts affecte une population très pauvre, d’où un mécontentement qui s’exprime par des grèves et des manifestations. La chute des cours de l’uranium, due au gel de nombreux programmes nucléaires dans le monde, a contraint la Somaïr, filiale nigérienne du groupe français Areva, à licencier plusieurs centaines de salariés en octobre 2017 et repousse sine die l’ouverture de la mine d’Imouraren, qui devait doubler la production nationale. Le Niger a plus que jamais un besoin urgent du renforcement de l’aide des bailleurs de fonds et de l’apport des investisseurs internationaux. La conférence de la Renaissance, organisée en décembre 2017 à Paris, a permis de récolter la somme record de 23 milliards de dollars de promesses de financements. Pourvu qu’elles soient tenues, et vite ! jeuneafrique no 2980 du 18 au 24 février 2018
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Grand format NIGER ÉCONOMIE
Infrastructures
Un fleuve d’investissements Le chantier du troisième pont de Niamey a commencé en décembre. Conçu, construit et financé par la Chine, l’ouvrage devrait être livré au début de 2021.
MATHIEU OLIVIER
a première pierre a été posée par Mahamadou Issoufou en avril 2017, mais c’est Zhang Lijun, l’ambassadeur de Chine au Niger, qui a annoncé, en novembre, que la construction du pont Général-Seyni-Kountché allait s’engager le mois suivant. Et pour cause. Le futur troisième pont de Niamey est financé par Pékin à hauteur de 44 milliards de F CFA (67 millions d’euros), le plus lourd investissement de la Chine au Niger. L’ouvrage va relier deux grands quartiers de l’ouest de la capitale situés de part et d’autre du fleuve Niger, à proximité du centre des affaires : celui de Goudel, rive gauche, et celui de Lamordé, rive droite. Voies d’accès comprises, ce sont 3,7 km de chaussée deux fois deux voies qui vont être construits, dont 1 km pour le pont luimême, avec un terre-plein central planté d’arbres et des lampadaires installés sur les trottoirs aménagés de chaque côté. Le tracé sera plus court que le projet initial, qui allait du quartier de Goudel à Karey-Gorou, une commune située à l’ouest de la capitale, rive droite, sur la nationale 4. « Compte tenu des perspectives de développement de la ville, il aurait peut-être mieux valu garder ce premier projet, regrette un automobiliste. Car ce troisième pont sera finalement assez proche du pont Kennedy. » Reste que, sur cet ouvrage construit dans les années 1970 entre le quartier du Palais des congrès et celui de l’Université (à environ 5 km à l’est du futur pont), le trafic est totalement engorgé, tout comme sur le boulevard de la République. Et ce sont deux axes et 13 km que l’on est contraint de parcourir pour aller de Goudel à Lamordé… qui ne sont pourtant séparés que par un bras de fleuve. Ce troisième
S
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jeuneafrique no 2980 du 18 au 24 février 2018
pont permettra donc de relier les quartiers ouest de la capitale, de fluidifier ainsi la circulation en centre-ville sur les deux autres points de franchissement du fleuve et « d’offrir une nouvelle possibilité d’itinéraire pour les usagers des corridors vers le Burkina Faso et le Mali », souligne Kadi Abdoulaye, le ministre de l’Équipement. Le pont Général-Seyni-Kountché devrait être inauguré au début de 2021, juste avant la fin du mandat du chef de l’État, tout comme le fut le pont de l’Amitié-SinoNigérienne, inauguré en mars 2011 par Salou Djibo, président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, un mois avant l’investiture de Mahamadou Issoufou. La réalisation de ce deuxième pont et de ses voies d’accès (2,25 km) a coûté 25 milliards de F CFA, déjà financés par Pékin.
BTP, santé, hôtellerie…
PÉKIN DÉFEND SES POSITIONS Depuis 2012, la Chine assure la sécurité de ses activités et de ses infrastructures dans le Sahel en faisant appel à l’une de ses sociétés privées, Shandong Warwick Security Group, présente au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie, au Sénégal et en Guinée, en partenariat avec l’australien MSS Security Group. Mais le pays pourrait prendre plus de place dans la lutte contre le terrorisme. Pékin réfléchit à une aide publique au G5 Sahel, à l’invitation, entre autres, de la France, laquelle, sans se désengager, espère limiter l’impact financier de sa présence dans la zone sahélienne.
Les investissements publics et privés de la Chine au Niger ont considérablement augmenté ces dernières années, avec une trentaine d’entreprises présentes dans les domaines du BTP et des infrastructures (transports, télécoms, eau et assainissement, énergie), de la santé (l’Hôpital général de référence de Niamey, inauguré en 2016) ou de l’hôtellerie, avec par exemple le Soluxe Hotel, ouvert en 2015 à Niamey par China Soluxe International (CSI, filiale de China Huayou Group Corporation), également présent dans le catering, notamment pour sa maison mère, China National Petroleum Corporation (CNPC). Cette dernière exploite le pétrole produit depuis 2012 à Agadem (Nord-Est) et traité par la société de raffinage de Zinder (Soraz), à capitaux sino-nigériens. L’ambassadeur Zhang Lijun a confié avoir « discuté avec le président Issoufou » du développement du site d’Agadem et de la cimenterie de Kao (financée en partie par la Chine), ainsi que de la réalisation d’une ligne électrique de 330 kilovolts entre Niamey et Birnin Kebbi, dans le nord-ouest du Nigeria.
COMMUNIQUÉ
À LA
H AUTE A UTORITÉ
C ONSOLIDATION DE LA P AIX
Pour un Niger en paix
D
ans une région aussi bouleversée que peut l’être le Sahel aujourd’hui, le gouvernement du Niger a fait preuve d’initiative en mettant en place une Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP). Cette institution, rattachée à la présidence de la république, est chargée de l’analyse prospective, de la prévention et de la gestion des crises et conflits à travers le pays. Elle met en œuvre ses projets sur fonds propres et reçoit également des financements de différents partenaires multilatéraux (UE, ONU…) et bilatéraux (France, Suisse, Japon, Danemark…). La HACP est dirigée par un président qui a rang de ministre et est membre de droit du Conseil national de sécurité. Cette Haute Autorité succède au comité paritaire, mis en place en 1995 pour suivre la mise en œuvre des accords de paix signés cette même année, entre le gouvernement et l'organisation de la résistance armée (rebellion). Ce comité a ensuite été transformé en administration permanente, avec le Haut-commissariat à la restauration de la paix (HCRP), avant de devenir la HACP.
I
Trois volets constitutifs
D
ans la foulée des accords de paix, la Haute Autorité a repris à son compte les trois volets constitutifs du comité paritaire, à savoir l’insertion des ex-combattants dans les différents corps des forces de défense et de sécurité, les administrations et les écoles, la décentralisation et le transfert des compétences aux collectivités territoriales, l’accélération du développement économique et la reconstruction des régions touchées par les rebellions.
La HACP continue par exemple de militer pour la discrimination positive dans les nominations. Elle a été autorisée, à ce titre, à nommer les chargés de missions et les délégués régionaux envoyés dans les zones sécuritaires vulnérables. Elle organise également des cadres de concertation, pendant que des caravanes de la paix sillonnent les zones sensibles, avec la mission d’expliquer la politique menée par l’État. Au chapitre de la décentralisation, la Haute Autorité a favorisé l’émergence à l’échelle locale, d’une classe politique issue des rebellions. Au voisinage du Mali, dans le Nord Tillabéry, elle s’attaque aux causes même de l’insécurité et aux conditions de recrutement des jeunes par les organisations terroristes, c’est-à-dire les problèmes fonciers et les conflits récurrents entre agriculteurs et éleveurs. Dans le Nord Tahoua, elle tente de mettre un terme aux trafics en tous genres entre le Niger, le Mali et l’Algérie. Dans la région d’Agadez comme dans celle de Diffa, elle fait face aux incursions des rebelles en provenance de Libye, du Tchad, d’Algérie et du Nigéria. Enfin, en matière de développement économique, la HACP exécute de nombreux projets au profit des jeunes, des femmes et d’autres groupes vulnérables. De telles activités rapprochent les administrés de leurs administrateurs, tout en renforçant la crédibilité et la légitimité de l’État.
Instrument de paix et de tolérance
L
a vision de la HACP s’intègre dans la politique nationale menée en matière de paix. En priorisant les impératifs de stabilité, elle se fond dans l’approche plus large définie par le gouvernement dans sa Stratégie de développement durable et de croissance inclusive (SDDCI) pour 2035, son Plan de développement économique et social (PDES), portant sur la période 2012-2015 et son initiative « 3N [les Nigériens nourrissent les Nigériens] » pour
II
la Sécurité alimentaire et le développement agricole durable. Dans ce contexte, la HACP se positionne clairement comme un instrument en faveur de la paix et de la tolérance, mais aussi et surtout, comme un outil de développement. L’horizon de dix ans, retenu par les pouvoirs publics nigériens, correspond au temps nécessaire pour amorcer un véritable changement dans la situation sécuritaire du pays. Vue l’urgence de la stabilisation et le retard pro-
COMMUNIQUÉ
Trois questions au Général Mahamadou Abou Tarka, président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP) socio-économique, la sensibilisation, la formation, l’écoute et l’accompagnement des communautés.
Pouvez-vous détailler les principales composantes du programme « Sécuriser » ?
Quelles sont les objectifs de la HACP ? Cette institution nationale est chargée de la prévention des conflits et de la mitigation de leurs impacts lorsqu’ils se déclarent. Elle favorise également les relations entre les forces armées et les populations. La HACP a donc une approche qui permet de répondre aux crises dans leur globalité, en tenant compte des facteurs économiques, sociaux, religieux, etc. La réponse à apporter face à des crises, comme par exemple, celles provoquées par Boko Haram, ne peut pas être que strictement militaire. C’est pourquoi le HACP utilise d’autres instruments comme le développement
C e p ro g ra m m e d o i t a p p u ye r l e s communautés de la région de Diffa et poser les jalons d’une paix durable dans cette région troublée par les attaques de Boko Haram. Il a été conçu autour de trois composantes : les activités génératrices de revenus (AGR), les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) et les actions de sensibilisation, de formation et de renforcement des capacités locales. Plus de huit milliards de FCFA ont déjà été injectés dans le tissu socio-économique de la région. En dix-huit mois, nous avons favorisé le développement économique surtout à l’attention des jeunes, en les aidant à créer des PMEs. Par rapport à des actions de développement classiques, notre démarche se caractérise par sa rapidité d’intervention, ce qui permet
d’avoir un impact rapide et de freiner la crise et d’en limiter les conséquences.
La jeunesse semble être particulièrement ciblée par ce programme. Pour quelles raisons ? Parce qu’ils sont non seulement les principales victimes de l’insécurité, mais également les principaux vecteurs, puisqu’ils sont à la fois recrutés par Boko Haram et par l’armée. À Diffa, beaucoup ont été déscolarisés et n’arrivent pas à trouver un emploi. Il faut donc les former. Des centres ont été créés dans chacune des douze communes de la région, où les jeunes peuvent apprendre divers métiers, dans la mécanique, la menuiserie, la cuisine… Ils peuvent ainsi s’auto-employer et devenir autonomes. Nous travaillons déjà avec l’Union européenne et avec l’Agence française de développement (AFD) sur la prochaine génération de projets à impact rapide pour soutenir encore davantage l’insertion socioprofessionnelle des jeunes de toute la région.
3 500 jeunes nigériens ont bénéficié des aménagements
hydro-agricoles et des activités de fixation des dunes, menés dans la région de Diffa, dans le cadre du programme SECURISER
voqué par les conflits et autres violences, ce délais d’une décennie semble correspondre à la période nécessaire pour implanter de réels changements structurels. Cette vision, développée par la HACP, doit être le cadre et la boussole de toutes les initiatives lancées en faveur de la consolidation de la paix, en focalisant l’attention et les énergies autour d’idées forces et de concepts unificateurs et mobilisateurs pour la stabilité du pays.
III
COMMUNIQUÉ
Suivre le REGARDS
D
epuis sa création, la HACP a déjà mené un certain nombre de projets à terme, autour de plusieurs thématiques et dans diverses régions du pays. En dehors du programme « Sécuriser » (voir interview), la Haute Autorité a lancé de nombreuses initiatives, comme le Renforcement de l’engagement communautaire pour la gestion d’alerte des risques de déstabilisation sociale et sécuritaire (REGARDS), dans la région de Tillaberi. Pour combattre l’insécurité, le gouvernement doit déployer ses forces armées, mais comme ces dernières font face à des bandes, promptes à se cacher dans la population, elles doivent obtenir le soutien des habitants.
D’où la nécessité de prendre en compte leurs demandes, notamment en menant des actions de développement. Bénéficiant du soutien financier du Fonds de Consolidation de la Paix (PBF) à travers le PNUD et de l’UNHCR, à hauteur de 2,8 millions de dollars, le programme REGARDS a pour objectif de renforcer la confiance et la collaboration entre les populations et les forces de défense et de sécurité du Niger et des pays étrangers présents sur le théâtre des opérations. Il doit également améliorer les capacités des communautés installées dans les zones frontalières à contribuer à leur propre sécurité. Huit communes proches de la frontière avec le Mali sont concernées dans les régions de Tahoua, d’Agadez et de Tillabery. REGARDS cible les initiatives susceptibles d’encourager et de renforcer la participation communautaire aux objectifs de consolidation de la paix, en mettant l’accent sur les leaders communautaires et religieux, les personnes vulnérables, comme les jeunes et les femmes, qui sont les plus affectés par la dégradation de l’environnement sécuritaire et social. Via la Haute autorité, c’est donc un véritable contrat de confiance que la population signe avec ses dirigeants. Pour que le Niger puisse vivre en paix et poursuivre sa voie vers l’émergence.
http://www.hacp-niger.org
LES DIX COMMANDEMENTS DE LA HACP de dialogue entre les différentes communautés du Niger
2. Entretenir la confiance mutuelle, la tolérance et le respect dans une volonté partagée de vivre ensemble
3. Contribuer à la prévention des crises et conflits
4. Identifier et proposer
IV
des solutions aux causes socioéconomiques de l’insécurité, du banditisme et des rebellions
5. Élaborer, exécuter et suivre
les programmes de relèvement destinés aux communautés affectées par l’insécurité
6. Animer le débat sur
les nouvelles formes de menaces sécuritaires (terrorisme, trafics
en tous genres) et leurs impacts sur les zones sensibles
7. Identifier les actions
à mener en vue de corriger les inégalités, les disparités et les exclusions dans les actions de développement
8. Promouvoir les actions visant au raffermissement de la paix sociale et de la cohésion nationale
9. Proposer des solutions aux nouvelles formes d’insécurité déstabilisatrice liées au terrorisme et aux trafics en tous genres, et en évaluer l’impact sur les populations des zones concernées
10. Contribuer au règlement négocié des conflits et des rébellions armées
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
1. Cultiver l’esprit de paix et
Grand format NIGER ÉCONOMIE
Entrepreneuriat
La PME qui traque les déchets
Collecte, tri, recyclage, vente de sacs biodégradables… Depuis un an, Niger Bioplast fait place nette et a conquis nombre de clients.
société d’import-export. » Autre facteur qui pourrait avoir motivé son choix : son père, Wassalké Boukari, ex-ministre de l’Environnement et du Développement durable, s’est lui aussi beaucoup investi dans les questions de salubrité. Entré au gouvernement en 2013, ce membre fondateur du Mouvement patriotique pour la République (MPR-Jamhuriya) n’en est sorti qu’en octobre 2016, lors d’un remaniement au cours duquel le président Issoufou a voulu favoriser l’arrivée de plusieurs ministres du Mouvement national pour la société du développement (MNSD, parti présidentiel). Nul doute que lorsque Sofiani Boukari dialogue avec son père, tous les voyants sont au vert.
TAGAZA DJIBO POUR JA
Une plateforme internet
MATHIEU OLIVIER
a capitale nigérienne « étouffe sous les déchets », comme l’a déploré le chef de l’État lui-même. « Il y a des ordures un peu partout, qui bouchent les caniveaux et provoquent des inondations », a ajouté Mahamadou Issoufou, invitant les habitants à assainir leur cadre de vie et tançant au passage la municipalité. Niamey produit environ 320000 tonnes de déchets par an, dont 16000 t de matière plastique, et la propreté de l’environnement est un chantier colossal. La société Niger Bioplast peutelle y remédier? Son directeur et fondateur, Sofiani Boukari, en est persuadé. C’est en 2016 qu’il s’est lancé dans la collecte, le tri et la gestion des déchets, ainsi que dans la commercialisation de sacs biodégradables, notamment pour les magasins (les sacs non biodégradables sont interdits dans le pays depuis 2014). « Je voulais devenir entrepreneur, raconte-t-il. Créer quelque chose, de l’emploi, mais je ne voulais pas monter une énième
L
Sofiani Boukari a décroché des contrats auprès d’institutions et de chancelleries étrangères.
Né en 1987 à Niamey et formé au lycée technique de Maradi (Sud), Sofiani Boukari a toujours eu envie d’« apprendre pour faire ». Après l’obtention de son baccalauréat en gestion commerciale, en 2006, il s’expatrie à Dakar (Sénégal) pour préparer un master en gestion de projets, qu’il décroche en 2011. De retour à Niamey, il travaille d’abord avec la Coopération luxembourgeoise, puis avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Mais cela ne lui suffit pas. Il veut créer son entreprise. À l’époque, il débourse 10000 F CFA (environ 15,25 euros) chaque mois pour le ramassage de ses ordures. « Je me suis dit qu’il y avait un business à développer dans le domaine des déchets et de l’environnement. » L’aventure de Niger Bioplast commence avec une moto-tricycle et quelques bacs à collecte. À la fin de 2016, la jeune société intègre le Centre incubateur des PME au Niger (Cipmen), au sein duquel, avec son associé Kokuvi Asseye Sodoké (camarade togolais rencontré à Dakar, qui détient 25 % de Niger Bioplast), Sofiani Boukari consolide l’entreprise. Elle emploie aujourd’hui une quinzaine de personnes, s’est équipée de cinq tricycles pour sillonner Niamey quotidiennement, collecter les poubelles de ses clients (publics et privés) et transporter
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les déchets jusqu’au centre de tri, puis les valoriser et les recycler. L’entreprise compte parmi ses clients une cinquantaine de particuliers, dont la plupart ont souscrit le contrat standard de 5000 F CFA par mois, pour deux collectes par semaine. Surtout, soutenue par l’Usaid et l’ambassade de France, la société a obtenu plusieurs contrats avec des chancelleries étrangères (France, Sénégal, Bénin…), des hôtels et des entreprises. En décembre 2017, Niger Bioplast a par ailleurs été recrutée par l’État pour assurer la collecte et la gestion des déchets à l’occasion des cérémonies de la fête de l’Indépendance, qui se sont déroulées à Tahoua. « On voit que les gens sont prêts à payer nos services quand ceux de l’État ou des collectivités locales sont déficients, constate Sofiani Boukari. Nous sommes d’ailleurs quasiment les seuls à être actifs sur toute la chaîne, depuis le ramassage jusqu’au traitement des déchets. Et il y a un fort potentiel de création d’emplois, surtout peu qualifiés. » L’entreprise poursuit son développement. Son informatisation est en cours, sa plateforme internet permet notamment
d’émettre une alerte, de signaler un déménagement ou de commander des articles sur son compte client (sacs oxobiodégradables, bacs et poubelles grand ou petit format, jumelles pour le tri sélectif, etc.). « Nous voulons aussi produire et commercialiser nos propres sacs biodégradables, plutôt que d’en importer. Surtout, nous voulons inciter les gens à trier davantage », explique Sofiani Boukari.
Ouverture de franchises
TARIF STANDARD POUR LES PARTICULIERS : 5 000 F CFA PAR MOIS, SOIT 7,60 EUROS, POUR DEUX RAMASSAGES PAR SEMAINE.
Acquisition en cours d’un incinérateur écologique, création d’objets à base de déchets (transformation de sacs de riz usagés en cartables), ouverture d’un centre de formation sur le recyclage d’ici à deux ans… Les projets ne manquent pas. Et les sollicitations affluent, depuis Zinder, Dosso ou encore Agadez, pour l’ouverture de franchises. « C’est trop risqué pour le moment, mais c’est encourageant », conclut le directeur de Niger Bioplast, qui compte lancer prochainement une opération de marketing porte-à-porte pour enrichir sa clientèle et vise un chiffre d’affaires de 100 millions de F CFA pour 2018.
Irriguer devient simple comme un coup de fil « Faire du téléphone un outil agricole. » Informaticien et fils de paysans, Abdou Maman Kané est bel et bien en train de réussir son pari. En 2013, il a créé son entreprise, TechInnov, pour commercialiser le système de télé-irrigation qu’il venait de développer afin d’alléger les corvées d’eau et d’optimiser le travail des agriculteurs. Le système est simple: un boîtier équipé d’une puce GSM est connecté au système d’irrigation et à son réseau de canalisations installés dans les champs. Pour l’activer, l’agriculteur n’a qu’à composer un code depuis son téléphone. Le dispositif permet également de collecter et de diffuser en
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temps réel et à distance les données météorologiques et hydrologiques. Terminés l’arrosage manuel et, surtout, le gaspillage. Les quantités sont ajustées par l’entreprise grâce aux données transmises par les nanocapteurs et analysées en partenariat avec l’université de Niamey. Certes, le coût de l’équipement reste prohibitif : 250 000 F CFA (381 euros) pour l’application et le boîtier, auxquels il faut ajouter le coût des panneaux solaires ou des éoliennes nécessaires à leur alimentation, « mais cela est rentabilisé sur une année », assurent les concepteurs. D’autant que, passée par le Centre incubateur des
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PME au Niger (Cipmen), Tech-Innov a noué des partenariats avec des sociétés de microfinance qui aident les exploitants à rassembler la mise de départ.
Révolution agricole
Récompensée par plusieurs prix internationaux depuis sa création, l’entreprise a conçu d’autres solutions automatisées, notamment pour l’abreuvage ou encore la distribution d’eau potable en milieu rural (Ruwa Rayuwa, « Le Kiosque d’eau potable »). Elle emploie aujourd’hui sept informaticiens et hydrologues, accompagnés dans leurs travaux par douze entreprises soustraitantes. Du constructeur
de canalisations aux employés des centaines de fermes qu’elle a équipées depuis 2013, Tech-Innov a contribué à la création d’emplois, qualifiés ou non. Abdou Maman Kané peut-il contribuer à une révolution agricole par la technologie? Il est en tout cas devenu l’un des principaux visages de l’innovation au Niger et intègre occasionnellement la délégation du président Issoufou lors d’événements internationaux, comme à Kigali, au Rwanda, pour le sommet Transform Africa 2017. Surtout, il travaille au développement de l’utilisation de ses systèmes et à l’essor de son entreprise en Afrique de l’Ouest. M.O.
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SOCIÉTÉ
Agadez
prend son temps Un an après le lancement du programme de développement de la ville, certains chantiers sont à l’arrêt. Toutefois, la capitale de l’Aïr retrouve peu à peu sa dynamique et son âme. La grande mosquée d’Agadez, construite en 1515.
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MATHIEU OLIVIER, envoyé spécial à Agadez
A
ssis au bord de la route, trois hommes entre deux âges sont en grande discussion. Motos et tricycles soulèvent la poussière, qui retombe lentement. Quelques chèvres cherchent pitance. Installés à quelques pas du Palais du sultan, devant leurs boutiques vides, les rares vendeurs d’artisanat ne leur prêtent aucune attention. Ils sirotent leur thé, le regard tourné vers la grande mosquée et l’oreille tendue vers un poste de radio, qu’ils écoutaient peut-être il y a un an, le 18 décembre 2016. Ils avaient alors dû entendre le discours du président Issoufou et ses promesses pour le développement de la ville, dans le cadre du programme Agadez Sokni (« Agadez la coquette ») que venaient de lancer le chef de l’État et le maire, Rhissa Feltou (PNDS, majorité).
Lire aussi notre reportage « Ces migrants qui ont choisi de rentrer chez eux » sur www.jeuneafrique.com
VINCENT BOISOT/RIVA PRESS
950 KILOMÈTRES… C’est la distance qui sépare Agadez de Niamey. Mais elle peut paraître bien plus longue. Autant que s’est allongé le temps nécessaire pour effectuer le trajet par la route, construite à la fin des années 1970. Comptez dix-huit à vingt heures en pick-up et environ vingt-quatre heures si vous optez pour l’une des compagnies de bus, dont les prix viennent d’augmenter après l’adoption de la loi de finances 2018 qui impose une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans les transports: le ticket Niamey-Agadez est ainsi passé de 22000 à 27000 F CFA (de 33,50 à 41 euros). Ce qui reste cinq fois moins onéreux que d’emprunter l’un des trois vols hebdomadaires (les mercredis, samedis et dimanches) de Niger Airlines – la compagnie aérienne créée en 2012 par Abdoul Aziz Larabou –, qui ne prend en revanche que deux heures. M.O.
Extension et bitumage du réseau routier, dédoublement de la traversée de la ville et installation de lampadaires solaires, etc. Avec « un investissement de l’État de près de 50 milliards de F CFA [76 millions d’euros] et un autre d’un acteur privé, expliquait alors le chef de l’État, ces réalisations seront un plus dans le rayonnement et la notoriété de la légendaire ville d’Agadez ». Les ouvriers maniaient pelles et pioches sur les premiers chantiers, les uns goudronnant les grands axes, les autres construisant de nouveaux rondspoints. Le vieux stade venait d’être rénové, la Maison des jeunes et de la culture avait elle aussi commencé à bénéficier d’une cure de jouvence. Un an plus tard, comme tant de choses dans ce désert, la dynamique des chantiers s’est érodée. Le bitume a cessé de couler. « En réalité, les chantiers n’ont existé que quelques semaines, avant et après la visite du président », confie Ibrahim Rissa, directeur de l’ONG Tidène. « Les entreprises ont cessé toute activité parce qu’elles n’étaient pas payées », poursuit Abderahmane Issa, militant de la société civile. Symbole de ces chantiers suspendus, la réfection de l’axe légendaire Agadez-Tahoua, vital pour la région, n’est toujours pas engagée (400 km). Et pour ceux qui prolongent leur parcours vers le sud-ouest, de Tahoua jusqu’à
Niamey (550 km), le périple est réputé cauchemardesque (lire encadré). Le programme Agadez Sokni a-t-il pour autant fait long feu? « Quelques infrastructures ont été réceptionnées, plusieurs chantiers ont été engagés, mais la plupart, sur lesquels ce qui a déjà été réalisé commence à se dégrader, n’ont pas été achevés », déplore un élu local. Les panneaux solaires de certains lampadaires installés le long des grands axes routiers sont en effet tombés, des arbres récemment plantés ont été arrachés, les fondations de quelques chantiers en cours se sont fissurées pendant la saison des pluies… « Compte tenu du contexte budgétaire, les réalisations mettent du temps à voir le jour, mais aucun des chantiers prévus n’est abandonné », assure une source gouvernementale. Pour pallier le déficit en électricité, Agadez sera par ailleurs bientôt dotée d’une centrale hybride solaire-diesel, cofinancée par l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD) pour 32 millions d’euros. Le dossier d’appel d’offres est finalisé par la société nigérienne d’électricité (Nigelec) et l’AFD, qui prévoit le démarrage de la phase de construction fin juin-début juillet, pour une mise en service en janvier 2020. Avec une capacité installée de 19 mégawatts (MW), cette centrale va évidemment jouer un rôle essentiel dans le développement économique et social d’Agadez, dont les besoins annuels sont estimés à 8 MW.
Solution de rechange
Au pied de la mosquée cinq fois centenaire, on croit en des jours meilleurs et on prend donc patience. Certains se souviennent de l’âge d’or des années 1980 et 2000. Mais les rébellions puis le terrorisme sont passés par là. Et Agadez ne s’en est pas remise. Les agences de voyages (plus de 150 dans les années 2000) ont fermé ou quitté la région. Les commerçants et artisans ont tenté de faire le dos rond, mais plus de la moitié d’entre eux ont également préféré partir pour tenter de vendre leurs produits à Niamey. Quant aux nombreux guides, la plupart se sont reconvertis dans l’orpaillage ou les trafics. Mais la ruée vers l’or et l’attraction pour la région de Djado semblent déjà s’essouffler : trop de candidats à la richesse, une insécurité croissante… « Beaucoup ont préféré arrêter, le désert est devenu plus dangereux, surtout vers la Libye, et c’est de plus en plus coûteux », raconte un ancien de Djado. Lui fait partie des chanceux. Ancien passeur de migrants, son véhicule lui a été confisqué il y a dix-huit mois. Il a choisi l’or par défaut et en a trouvé 64 grammes, soit environ 2 500 euros à la revente, qui lui ont permis de rénover sa maison – effectivement coquette. D’autres ex-passeurs n’ont pas eu sa veine. Certains croupissent en prison. Quelques-uns ont changé de branche et, quand leurs véhicules n’ont pas été saisis, transportent une « marchandise » moins voyante, notamment du tramadol, une drogue sous forme de comprimés qui vient du Nigeria. Conséquence de la chasse aux passeurs menée par les autorités, l’effondrement du trafic des migrants « a cassé la ville », qui était devenue le point de transit pour
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les Ouest-Africains cherchant à rallier la Libye, un afflux dont nombre d’habitants tiraient profit. « Tous ceux qui en vivaient, à commencer par les passeurs, n’ont pas encore trouvé de solution de rechange, explique Abderahmane Issa. On leur propose une compensation de 800000 F CFA [1220 euros], ce qui est dérisoire quand on sait qu’il y a trois ans un migrant payait entre 120000 et 140000 F CFA pour un passage depuis Agadez. Aujourd’hui, les prix peuvent même atteindre 400 000 F CFA ! »
Encerclée de « zones rouges »
Résultat, certains passeurs persévèrent. Et les autorités ont donc encore fort à faire. Du côté du gouvernorat, on compte sur la coopération internationale et la mise en place de microprojets pour renforcer l’agriculture et, surtout,
relancer le tourisme et l’artisanat. L’Union européenne et les coopérations allemande et française sont en première ligne sur cette question, de même que sur celle de la sécurité. Perle et porte du désert longtemps vantée par les tour-opérateurs, la capitale de l’Aïr paraît aujourd’hui coupée du monde et encerclée de « zones rouges ». Pourtant, aucun groupe jihadiste n’est installé au Niger, mais la menace est proche, sur ses longues frontières, dans l’Ouest, avec le Nord-Mali, dans le Nord, avec la Libye en plein chaos, et dans le Sud, avec le Nigeria, où sévit Boko Haram. « Il faut que nous parvenions à nous débarrasser de cette image de région dangereuse, déplore Mawli Dayak (lire ci-dessous). Si l’on y parvient, les touristes reviendront. D’abord ceux de la sous-région, puis ceux d’ailleurs. »
Au nom du père et de l’Aïr Fils de l’un des plus emblématiques chefs touaregs, Mawli Dayak s’évertue à mettre en lumière la culture et la région d’Agadez pour y relancer le tourisme.
MATHIEU OLIVIER
herche-t-il à être digne d’un père élevé au rang d’icône dans la région et la ville d’Agadez – dont l’aéroport porte d’ailleurs le nom ? Sans doute. Fils aîné de Mano Dayak, décédé en 1995 dans un accident d’avion, Mawli Dayak ne peut y échapper. Émissions de radio, danses et chants traditionnels… Comme chaque année depuis vingt-deux ans, les Agadéziens ont célébré le 15 décembre 2017 la mort de celui qui reste l’un des principaux chefs de la rébellion du début des années 1990 et, plus largement, l’une des personnalités touarègues les plus charismatiques. Son fils en est bien conscient. « Beaucoup ont gardé de mon père l’image d’un rebelle, mais cette rébellion a fait moins de 150 morts en cinq ans. Le message de Mano Dayak, explique-t-il, c’était avant tout le vivre-ensemble. » C’est d’ailleurs tout l’objet de la Fondation Mano Dayak, pour la paix, le dialogue interculturel et interreligieux, le rapprochement des peuples et des cultures, qu’il a créée à la
C
fin de 2016. À 40 ans, Mawli a pris le relais de Mano pour replacer sa ville et sa région au centre d’un cercle vertueux fondé sur le tourisme.
Patrimoine naturel et culturel
Sillonnant le désert avec l’agence qu’il avait créée, Temet Voyages, son père a participé, entre autres, à l’organisation du ParisDakar et au tournage d’Un Thé au Sahara, de Bertolucci. Des milliers de touristes venaient découvrir l’Aïr et le Ténéré, les locaux se partageant les emplois de chauffeurs, de guides, de cuisiniers. Les souvenirs de cet âge d’or ne l’ont jamais quitté. À 15 ans, alors que les rébellions agitent la région, Mawli est envoyé en France, le pays de sa mère, Odile. Il passe avec succès un baccalauréat économique et social en région parisienne. En 1997, il entre dans la vie professionnelle, dans le secteur du prêtà-porter, puis au sein d’une société gestionnaire de patrimoine. À la fin de 2011, Mawli Dayak rentre au Niger. Il y intègre les services du Premier ministre, Brigi Rafini (lui aussi originaire
CABINET DU PREMIER MINISTRE AUTORITÉ DE RÉGULATION DESTÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE LA POSTE ●
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veiller à l’application des textes législatifs et réglementaires, au respect des conventions, des termes des licences, des autorisations et des déclarations y afférents dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires ; protéger les intérêts des utilisateurs et des opérateurs, en prenant toute mesure propre à garantir l’exercice d’une concurrence saine et loyale dans le secteur, dans le cadre des dispositions légales et réglementaires en vigueur ; promouvoir le développement efficace des secteurs en veillant, notamment à leur équilibre économique et financier et en procédant au besoin à un contrôle technique, comptable et financier des entreprises des secteurs régulés.
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Lire aussi « Agadez dans l’Aïr du temps » sur www.jeuneafrique.com
Mawli Dayak, fondateur de l’agence Temet Événements, le 6 février.
de la région d’Agadez), auprès duquel il est chargé de mission sur le tourisme et l’artisanat. Son patronyme lui ouvre des portes. Il en profite pour créer son agence, Temet Événements. Son objectif : mettre en lumière la culture de la région d’Agadez pour y faciliter le retour du tourisme. En 2013, l’agence organise un festival de musique, Le Chant des dunes, réunissant à Niamey des artistes nigériens, maliens, mauritaniens, algériens, belges et français. En 2015, elle met à l’honneur la culture touboue en orchestrant Agadez, capitale de la paix, une semaine consacrée aux arts et à l’artisanat. Temet Événements travaille actuellement sur la tenue à Agadez
« IL FAUT PRENDRE AU BUDGET DE LA DÉFENSE POUR INVESTIR DANS LE DÉVELOPPEMENT. C’EST UNE AUTRE FORME DE PACIFICATION. »
PARTENAIRE DE VOS PROJETS AU NIGER
Présentes depuis plus de 60 ans au Niger, les équipes de SogeaSatom ont participé à de nombreux projets de construction dans le pays tels que : la route Niamey-Namaro- Farié (67 km), la route Goudel Tondibia-Tondikoirey et le boulevard Askia Mohamed (18 km), les voiries urbaines de Niamey et de Tahoua, l’unité de traitement d’eau de Yantala, la construction de la Maison de l’Uranium ou encore l’échangeur de Diori à Niamey.
d’un forum pour le tourisme en Afrique de l’Ouest afin de motiver des politiques nationales et sous-régionales. « On ne relancera pas le tourisme en ne nous intéressant qu’aux Européens, il faut d’abord attirer la clientèle régionale, notamment algérienne, explique Mawli Dayak. La région d’Agadez dispose d’un patrimoine naturel et culturel énorme, comme le festival La Cure salée, à Iferouane. » Cette transhumance des éleveurs nomades pendant et après l’hivernage (juillet à décembre) doit son nom aux sels minéraux dont les pâturages regorgent durant cette période grâce aux eaux de ruissellement des montagnes de l’Aïr, et donne lieu à de grandes fêtes. « Il faut que nous relancions un cercle vertueux à partir des activités touristiques et culturelles, poursuit-il. L’important, c’est de rendre à nouveau les gens autonomes. Aujourd’hui, ils sont dans l’attente des subventions [de l’État] et de l’aide extérieure. Il faut de la volonté politique, prendre au budget de la Défense pour investir dans le tourisme et le développement. C’est une autre forme de pacification… »
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