Pdf ja2981 du 25 février au 3 mars 2018 focus transports

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MAURITANIE

PRÉSIDENTIELLE 2018 Le Mali est-il (vraiment) prêt ?

MOHAMED OULD ABDELAZIZ ROMPT LE SILENCE Une interview du chef de l’État

RD CONGO Mines : les dessous d’un coup de force

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2981 DU 25 FÉVRIER AU 3 MARS 2018

ALGÉRIE

Bouteflika ouletemps suspendu Le président est fermement résolu à briguer un cinquième mandat, l’an prochain. Son âge – il aura 82 ans – et surtout son état de santé le lui permettront-ils?

ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT, INTERNATIONALE

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France3,80€ Algérie290DA Allemagne4,80€ Autriche4,80€ Belgique3,80€ Canada6,50$CAN Espagne4,30€ Éthiopie67birrs Grèce4,80€ Guadeloupe4,60€

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Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mauritanie 1 200 MRO Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 6,50 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285





« Les risques pays sont trop grands pour les investisseurs »

Le pont HenriKonan-Bédié, à Abidjan.

JACQUES TORREGANO POUR JA

Focus Transports

Le trafic de marchandises va doubler, mais les financements privés dans les infrastructures tardent encore, explique Maïdadi Sahabana, directeur transport du cabinet Louis Berger. Propos recueillis par RÉMY DARRAS Jeune Afrique : Les investissements réalisés ces dernières années ont-ils permis d’améliorer l’état des routes ?

Maïdadi Sahabana : En dépit d’efforts significatifs consentis en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Sénégal, le retard à combler reste globalement très important en Afrique francophone. Le niveau de bitumage est d’environ 20 % sur le réseau routier classé. Par exemple, seule la moitié

du corridor Abidjan-Ouagadougou est en bon état. La RD Congo a moins de kilomètres bitumés [3 000 km sur 17000 km de routes nationales] que le Congo voisin pour une surface et une population bien plus importantes… Ce mauvais entretien des réseaux ou leur non-revêtement ont une incidence directe sur le matériel et les coûts d’exploitation des transporteurs. Y a-t‑il un moyen d’en réduire l’impact ?

Il reste difficile pour les transporteurs d’être rentables alors que ces coûts de transport sont parmi les plus importants au monde ! Mais sur la plupart des corridors transnationaux, ce surcoût n’est pas le seul fait de l’exploitation. Il provient également des paiements illicites réclamés par les policiers ou les douaniers sur les routes. En RD Congo, le prix du ciment peut passer du simple au triple de Lubumbashi à Kananga, selon le niveau d’enclavement

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Focus Transports routier & ferroviaire

des villes. Pour le riz, les surcoûts peuvent représenter jusqu’à 162 dollars [131 euros] tous les 100 km en Afrique de l’Ouest. Sur un corridor de 1 000 km, cela représente 1 600 dollars, qui renchérissent le prix du produit pour le consommateur final et entravent la compétitivité des exportations sur le marché mondial. La construction d’autoroutes ne permettrait-elle pas une meilleure optimisation du circuit logistique ?

Oui, sauf que, en dehors des grandes agglomérations comme Dakar et Abidjan, le trafic sur les liaisons interurbaines n’est pas suffisant pour justifier la construction d’autoroutes [il faudrait entre 10 000 et 20 000 véhicules par jour] et générer assez de revenus de péage. Si l’on aménage les 230 km qui séparent Yaoundé de Douala, à 7 millions de dollars le kilomètre, il faudrait des niveaux de péage très élevés [que les usagers ne sont pas en mesure de payer] pour parvenir à la rentabilité. L’idée d’une couverture totale du financement d’une autoroute par le péage n’est pas réaliste. Ces projets nécessitent obligatoirement une contribution financière publique. Le trafic n’est pas suffisant. On évoque souvent une saturation des circuits logistiques…

I E R /J A

La saturation n’est pas tant le fait des flux que de leur gestion. Les

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Maïdadi Sahabana VI

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EN DEHORS DES GRANDES AGGLOMÉRATIONS, LE TRAFIC N’EST PAS SUFFISANT POUR JUSTIFIER DES AUTOROUTES. 58

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investisseurs portuaires ont investi dans des grues qui permettent de décharger des navires très rapidement. Or, dans les enceintes portuaires, pour des questions de coût et de sécurité, les marchandises peuvent rester stockées plusieurs semaines ou plusieurs mois, le temps de mobiliser les ressources nécessaires au dédouanement des importations. C’est à l’entrée des villes et des ports que les routes sont envahies par des activités urbaines, par des marchés qui débordent et qui viennent perturber le fonctionnement des chaînes logistiques. Sinon, elles ne sont pas saturées. Cependant, les marchandises s’entassent sur les corridors…

Il n’y a actuellement qu’un seul « poste-frontière juxtaposé » qui permet de faire une opération de contrôle conjointe sur un même point, à Cinkassé entre le Burkina Faso et le Togo. D’autres projets similaires vont émerger entre le Bénin et le Nigeria, entre le Bénin et le Togo, entre le Bénin et le Niger. Beaucoup de ports secs sont à l’étude au Gabon, au Congo, au Bénin, en Côte d’Ivoire. Ils ne seront pleinement fonctionnels que si le chemin de fer leur apporte une cargaison suffisante pour organiser le transfert sur la route. Mais ce n’est pas encore le cas. Quelle est la réalité du port sec de Bolloré entre le Gabon et le Congo ? Combien de conteneurs transitent par ces ports secs ? Zéro. Pourquoi le réseau ferroviaire n’est-il pas devenu une alternative plus importante à la route ?

La période de désinvestissement des années 1980-1990 n’a pas encore été rattrapée. Aucun investissement significatif n’a été fait. Le réseau de Sitarail est sur le point d’être réhabilité, il transporte 800 000 à 900 000 tonnes de fret par an. C’est très peu par rapport aux 21,7 millions de tonnes traitées par le port d’Abidjan. En dehors de la Camrail, qui représente 17 % de la part de marché du port de Douala, la plupart

DES CHARGEURS ENCORE PEU RENTABLES

Pour le secteur des transports, qui reste en grande partie informel, il est difficile d’être rentable. Les chargeurs font de la surcharge et minimisent le prix d’entretien, ce qui peut entraîner des immobilisations. La moindre panne peut causer des pertes de marchandises.

des chemins de fer sont réduits à un trafic quasi nul. Le chemin de fer Bamako-Dakar n’est pas opérationnel, tout comme celui de Benirail au Bénin. Au Togo, le ferroviaire ne sert qu’à transporter du ciment et non des conteneurs. Le chemin de fer CongoOcéan est interrompu. Il y a un trafic insuffisant entre Matadi et Kinshasa. Des efforts de réhabilitation sont entrepris en RD Congo, mais on est encore loin du compte. Les investissements sont plus lourds à mobiliser dans le ferroviaire – ils sont de l’ordre de dizaines de millions de dollars le kilomètre – que dans le routier, où ils équivalent à 1 million de dollars le kilomètre. Un chemin de fer sera rentabilisé au bout de vingt ans. Comme pour les routes, les risques pays sont trop importants pour pouvoir susciter la confiance des financeurs privés. Pourtant, dans les prochaines années, on fera face à un doublement du volume des marchandises…

Un port qui génère 10 millions de tonnes peut se passer de ferroviaire. Dans dix à vingt ans, ces ports généreront 30 millions de tonnes, soit plus de 3 000 camions par jour. Le ferroviaire est plus adapté à l’évacuation de ces gros volumes, délestant ainsi la route d’un trafic trop important avec un coût de transport bien moindre. Les projets routiers ne sont pas suffisants pour faire face au doublement à venir du trafic dans les ports d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.


INVESTISSEMENTS

Sitarail relancée pour doper la production de minerais

ISSOUF SANOGO/AFP

Démarrée en décembre, la réhabilitation du chemin de fer entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso vise à renforcer la place des deux pays dans le secteur extractif.

La première phase, d’un coût de 130 millions d’euros, couvrira la période 2018-2021. BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

ous avons dû négocier longtemps avant d’aboutir », reconnaît Amadou Koné, le ministre ivoirien des Transports. C’est en juillet 2016 que la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ont signé la convention de concession révisée avec la Sitarail, gestionnaire et exploitant de la ligne de chemin de fer de 1 260 km reliant Abidjan à Ouagadougou (et filiale à 67 % du groupe français Bolloré Transport et Logistique, tandis que chaque État en détient 15 %). Mais c’est en décembre 2017 qu’a démarré le chantier de réhabilitation du tronçon. Montant total du plan sur huit ans : 260 milliards de F CFA (396 millions d’euros). Cette vaste opération, jamais réalisée depuis l’attribution en 1995 de la concession, qui court jusqu’en 2030, vise d’abord le renouvellement complet de 853 km de voies ainsi que la réhabilitation de 50 ouvrages d’art, la rénovation de

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31 gares et de 4 ateliers et la modernisation des équipements des ateliers de maintenance. De quoi changer le visage du chemin de fer, vestige de la colonisation qui ne cadre plus avec les nouveaux enjeux économiques auxquels font face les deux pays. À cause de la vétusté des infrastructures, il faut trente-deux heures de voyage à 40 km/h pour aller d’une ville à l’autre…

La première phase se déroulera de 2018 à 2021 pour un investissement de 130 millions d’euros. Objectif : porter les capacités de transport à 1 million de tonnes de marchandises et à plus de 300 000 voyageurs par an (contre 800 000 t et 200 000 passagers aujourd’hui). Pour y parvenir, Sitarail fera dès le mois de mars l’acquisition de 4 locomotives et de 60 wagons-plateformes. La seconde phase des travaux doit faciliter le transport de marchandises lourdes telles que les minerais. Les deux pays, qui aspirent à devenir d’importants acteurs miniers, misent sur les investissements de Sitarail pour doper la production du manganèse, entre autres. À terme, le volume annuel convoyé devrait atteindre 5 millions de tonnes, dont 2 millions de marchandises générales et 3 millions de minerais. Par ailleurs, le trafic devrait concerner 800 000 voyageurs. La compagnie a d’ores et déjà noué un partenariat avec le groupe burkinabè Cimfaso pour transporter d’Abidjan à Ouagadougou 500000 t de clinker, une matière première nécessaire à sa cimenterie établie dans la capitale, jusqu’ici acheminée par camion.

UN MILLIARD POUR LES PLATEFORMES LOGISTIQUES

L’augmentation des capacités du transport ferroviaire aura une incidence positive sur les capacités logistiques du port d’Abidjan. Le développement du chemin de fer de la Sitarail sera concomitant de celui des deux terminaux à conteneurs du site ivoirien, dont Bolloré

Transport et Logistique détient la concession. Le terminal 2 devrait être livré en 2021, au moment où la première phase des travaux de modernisation de la ligne entre la capitale économique ivoirienne et Ouagadougou devrait s’achever. Des plateformes d’échanges entre rail et route sont

réalisées pour faciliter l’import et l’export de l’ensemble des marchandises. Celles de Ferkessédougou, dans le nord de la Côte d’Ivoire, ou de BoboDioulasso, dans le sud du Burkina Faso, seront ainsi amenées à accroître leurs activités. Des investissements qui frôlent le milliard d’euros.

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Focus Transports routier & ferroviaire

FINANCEMENTS

Autoroutes du Maroc amorce son chantier de désendettement L’entreprise publique doit assainir sa trésorerie si elle veut de nouveau engager de très gros investissements. EL MEHDI BERRADA, à Casablanca

ans son dernier budget annuel, l’État a alloué à Autoroutes du Maroc (ADM) une enveloppe de 3,4 milliards de dirhams (environ 300 millions d’euros) pour ses investissements. Un montant moindre que ceux des années précédentes (5 milliards de dirhams en 2014), ce qui montre que 2018 ne sera pas des plus productives pour le bâtisseur public. Bien que le trafic moyen quotidien sur le réseau soit en constante progression (de 7 % en 2016, avec 340 000 véhicules), seuls deux petits chantiers sont prévus : l’autoroute Berrechid-Tit Mellil, d’une quarantaine de kilomètres, et l’élargissement des voies sur le tronçon CasablancaBerrechid, sur la même distance. Si le calendrier ne laisse apparaître aucun gros investissement, c’est parce que l’État n’a toujours pas signé de nouveau contrat-programme avec la société. Depuis que s’est conclu le plan 2008-2015, ADM a eu

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d’autres problèmes à régler. Selon un expert, « la dette cumulée par l’entreprise publique, de 41 milliards de dirhams, ne lui permet pas de s’engager sur de très gros investissements. Il lui faut assainir sa situation financière ». Comme les fonds propres qu’a injectés l’État durant les huit années du contratprogramme n’ont pas permis de financer la globalité des investissements d’ADM, la société a dû s’endetter. Sur les 54 milliards de dirhams mobilisés pour bâtir 1800 km, 39 milliards ont été consacrés à 1039 km d’autoroutes. S’ils ont permis de voir sortir de terre les liaisons Marrakech-Agadir (231 km) et Fès-Oujda (323 km), ils ont en même temps accentué le déséquilibre financier. ADM

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villes marocaines de plus de 100 000 habitants sur 27 sont reliées au réseau autoroutier.


GUILLAUME MOLLÉ

Dans le royaume, 85 % de la population est située à moins d’une heure de l’autoroute (ici le tronçon Fès-Oujda).

doit finir de rembourser un crédit alors que le réseau n’est toujours pas rentable. Il faut que 8 500 véhicules l’empruntent quotidiennement pour atteindre l’équilibre ; or ce n’est le cas que sur 1 000 km. Difficile de continuer au même rythme.

Pérennité préservée

Une opération de restructuration de cette dette, considérée comme la plus lourde portée par une entreprise marocaine – mais normale dans le secteur des infrastructures –, a donc été lancée en janvier. « Le défi pour nous, c’est avant tout de préserver la pérennité d’ADM en enrichissant le réseau autoroutier du pays », explique Anouar Benazzouz, directeur général de l’établissement depuis 2014, sans détailler de projets de plus grande envergure. Ainsi, ADM a racheté ses anciennes obligations en en émettant de nouvelles, mais

avec de meilleures conditions. « Le marché permet actuellement de s’endetter avec des taux plus bas et sur des durées plus longues. C’est exactement ce que cherchait l’entreprise », assure l’expert. Pour rembourser une partie des emprunts en 2018 et 2019, ADM a levé 1,2 et 2,5 milliards de dirhams. Deux montants garantis par l’État sur trente ans. Par ailleurs, ADM s’est libéré d’une partie de son fardeau en contractant l’équivalent de 2,9 milliards de dirhams de dettes en dinars koweïtiens auprès du Fonds arabe pour le développement économique et social, l’un de ses partenaires historiques. « ADM étudiera les différentes opportunités de reprofilage en vue d’alléger la trésorerie à court et à moyen terme », rassure le directeur général. En une année, la dette a déjà baissé de 400 millions de dirhams.


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