Pdf ja2984 du 18 au 24 mars 2018 dossier acf

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Abidjan, 26-27 mars

ANTITERRORISME Le modèle marocain

L’heure de la transformation

TUNISIE Le grand test Spécial 20 pages

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2984 DU 18 AU 24 MARS 2018

Emmanuel Ramazani Shadary

Matata Ponyo Mapon

Adolphe Muzito Aubin Minaku Ndjalandjoko

RD CONGO

Le bal des dauphins Empêché par la Constitution de briguer un nouveau mandat en décembre, Joseph Kabila songe à adouber un candidat de son choix. Ce ne sont pas les prétendants qui manquent…

ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE CENTRALE

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 €

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Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mauritanie 1 200 MRO Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €

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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 6,50 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285





Un partenaire de long terme pour les besoins énergétiques de l’Afrique

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démonter le boss du FLN. L’homme est imperturbable, et les quolibets qu’il essuie glissent sur lui comme des gouttes d’eau sur le plumage d’un canard.

BILLAL BENSALEM/NURPHOTO/AFP

Du chahut de gamins

provoquent immanquablement stupeur et moqueries. Il faut dire que ce père de cinq enfants cultive un art certain de l’exagération, déclarant par exemple avec aplomb que le président Bouteflika, lourdement handicapé par l’AVC dont il a été victime en avril 2013, se remettrait bientôt à marcher et à parler. Sa qualité de médecin, se justifie-t‑il, lui donne l’habilitation requise pour prédire une guérison aussi miraculeuse: « Je suis médecin et je sais ce que je dis. » Une autre fois, il affirme sans ciller que le niveau de vie en Algérie est plus élevé qu’en Suède. Ou encore qu’il a été l’ami personnel de Yasser Arafat, qu’il a étudié avec la chancelière allemande Angela Merkel à l’université de Leipzig ou qu’il a inventé un appareil de radiographie pour lequel le gouvernement allemand lui avait décerné une médaille. Djamel Ould Abbès aime faire le show et n’a cure des railleries de ses concitoyens; il en faut beaucoup plus pour

C’est que, plus d’un an et demi après avoir été désigné à sa tête, Djamel Ould Abbès tient fermement les rênes du parti. À ceux qui réclament son départ, il répond placidement : « Je partirai quand le président me l’ordonnera. » Les petites frondes dont le FLN a la spécialité ? Du chahut de gamins. « Il a fait le vide autour de lui, dit un membre du bureau politique. Les grognards se sont mis en retrait, et les autres savent qu’il ne bougera pas tant qu’il jouira de la confiance de l’entourage présidentiel. Et puis Ould Abbès n’est pas aussi insaisissable que pouvait l’être son prédécesseur, Amar Saadani. Il connaît trop bien la maison pour s’attirer les foudres de l’entourage du président. Il sait aussi se faire menaçant avec les têtes qui dépassent, même si ses paroles relèvent parfois du spectacle. » Djamel Ould Abbès peut-il durer jusqu’au prochain congrès du FLN, prévu dans le courant de 2019? Sauf grande surprise, dont Bouteflika est coutumier, tout indique que ce fidèle serviteur restera en place. D’autant que le débat autour de la présidentielle de 2019 et de l’éventuelle candidature de Bouteflika à un cinquième mandat agite désormais la classe politique. Et qui mieux que Djamel Ould Abbès saura maintenir le FLN dans le giron du cercle présidentiel, lui qui ne rate pas la moindre occasion de louer le bilan du chef de l’État et de se faire l’avocat de sa reconduction à la magistrature suprême?

IL AIME FAIRE LE SHOW ET N’A CURE DES RAILLERIES, QUI GLISSENT SUR LUI COMME DES GOUTTES D’EAU SUR LE PLUMAGE D’UN CANARD.

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14 Agences en Afrique 22 dans le monde


SC BTL-03/18

Moteur de la transformation logistique du continent africain

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PUBLIREPORTAGE

Bolloré Transport & Logistics :

PREMIER RÉSEAU DE LOGISTIQUE INTÉGRÉE EN AFRIQUE Présent en Afrique depuis plus d’un demi-siècle, Bolloré Transport & Logistics opère des infrastructures portuaires aux meilleurs standards internationaux et assure, à l’import comme à l’export, le transport de marchandises jusque dans les zones les plus isolées, grâce à son savoir-faire unique dans la gestion des corridors. Bolloré Transport & Logistics a développé pour ses clients locaux et internationaux des services basés sur une stratégie multimodale, depuis la prise en charge de l’expédition à l’international jusqu’au point de livraison finale. Ces services répondent à la demande des clients importateurs et exportateurs, qu’il s’agisse de grands groupes pour lesquels des solutions complexes de pilotage de supply chain sont élaborées ou de PME pour des expéditions internationales. Fluidifier le transport de marchandises Le groupe s’implique dans le déploiement de nouvelles solutions visant à améliorer ses infrastructures, optimiser le pilotage des flux et augmenter le trafic de marchandises.

Des investissements sont régulièrement engagés pour transformer les ports et ainsi permettre l’accostage de navires transocéaniques de nouvelle génération, traiter toujours plus de conteneurs tout en réduisant les temps d’escales. Bolloré Transport & Logistics construit également des ports secs qui fonctionnent comme des centres de transbordement des cargaisons maritimes vers l’intérieur des terres. Situés dans 15 pays africains et notamment au Burkina Faso, au Kenya et au Mali, ils permettent le stockage et l’acheminement des marchandises jusque dans les pays dépourvus de littoral. Dans un souci d’amélioration constante de sa qualité de ses services, Bolloré Transport & Logistics a lancé début 2015 un vaste programme de modernisation de ses entrepôts. À ce jour, plus d’une centaine ont ainsi été adaptés aux nouvelles exigences et répondent aux besoins actuels des clients en termes de qualité et de performance. Un engagement sur le long terme Engagé sur le long terme, Bolloré Transport & Logistics investit chaque année sur le continent afin d’améliorer ses infrastructures et créer de nouvelles solutions connectées et intermodales. Avec le soutien de ses 24 000 collaborateurs répartis dans 46 pays, Bolloré Transport & Logistics s’engage au quotidien pour délivrer des prestations de grande qualité et faciliter la circulation des biens. Il contribue à travers ses nombreux investissements à la croissance des pays dans lesquels il est implanté, soutient l’emploi local et assure la formation continue de son personnel.


Dossier ROBOTISATION

Un ouvrier de la société Makuba Textiles gérant des machines à filer à Ndola, en Zambie.

PER-ANDERS PETTERSSON/GETTY IMAGES/AFP

Une chance


à saisir

Si le continent doit augmenter ses capacités industrielles, il lui faut aussi prendre le virage des bouleversements technologiques en cours dans les pays développés. Avec pour défi de créer des emplois. ALAIN FAUJAS

L

a voie du développement semblait toute tracée pour l’Afrique. Il lui suffisait de mettre ses pas dans ceux de l’Asie et de jouer la carte des bas salaires qui y a fait merveille pour la production et l’exportation d’articles à forte intensité de maind’œuvre. Ne claironnait-on pas qu’elle serait la Chine de demain, au vu de sa croissance démographique et des premières décentralisations de productions textiles venues de l’empire du Milieu, notamment en Éthiopie? Industrialisation, transferts de technologie, diversification de l’économie quisefaitdeplusenplusformelle,création d’emplois, augmentation des revenus, croissance de la consommation et de l’éducation des classes moyennes, démocratisation, transparence: tant attendu depuis les indépendances, le cercle vertueux de l’émergence et de ses bienfaits miroitait au bout des nouvelles « routes de la soie ». Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour prévenir les Africains

de la possibilité d’un mirage. Car la désindustrialisation qui affecte les pays développés – et qui commence même à toucher l’Asie émergente – est déjà à l’œuvre sur le continent. Dès février 2015, Dani Rodrik, du très réputé organisme américain National Bureauof EconomicResearch (NBER), alertait sur la réalité d’une « désindustrialisation prématurée » dans les pays en développement.

Révolutions digitales

MAROC : UNE INDUSTRIALISATION EN TROIS TEMPS

Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie et du Commerce, décrit les trois étapes qui ont permis de positionner avantageusement son pays dans la chaîne de valeur automobile mondiale : « Une fois que les constructeurs automobiles se sont installés au Maroc, les équipementiers les ont suivis, et nous entrons maintenant dans la troisième phase, qui consiste dans l’intégration du capital marocain dans le processus. » A.F.

AU PROGRAMME DU

Malgré la croissance des investissements chinois, en Afrique, « il existe peu de signes d’une réelle reprise de l’industrie », écrivait-il. Là où elle se manifeste, « elle est majoritairement ÉDUCATION alimentée par des transferts de capitaux ou les booms des produits de Quand le secteur base, ce qui pose la question de sa privé cherche sa voie soutenabilité ». Le nombre de transactions dans Faute d’être incluse dans le secteur de l’éducation a doublé les chaînes de valeur entre 2012 et 2015. Les montants investis mondiales à cause de ont été multipliés par cinq. Partenariats son manque d’inpublic-privé, internationalisation, éducation frastructures et de ses obstaen ligne, innovations dans le financement des cles non études : quels sont les modèles les plus pertinents ? jeuneafrique no 2984 du 18 au 24 mars 2018

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ÉDITORIAL

Au service de l’essor du secteur privé

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epuis sa création il y a six ans, le tout, c’est le développement éconoAfrica CEO Forum s’est imposé mique de l’Afrique par la libération comme la grande conférence annuelle des énergies entrepreneuriales. Dans du secteur privé africain. Lors de la un contexte compliqué marqué par première édition, qui s’est tenue en un climat des affaires globalement novembre 2012, vous étiez 400 PDG, difficile et des marchés trop souvent membres de conseils d’administration, étroits, les entrepreneurs africains directeurs généraux adjoints, direcsont des « héros » – pour paraphrateurs Afrique, dirigeants de banque, ser Jean-Michel Severino, gérant associés de cabinets d’avocats ou de du capital-investisseur Investisseurs grands cabinets de conseil à participer & Partenaires (I&P). Sont-ils à eux à l’événement. Dans quelques jours, à seuls la solution ? Certainement pas. Abidjan, vous serez près de 1500. Soit Aucun pays, y compris les États-Unis, un taux de croissance ne s’est construit sur annuel du nombre de la seule énergie de ses participants de 30 %. hommes (et femmes) Un résultat qui n’a d’affaires : sans leader rien à envier aux perpolitique de qualité, formances des plus aucune issue. Mais, beaux champions nous en sommes africains ! Les chiffres convaincus, le secteur sont éloquents : des privé africain doit être grandes entreprises davantage un moteur Frédéric Maury et sociétés d’invesdu changement. En Directeur éditorial, tissement venues se transformant luiAfrica CEO Forum de 39 pays africains, même, en étant plus représentant 99,8 % compétitif et plus du PIB continental ; inclusif, il peut contrides multinationales buer à l’accélération et institutions issues de 28 pays non radicale de la dynamique économique africains, de l’Australie aux États-Unis du continent, comme d’ailleurs il le fait en passant par l’Inde ou le Qatar; plus déjà en rendant possible une intégrade 300 dirigeants de groupes réalition régionale contre laquelle les polisant plus de 500 millions de dollars de tiques luttent trop souvent. Au-delà chiffre d’affaires; les décideurs de sept des deux jours de conférences, les 26 des 20 plus importantes banques du et 27 mars, la vocation du Africa CEO continent, dont les plus grands établisForum est de s’adapter à ces nouveaux sements d’Afrique du Nord, d’Afrique enjeux. Et il sera désormais temps de de l’Ouest et d’Afrique de l’Est. vous accompagner tout au long de l’année, à la fois par le biais de nourganisé en alternance en Afrique veaux événements mais aussi par la et à l’international, le Africa production de contenus utiles aux CEO Forum n’est évidemment pas décideurs. Car la bataille du secteur qu’une question de chiffres. Ce qui privé africain ne peut plus se limiter à nous pousse et nous motive avant deux jours de débats!

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tarifaires au commerce qui paralysent les investissements étrangers, l’Afrique risque de se cantonner aux services sans être passée par la case « industrie ». D’autant que les formidables bouleversements technologiques en cours modifient la donne. Qu’on les appelle digitalisation, numérisation, robotisation, 2.0 ou 4.0, ces révolutions vont réduire la part humaine dans l’acte de produire. Ce sera toutefois plus lent en Afrique en raison de ses faibles coûts de main-d’œuvre, qui retarderont l’achat de coûteux robots. Certes, il y aura tout de même du bon dans ce phénomène de digitalisation, car la productivité augmentera et, avec elle, les compétences et les salaires. Reste qu’inexorablement ses mines, ses filatures, ses usines de trituration ou de séchage, ses élevages de volailles et même ses champs vont demander moins de bras, ce qui est alarmant pour un continent qui ne croît pas assez vite pour faire reculer la pauvreté puisque, sur ses 54 pays, 13 seulement progressent à un rythme supérieur à 5 % par an et 17 à un rythme compris entre 3 % et 5 %. Insuffisant pour fournir un emploi aux centaines de millions de jeunes qui se présenteront sur le marché du travail d’ici à 2050.

Industrie de niches

L’Afrique doit réagir à ces menaces et jouer finement pour y faire face. Tout d’abord, elle doit conserver et même développer une industrie, car elle ne peut tout importer en matière de produits finis ni se contenter d’une économie du savoir. Sa balance commerciale et sa balance des paiements n’y résisteraient pas, et nombre de ses monnaies s’en trouveraient fragilisées avec les risques d’inflation et d’instabilité sociale que les désordres monétaires génèrent inévitablement. Où trouver les niches susceptibles de n’être pas trop impactées par la désindustrialisation ou par la robotisation? Toutes les industries ne sont pas « robotisables ». Il faut donc profiter des opportunités qui existent dans la transformation des métaux de



Dossier

FEMMES, START-UP, JEUNES : L’ACF INNOVE

Parmi les nouveautés du Africa CEO Forum cette année figurent deux ateliers de travail entièrement consacrés aux femmes PDG et aux jeunes PDG. Les premières pourront profiter d’une session fermée visant à « développer les ressources nécessaires pour exceller et inspirer les autres ». Les seconds seront sensibilisés à une approche « permettant de concevoir, de manière collaborative, des solutions créatives à des situations complexes ». Favoriser l’ascension des femmes CEO aux postes de direction (ou d’administration) de grands groupes est l’un des objectifs affichés du forum. Car si les femmes sont plutôt bien représentées en Afrique sur les postes de management intermédiaire, seuls 5 % des PDG de grands groupes sont des femmes. Cette année, celles-ci représenteront près d’un quart des participants. Enfin, le Africa CEO Forum s’ouvre aussi aux start-up confirmées en s’intéressant à la question des financements, qui restent insuffisants, et en organisant une compétition qui permettra d’élire la « most promising company of the year ».

AU PROGRAMME DU

ROBOTISATION

base et des produits minéraux non métallurgiques, dans les produits du bois et du papier, dans la chaîne alimentaire, dans le textile, l’habillement et le cuir, dans l’horticulture. Mais aussi dans la fabrication de produits (mécanique, petit appareillage électrique) consommés localement qui ne demandent pas une grande sophistication et que la Chine délaissera au fur et à mesure que ses produits industriels monteront en gamme. Le deuxième secteur qui semble promis à un bel avenir est bien évidemment le secteur des services, où le continent brille particulièrement. Selon John Page, de Brookings Institution, « ses exportations de services ont crû six fois plus vite que ses exportations de marchandises, entre 1998 et 2015 ». La Banque mondiale estime que le marché de l’alimentation passera, en Afrique subsaharienne, de 313 milliards de dollars en 2010 à 1 000 milliards en 2030. Quant au tourisme, que la réduction du temps de travail à l’œuvre dans les pays développés dopera forcément, l’Afrique subsaharienne peut en espérer 23,3 millions d’emplois directs, indirects et induits en 2027, contre 16,3 millions répertoriés en 2016, selon le Conseil mondial pour le voyage et le tourisme. L’exemple de la Tunisie, où ont prospéré des établissements hospitaliers offrant chirurgie et soins à des prix défiant toute concurrence, montre que la santé est un autre domaine où l’Afrique peut multiplier les emplois.

Des besoins gigantesques

Mieux encore: le 4.0, les algorithmes et l’imprimante 3D peuvent profiter au continent, et l’avance qu’a prise un pays comme le Kenya au niveau Investir dans mondial dans la finance électronique prouve que là encore l’Afrique a des les champions atouts. Selon McKinsey Global de demain Institute, les cinq pays du L’émergence de nombreuses jeunes continent dont le potenpousses africaines se confirme, et les incutiel est le plus élevé en bateurs se multiplient. Mais les investisseurs matière d’automarestent encore trop peu nombreux : en 2016, tion sont dans l’ordre le Kenya, seuls 366 millions de dollars ont été investis dans l e M a r o c, des start-up africaines, 10 fois moins qu’en Inde…

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l’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Pour les autres aussi, de belles perspectives existent et pas seulement dans la finance, la gestion des prêts, de l’épargne et des paiements. L’enseignement à distance, la météo agricole, les appareils électriques fonctionnant à l’énergie solaire, la logistique, le transport, les télécoms et l’information sont autant de domaines où les besoins s’annoncent gigantesques. Pour prendre le virage de ces mutations technologiques et augmenter sa part dans le grand courant de la mondialisation, l’Afrique va devoir remplir un certain nombre de critères. Par chance, les conditions d’une digitalisation réussie sont les mêmes que celles d’une industrialisation renforcée, et elles sont archiconnues.

L’AFRIQUE DOIT CONSERVER ET DÉVELOPPER UNE INDUSTRIE, CAR ELLE NE PEUT IMPORTER TOUS SES PRODUITS FINIS NI SE CONTENTER D’UNE ÉCONOMIE DU SAVOIR. La première est évidemment le renforcement des qualifications de sa main-d’œuvre. Il est impératif qu’elle forme chaque année un million, deux millions, trois millions d’ingénieurs, hommes et femmes, ce qui suppose un système éducatif porté au niveau de celui de l’Afrique du Sud, de Maurice ou du Botswana. La seconde est l’amélioration des infrastructures énergétiques et de transport. La troisième passe par l’amélioration du climat des affaires, car on voit mal les technologies de pointe prospérer dans l’informel et la combine. La quatrième est la bonne gouvernance, pour inspirer aux entrepreneurs la confiance sans laquelle ils ne parieront pas sur l’avenir. Rien de nouveau sous le soleil des Afrique, dira-t‑on. Exact, sauf qu’il devient singulièrement urgent de réussir ces progrès.


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TRIBUNE

Pourquoi nous avons besoin de capitaux supplémentaires

L’

Afrique subsaharienne a fait des progrès considérables au l’Afrique, notre principale priorité, nous avons élaboré une noucours des deux dernières décennies : croissance éconovelle stratégie – IFC 3.0 – pour augmenter notre impact dans mique sans précédent, taux d’extrême pauvreté – moins de les marchés les plus difficiles. L’essence de cette nouvelle straté1,90 dollar par jour et par personne – réduit de 60 % à 40 %, gie consiste à créer systématiquement de nouveaux marchés, mortalité des moins de cinq ans réduite de moitié, davantage pays par pays et secteur par secteur, en adaptant en amont les d’enfants scolarisés, recul des maladies transmissibles (sida, politiques économiques et les réglementations pour attirer les paludisme, tuberculose), amélioration de l’accès à l’eau potable investisseurs. Au lieu d’attendre les investisseurs, nous sommes et de l’assainissement. désormais plus proactifs et travaillons en amont Cependant, 390 millions de personnes y avec les gouvernements pour améliorer le clivivent encore dans l’extrême pauvreté – un mat des affaires et créer des opportunités. nombre supérieur à celui de toutes les autres régions du monde combinées. Il faut s’attaquer ous avons lancé une série de diagnostics à cette pauvreté dans un contexte difficile mardes secteurs privés nationaux pour identiqué par un essor démographique profond, une fier des opportunités de maximiser le financeurbanisation rapide et des changements climament du développement. Nous avons élaboré tiques considérables. Dans le même temps, la de nouvelles approches afin d’optimiser l’immondialisation et les nouvelles technologies pact économique de nos investissements. Par limitent la portée des stratégies de dévelopailleurs, nous avons mis en place un guichet de Philippe pement traditionnelles fondées sur le secteur services pour la création de nouveaux marchés Le Houérou industriel et les exportations manufacturières. bénéficiant du soutien de nos collègues de la CEO de la Société Relever ces défis exige une augmentation Banque mondiale. Ces services s’ajoutent à ceux financière massive des investissements mais aussi de de notre activité conseil en amont pour la préinternationale nouvelles solutions. L’investissement dans paration de projets, y compris dans les pays les (IFC), membre les infrastructures, la santé et l’éducation est plus pauvres et fragiles. du groupe de la essentiel pour permettre à la région de saisir les Pour mobiliser les capitaux nécessaires, nous Banque mondiale opportunités qui se présentent à elle. Pour aller devons réduire les risques perçus ou réels : la plus loin, les solutions technologiques, comme taille réduite des marchés, l’insécurité et les les soins de santé à distance, l’enseignement en incertitudes politiques, institutionnelles ou ligne, le solaire hors réseau et la désalinisation par nanotechopérationnelles qui freinent l’appétit des investisseurs. Face nologie, permettent d’accélérer les progrès. à ces défis, nous avons élaboré un nouvel outil de réduction des risques, le guichet de promotion du secteur privé (PSW), e secteur privé, moteur de l’investissement et de l’innovation, d’une valeur de 2 milliards de dollars et financé par l’Associadoit jouer un rôle plus important. Responsable de plus de tion internationale de développement (IDA), pour soutenir les 90 % de la création d’emplois dans le monde, un secteur privé projets particulièrement risqués et élargir l’accès aux prêts en prospère sera essentiel pour créer les emplois nécessaires afin monnaies nationales. d’absorber l’arrivée, chaque mois, de 1,7 million d’individus sur Pour intensifier nos efforts et prendre plus de risques, y le marché du travail en Afrique subsaharienne. compris dans les pays les plus fragiles et ceux touchés par des La SFI est prête à jouer son rôle. Nos financements à long conflits, la SFI et la Banque mondiale ont besoin de capitaux terme ont été multipliés par vingt en à peine quinze ans, de supplémentaires. Nous sollicitons actuellement une augmenta167 millions de dollars en 2003 à 3,5 milliards de dollars l’an tion de capital auprès de nos actionnaires. Avec notre nouvelle dernier. stratégie et davantage de capitaux, nous pourrons créer des Toutefois, notre croissance s’est ralentie ces dernières années. marchés et des emplois et ainsi mieux répondre aux défis qui Il s’agit maintenant de passer à la vitesse supérieure. Pour se posent au développement de l’Afrique. DR

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PUBLI-INFORMATION

LE GROUPE SIPROMAD UN PARTENAIRE INCONTOURNABLE EN AFRIQUE ET DANS L’OCEAN INDIEN ÉNERGIES RENOUVELABLES FINANCE

IMMOBILIER

PARTENARIATS INTERNATIONAUX AVIATION ET TOURISME

INDUSTRIE

TECHNOLOGIES

Leader de la diversification industrielle à Madagascar, le Groupe Sipromad représente plus de 3 000 emplois directs et indirects dans la Grande Île et un conglomérat de 7 principaux secteurs : l’industrie, la technologie, les finances, l’immobilier, le tourisme, l’aviation et les énergies renouvelables. Les nouvelles technologies et les énergies renouvelables comme secteurs principaux de développement en Afrique : Pionnier à Madagascar, le Groupe Sipromad déploie son activité en Afrique et dans les Îles voisines. Après 3 années de travail et de persévérance, le Groupe Sipromad en récolte aujourd’hui les fruits par la réalisation de certaines opérations dans le domaine des nouvelles technologies et des énergies renouvelables.

©DIFCOM - PHOTOS : D.R.

Présent au Maroc, à Maurice et aux Seychelles, de nouveaux bureaux vont s’ouvrir prochainement au Mali

et à Paris afin de faciliter les échanges avec ses partenaires en Afrique. À travers sa filiale Broadcasting Media Solutions (BMS) spécialisée dans la télévision numérique (infrastructures et gestion des fréquences/pylônes), le Groupe Sipromad ambitionne une présence dans les 54 pays du Continent.

Le Groupe Sipromad : un partenaire performant et ambitieux : En 45 ans, le Groupe Sipromad est devenu l’acteur économique incontournable de l’Ocean Indien. Des partenariats tels qu’avec la Banque Centrale Populaire, Brinks, Orange Money, Tozzi Green,

Apple, Rohde & Schwarz ou encore Turkish Airlines soulignent sa dimension internationale. Des réalisations comme la plus haute tour de l’Océan Indien (100 m de hauteur, 30 étages et 19 200 m²) manifestent les valeurs véhiculées par le Groupe Sipromad : innovation, vision, éthique, optimisme et contribution au développement de la Nation. Redevable envers la société qui a permis sa réussite, la Fondation Akbaraly a été créée dans le but de développer des projets durables dans les domaines de la santé et de l’éducation. La Fondation décompte aujourd’hui plus de 45 000 femmes sensibilisées et projette d’ouvrir un nouveau centre de santé en 2018 dans la Capitale Antananarivo.

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Dossier

DIVERSIFICATION

Les laboratoires de la nouvelle économie nigériane Dans un pays en récession et fortement dépendant du pétrole, le plan de croissance présenté par le gouvernement en février vise à faire émerger d’autres secteurs. PATRICK SMITH, envoyé spécial à Lagos (The Africa Report)

naugurant le 8 février plusieurs usines dans l’État d’Ogun (SudOuest), le vice-président nigérian, Yemi Osinbajo, et son ministre du Commerce, Okechukwu Enelamah, comptaient bien en profiter pour envoyer quelques signaux aux électeurs et aux marchés. Car l’inquiétude guette dans le pays. Dans une économie fortement dépendante du pétrole, le Nigeria sort difficilement de la récession. Selon les estimations, la croissance pourrait atteindre 1,7 % ou 5 % au cours des deux prochaines années. Au troisième trimestre de 2017, la proportion de chômeurs et de personnes sous-employées a atteint 40 %, contre 37,2 % un an auparavant, selon le Bureau national de la statistique. Ce taux s’élève à 52,65 % pour les 18-35 ans. Dès son arrivée au pouvoir, en juin 2015, AU

AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS

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Dans une serre, à Ikorodu, dans la périphérie de Lagos.

Muhammadu Buhari avait défendu l’autosuffisance économique. Selon le président nigérian, en renforçant notamment la production locale de riz, de blé, de sucre et de tomates, le pays pourrait réduire sa dépendance aux exportations de pétrole brut. Cet essor de la production agricole a lieu actuellement. À moins d’un an des prochaines PROGRAMME DU élections générales, Osinbajo a voulu mettre à profit son déplacement dans l’État d’Ogun pour promouvoir les initiatives gouvernementales censées encourager les entreprises à embaucher plus de travailleurs. Les SOLAIRE deux usines inaugurées par le vice-président nigérian et son Les recettes pour un équipe, l’une produisant déploiement à grande échelle des boissons chocolatées Le solaire connaît une croissance (Nestlé) et l’autre des exponentielle en Afrique, avec un quadrubiscuits (Beloxxi), plement de la capacité installée entre 2013 ont jeté une et 2015. Quels partenariats faut-il construire lumière crue entre développeurs, investisseurs et États pour un sur la réal i t é. déploiement à grande échelle de l’énergie solaire ?

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La plupart des emplois offerts dans ces industries sont ainsi destinés aux agriculteurs, et non aux élèves des villes qui sortent du secondaire. « L’usine de Nestlé créera 150 emplois directs, en plus de l’approvisionnement local en matières premières du réseau du groupe, qui comprend plus de 30 000 agriculteurs », a déclaré Osinbajo. Le cortège s’est ensuite arrêté à l’usine de biscuits Beloxxi, désormais l’une des plus grandes du pays, qui prévoit de doubler sa production à plus de 80 000 tonnes par an. Son expansion, qui a nécessité un investissement de 80 millions de dollars, a été financée par la compagnie 8 Miles, du musicien irlandais Bob Geldof, et par l’African Capital Alliance, l’entreprise de private equity fondée par Enelamah en 1997. À l’intérieur de l’usine, les effectifs sont également modestes: ils passeront de 3700 à 6000 quand la nouvelle unité sera totalement opérationnelle. La vraie différence sera alors


Veolia est un partenaire engagé de l’Afrique depuis 20 ans, dans de nombreux pays. Chaque jour, par nos activités, nous contribuons au développement économique et au progrès social dans le strict respect de l’environnement.

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Dossier

DIVERSIFICATION

réalisée par les 71 sous-traitants de matières premières. Selon le ministre Enelamah, « Nestlé et Beloxxi ont réussi à transformer un inconvénient en un avantage, car ces entreprises ont compris le marché du champ à l’assiette ». En fait, Beloxxi doit aussi en partie son succès à l’interdiction des biscuits importés et ne dépend presque entièrement que des producteurs locaux. Dans les usines de l’État d’Ogun, Osinbajo a livré des détails sur les laboratoires politiques récemment lancés et destinés à accélérer la mise en œuvre des projets. « Les laboratoires vont rassembler toutes les parties prenantes, privées et publiques, pour réaliser les politiques spécifiques ou les objectifs de projets de notre plan économique. » Très ambitieux, le vice-président nigérian souhaite que ces laboratoires génèrent d’ici à trois ans 24 milliards de dollars d’investissements, provenant majoritairement du secteur privé, et 15 millions d’emplois. Ils se concentrent sur trois domaines spécifiques : agriculture et transport; alimentation en gaz et en électricité ; industrialisation. Une grande partie des fonds viendront d’entreprises privées. Selon Osinbajo, l’enjeu consiste à réunir tous les décideurs gouvernementaux sur un projet particulier, les amener à s’asseoir autour d’une table avec les gestionnaires de AU projet PROGRAMME DU et les

financiers pour convenir d’un plan d’action. Ce qui pourrait mettre un terme aux projets qui sont actuellement dans l’impasse car ce sont des centaines, voire des milliers de programmes qui sont toujours bloqués par l’administration. Il y a près de sept ans, un comité spécial avait été mis en place sous la houlette de la ministre des Finances de l’époque, Ngozi Okonjo-Iweala, pour développer une politique en réaction à la chute globale des cours du pétrole. Une partie de ce travail se joue maintenant sur le terrain, selon l’actuelle titulaire du portefeuille, Kemi Adeosun. « Nous avons été capables d’équilibrer notre budget avec un prix du baril à 45 dollars et nous avons appris à vivre confortablement à ce niveau », déclarait-elle en janvier.

Succès mitigé

Pour Cheta Nwanze, directeur de recherche à SBM Intelligence à Lagos, la question de la diversification concerne davantage les recettes publiques que l’économie dans son ensemble. « Plus de 80 % des revenus gouvernementaux proviennent du secteur pétrolier […], donc le gouvernement doit reconstruire un système de perception des impôts non pétroliers », a-t-il déclaré. Avec les recettes publiques non pétrolières atteignant environ 8 % du PIB, soit seulement un tiers du niveau du Ghana, le gouvernement nigérian s’est lancé dans une augmentation éclair du recouvrement des revenus. Un nouveau mécanisme, le programme de déclaration volontaire d’actifs et de revenus, permet aux mauvais payeurs de verser toutes les sommes dues entre 2011 et 2016 en échange d’une exonération d’intérêts et d’une absence de poursuites. De son côté, Ugodre ObiDix ans pour Chukwu, le fondateur de la faire de l’aviation africaine société d’analyse financière une success-story Nairametrics, considère Malgré le potentiel du secteur, que les tentatives de les compagnies aériennes africaines restructuration du restent trop petites et peu rentables : en gouvernement 2016, leur revenu cumulé a été deux fois ont renconinférieur à celui de la seule compagnie tré un succès Emirates. Comment changer la donne ?

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OLAM INTERNATIONAL

Usine de riz du groupe Olam au Nigeria.

D’AUTRES LEVIERS DE CROISSANCE

Au-delà de la filière agro-industrielle, les autorités nigérianes ont aussi misé sur la croissance des secteurs de la finance, des technologies, du divertissement et de l’industrie. mitigé. « Si la production locale d’aliments de base a augmenté et la facture des importations a chuté, c’est en partie la conséquence de la pénurie de devises étrangères après la baisse du prix du pétrole », affirme-t-il. Cette chute des importations et l’accumulation de réserves de change, qui atteignent 40 milliards de dollars, offrent des marges de manœuvre au gouvernement. Le riz local fait des progrès par rapport aux importations thaïlandaises et indiennes. Ce qui crée une brèche substantielle dans la facture d’importation de nourriture, qui s’élève à plus de 10 milliards de dollars par an. La production locale de sucre devrait atteindre en 2020 le niveau de la demande nationale, à hauteur de 1,6 million de tonnes par an. La production de tomates devrait, elle, remplacer les 150000 tonnes de concentrés importées chaque année, pour un montant de 170 millions de dollars. Cette réduction des importations et la constitution de réserves de change plus importantes que l’année dernière confortent l’exécutif dans sa politique. Après trois décennies passées à essayer de gérer des raffineries lui appartenant, le gouvernement commence à se retirer lentement du secteur pétrolier. Un signe que la nouvelle économie nigériane sera demain dominée par ces entreprises à la croissance rapide.



Dossier

INTERNET

Le coût des infrastructures reste trop lourd pour les opérateurs Alors que moins de 25 % de la population africaine est connectée au réseau, des alternatives à la fibre sont sur le point d’émerger. dans une dizaine de pays, le plus souvent côtiers ? Principalement parce que, sur la terre ferme, les dizaines ix-huit mois. C’est le délai de milliers de kilomètres de câbles que se donne MainOne pour enterrés ces dernières années pour raccorder la Côte d’Ivoire. construire les réseaux de fibre optique L’opérateur nigérian de câbles numésont loin de suffire. riques sous-marins a adressé en 2017 « Plus d’infrastructures partagées : une demande de licence aux autorités voilà ce dont nous avons besoin », de régulation ivoiriennes et espère estime Funke Opeke, CEO du groupe obtenirsonsésamesouspeu.Laliaison nigérian MainOne. avec Abidjan s’ajouterait aux 7000 km La Société financière internade câbles déjà déployés par le groupe tionale (IFC) travaille par exemple privé entre le Portugal, le Ghana et le avec les gouvernements pour que les Nigeria depuis sa création en 2008. réseaux de fibre que les États se font Et MainOne est loin d’être le seul opéconstruire – comme celui inauguré rateur sur ce créneau. Au total, une en 2017 par le Togo sur 250 km entre vingtaine de câbles similaires cein560 bâtiments publics de Lomé et de turent les côtes africaines à l’ouest et à Kara (au nord) – puissent être ouverts l’est, ouvrant vers l’Europe, l’Amérique au secteur privé et à la société civile. et l’Asie, alors que le premier-né de ces Dans le cas contraire, le risque est câbles, SAT-3, date de 2001. grand que ces infrastructures soient Quel bond en moins de vingt ans! très largement sous-utilisées. « Il faut Alors pourquoi les 281 millions imaginer des projets aux technolod’internautes (taux moyen gies et aux financements hybrides, de couverture de 23 %) tout particulièrement dans les zones recensés en Afrique rurales », souligne Aniko Szigetvari, en 2016, dans leur qui dirige les investissements de l’IFC immense majodans les secteurs des télécommunicarité sur mobile, AU PROGRAMME DU tions, des médias et des technologies. restent-ils L’institution internationale participe concenà CSquared, le projet de Google dans trés le développement de réseaux métropolitains de fibre. Amorcé à Kampala (Ouganda) en 2013, celui-ci a depuis INCLUSION essaimé au Ghana, au Liberia et, FINANCIÈRE plus récemment, au Kenya. Toutefois, la fibre ne peut Le coup d’État pas être l’alpha et l’oméga numérique des infrastructures en Désormais, un compte mobile money raison de son coût sur deux à travers le monde est africain. élevé. « Elle revient Pour bâtir leur transformation digitale, les entre 30 000 et grands acteurs du secteur financier doivent se 60 000 dollars du doter d’outils technologiques mais aussi mettre en k i l o place des changements de culture et d’organisation. BENJAMIN POLLE

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LES DIZAINES DE MILLIERS DE KILOMÈTRES DE CÂBLES ENTERRÉS CES DERNIÈRES ANNÉES SONT ENCORE LOIN DE SUFFIRE. mètre. Les opérateurs ne peuvent pas assumer seuls de tels investissements », prévient Aniko Szigetvari. D’où le choix de l’IFC de participer à des projets aussi divers qu’EASSy, le câble numérique reliant l’Afrique du Sud au Soudan, ou O3b Networks, une société luxembourgeoise d’exploitation de satellites.

Le satellite, solution ultime

La voie des airs est particulièrement prometteuse pour surmonter le coût deconstructiondes1000dernierskilomètres. Eutelsat, l’opérateur européen de satellites, a lancé mi-2017 des services d’internet haut débit par satellite avec l’ambition d’atteindre les déserts numériques africains. Et dès l’année prochaine, le groupe prévoit de mettre en orbite un satellite de nouvelle génération pour, à terme, connecter entre 350 et 400 millions de personnes en Afrique. À condition bien sûr de remporter le défi de l’usage: celui d’ordinateurs, de téléphones ou de tablettes à des prix accessibles, dont la pratique se révèle utile et qui sont dotés de contenus en langues locales ouverts à tous – à commencer par les personnes illettrées. Dans la santé, l’éducation ou encore l’emploi, les promesses d’un web africain fluide et puissant sont enthousiasmantes… Reste à les tenir.


COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Jérémie Ceyrac,

responsable Investissements Afrique & Méditerranée de Proparco

Les défis du capital-investissement en Afrique Avec 1,6 milliard de dollars de levées de fonds en 2017, un montant en baisse pour la seconde année consécutive, le capital investissement en Afrique subsaharienne n’a pas retrouvé sa vigueur des années 2014-2015. Le volume de transactions est lui resté stable autour de 2 milliards de dollars. Le taux de pénétration du capital investissement peine à décoller sur le continent, à 0,1 % du PIB (contre 0,3 % en Inde).

En encourageant la diffusion de meilleures pratiques, l’amélioration de la gouvernance et la formation de talents, le capitalinvestissement est un vecteur de développement.

La volatilité du cours des devises, l’instabilité politique et réglementaire ainsi que le manque de diversification des économies sont les principaux freins aux investissements internationaux en Afrique. Le développement du private equity reste marqué par une très forte disparité, 5 pays continuant de concentrer près des deux tiers des volumes de transactions. De récents développements doivent permettre de relativiser ce pessimisme.

En 2016, 48 cessions ont pu être réalisées par les fonds de capital investissement du continent, dont 17 rachats secondaires (ventes à d’autres fonds). Un record qui démontre la maturité croissante du marché africain. Les levées de fonds devraient également repartir à la hausse en 2018-2019 avec le retour attendu sur le marché de certains gros gestionnaires pour la levée de leur prochain véhicule. De nouvelles typologies de fonds d’investissement font également leur apparition. Les structures sans durée de vie limitée ou les fonds mezzanine sont deux exemples intéressants qui permettent de composer avec certaines particularités du

marché africain. Le contexte socio-économique du continent ainsi que les délais plus longs pour créer de la valeur posent la question de la pertinence pour l’Afrique du modèle des véhicules à durée de vie limitée à 10 ans. La mezzanine, instrument non dilutif pour les actionnaires, permet de répondre aux contraintes des groupes familiaux. Proparco travaille actuellement avec deux gestionnaires qui devraient lever leur fonds mezzanine en Afrique en 2018. Dans ce contexte, les institutions de développement comme Proparco jouent pleinement leur rôle catalyseur. En apportant un capital patient, elles agissent de manière contra-cyclique et soutiennent l’intégralité des segments du capital investissement pour permettre à la fois de pérenniser les équipes de gestion et de soutenir des stratégies plus risquées, ou dynamiser l’investissement en faveur des PME et des start-ups. Ainsi, Proparco a soutenu le fonds Agri Vie II du gestionnaire Exeo en 2017, Oasis Africa Fund ou IPAE II, tous deux dédiés au segment des TPME en Afrique de l’Ouest, ou encore Tide Africa du gestionnaire spécialiste du venture capital TLcom. En encourageant la diffusion de meilleures pratiques, l’amélioration de la gouvernance, l’attraction et la formation de talents au sein des entreprises, le capital-investissement est un vecteur de développement. Proparco en a fait un axe majeur de sa nouvelle stratégie et prévoit d’y consacrer 25 % de son activité à l’horizon 2020, soit 500 millions d’euros par an.

151, rue Saint-Honoré 75001 Paris | FRANCE Tél. : (+33) 1 53 44 47 32 www.proparco.fr | Twitter : @Proparco | LinkedIn http://blog.secteur-prive-developpement.fr/


Dossier

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Oumar Seydi

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Directeur régional de la Société financière internationale (IFC) pour l’Afrique subsaharienne

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« Les rendements de l’agriculture africaine sont encore trop faibles » L’institution a fait de ce secteur l’un de ses principaux piliers d’intervention sur le continent. Propos recueillis par RÉMY DARRAS

Jeune Afrique : L’agriculture compte pour un tiers des activités économiques du continent et génère 60 % des emplois, mais l’Afrique continue d’importer la plupart de ses produits alimentaires. Comment cette tendance pourrait-elle s’inverser ? Oumar Seydi : Avant de pouvoir transformer sur place, il faut accroître la productivité du secteur car les rendements sont toujours trop faibles. Il convient d’utiliser les engrais appropriés, de sélectionner avec soin les graines et d’augmenter le rendement du sol grâce à un système d’irrigation adéquat au lieu de dépendre exclusivement des précipitations. Il faut aussi avoir recours à des techniques de pointe, encore trop peu utilisées en Afrique, qui s’inspirent de l’agriculture de précision, pour définir le traitement spécifique à appliquer à chaque sol et à chaque céréale. Cela nécessite des technologies adaptées (drones, satellites…) pour identifier des maladies qui peuvent détruire nos récoltes en les traitant systématiquement. L’autre aspect important concerne les infrastructures. Une grande partie de la production agricole est avariée car les routes et les 86

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moyens de stockage appropriés sont quasi inexistants ou vétustes pour pouvoir écouler cette production. Comment diminuer le coût des intrants, qui demeure important ? Les gouvernements se retrouvent aujourd’hui dans une situation où ils sont obligés de subventionner les intrants pour les fournir à des coûts accessibles aux agriculteurs. Il y a une grande disparité entre nos moyens et ceux de certains pays qui ont une meilleure maîtrise de cette chaîne de valeur et qui parfois reçoivent indirectement des subventions. Pour renverser cette tendance, il faudrait investir des montants très importants et cela passe obligatoirement par la production locale d’intrants comme engrais. C’est pour cela que nous avons financé des sociétés comme Dangote. L’Afrique doit, par exemple, tirer profit de ses richesses en phosphates pour développer l’agriculture locale. Nos gouvernements ont des ressources limitées qu’ils devraient plutôt allouer à des domaines tels que les secteurs sociaux, qui attirent moins le privé. Beaucoup d’investissements privés ont été consentis dans l’agriculture africaine ces dernières années.

Comment le secteur peut-il être compétitif au niveau mondial ? Sur toute sa chaîne de valeur, la volaille africaine, par exemple, souffre de la concurrence de grandes chaînes de production sud-américaines. Et dans le coût de cette volaille, il y a un coût très important lié à son alimentation. Il faut regarder dans chaque chaîne de valeur où se trouvent les avantages compétitifs. Il faut aussi prendre en compte la législation des pays dans lesquels on souhaite exporter ou produire. Il y a des secteurs pour lesquels nous avons des avantages certains, comme le climat et une bonne logistique d’exportation vers l’Europe. C’est le cas de l’horticulture au Kenya et en Éthiopie, où nous avons investi avec succès dans des unités comme Afriflora et VegPro. À Madagascar, le coût des aliments de bétail nous permet aujourd’hui d’envisager la création de toute une nouvelle industrie en s’appuyant sur la mise place de standards qui pourraient faire décoller l’exportation de viande de qualité. Quant au Mali, il pourrait mieux exporter ses mangues ou même son beurre de karité, qui possède des débouchés pharmaceutiques qui ne sont plus à démontrer.



Dossier

LUCKY NXUMALO/FOTO24/GALLO IMAGES/GETTY

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Ils seront présents cette année

CLIVE SMITH Président-directeur général Tsebo Solutions Group

NANA AKUFO-ADDO (2) Le président du Ghana, l’un des leaders politiques les plus en vue actuellement, revient cette année au Africa CEO Forum pour évoquer notamment le développement durable et la responsabilité des entreprises.

ISSAD REBRAB Président du conseil d’administration Cevital ABDERRAHMANE BENHAMADI Président Condor COLIN MUKETE Président-directeur général Spectrum Group CHAO ZHOU Vice-président China-Africa Development Fund CHEIKH OUMAR SEYDI Directeur Afrique subsaharienne Société financière internationale (IFC) 88

ABOUBAKER OMAR HADI Président Great Horn Investment Holding SAS DR BENEDICT OKEY ORAMAH Président Afreximbank NAGUIB SAWIRIS Président-directeur général OTMT Investments KEIKO HONDA Vice-présidente exécutive et directrice générale Miga / World Bank Group

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SAÂD SEBBAR Directeur général adjoint LafargeHolcim THIERRY DÉAU Président Meridiam

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PATRICE FONLLADOSA Présidentdirecteur général Moyen-Orient/Afrique Veolia

MUNSHI AHMED/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

AMADOU GON COULIBALY Premier ministre de Côte d’Ivoire

MUSTAPHA BAKKOURY (3) Président du directoire Masen Le président du directoire de l’agence marocaine de l’énergie solaire (Masen), par ailleurs président de la région CasablancaSettat, livrera ses recettes pour enfin réussir à doper la production solaire en Afrique.

3

MOHAMED DRISSI KAMILI POUR JA

ABDELHAMID ADDOU Président-directeur général Royal Air Maroc

JEAN-MARIE PHILIPPE ACKAH Président CGECI

BRUNO METTLING Présidentdirecteur général Moyen-Orient/Afrique Groupe Orange

JACQUES TORREGANO/AFRICA CEO FORUM/JA

JEAN KACOU DIAGOU Président Groupe NSIA

AKINWUMI ADESINA Président Banque africaine de développement (BAD)

BASSIM HAIDAR Président du directoire Channel VAS EMMERSON MNANGAGWA (4) Le chef de l’État zimbabwéen, élu en novembre 2017, échangera avec Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria, sur la manière de sortir son pays de l’isolement et de remettre l’économie nationale sur pied.

9

BUA GROUP

KUSENI DLAMINI (1) Président Massmart Le Sud-Africain est l’un des hommes d’affaires les plus influents dans son pays : l’ancien patron d’Anglo American et d’Old Mutual en Afrique du Sud préside désormais Massmart et Aspen, deux des plus grands groupes du continent.


SUIVEZ NOS JOURNALISTES EN DIRECT DU AFRICA CEO FOUM #ACF18 sur Twitter

MUHOHO KENYATTA Président exécutif Brookside Dairy Ltd 4

W. SWIEGERS/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

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FRANCIS KOKOROKO

RETROUVEZ LE PROGRAMME SUR LE SITE theafricaceoforum.com

GEORGE OSODI/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

6

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ALASSANE OUATTARA (5) Le président ivoirien interviendra lors de la cérémonie d’ouverture. JESSE MOORE Président-directeur général M-Kopa MOHAMED EL KETTANI Président-directeur général Attijariwafa Bank DONALD KABERUKA Président SouthBridge Holding RONALD JR CHAGOURY Vice-président Eko Atlantic City FOLORUNSHO ALAKIJA (6) Vice-présidente Famfa Oil Ltd La femme noire la plus riche d’Afrique évoquera son exceptionnel parcours, de son poste de secrétaire jusqu’à la création de ses entreprises dans le pétrole et la mode.

ZENITH BANK

WALE TINUBU Président-directeur général Oando PLC

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VINCENT FOURNIER/JA

DIEGO APONTE Président-directeur général MSC Group NICK O’DONOHOE Président-directeur général CDC Group

PAUL POLMAN Président-directeur général Unilever

ALAIN EBOBISSÉ Directeur général Africa 50 ALASSANE DOUMBIA Président Sifca

CLARE AKAMANZI Président-directeur général Rwanda Development Board

CYRILLE BOLLORÉ Président-directeur général Bolloré transport & Logistics

TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS Directeur général Organisation mondiale de la santé (OMS) ADE AYEYEMI Président-directeur général Ecobank ALAIN LAW MIN Directeur général Mauritius Commercial Bank

JIM OVIA (8) Président-directeur général Zenith Bank Plc Le fondateur de la banque évoquera les mutations de l’économie nigériane. JOHN MARTIN MILLER Vice-président Afrique Nestlé SA

SHEKHAR ANANTHARAMAN (7) Directeur des opérations Olam Group Le numéro deux du groupe Olam, géant mondial du négoce agricole, viendra parler des jeunes et de leur capacité à changer le continent. STEPHANIE VON FRIEDEBURG Directrice des opérations Société financière internationale (IFC) CHRISTIANE LAIBACH Président-directeur général DEG (Deutsche Investitions- und Entwicklungsgesellschaft mbH) AMBROISE FAYOLLE Vice-président European Investment Bank

OLUSEGUN OBASANJO Ancien président du Nigeria ABDULSAMAD RABIU (9) Président-directeur général BUA Group Le « meilleur ennemi » de Dangote reste peu connu en dehors de son pays. À Abidjan, l’une des plus grandes fortunes du Nigeria pourra être sous les projecteurs. GEORGE WEAH (10) Celui qui est président du Liberia depuis quelques semaines expliquera aux investisseurs et leaders économiques du Africa CEO Forum comment il compte remettre son pays sur la bonne voie.

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