Pdf ja2984 du 18 au 24 mars 2018 gf tunisie

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Abidjan, 26-27 mars

ENQUÊTE Antiterrorisme, le modèle marocain

L’heure de la transformation

ALGÉRIE Djamel Ould Abbès fait de la résistance

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2984 DU 18 AU 24 MARS 2018

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Depuis 2011, la démocratie est en marche, mais l’économie à l’arrêt. Dernier scrutin avant les législatives et la présidentielle de 2019, les municipales du mois de mai changeront-elles la donne ?

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LE GRAND TEST LAÏCITÉ

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Jeunesse LAÏCITÉ LIBERTÉ

ÉDITION TUNISIE

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 €

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Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mauritanie 1 200 MRO Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €

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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 6,50 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285



GRAND FORMAT

TUNISIE

FOTOLIA

Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays

Le grand test

Les Tunisiens vont encore faire un pas en avant avec les municipales, les premières depuis la Constitution de 2014, consacrant la libre gestion des communes. De quoi remettre sur les rails la vie locale mais aussi l’économie, qui en a bien besoin. jeuneafrique no 2984 du 18 au 24 mars 2018

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106 ENJEUX

À l’heure locale

110 En débat

Héritage d’égal à égale

Frida DAHMANI

112 Entretien avec

Mohamed Ennaceur Président de l’Assemblée

114 Tribune de Khadija T. Moalla

Mission… possible e 6 mai, les Tunisiens sont appelés à désigner leurs élus municipaux. Un événement majeur – après l’adoption de la Constitution – qui boucle le cycle électoral lancé par les législatives et la présidentielle de 2014. Et une étape de plus dans la mise en place des nouvelles institutions et des orientations inscrites dans la loi fondamentale, dont, désormais, la décentralisation et la démocratie participative. L’enjeu de ces municipales n’est pas la victoire d’un parti ou d’un autre. Il se trouve, en premier lieu, dans l’engagement des Tunisiens à prendre part à ce scrutin et, par la suite, dans la manière dont seront gérées les communes: comment les municipalités élues s’affirmeront et s’organiseront pour assurer leurs compétences, comment elles seront écoutées, accompagnées, mais aussi contrôlées, dans les prérogatives qu’elles devront partager avec l’État et ses services déconcentrés ou qui lui seront déléguées par ces derniers. Tout un programme. Et un beau programme sur le papier. Basé sur une gouvernance ouverte, il implique une plus large participation des citoyens et, surtout, consacre l’autonomie des collectivités territoriales, lesquelles sont appelées à jouer un rôle clé dans le développement social et économique du pays. Cette étape cruciale du transfert de compétences et de moyens de l’État aux conseils municipaux sera régie par le code des collectivités locales. Le projet, en cours d’examen au Parlement, devrait être adopté d’ici à la fin du mois de mars. Il met fin à la gestion provisoire des territoires et esquisse même les prémices de passerelles entre régions. Cependant, les nouvelles municipalités élues vont être confrontées, dès leur installation, en dehors de tout éventuel désaccord entre élus ou partis, à des situations

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Juriste

117 Interview de

Mohamed Abbou Fondateur du Courant démocrate (Attayar)

d’urgence. Elles vont devoir cibler les priorités et engager dare-dare leur responsabilité pour répondre rapidement aux attentes légitimes de leurs administrés. Une mission impossible sans moyens, disent déjà certains, qui déplorent que pour le moment la question soit occultée alors qu’elle est au cœur de la décentralisation – et donc de la relance de la Tunisie.

Décidés, constructifs, créatifs

Comment feront les élus pour se doter des moyens financiers et humains nécessaires à leur action et à leur fonctionnement, sachant qu’ils ne pourront pas compter, tout au moins dans un premier temps, sur les subsides d’un État dont les caisses sont vides ? La conjoncture risque malheureusement de créer un malentendu, les cassandres suspectant les autorités centrales de ne pas vouloir se dessaisir d’une part de leurs pouvoirs au risque de compromettre le développement régional et de nier la démocratie locale. Or l’État ne peut inventer des moyens qu’il n’a pas. Dans l’immédiat, les T unisiens attendent de leurs conseillers municipaux qu’ils soient volontaires, constructifs, créatifs ; qu’ils s’attellent, certes, à faire un sérieux point sur les fonds disponibles et les ressources qu’ils vont pouvoir mobiliser, mais surtout qu’ils trouvent des solutions pour mettre en œuvre la collecte les ordures, faire cesser les constructions anarchiques et la corruption; qu’ils suivent les dossiers qu’ils sont censés traiter conjointement avec les ministères et leurs administrations sur les projets d’aménagement, d’équipements, de services. Les électeurs attendent une révolution locale où l’argent ne fera pas tout. Et c’est cette mission que les candidats aux municipales doivent accepter.

120 ÉCONOMIE

Les génies du business 4.0

124 Décryptage Demain est un autre jour

128 Entrepreneuriat Express Air Cargo déploie ses ailes sur l’Afrique

132 SOCIÉTÉ

Horizons bizertins

134 Architecture

La Cité de la culture, temple pour les arts et pour tous

135 Tribune de Larbi Chouikha

Professeur en sciences de l’information

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ENJEUX


À l’heure locale

Nouveau cap dans le processus démocratique et dernier test avant les législatives et la présidentielle de 2019, le scrutin municipal du 6 mai va surtout changer la vie quotidienne des Tunisiens. FRIDA DAHMANI, à Tunis

© NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

R Près de 5,37 millions d’électeurs inscrits sont invités à voter.

eportées quatre fois depuis 2014 – année de l’adoption de la nouvelle Constitution, des élections législatives et présidentielle –, les municipales du 6 mai revêtent un caractère particulier, puisque la Constitution de 2014 consacre la décentralisation et la démocratie participative, conférant la gestion des communes et régions aux collectivités territoriales. Elles devraient donc marquer la fin d’un pouvoir central tout-puissant, où Tunis décide pour tous sans toujours être au fait des spécificités locales. Avant tout, ce scrutin va mettre fin à l’administration provisoire des communes, les dernières élections municipales datant de mai 2010. Quelle que soit la participation, les habitants attendent donc beaucoup des futurs conseils municipaux. Notamment qu’ils apportent rapidement des solutions aux problèmes locaux qui se sont accumulés dans la plupart des circonscriptions du pays (collecte des ordures ménagères, entretien de la voirie…),

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certaines conditions restent à remplir pour parfaire ce qu’ils assurent une gestion transparente du foncier, une processus, à commencer par l’adoption du code des colqualité et un cadre de vie décents, et une interface efficace lectivités locales, qui doit conférer aux communes l’autoavec les entreprises publiques chargées de la distribution nomie administrative et financière. Ce texte est toujours de l’eau, de l’électricité et du gaz, ainsi que la promotion en discussion à l’Assemblée des représentants du peuple des communes auprès d’investisseurs. (ARP), qui s’est engagée à se prononcer d’ici à la fin du Pour constituer les conseils municipaux des 350 commois de mars. « Les élections municipales supposent munes du pays, 2 067 listes ont d’ores et déjà été validées deux choses: la décentralisation et la discrimination posipar l’Instance supérieure indépendante pour les élective. Or il manque encore un cadre légal pour y parvenir », tions (Isie, qui pourra en accepter quelques autres d’ici précise Mondher Belhaj Ali, député du bloc national (il a au 4 avril, après examen d’éventuels recours), soit plus quitté Nidaa). de 57 000 candidats, dont 75 % ont moins de 45 ans. Afin de respecter les obligations de parité verticale, chaque liste doit comporter autant d’hommes que de femmes, au moins trois candidats de moins de 35 ans et une personne Selon le Centre Carter, une fondation indépendante présentant un handicap. « Beaucoup de démocraties étachargée de veiller au bon déroulement des élections, ce blies pourraient nous envier de telles exigences, se félitexte fondateur de la gouvernance locale, dont le projet cite Sami Bahri, un ancien activiste. Le a été élaboré par le gouvernement, prégrand pari de nos constituants de faire sente des insuffisances. Notamment de la démocratie locale un vivier de en maintenant un important contrôle Le 6 mai, les futurs leaders est en passe de réussir. » de l’État, comme si ce dernier peinait électeurs choisiront Parmi ces listes, 1 060 sont partisanes, à définir clairement les responsabilités les membres des 157 émanent de coalitions et 850 sont de chacun et à se départir de certains indépendantes. pouvoirs de décision, contrevenant Ces chiffres ont surpris les observaainsi aux principes d’autonomie et de teurs, puisque l’apparente démobilisagestion participative. « Il ne suffit pas de tion laissait présager que l’ensemble du vouloir que la gestion des municipalités territoire ne serait pas couvert. Certains change en instaurant un nouveau mode estiment cependant que le nombre est de gouvernance. Il faut leur donner les en deçà des attentes et dénoncent les moyens financiers et humains pour tradu pays, sur la base d’un contraintes de parité, qui ont compliqué vailler. Actuellement, les communes scrutin de liste proporla formation des listes pour les petits manquent de ressources et ont du mal tionnel au plus fort partis. D’autres, comme le constitutionà assurer un service minimum, comme reste et à un seul tour. naliste Sadok Belaïd, remettent en quesla collecte des ordures ménagères », La campagne électorale tion le scrutin à la proportionnelle à un explique Noura Arfaoui, une commerdébutera le samedi seul tour et au plus fort reste. « L’exercice çante du Bardo, à Tunis. 14 avril et s’achèvera le démocratique ne peut réussir que dans Difficile pour les candidats d’affiner vendredi 4 mai à minuit. la stabilité, ce que n’offre pas la proporleur programme tant que le code des tionnelle », explique-t-il, invitant à une collectivités locales n’est pas adopté, révision du code électoral. mais il devrait l’être avant le début de la campagne, le 14 avril. Il leur faudra alors convaincre un électorat qui, ces derniers mois, a exprimé un profond rejet de la politique. Toutefois, selon un sonLes principales formations politiques, par le nombre de dage publié mi-février par l’institut de sondages Sigma listes présentées sur tout le territoire, entendent montrer Conseil, 33,2 % des Tunisiens interrogés déclaraient qu’ils leur poids et font de ces municipales un tour de chauffe n’iraient pas voter aux municipales et 37,5 %, qu’ils étaient avant les législatives et la présidentielle de 2019 (lire encore indécis sur leur participation au scrutin ou sur le pp. 109-110). À tel point que certains mettent en doute choix de la liste pour laquelle ils voteraient… Un mieux l’indépendance de quelques listes sans étiquette, chevaux par rapport à l’enquête réalisée au deuxième semestre de Troie des deux partis majoritaires, Ennahdha et Nidaa 2017, où près de 70 % des sondés disaient vouloir s’absTounes, qui pourraient ainsi, sans afficher leur suprématenir. « Les municipales seront un succès démocratique, tie, « tenir » quand même les conseils municipaux. Une encore un dans la longue marche de la citoyenneté retroususpicion que confirmeront ou infirmeront les résultats vée des Tunisiens », espère l’analyste Hassen Zargouni. du scrutin, sans pour autant en amoindrir les enjeux et Même s’ils sont loin de tous partager son enthousiasme, les attentes. nombre de Tunisiens savent que ce scrutin tant attendu Ces élections locales pourraient être une simple forest indispensable pour parvenir à une meilleure gestion malité, une suite logique dans le processus démocrade proximité. tique engagé depuis l’adoption de la Constitution. Mais

Service minimum

350 conseils

municipaux

Tour de chauffe

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FRIDA DAHMANI

es deux poids lourds politiques, Nidaa Tounes, au pouvoir, et Ennahdha, majoritaire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), sont les seuls partis à présenter des listes dans toutes les communes du pays, soit 350 listes chacun (64 % des 1060 listes partisanes), dont 174 conduites par des femmes pour Ennahdha et 161 pour Nidaa Tounes. Même si ce dernier a semblé untempsmoinspréparéqu’Ennahdha, qui peaufine la composition de ses listes depuis plus d’un an, le scrutin sera l’occasion pour les deux partis de se confronter sur l’ensemble du territoire, à armes égales. Les similitudes dans le nombre de listes et de femmes à leur tête, en partie inhérentes aux critères imposés par le code électoral, laissent supposer qu’ils seront au coude-à-coude pendant la campagne. L’accord implicite de non-belligérance qui a prévalu entre les deux partis dans la conduite des affaires de

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l’État depuis 2014 continue à brouiller les cartes. Car même si le parti au pouvoir a déclaré début janvier que, pour les municipales, il « sortait du consensus pour aller vers une situation concurrentielle avec le mouvement Ennahdha », selon les termes de Borhène Bsaies, chargé des affaires politiques de Nidaa Tounes, le doute persiste. « Nidaa Tounes, droite libérale, et Ennahdha, droite fondamentaliste, sont la face et le revers d’une même médaille. Ils n’abandonneront pas leur gestion par consensus, même au niveau local, car c’est ce qui assure leur maintien au pouvoir », commente Intissar Ben Hamida, une indépendante.

La partie est jouée?

Comme beaucoup d’autres, elle estime que la partie est jouée et que les territoires sont déjà répartis de manière tacite entre les deux formations, sûres de leur victoire. Ne reste plus qu’à connaître leurs pourcentages respectifs. On s’orienterait vers le même

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Nidaa Tounes et Ennahdha posent leurs pièces sur l’échiquier municipal, où ils devraient être concurrents et non plus alliés.

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Grands duels attendus

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Kamel Idir et Souad Abderrahim, en lice pour la mairie de Tunis.

scénario que pour les législatives de 2014: le Sud, le milieu rural, les villes conservatrices et les quartiers populaires iraient à Ennahdha; les côtes, la banlieue nord de Tunis et les centres urbains reviendraient à Nidaa Tounes. Mais c’est sans tenir compte des nombreuses listes indépendantes, formées par d’autres partis ou coalitions. Ainsi, l’Union civile, qui réunit onze partis, des associations et des indépendants dans un soutien mutuel, présente des listes dans toutes les circonscriptions (sous diverses appellations) et fait figure d’outsider. Au-delà des partis, le scrutin sera l’occasion de duels entre figures locales. L’un des plus importants se jouera dans la circonscription de Tunis, où Kamel Idir, ancien président du Club africain et ex-directeur général au sein du ministère de la Santé, est tête de liste de Nidaa Tounes, face à la championne d’Ennahdha Souad Abderrahim, qui a été constituante et qui, comme Idir, est pharmacienne. L’élection du


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maire de Tunis par les conseillers municipaux sera une première pour la capitale – dont l’édile était jusqu’à présent coopté par les autorités au sein des familles de notables –, et une double première si l’élu se révèle être une élue. D’importantes joutes se joueront aussi à Sfax et dans le Sahel, où certaines personnalités affichent leur opportunisme et choisissent de représenter un parti selon la visibilité qu’il leur accorde : c’est le cas de Noureddine Bourokba, ancien d’Ennahdha et tête de liste de Nidaa Tounes à Gabès (Sud-Est), et de Sondes Dimassi, ex-dirigeante de Nidaa Tounes, qui conduit la liste d’Ennahdha à Ksar Hellal (au sud de Monastir). Quelques listes d’autres partis ou coalitions et d’indépendants pourraient tirer leur épingle du jeu, tout dépendra de la popularité de leurs candidats et de leurs capacités à réseauter. Ainsi, dans le Sud, Al-Irada, fondé par l’ex-président Moncef Marzouki, soutient des indépendants, tandis que dans le Nord le Front populaire (coalition de partis et associations de gauche, dont le Parti des travailleurs de Hamma Hammami) est très actif. Dans la banlieue de Tunis, à L’Ariana, le juriste Fadhel Moussa capitalise sur son parcours de constituant et offre, en tant qu’ancien d’Al-Massar, une opportunité à la gauche. À La Marsa, des indépendants ont organisé une primaire pour établir leur liste, une première qui n’a pas empêché d’autres indépendants de former une liste concurrente, au risque que l’éparpillement des voix anéantisse leurs ambitions compte tenu du mode de scrutin (proportionnelle au plus fort reste), comme on a pu l’observer lors des législatives de 2014. Le 6 mai, le duel le plus déterminant se jouera entre votants et abstentionnistes. Si ces derniers l’emportent, ils permettront sans nul doute à Ennahdha et à Nidaa de renforcer leur monopole sur la vie politique, y compris locale.

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éfendre les acquis des Tunisiennes ne suffit pas, d’autant que les principes d’égalité et de liberté consacrés par la Constitution permettent une révision du code du statut personnel (CSP) qui, depuis son entrée en vigueur en 1957, leur accorde de larges droits. Une initiative lancée en août 2017 par le président Béji Caïd Essebsi pourrait aboutir à une réforme majeure avec la création de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe) chargée d’élaborer des propositions pour réviser certaines dispositions du CSP. Celle relative à l’égalité devant l’héritage suscite une vive opposition, en particulier de la part de religieux et de partis fondamentalistes qui l’estiment contraire aux préceptes de la charia. Plus inattendu : 63 % des quelque 1 200 Tunisiens interrogés dans le cadre d’une étude publiée en janvier par l’Institut républicain international (IRI, établi à Washington) y seraient défavorables, 73 % des hommes et 52 % des femmes sondés déclarant être « totalement contre », et seules 33 % des femmes interrogées affirmant être « totalement pour ». Le sujet est si sensible que la Colibe ne remettra son rapport qu’en juin (au lieu de février) pour éviter toute instrumentalisation avant les élections municipales du 6 mai. Les débats qui s’ensuivront ne risquent pas moins de tourner au dialogue de sourds entre d’un côté ceux qui réclament l’égalité successorale au nom des droits humains inscrits FRIDA DAHMANI dans la loi fondamentale – selon laquelle « la Tunisie est un État civil [où] les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs [et] égaux devant la loi sans discrimination » –, et de l’autre ceux qui se réfèrent à la même Constitution qui affirme : « La Tunisie est un État libre […]. L’Islam est sa religion […]. L’État protège la religion [et] s’engage à préserver le sacré et empêcher qu’on y porte atteinte. » Une ambiguïté que nombre de familles contournent dans la pratique par le biais de donations du mari à son épouse et du père à ses filles de leur vivant. Pour dépasser la polémique, la Colibe proposera plusieurs cas de figure qui devront procéder d’une « nécessaire cohabitation démocratique dans le respect des différences et sans exclusion », selon les termes du théologien Hmida Ennaifer. Lequel rappelle qu’en 1981 des juristes s’étaient heurtés au refus – inexpliqué – du président Bourguiba d’intégrer l’égalité dans l’héritage au CSP.

EN DÉBAT

Héritage d’égal à égale



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Mohamed Ennaceur

Président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP)

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

« Un nouveau contrat social doit être discuté » Propos recueillis à Tunis par FRIDA DAHMANI

ohamed Ennaceur a été ministre des Affaires sociales à deux reprises sous Bourguiba, et à deux reprises au lendemain de la révolu‑ tion, en 2011, au sein du gouvernement de Mohamed Ghannouchi, puis dans celui de Béji Caïd Essebsi, dont il a rejoint le parti, Nidaa Tounes, début 2014. Il considère que le Parlement a un rôle essentiel et une lourde responsabilité à assumer dans les réformes sociales et économiques, l’inser‑ tion des jeunes et l’amélioration des équi‑ libres entre citoyens et entre régions.

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Jeune Afrique : Qu’est-ce qui caractérise votre législature ?

Mohamed Ennaceur : Premier Parlement de la IIe République, représenta‑ tive de tous les Tunisiens (y compris ceux à l’étranger), l’ARP a un rôle et une responsa‑ bilité historiques à assurer dans la mise en œuvre de la Constitution et des instances constitutionnelles. Après la création du Conseil supérieur de la magistrature, de l’Instance nationale de lutte contre la cor‑ ruption et des autorités indépendantes chargées de l’audiovisuel et des élections, nous préparons celles de la Cour constitu‑ tionnelle et de la Commission des droits de l’homme. Outre ses pouvoirs législatifs et de contrôle de l’action du gouvernement, l’ARP s’ouvre aussi sur les territoires, avec la commission de développement régional, qui effectue un travail de diagnostic. Quelles sont les priorités ?

La première est l’emploi des jeunes. Quels que soient le gouvernement ou les dirigeants, il faut entretenir l’espoir d’un avenir meilleur. Or les 250 000 jeunes chômeurs se sentent exclus et ont perdu espoir. La Tunisie moderne a misé sur

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LE CONSENSUS PRÉVAUT-IL TOUJOURS À L’ARP ? « Le consensus est nécessaire pour avancer. Il l’a été dans ce que nous avons pu réaliser, comme la révision de la loi de finances 2018. Quant aux 194 lois qui ont été promulguées depuis le début de la législature – dont celles sur le partenariat public-privé, sur l’incitation aux investissements ou encore contre la violence faite aux femmes –, elles reflètent les nouvelles orientations de la Tunisie. »

la généralisation de l’enseignement comme expression d’un ascenseur social et d’une justice sociale. Cela a engendré la société d’aujourd’hui, mais aussi cette masse de chômeurs, conséquence de la politique d’un État qui n’a pas eu les moyens d’aller au bout de ses ambitions faute d’investissements et d’adaptation du système éducatif. La solution est d’ajuster les études aux besoins du marché de l’emploi, de dispenser des formations de mise à niveau et d’ouvrir les entreprises aux marchés extérieurs. Notre avenir est dans l’exportation. Avec un Maghreb arabe, nous aurions pu faire davantage et aurions été un partenaire de poids vis‑àvis de l’Europe. Et en matière d’équité et d’équilibre ?

À l’indépendance, l’État prenait en charge les besoins de la population. Après l’échec du collectivisme, l’État planificateur a mis en place, avec les partenaires sociaux, un contrat social fondé sur des objectifs et une répartition des résultats. Et la révolution a exprimé une déficience quant à la répartition équitable de la croissance. Un nouveau contrat social doit donc être discuté entre tous les partenaires, pour qu’ils s’accordent sur des choix fondamentaux tels que la fiscalité, l’emploi, la sécurité, la sécurité sociale, etc. Ce socle permettrait de travailler sur le long terme quelle que soit l’orientation politique et de projeter le pays à l’horizon 2050 sans être influencé par l’actualité.


Les 24 et 25 avril 2018, Tunis sera à l’heure de l’Afrique avec le « Forum Economique Africain », organisé par le Ministère du Commerce, sous le haut patronage du Président du Gouvernement, Youssef Chahed.

Un temps fort pour la Tunisie qui entend relancer la coopération et les échanges avec le continent. Cette intégration économique, véritable orientation stratégique, est déjà esquissée avec la prochaine adhésion de la Tunisie au Marché Commun de l’Afrique Australe et Orientale (COMESA) qui devrait être entérinée lors du prochain sommet des chefs d’États et de Gouvernements de ce groupement d’intérêt économique. Cette mise en synergie avec le continent est aussi à la base des négociations menées sous les auspices de l’Union Africaine, pour la création d’une zone de libre échange continentale (ZLEC) à laquelle la Tunisie prend une part active. Dans ces perspectives africaines, la Tunisie, dont l’appellation antique d’Ifriqya a donné son nom au continent, est sur les rangs pour conclure un mémorandum d’entente définissant un accord commercial avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Un nouveau rayonnement que la Tunisie consolide avec, au niveau diplomatique, l’ouverture de nouvelles représentations notamment à Ouagadougou (Burkina Faso) et Nairobi (Kenya) qui complètent le réseau existant et la mise en place depuis 2017 de représentations commerciales du Centre de promotion des exportations tunisien à Abidjan (Côte

d’Ivoire), Douala (Cameroun) et à Kinshasa (République Démocratique du Congo) qui élargira également son champ d’action depuis Nairobi et Lagos (Nigéria). En appui à cette plateforme destinée aux partenariats et la consolidation des échanges Sud-sud qui privilégient les relations intercontinentales, la Tunisie étend son réseau aérien à des capitales africaines dont Niamey (Niger), Conakry (Guinée) et Cotonou (Bénin) ainsi que Douala d’ici la fin de l’année. Autour des thématiques de la santé, des Technologies de l’information et de la communication, des BTP, de l’agroalimentaire et de l’enseignement supérieur, le « Forum Economique Africain » cible principalement le secteur des affaires et proposera aux représentants africains des secteurs publics et privés un savoir faire et des compétences, préalables d’une qualité d’échanges et de projets communs. Cet événement, conçu avec le soutien de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA), de la Coopération Allemande au Développement à travers la GIZ et de la Société Internationale Islamique de Financement du Commerce (ITFC), entend marquer le retour en force de la politique tunisienne et sa présence en Afrique à travers une consolidation et un renforcement multisectoriel et diplomatique.


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TRIBUNE

La République sera laïque ou ne sera pas L

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a Tunisie a l’obligation morale de réussir à s’en sortir, (datant de 1973) qui interdisait aux Tunisiennes d’épouser pour elle-même, pour son peuple, mais aussi au nom du un non-musulman, et, le mois précédent, par la création « modèle » qu’elle incarnerait alors pour l’ensemble des pays d’une commission chargée d’explorer la possibilité de mieux de la région arabe et du continent africain tout entier. Mais inscrire dans la loi l’égalité entre les femmes et les hommes, entre une gauche incapable de s’unir autour d’une même notamment dans l’héritage [lire p. 110]. Si cette commission vision, une droite dominée par certains corrompus d’hier et réussit dans sa mission, elle ouvrira le chemin vers une un fondamentalisme opportuniste, sept ans après la chute plus grande égalité entre tous les citoyens et vers la liberté du régime de Ben Ali, la Tunisie se cherche encore. d’interprétation des textes religieux. Il n’aura pourtant fallu que cinq ans au zaïm Bourguiba, En consacrant la liberté de religion, la Constitution de après l’indépendance, pour embarquer le 2014 a prouvé qu’une nouvelle culture poupays sur la voie de la modernité, sans qu’il vait prendre racine dans l’esprit et le cœur soit freiné par le poids de la religion, des tradu peuple, afin d’œuvrer à la construction ditions ou du passé. Outre l’unification du d’une autre Tunisie, plurielle, plus juste, plus système judiciaire et l’abolition de l’institution équitable, où des valeurs universelles comdes habous (biens de mainmorte qui privait munes telles que l’égalité, la justice sociale et les femmes du droit à la propriété), Habib la liberté permettraient aux citoyens de vivre Bourguiba a veillé à séparer les préceptes ensemble et en communauté. religieux du système juridique afin d’ériger en règle le respect des droits des femmes, e sont ces valeurs qui fondent l’identité Khadija donnant aux Tunisiennes – plus de vingt tunisienne et le sentiment d’appartenance T. Moalla ans avant la convention sur l’élimination de des citoyens à une même société basée sur un Juriste spécialisée en toutes les formes de discrimination à l’égard développement qui garantit la liberté d’initiadroit international, des femmes (adoptée en décembre 1979 par tive, la créativité, l’innovation, contrairement en droits humains l’ONU) – une avance incommensurable sur à l’idéologie prônée par l’islam politique, qui et gouvernance tant d’autres femmes, pas seulement arabes veut fonder l’identité sur la religion et sur une ou africaines, mais du monde entier. société distinguant les croyants et les noncroyants, instaurant un climat de suspicion l a prouvé qu’un pays de culture araboenvers les non-pratiquants… musulmane est capable d’embrasser la modernité dans Actuellement, la société tunisienne ne parvient pas à étatoute sa plénitude et dans le respect de la citoyenneté, alors blir un débat serein et constructif sur la laïcité, notamment qu’aujourd’hui encore la plupart des sociétés du continent, en parce que certains partisans fondamentalistes de l’islam droit ou en fait, continuent d’être régies par un système légal politique tentent de l’en dissuader. Or ce débat est crucial, complexe où se côtoient le droit positif, le droit coutumier, car, sans un système fondé sur la sécularité des institutions les préceptes religieux et leur pendant judiciaire. Alors que et des législations, point de démocratie. la plupart des Constitutions des États africains proclament Seule l’inscription de la laïcité et de la sécularité dans la loi l’égalité et la non-discrimination, les droits de leurs citoyens et le droit peut garantir la démocratie, le respect de la diversont encore gérés par des régimes juridiques basés sur toutes sité, l’égalité des citoyens quelle que soit leur religion et, par sortes d’inégalités. conséquent, le développement. C’est ce pilier fondamental En Tunisie, les dernières pierres à cet édifice juridique qui a manqué aux initiatives avant-gardistes en 1956. Si tout protecteur ont été apportées, en septembre 2017, par le monde s’accorde pour dire que le contexte politique d’alors l’annulation d’une circulaire du ministre de la Justice ne s’y prêtait pas, rien ne saurait le justifier en 2018.

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Partenaires Logistiques du Continent

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SOHATRAM Groupe

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epuis 1992, Sohatram se positionne comme acteur de premier rang dans la gestion du transport et de la manutention en Afrique du nord. Une expérience confirmée conjuguée à un réseau de partenaires de grande qualité ont permis de développer un panel de services et de solutions adaptés aux besoins des clients et répondant aux contraintes d’un environnement industriel et économique de plus en plus complexe et exigeant.

Avec la création, en 2009, de Sohatram Libye par Mohamed Hassen, le Groupe renforce sa position en Tunisie, Algérie, Libye en tant que pionnier en matière de transport conventionnel et exceptionnel, et de logistique. Il devient, ainsi, un vis-à-vis incontournable pour les multinationales du domaine des hydrocarbures. Il est aujourd’hui numéro 1 dans le domaine de transport des hydrocarbures, pétrole brut et GPL. Ce développement s’accompagne de défis relevés dont la gestion logistique des projets oil and gaz tels que celui gaz sud en Tunisie et Marek en Algérie.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

Un partenaire sérieux et idéal pour la gestion de transport & manutention dans l’Afrique du nord


Grand format TUNISIE ENJEUX

Mohamed Abbou Fondateur du Courant démocrate (Attayar)

« Ce qui nous manque : le sens de la gouvernance et la prise de décision » Propos recueillis à Tunis par FRIDA DAHMANI

lu à la Constituante en octobre 2011, Mohamed Abbou, 51 ans, a été l’un des bras droits du président de la transition, Moncef Marzouki, et ministre chargé de la Réforme administrative dans le gouvernement Jebali (2011-2013). Il en démissionne mi-2012, estimant ne pas disposer des prérogatives nécessaires pour combattre la corruption, et, un an plus tard, fonde le Courant démocrate (Attayar). Depuis, l’avocat tunisois poursuit son combat pour l’amélioration de la gouvernance, toujours sans concession sur les questions de corruption.

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JeuneAfrique:Commentévaluez-vousl’action du gouvernement d’union nationale?

Mohamed Abbou: Les résultats ne sont pas bons, mais nous en sommes à un tel point que le pays ne peut que se redresser. Il faut agir, dénoncer les abus et appliquer les lois. Or l’exécutif et, plus largement, la majorité sont issus d’une conjoncture politique telle que nous ne devons rien en attendre et patienter jusqu’aux législatives en sauvegardant le pays.

Nous n’avons cessé de l’alerter sur la corruption, la lourdeur administrative, le sentiment d’insécurité et le manque de confiance dans l’État, qui sont autant de freins pour les investisseurs tunisiens et étrangers. Nous n’avons pas été entendus. Et si, aujourd’hui, tous les Prix Nobel réunis proposaient des solutions pour la Tunisie, aucune ne fonctionnerait dans le contexte actuel!

ONS ABID POUR JA

Que reprochez-vous à l’actuelle majorité?

VOTRE ACTION D’ICI AUX LÉGISLATIVES DE 2019? « Être source de propositions et mettre la pression pour obtenir plus de transparence et de bonne gouvernance. Nous avons déposé une proposition de loi contre l’enrichissement illicite des politiques, des fonctionnaires et des responsables de médias, mais elle n’a pas été examinée car le gouvernement, Nidaa Tounes et Ennahdha y étaient opposés. Comme si, pour se maintenir au pouvoir, il fallait composer avec les corrompus. »

Il nous manque un sens de la gouvernance et de la transparence. En l’occurrence, ce n’est pas uniquement une question de laxisme ou d’incompétence, mais de priorités données à des intérêts personnels plutôt qu’à l’intérêt général. La meilleure chose que nous aurions pu exporter après la révolution est la bonne gouvernance. Nous avons les compétences pour la mettre en pratique ; ce qui nous manque, c’est la prise de décision. En montrant aux instances internationales, sans qu’elles aient à nous le demander, une réelle volonté de lutter contre la corruption et d’appliquer la loi, nous n’aurions pas été classés sur des listes noires. Le gouvernement fait honte aux Tunisiens en ne reconnaissant pas ses responsabilités. Qu’attendez-vous des municipales du 6 mai?

Nous pouvons être fiers de tenir ces élections et d’instaurer une démocratie au niveau local. Cela dit, la décentralisation n’implique pas une gestion locale qui ne rend pas de comptes. Le problème est que nous n’avons pas d’organes de contrôle au niveau régional. Alors comment évaluer la gestion des communes et éviter les abus? On a vu certains partis recruter des candidats sur les réseaux sociaux sans vérifier leurs antécédents, juste pour compléter leurs listes et s’assurer une présence sur tout le territoire. Comment pourrontils alors garantir la probité de conseillers municipaux, qui auront un certain pouvoir et auxquels on demandera de se dévouer à leur mission à titre bénévole – pour la plupart – quelles que soient leurs conditions personnelles?

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La première unité primaire souple pour médicaments en Tunisie

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Radhouane Bouricha Directeur Général de Hélioflex

COMMUNIQUÉ

d o s s é e a u g r o u p e O n e Te c h , partenariat à l’origine avec le groupe portugais HIGIFARMA (Lifresca), Helioflex est une entreprise spécialisée en emballages primaires souples pour l’industrie pharmaceutique. Leader en Tunisie en matière d’articles de conditionnement et d’emballages en contact direct avec les médicaments de forme sèche, poudreuse ou semi-pâteuse, destinés à être assemblés par les laboratoires pharmaceutiques lors du processus de fabrication. Portée par son promoteur Radhouane Bouricha, qui a maturé le projet à partir de son expertise dans les métiers de l’emballage alimentaire, l’unité, entrée en production en 2004, a accompagné le développement de l’industrie pharmaceutique en Tunisie. Cette activité qui s’inscrit dans la technologie pour la santé répond à des normes extrêmement rigoureuses ; Helioflex certifié ISO 15 378 depuis 2011, certification spécifique aux emballages pharmaceutiques et référentiel incontournable de bonnes pratiques de fabrication, répond aux exigences pharmaceutiques. En s’adressant exclusivement à des fournisseurs de matière première, euxmêmes certifiés et connus des laboratoires pharmaceutiques, Helioflex, s’est forgé une solide réputation qui lui permet de collaborer en local avec des laboratoires référence nationaux et internationaux parmi lesquels Adwya, SAIPH, Medis, I.P.S (UPSA), Pfizer, Pierre Fabre, Sanofi et Philadelphia.

Présente en Algérie, en Côte d’Ivoire et au Sénégal avec à son actif des opérations en Jordanie et au Maroc, l’entreprise, qui a réalisé 11 millions de dinars de chiffre d’affaires en 2017 dont 40 % à l’export, entend se déployer sur l’Égypte ainsi que les marchés africains et européens dont la France. « À l’échelle internationale, le modèle de la firme multinationale pharmaceutique qui se développait autour de la recherche et développement, des essais cliniques, de la production et de la commercialisation, a complètement changé. Aujourd’hui elles externalisent des activités dont la production surtout vers les pays émergents » explique Radhouane Bouricha, Directeur général d’Helioflex. Cette migration de la fabrication est une opportunité de plus pour Helioflex d’autant que le marché du médicament a de beaux jours devant lui. Avec l’amélioration du système de remboursements et l’augmentation de l’espérance de vie dans les pays émergents, la consommation de médicaments va augmenter ; à titre d’exemple, elle est aujourd’hui de 29 dollars en Tunisie contre une moyenne mondiale de 127 dollars par habitant. Pour compléter son éventail d’offres, Helioflex mise aussi sur le développement à l’échelle nationale et internationale du secteur parapharmaceutique en matière de compléments alimentaires et de cosmétiques dont les exigences en matière de packaging sont similaires à celles pour le médicament.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

de fabrication d’emballage



Grand format TUNISIE

ÉCONOMIE

Les génies du business 4.0


Du développement de solutions pour la finance à la création de jeux vidéo en passant par la conception d’objets connectés, les entreprises de services du numérique (ESN) tunisiennes se démarquent et marquent des points. FRIDA DAHMANI

Les bureaux de Vermeg, aux Berges du Lac, à Tunis.

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

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économie tunisienne place une partie de ses plus sûrs espoirs de relance sous les bons auspices du numérique. Le secteur a contribué à 7,5 % du PIB en 2016 – mieux que le tourisme –, et son développement, amorcé dès le début des années 2000, ne semble pas près de s’arrêter. Avec des sociétés phares telles que Vermeg et Wevioo, mais aussi un tissu de PME et de start-up dont la dynamique est reconnue au niveau international, les entreprises de services du numérique (ex-SSII), à forte valeur ajoutée, couvrent 20 % des exportations du secteur des services. Soit plus de 1 milliard de dinars (plus de 406 millions d’euros) de chiffre d’affaires annuel en 2016, généré par 1800 entreprises (dont 210 totalement exportatrices), qui emploient 100000 personnes. La qualité des formations dispensées aux 12 000 ingénieurs issus chaque année des établissements publics et privés tunisiens fait du pays un réservoir de talents et un laboratoire de recherche et développement (R&D), mais aussi un pôle attractif pour l’externalisation ou la colocalisation (partenariat entre un privé tunisien et une entreprise étrangère) de services numériques, étant donné que les charges et le coût du travail y restent plus bas qu’en Europe. Espérant renforcer le rôle de moteur du secteur pour l’économie et accélérer la constitution d’une plateforme technologique régionaleaxéesurledéveloppementdesystèmesetd’applications numériques pour la santé, l’éducation, l’e-gouvernement, l’État a engagéen2016unplanstratégique,Tunisienumérique2020,avec à la clé la création de 95000 emplois sur cinq ans. Fondé sur un partenariat public-privé et s’appuyant sur une infrastructure haut débit, ce plan, dont le coût s’élève à 5,5 milliards de dinars, risque, faute de moyens, de ne pas atteindre son objectif. Les entreprises privées, en revanche, ont le vent en poupe. « Nous en sommes déjà à l’industrie numérique 4.0 ! » lance Mehdi Tekaya, le président de Wevioo (ex-Oxia). Expert international en conseil, intégration et outsourcing, spécialisé en ingénierie applicative et intégration de progiciels finance, son groupe (créé en 1998) est devenu un acteur incontournable des stratégies de développement par l’innovation numérique, avec des filiales à Paris, Alger, Dubaï et, depuis janvier 2017, un bureau à Abidjan qui lui permet de renforcer sa présence en Afrique de l’Ouest. Outre ses activités de conseil, le groupe tunisien conçoit

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notamment des applications et des services en robotique pour les PME, mais aussi des systèmes embarqués et des objets connectés pour ses clients européens (60 %), africains (25 %) et moyen-orientaux (15 %). Début février, le cabinet a été retenu par le ministère des Technologies de la communication pour assurer la mise en œuvre du plan Tunisie numérique 2020, en particulier sa composante e-gov (e-gouvernement) – un contrat de 511000 dinars. Autre ESN de poids sur son créneau: Vermeg. Intégrateur de solutions et de services pour la banque et les assurances depuis plus de vingt ans, le groupe a développé une panoplie des plus pointues en matière de transformation numérique, avec l’objectif de devenir un leader mondial dans l’édition de solutions logicielles pour le secteur financier. Il a des bureaux dans cinq pays européens et emploie plus de 700 collaborateurs, dont 20 % en R&D. Fin février, Vermeg a franchi une étape clé dans sa stratégie en faisant l’acquisition de Lombard Risk, premier fournisseur mondial de solutions logicielles intégrées de reporting réglementaire et de gestion du collatéral. « Une opération qui portera le chiffre d’affaires de Vermeg à 100 millions d’euros [contre 54 millions en 2016] », assure Badreddine Ouali, le président et fondateur du groupe. Selon plusieurs sources au sein de l’Union européenne, Vermeg viendrait par ailleurs de remporter un appel d’offres de 50 millions d’euros pour la mise en place d’une solution logicielle exclusive destinée à l’ensemble des banques centrales de la zone euro.

Collectes de fonds

À côté de ces champions, une constellation de start-up tunisiennes brille également, avec ces derniers temps une prédilection pour l’univers des jeux, encore embryonnaire dans le pays mais dont le potentiel en matière de revenus et d’emplois est considérable. Ce créneau est principalement investi par de jeunes diplômés, habitués à la R&D et bien décidés à ce qu’elle soit rentable commercialement. Parmi les jeunes PME les plus remarquées : PolySmart, fondée en 2014, et son « petit frère », le studio de création Nuked Cockroach, né en 2015, dont le « grand jeu », Veterans

« START-UP NATION » La Tunisie veut offrir à ses start-up un contexte propice à leur épanouissement. Le 13 décembre 2017, le conseil ministériel a donc approuvé le Startup Act, un projet d’une trentaine de mesures pensé en 2016 par les équipes de l’ex-ministre des Technologies de la communication et de l’Économie numérique, Noomane Fehri, pour simplifier les procédures administratives et faciliter l’accès au financement. L’objectif étant de doper l’entrepreneuriat et les investissements dans le numérique et de faire de la Tunisie une « start-up nation ». En discussion à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le projet est désormais porté par Anouar Maarouf, successeur de Noomane Fehri, qui, le 5 mars, en a détaillé plusieurs points devant l’ARP. Le Startup Act propose d’abord la définition d’une start-up et l’attribution d’un label, puis poursuit par plusieurs mesures parmi lesquelles des exonérations et abattements fiscaux, une prise en charge des dépôts de brevets ou encore la possibilité d’ouvrir un compte spécial en devises. Considéré comme un cadre réglementaire révolutionnaire pour le secteur, le projet, à peine dévoilé, inspirait déjà ses voisins. Lorsqu’en août 2017 le jeune secrétaire d’État à l’Investissement marocain, Othman El Ferdaous, lance le hashtag #fikrainvest pour que les internautes proposent des idées sur l’investissement, un twitto marocain répond: « Copier-coller le Tunisia Startup Act. Ce serait déjà énorme. » JULES CRÉTOIS

Online, en phase d’essai, est produit et sera distribué par PolySmart. Après avoir déjà réussi à lever 2,2 millions de dinars, les fondateurs de PolySmart, Haroun Gharbi et Ahmed Cheikhrouhou, ont réalisé mi-2017 une nouvelle collecte de fonds de 1,5 million de dinars – la plus importante jamais effectuée au Maghreb dans l’industrie créative – grâce à la prise de participation de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) tunisienne. Ce qui leur a permis d’accélérer les dernières étapes de test du jeu avant son lancement, mais aussi d’ouvrir une antenne à Paris et une autre à Dubaï pour assurer la distribution et le marketing.



Grand format TUNISIE ÉCONOMIE Lire aussi : « Dix choses à savoir sur Marouane Abbassi, le nouveau gouverneur de la Banque centrale » sur www.jeuneafrique.com

DÉCRYPTAGE

Demain est un autre jour

F

«

aites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances. » La phrase prononcée en Conseil des ministres en 1830 par le baron Louis, ministre des Finances du roi Louis-Philippe, va comme un gant à la Tunisie, dont l’économie est malade des décisions politiques prises – ou pas – depuis le Printemps de 2011. En ce mois de mars, le pays est le dos au mur: le déficit budgétaire dépasse les 6 % du PIB, et ce sont les fonds du Qatar et de l’Union européenne qui permettent de le rendre supportable, la balance courante n’a jamais été aussi négative, l’inflation remonte à 5 %, le dinar s’est déprécié de 22,8 % en un an par rapport à l’euro, la dette publique a bondi de 39,7 % du PIB en 2010 à 70 % fin 2017. Autant dire que le pays emprunte pour rembourser ses dettes et non pour investir. De ce fait, la croissance demeure trop faible (1 %

en 2016, 2,3 % en 2017) pour réduire le chômage massif de 30 % chez les jeunes et les femmes. La faillite rôde. Comment en est-on arrivé là? Le laxisme de l’après-Printemps a été catastrophique, car les dépenses de l’État ont progressé deux fois plus vite que ses recettes. Le gouvernement Jebali a embauché à tour de bras des fonctionnaires pas toujours dotés des compétences et des motivations requises; la masse salariale de la fonction publique dévore désormais les deux tiers des recettes fiscales. Mis en difficulté par la multiplication des grèves et des manifestations, les gouvernements Essid et Chahed ont ensuite cédé aux revendications salariales des fonctionnaires, oublié de repousser l’âge de la retraite, traîné les pieds pour redresser les entreprises publiques déficitaires, mené à très petite allure la lutte contre la corruption. Les réformes structurelles mettent des mois à être votées, puis des mois supplémentaires avant d’être appliquées. On a vu spectaculairement les dégâts de cette procrastination

Tableau de bord macroéconomique Indicateurs

2015

PIB réel, à prix constants Inflation

2016

1,1

1,0

4,9

3,7

Estimations

Projections

2017

2018

(en %)

2,3

3,0

4,5

4,4

(en % du PIB)

Investissement brut

21,4

22,5

22,1

23,2

Solde budgétaire global 1

– 5,3 23,2 28,8 13,6 1,6

– 5,9 22,6 28,7 14,5 1,6

– 5,9 24,0 30,2 14,1 1,6

– 5,4 24,5 30,1 14,8 1,9

57,2 64,9

62,9 70,0

69,1 76,9

72,1 80,7

Recettes totales (hors dons) Dépenses totales et prêts nets dont masse salariale dont dépenses sociales 2

Dette publique totale dont dette publique intérieure 1. Dons compris

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2. Dépenses publiques en capital des principaux ministères, programmes et transferts sociaux

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lorsqu’en décembre 2017 l’Union européenne a placé la Tunisie sur la liste noire des pays « non coopératifs » parce que susceptibles de couvrir des opérations de blanchiment. Les documents requis pour lui éviter cette humiliation n’avaient pas été transmis à Bruxelles en temps utile, dit-on.

À la petite semaine

SOURCES : AUTORITÉS TUNISIENNES ET FMI, DÉCEMBRE 2017

ALAIN FAUJAS

Faute de stratégie économique, les six gouvernements qui se sont succédé depuis la fin de 2011, de Jebali à Chahed, ont été à la remorque des événements. Au lieu d’imaginer un nouveau modèle pour remplacer celui de Ben Ali, à bout de souffle, fondé sur les bas salaires dans les industries textile et mécanique, les productions et le tourisme low cost, ils ont géré à la petite semaine sans changer grandchose. Incapables de tenir tête au FMI faute de vision sur la façon de faire repartir la croissance, ils ont accepté ses remèdes tels qu’ils leur étaient présentés. Ils n’ont pas anticipé les inévitables réactions populaires à une baisse des subventions aux carburants ou aux produits de première nécessité et à la hausse d’impôts – déjà inégalitaires, car frappant surtout le secteur formel et ses salariés. La tension sociale du début de l’année a été aggravée par une absence de pédagogie. Ce n’est pas parce qu’il est inévitable de faire se serrer la ceinture à une population qui vit au-dessus de ses moyens collectivement (pas individuellement) que cela dispense de trouver les mots et les méthodes pour lui faire accepter la nécessité d’un effort équitablement réparti. La perspective des élections locales ne laisse guère augurer de sursaut en matière de volontarisme, d’imagination ou de justice. Inquiétant.



Grand format TUNISIE ÉCONOMIE

Robert Blotevogel Représentant résident du FMI en Tunisie

Propos recueillis à Tunis par FRIDA DAHMANI

n mai 2016, le FMI accordait au pays un crédit de près de 2,9 milliards de dollars pour accompagner le changement de son modèle de développement. Mais deux ans plus tard, les réformes structurelles visant à améliorer les perspectives de croissance et d’emploi marquent le pas.

E

Jeune Afrique: Pourquoi la reprise ne s’estelle pas enclenchée?

Robert Blotevogel : Le chômage et les inégalités régionales perdurent, l’inflation est à son plus haut niveau depuis une génération et le rythme d’endettement s’est accéléré. L’ancien modèle économique a atteint ses limites. Ces dernières années ont montré qu’une croissance tirée par la consommation et un secteur public démesuré n’est pas une option viable sur le long terme. Le principal défi est de répondre aux espoirs légitimes des Tunisiens d’améliorer leur niveau de vie et de générer une croissance dont les dividendes sont partagés équitablement. L’effort de redressement des finances publiques et de maîtrise de l’inflation, accompagné de réformes qui redynamisent les activités du secteur privé, est le préalable à une croissance solide tirée par l’investissement et les exportations.

Quelles réformes le FMI préconise-t-il?

Les trois priorités sont de stabiliser les grands équilibres macroéconomiques, d’améliorer l’accès au financement pour les jeunes entreprises et d’assainir le climat des affaires, en particulier par une lutte résolue contre la corruption et un renforcement de la gouvernance.

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FETHI BELAID/AFP

« L’ancien modèle économique a atteint ses limites » L’objectif de ces réformes est de réduire l’emprise du secteur public sur l’économie, afin de créer plus d’espace en faveur du secteur privé pour le rétablir dans son rôle de locomotive dans la création de richesse et d’emplois. Le secteur public pourrait alors se recentrer sur sa mission essentielle de régulation impartiale et de fourniture de services publics de base plus qualitatifs en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures. Pourquoitardent-ellesàsemettreenplace?

Les autorités tunisiennes ont fait preuve de courage en adoptant une loi de finances qui amorce la consolidation budgétaire. Mais il reste beaucoup à faire. Dans cette phase de transition, il est parfois difficile d’engager des réformes qui vont à l’encontre de certains intérêts, même si elles sont d’intérêt général. Il est devenu urgent de les mener à bien pour répondre aux aspirations d’une population de plus en plus sceptique quant à l’efficacité de l’action publique. Les priorités?

Même si elles sont régressives, comme les subventions énergétiques, certaines pressions persistent sur les dépenses courantes. Une réduction graduelle de ces dernières et des dépenses sociales mieux ciblées permettraient de dégager la marge budgétaire nécessaire pour les investissements publics. Il faut aussi accélérer la mise en place des réformes qui ont été engagées sur le système de sécurité sociale, la modernisation de la fonction publique et les entreprises publiques. Toutes nécessitent une large concertation si on veut qu’elles soient mises en œuvre dans les délais, tout en veillant à préserver l’équilibre social.

QUELLES SONT LES PERSPECTIVES? « Le pays possède un potentiel considérable qui ne demande qu’à être libéré. Si ces réformes sont entreprises, la transition économique tant attendue par les Tunisiens pourra enfin prendre corps. »


PUBLI-INFORMATION

SAIPH, une entreprise innovante qui redonne espoir aux Tunisiens

L’

inauguration en début d’année à Tunis d’une 5ème usine des Laboratoires SAIPH, destinée à la fabrication de nouvelles formes de médicaments, a été l’occasion de mettre en évidence les efforts déployés par cette société pour surmonter les difficultés conjoncturelles rencontrées par tout le secteur industriel tunisien. Les ministres tunisiens de la santé et des affaires sociales et le directeur général l´Agence de Promotion de l´Investissement Extérieur (FIPA) qui ont présidé cette inauguration, n’ont pas manqué de souligner le parcours exemplaire de SAIPH dans le contexte économique difficile que connait actuellement la Tunisie.

SAIPH entreprise pharmaceutique pionnière, qui fabrique des médicaments de qualité, répondant aux normes les plus élevées au niveau mondial Imed Hammami

SAIPH, une entreprise innovante qui nous fait prendre conscience que nous pouvons compter sur nous-mêmes pour résoudre nos problèmes Mohamed Trabelsi

Pour le FIPA AWARD 2017, le dossier de SAIPH s’est imposé de lui-même Khalil Laabidi,

Ministre de la Santé

Ministre des Affaires Sociales

Directeur Général de la FIPA

Notre présence aujourd’hui à cette inauguration, a affirmé le Ministre de la Santé Mr Imed Hammami, traduit la volonté du Gouvernement de soutenir les Laboratoires SAIPH, cette entreprise pharmaceutique pionnière, qui fabrique des médicaments de qualité, répondant aux normes les plus élevées au niveau mondial. Les initiatives des Laboratoires SAIPH de créer des filiales internationales dans les marchés émergents, à l’instar des marchés africains sont également à souligner. Ces initiatives a-t-il dit, s’inscrivent dans les orientations du Gouvernement d’encourager l’exportation des médicaments et des services de santé tunisiens.

Une entreprise innovante comme SAIPH, ne peut que nous redonner espoir et nous faire prendre conscience que nous pouvons compter sur nous-mêmes pour résoudre nos problèmes. Cette entreprise, a-t-il poursuivi, possède toutes les caractéristiques et les qualités de réussite, telles qu’énoncées par l’Organisation Mondiale du Travail, comme les responsabilités sociétale, culturelle et environnementale.

En 2017, lorsque nous avons entamé nos investigations pour l’octroi du « FIPA AWARD », le dossier de SAIPH s’est imposé de lui-même, principalement pour les trois raisons suivantes : - D’abord le secteur d’activité de SAIPH, secteur stratégique et à haute valeur ajoutée, qui nécessite des expertises pointues. - Ensuite le lieu de son implantation, une région à haut taux de demandeurs d’emploi. - Et le fait également que SAIPH a multiplié ces trois dernières années les investissements importants, pour accroitre ses capacités de production en Tunisie et s’implanter à l’international.

Route de Zaghouan Km 24 MOHAMEDIA BEN AROUS, G P3, 1145 - Tunisie

www.saiph.com.tn


Grand format TUNISIE ÉCONOMIE

Entrepreneuriat

Anis Riahi déploie les ailes d’EAC au sud du Sahara Un an après le lancement de ses rotations avec l’Europe, Express Air Cargo ouvre 25 liaisons tout fret avec le Moyen-Orient et, surtout, avec l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. FRIDA DAHMANI

l aurait préféré, il y a trente ans, que son entraîneur ne lui impose pas de choisir entre le football et les études. Pourtant, c’est sans trop tergiverser qu’Anis Riahi a opté pour les secondes, tout en restant un inconditionnel du ballon rond et de ses enseignements : « Avec le sport, on apprend la culture de la victoire, mais aussi à se fixer des objectifs pour remporter des titres. » Fonceur, persévérant, proactif… à 48 ans, Anis Riahi l’est toujours autant. Malgré les turbulences économiques que traverse le pays, il a lancé en novembre 2016 la première compagnie tunisienne privée de fret aérien, Express Air Cargo (EAC), après avoir bataillé pendant un an et demi pour obtenir auprès du ministère du Transport l’agrément d’exploitation aérienne (AOC) de son entreprise. Pour sa première année d’exercice, la compagnie a réalisé 52 millions de dinars (plus de 17,5 millions d’euros) d’investissements, notamment pour ne pas se contenter de louer des espaces sur des vols commerciaux et commencer à former sa propre flotte, avec trois Boeing 737. D’ici à la mi-2018, elle en comptera sept. En janvier, EAC a en effet franchi un nouveau cap : en plus des rotations quotidiennes qu’elle assure depuis février 2017 avec la France, l’Allemagne et Malte, la compagnie a ouvert 25 nouvelles liaisons tout cargo à partir des hubs aéroportuaires et logistiques de Tunis-Carthage et d’Enfidha, où elle est en train d’installer un centre de maintenance aéronautique certifié par son partenaire américain Boeing (un investissement estimé à 90 millions de dinars). EAC couvre désormais

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LA COMPAGNIE DISPOSE DE TROIS BOEING 737. QUATRE APPAREILS SUPPLÉMENTAIRES COMPLÉTERONT SA FLOTTE AVANT LA FIN DU SEMESTRE.

l’Égypte, la Jordanie et le Liban et, surtout, 21 pays d’Afrique subsaharienne, où les échanges sous-régionaux de marchandises sont en plein essor. Objectif : une triangularisation du toutcargo Europe - Afrique - Moyen-Orient, avec Tunis pour carrefour. Les rotations avec le sud du continent sont, dans un premier temps, assurées par un gros-porteur effectuant un vol quotidien depuis Tunis jusqu’aux hubs de Conakry et de Douala. D’ici à la fin du premier semestre, il sera relayé par deux autres Boeing 737-400 basés à Conakry, pour couvrir l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest, et par un troisième basé à Douala (Cameroun), pour les liaisons avec le Gabon, la Guinée équatoriale, le Congo et la RD Congo. Rien ne prédestinait Anis Riahi aux transports et à la logistique. De 1990 à


INITIATIVE

1995, il fréquente l’Institut des hautes études commerciales (IHEC) de l’université de Carthage, où il obtient un master en vente et en marketing. À l’époque, il est aussi disc-jockey pour se faire de l’argent de poche et, parallèlement à ses cours, il ouvre une imprimerie numérique, histoire de tester ses capacités d’initiative et de prise de risque. En 1997, comme ses frères et sœurs, il rejoint l’entreprise paternelle, la Société industrielle d’articles de bureau (Siab), qui fabrique les stylos de la marque Reynolds pour le groupe américain Newell Rubbermaid à destination des marchés tunisien et maghrébin. Il peaufine sa formation par des stages à l’étranger, grimpe les échelons au sein de la société familiale jusqu’à la direction générale, où il mesure l’importance de l’export.

Pause-café à Abidjan

Technologies connexes

En 2007, un an après la fermeture de l’unité Reynolds de Valence (France), il convainc Newell de relocaliser en Tunisie. En 2009, la production de Siab est passée à 700 millions de stylos (contre 120 millions en 2006), exportés au Maghreb, en Europe, en Afrique subsaharienne et au MoyenOrient, où la société ouvre une filiale, Siab Middle East & Africa, dans la zone franche de Jebel Ali, à Dubaï. La même année, après avoir négocié avec celui du groupe Newel, la société ouvre son propre centre logistique, Express Logistic-Siab Packaging Logistic Center (Siab PLC), à Radès, dans la zone portuaire de Tunis, en partenariat avec UPS (un investissement de 12 millions de dinars). Depuis, à la tête de Siab PLC, Anis Riahi a continué de s’investir – et d’investir – dans le transport et la logistique, mais aussi dans les technologies connexes, qui l’ont toujours passionné : caméras embarquées, systèmes informatiques de contrôle de gestion des données… De quoi garantir un suivi et une livraison toujours dans les temps, même au plus fort de la révolution de 2011, et capitaliser sur cette expertise pour, aujourd’hui, assurer l’envol d’EAC.

FRIDA DAHMANI

E

n Tunisie, quand on dit café, on pense Bondin. Une habitude qui sera bientôt celle des Ivoiriens… Lorsqu’il ouvrit son atelier de torréfaction dans une échoppe du marché central de Tunis, en 1910, Henri Bondin n’imaginait certainement pas qu’un siècle plus tard un concept store à son nom aurait pignon sur rue dans la capitale économique du troisième producteur mondial de café. C’est pourtant chose faite depuis novembre 2017, et une première boutique salon de café a vu le jour à Abidjan, dans l’immeuble XL, au cœur du Plateau. Pour ce premier Bondin Store à l’étranger, l’architecte et designer tunisien Karim Ben Amor, passionné de construction navale et amoureux des textures, a créé un cocon où se côtoient différentes essences de bois, évoquant la coque d’un bateau en même temps qu’elles rappellent les nuances chaudes des grains de café. Côté mobilier, fauteuils, canapés et tables aux lignes scandinaves distillent une ambiance à la fois tendance et hors du temps. De quoi séduire les Ivoiriens en quête

de zénitude et de robusta, enclins à un voyage gustatif aussi, puisque le slogan de la maison promet « un monde de saveurs ». Une manière desoulignersonsavoir-fairedetorré­ facteur depuis quatre générations et son ambition de réveiller le goût du bon café chez les Ivoiriens – qui le consomment surtout lyophilisé. Leader incontesté de la torréfaction en Tunisie, les Cafés Bondin ont été repris en 1964 par le groupe Amen, détenu par la famille Ben Yedder, actif dans l’agroalimentaire, la banque, les assurances, l’automobile, et dont les filiales Comar (assurances) et Alios (leasing) sont déjà présentes en Côte d’Ivoire. Après avoir installé dix établissements en Tunisie, les Cafés Bondin comptent ouvrir plusieurs franchises en Côte d’Ivoire, ainsi qu’une usine de traitement du café – de la torréfaction au conditionnement –, à Bonoua (à 60 km à l’est d’Abidjan), qui devrait être opérationnelle courant 2020 et qui pourra torréfier et conditionner 1500 tonnes de café par an, destinées au marché local et à l’export. What else? jeuneafrique no 2984 du 18 au 24 mars 2018

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« L’université centrale : Une identité spéciale, des programmes d’études diversifiés, le choix de la mobilité et l’ouverture sur l’internationale » Quel est le modèle de développement de l’Université Centrale sur l’Afrique ?

Pionnière dans le domaine de l’enseignement supérieur et la formation professionnelle, l’Université Centrale, membre du réseau Honoris United Universities, fait de Tunis un hubb de formation en Afrique et au Maghreb ; Kaïs Mabrouk, Directeur du Développement International, membre du réseau Honoris United Universities, revient sur les points forts de cette ouverture.

Plus qu’Université Centrale, aujourd’hui nous parlons groupe ; il n’y a pas de barrières mais nous avons nos marques et notre identité locale. Le réseau Honoris United Universities, dont l’Université Centrale fait partie, a deux approches pour se positionner dans la proximité. D’abord par une présence physique avec des établissements tels que l’Université Centrale en Tunisie avec ses bureaux de représentation à Abdijan, à Yaoundé et à Kinshasa ou l’EMSI au Maroc et Regent Business School en Afrique du Sud. Ensuite par la formation en ligne notamment avec le Global Panafricain MBA. Nous entamons actuellement une nouvelle démarche avec les cursus et diplômes délocalisés avec des universités partenaires qui encadrent l’étudiant en début de parcours. Nous travaillons avec les institutions d’enseignement supérieur, les lycées, les parents, les recteurs d’université, tout le réseau qui s’est construit sur des années de collaboration. Nous sommes par ailleurs ouverts à toutes les idées et à toutes les approches avec d’autres pays. Nous travaillons également à la mise en place de bourses d’excellence par pays pour identifier les potentiels et les talents aussi bien en matière scientifique qu’artistique. Outre des programmes de formation riches et complets, quels sont les points forts du groupe? L’Université Centrale est connue par ses programmes d’études dans des domaines aussi variés que la santé, l’ingénierie, le droit, la gestion, la communication et le journalisme et l’IT. L’Université Centrale offre à ses étudiants étrangers un service d’accompagnement avec prise en charge de l’hébergement, l’assurance maladie et les formalités de séjour. Aujourd’hui le groupe offre aussi des passerelles vers des universités américaines et européennes principalement françaises, belges et britanniques mais aussi en Corée du Sud. Nous sommes également entrain d’étudier les possibilités de partenariat avec le Japon et la Malaisie. À l’Université Centrale de Tunis, nous nous fixons également comme objectif le positionnement des étudiants sur le marché du travail et le renforcement de leur employabilité. Ceci se fait grâce au large réseau que

nous développons avec des entreprises locales et internationales offrant ainsi aux étudiants de multiples passerelles vers le monde socio-économique. Dans ce cadre, plusieurs conventions on étés signées avec des entreprises telles que: Sofrecom, Microcred, Bourse de Tunis, etc... Notre objectif est de former des jeunes ouverts au monde avec une fibre entrepreneuriale mais qui restent conscients des besoins de leur territoire. Nous souhaitons également créer un réseau des alumni de l’Université Centrale afin de permettre à nos diplômés d’être identifiés pour plus de synergie. L’Université Centrale a également intégré la mobilité dans ses programmes Effectivement cela fait partie de notre construction pédagogique au sein du groupe. Par exemple un étudiant sénégalais ayant fait son premier semestre à Tunis peut demander, sous certaines conditions, à effectuer le second au Maroc ou en Afrique du Sud. Le panafrican MBA qui est un MBA orienté vers les marchés africains a été conçu en Afrique du Sud mais le savoir faire a été transmis à Tunis. L’université Centrale a fait de même en transférant son savoir en matière de Santé au Maroc. Vases communicants d’énergie, de compétences et de know how. Tunis devient un hub d’éducation supérieure et de formation professionnelle Nous sommes animés par une réelle volonté de transformation et d’alignement sur un niveau international de l’organisation pédagogique dans la transmission de savoir et l’attribution des compétences à l’issu du cursus. Nous orientons nos contenus en intégrant plus de soft skills et en conférant un rôle de coach aux professeurs pour accompagner les étudiants vers l’insertion professionnelle. Par ailleurs nous sommes dans un processus d’accréditation internationale avec l’AACSB dont nous sommes membre , la CTI et la conférence des Grandes Ecoles Françaises qui ne sont accessibles qu’avec un taux d’insertion professionnelle dans les environs de 90 %. L’Université Centrale depuis septembre 2017 est partenaire de plusieurs établissements internationaux dont l’université de Minnesota, Sciences Po Paris, l’université de Rouen, de Nice, l’école de journalisme de Nice, Université technologique de Troyes, l’Université de Saint Petersburg en Russie…



Grand format TUNISIE

SOCIÉTÉ

Horizonsbizertins Construction d’un nouveau pont, assainissement du lac, gestion informatisée… La métropole du Nord engage des projets qui vont la rendre plus ouverte, plus durable et plus smart.

JULES CRÉTOIS, envoyé spécial

L

es voitures s’agglutinent de part et d’autre du pont mobile à double file qui, sur 900 m, enjambe le chenal reliant le lac de Bizerte à la Méditerranée. En cet après-midi pluvieux, les automobilistes craignant de se retrouver coincés jouent du klaxon. Même si le pont mobile ne se lève que deux fois par jour pour laisser circuler les bateaux, beaucoup de Bizertins sont impatients. « Le nouveau pont nous fera du bien ! » lâche l’un d’entre eux. La capitale du Nord sera en effet dotée, d’ici à la fin de 2021, d’un nouveau pont, fixe et plus élevé (60 m de hauteur) que l’ouvrage existant. Les études, financées par la Banque européenne d’investissement, qui ont dû tenir compte, entre autres, des contraintes de sécurité liées aux


Vue du vieux port, sur La Marsa, et du quartier de la Ksiba (« la petite kasba »).

installations militaires de la ville, ont été bouclées. Et, le 25 janvier, la Banque africaine de développement a en effet accordé à l’État tunisien un crédit de plus de 361 millions de dinars (120 millions d’euros) pour financer le projet, dont le coût total est estimé à 600 millions de dinars. Le chantier sera lancé dès le troisième trimestre de 2018. Bechir Lazzem, médecin local, s’investit depuis des années pour que ce pont voie le jour. Depuis son élection à l’Assemblée des représentants du peuple, il continue d’assurer en partie le dialogue entre la société civile locale et les institutions sur le projet. Le député nahdaoui précise avec enthousiasme que le chantier est loin de se résumer aux 2 km d’ouvrage qui relieront les deux baies. « Il s’agit d’un axe routier de 9 km qui part d’une sortie d’autoroute et permettra de désenclaver toute l’agglomération. Celle-ci compte plusieurs communes modestes, comme Menzel Bourguiba, où il n’est pas rare que les gens manifestent pour se plaindre d’un manque d’infrastructures. Le pont va désenclaver ces communes et faciliter la vie de beaucoup de gens. » Mais ce n’est pas le seul chantier qui va changer la ville. L’architecte Borhane Dhaouadi nous reçoit dans les locaux de son cabinet. Ils abritent aussi l’association

Bizerte 2050, qui pilote le programme Bizerte Smart City. « Il y a quelques jours, l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, est passé nous rendre visite », lâche-t‑il. Ici, on rêve d’une ville intelligente: gestion intégrée de la mobilité, des performances énergétiques, des bâtiments, des services, etc. « Avec la remise à niveau des infrastructures de la ville, qui ne concerne pas seulement le pont mais aussi, par exemple, la captation des eaux de ruissellement, Bizerte est en chantier pour les vingt ans à venir, alors autant en profiter pour voir grand ! » lance l’architecte, qui appelle à prendre des mesures immédiates pour frapper les esprits et encourager tout le monde à accompagner, au moins de ses vœux, les changements en cours. « On pourrait commencer dès maintenant à piétonniser le centre-ville, suggère Borhane Dhaouadi. On attend les élections municipales [du 6 mai] et, dès que la municipalité est en place, on dépose la demande. » Symbole du renouveau de la ville, le 22 janvier, le Palais des congrès, magnifique bâtisse à l’abandon depuis des années, a rouvert ses portes. Du 18 au 21 avril prochain, il accueillera la 2e édition du forum et salon international Bizerte Smart City. Pour l’architecte, la ville intelligente doit résolument se tourner vers un modèle écologique ambitieux. Et elle a encore du chemin à faire.

Opération dépollution

Des pêcheurs de Menzel Abderrahmen (16000 habitants), commune qui fait face à Bizerte et qui, comme elle, a une côte sur la mer, l’autre sur le lac, se sont mis en colère, en 2015, lorsque la pêche a été menacée par des pics de pollution liés aux rejets de diverses aciéries et cimenteries. En novembre 2016, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a lancé le programme d’assainissement du lac. D’un coût de 270 millions de dinars, financé par l’État et plusieurs partenaires nationaux et internationaux, il doit s’achever en 2023. D’ici là, les industriels devront s’équiper et procéder à des aménagements. Bechir Lazzem se félicite de la concertation entre les différents acteurs et du sens accru des responsabilités. Pour lui, cette opération répond aux attentes des centaines de milliers d’habitants de l’agglomération qui ne résident pas à Bizerte mais vivent en interaction directe avec le lac. À l’instar de Borhane Dhaouadi, il plaide pour que la dépollution du lac s’accompagne d’une campagne pour promouvoir un tourisme respectueux de l’environnement, « qui colle au nouvel esprit de la ville », précise l’architecte. Ces futurs visiteurs pourraient même profiter d’ici à 2030 d’un nouvel aéroport à Utique (à 30 km de Bizerte et 40 km de Tunis). Début mars, le ministre du Transport, Radhouane Ayara, a en effet annoncé qu’un appel d’offres international serait lancé cette année pour ce projet.

PHILIP LEE HARVEY/CULTURA

LA VILLE COMPTE 150 000 HABITANTS, ET LE GOUVERNORAT PLUS D’UN DEMI-MILLION.

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Grand format TUNISIE SOCIÉTÉ Lire aussi l’interview du réalisateur Hichem Ben Ammar, directeur de la Cinémathèque tunisienne sur www.jeuneafrique.com

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

président Ben Ali avait été mal évalué financièrement et était loin d’être terminé à la révolution. Repris en main par les nouvelles autorités, le chantier a été relancé en 2016, son budget total atteignant finalement 125 millions de dinars (42 millions d’euros), au lieu des 76 millions de dinars prévus à sa conception. Un coût et des dimensions que certains continuent de juger démesurés, même si la majorité des Tunisiens reconnaissent qu’il fallait bien terminer ce projet, lequel rejoint par ailleurs la décision du président Béji Caïd Essebsi d’« en finir avec le désert culturel ».

L’entrée de la « tour de la culture » depuis l’arrière du complexe.

Architecture

Un temple pour les arts et pour tous Après des travaux qui ont défiguré pendant douze ans l’avenue Mohammed-V, l’une des principales artères de Tunis, la Cité de la culture est inaugurée le 21 mars. FRIDA DAHMANI

e la place du 14-Janvier-2011 à l’université centrale, avec son Palais des congrès, ses sièges de grands groupes financiers, ses hôtels haut de gamme, ses squares et ses palmiers, l’avenue Mohammed-V est l’une des principales artères du centre-ville et le symbole du Tunis moderne. Depuis le milieu des années 2000, elle était pourtant défigurée par un énorme chantier: celui de la Cité de la culture, en construction sur le site de l’ancienne Foire internationale. Ce gigantesque complexe est enfin achevé. Il sera inauguré le 21 mars – lendemain de la fête de l’Indépendance – par un grand concert du tout nouvel Orchestre de l’Opéra de Tunis, créé l’an dernier et dirigé par Rachid Koubaa. Imaginé dans les années 1990 et engagé en 2006, le projet commandé par l’ancien

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DES SALLES DE SPECTACLES, UN PÔLE MUSÉAL, UNE CINÉMATHÈQUE, DES PROMENADES, DES ESPACES COMMERCIAUX… LE SITE S’ÉTEND SUR 8,6 HA.

Arcs en plein cintre et moucharabiehs

Conçue par les architectes Riadh Bahri, Mohamed Salah Zlaoui et Foued El Euch avec l’objectif de répondre aux besoins d’une métropole du XXIe siècle en symbolisant la culture tunisienne, la Cité fait déjà partie des repères urbains de la capitale. Elle se distingue par sa tour de 60 m de haut, surmontée d’une sphère vitrée panoramique, et par son entrée monumentale, donnant sur un immense atrium: une profusion de marbre, de verre et de colonnes hafsides alternant avec la douceur plus intimiste des arcs en plein cintre et des moucharabiehs. Sur une superficie de 8,6 ha jardins compris, le complexe se compose de deux pôles. Le premier, en libre accès, comprend des lieux de promenade, des points multimédias et des espaces commerciaux, avec boutiques et restaurants. Le deuxième pôle rassemble les parties à accès payant : les salles de spectacles (un opéra, un auditorium et un théâtre), la Cinémathèque tunisienne, le Centre national du livre, une médiathèque et des studios de production, des halls d’expositions, ainsi qu’un musée d’art contemporain et un musée national des civilisations. « Nous avons attendu plus de quarante ans que la culture ait enfin un espace dans la capitale. C’était essentiel de mener à bien ce projet, estime le producteur Habib Belhedi. Reste à savoir comment la Cité va fonctionner, avec quels opérateurs, quels budgets, quels programmes et quelle ouverture sur la création artistique nationale et internationale. Ces choix seront évidemment décisifs. »


TRIBUNE

Médias et confusion E

ONS ABID POUR JA

n Tunisie, fustiger les médias et le manque de Le paysage audiovisuel s’est enrichi de 12 chaînes de professionnalisme des journalistes est une habitude. télévision et de 35 stations de radio, mais la question de Pourtant, dès la fuite de l’ex-président Ben Ali, la nouvelle la transparence de leurs sources de financement se pose élite dirigeante s’est accordée pour dire qu’il fallait affranchir avec d’autant plus d’acuité que le budget publicitaire dont les médias de l’emprise des gouvernants et leur donner un bénéficient les médias audiovisuels, estimé à 195 millions de cadre juridique et institutionnel qui, normalement, devait dinars bruts en 2017 [un peu plus de 65 millions d’euros], ne consacrer leur transformation et permettre d’engager des suffit pas à subvenir aux besoins de l’ensemble de ces derniers, réformes structurelles, en s’appuyant notamment sur les avec le risque que la précarité financière les conduise dans les expériences et les expertises étrangères. filets de lobbies politiques, financiers ou religieux. De nouveaux dispositifs juridiques allaient ainsi voir le jour Les pratiques de certaines entreprises de presse sont en et, avec eux, des notions totalement nouvelles contradiction avec les dispositions légales dans notre culture médiatique, sans que leur (opacité financière, non-respect du cahier des homologation constitue cependant de rupcharges de la Haica, absence de ligne éditoture irréversible avec le système médiatique riale…). Quant aux ex-médias gouvernemende l’ancien régime, sans non plus qu’elle s’actaux, il semble que les pesanteurs du passé, compagne d’un travail de préparation ou d’exla mauvaise gestion, le poids des intérêts plication de la part de ses différents acteurs. corporatistes ou encore l’ingérence politique Pluralisme et diversité, transparence rendent illusoire toute ambition de mutation financière, régulation de l’audiovisuel, autovers un réel service public. régulation de la presse écrite et électronique, Larbi Chouikha réhabilitation du métier de journaliste, rôle des i l’on veut sortir de cet imbroglio, Professeur en entreprises de presse et des nouveaux « médias l’élaboration d’un cadre juridique et sciences de associatifs », mutation des ex-organes gouverinstitutionnel de régulation des médias doit l’information et de nementaux en médias de service public… Le rôle nécessairement procéder d’une réflexion et la communication régulateur de l’État, promoteur des réformes, a d’une dynamique de réforme transversale, à l’Institut de presse été quelque peu étouffé par le foisonnement concernant tous les médias, à tous les et des sciences de des problèmes, certains acteurs (anciens ou échelons, depuis la formation jusqu’à la l’information (Ipsi) nouveaux) défiant ouvertement les décisions production. Et avant de concevoir ces textes de l’université de la de la Haute Autorité indépendante de la comjuridiques, il faudra au préalable établir un Manouba, à Tunis munication audiovisuelle (Haica) et les strucdiagnostic minutieux du secteur des médias tures étatiques, quand ils ne les ont pas déjà et se forger une vision d’ensemble assortie noyautées. d’objectifs précis sur les réformes à accomplir dans cette phase de « transition ». ujourd’hui, le constat est amer. Les réformes structurelles Une telle volonté ne peut aujourd’hui émaner que d’un tant attendues n’ont pas abouti ou peinent à se mettre État démocratique, imprégné des valeurs de la révolution, en place. En cause : une propension de la Tunisie posten lien avec les institutions et en concertation avec les révolutionnaire à privilégier la norme juridique aux dépens organisations professionnelles. Cependant, tant que le pays d’une démarche pragmatique, réflexive, fondée à la fois sur ne bénéficiera pas de conditions sereines, en l’absence d’un l’émergence d’une volonté résolument réformatrice de l’État, climat de confiance entre gouvernants et gouvernés et d’une sur des institutions publiques fortes et crédibles ainsi que détermination de l’État d’en découdre avec le lourd héritage sur des entreprises de presse réellement professionnelles et du passé, ces efforts de réforme seront vains, et les risques indépendantes des milieux de la politique et de la finance. d’une restauration autoritaire pesants.

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PUBLI-INFORMATION

‫اﻟﺒــﻨﻚ اﻟﻮﻃﻨـﻲ اﻟﻔﻼﺣــﻲ‬ Banque Nationale Agricole

Banque universelle et citoyenne par vocation Une restructuration qui comporte aussi la refonte totale du système d’information avec le lancement d’un projet d’acquisition d’un Global Banking, la consolidation des capacités humaines et opérationnelles et le développement de nouvelles méthodes d’apprentissage pour le personnel (e-learning).

B

anque universelle et citoyenne par vocation, la

Banque Nationale Agricole (BNA), accompagne depuis sa création en 1959, les opérateurs économiques publics et privés en Tunisie par un apport financier et technique. Une expertise qui lui vaut d’être partenaire de tous les secteurs phares du pays dont l’agriculture qu’elle finance d’ailleurs en tant que premier contributeur.

BANQUE NATIONALE AGRICOLE 5 Rue de Syrie 1002 Tunis Tél. (+216) 71 831 000 / (+216) 71 831 200 BNAphone : 88 40 00 20 - N°vert : 80 100 505 Email : bna@bna.tn - www.bna.tn

Durant les deux derniers exercices, la BNA a affiché des performances financières rassurantes et des fondamentaux solides en ligne avec ses objectifs témoignant de l’efficacité de sa stratégie de développement relatée dans le Business Plan 20162020. Des performances qui se résument principalement en une croissance soutenue de l’activité, une bonne maitrise des charges opérationnelles, un effort de provisionnement considérable, un renforcement des dépôts et une consolidation des fonds propres. Avec plus de 178 agences implantées sur tout le territoire tunisien, la BNA se positionne également comme banque de proximité et consolide ainsi sa position systémique sur la place de Tunis avec 14,3 % de part de marché bancaire.

Restructuration en mode « Innovation » : Les performances de la BNA ont été rendues possibles par la mise en œuvre d’un large plan de restructuration axé sur l’amélioration du mode de gouvernance stratégique et opérationnelle avec, entre autres, l’établissement d’un nouvel organigramme selon les standards internationaux et le renforcement de sa compétitivité et son efficacité dans le financement de l’économie.

La BNA place également l’innovation au cœur de ses orientations stratégiques avec la création de nouveaux métiers, le lancement de nouvelles solutions e-Banking, la modernisation et le relookage de son réseau d’agences, la refonte de l’activité monétique, la révision et l’adaptation de l’offre commerciale par marché, le lancement de nouvelles solutions de financement, avec à la clé, la promotion d’une culture de performance au sein de la BNA.

Réorganisation en pôles d’activité : Dans ce but, la BNA s’est réorganisée en pôles d’activité et a redéfini ses métiers pour être au plus près du client en s’adossant à sa culture entrepreneuriale. La BNA accompagne l’économie nationale avec l’encadrement d’initiatives de développement régional et de création de l’emploi, apporte son soutien aux idées nouvelles, aux projets d’entreprises innovantes et aux nouveaux talents entrepreneuriaux.

Résultat, des fondamentaux solides : L’accroissement de l’activité, couplé à une meilleure gestion des risques et des charges, a permis à la banque d’afficher une meilleure rentabilité et d’avoir le vent en poupe. Ainsi, pour 2017 et malgré l’instauration d’un fonds de garantie des dépôts bancaires qui se traduit par l’augmentation des charges opérationnelles, la banque devrait clôturer l’exercice 2017 avec un bénéfice conséquent.


Ce résultat réalisé en dépit d’un contexte économique difficile, a été rendu possible grâce au rythme assez soutenu en matière de collecte de dépôts atteignant 7 576 MD en 2017 (avec une part de marché de 14 %) et en matière d’octroi de crédits notamment les deux dernières années (+8% en 2016 et +17 % en 2017) pour frôler la barre des 8,6 milliards de dinars à fin 2017. La BNA confirme ainsi sa position de leader dans le financement de l’économie nationale à travers son réseau d’agences, l’un des plus denses de la place. Elle reste par ailleurs, le premier bailleur de fonds du secteur industriel pour les PME-PMI. Fidèle à sa vocation agricole, la BNA est également leader en matière d’octroi des crédits agricoles en Tunisie avec une part de 13 % de l’ensemble de ses engagements. Le PNB de la banque a affiché un taux de croissance notable de 17,8 % et devrait dépasser les 440 MDT au terme de cette année 2017 résultant essentiellement de l’évolution de l’activité de crédit ainsi que des activités de portefeuille. n

Fondation BNA :

Un parcours de leader

Bientôt 60 ans d’expérience de défis et de réussites Le 1er juin 2018, la BNA entame son 60ème anniversaire, un parcours de leader qui a su s’adapter aux différentes mutations et restructurations qu’a connues l’économie tunisienne et aux exigences de la modernisation et de la libéralisation du secteur bancaire ; Ceci a facilité son adhésion aux différents programmes et plans adoptés en la matière par les instances financières et économiques. Ce parcours, fort remarquable, n’a fait que consolider les fondamentaux de croissance équilibrée tout en garantissant à la BNA la notoriété et la compétitivité et, par conséquent, assurer un positionnement stratégique le rapprochant des normes internationales. Riche de son expérience et de sa modernité, la BNA demeure un acteur incontournable de la réussite personnelle et professionnelle, particulière et nationale et abordera sa 6ème décennie avec une stratégie comportant une forte diversification par métier et s’appuyant sur une vision claire : Développer en toute sérénité la Banque de Demain avec une ambition de croissance continue et rentable et une responsabilité sociétale valorisante. n

Perpétuer la consonance historiquement sociétale de la banque Consciente des défis socio-économiques de la Tunisie, la BNA favorise l’intérêt des générations futures en s’engageant sur une stratégie de Responsabilité Sociétale valorisante et diversifiée, plaçant les préoccupations sociales, civiques, environnementales et économiques au cœur de son plan et de sa stratégie de développement. Cette démarche génératrice de valeurs, prise en charge par la Fondation BNA, souligne l’engagement communautaire et le rôle citoyen de la banque auprès notamment de la société civile. Créée pour soutenir, essentiellement mais pas exclusivement, des projets favorisant l’éducation, la culture, la solidarité, l’entrepreneuriat, le développement régional, les valeurs de l’olympisme et du sport, la Fondation BNA vise à porter les générations futures

BNA FONDATION

vers l’universalisme, l’ouverture et le développement de l’esprit, véritables accélérateurs de l’épanouissement économique et social de nos citoyens. Parmi les objectifs des actions engagées par la Fondation BNA : la défense du droit à l’éducation dans des conditions dignes et à chances égales, la valorisation et le développement de la vie estudiantine en connexion avec son environnement immédiat et le monde d’aujourd’hui et la promotion des valeurs olympiques en partenariat avec le Comité National Olympique Tunisien (CNOT). Ce partenariat BNA – CNOT s’est couronné par la mise en place du BNA Challenge Team : Un concept ambitieux de mécénat sportif en faveur de jeunes talents et des futurs champions en sports individuels et en handisport. n

Tél. : (+216) 71 830 520 - BNAphone : 88 40 00 20 - Email : bna@bna.tn - N° Vert : 80 100 5055 Email : fondation.bna@bna.tn


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