JA3106 du 2 novembre 2021 GF Abidjan

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CÔTE D’IVOIRE ABIDJAN 3.0

SPÉCIAL 25 PAGES

NO 3106 – NOVEMBRE 2021

MÉMOIRES DE BBY Autoportrait à l’encre verte

GOLFE MBZ, MBS, Tamim : la (nouvelle) guerre des trois

INTERVIEW MOHAMED BAZOUM «Les dirigeants maliens ont tout intérêt à nous écouter »

Les hommes de l’ombre de l’État hébreu en Afrique

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POUR TOUT COMPRENDRE DE L’ÉVOLUTION D’UN PAYS OU D’UNE VILLE

GRAND FORMAT ABIDJAN AMÉNAGEMENT p. 174 | POLITIQUE p. 194 | LOISIRS p. 206

RENAUD VANDERMEEREN/EDJ

Vue aérienne du quartier du Plateau.

Capitale 3.0 Métropole en mutation permanente, porte d’entrée de l’Afrique de l’Ouest, la capitale économique ivoirienne n’en finit pas de s’étendre et de se redessiner. Portrait d’une ville qui veut grandir sans perdre son âme. JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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GRAND FORMAT ABIDJAN

Édito

Marwane Ben Yahmed

Demain, Abidjan

D

e toutes les villes d’Afrique de l’Ouest, Abidjan est sans doute la plus captivante. Elle le doit à sa nature, qui lui vaut le surnom de « perle des lagunes », mais surtout à son histoire, à son évolution désordonnée, à son cosmopolitisme, au dynamisme et à l’inventivité d’une population qui n’attend guère de l’État ce dont elle a besoin. Celle qui, à la fin du XIXe siècle, n’était qu’une épaisse forêt dont la presqu’île n’abritait que quelques hameaux de pêcheurs tchamans, puis un splendide mouillage à l’abri de la redoutable barre crainte de tous les navigateurs depuis plusieurs siècles est aujourd’hui le centre névralgique de cette partie francophone du continent.

Ville de bric et de broc

Économiquement, cela ne fait aucun doute : avec son port en eau profonde, son aéroport international, sa gare ferroviaire, elle est l’une des principales portes d’entrée et de sortie en Afrique de l’Ouest. Mais, Abidjan, c’est surtout une ville de bric et de broc, une fourmilière composée de toutes les ethnies de Côte d’Ivoire, mais aussi d’habitants et de visiteurs venus du continent,

voire du reste de la planète. Abidjan, c’est le Plateau, petit Manhattan qui abrite le cœur du monde des affaires mais aussi une partie de l’administration, les quartiers résidentiels de Cocody ou Riviera, les populaires Adjamé, Abobo, Treichville ou Yopougon. La Zone 4, plus récente, où salariés et fêtards se croisent au petit matin. Abidjan, c’est le mythique hôtel Ivoire, symbole de l’euphorie des années Houphouët, quand la jeunesse dorée de l’époque se pressait sur la glace de sa patinoire, la seule d’Afrique, qui a aujourd’hui retrouvé son lustre après une complète rénovation. Ses embouteillages interminables, malgré la multiplication d’infrastructures routières, comme le pont Henri-Konan-Bédié. Ses maquis comme ses restaurants de luxe. Ses logements précaires construits à la va-vite comme ses

La capitale économique est confrontée à un défi majeur : se réinventer.

villas inouïes imaginées par des architectes de talent au mitan des années 1970. Son grand marché et ses centres commerciaux ultramodernes. Ses villages de pêcheurs, mais aussi son yacht-club ou ses havres pour ultrariches. Ses bars chics où le champagne coule à flots et ses vendeurs de gnamakoudji. Ses églises et ses mosquées. Abidjan est unique.

Du rêve et du pratique

La capitale économique, comme tous les grands pôles urbains dans le monde, a fortiori en Afrique, où leur croissance démographique est exponentielle, est aujourd’hui confrontée à un défi majeur : se réinventer. Il ne s’agit plus de bricoler, de rénover ou de prévoir à courte vue. Ni même de glaner des mètres carrés ici ou là, hors de ses frontières actuelles, voire sur la lagune. 65 000 habitants en 1934, plus de 5 millions désormais. 11 millions si l’on inclut le chapelet de villes-satellites qui s’égrène de Dabou à Aboisso ou à Adzopé. Il faut de la place, évidemment, des logements, surtout, mais aussi des transports, de l’énergie, des infrastructures scolaires et sanitaires pour traiter les déchets ou nourrir la population, des espaces de loisirs, d’autres pour accueillir les voyageurs d’affaires et les touristes classiques. De la culture, aussi. De l’internet accessible (et fonctionnel). Du rêve et du pratique, en somme. En respectant l’âme d’une ville à nulle autre pareille, ce qui n’est pas le moindre des défis… JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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AÏSSATOU DIALLO

I

ssa Diabaté, associé du cabinet d’architecture Koffi & Diabaté Group, est un amoureux de la ville d’Abidjan. Il partage sa passion lors de visites guidées dans les communes de la capitale économique ivoirienne. Le jeudi 30 septembre, depuis ses locaux à Cocody, qui allient modernité et économie d’énergie à travers des ouvertures laissant entrer la lumière naturelle dans les pièces, il a accordé une interview à Jeune Afrique. L’occasion pour lui d’évoquer la conservation du patrimoine et la nécessité de revenir à des techniques anciennes et plus durables.

Jeune Afrique : Que reste-t-il de l’héritage architectural colonial dans la ville d’Abidjan ? Issa Diabaté : C’est principalement le choix même du site. Abidjan est un héritage de l’administration coloniale, qui a décidé de venir s’y installer après l’épidémie de fièvre jaune à Grand-Bassam. La ville a certainement été sélectionnée à cause de son élévation et de sa ventilation. Le Plateau, où l’administration était installée, a une situation géographique qui permettait de garder un œil sur les indigènes, qui, eux, habitaient à Treichville. Il y avait un système de pont-levis au nord du Plateau qui permettait d’éviter une insurrection. C’est à partir de là que s’est déployé le plan directeur d’Abidjan. Dans les années 1960, Félix Houphouët-Boigny a voulu tourner la page et a remplacé de nombreux édifices coloniaux par ce qui devait à l’époque projeter l’ensemble du pays dans la modernité. Nous avons moins de patrimoine architectural colonial qu’une ville comme Dakar, par exemple. Les photographies de la construction du palais de la présidence sont assez intéressantes. On y voit le palais du gouverneur en train d’être démantelé et la présidence en cours de construction sur les ruines de l’ancien bâtiment. C’est le même

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La tour Postel 2001 (à g.), gratte-ciel de vingt-six étages haut de 105 m, et l’immeuble Caistab (104 m). Bâtis tous les deux dans les années 1980, ces buildings emblématiques de la ville ont longtemps abrité ministères et grandes administrations.


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PAYSAGE URBAIN

Issa Diabaté « Nous devons revaloriser une approche architecturale locale » Architecte

NABIL ZORKOT

Moins imprégnée de l’héritage colonial que d’autres villes d’Afrique de l’Ouest, Abidjan abrite quelques monuments ayant su marier les exigences de la modernisation avec les contraintes locales, notamment climatiques. Mais, pour l’architecte Issa Diabaté, il manque aujourd’hui un projet clair mêlant urbanisme et politique de développement.

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GRAND FORMAT ABIDJAN gabarit, la même taille, le même site, mais l’architecture est complètement différente. Cela illustre bien pour moi la volonté d’effacer l’époque coloniale afin d’entrer dans une époque qui nous est propre. La Pyramide du Plateau, construite par l’architecte Rinaldo Olivieri, est de nouveau la propriété du gouvernement ivoirien, après un bras de fer judiciaire. Si elle fait partie de l’image de la ville, son avenir est pourtant en danger. Comment la sauver ? La Pyramide, de par sa forme et sa typologie architecturale, c’est-à-dire brutaliste des années 1970, est vraiment emblématique de la skyline du Plateau. Lorsque l’on regarde les cartes postales de l’époque, c’est elle qui permet de savoir que l’on est à Abidjan. Au-delà de la Côte d’Ivoire, c’est un bâtiment dont on parle dans plusieurs ouvrages architecturaux, car elle reflète l’esprit de cette période. Mais ce bâtiment ne correspond pas à une logique contemporaine où l’on doit tout valoriser financièrement. Il y a très peu d’espace à l’intérieur et il n’y a donc pas une très forte rentabilité par rapport au foncier sur lequel il se trouve. Pour moi, ce bâtiment doit entrer dans le patrimoine de l’État afin d’être conservé. Pour cela, il faudrait y amener des fonctions d’intérêt public de type musée ou galerie, pour continuer à l’occuper, à l’entretenir et à le préserver. Malheureusement, au cours des dernières années, à part quelques actions de l’Unesco à Grand-Bassam et sur les mosquées, on ne voit pas beaucoup d’actions de l’État vis-àvis du patrimoine architectural. Si l’État n’a pas de vision sur son patrimoine, il est tout à fait capable d’imaginer que c’est un site à valoriser en matière de foncier, comme cela fut le cas pour beaucoup d’autres sites. Il pourrait donc être détruit pour reconstruire quelque chose de plus rentable à la place. Ce qui, pour moi, serait une catastrophe, car l’identité d’Abidjan est très marquée par la Pyramide. Pour vous, l’approche bioclimatique et la durabilité doivent être

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au centre des préoccupations des architectes dans la conception d’un bâtiment… Prenons l’exemple de l’immeuble Caistab (Caisse de stabilisation et de soutien des prix des productions agricoles). Il fait partie d’un ensemble de bâtiments lancés dans les années 1970 et est l’une des premières tours du paysage abidjanais. Il est aussi l’une des rares tours construites suivant une approche bioclimatique. C’est un bâtiment avec des bardages en aluminium qui permettent de briser le soleil et d’éviter l’ensoleillement direct à l’intérieur des espaces vitrés. Ce sont des principes basiques d’architecture bioclimatiques qui permettent en même temps d’avoir une vue maximale sur la ville. Pour moi, c’est quelque chose qui résonne encore aujourd’hui par rapport à notre intérêt grandissant pour la revalorisation de systèmes

Abidjan est en pleine explosion démographique. Et il y a un énorme déficit de logements dans la ville.

simples qui font partie du vocabulaire architectural local. Lorsque l’on regarde nos espaces traditionnels et la façon dont on construit dans toute l’Afrique, on remarque que les typologies architecturales sont liées de façon étroite à l’environnement climatique. Dans le sud de la Côte d’Ivoire, on voit beaucoup de bâtiments avec des lattes de bois, ce qu’on appelle le bambou de raphia, tout simplement parce qu’elles permettent une ventilation traversante. On n’accumule donc pas l’humidité à l’intérieur des maisons, contrairement aux constructions en béton en ville. Quand on remonte vers des territoires un peu plus secs, on constate l’utilisation de la terre pour l’isolation thermique. Il est très important pour nous d’avoir une approche architecturale qui épouse

ces techniques, même si visuellement le résultat ressemble à des choses contemporaines. Mais on a le sentiment, à vous entendre, que ces principes étaient mieux respectés il y a quelques décennies ? Ce qu’on remarque concernant l’immeuble Caistab, c’est que ce sont des matériaux très durables qui ne se dégradent que très peu. À travers l’utilisation de petites pierres au sol et de petits carreaux fabriqués localement, il y avait une démarche d’expérimentation et de création avec les matériaux dont on disposait. Beaucoup d’éléments, comme les luminaires et les boiseries, ont été spécialement conçus pour le bâtiment. Aujourd’hui, lorsqu’on crée un bâtiment, on pense surtout à optimiser les coûts et on s’oriente vers des matériaux industriels. Il y a aussi une forme de paresse intellectuelle de la part des architectes, dans le sens où il est plus facile d’acheter du carrelage dans un catalogue plutôt que d’essayer de faire revivre une technique ancestrale qui demande beaucoup de recherche et d’expérimentation. Face à la multiplication des effondrements d’immeubles ces derniers mois, provoquant parfois des morts, le gouvernement a décidé qu’un cabinet d’architectes et un cabinet de contrôle devaient être associés à tous les chantiers. Qu’en pensez-vous ? Cela ne va pas changer grand-chose à la problématique. Abidjan est une ville en pleine explosion démographique, et il y a un énorme déficit de logements dans la ville. Elle se développe beaucoup plus rapidement qu’il y a quelques années, et l’État n’a pas les moyens de se déployer pour la maîtriser. Si 5 % des bâtiments qui sortent de terre passaient par la case « permis de construire », ce serait déjà beaucoup. Nous subissons encore les conséquences des programmes d’ajustement structurel des années 1980-1990, lorsque l’État a dû se désengager de grands projets de logements. Des quartiers comme la cité des Arts, le lycée technique,



GRAND FORMAT ABIDJAN la Riviera 1, la Riviera Golf, Koumassi, Port-Bouët, etc., qui avaient été créés avant cela, structurent encore la ville. Il y avait une vraie vision de l’État. Après le désengagement de ce dernier, c’est le privé, motivé par le profit avant tout, qui a pris le relais. La croissance démographique que nous connaissons ces dernières années n’a fait qu’accroître le phénomène. À quel niveau se situe le problème ? Est-il technique ? Urbanistique ? Pour moi, l’urbanisme que l’on déploie aujourd’hui dans nos villes n’est pas adapté aux situations que nous vivons. On voit apparaître également des quartiers plus ou moins

précaires qui vivent en autogestion, où il y a des problèmes d’assainissement, d’inondation, d’effondrement, d’électrification… Il y a toute cette énergie de développement qui existe, mais qui n’est pas canalisée par une vision. Dans notre démarche, en tant qu’architectes, et aussi de plus en plus chez la jeune génération, émerge le besoin de revenir à des échelles humaines. Cela passe aussi par l’apprentissage de l’urbanisme en revisitant le village. Dans un village, la centralité n’est jamais loin. Le chef connaît tous ses habitants, et ceux-ci le connaissent également. La gouvernance est plus directe. Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ? Notre cabinet travaille en ce moment sur divers projets avec le gouvernement béninois. Il s’agit notamment d’une cité administrative, d’une cité ministérielle,

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JOANA CHOUMALI

Avec l’urbanisme, on est nourri par des disciplines comme la sociologie, la culture, la mobilité, le développement durable.

« L’idée, c’est de créer des cités dans lesquelles on puisse pratiquer nos activités dans un rayon de 3 km. »

d’un bâtiment pour le port et d’un programme de 20 000 logements sociaux et économiques. Les logements sont conçus sur un modèle de location-vente sur dix-sept ans, avec des prix abordables. L’État apporte le foncier et crée les voiries primaires, le reste est supporté par l’opération. Plus on avance dans notre carrière d’architecte, plus on est intéressé par l’urbanisme. Avec l’urbanisme, on est nourri par d’autres disciplines comme la sociologie, la culture, le

développement durable, la mobilité, etc. L’idée, c’est de créer des cités dans lesquelles on puisse pratiquer l’essentiel de nos activités à pied et à vélo dans un rayon de 3 km. On peut aussi intégrer la création d’énergie à échelle humaine. Pourquoi ne pas créer des champs solaires, par exemple, uniquement pour cet environnement ? Il est aussi possible de réfléchir à des solutions pour l’agriculture urbaine, la santé, l’éducation, etc. Et, après, rien n’empêche de déployer ce modèle à l’infini.



GRAND FORMAT ABIDJAN

DÉVELOPPEMENT

Bingerville en plein boom L’ancienne capitale de la Côte d’Ivoire (1900-1933) concentre depuis moins de dix ans une activité immobilière intense. Logements sociaux, économiques ou de haut standing foisonnent à la lisière d’Abidjan.

BAUDELAIRE MIEU

L

a forte congestion et la cherté des logements à Abidjan, la capitale économique, ont favorisé un boom immobilier dans ses banlieues. Bingerville, l’ancienne capitale, bénéficie de ce développement né de la croissance économique soutenue observée au cours des dix dernières années, laquelle a engendré l’émergence d’une classe moyenne qui saisit toutes sortes d’opportunités pour acquérir un logement décent. La proximité de cette cité, située à 30 km du centre-ville, en fait un endroit prisé par les promoteurs immobiliers et par les acquéreurs, au point qu’aujourd’hui Abidjan se confond avec Bingerville.

Signalisation et bitumage

Toutes les forêts, toute la végétation ont disparu au profit des chantiers à ciel ouvert et de grands terrassements. « Avant, toute référence à Bingerville ramenait à l’hôpital psychiatrique implanté dans la ville. Aujourd’hui, tout a changé avec le développement de l’immobilier », explique un vétéran de cette ville. L’ouverture de l’hôpital Mère-Enfant de la première dame, Dominique Ouattara, a aussi rendu la cité encore plus attrayante. La ville, longtemps confinée autour de l’unique artère, l’avenue Nampé-Dioulo, qui la traversait de part en part, a connu des extensions dans des proportions grandioses. Le bitume cabossé d’autrefois a été remplacé, une « deux fois deux voies » a été construite, et

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quelques rues secondaires ont été reprofilées et bitumées. Une signalisation des voies de la ville a été réalisée pour mieux guider les nouveaux venus. Mais les anciens repères demeurent, comme le carrefour Bandji ou la rue Poto-Poto. Ce n’est pas par hasard si le gouvernement a décidé de bâtir un tribunal de première instance, financé par la France à plus de 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros), qui sera le troisième dans le district d’Abidjan après celui du Plateau et celui de Yopougon. Un centre d’observation des mineurs y est prévu.

Disponibilité foncière, projets de désenclavement, prix abordables des loyers ou des acquisitions, air pur… La disponibilité foncière, malgré quelques litiges, est une motivation supplémentaire. Plusieurs programmes de construction du gouvernement, d’abord annoncés comme des logements sociaux, se sont mués en programmes économiques, voire de haut standing, excluant une partie de la population à faibles revenus. Il s’agit souvent de productions en série de maisons pilotées par des opérateurs qui ont obtenu des contrats de l’État.

Et l’attractivité de Bingerville ne devrait pas se démentir au cours des prochaines années : le gouvernement prévoit plusieurs projets de désenclavement de cette zone, qui est une presqu’île. Un projet de pont est sur la table pour enjamber un bras de la lagune Ébrié et rejoindre Grand-Bassam. Cette infrastructure évitera aux riverains de traverser tout Abidjan pour se rendre à l’aéroport international Félix-HouphouëtBoigny. Un deuxième pont verra le jour pour relier Bingerville à Bonoua, sur la route d’Assinie. La cité balnéaire du Sud-Est est un haut lieu de villégiature, prisé tant par les grosses fortunes que par les cadres supérieurs.

Voie de contournement

Le boom de l’immobilier est également favorisé par les prix abordables des loyers ou des acquisitions, dont les résultats sont observables dans des quartiers comme Eloka, AdjaméBingerville, Marina et Bregbo résidentiel. Les maisons y poussent à un rythme accéléré, parfois à la vitesse de l’éclair. Une voie de contournement d’Abidjan dénommée Y4, qui partira des abords de l’aéroport international, passera par plusieurs communes et à proximité de Bingerville. Cette infrastructure, lancée par le gouvernement en prélude à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de football en 2023, est financée en partie par la Banque mondiale. Les retombées de ce projet d’envergure bénéficieront


ISSAM ZEJLY POUR JA

GRAND FORMAT ABIDJAN

Vue aérienne des nouvelles zones d’habitation construites à Bingerville. CÔTE D’IVOIRE

à Bingerville, qui deviendra encore plus attractive. Car, à l’heure actuelle, et malgré tous les travaux d’infrastructures routières, la ville reste partiellement enclavée. Aux heures de pointe, les résidents vivent un calvaire pour atteindre Abidjan et passent parfois des heures dans les bouchons pour rallier la capitale économique. La ville continue d’ailleurs d’attiser les convoitises de groupes de BTP : actuellement, six promotions immobilières sur dix en cours dans le district d’Abidjan se trouvent à Bingerville. L’entreprise Opes Holding, fondée par l’homme d’affaires Siriki Sangaré, président de la Chambre nationale des promoteurs et constructeurs agréés de Côte d’Ivoire (CNPC-CI), développe par exemple un projet de 15 000 logements. « Bingerville est une cité pour l’avenir. L’air est encore pur, et il n’y a pas d’industrie

polluante. Ce sera l’endroit où il faudra être au cours des prochaines années », confie-t-il. Cette explosion de l’immobilier n’a pourtant pas encore atteint les objectifs du gouvernement. À la fin de septembre, le Premier ministre, Patrick Achi, a rencontré les promoteurs immobiliers bénéficiaires des contrats de l’État pour la réalisation des logements, dans le but de faire avec eux un point à mi-parcours et surtout d’évoquer les difficultés du secteur.

« The place to be »

Le développement de l’immobilier connaît en effet quelques failles. Malgré la multitude de programmes immobiliers dans le secteur, rien n’est prévu pour le moment concernant l’implantation de centres commerciaux qui éviteraient aux résidents de parcourir plusieurs kilomètres pour s’approvisionner. Des lieux de loisirs manquent aussi

BINGERVILLE ABIDJAN

aux acquéreurs. Issouf Doumbia, le maire de la ville, se veut pourtant confiant : « Bingerville ne sera plus comme avant. Ce sera the place to be. Des projets de construction de lieux de loisirs, de restauration et de tourisme sont en réflexion, tout le long de la lagune. » Selon le maire, toutes ces transformations permettront à ses concitoyens de ne plus se rendre à Abidjan que pour y travailler. Un vrai changement pour une ville longtemps considérée comme une simple cité-dortoir dont l’unique attrait était le parc botanique et ses nombreuses espèces florales. JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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Performances publiques CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DES MINES, DU PÉTROLE ET DE L’ÉNERGIE

PRIORITÉ STRATÉGIQUE : MISE EN VALEUR DU POTENTIEL MINIER ET ÉNERGÉTIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE La Côte d’Ivoire dispose de ressources minières et énergétiques largement inexploitées. La stratégie du Gouvernement ivoirien consiste à exploiter ce potentiel afin de favoriser le développement économique et social dans une logique de respect de l’environnement. Cette stratégie affiche d’ores et déjà des résultats positifs. formations géologiques réputées riches en minéralisations aurifères. Les premières études réalisées depuis l’indépendance, notamment par la Société pour le Développement Minier de la Côte d’Ivoire (SODEMI), ont mis en évidence d’importants gisements : - de pierres fines et pierres précieuses (diamant brut) ; - de métaux précieux (or) ; - de métaux de base (manganèse, nickel, bauxite, colombo-tantalite, phosphate et ilménite etc.).

Potentiel minier de la Côte d’Ivoire

Entretien avec Monsieur Thomas Camara, Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie

Substances Fer

Quel a été le chiffre d’affaires réalisé en 2020 par les sociétés minières en Côte d’Ivoire ? Le bilan du secteur minier à fin décembre 2020 fait ressortir que le chiffre d’affaires déclaré par l’ensemble des sociétés d’exploitation minière a atteint 988,793 milliards de FCFA, en hausse de 29,76% par rapport à 2019 (761,995 milliards de FCFA).

Nickel latéritique Bauxite

Le volume total des investissements réalisés en 2020 dans le secteur minier est estimé à 302,791 milliards de FCFA contre 136,346 milliards de FCFA en 2019 (+122,1 %).

Diamant

Quelle est l’évaluation globale du potentiel minier de la Côte d’Ivoire ? La Côte d’Ivoire dispose d’un important potentiel minier. Plus des deux tiers du territoire ivoirien sont couverts par des

Manganèse

Or Cuivre Nickel Tantalite

Localisations

Ressources estimées Monts Klayo-Tia, Plus de 4 milliards Gao, Monogaga de tonnes Sipilou, Plus de 260 millions Foungbesso de tonnes Plus de 1,2 milliard Divo, Bénéné et Toumodi de tonnes Plus de 12 millions Bondoukou, de tonnes Lauzoua, Zemougoula Bobi et Tortiya Plus de 11 millions de carats Nord, Centre, Plus de 600 tonnes Ouest, Sud-Est Ouest Plus de 50 millions de tonnes Issia Plus de 145 tonnes


Évacuateur de crues du barrage hydroélectrique de Soubré.

La mine d’or d’Ity (département de Zouan - Hounien).

À la suite des récentes découvertes de réserves de pétrole aux larges de ses côtes, la Côte d’Ivoire peut-elle prétendre intégrer le club des pays pétroliers africains ? C’est ce à quoi nous aspirons et nous travaillons. Pour l’heure, la Côte d’Ivoire est un producteur modeste de pétrole brut et de gaz naturel. Avec la récente découverte de la major ENI, estimée, en termes de ressources en place, à environ 1,5 milliard de barils de pétrole brut et à environ 2 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel, nous espérons augmenter substantiellement notre production pétrolière et gazière.

Comment peut-on expliquer le succès de la couverture électrique en Côte d’Ivoire ? Le succès de la couverture électrique repose sur deux importants programmes qui ont contribué à l’amélioration de la couverture et de l’accès à l’électricité depuis 2014 : - PRONER (Programme nationale d’électrification rurale) s’est fixé pour objectif d’électrifier toutes les localités de plus 500 habitants par le réseau conventionnel et le reste des localités par mini-réseau hybride. Ainsi, le taux de couverture est passé de 38,55% en 2014 à 79,6% en 2020. - PEPT (Programme Électricité pour tous) quant à lui envisageait de connecter les ménages à faibles revenus sans frais de connexion. Ces frais sont étalés sur la facture du client pendant une période de 10 ans. Le nombre d’abonnés (ménages) est passé de 1,165 million en 2014 à 2,692 millions en 2020, et le taux d’accès de 78 % à 98 %.

Comment encouragez-vous concrètement l’exploration et le développement du secteur des hydrocarbures ? Le Gouvernement ivoirien, depuis l’accession de S.E.M Alassane OUATTARA à la Présidence de la République de Côte d’Ivoire, a œuvré pour améliorer de façon très significative le climat général des affaires. Dans le secteur des hydrocarbures, le pays s’est doté, dès 2012, d’un contrat-type de partage de production beaucoup plus compétitif. Aussi, des campagnes de promotion pétrolière lors d’évènements internationaux sontelles régulièrement organisées, ce qui a permis, entre autres, la signature de plusieurs contrats avec des majors pétroliers tels que TotalEnergies et ENI.

Le Ministre Thomas Camara, Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie en visite de chantier du projet de construction du nouveau pipeline de gaz naturel.

Quelle est la stratégie de la Côte d’Ivoire en matière d’énergies renouvelables ? Lors de la COP21, la Côte d’Ivoire a pris l’engagement de porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à 42 % d’ici 2030. Les efforts en matière de planification ont permis d’abandonner l’option charbon (700 MW), fortement émettrice de gaz à effet de serre, au profit du gaz naturel. Cette planification permettra de respecter les engagements annoncés avec la mise en service, d’ici 2030, d’une capacité de 490 MW de solaire et de 311 MW de biomasse, inexistante à ce jour dans le bouquet énergétique de la Côte d’Ivoire. Afin de continuer à jouer son rôle de locomotive de la sousrégion en matière d’énergie, l’interconnexion des réseaux avec le Mali, le Burkina, la boucle Ouest (CLSG) et Est (VRA + CEB) permettra d’asseoir à la longue un marché sous régional de l’électricité, dont les industries pourront tirer pleinement profit pour le rayonnement économique de la Côte d’Ivoire et de sa sous-région.

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COMMUNIQUÉ


GRAND FORMAT ABIDJAN

AMÉNAGEMENT

Une transformation capitale Vitrine et souvent porte d’entrée du pays, Abidjan fourmille de grands projets. On pense bien sûr au quatrième pont et au métro, mais la lagune et le port font aussi l’objet de toutes les attentions, tandis qu’un nouveau quartier d’affaires est à l’étude.

ISSOUF SANOGO/AFP

BAUDELAIRE MIEU

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GRAND FORMAT ABIDJAN

L

a Côte d’Ivoire tout entière est toujours en chantier, et la capitale économique, Abidjan, porte d’entrée et vitrine du pays, bénéficie de grands projets de développement. Le gouvernement du Premier ministre, Patrick Achi, a validé le nouveau Plan national de développement (PND) pour la période 2021-2025. Ce programme ambitieux prévoit des investissements de plus de 59 000 milliards de F CFA (90 millions d’euros) qui amorceront le changement structurel du pays. Il reprend les différents projets qui n’ont pas été réalisés lors

Des techniciens chinois et ivoiriens à pied d’œuvre sur le nouveau terminal à conteneurs du port, le 27 mars 2019.

des deux précédents quinquennats. L’achèvement du PND favorisera une reprise forte de la croissance à 8 % pour la période 2021-2025. À Abidjan, le port, cœur névralgique de l’économie nationale, est en chantier. Plusieurs projets d’envergure sont en cours de réalisation pour doter la ville d’infrastructures modernes.

Élargissement du canal de Vridi

La plateforme portuaire d’Abidjan est en travaux. Plusieurs grands projets, nés d’un ambitieux plan d’investissement datant de 2012, sont en cours de réalisation. L’un des défis de Hien Sié, le directeur général du port, est de rendre ce dernier attractif et compétitif. Le manque d’investissements, durant plus de vingt ans, a favorisé le rattrapage du port par ses concurrents. « Nous accélérons les investissements. Notre problème est surtout la congestion du port. Le boulevard qui le traverse est aujourd’hui saturé. Il a été construit dans les années 1960, quand le port réalisait un trafic de 4 millions de tonnes », explique Hien Sié. La compétitivité du port demeure un problème. La congestion de cette plateforme logistique a un impact sur ses performances. Pour lever tous ces obstacles, Abidjan intensifie les projets et veut demeurer le principal port du golfe de Guinée, malgré les investissements accrus dans les sites concurrents de Tema, au Ghana, Lomé, au Togo, ou Kribi, au Cameroun. Ce vaste plan prévoyait, entre autres, l’élargissement et l’approfondissement du canal de Vridi, la principale voie d’entrée, pour permettre l’accès de grands navires marchands. Cette infrastructure, financée à plus de 150 milliards de F CFA, a été réalisée et livrée en février 2019. La fin des travaux du terminal à conteneurs 2 est prévue pour juillet 2022. Ce joyau logistique de plus de 727 milliards de F CFA permettra à Abidjan de consolider sa place de hub sur la côte ouest-africaine, entre Tanger, au Maroc, et Durban, en Afrique du Sud. La capacité installée passera de 1,5 million d’EVP par an à 3 millions, encore loin de Tema et de ses 3,7 millions d’EVP. Le port poursuit sa stratégie de spécialisation de

ses quais, en vue de rendre fluides les activités et les opérations de manutention. Le chantier du terminal roulier, consacré aux importations et aux exportations en vrac, a été livré. D’autres projets, comme le quai céréalier, porté par les Japonais, sont en cours de réalisation. Pour juguler les engorgements, plusieurs remblaiements de la baie de Vridi ont été effectués afin de donner de la disponibilité en matière d’entrepôts de stockage et de favoriser l’implantation de nouvelles unités industrielles. Un terminal minéralier plus moderne est en chantier, et un projet de création d’une zone logistique est prévu dans la nouvelle zone industrielle PK24 d’Akoupé-Zeudji, dans le nord d’Abidjan, aux abords de l’autoroute, l’axe routier principal qui relie la ville à une grande partie du

À terme, les nouvelles infrastructures permettront au port de consolider sa place de hub sur la côte ouest-africaine. pays. Tous les investissements sont estimés à plus de 1 500 milliards de F CFA, supportés par l’État, le port et les banques. Malgré le retard accusé avant les investissements massifs, le port d’Abidjan demeure le numéro un dans la région, avec un trafic de 25 millions de tonnes de marchandises, suivi par Tema, avec plus de 20 millions. À terme, les nouvelles infrastructures marqueront le retour d’Abidjan dans le club des ports modernes et lui permettront de demeurer la locomotive de l’économie ivoirienne.

Indemnisations

Ce projet phare du chef de l’État, Alassane Ouattara, depuis son premier mandat sera opérationnel au plus tard en 2025. C’est le vœu de l’actuel Premier ministre, Patrick Achi, qui a mobilisé toutes ses équipes pour lever les difficultés et avancer. Le gouvernement a entrepris JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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ISSOUF SANOGO/AFP

GRAND FORMAT ABIDJAN

Un ingénieur devant les turbines de la centrale thermique d’Azito, en septembre 2016.

d’accélérer le processus d’indemnisation. « Les indemnisations sont prêtes, nous ne pouvions pas faire déguerpir les emprises pendant l’année scolaire écoulée. Nous avons attendu les vacances pour lancer le processus », a expliqué Patrick Achi, qui a visité le tronçon de la ligne 1 en août dernier, en compagnie de certains membres du gouvernement, notamment les ministres Amadou Koné (Transports), Bruno Koné (Construction, Logement et Urbanisme) et Amadou Coulibaly (Communication, Médias et Francophonie). La Côte d’Ivoire a entrepris l’indemnisation des populations installées sur les emprises du parcours, et une opération de déguerpissement s’est ensuivie. Le consortium Société de transport abidjanais sur rail (Star), composé des français Bouygues Travaux Publics, Colas Rail, Alstom et Keolis, a créé une entreprise chargée des travaux, la Société ivoirienne de construction du métro d’Abidjan, qui s’active sur les

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JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

prémices du chantier. La ligne 1, qui reliera la commune d’Anyama, dans le nord d’Abidjan, à l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, plus au sud-est, longue de 37,4 km, traversera les quartiers d’Abobo, d’Adjamé, du Plateau, de Treichville, de Marcory et de Koumassi. Le coût du projet est estimé à 1,36 milliard d’euros. Mais les retards accumulés devraient alourdir le budget. Après la signature de l’accord définitif, en 2019, les travaux n’ont pas pu démarrer. Le projet devait être mis en service avant la compétition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN)

Grâce à la matérialisation de ce projet vieux de trente ans, Abidjan sera la septième ville africaine à être dotée d’un réseau de métro.

2023 de football, dont la Côte d’Ivoire est l’organisatrice. La matérialisation de ce projet vieux de plus de trente ans fera d’Abidjan la septième ville du continent africain à être dotée de ce mode de transport interurbain. Cette infrastructure sera utilisée quotidiennement, selon les prévisions, par 540000 personnes dans le district d’Abidjan.

Électricité : fournir plus

La dernière crise énergétique des mois de mars à juin a mis en lumière la fragilité et l’équilibre précaire du secteur de l’électricité. L’objectif du président Alassane Ouattara d’atteindre 4000 MW de capacité de production à l’horizon 2020, affiché dès son arrivée au pouvoir, en 2011, n’a pas été atteint. La capacité actuelle est de 2230 MW. Des projets d’extension des deux plus importantes centrales thermiques du pays sont en cours. La première, exploitée par le britannique Globeleq, augmentera sa puissance à plus de 253 MW sur son site de Yopougon



GRAND FORMAT ABIDJAN Azito. Et Ciprel V, du français Eranove, construira dans la région de Jacqueville une centrale d’une capacité installée de 390 MW. Ces deux projets d’extension, qui apporteront un surplus de plus de 650 MW à la production nationale, nécessiteront un investissement de plus de 500 milliards de F CFA, dont le financement est déjà bouclé. Sous pression, Thomas Camara, le ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie, a visité les deux chantiers. « Ces centrales thermiques seront alimentées par du gaz naturel, explique-t-il. Il est important que nous nous assurions que, lorsque ces centrales seront sur le point de démarrer, le gaz soit disponible, prêt pour les alimenter. »

Le gouvernement veut faire de l’extension de la cité financière un symbole de l’excellente santé économique du pays. Un e t ro i s i è m e c e n t r a l e d e 372 MW est envisagée dans le district d’Abidjan, celle du groupe ivoirien Starenergie, en partenariat avec China Energy Engineering Corporation (CEEC). Le bouclage du financement est prévu pour 2022. La production d’électricité dans le district d’Abidjan et sur le territoire dépend fortement du secteur thermique, qui représente plus de 77,9 % (contre 22 % pour l’hydroélectricité, provenant de cinq barrages opérationnels). Le nouvel objectif du gouvernement est d’atteindre 6000 MW en 2030, avec l’ambition de devenir le hub énergétique de l’Afrique de l’Ouest.

Chère baie de Cocody

Lancé en 2018, le projet de sauvegarde et de valorisation de la baie de Cocody fait partie des aménagements les plus coûteux d’Abidjan. Ce projet, né de la coopération ivoiro-marocaine, nécessitera plus de 346,9 milliards de F CFA, soit une contribution de l’État ivoirien à

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hauteur de 158,6 milliards de F CFA, plus 188,3 milliards mobilisés auprès des bailleurs de fonds. La partie marocaine joue quant à elle le rôle de prestataire – le marocain Marchica Med et plusieurs entreprises internationales et locales travaillent sur le site –, payé par le gouvernement. Selon ses concepteurs, à la fin des travaux, cet endroit deviendra pour Abidjan l’équivalent de la tour Eiffel pour Paris, de Big Ben pour Londres ou de la statue de la Liberté pour New York. Ce projet devait être terminé pendant le deuxième quinquennat, mais de nombreux retards ont été enregistrés. Le modèle économique a également changé. L’État ivoirien a dû mobiliser des fonds auprès de plusieurs partenaires et de la Banque islamique de développement (BID). La première phase, portant sur le remblaiement des berges, le dragage complémentaire du fond de la lagune Ébrié et la réalisation de la plateforme de la future Marina, est sur le point d’être terminée. Les travaux en cours concernent à la fois la construction d’un échangeur, la réalisation d’une unité de triage de déchets solides ainsi que d’une station de traitement et de purification de l’eau de ruissellement. Cette étape permettra un meilleur écoulement des eaux, souvent ensablées – ce qui provoque inondations et congestion du trafic routier.

Marina et hôtels de luxe

La construction d’un viaduc et d’un pont à haubans reliant le quartier de Cocody à celui du Plateau est programmée pour fluidifier la circulation. À terme, une marina verra le jour, avec un port de plaisance proposant des activités de loisirs, notamment des parcs d’aventure et des restaurants. Des hôtels de luxe sont prévus. Les concepteurs du projet ont imaginé dans la phase finale un circuit de transport lagunaire jusqu’à l’aéroport international d’Abidjan pour permettre aux voyageurs en transit de profiter de la baie. L’État ivoirien a pensé à concevoir un nouveau quartier d’affaires pour reloger certains grands services et directions. Ce projet comprend la construction d’un immeuble annexe adossé à la tour F des finances,

déjà existante. Dans le quartier du Plateau, la cité administrative et des affaires d’Abidjan, s’élèvera une infrastructure immobilière ultramoderne de 14 étages à partir de la fin de 2022, si les délais de livraison sont respectés. Financée à hauteur de 15 milliards de F CFA sur le budget de l’État, la nouvelle tour F des finances abritera 208 bureaux sur une superficie de 900 m2. L’ancienne tour, bâtie au cours des années 1970, sera liée à la nouvelle par une passerelle de 30 m. L’entreprise sélectionnée pour réaliser cet immeuble est le cabinet d’architecture Arq’Urbis Concept, dirigé par l’Ivoirien Jean-Paul Monin, bien connu dans le secteur. Moussa Sanogo, ministre du Budget et du Portefeuille de l’État, s’informe régulièrement de l’avancement du projet.


SIA KAMBOU/AFP

Des ouvriers sur le chantier de la future ligne de métro, en septembre 2019.

Cette extension de la cité financière a un double objectif pour le gouvernement, qui veut en faire un symbole de l’excellente santé économique du pays. La tour, futuriste, sera classée dans la catégorie des bâtiments dits intelligents, car elle sera dotée des dernières technologies dans le domaine.

Le plus grand pont du pays

Le quatrième pont d’Abidjan, qui reliera à la fois le grand quartier dortoir et industriel de 2 millions d’habitants de Yopougon au Plateau et à la commune commerçante et marchande d’Adjamé, enregistre plusieurs mois de retard. L’ouvrage devait être livré à la fin de 2020, mais quelques difficultés sont apparues sur le chantier depuis le démarrage des travaux, en 2018.

Ce pont aura une longueur totale de 7,2 km et s’intégrera dans une architecture routière d’autoroutes urbaines. Il sera le plus grand de Côte d’Ivoire avec deux fois trois voies, des échangeurs et un viaduc surplombant la baie du Banco, une forêt luxuriante en pleine ville. Le coût est estimé à 142,216 milliards d’euros, mais sera revu à la hausse du fait des retards observés. Le délai supplémentaire est imputable à certains services de l’État qui n’ont pas pu parachever le déguerpissement des populations riveraines dans les délais prévus, à quoi s’ajoutent deux grèves du personnel local du chantier, qui demandait de meilleures conditions salariales et d’environnement de travail au groupe chinois China State Construction Engineering Corporation (CSCEC), chargé des travaux.

La pandémie de Covid-19 a eu un impact sur la circulation des ingénieurs chinois du chantier. Enfin, le projet a dû être remodelé pour intégrer le nouveau système de déplacement urbain en gestation, le Bus Rapid Transit (BRT). Tous ces retards constatés ont agacé la Banque africaine de développement (BAD), principal bailleur de fonds du projet avec une mise de 150 millions d’euros. Le quatrième pont, à péage, permettra la circulation quotidienne de 70 000 véhicules et désengorgera l’autoroute, principale voie d’accès à la capitale économique depuis Yamoussoukro. Cette infrastructure est une composante du projet de transport urbain d’Abidjan, dont le coût global est estimé à 769,78 millions d’euros. JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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GRAND FORMAT ABIDJAN

SÉCURITÉ

CAAT : décollage imminent Un suspect repéré dans la salle des e-visas est conduit dans les locaux de la CAAT.

OLIVIER POUR JA

Mise en place il y a bientôt dix ans, la Cellule aéroportuaire antitrafics peinait à exister vraiment. Le décret gouvernemental du 16 juin en portant officiellement création devrait lui donner un nouvel élan.

FLORENCE RICHARD

S

hort en jean, veste trop large aux motifs blanc et rose, paire de baskets aux pieds, rien ne distingue vraiment d’un autre le jeune homme noyé au milieu de dizaines de passagers à sa descente d’avion en provenance de Lagos. Mais voilà, contrairement aux autres, pressés de récupérer leurs valises et de quitter l’aéroport d’Abidjan Félix-Houphouët-Boigny en cette fin de matinée, il s’attarde très longuement en salle des e-visas, dont il n’a pas besoin puisqu’il est détenteur d’un passeport nigérian à la photo si floue qu’on le reconnaît à peine. Une attitude suspecte qui attire l’attention de deux agents de la Cellule aéroportuaire anti-trafics (CAAT). Le jeune homme doit être soumis à une fouille dans l’unique salle dont dispose la CAAT à l’aéroport, à une centaine de mètres des « arrivées ». Elle se trouve au second étage d’un bâtiment à l’intérieur délabré. La salle étroite, encombrée et sans fenêtre, qui fait aussi office de salle de réunions, n’est pas vraiment adaptée à ce type de contrôle. La fouille ne révèle rien. En revanche, un test urinaire se révèle positif à la cocaïne. Simple consommateur ou « mule »

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transportant de la drogue ingérée par boulettes ? Direction le centre hospitalier universitaire (CHU) de Cocody pour un scanner. À ce stade, l’affaire n’est plus entre les mains de la CAAT, mais entre celles de l’Unité de lutte contre la criminalité transnationale organisée (UCT).

En partenariat avec Interpol

La CAAT d’Abidjan a vu le jour en décembre 2012 dans le cadre du projet Aircop, un projet multi-agence porté par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en partenariat avec Interpol et l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et financé par l’Union européenne. Son objectif : « Déstabiliser les réseaux criminels dans les pays d’origine, de transit et de destination, en renforçant les capacités d’interception et de détection des drogues et autres produits illicites, ainsi que des passagers à risque élevé, parmi lesquels les combattants terroristes étrangers, dans les aéroports internationaux. » Pour ce faire, Aircop s’appuie sur dix-sept CAAT en Afrique ainsi que sur dix en Amérique latine et dans les Caraïbes, dont il facilite la transmission sécurisée d’informations opérationnelles en temps réel entre les

services au niveau national, régional et international, en les connectant à la base de données criminelles d’Interpol et de l’OMD. Celle d’Abidjan dépend aujourd’hui du ministère de la Sécurité et a été placée sous le contrôle administratif du Comité interministériel de lutte antidrogue (Cilad). Près de dix ans après la mise en place de la CAAT, le gouvernement n’a pris que le 16 juin dernier un décret portant sur sa création, ses attributions, sa composition, son organisa-

Ordinateurs hors service, pas de ligne téléphonique, aucune voiture de fonction, locaux inadaptés… Tout cela doit changer. tion et son fonctionnement. « Avec ce décret, la CAAT, qui n’avait pas véritablement d’existence légale jusqu’à présent, va bénéficier d’un nouvel élan », espère le commissaire principal de police, Assoumou Assoumou,



placé à la tête de ce service depuis août. Un fonctionnaire chevronné qui attend de ses équipes « des résultats », malgré le peu de moyens mis à leur disposition. Des ordinateurs tous hors service, pas de ligne téléphonique ni de connexion internet, aucune voiture de fonction pour rallier des sites éloignés (notamment celui du service de courrier DHL que les équipes de la CAAT doivent contrôler, à plus de 1 km de l’aéroport), pas de locaux adaptés, pas de cellule de fouille à l’arrivée, aucun scanner. Le décret prévoit que l’Autorité nationale de l’aviation civile (Anac) fournisse des locaux fonctionnels et prenne en charge l’installation et le bon fonctionnement des lignes téléphoniques, d’internet, un accès à l’eau et à la climatisation, ainsi que « toutes les autres commodités nécessaires à un environnement de travail décent, efficace et efficient ». « Nous allons rattraper cela », assure le patron de l’UCT, le commissaire divisionnaire Adomo Bonaventure, tuteur opérationnel de la CAAT.

Le « profilage » reste privilégié

En plus de ce manque de moyens, la quarantaine d’agents (gendarmerie nationale, police, douane, eaux et forêts) fait aussi face à une absence de coopération des compagnies aériennes, censées leur fournir une

OLIVIER POUR JA

GRAND FORMAT ABIDJAN

Le commissaire Assoumou Assoumou dirige la CAAT depuis août 2021.

liste des passagers et, pour chacun, le détail sur les vols pris. « Ce détail des vols est indispensable. Où s’est rendu le passager ? A-t-il payé cash ? Qui a acheté le ticket ? Si nous n’avons qu’un nom, cela ne sert pas à grand-chose », insiste le commissaire Assoumou Assoumou, installé dans son minuscule bureau au bord des pistes. Sur dix-sept compagnies, seules trois coopèrent pleinement. La technique la plus efficace reste alors celle du « profilage » à la descente d’avion : un passager qui s’attarde trop aux toilettes ou au service des e-visas, un autre s’agitant. Celle du renseignement porte aussi ses fruits : « Dans le cas d’un trafic d’êtres humains, par exemple, nous attendons que les passeurs et les victimes se présentent à l’aéroport pour caractériser l’infraction. » Autre difficulté majeure : la grande adaptabilité des trafiquants.

« Entre 2017 et 2019, la CAAT a saisi beaucoup de drogues, mais aujourd’hui les trafiquants savent que cette cellule existe, ils sont très vigilants et passent par d’autres circuits », déplore le commissaire divisionnaire Adomo Bonaventure. En 2021, la CAAT a saisi 2 639 kg de marchandises, principalement des produits cosmétiques contrefaits (1 600 kg) et de faux médicaments (550 kg). Parmi les drogues, ses agents ont mis la main sur 46 kg de tramadol.

Spectre de la corruption

Dernier défi de taille, celui de la corruption. En 2018, quatre agents de la CAAT ont été accusés d’avoir extorqué 100 000 F CFA à un homme d’affaires belge qui refusait de se soumettre à un test urinaire, et placés en détention provisoire. « Le recrutement se déroule sur la base d’un appel à candidatures, les fonctionnaires doivent montrer patte blanche. Ils passent un entretien et sont soumis à un polygraphe. Ils doivent être au-dessus de tout soupçon, incorruptibles », assure le secrétaire général de la Cilad, Kouma Yao Ronsard Odonkor. Conscient de l’enjeu, le commissaire Assoumou Assoumou entend bien en faire une priorité : « Il faut faire tout notre possible pour que la corruption ne s’implante pas. »

OLIVIER POUR JA

Les policiers procèdent à la fouille du sac du suspect (de dos), qui sera confondu par un test urinaire.

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GRAND FORMAT ABIDJAN

PORTRAIT

Robert Beugré-Mambé : Abidjan, c’est lui Ministre-gouverneur du district autonome de la ville depuis 2011, député de Songon depuis 2018, ce poids lourd de la majorité veut rendre la capitale économique plus attractive.

AÏSSATOU DIALLO

P

lus de dix années sont passées. Mais Robert BeugréMambé s’en souvient-il encore lorsqu’il s’installe dans son vaste bureau au Plateau ? En février 2010, il était président de la commission électorale indépendante (CEI) et tentait de sauver sa tête. Contre vents et marées, il avait refusé de démissionner. Il vivait alors reclus dans sa villa des Deux-Plateaux, où une centaine de militants de l’opposition montaient la garde. Le bruit avait couru qu’il risquait d’être arrêté. La foi de ce prédicateur et fils de pasteur l’avait alors aidé à tenir. Face aux accusations de fraude des autorités, il

Depuis 2011, il est à la tête de la ville dont Ouattara a fait la vitrine de la modernisation qu’il souhaite apporter au pays. confiait, impassible, à Jeune Afrique : « C’est la croix que je dois porter. Je la porterai avec toute la sérénité nécessaire. Ma foi profonde est que la vérité de Dieu va finir par s’imposer. » La suite ? Dissolution du gouvernement par Laurent Gbagbo et destitution de Robert Beugré-Mambé. Puis, un second tour, contesté, qui

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plonge le pays dans une crise sanglante. Après une telle disgrâce, le voilà aujourd’hui à la tête d’Abidjan, au cœur du pouvoir économique et politique du pays et qui concentre près de 5 millions d’habitants, d’après le dernier recensement de 2014. Depuis 2011, ce poids lourd du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est à la tête de la ville dont Alassane Ouattara a fait la vitrine de la modernisation qu’il souhaite apporter à la Côte d’Ivoire.

En perpétuel chantier

Né le 1er janvier 1952 à Abiaté, près de Dabou, à quelques kilomètres d’Abidjan, Beugré-Mambé termine vice-major de l’École nationale supérieure des travaux publics (ENSTP) en 1976, puis poursuit sa formation d’ingénieur au Centre des hautes études de la construction (CHEC), à Arcueil, près de Paris. De retour au pays, il intègre le Bureau d’études techniques et est promu directeur de cabinet du ministre de la Construction, en 1981. Il suit alors les grands dossiers en matière d’habitat, d’environnement et d’aménagement urbain. En 1997, il quitte la fonction publique pour devenir consultant pour la Banque mondiale et pour divers cabinets privés, puis accède, en 2002, au poste de vice-gouverneur du district autonome d’Abidjan. Devenir gouverneur en 2011, après la crise, était comme un retour à la

maison. Mais, cette fois-ci, c’est lui le capitaine à bord. Beugré-Mambé nourrit des projets pour les treize communes qui forment Abidjan. D’Abobo à Bingerville en passant par Cocody ou Yopougon, chacune a ses réalités et ses défis. « Abidjan est doux », aime-t-on à répéter sur les bords de la lagune Ebrié. Mais, surtout, elle est en perpétuel chantier pour absorber le flot grandissant de populations venues d’autres villes du pays ou d’expatriés. En 2014, le gouverneur a lancé un programme de désenclavement des villages du district autonome d’Abidjan. Cent cinquante villages sont concernés par des projets de bitumage, d’électrification, d’adduction en eau potable et d’assainissement. « Après une première phase qui a permis de construire 110 km de voies pour un budget de 53 milliards de F CFA [plus de 80 millions d’euros], nous lançons une autre phase de 156 km », se réjouit Nicolas Baba Coulibaly, responsable de la communication du district. Le gouverneur est aussi à l’initiative de la construction de logements économiques et sociaux à Bingerville et à Grand-Bassam, pour répondre à la demande de plus en plus importante. « C’est une satisfaction de constater qu’Abidjan reprend la place qu’elle n’aurait pas dû perdre à cause des crises passées. La réapparition des organisations internationales est la preuve que la Côte d’Ivoire est de


GRAND FORMAT ABIDJAN

ISSAM ZEJLY POUR JA

En 2014, le gouverneur a lancé un programme de désenclavement de 150 villages du district autonome d’Abidjan, ainsi que la construction de logements sociaux à Bingerville et à GrandBassam.

JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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LUDOVIC MARIN/AFP

GRAND FORMAT ABIDJAN

Avec le président français, Emmanuel Macron, à qui il remet les clés de la ville après l’avoir fait citoyen d’honneur, le 21 décembre 2019.

retour et prend toute sa place de locomotive de la sous-région », ajoute Nicolas Baba Coulibaly.

Réseau international

Une dizaine d’années après son arrivée au district, Beugré-Mambé occupe une place de choix dans la majorité. En mars 2018, il est élu député de Songon, une commune du district à l’ouest de Yopougon, permettant au parti de renforcer son assise sur la ville. Il s’est également construit un réseau à l’international et est secrétaire général de l’association des maires francophones. Lorsque la Côte d’Ivoire accueille les Jeux de la francophonie, en 2017, c’est lui qui est à la manœuvre en tant que ministre chargé du dossier auprès du président de la République. Le district qu’il dirige bénéficie d’une certaine autonomie dans sa gestion. Il est financé en partie par

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des recettes affectées par l’État, par la collecte de taxes locales et par des projets spécifiques. Mais, au quotidien, cette gestion est souvent source de tensions entre les différents

Lorsque la Côte d’Ivoire accueille les Jeux de la francophonie, en 2017, c’est lui qui est chargé du dossier en tant que ministre. niveaux d’administration. Des conflits opposent régulièrement le district d’Abidjan aux communes. Dernier exemple en date, le bras de fer très politique qui a opposé Beugré-Mambé à Jacques Ehouo, maire PDCI (Parti

démocratique de Côte d’Ivoire) du Plateau, la commune la plus puissante du district. Le jeune élu avait dénoncé un abus de pouvoir lorsque, au début de juillet, des équipes du district avaient démoli des aménagements d’embellissement financés par la mairie et dont les travaux étaient presque terminés. Les équipes du gouverneur avaient répondu avec fermeté ne pas accepter un passage en force et ne pas se laisser dépouiller de leurs prérogatives. Le ministère de l’Intérieur, qui chapeaute ces deux entités, a été saisi. En juin dernier, Alassane Ouattara a signé un décret créant 12 nouveaux districts. Ils sont désormais au nombre de 14, avec celui de Yamoussoukro et celui d’Abidjan. Le chef de l’État a rencontré les nouveaux gouverneurs, qui bénéficient du titre de ministre, afin de détailler le rôle qu’ils auront à jouer pour une décentralisation plus efficace.


Performances publiques

COMMUNIQUÉ

CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Sous la haute égide du Président de la République, Son Excellence Alassane Ouattara, tous les secteurs des transports en Côte d’Ivoire se modernisent grâce à la mise en œuvre des Plans Nationaux de Développement 1 et 2. Conformément aux piliers 3 et 4 du PND 2021-2025, relatifs à l’accélération de la transformation structurelle de l’économie par l’industrialisation et au développement des infrastructures harmonieusement reparties sur le territoire national et la préservation de l’environnement, le pays continue la mise en œuvre de projets ambitieux visant l’accroissement de la mobilité urbaine et le développement

des infrastructures de transports maritimes, aéroportuaires, lagunaires et terrestres. Des réformes ambitieuses relatives à la sécurité et à la sûreté des transports seront au cœur de nos actions. L’adoption le 7 juillet 2021 d’une stratégie quinquennale de sécurité routière et son financement nous permettra par la digitalisation de tenir nos engagements de réduction du nombre de tués de 50% sur nos routes à l’horizon 2030. Les capacités opérationnelles du Port Autonome d’Abidjan seront doublées avec la livraison d’importants chantiers dont le second Terminal à conteneurs (TC2). Air Côte d’Ivoire, quant à elle, opérera sur de nouvelles destinations et le pays adoptera au cours de l’année 2022 une stratégie de développement logistique. Enfin, dans le cadre de la décentralisa-

Amadou Koné,

Ministre des Transports tion et de la décongestion, nous avons fait l’option de doter les villes secondaires de moyens de transports propres, modernes et sûrs. Le PND 3 offre l’opportunité au secteur privé de prendre une part considérable dans cette ambition de faire de la Côte d’Ivoire un Hub logistique, avec des territoires au développement équilibré.

LA CÔTE D’IVOIRE FACE AU DÉFI DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Face à l’augmentation du nombre de décès sur les routes ivoiriennes, le gouvernement ivoirien est désormais intransigeant et développe une approche systémique. Avec à la clé, des résultats encourageants, la stratégie du gouvernement est axée sur le renforcement de la sensibilisation, l’intégration des nouvelles technologies et une formation accrue des acteurs de la route, notamment des chauffeurs routiers.

© Jacques Torregano / Divergence pour JAMG

« Des réformes ambitieuses relatives à la sécurité et à la sûreté des transports au cœur de nos actions».


CÔTE D’IVOIRE

Performances publiques

MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Système de vidéo verbalisation vidéo-verbalisation.

Centre opérationnel du Système de Transport Intelligent (STI).

S

elon l’OMS, les accidents de la route représentent la principale cause de décès des jeunes de moins de 30 ans. En Côte d’Ivoire, on a enregistré 1 509 tués sur la route en 2018 contre 1 284 en 2017 et 814 en 2013, soit une augmentation de plus de 90% du nombre de morts en seulement 5 années. Selon l’Office de Sécurité Routière (OSER), 94% des cas d’accidents de la route en Côte d’Ivoire sont causés par le facteur humain, notamment les mauvais comportements des conducteurs.

L’État, à travers le Ministère des Transports, a axé un pan de sa politique sur le renforcement de capacité des acteurs du routier

Face à cette situation, le gouvernement ivoirien se veut désormais intransigeant. Dans le cadre de la stratégie nationale de la sécurité routière, le conseil des ministres du 7 juillet 2021, présidé par S.E.M. le Président Alassane Ouattara, a adopté un plan quinquennal 2021-2025. Ce plan est essentiellement axé sur le renforcement de la sensibilisation et l’intégration des nouvelles technologies dans le contrôle et la répression, avec pour objectif de lutter efficacement contre l’incivisme routier, principale cause des accidents de la route.

La vidéo-verbalisation pour des routes plus sûres Pour lutter contre l’incivisme et l’insécurité routière, la Côte d’Ivoire s’est en effet dotée de solutions technologiques basées sur la vidéo-verbalisation, une composante du Système de Transport Intelligent (STI) développé par l’opérateur technique

MÉTRO D’ABIDJAN : L’INDEMNISATION DES PERSONNES IMPACTÉES A DÉBUTÉ En débutant officiellement la remise de chèques aux personnes affectées par le projet (PAP) de la ligne 1 du Métro d’Abidjan, le 10 août 2021, le gouvernement ivoirien entend tout mettre en œuvre pour réussir le programme de réalisation de cet important projet de mobilité urbaine pour la capitale économique ivoirienne. Accompagné du Ministre des Transports, le Premier Ministre, Patrick Achi a donné le coup d’envoi de l’opération. Le Premier Ministre a assuré de la disponibilité des fonds pour mener à bien cette opération. Le

processus d’indemnisation concerne 8 090 personnes : il débute par les 8090 personnes de la Zone Nord, à savoir les communes d’Anyama, d’Abobo, d’Adjamé, et Plateau. Elle se terminera par la Zone Sud, notamment les communes de Treichville, de Marcory et de Port-Bouët. Il est important de souligner que cette opération de remise de chèque fait partie d’un processus débuté depuis 2018. Il a consisté en des séances de consultations publiques, la gestion des plaintes, des négociations individuelles et la signature des certificats de compensation.

Par ailleurs, parallèlement à cette opération d’indemnisation et selon les besoins de l’entreprise en charge des travaux de réalisation du Métro d’Abidjan, une première phase de libération des emprises a été réalisé dans la Zone Nord. La ligne 1 du Métro d’Abidjan est longue de 37,4 Km du Nord au Sud. Elle comprend deux voies, 18 stations, 21 ponts rails et routes, 1 pont viaduc sur la lagune Ébrié. Le trafic attendu à terme est de 550 000 passagers par jour.


© Nabil zorkot pour JAMG

© Jacques Torregano / Divergence pour JAMG

COMMUNIQUÉ COMMUNIQUÉ

L’administration s’est dotée d’outils modernes afin d’assurer la sécurité des usagers et des biens de Côte d’Ivoire.

Quipux Afrique. Celui-ci s’appuie sur le déploiement d’un réseau de radars fixes et embarqués, destinés à la détection électronique des infractions au Code de la route. La vidéo mise en œuvre par la vidéo-verbalisation est associée à un système de gestion automatisée des amendes et à la mise en place d’un système d’information sur les accidents de la route.

LA SOTRA AMÉLIORE LA MOBILITÉ URBAINE À L’INTÉRIEUR DU PAYS

Après plus de 3 mois de sensibilisation, la vidéo-verbalisation est entrée dans sa phase active le 7 septembre 2021 à Abidjan, à la suite de la prise de textes réglementaires en la matière. Elle a pour objectifs, entre autres, d’améliorer significativement la sécurité routière ; de doter l’administration d’outils modernes en vue d’une meilleure maîtrise de la mobilité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national ; et de favoriser le changement progressif du comportement des usagers sur les routes. Afin d’accompagner les usagers dans ce nouveau processus, le Ministre des Transports a mis en place un centre d’assistance technique, le call center 1302, qui enregistre en moyenne

© Sia Kambou pour JAMG

Bouaké, capitale du centre de la Côte d’Ivoire, est un carrefour commercial réputé pour la forte densité de sa population multiculturelle, mais aussi pour le flux important de personnes en séjour ou de passage, estimé à près de 4 millions par jour. Un défi pour le secteur du transport dans un environnement où l’essentiel des moyens de transport dans cette ville est assuré par les taxis-villes, les mototaxis et les minicars, vétustes, inadaptés et insuffisants pour répondre au besoin des populations. Aussi, pour améliorer la mobilité urbaine sur toute l’étendue du territoire national et en prélude à la Coupe d’Afrique des Nations 2023, l’État a décidé d’étendre l’activité de la Société de Transport Abidjanais (SOTRA) à Bouaké et aux grandes villes du pays. La cérémonie de lancement officiel de la présence de la SOTRA à Bouaké a eu lieu le 24 septembre 2021, en présence du Premier Ministre Patrick Achi, de plusieurs membres du gouvernement et des populations en liesse.


CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Performances publiques

400 demandes par jour. Et depuis la mise en œuvre effective de la vidéo-verbalisation le 7 septembre 2021, une nette amélioration de la circulation dans la capitale économique ivoirienne est constatée. En attendant une extension sur toute l’étendue du territoire ivoirien, avec la vidéo-verbalisation, les routes abidjanaises deviennent déjà plus sûres, car chaque usager est désormais conscient qu’il est suivi. D’autres projets relatifs à la mobilité dans le Grand Abidjan sont à l’étude en vue de fluidifier davantage la circulation.

Le Ministre des Transports a mis en place un centre d’assistance technique, le call center 1302, qui enregistre en moyenne 400 demandes par jour

Une formation renforcée des acteurs de la route Dans une approche systémique de la question de la sécurité routière, l’État, à travers le Ministère des Transports, a axé un pan de sa politique sur le renforcement de capacité des acteurs du routier en vue de la professionnalisation du secteur pour une excellente qualité de transport. Ainsi, il faut désormais être titulaire d’un Certificat d’Aptitude à la Conduite Routière (CACR) pour prétendre être chauffeur professionnel en Côte d’Ivoire. Un diplôme qui sera délivré après une formation de 6 mois. Elle prendra en compte la dimension du « savoir être » lié au « savoir conduire ». Le contenu de la formation va, par conséquent, porter non seulement sur la conduite mais, également sur la maintenance des voitures, la réglementation et le secourisme. Ceci impose un renforcement des capacités des moniteurs d’autoécoles d’une part, et, d’autre part, une harmonisation de l’enseignement dans les différentes auto-écoles. Ces actions témoignent de l’engagement du gouvernement à mener la campagne de la sécurité routière avec des moniteurs bien formés.

En formant les moniteurs, en charge de former les candidats aux tests de permis de conduire, l’Etat vise à inculquer un outil pédagogique adapté et capable d’influencer le comportement sécuritaire, coopératif et responsable sur la route. « Une auto-école n’est plus un lieu où est enseigné simplement à apprendre le nombre des panneaux de signalisation ou le nom des équipements routiers, mais un endroit où l’on va aussi pour apprendre à se conduire sur la route », souligne le ministre des Transports, Amadou Koné.

Le Projet de Renouvellement du Parc Automobile, initié par le Gouvernement, à travers le Ministère des Transports, constitue une réponse stratégique à la problématique de la vétusté des véhicules. Ce projet vise à assainir le secteur et à contribuer efficacement à l’amélioration des conditions de travail et de voyage de la population. Ce projet a plusieurs composantes : un partenariat avec une institution financière internationale et une firme automobile étrangère portant sur la fourniture de véhicules de modèles différents ; un volet dédié aux Taxis Ivoire, de dernière

génération ; et un partenariat avec le Groupe de la Banque Mondiale et la Société Financière Internationale portant sur la fourniture de véhicules à usage de taxis compteurs et communaux Les résultats constatés à ce jour sont satisfaisants avec la mise en circulation de 500 véhicules à usage de taxis compteurs et de 832 véhicules de types camions, camionnettes, cars et minicars

la mise en circulation de 300 camions gros porteurs dans le cadre du PAMOSET en collaboration avec le Groupe de la Banque Mondiale et la Société Financière Internationale ; ainsi que de 1 500 minicars et 2000 taxis compteurs et communaux dans le cadre du PMUA en collaboration également avec ces deux organismes.

Le projet prévoit, notamment, le renforcement du parc des taxis compteurs et communaux et des minicars à raison de 500 véhicules neufs au moins par an ;

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RENOUVELLEMENT DU PARC AUTOMOBILE : UN PROJET À GRANDE ÉCHELLE


GRAND FORMAT ABIDJAN

GESTION LOCALE

Ces maires qui changent tout

Élus en 2018 dans un contexte politique marqué par des tensions entre le RHDP, au pouvoir, et le PDCI, ils se sont attelés à la modernisation de leurs municipalités en multipliant les projets innovants. AÏSSATOU DIALLO

JEAN-MARC YACÉ

COCODY S’ANIME

« Toujours une cité d’excellence »

« La particularité de Cocody, c’est sa richesse culturelle. On y compte 11 villages, dont 6 atchans et 5 attiés, en plus des différents quartiers. Le moderne et le traditionnel s’y côtoient », se réjouit-il. Officier de l’armée à la retraite, ceinture noire de taekwondo – en lice pour la présidence de la fédération ivoirienne de la discipline –, Jean-Marc Yacé cultive son image de maire de proximité. Il dit vouloir apporter son expérience acquise au sein du secteur privé dans la gestion de la commune. D’ici à 2023, celle-ci sera notée afin

MAIRIE COCODY

C’est à l’issue des municipales très disputées de 2018 que Jean-Marc Yacé, 60 ans, s’est hissé à la tête de Cocody, l’une des plus grandes communes d’Abidjan, avec ses 132 km2 (une trentaine de plus que la ville de Paris). Il avait alors battu l’édile sortant, Mathias Aka N’Gouan, un poids lourd du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui se présentait sous les couleurs du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), en pleine crise politique entre les deux partis. Fils d’une famille influente du paysage politique, Jean-Marc Yacé, lui, avait eu le soutien du PDCI. Il est le neveu de Philippe Yacé, un ancien président de l’Assemblée nationale et ami de Félix Houphouët-Boigny, et un proche d’Henriette Bédié, l’épouse de l’ancien président Henri Konan Bédié. d’obtenir des financements pour ses chantiers. « La pandémie de Covid-19 a ralenti certains de nos projets, mais, d’ici au début de 2022, nous comptons renouveler notre parc de taxis communaux. Nous travaillons également à réduire le nombre de véhicules qui circulent dans la commune. Pour cela, nous avons lancé une étude et sommes en discussion avec les autorités », explique-t-il. Jean-Marc Yacé poursuit également les projets d’aménagement de trottoirs et de reverdissement lancés sous l’ancien

maire. Il compte rapprocher la mairie des administrés en créant des extensions dans différents sites, et en permettant de faire des démarches sur internet. Cocody a une image de commune riche, longtemps perçue comme une ville-dortoir pour l’élite abidjanaise. Pour Jean-Marc Yacé, c’est désormais du passé : « Il y a de plus en plus d’activités. Des sociétés, des administrations et des commerces s’installent. Cocody n’est plus seulement un dortoir. C’est toujours une cité d’excellence, mais avec plus de diversité. » JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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GRAND FORMAT ABIDJAN

IBRAHIM CISSÉ BACONGO

JACQUES EHOUO

UNE « SMART CITY » SUR UN PLATEAU À 49 ans, Jacques Ehouo est à la tête de la commune la plus puissante d’Abidjan : le Plateau. Elle abrite non seulement le centre des affaires de la capitale économique, mais aussi la présidence, les ministères et les sièges de nombreuses institutions internationales. Le Plateau suscite la convoitise des partis politiques, et les municipales de 2018 avaient été le théâtre d’une lutte impitoyable pour en prendre le contrôle.

Un espace vert et connecté

Homme d’affaires actif dans le domaine de l’agroalimentaire, Jacques Ehouo a été désigné pour porter les couleurs du PDCI lorsque l’influent Noël Akossi Bendjo, dont il est proche, avait été révoqué de ses fonctions de maire du Plateau. Jusque-là inconnu du grand public, il avait alors dû faire face à Fabrice Sawegnon, u n p r o c h e d ’A l a s s a n e Ouattara. Mais les poursuites judiciaires à son encontre pour détournement de fonds, en 2019, puis la mise sous tutelle de la commune après l’élection du conseil municipal l’ont propulsé sur le devant de la scène. Une séquence dont le maire estime toutefois qu’elle appartient désormais au passé. « Aujourd’hui, nous devons prouver par les résultats que

nous méritons d’être là. Nous avons été élus sur un programme que nous voulons mettre en place », insistet-il. Il veut faire du Plateau une smart city : un espace vert et connecté. Selon lui, cela commence par la réduction du nombre de véhicules qui y entrent chaque jour – environ 150 000 – en redonnant de l’espace aux piétons d’ici à 2022. Les embouteillages sont l’un des problèmes majeurs au sein de la commune. Jacques Ehouo a un projet de construction de parkings en silo à la périphérie. « Nous mettrons aussi en place des navettes électriques et des VTC intra-muros, et nous créerons des stations de location de vélos en libre-service devant les écoles, les gares de bateaux et les lieux de rendez-vous pour les covoiturages. » Au début d’octobre, Jacques Ehouo était à Paris, où il a rencontré des patrons d’entreprises françaises. La commune a entamé des démarches pour se faire noter afin de bénéficier de financements à l’international. Le maire a aussi lancé la modernisation de l’état civil et compartimenté la police municipale en trois brigades chargées de la circulation, de la salubrité et des interventions liées à la sécurité.

Depuis son élection, en 2018, Ibrahim Cissé Bacongo a métamorphosé Koumassi, l’une des communes les plus peuplées d’Abidjan. Le député-maire, qui avait pour slogan de campagne « Koumassi autrement, c’est possible », est en passe d’atteindre son objectif. Il a multiplié les opérations de déguerpissement de commerces anarchiques et dégagé les artères principales de la ville. Il a aussi fait de l’assainissement et de la sécurité ses priorités. En plus de changer l’image de la commune, Ibrahim Cissé Bacongo espère y développer des pôles d’activités en regroupant les professionnels dans des lieux spécifiques. En novembre 2019, il a notamment inauguré la Bourse du bois, un espace aménagé pour accueillir les travailleurs du secteur. Il a également regroupé les garagistes et artisans de la commune sur un même site. Le forum Investir à Koumassi, qu’il a lancé, a pour but d’attirer les entreprises dans sa commune.

Un fidèle de Ouattara

Juriste de formation, Ibrahim Cissé Bacongo est un cadre du RHDP et un fidèle d’Alassane Ouattara. Le 26 juillet, il a été nommé conseiller spécial du président chargé des affaires politiques, avec rang de ministre. Il aura pour mission, avec d’autres caciques, de restructurer le parti au pouvoir, dans un contexte où l’opposition se prépare pour la présidentielle de 2025. Laurent Gbagbo, rentré de la Cour pénale internationale après une dizaine d’années, vient de lancer son parti. Et le PDCI, d’Henri Konan Bédié, lui, est aussi en pleine réorganisation. Depuis le décès du Premier ministre Hamed Bakayoko, le maire de Koumassi est aussi l’un des derniers « vrais » politiques parmi les proches du président, lequel a plutôt eu tendance, récemment, à s’entourer d’une équipe de technocrates. Le retour au palais présidentiel d’Ibrahim Cissé Bacongo permettra aussi de préparer le dialogue avec l’opposition dans le cadre d’une réconciliation nationale. Il avait déjà été sollicité par Alassane Ouattara pour travailler sur la réforme constitutionnelle de 2016.

FB IBRAHIM CISSÉ BACONGO

PAUL AKO

LE MINISTRE DE KOUMASSI


Performances publiques CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE, DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE L’INNOVATION

LA TRANSFORMATION DIGITALE, OUTIL DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL DE LA CÔTE D’IVOIRE Entretien avec Roger Félix Adom, Ministre de l’Économie numérique, des Télécommunications et de l’Innovation Monsieur le Ministre, quel bilan pouvez-vous dresser concernant le 27e congrès de l’Union Postale Universelle (UPU) qui s’est tenu à Abidjan du 9 au 27 août 2021 ? La tenue de ce congrès représentait un double défi. D’une part, en raison de la dimension de l’évènement qui a rassemblé 3000 délégués pendant une durée exceptionnelle : trois semaines. Abidjan a démontré, une fois de plus, sa capacité à organiser des événements de taille mondiale et son attractivité en matière de tourisme d’affaires. L’autre défi concernait la capacité à accueillir et organiser ce congrès en dépit de la pandémie du Covid-19. La formule hybride, combinant le présentiel et le digital, a été retenue et a bien fonctionné. Pour toutes ces raisons je pense que le bilan est très positif. Quelle est la stratégie voulue par S.E.M. le Président de la République en matière d’économie numérique ? À travers le Plan Stratégique Côte d’Ivoire 2030, la Côte d’Ivoire a fixé un nouveau cap en misant sur la transformation structurelle de son économie avec pour objectif d’atteindre une croissance forte, soutenue et durable. Le développement de l’économie numérique est l’un des principaux piliers de cette transformation. La « Stratégie numérique de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2025 » incarne l’ambition du Gouvernement d’accélérer la digitalisation pour faire de la Côte d’Ivoire un pays majeur en termes d’innovation et repose sur 7 piliers. Nous souhaitons que la part de l’économique numérique passe de 12 % actuellement à 25 % en 2030. Notre approche est globale. Elle repose sur la création d’une infrastructure numérique mais aussi sur la vulgarisation de l’utilisation du digital aux populations, sur la formation du capital humain et l’encouragement à la création d’un écosystème de l’économie numérique avec l’ensemble des parties prenantes : l’administration publique, les entreprises privées, les startups et les acteurs internationaux (startups, investisseurs, fonds, etc.). Compte tenu de sa position en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire peut être un hub sousrégional en matière d’innovation et de technologie.

« Notre ambition est de faire de la Côte d’Ivoire un hub sous-régional en matière d’innovation et de technologie sur les 5 prochaines années » LES 7 PILIERS DE LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE DE LA CÔTE D’IVOIRE 1. Déployer une infrastructure numérique qui permet un accès abordable aux services numériques pour les populations sur toute l’étendue du territoire national. 2. Concevoir et mettre en place une administration connectée au service du citoyen, des entreprises, ainsi que la diffusion des services numériques dans les tous secteurs économiques. 3. Accroître la contribution des services financiers numériques à l’inclusion financière des populations et au développement du commerce électronique. 4. Développer les compétences numériques par la formation du capital humain nécessaire à la croissance de l’économie numérique ivoirienne. 5. Développer une industrie du numérique créatrice d’emplois et de richesse grâce à la promotion de l’innovation. 6. Renforcer la cybersécurité afin d’assurer la confiance et la sécurité dans l’utilisation des services et outils numériques. 7. Créer un environnement des affaires propice à l’investissement et à l’entreprenariat en s’appuyant sur le numérique.


COMMUNIQUÉ

Allocution de Roger Félix Adom, Adom lors du 27e Congrès postal universel, universel à Abidjan.

Pouvez-vous nous mentionner quelques projets dans le cadre de cette stratégie ? Au vu de l’importance que revêt l’agriculture dans notre pays, nous avons lancé le Programme de Solutions numériques pour le Désenclavement des zones rurales et l’e-Agriculture (PSNDEA), qui a pour objectif principal, d’accroitre l’accès aux services numériques dans les zones rurales et l’usage des plateformes numériques pour améliorer la productivité agricole et l’accès aux marchés. Nous souhaitons donner des outils aux agriculteurs pour qu’ils puissent pleinement profiter des fruits de leur travail et améliorer leurs revenus. Je souhaiterais mentionner le Startup Act qui a pour objectif principal de créer un environnement favorable au développement d’un écosystème de l’économie numérique en Côte d’Ivoire. Il s’agit de favoriser la création et le développement des

Abidjan, Abidj le l 15 octobre t b 2021, 2021 présentation é t ti de d l’avant-projet l’ t j t de d loi, l i dénommé « Startup Act » par Roger Félix Adom.

startups ivoiriennes mais aussi de capter davantage de capitaux étrangers. Le projet de loi inclut des dispositions en matière d’avantages (fiscaux notamment), de labellisation des startups, cybersécurité, etc. Quel est votre message à l’intention des acteurs étrangers du numérique (startups, entreprises, investisseurs, etc.) ? La Côte d’Ivoire offre une conjonction exceptionnelle d’atouts : stabilité politique ; croissance économique régulière de 8 % par an depuis dix ans, à l’exception de 2020 en raison du Covid-19 ; existence de compétences humaines et d’entrepreneurs ivoiriens dynamiques ; et respect des règles du jeu. Le Gouvernement de la Côte d’Ivoire souhaite que les acteurs étrangers du numérique soient une partie prenante stratégique du processus de développement de l’économie numérique. Mon message est simple : ayez confiance en nous !

Roger Félix Adom,

Ministre de l’Économie numérique, des Télécommunications et de l’Innovation

Né en 1966 à Paris, de parents ivoiriens, Roger Félix Adom obtient son diplôme d’ingénieur à l’École nationale supérieure de mécanique, devenue l’École centrale de Nantes, et complète sa formation avec un MBA de l’Institut d’administration des entreprises de Paris. Il commence sa carrière en tant que consultant au sein du groupe Capgemini puis dans le cabinet EY (entreprise). En juillet 2003, il occupe le poste de Directeur des systèmes d’information du groupe Orange Côte d’Ivoire avant d’en devenir Directeur Général Adjoint. En 2010, Ro-

ger Adom est promu au sein du groupe Orange France basé à Paris, où il devient Directeur des systèmes d’information de la zone Afrique, Moyen-Orient, et Asie. En mars 2017, Roger Adom rejoint la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan, en tant que directeur des technologies de l’information. En mars 2020, il est nommé Directeur Général de Vivendi Afrique en Côte d’Ivoire, un poste qu’il occupe pendant quelques mois, avant de rejoindre le Gouvernement

de la Côte d’Ivoire. Il est en effet nommé ministre de la Modernisation de l’administration et de l’Innovation du service public, le 13 mai 2020, puis ministre de l’Économie numérique, des Télécommunications et de l’Innovation, le 6 avril 2021. Lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, qui a lieu le 8 avril 2021, le ministre est élevé au rang de commandeur de l’ordre du Mérite ivoirien de l’Économie numérique. Le 15 octobre 2021, il reçoit la distinction au grade d’Officier de l’Ordre National.

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L’ÉLABORATION ET LE PILOTAGE DE LA STRATÉGIE NUMÉRIQUE CONFIÉS À UN EXPERT RECONNU


GRAND FORMAT ABIDJAN

LUXE

La seconde vie du Lepic Villa Hotel Depuis son rachat et sa rénovation, en 2019, cet établissement singulier situé à Cocody s’est imposé comme une adresse incontournable pour les personnalités à la recherche d’un lieu discret et calme dans l’effervescente capitale économique.

C’est au fond d’une impasse, rue Lepic, dans la commune huppée de Cocody, qu’est niché l’établissement. Ne comptez pas sur des panneaux ou des écriteaux pour vous signaler l’endroit. Murs blancs, portail blanc. L’entrée est intentionnellement sobre. L’adresse se repasse grâce au bouche-à-oreille. « Nos clients viennent ici pour être à l’abri des regards, pour se sentir protégés et avoir la sensation de s’évader d’Abid­ jan, alors même que nous sommes au

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JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

Joel Bohui, directeur de cette « boutique hôtel » devenue incontournable.

cœur de la capitale économique », explique l’Ivoirien Joel Bohui – qui a suivi des études d’hôtellerie en Afrique du Sud –, directeur du lieu depuis deux ans. C’est sous son impulsion que la « boutique hôtel » est montée en gamme, jusqu’à devenir cette adresse incontournable. Le Lepic Villa Hotel expose des œuvres de nombreux artistes. Face au bar, près de la terrasse, se trouve une toile très pop du peintre Kadarik, un Français résidant à Abidjan. Au détour d’un escalier, on tombe sur une superbe série de portraits de la star ivoirienne DJ Arafat (décédé en 2019 dans un accident de moto) réalisée par le flamboyant photographe Louis Philippe de Gagoue, lui aussi disparu, cet été, à Abidjan. Quelques marches plus haut, une banquette rouge

ISSAM ZEJLY POUR JA

À l’abri des regards

A ISS

P

our le Nouvel An, la superstar congolaise de la musique Fally Ipupa a choisi le Lepic Villa Hotel afin de donner une grande fête, avec des invités triés sur le volet. Plus récemment, c’est une princesse dubaïote qui a séjourné plusieurs jours dans l’une des chambres de cet établissement. Des ministres, des députés, des hommes d’affaires, des artistes, des footballeurs – comme Didier Drogba – s’y croisent et ont ici leurs habitudes. En quelques années, le Lepic Villa Hotel s’est imposé comme un lieu prisé de personnalités à la recherche de calme et de discrétion, un luxe dans l’effervescente capitale économique ivoirienne.

M ZE JLY POUR JA

FLORENCE RICHARD


GRAND FORMAT ABIDJAN

L’ancienne résidence du premier gouverneur d’Abidjan donne à sa clientèle, huppée, la sensation d‘être protégée et de s’évader de la ville.

JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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ISSAM ZEJLY POUR JA

GRAND FORMAT ABIDJAN

Le lieu a été imaginé au début des années 1980 par le Français Henri Chomette, architecte en chef de la ville d’Addis-Abeba dans les années 1950.

réalisée par l’artiste ivoirien Jean Servais Somian orne le palier. Ancienne résidence du premier gouverneur d’Abidjan, le Lepic Villa Hotel a été imaginé au début des années 1980 par le Français Henri Chomette, connu pour avoir été l’architecte en chef de la ville d’Addis-Abeba dans les années 1950 et à qui l’on doit notamment l’hôtel de ville d’Abidjan, inauguré en 1956, l’ambassade de France à Ouagadougou, en 1966, ou encore le Centre de conférences de Dakar, en 1979. L’hôtel a été racheté et rénové en 2019 par Yohannes Mekbebe, homme d’affaires américain d’origine éthiopienne, à la tête depuis cet été de la chambre de commerce américaine en Côte d’Ivoire. « Sa mère a eu un véritable coup de cœur pour l’endroit, qui était alors dans un état piteux », confie Joel Bohui. Et, tandis qu’à Abidjan se multiplient les hôtels qui appartiennent à de grandes chaînes internationales, le Lepic Villa Hotel tient à son indépendance. « C’est un endroit unique

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JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

ISSAM ZEJLY POUR JA

Comme à la maison

« Avec dix-sept chambres, je peux me targuer de connaître tous les clients », déclare le directeur, Joel Bohui.

de par son histoire et son positionnement. Avec dix-sept chambres, je peux me targuer de connaître tous les clients et d’être aux petits soins pour eux. Nous voulons que chaque hôte se sente comme à la maison », insiste le directeur. Une vingtaine de personnes y sont employées, de l’administration aux cuisines

– le restaurant dispose de soixante places. Une extension ainsi que certaines rénovations, comme celle du spa, sont en projet. Joel Bohui, qui est aussi titulaire d’un diplôme de sommelier, entend également développer prochainement une solide carte des vins pour ses clients, exigeants.


Performances publiques

COMMUNIQUÉ

CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

Le canal de Vridi élargi et approfondi.

VVue d’ensemble d’ bl du d Terminal T i l roulier li achevé h é (à gauche) h ) et du d TC2 en construction (à droite).

PORT AUTONOME D’ABIDJAN :

UNE PLATEFORME EN PLEINE ÉVOLUTION Ouvert à la navigation en 1951, le Port d’Abidjan, principale porte maritime de la Côte d’Ivoire, a toujours joué un rôle économique important, d’où son appellation très évocatrice de « poumon de l’économie nationale ». Les investissements engagés devraient renforcer sa position de hub portuaire et logistique en Afrique de l’Ouest.

E

n 2020, 76,61 % des échanges extérieurs (en volume) du pays ont été effectués à partir des installations portuaires d’Abidjan et les services des douanes y ont perçu 76,45 % de leurs recettes nationales. Leader sur la côte ouest-africaine, son trafic global de marchandises est en constante évolution. Sur les cinq dernières années, on enregistre une croissance de +16,6 % avec 25,3 millions de tonnes (Mt) en 2020 contre 21,7 Mt en 2016. Au niveau du trafic conteneurs, on note une progression de 19,58 %, avec 760 149 EVP en 2020 contre 635 647 EVP.

Pour apporter une réponse au manque d’investissements structurants pendant la décennie 2000-2010, l’Autorité portuaire a conçu et mis en œuvre, dès 2011, un plan stratégique basé essentiellement sur la modernisation des infrastructures existantes et la construction de nouvelles pour répondre aux exigences du secteur.

Des investissements multiples Ainsi, ont été réalisés plusieurs projets dont les plus emblématiques sont : ● L’élargissement et l’approfondissement du Canal de Vridi, opérationnel depuis février 2019. La passe d’entrée du port d’Abidjan, ainsi redimensionnée, permet désormais au premier port ivoirien d’accueillir convenablement des navires d’une capacité de 14 000 EVP sans limitation de longueur. ● Le deuxième Terminal à Conteneurs (TC2), dont les travaux de construction des infrastructures sont terminés. Il est bâti sur 37,5 hectares et dispose de trois postes à quai avec un tirant d’eau de 16 mètres. Il sera opérationnel au début du second semestre 2022, après l’achèvement de la mise en place, par le concessionnaire, des superstructures dont la première pierre a été posée par le Président de la République, S.E.M Alassane Ouattara, le 5 octobre 2020.


CÔTE D’IVOIRE

Performances publiques

MINISTÈRE DES TRANSPORTS

En outre, les dispositions prévues sur le second terminal à conteneurs apporteront un plus à la gestion de l’environnement. En effet, ce terminal ultra-moderne offrira des solutions digitales connectées et sera respectueux des normes environnementales. Grâce aux équipements entièrement électriques, il sera labélisé « Green Terminal » pour sa faible émission de CO2. Au titre de la gestion financière, une amélioration notable est à souligner, au regard de la bonne notation attribuée au PAA par l’agence de notation Bloomfield Investment Corporation, qui s’est établie, en 2020, à A- pour le court terme avec perspective stable et AA- pour le long terme avec perspective stable. Projet de décongestion du complexe Ville Ville-Port. Port ●

Des perspectives encourageantes

Le Terminal Roulier, opérationnel depuis mars 2018. Il dispose de 8 hectares de terre-pleins et de deux postes à quai avec 14 mètres de tirant d’eau. Grâce à cette infrastructure, le Port d’Abidjan ambitionne d’être la première plateforme logistique pour le transit des engins roulants à destination des pays sans littoral de la sous-région ouest africaine, avec une perspective de trafic estimée à 70 000 véhicules par an.

L’ambition de l’Autorité portuaire est de transformer le Port d’Abidjan afin qu’il devienne un véritable complexe industrialo-portuaire avec des zones franches développées sur ses réserves foncières de 3 500 hectares, sur l’Ile Boulay et à l’ouest du canal de Vridi.

L’ensemble de ces trois projets représentent un investissement global de 933,4 millions de dollars US, financé grâce à un accord de prêt avec l’Eximbank Chine. ●

Cela va nécessiter la réalisation d’infrastructures de desserte pour permettre la décongestion totale du port et de la ville d’Abidjan. Ainsi seront réalisés : ● Un franchissement de la baie de Biétry par une liaison Vridi-Boulevard de Marseille. ● Un tunnel sous le canal de Vridi couplé à une rocade entre la zone portuaire et le pont de Jacqueville (60 km à l’ouest d’Abidjan). ● Un parking de stationnement des camions en dehors du port.

Le Terminal Céréalier, dont les travaux lancés le 16 janvier 2020, avancent à un rythme satisfaisant. À terme, l’ouvrage permettra au Port d’Abidjan de devenir le principal hub pour la redistribution des céréales qui sont importées en grandes quantités chaque année par les États de la sous-région pour les besoins de consommation des populations. Ce projet est financé à hauteur de 102 millions de dollars US, à travers un accord de coopération avec le gouvernement japonais.

Avec toutes les infrastructures en cours et prévues, le Port d’Abidjan consolidera davantage sa compétitivité et accroîtra son trafic global de marchandises qui devrait atteindre, selon les données prévisionnelles du Port Autonome d’Abidjan, 39,1 millions de tonnes en 2030 en partant de 26,2 millions de tonnes en 2021.

Des performances reconnues

Quant au trafic conteneurs, il est prévu 783 000 EVP en 2021 et 1,87 MEVP en 2030.

Outre les projets de développement infrastructurels, la compétitivité du Port d’Abidjan repose également sur la qualité de ses prestations et sa gouvernance. Ainsi, des efforts ont été consentis pour améliorer les conditions d’exploitation du port, en vue de l’obtention et du maintien des certifications aux normes qualité ISO 9001 version 2015 sur l’accueil des navires et 14001 version 2015 sur la gestion environnementale. Les installations du Port d’Abidjan sont reconnues conformes aux exigences du code ISPS depuis juillet 2004, grâce aux importants investissements réalisés pour maintenir un bon niveau de sûreté.

Trafic Total (en millier de tonnes) 45 000 40 000 35 000 30 000

25 000

25 351

26 259

2020

2021

27 789

28 991

29 889

2023

2024

31 347

33 617

35 423

37 011

38 660

39 107

2029

2030

20 000 15 000 10 000 5 000 -

2022

2025

2026

2027

2028


COMMUNIQUÉ

Image du Plan directeur du port de San Pedro et des zones d’influences.

PORT AUTONOME DE SAN PEDRO :

LES GRANDS CHANTIERS Le plan directeur de développement du port de San Pedro à l’horizon 2035 prévoit une extension et une modernisation des infrastructures du port de San Pedro ainsi qu’une augmentation de ses capacités opérationnelles. Les investissements réalisés jusqu’ici ont permis un accroissement du trafic et une amélioration des indicateurs de l’activité portuaire.

E

n 1968, la Côte d’Ivoire entreprend la plus importante des opérations de développement de la première décennie de son indépendance nationale, « l’Opération San Pedro ». Il s’agit de mettre en valeur une région restée jusqu’alors en marge du « miracle » ivoirien, le Sud-Ouest du pays, une région aux potentialités économiques considérables en ressources agricoles, minières, forestières et touristiques. Mais c’est une région enclavée qui fait frontière avec le Liberia à l’Ouest, bordée par l’Océan Atlantique au Sud et ses périphéries orientale et septentrionale, à peine effleurées par le réseau routier existant, s’étendent jusqu’à l’Est de la Guinée et au Sud du Mali.

Des infrastructures déficientes Le moteur de l’opération : un port, qui est créé de toutes pièces à San Pedro, à quelques 350 km à vol d’oiseau à l’ouest d’Abidjan. Premier port en eau profonde construit en Côte d’Ivoire, les activités du port de San Pedro furent lancées en mai 1971 avec l’accueil du navire « Korhogo » de l’ancienne Société Ivoirienne des Transports Maritimes (SITRAM). Il fut officiellement inauguré le 4 décembre 1972 par Son Excellence Feu le Président Félix Houphouët-Boigny.

Le port de San Pedro est investi d’une double mission consistant, d’une part à stimuler l’économie de l’Ouest ivoirien et, d’autre part, à promouvoir la coopération régionale en offrant un débouché maritime aux régions limitrophes sans littoral, notamment le Mali et la Guinée Forestière. La croissance des activités du port de San Pedro n’a malheureusement pas été suivie ni du développement de nouvelles infrastructures, ni de l’entretien requis pour les ouvrages et équipements existants. En outre, en raison de la crise économique des années 80, « l’Opération San Pedro » fut dissoute. Ainsi, les infrastructures du port, sous le poids de l’exploitation et en absence d’investissements adéquats, se sont graduellement dégradées jusqu’à atteindre un niveau critique au début des années 2000. Cette situation a affecté le fonctionnement, l’attractivité, la performance et la compétitivité du port de San Pedro. Le port a été victime de son exiguïté, de la mutation de la structure du trafic du port de commerce, de l’augmentation de la taille des navires susceptibles d’accoster au port et de l’inadéquation des voies de desserte de son hinterland.


Travaux de construction du Terminal Industriel Polyvalent de San Pedro

Un nouveau départ Afin de pallier le dysfonctionnement de ses équipements et résorber sa déficience infrastructurelle, la Direction Générale du Port Autonome de San Pedro (PASP) a réalisé en 2012, avec l’appui de l’Union Européenne et de la Banque Africaine de Développement (BAD), le plan directeur de développement du port de San Pedro à l’horizon 2035 et les études de faisabilité technique, juridique, économique et financière afférentes au Projet d’extension et de modernisation du port de San Pedro.

DE NOUVEAUX PROJETS EN VUE • La poursuite de la mise en œuvre du plan directeur de développement en 2022 permettra de renforcer la compétitivité du port de San Pedro en disposant d’une offre de services diversifiés et d’une plus grande faculté d’amélioration de performances. Plusieurs projets sont prévus : • Le déplacement et l’extension du terminal à conteneurs : deux postes à quai longs de 806 mètres sont prévus. Ils devraient permettre d’accueillir simultanément deux navires d’une capacité de 14 000 EVP et offrir 30 hectares de terre-pleins. La capacité de manutention sera portée à 1 million d’EVP/an. • L’achèvement de la construction et l’exploitation d’un terminal industriel polyvalent (TIPSP) : il s’agit de deux quais de 300 mètres de linéaire avec une profondeur de 15 mètres. La superficie prévue est de 14 hectares. Le nouveau terminal sera dédié au trafic de minerais (fer, manganèse, clinker, engrais, etc.). • L’aménagement et l’exploitation d’un terminal polyvalent commercial (TPCSP) dans l’enceinte portuaire actuelle, sous douane, pour le traitement de marchandises conventionnelles, le trafic roulier, l’exportation d’huile de palme et l’importation de céréales. • L’aménagement d’une zone économique industrielle de 150 hectares dans le domaine portuaire. • La réalisation des études et des travaux du Grand Terminal minéralier relié au chemin de fer San Pedro-Man.

Performances publiques

Grues Mobiles du Terminal de San Pedro.

Le nouveau programme de réhabilitation et de développement des infrastructures portuaires a été conçu pour étendre et moderniser les infrastructures du port de San Pedro et augmenter ses capacités opérationnelles. La construction du terminal industriel polyvalent de San Pedro a été lancée : les travaux sont pratiquement achevés (taux de réalisation de 80 % en septembre 2021). Les investissements en équipements ont permis de faire passer le nombre de grues mobiles de 3 en 2011 à 8 en 2021. Le temps d’attente des navires a été ramené de 60 heures à 40 heures. La qualité du management a été améliorée : le port a reçu trois certifications des activités aux normes qualité ISO 9001 version 2015, ISO 14001 et ISO 45 001. Les résultats opérationnels et financiers de l’activité portuaire à San Pedro sont en hausse constante depuis 2011. Le trafic global annuel de marchandises est passé de 1,8 million de tonnes (Mt) en 2011 à 5,1 Mt en 2019 et frôle aujourd’hui les 6 Mt, soit une progression de 233 %. Le chiffre d’affaires est en progression continue depuis 2011 avec un taux de croissance annuel de 10 %. Les recettes douanières collectées au port de San Pedro sont en hausse constante, puisqu’elles sont passées de 130 milliards de F CFA en 2011 à 204 milliards de F CFA en 2020 (+57 %). TRAFIC GLOBAL DE MARCHANDISES 2011 - 2021 7 000 000 6 000 000 5 000 000 4 000 000

JAMG - © Droits réservés

CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DES TRANSPORTS

3 000 000 2 000 000 1 000 000

2011

2012

2013

2014

ORIGINE DESTINATION

2015

2016

2017

TRANSBORDEMENT

2018

2019

2020

2021

TOTAL MARCHANDISES

www.transports.gouv.ci


GRAND FORMAT ABIDJAN

LOISIRS

Sidick Bakayoko, ambassadeur de l’e-sport

À la tête de sa société Paradise Game, cet ingénieur en informatique est devenu le principal animateur du secteur des jeux vidéo en Côte d’Ivoire.

JULIEN CLÉMENÇOT

D

ici à quelques semaines, un millier de jeunes viendront de tous les quartiers de la capitale économique – et parfois de bien plus loin – au centre commercial Cosmos, à Yopougon, pour en découdre. Les autorités ne s’inquiètent pas, les combats resteront virtuels. Une dizaine de tournois d’e-sport (sport électronique) vont être organisés du 25 au 28 novembre à l’occasion de la 5e édition du Festival de l’électronique et du jeu vidéo d’Abidjan (Feja5). « Au total, nous distribuerons 10 000 euros de prix », se réjouit Sidick Bakayoko, créateur, en 2019, de ce rendez-vous et fondateur de la société Paradise Game. Piqué aux jeux vidéo depuis ses études en informatique aux ÉtatsUnis, Sidick Bakayoko, qui a commencé par travailler dans le secteur des télécoms, est aujourd’hui l’un des principaux ambassadeurs de l’e-sport en Afrique de l’Ouest. « J’ai commencé avec ma sœur Bintou, en 2017, en louant quelques consoles aux opérateurs de télécoms en marge de concerts. D’abord trois, cinq, puis une dizaine », se souvient-il. Sur le continent, le secteur en est à ses balbutiements. Les compétitions d’e-sport pèsent moins de 5 millions dollars en Afrique du Sud, selon le site Statista, quand ses revenus atteignent 1 milliard au niveau mondial, portés par le sponsoring, les droits médias, la publicité et les ventes de billets. Mais l’écosystème se structure, assure Sidick Bakayoko : « Chaque mois, je parle aux responsables de

RODGER BOSCH/AFP

À son initiative, Yopougon accueillera plusieurs tournois d’e-sport du 25 au 28 novembre.

Bandai Namco [poids lourds japonais du jeu vidéo]. Il y a trois ans, je n’étais pas sur leurs tablettes. » Les compétitions internationales, qui, jusqu’à récemment, excluaient le continent, s’ouvrent aux joueurs d’Afrique du Sud, du Nigeria, d’Égypte ou du Ghana.

Gros succès sur les smartphones

Difficile en revanche pour les studios locaux de se faire une place au soleil. « Quand vous développez un jeu avec quelques dizaines de milliers d’euros, vous ne pouvez pas rivaliser avec des créations dont les budgets atteignent des dizaines de millions de dollars », constate l’entrepreneur. C’est sur les smartphones que les productions africaines rencontrent le plus de succès, enregistrant parfois plusieurs dizaines de milliers

de téléchargements. Pour les aider à grandir, Sidick Bakayoko a déjà emmené plusieurs créateurs africains dans des salons internationaux. Son souhait serait de voir les meilleurs nouer des partenariats avec de gros studios. « On n’y est pas encore, mais cela viendra », soutient-il. En attendant, il poursuit son « évangélisation » des masses à la télévision ivoirienne, où il anime chaque samedi Paradise Show, une émission consacrée aux jeux vidéo. En contact avec les autres promoteurs de l’e-sport en Afrique, Sidick Bakayoko se verrait bien dupliquer ses activités dans d’autres pays. « D’ici à dix-huit mois, nous aurons renforcé notre encadrement et nous serons prêts à lever de l’argent pour nous lancer. L’écosystème sera lui aussi plus mature », promet-il. JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

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GRAND FORMAT ABIDJAN

Tribune Gauz Écrivain ivoirien

Les Shawarmamas

«

L

a route précède le développement », disait HouphouëtBoigny. « Tout commence par la route », clament les pontes du FMI. Alors, imaginez une ville planifiée par des houphouëtistes passés par le FMI. Abidjan grandit, grossit, s’étire et s’étale en de larges et belles routes. Des balafres noir macadam sillonnent la ville dans tous les sens. Le développement ne doit pas être loin. Alors on chouchoute nos routes. On les confie aux Shawarmamas. Quand on circule en ville, il est impossible de ne pas remarquer cette armée de femmes âgées sur les grands boulevards. Consciencieusement, elles balaient le sable venu des plages où elles ne mettent jamais les pieds. Dans l’étuve géante tropicale, elles sont recouvertes, jusqu’aux phalanges gantées : uniforme vert, chapeau de paille et bottes de plastique. Je les surnomme les Shawarmamas parce qu’elles cuisent, chauffées au-dessus par le soleil et en dessous par le goudron. Sisyphe modernes des tropiques, elles passent et repassent sur le même ouvrage parce que cette ville est pauvre en beaucoup de choses, mais pas en sable. L’état permanent d’embouteillage obligeant à rouler au pas, les Shawarmamas profitent

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JEUNE AFRIQUE – N° 3106 – NOVEMBRE 2021

pleinement des gaz d’échappement. Elles sont gracieusement servies par des camions antédiluviens comme par des berlines dernier cri ou encore des « france-aurevoir », vieilles voitures importées d’Europe qui se refont une vie en voies de développement sur les routes africaines. Les Shawarmamas sont les témoins silencieuses du commerce florissant des embouteilleurs et embouteilleuses. Car à Abidjan, au moindre ralentissement, les routes pour lesquelles

Au moindre ralentissement, les routes se transforment en marchés bitumés. le pays s’endette sur les marchés financiers se transforment en marchés bitumés. Vendeurs et vendeuses apparaissent d’on ne sait où et se précipitent entre les voitures. Des légions d’enfants et de très jeunes adultes. Personne ne s’étonne qu’ils ne soient pas en classe, encore moins qu’ils « travaillent » à leur âge. Du sachet d’eau fraîche à l’électroménager, de l’artisanat local à la chinoiserie bancale, faire ses courses révèle tout son sens en

ces lieux et circonstances. Abidjan roads mall! Mouvement commercial par vitres interposées. L’argent circule au sens propre.

Ruissellement

Alors les Shawarmamas se courbent, passent le balai avec plus de vigueur. Pas seulement parce qu’un superviseur tranquillement assis à l’ombre les observe, mais parce qu’elles sont pleines de l’espoir que la route chérie fasse ruisseler un jour sur elles autre chose que des litres de sueur. L’espoir est tout ce qui reste à qui concède déjà tant en dignité à passer la journée à balayer une route qu’un camionbalai peut nettoyer en quelques minutes. Elles ne sont pas dupes. Elles savent que leur travail permet à quelqu’un d’engranger une meilleure marge bénéficiaire tout en clamant que lui, au moins, « offre » un emploi « à des centaines de nos mères ». Elles ont peu de choix pour ne pas que leurs enfants finissent comme ceux avec qui elles partagent la chaussée. Peut-être qu’à force de balayer les routes c’est l’ensemble du pays qui va devenir propre. Rester digne, s’accrocher à la symbolique. Quand la route aura définitivement mené au bonheur, peut-être se souviendra-t-on qu’un jour, à Abidjan, les camions-balais étaient des Shawarmamas.


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