JA3110 du 2 mars 2022 dossier logistique

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MARS 2022

NO 3110 – MARS 2022

NGOZI OKONJOIWEALA « L’essor de l’Afrique ? Ce n’est pas un mythe » MAROC Akhannouch va-t-il enfin passer à l’action ? 14 PAGES

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BOLLORÉ PORTS

Dossier Logistique

Pour satisfaire aux exigences du label Green Terminal, Bolloré Ports a commandé deux nouveaux tracteurs électriques Gaussin pour équiper Freetown Terminal en Sierra Leone.

PORTS

Trois innovations qui vont changer la donne Malgré la désorganisation provoquée par la pandémie de Covid-19, opérateurs portuaires et logisticiens ont continué à investir dans de nouveaux outils. Ces derniers sont essentiels pour tirer profit de l’actuelle reprise des échanges. VALENTIN GRILLE

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U

n chiffre suffit à illustrer le dynamisme de la logistique sur le continent : selon l’OCDE, les exportations africaines ont bondi de 42 % sur un an en 2021, soit plus du double des performances asiatique et américaine. Et malgré la persistance de difficultés, dont l’accès à l’énergie, les complexités administratives et les sous-performances de certaines infrastructures, le secteur recèle un fort potentiel de développement. Celui-ci est porté par la demande soutenue en hydrocarbures, à laquelle s’ajoute l’appétit mondial pour les métaux rares et autres minerais dont les économies développées ont besoin pour réaliser leur transition énergétique. Sans oublier l’importance des industries halieutiques et fruitières ou la forte reprise du trafic mondial après la pandémie. C’est dans ce contexte qu’évolue l’industrie portuaire. Ces dernières années, l’heure était à la consolidation, avec une dizaine d’acteurs (Bolloré, APM Terminals, DP World, CMA CGM) se partageant les concessions publiques et

parfois même certaines infrastructures. Mais l’arrivée de nouveaux acteurs, comme le chinois China Merchant Ports ou le philippin ICTSI (International Container Terminal Services Inc), et l’annonce de l’offre de MSC, candidat en janvier au rachat de Bolloré Africa Logistics pour 5,7 milliards d’euros, rebattent les cartes. D’une part, l’idée d’une offensive des compagnies maritimes, pressées de remonter la chaîne logistique et de concurrencer les opérateurs portuaires, revient en force. D’autre part, la course à l’innovation, moyen de se démarquer de la concurrence, redouble de vigueur. Deux tendances suivies de près par les autorités portuaires publiques vu le rôle central des ports dans le commerce extérieur de certains pays – celui d’Abidjan comptabilise à lui seul 90 % des exportations de la Côte d’Ivoire. En attendant d’y voir plus clair sur la recomposition du secteur, une révolution est déjà à l’œuvre sur le plan de l’innovation, que ce soit avec le numérique, le développement durable ou encore la chaîne du froid. Elle devrait changer le visage des ports africains.

Tema, Pointe-Noire et Conakry passent au vert Soixante-dix pour cent : c’est l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixé par l’Organisation maritime internationale (OMI) dans les ports d’ici à 2050. Et, malgré l’absence actuelle de contraintes légales, les opérateurs anticipent. C’est notamment le cas de Bolloré Ports, qui, avec le label Green Terminal, lancé en 2019, note sur 100 la conformité environnementale des infrastructures qu’il opère. Un processus réalisé avec l’appui du cabinet Bureau Veritas.

Démarche d’amélioration continue

« Pour chaque audit, nous procédons à des préévaluations, décrit Olivier de Noray, directeur général de Bolloré Ports. Bureau Veritas valide le score du terminal et veille à ce qu’il soit en adéquation avec leurs propres conclusions. » Les fortunes sont diverses. À Pointe-Noire, il a refusé d’avaliser une note pour manque de justificatifs. À Conakry, il a relevé de 1,5 point la préévaluation interne. Le processus a ses limites : Bolloré rémunère Bureau Veritas pour qu’il donne son aval, et, surtout, les critères de notation sont fixés en interne. « Il n’existe aucune norme internationale qui mène à une

certification green. Chaque entreprise doit créer son propre procédé », justifie Christian Devaux, directeur QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement) de Bolloré Ports. « Quel que soit le secteur, le principal apport du label est d’instaurer une démarche d’amélioration continue », reconnaît Marc Roussel, président GSIT (Services aux gouvernements & commerce international) et viceprésident Afrique de Bureau Veritas.

« Il devient impossible de monter une offre sans engagement fort dans le domaine environnemental. » « La démarche est à saluer, mais elle n’est pas là pour rien », insiste Armand Hounto, expert en affaires maritimes et professeur à la Sorbonne. En Afrique, les sociétés civiles font moins pression sur les industriels qu’ailleurs dans le monde. Mais ces derniers doivent tout de même s’adapter face à des appels

d’offres plus durs. « Les institutions financières sont devenues très exigeantes, souligne Marc Roussel. Il devient impossible de monter une offre sans engagement fort dans le domaine environnemental. »

Marge de manœuvre importante

En la matière, le terminal 3 de Tema, coconstruit par Bolloré et APM Terminals, se démarque. Respectant des standards internationaux stricts, il a été certifié Edge par la Banque mondiale, ce qui signifie que le port a réduit de 20 % sa consommation d’énergie. Logiquement, sa note avoisine les 90/100, selon le label « Green Terminal ». Au-delà de ce cas, la marge de manœuvre au niveau de Bolloré Ports est importante : en remplaçant une partie de ses équipements diesel (tracteurs, portiques de quai et de stockage) par leurs équivalents électriques, le groupe a réduit de 11 % ses émissions de CO2 depuis 2019. Le chiffre atteint 22 % à Freetown et 36 % pour le terminal 3 de Tema. Les opérateurs attendent désormais de pouvoir compter sur des réseaux publics d’électricité décarbonée pour abaisser encore davantage leurs émissions directes et indirectes. JEUNE AFRIQUE – N° 3110 – MARS 2022

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TANGER ALLIANCE

DOSSIER LOGISTIQUE

Le numérique permet l’automatisation de certaines infrastructures, comme les portiques de quai, entièrement digitaux à Tanger Med, à la pointe sur le sujet.

À Monrovia, Cotonou et Tanger Med, le numérique décongestionne les ports « La pire situation pour un opérateur, c’est un camion qui arrive inopinément. C’est pour cela que des systèmes de rendez-vous se mettent en place », résume Lyes Chebrek, consultant auprès d’opérateurs portuaires et de terminaux sur le continent. Exemple avec l’île de Bushrod, au large de Monrovia, la capitale du Liberia, où le concessionnaire du port local, APM Terminals, teste, depuis novembre 2021, un nouveau système de ce type. Celui-ci permet aux importateurs d’être prévenus de l’arrivée d’un conteneur et de fixer une date de prélèvement pour évacuer plus vite. « Les exportateurs situés dans l’hinterland ne sont plus obligés de se déplacer sans savoir s’ils pourront récupérer leur livraison », ajoute Lyes Chebrek. « Le résultat le plus visible de la digitalisation de nos actifs et de l’automatisation des processus est une meilleure fluidité », souligne Jack Craig, directeur de la technologie chez APMT. Et, avec elle, des progrès sur le principal outil de performance des ports, le temps de transit. Résultat, la prise de rendez-vous digitale se répand : outre

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Monrovia, Dakar, Cotonou ou Apapa l’ont adoptée. « Cela nous permet de combattre la congestion et ce qui l’accompagne en Afrique, l’extorsion », ajoute Klaus Larsen, directeur du port d’Apapa pour APMT.

Inclure l’ensemble des acteurs

Moyen d’éviter les doublons et la paperasse, le numérique permet aussi l’automatisation de certaines infrastructures – comme les portiques de quai, entièrement digitaux à Tanger Med, à la pointe sur le sujet. Mais si les opérateurs rivalisent d’innovation, le numérique demeure un outil plutôt qu’une solution globale. « Il faut autant parler de l’infrastructure et de la gouvernance que du digital. Si l’on ne tient pas compte des trois facteurs, on risque de construire des éléphants blancs », met en garde Amaury de Féligonde, associé directeur du cabinet de conseil Okan Partners. « Ce n’est pas le numérique, simple point nodal, qui crée la connectivité portuaire. L’ensemble des infrastructures du site doivent être performantes », ajoute Armand Hounto,

expert en affaires maritimes, citant l’exemple de Dakar, où DP World a mandaté Camco Technologies pour conjuguer portes automatiques et système de rendez-vous. Sans, pour l’heure, obtenir de résultat sur la congestion. « Le système de rendez-vous est une bonne idée, mais il n’y a pas encore de solide Port Community System (PCS), solution informatique globale incluant tous les acteurs du port, des compagnies aux douanes en passant par l’autorité portuaire et par les logisticiens », explique le consultant. Le cas de Dakar n’est pas isolé – Abidjan, l’un des principaux ports d’Afrique de l’Ouest, est également concerné –, mais il n’y a pas de fatalité. À Cotonou, l’autorité portuaire a mis en place un PCS efficace dans l’échange de données, où tous les acteurs (y compris les douanes, souvent réticentes à partager leurs informations) sont inclus. Et, comme le souligne un rapport de la Banque mondiale de 2021, le temps de transit y a chuté, passant de 39 jours en 2011 à 6 jours en 2012.



DOSSIER LOGISTIQUE

Casablanca et Djibouti misent sur la chaîne du froid En dehors de l’Afrique du Sud, de l’Égypte et du Maroc, les marchés du froid en Afrique demeurent embryonnaires. Pourtant, les choses changent avec la multiplication de projets de stockage frigorifique. En 2020, en pleine tempête logistique liée à la pandémie, Djibouti a reçu de l’Éthiopie un premier conteneur « froid » venu de l’Europe. En 2021, le géant Maersk a augmenté ses capacités de stockage frigorifique au port de Durban, de 8 000 à 10 000 palettes, quand le logisticien Sofrilog, numéro deux du froid en France, ouvrait un entrepôt du même genre à Casablanca.

Nécessité d’un marché stable

L’ensemble des installations du continent sont déjà rentables et présentent un fort potentiel de croissance. Sur le volet énergétique, la réduction du prix des panneaux solaires encourage les opérateurs à investir pour produire une partie de l’énergie nécessaire. « Entre 30 % et 60 % des besoins peuvent être couverts ainsi, ce qui permet de réduire la dépendance au réseau national », note William Fellows, également associé à Ifria Cold. Selon lui, l’ensemble des installations consacrées au froid sur le continent sont déjà rentables et présentent un fort potentiel de croissance à moyen terme, notamment au regard des besoins de conservation

des produits agricoles sur le continent et du temps de transit – clé de la compétitivité des ports – économisé grâce à ces installations.

Fournir un cadre légal fort

Reste alors, selon les acteurs du secteur, à mobiliser un financement public et parapublic pour rendre moins risqué l’investissement dans les entrepôts et fournir un cadre légal fort pour minimiser le risque de rejets des cargaisons africaines en Europe. La formation doit aussi jouer à plein. « Il est parfois difficile de faire comprendre à certains acteurs de la chaîne qu’avec des produits frais ou surgelés vous ne pouvez pas être en retard de sept heures… », pointe Matthew Meredith. L’exemple djiboutien montre comment les entrepôts peuvent permettre de desservir à la fois des marchés lointains et des marchés proches. Le pays a ainsi signé des contrats de livraison aux Pays-Bas pour exporter des avocats et d’autres fruits quand il profite aussi d’un axe logistique local fort, son infrastructure étant reliée à un réseau de lignes ferroviaires et routières permettant d’approvisionner le voisin éthiopien, un marché de plus de 100 millions d’habitants. « Il y a des entrepôts dans chaque pays, conclut Armand Hounto, expert en affaires maritimes et professeur à la Sorbonne, mais il faut massifier les flux. »

DR

À Tanger, Matthew Meredith, associé d’Ifria Cold, spécialiste du développement de projet dans le domaine du froid, a trouvé une occasion dès 2014. « Nous étions parmi les premiers locataires de la zone industrielle Med Hub, qui est maintenant quasiment pleine », explique-t-il. Le projet Friopuerto (5 500 m2 de stockage frigorifique) voit le jour avec le soutien de l’USaid, qui flaire le potentiel du Maroc à l’exportation. Un appui remarqué, les agences de développement finançant plus souvent la production agricole que ce type de projet logistique. Le défi est de taille. « Les installations frigorifiques nécessitent un

marché stable à l’export. Elles sont aussi gourmandes en électricité et en espace. Et, parce que les délais d’acheminement sont courts, il faut que la chaîne logistique soit impeccable, ce qui suppose une bonne coordination entre les différents acteurs », analyse Lyes Chebrek, consultant auprès d’opérateurs portuaires et de terminaux sur le continent.

La réduction du prix des panneaux solaires encourage les opérateurs à investir pour produire une partie de l’énergie dont les installations frigorifiques ont besoin.

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COMMUNIQUÉ

PORT AUTONOME DE NOUAKCHOTT

DIT « PORT DE L’AMITIÉ » (PAN-PA)

Premier port public commercial au sud du Sahara et carrefour entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Nord, le Port Autonome de Nouakchott dit « Port de l’Amitié » jouit d’une position géographique privilégiée. Sa localisation à 15 km de Nouakchott, ainsi que son ouverture sur les 4 axes principaux du pays font de lui un port dégagé et sécurisé. Cette position idéale couplée à un domaine portuaire de 14 672 Ha est un des principaux atouts de notre Port.

Quelques chiffres clés • Domaine portuaire de 14672 Ha • Evolution annuelle de 2,11% en nombre de conteneurs • Croissance de 35,92% du tonnage annuel • Un terminal à conteneurs de 750 m

Doté d’un chenal d’accès balisé et dragué à -15 m, de 2025 m linéaires de quai, le Port Autonome de Nouakchott a enregistré en 2021, une croissance de 35,92% du tonnage annuel par rapport à 2020 et une évolution de 2,11 % en nombre de conteneurs manipulés par rapport à 2020 et ce, malgré la COVID 19.

• Un poste pétrolier pouvant accueillir des navires de 40000 / 50000 TPL

La construction d’un terminal à conteneurs et d’un poste pétrolier pouvant accueillir des navires de 40 000 / 50 000 TPL ainsi que le dragage et l’élargissement du chenal d’accès permettront d’améliorer sensiblement les performances du port et de consolider son rôle d’outil d’intégration sous régionale en fournissant des services modernes et de qualité, dans le respect du code ISPS est achevée. C’est dans ce cadre que le port envisage la création d’une zone reefer, d’une zone dédiée aux matières dangereuses, des installations de récupération de déchets, d’eaux et d’huiles usées (code IMDG) et de participer à la mise en place d’un guichet unique.

Année

Tonnage global

Conteneurs T.E.U.

Tonneaux de Jauge brute

2017

4 378 900

141 010

8 587 004

2018

5 008 441

160 376

8 716 167

2019

4 967 340

169 950

8 301 606

2020

5 097 503

183 318

7 029 770

2021

6 928 763

187 190

9 133 171

La Direction Générale du PANPA mets à contribution l’ensemble des opérateurs, publics et privés pour donner entière satisfaction aux clients, aussi Sid ’Ahmed Raïss, Directeur Général

Évolution du trafic portuaire (tonnes) de 2017 à 2021 8 000 000

180000

7 000 000

160000

6 000 000

140000

5 000 000

120000

JAMG - PHOTOS DR

4 000 000

100000 80000

3 000 000

60000

2 000 000

40000

1 000 000 0

Évolution du trafic de conteneurs (T.E.U.) de 2017 à 2021 200000

20000 2017

2018

2019

2020

2021

0

2017

2018

2019

Port autonome de Nouakchott - BP 5103 Nouakchott - Mauritanie • port-nouakchott.com

2020

2021


DOSSIER LOGISTIQUE

PORTS

Match Abidjan-Tema pour le trône ouest-africain Face à un port ivoirien en pleine refonte, le voisin ghanéen Tema a attiré d’importants investissements pour réaliser un nouveau terminal ultramoderne. La lutte pour la suprématie régionale s’intensifie.

VALENTIN GRILLE

I

l y a Tanger Med au nord, Durban au sud. Djibouti, Mombasa et Port-Saïd à l’est. Mais à l’ouest ? La Côte d’Ivoire et le Ghana savent qu’il y a une place à prendre sur la carte des ports africains aux côtés de Lagos et de Lomé. Les deux pays ont lancé les grandes manœuvres au même moment, durant les années 2010, pour faire prendre une nouvelle dimension à leurs terminaux respectifs. Au Ghana, le consortium MPS (Meridian Port Services), constitué de Bolloré Ports, d’APM Terminals (35 % chacun) et de l’autorité portuaire ghanéenne, a investi 1 milliard de dollars à partir de 2014 dans l’extension du port avec un terminal à conteneurs flambant neuf. À Abidjan, les autorités mènent un programme d’investissements depuis dix ans qui a permis d’injecter 1,1 milliard d’euros entre 2012 et 2019, pour réaliser un terminal roulier, un terminal céréalier (achevé en 2015) et l’agrandissement du canal de Vridi, chiffré à lui seul à 230 millions d’euros. En parallèle, Bolloré Ports, également présent et associé à APM Terminals dans le pays, a déboursé 400 millions d’euros pour construire un deuxième terminal. C’est tout naturellement que les deux ports sont au coude-à-coude : Abidjan revendique une capacité de

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traitement de 2,5 millions de conteneurs par an, exactement comme son voisin. Mais le ghanéen dispose d’un quai plus long – 1400 m, contre 1100 m côté ivoirien – et de plus d’espace de stockage (59 ha, contre 29,8). Les deux ports ont adapté leur tirant d’eau aux exigences internationales avec 16,9 m à Tema contre 18 m à Abidjan. Tahirou Diarrassouba, secrétaire général de la Communauté portuaire d’Abidjan, reconnaît toutefois que

Le gagnant sera celui qui saura faire la différence sur le temps de transit pour approvisionner l’hinterland. l’infrastructure ivoirienne demeure, sur plusieurs points, en position de challenger. « Le terminal 2 [T2] n’est pas encore opérationnel, les travaux ayant pris du retard à cause de l’épidémie de Covid. Et nous ferons les derniers aménagements du premier terminal uniquement quand le T2 sera enclenché », indique-t-il. À l’inverse, Tema tourne à plein régime depuis la mi-2019 et engrange les

motifs de satisfaction : l’allemand Hapag-Lloyd en a fait son point de passage sur une ligne reliant l’Afrique du Sud au Moyen-Orient quand MSC y a implanté son deuxième hub après Lagos.

Standards internationaux

Le terminal ghanéen a aussi l’avantage d’être plus en phase avec les standards internationaux. Sur le plan énergétique, par exemple, il est certifié Edge par IFC (filiale de la Banque mondiale dévolue au secteur privé), la garantie d’une exploitation économique en énergie. À Abidjan, les efforts sont plus modestes, même si Bolloré a récemment installé des tracteurs électriques en lieu et place de ceux fonctionnant au diesel – les deux ports bénéficiant du nouveau label « Green Terminal », lancé par l’opérateur français. Sur le plan de l’automatisation, Tema a également une longueur d’avance : le port dispose de portiques automatiques, d’un système de contrôle biométrique et d’un service des douanes numérisé. Il a aussi adopté un logiciel de prise de rendez-vous pour faciliter et fluidifier le déchargement des camions. En Côte d’Ivoire, l’État a conservé la main sur la gestion des douanes avec un guichet unique qui ne fonctionne cependant pas toujours aussi bien que promis :


DOSSIER LOGISTIQUE « On aimerait parfois que cela aille plus vite », glisse Tahirou Diarrassouba. Abidjan n’a pas non plus de portes automatisées, et son système de rendez-vous, insuffisamment connecté aux acteurs portuaires, peine encore à désengorger le port.

Vers la complémentarité?

l’autre côté, Tema parie, lui, pour l’instant, uniquement sur l’essor des infrastructures routières comme moyen de relier le port à ce même arrière-pays burkinabè, malien ou nigérien. Concurrents à première vue, les deux ports pourraient en réalité être complémentaires, l’essor de l’un alimentant celui de l’autre et vice versa, dans un contexte de forte activité liée à la reprise de l’économie mondiale. « L’idée de “grands ports” régionaux est révolue, il y a beaucoup de transit et tous les ports sont dotés individuellement d’infrastructures performantes », analyse Lyes Chebrek. Un constat partagé par Mohamed Samara, le patron de MPS : « Le monde offre beaucoup d’exemples de ports proches les uns des autres. La majorité sont florissants et ont des programmes d’extension pour supporter la croissance des volumes. »

JACQUES TORREGANO POUR JA

Il faut dire que les deux infrastructures ne se situent pas dans la même configuration géographique. Le port d’Abidjan, accolé à la capitale économique ivoirienne, bénéficie de la proximité avec les zones de consommation – 23 millions des 25 millions de tonnes gérées en 2020 étaient destinés à la Côte d’Ivoire –, tout en étant freiné physiquement dans son développement par la proximité de la ville. Pour remédier à ce manque d’espace, il mise sur des réserves foncières situées au nord du canal de Vridi. Tema, installé à 25 km à l’est d’Accra,

dispose, lui, du terrain nécessaire pour croître tout en s’appuyant sur une bonne connexion routière vers la capitale ghanéenne, où se trouvent les consommateurs, une ville néanmoins moins puissante qu’Abidjan (moitié moins peuplée notamment). « Les deux ports sont en concurrence sur l’approvisionnement de l’hinterland, principalement le Burkina Faso et le Mali, analyse Lyes Chebrek, consultant en affaires maritimes. Et, comme souvent, le gagnant sera celui qui saura faire la différence sur le temps de transit. » Une course déjà lancée. D’un côté, Abidjan mise sur la liaison ferroviaire avec le Burkina Faso. « Le chemin de fer permet une massification des flux de marchandises, souligne Tahirou Diarrassouba. Pour le Mali, comme il faut une étape supplémentaire, les opérateurs passent plutôt par la route, qui est en bon état. » De

Les deux ports revendiquent une capacité de traitement de 2,5 millions de conteneurs par an. Ici, le terminal à conteneurs d’Abidjan. JEUNE AFRIQUE – N° 3110 – MARS 2022

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DOSSIER LOGISTIQUE

TECHNOLOGIE

Algorithmes, géolocalisation et applications bousculent le secteur sur le continent. Du Maroc au Sénégal en passant par le Nigeria, trois plateformes prometteuses innovent. THÉO DU COUËDIC

F

ace aux mastodontes de la logistique, les géants mondiaux que sont MSC, CMA CGM, Bolloré, Maersk ou encore Cosco, un écosystème de start-up émerge ces dernières années en Afrique. S’appuyant sur l’analyse de données, l’intelligence artificielle et les innovations technologiques, ces nouveaux acteurs – encore très modestes, mais au fort potentiel de développement – réussissent à lever des fonds pour assurer leur essor. Tour d’horizon de trois champions en devenir sur un marché qui pèse plusieurs dizaines de milliards de dollars.

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PAPS

Ces start-up qui font bouger les lignes Paps a récolté 4,5 millions de dollars lors d’une levée de fonds menée avec 4DX Ventures et Orange-Sonatel.

PAPS (SÉNÉGAL)

Rokhaya Sy et Bamba Lo Fondé en 2016, Paps était à l’origine une application de livraison à la demande mettant en relation clients et livreurs pour l’acheminement express, par exemple, d’une pizza ou d’un trousseau de clés. « Deux ans plus tard, nous avons commencé à offrir des services de transport et de logistique taillés pour les entreprises », explique Rokhaya Sy, cofondatrice avec Bamba Lo de la start-up sénégalaise.

Un marché estimé à quelque 3 milliards de dollars

Paps version 2022 emploie une centaine de personnes et dispose d’une flotte de 500 véhicules partenaires. Parmi ses 200 à 300 utilisateurs réguliers, on trouve des industriels, dont l’opérateur Orange, des médias, des banques, des entreprises d’e-commerce… Déjà implantée au Sénégal et en Côte d’Ivoire, la start-up veut s’étendre en Afrique de l’Ouest, où le marché de la logistique, selon ses fondateurs, représenterait quelque 3 milliards de dollars. Pour ce faire, Paps, qui indique avoir doublé son volume d’activité entre 2020 et 2021, a récolté 4,5 millions

de dollars lors d’une levée de fonds menée en janvier avec la société de capital-risque 4DX Ventures et Orange-Sonatel.

Paps a réalisé plus de 2 millions de livraisons, dans ses deux pays d’activité mais aussi à l’international. Positionnée sur plusieurs segments de la logistique, comme le stockage, le transport national et international (par voie aérienne, terrestre et maritime) et la livraison au dernier kilomètre, la start-up entend assurer « le chargement du début à la fin », indique Rokhaya Sy, ingénieure en génie logiciel de l’École nationale supérieure d’électronique, informatique et de radiocommunications de Bordeaux. L’an dernier, Paps a réalisé plus de 2 millions de livraisons, dans ses deux pays d’activité mais aussi à l’international.


DOSSIER LOGISTIQUE

KOBO360 (NIGERIA) Obi Ozor et Ife Oyedele

C’est l’une des success-stories de la logistique numérique africaine. En seulement trois ans d’existence, la start-up Kobo360, fondée par les Nigérians Obi Ozor et Ife Oyedele, a organisé plusieurs levées de fonds – dont une de 30 millions de dollars avec la banque Goldman Sachs en août 2019. Implantée physiquement au Nigeria, au Ghana, en Ouganda, au Kenya, en Côte d’Ivoire, au Togo et au Burkina Faso, elle compte environ 50 000 conducteurs sur son application et dessert plus de 700 clients, dont certains prestigieux, comme le conglomérat nigérian Dangote, l’entreprise française Lafarge ou encore la multinationale anglo-néerlandaise Unilever. Son créneau – qui lui vaut le surnom de « Uber des camions » – consiste à mettre en relation les chauffeurs routiers et les sociétés de fret pour optimiser la livraison de marchandises. À l’image de ce que propose la grande

sœur américaine, les itinéraires sont adaptés en temps réel. Kobo360, qui propose aussi des services d’entretien et d’assurance des camions, se concentre sur la livraison de matières premières des ports aux fabricants, puis des fabricants aux clients, jusqu’au dernier kilomètre. L’objectif étant qu’aucun camion ne circule à vide.

Fluidifier la chaîne d’approvisionnement

Avant de développer cette solution (web et mobile), Obi Ozor a étudié la biochimie dans une université du Michigan, puis a travaillé comme banquier d’affaires chez J.P. Morgan. Il s’est rendu compte de la lenteur des livraisons en tentant d’importer puis de transporter des couches pour bébé au Nigeria. En fluidifiant la chaîne d’approvisionnement, sa start-up entend faire baisser les coûts de transport et, in fine, ceux des marchandises.

FRETERIUM (MAROC)

Omar El Kouhene et Mehdi Cherif Alami

Ouverture d’un bureau à Dubaï

Au Maroc, l’application compte plus de 3000 utilisateurs, notamment des industriels et des distributeurs comme Centrale Danone, le site d’achats en ligne Jumia, le groupe Marjane ou la multinationale agroalimentaire Mondelez International. Le tarif mensuel oscille entre quelques centaines et quelques milliers d’euros en fonction du volume d’activité du client. La start-up, qui en 2021

FRETERIUM

Transformer les chaînes logistiques en remplaçant les processus manuels par un écosystème entièrement connecté. C’est l’objectif des fondateurs de Freterium, Omar El Kouhene et Mehdi Cherif Alami, tous deux ingénieurs de formation. Fondée en 2018, la start-up marocaine connecte les différents acteurs du secteur – département commercial ou logistique d’une entreprise, équipe en entrepôt, clients, transporteurs – sur une plateforme collaborative accessible en temps réel. Une manière de réduire les coûts et les tâches fastidieuses mais aussi d’optimiser les itinéraires de livraison avec des algorithmes développés en interne. Freterium s’appuie sur une équipe de 24 salariés, un nombre qu’il compte doubler d’ici à la fin de 2022.

a enregistré une croissance des souscriptions de 35 % par mois, s’appuie sur une équipe de 24 salariés, chiffre qu’elle compte doubler d’ici à la fin de l’année. Freterium a récemment ouvert un bureau à Dubaï pour s’attaquer à trois nouveaux marchés, l’Égypte, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. À l’été 2021, la jeune pousse a intégré le sélectif programme d’incubation américain

Y Combinator, et, en décembre, a récolté 4 millions de dollars au cours d’une levée de fonds menée par l’investisseur Partech (basé à San Francisco), à laquelle ont participé CDG Invest, Y Combinator, Flexport, Swiss Founders Fund et Outlierz Ventures, entre autres. Avec cette somme, la start-up entend financer son développement en Afrique et au Moyen-Orient. JEUNE AFRIQUE – N° 3110 – MARS 2022

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