Maroc Les repentis de Sa Majesté
Dossier L’assurance-vie s’africanise
CPI-Afrique Love it or leave it jeuneafrique.com
Hebdomadaire international indépendant • 56e année • n° 2874 • du 7 au 13 février 2016
Côte d’IvoireBurkina On efface tout et on recommence ?
LIBYE Sur la piste des kadhafistes
GABON
Dernière ligne droite
De haut en bas et de g. à dr.: Pierre Claver Maganga Moussavou, Jean Ping, Bruno Ben Moubamba, Jean de Dieu Moukagni Iwangou, Ali Bongo Ondimba et Casimir Oyé Mba
• 2009-2016 : le vrai bilan • Face à Ali, qui ? • Interviews : Daniel Ona Ondo et Jean de Dieu Moukagni Iwangou édition internationale et afrique centrale France3,80€•Algérie220DA•Allemagne4,80€•Autriche4,80€•Belgique3,80€•Canada6,50$CAN•Espagne4,30€•Éthiopie67birrs•Grèce4,80€•Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € • Italie 4,30 € • Luxembourg 4,80 € • Maroc 25 DH • Martinique 4,60 € • Mauritanie 1200 MRO • Mayotte 4,60 € • Norvège 48 NK • Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € • Réunion 4,60 € • RD Congo 6,10 $ US • Royaume-Uni 3,60 £ • Suisse 6,50 FS • Tunisie 3,50 DT • USA 6,90 $ US • Zone CFA 1900 F CFA • ISSN 1950-1285
21-22 mars 2016, Abidjan
4E éDition
Le pLus grand rendez-vous internationaL des décideurs et financiers du secteur privé africain Dès sa création en 2012, le AFRICA CEO FORUM s’est imposé comme l‘événement international de référence du secteur privé africain. Près de 800 participants, dont 500 PDG venus de l’ensemble du continent, banquiers et financiers, ainsi que des décideurs publics de premier plan sont attendus au AFRICA CEO FORUM 2016. En participant au AFRICA CEO FORUM 2016, saisissez une occasion exceptionnelle de prendre part à la dynamique de croissance de l’Afrique et de promouvoir la compétitivité de votre entreprise. theafricaceoforum.com Twitter: @africaceoforum - #ACF2016 CO-HOST
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Le pLus
de Jeune Afrique
Panorama C’est reparti pour un tour
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IntervIew Daniel Ona Ondo, Premier ministre dÉCrYPtaGe Il faut DI-VER-SI-FIER! Green busIness Un poumon sous pression
© Loic Venance/aP/SiPa
Le Gabon a-t-il (vraiment) changé? jeune afrique
n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
Gabon Football Club
I
l va y avoir du sport ! Et peut-être même du sang et des larmes. Le contraire eut été étonnant dans ce pays où la politique (politicienne) est la discipline reine et la présidentielle, la compétition suprême. Celle-ci, prévue entre mi-août et mi-septembre, arrive à grands pas. Pour tous les joueurs qui s’apprêtent à y participer, directement ou en coulisses, mieux vaut avoir suivi une préparation intensive, de celles qui vous laissent perclus de courbatures et exténué, pour imaginer être prêt le jour J. Depuis quelques mois déjà, une obsession étreint ces « grands quelqu’un » : poser leur séant sur le fauteuil du numéro un, Ali Bongo Ondimba (ABO), au Palais du bord de mer, avant de s’installer dans la future présidence, à quelques encablures de là.
Le hic, c’est que le champion en titre n’entend pas se faire déloger. Classique, me direz-vous. Ce qui l’est moins, dans le grand stade gabonais, c’est la composition des équipes. Car ici, le mercato donnerait le tournis aux agents les moins scrupuleux. Au Gabon, pas de règle : on peut changer de club à volonté, multiplier les méandres dans sa carrière, embrasser son capitaine un jour et lui cracher au visage le lendemain. Les équipes, elles, sont peu nombreuses, finalement : d’un côté, celle d’ABO, de l’autre, celles qui réunissent ses opposants. Parmi ces dernières, les adversaires de toujours ou presque, qui peineront à dépasser les 5 %. N’est pas Pierre Mamboundou, légende de ce sport décédée en octobre 2011, qui veut. Mais aussi, et surtout, ceux qui ont joué jadis, pendant fort longtemps, dans un club qui trustait tous les trophées, bien aidé en cela par des arbitres particulièrement conciliants : le FC Omar Bongo Ondimba. Son fils Ali était encore leur partenaire (voire leur ami) avant de devenir, en 2009, leur irréductible adversaire. Hier, ils étaient défenseurs. D’un régime, d’un bilan, d’une « vision » du pouvoir et du développement, d’une tactique qui n’est guère plus employée. Aujourd’hui, tous sont jeune afrIque
devenus attaquants et rêvent de détrôner Ali pour retrouver leur gloire (et ses avantages) passée. Les plus célèbres d’entre eux : Jean Ping, Zacharie Myboto, Jean Eyéghé Ndong et Casimir Oyé Mba. Malgré un objectif commun, certains refusent encore de se passer le ballon. Allez comprendre… Autour de la pelouse, près de 600 000 supporters et spectateurs seront au rendez-vous, soit un tiers de la population. Les premiers prendront de manière quasi pavlovienne fait et cause pour leurs champions. Les seconds, eux, viendront pour le beau jeu, les buts d’anthologie, les gestes de classe. Pas sûr qu’ils soient gâtés. À moins qu’ils apprécient les terrains boueux, les buts de raccroc, les coups bas à l’insu des arbitres, les tacles au niveau du genou ou les salves de frappes dévissées… Car il faut bien dire que, jusqu’à présent, les matchs de préparation auxquels nous avons assisté ne se sont guère distingués par la qualité de leurs débats, pardon, de leurs actions. Comme tout champion en titre, l’équipe du Real Ali peut être jugée à l’aune de ses performances. On aime, on n’aime pas, on attend plus ou mieux, on espère quelques transferts qui permettront de se débarrasser des « chèvres » (comme on dit à Marseille) ou de voir débarquer un ou deux cracks. En tout cas, public et spécialistes savent à quoi s’attendre. Ils décideront en fonction du chemin parcouru depuis son arrivée sur le toit de l’Olympe, en 2009. Pour ceux qui, en revanche, espèrent le faire tomber, c’est encore le temps des promesses. Ils jouissent de leur aura de challengers, peuvent bercer les fans de rêves de victoires et de lendemains meilleurs, multiplier les critiques à l’égard d’un champion sortant qui ne produit pas de jeu ou a fait son temps. Confortable, pour ceux qui ne jouissent pas des mêmes budgets que le cador. Si le spectacle n’était par malheur pas au rendez-vous, nul remboursement des places à envisager. Seule consolation : dans un an, c’est la CAN. ● n o 2874 • du 7 au 13 févrIer 2016
Panorama C’est reparti pour un tour p. 62 IntervIew Daniel ona ondo, Premier ministre
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vIe Des PartIs Papy boom
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ConfIDenCes De Jean de Dieu moukagni Iwangou, président de l’Union du peuple gabonais (UPG) p. 72 DéCryPtage Il faut DI-ver-sI-fIer ! p. 76 fInanCes PublIques fini la gabegie ?
p. 78
InvestIssements Plus de partenaires, plus de possibilités p. 80 green busIness un poumon sous pression
p. 86
entrePreneurIat microprojets, mégatalents
p. 90
SUIVEZ L’ACTUALITÉ DU GABON SUR JEUNEAFRIQUE.COM
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Le plus de Jeune Afrique
GABoN
C’est reparti
À huit mois de la présidentielle, c’est l’heure du bilan. Et celle des déclarations assassines. L’image du pays sera-t-elle à nouveau ternie par une campagne où, comme en 2009, tous les coups seront permis ? GeorGes douGueLi,
A
envoyé spécial
vis de gros temps au Gabon. La présidentielle doit se tenir entre le 16 août et le 16 septembre prochains. Or la précédente, en 2009, riche en émotions, avait soulevé une tempête qui avait duré des mois. Entre le recomptage des voix et les émeutes de Port-Gentil en septembre 2009, la prestation de serment d’André Mba Obame – qui s’était autoproclamé président –, puis la dissolution de son parti, l’Union nationale (UN), et la constitution de son « gouvernement alternatif » – qui s’était retranché dans les bureaux du Pnud –, le pays avait frôlé la sortie de route. Aujourd’hui, la crainte de revivre de tels moments detensionestpalpable.«Jen’aipaspeur»,dédramatiseRenéAboghéElla,leprésidentdelaCommission électorale nationale autonome et permanente, déjà grand manitou de la présidentielle de 2009. « Si l’élection se tient un samedi, j’aimerais pouvoir donner les résultats le lundi suivant », espère-t-il. Ce qui est techniquement possible étant donné que le collège électoral est relativement restreint (environ 580 000 électeurs attendus dans quelque 3 000 bureaux de vote) et que l’introduction de la biométrie en 2013 devrait rendre les opérations plus fiables. Appétit de pouvoir. Rendez-vous est donc pris
pour dans sept mois environ. Et dans cette vaste forêt équatoriale percée de clairières urbanisées qu’est le Gabon, où à la sortie des grands fauves répond le silence des oiseaux, on entend déjà rugir les lions. Tenaillés par leur insatiable appétit de pouvoir, luttant pour s’imposer en leaders de leur clan, rassemblant argent, partisans et alliés pour le grand jour (le scrutin n’a qu’un seul tour), certains mènent campagne depuis plus d’un an. C’est le cas de Jean Ping, désigné le 15 janvier candidat unique du Front uni de l’opposition pour l’alternance(Fuopa),qui,depuis,s’estscindéendeux camps (lire pp. 70-73), plusieurs membres de poids n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
de cette coalition rejetant cette « désignation ». Bien qu’une partie de l’opposition lui soit viscéralement hostile, rien n’a empêché l’ex-chef de la diplomatie d’Omar Bongo Ondimba et ancien président de la commission de l’Union africaine de se poser depuis des mois comme le principal adversaire d’Ali Bongo Ondimba (ABO). Les deux rivaux de ce dernier en 2009 (Pierre Mamboundou et André Mba Obame) jeune afrique
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© DR
pour un tour
étant décédés, Ping veut reprendre le flambeau. Il essaie même de capter l’héritage de Mba Obame en se réappropriant ses formules cultes. « Si je suis une partie du problème, je suis également une partie de la solution », déclarait-il début janvier pour justifier son ralliement à l’opposition et, surtout, sa légitimité à prendre la tête de sa principale coalition, après avoir fait toute sa carrière au sein du pouvoir. Il a jeune afrique
p Ali Bongo Ondimba ouvre les vannes de la conduite d’eau potable créée à Bel-Air, dans le 1er arrondissement de Libreville, le 11 janvier.
par ailleurs recruté ses nouveaux collaborateurs dans le vivier des cadres de l’UN, au grand dam de Zacharie Myboto, président du parti, et de Casimir Oyé Mba, l’un de ses vice-présidents. Au cours de la campagne 2016, on verra une nouvelle fois à quel point la vie politique est rude au Gabon. Et parfois peu reluisante. Quarante ans d’argent facile ont perverti les mœurs politiques et n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
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Le Plus de J.A. Gabon enfanté une classe dirigeante grouillant d’opportunistes âpres au gain et dont la moralité est à géométrie variable. Certains, passés maîtres dans l’art du retournement de veste, ont contribué à enraciner l’idée qu’on ne prend pas la carte d’un parti pour ses idées, pas plus qu’on en démissionne par conviction. Pour eux, tout se vend, tout s’achète, tous les coups sont permis. Et les procédés utilisés sont souvent détestables, qu’ils visent le président sortant ou les leaders de l’opposition.
(lire p. 78). Mieux, pour l’exercice 2016, on note un retour à « l’orthodoxie » budgétaire: le niveau global des ressources et des dépenses de l’État s’établit à environ 2 625 milliards de F CFA et tranche avec les budgets de plus de 3 000 milliards de F CFA de 2013 et de 2014, qui ne semblaient pas cadrer avec les capacités de financement réelles. « Le budget 2016 marque un retour au réalisme et à la soutenabilité des finances publiques, explique Jean Fidèle Otandault, le directeur général du budget. L’objectif est que tout franc engagé soit effectivement décaissé pour que soit restaurée la orageux. Au Palais du bord de mer, le scénario crédibilité de l’État. » de la candidature du chef de l’État prend forme, En matière de santé, la mise en place de la Caisse non sans fébrilité. Au sein de la majorité, le climat est orageux. Certains barons ont démissionné du nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) a permis d’améliorer la prise en charge des malades avec fracas, s’estimant mal récompensés du souetlepouvoird’achatdesplusdéfavorisés.L’ouverture du Centre hospitalier universitaire d’Angondjé tien qu’ils avaient apporté au candidat « Ali » en 2009. Quelques-uns expriment leur désaccord sans et de l’Institut de cancérologie de Libreville, de même que les actions de dépistage des cancers, quitter le parti, à l’instar des promoteurs du counotamment féminins, ont permis rant Héritage et Modernité, animé de progresser dans la lutte contre par l’ancien ministre du Pétrole si la politique la maladie et d’améliorer les condiAlexandre Barro Chambrier. de grands travaux tions d’accueil et de vie des patients D’autres gardent le silence en a transformé attendant que vienne l’heure où dans toutes les provinces. l’on aura besoin d’eux. Toujours le pays, un tiers est-il que l’entourage du président Moteurs. Parmi les points négade la population semble vivre dans la suspicion et tifs, le niveau de corruption reste vit toujours la hantise d’être trahi. préoccupant et les mesures disLe temps est venu, aussi, de suasives se révèlent insuffisantes. dans la précarité. faire le bilan du septennat. Bien Carton jaune aussi pour le maintien qu’assombri depuis un an par la chute des cours du visa aux frontières pour les ressortissants de du brut et malgré l’inachèvement de nombreux la Cemac, alors qu’une décision des chefs d’État chantiers – parce que mal dimensionnés –, l’état des en a recommandé la suppression pour favoriser lieux est plutôt bon. Libreville, la vitrine du pays, a l’intégration régionale. changé. Les sièges sociaux de grandes entreprises La principale ombre au tableau reste la redistripoussent ici et là, donnant à la capitale un visage bution des richesses. Selon une étude commandée par le chef de l’État lui-même et réalisée fin 2013 dynamique et moderne. Le cap a été clairement par le cabinet américain McKinsey, plus de 30 % défini par le Plan stratégique Gabon émergent des Gabonais (95 000 ménages) vivent encore (PSGE) et, au-delà des grandes agglomérations, la en dessous du seuil de pauvreté, avec moins politique de grands travaux a transformé le pays. de 80 000 F CFA (environ 120 euros) par mois. L’État a lancé un programme agricole ambitieux, qui constitue le plus gros investissement depuis le Comment expliquer que, dans un pays riche en Transgabonais (lire p. 84). La Zone économique pétrole, en bois, en minerais, et qui ne compte que à régime privilégié de Nkok, qui a demandé un 1,8 million d’habitants, un tiers de la population investissement de 347 milliards de F CFA (près vive dans la précarité ? Un constat qui a incité de 530 millions d’euros), se développe : plusieurs ABO à lancer, début 2014, un plan de développeunités industrielles, dont deux fonderies, y sont déjà ment humain mobilisant 250 milliards de F CFA en phase de production. « À partir de 2020, nous supplémentaires sur trois ans pour financer sa n’exporterons plus rien qui ne subisse au préalable politique sociale. unepremièretransformationlocale»,apromisABO. Mais les changements les plus importants ne L’interdiction d’exporter le bois en grumes, mise en sont pas quantifiables, car ils portent sur l’image place progressivement depuis 2010, a favorisé la du pays. Un Gabon désormais résolument à la création d’usines locales et, selon le gouvernement, recherche de nouveaux moteurs de croissance et de plus de 7 000 emplois. De même, le démarrage qui n’est plus la chasse gardée de quelques grands des unités du complexe métallurgique de Moanda groupes agissant à leur guise ou peu soucieux (Sud-Est), en août 2014, constitue un pas de plus d’investir. Un pays ouvert à de nouveaux partevers l’industrialisation du pays. naires et où le tissu de PME locales se densifie. Les finances publiques ont été assainies, leur Autant de facteurs qui ont changé l’idée que l’on réforme a donné du sens à la dépense publique se faisait du Gabon. ● n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
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Le Plus de j.a. IntervIew
Daniel Ona Ondo « Le Gabon d’aujourd’hui n’est plus celui de 2009 » Pour le Premier ministre, aucun doute : l’émergence est en marche grâce aux réformes engagées. Et selon lui, seul le chef de l’État sortant est de taille à les poursuivre.
C
hef du gouvernement depuis le 24 janvier 2014, Daniel Ona Ondo attend la présidentielle d’une humeur combative, sans se départir de la sérénité qui le caractérise. Premier ministre d’un pays en pleine déprime pétrolière, l’ancien enseignant en économie à l’université Omar-Bongo de Libreville ne veut surtout pas subir les événements. La feuille de route de son équipe? Garder l’initiative en poursuivant les efforts de « transformation structurelle » du Gabon et d’amélioration de la gouvernance. jeune afrique : quel est votre état d’esprit en ce début d’année électorale? DanieL Ona OnDO : Nous abordons
2016 avec un esprit combatif. À quelques mois de la tenue des élections présidentielle et législatives, il nous faut renforcer davantage l’État de droit, la justice, etc. Et c’est armé de courage que le gouvernement va faire face à la crise pétrolière, en maintenant le cap de la diversification de l’économie, dont les effets permettent au Gabon de mieux résister que d’autres à la chute des cours du pétrole. Sans faire de triomphalisme béat, je dois dire que ce sont les acquis des réformes engagées depuis fin 2009 par le chef de l’État qui m’autorisent aussi à aborder cette année dans la sérénité. Car en dépit des pesanteurs et même si « beaucoup reste à faire », comme le président Ali Bongo Ondimba l’a reconnu dans son discours à la nation le 31 décembre, force est de reconnaître que les bases de la transformation structurelle du Gabon ont été posées et qu’elles garantissent, de manière irréversible, sa marche vers l’émergence. n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
que dire aux investisseurs et aux partenaires qui s’inquiètent de la bonne organisation et de la tenue des scrutins?
L’amélioration de la gouvernance politique a permis de réunir les conditions pour que l’on puisse organiser des élections libres, transparentes et apaisées, et pour éviter au pays des violences postélectorales. Les prochaines échéances devront se dérouler dans les délais constitutionnels, en conformité avec les lois et règlements de la République, et les plus hautes autorités veilleront à garantir les conditions de paix et de sécurité pour tous. Il ne peut en être autrement. Nos institutions sont solides et stables. Et c’est de cela qu’ont besoin les investisseurs et les partenaires. Aussi ne devraientils pas s’inquiéter outre mesure du jeu politique quand il s’agit de développer et de pérenniser leurs affaires. Avec eux, le changement auquel aspire le chef de l’État pour le Gabon est à notre portée. C’est pourquoi nous attachons une importance particulière à la promotion des investissements, à l’amélioration du climat des affaires et à la promotion des partenariats public-privé, qui sont nécessaires à l’amélioration de la croissance et au bonheur des Gabonais.
conduites avec constance et cohérence. Encore faut-il qu’elles soient comprises de tout le monde et que toutes les composantes du pays y adhérent. Si ali Bongo Ondimba se porte candidat à la présidentielle, quels aspects de son bilan pourra-t-il mettre en avant ?
Le chef de l’État s’est donné pour vision le développement économique, social et environnemental, fondé sur le triptyque paix-développement-partage. Et on ne peut que remarquer que le Gabon d’aujourd’hui n’est plus celui de 2009. Les choix qui ont été faits ont permis au pays de se doter d’une économie moins rentière, plus diversifiée et par conséquent moins dépendante u Le chef du gouvernement est à la manœuvre depuis tout juste deux ans.
Les performances économiques globales du pays permettront-elles d’atteindre l’émergence d’ici à 2025 ?
Comme je l’ai souligné, le choix de la diversification de l’économie, conjugué à la mise en œuvre d’un ambitieux programme de développement des infrastructures – pour ne citer que ces volets du Plan stratégique Gabon émergent –, a permis de doter le pays d’un socle solide, qui lui garantit d’atteindre l’objectif d’émergence. Ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas reconnaître que les réformes structurelles ont vocation à porter leurs fruits sur la durée. Aussi, en dépit des effets négatifs du coup de grisou actuel, ce qui compte, c’est que ces réformes, dont les résultats témoignent déjà du changement et de la transformation du Gabon, soient
jeune afrique
Le Gabon a-t-il (vraiment) changé ? priorités restent l’emploi, la santé, le logement, l’éducation et la formation des Gabonais et des Gabonaises, le gouvernement va dans les meilleurs délais mettre en œuvre un certain nombre de mesures préconisées dans ces domaines, où, nous le reconnaissons, les résultats n’ont pas été à la hauteur des objectifs.
Justement, quels sont les résultats sur le plan du développement humain ?
Nous avons pris des mesures fortes pour renforcer notre dispositif de protection sociale, notamment au profit des plus démunis. Par ailleurs, pour augmenter le pouvoir d’achat des agents de l’État, un nouveau système de rémunération a vu le jour en juillet 2015. Il a
Notre économie est moins rentière et moins dépendante des chocs extérieurs. aussi été décidé de généraliser l’octroi des bourses à tous les étudiants ayant obtenu le baccalauréat, ce qui a pour conséquence de multiplier par trois le nombre de bénéficiaires. Sur la période 2010-2015, la croissance du PIB hors pétrole s’est située aux alentours de 6 % en moyenne. La tâche du gouvernement aujourd’hui est de la rendre plus inclusive et davantage créatrice d’emplois. En dépit de nombreuses avancées, « beaucoup reste à faire ». Et parce que les
Vous êtes l’un des principaux dirigeants du Parti démocratique gabonais (PDG). Le mouvement se rendra-t-il uni à la présidentielle, malgré l’apparition de courants contestataires ?
© Xavier Bourgois pour J.a.
des chocs extérieurs. La diversification s’opère progressivement – c’est le cas dans la filière bois, les mines et l’agroindustrie –, ce qui explique la relative bonne résistance de notre économie aux effets nocifs de la conjoncture pétrolière actuelle. Quant au programme Graine [lire p. 84], qui s’est déjà traduit par la création de plus d’un millier d’emplois directs et indirects, il va se poursuivre sur l’ensemble du territoire. Nous avons par ailleurs procédé de manière significative au renforcement des capacités de production d’eau et d’électricité pour soutenir l’accroissement de la population et, surtout, le développement de notre économie. Sans parler des efforts consentis pour accélérer l’implantation des réseaux et des technologies numériques, qui nous permettent d’être aujourd’hui à la pointe en la matière en Afrique subsaharienne. Enfin, le Gabon s’est doté d’infrastructures nécessaires à son développement et au renforcement de la cohésion du territoire national, notamment dans le domaine routier et dans celui de la santé.
jeune afrique
Je ne dirais pas « contestataires ». Dans le passé, y compris récent, le PDG a toujours vu naître en son sein des courants différents sans que cela l’ait empêché de présenter un candidat unique à la présidentielle de 2009 à la suite du décès du président Omar Bongo Ondimba. Le PDG a été créé en 1968 et il ne saurait être en marge de l’évolution de la société gabonaise. Il est composé d’hommes et de femmes de plusieurs générations, et notre démocratie, à l’image de l’arbre à palabres ou du corps de garde de nos villages, est ancrée dans nos mœurs. Il est naturel que, au sein du PDG, les militants, les cadres et les dirigeants puissent débattre et émettre des positions divergentes sur nombre de sujets relatifs à la vie du parti ou à celle de la nation. Au moment où le Gabon affronte de sérieuses turbulences sur le plan économique, nous avons besoin d’un commandant de bord qui ait de la poigne, qui soit déterminé et qui nous fasse persévérer dans les efforts de réformes, salutaires pour nos concitoyens. La vision du président Ali Bongo Ondimba pour le Gabon, sa détermination pour la transformation économique du pays et sa passion pour le développement durable en font le candidat naturel du PDG. Et le champion derrière lequel, vous le constaterez, l’ensemble des militants et des sympathisants se rangeront pour mener la bataille de la présidentielle et des législatives, en dépit de l’existence de débats contradictoires. ● Propos recueillis par GeorGes DouGueLi n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
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S O C i é t é
N At i O N A l E
D E S
ENtrEtiEN
M. Arnauld Engandji Alandji Administrateur Directeur Général de la GOC cette nouvelle donne. L’axe prioritaire est de reprendre le contrôle sur nos coûts de fonctionnement ; ils sont trop élevés, et risquaient ainsi de mettre en péril la pérennité de notre exploitation.
DR
sure était de nature conservatoire. Cette période de turbulence nous a permis toutefois de tester la résilience du projet GOC. Nous avons ainsi pu maintenir le cap au prix de profondes restructurations. Il est important de rappeler qu’en 2011 et 2012, à la création de la GOC, le prix moyen du baril de Brent dépasse largement les 100 USD. Les projets initiés à ce moment n’ont pas la même rentabilité aujourd’hui avec un baril à 30 USD. Le défi est donc d’adapter notre organisation et notre stratégie à
Préparation du puits de pétrole pour la production.
A. E. A. : La première étape a consisté à reconstruire la confiance avec nos autorités de tutelles (Ministères du Pétrole et de l’Économie) en rétablissant une communication quotidienne, avec obligation de compte rendu plus régulier en vue d’une meilleure coordination. Ensuite, nous avons défini un plan de restructuration porté par trois axes : - la révision des contrats, - la maîtrise des coûts, - l’optimisation des revenus de l’entreprise. Nous avons relevé que certains contrats exposaient l’entreprise. Avec le concours de nos partenaires nous avons su les renégocier. Au final toutes ces actions vont contribuer à l’atteinte des objectifs de rentabilité, et amélio-
équipes de remboue.
remorquage de plateforme au Gabon.
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DR
M. Arnauld Engandji Alandji : Au moment de sa création, en août 2011, les plus hautes autorités gabonaises, ont pour ambition de faire de la GOC une société robuste et compétitive, susceptible de contribuer au développement social et économique du pays. Cette conception implique que GOC ne saurait être traitée différemment des compagnies internationales présentes au Gabon. Ainsi, accorder à GOC des droits exclusifs et lui permettre d’échapper à la rigueur imposée à tous les opérateurs pétroliers, serait un mauvais signal. La suspension du DG d’alors s’explique par la mise en évidence lors du conseil d’administration du 29 septembre 2015, de dysfonctionnements majeurs. À l’origine la me-
Quelles sont les actions que vous mettez en œuvre pour faire face à la situation ?
DR
PUBLI-INFORMATION
En octobre 2015, la Société Nationale des Hydrocarbures du Gabon, dite aussi Gabon Oil Company (GOC), traverse une crise majeure : le refus de la Direction Générale de se soumettre à l’audit de la tutelle, suivi de la suspension du DG et l’annonce de graves dysfonctionnements. Aujourd’hui comment se porte Gabon Oil Company ?
Paysage naturel avant les sites pétroliers.
Quelles dispositions ont été prises par la Direction pour prévenir ce type de situation ? A. E. A. : En parallèle de la stratégie de restructuration déployée, nous avons renforcé notre contrôle interne. Il s’est agi de mettre en
G A b O N
place un certain nombre de dispositifs qui aident à garantir la cohérence dans notre démarche. On peut citer la création d’un département Audit et contrôle interne qui favorise la détection des dysfonctionnements éventuels et une meilleure gestion des risques. Nous sommes ainsi capables d’implémenter plus rapidement les actions correctives nécessaires. Dans le domaine de gestion des achats nous avons créé « un comité contrats » qui supervise la stratégie d’optimisation contractuelle dans l’intérêt de GOC.
DR
rer nos prévisions de trésorerie. En ce qui concerne la maîtrise de coûts, nous avons dû abaisser notre niveau de dépense en réduisant drastiquement nos frais de fonctionnement (réduction du nombre d’établissements, et d’expatriés, rationalisation des prestations). Il y a eu également une réduction de nos effectifs à travers un plan social volontaire et négocié en interne dont l’impact représente un allégement de 36 % de notre masse salariale. Au total nous réalisons une économie de 50 % sur nos coûts. Enfin, sur le plan de l’optimisation des revenus, les recettes issues de la commercialisation du pétrole brut sont multipliées par 5, grâce à un contrôle plus strict exercé sur les réconciliations et la chaine de valeur du brut vendu. Bien sûr, nous ne sommes pas encore là où nous souhaiterions être. Il nous reste des efforts à fournir pour atteindre notre vitesse de croisière, mais nous nous réjouissons de notre modèle de restructuration qui commence déjà à por ter ses premiers fruits.
D u
Séance de travail avec Mme bingangoye, Directrice Administrative et Financière.
Savoir tirer les enseignements du passé, nous fait gagner en maturité et pour une jeune entreprise comme la nôtre nous entendons tirer le meilleur parti de cette expérience. Avez-vous une meilleure visibilité sur les perceptives de la GOC ? A. E. A. : Assurément. La mobilisation de nos équipes ces derniers mois a été une formidable source
d’énergie et de motivation. Notre ambition première est d’investir sur notre capital humain. Nous le faisons à travers la formation ; à ce titre certains collaborateurs sont en formation à l’IFACI (Institut Français de l’Audit et du Contrôle Interne) pour renforcer leur compétence en matière d’audit interne. Nous allons également continuer nos efforts en matière de gouvernance et de gestion des risques pour bénéficier à court terme d’un niveau de crédibilité identique à celui requis dans notre secteur d’activité. Nous sommes actuellement en discussion avec des cabinets internationaux pour la mise en place des meilleures pratiques en matière de gouvernance. Notre ambition à moyen terme est de devenir un exemple dans notre secteur. Notre industrie pétrolière est mature avec cette année 60 ans d’exploitation. Le futur du secteur pétrolier gabonais réside dans l’offshore et l’offshore profond. Notre stratégie consiste à créer suffisamment de valeur via la maximisation des revenus issus de la commercialisation, la négociation de nouveaux contrats pétroliers (CEPP) sur des champs marginaux ou encore l’obtention de parts de production non opérée. Ensuite nous aurons la capacité d’investir dans l’offshore profond. C’est cette orientation stratégique qui réduira notre exposition à la crise actuelle et permettra de développer de façon cohérente notre société.
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GABON OIL COMPANY - BD RAWIRI - B.P. 635 - LIBREVILLE, GABON - TÉL.: +241 06 00 80 81 /82
DIFCOM/DF - PHOTOS : JEAN-NOëL LANTHIEz SAU-F MENTION.
H y D r O C A r b u r E S
Passation de consignes avant le travail.
logistique sur les sites pétroliers.
Chef de site dans la salle de pilotage des équipements.
Le plus de J.a.
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Vie des partis
papy boom À l’approche de l’élection présidentielle, les vieux routiers de la politique se sentent pousser des ailes. Les voilà tous sur le plot de départ. Et les jeunes, dans tout ça ?
L
e changement ? Ça n’est toujours pas maintenant ! Ceux qui rêvaient de voir les dinosaures de la politique prendre leur retraite vont devoir attendre. Poussés hors des sphères du pouvoir, ces derniers ont basculé dans l’opposition et n’ont aucune intention de passer la main. Même s’ils ont trente, voire quarante années de vie publique au compteur, il est désormais clair que certains d’entre eux seront en lice pour la présidentielle, qui doit se tenir au second semestre. Et que les jeunes n’ont pas recueilli les dividendes de l’accession d’un quinquagénaire au Palais du bord de mer, en 2009. Dans un pays où, selon le dernier recensement, 62,3 % de la population a moins de 24 ans, c’est tout de même étrange. Parti avant les autres, Jean Ping (73 ans) se pose en concurrent d’Ali Bongo Ondimba et se présente en homme neuf (lire pp. 62-63 et « Ping président ? », J.A.
no 2872). Comme pour faire oublier plus de trente années passées au gouvernement… « Mao », comme on le surnomme, est en effet loin d’être un inconnu du sérail. Il est même un pur produit du régime de Bongo père. Dans la caravane du candidat, les alliés et compagnons de route ont, eux aussi, les tempes grisonnantes, comme l’ancien Premier
Souverainistes a dynamisé la vie politique pendant quelques mois. Mais, combattus par le président du parti, Zacharie Myboto (77 ans), ces Souverainistes se font désormais si discrets que leur courant a perdu peu à peu de son attrait. Les caciques de l’UN pourraient, eux, soutenir la candidature de l’ex-Premier ministre, Casimir Oyé Mba (73 ans). rupture de ban. Parmi les sexagé-
naires, PierreClaverMaganga-Moussavou (63 ans), du Parti social-démocrate (PSD), a déjà annoncé qu’il irait à la conquête du graal. Candidat en 1993, en 1998 et en 2009, le très narcissique maire de Mouila n’avait recueilli que 2 576 voix (0,76 %) à la dernière élection présidentielle. Il n’envisage pourtant pas une seconde de se ranger raymond ndong Sima, lui, prend derrière un autre candidat. son temps pour dire s’il sera Dans la liste des prétendants possibles, Raymond candidat. Mais ça le démange… Ndong Sima (61 ans) fait ministre Jean Eyéghé Ndong (69 ans) presque figure de jeunot. Mais il a décidé ou l’ex-ministre des Sports René Ndémezo de prendre son temps pour dire s’il sera Obiang (68 ans). candidat. S’il se jette dans la bataille, Auseindel’Unionnationale(UN),devel’ex-Premier ministre (février 2012-jannue le plus important parti d’opposition, vier 2014), ancien du Parti démocratique les jeunes rongent leur frein en attendant gabonais (PDG, au pouvoir) en rupture leur heure, qui tarde à venir. Créé par des de ban, en sera à son premier essai. Et quinquagénairesambitieux, lecourant des ça le démange… Quand il écrit dans son
dr; © vincent fournier/J.A.; XAvier BourGoiS / AfP
q Trois des prétendants à la magistrature suprême : Pierre Claver MagangaMoussavou, Jean Ping et Dieudonné Minlama Mintogo (de g. à dr.).
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jeune afrique
le gabon a-t-il (vraiment) changé ? livre Quel renouveau pour le Gabon ? (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2015) qu’« il est urgent de proposer un horizon serein afin d’inscrire le Gabon dans une dynamique de croissance saine et forte pour que ce pays devienne une zone de prospérité capable d’entraîner à sa suite l’ensemble de l’Afrique centrale », on s’attend à le voir joindre le geste à la parole. Rien de mieux qu’une image de réformateur pour incarner le renouveau. Au milieu des dinosaures, quelques jeunes loups se fraient péniblement un chemin, avec pour principal handicap leur déficit de notoriété. Ils pâtiront aussi, immanquablement, de la maigreur de leurs budgets de campagne. Bruno Ben Moubamba (48 ans), qui a récolté 963 voix (0,28 %) en 2009, a mis la main sur une tendance de l’Union du peuple gabonais (UPG). Il ira à la présidentielle avec le soutien de ce parti affaibli par des querelles de succession. Par ailleurs, outre MagangaMoussavou, d’autres leaders punus ayant plus d’expérience et d’argent pourraient lui disputer le vote « identitaire » de la
deuxième ethnie la plus nombreuse du pays. En l’occurrence, Didjob Divungi Di Ndinge (69 ans), l’ex-vice-président de la République, et Jean de Dieu Moukagni Iwangou (56 ans), le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG, lire pp. 72-73). Ce n’est pas gagné.
menait campagne pour empêcher la candidature de tout Gabonais issu de l’ethnie fang à la présidentielle au motif que les Fangs ne seraient pas aimés dans ce pays ! » s’insurge-t-il. En effet, Essone Mengue est un Fang. Or il soutient Ping, qui ne l’est pas. Ce qui va à l’encontre de la logique ethnique gabonaise. Pis, pour justifier son les nouveaux venus, peu connus soutien à l’ancien chef de du public, n’ont pas de budgets la diplomatie, il demande de campagne dignes de ce nom. même aux Fangs de ne pas présenter de candidat en agronome. On reproche aussi aux expliquant que les autres Gabonais s’en « nouvelles générations » leur incapaméfient et que, pour chasser les Bongo cité à concevoir un discours susceptible Ondimba, il faut un candidat issu d’une de susciter une adhésion transethnique « ethnie consensuelle » – en l’espèce, les Nkomis, dont est issu Ping. Minlama, qui de la jeunesse. Un défi que veut relever s’indigne de cette manière de concevoir la Dieudonné Minlama Mintogo (47 ans), politique, a donc déposé une candidature président de la Convention nationale de l’interposition. À la surprise généde témoignage. rale, cet agronome venu de la société Au Gabon, l’enjeu, à moyen terme, est non seulement de renouveler l’élite qui civile va se présenter contre Ali Bongo gouverne, mais aussi l’art de faire de la Ondimba. « Je n’ai pas compris pourquoi politique. ● le maire d’Oyem, Vincent Essone Mengue georges Dougueli [pour justifier son soutien à Jean Ping],
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Le Plus de J.A. Confidences de
Jean de Dieu Moukagni Iwangou « Ping ne fait plus partie de notre coalition. Je lui souhaite bon vent! » même jamais accordée. Nous ne pouvons pas parler aux Gabonais ! Quel bilan faites-vous du mandat d’Ali Bongo Ondimba ? C’est un échec. Pour le comprendre, il suffit d’observer l’état d’avancement des projets censés incarner l’émergence. Sur le bord de mer de Libreville, le grand chantier du « Champ-Triomphal » est resté un gros tas de sable. Jean Ping a déclaré avoir été investi par le Fuopa le 15 janvier, ce que vous et plusieurs cadres de la plateforme contestez. Le Front n’a jamais été aussi proche de l’implosion… Il ne s’agit pas d’une implosion. Jean Ping s’exclut de lui-même du Front, puisque sa déclaration de candidature est irrégulière et totalement contraire aux dispositions de la plateforme. Je considère que nous suivons deux lignes différentes et que ce n’est plus tenable. Nous ne voulons pas d’un candidat du fait accompli et, à mon sens, Jean Ping ne fait plus partie du Front. Il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Je lui souhaite bon vent ! dr
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n septembre, Jean de Dieu Moukagni Iwangou a fait les gros titres de la presse après un revirement dont seule la politique gabonaise a le secret. Nommé ministre au sein du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, le leader de l’Union du peuple gabonais (UPG) a finalement rejeté l’offre. Il lui a préféré son statut de membre signataire du Front uni de l’opposition pour l’alternance (Fuopa, qu’il a présidé d’avril à octobre 2015), regroupant 27 partis d’opposition et censé désigner un candidat unique à la présidentielle. Mais à quelques mois du scrutin, rien n’est moins sûr. Minée par la guerre des chefs, la plateforme se déchire autour de la candidature de
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Jean Ping et menace d’imploser. Jean de Dieu Moukagni Iwangou s’est luimême prononcé contre la candidature de l’ancien président de la commission de l’Union africaine, qu’il qualifie d’« irrégulière ». JEUNE AFRIQUE : Quelle est votre perception du Gabon à quelques mois de la présidentielle ? JEAN DE DIEU MOUKAGNI IWANGOU: Le pays est plongé dans une situation de crise qui affecte les fondements de l’État de droit. Outre les problèmes de corruption, les libertés publiques sont confisquées. L’opposition n’a pas le droit de tenir des réunions publiques. L’autorisation de manifester ne nous est
Vous appelez à une primaire au sein du Fuopa. Sous quelle forme ? Il y aura bel et bien une primaire et celle-ci sera ouverte aux citoyens. Les partis auront le temps de se réunir, au cours du mois de février, pour décider s’ils présenteront ou non un candidat. Ensuite, le Front se réunira à la fin du mois de mars lors d’une convention, qui devrait aboutir à une candidature unique. Il semble pourtant peu probable que le Fuopa ne présente qu’un seul candidat, comme il l’avait promis.Y croyez-vous encore ? Il peut y avoir des candidats dissidents, forcément minoritaires et isolés. J’espère tout de même que nous parviendrons à nous rassembler autour de la bonne candidature. jeune afrique
le Gabon a-t-il (vraiment) changé ?
La vôtre ? Il est encore trop tôt pour que je me prononce. Mon parti va se pencher sur la question. Mais, oui, ma candidature aux primaires est de plus en plus probable. Lors de la formation du dernier gouvernement de Daniel Ona Ondo, en septembre 2015, votre nom figurait sur la liste des ministres. Avant que vous ne refusiez le poste sous la pression de votre parti, selon le gouvernement. Quelle est votre version des faits ? La veille de la publication de la liste des ministres, le président a envoyé deux de ses collaborateurs pour m’informer que je figurais dans le nouveau gouvernement. J’ai répondu négativement. J’ai été convié à réitérer mon refus. Ce que j’ai fait face à Ali Bongo Ondimba : je lui ai dit « non », face à face. Son cabinet a essayé une dernière fois de me convaincre et m’a demandé
de confirmer ma réponse. Je ne l’ai jamais fait, et ils ont choisi de publier la liste des ministres en l’état. J’ai donc ensuite répété mon refus lors d’une conférence de presse.
côté, Ali Bongo entend opposer à Jean Ping qu’il était membre des gouvernements de son père et qu’il est de ce fait comptable du passé. De l’autre, Jean Ping veut montrer au chef de l’État que
Une troisième voie est possible. Et je pourrais l’incarner. Sans pressions politiques de la part de votre parti ? Il n’y a eu aucune pression. Il faut tout de même rappeler que j’avais refusé les sollicitations de Bongo père avant celles de son fils. Cependant, cette affaire a vraiment fait beaucoup de bruit et a soulevé un débat national. Jusque-là, il ne semblait y avoir que les candidatures d’Ali Bongo et de Jean Ping, qui souhaitent tous deux s’affronter. D’un
le Gabon est une République et non une monarchie. Mais la médiatisation de mon refus a suscité une forte réaction, montrant qu’une troisième voie est possible… Que vous espérez incarner lors de la présidentielle de 2016 ? Pourquoi pas ? C’est possible. ●
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La SEEG met en service une nouvelle unité de production d’eau potable à Ntoum Le Président de la République Gabonaise, S.E.Ali Bongo Ondimba a procédé le 11 janvier dernier à Ntoum, près de Libreville, à la mise en service d’une nouvelle usine de pompage et de traitement d’eau potable destinée à approvisionner cent mille usagers supplémentaires à Libreville et sa région où réside plus de la moitié de la population gabonaise. Financée à hauteur de 5 milliards de F CFA par la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG), cette nouvelle usine, implantée à proximité du site de l’ex-CIMGABON, puise dans le lac attenant à la carrière un volume journalier de 16 000 m3/ jour, qui porte ainsi la capacité de production des installations de Ntoum à 231 000 m3/ jour. Ce volume d’eau additionnel va permettre d’alimenter qualitativement cent mille nouvelles personnes dans des secteurs en situation de stress hydrique.
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En deux ans, l’amélioration de la filière de traitement de l’eau potable et les différents travaux réalisés sur l’ensemble du territoire du Gabon ont augmenté les capacités de production de près de 35 %, permettant ainsi une amélioration significative de l’approvisionnement en eau de l’agglomération de Libreville et des villes de l’intérieur du pays.
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Le Plus de J.A. Gabon DÉCRYPTAGE ALAIN FAUJAS
Il faut DI-VER-SI-FIER !
L
a « maladie hollandaise » dont souffre le Gabon depuis des décennies le met en danger au moment où l’effondrement des cours du pétrole sous la barre des 30 dollars nécessiterait le renfort d’autres secteurs. Comme aux Pays-Bas en 1959, l’hypertrophie de la manne pétrolière y a provoqué une décadence de l’industrie, des comportements de rentiers, du gaspillage financier, une baisse des qualifications dans les autres domaines d’activité, etc. Tout ce qui rend le Gabon, qui tire de l’or noir la moitié de ses recettes budgétaires, difficile à manœuvrer dans la tempête actuelle. le Premier ministre avait prédit une croissance de 5 % en 2015. Ce fut 4 % selon le Fmi, et même 2,5 % si l’on en croit la Coface, leader mondial de l’assurance-crédit. les agences de notation standard & Poor’s et Fitch Ratings ont dégradé la qualité de la dette gabonaise, passée de 16 % du PiB en 2011 à 35 % en 2015. elle devrait même atteindre 42 % en 2016, estime Jean-louis daudier, économiste senior à la Coface, « ce qui représente une très importante augmentation au moment où le coût des emprunts remonte fortement ». le solde de la balance des transactions extérieures courantes, qui était jusque-là positif, à 8 % du PiB, a viré au déficit (de 2 % l’an dernier, selon le Fmi). et le franc CFa ne permet pas de compenser la perte des recettes d’exportations, car il est arrimé à l’euro et baisse peu alors que les monnaies des autres pays pétroliers se dévaluent très vite contre le dollar, comme le prouvent le recul de 25 % du naira nigérian et celui de 60 % du kwanza angolais depuis 2014. « les pays CFa y gagnent en stabilité, mais perdent en flexibilité. ils ne peuvent pas réagir en jouant sur le taux de change face au choc pétrolier », commente sylvain Barthélémy, de TaC economics.
entreprises privées, les administrations ont accordé à certaines d’entre elles des exonérations fiscales ou douanières qui, selon le Fmi, amputent gravement les recettes de l’État sans vraiment aider le pays à diversifier son économie. Car le défi est là : les activités du Gabon demeurent centrées sur les richesses de son sous-sol (pétrole, manganèse, or) et de sa forêt. Faute d’infrastructures et surtout faute d’une main-d’œuvre suffisamment formée, les politiques de diversification ne sont pas parvenues à leurs fins. Certes, les plantations de palmiers à huile du singapourien olam sont entrées en production, la Comilog enrichit enfin le manganèse en le transformant en silico-manganèse, l’okoumé n’est plus exporté sous forme de bois brut, ou seulement vers la Chine. mais c’est peu et c’est tard. le médiocre climat des affaires, dû à une administration si peu compétente que le président s’est ingénié à la
Loin d’être optimiste, le FMI attend des mesures plus drastiques pour contrer la chute des cours de l’or noir.
Le président Bongo Ondimba est pris en tenaille entre des impératifs contradictoires : la politique contre l’économie. il a taillé dans les dépenses les moins vitales, mais l’élection présidentielle pourrait le faire céder à la tentation d’ouvrir les vannes budgétaires. le court terme contre le long terme : il entend préserver les investissements pour ne pas dévier de son Plan stratégique Gabon émergent (PsGe), mais cela suppose de donner un tour de vis supplémentaire aux dépenses courantes afin de ne pas aggraver le déficit budgétaire. de plus, l’émergence continue d’être parasitée : sous prétexte de favoriser les n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
contourner en recourant à des agences spécialisées, a découragé les investisseurs privés. Ceux-ci auraient pourtant pu compenser la chute d’activité du BTP, des transports, du commerce et des services sous l’effet des économies budgétaires et du ralentissement de la recherche pétrolière. le Fmi n’est pas optimiste. « Étant donné le recul des prix du pétrole, il sera probablement nécessaire au début de 2016 d’adopter des mesures fiscales supplémentaires et d’agir de manière résolue pour s’attaquer à la croissance de la masse salariale et réduire davantage les subventions aux carburants », déclarait le 24 décembre 2015 montfort mlachila, à l’issue de la mission du Fmi qu’il dirigeait à libreville. nous y sommes, et il va falloir bien du courage au président Bongo ondimba pour prendre à rebrousse-poil une population vivant pour un tiers en dessous du seuil de pauvreté. la priorité qu’il donne aux dépenses sociales fera-t-elle accepter aux Gabonais la remise en cause d’habitudes néfastes en temps de crise mais solidement ancrées dans leurs esprits ? ou bien les grèves et les manifestations le feront-elles reculer ? ● jeune afrique
Le Plus de J.A. Gabon Finances publiques
Fini la gabegie? Après avoir mesuré l’ampleur des irrégularités et des abus, l’État a resserré les cordons de la bourse. Avec, depuis janvier, des comptes mieux encadrés.
© Vincent Fournier/J.A.
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p Jean Fidèle Otandault, l’un des piliers de la réforme.
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est l’histoire d’une relation compliquée avec l’argent. Celui, volatile, de l’État du Gabon que, cinquante ans durant, fonctionnaires et responsables politiques ont dépensé sans compter. Cinquante années de faste pour les prédateurs des fonds publics, aidés par des régies financières opaques – de véritables passoires –, qui ont plombé le développement du pays. Le tout masqué par une manne pétrolière qui leur paraissait éternelle. Seulement voilà, ces années d’insolente prospérité et d’insouciance ne sont plus qu’un lointain souvenir. Celui d’un Gabon qui, après la mise en exploitation du gisement de RabiKounga, produisait 20 millions de tonnes de pétrole par an. L’argent a été dilapidé par des responsables publics qui n’avaient aucune obligation de rendre des comptes, d’autant qu’aucun objectif de politique précis n’était adossé aux crédits votés par le Parlement. Ce fut un crime économique dont ils n’ont jamais rendu gorge. Summum de la gabegie, ce sont les fêtes tournantes qui ont provoqué le sursaut des nouvelles autorités du pays. Elles ont fait l’objet d’un audit commandité en 2013. Mais les responsables politiques, au n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
moins coupables de mauvaise gestion, restent à ce jour impunis. Néanmoins, cette impunité n’aura plus cours. Depuis janvier 2015, une réforme – dont le FMI s’est félicité dans un rapport publié en septembre – introduit enfin de la transparence dans les comptes publics. Désormais, lors de l’élaboration de la loi de finances, le gouvernement indique les objectifs qu’il poursuit avant toute allocation budgétaire. C’est ce qu’on appelle la « budgétisation par objectifs de programme », dans la novlangue administrative en vigueur à Libreville. Aujourd’hui, on ne peut donc plus ruser. La réforme est d’autant plus nécessaire que l’État doit trouver de l’argent pour financer des projets structurants. C’est-à-dire réduire le gaspillage des ressources publiques, court-circuiter
les fraudeurs et faciliter la vie aux vrais créateurs de richesse. Toujours en 2013, un deuxième audit des instances du Trésor – les créances des entreprises sur l’État – a également été conduit. « L’objectif était d’examiner toutes les dépenses régulièrement engagées et ordonnancées, en attente de règlement au Trésor public. Cette mission, qui a porté sur l’examen de plus de 2 000 milliards de F CFA [environ 3 milliards d’euros] de dossiers en instance, s’est notamment matérialisée par une économie de plus de 650 milliards de F CFA pour l’État », explique Jean Fidèle Otandault, commissaire aux comptes qui a piloté la réforme et les audits et qui a été nommé directeur général du budget et des finances publiques en décembre 2014. Cet argent a notamment permis de financer l’augmentation des salaires de 80000 employés du secteur public en juillet 2015. Désormais, dans la relation d’affaires avec l’État, c’est l’appel d’offres qui s’impose comme la principale porte d’entrée. Pour donner encore plus de chances à tous et, surtout, à ce tissu embryonnaire de PME gabonaises qui sont à la fois un réservoir d’emplois et un pilier de la croissance, une charte a été édictée. Face aux détracteurs de la réforme, les équipes de jeunes cadres du ministère du Budget qui la mettent patiemment en place exposent sereinement leurs résultats. L’objectif le plus important : changer la mentalité des gestionnaires publics. « Un franc de trop sur un projet est un franc de moins sur un autre », entend-on au ministère. ● GeorGes DoUGUeLI
Le Coût De La FraUDe Surfacturation, marchés fictifs, pratiques abusives dans la passation des marchés publics, créances douteuses détenues par des entreprises sur l’État… Selon les auditeurs de
la Direction générale du budget et des finances publiques, entre 2006 et 2012, plus de la moitié du budget de l’État a disparu dans la nature (lequel s’élevait en 2012 à environ
2 760 milliards de f cfa, soit 4,2 milliards d’euros). Et, sur la même période, 600 milliards de f cfa ont été frauduleusement payés aux fournisseurs G.D. de l’État. ● jeune afrique
Le Plus de J.A.
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Xinhua news agency
t Rencontre entre le président chinois Xi Jinping (au centre, rangée de droite) et Ali Bongo Ondimba (face à lui), à Johannesburg, le 3 décembre 2015.
InvestIssements étrangers
Vite, les places sont chères! Ils irriguent tous les secteurs de l’économie. « Ils » ? Les capitaux qui, de Pékin à Delhi en passant par Ankara, affluent à Libreville. Et montrent que le pays s’est ouvert.
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h i n o i s, Indie n s, Tu rcs, Marocains, Mauriciens, SudAfricains… Les partenaires du Gabon sont de plus en plus nombreux et viennent désormais de tous les continents. Résultat de la politique d’ouverture engagée par le gouvernement? Retombées positives d’une stratégied’ensemble,conçuepardeséconomies émergentes en quête de nouveaux marchés ? Ou les deux à la fois ? Quoi qu’il en soit, le montant des investissements directs étrangers (IDE) est en hausse. Entre 2009 et 2012, le pays en a attiré 1 235 milliards de F CFA (près de 1,89 milliards d’euros), contre 775 milliards de 2005 à 2008, selon la Cnuced. Si les secteurs pétrolier et minier en restent les principaux pourvoyeurs, d’autres branches d’activité, comme l’agro-industrie, le BTP et les services, ne cessent de gagner de l’importance. Cette augmentation des IDE s’accompagne d’une volonté de diversification des partenaires. À cette fin, les autorités gabonaises investissent dans n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
Certes, avec une centaine de filiales d’entreprises implantées dans le pays, la France reste un partenaire de poids. Elle voit pourtant ses parts de marché s’amenuiser. Son grand concurrent ? La Chine, dont la présence ne cesse de se renforcer depuis le début des années 2000. C’est dans le BTP que ses entreprises sont le plus visibles, avec des réalisations telles que le stade de l’Amitié-sino-gabonaise d’Angondjé, que Shanghai Construction Group a réalisé à la périphérie nord de la capitale à Agro-industrie, BTP, services… l’occasion de la CAN 2012, Ces nouvelles filières ne cessent ou le titanesque chantier de l’ancien Port-Môle, de prendre de l’importance. dirigé par China Harbour concurrence, très rude, ne concerne pas Engineering Company, où 40 hectares ont seulement les investissements ou les relaété gagnés sur la mer afin de permettre la tions commerciales. La participation des construction du futur Champ-Triomphal entreprises ou des États à des programmes (marina, complexe culturel et centre nationaux, le transfert de compétences, commercial). Elles ont également pris l’accueil d’étudiants et de chercheurs pied dans les secteurs pétrolier (Addax gabonais y sont également soumis. Bref, Petroleum, filiale de la Sinopec) et minier c’est à qui offrira à Libreville le meilleur (la Compagnie industrielle et commerpartenariat. ciale des mines de Huazhou, sur le projet l’organisation de forums, multiplient les voyages officiels et soignent l’accueil de délégations étrangères – une tâche qui incombe au Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), créé en 2012 afin d’accompagner les entreprises désireuses de faire des affaires ou de s’implanter dans le pays. Cette diversification, bénéfique pour les Gabonais, est évidemment source de tensions entre leurs partenaires. La
jeune afrique
le gabon a-t-il (vraiment) changé ?
dragons africains. Développement
des échanges commerciaux, signature d’accords de coopération commerciale, économique, culturelle et technique, organisationdeforumséconomiquesenmarge des visites d’hommes d’affaires au Gabon et de voyages de responsables gabonais en Turquie : les relations avec Ankara se sont considérablement développées. Alors que la desserte de Libreville par Turkish Airlines est en cours de discussion, les investisseursturcs,de plus en plus offensifs au Gabon, lorgnent les filières porteuses. Avec une préférence pour l’agriculture et le BTP, en particulier dans la réalisation de réseaux de distribution de gaz, de barrages, de routes, de ponts et de logements, comme ceux que Dorçe etAfrika Rönesans ont construits à Angondjé. Plus discrets mais eux aussi très attentifs à l’essor du marché gabonais, les « dragons » africains ne sont pas en reste. Notamment l’Afrique du Sud, présente dans le raffinage pétrolier via Petro-Congo, et Maurice, qui intervient dans la filière pêche-conserverie depuis la création de Tropical Holding, filiale du conglomérat mauricien Ireland Blyth Limited. Quant au partenariat, déjà ancien, avec le Maroc, il jeune afrique
s’est également renforcé. Les exportations du royaume vers le Gabon sont passées de 305,6 millions à plus de 574 millions de dirhams (d’environ 28 à près de 53 millions d’euros) de 2013 à 2014, et les entreprises marocaines sont désormais actives dans les services (banque et télécoms), les
mines (Managem) et l’industrie, notamment avec Cema-Gabon, dans la filière bois, et Cimaf Gabon (filiale de Ciment de l’Afrique et d’Addoha), qui a repris en 2014 les actifs de Cimgabon, l’unique cimenterie du pays. ● muriel devey malu-malu
les bons plans de l’oncle sam
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rès présents au Gabon depuis les années 1990 dans les hydrocarbures (Anadarko, Halliburton, Vaalco, Weatherford, Harvest…), les Américains ont ensuite investi dans bien d’autres domaines : les télécoms (Hughes Network Systems, équipementier V-Sat du groupe gabonais IG Telecom), le conseil (PWC, Ellipsis), la banque (Citi), la santé et la formation du personnel médical (Aspen), l’hôtellerie (Radisson)… Autant de groupes dont les dirigeants et les cadres installés dans le pays ont créé, en 2012, l’American Business Association of Gabon
(Abag), présidée par Robert Weisflog, patron de Weisflog Consulting Services. Mais l’arrivée la plus marquante est celle du groupe Bechtel, en 2010. Le géant américain du BTP a en effet participé, sous la tutelle de la présidence, à l’élaboration du Schéma directeur national d’infrastructures et a supervisé les principaux chantiers prévus dans le cadre du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) avec l’ex-ANGT. Devenue Agence nationale des grands travaux d’infrastructures (ANGTI) et rattachée au ministère des Infrastructures depuis le 17 décembre 2015,
celle-ci est désormais présidée parYvesFernand Manfoumbi, le patron du bureau de coordination du PSGE, mais reste dirigée par Emmanuelle Mattéï, directrice de programme chez Bechtel. Enfin, le 15 janvier s’est ouverte « une fenêtre sur le mode de vie américain », selon l’expression de Cynthia Akuetteh, ambassadrice des États-Unis au Gabon, avec l’inauguration du premier American Corner (centre culturel) du pays, dans les locaux de l’Académie franco-américaine de management (Afram) de Libreville. ● cécile manciaux
XAVIER BOURGOIS
de manganèse du mont M’Bembelé, dans le Moyen-Ogooué), dans l’agro-industrie (Société orientale du développement agricole du Gabon) et, depuis longtemps, dans la filière bois. Mais voici qu’à leur tour les Chinois subissent la concurrence de nouveaux investisseurs. Notamment celle des Indiens. Leurs créneaux ? Les télécommunications (Bharti Airtel), la formation, la télémédecine et le téléenseignement. Et, bien sûr, les secteurs pétrolier (Oil India Ltd) et minier (Navodaya Trading DMCC, filiale de Dharni Sampda Pvt), ainsi que le BTP (M3M India, Ramky Engineering and Consulting Services). Ils s’intéressent aussi aux occasions que leur offre la Zone économique à régime privilégié (ZERP) de Nkok. Cette dernière a été inaugurée en 2011 et développée par l’État en partenariat avec le groupe Olam International, présent au Gabon depuis 1999 et dont le siège est à Singapour. À Nkok, la société indienne L7H Life Resources Overseas s’apprête à investir 30 milliards de F CFA (plus de 45,7 millions d’euros) dans la production de poulets de chair. Elle pourrait aussi s’impliquer dans le Programme Graine (lire p. 84), également dirigé par une coentreprise entre Olam et l’État.
81
p L’hôtel Park Inn by Radisson (groupe Carlson), inauguré fin 2014 à Libreville. n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
Le Plus de J.A. Gabon Questions à
Arnauld engandji Alandji Administrateur et directeur général de Gabon Oil Company
« Nous cherchons des partenaires pour partager les risques dans l’offshore »
a
rnauld Engandji Alandji a été nommé à la tête de Gabon Oil Company (GOC) le 8 octobre 2015 pour assurer l’intérim de Brice Toulekima, suspendu par le conseil d’administration. Il a été confirmé au poste de directeur général de la société nationale pétrolière le 29 janvier. Une mission délicate pour cet ingénieur de production pétrolière formé à l’université de Leeds (Royaume-Uni) de tout juste 40 ans, dont seize années passées au sein de Shell Gabon. Il a notamment occupé le poste de superviseur des opérations des champs de Gamba, d’Ivinga et de Totou, et du terminal pétrolier de Gamba. Parallèlement, à partir de 2007, il a été le porte-parole de l’Organisation nationale des employés du pétrole, l’éruptif syndicat du secteur, jusqu’à ce qu’il soit appelé à rejoindre la présidence de la République, en février 2013, en tant que conseiller, puis conseiller spécial, du chef de l’État. JEUNEAFRIQUE: Quels sont vos objectifs à court terme à la tête de GOC ? ARNAULD ENGANDJI ALANDJI : Il m’a été demandé de conduire l’audit comptable et organisationnel attendu par les autorités de tutelle de la société, à savoir le ministère du Pétrole et celui de l’Économie. Dès le départ, il était clair qu’une profonde restructuration
© François xavier bourgois pour J.a.
82
p L’ancien ingénieur de Shell Gabon remplace BriceToulekima.
Sur le long terme, quelles sont les grandes lignes du plan de développement de GOC ? Au cours des cinq prochaines années, nous souhaitons acquérir une surface financière et une gouvernance d’entreprise robustes. Si nous voulons nous affirmer face aux autres opérateurs pétroliers, nous devons maximiser les revenus que l’État tire de la commercialisation du brut. Nous devons aussi diversifier nos activités en amont par la prise d’intérêts dans les champs marginaux en production, augmenter notre portefeuille de production non opérée et être présents dans toutes les activités aval, notamment l’approvisionnement et la distribution des produits pétroliers. Enfin, nous envisageons de renforcer les mécanismes de contrôle et de gestion interne de l’entreprise.
Pour le projet de raffinerie à Port-Gentil, les négociations sont en cours. de l’entreprise s’imposait. Je me suis attelé à cette tâche. Celle-ci passait notamment par un passage en revue de tous nos contrats et une diminution de près de 50 % de nos frais de fonctionnement, dont 37 % liés à une réduction de la masse salariale. n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
Quelle quantité de brut avez-vous vendue en 2015 ? Environ 7 millions de barils, et ce volume devrait croître de manière substantielle avec la reprise en 2016 d’autres participations jusqu’ici détenues par l’État. Où en sont les projets d’exploration offshore de la compagnie et le projet de raffinerie ? Notre santé financière et le niveau d’investissements nécessaires en offshore nous incitent à la plus grande prudence. Pour l’instant, nous recherchons des partenaires souhaitant partager le risque avec nous. Cela passera par une utilisation commerciale ingénieuse des 15 % de droits que le nouveau code des hydrocarbures octroie à GOC dans les permis d’exploration. Quant au projet de raffinerie à Port-Gentil, les négociations se poursuivent. ● Propos recueillis par GeorGes DoUGUeLI jeune afrique
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enGAGemenT cLIenT Le groupe Ogar annonce l’obtention de la certification ISO 9 001 version 2 008 sur l’ensemble du périmètre de ses opérations au Gabon en Assurances IARDT et Assurance Vie. Ce label lui est décerné par Lloyd’s Register pour la mise en place d’un système de management de la qualité correspondant aux standards internationaux les plus exigeants. l’amélioration continue de ses services pour garantir à ses clients Particuliers et Entreprises une satisfaction optimale. Cette certification s’inscrit pleinement dans la stratégie de développement du Groupe Ogar qui ambitionne d’être reconnu comme un leader en matière de qualité de service dans le secteur de l’Assurance en Afrique. Le Groupe Ogar est présent au Gabon, au Bénin, au Togo et en Côte d’Ivoire à travers ses marques-produits Ogar Assurances et Ogar Vie.
© Aco Design Afrique
Le référentiel ISO 9 001 version 2 008 traduit l’engagement du Groupe en faveur de
Le Plus de J.A. Gabon l’idée que, s’il veut inverser l’inéluctable déclin économique et social, le Gabon de l’après-pétrole devra être agricole. Le sera-t-il vraiment ? Il est trop tôt pour le dire. Mais voir Ali Bongo Ondimba arpenter la campagne pour promouvoir ce programme prouve au moins que l’agriculture n’est plus un vain mot, même si la part du secteur représente à peine 5 % du PIB, selon le FMI.
Agriculture
retour à la terre Dans les zones rurales, on se prépare à l’après-pétrole. Avec pour fer de lance le programme Graine, qui en un an a permis de créer 1 200 emplois.
« CrimineL ». Sur le terrain, le retour à
© dr
84
L
p Formation dans une plantation en Malaisie, en octobre 2015.
es premiers bulldozers commanAu point qu’on en oublie que la relance dés par l’État pour donner un de l’agriculture dans ce pays pétrolier, coup d’accélérateur au désorqui a abandonné la culture de la terre mais célèbre programme Graine après les indépendances pour orienter (Gabonaise des réalisations agricoles son économie vers l’extraction minière, est une nécessité d’autant plus vitale et des initiatives des nationaux engaqu’il est probable que la diminution gés) ont été livrés dès le 19 novembre 2015. La commande totale porte sur 475 graduelle de la production d’or noir engins agricoles, soit le plus gros inves– qui tient à l’arrivée à maturité des champs – se poursuive. tissement en engins lourds depuis la construction, lancée en Piloté par la Société gabo1978, du Transgabonais, naise de transformation la pr incipale voie agricole et développeLe Gabon importe ferrée du pays. ment rural (Sotrader), chaque année L’investissement née d’un partenariat en matér iel est public-privé entre l’État et le groupe l’aspect le plus de F CFA (457 millions d’euros) spectaculaire de Olam International, de produits alimentaires. Graine la politique agriGraine rassemble a été pensé et conçu pour que cole engagée par le les paysans en cette somme profite désormais gouvernement. Mais coopératives de aux populations ses efforts visent aussi producteurs. Et à faire changer les mendepuis son lancement, talités, à former les agriculle 22 décembre 2014, le teurs et à organiser les filières. programme, qui allie la vision Perçue comme une campagne élec« Gabon Vert » et les objectifs du pacte torale avant l’heure, l’implication des social, se développe à un rythme soupolitiques est critiquée par l’opposition. tenu. Comme pour faire cheminer
300 milliards
n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
la terre est fêté. Comme le 15 décembre 2015 au centre de Koulamoutou, au cœur de l’Ogooué-Lolo (Sud), où, lors d’une cérémonie solennelle, le chef de l’État est venu remettre à des paysans rassemblés en coopératives les titres fonciers de leurs nouvelles parcelles. « Nous sommes parvenus à mettre en place cinq centres régionaux, et plus de 1 000 hectares de terres ont été aménagés pour la culture de la banane, du manioc, du piment et de la tomate », a tenu à souligner Ali Bongo Ondimba devant un auditoire conquis. Le président a serré des mains et s’est fait photographier avec les agriculteurs. « À l’heure de la baisse des revenus du pétrole, on ne peut pas continuer avec les pratiques du passé. Poursuivre dans cette voie-là serait criminel », a-t-il ajouté. Dans la province voisine de la Ngounié, le centre régional de Ndendé a ouvert début octobre 2015. Il a enregistré plus de cent associations répondant aux critères d’adhésion du programme. Désormais, chaque agriculteur y bénéficiera d’une aide publique mensuelle de 100 000 F CFA (plus de 152 euros) en attendant les premières récoltes. Le programme Graine met aussi l’accent sur le transfert de compétences et de savoir-faire. Les paysans organisés en coopératives sont encadrés et supervisés par de jeunes Gabonais spécialement formés aux techniques modernes de gestion agricole. Déjà 54 d’entre eux sont rentrés d’une formation en Malaisie. À terme, plus de 2 500 personnes bénéficieront de stages similaires en Asie. Par ailleurs, l’achat de bulldozers pour accélérer la concrétisation du programme a entraîné la création de nombreux postes (mécaniciens, conducteurs, techniciens de maintenance, etc.). En décembre, le programme avait déjà permis de créer 695 emplois directs et 489 indirects. ● GeorGes DoUGUeLi jeune afrique
RENFORCER LES CAPACITÉS LOCALES
Nos métiers, nos technologies et nos standards internationaux exigés en matière de QHSE, offrent des opportunités de transfert de compétences aux gabonais afin d’apporter une contribution qualitative au développement social et économique du pays.
Lire aussi Contre le braconnage, une lutte inégale
Le Plus de J.a.
Michael nichols/national geographic
86
p Survol du parc national d’Ivindo (nord-est). EnvironnEmEnt Et businEss
un poumon sous pression Avec ses 22 millions d’hectares de forêt tropicale, le pays dispose d’une biodiversité unique et de ressources inestimables. Comment les exploiter sans les épuiser ?
I
l suffit de survoler le Gabon pour comprendre ce qui forge son identité : l’immense étendue de forêt, qui couvre plus de 80 % de son territoire. Un patrimoine naturel très convoité, tant il recèle de richesses encore inexploitées. Des ressources exceptionnelles que le Gabon a voulu sanctuariser. En 2002, Omar Bongo Ondimba mettait sous cloche 11 % du territoire, en créant treize parcs nationaux. Cinq ans plus tard, l’Agence n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
nationale des parcs nationaux (ANPN) était née pour veiller à leur sauvegarde. Camouflés dans leurs treillis, quelque 600 hommes sillonnent ces 2,94 millions d’hectares de forêt tropicale protégée, à la recherche des trafiquants de bois, des orpailleurs et des braconniers. Une surveillance récemment renforcée par un gigantesque satellite mis en place sous l’égide de l’Ageos (Agence gabonaise d’études et d’observations spatiales).
Car sous l’épais manteau vert, l’exploitation illégale des ressources forestières se poursuit. « Il y a deux mois, plusieurs personnes ont été arrêtées pour sciage illégal de bois », explique Francis, écogarde du parc de Pongara, au large de Libreville. Mais ils ont été relâchés, « certainement parce qu’ils connaissaient quelqu’un », lâche le trentenaire. EscouadEs. Même constat amer chez
les écogardes du parc d’Akanda, au nord de la capitale. « Nous avons engagé un bras de fer plutôt musclé avec un exploitant forestier : il avait un permis franchement étrange du ministère de la Protection de l’environnement et des Ressources naturelles, de la Forêt et de la Mer. Il a fini par partir, mais il a eu le temps de saccager plusieurs hectares », jeune afrique
le Gabon a-t-il (vraiment) changé ? regrettent les gardes. Car un autre fléau menace la forêt gabonaise : la corruption, que l’État tente tant bien que mal d’endiguer. Les fonctionnaires du ministère de la Forêt en gardent d’ailleurs un souvenir cuisant. Fin novembre, des escouades de la Direction générale des recherches ont embarqué une quinzaine de hauts fonctionnaires pour trafic de bois précieux. L’ancien ministre, Nelson Messone, a luimême été entendu, avant d’être relâché. « C’était comme dans les films : ils sont venus armés, ils ont perquisitionné tous les bureaux », raconte un fonctionnaire sous le couvert de l’anonymat. Dans ce climat délétère, les employés du ministère préfèrent garder un profil bas. L’opération musclée avait été orchestrée en haut lieu. Flore Mistoul, nouvelle ministre de la Forêt, avait reçu des consignes : faire le ménage au plus vite. « Cela démontre les engagements du président en matière de lutte contre la corruption », estime Crépin Ngodock, son ministre délégué. Dans la foulée, Flore Mistoul a lancé un avertissement supplémentaire, décidant de suspendre l’exploitation de kevazingo, un bois atteignant des prix mirobolants sur les marchés asiatiques et donc très prisé des trafiquants. Des mesures prises pour préserver la forêt, mais aussi pour mieux l’exploiter. Alors qu’il voit fondre ses devises pétrolières, le pays a découvert qu’il était assis sur de l’or vert. Une richesse dont il espère désormais tirer parti afin de diversifier son économie, trop dépendante des cours de l’or noir. En 2010, le Gabon a ainsi décidé d’interdire l’exportation de grumes non transformées (des troncs d’arbres écimés). Il a ainsi mis fin à une activité très critiquée en raison de l’énorme gaspillage de bois qu’elle entraîne et, surtout, il a cessé d’être un pays d’abattage pour créer de l’emploi dans la transformation locale de grumes. La mesure avait alors été saluée. Mais « en réalité, certaines scieries ont fermé, incapables de financer les investissements nécessaires à la transformation de leur activité. Leurs concessions ont
été allouées à de grandes entreprises forestières peu transparentes », nuance Sandra Ratiarison, directrice technique du WWF Gabon. Depuis, le pays poursuit sa diversification économique, tiraillé entre la défense de sa biodiversité et l’impérieuse nécessité d’atteindre l’émergence. « Le débat est là : comment le Gabon doit-il exploiter sa forêt ? » feint de s’interroger Crépin Ngodock. Car sa réponse est toute trouvée : « Tout le monde souhaiterait
Le Gabon, c’est
220 000 km
2
de forêt tropicale, soit 82 % du territoire
2 29 400 km d’aires protégées au sein de 13 parcs nationaux, soit 11 % du territoire « sanctuarisés »
2 10 000 km de plans d’eau,
de lacs et de lagunes que nous la conservions, puisqu’il s’agit du deuxième poumon du monde [après l’Amazonie]. Face à ces inquiétudes, nous avons choisi de l’exploiter durablement, tout en transformant le Gabon en leader africain de l’huile de palme durable. » Ces déclarations font bondir les associations de défense de l’environnement, alarmées à l’idée de voir proliférer ces plantations accusées de favoriser la déforestation. Les ONG ne sont pas les seules à s’en inquiéter: le conseiller spécial du président sur les questions environnementales, Mike Fay, tique aussi à l’évocation de ce choix. « Le Gabon va certainement augmenter la superficie de ses plantations de palmiers à huile, mais de là à se convertir au “tout-huile de palme”,
cela m’étonnerait », tempère le botaniste américain, qui a l’oreille du président sur ces questions. Celui qui gère la réserve présidentielle de Wonga Wongué – le « Camp David gabonais », comme le surnomme Ali Bongo Ondimba – confirme tout de même le dilemme économique rencontré par les autorités. « Il y a un tiraillement entre l’exploitation et la préservation de la forêt : plus nous serons affaiblis à cause du pétrole, plus nous devrons diversifier l’économie, y compris forestière. Mais ça ne veut pas dire que nous allons tout raser ! » bulldozer. En attendant, la forêt perd de sa valeur à mesure que le prix des essences de bois précieux s’envole sur les marchés asiatiques. « Les exploitants illégaux y vont au bulldozer : ils abattent tout pour trouver le bois qui leur rapportera le plus, comme le kevazingo, déplore Luc Mathot, de l’ONG Conservation Justice. On parle d’écrémage de la forêt. C’est-à-dire que les essences précieuses diminuent significativement, et avec elles la valeur économique de l’ensemble du territoire. » Signe que la forêt aiguise les appétits, un nouveau code forestier est dans les cartons. Et devrait arriver devant l’Assemblée nationale fin mars, assure-t-on au ministère de la Forêt, qui annonce « un texte consensuel ». Ce n’est pas vraiment le qualificatif qu’emploieraient les organisations de la société civile, qui déplorent de ne pas avoir été consultées. « Il faut mettre tout le monde autour de la table : l’ANPN, le secteur privé, les forestiers, les populations locales, la société civile. Actuellement, ce n’est pas le cas, nous ne savons pas ce que contient le projet ! » critique Protet Judicaël Essono Ondo, coordinateur de l’ONG Brainforest. « Le processus est peu transparent. Nous devons être vigilants car nous voyons bien qu’avec la fin de l’ère pétrolière la pression sur la forêt s’accroît », s’inquiète Sandra Ratiarison du WWF Gabon. Les débats s’annoncent enflammés. ● Claire raiNFroY
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Le Plus de J.A. Gabon
Olivier ebanga/afrikimages
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Paradis oubliés
p Luxe, calme et volupté à La baie des Tortues, dans le parc de Pongara, à trente minutes en bateau de Libreville.
S’il peut s’enorgueillir de son patrimoine naturel exceptionnel, le pays peine à développer l’écotourisme auprès des tour-opérateurs étrangers. Mais celui-ci séduit déjà les Gabonais…
«
I
l y a bien longtemps qu’on n’avait pas entendu les chimpanzés chanter », se réjouit Stéphane au milieu de ce joyeux vacarme. Alors que les cris des singes déchirent le calme de la forêt du parc de Pongara, les éléphants et les hippopotames restent eux à l’abri des regards. « Il fait trop chaud à leur goût », poursuit le jeune guide touristique, employé du complexe hôtelier La baie des Tortues, l’un des rares hôtels de cette aire protégée. « Nous ne sommes pas au zoo, la nature sait se faire voir quand elle en a envie », sourit Fortuné Ngossangah, conservateur adjoint du parc national de Pongara, l’un des treize que compte le Gabon. Niché sur les rives de l’océan Atlantique, au large de Libreville, il tranche radicalement avec la pollution et le tumulte de la capitale. Dans cette atmosphère calme bercée par le bruit des vagues, les tortues luth reviennent chaque année ensevelir leurs œufs sous le sable fin, non loin des buffles affalés dans la savane. Un paradis que le Gabon essaie tant bien que mal de faire découvrir aux passionnés de nature en misant sur l’écotourisme. Promu jusqu’au plus haut sommet de l’État après la création des parcs nationaux, le secteur est atone. Seule une poignée d’établissements répondant aux n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
normes environnementales parvient à attirer les touristes étrangers et les opérateurs privés. « Nous sommes convaincus du potentiel, mais le démarrage est compliqué », reconnaît Lee White, secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). « Le Gabon n’a jamais été un pays touristique, le coût de la vie y est élevé, et les opérateurs, souvent anglo-saxons, sont davantage habitués à construire des lodges dans la savane que dans la forêt tropicale. Nous sommes toujours en discussion avec quelques grands groupes comme Aman Resorts ou la société sud-africaine Sustainable Forestry Management Africa [SFM Africa], même si ça n’avance pas aussi rapidement que nous l’avions espéré », explique ce Britannique naturalisé Gabonais, fervent promoteur de l’écotourisme. sensIbIlIser. Un secteur que la ministre du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Madeleine Berre, espère également relancer. L’ancienne chef de file des patrons gabonais rappelle que l’écotourisme reste l’une des vitrines du Plan stratégique Gabon émergent. Et que son objectif économique – générer 25 milliards de F CFA (environ 38 millions d’euros) à compter de 2025 – est toujours d’actualité. « C’est un chantier
considérable, mais nous faisons tout pour le développer », assure Fortuné Ngossangah. Le conservateur adjoint du parc de Pongara, géré par l’ANPN, en veut pour preuve les écoguides que l’agence nationale s’emploie à former pour accueillir et encadrer les touristes. Car si les étrangers se font attendre, les Librevillois prennent d’assaut le parc chaque week-end. « Une partie de notre travail consiste à les sensibiliser : à Pongara, il n’y a par exemple pas de dispositif de ramassage de déchets. Nous veillons à ce que leur passage n’affecte pas l’écosystème », poursuit-il. Si les plus fortunés prennent leurs quartiers à La baie des Tortues, d’autres réservent des chambres chez l’habitant. Une aubaine qui fait vivoter le bar-hôtel géré par Fatou Bandzendza. « Je loue des chambres bon marché pour les Librevillois qui viennent le temps d’un week-end. C’est surtout une clientèle issue de la classe moyenne », décrit la trentenaire. Une activité dans laquelle s’est également lancé Félix Medigli, couturier togolais venu poser ses valises à la Pointe-Denis il y a trente-deux ans. « Ça arrondit les fins de mois. Je loue des chambres ventilées à des Gabonais, et aussi à des Européens », souligne le sexagénaire. Preuve que le secteur se développe, il envisage d’augmenter sa capacité d’accueil, actuellement de six chambres. Même encore balbutiant, le tourisme commence déjà à profiter à la population locale. ● ClaIre raInFrOY jeune afrique
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le Plus de J.a.
Lire aussi l’interview de Willy Asseko « Il faut profiter de la chute des cours du baril pour changer »
InItIatIve
Microentreprises, mégatalents Quatre équipes gabonaises ont participé au concours Junior achievement pour l’Afrique, une compétition destinée à récompenser des projets conçus par des jeunes défavorisés ou des lycéens.
I
ls sont jeunes et fourmillent d’idées. Du 2 au 4 décembre 2015, Libreville accueillait pour la première fois la compétition continentale organisée par le réseau international Junior Achievement. But de cette manifestation: accorder des aides financières, médiatiser et promouvoir des projets d’entreprises conçus par des jeunes déscolarisés et
défavorisés, ou bien par des lycéens (ils concourraient dans deux catégories distinctes). Treize délégations nationales de jeunes, du Sénégal à Maurice, étaient présentes, dont quatre équipes gabonaises, toutes suivies et entraînées par l’incubateur Junior Achievement Gabon (JA Gabon), qui leur ont fourni
des conseils et des formations dans les domaines liés à l’entrepreneuriat, les aidant à avoir confiance dans leurs idées et à développer leur esprit d’initiative. Zoom sur les quatre équipes gabonaises qui participaient à la compétition, parmi lesquelles la lauréate de la catégorie « jeunes défavorisés ». ● ClaIre raInfroy
Innova africa Balai magique
I olivier ebanga/afrikimages pour J.a.
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Terroir G les rois de la sauce chocolat
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organe, Avicenne, Aubin et Roland ont su convaincre le jury. Le 4 décembre, ces quatre Gabonais âgés de 27 ans à 33 ans sont montés sur le podium pour recevoir le troisième prix de la catégorie « Its tyme », destinée à récompenser les initiatives de jeunes déscolarisés et défavorisés. Leur produit ? La poudre d’Odika, issue de la mangue sauvage et utilisée pour faire de la sauce chocolat, très prisée dans les cuisines gabonaises. « Nous avions envie de nous attaquer à un produit forestier historique », explique Roland. Peu de temps après avoir poussé la porte de l’incubateur, les entrepreneurs en herbe rassemblent leurs idées et montent leur structure. « Cela m’a permis d’avoir confiance en moi. Nous avons du potentiel, il faut croire en nous », explique Morgane, qui salue la gratuité de l’incubateur. Car les inventeurs, issus de milieux défavorisés, n’avaient a priori pas toutes les chances de leur côté. « Je viens d’un quartier où les habitants sont poussés à la délinquance. Je veux faire passer un message : ce n’est pas parce que je viens d’un quartier chaud que je ne peux pas m’en sortir. Et je compte bien le faire savoir à mes voisins », résume Aubin. Preuve de sa détermination, Terroir G prépare déjà de nouvelles gammes de produits. ● C.r. n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
ls devraient avoir la tête au baccalauréat, qu’ils passeront dans quelques mois. Pourtant, Kouferidji, Cyrielle, Wilfried et Anaïs consacrent une bonne partie de leur temps à fabriquer… un balai. Devant les jurés de Junior Achievement, ces lycéens librevillois ont présenté leur « cleaner » : un balai multifonction destiné à « réduire le temps consacré aux tâches ménagères », explique Wilfried. Réservoir recyclable, brosse, produits : tout le nécessaire d’entretien est incorporé à ce prototype qui leur a valu le premier prix minientreprise, qu’ils espèrent fabriquer et commercialiser. Car tous les quatre se sont pris au jeu de leur minientreprise. Cyrielle, directrice financière d’Innova Africa, veut poursuivre dans cette voie.Tous l’assurent : la compétition leur a ouvert de nouveaux horizons. Et a renforcé leur envie de C.r. réussir. ● jeune afrique
olivier ebanga/afrikimages pour J.a.
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Asse wu ntuk L’as du papier recyclé
à Meti-Gabon Un barbecue tout feu tout flamme
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our ce quatuor, l’aventure a commencé lorsque Junior Achievement a frappé à la porte de son lycée technique. Chrislain, Pierre,Terrence et Scott se sont alors demandé quel objet manquait aux Gabonais. L’idée d’un barbecue pliable et facilement transportable leur est rapidement venue. « Nos compatriotes utilisent des barbecues construits avec des matériaux de récupération nuisibles, tels que des fûts, explique Pierre. Nous avons donc choisi d’en fabriquer un qui réponde aux normes de sécurité et d’hygiène. » Si quatorze lycéens sont à l’origine du projet, une poignée d’entre eux entendent bien pousser plus loin l’aventure. « Je ne pensais pas avoir cette chance un jour. Junior Achievement m’a apporté une véritable formation à l’entreprise. Nous ne poursuivrons pas tous dans cette voie : cette vocation est assez rare », souligne Scott. Un sentiment que partageTerrence, 19 ans : « Dans ma famille, on a toujours travaillé dans la fonction publique. Je suis le premier à vouloir rompre avec cette tradition. Ça inquiète ma mère, elle pense qu’il est encore trop difficile de créer, au Gabon, C.R. une entreprise qui me fera mieux vivre que l’État. » ●
l’origine de l’entreprise de Jean-Bernard, une idée simple : le recyclage. « On nous parle tout le temps du développement durable. Or, aujourd’hui, la matière la plus simple à recycler, c’est le papier », explique ce jeune homme de 23 ans, qui présentait son projet en solo. Son idée en tête, Jean-Bernard a poussé la porte de l’incubateur de JA Gabon et fondé sa start-up, Asse wu ntuk (« recyclage »). Sa matière première : le papier jeté par les Librevillois, qu’il conditionne et transforme en masques, bracelets ou sacs, ensuite vendus dans une boutique de la capitale, partenaire de sa microentreprise. « Je n’en vis pas encore, mais j’espère bien développer mon C.R. activité », confie-t-il. ●
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Port Gentil : (Face au Cédoc) BP210 Tél: 04 51 22 68 | 01 56 81 69
Lire aussi le portrait de Pierre-Emerick Aubameyang « Profession : serial butteur »
Le Plus de J.A.
© Olivier ebanga/afrikimages pOur Ja
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p Devant chez lui, aux « États-Unis d’Akébé », le 5 décembre 2015.
Visite guidée
Au pays de Tom la Veine la quitterais. C’est mon personnage principal », tranche l’écrivain. Et Akébé 2, le théâtre de son enfance, n’est jamais bien loin dans son œuvre. La plupart de ses intrigues prennent premiers romans », se souvient l’autodipour décor ce « quartier réputé être dacte, rallumant une cigarette pendant un coupe-gorge à la tombée de la que le mégot de la dernière fume encore nuit », écrit-il dans son dernier polar, sur ce qui tient lieu de bitume. Les Voleurs de sexe (éd. Jigal, 2015). Sexe, escroquerie et beuveries : l’auteur Janis Otsiemi, qui a aujourd’hui 39 ans, a fui le quartier dès qu’il a pu. croque le quotidien sous le prisme du roman noir. « J’écris sur la violence qui peut exis« Moi aussi j’aurais pu faire des ter à Akébé 2. Parce que conneries et terminer en prison. pendant que les riches dépensent leur argent sur C’est l’écriture qui m’a sauvé. » le bord de mer, ici, les gens Sans pour autant aller bien loin. Avec cherchent de l’argent pour survivre », femme et enfants, il s’est installé à justifie-t-il. Akébé-Poteau, un autre « État » d’Akébé. Le Libreville de Janis Otsiemi, c’est Pas question de quitter Libreville : la aussi le quartier dit La Campagne. Un capitale est son terrain de jeu, son « insnom trompeur : ici, ni verdure ni quiépiration ». « Pour rien au monde je ne tude. L’ambiance y est, il est vrai, moins
Sa spécialité : le polar. Son décor : Libreville. Ses « héros » : les mauvais garçons du quartier d’Akébé. Rencontre avec Janis Otsiemi.
S
es livres racontent le destin de petites frappes gabonaises. Des braqueurs amateurs et des magouilleurs, que sécrète puis régurgite la pauvreté des « États-Unis d’Akébé », à quelques encablures du Palais du bord de mer. Ce quartier populaire, Janis Otsiemi le connaît par cœur. Il y a grandi dans une maisonnette en tôle, au tréfonds d’Akébé 2, au bout d’une sombre venelle où, dans une odeur pestilentielle, se déversent des eaux usées. « Bienvenue à Akébé », ironise l’auteur devant la maison de son enfance, où vit sa sœur, en contournant une mare d’eau croupie. « C’est dans cette misère que j’ai gratté mes premières pages, que j’ai lu mes n o 2874 • du 7 au 13 février 2016
jeune afrique
le gabon a-t-il (vraiment) changé ? bouillonnante que dans le tumultueux Akébé 2, et plus calme qu’en centre-ville. Mais seulement en apparence. « C’est le Far West », tranche Hervé Ona Ndong, ami de longue date de Janis Otsiemi. L’homme sait de quoi il parle : sa maison est nichée au beau milieu de ce quartier populaire, jouxtant l’église Saint-Michel, l’un des édifices religieux les plus emblématiques de Libreville. Et aussi le point de rencontre des gangsters tout droit sortis de l’imagination d’Otsiemi.
Si les rires fusent à mesure qu’ils vident leur chope de Régab, Janis Otsiemi n’oublie pas qu’il s’en est fallu de peu qu’il n’épouse le même destin. « J’aurais pu être Tom la Veine, faire des conneries et terminer en prison. Mais l’écriture m’a sauvé », avance celui qui, de jour, travaille au service Ressources humaines d’une compagnie aérienne. La nuit, Otsiemi écrit. Avec des mots crus, de cette écriture cash qui lui vaut sa
mots crus. Certains sont plus vrais que nature. Dans La bouche qui mange ne parle pas, Solo, délinquant tout juste sorti du mitard, prépare un braquage dans les rues de La Campagne. Un personnage que lui a inspiré Tom la Veine, petit voyou du quartier dont lui a parlé son ami Hervé. « Tom la Veine, c’est un mec qui, à peine sorti de prison, ne peut s’empêcher de faire un coup. À chaque fois. Forcément, il retourne toujours au mitard », s’amusent les deux amis, bière à la main.
Les Voleurs de sexe, éditions Jigal polar, Marseille, 2015, 200 p., 18 euros
notoriété à l’étranger. Car son Libreville, c’est aussi un langage particulier, dans lequel les rues « camembèrent comme un œuf pourri » et les « tchatcheurs verbent » les filles. « On écrit souvent que je violente la langue française. Ce n’est pas vrai, j’utilise le français de Libreville, celui qu’on parle tous les jours, celui de Tom la Veine », explique-t-il. intrigues. Mais si les quartiers popu-
laires façonnent son univers, le Palais du bord de mer et les hauts lieux du pouvoir nourrissent aussi ses intrigues. Dans Les Voleurs de sexe, l’auteur met en scène l’intronisation, en 2009, d’Ali Bongo Ondimba comme grand maître de la Grande Loge du Gabon. De rapides détours sous les ors de la République, car l’écrivain en revient toujours à ses origines : ainsi, son prochain polar aura pour décor Mont-Bouët, le plus grand marché de Libreville, qu’il imagine soufflé par un attentat de Boko Haram. Un tableau toujours plus noir. ●
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