Pdf ja 2885 du 24 avril au 7 mai 2016

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56 année • n° 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016 e

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La nouvelle Côte d’Ivoire

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LE PLUS

de Jeune Afrique

POLITIQUE Une année, trois défis

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INTERVIEW Pascal Affi N’Guessan, président du FPI ÉCONOMIE Effervescence à la chinoise AUDIOVISUEL La RTI, télévision sans frontières?

La nouvelle Côte d’Ivoire

© YOURI LENQUETTE POUR JEUNE AFRIQUE

Croissance, dynamisme, pacification… Le pays s’impose à nouveau comme le modèle à suivre en Afrique de l’Ouest. Six mois après sa réélection, Alassane Ouattara a cependant de nombreux défis à relever. Comme l’amélioration du quotidien des Ivoiriens, la future Constitution et la fusion du RDR et du PDCI.

JEUNE AFRIQUE

N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016


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Le Plus de Jeune Afrique

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de Jeune Afrique

La nouvelle Côte d’Ivoire

Prélude

Marwane Ben Yahmed

Mémoire d’Éléphant

jeune AFrique

n o 2885-2886 • Du 24 Avril Au 7 mAi 2016

Politique une année, trois défis p. 72 interview Abdallah Albert toikeusse Mabri, ministre des Affaires étrangères p. 76 Constitution Cissé Bacongo en mission très spéciale p. 82 ConFiDenCes De Pascal Affi n’Guessan, président du FPI p. 85 ÉConoMie effervescence à la chinoise

p. 90

la vie éphémère des PMe

p. 92

CohÉsion soCiAle tribune de Mariatou Koné, ministre de la Solidarité et de la Cohésion sociale p. 99 Communication : la publicité au service de l’unité p. 100 AuDiovisuel PuBliC

© Corentin Fohlen/DivergenCe

A

bidjan, fin mars 2016. Le pays Depuis le début de la crise électorale, en vient tout juste de subir une décembre 2010, les morts s’amoncellent, attaque terroriste tragique les viols, les destructions et les pillages se multiplient. Les ressortissants étrangers ont qui a fait 22 morts. La capitale économique accueille pourtant, dans fui depuis longtemps, mis à part quelques irréductibles Libanais ou Français. Les l’enceinte du mythique hôtel Ivoire, plus Ivoiriens aux patronymes « douteux », pour de 1 000 personnalités issues du monde un camp comme pour l’autre, se terrent. Les des affaires venues participer au Africa CEO Forum (organisé par le Groupe Jeune écoles et les magasins ont mis la clé sous la Afrique et la Banque africaine de déveporte. S’approvisionner est devenu quasi impossible. Bref, l’enfer sur terre. Difficile, à loppement). Soixante-trois pays reprél’époque, de miser un franc CFA sur l’avenir sentés, dont 43 africains et, surtout, du lourd, comme le diraient nos enfants: Aliko du pays. C’était il y a seulement cinq ans. Dangote, Jonathan Oppenheimer, Ngozi Okonjo-Iweala, Ade Ayeyemi, Moulay Hafid Le grand retour de la Côte d’Ivoire, Elalamy, Oba Otukedo, Moïse Katumbi, des puisqu’elle ne fait que renouer avec son ministres, des chefs d’État, des Européens, prestigieux passé postindépendance, n’est ni des Chinois, des Japonais, des Russes… Personne parmi eux n’a Abidjan est the place to be. songé à annuler sa participation à Les avions sont pleins, les hôtels l’événement. Et tout le monde s’est étonné du niveau de développeoù l’on parle business aussi. ment de la capitale économique une vue de l’esprit ni un conte narré par d’exivoirienne, de la qualité de ses infrastructures, de son dynamisme, de l’effervescence cellents communicants à des investisseurs qui y règne (même la nuit…). ou à des journalistes naïfs. C’est une réalité tangible, une success-story économique afriDe l’avis général, malgré l’attentat de caine contemporaine (disons de ces quinze Grand-Bassam et l’inquiétude forcément dernières années), que partagent, entre toujours palpable une semaine seulement après un tel drame, Abidjan est the place to autres, le Kenya, l’Éthiopie, le Botswana, la be pour le business. À preuve, les avions sont Tanzanie,l’Angola,laSierraLeone,leNigeria, le Mozambique, le Ghana, voire le Sénégal, toujours pleins (trouver une place à la dernière minute ou presque est une gageure), même si certains connaissent aujourd’hui comme les hôtels ou les bars lounges, d’aild’importantes difficultés. leurs, où se discutent bien des contrats. La Les Ivoiriens peuvent se féliciter du chemin parcouru en seulement un lustre, tout Côte d’Ivoire est en effet devenue l’éconocommeilsdoiventfairepreuvedevigilanceet mie qui croît le plus vite en Afrique, après l’Éthiopie. Et comme l’Afrique elle-même est faireappel,unenouvellefois,àleurmémoire. Entre 1960 et 1980, leur pays avait déjà connu le deuxième continent le plus dynamique derrière l’Asie… une transformation spectaculaire de son économie. Grâce à une politique relativeAbidjan, fin mars 2011. La Côte d’Ivoire ment similaire à celle appliquée aujourd’hui, savant mélange d’un État fort qui joue pleiressemble alors à une cause perdue. Le nement son rôle, d’investissements privés et « commando invisible », qui affronte dans d’afflux de capitaux étrangers. Période faste Abidjan depuis un mois déjà les forces restées fidèles à Laurent Gbagbo, est rejoint par et petit miracle qui, au milieu des années 1980, se mua en mirage et en véritable crise, les FRCI d’Alassane Ouattara, qui ouvrent notamment avec la chute des cours du cacao un autre front, depuis l’Ouest et le Nord. et du café. On connaît la suite. ● Yamoussoukro tombe.

une télé sans frontières ? p. 102 MArChÉ De l’Art Abidjan attire la galerie p. 108


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Le Plus de Jeune Afrique

CÔTE D’IVOIRE

Une année,

u Le chef de l’État (à dr.) et son Premier ministre, Daniel Kablan Duncan, le 17 janvier.


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trois défis

En tête des priorités du président Ouattara cette année : la fusion des deux partis de la majorité, une nouvelle Constitution et des élections législatives. Réussira-t-il le triplé ? Haby NIAKATÉ,

© Sia KAMBOU/AFP

L

envoyée spéciale

a scène se déroule au domicile d’un baron du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), à Abidjan, début mars. Il yalàunancienministre,quelquesmilitants et des journalistes. En ce début de soirée, on se remémore la dernière campagne présidentielle et son lot de coups bas, et, surtout, on débat des stratégies à adopter dans les mois et les années à venir. En ligne de mire : la présidentielle de 2020… Si tous reconnaissent que le second mandat d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) vient de débuter et qu’il faut, par respect et par calcul, éviter d’aborder publiquement la question de sa succession, cette dernière est déjà dans les esprits – qu’il s’agisse de ceux des membres du RDR, de ses alliés du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ou des opposants du Front populaire ivoirien (FPI, lire pp. 85-89). Tous savent aussi que cette échéance majeure sera précédée d’un long chemin de croix, dont l’année 2016 sera une étape déterminante. Et pour cause, l’agenda politique de cette année s’annonce plus que chargé. À la manœuvre, le président Ouattara, qui imposera son tempo. Première étape : la fusion de son parti, le RDR, et du PDCI, d’Henri Konan Bédié. Prévue de longue date, depuis le désormais célèbre appel de Daoukro (qui, en septembre 2014, a scellé le ralliement du PDCI à la candidature unique d’ADO à la présidentielle de 2015), cette fusion n’a toujours pas eu lieu. Elle semble même avoir du plomb dans l’aile. Annoncée pour mars-avril par le chef de l’État lui-même, puis pour juin, l’unification pourrait n’être effective qu’en septembre. « Un délai imputable à quelques retards à l’allumage », selon des proches du président. « Qui ne remettent pas du tout en question le processus, ni la volonté des deux partis de s’unifier, s’empressent-ils d’ajouter. Le parti unifié se fera. » Encore que la « volonté des deux partis » semble plutôt être celle de leurs deux leaders. Car, à y regarder de plus près, « l’affaire est compliquée », comme le disent les Ivoiriens. Elle tourne même au dialogue de sourds. n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016


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Le Plus de J.A. La nouvelle Côte d’Ivoire Au PDCI – où l’on semble davantage préoccupé par l’organisation des festivités des soixante-dix ans du parti –, l’annonce, mi-février, d’un éventuel changement de nom a été vécue comme une trahison. En interne, les jeunes, notamment, ont du mal à avaler la pilule et se rapprochent du trio des frondeurs (et candidats à la présidentielle d’octobre 2015): Amara Essy, Charles Konan Banny et Kouadio Konan Bertin (KKB), qui, malgré leur silence, n’en sont pas moins déterminés à contrer les plans de Bédié. Tous craignent une unification qui reviendrait à une mise sous tutelle de leur parti. Ce soir-là, toujours au domicile du cacique du RDR, on s’emporte aussi. « Il est clair qu’on ne leur donnerapaslepouvoiren2020.Nousn’avonsjamais promis cela! » Et qu’importe si l’appel de Daoukro comprenait bien ce passage : « L’objectif d’une telle candidature [unique, en l’occurrence celle de Ouattara] est double: d’abord, assurer le succès du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix [RHDP, dont sont membres le PDCI et le RDR] aux élections de 2015 dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire et de la paix. Ensuite, aboutir à un parti unifié, PDCI-RDR, pour gouverner la Côte d’Ivoire, étant entendu que ces deux partis sauront établir entre eux l’alternance au pouvoir dès 2020. » AMBITIONS. La deuxième grande étape de cette annéemarathonseraleréférendumconstitutionnel. La nouvelle Constitution, promise elle aussi lors de la dernière campagne électorale, devrait être soumise à la consultation populaire dans le courant du quatrième trimestre. Son but : moderniser le texte fondamental et le débarrasser de toutes dispositions « confligènes », selon les termes du Conseil constitutionnel, telles que la fameuse clause « d’ivoirité » pour les candidats à la présidence de la République. Que contiendra-t-elle? La redéfinition du rôle de la Cour suprême et de la Commission électorale indépendante (CEI)? Une modification des conditions d’éligibilité (notamment l’âge) à la magistrature suprême ? La création d’un Sénat ? Les rumeurs vont bon train. Et l’élaboration du projet de texte est entre les mains des juristes de l’équipe d’Ibrahim Cissé Bacongo, nommé mi-février conseiller spécial à la Présidence (lire p. 82), qui dit avoir abandonné l’idée de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels, qu’il prônait encore en janvier. Autour de la table du cadre du RDR, la question divise les convives. D’un côté, ceux qui pensent qu’ADO est le seul à pouvoir annihiler les ambitions de son camp et éviter au pays une guerre de succession en 2020. De l’autre, ceux qui rappellent qu’il a déjà affirmé plusieurs fois, et publiquement, qu’il ne se représenterait pas après deux mandats. Parmi les possibles nouvelles dispositions constitutionnelles, la création d’un poste de vice-président alimente des débats tout aussi vifs. À qui reviendrait-il ? À un allié du PDCI ou à un fidèle n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

Au PDCI, tous craignent une fusion qui reviendrait à une mise sous tutelle de leur parti.

du président ? Un tel poste est-il concevable sans que son détenteur ait été élu par les Ivoiriens ? Ce vice-président serait-il le deuxième personnage de l’État, avant le président de l’Assemblée nationale? Et avant, donc, l’actuel « dauphin », Guillaume Soro? Des questions cruciales pour l’avenir de l’ancien chef des Forces nouvelles, mais aussi pour le rôle du Parlement, qui devrait être renouvelé en décembre. Boycottées en 2011 par le FPI de Gbagbo, les législatives devraient voir s’affronter en 2016 toutes les forces de l’échiquier politique. Un véritable test, qui permettra de mesurer le poids électoral de chacun. Les résultats des candidats RHDP seront examinés à la loupe. Tout comme ceux des candidats des « deux » FPI (tendance Affi N’Guessan et tendance Aboudramane Sangaré), qui ont annoncé leur participation. L’occasion pour ces derniers de s’affronter dans les urnes plutôt que dans la presse ou devant la justice, pour des plaintes – « violations des textes du parti » ou « usage abusif de logo » – qui n’ont de sérieuse que leur capacité à encombrer les tribunaux. Qui a le soutien de l’électorat de Laurent Gbagbo? Qui sera le véritable chef de l’opposition ? La surprise pourrait venir des indépendants. Entre les « frondeurs » de tous bords et les nombreux jeunes qui se bousculent au portillon, le banc de ceux qui se présentent sans le soutien d’un grand parti devrait être très fourni, comme à l’issue des législatives de 2011 et des municipales de 2013. Fusion des deux partis au pouvoir, réforme constitutionnelle, élections législatives… L’organisation de ces trois échéances, qui devraient se succéder dans cet ordre, un peu comme dans un jeu de dominos, soulève déjà de multiples interrogations. De quoi donner la migraine aux Ivoiriens, qui se demandent, tout simplement, à mesure que les mois s’écoulent, si le marathon 2016 ne va pas se transformer rapidement en un sprint éreintant. ●

GROGNe SOCIALE À L’HORIZON ?

C

ontrairement à 2015, année de la présidentielle, 2016 devrait être marquée par une poussée des revendications sociales. En effet, si lors de son premier mandat Alassane Ouattara pouvait aisément – à tort ou à raison – expliquer la faible dimension « sociale » de sa politique par le contexte postcrise et la nécessité de reconstruire le pays, beaucoup d’Ivoiriens attendent de son second mandat une meilleure redistribution des richesses et une meilleure prise en compte de leurs doléances. Même si, comme le rappellent ses fidèles lieutenants,

les dépenses en faveur des pauvres représentent aujourd’hui près d’un tiers du budget de l’État. Rien qu’en avril, alors que les enseignants du primaire et du secondaire réclamaient des arriérés de salaires et organisaient des grèves, les étudiants de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), en grève également, ont affronté à plusieurs reprises les forces de l’ordre sur les campus du pays. Ils réclament notamment de meilleures conditions d’études et une revalorisation des bourses. ● H.N. jeune afrique


COMMUNIQUÉ

▲ Avec trois pontons, les gares pourront accueillir six bateaux simultanément.

« Nos bateaux-bus seront livrés en novembre » Zoumana Bakayoko, président-directeur général de Citrans, détaille l’avancement du projet de desserte des communes d’Abidjan par bateaux-bus.

Député du Plateau, Zoumana Bakayoko est également dirigeant de plusieurs sociétés, dont Agro West Africa, leader de la fabrication et la distribution d’engrais en Côte d’Ivoire, au Burkina et au Mali.

CITRANS 16 BP 376 Abidjan 16, Plateau immeuble BIAO 12ème Étage Tél : +225 20 32 06 76 www.citrans.ci

Depuis l’annonce de la fin du monopole de la Sotra, deux sociétés ont manifesté leur intention de développer le transport lagunaire à Abidjan, dont la vôtre. Où en êtes-vous ? Zoumana Bakayoko : Aujourd’hui, je peux vous annoncer que nous avons signé en mars, un accord avec le constructeur naval sud-africain Nautic Africa et avec le motoriste Volvo Penta pour la réalisation de nos bateaux. Ce seront des navires ultra-modernes, de classe internationale mais spécialement conçus pour évoluer dans les meilleures conditions de vitesse et de stabilité sur la lagune, avec un petit tirant d’eau et une coque de type catamaran. Vous allez aussi construire des quais ? Z.B. : Avant tout, je tiens à dire que nous travaillons sur une solution intégrée et complète de transport lagunaire. Au total, nous allons investir 21 milliards

de F CFA dans la construction de 23 bateaux et de 10 gares, mais aussi dans des solutions innovantes de billetterie et d’informations des voyageurs que nous élaborons avec notre partenaire Orange Côte d’Ivoire. Nous allons en effet construire dix gares, dont les plus importantes pourront accueillir simultanément six bateaux et offriront de nombreux services, comme des boutiques, un restaurant, un parking et même une marina pour le stationnement de bateaux privés. Quand pensez-vous démarrer l’exploitation ? Z.B. : Les premiers bateaux seront livrés dès le mois de novembre et, après les essais, l’exploitation démarrera en fin d’année 2016 avec 10 bateaux. Un an plus tard, en octobre 2017, nous aurons 23 bateaux, dont 8 de 240 places Eco, 14 comprenant 160 places Eco et 40 en Business, et un de 140 places Full Business.

▲ Dix premiers bateaux livrés en novembre.

Les différents tarifs nous permettront de satisfaire les besoins du plus grand nombre de voyageurs. À la fin de l’année 2018, la flotte atteindra 44 bateaux. Quelles communes seront desservies ? Z.B. : Nous desservirons toutes les communes, de Bingerville jusqu’à Adiopodoumé (Yopougon), et du Plateau jusqu’à Vridi. Notre volonté est de faciliter les déplacements du plus grand nombre d’Abidjanais. Nous aurons des équipements ultra-modernes pour leur offrir les meilleures conditions de confort et de sécurité. L’objectif est bien de développer un véritable réseau de transport urbain. Nous aurons également deux bateaux pour les excursions touristiques, avec restauration à bord, permettant de mieux apprécier la beauté du plan d’eau. La lagune fait d’Abidjan une ville unique au monde et nous entendons être dignes de cette spécificité. ■

▲ Intérieur de la classe Business.


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Le Plus de J.A. Interview

Abdallah Albert Toikeusse Mabri « La Côte d’Ivoire n’a jamais perdu sa place de locomotive ouest-africaine » Nommé en janvier ministre des Affaires étrangères, le président de l’UDPCI se fixe deux priorités : la coopération régionale en matière de sécurité et la diplomatie économique.

H

omme de dialogue et de réseaux, réputé « fonceur », Abdallah Albert Toikeusse Mabri préside depuis 2005 l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), le parti fondé par le général Robert Gueï, qui est l’une des composantes du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Après s’être présenté à la présidentielle de 2010, à laquelle il est arrivé quatrième, Albert Toikeusse Mabri a soutenu la candidature d’Alassane Dramane Ouattara en octobre 2015. À 53 ans, le chef de la diplomatie a déjà une longue carrière ministérielle derrière lui. Médecin de profession, il s’est spécialisé dans les domaines de la santé publique et de l’environnement. Il a dirigé le département de la prévention des catastrophes et des épidémies du Conseil national de sécurité (CNS) de 1997 à décembre 2000, date de son élection à l’Assemblée nationale, dont il a présidé la commission environnement jusqu’en mars 2003. Depuis, quatre portefeuilles lui ont été confiés : la Santé (2003-2005), l’Intégration africaine et la Coopération (2005-2007) et les Transports (20072010), sous Laurent Gbagbo, puis le Plan et le Développement, qu’il a dirigé de décembre 2010 jusqu’à sa nomination à la tête des Affaires étrangères, le 12 janvier dernier. jeune afrique : Depuis l’attentat du 13 mars à Grand-Bassam, comment avezvous travaillé avec les autres pays de la région pour lutter contre le terrorisme ? ABDALLAH ALBERT TOIKEUSSE MABRI :

Au lendemain de l’attaque, la plupart de mes homologues m’ont appelé. Une délégation du Burkina Faso est aussitôt arrivée à Abidjan, des responsables nigériens et maliens sont aussi venus… Cette n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

solidarité nous a confortés dans l’idée que l’on devait renforcer notre coopération sur le plan du renseignement et mutualiser nos moyens militaires. La lutte contre le terrorisme est évidemment devenue une priorité dans notre diplomatie régionale. Et nous savons que c’est ensemble que nous gagnerons ce combat. Depuis les attentats de Bamako [20 novembre 2015] et de Ouagadougou [15 janvier], nous nous étions déjà rapprochés, aussi bien au sein de l’UEMOA que de la Cedeao, dont le Tchad est observateur permanent depuis 2011. Nous sommes en train de mettre en place un système d’alertes précoces pour non seulement renforcer la sécurité contre le terrorisme, mais aussi prévoir les risques de conflits communautaires.

la justice burkinabè a lancé un mandat d’arrêt international pour son implication supposée dans la tentative de putsch de septembre 2015), les relations avec le Burkina Faso étaient tendues en début d’année. Qu’en est-il aujourd’hui?

Depuis la rencontre entre les chefs d’État de nos deux pays à Addis-Abeba, le 29 janvier, en marge du sommet de l’Union africaine, nos relations évoluent dans le bon sens. Alpha Barry, mon homologue burkinabè, est venu à Abidjan. Nous avons aussi reçu les ministres de la Justice et de l’Intérieur du Burkina, ainsi qu’une importante délégation du ministère de la Coopération. Aujourd’hui, nos relations ont repris sous les meilleurs auspices. Jusqu’à récemment, la situation était complexe au Burkina, où avait été désigné un gouvernement de transition. Depuis la nomination, le 6 janvier, de Paul Kaba Thiéba au poste de Premier ministre, des autorités légitimes sont

Nos relations avec le Burkina Faso ont repris sous les meilleurs auspices. Nous faisons d’ailleurs participer les différentes communautés à ces actions de prévention. Nos territoires doivent également être sécurisés sur le plan maritime pour mieux lutter contre la piraterie, les détournements de navires et les trafics de stupéfiants. Ainsi, avec l’appui des États-Unis, le Maroc a instauré un système de sécurisation de nos côtes. Toutes ces actions vont contribuer à relever le niveau de sécurité dans la sous-région. Après la publication du décret accordant la nationalité ivoirienne à Blaise Compaoré (le 18 janvier) et l’affaire de l’écoute téléphonique entre son ex-chef de la diplomatie, Djibrill Bassolé, et le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro (contre qui

en place. Avec elles, nous allons étudier toutes ces questions. Et, avec elles, nous regardons déjà sereinement vers le futur. Les liens entre nos deux pays sont très forts. Nous avons tout intérêt à régler rapidement nos différends. Notre préoccupation est que les populations burkinabè et ivoirienne sortent gagnantes de cette nouvelle coopération. Quelles sont vos priorités en matière de diplomatie économique ?

La Côte d’Ivoire a un énorme potentiel et affiche une croissance économique soutenue depuis 2012 [+ 8 ,9 % par an en moyenne]. Notre priorité est que tout le monde en bénéficie. Plus nous donnerons aux jeunes et aux femmes la chance de bien se former et de s’insérer dans le tissu économique, plus nous augmenterons le niveau de croissance jeune afrique


La nouvelle Côte d’Ivoire avions et nous tourner vers d’autres régions. Que répondez-vous à ceux qui font remarquer que cette diplomatie économique se tourne surtout vers des pays musulmans, comme le Maroc ?

Je ne crois pas qu’on puisse parler d’une diplomatie musulmane. Que des pays musulmans s’intéressent à la Côte d’Ivoire est en phase avec notre volonté de diversifier nos partenaires. Avec le Maroc, en particulier, nous entretenons une relation étroite depuis des décennies. Le roi Mohammed VI a décidé de donner une nouvelle impulsion à cette relation. Un schéma a été mis en place avec le président Ouattara, et, depuis trois ans, les investissements marocains sont en nette hausse. Fin février, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, est venu à Abidjan avec la même volonté. Avant les Turcs, il y a eu les Chinois ; les Coréens arrivent ; les Japonais veulent faire un retour en force… Et on regarde de plus en plus du côté de l’Amérique latine. Nous avons des projets avec le Brésil, et l’Argentine s’apprête à ouvrir une ambassade.

© vincent fournier/j.a.

La Côte d’Ivoire va-t-elle rapidement reprendre sa place de locomotive de l’économie ouest-africaine ?

par la consommation. Nous devons lutter contre la pauvreté, et nous voulons aussi favoriser le développement des richesses. Une nouvelle classe moyenne va émerger. L’ensemble de la population en profitera forcément. Pour relever le défi, nous devons aider les entreprises privées, locales comme étrangères, à se développer, notamment jeune afrique

dans le secteur de la transformation des matières premières. Il n’y a que comme cela que nous créerons des emplois et que nous pourrons répondre aux attentes de la population et des milieux économiques. Et c’est pour cela que nous devons poursuivre cette « éco-diplomatie », en diversifiant nos partenariats. Nous allons renforcer ceux que nous

Nous ne l’avons jamais perdue ! Nous sommes la première puissance dans la zone francophone, et, si l’on considère l’ensemble de la Cedeao, la deuxième après le Nigeria. La Côte d’Ivoire a une position stratégique qui profite à l’ensemble des pays de la sous-région, et nous ferons en sorte de la renforcer. L’Afrique de l’Ouest aujourd’hui, c’est plus de 300 millions d’habitants. Et ce sont eux, avant tout, que représente la Cedeao. Nous créons des partenariats politiques, de paix et de sécurité. La part des échanges au sein de la sousrégion s’est considérablement accrue ces dernières années. Nous allons faire en sorte que tout ce qui est produit en Côte d’Ivoire soit vendu, d’abord, dans cette zone. Nous jetons les bases d’un espace dynamique, en veillant à ce qu’il ait les ressources humaines et structurelles nécessaires pour relever le défi. Il nous faut cependant harmoniser davantage nos politiques de sécurisation des investissements. ● Propos recueillis à Abidjan par François-Xavier Freland n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

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m InISTère du P éTrole eT de l’é nergIe de C ôTe d’I voIre

Chargé de deux secteurs clés pour la bonne marche de l’économie ivoirienne, Adama TOUNGARA , Ministre du Pétrole et de l’Énergie, explique comment son département mène le renouveau énergétique du pays, sur lequel la Côte d’Ivoire peut s’appuyer pour mener à bien sa stratégie d’émergence.

Quelles sont les perspectives de développement du pétrole et du gaz en Côte d’Ivoire ?

Parlons maintenant de l’électricité. où en est le programme gouvernemental de renforcement de la production ?

AdAmA ToungArA : Nous avons entrepris un vaste programme de développement de l’exploration dans l’objectif d’accroître notre production d’hydrocarbures jusqu’à 200 000 barils/ jour à l’horizon 2020. À la fin de 2015, nous avions signé 23 nouveaux contrats de partage de production, y compris sur 2 blocs en eaux très profondes, où se trouvent sans doute les plus grandes perspectives d’avenir. Au total, sur les 61 blocs définis sur notre bassin sédimentaire, 29 sont attribués, dont 4 sont en production, 2 en évaluation et le reste en exploration.

A.T. : Depuis 2012, nous sommes engagés dans un programme qui vise à satisfaire les besoins en électricité créés par la dynamique économique du pays. La mise en service, en juin 2015, de la phase 3 d’Azito est une étape significative, ajoutant 139 MW à la production nationale. À quoi se sont ajoutés, fin 2015, les 100 MW de la nouvelle turbine à vapeur de la centrale de CIPREL . Au total, en 2015, la puissance installée s’est accrue de près de 260 MW, passant de 1 632 MW à 2000 MW. L’accroissement se poursuivra avec une autre centrale thermique de 120 MW et l’entrée en service du barrage hydroélectrique de Soubré de 275 MW en 2017. Une mini-centrale de 5 MW pourrait d’ailleurs entrer en service à Soubré dès la fin de cette année.

Ces activités ont-elles été impactées par la chute des cours du pétrole, qui a baissé de plus de 140 dollars le baril à moins de 30 dollars ? A.T. : Si la baisse des cours du prix du pétrole a impacté positivement l’exploration en raison de la forte baisse des coûts des engins et équipements de forage elle a eu un impact négatif sur les produits de la production. La production de pétrole est déjà passée de 18 000 b/j à plus de 41 000 b/j et la production de gaz, qui est le combustible principal des centrales électriques du pays, approche les 250 millions de pieds cube/jour. En ce qui concerne la distribution des produits pétroliers, l’application du mécanisme automatique de fixation des prix en fonction des cours du brut sur le marché international, a permis l’amélioration des recettes de l’État tout en réduisant plusieurs fois le prix du carburant à la pompe, ce qui a bénéficié au pouvoir d’achat de la population !

Qu’en est-il des sociétés nationales Petroci et Société ivoirienne de raffinage (SIr) ?  Mise en service du pipeline

multi-produits Abidjan-Yamoussoukro

A.T. : PETROCI , qui se trouve au cœur de nos activités dans les hydrocarbures, n’échappe évidemment pas à une baisse d’environ 3/4 de ses revenus issus du pétrole brut, mais elle continue à faire face à ses engagements contractuels et fait en sorte de préserver l’emploi de ses employés. La SIR connaît également des difficultés. D’ailleurs, plusieurs raffineries dans le monde, et notamment en Afrique, sont à l’arrêt. La SIR continue de fonctionner, grâce à la volonté et au soutien de l’État, ainsi qu’à ses propres performances qui se sont nettement améliorées ( taux d’utilisation des unités, meilleur rendement des bruts traités.)

vous parlez beaucoup de thermique. Ces progrès se font-ils au détriment de l’environnement ? A.T. : Dès le lancement de ces projets, l’objectif du Gouvernement a été d’améliorer le mixénergétique de la Côte d’Ivoire en faisant en sorte qu’aucune source d’énergie ne représente plus de 60 % de la production. L’entrée en service de Soubré marquera définitivement l’inversion de la tendance. Le thermique représente environ 80 % à ce jour, mais il faut rappeler que les extensions de centrales ont fait appel à la technologie du cycle combiné, qui permet un accroissement de la production d’électricité sans consommation supplémentaire de gaz. Enfin, le gouvernement ne ménage pas ses efforts pour accroître la part des sources d’énergies renouvelables dans le mix-énergétique. Cela se traduit en ce moment par des négociations en cours pour une centrale solaire de 20 MW et une centrale à biomasse de 46 MW et par la mise en oeuvre d’un programme important de construction de 10 barrages hydroélectriques.

Qu’en est-il du raccordement de la population à l’électricité ? A.T. : Le nombre de localités électrifiées s’est accru de plus d’un millier en 2015, portant le total à plus de 4 100, soit un taux de couverture national d’environ 48 % et un taux d’accès à l’électricité de 80 %. Nous avons atteint notre vitesse de croisière avec le Programme national d’électrification rurale « PRONER » et le Programme électricité pour tous « PEPT », qui per-


PUBLI-INFORMATION

« Nos investissements atteignent des montants records » © CAMILLE MILLERAND / JA

Adama ToungArA

Ministre du Pétrole et de l’Énergie de Côte d’Ivoire

met aux ivoiriens d’avoir accès à l’électricité en ne payant que 1000 F CFA pour l’abonnement et le branchement . À la fin de cette année, toutes les localités d’au moins 500 habitants seront électrifiées et 200 000 branchements seront réalisés conformément à la volonté du Président Alassane OUATTARA d’ériger l’accès à l’électricité en droit tout comme le droit à la santé et à l’éducation. Nous allons également achever la distribution gratuite 5 millions de lampes basse consommation (LBC), ce qui permet une meilleure maîtrise de la demande nationale d’électricité. À fin décembre 2015, la moitié du million d’abonnés domestiques au service public de l’électricité en a bénéficié, ce qui représente l’installation d’environ 2,5 millions de LBC et la création de 4 000 emplois temporaires.

Élu à l’unanimité pré-

sident de l’Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA) pour l’exercice 20162017, Adama TOUNGARA a la ferme intention de consacrer son mandat à accentuer le rôle moteur de l’association en faveur de la coopération régionale et internationale dans le secteur des hydrocarbures. Un secteur au sein duquel il prône la nécessité absolue d’une bonne gouvernance,

l’année dernière, il y a eu des incidents dans la distribution d’électricité. Quelles mesures correctrices sont envisagées ?

exigeant une grande rigueur

A.T. : L’année dernière, nous avons également mis en service l’extension du poste source de la Riviera et bouclé les travaux de la ceinture du réseau 225kV d’Abidjan. Sans entrer dans les détails techniques, ces installations permettent de sécuriser l’alimentation électrique et d’améliorer la souplesse d’exploitation de notre réseau électrique. Nous poursuivons sur cette voie. Nous avons obtenu un accord de prêt de 850 millions de dollars pour la réhabilitation et le développement du réseau électrique par la construction de nouvelles lignes de transport, de postes sources et d’autres équipements. Cela nous permettra également de répondre avec efficacité à la demande en électricité des pays voisins à travers les projets d’interconnexion de nos réseaux électriques.

l’optimisation des ressources

dans la gestion des structures, la probité de tous les acteurs,

- consolider l’équilibre financier et accélérer la mise en œuvre des projets en cours et planifiés, - accentuer le renforcement des capacités et la création d’emploi, - améliorer le ratio qualité/prix des produits servis aux populations, - répondre avec efficacité à la demande en électricité des pays voisins à travers l’interconnexion de nos réseaux électriques, - lutter efficacement contre la cherté de la vie.

et l’équité dans la gestion.

DIFCOM/DF - PHOTOS : DROITS RÉSERVÉS

www.energie.gouv.ci

© DR

Pour conclure ? A.T. : La mise en œuvre de l’ensemble des projets du secteur de l’électricité inscrits dans le Plan national de développement 2016-2020 s’élève à environ 5 500 milliards de F CFA. Sur la période 2015-2030, l’ensemble des projets nécessitera des investissements d’environ

22 milliards de dollars. Ce sont des montants record, indispensables pour soutenir la dynamique de croissance économique dans laquelle notre pays s’est engagé pour atteindre l’objectif stratégique du Président Ouattara : « Faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent en 2020 et le Hub énergétique de l’Afrique de l’Ouest ». J’ajoute que mon département ministériel, tant dans le secteur du pétrole que celui de l’énergie, a la ferme intention d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés :

 Barrage de Soubré en construction


80

Le Plus de J.A. SÉCURITÉ

Les grandes manœuvres Après l’attentat de GrandBassam, le pays a renforcé ses mesures antiterroristes et, surtout, se rapproche de ses voisins.

A

u lendemain de l’attentat du 13 mars contre la station balnéaire de Grand-Bassam, près d’Abidjan, les autorités ont pris conscience de la vulnérabilité du dispositif sécuritaire mis en place quelques mois auparavant. Après que plusieurs attentats eurent été déjoués, la vigilance avait baissé d’un cran depuis le mois de février. Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, a humblement reconnu ces failles. Le pays, qui veut se prémunir contre de prochaines attaques, a rehaussé son niveau d’alerte au maximum. Le Conseil national de sécurité (CNS), présidé par Alassane Ouattara, s’est réuni à plusieurs reprises pour élaborer de nouvelles stratégies. Notamment le 19 avril, lorsque le chef de l’État a décidé d’allouer un budget d’urgence de 80 milliards de F CFA (122 millions d’euros) supplémentaires pour renforcer les dispositifs de sécurité et de prévention. Les unités d’élite et d’intervention, telles que la Force de recherche et d’assaut de la police (Frap) – l’équivalent du Raid français – et le Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO), se sont déployées dans la capitale économique.

Des mosquées réputées proches du nationale multiplie les patrouilles sur le mouvement wahhabite et des réseaux front lagunaire et au large des côtes. Et le déploiement des éléments du CCDO d’islamistes radicaux ont été discrètement dans la ville de San Pedro, premier port mis sous surveillance. Mais Abidjan veut mondial pour les exportations de fèves manœuvrer avec beaucoup de délicatesse pour ne pas stigmatiser les musulmans. Abidjan veut agir avec beaucoup La capitale économique de délicatesse afin de ne pas n’est pas la seule ville concerstigmatiser les musulmans. néeparcenouveaudispositif. Toutes les grandes aggloméde cacao, va s’accélérer. En plus du disrations en bénéficient. Les contrôles sont très rigoureux dans les aéroports et aux positif de surveillance et de patrouille, postes frontaliers terrestres. La marine plus de 10 000 gendarmes, militaires et policiers sont mobilisés en permanence pour une mission de prévention. Plus de 290 éléments des forces de sécurité en civil À L’ÉCOLE DES FRANÇAIS arpentent la ville afin de repérer d’évena France a déployé Côte d’Ivoire souhaite GIGN français soutient tuels comportements suspects. Les forces en Côte d’Ivoire une procéder à des tests le GIGN ivoirien, tandis spéciales des Forces républicaines ont été mises en alerte maximale, notamment le dizaine d’éléments du réguliers de simulation que le Raid appuie la contingent antiterroriste basé à Cocody, Groupe d’intervention d’attaques terroristes Force de recherche et dans le centre d’Abidjan. de la gendarmerie pour rendre d’assaut de la police. Et

L

nationale (GIGN) et du Raid. Cette équipe aura pour mission de réaliser un audit de sécurité afin d’identifier les faiblesses du système ivoirien. La

N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

ses troupes plus opérationnelles. Les forces spéciales ivoiriennes bénéficient de stages de formation auprès de leurs collègues français. Le

les services ivoiriens fournissent des renseignements sur les groupes terroristes qui opèrent dans le Sahel, où Aqmi est très actif.●

B.M.

PASSEPORT BIOMÉTRIQUE. Fait inédit, le

gouvernement a procédé à un audit sécuritaire de tous les sites publics. Environ 200 d’entre eux, dits névralgiques, ont été identifiés et bénéficient d’une surveillance accrue. « Nous sommes dans une JEUNE AFRIQUE


La nouvelle Côte d’Ivoire Questions à…

Edy Koula

« Pour être plus efficaces, échangeons nos expériences »

t Une unité d’élite de la gendarmerie, après un entraînement, le 15 mars.

situation délicate, explique un membre du gouvernement. Nous devons faire face à la menace terroriste sans effrayer les investisseurs et les institutions multilatérales. » En plus de toutes ces mesures sécuritaires, Hamed Bakayoko devrait faire adopter en Conseil des ministres une directive qui durcira les conditions d’entrée dans le pays pour les ressortissants des États membres de la Cedeao : seuls les détenteurs d’un passeport et/ ou d’une carte d’identité biométriques devraient être autorisés à fouler le sol ivoirien. Dans le cadre d’un accord de coopération sous-régionale, le ministre a rencontré ses homologues du Burkina, du Mali et du Sénégal pour affiner une stratégie commune de sécurisation et de partage d’informations portant sur les mouvances jihadistes. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

© THIERRY GOUEGNON/REUTERS

JEUNE AFRIQUE: Dans quelle mesure les sociétés de sécurité privées peuvent-elles contribuer à la lutte contre le terrorisme, qui est une mission régalienne ? EDY KOULA : Aujourd’hui, nos

dispositifs de surveillance et nos personnels sont très présents et visibles dans la plupart des lieux accueillant du public, en particulier les centres commerciaux, les grandes surfaces, les hôtels, les restaurants et les banques. Les dispositifs mis en place par les sociétés de sécurité agréées ont fait l’objet d’audits effectués par les autorités. Nous avons été alertés de certaines défaillances, que nous avons corrigées rapidement. Nos principales interventions portent sur la prévention, c’est-à‑dire les mesures de détection avec, par exemple, l’installation de portiques à l’entrée des lieux publics et de dispositifs de surveillance, à travers la présence physique d’agents de sécurité privée et la vidéosurveillance. Nos systèmes d’alertes électroniques nous permettent d’être plus réactifs face à des situations et à des activités suspectes, dont nous informons immédiatement les forces de police. À l’instar de ce que font désormais les États, les sociétés privées du secteur n’ont-elles pas intérêt à collaborer entre elles à l’échelle régionale ?

Cela s’impose. Au niveau sousrégional, nous venons d’engager une réflexion, et nous envisageons de créer une confédération africaine des activités privées de sécurité. Nous pourrons être plus efficaces ensemble, en échangeant nos expériences, surtout sur notre façon de collaborer avec les services de police, de renseignements et de sécurité. En Côte d’Ivoire, le 21 avril, nous avons ainsi organisé un forum avec le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité pour voir comment nos sociétés peuvent contribuer, aux côtés des forces conventionnelles, à lutter contre cette nouvelle menace qu’est le terrorisme. Depuis l’attentat à Grand-Bassam, le recours aux services d’entreprises de sécurité privées a-t-il augmenté?

Les demandes ne cessent d’affluer. Surtout de la part des établissements accueillant du public, qui, pour se prémunir contre une éventuelle attaque et rassurer leurs clients, commandent des portiques de sécurité, des équipements de fouille de véhicules, et font installer des systèmes de vidéosurveillance avec caméras intelligentes. Les services d’agents de protection rapprochée sont aussi de plus en plus sollicités, par des sociétés et aussi par quelques particuliers. ● Propos recueillis à Abidjan par B.M.

DR

Président de l’Union nationale du patronat des entreprises privées de sécurité de Côte d’Ivoire (Unapepsci)

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Le Plus de J.A. La nouvelle Côte d’Ivoire du Nigeria et de l’Afrique du Sud), mais rien n’est arrêté. « Il ne s’agit pas d’une simple révision, mais d’une vraie réforme, d’une nouvelle Constitution, qui va e donner naissance à la IIIe République, explique Cissé Bacongo. Au-delà des ajustements rendus nécessaires par Le chef de l’État a chargé Ibrahim Cissé Bacongo de préparer les “germes de conflits” contenus dans le projet de Constitution sur lequel les Ivoiriens se prononceront l’actuelle Constitution [selon les termes par référendum avant la fin de l’année. Comment voit-il sa mission ? d’Alassane Ouattara et du Conseil constitutionnel, en référence à l’article 35, selon a tribune publiée le 6 janvier par lequel tout candidat à la présidence doit d’Alassane Ouattara), s’active avec ses la presse ivoirienne, intitulée être ivoirien né de père et de mère euxéquipes pour préparer le projet de nou« Révision de la Constitution, mêmes ivoiriens], la vision du chef de velle Constitution. Une mission qui ne promesse d’espérance », a suslui est pas inconnue puisque, pendant la l’État implique que la plus suprême des transition militaire du général Robert Gueï lois, sur laquelle se fonde la République, cité la polémique. Dans cet exercice de style en forme de déclaration d’intention, (janvier-octobre 2000), Cissé Bacongo soit aussi en harmonie avec la vision Ibrahim Cissé Bacongo, alors ministre de était membre de la sous-commission du futur. » la Fonction publique et de la Réforme consultative chargée de la rédaction de On peut donc supposer que le projet administrative, évoquait, entre autres, la l’actuelle loi fondamentale, adoptée par comportera des dispositions relatives à suppression de la limitation du nombre une meilleure représentation des femmes référendum en août 2000. de mandats présidentiels. Sa nominaAujourd’hui, plusieurs textes lui et des jeunes au sein des assemblées tion en tant que conseiller spécial à la servent de référence (notamment les élues et des institutions (quotas, règles présidence, chargé de la réforme constiConstitutions des États-Unis, du Ghana, de parité, etc.). Et l’âge minimal requis tutionnelle, a remis de l’huile sur le feu. pour être candidat à la présiAujourd’hui, il tente de rassurer : « J’ai dentielle devrait être abaissé Le texte devrait favoriser lancé une réflexion, c’est là le rôle d’un de 40 ans actuellement à 30 une meilleure représentation intellectuel. Cela étant, la suppression ou 35 ans. Autres innovations de la limitation des mandats ne fera pas des femmes et des jeunes. envisagées : la création d’un partie de mes propositions », Sénat et celle d’un poste de confie-t-il. vice-président, qui assurerait L’ancien avocat d’affaires notamment l’intérim du président en cas de vacance (attridu cabinet C2A (ex-Gante et Associés) n’aura pas chômé bution échouant au président entre sa sortie du gouvernede l’Assemblée nationale dans ment, le 12 janvier, et sa noul’actuelle Constitution). velle affectation, annoncée en Conseil des ministres le MACHIne LÉGISLATIVE. Le 17 février par Alassane Ouattara projet de texte doit être translui-même. Une marque de mis avant le mois de juin au chef de l’État, qui pourra alors considération qui ne s’arrête pas là : alors que la majorité des le soumettre à des experts conseillers du chef de l’État a étrangers, avant que le goudû déménager vers l’immeuble vernement le dépose à l’Assemblée nationale. Concernant EECI (à dix minutes de la présidence), Cissé Bacongo s’est l’organisation du scrutin réféinstallé dans des bureaux spérendaire, la machine législacialement aménagés pour lui, tive s’est mise en marche le au deuxième étage du palais 6 avril, avec l’adoption par les députés de la modification du présidentiel, au Plateau, dans code électoral, qui ne prévoyait la même aile que ceux de Birahima Téné Ouattara, le pas l’organisation d’un réféministre chargé des Affaires rendum constitutionnel. Dès présidentielles, et d’Amadou le lendemain, la Commission électorale indépendante (CEI) Gon Coulibaly, le secrétaire général de la présidence. a lancé le processus d’organiDepuis, ce docteur en droit, sation du scrutin, qui devra qui a fait toutes ses classes au donc se tenir avant la fin de e sein du Rassemblement des l’année. ● p Au 2 étage du palais présidentiel, des bureaux ont été spécialement aménagés pour l’ancien avocat. Baudelaire Mieu républicains (RDR, le parti Réforme

En route vers la III République

S

dr

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n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

jeune afrique



PUBLI - INFORMATION

on), ructi ns t s n o a ire C sée d d’Ivo , spéciali tion et e t ô (C me cep ICO é Anony e, la con timents â t d ié u c de b rché So l’ét e de travaux ur le ma suit n i a r s m le do ution de l, leader ICO pou de i c v S C é i s , c x i e u r te l’e AGE IVILS e maîtrise s génie jourd’h sur le ise à la R e V d u t t t C t U d n r e A O nal. eme NIE ’équipes s importance. iétés ex p e É G natio évelopp et son des soc mes IRIES IVERS) le des DE dispose d e moyen expérien pd s O V son que et m s Ét ats, s organi ls et e ( d e c , t e i e e RD EAUX D l’ensembre habiCICO xécution ’une for e la con tion V l’Afr sition d ivées, d fessionn des d d a e r o RÉS vient sur on de vot ulation. et d’ tériel et cupons l’exploit s de T disp ues et p , des pro relever nts. E a c e e o ter g d ati circ e iq a x en m nous O in ’aliment voies de ons géné tion, d’ouvra tures. publ ationau s af in d import a C I s s i l C u a d v s r n s o c n u e ré x au, u io N inter ar ticulie us en plu seau insi que l ous retro ique, l’e s de la habilitat infras tr dre aux é , r n l p o p a ’ n ti ,n d t e ré tion ctr n, des e la tion et de répo assuran tatio ce réseau seau éle s évacua t la ges d d n t e l l e t n e é s cha truc ut en ction n es Dan ent le r lement l seaux so s et cons missio ciété, to la prote a é m r r g e r é l s e e o e r t é is ra Not ns de la s public et z ma usées. C emps en précises a g i e t l u t. beso urité du d’ea part du s règles r, l’espa men c plu is à de fondeu riaux. la sé nvironne e soum à la pro les maté de l’ t quan ment ou T U ce O T , T e r N œuv IME AT BÂT PS D’ÉT u Second ment, la a e l. COR os œuvre l’Aménag t et le Soe n n r e e ar Du G s s a n t p e l l i s s em n e m i s d e s a u b r p t m u i l’E en nt po ion, u s g a r a ex p e r t t i n i ’ F o é. Ov ain d C I C e de m e qualit d r v s u n œ tio truc cons

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DIFCOM:DF - PHOTOS : DR.

n o i t p e c n co ux n e t va ivil r a e r p t x c e e d e i e r n n t Vo écutio s et gé x et e âtiment de b


La nouvelle Côte d’Ivoire Le Plus de J.A.

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Opposition

Pascal Affi N’Guessan « Laurent Gbagbo reste une force. Mais aussi un handicap » Le président du Front populaire ivoirien se considère comme le chef de file de l’opposition. Et se dit convaincu que son parti pourra former un groupe parlementaire à l’issue des prochaines législatives.

© corentin fohlen pour j.a.

F

ort des 9 % de suffrages qu’il a recueillis lors de la présidentielle d’octobre 2015, Pascal Affi N’Guessan, 63 ans, se présente en rassembleur de l’opposition et appelle les membres de sa formation à l’union. Début mars, après un an de vaines négociations avec des frondeurs qui contestent sa légitimité (lire pp. 88-89), le président du FPI a présenté un nouveau secrétariat général, composé de 174 membres. Une réorganisation des troupes pour enfin tourner la page. Malgré la persistance de dissensions internes, il est persuadé que son parti pourra former un groupe parlementaire à l’issue des prochaines législatives (qui doivent se tenir au second semestre de 2016). Cette présence dans l’hémicycle permettrait au FPI, qui avait boycotté les législatives de décembre 2011, « d’officialiser » son statut de force politique majeure dans le pays. Pascal Affi N’Guessan nous a reçus chez lui, dans son imposante résidence de Riviera-Anono, dans le sud d’Abidjan, qui lui sert aussi de siège de campagne depuis

stature aussi. Je me suis depuis positionné comme le chef de file de l’opposition. Même si le résultat « officiel » de 9 % ne nous a pas satisfaits, il permet au FPI d’apparaître davantage comme une force alternative. Après les traumatismes de la crise postélectorale et quatre années

La cabale montée contre moi n’a pas marché. La preuve: la dissidence s’effrite. que la direction du FPI a été contrainte de quitter l’ancien QG de Laurent Gbagbo, à Cocody. jeune afrique : Qu’est-ce qui a changé au FPI depuis la présidentielle d’octobre 2015, en particulier pour vous, qui étiez son candidat ? PASCAL AFFI N’GUESSAN  : La percep-

tion qu’a l’opinion de ma personnalité, ma jeune afrique

de léthargie, nous sommes désormais la principale force politique en Côte d’Ivoire, la seule capable de conduire le changement. Pourtant, le parti continue de s’entredéchirer, et les frondeurs continuent de remettre en question votre légitimité…

J’ai été directeur de cabinet de Laurent Gbagbo en 1994, puis son directeur de

campagne en 1995, puis son Premier ministre de 2000 à 2003, date à laquelle j’ai pris la tête du FPI. Je me considère légitimement comme l’héritier politique de Laurent Gbagbo. Un parti n’est pas une organisation figée dans le temps, il doit se moderniser. Et de nouveaux membres nous apportent du sang neuf. Le FPI c’est nous, sa direction actuelle, qui est reconnue par l’État. La cabale montée contre moi n’a pas marché, et cette dissidence s’effrite. Le principal problème du FPI n’est-il pas justement le culte de la personnalité qui perdure autour de Laurent Gbagbo ?

En effet, Laurent Gbagbo a été et reste une force pour le parti. Mais aussi un handicap. Aujourd’hui, notre travail consiste à permettre à tous ceux qui sont restés dans cette posture messianique d’évoluer et d’avoir une attitude plus rationnelle. n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016


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Le Plus de J.A. La nouvelle Côte d’Ivoire A contrario, certains vous reprochent de trop bien vous entendre avec le président Ouattara…

C’est faux. On ne s’entend pas bien. On discute, mais il y a entre nous de lourds contentieux, en particulier sur la question des prisonniers politiques. Nous avons des rapports de pouvoir à opposition. Le président nourrit l’ambition de faire en sortequel’oppositionexiste,qu’elleprenne sa place dans la vie politique nationale, c’est un bon signe. Mais nous n’avons pas la même vision des choses. Le FPI n’est d’accord ni avec sa politique libérale ni avec la gouvernance actuelle, où seuls les proches du pouvoir sont récompensés, où une seule autorité décide de tout et où le pouvoir judiciaire est aux ordres. Il lui reproche aussi l’inconsistance de sa politique sociale, qui ne pourra qu’échouer dès lors que le sort des populations n’est pas la principale préoccupation du régime du président Ouattara, davantage focalisé sur des investissements de prestige. Quelle sera votre stratégie de campagne?

Nous allons être présents dans toutes les circonscriptions, en parfaite synergie avec l’ensemble de l’opposition. Nous sommes prêts à faire gagner des candidats de partis concurrents. Nous organiserons d’ailleurs descandidaturesconsensuellesderassemblement.Nousvoulonsgagnerlemaximum de sièges pour peser efficacement sur le jeu politique national et avoir une capacité d’influence sur les institutions. La majorité se prépare aussi. Que pensez-vous du projet de fusion entre le Rassemblement des républicains (RDR),

d’Alassane Ouattara, et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), d’Henri Konan Bédié, qui sont alliés depuis quinze ans au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?

Je pense que c’est une alliance en fin de vie. Elle a été conclue pour permettre à deuxhommes,BédiépuisOuattara,d’accéder au pouvoir. Ils ont atteint leur objectif, donc cette alliance n’a plus aucun sens. Le fait de poser la question d’un parti unifié montre bien qu’il y aura un problème. En réalité, ceux qui prendront la relève ne sont pas prêts à s’unir derrière un seul parti,

Depuis, nous sommes en procès, désormais en appel, et la décision doit être rendue le 6 mai. Craignez-vous que des candidats « dissidents » du FPI se présentent aux législatives ?

Je ne crois pas qu’il y en aura. Mais celui qui se présentera contre le FPI ne pourra plus revendiquer le statut de militant du parti. Par ailleurs, si les principaux frondeurs, Aboudramane Sangaré et Laurent Akoun, ne font plus partie de la direction du FPI, ils sont encore membres du parti.

La présidentielle de 2020 verra la fin de la génération Gbagbo-Ouattara. car tous sont des candidats potentiels à une prochaine élection présidentielle. De votre côté, n’avez-vous pas envie de créer une coalition de l’opposition ?

Un parti est un instrument. Je ne peux pas dire que le FPI est éternel et qu’il restera tel qu’il est jusqu’à la fin des temps. Il y aura forcément des mutations. Alors, oui, il est possible qu’il puisse fédérer une organisation plus vaste sous un autre nom. Mais il ne faut pas forcer le destin. Il faut déjà que nous mettions de l’ordre chez nous. Le FPI va organiser très prochainement le congrès qu’il n’avait pu tenir en décembre 2014. Souvenez-vous… Certains avaient voulu imposer Laurent Gbagbo à la présidence du parti alors qu’il n’en avait pas fait explicitement la demande.

Comment voyez-vous la présidentielle de 2020 ?

Ça sera la fin d’une génération, celle de Ouattara [74 ans] et de Gbagbo [70 ans], et l’avènement d’une autre, avec des gens comme moi, mais aussi de jeunes loups, que l’on pourrait appeler « génération Fesci » [Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire]. N’avez-vous pas peur d’être considéré comme un homme du passé ?

Ah, non ! Je peux même dire que je devrais logiquement apparaître comme l’homme de la situation. Celui qui a une vraie expérience démocratique là où d’autres ont choisi d’emprunter des raccourcis pour prendre le pouvoir. ● Propos recueillis à Abidjan par François-Xavier Freland

référendum : ce qu’en dit le FPI

L

e FPI voit d’un bon œil le projet de nouvelle Constitution (lire p. 82), mais il compte bien faire entendre sa voix dans la campagne référendaire. Et ses priorités ne sont pas forcément celles du camp du président Ouattara. Selon Pascal Affi N’Guessan, l’objectif numéro un est de remettre à plat la nature même du régime présidentiel, là où, toujours selon lui, l’actuel chef de l’exécutif voudrait renforcer n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

ses prérogatives, avec « le risque d’une dérive autocratique ». Le FPI souhaite donc que la future Constitution rééquilibre le partage des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Et pas question de revenir sur la limitation du nombre de mandats présidentiels successifs, alors que certains soupçonnent le président de la République de vouloir se maintenir au pouvoir à l’issue de son second

mandat. Pour la direction du FPI, la nouvelle loi fondamentale devrait aussi renforcer d’une part le poids de la laïcité dans la République, et d’autre part le processus de décentralisation (et en particulier la régionalisation), afin que toutes les régions disposent de ressources équitables et suffisantes pour se développer. Enfin, le parti de l’ex-président Gbagbo reconnaît qu’il faudrait

peut-être revoir les conditions d’éligibilité à la présidentielle en modifiant le fameux alinéa 3 de l’article 35 (selon lequel un candidat « doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ») pour trouver « une règle consensuelle, qui ne soit plus source d’affrontements ». Le FPI, débarrassé de ses frondeurs, semble avoir retenu les F.-X.F. leçons du passé. ● jeune afrique



Le Plus de J.A.

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Divorce à l’ivoirienne

© issouf sanogo/afp

Nouveau secrétariat général, nouvelle organisation, plan de campagne pour le référendum et les législatives… À l’approche de son congrès, prévu fin mai, la direction du FPI a pris des mesures radicales afin de rabattre le caquet des frondeurs.

p Fin février 2014, lors du dernier congrès du parti, avant qu’éclate la querelle de légitimité.

C

inquante mètres seulement séparent l’ancien QG de Laurent Gbagbo du nouveau siège du Front populaire ivoirien (FPI), à Abidjan. Situé dans une impasse d’Attoban, au cœur de Cocody, le premier a gardé les souvenirs des grandes victoires des années 2000, mais porte aussi les stigmates des violences de la crise postélectorale de 2010-2011. L’ancien leader charismatique, Laurent Gbagbo, au travers des portraits écornés qui le représentent, y est omniprésent. Derrière sa façade fraîchement repeinte en bleu, la maison qui accueille désormais la permanence du parti est quant à elle presque vide. Là, ce sont les affiches de Pascal Affi N’Guessan, patron du FPI et candidat à la présidentielle de décembre 2015, qui ont été placardées à la hâte sur les murs, comme pour atténuer l’écho et faire oublier le peu d’animation. Le FPI y a emménagé en mars, après avoir quitté en catimini le « QG Laurent n o 2885-2886 • du 24 avril au 7 mai 2016

trois fois ministre, qui fut le chef de cabinet de Laurent Gbagbo durant la période clandestine des années 1980. « Le premier slogan de Gbagbo était “asseyons-nous et discutons”. Nous n’avons pas changé de discours », poursuit Augustin Kouadio. Pourtant, face à la radicalisation de ceux qui, depuis fin 2014, mènent la fronde au sein du parti et contestent la légitimité de son président, le FPI a pris des décisions radicales. Le 2 mars, la dizaine de « Le premier slogan de Gbagbo meneurs pro-Gbagbo, au était “asseyons-nous et discutons”. premier rang desquels Nous tenons le même discours. » Aboudramane Sangaré Augustin Kouadio et Laurent Akoun, ont été remerciés de la direction, l’une des chevilles ouvrières de la renaismais restent membres du parti. « Nous sance du premier parti d’opposition et ne leur fermons pas la porte, souligne désormais principal conseiller de Pascal Augustin Kouadio. Ils doivent cependant Affi N’Guessan. Sur sa table de travail, accepter d’avancer avec nous. » un stylo, un ordinateur, un téléphone Après cette remise à l’heure des penportable. Un environnement minimaliste dules et à quelques mois des législatives, la consigne est de retourner au contact des pour ce juriste pragmatique et efficace, Gbagbo », dont Nady Bamba, seconde épouse de l’ancien président, réclamait la propriété depuis un an. Bien que cette dernière ait été déboutée de sa plainte le 4 avril, la direction du parti semble pour le moment vouloir rester dans ses nouveaux quartiers. Un scénario digne de celui d’un couple qui se déchire… « C’est un nouveau départ, on recommence de zéro », sourit Augustin Kouadio Komoé,

jeune afrique


La nouvelle Côte d’Ivoire militants. Car si le résultat de son candidat à la présidentielle de 2015 a quelque peu déçu (9 %), il est suffisant pour que le FPI revendique le leadership de l’opposition et tente de séduire « tous les laissés-pourcompte de la croissance à deux chiffres! » ironise Pascal Affi N’Guessan. Ce dernier a d’ailleurs commencé à mener campagne dans sa région natale de Moronou, et vingt-huit vice-présidents régionaux ont été nommés pour en faire de même à travers tout le pays. GUÉGUERRE. Pour ratisser large, un

homme joue un rôle clé à la direction du parti: Konaté Navigué. Dans son nouveau bureau, il est le seul à avoir affiché le portrait de son idole de toujours, Laurent Gbagbo, et celui de son nouveau patron, « Affi ». « Je suis la caution Gbagbo au sein du nouveau FPI et je l’assume, affirme-t-il. J’ai été fidèle pendant dix ans au président [Gbagbo], et c’est moi qui dois convaincre les brebis égarées de revenir vers nous. Nos futurs députés représenteront toutes les tendances de nos militants. »

Nommé début mars secrétaire général adjoint chargé du dialogue politique et de la réconciliation, l’ancien patriote, responsable de la jeunesse au FPI et proche de Charles Blé Goudé, assume en effet son allégeance à la nouvelle direction, tout en conservant des liens avec les frondeurs. « Faux ! rétorque l’un des principaux intéressés, Laurent Akoun. Aboudramane Sangaré et moimême n’avons plus aucun contact avec

Objectif : séduire tous les laissés-pour-compte de la croissance à deux chiffres. les “Affinités” [les proches d’Affi]. Pascal Affi N’Guessan aime faire courir le bruit que nous sommes en contact, mais il n’en est rien. Ces gens ne font plus partie du FPI. » Car pour lui, à l’image des deux maisons bleues d’Attoban, il existe désormais deux FPI : le sien, fidèle au leader exilé, et « l’autre », celui d’Affi N’Guessan, reconnu par les autorités.

Un procès est actuellement en cours pour interdire aux frondeurs d’utiliser la marque FPI (lire pp. 85-86). « Cette guéguerre interne n’honore ni la mémoire des victimes de la crise ni celle de Laurent Gbagbo, emprisonné à La Haye », déplore Kouadio Konan Bertin (KKB). Le dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), candidat à la dernière présidentielle, se dit en revanche prêt à participer au prochain congrès du FPI et, pourquoi pas, à travailler à la création d’une coalition de l’opposition. De son côté, le FPI n’exclut pas de présenter aux législatives des candidats communs de l’opposition, avec tous les déçus du PDCI, voire du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel), même si cela s’annonce plus difficile. « Nous sommes unis, ils sont divisés; nous avons un projet, ils n’en ont toujours pas. Ça ne peut que nous arranger », rétorque Joël N’Guessan, le porte-parole du RDR. ● François-Xavier Freland, envoyé spécial

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Le Plus de J.A. ÉCONOMIE

Sur le chemin de l’émergence Maîtrise de l’inflation, du déficit budgétaire et de l’endettement, hausse des investissements… Le pays a fait des progrès spectaculaires. Vivement qu’ils bénéficient à tous !

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lle ne se « mange » pas, comme on a coutume d’ironiser en Afrique. Mais, en Côte d’Ivoire, la croissance se voit. Du moins à Abidjan. En un an, les progrès y ont été spectaculaires. Nouveaux centres commerciaux,nouveauxrestaurants,nouveaux immeubles, nouveau pont, nouveaux chantiers, des rues plus propres, une circulation plus fluide… Tout cela confère à la capitale économique une effervescence peu commune en Afrique. Et voilà, de surcroît, que la Banque européenne d’investissement (BEI) transfère son siège ouest-africain de Dakar à Abidjan pour se rapprocher de la Banque africaine de développement (BAD), avec laquelle elle monte de nombreux projets et qui a quitté Tunis pour revenir dans la capitale ivoirienne ! Au moment où la grande Chine perd ses étoiles dans les analyses des agences de notation, la petite Côte d’Ivoire améliore mois après mois sa position aux yeux de ces gardiens du risque-crédit. Car presque tous les signaux y sont dans le vert. La croissance ? On chipote à ce sujet : les autorités ivoiriennes prétendent avoir dépassé les 10 % en 2015, quand le FMI l’estime à 8,6 %. Avec 10,7 % en 2012, 9,2 % en 2013 et 8,5 % en 2014, on ne peut pas dire que la Côte d’Ivoire souffre le moins dumondeduralentissementéconomique perceptible dans le reste de l’Afrique. L’inflation? Jugulée à un taux moyen de 1,2 %. Le déficit des échanges courants ? Contenu à 1,7 % du PIB. Le déficit budgétaire ? Limité à moins de 3 % du PIB, mieux que la France ! L’endettement ? Maîtrisé à 41 % du PIB, quand la moyenne de l’UEMOA est de 74 %. REVALORISÉES. Les investissements ? Multipliés par 3,2 depuis 2011. Le salaire minimum ? Augmenté de 64 %. Les rémunérations des fonctionnaires ? Revalorisées de 12 % en 2014, après vingtsept années de stagnation. Les emplois ? Plus de 2 millions ont été créés. Le revenu par habitant ? Amélioré de 20 %. Les prix agricoles payés aux planteurs ? Tous en N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

L’agence de notation ivoirienne Bloomfield Investment a beau souligner que le service de la dette a fortement progressé au point de dévorer 30 % des ressources propres de l’État, son viceprésident et chef économiste, Youssouf hausse : cacao, café, anacarde, manioc… Carius, ne peut que reconnaître que cela Le président, Alassane Ouattara, n’en est pas peu fier et insiste: « Nous avons réduit affectera peu la trajectoire du pays. « J’ai été de moitié la pauvreté en quatre ans. » le premier surpris, déclare-t-il, mais des Si elle a réalisé ces progrès grâce à trois scénarios élaborés par le Programme l’investissement public, largement national de développement [PND 2012financé par l’aide extérieure, la Côte 2015], c’est le plus ambitieux, celui appelé d’Ivoire entend accélérer la cadence “le triomphe de l’éléphant” [voir tableau jusqu’à l’émergence grâce à l’entreprise p. 91], qui a été réalisé. Tout laisse à penser privée. Elle figure donc parmi les dix que la croissance de la Côte d’Ivoire se pays qui ont le plus amélioré leur climaintiendra à un niveau très élevé, car mat des affaires dans le monde, selon elle est redevenue un modèle de stabilité. » le classement « Doing Business » de la Mais au sortir d’une crise qui a duré une Banque mondiale, et, selon le Centre de quinzaine d’années, il était impossible d’espérer que le quotidien des Ivoiriens promotion des investissements (Cepici), 40 entreprises y naîtraient chaque jour. s’améliore au même rythme que les principaux indicateurs économiques. Ce qu’admet Adama La grande Chine perd des étoiles Coulibaly, directeur de cabiauprès des agences de notation, netduministredel’Économie la petite Côte d’Ivoire en gagne. et des Finances. « Nous avons fait énormément, expliqueLe FMI peut s’inquiéter du financet-il. Les dépenses en faveur des pauvres [santé, éducation, assainissement, pistes ment des projets en partenariat publicprivé (PPP), telles l’extension du port rurales] ont doublé, de 850 à 1790 milliards d’Abidjan ou la rénovation de la voie deFCFA[1,3à2,73milliardsd’euros].Nous ferrée Abidjan-Ouagadougou. Il est avons créé une couverture maladie univernéanmoins obligé de convenir que la selle, un fonds pour les femmes, un autre Côte d’Ivoire ne ralentira ni en 2016 pour les jeunes, bâti des écoles et rénové ni en 2017. des universités… Mais j’entends dire que

Un PND à 30000 milliards

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l doit conduire la Côte d’Ivoire à « l’émergence ». « Il » ? Le deuxième Programme national de développement (PND 2016-2020), qui se fixe pour but de renforcer les institutions et la gouvernance, de développer le capital humain, de transformer l’économie en l’industrialisant, d’harmoniser les infrastructures et de développer l’intégration régionale. Les objectifs sont ambitieux (par exemple, construire un chemin de fer Man-San Pedro et dix barrages hydroélectriques ou diviser par deux la pauvreté), et le coût important, puisqu’il faudra 30 000 milliards de F CFA (plus de 45 milliards d’euros) contre 11 000 milliards pour le premier PND. Un tiers devrait venir de fonds publics, un tiers des partenariats public-privé et un dernier tiers des investissements directs étrangers. Au total, le secteur privé devrait fournir les deux tiers du PND. Une réunion se tiendra à Paris les 17 et 18 mai afin de mobiliser les bailleurs de fonds et les investisseurs internationaux… qui n’ont encore rien promis, même s’ils sont bien conscients des opportunités qu’offrent ces innombrables chantiers à venir. ● A.F. JEUNE AFRIQUE


La nouvelle Côte d’Ivoire

And the winner is… (En %, croissance envisagée dans le PND comparée à la situation réelle) Le triomphe de l’éléphant

Les scénarios

Le réveil de l’éléphant

Le départ manqué

La réalité

SOURCE : MPEF, INS/BLOOMFIELD INVESTMENT

cela n’a pas d’impact pour la ménagère. Il est vrai que la population a beaucoup souffert et qu’elle est impatiente, mais ce n’est pas en trois ou quatre ans que l’on peut satisfaire ces exigences légitimes ! » De fait, la classe moyenne a du mal à boucler son budget. Le prix de l’électricité aurait bondi de moitié en deux ans. L’absencedeconcurrenceportuairegénère des tarifs supérieurs à ceux des autres ports africains, ce qui, par contrecoup, renchérit tous les produits d’importation. Les prix de l’immobilier ont explosé depuis le retour des personnels de la BAD, et se loger à Abidjan est devenu très onéreux. DISCIPLINE. Le FMI pointe un faible recul du taux de pauvreté : la proportion de la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour ne serait passée que de 48,9 % en 2008 à 46,3 % en 2015. Les « microbes », ces bandes de jeunes et d’adolescents en déshérence qui rançonnent les passants à Abobo, se font de plus en plus agressifs pour obtenir l’argent que le chômage endémique les empêche de gagner. JEUNE AFRIQUE

Le premier Programme national de développement (PND 2012-2015) avait bâti trois scénarios, du plus optimiste (« le triomphe de l’éléphant ») au plus pessimiste (« le départ manqué »). C’est à l’évidence le scénario du « triomphe » qui a été réalisé. Les chiffres de croissance de 2012 et de 2013 ont été validés. Celui de 2014 est estimé, mais il est admis aussi bien par le FMI que par le gouvernement ivoirien. Celui de 2015 est une prévision de l’agence de notation Bloomfield Investment et se trouve à mi-chemin entre le chiffre du FMI (8,6 %) et celui du gouvernement (supérieur à 10 %).

« Le rattrapage de la Côte d’Ivoire est dû au gigantesque travail fourni par le président Ouattara. Le reste prend plus de temps, et c’est normal », analyse Jean-Louis Giacometti, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie France-Côte d’Ivoire. « Pour que les entreprises puissent aider les

Si on demande à l’élite ce qu’elle attend du second mandat d’Alassane Ouattara, ce ne sont pas les mots « terrorisme » ou « insécurité » qui sont le plus souvent prononcés, mais les mots « valeurs » et « discipline » qui reviennent en boucle, même si ladite élite ne les met pas toujours en pratique… Elle rêve de revenir à l’époque passablement fantasmée du président Houphouët-Boigny, Les « microbes » qui rançonnent quand les étudiants savaient les passants se font écrire le français au sortir de l’université et avaient le goût de plus en plus agressifs. de l’effort, quand la corruption Ivoiriens à mieux vivre, poursuit-il, il était plus supportable, quand les règles conviendrait de privilégier l’éducation élémentaires du code de la route, de la en mobilisant des formateurs sur des fiscalité ou du droit commercial étaient métiers cibles comme la plomberie globalement mieux respectées. ou le commerce international, car les Ce n’est pas économique, mais comdiplômes sont souvent inadaptés aux portemental, dira-t-on ? Oh, que si ! Hier besoins des entreprises. Ensuite, il fauSingapour, aujourd’hui le Rwanda… tous drait que la justice améliore son traitedeux ont bâti leur excellence économique – donc sociale – sur ces principes vécus ment des litiges commerciaux et fonciers. collectivement. De leur mise en œuvre Enfin, le système de santé devrait devenir dépendra assurément la pérennité du prioritaire, car on ne peut pas travailler quand on est malade ! » Il y a donc du « triomphe de l’éléphant ». ● pain sur la planche… ALAIN FAUJAS N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

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Le Plus de J.A. ENTREPRISES

Et si on les laissait vivre? Par manque de structuration, d’organisation et d’assise financière, la moitié des PME ne soufflent pas leur quatrième bougie. Comment les remettre au cœur du tissu économique ?

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algré la forte croissance du PIB et la remontée fulgurante du pays dans les classements internationaux depuis 2012 en matière de climat des affaires (lire pp. 90-91), les petites et moyennes entreprises (PME) restent le maillon faible du « triomphe » ivoirien. Elles ont été particulièrement affectées par les années de crise : selon l’Institut national de la statistique (INS), leurs investissements ont chuté de près de 100 % entre 2008 et 2011. Pourtant, selon ce même INS, elles représentent encore plus de 90 % des entreprises du pays, soit environ 13 300 sociétés, dont 9 400 « petites », c’est-à-dire dont

le chiffre d’affaires (CA) est inférieur à souvent gérées par les membres d’une même famille, dont les responsabili150 millions de F CFA (228 000 euros), et tés sont floues, qui ne maîtrisent ni le 2 760 entreprises de taille « moyenne » (CA entre 150 millions et 1 milliard management ni les outils de gestion. de F CFA). Mais, comme le souligne Par ailleurs, nombreuses sont les PME l’Organisation des petites et moyennes entreprises de Certaines sociétés retombent Côte d’Ivoire (OPMECI), plus dans le secteur informel pour de la moitié d’entre elles disparaissent au cours de leurs échapper à la pression fiscale. quatre premières années d’existence. ivoiriennes créées dans le seul but de ravir un marché captif (c’est-à-dire en Un taux de disparition qui tient avant vendant des services ou des produits tout à des facteurs internes. Le premier pour lesquels il y a encore peu de responsable de cette hécatombe est concurrence), sans que leur promoen effet le manque de structuration teur n’ait de véritable projet. et d’organisation de ces entreprises,

Fodé Kaera Yattabaré PDG de Kaera Cosmetics

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n huit ans à peine, Fodé Kaera Yattabaré, le PDG de Kaera Cosmetics, a réussi à hisser sa petite entreprise dans le top 10 des industriels de l’hygiène et de la cosmétique en Côte d’Ivoire. Simple savon ou gel gommant aux extraits végétaux, shampoing à l’huile d’argan, soin hydratant au beurre de lait ou baume antiâge à la bave d’escargot… son créneau à lui, c’est le naturel. « La nouvelle cosmétologie », comme le résume le slogan qui accompagne désormais toutes ses gammes de produits. Après une formation en finance et management, Fodé Kaera Yattabaré a créé sa société avec un capital de 1 million de F CFA (environ 1 500 euros). « J’ai commencé par fabriquer du savon. J’étais à la fois le patron, le commercial et l’ouvrier, et mon appartement servait aussi de bureau et de site de production, raconte-t-il. J’avais installé N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

l’atelier de fabrication dans mon salon, ma chambre servait de bureau dans la journée et la troisième pièce, de salle de stockage. » Aujourd’hui, les bureaux, le laboratoire et l’usine se trouvent dans la zone industrielle de Yopougon (dans l’ouest d’Abidjan). Kaera Cosmetics commercialise douze gammes de produits (dont « Miracle Jeune », la star) en Côte d’Ivoire, où ils sont distribués notamment dans les supermarchés du groupe Prosuma, ainsi que dans différents pays d’Afrique, d’Europe, en Amérique du Nord et en Australie, à travers son propre réseau. Son capital est passé à 75 millions de F CFA, elle se développe au Nigeria et en RD Congo, et ses résultats permettent à son jeune patron (29 ans) d’investir cette année 9 millions d’euros dans la construction d’une deuxième usine, plus grande. ● B.M.

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JEUNE AFRIQUE


La nouvelle Côte d’Ivoire

SOUPLE. Plutôt que de disparaître, nombre de PME-PMI préfèrent rester ou retomber dans le secteur informel pour échapper à la pression fiscale ou parce qu’elles ne parviennent pas à s’adapter aux réglementations, malgré l’efficacité du guichet unique des formalités d’entreprises, opérationnel depuis décembre 2012. L’État estime à 60 000 le nombre d’entreprises informelles qu’il espère inciter à régulariser leur situation. « Nous avons demandé à ces PME de rejoindre le secteur formel en faisant leur déclaration avant le 30 avril 2016. Jusqu’à cette date, elles seront exonérées de toutes les taxes dont elles auraient dû s’acquitter depuis leur création », explique Abdourahmane Cissé, le ministre chargé du Budget et du portefeuille de l’État. Depuis 2011, l’objectif du président Ouattara et de ses équipes est de renforcer les PME-PMI et de les remettre au cœur du tissu économique. À la mi-2014, l’État a lancé un programme d’appui au développement des PME-PMI, baptisé Phoenix. L’ambition de ce plan stratégique d’une durée de six ans, doté d’une enveloppe de 150 à 200 milliards de F CFA, est que, d’ici à 2020, les PME-PMI contribuent pour 35 % à 40 % du PIB (comme c’était le cas à la fin des années 1990), et qu’elles permettent de créer 600 000 emplois. JEUNE AFRIQUE

Ce plan prévoit notamment l’ouverture d’une agence publique des PME (qui coordonnera l’ensemble des actions de promotion), d’un fonds de garantie et d’un fonds d’investissements, afin de répondre aux difficultés d’accès au financement. Le 23 mars, le gouvernement a

décidé de mettre en place un mécanisme encore plus souple pour les PME-PMI, via la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) : un compartiment (segment) spécial va leur être consacré sur le marché boursier, afin de leur permettre de lever des fonds. ● BAUDELAIRE MIEU

Fanta Traoré-Ginzburg Directrice générale d’Empower Talents & Careers

© OLIVIER POUR J.A.

Des facteurs externes contribuent aussi à la vulnérabilité des PME-PMI ivoiriennes. Les longs délais de paiement, notamment en cas de marché public, peuvent les fragiliser, voire les contraindre à mettre la clé sous la porte. La difficulté d’accès au crédit et à l’emprunt ne leur permet ni d’investir ni de faire face aux aléas conjoncturels, comme une baisse ponctuelle de l’activité. En effet, sachant que plus de 50 % des créances douteuses et non recouvrables sont imputables aux PME-PMI, les banques et établissements financiers, échaudés, rechignent encore à mettre en place les lignes de crédit nécessaires à leur financement. « Les PME ont laissé beaucoup de dettes toxiques dans plusieurs banques locales. Ce n’est pas le financement qui pose un problème en soi, c’est la structuration parfois floue de ces entreprises et, surtout, leur incapacité à fournir des bilans sur deux ou trois ans pour accompagner les dossiers de prêt », explique un banquier abidjanais.

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près dix années d’études à Paris couronnées par un master en économie internationale à la Sorbonne, en 2000, un master en électricité et marchés énergétiques à l’École supérieure d’électricité de Paris (Supélec), en 2010, et un début de carrière au sein du cabinet de recrutement Robert Walters, puis chez General Electric, Fanta Traoré-Ginzburg a décidé, en juin 2014, de créer sa propre entreprise avec un capital social de 650 000 F CFA (un peu moins de 1 000 euros). Spécialisée dans le recrutement et la gestion des ressources humaines, Empower Talents & Careers est l’une des rares sociétés du secteur à chercher des cadres expérimentés au niveau international. Pour renforcer ses réseaux, elle collabore par ailleurs avec d’autres cabinets tels que CR Consulting et Cofigroup. Ses principaux clients ? Des multinationales et des sociétés africaines du monde de l’industrie et de la finance présentes en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. « Le cabinet a été créé sur fonds propres, sans solliciter aucun prêt bancaire. Et même si nous comptons augmenter nos investissements cette année, pour développer notre activité, nous réfléchissons à d’autres solutions, car les taux d’intérêt sont trop dissuasifs », explique Fanta Traoré-Ginzburg. ● B.M. N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016


Orange Côte d’Ivoire accélère sa croissance régionale

Le numéro un ivoirien du mobile, de l’accès à internet et des services innovants se déploie en Afrique de l’Ouest pour encore mieux servir ses clients. Orange Côte d’Ivoire vient de signer officiellement l’acquisition à 100 % de Cellcom, le premier opérateur mobile au Liberia. Le groupe est par ailleurs en train de finaliser l’acquisition du numéro deux des télécoms au Burkina Faso, qui détient 35 % du marché. Lorsque cette opération sera confirmée, les nouveaux pays permettront à Orange Côte d’Ivoire de doubler sa base d’abonnés en Afrique de l’Ouest.

Fort potentiel de développement En s’implantant au Liberia, Orange Côte d’Ivoire entre sur un marché qui présente un fort potentiel de croissance, avec un taux de pénétration du téléphone mobile de 66 %, d’une population de plus de 4,3 millions d’habitants. Pour comparer, le taux de pénétration est de 80 % au Burkina Faso et de 100 % en Côte d’Ivoire. Les nouveaux clients d’Orange Côte d’Ivoire bénéficieront également du savoir-faire du groupe dans des domaines où il excelle, notamment Internet mobile et Orange Money. Rappelons qu’en Côte d’Ivoire, le groupe procède cette année au lancement de services innovants dans le cadre du déploiement de ses nouveaux réseaux 4G, l’internet mobile à très haut débit.

PUBLI-INFORMATION

Objectifs et réalisations 2016 @ 3 pays :

Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Liberia

Plus de

16 millions de clients

Le techno-centre africain du groupe mondial (installé à Abidjan en 2011)

Le premier point de présence internet d’Afrique de l’Ouest (installé en 2014)


Orange Côte d’Ivoire accélère sa croissance régionale

Le Directeur général d’Orange Côte d’Ivoire, Mamadou Bamba (au centre), et l’équipe de négociation de l’acquisition de Cellcom, opérateur numéro un au Liberia.

Pour mieux servir tous les clients En renforçant sa présence en Afrique de l’Ouest, Orange Côte d’Ivoire est en mesure de développer de nouvelles synergies au service de ses clients. Au plan technique, c’est notamment le cas dans les domaines des services financiers mobiles, de l’optimisation des réseaux et du déploiement de l’internet mobile. Au plan commercial, les avantages tarifaires sont évidents pour les habitants des régions frontalières et pour ceux qui travaillent en Côte d’Ivoire. Enfin, le groupe réfléchit à de nouvelles opérations de sponsoring de manifestations sportives, qui auront naturellement plus d’ampleur puisque déployées dans plusieurs pays.

Leader en Côte d’Ivoire Téléphonie mobile

10,8 millions d’abonnés

Internet mobile

3,8 millions d’abonnés

44,4% du marché

Orange money

4,3 millions d’abonnés

51,4 % du marché

du marché

www.orange.ci

DIFCOM/DF - PHOTO : © IvAN MAsLAROv

Immeuble le Quartz, Boulevard V. Giscard d’Estaing 11 BO 202 Abidjan 11, Côte d’Ivoire

42,5%


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Le Plus de J.A. La nouvelle Côte d’Ivoire TECHNOLOGIE

Le big bang du numérique Grâce au réseau de 7 000 km de fibre optique, en cours d’installation, l’e-économie va enfin pouvoir exploser. Et les Ivoiriens s’éclater.

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epuis 2012, la Côte d’Ivoire s’est lancée dans la construction d’un réseau national haut débit de 7 000 km de fibre optique qui lui permettra de se doter des infrastructures nécessaires au développement des technologies numériques, et de l’économie en général. Ce chantier doit être achevé à la fin de 2018. Pour mener à bien ce programme, baptisé Backbone (« épine dorsale »), l’État doit décaisser 100 milliards de F CFA (près de 152,5 millions euros), en plus des investissements réalisés par les opérateurs Orange, MTN ou Moov, qui ne couvrent pas toutes les régions du pays et, pour le moment, n’offrent pas de très haut débit. Porté par le ministre de l’Économie numérique et de la Poste, Bruno Koné, Backbone est piloté par l’Agence nationale du service universel des télécommunications (Ansut). Il se décline en trois phases. La première couvrira le nord et l’ouest du pays sur une longueur de 1 400 km, et doit être achevée pour la fin de l’année. La deuxième, qui relie l’est du pays au réseau de la métropole d’Abidjan sur plus de 620 km, a été inaugurée le 30 novembre 2015 par le Premier général de l’Ansut. Il constitue aussi l’un des maillons essentiels de l’émergence, ministre, Daniel Kablan Duncan, mais n’a pas encore été mise en exploitapuisque c’est sur ce réseau haut débit que tion et attend le feu vert de l’Agence de repose le développement de l’économie numérique, des nouveaux services des régulation des télécommunications. La troisième phase, qui porte sur 5 000 km, va permettre Pour l’État, la vraie révolution de mailler de façon dense sera de connecter entre elles l’ensemble du territoire toutes les administrations. national. Les travaux de cet axe névralgique ont débuté au mois d’avril et dureront deux ans. opérateurs de téléphonie et d’internet, Toutes les grandes villes, préfectures et des banques, des administrations, des sous-préfectures du pays seront ainsi entreprises, sans oublier l’e-admireliées. nistration, l’e-éducation, l’e-santé ou « Backbone permettra à tous les l’e-agriculture, pour faciliter les transaccitoyens d’avoir accès aux TIC [techtions agricoles. Ce qui n’est pas anodin, nologies de l’information et de la comà l’heure où les professionnels et les munication] et leur simplifiera la vie », pouvoirs publics envisagent de doter le pays d’une Bourse des cultures vivrières. s’enthousiasme Euloge Soro, le directeur N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

De nombreux projets publics et privés reposent donc sur ce réseau national haut débit, dont la mise en exploitation devrait générer un revenu de 15 milliards de F CFA, dont une partie serait reversée à l’Ansut. Mais, pour l’État, la principale révolution sera de connecter entre elles toutes les administrations. « Grâce à cette infrastructure, nous pourrons mettre en place un système avec un fichier unique et un identifiant pour tous les Ivoiriens, ce qui va faciliter la vie de l’État, des citoyens, et également permettre d’améliorer la sécurité en Côte d’Ivoire », explique Bruno Koné. Le gouvernement souhaite par ailleurs équiper le pays d’un satellite de télécommunications et de surveillance du territoire qui s’appuierait, lui aussi, sur le réseau de fibre optique. ● BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE



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Parlons business en Afrique CNN va à la rencontre des principaux acteurs de la communauté des affaires en Afrique. FaceTime décrypte les tendances économiques qui influencent le développement des entreprises à travers le continent. A retrouver chaque semaine dans Marketplace Africa. Uniquement sur CNN International.

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La nouvelle Côte d’Ivoire Le Plus de J.A.

TRIBUNE

Assez de douleur, place à la douceur

PR MARIATOU KONÉ Ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de l’Indemnisation des victimes ; anthropologue

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a Côte d’Ivoire vient de traverser une longue période de crises, dont les effets, malgré une normalisation du climat social et de la vie politique, continuent de peser sur la cohésion nationale. Resserrer le tissu social et maintenir la paix est l’un des défis majeurs du président, Alassane Ouattara, depuis son accession à la magistrature suprême. Plusieurs initiatives ont été prises par le gouvernement pour apaiser les cœurs, soulager les douleurs, réduire les frustrations, les rancœurs et les ressentiments. Parmi elles, on peut évoquer la naissance d’institutions telles que la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), le Programme national de cohésion sociale (PNCS) et la Commission nationale pour la réconciliation et l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire (Conariv).

le dégel de certains comptes, la libération de certains détenus, etc., ont permis aux populations de réapprendre à vivre ensemble. Mais il reste des obstacles sur la route de la réconciliation nationale et de la consolidation de la paix, au premier rang desquels se trouvent la pauvreté, la précarité et la vulnérabilité. En mettant l’accent sur l’éducation, sur l’emploi et sur l’accès à la santé à un moindre coût, le gouvernement agit sur trois leviers importants pour renforcer la cohésion sociale. La politique de « l’école pour tous » permet aussi d’offrir à un plus grand nombre d’enfants un cadre sécurisant et de les soustraire aux tentations qu’offre l’oisiveté. Une autre étape sur la route de l’apaisement des douleurs, des cœurs et des rancœurs a été franchie le 4 août 2015 avec le démarrage du processus de réparation des préjudices subis par les victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire. Cette opération a été placée au cœur de la réconciliation nationale par le président de la République et le gouvernement.

La création, le 12 janvier 2016, du ministère de la Solidarité, de la Cohésion sociale et de l’Indemnisation des victimes est un autre signal fort du gouvernement allant dans le sens du renforcement des liens sociaux. Déplacements massifs et forcés de populations, violations Une Côte d’Ivoire réconciliée, des droits de l’homme, atteintes à l’intégrité physique et à la riche de la diversité de tous dignité des personnes, pertes ses enfants, est armée pour relever en vies humaines, destruction tous les défis. de biens matériels et économiques, dégradation des conditions de vie et des infrastructures sociales Toutes les mesures destinées à permettre de base (santé, éducation, accès à l’eau à des victimes (personnes physiques et potable, etc.), tensions intercommunaupersonnes morales) de surmonter leurs taires… La Côte d’Ivoire a payé un lourd douleurs physiques et/ou psychologiques tribut aux crises des deux dernières doivent aider à resserrer le tissu social décennies. national en tirant définitivement un trait sur deux décennies de rancœurs, de frusProgressivement, le pays revient à la nortrations et de ressentiments. malité. La paix est entretenue comme on entretient son champ. La réussite de l’élecUne Côte d’Ivoire rassemblée, réconciliée, tion présidentielle de 2015, véritable pari tirant profit de la richesse de sa diversité, sur l’avenir, confirme la ferme volonté des de la complémentarité des qualités de tous Ivoiriens de tourner la triste page de leur ses enfants, engagée dans un développehistoire récente. Il reste toutefois du chemin ment inclusif et participatif, est armée pour pour que le pays retrouve une paix sociale relever tous les défis et a toutes les chances durable. Les nombreuses campagnes de d’être au rendez-vous de l’émergence à sensibilisation, la main tendue aux exilés, l’horizon 2020. ● JEUNE AFRIQUE

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ciblerlesconsommateurs,beaucoupd’annonceurs utilisent les fêtes religieuses, comme le carême ou le ramadan. On voit par exemple quelqu’un servir un thé Lipton lors d’un méchoui. » Et tout doucement, là où le thème de la réconciliation nationale semble déjà obsolète, celui de l’identité ivoirienne a pris le relais.Poursacampagnenationale,derrière le slogan « La terre de nos régions donne le Bongou », l’agence 6e Sens a ainsi décliné autant de photos symboles de chaque région, comme le pont des Lianes, de Man. Installée dans un immeuble moderne au pied du nouvel échangeur et au bout de l’avenue Giscard-d’Estaing (un emplacement stratégique pour humer l’air du temps et glaner les nouvelles tendances), l’agence abidjanaise semble être au cœur de ce pays en pleine mutation. Parmi ses principauxclients:Unilever,Kiabi,Danone, Airtel Niger, Afrimarket, Dove, etc. MESSAGES SIMPLES. Alex Barry, le directeur général associé, est un Français expatrié depuis dix ans à Abidjan. Il a COMMUNICATION subi toutes les péripéties des années de crise. « Notre valeur ajoutée aujourd’hui, c’est d’injecter de l’identité culturelle sur des marques étrangères, afin de ramePour séduire les consommateurs, les publicitaires réinventent ner les entreprises occidentales dans le rêve ivoirien, celui d’une nation diverse et unie à la fois. la réalité locale et que les Ivoiriens s’y reconnaissent. » Si cette volonté d’« ivoin peuple, une seule le bel “arc-en-ciel ivoirien”, en mélangeant riser » la publicité n’est pas nouvelle, elle des visages foncés avec d’autres plus bière », vantait récems’est clairement généralisée ces dernières clairs, des types sahéliens, peuls, métis, ment une publicité années. Et face à l’arrivée massive de nouarabes », explique Sandrine Roland, la panafricaine du groupe velles enseignes et de nouveaux produits, français Castel. « Célébrons la fraterles annonceurs misent sur la proximité. directrice générale de l’agence. nité », lui répond en écho le slogan de la « Il y a par ailleurs une réaffirmation « Connaisseur connaît ! » disait, en utilisant une expression populaire marque Bock, de la Société de limonadedes “archétypes ivoiriens”, confirme Jeanabidjanaise, la campagne de pub réaries et brasseries d’Afrique (Solibra), filiale Philippe Kaboré, fondateur de la société ivoirienne du même limonadier. Sur le de production Kaméléo et secrétaire lisée en 2013 par 6e Sens pour la bière exécutif du Comité national de migraNumber One, grande concurrente de la bord des routes, la campagne d’affichage d’Uniwax, leader de la fabrication du Bock et alors produite par pagne en Côte d’Ivoire, accroche elle Les Brasseries ivoiriennes On mélange des visages foncés aussi le regard, avec ses hommes et ses (rachetées l’an dernier par avec d’autres plus clairs, des la Solibra). « Ce sont des femmes dans des ensembles traditionnels types sahéliens, peuls, arabes. remis au goût du jour. messages simples, dans SANDRINE ROLAND, directrice générale de FCB Intuition lesquels chaque Ivoirien Depuis la fin de la crise postélectorale de 2010-2011, la plupart des agences de se retrouve », précise Alex tion vers la TNT. Les hommes arborent publicité du pays rivalisent d’originalité Barry. Comme un vecteur d’unité. Alors, des chemises en pagne, les femmes ont fini les campagnes réalisées à Paris, à pour mettre en scène cette nouvelle Côte pour la plupart des formes généreuses, Londres ou à New York. Aujourd’hui, la d’Ivoire en pleine réconciliation. Si le casting des figurants ne se fait pas sur parfois la peau légèrement éclaircie… » publicité affirme le mode de vie local. Cette publicité réconciliatrice gomme des critères ethniques, les créatifs tentent « L’Ivoirien est très fier. Et nous nous effornéanmoins de rendre visible « l’union au passage certaines différences comçons de satisfaire l’image positive qu’il a dans la diversité », à l’image du spot munautaires. « Les petites croix et les de lui-même et qui a été un peu mise à mal très remarqué de l’opérateur de télévoiles islamiques sont volontairement durant la crise. En gros, nous vendons le phonie Comium, réalisé par l’agence FCB absents des spots publicitaires, poursuit rêve ivoirien », résume Sandrine Roland. ● FRANÇOIS-XAVIER FRELAND Intuition. « Nous avons décidé d’illustrer Jean-Philippe Kaboré. En revanche, pour p Une affiche pour la collection de pagnes Leçons d’harmonie, d’Uniwax.

Génération arc-en-ciel

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u Sur le plateau de l’émission C’Midi, le 25 mars.

AUDIOVISUEL

Bonjour tout le monde! Talk-shows, musique, fictions… Les équipes de la RTI ne manquent ni d’énergie ni d’imagination. Objectif : diffuser et vendre les programmes au-delà des frontières du pays.

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N

e t’assieds pas sur le pied de la caméra, s’il te plaît, elle n’arrête pas de bouger! Tu ne le vois donc pas à l’écran ? » s’énerve Joseph Andjou, le rédacteur en chef de l’émission C’Midi, en plein tournage. Après avoir officié pendant des années sur la chaîne française iTélé, le journaliste franco-ivoirien a rejoint la nouvelle équipe de la Radiodiffusion-Télévision ivoirienne (RTI) pour « en professionnaliser l’antenne ». En 2015, il a été nommé responsable éditorial des productions de la RTI1, la principale chaîne du groupe audiovisuel public. « Je suis avare de compliments, confie-t-il. Mais si j’en faisais trop, plus personne ne fournirait les efforts qui ont permis à nos programmes de dépasser les frontières de la Côte d’Ivoire. » Depuis sa première diffusion, à la mi-2014, C’Midi est devenue l’émission

phare de la RTI1. Elle est suivie dans très motivant ! » Autre preuve du succès toute l’Afrique de l’Ouest, et, chaque de cette RTI new-look et moins « ivoirojour, des centaines de spectateurs se ivoirienne », sa page Facebook vient de passer le cap du million d’abonnés, et pressent devant le studio pour y assister. Sur l’immense plateau, pas moins de son application mobile a été téléchargée par plus de 500 000 sept caméras, dont personnes en moins une sur grue, captent Après plus de cinquante ans les passes d’armes de deux ans. de monopole public, improvisées et hilaEn janvier, pour le secteur audiovisuel anticiper la libérarantes entre Caroline ivoirien va enfin s’ouvrir lisation imminente Dasylva et ses chroà la concurrence niqueurs. « On m’a du secteur, le groupe L’appel d’offres auprès des opérateurs recrutée après un a mis à l’antenne privés sera lancé en mai. Chacun devra casting, raconte la de nouveaux pros’acquitter d’une caution de 1 milliard de jeune femme, qui grammes, dont F CFA (plus de 1,5 million d’euros) pour n’avait jamais fait de Dimanche de foot prendre part au processus télévision aupara(DDF), un rendezvant. Grâce à notre vous sportif dominiprésence sur les réseaux sociaux, je cal présenté par Katty Touré sur la RTI1. reçois quotidiennement des centaines « Notre objectif est de faire la promotion du foot national, longtemps délaissé au de messages. Certains viennent du Mali, profit des championnats européens. du Sénégal et même du Cameroun, c’est

SUCCÈS EN SÉRIES

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ors de la 11e édition du Discop Africa, le marché africain de l’audiovisuel, qui s’est tenue à Johannesburg fin novembre 2015, RTIDistribution a été la première à vendre un programme tourné en français et doublé

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en anglais (avec le soutien de la Francophonie). Réalisée par l’Ivoirien Érico Sery, coproduite par sa maison de production, Originale Entertainment, et par la RTI, la série Sœurs ennemies a en effet été achetée par le groupe

sud-africain M-Net pour sa chaîne Africa Magic. La première saison (12 épisodes de vingt-six minutes) a été diffusée sur la RTI1 au premier trimestre de 2016 (le dimanche, à 20h50). Top Radio, dont le pilote

avait été présenté par RTI-Distribution lors du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) 2015, sera tournée cette année à Abidjan en coproduction avec Keewu Productions (filiale du JEUNE AFRIQUE


La nouvelle Côte d’Ivoire

TOUCHE-À-TOUT. La direction veille par

ailleurs à ce que la plupart des émissions soient produites (ou coproduites) par des sociétés extérieures. C’est le cas de Urban Clip, programme musical de la RTI2 entièrement réalisé par la société ivoirienne Kameleo Production. Franck Abd-Bakar Fanny, son directeur général, fait partie de ces « quadras de la diaspora » auxquels tout réussi. À 45 ans, ce touche-à-tout formé à l’ingénierie informatique aux États-Unis et photographe d’art apporte un vrai souffle de modernité. « Le dinosaure est presque mort, s’amuset-il. Avant, dans l’audiovisuel ivoirien, il y avait plus de fonctionnaires que de “créas”. Ce n’est plus le cas, même s’il reste beaucoup de choses à améliorer. Quand on voit ce qui s’est passé lors de la couverture catastrophique de l’attaque de Grand-Bassam… » En effet, la RTI est toujours soupçonnée d’être inféodée au régime en place. « Elle est aux ordres du pouvoir. Il suffit de voir les noms des principaux animateurs pour comprendre qu’elle n’a pas échappé au rattrapage ethnique », déplore Augustin Kouadio, cadre du Front populaire ivoirien (FPI, opposition) et ex-ministre de la Culture. « C’est un faux procès, estime Fatim Gbagbo Djédjé, assistante éditoriale et chroniqueuse remplaçante de l’émission Essentiellement femme, sur RTI1. Je m’appelle Gbagbo et, à ce titre, j’ai presque tous les défauts… Pourtant, on m’a quand même embauchée. Non pas parce que je suis la fille du grand chanteur Ernesto Djédjé, le roi du ziglibithy, mais parce que j’ai travaillé à Africa24 ! » ● FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

groupe français Lagardère), avec KaramokoTouré en coproducteur exécutif, Alex Ogou à la réalisation et Honoré Essoh à l’écriture, lauréats du concours « NouveauxTalents » lancé par la RTI début 2014 pour, justement, soutenir les productions CÉCILE MANCIAUX privées. ● JEUNE AFRIQUE

Questions à…

Ahmadou Bakayoko

Directeur général de la Radiodiffusion-Télévision ivoirienne

« Nous misons sur le divertissement »

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epuis son recrutement à la tête de l’audiovisuel public ivoirien, en août 2012, Ahmadou Bakayoko s’est battu sur tous les fronts pour moderniser en profondeur les chaînes de la RadiodiffusionTélévision ivoirienne (RTI). Alors que le groupe est en passe de perdre son monopole, ce polytechnicien de 39 ans, ancien directeur du développement à Canal+ Afrique, veut en faire une référence internationale. JEUNE AFRIQUE : Qu’est-ce qui a changé à la RTI ? A H M A D O U B A K AYO KO : Les

attentes de la population ont évolué. Aussi, ces dernières années, nous nous sommes attelés à y répondre en proposant davantage de contenus conçus et réalisés pour des « segments » spécifiques de téléspectateurs, en priorité les femmes et les jeunes. Nous avons aussi amélioré la qualité des décors, le contenu éditorial, la préparation et la réalisation des émissions. Pour la présentation, nous faisons travailler ensemble des animateurs qui sont à l’antenne depuis longtemps avec de nouveaux talents, des visages différents. Et concernant les programmes ?

Nous misons surtout sur le divertissement. L’émission Babi Dance Battle a eu énormément succès l’an dernier [la première saison a été diffusée d’août à octobre 2015 sur la RTI2]. Ce programme montre la créativité et la richesse du pays en matière de danse urbaine. Un phénomène culturel est en train d’émerger. Il mérite sa place à l’antenne. Par ailleurs, notre objectif est de devenir une référence internationale en matière de fiction. Nous poursuivons donc notre travail pour soutenir la production ivoirienne et montons des projets de plus en plus ambitieux,

OLIVIER

Mais cela ne nous empêche pas de couvrir les grands matchs à l’étranger. Nos téléspectateurs apprécient de voir des reporters ivoiriens dans les grands stades de Londres ou de Madrid », explique la jeune femme, qui a abandonné son attirail de journaliste-reporter d’image pour le plateau.

y compris des coproductions internationales. Nous venons notamment de signer un projet avec Wild et avec le groupe Lagardère (lire encadré). Nous nous efforçons d’abord de conforter notre position de leader en Afrique subsaharienne francophone, où nous sommes regardés via différents bouquets comme StarTimes, Canal Satellite ou MultiChoice. Ensuite, malgré l’obstacle de la langue, nous espérons pénétrer d’autres marchés plus éloignés, comme le marché sud-africain, et nous imposer à l’étranger. Comment la RTI, unique média audiovisuel du pays, a-t-elle pu continuer à diffuser un match de foot pendant l’attaque du 13 mars à Grand-Bassam, obligeant les Ivoiriens à s’informer auprès des médias étrangers ?

Cela a fait beaucoup de mal à la RTI. Nous avons identifié des difficultés techniques, des responsabilités structurelles et individuelles qui ont conduit à ces retards dans la couverture des événements, et nous avons aussitôt pris les mesures qui s’imposaient [le directeur de l’information a été suspendu le 17 mars]. La page est tournée, mais elle a donné du groupe une image qui ne correspond absolument pas à la dynamique que nous sommes en train de lui insuffler. ● Propos recueillis par F.-X.F. N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016

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Une Référence Internationale


Le Plus de J.A. La nouvelle Côte d’Ivoire FOOTBALL

Séverin et son club Il a plusieurs casquettes : député-maire de la circonscription d’Assuéfry-Transua, en pays zanzan, homme d’affaires… et président de l’AS Tanda. Avec un succès certain. d’Ivoire (PDCI), d’Henri Konan Bédié, dont il est proche, et qui est bien implanté dans le district de Zanzan. « J’ai des affaires dans le transport, les plantations, l’électrification rurale, mais le football a toujours été ma passion, explique-t-il. J’ai joué à l’AS Tanda quand j’étais plus jeune et j’y suis forcément attaché. En 2009, quand on est venu me proposer d’en prendre la direction, je ne me souviens pas d’avoir hésité. Le club était en 3e division, il n’avait pas de moyens, pas de projet. J’ai donc décidé d’y injecter de l’argent et de recruter des joueurs qui évoluaient dans des divisions supérieures. J’ai proposé de bons salaires. Et ça nous a permis de monter tout de suite. » ALY MICRO

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DÉLÉGUER. Il y a deux ans, Séverin Yoboua a recruté l’ancien sélectionneur p Séverin Kouabénan Yoboua avec son équipe, des Éléphants, Georges Kouadio, pour victorieuse du championnat de Ligue 1, le 16 août 2015. lui confier la direction sportive du club. « Malgré toutes ses activités, Séverin est « Ici, les droits télévisés sont modestes présent au club. Mais il sait déléguer, il epuis le sacre de l’Africa Sports, n’est pas du genre à demander à l’avance [5 millions de F CFA, soit 7 600 euros], le en 2011, le championnat ivoila composition de l’équipe. Et il sait que rien échappe aux grands clubs sponsoring rare, et les clubs ne touchent d’Abidjan. Le Séwé Sports de qu’une subvention de la fédération le plus dur commence, que la réussite dans le foot est une question de temps et San Pedro a raflé la mise trois fois de [50 millions de F CFA], poursuit-il. L’AS Tanda a certes des moyens, grâce à son suite, et, en août 2015, c’est l’Association de patience », explique Georges Kouadio. président, Séverin Kouabénan Yoboua, sportive de Tanda (AS Tanda) qui a été Selon lui, l’AS Tandadispose du premier ou mais il manque de structures. » Ce que du deuxième budget du pays, et certains sacrée championne de Côte d’Ivoire pour salaires, hors primes, peuvent atteindre la première fois de son histoire, après un confirme l’intéressé: « Le stade municipal de Tanda n’était pas homologué pour la duel serré contre les Abidjanais de l’Asec 1 million de F CFA (1500 euros) par mois. Mimosas, le club au parcours le plus Ligue des champions et on a dû jouer à L’accession à la 1re division en 2014 a prestigieux du pays (24 titres, 18 coupes été suivie en 2015 par ce titre de champion de Côte nationales, 15 coupes Houphouët-Boigny « J’ai injecté de l’argent, proposé d’Ivoire et par une particiet 1 Ligue des champions). Cette saison, de bons salaires. Ça nous a permis pation au tour qualificatif les Étoiles du Zanzan (surnom des joueurs de l’AS Tanda) ont toutes les chances de monter tout de suite. » de la Ligue des champions 2016 face aux Tunisiens d’ajouter un titre à leur palmarès, puisque, début avril, ils ont vaincu l’Africa Sports du Club Africain (0-2, 0-0). Cette petite Abidjan. Pourles matchs de championnat, on utilise celui de Bondoukou. » déconvenue n’a nullement découragé d’Abidjan dans une rencontre comptant Fondé au milieu des années 1960, ce pour la Ligue 1, le championnat national. Yoboua. « L’objectif, c’est d’installer le club club, dont la réputation n’avait guère Le club, qui évoluait en 3e division il y a en division 1 et de le structurer », répètefranchi les limites de la région du t-il, ajoutant que « les relations avec les moins de cinq ans, semble s’être installé Gontougo (dans le nord-est du pays), durablement en haut du classement. grands clubs d’Abidjan sont bonnes ». Le « Il faut juste espérer qu’il s’inscrira doit en effet beaucoup à son président, Français Benoît You, directeur général Séverin Yoboua. Cet ambitieux quadra dans la durée. On voit que son prédécesde l’Asec, ne dit pas le contraire. « Tanda seur dans le palmarès, le Séwé Sports, a a remporté le Championnat, il faut le s’active sur tous les fronts. Député-maire féliciter. C’est une bonne chose pour le perdu du terrain. Eugène Diomandé, son de la circonscription d’Assuéfry et Transua (communes situées respectivement à président, est moins présent, il a vu qu’un foot ivoirien que des présidents aient des 25 km et 40 km au sud de Tanda), il est ambitions, cela le tire vers le haut. » ● club de foot coûtait beaucoup d’argent », remarque un cadre du football ivoirien. membre du Parti démocratique de Côte ALEXIS BILLEBAULT

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La nouvelle Côte d’Ivoire

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l’espace francophone, car il y a du pouvoir d’achat, soutient Thierry Dia Brou. Nous voyons désormais passer beaucoup de collectionneurs à la recherche de perles rares. Ils n’hésitent pas à payer dans les Galeristes, curateurs, grands collectionneurs ou amateurs… Tous 300 euros pour un jeune artiste et jusqu’à se croisent à Abidjan, devenue l’une des plus dynamiques places du 2 000 ou 3 000 euros pour d’autres plus marché de l’art contemporain en Afrique francophone. reconnus. » Conscient de la demande croissante Et puis il y a toujours eu à Abidjan un et de la place prépondérante qu’occupe laceboursièremajeureenAfrique de l’Ouest, métropole cosmola capitale économique ivoirienne dans goût pour l’art, c’est une tradition. » Cette polite, foisonnante et créafemme d’affaires est une habituée de la la sous-région, le galeriste a lancé le tive, Abidjan est aussi, depuis concours national des arts plastiques galerie Houkami Guyzagn, qui, depuis sa les années 1980, l’un des phares de la création, en 2001, tient le haut du pavé Houkami Guyzagn, qui expose et récomscène artistique de la sous-région. Elle dans le petit milieu de l’art contempopense chaque année les meilleurs artistes devient l’un des principaux marchés d’art rain abidjanais. Pendant longtemps, crise ouest-africains et dont la sixième édition contemporain en Afrique francophone politico-militaire oblige, le maître des s’est tenue du 7 au 29 janvier. Après avoir déménagé à Riviera-Bonoumin, la plus (lire pp. 146-157). Depuis 2011, avec le lieux, l’affable Thierry Dia Brou, a d’abord ancienne galerie abidjanaise retour de la croissance, des golden boys accueille des artistes en résiet des expatriés, ce marché explose, se « Je ne cherche pas à vendre diversifie et n’est plus réservé à un petit dence, venus des quatre coins à tout prix, mais à montrer cercle de mécènes ou aux membres des du continent. « Autrefois, ce que ce que je fais. » je ne trouvais pas à Abidjan, je puissantes familles liées aux grandes SADIKOU OUKPEDJO, plasticien togolais monocultures locales. l’achetais durant mes voyages, Parmi les amateurs, Janine Diagou, raconte Nahim Suti, financier, directrice générale du pôle banque du collectionneur et ami de Thierry Dia. soutenu les artistes locaux, sur un marché Aujourd’hui, l’offre est considérable à groupe NSIA, fait figure de précurseur. tout aussi local. Il a notamment contribué Abidjan, et j’y ai déjà acquis des œuvres Elle possède la plus importante collecà révéler des peintres comme Aboudia ou tion privée de peintures et de sculptures d’une cinquantaine d’artistes reconnus, Pascal Konan, désormais mondialement comme le Ghanéen Ablade Glover et connus. Mais avec le retour de la paix, la signées par les principaux maîtres ivoiriens, de Michel Kodjo à Ouattara Watts. galerie a pris une tout autre dimension. l’Ivoirien Monne Bou. Ce sont des valeurs « Abidjan s’est imposée comme la capi« Plus qu’un placement, c’est une passion, montantes, et j’envisage de me concentrer confie-t-elle. Toute ma famille est ainsi. sur une collection ouest-africaine. » tale de l’art plastique ouest-africain dans CULTURE

Un labo du beau

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© FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR J.A.

CÉLESTIN KOFFI YAO, GALERISTE LOW COST

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l fait les cent pas dans le jardin de la deuxième galerie qu’il compte ouvrir à Cocody (à la Riviera-Allabra). « Nous pourrions y organiser des débats et des expositions en plein air », murmure Célestin Koffi Yao

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dans un grand sourire. Auteur de plusieurs essais sur l’art contemporain et d’un pamphlet contre la politique migratoire de la France (Le bateau est plein, je débarque, L’Harmattan, 2013), ce grand gaillard à la

poignée de main chaleureuse est devenu une sorte de mécène low cost. Dans les 10 m2 de la galerie qu’il a ouverte en 2013 près de l’université FélixHouphouët-Boigny (UFHB), à la Riviera 2, il expose des artistes locaux et ouestafricains prometteurs comme Camara Demba, Désiré N’Guessan et Sadikou Oukpedjo, devenus depuis ses amis. « C’est presque du bénévolat, fait-il remarquer. Les œuvres sont volontairement à des prix accessibles, à partir de 300 ou 500 euros. Et je ne prends qu’une marge de 20 %, ce qui ne me fait pas vivre. Mais, heureusement, j’ai mon salaire d’enseignant-

chercheur [en art] à l’UFHB. » À 45 ans, Célestin Koffi Yao n’est décidément pas un galeriste comme les autres. Il est d’abord un artiste. Diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2000, il a vécu longtemps en Europe, de son art, avant de revenir au pays pour promouvoir celui des autres. « En France, il y a des barbelés partout, râle-t-il. On ne peut rien faire. Trop de règles tuent la créativité. Ce que j’aime à Abidjan, c’est que la liberté y est totale. » Pas étonnant que ce quadra, ouvert et sans frontières, mélange tous les genres pour réaliser ce qu’il appelle des « œuvres aux techniques mixtes ». ● F.-X.F. JEUNE AFRIQUE


PHOTOS : © CORENTIN FOHLEN POUR J.A.

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p La Fondation Donwahi pour l’art contemporain (ci-dessus), et Thierry Dia Brou devant sa galerie, Houkami Guyzagn, (ci-contre).

Avec une Côte d’Ivoire de plus en plus tournée vers l’extérieur, les galeries d’art rivalisent d’originalité pour attirer les collectionneurs et les artistes étrangers à Abidjan. Inaugurée en septembre 2012, la galerie Cécile Fakhoury s’est imposée sur un segment élitiste. À raison d’une seule grande exposition tous les deux mois, la maison ouvre ses portes à des artistes locaux, ouest-africains, mais aussi européens ou américains, pour la plupart de renom. Et la galerie affiche des prix assez proches de ceux de Londres ou de Paris, avec une fourchette moyenne allant de 2 000 à 70 000 euros pour les pièces les plus exceptionnelles. « J’expose des œuvres qui ne sont pas forcément décoratives, j’ai fait le choix de prendre des risques, reconnaît Cécile Fakhoury. Je ne suis pas un dépôt-vente. Les collectionneurs viennent, achètent, mais ils ne repartent pas tout de suite avec l’œuvre. » Le célèbre sculpteur ivoirien Jems Robert Koko Bi comme le plasticien sénégalais Cheikh Ndiaye y ont exposé. Et cela a été un tremplin pour eux. « Mon marché est à 70 % tourné vers l’étranger, avec principalement des collectionneurs JEUNE AFRIQUE

ouest-africains, précise Cécile Fakhoury. Cependant, de plus en plus de grands galeristes américains, français et anglais s’intéressent à nos artistes. » ENTRÉE LIBRE. En quête d’émulation,

de reconnaissance, de sécurité ou de liberté d’expression, beaucoup d’artistes ouest-africains se sont installés à Abidjan. C’est le cas de Sadikou Oukpedjo, qui vit dans un modeste atelier de Riviera 2. Ce plasticien togolais au look rasta expose depuis la mi-avril et jusqu’au 11 juin à la galerie Cécile Fakhoury. Il a quitté son Lomé natal il y a six ans pour se faire connaître à l’étranger. « Chez moi, c’était très dur d’exister. Le pays était tellement refermé sur lui-même que personne ne venait jamais voir ce qui s’y passait, se souvient-il. Je ne cherche pas à vendre à tout prix, mais à montrer ce que je fais. Et Abidjan est une véritable fenêtre sur le monde ! » Dans cette logique, à défaut de disposer d’un musée d’art contemporain, la ville accueille l’une des plus importantes fondations d’Afrique de l’Ouest. C’est en revenant de la biennale de Dakar de 2007

qu’Illa Donwahi, économiste et productrice de caoutchouc, a eu l’idée de créer un grand espace d’art contemporain. L’année suivante naissait la Fondation Donwahi, dans la grande maison familiale des Deux Plateaux, dans le centre d’Abidjan. Après deux années de fermeture liée à la crise postélectorale, la fondation a rouvert en 2013 et joue désormais un véritable rôle de ruche artistique, grâce aux conseils avisés du célèbre commissaire d’expositions Simon Njami. Le photographe camerounais Samuel Fosso y a présenté une partie de son travail fin 2014, lors de l’exposition, très remarquée, « African Spirits ». Avec ses salles d’exposition, un bar-lounge, un cybercafé, une bibliothèque, une salle de projection et, bien sûr, une boutique d’art, la villa contemporaine (construite dans les années 1970) de 1 500 m2 et son vaste jardin voient se croiser artistes, producteurs de télévision, écrivains, éditeurs et simples visiteurs. « L’entrée est libre car notre objectif est d’attirer le public. Dans notre espace, on peut travailler et discuter en découvrant des œuvres, explique Illa Donwahi. » Le marché de l’art se professionnalise, il se démocratise aussi, comme on peut le voir en déambulant dans les nouvelles petites galeries qui pullulent dans de nombreux quartiers de la capitale économique (lire portrait ci-contre). La plupart des acteurs du secteur espèrent que l’État soutiendra cette dynamique et participera au marché, notamment à travers la création d’un fonds d’acquisition d’œuvres. ● FRANÇOIS-XAVIER FRELAND N o 2885-2886 • DU 24 AVRIL AU 7 MAI 2016


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