Karim Wade Secrets d’une libération
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • no 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
Côte d’Ivoire Constitution : ce que prépare Ouattara
jeuneafrique.com
Maroc Touristes sous haute protection RD Congo La deuxième mort de Bemba
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Dossier
Responsabilité sociétale des entreprises
Le travail des un défi
© gwenn dubourthoumieu
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Interview
Alain Karsenty
Économiste au Cirad
hydrocarbures
Le torchage en voie d’extinction ?
mineurs, majeur
TPE
Avec Acep Cameroun, la microfinance montre l’exemple
En Afrique, de nombreux enfants sont exploités indirectement pour le compte de multinationales. Si certaines agissent, d’autres renvoient la faute sur leurs sous-traitants.
P
Rémy Darras
our eux, rien n’y fait. Ni les nombreuses révélations et pressions des ONGniles (timides)engagementspris par les multinationales ces dernières années. Au sud du Sahara, 59 millions d’enfants âgés de 5 à 17 ans – soit un sur cinq – travaillent, notamment dans les plantations et les mines du continent. Selon l’Unicef, près de 40 000 d’entre eux étaient ainsi exploités en 2014 au Katanga, en RD Congo. La quasi-totalité des enfants est employée par le secteur informel. Pas assez protégés par les pouvoirs publics, ils sont privés d’école et effectuent souventdestâchesdangereusesimpliquant le port de lourdes charges, l’usage d’objets tranchants ou la manipulation de substances chimiques. Interpellées, certaines multinationales réagissent mollement. Elles ne se sentent pas concernées et se réfugient derrière les ramifications, parfois complexes, de leur chaîne d’approvisionnement, qui peut compter jusqu’à sept maillons (producteurs indépendants, communautés, coopératives, fournisseurs…). À l’image du groupe italien de chocolat Ferrero, connu pour sa pâte à tartiner Nutella et ses œufs Kinder, avouant « communiquer très peu sur le sujet » et nous renvoyant cordialement vers son agence de communication Havas Worldwide Paris et vers le Syndicat du chocolat… scandales. Rares pourtant sont les entreprises
t Selon l’Unicef, près de 40 000 enfants travaillaient dans les mines du Katanga, en RD Congo, en 2014.
à l’abri des scandales. Lafarge-Holcim a été accusé en mars par le quotidien français Le Monde de produire du ciment à base de minerai extrait par des enfants en Ouganda. Dans la réponse écrite qui nous est parvenue, le groupe indique qu’« une enquête approfondie a été menée par des auditeurs indépendants et qualifiés qui n’ont trouvé aucune preuve matérielle que Hima [sa filiale ougandaise] ou ses fournisseurs utilisent ou sont au courant de l’utilisation du travail d’enfants au sein de la chaîne d’approvisionnement ». Lafarge-Holcim, qui assure « avoir adopté des politiques strictes en conformité avec les principes des Nations unies et avoir mis en place un code de conduite des fournisseurs », admet toutefois devoir « revoir et améliorer continuellement son processus de contrôle ». Mais, au-delà des déclarations d’intention, les grands groupes s’impliquent-ils sur le terrain pour n o 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
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Dossier RSE éradiquer le fléau ? « Il y a eu une nette prise de conscience dans les entreprises ces dernières années et des avancées au niveau légal. Mais les contrôles tout au long de la chaîne demeurent largement insuffisants », pointe Emmanuel Umpula, directeur exécutif d’Afrewatch, l’Observatoire africain des ressources naturelles. Cette ONG a publié en janvier avec Amnesty International un rapport accusant seize grands groupes – dont Apple, Samsung, Microsoft et Sony – de ne pas procéder aux vérifications de base pour s’assurer que la fabrication de leurs produits n’intégrait pas de cobalt extrait par des enfants en RD Congo. « Les entreprises incriminées, qui prétendaient toutes appliquer la tolérance zéro, ont manifesté de la surprise et une certaine méconnaissance de leur chaîne d’approvisionnement, témoigne Sabine Gagnier, chargée de plaidoyer sur la responsabilité des entreprises et les droits humains chez Amnesty. Beaucoup ont nié se fournir en RD Congo, qui représente pourtant 50 % de la production mondiale de cobalt, tout en affirmant par ailleurs ne pas parvenir à identifier précisément leur source d’approvisionnement. » Toujours en raison du grand nombre d’intermédiaires. cacao. Ces quinze dernières années, les entreprises
ont intégré les nombreuses recommandations et réglementations internationales – conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT, lire encadré ci-dessous), pacte des Nations unies, guide de l’OCDE… – qui leur enjoignent d’obéir à certaines règles, même en l’absence de législation dans les pays où elles interviennent, et de s’enquérir de l’origine de leurs matières premières. Mais les pratiquesévoluentlentement.En2001,lesindustriels du chocolat s’étaient engagés à travers le protocole Harkin-Engel à éliminer les « pires formes de travail des enfants » dans les plantations de cacao à partir de 2005. L’échéance a finalement été reportée à 2020. Comme les autres majors du chocolat que sont les américains Mars et Hershey’s, le groupe helvète
Des normes à revoir ? Selon la Côte d’Ivoire, beaucoup d’études internationales comme celle menée en 2013-2014 par l’université Tulane (États-Unis) grossissent le phénomène. Fin avril, Dominique Ouattara, la première dame du pays et présidente du Comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants, a plaidé auprès du directeur général de l’OIT en faveur d’un assouplissement des normes. Faut-il considérer comme des victimes les enfants qui aident aux « travaux légers » comme le séchage ou le tri du cacao ? Le débat est ouvert.
ce que dit le droit international Édictée par l’Organisation internationale du travail, la réglementation sur le travail des enfants a été ratifiée par 168 États, dont le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la RD Congo, le Maroc et le Sénégal. Elle fixe à 15 ans l’âge minimum pour travailler (convention n° 138) et à 18 ans celui requis pour les travaux les plus pénibles et dangereux (convention n° 182). Comme beaucoup d’enfants aident leurs parents sur le continent, n o 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
ceux de 13 ans à 15 ans peuvent être autorisés à exécuter des travaux légers, s’ils ne portent préjudice ni à leur santé, ni à leur sécurité, ni à leur scolarité. Les pays dont l’économie et les institutions scolaires ne sont pas assez développées peuvent fixer l’âge minimal initial à 14 ans. C’est le cas du Cameroun, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Au Maroc et au Sénégal, il est Rémy Darras de 15 ans. ●
Nestlé a été visé en octobre 2015 par une plainte collective déposée devant la Cour fédérale californienne par trois plaignants maliens affirmant avoir été exploités et maltraités dans les plantations ivoiriennes de cacao alors qu’ils avaient entre 12 ans et 14 ans durant les années 1990. Selon eux, les sociétés ont aidé et encouragé l’exploitation des enfants en donnant de l’argent et des équipements aux agriculteurs ivoiriens. « Le travail des enfants ne fait pas partie de nos valeurs », répond d’emblée Kaïs Marzouki, directeur général de Nestlé Afrique de l’Ouest et Afrique centrale. Le groupe suisse a établi un code de conduite avec ses fournisseurs, comme l’américain Cargill ou le singapourien Olam, qui s’approvisionnent auprès des coopérativeset des communautés.« Nous leur faisons signer un contrat leur demandant de s’engager à respecter les droits de l’homme et l’environnement. » Mais « les codes de conduite ne sont pas contraignants, et les audits restent limités car ils s’appuient généralement sur un échantillon de sous-traitants », regrette Sophie de Coninck, spécialiste des principes et droits fondamentaux au travail pour l’OIT à Abidjan. Entre 330 000 et 1 million d’enfants travaillaient en 2014 dans les plantations ivoiriennes. Pour compléter le travail effectué avec ses fournisseurs, Nestlé agit aussi en Côte d’Ivoire et au Ghana (qui représentent à eux deux plus de la moitié de la production mondiale) avec l’Initiative internationale pour le cacao (ICI), fondation née en 2002 pour mettre en œuvre le protocole Harkin-Engel, qui compte également comme partenaires tous les grands du secteur, notamment Mars, Mondelez (ex-Kraft Foods) et Ferrero. police. En lien avec l’ICI, Nestlé dispose de
687 agents de liaison (rémunérés) dans les communautés et les coopératives. « Leur rôle est d’identifier les situations à risques et de sensibiliser les populations », explique Kaïs Marzouki. L’ICI travaille avec les différents acteurs de la chaîne, effectue des visites inopinées au moins trois fois par an et collecte des données en permanence. En 2015, Nestlé a pris des mesures pour protéger 3 200 enfants, et 44 000 producteurs ont été sensibilisés. « On préfère avoir cette vision positive. On ne peut pas garantir que le travail des enfants a été supprimé sur toute la chaîne, d’ailleurs aucune entreprise ne peut détenir la solution toute seule », reconnaît-il. À travers ces enquêtes, Nestlé a identifié l’année dernière 5 135 enfants (20 % de ceux qu’il a entendus) effectuant un travail dangereux. Au-delà du secteur privé, la lutte contre l’exploitation des mineurs appelle aussi une implication accrue des pouvoirs publics africains. Notamment en améliorant la scolarisation des plus jeunes, sans doute le meilleur rempart contre ces pratiques. Mais, là aussi, beaucoup reste à faire. En Côte d’Ivoire, 46 % de la population n’est jamais allée à l’école. ● jeune afrique
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Dossier RSE interview
Alain Karsenty
Économiste au Cirad
« Pour vendre en Europe du Nord, la certification est obligatoire » Après avoir gagné en popularité, les labels de bonne gestion forestière ont du mal à passer un nouveau cap. Avantages, inconvénients, alternatives : décryptage avec le spécialiste du Cirad.
Cela arrive souvent, notamment en RD Congo et au Cameroun. Le problème se pose d’ailleurs aussi avec des permis agricoles. On observe régulièrement de nombreuses superpositions de permis sur des concessions forestières ou des aires protégées. C’est à la fois une question de coordination des décisions entre les services des ministères et un problème de cadastre. Le cadastre minier a pratiquement partout priorité sur les autres utilisations des terres. Créer légalement un domaine forestier permanent, reconnaître des droits réels aux populations usagères, instituer des règles contraignantes de compensationécologiquedevraient pourtant prévaloir.
C
es dix dernières années, les surfaces forestières gérées de manière durable ont augmenté, notamment pour répondre à la demande des marchés du nord de l’Europe, qui exigent des garanties environnementalesetsociales.Mais beaucoup d’acteurs, y compris de grandesentreprisestransnationales, continuent d’exploiter leurs concessions sans prendre en compte ces enjeux. Attentes des industriels, attitude de la Chine, concurrence des labels… Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), décrypte pour J.A. la montée en puissance de la certification en Afrique.
Quel est l’impact de la certification FSC sur les revenus des industriels?
jeune afrique : La certification du bois progresse-t-elle sur le continent ? Alain Karsenty: Aujourd’hui,
le bois certifié FSC [Forest Stewardship Council] représente 4,5 à 4,8 millions d’hectares et de 30 % à 40 % des exportations. Ce label de « bonne gestion forestière » dominant en Afrique s’est donc beaucoup développé, mais il semble avoir atteint un cap difficile à passer alors même que certaines compagnies pourraient l’obtenir sans effort. Si les grandes entreprises écoulant leur bois vers le nord de l’Europe le détiennent, d’autres – italiennes ou portugaises – n’ont pas sauté le pas. Par ailleurs, les certifications concernant uniquement la légalité de l’exploitation, et non la durabilité [règlement de l’Union n o 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
© Nanda Gonzague pour J.A.
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européenne qui pénalise l’importation de bois illégal] sont souvent préférées à la FSC, car elles sont moins contraignantes. Enfin, un cas de « décertification » a même été enregistré cette année : le belge Decolvenaere n’a pas demandé de renouvellement en raison de la présence d’une exploitation minière sur sa concession. L’exploitation minière entre-t-elle régulièrement en conflit avec l’industrie du bois certifié ?
p « Le Gabon produisait des grumes compétitives, car rares et chères, mais il a préféré les bois sciés et le contreplaqué, très banals. »
Il est difficile de connaître les primes sur le bois vendu, car les entreprises, confrontées à un environnement concurrentiel, ne font preuve d’aucune transparence. Certains vont dire que la prime est ridicule, voire qu’il n’y en a pas. On estime cependant qu’elle tourne autour de 15 % à 25 % en moyenne, bien qu’il y ait des variations importantes, notamment en période de crise, où les prix sont rabotés. Les sociétés ne veulent pas pour autant sortir de la certification FSC, sauf exception. Celle-ci leur ouvre en effet les marchés les plus « écologiquement sensibles », tels les pays scandinaves, l’Allemagne, les PaysBas ou la Suisse, qui la demandent quasi systématiquement et paient bien. Se retirer du système FSC équivaut à s’exclure de ces zones. Le label est donc un moyen de se distinguer de ses concurrents. Et, avec la certification, les compagnies cotées en Bourse peuvent attirer des investisseurs sensibles à la jeune afrique
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sait pas encore dans quelle mesure la Chine va adopter les certificats de légalité pour le bois qu’elle importe, ce qui changerait radicalement la donne. Pour le FSC cela prendra sans doute plus de temps.
dimension environnementale des placements. Une certification panafricaine est envisagée depuis les années 1990. Les choses pourraient-elles enfin bouger?
En effet. Au-delà des questions de prix, les industriels, au début très réticents, se sont convertis aux certifications, mais ils continuent de penser que le poids des ONG dans le FSC, initialement créé par WWF, est trop grand. Un label panafricain, dont le siège est installé au Gabon, a été mis en place, mais il n’a aucun client pour le moment, deux de ses principaux sponsors, les groupes Tropical Timber et Ganzer, l’ayant abandonné en 2003. Cependant, le débat est relancé. Un nouveau critère de certification FSC est à l’étude qui entend refuser le label aux concessions comprenant des blocs de forêts non dégradées[IntactForestLandscapes, des surfaces de forêts non fragmentéesde50 km2].Greenpeacesoutient son adoption. La question doit être tranchée l’année prochaine. Si ce critère est retenu, il est probable quedenombreuxconcessionnaires, tel Rougier, seront obligés d’abandonner le label FSC. Ils relanceront alors probablement la certification PAFC [Pan africaine de certification forestière]. La Chine est devenue un marché d’exportation important. Va-t-elle se convertir au bois certifié?
C’est la grande inconnue. Pour l’instant,cen’estpaslecas,endehors de volumes limités qui sont achetés pourêtreréexportésversl’Europeou les États-Unis sous forme de contreplaqué ou de meubles. Mais on ne
Aujourd’hui, de 30 % à 40 % du bois exporté est certifié FSC. Comment se porte le marché du bois africain?
Le Sénégal contre l’abattage illégal Confrontées à un trafic de bois illégal important, notamment en Casamance, les autorités sénégalaises réfléchissent à une labellisation des forêts incluant la mise en place d’une certification du bois d’œuvre (qui sert de matériau de construction)
L’Europe est le marché historique de l’Afrique forestière. Mais la Chine et surtout l’Inde et le Vietnam ont pris beaucoup d’importance ces dernières années. Cette tendance de fond s’est toutefois inversée en 2015. Une baisse spectaculaire de la demande due au ralentissement de la construction chinoise a eu notammentunimpactsurl’okoumé du Gabon, dont les surstocks ont fait dégringoler les cours des grumes et du bois scié. Quel bilan tirez-vous de la politique gabonaise d’interdire l’exportation de grumes?
C’est un échec. Il est regrettable qu’une mesure aussi lourde de conséquences n’ait pas été évaluée avant d’être adoptée. La production a diminué d’au moins 1 million de mètres cubes, soit 35 % à 40 % des volumes. Les grumes gabonaises étaient compétitives car rares et relativementchères.Laraisonenestsimple: il y a moins de grumes de belle qualité sur le marché parce que les ressources s’épuisent et que de plus en
plusdepaysveulenttransformer.Les Chinois ou les Japonais se battaient doncpourenacquérir,quitteàpayer cher. Le Gabon s’est privé d’une ressource profitable pour produire quelque chose de très banal, des bois sciés et du contreplaqué. Et il est entré en concurrence avec tous ceux qui en faisaient déjà autant, à commencer par les Camerounais, dont les coûts de production sont de 20 % à 30 % inférieurs [en raison de salaires plus faibles]. Et surtout avec les Chinois, qui bouleversent le marché du contreplaqué depuis des années. Au Gabon, l’emploi n’a donc pas progressé et les revenus fiscaux se sont effondrés, car les produits transformés ne sont pas taxés à l’export. Beaucoup de pays ont cette volonté – légitime – de transformer localem ent leurs matière s premières…
En effet, et normalement la valeur ajoutée s’obtient par la transformation – à condition que ce soit efficace. Transformer n’induit pas nécessairement de valeur ajoutée, au contraire, la valeur peut diminuer. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas réguler l’exportation de produits bruts, mais il existe pour cela des instruments de politique économique meilleurs que d’autres. Qu’en est-il du Cameroun?
Il se porte un peu mieux sur le plan de l’économie forestière. Il a augmenté ses exportations de grumes pour combler le vide laissé par le Gabon. Mais il reste confronté à l’« informalisation » grandissante de l’exploitation du bois. ● Propos recueillis par Marion Douet
Dossier RSE industries extractives
À quand la fin du torchage?
Brûler le gaz dégagé par l’exploitation de l’or noir pollue et représente un énorme manque à gagner. Si États et compagnies le reconnaissent, ils ne semblent pas prêts à agir dans l’immédiat.
C
haque année dans le monde, 140 milliards de mètres cubes de gaz naturel rejetés durant l’exploitation du pétrole sont brûlés, et donc gaspillés. Le torchage du gaz envoie plus de 300 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit l’équivalent des émissions de 77 millions de voitures. Or on pourrait produire 750 milliards de kWh avec ce gaz, un chiffre supérieur à la consommation actuelle de l’ensemble du continent. Pour remédier à ces problèmes, les dirigeants de grandes compagnies pétrolières et les hauts responsables de pays producteurs d’or noir se sont engagés en 2015 à mettre fin au torchage systématique du gaz d’ici à 2030 au plus tard, à travers l’initiative Zero Routine Flaringby2030portéeparlaBanque mondiale. Mais, un an après cette décision, l’industrie se préoccupe d’enjeux davantage économiques qu’écologiques. La faute à la chute des cours. « Aujourd’hui, 52 gouvernements, compagnies pétrolières et institutions de développement n o 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
Selon le GGFR, il est le deuxième pays au monde en matière de torchage de gaz lors de l’extraction d’hydrocarbures (15 milliards de mètres cubes environ), derrière la Russie (45 milliards de mètres cubes). Et cela bien que cette pratique soit officiellement interdite depuis 1984 dans le pays et qu’elle ait été déclarée « inconstitutionnelle » par la Cour suprême en 2005. Hélas, l’État nigérian et les autorités fédérales ont été incapables de faire appliquer les lois. Selon la Banque mondiale, le Nigeria perdrait ainsi chaque année l’équivalent de 2,5 milliards de dollars (2,22 milliards d’euros). Laurent Pascal/Total
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soutiennent cette initiative. Mais la conjoncture est difficile pour les entreprises, même si beaucoup reconnaissent l’importance d’une direction environnementale forte et d’une gestion des ressources efficace », souligne Bjorn Hamso, directeur de programme du Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés (GGFR). Les entités qui soutiennent l’initiative représentent plus de 40 % du volume mondial de gaz torchés. « Notre objectif est d’en faire un standard global dans l’industrie pétrolière. Mais pour que le gaz soit réutilisé ou conservé, un temps et des ressources considérables sont nécessaires », ajoute le responsable. Le gaz est encore largement brûlé à la torche pour des raisons techniques, réglementaires, économiques, ou parce que son utilisation n’est pas jugée prioritaire. L’Angola, le Cameroun, la RD Congo et le Gabon participent au mouvement. En dépit du soutien deNigerDelta Petroleum Resources et de Seven Energy, le Nigeria en reste en revanche le grand absent.
p La plateforme pétrolière Pazflor, située au large de l’Angola, est exploitée par Total.
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gouvernements, compagnies et institutions soutiennent le Zero Routine Flaring by 2030
retard. Pourtant, des solutions
existent. Au Nigeria, Shell a commencé en 2000 à installer des équipementsdestinésàcapturer90%du gaz associé à son exploitation pétrolière. Aujourd’hui, 37 sites en sont pourvus, mais le programme a pris du retard en raison des problèmes de sécurité dans le delta du Niger et du manque de financements. Royal Dutch Shell estime à plus de 6 milliards de dollars le coût global d’un tel projet. EnÉgypte,laBanqueeuropéenne pour la reconstruction et le développement (Berd) est aux avantpostes pour financer des projets de réduction de torchage du gaz. Quatre compagnies – Merlon, Pico, IPRet KuwaitEnergy– ontainsireçu des financements pour un total de 200 millions de dollars. Les solutions retenues ? La construction de centrales d’électricité au gaz, la connexion d’usines de transformation aux pipelines et la création d’unités de gaz de pétrole liquéfié. Sur sa concession d’Abu Sennan, Kuwait Energy s’est ainsi lancé dans la capture du gaz naturel pour alimenterleréseauélectriquenational. En Égypte, 2,5 milliards de mètres cubes de gaz sont brûlés chaque année.Éliminer le torchage pourrait permettre d’économiser 300 millions de dollars par an, selon la Christelle Marot Berd. ● jeune afrique
Dossier RSE TPE
Avec Acep Cameroun, la microfinance montre l’exemple Formation, environnement, santé… L’établissement ne se contente pas d’encourager les bonnes pratiques chez ses clients, il les met également en œuvre en son sein.
© Fernand kuissu
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p La filiale d’Acep International compte 21 000 clients.
E
ncastré à l’arrière d’une rangée de cinq maisons, l’atelier de menuiserie et de tapisserie situé dans le quartier Oyom-Abang, à Yaoundé, est envahi de sièges prêts à être habillés de tissu. « Tout ce que vous voyez là est le fruit d’Acep Cameroun », lâche le patron de Bob Meubles – qui emploie cinq personnes – en désignant son domaine de plus de 1 000 m2. Il y a quinze ans, il empruntait 1,5 million de F CFA (environ 2300 euros); aujourd’hui, le total des crédits qui lui ont été accordés atteint 12 millions de F CFA. L’établissement, filiale d’Acep International, octroie des microcrédits – allant de 100 000 F CFA à 15 millions de F CFA – aux très petites entreprises confrontées à des difficultés de financement. n o 2894 • du 26 juin au 2 juillet 2016
« L’objectif est de les amener au stade de PME. Contrairement aux autres sociétés de microfinance, nous n’octroyons pas de crédits mais des lignes de crédit », précise son directeur général, Jean Roger Zombo. Le spécialiste de la microfinance a déjà distribué plus de 204 milliards de F CFA à des vendeuses de beignets, des bayam sellam (qui, elles, proposent des produits frais), des couturiers, des artisans, des commerçants, des transporteurs…, qui constituent près des trois quarts de ses 21 000 clients. téléviseur. Acep se distingue de la concurrence par son taux d’intérêt mensuel unique de 1,5 % (soit 18 % annuellement) quel que soit le montant du prêt octroyé. Sa politique de garantie s’éloigne
Du nouveau pour les PME industrielles Jugées trop limitées, les lignes de crédit d’Acep ne conviennent pas aux industriels. Mais les choses vont changer : son conseil d’administration vient de valider la mise en place d’un guichet pour les PME
également des habitudes du secteur. Au lieu du traditionnel titre foncier ou d’un immeuble, Acep mise sur le téléviseur, l’électroménager, le véhicule, bref: « Des objets à valeur symbolique pour la famille, et dont la perte est susceptible de représenter une pression sociale sur le client », selon son patron. Depuis deux ans, Acep étend ses interventions en zone rurale. Un mouvement qui s’accompagne de formations en agriculture, en élevage et en comptabilité. Là encore, la démarche reflète le souci de promouvoir des pratiques socialement responsables. « Le taux d’utilisation des engrais chimiques et des pesticides est très élevé dans la région de l’Ouest et leur manipulation, risquée, constate Jean Roger Zombo. Nous essayons d’orienter les producteurs vers l’usage d’engrais organiques de substitution. » primes. L’approche éthique d’Acep profite aussi à ses collaborateurs. Malgré sa petite taille, l’établissement a affilié ses 324 salariés à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), et ils bénéficient en outre d’une mutuelle. Leurs salaires sont alignés sur la grille de la convention collective bancaire et, en plus d’un treizième mois, les employés les plus performants reçoivent des primes financées via un prélèvement de 5 % sur le résultat brut annuel de l’entreprise. Grâce à un partenariat avec le Crédit foncier du Cameroun, 5 % des salariés ont par ailleurs accès à des prêts à taux bonifié pour l’achat d’un terrain et la construction d’un logement. Et afin de permettre à l’Acep de gagner en compétitivité, deux cadres sont formés chaque année à l’Institut technique de banque (ITB), à Paris, tandis que les agents de crédit suivent des cours de microfinance dans la filiale locale de l’établissement français. ● Omer Mbadi, à Yaoundé jeune Afrique
Nous nous engageons pour le développement des communautés rurales à travers le Nestlé Cocoa Plan
Rentabiliser les exploitations
Plus de 6,75 millions de plantules de cacao à haut rendement distribuées Améliorer les conditions de vie
45 écoles construites ou réhabilitées Garantir un approvisionnement durable
Plus de 99 000 tonnes de cacao acheté dans le cadre du Nestlé Cocoa Plan
Nestlé Région Afrique Centrale et de l’Ouest www.nestle-cwa.com