Pdf ja 2895 du 3 au 90716 plus océan indien

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • n° 2895 • du 3 au 9 juillet 2016

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OCÉAN INDIEN

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LE PLUS

de Jeune Afrique

Destins communs

JEUNE AFRIQUE

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OCÉ AN INDIE N

OCÉAN INDIEN

N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

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PANORAMA Si lointain et si proche 55

ÉCONOMIE Point d'équilibre



Le Plus de Jeune Afrique

57

Prélude

François-Xavier Freland

Je, tu, île…

D

EPUIS TOUJOURS, l’océan Indien d’un ensemble politico-économico-culturel fait figure de zone maritime trouaussi riche que disparate. Dont il semble aujourd’hui devoir tirer son identité. blée, difficilement navigable, où soudain l’aiguille de la boussole Balafré par l’Histoire – qu’on songe à la s’affole. Jusqu’à en perdre ses points cartraite négrière –, cet espace sous-régional a aujourd’hui retrouvé le calme après la dinaux. Le monde semble commencer à Madagascar, pour s’arrêter, des milliers de tempête. Et ce quasi-continent « maritime », milles marins plus loin, à Rodrigues ou mêmes’ilvitàl’heuredeLondresoudeParis, sur les atolls coralliens des Seychelles. Les même s’il regarde vers l’Inde et bouge au grands vents du large charient encore les rythme de l’Afrique, ne ressemble à aucun souffles épiques des pirates et des grands autre endroit au monde. Dans ce territoire explorateurs venus des quatre coins du à part, « le fait interculturel dévoilé par les monde affronter les brisants avant de s’abîmer sur les De tout temps, la région a servi rochers aux Comores ou aux de trait d’union entre l’Orient Mascareignes. La légende et l’Occident dans leurs échanges. veut que Marco Polo soit rentré de Chine en 1295 en empruntant le canal du Mozambique. Deux sociétés créoles de l’océan Indien peut-il être siècles plus tard, Vasco de Gama fait une à la base de la construction d’un vaste espace culturel indo-océanique ? » s’interrogeait escale aux Seychelles avant de remonter vers déjà en 2002 feu Sudel Fuma, l’historien l’Inde. De tout temps, les îles et archipels du réunionnais. Cette interculturalité créole Sud-Est africain ont servi de point d’ancrage aux navires chargés de sel et de soie, et de tarde peut-être à s’imposer dans les faits, mais l’espace océanique paraît pouvoir trait d’union entre l’Orient et l’Occident dans leurs fructueux échanges commerciaux. s’appuyer sur une identité insulaire commune pour se fixer un cap à tenir. « J’entends le bruit de la mer qui vient La Commission de l’océan Indien (COI) a justement pour but de resserrer les liens et cette vibration sourde qui semble sortir de l’île. Il me semble que j’ai en moi une d’amitié et de solidarité de cette mosaïque électricité, une force nouvelle. » Dans son humaine que constitue « l’Indianocéanie ». En un peu plus de deux décennies, l’orgaroman La Quarantaine, Jean-Marie Gustave Le Clézio – l’écrivain franco-mauricien, nisation a bâti des projets de développecomme il se définit lui-même – résume à ment de dimension régionale, destinés à la perfection les forces et les faiblesses de protéger un patrimoine unique, à améliorer cette constellation d’îles perdues, croit-on, des conditions de vie pas toujours paradisiaques malgré le contexte et à préserver dans un coin du globe. Tout est question de point de vue et de perspective, lesquels ne des ressources naturelles aussi nécessaires manquent pas sur la région. À l’image des que rares. La COI, entité de dialogue, de cyclones qui viennent le ravager à chaque stabilité et de prévention des crises qui monte en puissance, tente de rapprocher saison des pluies, l’océan Indien bouillonne d’énergie sous les multiples influences des les îles entre elles, et leur permet de lutter de manière conjointe contre l’insécurité peuples de tous horizons, de toutes origines venus s’établir ici. Malais, Chinois, Perses, alimentaire ou le réchauffement climatique. Bantous, Arabes, puis Français et Anglais, Loin d’avoir perdu le nord, l’Indianocéanie tous ont débarqué avec leurs croyances semble au contraire avoir vocation à deveet leurs rites, leur culture et leur mémoire nir un véritable pôle de développement aussi… Et l’océan Indien s’est retrouvé, au au sud. Pour retrouver, à terme, tout son lendemain des indépendances, au cœur magnétisme. ● JEUNE AFRIQUE

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OCÉAN INDIEN Si lointain et si proche p. 58 Batailles de confettis p. 61 INTERVIEW Hamada Madi Boléro, futur secrétaire général de la COI p. 62 ÉCONOMIE Point d’équilibre

TRANSPORT À tire-d’aile

p. 65

p. 68

TRIBUNE Jean Claude de l’Estrac, secrétaire général de la COI p. 71 PORTRAITS Talents d’outre-mer

p. 72


Le Plus de Jeune Afrique

Contentieux frontaliers Seychelles

Comores Îles Éparses (Europa/Juan de Nova/ Bassa da India/Glorieuses) France et Madagascar

Mayotte

Union des Comores et France

Madagascar

Océan Indien

Archipels des Chagos Maurice Royaume-Uni

Île Tromelin France et Maurice

La Réunion

Maurice 200 km

q Vu du ciel, le Morne Brabant, à Maurice.

OLIVIER CASLIN

C

omme son nom ne l’indique pas, l’Indianocéanie se trouve en Afrique. Ce néologisme géographique a été employé pour la première fois en 1960 par l’écrivain mauricien Camille de Rauville pour évoquer « un nouvel humanisme au cœur de l’océan Indien ». L’idée a ensuite vogué, au gré des alizés et des aléas qui ont soufflé sur la région, avant que Jean Claude de l’Estrac, secrétaire général de la Commission de l’océan Indien (COI) depuis 2012, ne s’en empare pour la faire ressurgir du fond des mers. Il veut profiter du climat de confiance général qui règne au sein de la Commission depuis sa mise en place, en 1984 (lire encadré p. 60), pour faire d’un simple concept intellectuel, développé lors du colloque de Mahébourg, en 2013, à Maurice, une réalité culturelle, économique, et pourquoi pas, un jour, politique. Pendant de la Macaronésie, qui, au nord-ouest du continent africain, regroupe les Açores, les Canaries, le Cap-Vert et Madère, l’Indianocéanie s’étend le long des côtes du Mozambique sur un peu plus de 5 millions de km² et englobe les Comores, Madagascar, ainsi que les anciennes « Mascareignes françaises », les Seychelles, Maurice et La Réunion. Un ensemble disparate, constitué d’États indépendants et de dépendances, de pays développés et en développement, aux religions et aux traditions aussi multiples et variées que la provenance des vagues successives de peuplement poussées vers ces îles par les moussons ou les courants marins. Le plus souvent de leur plein gré, mais parfois contraintes et forcées, comme pour les esclaves noirs et les ● ● ● N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

OCÉAN INDIEN

YANN ARTHUS-BERTRAND/HEMIS.FR

58

Si lointain


et si proche Face à la mondialisation, les îles et archipels du Sud-Est africain souhaitent dépasser leurs différences pour s’unir. Sous la houlette de la Commission de l’océan Indien, qui a fait de l’intégration régionale son objectif principal.


Le Plus de J.A. Océan Indien ● ● ● coolies du sous-continent indien, exploités dans les plantations de cannes à sucre. Malais et Indonésiens à Madagascar, Bantous et Perses aux Comores, Indiens dans les Mascareignes, Chinois un peu partout, tous ont contribué à dessiner ce métissage devenu, au fil des siècles, un patrimoine commun à l’ensemble de la sous-région. Tout comme l’usage du français, hérité de l’ancien colonisateur et qui sert de langue véhiculaire dans toute la zone. Même les différents créoles mauriciens ou seychellois, bien que mâtinés d’anglais, utilisent majoritairement les bases lexicales de la langue de Voltaire pour faire de l’Indianocéanie un îlot de francophonie dans un océan Indien perçu comme un lac anglophone. C’est en s’appuyant sur ce type de similitudes que la COI espère sublimer les différences et dépasser les vieux contentieux (lire p. 61) pour mieux fédérer les États et construire cette identité commune qui leur permettra de faire face, ensemble, aux nombreux défis qui les attendent, de la lutte contre le terrorisme à celle contre le réchauffement climatique. Car bien que située, en apparence, aux marches du monde, la sousrégion est rattrapée par la mondialisation économique en cours, grâce notamment aux routes maritimes qui sillonnent depuis toujours et en tous sens cet espace de plus en plus géostratégique, à mesure qu’explosent les échanges en tout genre entre l’Asie et l’Afrique. La France l’a bien compris. Membre de la COI par l’intermédiaire de La Réunion et, de très loin, son premier

© DR

60

p Lors du 4e sommet des chefs d’État et de gouvernement de la COI, en août 2014. De g. à dr. : le Seychellois James Michel, le Mauricien Navin Ramgoolam, le Malgache Hery Rajaonarimampianina, le Comorien Ikililou Dhoinine, le Français François Hollande, et Jean Claude de l’Estrac, secrétaire général de la Commission.

MOTEUR. Si la sous-région veut prendre toute la

C’EST QUOI LA COI

C

réée en 1982 à Port-Louis et institutionnalisée deux ans plus tard par l’accord de Victoria, la Commission de l’océan Indien (COI) est la seule organisation régionale d’Afrique constituée uniquement de territoires insulaires. Elle réunit à ses débuts Maurice, Madagascar et les Seychelles, rejoints en 1986 par les Comores et la France par l’intermédiaire de La Réunion, avec pour principale mission de resserrer les liens culturels, mais

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également politiques et économiques, entre ses cinq pays membres. Elle défend également leurs intérêts sur la scène régionale et internationale. Si les chefs d’État se retrouvent lors de sommets organisés plus ou moins régulièrement (quatre en trente-deux ans), leurs ministres des Affaires étrangères se réunissent chaque année pour déterminer les priorités dont le secrétariat général, véritable organe exécutif, aura la charge. Pour renforcer

contributeur, Paris voit dans la Commission un bon moyen d’exercer son influence dans cette zone de confluence. La présence de François Hollande lors du quatrième sommet des chefs d’État, à Moroni, en août 2014, avait justement pour but de rappeler l’engagement de son pays dans cette organisation, également suivie avec beaucoup d’attention par d’autres grandes puissances. Les États-Unis y sont militairement présents avec leur base de Diego Garcia, installée dans l’archipel des Chagos. La Chine est le premier pays à avoir obtenu le statut d’observateur de la COI en mai dernier, et l’Inde pourrait rapidement lui emboîter le pas.

l’intégration régionale, la COI conduit des projets liés à l’économie et au commerce, à l’environnement et au changement climatique, à la mobilité et à la connectivité. Son champ d’action s’est graduellement élargi vers le champ diplomatique, avec les missions d’observation aux Comores en 1997, puis à Madagascar, lors de la sortie de crise, en 2013, et, plus récemment, lors du scrutin présidentiel de février. ● O.C.

place qu’elle s’estime en droit d’occuper sur la scène internationale, elle doit encore pour cela affermir les liens entre ses propres membres. « Groupés, nous sommes plus forts que séparés », rappelle comme une évidence Jean-Michel Jauze, doyen à l’université de La Réunion, qui demande que les États « transcendent leurs différences identitaires ». Grâce au volontarisme de Jean Claude de l’Estrac, l’Indianocéanie a enregistré de sérieuses avancées sur les dossiers prioritaires que sont la connectivité aérienne entre les différents pays membres (lire pp. 68-69), la protection des ressources halieutiques ou la sécurité alimentaire. Beaucoup d’observateurs espèrent maintenant que l’arrivée du Comorien Hamada Madi Boléro au poste de secrétaire général en juillet (lire p. 62) ne ralentira pas l’élan suscité par son prédécesseur. En quelques années, la COI a réussi à s’imposer comme la traduction politique d’une identité indianocéanique en construction, destinée à servir de moteur à une véritable intégration sous-régionale. Une première étape qui en demande d’autres, pour qu’un jour puisse être constituée cette fameuse communauté que beaucoup appellent de leurs vœux. ● JEUNE AFRIQUE


Destins communs

Batailles de confettis

chercher à y planter leur drapeau. En 2009, ils pensent enfin obtenir gain de cause quand la France signe un accord de Malgré leur volonté d’avancer ensemble, les pays membres cogestion. Pour finalement se rétracter. La situationn’apasbougédepuis.Mauriceest sont confrontés à de nombreux contentieux frontaliers dans le même temps confrontée à un autre qui empoisonnent leurs relations. sujet de discorde, lié cette fois à l’ancienne puissance coloniale britannique. Depuis epuis le début de l’année, les Alors que la France fait la sourde oreille, cinquante ans, les autorités de Port-Louis manifestations se succèdent les Nations unies adoptent deux résolutentent vainement de remettre la main sur tions, en 1979 et en 1980, invitant Paris à dans le centre d’Antananarivo. l’archipel des Chagos, que les Britanniques restituer les îles à son propriétaire légal. La cause? Le rattachement de ont d’abord conservé, avant d’en confier, quatre des îles Éparses, réclamé depuis Sans succès, puisque ces résolutions n’ont en 1971 et en pleine guerre froide, la gesl’indépendance par Madagascar. jamais été respectées ni imposées par la tion aux Américains, qui y ont établi l’une communauté internationale. La France des plus puissantes bases aéronavales Découvertes par les explorateurs français aux XVIe et XVIIe siècles, les cinq îles de la sous-région. L’affaire a été portée il est également en litige avec Maurice sur le cas de l’île Tromelin, sur laquelle a été y a des années devant la Cour suprême de cet archipel ont longtemps été délaisde Londres, qui n’a toujours pas statué. sées par les populations comme par les implantée une importante base météoroautorités. Jusqu’au 1er avril 1960, quand logique. « Ce contentieux vient de l’interEnfin, l’un des cas les plus épineux oppose l’Union des Comores et la France sur la la France en revendique la souveraineté, prétation différente d’un vieux traité, signé juste avant l’indépendance officielle de la questiondeMayotte.Les Grande Île. Pour justifier cette mauvaise quatre îles de l’archipel Pour se justifier, Paris s’appuie sur comorien étaient réublague, Paris s’appuie sur un principe de l’Acte général de la conférence de droit coutumier, codifié par l’Acte général niesjusqu’en1974,avant Berlin… qui date du 26 février 1885. de la conférence de Berlin et daté du que Mayotte demande 26 février 1885. « À cette époque, il n’y son rattachement à la avait encore aucun enjeu économique, à Paris en 1814 avec le Royaume-Uni au France et que les trois autres optent pour mais le canal du Mozambique représentait lendemain de la capitulation des armées l’indépendance. Moroni n’a depuis cessé napoléoniennes », précise Jean-Michel de vouloir récupérer l’île. Sans succès, un passage hautement stratégique pour la Paris ayant envoyé aux autorités como“Royale” française », explique aujourd’hui Durand, professeur en sciences politiques riennes une fin de non-recevoir qu’elle l’écrivain Toavina Ralambomahay, spéciaet journaliste à Eco austral. Maurice tomespère définitive, depuis qu’elle a fait de bait alors dans l’escarcelle britannique, liste en sciences politiques et en relations internationales à Madagascar. Mayotte son 101e département en 2009. sauf l’île Tromelin, située juste un peu Malgré les milliers de Comoriens candiplus au nord et discrètement restée sous Dès 1976, une fois les réserves en pétrole et en gaz clairement identifiées, le prél’administration directe de l’île française dats à l’immigration clandestine engloutis sident, Didier Ratsiraka, fait connaître de La Réunion. ces dernières décennies dans les eaux les prétentions malgaches sur les îles Depuis l’indépendance de leur pays, troubles du canal du Mozambique. ● FRANÇOIS-XAVIER FRELAND Europa, Juan de Nova et Bassa da India. en 1968, les Mauriciens n’ont cessé de

D

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Le Plus de J.A. Océan Indien politiques nécessaires à la réalisation de ses missions ?

Je vous le confirmerai lorsque j’aurai pris mes fonctions, mais je suis persuadé que le secrétariat dispose de tous les outils dont il a besoin. Je veux en revanche diversifier nos sources de financement. L’UE contribue, à elle seule, à hauteur de 85 %. C’est trop ! Il faut que nos pays membres s’impliquent davantage. Ils ne créent certes pas de blocage, mais ils ne participent pas vraiment au développement de la Commission ni au suivi de ses missions. Pourtant, le Conseil des ministres reste le vrai organe de décision, et c’est lui qui fixe les grands caps. Peut-être pourrionsnous réfléchir au rétablissement d’une conférence des chefs d’État, comme c’était le cas à l’origine.

DR

62

INTERVIEW

Hamada Madi Boléro « Nos pays doivent s’impliquer davantage » En tant que secrétaire général de la COI, l’ancien Premier ministre comorien poursuivra le travail engagé par son prédécesseur pour apporter plus de visibilité à une organisation qui en manque tant.

L

e 13 juillet, Hamada Madi Boléro deviendra le cinquième secrétaire de la Commission de l’Océan indien (COI), où il remplacera le Mauricien Jean Claude de l’Estrac pour un mandat de quatre ans. Chef de gouvernement du président Azali de 2000 à 2002, ce Comorien de 51 ans compte bien marcher sur les pas de son prédécesseur et poursuivre le travail déjà réalisé pour apporter davantage de visibilité et de notoriété à l’organisation, tant sur la scène internationale qu’au sein de ses pays membres. Il souhaite également s’appuyer sur ses années passées au ministère de la Défense de son pays pour améliorer la question de la sécurité régionale, inscrite au rang des priorités de son mandat. JEUNE AFRIQUE : À un mois de votre prise de fonctions, avez-vous une idée des grands chantiers que vous lancerez? HAMADA MADI BOLÉRO : Je veux

d’abord rendre hommage à Jean Claude N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

de l’Estrac, qui a œuvré pour la renommée de la Commission. C’est un grand honneur de lui succéder, car il a beaucoup fait pour consolider cet espace, constitué d’États insulaires dont les réalités économiques et politiques sont très diverses. Il faut donc continuer à améliorer la connectivité entre les pays

Que pensez-vous du concept d’Indianocéanie développé dans les années 1960 et largement promu par Jean Claude de l’Estrac ? N’oublie-t-il pas l’Afrique ?

Bien sûr que non ! Avec des populations métissées aux multiples traditions, l’Afrique est partout présente sur nos îles. Nous sommes situés entre l’Asie et l’Afrique. C’est ce qui nous différencie des autres et c’est ce qui unit nos pays. À nous de montrer nos différences pour mieux faire comprendre au monde qui nous sommes. La COI doit pour cela renforcer ses capacités politiques, surtout à l’international. C’est l’une des priorités de votre mandat ?

Oui, avec la question de la sécurité régionale. En tant qu’ancien ministre de la Défense, je compte me saisir du problème et lutter le plus efficacement possible contre la pêche illégale, la pira-

Avec des populations métissées, l’Afrique est partout présente sur nos îles. et jouer sur les solidarités internes pour aider la région à grandir et à participer aux enjeux de la mondialisation. La COI dispose pour cela d’un avantage important avec la France, qui est membre du Conseil de sécurité de l’ONU, et la Chine, qui, depuis 2015, bénéficie d’un statut d’observateur auprès de la COI. Le secrétariat général dispose-t-il des moyens institutionnels et des soutiens

terie, le terrorisme. Il faut pour cela que les pays membres disposent d’outils communautaires. La France peut mettre ses moyens militaires à notre disposition, mais nous pouvons développer d’autres partenariats. Avec les États-Unis, également présents dans la région, ou avec une puissance régionale comme l’Afrique du Sud. Nos pays doivent être en sécurité pour pouvoir se développer. ● Propos recueillis par OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE


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Un groupe de presse mauricien au cœur de l’information Il est devenu le leader incontesté de la presse mauricienne. Le Défi Média Group a franchi une à une les différentes étapes du monde des affaires pour avoir aujourd’hui une présence compétitive et crédible sur plusieurs supports médiatiques.

T

out a commencé avec Le Défi Plus, l’hebdomadaire incontournable des Mauriciens depuis 1996. Le tabloïd, qui paraît le samedi matin, a répondu à ce que plusieurs qualifiaient de manque sur le marché : le journalisme d’investigation. L’hebdomadaire a connu un succès fulgurant avec ses enquêtes, révélations et autres scoops secouant les secteurs public et privé. Au fil des années, Le Défi Plus s’est étoffé, passant de 32 à 96 pages. 69 000 exemplaires sont distribués dans 300 points de vente chaque semaine à travers le pays. Le journal a su fidéliser ses lecteurs grâce à une variété de rubriques – politique, sport, économie, faits divers, culture et actualité internationale –, répondant aux besoins de chacun.

EVENTS PLUS

La communication à travers l’événementiel Events Plus, l’entité spécialisée dans l’événementiel, fait partie du groupe depuis plus de trois ans. Elle compte à son actif des événements grand public, tels le Salon de la Famille et celui du Prêt-à-partir, qui regroupe les acteurs de la scène touristique de l’île Maurice et d’ailleurs. L’entreprise organise aussi des concerts d’artistes internationaux, des sommets et des conférences. Les événements à venir : le concert du célèbre trio indien Shankar-Ehsaan-Loy, le 30 juillet, et le Salon de l’Automobile du 5 au 7 août prochain.

Un défi au quotidien Fort de son succès, le groupe de presse Le Défi Media Group se diversifie en lançant son quotidien en avril 2010. Le Défi Quotidien s’est rapidement distingué sur la scène médiatique locale en six ans, s’imposant comme le leader du marché. Tout comme le Défi Plus, son objectif est d’être proche des Mauriciens avec une actualité forte et accessible. La publication propose chaque jour un supplément thématique à ses lecteurs. Le lundi, zoom sur l’actualité sportive ; le mardi focus sur la culture avec le Défi Zen et le mercredi l’accent est mis sur les sujets économiques. Les jeudis et vendredis, place aux infos ‘people’ avec les suppléments Bollywood Masala et Hollywood Spice, ainsi qu’au sport national et international avec Le Défi Turf et Le Défi Foot. Magazines thématiques Depuis 2011, Le Défi Media Group a enrichi sa palette de produits avec divers magazines thématiques. Le Défi Moteurs vient ainsi répondre aux besoins des passionnés d’automobile et Le Défi Life a été construit autour du mode de vie des Mauriciens. Le Défi Business & Economy cible, lui, le milieu de la finance et les hommes d’affaires. Un supplément sur l’immobilier y est proposé à chaque publication. De plus, au mois de décembre, le supplément spécial « Vision » y est inséré, et met en avant l’économie du pays, les attentes des entreprises et les défis auxquels elles sont confrontées.

LE DIMANCHE/L’HEBDO – NEWS ON SUNDAY

La proximité au cœur des priorités

Chaque semaine, le lecteur peut trouver en kiosque Le Dimanche/L’Hebdo, une publication tirée à 38 000 exemplaires, qui va à la rencontre du Mauricien et de son actualité par le biais de portraits et d’interviews. Les ‘human stories’ et ‘success stories’ alimentent diverses rubriques mettant en lumière le patrimoine culturel et intellectuel du pays. Privilégiant la proximité, Le Défi Media Group a souhaité élargir son lectorat en proposant une publication anglophone. News on Sunday vient ainsi pallier un manque de titres anglais.

PUBLI-INFORMATION

RADIO PLUS :

Première station de l’île Maurice Il y a 14 ans, l’univers radiophonique s’ouvrait au secteur privé. Le Défi Media Group lance alors Radio Plus ; une station libre proche de son auditoire qui est vite devenue la préférée des Mauriciens, selon différents sondages. En sus des “breaking news”, Radio Plus propose des reportages grand format et des analyses poussées sur des sujets d’actualité. L’objectif étant toujours d’informer le plus rapidement, de la manière la plus claire et la plus complète. Il est aussi possible de rester à l’écoute partout dans le monde à travers son site web : radioplus.defimedia.info.

PORTAIL WEB/TÉLÉPLUS

L’info à l’ère du numérique

Le groupe a pris le pli de la révolution numérique en lançant son portail web. L’adresse www.defimedia.info est connue de milliers de Mauriciens dans le monde entier pour sa diffusion d’information en temps réel à travers articles, infographies, bandes sonores, photos et vidéos. Pour poursuivre la tangente 2.0, Le Défi Media Group a aussi lancé TéléPlus, première Web TV du pays. Au programme chaque jour, des vidéos couvrant les sujets d’actualité, faits divers, enquêtes, reportages et interviews.


Océan Indien Le Plus de J.A. ÉCONOMIE

Point d’équilibre Pour créer l’union malgré de grands écarts de développement, une seule stratégie : faire de cette diversité un atout.

L

Superficie (km )

La Réunion

Madagascar

2040

455

Alphabétisation

79

74 74

• • •

4,3

840 974 763 953

2,5

91 359

1,4

1,9

25 750

24 229 3,2 % 3 % 2,6 %

71

54

PIB/habitant ($) Croissance PIB

151

63

4,4

66 64

8 766

1,4 % 0,7 %

1 080 930

N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

la veille sanitaire régionale et internationale la formation d’épidémiologistes de terrain sur 2 ans Des contrôles de qualité externe des laboratoires La surveillance de la résistance aux antibiotiques La surveillance de la résistance des moustiques aux insecticides Les NTIC appliquées aux systèmes nationaux de surveillance. Quelle est sa valeur ajoutée ?

Seychelles

1 260 934

159

JEUNE AFRIQUE

(enfants/femme)

Classement IDH

56,6 % 64,5 % 88,9 % 89,8 % 91,8 %

Indice de fécondité

(année)

22 920 000

2236

Maurice

Espérance de vie

587041

2512

Six programmes mis en œuvre •

OLIVIER CASLIN

Population

Madagascar

Pourquoi agir ? Chikungunya, dengue, H1N1 et récemment Zika. Autant d’épidémies qui ont touché ou risquent de toucher les îles de l’Indianocéanie. Pour atténuer les risques et être capable de répondre efficacement en cas d’épidémie, la COI, à travers son projet Veille sanitaire financé par l’Agence française de développement, a créé le réseau SEGA One Health.

CHIFFRES 2014/SOURCE : COI

Comores 2

Pour une Indianocéanie préparée face aux épidémies

Des difficultés que les promoteurs de la COI veulent percevoir comme autant d’opportunités à saisir, comme dans le secteur du tourisme, où ils comptent jouer sur les complémentarités pour diversifier une offre qui, malgré des paysages de carte postale, attire à peine 2 millions de touristes par an. Pour doper les chiffres de fréquentation de la sous-région et la sortir de l’isolement, la COI a fait de la connectivité aérienne, mais aussi maritime et numérique sa priorité. La Commission veut également capitaliser sur ce qui rapproche ces pays, à commencer par la zone économique exclusive (ZEE), grande comme la Méditerranée, qu’ils ont en partage.L’avenirsemble doncbleu horizon pour l’Indianocéanie et la COI, qui multiplient les projets dans les secteurs de la pêche, des énergies renouvelables ou de l’exploitation de fonds marins potentiellement gorgés d’hydrocarbures. Le tout selon une logique de gestion durable d’un environnement naturel menacé par les bouleversements climatiques. Dossier sur lequel la sous-région revendique, depuis la COP21, une véritable expertise. ●

CHIFFRES 2014 / SOURCE : COI

«

a diversité n’empêche pas l’unité », assure un responsable de la Commission de l’océan Indien (COI). Et vice versa. Obligée de compter avec les réalités géographiques et économiques diamétralementopposéesdesescinqpaysmembres (voir infographie), l’organisation n’hésite pas quand il le faut à utiliser la méthode Coué. Car les écarts de développement sont tels, entre d’un côté Madagascar et les Comores, classés parmi les pays les moins avancés (PMA), et de l’autre, les Seychelles, pays à revenu intermédiaire (PRI), Maurice, devenu récemment un nouveau pays industrialisé (NPI), et La Réunion, territoire développé en tant que département français, qu’ils semblent devoir freiner toute tentative d’union. Quelle stratégie commune définir entre la grande île malgache, ses quelque 23 millions d’habitants répartis sur presque 600000km²,etles455km²del’archipelseychellois peuplé de moins de 100000 âmes? Surtout que la structure des économies de ces pays, héritée de la période coloniale et qui repose essentiellement sur les cultures de plantation, les rend aujourd’hui plus concurrents que partenaires.

Réseau SEGA One Health

Une réponse coordonnée et structurée Un réseau régional intégré de surveillance des maladies, associant près de 250 professionnels de la santé (épidémiologistes, vétérinaires, médecins, biologistes, entomologistes et experts de la lutte anti vectorielle). Des partenaires techniques, scientifiques et financiers complémentaires fortement mobilisés au niveau national, régional et international: Institut Pasteur de Madagascar, bureaux pays de l’OMS, Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Agence de Santé océan Indien (ARS-OI), Cellule interrégionale d’épidémiologie (CIRE), Plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien (PIROI) …

www.coi-ioc.org


MADAGASCAR

XVIe Sommet de la Francophonie Antananarivo, 19 et 20 novembre 2016 Dans les coulisses du Sommet de la Francophonie le XVie sommet des chefs d’états et de gouvernements des pays ayant la langue française en partage se tient à antananarivo les 19 et 20 novembre 2016. démocratie, économie, ouverture à l’international : les enjeux sont de première importance pour la Grande Île.

phonie économique prend forme. Même si quelques uns y voient le retour à une forme de colonialisme, il est certain que les 90 états membres représentent une puissance économique significative, notamment en termes d’échanges commerciaux.

tous les deux ans, les chefs d’états et de gouvernements membres de l’organisation internationale de la francophonie se réunissent pour définir les orientations qui permettront d’assurer le rayonnement mondial de l’organisation, mais aussi adopter des résolutions visant à son bon fonctionnement. depuis quelques années, et plus particulièrement depuis le sommet de dakar, en 2014, le concept de franco-

le grand rendez-vous diplomatique francophone se tient cette année à Madagascar. après les années de crises politique et économique qu’a traversé le pays, le président de la république, hery rajaonarimampianina, élu en 2014, attend beaucoup de cette rencontre internationale. Pour réussir ce pari ambitieux au plan politique, il a créé une équipe restreinte, le Conseil national d’orientation. Portraits.

« Ce sommet sera l’occasion pour Madagascar de s’ouvrir au monde », a déclaré Michaëlle Jean, secrétaire générale de la francophonie, ici avec le Président rajaonarimampianina, en mars 2016 à antananarivo.

PUBLI-INFORMATION

Hugues Ratsiferana

Président du Conseil national d’orientation Homme de confiance et conseiller du Président Rajaonarimampianina, Hugues Ratsiferana est aussi Président du Conseil national d’orientation (CNO). Trois dates figurent en rouge sur l’agenda de cette structure chargée de la préparation des rencontres internationales organisées à Madagascar en 2016. Après l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, du 8 au 12 juillet, viendra le sommet du Comesa, le Marché commun de l’Afrique orientale et australe. À cette occasion, Antananarivo accueillera du 10 au 19 octobre les plus hautes autorités des 19 pays membres de cette organisation régionale que Madagascar va présider pendant un an. Un moment historique, célébrant le retour de la Grande Île dans la communauté internationale.

Ce mouvement sera amplifié un mois plus tard, avec l’accueil de plus de 3000 personnalités venues de 90 pays pour le XVIe Sommet de la Francophonie, qui se tient les 19 et 20 novembre. Le programme se consacrera notamment au concept de « Francophonie économique et numérique », qui vise à accentuer les échanges commerciaux et l’aide au développement au sein de la communauté francophone. Celle-ci réunit près de 275 millions d’hommes et de femmes ayant en partage la langue française et les valeurs universelles d’humanisme, dont 55 % se trouvent en Afrique. Vers la Création d’un « fonds franCoPhone » « Pour nous, la priorité est d’obtenir un maximum de retombées positives pour la population. Ce sommet doit être le moment de mettre en œuvre des projets bilatéraux et multilatéraux avec les pays membres », explique Hugues Ratsiferana. S’il reste muet sur les projets concrets qui pourraient bénéficier aux 22 millions d’habitants de son pays, l’hypothèse de la


création d’un « fonds francophone » pour le développement de Madagascar prend forme. Mis en place avec de grandes banques et entreprises, ce fonds prendrait la forme d’une banque de développement axée sur la valorisation du secteur agroalimentaire à Madagascar. Hugues Ratsiferana est également président de la Commission politique de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). À ce titre, il porte avec sa compatriote Cécile Manorohanta, pré-

sidente du Conseil scientifique, la vision malgache dans l’élaboration du programme de conférences et de débats de ce XVIe Sommet. Ce qui revient à inclure pleinement leur pays dans le thème choisi pour le Sommet : « Croissance partagée et développement responsable – Les conditions de stabilité dans le monde et dans l’espace francophone ». De retour sur la scène internationale, Madagascar se doit désormais de montrer l’exemple dans tous ces domaines. p

« soyez sûre de notre

Lova Rajaoarinelina

Conseiller politique

« L’équipe du CNO n’existe que pour un temps limité et elle a l’ambition de parvenir à des réalisations bien concrètes. Alors elle bouge et elle bouscule les habitudes », explique Lova Rajaoarinelina, conseiller politique au sein du CNO. Pour ce qui est de bouger, elle a déjà fait ses preuves. Éco-quartier à Antananarivo, festival du film féminin francophone sur l’île Nosy be, haut-lieu du tourisme, ouverture d’une école des beaux-arts font partie des réalisations auxquelles travaille cette fervente défenderesse des droits de l’Homme, rédacteur en 2013 de la loi abolissant la peine de mort. Elle était alors conseillère politique du Président de l’Assemblée nationale, Jean Max Rakotomamonjy. Dans le domaine économique, elle travaille notamment à l’élaboration du Label « Madagascar-Excellence », qui a pour but de repérer et valoriser des secteurs d’activité qui font la réputation du savoir-faire malgache. Arrivée dans la Grande Île il y a moins de quatre ans, cette Franco-Malgache de 33 ans fait avancer les projets en liaison avec de nombreuses personnalités, comme Lalao Ravalomanana, maire de la

capitale, ou encore Jean-Jacques Rabenirina, ministre de la Culture. Elle a tant de relations que certains n’hésitent pas, jusque dans les couloirs de la Présidence, à considérer que son rôle d’électron libre la met en réalité en position d’opposante. D’autant plus qu’elle a été directrice de campagne de l’un des candidats malheureux de la dernière élection. « Une institution, c’est sacré et je suis là pour défendre l’institution, répond la remuante conseillère politique. Au travers de ces sommets, le Président doit sortir grandi et conforté dans son rôle, dans cette institution qu’est la Présidence de la République, et la population doit ressentir la force de cette impulsion internationale. » 16 % des éChanGes CoMMerCiauX de la Planète Lova Rajaoarinelina est aussi convaincue que Madagascar a tout intérêt à trouver sa place dans la francophonie économique, qui représente 16 % des échanges commerciaux de la planète. Alors elle consacre ses journées et de longues soirées à bâtir, avec toute l’équipe du CNO et Hugues Ratsiferana, son président, un Sommet de la Francophonie qui fera date. Autant pour les exportations et l’économie, que pour consacrer le retour sur la scène internationale d’un pays qui ne peut plus combattre seul son retard de développement. p

engagement à bâtir une francophonie gagnante et généreuse », a affirmé le Chef de l’état malagasy.

Conseil National d’Orientation Présidence de la république de Madagascar www.presidence.gov.mg


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Le Plus de J.A. Océan Indien TRANSPORT

À tire-d’aile Mieux desservir les îles pour développer les échanges commerciaux et soutenir le tourisme, telle est la vocation de l’Accord Vanille conclu entre les quatre compagnies aériennes nationales de la sous-région.

C

onfrontée à l’insularité de ses membres, la Commission de l’océan Indien (COI) a fait, dès ses débuts, des questions de mobilité et de connectivité son principal objectif. « Pas de développement économique pour nos îles sans échanges commerciaux, et pas d’échanges sans liaisons aériennes, maritimes, voire numéu Récemment sorti de la riques », plaident les responsables de la liste noire européenne, Commission dans le document publié le transporteur malgache en février, après le dernier Conseil des va pouvoir reprendre ministres organisé à La Réunion. Surtout ses vols vers le Vieux Continent. quand le commerce intrarégional ne pèse que pour 4 % des échanges réalisés par les cinq pays. de doper une fréquentation touristique En plus de renforcer l’intégration qui, malgré le potentiel unique des îles, ne représente au mieux que 0,05 % du économique et commerciale, l’amélioration de la desserte des îles, notammarché mondial, elle pourrait également ment aérienne, est essentielle pour les relancer des compagnies nationales territoires de l’Indianocéanie, qui ont, aujourd’hui en grande difficulté. depuis longtemps, fondé leur économie sur le tourisme. « Dans le contexte actuel, PRUDENCE. Après avoir caressé l’ambition de conforter sa présence régionale, Air très concurrentiel, l’union doit, plus que Mauritius, le fleuron du ciel indianocéajamais, faire notre force », estime un opérateur touristique mauricien. nien, a préféré jeter l’éponge. Annoncée L’officialisation de l’Alliance Vanille, pour cette année, la filiale sous-régionale annoncée et attendue avec impatience du transporteur mauricien n’est plus une depuis des années par les différents priorité.Augranddamdesopérateurséconomiques, qui attendent de voir baisser secteurs économiques de la sous-région, devrait avoir un impact à court terme le prix des billets. Air Mauritius « attend sur la desserte aérienne entre l’Indiale bon timing », précise seulement son nocéanie et le reste du monde, ainsi président, Arjoon Suddhoo, appelé en que sur l’image même de la destina2015 à la rescousse de la compagnie. « Une tion sur le marché touristique international. La signature de Prochaine étape : la création l’accord, en septembre 2015 à d’une compagnie low cost Antananarivo, entre les diripour la desserte domestique. geants d’Air Austral, d’Air Madagascar, d’Air Seychelles et d’Air Mauritius a d’ailleurs été qualinouvelle stratégie régionale est toujours fiée d’« historique » par Jean Claude de envisagée, explique-t-il. Notre conseil l’Estrac, secrétaire général de la COI et d’administration se penche sur la forme grand promoteur du projet. qu’elle devrait prendre. Nous ne voulons pas nous lancer sans avoir pris la mesure Les professionnels locaux du secteur appellent maintenant de leurs vœux de ce qui se passe autour de nous. » « une redynamisation » de la desserte Au siège de la société, à Port-Louis, la intérieure, espérant la création d’une prudence est de mise, et le board de la compagnie low cost qui serait détenue compagnie souhaite que les responsabilités soient partagées. Notamment avec le par les quatre opérateurs aériens. En plus N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

transporteur malgache. « Air Madagascar entre dans une phase de transformation, pour devenir un acteur clé de l’aviation régionale », reprend Arjoon Suddhoo. Air Mauritius est encore convalescente. Après des pertes cumulées qui se sont élevées à 23,7 millions d’euros en 2015, la société vient d’annoncer un retour aux bénéfices sur les douze derniers mois, avec 16,5 millions d’euros. Ces bons résultats reposent essentiellement sur la baisse des cours pétroliers, mais la compagnie a également battu des records de fréquentation, en transportant près de 1,5 million de personnes entre avril 2015 et mars 2016. HUBS. Alors que les besoins en matière

de liaisons aériennes domestiques n’ont jamais été aussi bien identifiés, Air Mauritius semble tergiverser. Les seules décisions annoncées pour cette année concernent le renforcement des vols vers Rodrigues et La Réunion. La compagnie concentre surtout ses efforts sur le couloir aérien entre l’Afrique et l’Asie. Dans le cadre de sa stratégie AfricaAsia Corridor, elle veut renforcer la liaison entre les deux continents autour de deux hubs aéroportuaires, l’un à Singapour, l’autre à Maurice. La desserte régionale dépendra ensuite du succès de ce positionnement afro-asiatique. La pression pourrait pourtant se faire un peu plus forte. Et Air Mauritius, comme les autres compagnies de la sous-région, JEUNE AFRIQUE


Destins communs BANQUE : MAURICE EXPLORE LES GRANDS FONDS

© AIR MADAGASCAR

L

va devoir apprendre à dépasser les égoïsmes nationaux. « Les opérateurs aériens sont de puissants producteurs de richesse. Un million de touristes représentent 1 milliard d’euros pour la balance commerciale de Maurice », donne pour exemple Georges Chung Tick Kan, actuel conseiller économique à la primature mauricienne. Dans la foulée de son transporteur aérien numéro un, c’est toute la COI qui espère prendre son envol. ● ABDOOLLAH EARALLY, correspondant à Port-Louis

a petite taille du marché mauricien n’est plus un frein à l’expansion de son secteur bancaire. Deux de ses principales enseignes, la Mauritius Commercial Bank (MCB) et la State Bank of Mauritius (SBM), n’ont pas hésité à sortir de l’île. Et le résultat est spectaculaire, notamment pour la MCB, leader du secteur. « Nous dégageons 40 % de nos bénéfices à travers nos différentes filiales étrangères », se félicite Jean-Michel NgTseung, président de MCB Investment Holding, qui dispose de quarante agences à Maurice. Sa première implantation en dehors de l’île date de 1976, chez le voisin seychellois, à travers la Banque française commerciale de l’océan Indien (BFCOI). La taille du marché a beau y être dix fois plus petite, les bénéfices restent importants pour la MCB, qui a encaissé 5 millions d’euros en 2015, pour un

chiffre d’affaires de 320 millions d’euros. « Nous accompagnons la progression économique du pays en nous concentrant sur ses principales industries, dans la pêche et l’hôtellerie. Nous détenons aujourd’hui 24 % du marché seychellois », précise Jean-Michel NgTseung. Motivée par ces résultats encourageants, la banque s’installe en 1993 à Madagascar et démarre ses activités en finançant les investissements de ses compatriotes sur la Grande Île. Elle y dispose aujourd’hui de six agences et d’une centaine d’employés. La MCB finance les secteurs les plus variés de l’économie locale, du coton au pétrole en passant par l’élevage et l’hôtellerie. Malgré les crises successives qui ont plombé l’économie malgache, ses activités sont restées rentables, avec un bénéfice de

Programme COI-ENERGIES LES GESTES DU QUOTIDIEN: comment maîtriser sa consommation d’énergie à la maison Climatisation (2/3 de votre facture d’électricité) - Maintenez votre température de contrôle à 26°C - Faites nettoyer annuellement vos climatiseurs - Favorisez une bonne circulation de l’air en dehors des périodes où vous allumez votre climatiseur Eclairage - Durant la journée, profitez de la lumière naturelle - Préférez les ampoules LED ou à basse consommation - Eteignez les lumières lorsque vous quittez une pièce www.coi-ioc.org

2,4 millions d’euros en 2015. Également présente à La Réunion, la banque mauricienne voit plus loin encore, avec l’ouverture de bureaux au Mozambique et aux Maldives. « Nous comptons rester actifs en dehors de Maurice. C’est le principal moteur de croissance du groupe », souligne Jean-Michel Ng Tseung. La MCB n’est pas le seul digne représentant du secteur bancaire mauricien dans la sous-région. Poussée par son nouveau président, l’économiste Kee Chong Li Kwong Wing, la SBM est aussi partie à la conquête des marchés voisins. Présente à Madagascar et aux Seychelles, la banque, majoritairement détenue par l’État, s’est projetée en Inde et cherche à s’établir en Afrique de l’Est. La SBM, sous l’impulsion de sa direction, veut « laisser une empreinte A.E. internationale ». ●

Appareils électro-ménagers - Eteignez les appareils lorsque vous ne les utilisez pas; un appareil en veille consomme de l’énergie - Attendez que les appareils ménagers (machine à laver, lave-vaisselle) soient remplis avant de lancer les programmes de lavage Eau chaude sanitaire - Privilégiez les douches aux bains: une douche consomme 1/3 de moins qu’un bain - Optez pour un chauffe eau solaire, c’est un investissement rentable Commission de l’océan Indien Blue Tower, 4ème étage, Rue de l’Institut, Ebène, Maurice Tél: (+230) 402 61 00 | Fax: (+230) 466 01 60 info-energies@coi-ioc.org | www.coi-ioc.org

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publi-info LABOURDONNAIS WATERFRONT HOTEL

Renouveau du fleuron des hôtels d’affaires à Maurice

Le Labourdonnais Waterfront Hotel, établissement de renom à Port Louis depuis 1996 et référence absolue des hôtels d’affaires 5-étoiles de l’île Maurice, a fait peau neuve il y a quelques mois afin de continuer à éblouir sa clientèle.

UNE HISTOIRE D’INTÉRIEUR Pour la transformation de cette destination de légende, une équipe d’architectes d’intérieur de renommée internationale a adopté une approche moderne associée à un esprit classique. On retrouve, intégré au moindre détail du décor, l’ADN du Labourdonnais d’origine. Celui-ci se distingue par sa grande élégance, sa gamme de couleurs claires et lumineuses, et ses lignes minimalistes et classiques, le tout drapé de

CUISINES ET AMBIANCE RAFFINÉES Le Labourdonnais a introduit cet esprit stylé dans chacun de ses restaurants, bar et espace lounge. Des plats sains et exquis de la Brasserie Chic à la sophistication de la cuisine fusion

• 94 Chambres • 10 Suites • 1 Penthouse • 1 Executive Lounge

• 5 Salles de Conférences • 2 Restaurants • 1 Café Lounge • Fitness & Spa

www.labourdonnais.com

asiatique de Yuzu, chaque repas se on retrouve une large gamme de thés à l’anglaise et une sélection de pâtisseries gourmandes entre autres. Le Post Box Lounge Bar, au concept novateur, est doté d’une authentique boîte aux lettres rouge de la Royal Mail britannique et nous ramène à une époque où le temps s’écoulait plus lentement. Les soirées y sont égayées d’étonnants cocktails et d’une musique enivrante, dont des morceaux interpré-

AVANTAGES EXCLUSIFS L’ExecutiveFloor, se situant au sixième étage de l’hôtel, assure le confort absolu de sa clientèle d’affaires VIP grâce à ses chambres et

suites au décor luxueux et à ses prestations exclusives et sur-mesure. Par ailleurs, l’Executive Lounge offre un cadre de travail confortable ou tout simplement un espace de détente intime et privatif. Un service de check-in et check-out personnalisé, de déclicieux canapés et boissons offerts tout au long de la journée, et une connexion internet illimitée sont quelquesuns des nombreux services proposés.

UNE SÉRIEUSE OFFRE D’AFFAIRES L’offre conférence du Labourdonnais, toujours inégalée, a été l’objet d’une revalorisation afin de proposer à sa clientèle des forfaits innovants, un service haut de gamme et un espace de conférence élargi (440m2). Le Labourdonnais propose 5 salles de conférences pouvant accueillir jusqu’à 225 délégués, des facilités à la pointe de la technologie, et un personnel attentif et expérimenté qui a, pendant plus de 18 ans, fait la réputation de l’établissement. Le Labourdonnais a longtemps été le lieu de prédilection des décideurs de l’île Maurice, du fait notamment de sa situation stratégique au cœur de Port Louis, la capitale et le centre

d’affaires du pays ; et du Caudau, premier centre commercial de l’île. Suite à cette admirable refonte, l’hôtel accueille à nouveau les hommes d’affaires en quête d’exception.


Océan Indien Le Plus de J.A.

TRIBUNE

© V. FOURNIER/J.A.

De la Commission à la Communauté

JEAN CLAUDE DE L’ESTRAC Secrétaire général de la Commission de l’océan Indien

L

HISTOIRE NOUS RÉSERVE PARFOIS bien des surprises. Lorsque, jeune ministre des Affaires étrangères de Maurice, j’ai cofondé la Commission de l’océan Indien (COI) avec mes homologues de Madagascar et des Seychelles, je ne pensais pas que j’en prendrais un jour les rênes.Trente ans plus tard, la seule organisation régionale insulaire d’Afrique est reconnue sur l’échiquier international et porteuse d’espoir pour les peuples du sud-ouest de l’océan Indien. Lors de mon investiture, j’avais dit ma volonté d’utiliser le mot juste, « Indianocéanie », pour désigner et promouvoir notre région. Largement utilisé par les écrivains et les universitaires, par les journalistes et les décideurs, il l’est également de plus en plus par les citoyens de nos pays. Ce mot, loin de nous cantonner à notre seule géographie, raconte nos filiations entremêlées, nos histoires imbriquées, nos cultures métissées qui plongent leurs racines en Afrique, en Inde, en Chine, en Europe, en Orient. Il porte notre identité comme nos ambitions. J’ai donc cherché, à la tête de la COI, à donner corps à cette idée.

Le premier chantier a été celui de la connectivité. Entre les îles ellesmêmes et avec le vaste monde, pour assurer l’insertion de nos économies dans la mondialisation des échanges et gagner en compétitivité. La COI a réussi le pari de mettre autour d’une même table les transporteurs aériens de tous ses pays membres pour créer l’Alliance Vanille en septembre 2015. La connectivité, c’est aussi le numérique, qui abolit les frontières, crée de nouvelles opportunités économiques et donne accès à la connaissance. Excentrée, notre région est au bord de la fracture numérique. La COI travaille, avec le secteur privé et le soutien de l’Union européenne, à la mise en place d’un troisième câble à très haut débit, baptisé Metiss, pour MElting poT Indianoceanic Submarine System.

programme de sécurité alimentaire et nutritionnelle pour améliorer la production agricole régionale. Notre premier objectif est de regagner notre souveraineté alimentaire et d’éradiquer la faim. Et c’est tout à fait réalisable ! Dans le même temps, nous serons en mesure de dynamiser le commerce régional et de consolider des filières agricoles génératrices d’emplois et de revenus. Voilà quelques-uns des chantiers structurants de la COI, qui travaille, avec l’appui de ses partenaires, sur de nombreux projets, couvrant un large éventail de secteurs : santé publique, lutte contre la pêche illégale, gestion des ressources naturelles et des écosystèmes côtiers, sûreté et sécurité maritime, entrepreneuriat et employabilité des jeunes, énergies renouvelables…Tous ces dossiers contribuent à l’émergence d’une Indianocéanie de croissance durable. Notre futur reste, cela dit, encore incertain. Les effets du changement climatique sont visibles, parfois durement ressentis, dans nos îles. Le climat est le défi immédiat que nous devons relever, sur la base des engagements pris à la COP21. Dans ce sens, la

Indianocéanie : le mot juste pour désigner et promouvoir notre région.

La sécurité alimentaire est une autre priorité. Madagascar a le potentiel pour être le « grenier de l’Indianocéanie ». La COI a élaboré, avec le concours de la FAO, un ambitieux JEUNE AFRIQUE

COI porte la voix des petits États insulaires en développement (PEID) de l’Afrique et du Grand Océan Indien. Elle milite pour un traitement différencié en faveur des PEID. La COI possède une expertise reconnue en matière environnementale. Elle a démontré sa valeur ajoutée sur le plan politique, sa capacité à mobiliser les moyens et à conduire d’ambitieux chantiers. Elle est même sortie de son périmètre premier à travers ses projets lancés en Afrique orientale et en Afrique australe. Elle est attractive, crédible et utile. Aujourd’hui, l’Indianocéanie forme une authentique communauté d’esprit et de destin. Je rêve encore d’un glissement sémantique symbole d’une Indianocéanie assumée : de la Commission à la Communauté de l’océan Indien. Le mot juste. ● N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

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Le Plus de J.A. Océan Indien PORTRAITS

Talents d’outre-mer Photographe, cuisinier, chef d’entreprise, champion olympique, romancier-documentariste… Les habitants de l’Indianocéanie font preuve d’une créativité aussi diverse que le sont leurs îles.

Pierrot Men Sous la lumière e Paris à Antananarivo, Pierrot Men semble n’avoir que des amis. Cet éternel adolescent suscite la sympathie autour de lui. Ce qui l’a certainement aidé dans son métier de photographe, où il a su s’imposer, sans esbroufe, avec son seul talent. « Je travaille librement, à l’instinct. Cela me permet de rester sincère. » Après avoir appris à composer et à cadrer, la photographie s’impose définitivement à lui quand, en 1994, il rafle le premier prix du concours Leica Mother Jones de San Francisco. Privilégiant le noir et blanc, ses clichés sont des peintures sociales de son pays. Ils captent la misère humaine sans jamais tomber dans le misérabilisme. « Dans mes photos, il y a du drame, mais je ne trahis jamais la dignité des gens. » Il sillonne Madagascar pour rencontrer ses sujets, ceux qu’il appelle « les voisins ». C’est de cette façon qu’il a rencontré un jour la communauté chrétienne de Soatanana. Ses photos, aussi mystiques que mythiques, de croyants tout de blanc vêtus ont depuis fait le tour du monde. À 61 ans, Pierrot Men n’a jamais été tenté par l’exil : « Je n’ai jamais éprouvé le besoin de photographier ailleurs que dans mon pays », affirme-t-il. Cela fait quarante ans qu’il vit à Fianarantsoa, le long de la route qui dessert le sud du pays depuis la capitale. Et vingt ans déjà qu’il tient son petit magasin de photo dans le centre-ville. S’il avoue s’être beaucoup inspiré

SÉBASTIEN LAFONT

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du travail de Sebastião Salgado, lui est resté sédentaire quand le Brésilien a opté pour le nomadisme. Ce qui n’empêche pas Pierrot d’être exposé aux quatre coins du monde, comme c’est actuellement le cas à Nantes (ouest de la France) et à Bruxelles (Belgique). ● FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Franco Bowanee La tête dans les étoiles

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un quartier modeste de Beau Bassin-Rose Hill, à Maurice, au château de Vault-de-Lugny, dans le centre-est de la France, la vie de Franco Bowanee a tout d’un conte de fées. Titulaire d’un CAP obtenu à l’école d’hôtellerie d’Ébène, le chef mauricien se forge vite une réputation lorsqu’il débarque en Bourgogne, en 2008, à l’âge de 36 ans. « Je travaillais depuis plusieurs années au prestigieux Labourdonnais Hotel de Port-Louis quand on m’a demandé de préparer un menu gastronomique pour un couple de clients. » Séduits par les talents culinaires de Franco, ces derniers lui proposent de venir travailler dans leur établissement inscrit au catalogue des Relais & Châteaux et auréolé de 5 étoiles. Avec sa femme, Karina, douée pour la pâtisserie, ils forment un duo de choc derrière les fourneaux du château de N o 2895 • DU 3 AU 9 JUILLET 2016

DR

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Vault-de-Lugny. Même si ça n’a pas été si simple. « Je ne savais même pas ce qu’étaient des œufs meurette », sourit aujourd’hui Franco. Ses patrons l’envoient alors en

stage chez les grands de la gastronomie, d’abord chez Christophe Muller, chef exécutif dans le trois-étoiles de Paul Bocuse, puis chez Gérard Besson, à Paris. Le temps de se former aux subtilités de la cuisine française et il retourne œuvrer dans son château, situé à quelques kilomètres seulement de la basilique de Vézelay, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Il y dirige une équipe de sept commis, dont des Mauriciens, et en profite pour « créoliser » la carte. À chaque voyage au pays, les époux Bowanee ramènent les épices et les légumes introuvables en France. « Comme ce cœur de palmier au goût de noisette », salive le cuistot mauricien. Demi-finaliste au concours du meilleur ouvrier de France en 2015, il rêve maintenant d’ajouter une étoile Michelin à la galaxie qui illumine déjà sa table. ● F.-X.F. JEUNE AFRIQUE


Destins communs

Badrou Le messager ’ai toujours refusé d’être le Noir de service », annonce d’entrée Badroudine Saïd Abdallah. À 23 ans, le FrancoComorien cumule les projets après avoir multiplié les expériences.Filsd’imam,né à Nairobi mais qui a grandi dans la banlieue parisienne, il ne cherche qu’à mettre sa réussite aux services des autres. À commencer par cette jeunesse des quartiers défavorisés qui n’a pas toujours sa chance. Badrou a su saisir la sienne à chaque fois qu’elle se présentait, et le plus souvent avec son pote, Mehdi Meklat, croisé sur les bancs du lycée AugusteBlanqui de Saint-Ouen. Ensemble, ils démarrent en 2007 au sein du Bondy blog, qui donne la parole aux cités sensibles, avant de se faire repérer et de proposer une chronique à deux voix sur France Inter, qu’ils vont tenir pendant six ans. Le temps d’écrire un premier roman à quatre mains, Burn Out, publié en 2015. Depuis, les projets

s’enchaînent. « La réussite n’a rien d’impressionnant dès lors qu’on ne s’enferme pas sur soi. Pour changer les choses, on ne peut pas faire bande à part. » En France comme aux Comores, où il s’est rendu en 2014 pour filmer Le Grand Mariage,un documentaire sous forme de satire sociale sur la tradition du « anda », qui sacralise, lors de longues fêtes

dispendieuses, une union déjà scellée. Badrou s’active en ce moment autour du lancement de Téléramadan, la revue qu’il vient de fonder,disponibleenligneeten kiosque. Il n’oublie pas non plus de transmettre, via son association Mille Visages, qui forme les jeunes des cités aux métiers de l’audiovisuel. Comme un passage de témoin. ● F.-X.F.

Jean-Paul Adam Bleu piscine

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laser marine, chemise impeccablement repassée, Jean-Paul Adam a gardé l’allure sportive du champion de natation qu’il a été. En 1992, il participait aux épreuves de nage libre lors des Jeux olympiques d’été à Barcelone. Vingt-quatre ans plus tard, il affiche déjà, à 39 ans, un sacré cursus politique dans son pays, les Seychelles. Des piscines aux ministères, Jean-Paul Adam a toujours eu le goût des défis. Le jeune ministre des Finances, du Commerce et de l’Économie a été pendant six ans chef de la diplomatie de son pays, puis secrétaire d’État durant treize ans. Réputé être un compétiteur né, il impressionne autant par sa forte carrure que par son discours. Homme de confiance depuis vingt ans du président, JEUNE AFRIQUE

Marie-Joseph Malé raconte Q uand sa vie, c’est avec le sourire. Pas de

James Michel, il a été nommé à la tête de l’économie seychelloise en 2015 pour l’assainir et la dynamiser. Aussi moderne qu’idéaliste, il a vite trouvé le cap à suivre : l’économie bleue, fondée sur les deux piliers que sont l’écotourisme et la pêche durable. « Le territoire seychellois est composé d’océan à 99 %. Notre mode de développement doit saisir cette occasion, dans une optique de développement durable. » « Pêcher moins, mais pêcher mieux », précisait récemment le ministre, présent en décembre 2015 à Paris pour la COP21. Né à La Réunion et passé par les meilleures universités britanniques, Jean-Paul Adam semble déjà mener la course qui pourrait bien, en 2020, le mener à la présidence. ● F.-X.F.

nuage dans la vie bleu ciel du PDG d’Air Austral, né au Cameroun d’une famille originaire du sud de l’Inde. « J’ai vécu une enfance heureuse en Afrique, j’ai commencé mes études à Polytechnique, à Paris, avant de les poursuivre à Boston. J’ai vécu des expériences très enrichissantes. » Professionnellement, il a bien voyagé. D’abord en Italie, en 1990, pour le compte d’UTA, puis aux États-Unis et en Asie, où il rejoint la direction d’Air France pour une vingtaine d’années. Mais c’est à la tête d’Air Austral qu’il gagne ses galons. Engagé en 2012 pour redonner un peu d’oxygène à une compagnie en chute libre, il parvient à la sauver de la faillite. « Air Austral vivait au-dessus de ses moyens. Nous avons réduit la voilure, vendu des avions, fermé les lignes provinciales en France pour nous concentrer sur l’aéroport de Paris-Charles-deGaulle et sur la zone océan Indien. » Désormais, le groupe Air Austral, qui s’est enrichi en 2013 d’EWA, sa filiale mahoraise, emploie 900 personnes, détient 9 gros-porteurs, dont le fameux Dreamliner 787-8 de Boeing. Elle propose douze vols par semaine au départ de Paris vers La Réunion, Mayotte, les Comores, Madagascar et l’Afrique du Sud. Elle développe sa présence en Asie et prévoit, en collaboration avec Air Madagascar, un vol hebdomadaire sur Canton. « Les liens entre la Chine et l’Afrique australe s’intensifient. L’océan Indien peut tenir un rôle de plateforme », parie-t-il. L’ancien ingénieur des Ponts et Chaussées p j de finir sa prévoit déjà carrière au sein d’Air Austral et de profiter de sa retraite à La Réunion. Il s’y sent si bien ! ● F.-X.F.

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© CHRISTOPHE PETIT TESSON/MAXPPP

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Marie-Joseph Malé En altitude…

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