Gabon Ali Bongo Ondimba, l’interview vérité
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • n° 2899 • du 31 juillet au 6 août 2016
jeuneafrique.com
AFRIQUE-JAPON
Nouvelle ère * Bienvenue le Japon
L’archipel change, le continent aussi. Plus de vingt ans après sa création, la Ticad, Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique, va se tenir pour la première fois sur le continent. À Nairobi, au Kenya, les 27 et 28 août.
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CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Tokyo se dévoile
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ÉCONOMIE Nouvelle frontière, nouveaux marchés ITINÉRAIRES Vies d’expats FORMATION De l’éducation à revendre
SURTITREOUV
Eraessisi Puto 220 signes euipsuscil eummolenis nit utpatummy nonulla feugait orerostrud minNonsed tat il utet nullaortio odolorperit alis nis alit il ullutat. Duisisl ex euis num irilit alisl dolUp tate dolut luptat nis ntrud tio dunt pratue
AFRIQUE-JAPON
Nouvelle ère Plus de vingt ans après sa création, la Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique, la Ticad, va se tenir pour la première fois sur le continent. À Nairobi, au Kenya, les 27 et 28 août.
MIÉ TANAKA POUR J.A.
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* Bienvenue le Japon JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude Samy Ghorbal
Persévérance
JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Tokyo se dévoile
p. 62
Ticad VI, demandez le programme !
p. 64
DIPLOMATIE Entretien avec Norio Maruyama, directeur du département Afrique du ministère des Affaires étrangères p. 68 ÉCONOMIE Nouvelle frontière, nouveaux marchés
p. 70
Interview de Hiroyuki Ishige, président de Jetro p. 71 DÉVELOPPEMENT Quand coopération rime avec concentration p. 72 Bras de fer sino-japonais p. 72 TRIBUNE Hiroshi Kato, viceprésident de la Jica
p. 75
ITINÉRAIRES Vies d’expats
p. 76
ANDU AMET
S
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il faut bien reconnaître une aux pays du continent), et pas entièrement qualité aux Japonais, c’est la dénué d’arrière-pensées diplomatiques persévérance. La Conférence (l’appui des États africains pourrait se de Tokyo pour le développerévéler décisif dans la quête du fameux ment de l’Afrique, plus connue sous le siège de membre permanent au Conseil nom de Ticad, a vu le jour en 1993. Le de sécurité de l’ONU). continent était alors dans le creux de la Les préoccupations économiques, vague. L’Europe de l’Est venait de briser ses chaînes et monopolisait toute l’attention jadis absentes, sont appelées à prendre de du « monde libre ». La France d’Édouard plus en plus d’importance. La réunion de Balladur s’apprêtait à dévaluer le franc Nairobi sera précédée par un forum d’afCFA. La Somalie s’enfonçait dans une faires. Le nombre de sociétés japonaises présentes en Afrique a doublé depuis la guerre sans fin. Les Chinois ne songeaient pas encore à se projeter hors de leurs précédente édition, passant de 333 à 687. Une tendance encourageante. Mais la frontières asiatiques à la recherche de marge de progression est immense. Cela matières premières et de débouchés pour leurs compagnies. C’est pourtant ce moment La coopération avec l’Afrique précis que l’archipel, qui afficompte désormais parmi les piliers chait alors une prospérité insolente et représentait la de l’action extérieure japonaise. deuxième puissance économique du monde, choisit pour s’engager tombe bien : l’Afrique, qui souhaite diversifier ses partenariats, est demandeuse. dans un partenariat atypique et fructueux avec l’Afrique. À l’époque, l’initiative était Les firmes nipponnes doivent se montrer presque passée inaperçue. Seuls cinq chefs plus ambitieuses, plus entreprenantes. La Ticad peut servir d’aiguillon. d’État africains avaient fait le déplacement à Tokyo. Le Japon, même s’il ne le dira pas ouvertement, veut pouvoir rivaliser avec la Chine Que de chemin parcouru depuis ! La sur le continent et souhaite mettre à profit Ticad, qui célébrera sa sixième édition le processus qu’il a engagé il y a vingt-trois les 27 et 28 août, devrait accueillir une ans. Mais le traumatisme de l’attaque d’In Amenas (Algérie, 2013) est passé par là : quarantaine de dirigeants du continent. plusieurs de ses expatriés ont été tués Devenue un rendez-vous diplomatique par les jihadistes du groupe de Mokhtar incontournable, elle sera organisée pour la première fois en dehors de l’archipel. Belmokhtar. L’approche nipponne englobe désormais une dimension militaire (à L’événement se déroulera à Nairobi. Ce Djibouti) et intègre l’impératif de la lutte qui est tout sauf un hasard, le Kenya étant, antiterroriste. avec l’Afrique du Sud et le Ghana, l’un des plus anciens et plus fidèles partenaires Un mal pour un bien ? Les tourments africains du pays du Soleil-Levant. La coopération avec l’Afrique compte du monde peuvent aider à transformer un maintenant parmi les piliers de l’action partenariat diplomatique mâtiné d’aide au extérieure japonaise. C’est un investissedéveloppement en une véritable relation stratégique. Parce que ses besoins seront ment à long terme, guidé par des considérations humanistes (le développement et immenses au cours des décennies à venir, l’Afrique a toutes les cartes en main pour la promotion de la sécurité), saupoudrées d’un brin de naïveté (la conviction que devenir la nouvelle frontière du commerce extérieur japonais. À condition d’y croire ! l’expérience japonaise peut être profitable
FORMATION De l’éducation à revendre p. 80
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Le Plus de Jeune Afrique
AFRIQUE-JAPON
Tokyo
L’archipel change. Le continent aussi. C’est le moment d’engager un partenariat plus visible et plus diversifié. Ce sera le thème central de la 6e Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique, à Nairobi, au Kenya, les 27 et 28 août.
se dévoile
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JEUNE AFRIQUE
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S
i les premiers contacts commerciaux entre l’archipel et le continent remontent au XVIe siècle, le Japon entretient depuis plus de cinquante ans une relation soutenue avec l’Afrique. En constante évolution, en fonction des préoccupations de Tokyo, elle s’est d’abord orientée vers une « diplomatie des ressources naturelles » – vitales pour un archipel qui, à de rares exceptions près, en est totalement dépourvu. À partir des années 1990, cette approche a été complétée par une « diplomatie de l’aide », qui a permis au Japon d’asseoir sa stature internationale et de tenter d’apparaître comme la puissance globale que son statut au sein du G7 lui autorise à revendiquer. Un jeu de séduction non dénué JEUNE AFRIQUE
TORU YAMANAKA/AFP
d’intérêt pour Tokyo, qui espère que les liens tissés au fil du temps avec l’Afrique inciteront les pays du continent à lui apporter un soutien sans faille dans sa quête pour l’obtention d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, à New York. C’est à cette époque que s’est engagé le processus de la Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (Ticad), dont la première édition a été organisée en 1993. La Ticad VI va se tenir les 27 et 28 août à Nairobi, au Kenya (lire encadré p. 64). C’est la première fois que la Conférence prendra place hors de l’archipel, comme un gage supplémentaire de Tokyo à ses partenaires africains pour leur permettre de mieux s’approprier cet événement (lire interview pp. 68-69), devenu après vingt-trois ans d’existence l’un des cadres les plus importants en matière de coopération et d’aide au développement. Un succès qui a donné des idées à d’autres pays asiatiques, également intéressés par les ressources naturelles du continent et par ses nouveaux marchés, comme la Chine, l’Inde, Taïwan ou encore Singapour, lesquels, depuis quelques années, organisent eux aussi de grands forums aussi diplomatiques qu’économiques. À tel point que, pendant un temps, le Japon a donné l’impression de s’être fait doubler en Afrique par ses voisins régionaux. Avant de remonter en tête de la course.
OLIVIER CASLIN, envoyé spécial
Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, à l’issue de la Ticad V, à Yokohama, le 3 juin 2013.
« TOURNANT HISTORIQUE ». Pour ce faire, le pays du Soleil-Levant s’évertue à diversifier sa présence sur le continent. Au volet purement diplomatique s’est ajouté un volet économique qui s’est étoffé au fil du temps et s’appuie toujours plus sur l’implication du secteur privé, rassuré semble-t-il par le rôle militaire que Tokyo cherche à jouer désormais sur le continent, en particulier dans la région orientale de la Corne de l’Afrique. Longtemps accusé de s’être abrité derrière sa Constitution, très restrictive en la matière, pour se contenter d’une « politique du carnet de chèques », le Japon semble désireux de renforcer son engagement à l’étranger et de s’affirmer sur la scène internationale, conformément aux vœux maintes fois formulés par Shinzo Abe. Le Premier ministre conservateur est arrivé à ses fins en septembre 2015 quand, après un long et houleux débat parlementaire, la Diète a voté à une large majorité la modification de l’article 9 de la Constitution, qui autorise l’envoi des Forces d’autodéfense (FAD, nom de l’armée japonaise) sur des théâtres d’opération extérieurs. Cette nouvelle loi permanente reste limitée puisqu’elle permet au Japon de ne fournir qu’un soutien logistique dans le cadre des opérations militaires autorisées par les Nations unies. Pourtant, ce « tournant historique » – ainsi que l’a qualifié le chef du gouvernement nippon – marque une rupture fondamentale avec la politique suivie N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
Le Plus de J.A. Afrique-Japon contexte sécuritaire mondial est de plus en plus préoccupant », s’est-il empressé de justifier une fois la révision constitutionnelle entérinée. INCONTOURNABLE. Bien que modeste, la présence
© NICOLAS RIGHETTI/LUNDI13
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par le pays depuis 1946, fondée sur un pacifisme sans faille et placée sous le parapluie américain. Ce changement est loin de laisser indifférent. S’il ravit son principal allié, les États-Unis, il ravive aussi les craintes chez ses voisins immédiats, tels que la Corée du Sud et, surtout, la Chine, encore traumatisées par le militarisme japonais qui avait précipité toute la région dans la Seconde Guerre mondiale. Malgré ces inquiétudes, Shinzo Abe a mis tout son poids dans la balance pour que la législation japonaise évolue et que le pays s’adapte à un environnement international toujours plus menaçant. « Cette loi est absolument nécessaire parce que le
Décollage d’un patrouilleur sur la base japonaise de Djibouti.
militaire japonaise en Afrique a pris du poids, en 2011, avec la création d’une base aéronavale à Djibouti – la première à l’étranger depuis 1945 – dans le cadre de la lutte internationale contre la piraterie au large du golfe d’Aden. Véritable vitrine militaire du Japon, cette base symbolise à elle seule l’obsession de Tokyo pour les questions du terrorisme et de la protection de ses ressortissants en Afrique, notamment depuis la prise d’otages de la raffinerie d’In Amenas, en Algérie, en janvier 2013, qui a coûté la vie à dix employés japonais. « Intervenir depuis le Japon est inconcevable. Djibouti nous permet de répondre à ce genre de défi de manière beaucoup plus efficace », explique la diplomatie nipponne. L’Aide publique au développement (APD) accordée par Tokyo à l’Afrique tient un rôle prépondérant dans cette logique sécuritaire (voir carte p. 68). Comme l’a encore rappelé Shinzo Abe lors de sa tournée africaine, en 2014, une large part du 1,4 milliard de dollars promis par le gouvernement japonais lors de la Ticad V, en 2013, est destinée au renforcement de la paix et de la stabilisation dans le Sahel, en Afrique centrale et au Soudan du Sud, où, depuis 2012, le Japon participe activement aux opérations de maintien de la paix sous mandat onusien. Il compte actuellement 400 soldats à Djouba, ainsi que plusieurs avions de transport de troupes. En combinant ces différents aspects – diplomatique, économique et, dorénavant, sécuritaire –, Tokyo veut clairement montrer aux Africains qu’il a fait de leur continent l’une de ses priorités géostratégiques. Ne serait-ce que pour s’imposer comme leur partenaire asiatique incontournable et damer le pion à la Chine.
DEMANDEZ LE PROGRAMME !
L’
année 2016 est à marquer d’une pierre blanche dans le long processus de coopération tissé depuis vingt-trois ans entre le Japon et l’Afrique. Pour la première fois, la Conférence internationale deTokyo pour le développement de l’Afrique (Ticad), sixième du nom, est organisée sur le continent. Ce grand rendezvous désormais triennal se tiendra les 27 et 28 août à Nairobi, au Kenya. Une N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
décision annoncée dès 2014 par le Premier ministre, Shinzo Abe, et qui va dans le sens du « principe d’appropriation de la Conférence par les Africains », cher aux Japonais. Hôte officiel de l’événement, le président kényan, Uhuru Kenyatta, devrait accueillir plus de 6 000 participants, venus d’Afrique et du Japon, ainsi que les représentants des
organisations internationales, des principaux pays bailleurs de fonds, de la société civile et du secteur privé international. Une quarantaine de chefs d’État africains sont attendus, et environ 150 entreprises japonaises se sont déjà inscrites pour participer au forum d’affaires, organisé le 26 août par l’Organisation japonaise pour le commerce extérieur (Jetro, lire p. 71). En plus de renforcer le
partenariat public-privé (PPP), pierre angulaire de la coopération japonaise en Afrique, laTicad VI sera l’occasion de reprendre les réflexions engagées lors de l’édition précédente (qui s’est tenue àYokohama en juin 2013) sur l’industria lisation du continent, l’amélioration de son appareil de santé ou encore la promotion de la stabilité sociale face à la pauvreté et O.C. aux extrémismes. JEUNE AFRIQUE
Le Plus de J.A. Afrique-Japon DIPLOMATIE
Norio Maruyama « L’archipel veut promouvoir ses propres solutions en matière de développement » En tant que « Monsieur Afrique » du ministère des Affaires étrangères, l’ambassadeur japonais assure le secrétariat général de la Ticad. Et revient sur les relations entre son pays et le continent.
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quelques semaines de la délocalisation de la Ticad VI au Kenya, les 27 et 28 août. 6e Conférence internationale de Tokyo sur le développeJEUNE AFRIQUE : Malgré ses vingt-trois ment de l’Afrique (Ticad VI), organisée pour la première fois hors de années d’existence, la Ticad reste mal connue des Africains. Pensez-vous lui l’archipel,l’ambassadeurNorioMaruyama revient sur les enjeux de ce rendez-vous, donner plus de visibilité en l’organisant dont il assure le secrétariat général en sur le continent ? tant que « Monsieur Afrique » de la NORIO MARUYAMA: Cette édition sera diplomatie nippone. Fonctionnaire au l’occasion de montrer à l’ensemble des populations africaines, ainsi qu’à nos sein du ministère des Affaires étrangères amis occidentaux, également invités à depuis vingt-trois ans, il n’a jamais été en poste en Afrique mais l’a toujours suivie y participer, en quoi consiste ce rende très près. dez-vous et quel est l’engagement des Après être passé, en 1984, par l’École Japonais sur le continent depuis plus de nationale d’administration (ENA) de Paris, Norio Maruyama a occupé diverses fonctions au sein de l’ambassade du Japon en France, avant de rentrer dans son pays, où, Égypte en 2001, il a officiellement 3,97 pris la tête du dépar(2014, 2015, 2016) tement Afrique de Mali l’Ouest du ministère 0,5 (2014) des Affaires étrangères. À l’issue de plusieurs missions Nigeria dans le Caucase, Bénin 0,5 0,5 en Asie et auprès (2014) (2013) de l’Union euroCameroun péenne, l’ambassa0,54 deur est revenu (2015) Togo Rwanda à Tokyo en juil0,6 0,54 (2013) Ghana let 2014 pour (2015) 3,2 prendre la direc(2014, 2016) tion générale des Affaires africaines. Au s s i f ra n c o Tanzanie phone que franco0,8 (2014) phile, Norio Maruyama Appui financier du Japon s’appuie sur son réseau aux centres de formation des opérations de maintien unique à travers l’Afrique de la paix depuis 2013 pour renforcer les liens (en millions de dollars) entre son archipel et le continent afriTotal : 16,28 millions de dollars cain. Il est d’ailleurs Afrique * Centre africain de formation pour la paix et la sécurité du Sud l’un des principaux (envoi d’experts) ** Centre de formation au maintien de la paix du promoteurs de la ministère de la Défense éthiopien SO
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deux décennies. L’idée d’organiser une rotation entre le Japon et l’Afrique pour l’accueil de la conférence, tous les trois ans, vient des Africains eux-mêmes, et nous nous sommes empressés de l’accepter pour, justement, leur permettre de mieux s’approprier l’événement. Plusieurs pays ont postulé pour recevoir la Ticad VI, et c’est le Kenya qui a été retenu. Quel devrait être le principal message du Japon pour cette prochaine conférence?
La Ticad V, qui s’est tenue en juin 2013 à Yokohama, a permis de définir un plan d’action très précis. Mais la situation a depuis beaucoup changé à travers le continent africain : il y a eu Ebola, qui a démontré les limites des services de santé ainsi que la fragilité de l’Afrique en matière sanitaire ; la menace terroriste s’est faite de plus en plus sérieuse ; enfin, la baisse des cours des matières premières a eu un impact considérable sur les économies africaines… Nous voulons donc lancer un message clair sur ces trois sujets brûlants pendant la Éthiopie Ticad VI. Le Japon veut promouvoir ses propres ACPST* FDREsolutions en matière 0,5 PSTC** (2013) de développement, en 0,35 renforçant son partenariatavecle continent, avant d’en confier les clés Kenya aux Africains 4,28 eux-mêmes. (2013, 2014, 2015, 2016) S’agira-t-il aussi de trouver des solutions pour répondre au déclin des cours des matières premières ?
La Ticad n’est pas l’Opep [Organisation des pays exportateurs de pétrole]. Et notre sujet principal porte sur le développement de l’Afrique, sur la manière dont nous JEUNE AFRIQUE
Nouvelle ère chinoises, capables de proposer des équipements et des prestations bien moins coûteux ?
OLIVIER CASLIN POUR J.A.
Je ne le pense pas. Nous devons juste nous concentrer sur les dossiers sur lesquels nous pouvons apporter une véritable valeur ajoutée. Durant cette Ticad, nous espérons pouvoir définir des plans de développement pour chaque projet important afin de savoir qui sera le mieux à même de le réaliser. Tout dépend aussi des pays receveurs de ces projets, qui, finalement, doivent sélectionner leurs partenaires en fonction des besoins identifiés. Le Japon s’appuie sur la qualité de ses prestations, qui ne sont pas uniquement fondées sur les coûts, mais aussi sur la formation, la maintenance des sites, les échanges de technologies et de connaissances. C’est ça l’approche japonaise en matière d’aide au développement.
pouvons intervenir pour soutenir le continent. La diversification et l’industrialisation sont bien sûr des solutions, mais ce ne sont pas les seules. Nous avons donc besoin de parler entre nous de tous ces sujets pour tenter d’en trouver d’autres. Et associer le secteur privé à ce débat est aujourd’hui primordial.
peu de francophones parmi les entrepreneurs japonais. Dans le sillage de TTC, nous observons cependant un changement de tendance, avec quelques implantations significatives en Afrique de l’Ouest, comme en Côte d’Ivoire, qui commence à jouer un rôle de plateforme régionale pour nos entreprises.
Que pensez-vous de la présence des entreprises japonaises en Afrique ?
Beaucoup de pays investissent en Afrique aujourd’hui, notamment dans les infrastructures. Ne craignez-vous pas d’avoir pris du retard dans ce domaine ?
Pour l’instant, nos compagnies se sont davantage intéressées à la partie orientale de l’Afrique. Mais en s’appuyant sur des partenariats forts, comme celui de Toyota Tsusho Corporation [TTC] avec CFAO [lire pp. 70-71], elles peuvent étendre leurs zones d’intérêt à l’ensemble du continent. Je leur fais confiance pour saisir les opportunités qui se présenteront. Nous devons être patients, mais je suis sûr que de plus en plus de compagnies japonaises vont s’intéresser au continent. Elles doivent avant cela trouver le meilleur moyen d’y aller. Et nous comptons bien les y aider. Pourquoi cet intérêt marqué pour l’est du continent ?
Parce que c’est la partie la plus proche de l’Asie et celle qui y est la mieux connectée. Mais aussi parce que nous comptons JEUNE AFRIQUE
Non. Le Japon a développé un partenariat très fort avec l’Afrique, qui, de son côté,
Comment avez-vous réagi à l’annonce de l’installation, en 2017, d’une base aéronavale chinoise à Djibouti, où le Japon a déjà positionné son propre contingent ?
Nous sommes à Djibouti pour lutter contre la piraterie et tenter de stabiliser la Somalie, et par là même toute cette région. Concernant l’arrivée des troupes chinoises dans le pays, nous verrons comment ils comptent utiliser cette base. Tout le monde a ses intérêts propres, à commencer par le pays hôte. La présence militaire du Japon en Afrique pourrait-elle évoluer, en particulier en ce qui concerne ses missions ?
Face à la menace terroriste, qui touche aujourd’hui de nombreux pays, le Japon se doit de tenir son rôle. En revoyant notamment les missions de nos forces d’autodéfense, qui, pour l’instant, ne peuvent pas utiliser leurs armes sur les
Qualité, échange de technologies et de savoirs, c’est ça notre approche. abesoindetouslespartenairesqu’ellepeut intéresser pour assurer son décollage. C’est d’ailleurs le but de la Ticad, qui dépasse de beaucoup la seule relation Afrique-Japon. Tout le monde fera le déplacement de Nairobi pour se rencontrer, discuter et voir ensemble ce que chacun peut apporter.
terrains extérieurs. À Djibouti, elles sont cantonnées à un rôle d’observateur, et au Soudan du Sud elles se concentrent sur les questions logistiques. Il faut maintenant voir comment nous pouvons contribuer à renforcer le dispositif sécuritaire. Ce sera l’un des points importants abordés à Nairobi.
Les entreprises japonaises peuventelles rivaliser avec leurs concurrentes
Propos recueillis à Tokyo par OLIVIER CASLIN N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
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Le Plus de J.A. Afrique-Japon
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Lire aussi l’interview de Richard Bielle : « CFAO et Toyota Tsusho Corporation sont très complémentaires »
ÉCONOMIE
Nouvelle frontière, nouveaux marchés Croissance presque nulle, recul des exportations, vieillissement de la population… Affaibli, le pays du Soleil-Levant mise sur le développement de son secteur privé en Afrique.
A
près l’Asie, c’est en Afrique que le Japon cherche quelques points de croissance supplémentaires. Avec un PIB sur le déclin depuis 2012, un taux de croissance nul en 2014 et de seulement 0,48 % en 2015, une consommation des ménages en pleine déprime et des exportations en net recul malgré un yen très affaibli, la troisième puissance économique du monde semble marquer le pas à mesure que les fameux « abenomics » atteignent leurs limites. Les trois piliers stratégiques (relance budgétaire, assouplissement monétaire et réformes structurelles) posés par le Premier ministre, Shinzo Abe, fin 2012 ont certes permis à l’archipel d’éviter le naufrage, mais ne sont pas parvenus à faire redécoller sa croissance. La faute, en partie, à l’effondrement démographique et au vieillissement de la population, alors que la consommation des ménages représente quelque 60 % du PIB. Le risque de déflation plane toujours sur le pays, handicapé par une dette publique abyssale (estimée à 245 % du PIB à la fin de 2015), contraignant le gouvernement à appliquer une thérapie de choc, illustrée par l’augmentation de la TVA locale, de 5 % à 8 %, en 2014. Une nouvelle hausse est d’ailleurs déjà annoncée pour le début de 2017, afin de tenter de ramener l’endettement du pays à un niveau plus soutenable. Au risque de limiter encore un peu plus le pouvoir
d’achat des Japonais. Fortement exposé aux chocs extérieurs en raison de sa très forte dépendance aux exportations, faute de disposer des matières premières dont il a besoin, le Japon subit de plein fouet le ralentissement des grandes économies émergentes – en particulier la Chine et le Brésil –, où les entreprises nippones ont massivement investi ces dernières années. Dans le même temps, le made in Japan ne fait plus recette aux États-Unis, premier partenaire commercial du pays et marché majeur pour les résultats du secteur privé nippon. DISCUSSIONS. Le Japon fonde donc
beaucoup d’espoirs sur l’accord de partenariat transpacifique signé en février 2016, qui devrait permettre de relancer les échanges commerciaux avec l’Amérique du Nord et l’Océanie. Ces derniers temps, Tokyo cherche d’ailleurs à multiplier les accords de libre-échange et, depuis 2013, a engagé des discussions avec l’Union européenne, dont la conclusion est attendue avant la fin de cette année. Le temps presse. Structurellement excédentaire, la balance commerciale du pays est en déficit depuis le tsunami et la catastrophe nucléaire de mars 2011, qui ont conduit à la fermeture de la centrale de Fukushima et fait exploser la facture énergétique de l’archipel. Après avoir culminé à plus de 8 % en 2014, le déficit budgétaire s’est largement résorbé, mais reste néanmoins
de 1,82 % en 2015, selon les statistiques de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro). À L’OFFENSIVE. Dans ce contexte, les pays africains apparaissent aujourd’hui comme autant de marchés potentiels pour le développement des entreprises japonaises. Et ce n’est certainement pas un hasard si, début 2014, Shinzo Abe s’est rendu en visite officielle en Afrique – une première depuis huit ans pour un chef de gouvernement japonais –, au moment même où le ministre chinois des Affaires étrangères y était lui aussi en tournée. Comme un symbole de la lutte que se livrent les deux puissances asiatiques sur le continent (lire encadré p. 72). « Au XXIe siècle, l’Afrique sera sans aucun doute au cœur du développement économique mondial. Si nous ne nous y engageons pas maintenant, quand le ferons-nous ? » se justifiait Shinzo Abe lors de son passage en Côte d’Ivoire. Comme pour répondre aux préoccupations du Premier ministre, le secteur privé semble lui aussi être passé à l’offensive en Afrique, dans le sillage de son fleuron Toyota, devenu ces dernières années le premier constructeur et distributeur de véhicules à travers le continent, et du géant Mitsui, qui investit tous azimuts dans les infrastructures et les matières premières au sud du Sahara. L’archipel compte sur le savoir-faire de ses entreprises, notamment en matière de
Des relations commerciales encore trop modestes Échanges Afrique-Japon en 2015 En milliards de dollars
Importations 11,55
Principaux partenaires sur le continent
En %, part de la valeur des échanges commerciaux avec le Japon par pays Afrique du Sud
37,96
SOURCE : JETRO
7,14
Liberia
Exportations 8,57
4,34
Nigeria
15,84
N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
Égypte
Algérie
5,84
Kenya
4,95
Maroc Tanzanie
2,59
2,54
Reste du continent
18,80
JEUNE AFRIQUE
Nouvelle ère Questions à Hiroyuki Ishige Évolution des échanges Japon-Afrique
Président de l’Organisation japonaise du commerce extérieur (Jetro, Japan External Trade Organization)
En % du montant total des importations et exportations du Japon
« Nos entreprises doivent être beaucoup plus présentes »
2,03 2,0
1,97 1,81
1,5
1,39 1,0
2011
2012
2013
2014
SOURCE : JETRO
1,81
2015
hautes technologies et de protection de l’environnement, pour faire la différence face à une concurrence internationale de plus en plus aiguisée sur les marchés africains. « Les promesses offertes par le continent semblent avoir raison des craintes liées au contexte sécuritaire, qui ont jusqu’à présent sérieusement freiné l’intérêt de nos entreprises pour l’Afrique », constate Katsumi Hirano, le vice-président de Jetro. Les sociétés japonaises n’ont jamais été aussi présentes en Afrique (lire ci-contre), en particulier en Afrique australe et en Afrique de l’Est, porte d’entrée traditionnelle des compagnies nippones sur le continent. Elles restent en revanche discrètes dans les pays francophones, avec seulement une centaine de sociétés, dont la moitié établie au Maroc. Avant peut-être que l’initiative prise par Toyota Tsusho Corporation (TTC), devenu actionnaire majoritaire de CFAO en 2012, donne des idées à d’autres compagnies japonaises. OLIVIER CASLIN
Échanges commerciaux du Japon avec le reste du monde en 2015 En %, répartition du montant des importations et exportations par région
MoyenOrient
Océanie
7,27
Europe et CEI
12,21
Amérique du Nord
14,48
Afrique
3,99
1,39
Asie
44,98 Amérique latine
15,68
JEUNE AFRIQUE
JEUNE AFRIQUE : Quelles sont les missions de Jetro ? HIROYUKI ISHIGE : En plus de nos 40 bureaux implantés au Japon, nous en avons ouvert 70 à l’étranger. Leur mission est de promouvoir les échanges et les investissements entre notre pays et le reste du monde en soutenant le développement de nos entreprises à l’étranger, notamment en Afrique, où nous en comptons aujourd’hui 7 [Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Égypte, Éthiopie, Kenya, Nigeria, Maroc]. DR
2,5
Quelle est votre stratégie à l’égard du continent africain ? ToyotaTsusho et CFAO (lire ci-contre) Nous essayons d’y faciliter les montre qu’il est possible de ne plus investissements japonais en cernant se cantonner aux secteurs des infrasles demandes propres à chaque pays, tructures, des matières premières ou puis d’y créer des opportunités de l’automobile. d’affaires en organisant des maniQuels sont les principaux problèmes festations professionnelles. Nous rencontrés par les sociétés japocollaborons également avec des pays tiers pour réduire les risques et naises en Afrique ? mieux connaître les marchés afriEssentiellement la gestion des risques politiques et sécuritaires. Mais cains, par exemple avec certains aussi la fiscalité, les transferts d’argent pays européens. Nous nous et les procédures douanières, ainsi appuyons par ailleurs sur notre que le manque d’infrastructures et propre expérience, avec l’objectif de résoudre en Afrique de ressources humaines. Nous travaillons beaucoup des problèmes que le avec les autorités locales Japon a connus. Enfin, pour améliorer l’environnous aidons nos entresociétés nippones prises à avoir une meilnement des affaires. étaient implantées leure connaissance de sur le continent à la Qu’attendez-vous de la l’Afrique. fin de 2015, contre Ticad VI ? Combien d’entreprises Que les partenariats japonaises travaillent en public-privé se déveen 2013 Afrique, et dans quels loppent. Jetro va donc organiser un forum pour secteurs ? Fin 2015, nous en comptions 687. présenter la centaine d’entreprises Ce chiffre est en hausse, mais il reste japonaises qui ont annoncé leur partrès faible comparé aux 50000 sociéticipation. Nous espérons que cette tés nippones implantées en Asie. présence massive ouvrira une nouNous sommes convaincus que les velle ère économique entre notre pays et le continent. Japonais doivent être plus présents Propos recueillis par O.C. en Afrique. L’alliance passée entre
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Quand coopération rime avec concentration La Jica coordonne l’ensemble des actions et des moyens déployés par l’archipel sur le continent. Tant sur le plan humain que sur le plan financier.
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éritière de l’ex-Agence de Financement des projets de la Jica coopération technique outreen Afrique en 2014 mer, l’Agence japonaise de coopération internationale Prêts d’APD* Coopération TOTAL (Jica) a repris en 2009 les activités de Dons technique l’ex-Fonds de coopération économique d’outre-mer et de la Banque japonaise pour la coopération internationale millions millions afin de devenir le bras opérationnel et de dollars millions milliard de dollars financier de l’aide au développement de dollars * Aide publique au de dollars développement nipponne. « La tutelle unique de la Jica permet une vraie cohérence de l’action japonaise sur le continent », observe 5 000 personnes en 2015), comme de un expert du développement depuis qu’acteur de la diplomatie japonaise, la l’accueil des étudiants (lire p. 80) et Abidjan. Jica reste néanmoins sous l’influence du des stagiaires africains sur l’archipel Disposant de 29 bureaux en Afrique, ministère nippon des Affaires étrangères, (environ 10 000 par an). Pour financer l’agence gère environ 300 projets dans qui nomme son président. Ses missions une quarantaine de pays du continent, ces différents volets de la coopération, la sont également suivies de très près par les essentiellement dans les secteurs de Jica dispose des 32 milliards de dollars fonctionnaires du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Ce l’eau, de l’énergie, de l’agriculture, de (environ 29 milliards d’euros) promis l’éducation et des infrasqui n’empêche pas la Jica de développer tructures de transport, sa propre philosophie (lire tribune p. 75), Ses missions sont suivies de près axée sur le développement des infraspour lesquelles la Jica est par le ministère de l’Économie, tructures et la formation des ressources devenue l’un des princidu Commerce et de l’Industrie. paux donateurs. Elle est humaines. À l’instar de ce que le Japon a fait en Asie dans les années 1980 et que aussi engagée dans l’aide au développement du secteur privé lors de la Ticad V par le gouvernement Tsutomu Kimura, le représentant de la Jica pour l’Afrique de l’Ouest, résume d’une africain, ainsi que dans la consolidajaponais pour la période 2013-2017, tion de la paix (voir carte p. 68) et de la dont un tiers est apporté par le secteur simple formule: « Nous ne souhaitons pas donner du poisson aux Africains. Nous bonne gouvernance. C’est elle égaleprivé nippon. préférons leur apprendre à pêcher. » Si elle revendique son indépendance ment qui est chargée de l’envoi d’experts OLIVIER CASLIN et de volontaires en Afrique (près de (officialisée par un cadre légal) en tant
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1,6
BRAS DE FER SINO-JAPONAIS
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epuis quelques années, la rivalité ancestrale entre le Japon et la Chine déborde de l’Asie pour s’exprimer en Afrique. Le continent est devenu le terrain d’une lutte d’influence diplomatique et économique exacerbée par les impérieux besoins en matières premières des deux grandes puissances asiatiques, qui ont chacune leur stratégie et leur style. Pékin est le leader en financement des infrastructures,Tokyo le principal contributeur N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
asiatique en matière d’aide publique au développement (APD, lire p. 75). « En Afrique, le Japon suit une approche calme et discrète, alors qu’un grand tapage médiatique accompagne généralement les investissements chinois », explique Andrew Jones, directeur de la division Afrique de Linklaters. Dans un rapport publié en mars, le cabinet international d’avocats d’affaires souligne que « le pays du Soleil-Levant investit près de trois fois plus que la
Chine, qui est souvent considérée à tort comme le principal contributeur des projets en Afrique », indiquant que les autorités et entreprises japonaises ont apporté 3,5 milliards de dollars (3,18 millions d’euros) sur les 4,2 milliards investis en 2015 par les pays asiatiques en Afrique dans la réhabilitation des routes, l’adduction d’eau, le déploiement de réseaux d’assainissement et la construction d’oléoducs et de gazoducs.
Le bras de fer sinojaponais est aussi militaire. Depuis 2011, le Japon a installé une base de 150 hommes à Djibouti, la seule à l’étranger depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. À quelques kilomètres de la future base aéronavale chinoise, première « perle » du collier dont Pékin souhaite parer la route maritime reliant l’empire du Milieu à la côte est-africaine, qui sera opérationnelle dès l’an prochain. O.C. JEUNE AFRIQUE
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JAPAN and the WORLD est une publication trimestrielle papier et numérique, disponible en anglais et en japonais, axée sur l’économie, les dirigeants politiques et culturels, les coopérations économiques bilatérales et projets d’investissements, les débouchés commerciaux et touristiques, ainsi que les courants sociaux au Japon et ses pays partenaires.
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TRIBUNE
Les fruits de l’arbre japonais
HIROSHI KATO Vice-président de l’Agence japonaise de coopération internationale (Japan International Cooperation Agency, Jica)
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epuis plus de soixante ans, la coopération japonaise a connu d’importants changements. Mais les activités de la Jica ont toujours suivi la même philosophie en matière de développement : quel que soit le pays concerné, l’objectif ultime doit être le décollage économique, lequel doit s’appuyer sur une croissance saine et soutenue des activités du secteur privé. Dans cette optique, l’aide publique au développement (APD) japonaise a toujours mis l’accent sur les ressources humaines et les infrastructures, qu’elle considère comme fondamentales.
La coopération japonaise a commencé dans les années 1950. Elle s’est d’abord concentrée sur l’Asie, avant de s’étendre vingt ans plus tard aux autres régions, dont l’Afrique. Au cours des années 1990, le Japon est devenu le principal pourvoyeur d’APD au monde. Et la part de cette aide qu’il consacrait à la construction d’infrastructures a longtemps été supérieure à la moyenne de celle des membres de l’OCDE. Cette forte orientation de l’APD japonaise visant le décollage économique de ses partenaires s’est longtemps démarquée de celle des autres pays membres de l’OCDE, qui, pour la plupart, assimilaient l’aide au développement à de la charité. L’utilisation massive de prêts concessionnels comme principal outil de financement était alors loin d’être une pratique partagée par les membres de l’OCDE, lesquels critiquaient Tokyo pour la faible proportion des dons dans ses programmes. Aujourd’hui, la plupart des observateurs s’accordent à reconnaître que le Japon a fortement contribué au développement de l’Asie (qui est devenue un moteur de l’économie mondiale), et, si un arbre est reconnaissable à son fruit, alors il est légitime de dire que l’APD japonaise est l’arbre qui a produit les fruits de la croissance asiatique. Il est par ailleurs intéressant de voir que de nombreux pays donateurs semblent désormais vouloir mettre l’accent sur l’investissement et la croissance. EnAfrique, le Japon s’est contenté de suivre l’approche qu’il avait adoptée ailleurs dans le monde et qui consiste à se concentrer sur le développement des ressources humaines et des infrastructures. De nombreux grands projets relatifs au développement des ressources JEUNE AFRIQUE
humaines ont été lancés dans les années 1980 (et se poursuivent aujourd’hui) au Ghana, au Kenya, au Sénégal, en Ouganda et en Zambie. Des infrastructures majeures ont été construites, comme l’aéroport de Mombasa au Kenya ou le pont de Matadi en RD Congo. Il est vrai qu’il a été difficile pour le Japon d’appliquer la même approche en Afrique qu’en Asie. Cependant, investir dans les ressources humaines et dans les infrastructures semble payant. Et il est encourageant de voir que ces projets jouent un rôle de plus en plus important dans le développement du continent. En outre, avec la robuste croissance économique qui s’y est amorcée ces dernières années, il semble que le temps soit venu pour que ce qui a fonctionné hier en Asie fonctionne aujourd’hui en Afrique. En tant que membre de l’OCDE, le Japon a intégré le club des donateurs « occidentaux », mais il a parfois appliqué ses propres recettes, hors des standards pratiqués par les autres membres, au point que son approche a été parfois qualifiée de singulière, voire d’énigmatique. Quoi qu’il en soit, les partenaires internationaux de l’aide au développement apparaissent aujourd’hui soudés autour de valeurs et d’objectifs communs, incluant, et c’est le plus important, le principe d’un développement économique porté par le secteur privé. Depuis son lancement, en 1993, le processus de laTicad a apporté une contribution majeure au développement de l’Afrique et s’est imposé comme l’un des principaux forums sur le sujet. La Ticad VI, qui se tiendra les 27 et 28 août, est la plus importante conférence sur le développement dans le monde en général, et sur celui de l’Afrique en particulier, à être organisée après quatre grands événements qui ont marqué et marqueront les années 2015 et 2016 : la troisième conférence de l’ONU sur la réduction des risques de catastrophes naturelles (mars 2015), l’adoption des Objectifs de développement durable (SDG, en septembre 2015), la COP21 de Paris (décembre 2015) et le sommet du G7 d’Ise-Shima (mai 2016). La Ticad VI sera l’occasion pour tous les acteurs de se rencontrer, de partager leurs connaissances et leurs expériences afin d’aider notre Afrique à accélérer sa marche pour atteindre les objectifs de développement durable et ceux de l’agenda 2063. N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
Le Plus de J.A. Afrique-Japon ITINÉRAIRES
Vies d’expats
Il est ivoirien. Elle nipponne. Il a construit sa carrière professionnelle au Japon, elle, en Éthiopie. L’un et l’autre enchaînent les allers-retours entre leur terre natale et leur pays d’accueil.
Alexis Nanou « Ici, tout est simple, comparé à l’Afrique »
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eizeansdéjàqu’ilmultiplielesallersretours entre sa Côte d’Ivoire natale et son Japon d’adoption. Quand, à l’âge de 20 ans, il arrive au pays du SoleilLevant, Alexis Nanou ne s’imagine pas que ce voyage sera bien plus qu’initiatique. Il débarque dans la capitale japonaise pour y poursuivre ses études grâce à une bourse accordée par l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica, lire p. 72) et, après cinq années passées sur les bancs de la prestigieuse Tokyo International University (TIU), il décroche un master en business et commerce. Il aurait alors pu retourner au pays, mais a préféré rester sur l’archipel. Dès l’obtention de son diplôme, il intègre l’équipe du site hikaku.com, spécialisé dans la comparaison de produits (comme son nom l’indique en japonais), pour lequel il travaille pendant un an et demi en tant qu’ingénieur système chef de projet. En 2008, avec des amis africains rencontrés dans les amphis de la TIU, il cofonde Ivonip – « une contraction d’“Ivoire” et de “nippon” », expliquet‑il –, une société d’import-export entre l’archipel et le continent. « Dans un seul sens, puisque nous importons du matériel informatique et audiovisuel d’occasion depuis le Japon vers Abidjan », précise le jeune patron, qui, avec ses partenaires, s’appuie sur cette base pour diversifier ses activités en développant des sites comparatifs, notamment dans les domaines de l’hôtellerie et de l’éducation.
Nanou cumule les miles et les heures de vol. Seul. « Ma femme et ma fille ont vécu un an avec moi à Tokyo, mais, comme elles ne pouvaient pas communiquer, c’était très difficile pour elles », explique le chef de famille. Lui, en revanche, après toutes ces années dans l’archipel, s’exprime parfaitement en japonais. Même le rythme de vie tokyoïte, qui l’oblige à passer trois heures par jour dans les transports en commun pour se rendre à son travail, ne le dérange pas. « Ici, tout semble tellement simple, comparé à l’Afrique », dit-il en riant. Il apprécie aussi chez les Japonais « leur sens de l’honnêteté, eux qui ne font jamais dans l’à-peu-près ». De là à se sentir chez lui à Tokyo, il n’y a qu’un pas… qu’Alexis Nanou refuse
de franchir. Au contraire, sa priorité aujourd’hui est d’inciter DMM.com à ouvrir un bureau dans la capitale économique ivoirienne. Après avoir mis les activités d’Ivonip en veilleuse, il cherche des locaux pour son employeur à Abidjan, dans le quartier du Plateau. Ce qui lui permet de rencontrer la communauté nipponne sur place et de donner à l’occasion un coup de main apprécié aux entreprises japonaises qui souhaitent s’implanter dans la sous-région. Après tout, fort de son statut de résident permanent au Japon, il se sent un peu comme un compatriote. Fana de gastronomie japonaise, il a même pris l’habitude de manger avec des baguettes, qui ne le quittent jamais, « même pour la OLIVIER CASLIN salade ».
HONNÊTETÉ. Alexis Nanou se rend régu-
lièrement en Côte d’Ivoire pour trouver de nouveaux marchés. Au début, ses séjours ne durent que quelques semaines. Puis, en 2011, il décide de s’y installer. Il n’y reste pourtant que quelques mois, jusqu’à ce que la crise qui secoue son pays le pousse à repartir en sens inverse. De retour au Japon, il retombe rapidement sur ses pieds et devient développeur de marchés pour un autre site comparatif, DMM.com, qui, très vite, l’envoie à la pêche aux opportunités d’affaires… à Abidjan. Aujourd’hui, à 37 ans, Alexis N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
OLIVIER POUR JA
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Le cadre ivoirien lors d’un séjour à Abidjan, en juillet. JEUNE AFRIQUE
Nouvelle ère
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Hiroko Samejima Plus d’un tour dans son sac
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ANDU AMET
ien décidée à se faire un nom dans le milieu de la mode, Hiroko Samejima s’est installée en Éthiopie pour fabriquer des articles de cuir qu’elle vend à prix d’or au Japon. La designer japonaise, 43 ans, a fondé son entreprise et sa marque – Andu amet (« un an », en amharique) – en 2012, dix ans après avoir mis les pieds pour la première fois à Addis-Abeba. Et, depuis, ses créations font fureur dans les grands magasins et les boutiques de luxe de Tokyo. C’est un peu par hasard que la jeune femme s’est retrouvée dans la Corne de l’Afrique. Après une expérience mitigée en tant que designer produits dans une entreprise japonaise de cosmétiques, elle décide de partir dans le cadre du programme des Volontaires japonais pour la coopération à l’étranger (JOCV, Japan Overseas Cooperation Volunteers), qui l’envoie à Addis-Abeba. Passé le choc de la découverte de la pauvreté, un monde tout neuf s’ouvre à elle, où elle exerce son métier de créatrice et aide les artisans locaux à améliorer leur production, jusqu’à ce défilé de mode qu’elle organise en 2003 dans la capitale éthiopienne. Une véritable révélation. C’est décidé, elle va créer sa propre marque. Le temps d’un court passage au Ghana pour la préparation d’un salon, qui la conforte dans son choix et dans sa passion pour l’Afrique, et elle repart pour le Japon en 2005. FICELLES. « Je savais ce que je voulais
faire, mais pas comment y parvenir. Je n’avais aucune des notions commerciales ou financières nécessaires pour monter une entreprise », avoue aujourd’hui Hiroko Samejima. Elle pousse alors les portes du service marketing de Chanel à Tokyo, où, patiemment, elle apprend les ficelles du métier pendant cinq ans. Avant de reprendre l’avion en direction de l’Éthiopie. Elle connaît la qualité des cuirs produits localement et, sûre de son coup de crayon, est persuadée de pouvoir séduire le marché japonais. Le temps de trouver et de former les tanneurs qui assoupliront les peaux (d’agneau et de mouton) selon les standards et la finesse qu’elle souhaite obtenir, elle se lance dans la conception et la confection de sacs à main. Ses premières créations JEUNE AFRIQUE
« Tout le monde a été séduit par la qualité des cuirs de mes articles. »
sous le bras, elle rentre à Tokyo démarcher les grandes enseignes, et ses sacs ne tardent pas à se retrouver en bonne place dans les rayons. « Tout le monde a été surpris par la qualité des cuirs que je proposais », se souvient-elle. Depuis, elle enchaîne les allers-retours entre son archipel natal et le continent. En Éthiopie, avec ses quinze employés, elle diversifie sa production et ajoute à ses collections des vestes et des chaussures. Au Japon, elle cherche de nouveaux points de vente, toujours exclusivement dans le haut de gamme. Pas question du moindre compromis en matière de qualité. Et si elle refuse de communiquer tout chiffre d’affaires, il
semble que, même à plus de 1 000 euros le sac à main, sa petite entreprise ne connaisse pas la crise. Au point qu’elle cherche actuellement de nouveaux marchés, surtout du côté de l’Europe. Maintenant que tout est en place en Éthiopie, Hiroko Samejima espère pouvoir à nouveau passer un peu plus d’un mois par an au Japon. Parfaitement bilingue (« Je parle mieux l’amharique que l’anglais ! »), elle voudrait aussi que ses compatriotes dépassent leurs préjugés pour s’intéresser plus profondément à un continent qu’elle adore. Elle compte d’ailleurs bien se rendre à Nairobi fin août, pour la Ticad VI, afin de les en convaincre. O.C. N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
Le Plus de J.A. Afrique-Japon
APU
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Sur le campus de la Ritsumeikan Asia Pacific University (APU). FORMATION
De l’éducation à revendre Accueil d’étudiants dans les universités et au sein des entreprises, stages professionnels… L’un des axes majeurs de la coopération japonaise est de faire s’épanouir les talents.
D
epuis qu’il s’est engagé sur la voie de l’aide au développement en Afrique, il y a trente ans, le Japon a fait du secteur de l’éducation et de la formation des ressources humaines l’un de ses principaux vecteurs de coopération avec le continent. Au point d’être aujourd’hui, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’un des plus importants contributeurs internationaux en la matière, avec la France. Lors de la Ticad IV de Yokohama, en 2008, le pays avait pris l’engagement de construire 1 000 écoles et de former plusieurs dizaines de milliers d’enseignants à travers le continent : un objectif atteint dès 2012. L’année suivante, lors de la Ticad V, à Yokohama, l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica) a lancé l’initiative African Business Education (ABE), qui vise à permettre à des étudiants africains de poursuivre des cursus de master dans les universités japonaises, puis d’effectuer des stages au sein d’entreprises nipponnes. Aujourd’hui, 79 universités de l’archipel sont agréées, qui offrent plus de 130 formations. Le cursus doit compter un minimum de trois années d’études, N 0 2899 • DU 31 JUILLET AU 6 AOÛT 2016
pour lesquelles tous les frais de scolarité, d’hébergement et de voyage sont pris en charge par le gouvernement japonais, qui alloue en outre une bourse mensuelle à chaque étudiant. Sur les 1 000 places disponibles entre 2014 et 2017, 503 avaient déjà été attribuées à la fin de 2015.
L’Asian Pacific University (APU), située près de la cité thermale de Beppu, au nord de l’île de Kyushu, fait figure de précurseur en matière d’accueil d’étudiants venus des quatre coins du monde. « Nous en recevons depuis 2000 », précise Yuichi Kondo, le doyen de l’université. Et ils représentent près de la moitié des 6 000 étudiants de l’APU. Le vaste campus, confortablement installé sur les hauteurs de la ville, au milieu des cerisiers, accueille actuellement 16 boursiers africains (lire encadré p. 82), qui ont de sérieuses chances de trouver un emploi sur place une fois leur cursus terminé. « Plus de 450 entreprises japonaises viennent chaque année recruter parmi nos étudiants étrangers », confirme Yuichi Kondo, qui voit dans ces élèves venus d’ailleurs « une occasion pour le Japon d’évoluer pour s’adapter à la mondialisation ». En passant des accords de partenariat avec des universités au Kenya, au Maroc ou au Botswana, l’APU joue à fond la carte de la diversité africaine. En dehors du cadre universitaire, depuis la mi-2013, l’initiative ABE a également permis à plus de 26 000 jeunes Africains en activité de venir sur l’archipel suivre des formations professionnelles pendant quelques semaines, pour qu’ils importent les bonnes pratiques japonaises dans leurs pays. Un bon moyen aussi, pour le pays du Soleil-Levant, de tisser un réseau privilégié au sein des industries émergentes et des services publics à travers le continent. OLIVIER CASLIN
DOCTEUR-SAN
L
a première fois qu’il a entendu parler de Nagasaki, c’était « sur les bancs de l’école, à Bamako, lors d’une leçon d’histoire sur la bombe atomique ».Younoussou Koné était alors loin de se douter qu’il y étudierait un jour. C’est chose faite depuis que le médecin malien de 38 ans, spécialiste de la malaria, a obtenu une bourse afin de poursuivre ses études au Malaria Research andTraining Center (MRTC) de la ville. Arrivé en septembre 2015 à Nagasaki, il finit son
master en médecine tropicale avant de commencer son doctorat (PhD) en immunologie, qui va lui permettre de réaliser son rêve : intégrer l’équipe de recherche hospitalo-universitaire du MRTC. Quatre années à passer au Japon sans sa femme ni ses trois enfants, restés au pays. « C’est le plus difficile dans cette expérience, avoue docteur-san [“monsieur”, en japonais]. Avec la pratique de l’anglais obligatoire, puisque tous les cours sont dans cette langue. »
Vue du Japon, l’Afrique paraît bien loin et se montre parfois inquiétante. « En écoutant les médias, lors de l’attaque terroriste de novembre 2015, j’avais l’impression que Bamako était à feu à sang », se souvientYounoussou Koné, qui se réchauffe l’âme au contact des autres boursiers africains. « C’est très enrichissant de pouvoir comparer la situation dans les autres pays », apprécie le Malien, qui se dit « encore en phase de O.C. découverte ». JEUNE AFRIQUE
JICA pour une Afrique dynamique
JICA* (Japan International Cooperation Agency), l’Agence japonaise de coopération internationale, appuie le développement durable de l’Afrique depuis plusieurs décennies. À l’horizon de la TICAD VI, la 6e conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, qui se tient en août 2016 à Nairobi, JICA est déterminée, en partenariat avec les Africains, à relever les challenges de l’Afrique afin de promouvoir la “Transformation” et la “Résilience” vers l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) et de l’Agenda 2063.
Photo : JICA Photo : JICA/Shinichi Kuno
Photo : JICA
Photo : JICA/Shinichi Kuno
Photo : JICA/Masataka Otsuka
Photo : JICA/ Yuji Shinoda
Photo : JICA Photo : JICA
*JICA est l’agence d’exécution de l’APD (Aide publique au développement) japonaise à travers les dons, les prêts et la coopération technique.
Japan International Cooperation Agency
Le Plus de J.A. Afrique-Japon
Sans famille, mais pleins d’avenir L’association Ashinaga finance la scolarité d’orphelins. En 2012, elle a lancé un projet pour les élèves africains.
À
81 ans, Yoshiomi Tamai a des sanglots dans la voix lorsqu’il évoque l’événement qui a bouleversé sa vie il y a près de cinquante-quatre ans : le décès de sa mère dans un accident de la route, en décembre 1963. Il avait alors 28 ans. Journaliste économique passé par l’Asahi Shimbun, l’un des plus grands quotidiens japonais, puis par la NHK, le principal groupe audiovisuel public du pays, Yoshiomi Tamai a su profiter de sa position médiatique pour faire de la prévention routière l’une des grandes causes nationales du Japon. Et alors que l’État légifère enfin sur la question, lui décide d’aider les orphelins de la route à poursuivre leurs études : en 1967, il fonde l’Association for Traffic Orphans, qui, au début des années 1990, étendra ses bons offices aux enfants ayant perdu leurs parents à la suite de catastrophes naturelles ou de maladies, et prendra le nom d’Ashinaga. Tamai organise lui-même des collectes auprès de la population, et, dès la première année, 3 000 enfants bénéficient de bourses de 5 000 yens (42,65 euros). L’ancien journaliste estime avoir financé la scolarité de plus de 95 000 collégiens, essentiellement japonais. Mais pas seulement. Depuis 2002, Ashinaga est en effet sortie des frontières de l’archipel, notamment pour s’intéresser aux orphelins africains, en particulier les orphelins du sida. L’association travaille d’abord en Ouganda, où elle construit des écoles primaires, un
PETER BUSOMOKE/AFP
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Le couple princier Akishino en visite dans une école financée par Ashinaga, dans le village de Nansana, en Ouganda.
complexe résidentiel (Ashinaga Africa Kokoro Juku) pour accueillir des élèves, et permet à quelques jeunes de venir étudier au Japon. Une quarantaine d’étudiants ougandais ont ainsi obtenu des bourses, qui,depuistroisans,bénéficientaussiàdes
à plus de 60 jeunes Subsahariens d’aller étudier en Europe ou aux États-Unis pour la plupart et au Japon pour quelquesuns. À l’avenir, Yoshiomi Tamai espère diversifier les donateurs. « Je travaille avec les universités américaines et je cherche à mettre le secteur privé à contribution, notamLe programme « Afrique: vision sur 100 ans » a pour but de former ment en Europe », explique le fondateur d’Ashinaga, dont les futures élites du continent. l’envergure est désormais mondiale, comme l’illustre son Comité des sages. Ses 75 membres jeunes d’Afrique de l’Ouest, notamment sont d’anciens responsables politiques du Sénégal, où Ashinaga s’est implantée ou de grandes entreprises, des artistes et en 2015. Décidé à contribuer au développedes sportifs internationalement reconnus, ment de l’Afrique, Yoshiomi Tamai a lancé originaires de 28 pays. La structure est plaen 2012 le projet « Afrique : vision sur cée sous la présidence du français Louis 100 ans », qui vise à former les futures Schweitzer, l’ancien patron du groupe élites du continent, une priorité pour automobile Renault. Comme un clin d’œil à la mère de Yoshiomi Tamai. l’organisation. Au cours de ses trois preOLIVIER CASLIN mières années, le programme a permis
GEEKS AUX ANGES
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assin Ennajih et Mohamed Hannioui ont une chance inouïe d’étudier au Japon. Et ils le savent. Âgés de 23 ans et 24 ans, les deux geeks marocains sont comme des poissons dans l’eau au milieu de tout le matériel informatique high-tech que l’Asian Pacific University (APU), située sur l’île de Kyushu (à plus de
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1 000 km au sud-ouest de Tokyo), met à leur disposition. Anciens étudiants à l’École Mohammadia d’ingénieurs (EMI) de Rabat, ils se connaissaient avant d’atterrir au Japon, en septembre 2015, grâce à l’initiative de l’un de leurs professeurs. « Fin 2014, il a contacté le consulat du Japon pour que nous
puissions bénéficier d’une bourse. Quelques mois plus tard, après avoir réussi une batterie de tests, nous tentions de convaincre nos parents respectifs de nous laisser partir », souritYassin. Heureusement, grâce à Skype, chaque semaine ils rassurent leurs mères. Et pas question de rentrer au pays avant la fin de leurs trois
années de cursus. Avec une bourse mensuelle de 144 000 yens (environ 1 230 euros), logés et nourris sur le campus, ils disposent « de conditions d’études sans commune mesure avec celles du Maroc », souligne Mohamed, qui envisage déjà de tenter de décrocher son premier job sur l’archipel dès O.C. qu’il sera diplômé. JEUNE AFRIQUE