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Enquête sur les Casques bleus de Sa Majesté

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • n° 2901-2902 • du 14 au 27 août 2016

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L’Afrique expliquée Atlas de l’Afrique

LE CONTINENT AFRICAIN

Santé

➔ En Afrique subsaharienne, l’espérance de vie à la naissance est de 56 ans, la mortalité infantile de 73 ‰ en 2013. ➔ Dans 4 États d’Afrique, la mortalité infantile est supérieure à 100 ‰. ➔ En 2012, sur 35,3 millions de personnes infectées dans le monde par le VIH, 25 millions sont en Afrique subsaharienne soit 71%. ➔ Les alliances mondiales apportent de nouveaux moyens de lutte

E

n un demi-siècle, la majorité des pays en développement a connu un recul des maladies infectieuses à un rythme inédit. Les États de l’Afrique du Nord s’inscrivent dans ce processus. Ils font partie du groupe des pays à très faible mortalité. Mais, avec le vieillissement de leurs populations, ils devront faire face aux maladies circulatoires et aux cancers. L’Afrique subsaharienne, malgré des progrès, s’est isolée des dynamiques observées et forme un ensemble marqué par les maladies infectieuses, parasitaires et les carences. Près d’un tiers de la population, principalement les femmes et les enfants, continue à souffrir de malnutrition. Pour 13 % de la population mondiale, cet espace supporte plus de la moitié de la morbidité infectieuse et parasitaire du monde tropical. Des maladies, répondant pour nombre d’entre elles à des traitements efficaces et à des vaccins, trouvent dans les environnements physiques et (ou) humains des conditions favorables. Le paludisme demeure la première grande endémie parasitaire ; on y enregistre 90 % des cas mortels du monde, affectant surtout les jeunes enfants, cibles aussi des diarrhées et des pneumopathies. L’hépatite virale B – porteuse d’un développement potentiel de cancer du foie – persiste comme les bilharzioses, et localement la rougeole et la poliomyélite. La trypanosomiase humaine africaine, la fièvre jaune sont

Laboratoire de biologie, Franceville, Gabon.

R.Van der Meeren/Les Éditions du Jaguar

➔ En Afrique du Nord l’espérance de vie à la naissance est de 70 ans, le taux de mortalité infantile est de 31 ‰ en 2013.

B. & C. Desjeux/Les Éditions du Jaguar

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Hôpital de Bata, Guinée équatoriale

recrudescentes alors que les moyens de lutte avaient permis leur contrôle dans les années 1960, ainsi que la tuberculose en lien avec le déficit immunitaire créé par le virus VIH/sida. Les aménagements hydro-agricoles et l’absence d’hygiène fécale favorisent l’expansion de la bilharziose intestinale. Des maladies nouvelles ont émergé : foyers de fièvres hémorragiques dues à des virus comme la fièvre Ebola, et le VIH/sida. L’épidémie de fièvre hémorragique liée au virus Ebola affiche un taux de létalité pouvant atteindre 90 %. Les épidémies affectent plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’ouest à partir de 1976 (République Démocratique du Congo, Soudan), puis en 1979-2003-2008 et dernièrement 2014 faisant des milliers de morts. En 2012, sur 35,3 millions de personnes vivant dans le monde avec le VIH/ sida, 25 millions sont en Afrique subsaharienne (71% du total mondial). En Afrique du Nord le nombre de personnes infectées par le VIH/sida a augmenté de plus de 50 % et les décès ont plus que doublé entre 2001-2012. Par contre en Afrique subsaharienne le nombre des personnes infectées a baissé de plus de 40 % et les décès ont diminué de 22 %. Néanmoins, le nombre de personnes infectées reste supérieur au nombre de décès en Afrique. À l’exception des bonnes nouvelles liées au recul de quelques endémies, l’onchocercose, la dracunculose, la poliomyélite, la rougeole et la lèpre — rôle des vaccinations pour la poliomyélite et la rougeole –, les décennies 1970 et 1980 furent funestes et interrompirent une évolution que l’on imaginait, quelques années auparavant, ne devoir être que favorable. Les préalables à la santé sont la paix, un abri, de la nourriture et un revenu. Les maux dont souffrent les populations révèlent donc les conditions socio-économiques et l’efficience des politiques sociales et de santé publique conduites par les États. La persistance de grands fléaux et le VIH/sida ont conduit à une mobilisation mondiale associant grands organismes internationaux, États industrialisés, fonds privés dont des fondations (Gates, Clinton…). En 2000, pour améliorer la couverture vaccinale des PMA (Pays les moins avancés), est fondée l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Grâce à elle, le taux d’immunisation, qui ne cessait de reculer dans les années 1990, remonte. En 2007, l’Alliance a lancé deux nouveaux programmes : une campagne de vaccination anti-pneumocoques et la relance de la lutte contre la fièvre jaune. En juin 2001, les Nations unies décidèrent la création du Fonds mondial de la santé. Ce fonds de lutte contre les trois grandes endémies,VIH/sida, paludisme, tuberculose est, pour l’essentiel, destiné à l’Afrique subsaharienne. Il contribue à l’accès aux traitements des personnes séropositives. Créé en 2003, le DNDi (Drugs for Neglected Diseases Initiative) vise à développer denouveaux médicaments contredes maladiestropicales délaissées par larecherche pharmaceutique et des moyens pour les rendre disponibles. La trypanosomiase humaine africaine, à laquelle 55 millions de personnes sont exposées, est prioritaire.

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LE CONTINENT 1. L E CO CONT NTIN INEN IN ENT T AFRICAIN AFRI AF RICA CAIN IN Atlas de l’Afrique

LES GRANDES RÉGIONS D’AFRIQUE

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PAR 2. L’AFRIQUE L’A ’AFR FRIQ IQUE UE P AR GRANDES RÉGIONS Atlas de l’Afrique

LES PAYS D’AFRIQUE

Côte d’Ivoire

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Indépendante depuis le 7 août 1960, la République de Côte d’Ivoire a d’abord connu une longue période de stabilité politique, reposant sur un parti unique – le PDCI de Félix Houphouët-Boigny – et sur une adhésion précoce à l’économie de marché. Cela permit au pays de connaître un développement économique sensiblement plus rapide que ses voisins d’Afrique de l’Ouest. Après le coup d’État militaire de 1999 et les tensions politiques qui débouchèrent sur le conflit de 2002 et la partition du pays, celui-ci a été plongé dans une crise sociopolitique profonde. Les conséquences sur l’économie ont été plus ou moins atténuées par les richesses naturelles dont dispose le pays. La normalisation politique a permis la reprise économique stimulée par une politique de relance des grands travaux. Le pays demeure leader sur le marché du cacao et l’agriculture continue d’afficher de bons résultats. D’autre part, le pétrole et le gaz sont apparus, depuis les années 1990, comme des ressources de première importance. GÉOGRAPHIE Superficie : 322 461 km2. Relief : le pays s’ouvre largement sur la mer avec une plaine littorale limitée par une côte à lagunes au centre et à l’est, rocheuse et découpée à l’ouest ; à l’intérieur, plateaux s’élevant à 300-600 m, accidentés de buttes dans la moitié orientale ; reliefs plus élevés dans la partie occidentale (point culminant

La lagune d’Assinie. R.Van Der Meeren/ Les Éditions du Jaguar

➔ Superficie : 322 461 km2 ➔ Capitale : Yamoussoukro ➔ Date d’indépendance : 7 août 1960 ➔ Population : 22,8 millions d’hab. ➔ Indice de fécondité : 5 ➔ Espérance de vie : 50 ans ➔ Taux de croissance démographique : 2% ➔ RNB par habitant (PPA) : 2 900 $ ➔ RNB : 28 milliards de $ ➔ IDH : 0,452 ; rang : 171/187 ➔ Langue officielle : français ➔ Monnaie : franc CFA

R.Van Der Meeren/ Les Éditions du Jaguar

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Abidjan, le quartier d’afaires du Plateau.

atteignant 1 752 m dans le massif du mont Nimba à la frontière guinéo-ivoirienne). Le pays bénéficie d’une zonation climatique qui offre une palette allant des forêts humides méridionales à deux saisons des pluies jusqu’aux savanes septentrionales à longue saison sèche unique. Et même s’ils ne sont guère navigables, les fleuves Cavally, Sassandra, Marahoué, Bandama et Comoé constituent des corridors hydrographiques fort utiles, ne serait-ce qu’en rendant possibles les retenues d’eau de Buyo, Kossou et Taabo. POPULATION 22,8 millions d’habitants (2014), dont environ un quart d’étrangers. Densité : 66 h/km2. Villes principales : Abidjan (capitale économique), environ 5 millions d’hab. ; agglomération, 10,8 millions d’hab. ; Yamoussoukro (capitale politique), 259 373 hab. ; Bouaké, 1,3milliond’hab. ; Daloa,261 789hab. ; San Pedro, 227700 hab. ;Korhogo, 225 547 hab. ; Man, 172 867 hab. ; Divo, 167 000 hab. ; Gagnoa, 153 935 hab. ; la population urbaine (52 % en 2012) croît rapidement. Langues principales : français (off.), baoulé, agni, dioula, sénoufo, bété. ÉCONOMIE Monnaie : franc CFA (XOF) ; 100 F CFA = 0,15 euro = 0,20 dollar. Budget (2012) : recettes, 5 002 millions de $, dépenses, 6 062 millions de $ ; dette extérieure (2012) : 41,7 % du RNB ; exportations (2012) : 12,6 milliards de $ ; importations : 10,8 milliards de $. À la suite de la crise socio-politique, les taux de la croissance économique évoluent

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Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude

François-Xavier Freland

Le défi de la jeunesse

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n simple bâton à la main, ils étaient Afrique de l’Ouest (Mujao). Aujourd’hui, alorsqu’ilsontrecouvrélaliberté,cesmêmes venus signifier leur mécontentement face à l’accord de paix, certes jeunes veulent pouvoir en jouir. primordial, mais qui tarde trop à porter ses fruits dans le nord du Mali. Cette Le grand intellectuel Amadou Hampâté colère spontanée des jeunes de Gao, désabuBâ, natif de Bandiagara, avait vu juste sés, endeuillés par le décès de trois des leurs lorsqu’il écrivait, en 1985, dans sa lettre à lors d’affrontements avec les forces de l’ordre la jeunesse : « Jeunes gens, derniers-nés du XXe siècle, vous vivez à une époque à la fois le 13 juillet, n’est que la manifestation d’un malaise plus profond qui ne date pas d’hier. effrayante par les menaces qu’elle fait peser Qu’ils soient de Bamako, de Kidal, de Ségou, sur l’humanité et passionnante par les posde Mopti ou de Tombouctou, leurs attentes sibilités qu’elle ouvre dans le domaine des sont en réalité les mêmes depuis bien longtemps: trouver un travail, Près de 54 % des Maliens s’insérer dans la société, vivre digneont moins de 18 ans. Il faut tenir ment. Et comme aujourd’hui près de 54 % de la population malienne compte de leurs inquiétudes. a moins de 18 ans, les autorités ne peuvent que redoubler d’attention à l’égard connaissances et de la communication entre des inquiétudes et revendications de ces les hommes. La génération du XXIe siècle jeunes qui, demain, décideront du sort du connaîtra une fantastique rencontre de pays. races et d’idées. Selon la façon dont elle Face au danger de radicalisation, le préassimilera ce phénomène, elle assurera sa sident, Ibrahim Boubacar Keïta, semble survie ou provoquera sa destruction par avoir compris le message. Dès le 14 juillet, des conflits meurtriers. » dans un bref message à la nation, il déclarait En 2016, la jeunesse malienne veut qu’on l’écoute et lui fasse confiance. Face aux diffis’incliner « devant la mémoire des jeunes gens fauchés dans la fleur de l’âge », lançant cultés de la vie, au défi sécuritaire, elle trouve en conclusion : « La jeunesse résiliente de souvent des solutions. Le système D, l’enGao doit savoir que je ne l’oublierai jamais! » traidefontencoredesmiracles.Auxbanques, aux chefs d’entreprise d’accompagner ou de canaliser cette énergie-là pour le plus grand Il n’aura échappé à personne que cet épisode s’est déroulé dans la première ville bénéficed’unpaysquiregorgederichesseset d’idées! Ces jeunes ne sont pas plus violents libérée par les Famas et l’armée française queceuxdesgénérationsprécédentes.Qu’on lors de l’opération Serval en janvier 2013. les retrouve au « grin » à refaire le monde Dans cette cité des Askias, carrefour entre ou entassés dans les stades pour acclamer le Nord et le Sud, où la jeunesse a toujours leurs dieux du rap, les arrière-petits-enfants su faire entendre sa voix et imposer ses de Modibo Keïta veulent avant tout vivre et conditions. En avril 2012, ces mêmes jeunes s’étaient s’amuser. De « l’enjaillement à l’état pur », rassemblés dans les rues de la cité, derrière comme au lendemain des indépendances, la banderole « Nous pas bouger », en scanlorsqu’on célébrait la liberté et l’ébauche d’une nation nouvelle. dant l’hymne national, pour dénoncer la Si les temps ont changé, si ces jeunes prise de la ville par le Mouvement national Maliens, plus individualistes et plus matériapour la libération de l’Azawad (MNLA), qui voulait couper le pays en deux. En août 2012, listes,rêventderoulerdansdebellesvoitures, ce qu’ils désirent avant tout c’est de pouvoir ces mêmes jeunes avaient envahi la place centrale de Gao (rebaptisée place de la le faire ici, au Mali, sans être obligés d’aller risquer leur vie sur des bateaux de fortune. Charia) pour s’opposer à l’amputation du bras d’un jeune voleur par les combattants Et une chose est sûre: la reconstruction du pays se fera avec eux ou elle ne se fera pas. du Mouvement pour l’unicité et le jihad en JEUNE AFRIQUE

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PANORAMA IBK peut-il encore faire la paix ? POLITIQUE Tentation populiste

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SÉCURITÉ L’union fait la Forsat p. 80 INTERVIEW Boubou Cissé, ministre de l’Économie et des Finances p. 84 ÉCONOMIE Tout va très bien, madame la marquise… p. 86 ENTREPRENEURIAT La dynamique est là p. 88 AFRIQUE-FRANCE Rendez-vous à Bamako p. 90 AUDIOVISUEL Taxi Tigui, une série qui dépote p. 94 CULTURE

Génération RR, collectif musical mandingue p. 96


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Le Plus de Jeune Afrique

Ibrahim Boubacar Keïta avait promis de rétablir la sécurité et l’autorité de l’État, d’accélérer le développement, en particulier dans le Nord, et de restaurer la bonne gouvernance. Trois ans après son élection, aucun de ces chantiers majeurs n’a encore abouti. Même si, sur tous les fronts, les choses ont progressé. BENJAMIN ROGER, envoyé spécial

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IBK peut-il encore

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u haut de la colline de Koulouba, qui domine Bamako et les méandres du fleuve Niger, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) voit déjà poindre à l’horizon le crépuscule de son quinquennat, qui arrivera à échéance en août 2018. La seconde moitié de son mandat présidentiel risque en effet de filer plus vite qu’une gazelle dama dans le désert du Sahara. Si le chef de l’État ne s’est pas encore officiellement déclaré candidat à sa succession, dans son entourage, le plan de bataille est visiblement rodé. Ses grandes lignes ? Se focaliser sur le rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali d’ici à la fin du premier quinquennat, puis, si les électeurs lui renouvellent leur confiance,

consacrer le second au développement économique et social du pays. Avant de songer à la prochaine présidentielle, IBK doit donc s’atteler en priorité à régler l’épineuse question du Nord, qui, quatre ans après son occupation par les groupes rebelles et terroristes, reste une vaste zone de non-droit et de trafics en tout genre. « Il y a des attaques quotidiennes partout dans le Nord, et l’insécurité y est permanente. Dans certaines régions, c’est devenu le far west », déplore Soumaïla Cissé, le président de l’Union pour la république et la démocratie (URD) et le chef de file de l’opposition (lire p. 79). Nul doute que le jour où il décidera de briguer un second mandat, celui qui se faisait surnommer Kankeletigui (« l’homme qui n’a qu’une parole », JEUNE AFRIQUE


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en bambara) lors de la campagne présidentielle de 2013 sera jugé par ses compatriotes sur sa promesse de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national, en particulier dans le septentrion malien. Ce qui, jusqu’à présent, reste un vœu pieux. Certes, les choses ont progressé. Après des mois d’atermoiements, un accord de paix a été signé le 20 juin 2015, à Bamako, entre le gouvernement et les groupes rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Supervisé par la médiation algérienne et internationale, cet accord de paix est désormais entré dans sa phase d’application. Le processus complexe de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), bien qu’imparfait, est enclenché. Et un premier bataillon mixte, composé d’anciens rebelles, de JEUNE AFRIQUE

combattants progouvernementaux et de soldats maliens, commence à être opérationnel à Gao. Mais les blocages restent nombreux, et les choses avancent à très petits pas, comme l’a rappelé mijuin le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, patron de la Minusma, devant le Conseil de sécurité de l’ONU. « Un an après la signature de l’accord de paix, force est de constater que ni les signataires et moins encore la médiation internationale ne sont satisfaitsdurythmed’exécutiondesamiseenœuvre. Cette lenteur, qui est difficilement compréhensible, est en train de compromettre tout le processus », a souligné le diplomate tchadien devant ses partenaires internationaux avant le renouvellement du mandat de la Minusma (lire encadré p. 72). Après plusieurs mois d’une trêve fragile, des combats

© VINCENT FOURNIER/JA

faire la paix? Ibrahim Boubacar Keïta, à Paris, lors d’une interview à JA, en décembre 2015.

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Le Plus de J.A. meurtriers, le 21 juillet, à Kidal, entre les membres de la CMA et leurs rivaux progouvernementaux du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) ont montré que la rivalité entre ces frères ennemis touaregs était loin d’être réglée. La mise en place des autorités intérimaires – une disposition centrale de l’accord de paix, qui prévoit le remplacement temporaire des élus locaux par des représentants du gouvernement, de l’ex-rébellion et des groupes armés progouvernementaux dans les cinq régions administratives du Nord –, est une autre source de tension préoccupante. Le 12 juillet, la répression d’une manifestation contre cette mesure controversée au sein de l’armée malienne a fait trois morts à Gao.

La date des communales vient d’être fixée au 20 novembre.

L’insécurité, un temps cantonnée dans le Nord, s’étend désormais jusqu’aucentre dupays. L’attaque du camp militaire de Nampala, le 19 juillet, en est la triste et marquante illustration: 17 soldats maliens ont été tués par un groupe d’hommes armés, dont l’identité exacte reste à déterminer. Sur fond de rivalités locales et identitaires, plusieurs mouvements armés, notamment peuls, ont émergé ces derniers mois dans la région de Mopti. L’un des plus menaçants est sans conteste la « katiba Macina » d’Ansar Eddine, le groupe d’Iyad Ag Ghali, qui cherche plus quejamaisàs’imposercomme«le»groupejihadiste malien. Face à cette menace accrue, dont la crainte est chaque jour perceptible à Bamako, les autorités maliennes ont renforcé leur dispositif antiterroriste. L’attentat contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, le 20 novembre 2015, a frappé les consciences. Il a aussi fait accélérer plusieurs projets, comme la mise sur pied de la Force spéciale antiterroriste (F (Forsat, lire p. 80) et poussé à un renforcement d patrouilles et des contrôles d’identité dans des la capitale (lire p. 82).

« DOUBLE JEU ». Tandis que plusieurs partenaires internationaux déplorent le manque de volonté du gouvernement et des groupes armés depuis le début du processus de paix, au Mali, chaque camp rejettela faute sur l’autre. Les ex-rebelles accusent le gouvernement de ne pas respecter ieurs reprises Reconduit à plus les engagements qu’il a pris lors de la signature e de l’hôtel depuis l’attaqu de l’accord. De son côté, l’exécutif se plaint VOYAGES. La direction générale de la sécurité V Bamako de u Bl Radisson d’État (DGSE) a procédé à plusieurs arresdu « double jeu » et de la « mauvaise foi » qui 2015, le 20 novembre tations de gros bonnets terroristes ces derrègnentdanslapartieadverse.«Nousnesavons e nc l’état d’urge nières semaines. Des coups de filets rendus pas qui est qui. Certains membres des groupes au u’ sq a été prorogé ju ont trois cartes d’identité : rebelle le matin, possibles par une meilleure coopération . 17 29 mars 20 jihadiste l’après-midi, et narcotrafiquant le sous-régionale depuis la vague d’attentats t en m gouverne Une décision du en Afrique de l’Ouest, mais aussi grâce aux soir », dénonce une source au sommet de l’État. r pa ité m ni adoptée à l’una informations fournies par les services de HautConseilpourl’unitédel’Azawad(HCUA) le, na tio na ée bl l’Assem renseignement occidentaux, notamment lié à Ansar Eddine, Mouvement arabe de ordinaire, tra ex n io ss se en t français, à la DGSE malienne. l’Azawad (MAA) proche d’Al-Qaïda au Maghreb ille ju 30 le Au-delà de l’immense chantier sécuriislamique (Aqmi)… Des accusations de collusion entre les mouvements armés signataires taire, IBK, durement critiqué par ses opposants pour ses nombreux voyages à l’étranger, de l’accord d’Alger et les groupes terroristes sont relayées par plusieurs sources onusiennes devra continuer à surveiller les remous politiques et sociaux comme le lait sur le feu s’il compte être et françaises, qui suivent de près le processus de réélu. Trois ans après la guerre, l’immense majopaix. « Tous ces mouvements se craignent et ne se rité de la population survit toujours difficilement. font pas confiance, mais une chose les rassemble: les trafics, en particulier de drogue », explique un Certains en viennent même à regretter la période d’Amadou Toumani Touré, président déchu et officier de la Minusma, qui rappelle que beaucoup exilé à Dakar, dont le retour au Mali est réclamé n’ont aucun intérêt au retour de la paix pour contipar plusieurs responsables politiques au nom de nuer à s’enrichir en toute impunité. la réconciliation nationale. Quelle est aujourd’hui la cote de popularité LA MINUSMA MAINTENUE ET ÉTOFFÉE d’IBK, confortablement élu au second tour de la présidentielle de 2013 avec plus de 77 % des vec de nombreuses pertes en vies humaines, qui en font l'une des suffrages exprimés ? Personne ne le sait. Mais le missions de maintien de la paix les plus touchées de l'histoire de chef de l’État et son parti, le Rassemblement pour l'ONU, la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) a vu son mandat le Mali (RPM), devraient en savoir plus à l’issue des renforcé par le Conseil de sécurité des Nations unies, le 29 juin, à New prochaines élections communales. Reportées à York. La nouvelle résolution prévoit l'envoi de 2 500 Casques bleus plusieurs reprises en raison du contexte sécuritaire, supplémentaires au Mali, faisant passer son effectif total autorisé à elles devraient enfin se tenir le 20 novembre « sur 13 000 soldats et près de 2 000 policiers. Un bataillon sénégalais de toute l’étendue du territoire national », ainsi que 700 hommes devrait notamment être déployé à Mopti pour tenter de l’a précisé le gouvernement le 10 août. Dernier test juguler l'insécurité grandissante dans le centre du pays. La mission électoral avant la présidentielle de 2018, ce scrutin onusienne devrait aussi bénéficier de renforts matériels d'ici à la fin de local fournira sans doute de précieux indicateurs l'année, avec la mise en service de 3 drones de surveillance longue sur la confiance qu’ont les Maliens dans la capacité distance, basés àTombouctou, et le déploiement de 6 hélicoptères B.R. d’IBK et de ses troupes à redresser leur pays. (3 d'attaque et 3 de transport de troupes) à Kidal.

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Mali Mélo à mi-mandat CARNET DE VILLE

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François-Xavier Freland

Ségou, ou le Mali

des possibles

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a route entre Bamako et Ségou ayant été récemment goudronnée, le trajet entre les deux villes n’a jamais été aussi rapide. En moins de trois heures, les 235 km sont avalés. Sur les bas-côtés, quelques carcasses de voitures et des cadavres de chèvres renversées témoignent des excès de vitesse que s’autorisent désormais certains chauffards. « Autrefois, on faisait la queue pendant des heures au point de contrôle. Aujourd’hui, avec la menace jihadiste, il n’y a presque plus de trafic. Ni de touristes », se désole Maïga, un transporteur privé. Pourtant, malgré la crise sécuritaire qui a fait fuir la plupart des touristes, l’ancienne capitale du royaume bambara survit grâce à des initiatives alternatives et solidaires.

C’est le cas à l’hôtel Hambe. Racheté à un Français en mars 2012 – six jours avant le coup d’État – par Anicet Kibarou Déna, 35 ans, l’établissement a su attirer des employés d’ONG grâce à la qualité de ses prestations. Originaire de San, petite cité touristique située à 180 km à l’est de Ségou, le jeune propriétaire a longtemps travaillé dans l’hôtellerie de luxe à Bamako. Il est optimiste de nature. Et ne laisse rien au hasard. « J’ai un DUT de tourisme, je suis maçon, plombier, cultivateur, je m’y connais en électricité… Alors je mets toute mon énergie au profit de mon établissement et du quartier », résume-t-il. Face à la pénurie, il a fait appel aux ressources locales : toute sa vaisselle a été façonnée par les potières de l’île située juste en face de l’hôtel, sur le Niger, le lait est fourni par des éleveurs peuls et les galettes de pain par la voisine. Il a agrandi son établissement avec des matériaux locaux (pisé pour les façades, tommettes pour les sols) et, lorsque « la lumière s’en va », le générateur relié aux capteurs solaires installés sur le toit prend le relais. Discrètement, derrière les arbres centenaires de son petit jardin, des soldats montent la garde le week-end. « Bien sûr, on n’est jamais à l’abri de rien, mais j’ai des relations plus que professionnelles avec mes voisins, dit-il. Notre destin est lié. »

ils se sont fait une clientèle parmi les Bamakois aisés et exportent le gros de leur production à l’étranger. « En 2013, nous avons dû débaucher quinze de nos vingt-six employés, se souvient Souleymane Coulibaly. Alors, avec les recettes de la boutique et sans un seul financement extérieur, on est partis à la recherche de clients en Europe. Une entreprise allemande basée à Herford nous a fait confiance. Aujourd’hui, on exporte jusqu’aux États-Unis et ça marche si bien que l’on réembauche. » Reste que, cette année, le Festival sur le Niger, un rendez-vous musical incontournable organisé chaque première semaine de février depuis douze ans, n’a accueilli que des artistes et visiteurs maliens. « Comme les étrangers tardent à revenir, nous comptons de plus en plus sur nous-mêmes. Ségou mise sur le développement local », confirme le maire, Ousmane K. Simaga. Pour faciliter la circulation en ville, l’État finance des travaux de voirie : les principales

Comme les étrangers tardent à revenir, nous misons sur le développement local et comptons de plus en plus sur nous-mêmes.

Une même chaîne humaine anime le Centre Soroble, un atelier de confection de tissus bogolans établi dans une belle demeure en pisé, dans le plus pur style ségovien. Ses deux fondateurs, les frères Coulibaly, y travaillent d’arrachepied, même le week-end, pour honorer les commandes. Avant la crise, ils vivaient à 80 % du tourisme. Aujourd’hui, JEUNE AFRIQUE

artères sont en train d’être asphaltées et, en périphérie, un échangeur est en construction. Des élèves de l’école bamakoise Les Castors viennent par ailleurs régulièrement passer quelques jours à Ségou. « Beaucoup de jeunes entendent parler de leur pays dans les médias sans le connaître. Ce projet rapproche la jeunesse de sa culture et de ses paysages », expliqueTanty Fanta Sy, l’organisatrice de ces séjours. Accueillis gratuitement dans les dortoirs des bâtiments du festival, les élèves, âgés de 8 à 15 ans, déjeunent dans des cantines locales, ravitaillées par les épiceries ségoviennes, et achètent quelques souvenirs. Dans la salle d’exposition du centre culturel du festival, Amahiguere Dolo, 61 ans, célèbre sculpteur local, se transforme parfois en guide. « C’est très important de transmettre à cette jeunesse malienne. Et puis, tous ces enfants, c’est la preuve que la vie continue malgré la crise ! » Comme en écho, le soir venu, les pêcheurs et les lessiveuses s’activent entre les pirogues, au bord du fleuve. Dans la Cité des balanzans (du nom de l’arbre sahélien qui pousse en abondance dans la région), loin du vacarme de l’actualité, ils semblent empreints d’une énergie nouvelle. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

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GROUPE BDM-SA PLUS QUE JAMAIS NUMÉRO UN Un an après que sa direction a été restructurée, le groupe BDM-SA continue de voir ses résultats croître. Toujours au service de l’économie, il diversifie ses secteurs d’intervention pour rester leader au Mali et étendre son impact dans la zone UEMOA. L’année 2015 a été marquée par le changement de gouvernance à la tête de la Banque de développement du Mali SA, avec la dissociation de la fonction de Président du Conseil d’Administration de celle de Directeur Général. Cette modification, intervenue pour mettre en oeuvre les recommandations de l’UEMOA en matière de gouvernance, permet aussi d’imprimer à la banque malienne une nouvelle dynamique. Celle-ci devrait se poursuivre dans le cadre du programme de développement à moyen terme (PMT), prévu sur cinq exercices, en cours d’élaboration.

Plus 36 % de croissance

Dans un contexte général où la croissance économique a continué de croître, la BDMSA a affiché en 2015 un résultat net d’exploitation bénéficiaire de plus de quinze milliards de F CFA, contre onze milliards l’année précédente. Le premier exercice de la nouvelle équipe s’est ainsi conclu par une croissance de plus de 36 %. Le total de bilan de son côté a atteint 609 milliards CFA, contre 550 milliards en 2014, soit une hausse de 11 %. Le montant total des financements accordés par la BDM-SA au 31 décembre 2015 a atteint 280 milliards de F CFA (427 millions d’euros). En conformité avec la réglementation prudentielle, la qualité de son portefeuille est restée intacte. Ces performances, la banque la doit à la qualité de ses équipes mais aussi à l’accompagnement de ses actionnaires : l’État du Mali, la BMCE-Bank, la Banque ouest africaine de développement (BOAD), la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM) et des acteurs privés maliens.

Un soutien réaffirmé à l’économie malienne

La priorité pour la BDM-SA, et en premier lieu pour son Directeur Général, M. Amadou Sidibé, ainsi que pour le Président du Conseil d’Administration, M. Hamed Mohamed Ag Hamani, est de faire en sorte que l’établissement reste le premier de la place en termes de résultats. Pour y parvenir, sa direction continue de soutenir les secteurs qui portent la croissance du Mali. C’est le


PUBLI-INFORMATION

cas pour la filière du coton, dont elle est le chef de file du financement de la campagne, des mines, de l’énergie (notamment de la société nationale Électricité du Mali), des télécommunications, de l’agroalimentaire ou encore des hydrocarbures.

La diversification du portefeuille de la banque s’est aussi jouée dans les denrées de première nécessité et le financement d’intrants agricoles, alors que la BDMSA est déjà la banque mandataire pour le financement de la Compagnie malienne de textile (CMDT), l’entreprise publique qui gère le commerce du coton local.

Une banque à vocation sous-régionale

Initiée en 2006 avec la création de la Banque de l’Union de Guinée-Bissau, la vocation sous-régionale du groupe BDM-SA a été illustrée récemment avec l’ouverture de la Banque de l’Union de Côte d’Ivoire et la Banque de l’Union du Burkina Faso. L’objectif pour l’institution est de mieux accompagner le développement des activités des Maliens à l’étranger. Cette même ambition avait déjà conduit la BDM-SA à ouvrir une représentation en France, en Espagne et au Congo- Brazzaville. Elle développe aujourd’hui son assise régionale à travers la consolidation de ses filiales. Le moment venu, elle pourra poursuivre son extension, avec maîtrise et sans se disperser. ■

▲ Siège social de la BDM-sa

Le changement dans la continuité

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ommé en avril 2015 à la tête de la BDM-SA, Amadou Sidibé, 59 ans, imprime déjà son rythme à la première banque du Mali. Banquier confirmé, ex-directeur du pôle financier et juridique de la BDM-SA, où il est arrivé à la faveur de la fusion de la structure avec la Banque malienne de crédit et de développement (BMCD), il est à l’origine des choix visant à diversifier le portefeuille de l’établissement. L’économiste, diplômé de l’ENA de Bamako et du Centre d’études financières, économiques et bancaires de Paris, concrétise ainsi sa volonté d’accentuer le soutien de la BDM dans le développement économique du pays, tant à l’intérieur (agriculture, particuliers, logements) qu’à l’international. DIFCOM / Creapub - ©DROITS RÉSERVÉS

Mais la BDM-SA ne se contente pas de vivre sur ses acquis. Pour renforcer sa position au Mali, elle mise sur une diversification de son portefeuille domestique. Son exercice 2015 fut ainsi marqué par l’apport de nouveaux secteurs porteurs, tels que l’habitat et les logements sociaux, un enjeu crucial pour le pays. C’est pourquoi la BDM-SA a financé de nombreux entrepreneurs maliens dans ce secteur. Côté clients, elle a lancé le « Prêt acquéreur », en partenariat avec l’Agence des cessions immobilières (ACI), un produit qui permet aux Maliens d’acquérir une propriété foncière et de construire une maison dans des conditions préférentielles. Ces derniers sont accompagnés jusqu’à hauteur de 80 % du coût de leur investissement.

© BDM SA

Une diversification bienvenue du portefeuille

A Amadou Sidibé

D Directeur général d la BDM SA de

BDM SA : Avenue Modibo Keïta, BP 94 Bamako MALI - Tél. : (+223) 20 22 20 50

www.bdm-sa.com


Le Plus de J.A. POLITIQUE

Tentation populiste Impatients de voir le pays changer, les électeurs pourraient-ils se laisser séduire par des candidats nationalistes ou pro-islamistes lors des prochains scrutins ?

© HABIBOU KOUYATE/AFP

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Le 21 mai, manifestation dans la capitale derrière les principaux leaders de l’opposition.

«

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as-le-bol ! » pouvait-on lire sur certaines banderoles lors de la grande manifestation organisée le 21 mai dernier contre la mauvaise gouvernance et la corruption, l’insécurité et les difficultés de la vie quotidienne. À l’appel des principaux leaders de l’opposition, quelques centaines de militants selon la police, plus de 50 000 selon les organisateurs, s’étaient rassemblés dans le centre de Bamako pour montrer et dire leur mécontentement, à mi-mandat du chef de l’État. Malgré le remaniement ministériel du 7 juillet et la multiplication des gestes d’apaisement de la part du président IBK, qui semble de plus en plus attentif aux doléances de ses concitoyens, la tension ne retombe pas, notamment dans la N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

capitale. « Moi, mon président je l’aime bien, j’ai voté pour lui ! précise Moussa, un jeune habitant de Quinzambougou (commune II de Bamako). Mais on en a marre des coupures de courant et d’eau, de la vie toujours plus chère, alors que, pendant ce temps, certains proches du pouvoir se servent directement dans les caisses de l’État. Ça ne peut plus durer. » Étrangement, la désillusion politique ambiante semble aller de pair avec une affluence toujours plus importante dans les mosquées (à majorité wahhabite), la banalisation du niqab noir chez les Bamakoises et un discours rigoriste de plus en plus décomplexé dans la bouche de certains représentants de l’islam local. En novembre 2015, l’imam Dicko, le président du Haut Conseil islamique malien, avait d’ailleurs provoqué une

vive polémique en déclarant, juste après l’attaque meurtrière de l’hôtel Radisson Blu, que le terrorisme était « une punition divine ». LAÏCITÉ. Et si demain la radicalisation

des esprits se traduisait dans les urnes par l’émergence d’un parti religieux ? Serge Michailof, l’auteur d’Africanistan (paru chez Fayard en 2015), pense qu’il faut rester vigilant. « La génération de ceux qui ont été formés dans les écoles coraniques wahhabites, en croissance ces trente dernières années, est forcément plus sensible au discours religieux, reconnaît-il. Je ne crois pas pour autant à l’arrivée au pouvoir d’un leader ou d’un parti islamiste. Simplement parce que la Constitution malienne impose à tout homme politique le respect de la JEUNE AFRIQUE


Mali Mélo à mi-mandat laïcité de l’État. Mais il peut toujours y avoir des alliances… » L’impatience se cristallise autour de l’éternel problème du Nord. Un an après l’accord d’Alger, l’État reste absent à Kidal. Pire, les actes terroristes ont gagné tout le territoire. « Face à l’incurie de nos dirigeants, beaucoup de nos concitoyens glissent dans la violence », déplore le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), Tiébilé Dramé (lire ci-dessous). « Le pays se délite, et nous devenons une menace pour nos voisins, poursuit-il. La preuve : les attaques de Bamako, de Ouagadougou et de

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elle n’a jamais libéré le Mali », explique le chef de l’extrême gauche malienne. Comme il l’a récemment déclaré à JA (no 2888, du 15 au 21 mai 2016), Oumar Mariko ne verrait aucun inconvénient à se rapprocher des principaux chefs religieux pour former une grande coalition antiestablishment. Ce qui, en clair, pourrait ressembler à un vaste mouvement de rassemblement des extrêmes… et fait dire à Moussa Tembiné, le chef du groupe RPM (le parti présidentiel) à l’Assemblée nationale, que « certains politiques irresponsables jouent avec le feu ».

Grand-Bassam ont été conçues depuis le Mali. Notre crise se métastase dans la région. » Parallèlement, une autre critique refait surface, celle de l’influence politique et militaire de la France au Mali. Et certains leaders politiques agitent déjà la fibre nationaliste. « Le président n’a pas les mains libres », s’insurge Oumar Mariko, le leader du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (lire p. 78), qui revendique plus que jamais une part de responsabilité dans le coup d’État de 2012. « La France défend ses intérêts à travers l’opération Barkhane, mais, en réalité,

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND, envoyé spécial

Déjà dans la course Tiébilé Dramé Président du Parti pour la renaissance nationale (Parena)

Moussa Mara Président du parti Yéléma

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ans son vaste bureau décoré de nombreux masques et statuettes, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, vêtu d’un costume blanc et coiffé d’un fougoulan tout aussi immaculé, le très pieux Moussa Mara a des allures de jeune chef d’État panafricaniste. Le président de Yéléma (« le changement », en bambara), parti de centre droit qu’il a créé en 2010, a été nommé ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la ville en septembre 2013, puis Premier ministre en avril 2014 – le plus jeune de l’histoire malienne –, avant d’être finalement remercié début janvier 2015. Depuis, il estime encore être un membre de la majorité JEUNE AFRIQUE

présidentielle, « mais critique ». Et il n’occulte pas ses échecs. « J’ai fait mon devoir d’homme d’État républicain », dit-il à propos de sa visite contestée à Kidal, en mai 2014, alors qu’il était Premier ministre, et qui provoqua une reprise des affrontements entre l’armée malienne et les rebelles indépendantistes, occasionnant plusieurs morts. Aujourd’hui, à 41 ans, il a repris ses activités d’expert-comptable à ACI 2000, un quartier de la commune IV de Bamako, dont il a été le maire de 2009 à 2013. Il dit avoir pour modèles « des hommes qui ont fait preuve de courage », comme « Paul Kagame, qui a rétabli la

souveraineté du Rwanda, et Alassane Ouattara, qui a remis la Côte d’Ivoire sur la voie de l’émergence ». Son prochain objectif ? La mairie centrale de Bamako, qu’il compte briguer lors des communales (reportées à quatre reprises depuis fin 2013, elles devraient se tenir le 20 novembre). Ensuite, peut-être se lancera-t-il dans la bataille présidentielle de 2018, comme il s’apprêtait à le faire en 2012, avant que le coup d’État chamboule tout. En attendant, Moussa Mara vient de publier Jeunesse africaine, le grand défi à relever (éd. Mareuil) – comme un appel du pied aux futurs jeunes électeurs. F.-X.F.

ors de la grande manifestation « contre le régime IBK », le 21 mai dernier, on ne voyait que lui en tête de cortège, à côté de Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition (lire p. 79). Historien de formation, l’ancien leader étudiant, homme de gauche plusieurs fois emprisonné et contraint à l’exil sous Moussa Traoré (1968-1991), aime les bains de foule. À 61 ans, le président du Parti pour la renaissance nationale est aussi plus mesuré. Dans sa confortable villa bamakoise, assis sur un très vieux sofa éthiopien – « acheté par ma femme », précise-t-il –, la télévision branchée sur CNN, Tiébilé Dramé a fière allure dans sa chemise noire à col Mao. Et il prend le temps de choisir les bons mots pour énumérer les maux du Mali. « La dilapidation des ressources publiques, la corruption, l’improvisation, le pilotage à vue, égrène-t-il finalement. On a le résultat qu’on mérite… Et le pays est dans une impasse politique. » Après avoir été l’un des premiers à soutenir avec force l’intervention militaire française Serval en 2013, il déplore aujourd’hui « l’amnésie générale » face aux événements de 2012. « Si j’arrive au pouvoir, dit-il, j’organiserai de grandes rencontres pour que les Maliens décident de leur avenir, car le pouvoir ne les écoute pas. » F.-X.F.

VINCENT FOURNIER/JA

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

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Le Plus de J.A. Oumar Mariko Secrétaire général du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi) l est facile d’imaginer qu’un jour le portrait d’Oumar Mariko sera accroché, à côté de ceux de Karl Marx et de Fidel Castro, sur les murs de la permanence du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance. Son tonitruant secrétaire général est persuadé d’entrer dans l’histoire et qu’en 2018 viendra son heure. Sinon, il se retirera de la vie politique. « À quoi bon être président trop vieux, maugrée-t-il. Regardez IBK, il n’a plus d’énergie. C’est l’immobilisme ! » Oumar Mariko, qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, est le plus prompt à dégainer, et le plus virulent, lorsqu’il s’agit de tirer sur la majorité, dont il fait pourtant partie. « Je suis prêt à accompagner IBK dans la rupture, mais là il a pris le chemin inverse, dit-il. Les Maliens ne l’ont

pas vu là où ils l’attendaient, dans la lutte contre la corruption, dans la protection des paysans contre les malversations foncières. » Le « docteur Mariko » joue les hommes intègres et rappelle que « Sadi est le seul parti à n’avoir jamais fait de compromis. C’est pour ça qu’aujourd’hui on y constate une recrudescence de militants. Moi, j’assume, j’ai soutenu le putsch en 2012 et je reste libre. Je ne suis le petit de personne. » Musulman « façon », comme on dit au Mali, il n’en est pas à une contradiction près. Fermement attaché à la séparation entre la religion et l’État, il ne verrait pourtant aucun inconvénient à s’associer avec des chefs religieux pour gouverner.

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Mali Mélo à mi-mandat

Soumaïla Cissé « Nous verrons si je suis l’homme de 2018 » Député, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD)

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oumaïla Cissé s’est incliné face à IBK au second tour de la présidentielle de 2013, avec 22,4 % des suffrages. Au mois de décembre suivant, à l’issue des législatives, son parti, l’URD, s’est hissé au rang de première force d’opposition avec 17 députés sur 147, contre 66 pour le RPM et 16 pour l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema). Il est donc devenu le chef de file de l’opposition, un statut créé par la loi du 4 mars 2015. À 66 ans, le député de Niafunké (sa ville natale, dans la région de Tombouctou) compte sur ce leadership pour s’imposer en 2018. Et sur son expérience : il a été ministre des Finances entre 1993 et 2000, puis de l’Équipement entre 2000 et 2002, et a présidé la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine de 2004 à 2011. Il nous a reçus dans sa résidence bamakoise de Badalabougou, dépourvue de groupe électrogène, pour un entretien haché par les coupures d’électricité.

Cet état des lieux n’est-il pas exagérément sombre ?

J’ai parcouru le pays et fait ce constat dans beaucoup d’endroits. Dans le cercle de Goundam [région de Tombouctou], le préfet n’avait même pas de voiture alors que ce territoire est plus grand que le Sénégal. À Diré [40 km au sud

JEUNE AFRIQUE

Quand on vient de très bas, on ne peut que monter ! En réalité, à cause du manque de sécurité, les investissements sont atones et des secteurs entiers ne fonctionnent plus parce que l’on ne peut plus aller dans certaines zones. En outre, notre économie, essentiellement fondée sur l’agriculture, est trop dépendante du facteur climatique et de la pluie. Nous vivons au jour le jour, et aucune condition n’est remplie pour que l’on puisse sérieusement envisager l’émergence. Il faudrait commencer par avoir une bonne gouvernance… Avec quelles priorités ?

D’abord l’électricité ! Vous avez vu les nombreuses coupures qui ont interrompu cet entretien. La solution est d’ouvrir le secteur à la concurrence pour permettre à des investisseurs étrangers de venir. Ensuite, il faut développer les filières de production : nous avons du coton, mais il faut aller plus loin, transformer, fabriquer des tissus, etc. On peut aussi améliorer la production de riz, l’élevage, sans parler des filières minières. Enfin, il faut soutenir les entrepreneurs maliens en simplifiant les procédures d’agrément et libérer l’initiative… En deux ans et demi, aucun gouvernement n’a organisé de réunion avec le secteur privé. IBK a été élu président du « moment sécuritaire », et, malheureusement, l’attente n’a pas été comblée. La prochaine présidentielle, en 2018, sera le « moment de la relance économique ». Nous verrons si je serai l’homme de ce moment-là. VINCENT FOURNIER/JA

JEUNE AFRIQUE: À mi-mandat, quel bilan faites-vous de l’action d’IBK ? SOUMAÏLA CISSÉ : Les

choses n’ont pas bougé. Le président a été élu avec pour principal objectif de ramener la paix. L’accord d’Alger a été signé il y a plus d’un an, mais l’insécurité a explosé, et l’État a perdu pied dans le Nord – le gouverneur de Kidal vit à Gao, il n’y a plus d’éducation, plus de santé, plus d’administration. Je ne vois donc pas comment il pourrait organiser des élections sur tout le territoire. Cette situation est porteuse de divisions et de mécontentements, de même que les problèmes quotidiens d’électricité, d’eau, de coût de la vie, etc. Le climat social est devenu délétère. Le plus grave, c’est que le président n’a pas été capable de donner un cap.

de croissance supérieur à 5 % (lire pp. 86-87) ?

Le secteur de l’électricité est une priorité. La solution serait de l’ouvrir à la concurrence. de Goundam], les policiers n’ont pas même un gourdin ! Nous avons voté une loi de programmation militaire, mais on se demande où sont passés les équipements et les armes… N’y a-t-il pas des raisons d’être optimiste alors que l’on attend un taux

Propos recueillis à Bamako par FRANÇOIS-XAVIER FRELAND N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

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Le Plus de J.A. Mali d’un dispositif commun exclusivement affecté à la lutte contre le terrorisme : la Force spéciale antiterroriste (Forsat). Créée par arrêté ministériel le 22 mars 2016, cette dernière est composée de Créée en mars, la Force spéciale antiterroriste est désormais 60 policiers, 60 gendarmes et 60 gardes opérationnelle. En cas d’attaque, ses 180 policiers et gendarmes nationaux triés sur le volet. Postés dans d’élite sont appelés à intervenir sur-le-champ. leurs bases respectives à Bamako, ces policiers et soldats d’élite sont mobilisables vingt-quatre heures sur vingtl y a d’abord eu l’attaque contre choses », explique le général de brigade Salif Traoré, ministre de la Sécurité et quatre par le ministre de la Sécurité, le bar-restaurant La Terrasse, à de la Protection civile. Décision a donc aux ordres duquel ils répondent direcBamako, où cinq personnes ont été prise de constituer une unité à part tement en cas de crise. Un centre de été assassinées par un homme commandement spécial a d’ailleurs armé, le 7 mars 2015. Puis celle contre entière capable d’intervenir rapidement été récemment installé au ministère l’hôtel Byblos, le 7 août, à Sévaré (dans et partout sur le territoire en cas d’attaque pour diriger les opérations. Après avoir le centre du pays, à 10 km de Mopti), où terroriste. « Il nous fallait un mécanisme passé ces derniers mois une batterie de plus souple, plus réactif, qui permette un commando terroriste a tué quatre d’assurer une meilleure coopération soldats maliens et cinq membres de tests physiques, techniques et oraux, les policiers, gendarmes et gardes la Minusma. Et enfin, le 20 novembre nationaux sélectionnés pour 2015, l’attentat contre l’hôtel Radisson Un centre de commandement composer la Forsat participent Blu, premier attentat de masse perpétré spécial a été récemment au cœur de la capitale par les jihadistes désormais régulièrement à des formations avec des policiers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), installé au ministère. qui s’est soldé par un bilan de 22 morts, français du Raid, des militaires américains et des membres de l’Eucap dont les deux assaillants. Ces attaques à entre les différentes forces de sécurité », Sahel-Mali, la mission civile de soutien confie un conseiller du ministère. répétition dans des lieux fréquentés ont aux forces de sécurité intérieure mise en convaincu les autorités maliennes de la FORMATIONS. Décision a donc été nécessité d’améliorer leur capacité de place par l’Union européenne. prise de s’appuyer sur les unités d’élite réaction face à une menace terroriste À terme, chaque unité devrait dispodéjà existantes au sein de la police, de globale et imprévisible. ser d’un médecin, d’un infirmier, d’un la gendarmerie et de la garde nationale Si le renforcement des forces de maître-chien, d’un négociateur et d’un – le Groupe d’intervention de la police sécurité était à l’étude depuis des mois, officier de renseignement. Des snipers, nationale (GIPN), le Peloton d’interl’attentat contre le Radisson Blu a vraidéjà opérationnels au sein de la gendarvention de la gendarmerie nationale ment servi de déclic. « Il n’y a pas eu merie, seront également bientôt présents de défaillances, mais cette expérience (PIGN) et les Forces spéciales de la garde dans les rangs de la police et de la garde nationale –, et de les rassembler au sein nationale. Les différentes composantes a montré qu’il fallait changer certaines de la Forsat peuvent aussi compter sur des moyens matériels renforcés. Elles viennent par exemple d’être équipées de petits drones et de robots dotés de caméras qui leur permettront de recueillir des informations sur leurs futurs théâtres d’opérations. SÉCURITÉ

L’union fait la Forsat

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Séance de tir organisée par l’Eucap Sahel-Mali en vue du recrutement au GIPN. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

EUCAP SAHEL MALI

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HUILÉ. « La Forsat est un outil très utile, mais qui demande encore à être huilé », reconnaît une source sécuritaire en évoquant quelques rivalités persistantes entre policiers, gendarmes et gardes nationaux. Après une première collaboration lors de l’attaque contre le Radisson Blu, les différents corps constituant ce nouveau dispositif avaient été déployés ensemble, le 21 mars dernier, lors de l’attaque de l’hôtel Azalaï Nord-Sud, à Bamako, qui abrite le siège de la Mission de formation de l’Union européenne. Bilan : un seul mort à déclarer, le terroriste. BENJAMIN ROGER JEUNE AFRIQUE



Le Plus de J.A. Mali

Une patrouille de nuit se prépare, le 10 mai.

Bamako à la lumière des gyrophares

d’une patrouille de la BSI. « C’est plutôt calme ces derniers temps. Et c’est ça qui nous inquiète », confie un autre. Depuis l’attentat contre le Radisson Blu, les forces de police À quelques mètres de là, à l’arrière d’un sont régulièrement mobilisées pour des opérations antiterroristes pick-up, deux suspects menottés, chanocturnes dans la capitale. Immersion au cœur de l’action. cun assis entre deux policiers, se cachent le visage dans les mains. « Ils n’avaient u fil de l’après-midi, ils sont pas de papiers, et l’un d’eux a tenté de capitale de 22 h 30 à 6 heures du matin. arrivés en 4 × 4, à moto ou en Vous allez sillonner les rues, contrôler les s’enfuir, explique l’inspectrice principale, gens, les véhicules, arrêtez les éventuels quad,dansunvrombissement Mariétou Daou. On les emmène au comde moteur. Une centaine suspects…Resteztoujoursencontactentre missariat pour un premier interrogatoire, avant de les relâcher ou de les arrêter. » d’hommes sont rassemblés dans la cour voussurlecanal3etévitezlesinterférences. Répondant à un appel radio, le véhicule du Groupement mobile de sécurité de Il faut être audible! » Chaque équipe doit part rejoindre un autre check-point dans N’Tomikorobougou, à Bamako, prêts à en effet s’assurer de toujours pouvoir recese déployer pour une opération antitervoir de nouvelles consignes une ruelle mal éclairée, en renroriste nocturne de grande envergure. par radio. « Nous avons mis fort d’une équipe qui s’apprête à contrôler une camionnette en place avec nos partenaires Depuis que l’état d’urgence a été décrété, dont le conducteur semble à la suite de l’attentat contre le Radisson étrangers un centre d’analyse suspect. Les colis qu’il transBlu, plus de 400 éléments des brigades et d’information qui regroupe territoriales, de la Brigade anticriminatous les services de renseigneporte sont ouverts un à un. Ils Voir aussi notre ments, explique le général de lité, de la Brigade spéciale d’intervention ne contiennent que des serinvidéo Avec les gues et du matériel médical. (BSI) de la police et des Forces spéciales brigade SalifTraoré,leministre patrouilles « Pour de telles opérations, de la garde nationale sont régulièrement de laSécurité intérieure et de la antiterroristes les consignes à respecter sont Protection civile. Et le comité mobilisés pour de telles interventions. La à Bamako fermeté et courtoisie, car la plupart d’entre eux ont été entraînés par interministérieldecrise,chargé l’Eucap Sahel-Mali (lire p. 80). Ce soir-là, de la surveillance du territoire, police doit montrer une image peut, à tout moment, donner positive, tient à souligner des agents du Groupement d’intervention Mariétou Daou. Des agents de gendarmerie mobile les ont rejoints. des renseignements aux forces sur le terrain. » peuvent aussi intervenir à Ils tiennent en laisse des chiens renifleurs « spécialement formés pour détecter l’improviste pour éviter les CONTRÔLES. Toutes sirènes certains matériels prohibés, comme des abus auxquels pourraient se hurlantes, le cortège de véhicules quitte explosifs », précise leur chef d’escadron, livrer certains des nôtres. » Parallèlement Abdoulaye Haidara. Objectif : démanteà la mise en place de ces patrouilles nocla caserne sur les chapeaux de roues pour se disperser aux quatre coins de la capiler des cellules dormantes et déjouer la turnes, les autorités ont en effet jugé qu’il tale. À l’entrée et à la sortie du troisième préparation d’éventuels attentats dans était indispensable d’établir un dispositif la capitale. de lutte contre la corruption au sein des pont, devant des barrières de sécurité, des forces de sécurité. Depuis huit mois, les Au milieu de la cour, Siaka Sidibé, comgendarmes vêtus de gilets jaunes rétrorémissaire divisionnaire directeur régional fléchissants contrôlent les véhicules. « On rondes de nuit organisées dans la capitale de la police du district de Bamako, donne sont donc toujours doublées du ballet fouille les boîtes à gants et les coffres pour vérifier qu’aucune arme n’y est cachée », les dernières consignes : « Nous allons impromptu de la « police des polices ». FRANÇOIS-XAVIER FRELAND patrouiller dans les six communes de la commente l’un d’eux en saluant le passage

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JEUNE AFRIQUE

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

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Le Plus de J.A. Mali ÉCONOMIE

Boubou Cissé « Nous devons prendre une dimension industrielle » Selon le ministre des Finances, le pays est sur la bonne voie. Même s’il doit encore se moderniser et diversifier ses activités pour remobiliser les investisseurs locaux et étrangers.

P

d’investisseurs étrangers. C’est le cap que assé du portefeuille des Mines à celui de l’Économie et des nous nous sommes fixé à travers le Cadre Finances en janvier, Boubou stratégique pour la relance économique Cissé, 41 ans, bénéficie d’une et le développement durable [Credd réputation d’homme sérieux, rigou2016-2018, doté d’une ligne de crédit reux et intègre. L’économiste budgétaire de 3 440 milliards bamakois est entré à la de F CFA, soit plus de 5,2 milDe liards d’euros]. Banque mondiale en 2005, quelques mois après avoir obtenu son doctoLa persistance de bons indidollars en 2011, rat à l’université d’Aixcateurs macroéconomiques le PIB par habitant Marseille. D’abord en poste n’est-elle pas due avant tout est passé à à un phénomène de rattraà Washington (2005-2009), il a ensuite été l’économiste page et à la reprise de l’aide multilatérale ? principal de l’institution à L’aide est importante, Abuja, puis à Niamey, jusqu’à dollars en 2015, mais pas si déterminante sa nomination à la tête du contre une moyenne que cela dans un pays qui ministère malien des Mines, de 2 251,60 dollars vit essentiellement d’une en septembre 2013. Il y a en Afrique agriculture de subsistance gagné la confiance de ses subsaharienne et du secteur aurifère. Il est pairs, notamment en faisant (SOURCES : MINEFI, FMI, JUIN 2016) annuler 130 permis lors de la vrai que, depuis 2012, le Mali révision des contrats miniers. a connu une croissance assez Six mois après avoir pris les rênes du robuste [voir infographie p. 86], peut-être parce que nous faisons des efforts en ministère de l’Économie et des Finances, matière de bonne gouvernance. Nous Boubou Cissé poursuit les efforts engagés par son prédécesseur, Mamadou avons maîtrisé l’inflation [à 1 % en 2015], Igor Diarra. Son principal défi : rendre le solde budgétaire de base [à 0,5 % du la croissance inclusive, et perceptible PIB] et la dette extérieure [à 24 % du par l’ensemble des Maliens. PIB]. Le FMI a récemment donné son satisfecit sur la gestion de l’économie malienne [lire pp. 86-87]. JEUNE AFRIQUE : Le taux de croissance

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attendu pour 2016 reste supérieur à 5 %. Peut-on parler pour autant d’embellie ou d’émergence ? BOUBOU CISSÉ : L’émergence est une

notion floue qui varie d’un spécialiste à l’autre. Pour moi, c’est lorsque le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés mais sur une trajectoire ascendante. Dans ce cas, on peut dire que le Mali est sur la bonne voie. Mais, pour aller plus loin, il nous faut renforcer notre base productive, améliorer la gestion des dépenses publiques et moderniser notre économie pour attirer le maximum N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

Pourtant, on est loin de ressentir cette « croissance robuste » sur le terrain…

Depuis trois ans, beaucoup d’efforts ont été déployés, notamment pour faire revenir la confiance. D’abord, on a amélioré le niveau de vie des fonctionnaires en relevant l’indice des salaires pour la première fois en vingt ans. Par ailleurs, nous avons voulu que la baisse du prix du baril soit répercutée sur le pouvoir d’achat des Maliens en diminuant le prix du litre d’essence à la pompe de 70 F CFA en huit mois.

Il n’y aura pas de développement sans développement régional. Le développement des régions septentrionales reste-t‑il prioritaire ?

Il n’y aura pas de développement au Malisansdéveloppementrégional.Lequel se fera sur le long terme et à condition de mettre un accent particulier sur l’éducation, car pour relever le défi nous avons d’abord besoin de ressources humaines compétentes et qualifiées. Dans le Nord, dans les régions désertiques, l’élevage, qui est l’activité principale, a fait ses preuves. Mais il va falloir créer d’autres activités, non tributaires de la pluie, de nouveaux métiers et des services. Qu’est-ce qui peut et doit être amélioré sur les plans structurel et sectoriel ?

Nous devons absolument sortir de la dépendance au coton et à l’or. Au Mali, depuis cinquante ans, les taux de JEUNE AFRIQUE


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SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

Dans son bureau du quartier ACI 2000, à Bamako.

croissance sont irréguliers car intimement liés à ces deux filières, qui restent les principales sources de revenus de notre pays. La priorité est donc de diversifier notre économie. Il faut par ailleurs prendre une dimension industrielle, par exemple sortir de l’agriculture de subsistance pour investir dans l’agroalimentaire. En outre, le Mali recèle d’autres richesses naturelles : de la bauxite, du manganèse, du phosphate, beaucoup de calcaire et de diamants. Ce sont des filières à exploiter. Enfin, nous devons aussi développer l’énergie solaire, d’autant que nous ne manquons pas de soleil. La situation d’Énergie du Mali (EDM) est-elle en voie d’amélioration ?

La compag nie a coûté b eaucoup d’argent à l’État, qui a dû JEUNE AFRIQUE

EDM DANS LE ROUGE VIF

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n 2015, l’État malien avait prévu un budget de 42 milliards de F CFA (64 millions d’euros) pour subventionner les pertes d’Énergie du Mali (EDM). Cela n’a pas suffi à combler le déficit, qui a en réalité atteint 61 milliards de F CFA. Le mémorandum de politiques économiques et financières publié le 8 juin dernier par le FMI explique que « cette perte est due à des coûts plus élevés d’achat

de carburants à la Côte d’Ivoire ainsi qu’à une masse salariale plus élevée que prévu suite au recrutement de personnel en 2015 ». Un peu court comme explication pour un trou qui ne cesse de se creuser depuis des années. En conséquence, la dette d’EDM auprès des banques commerciales s’élevait fin 2015 à 42 milliards de F CFA (alors que le programme l’avait estimée

à 33 milliards), auxquels s’ajoutent 18 milliards d’arriérés vis‑à-vis de ses fournisseurs. En 2016, il est prévu que le déficit d’EDM sera réduit à 47 milliards et la dette bancaire à 40 milliards. On ne connaît pas le détail des mesures arrêtées pour parvenir à cette inflexion, mais l’État s’est engagé à « payer ses factures par anticipation au début de chaque trimestre ». C’est ALAIN FAUJAS maigre ! N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016


Le Plus de J.A. régulièrement éponger ses dettes [lire encadré p. 85]. L’État en est l’actionnaire principal, à plus de 70 %, et Aga Khan, l’autre partenaire stratégique, étant en train de se retirer, nous cherchons son remplaçant. Reste que les tarifs de l’électricité appliqués par Énergie du Mali sont aujourd’hui inférieurs à ses coûts de production. Donc, même si l’État s’est pour le moment abstenu de réajuster ces prix afin de ne

pas ponctionner davantage les Maliens, il sera bientôt impératif de le faire.

les premières années. Par ailleurs, il y a trop de commerçants au Mali. Au lieu d’importer, il serait bon que le riz et le sucre soient produits ici. Et j’encourage les opérateurs maliens à se transformer en industriels. Enfin notre pays est géographiquement stratégique : situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, Bamako peut devenir un hub d’affaires régional de premier plan.

Pour conclure, quel message adressezvous aux investisseurs ?

AuMali,ily adequoiinvestir demanière rentable. Afin de pallier notre principal handicap, l’enclavement, nous offrons aux investisseurs maliens et étrangers des avantagesfiscauxetdouaniers,avecplusde 50 % d’exonération d’impôts, droits et taxes

Propos recueillis à Bamako par FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Tout va très bien, madame la marquise… Les résultats macroéconomiques sont particulièrement bons. Pourtant, sur le terrain, dans de nombreux secteurs, le climat reste morose. Explications.

L

a vieille chanson française Tout va très bien, madame la marquise, qui prétend rassurer une dame tout en faisant ironiquement la liste des catastrophes survenues dans ses propriétés, convient parfaitement au Mali. Si l’on en croit les statistiques et les grands équilibres macroéconomiques que mesurent celles-ci, le Mali se porte comme un charme. « La croissance du produit intérieur brut [PIB] réel devrait rester forte en 2016, à 5,3 % », confirme Lisandro Abrego, chef de mission du Fonds monétaire international (FMI) pour le Mali. « Elle sera principalement tirée par une augmentation continue de la production agricole, l’activité de la construction en hausse, une bonne

La reprise – sous haute surveillance de la Minusma – du chantier de la route Niono-Tombouctou représente un symbole fort de la volonté de tous les partenaires de développer enfin le Nord. Le chantier de l’amélioration de la fourniture en eau de la capitale vient de débuter et, dans trois ans, un million de Bamakois disposeront d’eau potable à volonté. L’énergie solaire commence à s’installer dans le paysage. Pour amorcer la décentralisation, sans laquelle les populations du Nord demeureront sous-administrées, mais aussi pour donner satisfaction aux anciens rebelles, le gouvernement a créé les deux régions de Taoudéni et de Menaka. Les armes se sont tues grosso modo depuis la signature de l’accord d’Alger, le 20 juin 2015.

performance dans le secteur des services, en particulier le transport, la communication et le commerce », précise l’économiste. Et 2016 devrait continuer sur cette lancée grâce à une hausse de 35 % des investissements publics et de 10 % des crédits bancaires. Le déficit du compte courant par rapport au PIB est en recul, de 5,7 % en 2014 à 3,6 % en 2015. Selon l’Institut national de la statistique du Mali, les prix ont baissé de 2,5 % entre avril 2015 et avril 2016. Les recettes fiscales ont augmenté, permettant une réduction du déficit public à 1,8 % du PIB. Le gouvernement malien a atteint tous les objectifs du programme sur lesquels il s’était engagé vis-à-vis des bailleurs de fonds.

ARRIÉRÉS. Une fois ces satisfecit for-

Des taux de croissance aussi solides que trompeurs (Variation en %, en prix constants, sauf indication contraire) * Estimations ** Projections

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7

PIB (en prix courants)

5,3

4

2,3

2 0

–2

6

– 0,8 20012

2013

PRIMAIRE 12 9,3 10 8,7 8 6 4 2 0 –2 –4 – 3,7 –6 –8 –10 14* 2012 13

2014*

2015*

SECONDAIRE

2016**

TERTIAIRE

10,9

7,6 5,3

7,4

7

5,1

6

5,2

2,1 – 2,6

– 1,1 – 9,3 15*

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mulés et sous le couvert de l’anonymat, les langues se délient et expriment une réalité beaucoup plus sombre, dont ne rendent pas compte des statistiques peu fiables car fondées sur des données collectées en majeure partie à Bamako. Non, tout ne va pas très bien, tant s’en faut. « Le secteur bancaire est malade, car il porte les arriérés de paiement de l’État. Énergie du Mali [EDM] continue d’accumuler les déficits [lire encadré p. 85] faute de réformes et fait subir des coupures de courant insupportables aux particuliers comme aux entreprises. C’est simple : il pleut et l’électricité s’arrête, ou il ne pleut pas et elle s’arrête aussi, tellement la gestion de l’entreprise a été défectueuse et tellement son réseau se trouve en piteux état », explique l’un. « Rien ne JEUNE AFRIQUE


Mali Mélo à mi-mandat bouge, se lamente un autre. L’économie demeure totalement dépendante de l’or et du coton ; elle est donc à la merci des hoquets de la conjoncture mondiale pour le premier et des achats chinois pour le second. La microfinance tarde à être assainie. On ne sait pas encore comment la décentralisation va s’articuler. Aucun projet d’échange n’existe entre les régions maliennes septentrionales et le Sud algérien, comme il était prévu dans l’accord d’Alger. » FARDEAU. Les actions humanitaires et la reconstruction des zones dévastées par les terroristes n’avancent guère, car aucun civil étranger ne se risque au-delà de Ségou (lire p. 73) pour superviser ces opérations. Les donateurs sont obligés pour cela de passer par l’intermédiaire de Maliens, de rares personnes qui ont la compétence requise pour piloter les chantiers des marchés, des écoles ou des dispensaires à rebâtir. « Malgré quelques progrès, on tourne en rond, confirme Laurent Bossard, directeur du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest à l’OCDE. L’insécurité est

toujours là et fait des morts chaque perspective du règlement d’une crise, on ne peut envisager de paix durable semaine. Le gouvernement ne tient pas ses engagements vis‑à-vis des popusans un effort de développement qui lations du Nord, où l’aide d’urgence doit contribuer à un effort déterminant, est insuffisante. Le comité de suivi de le basculement de la population en notre faveur. » l’accord se réunit certes, mais sans proC’est ce que suggère de façon moins poser d’avancée majeure. » Il ajoute que le ressentiment des popudiplomatique un expert européen. « Les lations du sud du pays à l’égard du Nord, bailleurs de fonds ne peuvent servir tout considéré comme « un fardeau », est le temps de locomotives au Mali, dit-il. d’autant plus dangereux qu’il annihile les atouts de celui-ci. Les étrangers, civils comme « Le phosphate qui se trouve à militaires, pensent que côté de Gao pourrait contribuer à fournir en engrais l’ensemble l’État tarde à gouverner. du pays. L’exploitation du gisement de calcaire du Gourma réduirait Tout est réuni pour réussir la paix, mais il faut que les Maliens se mettent enfin les 250 000 tonnes de chaux importées chaque année en Afrique de l’Ouest. en marche. » Mais on n’en parle pas », regrette-t‑il. Le sentiment national n’est déjà pas Les militaires étrangers pensent, très vigoureux dans cet immense pays, et, exactement comme les civils, que le faute de volontarisme politique, l’érosion palpable de la confiance dans l’accord pouvoir malien tarde à gouverner. « Il est d’Alger risque de déboucher sur une nécessaire que les efforts militaires que nous déployons soient simultanément atomisation politique et économique liés à un effort politique, a déclaré le du Mali qui stopperait net la croissance, chef d’état-major des armées français, dans le Nord comme dans le Sud. ALAIN FAUJAS le général Pierre de Villiers. Dans la

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Le Plus de J.A. ENTREPRENEURIAT

La dynamique est là Un grand patron du privé, un acteur public, un responsable associatif. Trois profils différents pour faire progresser l’esprit d’initiative.

Ibrahim Diawara 46 ans, PDG du groupe IBI

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e groupe qu’il a créé rassemble des sociétés actives dans des secteurs porteurs tels que l’énergie, le transport aérien, les matériaux de construction, le BTP, l’adduction d’eau et l’assainissement, la recherche de matières minérales… Ibrahim Diawara est l’incarnation même de l’autodidacte à qui tout a réussi, et qui n’a jamais ménagé sa peine pour y parvenir. « Je me suis toujours débrouillé. Je suis soninké, j’ai le commerce dans le sang ! » résume-t-il. À 12 ans, il cire les chaussures des passants pour gagner un peu d’argent de poche. Adolescent, il travaille sur les chantiers pour s’offrir des verres en discothèque, et à 18 ans, bac en poche, Ibrahim Diawara part rejoindre son frère commerçant en Thaïlande, où il se fait embaucher dans une usine d’emballage. Trois ans plus tard, il part pour l’Indonésie, puis s’installe en Australie, où il découvre le potentiel N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

de l’énergie solaire. Lors d’un séjour à Bamako, en 1997, il crée Diawara Solar, la première entreprise de panneaux solaires au Mali (devenue Builders Diawara Solar en 2011, elle regroupe les activités d’IBI dans les secteurs de l’adduction d’eau et de l’énergie).

d’ensemencement des nuages. « Grâce à cette technique, nous avons pu augmenter les pluies de 10 % à 45 % par an et il n’y a presque plus de problèmes de “soudure” au Mali [désigne une période de pénurie qui se situe entre mai et juillet où les stocks sont quasi épuisés] ». En 2003, le « serialentrepreneur » fonde Stones, une société spéciaImplanté en Guinée, en Mauritanie lisée dans la fabrication de et en Côte d’Ivoire, le groupe IBI pavés, de tuiles, de carrelages et de revêtements de compte plus de 1 000 salariés. sol, qui compte deux usines En 2000, le voyageur polyglotte (il parle (à Sélinkegny, à 100 km de Kayes, et à Sala, sept langues) rentre définitivement au près de Koulikoro). Depuis, le groupe IBI pays. « C’était très dur, j’ai failli jeter a diversifié ses activités dans les domaines l’éponge, je n’avais pas les codes », se de l’eau et de la construction, avec la souvient l’entrepreneur. Mais il tient bon. création, en 2011, de Builders. Implanté en Il achète un avion abandonné sur le tarCôte d’Ivoire, en Guinée et en Mauritanie, mac de l’aéroport de Bamako, le remet à le groupe emploie plus de 1000 personnes neuf et crée la Malian Aero Company, à et réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND laquelle l’État confie une opération pilote JEUNE AFRIQUE


Mali Mélo à mi-mandat

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Moussa Ismaïla Touré 48 ans, directeur général de l’Agence pour la promotion des investissements au Mali (API-Mali)

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EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA JEUNE AFRIQUE

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

epuis la fenêtre de son bureau à l’API, située dans le quartier du fleuve, à la croisée des grands centres d’affaires de la capitale, Moussa Ismaïla Touré peut contempler le Niger et la grande tour ocre au style néosoudanais du siège bamakois de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Titulaire d’un DESS en gestion obtenu à l’université de Paris-Dauphine, l’économiste a pris la tête de l’institution en mars 2015. « Cela n’a pas été une décision facile, explique-t-il. Je travaillais dans le privé, je dirigeais la branche de Coca-Cola pour l’Afrique centrale, au Cameroun, et je gagnais très bien ma vie [il est père de quatre enfants]. Mais j’ai eu envie de me rendre utile à mon pays. » Au même moment, une commission mixte État-secteur privé lançait un appel à candidatures pour recruter un nouveau directeur général à l’API, qui traversait une période difficile. « J’ai envoyé mon CV, j’ai été pris, et j’ai

accepté de voir mon salaire diminuer », résume Moussa Touré. Depuis, il déploie toute son énergie pour donner un nouveau souffle à l’agence et montrer aux investisseurs que le Mali a du potentiel dans de nombreux domaines. « Notre travail est d’identifier des entrepreneurs locaux et étrangers qui pourraient développer leurs activités dans le pays, et de

les inciter à investir, notamment dans les domaines des mines, de l’énergie, de l’agroalimentaire et du BTP, précise Moussa Touré. Près de 8 000 entreprises ont été créées au Mali en 2015, un niveau jamais atteint depuis la création de l’API, en 2005. Et notre rôle est aussi de les aider à pérenniser leurs activités. » F.-X.F.

Jimmy Berthé é 26 ans, fondateur et directeur de l’association Incub’Mali

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l fait un peu trop chaud ici, mais je ne serais certainement pas plus heureux à Paris! » Cela ffait neuf mois que le Franco-Malien Jiimmy Berthé (de père martiniquais et de mèrre malienne) a quitté la capitale française po our s’installer à Bamako, à Djicoroni, au borrd du fleuve. Juriste de profession, il reconnaîît qu’il n’avait pas beaucoup de perspectives dans sa spécialité, alors, en 2008, il s’essaie au métier de développeur culturel, à temps p partiel. Il soutient des artistes maliens, comm me le virtuose de la Kora, Ballaké Sissoko, ett multiplie les séjours au pays. Mais c’est aaprès la visite de François Hollande en février f 2013, au début de l’opération Serval, qu’il prend conscience de d l’absence de structu ures locales pour favoriser les inittiatives de la diiaspora. C’est aiinsi qu’il a eu

l’idée de créer Incub’Mali, une association financée par l’Agence française de développement (AFD) et parrainée par le ministère des Maliens de l’extérieur, qui a démarré ses activités en janvier. Avec ses partenaires techniques, elle s’est donné pour mission de faciliter la création et l’installation d’entreprises au Mali : élaboration de business plans, simplification des procédures administratives, constitution de réseaux… « Nous aidons les jeunes Français d’origine malienne à revenir au pays », explique Jimmy Berthé. Mais la plupart des candidats n’ont jamais vécu au Mali, alors il développe : « Nos parents ont émigré en France et n’ont pas pu “revenir au pays”, mais, en nous installant au Mali, nous sommes toute une génération à réaliser ce qu’ils n’ont pas pu faire. » La plupart des 70 projets déjà reçus sont liés à l’éducation et au tourisme. Une quinzaine d’entreprises sont déjà en activité. F.-X.F. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016


Le Plus de J.A. ÉVÉNEMENT

2017, le grand rendez-vous En janvier prochain, Bamako doit accueillir le 27e sommet Afrique-France. Les préparatifs s’accélèrent.

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uatre ans après le lancement de l’opération Serval, le 27e sommet Afrique-France (SAF) doit se tenir à Bamako en janvier 2017. Une rencontre qui réunira, autour du président François Hollande et de la délégation française, une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement du continent. Et à peu près autant de membres dans les délégations des différents pays, soit 2 500 à 3 000 participants attendus. À six mois du sommet, les derniers chantiers d’extension et de modernisation s’achèvent à l’aéroport international Modibo-Keïta – qui a officiellement pris le nom du père de l’indépendance le 31 décembre 2015. Interrompus après le coup d’État de 2012, les travaux ont été relancés fin 2014 et confiés à l'entreprise de construction chinoise Sinohydro Corporation pour un coût total de 18,2 milliards de F CFA (près de 28 millions d’euros), financés par le Fonds koweïtien pourledéveloppementéconomiquearabe (49,3 %), le Fonds de l’Opep (26,3 %), la Banque islamique de développement (10,8 %) et l’État malien (13,6 %). Passant de 2 700 m à 3 180 m, la piste peut désormais recevoir de gros-porteurs de type A380. La rénovation de l’ancienne aérogare et la construction du nouveau terminal de 15000 m2, en cours de finition, vont quant à elles permettre d’accueillir 1,5 million de passagers par an, contre 600 000 actuellement.

juste à côté du Centre international de conférences. Cela facilitera la sécurité de nos clients », explique Mossadeck Bally, le PDG du groupe Azalaï. Ce dernier – qui compte deux autres établissements dans le centre de Bamako, le Grand Hôtel et le Dunia – a engagé d’importants travaux de rénovation et d’extension au Salam Azalaï. Du gros œuvre (assuré par la filiale malienne du groupe sénégalais de BTP Sertem) à la décoration, le coût global du chantier est estimé à 15 millions d’euros : une nouvelle aile latérale de six étages, à côté de l’ancien bâtiment (luimême rehaussé d’un étage), va permettre de faire passer la capacité d’accueil de

l’établissement de 124 à 144 chambres et de 25 à 42 suites. Depuis l’attentat qui l’a frappé le 20 novembre 2015, le Radisson Bluaréformésonsystèmedesécurité,avec le bouclage de la rue principale, le recrutement d’une quinzaine d’agents de sécurité supplémentaires et l’installation de nouveaux scanners de sécurité. « Nous avons su rassurer les organisateurs du sommet, et le Radisson Blu affiche complet durant l’événement », se réjouit Cessé Komé, le patron du groupe Koïra Hôtel Investment et propriétaire de l’établissement. Début juin, le gouvernement a par ailleurs conclu une convention de maîtrise d’ouvrage avec l’Agence de cessions immobilières (ACI) pour la construction de 14 villas modulaires de haut standing dans la zone de l’exbase aérienne B (ouest de Bamako), qui seront livrées avant la fin de l’année, pour un coût total de 3,8 milliards de F CFA, système de vidéosurveillance inclus. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND

Abdoullah Coulibaly « C’est un message fort de solidarité » Coordinateur national du Comité d’organisation du sommet Afrique-France (SAF) 2017

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VILLAS. Côté hébergement, si tous les

membres des délégations ne peuvent dormir dans le centre de Bamako, les chefs d’État et de gouvernement seront logés dans les grands hôtels de la capitale, principalement à ACI 2000 et dans le quartier du Fleuve, près du Centre international de conférences de Bamako (CICB), où se tiendra la majeure partie du sommet. Comme le Laico-Amitié (où la Minusma avait établi son QG depuis 2013), l’Onomo (ouvert en mai 2015) ou encore l’Hôtel Salam Azalaï, qui s’apprête à recevoir l'essentiel des délégations. « Nous avons l’avantage de nous trouver N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

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résident fondateur de l’Institut des hautes études en management (IHEM) et du Forum de Bamako qui, chaque année depuis 2001, réunit des intellectuels et des experts internationaux autour des enjeux de développement du continent (la 16e édition, en février, avait pour thème : « L’Afrique entre chaos et émergence »), Abdoullah Coulibaly, 64 ans, a une solide expérience dans la préparation de rencontres de haut niveau. En octobre 2015, le président Ibrahim Boubacar Keïta, son ami de longue date, l’a nommé coordinateur national du Comité d’organisation du sommet Afrique-France (Cnosaf ) 2017 de Bamako. Discret et réservé de nature, l’ancien consultant international en gestion des entreprises JEUNE AFRIQUE


Mali Mélo à mi-mandat OPÉRATION VILLE PROPRE

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

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Le Centre international de conférences de Bamako, dans le quartier du Fleuve.

se montre particulièrement enthousiaste. Sans jamais perdre de vue les défis logistiques et sécuritaires qui restent à relever.

C l av i e r, l’a mb a s s a d e u r chargé de l’organisation de ce 27e sommet, et Gilles Huberson, l’ambassadeur de France au Mali.

JEUNE AFRIQUE : Comment le sommet se présente-t-il et que représente-t-il ? ABDOULLAH COULIBALY :

Côté sécurité, quelles dispositions ont été prises ?

Nous attendons près de 2 500 personnes, et s’il y en a davantage, tant mieux ! Le Mali est un pays hospitalier. En organisant ce sommet à Bamako, la France et les pays africains ont voulu envoyer un message fort de solidarité pour que le Mali redevienne aux yeux du monde une destination sûre. Pour nous, c’est aussi un signal important à l’attention des investisseurs étrangers. Les deux maîtres mots sont la paix et l’émergence: pour développer, il faut sécuriser. Nous connaissons les risques et c’est un défi majeur à relever. Pour ce faire, nous œuvrons main dans la main avec les représentants français, en particulier Frédéric JEUNE AFRIQUE

Nousy travaillons beaucoup avec nos partenaires français et africains, car la clé de la sécurité c’est la mutualisation des dispositifs et le partage des informations. Je peux vous garantir que tout est déjà prêt pour assurer la protection des délégations (qui seront transportées en véhicules blindés), en particulier aux abords du Centre international de conférences, où se tiendront une grande partie des rencontres. Le volet économique sera-t-il important ?

Le Mali est dans une dynamique de reconstruction. Pendant le sommet, nous allons parler logement, transports, énergie, eau, etc. Des rencontres sont prévues entre le patronat français [quelque 200 opérateurs économiques

oucieuses d’améliorer l’image de Bamako, les autorités maliennes mettent l’accent sur la propreté de la capitale. Depuis début 2015, la gestion de l’assainissement du district a été confiée à la société marocaine Ozone, dont les escouades aux uniformes jaune et orangé assurent la collecte des ordures ménagères, le curage des égouts et le nettoyage des rues: dessablage, désherbage, décapage, lavage, etc. Ce qui est encore insuffisant pour libérer l’agglomération des tonnes d’immondices jetées dans ses ruelles et dans le fleuve par les Bamakois. Au cours des mois précédant le sommet, plusieurs concours de propreté seront donc organisés dans et entre les quartiers, et tous les habitants, petits et grands, écoliers et piroguiers, vont être invités à toiletter les berges du Niger. En espérant que les bonnes F.-X.F. habitudes perdureront.

français sont attendus] et des entrepreneurs africains – maliens, nigérians, sud-africains, égyptiens, etc. –, ainsi qu’avec des sociologues et des universitaires. Le développement n’est pas une affaire de castes, il concerne tout le monde. Ce sommet doit aussi enclencher une dynamique et donner des perspectives à notre jeunesse. Il y sera beau-

unies pour l’éducation, la science et la culture]. On y parlera d’emploi, de formation professionnelle, mais aussi de radicalisme religieux et du problème de la migration. La culture sera-t-elle aussi à l’honneur ?

De grands artistes maliens et français, comme Toumani Diabaté et Kassav, devraient animer les soirées pendant

Il sera beaucoup question des jeunes et de l’emploi. coup question d’éducation et de culture, car ce sont des éléments importants dans la résistance à la crise que vit le Mali. En outre, nous comptons créer 3 500 à 4 000 emplois jeunes autour du sommet. Au préalable, nous allons organiser, fin septembre, un forum pour les jeunes Maliens, avec l’Organisation internationale de la francophonie [OIF] et l’Unesco [Organisation des Nations

le sommet. Nous allons aussi construire un village culturel et artisanal et nous rendrons un hommage à Malick Sidibé, décédé cette année, à travers une rétrospective. Par ailleurs, nous voulons associer les villes françaises jumelées avec des communes maliennes à de grandes manifestations culturelles. Ça sera un beau sommet ! Propos recueillis à Bamako par F.-X.F. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

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ANPE - Mali Une institution au cœur de la politique de l’emploi L’ANPE multiplie les synergies avec les collectivités locales et le secteur privé afin de contribuer efficacement aux ambitions gouvernementales en termes de création d’emplois. L’Agence nationale pour l’emploi du Mali (ANPE - Mali) met les bouchées doubles pour participer à l’ambition présidentielle de créer 200 000 emplois à moyen terme, en lien avec la relance de l’économie en cours. Réformée en 2001, cette institution a pour mission de contribuer à la mise en œuvre de la politique nationale de l’emploi à travers plusieurs moyens. C’est elle, en particulier, qui procède à la prospection, à la collecte des offres d’emploi auprès des employeurs et à la mise en relation de l’offre et de la demande d’emploi. Elle vise la création annuelle de 10 000 emplois dans les années à venir.

DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS EN 2015 Ses activités de promotion en 2015 ont contribué a la création de 1 056 emplois directs. 1 939 entreprises ont été visitées par ses conseillers afin de rapprocher l’agence de ces dernières. Quinze sessions de formation destinées à 641 personnes ont été organisées au titre des techniques de recherche d’emploi, un maillon essentiel du travail de l’ANPE, alors que 2 844 entrées en formation ont été enregistrées. L’ANPE, qui s’apprête à mettre en place un nouveau plan de communication en partenariat avec une agence spécialisée, se fait notamment connaître du grand public à travers les programmes télévisés « Itinéraires » et « Baara ». UN TRAVAIL DE PROXIMITÉ POUR DES EMPLOIS PÉRENNES

Le directeur général de l’ANPE Mali, M. Ibrahim Ag Nock

Pour poursuivre sur cette lancée, le budget 2016 de l’ANPE a crû de 14 % par rapport à l’année précédente, atteignant 5,1 milliards F CFA. La moitié de cette somme est consacrée aux projets du programme d’actions gouvernementales 2013-2018. Sa direction, à commencer par son directeur général, M. Ibrahim Ag Nock, met l’ac-

LE CENTRE DE PERFECTIONNEMENT ET DE RECONVERSION DE L’ANPE L’ANPE concourt depuis 2012 à la mise en œuvre d’activités de formation professionnelle et d’insertion. Pour remplir cette mission, elle compte sur son Centre de perfectionnement et de reconversion (CPR). L’un des derniers concours d’entrée à cet établissement était par exemple destiné aux agents des Banques et établissements financiers. En juin dernier, le CPR a organisé une cérémonie pour la fin de cursus d’une trentaine d’auditeurs formés en Licences professionnelles, conformément au système Licence-Master-Doctorat (LMD). Le centre permet ainsi aux demandeurs d’emplois et aux cadres d’entreprises de recevoir une formation continue, tout en rapprochant l’enseignement supérieur de l’entreprise.


PUBLI-INFORMATION

cent sur des actions intégratrices, dans le cadre de l’autonomisation des femmes et de l’emploi rural, pour promouvoir des projets décents, productifs et pérennes. L’agence multiplie ainsi les contacts avec les collectivités territoriales et le secteur privé, qui doivent s’approprier les actions qu’elle impulse. Pour davantage de rigueur et d’efficacité, elle applique l’approche Gestion axée sur les résultats (GAR) aux axes du Plan stratégique de développement 2015-2019 (PSD).

Le DG de l’ANPE remettant l’attestation de fin de formation à la présidente de l’association des femmes de la commune VI

CRÉER PLUS DE SYNERGIES AVEC LES ENTREPRISES plois pour un Mali émergent ». Ce projet se concrétise par l’installation de 200 kiosques de « Mobicash » à Bamako et dans les environs de la capitale pour un premier test. Le directeur général de l’ANPE a lancé un appel aux autorités communales afin qu’elles accompagnent les sollicitations des promoteurs pour les espaces identifiés répondant aux critères définis.

• 10 000 emplois avec le FARE

• L’ANPE en « selle » avec le PMU

L’ANPE et le Fonds auto-renouvelable pour l’emploi (FARE) ont signé en février dernier une convention de programme de financement de projets PME/PMI, avec l’ambition de créer à moyen terme près de 10 000 emplois. Ce programme propose un meilleur accès aux crédits pour les porteurs de projets, qui bénéficient d’un système de garantie bancaire et se voient aidés dans le cadre du montage de leurs plans d’affaires. L’ANPE s’engage en effet à constituer un fonds de garantie à hauteur de 500 millions de F CFA auprès de ses banques partenaires, afin de favoriser le financement de 250 PME/ PMI. Trente chèques d’une valeur totale de 50 millions de F CFA ont été remis à trente promoteurs dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudenit en juin dernier, lors du lancement officiel du programme.

Une convention de partenariat entre l’ANPE et la Société de pari mutuel urbain (PMU-Mali) a été signée en juillet dernier. Elle vise plusieurs objectifs, parmi lesquels le perfectionnement des salariés permanents et des employés vacataires, la formation des revendeurs prestataires, l’exploitation des statistiques d’emplois créées par le PMU, la communication à l’ANPE des nouveaux besoins de recrutement de la société et la détermination de nouveaux créneaux porteurs.

• 2 000 auto-emplois avec Sotelma-Malitel Sotelma-Malitel a renforcé en mars dernier son partenariat avec l’ANPE, avec le but affiché de créer « 2 000 auto-em-

• En liaison avec le patronat Après une décennie de collaboration dans le domaine de l’emploi, le Collectif national des bureaux de placement payants et des entreprises de travail temporaires (Conabem) et l’ANPE ont formalisé leurs rapports, en janvier dernier, au siège du Conseil national du patronat. Cette nouvelle dynamique permet de fédérer les statistiques des deux entités et d’orienter au mieux les futurs entrepreneurs, offreurs et demandeurs d’emplois.

ADRESSES DIRECTIONS RÉGIONALES KAYES Liberté. BP 118, Tél. : (+223) 21 53 16 53 KOULIKOR Koulikoroba Cité du Haut-Commissariat. BP 21, Tél. : (+223) 21 26 21 87 SIKASSO Wayerma II Quartier Administratif. BP 204, Tél. : (+223) 21 62 03 60 SEGOU Centre Commercial rue 24 Porte 222. BP, 158 Tél. : (+223) 21 32 03 88 MOPTI Komoguel II Quartier commercial BP 165, Tél. : (+223) 21 43 02 11 GAO Château Secteur I BP 38, Tél. : (+223) 21 78 91 39 TOMBOUCTOU Djingareïber BP 45, Tél. : (+223) 21 79 12 93 KIDAL (Etambar) BP 60, Tél. : (+223) 21 78 45 24

Agence nationale pour l’emploi (ANPE) Avenue Moussa Travele Quartier du fleuve BP-211 Bamako, Mali (+223) 20 22 31 87 anpe@anpe-mali.org www.anpe-mali.org

DIFCOM / Photos : Droits réservés

L’une des missions de l’ANPE-Mali consiste à collecter des offres d’emplois auprès des employeurs et de mettre ces derniers en relation avec la demande nationale. C’est pour la mener à bien qu’elle a signé depuis un an plusieurs partenariats avec des institutions publiques et privées. Son but : créer des synergies qui seront tout aussi avantageuses à ces entreprises qu’aux chômeurs.


Le Plus de J.A. AUDIOVISUEL

« Taxi Tigui », des sketchs qui dépotent Écrite en bambara, tournée à Bamako et financée localement, cette série est 100 % malienne. Ses deux premières saisons, diffusées de mars à juin sur l’ORTM, ont conquis les téléspectateurs.

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eulementdeuxmoisdepréparation et douze jours de tournage ont suffi pour réaliser les deux premières saisons de Taxi Tigui (« le chauffeur de taxi », en bambara), soit 44 épisodes de trois minutes. De mi-février à début mars, une trentaine de jeunes acteurs, professionnels et figurants, ont enchaîné les saynètes sous les ventilateurs autour d’un vieux taxi Mercedes jaune. Tout a été tourné en intérieur sur fond vert, dans une salle d’exposition du Musée national de Bamako, transformé pour l’occasion en studio de tournage. « Le directeur nous a fait confiance. Je rêve de posséder un jour des studios de cette dimension, comme une Cinecittà malienne ! » se réjouit Nicolas Frébault. À la fois directeur de production et journaliste-reporter d’images, amoureux d’un pays qu’il considère désormais comme le sien, le Français est installé depuis vingt ans au Mali. À 45 ans, il a conservé le sourire espiègle de l’enfance et une imagination débordante, même sous 45 °C à l’ombre. « L’idée de Taxi Tigui vient de lui », reconnaît son associé et ami, le réalisateur Toumani Sangaré, 35 ans (lire page suivante); ensemble, ils ont fondé en 2015 la société BanKO, qui produit la série.

tout le monde s’y retrouve. Outre des milliers d’amis sur Facebook, « Taxi Tigui a un fan-club, on reçoit des félicitations depuis les États-Unis et nos vidéos ont déjà été piratées, mais ça, on s’en doutait ! » poursuit le réalisateur.

Dans Taxi Tigui, le personnage central est F-One, un chauffeur de taxi incarné par l’excellent Koman Diabaté – qui se prend pour un pilote de Formule 1, d’où son surnom. Dans chaque épisode, un ou plusieurs passagers montent dans sa voiture et embarquent le téléspectateur au gré de sketchs qui racontent avec légèreté et humour le quotidien des Maliens. La série se veut aussi pédagogique. « On essaie d’inculquer des valeurs, précise Toumani Sangaré. Par exemple, contrairement à ce qu’on observe dans

EXPLOIT. Sa bande originale, joyeuse et

très rythmée, a également contribué au succès de la série. Elle est signée du musicien reggae-dub Manjul (lire pp. 96-97), célèbre à Bamako pour avoir travaillé avec Amadou et Mariam, Salif Keïta, Tiken Jah Fakoly, Takana Zion… « Quand j’étais enfant, je jouais La bande originale, joyeuse et déjà aux petites voitures en écourythmée, est signée du célèbre tant de la musique », raconte le compositeur. Inspiré par les musicien reggae-dub Manjul. mélodies d’Ennio Morricone les vrais taxis, personne ne jette de sacs et les BO de polars français autant que par les musiques maliennes et rasta, le en plastique par la fenêtre, et notre chaufmulti-instrumentiste a un goût certain feur met sa ceinture de sécurité ! Surtout, on trouve de tout dans Taxi Tigui : des pour l’éclectisme, voire la cacophonie. « J’ai mélangé de la mandoline et du riches, des pauvres, des griots, des enfants turbulents, un chasseur, un mythomane n’goni, des klaxons et des sifflets, du regqui se prend pour Muhammad Ali, etc. gae et du folk américain, et j’ai secoué », La plupart des situations sont inspirées précise-t‑il. du réel, comme ce couple d’amoureux Diffusée entre mars et juin par l’Ofqui demande à notre chauffeur d’être fice de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) du lundi au mercredi à témoin à son mariage. » Le pari est réussi: 19 heures, Taxi Tigui est une production 100 % malienne. La série est tournée à Bamako en bambara (sous-titrée en français) et financée par des Maliens – pour un budget global d’environ 40 millions de F CFA (près de 61 000 euros). Un exploit alors que le petit écran malien est inondé de telenovelas sud-américaines et de feuilletons ivoiriens. « Cette série indépendante a été entièrement produite grâce à des fonds privés et des sponsors locaux, comme Diago, Orange et Total Mali, souligne Nicolas Frébault. On espère pouvoir créer une véritable industrie audiovisuelle dans le pays. » Avec BanKO, il espère notamment adapter Taxi Tigui à d’autres métropoles comme Dakar, Abidjan et, pourquoi pas, Paris. Plusieurs chaînes africaines et françaises auraient déjà manifesté leur intérêt. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR JA

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Tout a été tourné dans une salle du Musée national aménagée en studio. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE


Mali Mélo à mi-mandat ses études de médecine à Bamako… Ça a été le déclencheur. J’ai décidé de m’installer au Mali en 2000. Avec Nicolas Frébault, que j’avais rencontré lors d’une émission de radio, j’y ai depuis réalisé plusieurs clips pour les rappeurs Diata Sya, Tata Pound, Fanga Fing, ainsi qu’un documentaire sur la célèbre chanteuse Bako Dagnon. J’ai aussi réalisé un film pour la chaîne télévisée France Ô sur le rappeur franco-rwandais Gaël Faye.

Le producteur franco-malien, à Bamako, en mai.

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

Après le succès de Taxi Tigui, quels sont vos projets ?

Toumani Sangaré « On s’intéresse à nous à l’étranger. Je crois qu’il se passe quelque chose » Cofondateur de la maison de production BanKO, le réalisateur de Taxi Tigui travaille sur un film d’aventures et prépare une nouvelle série humoristique pour la rentrée.

N

é à Paris d’une mère française et d’un père malien, le réalisateur Toumani Sangaré s’est passionné très jeune pour l’audiovisuel. En 1995, alors qu’il n’avait que 15 ans, il cofonde le collectif Kourtrajmé (verlan de « court-métrage ») avec, entre autres, les réalisateurs Ladj Ly, Kim Chapiron et Romain Gavras, le photographe JR ou encore l’animateur Mouloud Achour. En 2000, il quitte Paris pour Bamako. Avec le Français Nicolas Frébault, journaliste-reporter d’images et producteur, il y fonde le collectif Kourtrajmé Africa, ainsi qu’une société de production : BanKO. Ensemble, ils produisent et réalisent des publicités (notamment le premier spot publicitaire de l’opérateur Malitel, pour la CAN 2002), des clips vidéo (pour Salif Keïta, Mokobé et le groupe de rap 113) et des documentaires. À bientôt 36 ans, après le succès de la série télévisée Taxi Tigui (lire ci-contre), le réalisateur dévoile ses nouveaux projets. JEUNE AFRIQUE

JEUNE AFRIQUE : D’où vous est venue votre vocation? Et pourquoi avoir choisi de vous installer à Bamako ? TOUMANI SANGARÉ : Fils d’une mère

originaire de Bernay, près d’Évreux, en Normandie, et d’un père malien, j’ai grandi dans le 11e arrondissement de Paris. Je suis 100 % français et 100 % malien : ma famille m’a élevé comme

Je travaille sur un long-métrage, Nogochi, qui veut dire « race humaine ». Un film d’aventures qui raconte l’histoire d’un jeune Noir affranchi, Sibiri, recueilli par des chasseurs Donso, au XIXe siècle. Il doit affronter un colon mercenaire à la recherche d’un trésor. Avec mon épouse, Emma, et mon associé, Nicolas Frébault, nous sommes par ailleurs en train de plancher sur de nouveaux contenus pour la télévision malienne, voire ouest-africaine. On travaille notamment sur une émission de santé, ainsi que sur une nouvelle série pour la rentrée, Bissi Malah, qui racontera les aventures, humoristiques, d’un « gaou », un gars du village accueilli dans sa famille à Bamako. Est-ce plus stimulant de travailler à Bamako qu’à Paris ?

L’univers artistique malien a été longtemps mal ou peu exploité, mais il est vraiment riche et très diversifié. Au Mali, je peux revisiter les genres. On se sent libre. Et je suis sûr que grâce à cette créativité ambiante on peut même créer un genre nouveau, proprement malien. La seule difficulté est qu’il faut convaincre les gens, « labourer » le terrain en permanence. C’est

Ici, on peut revisiter les genres, voire en créer un nouveau. On se sent libre. ça et je suis à l’aise dans mes deux pays. J’ai fait mes premières armes dans la vidéo quand j’étais au lycée, en travaillant pour des télévisions locales. À 17 ans, j’étais cadreur-monteur pour Canal Web [une agence spécialisée dans la conception de sites web]. Très tôt, mon père m’a transmis le virus du pays. On y passait de longs mois l’été. Et puis mon frère est allé faire

usant ! Mais les retours que nous avons eus sur le succès de Taxi Tigui et le fait qu’on ait pu entièrement financer la série au Mali me laissent croire qu’il se passe quelque chose. Les chaînes étrangères commencent à s’intéresser à nous et à nous suivre, car ici les coûts de production sont très peu élevés et il y a du potentiel. Propos recueillis à Bamako par F.-X.F. N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

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Le Plus de J.A. Mali CULTURE

Collectif jeune et musical mandingue

I

29 ans habite toujours le quartier popul fut un temps où nombre de clips au son ultra-saturé étaient tournés au laire de Sotuba, dans l’est de Bamako. Par choix. Il dit ne pas boire d’alcool, ne bord de la piscine de l’hôtel Mandé, le long du fleuve, à Bamako. Des pas fumer et ne pas consommer de chanteuses en boubou, griottes pour drogue. Dans le clip de son single la plupart, entourées de danseuses aux Faligalaka, sorti en juin 2015, Halala (« le sourires démesurés, déclamaient leur digne, le noble »), comme le surnomment amour ou louaient le mariage, des fleurs ses fans, est filmé au milieu de la brousse et danse vêtu d’une chemise en pagne. dans les cheveux. À l’époque, les mélodies maliennes se balançaient sur le tempo « On est revenu aux sources, dit Tal B, du balafon et de la kora. pour expliquer la démarche du collectif. Puis, à la fin des années 1990, vint le On chante en bambara, on joue avec les instruments traditionnels. On revient à temps des premiers rappeurs, aux accents l’africanité aussi. Ça ne nous empêche politiquement incorrects, influencés par la scène hip-hop améripas de critiquer le poucaine ou française et la voir, mais on évite les montée en puissance des injures. » Et ça marche. musiques électroniques. Avec ses complices de Exit les instruments tradila GRR en guest-stars, tionnels. Certains crurent il a rempli plus d’une que c’en était fini de la fois le stade Modiboculture mandingue. Les Keïta de Bamako, ainsi (Keyzit) que ceux de Kayes, CD piratés de Tata Pound, Le nouveau single de Tal B, paru Sikasso et Mopti. Zion B ou Kira Kono s’arrale 10 juillet, et nouvel extrait de chaient au marché noir le Moins engagés sur le l’album Sinignèsigui, dans plan idéologique que long des principales artères les bacs le 23 août de la capitale. Et puis il y ceux de la génération eut le séisme du coup précédente, ces rapd’État de mars 2012 qui peurs d’aujourd’hui renversaAmadouToumani racontent leur jeunesse Touré (ATT). Les poliet veulent « ambiancer » la vie malgré tiques accusèrent de tous les difficultés, quitte les maux cette jeunesse parfois à déraper en qui slamait l’incivisme oubliant les bonnes et scandait la révolution le premier titre de l’album contre ATT. mœurs, au grand dam Diabatéba Music vol. 1 des religieux, tout en de Sidiki Diabaté, paru restant très politiqueHALALA. C’est ainsi que le 15 juillet chez Keyzit ment corrects, dans naquit, en avril 2012, Génération Rap & Respect, tous les sens du terme. désormais couramment Près de chez Tal B vit l’une des étoiles dénommée Génération RR montantes de cette (GRR). Parmi les membres GRR. Tout de noir fondateurs du collectif : vêtu, pantalon cigaYoussouf Traoré, alias rette, chaîne en or, Tal B. S’il roule dans une lunettes de soleil, basgrosse voiture de sport cusd’Iba One produit par Lil B et F.A.B tomisée, le rappeur de kets dorées… Ibrahim

Échec Zéro

« Viens danser »

«Monè Bo Den »

N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

De Tal B à Sidiki Diabaté, en passant par Iba One, les compositeurs et interprètes de Génération Rap & Respect mêlent instruments traditionnels et rythmes électro. En dignes représentants de l’art des griots et du mouvement hip-hop.

PHOTOS : DR

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Sissoko, alias Iba One, 27 ans, ressemble à s’y méprendre à son idole, Michael Jackson, à ses débuts. Derrière son look de « bad boy bling-bling », comme il se décrit lui-même, se cache un auteurcompositeur-interprète timide. Originaire de Kayes, musulman pratiquant, farouchement antidrogue, il « chante pour [sa] mère » et pour la jeunesse malienne, qui se retrouve dans ses paroles, l’invitant à « ne pas baisser les bras face à la crise ». Lors de la dernière cérémonie des Trophées de la musique au Mali (Tamani), en février, il a été élu Tamani d’or du meilleur rappeur. Il enchaîne les concerts au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, où il a fait salle comble lors de sa prestation au festival Manifest 2016, en avril, au Palais du peuple de Conakry. « Je m’en sors très bien grâce aux concerts, confirme Iba One. Les cachets peuvent nous rapporter entre 5 et 30 millions de FCFA (entre 7620 et 45735 euros), alors que la vente de disques, plus rien du tout, c’est mort… J’ai publié trois albums de 2009 à 2012, mais je n’en ai pas sorti depuis. Je ne fais plus que des singles et du live ! » Le rasta franco-malien Manjul est un incontournable de la scène musicale locale. À 40 ans, ce compositeur surdoué, parisien d’origine, mais installé à Bamako depuis dix-sept ans, a fait les arrangements de la plupart des grands musiciens du Mali, et notamment, de ces nouveaux talents. « Tal B, Iba One, Gaspi et les autres ont un grand respect des anciens, et des moins vieux, comme moi, qui avons jeté les bases de la musique JEUNE AFRIQUE


Voir aussi notre vidéo Les bons génies de la scène musicale malienne

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FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR JA

Tal B, dans son quartier de Sotuba, à Bamako.

p Iba One, fan de Michael Jackson, dit chanter pour sa mère.

malienne d’aujourd’hui, souligne-t-il. Ce qui est bien, c’est que la crise de l’industrie musicale les a obligés à revenir au live et à l’instrumentation. » WEB. Binetou Sylla, directrice du légen-

daire label Syllart Records, suit de près l’évolution de cette génération depuis quelques années. Elle n’en avait encore produit aucun jusqu’à présent, mais, en juin, elle a sorti Afrodias, une mixtape des meilleurs rappeurs « afro », avec la collaboration d’une pléiade de nouveaux talents, dont Iba One. « Ils ont émergé seuls, en s’autoproduisant, en se faisant connaître par le web, et la diaspora leur a donné un écho partout dans le monde, explique-t-elle. C’est comme ça qu’Iba One fait aujourd’hui des concerts à Paris ou à Washington. » JEUNE AFRIQUE

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA

Sidiki Diabaté et son père, Toumani.

partagées. C’est lui qui surveille et gère Longtemps inséparable d’Iba One, ma carrière. » même si on les dit aujourd’hui fâchés, Son plus proche ami, M’Bouillé Koïté, Sidiki Diabaté, 25 ans, mène également une belle carrière internationale depuis 27ans, neveu de Habib Koïté, lui aussi issu d’une famille de griots, partage le même déjà dix ans, mêlant le son de sa kora électrique au rap. Auteur-compositeursentiment. « C’est peut-être la différence interprète et multi-instrumentiste, lui avec nos pères, notre musique est le fruit de beaucoup de mélanges », confie celui aussi membre de la Génération RR, le fils du célèbre Toumani Diabaté (Grammy qui a étudié la guitare et le balafon à l’InsAwards 2006 et 2010) n’oublie pas qu’il titut national des arts (INA) du Mali, avant est le représentant de la 72e génération de se lancer dans une carrière à succès. Une fusion originale qui excelle dans de l’une des plus exceptionnelles familles de griots korafola (« joueurs de kora »). les compositions de Mohamed Diaby, fils « C’est notre Michael Jackson à de la griotte Koumba Kouyaté. À 30ans, il nous ! » s’exclame N’Diaye Ramatoulaye Diallo, la ministre Ils racontent leur quotidien malienne de la Culture, en paret veulent « ambiancer » la vie, lant de Sidiki. Ce jour-là, elle malgré les difficultés. reçoit les Diabaté père et fils en grande pompe. « Grâce à mes est le plus vieux de la GRR et a longtemps enfants, je connais les chansons de Sidiki par cœur, poursuit-elle. Je suis fière de travaillé avec les uns et les autres avant de se forger un style à part. « Je mélange cette génération, car c’est notre richesse, jazz, hip-hop et musique mandingue, quelles que soient les difficultés. Et c’est précise-t-il. Sans oublier l’afro-beat. » la carte de visite que j’aime mettre en Au Mali, la musique ressemble au avant dans le monde. » La veille, Sidiki a fleuve Niger. Immuable avec ses éterdonné un concert exceptionnel au palais nels piroguiers. Dont jamais la source de la Culture d’Abidjan, qui a rassemblé ne tarit, quels que soient les aléas du plus de 20 000 fans électrisés. Le succès du petit prince de la kora temps. Malgré les sécheresses, la menace est fulgurant et dépasse aujourd’hui terroriste et les anathèmes religieux contre la culture, Bamako continue de faire celui du maestro de la Kora, son père, entendre sa voix et son flot de musique. Toumani. « Je suis à la rencontre du pré« Ça ne s’arrêtera jamais, confirme sent et du passé, confie Sidiki Diabaté. Binetou Sylla. D’ailleurs, une nouvelle La musique malienne, c’est comme ma génération est déjà en train de pousser, carte d’identité. Je viens d’une famille à l’image du rappeur Weei Soldat, dont de griots de plus de 700 ans d’existence. la carrière explose en ce moment. » Et avec mon père, j’ai encore plus de FRANÇOIS-XAVIER FRELAND complicité, de valeurs et de virtuosité N 0 2901-2902 • DU 14 AU 27 AOÛT 2016


ÉNERGIE DU MALI - SA

POURSUITE DU DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS EN DÉPIT DES DIFFICULTÉS Domaine stratégique, l’énergie est incontournable pour réduire la pauvreté et contribuer au développement économique et social du Mali. L’accès du plus grand nombre à cette ressource reste cependant un grand défi à cause du déséquilibre important entre l’offre et la demande. Aussi dès sa prise de fonction, le Ministre de l’Énergie et de l’Eau, Monsieur Malick Alhousseini, a fait de la bonne préparation de la pointe 2017 (période de forte chaleur) « son cheval de bataille ». Grâce à des contacts directs comme, entre autres, notre partenaire ivoirien, un plan d’urgence est en cours d’élaboration et permet d’envisager l’avenir en toute sérénité.

Aujourd’hui, en plus des achats d’énergie avec des sociétés sœurs (CIE de Côte d’ivoire, SENELEC du Sénégal et SOMELEC de Mauritanie) à travers l’interconnexion, et de la location de centrales thermiques, EDM-SA dispose essentiellement de deux sources de production électrique.

Vue du chantier de la nouvelle centrale de Tombouctou.

EDM-SA DÉVELOPPE SON POTENTIEL ÉNERGÉTIQUE

Direction Générale : Boîte Postale 69 Bamako - Mali Tél. : +223 222 30 20 +223 222 30 61 Fax : +223 222 84 30

Il est de notoriété que le secteur énergétique est confronté à un important besoin d’investissement, tant en matière d’infrastructures, que de services, pour faire face aux besoins croissants en électricité des populations et de tous les secteurs d’activités économiques notamment du domaine industriel. Il importe donc, pour soutenir ce développement et conformément aux recommandations de la Politique Énergétique Nationale émanant de la volonté des plus hautes autorités du pays, de promouvoir les énergies renouvelables et d’introduire ces ressources dans le mix énergétique de EDM-SA. Cela est d’autant plus porteur d’espoir qu’il existe au Mali un grand potentiel dans le domaine des énergies renouvelables, à commencer par le solaire.

• La production hydro-électrique, d’une puissance installée de 312,7 MW provenant des barrages (Sélingué : 47 MW, Manantali : 200 MW, Félou : 60 MW et Sotuba : 5,7 MW). Hormis les ouvrages de Sélingué et de Sotuba qui appartiennent à EDM-SA, les autres relèvent de l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), le quota pour EDM-SA est respectivement de 52% et 45 % sur Manantali et Félou. Dans cette perspective, la construction des barrages hydro-électriques de Kenié (région de Koulikoro) et de Taoussa (région de Gao) est très attendue pour une augmentation des capacités de production énergétique à des coûts relativement bas par rapport à la production thermique. • La production thermique avec des centrales utilisant du gasoil ou du fuel lourd représente actuellement 60 % de la production d’électricité à EDM-SA. Ces centrales pour une puissance installée à Bamako de 190,2 MW (Dasalam : 24,6, Balingué Deutz : 23,5 MW, Balingué BID : 72,9 MW) et dans vingt-trois (23) autres centres à l’intérieur du pays pour 69,2 MW environ. Le coût des hydrocarbures est le principal poste de dépenses de la société, plus de 80 milliards F CFA par an. Ce coût très onéreux de la production thermique a conduit EDM-SA à une reconversion progressive des groupes au fuel lourd notamment sur le site de Balingué.


PUBLI-INFORMATION

Malgré les grands efforts consentis par l’État pour stabiliser les prix de vente de l’électricité et améliorer son accès au plus grand nombre, des contraintes persistent. Les coûts de production restent également élevés. Si la population urbaine est couverte à 67,2 %, la couverture reste encore trop faible dans l’ensemble du pays. EDM-SA redouble d’efforts pour palier aux insuffisances de couverture par les réseaux. INTÉGRER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LE MIX DE PRODUCTION

La valorisation à terme de ce potentiel permettra de réduire de façon substantielle la dépendance en hydrocarbures tout en protégeant l’environnement conforment aux engagements de la COP 21 à Paris et en améliorant l’offre en énergie électrique. En outre, au niveau international, on constate une amélioration de l’offre des solutions techniques pour l’exploitation de l’énergie solaire, tant par la tendance à la baisse des coûts des équipements que par sa diversification. Ce constat a conduit EDM-SA à s’orienter de plus en plus vers le système hybride (diesel-solaire) principalement dans les centres isolés en vue de minimiser les coûts de production par la substitution d’une partie des combustibles fossiles par l’énergie solaire. Ce mix énergétique dans lequel le solaire occupera une place de choix, contribuera à l’atteinte des objectifs suivants : • Favoriser le développement de la fourniture d’électricité par la création de nouveaux centres ; • Produire le kWh à un coût maîtrisé ; • Développer l’électrification des centres isolés afin d’améliorer les conditions de vie des populations et le développement des activités économiques ; • Accroître les revenus des plus pauvres grâce à la création d’activités génératrices de revenus ; • Réduire la facture d’hydrocarbures supportée par EDM-SA ; • Contribuer à la sauvegarde de l’environnement par la réduction du taux d’émission des gaz à effet de serre.

Monsieur le Ministre Malick Alhouseini (en blanc) avec le Directeur Général de EDM-SA Mahamadoun Guindo lors de la visite d’une installation électrique.

Ainsi, grâce au partenariat public / privé, de grands projets de construction de centrales solaires sont envisagées à Ségou (SCATEC, 33 MW) et à Kita (AKUO, 50 MW). La valorisation à terme de ce potentiel permettra de réduire la dépendance énergétique tout en participant à la protection de l’environnement. Il faut aussi souligner que les infrastructures des centres de Ouelessébougou, Koro, Bankass, Tominian, et des nouveaux centres de Nara, Diéma et Siby constituent une bonne illustration de cette vision de transition énergétique. D’autres centres sont en projet (Ansongo, notamment). Parallèlement à ces ouvrages hybrides, EDM-SA a édifié de nouvelles centrales thermiques à Gao, Tombouctou, San et Nioro du Sahel pour faire face à la demande toujours croissante des populations. Un renforcement apprécié par les usagers car la disponibilité de l’électricité permet de faire repartir les actions de développement. ■

DE NOUVEAUX CENTRES DE PRODUCTION LOCALITÉ DE BLA Située dans la partie sud-est de la région de Ségou, la localité de Bla fondée au 16e siècle a été érigée en chef-lieu de cercle en 1977. La reprise en 2016 de la fourniture de l’électricité de la ville de Bla par la société Énergie du Mali SA (EDM-SA), traduit la volonté politique qui anime les plus hautes autorités du pays de développer l’accès à l’électricité au plus grand nombre. Elle s’est concrétisée le vendredi 10 juin 2016 par une séance d’information des autorités locales (administratives, politiques et coutumières) et de la population par une équipe pluridisciplinaire d’EDM-SA sur le service public de l’électricité et le nouveau partenariat avec EDM-SA. Depuis cette date, une centrale thermique d’une puissance totale installée de 800 kVa assure l’alimentation de la ville en service continu. LOCALITÉ DE TENENKOU Créée en 1818 par Bory Han Sallah, Tenenkou (qui signifie endroit fertile pour la riziculture) est un chef-lieu de préfecture située dans la région de Mopti sur la rive gauche du fleuve Niger dans la zone inondée du delta central. L’activité économique est basée sur l’élevage, la pêche, l’agriculture et l’artisanat. La reprise de Tenenkou par EDM-SA a permis de mettre à la disposition des populations, une énergie vitale pour le développement socio-économique à travers une centrale thermique d’une puissance installée d’environ 500 kVa.

DIFCOM / Photos : Droits réservés EDM-SA

La politique énergétique du Gouvernement vise à changer la faiblesse du taux d’accès à l’électricité pour le mieux-être des populations et pour impulser le développement du pays. Dans cette vision citoyenne, une priorité est accordée à la promotion des énergies renouvelables Le Mali dispose en effet d’importantes potentialités en énergie solaire bien réparties sur le territoire : • 5-7 kWh/m2/jour ; • 300 jours / an d’ensoleillement avec une moyenne de 2 800 heures / an.


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