Maroc L’amour au temps des islamistes jeuneafrique.com
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • no 2904 • du 4 au 10 septembre 2016
Énergie « L’Afrique reste le continent clé » Une interview exclusive du PDG de Total, Patrick Pouyanné
Spécial
14
pages
GABON
Et maintenant ? Enquête, décryptage et reportage sur un pays plongé dans la plus grande anxiété. Spécial 8 pages ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE France3,80€•Algérie250DA•Allemagne4,80€•Autriche4,80€•Belgique3,80€•Canada6,50$CAN•Espagne4,30€•Éthiopie67birrs•Grèce4,80€•Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € • Italie 4,30 € • Luxembourg 4,80 € • Maroc 25 DH • Martinique 4,60 € • Mauritanie 1200 MRO • Mayotte 4,60 € • Norvège 48 NK • Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € • Réunion 4,60 € • RD Congo 6,10 $ US • Royaume-Uni 3,60 £ • Suisse 6,50 FS • Tunisie 3,50 DT • USA 6,90 $ US • Zone CFA 1900 F CFA • ISSN 1950-1285
8 ET 9 novembre 2016
L’unique salon de recrutement en ligne dédié aux carrières en Afrique
Soyez exposant au deuxième Africa Careers Forum
Contact : Fabienne Lefebvre Tél. : + 33 1 44 30 18 76 email : f.lefebvre@jeuneafrique.com www.africacareersforum.com
Vous recherchez des jeunes diplômés et des cadres expérimentés pour l’Afrique ? 2 jours pour créer un contact direct et privilégié avec les candidats. Une meilleure gestion de votre temps et de celui de vos collaborateurs. Une plateforme de gestion des candidatures et de collecte des Cv en 1 clic. Présentez votre entreprise et valorisez votre marque employeur.
DIFCOM / © cristovao31 - Fotolia
Recrutez sans vous déplacer !
Dossier
Hôtellerie
JACQUES TORREGANO POUR JA
84
CONJONCTURE
Les raisons de l’
N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
JEUNE AFRIQUE
INTERVIEW
Paul Midy
Président de JumiaTravel
ACQUISITION
Avec Starwood, Marriott s’offre un empire
DÉCOUVERTE
Le charme discret de la Villa Madiba
Malgré le ralentissement économique et les questions de sécurité, le marché hôtelier africain conserve son attractivité pour les opérateurs et les investisseurs.
U
RÉMY DARRAS
L’hôtel Ivoire, groupe Sofitel, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Mars 2016.
’optimisme JEUNE AFRIQUE
n ralentissement économique, des infrastructures et des liaisons aériennes qui restent déficientes, une insécurité toujours plus caractérisée, des crises sanitaires fréquentes… Les motifs d’inquiétude ne manquent pas pour les opérateurs et les investisseurs de l’hôtellerie. Mais, plutôt que de céder au découragement, beaucoup croient en l’avenir de leur secteur. Pour preuve, ce sont 30 % de chambres supplémentaires qui ont ouvert depuis 2015, réparties dans 365 hôtels et portant la capacité hôtelière du continent à 64 000 chambres, d’après un rapport publié par le consultant en hôtellerie, W Hospitality Group, en avril dernier – on ne comptait que 30000 chambres en 2009… Une offre qui s’adresse pour 80 % à une clientèle d’affaires ou de congrès et qui concerne principalement des établissements quatre étoiles. Et la tendance va se poursuivre. Le nombre de chambres en construction en 2016 connaît ainsi une augmentation de 34 % (30 737) par rapport à 2015, selon une étude du cabinet STR Global publiée en mai. Si bien que, d’ici à 2020, ce sont 50 000 nouvelles chambres qui devraient s’ajouter au parc existant. En Afrique de l’Ouest, 6 000 chambres sont en construction et 12 000 autres devraient compléter l’offre dans les cinq prochaines années, d’après Charlotte Specht, consultante chez Horwath HTL. Accra, Abidjan, Lagos ou Dakar, avec 400 nouvelles chambres en projet, illustrent ce dynamisme. Si le décollage du tourisme de loisirs n’est pas à l’ordre du jour, la chute des prix des matières premières n’a pas vraiment eu d’impact sur l’activité hôtelière des pays producteurs (Nigeria, Guinée équatoriale). « Bien sûr, il y a des annulations de voyages ou d’événements, reconnaît Jean-Marc Schnell, vice-président des opérations d’AccorHotels en Afrique subsaharienne, basé à Dakar. Mais cela ne remet pas en question notre plan de développement, même si sa mise en N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
85
Dossier Hôtellerie
86
œuvre peut éventuellement être décalée. » « Ce contexte n’influence pas trop le développement hôtelier, car construire un établissement prend du temps, entre quatre et six ans, dont deux à trois ans durant lesquels les investisseurs négocient avec les chaînes », analyse Philippe Gauguier, associé chez Deloitte-In Extenso et qui conseille ces derniers. OPPORTUNITÉS. Tous les acteurs du secteur font la même analyse : le continent reste une terre d’opportunités pour plusieurs raisons. Il est sous-doté en nombre de chambres, alors qu’il connaît une urbanisation rapide, avec l’émergence d’une classe moyenne et des flux croissants entre pays limitrophes. « Il y a dix ans, 65 % de la clientèle était extra-continentale, et 35 % africaine ; aujourd’hui c’est l’inverse », constate Jean-Marc Schnell. Autant de facteurs stimulants pour de nouveaux opérateurs, qui multiplient les annonces d’ouverture. Ils sont internationaux, comme Carlson Rezidor, connu pour ses Radisson, présent dans 27 pays africains avec 65 hôtels et qui prévoit 30 nouvelles implantations dans les trois ans à venir, ou encore Louvre Hotels (Golden Tulip, Campanile), propriété
du groupe chinois Jin Jiang International, qui détient 13 hôtels et envisage d’en inaugurer 15 autres cette année. Le français Accor n’est pas en reste puisqu’il gère dans 19 pays une centaine d’hôtels sous dix marques différentes. Historiquement très présent en Afrique de l’Ouest, il entend doubler son réseau d’ici à 2020 avec des ambitions dans l’est, le centre, et le sud du Dans les trois ans à venir, continent. En prévision notamle groupe Carlson prévoit ment, l’ouverture de 50 établissements en Angola, allant du de construire 30 hôtels. segment économique au luxe (27 Ibis Styles, 22 Grand Mercure et 1 Sofitel), soit au total 6 200 chambres, pour un budget de 300 millions d’euros. À ce match de poids lourds se mêlent aussi des acteurs indépendants. C’est l’exemple de la chaîne hôtelière malienne Azalaï – de l’homme d’affaires Mossadeck Bally –, des hôtels économiques Onomo, bâtis près des aéroports et qui appartiennent à la famille française Ruggieri, ou de Mangalis, une filiale du groupe Teyliom – de l’entrepreneur sénégalais Yérim Sow. Ce dernier, à l’origine du Radisson Blu de Dakar, construit en 2009, dispose de ses propres
BABBA
ACCOR REDOUBLE D’AMBITION POUR SES IBIS Ces établissements se présenteront sous trois déclinaisons : Ibis Hotel, axé sur le confort, Ibis Budget, sur le prix, et Ibis Styles, plus design, avec des modèles plus ou moins standardisés qui s’inscrivent ainsi dans l’offensive du groupe pour séduire de plus en plus d’investisseurs. « La marque Ibis est la plus aisée à mettre en œuvre, avec un coût inférieur à un Novotel ou à un Pullman », souligne JeanMarc Schnell, le viceprésident des opérations d’Accor pour l’Afrique subsaharienne. Dans les L’hôtel de Marrakech, l’un des 40 établissements dont le groupe dispose sur le continent. marchés anglophones, l’enseigne devra faire face à our sa marque phare Ibis, Accra (Ghana) et à N’Djamena avec la compagnie des concurrents sur le même l’hôtelier français Accor (Tchad), et des inaugurations d’assurances AAA Activos. segment, tandis qu’en Afrique redouble d’ambition. Alors prochaines à Sétif (Algérie) et Les premiers ouvriront près francophone il existe que, dans cette catégorie, à Mohammedia (près de de Luanda. Ibis compte beaucoup d’hôtels trois ou il dispose aujourd’hui Casablanca, au Maroc), le s’étendre par ailleurs dans les quatre étoiles indépendants, de 40 établissements sur le groupe mise beaucoup sur centres-villes des capitales mais sans acteur structuré en amont, à l’exception continent, il en comptera 80 l’Angola, avec près de africaines, là où s’effectuent des hôtels du groupe Onomo, en 2020 et aura ainsi doublé 27 établissements prévus d’ici les grands flux de voyageurs son offre économique. Après à 2017, développés en contrat en transit et de conférenciers, fondé par un ancien d’Accor. RÉMY DARRAS deux ouvertures en 2015, à de gestion, en partenariat plutôt que près des aéroports.
P
N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
JEUNE AFRIQUE
Dossier Hôtellerie
YOURI LENQUETTE
88
équipes d’ingénieurs et d’architectes, et a programmé 18 hôtels d’ici à 2018. Si ces indépendants ont la particularité de construire, d’exploiter et de rester propriétaires de leurs murs, derrière les grandes chaînes en revanche se trouvent souvent des investisseurs locaux ou internationaux, privés ou institutionnels, qui ont trouvé dans l’immobilier hôtelier une source de diversification ou un moyen de faire fructifier une fortune acquise. FRANCHISE. À l’image du groupe agro-industriel
camerounais Fadil, de Mohamadou Bayero Fadil, propriétaire notamment d’un hôtel Pullman à Douala (ex-Méridien), ou du promoteur d’origine libanaise Ghaby Kodeih, qui investit au Bénin – par le biais de sa société d’hôtellerie, de restauration et de loisirs – dans la construction et l’exploitation d’un trois-étoiles Best Western, inauguré en 2014, d’un quatre-étoiles Ramada et d’un cinq-étoiles Marriott en chantier. Des contrats de gestion ou de franchise sont alors signés. L’investissement hôtelier résulte souvent d’un mariage d’intérêts. « Les grandes chaînes hôtelières vont trouver en Afrique un levier de croissance. Les entrepreneurs, industriels ou propriétaires privés, disposent quant à eux de trésorerie et de foncier disponibles qu’ils veulent valoriser », explique Philippe Gauguier. Des investisseurs qui assument tous les risques locatifs, alors que les grandes chaînes n’interviennent que dans le service. « Quand N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
L’hôtel Radisson Blu de Dakar, au Sénégal.
Un marché prisé par les financiers
Les acteurs financiers participent largement au développement du secteur hôtelier. Aux côtés des investisseurs institutionnels, on trouve également des privés, comme Quantum Global Group, Actis, Cauris Management ou Duet Group
Radisson voit son hôtel être la cible des terroristes à Bamako en novembre 2015, il est peu exposé financièrement », rappelle Philippe Gauguier. Des investissements bien entendu répartis entre divers pays, car il faut souvent sept ou huit établissements pour amortir un tel choc. « Au moins deux ans sont nécessaires pour redonner de la valeur à un hôtel après un événement comme une attaque terroriste », assure Othmane Jabri, le vice-président fusions et acquisitions chez Kingdom Hotel Investments, qui, après avoir investi pendant huit ans dans la construction et réalisé une belle plus-value, se désengage pour demeurer actionnaire des sociétés de gestion de ses marques Mövenpick, Fairmont, Raffles et Swissôtel. Pour Stéphane Affro, le directeur du fonds Kaydan Real Estate, chargé du développement des hôtels Golden Tulip en Côte d’Ivoire, cet engouement des investisseurs pour le marché hôtelier a sa raison : « L’hôtellerie présente un rendement plus intéressant que le résidentiel ou l’immobilier d’entreprise. Ces hommes d’affaires pourraient construire des entrepôts, mais le foncier disponible dans les zones portuaires ou industrielles demeure encore la propriété de l’État. » Même si le taux d’occupation des hébergements n’est souvent que de 70 % à 75 %, le secteur reste attractif, avec des intérêts entre 8 % et 25 %. Mais c’est une rentabilité qui se mesure sur le long terme, entre huit et douze ans, le temps de développer le bien hôtelier avant de le céder. JEUNE AFRIQUE
Dossier Hôtellerie INTERVIEW
Paul Midy
Président de Jumia Travel
« Un million de visiteurs par mois, plus de la moitié via des smartphones » Lancé en 2012, le portail de réservation d’hôtels du groupe Jumia fait référence. Son patron analyse les ressorts du marché africain et confie ses ambitions.
À
peine plus de trois années d’existence, 25000 hôtels référencés et déjà plus de 1 million de visiteurs par mois : la centrale de réservation hôtelière Jovago, renommée Jumia Travel en juin, est devenue une référence sur son marché. Si son patron, Paul Midy, ne communique pas le chiffre d’affaires de la plateforme, il précise que 5 % des internautes qui la visitent effectuent une réservation pour une dépense moyenne supérieure ou égale à 50 euros. Jumia Travel emploie 500 personnes et couvre 43 pays sur le continent à partir de ses 17 bureaux africains. Le service, qui donne par ailleurs accès à des établissements dans 200 pays du monde, a « un potentiel de profitabilité très important et doit contribuer à la rentabilité du groupe Jumia [exAfrica Internet Holding] de façon conséquente », indique Paul Midy. Alors qu’une offre complémentaire
DR
90
D’une clientèle d’élite, nous sommes passés à un marché plus étendu. de réservation de billets d’avion et de packages (vol, hôtel et circuit touristique) est en développement, le Français analyse les ressorts de N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
la réservation hôtelière en ligne et livre ses ambitions. JEUNE AFRIQUE : Votre service de réservation d’hôtels en Afrique vient de souffler ses trois bougies. Où en est-il ? PAUL MIDY : Nous nous sommes
focalisés jusqu’à présent sur le marché des hôtels, en partant d’un double constat assez simple en Afrique. Les clients rencontrent des difficultés à localiser les établissements, qui sont le plus souvent indépendants et font peu ou pas de pub, voire préfèrent parfois la discrétion pour des raisons de
sécurité. La deuxième difficulté est le prix : nous proposons régulièrement des offres bonifiées du fait du volume des commandes que notre plateforme catalyse. De 20 % en moyenne, certaines promotions peuvent aller jusqu’à 80 %. Quelles gammes d’établissements fonctionnent le mieux ?
À nos débuts, nous vendions principalement des chambres dans des établissements quatre et cinq étoiles. Il s’agissait d’une clientèle d’élite, déjà très connectée. Petit à petit, le service s’élargit. Les ventes sont désormais JEUNE AFRIQUE
92
Dossier Hôtellerie majoritairement sur le segment des trois-étoiles. Quel est le ticket d’achat moyen?
Il dépassait les 100 euros voilà deux ans. Il est à présent entre 50 et 80 euros. Avez-vous des pays qui fonctionnent mieux que d’autres ?
Le Nigeria, où nous avons démarré, demeure notre premier marché. Nous y réalisons entre 30 % et 50 % de nos réservations. Ensuite, nous avons des pays touristiques comme la Tanzanie et des destinations d’affaires comme le Ghana et la Côte d’Ivoire. Certains pays, l’Algérie par exemple, cumulent les deux clientèles. Dans quel ordre de chiffre d’affaires se situe la société aujourd’hui ?
On ne le communique pas. Cela dit, notre volume d’activité croît de plus de 20 % par mois.
Jovago était une marque commune à Africa Internet Group et Asia Pacific Internet Group, son équivalent pour l’Asie et l’Océanie. Le changement de nom ne nuit-il pas à votre notoriété ?
Certains clients sont désorientés. Mais rien d’inquiétant; chaque jour, 80 % de nos usagers sont des nouveaux clients.
En interne, comment ces ponts entre Afrique et Asie sont-ils organisés? S’agit-il d’entités unifiées ou de business totalement distincts?
Ces services sont liés. Nous sommes la même entreprise. Seuls l’actionnariat et les structures juridiques diffèrent. En Afrique, Jumia Travel est détenu à 100 % par Africa Internet Holding, dont l’actionnaire majoritaire est l’opérateur téléphonique sud-africain MTN depuis l’an dernier. Ce dernier était monté au capital de Jumia fin 2013, avec une prise de participation de 33 %. Quel est le bilan de votre collaboration ?
Ils ont les moyens de notre ambition, pourrait-on dire. Par ailleurs, ils ont une excellente connaissance des marchés africains, sur N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
laquelle nous nous appuyons, et un accès privilégié à notre cœur de cible. Ensemble, nous faisons du comarketing. Ainsi, tout comme nousdistribuonsdesassurancesAxa [qui a investi 75 millions d’euros en février] sur Jumia, MTN a installé les applications Jumia sur les mobiles dont il est l’opérateur au Nigeria. De même, nous travaillons à ce que les applications de Jumia soient free of data, c’est‑à-dire non décomptées du crédit de données des usagers. Quel est le trafic sur le site et l’application Jumia Travel ?
Autour de 1 million de visites par mois pour Jumia Travel au total en Afrique. Entre 50 % et 60 % de visiteurs le consultent
Une discussion a lieu. Elle n’est pas coercitive. Tous les mois, nous nous rendons dans les hôtels et nous faisons le point avec les propriétaires sur le marché. Nous leur fournissons des éléments de comparaison sur les prix et toute une série de données que nous analysons avec eux. Sont-ils bien positionnés? Le taux de conversion est-il conforme aux établissements de gamme comparable dans le quartier ? Nous intervenons en tant que conseillers. Arrive-t‑il que certains hôtels se désistent de la plateforme ?
Oui, mais c’est très limité. Nous avons bâti notre modèle pour que les intérêts des hôteliers et ceux
Chaque jour, 80 % de nos usagers sont des nouveaux clients. sur un smartphone. Ils n’étaient que 20 % il y a trois ans. En juillet 2015, vous indiquiez que 5 % des visiteurs effectuaient une réservation. Ce chiffre a-t‑il changé ?
L’ordre de grandeur est celui-là.
La formation entre-t‑elle dans les accords conclus avec les hôtels ?
C’est un point important. Nous organisons régulièrement des formations, soit pour les managers soit pour les réceptionnistes, et nous mettons des fiches pratiques à disposition des hôtels, concernant la gestion par exemple. Lors d’entretiens mensuels, nous partageons les bonnes pratiques commerciales et nous formons le personnel hôtelier au marketing. Pour le reste, les accords visent principalement à s’entendre sur un taux de commission et sur des éléments techniques. Mais il n’existe pas d’exclusivité ou d’obligation à fournir les prix les plus bas, comme le font d’autres plateformes internationales. Vous affichez cependant des baisses de 20 % à 80 % sur les prix des chambres…
de Jumia soient convergents. Il n’y a aucun coût pour les hôtels s’ils n’ont aucune réservation sur Jumia Travel. Parvenez-vous à quantifier ce que Jumia Travel représente dans leur carnet de commandes ?
Cela va de 0 % à 80 %. Globa lement, le marché africain de la réservation hôtelière en ligne est à venir. Quand 50 % des réservations sont déjà faites en ligne en Europe, cela représente dix fois moins sur le continent. L’évolution peut se faire sans nous, mais pour le moment c’est avec et grâce à nous. Êtes-vous touché par le ralentissement de la croissance des économies africaines ?
Au Nigeria, le recul de la croissance et la multiplication par deux des prix de l’essence ont un impact macroéconomique sur notre activité. Ce sont des effets de conjoncture de court terme qui ne remettent pas en question la construction d’un groupe comme Jumia, qui s’inscrit dans une perspective de long terme. Propos recueillis par BENJAMIN POLLE JEUNE AFRIQUE
Dossier Hôtellerie ACQUISITION
Avec Starwood, Marriott s’offre un empire
En s’emparant de son compatriote, le géant américain deviendra le numéro un mondial, avec une présence renforcée en Afrique.
C
une trentaine d’enseignes luxe et ’estaujourd’huiune course à la taille, à haut de gamme. la concentration et «Alorsquelesecteurdoitaffronter à la consolidation la concurrence croissante des sites qui s’engage dans l’hôtellerie au deréservationcommeBooking.com et de la plateforme de location niveau mondial », explique JeanPierre Valensi, associé et responAirbnb, Marriott et Starwood réunis Qui pour sable du secteur hôtellerie du auront plus de poids pour négocier piloter les taux de commission face à ces l’intégration? cabinet de conseil KPMG. Après nouveaux acteurs », analyse Jeanle rachat, en avril, de l’américain Alex Kyriakidis, Pierre Valensi. Carlson Rezidor (Radisson) par qui est à la tête le conglomérat chinois HNA, de de la division EXAMEN DE PASSAGE. Avec son Fairmont, Raffles et Swissôtel Afrique et Moyen(FRHI) par le groupe Accor en réseau densifié et sa gamme élargie, Orient depuis 2012, le géant sera aussi en position de devrait être la juillet, de Louvre Hotels par Jin force pour proposer plus d’offres cheville ouvrière Jiang International en 2015, c’est de l’intégration aux investisseurs, avec « le bon au tour de Starwood (Sheraton, des hôtels concept au bon moment au bon Westin, Mér idien…) d’être endroit », et sera plus en mesure africains du groupe racheté, sauf surprise, par son de réagir aux évolutions du mar- Starwood compatriote américain Marriott ché. Mais auparavant, les mariés au sein de Marriott. (Renaissance Hotels, JW Marriott, The Ritz-Carlton…). devront réussir un premier examen Ce mariage à 13,6 milliards de de passage: la fusion de leurs deux programmes de fidélité, Marriott dollars (soit 12,2 milliards d’euRewards et Starwood Preferred ros), après une offre initiale de 12,2 milliards de dollars, donnera naissance au premier groupe hôtelier mondial. Une alliance adoubée par les actionnaires des deux entités mais qui a été ajournée de deux mois en août par les autorités de la concurrence chinoise : le groupe Anbang Insurance s’était porté candidat, avant de voir son offre de 13,16 milliards de dollars finalement refusée. Après ce léger contretemps, le nouvel ensemble devancera le britannique Intercontinental et l’américain Hilton, et disposera d’un réseau de plus de 5 500 établissements dans une centaine de pays, sous Le Fitness Center du Marriott de Constantine, en Algérie. DR
94
N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
Guests, qui revendiquent respectivement 54 millions et 21 millions de membres. Si ce rachat aura surtout un impact en Amérique du Nord et en Asie, l’Afrique reste toutdemême bien inscrite au menu de la stratégie de développement international de Marriott. Après le rachat des 110 hôtels du leader sud-africain Protea (10 000 chambres dans huit pays : Afrique du Sud, Nigeria, Ghana, Zambie, Namibie, Malawi, Ouganda, Tanzanie) en avril 2014, le nouveau groupe compte désormais un total de 158 hôtels et 24 017 chambres, soit 15 % de l’offre existante sur le continent. En avril, Marriott a fait part de sa volonté de pénétrer sept nouveaux marchés d’ici à 2025 : le Gabon, le Rwanda, la Tunisie, le Bénin, le Kenya, la Libye et Maurice. Plus présent et plus connu que Marriott, avec ses Sheraton et Méridien, Starwood, qui n’a aujourd’hui que 34 établissements en Afrique (13 pays, 9 500 chambres), maintient quant à lui son plan d’ouverture d’une trentaine d’hôtels supplémentaires d’ici à 2020 et fera son entrée dans de nouveaux pays dès les prochains mois. Parmi lesquels la Guinée à l’automne, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal en décembre 2017, le Rwanda et le Soudan du Sud en janvier 2018, soit 13000 chambres. Aussi,legroupeaélaboréunestratégie d’intégration d’hôtels indépendants qui passent sous ses marques économiques, Aloft et Element. Les défis seront pour Marriott et Starwood « d’élargir leur offre vers le bas pour conserver leur part de marché, et de proposer du milieu de gamme, leur gamme économique étant encore trop peu développée par rapport à la concurrence », estime Philippe Gauguier, associé chez Deloitte-In Extenso. RÉMY DARRAS JEUNE AFRIQUE
HOTEL
Un service à la hauteur de vos envies.
Dossier Hôtellerie DÉCOUVERTE
Le charme discret de la Villa Madiba
À quelques minutes du centre-ville animé de Pointe-Noire, ce petit hôtel, situé sur la côte sauvage, accueille surtout une clientèle d’affaires.
L
e petit paradis se trouve non loin du centre-ville de Pointe-Noire, sur la route de la côte sauvage. Là, fini le tumulte de la capitale économique du Congo, son urbanisation anarchique et son million d’habitants, vous voilà le long de demeures cossues sises face à l’océan et à sa plage de sable blond. C’est dans ce décor de carte postale que la Villa Madiba, nommée ainsi en hommage à Nelson Mandela, accueille depuis près d’une décennie ses hôtes privilégiés, principalement des hommes et des femmes d’affaires de passage dans la cité pétrolière. Deux bâtisses donnent sur un jardin planté de palmiers et de cocotiers qui abrite un court de tennis et une piscine à débordement. L’endroit séduit par sa simplicité tout en raffinement. Dans le hall d’accueil comme dans les chambres, on est conquis par la sensation d’espace, les lignes pures du mobilier en bois réalisé par les artisans locaux, les fauteuils et les objets design rapportés par les propriétaires Henri et Céline Benatouil d’Afrique du Sud ou d’Europe. L’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa et les hommes d’affaires Abdul Hussein Beydoun, ivoirien, et Paul Obambi, congolais, sont tombés sous le charme de ce boutique-hôtel. SURPRISES. Dans le livre d’or, on remarque le passage de Cécilia (l’ex-épouse de Nicolas Sarkozy) et Richard Attias, visiblement très satisfaits de leur séjour. Les équipages d’Air France en ont aussi fait leur point de chute lors de leurs rotations dans le pays. N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016
Dans le hall, le mobilier design côtoie celui des artisans locaux.
La Villa Madiba n’offre que 26 chambres et suites, de 18 à 140 m2, mais plusieurs d’entre elles ont une vue imprenable sur l’Atlantique. Son atmosphère unique tranche avec les paquebots
Le restaurant Le Fuji réserve lui aussi son lot de surprises et d’exotisme. Aux plats français et congolais, comme le poisson salé, viennent se mêler des spécialités japonaises (servies uniquement le soir). C’est auprès de cuisiniers venus expressément du pays du Le lieu compte 26 chambres Soleil-Levant pour transmettre et suites, dont plusieurs ont leur savoir-faire que la brigade de la Villa Madiba a acquis l’art de une vue imprenable sur l’océan. préparer sushis, sashimis et autres des grandes chaînes hôtelières. tempuras. Des prestations haut de Depuis le balcon des chambres, qui gammeassuréesparuneéquipeàla surplombent le jardin, vous aurez fois discrète, disponible et efficace. peut-être la chance d’observer au Le tarif des chambres reste loin le passage des baleines en dans les standards de l’hôtellerie pleine migration ou de voir les haut de gamme en Afrique censurfeurs affronter de puissantes trale, c’est‑à-dire élevé. Comptez vagues. Dans un bâtiment voisin, 160 000 F CFA (244 euros) la à l’arrière du terrain, les hôtes nuit pour les plus petites, qui cultivent avant tout la 375 000 F CFA pour les plus À VOIR discrétion pourront égalespacieuses (60 m2) et entre DANS LES ENVIRONS ment loger dans une des 495 000 et 590 000 F CFA deux grandes suites avec pour les suites. Et si vous Les gorges de Diosso souhaitez que l’on vienne entrée et piscine privatives. Les plages de la Difficile de trouver matière vous chercher à l’aéroport et Pointe-Indienne et que l’on vous y reconduise, à critiquer hormis peut-être de Mvassa la modestie du kit d’hygiène il vous faudra débourser 100 000 F CFA, quand le trajet mis à disposition dans les salles de bains, l’absence d’une salle de coûte au maximum 4 000 F CFA sport et d’une salle de réunion. en taxi. JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
DR
96