Pdf ja 2904 du 4 au 100916 plus afrique centrale

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Maroc L’amour au temps des islamistes jeuneafrique.com

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 56e année • no 2904 • du 4 au 10 septembre 2016

Énergie « L’Afrique reste le continent clé » Une interview exclusive du PDG de Total, Patrick Pouyanné

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LE PLUS

de Jeune Afrique

PANORAMA Grands aménagements et petits arrangements P

53

DÉVELOPPEMENT D URBAIN Métropoles en friche BANQUE B La carte Gimac, un visa pour l’intégration F FICTION Jean-Pierre Bekolo, réalisateur camerounais

Le barrage d’Imboulou, au Congo, sur la rivière Léfini.

Coup de pompe Chute des cours des matières premières oblige, dans la région, les investissements publics sont revus à la baisse. Pourtant, de grands chantiers d’infrastructures se poursuivent. Dans quels secteurs ? Et comment sont-ils financés ?

JEUNE AFRIQUE

N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

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AFRIQUE CENTRALE


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Le Plus de Jeune Afrique

55

Prélude Olivier Caslin

Un mal pour un bien?

S

elon le vieil adage, tropicalisé pour relie désormais Pointe-Noire à Brazzaville, l’occasion, l’Afrique centrale de et Malabo propose un niveau d’équipements publics rare dans la sous-région, demain se construit aujourd’hui. Enfin, c’était avant que la chute qui lui a notamment permis d’accueillir la CAN 2015 au pied levé. Des exemples des cours des matières premières, à commencer par celui des hydrocarbures, spectaculaires, tous concrétisés grâce à reporte le développement économique la main-d’œuvre et aux capitaux chinois, de la sous-région aux calendes grecques. mais qui, le plus souvent, ne sont que des Au moins jusqu’à ce que s’inverse cette tentatives pour rattraper un temps trop tendance – toujours d’actualité – et que longtemps perdu. Et qui, surtout, sont encore très loin de changer le quotidien les prix du brut et des minerais remontent sur les marchés internationaux, ou que des habitants. les États assurent enfin la diversification de leurs économies – souvent promise Et si ce coup d’arrêt se révélait être mais qui continue à se faire attendre, en un mal pour un bien ? En effet, les plans dehors du cas particulier camerounais. développés à coups de milliards de F CFA Pourtant, pour les pays de la Cemac, par les États d’Afrique centrale restent, qui tous s’accordent à reconnaître que les jusqu’à présent et pour l’essentiel, confinés ressources naturelles pèsent très – trop – dans une logique nationale qui, à terme, lourd dans leur PIB, cette diversificapourrait s’avérer très préjudiciable à la tion est le meilleur moyen d’atteindre pérennité de certains projets d’infrastrucla « résilience » et d’acquérir leur indépendance face aux Les plans développés par les fluctuations orchestrées, sous États restent souvent confinés d’autres cieux, sur les grandes places de négoce… tout en dans une logique nationale. assurant à leur population l’emploi et les services indispensables tures. Quel intérêt en effet, pour une sousà l’amélioration de leur niveau de vie. région qui affiche aujourd’hui des volumes d’échangescommerciauxsansrapportavec C’est pour cette raison que la baisse un potentiel pourtant unique en Afrique, actuelle des cours des matières premières de disposer d’un chapelet de ports, le plus souvent surdimensionnés, le long de ses sembleintervenirauplusmauvaismoment côtes ? Tous les chefs d’États aiment voir et casser l’élan pris depuis dix ans par les États de la sous-région. Du Congo à la accolé à leur nom le terme de bâtisseur, que Guinée équatoriale en passant par le Tchad ce soit d’aéroports, de routes, de chemins et le Gabon, ils s’étaient enfin décidés à de fer, de centrales électriques… Mais sans schéma directeur sous-régional, voire mettre la main à la poche et sur la pioche pour engager les grands projets d’infrascontinental, ils prennent surtout le risque de voir leur pays accumuler les ardoises tructures censés éclairer une région considéréedepuisdesdécenniescomme«letrou et, finalement, d’apparaître dans les livres d’histoire comme les destructeurs des noir » du continent et, donc, enclencher la richesses nationales. diversification de leurs économies. Depuis deux ans, les recettes s’amenuiPourquoi ne pas profiter de ce ralentissant, les enveloppes budgétaires fondent sement pour lancer un autre chantier tant comme neige au soleil, et les grands chansouhaité, celui de l’intégration régionale, tiers sont à l’arrêt… ou presque. Bien sûr, dans lequel les infrastructures jouent par N’Djamena a eu le temps de commencer nature un rôle fondamental ? Et dans une Afrique centrale qui reste à construire. son toilettage, une route digne de ce nom JEUNE AFRIQUE

N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

PANORAMA Grands aménagements et petits arrangements p. 56 INTERVIEW Symerre Grey-Johnson, directeur de la division intégration et commerce p. 59 du Nepad URBANISME

Métropoles en friche

p. 62

RÉSEAUX La carte Gimac, un visa pour l’intégration p. 68 FICTION Futuro-Cemac, par Jean-Pierre Bekolo, réalisateur camerounais p. 69


Le Plus de Jeune Afrique

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AFRIQUE CENTRALE

Grands aménagements et petits arrangements Transports, électricité, services de base… Grâce à leurs confortables revenus pétroliers et miniers, les pays de la sous-région ont engagé de grands projets d’infrastructures. La chute des cours des matières premières a changé la donne, et paralysé bon nombre de chantiers. Mais pas tous.

RENAUD VAN DER MEEREN POUR LES EDITIONS DU JAGUAR

MURIEL DEVEY MALU MALU, envoyée spéciale


57

L

a plupart des pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) produisent des hydrocarbures et/ou des minerais. Ces ressources pèsent lourd dans leurs recettes budgétaires et d’exportation, ainsi que dans leur PIB : 85 % pour la Guinée équatoriale, environ 50 % au Congo, 45 % au Gabon, 40 % en Angola et moins de 10 % au Cameroun. Ces revenus ont permis aux pays – en particulier à la Guinée équatoriale, au Congo, au Gabon et à l’Angola – de financer, en très grande partie, leurs programmes d’infrastructures de base. Lesquels, à la faveur des bons cours mondiaux de l’or noir et des minerais en vigueur depuis le début des années 2000, étaient parfois très ambitieux. Routes, ponts, ports maritimes et fluviaux, chemins de fer, centrales électriques, réseaux de distribution d’électricité, d’assainissement, usines de traitement des eaux, maillage numérique… La liste des équipements et des ouvrages « structurants » réalisés ou à l’étude, dont certains dans le cadre d’une stratégie sous-régionale en pleine définition, est particulièrement longue. Normal, puisqu’il s’agit – dans la plupart des cas – de rattraper les retards accumulés depuis des décennies, retards préjudiciables à la compétitivité des économies, au développement social et à la vie quotidienne des habitants. TRAVERS. Cependant, l’impact de ces réalisations

Construction de la route GarouaBoulaï-Ngaoundéré, dans le nord du Cameroun.

est encore loin de ce qu’il devrait être. Dans certains cas, le manque de concertation entre pays aboutit à la multiplication d’ouvrages de même type. Le domaine portuaire illustre ce travers, avec des projets de terminaux de transit ou de transbordement en eau profonde tous azimuts dans la sous-région ces cinq dernières années. Chaque pays disposant d’un accès à la mer a investi ou envisagé de le faire : la Guinée équatoriale s’est équipée à Malabo, le Congo peut s’appuyer sur l’interface ultramoderne de Pointe-Noire, le Cameroun s’apprête à inaugurer le port de Kribi, la RD Congo aspire à en construire un à Banana (sa seule ouverture sur le large), tandis que São Tomé-et-Príncipe entend en faire autant au nord de sa capitale. Par ailleurs, la plupart des programmes d’investissements publics ont été élaborés à partir de projections optimistes des cours mondiaux des matières premières. Enfin, les politiques de diversification des économies ont tardé à se concrétiser. Autant dire que la chute des cours du pétrole, du fer, du cuivre – entre autres – qui s’est amorcée en 2014 a douché les ardeurs de la plupart des pays en matière de construction. La baisse des revenus tirés de ces ressources varie bien sûr selon le degré de dépendance des économies nationales aux activités minières ou pétrolières. Or les membres de la Cemac, faute d’une réelle diversification de leur économie, restent très dépendants des recettes pétrolières. À l’exception du Cameroun, dont la production N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016


Le Plus de JA Afrique centrale d’hydrocarbures est moindre, le marché intérieur plus vaste et l’économie plus diversifiée (lire p. 60). Et du Congo, qui limite les dégâts grâce à la hausse prévue de sa production de pétrole en 2016 et en 2017 (lire p. 61). D’une manière générale, tous les pays « rentiers » ont dû revoir à la baisse leurs perspectives de croissance. Et malgré les mesures prises pour limiter les dépenses, beaucoup d’États voient leurs déficits budgétaires se creuser et leurs balances commerciales subir un déséquilibre, tandis qu’enfle la dette publique. URGENCE. L’activité subit évidemment les conséquences de cette crise. En particulier le BTP, première victime de la situation, avec le ralentissement, voire l’arrêt, de nombreux grands projets d’infrastructures routières ou industrielles et de programmes immobiliers. Les retards de paiement des États amènent aussi les entreprises locales et étrangères à réduire la voilure, quand elles ne s’arrêtent pas, tout simplement. Parfois, c’est la mise en valeur de nouvelles ressources minières qui est

Les pays « rentiers » ont dû revoir à la baisse leurs perspectives de croissance.

compromise. Au Congo, plusieurs gisements de fer sur le point d’entrer en production ont été mis en veille car les cours de ce métal s’effondraient, alors que le pays comptait sur la filière pour diversifier son économie et ses sources de revenus. Ce ralentissement, conjugué à une mauvaise évaluation ou à un surdimensionnement des projets, compromet également la viabilité de certains équipements. La Guinée équatoriale, qui espérait diversifier son économie dans le transport, perd espoir : à Malabo, le port est désespérément vide et les entreprises de BTP plient bagage. Les recettes publiques s’amenuisant, les États doivent trouver en urgence d’autres sources de financement, développer des mécanismes innovants tels que des fonds d’investissement étrangers, créer de nouvelles taxes et nouer des partenariats public-privé. La solution réside le plus souvent dans l’émergence de filières inédites. Mais le contexte actuel complique la donne. Et la réalisation d’infrastructures, pourtant essentielles à la compétitivité, est ajournée sinon annulée.

Questions à Symerre Grey-Johnson Directeur de la division intégration régionale et commerce du Nepad

« Dans l’énergie et les transports, le potentiel est énorme »

L

ancé dès 2001 par plusieurs chefs d’États du continent, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) refait parler de lui ces dernières années. Mais pour de bonnes raisons cette fois. Longtemps critiquée pour avoir promu des chantiers trop ambitieux et donc difficilement réalisables, l’organisation, placée dès sa création sous la tutelle de l’Union africaine, semble avoir corrigé le tir pour se concentrer dorénavant sur des dossiers plus modestes. Elle est aujourd’hui impliquée dans seize projets à travers le continent. Directeur de la division intégration régionale et commerce du Nepad, le Sud-Africain Symerre Grey-Johnson, 41 ans, revient sur le rôle joué par ce nouveau partenariat dans une Afrique centrale qui, ces dernières années, a multiplié les grands projets d’infrastructures. JEUNE AFRIQUE : Quel a été l’impact de la baisse des cours des matières premières sur les programmes

N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

d’infrastructures en cours dans la sous-région ? SYMERRE GREY-JOHNSON : Très

lourd ! L’Afrique centrale a bien connu par le passé un boom lié à ses hydrocarbures, mais elle n’en a pas profité pour structurer et diversifier son économie. Dans le contexte actuel, il est donc très difficile pour les pays de produire les richesses indispensables à la réalisation de tels programmes qui restent, essentiellement, financés par des fonds publics. Où trouver les capitaux manquants ?

C’est toute la question. Il faut inclure d’urgence le secteur privé local et international. Sur les projets les plus significatifs, dans l’énergie et les transports notamment, le continent peut intéresser les investisseurs du monde entier. En Afrique centrale notamment, le potentiel est énorme. Mais les pays doivent encore mettre en place le cadre juridique qui permettra au secteur privé d’investir en toute sécurité. C’est l’un des principaux points sur lequel

DR

58

le Nepad peut apporter son expertise aux pouvoirs publics. Quel rôle joue justement votre institution en Afrique centrale ?

Nous participons actuellement à trois projets d’infrastructures dans la sous-région. Le Nepad n’investit pas directement, mais notre présence permet de garantir le sérieux des projets aux yeux des investisseurs et donc de collecter les ressources financières nécessaires. Nous appuyons également techniquement les différentes instances locales et régionales pour les aider à sélectionner les meilleurs dossiers et à trouver les ressources humaines dont elles ont besoin, tout en veillant à la cohérence sous-régionale de l’ensemble. Propos recueillis par OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE


Coup de pompe 23 projets de plus de 50 millions de dollars en cours (en 2015, dans les 6 pays de la Cemac et en RD Congo)

Qui les détient*

Qui les finance*

Partenariats public-privé (PPP)

Autres 18 %

TCHAD

Institutions financières africaines 13 %

70 %

Secteur privé

4%

Institutions financières internationales

Chine 4 %

Domaine public

26 %

CAMEROUN

52 %

Gouvernements 13 %

CENTRAFRIQUE

GUINÉE ÉQ.

Qui les construit*

GABON CONGO

Dans quels secteurs*

Eau et assainissement

RD CONGO

4%

Énergie 19 % (contre 35 % en 2013)

Autres 31 % Immobilier 4 % Mines 4 %

Gouvernements

Secteur privé local

35 %

4%

Institutions financières africaines

Développement social 4 %

Coût total des chantiers

4%

36 milliards de dollars

Chine 26 %

Transports 65 % (contre 18 % en 2013)

* Pourcentage du total des projets

La région concentre 8 % des grands chantiers africains

Top 10 (en milliards de dollars) Cameroun

Chemin de fer Édéa-Kribi

Transports

13

RD Congo

Complexe hydroélectrique Inga III (phase 1)

Énergie

12

Cameroun

Chemin de fer minier Mbalam-Nabela (Iron Ore)

Transports

4,6

Terminal multimodal du port en eau profonde de Kribi (phase 2)

Transports

Cameroun

0,7

Gabon

Route entre Port-Gentil et Omboué

Transports

0,6

Cameroun

Complexe hydroélectrique de Lom Pangar

Énergie

0,5

RD Congo

Projet Pro-routes

Transports

0,14

RD Congo

Réouverture et entretien du réseau routier prioritaire

Transports

0,12

Gabon

Projet d’aménagement du port de Libreville

Transports

0,12

Cameroun

Plan d’urgence contre les inondations

Eau

0,1

En 2015, on comptait 301 projets d’infrastructures d’un montant supérieur à 50 millions de dollars sur le continent

Afrique du Nord

29

Afrique de l’Ouest

26

79 116

Afrique centrale

51

23

59 Afrique de l’Est

61

36 Nombre de projetss en cours

57

52

Coût total (en milliards de $) Part de financementt des institutions financières internationales (en %)

64 Afrique australe

109 140 34

SOURCE : DELOITTE, AFRICA CONSTRUCTION TRENDS REPORT 2016 JEUNE AFRIQUE

N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

59


Le Plus de JA Afrique centrale

JEAN PIERRE KEPSEU

60

Le barrage de Lom Pangar, dans l’est du pays, après sa mise en eau partielle, en novembre 2015.

Le Cameroun et la stratégie des marchés Grâce à des activités diversifiées, notamment dans les filières agricoles, Yaoundé peut poursuivre ses investissements publics. En particulier, dans le secteur de l’énergie.

L

es Camerounais ne le perçoivent pas toujours, mais les lignes bougent dans les secteurs énergétique et routier du pays. La mise en eau partielle du barrage-réservoir de Lom Pangar (dans l’est du pays) a permis le stockage de plus de 3 milliards de m3 d’eau, et, depuis fin 2015, le complexe hydroélectrique de Mekin (dans le Sud) livre déjà 5 MW, soit un tiers de la production attendue. Le chantier du deuxième pont sur le Wouri, à Douala, progresse à son rythme, tout comme l’autoroute qui relie la capitale économique à Yaoundé, en dépit des blocages provoqués par des riverains mécontents de leurs indemnisations. Certains des projets structurants du programme de grandes réalisations entrepris au début de la décennie commencent à porter leurs fruits. Le port en eau profonde de Kribi en est le plus emblématique. Dans sa lancée vers l’émergence, le pays a entamé la deuxième génération de chantiers, à l’instar du barrage hydroélectrique de Nachtigal (400 MW), dont le démarrage des travaux est prévu pour le premier trimestre de 2017. N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

Grâce aux marchés transfrontaliers, comme celui d’Abang-Minko’o, qui dessert la Guinée équatoriale et le Gabon, le Cameroun tire avantage de ses échanges commerciaux avec ses voisins de la Cemac. Même si une large partie de ces transactions demeurent informelles, elles ont permis de dégager un excédent de plus de 76 milliards de F CFA (près de 116 millions d’euros) en 2014. EXPORT. Car l’un des piliers

et du Programme des Nations unies pour le développement. La très grande variété de fruits, de légumes, de céréales, de condiments, mais aussi de produits de l’élevage et de la pêche vendus sur les marchés camerounais ou exportés traduit la diversification engagée depuis le début des années 2000. Elle a été grandement consolidée

Le commerce transfrontalier a permis d’engranger plus de 76 milliards de F CFA en 2014.

de l’économie du pays reste l’agriculture, qui emploie près de 70 % de la population, contribue à 16,5 % du PIB et représente 55 % des exportations. Toutefois, ces statistiques se focalisent sur les cultures de rente et ne se font pas toujours l’écho de l’ampleur des échanges agricoles avec les voisins. « Le Cameroun est le grenier de la région en la matière. Il exporte ses produits vers le Tchad, la Centrafrique, le Gabon, le Congo, le Nigeria et, au-delà, vers la RD Congoetl’Angola»,confirmeundocument conjoint de la Banque africaine de développement, de l’Organisation de coopération et de développement économiques

à travers le programme Agropoles, lancé en 2012, pour accroître la production des filières maïs, soja, riz et ananas. Avec plus de 20 agropoles et près de 250 entreprises créées, ce programme est doté d’un budget de plus de 11 milliards de F CFA (près de 17 millions d’euros) pour 2016. Il devrait être étendu et intégré au Plan national de développement agricole (PDA). Objectif ? Que le Cameroun devienne la grande puissance agricole régionale d’ici à 2020. OMER MBADI, à Yaoundé JEUNE AFRIQUE


Coup de pompe

Brazza passe en postproduction Contrairement à ses voisins, le Congo compense la baisse des cours du baril par l’exploitation de nouveaux champs. De quoi réinjecter un peu d’argent frais dans sa politique de grands travaux.

L

e coup a été rude. La chute des cours mondiaux du pétrole enregistrée en 2014 et la diminution des volumes d’or noir congolais produits ont fait dangereusement baisser les recettes pétrolières, qui représentent environ 70 % du budget de l’État. D’où une diminution des recettes publiques évaluée à 1 400 milliards de F CFA (plus de 2 milliards d’euros) entre 2013 et 2015, selon Léon Raphaël Mokoko, l’ancien ministre du Plan et de l’Intégration. La baisse a frappé de plein fouet le BTP. Depuis plus de dix ans, les recettes pétrolières financent la construction d’infrastructures, dont le ministère de l’Aménagement du territoire et des Grands Travaux assure le suivi et la gestion avec la Délégation générale aux grands travaux (DGGT). Malgré ces vastes chantiers, le

chiffre d’affaires du secteur a reculé de 45 % au cours du premier semestre de 2015 par rapport à la même période l’année précédente. Avec à la clé de nombreux incidents de paiement, dont les principales victimes sont les entreprises de BTP elles-mêmes, obligées pour certaines de geler les travaux en cours. RÉENDETTEMENT. Pourtant, la situa-

tion devrait s’améliorer cette année et la suivante. La remontée espérée de la production d’or noir pourrait en effet compenser la perte de recettes budgétaires. De 313 703 barils par jour (b/j) en 2010, la production d’hydrocarbures était tombée à 250246 b/j en 2014. Un repli dû au déclin naturel des champs pétrolifères arrivés à maturité (comme ceux de Moho Bilondo, Nkossa, Tchibouéla, Loango et

Zatchi), à la fermeture d’Azurite pour manque de rentabilité et, plus récemment, à des raisons techniques liées aux travaux d’interconnexion entre Mohono Nord et le port pétrolier de Djéno. L’entrée en production de nouveaux puits en 2015 et des champs Moho Nord et Marine 12 cette année ainsi que les projets de redéploiement de certains sites devraient porter la production à près de 317000 b/j en 2016 et à 377707 b/j l’année suivante. Selon la Direction générale de l’économie, le PIB devrait croître de 7,1 % en 2016, compte tenu de la reprise du secteurpétrolier(+10%)etdudynamismedes activités hors hydrocarbures (+ 6,2 %). Les recettes ainsi générées pourront stimuler les différentes branches de l’économie, et favoriser la reprise de quelques chantiers d’infrastructures. Seul bémol: le réendettement du pays, estimé fin 2015 à 36 % du PIB par la Banque mondiale. Le spectre de la dette risque donc de hanter à nouveau le Congo, cinq ans seulement après avoir atteint le point d’achèvement de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). MURIEL DEVEY MALU MALU

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61


Banque des États de l’Afrique Centrale

BEAC

Banque des États de l’Afrique Centrale

Acteur clé dans les relations financières internationales de la CEMAC L’année 2015 a vu la Banque Centrale consolider ses efforts de

Créée en 1972, la Banque des États de l’Afrique Cen-

redressement dans de nombreux

trale est la banque centrale commune aux six États qui

domaines. Mieux, je peux affirmer

constituent la Communauté Economique et Monétaire

aujourd’hui que la BEAC a retrouvé

de l’Afrique Centrale (CEMAC). La BEAC a pour mis-

toute sa crédibilité et se rapproche

sion de définir et conduire la politique monétaire et la

chaque jour des meilleurs standards

politique de change de la CEMAC. Elle émet la monnaie

internationaux. Le travail accompli

fiduciaire, le F CFA (franc de la Coopération Financière

depuis 2010 par le Gouvernement que je dirige, avec le soutien de l’ensemble du personnel, est gigantesque.

en Afrique), gère les réserves officielles de change des États-membres et supervise les systèmes de paiement et de règlement. À ces missions s’ajoute, la promotion de la stabilité financière. La BEAC joue un rôle important dans le paysage économique et financier d’Afrique Centrale et elle entretient d’excellentes relations avec les principales institutions

Lucas Abaga Nchama

Yaoundé, 3 février 2016

PUBLI-INFORMATION

financières internationales.


▲ Malabo, 14 août 2015, photo de famille de la 38ème session du conseil des Gouverneurs de l’ABCA.

De nombreuses rencontres bilatérales

Une crédibilité renforcée r

➢ Audience : le Gouverneur de la BEAC a été reçu par la Directrice Générale du Fonds Monétaire International (FMI), madame Christine Lagarde le 14 janvier 2014 ;

La crédibilité de la BEAC, en tant qu’Institution sousrégionale forte, a favorisé sa désignation par ses pairs pour accueillir plusieurs rencontres internationales :

➢ Visite : le Gouverneur a reçu la Directrice Générale du FMI dans le cadre de sa visite au Cameroun le 8 janvier 2016 ;

➢ Le Conseil des Gouverneurs de l’Association des Banques Centrales Africaines (ABCA), à Malabo ;

➢ Diverses rencontres bilatérales avec plusieurs banques centrales d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie au cours desquelles plusieurs accords et partenariats ont été signés.

➢ La conférence pour la promotion de l’inclusion financonfér cière e en Afrique centrale organisée à Brazzaville ; ➢ Les 23èmes conférences des gouverneurs des banques centrales francophones à Malabo ;

Des relations internationales de plus en plus diversifiées

▲ Le Gouverneur de la BEAC, Lucas Abaga Nchama et la Directrice Générale du Fonds Monétaire International (FMI), madame Christine Lagarde

Depuis 2010, la BEAC tisse et maintient des relations fortes avec les institutions internationales telles que le FMI, la Banque Mondiale ou la Banque Africaine de Développement (BAD) ainsi qu’avec d’autres banques centrales. La Banque Centrale entretient des relations privilégiées avec la Banque de France et la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), avec laquelle elle travaille à l’interconnexion des systèmes de paiement des deux sous-régions. Elle échange régulièrement avec la banque centrale du Maroc dans les domaines du contrôle interne, de gestion la des réserves de change ou de la gestion des ressources humaines. La BEAC a récemment signé des accords de coopération avec les banques centrales de Sao-Tomé et de la RDC et engagé des concertations avec la banque centrale du Brésil et la banque centrale de Chine dans le but de renforcer les échanges entre la CEMAC et ces régions. La BEAC apparaît donc comme l’institution phare de la sous-région à travers son rôle clé dans les relations financières internationales.

Banque des États de l’Afrique Centrale

BP 1917, Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 222 23 40 30/222 23 40 60 - Fax : (+237) 222 23 34 68

www.beac.int

Réalisation DIFCOM - Photos : D.R.

➢ La BEAC a assuré la présidence de l’ABCA après en avoir assuré la vice-présidence.


DAVID IGNASZEWSKI POUR JA

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Nouveaux lotissements dans le quartier d’Angondjé, à Libreville, au Gabon. DÉVELOPPEMENT URBAIN

Gabon, qui s’étend sur un ensemble de collines, séparées par des vallées autrefois marécageuses, ou Brazzaville et Kinshasa, bâties de part et d’autre du fleuve Congo sur des terrains spongieux. Ces contextes déjà difficiles sont aggravés par le manque de services de base. L’eau potable et l’électricité sont loin d’être accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L’offre reste insuffisante alors que la réhabilitation et l’extension des réseaux de distribution prennent du retard, quand les gros équipements, telles les centrales électriques, sont pourtant achevés, comme c’est le cas à Brazzaville.

Métropoles en friche Libreville, Brazzaville, N’Djamena… La plupart des capitales font désormais l’objet de plans d’aménagement. Ont-ils permis de remettre de l’ordre et des services dans les agglomérations ?

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inondables, donnant alors naissance à des quartiers « sous-intégrés ». Des zones où la situation tourne rapidement à la catastrophe en cas de pluies torrentielles ou à cause de l’érosion. C’est le cas des villes soumises à des contraintes naturelles fortes, comme Libreville, au

CLIVAGE. Cette urbanisation plus spon-

Un habitant sur deux est un citadin (Part de la population urbaine*, en %)

Afrique centrale**

2000

2015

2050

43,6

49,5

63,3

Afrique du Nord

61,3

65,7

76,4

Afrique australe

53,8

61,6

74,3

Afrique de l’Ouest

36,6

44,6

61,1

Afrique de l’Est

20,6

25,6

43,6

Continent

34,5

40,4

55,9

* Vivant dans une commune d’au moins 5 000 habitants ** Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)

SOURCE : JA D’APRÈS ONU-WORLD URBANIZATION PROSPECTS 2014

D

es maisons de bric et de broc côtoient des immeubles de tous styles et de toutes tailles dans une absence totale d’unité architecturale et urbanistique, les rues et ruelles se transforment en mares, voire en torrents à la moindre averse, les embouteillages sont permanents, les trottoirs et caniveaux sont envahis d’immondices… Les grandes villes d’Afrique centrale offrent un spectacle souvent désolant. Comment améliorer un tel cadre de vie alors que, d’ici à 2050, le nombre de citadins africains devrait doubler pour atteindre 1,2 milliard ? La plupart des villes de la sous-région se sont développées de façon anarchique, connaissant des pénuries plus ou moins importantes d’eau et d’électricité, alors que l’assainissement est quasi inexistant, tout comme les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU). Avec la pression démographique, l’urbanisation s’est appuyée sur la densification des quartiers existants ou sur l’occupation, à la périphérie des villes, de terrains non lotis, voire non constructibles ou

tanée que pensée a eu pour conséquence de creuser le fossé entre la « cité », constituée des quartiers populaires, et les centres-villes, où sont concentrés les équipements et autres services publics offerts aux couches sociales aisées. Ce clivage social se double d’un manque de mixité urbaine, les villes étant découpées en zones monofonctionnelles, majoritairement résidentielles, institutionnelles, industrielles ou commerciales. En l’absence de SDAU, ce sont les grandes artères qui structurent l’espace, leur réaménagement se traduisant le plus souvent par des déguerpissements (expulsions). Des familles entières ont alors du mal à se reloger, même quand elles ont été indemnisées. JEUNE AFRIQUE


Coup de pompe Ces populations n’ont d’autre choix que de fuir les centres saturés, devenus trop chers. Se loger dans de bonnes conditions, en l’absence de toute politique de financement de l’habitat, devient vite un casse-tête. CIRCULATION. Lorsque, dans de très rares cas, il existe un document urbain, il s’applique essentiellement aux centresvilles. Ces derniers sont alors embellis avec de petites places, des statues, des fontaines, parfois des monuments. L’État y fait construire de nouveaux édifices administratifs pendant que le privé se lance dans la réalisation d’immeubles résidentiels et de bureaux, avec une préférence pour les tours, les hôtels de standing et les centres commerciaux. En revanche, l’aménagement des espaces verts est rarement prévu. Pire, les arbres sont aujourd’hui coupés pour élargir les voies ou ériger des immeubles. Tout se

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grandes métropoles d’Afrique centrale. passe comme si le citadin devait choisir entre respirer et se déplacer, ou encore Même si les efforts sont plus soutenus dernièrement. Ainsi, à Kinshasa, l’État met se loger. À Kinshasa, plusieurs grandes artères, dont le boulevard du 30-Juin et en service des bus confortables, pendant que de l’autre côté du fleuve sa voisine, l’avenue Lumumba, autrefois bordées Brazzaville, a instauré un système de d’arbres majestueux qui formaient un magnifique mur végétal, ne sont plus collecte des ordures ménagère, qui devrait être étendu à toute l’agglomération. que de longs couloirs de béton tachés de dioxyde de carbone en raison de l’intense trafic automoOn coupe les arbres au profit des bile. L’absence de parkings, voies. Comme s’il fallait choisir publics ou privés, est un autre énorme problème. Pourtant, entre respirer et se déplacer. l’État recherche de nouvelles sources de revenus. Ce sont les trottoirs Beaucoup reste à faire pour rendre ces qui font office de parkings, au plus grand mégapoles vivables et leur donner, aussi, une identité véritable. Paris est répumépris des piétons, déjà obligés de tratée pour ses brasseries, Londres pour verser les artères à leurs risques et périls ses pubs, Brazzaville et Kinshasa, qui devant des automobilistes libérés de ont permis l’éclosion de grands talents tous feux de signalisation. musicaux, pourraient l’être pour leurs Les carences en matière d’assainissebars-dancings. ment, mais aussi de transports publics MURIEL DEVEY MALU MALU et collectifs, sont un autre point noir des

Christian Laugier

Directeur exécutif de la branche international et grands projets d’Egis

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résent en Afrique depuis 1949, le français Egis, filiale de la Caisse des dépôts, travaille dans l’ensemble des pays de la sous-région. Il y est actif dans tous ses métiers, puisqu’il y réalise ou exploite des infrastructures dans les domaines des transports, de l’urbanisme, du bâtiment, de l’industrie, de l’eau, de l’environnement et de l’énergie. Le groupe de conseil et d'ingénierie, qui a enregistré un chiffre d’affairesglobalde937millions d’euros en 2015, réalise chaque annéeprèsde12%desesrésultats sur le continent, dont la moitié en Afrique centrale. Sa filiale camerounaise, avec ses 250 collaborateurs, est la plus importanteducontinent.Egisa notammenttravaillésurlaroute nationale Brazzaville-PointeNoire, au Congo, achevée en mars 2016, « le dernier grand chantier d’exception en date JEUNE AFRIQUE

danslarégion»,selonChristian Laugier,directeur exécutif de la brancheinternationaletgrands projets du groupe. JEUNE AFRIQUE: Egis est très présent en Afrique centrale. Pourquoi ? CHRISTIAN LAUGIER: Depuis

1980, nous nous adossons à Egis Cameroun, à l’origine la Société centrale pour l’équipement du territoire au Cameroun(SCET),devenueau fil du temps notre bras armé pourtoutelasous-région.Cette filiale a une forte notoriété à l’échelle locale et régionale, elle nous permet d’être très compétitifs face à nos concurrents, tout en présentant des critères de qualité bien supérieurs à ceux des autres acteurs locaux. Sur quel type de projets travaillez-vous ?

Essentiellement sur les infrastructures. L’Afrique

centrale a beaucoup construit ces dernières années – des routes, des ports, des aéroports… –, dans une logique sous-régionale. Ces pays producteurs de pétrole ont utilisé leurs revenus pour lancer d’ambitieux plans de développementdeleursinfrastructures avec le soutien des bailleurs de fonds internationaux, tous présents dans la région. La chute des cours du pétrole les a-t-elle ralentis ?

Depuis dix-huit mois, l’élan s’est en effet brisé. Beaucoup de chantiers sont à l’arrêt au Tchad, au Gabon. Brazzaville a aussi sérieusement ralenti ses décaissements. Les compagnies privées, comme Glencore, retardent leurs projets miniers. Les budgets d’investissement diminuent. Mais il existe encore beaucoup de dossiers sur lesquels travailler. Nous venons de répondre

BRIGITTE CAVANAGH

« L’élan s’est brisé »

à la présélection lancée par le gouvernement congolais pour l’appel d’offres de mise en concession des RN1 et RN2. Une première dans la région. Comment ressentez-vous l’arrivée de la concurrence chinoise ?

Les Chinois ont tout changé. Ils arrivent avec leurs financements, leur personnel et leur capacité à mobiliser sur les grands projets. Ils sont les seuls à savoir faire cela sur de tels volumes d’affaires. Mais ils n'ont pas encore installé de bureaux d’études en Afrique… À nous de tirer avantage de notre position. Propos recueillis par OLIVIER CASLIN N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016


Le Plus de JA Afrique centrale ENTREPRENEURIAT

Un sens de l’initiative très kinois Logistique minière, conseil en management, transactions électroniques… Ces deux patrons de RD Congo ont développé des services sur mesure pour les investisseurs et les constructeurs.

Alain Rubuye Au nom du père

DR

Avec sa carrure de rugbyman, dans son costume gris bien ajusté, et sa poignée de main bien franche, l’homme a de la prestance. Derrière lui se tient son frère cadet, avocat, dont les épaules sont aussi larges que celle de son aîné. À 47 ans, Alain Rubuye, le PDG du groupe Rubuye, dégage une formidable impression de puissance. Et il en a fait la preuve : en moins de cinq ans, il a su transformer l’entreprise familiale (créée dans les années 1960 par son père, Ladislas) en un groupe diversifié, leader en RD Congo de la location des équipements pour les secteurs de la construction et des mines. Après avoir fait ses armes au sein des services logistiques des Nations unies et de DHL, Alain Rubuye rejoint ses sept frères pour prendre les rênes du groupe familial, qu’il souhaite développer en « un sous-traitant local fiable pour les investisseurs étrangers ». Mission accomplie. Aujourd’hui, le groupe multiplie les contrats à travers le pays, de l’ex-Katanga au Kivu. Ses activités historiques dans le transport et l’agroalimentaire sont aujourd’hui supplantées, en matière de résultats, par la logistique minière. Les projets de Rubuye en Zambie, en Tanzanie et en Ouganda, « des pays qui ont développé une vraie stratégie dans le secteur minier », précise le patron, devraient venir renforcer cette tendance. Le groupe, qui emploie plusieurs centaines de personnes et enregistre un chiffre d’affaires annuel compris entre 10 et 12 millions de dollars (entre 8 et 10 millions d’euros), reste plus que jamais une affaire de famille, puisque aux côtés des huit frères travaillent désormais cinq de leurs enfants. Selon son PDG, cette synergie entre générations explique « la réussite de l’entreprise », laquelle, fidèle aux préceptes de son fondateur, continue de conjuguer business et social. Le groupe fournit ainsi un appui financier pour assurer la scolarité de plus de 600 orphelins du Sud-Kivu.

Nandegeza Jacques Musafiri Électron libre Cela fait des années qu’il en rêvait. Diplômé, en France, de l’École supérieure d’ingénieurs en génie électrique, de l’École nationale des télécommunications et de l’École supérieure des sciences économiques, Nandegeza Jacques Musafiri a commencé sa carrière au sein du CNRS, avant d’intégrer le groupe français Eiffage, pour lequel il a travaillé pendant plus de vingt ans. En 2012, alors qu’il est directeur de la maîtrise d’ouvrage et des systèmes d’information de la branche énergie du groupe, il décide de créer son entreprise. Il fonde MTSI International Consulting, une société de conseil en management des technologies et systèmes d’information, dont la vocation est d’accompagner les groupes européens dans leur développement en Afrique, puis, en 2015, il crée E-Com SAS, spécialisée dans les transactions électroniques sécurisées, afin de les développer dans son pays, la RD Congo. Son objectif : « Lutter contre la corruption et contribuer à augmenter les recettes fiscales, qui, avec un tel outil, pourraient être multipliées par cinq. » L’administration congolaise n’est pas encore totalement convaincue de l’utilité d’un tel système, mais il en faut plus pour démotiver l’ingénieur, qui, à 56 ans, partage son temps entre Kinshasa et le quartier de la Défense, à Paris, où sont installés les bureaux de MTSI International Consulting. « Il y a de toute manière tellement à faire en Afrique », conclut le président de MTSI. En plus de la RD Congo et du Sénégal, où il travaille sur un projet de développement des énergies renouvelables, Jacques Musafiri compte développer ses activités dans les pays de la région des Grands Lacs. Pour ce faire, il peut déjà s’appuyer sur ses équipes d’ingénieurs et de techniciens installées à Paris et à Kinshasa. En attendant l’arrivée d’autres partenaires techniques en Afrique. DR

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OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE



Le Plus de JA Afrique centrale échanges entre pays membres de la communauté. Valentin Mbozo’o n’y voit que des avantages : « L’interopérabilité avec les réseaux régionaux et internationaux des banques de l’espace communautaire favorisera l’accroissement de l’activité commerciale et l’intégration dans la sous-région et à l’international. Sans oublier les rentrées de devises inhérentes au développement du tourisme et la libre circulation des capitaux. »

Un distributeur du groupe Ecobank.

SATELLITE. Sur le plan technique, le

OLIVIER POUR JA

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RÉSEAUX

Visa pour l’intégration Les banques proposent désormais une carte intercommunautaire valable dans les six pays de la Cemac. Objectif : fluidifier les transactions et réduire la circulation des espèces.

P

ayer ses factures, retirer de l’argent ou accéder aux services financiers à partir de n’importe quel pays de la Cemac… Les milieux d’affaires en ont rêvé, les banquiers sont en train d’en faire une réalité. L’idée d’une sous-région reliée par le fil magique de la monétique n’est plus une vue de l’esprit. Ce vaste projet d’intégration a démarré en juin 2012 avec la création du Groupement interbancaire monétique de l’Afrique centrale (Gimac), mis en place à l’initiative de la Beac et d’un ensemble d’établissements bancaires commerciaux. L’organisme interbancaire est né de la fusion de l’Office monétique de l’Afrique centrale (Omac, créé en 2006) et de la Société monétique de l’Afrique centrale (Smac, née en 2005), avec pour objectif de mettre en place une plateforme monétique régionale destinée au traitement des transactions par l’utilisation de moyens scripturaux. « La carte sous-régionale Gimac, issue de la toute dernière technologie EMV CPA [EuroPay, MasterCard, Visa – Common Payment Application Specification] est déjà distribuée à des milliers de porteurs, et c’est une grande première en matière d’offre locale de carte interbancaire dans l’espace communautaire. Elle constitue un N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

pas de plus dans la dématérialisation des transactions commerciales, avec un fort impact sur la réduction des paiements en numéraire et l’accroissement des entrées de devises », explique Valentin Mbozo’o, directeur général du Gimac, basé à Yaoundé. La carte bancaire sous-régionale va donc contribuer à fluidifier les transactions et à favoriser l’essor du volume des

groupement est en train de déployer son service d’interconnexion par satellite, dont l’installation a été confiée au groupe monégasque Sonema. Ce nouveau réseau de télécoms, qui intègre l’ensemble des applications monétiques interbancaires, porte dans un premier temps sur l’interconnexion de seize établissements financiers et permettra à terme de raccorder la quarantaine de membres du Gimac. Et comme la monétique est un levier incontournable pour la bancarisation (dans une région où le taux d’accès aux services bancaires est inférieur à 7 %), au-delà des banques de détail intégrées à son réseau, le Gimac compte offrir la possibilité aux organismes de microfinance, aux administrations du Trésor des six États de la Cemac, ainsi qu’à d’autres établissements publics et privés de fournir à leurs clients ou à leurs services la carte intracommunautaire, ce qui permettra de réduire la circulation des espèces sonnantes et trébuchantes. GEORGES DOUGUELI

BOLLORÉ BOUCLE LA BOUCLE

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ésenclaver leTchad par le rail, c’est le pari du projet d’extension du réseau ferroviaire camerounais vers le nord du pays. Il consiste à relier par le train N’Djamena au port de Douala via Ngaoundéré, l’actuel terminus. Les études de faisabilité sont en cours, avec pour partenaire technique le français Bolloré, déjà concessionnaire de Camrail. De passage à

Douala en octobre 2015, Cyrille Bolloré, président de BolloréTransport & Logistics, a exprimé son souhait de prendre une part plus importante dans la mise en œuvre de ce projet. L’enthousiasme du groupe français laisse entrevoir des perspectives plus grandes au regard de son engagement actuel dans le développement du rail en Afrique. Et si le réseauTchad-Cameroun

était finalement raccordé à la boucle ferroviaire d’Afrique de l’Ouest que Bolloré est en train de construire entre Lomé et Abidjan? Connecter l’Afrique centrale à cette boucle de 3000 km qui reliera cinq pays de l’Afrique de l’Ouest et leurs capitales apporterait un grand bol d’air à l’hinterland et réduirait le coût et les délais des importations et des exportations au G.D. Tchad. JEUNE AFRIQUE


Coup de pompe

FICTION

Futuro-Cemac

JEAN-PIERRE BEKOLO Réalisateur camerounais

N

otre Gardien est mort ! Sentinelle respectée et vénérée à l'intérieur de la frontière commune à nos six pays, comme à l'extérieur, Stanislas-Joseph est décédé dimanche matin. Depuis, la vie s’est arrêtée dans notre communauté, établie selon les tracés de l'ancienne Cemac. Le long des transnationales bitumées, les files d’attente s’allongent, parfois sur plusieurs centaines de kilomètres, devant les postes-frontières désespérément fermés, jusqu'à nouvel ordre. Nombreux sont ceux qui craignent qu'avec cette disparition le chaos ne remplace l’ordre bien établi dont Stanislas-Joseph était tout à la fois le symbole et le garant depuis si longtemps. Au point de redouter une redéfinition des grands pôles démographiques et économiques dans toute la sous-région. Né à Bitam, avant d’entamer une carrière remarquée à Yaoundé puis à Malabo, Stanislas-Joseph a été pendant plus de soixante-dix ans le seul et unique responsable des flux migratoires enregistrés dans l’ensemble de notre communauté. Il aurait délivré tout au long de sa carrière plus de 500 millions de visas. Il aurait également refusé près de 900 millions de migrants sans papiers, au nom de la politique de « concrétisation » lancée au lendemain des grands soulèvements civils de 2034. De par sa fonction, centrale dans nos pays débarrassés de leurs présidents et autres responsables politiques, Stanislas-Joseph a également été le grand défenseur du « fang-lais », ce créole constitué de mots empruntés aux anciens colonisateurs français, anglais et espagnols ainsi qu'à nos langues vernaculaires, et qui cimente notre communauté depuis 2081. C’est grâce à ces mots, répétés aux quatre coins de nos anciens pays, que les frontières se sont estompées, au point parfois même de disparaître, que les échanges se sont développés. Bref, que notre communauté s’est soudée.

Déjà, les populations multipliaient les chasséscroisés, franchissant enfin en toute simplicité les anciennes frontières, pour le plus grand bénéfice de tous. L’agriculture a pu prospérer et la réorientation de nos ressources énergétiques à des fins domestiques, après le krach de 2048 et le décret qui a suivi, a enfin été en mesure d'assurer le développement économique de nos pays. L’arrêt du pillage écologique hérité des vieux systèmes prédateurs, à la suite de la loi BPShell, inscrite dans la Constitution communautaire, a permis à nos sols si longtemps souillés de se régénérer en moins de cinquante ans. Gardien de nos frontières, Stanislas-Joseph l’était également de nos traditions. Il a su remettre à l’honneur certaines de nos pratiques ancestrales, longtemps taxées de primitives avant

Les frontières se sont estompées, les échanges se sont développés et notre communauté s’est soudée. »

Les apparitions régulières du Gardien sur les programmes de la chaîne intercommunautaire Border TV renforçaient encore ce sentiment d’union lorsque, sur un air de rumba, il venait expliquer les dernières avancées juridiques en matière d'obtention de visa ou présenter les grands projets à venir qui allaient faciliter les déplacements et, donc, la vie des concitoyens. JEUNE AFRIQUE

d’être simplement abolies, comme cela avait été le cas dans la santé à la fin du XXe siècle. Nos populations ont alors retrouvé les plaisirs simples et longtemps passés de mode, de la pêche et de la chasse notamment. C’est sur ce terreau, ô combien fertile, mêlant palabres et conseils d’administration, qu’a pu fleurir la parole. Avec la « concrétisation », les écoles se sont ouvertes, puis multipliées. Jour et nuit, hommes et femmes, jeunes et plus anciens, tous sur les mêmes bancs, partageaient leurs petites histoires pour mieux reconstruire la grande. La politique est sortie des arrièrecuisines pour pénétrer dans les salons. La démocratie s’est échappée des sous-sols des palais désertés pour gagner le grand air de l'espace public. Que va-t-il se passer maintenant que notre Gardien est mort ? Que les frontières sont à nouveau cloisonnées, condamnant à l’immobilité une population qui ne souhaite que bouger pour mieux aller de l’avant ?Tout comme nos six pays réunis ! Il ne faudrait pas que la disparition de Stanislas-Joseph emporte avec lui les lumières de son héritage. Que notre communauté retrouve ce trou noir qu’elle a enfin pu quitter. Nous perdrions bien plus que notre gardien en replongeant dans des temps plus obscurs, que tout le monde veut oublier. N 0 2904 • DU 4 AU 10 SEPTEMBRE 2016

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Le réseau de destinations THE NETWORK Le réseau s’agrandit. De nouvelles destinations viennent s’ajouter aux villes de Pointe-Noire, Ollombo, Douala, Cotonou, Kinshasa, Libreville, Paris, Dubaï. The network is expanding. New destinations are being added to Pointe-Noire, Ollombo, Douala, Cotonou, Kinshasa, Libreville, Paris and Dubai.

LE HUB DE BRAZZAVILLE EN PLEIN ENVOL

Brazzaville

Pointe-Noire Bamako Paris Ollombo Kinshasa Bruxelles Douala Cotonou Libreville Dakar Dubaï BIENTÔT

Abidjan

Ouesso

Bangui

N’Djaména



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