RD Congo Après Tshisekedi
Niger Issoufou : « Nous sommes en guerre ! »
Une interview du chef de l’État No 2926 • du 5 au 11 février 2017
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année
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Cameroun Noah and Co. Enquête sur une tribu en or
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Algérie Quand la CIA espionnait El-Mouradia
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Les secrets d’un retour
Nos envoyés spéciaux dans les coulisses du sommet histori que d’Addis-Abeba
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RÉMY DARRAS
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il ne s’est installé sur le continent – et plus précisément au Sénégal – qu’en novembre 2016, April est déjà bien décidé à « uberiser » le marché de l’assurance en Afrique francophone, autrement dit à en casser les codes. Son angle d’attaque ? « La distribution, la façon d’approcher le client », maillon faible du secteur, selon Benjamin Bonnell, directeur général d’April Africa. « Les petits courtiers n’apportent pas vraiment de valeur ajoutée, de service aprèsvente, estime-t-il. Ils disposent de bons produits, mais ils ne savent pas parler au client, qui ne sait finalement pas trop ce qu’il achète. Sans parler des aspects de l’indemnisation et de l’assistance en cas de sinistre, qui font totalement défaut. » Déjà actif dans 33 pays, avec un chiffre d’affaires de 861,2 millions d’euros en 2016, April a étudié pendant deux ans le marché africain, où la pénétration de l’assurance n’atteint pas 1 %, mais dont le potentiel de croissance est estimé à 5 % par an, selon les chiffres 2016 de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf ). Et pour en profiter, le courtier grossiste français a vite abandonné l’idée d’installer un réseau d’agences physiques, « trop lourd à gérer et structurellement déficitaire », selon Benjamin Bonnell. April Africa investira plutôt directement dans des circuits alternatifs, « qui ont du flux ». L’idée : adosser l’assurance à d’autres produits en allant chercher le client là où il se trouve. PARTENARIATS. Aprils’estcertesrapidementconstitué au Sénégal un réseau de 500 points de vente surtout composé de courtiers, à qui il propose un catalogue de services – aide à l’obtention de la carte professionnelle, conseil en montage de schémas juridiques, mise en conformité, stratégie, produits innovants… Mais il a orienté sa stratégie vers des pétroliers, des acteurs de la grande distribution, des institutions de microfinance, des opérateurs de télécoms et de transfert d’argent, des acteurs de e-commerce et des compagnies aériennes. Alors qu’il annoncera courant février la signature de partenariats avec une quinzaine de nouveaux distributeurs, le groupe vend déjà au sein des 171 stations-service sénégalaises de Total une assurance automobile à 6 000 F CFA (environ 9 euros) par mois, associant responsabilité civile et assistance du véhicule et de la personne, avec un marketing et un packaging grand public. « Une station-service est souvent plus un gage de confiance que le petit courtier au coin de la rue. On s’est intégrés à N 0 2926 • DU 5 AU 11 FÉVRIER 2017
DISTRIBUTION
CLEMENT TARDIF POUR JA
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Miser canal
INTERVIEW
Richard Lowe PDG d’Activa
STRATÉGIE
Comment Saham résiste à la crise en Angola
TRIBUNE
Protégeons les petites exploitations agricoles !
April Africa propose ses services au sein de la station Total de Ngor, à Dakar.
sur le bon Vous souhaitez souscrire une assurance ? Rendez-vous à la banque, dans une station-service ou sur un site d’e-commerce. Pour conquérir une Afrique francophone encore peu couverte, les géants du secteur vont chercher leurs futurs clients là où ils se trouvent.
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Dossier Assurances leur programme de fidélité, explique Benjamin Bonnell. Plus on achète d’essence, plus on obtient de réduction sur son assurance mensuelle. » Il s’est aussi associé à 150 agences de voyages au Sénégal et en Côte d’Ivoire en proposant, en partenariat avec Sunu, une assurance Schengen à destination des touristes ouestafricains qui se rendent en France. POINTS RELAIS. « On croit beaucoup au marketing direct dans les points de vente, qui deviendront autant de points relais April », poursuit Benjamin Bonnell. Ainsi, l’assureur forme les caissiers des stations à la promotion et à la vente à partir d’un terminal. « Le client a cinq minutes pour choisir son assurance sur un comparateur, parmi vingt offres différentes », précise-t-il. L’offre April est désormais incluse dans le catalogue de services financiers du groupe bancaire nigérian United Bank for Africa (UBA) et intégrée à la plateforme de commerce en ligne Afrimarket, qui permet de souscrire en ligne, de recevoir une attestation sécurisée et de payer par téléphone. Une synergie que l’on retrouve aussi chez le français Axa, devenu il y a un an actionnaire et fournisseur exclusif de produits d’assurances de la plateforme de e-commerce Jumia. En juin, il a lancé une première offre permettant d’assurer un téléphone mobile, qu’il compte étendre à tous les sites de Jumia. Mais April propose également une gamme de services plus élevés comme l’indemnisation au bout de quarante-huit heures pour un accident ou un dommage avec sa voiture – au lieu des trois à six mois habituels – ou le dépannage-remorquage, voire le remboursement de l’assurance-voyage en cas de refus de visa. À l’instar d’April Africa ou d’AXA, les assureurs des 14 pays de la zone de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima) déploient de nouveaux canaux de distribution pour gagner des clients. Un défi alors que, dans l’espace francophone, l’assurance est essentiellement contractée dans les entreprises et si peu par les particuliers. Disposant de réseaux physiques très restreints, parfois réduits à deux à trois agences par pays, qui se divisent en bureaux directs (dépendants du siège) et en agents mandataires (rémunérés à la commission), le secteur trouve surtout de nouveaux débouchés dans la bancassurance. « Bien que l’empreinte du réseau bancaire soit très faible en Afrique [avec un taux de bancarisation de 13 %] elle est néanmoins beaucoup plus élevée que celle des assurances », défend Ibrahima Meite, directeur technique et actuariat du holding ivoirien NSIA Participations. Présent dans 12 pays avec 300 agents mandataires mais peu d’agents généraux, l’assureur NSIA compte bien gagner des parts de marché en proposant ses produits… chez NSIA Banque, l’autre principale activité du holding, ou localement avec Ecobank. Une stratégie similaire anime le marocain Wafa, présent au Cameroun, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, où il s’appuie sur le réseau de la Société ivoirienne de banque (SIB) – qu’il contrôle – pour développer N 0 2926 • DU 5 AU 11 FÉVRIER 2017
son offre de bancassurance. Quant à Sunu, leader de l’assurance-vie actif dans 14 pays, il a conclu des partenariats avec Ecobank, Bank of Africa, Banque Atlantique ou encore Orabank. « Soit on déploie nos propres agents commerciaux dans leurs locaux, soit nos produits y sont vendus par des chargés d’affaires », explique Joël Amoussou, directeur général délégué Taux de de Sunu. Cette mutualisation des forces permet ainsi pénétration de l’assurance à l’assuré de réaliser ses opérations grâce à sa carte (primes en % du PIB) bleue sur des distributeurs automatiques de billets. Si chacun reconnaît le potentiel de ces nouveaux Vie Non-vie modes de distribution, Allianz Africa tient à continuer à marcher sur ses deux jambes, distribuant des produits Maghreb de micro-assurance – qui permettent d’épargner 5, 10, 0,27 % 20 euros par mois… – ou de microfinance dans des coopératives agricoles tout en continuant à étendre 1,02 % son réseau d’agences traditionnelles au Togo, au Afrique du Nord-Est Mali et au Burkina Faso. « Les nouveaux canaux sont complémentaires. Notre approche multicanale ne 0,23 % privilégie aucun réseau en particulier », insiste Frédéric 0,44 % Baccelli, directeur général d’Allianz Africa. Car le modèle à peine Afrique du Sud éclos n’est pas 11,06 % encore totale3,12 % ment profitable. « Au Sénégal, au Burkina Faso, nous touchons Autres pays certes un volume de clients plus important, de la zone rand nous avons 700 000 micro-assurés, mais avec 3,37 % des primes unitaires de faible montant, repré1,68% sentant 5 millions d’euros au total », rapporte Frédéric Baccelli. « Les primes sont moins élevées Îles de l’océan Indien que d’ordinaire, mais cela s’annonce prometteur », 2,05 % confirme Ibrahima Meite. Notamment grâce à la digitalisation progressive des produits sur smartphones 1,19 % (70 % de taux d’équipement) et internet. Afrique orientale et australe 0,21 %
MEILLEURE COLLECTE. Sunu a ainsi développé
depuis 2012 pour ses produits vie une plateforme mobile avec Orange Money en Côte d’Ivoire, Tigo au 0,88 % Sénégal et commencera bientôt avec Moov au Niger. Depuis, le chiffre d’affaires du groupe a augmenté Zone Cima de 10 %, selon Joël Amoussou. « Cela a facilité une 0,24 % meilleure collecte des primes et un meilleur paie0,68 % ment des prestations », observe-t-il. Les assurés Afrique occidentale sont relancés par SMS. Et le montant des primes est parfois calculé proportionnellement à la facture anglophone de téléphone. « Globalement, cela nous incite à 0,15 % standardiser et à simplifier nos offres, et à accélérer 0,44 % la procédure », indique Ibrahima Meite. S’il faut du temps aux assureurs pour mettre à jour tous leurs Total procédés technologiques, ils se heurtent aussi à une 2,56 % réglementation qui n’autorise pas encore la signature électronique des contrats et l’impression de son 1,24 % attestation d’assurance ou de sa vignette auto chez soi. Une contrainte qui oblige l’assureur à rappeler Total Hors Afrique du Sud son nouveau client, qui doit ensuite passer à l’agence après avoir souscrit de manière dématérialisée. Le 0,32 % projet de loi qui viendra supprimer cet ultime verrou en zone Cima, et qui devrait être prochainement 0,75 % adopté, se fait donc attendre impatiemment.
SOURCE : AFRICAN REINSURANCE CORPORATION
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JEUNE AFRIQUE
Dossier Assurances INTERVIEW
Richard Lowe
PDG d’Activa
« Malgré la conjoncture morose, je reste très optimiste » Quelques jours après le lancement de sa filiale européenne – la première hors d’Afrique –, le patron du groupe d’assurances camerounais expose sa stratégie et ses idées pour faire évoluer le marché.
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n dépit d’une croissance économique atone sur le continent, le fondateur d’Activa, présent au Cameroun, au Ghana, en Guinée, en Sierra Leone et au Liberia, reste optimiste quant au futur de l’assurance africaine. Le patron camerounais n’élude aucune question et dévoile les ambitions de son groupe, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 66 millions d’euros en 2015, pour un bénéfice de 7 millions d’euros. JEUNE AFRIQUE : Ces dernières années, une certaine euphorie régnait chez les assureurs. A-t-elle été douchée par le ralentissement des économies africaines ? RICHARD LOWE : L’évolution
démographique sur le continent nous rendait optimistes. Je le demeure, parce que le ralentissement lié à la baisse des cours du baril est conjoncturel et que notre enthousiasme concernait plus les particuliers que les entreprises. Le développement de la classe moyenne urbaine se poursuit et va s’amplifier, même si le rythme est plus lent qu’attendu. Nous nous tournons aussi vers ceux qui se lancent dans une activité agricole et verslesménagesàfaiblerevenu,que la micro-assurance doit intéresser. Le cabinet McKinsey se montre tout de même prudent au sujet de cette classe moyenne…
Certes, elle sera selon lui moins importante que prévu. Mais nous partons de loin. Le taux de pénétration de l’assurance reste au-dessous de 1 % en Afrique subsaharienne [hors Afrique du Sud]. N 0 2926 • DU 5 AU 11 FÉVRIER 2017
Actuellement, de nombreux jeunes partis étudier à l’étranger rentrent, intègrent les entreprises et font grossir la classe moyenne. C’est une aubaine, puisqu’ils ont besoin d’une panoplie d’assurances. Par ailleurs, selon Deloitte, plus de 200 millions d’Africains seront propriétaires de leur logement à l’horizon 2025. En 2015,Activa ne semble pas avoir souffert de la chute des prix du baril et de l’épidémie d’Ebola…
Ebola a affecté notre activité en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone.Maisnousavonscontinuéde croître. Et cela a conduit certaines populations à prendre conscience de l’importance de l’assurance. Même si on note un léger tassement dans ces pays, celui-ci a été largement compensé par une bonne tenue de nos autres implantations. Finalement, notre chiffre d’affaires a augmentéde18%etnosbénéficesde 35 %, malgré des coûts de change en hausse. Vers quelle direction le marché doit-il désormais s’orienter ?
Nous misons sur l’innovation. Nous pensons à des produits en matière de prévention, d’assurance-maladie ou d’assurances individuelles, par exemple pour couvrir les risques de non-remboursement de crédit. Pensez-vous que banquiers et
FERNAND KUISSU
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assureurs doivent créer des structures communes ?
Mêmesicen’estpasunenécessité pour nous, il peut y avoir des avantages à être adossé à une banque, notamment en ce qui concerne le circuit de distribution. Mais celle-ci doit être tournée vers les particuliers, comme la banque de réseau, quipeutproposerdesproduitsdans ses agences. Cependant, il s’agit de deux métiers différents. L’assureur prend des risques et les assume en cas de sinistre. Le banquier collecte une épargne pour financer l’économie. Si un groupe s’appuie sur ces deux activités, les choses doivent être séparées en interne. Qu’est-ce qui vous a poussé à créer une filiale hors du continent ?
De plus en plus d’entreprises dont les centres de décision sont situés hors d’Afrique nous font confiance. Pour répondre à leurs attentes, nous avons créé le 1er janvier Activa Europe, basé à Paris. En outre, nous avons déjà fondé le réseau Globus, présent dans 45 pays africains, avec une plateforme consacrée aux entreprises. Pourquoi réalisezvous moins d’acquisitions que d’autres groupes ?
Chacun a sa stratégie. Avec nos partenaires, IFC [Société financière internationale] et P r o p a r c o, n o u s n’avons pas de pressions venues de fonds de pension. Et grâce au réseau Globus, nous pouvons offrir le service global que les clients multinationaux attendent. JEUNE AFRIQUE
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Comment atteindre de nouvelles cibles quand le courtage reste le principal canal de distribution ?
Effectivement, il couvre 75 % des besoins des entreprises. Mais les courtiers ne sont pas outillés pour vendre des assurances aux particuliers, contrairement aux opérateurs de télécoms, aux réseaux de bancassurance et aux mutuelles. La communication digitale est par ailleurs devenue très importante pour nous, par exemple sur les réseaux sociaux. Mais pour développer ces circuits de distribution, nous avons besoin d’être accompagnés par les régulateurs. Ceux-ci doivent intégrer l’évolution des pratiques sociales, par exemple en acceptant que les contrats conclus via un téléphone mobile apparaissent sous une autre forme qu’un document papier signé.
70 %. Il n’y a pas nécessité d’immobiliserautantdecapital.Etmêmeau seindessociétésnon-vie,ilfaudrait différencier celles qui se spécialisent dans les petits accidents et celles qui assurent les raffineries. Pourquoi les investisseurs créeNous avons pris nos dispositions. Toutenreconnaissantlanécessité raient-ilsunecompagnieavecune de conforter les fonds propres mise de 5 milliards en capital 65 euros des compagnies, je suggère quand le chiffre d’affaires du C’est en moyenne ce que de tenir compte de certains marché est plus ou moins dépense un Africain chaque facteurs pour ne pas voir les équivalentàcemontant?Par année pour s’assurer, contre groupes africains fermer ailleurs, le régulateur veut 935 euros boutique, être absorbés ou réduirelerecoursàlaréassuen Afrique du Sud et fusionner. En zone Cima, rance hors du continent, qui 2 525 euros le régulateur a décidé que le entraîne une fuite des devises. en Europe de l’Ouest Mais, en tant qu’investisseurs capital des compagnies d’assurances devait passer de 1 à 3 milinstitutionnels, nous avons peu liards de F CFA (1,5 à 4,5 millions d’instruments de placement dans d’euros) en 2019 et à 5 milliards la zone Cima. Et investir les primes deux ans plus tard. Or toutes n’ont hors du continent nous protège pas les mêmes besoins en fonds contre les risques de change en cas de sinistre important. propres.Lesmarchésd’assurancePropos recueillis par OMER MBADI viesontainsiconstituésd’épargneà Les régulateurs, dont la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima), imposent une forte contrainte sur les fonds propres. Les groupes africains ont-ils les moyens de suivre ?
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développement vers les particuliers, amorcée quelques mois avant l’effondrement des cours. « Nous nous concentrons désormais beaucoup sur l’assurance automobile et avons lancé en septembre 2016 l’assurance santé », explique Nadia Fettah. La société, qui ne comptait aucune agence en 2013, en a désormais un peu plus d’une dizaine et a pour objectif d’en ouvrir plusieurs chaque année. Elle implante également plus d’une dizaine de points de vente par an dans les grands supermarchés. Résultat : le segment retail (vente au détail) représentera bientôt 20 % de ses revenus – qui ont continué à croître malgré la crise –, contre 5 % lors de la reprise de GA Angola Seguros. FUTURE GÉNÉRATION. Pour éviter de transformer la crise en crash, alors que les risques se multiplient, Saham a également nommé une équipe de choc à la tête de sa filiale. Il a ainsi fait venir des anciens d’AXA au Portugal, dont Malgré des comptes qui ont basculé dans le rouge, la filiale son ex-directeur général (de 1999 du groupe marocain a maintenu ses investissements à 2014), Paulo Bracons, qui a pris et a accéléré son déploiement en direction des particuliers. le leadership à Luanda. Objectif : profiter de son expérience et de celle de ses équipes lusophones ffondrement des cours En dehors des effets persistants de la baisse des cours pétroliers, pour former une future généradu pétrole, croissance tion de dirigeants angolais. Dans au ralenti, envolée de divisés par deux au cours du second un pays où le taux de pénétration l’inflation : pour Saham semestre de 2014, et du ralentisseAngola Seguros, filiale du groupe de l’assurance est inférieur à 1 %, ment des investissements, Saham le potentiel de croissance – et de marocain acquise fin 2013, comme a également été fortement touché hausse des profits – reste entier. pour tous ses concurrents angolais, par la raréfaction des devises dans la période est délicate. En 2015, une économie dollarisée et par Avant même la crise actuelle, Saham le numéro trois des assureurs du l’inflation galopante. « Nous manL’assureur a quons de dollars pour payer les pays – et premier privé – a vu ses Angola Seguros était composé une relativement moins bénéfices fondre, finissant l’année réassureurs, décrypte Nadia Fettah. équipe dirigeante Nous sommes aussi très affectés profitable que les tout juste à l’équilibre. En 2016, ses par l’inflation car il est difficile de autres filiales du comptes – qu’il a refusé de dévoide choc, recrutant ler – sont passés dans le rouge. groupe – le système répercuter l’intégralité de la hausse parmi les anciens Rien de vraiment étonnant dans des prix sur les primes payées par de réassurance d’AXA Portugal. un pays où la croissance du PIB a nos clients. » En novembre 2016, indispensable pour chuté de 7 % en 2013 à moins de le FMI prévoyait dans une note les clients grandes 1 % l’année dernière. « Comme que l’inflation annuelle en Angola entreprises affectant les marges –, atteindrait 45 % d’ici à la fin de pesant en 2014 environ 17 % des sur beaucoup de marchés jeunes, revenus de Saham Finances mais plus des trois quarts de l’activité l’année, avant de « décliner » autour de 20 % en 2017… seulement 7,5 % des profits. Une est liée à la clientèle des entreMalgré tout cela, « nous avons prises, qui souffrent de l’arrêt des fois la crise actuelle passée, la croiscontinué à investir, nous n’avons grands chantiers et ralentissent sance à deux chiffres devrait donc ni réduit la voilure ni nos effectifs les investissements », explique vite reprendre pour Saham Angola. « C’est un moment très difficile [un peu plus de 200 employés] », Nadia Fettah, directrice générale explique la directrice générale. du groupe Saham depuis le début mais nous restons très optimistes », confirme Nadia Fettah. Stratégiquement, Saham Angola de l’année 2017, après en avoir été la numéro deux. FRÉDÉRIC MAURY Seguros a accentué sa politique de STRATÉGIE
Comment Saham résiste à la crise en Angola
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JEUNE AFRIQUE
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TRIBUNE
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Protégeons les petites exploitations agricoles !
JEAN-LUC PERRON Ex-délégué général de la Fondation Grameen Crédit agricole
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epuis cinquante ans, la fréquence des anomalies climatiques a été multipliée par cinq. Ce chiffre ne pourra qu’augmenter avec le réchauffement climatique, que l’Accord de Paris de 2015 a l’ambition de ralentir, mais pas d’arrêter. Au premier rang des populations exposées aux risques liés au climat figurent les petits exploitants agricoles: l’immense majorité des 50 millions d’exploitations de moins de 2 hectares en Afrique subsaharienne est dépourvue de toute protection contre les risques météorologiques. Elles sont considérées comme non assurables dans le cadre des dispositifs conventionnels d’assurance : les sommes à couvrir sont trop faibles, et les coûts d’administration, de commercialisation et d’expertise trop élevés. Alors faut-il baisser les bras, au risque de laisser dépérir l’agriculture familiale, qui assure 80 % de l’alimentation des pays en développement et voir s’amplifier l’exode rural en direction de villes déjà surpeuplées? « Tout le monde parle du temps qu’il fait, mais personne ne fait rien à ce sujet », disait l’écrivain et humoriste Mark Twain. Heureusement, l’assurance indicielle agricole change la donne, en combinant plusieurs types d’innovation. Innovation technologique: elle s’appuie sur des données biométriques – fournies par l’imagerie satellitaire ou par des stations météo de surface – pour modéliser la perte liée par exemple à une pluviométrie insuffisante. Si les indices révèlent un déficit hydrique pendant une période critique du cycle agronomique de la plante, l’agriculteur sera automatiquement indemnisé, sans qu’il soit nécessaire d’envoyer un expert in situ vérifier la réalité de la perte, et sans qu’il soit nécessaire d’attendre la période de la récolte. Innovation marketing: en liant l’assurance à l’acquisition d’intrants, tels que des semences ou des engrais, ou à l’octroi d’un prêt de récolte, les coûts de distribution sont considérablement diminués.
son maïs. Or le régime des précipitations tend à être de plus en plus irrégulier. Alfred et son groupement de 48 agriculteurs sont en relation avec Acre-Africa (Agriculture and Climate Risk Enterprise), un opérateur d’assurance-récolte qui conçoit et met sur le marché des offres basées sur des indices météorologiques. Acre a été créée il y a trois ans, à l’initiative de la Fondation Syngenta pour une agriculture durable, en partenariat avec la Fondation Grameen Crédit agricole. Concrètement, le sac de 2 kg de semences de maïs acheté par Alfred contient une carte avec un code. De retour chez lui, il lui suffit de communiquer ce numéro par téléphone ainsi que d’indiquer la période de trois semaines pendant laquelle il va semer pour déclencher la géolocalisation de son champ. Si les indices révèlent que les pluies n’ont pas été suffisantes pour permettre la germination, Alfred sera automatiquement indemnisé du prix d’achat du sac, par virement sur son compte M-Pesa. En 2016, Acre-Africa a touché 360000 petits agriculteurs au Kenya, au Rwanda et en Tanzanie. D’autres projets similaires d’assurance agricole indicielle ont été mis en œuvre en Afrique de l’Ouest par Planet Guarantee et par Oxfam en Éthiopie.
L’immense majorité des fermes de moins de 2 hectares est considérée comme non assurable.
Prenons l’exemple d’Alfred, rencontré près de Thika, à une heure de route de Nairobi, qui cultive 2 acres de maïs et d’avocats. Le sol est de bonne qualité, mais, faute d’irrigation, il est très dépendant des pluies pour JEUNE AFRIQUE
En supprimant les coûts d’expertise et en réduisant les coûts de distribution et de transaction, cette approche innovante rend l’assurance agricole accessible aux petites exploitations des pays en développement. Un agriculteur assuré aura tendance à investir davantage dans son exploitation, notamment en semences de qualité et en engrais, et obtiendra plus facilement un crédit. Il augmentera ainsi ses rendements et ses revenus tout en se protégeant contre les aléas climatiques. Le moment est venu de faire de la généralisation de l’assurance agricole une priorité car c’est un facteur clé de lutte contre l’insécurité alimentaire et d’adaptation au changement climatique. N 0 2926 • DU 5 AU 11 FÉVRIER 2017
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