Cameroun L’État contre internet
numéro double en vente deux semaines
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de Jeune Afrique
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • n° 2935-2936 • du 9 au 22 avril 2017
Dossier Afroféministes et fières de l’être !
Sahel Ag Ghaly, mort ou vif
Tunisie La saga Celtia
BÉNIN
Des promesses
aux projets Spécial
20 pages
ALGÉRIE-MAROC
Chiens de faïence
Un soldat marocain scrute le no man’s land depuis le fort de Guerguerat, le 29 mars.
Depuis l’entrée du royaume au sein de l’Union africaine, la tension entre les deux frères ennemis du Maghreb ne cesse de croître. Jusqu’où ira-t-elle ? Enquête à Alger, Rabat et Guerguerat. ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT
France 6 € • Algérie 360 DA • Allemagne 8 € • Autriche 8 € • Belgique 6 € • Canada 11,90 $ CAN • DOM 8 € • Espagne 7,20 € • Éthiopie 95 birrs • Grèce 8 € Italie 7,20 € • Luxembourg 8 € • Maroc 40 DH • Mauritanie 2000 MRO • Norvège 75 NK • Pays-Bas 7,20 € • Portugal cont. 7,20 € • RD Congo 11 $ US Royaume-Uni 6 £ • Suisse 11,80 FS • Tunisie 6 DT • USA 13 $ US • Zone CFA 3200 F CFA • ISSN 1950-1285
COMMUNIQUÉ
Jean-Jacques Golou,
Directeur Général de Coris Bank International, Succursale du Bénin.
« Nous voulons devenir un acteur prépondérant dans le développement de nos clients » Quels produits sont déjà disponibles et quelles nouveautés comptez-vous proposer en 2017 ?
Après le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Togo, Coris Bank International a décidé de poursuivre son expansion dans la zone de l’Afrique de l’Ouest, en s’implantant au Sénégal et au Bénin. Les deux succursales ont ouvert leurs portes à quelques jours d’intervalle. Dans notre logique de croissance sur le marché de l’UEMOA, le Bénin est un pays stratégique, de par sa position géographique et sa stabilité démocratique, avec un potentiel réel. Et nous pensons être venus au bon moment au regard des perspectives de développement. Quels sont vos secteurs cibles au Bénin ? Coris Bank International est une banque universelle, qui a pour objectif d’accompagner tous les secteurs d’activité d’une économie. Nous nous intéressons aux particuliers ainsi qu’aux entreprises, notamment les PME/PMI, qui constituent l’essentiel du tissu économique africain. Nous avons également une très bonne connaissance des institutions publiques et parapubliques, à qui nous accordons une attention très particulière. C’est en couvrant tous ces secteurs d’activités et toutes les couches de la population que nous allons démystifier la banque, pour la rendre plus accessible. Quelle est votre stratégie sur ce marché très concurrentiel ? Notre stratégie se base sur le dynamisme commercial, la qualité de services et l’innovation. Nous comptons offrir les services les plus adaptés aux besoins de nos clients pour devenir un acteur prépondérant dans le développement de leurs affaires. Notre objectif est de proposer une banque différente, respectueuse de ses engagements, capable de répondre aux multiples attentes de notre clientèle, grâce à une écoute et une disponibilité permanente. Comme le ferait un véritable partenaire.
Nous proposons des produits basiques et classiques que nous adaptons au mieux, à nos différents segments de clientèle, en fonction de leurs spécificités et de leurs attentes. Dans notre stratégie d’offres au Bénin, nous venons par exemple de lancer la commercialisation d’un produit d’exception, nommé Coris Premium. Cette dynamique innovante se poursuivra tout au long de l’année 2017, grâce à l’essor du digital. Que pensez-vous du développement de certains outils bancaires, via le téléphone portable par exemple ? La banque en ligne en général et via le téléphone portable en particulier, est une solution qui permet aux banques de se rapprocher de leur clientèle et de raccourcir les délais de traitement des demandes. C’est une véritable innovation qui est vite devenue indispensable et l’avenir des banques passe par le développement de telles solutions électroniques, adaptées à chaque cible de sa clientèle. Coris Bank ne peut rester en marge d’une telle évolution. C’est la raison pour laquelle, la banque a par exemple lancé en février dernier au Burkina-Faso, en partenariat avec un opérateur téléphonique, un service pour que nos abonnés disposant d’un compte virtuel « Mobile money » puissent effectuer des retraits d’espèces sur nos distributeurs automatiques. Cette innovation sera étendue à l’ensemble des pays où nous opérons, dont le Bénin, avec d’autres services similaires à forte valeur ajoutée. Quels sont les pays ciblés par Coris Bank International dans un avenir proche ? Nous voulons devenir une banque de référence dans la zone UEMOA à l’horizon 2020, avec l’ambition de nous étendre au reste du continent pour atteindre une envergure panafricaine. ■
SIÈGE SOCIAL : 122, parcelle ZA Avenue Steinmetz 01 BP 5783 - Cotonou, Bénin - Tél. : (+229) 96 31 51 45
www.coris-bank.com
DIFCOM/DF - PHOTO: DR
Vous vous êtes implantés au Bénin le 23 décembre dernier, pourquoi avoir choisi ce marché ?
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PANORAMA Talon peut-il transformer le Bénin?
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POLITIQUE Les jeux sont loin d’être faits INTERVIEW Abdoulaye BioTchané, ministre d’État chargé du Plan PATRIMOINE Ganvié sauvé des eaux
Des promesses aux projets Avec son programme « Bénin révélé », Patrice Talon veut, très vite, réformer les institutions, relancer le développement économique et social, redonner confiance au pays… Un changement radical et accéléré qui, un an après son investiture, réveille les tensions.
JEUNE AFRIQUE
N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
JACQUES TORREGANO/FEDEPHOTO POUR JA
BÉNIN
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BÉNIN
Prélude Vincent Duhem
Des promesses
Un an, un tournant
aux projets
Q
uandletempsseravenude vague d’indignation dans l’hémidresser le bilan du quin- cycle, que « tous les députés ont quennat de Patrice Talon, reçu de l’argent pour voter » en dira-t-on de la séquence faveur du projet, elle n’avait pas tort. qui amena les députés à refuser Certains auraient même pris des d’examiner le projet de révision enveloppes à plusieurs guichets. constitutionnelle qu’elle fut un tournant ? C’est fort probable. Cela n’explique pas tout. Il existe Car elle fait entrer le mandat du actuellement au Bénin un véritable président béninois dans une nou- malaise, né d’un contexte social velle ère, un an tout juste après son morose. S’y ajoute une compréinvestiture. hension difficile entre un chef de D e p u i s s o n é l e c t i o n , e n l’État élu notamment pour son mars 2016, l’ancien homme assise financière et un peuple qui d’affaires semblait disposer d’une marge de En quelques jours, la parole manœuvre confortable. s’est libérée et l’état de grâce Aucune personnalité présidentiel s’est délité. politique d’envergure n’osait alors le critiquer publiquement. Et, bien que le chef voit son quotidien devenir plus de l’État n’ait autour de lui aucun insupportable chaque jour. Par parti, il semblait bénéficier d’une exemple, comment demander à des large majorité au Parlement et commerçants fragilisés de reconnaître la pertinence de mesures même en avoir le contrôle. En quelques jours, la situation est comme les opérations de déguerdevenue tout autre. La parole s’est pissement ? Pour y parvenir, sans comme libérée, en même temps doute aurait-il fallu au président que l’état de grâce présidentiel s’est un tact qui, depuis quelques mois, lui fait défaut. délité. Aujourd’hui, force est de constaCommenta-t-onpuenarriverlà? ter que Patrice Talon ne peut plus Il y a d’abord ce système politique continuer à foncer droit devant, gangrené, où l’argent roi dicte les même s’il est convaincu du bienprises de décisions, où les majori- fondé de ses décisions. Il lui faut tés se font et se défont à coups de trouver la méthode adéquate, le millions de francs CFA. Un système bon tempo. Car à vouloir aller trop auquel le chef de l’État dit vouloir vite, bousculer le temps, on risque mettre fin – même si beaucoup de bafouer l’État de droit, ses prinl’accusent de l’entretenir lui-même. cipes, ses institutions, et de mettre Quand, le 4 avril, Rosine Vieyra en péril les fondements mêmes de Soglo a déclaré, soulevant une la nation. JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA Talon peut-il transformer le Bénin ? p. 74 POLITIQUE Majorité-opposition : les jeux sont loin d’être faits p. 82 DÉCRYPTAGE En attendant la reprise p. 84 INTERVIEW Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’État chargé du Plan et du Développement p. 86 INFRASTRUCTURES
Huit projets censés faire bouger le pays p. 88 ENTREPRENEURIAT Des jeunes pleins de ressources
p. 94
• Ulrich Sossou, cofondateur de l’incubateur TekXL • Éric Mêtinhoué, PDG de Btech • Odile Gnonwin, fondatrice et directrice du Centre de transformation des noix tigrées
INNOVATION GKA dompte les mauvaises graines
p. 96
TOURISME Ganvié sauvé des eaux p. 98
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Le Plus de Jeune Afrique
PANORAMA
Talon peut-il trans Lors de son investiture, le 6 avril 2016, le président béninois promettait un nouveau départ. Son programme, qui a suscité autant d’enthousiasme que de perplexité, soulève aujourd’hui des interrogations au sein même de la majorité. VINCENT DUHEM
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P
endant dix ans, le style de Thomas Boni Yayi aura façonné le rapport des Béninois à la politique. Patrice Talon, qu’ils ont confortablement élu en mars 2016, est un chef d’État totalement différent tant dans ses méthodes que par son caractère. Et c’est peu dire que le changement de président a fait l’effet d’un bouleversement. Disons les choses clairement : le style Talon a considérablement surpris les Béninois. Et, un an après son arrivée, ils semblent de plus en plus s’y opposer.
« C’est vrai qu’il y a actuellement de fortes oppositions. Mais cela passera. Je suis persuadé que les résultats de ma politique se feront sentir dans un ou deux ans », a récemment confié le président à l’un de ses visiteurs du soir. Pourtant, aujourd’hui, alors que les conséquences de la crise économique au Nigeria plombent l’économie du pays (lire p. 80), le caractère « heurté » de sa gouvernance passe mal. Ce que montre le sort funeste qui vient d’être réservé au projet de révision constitutionnelle (lire p. 76). Le 24 mars, les députés ont refusé à l’unanimité d’en débattre en procédure d’urgence, JEUNE AFRIQUE
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sformer le Bénin? des manifestations contre le texte ont suivi et, le 4 avril, l’Assemblée nationale a rejeté la recevabilité du projet, qui ne sera donc même pas examiné. Au cas où on en aurait douté, il y a donc bien une opposition face à l’exécutif et, même si ce dernier bénéficie d’un fort soutien dans l’hémicycle, il y existe aussi une minorité de blocage. PEU VISIBLE. Talon semble vouloir tout, tout de suite. Et tant pis si cela donne lieu à de vives contestations, comme ce fut le cas au moment du lancement des opérations de déguerpissement à Cotonou, en janvier. Si beaucoup estiment qu’elles sont nécessaires pour récupérer l’espace public illégalement occupé et assainir la ville, l’absence de compensation pour des populations vivant dans des conditions déjà précaires choque. Dirigées JEUNE AFRIQUE
par Modeste Toboula, le préfet du département du Littoral, ces opérations ont également entraîné plusieurs passes d’armes avec le maire de Cotonou, Léhady Soglo, qui juge inacceptable de ne pas y avoir été associé et critique l’absence de solutions de remplacement. Elles ont cristallisé les tensions entre le président de la Renaissance du Bénin (RB) et le gouvernement du président Talon. En octobre 2016, confronté à un mouvement d’humeur des étudiants réclamant le paiement des allocations universitaires et l’organisation d’examens, le gouvernement avait décidé d’interdire les activités des associations étudiantes sur les campus universitaires. Une mesure qualifiée d’« alarmante » par Amnesty International, que la Cour constitutionnelle, le 16 mars, a finalement jugée contraire à la Constitution. N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
PRÉSIDENCE DU BÉNIN
Avant le lancement du Programme d’actions du gouvernement, le 16 décembre 2016.
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Le Plus de JA Bénin
Les trois piliers du « nouveau départ » selon Talon
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La consolidation de la démocratie, de l’État de droit et de la bonne gouvernance
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La transformation structurelle de l’économie L’amélioration des conditions de vie des populations
Outre ces décisions polémiques, le caractère de Talon a rapidement désarçonné les Béninois. Après avoir cultivé la discrétion comme un atout dans le monde des affaires, l’ancien grand patron applique les mêmes méthodes au palais de la Marina. Il est peu visible, s’exprime avec parcimonie ; hostile au folklore qui entoure la fonction présidentielle, il a exigé que sa sécurité soit moins ostensible ; les cortèges ont été réduits au minimum. Le contraste avec son prédécesseur est saisissant. Omniprésent, Boni Yayi médiatisait ses activités et s’entretenait régulièrement avec les journalistes ; proche du peuple, il pouvait se rendre au bureau à l’arrière d’un zémidjan ou faire son footing en pleine ville. C’était l’une de ses forces. EFFICACITÉ. Le président Talon a toutefois concédé
quelques entorses à ses principes. Certains de ses proches sont notamment parvenus à le convaincre de l’importance de mieux contrôler son image, donc de communiquer davantage. Le lancement en fanfare du Programme d’actions du gouvernement (PAG), le 16 décembre 2016, à Cotonou, en est un premier exemple. Baptisé « Bénin révélé », le PAG est le cœur du projet du chef de l’État, et c’est sur sa capacité à le réaliser d’ici à 2021 que Patrice Talon sera jugé, l’une des principales difficultés étant de trouver les 9039 milliards de F CFA (13,8 milliards d’euros) d’investissements publics et privés nécessaires. La mise en œuvre du PAG en dit beaucoup sur le systèmedegouvernancevouluparTalon.Travailleur acharné et méticuleux, il attend le même investissement de la part de ses ministres et collaborateurs. La veille du lancement du PAG, par exemple, il a exigé que certains d’entre eux viennent répéter leur discours avec lui à 6 heures du matin. Obsédé par le résultat, il veut confier la responsabilité des projets importants à des hommes en qui il a confiance et dont il peut contrôler l’efficacité.
La première année au pouvoir de Patrice Talon aura aussi été rythmée par plusieurs affaires judiciaires. La plus médiatisée aura été celle qui a impliqué Sébastien Ajavon, l’autre grand patron à s’être lancé dans la politique lors de la présidentielle de 2016 et qui, arrivé troisième à l’issue du premier tour avec près de 23 % des suffrages exprimés, a soutenu la candidature de Patrice Talon au second tour – un ralliement qui a compté dans la victoire de ce dernier. Le 28 octobre 2016 au matin, la gendarmerie saisissait 18 kg de cocaïne dans un conteneur en provenance du Brésil et destiné à Cajaf-Comon, le groupe de l’homme d’affaires béninois. Ajavon est interpellé, placé en garde à vue, puis finalement relaxé pour insuffisance de preuves la semaine suivante. « Un coup monté pour ternir mon image », dit-il, qui n’empêche cependant pas sa réélection à la tête du Conseil national du patronat du Bénin (CNP-Bénin) à la fin de novembre. Mais cette séquence ubuesque a changé l’atmosphère de la scène politique béninoise. Mi-janvier, Sébastien Ajavon a démissionné du conseil d’administration de Cajaf-Comon, de façon que ses engagements ne nuisent plus à la réputation de son groupe. Éloigné des affaires, il n’a pas encore pris position publiquement ni donné d’indications sur la direction politique qu’il souhaite prendre. Autour de lui, des personnalités comme Léhady Soglo, le député indépendant Issa Salifou ou encore l’ancien président Boni Yayi s’organisent pour contrecarrer les plans de Patrice Talon – seront-ils rejoints par Candide Azannaï, cet ancien ami du chef de l’État qui, le 27 mars, a démissionné de son poste de ministre délégué chargé de la Défense ? Si Talon a déjà assuré qu’il ne se présenterait pas à un second mandat, il compte bien être influent dans le choix de son successeur. Il fera donc tout, avec son équipe, pour donner du fil à retordre à Sébastien Ajavon ainsi qu’à ses alliés de circonstance.
LES RÉFORMES À L’ÉPREUVE DU MARIGOT POLITIQUE BÉNINOIS
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usqu’au bout, le parcours du projet de révision constitutionnelle aura été semé d’embûches. Le chef de l’État, qui en avait fait une promesse de campagne, souhaitait que cette révision soit rapidement menée. La commission technique chargée des réformes politiques et institutionnelles, dirigée par le garde des Sceaux, Joseph Djogbénou, lui avait d’ailleurs remis son rapport dès juin 2016. L’idée d’un référendum a d’abord été avancée, puis abandonnée, et l’exécutif s’est attelé à préparer un projet de loi. Il prévoyait la modification de 43 articles sur les 160 que compte la Constitution de décembre 1990. Parmi les principaux N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
changements : un mandat présidentiel unique de six ans, de nouvelles règles relatives au financement et au nombre de partis, la création d’une Cour des comptes ou encore la fin de l’inamovibilité des magistrats du siège. Première déconvenue le 24 mars dernier, quand le gouvernement a déposé son projet de révision constitutionnelle sur le bureau de l’assemblée : les députés ont rejeté à l’unanimité la procédure d’urgence requise par le chef de l’État. S’inquiétant de la remise en question de l’indépendance de la justice, les magistrats ont manifesté, et d’autres voix se sont exprimées pour dire qu’il y
avait des problèmes socioéconomiques plus urgents à traiter que la révision. Le deuxième camouflet parlementaire a été plus cinglant. Le 4 avril, après de vifs débats, les députés ont en effet refusé de prendre en considération le projet de révision, qui ne sera donc même pas examiné par le Parlement : 60 députés ont voté pour la recevabilité, 22 contre et 1 s’est abstenu, alors que la majorité des trois quarts était exigée (soit 63 voix sur 83). Pour le moment, on ne sait pas si l’exécutif présentera un nouveau projet. Le cas échéant, il devra de toute façon revoir sa copie, sa méthode, et prendre VINCENT DUHEM le temps. JEUNE AFRIQUE
Lire aussi « Démission du ministre de la Défense sur fond de tensions »
et ancien avocat de Patrice Talon, Joseph Djogbénou a présidé l’an dernier la commission chargée des réformes politiques et, ces dernières semaines, a défendu le profet de révision constitutionnelle devant le Parlement, en vain (lire p. 76). Le ministre de l’Économie, des Finances et des Programmes de dénationalisation, Romuald Wadagni, a officié pendant plus dequinzeansauseinducabinetDeloitte.Il estleplusjeunemembredugouvernement et l’un des plus sollicités par Patrice Talon à la présidence – souvent dès 6 heures du matin – pour préparer des réunions. Le chef de la diplomatie, Aurélien Agbénonci (lire pp. 80-81), qui accompagne souvent le président lors de ses déplacements à l’étranger, a tissé des liens avec ce dernier. Enfin, vieil ami de Patrice Talon, José Tonato est le ministre du Cadre de vie et du Développement durable, portefeuille qui regroupe l’ex-ministère de l’Urbanisme, de l’Environnement, de l’Habitat et une partie de celui de la Décentralisation. AMIS DU COTON. Le président s’appuie
Équipage de confiance et attelage de circonstance En ne nommant pas de Premier ministre, Patrice Talon s’est posé d’emblée comme seule tête de l’exécutif. Il n’en délègue et n’en consulte pas moins, au sein du gouvernement et en dehors.
C
omme ce fut le cas lors d’une bonne partie du dernier mandat de Thomas Boni Yayi, le gouvernement formé par Patrice Talon le 6 avril 2016 n’a pas de Premier ministre. Au palais de la Marina, plusieurs hommes occupent le terrain. À commencer par deux financiers aguerris, tous deux candidats au premier tour de la présidentielle, qui ont tous deux soutenu Talon pour le second tour et ont tous deux accédé au rang de ministre d’État. L’ancien Premier ministre Pascal Irénée Koupaki (65 ans), secrétaire général à la présidence, est chargé de la Coordinationdel’actiongouvernementale; Talon et lui se connaissent depuis longtemps, ils ont même été amis. Avec l’autre ministre d’État, Abdoulaye Bio Tchané (64 ans, lire pp. 86-87), chargé du Plan et duDéveloppement,ilprésidechaquelundi JEUNE AFRIQUE
un conseil interministériel durant lequel le gouvernement, sans le chef de l’État, prépare les dossiers qui seront arbitrés en Conseil des ministres le mercredi. Mais le véritable numéro deux de l’exécutifsenommeJohannesDagnon(58ans). Expert-comptablerespecté,l’ancienpatron du cabinet Fiduciaire d’Afrique, cousin (côté maternel) et ami de Patrice Talon, est conseiller spécial du chef de l’État. Il dirigeleBureaud’analyseetd’investigation (BAI), chargé de la conception et de la mise en œuvre du Programme d’actions du gouvernement (PAG). Outre les deux ministres d’État, les quatreprincipauxrelaisduprésidentTalon au sein du gouvernement sont Joseph Djogbénou (47 ans), Romuald Wadagni (40 ans), Aurélien Agbénonci (58 ans) et José Tonato (52 ans). Garde des Sceaux
également sur plusieurs personnes qui n’ont pas de fonction officielle au sein de l’exécutif, pour la plupart des amis issus du monde du coton. Il y a d’abord Olivier Boko (52 ans), discret patron de Denrées et Fournitures agricoles, principal homme de confiance de Patrice Talon, à qui il succède à la présidence du conseil d’administration de Bénin Control, la société qui a récupéré la gestion de la vérification des importations au Port autonome de Cotonou, dont elle avait été évincée en 2012. Deux francs-maçons, membres de la Grande Loge du Bénin (obédience proche de la Grande Loge française), se tiennent aussi à ses côtés. Le premier, Eustache Kotingan (61 ans), est administrateur des industries cotonnières, le holding regroupant l’ensemble des activités de Patrice Talon dans le secteur du coton, et dirige également la société Atral, chargée du port sec d’Allada. Le second, Mathieu Adjovi (63 ans), est président de l’Association interprofessionnelle du coton (AIC), la structure qui gère de nouveau l’ensemble de la filière. Enfin, Boniface Vignon (59 ans), ancien journaliste à RFI et cousin de Patrice Talon, a accompagné ce dernier durant sa campagne. Régulièrement consulté et parfois sollicité pour des missions précises et ponctuelles, il a été nommé fin mars ambassadeur du Brésil, une représentation stratégique. VINCENT DUHEM N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
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• Une augmentation considérable de l’investissement à 34% du PIB • Un budget total de 9 039 milliards de FCFA (13,78 milliards d’Euros) sur 5 ans, réservé à plus de 60% aux investisseurs privés • 45 projets phares dans 9 secteurs stratégiques : tourisme, infrastructure, électricité, numérique, eau potable, agriculture, cadre de vie, protection sociale et économie du savoir • Un climat des affaires plus attractif • Des agences d’exécution autonomes et un dispositif de suivi rapproché pour une gouvernance efficace
CIIS
41. Création d’une Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir (CIIS)
Développer des filières HVA (ananas, anacarde, produits maraîchers) 8. Filières conventionnelles (riz, maïs, manioc) 9. Aquaculture continentale 10. Mise en valeur de la basse et moyenne vallée de l’Ouémé 11. Viande, lait et œufs de table
EAU POTABLE
42. Exploitation responsable des ressources hydrauliques 43. Donner accès à l’eau potable à l’ensemble de la population rurale et semi-urbaine 44. Développer les capacités de production et de distribution en milieu urbain et péri-urbain
INFRASTRUCTURES
12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19.
PROTECTION SOCIALE
45. Mise en place d’une protection sociale pour les plus démunis
NUMÉRIQUE
20. 21. 22. 23. 24.
ELECTRICITÉ
26. Filière thermique : garantir un accès compétitif à l’électricité 27. Développer les énergies renouvelables 28. Restructurer l’opérateur national et son réseau 29. Maîtrise consommations énergétiques
CADRE DE VIE
30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40.
TOURISME
1. 2. 3. 4. 5. 6.
AGRICULTURE
7.
Parc de la Pendjari Cité lacustre de Ganvié Pôle Abomey-Porto Novo Tourisme premium – Tata Somba Cité historique de Ouidah Stations balnéaires
Nouvel aéroport Glo-Djigbé Modernisation extension du Port Axe Erevan– ancien pont Contournement Nord de Cotonou Route des pêches (Phase 2) Autoroute Sémé Kpodji Porto-Novo Route Djougou - Pehunco - Kérou Construction et / ou Réhabilitation du réseau routier sur 1 362 km
Internet haut / très haut débit Télévision Numérique Terrestre Administration intelligente Généralisation du e-Commerce Généralisation du numérique par l’éducation et la formation 25. Contenus numériques
Aménagement lagune de Cotonou Berges de la lagune de Porto Novo Gestion des déchets à Cotonou Vieux centre-ville (Ganhi) Modernisation marché Dantokpa Modernisation marché Parakou Complexe international Cotonou Centre d’affaires à Ghézo Réhabilitation voiries Assainissement pluvial Cotonou Programme habitat social
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Le Plus de JA Bénin INTERVIEW
Aurélien Agbénonci « Nous ne voulons plus d’une diplomatie qui ne paie pas ses factures! » Après avoir recadré les objectifs et les dépenses hors des frontières, le ministre des Affaires étrangères explique comment il compte rééquilibrer les relations internationales du pays.
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humeur constante et d’un naturel souriant, aussi à l’aise àhuisclosquelorsqu’ilprend le micro pour s’adresser, tantôt en français, tantôt dans un anglais impeccable, au corps diplomatique qu’il réunit régulièrement, Aurélien Agbénonci, 58 ans, semble tout aussi rompu aux relations publiques qu’aux relations internationales. Normal. Après une année à la direction des programmes du Centre panafricain de prospective sociale (CPPS, créé par Albert Tévoédjrè), ce natif de Porto-Novo, juriste de formation, a passé la majeure partie de sa carrière au service des Nations unies. Il a été représentant du Pnud aux Comores (1990-1993), au Burundi (19931996), au Cameroun (1996-1999), en Côte d’Ivoire (1999-2003), au Congo (2003-2008), au Rwanda (2008-2011), au Mali (2012-2013)… Et, pour finir, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU pour la Mission de stabilisation multidimensionnelle intégrée des Nations unies en République centrafricaine (Minusca) d’avril 2014 jusqu’à sa nomination à la tête de la
diplomatie béninoise, en avril 2016. Il se fait fort de montrer que les « teasers » du Programme d’actions du gouvernement (PAG) ne sont pas mensongers puisque, déjà, le pays a recadré ses objectifs – et ses dépenses – à l’étranger, et que le « Bénin révélé » de Patrice Talon attire de nouveaux partenaires. JEUNE AFRIQUE : Quels sont les grands axes de la nouvelle diplomatie béninoise? AURÉLIEN AGBÉNONCI : À l’heure du
« nouveau départ », notre objectif est de redonner au pays ses lettres de noblesse. Ce qui a changé, c’est que nous voulons mettre en place une diplomatie de développement, qui aille à la conquête d’horizons nouveaux. Nous ne sommes plus dans le « donnez-nous », nous voulons « révéler » le Bénin au monde et faire revenir le monde au Bénin. Et à quels pays vous adressez-vous plus particulièrement ?
Nousavonsconservénosamistraditionnels, la Russie, la Turquie, les États-Unis et les pays d’Europe occidentale, dont la France, bien entendu. Mais nous ouvrons
dans le même temps nos horizons partout où des technologies et des investissements peuvent être trouvés. Par exemple, nous sommes allés en Estonie. Certes, c’est un petit pays, mais il est champion du monde en matière d’e-gouvernement. Comme nous voulons moderniser notre administration, l’expérience estonienne en ce domaine est une source d’inspiration. Nous sommes aussi allés en Arabie saoudite, et nous avons rencontré les représentants de la Banque islamique de développement à Djeddah. Patrice Talon y a d’ailleurs effectué la première visite d’État d’un président béninois depuis l’indépendance, et une ambassade d’Arabie saoudite doit bientôt ouvrir ses portes à Cotonou. Certains se sont d’ailleurs inquiétés qu’elle ouvre surtout une porte à l’islamisme radical au Bénin…
Nous n’avons pas ces peurs-là au Bénin. Je vous ai parlé d’économie, pas de religion. Dans notre cas, ces deux choses ne vont pas ensemble. Tout est très clair entre nous, nos deux États sont majeurs et responsables. Quels sont les pays du continent sur lesquels vous vous appuyez le plus ?
Nous appartenons d’abord à l’espace de la Cedeao, et notre président échange
L’IMPACT DE LA CRISE NIGÉRIANE SUR LE PAC
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e volume de marchandises transitant par le Port autonome de Cotonou (PAC) s’est établi à 8,6 millions de tonnes en 2016, contre 9 millions en 2015. Cette baisse de 4,4 % tient principalement à la dévaluation du naira et à la décision, prise par le président nigérian, Muhammadu Buhari, d’interdire l’importation des produits alimentaires par les frontières terrestres afin de N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
protéger l’industrie locale. Entrée en vigueur en avril 2016, cette mesure a surtout frappé les importations de riz, d’huile, de pâtes, de jus et de conserves de fruits et légumes depuis le Bénin. Quant à la dévaluation du naira, elle a eu un impact considérable sur le marché de l’exportation de véhicules du Bénin vers le Nigeria, qui a chuté de 70 % en 2016, selon la direction générale des
douanes béninoises. Cette dernière observe par ailleurs que la moyenne des recettes douanières au PAC (qui représentent 80 % des recettes fiscales du pays) est passée de 1,5 milliard à 400 millions de F CFA par jour (environ 2,3 millions d’euros à moins de 610000 euros) de 2015 à 2016. Censée entrer en vigueur le 1er janvier 2017, la loi qui visait à interdire l’importation de véhicules d’occasion par voie terrestre
promulguée par Abuja fin 2016 a heureusement été rejetée par les parlementaires nigérians, qui ont estimé que cette mesure était « anti populaire » et qu’il était contre-productif de demander aux importateurs de véhicules d’utiliser la mer comme point d’entrée alors qu’il ne faut que trente minutes par la route pour les acheminer depuis Cotonou jusqu’à Lagos. NATACHA GORWITZ JEUNE AFRIQUE
CHARLES PLACIDE POUR JA
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régulièrement avec la plupart de ses pairs. Mais, pour des raisons de proximité géographique et de liens économiques, on nous voit beaucoup plus au Nigeria. Or, l’an dernier, nous avons subi de plein fouet la récession économique de ce voisin, et c’est aussi pour cette raison que nous nous tournons vers d’autres partenaires. Nous avons par exemple une relation de qualité avec le Kenya. Nous renforçons nos liens avec le Congo-Brazzaville, le Tchad ou encore le Gabon. Nous avons aussi des relations fortes avec le Maroc, qui est un partenaire majeur, ainsi qu’avec le Rwanda, reconnu en Afrique comme le pays qui a fait le plus de progrès en matière de développement économique et social. Nous essayons de voir comment il a pu franchir des étapes dans des domaines aussi divers que la protection sociale, l’économie numérique, le développement à la base, etc. C’est la sagesse universelle que de suivre les premiers de la classe. Dans le même temps, vous avez fermé plusieurs représentations diplomatiques. N’est-ce pas contradictoire ?
Au contraire. Pour atteindre notre objectif, il nous fallait réorganiser notre carte diplomatique. En arrivant aux affaires, nous avons trouvé une situation économique préoccupante, et notre priorité était de commencer par réduire le train de vie de l’État. Nous avons alors transformé certaines de nos ambassades JEUNE AFRIQUE
en consulats généraux. La fermeture d’une ambassade ne correspond pas forcément à un refroidissement des relations: nous avons fermé notre ambassade en Côte d’Ivoire, où nous conservons un consulat, mais nous restons tout aussi bons voisins et continuons de nous rencontrer souvent. Sinousavonsfermécellequinousreprésentait à Cuba, c’est pour privilégier une grande ambassade régionale au Brésil. De même, nous avons fermé celle de New
notamment le sommet Afrique-France de Bamako et celui de l’Union africaine, en janvier ?
Il arrive que des impératifs internes prennent le pas sur ces grandes manifestations. Pour le sommet de Bamako, le président a dû y renoncer la mort dans l’âme, mais son calendrier était très chargé car nous venions de lancer notre grand Programme d’actions du gouvernement, dont il est le premier « vendeur » à l’étranger. Cela étant, rassurez-vous, la relation
Notre priorité a été de réduire le train de vie de l’État. DelhiparcequenotreambassadeenChine peut, depuis Pékin, couvrir nos intérêts en Inde. Par ailleurs, nous avons un réseau de consuls honoraires dynamiques. Notre choix s’est fondé sur la nécessité de ne pas vivre au-dessus de nos moyens. Nous ne voulons plus d’une diplomatie qui ne paie pas ses factures ! Une diplomatie réaliste et plus offensive?
Pas plus offensive. C’est une diplomatie proactive, basée sur deux principes fondamentaux: la réactivité et l’indépendance.
Que répondez-vous à ceux qui reprochent au président Talon de n’avoir pas participé à de grands rendez-vous internationaux,
entre Patrice Talon, Ibrahim Boubacar Keïta et François Hollande a toujours été cordiale, et elle le restera. Que pensez-vous du retour du Maroc au sein de l’UA ?
C’est une excellente décision, que nous avons soutenue. On ne peut pas concevoir une Union africaine qui laisse sur le bord de la route un pays majeur. La famille est aujourd’hui réunie, nous sommes contents. Et je suis convaincu qu’on réglera ensemblelaquestionduSaharaoccidental une fois pour toutes. Entre frères, on trouve des solutions. Propos recueillis à Cotonou par FRANÇOIS-XAVIER FRELAND N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
Le Plus de JA Bénin la présidentielle de 2016 et a appelé à voter pour Sébastien Ajavon. Toutefois, lorsqu’on lui demande si, le cas échéant, cela ne dérangerait pas l’homme de gauche qu’il est de rejoindre un gouvernement d’obédience plutôt libérale, Emmanuel Golou ne semble pas totalement réticent. « Je suis un opposant constructif, j’essaie d’être réaliste, concède-t-il. Mais je n’irai que si l’on vient me chercher, et cela fera l’objet d’une discussion au sein de mon parti. »
POLITIQUE
Les jeux sont loin d’être faits Comme son prédécesseur, Patrice Talon a été élu sans étiquette. Des personnalités venues de tous horizons l’ont rejoint. D’autres hésitent à s’afficher dans une opposition en pleine reconstruction.
ANTOINE TEMPÉ POUR JA
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Emmanuel Golou, le président du Parti social-démocrate et du comité Afrique de l’Internationale socialiste.
«
L
’opposition est un enfer, l’heure est aux rassemblements, pas aux alliances de circonstance », s’exclamait fin janvier Augustin Ahouanvoébla, représentant du Parti du renouveau démocratique (PRD), la formation d’Adrien Houngbédji, lors du congrès d’Alternative citoyenne, le parti du ministre de la Justice, Joseph Djogbénou, qui soutient Patrice Talon. Cette phrase lâchée par un ancien membre de l’alliance PRDForces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) pro-Zinsou finalement rallié au panache de Patrice Talon en dit long sur la recomposition de l’échiquier politique béninois. Faut-il s’afficher dans une opposition en totale reconstruction ou bien participer à l’effort de modernisation du pays proposé par Patrice Talon ? C’est la question que semblent se poser des personnalités aussi différentes que le président de la Renaissance du Bénin (RB), Léhady Soglo, ou celui du Parti social-démocrate (PSD), Emmanuel Golou, qui avaient déjà eu bien du mal à trouver leurs marques lors de la campagne présidentielle de 2016. N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
« COMPLOT ». Enfin, pour Sébastien Ajavon, les premiers pas en politique ont pris un goût amer. Arrivé troisième à l’issue du premier tour de la présidentielle, le 6 mars 2016, avec près de 23 % des suffrages, l’homme d’affaires a soutenu la candidature de Patrice Talon au second tour. Mais cette alliance a fait long feu. Arrêté le 28 octobre, puis relaxé « pour insuffisance de preuves » le 4 novembre après que la gendarmerie a saisi 18 kg de cocaïne dans un conteneur destiné à sa société, Cajaf-Comon, Sébastien Ajavon a dénoncé un « complot politique ». À la mi-janvier, il a finalement décidé de démissionner du conseil d’administration de son groupe afin que ce dernier ne soit pas pénalisé par son engagement. Depuis, il ne s’est pas prononcé sur les suites qu’il souhaite donner à sa carrière politique. Mais il s’organise en coulisses pour préparer les prochaines échéances électorales (législatives en 2020, présidentielle en 2021). Dans ce contexte d’émiettement des formations, « où chaque jour éclôt un
Le maire de Cotonou a en effet soutenu la candidature de Lionel Zinsou contre l’avis de certains membres de la RB, dont ses parents, Nicéphore et Rosine Soglo. Mais, alors qu’une majorité de députés et plusieurs cadres de son parti ont choisi ces derniers mois de soutenir Patrice Talon et que les opérations de déguerpissement menées à Cotonou ont aiguisé les tensions avec Dans le contexte d’émiettement la préfecture, Léhady Soglo des formations, de nouvelles voix s’est jusqu’à présent gardé d’attaquer frontalement le se font entendre. chef de l’État. Dans le colnouveau chef de parti », comme le limateur de ce dernier, il se trouve dans une situation très inconfortable. déplore Emmanuel Golou, de nouvelles voix se font cependant entendre. Parmi elles, celle de Léonce Houngbadji, le SOLITAIRE. « Le président Talon exerce le pouvoir en solitaire, or ce n’est pas leader du jeune Parti pour la libération du peuple (PLP) créé en avril 2016. Lui bon pour un pays qui a un besoin urgent d’unir ses forces pour mener le combat joue la carte de l’opposition systématique et se pose en victime de « la dictature contre la pauvreté », déplore de son côté Talon ». À 34 ans, il se dit idéologiquele député Emmanuel Golou, président ment proche du Français Emmanuel du comité Afrique de l’Internationale socialiste (IS), qui se considère comme Macron et à même d’incarner les aspira« le seul vrai candidat de gauche ». Face tions des jeunes générations à dépasser à l’incapacité de l’Union fait la nation les clivages gauche-droite et à renouveler la classe politique béninoise. (UN) de s’accorder sur une candidature unique, il ne s’est pas présenté à FRANÇOIS-XAVIER FRELAND, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de JA Bénin DÉCRYPTAGE Alain Faujas
En attendant la reprise
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économie béninoise n’est pas au mieux de sa forme. Depuis deux ans, sa croissance faiblit : 6,5 % en 2014, 5 % en 2015, 4,6 % en 2016. Les causes de cet affaissement sont externes. Il y a d’abord le Nigeria, dont la récession, due à la chute des cours du pétrole, a rudement affecté son petit voisin (économiquement 33 fois plus petit), car 80 % des marchandises importées du Bénin lui sont en fait destinées. Il y a aussi les pluies erratiques provoquées par le phénomène météorologique El Niño, qui a fait chuter la production de coton de 400000 tonnes en 2015 à 300 000 t en 2016. Comment s’étonner, dans ces conditions, que les impôts et les taxes douanières rentrent mal, privant les gouvernements de moyens financiers pour affronter ses vents défavorables ? Comment s’étonner aussi que les Béninois tirent le diable par la queue et qu’ils soient plus nombreux qu’en 2009 à vivre au-dessous du seuil de pauvreté ? Le régime finissant du précédent président, Boni Yayi, avait bien tenté de réagir, mais d’une façon dangereuse, qu’avait vivement critiquée le FMI en juin 2016. L’institution de Bretton Woods estimait alors que le gouvernement formé après la victoire de PatriceTalon à l’élection présidentielle du mois de mars avait « trouvé une situation macroéconomique et de trésorerie difficile ». Et le texte de poursuivre : « Alors que la politique budgétaire était en général saine les années précédentes, le déficit budgétaire s’est creusé à 8,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2015 avec la continuation des dépassements de dépenses au premier trimestre de l’année 2016. Cette accentuation du déficit budgétaire a été financée par de fortes émissions d’obligations sur le marché financier régional, augmentant considérablement le service futur de la dette. Pire […], des contrats ont été signés pour des projets hors budget à hauteur d’environ 24 % du PIB. »
niveau des dettes attendu risquait de mettre « en péril la stabilité macroéconomique dans les années à venir ». Le nouveau gouvernement est parvenu à stopper la majorité de ces projets « opaques » avant qu’ils ne soient mis en œuvre. Serait-ce le bout du tunnel ? Un certain nombre de signes le laissent penser. Selon le FMI, le Nigeria devrait sortir de récession en 2017. El Niño devrait cesser de détraquer le climat en Afrique. Les cours du coton sont orientés à la hausse, et les experts prédisent une poursuite de ce redressement. Pour accélérer la reprise, le gouvernement a élaboré un plan d’actions stratégiques prévoyant d’injecter plus de 9000 milliards de F CFA (13,7 milliards d’euros) dans 45 projets phares (lire p. 86) afin de créer 500000 emplois en cinq ans dans le tourisme, l’industrie, l’agroalimentaire et les infrastructures. Il a aussi mis en chantier des réformes pour améliorer le climat des affaires et augmenter les recettes publiques. Le FMI a été convaincu de la crédibilité de ces réformes et de la viabilité de ces plans, et, le 22 février, ses négociateurs sont tombés d’accord avec le gouvernement sur un programme
Le FMI, convaincu de la viabilité des réformes, a consenti un prêt de 150 millions de dollars.
Ces prêts étaient coûteux et à échéance courte. Les projets ainsi financés ont été baptisés partenariats public-privé « à tort », ce qui a permis de contourner les procédures normales de passation des marchés. Le FMI exprimait ses « préoccupations graves quant à la gouvernance et à la qualité » du dispositif. Le N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
économique triennal assorti d’un prêt d’environ 150,4 millions de dollars (environ 142 millions d’euros). « Voilà un pays qui avait une courbe de croissance plutôt correcte, en moyenne de 5 % par an, mais le gouvernement veut passer à la vitesse supérieure, c’est‑à-dire à 7 % ou à 9 %, et c’est une nouveauté, analyse MeissaTall, associé conseil chez Deloitte. Il veut redresser le Bénin, créer des emplois formels, améliorer sa gouvernance et son système éducatif. Pour cela, il a ciblé 45 secteurs prioritaires capables d’attirer des devises et, surtout, les capitaux qui lui font cruellement défaut pour réaliser les infrastructures routières, portuaires ou aéroportuaires dont le pays a besoin. Il faut savoir que les investissements étrangers au Bénin représentent seulement 2 % de son PIB, alors qu’ils pèsent 10 % du PIB au Maroc ! » Le coup de pouce du FMI vient donc à point nommé pour persuader les investisseurs que le Bénin peut devenir une terre d’opportunités. Aux Béninois d’en faire bon usage. JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de JA Bénin STRATÉGIE
Abdoulaye Bio Tchané « Aucun gouvernement n’a jamais été aussi généreux » Évincé au premier tour de la présidentielle, il a ensuite soutenu la candidature de Patrice Talon. Devenu son ministre du Plan, il défend un projet social qu’il estime être le plus ambitieux de l’histoire du pays.
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ous ceux qui le côtoient s’accordent à dire qu’Abdoulaye Bio Tchané, 64 ans, est un perfectionniste. Fils d’un instituteur devenu député puis ministre des Finances, celui que l’on surnomme ABT – qui est aussi l’acronyme de son mouvement, l’Alliance pour un Bénin triomphant – aime d’ailleurs rappeler que son père lui a enseigné « le goût des choses bien faites ». Ministre des Finances de Mathieu Kérékou (1998-2002), directeur Afrique du FMI (2002-2008) puis président de la Banque ouest-africaine de développement (2008-2011), Abdoulaye Bio Tchané, dès son retour à Cotonou,
en 2011, fonde son cabinet de conseil stratégique et d’ingénierie financière, Alindaou Consulting International. De 2013 à 2016, il présidera par ailleurs le conseil d’administration du Fonds africain de garantie (FAG) créé par la Banque africaine de développement pour financer les PME-PMI. C’est lors de la présidentielle de 2011, où il est arrivé troisième avec 6,14 % des suffrages exprimés, qu’Abdoulaye Bio Tchané renoue avec la politique. Il s’est de nouveau présenté en 2016 et, quatrième à l’issue du premier tour (8,8 %), a ensuite soutenu la candidature de Patrice Talon. Un ralliement qui vaut à ABT un rôle
UN BUDGET À LA HAUTEUR
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résenté le 16 décembre 2016, neuf mois après l’installation du nouvel exécutif, le Programme d’actions du gouvernement (PAG) 2016-2021, intitulé « Bénin révélé », s’articule autour de « 45 projets phares pour relancer l’économie et améliorer les conditions de vie des populations » répartis entre 9 domaines : l’agriculture, le tourisme, les infrastructures de transport, l’électricité, l’eau potable, le numérique, la construction d’une cité du savoir et de l’innovation, l’amélioration du cadre de vie (qui comprend la construction de N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
20 000 logements sociaux) et la protection sociale (pour 4 millions de Béninois sur 11 millions). Afin de financer une partie des investissements prévus, le montant du premier budget présenté par le gouvernementTalon affiche une hausse de plus de 41 % par rapport au budget 2016. Adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 15 décembre, il est en effet de plus de 2010 milliards de F CFA (un peu plus de 3 milliards d’euros), contre 1 423 milliards pour celui de 2016. Il prévoit notamment un investissement de 808 milliards de F CFA (contre 385 milliards en
2016) et des crédits ouverts en matière de dépenses fixés à près de 1698 milliards (contre 1140 milliards en 2016, soit + 48,90 %). Pour boucler ce budget 2017, après avoir tenté une première fois, sans succès, de réunir 35 milliards de F CFA sur ses bons duTrésor au début de février, l’État a lancé un appel public à l’épargne sur le marché financier régional, avec l’objectif de mobiliser 150 milliards de F CFA. Les obligations, d’un montant unitaire de 10000 F CFA, ont été émises du 28 février au 31 mars, avec un taux d’intérêt fixé à 6,5 % pour une maturité de dix ans. CÉCILE MANCIAUX
stratégique au sein du gouvernement, ainsi qu’un rang de ministre d’État, statut dont bénéficie un seul autre membre de l’exécutif, l’ancien Premier ministre Pascal Koupaki (lire p. 77), secrétaire général de la présidence. JEUNE AFRIQUE : Un an après votre arrivée aux affaires, le Programme d’actions du gouvernement (PAG) commence seulement à être mis en œuvre. Comprenezvous l’impatience des Béninois ?
ABDOULAYE BIOTCHANÉ: Le16décembre 2016, quand on a présenté le PAG, j’ai surtout vu les Béninois rêver à nouveau. Mais, bien évidemment, le fait de promettre aux gens des changements si importants les rend impatients. Le plus compliqué est de gérer ces projets sans dépasser les budgets que nous nous sommes fixés et en restant dans le « timing ». D’autant que, avant de lancer ces projets, il faut faire des études de faisabilité et de financement. Même si c’est contraignant et que cela prend du temps, c’est obligatoire. Et c’est aussi ce qui nous permet d’être sûrs de relever la majorité des défis que nous nous sommes lancés. Pendant la campagne présidentielle, on reprochait à Patrice Talon d’être un libéral, qu’il ne ferait rien pour le peuple, etc. Or tout cela est battu en brèche par notre programme d’actions. Aucun gouvernement n’a jamais été aussi généreux, mais c’est une générosité réaliste, financée, sans fausses promesses. Sur le budget général 2017, nous sommes parvenus à dégager un montant d’investissement global de 808 milliards de F CFA [1,2 milliard d’euros], contre 385 milliards en 2016. C’est la preuve de notre volonté. Tout le monde nous suit, les banques, les assurances… Il n’y a aucune hésitation. Notre stratégie a été réfléchie, validée, et tout le monde y participe.
Quels sont les principaux défis ?
Nous voulons apporter des solutions qui permettent une profonde transformation économique du pays. Cela passe par le soutien à notre agriculture: le coton, l’ananas, le riz et, surtout, la filière anacarde, dont il faut améliorer et la production et le taux de transformation locale. Nous voulons aussi appuyer le tourisme et l’économie numérique, celle du savoir, par laquelle nous relèverons, aussi, le niveau du système éducatif. Il y a des jeunes très doués aux quatre coins du pays, qui représentent un immense potentiel pour le développement local des entreprises. JEUNE AFRIQUE
CHARLES PLACIDE POUR JA
Des promesses aux projets
Le fait de promettre aux gens de si grands changements les rend impatients. L’autre grand défi est celui des infrastructures. Lorsque la situation sécuritaire s’est dégradée au Nigeria, beaucoup d’entreprises voulaient s’installer au Bénin, mais on ne pouvait pas les accueillir à cause de la faiblesse de nos infrastructures. Depuis le mois de décembre, nous avons engagé des travaux pour que l’ensemble du pays soit maillé par la fibre optique, avec un réseau de 2 000 km de câbles. Côté transports, nous avons lancé la construction du nouvel aéroport
de Glo-Djigbé et allons asphalter plus de 1 500 km de route (lire pp. 88-91). Quant au volet énergétique, on fournit déjà une énergie électrique stable, avec une puissance installée de 500 kW en moins d’un an. Il n’y a plus de délestage, juste quelques coupures de courant très courtes. Et sur le plan social ?
Les trois quarts des actifs travaillent dans l’informel, les agriculteurs ont besoin
de formations et de crédits pour développer leurs activités, et une trop grande partie de la population n’a pas accès aux soins… Nous avons donc décidé de créer l’Assurance pour le renforcement du capital humain (Arch) et sommes en train de définir ce « package », qui repose sur quatre services : la formation, le crédit, la retraite et la couverture médicale [un accès universel aux soins de santé pour tous les Béninois]. C’est le projet social le plus ambitieux de toute l’histoire de notre pays. Son budget total est estimé à près de 400 milliards de F CFA. Une autre de nos priorités est l’accès généralisé àl’eau potable,en toutessaisons et partout, d’ici à 2021 – aujourd’hui, près de 65 % des Béninois n’y ont pas accès. Enfin, nous avons lancé un programme de construction de 20000 logements sociaux, dont les travaux doivent commencer avant la fin de ce semestre. Où en est l’assainissement de la gouvernance, votre cheval de bataille ?
Pendant près de dix ans, le système a consisté à rémunérer des prestations qui n’étaient pas réalisées. Des sommes colossales ont été détournées ainsi et, à notre arrivéeàlatêtedel’exécutif,enavril2016,la situation du pays était plus catastrophique que ce que l’on pensait, avec un déficit projeté à 12 % du PIB pour 2016. Nous avons lancé divers audits, remis les choses à plat, et je peux garantir qu’aujourd’hui il n’y a plus de paiement sans prestation. Cela étant, pour lutter efficacementcontrelacorruption,ilfautd’unepart bien sensibiliser tous les groupes sociaux, et d’autre part combattre l’impunité. C’est l’un des grands axes du projet de société du chef de l’État, et c’est un marqueur du Propos recueillis à Cotonou par PAG. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND
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Le Plus de JA Bénin INFRASTRUCTURES
Quatre ans, huit chantiers, 2,8 milliards d’euros… La relance économique repose en grande partie sur la compétitivité des services logistiques et des transports aérien, maritime et terrestre. Et sur de grands travaux.
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epuis le poste-frontière ainsi toute possibilité d’extension. Sans d’Idiroko, un automobiliste parler des questions d’engorgement et nigérian peut rallier Portode sécurité qu’implique la présence Novo en trente minutes en d’une telle infrastructure dans un milieu urbain densément peuplé. empruntant les 25 km de la route nationale inter-États (RNIE) 1 bis. L’objectif du Selon le ministère des Infrastructures, Programme d’actions du gouvernement la phase de libération du site (3 028 ha, (PAG) est de permettre à ce chauffeur, dont 1 600 ha pour l’aéroport), avec d’ici à 2021, de poursuivre son périple ses opérations d’expropriation et de jusqu’à Cotonou via la nouvelle autodéguerpissement, a déjà commencé, et les travaux devraient démarrer au route entre Porto-Novo et Sèmè-Kpodji, deuxième semestre de cette année, où il rejoindra la tout aussi neuve voie de pour une durée de trois ans, et une contournement nord, qui, en évitant le centre-ville de la capitale économique, le conduira direcDes voies seront réservées aux tement au nouvel aéroport poids lourds qui chargent et international de Glo-Djigbé. De là, les passagers arrivant déchargent au Port de Cotonou. à Cotonou pourront, grâce mise en service prévue avant la fin de à la voie express, rallier en moins de trente minutes la célèbre route des 2020. Confiés au holding public chinois Pêches (entièrement réaménagée) ou Aviation Industry Corporation of China (Avic), ils comprennent la réalisation le quartier de Ganhi, dans le centre-ville. Lequel ne sera plus encombré par les d’une piste (4 250 m de longueur, 60 m de largeur), d’un terminal voyageurs camions venus charger ou décharger d’une capacité de 1,6 million de pasleurs marchandises au Port autonome sagers par an (900/heure de pointe), de Cotonou (PAC) puisque les poids d’une aérogare fret pouvant traiter lourds disposeront de voies réservées. 12 000 tonnes par an, de voies de sorSur les 45 projets phares identifiés tie rapides et de bretelles de raccordans le PAG, présenté par le gouvernedement. De même, une voie express ment en décembre, 8 portent sur des de 40 km devrait relier la plateforme chantiers d’infrastructures de transports, qui devront tous être livrés avant la fin aéroportuaire à la route des Pêches, avec, à hauteur de Cocotomey, un du mandat de Patrice Talon, en 2021. Le franchissement de la RNIE 1, corridor budget total nécessaire à leur réalisation est-ouest reliant la frontière nigériane a été estimé à 1 838 milliards de F CFA (2,8 milliards d’euros), financé à 77,4 % à la frontière togolaise via Porto-Novo, Cotonou et Ouidah. par des investissements privés (voir Conformément à la décision adopinfographie p. 90). tée le 11 janvier par le gouvernement, en attendant que le nouvel aéroport Nouvel aéroport soit opérationnel, l’exploitation de international de Glo-Djigbé l’actuelle plateforme de Cadjéhoun, gérée par l’Agence pour la sécurité Construit sur le territoire de la comde la navigation aérienne en Afrique mune d’Abomey-Calavi, à une vingtaine et à Madagascar (Asecna), doit être de kilomètres au nord de la capitale écoconfiée à une société concessionnaire. nomique, le futur aéroport international doit remplacer celui de Cadjéhoun, situé Ce sera le cas, aussi, du futur complexe de Glo-Djigbé. dans le centre-ville de Cotonou, excluant N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
Le PAC, « le plus grand des petits ports d’Afrique de l’Ouest ».
Modernisation et extension du PAC, réaménagement du réseau routier environnant Véritable poumon économique du pays, « le plus grand des petits ports d’Afrique de l’Ouest », comme le présente sa direction, génère à lui seul 80 % des recettes fiscales du pays. Depuis 2011, ses capacités ont été améliorées : nouveau quai (plus de 540 m de linéaire, un tirant d’eau de 13,5 m à 15 m) et portiques de Bénin Terminal, la filiale de Bolloré Africa Logistics ; aménagement de la digue et dragage du bassin ; installation d’un guichet unique et, depuis deux ans, d’un système de gestion informatisée du trafic routier dans la zone portuaire et ses abords. L’objectif du gouvernement est d’augmenter la compétitivité du PAC afin d’attirer une clientèle encore plus importante depuis et vers les pays sans littoral (Niger, JEUNE AFRIQUE
Des promesses aux projets
GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR JA
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Burkina Faso, Mali et Tchad), tout en redéployant les activités de transit avec le Nigeria, même si la conjoncture du grand voisin est actuellement difficile (lire encadré p. 80). « L’un des principaux chantiers porte sur la reconstruction du quai nord [1 300 m de linéaire, tirant d’eau de 11 m], qui se trouve dans un état de dégradation très avancé, souligne Huguette Amoussou Kpéto, la directrice générale du PAC. Afin de garder une marge de manœuvre et, surtout, la maîtrise des tarifs, l’exploitation de ce quai nord ne sera pas confiée à une société concessionnaire. » Le projet comprend également l’extension du bassin sur 900 m, la construction d’une nouvelle tour de contrôle et d’un centre des affaires maritimes, qui permettra de regrouper les administrations et les services tout en libérant de l’espace pour les opérateurs sur la zone portuaire. JEUNE AFRIQUE
L’autre chantier majeur relatif au PAC porte sur le réaménagement de la circulation aux abords du port, avec la reconstruction du boulevard de la Marina sur un tronçon de près de 6 km, entre la Loterie nationale (à la sortie du PAC, côté est) et le centre commercial Erevan (à l’est de l’aéroport), avec des voies réservées au trafic urbain et d’autres aux poids lourds.
Voie de contournement nord de Cotonou et autoroute Sèmè-Porto-Novo La future zone aéroportuaire de GloDjigbé implique elle aussi de nouveaux aménagements routiers. La construction de la voie de contournement nord-est de Cotonou va permettre de fluidifier le trafic routier dans l’agglomération, en particulier d’éviter le centre-ville pour rejoindre Porto-Novo. Le coût de cette autoroute à péage, qui sera concédée
à une entreprise privée, est estimé à 345 milliards de F CFA. Il comprend la construction de près de 40 km de route, avec la traversée de zones marécageuses et, à l’est, d’un pont de 2×4 voies sur le lac Nokoué. La construction de l’autoroute entre Sèmè-Kpodji et Porto-Novo suivra le même modèle économique. Les travaux incluent l’aménagement de 10 km de route en 2×2 voies, dont un pont sur la lagune de Porto-Novo, et celui des voies d’accès et postes de péage.
Aménagement et extension du réseau routier Le PAG a retenu trois autres projets routiers, à commencer par la poursuite et l’achèvement de la route des Pêches, qui borde l’océan entre Cotonou et Ouidah, au cœur de l’un des principaux volets de développement du tourisme. N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
Le Plus de JA Bénin Budget des chantiers à boucler d’ici à 2021 (En milliards de F CFA) Besoins de financement Public
Privé
Construction du nouvel aéroport international 145
360
215
Modernisation et extension du Port autonome de Cotonou (PAC)
502
Réaménagement du réseau routier autour du PAC
32
Voie de contournement nord de Cotonou
345
Aménagement de la route des Pêches (phase II)
115 Construction de l’autoroute Sèmè-Kpodji - Porto-Novo 20
61
41
TOTAL
1 838
Aménagement de la route Djougou-Péhunco-Kérou 64
64
128
415
1 423
Extension du réseau routier sur 1 362 km 71
NATACHA GORWITZ, envoyée spéciale
224
295
SOURCE : PAG 2016-2021, PRÉSIDENCE, DÉC. 2016
Les chantiers prévus nécessitent un financement de 115 milliards de F CFA, entièrement public, et comprennent l’aménagement et le bitumage de l’axe principal entre la plage d’Adounko et la Porte-du-Non-Retour (22,3 km en 2×2 voies), de trois bretelles de raccordement à la RNIE 1 (soit 23,5 km) et d’une route en 2×1 voie entre la Porte-du-NonRetour et, 8 km plus à l’ouest sur la lagune, la Bouche-du-Roi. Afin de désenclaver les grands bassins cotonniers et céréaliers du nord-est du pays, le gouvernement veut que les travaux d’aménagement et de bitumage de la route entre Djougou, Péhunco, Kérou et Banikoara (212 km) soient engagés dans le courant du second semestre de 2017 et soient terminés avant la fin de 2020. Enfin, le PAG prévoit une extension du réseau routier national sur 1 362 km d’ici à la fin de 2021. Une quinzaine de tronçons stratégiques, allant de 20 km à 290 km, ont été identifiés dans différentes régions du pays.
Questions à Hervé Héhomey Ministre des Infrastructures et des Transports
« Il faut envoyer des signaux clairs »
JEUNE AFRIQUE : Qu’est-ce qui a présidé à la sélection de ces huit projets d’infrastructures dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG) ? HERVÉ HÉHOMEY: L’objectifglobaldu
délai du mandat du chef de l’État. Et il ne s’agit pas de les mettre bout à bout: ils doivent être menés de front. Après avoir fait réaliser des études, nous n’avons pas retenu les chantiers pour lesquels nous avons estimé que les conditions n’étaient pas réunies. En outre, pour des raisons de bonne gestion et de bonne gouvernance, nous avons suspendu une vingtaine de contrats signés sous le mandat de Boni Yayi, qui ne respectaient pas les procédures inscrites dans le code des marchés publics.
Certains qualifient ce volet du PAG de « déraisonnable », estimant qu’il voit trop grand, trop vite. Que leur répondez-vous ?
Pourquoi le chantier du nouvel aéroport est-il prioritaire ?
PAG est de relancer de façon durable le développement économique et social du pays. Pour ce faire, le secteur des transports a un rôle majeur à jouer. Nous voulons en donner une nouvelle vision et faire en sorte que le Bénin, aujourd’hui pays de transit, devienne une véritable plateforme logistique et de transports.
Que je l’assume entièrement, car je suis concepteur de ce programme ! Si nous l’avons présenté, c’est que nous avons fait au préalable un état des lieux. Tous les projets que nous avons retenus dans le PAG sont réalisables dans le N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
l’aéroport de Glo-Djigbé sera la nouvelle porte d’entrée du pays. Les études que nous avons effectuées montrent que le trafic annuel, qui est actuellement de 500000 passagers à l’aéroport de Cotonou-Cadjéhoun, va plus que tripler pour atteindre 1,6 million de voyageurs en 2025 si nous mettons en synergie tous les projets touristiques du gouvernement. En outre, nous comptons capter une bonne partie du trafic nigérian et, ainsi, faire du nouvel aéroport un hub en Afrique de l’Ouest. Propos recueillis à Cotonou par N.G.
C’est le plus visible, or il faut envoyer des signaux clairs aux Béninois. Par ailleurs, dans son projet de société, le chef de l’État entend faire du tourisme une véritable filière de développement économique et, comme la plupart des touristes arrivent par voie aérienne,
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JEUNE AFRIQUE
Des promesses aux projets
De la feuille de route au rodage
L’aéroport de Glo-Djigbé, au nord de Cotonou, doit être opérationnel avant la fin de 2020.
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n matière de grands projets, c’est le chef de l’État qui donne le la et impose un rythme soutenu. « Il faut de la célérité ! » lance entre deux rendez-vous son conseiller spécial et cousin, Johannes Dagnon. Au palais de la Marina, ce dernier dirige le Bureau d’analyse et d’investigation (BAI). Son rôle est de superviser la mise en œuvre des chantiers du PAG, dont l’exécution, conformémentauxnouvellesrèglesimposées, doit désormais être confiée à des agences autonomes, indépendantes de l’Administration. « C’est de bonne guerre. Le gouvernement s’est fixé un délai de réalisation de cinq ans et, à ce niveau d’ambition, on a besoin d’efficacité », estime Placide Badji, expert en économie des transports et en urbanisme. « Le PAG est une feuille de route sur dix ans, pas sur cinq »,
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DR
Suivi des projets par des agences indépendantes, appels d’offres et contrats PPP obligatoires, respect des délais… Les nouvelles règles sont claires. Qu’en est-il sur le terrain ?
rétorque un diplomate, sceptique. Ce dernier estime qu’entre la recherche de financements et les appels d’offres, en cours ou à peine lancés pour la plupart des projets, il semble peu réaliste d’affirmer qu’ils seront tous achevés d’ici à 2021. Il ajoute cependant que, si d’ici à la fin du mandat de Patrice Talon, deux ou trois de ces huit chantiers d’infrastructures voient le jour et que les autres sont lancés, avec études techniques et financement bouclés, le pari sera sans doute gagné. ARSENAL. Le financement des 45 pro-
jets retenus dans le PAG doit être assuré pour plus de 60 % par des investisseurs privés, avec lesquels le gouvernement doit désormais obligatoirement signer, après appels d’offres, des contrats de partenariats public-privé (PPP). Dès octobre 2016,
le Parlement a adopté une nouvelle loi sur ces PPP, dont les décrets d’application ont d’ores et déjà été publiés. L’arsenal législatif et réglementaire est donc prêt. Le PAG accorde en moyenne une période de six à neuf mois aux études techniques des projets et à la recherche de financement, et deux à trois ans pour les travaux, dont la quasi-totalité devrait donc être engagée avant la fin de cette année. La question centrale reste le financement. Or, pour le moment, le projet d’infrastructure le plus avancé déroge à la stratégie annoncée. En effet, le contrat pour la construction de l’aéroport de Glo-Djigbé, premier chantier phare du PAG, a été signé le 14 octobre 2016, de gré à gré, avec le holding public chinois China Aviation Industry Corporation (AVIC). Projet pour lequel l’État béninois a contracté un prêt auprès de l’Exim Bank de Chine d’un montant de 946,7 millions de dollars (près de 589 milliards de F CFA, soit bien audessus du besoin de financement prévu de 360 milliards de F CFA [lire pp. 88-90 et voir infographie]). À ce stade, il ne prévoit donc plus de recourir au privé, qui, selon le PAG, devait pourtant en être le principal contributeur. Par ailleurs, dans le cadre des contrats PPP, l’État béninois devra certainement fournir une participation aux constructeurs-concessionnaires, qui ne pourront obtenir un réel retour sur investissement que dans les trente ans à venir – par exemple, dans le cas du réseau express, s’ils comptent sur les seuls revenus du péage. En outre, si les bailleurs de fonds internationaux décident de mettre la main au portefeuille, le gouvernement devra se plier aux règles de la concurrence fixées par ces partenaires et verra sa marge de manœuvre réduite. N.G.
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La Société des Ciments du Bénin U production et une distribution Une fiables au service du territoire
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réée le 12 juillet 1967 sous le nom de Société des Ciments du Dahomey (SCD), aujourd’hui Société des Ciments du Bénin, la SCB est située sur le littoral, dans la zone portuaire de Cotonou (Placodji). Elle est spécialisée dans la production et la distribution du ciment CPJ35 / CEMII/BL 32,5N sous la marque Bouclier et fabrique également d’autres types de ciment tels que le CPJ45 /CEMII/A 42,5N ; le CPA45 /CEMI 42, 5N ; le CEMIII/CHF sur la demande des clients. La distribution du ciment Bouclier ainsi que sa vente sont assurées à travers l’approvisionnement ré g u lier e t con s t a nt de se s points de vente implantés sur l’ensemble du territoire national.
Entretien avec M. Zacharie Adéyèmi OKIRI, Directeur Général Adjoint des Ciments Bouclier
La Société des Ciments du Bénin/Bouclier fête cette année le cinquantenaire de son arrivée au Bénin. Quelles sont les grandes étapes de cette implantation ?
M. Zacharie Adéyèmi OKIRI, Directeur Général Adjoint
L L’usine Ciment Bouclier a été créée le 12 juillet 1967 et accompagne 1 depuis une cinquantaine d d’années la construction d de d grands ouvrages, es travaux publics le ainsi que chaque a Béninois et Béninoise B dans la construction de d eur maison. La qualité le ett l’innovation sont des valeurs inhérentes qui val caractérisent les cinquante années d’expérience acquises.
➤ La SCB/Bouclier est aujourd’hui classée au premier rang des producteurs de ciment au Bénin. À quoi attribuez-vous ce classement ? Il est très important de souligner ici notre expérience, la disponibilité de notre produit à couvrir les besoins de la population béninoise et de la sous-région. Nous avons augmenté notre capacité de production et avons opté pour une amélioration continue de notre ciment. Nous sommes fiers de dire que nous avons construit le Bénin et les preuves en sont irréfutables et visibles. ➤ Quelles sont les spécificités de votre production ? La qualité, encore la qualité, toujours la qualité. C’est ce qui fait la particularité de notre produit. Le Ciment Bouclier est fabriqué suivant les normes internationales avec
PUBLI-INFORMATION
des standards internes de qualité exigeants. Les matières premières utilisées sont bien étudiées à la base par notre laboratoire avec des équipements hautement performants. Cela assure la bonne qualité du produit fini que nous mettons à la disposition des consommateurs et cela depuis une cinquantaine d’années. ➤ Quel est le volume de production de la SCB/Bouclier et à quels marchés est-elle destinée ? L’usine Ciment Bouclier a aujourd’hui une capacité de production de plus de 500 000 tonnes et fabrique une large gamme de types de ciments. Sur le plan logistique, l’usine Ciment Bouclier dispose d’une importante flotte de camions de type benne ou plateau pour le transport de ciment conditionné en sacs de 50 kilos, mais aussi de citernes pour le transport de ciment en vrac sur les grands chantiers de construction. Tout ceci pour mieux satisfaire aux besoins de la population béninoise mais aussi pour servir ses clients dans toute la sous-région ouest africaine. ➤ La SCB/Bouclier a récemment inauguré un procédé qualifié de révolutionnaire : le pompage du ciment en vrac. En quoi ce système consiste-t-il et qu’en attendez-vous ? L’usine Ciment Bouclier, selon sa volonté d’innovation dans le cadre d'un partenariat historique avec le Port Autonome de Cotonou (PAC), a mis en place sur son site dans l’enceinte portuaire un dispositif permettant le pompage du ciment en vrac. Cette nouvelle installation permet un déchargement dix fois plus rapide qu'un déchargement classique et se déroule sans aucune pollution.
(PAC) véritable levier de l’économie béninoise. Après plus de cinquante ans de collaboration avec le Port Autonome de Cotonou, nous ne sommes plus simplement client mais plutôt partenaire. ➤ Certains riverains de vos installations se plaignent parfois de la pollution de l’air. Quelles mesures sont mises en place par la SCB/ Bouclier pour la préservation de l’environnement ? De nombreux efforts sont consentis dans la gestion de l’environnement immédiat de l’usine Ciment Bouclier. Un département HSE (Hygiène Sécurité et Environnement) est déployé pour veiller au respect des normes en vigueur pour la sauvegarde de l’environnement. Ce département très actif travaille à plein temps pour minimiser l’impact de notre activité sur l’environnement immédiat grâce à l’acquisition d’engins de dernière génération pour le filtrage, le dépoussiérage, l’assainissement du milieu industriel et le nettoyage des alentours. ➤ Sur le plan social, quelles actions menez-vous en direction des populations béninoises ? Sur le plan social, l’usine Bouclier mobilise, avec discrétion, beaucoup de moyens pour porter assistance aux populations. Pour en citer quelques exemples : Au cours de la rentrée académique 2015-2016, plus de 4 000 écoliers et collégiens ont bénéficié de l’accompagnement de l’usine Bouclier pour l'achatde fournitures scolaires. Une action qui a été rééditée lors de la rentrée scolaire 2016-2017. La célébration de Noël pour les enfants des orphelinats, la construction d’écoles... sont autant d’œuvres sociales que l’usine Bouclier offre à la population béninoise.
➤ La cimenterie est un secteur nécessitant une main-d’œuvre abondante. Quels sont aujourd’hui les dispositifs de la SCB/Bouclier en matière d’emploi et de personnel ? L’usine Ciment Bouclier place les travailleurs au centre de toutes ses activités. Nous préférons parler de talents car, pour nous, chaque travailleur à un talent spécifique à sa fonction. Ces talents sont mis en valeur et sont développés en permanence à travers des formations régulières. C'est ce qui nous permet de garantir des produits et services de qualité. ➤ Quels sont vos rapports avec le Port Autonome de Cotonou ? L’usine Ciment Bouclier est située dans la zone portuaire et travaille étroitement avec le Port Autonome de Cotonou
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
➤ Quels sont vos défis et perspectives pour les prochaines années ? Pour les prochaines années, l’usine Bouclier se donne pour objectif de conserver sa position de leader sur le marché cimentier au Bénin. À cette fin, elle investit pour une amélioration continue de ses produits et une augmentation de son volume de production afin de répondre efficacement aux exigences de sa clientèle. ■
SIÈGE SOCIAL : Cotonou, R.P. du Bénin Placodji Zone portuaire - 01 BP 448 Tél. : (+229) 21 31 37 03/ (+229) 21 31 76 74 Fax : (+229) 21 31 50 74 Email : infoscb@cimentbouclier.com
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Le Plus de JA Bénin
Lire aussi l’interview de Roland Riboux, président du Conseil des investisseurs privés au Bénin
ENTREPRENEURIAT
Des jeunes pleins de ressources Ils ont des idées, de l’ambition et l’esprit d’initiative. Portrait de trois patrons fonceurs et inventifs.
Odile Gnonwin 25 ans, fondatrice et directrice générale du Centre de transformation des noix tigrées (CTNT)
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CHARLES PLACIDE POUR JA
n parle beaucoup de grands patrons au Bénin, rarement de grandes femmes d’affaires. Je serai cette femme-là ! » assure Odile Gnonwin. Travailleuse, fonceuse et inventive, cette fille de mécanicien semble avoir tout pour relever le défi qu’elle s’est fixé de devenir « la reine de la noix tigrée », une plante herbacée cultivée dans le nord du pays, également appelée souchet, ou plus communément fio, en langue fon. « J’ai commencé par vendre du souchet grillé à la fac, explique la jeune femme. Ça marchait tellement bien que je me suis rapidement fait de l’argent et me suis demandé si je pouvais apporter quelque chose en plus. » En 2015, son master en droit des affaires obtenu, elle crée la première unité de transformation de souchet du pays, installée sur le lopin de terre familial du quartier de Tankpè, à AbomeyCalavi, et fonde sa marque, Norée, sous laquelle elle commercialise une dizaine de produits (ensachés sous vide et parfaitement étiquetés) : farines, biscuits, croquettes craquantes, crème hydratante, huile purifiante, tisanes et même whisky de souchet… Outre leur saveur (noisette), ces tubercules sont réputés pour leurs qualités nutritionnelles: riches en minéraux, ils réduisent « le mauvais cholestérol » et auraient même des vertus aphrodisiaques. Avec un chiffre d’affaires mensuel d’environ 300 000 F CFA (460 euros), Odile Gnonwin emploie désormais quelques ouvriers et compte embaucher prochainement un représentant qui sillonnera le pays pour faire connaître sa marque et ses produits. À la mi-décembre 2016, elle a remporté le premier trophée Benin Young Business Award (Byba), prix créé l’an dernier par plusieurs opérateurs présents au Bénin afin de distinguer de jeunes entrepreneurs. FRANÇOIS-XAVIER FRELAND
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CHARLES PLACIDE POUR JA
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Ulrich Sossou
29 ans, cofondateur de TekXL, directeur général de Botamp
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29 ans, Ulrich Sossou a déjà mis sur orbite une fort belle constellation numérique qui compte quelques pépites, comme l’incubateur TekXL et le magazine en ligne Ecce Africa. « Aujourd’hui, grâce au numérique, tu peux être n’importe où et avoir des clients aux quatre coins du monde, explique l’ingénieur. Pour ma part, je forme des gens aux nouveaux métiers du numérique, j’aide des créateurs à se faire mieux connaître sur la Toile et je soutiens de jeunes entrepreneurs qui veulent créer leur boîte sur le web. » Fils d’une commerçante et d’un médecin cotonois, ce bon petit génie a grandi dans un milieu plutôt ouvert, cultivé et privilégié. « Ma mère vendait, entre autres, des boissons qui, malgré les coupures de courant, étaient toujours fraîches parce qu’elle gérait bien son processus, de A à Z, raconte-t-il. Je m’en suis toujours inspiré. » L’année de son baccalauréat, Ulrich Sossou commence comme beaucoup de jeunes par chercher une école à l’étranger, de préférence aux JEUNE AFRIQUE
Des promesses aux projets
Éric Mêtinhoué 30 ans, PDG de Btech
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epuis qu’il a créé son entreprise, en 2015, tout est allé très vite. « J’ai commencé seul, avec juste un ordinateur portable et une page Facebook pour faire la promotion de mes produits, que je livrais moi-même à la demande. Aujourd’hui, j’en vends 3 000 par an », se félicite Éric Mêtinhoué. Sa PME, Btech, emploie 15 collaborateurs et a réalisé en 2016, pour sa première pleine année d’exercice, un chiffre d ’a f f a i re s d ’e nv i ro n 100 millions de F CFA (152 500 euros). Ses produits ? Des tablettes numériques conçues au Bénin et produites en Chine. Déclinées en quatre versions (primaire, collège, université et business), elles sont commercialisées sous la marque Kova (« je suis arrivé ») à partir de 50 000 F CFA (76 euros) l’unité, dans une quinzaine de points de vente à travers le pays (principalement dans la région de Cotonou et de Porto-Novo, où le réseau internet est le plus performant) et sur deux sites d’e-commerce. « Pour me différencier des autres
marques, j’ai imaginé une tablette avec des logiciels de gestion, des suites d’applications spécifiques adaptées à différents âges et aux utilisateurs ouestafricains », explique Éric Mêtinhoué, qui espère pouvoir inaugurer la première chaîne de production Btech à Cotonou dès 2018.
Le jeune patron aime voyager aux États-Unis, « pour se rapprocher du high-tech », dit-il, mais aussi dans la sous-région, notamment à Lomé, au Togo, et à Niamey, au Niger, où il se rend régulièrement en voiture « pour se rapprocher de [ses] clients de F.-X.F. demain ».
CHARLES PLACIDE POUR JA
États-Unis ou au Canada. « Je ne voulais pas que mes parents s’endettent pour moi, j’ai donc décidé de rester à Cotonou. » Il obtient un master en génie industriel à l’Institut régional du génie industriel, des biotechnologies et sciences appliquées (Irgib-Africa). « Parallèlement, pour financer mes études, j’ai travaillé à mon compte en conseillant des entrepreneurs dans leurs projets numériques. » Parmi ses clients, l’université américaine Stanford, qui lui commande la conception d’une plateforme de cours en ligne. Montant du contrat : 5 millions de F CFA (7600 euros), qu’il réinvestit dans de nouveaux développements. Il crée notamment Takitiz, une société de solutions numériques qu’il revend en 2011 et, trois ans plus tard, FlyerCo, un site d’édition de flyers destiné aux agents immobiliers, qui, à sa vente, en avril 2016, affichait plus de 10000 utilisateurs et un chiffre d’affaires annuel de 60 millions de F CFA. En 2014, avec son compatriote Senam Beheton, Ulrich Sossou fonde TekXL, dont il est directeur technique : 11 start-up y sont actuellement incubées. En août 2015, c’est le lancement du magazine en ligne Ecce Africa, consacré à l’innovation sur le continent, à la conception duquel Ulrich Sossou a travaillé avec, entre autres, Marie-Cécile Zinsou. Sa dernière création ? Botamp. Le service en ligne, qu’il a lancé en septembre 2016, permet d’automatiser et de personnaliser les techniques de marketing digital via les applications de messagerie comme Messenger F.-X.F. ou WhatsApp.
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Le Plus de JA Bénin INNOVATION
Green Keeper Africa dompte les mauvaises graines Dans la sous-région, la jacinthe d’eau envahit rivières et lacs. Des investisseurs béninois ont créé la première bioraffinerie du continent, qui transforme cette vermine en produits aux vertus inattendues.
DELPHINE BOUSQUET/AFP
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autour de la raffinerie : aujourd’hui 700 récoltants (dont 85 % de femmes) vendent désormais des jacinthes d’eau séchées à la raffinerie pour 400 F CFA (60 centimes d’euros) le sac de 10 kg. L’écosystème est ainsi régulièrement débarrassé de ses « mauvaises herbes », qui sont transformées en produits biofertilisants ou biocombustibles, en fibres alimentaires pour les animaux (notamment pour la cuniculture – l’élevage des lapins) et, surtout, en une poudre absorbante 100 % organique utilisée pour la dépollution de sites contaminés par des hydrocarbures ou des huiles industrielles. Ce créneau est très porteur puisque, utilisés en prévention ou en urgence, sous forme de kits, en sacs ou en barils, ces solutions s’adressent aux garages, aux professionnels du BTP, aux sites industriels, aux sociétés pétrolières, etc. Dès 2015, GKA a décroché un premier contrat de nettoyage industriel auprès de la filiale locale du suisse Oryx, distributeur de produits pétroliers. A P P L I C AT I O N S. Lancée avec un
apport initial de 3 millions de F CFA (4 570 euros), l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 32 millions de F CFA en 2016 et emploie 14 personnes. Elle vise désormais les marchés nigérian, Fohla Mouftaou, cofondateur de GKA, sur le lac Nokoué. ivoirien et camerounais et espère aussi diversifier son offre de produits comavid Gnonlonfoun, ingénieur l’activité des pêcheurs, bloque la navigabustibles. « Nous sommes en train de en bâtiment franco-béninois, tion, asphyxie les poissons et augmente et Fohla Mouftaou, pédiatre négocier avec un cimentier pour que l’incidence de certaines maladies. « C’est belgo-béninois, n’avaient a cette fibre imbibée de déchets d’hyla plante la plus invasive au monde : drocarbures soit utilisée comme compriori rien en commun, si ce n’est la 10 plants peuvent en produire 800 000 bustible dans ses fours », confie David volonté d’investir dans un projet qui ait autres en moins de huit mois », explique Gnonlonfoun. un impact sur le développement local David Gnonlonfoun. Véritable calvaire pour les riverains, la jacinthe d’eau est dans leur pays d’origine. Lauréats du prix Avec l’appui de ses partenaires acadéde l’incubateur francilien Bond’innov d’ailleurs nommée « tôgblé », qui signifie miques et industriels, GKA poursuit ses et soutenus par le fonds d’investissetravaux de recherche et ment coopératif Solidarités entreprises développement (R&D) Apport initial pour créer l’entreprise, Nord-Sud (Sens-Bénin), ils créent Green afin d’exploiter les proen 2014 : 3 millions de F CFA. priétés de la jacinthe Keeper Africa (GKA) en août 2014. Leur idée : valoriser la jacinthe d’eau, une Chiffre d’affaires en 2016 : 32 millions. d’eau dans des applications aussi différentes plante invasive considérée comme un en langue fon « le pays est gâté/ruiné ». fléau mais dont la tige, la feuille et la que les tests de bioremédiation des sols Pourtant, certains habitants de Sô-Ava contaminés par les hydrocarbures, racine, une fois transformées, présentent, qu’elle a commencé à commercialiser entre autres, des capacités d’absorption commencent à l’appeler « tognon » (« le et de filtrage hors du commun. pays est bon/s’améliore »). en 2016, ou la fabrication de serviettes C’est au bord du lac Nokoué, à 35 km hygiéniques, le projet qu’elle est en DÉPOLLUTION. Opérationnelle depuis train de développer. au nord de Cotonou, dans la commune mars 2015, la bioraffinerie de GKA a en L’entreprise réfléchit par ailleurs à lacustre de Sô-Ava, que les entrepreneurs ont choisi de mettre leur projet à exéreproduire sa stratégie dans les pays effet changé la donne. Car l’entreprise est cution. Ici, comme sur les lagunes, les aussi innovante que solidaire. Des activivoisins, victimes eux aussi de l’invasion rivières et les fleuves de la sous-région, de la jacinthe d’eau. tés de collecte se sont rapidement strucla jacinthe d’eau dicte sa loi. Elle gêne turées dans les communautés locales FIACRE VIDJINGNINOU, à Cotonou
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JEUNE AFRIQUE
MESSAGE
Promotion de l’Entrepreneuriat des Jeunes et Programme d’Actions du Gouvernement du Bénin Le FNPEEJ désormais meilleur partenaire des jeunes porteurs de projet Le Programme d’Actions du Gouvernement mis en œuvre depuis le mois de décembre 2016 par le Président Patrice TALON et son Gouvernement à fait une part belle à la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes et la lutte contre le chôMonsieur Modeste Tihounté KEREKOU, mage. Pour P un Directeur Général du FNPEEJ meilleur accompagnement des jeunes dans la a réalisation des projets innovants, le Fonds Na ational de Promotion de l’Entreprise et de l’Em mploi des Jeunes (FNPEEJ) se révèle être un o outil incontournable. Avec les nouvelles orrientations définies par son Directeur Général, Modeste Tihounté KEREKOU, ancien Ministre de la Jeunesse, l’Institution de evient progressivement le carrefour des jeu unes entrepreneurs béninois. Un dispositif gouvernemental effica ace au service des jeunes désireux d’e entreprendre. C’est désormais la vision du FNPEEJ. Créée par décret en 2007, et même sii elle a impacté nombre de jeunes porteurs d de projet, les résultats de l’institution restent à a améliorer eu égard à son mécanisme de financemen nt qui a fait l’objet de nombreuses critiques par le passé. Maiss désormais, avec l’arrimage de ses interventions aux cibles prioritaires du Programme d’Actions du Gouvernement, l’Institution connaît un nouveau dynamisme. Sous le leadership de Modeste Tihounté KEREKOU, le FNPEEJ décline de nouveaux objectifs qui feront de lui, le meilleur partenaire financier au service des jeunes porteurs de projet. Nombreuses sont les initiatives qui figurent dans ce Programme d’Actions en faveur de l’autonomisation des jeunes qui seront exécutées par le FNPEEJ. Aussi, le Directeur du Fonds positionne déjà la structure au premier rang des institutions prêtes à accompagner les start-
up qui feront sortir définitivement les jeunes du chômage et du sous-emploi. Au nombre des nouvelles orientations on peut citer le développement d’un partenariat avec les lycées, écoles et instituts universitaires de formations techniques et professionnelles et les associations des corps de métiers. Il a également décidé d’ouvrir les interventions du Fonds à plus de secteurs d’activités. Il compte également faire entrer les banques dans le dispositif en qualité de prestataires de services financiers pour mieux crédibiliser le dispositif. Cette option participe au renforcement de la capacité d’accompagnement de l’Institution auprès des jeunes entrepreneurs. Le FNPEEJ a réussi à se hisser au rang des rares structures certifiées à la norme ISO 9001 : 2015. Mais la gouvernance actuelle n’entend n entend pas p s’arrêter à ce niveau. Le Directeur Géné éral met en place des process beaucoup plus efficaces capables de satisfaire avec célérité ses partenaires. Ainsi, il est envisagé la mise en place d’une plate-forme sur laquelle n’importe e quel porteur de projet pourrait s’inscrire s et suivre l’instruction de so on dossier. Une approche commun nale est également envisagée pour mieux impacter le développem ment à la base. Le Fonds F National de Promotion de l’Entreprise et de l’Emploi des Jeun nes est un mécanisme étatique de financement des entreprises portées s par les jeunes, les femmes et les Micro, M Petites et Moyennes entreprises et e industries. Il est sous la tutelle du Minisstère du Travail, de la Fonction Publique et des Afffaires Sociales. À ce jour, le FNPEEJ compte plus de 2587 projets p financés pour un monttantt global l b ld de 7 082 696 992 F CF CFA. Toutefois, des défis restent et le Directeur Général compte les relever. Malgré nos dernières innovations, nous allons poursuivre sans désemparer notre stratégie de recherche de partenariat, ainsi que la recherche de financements complémentaires auprès des organismes internationaux de financement des jeunes afin d’accroître nos capacités d’intervention auprès de la cible désireuse d’entreprendre, dont le nombre ne cesse de croître.
Modeste Tihounté KEREKOU
Fonds National de Promotion de l’Entreprise et de l’Emploi des Jeunes 04BP269 Cotonou, Bénin - Tél. : +22921307176 - Email : info@fnpeej.bj www.fnpeej.bj
Le Plus de JA Bénin
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Cette ville sur l’eau de 25 000 habitants a été fondée au XVIIIe siècle par les Toffins.
TOURISME ET PATRIMOINE
Ganvié, l’éternel refuge Posée sur le lac Nokoué, face à Cotonou, la plus grande cité lacustre du continent est toujours aussi vivante. Et toujours aussi magique.
A
u bout de l’embarcadère d’Abomey-Calavi,lespirogues vont et viennent, chargées de victuailles et de passagers. Comme ailleurs les cars et les trains, elles se succèdent à intervalles réguliers sur le lac Nokoué. Passé le chahut du marché et les commerces du port, c’est le moment de monter à bord de l’une des longues pinasses à moteur prêtes à rallier Ganvié.
Cap au nord du lac. Au fur et à mesure que la barque s’éloigne du rivage en fendant les tapis de nénuphars et de jacinthes d’eau, Abomey et Cotonou deviennent plus petites, plus humaines, adoucies par le vert mousseux du plan d’eau. On oublie lentement la poussière, la pollution, les voitures… « Certains habitants de Cotonou qui viennent le week-end nous disent : “Ah, Ganvié ! Pourquoi je
n’y suis jamais venu avant !” » lance en souriant Fabrice, le guide. Pourtant, la traversée depuis Abomey dure à peine quinze minutes. Devant, des roseaux hérissent la surface de l’eau. Ce sont en fait de petites pâtures aquacoles, appelées acadjas. Des amas de branchages plantés en eau peu profonde, dans lesquels les poissons se réfugient, se nourrissent et se reproduisent. Une technique utilisée par les Toffins (« hommes de l’eau »), l’une des principales ethnies de la région et, en particulier, de Ganvié, pour augmenter la productivité piscicole. On croise un pêcheur venu relever un
ATYPIQUE ET AUTHENTIQUE Ganvié fait partie des six projets retenus dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG) 2016-2021 pour développer le tourisme. Il ne s’agit pas d’y faire défiler des hordes de visiteurs, mais de rendre un peu plus visible la cité en tant que destination atypique N 0 2935-2936 • DU 9 AU 22 AVRIL 2017
et authentique. Les aménagements prévus, de même que l’attraction sur de nouveaux voyageurs grâce à une petite augmentation de la capacité d’hébergement, ont pour objectif d’améliorer le cadre de vie et les revenus des populations locales, sans
bouleverser leurs habitudes ni leur environnement. Le coût du projet est estimé à 20 milliards de F CFA (près de 30,5 millions d’euros). Il comprend l’assainissement et le curage du lac (de la mi-2018 à la fin de 2019), la construction d’un hôtel sur pilotis et la restauration de
quelques habitations avec des matériaux durables dans un périmètre pilote (de 2019 à 2021), ainsi que la réhabilitation du marché flottant et le réaménagement des installations de l’embarcadère et des espaces de vie sociale du CÉCILE MANCIAUX village. JEUNE AFRIQUE
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DERNIER ROI. Dans sa maison, reliée aux
autres îlets par un petit pont en béton, vit le dernier roi de Ganvié, sa majesté Missikpo Yoka III Azinkpodoté. Derrière son autel vaudou, entouré de ses fétiches, sceptre en main, il partage volontiers un verre d’alcool de palme (sodabi) avec les visiteurs. « Mon ancêtre fit la découverte de Ganvié vers 1710. Il s’était transformé en épervier pour ne pas être démasqué, puis il s’est mué en crocodile pour transporter et protéger son peuple. Depuis, notre dynastie n’a jamais cessé de régner sur la région du lac, même du temps des Français. » En seulement quelques mots, le vieux roi a livré la magie du lieu et sa genèse (en langue fon, « gan » signifie « sauvé » et « vié » « la collectivité »). Déambuler à Ganvié, c’est à la fois naviguer dans l’ordinaire quotidien et traverser « l’Afrique éternelle ». Ici la boutique du sorcier, là celle de la rebouteuse. Ici des poussins piaillent dans une cour, là des enfants pêchent. Et, partout, ce courant d’air et d’eau qui fait glisser silencieusement les embarcations et sur lequel se réverbèrent les murmures de la cité, ponctués par les coups de pagaie. Deux hôtels accueillent les visiteurs de passage, dont le plus pittoresque est le Carrefour Ganvié Chez M. Située en plein cœur du village, cette auberge a l’avantage de plonger le visiteur dans la vie des habitants. Les chambres sont sommaires mais propres et offrent une vue imprenable sur la lagune. Le soir, on entend le grondement du vieux générateur un peu rouillé, « un cadeau de Kadhafi », confie le serveur avec un large sourire, et, au petit matin, le brouhaha du marché flottant sonne le début de la journée. Et fait oublier qu’on est à 8 km seulement de Cotonou.
Bal au Bab’s Dock
À
15 km de Cotonou, sur la route l’embarcadère pour prendre le bateau, faire leur petit tour sur l’eau jusqu’au des Pêches, une petite pancarte ponton et s’installer autour des tables inclinée par les vents du littoral pointe en direction du Bab’s Dock. Un en bois pour savourer des brochettes lieu insolite né d’une histoire belge. de bœuf, du poisson braisé fraîchement Celle de Dominique Haumont, consul pêché et une crêpe en dessert. Le tout honoraire de Belgique à Cotonou. Un pour quelque 12 000 F CFA (environ jour qu’il s’ennuie sur la plage et fait 18 euros) – dont le coût d’accès au site, les cent pas à l’ombre des cocotiers, on fixé à 2 500 F CFA par personne, bateau lui propose un petit tour au frais, « tout compris (gratuit pour les moins de 12 ans). près, juste là, derrière ». Il suit alors son interlocuteursurunpetitcheminjusqu’à Sans oublier les activités pour petits une zone marécageuse pour s’installer et grands : baignade, kayak, petits voidans une pirogue. liers Laser, beach-volley, jeux de scrabble et balançoires. Et un « mini-zoo », Le moteur démarre. L’esquif remonte constitué d’animaux abandonnés ou la mangrove, Dominique se prend une branche au passage Un mini-zoo héberge des animaux et – surprise ! – il se retrouve face à une abandonnés ou maltraités, recueillis immense lagune. par les propriétaires du lieu. Un paradis de fraîcheur à une centaine de mètres de la maltraités recueillis par les propriéfournaise ! C’est là, sur l’autre rive de taires : les ânes viennent d’un club la lagune, qu’est né en octobre 1997 le équestre de Cotonou qui a fermé ; le Bab’s Dock, un restaurant et centre de couple de babouins, de l’ambassade loisirs « éconautiques ». de France, qui n’en voulait plus ; le cercopithèque (un petit singe), de particuliers chez qui il vivait enchaîné ; SAVOURER. « À l’époque, aucune les tortues géantes ont été trouvées banque n’avait voulu prendre le risque mourantes près de Lomé… de financer le restaurant, difficile d’acDepuis 2015, deux bungalows cès, explique Thierry, le gérant, cousin des époux Haumont, les propriétaires. peuvent accueillir 8 personnes chacun C’est une amie de la famille, Babeth, (45000 F CFA la nuit), et, même s’il n’est qui a accepté d’avancer l’argent, et c’est ouvert que les week-ends et jours fériés, le Bab’s Dock promet une belle nuit de devenu le Bab’s Dock. » bal, le mercredi 25 octobre prochain, Aujourd’hui, les Cotonois, en F.-X.F. pour fêter ses 20 ans. famille ou entre amis, se pressent vers Le Bab’s Dock fêtera ses 20 ans le 25 octobre.
FRANÇOIS-XAVIER FRELAND JEUNE AFRIQUE
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FRANÇOIS-XAVIER FRELAND POUR JA
filet, une femme seule cabotant sur une pirogue à voile. À l’approche de la cité, des bribes de conversations mêlées de cris d’enfants viennent glisser sur l’eau, résonnant comme dans un rêve. Et c’est alors que se déploient ses centaines de cases sur pilotis, bâties en bambous et en bois pour la plupart, en parpaings pour quelques-unes, couvertes d’un toit de chaume ou de tôle. Érigé au XVIIIe siècle par les Toffins, originaires du Togo (les Adjakedos) et du Tado, au sud du Bénin, fuyant les razzias esclavagistes, le « village » de Ganvié compte aujourd’hui quelque 25 000 âmes.
Des promesses aux projets
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Le port de Cotonou se métamorphose
L
e 16 décembre 2016 le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) béninois pour la période 2016-2021 a été dévoilé et devrait à terme contribuer au renforcement de la démocratie et au repositionnement stratégique de l’économie béninoise. Au nombre des principaux outils devant conduire au rayonnement de l’économie béninoise, le Port de Cotonou occupe une place importante. Ainsi, les efforts de restructuration et de modernisation de l’outil portuaire en cours depuis peu sont-ils la preuve d’un réel engagement du Gouvernement béninois qui, dans le sens de l’amélioration de la compétitivité du port de Cotonou, fait des efforts colossaux. Ces efforts, qui relèvent d’un cadre stratégique bien défini, fondé sur des objectifs clairs, précis et cohérents, tiennent compte des exigences du marché et des moyens disponibles. Désigné meilleur port de transit de la sous-région ouest-africaine, le port de Cotonou poursuit ses réformes en vue de renforcer sa position pour devenir un port de référence. Au nombre des réformes réalisées en 2016, nous pouvons citer entre autres :
Les réformes pour améliorer la compétitivité de la plateforme portuaire de Cotonou : • La poursuite des actions nécessaires pour maintenir le port de Cotonou conforme aux dispositions du Code ISPS ;
• L’achèvement des travaux confortatifs devant permettre au port de Cotonou d’accueillir des grands navires de tirant d’eau de 13 m ; • Le prolongement de la Digue Ouest sur 225 mètres linéaires afin de maintenir le niveau d’agitation dans le bassin portuaire après l’élargissement de la passe d’entrée ; • Le rescindement de la traverse (jetée Est) sur 90 mètres linéaires afin d’élargir la passe d’entrée qui passera de 120 mètres à 190 mètres utiles ; • L’enlèvement de l’éperon rocheux au droit du quai pétrolier Sud ; • Le dragage d’approfondissement du chenal, de la passe d’entrée et du bassin portuaire à la cote – 15 m ZH ; • Le balisage du nouveau chenal, de la passe d’entrée et du bassin portuaire.
Le renforcement des capacités d’accueil en vue d’améliorer la célérité des prestations de la plateforme portuaire de Cotonou • L’augmentation des capacités du port de Cotonou en équipements de pesage avec l’acquisition de ponts-bascules numériseurs et de pèses-essieux fixes et mobiles (mise en application du Règlement 14 de l’UEMOA relatif à la charge à l’essieu) ; • L’acquisition de nouveaux équipements d’exploitation (2 grues mobiles, 5 RTG et 2 reach-stackers) par les sociétés privées en vue de l’amélioration de leurs cadences de manutention des conteneurs ;
• La délocalisation des activités de dépotage et d’empotage des conteneurs depuis octobre 2016 de l’enceinte portuaire effective vers les ports secs ; • L’extension du terminal à conteneurs concédée au groupe Bolloré (travaux achevés sur espace additionnel, phase 1). Au-delà des réformes et conformément aux ambitions du Chef de l’État, la vision de l’Autorité Portuaire est de transformer le port de Cotonou en un modèle enviable dans la sous-région ouest-africaine. Dans ce cadre, les actions prioritaires fixées en cohérence avec le volet portuaire pour l’année 2017 du PAG concernent notamment : • L’amélioration de la sécurisation des ressources et du patrimoine domanial du Port Autonome de Cotonou ; • La réduction des coûts et des délais de passage portuaires ; • Le renforcement du dispositif de sûreté et de sécurité de la plateforme portuaire ; • La simplification et l’autonomisation de la facturation ; • L’accueil des navires de 300 m de longueur ;
DIFCOM/DF- PHOTOS : DR.
PUBLI-INFORMATION
Faire du port de Cotonou l’une des meilleures et des plus performantes plateformes de service de la sous-région ouest-africaine.
• La poursuite du processus d’amélioration du système de gestion des camions, reprise par le Port Autonome de Cotonou depuis le 9 septembre 2016 ; • La certification des systèmes de management environnemental et qualité du PAC en ISO 14001 et 9001, version 2015 ; •La finalisation du processus d’actualisation du plan directeur du port de Cotonou. En dehors de ces actions, l’année 2017 sera également consacrée au lancement des grands projets structurants axés sur la compétitivité dont la fin est prévue pour l’horizon 2020. Ces projets une fois réalisés augmenteront de façon remarquable les capacités d’accueil du port de Cotonou et amélioreront la productivité globale sur la plateforme portuaire de Cotonou. En la matière, il s’agit des projets de modernisation du port de Cotonou inscrits au PAG 2017-2020 à travers cinq points majeurs que sont :
• La reconstruction des quais Nord et la réhabilitation de la traverse ; • L’aménagement des terre-pleins ; • Le réaménagement du quai ORYX ; • La construction d’une nouvelle tour de contrôle au Port de Cotonou ; • L’extension du bassin (Darse) et l'aménagement des terre-pleins y afférents. Faire du port de Cotonou l’une des meilleures et des plus performantes plateformes de service de la sous-région ouest-africaine, telle est l’ambition du Chef de l’État, son Excellence, le Président Patrice Guillaume Athanase TALON, qui entre en ligne de compte des nouveaux enjeux et défis de l’Autorité Portuaire, la Direction Générale du Port Autonome de Cotonou. La Directrice Générale actuelle en la personne de Madame Amélie Huguette AMOUSSOU KPETO a pleinement pris conscience de l’immensité de la tâche et œuvre inlassablement à mobiliser tous les acteurs de la plateforme portuaire de Cotonou autour de cette noble ambition présidentielle.
Mme Amélie Huguette AMOUSSOU KPETO, Directrice Générale du Port Autonome de Cotonou.
LE PORT AUTONOME DE COTONOU BP 927, Cotonou, Bénin Tél. : (+229) 21 31 28 90 / 21 31 52 80 Fax : (+229) 21 31 28 91 E-mail : pac@leland.bj
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