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Sénégal Et revoilà Wade !

Maroc À la grâce de Sa Majesté

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 57e année • no 2949 • du 16 au 22 juillet 2017

Maghreb Dans la jungle des télés privées

jeuneafrique.com

Gouvernance, développement, réconciliation, réformes…

QUE VEULENT LES IVOIRIENS ? Spécial 20 pages

ÉDITION INTERNATIONALE France3,80€•Algérie250DA•Allemagne4,80€•Autriche4,80€•Belgique3,80€•Canada6,50$CAN•Espagne4,30€•Éthiopie67birrs•Grèce4,80€•Guadeloupe4,60€ Guyane 5,80 € • Italie 4,30 € • Luxembourg 4,80 € • Maroc 25 DH • Martinique 4,60 € • Mauritanie 1200 MRO • Mayotte 4,60 € • Norvège 48 NK • Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € • Réunion 4,60 € • RD Congo 6,10 $ US • Royaume-Uni 3,60 £ • Suisse 6,50 FS • Tunisie 3,50 DT • USA 6,90 $ US • Zone CFA 2000 F CFA • ISSN 1950-1285


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Dossier

Agro-industrie

AFRIQUE DE L’OUEST

Marché en or pour l’huile de palme Les cours moroses n’ont pas douché la volonté des industriels. Car, en bout de chaîne, la demande est exponentielle. Et, en amont, de gros progrès peuvent encore être réalisés sur les rendements.

Q

u’il semble loin le temps où les cours de l’huile de palme atteignaient des sommets… Ce n’était pourtant qu’il y a trois ans. À l’époque, l’huile raffinée tirée des grains de palmier s’échangeait à Kuala Lumpur, la Bourse de référence de cette matière première, quelque 4 500 ringgits (920 euros) par tonne, contre 2 500 aujourd’hui. Après une reprise au deuxième semestre 2016, son prix a fléchi à nouveau au début de 2017. Pas de quoi, pour autant, décourager les industriels en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Dans cette petite zone de N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

MARION DOUET, envoyée spéciale à Abidjan

production à l’échelle mondiale – 3 millions de tonnes sur un total de 60 millions, essentiellement fournis par l’Indonésie et la Malaisie –, c’est même plutôt la confiance qui domine. Pourquoi? « Parce que la demande est là », s’accordent à dire tous les interlocuteurs que nous avons interrogés, à l’image du président de la filière ivoirienne de l’huile de palme, Jean-Louis Kodo, par ailleurs directeur de Sania et de Palmci, les deux filiales du leader ivoirien Sifca respectivement chargées de la production d’huile raffinée et non raffinée. Pour les transformateurs, habitués aux variations cycliques de cette matière première, l’huile de JEUNE AFRIQUE


Matrona Filippou

Responsable Afrique chez Coca-Cola

EXPORTATION

La gomme arabique décolle

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Raffinerie appartenant à Sania, une filiale de Sifca, à Abidjan.

palme possède, contrairement aux cultures de rente majoritairement exportées comme le cacao ou l’hévéa, l’avantage de se destiner au marché local. Denrée de base, à l’image du sucre ou de la farine, elle est plébiscitée par les ménages pour son coût abordable. Et cette demande n’est pas près de se tarir: « On prévoit que la consommation progresse de 3 à 4 % par an dans la région, cela suit directement la croissance démographique », se félicite un industriel. Pour les pays situés dans la zone de production (le long du golfe de Guinée, depuis la Sierra Leone jusqu’à la RD Congo), c’est l’occasion de répondre à la fois à leur demande JEUNE AFRIQUE

Denrée de base, elle est plébiscitée par les ménages pour son coût abordable.

locale et d’exporter vers les pays non producteurs de la région comme le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso, qui en sont friands. Ces trois pays représentent ainsi 95 % des ventes extérieures de la Côte d’Ivoire, qui satisfait globalement ses besoins et exporte environ un tiers de son huile de palme. Alors, partout les projets fleurissent. Certains pays possédant d’immenses surfaces inoccupées font la part belle aux grandes plantations industrielles, à l’image de la Sierra Leone, du Liberia, qui a accueilli il y a quelques années les géants malaisien Sime Darby et indonésien Golden Agri-Resources, ou encore du Gabon où, en N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

NABIL ZORKOT POUR JA

INTERVIEW


Dossier Agro-industrie

OLIVIER POUR JA

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Sur les rayonnages d’un supermarché d’Abidjan.

Le Nigeria en engloutit à lui seul 2 millions de tonnes chaque année.

partenariat avec l’État, le singapourien Olam a récemment inauguré une huilerie et mène un programme de plantation de 50 000 hectares. Mais, pour le groupe belge Siat (Société d’investissement pour l’agriculture tropicale, présente au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Ghana, et qui mène actuellement une acquisition au Liberia), le géant d’Afrique de l’Ouest est de loin le pays le plus prometteur. « Le Nigeria est le seul pays où il y a beaucoup à faire », estime avec enthousiasme Gert Vandersmissen, le directeur des opérations de Siat, qui vient de planter 11 000 ha et commence un nouveau projet de 14 000 ha dans l’État d’Edo. Autrefois premier exportateur mondial d’huile de palme, ce pays possède un double atout : de grandes surfaces y sont disponibles, et son marché intérieur, immense, est loin d’être satisfait. Fort de plus de 180 millions d’habitants,

AYA VS DINOR EN CÔTE D’IVOIRE Confronté à une concurrence grandissante en amont de la filière, le grand leader local, Sifca, est aussi bousculé, en aval, dans la vente de ses huiles, notamment sur sa principale marque Dinor (fabriquée par sa filiale de raffinage d’huile brute, Sania). Depuis son lancement en 2014, l’huile concurrente, Aya, occupe une place croissante sur les N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

étals ivoiriens. Le groupe qui la fabrique, Sarci, propriété de la famille Fakhry (Prosuma), revendique désormais quelque 20 % de parts de marché et nourrit des ambitions élevées. Selon des sources concordantes, il envisage de doubler ses capacités pour répondre à la progression de la demande. M.D.

il engloutit chaque année « 2 millions de tonnes d’huile mais n’en produit que la moitié », rappelle Gert Vandersmissen. Dans les pays où peu de terres sont encore vacantes, comme le Ghana et la Côte d’Ivoire, une autre stratégie s’impose. Dans cette dernière, deuxième producteur (elle veut passer de 420 000 à 1 million de tonnes d’ici cinq ans) mais premier exportateur de la région, la concurrence est de plus en plus rude pour l’accès aux régimes de palmier. Ceux produits par les plantations villageoises sont de plus en plus prisés. Car, aux côtés des opérateurs historiques nés du démantèlement de Palmindustrie (Sifca, Palmafrique, Adam Afrique) et qui possèdent leurs propres cultures, de nouveaux venus ont fait leur apparition ces dernières années, tels Africa West Industries, un producteur de savon qui a lancé en mai dernier sa propre huilerie, ou encore l’israélien Dekel Oil. « À leur arrivée au début des années 2010, ils ont capté la production de villageois qui vendaient jusque-là à Sifca en renchérissant sur les prix, cela a bousculé le secteur », raconte un acteur, soulignant l’effet boule de neige constaté cette saison-là sur les prix dans tout le pays. DÉFIS. En Côte d’Ivoire comme ailleurs, d’impor-

tants défis restent à relever pour consolider la place des professionnels du secteur et leur permettre de se développer à l’international. D’abord, l’exigence grandissante, venant des pays riches, d’une production durable. « C’est certes une petite part de nos volumes, mais les bailleurs sont vigilants sur ce point, et nous avons besoin de leur soutien », rappelle Abdoulaye Berté, secrétaire JEUNE AFRIQUE



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Dossier Agro-industrie

Face aux importations, la protection des marchés régionaux doit être renforcée.

exécutif de l’association interprofessionnelle de la filière palmier à huile (AIPH) et ancien de Palmci. Le renforcement de la protection des marchés régionaux face aux importations est ensuite réclamé par les industriels pour garantir la viabilité de leurs projets. Certes, la Cedeao prévoit des barrières douanières de 35 % à l’entrée du marché ouest-africain, mais celles-ci sont, de l’avis général, souvent contournées. De plus, le contrôle insuffisant des frontières laisse, dans certains pays, le champ libre aux importations frauduleuses d’huile, souvent frelatée, en provenance notamment de l’hinterland via le Nigeria. À ce sujet, le Cameroun est cité en exemple : grâce à un contrôle renforcé des frontières, à l’instauration de taxes « prohibitives » respectées, et à une entente des industriels et de l’État sur les prix (parfois qualifié de « cartel »), le pays se protège des importations, qui ne sont autorisées qu’en cas de déficit de production. Enfin, l’amélioration des rendements figure en tête des priorités pour assurer la compétitivité de la filière. Les plantations villageoises dépassent rarement les 6 t à l’hectare dans la région, loin des rendements de 20 à 25 t

enregistrés en Asie. « Nos semences devraient nous permettre d’y arriver, et justement la seule façon de nous défendre c’est la productivité », poursuit Abdoulaye Berté, précisant que l’utilisation d’engrais et l’entretien des parcelles permettraient à eux seuls de booster les rendements. Hasard des marchés internationaux, l’effondrement des prix du cacao pourrait indirectement contribuer à l’augmentation de la production dans les années à venir. Les planteurs, qui pratiquent souvent la polyculture, sont bien plus sensibles que les industriels aux soubresauts des cours mondiaux. « Dans les années 2000, quand le cacao allait très mal, de nombreux vergers ont été arrachés pour y planter des palmiers à huile et des hévéas », note une source économique. Depuis l’année dernière, les cours du cacao ont perdu près de 40 % et, selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO), en raison d’importants stocks de fèves, les cours s’orientent vers une baisse durable. Peut-être suffisamment pour inciter les cacaoculteurs à chercher une meilleure rémunération en misant sur l’huile de palme qui, en outre, pourrait profiter du très bas niveau du cours du caoutchouc.

Laborieuse implantation d’Avril dans la filière

Longtemps réticent à se lancer sur le marché, le groupe français spécialiste des oléagineux serait entré en discussion avec l’industriel ivoirien Africa West Industries.

L

e leader français des oléagineux semble enfin vouloir prendre pied dans la production d’huile de palme. Depuis sa décision, en 2015, de se développer dans ce secteur qu’il avait peu exploré en raison notamment des polémiques sur son impact environnemental, le spécialiste des huiles decolza et detournesol prospecte activement en Afrique de l’Ouest. La Côte d’Ivoire réunit pour lui de nombreux avantages parmi lesquels une forte demande locale. Récemment, Avril semblait, selon une information révélée par JeuneAfriqueBusiness +,avoirtrouvé chaussure à son pied en entrant en négociation avec le groupe ivoirien Africa West Industries (AWI). Fondée par l’ancien patron de Palmci Angora Tano, cette société se concentrait jusqu’ici sur l’aval N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

de la filière : sa raffinerie, située à Bonoua, produit et commercialise les savons Kdo, qui se sont rapidement imposés sur le marché depuis leur lancement en 2011. Mais AWI est désormais présent en amont grâce à l’ouverture, début 2017, d’une huilerie qui

Le poids lourd sait que sa compétitivité dépend de l’évolution de ce dossier. s’approvisionne en graines auprès de planteurs villageois pour produire de l’huile brute. Un modèle totalement en ligne avec la philosophie du groupe Avril, le poids lourd français ayant la particularité d’être issu du monde coopératif agricole et affichant sa volonté d’inclure les paysans locaux dans

ses activités africaines. Malgré tout, ces convergences n’ont pas suffi à déboucher sur un accord entre les deux groupes, qui, selon l’une de nos sources, ont mis un terme à leurs échanges. Contactés à ce sujet, ils n’ont pas souhaité faire de commentaires. L’enjeu est de taille pour Avril, numéro un des huiles alimentaires en France, en Roumanie et au Maroc. Comme le souligne un acteur du secteur : « Ils savent pertinemment qu’ils ne seront plus compétitifs dans dix ans s’ils ne sont pas dans l’huile de palme. » L’huile tirée de cet arbre, la moins chère à produire de toutes les huiles végétales, est décriée dans les pays développés pour son impact sur la déforestation, mais sa consommation augmente fortement depuis vingt ans. En 2009, Avril avait commencé à prendre en compte cette évolution en devenant actionnaire minoritaire de l’entreprise française de semences de palmiers à huile Palmelit et en s’associant en Malaisie avec le groupe United Plantations dans la fabrication d’additifs alimentaires dérivés de l’huile. M.D. JEUNE AFRIQUE


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C’est un outil logistique moderne doté de grandes capacités d’entreposage, notamment de silos à grains (capacité de 10 000 tonnes), de cuves de stockage pour l’huile de palme produite par Olam Palm Gabon (capacité de 8 000 tonnes) et d’autres aires de stockage pour les clients privilégiés de la Zone Économique Spéciale de Nkok (également développée par GSEZ).

8 silos à grains de 10 000 t de capacité

5 cuves de stockage d’huile de palme de 8 000 t

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Aires de stockage des marchandises générales

Quai de 690 m de long

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Dossier Agro-industrie INTERVIEW

Matrona Filippou

Directrice générale Afrique de l’activité liquides non gazeux

« Coca-Cola veut vendre des boissons laitières et énergétiques, du thé, du jus » Le groupe américain ambitionne de s’imposer dans le marché des produits non gazeux via des acquisitions.

T

he Coca-Cola Company (TCCC pour les initiés et les employés), ce n’est pas qu’un soda très sucré àl’étiquetterouge.Au-delàdelastar des produits du groupe américain et de ses petites sœurs allégées en sucre, le leader mondial des boissons, établi à Atlanta, en Géorgie, détient plus de 500 marques différentes. Des jus (Minute Maid) à l’eau minérale (Dasani) en passant par le thé et le lait, TCCC entend couvrir l’offre la plus large possible. Une question de satisfaction client, selon le groupe, et d’intelligence stratégique face aux risques de santé liés aux sodas, pour les autres. En Afrique aussi, le groupe pousse ses pions dans le domaine des boissons non gazeuses. Au Nigeria, il a investi depuis 2016 dans la société Chi, leader des jus et des boissons à base de lait. À Maurice et en RD Congo, il vient tout juste d’inaugurer des sites de production de jus, d’eaux minérales et sans doute demain de lait. La Sud-Africaine Matrona Filippou mène l’offensive de TCCC dans ce domaine sur une grande partie du continent. JEUNE AFRIQUE: Quelle est la stratégie de Coca-Cola en matière de boissons non gazeuses ? MATRONA FILIPPOU : À l’échelle

mondiale,cetypedeproduitsreprésente plus de 50 % des volumes vendus par l’industrie des boissons. Nous pensons que la croissance dans ce domaine sera forte. Notre volonté stratégique est d’être une entreprise de boissons complète, centrée sur le consommateur et N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

Un nouveau partenaire en RD Congo En RD Congo, où Coca-Cola travaille avec le brasseur Heineken (qui embouteille la partie soda), le groupe américain a décidé de s’associer avec un nouveau partenaire pour la partie non gazeuse de son activité : la famille Psaromatis et son groupe Hyper Psaro, spécialisé dans le commerce de gros, la distribution de carburant, l’agroalimentaire et la logistique. Les deux partenaires ont inauguré, en mars à Lubumbashi, une nouvelle usine dotée d’une capacité de production de 17 000 bouteilles PET et de 12 000 cartons aseptiques par heure

Matrona Filippou à l’assaut du marché africain.

RICHARD WALKER

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capable d’offrir une grande variété deproduitscouvranttoutes lescatégories pour répondre à l’ensemble des besoins et des goûts. Cela inclut les jus, les produits laitiers, les thés prêts à boire et les boissons énergétiques. L’Afrique est une priorité pour Coca-Cola, et nous souhaitons saisir toutes les occasions favorables, y compris en matière d’innovation, à travers notre portefeuille de produits et de marques, et également des acquisitions ciblées qui nous permettront d’accroître notre activité. Si Coca-Cola se renforce en dehors des sodas, est-ce parce qu’il existe

une inquiétude concernant les questions de santé liées au sucre?

Nos boissons gazeuses et sucrées constituent une part importante de notre portefeuille global et le resteront. En élargissantnotre gammede produits non gazeux, notre objectif est de fournir au consommateur un large éventail de boissons et en même temps de contribuer à la croissance de notre business.

Produisez-vous des boissons non gazeuses partout en Afrique ?

Nos partenaires d’embouteillage au Nigeria, au Ghana, en RD Congo, au Sénégal et à Maurice, par exemple, ont réalisé JEUNE AFRIQUE



Dossier Agro-industrie d’énormes investissements dans des structures de fabrica‑ tion avec des capacités variées de production de l’eau embouteillée, du jus et du thé. Nous continuons d’explorer les possibilités sur les 31 autres marchés dont j’ai la charge. En outre, il existe de nom‑ breux autres débouchés en dehors de cette zone, comme l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Égypte, etc., où nous produisons également des boissons non gazeuses. L’aventure n’en est qu’à ses débuts en Afrique! Quels seront les prochains pays ?

Nous avons des marchés clés que nous voulons spécifique‑ ment cibler, à l’exemple de la Côte d’Ivoire et du Cameroun, qui recèlent des capacités de crois‑ sance extraordinaires. Quels types de produits et de marques votre stratégie couvret‑elle ?

Notre stratégie consiste à nous focaliser sur les produits laitiers à valeur ajoutée, les jus, le thé prêt‑à-boire et l’eau. Coca-Cola a par exemple misé sur Chi, qui est le plus grand producteur de boissons laitières et de jus au Nigeria. De même, la compagnie a récemment réalisé plusieurs investissements stratégiques importants à travers le monde pour les produits laitiers. Chi a été votre plus importante acquisition dans le domaine des boissons non gazeuses. Elle s’est faite au Nigeria, en pleine crise économique. Avec le recul, étaitce un bon choix ?

Oui, la décision de réaliser cette acquisition était très bonne et le demeure en raison de la qualité de l’entreprise et de ses produits. La croissance des volumes reste solide, et Chi continue de figurer parmi les compagnies nigérianes de boissons affichant les meil‑ leurs taux de croissance. Malgré le contexte économique difficile, nous croyons beaucoup au poten‑ tiel du Nigeria. Comment une compagnie mondiale comme Coca-Cola, surtout connue pour ses grandes N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

marques, arrive-t‑elle à faire une place à des marques locales ?

Ce que nous faisons, c’est prendre les pépites locales, étendre leur développement et les amener à croître au niveau régional ou même à l’échelle continentale. Nous avons réussi cela avec un grand succès, par exemple avec la marque Del Valle en Amérique latine. Nous entendons renouveler la même expérience en Afrique. Envisagez-vous d’autres acquisitions sur le continent ?

Soutenir la croissance d’opé‑ rateurs régionaux, ou même plus petits, à travers des investissements et des acquisitions stratégiques, est l’un des leviers de notre stratégie de croissance. Dans plusieurs marchés africains, particulièrement en Afrique francophone, vous avez décidé de ne pas travailler avec vos embouteilleurs classiques et d’en trouver de nouveaux pour les boissons non gazeuses. Pourquoi ?

Nous étudions toutes les par‑ tenariats possibles avec les embouteilleurs qui démontrent un intérêt et une soif d’investisse‑ ment. L’objectif est d’être un acteur clé sur le marché des boissons non gazeuses. Comment choisissez-vous ces nouveaux partenaires ?

Ils doivent être alignés en matière de stratégie à long terme avec TCCC et également être prêts à prendre des risques et à investir avec nous. L’industrie des boissons accueille depuis quelques années beaucoup de petits investisseurs locaux qui offrent des produits moins chers que les vôtres. Comment vous adaptez-vous ?

Nous restons concentrés sur nos marques et sur la qualité de nos produits. Concernant la question des prix, afin de rester compétitifs, nous travaillons activement sur la gestion de nos coûts tout au long du cycle de production et de dis‑ tribution. Propos recueillis par FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE


MESSAGE

La sécurité alimentaire reste l’un des défis majeurs du continent Africain. Avec des systèmes de production et d’approvisionnement encore précaires, l’Afrique est aujourd’hui amenée à importer jusqu’à 35 milliards de dollars par an en produits alimentaires. Le niveau de valeur ajoutée et de transformation des cultures agricoles demeure aussi particulièrement faible. En zone subsaharienne notamment, les pertes post-récolte représentent plus de 30 % de la production agricole, soit un montant de 4 milliards de dollars par an. Plus des deux tiers de ces exploitations s’appuie en outre uniquement sur de la main d’œuvre humaine et l’acquisition d’équipement souffre d’un manque de solutions en termes de financement, d’assistance et de renouvèlement de pièces de rechange. La société Kanu Equipment comprend parfaitement ces problématiques et s’est engagée à fournir un équipement de qualité, adapté aux agriculteurs africains. Selon Stephen Smithyman, PDG de Kanu Equipment, « Les facteurs clés pour transformer l’agriculture africaine sont la disponibilité et le développement des infrastructures et des technologies, l’accès à du matériel abordable et de qualité, des services d’assistance, la formation locale, la disponibilité de pièces de rechange, ainsi que des solutions de financement. C’est là que Kanu joue un rôle. » Aussi, Kanu distribue et travaille en collaboration avec les plus grandes marques de matériel agricole telles que Case IH, Bell et Liebherr. Par la rationalisation des

activités, du chargement et du transport de récolte, Kanu offre des solutions économiques optimales ainsi qu’une assistance complète comprenant l’évaluation des besoins de ses clients, le conseil avant achat ainsi que le service après-vente en proposant des pièces de rechange facilement accessibles. Kanu opère en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Congo, en Tanzanie, au Libéria, au Ghana, au Kenya, en Sierra Leone, au Zimbabwe et au Botswana. Le gestionnaire panafricain de fonds d’investissement Phatisa, actionnaire principal de Kanu Equipment, considère la mécanisation agricole comme une initiative commerciale profitable, idéale pour les investisseurs locaux et internationaux. C’est pourquoi, Kanu Equipment, avec le soutien du Dispositif d’Assistance Technique de Phatisa, est actuellement en phase de définition d’une initiative axée sur les microentreprises, « The Hummingbird Project ». L’objectif est de développer les canaux de distribution de pièces de rechange à travers le continent, d’évaluer la faisabilité et l’impact potentiel sur les revenus des micro-entrepreneurs et sur la création d’emplois. Le secteur de l’agriculture est essentiel pour parvenir à une croissance inclusive en Afrique. Plus le développement de l’Afrique s’orientera vers une production alimentaire durable, plus Kanu jouera un rôle actif dans la mise en place de systèmes de production-approvisionnement alimentaire.

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J.B. RUSSELL/COSMOS

spectaculaire revient au Mali, qui exporte désormais 5760 t, le double par rapport à 2015 (2 364 t), alors que le pays était encore un acteur mineur il y a sept ans (297 t). Son potentiel est encore très important : « À peine un acacia sur dix est aujourd’hui exploité au Mali », indique Frédéric Alland, rappelant que ces arbres, dont les racines plongent jusqu’à 30 m de profondeur, présentent aussi l’avantage de limiter l’érosion des sols. En parallèle, au Nigeria les échanges ont quasi fondu de moitié depuis 2010 (de 13636 à 7830 t) sous l’effet du terrorisme de Boko Haram. L’exsudat de sève d’acacia, produit phare de l’agroalimentaire. EXPORTATION

La gomme arabique décolle Les qualités de cet émulsifiant naturel boostent la demande. Les pays francophones de la zone sahélienne, à commencer par le Mali, sont les mieux placés pour en profiter.

E

n buvant un soda ou en mangeant un yaourt, nous consommons de la gomme arabique. Ce produit issu des acacias est aujourd’hui utilisé à 80 % par l’industrie agroalimentaire, surtout dans la fabrication de confiseries et d’arômes. Si l’exportation de la gomme a progressé continuellement de 2 % pendant plus de quinze ans, elle a bondi depuis 2013, passant de près de 80 000 à 112 000 tonnes en 2016, d’après Rongead, une ONG spécialiste du développement des filières agricoles en Afrique. La demande est notamment alimentée par le marché indien, l’un des trois principaux consommateurs de gomme arabique au monde avec la France et les États-Unis. « C’est le seul émulsifiant naturel capable de réaliser cette opération de stabilisation de l’eau et des différents composants d’un soda. Sans elle, un chewing-gum sans sucre ne pourrait pas tenir. Dans N 0 2949 • DU 16 AU 22 JUILLET 2017

un yaourt, elle permet d’encapsuler un arôme pour le libérer dans la bouche » explique Frédéric Alland, directeurgénérald’AllandetRobert. Spécialiste de la gomme d’acacia depuis 1884, cette PME normande, deuxième leader mondial, s’adjuge 25 % de parts de marché dans un secteur qui ne compte que six acteurs et qui est dominé par un autre français, Nexira (40 % de parts de marché). Pour s’approvisionner, tous se tournent en priorité vers la région du Kordofan du Nord, au Soudan, pays qui a exporté 74 000 t de gomme en 2016 devant le Tchad (16643 t). Connue depuis trois mille ans par les Égyptiens, la gomme arabique est récoltée en saignant les acacias durant la saison sèche. À la faveur de l’augmentation de la demande, de nouveaux pays francophones, sahéliens pour la plupart, tirent leur épingle du jeu. Les exportations du Sénégal sont ainsi passées de 416 t en 2013 à 3 466 t en 2016. Mais la progression la plus

TRAÇABILITÉ. L’apparition de nou-

veaux pays producteurs traduit le besoin des sociétés d’export de diversifier leurs approvisionnements – pour ne pas dépendre que du Soudan et du Tchad – et d’anticiper l’évolution de la demande mondiale. Bénéficiant d’une grande stabilité de prix (2 500 euros la tonne pour la dure et 900 euros pour la friable) et d’une parfaite traçabilité, la gomme d’acacia devrait encore voir sa cote grimper, bénéficiant notamment de l’attrait pour les produits naturels (elle contient des fibres). Si le marché des sodas est aujourd’hui saturé, l’exsudat de sève d’acacia est utilisé depuis trois ans à la panification et à la fabrication des crèmes glacées. Et des programmes de recherche sont en cours pour parvenir à remplacer des produits comme la gélatine

Des programmes de recherche visent le remplacement de la gélatine ou de l’amidon modifié. (faite avec des peaux de porc) et l’amidon modifié, « des marchés actuellement cent fois plus importants que celui de la gomme arabique », estime Frédéric Alland. Reste aux pays africains, pour véritablement valoriser cette filière, à implanter des unités de transformation sur leurs territoires. Pour l’heure, les industriels qui contrôlent le marché s’y refusent. RÉMY DARRAS JEUNE AFRIQUE



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