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Guinée Alpha Condé : « Les crises africaines se règlent entre Africains »

numéro double en vente deux semaines

N° 2963-2964 • du 22 octobre au 4 novembre 2017

jeuneafrique.com

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT

Cameroun Identité nationale, le grand débat Côte d’Ivoire Les 20 femmes politiques les plus influentes

QUE VEUT LE

MAROC EN AFRIQUE ?

Après avoir rejoint l’Union africaine, le royaume de M6 s’apprête à intégrer la Cedeao avant la fin de l’année. Une offensive sur trois fronts : politique, économique et religieux. Spécial 14 pages

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LE PLUS

de Jeune Afrique

ENJEUX Le choix de l’Afrique et ses conséquences

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INTERVIEW Mohamed Boussaid, ministre des Finances TRIBUNE Mohamed Soual, économiste en chef au Groupe OCP SOCIÉTÉ En avant la musique!

MAROC

Entre la réforme de l’Union africaine, qu’il a rejointe en janvier, son adhésion à la Cedeao, qui devrait être entérinée à la mi-décembre, et les partenariats qu’il a engagés, le royaume va devoir relever de nouveaux défis sur le continent.

*L’Afrique d’abord JEUNE AFRIQUE

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ILLUSTRATION : MATHIEU PERSAN POUR JA

Africa first

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Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude Nadia Lamlili

Toute une histoire

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n annonçant, le 13 octobre, dans son discours devant le Parlement la création prochaine d’un ministère des Affaires africaines rattaché au portefeuille des Affaires étrangères, et donc directement sous sa tutelle, Mohammed VI a réveillé de vieux souvenirs. Ce n’est pas la première fois que le roi exprime cette fibre panafricaniste teintée de méfiance à l’égard des ingérences occidentales devenue, depuis quelques années, un leitmotiv dans ses discours. Tout comme ce n’est pas la première fois que le royaume décide de se doter d’un ministère tourné vers le continent.

Nous sommes le 2 juin 1961. Quelques mois après son accession au trône, Hassan II crée un ministère des Affaires africaines, qu’il confie à Abdelkrim El Khatib (médecin de formationdécédéen2008),figurenationaliste, grand connaisseur des mouvements de libération africains, doublé d’un fin diplomate – et celui qui, quelques décennies plus tard, allait aider les islamistes marocains à sortir de la clandestinité et à créer un parti politique officiel, le PJD. Le docteur El Khatib a joué un rôle important dans le rapprochement entre Hassan II et Nelson Mandela, le leader sud-africain. En visite au Maroc en 1962, le père de la nation Arc-en-Ciel aurait même obtenu de Rabat la livraison d’armes pour soutenir le combat de l’ANC. Pour autant, en créant un ministère africain en cette période fragile postindépendance, Hassan II n’exprimait pas une franche adhésionauxmouvementsdelibération.Sesentant menacé par leur virage socialiste et sur fond d’indépendance de la Mauritanie (ex-colonie française anciennement revendiquée par le Maroc), le monarque ne tardera pas à prendre le contre-pied de ses pairs africains. Pourquoi, alors, créer un tel ministère ? En réalité, Hassan II voulait éviter une coupure radicale avec le legs de son père, héros des indépendances et activiste anti-impérialiste reconnu sur le continent. En même temps, c’était une fleur qu’il voulait accorder au parti nationalistedel’Istiqlal,fortementenracinéen Afrique et avec qui il était appelé à coexister. JEUNE AFRIQUE

Dans son allocution du 13 octobre, Mohammed VI renoue donc avec l’histoire et rappelle le lien viscéral qui unissait son grand-père, Mohammed V, aux pays africains. En 1960, le royaume a participé à la première opération de maintien de la paix au Congo belge (actuelle RD Congo). À cette époque, Mohammed V, s’érigeant contre le colonisateur, avait nettement pris position en faveur de l’indépendantiste Patrice Lumumba, père de la nation congolaise, assassiné en janvier 1961 (son successeur, Mobutu, deviendra l’allié de Hassan II). Lamêmeannée,aprèsl’échecdel’opération onusienne de maintien de la paix au Congo, Mohammed V convoque la Conférence de Casablanca. Parmi les présidents invités : le Ghanéen Kwame Nkrumah, l’Égyptien Abdel Nasser, le Malien Modibo Keita et le Guinéen Sékou Touré. L’Algérie est représentée par Ferhat Abbas, chef du gouvernement provisoire de la République algérienne, et la Libye par Abdelkader Allam, représentant personnel d’Idris Ier. À la fin des travaux, une charte africaine, « anticolonialiste, antiségrégation raciale, anti-essais nucléaires », est adoptée. Et les jalons de l’avènement, en 1963, de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) sont posés – institution de laquelle le Maroc se retirera avec fracas vingt et un ans plus tard en raison de l’admission de la RASD. La suite, on la connaît. Aujourd’hui, les différends du passé ont cédélaplaceaupragmatisme.Enjanvier2017, le royaume a réintégré « sa maison africaine », même si la RASD en est encore membre. Mohammed VI a décidé de recouvrer la légitimité africaine de son pays, tout en gardant le discours engagé de son grand-père, en l’adaptant aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Nous ne sommes plus dans l’Afrique des idéologies, du colonialisme ou de la guerre froide. Ses nouveaux défis, comme le roi l’a exprimé plusieurs fois, sont le codéveloppement et la prise en charge de son destin. Telle sera la feuille de route du ministère marocain des Affaires africaines. N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

ENJEUX Le choix de l’Afrique et ses conséquences p. 78 Un solide plan d’affaires

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INTERVIEW Mohamed Boussaid, ministre de l’Économie et des Finances p. 86 TRIBUNE Le futur du monde ? Par Mohamed Soual, économiste en chef au Groupe OCP p. 88 SOCIÉTÉ En avant la musique ! Brahim El Mazned, un « Monsieur Loyal » pour les talents du continent p. 90 FORMATION-RECHERCHE Entretien avec Mohamed Tozy, politologue p. 93

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Le Plus de Jeune Afrique

Le choix de l’Afrique et ses conséquences ENJEUX

En 2018, Rabat déploiera plus que jamais le grand jeu sur le continent. Adhésion à la Cedeao, installation de ses diplomates au sein des principales structures de l’UA, visites royales… Sans oublier son objectif majeur : en finir avec le Polisario. NADIA LAMLILI

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«

l est beau le jour où l’on rentre chez soi après une trop longue absence! Il est beau le jour où l’on porte son cœur vers le foyer aimé ! » Le 31 janvier 2017, trente-deux ans après en avoir claqué la porte, le Maroc réintégrait sa maison africaine à travers le discours historique et un brin émouvant prononcé par le roi Mohammed VI à la tribune du 28e sommet

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de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba. Une adhésion qui vient couronner l’intense politique africaine du royaume, mais qui n’a pas été facile à obtenir tant l’Algérie et l’Afrique du Sud, opposées au royaume chérifien au sujet du conflit sahraoui, ont tenté de l’empêcher. C’est grâce aux fortes amitiés qu’il a tissées à travers le continent que le Maroc est devenu le 55e membre d’une UA en pleine mutation. En janvier 2018, la grande réforme JEUNE AFRIQUE


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de l’Union, élaborée par le Rwandais Paul Kagame, qui prendra alors la présidence de l’UA –, entrera en vigueur, inaugurant une nouvelle ère pour un continent impatient de se libérer des influences étrangères et de se prendre enfin en charge. LANGAGE. Dans cette atmosphère de change-

ment, les diplomates marocains ont retroussé leurs manches, guidés par un double objectif : s’inscrire pleinement dans tous les nouveaux défis du continent et de l’Union, et chasser le Polisario en usant d’une politique d’isolement savamment orchestrée par les stratèges du Palais. « Si 2017 a été l’année de l’adhésion du Maroc à l’UA, 2018 sera JEUNE AFRIQUE

celle de son installation dans toutes les structures de ce regroupement panafricain », explique un diplomate marocain. En sus de ses responsabilités officielles au sein des instances de l’Union, le royaume, particulièrement confronté aux problématiques migratoires, a été désigné pour présenter un rapport sur ce thème lors du prochain sommet, en janvier 2018. Rabat est en train de se déployer tous azimuts dans les instances de l’Union. Trois structures retiennent particulièrement son attention : le Conseil de paix et de sécurité (CPS), qui siège à Addis-Abeba, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), basée à Banjul, et le Parlement panafricain (PAP), à

Le souverain chérifien prononçant son émouvant discours, le 31 janvier, lors du 28e sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba.

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Le Plus de JA Maroc Midrand, près de Johannesburg (Afrique du Sud). Marocains un argument pour l’expulser des meeC’est dans ces structures clés, qui statuent sur les tings entre l’UA et ses partenaires internationaux. En sujets éminemment politiques en Afrique, que novembre 2016, pour protester contre la présence d’une délégation sahraouie, le Maroc s’était retiré Rabat entend mettre le paquet. avec fracas du sommet arabo-africain de Malabo, En mars 2018, le CPS, dont les quinze membres sont élus par le conseil exécutif de l’UA, connaîtra entraînant plusieurs pays du Golfe dans son sillage. un vaste renouvellement. L’un des deux sièges En mai de cette année, lors d’un meeting onusien dévolus à l’Afrique du Nord (actuellement occupé auxAntilles,lapartiemarocaineadéplorél’agression par l’Algérie) sera libéré, et le Maroc compte se de l’un de ses diplomates par un haut responsable algérien. Trois mois plus tard, rebelote à Maputo, porter candidat afin de pouvoir être représenté où un forum Japon-Afrique a même viré à la foire dans la plus importante structure de l’UA, celle qui se prononce sur toutes les crises d’empoigne lorsque des membres du survenant sur le continent et qui préPolisario se sont présentés, à l’inviSur pare les plus importantes décisions tation du Mozambique. À Rabat, la des chefs d’État. décision est prise. Chaque fois que les Sahraouis se présenteront à un meeOutre sa participation à la résolution pays africains des défis africains « de l’intérieur » ting international, ils en seront chassés (Libye, Mali, G5 Sahel, etc.), sa préau nom de la légalité internationale. sence au sein des structures névralgiques de l’UA permettra au Maroc continuent de reconnaître BATAILLE. « En 2018, on va rentrer la RASD et de mettre un terme à tout langage dansuneguerreouverteentreleMaroc provocateur sur la question du Sahara. et le “Polisario & Co”. Chaque réunion, En juillet, la CADHP, présidée par la chaque meeting sera le terrain d’une Sud-Africaine Faith Pansy Tlakula, a confrontation », pronostique Liesl lui ont retiré leur tenté de faire passer un rapport truffé Louw-Vaudran, chercheuse à l’Instireconnaissance, le d’expressions hostiles au Maroc : tut d’études de sécurité (Institute for dernier étant le Rwanda, en novembre 2015 « territoires occupés », « décoloniSecurity Studies, ISS), basé à Pretoria. sation », « annexion »… Au cours des « La bataille promet d’être d’autant plus trois décennies d’absence du royaume au sein de intense que le Polisario est nettement plus présent l’UA, ces expressions passaient comme une lettre ces derniers mois en Afrique du Sud et dans les pays à la poste dans les rapports de l’organisation. Les de l’Afrique australe. » Du 9 au 20 octobre, le chef de diplomates marocains ont donc dû se déployer en l’entité sahraouie, Brahim Ghali, était même l’invité force pour obtenir « leur » amendement, selon le d’honneur d’une réunion du PAP, dirigée par le Camerounais Roger Nkodo Dang (pourtant dans langage onusien. Pour eux, les choses sont claires: les faveurs de Rabat), et y a présenté un discours. si l’UA ne peut pas soutenir, « pour le moment », la solution d’autonomie, le minimum qu’elle se doit Rodés aux subtilités de langage, brefs et pointilde respecter est la neutralité. leux, les diplomates de Sa Majesté aiguisent d’ores et Et, lorsqu’il s’agit du Sahara, Rabat n’hésite plus déjà leurs armes pour le 5e sommet Afrique-Union à aller au clash. L’« entité » de Brahim Ghali, la européenne des 29 et 30 novembre, à Abidjan. République arabe sahraouie démocratique (RASD), D’autant que, même si la dénomination des cadres est peut-être reconnue par l’UA, mais pas par la officiels (« Partenariat stratégique Afrique-UE », communauté internationale. Ce qui donne aux « Stratégie conjointe Afrique-UE », « Forum des

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Mounia Boucetta (à g.), la secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères sur le chantier de la Cité de l’émergence, à Dakar, le 25 juillet.

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Le Plus de JA Maroc affaires UE-Afrique », etc.) reste inchangée, celle du sommet a été exceptionnellement modifiée à la mi-septembre, à la demande d’Alger, pour devenir « Sommet Union africaine-Union européenne ». Une astuce qui permettrait aux parrains de la RASD d’y faire entrer leur protégée en tant que membre de l’UA, coupant ainsi la route à toute protestation marocaine… Depuis son lancement, en 2000, au Caire, ce sommet s’est toujours tenu sous l’appellation « UE-Afrique » ou « Afrique-UE », soulignent les diplomates marocains, qui ajoutent que son format ne pourra changer qu’après l’entrée en vigueur de la réforme de l’UA, qui a fixé la liste de ses représentants dans les réunions internationales. Alors que, depuis 2008, l’UE a désigné un ambassadeur chef de sa délégation auprès de l’UA à Addis-Abeba, cette dernière n’a toujours pas nommé de représentation équivalente à Bruxelles. Au lieu de laisser cinquante-cinq membres face à un seul partenaire – « ce qui est quand même humiliant », dixit un habitué des sommets et réunions de travail de haut niveau –, cette réforme préconise que ladite UA soit représentée par ses principales instances: président de la Commission africaine, présidents des Communautés économiques régionales, et membres de la troïka constituée par le pays ayant présidé l’UA, celui actuellement en exercice et celui qui doit lui succéder. Dans le « sommet UA-UE » d’Abidjan, c’est la Côte d’Ivoire, pays hôte, qui se trouve prise entre le marteau marocain et l’enclume algérienne. Certes, la décision d’accueillir le Polisario n’a pas encore été confirmée, mais les Marocains préviennent déjà qu’ils passeront à l’attaque si jamais leur ennemi « ose pointer son nez ».

à travers le continent (lire pp. 83-87), ne feront pas de prédation. Histoire de calmer d’éventuelles résistances de la part de pays économiquement faibles. « Le processus de démantèlement tarifaire se fera d’une manière progressive, comme ce que le Maroc a vécu dans son accord d’association avec l’Union européenne », explique un officiel marocain. En clair, il y aura une période transitoire qui respectera la capacité et l’intérêt de chaque pays membre. « Ce sera un mariage sans divorce et sans Brexit », a d’ailleurs déclaré le président de la commission de la Cedeao, Marcel de Souza. Pour le meilleur et pour le pire.

À L’OUEST TOUTE. Cette chasse à la RASD n’est pourtantpasunefinensoidanslapolitiqueafricaine de Rabat. Car s’il y a bien un sujet qui mobilise les cercles diplomatiques du royaume, c’est l’adhésion prochainedu MarocàlaCommunauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Celle-ci devrait être entérinée lors du prochain sommet de la Communauté, prévu le 16 décembre à Lomé – pour le moment maintenu malgré les tensions au Togo. Elle constitue le premier jalon d’une vaste intégration Sud-Sud, dont le Maroc et le Nigeria seront les piliers. Liés par un projet de gazoduc qui longera toute la côte ouest-africaine (les études de faisabilité ont été lancées) et par un investissement croisé dans la filière des phosphates, les deux pays, pourtant opposés sur le Sahara, ont inauguré des relations plus pragmatiques. Business is business. Les Nigérians savent que l’entrée du Maroc au sein de la Cedeao (dont le siège est à Abuja) donnera plus de poids à cette communauté régionale. Plus réalistes, les Marocains répètent à l’envi que leurs entreprises, qui ont établi des réseaux solides

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Le roi, accueilli à Kigali par le Rwandais Paul Kagame, le 19 octobre 2016.

STEPHANIE AGLIETTI/AFP

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MOHAMMED VI REPREND SON BÂTON DE PÈLERIN Afrique, le roi y veille. Et en 2018 il poursuivra son chemin vers le cœur d’un continent qu’il connaît désormais très bien. Depuis son accession au trône, en 1999, Mohammed VI a effectué une cinquantaine de visites dans plus de vingt-cinq pays africains, avec à la clé un millier d’accords de partenariat conclus et un soft power religieux qui se veut l’antidote du jihadisme. Méthodiquement, par étapes, il a tissé sa toile, y compris sur des terres qu’aucun souverain alaouite n’avait foulées avant lui, comme le Rwanda, la Zambie ou l’Éthiopie. « L’année 2018 sera aussi intense que 2017 », confient nos sources diplomatiques, selon lesquelles, outre quelques séjours prévus dans plusieurs pays où il souhaite redynamiser la coopération

bilatérale, Mohammed VI visitera quelques contrées subsahariennes jusqu’à présent absentes des radars chérifiens. Et pour montrer que la vision de codéveloppement du roi n’est pas une promesse en l’air, ni le résultat d’un agenda politique, les accords conclus et les projets engagés dans quinze pays à l’occasion de ses visites (depuis 2014) sont scrupuleusement suivis par la secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, Mounia Boucetta. Éthiopie, Rwanda,Tanzanie, Madagascar, Zambie, Sénégal, Guinée et Côte d’Ivoire en juillet, Gabon et Ghana au début d’octobre… En quatre mois, cette dernière en est déjà à sa deuxième tournée subsaharienne d’inspection des chantiers. N.L. JEUNE AFRIQUE


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Africa first

Un solide plan d’affaires Depuis plus de dix ans, les opérateurs marocains étendent leurs activités à travers le continent. Jusqu’alors surtout centrée sur les services, leur présence se diversifie, notamment dans l’industrie.

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n 2018, les entreprises marocaines devraient une nouvelle fois se faire remarquer en Afrique subsaharienne. Plusieurs grands projets menés par des opérateurs du royaume vont en effet voir le jour. Outre les cimenteries que le groupe d’Anas Sefrioui, Cimaf, continue d’essaimer à travers le continent, deux unités pharmaceutiques devraient démarrer leur production, en Côte d’Ivoire et au Rwanda. Au pays de Paul Kagame, le géant phosphatier OCP lancera quant à lui une usine de production de fertilisants, la première des huit unités de taille moyenne que le groupe a prévu d’ouvrir en Afrique subsaharienne et qui viendront s’ajouter aux deux complexes industriels attendus en Éthiopie et au Nigeria. En Côte d’Ivoire, encore, la société publique marocaine Marchica est censée entamer les travaux d’aménagement de la baie de Cocody, après avoir parachevé la phase de dépollution du site. La liste des projets menés par les opérateurs publics et privés du royaume est loin de s’arrêter là. « Sur les quelques années à venir, il y a déjà environ 4 milliards de dirhams [près de 357 millions d’euros] JEUNE AFRIQUE

d’engagements d’investissements des entreprises marocaines à destination des pays africains », confie Abdou Diop, managing partner au cabinet Mazars et président de la Commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). ÉMULATION. Des investissements maro-

Le 12 octobre, à Abidjan, le président du directoire de Maroc Telecom, Abdeslam Ahizoune, lançait la première campagne panafricaine du groupe. Commune à ses filiales dans 9 pays, elle est incarnée par le double champion olympique de judo Teddy Riner (à g.).

d’Ivoire, Gabon, Mali, Mauritanie, Niger et Togo). « Il est vrai qu’il y a d’abord eu une vague d’investissements dans les services, confirme Abdou Diop. Mais aujourd’hui d’autres secteurs, comme l’industrie et l’immobilier, ont pris le relais etdevraientconnaîtreuneaccélérationtrès forte durant les années à venir. » De plus, le stock de 1 milliard de dirhams d’IDE industriels (apparaissant dans les statistiques de l’Office des changes) reste largement sous-évalué. « Il ne tient pas compte des montages financiers réalisés à l’étranger, explique

cains qui pleuvent sur les pays africains, la tendance n’est pas nouvelle. Le royaume est devenu le deuxième investisseur africain sur le continent, avec pas moins de 17,5 milliards de dirhams d’investissements directs étrangers (IDE) De 2011 à 2015, 64,7 % des investissements sur la période marocains au sud du Sahara ont été 2008-2015. Ce stock d’IDE réalisés en Afrique de l’Ouest. était, durant les premières années, concentré sur les un ancien cadre de l’Office des changes. banques et les assurances, avec 9,1 milIl ne prend en considération que les flux liards de dirhams investis au cours de cette financiers enregistrés à partir du Maroc. » Or, dans un certain nombre de cas, le même période, ainsi que sur les télécoms (5,9 milliards). Un développement porté financement de projets marocains est levé dans les pays concernés. D’autant par le Groupe Maroc Telecom, désormais présent dans 9 autres pays du continent que l’implantation des banques maro(Bénin, Burkina Faso, Centrafrique, Côte caines sur le continent a eu pour effet de N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

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faciliter la vie aux investisseurs. À la fin de décembre 2016, les banques marocaines (groupes Attijariwafa Bank, BCP et BMCE BOA) disposaient de 41 filiales en Afrique, à la tête d’un réseau de près de 1 400 agences, réparties dans 25 pays. Les investissements marocains réalisés en Afrique subsaharienne restent néanmoins l’apanage des grands groupes. « Il faut admettre qu’il n’y a pas suffisamment de PME marocaines qui ont pu se faire une place sur le continent, admet Abdou Diop. Cela est lié aux spécificités de notre tissu Une agence dakaroise de la CBAO, filiale sénégalaise d’Attijariwafa Bank. de PME, à prédominance familiale. Elles ont donc souvent du mal à mobiliser les ressources humaines nécessaires à leur à la Communauté économique des États et 2016. Près de 60 % de ces échanges sont implantation à l’étranger. » de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao, lire concentrés sur l’Afrique de l’Ouest, où les Une réalité dont les pouvoirs publics pp. 78-82), qui devrait être entérinée dès exportations marocaines ont triplé lors des dix dernières années pour dépasser sont conscients. « C’est un processus tout à leprochainsommetdel’organisation,prévu les 10 milliards de dirhams. fait normal, explique Mohamed Boussaid, le 16 décembre à Lomé. Une nouvelle que certains opérateurs économiques marole ministre des Finances [lire son interview Maisd’autres régions prennent du poids cains attendent en se frottant les mains. pp. 86-87]. Les vagues d’internationalisadans la balance commerciale, en particu« Pouvoir commercer librement avec les tion sont généralement l’œuvre de grands lier l’Afrique de l’Est, avec une évolution groupes qui disposent des paysd’Afriquedel’Ouest,sansbarrièrestariressources humaines et faires ni barrières non tarifaires, permettra Le pays est conscient que financières nécessaires pour sansdoutededévelopperleséchangesavec son développement est tributaire mieux faire face aux presces partenaires qui absorbent déjà entre de celui du continent tout entier. sions concurrentielles. Par 50%et60 %de nosexportations », souligne le « Monsieur Afrique » de la CGEM. la suite, ces groupes jouent annuelle des échanges, en moyenne, de Le royaume est conscient que son le rôle de relais pour les PME, notamment à travers l’externalisation d’une partie propre développement reste tributaire 28 % de 2008 à 2016. Balance commerciale de l’activité ou tout simplement par effet qui reste d’ailleurs largement en faveur de celui du continent dans son ensemble. Aussi inscrit-il son action, au-delà du d’émulation. » du Maroc, avec un excédent de près de renforcement des relations bilatérales, 12 milliards de dirhams dégagé en 2016. Et la marge de progression est encore BALANCE. Parallèlement à ce dynamisme dans des projets structurants pour toute des investissements, les échanges coménorme, puisque le montant global des l’Afrique. L’exemple le plus éloquent est échanges avec l’Afrique subsaharienne sans doute celui du projet de gazoduc merciaux – importations et exportations – du Maroc avec l’Afrique subsaharienne reste assez modeste : 19,2 milliards de reliant le Nigeria au Maroc en traversant se sont considérablement développés douze pays. « Ce projet, dont les études dirhams en 2016, soit à peine 3 % du total ces dernières années. Selon une récente des échanges commerciaux du royaume. sont assez avancées, pourrait contribuer étude de l’Office des changes (voir infoC’est d’ailleurs pour maintenir cette à dépasser les difficultés énergétiques de dynamique que le Maroc a officiellement graphie), ils ont enregistré une croissance toute cette zone de l’Afrique de l’Ouest », annuelle moyenne de 9,1 % entre 2008 affirment les spécialistes. introduit sa demande officielle d’adhésion Autre projet phare à l’échelle continentale: l’initiative Adaptation de l’agriculture Évolution des échanges commerciaux Maroc-Afrique subsaharienne africaine (AAA), lancée à l’occasion de la (en milliards de dirhams) COP22, qui s’est tenue à Marrakech en Afrique de l’Ouest Afrique centrale Afrique de l’Est Afrique australe novembre 2016. Ce programme s’articule 2008 autour de la gestion des sols et des risques 0,18 2,40 Importations depuis 0,75 0,76 climatiques, la maîtrise des eaux agricoles, ainsi que le renforcement des capacités et Exportations vers 1,64 3,20 des solutions de financement dans vingt0,37 0,18 cinq pays du continent. Deux exemples de formes de coopération multilatérale 2015 0,47 0,35 lancées par le Maroc, qui ne compte pas Importations depuis 1,80 1 s’arrêter en si bon chemin maintenant qu’il a retrouvé son siège au sein de l’Union Exportations vers 10,20 2 2,60 0,76 africaine et qu’il y recouvre progressivement son influence. N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

FAHD IRAQI, à Casablanca JEUNE AFRIQUE

SYLVAIN CHERKAOUI

Le Plus de JA Maroc

SOURCE : OFFICE DES CHANGES

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Le Plus de JA Maroc INTERVIEW

Mohamed Boussaid « La vocation continentale du royaume ne repose pas sur une vision mercantiliste » Évolution des aides, des échanges, des partenariats, et enjeux d’intégration : le ministre de l’Économie et des Finances revient sur les défis de la stratégie de codéveloppement.

M

algrésonagendachargé,loi de finances oblige, le grand argentier du royaume arrive toujours à libérer un créneau quand il s’agit de parler Afrique. « Le continent est une priorité de la politique extérieure du royaume. C’est un engagement en faveur du codéveloppement et de l’émergence de l’Afrique, porté par la vision que Sa Majesté le roi Mohammed VI a mise en œuvre depuis son intronisation », affirme celui qui a accompagné le souverain dans ses nombreuses tournées africaines. Pour le ministre des Finances, les relations entre le royaume et son continent se développent jour après jour et devraient encore libérer leur potentiel au fil des années. Entretien. JEUNE AFRIQUE : Malgré l’indéniable dynamisme de la politique africaine du Maroc, l’Afrique subsaharienne représente à peine 3 % des échanges extérieurs du pays. Alors, comment libérer ce potentiel que l’on dit « bien réel » ? MOHAMED BOUSSAÏD : Il faut noter

que la part de l’Afrique subsaharienne dans nos exportations a doublé, passant de 3,5 % en 2008 à 7 % en 2016. La progression est encourageante, mais elle reste en-deçà de ce qu’elle pourrait être au regard du foisonnement d’accords de partenariats que le Maroc a conclus avec plusieurs pays et groupements régionaux, du potentiel de coopération et des perspectives qui se profilent depuis le retour du Maroc à l’Union africaine. En plus de la mise en œuvre réussie de ces accords, libérer le potentiel des échanges commerciaux repose aussi sur la multiplication des connexions directes entre le Maroc et ces pays. Sur ce volet, il faut rappeler que la Royal Air Maroc dessert plus de 30 destinations, avec 170 vols hebdomadaires vers les principales villes du continent. Et, grâce au port Tanger Med, des liaisons N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

hebdomadaires sont aussi assurées avec près de 35 ports en Afrique de l’Ouest. À cela s’ajoutent d’autres facteurs d’appui, comme l’amélioration de l’assurance à l’export et le soutien des opérations d’ouverture de lignes de crédit pour la garantie de paiement des transactions commerciales. Comment le Maroc peut-il tirer profit de la future zone de libre-échange continentale que l’Union africaine veut mettre en place ?

Cette zone de libre-échange permettra de donner une forte impulsion aux échanges commerciaux intrarégionaux, qui affichent encore un niveau très bas. Ils représentent moins de 17 % du commerce total du continent en 2016, alors qu’en Europe, par exemple, ce taux culmine à 68,5 %. L e c o m m e rc e intrarégional demeure une source intarissable de création de richesse et contribue à l’édification de profils de spécialisation économique compétitifs. De toute évidence, la zone de libre-échange continentale profiterait du dynamisme de l’économie marocaine et de son positionnement géostratégique auprès des acteurs clés du système mondialisé. Elle constituerait aussi un levier de diversification de l’offre marocaine exportable, notamment au niveau des marchés dynamiques de l’Afrique australe et de l’Afrique de l’Est. In fine, cette zone de libre-échange consacrerait le statut de hub régional que le Maroc est en train d’édifier dans une multitude de domaines, notamment le transport, la finance, la formation et l’éducation.

encore que 5,6 % du stock des investissements directs étrangers [IDE] marocains, largement dominés par les finances et les télécoms. Comment diversifier ce portefeuille ?

En 2016, la part de l’industrie a représenté 70 % des IDE marocains en Afrique, avec plus de 2,2 milliards de dirhams [environ 196,2 millions d’euros] investis. Les accords importants signés récemment indiquent que cette dynamique est bien engagée. Ces projets portent notamment sur la production d’engrais au Gabon, au Rwanda, en Éthiopie et au Nigeria, sur le ciment – dans une dizaine de pays –, sur l’industrie pharmaceutique en Côte d’Ivoire et au Rwanda, le montage de camions au Sénégal, l’industrie agroalimentaire en Guinée, au Bénin, au

L’appui aux pays frères prend surtout la forme d’assistance technique et de partage d’expertise.

Le secteur industriel a encore du mal à s’exporter en Afrique. Pour la période 2008-2015, ce secteur ne représentait

Cameroun, en Éthiopie, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie et en Tanzanie, ou encore sur la literie , notamment en Côte d’Ivoire. On constate donc que le processus de diversification des investissements marocains en Afrique est bel et bien enclenché. La quasi-totalité des IDE du pays sur le continent est portée par de grands groupes. Comment appuyer les PME-PMI désirant s’implanter en Afrique ?

Les PME-PMI marocaines ont toute leur place en Afrique. Bien entendu, ce processus nécessite, d’abord, une forte volonté de la part de ces entreprises de s’embarquer dans une expérience internationale et d’identifier des niches, voire des opportunités de joint-ventures avec des entreprises locales, afin d’optimiser leur accessibilité aux marchés. L’appui et l’accompagnement des pouvoirs publics JEUNE AFRIQUE


Africa first la révision de deux anciens accords, afin de couvrir le traitement des difficultés bancaires et la coordination en matière de gestion des crises. Le processus d’adhésion du Maroc à la Cedeao est en bonne voie [lire pp. 78-82]. Quelles en seront les retombées sur l’économie du pays ?

MOHAMED DRISSI KAMILI POUR JA

La demande d’adhésion du Maroc à la Cedeao est une suite logique du retour du royaume à sa famille institutionnelle africaine. L’appartenance à des communautés régionales est l’un des canaux essentiels par lesquels transitent les rapports d’un pays membre avec l’Union africaine. Cette adhésion se justifie aussi par la qualité exceptionnelle des relations du Maroc avec plusieurs pays membres de la Cedeao, en plus des opportunités économiques qu’elle recèle. Actuellement, la Cedeao représente 50 % à 60 % des exportations marocaines vers l’Afrique subsaharienne, mais sa part dans les exportations totales du Maroc – quoique en progression encourageante (3,8 % en 2016, contre 1,1 % en 2000) – demeure limitée. En acquérant le statut de membre à part entière de la Cedeao, le Maroc aura donc accès à ce marché en franchise des droits de douane, sans oublier la suppression des obstacles non tarifaires.

apparaissent déjà dans le cadre des accords de coopération et des mesures de facilitation avec les pays partenaires, ainsi qu’à travers les actions de sensibilisation et de mise en réseau menées par les organismes de promotion économique. Le FMI, comme certaines agences de notation, a alerté quant au niveau d’exposition des banques marocaines en Afrique. Faut-il s’en inquiéter ?

La dernière mission d’évaluation du secteur financier, menée conjointement par le FMI et la Banque mondiale en 2015, a conclu qu’il existe une exposition marginale directe entre les banques marocaines et leurs filiales africaines JEUNE AFRIQUE

pour les crédits ou les dépôts. En d’autres termes, l’impact sur leurs résultats s’élève à environ 1 % du capital réglementaire de nos trois banques implantées à travers le continent ; quant à l’impact sur le ratio d’adéquation du capital, il est négligeable. Par ailleurs, Bank Al Maghrib [la Banque centrale] améliore de manière continue sa surveillance transfrontalière, et un dispositif de contrôle a été renforcé à travers le déploiement d’une approche de scoring [notation/évaluation] des implantations de ces groupes en Afrique. Aussi, la coopération avec les banques centrales du continent a été renforcée par la conclusion de deux nouvelles conventions de coopération et

Le Maroc a-t-il les moyens de poursuivre sa stratégie africaine dans de telles proportions ? À combien se chiffrent les aides accordées par le royaume aux pays africains ?

La vocation africaine de notre pays ne repose ni sur une vision mercantiliste ni sur un point de vue strictement financier. Elle relève d’une conviction profonde de la nécessité de renforcer l’intégration régionale, dans toutes ses dimensions. En conséquence, les appuis accordés aux pays africains frères revêtent un caractère beaucoup plus institutionnel que financier et n’ont pas d’impact significatif sur les finances publiques de notre pays. Ainsi, l’essentiel de l’appui apporté par le royaume prend la forme d’assistance technique et de partage d’expertise dans les domaines où il dispose d’un savoir-faire reconnu, notamment dans l’agriculture, l’énergie, la pêche, la formation professionnelle, la logistique, ainsi que dans le cadre des rencontres institutionnelles des différentes commissions mixtes entre le Maroc et ses partenaires africains. Propos recueillis à Rabat par FAHD IRAQI N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

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Le Plus de JA Maroc

TRIBUNE

Le futur du monde…

MOHAMED SOUAL Économiste en chef au Groupe OCP

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ans l’imaginaire dominant, l’Afrique est le continent des laissés-pourcompte, de la pauvreté, de l’assistance internationale et de l’aide humanitaire. Cet imaginaire occulte une Afrique qui, en dépit de ces vicissitudes, construit son avenir et connaît depuis plus d’une décennie une croissance supérieure à 5 %, juste derrière la Chine et devant nombre d’économies mondiales. Sa population va doubler d’ici à 2050, et si aujourd’hui sa jeunesse représente le quart de la jeunesse mondiale, 4 jeunes sur 10 seront africains en 2050, incarnant une vitalité en contraste avec celle de zones bien plus développées, mais qui connaissent un vieillissement, voire un recul démographique. Bien que représentant à peine plus de 2 % du commerce mondial, l’Afrique a connu la plus forte croissance dans les échanges internationaux entre 2000 et 2011, avec une hausse des importations au sud du Sahara de 16 % en moyenne annuelle. Un rapport de 2013 du ministère français des Finances estime les réserves de change du continent à plus de 500 milliards de dollars, alors même que ce continent est exportateur net de capitaux et que les termes de l’échange sont défavorables et se seraient même dégradés, selon nombre d’experts internationaux – rappelons que c’est le président Senghor qui, le premier, avait évoqué cet « échange inégal ». C’est l’une des raisons pour lesquelles la croissance, par elle-même, ne suffit pas encore à provoquer le développement. Développement que nous qualifierons, selon la définition donnée par l’économiste François Perroux, comme « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global ». L’histoire nous apprend qu’aucun pays au monde ne s’est développé sans développement agricole. L’industrialisation de l’Europe vers la fin du XVIIIe siècle fut financée par les surplus agricoles et par les excédents de main-d’œuvre paysanne, permis par l’accroissement de la productivité agricole. Ceux qui réclament l’industrialisation sans passer par la case du développement agricole se trompent. Ils se trompent d’autant plus que l’Afrique dispose de 60 % du potentiel de terres arables encore disponibles dans le monde et

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que la productivité agricole y est plus que quatre fois moindre que dans les pays à forts rendements. Le continent dispose en outre de plus du quart de la forêt mondiale (le plus grand réservoir de séquestration du carbone), tandis que l’urbanisation galope et gagne sur cette forêt, ainsi que sur les terres agricoles. Il n’est responsable que de moins de 4 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, en même temps qu’il est davantage exposé aux effets du changement climatique. Enfin, l’eau, bien qu’inégalement répartie, y est abondante ; pourtant, moins de 4 % du foncier agricole est irrigué. Quant à l’usage de la fertilisation raisonnée (le bon engrais à la bonne dose, pour le bon sol et au bon moment), il y est dix fois inférieur à la moyenne basse des pays à fort rendement agricole. Le continent importe aujourd’hui pour plus de 30 milliards de dollars pour se nourrir, et, si rien n’est fait, ce seront 120 milliards en 2050, alors qu’elle a le potentiel pour nourrir le monde ! Or il existe plusieurs possibilités d’augmenter considérablement les investissements dans l’agriculture, qu’il s’agira de transformer aussi rapidement que possible en profits en s’appuyant à la fois sur l’environnement social et sur l’évolution technologique. Ces profits pourront alors être réinvestis dans l’amélioration du bien-être des populations, dans la promotion de l’agriculture, dans le financement des investissements en infrastructures et dans les efforts continus pour promouvoir l’agriculture. Celle-ci représente dans de nombreux pays le plus large secteur de l’économie, elle est le réservoir de maind’œuvre pour l’expansion industrielle, l’origine de produits d’exportation en échange de biens industriels et la principale source d’épargne pour l’investissement non agricole. Toutes ces préoccupations sont au cœur de l’initiative marocaine dite « triple A » (Adaptation de l’agriculture africaine) portée par le souverain marocain lors de son discours à Addis-Abeba, à l’occasion du retour du Maroc au sein de l’Union africaine. Elles s’exprimeront à travers la nécessaire coopération interafricaine. « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique », précisait dans son discours de février 2014 à Abidjan le roi Mohammed VI, pour lequel « l’Afrique a moins besoin d’assistance et requiert davantage de partenariats mutuellement bénéfiques ». JEUNE AFRIQUE



Lire aussi « Culture, spiritualité et écologie au service de la diplomatie chérifienne »

Le Plus de JA Maroc

d’Agadir (sa ville), dont il est le directeur artistique depuis sa création, en 2004. Soutenu par l’homme fort de la région, Aziz Akhannouch, le ministre de l’Agriculture, Timitar s’impose comme un événement phare de la culture amazigh (la 14e édition s’est tenue du 5 au 8 juillet). Au fil des festivals et des voyages, Brahim El Mazned est devenu un incontournable du secteur culturel, qui reste le parent pauvre des politiques publiques marocaines et africaines. « Mon objectif est de créer une économie musicale ‘‘SudSud’’ et d’assurer le transfert de compétences entre l’Afrique du Nord, l’Afrique subsaharienne et le monde arabe », explique-t-il. Il s’y attelle lui-même, en collaborant par exemple avec le Festival des villes anciennes en Mauritanie et en aidant à la création d’un bureau d’export des musiques gabonaises.

SOCIÉTÉ

En avant la musique! Manager culturel reconnu, Brahim El Mazned est incontournable dès qu’il s’agit de mettre en lumière les artistes marocains et africains.

AMITIÉS FORTES. Il s’est aussi rapproché

MYMA

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Le fondateur de Visa for Music, à Rabat.

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iscret par nature autant qu’hyperactif, Brahim El Mazned est souvent accompagné d’une délégation de décideurs de premier plan ou d’un groupe de jeunes musiciens tatoués aux cheveux en bataille. Aussi à l’aise avec les uns qu’avec les autres, il a depuis longtemps appris à gérer les artistes, les grands événements culturels, ainsi que le business, la communication et les mondanités qui vont avec. Ces jours-ci, il est sur tous les fronts pour les derniers préparatifs de la 4e édition de Visa for Music, dont il est le directeur et le fondateur. Du 25 au 27 novembre, il doit accueillir à Rabat 1 500 professionnels du secteur musical d’Afrique et du Moyen-Orient: managers, producteurs, tourneurs, techniciens, etc. Sans oublier quelque 200 artistes, parmi lesquels le Sud-Africain DJ Lag, le Ghanéen Rocky Dawuni, la Sénégalaise Marema, le Gangbé Brass Band du Bénin ou encore les Marocains Fayçal Azizi, Mobydick et Inouraz. En quatre ans, ce salon est devenu un rendez-vous majeur pour les professionnels du monde entier N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

de Younès Boumehdi, le patron de la très populaire Hit Radio, qui, depuis 2015, émet en Afrique de l’Ouest – une région qu’El Mazned a découverte en 1998, lors d’un séjour au Sénégal. Depuis, s’il voyage dans le monde entier, c’est en Afrique subsaharienne qu’il se rend le plus souvent. « Je pense avoir visité les maquis d’une trentaine de pays », plaisante El Mazned, qui cultive des amitiés fortes avec entre autres le rappeur sénégalais Didier Awadi et le Cap-Verdien José Da Silva (qui fut le producteur de Cesaria Evora). Outre la confiance des professionnels, Brahim El Mazned a gagné celle des institutions. Il s’est même murmuré, dans les salons rbatis et les coulisses des festivals, qu’il était « potentiellement ministrable ». Mehdi Qotbi, le président

et une vitrine de premier plan pour l’identité musicale africaine. Brahim El Mazned consacre aussi une bonne partie de son temps au Momex, ou Bureau Export de la musique marocaine, créé en septembre 2016 et dont il a été nommé directeur. Soutenu par la Fondation Hiba – que dirige Younès Boumehdi –, la Fondation OCP et le ministère de la Culture, le Momex met à la disposition des artistes marocains des fonds et des Dans les coulisses des festivals bourses pour des tournées, et les salons rbatis, il s’est même leur propose d’entrer en résidence ou de particimurmuré qu’il était ministrable. per à des manifestations à l’étranger. Il a ainsi contribué au Gnaoua de la Fondation nationale des musées, a Festival Tour, qui, en mars, a permis aux d’ailleurs fait appel à son expérience pour coordonner, en tant que commissaire grands mâalems gnaouas du royaume de général, L’Afrique en capitale. L’objectif se produire à New York, à Washington de cette méga-manifestation, organisée et à Paris. à Rabat du 28 mars au 28 avril, consistait VOYAGES. Issu d’une famille modeste à faire honneur à l’art et aux expressions contemporaines de l’Afrique, dans la d’Essaouira, Brahim El Mazned, 50 ans, est un pur produit des clubs culturels droite ligne du discours donné fin janvier par Mohammed VI au 28e sommet de de l’enseignement supérieur public l’Union africaine. marocain. Pour beaucoup, il incarne le JULES CRÉTOIS festival Timitar des musiques du monde JEUNE AFRIQUE


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FORMATION & RECHERCHE

Mohamed Tozy Politologue « La nouveauté dans l’accueil d’étudiants subsahariens, c’est la massification »

MEDIAPART

à 1985], nos projets étaient déjà tournés vers l’Afrique. Les étudiants partaient au Tchad, en Mauritanie ou au Mali pour accompagner les paysans et menaient des études comparatives sur l’agriculture oasienne, le traitement des palmiers, l’irrigation, etc. Je me souviens d’un paysan marocain, descendant d’esclave noir, embarqué dans un projet de transfert de techniques pensé par l’Institut et qui visait à aider des agriculteurs mauritaniens. Le discours qui sous-tendait était déjà celui, assez politique, du développement SudSud. L’État marocain n’était même pas au courant ! Les financements venaient notamment du Fonds international de développement agricole.

E

ntre 2013 et 2017, le politologue Mohamed Tozy, figure majeure de la vie intellectuelle et universitaire marocaine, a dirigé l’École de gouvernance et d’économie (EGE) de Rabat. Il a participé à la création, en 2014, de la chaire d’études africaines comparées, dirigée par Jean-François Bayart, cofondateur et ex-directeur de la revue Politique africaine. De retour depuis quelques jours au sein de l’université publique, en tant que directeur du nouvel Institut d’études avancées (IEA) de l’université MohammedVI-Polytechnique (UM6P), dont l’un des objectifs est de renforcer le dispositif de rechercheensciencespolitiquesetsociales en Afrique, il revient sur les relations que les chercheurs marocains entretiennent avec le continent. JEUNE AFRIQUE : Comment expliquezvous le regain d’intérêt des étudiants marocains pour le continent africain ? MOHAMED TOZY : Il y a de multiples

raisons, l’une d’elles étant que ce regain d’intérêt est une sorte de « retour pendulaire » à la généralisation de l’arrivée d’étudiants subsahariens dans les écoles et universités marocaines. JEUNE AFRIQUE

Ce regain d’intérêt est-il directement lié à la décision politique, au plus haut niveau de l’État, de tourner son regard vers l’Afrique ?

Disons que cette décision a consolidé une tendance déjà perceptible. On peut prendre comme date de référence décembre 2015, où, après une bonne décennie de quasi-inactivité, l’Académie du royaume a organisé sa session de reprise d’activité autour du thème « l’Afrique comme horizon de pensée ». Avec cette inflexion diplomatique, les

Le tropisme vers l’Afrique subsaharienne n’est donc pas nouveau…

Non. On trouve d’ailleurs nombre de cadres sénégalais, maliens ou gabonais formés au Maroc. Et des étudiants africains au Maroc, il y en a toujours eu. Dans les années 1980 déjà, ils étaient nombreux à venir étudier à l’Institut agronomique ou à l’Institut de statistiques. En 1987, la création de l’Institut des études africaines, qui a d’ailleurs été confié un temps à Ahmed Toufiq, l’actuel ministre des Affaires islamiques, a permis de réunir un fonds d’ouvrages classiques, certes tourné vers l’histoire, mais qui sert de point de départ.

Depuis longtemps déjà, nos projets étaient tournés vers le Tchad, le Mali, etc. chercheurs vont forcément manifester des dispositions pour mener des projets universitairessurl’Afrique.Unedécisionde la sorte ne crée pas de la recherche, mais un environnement qui lui est favorable. Dansune certainemesure,on peut aussi remarquer que le monde de la recherche a été en avance. Quand Paul Pascon [biologiste et grande figure de la sociologie marocaine] officiait à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan-II [de 1970

Ce qui est nouveau, c’est une sorte de « massification » du phénomène, notammentgrâceàlamiseenplaced’uneAgence marocaine de coopération internationale [AMCI, créée en 1986], dont c’est la principale mission. Vous-même avez travaillé avec le Groupe OCP [lire pp. 83-84] sur l’évolution de la coopération avec le sud du continent. Comment s’est passée cette N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017


Le Plus de JA Maroc À la Cité universitaire internationale de Rabat.

collaboration avec une entreprise publique au rôle stratégique ?

Je crois qu’il y a eu une convergence d’intérêts, qui n’a pas entaché notre indépendance. Il y a eu de l’intelligence de part et d’autre. Par ailleurs, OCP ne cache pas son besoin de savoir : OCP Policy Center travaille beaucoup sur le continent, avec une approche pragmatique claire.

HASSAN OUAZZANI POUR JA

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LES CAMPUS SUIVENT LE MOUVEMENT

L

e Maroc accueille dans ses établissements d’enseignement supérieur environ 18000 étudiants originaires d’Afrique subsaharienne (contre à peine plus de 1000 en 1994 et 16000 en 2013), dont 10000 dans le public. Selon l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI), parmi ces étudiants accueillis dans le public, 2600 sont de nouveaux inscrits de la rentrée académique 2017-2018 (en hausse de 60 % par rapport à 2016-2017). Par ailleurs, ils sont environ 8000, issus de 44 pays subsahariens, à bénéficier de bourses d’études octroyées par l’AMCI dans le cadre de projets régionaux, de programmes de coopération ou de formation. Le nombre d’étudiants provenant des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a, lui, augmenté de 40 %, un

record notamment lié aux accords signés ces derniers mois par le Maroc avec plusieurs pays de la Cedeao – dont le royaume va devenir en décembre le 17e État membre (lire pp. 78-82). Outre la diversité des cursus dans un grand nombre de filières (économie, management, commerce, droit, médecine et pharmacie, ingénierie, architecture, lettres, langues, arts, etc.), l’assistance technique a pris de plus en plus d’importance ces dernières années, avec la formation de diplômés et de cadres dans les domaines de la diplomatie, des douanes, de la gestion des collectivités territoriales, de l’eau et de l’assainissement, etc. La capacité et la qualité des équipements des universités et des écoles, mais aussi de l’accueil fait aux étudiants africains, jouent également un rôle dans cette évolution. Aujourd’hui, au sein de la Cité universitaire

N 0 2963-2964 • DU 22 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE 2017

internationale (CUI), située sur le campus Al Irfane, près de l’université Mohammed-V, à Rabat, 800 étudiants de 70 nationalités différentes sont hébergés, dont 55 % originaires de 43 pays d’Afrique subsaharienne. On observe la même tendance dans la plupart des établissements publics et privés, comme à l’Université Moulay-Ismaïl (UMI) de Meknès, qui accueille quelque 1000 étudiants subsahariens et a organisé fin mai sa première « semaine de l’Afrique ». Avec l’Université Cadi-Ayyad (UCA) de Marrakech et celle de Hasselt (Belgique), l’UMI est d’ailleurs titulaire du projet interafricain financé par l’Union européenne pour cinq ans (2017-2021) en partenariat avec les universités de Jimma (Éthiopie), Kisangani (RD Congo) et Limpopo (à Polokwane, en Afrique du Sud). CÉCILE MANCIAUX

Pourquoi, depuis les années 1980 jusqu’au milieu des années 2000, y a-t-il eu une sorte de reflux de cet intérêt pour l’Afrique ?

Les raisons sont nombreuses, mais la manière même dont la recherche est organisée dans le monde aujourd’hui pose un problème aux Marocains. Dans les universités françaises et francophones en général, le Maroc a été classé dans l’étude des sociétés nord-africaines. Puis, l’influence américaine aidant, il est passé dans une catégorie plus large, qu’on appelle vulgairement Mena [Middle East and North Africa, littéralement « MoyenOrient et Afrique du Nord »]. Aussi, le Maroc n’est presque jamais rattaché aux laboratoires ou aux bibliothèques sur l’Afrique. Cela paraît bête, mais ça a une réelle incidence sur les demandes de bourse, les rapports aux enseignants, la formation des réseaux ou encore les colloques… Selon vous, quels types de projets peuvent favoriser les études africaines au Maroc ?

La rencontre entre les étudiants et les chercheurs du continent, évidemment. L’un des projets que nous avons lancés avec la chaire d’études africaines comparées a été de créer la revue Politique africaine et de faire venir un petit groupe d’une trentaine d’étudiants africains pour un séjour au Maroc. Nous avons aussi envoyédesdoctorantsdansdesuniversités ouest-africaines, notamment à Niamey. D’une manière générale, le monde des études africaines est en pleine révolution. Et, dans cette révolution, le Maroc est perçu comme une plateforme. On le voit par exemple avec l’installation de campus d’université et de grandes écoles françaises, comme celui de Paris-Dauphine [au Technopark de Casablanca, ouvert en 2016] ou de l’Essec [à Rabat, qui vient d’accueillir ses premiers étudiants], lequel porte d’ailleurs le nom révélateur d’Essec Afrique-Atlantique. Propos recueillis par JULES CRÉTOIS JEUNE AFRIQUE



LA PERFORMANCE VOUSOUVRE

LE MONDE GROUPE MAROC TELECOM

Le Groupe Maroc Telecom, leader des solutions télécoms en Afrique, et Teddy Riner, double champion olympique de judo et 9 fois champion du monde, partagent tellement de valeurs de respect, de confiance et de générosité qu’ils ne pouvaient que se rencontr er. Nous visons les mêmes objectifs : transmettre notre savoir-faire et notre modèle unique de réussite pour que chacun puisse eindre att l’excellence. Nous construisons un même rêve : donner à chaque africain le pouvoir de réaliser ses projets, d’apprendre, de se comprendre, d’entreprendre et de réduire les distances entre les pays et les hommes.


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