GABON BRICE LACCRUCHE ALIHANGA
CÔTE D’IVOIRE Les grandes manœuvres
(directeur de cabinet du président Bongo Ondimba)
MAROC 2026 Une défaite prometteuse ?
Spécial 28 pages
« Le temps de l’impunité est révolu » HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2997 DU 17 AU 23 JUIN 2018
Après sa libération surprise, l’ancien vice-président peut-il réussir un incroyable come-back et briguer la magistrature suprême en décembre? Le pouvoir est inquiet. Et l’opposition, embarrassée.
RD CONGO
Le choc
Bemba
ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE CENTRALE
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €
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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285
GETTYIMAGES
Focus Monétique
Le Maroc, futur leader du paiement mobile? Le royaume ambitionne de talonner le Kenya. Mais les banques et les opérateurs doivent encore convaincre les commerçants. EL MEHDI BERRADA, à Casablanca
L
e marché du paiement mobile au Maroc prend forme. La solution nationale se généralise, et, avant le début de l’année prochaine, il sera possible d’effectuer des transactions grâce à un portefeuille électronique, alimenté et hébergé chez l’un des acteurs du secteur – une banque ou, d’ici à la fin de l’année, un opérateur de télécoms. « Les monopoles des banques
sautent les uns après les autres. Avec cette nouvelle activité, elles perdent la collecte du dépôt et la distribution des moyens de paiement universels », explique Ahmed Rahhou, président de la banque CIH, qui vient de lancer son application WePay.
Tirer un trait sur deux premières tentatives malheureuses
La BCP l’avait devancée de quelques jours avec son offre BPay, la BMCE a récemment levé le voile sur DabaPay, et d’autres devraient leur emboîter le
pas. Au mois de février, la banque centrale a accordé son agrément à cinq autres établissements qui pourront exercer cette activité: Wafacash (filiale d’Attijariwafa Bank), Cash Plus, M2T, Naps (filiale de M2M) et Maymouna services financiers (filiale de Saraya Holding). Cette révolution vise à encourager les paiements électroniques au détriment du cash, dont la valeur totale d’échange représente 400 milliards de dirhams (environ 35 milliards d’euros) par an. Cela fait un peu plus
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de trois ans que la banque centrale, en partenariat avec l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), dessine les grandes lignes de ce marché. Le Maroc a déjà connu deux expériences malheureuses de faible ampleur au début des années 2000, mais cette fois semble être la bonne. Et le royaume entend bien talonner d’autres pays africains comme le Kenya. Pour le moment, le marché se limite aux opérations de transfert d’argent. « Il faut que cela devienne un instrument de paiement généralisé pour payer l’épicier du coin, le taxi ou les factures et toute autre petite transaction », espère Ahmed Rahhou. Car le panier moyen des Marocains auprès des commerçants de proximité représenterait 35 dirhams par course, pour presque 300 milliards de dirhams de transactions par an. Mais le facteur manquant, et le plus important, reste le recrutement des commerçants. « Il ne faut pas se concentrer sur l’axe Casa-Rabat. Les porteurs de la stratégie doivent vulgariser le système pour les rassurer », estime Hazim
Sebbata, directeur général de Cash Plus, spécialisé dans le transfert de fonds avec ses 1 300 agences. Selon plusieurs observateurs, les commerçants craignent que la solution soit payante. « La clé de la réussite, c’est que les transactions soient gratuites, contrairement à ce qui se fait avec les TPE, où une commission est prélevée », recommande Ahmed Rahhou. Selon nos informations, les transactions inférieures à 50 dirhams seront
DES OPÉRATEURS SUR LA BRÈCHE D’ici à la fin de l’année, le nombre d’acteurs sur le marché du paiement digital est appelé à croître. Selon nos informations, dans quelques semaines, la banque centrale accordera son agrément aux filiales des trois opérateurs de téléphonie Maroc Telecom, Orange et Inwi. Ces derniers disposent d’une force de frappe très importante grâce aux 44 millions de clients qu’ils cumulent. In fine, une douzaine d’acteurs proposeront le paiement mobile.
BRAHIM TAOUGAR
Lancement du porte-monnaie électronique par la CIH au mois de mai.
sans frais, et une petite commission sera appliquée pour le reste, en fonction du montant. Pour Hazim Sebbata, il faut proposer des incitations aux 400000 commerçants du Maroc. Une solution leur permettant de recruter des clients et même de leur ouvrir un compte contre une rémunération serait à l’étude. L’interopérabilité, qui devrait être mise en place d’ici au mois de septembre, sera aussi l’un des points forts de cette stratégie. Un élément rassurant pour convaincre commerçants et particuliers. « Cette technologie fait du marché marocain une exception à l’échelle de l’Afrique », commente le président de CIH. Les observateurs prévoient un début d’opérationnalisation chez les commerçants avant la fin de l’année. « Le basculement ne se fera pas rapidement. Cela prendra du temps et les Marocains n’abandonneront pas facilement le cash », estime Hazim Sebbata, qui reste toutefois très optimiste. Les sondages auprès des particuliers lui donnent d’ailleurs raison.
E-COMMERCE
Jumia désormais maître de ses transactions Le site marchand va permettre à ses clients de régler leurs achats à travers sa passerelle de paiement. Un tremplin pour son offre de services financiers.
les règlements en ligne. « En un an, la part des prépaiements a triplé », souligne Sami Louali, et elle représente aujourd’hui le tiers des transactions. C’est la plus forte progression observée dans l’ensemble de ses pays d’implantation, où le règlement par cash reste l’option choisie dans 70 à 80 % des cas, exception faite du Kenya, pionnier du paiement mobile avec M-Pesa, où il compte pour 50 à 60 % des commandes.
AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
Plus besoin d’avoir d’importantes sommes en cash
Un entrepôt du groupe, à Ikeja, dans la banlieue de Lagos. NATACHA GORWITZ
ancée au Nigeria au début de 2017, la solution JumiaPay fait des adeptes : « 70 % de nos clients qui utilisent JumiaPay pour la première fois y recourent à la commande suivante », commente Sami Louali, chargé de la stratégie, des relations avec les investisseurs et du développement chez Jumia. Dans ce pays, où le groupe a démarré ses activités en 2012, le nombre de transactions émises par l’intermédiaire de cette nouvelle plateforme a été multiplié par trente depuis septembre 2017 (chiffre s non communiqué s). JumiaPay permet en outre d’agréger sur son compte plusieurs moyens de paiement locaux (bancaires ou en mobilemoney)etd’enregistrerlesinformations requises sur chacun d’eux. « L’objectif est de rendre l’achat plus rapide avec une méthode de paiement
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sécurisée en un clic », commente Sami Louali. Jumia a désormais la main sur l’ensemble de l’expérience clientèle, y compris à l’étape, décisive, du paiement, nettement facilité. Le groupe souhaite étendre les moyens de paiement internationaux, car, actuellement,beaucoupdebanquesétrangères bloquent les transactions, jugées suspectes, effectuées sur le site nigérian. Jumia, qui a dépassé en 2017 le demi-milliard de visiteurs sur sa plateforme, marche dans les pas de ses homologues américain, chinois et latino-américain qui ont déjà développé leur solution de paiement : AmazonPay, AliPay et MercadoPago. D’ici à dix-huit mois, JumiaPay sera disponible dans les quatorze pays où le groupe est présent et, dans certains d’entreeux,lepaiementmobileestdéjà en service avec les opérateurs MTN et Orange, actionnaires du groupe. Son adoption rapide au Nigeria a boosté
Selon le responsable, cette hausse s’explique par la facilité d’utilisation de JumiaPay, à laquelle s’ajoute la notoriété de la plateforme d’e-commerce. « Les gens qui nous connaissent ont confiance dans la marque et ont donc plus de facilité à payer en ligne », poursuit le responsable. Pour le client, le paiement numérique, seule option possible dans certains cas (long transit par exemple), est aussi plus sûr et plus rapide: pas besoin d’attendre le livreur en bas de chez soi avec une importante somme en cash, sans compter les délais de remboursement en l’absence de livraison ou en cas de retour de la commande, nettement raccourcis. Pour l’entreprise, les gains d’efficience opérationnelle sont évidents. JumiaPay veut fidéliser ainsi les clients à travers le « cashback », qui permet d’obtenir du crédit pour une transaction future. Son agrégateur de paiement donnera aussi une impulsion à JumiaOne, la nouvelle plateforme de distribution de services digitaux et financiers du groupe. L’application, lancée au Nigeria en février, permet l’achat de voix et de données mobiles ainsi que l’accès à des services de paiement de factures. Les possibilités à terme sont presque infinies: streaming vidéo et musical, vente de produits d’assurance et d’épargne, allocation de microprêts…
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SERVICES FINANCIERS
Les nouveaux PayPal tissent leur toile
(53 euros) – et moyennant des frais mensuels de connexion 3G de 1000 F CFA, ceux-ci peuvent accepter plusieursmoyensdepaiementetgénérer de nouvelles sources de revenus en vendant les services numériques des partenaires de Touch. « Nous misons sur une croissance agressive du nombre de marchands et de nos partenaires pour développer notre réseau », commente Sassoum Niang, directrice des solutions de paiement de Touch. Entre décembre 2016 et avril 2018, la start-up du Dakarois Omar Cissé a traité 2,5 millions d’euros de transactions, soit 26 millions de flux financiers – en dehors des 350 stations Total équipées de sa solution de paiement. Tous parient sur la croissance du marché des services financiers mobiles dans les années à venir en Afrique subsaharienne. « L’Afrique du Nord est en retard, car le taux de bancarisation y est plus élevé », souligne Jean-Michel Huet. Il atteint 50 % à 60 % au Maghreb, contre une moyenne de 15,7 % au sud du Sahara.
WeCashUp, Touch, CynetPay… Les acteurs se multiplient sur ce marché naissant mais prometteur, dans une Afrique subsaharienne encore faiblement bancarisée.
n phas e d’intégration sur les sites d’Air France, l’agrégateur de paiement WeCashUp, du camerounais Infinity Space, devrait traiter à partir du mois d’août l’ensemble des transactions de la compagnie sur le continent, soit 4 milliards d’euros de flux par an. « C’est un très gros marché qui nous apporte de la crédibilité », commente Cédric Atangana, cofondateur d’Infinity Space. La start-up, qui a déposé six brevets internationaux, vient de signer un contrat avec Amazon et est en discussion avec Google. Pas moins de 155 moyens de paiement locaux (service de transfert d’argent, mobile money, porte-monnaie électronique, carte bancaire, cryptomonnaie…) sont agrégés sur WeCashUp, une solution facilement intégrable sur un site marchand. Contrairement à PayPal, c’est un intermédiaire invisible sur la Toile. Il prélève sur chaque transaction 0,20 euro et 3 % de commission, auxquelss’ajoutentdesfraisd’abonnement mensuels de 25 euros. « Nous voulons nous imposer comme une plateforme d’accès unique aux marchés émergents », explique Cédric Atangana. À la
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PLUS DE 250 MILLIONS
C’est le nombre de personnes que devrait représenter le marché subsaharien des services financiers sur mobile à l’horizon 2019, selon Boston Consulting Group. 68
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tête d’une équipe de quinze personnes, ce diplômé de Polytech Marseille de 26 ans cherche à lever 10 millions d’euros d’ici à la fin de l’année. C’est peu ou prou ce qu’a obtenu en 2017 son concurrent Flutterwave, fondé par le Nigérian Iyinoluwa Aboyeji et dont le siège social est aux États-Unis.
S’attaquer au casse-tête de l’interopérabilité
Dans les pays anglophones, la concurrence, aussi portée par le sud-africain MFS et le kényan JamboPay, est plus rude qu’en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, où fleurissent une ribambelle de jeunes pousses spécialisées dans l’agrégation des moyens de paiement: CynetPay (Côte d’Ivoire, Mali, Cameroun), SycaPay (Côte d’Ivoire), PayDunya (Sénégal), VitePay (Mali)… « Il y a plein d’acteurs, car le marché se construit », commente Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint France. Ils se distinguent par leurs offres de services – distribution de services digitaux, édition de logiciels de comptabilité et de gestion, système de facturation par SMS, paiement sur les réseaux sociaux et les sites d’annonces, rendu de monnaie sur le compte mobile money, etc. – et ne ciblent pas les mêmes segments de marché. Le sénégalais Touch s’attaque ainsi au casse-tête que représente pour les marchands l’absence d’interopérabilité des comptes mobile money et des solutions de transfert d’argent. Grâce à son application téléchargeable sur un smartphone – fourni pour 35 000 F CFA
Cédric Atangana, cofondateur d’Infinity Space. FACEBOOK INFINITY SPACE
NATACHA GORWITZ
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